'H^:?
m
.^KA
:r*f rH
i«i-^
*^ff3
%. ../-s.,.
^-^4".
^^ .^.
?*■'
:m
/
■S^^;,
<«•«
t w^i
m
^^'ï
' r
^
y
!
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
DIX-NEUVIEME ANNEE
I
(Nouvelle Se'ric. — Tome XIX)-
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTERATURE
PUBLIEE SOUS LA DIRECTION DE
MM. J. DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de Ja Rédaction : M. A. Chuqukt
DIX-NEUVIÈME ANNÉE
PRtMlEU SEMESTRE
Nouvelle Série. — Tome XIX
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉlÉ ASIATIQUE
Il ^ 1. ' K C O L E P E S LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
i885
z
001
r) A-
ANNEE 1885
TABLE DU PREMIER SEMESTRE
ARTICLES
:>
TABLE ALPHABETIQUE
art. pages
Achéenne (ligue) 75 341
Albanaises (études), par G. Meyer 21 yS
Amiel, Juste-Lipse (P. de Nolhac) 62 296
Ancjre (le monument d') 102 46
Antinous, par I^ietuichscn. (Sal. Reinach.) 81 357
Armengaud, Choix des Métamorphoses d'Ovide. ;F. Plessis.l. 53 264
Arndt (W), Edit. de Grégoire de Tours 34 161
Athènes cis-A topographie 7c) 347
— et ses monuments 89 405
A2//^^Ge//c et les notes de Carrion 76 343
^z/?z«;z (^le diocèse d') et ses livres liturgiques 18 66
Aventinus, Œuvres, III-V. p. p. Riezler. (A. Stem.). ... 61 295
Avesta [Y], traduit par M. Kavasji. (J. Darmesteter.) 64 3oi
Barberino (Francesco de) 87 382
Baum et CuNiTz, Histoire ecclésiastique des églises réformées,
II. :E B.) ' 25 no
Bender, Histoire de la littérature romaine, trad. par Vesse-
REAU, avec introd. et notes par Plessis. (Th. Reinach.). . 90 406
Béreau, Œuvres poétiques, p. p. Hovyn de Tronchère et
GuYET. (A. Delboulle.) 74 329
Berger (Elie), Les registres d'Innocent IV. il. L.) 39 aor
Berger (Ernest), Stylistique latine, trad. par G.\che et
Piquet, revuepar Bonnet. (F. Antoine.) 81 367
Biberstein-Kazimirski (de), Dialogues français-persans. (.1.
I^-) 52 261
Biedermann, Dogmatique chrétienne. (M. V.) 12 52
Bladk, Epigraphiç antique de la Gascogne. . , 73 328
VI TABLE DES MATIERES
nrt. pages
Bloch, De l'octroi des insignes des magistratures romaines.
(C. Jullian.) ^ 82 Syi
BoisLisLE (de), Mémoires de Saint-Simon, IV 1 1 1 5oy
BoNNARDOT, Le Psautier de Metz, I. (A. Darmesteter.). ... 35 174
Bordeaux et ses Salons au xviii" siècle 96 435
Bossuet, Sermons, p. p. Choussy. (Rebelliand.) 41 208
Bréal et Bailly, Dictionnaire étymologique latin. (L. Per-
son.) 5o 248
Brives-Cazes, Passages des princesses royales françaises et
espagnoles en Guyenne. (T. de L.) io3 464
Broglie (duc de), Frédéric II et Louis XV. (Albert Sorel.). 19 69
Bruns, Études sur Lucrèce. (Max Bonnet.) 23 loi
BuDÉ (de), Vie de Guillaume Budé. (P. de Nolhac.) 62 296
Budé (Guillaume) et sa vie 62 296
Bugge et ses études sur la mythologie noroise 54 269
Carrion, ses notes sur Aulu-Gelle 76 343
Céramiques (les) de la Grèce 5 16
Choussy, Edit. des sermons de Bossuet 41 208
Christophe Colomb et sa première relation 78 344
Clairin, Trad. de la grammaire grecque de G. Curtius. . . 46 224
Clédat, Grammaire élémentaire de la vieille langue fran-
çaise. (C. Chabanneau.) 46 227
Communay, Le comte de Toulouse et la bataille de Velez-
Malaga. (T. de L.) 95 432
Contades (comte de), Souvenirs, Coblenz et Quiberon. (A.
Chuquet.) 88 38;
CosNAC (de), Les richesses du palais Mazarin. (H. de Cur-
zon.) i3 53
Courdaveaux, Les prétentions politiques de l'Eglise. (M.
V.) 27 ii3
Curtius (G.), Grammaire grecque, trad. par Clairin. (Des-
rousseaux.) 45 224
— Critique delà nouvelle linguistique. (P. Regnaud.). . . . 108 5oi
Delaitre, Edit. de la Vie d'Alexandre de Plutarque 36 181
Deltour, Histoire de la littérature grecque. (Paul Girard.). loi 461
Denis, De la philosophie d'Origéne. (M. N.) 11 49
Dietrichson, Antinous. (Sal. Reinach.) 81 357
Dieulafoy, L'art antique de la Perse, II et III. (James
Darmesteter.) io5 481
Dosabhai, Histoire des Parsis. (James Darmesteter.) 56 281
Dou:{e Tables (les) 33 141
Dumont et Chaplain. les Céramiques de la Grèce propre, IL
(M. Collignon.) 5 16
Duruy (V.), Histoire des Romains, VI et VII 93 424
Enders, Correspondance de Luther, 1 40 206
TABLK DES MATIKUES Vil
;irt. rages
Eschyle, p p Wecklein. (H. Weil.) 72 323
Favé, L'empire des Francs, 1, les Francs avant le rèt;ne de
Clovis. (Julien Havet.) 58 289
Feurière, Paganisme des Hébreux. (M.Vernes.) i i
Flint, Vico. (Ch. J.) 42 21 3
Fourneaux, Edit. des quatre premiers livres des Aimales de
Tacite 98 442
FouRNEL, Etudes sur la littérature française au xwn" siècle.
(G. Larroumet.) 69 3i r
FouRNiER, Etudes sur la vie et les œuvres de Molière, p. p.
P. Lacroix et Vitu. (G. Larroumet.) 69 3i [
François de Sales (saint) et son ouvrage, l'Etendard de la
Sainte Croix 2 2
Francs (les) avant Clovis 58 289
Frédéric II et Louis XV, par le duc de Broglie. (A. Sorel.) 19 69
Friedlaender, Edition de Martial i5 61
Gamelyn (le conte de) 84 378
Gay, Glossaire archéologique du movcn âge et de la Renais-
sance, III. (H. de Curzon.) 59 291
Ga:[ette archéologique, 1884. (H. deCurzon.) 29 122
GoNSE, L'art japonais. (A.) 3 6
Grafe, La doctrine de la Loi cliez l'apôtre Paul. (M. Ver-
nes.) 17 64
Grégoire de Tours, Histoire ecclésiastique des Francs, p.
p. Arndt et Krusch. (Max Bonnet.) 34 itn
Guillaume le Taciturne 99 442
HAUssLErrER, Le pasteur d'Hcrmas. (P. Batitïol.) 86 38 1
Hébreux, leur paganisme i i
Heine (Henri), ses relations avec Oeimold et le plus ancien
manuscrit de son « Ecole romantique « 'jo 314
Heinemann (de), Les manuscrits de la bibliothèque de Wol-
fenhiittel. (Em. Châtelain.) 10 47
Heriz, Les notes de Carrion sur Aulu-Gelie 76 343
Hoi.LDKu, les Institutes. (E. C ) 7- 343
Hovyn m-. Tranchère et Guvet, l^ilit. des œuvres poétiques
de Béreau 74 309
HiJKFER, La République lie Naples;
— Max-François, électeur île Cologne;
— Henri Heine et Detmold ;
— Le plus ancien manuscrit de 1' « École romantique « lic
Heine. (A. Chuquet.) 70 3r4
Ingold, Archives de l'évéché de Luçon. (T. de L.; (j-j 3o8
Innocent IV, ses registres 3(^ 201
Institutes (les),- par Hoelder. (E. C) 77 343
Japon (le) et son art 3 G
VIII TABLE DES MATIERES
art. pages
Jordan, Troisième édition de la mythologie romaine de Prel-
^^^ 97 441
Juste-Lipse, par Amiel. (P, de Nolhac.) 62 296
Kalilah et Dimnah (le livre de) 4 21
Kastromenos, Les monuments d'Athènes, trad. par A.
Smith. (Sal. Reinach.). 89 405
Kavasji, Trad. du Vendidad et du Khordeh Avesta. (J, Dar-
mester.) 64 3oi
Klatt, Etude chronologique sur l'histoire de la ligue ar-
chéenne. (Marcel Dubois.) y5 3|i
KoHLER (J.), Shakspeare devant le forum de la jurispru-
dence. (P. Viollet.) 5i 25 I
KoLLiGS, Guillaume le Taciturne. (R ) 99 442
Krusch, Edit, de Grégoire de Tours 34 161
La Blanchère (de), Terracine. (G. J.) 65 3o2
Lafaye, Les concours de poésie et d'éloquence chez les an-
ciens. (Lacour-Gayet.) 9 46
La Fontaine, Œuvres, II, p. p. H. Régnier. (T. de L.). . . ri. 509
Lange, Tableau de la littérature allemande. (A. Chuquet.). 38 18G
Larroumet, Edition des Précieuses ridicules 3i i33
Lefebvre Saint-Ogan, Essai sur l'intiuence française. (Gh.
J.) .' 6 3o
Lefèvre-Pontalis (Ant), Vingt années de république par-
lementaire au xviiie siècle. Jean de Witt. (Ammann ). . . 3j 182
Le Muisit et ses poésies 60 293
LoEscHKE, Dissertations sur l'histoire de l'art grec et la to-
pographie d"Athènes. (Sal. Reinach.) 79 347
— Post-Scriptum 367
Lucun (évêché de), ses archives 6-/ 3 08
Lucrèce (études sur) 23 loi
Luther, Sa correspondance, p. p. Enders, 1 40 206
Maine (Sumner), Etudes sur l'ancien droit de la coutume
primitive. (P. Viollet.) 5i 25i
Malabari, Le Gujarat. (Silvain Lévi.) 71 321
Marionneau, Les Salons bordelais au xviii" siècle. (M. Tour-
neux.) 96 435
Martial, p. p. Friedlaender i5 61
Meyer (G.), Etudes albanaises, I et II. (V. Henry.) 21 73
— , Essais de linguistique et de folklore. (V. Henry.). ... 92 421
Molière, Les Précieuses ridicules, p. p. Larroumet. (W^.
Mangold.) 3i i33
Mommsen, Le monument d'Ancyre 102 463
Montaigne (Extraits des essais de), par Voizard. (A. Del-
boulle.) 91 410
MoRiN, Essais de critique religieuse 27 1 13
TABLE DES MATIERES IX
art. pages
MossMANN, Cartulaire de Mulhouse, I et II. (R.) 94 427
Mulhouse (Cartulaire de) 94 427
Origène, sa philosophie 11 49
Ortolan, Histoire delà législation romaine. (E. Cuq.). ... 8 41
Ovide, Choix des Métamorphoses, p. p. Armengaud. (F.
Plessis.) 53 264
Palais Mayarin (les richesses du) i3 53
Parfouku, Catalogue des incunables de la bibliothèque
d'Auch (T. de L.) 26 III
Parsis (Histoire des) 56 281
Pasteur d'Hermas (le) 86 38 1
Paul (l'apôtre) et sa doctrine de la loi 17 64
Pellechet, Notes sur les livres liturgiques des diocèses
d'Autun. (Em. Picot.) i8 66
— Erratum 140
Perez Gomez, Choix de poésies d'un chansonnier inédit du
xve siècle. (A. Morel-Fatio.) 107 491
Perse (la) et son art antique io5 481
Picot, Catalogue des livres de James de Rothschild. (T. de
L.) 100 443
Pigeon, L'Allemagne de M. de Bismarck. (A. C.) 63 298
Pillehotte (Jean) et sa famille 47 2 32
P/«^are (Observations sur) 7 41
Plp;ssis, Introduction et notes à l'histoire de la littérature
romaine de Bender 90 406
Plutarque, Vie d'Alexandre, p. p. Delaitre et Ruelle. (A.
Jacob.) 36 181
Post, Les fondements du droit. (P. VioUet.) 5i 25i
Pottier, Les terres cuites dans les tombeaux des Grecs. (J.
Martha.) 16 62
Preller, Mythologie romaine, p. p. Jordan 97 441
Psautier de Met\ (le), p. p. Bonnardot 35 174
Quicherat (J.), Mélanges d'archéologie et d'histoire. (H. de
Curzon.) 83 375
Quichua[\di langue) 44 221
Régnier (H.), Œuvres de La Fontaine, 11 i 1 1 509
Reinisch, Travaux sur les langues africaines. (J. Halévy.). 49 241
Riezler, Œuvres d'Avenlinus, III. (A. Stern.) 61 295
Ritter, Un ouvrage de saint François de Sales. (T. de L.). 2 2
Ronca, La Secchia rapita de Tassoni. (T. de L.) 20 71
RoNCHAUD (de), La tapisserie dans l'antiquité. (J. Martha.). 109 5o6
Rosenthal, Contributions a Phistoire du droit municipal
allemand. (R.) 1 10 5o8
Rothschild (James de), Catalogue de îes livres. (T. de L.). . 100 443
RuELENs, La première relation de Christophe Colomb. (T.
X VADLK DKS MATIKKES
art. p.iges
du L.) -8 3^4
Ruelle, Edit. de la vie d^Alexandre de Plutarque 36 i8r
Saint-Simon, Mémoires, IV, p. p. de Boislisle. (T. de L.). i i t Sog
Sanders, Dictionnaire complémentaire de la langue alle-
mande. (A. Baucr.) 43 2\j
— dictionnaire allemand. (A. B.) 85 37g
5/zrt/f5/'e<jre devant le forum de la jurisprudence 5i 23 1
ScHi.FER, Le voyage d'Outremer de Jean Thénaut (E. Picot,) 55 272
Scheler, Etude lexicologique sur les poésies de Gillion Le
Muisit. (A. Delboulle.) 60 293
ScHLUMBERGER, Sigillographie de l'empire byzanlin. (Sal.
Reinach.) 3o 129
ScHMiDT (J.), Additions au volume VIII du Corpus. (R.
Gagnât.) 28 121
ScHWiCKERT, Observations sur Pindare. (A. Groiset ) . . . . 7 41
Sénat (le) romain 57 285
Silius Italiens 14 6r
Skeat, Le conte de Gamelyn. (J. J. Jusserand ) 84 378
SoREL, l'Europe et la Révolution française, l,Ics mœurs
politiques et les traditions. (A. Ghuquet.) 104 -j65
Stephens, Les études de Bugge sur la mythologie noroise.
(E. Beauvois.) 54 269
Tacite, Annales, I-IV, p. p. Fourneaux. (J. G.) 98 442
— Annales, I-VI, p. p. Jacob. (J. Gantrelle.) 106 488
Taine, Le gouvernement révolutionnaire. (A. Sorcl ). . . . 22 81
Tapisserie (la) dans l'antiquité 109 5o6
Tassoni, La Secchia rapita 20 yi
Terracine, par de La Blanchère. (G. J.) 65 3o2
7"/z<?'naz<rf (Jean) et son voyage d'Outremer. (E. Picot.). ... 55 272
Thibaut, Dictionnaire français-allemand et allemand-iran-
çais. (A. B.) 32 i35
Thomas (A ), Francesco de Barberino et la littérature pro-
vençale en Italie. (Gh. J.) 87 382
Thureau-Dangin, Histoire de la monarchie d::: Juillet, 1 et
IL (A. Sorel.) 48 234
Thurneysen, L'accentuation de l'ancien verbe irlandais. (Al.
d'Arbois de Jubainville.) 24 102
TscHUDi, Organisme delà langue quichua. (V. Henry.). . . 94 221
Van Veen, sur Silius Ilaiicus 14 6r
Vele:{-Malaga (la bataille de) 95 432
Vessereau, Trad. de l'histoire de la littéiature romaine de
Bender 90 406
Vico, étude par Flint (Gh. J.) 42 21 3
Vienne tX son université 68 Sog
ViNGTRiNiER, Jean Pillcliotte et sa famille. (T. de L.). ... 47 232
TACLI-: DKS MATIÈRKS XI
art pii^îî"*
VoiGT, Les Douze Tables. (E. Cuq.) , • . . 33 141
VoizARD, Édition d'extraits des Essais de Montaigne 91 410
Wecklein, Édition critique d'Eschyle. (H. Wcil.) 72 323
WiLLEMS, Le sénat de la re'publique romaine, IL (C J.)- • i/ 285
WiNKLER, Peuples et langues ouralo-altaïques. (V. Henry.) 66 3o3
Witt (Jean de) 3; 182
WiTTE (de) et de Lastevrie, Gazette archéologique, 1884.
(H. de Curzon.) 29 122
WoLK, Sur l'histoire de l'université de V'ienne. (Ch. J.)- • • 68 3oq
Wolfenbiittel (manuscrits de la bibliothèque de] 10 47
Wright, Le livre de Kaiiluh et Dimnah. (Rubens Duval.). 4 2:
ZiMMER, Études celtiques, IL (IL d'Aibois de Jubainville ). 24 102
TABLE PAR ORDRE DE MATIERES
Langues et littératures oricntcles.
Biberstein-Kazimu^ski (de). Dialogues [\\\ çais-peisans. fj.
D.) 32 261
DosABHAi, Histoire des Parsis. (James Darmesteter.) 56 281
Kavasji, Trad du Vendidah et du Khordeh Avcsia. (J Dar-
mesteter.) 6j. 3oi
Malabari, Le Gujarat. (Silvain Lévi.) 71 32 i
Reinisch, Travaux sur les langues africaines. 'J. Halévy.;. . 49 241
Wright, Le livre de Kalilah et Dimnah. (Rubciis Duval ). 421
Langue et littaiature grecques.
CuRTius (G.), Grammaire grecque, trad. par Cl\irin. (Des-
rousseaux.) 40 224
Deltour, Histoire de la littérature grecque- (Paul Girard ). loi 461
Eschyle, p. p. Wecklein. (H. Wcil.) 72 323
Lafave, Les concours de poésie et d'élo |uc;.ce chez les an-
ciens. (Lacour Gayet.) 9 46
Plutarque, Vie d'Alexandre, p. p. Dia.AiTRi-: et Rukli.k.
(A. Jacob.) 36 181
ScHwicKERT, Observations sur Pindare. (A. Croisct.) 7 41
Xn TABLE DES MATIERES
art. pages
Langue et littérature latines.
Amiel, Juste-Lipse. (P. cie Nolhac.) 62 2q6
Bender, Histoire de la littérature romaine trad. par Vesse-
REAU, avec introd. et notes par Plessis. (Th. Reinach.). . 90 406
Berger, Stylistique latine, trad. par Gâche et Piquet, re-
vue par Bonnet. (F. Antoine.) 81 367
Bréal et Bailly, Dictionnaire étymologique latin. (L. Per-
son.) 5o 248
Bruns, Études sur Lucrèce. (Max Bonnet.) 23 loi
Budé (de), Vie de Guillaume Budé. (P. de Nolhac.) 62 296
Grégoire de Tours, Histoire ecclésiastique des Francs, p.
p. Arndt et Krusch. (Max Bonnet.) 34 161
Hertz, Les notes de Carrion sur Aulu-Gelle 76 343
Martial, p. p. Friedlaender i5 61
Ovide, Choix des Métamorphoses, p. p. Armengaud. (F.
Plessis.) 53 264
Preller, Mythologie romaine, p. p. Jordan 97 441
Tacite. Annales, I-IV, p. p. Fourneaux. (J. G.) 98 442
— Annales, 1-VI, p. p. Jacob. (J. Gantrelle.) 106 488
Van Veen, sur Silius Italicus 14 61
Archéologie, épi graphie et beaux-arts.
Bladé, Epigraphie antique de la Gascogne 73 328
CosNAC (de), Les richesses du palais Mazarin. (H. de Curzon.) 1 3 53
DiETRiCHsoN, Antinous. (Sal. Reinach.) 81 357
DiEULAFOY, L'art antique de la Perse, II et III. (James Dar-
mesteter.) io5 481
DuMONT et Chaplain, les Céramiques de la Grèce propre, I.
(M CoUignon.) 5 16
Ga'^ette archéologique, 1884. (H. de Curzon.) 29 122
Gay, Glossaire archéologique du moyen âge et de la Re-
naissance, III. (H. de Curzon.) 59 291
GoNSE, L'an japonais. (A.) 3 6
Kastromenos, Les monuments d'Athènes, trad. par E. Smith.
(Sal. Reinach.) 89 405
La Blanchère (de), Terracine. (C. J.) 65 3o2
Loeschke, Dissertations sur l'histoire de Part grec et la to-
pographie d'Athènes. (Sa! Reinach.) 79 347
Marionneau, Les Salons bordelais au xvni'^ siècle. (M. Tour-
neux.) 96 435
TABLE DKS MATIERES XII l
art. pages
MoMMSEN, Le monument d'Ancyre 102 463
PoTTJER, Les terres cuites dans les tombeaux des Grecs. (J.
Mertha.) 16 62
QuiCHERAT, Mélanges d'archéologie et d'histoire. (H. de
Curzon.) 83 3-jb
RoNCHAUD (de), La tapisserie dans l'antiquité. (J. Martha.)- 109 5o6
ScHLUMBERGER, Sigillographie de Tempire byzantin. (Sal.
Reinach.) 3o 129
ScHMiDT (J.), Additions au volume VIII du Corpus. (R.
Gagnât.) 28 121
Histoires grecque et romaine.
Bloch, De Poctroi des insignes des magistratures romaines.
(G. Jullian.) 82 Sji
Duruy(V.), Histoire des Romains, VI et Vil 93 424
Klatt, Étude chronologique sur l'histoire de la ligue
achéenne. (Marcel Dubois.) y 5 341
WiLLEMs, Le sénat de la république romaine, II. (C J.). . 5j 285
Histoire du moyeu âge.
Aveutinus, Œuvres, UI-V, p. p. Riezler. (A. Stern.). ... 61 295
Berger (Elle), Les registres d'Innocent IV. (L L.) 39 201
Favé, L'empire des Francs. I, Les Francs avant le règne de
Glovis. (Julien Havet.) 58 289
MossMANN, Gartulaire de Mulhouse, I et II. (R.) 94 427
RosENTHAL, Gontribu tioiis à l'histoire du droit municipal
allemand. (R.) 1 10 5o8
ScHEFER, Le voyage d'Outremer de Jean Thénaud. (L. Pi-
cot.) 55 272
Histoire moderne.
Baum et GuNiTZ, Histoire ecclésiastique des églises réfor-
mées, IL (E. B.) 25 110
Brives-Gazes, Passages de princesses royales françaises et
espagnoles en Guyenne. IT. de L.) io3 464
Brogue (duc de), Frédéric II et Louis XV. (Albert Sorel.). 19 6g
G0.MMUNAY, Le comte de Toulouse et la bataille de Velez-Ma-
laga. (T. de L.) 95 432
XIV TABLK DES MATIÈRES
art. pages
Contades (comte de), Souvenirs, Coblenz et Quiberon. (A.
Chuquet ) 88 38;
HuFFER, La république de Naples. (A. Chuquet.) 70 Siq
— Max- François, électeur de Cologne. (A. Chuquet.). ... 70 3 14
Ingold, Archives de l'évêché de Luçon. (T. de L.) 67 3o8
KoLLiGS, Guillaume le Taciturne. (R.) gg 442
Lefebvre Saint-Ogan, Essai sur l'inHuence française. (Ch.
J.) -. ^ 6 3o
Lefèvre-Pontalis, Vingt années de république parlemen-
taire au win^ siècle, Jean de Witt. (Ammann.) 37 182
Luther, sa corresporidance, p. p. Enders, 1 40 206
Pigeon, L'Allemagne de M. de Bismarck. (A. C.) 63 298
RuELENs, La première relation de Christophe Colomb. (T.
de L.) 78 344
SoREL, l'Europe et la Révolution française, I, les mœurs
politiques et les traditions. (A. Chuquet.) 104 465
Taine, Le gouvernement révolutionnaire. (A. Sorel.). ... 22 Si
Thureau-Dangin, Histoire de la monarchie de Juillet, I et
IL (A. Sorel.) 48 234
WoLF, Sur l'histoire de l'université de Vienne. (Ch. J.). . . 68 Sog
Littérature française.
Béreau, Œuvres poétiques, p. p. Hovyn de Tranchèue et
GuYËT. (A. Delboulle.) 74 329
Bonnet, Sermons, p. p. Choussv. (Rebellian.) 41 208
FouRNEL, Etude sur la littérature française au xvni" siècle,
(G. Larroumet.) 69 3i i
FouRNiER, Elude sur la vie et les œuvres de Molière, p. p.
P. Lacroix et Vitu, (G. Larroumet.) 6g 3i i
La Fontaine, Œuvres, II, p. p. H. Régnier. (T. de L.). . . 1 1 1 5og
Molière, Les Précieuses ridicules, p. p. Larroumet. (\V.
Mangold.) 3i i33
Montaigne (Exinùis des Essais de), par Voizard. (A. Del-
boulle) 91 410
Ritter, Un ouvrage de saint François de Sales. (T. de L.). 2 2
Saint-Simon, Mémoires, IV, p. p. de Boislisi-k, (T. de L ). 1 1 1 Sog
Vingtrinier, Jean Pillehotte et sa famille. (T. de L.) 47 232
Linguistique et folklore.
Curtius (G.), Critique de la nouvelle linguistique. (P. Re-
gnaud.) , 108 5oi
TABLE DES MATIERES XV
art. pages
Meyer(G.), Essais de linguistique et de Iblklore. (V.Henry.) 92 421
_. , Études albanaises, I et II. (V. Henry.) 21 73
fscHUDi, Organisme de la langue quichua. (V. Henry.). . . 44 221
WiNKLER, Peuples et langues ouralo-altaiques. (V. Henry.). 66 3o3
Littérature celtique.
Thurneysen, L'accentuation de Pancien verbe irlandais.
(H. d'Arbois de Jubainville.) 24 102
ZiMMER, Études celtiques, II. (H. d'Arbois de Jubainville.). 24 104
Langues et littératures germaniques.
HuFFER, Henri Heine et Detmold.(A. Chuquet.) 70 814
— Le plus ancien manuscrit de 1' « École romantique » de
Heine. (A. Chuquet,) 70 314
Lange, Tableau de la littérature allemande. (A. Chuquet,). 38 186
Sanders, Dictionnaire complémentaire de la langue alle-
mande. (A. Bauer.) 4^ 217
— Dictionnaire allemand. (A. B ) 85 379
Skeat, Le conte de Gamelyn. (J. J. Jusserand.) 84 378
Stephens, Les études de Bugge sur la mythologie noroise.
(E. Beauvois.) 54 269
Thibaut, Dictionnaire français-allemand et allemand- fran-
çais. (A. B.) 32 i35
Langues romanes.
BoNNAUDOT, Le Psautier de Metz. I. (A. Darmestctcr.). ... 35 174
Clkdat. Grammaire élémentaire de la vieille langue tran-
çaise. (C. Chabanneau.) 46 227
ScHELER, Étude lexicologique sur les poésies de Gillion Le
Muisit. (A. Delboulle.) 60 293
Thomas (A.), Francesco de Barberino et la littérature pro-
vençale en Italie. (Ch. J.) 87 382
Littérature espagnole.
Perez-Gomez, Choix de poésies d'un chansonnier inédit du
xvc siècle. (A, Morcl-Fatio.) 107 491
XVI TABLE DES MATIERES
art pages
Littérature italienne.
Flint, Vico. (Ch. J.) > . 42 21 3
RoNCA, La Secchia rapita de Tassoni. (Ch, J ). 20 71
Histoire des religions et théologie.
BiEDERMANN, Dogmatique chrétienne. (M. T.) 12 52
CouRDAVEAUX, Lcs prétentions politiques de l'église. (M. V.). 27 1 1 3
Denis, De la philosophie d'Origène, (M. N.), ........ 11 49
Ferrière, Paganisme des Hébreux. (M. Vernes.) i i
Grafe, La doctrine de la loi chez l'apôtre Paul. (M. Vernes.) 17 64
Haussleiter, Le pasteur d'Hermas. (P. Batiffol.) 86 38 1
MoRiN, Essais de critique religieuse. [M. V.) 27 1 13
Droit.
Hoelder, Les Institutes. (E. C.) 77 343
KoHLER (J.), Shakspeare devant le forum de la jurispru-
dence. (P. Viollet.) 5i 25i
Maine (Sumner), Etudes sur l'ancien droit et la coutume
primitive. (P. Viollet.) 5i 25 i
Ortolan, Histoire de la législation romaine. (E. Cuq.), . . 8 41
Post, Les fondements du droit. (P. Viollet.) 5i 25 1
Voigt, Les Douze Tables. (E. Cuq.) 33 141
Bibliographie.
Hkinemann (de), Les manuscrits delà bibliothèque de Wol-
fenbuttel. (Em. Châtelain.) 10 47
Parfouru, Catalogue des incunables de la bibliothèque
d'Auch. (T. de L.) 26 m
Pellechet, Notes sur les livres liturgiques des diocèses
d'Autun. (Em. Picot.) 18 66
Rothschild (James de). Catalogue de ses livres. (T. de L.), 100 443
TABLE DES MATIl'.RES XVri
VARIETES
Cleumont-Ganneau, Notes d'archéologie orienlale, XIX,
L'inscription nabatéenne de D'meîr et l'ère des Séleucides
dite ère des Romains 88
— XX et XXI : nouvelles observc>tions sur Tinscription na-
batéenne de D'meîr; les noms propres nabatéens pseudo-
théophores 173
— XXII, Une nouvelle inscription relative à Baal-Marcod. 495
Egger (V.), Une lettre de Leibniz 456
Gazier, L'abbé de Prades, Voltaire et Frédéric II, d'après
des documents inédits, dont une lettre de Voltaire 146
H., Grandeur et décadence de la Colombine 388
— Encore un mot sur la Colombine 459
J'ussERAND, Lettre inédite du comte de Broglie à propos de
la publication de la Henriadc 33 1
T. DE L. et CoMMUNAY, Isaac de la Peyrère et sa famille. . . i36
CORRESPONDANCE
LivET, Lettre à M. Gazier sur rexcommunication des co-
médiens 193
Reinach (Sal.), réponse à M. Rouire 55
RouiRE, Lettre à M. Salomon Reinach 35
— Réponse à In '< critique » de M. Salomon Reinach. ... 114
THESES DE DOCTORAT ES-LETTRES
Bémont, Sur la condamnation de Jean Sans Terre en 1202
et Simon de Montfort, sa vie, son rôle politique en France
et en Angleterre 92
BouRCHENiN, Tanneguy Lefebvre et Étude sur les académies
protestantes en France au xvi" et au xvn'= siècle 41 3
Dubois, L'ilc de Cos et Les ligues étolienne et achéenne, . 32
Hauvette-Besnault, L'archonte-roi et les stratèges athé-
niens 275
Lévy-Brûhl, Le Dieu de Sénèque et l'idée de responsabi-
lité I 5 5
Monin, L'unité de la religion homérique dans Plliade et
Essai sur l'histoire administrative du Languedoc pendant
rintendance de Basville. ..,...,,...,. 335
XVIII TABLE DES MATIERES
Pages
CHRONIQUE
Altpreussische Monatsschrift 438
Annuaire de la Faculté des lettres de Lyon, II et III,
2^ année 317
Beauvois, Le fontaine de Jouvence et le Jourdain dans les
traditions des Antilles et de la Floride 59
Bonnet (Max), Edit. du Liber de miraculis beati Andreae
apostoli 218
BoRNEMANN, Le monachisme 257
Boucher de Molandon, Jacques d'Arc, père de la Pucelle. . 517
BouLAY de la Meurthe, Le Directoire et l'expédition d'É-
gypte 459
Bréal, Discours prononcé sur la tombe de M. Léon Renier. 497
Bréal et Bailly, Dictionnaire étymologique latin 119
Briquet, La légende paléographique du papier de coton. . . 78
Bulgare (société littéraire) 39
Caillemer, Trois lettres inédites de Mazarin. ......... 353
Càlvary (la maison), de Berlin 519
Capré, Le véritable Messager Boiteux de Berne et de Vevey. 79
Clermont-Ganneau, Les fraudes archéologiques en Pales-
tine iG
— Matériaux inédits pour servir à l'histoire des croisades. . 197
— Recueil d'archéologie orientale, I^^' fascicule 478
CoMPARETTi, Le Musée italien d'antiquité classique 259
Crâne et Brun, Lectures françaises sur la Révolution. ... 18
Derenbourg (H.), Ouverture du cours d'arabe à l'école des
Hautes études 198
De Vit, Mémoire sur la façon de lire dans les monuments
épigraphiques l'abréviation des deux lettres qui signifient
libertus et liberta
DiETRicH, Les poésies de Jacques Richard
Dombart, Études sur Commodien
Drapeyron, Les Carlovingiens en Limousin
Dumont (Prix)
Du RiEU, Travaux bibliographiques sur l'histoire de Hol-
lande
Eggermont, Le Japon
Encyclopédie de V histoire moderne, 2r' et 22'-' livraisons. .
Faculté des lettres de Poitiers, son Bulletin
Page, Deux lettres de Mascaron à M"« de Scudéry
— Notes sur un pontificat de Clément VI.
— Le tombeau du cardinal de Tulle
Faguet, M"'e de Maintenon institutrice
354
317
218
198
59, i58
39
256
218
198
354
517
517
353
TABLE DES MATIERES XIX
pages
Flammermont, Etude sur les jésuites et les parlements au
xviii*^ siècle ;
— Des facilités de travail assurées en Allemagne aux pro-
fesseurs;
— Négociations secrètes de Louis XVI et du baron de Bre-
teuil 23q
Fraenkel, Etudes sur l'histoire romaine 38
Gaidoz et Sébillot, Bibliographie des traditions et de la lit-
térature populaire de la France, l'Auvergne et le Vclay. . 299
Galiffe, Notices généalogiques sur les familles genevoises,
V \ . . .\ .' 78
Giry, Recueil de textes pour servira l'étude et à renseigne-
ment de l'histoire 99
Grammont (de), Les Illustres captifs du Père Dan i38
— La course, l'esclavage et la Rédemption à Alger 459
Hartmann, Edit. de morceaux choisis de Victor Hugo. . . . 299
Henry (Ch.). Les manuscrits de Léonard de Vinci yS
— Le livre de l'avenir 5 18
— Pierre de Carcavv 418
Herder, p. p. Suphan, VII 218
Hochart, Etudes sui i:i vie de Sénèque 98
HovYN DE Tranchèrk, Lcs dcssous de l'histoire 257
Hyvernat, Actes des martyrs de l'Egypte 5 16
Jadart, Louis XIII et Richelieu à Reims;
— Nicolas Dumont, curé de Villers-devant-le-Thour. ... 3i7
Jannettaz, Etude sur Semo Sanctus Fidius 17
Jugurtha, p. p. Lallier 197
Jullian, Causes et caractère de la guerre civile qui suivit la
mort de Néron 197
Ka:{an, Mémoires de l'Université 19
Kkid, Edit. des Académiques de Cicéron 219
Kochanowski, son troisième jubilé centenaire 19
Lambros, Hissais historiques 120
— Excerpta Constantini de natura animalium , . 439
Lavisse, Questions d'enseignement national 58
Le Blanc, Variétés historiques et biographiques 5 16
Leclercq, Voyage au Mexique de New-York à Vcra Cruz
par terre 459
Léger (L.), Le monde slave au xix'' siècle .4.02
LiEsviLLE (de), not. nécrol 178
LiNDENBERG, Berlin, Esquisses et tableaux 438
Lucrèce, le V"" livre, p. p. Benoist et Lantoine 17
Meissner, Phraséologie latine 98
Miller (Vsevolod), Etudes ossètes 77
Montégut, Écrivains modernes de l'Angleterre 460
.,:: Table des matières
pages
MoNVAL, Le Moiiériste 487
Morel-Fatio, La comédie espagnole au xviii" siècle 18
MoRFiLL, Grammaire polonaise 3g
MoÛY (de), Discours sur l'histoire de France 478
MûNTz, L'esthétique, l'archéologie et l'histoire de l'art. . , , 198
MuRRAY MiTCHELL, La religiou hindoue. . . , 179
NouLETj Le passotens mundi 417
— Jean charron de Lacarry 417
Papa, Notes sur le V^ volume de l'Histoire de la littérature
italienne de M. Bartoli 258
Paris (G.), Discours sur la tombe de Frédéric Baudry. . . 36
— La poésie du moyen âge 40 1
Pauli, Travaux sur l'étrusque Sg
PiERLiNG, Le Saint-Siège, la Pologne et Moscou. .... 219
Pigeonneau, Histoire du commerce de la France, 1 98
Prarond, Cinq plaquettes sur l'histoire d'Abbeville 279
Qiiincey (de), Confessions d'un fumeur d'opium, p. p. Gar-
nett o 439
Revue félibréenne 18
Sacaze, Quelques faux dieux des Pyrénées 218
Sal\bourg tx. son université catholique 59
Sathas, Documents relatifs à l'histoire de la Grèce, V 5g
Saurel, Recherches sur l'emplacetTient d'Aeria 17
Schreiber, Découvertes faites dans les archives et les biblio-
thèques romaines Sig
Société des anciens textes français, tome VH. 197
SoMMERARD (Edm. du), uot. uécrol 179
Suphan, Gœthe et le prince Auguste de Gotha 418
Tamizey de L.arroque, Le cardinal Bichi 76
— Lettres du comte de Cominges. 1657-1659 5oo
Terzetti (M™*^), La Grèce ancienne et moderne considérée
sous l'aspect religieux 37
Tholin, Doléances du tiers-état d'Agenais 402
Thomas (Em.), De suppliciis 119
Tiele, Manuel de l'histoire des religions, trad. par M. Ver-
nes, 2*^ édition 353
UsENER, Recueil des articles et mémoire de J. Bernays. . . 419
Vandalisme (Un cas de) à l'église de Brou 38
Veloudo (Jean), bibliotlîécaire de la Marciane de Venise. . -j"
VuY, L'origine de la commune de Genève 239
WiLLEMs, Appendice au sénat de la république romaine. . . 418
TADLE PES MAT1ERK5 XSI
PÉRIODIQUES
ANALYSÉS SUR LA C O U V E R T ij S L
ANGLAIS
Acaderny [ï] du i3 décembre 1884 au i3 juin i885.
Athenaemn (!') du 29 novembre 1S84 au i3 juin 188 5.
ALLEMANDS
Altpreussische Monalschrift, I et II, janvier-mars i885, n" 19.
Archiv fur slaipische Philologie, tomeVlII, i et 2, n"' 2 et 19.
Deutsche Literatur:{^eitung, du 29 novembre 1884 au j3 juin i885.
GiJttingische gelehrte An^eigen, du 10 décembre 1884 au i5 juin
i885.
Literarisches Centraîblait, du 29 novembre 1884 au i3 juin i885.
Philologische Wochenschrift, du 2 mai au i3 juin i885.
Theologische Literatur:{eitung, du i3 décembre 1884 au i3 juin
i885.
Zeitschrift fïir katholische Théologie, IX vol., i" et 2" fascicules,
n«= 7 et 18.
Zeitschrift fiïr neufran^ijsische Sprache und Literatur, i883 et 1884,
n°=^ 6 et 21.
BELGES
Revue de V instruction publique supérieure et moyenne en Belgique,
tome XXVI H, 2" livraison, n" 18.
COMPTES RENDUS DES SOCIETES SAVANTES
Académie des inscriptions et belles-lettres, séances du 1 9 décembre
1884 au '9 i""^ "885 (Julien Havet).
■Société des antiquaires de France, séances du 10 décembre 1884 au
10 juin i885.
LE PUV, IMPRIMERIE MARCHKSSOU FILS, BOUMCVARD SAINT-LAURENT, 2:).
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 1 — 5 janvier ^ 1885
Soniniaii-«^ : i. Ferrière, Paganisme des Hébreux jusqu'à la captivité de Baby-
lone. — 2. RiTTER, Recherches sur un ouvrage de S. François de Sales. — 3. Gonse,
L'art japonais. — Chronique. — Académie des Inscriptions. — Société des Anti-
quaires de France.
I. — Emile Ferrière. Paganisme ties Hél>i*cux Jusqu'à la cai>tivltô
«le Baljylone. Paris, Félix Alcan, 1884, in-r2, 42S p.
On voudrait, en présence d'œuvres de cette nature, se borner à ren-
dre hommage aux intentions de Técrivain, en indiquant discrètement
par là que Toeuvre n'y répond pas; mais ce serait s'acquitter trop com-
modément des obligations de la critique.
Comme l'indique une note autographiéc jointe à l'exemplaire qui m'a
été adressé, M. Ferrière, « bien connu par ses travaux sur la théorie de
l'Evolution », s'est proposé de « prouver par des laits, conformément à
la méthode expérimentale, que le monothéisme primordial des Hébreux
est une fiction, que le peuple d'Israël a partagé toutes les pratiques du
paganisme chananéen jusqu'à la captivité de Babylone. » Je vois aussi
dans la préface que, s'il en était autrement, le judaïsme aurait commis
cette incongruité de manquer à « la loi d'Évolution ». Or, comme la
« loi d'Evolution » doit être respectée, il est essentiel d'établir que les
Hébreux ont été aussi païens que les païens eux-mêmes. Soit; va pour
la « loi d'Evolution ». Quiconque suit d'ailleurs les études d'histoire re-
ligieuse antique, sait parfaitement aujourd'hui que le monothéisme hé-
breu n'est pas de date très ancienne et que la prétention de concevoir le
développement ihéologique des Israélites en dehors des conceptions et
usages communs aux peuples de l'Asie occidentale, est abandonnée en
bonne science '.
Que M. F., s'emparant des bons travaux qui ont été récemment pu-
bliés, en expose les résultats sous une forme accessible à tous, je ne sau-
rais l'en blâmer, y mêlât-il des considérations philosophiques, qui me
semblent n'avoir point ici grand'chose à faire. Malheureusement l'au-
teur, auquel on voit bien vite qu'il manque la préparation nécessaire,
a consulté au même titre des ouvrages bons, médiocres et mauvais, et il
en est résulté une compilation peu propre à atteindre le but proposé.
I. C'ebl plutôt sur le terrain de l'Egypte que la thèse du monothéisme primitif
continue de se couvrir d'arguments assez spécieux, et là il s'agit de dates beaucoup
plus anciennes et de documents d"uue bien autre authenticité.
Nouvelle série. XIX. i
2 REVlîg CRITIQOK
Une première partie traite du classement chronologique des livres
de l'Ancien Testament : cela appartenait à l'Introduction. La seconde
partie est consacrée à la religioji générale des Sémites. Gela aussi eût
été mieux à sa place dans l'Introduction. L'auteur débute par des consi-
dérations générales sur les philosophies et les religions, dont la raison
m'échappe; puis il nous donne, sous le titre de théologie générale des
Sémites, des choses bien étranges sur le dieu spirituel et le Dieu con-
cret. Félicitez-vous d'apprendre que le système théologique chal-
déen comprend trois éléments essentiels . i° Un Dieu absolu., « expres-
sion abstraite de l'univers indéterminé » ; 2° une triade abstraite uni-
verselle, « qui représente symboliquement le résultat de l'observation
de l'univers considéré dans son ensemble, à savoir, la matière et la
double loi de ses évolutions ï>; 3" une triade concrète particulière. —
Je ne sais où M, F. a puisé ces contes à dormir debout.
La troisième partie intitulée, le Dieu national des Hébreux, précé-
dée de pareilles rêveries, nous en fournit de nouveaux exemples. On
y apprend que le tétragramme sacré IHVH peut avoir tiois prononcia-
tions : lehovah, lahveh et lahouh. La vraie appellation, est lahouh;
mais lahouii n'est à son tour qu'une des deux énergies, la masculine,
du dieu Hou, ayant sa contre-partie dans l'énergie léminine, Thavath,
« la mère divine )>. Se rappeler que le dieu Hou n'est de son côté que la
troisième personne de la triade ou trinité abstraite universelle déjà
nommée.
Dans sa quatrième et dernière partie, le culte sémitique che\ les Hé-
breux, M. F. est forcé de se tenir plus près des faits; c'est là son sujet
même, et il y accumule les observations de détail avec un luxe un peu
inquiétant. Je voudrais pouvoir dire que ces pages, qui témoignent
d'un sincère etîort, sont de nature à être consultées avec fruit, mais
réellement je ne le saurais. Le sens critique, la connaissance de la po-
sition générale des questions, leur font trop défaut.
Je regrette de porter un jugement aussi sévère sur une oeuvre qui a
des allures de franchise et a exigé des recherches sérieuses. Mais pour-
quoi donc tant de nos compatriotes croient-ils qu'il est permis d'écrire
sur les matières religieuses sans une préparation, dont cette branche de
la recherche se passe peut-être plus difficilement encore que telle
autre?
M. Vernes.
2. — iîSecl»ei»cïies sui* ïsu ouvrage tle S. Ft'ançois de Sales (l'éten-
dai'cl de la SaSeite-Croix), par Eugène Ritter, professeur à l'Université de
Genève. Genève, librairie H. Georg, 1884, in-S de 23 p. (Extrait du Bulletin de
l'Institut national Genevois, tome XXVI).
M. Ritter constate (p. 2) que « dans le pays savoyard et romand, qui
s'étend de l'île Saint- Pierre aux Gharmettes », les écrits de deux théo-
iiHiSrOlRK El DE LITTEUAÏURE
logiens, Calvin et saint François de Sales, s'imposent avant tout à l'at-
tention de celui qui étudie le passé littéraire de ces contrées. Il constate
encore (p, 3) que, si « la science protestante a donné des œuvres de
Calvin une édition qui lait honneur à MM. Reuss, Cunitz et Baum, la
science catholique, de qui saint François de Sales attendait l'accom-
plissement du même devoir pieux, n'a pas encore fait tout ce qu'on est
en droit de lui demander à cet égard ». L'excellent critique rappelle
ensuite que l'évêque de Genève, dans une carrière de plus de trente ans,
depuis la fin de ses études à Puniversité de Padoue où il fut reçu doc-
teur le 5 septembre i5gi, jusqu'à sa mort (28 décembre 1622), tout
entier à ses devoirs ecclésiastiques, publia seulement, à côté de quel-
ques courts morceaux et de certains écrits de circonstances, trois ouvra-
ges importants : X Etendard de la sainte Croix, \ Introduction à la
vie dévote et le Traité de l'amour de Dieu. Il donne divers détails
sur le premier de ces livres, le texte des éditions courantes lui parais-
sant différer du texte de la première édition, laquelle, suivant lui, serait
de l'an 1600 {Défense de Vestentard de la sainte Croix de notre Sau-
veur Jésus-Christ. Lyon, J. Piilehotte , in-8"), mais qui, suivant le
Manuel du libraire, serait de 097 (Annecy, petit in-8°) '. U Eten-
dard se place dans une série d'écrits de controverse, que M. R. (p. 4)
décrit ainsi :
« loDeux feuilles volantes — deux placards, comme on disait alors
— répandues parmi les catholiques par un des leurs, à l'occasion de
Toraison des Quarante Heures, célébrée au village d'Annemasse, dans les
premiers jours de septembre 1597. Elles portaient pour titre, l'une :
De la vertu de la Croix, et l'autre : Comment la Croix doit être hono-
rée. On n'en connaît point d'exemplaire, et on n'en peut parler que
d'après les ouvrages suivants :
2» Un écrit du pasteur genevois Antoine de la Faye, publié sans nom
d'auteur, quelques semaines après ces placards, en vue de les combat-
tre : Brief traitté de la vertu de la Croix et de la manière de l'ho-
norer, s. 1., 1597, 63 p. 8°. L'exemplaire qu'en possède la Bibliothèque
de Berne est peut-être le seul qui ait été conservé. Dans l'Etendard de
la sainte Croix., saint François cite le Traitté de la Faye à plus de
soixante reprises, et en transcrit une grande partie;
3" L'Etendard de la sainte Croix., que chacun peut lire dans les
Œuvres de saint François de Sales.
4» Réplique chrestienne à la response de M. F. de Sales, se disant
evesque de Genève, sur le Traité de la vertu et adoration de la Croix,
par Antoine de la Faye, ministre de la parole de Dieu en l'Église de
Genève. De 1 imprimeiie de lacob Stœr. M.DC.IIII. 8 feuillets non
I. Quoi qu'en dise M. R. (p, 4;, Brunet ne mentionne pasTédilion de Lyon (1600);
il ne paraît pas avoir connu ctite édition et ne cite (tome V, col. 72) que l'édition
d'Annecy (i5g7) et celle de Paris (i6i3) publiée chez Rigaud sous ce titre: Pantlio-
logie, Qu Trésor précieux de la sainte Croix (petit in-S").
4 REVUK CRITIQUE
paginés et 240 p. 8°. Cet ouvrage se trouve à la Bibliothèque de Ge-
nève; je ne sache pas qu'on le rencontre ailleurs. »
De ces écrits et de divers autres documents, M. R. a tiré quelques
citations qui jettent du jour sur l'histoire de la controverse. La première
série de ses extraits se rapporte au point de départ de toute Taffaire : la
restauration de la croix Philiberte, pendant l'oraison des Quarante
Heures qui eut lieu à Annemasse, du dimanche matin 7 septembre
1597 jusqu'au mardi matin 9, et les placards qui furent distribués à
cette occasion (p. 5-io). Viennent ensuite (p. 11-16) des fragments du
Brief traitté de la Croix, qui devrait être reproduit tout entier dans
une bonne édition des œuvres de saint François de Sales. En troisième
lieu, M. R. cherche (p. 16-18) à déterminer Tépoque où a paru VEten-
dard de la sainte Croix. Sans s'arrêter à la date indiquée par Brunet,
date qui lui semble provenir de quelque malentendu (le point est à vé-
rifier par les bibliographes, notamment par ceux de la Savoie), il assure
que la première édition de l'Etendard, imprimée à Lyon avec la date
de 1600, ne circula dans le public qu'en 161 3, comme le texte de la
Réplique de la Faye l'indique nettement '. Enfin, conférant l'ouvrage
de saint François avec celui de son contradicteur, il a tracé quelques
lignes du commentaire que devra donner, un jour , de VEtendard
« Tannotateur savant et soigneux que saint François de Sales finira
bien, sans doute, par trouver parmi ses coreligionnaires. » La plus con-
sidérable des remarques de M. R. est celle qui touche aux emprunts qui
auraient été faits par le futur évêque de Genève aux traités sur la Croix
du cardinal Bellarmin et du jésuite Gretser, emprunts dont il faudrait
mesurer exactement l'étendue. Alors, dit très bien M. R. (p. i) « les
morceaux de ce traité de controverse qui constituent la part person-
nelle de l'enfant de la Savoie se détacheront du reste du livre avec plus
de clarté qu'aujourd^hui, où nous ne pouvons les distinguer qu'au
jugé. »
Ce n'est pas seulement de VEtendard de la sainte Croix que s'oc-
cupe M. R. dans sa curieuse brochure : il déclare (p. 3, note i) que les
éditions successives de V Introduction à la vie dévote donneraient lieu à
un intéressant relevé des variantes qu^elles doivent offrir, car, continue-
t-il, saint François de Sales, dans une lettre à M. Deshayes, de la fin de
1610, dit qu'il a ajouté à la seconde édition beaucoup de petites cho-
settes, suivant les désirs que plusieurs dignes juges m'ont témoigné
d'en avoir, et toujours regardant les gens qui vivent en la presse du
I. Voici ce texte : A la partin, M. F. de Sales a fait réponse au Brief traitté de
la Croix. Ce traitté, bâti soudain et opposé à deux placards volants, touchant la
vertu et honneur de la Croix, fut mis en lumière à Genève, l'an mil cinq cent no-
nante et sept. Dès adonc, on n'en a point parlé. A présent j^la Répliqua est datée du
12 septembre i6o3] seulement s'est éveillé le dit de Sales, et s'est tellement escar-
mouche à rencontre, que pour combattre quatre petites feuilles, if a dressé un livre
de 'Ô26 grandes pages. Aussi y a-t- il employé environ sept années. »
d'histoire et de littérature 5
monde. Et dans une lettre de 1616 adressée à la mère Favre, l'aimable
écrivain parle d'une nouvelle réimpression de son Introduction, en vue
de laquelle il la prie de lui apporter divers papiers, pour l'aider à faire
quelques additions à ce livre. Mais en tenant compte, dans une édition
critique, des changements introduits par l'auteur lui-même, il faudrait
aussi noter les changements introduits par les éditeurs successifs. Au-
cun livre peut-être, sous prétexte de rajeunissement et d'épuration, n'a
été plus crueWsmcnt malttané que l'Introduction à la vie dévote. J'ai
sous les yeux deux éditions, une hdèle (Bordeaux, G. de la Court, 16Î2),
l'autre de ce temps-ci et très infidèle. On lit dans l'édition de i652,
(chapitre xx, p. lyS) ce pittoresque passage : « il n'y a pas de l'appa-
rence qu'ils veuillent vous détourner de cet exercice, qui ne leur appor-
tera aucune commodité, sinon qu'ils fussent d'un esprit extrêmement
coquilleux ' et déraisonnable ». L'éditeur, notre contemporain, a trans-
formé (ab uno disce omnes crimine) cet esprit coquilleux en une
humeur fâcheuse! Je ne parle pas des pudiques changements opérés
dans les pages écrites par la main d'un saint, changements qui font
penser à ces feuilles de vigne qui dernièrement, au musée du Louvre,
avaient été appelées à voiler d'une façon si malencontreuse les chastes
nudités des chefs-d'œuvre de la sculpture antique. Tout cela est déplo-
rable, et c'est le cas de répéter le mot d'un grand admirateur de la pu-
reté des textes qui s'écriait avec une touchante ferveur : Mon Dieu !
préservez-moi de mes pires ennemis, les mauvais éditeurs - !
Une des parties des œuvres de saint François de Sales qu'il serait le
plus important de reconstituer, et dont M. R. ne s'est pas occupé, c'est
le recueil de ses délicieuses lettres. Je disais, il y a déjà quelques années :
« Il reste à trouver encore quelques-unes de ces pages que l'auteur de
ï Introduction à la vie dévote écrivait d'une plume si facile et si char-
mante, et ce serait bien mériter à la fois des admirateurs du grand évê-
que de Genève et des amis de notre vieille langue, que de rechercher
avec sollicitude tout ce qui manque aux diverses éditions de sa corres-
pondance » ". M. Jules Vuy, ancien président de la cour de cassation
du canton de Genève, vice-président de l'Institut genevois, voulut bien
1. Coquilleux n'est ni dans Richelet, ni dans Trévoux. Je signale ce mot aux sa-
vants philologues qui lisent la Revue critique.
2. M. R. appelle l'attention des chercheurs (p. 10) sur un ouvrage de la jeunesse
de saint François de Sales qui, selon C.-A. de Sales, fut mis au jour par son oncle
avant la mort de Claude de Gravier, évêque de Genève (17 septembre 1602). C'est à
propos du Rituel des sacrements que le biographe de saint François rapporte ceci :
« Enfin, il ajusta une forme de proposer au peuple les points principaux de la reli-
gion chrétienne, tous les jours de dimanche, qu'il avait déjà mise en lumière par le
commandement de son prédécesseur, mais qu'il corrigea de plusieurs fautes que les
imprimeurs y avaient commises ». II était dans la destinée de saint François de Sa-
les d'être la victime des imprimeurs et encore plus des arrangeurs !
3. Revue des Qjtestions historiques du i"" janvier 1S76, p. 241 : Trois Icitres iné-
dites de saint François de Sales.
O REVUE CRITIQUE
reproduire mon cippel dans ÏAvant-projfos de la Philothée de saint
François de Sales \ et ajouter qu'il y avait répondu de son mieux en
publiant en ce volume douze lettres inédites du saint ami de M™" de
Charmoisy. Puisse-t-il, après avoir en partie exaucé mon vœu, exaucer
entièrement celui de M. Eugène Ritter et attacher son nom à une
édition critique et vraiment complète des œuvres de saint François de
Sales!
T. DE L.
3. — Louis GoNSE : î^'Art Jiipoisjaîs, 2 vol. in-4, vol. I, pp. iv, 3o8; vol. II,
369. Paris, A. Quantin, i883.
Le japonisme est à la mode; cela se conçoit : il y a vingt-cinq ans à
peine que Tart authentique du Japon s'est tait connaître et l'Occident
est encore dans l'enivrement de la découverte. Pendant trois siècles les
Hollandais, qui avaient le monopole du commerce japonais, inondaient
PEurope de produits courants, admirés de confiance, ou d'articles fa-
briqués expressément en vue du goût européen, aussi contraires que
possible au goût et aux traditions du pays et que nos collectionneurs se
disputaient âprement sous le nom de vieux japon : c'est la foi qui sauve.
C'est en 1867, à l'exposition de Paris, que le vrai japon fit son appari-
tion, avec une collection incomparable d'antiques, qui, offerte à Paris
et à Londres et refusée par les deux métropoles, se dispersa dans vingt
collections. L'année suivante, 1868, éclatait la grande révolution qui, à
la façon européenne, débuta par le vandalisme : les grands seigneurs
féodaux ruinés, les temples dépouillés, envoyèrent leurs trésors enrichir
à vil prix les marchands et de là les collectionneurs d'Occident. Un
moment vint où l'on put croire que le Japon serait le seul pays où l'art
japonais serait introuvable. Depuis, une réaction s'est produite. Les
Japonais ont appris ou rappris des Européens le prix de leurs chefs-
d'œuvre; ils ont veillé avec un soin religieux, mêlé de repentir, sur les
débris de leur gloire artistique, et non seulement ils les défendent contre
les attaques du dehors, mais ils prennent l'offensive, rachètent en Eu-
rope, réparent peu à peu leurs pertes, et le métier de collectionneur est
une fantaisie qui n'est plus permise à présent qu'aux millionnaires.
A mesure qu'affluaient les spécimens de cet art, si neuf pour l'Eu-
rope dans sa simplicité, sa grâce, sa perfection de mise en œuvre, les
livres sur l'art japonais se multipliaient. C'étaient, comme on pouvait
s'y attendre, des séries de points d'exclamation, avec la conclusion at-
I. Seconde partie, 187g, p. xxv. M. R. (p. 23) apprécie fort bien cet ouvrage
« M. Jules Vuy, dit-il, a publié sur l'auteur de Vlntroduction à la vie déi>ote des re-
cherches remarquables, et trop peu remarquées chez nous : La Pitilotliée de sain^
François de Sales, 2 vol. 1878 et 1879; mais ce n'est qu'un premier pas : il faut
poursuivre jusqu'au bout ».
D HISTOIRE ET D!C LlTTi' RATURE
tendue: Faites-vous Japonais! Et nos artistes de se faire Japonais. Nous
n'avons pas ici à prendre parti entre japonistes et antijaponistes :
sans entrer dans le vif de la question, conlentons-nous de constater que
cet art n'aurait que des admirateurs s'il ne s'était avisé de rendre la
personne iuimaine : par malheur il l'a fait, et i'hommechez lui n'a guère
qu'une attitude, celle de la grimace et de la contorsion. Est-ce volonté
ou nécessité? A-t-ii fait l'homme laid, du moins pour Tœil européen,
parce que Thomme qu'il voit est tel pour l'œil européen, de sorte qu'il
y aurait nécessairement entre les deux arts une antipathie de race et
physiologique, partant invincible? Cependant, si on examine des pho-
tographies de types japonais, on rencontre plus d'une fois des spécimens
qui répondent de bien près à noire idée de la beauté. Serait-ce que l'ar-
tiste, à la façon de nos naturalistes, a pense que la beauté est une ex-
ception à laquelle un art qui se respecte n'a pas le droit de s'arrêter : la
laideur, étant la règle, tait seule loi pour i'idéal. Ou faut-il avec
M. Bousquet supposer, en désespoir de cause, que les Japonais ont lu
Solger et la théorie de l'ironie dans l'art : « Le but de l'art est de révé-
ler le néant des choses finies, des créatures contingentes, en présence de
l'absolu, et de faire ressortir l'ironie divine '. » Mais si de la représen-
tation humaine, on passe à celle de l'animal, de la plante, de la fleur,
des détails de paysage ; si de la peinture on passe aux arts intérieurs,
ciselure, laque, céramique, l'impression change du tout au tout et l'on
n'est plus loin de partager les enthousiasmes des dilettanti les plus
expansifs.
Dans la littérature déjà abondante relative à l'art du Japon, le livre
dont nous voulons entretenir les lecteurs de la Revue occupe une place
à part et ouvre une direction nouvelle. Admirateur, mais de sang-froid,
des artistes japonais, qu'il considère comme « les premiers décorateurs
du monde », convaincu que Tétude de leurs œuvres peut ranimer et
renouveler, non pas le grand art qui n'a rien à gagner à se faire japo-
nais, mais le sens de la décoration qui tend ù se perdre, M. Gonse avait
organisé il y a deux ans la iameuse exposition de ia rue De .^e/.e, qui
avait groupé les quatre ou cinq plus belles collections de Paris : les
visiteurs de cette exposition retrouveront dans ce livre les plus beaux
spécimens quMls ont admiiés il y a deux ans. Mais le caractère qui fait
pour nous la "aleur principale de ce grand ouvrage et par lequel il ren-
tre dans le cadre tie la Revue critique, c'est que ce n'est pas un exposé
de thèse, c'est un exposé historique. M. G. a pensé qu'il était temps de
sortir des discussions théoriques et oiseuses et de tenter une histoire de
l'art japonais.
Une première question vous vient aussitôt aux lèvres : une pareille
histoire est elle possible? Cet art est si loin de nous que tout nous en
paraît sur le même plan, et Tidée ne nous vient même pas que tous ces
I. Le Jdfon de nos jours, II, 169,
8 REVUE CîliTIQUE
noms exotiques, qui ont la même valeur négative devant notre igno-
rance, puissent jamais se localiser dans le temps et que les noms de
Kanaoka et Hokusai aient un sens historique et artistique aussi précis
que les noms de Cim.abué et Gustave Doré. Oui, cette histoire est pos-
sible et pour deux raisons : i» parce que les Japonais eux-mêmes la
connaissent et en ont la tradition ; 2° parce qu'il existe un grand nom-
bre d''œuvres anciennes et datées ; de sorte que nous avons en main les
deux éléments nécessaires et suffisants de toute histoire complète : une
tradition suivie pour en dresser le cadre et des monuments réels pour
contrôler la tradition et remplir les cadres qu'elle a dressés.
Les histoires japonaises de la peinture abondent : plusieurs remon-
tent au siècle dernier ; la plus célèbre, le Tanyu Ringoiia remonte au
xvjie siècle : c'est l'œuvre du plus grand peintre de ce siècle, Tanyu
(1 601-1674), lequel, étant aussi un grand coniiaisseur de peintures an-
ciennes, a réuni dans son recueil toutes les œuvres de vieux maîtres
qu'il a pu rencontrer. Les annales historiques et les œuvres purement
littéraires fournissent aussi une masse de renseignements épars, mais
non moins précieux, dont la série se suit sans interruption depuis le
texte le plus ancien du Japon, le Ko-^i-ki (vers 700), jusqu'aux voya-
geurs européens des derniers siècles. Au témoignage littéraire joignez
celui des œuvres mêmes : presque toutes les œuvres d'art sont signées,
et par suite plus ou moins datées, car un nom est le plus souvent une
date. Ce témoignage réel peut se suivre presque aussi loin que le té-
moignage écrit, grâce aux trésors des temples nationaux, dépôt des
chefs-d'œuvre les plus antiques et les plus révérés : le plus précieux de
ces trésors est celui du temple de Todaïji, à Nara, l'ancienne capitale
des empereurs; à l'abri du sanctuaire, les reliques de l'art ont traversé
dix siècles; on les exhumait à la tin de chaque cycle pour constater leur
présence et leur état de conservation : puis on les laissait se rendormir
un nouveau sommeil de soixante ans. La dernière visite a eu lieu en
1875 : elle fut faite cette fois avec des préoccupations d'archéologue.
Manuels, témoignages historiques et littéraires, inscriptions funérai-
res, signatures d'œuvres, inventaires, toutes ces données réunies par un
critique japonais, M. Wakaï, lui ont fourni les matériaux d'une histoire
complète de l'art japonais, encore inédite, mais que M. G. a eue en
mains. M. G. ne connaît point le japonais : mais il avait l'assistance
d'un lettré intelligent, M. Tadamasa Hayashi, grâce à qui il a pu ex-
traire des textes tous les renseignements qui lui étaient nécessaires, lire
les signatures des œuvres d'art, et armé de cette clef il n'a eu qu'à
passer en revue la masse des matériaux contenus dans les princi-
pales collections publiques et privées ' de France et d'Europe et
I. Paris n'a que des collections privées (collections Gonse, Bing, Burty, Monte-
fiore, Cahen, Camondo, etc.); il aura bientôt deux collections publiques, l'une
bientôt, espérons-le, celle que M. Guimet offre à l'Etat (qui hésite!); l'autre, le plus
tard possible, espérons-le, celle que M. Cernuschi a léguée à la ville de Paris. Le
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 9
qui se sont laissé sans peine classer d'après les temps et les écoles.
L'ouvrage s'ouvre par une large introduction donnant l'esquisse de
l'histoire politique du Japon d'après les travaux les plus récents, de ses
mythologies, de son ethnologie, de sa géographie. Le milieu ainsi re-
connu. Fauteur passe à l'étude directe des arts : la peinture occupe tout
le reste du premier volume : c'est la partie traitée avec le plus de déve-
loppement, parce qu'en tait la peinture est le cœur même de l'art japo-
nais : tous les arts inférieurs en sont pénétrés et inspirés : ciseleurs, la-
queurs, tisseurs, céramistes ont été peintres eux-mêmes ou ne font que
transporter le dessin des maîtres sur le métal, le bois, la soie, l'argile;
la ciselure en particulier, par le jeu harmonieux des alliages, « est de-
venue peu à peu la plus riche des palettes » (II, i55). Le second volume
est consacré à l'architecture, la sculpture, la ciselure, aux laques, aux
tissus, à la céramique et la gravure; pour la céramique M. G. a laissé
la parole au plus habile connaisseur de la matière, M. Bing, qui en ex-
pose l'histoire avec une précision et une netteté toute scientifique. Il
nous est impossible de suivre M. G. à travers toutes les écoles où il
nous conduit ni d^apprécier la valeur critique des œuvres qu'il nous
fait connaître : cette tâche a d'ailleurs été remplie par les critiques d'art
avec une compétence que nous n'avons pas, et nous i-enverrons en parti-
culier le lecteur à un article de M. Ary Renan, d^un esprit historique
très sûr, semé d'aperçus ingénieux et d'observations délicates et où une
sympathie profonde pour l'art oriental n'altère pas le sentiment très net
des nécessités de l'art moderne ^ J'essayerai uniquement de mettre en
lumière les points par lesquels l'histoire de l'art japonais se rattache à
l'histoire générale de l'art. L'histoire complète d'un art, quel qu'il soit,
fût-il isolé et sans point de contact avec le reste du monde, a toujours
sa valeur scientifique et vaut la peine d'être étudiée pour elle-même :
mais l'art japonais a cet intérêt capital pour l'historien que c'est le
représentant de deux arts, à peine connus, lun faute de documents
accessibles aux Européens, l'autre faute de docnments, à savoir l'art
chinois et l'art indien; de plus il a peut-être eu des points de contact
historiques avec l'art persan, de sorte que par trois côtés il rentre dans
l'histoire générale. Examinons rapidement ces trois points, en suivant
les données de M. G., que nous compléterons à l'aide de quelques
documents parus depuis.
Musée de Berlin a la collection Gierke; Leyden les collections formées par M. de
Siebold; mais c'est le British Muséum qui possède la collection à la fois la plus
riche et la plus scientitiquement formée d'Europe, celle du D"" Anderson qui, au
cours d'un long séjour au Japon, l'a formée en se plaçant spécialement au point de
vue historique; il en imprime à présent le catalogue: rangée par date et par écoles,
elle fera à elle seule une histoire de l'art japonais. — Les Etats-Unis possèdent la
collection la plus nombreuse de kakémonos (peintures rouléesj; celle de M. Fe-
noUosa (5ooo pièces).
1. Nouvelle Revue, 1884, '5 août i" septembre.
10 REVUE CRITIQUE
La civilisation du Japon, comme on sait, est la civilisation chinoise :
mais si l'on en croit la tradition indigène, ce n'est point directement de
la Chine que le Japon a reçu d'abord cette civilisation, mais médiate-
ment de la Corée, qui, conquise au iii'^ siècle par Zingou, la grande impé-
ratrice semi-légendaire, envoya bientôt à ses conquérants, avec le lettré
Wa-nin, les lettres et les sciences de la Chine. 11 ne faut pas oublier
qu'à cette époque ancienne, la Corée, aujourd'hui si arriérée, était le
foyer et l'asile de la civilisation chinoise, qui menaçait de s'éteindre
dans les guerres civiles où périt la dynastie des Han. Si l'incertitude de
la chronologie japonaise pour les périodes anciennes — une chronologie
sérieuse ne commence qu'avec Tintroduction du calendrier chinois, au
vii^ siècle — ne permet point d'accepter de confiance les dates refaites
des annales indigènes, il n'y a ceoendant aucune raison de mettre en
doute l'authenticité même d'une tradition, confirmée à la fois et par ce
qu'on sait de la Corée de ce temps et par la suite des annales^ qui mon-
tre un courant ininterrompu d'échanges intellectuels allant de la grande
presqu'île aux îles de l'archipel voisin. La peinture est-elle aussi venue
de la Corée? Cela est probable : car la tradition distingue expressément
entfe le style coréen [Korai tpe) et le style chinois [Kara wé) ^ ; or cette
distinction ne peut guère avoir qu'une signification historique ; car, à
supposer même qu'il y eût une peinture coréenne indépendante et ayant
son cachet propre, il est peu vraisemblable que le Japon, dominé comme
il le fut par le génie chinois, eût jamais passé de la Chine à la Corée, s'il
avait débuté par l'éducation chinoise directe. Le D'' Anderson qui nous
fait connaître cette distinction se déclare incapable de préciser les carac-
tères du style coréen, et les rares spécimens de peinture coréenne qu'il a
pu voir sont de la pure peinture chinoise. Le Korai we des auteurs japo-
nais pourrait donc bien n'être autre chose que le style chinois, connu
d'abord par l'intermédiaire de la Corée; plus tard, connu directement, il
prit le nom de Kara we^ sans qu'il y eût changement de fond.
Les rapports avec la Chine commencent selon les annales chinoises
en b-j de notre ère, selon les annales japonaises au m* siècle sous la
reine Zingou. Au ve siècle, sous l'empereur Yu-riak, paraît un peintre
chinois, dont la famille fournit des peintres à la cour durant cinq ^ini-
I. Nous empruntons ce détail à un remarquable article du D' Anderson qui semble
avoir échappé à l'attention de M. Gonse et qui a paru en 187Q à Yokohama dans
les Transactions de la Société asiatique du Japon. Nous profitons de l'occasion pour
appeler l'attention sur les travaux de celte société, trop peu connus en France et qui
sont l'expression la plus avancée et la plus haute des études japonaises. jMalgré les
vagaries de quelques-uns des écrivains, ces travaux présentent pour la plupart
(Satow, Chamberlain, Anderson) une sûreté de méthode, une netteté et une exacti-
tude à laquelle il faut le dire, la philologie anglaise ne nous a pas toujours habitués
sur d'autres domaines. — M. Anderson a donné d'une façon plus sèche la substance
de cet article dans la préface du Guide au Japon de M. Satow (a' éd. i883j. 11 im-
prime une histoire générale de la peinture japonaise dont cet article donne d'avance
une très haute idée.
û MISTOÎHE KT DE LITTERATURE I {
valions; il y a donc eu concurremment au Japon des peintres de Corée
et des peintres de Chine : mais de ces périodes anciennes, il n'est rien
resté que des noms, de sorte qu'il est impossible de savoir s'il y avait une
différence aiitre que celle d'origine entre le Kara we et le Korai \ve.
Un fait qui ferait penser, il est vrai, qu'il y avait plus que cela, qu'il
y avait une différence de fond, une différence artistique réelle, c'est que
M. G., qui ne semble pas connaître l'existence de cerie distinction
du Korai we et du Kara we, est arrivé par des raisons purement esthé-
tiques à une distinction absolument identique. Il reconnaît dans l'art
japonais un élément irréductible au génie chinois, qui serait ce fonds
coréen, lequel fonds serait aryen, la Corée étant primitivement iiiJo-eu-
ropéenne. Mais sur cette question, l'exposition de M. G. manque un
peu de sa netteté habituelle et il semble qu'il y ait quelque confusion
dans les faits qu'il met en œuvre. Il v a certainement, comme nous le
verrons tout à l'heure, un élément indo-européen dans l'art japonais :
mais c'est un élément parfaitement défini, qui n'est ni japonais-, ni
coréen, et que les Japonais ont parfaitement reconnu : c'est l'élément
indien ou bouddhique, venu de l'Inde par l'intermédiaire de la Chine
avec la religion du Bouddha (vu'' siècle) et qui lui-même csi un reflet
lointain de l'art grec, apporté dans la vallée de l'Indus par les suc-
cesseurs d'Alexandre : c'est ce que les Japonais appellent Buisii we,
l'art bouddhique. Mais avant tout apport chinois et indo-européen, y
a-t-il un élément autre, soit japonais, soit coréen? Je crois que faire
des Japonais primitifs un peuple indo-européen, est une hypothèse
contre laquelle, à tout le moins dans l'état de nos connais-ances. tout
proteste. Je ne sais si les ethnologistes admettraient la possibilité d'une
parenté entre les deux races; mais entre les deux civilisations, sous
leur forme la plus ancienne, — ce qui est le point important — ni l'his-
torien ni le philologue ne trouve jusqu'ici aucun indice de parente la
plus lointaine '. Sur les Coréens anciens, nous savons moins encore
que sur les Japonais, et de ce qu'on en sait ne se dégage pas la moin-
dre trace d'aryanisme. La question reste donc entière et, en l'absence
de monuments anciens de l'art coréen, la solution ne pourra guère
venir que des textes.
I. M. Ashlon, auteur d'une excellente grammaire japonaise, a publié un mémoire
pour montrer l'affinité du japonais avec les langues aryennes (Traiisuciions, 1874,
2'23-23i\ Ce mémoire est la meilleure réfutation de la thèse qu'il soutient, il serait
nécessaire que la philologie japonaise fût abordée par quelque travailleur formé aux
méthodes de la philologie aryenne ou sémitique. On ne verrait peut-être plus des
savants de la valeur du Rev. Edkins proposer aux Japonais de perfectionner leur
langue en y introduisant quelques prépositions anglaises, l'article « qui est si com-
mode », le relatif, etc. et de changer la syntaxe du verbe : le Japonais dit ilic
slicphcrd ihc Jlock leads au lieu de dire, com.me on doit: the shcplierd Icads thc
flock : « Or, une loi si incommode, observe M. Edkins, est pour l'esprit qui s'y rési-
gne une preuve décisive d'infériorité intellectuelle n. [Trausactions, 1874, 96-110).
12 REVUE CRITIQUE
Au vi^ siècle paraît le bouddhisme. Il vient également de Corée (du
royaume de Koudara), apporté par une ambassade composée de bonzes;
après de longues résistances nationales, le bouddhisme, protégé par
l'Açoka japonais, le prince Umayadono Oci, triomphe (fin du vi^ siè-
cle) : durant les deux siècles suivants le Japon va chercher en Chine, à
la source, renseignement bouddhique : il en rapporte l'art bouddhique,
le Butsu we, c'est-à-dire, l'art indien transporté en Chine.
M. G. pense, avec grande raison semble-t-il, d'après le caractère des
peintures anciennes, que la première part dans le développement de
l'art japonais revient à l'art bouddhique : on conçoit d'ailleurs aisé-
ment que le bouddhisme, avec ses larges besoins d'adoration et d'ido-
lâtrie, ait dû être au Japon, comme il l'a été partout ailleurs, un pro-
moteur incomparable : Part vit d'idoles, et le culte nouveau avec ses
innombrables pagodes à peupler, avec ses légions de Bouddhas et de
Rakans (arhan), avait bien d'autres exigences que le luxe ou le dilettan-
tisme de Souméras à demi-barbares et qui commençaient à peine à
s'éveiller aux curiosités d'un art encore désintéressé. Il suit de là que
le premier développement et le plus considérable de l'art du Japon est
indien, sous pavillon chinois sans doute, mais indien de fond : le boud-
dhisme transporta de Chine au Japon le type semi-aryen de Çakya
Mouni, consacré et conservé par un hiératisme immuable, et qui
contraste étrangement au milieu des types mongols et mongolisants
de l'art laïque. Les siècles passent sans l'altérer sur ce type traditionnel,
copié de génération en génération : ce grand Bouddha de Meguro,
perle gigantesque du musée Cernuschi, qui semble pris de quelque
temple d'Ellora, vient d'un faubourg de Kioto et n'a pas un siècle
d'existence. De là une conséquence importante pour l'histoire de l'art
indien : c'est que cet art, si mutilé, presque sans documents pour la
peinture, revit pour nous au Japon. Il y a quelques années, la décou-
verte de manuscrits sanscrits au Japon, montrait tout ce que les
temples bouddhiques du Nippon peuvent réserver de surprises et per-
mettre d'espérances aux sanscritistes désappointés des vides de la littéra-
ture bouddhique de l'Inde : mais ce qui n'est là qu'une espérance est ici
une réalité. En mettant les choses au mieux, le plus heureux fureteur
d'inédit ne trouvera au Japon qu'à glaner, car il est clair que la masse
littéraire est en Inde : pour l'art, au contraire, elle est au Japon : l'art
archaïque de l'Inde, disparu de l'Inde, est resté là. Il est bien vrai qu'on
le retrouverait aussi bien en Chine, puisque c'est de là que le Japon l'a
reçu : mais la Chine est fermée et le Japon est ouvert. Si maintenant
l'on songe que cet art indien n'est en Inde qu'un dépôt de la civilisation
hellénique, une lointaine et vague parenté s'établit des Cyclades aux îles
du Soleil Levant, le Bouddha de Meguro prend place, — humblement,
comme il convient à un ascète, — aux côtés de Zeus Olympien, et à
travers l'Inde et la Chine c'est un rayon du génie grec, qui vient, deux
fois réfracté, éclairer la pauvre cellule de Sesshiu ou de Mintshio.
d'histoire et de littérature i3
A côté des éléments chinois et indien, M. G. croit reconnaître un
troisième élément, que les Japonais eux-mêmes n'ont pas reconnu, Télé-
ment persan. Il en retrouve la trace dans certaines formes de décor,
certains détails de l'ornementation, dans le dessin de l'école de Tosa,
dans le rendu des draperies et des extrémités (I, 198). Il le retrouve
encore dans les arabesques des étoffes du xV siècle et leurs rinceaux à
base florale (II, 226) ; dans la ciselure et la broderie des gardes d'épée
(II, iSg). Or cet élément persan paraît non seulement au xvi^ siècle,
époque où l'arrivée des Portugais met Ormuz et Bouchir en relations
avec TExtrême Orient ', mais dans les siècles précédents, où l'intermé-
diaire européen nu pas encore paru dans les mers d'Orient. La réalité
de cet élément persan dans l'art du Japon est une question sur la-
quelle le critique d'art est seul compétent, en l'absence de documents
historiques. Il est bien vrai que le silence des Japonais à cet égard est
un fait grave : ils n'ont aucun faux amour-propre national, et s'ils
avaient eu la conscience d'un élément persan dans leur art, ils n'auraient
sans doute pas plus hésité à l'avouer qu'ils ne l'ont fait pour les élé-
ments coréen, chinois, indien. Ce silence prouve à tout le moins qu'il
n'y a pas eu d'école, au sens strict du mot : mais je m'empresse de
dire que ceci n'exclut nullement la possibilité de ces mille contacts
indirects, de ces accidents de commerce ou autres, qui pour passer
inaperçus n'en ont pas moins une influence d'autant plus protonde
qu'elle est presque inconsciente. Or, l'histoire semble établir la possibi-
lité et la réalité de ces contacts indirects entre la Perse et le Japon.
M. de Longpérier, que l'archéologie est toujours sûre de trouver le
premier là où il y a une voie nouvelle à ouvrir, un nouvel échange
artistique à reconnaître, avait il y a une dizaine d'années signalé dans
le trésor de Hau-riô-zi la présence d'une aiguière sassanide ^. Gomment
ces vases sassanides ont-ils trouvé le chemin de Nara? Est-ce par la
Chine, ou sont-ils venus directement de la Perse par le commerce mari-
time? Des textes arabes, depuis longtemps connus, mais nouvellement
interprétés par M. de Goeje \ viennent d'établir que les marins persans
et arabes des premiers siècles de l'hégire connaissaient le Japon et y
abordaient peut-être: c'est le pays de Wa- Ktyak ^ des voyageurs arabes:
bien plus, les marins japonais de cette époque s'aventuraient sur les mers
et les Arabes nous ont conservé le souvenir d'une expédition commerciale
1. Ce qui nous empêche de mentionner pour la thèse de M. Gonse les bols à dé-
cor persan de Goroshitshi (xvi» siècle), reproduit par M. Bing ; II, 265). — Est-il
bien sîir que le meilleur fer ancien fût connu sous le nom de « fer de Perse »
(11, iSg)? L'expression que M. Gonse traduit ainsi, Nartban, désigne littéralement
« les régions du sud ».
2. Œuvres, I, 294-30G.
3. Annales de l'Extrême Orient, V, 66-80 (i8S2-:8S3).
4. Littéralement « pays de wa » : wa est le nom sinico-japonais à\i yamato, du
Japon : le mot signifie littéralement « paisible » et s'oppose à i, « grossier, bar-
bare, étranger » (Metchnikoff, l'Empire japonais, 2o3).
14 RK-VUH CRiTlQUK
des Japonais sur les côtes de l'Afrique orientale en l'an 334 ^^^ l'hégire
(945 de notre ère). De pareilles aventures laissent soupçonner des rap-
ports avec l'étranger bien plus fréquents qu'on ne serait tenté de l'ima-
giner, d'après l'idée qu'on se fait du Japon fermé des derniers siècles.
Peut-être cependant cette question des rapports de Part persan et de
Part japonais, examinée de plus près, pourrait-elle se retourner et se
poser dans de nouveaux termes. L'on sait que Fart persan du xvii« siècle
est profondément imprégné de Part chinois ' : mais ces emprunts
du xvii^ siècle ne sont que le retour à une vieille tradition ou n'en sont
que la continuation : la réputation de la peinture chinoise en Perse
domine tout le moyen âge. a Pour ce qui regarde la peinture, écrit le
a grand voyageur Ibnn Batoutah, vers i356, aucune nation, soit chré-
« tienne ou autre, ne peut rivaliser avec les Chinois : ils ont pour cet
« art un talent extraordinaire » (IV, 262). Il y a un récit curieux dans
Djelaleddin d'un sultan devant qui concourent des peintres chinois
et des peintres grecs : les Byzantins gagnent le prix : ce récit qui pour
Tauteur^ un mystique, n'est qu^in cadre allégorique, est pour nous
un document artistique de premier ordre : il ressort du récit même
de Djelaleddin que la peinture chinoise, avec ses débauches de couleur,
était plus populaire que la peinture sobre et « sans couleur » de leurs
mystiques concurrents ^ Djelaleddin est mort en 1262; c'est l'époque
de la dynastie mongole qui, on le sait, a amené avec elle en Perse des
artistes chinois; mais deux siècles plus tôt, dans Firdousi, l'art de la
Chine est déjà l'idéal de Fart : une beauté sans pareille est une « pein-
ture chinoise ». Trois siècles- plus tôt, en gbô, Masoudi rend le même
hom^mage enthousiaste au génie sans rival des peintres chinois (I, 323).
Enfin, selon une légende de date incertaine, mais plus ancienne que
Firdousi et peut-être antérieure à la chute de Sassanides, le fondateur
de manichéisme est « un peintre venu de Chine, un peintre tel qu'on
ne verra jamais le pareil », qui a séduit le peuple avec les images d'un
livre peint par lui, VArtang. Tous ces faits sans doute ne suffisent
pas pour établir que l'art persan est d'origine chinoise : mais ils prou-
vent que la Perse du moyen âge a connu et admiré l'art chinois,
qu'elle a reconnu sa supériorité et il est par suite bien probable qu'elle
s'en est inspirée. C'est aux critiques d'art à apprécier sur les monu-
mients la valeur de ces indications purement historiques : au cas où elles
se vérifieraient, ce qu'on appelle l'élément persan dans l'art japonais
ne serait peut être plus autre chose qu'un élém.ent chinois, passé éga-
lement en Perse et au Japon ; ou à tout le moins, y aurait-il lieu de distin-
1. Sur les rapports de l'art persan et de l'art chinois, voir l'article cité plus haut
de M. Ary Renan, pp. 48 sq. du tirage à part.
2. Tholuck, Soiifismiis, 90. Mirabilem Sinensis jpicturae niiorem miramqiie colo-
rum elegantiam... Graeci qui adhuc non coloribiis domum exornaie sed absiergcre
potius colores omnes laboraverant... Le Chinois représente l'homme vulgaire, livré
aux passions, etc., le Gr^'c représente le mystique, dont le cceur est purifié.
0 HISTOIRE Kl ÛK t.!! TElî.'iT URR ID
guer entre une influence persane proprement dite et indépendante et
une influence pseudo-persane, celle-ci continue et ancienne puisqu'elle
n'est autre chose que l'influence chinoise, celle là accidentelle et spora-
dique.
Le lecteur voit quelles questions intéressantes pour Thistoire même de
nos civilisations aryennes soulève un livre qui, au premier abord, sem-
blerait fait pour les seuls dilettanti. S'il est vrai que le Japon est à
présent « un membre de la famille indo-européenne' », il n'est pas
moins vrai que dans le passé, grâce à ces entrelacements obscurs qui
relient les nations les plus étrangères en dépit de leur isolement appa-
rent, nul des problèmes de son histoire ne peut se résoudre sur place, et
ce n'est pas seulement le sinologue, mais c'est le sanscritiste, c'est l'irani-
sant qui doivent fournir leur part de données pour la solution. Ainsi se
vérifie ce mot de M. de Longpérier qui, il y a dix ans, semblait téméraire
et qui à présent semble prophétique : « L'introductiondes documents chi-
nois et japonais dans nos études n'aura pas uniquement pour effet la
classification des monuments de l'Extrême Orient suivant la méthode
critique et européenne, ce qui serait fort désirable; elle nous fournira
encore une nouvelle ressource pour l'intelligence plus complète de nos
antiquités -. »
Je neveux point quitter le livre de M. Gonse sans résumer au moins
d'une façon très sommaire l'histoire des écoles de peinture. Jusqu'au
xv« siècle un seul centre, Kioto, la capitale des Mikados, qui fondent
l'emploi de Wedokoro, peintre lauréat. Le premier Wedokoro qui ait
laissé un nom et des œuvres est Kanaoka, le Cimabué du Japon (seconde
moitié du ix'^ siècle), dont l'école, surtout religieuse et chinoise dans
ses sujets, se transforme au xi*^ siècle, sous le nom de Yamato riii,
-ï école nationale », et prend ses motifs dans les scènes de cour et le
monde; au xni'' siècle, le Yamato riu prend le nom d'école de Tosa
[Tosa riii ^] sous lequel elle a subsisté jusqu'à nos jours. Ces trois écoles,
qui n'en sont qu'une, se perpétuent et se recrutent par hérédité et adop-
tion. Au xv^ siècle renaissance de l'influence chinoise, amenée par le
peintre chinois Jo-setsu. favorisée par les Shiogouns et qui s'établit dans
leurs capitales, d'abord Kamakoura, puis Yedo : de là sort l'école des
Kano, rivale heureuse de celle de Tosa, celle-ci plus distinguée de forme,
plus soigneuse du détail, celle-là plus large et plus libre de manière;
l'une procédant par enluminure, l'autre par blanc et noir; toutes deux
d'ailleurs aristocratiques; le peintre ne travaille que pour la cour et les
grands seigneurs, ne représente que des grands seigneurs ou des dieux,
est lui-même un grand seigneur, souvent un prince. Au xvu* siècle
paraît l'école vulgaire : Maïahei, le premier, représente des gens du
1 . Elisée Reclus.
2. Œuvres, I, 3o6.
3. De la province de ce nom dont le chc-f de l'ccole était alors gouverneur.
î6 REVUE CRITIQUE
peuple, des courtisanes; cette école, mépriséedes artistes, devient prépon-
dérante de nos joursavec Hokusai dont quelques-uns font le plus grand
artiste du Japon. Au milieu du xvni^ siècle, nouveau retour du genre
chinois, avec un Chinois établi à Nagasaki, Namping (1720I, dont les
œuvres, connues des Hollandais, ont passé longtemps pour spécimen
de l'art japonais pur.
Je prends à regret congé de ce beau livre qui pose tant de questions
neuves et intéresse tant de branches de la science qui ne croyaient pas
avoir jamais à s'occuper du Japon. Sans doute les progrès des études
japonaises, l'étude surtout du point de comparaison décisif, l'art chi-
nois, dont l'histoire et les périodes sont encore presque inconnues, ap-
porteront bien des éléments nouveaux, résoudront ou modifieront bien
des questions : l'histoire ici commence à peine : mais M. Gonse aura
l'honneur d'avoir le premier embrassé l'ensemble de l'art Japonais et son
livre, par le goût et le tact portés dans le choix des spécimens, comme
par la merveille de l'exécution S restera à la fois un document indis-
pensable pour Tétude de l'art, parce qu'il contient la fleur des collec-
tions françaises, et un monument de la littérature d'art contempo-
raine.
A
CHRONIQUE
FRANCE. — M. Clermont-Ganneau vient de faire paraître à la librairie Leroux
un volume intitulé : Les fraudes archéologiques en Palestine, suivies de quelques
monuments phéniciens apocryphes (357 p. in-8<', avec 32 gravures). L'auteur com-
mence par rappeler, dans son premier chapitre, le nombre extrêmement restreint de
monuments appartenant avec certitude au vieux passé juif de la Palestine, et il les
passe en revue; on ne connaît jusqu'ici que sept inscriptions antérieures à la prise
de Jérusalem par Titus; six sont dues aux recherches de l'auteur : la stèle de Mésa,
la stèle du Temple, les textes de Gezer, trois inscriptions hébréo-phéniciennes
gravées sur le rocher à Sehvân; la septième est l'inscription de l'aqueduc de Siloé.
Cette pénurie épigraphique qui, jusqu'à nouvel ordre, demeure la caractéristique de
la Terre sainte, était faite pour tenter les faussaires qui se sont mis depuis une
quinzaine d'années à travailler avec une activité extraordinaire pour répondre aux
desiderata de la science. L'auteur a eu l'occasion de les voir à l'œuvre, sur le terrain,
pendant de longues années, et il a réussi plus d'une fois à démasquer leurs fraudes
répétées. Dans un deuxième chapitre il signale les plus saillantes de ces entreprises :
la fausse stèle du Temple, la fausse inscription de Selwân, le sceau du roi David;
I. Les collaborateurs graphiques de M. Gonse ont nom Guérard, Lefèvre, Desjar-
din, etc. et l'éditeur a nom Quantin. Mille gravures, 64 planches hors texte (eaux-
fortes, héliogravures, grisailles or, chromolithogi^aphies, aquarelles typographiques,
le tout représentant 3oo objets). Il sera difficile de faire aussi bien; mieux,
impossible.
û HlSrOJRK El Dt LITTEKATURE I7
le Sarcophage de Samson, la lampe de Barcochebas, la tête de la statue de l'empereur
Hadrien, etc. Dans les deux chapitres suivants il raconte avec des détails nouveaux
et des documents inédits à l'appui, l'histoire mémorable des poteries moabites de
Berlin et du prétendu manuscrit original de la Bible, offert au British Muséum par
Shapira. Le cinquième et dernier chapitre est consacré à l'étude de divers monu-
ments phéniciens déclarés apocryphes par l'auteur et appartenant aux Musées de
Vienne, Londres et Paris. A ceux qui pourraient être tentés de croire que c'est se
donner beaucoup de mal pour peu de chose, on peut répondre par les paroles que
M. Renan prononçait en i S76 (rapport annuel, Joz<rH<j/ asiatique, juillet 1876, p. 87) :
« Les faussaires menacent de causer bientôt tant d'embarras aux études d'épigraphie
et d'archéologie orientales, qu'il faut placer au nombre des plus signalés services
celui de démasquer ces sortes de fabrications. »
— La librairie Hachette vient de publier l'ouvrage suivant : u Lucrèce, de la na-
ture des choses, V' livre, analyse littéraire par M. Patin, texte latin publié d'a-
près les travaux les plus récents de la philologie avec un commentaire critique et
explicatif, un avertissement et un préambule par E. Benoist et Lantoine. » M. Be-
noist avait déjà expliqué publiquement des fragments du V' livre de Lucrèce (v. I-
lll et 678-1435^ et la plupart de ses notes avaieat été publiées; il les réimprime
aujourd'hui, en y introduisant un certain nombre de changements, de corrections
et d'additions; M. Lantoine, qui avait, lui aussi, expliqué plusieurs parties du
V' livre de Lucrèce, ajoute ses notes à celles de M. Benoist, et il est le principal au-
teur de l'inlerprétatioii des vers 110-677. Nous avons, lit-on dans la préface, moins
la prétention de donner une édition de Lucrèce que d'essayer de rendre service aux
étudiants. Nous avons laissé à cette publication la physionomie du cours, avec ses
digressions quelqufois un peu longues, et ses indications quelquefois écourtées.
Nous avons pris pour base le texte de Bernays, patce qu'il est en général bon et le
plus accessible aux étudiants. Mais, en dehors de ce qui nous revient dans le pré-
sent volume, le lecteur trouvera dès le début un morceau étendu et de haute valeur
qui ne nous appartient pas : l'analyse du livre V de Lucrèce, par M. Patin. M. Be-
noist a trouvé cette analyse dans les papiers de son prédécesseur, et il lui a paru
que « la publication de ce travail non seulement ne pouvait compromettre la réputa-
tion de son auteur, mais qu'elle serait bien accueillie de tous ceux qui s'intéressent
aux éludes latines, et qu'elle prolongerait utilement l'influence exercée par lui ».
C'est sous le patronage posthume de M. Patin que MM. Benoist et Lantoine offrent
aux étudiants ce V° livre ne Lucrèce, « cette oeuvre de haute philosophie et de poé-
sie admirable »; nous reviendrons sur leur publication.
— M. l'abbé Ferdinand S.\urel, chanoine honoraire de Montpellier, vient de pu-
blier à la librairie Alph. Picard (82, rue Bonaparte) des recherches sur l'emplace-
ment d'Aeria: un de nos collaborateurs rendra compte de cet ouvrage précédé d'une
lettre de M. Tamizey de Larroque, qui n'hésite pas à reconnaître, avec M. l'abbé
Saurel, « sur le sommet d'ua des contreforts du mont Ventoux, l'endroit où s'éle-
vait la ville gallo-romaine, jusqu'à présent perdue pour tous les antiquaires. Le li-
vre, qui compte i38 pages, renferme trois parties : i" les textes; 2° les attribu-
tions diverses; 3» Vattribuiion nouvelle (Aeria serait sur la montagne de Venteron,
vulgairement appellée Clairier, entre les sommets de Bel-Air et d'Arfuyen, à envi-
ron 2,5oo mètres S. O. de Maiaucène, sur la limite qui sépare le territoire de cette
commune de celui de Barroux).
— M. Ernest Jannettaz a fait paraître u la librairie Vieweg (in-S^, 32 p., i fr.
So) une Etude sur Sema Sancus Fidius, dieu sabin représentant le feu sur l'étymo-
logic d'Hercide. L'identité de Sancus et d'Hercule, attestée par les anciens, a con-
l8 KÎÏVUf- CHiiîQL'E
duit l'auteur à rechercher en même temps l'étymologie du nom de ce dernier dieu,
dont il examine le caractère primitif en déterminant les sens attachés à ses appella-
tions diverses. Selon lui, Hercule n'est pas seulement le soleil, mais le feu en géné-
ral, et le culte qui précéda la mythologie étrusque et grecque, en Italie comme en
Grèce, était celui du ïqo. purificateur . M. J. croit à l'existence d'une religion anté-
rieure communément répandue, fondée sur l'unité des forces de la nature, mais qui
s'est déformée parce qu'elle permettait de changer ces forces infinies en autant de
divinités nouvelles : point de vue dont quelques savants paraissent aujourd'hui
s'écarter, en admettant qu'au moins chez les Italiens, les premiers dieux étaient de
petites divinités champêtres, nées de besoins locaux. M. J. réunit à la fin de son
travail les traits du dieu de feu; non pas que chaque peuple eût conservé l'image
complète de ce dieu, mais à travers les lacunes on distingue les restes d'une an-
cienne croyance, telle qu'on peut l'admettre par une comparaison avec les Védas. Il
s'est beaucoup appuyé, en effet, sur le livre de M. Bergaigne la Religion védique
d'après les hymnes du Rig-Véda, qui confirme lui-même, sur beaucoup de point,
le livre de Kuhn Die Herabkunft des Feuers und des Goeitertrankes. Hercule et
Sancus sont, aux yeux de M, Jannettaz, les représentants grec et latin du principe
igné mêlé partout au grand corps de l'univers qu'il anime, et d'où descendent égale-
mer.t les hommes.
— M. Alfred Morel-Fatio, suppléant de M. Paul Meyer, au Collège de France, a
fait paraître sa leçon d'ouverture, du 4 décembre 1884, sur la comédie espagnole du
xviu'- siècle. (In-S", 40 p. Viev/eg), en y ajoutant quelques notes. 11 examine à quelles
conditions se forme un théâtre cirez une nation, montre que l'Espagne, comme la
France, a eu au xvii' siècle un véritable théâtre et détermine les causes de la déca-
dence de la comedia.
— Nous venons de recevoir le prospectus d'une Revue félibréenne, paraissant le
i5 et le 3o de chaque mois sous la direction de M. Paul Mariéton, « C'est, » nous
dit le prospectus, « une suite et le complément des publications félibréennes qui ont
« fait le grand succès de la Revue Lyonnaise pendant trois années. Nous prétendons
« l'élever aujourd'hui (le succès ou le complément.') à une existence indépendante. »
Sur la liste des collaborateurs qui, selon le même prospectus, « en dira plus long que
tous les préambules. » Cette liste, est en effet, longue et brillante. On y voit figurer,
outre tous les félibres de notre époque qui ont acquis quelque renom, un choix de
philologues spécialement voués à l'étude des langues romanes, entre autres MM. As-
coli, de Milan, Fœrster, de Bonn, Suchier, de Halle. M. Paul Meyer, qui y figure
aussi, nous prie de déclarer qu'il n'a jamais autorisé M. Paul Mariéton à le compter
au nombre de ses collaborateurs.
ÉTATS-UNIS. — Nous recevons de New-York un petit livre de classe qui n'est
pas s^ns intérêt : c'est un livre de lectures françaises sur la Révolution, servant à
double fin : les auteurs, MM. Crâne et Brun, de Corneli University, ont pensé que
le meilleur moyen d'attacher leurs élèves de français aux textes qu'ils ont à étudier
est de prendre des textes historiques susceptibles d'intéresser un Américain : or la
Révolution est à peu près la seule période de l'histoire de France qui soit dans ce
cas. Ils n'ont pas seulement choisi dans les historiens, Thiers, Louis Blanc, Miche-
let, Mignet, Duruy, mais dans les journaux et les mémoires contemporains : le Pré-
sident de l'Université, M. A.-D. White, possède la plus riche collection américaine
de documents originaux de la période révolutionnaire et les a mis à la disposition
des deux auteurs. Ils n'ont pas non plus dédaigné le roman : l'ouvrage, qui se ferme
avec deux morceaux de Mignet et de Thiers sur le 9 thermidor, s'ouvre avec un ex-
trait d'Erckmann-Chatrian sur la France avant i'j8r),et c'est également d'après
d'histoire et de LnTKKAlL'UE IQ
l'Histoire d'un paysan qu'ils racontent le serment du Jeu de paume. Les extraits
des contemporains auraient pu parfois être plus typiques : la tribune n'est pas rc-
Drésent'Je, et il nous semble pourtant que dans un livre de lectures françaises un
discours de Mirabeau ou de Vergniaud a plus de valeur qu'une page de Marat ou du
Père Duchêne : c'est sacrifier à la curiosité historique non seulement l'intérêt lit-
téraire, qui devait être l'objet essentiel des auteurs, mais même Tintérét historique
véritable. Le texte est imprimé avec une correction remarquable (abstraction faite de
l'éternelle confusion des accents, le test le plus sûr auquel se reconnaît l'Anglo-amé-
ricain . Les notes, généralement exactes, ne sont pas très pondérées : est-ce le lieu
de donner une demi-page aux mythes de Philoraèle :/ Tel quel, ce livre marque un
effort sérieux et original et qui mérite d'être reconnu (Tablciiix de la Révolution
française, an Historical French Reader, by T.-F. Crâne and S. Brun ; New-York,
and London, Putnam's Sons, 1884; xin-3ii pp. in-ia".)
POLOGNE. — On a célébré récemment à Varsovie et à Cracovie le troisième ju-
bilé centenaire de la mort de Jean Kochanowski, le fondateur de la poésie polonaise.
A cette occasion, un comité de savants a entrepris une édition monumentale des
œuvres polonaises et latines de Kochanowski. Elles formeront cinq volumes in-,
quarto.
RUSSIE. — Nous recevons la collection des Mémoires de V Uiiii'ersité de Ka^ait
de 1S80 à i883. Les travaux qu'ils renferment rendent bon témoignage de l'acti-
vité intellectuelle de cet établissement. Signalons particulièrement : le recueil de
Chants lithuaniens de M. Antoine Jouchkevitch, l'étude de i\l. S.n-egirkv sur la Vie
et les Œuvres du slavistc Dobrousky, de nombreuses études sur l'ethnographie et
l'archéologie du Volga, et le travail de M. Kolmatchevsky sur V Epopée des ani-
maux en Occident et clie^ les Slaves, etc.. L. L.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES- l.ETTRES
Séance du 2 cj décembre 1884.
M. le secrétaire perpétuel donne lecture d'un décret ^ar lequel M. le Président de
la Republique a approuvé l'élection de M. de Boislisle. en qualité de membre libre
de l'Académie, en remplacement de M. Tissot. M. de Boislisle est introduit et prend
place.
L'Académie se forme en comité secret.
La séance étant redevenue publique, \L Ravaisson lit une notice étendue sur une
statuette de bronze, de Lysippe. dont ce sculpteur avait fait présent à Alexandre le
Grand. Cette statue, destinée à figurer sur la table du prince, comme l'image d'un
génie tutélaire, représentait Hercule, assis, une coupe à la main, la létc levée vers le
ciel. Elle a été décrite avec déiail par Marnai et par Stace M. Ravaisson, en se ser-
vant de leurs descriptions, a retrouvé plusieurs reproductions plus ou moins muti-
lées de l'œuvre de Lysippe, dont deux étaient jusqu'à présent uans les magasins du
musée du Louvre. Ces reproductions, tout à fait conformes entre elles, lui fournis-
sent le moyen de caractériser, avec plus de précision qu'on n'avait encore pu le faire,
le style et le faire du dernier des grands sculpteurs grecs.
Ouvrages présentés : — par .M. Duruy : BonapaÙte (le prince Roland), les Habi-
tants de Surinam à l'exposition coloniale d'Amsterdam ; — par M. Renan : Cler-
mont-Gannkau, les Fraudes archéologiques en Palestine; — par M. Bréal : Annuaire
de la faculté des lettres de Lyon, i« année, fasc. 2; — par .M. Dclisie : Archives
de l'abbaye de Cluny. Inventaire général [de lOBi]; publié par Annand Benêt et
J.-L. Ba/in.
Julien Havet.
Séance du 2G décembre 1884.
-M. le secrétaire perpétuel donne lecture d'un décret du Président de la République,
par lequel est approuvée l'élection de M. Schlumberger, en qualité de membre or-
20 REVUE CRITIQUE D HISTOIRE ET DE LITTERATURE
dinaire, en remplacement de M. Albert Dumont. M. Schlumberger est introduit et
prend place.
Dans la suite de la séance, M. le secrétaire perpétuel reçoit et communique a l'A-
cadémie un second décret, par lequel le Président de la République approuve l'élec-
tion de M. Benoist, en qualité de membre ordinaire, en remplacement de M. Adol-
phe Régnier.
L'Académie décide qu'il y a lieu de pourvoir à la place de membre ordinaire lais-
sée vacante par la mort de M. L. Quicherat. L'exposition des titres des candidats est
fixée au 23 janvier iS85.
L,'Académie se forme en comité secret.
La séance étant redevenue publique, il est procédé à l'élection de deux correspon-
dants français, en remplacement de M. d'Arbois de Jubainville, élu membre de l'A-
cadémie, et de M. Mantellier, décédé. Sont élus M Louis Blancard, archiviste des
Bouches-du-Rhône, et M. le marquis de JNadailhac.
Sont élus membres de la commission du prix Gobert, pour i885, MM. Charles
Jourdain. d'Arbois de Jubainville, de Boislisle et Schlumberger.
M. Weil lit une notice rédigée par M. Miller, sur plusieurs inscriptions grecques
recueillies en Egypte par M. Maspero. Ces inscriptions sont au nombre de quatorze.
La plus intéressante est un décret de la corporation des artisies dionysiaques de
Ptolémaïs, en l'honneur de Lysimaque, fils de Ptolémée Par de nombreux rappro-
chements historiques, M. Miller établit que ce texte épigraphique doit être des der-
nières années de Ptolémée Philadelphe, qui régna de 285 à 247 avant notre ère, ou
des premières d'Evergète, son fils (247-222). Il fait voir comment le culte des Ptolé-
mées a été rattaché à celui du dieu Bacchus, que la famille des Lagides comptait au
nombre de ses ancêtres. L'énuméraiion des membres de l'association dionysiaque
ofïre un ensemble complet de poètes, de musiciens, d'acteurs, de costumiers, de
proxènes, enfin d'amis des artistes. Parmi les autres inscriptions, on peut signaler
une épitaphe métrique en mauvais état, que M. Weil a essayé de restituer.
Ouvrage présenté, de la part du traducteur, par M. d'Hervey de Saint-Denys : les
Poètes de l'Annani : Kim Vdn Kiéu tdn truy, publié et traduit par Abel des
Michels.
Julien Havet.
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANGE
Séance du 10 décembra 1884.
PRÉSIDENCE DE .M. GUILLAUME
La Société reçoit de nouvelles adhésions à sa circulaire pour la conservations des
monuments historiques dans les colonies et possessions françaises.
Ce sont celles des sociétés suivantes :
Société littéraire, artistique et archéologique de la Vendée.
Société des archives historiques de la Guonde ;
Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon;
Société de la Diana ;
Société des sciences, arts et belles-lettres du Tarn.
Académie des sciences et lettres de Montpellier ;
Société historique et archéologique du Gâtinais ;
Société historique et archéologique du Périgord;
Société de statistique, sciences et lettres des Deux-Sèvres;
Société littéraire, historique et archéologique de Lyon ;
Société historique et archéologique au Maine;
Société académique de Cherbourg ;
Société historique et archéologique de Langres;
Société d'encouragement des études grecques ;
Société archéologique du Midi de la France;
Société d'histoire de Paris et de TIle-de-France.
M. Ramé fait l'examen critique de l'ouvrage publié sous le titre de VHypogé mar-
tyrum de Poitiers et dans lequel le P. C. de la Croix voudrait reconnaître un sanc-
tuaire du vi" siècle érigé à soixante-douze martyrs poitevins inconnus jusqu'ici.
M. Ramé ne voit autre chose dans le souterrain si heureusement découvert par le
P. de la Croix que le tombeau d'un abbé Mollebaude dont le nom seul est connu
et dont la date est ignorée. Mais les termes de comparaison tournis par la Memoria
Venerandi à Clermont et surtout par le sacramentaire de Gellone permettent d'attri-
buer le monument au viii* siècle; ce qui le rend précieux malgré son extrême barba-
rie, à raison du petit nombre d'œuvres de celte époque parvenues jusqu'à nous.
Le Secrétaire,
Signé : H. Gaidoz.
Le Propriétaire-Gérant : ERMEST LEROUX.
Le Puy, imprimerie de Marchessou fus. boulevard Saint-Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N" 2 — 12 janvier - 1885
^ontmaîi-e : 4. Le livre de Kalilah et Dimnah, p. p. Wright. — 3. Dumont et
Chapi.ain, Les Céramiques de la Grèce propre, IL — 6. Lefebvre Saint-Ouan,
Essai sur l'influence française. — Thèses de doctorat : Dubois, De l'île de Cos et
Les lignes etolienne et achéenne. — Correspondance : Lettre de M. Rouire.
— Société des Antiquaires de France.
4. — Xlie stook of Kniii.-ili nncl oininah, translated from arabic into syriac,
edited by W. Wkight, LL. D., professer of arabic in the university of Cambridge.
Oxford, at the Clarendon press; London, Trubner, 1:^84, in-8, lxxxi et 406 p.
M. Wright termine la préface de ce livre en disant : « Parmi les
orientalistes vivants, il y en a quatre dont les noms sont attache's d'une
manière inséparable au livre de Kalîlah - wa - Dimmah , ce sont
MM. Ignazio Guidi de Rome, Gustav Bickell d'Innsbruck, Theodor
Noeldeke de Strasbourg et Joseph Derenbourg de Paris. » Par cette
publication, qui témoigne de nouveau de la scrupuleuse exactitude et
des connaissances étendues de l'auteur, l'Angleterre se trouve digne-
ment représentée dans cette académie de savants où M. W. avait un
droit de cité acquis par les nombreu.x services qu'il a rendus à la
science.
L'ancienne version syriaque de ce célèbre livre de contes, publiée par
M. Bickell, avait été faite sur un texte pehlevî au vi'' siècle de notre ère.
M. W., dans sa préface, estime que cette version avait dû tomber dcWis
l'oubli et que, vers le x'^ ou le xi*" siècle, une nouvelle traduction syria-
que aurait été faite sur la version arabe d'Ibn-el-Moqaflfa', pour com-
bler le vide que cet oubli avait produit. Cependant, l'examen du livre
joint à quelques considérations extérieures nous porte à croire que cette
nouvelle version doit son origine à d'autres causes. Le texte publié par
M. Bickell paraît avoir toujours joui de Testime des Syriens. C'est de
lui qu'il est question dans le lexique de Bar-Bahiul, du x'' siècle, q'ii
mentionne, à deux reprises, sous la lettre qof, le livre de Qalilag-
v^damnag. C'est également lui qu'Lbed-Jesu cite dans son Catalogue
de la fin du xm*^ siècle, tandis que la version faite sur l'arabe est passée
sous silence. Le passage qui commence à la fin de la page 401 du texte
et que M. W. a traduit dans sa préface, indique que la nouvelle
traduction avait un but religieux : faire de ce livre de fables un
livre d'édification pieuse, en le ramenant à la morale de la religion
chrétienne. Kalilah - et - Dimmah est un recueil de préceptes philo-
sophiques mis en action par des animaux, mais, dans les textes an-
Nouvelle série, XIX. :;
2 2 RP:VUE CRITIQUK
ciens, la morale ne répond pas toujours aux principes d'une saine phi-
losophie; ainsi Fhistoire de Kalîlah et Dirnnah, celle-là même qui a
fourni ie titre du livre, fait ressortir la dangereuse puissance de l'homme
intelligent dénué de tout senthnent moral, mais elle laisse Dimnah
jouir du succès de sa dénonciation calomnieuse. La version d"'Ibn-el-
Moe|affa', avec un juste sentiment de ce que le dénouement a de cho-
quant, ajoute au drame un nouvel acte où la fourbe de Dimnah est dé-
couverte et punie, grâce à Tintervenlion de la mère du Lion qui joue ici
Je même rôle que dans l'histoire du Lion et du Chacal. Le caractère reli-
gieux de cette révision se manifeste par une double tendance : d'un
côté, le peu de souci de l'auteur pour la mise en scène, l'écourtement
du récit et Tomission de motifs importants; de l'autre, les développe-
ments outre mesure des sentences morales, les théories à perte de vue
sur les châtiments dus aux crimes et les récompenses réservées aux bon-
nes œuvres. Ces longueurs sont parfois fastidieuses; ainsi la mère du
lion expose pendant près de douze pages les laisons qui lui interdisent
de révéler le nom du tigre, le dénonciateur de Dimnah. Il semble qu'il
existe entre Tancienne et la nouvelle version syriaque la même diffé-
rence caractéristique qu'entre la version hébra'ique attribuée à Joël et la
version hébraïque de Jacob ben Slléazar qui a été retravaillée selon
l'esprit biblique, ainsi qu'il résulte des nombreuses notes que M. J. De-
renbourg a jointes à son édition ; comparer au surplus l'importante
étude que M. Noeldeke a consacrée à l'étude de la version publiée par
M. W. dans les Gœtting. Gelehrte An\eigen, 1884, p. 673-674.
Le texte arabe que traduisait l'auteur de cette version était bien moins
écourté que le texte publié par Sylvestre de Sacy; parfois il se rapproche
du codex V. de Guidi, souvent aussi de la version de Jean de Capoue,
dans quelques cas, il est plus proche voisin de l'ancienne version syria-
que. Nous nous référons à ce sujet à l'étude comparative des différentes
versions de Kalîlah et Dimnah entreprise par M. J. Derenbourg dans
le second volume de son édition des versions hébraïques et qui ne tar-
dera pas à paraître. Cette étude, qui demande autant de patience que de
connaissances variées, facilitera le classement des divers manuscrits de la
version arabe et de l'édition critique encore à faire de cette version;
elle sera le complément nécessaire des savants travaux de Benfey et de
M. Guidi.
Les omissions ou altérations portant sur le fond même du livre ne
sont pas rares, comme nous l'avons dit, en voici quelques exemples :
p. 89, l'histoire du pélican qui se débarrasse du serpent en le livrant à
à un ichneumon, m.anque, comme dans de Sacy, quoiqu'elle se trouve
dans Guidi, p. 87, dans Bickell, p. 3o, et dans Jacob ben Eléazar,
p. 3 56. — P. 137, i3, le nom de l'animal qui entend la conversation de
Kalîlah et Dimnah n'est pas donné. — P. 176, les motifs que le cor-
beau expose à la souris pour justifier son déplacement, sont mai présen-
tés, comp. Bickcll, p. 38, Guidi, p. 49. — P. 177, l'histoire du dervi-
DHISTOIIÎK Eï DE LîîTKRATURE 2j
che et de la souris n'est pas mieux contée : la souris entre dans un pa-
nier fermé, au lieu d'atteindre, en sautant, le panier accroché au mur. —
P. 207, dans la fable des lapins écrasés par les éléphants, il n'est pas
question des terriers qui sont une des causes de l'accident. — De
même, p. 14, 1. 24, la figure du peintre et des images murales ne se
comprend qu'en se reportant au texte du Bickell, p. 4, 1. i3. —
P. 219, 14, il est également difficile de saisir dans Tétat actuel du texte
cette autre figure de l'her'oe qui s^incline au souffle du vent et suit la
direction qu'il lui imprime. — P. 282, 4, cette phrase : « un piince, en
cas de danger, revêt des vêtements de femme », est un reste bien affaibli
des mythes dont l'ancienne version a gardé le souvenir, Bickell 76 iili.
— P. 257, 12, il n'est pas dit pourquoi le lion va se laver avant de
manger les oreilles et le cœur de Fane; en revanche, avec un sentiment
tout chrétien, la nouvelle version ajoute, p. 258^/z, que le singe par-
donna à la tortue son crime de lèse-amitié et lui promit le même iiita-
cheraent qu'auparavant. — P. 33o, 3, il n'est pas mentionné que le
dévot parlait hébreu et que son hôte chercha en vain pendant plusieurs
jours à apprendre cette langue; cette lacune rend le passage obscur. —
P. 334, on ne voit pas quel intérêt les interprètes des songes avaient à
la perte du roi; les autres versions nous apprennent que ces interprètes
étaient des Brahmanes désireux de venger leurs frères que le roi avait
fait périr au nombre de douze mille.
D'autres lacunes, et en plus grand nombre, ont été signalées dans les
notes par M. W. Quoiqu''il soit difficile de faire la part des omissions
qui incombent au traducteur et de celles qui restent à la charge de son
auteur, on peut cependant affirmer qu'une grande partie est due au peu
d'intérêt que le premier attachait à l'intrigue de ces petits drames. D'au-
tres obscurités s'expliquent comme des contre-seiis ; M. W. en a relevé
plusieurs; en voici encore d'autres : p. 5 3, i3; le dicton : il vaut mi^ux
dormir avec des serpents au chevet et du feu aux pieds que de négliger
un ennemi qui conjure votre perte, est inintelligible parce que le traduc-
teur a sans doute rendu par net^'hane l'arabe an yuhanmahiï, de Sacy
109, II, — P. 377, 5 ; b'^schâmônd... aukif^ b''ge:{rd semble eue une mau-
vaise traduction de t^'amîna bihara^a, de Sacy, 62, 2. Parmi les arabis-
mes', on rangera ^c/n.T^a nombril, p. 399, 1 5 et 16; ^^m dans le sens
de malgré, p. 203, 23; 247, 18, comp. Barheb.,Chr. sj^r. 441^ gel la v"
pour elld se trouve aussi dans Barheb. Chr. syr. p. 428, 2. On remar-
quera que le mot ''el'^t^'d objet, p. 42-25, a également ce sens dans
Barheb. Chr. syr. 257. i5; 442, 7 et 14. L'original arabe se trahit
aussi au style fortement imagé qui rappelle le genre d'Ibn 'Arabschah
dans son Fakihat-al-Khiilafd, mais qui n'est guère dans le goût
de la littérature syriaque. Du reste, le texte se lit d'une manière
aisée, malgré la grande quantité d'erreurs et de lacunes qu'il renferme.
Cette version ne nous est parvenue que dans un manuscrit unique
que M, W. a reproduit avec la plus grande exactitude, en lui conservant
24 RKVUh CKITIQUB
sa physionomie intacte. Des notes, au bas des pages, signalent une par-
tie des incorrections du texte dont le plus grand nombre est relevé dans
la liste des additions qui ne comprend pas moins de quarante-deux
colonnes. Les notes de cette liste sont dues autant à M. W. lui-même
qu'à MM. Noeldeke, Payne-Smith et Keith-Falconer, auxquels M. W.
communiquait les épreuves du texte. Depuis, M. Noeldeke a proposé
de nouvelles corrections dans la recension mentionnée plus haut, mais
la grande majorité des notes appartient à M. Keith-Falconer qui, pré-
parant une traduction anglaise, a étudié le texte d'une manière appro-
fondie. Ses conjectures témoignent d'une rare sagacité et d'une con-
naissance parfaite de la langue syriaque; la plupart sont très réussies et
rencontreront une approbation unanime, mais celles qui s"'appliquent
aux passages suivants ne sont pas nécessaires ou sont même inadmis-
sibles : i6, 22; i7ien aikâ est à sa place, comp. 44, 23, — 32, 18, même
observation pour qalîldyU « vite » formé de qalîlâ « léger, rapide. —
i32, 26, m^nâh est exact, ft la mort est bien plus douce qu'eux », de
même, p. j56, 21, lire : taè'' yd^e v^schapir m^nâh men hayye « (la
mort) est bien plus belle et beaucoup plus douce qu'une vie... », —
i57, 6, hâb^Hâ hrita « le bonheur futur » est correct. — 186, 7, il
suffit de corriger v^baks^nây^it^^â en v'baks'^nâyût^'d « et (qui tombe)
dans un pays étranger dont il ne connaît pas les habitants». — 209, 14,
nischâ est exact, il a le sens de « naturel, volonté instinctive », comp,
220, I -, 3ii, 8; 375, 20; 377, 14; 405, 7. — 23g, i5; bnaibût^'
qaddâk'' « grâce à ton bonheur » n'a rien d'anormal. — 247, 12; m?/'^
l^kafnd « mourir de faim » est correct, Luc i5, 17; on ne dit pas
mii^^ b^kafnd. — 268, 7, la tournure hddê Id îtefi)h d" « ceci n'est pas
le propre de » est usuelle, ainsi que la locution it^ l" a il appartient à »,
p. 288, 19; voy. notre Traité de gram. syr. §§ 317" et 340. — 35 i,
9, l'itr'and « rétribution » vaut peut-être mieux que la correction
pulhdiid.
On serait porté à croire que le texte est sorti de l'examen de ces sa-
vants distingués pur comme l'or passé au creuset, pour nous servir
d'une figure familière à notre auteur. Cependant il reste encore bien
des passages douteux et nous demandons, en terminant cette recen-
sion, de proposer aussi quelques hypothèses : 24, 8, lire a(i)k^ au lieu
de elld. — 35, 1 1, d^ld au lieu de la « sans qu'il en perde une seule ».
— 49, 4, v'^hdne au lieu de v^hd:{e, comp. 52, 2. — 82, 10, vab^'hdfid
'ammak^^ « et à ton peuple ». — 84, 7; on s'attendrait à lire Yid^a^t^d
au lieu de ^itf'rd. — 86,2, r^mhilt^'d au lieu de r^mlsd. — 102, 9,
sch^mi'' II. — 110, 5-6, d^ydyd leh Kinût^'d. — 142, 9, peut-être
deqqat schûschdn « de la poudre de lys ». — i55, 3, l^Jiiqd au lieu de
[''hîqûth, comp. i3o, 17. — i55, 4, dalherdj^e au lieu de dalhnne. —
i5 5, 7, au lieu de tW^gemid « bouclier » on s'attendait à trouver un
mot signitiant carquois. — 168, 11, lire peut-être sîrat^ q''d^'dld au
lieu dQ vi''sid^^td, comp. 196, 14. — 169,5, d^mef'b'^nefijn au lieu de
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 2D
met^b^''e(i)n. — 175, 8, supprimer le dâlat de d^hubbeh « quoique éloi-
gné par hasard de son ami, son amitié demeure fixée dans son âme y>.
— 188, II, il ne pariùt pas nécessaire de supposer une omission, le
sens est : « quand même il posséderait tous les biens de ce monde, il
n"'y trouverait rien de plus que ce que nous avons dit (de la nourriture,
des vêlements, une demeure], à moins de les mettre en réserve pour
jouir de leur vue. comme en jouissent ceux qui les contemplent >),
comp. Bickell, 44, 19; 191, 22. — 'al au lieu de am : « à quoi servent
rintelligence et la science contre le décret d'en haut? » comp. Bickell,
47, 4-5. — 200, 7, le point devrait être après qalil. — 202, Jiote 2, le
mot douteux semble être &ase, comp. 364, 2. — 206, 2, en admettant
une transposition de mots, on obtient un sens satisfaisant : v'^j'dhcm
harbdl^d v^telânit^'d, lait j'aqir sch''md d^leh nanne bdleh « et il
aime les ruines et l'ombre, il n'y a personne d'honorable qui fasse at-
tention à lui. » — 20 1, note 7, l'addition du vav ne semble pas juste,
le sens est : « de même l'aloès... parce qu'il procure la santé aux mala-
des... » — 282, 9, ajouter s''iar après mcn « excepté celui... « comp.
Bickell, 77, 5. — 248, 7, detid « que moi » au lieu de dellit — 233, 6,
la note 2 ne parait pas juste, hdi se rapporte à fejndschiit^^dk^' ; à la
ligne suivante, lire v^mas^rd. — 363, 9, lire 'ud^'rdnd au lieu de
surddd, de même p. 279, 4, au lieu de srud^'td. — 274, iiote 2,
mekhiltd d''had piand « nourriture d'une bouchée » paraît avoir le sens
de nourriture exquise, dont on ne fait qu'une bouchée, comp. la tour-
nure contraire, p. 395, 4; si ce sens était accepté, on devrait lire de
même, p. 44, 6, au lieu de melî^'idtd d''bar2'ib^'e qui ne donne pas un
sens satisfaisant. — 274, 4, lire l{e)ndsch elld, le premier alef â'elld
ayant été joint à tort à Ifejndsch. — 277, 17, lire : clld kad^^ h*è''zs,
le sens est : « l'éléphant qui ne peut être dompté que lorsqu'il est serré
de près par des éléphants domestiques », comp. Bickell 83, 12. —
278, 5, mad^'r^k^'în dU lieu de mad^'r'k^'d. — 282, 22, d''t^'amdn « qu'il
voie où il lui est possible de s'installer ù son travail ». — 284, note 8,
les mots omis semblent être rdg^'e:^ ^^lau(hi) : « si le roi, parce que
celui-ci a commis quelque faute... se fâche contre lui... » — 298, 24,
V^ld afn/t fnîh au lieu de Vldtetfjî'ih. — 3o2, 4, lire haiisdb^'d au lieu
de kiilndsch, « lorsque le roi entendit ce que disait ce vieillard qui frap-
pait à la porte ilu tombeau... » — 3o5, i 5- 16, ce passage peut être cor-
rect : « ces (services) ne méritent pas de reconnaissance de ta part envers
moi. — 3o6, i5, donne également un sens : u et ton intelligence était
si faible que, par suite du dommage causé par un vil insecte... » —
307, 12, d^gârsd: « par suite de Tenvie d'une vipère. » — 3o8, 9,
d'e/zt :{ab^'nan « maudit est notre temps. » — 38/, 11, aikan Id
Ifejndsch dsya « comment (une grande récompense ne serait-elle pas
nayée) à un médecin... » (e)ndsch indique que dsya est pris danû un
sjns indéterminé, comme gab^'rd dans gab^'rd malkd « un roi »,
p. 354, 3. — 389, 5, supprimer le dâlat devant nfmhîn^ « je reconnus
26 REVUE CRITIQUE
que, par désœuvrés fructueuses, ils apaisent... » — 890, 3-4, d^b^a'^lâh
Vlîmd, au lieu de dadimâ ba'ldh. — 896, 9, le mot omis est sans
doute re^^'^f'^aw passion ».
Quoique la version ait été faite à une époque où le syriaque était une
langue morte, elle renferme cependant un certain nombre de mots et de
sens nouveaux. On saura gré à M.Wright de la peine qu"'il a prise de re-
cueillir ces mots et ces sens dans le glossaire qu'il a joint à son édition
pour faciliter la lecture du texte.
Rubens Duval.
5. — A. DuMONT et J. Chaplain. Les t;éii-aasî<|Uf b d» la Gi-sife projtfe s
Vases peints et terres cuites. Première partie : Vases peints. 2^ fascicule. Paris,
Firmin Didot, i883 1.
L'ouvrage dont les deux premiers fascicules ont paru sous ce titre, ne
sera pas terminé par la main qui Pavait commencé. On pouvait espérer
que cette publication, entreprise par M. Albert Dumont, de concert
avec M. J. Chaplain, dans toute la force de l'âge et du talent, serait con-
duite par lui à bonne fin, et marquerait seulement v.nt étape d'une vie
scientifique déjà si bien remplie. La mort de M. D. laisse Toeuvre ina-
chevée. Nous devons nous borner ici à la signaler aux lecteurs de la
Revue. Il ne nous appartient pas de rappeler, dans le cadre étroit d'un
article bibliographique, les autres travaux de M. D., ni de parler des
services qu'il avait rendus à l'enseignement supérieur, dans des fonc-
tions où il dépensait sans compter son activité et son énergie. Il nous
sera au moins permis de dire quel deuil a été pour ses élèves d'Athènes
la mort de leur ancien directeur. Tous gardent un profond souvenir de
son dévouement absolu à la prospérité de l'École d'Athènes, de sa bonté
charmante et des rares qualités qui faisaient de lui le maître le plus aimé
et le plus écouté.
M. D. se proposait de consacrer un volume complet aux peintures
céramiques de la Grèce; il avait depuis longtemps conçu le plan de cet
ouvrage, pour lequel il n'avait pas cessé de réunir des matériaux pen-
dant qu'il dirigeait l'École d'Athènes. Revenu en France, il y donnait
les courts moments de loisir que lui laissaient ses lourdes occupations.
C'était, comme il aimait à le dire, son œuvre de prédilection, et il était
heureux quand les travaux d'un de ses élèves venaient éclairer quelque
point de l'histoire de la peinture céramique en Grèce ^ . 11 s'était tracé
pour programme d'étudier aux sources mêmes, d'après les monuments
de provenance grecque, les développements de l'art de la céramique, en
1. Voir le compte rendu du premier fascicule dans le numéro du 27 mars 1882
de la Revue critique.
2. Par exemple la thèse si justement remarquée de M. E. Potlier sur les Lécyilies
blancs attiques à représentations funéraires (i883i.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 27
reproduisant un choix de peintures empruntées surtout aux collections
athe'niennes; on sait à quel point le talent si pur et si élégant de M. Gha-
plain l'avait heureusement servi pour cette partie de la publication. Dans
la pensée de l'auteur, la période des origines devait être la plus dévelop-
pée; c'est, en effet, aux débuts de l'histoire de la céramique grecque que se
posent les problèmes les plus complexes, ceux qui devaient le plus vive-
ment solliciter l'attention d'un esprit sagace et pénétrant.
Le premier fascicule traitait de la période antérieure au x^ siècle :
c'est celle qui est représentée par les céramiques d'Hissarlik, de Santo-
rin, d'Ialysos, de Mycènes et de Spata. M. D, montrait que le progrès
continu des formes et des principes décoratifs permet de conclure à l'u-
nité de la civilisation qui s'est développée dans le bassin oriental de la
Méditerranée, avant les événements historiques qu'on désigne sous le
nom de guerre de Troie et de retour des Héraclides. Le rapprochement
des faits archéologiques et des légendes grecques, aussi bien que le té-
moignage des documents orientaux permet d'entrevoir les caractères de
cette civilisation moilié indigène et moitié asiatique, qui connaît
rOrient, mais dont l'industrie n'imite pas encore le style décoratif
phénicien, tel que les monuments nous le montrent vers le x* siècle.
C'est la période suivante que l'auteur étudie dans le second fascicule.
I. Style géométrique. Type des îles. — M. D. comprend sous ce titre
toute une série de vases dont les spécimens les plus importants ont été
trouvés à Milo et à Santorin, mais qu'on rencontre |aussi dans d'autres
parties du monde grec; il a soin de faire remarquer que ces mots, type
des lies, ne désignent pas une provenance particulière. Ces vases sont
caractérisés par une ornementation linéaire, dont les éléments ont déjà
été observés à Mycènes, mais qui se présente avec une telle richesse et
une telle variété qu'on est en droit d'y reconnaître une véritable renais-
sance du style géométrique. Si cette classe de vases est encore peu nom-
breuse, elle n'en donne pas moins lieu à la discussion d'un problème
fort compliqué : c'est la question de l'origine de ce style géométrique,
dont on trouve des exemples hors des pays grecs, en Italie, en Alle-
magne, en Hongrie, en Suède et aussi en France. On sait que ces faits
ont servi de point de départ à diverses théories, dont la plus caractérisée
est celle qui attribue à ce style une origine aryenne : ce serait la plus
ancienne forme d'ornementation adoptée par les ancêtres de notre race.
M. D. discute cette théorie en se limitant à Tétude des céramiques
grecques, et il n'a pas de peine à prouver qu'elle ne se concilie pas avec
les faits. Si le style géométrique succède en Grèce, comme on Ta vu, à
l'ornementation florale et marine d'Ialysos et de Mycènes, il n'est plus le
style primitif; il marque au contraire une période de développement, et
c'est ailleurs qu'il faut en chercher l'origine. Pour M. D., cette origine
pourrait être asiatique, et même phénicienne; si de nouvelles observa-
lions viennent s'ajouter à celles qu'il a déjà réunies, ce qui n'est
encore qu'une hypothèse vraisemblable deviendra une certitude. En
28 RlîVUE CRITIQUE
attendant, la voie est nettement tracée pour les recherches à venir.
II. Type d'Athènes et de Phalère. — Avec les vases de cette série, le
style géométrique atteint son plein développement. En outre, on y voit
apparaître un élément nouveau : c'est la figure humaine traitée d'une
manière encore enfantine, mais avec un sentiment qui est purement
grec. Les scènes figurées, telles que les funérailles, le choros, les com-
bats en mer, sont empruntées à la vie hellénique, et témoignent d"'une
originalité qui n'est pas douteuse. M. Hirschfeld avait déjà signalé les
analogies que plusieurs de ces scènes présentent avec les descriptions des
poèmes homériques. [Annali delV Instituto di Corr. Arcli. 1872).
M. Helbig y revient à son tour dans un livre récent sur l'épopée homé-
rique '. Ce sont là des indices précieux pour résoudre une question que
M. D. ajournait à la suite de son ouvrage, celle de la date relative des
vases du type d'Athènes. M, Helbig estime qu'ils sont postérieurs à
l'épopée homérique, et fait remarquer que les vaisseaux figurés sur ces
vases semblent procéder du type phénicien tel qu'il est connu par les
monuments du vm^ siècle-, ils sont armés d'éperons, tandis que les na-
vires homériques sont de simples bâtiments de transport. M. D. fait la
même remarque (p. 98) et constate également que la décoration géomé-
trique des vases du type d'Athènes se retrouve sur des objets en métal
qu'on peut attribuer au vii^ siècle. Il ajoute : « 11 est naturel de suppo-
ser que le style d'Athènes a été florissant au vii'= siècle » (p. 104). La
question de chronologie n'en reste pas moins fort obscure, et la diffi-
culté est grande, surtout si l'on est conduit à admettre la persistance de
ces formes décoratives à côté d'un style différent, d'origine asiatique, et
qui paraît avoir été connu des Grecs dès le xi^ siècle ; c'est le style qui
est étudié dans le chapitre suivant. M. D. n'annonçait ses conclusions
qu'avec une extrême réserve, en montrant à quel point il faut tenir
cornpte de la durée variable du style géométrique dans les diverses ré-
gions de la Grèce et de l'Italie.
III. Influence orientale. — On sait que des objets offrant les mêmes
motifs de décoration et les mêmes scènes figurées ont été trouvés dans
des parties du monde ancien très éloignées les unes des autres : dans la
vallée du Tigre et de LEuphrate, sur les bords du golfe Persique, en
Asie Mineure, à Chypre, en Grèce, en Italie. Ce style est caractérisé
par des éléments très particuliers, dont les principaux sont la tresse, la
palmette dite phénicienne, l'arbre sacré, les guirlandes de fleurs et de
boutons, la rosace, et un certain nombre d'animaux, comme les lions,
les tigres, les taureaux, les sphinx, les griff"ons, etc. Il était permis de
croire que la présence de ces éléments sur des objets de provenance très
différente s'expliquait par l'influence d'une même industrie, ou par les
imitations auxquelles elle avait donné lieu. Le doute n'est plus possible
après la démonstration que fait M. D., en s'appuyant sur les catalogues
I. Das Homerische Epos, aus dcn Denkmœlern erlœutert. Leipzig, B. G. Teubner.
188-1.
D HISTOIRE ET DE LITTERATL'RB 29
les plus précis. Nous ne saurions analyser par le menu ce chapitre, où
l'examen des monuments figurés occupe une large place; mais nous
crovons que, dans les travaux de M. D., peu de pages donnent une idée
plus complète de la sûreté de sa méthode, et montrent mieux comment,
dans son esprit, l'étude minutieuse du détail n'avait de valeur que si
elle se rattachait à des vues d'ensemble. Ses conclusions sont les sui-
vantes. Ce style peut être appelé phénicien, car à en juger par les cou-
pes de métal trouvées en Orient et en Italie, ce sont les Phéniciens qui
ont combiné des éléments décoratiis empruntés à TEgypte et à TAssy-
rie ; il a été répandu dans tout le monde ancien aux environs du x"^ et
du xi<= siècle. Les Grecs l'ont connu, mais les potiers grecs n'y ont fait
d'emprunts que pour la partie décorative, réservant toute leur indépen-
dance pour le choix des scènes figurées qui sont venues s'encadrer dans
ces motifs orientaux. Enfin ce style, après avoir prévalu en Grèce pen-
dant plusieurs siècles, disparaît quand le génie de la race répudie toute
imitation étrangère.
Poussant plus loin l'analyse, M. D. détermine les périodes de style
oriental, et reconnaît : i" une période très ancienne, où dominent les
influences égyptiennes, avant le x° siècle; 2° une période assyrienne,
caractérisée par la surcharge des ornements et par la lourdeur des pro-
positions; 3" un style d'origine persique, qui est celui du palais de Per-
sépolis et qui, à une date incertaine, succède à Fornementation assy-
rienne connue par les objets trouvés à Nimroud. C'est au cours de la
troisième période que le génie grec commence à produire des oeuvres
originales.
La civilisation grecque décrite dans l'épopée homérique correspond à
la période assyrienne. Sur ce point les conclusions de M. D. sont les
mêmes que celles de M. Helbig, dans l'ouvrage étendu où ce savant
commente par le témoignage des monuments figurés les descriptions
homériques. M. D. consacre quelques pages seulement à cette question;
mais il y marque avec une netteté parfaite le caractère de la civilisation
grecque aux environs du ix'' siècle. L'industrie nationale est peu avan-
cée ; les objets de prix signalés par Homère sont fictifs, ou bien sont des
produits étrangers apportés par les Phéniciens. Nous voudrions pouvoir
citer les passages où M. D. décrit le rôle de ces marchands phéniciens
et la nature de leur commerce, ceux où il montre les qualités maîtresses
de Tesprit grec apparaissant déjà dans l'épopée et annonçant Tessor
prochain delà plastique. Ces pages sont du goût le plus fin et le plus
personnel; on y retrouve l'écrivain qui, dans les travaux de l'érudition
la plus sévère, savait faire la part du sentiment et de l'analyse des idées
morales.
Les conclusions qui terminent cette étude sont fort réservées sur bien
des points; au moins pour l'histoire naguère obscure de la civilisation
primitive de la Grèce, l'ouvrage si tristement interrompu donne avec
une grande sûreté l'état actuel de la science. L'auteur est resté fidèle au
3o RKVUK CRITIQOK
programme qu'il s'était tracé : a II s'agit moins d'exposer une opinion,
que de montrer comment elle s'est formée, et par suite de faire passer le
lecteur par les rapprocliements qui donnent, croyons-nous, à nos con-
clusions une complète rigueur scientifique » (page 2). Mais dans ce li-
vre, comme dans les autres écrits de M. D., il y a plus que des résultats
constituant un accroissement de nos connaissances; il y a une méthode,
et un véritable enseignement donné par un esprit qui savait le prix de
la vérité scientifique. Nous souhaitons que cet enseignement soit re-
cueilli; rien ne pourra mieux servir les intérêts des hautes études qui
étaient si chers à M. Albert Dumont, et auxquels on peut dire qu'il a
sacrifié sa vie.
Max. COLLIGNON.
ô. — E=:ssai sut- S'îiîtÏTxenee fj-ançaise, par Lefebvre Saint-Ogan. Paris
librairie Léopold Cerf, 1884, in-12, x, 232 p. Prix : 3 fr. 5o.
11 était difficile de choisir un sujet plus attrayant et plus beau que
celui qu'a traité M. Lefebvre Saint-Ogan dans le livre dont on vient de
lire le titre ; on sait quelle influence considérable la France, surtout à
deux époques de son développement historique, au xii* et au xiii^ siècle,
ainsi qu'au xvn^ et au xvni°, a exercée à l'étranger, mais on n'avait
point encore songé, que je sache, à faire l'histoire de cette influence ;
M. L. S.-O. a été plus hardi ou mieux inspiré, et il a entrepris, sinon
d'en retracer le tableau complet, du moins de la suivre et d'en saisir les
principaux traits depuis les premiers temps où elle s'est fait sentir jus-
qu'à nos jours. Dans les treize chapitres qui composent son livre il a
groupé, sous autant de chefs différents, les faits qui lui paraissent ex-
pliquer ou prouver l'influence de la civilisation française sur les na-
tions voisines; et si parfois ces faits sont un peu étrangers au sujet, la
plupart montrent, de la manière la plus incontestable, combien a été
grande l'action que la France a exercée sur presque toutes les contrées
de PEurope moderne.
Je ne veux pas dire par là que M. L.-S. ait épuisé la question, ni qu'il
en ait indiqué tous les points de vue ou éclairé tous les aspects; on
sent trop souvent que le terrain se dérobe sous ses pas; il est trop peu
versé aussi dans l'étude des littératures étrangères pour ne pas s'être
trompé plus d'une fois dans les jugements qu'il porte sur elles et sur leur
histoire. Comment, par exemple, a-t-il pu écrire, p. 247, « que la litté-
rature allemande n'eut pas d'autre origine que le dépit de Gœthe » (de
n'être pas arrivé à parler correctement français) comme si le dévelop-
pement littéraire dont Gœthe fut le couronnement et l'expression la
plus haute n'avait pas commencé un demi-siècle avant ses premiers dé-
buts? On voit d'après cela ce qu'il faut penser de cette autre affirmation
qu'on s'étonne de rencontrer dans un livre aussi sérieux que celui de
d'histoirk kt dk i.rrrÉRATOUK 3i
M. L. S.-O. : « Les littérateurs de Leipzig, de Gœttingue, etc., écrivi-
rent en allemand à défaut de pouvoir le faire en français. » On ne porte
de pareils jugements que quand on connaît seulement de seconde main
les écrivains qu'on prétend apprécier. Encore si M. L. S.-O. choisissait
avec plus de soin ses autorités; mais se référer à MM. J. Scherr et A. Bou-
geault, c'était s'exposer volontairement à commettre plus d'une erreur.
Puisque je suis en train de critiquer, il est un reproche qu'il faut que
j^adresse encore à M. L. S.-O. au sujet de la négligence qu'il met dans
ses citations. De quelle utilité peuvent bien être des notes comme celle-ci :
Sainte-Beuve, Port-Royal; Thuani Historia; et cette autre, p. i6o,
qui semble vraiment une niche faite au lecteur : Manuscrits du Britîsh
Muséum. De telles indications ont bien Tair encore d'être faites de
seconde main, et on peut craindre que les citations auxquelles elles se
rapportent n'aient point été contrôlées; c'est le cas au moins pour
« l'empire français » (créé par les réfugiés), « expression de Herder,
Adrastea », dit la note 2 de la page 166; cette expression n'est point
dans Herder, elle est de moi et c'est en modifiant une phrase de PAdras-
tée que j'ai cru pouvoir m'en servir '. Mais je ne veux point insister
davantage sur ces faits secondaires.
Je n'ai point la prétention de passer en revue les treize chapitres que
comprend Tessai de M. Lefebvre Saint-Ogan; s'il en est quelques-uns,
comme « les Origines », « les Rois », « le Caractère national », de trop
insignifiants et de trop dénués de faits, d''autres, comme « les arts et la
langue », « Louis XIV et l'Europe », « le xviii" siècle », « TEuropc
française », sont riches d'aperçus ingénieux et, s'ils ne doivent rien
apprendre de bien nouveau aux lecteurs quelque peu au courant
des questions littéraires S ils ne pourront manquer d'être utiles à
ceux qui ne font point de ces questions l'objet de leur étude habi-
tuelle. C'est à eux évidemment que s'adresse surtout VEssai sur l'ùi-
fluence française^ et comme il est éciit avec goût et dans un style aisé
et facile, on peut leur en recommander la lecture; ils seront sûrs d'y
trouver à la fois plaisir et profit.
Ch. J.
i. M. L. S.-O. n'a pas tiré davantage des Briefe :;u Defœrderung der Hiimanitœt.
de Herder, la phrase : « Chaque petite cour d'Allemagne est devenue un Versail-
les »; je crois qu'il l'a trouvée, comme l'expression de « l'empire français» dans
mon étude sur Herder et la Renaissance littéraire en Alleniag)ie au xviii- siècle,
p. 33; mais si cette phrase ou une autre semblable y est mise entre parenthèse,
elle n'est point donnée comme empruntée à Herder; la note que M. L. S.-O. me pa-
raît avoir copiée se rapporte à un autre passage.
2. On est surpris, par exemple, que M. L. S.-O. apprécie si mal, p. 239 et sui-
vantes, ou connaisse si peu l'influence que la littérature anglaise exerça sur la nôtre
au siècle dernier, mais comment n'a-t-il même pas soupçonné l'iniluencc de l'Alle-
magne sur la France à cette époque r
32 REVUE CRITIQUE
THÈSES DE DOCTORAT ES LETTRES
Faculté des lettres de Paris
(3 novembre 1884).
I. De Co Insula. par Marcel Dubois. — Berger-Levrault, 1884, in-80, 69 p., 3 canes.
H. Les Ligues Etolicnne et Achéenne. — Leur histoire et leurs institutions ; nature et
durée de leur antagonisme, par Marcel Dubois. — Paris, Ern. Thorin, 1884,
in-8", 239 p., 2 cartes.
I
M. le Doyen se plaint de la déception que le titre, les cartes et les plans lui ont
fait éprouver. Géographe, il avait espéré une thèse de géographie. De fait, !e titre
est un pej vague, M. Dubois « a rapporté de Grèce la prudence ». De Co Insula
n'engage à rien. En réalité il n'y a pas là de thèse ; mais une collection de notes
intéressantes, qui du reste ne se tiennent pas. On cherche en vain le plan, « la cons-
truction magistrale », car, par une égale prudence, l'auteur a négligé de donner une
table. En feuilletant le livre on trouve bien deux parties et des chapitres; mais il
n'y a d'autre ordre que celui des numéros des 37 inscriptions. Le médecin Xénophon
s'étale à travers dix pages, et Zeus est réduit à cinq lignes. — Ce sont des fouilles?
il fallait le dire et « arborer son pavillon ». Le lecteur est prévenu, dès l'introduc-
tion, répond M. D., que le titre est un faux titre. En adoptant un plan plus vaste
l'auteur se serait condamné à répéter ce qu'ont écrit ses devanciers, à reproduire
beaucoup d'inscriptions qui n'apprennent que peu de chose, — comme toujours,
fait observer M. Himly. — Quant à l'ordre des inscriptions il n'est pas si arbitraire;
la première partie concerne non l'a géographie, mais la topographie de l'île. La se-
conde concerne la religion et est destinée surtout à montrer la différence entre le
culte public, le culte des tribus, et le culte privé. M. D. croit avoir démontré la divi-
sion du peuple en trois tribus doriennes, et comment ce culte des tribus qui était
à l'origine un culte public, a peu à peu dégénéré en un pur formalisme; aussi a-t-il
cité ces inscriptions non au hasard, mais en classant d'abord celles qui accordent
encore une certaine importance au culte des tribus, au v"^ siècle; puis à l'époque
macédonienne, il n'y a plus que form.alisme; ce culte ne réunit plus que des sor-
tes de confréries privées, et l'Etat n'y intervient plus que par mesure de police, par
méfiance de ces confréries, et pour'*1eur imposer la nécessité de faire approuver leurs
décrets. Néanmoins M. Himly insiste, M. D. eût dû intituler sa thèse Variae ques-
tioncs, car bien des gens ne \ont pas chercher dans l'introduction les intentions de
l'auteur. M. D. répond qu'il n'écrit pas pour ceux-là.
M. CoUignon estime que M. D. s'est fort bien défendu contre M. le Doyen. La
qualité dominante de cette thèse, c'est la bonne foi. M. D. n'a rien voulu prendre
à ses devanciers; mais il a poussé cette réserve à l'excès sans penser que tous ses
lecteurs n'avaient pas lu Rayet et les Allemands. 11 y eût certainement eu avantage
à indiquer l'état de la question, surtout relativement aux cultes; et si l'auteur avait
fait de ces inscriptions un Corpus, qu'il eût rejeté à la fin, il aurait ainsi échappé au
reproche d'avoir simplement numéroté ses inscriptions. Passant à l'examen des deux
parties delà thèse M. Collignon constate les résultats obtenus; M. D. a fixé ou recti-
fié l'cmplaceinent de plusieurs dêmes, et proposé une conjecture fort plausible pour
la situation de l'Asclépieion : M. Rayet plaçait cet édifice fort loin de la ville à cause
de la découverte d'un chapiteau dorique; mais on sait que le leiTiple était dans le
d'histoire et de littérature 33
faubourg : M. D. a déterminé l'emplacement des murs ; le site v^roposé par M. Rayet
serait à 3 kilomètres de la ville. D'autre part sans avoir fait des fouilles concluantes
M. D. a constaté dans un jardin une terrasse inexplicable soutenue par deux murs
avec des colonnes à chapiteaux; dans le jardin on trouve des inscriptions, des orne-
ments, des fosses, des objets d'art au dire du propriétaire qui se garde bien de les
montrer, — et un décret dont il est dit qu'il sera placé dans l'Asclépieion. M. Rayet
n'a pour lui que son chapiteau qui a du reste disparu pour devenir de la chaux. —
M. Collignon demande un certain nombre de renseignements au candidat. Mais les
souvenirs de M. D. ne sont pas assez nets pour lui permettre de rien décider; le
métier d'archéologue n'est pas facile en ce pays: il est défendu d'écrire, de par l'au-
torité turque; il faut dessiner dans sa poche: les paysans se méfient des archéolo-
gues et ne montrent ce qu'ils cachent qu'aux voyageurs qui peuvent bien payer. —
Pourtant M. D. croit pouvoir affirmer, qu'il n'y a pas de relation entre le nom de
Cos (venu des Cariens) et le type monétaire du crabe; il ne croit pas non plus qu'il y
ait eu une école locale de sculpture avant le iv« siècle ; enfin il n'y a rien à tirer pour
l'histoire de l'archéologie des récits fabuleux que font les paysans. — La deuxième
partie appartient complètement à M. Dubois. 11 a relevé toutes les formules qui per-
mettent d'établir la filiation des personnes. L'importance attachée à l'origine de la
mère ne tient pas, à son avis, et quoi qu'en pense M. Rayet, à la persistance du culte
carien, mais à ce fait que le père étant évidemment autorisé au culte depuis plu-
sieurs générations, il faut déterminer si la mère est née aussi d'une famille autori-
sée à ce même culte. — Malheureusement M. D. toujours poursuivi par les mêmes
scrupules, et ne voulant rien emprunter à ses devanciers n'adonné qu'une liste in-
complète des cultes; au moins aurait-il fallu indiquer que cette omission était vo-
lontaire. Il eût pourtant été intéressant de signaler l'Aphrote de Cos, dont tout le
monde sait l'histoire, et Zeus Ikesios; et d'indiquer que la plupart de ces cultes
venaient d'Asie Mineure. — Enfin M. D. a laissé quelques petites lacunes ; il a signalé
un fait qui tranche la question du médecin public; mais il aurait pu indiquer des
fait analogues dans d'autres régions, la plaque de bronze publiée par M. Bréal. — A
propos des prêtres, il eût été intéressant de rapprocher le Monarchos de l'Archonte-
Roi d'Athènes, en signalant cette différence qu'à Kos le Monarchos est éponyme. —
Enfin une question reste sans solution : que sont les TTcssTaTX'.?
M. Fustel, qui se réserve de discuter la thèse française, remercie M. D. d'avoir
dédié ses deux thèses à l'Ecole Normale et fait remarquer qu'on n'y devient pas
historien ni archéologue, mais qu'on y apprend à le devenir.
M. Pigeonneau, « à titre de profane », reproche à M. D. de renvoyer sans cesse au
Bulletin de correspondance hellénique et de ne pas traduire les inscriptions. La Fa-
culté a droit à l'intégrité du travail; il est ennuyeux d'ouvrir vingt-cinq volumes
pour en lire un; elle a droit aussi d'exiger que le candidat s'explique c< pour pou-
voir le chicaner ».
M. P. Girard interroge M. D. sur la dilTérence qui existait entre les .\sclépiades et
les médecins publics. M. D. suppose que l'exercice de la médecine était d'abord aux
mains des prêtres; que, par suite de leurs doubles fonctions, ils devinrent de mé-
diocres médecins, et qu'on eut alors recours aux médecins publics.
II
M. D. a étudié dans sa thèse française l'histoire des ligues Achéenne et Etolienne;
il s'est efforcé de démontrer que ces deux confédérations ne présentaient pas, en
somme, des caractères si opposés, et que la ligue Etolienne ne fut pas toujours la
3,1 KEVUE CKITIQUK
ligue démocratique, ni la ligue achéenne la ligue aristocratique par excellence. L'ou-
vrage est construit avec une extrême rigueur. Pourtant M. Himly trouve à redire à
une des grandes divisions introduites dans le livre, intitulée les Révolutions. —
M. D. se défend en disant qu'il a fait dans la première partie l'histoire de la forma-
tion territoriale des deux ligues, dans la troisième partie l'exposé de leurs institu-
tions; qu'il lui fallait bien auparavant faire l'historique de ces institutions. —
M. Himly lui reproche aussi d'avoir exagéré l'opinion de ses adversaires, de s'en
être tenu au « style lapidaire » et de n'avoir pas plus « sacrifié aux Grâces ». — Les
cartes que M. D. a jointes à son livre provoquent aussi quelques observations de
M. Himly qui les trouve bien insuffisantes et qui estime que l'on doit soigner dans
un livre, plus que toute autre chose, la préface, la table des matières et les cartes.
11 n'a, en revanche, que des éloges à accorder à M. D. pour son habitude de résu-
mer chaque Dhapitre en des conclusions « qui dispensent le lecteur de lire le cha-
pitre ». 11 le félicite aussi d'avoir substitué à une sèche énumération bibliographique
une appréciation critique dans laquelle « il a dit son fait à rinsolence britannique
de M. Freeman ». Il trouve que M. D. a été bien sévère en s'interdisant tout rap-
prochetneiit avec les organisations politiques modernes; comparaison n'est pas rai-
son, sans doute, et la comparaison avec les Etats-Unis est boiteuse, mais les analo-
gies sont bien plus nombreuses avec les Gantons Suisses, surtout dans leur ancienne
organisation.
M. Fustel félicite l'auteur d'avoir choisi un sujet difficile. L'étude d'un état grec
est toujours difïicile; la difficulté est doublée quand il s'agit d'une confédération. —
Gette étude a été rendue possible par les travaux de la nouvelle école d'Athènes;
mais il reste encore bien des doutes. — Dans la constitution achéenne, la (jOuA*/j
était-elle bien ie principal pouvoir fédéral' Le principal pouvoir était-il populaire
ou aristocratique ' M. D. parle d'-une assemblée du peuple, est-il sûr de son exis-
tence' M. D. pense que le Sénat est bien le véritable pouvoir; l'Assemblée n'eût pu
gouverner à l'époque du Congrès, car Poiybe nous dit que cliaque cité a dans le
congrès un pouvoir égal, et envoie des députations au congrès. L'Assemblée eût
rendu inutile le sénat fédéral. — Mais Poiybe dit-il la chose bien nettement.'' M. D.
n'interprète-t-il pas aussi d'une façon un peu large le témoignage de Tite-Live?
Dire que deux peuples se retirèrent, ce n'est pas dire formellement qu'on votait par
peuple ; d'autre part, Tite-Live parle d'un ambassadeur qui réunit non seulement
les Achéens, mais tous les peuples grecs, ce n'est donc pas proprement un congrès.
— Mais, répond M. D., les princes étrangers peuvent-ils ainsi convoquer la ligue
sans le concours des magistrats (sauf Philippe en 218, qui agit à son gré et en vé-
ritable maître)? et sur la demande de M. Fustel, s'il distingue l'Assemblée du Sénat,
il explique que l'Assemblée n'est constituée que par les assistants, mais que c'est la
fiouAY] qui tranche tout.— Pourtant M. Fustel rappelle des textes où les deux choses ne
sont point distinguées. Poiybe (XXIX) racontant l'assemblée de Sicyone, indique qu'il
y eut réunion de la ^ouX*/) mais aussi de tous les citoyens. Plutarque ( Vie de Cléomène,
1, zb) nous montre la [3ouX-/j réunie à Regium ; Aratus monte à la tribune (fi'^lJ.a,
tribune populaire), puis la aùvoBoç est dissoute. —Dans le récit que fait Tite-Live de
l'assemblée de Sicyone (XXXIÎ, 22) M. D. fait de l'Assemblée un jour une Pou)//), le len-
demain une assemblée générale (v. p. 121). Il est à noter pourtant que l'historien
emploie toujours les mots concilium, concio, convenius, jamais celui de senatus. —
Poiybe (XXIII) mentionne la proposition que fait Eumène, de 120 talents pour in-
demniser les [iou)^£UTa'. \ la proposition se fait, semble-t--il, devant la PouXy) ; mais
le revenu serait bien gro^ pour une simple (ÎouAy;. — Enfin, Poiybe emploie tou-
D HISTOIRE ET DK LITTERATURE DD
jours le mot z'yc/ù.Ti'CÇ pour le sénat romain, et autre part il parle successivement
de [3o'JAî'JTr,p'.OV puis de TrXr^Oc^ (p. 127). M. D. explique que dans la circonstance
dont il s'agit, le c6vo5oç est le congrès tout entier; la ^ovXii est hésitante, on dis-
cute ; le peuple est là présent mais ne sait rien de ce qui se passe. Il avoue du reste
ne pas savoir comment elle peut être nommée. — Si l'on passe à la ligue Etolienne
les difficultés sont plus grandes encore. — Les réunions ont lieu, suivant M. D., dans
toutes les principales villes; M. Fustel se refuse à en voir hors d'Etoiie, et écarte les
différentes villes citées; à Héraclée (v. p. 192, n. 4) ne serait-ce pas Flamininus qui
convoque l'assemblée; à Hypata, Tite-Live ne parle que d'une assemblée des Apo-
clètes; à Stratos c'est la réunion de l'armée etolienne, qui se prépare à marcher sur
Ambracie; ii nie que l'inscription de Péréa (p. 226) permette d'inférer que chaque
ville fournissait un nombre proportionnel de sénateurs. Pour ce qui concerne les
droits respectifs des difïérentes cités de la ligue, on sait que Polybe parle de gu[J(,7:o-
XlTîta ; mais, fait remarquer M. D., on trouve aussi les termes cuVTaTtO[J.£VY] xôX'.ç
et cu[J.[J.X'/ix '^ quels sont donc les membres de la ligue égaux aux Etoliens ? M. D.
n'affirme pas pour les Béotiens; Tite-Live exclut les Acharnanes ; on trouve dans
beaucoup de villes un stratège établi par les Etoliens, et dont Polybe dit (XV, 2'i) :
TTpOîSTWTOÇ TÔJv 7.C'.vûv. Y a-t-il eu à la tête de la ligue des stratèges qui ne fussent
pas Etoliens (Stratos a été autrefois en Etoliej? Il y a en Achaie des stratèges qui
ne sont pas Achéens; M. D. fait observer que Polybe a pu donner des listes plus
complètes et plus précises des stratèges achéens et des stratèges etoliens. Il reste
néanmoins deux doutes. Y a-t-il eu des assemblées fédérales hors d'Etolie? Y a-t-il
eu des stratèges qui ne fussent pas Etoliens? Cela seul suffirait à constituer une
diflérence essentielle entre les deux ligues. Enfin, M. Fustel, tout en approuvant la
conclusion de l'auteur, fait commencer l'affaiblissement de l'esprit municipal à la
guerre du Péloponnèse.
M. Pigeonneau reproche à M. D. d'avoir exagéré l'importance des séditions d'Achaie
antérieures à la révolution de 148; d'avoir fait en Etolie la révolution démagogi-
que plus démagogique qu'elle ne le fut, et de n'avoir pas assez montré que la lutte
entre les partis s'engagea beaucoup moins sur la question sociale que sur une
question politique extérieure.
M. Dubois a obtenu le grade de docteur à l'unimimité.
CORRESPONDANCE
l>ctti'c «le .^J. ÏSoiEÎa'c
Paris, g décembre i8>>4.
Monsieur le Secrétaire de la Rédaction,
J'ai l'honneur de faire appel à votre impariialité et vous prie de vouloir bien insé-
rer la note ci-jointe.
La Revue critique contient dans son numéro du 10 novembre 1884 une analyse du
livre de M. Tissot, Géographie comparée de la province d'Afrique, par M. Salomon
36 REVUE CRITIQUE
Reinach. Son auteur a mclc mon nom à cette étude et jeté en passant une apprécia-
tion des plus dédaigneuses sur mes travaux antérieurs.
D'après lui, ma thèse ne serait qu'un paradoxe géographique; — d'après lui tou-
jours, « deux Académies réunies auraient entendu patiemment exposer des erreurs
aussi énormes sans qu'une seule voix se soit élevée pour les réfuter. »
Je n'ai pas à constater si M. Salomon Reinach est bien fondé à se croire, à lui seul,
plus de science que deux Académies réunies. Je me bornerai ici à exprimer un éton-
nemeiit et un regret ; un étonnement, parce que M. Salomon Reinach assistait à la
séance du 29 août, où j'eus l'honneur de lire à l'Académie des inscriptions un deu-
xième mémoire sur la Ciéographie comparée des Syrtes et du Triton, et, par consé-
quent, qu'il faisait partie lui-m.ême de ceux qui ont entendu des erreurs aussi énor-
mes ; un regret, parce qu'il n'a pas fait entendre la moindre protestation '.
Bien plus, dans un autre passage de la même étude, M. Salomon Reinach se refuse
à engager la discussion. « Nous ne pouvons entrer ici, dit-il, dans la discussion du
système de M. Rouire, qui place le Triton près de Haramamet. Le pourrions-nous,
que nous ne le ferions pas, puisqu'un tel système dénote de la part de ceux qui l'ont
soutenu et accepté une ignorance absolue des textes sans lesquels une discussion sé-
rieuse est impossible. »
Je ne ferai pas remarquer que l'appréciation de M. Reinach est peu charitable, je
ferai observer seulement qu'elle est peu scientifique.
Prochainement, j'aurai l'honneur de lire un quatrième mémoire à l'Académie des
inscriptions. Ce jour-là, je donne rendez-vous à M. Reinach'- et l'on verra alors quel
est celui de nous deux qui connaît le mieux les textes, quel est celui qui a le meilleur
sens critique, quel est celui enfin qu'on peut considérer comme un géographe.
.^près avoir émis avec une pareille assurance de pareilles appréciations, M. Salo-
mon Reinach ne peut éviter le débat: son honneur est engagé et l'intérêt de la vé-
rité exige impérieusement une discussic-n à fond.
Le vaincu d'ailleui s aura toujours le mérite et la satisfaction d'avoir contribué à
répandre ce qui est le vrai.
RouiRE.
CHRONIQUE
FRANCE.— Les obsèques de M. Frédéric Baudry, membre de l'Institut, administra-
teur de la bibliothèque IMazarine, ont eu lieu aujourd'hui à midi, en l'église Saint-
Germain-des-Prés, au milieu d'une affluence nombreuse. Les cordons du poêle
étaient tenus par M. Wallon, secrétaire perpétuel de l'Académie des Inscriptions et
Belles-Lettres; M. Gaston Paris, vice-président de l'Académie; M. Alfred Franklin,
administrateur adjoint de la bibliothèque Mazarine, et M. G, Patinot, directeur
du Journal des Débats.
L'inhumation a eu lieu au cimetière Montparnasse. M. Gaston Paris a prononcé
1. Je ferai remarquer à M. Rouire que si j'avais fait entendre la moindre protestation, j'aurais
été à juste titre expulsé de la salle, les personnes étrangères à l'Institut n'ayant pas le droit d'y
prendre la parole sans en ctre priées. — S. R.
2. Je rappelle que l'Institut n'est pas un club et je regrette de ne pouvoir accepter le rendez-
vous — S. R.
DHIS'IUlîîb. Kl 0I-: LITTÉKATURh Sy
les paroles suivantes, que nous reproduisons, en rappelant que M, Baudry fut un
des premiers collaborateurs de la Revue critique.
o Messieurs,
« La famille de M. Baudry. se conformant aux intentions souvent exprimées par
lui, a désiré qu'aucun discours ne fût prononcé à ses obsèques. Nous devons nous
incliner devant ce vœu. Mais l'Académie ne peut se résoudre à quitter cette tombe
sans adresser au moins un adieu à celui qu'elle perd avec un si profond regret.
Permettez-moi d'ajouter, puisque le sort m'a désigné pour représenter aujourd'hui
notre compagnie, que je m'y résoudrais moins que personne, ayant eu le bonheur
d'être au nombre des amis particuliers de Frédéric Baudry, et sentant plus vive-
ment la grandeur de la perte que nous venons de faire. M. Baudry ne possédait pas
seulement un savoir d'une rare étendue et d'une grande sûreté; c'était avant tout un
esprit philosophique, qui rattachait tous les objets de son étude à une pensée géné-
rale très large et très souple. Il joignait dans une proportion excellente la plus grande
liberté de l'espri; à la plus sage circonspection. Toute nouveauté l'intéressait, au-
cune ne l'effrayait, mais aucune ne l'entraînait. Il fut un des premiers à propager en
France le grand mouvement scientifique de l'.Mlemagne ; mais, en nous versant ce
vin fort et parfois un peu trouble, il ne s'en laissa jamais enivrer et sut souvent le
clarifier en le passant au filtre de l'esprit le plus net et le plus français. Ceux qui
ont abordé, il y a vingt-cinq a.^s, avec des idées alors nouvelles, la carrière philolo-
gique n'oublieront jamais quel appui, quelle direction et quel charme ils ont trou-
vés dans le commerce de Frédéric Baudry. C'était un esprit ouvert à tout et un
cœur ouvert à tous. Sa conversation, toujours nourrie de faits tt d'idées, était en
même temps animée par la bonne humeur la plus naturelle et la plus franche; la
cordialité éclatait dans son regard, dans son accueil, dans ses encouragements. L'A-
cadémie, en le nommant, s'était assuré un concours extrêmement précieux : dans
les corps scientifiques, où la plupart des membres sont nécessairement des spécia-
listes, rien n'est plus important que la présence de ces esprits libres et variés, qui
joignent à une culture générale très étendue la possession d'une forte méthode et
l'habitude de l'appliquer à toutes choses. Nous avons peu joui de ces rares qualités
de notre ami. Une maladie impitoyable, terreur de tous ceux qui vivent par la
pensée, le frappa bientôt après son entrée au milieu de nous. Grâce à ses précises
connaissances médicales, il en suivit le progrès fatal avec une perspicacité cruelle et
courageuse, jusqu'au jour où la conscience elle-même s'éteignit dans cette intelli-
gence longtemps si active. Sa maladie nous avait consternés; sa mort nous apparut
presque comme une grâce. Au nom de l'Académie des Inscriptions et Billes-Let-
tres, j'adresse à notre cher et regretté confrère l'adieu le plus profondément
ému ».
— La Bibliothèque grecque el^éviricnne vient de s'enrichir d'un troisième
volume intitulé : La Grèce ancienne et mo.ieme considérée sous l'aspect reli-
gieux, par M™" Adélaïde Terzetti, veuve du poète zaniiote qui administra long-
temps la bibliothèque de la chambre grecque des députés. C'est un tableau coloré
dans lequel l'auteur a fait entrer tous les grands événements historiques. Dès la
première ligne, le lecteur peut voir le rôle et le rang attribués à la religion dans les
destinées de l'hellénisme, a On se demande comment le temps qui a fermé l'abîme
sur tant de peuples célèbres, n'a eu sur la Grèce qu'une puissance partielle; à quel
titre a-t-il donc pactisé avec elle? A quel titrer Personne ne l'ignore, mais on aime
à se le demander pour le plaisir d'y répondre, C'est l'humanité tout entière qui, re-
:)0 lîSCVUK CRITIQUE
levant la tête au seul nom de la Grèce, se glorifie en elle. » Et plus loin : « Je m'en-
tretiendrai avec vous d-j la Grèce, chers lecteurs et lectrices, simplement comme le
voyageur qui, surpris et charmé par un tableau splendide de la nature, fait part à
ceux qui l'entourent des sensations qu'il éprouve... De tous les aspects sous les-
qu:;Is ce beau et varié tableau peut s'offrir à vos yeux, nous nous attacherons parti-
culièrement à celui de la religion, parce que c'est l'élément qui domine ici tous les
autres et a maintenu ensuite sous diverses formes, à travers la série des siècles,
l'existence de la nation. » Le style de ces « considérations » a, comme on en jugera
par ces extraits, quelque chose du lyrisme que comportait l'histoire générale à la fin
du siècle dernier. Et cependant Ce livre est d'une lecture facile et agréable. On sent
que l'auteur connaît bien les faits dont il tire une moralité en vue de sa thèse, mais
qu'il a surtout médité sur ces faits et puisé ses conclusions dans son propre fonds.
Il prend la Grèce « à son berceau ». La Grèce, dit-il, prend naissance dans la poé-
sie. — La première partie de l'œuvre s'occupe de la Grèce dans ses rapports avec la
mythologie; la seconde nous introduit dans ia Grèce christianisée; la troisième et
dernière commence avec l'arrivée des Turcs sur les territoires helléniques. Ici, bien
des faits connus sont exposés et mis en lumière d'une façon originale et pittoresque
qui leur donne l'apparence de la nouveauté, et presque totijours on est obligé de se
rendre au raisonnement et à l'opinion de l'auteur. En un mot, la lecture de ce petit
livre couronnerait non sans fruit ni sans charme l'étude souvent aride de l'histoire
grecque moderne et ancienne.
— Le dernier numéro du Bulletin Monumental (t. L, n" 7) contient sous le titre :
« Un cas de vandalisme à l'église de Brou » et signée H. G. une curieuse note sur
une mutilation singulière dont ont été victimes les anges du célèbre mausolée de cette
église. L'auteur de cet article aurait pu rappeler qu'au moyen âge on discutait la
question de savoir si les anges étaient mâles ou femelles : ceux de Brou étaient mâ-
les au XVI' siècle, mais ce sexe a cessé de plaire aux gens du pays et aujourd'hui on
en a fait des anges presque neutres.
— Le 10 janvier a paru le premier numéro de la revue : V Horii^on. Elle est bi-
mensuelle et M. Marueau auteur de Slaves et Teutons en est le directeur. Le but
de ce nouveau périodique est l'étude et la défense des intérêts français à l'étranger
et dans les colonies; la France hors de France.
— Il vient de se fonder à Paris une société sous le nom à' Académie de saint Tho-
mas pour l'étude de la philosophie ei spécialement de la philosophie scoiastique.
L'ancienne revue de M. Bonetty les Annales de philosophie chrétienne, doit publier
les mémoires de cette société. A en juger par les travaux annoncés, on s'occupera
surtout de questions mixtes de pliilosophie et de physiologie.
— M. Louis Lkger vient d'être élu membre correspondant de l'Académie des
sciences de Saint-Pétersbourg.
ALLEMAGNE. — Le professeur A. Fr;enkel vient de commencer une série d'é-
tudes sur l'histoire romaine. Le premier cahier traite de la date d'entrée en charge
des consuls de SSy à 532 de R. et du rapport du calendrier romain avec le calen-
drier julien de 440 à 552 de R. (A. Frœnkel, Studien :{ur Rœmische Geschichle,
Heft I, 1884; Breslau, Kern. In-8", i36 pp.) Ce travail est surtout dirigé contre
Unger, die rœmische Stadtœra, Munich, 187g et contre Matzat, rœmische Chrono-
lop^ie. Berlin, i883. Les conclusions de M. F. sont les suivantes : de 387 à 433 de
R. la date d'entrée en charge des consuls varie presque chaque année ; de 434 à
462, elle est fixée aux ides de juin (cf. p. i35 et le tableau p. 49) ; un interrègne
d'une durée qu'il est impossible de fixer sépare chaque magistrature; vraisemblable-
ment depuis le lemps de la seconde guerre samnit;, certainement depuis l'invasion
D HISTOIRE ET Dli LITTERATURE .->9
de Pyrrhus, jusqu'à la fin de la seconde guerre punique, le calendrier romain est en
avance d'environ deux mois sur le calendrier julien. M. F. conteste l'autorité de
Tite-Live et se fonde surtout sur Diodore et Poly'oe.
— Le 3« cahier des Altitalische studien de M. C. Pauli vient de paraître. Il con-
tient les études suivantes : i" Les inscriptions étrusques du musée àe Leide, par
C. Pauli, pp. 1-63 : établissement du texte, classification des inscriptions, commen-
taire; 2° La formation du pluriel en étrusqtte, par H. Schaefer, pp. 65-io3 ; 3° L'in-
scription étrusque de la tablette de plomb de Magliano, par C. Pauli, pp. io5-i37 ;
4° Sur les formes ombriennes et osques esuf, essuf, par O. A. Danielsson, pp. iSg-
i86; 5° Mélanges : Anciennes formes de duel en latin (ce sont les noms en -u,
comme cornu, genu, auxquels il faudrait rattacher certains noms en -us, comme
manus et sexus),&x. sur Vosque eitua, par O. A. Danielsson, pp. 187-199. Le cahier
est accompagne d'une planche reproduisant l'inscription de l'Apollon de la Biblio-
thèque nationale de Paris et quelques inscriptions du musée de Leide. Le troisième
article, sur la tablette de Magliano, est un article de polémique, dans lequel M. Pauli
montre que par la méthode de Deecks on peut donner trois traductions différentes
de la célèbre inscription : M. Pauli a le goût des réfutations per absurdum (cf. le
2« fasc. et Revue crit., 1884, n" 7, p. i23).
BULGARIE. — La Revue de la Société littéraire bulgare à Sofia publie, dans son
dernier numéro, le compte rendu de la séance solennelle récemment tenue par la
Société. Dans cette séance ont été proclamés membres d'honneur : MM. Miklosich,
Kanitz, Léger. Leskien et Hattala. .M. Constantin Jirecek continue dans cette li-
vraison ses études sur la contrée du Rhodope. Les travaux de M. Jirecek sont dé-
sormais indispensables à tous ceux qui s'occupent de Thisioire et de reiiinographie
de la Péninsule balkanique.
GRANDE-BRETAGNE. — La collection des grammaires simplifiées de fcu Trûb-
ner vient de s'augmenter d'une Grammaire polonaise, par M. Morfill, qui se pro-
pose de publier sur le même plan la grammaire des autres langues slaves. Assuré-
ment on ne saurait, dans un cadre aussi restreint (63 pages), donner le moyen
d'étudier à fond un idiome aussi complexe que le polonais. Le résumé de M. Mor-
fill est surtout fait pour les personnes qui veulent avoir une idée du mécanisme
général des langues; il est d'ailleurs fait avec beaucoup de soin.
HOLLANDE. — Quel est l'homme s'occupant de recherches historiques qui n'ait
gémi sur la difficulté qu'il y a à connaître ne fût-ce même que l'existence des docu-
ments isolés et des études de détail disséminés dans les revues et les dissertations t
Appréciateurs entendus de la valeur du temps et amis des recherches exactes, les
Hollandais ont su créer d'excellents répertoires pour les travaux de ce genre relatifs
à leur histoire nationale. Le Repertorium der Verhandelingen en Bijdragen betref-
fendc de Geschiedenis des Vaderlands in Mengehverken en Tijdschriflcn (Leiden,
SieenhofF, i863. In-S", xi et 400 p.) enregistre dans un ordre des matières pratique
le contenu des revues et volumes de mélanges publiés jusqu'en i8ûo; un premier
supplément (/iî/if., 1872, xv et 271 p.) poursuit cette énumération jusqu'en 1870;
un second supplément (Leiden, Brill, 1884, xiii et 172 p.), 2 tl. , dû aux soins de
W. N. DU RiEU, va jusqu'en 1880. Le même bibliographe a complété ce répertoire
par un catalogue des dissertations, thèses et discours académiques relatifs à l'histoire
nationale publiés jusqu'en i865. (Register van academische Dissertatien en Oratien
betreffende de Geschiedenis des Vaderlands. Leiden, Steenhoff, 1866, gr, in-8", iv et
104 p.), qu'il vient de continuer jusqu'en 1880 par un premier supplément. (Lei-
den, Brill, 1884, vin et 47 p., 0,40 fi.). Les cinq parties de ce double répertoire se
vendent, prises ensemble au prix de 7,5o fl. — Quelques érudits hollandais pu-
40 REVUE CRITIQUE D HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
blient, sous le titre général de Werken der Marnix-Vereenging, des documents
relatifs à l'histoire des églises réformées des Pays-Bas au xvi' siècle; depuis 1870
neuf volumes et un premier fascicule du dixième ont paru déjà par les soins de
A. KuYPER, H.-Q. Janssen et J.-J. van Toorenenbergen; ce dernier vient de faire
paraître un second fascicule du dixième volume, contenant cinquante et une lettres
de Jean Taffin de 1574 à lôgi, vingt de J. Kuchlinus de i 679 à i586, neuf de J. Seu
de 1575 à 1596, etc. Tous ces documents, la plupart en latin et tirés des archives
ecclésiastiques de Delft, servent à préciser l'histoire des églises de Hollande à la fin
du xvi" sicclQ (Série III. Deel F, 2' Stuk. — Bricven uit oïiderscheidene kerkelijke
Archieven Utrecht, Kemink, 1884, gr. in-8'', p. i35-32i.)
SOCIETE NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du ij décembre 1884.
PRÉSIDENCE DE M. GUILLAUME
M. le Président annonce que deux membres de la Société, MM, de Boislisle et
Schlumberger, viennent d'être élus, le premier membre libre, le second, membre
titulaire de l'Académie des Inscriptions.
De nouvelles adhésions arrivent à la Société pour sa pétition en vue de la conser-
vation des monuments historiques dans les colonies et possessions françaises
Ce sont celles des sociétés suivantes : Académie des sciences etc. de Dijon ; Société
du Borda à Dax ; Société archéologique d'IUe-et-Vilaine ; Société de géographie et
d'archéologie de la province d'Oran; Société bibliographique; Société archéologique
d'AvesnesiNord) ; Commission archéologique de Narbonne; Commission des anti-
quités de la Côte-d'Or.
A propos de l'inscription de Sainte-Enimie, M. Mowat cite un exemple du mot
aula au xi" siècle.
M. Mowat dépose l'estampage de briques prétendues antiques du Musée de Ven-
dôme, il en constate la fausseté et les rapproche des briques de Neuvy-sur-Barangon.
MM. de Villefosse, Bertrand ,et Gaidoz font remarquer que ces falsifications ne
trompent plus aucun archéologue.
M. Bertrand lit une note de M. Nicaise sur une nouvelle sépulture gauloise décou-
verle à l'Epine (Marne).
M. Gaidoz présente de la part de M. L. Morel un fragment de lampe en terre rouge
représentant un buste du Soleil, radié et enfermé dans un cercle que M. Morel sup-
pose figurer une roue. A ce propos M. de Villefosse déclare que ce type est commun.
M. Gaidoz lit ensuite une note sur un nouvel exemplaire du dieu gaulois, assis
les jambes croisées et découvertes.
M. Flouest présente le dessin de divers objets en fer et notamment un hipposan-
dale. MM. Mowat et Nicard pensent que les hipposandales n'ont pu servir que passa-
gèrement et pour des chevaux malades.
M. Héron de Villefosse lit au nom de M. Berthelé un mémoire sur l'église de
Gourge, près Parthenay. Le chœur de cette église remonte aux dix dernières années
du ix" siècle; il fait partie d'une catégorie d'édifices dont les spécimens sont excessi-
vement rares en France. M. de Lasteyrie conteste cette attribution.
M. Héron de Villefosse communique ensuite, de la part de M. Guigue, une inscrip-
tion découverte dans le Rhône, qui mentionne pour la première fois la corporation
des négociants transalpins et cisalpins. Le personnage auquel l'inscription a été
élevée, et qui fut préfet de cette corporation, est originaire de Trêves.
M. Héron de Villefosse lit enfin une lettre de M. Rochetin, contenant d'importantes
remarques sur le texte et le sens d'une inscription celtique en caractères grecs, dé-
couverte à la source du Groseau (Vaucluse). M, Mowat rapproche de ce nom celui
du Nimphe Grisclec.
M. Miintz communique la p'notographie d'un plan inédit de la ville de Rome,
inséré dans le livre d'heures du duc de Berry, qui appartient à monseigneur le duc
dAumale. Ce plan est antérieur à 141 5, et M. Mùntz en fait valoir l'intérêt pour
l'histoire de la ville de Rome.
Le Secrétaire,
Signé : H, Gaidoz.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
L« i'uy. iviynynaie <ie Marchessou fih, boulevard Saint- Laurent, 2j,
REVUE CRiTIc.UE
D'HISTOIRE Er DE LITTERATURE
N» 3 — 19 janvier - 1885
i^omiiiaire s 7. ScHWicKERT, Observations sur Pindare. — S. Ortolan, Histoire
de ]a législation romaine, 12^ édit., p. p. Labbé. — g. Lafaye, Les concours de
poésie et d'éloquence chez les anciens. — 10. De Heinemann, Les manuscrits de
îa bibliothèque de Woifenbûttel. — 11. Denis, De la philosophie d'Origène. —
12. BiEDERMAN.N', Dogmatique chrétienne. — i3. De Cosnac, Les richesses du
palais Mazarin. — Correspondance : Réponse de M. S. Reinach à ^L Rouire. —
Chronique. — Académie des Inscriptions. — Société des Antiquaires de France.
7. — Jos. ScHWiCKERT, 2^i*itisch-exegetiselie Ki'«ei*tei'ungeis zu IPîudor.
su pages in-4 (à deux colonnes); Trêves, 1S84.
Les observations critiques ou explicatives contenues dans ce fascicule
sont toutes relatives à la iv^ et à la V^ Olympique. L'auteur en a déjà
publié d'autres, car la brochure porte en tête le chiffre lî, mais je ne
les ai pas lues. Celles-ci renferment de bonnes choses, à côté de quel-
ques-unes aussi qui sont contestables. Je citerai parmi les premières la
correction uyievra g' eï 7'.v' l\6cç, àposi, au lieu de uYi'ev-ra 0' eï ti; oacov àpo£i
(Olymp. V, 23). qui me paraît excellente. En revanche, je ne puis ad-
meitre, au v. 10 de la même ode, la correction àv.ov. [J.t-' aAso; pour
àstos». ;j,èv àXc^ç, ni dans Tode précédente, v. 9, l'explication de ^l'aûixioç
'(àp T'/.ct iyidr/ (5 xû;j.oç) par l'équivalence oyéwv =: ir.' l/iwt ; je considère
oxàuv comme un i^énitif de cause. Quoi qu'il en soit, les observations de
M. Schwickert provoquent à réfléchir sur certaines iiifïicultés réelles du
texte, et on ne les lira pas saiis profit.
Allred Croiset.
8. — J. Ortolan. Hîstoîi-e tle la léglslttiîon i'o::i«îne, depuis son origine
jusqu'à la législation moderne et généralisation du droit romain. — Explication
historique des Instituts de l'empereur Justinien, avec le texte, la traduction en
regard et les explications sous chaque paragraphe. i2« édition, augmentée
d'appendices et mise au courant de l'état actuel de l'enseignement du droit Romain,
par J. E. Labbé. Paris, Pion, 1883-1884, 3 vol. in-8 de 820, 768 et 949 p.
Nous n'avons pas à faire ici l'éloge d'un ouvrage qui, depuis plus
d'un demi-siècle, jouit de la faveur du public. Nous voulons simple-
ment rappeler dans quel esprit il a été conçu, puis faire connaître les
additions importantes qu'on a introduites dans la nouvelle édition.
La pensée dominante du livre de M. Ortolan, c''est d'expliquer le
Nouvelle série, XIX. "
42 RliVUK CRITIQUE
droit romain historiquement. A première vue, il semble que la méthode
historique s"'impose pour l'étude d'une législation morte, et qu'on ne
peut faire un mérite à un auteur de s'en être inspiré. Rien ne serait
moins justifié. Certes, on trouverait difficilement aujourd'hui des
partisans de la méthode exégétique ou de la méthode dialectique
telles qu'on les appliquait au moyen âge ; en général on s'accorde
à reconnaître que le droit romain doit être étudié historiquement. Il
n'est guère d'ouvrage dont la préface ne contienne une déclaration
en ce sens; mais il en est peu où l'on prenne à tâche de s'y conformer.
Beaucoup d'auteurs se contentent d'indiquer la division de l'histoire
du droit romain en quatre périodes et de montrer les différences qui
séparent le droit classique du droit de Justinien. A cela près, leur
manière d'interpréter les lois romaines ressemble fort à celle des glossa-
teurs ou des bartolistes. Reconstituer l'espèce prévue par un texte, déga-
ger une règle des solutions données dans des cas analogues, telle est
leur préoccupation. Quant aux considérations historiques ou économi-
ques qui ont pu agir sur l'esprit du législateur ou sur la jurisprudence,
tout en reconnaissant leur utilité en théorie, ils se donnent en pra-
tique très peu de peine pour les rechercher.
Comment s'est produit cet abandon partiel de la méthode historique?
Par suite d'un préjugé d'après lequel le droit classique mériterait seul
d'être étudié. Séduits par l'élégance des décisions des jurisconsultes de
cette époque, certains commentateurs en sont arrivés à envisager le
droit romain comme une œuvre de pure abstraction, comme le produit
de la pensée des jurisconsultes. A vrai dire, ce qu'ils goûtent dans le
droit classique, c'est bien moins l'ensemble des principes qui étaient
alors en vigueur, — il serait difficile de méconnaître qu'ils ciaient
susceptibles d'amélioration — que la méthode suivie par la jurispru-
dence pour traiter les questions de droit, pour construire les théories
juridiques.
Nous n'entendons pas contester l'intérêt de l'étude du droit romain
comme méthode scientifique, mais est-il besoin de démontrer qu'on ne
peut bien faire comprendre cette m.éthode, si l'on ne fait préalablement
connaître l'état de chaque institution au moment où elle a été en quel-
que sorte façonnée par la main des jurisconsultes? Cela est évident pour
un livre destiné à l'enseignement. L'étude historique des institutions
offre aussi l'avantage de laisser une trace durable dans l'esprit : elle
développe le sens critique et permet d'apprécier les conditions que doit
remplir une loi pour atteindre le but qui lui est assigné. Elle n'est pas
moins importante pour qui veut se rendre compte des causes si variées
qui ont influé sur la formation du droit classique.
On vante souvent le sens pratique des jurisconsultes romains :
il n'y a pas à s'en étonner. On est tenté de se les représenter
comme ayant fait de la science du droit l'occupation de toute
leur vie. Ce fut sans doute le cas de plusieurs d'entre eux. Mais
D HISTOIRE ET iiE LITTERATURE ^.3
beaucoup d'autres, et parmi eux .oi pins illustrei, Julien, Marcelius,
Papinien, Paul, Ulpien, Modeslin. furent des hommes d'état, des gou-
verneurs de provinces, des coramaiidanis de corps d'armée qui, o'béis-
sant à des considérations d'ordre politique ou administratif, clierchè-
rent à étendre la sphère d'application du droit romain, tantôt en
montrant sa supériorité par rapport au droit pérégrin, taniôc en em-
pruntant aux nations étrangères tout ce qu'il y avait de bon dans
leurs institutions juridiques. Pourquoi donc ne pas rendre i\ cha-
cun ce qui lui appartient? Notre estime pour les jurisconsultes
classiques ne sera pas diminuée parce que nous aurons déterminé ks
limites de leur action. Avons-nous moins d'admiration pour les chefs-
d'œuvre de l'art grec, depuis que nous connaissons ses origines étran-
gères ?
Il est donc utile de rechercher dans quelle mesure le droit péré-
grin a réagi sur le droit romain \ comment grâce aux efforts des plébéiens,
puis des pérégrins, le droit romain a perdu son caractère exclusif pour
devenir accessible à tous. Pour cela il ne faut pas craindre de remonter
jusqu'aux Douze Tables. On dira peut être : que nous importe ie
droit barbare et grossier des temps primitifs? Laissons aux érudits le
soin d'en recueillir les vestiges! Mais c'est là une prétention qui ne ré-
siste pas à Texamen. Qui voudrait aujourd'hui soutenir qu'il n'y a pas
intérêt à rapprocher notre code civil du droit antérieur? On ne peut
pas davantage scinder l'étude du droit romain, séparer le droit classique
de l'ancien droit. Ce sont les jurisconsultes eux-mêmes qui le déclarent
par leurs allusions fréquentes aux opinions des Veteres et a quod per
manus traditum est.
Hâtons-nous de dire que, depuis quelques années, sous l'influence de
M. Ihering en Allemagne, de M. Sumner Maine en Angleterre, on
commence à mieux se rendre compte des exigences de la méthode iiis-
torique. Le droit romain ne s'étudie plus seulement en lui-même
comme un modèle idéal de législation. On veut surtout déterminer
comment et pour quelles causes il a atteint ce degré de perfection;
on veut le suivre dans ses différentes évolutions. C'est précisément la
tâche que s'était imposée M. O. et qu'il a accomplie dans la mesure
où le permettait l'état des connaissances en 1827. Depuis cette époque,
des textes importants pour le droit public et pour le droit privé ont été
découverts; de nombreux travaux ont été publiés, soit en France, soit à
l'étranger; il était nécessaire d'en tenir compte. Les éditeurs l'ont si bien
i.M. R. Dareste vient de donner deux exemples remarquables de la réaction
exercée par le droit provincial sur le droit romain. lia établi que la donatio ante
nuptias a son origine dans la Kketoiiba du droit des Juifs {J. des Savants, 185)4,
p. 37S), et que la syngrapha, empruntée au droit grec, n'était pas seulement un
mode de preuve, mais un titre dont l'exécution pouvait être demandée, sans juge-
ment à l'échéance du terme, par tout porteur se présentant au nom du créancier
originaire {Bull, de corresp. hellénique, 1884, p. 302).
44 REviiir. c.KliJQu!-
compris que, dès la ncLivième édition, ils ont confié à M. Bonnier, et
après sa mort à M. Labbé, le soin de combler les lacunes les plus nota-
bles de l'œuvre de M. Ortolan. Le texte a été scrupuleusement res-
pecté; c"est dans des appendices, insérés à la fin de chacun des trois vo-
lumes, que Ton a exposé quelques-unes des principales doctrines émises
pendant ces dernières années.
Le nombre des appendices, très limité dans les précédentes éditions,
s^élève maintenant à trente-quatre : neuf sont dus à M. Bonnier, vingt-
quatre à M. Labbé. Ils sont précédés d'un travail inédit de M. O. sur
la formation de la nation française. L'auteur avait essayé de déterminer
les éléments dont elle s'est composée et de mesurer la proportion de
chacun d'eux dans Tensemble. Nous sommes assez embarrassé pour
faire la critique d'une œuvre inachevée que M. O. n^a pas livrée
lui-même à la publicité. Nous sommes cependant obligé de dire qu'elle
n'est pas en rapport avec l'état actuel de la science. Sans parler de la
classification des races, qui est faite d'après Amédée Thierry, le calcul
auquel s'est livré M. O. repose sur l'existence de 97 nations ou tribus
gauloises, parmi lesquelles 79 auraient été dans les trois provinces : on
sait aujourd'hui qu'il y en avait, au plus, 64. A chacune de ces 97 na-
tions, il attribue une population moyenne de 1 25, 000 âmes; il se fonde
sur un passage de Diodore de Sicile d'après lequel le chiffre de la po-
pulation aurait varié entre 5 0,000 et 200,000 âmes. Avec une donnée aussi
élastique on comprendi'a sans peine qu'on ne puisse rien préciser. Les
auteurs anciens se préoccupaient si peu des questions de statistique que
nous ne savons même pas quel était exactement ie nombre des habitants
de Rome. D'autre part, M. O. admet la présence à Lyon, depuis Galba
jusqu'à Alexandre Sévère, d'une légion de 7,000 hommes : h Italica.
Or, il est démontré qu'il n'y avait à cette époque en Gaule qu'un corps
de 1,200 hommes qui suffisait à maintenir l'ordre; puis ce n'était pas
la I^ Italica^ mais la i S*" cohorte urbaine, qui tenait garnison à Lyon.
A partir de Septimie Sévère, on trouve dans cette ville des détachements
des légions campées en Germanie, mais non de la /^ Italica, qui était
alors dans la Mésie inférieure.
Nous n'insisterons pas davantage sur ce premier appendice, et nous
appellerons plus volontiers l'attention sur les deux introductions ma-
gistrales placées par M. Labbé en tête des premier et deuxième volu-
mes, et sur les additions qu'il a faites à la douzième édition. Elles sont
la preuve du changement qui commence à s'opérer dans notre haut en-
seignement quant à la manière d'exposer le droit romain. Nous sommes
dans une période de transition. Souvent encore on étudie les théories des
jurisconsultes classiques sans s'inquiéter des causes qui ont influé sur
leur formation; mais par.fois on essaye de remonter plus haut, de re-
trouver les phases diverses par lesquelles ont passé les institutions juri-
diques des Romains, avant de recevoir à l'époque classique leur forme
définitive.
o'hiSTOIRK et de LITïKUATUitK ^S
Parmi les appendices, signés par M. Labbé, nous citerons ceux qui
traitent de V aiictoritas patriim, des comices centuriates, des fidéicommis
et des codicilles, de la famille civile et de la famille naturelle, de l'hypo-
thèque, de la dot, de rinofficiosité, de la représentation dans les actes
juridiques, du concubinat. Sur ce dernier point, le savant auteur adopte
l'opinion de MM. Peilat, Bonnier et Gide, d'après lesquels les enfants
nés du concubinat n^avaient, à l'époque classique, aucune relation lé-
gale de parenté avec leur père. Cette opinion, qui résout par une dis-
tinction entre le croit des empereurs païens et celui des empereurs
chrétiens une question très controversée, nous paraît la plus exacte.
Quant à la date de la loi Jiinia Norbana, nous avons plus de peine à
nous rallier à la manière de voir de M. Labbé. Sous le nom de lex
Jiinia Norbana on désignerait deux lois distinctes, l'une de 728, Tautre
de 729, de même que sous le nom de lex Julia et Papia on désigne les
deux lois caducaircs. Cette hypothèse est ingénieuse, mais il y a, à notre
avis, une raison décisive pour l'écarter ; il faudrait modifier le nom delà
loi qui devrait s'appeler lex Jiinia et Norbana. La solution de la ques-
tion doit se déduire, croyons-nous, des règles observées par les Romains
pour la formation du nom des lois. On l'emprunte toujours au gentili-
cium duconsul ou des consuls qui l'ont proposée. C'est pour cela que la
date 671 ne saurait être admise, aucun des consuls de cette année n'ayant
porté le gentilicium Norbanus. Est-ce à dire qu'il faille se prononcer
poiii' 772 ? Oui, si le véritable nom de la loi est Jiinia Norbana, comme
cela résulte d'un passage des Institutes (I, 5, 3) et de la paraphrase de
Théophile. Mais il y a une raison de douter : dans tous les autres textes
de Justinien, et, ce qui est plus grave, dans tous ceux qui remontent à
l'époque classique, notamment dans les commentaires de Gains; la loi
est appelée Jiinia, tout simplement. Si cette dénomination est exacte,
la loi serait de 729, date du consulat de M. Junius Silanus.
Dans quelques autres dissertations, M. Labbé présente certaines
théories, telles qu'elles apparaissent à l'époque impériale. Bien qu'il ait
soin de nous avertir qu'il écarte volontairement le droit antérieur,
nous craignons que les étudiants, qui n'ont pas le temps de consulter
les ouvrages spéciaux, n'aient une idée imparfaite de ces théories. Ils
regretteront que réminent professeur se soit placé à un point de vue
trop exclusif, et qu'il n'ait pas jugé utile de retracer, dans un de ces
tableaux d'ensernble où il excelle, les traits qui, dans l'ancien droit,
donnent au mariage et à l'usucapion, par exemple, une physionomie
particulière.
Nous n'hésitons pas à dite néanmoins que, tel qu'il est, l'ouviage de
M. O. peut rendre de très utiles services à ceux qui abordent l'étude du
droit romain. Il est excellent surtout par l'esprit dans lequel il- est
conçu. Les éditeurs ont fait de louables effoits pour le mettre au
courant de l'état actuel de l'enseignement; mais il reste beaucoup à
faire. S'il nous étal: permis d'exprimer un voeu, nous :-ouhaitericns
46 KliVUK CRITIQUH
que, dans la prochaine édition, le nombre des appendices soit encore
augmenté. Nous voudrions aussi qu'une place plus large fût accordée
aux travaux publiés à l'étranger. Il y aurait grand intérêt à en tirer
parti, surtout pour l'histoire de la législation romaine et pour tout ce
qui touche à l'organisation judiciaire et à la procédure. Ce qui consti-
tue, à nos yeux, la valeur de cette 12^ édition, c^est que M. Labbé a
voulu, par son exemple, accentuer le mouvement qui nous porte de
plus en plus vers l'étude historique du droit romain.
Edouara Cuq.
g. — G. Lafaie, aie poetarum et oratorum oes'taïaiîiîîbus apud
veteres (thèse de docto'.atj. Paris, Thorin, iS83, in-8, 120 pp., i planche.
Le nouveau musée du Capitole à Rome, ouvert depuis quelques an-
nées dans le palais des Conservateurs, renferme un monument funéraire
d'un intérêt assez singulier. Il s'agit d'un petit cippe de marbre, de la
forme la plus ordinaire d'ailleurs, couronné d'un fronton, et portant
dans les angles des antéfixes : au milieu, dans une niche, un enfant vêtu
de la toge se tient debout; sa main gauche porte un vohtmen en partie
déroulé. Cet attribut et la couronne de laurier, sculptée sur le fronton,
donnent à penser qu'il s'agit d'un jeune poète. C'est un poète, en effet,
si l'on peut donner ce noni à un enfant « de onze ans, cinq mois, douze
jours », sorti vainqueur d'un concours avec cinquante-deux poètes grecs
en improvisant quarante trois vers sur ce sujet singulièrement poé-
tique : a Reproches de Jupiter au Soleil pour avoir confié son char à
Phaéton ». Les parents du jeune Q. Sulpicius Maximus ont voulu
prendre la postérité à témoin du génie de leur fils, et ils ont fait graver
sur le monument les quarante-trois vers du concours, plus deux épi-
grammes en grec sur le petit prodige.
Lorsque ce tombeau eut été découvert, dans les travaux faits à la
porta Salaria en 1871, M. C. L. Visconti en fit l'objet d'une intéres-
sante description (Il sefolchro del fancîullo Quinto Siilpicio Mas-
simo..., Rome, 1871). C'est ce même monument, dont M. Lafaye
donne une reproduction par l'héliogravure, qui a été l'occasion de son
étude. Pris en iui-mêm.e, le simple commentaire de ces inscriptions eût
été trop maigre pour donner lieu à une thèse; M. L, a agrandi le sujet,
en traitant d'une façon générale, à propos de ce monument, des con-
cours poétiques et oratoires dans l'antiquité. La thèse, qui comprend
une centaine de pages d'une impression serrée, se divise en douze cha-
pitres et un appendice bibliographique très étendu. Quatre chapitres
sont consacrés à la Grèce, les autres au monde romain. La partie grec-
que, peut-être accessoire, a été assez rapidement traitée; on dira ici sim-
plement quelques mots de la partie romaine.
O HJSTOIKK iil ÛE LlITERATURfc. ^J
Les concours de poésie ont-ils existé à Rome avant Auguste? M. L.
soutient la négative, d'accorJ avec Mommsen et contre Topinion de
Riischl. C'est l'empire, avec Auguste, avec Néron, surtout avec Domi-
tien, le fondateur de ïagon capitolinus (c'est à ce concours, en 94, qu'a
été couronné notre jeune lauréat), qui créa cette singulière institution.
Une fois qu'elle fut établie, Tesprit conservateur des Romains et la va-
nité de quelques versificateurs aux abois la firent subsister; mais on
peut croire sans peine que ces joutes littéraires furent sans influence sur
la littérature. Ce n'étaient pas les improvisations d'un enfant de onze
ans qui pouvaient témoigner grandement des progrès de la poésie. Les
concours d'éloquence n'ont pas rendu de plus signalés services, pas
plus à Rome qu'à Lyon où ils avaient aussi leur célébrité. On put plus
tard supprimer les uns et les autres sans que les lettres latines eussent à
en souffrir.
Les questions qu'aborde M. L. sont très nombreuses : discussions de
détail, petits faits d'érudition, recherches chronologiques, etc. On sent
que l'auteur s'est efforcé de donner à cette étude littéraire la précision
d'un mémoire d'archéologie. Aussi peut on s'étonner que M. L. se soit
contenté de faire reproduire le monument de Sulpicius, sans en avoir
donné en même temps la transcription et la lecture; il v a là un petit
désappointement pour ses lecteurs, qui ont sous les yeux un texte par
trop hiéroglyphique. Malgré cette lacune, malgré quelques renvois çà
et là douteux, on pensera, comme un des juges de M. Lafave, que son
élude, en ce qui regarde les concours poétiques et oratoires, établis
sous l'empire à Rome et dans le monde romain, demeure « un bon
chapitre d'histoire littéraire )>.
G. Lacour-Gayet.
10. — Oî*^ IIiiiulAelii-ifton <lei' Eici-zojkIIcIicii Itilttiotlick zu Wolfen-
biiitel, beschrieben von Dr. Otto von Hei.nkmann, herzogl. Oberbibliothekar.
Erstc Abtheiking. Die Helmsicdtcr Handschriftcn. I. Mit eincr Ansicht der alten
Bibliothek in Lichldruck und zchn Tafeln schriftproben in Stein- und Farbcn-
driick. Wolfenbûttel (Zwissler), 1884, xn-38o pp. gr. in-8. P:ix : 18 fr. 75.
La bibliothèque ducale de Wolfenbûttel est une des plus riches d2
l'Allemagne en manuscrits précieux ; son origine ne remonte qu'à la
fin du xv!*" siècle, mais elle s'est rapidement accrue, grâce au zèle éclairé
des ducs de Brunswick. Le plus ancien fonds comprend les manuscrits
d'Helmstasdt (classis Helmstadiensis), c'est-à-dire les mss. prêtés, puis
donnés à l'Université d'Helmstnedt et rendus, après bien des péripéties, à
Wolfenbûttel en 18 17. Un autre (classis Augustœa) est formé des mss.
réunis par le duc Auguste, mort en 1666, qui avait déjà rassemblé
20o3 volumes en 1 661. Le fonds de Wissembourg (classis Wissenbiir-
gensis), ainsi nommé parce qu'un grand nombre des mss qui y sont
^8 RKVu:-; criiîquk
rangés proviennent du célèbre couvent alsacien, fut acheté à Prague en
1689, à la demande du bibliothécaire Kaspar Adam Stenger. Une au-
tre catégorie, bien célèbre par ses mss. des classiques latins (classis Gu-
diana), fut acquise en 1710, sur les instances de Leibniz; elle comprend
468 volumes, dont 1 14 grecs, rassemblés surtout dans des voyages en
Italie par le conseiller d'Eiat danois Marquard Gude. En lySS, le duc
Charles l^' léguait à la bibliothèque ducale les deux tiers de la biblio-
thèque de son château de Blankenburg. ce qui ajouta, outre les impri-
més, 328 mss. (classis Blankenburgetisis) . Mais les dons et les acqui-
sitions ne cessaient pas; en 1782 le bibliothécaire E. Theodor Langer
dut dresser l'inventaire de ces nouveaux volumes qu'on appelle les Ex-
travaganten. Enfin, depuis la mort de Langer, la bibliothèque a acheté
plus de i5oo mss. qui restèrent empilés sans ordre jusqu'à ce que le
bibliothécaire actuel, iVI. Otto von Heinemann, les eût classés dans une
nouvelle série qui forme la classis des nova manuscripta.
Grâce aux soins de M. v. H., la bibliothèque ducale aura bientôt un
catalogue digne d'elle, et que les travailleurs pourront consulter en toute
confiance. Dans un but fort louable, M. v. H. a respecté la division
des anciens fonds où Ion trouve confondus des mss. orientaux, grecs,
latins et allemands. Il s'est borné, pour le fonds d'Helmstasdt dont 540
mss. sont catalogués dans ce premier volume, à changer les numéros
pour éviter certaines confusions, mais il a toujours imprimé en tête de
Tarticle l'ancien numéro, de sorte que l'on reconnaît fort aisément un
ms. cité avec sa cote dans une publication antérieure.
Le catalogue est dressé suivant toutes les exigences de la critique mo-
derne. La description du contenu de chaque ms. est précédée de l'indi-
cation de la matière (parchemin ou papier), des dimensions (en milli-
mètre) et du nombre des feuillets; elle est suivie de renseignements sur
la provenance et Thistoire du volume, enfin sur sa reliure. La descrip-
tion même occupe une étendue proportionnée à l'importance du manu-
scrit; on y voit mentionnés les travaux dont le ms. a été l'objet ' ; les
souscriptions des copistes, quand il s'en trouve, sont transcrites en en-
tier; les miniatures, les ornements et les simples initiales sont énu-
mérés à leur place. Enfin, pour permettre aux lecteurs d'apprécier
eux-mêmes quelques-uns des plus beaux mss., M. v. H. a joint à son
premier volume dix fac-similés; quand le ms. est d'un format trop grand,
c'est une demi-page ou un fragment de page. On peut ainsi contempler
en reproduction les mss. Helmst. 48 (auj. 48), du xn° siècle, contenant
la première décade de Tite-Live ; Helmst. 65 (auj. 80) une miniature
avec fond en or empruntée à un évangéliaire de l'an 1 194; Helmst. y 5 ,
(auj. 95), S. Jean Chrysostoiue en onciale grecque du vi'^ s., suivant
i.A propos du ms. 3o4 (auj. 338), on aurait pu mentionner les diffe'rents pro-
grammes publiés à Hannovre par Wrampelmeyer, sous le titre : Codex Wolfenbut-
telaniis, n» 2o5, olim Helmst. n° 304, primum ad complures, quas continet, Cicero-
nis orationes coilatus, Partes I-IV, 1872-1S78.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 49
Tischendorf ; Helmst. i8o (auj. 207), coUectio tiipartita, commence-
ment du xiii^ s. ; Helmst. 254 (auJ. 287), lettres du pape Léon III à
Charlemagne, écriture du ix'^s. ; Helmst. 426 (auJ. 461), une page d'un
superbe évangéliaire du x" s. ; Helmst. 454 (auj, 488), un fragment ca-
nonique, copié au x^ s. ; Helmst. 455 (auj. 489), Bède le Vénérable sur
S. Marc, x^ s. ; Helmst. ^96^ (auj. 533), capitulaire de Charlemagne de
l'an 789, en écriture saxonne du vni^ ou ix*" s. ; Helmst. 499 (auj. 5 38),
Claudien, copié au xni^ s.
Les historiens, les philologues et les paléographes trouveront une
fouie de renseignements dans cette belle publication. Espérons que
M. von Heinemann la mènera promptement à bonne fin; il ne nous
restera plus qu'à souhaiter un bibliothécaire aussi compétent et aussi
zélé à toutes les bibliothèques de France ou d'Allemagne dont on ignore
encore aujourd'hui les richesses.
Emile Châtelain.
II. — »e la philosophie d'Origène, par M. J. Denis, professeur à la Faculté
des Lettres de Caen. Mémoire couronné par l'Institut (académie des sciences
morales et politiques}. Paris, imprimé par aiitorisanon du gouvernement à
l'Imprimerie nationale, 18^4. Grand in-S. de vu et jdo pp.
Quiconque aura désormais dans notre pays à parler d'Origène trou-
vera dans ce bel ouvrage un guide sûr et exact. M. J. Denis n'a traite
des conceptions diverses d'Origène que d'après ses propres écrits qu'il a
toujours cherché à ramener au texte original, quand il avait affaire à la
traduction latine de Rutin du De principiis, ou à des citations latines
faites par d'autres écrivains latins. En somme, c'est un livre fait avec
une conscience scientifique irréprochable et avec une compétence par-
faite pour ce qui est des questions philosophiques proprement dites.
Il me serait impossible de faire une analyse d'un ouvrage aussi con-
sidérab'.e ; je dois me borner à donner une idée générale de la distribu-
tion des matières.
M. J. D. commence son livre par une introduction générale présen-
tant un tableau de l'état des esprits par rapport aux idées religieuses, du
temps d'Origène et en Egypte, sa patrie, pour préparer en quelque sorte
son lecteur aux conceptions souvent profondes et plus souvent encore
extraordinaires, qu'il fera plus d'une fois passer sous ses yeux. Le se-
cond chapitre est consacré à la méthode d'Origène, et aboutit à cette
conclusion que cet écrivain ecclésiastique n'avait aucune méthode, et
que son procédé le plus ordinaire fut l'interprétation allégorique des
passages qu'il empruntait aux Saintes Ecritures et qu'il tenait du juif
Philon. Ce qui est plus important, c'est que la dernière partie de ce
second chapitre nous apprend par avance à quelles sources Origène a
réellement puisé les principes de sa doctrine. En premier lieu, Origène
50 REVUE CRITIQUE
prend pour point de départ la prédication évangélique; mais en l'ac-
ceptant, il l'éclairé et la développe, tant par la comparaison des textes
de TEcriture, que par le raisonnement. En second lieu, s'étant formé
certaines idées particulières en s'attachant à des textes qui avaient frappé
son esprit enthousiaste, et les acceptant cette fois à la lettre et d'une
manière absolue, il les prenait pour des principes accordés, en dehors et
au-dessus de toute contestation. M. J. D en indique quelques-uns, pour
faire comprendre quel usage plus ou moins erroné il en a fait, pour in-
sister sur certaines doctrines que l'Eglise a condamnées comme héréti-
ques. En troisième lieu, Origène avait entre les mains, en outre des
écrits de Philon, certains apocryphes, où les traditions juives étaient
singulièrement mêlées d'idées orientales, qu'on a pris souvent pour du
platonisme. Ce fut là qu'il prit sa doctrine de la préexistence des âmes
plutôt que de certains passages du philosophe athénien. En quatrième
lieu, pour entendre Origène, il faut se reporter sans cesse aux hérésies
de son temps. On voit alors que plusieurs des plus aventureuses de ses
conceptions ne sont que de légères modifications du gnosticisme, qu'il
avait beaucoup étudié pour le combattre. Cinquièmement enfin, quoi-
que Origène ail emprunté tel trait à Platon, tel autre aux stoïciens, ces
idées d'emprunt n'ont pas été les forces vives, les causes efficientes
de sa doctrine. M. J.D. ne croit pas qu'il ait puisé dans la science
hellénique aucun de ses principes essentiels. Ce qu'il a pensé, il l'aurait
pensé sans connaître en eux-mêmes les stoïciens ni Platon.
Dans le troisième chapitre, il est question de la théorie d'Origène sur
Dieu et ses vertus ou hypostases dans lesquelles sa substance se déve-
loppe et se traduit, et dans le quatrième M. J. D. montre que Dieu tel
qu'il le conçoit est décidément un Dieu Créateur dans le sens le plus
strict du mot. A ces notions générales qui sont en général communes à
tous les chrétiens de son temps, Origène ajoute des doctrines qui lui
sont propres. M. J. D. les expose dans les trois chapitres suivants. C'est
d'abord l'opinion que toutes les âmes ont été créées en même temps et
* égales entre elles. C'est ensuite une théorie du péché originel qui ne
ressemble en rien à celle que l'Eglise enseignait. De ces âmes, une partie
est restée unie à Dieu et n'a point péché; elles forment la hiérarchie
céleste; toutes les autres faisant un mauvais usage de la liberté morale
que Dieu avait accordée à toutes, se détournèrent du bien, et devinrent
des hommes et des démons, selon le degré de leur déchéance. Ces âmes
tombées dans le péché seront-elles définitivement perdues? Origène ne
peut le croire; quelque grande que soit leur faute, elles n'en restent pas
moins les enfants de Dieu ; elles seront punies comme elles le méritent,
mais ces punitions les amèneront peu à peu à se réhabiUter ; plus leur
chute est profonde, et plus il leur faudra de temps pour en faire péni-
tence. Un nombre considérable d'existences différentes leur est accordé
pour reconnaître leur crime et s'en repentir; elles passeront dans des
mondes meilleurs à mesure qu'elles feront plus d'efforts pour se réha-
d'histoire et de r.lTTÉRATURB 5 l
biliter, mondes que Dieu créera exprès pour les recevoir, de sorte qu'en
définitive le salut sera universel, et qu'il y aura un rétablissement final.
Combien devait paraître erronée une pareille doctrine à une Eglise qui
parlait sans cesse du petit nombre des élus et des peines éternelles ré-
servées à la multitude des pécheurs !
M. J. D , après avoir exposé la doctrine d'Origène, a cru devoir re-
chercher ce qu'elle devint après lui. Nous ne pouvons pas le suivre dans
ces intéressantes et curieuses recherches; il nous suffit d'en donner une
idée générale. Les chapitres viir, ix et x sont consacrés à ce sujet. De son
vivant, Origène avait eu de nombreux admirateurs^ mais aussi des
adversaires acharnés ; il s'était même vu dégrader de la prêtrise. Après
sa mort, l'opposition fut plus active encore, et le nombre de ses imita-
teurs baissa continuellement. Son nom devint de plus en plus suspect
en Orient, et fut enfin anathématisé en 5 53, au second Concile général
de Constantinople. Ce qui n'empêcha pas cependant la doctrine du ré-
tablissement final, souvenir plus ou moins conscient de l'Origénisme, de
reparaître presque jusqu'à la fin dans la théologie philosophique des
Grecs.
Dans rOccident, Origène, bien moins connu que dans TOrient, fut
complètement effacé par le triomphe de la doctrine augustinienne.
M. J. D. ne cite que Jean Scot, qui le mentionne assez fréquemment,
mais qui ne semble pas avoir connu ses écrits. Depuis que le cilicien
Théodore de Tarse avait apporté la culture hellénique à la Grande-
Bretagne, cette culture ne s'y était jamais perdue, ou du moins s'y
était conservée dans quelques lieux retirés, tels que Tîlc de Hi et l'île
des Saints. C'est dans un de ces refuges de la science antique que s'était
formé Jean Scot Erigene (J. Denis, La philosophie d'Origène, p. 5 5o
et suiv.). Mais le nom de l'auteur du De divisione naturœ fut suspect
à l'Eglise romaine et n'exerça quelque action que sur des sectaires tou-
jours condamnés en France et en Italie.
Dans le chapitre onzième dans lequel M. J. D. met en présence Ori-
gène d'un côté et Leibnitz et Jean Reynaud de l'autre, comparaison que
je ne puis qu'indiquer, mais qui ne peut manquer d'offrir un puissant
intérêt au lecteur, nous trouvons le jugement que l'historien de la phi-
losophie porte sur les principes origéniques. Tout en reconnaissant
qu'ils peuvent agir avec quelque puissance sur le sentiment religieux, il
les tient dangereux pour la philosophie. 11 les accuse d'ouvrir un champ
illimité à l'imagination et de solliciter l'esprit à se lancer dans le pays
séduisant des rêves et des chimères. Le système d'Origène aussi bien que
celui de M. J. Reynaud qui n'en est en réalité qu'une forme moderne,
n'ont pas un tel degré de probabilité qu'on ne puisse les rejeter sans
déraison, et ne peuvent être considérés que comme des romans philoso-
phiques.
Le problème qui a obsédé l'esprit d'Origène comme celui de J. Rey-
naud, c'est, ainsi que le fait observer M. J. D., le problème de l'autre
52 REVUE CRITIQUE
vie, sur lequel la raison n'a rien à dire. Elle enseigne sans doute que
l'on peut raisonnablement espérer que la vie ne finit pas au cercueil, et
sur quels fondements métaphysiques ou moraux repose cette espé-
rance : mais elle ignore ce qu'est la vie d'outre tombe, où et dans quelles
conditions elle s'accomplira. L'imagination seule peut répondre à de pa-
reilles questions. Il serait puéril de craindre de toucher et de se plaire à
ces rêveries de l'imagination, à la condition toutefois de ne pas s'y
attarder.
Dans un appendice qui forme le douzième chapitre, M. J. Denis
examine « les Philosophumènes », prouve qu'on ne saurait les attribuer
à Origène. 11 faut espérer que la question est décidément résolue.
Cet ouvrage aussi remarquable par sa science que par le grand nom-
bre de questions importantes qui y sont traitées ou auxquelles il est tou-
ché, aurait besoin d'une table analytique des matières, et même très
étendue et très détaillée. Il est Impossible, après l'avoir lu avec soin, de
ne pas éprouver le besoin de revenir sur tels ou tels points; comment
les retrouver, sans de longues recherches, si on n'a pas sous la main une
table de ce genre ?
12. — Cliristllclie Dogmatik, von Dr. A. E, Biedermann, Professor der Théo-
logie in Zurich. — In zwei Baenden. Erster Band : Der principielle Theil. Zweite,
erweiterte Auflage. Un vol. in-8, de xvi et 382 pages. Berlin, Georg Reimer, 1884.
Nous sommes heureux de signaler la nouvelle édition de Pœuvre bien
connue de l'éminent théologien suisse, parue il y a une quinzaine d'an-
nées sous sa première forme. M. Biedermann, qui passe pour représen-
ter, et qui représente en effet avec une autorité incontestable, le point
de vue de la fraction la plus avancée du protestantisme libéral ou indé-
pendant, avait tenté de donner à ses théories la forme de Texposition
didactique et avait vu son traité accueilli avec un empressement bien
naturel. Dans la courte préface mise en tête du présent volume, seul
paru jusqu'à présent, qui traite des Principes, l'auteur indique que la
principale modification apportée à son œuvre consiste dans les déve-
loppements nouveaux donnés à sa théorie de la connaissance, qu'il
n'avait point exposée expressément dans sa première édition et qui a
donné lieu à des méprises. Il en a fait ici un livre à part sous le titre de
Die erkenntnisstheoretische Grundlage, dont voici les principales di-
visions : 1° Der Griindsat^ des reinen Realismus ; 2" Der psychologis-
che Gang des Erkenntnissprocesses ; Z'' Die Metaphjrsik. Suit un se-
cond livre, qui traite de Pessence de la religion et un troisième, consacré
au principe de la dogmatique chrétienne.
Cette œuvre de haute portée, résumé d'un long enseignement et de
méditations approfondies, n'a besoin que d'être signalée pour obtenir
raitention qu'elle mérite.
M. V.
D HISÏOIRFC l.T DK LITTERATL'KK 53
l3. — tes ISîeliesses du F»aïai* SSazafSn, par le comte de Cosnac (Gabriei-
Jules). Correspondance inédite de M. de Bordeaux, ambassadeur en Angleterre;
état inédit des tableaux et des tapisseries de Charles I'", mis en vente au palais
de Somerset, en i65o; inventaire inédit dressé après la mort du cardinal Mazarin,
en 1661. Paris, Renouard, 1S84. i vol. gr. in- 8 de v-430 pages.
M. de Bordeaux, qui a joué un cerrain rôle dans l'histoire diploma-
tique du ministère de Mazarin, est un personnage en lui-même fort peu
intéressant. Fils d'un intendant de l'armée de Turenne, intendant lui-
même en Picardie, encore tout jeune et inconnu, il fut choisi par le
cardinal comme une créature dévouée, pour servir à la fois ses desseins
politiques et ses goûts artistiques. Vers i6|9, Mazarin Tenvoya auprès
de Gromwell, d'abord en qualité de ministre de France et plus tard
comme ambassadeur. La position était assez difficile; si M. de Bor-
deaux sut s'en tirer assez bien, c'est surtout grâce aux ménagements du
protecteur qui, sous une lenteur calculée et des retards toujours renou-
velés, cachait un vif désir de s'allier la France pour mieux empêcher une
restauration, mais aux meilleures conditions possibles; c"est aussi un
peu par ses facultés briliantes et la perspicacité de son jeu. 11 faut voir
en lui un homme à succès, ue mœurs légères et souvent peu dignes, mais
qui s'en faisait un moyen diplomatique de réussir. Il resta sept ans à son
poste, intrigant, dépensier, corrupteur, « employant au besoin la per-
fidie ». Grâce à de l'esprit et de riiabileté, il sut s'insinuer jusqu'à un
certain point dans i'e.sprit de Cromwell, et obtenir au moins l'important
résultat de sa neutralité vis-à-vis des deux partis qui divisaient alors la
France. Quant au traité, il ne fut signé qu'en i655 : Cromwell était
d'autant moins pressé de conclure, que ses prétentions s'accroissaient
avec sa puissance. Quelques années après, en 1660, Charles II mon-
tait sur le trône : M. de Bordeaux, désormais rebuté, dut rentrer en
France assez piteusement et non sans quelques mésaventures; il ne
tarda pas à y mourir.
L'histoire de ce héros de roman a cependant un côté qui peut aujour-
d'hui encore nous intéresser et que l'on n'avait jamais bien fait ressortir
jusqu'ici : Le diplomate était greffé d'un collectionneur et d'un amateur
éclairé. Mazarin le savait bien. Il Tavait envoyé en Angleterre, en
grande partie pour mettre la main sur tout ce qui pouvait enrichir ses
galeries et sa maison : tableaux, œuvres d'art, tapis cries, chevau:;,
hiens, et, avant tout, les débris lie la splendide collection de Charles I";
et il ne se gênait pas pour puiser dans les acquisitions personnelles de
son commissaire, quand celui-ci se permettait d'avoir fait une trouvaille
heureuse et avait l'imprudence de ne pas la cacher.
Ainsi se forma cette galerie sans rivale que Mazarin entourait de tant
de soins jaloux et dont il avait tant de peine à se séparer. Inventaire en
tut dressé après sa mort en 1 66 1, et le roi en racheta aux héritiers, à prix
forts, la meilleure partie, qui constitua dès lors le noyau principal des
musées de TÉtat.
c
54 ftKVLlC CRITIQUE
Le livre de M. de Cosnac est le développement, nous dit-il, d'un cha-
pitre de son ouvrage Souvenirs du règne de Louis XIV. îl est intéres-
sant, bien écrit, consciencieusement fait; mais il me paraît à la fois trop
chargé de matières et mal distribué. Il y a deux choses dans le volume :
une publication de documents inédits, et une étude sur le cardinal
Mazarin comme collectionneur et sur la formation de ses galeries.
Or, Tune est trop développée au détriment de l'autre, et en même
temps elle la commente d'une façon trop générale et qui ne l'éclair-
cit pas suffisamment. Je m'explique : d'abord, les deux premiers
chapitres sont de purs hors-d'œuvre. Comme les collections dont il s'a-
git étaient remplies de richesses artistiques de toutes sortes, l'auteur juge
nécessaire et « plus attrayant » de donner un exposé historique des arts
qui concourent à les former : de là trois dissertations, sur la peinture
et la sculpture depuis les Égyptiens et les Assyriens, et sur la tapisserie
(p. 27-53). Vient ensuite (p. 55-ii2), sous le titre, Ayiercu sur quel-
ques peintres célèbres, une série de quatorze notices succinctes. Prises
à part, ces études, bien qu'un peu courtes, ne manquent pas d'intérêt;
mais y avait-il bien lieu de les donner ici, surtout au début du livre?
Tout cela aurait dû être mis en note, avec moins de commentaires et
plus de précision, et servir à éclaircir V Inventaire même, qui en avait
besoin.
Les chapitres suivants, in, iv et v, et le vue, constituent l'histoire
même des collections de Mazarin, la mission de M. de Bordeaux, ses
trouvailles, les achats du cardinal, et nous conduisent jusqu'à sa mort.
Cette partie est la plus développée : elle est longuement étudiée et con-
tient des détails curieux et nouveaux; mais elle gagnerait à être un peu
condensée, d'autant plus qu'elle n'est en somme qu'une introduction à
la Correspondance de M. de Bordeaux (ch. vi, p. 169-240), publiée
ici à peu près intégralement ". Reste l'Inventaire de 1661 ^ (ch. vin,
p. 276-411). C'est sans contredit la partie la plus intéressante du vo-
lume, et qui devait être la plus soignée. Malheureusement, nous n'a-
vons guère que le texte et nous regrettons souvent un commentaire
perpétuel. M de Cosnac a bien mis en note quelques dates succinctes,
mais ce n'est pas assez : c'est là qu'il aurait dû placer toutes les explica-
tions historiques ou artistiques qu'il a réunies sur les principales pièces
énumérées. Le plan qu'il a suivi dans son ouvrage, dit-il (p. v), « a
consisté à remettre en quelque sorte un livret-guide entre les mains du
visiteur rétrospectif des richesses du palais Mazarin. w L'idée est excel-
1. Elle est tirée des Archives du ministère des affaires étrangères.
2. Il fait partie des Mélanges Colbert de la Bibliothèque nationale. iM. de C. n'a
publié ici que les articles concernant les tableaux (n"' 869-1 367); les plats de faïence
(i368-i385); statues (r386-i5oC0 ; figurines modernes de diverses matières (iDoy-
i633); tapisseries rehaussées d'or, tapisseries de laine et soie, tentures de broderies,
etc. fi6Qo-i7o8), Il a, avec quelque raison, laissé de côté le mobilier et la biblio-
thèque.
d'histoire et Dîi LITTÉRATURE 55
lente, mais le livret-guide n'est pas commode, car ce que j'y cherche
surtout, l'historique de telle ou telle oeuvre d'art que je connais, je ne
le retrouve pas. Pourquoi ne pas suivre l'exemple des excellents cata-
logues du Louvre, et au besoin sacrifier un peu les sept premiers chapi-
tres au dernier, le seul qui ait vraiment motivé la publication? Com-
bien des articles énumérés dans V Inventaire eussent fourni matière à
d'intéressantes études, et combien sont insignifiants, tels quels, dans
la sèche énonciation du notaire-priseur!
Ajoutez qu'il n'y a pas même une table des artistes nommés. Je me
trompe : il y en a bien une, alphabétique (p. 423), mais de quel usage
peut-elle être, puisqu'il n'y a aucun renvoi aux numéros de Vlnven-
taire? De même, l'auteur a voulu enrichir son volume en faisant repro-
duire un certain nombre de tableaux et de tapisseries; mais il oublie de
dire, ce qui eût été facile en deux lignes, si tel tableau est bien de la
galerie Mazarine, à quel numéro de linventaire il se rapporte et ce
qu'il est devenu.
Ce manque de méthode et de précision fait tort à un ouvrage intéres-
sant, je le répète, soigneusement écrit, et qui pourra rendre de réels ser-
vices. L'auteur l'a édité avec un luxe et une sollicitude dont il faut
le remercier. L'illustration comporte quarante figures sur bois, dont
quatorze portraits : elles ont été tirées de l'Histoire des peintres de
Ch. Blanc, ce qui n'est pas beaucoup dire. En revanche, il y a un bon
portrait du cardinal et cinq photogravures d'après de précieuses tapis-
series de Simon Vouét, de Raphaël et de Jules Romain '.
H. de CURZON.
C O R R ï^ S P O N D A N C E
Réponse de IM. H. itelnach à 11. Rouire ^.
M. Rouire m'invite à entrer dans l'examen du mémoire qu'il a lu le 29 août der-
nier à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Le fascicule des Comptes-Ren-
dus pour le mois d'août n'ayant pas encore paru, je me réfère au résumé publié
dans la Revue archéologique, 1SS4, II, p. 1773. Qu'il me suffise de rappeler ici
quelques textes.
1. Le Sacrifice d^ Abraham, la Prédication de Saint Paul, la Guérison du Pos-
sédé, Saint Paul à Paphos, le Repas de Scipion che:[ Syphax.
2. Voir le numéro précédent de la Revue.
3. J'ai également sous les yeux le mémoire imprimé par M. Rouire dans les Comptes-Rendus de
janvier-mars 1884, p. 37-48 L'auteur prétend y donner le texte et la traduction des passages clas-
siques relatifs au Triton. Il est bien regrettable que de pareilles choses aient été imprimées à l'Im-
primerie nationale, sous le patronage de Tlnstitut Voici quelques échantillons :
56 KKVUb CHlTIQUfe
On lit dans Ptolémée (éd. Nobbe), IV, 3, ii, p. 237, sous le titre Sup-reo)? |J.iy.oaç
Géfftç, l£s noms des villes suivantes énumérées dans l'ordi'e suivant et accompagnés
de leurs coordonnées géographiques qu'il est inutile de reproduire : 0éa'.va'., Ma-
•/.6[j-aoa, Tpi'-tovoç r.OT:ci.\}.oi) £/.6oXa(, Kâr/ri yj Tay-dcT:'/], Fixôlç v; FiBt;.
Or, Oéatva'. (Thenae) est identifiée u'une manière certaine à Henchir Tina, au sud
de Sfax; liai:'/] (Tacape) est non moins certainement Gabès ; ri7_6(ç (Gighthis) est
non moins certainement Henchir Sidi Salem Bou Ghrara, vis-à-vis de Djerba. Donc,
les TpiTf-Ovoç ZS7ai;,OU i'AÎoXyJ. — embouchure de l'oued Gabès, qui, dans l'opinion
de Ptolémée, communiquait avec les chtout — sont placées entre Sfax et Gabès, et
non pas au-dessus d'Adrumète, à 120 kilomètres plus au nord.
On lit dans le même Ptolémée, IV, 3, 34, p. 24?, sous le titre MîTa^u 0£ Ba^-
paoa zoTaixou y.at lou TpiTWVo? ■JïO':a[xoî; uzb [j.èv Kap/'/jcdva, une liste de villes
parmi lesquelles K(Xt;,a (Gz7);z^, près de Sufetula); cette ville est nommée après
Sassura, située au sud du lac Kelbiah, et suivie de cinq autres noms de lieux qui
nous conduisent bien au sud de l'oued Merg-el-Lil. A u':-b i;Av Kao'/TfiSva corres-
respond Lcrb os 'ÂopouirrjTOV TrôXlv (p. 244); dans cette seconde liste de villes, entre
Adrumète et le Triton, se trouve Kd'bx (Gafsa), qui est déjà dans la région des
Chtout. Je regrette de dire que M. Rouire, en citant ces textes [Comptes 7-endus,
1884, p. 44), les a tacitement corrigés. Il identifie Ojô'.vaet Oy-ixva, bien que ces
villes aient des coordonnées différentes; il cite, dans la seconde liste, Thysdrus après
Ouktina. alors que les noms de ces deux villes n'appartiennent même pas au même
paragraphe et sont séparés par quaior^^e autres noms. Mais il y a dans son raison-
Texte de Scylax. Traduction de M. Rouire.
KaTà TaÙTTiV (v/îcrov Ksp/tvtTlv) 0a- E" ^^'^^ '•^ Cercinna se trouve Thapsus...
(ioç... 'ATOOeGâ-iou [v.al AéWsoK] IV-; ^' Thapsus l'on va à la petite Leptis et à
aivpac rsicj y.al 'ABpuir/JTCC i^Tt vSk- ^^^'■■'""" *")^^ au-dessus de ces villes (!!) un
, V •> r r v- ' ' > arand golfe s'enfonce dans les terres ; dans ce
Ttoc y-sYa; £ic(j), £v 0) Ti L'jp-ic -n ij.r/pa ^ " , . „ . . ,, , „,,
" ' ' , ' ' , ' - ' i /-i fleuve est la petite Syrte, ainsi appelée de l île
' "'- ' ' ' de Cercinna {\\)
Texte d'Hérodote. Traduction de M. Rcuire.
AwTOçâYtOV OÏ r.xpx GâAaciaaV r/OV- Au-dessous des Lotophages (!!) et en rcmon-
^ Mv/'u^C ' ' ''^"^ '^ '"^'" ^^ trouvent les Machlyes. — La
traduction exacte est celle-ci : « Les Machlyes
confinent le long de la mer aux Lotophages. »
M. Rouire pense qu'I^OVTat signifie o« frozii-^?, et que AtOTOoaYfOV signifie so!i5 les Lotopha-
ges. \ .& Revue critique ne s'adresse pas à ceux qui ignorent le rudiment.
P. 41 du même travail, une erreur plus grave. M. R. cile le texte de Wéla ; Hadrumetum, Lep-
tis, Clupea, Macomades, Thenae, Neapolis Iiinc ad Syrtim adjacent Traduction de M. R. -.
«• Hadrumète, Leptis, Clupée, Macomades, Tltapsus et Neapolis sont adjacentes à la Syrte», Tra-
duire Thenae, dont la mention est désagréable à M. Rcuire, par Thapsus, c'est se moquer du
monde; en outre, Mêla vient de parler de Carthage, et hinc ad Syrtim adjacent signifie : « De là
jusqu'à la Syrte, on rencontre, sur le même rivage, etc. « Traduire hinc ad Syrtiin adjacent par
sont adjacentes à la Syrte, c'est prouver qu'on ne comprend pas le latin mieux que le grec. Voici
la conclusion de M. Rouire : « Les villes mentionnées par Poniponius comme attenantes à la Syrte
sont, dans leur ensemble \\\],a.\xtàïit de villes situées sur le golfe d'Hammamet » .Macomades et
Thapsus ne sont guère qu'à 120 et lio kilomètres de la pointe méridionale du golfe d'Hammamet.
Comme l'a déjà fait remarquer M. de la Blanchère, M. Tissot était au lit et mourant lorsque
M. Rouire a lu son mémoire à ['.■académie. Cela explique qu'on ait donné l'imprimatur à un tra-
vail qu'il faudrait pouvoir faire disparaître des Comptes rendus.
d'histoire et de httératurk 57
nement une erreur plus grave, qui trahit une ignorance complète de la langue
grecque. Voici les textes : g 34 : Mi'OiÇJ cï BaYpioa r.O'XU.O^ "/.al tgD ïpi-wvoç
T.o-:oi.\).OJ Ozb ij.lv K«p/;r,osva (suivent vingt noms;, g Sy : 'j-b cï 'ÂopO'j;ro-;cv zc/s'.v
(suivent vingt-sept noms). Il est clair qu'uzb Bà 'Âopc6[rr(TOV ainsi opposé à U7:c
li.£V Kap7;ri05va, signifie : MsTa^ù o£ Ba^pâBa ■û;oi:a[;.ou /.ai Toli Tpi-tovoç ^!;Ta[;,ou
UTîb 'AcoO'J[vVf,-:ov '. Or, voici ce qu'écrit imperturbablement M. Rouire (p. 40) :
« Cette nomenclature (g§ 34-37) achevée, Piolémée continue en nous donnant la
liste des villes situées après le fleuve Triton, toujours en descendant vers le sud, et
il commence par Adrumète. d De la part d'un philologue de profession, on verrait
là une confusion volontaire qui mériterait d'être jugée très sévèrement -.
Pline l'Ancien (éd. Littré), V, 4, p. 212. place le lac Triton non loin des autels de
Pliilènes, et en deçà de la peûte Syrte, tout en convenant que beaucoup d'auteurs ie
mettent entre les deux Syrtes. Dans la première hypothèse, le lac ne peut être que le
Ghott el Djerid 3; dans la seconde, il est en pleine Tripolitaine, là où le place éga-
lement la table de Peutinger éd. Mannert, Segment VUr. Le Triton de M. Rouire
n'est guère qu'à 400 kilomètres delà.
Mêla sera-t-il plus complaisant? Au chap. vu de son iivre I (éd. Baudet, p. 27)
il décrit l'Afrique en commençant par Hippone, Rusicadeet Thabraca, en continuant
par le Bagrada, Utique, Carthage, Adrumète, Leptis, etc., c'est-à-dire en suivant
la côte de l'ouest à l'est. Puis il parle de la petite Syrte, celle qui commence au
dessous de Thenae (au sud de Sfax) et ajoute : « Super hune fsinum) ingens palus
amnem Tritona recipit. » Suivant une ingénieuse découverte de M. Rouire, super
/n/HC signifie à i3o kilomètres ;7/m5 /î^w/. Mêla, si méthodique d'ordinaire, se rend
coupable d'un saut bien périlleux; mais pourquoi lit-on à la phrase suivante : Ultra
est Oea oppidum, et Cinyps f.uvius... twn Leptis altéra, localités qui sont toutes
situées en Tripolitaine? Que .M. Rouire lise le xin' chapitre du h^ livre de Mêla, où
il est question de la Cilicie : « Non longe hinc Corycos oppidum portu saloque
incingitur... Supr.a. specus est, r.omine Corycius. Or, i'antre Lorycien est à deux
heures el demie de marche de Corycus ^ dans l'intérieur des terres. M. Rouire n'a
donc pas tout à fait raison d'écrire, dans le compte rendu de son travail qu'il a
communiqué aux journaux {Revue archéologique, 1884, il, p. 178, d'après le Temps
et le Journal officiel) : « Le passage que cite M. Rouire avait été jusqu'ici déclaré
inexplicable par tous les commentateurs (.') . Pour la première fois, M. Rouire en
donne la clef et en fait ressortir la grande importance à l'appui de sa thèse, w 11 faut
un peu de patience pour lire de pareilles choses, et beaucoup de confiance naïve
pour les écrire.
Laissons de côté Strabon et Lucain, qui rejettent îe lac Triton en Cyrénaïque, et
Diodore, qui le met au Maroc. Venons-en au texte de Scylax, que M. Rouire invoque
à son appui. Scylax (éd. Mûller, t. 1, p. 88) parle de la petite Syrte, qu'il appelle
1. Le Bagradas de Ptolcmce cojle du sud au nord. Ni Cartilage ni Adrumète ne sont sur le Ba-
gradas. Ce sont simplement les points de départ de lignes fictives que Ptolémée descend du nord au
sud de manière à cnumérer les villes comprises entre le Bagradas et le bassin des Chtont.
2. Le paragraphe suivant, § 41, commence par ces mots : i^îTaçÙ oï TÛJV 060 -.6pTîO)V
ZÔKl'.Z 3cToî. Il correspond donc au § 34.
3. Les autels des Philènes sont appelés par Ptolémée (IV, 3, m) gotov XcsO'.y.T/Ç et placés dans
la grande Syrte. Le texte de Pline citra nmiorem Syrtim n'est pas clair ; comme il ajoute ultra
Cyrenaica provincia. [est], il semble qu'il place le Triton près de la grande Syrte. Il y a sans doute
une corruption ou une lacune dans ce passage.
4. Bidletiii de Correspondance hellénique, 1880, p. i33.
58 REVUE CRITIQUE
Cercinitis, d'après les îles Kerkennah, situées vis-à-vis de Sfax. 'Ev TauTV] xfj
SùpTiot èvéar/)*/.£v '?) v^7o; Tp(xo)voç ■/.cf.Xouixérr, /.at 7:oTa[;-cç Tpi'xwv. Le texte
du passage est notoirement altéré, et s'il prouvait contre l'opinion reçue, on pour-
rait répondre par le principe de critique corritptis locis nihil probaiur. Mais Scylax
dit fort clairement que le fleuve Triton se jetait dans la petite Syrte ; or. le Triton
de M. Rouire se déverse dans ie golfe d'Hammamet. M. Rouire avait essayé autre-
fois de se tirer d'affaire en affirmant que la petite Syrte est le golfe d'Hammamet,
et non le golfe de Gabès ; ayant renoncé à soutenir cette énormité, il ne peut plus
invoquer en sa faveur le témoignage de Scylax.
Enfin, last but not least, voici le témoignage d'Hérodote (IV, 178) : « Après les
Nasamons, qui habitent près de la grande Syrte, on trouve, en se dirigeant vers l'oc-
cident, les Makes et les Gindanes... Le cap situé en avant du pays qu'occupe cette
dernière peuplade est habité par les Lotophages... Les Machlyes confinent le long de
la mer aux Lotophages... qui s'étendent jusqu'à un grand fleuve qu'on appelle Triton
et qui se jette dans le grand lac Tritonide. » Tout le monde sait que les Lotophages
d'Homère habitaient au sud de Gabès, sur la côte opposée à l'île de Djerba; or, le
Triton de M. Rouire est à 3oo kilomètres de ià, dans un pays oii ne mûrit pas le
lotos.
Satis stiperqite. Je demande pardon à la Revue d'avoir dû sacrifier quelques-unes
de ses pages à la réfutation d'un paradoxe qui n'a pas même le mérite d'être spé-
cieux.
Salomon Reinack.
CHRONIQUE
FRANCE. — Le volume que M. Ernest L.vvisse vient de publier à la librairie
Colin (In-S", xxx et 338 p.) sous ie titre : Q.uesiions d'enseignement national, ren-
ferme les chapitres suivants : L'enseignement historique en Sorbonne et l'éducation
nationale. — Cours publics et cours fermés à la Faculté des lettres de Paris. - Les
étudiants à la Faculté des lettres de Paris. — L'enseignement et les examens. —
Allocutions aux étudiants de la Faculté des lettres de Paris (3i octobre 1882,
6 novembre i8S3, 4 novembre 1884), — Discussion d'une thèse de philosophie
(thèse de M. Marion) et à ce propos du déterminisme historique et géographique. —
Discussion d'une leçon d'histoire (sur les quatre premiers Capétiens). — L'ensei-
gnement de l'histoire à l'école primaire. — Universités allemandes et universités
françaises. — Charles Graux (biographie de notre regretté directeur, qui a paru en
tête des Mélanges Graux; l'exemple de Graux, dit M. Lavisse, montre mieux que
toutes les théories ce que doivent être et un étudiant et un professeur d'enseigne-
ment supérieur). Un de nos collaborateurs reviendra plus longuement sur ce vo-
lume, dont les chapitres ont été écrits au cours des discussions récentes sur la
réforme de l'enseignement. Ajoutons, en attendant, que dans V Avant-propos M. La-
visse montre le lien qui unit ces divers chapitres et en présente les idées généra-
les. Cet avant-propos se termine par un hommage à la mémoire d'Albert Dumont :
« Toutes ces idées, dit l'auteur, Dumont les avait. Il voulait faire et faisait une œuvre
nationale.,, et c'est pourquoi, le jour de ses funérailles, lorsque j'ai vu, au sortir de
D HISTOIRE ai DU LITTERATURK D O
l'église, le drapeau s'incliner devant son cercueil, j'ai pense que cette rccov..-
pense, la plus haute que puisse recevoir un citoyen, Albert Dumoni. la méri-
tait, n
— La dernière Revue orientale publiée par notre collaborateur M. Clermont-
Ganneau, dans le n" du 3o décembre 1884 du Journal officiel, contient le compte
rendu de la Clivestomathie élémentaire de l'arabe littéral, par MM. H. Derenbourg
et Spiro; de la nouvelle édition de la Grammaire i.ébraïque de Preiswerk; des An-
cient empires of Vne East, par M. Sayce; de The empire of the Hittites, par M. W.
Wright; de Religion und Mythologie der alten Aegypî^r, par H. Brngsch.
— M. Eug. Beauvois a fait tirer à part (du Muséon, juillet 1^84) une étude sur la
fontaine de Jouvence et le Jourdain dans les traditions des Antilles et de la Floride;
il y montre que les Gaels cherciaaient la fontaine de Jouvence fort loin à l'ouest de
l'Europe; or les Lucayens et les Floridiens, dont le pays répondait quelque peu à
cette donnée, y signalaient une source et une rivière dont les eaux avaient i.i-e vertu
merveilleuse et régénératrice. « Pour que les croyances des premiers eussent ainsi
leur contre-partie dans les circonstances locales ou les traditions des i uircs, il
fallait que les Celtes précolombiens eussent réellement visité le Nouveau-Monde et
que les navigateurs de leur race eussent imposé leur n":anière de voir aux indigènes
par un contact prolongé. »
— Des amis, élèves et collègues du regretté Albert Dumont ont conçu la pensée
d'honorer et de perpétuer sa mémoire par la fondation d'un ou plusieurs prix des-
tinés aux élèves de l'enseignement supérieur : Prix Albert Dumont. Un comité a été
formé sous la présidence de M. G. Perrot, directeur de TEcole Normale supérieure.
Nous ne doutons pas que ce projet ne rencontre de vives sympathies et de nom-
breuses adhésions. Les souscriptions devront être remises à M. Lantoine, trésorier
du Comité, au secrétariat de la Faculté des lettres à Paris.
AUTRICHE. — Les bruits relatifs à la fondation d'une Université catholiqu.- à
Salzbourg se confirment. Il paraîtrait que des sommes importantes sont rassemblées
et qu'un comité est constitué. Il ne s'agit pas de créer d'un seul coup l'Université.
On compte organiser successivement chaque faculté au fur et à mesure de !a con-
stitution des ressources pécuniaires. De cette manière il serait possible d'ouvrir ici à
peu de temps les cours de la faculté « d'histoire et de philosophie « par laquelle on
veut commencer.
GRÈCE. — .M. Constantin Sathas vient de faire paraître (à Paris, à 'Venise et à
Leipzig) le tome V de ses Mvr,[X£Ta T'^; îsTCSi'a; £7,),r,viy.Y;; ou Documents relatifs
à l'histoire de la Grèce (i vol. in-4'^). Ce recueil renferme, dans les quatre volumes
précédents, des dépêches reçues et envoyées par la chancellerie vénitienne concer-
nant les possessions grecques de la République et conservées dans les archives de
'Venise. Le nouveau volume se compose de pièces de la même nature, mais déposées
dans les archives de diverses villes d'Italie. On sait que cette publication est pour-
suivie par M. Sathas sous les auspices de la Chambre des députés de Grèce.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du g janvier 188 5.
M. Ernest Desjardins, président, prononce une allocution dans laquelle il rend
hommage à la mémoire de M. Frédéric Baudry et rappelle les travaux variés par les-
quels il s'est fait connaître.
6o REVUE CRITJQUE d'hISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
Les coiiimissions annuelles de l'Acadcmie sont ainsi composées pour l'an-
ne'e i885 :
Commission des travaux littéraires: MM. Ravaisson, Egger, Renan, Maury, De-
lisle, Miller, Hauréau. deRozière;
Commission des aniiquités de la France : MM. Renier, Maury, Delisle, Hauréau,
Desnoyers, de Rozière, Alexandre, Bertrand. Schlumberger;
Commission des écoles françaises d'Athènes et de Rome : MM. Ravaisson, Egger,
Léon Renier, Delisle, Miller, Jules Girard, Heuzey, Georges Perrot;
Commission du nord de l'Afrique : MM. Renan, Léon Renier, Pavet de Courteille,
Duruy, Georges Perrot, Barbier de Mcynard, Schefer, Maspero;
Commission administrative : MM. Jourdain, Deloche.
Sont aussi membres de toutes ces commissions, les membres du bureau de l'Aca-
démie : MM. Ernest Desjardins, président, Gaston Paris, vice-président, et Wallon,
secrétaire perpétuel.
M. Gaston Paris est élu nTjmbre de la commission du prix Volney, en remplace-
ment de M. Adolphe Régnier.
L'Académie, après délibération en comité secret, procède à l'élection d'un corres-
pondant étranger, en remplacement de M. Lepsius. M. Domenico Comparetti est élu.
Ouvrages présentés : — par M. Delisle : i» Fouknier (Paul), le Royaume d'Arles
et de Vienne sous les premiers empereurs de la maison de Souabe; i" Beaurfpaire
(Eug. de). Variétés archéologiques tx Promenade de la Société française d'arcliéo-
logie dans la ville de Caen; 3" Mémoires de (sic) Eustaclie Fiemond. notaire royal
delpliinal delà ville de Saint-Antoine en Dauphiné, publié- par A. Brun Durand;
par M. Alexandre Bertrand : Adam (Lucien), la Langue des Esquimaux ; les Idiomes
négro-aryen et maléo-arycn; les Langues américaines; les Langues ouralo-altai-
ques ; Du parler des Iwmmes et du parler des femmes en langue caraïbe ; Du genre
dans les diverses langues; — Par M. Georges Perrot : Tissox (Ch.), Géographie
comparée de la province romaine d'Afrique, lome I"^r,
Julien Havet.
SOCIETE NATiONALE DES AiNTiQUAlRES Y^E FRANCE
Séance du 24 décembre 1884.
PRÉSIDENCE DE M. GUILLAUME
La Société reçoit de nouvelles adhésions à la pétition pour la conservation des mo-
numents historiques dans les'colonies et possessions frai^çaises. Ce sont celles des
sociétés suivantes : Société historique littéraire, etc., du Cher; Société académique
Franco-hispano-portugaise de Toulouse; Société savoisienne d'histoire et d'archéo-
logie; Société d'agriculture, industrie, etc., de la Lozère; Société des archives histo-
riques de la Saintonge et de l'Aunis; commission des antiquités de la ville de
Castres.
M. Palustre fait connaître un monument funéraire de la famille d'Alesso retrouvé
au château d'Ussé (Indre-et-Loire . 11 communique ensuite les photographies de re-
marquables objets d'orfèvrerie ancienne faisant partie du trésor de la cathédrale de
Trêves.
M Courajod lit un mémoire intitulé Germain Pilon et les monuments de la cha-
pelle de Birague à Sainte-Catherine du Val des Ecoliers, dans lequel il démontre,
à l'aide de gravures et de dessins anciens, que deux écussons de marbre blanc d'un
goût charmant et d'une très belle opération, entrés récemment au Louvre, pro-
viennent du célèbre tombeau de Valentine Baibiani, femme du chancelier de Birague.
M. Héron de Villefosse annonce à la cor.ipagnie que le R. P. de la Croix
vient de commencer des fouilles à Antigny (Vienne) dans un ancien cimetière mé-
rovingien et que ces fouilles qui promettent d'être très frucmeuses ont donné déjà
des résultats importants; il présente l'estampage d'une inscription romaine qui avait
été employée pour faire un sarcophage et qui renferme des noms gaulois intéres-
sants. Une note de M Ernault professeur à la Faculté des lettres de Poitiers, accom-
pagne l'envoi du P. de la Croix. Plusieurs inscriptions funéraires mérovingiennes
ont été découvertes; l'une contient une formule nouvelle relative au respect dû à la
sépulture.
M. Héron de Villefosse présente ensuite de la part de M. Loustau divers objets
trouvés à Orléansville (Algérie). Une matrice de sceau en terre cuite portant trois
noms romains et un charmant petit médaillon en pâte de verre muni d'une belière;
on y voit deux têtes romaines, un homme et une femme de l'époque d'Antonius,
mais qu'il est impossible d'identitier d'une manière plus précise.
M. Flouest donne de nouveaux détails sur l'idéogramme en forme d'S dont il a
déjà parlé précédemment. Le Secrétaire,
Signé : H. Gaidoz.
Le Propriéta ire-Géra nt : E R iN tiST ; . E Kl) U X .
Le Pity, irr^rimerie de Marchessou fils, boulevard Saint- Laurent, 3.?,
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N<> 4 — 26 janvier ~ 1885
r.omjMaîve s 14. Van Veen, sur Silius îtalicus. — i5. Friedlaender, Maniai.—
16. PoTTiER, Les terres cuites dans les tombeaux des Grecs. — 17. Grafe,
La doctrine de la Loi chez l'apôtre Paul. — 18. Pellechet, Notes sur les livres
liturgiques des diocèses d'Autun. — 19. Duc de Broglie, Frédéric II et Louis XV.
— 20. RoNCA, La Secchia Rapita de Tassoni. — 21. G. Meyeu, Etudes alba-
naises, I et IL — Chronique. — Académie des Inscriptions.
14. — J. S. van Veen. QHaestîones Siliunse. 104 pages, in-8. Leyde, 1884.
Les trois premiers chapitres de cette dissertation sont destinés à prou-
ver une fois de plus que la matière du poème de Silius Italicus, et spé-
ciaiement des chants VII et VIII. est empruntée à Tite-Live, avec
quelques exceotions en faveur de Poiybe, mais que Silius a voulu être
poète et non historien. Le chapitre iv discute le texte de plusieurs vers
tires de presque tous les chants du poème. En appendice, 29 thèses qui
renferment des conjectures sur différents auteurs grecs et latins.
i5. — Mai-tîa!s BucSi de:* !gcli»u@ipiele. Mit Anmerkungen von Ludwig
FRtEDLiENnER, Profcssor in Kœnigsberg. Kœnigsberg. 1884. 22 pages, in-4.
S'il est un savant qui soit désigné pour faire une édition de Martial
avec commentaire explicatif, c'est M. Friedlasnder, l'auteur des Mœurs
romaines. Aussi faut-il espérer que la brochure dont on vient de lire le
titre n'est qu'un spécimen. Le plan en est fort bien conçu. Dans une
courte introduction, M. F. lixe l'époque de la composition de ce livre
d'épigrammes, en apprécie la valeur littéraire, et rend compte de la tra-
dition du texte. Le texte, revu d'après des collations nouvelles des prin-
cipaux mss., est accompagné d'une quadruple série de nores : i" les
variantes entre le nouveau texte et celui de Schneidewin ; 2" les variantes
des mss., les conjectures, etc. ; 3" les réminiscences chez Martial et les
imitations de Martial chez d'autres poètes; 4" le commentaire explicatif.
On peut se demander si la première série est bien nécessaire en présence
de la seconde. Celle-ci paraît fort soignée. La troisième, due à M. E.
Wagner, ne manque certes pas d'intérêt. Mais c'est la quatrième qui
appelle principalement Tattention, et qui est aussi la plus développée.
Les observations de grammaire et de métrique n'v font pas défaut,
mais, comme de juste, laissent la plus grande place à l'explication des
Nouvelle série. XIX. 4
62 KEVUE CKlilQUi!.
faits. Et ici, l'extrêiîie concision ne fera pas méconnaître au lecteur
attentif la richesse des informations et le bonheur des rapprochements.
l6. — Quain ob c»usatii Grneeî in sepulcriâ iigSÎEia ssgilla deposuecint
(thèse latine), par M. E. Pottieu. Paris, Thorin, i883, in-S, 124 pages et une
planche en héliogravure.
Les lecteurs de la Revue ont sans doute entendu parler des terres cui-
tes de Myrina. Ces terres cuites proviennent d'une nécropole d'Asie-
Mineure fouillée dans ces dernières années par plusieurs membres de
l'Ecole française d'Athènes, MM. Pottier, S. Reinach et Veyries. La
moisson a été abondante et les gens curieux des choses antiques pour-
ront admirer prochainement dans les vitrines du Louvre quelques spé-
cimens de cette fabrique dont le style rappelle souvent celui de Tanagre
et qui d'ailleurs paraît avoir eu à sa disposition plusieurs moules tana-
gréens.
Après avoir fait connaître au public dans une série d'excellents arti-
cles ' les résultats des fouilles de iMyrina, M, P. a eu Tidée de présenter
sous une forme méthodique les observations qu'il avait eu l'occasion de
faire sur Tusage et le sens des figurines en terre cuite. Ce travail a été
proposé à la Faculté de Paris comme thèse de doctorat. Il se compose de
deux parties. La première, sur laquelle j'insisterai peu, n'est que l'ex-
position de toutes les interprétations données jusqu'à ce jour. M. P. ne
les accepte pas, mais il ne les condamne pas non plus entièrement : les
examinant chacune à leur tour, il montre en quoi, selon lui, elles ne sont
pas justes, en quoi elles sont vraies, ce qu'il faut en rejeter, ce quMl faut
en retenir.
Dans la seconde partie, M. P. reprend la question tout entière. Il
commence par rassembler et commenter les textes anciens relatifs aux
terres cuites, puis les témoignages fournis par les monuments figurés,
enfin les données qui résultent des fouilles et en particulier des fouilles
de Myrina. De l'ensemble de ces observations, il tire les conclusions
suivantes :
1° Les terres cuites n'avaient pas par elles-mêmes une signification fu-
néraire. Elles étaient fabriquées sans destination bien définie. Les coro-
plastes, travaillant à leur fantaisie, offraient dans leurs boutiques un
assortiment varié de figurines dont l'acheteur pouvait faire tel usage qui
lui plaisait, qui pouvaient à son gré être employées comme cadeaux ou
être consacrées comme ex-voto soit aux divinités domestiques, soit à tel
ou tel dieu d'un sanctuaire public, soit aux mânes des morts;
2° Les terres cuites trouvées dans les tombeaux ne sont pas autre
chose que le témoignage de la piété des vivants à l'égard des morts. Les
I. Bulletin de corresp. hellénique, 1882, p. 388 et ddj; i883, p. 81, 204, 493.
d'histoire et dk L'.rriiK.vTUUE 63
morts sont dans une certaine mesure des divinités. De même que dans
les temples on consacre des statuettes, des coupes, des plats, mille objets
de tout genre, précieux ou non, de même on dépose dans les tombeaux
des vases et des figures en terre cuite. Ce. sont des ex-voto de part et
d'autre, qui n'ont par eux-mêmes aucune signification sacrée ou funé-
raire et qui ne prennent une valeur religieuse que par le fait seul d'a-
voir été consacrés.
La théorie est spécieuse ; elle est développée avec une richesse
d'arguments et de remarques ingénieuses qui font grand honneur à la
science et au talent de M. Pottier. Mais j'avoue que je ne suis pas
convaincu. M. P. a raison de refuser aux terres cuites un sens fu-
néraire. Mais il va trop loin lorsqu'il prétend qu'elles étaient fabri-
quées sans destination précise. Du moment que les coroplastes avaient
pour un certain nombre d'objets déterminés •■ne clientèle assurée, ils
devaient naturellement faire des figurines d'un caractère spécial appro-
prié aux besoins de cette clien»èle. On voulait des ex-voto pour les tem-
ples : ils fabriquaient donc des ex voto pour les temples. L'examen des
terres cuites trouvées à Tégée et qui, sauf de très rares exceptions, ont
toutes un caractère évidemment religieux et votif ne laisse aucun doute
sur ce point. Si l'usage avait été d'offrir des ex-voto pour les morts,
pourquoi n'auraient-ils pas fabriqué aussi des ex-voto pour les morts?
M. P. en ciie bien quelques-uns. Mais ils sont très peu nombreux, alors
que l'on compte par milliers les figurines jusqu'ici découvertes dans les
tombeaux et qui représentent ce qu'on pourrait appeler des sujets de
fantaisie. Si la thèse de M. P. était vraie, nous devrions avoir nos mu-
sées remplis de figurines à sujets funéraires. Il ne faut pas oublier que
les coroplastes étaient des ouvriers préoccupés avant tout d'aller vite en be-
sogne et de simplifier à l'extrême les procédés d'exécution. Dès qu'ils
étaient sûrs d'une clientèle déterminée, dès qu'ils voyaient qu'un genre
de figurines était souvent demandé, ils créaient un type qu'ils reprodui-
saient à l'infini. Si l'usage ou plutôt la formalité d'offrir des ex-voto
aux morts avait existe au même titre que celui des ex voto aux dieux
dans les temples, on peut être certain que les coroplastes auraient ima-
giné des types d'ex-voto funéraires comme ils ont imaginé des types
d'ex-voto religieux. Us ne se seraient pas donné la peine de s'ingénier
à faire du nouveau, à tirer des moules qu'ils avaient en petit nombre
tant de figures variées, à combiner des motifs plus ou moins piquants,
en un mot à créer à force d'adresse tout ce petit monde de statuettes fI
évidemment destinées à amuser les regards des vivants. A quoi bon une
pareille dépense d'imagination et de dextérité s'il se fût agi simplement
d'offrir un assortiment d'ex-voto populaires à la piété plus ou moins
indifférente de ceux qui, se rendant à des funérailles, voulaient avoir
une terre cuite à jeter sur la tombe?
La théorie de M. P. s'accorde mal avec ce que nous savons des mœurs
funéraires de l'antiquité. L'usage, du moins à l'origine, semble avoir été
6x RliVlU: CKiTlQUK
d'ensevelir avec ie dénint tout ce qui lui avait appartenu, ses esclaves,
ses captifs, son cheval, son mobilier, ses armes, ses bijoux. Avec le
temps l'usage perdit de sa rigueur, mais ne disparut pas entièremeiît.
On n'enferma plus avec le mort tout ce qu'il avait possédé, mais quel-
ques souvenirs de son ménage passé, des vases, un miroir, une boîte à
fard, un Jouet, un bijou, ou même de simples reproductions, sans va-
leur et sans ronsisiance, de ses bijoux. M. P. constate lui-même cet
usaae (p. 86'. Nest-il nas naturel de considérer les terres cuites comme
des souvenirs analogues que le défunt emportait de sa maison dans son
tombeau?
Le problème de rinterprétation des terres cuites est si complexe qu'il
est diliicile d'arriver à une solution qui s'impose. Remercions pourtant
M. Potticr d'avoir à son tour tenté l'entreprise. Remercions-le su; tout
de nous avoir do;":né un petit volume aussi intéressant, aussi plein de
faits nouveaux et d'observations pénétrantes. Ce travail ne sera pas
moins goûté par le public savant qu'il l'a été comm^ thèse pai- la
Faculté des L-cttres.
.îules Martha.
Ten, von Lie. Dr. Eduard Grafe. Brochure in-8, de 20 p. Freibuig i. B. und
Tûbingen, 1884. J. C. B. Mohr Paul Siebeck). Prix : 40 pf.
On sait l'importance de la doctrine de la Loi dans le système de
Papôtre Paul. Fauteur exalté de la tradition Juive dans les temps qui
précédèrent la crise connue sous le nom de Conversion, il en devient,
par un curieux revirement, l'adversaire le plus résolu, du jour où il a
reconnu le Christ ou Messie dan.s la personne de Jésus de Nazareth ré-
cemment mis à mort. Et chose bien plus étraîige! c'est maintenant aux
disciples authentiques de Jésus, à ses apôtres qu'il se trouve avoir af-
faire, prétendant qu'ils ont conservé à la loi mosaïque une valeur qui
a cessé de lui appartenir par le double fait de la mort et de la résurrec-
tion du Christ.
Ces circonstances diverses sont aujourd'hui bien éttiblies; encore faut-
il les définir avec la précision que permettent les textes authentiques à
nous parvenus, autrement dit les quatre grandes épîtres pauliniennes
aux Galates, Corinthiens et Romains. M. Grafe, dans la présente dis-
sertation, qui est un écrit àliabilitaîion à l'enseignement dans la fa-
culté de théologie de Berlin, s'est attaché à élucider l'idée de Loi en la
dégageant des éléments qui empêchent de la saisir dans sa simplicité.
Après avoir écarté l'opinion que le mot v6[;,cç ait une portée différente
selon qu'il est, ou non, accompagné de l'article, — opinion qu'ont, ré-
cemment encore, soutenue Voikmar et Holsten, pour établir que l'apô-
tre ne distingue point entre les portions rituelles et les portions morales
de la loi traditionnelle, l'écrivain expose la signinoaiion qiii convient
au mot et le but assigné à la loi par les documents ci-dessus indiqués.
« Le juif et, en un certain sens, le judéo-chrétien lui aussi, prétendait
que ia loi avait pour objet de justiiier Thomme devant Dieu par Tac-
complissement des œuvres de la loi; » Paul assure directement le con-
traire et nie la possibilité d'une justification quelconque par le moyen
de la loi. II est très curieux de voir l'intrépide logicien se débattre clans
la sorte d'impasse où l'a jeté une antithèse forcée. M. Grafc expose avec
clarté et dans un ordre aisé à suivre, les différents éléments du raisonne-
ment de l'apôtre, déclare avec beaucoup de sens que, selon les circon-
stances, il ne faut pas s'étonner de voir celui-ci atténuer ou, au con-
traire, exagérer l'expression de sa pensée, et il termine par des considé-
rations qui montrent une vue saine et dégagée des choses. « Cette doc-
trine Je ia loi, propre à Paul, dit-il, ne pouvait paraître évidcnie par
soi à ses adversaires judéo-chrétiens : cela se comprend parfaitement.
On peut même penser que les vues les plus justes sur la position histo-
rique de la loi se trouvaient dans le camp des contradicteurs de l'apô-
tre. C'est ainsi, par exemple, que la conscience juive était fondée à ne
pas voir entre la loi (mosaïque) et la promesse (faite à Abraham) le con-
traste qu'il y marquait. L'aDÔrre se mettait dans une situation sca-
breuse, en essayant de ruiner la loi par la loi elle-même. 11 était im-
possible de n'être pas sensible à la contradiction d'une attitude qui, du
même coup, nicùntenait l'autorité divine de l'Ancien Testament et sa-
crifiait son sens historique. Les déclarations de l'Ecriture étaient con-
stamment alléguées comme preuves, et en même temps ce qui constituait
le caracicre religieux et national particulier de celle-ci, était condamné.
— Il n'en reste pas moins que, par son exégèse allégorico-spirituelle,
Paul dépasse de beaucoup ses contemporains. Par son assertion fonda-
mentale de la substitution de la foi à la loi comme moyen de salut,
l'apôtre représente le noyau même du chiistianisme, et c'est précisé-
ment par sa doctrine de la loi qu'il est devenu le plus grand des apôtres,
le plus puissant fauteur du christianisme. »
Nous n'avons rien trouvé de tout à fait nouveau dans cette dissertation,
mais nous sommes heureux d'y louer des qualités de justesse, de simpli-
cité, de bonne exposition, dont les écrivains théologiques de l'Allemagne
prenrient généralement trop peu de souci.
M. 'Vernes.
66 RKVUE CitriIQUE
i8. — Motes sur les Sivs^es lîtMi-gîques tles diocèses tl'Auttin, i;:haIon
et Alacon, avec un choix de leçons, d'hymnes et de proses composées en
l'nonneur de quelques saints spécialement honorés dans ces diocèses. Par
M. Pellechet, Paris, H. Champion ; Autun, Dejussieu père et fils, i883. Gr. in-S
de xij et 537 PP-» plus i f.
Malgré son titre modeste, l'ouvrage de M. Pellechet, est un des livres
de bibliographie les plus extraordinaires que nous ayons jamais eus
entre les mains. L'auteur, qui a sans doute poursuivi ses recherches
pendant de longues années, a réuni sur Tancienne liturgie des trois dio-
cèses aujourd'hui administrés par Févêque de Langres des renseigne-
ments qui nous surprennent par leur étendue et leur variété. Il a lui-
même tout vu, tout lu, tout recueilli; il semble qu'aucune bibliothèque
ne soit restée en dehors de ses investigations.
Les Notes de M. P. sont divisées en deux parties; la première con-
tient une description minutieuse de 226 ouvrages manuscrits ou im-
primés : bréviaires, cérémoniaux, diurnaux, graduels, heures, missels,
etc. ; la seconde est consacrée aux analectes liturgiques. Ce qui rehausse
singulièrement l'intérêt de l'ouvrage, ce sont les renseignements que
l'auteur y a fait entrer sur tous les personnages qui y sont cités à un
titre quelconque. Ces notices révèlent une patience et une érudition
singulières.
Un livre tel que celui dont nous parlons ne saurait être analysé; c'est
une mine précieuse de documents dont profiteront également ceux qu'in-
téresse l'ancienne liturgie française, ceux qui étudient l'histoire ecclé-
siastique et ceux qui aiment la bibliographie en général. Nous n'au-
rions qu'un reproche à faire à M. P., c'est d'avoir suivi une seule et
même méthode pour la description des manuscrits, des incunables et des
imprimés postérieurs au xv*" siècle; mais il confesse lui-même son er-
reur avec une bonne grâce qui nous dispense d'insister sur ce point.
Nous nous contenterons de quelques observations de détail, qui
prouveront à l'auteur que nous avons véritablement lu son livre.
P. 36. — Le Breviarum Cabillonense ne peut appartenir au xv^ siè-
cle, puisqu'il sort des presses d'Henri Estienne, qui ne commença
d'exercer qu'en 002; il ne doit pas être antérieur à i5o6 ou i5o8.
Le Pierre Le Goux, qui fit imprimer ce bréviaire est probablement
celui qui traduisit en vers français le Psautier que composa le glorieux
saint Hierosme a l'honneur de la glorieuse vierge Marie (Paris, An-
toine Verard, s. d., in-4.) '.
P. 70. — Jehan Higman exerçait encore en i5oo, année où nous lui
voyons imprimer un Missale Carnotense (Biblioth. nat., Inv. B. 1753.
Rés.).
P. 72, ~ Le poème français placé en tête des Horae Cabil-
lonenses :
Du hault rocher de vraye éternité,
I. Voy. Du Verdier, éd. Rigoley de Juvigny, III, 282.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURH (jj
se trouve avec le nom de « maistre Charles Morel » au fol. 14, v°, d'un
ms. quia iiguré en 1881 à la vente delà collection F. Didot (Cat.,
n° 27); il se trouve également, sans nom d'auieur cette fois, à la fin d'un
ouvrage de Martial d'' Auvergne, les Mattines, en Jrancoys, nouvelle-
ment faittes sur la généalogie et vie Nostre Dame (s. 1. n. d., mais
Lyon, vers 1490, in-4. goth.).
P. 84. — Les Instructions des cure\ et vicaires pour faire le prosne
doivent être celles de Gerson, souvent jointes aux éditions des Statuta
synodalia. Qï. Revue critique, 1881, î, 214.
P. 87. — Le Manuale curatorum Eduense compte en réalité 1 18 ff.
et non 117, parce qu'il y a deux ff. cotés ici. La notice De compoto qui
est chiffrée 120 est bien le 8° des ff. liminaires; mais il est possible
qu'elle ait été composée pour figurer à la fin d'un autre volume, conte-
nant i20 ff., qu'il y aurait lieu de rechercher.
P. 143. — M. P. n'a pu se procurer de renseignements précis sur
une édition des Officia propria Matisconensia publiée en 1601 . On en
trouverait peut-être dans les Ordonnances générales faictes par Mgr
le reverendissime evesqiie de Mascon pour le règlement de son diocèse
(Lyon, Pillehotte, 1602, in-8) ^ Il est probable que les Officia furent
de même imprimés à Lyon.
P. i5o. — Le Catalogue de la Bibliothèque municipale de Bor-
deaux (Jurisp. 2686) cite le Recueil des Ordonnances sinodales du
diocèse de Chalon à la date de 1700. — Ajoutons que le libraire lyon-
nais Jean Certe exerçait dès l'année 1672. A cette date il publia V Ex-
plication des cérémonies de la grande messe de paroisse, selon l'usage
romain^ de J.-J. Olier, in- 12 (même catalogue, Théol. 1748).
P. 227. — M. P. nous donne une foule d'indications précieuses sur
le culte de saint Lazare en France et spécialement à Autun. Il eût été
curieux, ce nous semble, de dire quelques mots, sinon des innombra-
bles drames religieux dans lesquels figure le personnage ressuscité par
le Christ, au moins du mystère représenté à Autun, en i5i6, avec un
luxe extraordinaire. Barthélemi de Chasseneuz nous a donné une cu-
rieuse description du théâtre construit à cette occasion dans la cité
éduenne ''; le même auteur nous a conservé ^ une hymne composée
alors par Pierre Turrel ^ Voici le commencement de ce second passage,
qui eût été à sa place dans les analectes liturgiques :
I. Biblioth. munie. d'Amiens, Th. 1914.
■2..Calalof;usGloriaemundi,éi.(^ç.'LYon, Georges Regnauit, 1546, in-fol., fol. 233 d.
3. Ibid., fol. 296 b.
4. Sur Pierre Turrel, voy. La Croix du .Maine, éd. Rigoley de Juvigny, II, 327;
Du Verdier, III, 347. — Aux ouvrages cités par les deux bibliographes on peut
ajouter : 1° La grant Pvonostication avec Valmcmacli, bien au long calculée pour
l'an mil ccccc et xxiij, pièce imprimée par Pierre Grangier à Dijon, in-4, ^t dont
la Bibliothèque nationale ne possède que le titre (Rés. p. V 1661; 2° une autre
pronostication : C'est ce que sera par les influences célestes, présent l'an mil
ccccc. xxxiii, etc., dont on trouvera la description dans le Supplément au Manuel
du libraire, II, 8t5.
68 KKVîJ!i CK!I!Qi;h
« Suut et ibi [Heduae] reliquiae sanctorum, praecipue corpus sancti
Lazari, ad quem recurrunt plures morbo gravati et sanantur, faciesque
peregrinis devotis ostenditur. Cujus zoilogia (prout ab Heduis anno
Domiiii i5i6 in amplissimo theatio per varias personas ]usa fuit in
mense Augusto), carminé saphico adonioque aedita a Petro Turrello
Heduensi, viro undequaquam literatissimo, sequitur :
«Reihores Gallamj^taceant ad aram,
Naviget quo vult Ararim Sedunus,
Nec virens sacra druydes célébrant
UHce viscum.
« Sed suum pairem recolet beatum
Coelicis toto modulis in orbe
Lazarum tristi phaeretro ievatum
Hedua felix. »
L'iiymne est composée de 33 strophes ; à la suite viennent 5 disti-
ques rappelant les diverses fêtes de saint Lazare célébrées dans l'église
d'Autun :
1 Hinc sequuntur La:{aralia qiiae in praedicta ecclesia cele-
brantur :
« Haec tibi sacra tuliî ceiebranda Sydonius héros,
Augusludune qui f'ovet aedis opes.
Resurrectio.
« Divus ab Elyseis revocatur Lazarus oris,
Aurea dum verno vellera sole tepent.
Passio.
« Lazarus extrema truncatus morte quiescit,
Cum sacer Erigonis sydera Phaebus agit.
Revelatio.
« Vult quoque Lazarias celebrandum Humbertus ad aedes
Cum nocuam clarus lustrât Apollo Ncpam.
Translaiio.
« Denique thuricremas jubct ire Gerardus ad aras
Frigida brunalis dum struit Egla nives.
Finis. >i
Barthéiemi de Chasseneuz fait suivre ces deux pièces d'assez longs
détails sur les églises d'Autun.
P. 283. — Aux renseignements très complets et très curieux que
M. P. nous donne sur le culte de saint Léger en France et en Suisse,
on peut ajouter la mention d'un mystère français Joué à Béthune en
i5i9 ', et celle d'une tragédie allemande représentée à Lucerne en
1606 ".
1. La Fons de Mélico;q, ap. Giiampollio i-Kigeac, Documents historiques, IV,
329.
2. Tragtxdie voin iicilis^en Lcodegar, ms. à la Bibliotlicque municipale de Lu-
cerne, n» 284. Voy. le P. Gail Moiel dans le GeschiclUsfreund, XVII, I25;XX1II,
d'histoire et de f.ITTÉRATUUH 69
On pourrait citer de même un cerlain nombre d'ouvrages dramati-
ques ayant pour objet la vie de la Madeleine, celle de sainte Marthe,
de saint Symphorien et de saint Vincent.
P. 40Î. — Un ms. des Annales Provinciae est conservé à la Biblio-
thèque Méjanes, à Aix (n" 5o6).
La table des matières qui termine les Notes de M. Pellechet, bien que
déjà fort copieuse, gagnerait à être encore augmentée. On pourrait y
ajouter bien des noms que l'auteur cite en passant, par exemple les
suivants : Balard (Amédée), 177; Boucher (Guill.\ 177; Chasauk
(Jehan de), 52; (Philibert de), 52; Clic (Philippe), 177; Dignot (Nico-
las), 52, etc.
Emile Picot.
ig. _ Frédéric II et Louis XV, d'après des documents nouveaux, 1742-1744,
par M. le duc de Broglie. Paris, Calmann Lévy, i885, 2 vol. in-S, 418,'- 443 p.
Ces deux volumes, bien que publiés sous un titre particulier, sont la
continuation immédiate des belles études dont la première partie, FreWe-
rie II et Marie-Thérèse, avait eu un si juste retentissement. En réalité,
c'est une Histoire de la guerre de succession d'Autriche que compose
M. le duc de Broglie; à la façon dont le récit s'ancte et dont l'iulc-
rêt demeure suspendu, à la fin du dernier volume paru, nous avons
lieu d'espérer que la suite ne se fera pas trop attendre. C'est l'histoire
d'une des périodes les plus intéressantes du xviii<' siècle, et c'est de l'his-
toire puisée directement aux sources, très étudiée dans le détail, très
liée dans l'ensemble, très littéraire enfin, comme doit l'ccre l'his-
toire pour accomplir son rôle et marquer les grandes époques dans la
mémoire des hommes. Je ne puis que répéter, à propos de ces deux
volumes, ce que j'ai dit des précédents. Il semble même qu'avec le
progrès des événements, Tailure du récit s'en va toujours plus vive et
plus dégagée. On ne peut écrire mieux sur un temps où l'on écrivait si
bien, ni parler plus spirituellement de gens qui avaient tant d'esprit.
L'auteur, qui est fort expert en cette escrime, n'avait jamais livré
d'assaut plus redoutable que celui dans lequel il affronte le maître des
maîtres : je veux parler du chapitre consacré à la Mission de Voltaire
à Berlin [II, p. i). Voltaire fut médiocre en cette aventure, et le grand
railleur se trouve ici réduit à la parade. 11 fut dupe, et il le fut surtout de
sa vanité. M. le duc de B. est impitoyable pour lui. Je ne répondrais pas
qu'il n'y ait apporté une complaisance particulière, qu'il n'ait été bien aise
de se venger du philosophe aux dépens de l'agent improvisé, et qu'il ne
mêle à l'inimitié naturelle du croyant pour le sceptique le dédain du
grand seigneur diplomate pour l'homme de lettres qui se fourvoie dans
les négociations et n'y réussit point. Le persifleur est ici persiflé, comme
il en usait lui-même avec ses adversaires, c'est à-dire sans pitié. Les
yO REVUH. CUITIQUK
coups portent, l'histoire ne peut que donner raison à la critique. M. le
duc de B. a complété son récit par un appendice (II, p. 401), qui con-
tient, à titre de preuves, les parties inédites de la correspondance politi-
que de Voltaire. C'est un ragoût pour les curieux, mais les curieux
avisés trouveront peut-être encore un peu de malice dans cette publi-
cation.
Frédéric et Marie-Thérèse n'occupent plus, comme dans les précé-
dents volumes, le devant de la scène. L'action se déplaceet s'arrête long-
temps en France. Les tableaux sont plus variés : on passe de Tarmée à
la cour, les batailles et les intrigues de palais varient Texposé des négo-
ciations. Frédéric est étudié avec la même antipathie clairvoyante,
Marie-Thérèse avec la même sympathie respectueuse; mais, bien que ce
ne soit qu'une nuance, il me semble que, dans ces volumes, M. le
duc de B., tout en demeurant justement sévère pour Frédéric et un peu
arbitrairement indulgent pour Marie-Thérèse, met plus volontiers en
lumière chez Frédéric la profondeur des desseins et l'habileté supérieure
de l'exécution, chez Marie-Thérèse l'âpreté du sang autrichien et les
arrière-pensées de calcul. (Cf. par exemple I, p. 248.) Il y avait là, pour
un écrivain aussi consommé, de beaux motifs de contraste et d'opposi-
tions de couleur, entre la chancellerie militaire de Frédéric, l'oratoire
diplomatique de Marie -Thérèse et le licencieux harem où Louis XV
commençait de ruiner, avec la royauté, la fortune de la France. L'auteur
ne pouvait se dispenser d'entr'ouvrir au moins et de résumer en quel-
ques traits cette chronique cynique. Ul'a fait avec une entière liberté
d'esprit, et dans la mesure juste qui convenait à son sujet. (Cf. I,
p. 2o3.) La politique s'est trouvée, en effet, mêlée et très intimement à
l'histoire des multiples incestes de main gauche qui firent entrer, comme
on disait en style noble, « au lit du Roi )^ les trois soeurs de Nesle. Cette
méchante pièce, où Richelieu joua les valets complaisants et que M. le
duc de B. appelle finement la comédie du Roi malgré lui, est racontée
avec entrain (I, p. 2i3); les suites en sont tour à tour plaisantes et
lugubres, pleines d'opprobre et pleines de ridicule. Le voyage de Metz,
le faux départ pour la guerre, la maladie, la confession, la pénitence du
roi, les restrictions mentales, les espérances de la favorite et de ses amis,
rémotion si touchante du public et de l'armée, leur indignation après
la palinodie, toute cette histoire, qui tient du roman, est exposée en
traits rapides, entremêlés de réflexions qui, pour être sobres, n'en por-
tent pas moins, partant, comme elles le font, d'un sentiment très élevé.
(Voir par ex. II, p. Sgi-SgS.) Le lecteur, j'en suis sûr comme l'auteur
lui-même, s'arrêtera plus volontiers aux nobles et consolants tableaux
que présente Tarmée française. C'est une belle page de nos annales mi-
litaires que celle delà retraite de Prague (I ch. I) ; on ne peut lire,
sans s'associer à la pensée qu'elles expriment, ces lignes qui forment,
sur cet épisode, la conclusion de M. le duc de Broglie (I, p. iSg) : « Si
parmi ceux qui jetteront les yeux sur ces pages, il est des combattants
d'histoire et DR LITTÉRATURE JI
de nos dernières guerres qui aient subi le supplice d'un siège soutenu
sans espérance et terminé par une capitulation sans conditions, s'il en
est qui aient été traînés captifs et désarmés sur les rives glacées de PElbe
ou de l'Oder, ceux-là, j'en suis sûr, estimeront heureuse l'armée qui
avait trouvé un général décidé à la soustraire, n'importe au prix de
quels hasards, à ces dernières insultes de la fortune. En mémoire de ce
qu'ils ont souffert, ils accorderont à la résolution virile qui sauva, ce
jour-là, l'honneur des armes françaises, un retour de justice et de re-
connaissance. )i Le tome I prend les événements au mois de juil-
let 1742, le tome II s'arrête à l'été de 1744-
Albert Sorel.
20. — Umberto Ronca. La Seccliîa Rapîta d'Alessaitdi'o Xassoni. Studio
critico. Caltanisetta. 1884, in- 12, i54 pages. Prix : 2 fr. 5o.
La Secchia Rapita, suivant le mot de Carducci, que M. Umberto
Ronca a pris pour épigraphe de son livre, « ferme le cycle des épopées
en Italie, » en même temps qu'elle inaugure une ère nouvelle pour la
littérature nationale; on comprend l'intérêt et l'attrait que présente une
oeuvre de cette importance; objet déjà, de la part de M. Carducci, d'une
étude pleine d'aperçus ingénieux, elle a tenté à son tour M. U. R. et,
dans l'essai dont on vient de lire le titre, il s'est efforcé de iaire encore
mieux connaître et apprécier ce poème original et singulier.
Après avoir caractérisé par quelques-unes de ses œuvres Tassoni,
cette « figure aux traits fortement marqués », et essayé de fixer la date
encore incertaine de la composition de la Secchia Rapita, — il prouve
que déjà, en 1612, les six premiers chants étaient achevés, et que les
deux suivants et derniers le furent entre 1617 et 1618, — M. U. R.
étudie en lui-même ce poème étrange, où se mêlent et se confondent
les traditions payennes et chrétiennes, les souvenirs de l'histoire natio-
nale et les réminiscences de l'épopée chevaleresque, mais aussi où aucune
de ces grandes choses n'est prise au sérieux et où une ironie moqueuse
et impitoyable s'attache à les rabaisser au niveau de la vie commune.
Monde des héros et des dieux, rien n'a trouvé grâce, en effet, devant
Tassoni, et s'il a recours aux légendes de l'ancienne poésie, ce n'est
pour lui qu'une matière à exercer sa verve comique.
Cette ironie que l'auteur de la Secchia Rapita a répandue sur toute
son œuvre, avait depuis longtemps déjà fait son apparition dans la litté-
rature italienne; elle éclate dans les poèmes du Puici, du Boiardo, de
l'Arioste, signe manifeste du doute qui régnait alors dans les âmes, des
incertitudes et du malaise d'une époque de transition. L'épopée héroï-
que se survivait à elle-même parce que rien ne subsistait de ce qui en
avait fait l'inspiration ou en avait été la raison d'être, et que la foi
manquait en ces souvenirs glorieux d'un passé maintenant incompris ;
72 REVUE CKITIQUB
de là la faiblesse des poèmes chevaleresques composés à la fin du xv« ou
pendant la première moitié du xvi° siècle. Le Tasse le comprit bien,
puisque, après son Renaud, il renonça aux légendes héroïques qu'il
avait entrepris d'abord de mettre en œuvre, pour aborder un sujet his-
torique; la Jérusalem Délivrée marque ainsi une transformation nou-
velle de l'épopée italienne, mais elle en fut en même temps le dernier
épanouissement et la fin. Tassoni, dans laSecchia Rapita, vint rappeler
aux poètes qui, comme Chiabrera. voulurent marcher sur les traces du
Tasse, que le temps de l'épopée était passé.
On comprend sans peine que cette œuvre qui réagissait ainsi contre
des tendances toujours vivaces, qui heurtait des traditions poétiques
aussi anciennes que respectées, dut étonner les contemporains et qu'elle
a pu être l'objet de jugements bien divers de la part de la postérité. Née
à une époque de troubles intérieurs dont Tassoni avait été le témoin
attristé, on a cru y voir la satire des divisions intestines qui avaient
causé la rusne de ritalie; M. U, R. accorde bien que Tassoni a voulu
faire la satire des discordes de sa patrie, mais il l'a lait, dit-il, non pour
amener ses compatriotes à faire un retour sur eux-mêmes, mais seule-
ment pour les faire rire et les divertir; la Secchia Rapita aurait eu ainsi
un caractère purement négatif et, au lieu de donner une vie nouvelle à
la poésie déchue, elle en aurait rendu impossible le relèvement. Soit :
mais comment prétendre après cela que Tassoni a montré aux poètes
contemporains « comment il fallait traiter avec vraisemblance et une
dignité vraiment héroïque un sujet grave et important »? L'auteur de
la Secchia Rapita se louait avec une complaisance marquée d'avoir fait
un poème d'un genre nouveau; M. U. R., qui le rappelle et en recon-
naît la vérité, s'est attaché à marquer ce qui distingue l'œuvre de Tas-
soni de celle des autres poètes de son époque; ce qui surprend, c'est
qu'il n'ait point songé à le comparer à ses imitateurs étrangers, Boileau
et Pope. Malgré ce qu'il y a parfois de froide rhétorique dans son
poème, Tassoni leur est évidemment supérieur par l'heureux emploi
des traditions poétiques et par la peinture des caractères. Le Culagna de
la Secchia Rapita entre autres, que M. U. R. rapproche avec raison de
l'Astolfo du Pulci, du Boiardo et de Y Orlandino de l'Arétin, est une des
figures les plus originales de la poésie italienne moderne, et rien ne
saurait lui être comparé dans le Lutrin ou Y Enlèvement de la boucle de
cheveux. C'est par des créations semblables que la Secchia Rapita « mar-
que, comme le dit M. U. R., un progrès de l'esprit italien, et qu'elle
témoigne d'un sentiment plus vrai de la réalité j).
Je termine par cette citation l'examen de l'essai de M. Umberto
Ronca; si on peut lui reprocher quelques longueurs, on doit recon-
naître aussi qu'il a étudié avec amour son sujet, et qu'il en a examiné
avec soin toutes les faces : il ne restera après lui que bien peu de choses
à dire sur un poème qui fait époque dans l'histoire de la littérature ita-
lienne et qui a inspiré à Boileau un de ses chefs-d'œuvre, Ch. J,
i) !< ibiOiKfc, m ÙiL LU iEH.MVïic
21. — Albanesîselie Stuilîen, von Gustav Meyer. — I. Die Pluralbildungen
der Albanesischen Nomina, in-8, io8 pp. — II. Die Albanesischen Zahlwœrter,
in-S, 82 pp. — Wien, G. Gerold, 18S3-84.
Ces deux intéressantes monographies inaugurent une série d''études
où pour la première fois les principes phonétiques de l'école néo-gram-
maticale seront appliqués à la solution du problème albanais. D'impor-
tants résultats sont acquis dès à présent : on sait à n'en pas douter que
l'albanais appartient à la branche européenne de la famille indo-
germanique; d'incontestables affinités permettent en outre de le rattacher,
au moins provisoirement, au rameau septentrional, et la vieille hypo-
thèse de la descendance pélasgique (?) des Albanais n'est plus guère sou-
tenable aujourd'hui, si Ton ne veut voir dans les Pélasges les ancêtres
communs des Slaves et des Germains. Maisaucune des langues de notre
famille, sans en excepter celle des Tsiganes, ni même peut-être ces
idiomes éteints de TAsie Mineure dont il ne nous reste que d'informes
fragments épigrapi:iiques, n'est plus difficile à classer que la langue al-
banaise, et l'on s'en convaincra en lisant les longues listes de mots
d'emprunt que M. Gustav Meyer a dressées dans la première de ses
Etudes. Latin, italien ou roumain, turc, grec, serbe ou bulgare, l'alba-
nais a pris de toutes mains : son le.Kiqueet même sa grammaire ressem-
blent à un travail de marqueterie, et, à ciiaque corrélation qu'on décou-
vre, se pose la question de savoirs! l'on a affaire à une affinité primitive
ou à un emprunt récent.
Cette question, M. G. M. la résout très souvent avec bonheur; mais
i'étymologie pure n'occupe dans son œuvre qu'une place accessoire.
Sa première Etude est surtout morphologique : il y analyse les diverses
désinences plurales, soit indigènes, soit exotiques, qu'admet la gram-
maire albanaise, et montre par de nombreux exemples comment ces
désinences s'affixent indistinctement aux noms, exotiques ou indigènes,
préalablement classés selon la finale du thème. Il résulte de cet examen
très minutieux que l'albanais possède jusqu'à dix formations plurales
d'origine différente (I, p. go sq.), parmi lesquelles on remarque un plu-
riel pcriphonique tout à fait analogue à celui de l'allemand moderne.
Le titre de la seconde Etude la rattacherait également à la morpho-
logie; pourtant ici c'est la phonétique qui lient k premier rang. Le
temps est loin où Von croyait avoir à peu près tout lait pour l'étude
des noms de nombre indo-européens, quand on les avait proprement
disposés en colonnes où figurait même le polynésien rua en regard du
latin duo. Dans le mémoire de M. G. M. la comparaison des' noms de
nombre euLrc eux ùisparait en quelque sorte derrière l'étude appro-
fondie des équivalences phonétiques que cette comparaison l'amène à dé-
couvrir : traitement de la gutturale palatale (p. yb sq.), par lequel l'alba-
nais se rapproche du slave; traitement de la nasale sonante indo-euro-
péenne fp. 25) ; permutation de l'explosive dentale en spirante [th anglais
doux, p. 28 sq.); nasalisation des voyelles, spéciale ou dialecte guègue,
74 RKVL'E CRITIQUE
et particulièrement fréquente dans celui de Scutari (p. 53 sq.). C'est là
le côté original et vraiment fécond des recherches du savant helléniste;
car sur l'origine des numéraux albanais nous apprenons en somme assez
peu de chose. On sait combien présentent d'obscurités ceux des langues
indo-européennes même les mieux connues, à plus forte raison ceux
d'une langue toute moderne, de plusieurs desquels on ne saurait dire
au juste s'ils appartiennent au fonds indo-européen primitif ou s'ils sont
empruntés à quelque idiome voisin. Ne le regrettons pas trop : l'ex-
plication de telle ou telle forme énigmatique isolée n'offre guère qu'un
intérêt de curiosité; elle est prématurée d'ailleurs, tant que les carac-
tères généraux du langage n'ont pas été déterminés. M. G. M. a donc
bien fait d'ajourner la solution d'un grand nombre de questions, qui
se résoudront d'elles-mêmes le jour où sera mieux connue la phoné-
tique albanaise dont il s'est appliqué à asseoir les fondements.
Quelques erreurs d'impression qui s'étaient glissées dans la première
Etude ont été relevées à la fin de la seconde : dans les mots oisk
(p. 19), orom (p. 37), drwnén (p. 52) et oikûV (p. 67), l'initiale est une
spirante interdentale, et non un s'mple d. C'est là la seule correction
importante au point de vue phonétique.
Nous imiterons la réserve de l'auteur en ne nous appesantissant pas
sur les observations de détail.
I, p. 25 : ah = gr. ri-/6). M. G. M. avoue que l'a albanais rend cette
étymologie fort douteuse. Elle paraît même tout à fait invraisemblable à
qui songe que Ï-q du grec moderne est un i. Si donc le mot n'appartient
pas au fonds albanais primitif, il n'a pu être emprunté qu'à un dialecte
grec 011 l'a long s'était maintenu. Sans doute il n'y a point jusqu'à pré-
sent d'exemples certains d'emprunts de l'albanais au grec ancien; mais
de pareils emprunts n'en demeurent pas moins possibles et même pro-
bables. Sait-on d'ailleurs jusqu'à quelle époque, peut-être peu distante
de la nôtre, les dialectes non ioniens de la Thessalie septentrionale
ont pu sporadiquement survivre à l'invasion de la y.otvïi?
1, p. 2-' : argdt = èp-j'ccTY]? suggère une réflexion analogue en nous
reportant aux dialectes grecs (éléen, locrien), où l'e se nuançait en a
sous l'influence d'un p subséquent '.
I, p. 52 : drapen=^ opir.T/o-K V. infra, II, p. 35.
I, p. 6r : né?' (homme) donné sans preuves comme mot albanais; en
présence de l'extrême rareté des représentants européens de Farien nar-
(on sait que M. Bréal conteste l'ombrien nerf)^ on pourrait également
conjecturer un emprunt du grec. Toutefois les faits recueillis IL p. 18-
19, semblent confirmer l'opinion de M. Gustav Meyer.
II, p. 9. — Aux cas d'emprunt de numéraux réunis par M. G. M. on
peut ajouter les faits suivants : dans la langue ottomxane les numé-
raux arabes ou persans sont presque tous usités concurremment avec
I. Cf, Havet, Mém. Soc. ling., Il, p. 167 sq. — avgatis spricht man auch heute
z. B. in Epirus und in Lokris (Krumbacher, K, Z. xxvn, p. 5 19 i. n.).
d'hiSToire et d:-; littér-.tl;r!-. j5
les numéraux turcs, les fractions s'expriment jusqu'aux dixièmes par
par des formules dont le numérateur est turc et le dénominateur arabe,
et le persan cjorek {1/4) est d'un emploi vulgaire, surtout dans le sens
de t un quart d'heure »
II, p. 28. — M. G. M. montre fort bien !a scission du d indo-euro-
péen en explosive [d) et spirante (B) albanaises; mais il ne paraît pas
prendre souci de savoir en vertu de quelle loi cette scission s'est opérée.
D'après les exemples cités il semble que la permutation en spirante se
produise surtout à la médiale.
II, p. 35. —Si Va de drapen i^faux) exclut Fliypothèse d'un emprunt
hellénique, il ne s'oppose pas moins au rapprochement imméaiat du
gr. cpé-avov avec Talbanais drapen ou drapi envisagé comme légitime ;
en effet l'albanais reproduit ordinairement avec la plus grande fidélité
l'e européen. Il faut donc, ou bien qne drapen ait été emprunté à un
dialecte où le p nuançait Yt en y. et à une époque où le 0 grec était en-
core une explosive; ou mieux encore, puisque l'albanais répond para
à l'o sud-europée:i, drapen procéderait, comme le veut M. Gustav
Meyer. de l'indo-européen, mais correspondrait phonétiquement à un
type grec à racine fléchie *op57:avcv (cf. spYavov, r.ôr.ciMcv et autres]. Ce
n'est pas à dire, bien entendu, que ce type fictif ait jamais existé.
V. Henrv.
CHRONIQUE
FRANCE. — Par un décret du 10 janvier, rendu sur la demande du Collège de
PVance, M. Barbier de .Meynard passe de la chaire de langue persane à la chaire de
langue arabe, djvcnue vacante par le décès de M. Guyard.
— M. Hartwig Derenbourg, professeur d'arabe à l'Ecole des langues orientales vi-
vantes, est nommé maître de conférences d'arabe à l'i^cole des Hautes-Etudes, en
remplacement de M. Guyard.
— M. Eugène Mùntz, nommé suppléant de M. Taine dans la chaire d'esthétique
de l'Ecole des Beaux-Arts, a fait son premier cours, le 17 janvier, à deux heures et
demie.
— MM. Joseph et Hartwig Derenbourg ont fait tirer à part le premier fascicule
de la deuxième série de leurs Etudes sur Vêpigraphie du Ycmen (12 p.. extrait du
« Journal Asiatique »); on y trouve une appréciation des résultats obtenus par
M. Ed. Glaser qui vient de s'arrêter à Paris, après avoir terminé le voyage qu'il avait
entrepris sous les auspices de la commission du Corpus inscriptionum semiticarum
— M. Charles Henrv, dans deux articles intitulés : « Les manuscrits de Léonard
de Vinci; son enseignement géométrique d'après les manuscrits A, B et D de V In-
stitut (Revue de l'Enseignement secondaire et supérieur, i'''' et i5 janvier i885\ com.
mence par retracer l'histoire des manuscrits du grand penseur et par résumer ses
principales découvertes scientifiques ; il étudie ensuite particulièrement les deux
premiers volumes de la publication de M. Charles Ravaisson-Mollien et parvient aux
^6 Ria'ui'; CKiïiQUK
conciusioiis suivantes : i" Lc'onara a connu l'augmcp. talion de poids résultant de la
calcinaîion du plomb et il a attribué ce fait avant Rey et Lavoisicr à une hxaiion
d'une partie de l'air; 2" Léonard a eu de la force une conception philosophique en
tous points semblable à celle de Leibniz; 3° Léonard a eu une idée très précise du
principe de la moindre action qui devait jouer un si grand rôle dans la science aux
xvii" et xvm'= siècles; 4° Léonard a enseigné pour la construction des polygones plu-
sieurs élégants procédés qui lui sont très probablement personnels. M. Charles Henry,
qui est parvenu à lire ou à interpréter des passages encore obscurs du ms. B, nous
promet une adaptation trançaise avec notice de la récente publication de M. J.-P.
Richter; en attendant, il rend pleine justice au travail de M. Ch. Ravaisson-iVloUien
et conclut en ces termes : « Le monument qu'il élève à Léonard est une de ces
grandes œuvres d'érudition qui honorent le siècle et le pays. Alors seulement que
la publication du dernier manuscrit sera achevée, on pourra écrire sur l'homme, le
plus complexe des hommes, le livre définitif. » Rien ne saurait remplacer en effet
une publication intégrale et photographique des manuscrits.
— M. T.\MiZEY DE Larhociue vient de placer le cardinal Biclii dans la galerie où
il a réuni déjà plusieurs des correspondants de Peiresc et compte en réunir encore
une trentaine, tous hommes d'élite, grands érudits et amis de l'illustre conseiller
au parlement de Provence. {Le cardinal BicJii, évêqiie de Carpenlras, lettres iné-
dites écrites à Peiresc, i632-i03'j , suivies de diverses lettres adressées au même
savant, relatives au comtat Venaissin et à la principauté d'Oranges, publiées avec
avertissements, notes et appendice. Marseille, Lebon ; Paris, Picard. In-8°, xxxii et
55 p., extrait de la Revue de Marseille et de Provence, et tiré à 120 exemplaires.)
M. T. de L. reproduit d'abord une courte notice sur Bichi, tirée d'un manuscrit
de la bibliothèque d'Inguimbert, l'Histoire du comté Venaissin et de la ville d'Avi-
gnon, par Fornéry; puis, à la suite de cette notice, il donne quelques extraits de
divers autres recueils qui la complètent sur différents points. Viennent ensuite les
lettres adressées à Peiresc par Bichi; elles n'ont rien de très remarquable; ce sont
celles, non d'un homme d'état, mais d'un homme du monde, aimable et spirituel;
elles ne contiennent, selon le mot de Peiresc, que des chosettes, il est vrai, expri-
mées avec agrément. Ces lettres sont suivies, comme l'indique le titre, de quatorze
autres lettres rangées suivant l'ordre alphabétique des noms des signataires et d'une
description, adressée à Peiresc, d'une remarquable grotte du mont Ventoux, des-
cription que le grand érudit a améliorée par des corrections et des observations
autographes. Ce recueil est le septième de la série des Correspondants de Peiresc,
commencée il y a quelques années par M. Tamizey de Larroque, et nous ne nous
doutons pas que l'infatigable chercheur ne l'achève prochainement.
— On remarquera dans le fascicule de janvier de la Revue indépendante (pp. 206-
223) une suite de notes fort intéressantes sur le marquis de Sade ; l'auteur anonyme
de cet article instructif y a enregistre, comme il dit, quelques documents rencontrés
au hasard d'autres recherches et quelques réflexions de simple bon sens » ; citons
seulement le résumé d'une relation adressée en 1777 à Vergennes par la présidente
de Montreuil, les renseignements tirés des Origines féodales dans les Alpes occi-
dentales de M. Léon Menabrea, un certain nombre de lettres de de Sade passées en
vente, etc.
— L.3. Nouvelle Collection illustrée (a un franc le volume) que publie la librairie
Léopold Cerf, vient de s'augmenter d'un volume nouveau intitulé Tableau de la
littérature alicinande, par M. Albert L.-vngi;, professeur au lycée Louis-le-Grand et
maître de conférences à la Sorbonne.
— La Société de géographie vient de décerner le prix Joniard, pour i885, à M. Er-
nest L.erùU'^, éditeur. Cette récompense est motivée par la publication du Recueil
de voyages et de documents pour servir à l'histoire ae la géographie depuis le xiii«
jusqu'à la fin du xvie siècle, dont la collection comprend actuellement sept volumes,
publiés par MM. Ch. Schefer, de l'Institut, Henri Harrisse et H. Cordier.
— L'éditeur de la Revue, pour répondre au désir d'un giand nombre de collabo-
rateurs et d'abonnés, a l'intention de publier une table générale de la Revue criti-
que depuis son origine jusqu'à la fin de 1S84. L'impression commep.cera dès que
deux cents souscripteurs auront envoyé leur adiiésion. Le prix de souscription est
de lo fr.
BELGIQUE. — L'université de Bruxelles vient de fonder une chaire d'histoire
des religions : M. Goblet d'Ai.vieli.a a ouvert ce cours avec une leçon sur les
Préjugés qui entravant Véiuie scientifique des religior.s (Bruxelles, librairie Mu-
quardt, i883, brocii. in-S").
ITALIE. — M. Jean Veloudo, bibliothécaire en chef de la Marciane de Venise,
vient de prendre sa retraite, après quarante-trois ans de services Les érudits de
tous les pays, et particulièrement les nombreux amis qu'il possède en France, en
Angleterre, en Russie et en Grèce, ne pourront manquer de regretter une détermi-
nation qui les prive du concours d'un tel savant. Aucun a'eux n'oubliera son bien-
veillant empressement et son urbanité. Ce que chacun se rappellera surtout,
c'est l'érudition aussi variée que solide qu'il joignait à la profonde connaissance des
trésors de cette magnihque bibliothèque qu'il a adminisirée durant tant d'années.
S'il nous était permis de former un vœu. ce serait que M. Jean Veloudo fit impri-
mer prochainement ses travaux sur l'histoire littéraire de la Grèce moderne, fruit
des recherches qu'il a faites pendant près d'un demi-siècle dans les bibliothèques et
les archives de Venise. La publication d'une oeuvre tant désirée ferait le plus grand
honneur à M. Veloudo, et accroîtrait encore, s'il est possible, la reconnaissance que
lui doit le monde savant. — E. L.
RUSSIE. — M. Vsevolod Miller a fait paraître, il y a deux ans, un volume intitulé
Eludes ossétes. Première partie. Textes ossctes. — Seconde partie. Recherches (Mos-
cou, 1882); p. ;ii, 1G2 ; vil, 3oi, in-8°. « OsetniskieStiouciu, I. Osetniskie Tekstu,II.
Izslêdovani3'a. ») « Les Ossèies » — lisons-nous dans la i^réface, — « présentent un
intérêt considérable au linguiste et à l'ethnographe : le premier ' trouvera dans leur
langue des traits incontestables delà famille iranienne, le second s'intéressera à eux
comme à un peuple de notre race indo-européenne, — peuple qui, jusqu'à nos jours,
a conservé son individualité et l'antique caractère de sa vie dans les montagnes du
Caucase et parmi des peuples d'origine différente.» L'auteur, après deux ans d'étude
de la langue ossète, a entrepris un voyage en Ossétie pendant Tété de 1880, pour étu-
dier de plus près les dialectes, et pour recueillir de la bouche des indigènes des
textes de récits et de chansons populaires. La première partie de l'ouvrage contient
ces te:;tes accompagnés d'une traduction russe; la plus grande partie est publiée
pour la première fois. Ce sont : 1" des récits épiques concernant les « nartes »,
c'est-à-dire les héros populaires ; 2" des fables et des contes, et 3", des chants. La
seconde partie renferme la grammaire détaillée de la langue ossète, dont les deux
dialectes — iron et digore, — sont traités ensemble et comparés aux autres langues
iranienes et au sanscrit. L'auteur cherche toujours à ramener les sons et les formes
ossètes aux sons et aux formes de la langue iranienne mère. Outre la grammaire.
Cette seconde partie contient une é;ude sur les croyances religieuses des Ossètes
(chap. vu).
i.Eu particutier i'iianisant.
7^ REVUE CRITIQUE
— M. V. Stasov commence à Saint-Pétersbourg la publication d'un grand ou-
vrage en français et en russe sur l'Ornement slave et oriental d'après les manuscrits
ancie)is et modernes.
— M. BosLAEV, dont on connaît les belles études sur rart russe, vient de publier
à Moscou une Apocalypse ilkistre'e d'après les manuscrits russes du xvi' au
XIX' siècle.
— M. Brandt commence à Moscou une traduction russe de la Grammaire com-
parée des langues slaves de Miklosich.
— M. VosKRESENSKY publie dans cette même ville uneChrestomathie générale des
langues slaves.
— La correspondance inédite d'Ivan Tourguenev vient de paraître à Pétersbourg.
— M. Skabalanovitch. a publié à Pétersbourg une étude sur l'empire et l'église
de Byzance au xi= siècle. Dans la Revue de lecture chrétienne il a donné également
une intéressante étude sur la science et l'école à Byzance au xi'' siècle.
SUISSE. — De i83o à i836 feu J. A. Galiffe publiait à Genève trois volumes des
Notices généalogiques sur les familles genevoises depuis tes premiers temps jusqu'à
nos jours, fruit de longues recherches qui lui valurent plus d'un reproche, mais aussi
plus d'un témoignage de reconnaissante approbation. Son fils, le professeur J. B. G.
Galiffe, continua cet ouvrage par un IV° volume qui parut en trois livraisons, de
1857 à 1866. Soutenu actuellement par d'actifs collaborateurs, le professeur Ritter,
(dont la Revue, i883, p. 79, a signalé un mémoire sur les recherches généalogiques à
Genève), le sous-archiviste Ls. Dufour-Vernes et Ferd. Reverdin, il publie un
tome V (Genève, Jullien, 1884. 8", XVI et 610 pp.), et fait espérer soit de nouveaux
volumes, soit la réimpression promise depuis longtemps du tome II, complètement
épuisé. Nous ne pouvons détailler le contenu si riche du volume actuel ; mention-
nons du moins son intérêt international, vu la proportion considérable et plus
grande qu'en aucune autre ville d'Europe, de familles étrangères réfugiées à Genève.
La France est représentée dans ce volume par l'Auvergne, le Barrois, le Bourbonnais,
la Champagne, le Dauphiné, la principauté de Bombes, le Gatinais, le pays de Gex,
le Languedoc, le Lyonnais, le Soissonais, sans compter la Savoie; l'Allemagne, par
la Bavière, Francfort, la Hesse, le Wurtemberg. M. Galiffe, qui publiait en io8i un
ouvrage spécial sur le refuge italien à Genève, a relevé quelques généalogies de
cette provenance, de même que M. Dufour.
— Dans une intéressante brochure intitulée la légende paléographique du pa-
pier de coton (Genève, Schuchardt. In-8°, 18 p., extrait du «Journal de Genève ^) du
29 octobre 1884), M. G. M. Briquet met en doute l'existence du papier de coton et
pense que ce terme a été pris dans l'origine pour désigner une apparence extérieure
et non pas une composition chimique du papier. Il n'ose affirmer d'une manière
absolue qu'il n'y a jamais eu de papier de coton, mais il a pu se procurer des spéci-
mens d'un certain nombre de documents qu'on croyait écrits sur du papier de coton;
il les a analysés au microscope et, en remontant aussi haut qu'il lui était possible,
il n'a trouvé que du papier ordinaire, du papier de chiffe bien caractérisé. Les re-
cherches de M. Briquet démontrent, en somme, qu'on ne doit plus employer le
terme de papier de coton et qu'il faut se borner aux seules dénominations de papy-
rus, de parchemin et de papier; 0:1 a eu tort d'attacher un sens littéral au mot de
coton. C'est comme si on voulait, de nos jours, prendre à la lettre le mot de papier
de soie : « coton » ou « soie » désignent, non pas la matière qui compose le papier,
mais une de ses qualités extérieures, un papier cotonneux ou un papier soyeux.
Comme le remarque M. Briquet, bien des points obscurs s'expliqueront d'eux-mêmes,
si l'on renonce à la légende du papier de coton : le passage de Pierre le Vénérable,
d'histoire et de littérature yq
parlant vers 121 1 de y^p'iqt ex rasuris veterum pannoritm compacti, deviendra par-
faitement clair; le jpevgamino de panno employé en Espagne aux xii? et xiii» siècles
sera tout simplement du papier àQ pannosses ou àe pattes, c'est-à-dire de chiffe; les
expressions chartis papyri et chartis bombycinis que Frédéric II emploie indiffé-
remment en i23i et caria bombacis vel papyri, employées en iSiy dans un traité
entre Venise et Milan, resteront ce qu'elles sont naiurellement dans les textes. « Je
conclus, dit M. Briquet, à l'antiquité très grande du papier de chiffe et je mets en
doute l'existence du papier de coton. »
— Depuis quelques années, on s'est beaucoup occupé des almanachs; de nom-
breuses et intéressantes publications historiques et bibliographiques ont paru sur ce
sujet en France (Nisard, Pouy, Socard, Welschinger, etc.), en Belgique et en Suède.
Le Vé'itable Messager Boiteux de Berne et de Vevey vient d'avoir son historien,
M. Jules Capré (Vevey, Lœrstcher, 1884, i'^ volume, petit in-40 de i58 pages).
L'auteur étudie l'histoire et les origines du Messager Boiteux. Ce recueil remonic
à 177 ans — âge déjà respectable ; — mais, comme on le voit par le catalogue qu'il
a dressé à la fin de son volume, dès i5o8 la ville de Ziirich avait son Almanach ou
calendrier et plusieurs autres villes de Suisse ont publié des almanachs depuis cette
époque. La couverture du Messager Boiteux, on le sait, est ornée d'une gravure
sur bois qui représente un messager invalide, présentant un pli cacheté à trois au-
tres personnages ; au milieu d'eux est un enfant qui pleure. M. Capré croit que cette
gravure rappelle l'incendie du Palatinaî de 1674. II y a, en effet, dans le fond du
tableau une ville fortifiée, livrée aux flammes et entourée de combattants ; d'ailleurs,
le premier Messager parut deux ans après ces ravages du Palatinat qui avaient ex-
cité la « vigoureuse haine des Allemands pour la France ». Il se pourrait donc que
l'éditeur de V Almanach ait cru fiapper les imaginations et assurer le débit de son
recueil en représentant les horreurs ordonnées par Louvois. M. Capré s'imagine
même que le pli présenté par le Messager n'est autre que le cartel envoyé à Tu-
renne par l'Electeur palatin. Cette hypothèse nous paraît peu vraisemblable. Il est
également à regretter que M. Capré n'ait pu découvrir si An;oine Souci, l'ancien
éditeur du Messager, est un nom réel ou un pseudonyme. Mais on trouve dans ce
livre, outre des renseignements intéressants, de nombreux fac-similés qui repré-
sentent soit les illustrations du Messager Boiteux depuis son origine, soit les gra-
vures de divers calendriers et almanachs du xm" au xiv« siècle : aussi l'histoire du
Messager Boiteux, de M. Capré. aura-t-elle une place importante parmi les ouvrages
déjà publiés sur les almanachs.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 16 janviei' 188 5.
Les commissions chargées d'examiner les ouvrages envoyés au concours pour les
divers prix sont ainsi composées :
Prix ordinaire : « Faire i'énumération complète et systématique des traductions
hébraïques qui ont été faites au moyen âge d'ouvrages de philosophie ou de science,
grecs, arabes ou même latins. » MM. Renan, Derenbourg, Schefer, Weil.
Prix ordinaire : « Etude sur l'instruction des femmes au moyen âge, etc. » MM. De-
lisle, Jourdain, Hauréau, Paul Meyer.
_Prix Allier de Hauteroche (numismatique ancienne). MM. P.-Ch. Robert, de Vo-
gue, Georges Perrot, Schlumberger.
So RKVUE CRITIQUE d'hISTOIRE KT DE LIT 1KRA7 URE
Prix Bordin : « Etude critique sur les œuvres que nous possédons de l'art étrusque,
etc. » MM. Duruy, Heuzey, Georges Perrot, Bréal.
Prix Bordin : « Examiner et apprécier les principaux textes épigraphiques, soit
latins, soit grecs, qui éclairent l'histoire des institutions municipales dans l'empire
romain, depuis la chute de la république jusqu'à la fin du règne de Septime Sévère. »
MM. Egger, Léon Renier, de Rozière, Duruy.
Prix Brunet : « Relever sur le grand catalogue de bibliographie arabe intitulé
Fi!ii-s£ toutes les traductions d'ouvrages grecs en arabe, etc.» MM, Renan, Deren-
bourg, Barbier de Meynard, Schefer.
î^rix Stanislas Julien -pour le meilleur ouvrage relatif à la Chine). MM. Maury,
Pavei de CourteiUe, (i'Hcrvey de Saint-Denys. Oppert.
Prix La Grange (pour la publication du texte d'un poème inédit des anciens poètes
de la France). M.M. Delisle, Siméon Luce, Paul Meyer, d'Arbois de Jubainville.
M. le comte de Lasteyrie communique la photographie d'une croix-reliquaire d'or-
fèvrerie, à double traverse, ornée de tiligranes, de cabochons, de perles et de pierres
gravées, conservée aujourd'hui dans Teglise de Gorre (Haute-Vienne). Cette croix
provient du trésor de l'abbaye de Grandmont, au diocèse de Limoges, supprimée
au siècle dernier. On la trouve mentionnée sur les divers inventaires du trésor de
l'abbaye depuis le xv" siècle. M. de Lasteyrie pense qu'il faut attribuer ce travail à
l'orfèvrerie limousine de moyen âge. Il s'écarte en cela d'une opinion généralement
reçue parmi les archéologues, qui veut qu'il n'ait été fait de croix à double traverse
qu'en Orient. 11 est vrai que l'usage de ces croix a commencé en Orient, où elles
ont toujours été employées à renfermer une même espèce de reliques, les fragments
du bois de la Vraie Croix. Mais quelques-uns de ces reliquaires byzantins ont été
apportés en Occident par les croisés, et les orfèvres de nos pays les ont imités, en
les employant au même usage : les reliquaires en forme de croix à double traverse
renferment toujours des fragments de bois considérés comme provenant de la Vraie
Croix. M. de Lasteyrie cite des croix de celte forme qu'on ne peut attribuer qu'à des
orfèvres de l'Occident : celle de Clairmarais, oîi l'on voit des nielles de style go-
thique et des légendes latines; celle d'Aubazine, où il a déclriffré lui-même les noms
de saint Grégoire et de saint Martin, en latin. La croix de Gorre étant conseivée
depuis le moyen âge dans une abbaye du Limousin, pays renommé de tout temps
pour son orfèvrerie, il est naturel de l'attribuer aux artisans de ce pays.
Mais, si la croix même ne vient pas de l'Orient, plusieurs des pierres dont elle est
ornée en viennent. M. de Lasteyrie signale notamment deux pierres gravées qui ap-
partiennent évidemment à l'art sassanide. L'une, de travail assez barbare, repré-
sente un lion dévorant un taureau ou une airtilope, et au-dessous un chien poursui-
vant un lièvre. L'autre est une fort belle améthyste, un chef-d'œuvre de la glyptique
orientale. On y voit un cavalier combattant des lions. Le chasseur est vêtu d'un
costume très ajusté et sa tête est surrnontée d'une aigrette; le cheval porte aussi une
aigrette et une housse à la persane. Cette pierre paraît être du vi"-' siècle de notre ère
ou environ.
M. Georges Perrot annonce qu'il a reçu des nouvelles des travaux que poursuit
M. Maspero en Egypte. On s'occupe activement du déblaiement du temple de Louq-
sor. Un grand nombre d'indigènes qui avaient établi leurs habitations sur les ruines
du temple ont été expropriés. On espère qu'une grande partie de l'édifice pourra
être mis à découvert dès cette année.
M. Schlumberger fait connaître la liste des ouvrages envoyés cette année au con-
cours pour le prix Gobert :
Hanotaux Gabriel), Origines de rinstitation des intendants de province ;
Touflet (G ), Onomastique de la Gaule sceliaiie, etc.;
Luchaire ; A.), Histoire des i)istitutions mnnarcliiques de l.i France sous les premiers
Capétiens et Etudes sur les actes de Louis VII ;
Maulde (R. de), Jeanne de France, duchesse d'Orléans et de Berny, et Procédures
politiques du règne de Louis XII ;
Godefroy, Dictionnaire de V ancienne langue, fraiicaisc, suite ;
Giry (A.), les Etablissements de Rouen, t. Il;
Bruel (A.), Recueil des chartes de l'abbaye de Cluny, t. III.
M. Désiré Gharnay commence la lecture d'un inémoire sur la civilisation toltèque.
Ouvr.iges présentés, de la part des auteurs ou éditeurs : — par M. Gaston Paris :
Lettere ai P. Ciiampollion ad Ippoliio Roseilini ed a Leopoldo II di Toscana, per
cura del prof. E. Teza (extrait des Atti dcl R. Istituto venuto di science, lettere ed
arti; — par M. Oppert : Révillout (Eugène), Un poème satirique composé à l'occa-
sion de la maladie du poète-musicien, iiéraui d'insurrection, Hor-ut'a ('Âpu(j)6"^ç)
(papyrus de \'ienne}; — par M. Weil : Aescayli Tragoedia, edidit Henricus Weil
(dans la Bibliotheca scriptorum Graccorum et Romanorum Teubneriana) : — par
M. "Delisle : i"^ Bengesco (Georges), Bibliographie des œuvres de Voltaire, t. IJ ;
2° Picot (Emile), Catalogue des livres composant la bibliothèque de feu M. le baron
James de Rothschild, t. L
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : K RM EST ^iîKOUX.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 5 — 2 février ~ 1885
Sommaire s 22. Taine , Le gouvernement révoluiionnaire. — ^'ariétés :
Clermont-Ganneau, Notes d'archéologie orientale XIX. L'inscription nabatéenne
de D'meîr et l'ère des Séleucides dite ère des Romains. — Thèses de doctorat :
BÉMONT, sur la condamnation de Jean sans Terre en 1202 et Simon de Montlort,
sa vie, son rôle politique en France et en Angleterre. — Chronique. — Acadé-
mie des Inscriptions. — Société des Antiquaires de France. — Société asiatique.
22. — ff.es oi'îgînes «le la Fi-anee conti'inpor-aîne, la Révolution, t. III, le
gouvernement révolutionnaire, par H. Taine, Paris, in-8, iv, 646 p> Hachette,
i«85.
Pour tous ceux qui se sont rendu compte de l'idée inaîtrcsse de
M. Taine dans ses études sur les Origines de la France contemporaine ,
qui ont suivi l'évolution de sa pensée, qui connaissent les procédés de.
son esprit et la rigidité de sa méthode, ce volume devait être la partie
la plus saillante de son éclatant et puissant ouvrage. Il l'est en etfet, et
par la place qu'il occupe dans l'ensemble de l'œuvre, et par sa valeur
propre, par son caractère exclusif, Taccumulation des preuves, la
vigueur de la discussion, qui en font la plus formidable monographie
qui ait été composée sur le Jacobinisme et la Terreur. Je n'insiste
pas sur la forme : elle n'a jamais été plus colorée et plus précise
en même temps. L'image, si périlleuse aux savants, devient entre
les mains de ce minutieux investigateur le plus efficace des procédés
de démonstration. Ce sont des « projections » lumineuses comme celles
qu'emploient les physiciens dans leurs grandes expériences publiques.
Mais ce qui importe ici, c'est moins l'œuvre littéraire que Tœuvrc his-
torique, et quelque plaisir que Ton ait à s'attacher à la première, il faut
arriver tout de suite à la seconde.
Quant au fond de l'ouvrage et, pour parler précisément, quant
à l'idée maîtresse, je m'en suis, je crois, suffisamment expliqué dans
les notices consacrées aux premiers volumes, pour qu'il ne soit pas
nécessaire d'y revenir aujourd'hui ^ Selon M. T. la Révolution
française procède de trois causes principales : la désorganisation de
l'ancien régime, les doctrines philosophiques, la misère du peuple.
Il a écrit, pour le démontrer, un volume, L'Ancien Régime, qui
est une œuvre de littérature et de critique absolument supérieure. Plus
tard, il a ajouté à ces causes premières, mais seulement par voie de
digression, à litre de motif subsidiaire et presque d'accident : la peur
I. Voir la Revue critique du 20 juillet iSySet du S août 1881.
Nouvelle S'jrie, XIX, 5
82 KKVUK GRITIQUK
de la contre-révolution, Phorreur des émigrés, la haine des étrangers,
le sentiment passionné, fanatique même, d'une mission supérieure à
remplir dans l'humanité. (La Révolution^ II, 475-480.) Ces mobiles
qui, pour la plupart des historiens, sont les mobiles essentiels et décisifs
de la Révolution, ont été analysés par M. T. en termes admirables-,
mais tout admirable qu'il est, ce passage n'est qu'cpisodique dans son
ouvrage, et cette idée indiquée, M. T. n'y revient plus. Il estime que
son sujet, tel qu'il Ta conçu, ne le comporte pas. Il ne fait pas Thistoire
du code civil, ni celle du gouvernement représentatif, ni celle de la dé-
fense nationale, ni celle de la conquête militaire et morale de l'Europe
par les Français. Il néglige, et systématiquement, le côté mystique et
religieux de la Révolution, que Joseph de Maistre avait si bien dis-
cerné et sur lequel Quinet a ouvert de si profonds aperçus; il néglige
aussi cette légende historique dont M. Renan a dit qu'elle était « l'épo-
pée française par excellence ». Il ne se demande pas pourquoi et com-
ment la France a vécu à travers toutes ces vicissitudes : il considère
qu'elle est rongée par un mal profond, il en recherche les causes, il en
détermine la marche et en dénonce le danger. Dans cette histoire com-
plexe et pleine d'imprévu, où la force prodigieuse des événements a
toujours emporté les hommes, constamment médiocres et inférieurs à
la tâche, depuis la mort de Mirabeau, il isole une série de faits et d'i-
dées, qui sont ceux dont il entend faire l'histoire, dégager le caractère
et formuler la loi d'évolution.
Le procédé est celui de tous les historiens philosophes et de tous les
historiens de la philosophie. Il est parfaitement justifiable en soi ;
mais il comporte trop aisément la synthèse, et il s'y prête d'autant plus
docilement que le penseur qui l'emploie est un espi it plus indépendant,
plus original et de plus haute volée. Je crois que c'a été, dans une cer-
taine mesure, le cas de M. Taine. Rapprochant des lambeaux d'idées,
des fragments décousus de phrases, improvisées souvent au hasard de la
discussion, lancées, à titre de formule banale ou de rhétorique convenue
pour décevoir la foule des badauds; rassemblant des actes, inspirés le
plus souvent par la passion, la routine ou la nécessité, motivés après,
à grand effort de sophismes, selon la doctrine courante, M. T. leur
prête la suite, la cohésion et la logique de sa propre pensée; recom-
posant, recréant, pour ainsi dire, ce monde incohérent dans sa puissante
cervelle, il montre des desseins profonds dans ce qui n'a été, la plupart du
temps, pour les contemporains, que des expédients grossiers. Ce terrible
adversaire procède ici, en partie, à la manière des apologistes : il gran-
dit les hommes et les doctrines. 11 leur donne, pour les renverser de
plus haut et avec plus de fracas, une élévation et une consistance qui
dépassent celles qu'ils ont eues dans la réalité.
Ces réflexions s'appliquent surtout au chapitre I" du livre II du pré-
sent volume : Le programme jacobin. Cet exposé, précis et lumineux,
me paraît pécher par la précision et par la couleur. Les originaux n'ont
d'histoire RT de LlTTÉnATURE 83
jamais agi avec cette suite, pensé avec cette méthode, parlé surtout et
écrit avec ce talent. La Révolution, entre leurs mains, n'a jamais eu cet
aspect « de définition qui se développe, de théorème qui marche »,
comme disait autrefois un philosophe ami de M. Taine '. La Révolution
vivante a présenté une série de phénomènes qui ont leur raison d'être,
leur enchaînement, leur loi, cela est certain ; mais qui ont été, dans cet
enchaînement même, infiniment plus confus, complexes et désordonnés
qu'ils ne le paraissent ici.
M. T., du reste, ne le conteste pas. Il suffit de tenir compte de ses
notes pour atténuer l'excessive concentration de ses tableaux. Ces notes
sont comme des fourrés épais et profonds qui bordent les grandes
allées et en corrigent la trop savante régularité. S'il n'était pas un
chercheur aussi consciencieux, M. T. est un artiste trop consommé,
trop amoureux de la vie et de ses formes animées, pour s'absorber long-
temps dans les abstractions. Il a beau vouloir tendre sa pensée, et
reconstituer avec les restes des cerveaux de tant de jacobins, le
cerveau idéal du jacobin type, la vie le ressaisit, le mouvement
de la rue l'attire à la fenêtre, il voit passer un jacobin réel et il
le décrit. Son livre est semé de traits de détail qui rompent l'har-
monie un peu artificielle de l'ensemble, et ramènent tout à coup
l'homme vivant et agissant au milieu de cette galerie de grandes pein-
tures. C'est ainsi qu'il nous montre les terroristes poussés par ce triple
motif : réaliser leur utopie, sauver la Révolution et sauver leurs person-
nes; n'ayant, pour y réussir, d'autre ressource que de se maintenir au
pouvoir et d'exterminer leurs ennemis, et arrivant à la Terreur, moins
par raisonnement que par impuissance. La doctrine est ici subsidiaire :
c'est le fanatisme et la peur qui font agir les gens, les prétextes vien-
dront après coup. (Cf. p. i56-i58.) Au fond, d'ailleurs, leur doctrine est
incohérente, incertaine, et la société future, qu'ils prétendent fonder
sur leurs échafauds, n'est qu'un rêve très vague, une hallucination
pour les uns, une fantasmagorie de mots, de phrases et de métaphores
pour les autres. « Ces divers plans inachevés flottent encore dans un
brouillard lointain » (p. io5). Ce qui domine en eux, c'est le fanatisme,
et, bien qu'il parle un jargon particulier, leur fanatisme est, au fond,
celui de tous les temps. C'est par là qu'ils agissent. Le jargon par soi-
même et les abstractions qu'il recouvre ne feraient ni mouvoir un
homme ni circuler un écu. M. T. le dit très bien, à propos des giron-
dins (p. 3i) :« On a beau croire aux abstractions du Contrai social, on
ne se remue pas aisément pour un but artificiel. »« Il est probable, dit-il
ailleurs (p. 482, note), que les motifs désintéressés, l'amour du pro-
chain, de l'humanité, de la patrie n'entrent pas pour un centième dans
le total de la force qui produit les actions humaines. Encore faut-il
noter que lorsqu'ils agissent, c'est au moyen d'un alliage, par l'adjonc-
I. Les philosophes français, ch. xiv : de la méthode. Paris, 1860, p. 358.
8_}. REv-jK r.iuriQui-
tion de motifs de moindre aloi, qui sont le désir de la gloire, le besoin
de s'admirer soi-même, la crainte dn châtiment... » C'est par cet al-
liage, précisément, beaucoup plus que par la propre efficace de la doc-
trine jacobine, que la Révolution, et par la Kévolution, les jacobins,
entrainèrent les Français à leur suite et les soumirent pour un temps.
Les intérêts personnels et les passions nationales, les nécessités du mo-
ment et la poussée des traditions héréditaires, demeurent en cette his-
toire, comme en toute autre, les grands moteurs de l'humanité.
M. T. compare (p. 60) les jacobins à tous les fameux conquérants,
preneurs de terres et subjugueurs d'hommes, aux Spartiates en Grèce,
aux Normands en Angleterre, aux Anglais en Irlande : les Spartiates
ont fourni des exemples au Contrat social^ mais ils ne s'en doutaient
guère; les Normands de Guillaume étaient dépourvus de toute préten-
tion sur le chapitre des idées pures ; les Anglais, sous ce rapport, sont
leurs dignes successeurs. L'intérêt, la passion, le fanatisme ont tout
fait. La comparaison est juste; mais elle diminue l'importance particu-
lière du phénomène jacobin, et surtout de la doctrine. M. T. compare
ailleurs les jacobins aux illustres tyrans, à Philippe II, à Pierre le
Grand, à Cromwell : ceux-là, dit-il, ont poursuivi avec des moyens
plus puissants des objets plus accessibles (p. 149); ils ont prétendu
assujettir mais non réformer Thomme (p. i5i); c'est cette prétention
disproportionnée qui a fait la faiblesse de l'entreprise jacobine (p. i52);
elle avait contre elle la force des choses, le sens commun (p. i52).
On peut ajouter la force même de la Révolution, car si la Révolution est
devenue jacobine, et par les derniers jacobins, socialiste et agraire, elle
était partie d'un point de départ bien opposé : elle avait été faite par les
propriétaires pour la propriété. Si g3 portait Babeuf, 89 portait le
Code civil. Le système de la Terreur se ruinait nécessairement par son
propre principe : les terroristes étaient conduits à détruire l'œuvre po-
pulaire de la Révolution sous prétexte de la défendre, et à s'exterminer
les uns les autres, sous prétexte de s'épurer. Le jour où ils se furent
anéantis de leurs propres mains, l'esprit public se retourna contre eux
avec une implacable violence, et ce qu'il y eut d'extrême dans les réac-
tions prouve justement ce qu'il y avait eu de paradoxal dans leur entre-
prise. Si jamais deux idées se sont dégagées clairement d'une histoire,
celles-ci se dégagent de l'histoire de la Révolution : l'horreur successive
des émigrés et des terroristes; les terroristes gouvernèrent par l'hor-
reur des émigrés; Bonaparte gouverna par l'horreur des terroristes.
Tout compte fait, la Terreur, en tant que système de gouvernement,
apparaît comme un témoignage colossalement atroce de l'ineptie des
terroristes. L'histoire, à toutes les époques, a décrit les horreurs d'une
place assiégée, affamée, où les chefs de la populace se sont emparés
du pouvoir. La France a été cette place-là pendant près de deux années,
et la place aurait été prise, elle aurait succombé, sous l'assaut des enne-
mis, à la famine, à l'anarchie, si elle n'avait eu que les anarchistes pour
DHISlOlKk KT UK 1.1 11 iLr Al t'KE 85
kl déronJie. Ce qui la sauva, ce ne furont ni leurs actes féroces et stupi-
des, ni leurs doctrines absurdes, ce fut le courage des habitants, leur
patriotisme et le dévouement des chefs intelligents que les terroristes
n'avaient pas séquestrés, proscrits ou guillotinés.
C'est ce que M. T. montre fort bien à propos des hommes
d'affaires du comité, Carnot, Prieur, Jean-Bon (p. 233 et suiv.). II
faudrait ajouter d'autres républicains pour lesquels M. T. est bien
sévère, Dubois-Crancé et Merlin de Thionville par exemple, puis tous
les collaborateurs de la grande œuvre de la défense. Quant aux hotnmes
d'Etat, à part Danton, pour lequel d'ailleurs, dans un large portrait,
M. T. se montre juste, presque admiratif même, au moins entre les
lignes, ces chefs de la Terreur m.éritent trop les terribles arrêts
qu'il porte sur leurs personnes et sur leurs actes. Des exécuteurs
et des séides, on peut dire avec M. T. (p. 340 et 376, note ) : « Ce
serait faire trop d'honneur à de telles gens que de leur supposer
des convictions et des principes; ils n'ont que des haines, surtout
des appétits. » Les meneurs, les pontifes, avaient sans doute des
doctrines, et pour Robespierre, on peut ajouter des convictions; Ro-
bespierre (M. T. ne l'a peut-être pas assez montré), était, avant tout et
par-dessus tout, un fanatique ; mais le lien entre les doctrines et les ac-
tes m'échappe en général, et je suis porté à tempérer la trop grande
unité de vues, de caractère et de conduite que leur attribue M. T., par
les aveux qu'ils font eux-mêmes sur le terrible décousu de leur œuvre
(p. 241) : « Il y avait, disait Prieur de la Côte-d'Or, des journées telle-
ment difficiles qu'on ne voyait aucun moyen de dominer les circonstan-
ces; ceux qu'elles menaçaient le plus personnellement abandonnaient
leur sort aux chances de l'imprévu. » Les intentions profondes, le sys-
tème et les principes ont été de Paprès-coup, la plupart du temps, du
discours, de la justification et de l'apologie.
S'il fallait conclure sur la Terreur et les terroristes, je conclurais vo-
lontiers, avec une phrase de M. T., mais un peu contre sa théorie, qu'il
reste d'eux jugés à distance, et dans l'ensemble, précisément ce qui en
restait sous le Directoire : « Le mince et fragile vernis de grandes phra-
ses, sous lequel jadis ils se sont dissimulé à eux-mêmes Tégoïsme et la
perversité de leurs convoitises intimes, s'écaille et tombe à terre »
(p. 585). En résumé, ils se sont bornés, et M. T. le dit encore très bien,
à copier grossièremeiit et à exagérer démesurément tous les procédés les
plus arbitraires, les plus violents, les plus abusifs de l'ancien pouvoir
absolu dans ses plus mauvais jours (p. 63 à 68). Us ont excédé, ils
n'ont point innové. Ceci me conduit à présenter quelques reflexions sur
un des chapitres principaux du livre de M. T. : le ch. n du livre II :
La conception de l'Etat.
C'est un des plus beaux morceaux qu'ait écrits M. Taine. Cet exposé
magistral des droits de l'état et de leurs limites, cette protestation élo-
quente de rhommc libre contre le Léviathan moderne, ce bon sens en-
86 REVUIl CKlIlQUfc.
flaiiimé, celte revendication vchcmcnte de la liberté individuelle mar-
quent, même dans une œuvre qui contient tant de pages d\in si
surprenant éclat. Cependant 11 ne faut point qu'il y ait de méprise sur
le sens des mots et sur le fond des choses. Je suis sûr qu'il ne peut y en
avoir dans la pensée de M.Taine; mais tous ceux qui le lisent ne s'inspi-
rent pas de la sincérité de sa pensée et de la scrupuleuse probité de son
style. Ce qui suit répond, non au texte de M. T., mais au commentaire
que quelques-uns en ont tiré, et qui implique un gros malentendu.
M. T. oppose la conception de TEtat jacobin, telle qu'elle résulte de
ses notes sur la Révolution, à la conception de l'Etat moderne, telle
qu'elle résulte, en particulier, de ses notes sur l'Angleterre, et il conclut
que, comparé au gouvernement libre et libéral, qui est le type du gou-
vernement moderne, l'Etat jacobin est un Etat rétrograde. Ce système de
gouvernement, en effet, remonte à l'antiquité, au temps où la cité possé-
dait des esclaves et où les citoyens se jugeaient nés pour commander aux
peuples d'alentour. Je ne le contesterai point; mais il ne faut pas s'em-
parer arbitrairement de cette pensée et la retourner sur elle-même; il ne
faut pas conclure de là que l'Etat jacobin, rétrograde par rapport à la
conception deTEtat moderne, Tétait par rapporta la conception de l'Etat
de l'ancien régime auquel il a succédé et dont il procède, au moins à titre
de déviation. Il ne faut pas croire enfin que, pour répugner au despo-
tisme jacobin, l'homme moderne se soumettrait aisément au despotisme
de Tancien régime. Il est bien sûr que Ton vivait plus doucement sous
Louis XV que sous Robespierre ; mais il ne s'agit pas d'opposer des
excès atroces à un régime régulier, il s'agit de comparer deux concep-
tions normales de l'Etat. M. T. lui-même, qui se montre si rebelle au
joug des majorités (p. i3o, i35), me paraît aller un peu loin lorsqu'il
allègue, à titre de circonstance atténuante, pour Philippe II et
Louis XIV « qu'ils ne violentaient que les dissidents, environ un quin-
zième ou un vingtième de leurs sujets ». Si ce n'est qu'une question de
chiffres, ce n'est plus une question de principes, et l'on peut entrer en
comptes, même avec l'Etat jacobin. Le fait est que Louis XIV et
Philippe II n'avaient aucune prétention à la liberté de conscience, et
que la grande différence entre eux et les jacobins, c'est que ceux-ci
violentaient la conscience en prétendant l'affranchir.
La conscience chrétienne, telle que la définit M. T. en termes sai-
sissants (chrétienne, sans aucun doute, mais bien plus calviniste que
catholique et, au moins, légèrement empreinte de jansénisme), ne s'ac-
commode point de l'irréligion d'Etat ; mais elle ne s'accommode pas
davantage de la religion d'Etat : or, la religion d'Etat, c'est le fond
même de l'ancien régime. Je ne citerai pas les protestants français
au temps de Louis XIV ; je ne parlerai ni des tutelles forcées^
ni des catéchismes obligatoires , ni des enfants soustraits à leur
famille pour être élevés par l'Etat dans la religion de l'Etat. Allons
en Angleterre et considérons la situation des catholiques pendant
d'histoire et de littérature 87
la première moitié du xviite siècle : elle est épouvantable. La loi
de 1700 offrait une récompense de 100 livres à quiconque découvri-
rait un prêtre catholique dans Texercice de son ministère; elle rendait
tout catholique incapable d'hériter ou d'acheter des terres; sur son re-
fus d'abjurer, l'héritage passait aux parents protestants; il lui était
même interdit d'envoyer ses enfants à l'étranger pour les faire élever
dans sa foi. Vers la tin du siècle, par le progrès des mœurs, de la tolé-
rance, des lumières, comme on disait, cette situation s'adoucissait en
fait, et tendait même à s'adoucir en droit ; mais ce progrès ne procédait
pas de la conception de l'Etat de l'ancien régime, il procédait au con-
traire d'une idée toute moderne qui tendait à s'y substituer.
M. T. nous peint le seigneur féodal, jaloux de son droit et gar-
dien de son honneur; il a raison de dire que, grâce à cette noble
tradition, qui est la grande œuvre du moyen âge, « tout homme
de cœur, le bourgeois, le paysan, l'ouvrier a son honneur, comme le
noble (p. 128.) » Mais il ne faut pas oublier que, du temps de l'ancien
régime, en Angleterre aussi bien qu'en France et jusqu'à la veille de la
Révolution, le noble qui pensait autrement que le roi en matière de
conscience, qui voulait, selon la belle expression de M. T., refuser
à des hommes, fussent-ils le roi et ses ministres, « le droit de lui
imposer des remords n (p. 127) n'avait à choisir qu'entre ces deux extré-
mités, l'écrasement par l'Etat ou l'émigration. II ne faut pas oublier
que si ces belles et précieuses idées de liberté civile, de liberté po-
litique, de liberté de conscience ont prévalu en France et sur le conti-
nent, c'est par l'œuvre de la Révolution française ; elle les a reniées,
un moment, elle a déchiré sa grande charte et répudié ses premiers ti-
tres, mais la France les a revendiqués et patiemment reconquis. Il ne
faut pas oublier enfin que si l'Etat jacobin, brutale adaptation de l'ancien
absolutisme royal aux doctrines de Rousseau, est sorti de la Conven-
tion, au milieu de l'anarchie, de la guerre civile et de la guerre étran-
gère, la conception de l'Etat moderne, du gouvernement libre et du
régime libéral est sortie des premières délibérations de la Constituante.
M.T. avaitélé naguère bien sévère pour cette mémorable assemblée
(La Révolution^ I, p. 154); il rend aujourd'hui plus de justice uses
intentions, à ses actes et aux hommes de cœur, aux « honnêtes gens »
qui y formèrent la majorité (p. 421). En définitive, l'Etat moderne, tel
qu'il est ici décrit, repose sur quelques maximes, d'un style médiocre
peut-être, médiocrement encadrées, je le reconnais, mais qui n'en
sont pas moins le fondement de toutes nos libertés et de tous nos droits.
'( Le but de toute association politique ' est la conservation des droits
naturels et imprescriptibles de l'homme : ces droits sont la liberté, la
propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression... La loi n'a le droit
I. Comparez, p. i33. ce passage : « L'Eiat me donne la se'curité... Je lui dois les
moyens de l'entretenir. Il y a donc entre lui et moi, sinon un contrat exprès, du
moins un engagement tacite... »
88 RKVU!'- CRITIQUE
de défendre que les actions nuisibles à la société... Nul ne doit être
inquiété pour ses opinions, mémo religieuses... » Ce sont les articles 2,
5 et 10 de la Déclaration des droits qui forme le préambule de la
constitution de 179 1 et représente le testament politique de la Consti-
tuante. Analysez la théorie de TEtat moderne que développe si magni-
tiquement M. Taine, et vous n'y trouverez pas autre chose que Tappli-
cation raisonnée de ces principes. Son livre est un terrible réquisitoire
contre le jacobinisme, contre le despotisme communiste surtout et
Tanarchisme; on n'y trouve, en vérité, rien qui fasse regretter ni la
chute de l'ancien régime, ni le succès final de ce qu'on a nommé d'un
nom devenu banal (mais qu'y a-t-il de plus banal que l'évidence?) les
principes de 1789.
Albert Sorel.
VARIÉTÉS
l\Iotes tl'ai-cltéologîe oi'Iciitale.
XIX
L'inscription nabatéenne de D'meir, et l'ère des Séleucides,
dite ère des Romains.
L'épigraphie nabatéenne est favorisée depuis quelque temps. A peine
MM. Renan et Berger avaient-ils fait connaître les quarante et un textes
ou fragments de textes découverts à Medâïn Sâleh par MM. Doughty et
Huber, que voici deux nouvelles inscriptions du même genre qui font
leur apparition. Celles-ci proviennent, non plus de l'Arabie, mais,
comme les premiers dont les savants ont eu à s'occuper, de la Syrie.
M. Sachau vient de les publier dans le dernier cahier du Journal de la
Société orientale allemande '.
L'une a été recueillie, il y a déjà bon nombre d'années, par le D*" R.
Kiepert, à Beit Râs (l'ancienne Capitolias), dans le djebel 'Adjloûn.
De celle-ci, qui est courte et incomplète, il n'y a rien à dire de particu-
lier.
L'autre, au contraire, trouvée au printemps dernier par le D^ B.
Moritz, est très importante à plusieurs égards et mérite qu'on s'y ar-
rête.
Elle provient du village de D'meîr ou Maqsoura, localité de la Da-
mascène qui a fourni à M. Waddington ' quelques textes grecs sans
1. ZDMG, p. 535 et suiv. — Je suppose que le tirage à part anticipe' que M. Sa-
chau a bien voulu m'envoyer est un extrait du IVe cahier de Tanne'e 1884.
2. Inscriptions grecques et latines de la Syrie, n"' 2562 g, h, i, l.
d'HISTOIRK KT de LiTTÉRATURE 89
s:;rand intérêt, — ?aut un —copiés par Vidua. On a proposé de recon-
naître dans D'meir YAdviedera, station de la voie romaine de Damas à
Palmyre, marquée sur la table de Peutinger à 26 railles de Damas.
L'inscription est gravée sur une sorte de cippe ou autel hexagonal,
haut de i»", 14. Chacune des six faces se divise en trois parties : en haut
un buste humain en bas-relief; au-dessous une moulure saillante; plus
bas un champ rectangulaire. Au-dessous de chaque buste, sur la plate-
bande de la moulure, figuraient de courtes épigraphes donnant le nom
du personnage,- quatre seulement sont suffisamment conservées pour
être lues, au moins en partie :
I" '.
2<> Hdni'-.
3" Adramou, fils de M?
4" Neqidou,fils de M?
En dehors de ces épigraphes, qui sont de simples légendes, le texte
principal occupe le registre inférieur de quatre des faces contiguës.
M. Sachau a lait preuve d'une grande habileté dans le déchiffrement
de ce texte assez mutilé. Il le constitue ainsi :
« Ceci est la [stèle] ' qu'a élevée Hdni' V affranchi de Gadlo (ou
'< Garlo), fille de Hdni'-Gadra, mère de Adramou le stratège et de
« Neqîdou le '^^fil^ de Ahdmalkou le stratège. Dans le mois de
« lyar, de l'an 410 selon le comput romain, correspondant à l an
« 24 du roi Dabel. »
Tout d'abord quelques remarques de détail.
Je n'insiste pas sur la transcription un peu arbitraire du nom Hâni\
que M. Sachau, entraîné par l'analogie de l'arabe, croit devoir substi-
tuer à la forme écrite réellement Handou (^SJ^). Il m^est impossible
sur le fac-similé àt voir le nom lu par lui Cadrât, = FaopâO-^ ; ce
nom se terminait en ...gadat ou ...garât. Les mots i"in 12, affrancJii,
sont à rapprocher de l'expression palmyrénicnne "in r»2, affranchie, dans
l'inscription bilingue découverte à South Shields, en Angleterre K
Le texte, tel qu'il est établi par M. Sachau, ne se construit pas dans
son ensemble, et le savant orientaliste reconnaît lui-même la difficulté
de rattacher les uns aux autres ces divers personnages. Cela vient d'une
erreur matérielle qu'il a commise en englobant à tort, dans le texte
principal le nom de Hàni' qui, en réalité, appartient au registre supé-
I. La lecture ..."TTJ"... que M. Sachau propose, d'ailleurs, avec hésitation, doit être
sûrement écartée; la ligature beth daleth (ou rcch) ne se fait jamais ainsi dans notre
inscription : la première lettre du complexe doit être un noun, peut être un lanicd,
un phé ou un kaph.
ï. Alesgeda, Tcsi\\.\xé tn partie ; le mot se rencontre plusieurs fois dans les in-
scripiions nabatéennes.
3. Palmyrénicnne et latine; publié par M. Wright dans les Transactions 0/ the
Society of biblical arcliaeology VI, 436. — Je crois qu'il faut voir la même ex-
pression, désignant un affranchi, dans l'inscription de Palmyre n° -jb (de Vogué,
Syrie centrale).
go REVUK CRITIQUh
rieur et est simplement l'épigraphe du buste sculpté au-dessus. Il a
fait une erreur d'aiguillage en passant d'un registre à l'autre, et toute
la phrase a déraillé. Si, du texte où il figure indûment on retire ce
nom en le restituant à sa vraie place, toute Téconomie en est changée,
et le sens devient d'une clarté à peu près parfaite :
Hdni\ V affranchi de Gadlo, fille de'...? ...garât, mère de Adra-
mou le stratège., etc.. Du même coup disparaît l'hypothèse d'après la-
quelle l'affranchi Hàni' aurait pris le nom du père de sa maîtresse. Le
buste inscrit au nom de Hâni' est celui de l'affranchi lui-même et non
pas de son patron imaginaire.
Les mots laissés en blanc par M. Sachau après Neqidou le me
semblent cependant aisés à expliquer. La lecture kd"t:3 h'J "ra est certaine
d'après \e fac-similé. M. Sachau est, néanmoins, tenté de lire S'qtû Sy[2]"[':i
et d'y voir un titre semblable à celui du be'el te'em, ou gouverneur
ds Samarie sous les Achéménides ^\ ce titre ferait le pendant de celui de
stratège donné à Adramou, frère de Neqîdou : ce serait quelque chose
comme un expraejecto, analogue au ex centurione, ex consule, etc., des
Romains. Ce qui le fait hésiter, c'est Tépoque tardive où ces expressions
apparaissent en latin. La vérité est que le noim final de la préposition
min est évidente, qu'il n'y a pas de traces du beth qui serait nécessaire
pour arriver au mot be'el, enfin que les mots en question doivent signi-
fier tout simplement, d'après le lexique araméen : par ordre, sur l'ordre
de, /.axà izpia^cf.'dJ.a..
Le principal intérêt de cette inscription consiste dans la double date
qui y est exprimée à la fin. Les chiffres qu'obtient M. Sachau, par d'in-
génieuses comparaisons, sont des plus acceptables. L'an 24 du roi Dabel,
déjà connu par d'autres inscriptions, correspond à l'an 99 de notre ère,
d'après les bases chronologiques établies par M. de "Vogué, et à l'an 410
de TèredesSéleucides. Il est donc évident que l'ère dont l'année 410, aux
termes mêmes de notre texte, concorde avec l'an 24 de Dabel ne peut
être autre chose que l'ère des Séleucides.
L'emploi de l'ère des Séleucides n'a rien de surprenant; on la rencon-
tre sur des centaines de monuments grecs de Syrie, et aussi dans les
inscriptions palmyréniennes. Seule, la dénomination donnée ici à cette
ère présente des difficultés. L'ère des Séleucides qualifiée d'ère romaine
par des Nabatéens, à l'époque de Trajan, voilà qui est fait pour trou-
bler toutes les notions historiques reçues. Je dois avouer que j'ai long-
temps répugné à admettre la traduction de M. Sachau et cherché à lui
substituer diverses combinaisons plus ou moins plausibles, Après mûr
examen, je n'hésite pas à m'y rallier, en y introduisant toutefois une
modification qui n'est pas, comme on va le voir, sans importance et
surtout sans conséquence.
1. Ici est le nom [Hàni',] à supprimer.
2. Esdras, IV, 8, 9, 17.
DHISTOIKE KT DE LITTRRATURR QI
M. Sachau lit Ntaini XJ^i^z^ beminyana rhomiya, et traduit : « dans
(selon) le comput romain »; il considère les deux mots comme étant,
le premier un substantif, le second un adjectif, tous deux à l'état em-
phatique caractérisé par Va final. Je propose de lire : N•*2^1"'S' "("':'2n bc-
minyan arhomaya^ « selon le comput des Romains ». Comme on le
voit, je coupe les mots autrement, en prenant Valeph emphatique, indû-
ment attribué comme final à minyan, pour en faire Valeph initial de
arhomaya; sur ce point la paléographie de l'inscription me donne
matériellement raison. Si Valeph appartenait à minjan, il serait lié au
noun qui termine ce mot, comme il est lié au noiin dans le nom Ha-
naou (Hâni'J. Or, il n'en est rien; au contraire, la queue du Jîoiin se pro-
longe sensiblement au-dessous de la ligne ainsi qu'il convient à un
un noun final. Quant à la forme, bizarre comme phonétique, de arlio-
maya, transcription de 'Po);;.aîo'., avec un a prosthétique, je peux la jus-
tifier de la façon la plus opportune par une leçon des Recognitiones de
Clément Romain ', qui la donne lettre pour lettre.
Nous n'avons donc plus affaire à un adjectif à l'état emphatique,
mais à un substantif pluriel construit au génitif avec minyan : « selon
le comput des Romains ».
Cette modification de la traduction de M. Sachau paraît d'abord peu
de chose. Elle va nous permettre, cependant, d'atténuer sinon de faire
disparaître entièrement certaines difficultés historiques.
Il ne s'agit plus maintenant d'une ère réellement romaine, qualifica-
tion qu'on pourrait seulement comprendre pour l'ère ZyrZ'/i' conditœ, ou
pour l'ère actiaque, ou encore pour l'ère de Pompée qui ont été, nous le
savons par les monuments, usitées en Syrie- ; il s'agit d'une ère employée
par ceux que les Nabatéens, au premier siècle de notre ère, appelaient des
Romains. Certes les Nabatéens connaissaient parfaitement bien à cette
époque les Romains, qui leur avaient fait depuis longtemps sentir leur
puissance, et qui, quelques années plus tard, allaient porter le dernier
coup à leur autonomie ^ Ils devaient bien savoir que l'ère des Séleucides
n'était à aucun litre une ère romaine ; que les Romains avaient un tout
autre mode de comput. lU le savaient si bien qu'une inscription naba-
téenne de Hébràn ' est datée, de la façon la plus correcte, du mois de
Tichri, de l'an 7 de Claude César, c'est à dire de l'an 47 de notre ère,
une cinquantaine d'années avant l'inscription de D'meîr.
L'ère des Séleucides, qui est par excellence l'ère de la Syrie, est très
rarement dénommée sur les monuments où elle est employée. Nous
1. Voyez le Thésaurus Syriacus ; s. v. Un autre manuMjn'i plus récent donne la
forme ordinaire rhomaya.
2. Surtout l'ère de Pompée, pour toute cette région de la Syrie, et principalement
dans les villes de la Décapole.
■3. L'ère de Bostra commence en io5 J.-C, lors delà destruction, par (Cornélius
Palma, du royaume nabatéen qui forme la province d'Arabie.
4. De Vogué, Syrie Centrale. Inscriptions, p. 100.
92 RKVllK CRITIQUE
savons que les Phéniciens l'appelaient lère de ÏAdon Melakim • ; les
Juifs, Vère des contrats (minyan chetaroth) ; les Syriens hellénisants,
Vère des Grecs, ou Vère d'Alexandre, etc. Qu'est-ce qui a pu conduire
les Nabatéens à lui donner le nom, si peu justifiable en apparence, d'ère
des Romains? Sq ne vois qu'une réponse à cette question. Les Naba-
téens qualifiaient de Romains^ non pas les Romains eux-mêmes, mais
les populations syriennes hellénisantes qui se rallièrent de bonne heure
aux Romains, et qui faisaient constamment usage de l'ère des Séleuci-
des. Tel était le cas, par exemple, des Palmyréniens, dont toutes les
inscriptions sont datées de cette ère. Tel était aussi le cas des Damascé-
niens dont nous avons des monnaies impériales grecques datées de l'ère
desSéleucides et frappées au nom d'Auguste, de Tibère, de Néron et de
Domiiien ^ La situation politique de Damas est particulièrement à con-
sidérer ici, car c'est au territoire de Damas qu'il convient de rattacher la
localité de D'meir d'où provient notre inscription. Or, les Romains et
les Nabatéens se trouvaient certainement en contact à Damas depuis
l'intervention du légat de Pompée, Aemilius Scaurus, premier gouver-
neur de Syrie. Nous savons que Damas dépendait des Romains et rece-
vait une garnison romaine^; nous savons, d'autre part, qu'en Sg de
notre ère, la ville était au pouvoir d'un ethnarque nabatéen, Aretas \
Il faut donc, je crois, dans l'inscription de D'meir entendre par Romains,
non pas les Romains eux-mêmes, m.ais leurs partisans, les Syriens
hellénisants qui faisaient usage de l'ère dite des Séleucides, tandis que
les Nabatéens continuaient, et ont continué jusqu'à la fin, à dater leurs
monuments du règne de leurs rois nationaux.
Clermont-Ganneau.
THÈSES DE DOCTORAT ES LETTRES
Faculté des lettres de Paris
(3 décembre 1884}.
Soutenance de ai. d»arles Béniont.
1. De Johanne. cognomine sine terra, Luietiae Parisiorum anno 120J condemnato.
— C. Bémont. — Alph, Picard, 1884; in-8"; 68 p.
//. Simott de Monfort, comte de Leicester; sa vie (i 20 .'-1265). — Son rôle politique
1. C'est-à-dire, comme je l'ai montré, du y.ûptoç [iaciAsicov (Seigneur des basi-
lies) (cf mes Etudes d'arciiéologie orientale, p. 53 et 84).
2. Voir de Saulcy, Numismatique de la Palestine, p. 35 et 5g.
3. S. Jérôme in Isai, 17. Josèphe, Antiq. J, XIV, Il : 7.
4. Actes des apôtres, IX : 19 et bg; Epitres aux Corinth., XI, : 32
O HlsrOlKK KT Di-. LITTÉk/VlUtlh q3
en France et en Angleterre. — Charles Bémont. — Alph. Picaid, 1S84;
in-{>'*; 3S3 p.
I
M. Bémont a démontré dans sa thèse latine que, contrairement à l'opinion uni-
versellement reçue, Jean sans Terre ne fut point condamné pour le meurtre d'Ar-
thur, ce meurtre ayant eu lieu un an après la condamnation pour défaut de ser-
vice. L'origine de la légende, est un mensonge solennel de Louis de France en
1216.
La thèse de M. B. présente aux yeux de M. Himly le mérite d'être une véritable
thèse, d'être bien circonscrite, presque trop, et de fournir la matière, suivant la
tradition de l'Ecole des chartes, d'un certain nombre de positions. Elle est bien
divisée: les deux premiers chapitres comprennent la partie critique; ce qui suit est
plutôt la façon dont iM. B. personnellement envisage les choses. Pourquoi donc
n'avoir pas donné le signe matériel de cette rigueur, une table? Sans entrer dans
l'examen critique de la thèse, on ne peut se défendre, en la lisant, de quelques ré-
flexions. Ainsi voilà un fait, une série de faits (les relations de Philippe et de Jean)
qui se passent au grand jour; il y a eu jugement, exécution, une exécution d'une
importance capitale pour l'Angleterre; et après quinze ans à peine, on peut, sans
soulever une protestation, dénaturer ces faits. C'est là un argument sérieux à l'ap-
pui du scepticisme historique, c'est un avertissement de se métier des textes, et
surtout des textes officiels. M. B. a du reste dissipé tous les doutes, pourtant il
faut bien reconnaître que Louis de France a eu pour complice de son mensonge la
Chrétienté tout entière; on savait la mort d'Arthur, on savait que l'exécution du
jugement contre Jean avait suivi cette mort, on supposait tout naturellement que le
jugement lui-même était postérieur et avait porté sur cette accusation. Louis n'avait
plus besoin que « d'une légère sollicitation de texte». 11 est certain que le cas de Jean
fut rendu bien plus mauvais par la mort de son neveu. M. B. parle de loi féodale; mais
on sait ce que valait cette loi ; bien d'autres fois les rois d'Angleterre ou d'autre vas-
saux avaient refusé le service; bien des fois aussi ils avaient été condamnés; mais
il n'en était rien résulté; ce qui importe ce ne sont pas les arguments ni les con-
sidérants « Frédéric II en a trouvé, et les juges de Berlin en trouveront pour con-
hsquer le Brunswick »; c'est la sanction. Et la conscience politique, à défaut d'un
tribunal, condamne si bien Jean, que cet homme si actif, M. B. le fait lui-même
observer, est réduit dès lors à l'impuissance; il abandonne la Normandie, il laisse
Rouen à ses propres forces. Quant à la mort d'Arthur et à sa date, sur la demande
de M. Himly, M. B. explique qu'il parvient à la conjecturer à l'aide des itinéraires
de Jean; il ne considère du reste l'attribution du 3 avril i2o3 que comme probable.
Pour la mort elle-même elle est incontestable; Jean avait trop d'intérêt à montrer
son neveu s'il eût encore été vivant. (Ces exhibitions de prisonniers seront fréquen-
tes durant la guerre des Deux Roses.) Et Raoul de Coggeshall nous affirme qu'Ar-
thur fut tué sous les yeux de Jean. Quant à la scène fameuse représentant le roi
d'Angleterre, en barque, plongeant lui-même le fer dans la gorge de son neveu, c'est
une légende qu'on regrette de retrouver dans un livre aussi sérieux que celui de
M. L.uchaire. Voici, du reste, comment M. B. essaie de reconstituer la série des
événements. Une première fois Jean ordonna à Hubert du Bourg, gouverneur
de Falaise, que le jeune homme oculis et fçenitalibus privarctur. Hubert refusa,
redoutant les représailles du roi de France; mais à cause des mouvements de Bre-
tagne on fit courir le bruit de la mort d'Arthur. Celte rumeur n'eut d'autre résultat
que de provoquer un soulèvement des gentilshommes bretons et c'est à ce moment
que M. B. place cette curieuse assemblée de Vannes dont nous ignorons la date. On
q^ REVUE CRITIQUE
fait alors dcmentir la mort d'Arthur, et c'est en 120J seulement qu'on le fait trans-
fe'rer de Falaise à Rouen, oia il meurt.
M. Fustel de Coulanges félicite beaucoup M. B. du choix de sa thèse; car il y a
double mérite et double utilité à corriger une erreur. M. Fustel accepte pleinement
les conclusions de la partie critique; Jean n'a pas été condamné en 1204 pour le
meurtre d'Arthur. 11 sera plus réservé relativement à la partie affirmative. Il se refuse
à admettre que le mariage d'Isabelle d'AngouIême ait été la cause de la condamna-
tion en 1202. M. B. explique que le mariage en lui-même n'est pas le griet
reproché au roi Jean, Il n'y a pas eu d'enlèvement, il est vrai, puisque Isabelle a
été rappelée par son père; mais il y avait eu des fiançailles, qui, si jeune que tût le
jeune Hugues, constituaient pourtant un engagement solennel. De graves intérêts
étaient en jeu ; ce mariage devait éteindre l'ancienne rivalité des Lusignan, comtes
de la Marche, et de la maison d'AngouIême. S'il faut en croire un contemporain,
Philippe-Auguste lui-même poussa Jean à épouser Isabelle, espérant ainsi em-
brouiller les choses. Hugues IX lésé se plaint à Philippe, suzerain d'Hugues; Jean
réclame l'affaire, donne un jour, vient à Chinon avec un appareil militaire inquié-
tant : Hugues, devant ce déploiement de force, refuse de comparaître si Jean ne lui
promet non justice, mais bonne justice. Jean refuse de s'engager. Hugues s'adresse
au suzerain de Jean, Philippe-Auguste, accusant le roi d'Angleterre en défaute de
droit. Philippe cite Jean ; celui-ci refuse de comparaître et est condamné pour défaut
de service. M. Fustel refusant de voir dans cette chicane et dans celte procédure
autre chose que le mariage, ne veut pas admettre qu'il y ait là matière à une con-
damnation si grave, et il examine tous les autres griefs que Philippe pouvait avoir
contre Jean, et en particulier la question de Bretagne et la question de l'hom-
mage de Jean. M. B. fait observer qu'en 1200 Philippe avait renoncé à sa su-
zeraineté sur la Bretagne; et pour ce qui est de l'hommage, Jean était venu à Pa-
ris, et Philippe s'était bien gardé de le lui demander. Tous ces griefs du reste, au-
raient pu être reprochés à Jean s'il avait comparu, et M. B. les indique p. 57; mais
son absence ne laissait place qu'à la condamnation pour refus de service. Mais
M. Fustel ne veut pas admettre un procès dont parle Guillaume Lebreton mais
dont Rigor ne dit mot; il y a au contraire une ligne de Rigor qui parle d'hom-
mage, et c'est sur la foi de cette ligne qu'il fallait conclure; parceque, pour M. Fus-
tel, l'hommage c'est là la question de droit féodal. Pour ce qui est de la mort d'Ar-
thur, certains historiens disent qu'il est mort de chagrin. M. B. explique que c'est
précisément une allusion au faux bruit que fit d'abord courir Hubert. Quant à
l'assemblée de Vannes, M. Fustel se déclare encore plus sceptique que M. B. Du
reste, M. B. croit seulement cette assemblée possible, parce qu'il n'y a pas lieu de
suspecter la bonne foi de D. Lobineau, et que, d'autre part, l'exactitude des noms
cités permet de ne pas révoquer absolument en doute le document édité par le
savant bénédictin. Après quelques autres observations de détails, sur le droit que
pouvait avoir le sire de Craon de se faire homme du roi de France après la mort
d'Arthur (p. io\ sur le sens exact de consuetiido regni Fvanciae (coutume de la
cour de France, ou coutume de l'Ile-de-France? (p. 33) et sur quelques termes
latins du moyen âge (P. 5i, p. 6.), M. Fustel conclut en regrettant que M. B. n'ait
pas insisté sur les véritables causes de la lutte et surtout sur le procès, et qu'il
n'ait pas cherché à interpréter le droit féodal. 11 y avait là, au dire de M. Fustel,
matière à un chapitre que M. B. aurait tiré du texte de Rigor. Du moins M. B.
a appliqué une excellente méthode : ne croire que ce qui est démontré-
M. Rambaud se contente de faire observer que l'attitude prise par M. B. est excel-
lente et très légitime : n'admettre que les faits prouvés sans déclarer impossibles
dhistoikf: et de littérature QD
les faits pour lesquels nous n'avons pas de preuves. C'est là la réserve que garde
M. B. sur l'assemblée de Vannes et la cour des Pairs. On a, en eflet. attribué à cette
époque l'origine de la cour des Pairs comme celle des États généraux de Bretagne.
Il est certain que, si l'on pouvait connaître la composition de la cour des Pairs, on
s'expliquerait mieux la résistance de Jean, au cas où cette cour n'eût réuni que de
petits compagnons. Par malheur nous ne sommes pas fixés; nous avons des listes
de I2IO, de 1214, nous voyons posé le principe de l'entrée des grands officiers à la
cour; est-ce la cour du Roi ou la cour des Pairs.' Le langage n'est pas plus fixé
que les institutions. Et cette pauvreté de renseignements autorise pleinement l'atti-
tude expectante de M. B.
M. Pigeonneau, ne pouvant se résoudre à croire « Louis de France aussi noir, et
la chancellerie romaine aussi bêle » que les représente M. B., propose une conjecture.
11 admet que Jean fut condamné en 1202 pour défaut de service; mais pourquoi ne
l'aurait-il pas été plus tard.^ Le silence des bulles ne prouve rien, car le pape a pu
vouloir ne rien savoir-, il a même écrit aux évêques que c'était aftaire de droit féodal,
qui ne le regardait pas. Or, si l'on suit attentivement les faits, on constate que Jean est
condamné comme comte d'Anjou et de Poitou et duc d'Aquitaine; et cela est si vrai
qu'il excipe de son titre de duc de Normandie et de son droit de ne comparaître que
niier utrasque fines; donc c'était l'Anjou et l'Aquitaine et non la Normandie qu'il
fallait saisir; aussi cette conquête paraît-elle injuste à bien des gens; Math. -Paris
dit non justiciaiiter sed violenter; c'est ainsi que M. Pigeonneau interprète ce pas-
sage; Louis IX lui-même avait encore quelques scrupules. Or, s'il faut en croire
Math.-Paris, en 1204 Jean voulut s'accommoder, offrit de comparaître pour discuter
la question de Normandie; jour fut pris, mais craignant qu'on ne lui reprochât le
meurtre d'Arthur, le duc de Normandie, cette fois, fit défaut; Arthur était mort, et
Jean put de ce coup être condamné à mort et dépouillé de la Normandie. Telle est
la conjecture de M. Pigeonneau. M. B. répond qu'elle est toute gratuite, qu'elle ne
repose sur aucun texte et qu'on peut aussi bien supposer encore deux ou trois juge-
ments; que ce second jugement serait un doublet inutile du premier; qu'il ne faut
pas s'étonner de la crédulité du pape, toujours renseigné par un légat qui arrive après
les événements accomplis; qu'on oublie vite les détails d'un procès, et qu'aujour-
d'hui même les arrêts des conseils de guerre de 1871 sont loin de nos mémoires;
qu'il ne faut pas demander au jugement de 1202 trop de rigueur juridique, que c'est
évidemment un traquenard; et que du reste, à juger rigoureusement, la sentence est
légale ; car Jean sans Terre ayant, pour refuser de comparaître, allégué l'union en sa
personne du duc d'Aquitaine et du duc de Normandie, Philippe était fondé à con-
fondre dans la répression le duc de Normandie et le duc d'Aquitaine. La conjecture,
outre qu'elle ne s'appuie sur aucun témoignage précis, est donc parfaitement super-
flue.
11
Dans sa thèse française M. B. a étudié le rôle joué en Angleterre sous Henri III
par Simon de Monifort.
Bien que le litre et le cadre de cet ouvrage soient ceux d'une biographie, M. Himiy
reconnaît que c'est mieux qu'une biographie, puisque c'est une étude sur l'organi-
sation politique de l'Angleterre; mais il y a là précisément une sorte de discordance
entre les deux parties du sujet, qu'on peut désirer voir disparaître. A ne considérer
que la partie biographique. M. Himly regrette que M. B. n'ait pas cru devoir faire
un portrait de son héros, ou pour préciser la question, si, comme l'assure M. B,, les
documents ne fournissaient pas les traits d'un portrait, qu'il n'ait pas dit au moins
f)0 KKVUH CKfn',>Ut
si Simon de Montiort était un ambitieux ou un patriote. M. B. répond que les
hommes ne sont pas tout d'une pièce, et que, pour le comte de Leicester, il faut
distinguer les époques; il commence à ne plus être un pur ambitieux dès qu'il
peut se considérer comme un réformateur des institutions anglaises, et surtout
à partir de 1260. Cette distinction ne satisfait pas M, Himly, qui estime que Mont-
fort n'a jamais été patriote qu'à condition d'être le maître.
M. Pigeonneau, non plus, n'est pas convaincu; il ne croit pas à la seconde manière
de Siinon de Montfort, qui n'a jamais été qu'un ambitieux. Sans le contester d'une
façon absolue, M. B. fait pourtant remarquer que Simon a été lié avec les person-
nages les plus honorables d'Angleterre ; il conclut fort sagement en ajoutant qu'a-
près tout, c'est là une question de sentiment, et partant, insoluble. Après une série
de questions de détail, sur les bordarii (p. 70) sur le droit ou le devoir de siéger au
Parlement (p. loG), sur la distinction très nette entre la loi et les arrêts et ordon-
nances (p. 109), M. Pigeonneau se demande quelle fut en somme la part du comte de
Leicester dans l'organisation de l'Angleterre. M. B. montre lui-même que Simon
n'est pas l'inventeur des statuts d'Oxford, et que cette constitution ne répond point
à l'idéal du comte; bien qu'il ait eu une part prépondérante aux événements de 1264
et de 1265, il n'a pas inventé l'appel au Parlement des chevaliers et des bourgeois,
dont le rôle ne fut du reste que d'enregistrer et de former, selon l'expression de
M. B., un grand jury national d'enquête. D'autre part on ne trouve pas trace d'enthou-
siasme pour ces réformes :1e clergé seul semble y tenir, et aussi la haute noblesse. La
petite noblesse qui vient enregistrer est fort indifférente; les bourgeois sont presque
hostiles, car Simon les maltraite fort ; à Londres, il s'appuie sur la basse population,
fait remarquer M. B., contre les riches bourgeois; peut-être y a-t-il dans cette
ville une sorte de mouvement social; mais il n'a d'auxiliaires que des mercenaires,
les Gallois, et ses fils, auxiliares fort compromettants. Aussi les Anglais l'abandonnent-
ils bien vite. En somme il ne fut pas un inventeur, il a seulement, l'expression est de
M. B. « créé un précédent » ; mais c'est un chef de parti maladroit, et dont la plus
grande gloire est peut-être d'être mort à Evesham.
M. Fustel, tout en disant à M. B. tout le bien qu'il pense de sa thèse, le félicite
particulièrement d'avoir bien compris que le comte de IMontfort était Anglais ;
aussi ne fut-il pas repoussé comme un étranger. La patrie était alors là où on
avait son fief ou le plus grand nombre de ses fiefs; il n'y avait pas encore de natio-
nalité; la patrie du comte de Leicester, c'est l'aristocratie anglaise. M. B. croit pour-
tant que le sentiment de la nationalité anglaise s'éveillait déjà; la situation d'un
baron anglais n'est pas celle d'un baron français; il a, pour tous ses fiefs, affaire
dans bien des cours; sa vie est moins renfermée. M. Fustel regrette que M. B. n'ait
pas fait l'histoire et la critique de la légende de Simon de Monfort.
M. Rambaud demande à M. B. (à propos des grands officiers, dont les charges
sont plus tôt démembrées en France qu'en Angleterre, où elles le sont pourtant
bien que purement honorifiques) si, d'une façon générale, il auraitcraint de comparer
la France à l'Angleterre. C'est à ce moment qu'il y a le plus d'analogies entre les
deux monarchies; on peut même se demander, dit M. B,, s'il n'y a pas eu
imitation directe, d'un pays à l'autre, quand on étudie la formation du Parlement
et celle des Etats généraux. Les Etats n'ont pas pris tout d'un coup, sous
Philippe IV, comme on le croit généralement, leur forme définitive; il y a eu, en
France aussi, une série de tâtonnements; on a d'abord convoqué les bourgeois de
certaines villes, pour approuver telle ou telle disposition; c'est ce qu'on a fait
en Angleterre. Q^uel est le rôle des bourgeois en i2i3 au Parlement:^ et même siégè-
rent-ils^ M. B. reconnaît avec une parfaite bonne foi qu'il est bien possible que les
0 HISTOilîE KT DK LirïEUAJUKH 97
quatuor discreti homines ds i2i3 ne désignent pas les communes; dans ce cas
Simon aurait bien le premier invité les communes; il est vrai que même
à cette époque elles ne jouent guère que le rôle de témoins. Quant au caractère du
comte, Simon ne serait-il pas, avant tout, un homme de l'Eglise, suggère M. Ram-
baud? Il a reçu une éducation cléricale; il n'a jamais été complètement abandonné
de l'Eglise; quand la papauté se tourne contre lui, l'Eglise anglaise lui reste, en
général, fidèle. Une fois mort, il devient saint, il fait des miracles; et cette sancti-
fication n'est pas populaire; c'est l'œuvre d'un parti restreint. Il fait 21 5 miracles,
mais dans un seul lieu; mieux vaudrait le quart dans cinquante lieux diftérents.
Les poésies composées en son honneur ne sont pas populaires; on le compare à
Thomas Becket; il y a là une fabrication évidente de légende; un couvent fait des
miracles; d'autres fabriquent des hymnes. — En terminant, M. Rambaud félicite
M. B. de la rigueur logique de sa thèse, qui à côté d'un style élégant, d'un récit
animé, présente en même temps l'intérêt d'un problème de mathématiques rigou-
reusement résolu.
M. Lavisse fait ressortir le contraste qui existe entre les deux thèses; il remercie
M. B. d'avoir donné en 5o pages un excellent résumé de la situation constitution-
nelle et administrative de l'Angleterre. Connaissant si bien la constitution anglaise,
M. B. n'aurait-il pu donner l'explication d'un fait singulier. Comment tant de revire-
ments en ces quelques années? et comment, malgré cette mobilité excessive, les idées
de Simon finissent-elles par triompher:' Pourquoi la France qui a été vers la même
époque si près des institutions parlementaires ne les a-t-elle pas obtenues quand
l'Angleterre aussi bouleversée les a conquises. Ce n'est pas seulement à cause de la
légèreté des seigneurs français, mais parce qu'en Angleterre existait ce fonds d'ins-
titutions que M. B. a si bien analysé. C'est qu'en outre il est des circonstances his-
toriques dont il faut tenir compte. La féodalité anglaise est très différente de la
féodalité française; l'Angleterre est petite, et ces hommes apportent dans la Uute un
nombre d'idées très restreint: pas de charges illicites, pas d'étrangers (instinct in-
sulaire) ; et s'ils veulent être les ministres du roi, c'est parce qu'ils en sont tout près;
c'est une idée qui ne viendrait pas à un grand feudataire français.
M. Larroumet voudrait qu'à propos de l'administration de Montfort en Gascogne,
M. B. eût fouillé les archives de Bordeaux, Cahors, Agen, Gourdon, etc., et de tout
le Midi; il voudrait que M. B. eût consacré un chapitre à la géographie de la Gas-
gogne; il extrait des archives de Gourdon une pièce sans date qui pourrait bien se
rapporter à l'époque de l'administration du comte; M. Himly révèle à M. B. que
M. Larroumet est de Gourdon.
M. Bémont a obtenu l'unanimité.
CHRONIQUE
FRANCE. — Dans la séance du i8 janvier dernier l'assemblée des professeurs du
Collège de France a présenté pour la chaire vacante de langues et littératures slaves
M. Louis Léger en première ligne, M. Dozon en seconde ligne. Elle a ensuite dé-
claré qu'il y avait lieu de changer le titre delà « Chaire d'éloquence latine » en Chaire
de philologie latine, celui de la « Chaire de poésie latine » en Chaire d'histoire de
la littérature latine, et celui de la « Chaire de langue persane » en Chaire de langues
et littératures delà Perse.
gS RKVUE CRITIQUE
— La Revue scientifique du 17 janvier contient un intéressant article de M. Ber-
TiiELOT sur des papy fus alchimiques de Leyde qui confirment la thèse, soutenue
par l'éminent chimiste, de l'origine égyptienne de l'alchimie, de ses procédés et de
ses symboles.
— Le Vill' volume de la « Nouvelle Collection à l'usage des classes » que publie la
librairie Klincksieck est une traduction de la Phraséologie latine de C. Meissner,
d'après la quatrième édition, par M. Charles Pascal, professeur agrégé de gram-
maire au lycée de Laval (in-S", xix et 386 p, 3 fr. 5o). « On aurait tort — dit le
traducteur dans sa préface, — de voir dans cette phraséologie quelque chose de
semblable au « cahier d'expressions » qui avait la prétention d'apprendre à écrire
élégamment. Le caractère de ce livre, c'est la recherche de la propriété des mots,
beaucoup plus que celle de l'élégance. Une bonne phraséologie doit avoir but de
nous apprendre à écrire d'une manière simple et exacte, en nous fournissant les ex-
pressions vraies, naturelles, ordinaires, employées dans l'usage commun de la lan-
gue latine. Tel est le mérite du livre de M. Meissner; les expressions qui le compo-
sent ont été recueillies avec le plus grand soin, presque exclusivement dans les œu-
vres de Ciccron, de César, de Salluste, de Tite-Live : pour aider les recherches, les
expressions ont été rangées en dix-sept catégories principales (Monde et Nature,
Espace et Temps, le Corps humain. Sciences et Arts, Art de parler et d'écrire. Vie do-
mestique, VEtat, Droit et Justice, la Marine, la Guerre, etc.), subdivisées en groupes
particuliers». M. Pascal a fait quelques changements notables; il indique presque
toujours le passage d'où chaque phrase est tirée; il a ajouté des notes et des remar-
ques nouvelles (et, par exemple, dans le chapitre xiii : Commerce et Agriculture, un
article entier intitulé : « Taux de l'intérêt ») ; il a refait, en la complétant, la Table
latine et composé une Table française. Cette phraséologie rendra de grands servi-
ces aux étudiants et aux élèves de l'Université, auxquels elle épargnera de pénibles
recherches à travers les colonnes du dictionnaire.
— La librairie Leroux vient de publier des Etudes sur la vie de Sénéque, par
M. P. HocHART (in-8^ vn et 285 p., 6 francs). Ces Etudes ont, en réalité, paru déjà
sous un autre titre; c'est le travail qui a été publié, l'an dernier, en Hollande, sous le
nom de Dacbert et qui était intitulé Sénéque et la mort d'Agrippine ; notre recueil en
a rendu compte. L'auteur avait craint, dit-il, le ridicule qui s'attache toujours à
l'insuccès; enhardi aujourd'hui par « la flatteuse bienveillance avec laquelle des maî-
tres éminents et des savants distingués ont bien voulu juger son ouvrage », il le pu-
blie dans son pays, en le signant, non plus d'un pseudonyme, mais de son véritable
nom.
— La première partie d'une Histoire du commerce de la France, par M. H. Pi-
geonneau, vient de paraître à la librairie Cerf (in-8", viii et 468 p. 7 fr. 5o). Elle va
depuis les origines jusqu'à la fin du xv' siècle, et comprend trois livres A. Le com-
merce de la Gaule. IL Le commerce de la France au moyen âge. 111. Période de
transition entre le moyen dge et les temps modernes. Un appendice renferme cinq
notices ou documents •• (les naviculaires gallo-romains; les divers sens du mot Sa-
xons dans les chartes mérovingiennes et carolingiennes relatives à la foire de Saint-
Denis; un péage au xi^ siècle; chartes concédant à des seigneurs le droit d'avoir
des Lombards sur leurs terres; compte de voyage d'une des galées de France en
1470). Nous reviendrons plus longuement sur ce volume, où l'auteur a su réunir « les
éléments épars de connaissances historiques qui méritent d'entrer dans le domaine
commun ». Il sera suivi de Jeux autres volumes : le deuxième, commençant au dé-
but de la révolution économique qui inaugure les temps modernes, se terminera
avec le xvu<^ siècle; le troisième s'arrêtera à l'ancien régime.
d'hISTOIRIC KT DK l.lTTéRAÏORK 99
— M. GiRY publie chez Picard une brochure qui a pour titre Recueil de textes
pour servira Vétiideetà l'enseignement de Vhistoire, et pour sous-titre Documents
sur les relations de V autorité royale avec les villes en France de iiSo à 13S4.
Elle contient les ordonnances générales de Saint-Louis et de Philippe le Bel, quel-
ques chartes de communes, de franchises et de pariages, les chapitres de Beaumanoir
relatifs à l'administration des villes, et quelques comptes municipaux du xiii'^ siècle.
M. Giry donne, en manière de préface, une bibliographie du sujet.
ALLEMAGNE. — La librairie Teubner doit faire paraître prochainement :
i" Lexicon Aristophaneum, par MM. Otto Kaehler et Ottomar Bachmann; 2" la
deuxième partie du Commentaire de Catulle (Commentarius in Catulluin), par E.
Baehrens ; 3" d'une édition Ae.?, Epigrammes de Martial, par Walthcr Gilbert
(bibliothèque Teubner); 4° une deuxième édition de la Metrik der Griechen und
Rœmer, par Lucien Mûller; 5" une édition des Femmes savantes de Molière, par
M. G. Th. LïoN.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 2 3 janvier iSSj^.
M. le Secrétaire perpétuel donne lecture des lettres des quatre candidats à la place
de membre ordinaire, laissée vacante par la mort de M. Louis Quicherat :MM. Léon
Gautier, Abcl Bergaigne, Auguste Longnon et Héron de Villefosse.
M. le Ministre de l'instruction publique invite par lettres l'Académie à présenter
deux candidats pour la chaire de langues et littératures slaves, qui est vacante au
Collège de France. La question est mise à l'ordre du jour de la prochaine séance.
M. le Secrétaire perpétuel donne lecture de son rapport semestriel sur les travaux
de l'Académie.
M. Gaston Paris communique un passage d'une lettre écrite de Louqsor, le b jan-
vier, à M. Miller, par M. Maspero. On n'a trouvé, dans ces derniers temps, que peu
d'inscriptions grecques; mais on doit signaler une découverte dont l'importance ne
peut être exactement appréciée pour le moment : c'est celle d'un manuscrit copte,
d'une trentaine de feuillets, formés chacun par la réunion de deux fragments de pa-
pyrus collés l'un sur l'autre. M. Maspero a constaté que le papyrus employé à for-
mer ces feuillets poite un texte écrit en grec, et il a cru déchillrer quelques frag-
ments de poésies en siyle homérique. Pour s'assurei' du contenu exact de ce palimp-
seste, il faudra décoller soigneusement chaque feuillet; M. Maspero ne pourra
s'occuper de ce travail qu'à son retour au Caire; il ne le fera commencer, du resie,
qu'après avoir pris une photographie complète du manuscrit dans son état actuel.
A Louqsor, le déblaiement est commencé, cent cinquante ouvriers y travaillent. La
partie méridionale sera déblayée jusqu'au sol d'ici à deux mois; on ne peut s'occu-
per pour le moment des autres parties du temple, occupées par une mosquée et
d'autres édifices dont l'expropriation s'obtiendrait difticilement. Le voisinage du
Nil inspire de sérieuses inquiétudes : le tleu\e emporte parfois des parties considé-
rables de ses rives, et Louqsor tout entier pourrait un jour périr dans un accident
de ce genre. C'est une raison de plus de hâter le déblaiement, ahn de savoir au
moins exactement ce que contiennent ces ruines qu'on n'est pas sûr de conserver.
L'Académie se forme en comité secret pour examiner les titres des candidats au
fauteuil de M. Quicherat.
Julien Havet.
lOO RK.VUE CRITIQUE D^HISTOIRE ET DE LITTERATURE
SOCIÉTÉ ^NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANGE
Séance du 7 janvier.
(Il n'y a pas eu de séance le 3i décembre.)
PRÉSIDENCE DE M. GUILLAUME ET DE M. COURAJOD
M. Guillaume, président sortant, prononce le discours d'usage dans lequel il ré-
sume les travaux de la Société pendant l'année écoulée, rend un dernier hommage
aux membres et aux associés correspondants décédés el rappelle les noms de ceux
qui ont été nouvellement admis.
On procède à l'élection de deux membres résidents; après cinq épreuves succes-
sives, aucun des candidats n'ayant obtenu la majorité requise, le scrutin de ballottage
est ajourné à la première séance du mois suivant.
Séance du 14 janvier.
PRÉSIDENCE DE M. COURAJOD
Lecture est donnée de nouvelles lettres d'adhésion au pétitionnement institué pour
]a conservation des monuments antiques : la Société d'études scientifiques d'Angers,
la Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron, la Société d'émulation d'Abbe-
ville, la Société des antiquaires du Centre, la Société historique et archéologique de
Pontoise et du Vexin.
M. Daiguzon est élu associé correspondant à Châteauroux (Indre).
M. Palustre présente des photographies de belles miniatures de manuscrits du
xvi** siècle, provenant de la cathédrale de Mirepoix et appartenant aujourd'hui à la So-
ciété archéologique de Toulouse. Elles paraissent devoir être attribuées à Antoine
Nyort, qui travailla pour Philippe de Léris, évêque de Mirepoix. Il donne ensuite des
détails sur un ancien calendrier orné de sujets empruntés aux événements ordinaires
delà vie humaine dans leur ordre chronologique. Il termine en taisant connaître le
déchiffrement qu'il propose pour une devise gravée sur un verre historié du xvi* siècle
conservé au musée de Poitiers ; Vous sçave^ bien que j'escapte tout.
M. de Lasieyrie lit une notice sur la net' de l'église de Saint-Ouen.
M. Ramé communique une photographie de l'inscription sur plaque de plomb trou-
vée en 1875 dans le tombeau de Guillaume de Ros à Fécamp.
M. C. Port présente un vase de bronze en forrne de petite marmite, à trois pieds et
avec anse mobile en fer, découvert au milieu d'autres objets antiques près de l'ancien
bourg de Vivy, entre La Flèche et Saumur.
M. Maxe Werly communique le dessin d'une molette en terre cuite avec monture en
bronze destinée à mouler en relief la frise d'oves qui caractérise les vases rouges
pseudo-saniens de grand modèle. L'original fait partie de la collection d'antiquités de
M. Bellon, à Saint-Nicolas près Arras.
Le Secrétaire,
Signé : R. Mowat.
SOCIÉTÉ ASIATIQUE
Séance de janvier
SOUS LA PRÉSIDENCE DE M. ERNEST RENAN
Le président annonce la remise à la Société du legs Sanguinetti (10,000 fr.) : la
Société décidera à la prochaine séance quel est l'emploi de ce legs qui peut le mieux
répondre aux intentions et honorer la mémoire du généreux donateur.
M. Clermont-Ganneau présente un certain nombre d'observations sur une ins-
cription nabatéenne récemment publiée et commentée par M. Sachau et qui est
datée à la fois de l'ère des Séleucides, désignée, semble-t-il, sous le nom d'ère ro-
maine, et des années du roi régnant Ûabel. 11 présente aussi une empreinte d'un
sceau israélite d'un fonctionnaire de l'époque royale.
M. Jaiîjes Darmesteter fait une lecture sur la légende juive de la flèche sanglante
de Ncmrod (Nemrod lance contre les cieux une Hèche qui retombe rouge de sang,
et il croit avoir tué les dieux). Celte légende est venue aux Juifs par les Arabes, à
ceux-ci par les Persans qui l'appliquaient au roi Kei Kaous, qu'ils identifient à
Nemrod; les Persans enfin la tiennent des Chinois, chez qui elle paraît des le w siè-
cle avant notre ère sous une forme qui prouve que la Chine en est le lieu d'origine.
M. llalévy propose une nouvelle interprétation du mot mûma, nom de la forme
féminine deci chaos «dans la cosmologie babylonienne et où il reconnaît une réduction
de umu-umu, la grand'mère.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEFvOL'X.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE Er DE LITTERATURE
N° 6 — 9 février - 1885
^omniaii-e î 23. Bruns. Etudes sur Lucrèce. — 24. Thurneysen, L'accentuation
de l'ancien verbe irlandais; Zimmer, Etudes celtiques, IL — 25. Histoire ecclé-
siastique des Eglises réformées, p. p. Baum et Cumtz, IL — 26. P.iRFouRU, Ca-
talogue des incunables de la bibliothèque d'Auch. — 27. Courdaveaux, Sur quoi
reposent les prétentions politiques de l'Eglise; Morin, Essai de critique reli-
gieuse. — Correspondance : Réponse de M. Rouire. — Chronique. — Académie
des Inscriptions.
23. — Ivo Bruns. Luci-ez-studîeii. Fribourg en Brisgau. J. C. B. Mohr, 1884.
80 pages, in-8. Prix : 2 fr. 5o.
Le poème de Lucrèce, d'après M. Bruns, était primitivement destiné
à Memmius seul, et c'est à lui seul que le poète s'adresse au début.
Mais insensiblement son but se déplace. Ce n'est plus un manuel de
philosophie qu'il compose à Tnsage particulier de son ami, c'est un
exposé du système, destiné à le faire connaître aux gens du monde et à
les y convertir par la douce persuasion des beaux vers. On se deman-
dera si ces deux destinations s'excluent. Qu'est-ce qui prouve que
Memmius fût déjà initié à Tépicurisme quand Lucrèce voulut lui dé-
dier son poème? Il n'est pas croyable, d'un autre côté, que pour être
mis sous son patronage, ce poème diit être en quelque sorte séquestré.
Memmius n'est que le premier et le plus important des adhérents que
Lucrèce se propose de gagner à l'épicurisme ; il n'est pas le seul. Mais
n'insistons pas; cette première observation n'est pas indispensable à la
démonstration que M. B. poursuit.
Du moment que Lucrèce se décidait à écrire en vue du grand public
et pour la propagande épicurienne, il a dû changer de méthode. 11 a dû
renoncer, en particulier, à commencer par la canonique ou logique
d'Epicure, ce qui était le véritable ordre didactique et scientifique, mais
ne pouvait convenir à une oeuvre de vulgarisation. Cette canonique,
en effet, est la partie du système la plus abstraite et la plus ardue. Mais
une fois exclue de sa vraie place, elle n'en pouvait trouver d'autre. Elle
est donc éliminée entièrement; quelques propositions seulement, celles
qu'il était le plus facile de rendre en langage populaire, reparaissent
incidemment au 1. IV. Néanmoins, en un endroit, Lucrèce touche à
ces questions comme il aurait pu le faire en présence de lecteurs déjà
initiés; c'est au 1. I, dans les vers 428 à 425. il faut croire que ces vers
ont été écrits à un moment où l'idée de Lucrèce sur le but à poursuivre
dans son poème n''était pas parfaitement arrêtée. Cette supposition est
confirmée par une troisième observation, c'est nue. à cet endroit-là entre
Nouvelle séiic, XIX. ô
102 REVUB CKlTlQUk
autres, Lucrèce paraît s'attacher étroitement à un texte d'Epicure, tiré
non pas de la lettre à Hérodote mais d'un abrégé semblable, moins
sommaire, mais en tous cas destiné aussi à l'école, et non aux ignorants.
Enfin, dans les vers qui précèdent (I, i à 897) on ne trouve pas non
plus cet ordre strictement progressif qui convenait à une oeuvre de pro-
pagande. Des termes techniques sont employés avant d'avoir été expli-
qués, la démonstration du vide est anticipée, puis répétée à peu d'inter-
valle. M. B. en conclut que ce morceau a été composé à un moment
où Lucrèce voulait parler en épicurien à des épicuriens, et non en ini-
tiateur, en apôtre, à des Romains encore étrangers à sa doctrine. A partir
du v. 418, son but et son plan sont arrêtés, mais il s'oublie encore une
fois dans les vers 428 à 425, qui supposent la canonique en tête de l'ou-
vrage, et qui sont pour nous la preuve que le livre I, aussi bien que les
autres, est inachevé ; car Lucrèce, en y mettant la dernière main, aurait
fait disparaître une semblable inconséquence.
Ce dernier résultat nous paraît acquis. Les autres inductions de
M. B. sont moins sûres. 11 est toujours périlleux de tant préciser en
pareille matière. Les incohérences, les contradictions que M. B. décou-
vre ont pu avoir des causes diverses. Avant le vers 418 aussi bien qu'a-
près, lorsque Lucrèce suppose chez ses lecteurs des connaissances qu'il
ne leur a pas encore données, cela peut être un simple oubli, une dis-
traction du philosophe qui se laisse entraîner par son sujet. On ne peut
guère admettre qu'il ait composé les vers i à 097 du 1. I dans l'idée de
les faire précéder de toute la canonique : ils sont faits évidemment pour
former le début d'une exposition. Mais ceux-là mêmes qui n'accepteront
pas toutes les conclusions de M. Bruns feront leur profit de la rigou-
reuse analyse par laquelle il y est arrivé, et rendront hommage à son
attentive et pénétrante critique.
Max Bonnet.
24. — S^'accentïiatîon tSe l'ajîcîei» -verbe irlandais? par R. Thurneysen.
Paris, mai 1884, extrait de la Revue Celtique. Brochure in-8.
— Keltîselje ^tiitEien von Keinrich Zimmer. Zweites Heft. Ueber altirische
Betonung und Verskunst. Berlin, Weidmann, 1884, brochure in-8.
La loi fondamentale de l'accent irlandais est donnée par le Rév. Ulick
J. Bourke dans les termes suivants : en irlandais, l'accent primaire est
sur la première syllabe '.
Ce que cet auteur appelle l'accent primaire est l'accent principal ; il
s'oppose à l'accent secondaire qui peut se rencontrer dans les mots de
trois syllabes et au-dessus.
i. As a gênerai rule, the primary accent in Irish is on the first syllable : The col-
lège irish g rammar. Third édition, Dublin, i865, page 229.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 100
L'objet que se proposent les auteurs des deux brochures dont nous
allons rendre compte est : i" d'établir que cette règle existait déjà en
ancien irlandais, c^est-à-dire dans l'irlandais des manuscrits du neu-
vième siècle et de la tin du huitième; 2" de montrer les effets qu'à cette
date Taccent produisait. Les résultats auxquels ils arrivent l'un et l'autre
offrent une grande analogie; les preuves qu'ils donnent à l'appui de leur
doctrine sont souvent les mêmes. Cependant ils ont travaillé chacun d'une
manière indépendante. M. Thurneysen, aujourd'hui professeur à Jéna,
terminait son savant mémoire en décembre 1882, et l'envoyait au direc-
teur de la Revue celtique, que des difficultés matérielles ont empêché de
le faire imprimer jusqu'à une date toute récente; on sait que la publi-
cation de la Revue celtique a été suspendue pendant environ un an.
M. Zimmer qui, dans l'intérêt de ses futurs biographes, aime à placer
dans ses écrits des matériaux à leur usage, raconte dans sa préface qu'il
a consacré sept années de sa vie à l'étude de l'accent irlandais, tantôt
devant sa table de travail, tantôt dans ses promenades, tantôt y appli-
quant tous les efforts de son esprit, tantôt y donnant une attention
moins soutenue, parce que d'autres recherches occupaient chez lui la
première place. Deux fois, nous dit-il, d'abord en 1878 à Berlin, ensuite
dans l'été de 1881, c'est-à-dire depuis son arrivée à Greifswald, il a
consigné par écrit ses idées sur ce sujet sans arriver à se satisfaire, et
chaque fois il a jeté son mémoire au feu. Enhn, il s'est remis à la tâche
à une date qui sera désormais célèbre dans l'histoire delà grammaire, le
Il décembre i883, et, travaillant douze heures par jour, de quatre
heures du soir à quatre heures du matin, pendant six semaines, il a
terminé le 20 janvier 1 884 un mémoire où tout ce qu'il y a d'important
et de vrai avait été découvert un an plus tôt par M. Thurneysen.
Quand il s'agit des noms, on applique sans difficulté en vieil irlandais
la loi de Taccent irlandais moderne telle que l'a formulée le Rév. Ulick
J. Bourke : la syllabe initiale accentuée est la première du mot, sans
distinction entre celui qui est composé et celui qui ne l'est pas. Mais
quand on passe au verbe, où la racine est si souvent précédée de préfixes,
la faculté de la tmèse, c'est-à-dire la possibilité d'insérer un pronom
infixe après le premier terme du verbe composé nous oblige à faire une
question : ou est l'initiale du verbe composé? Est-ce le premier terme,
est-ce au contraire la syllabe qui suit le pronom infixe, ou qui suivrait
le pronom infixe s'il y en avait un ? En allemand, on distingue les
préfixes en deux catégories : les uns, inséparables et atones; les autres,
séparables et qui portent l'accent principal du mot, « hochton », le
« primary accent » du Rév. J. Bourke; verderben est accentué sur la
racine, parce que la particule ver est inséparable ; aufmachen porte
l'accent sur auf parce que la particule aiif est séparable. Ainsi, en
allemand, la question de savoir si l'on peut détacher le préfixe du verbe
doit être résolue avant qu'on puisse fixer la place de l'accent. Il en est
de même en vieil irlandais, mais la réponse à la question n'est pas la
I04 REVUE CRITIQUE
même dans les deux langues. Tandis qu'en allemand certaines parti-
cules se détachent du verbe et que d'autres lui sont unies par une
soudure qu'on ne peut briser, en vieil irlandais les préfixes peuvent se
séparer du verbe en certains cas, ne le peuvent pas dans d'autres, et
pour savoir en faire la distinction il faut recourir à la syntaxe.
La loi fondamentale en cette matière a été entrevue par Zeuss, il y a
déjà plus de trente ans. On sait en effet que c'est en i85 3 que cet auteur
a publié la première édition de la Grammatica Celtica. Or, à la page 33
de cet ouvrage, il fait observer que dans les propositions négatives,
comme ni fo-dlat (non discernunt), ni fo-dmat (non tolérant), il est
tombé après le d un a, Va des racines dal et dam, qui persiste dans les
propositions affirmatives : fo-dalet (ils distinguent), fo-daimet (ils sup-
portent); en breton de F'rance : goti-^anvont. Les propositions affirma-
tives admettent l'intercalation du pronom infixe après le premier terme
du verbe composé. Zeuss en cite à la même page un exemple : fo-T-dali
(il LE distribue) ; t que nous traduisons par le est un pronom infixe de
la troisième personne du singulier. L'intercalation ou la possibilité
de l'intercalation du pronom infixe après le premier terme des verbes
composés dans les propositions afiirmatives rend initiale la syllabe
suivante, qui, par conséquent, est accentuée et conserve sa voyelle.
Celte voyelle, au contraire, tombe dans les propositions négatives.
En effet, dans celles ci, l'ordre du discours est le suivant : d''abord la
négation, ensuite le pronom, en dernier lieu le verbe : nach-m-ro-gba
(qu^il ne nous prenne pas); ro-gba =^ ro-gaba, troisième pers. du sing,
du subjonctif de gabim (je prends), comparez le latin [gjhabeo; m est
le pronom infixe du pluriel de la première personne, comparez le latin
710S. Le préfixe ro est initial, puisque le pronom infixe le précède. Etant
initial, il porte l'accent, de là résulte la chute de la voyelle dans la syl-
labe suivante : ro-gba = ro-gaba^ cf. Grammatica Celtica, première
édition, pp. 333, 335 '.
Le même phénomène se produit après les conjonctions composées
d^une préposition et d'un débris de pronom relatif. Ainsi, dans co-jî ro-
cliJ'a (qu'il aime) pour co-n-ro-cara^, Taccent placé sur ro a fait
tomber la voyelle de la syllabe posttonique ca, Taccent frappe ro
parce que ro est l'initiale du composé ro-chra. Dans les deux groupes
syntactiques nach-\^-rogba {<\\x"i\.nQ. nous prenne pas), co-N-rochra (afin
Qu'il aime), les deux pronoms in (nous) et [n (que) se trouvent après
le premier élément, négation dans le premier cas, préposition dans le
second ; une initiale accentuée les suit ; en définitive, l'ordre est le même
1. Voyez d'ailleurs ce que dit de l'accent irlandais M. E. Windisch, Kur;[ge-
fassie irische Grammatik, p. ii3, § 25 g., et dans les divers passages du même
livre auxquels ce paragraphe renvoie.
2. La question de savoir quelle est ici le thème du pronom relatif n'est pas
résolue. Voyez Thurneysen, Revue celtique, t. VI, p. i34; cf. Zimmer, Keliische
Studien, II, p. 54-35.
d'histoire et de littérature io5
que dans la proposition affirmative /o-T-ia/f (il le distingue], où l'ac-
cent frappe la syllabe da de dalî, et suit immédiatement rélément pro-
nominal. La découverte de MM. Th. et Z. a consisté d'abord à établir
que l'action de l'accent est la cause qui a produit dans con-rochra,
ni-fodlat, nach-in-rogba les chutes de voyelles observées par Zeuss,
ensuite à montrer par de nombreux exemples l'influence exercée par
cet accent sur les prépositions préfixes et à nous donner la formule des
lois selon lesquelles cette influence s'exerce.
Outre l'accent de l'initiale, le vieil irlandais en avait un autre, sui-
vant moi, le plus ancien des deux, et cet accent portait sur la finale.
L'existence de cet accent s'établit par la chute de la posttonique et de la
prétonique primitives. On pourrait en réunir de nombreux exemples.
Nous comptons traiter ce sujet ailleurs; nous nous bornerons à citer :
ecsamhis (diversité) = * dn-com-samaljâstus ;
sulbairichte (bien dit) = ' sû-labaracitîon ;
tursitnech (arrosé) = *dôare-ex-semtinicos.
Mais, c'est un point que M. Th. laisse de côté dans son savant mémoire,
et sur lequel M. Z. ne se prononce pas très clairement ; d'une part, M. Z.
repousse ma thèse avec indignation (p. 2 et suiv. de sa brochure),
et, d'autre part, il paraît l'accepter quand, aux pages 57, 144 et J45, il
oppose à l'accent nouveau placé sur l'initiale l'accent ancien porté par
la finale, accent qui, suivant lui, déjà dans l'irlandais du ix° siècle,
n'est qu''un accent secondaire, « nebenton « (p. i35).
J'arrive maintenant à quelques questions soulevées par M. Z., sur
lesquelles je n'ai pas eu à me prononcer jusqu'ici, et dont M. Th. n'a
pas cru devoir s'occuper. La première est de savoir comment les Irlan-
dais ont traité les mots latins qui ont pénétré dans leur langue. M. Z.
n'a pas le moindre soupçon des difficultés que présente ce sujet. Ainsi,
suivant lui, le vieil irlandais idol, idal vient du bas latin idolum qui
aurait eu sa seconde syllabe do longue et accentuée (p. 9). Or, le bas
latin idolum avait la syllabe do brève et atone; elle était brève en dépit
de la quantité grecque. Ainsi Prudence a écrit :
Quosque viros non ira ffemens, non idola bello
Cedere compulerant : '
Silvosi illuviem poneret idoli ^
Idola convaluit fallendi trina potesias... 2
Idola protero sub pedibus '»
En d'autres termes, le mot el'owXov, étant proparoxyton en grec, est resté
proparoxyton en latin, d'où l'abréviation de sa seconde syllabe qui est
tombée dans le vieux français idle -. Ainsi, quoi qu'en dise M. Z., le
I. Psychomachia, v. 37g, 38o; Migne; Patrologia latina, t. LX, col. 3i.
2 Contre Symmaque, liv. I, préf.,v. 72; Migne; ibid., colonne 116.
3. Contre Symmaque, liv. II, v. 48; Migne; fZ'fii., colonne 184.
4. Hymne en l'honneur de sainte Eulalie, v. 74; Migne; ibid.., col. 345.
5. Gaston Paris. Etude sur le rôle de l'accent latin dans la langue française,
page 41.
I06 RKVUE CRITIQUE
vieil irlandais idol du manuscrit de Wurzbourg (ix'' siècle) est à tort
cité par cet aimable savant comme preuve que dans les mots d'origine
latine toutes les voyelles, sauf la voyelle de la première syllabe, perdent
en irlandais leur quantité; l'ode la syllabe dol est bref en irlandais
comme en latin. D'autre part, on n'aurait pas besoin de chercher beau-
coup pour trouver des exemples de mots d'origine latine où des syllabes
autres que Tinitiale ont conservé en vieil irlandais la quantité primitive.
Quatre de ces mots ont été introduits en Irlande par les missionnaires
bretons qui ont évangélisé cette île au v siècle, et ils portent la trace de
la prononciation bretonne. On sait que les Bretons, à cette époque,
prononçaient ô l'a long du latin; trois des mots dont il s'agit sont des
substantifs abstraits en -tas, -tâtis, et, comme tous les autres mots
analogues, paraissent provenir d'un thème bas latin en tdti. L'un est
humaldôit (humilité), manuscrit de Wurzbourg, folio 6 d, S d ; chez
Zimmer, Glossae Hibernicae, p. 41, 5\\ umaldôit^ même manuscrit,
folio i3a; chez Zimmer, fè/rf., p. 82; homaldôit. même manuscrit,
tolio 27 a; chez Zimmer, ibid., p. 164. Les œuvres complètes de M. Z.
sont déjà tellement considérables que le secours de la mémoire d''amis
comme moi lui est nécessaire pour s^en rappeler le contenu.
Un autre mot également intéressant est le substantif trinôit^ ou mieux
trindôit^ génitif trmôite, tj induite (trinité) ; il vient du thème bas
latin trinitâti, prononcé à la façon bretonne trinitôti, et que les Irlan-
dais ont considéré comme un thème en i. Les exem.ples qui nous offrent
sur l'u l'apex caractéristique de la longue ont été réunis par M . Windisch ,
Irische Texte, p. 849, colonne i, et l'un d'eux appartient à Thymne de
Fiacc en Phonneur de saint Patrice; or, M. Z. a fait de cette hymne
une étude spéciale dans la brochure dont nous rendons compte; et,
reproduisant fidèlement le manuscrit, il a deux fois, à la page i65,
noté dans le génitif trînôite ïo long qui contredit formellement sa
théorie, puisque cet o, bien qu'atone, conserve sa quantité. Je citerai
encore cardait (charité), représentant le thème bas latin caritâti^ pro-
noncé caritôti par les Bretons > ; puis altôir - (autel), représentant le
latin altâre, prononcé par les Bretons altère ; je laisse de côté les mots de
fabrication savante comme spiritâlde, spirtâlde^ preceptuir, senatôir,
lundir, etc.
Mais j'en ai assez dit pour pouvoir affirmer qu'il n^est pas prouvé
que, comme M. Z. le prétend, tous les mots irlandais d'origine latine
aient perdu la quantité des voyelles de toutes les syllabes autres que
l'initiale.
Suivant lui, au contraire, dans les mots irlandais d'origine latine,
l'initiale conserve toujours sa qualité et sa quantité. Sa démonstration
ne me semble pas toujours péremptoire; seib (faba), srogel (flagelliim)
(^Grammatica Celtica, 2^ édition, p. 80), ne me paraissent pas avoir très
1. Aiwa Choluimb Chilli, chez Whitley Stokes, Goideîica, 1' édition, p. 166.
2. Manuscrit de Wurzbourg, f" 5 b, chez Zimmer, Glossae Hibernicae, p. 29.
d'hiSTOIHK El DK r.lTTÉRATURE 107
fidèlement conservé la qualité de la voyelle contenue dans la syllabe
initiale du mot latin. J'en dirai autant de descipiil (discipulus), manu-
scrit de Wurzbourg, i" \o a , chez Zimmer, Glossae Hibernicae,p. 82.
M. Z. ne cite pas ces mots, et ceux qu'il allègue à l'appui de sa doctrine
laissent le doute planer sur elle; l'un des plus intéressants est montât^
venant, suivant lui, du latin monasteriiim. Montar, qui nous offre les
variantes muntar^ miinter, muinter et mointer, veut dire « famille » et
non « monastère », et une des preuves les plus caractéristiques est
l'existence du composé cêt-muinter, qui désigne une certaine catégorie
de femmes, non pas des religieuses, comme on pourrait le supposer si
le second terme venait du latin nionasterium, mais des femmes mariées;
cêt-muinter est un terme de droit dont la valeur peut être comparée à
celle du latin materfamilias. M. Z. a étudié en grammairien le com-
posé cêt-muinter dans le premier cahier de ses Keltische Studien,
page ii3; l'étude juridique de ce mot reste à faire. Quant à la forme
vieille irlandaise du bas latin monasteriiim, elle est parfaitement connue
de ceux qui ont lu, avec plus d'attention que lui, ses savants ouvrages.
On trouve le génitif pluriel : inna monistre glosant le latin cenobioricm
dans le Bèdede Carlsruhe, f" Sg c;chez Z., Glossae Hibernicae, p. 248.
Le manuscrit est du ix"' siècle: monistre (cf. le bas latin monistiriiim ^)
conserve l'o de la syllabe initiale du latin monasteriiim ; mais, dès le
xi<= siècle, cet o était changé en a, comme le prouve le génitif singulier
manestrech de la chronique de Marianus Scotus,chez Z., ibid., p. 274;
et cet a persiste dans les documents postérieurs. 11 n'est pas prouvé du
tout que, au ix« siècle, cette prononciation n'existât pas collatéralement
avec celle qui maintenait To latin ; car, à côté du monistre qui se lit
dans le Bède de Carlsruhe, nous trouvons dans le livre d'Armagh le
datif pluriel manchuib de manach, moine, identique au latin monachus.
Dans ce mot, contrairement à la règle posée par M. Z., la voyelle de la
syllabe atone conserve sa qualité, et la voyelle de l'initiale tonique perd
sa qualité pour s'assimiler à la voyelle atone. Or, le livre d'Armagh
date du ix« siècle, comme le Bède de Carlsruhe : manistrech (monas-
terii) est le pendant de manach {monachus^.
Quant à la quantité de l'initiale, il n'est pas démontré qu'elle soit
partout maintenue ; il n'est pas prouvé 'que Ye depennit ^ {poenitentia),
de enair [januarii] " soit long.
Nous ne sommes pas davantage convaincu de l'exactitude des doctri-
nes soutenues par M. Z. dans la seconde partie de son mémoire, où il
traite de la versification irlandaise. Nous admettons avec lui que
1. Voyez sur ce mot Schuchardt, Vokalismus des Vidgaerlateins, t. I, p. 234,
t. III, p. io5.
2. Manuscrit de Wurzbourg, f» 9 c, 22 c, 24 a, 26 b, chez Z., Glossae Hibernicae,
p. 55, i35, 145, 160; manuscrit de Cambrai, f" 38 a; cliez Z., ibid.^ p. 2<6; par-
tout sans apex sur Ve.
3. Felire Oengusso. Janvier, strophe i, v. 4; strophe 3i, v. 4; épilogue, v. 8;
édition donnée par M. Whitley Stokes, pages xxvi, xxx, CLXXXviii.
io8 kkvue CKiriQUfc,
Télévation de la voix sur certaines syllabes doit avoir été un élément
important de cette versification ; seulement, M. Z. ne nous paraît pas
avoir démontré que cette élévation de la voix portât sur les syllabes
qu'il désigne, et notamment que, systématiquement, on baissât la voix
sur la rime finale.
La pièce que M. Z. donne comme type de la versification irlandaise
est l'hymne en l'honneur de saint Patrice attribuée à Fiacc qui aurait
été, dit-on, un disciple du célèbre apôtre de l'Irlande. Elle se compose
de soixante-huit vers rimant deux à deux. La rime est double, c^est-
à-direque, dans chaque couple, non seulement les deux finales riment
ensemble, mais aussi les deux pénultièmes.
Genair Patraicc in Nemthur, — is ed atfet hi scelaib, —
maccan se m-bliadan deac, intan dobreth fo deraib '.
Suivant M. Z., la voix s'élève sur les avant-dernières syllabes sce et
de de chacun de ces deux vers, et elle baisse sur la dernière. Seulement,
il y a dans la pièce deux couples de vers où la rime de la pénultième
fait défaut; ce sont les vers 53, 54, 61, 62.
Anais Tassach di-a-es. in tan dobf.rt comman dô,
asbert mo-n-icfed Patraicc; briaihar Tassaig nir bu gô 2.
Clerich herenn dollotur d'airi Patraicc as cecii sêt,
son in cetail fo-s-ro-laich. contuil cach uadib for sêt 3.
Si dans ces deux distiques, on met l'élévation de la voix sur les pénul-
tièmes, les quatre vers deviennent faux.
D'ailleurs, M. Z. donne à cette pièce une importance exagérée en lui
attribuant une antiquité inadmissible. Fiacc, auteur de cette composi-
tion aurait, dit-on, été ordonné évéque par saint Patrice; mais on a
depuis longtemps fait observer que cette tradition doit être rejetée. En
effet, saint Patrice paraît être venu évangéliser l'Irlande la quatrième
année du règne de Loégairé Mac Neill, roi suprême d'Irlande, c'est-
à-dire en 482 ^ Or, l'hymne attribué à Fiacc fait allusion à l'abandon de
Tara, capitale de l'Irlande, par les souverains de ce pays; et cet aban-
don n'a eu lieu que vers le milieu du siècle suivant; la dernière fête de
Tara est placée à une date qui n'est pas la même dans toutes les chroni-
ques, mais qui est au plus tôt 544, au plus tard 569 '\ De 482 à 544, il y a
cent douze ans. Un contemporain de la première date ne peut avoir
survécu à la seconde. M. Z. se tire de cette difiiculté en supposant une
1. Patrice naquit à Nemthur, voilà ce qu'on raconte dans les histoires, c'était un
jeune homme de seize ans, quand tout en larmes il fut emmené.
2. Tassach resta derrière lui, quand il lui eut donné la communion, il dit que Pa-
trice s'en irait bientôt; la parole de Tassach ne fut pas fausse.
'^. Pour garder Patrice, les clercs d'Irlande vinrent par tous les chemins; le bruit
du chant des anges les renversa, et chacun d'eux s'endormit sur la route.
4. Chronicum Scotorum, édition Hennessy, p. 20-23.
5. Voir sur ce point les indications réunies par O'Donovan dans l'édition des An-
nales des quatre maîtres qu'il a donnée à Dublin en i85i. Tome I, p. 191.
D''HlSTOrRK KT Ol, LlTTÉRATUHlî I O9
interpolation, et pour rendre sa thèse plus vraisemblable il soutient
que, sur les trente-quatre distiques dont l'hymne se compose, dix-neut
sont des additions postérieures à l'hymne que Fiacc aurait composée du
temps de saint Patrice. Quel est le principal critérium pour distinguer
ces additions de la rédaction primitive? Il est bien simple. Les chrétiens
irlandais du v^ siècle ne croyaient pas aux miracles; cette croyance ne
s'est introduite en Irlande que postérieurement; donc les passages où il
est question de miracles sont l'œuvre de l'interpolateur qui, en outre,
parle de Tara, de son temps changée en désert, après avoir été si long-
temps la capitale des rois païens d'Irlande. Par une contradiction sin-
gulière, M. Z. laisse à Fiacc la responsabilité des vers dans lesquels on
voit Patrice, jeune encore, quitter sous la conduite d'un ange l'Irlande
où il était captif et aller en Gaule se préparer à son futur apostolat sous
la direction du célèbre évêque d'Auxerre, saint Germain. L'ange, au
moment de quitter l'Irlande avec son jeune compagnon, frappa le roc
du pied, et, ajoute le poète irlandais, de ce pied on trouve encore sur la
pierre la trace qui ne s'efface pas. Suivant M. Z., ce passage n'est pas
interpolé; Fiacc aurait admis ce miracle. Pourquoi dès lors n'aurait-il
pas inséré dans son poème le récit des autres? Pourquoi, par exemple,
n'aurait-il pas dit que des prophéties avaient annoncé la mission de
saint Patrice et la conversion des Irlandais. Mais M. Z. attribuant, pour
Ja défense de son système, une grande importance à l'hymne de Fiacc,
veut en exagérer l'antiquité; et, pour rendre vraisemblable l'interpola-
tion du passage relatif à Tara, il lui faut, à tout prix, d'autres interpo-
lations. Il appelle cela de la critique supérieure; il prouve par là qu'on
peut être grammairien sans avoir encore définitivement pris place parmi
les maîtres de la critique historique.
Continuant ses études historico-grammaticales, M. Z. se demande à
quelle date les Irlandais ont mis l'accent sur la syllabe initiale des
mots. C'est, dit-il, au ive et au v^ siècle. C'est à cette époque que le
christianisme s'introduisit en Irlande, et avec lui la connaissance de la
littérature gréco-romaine. C'est alors que « la pensée concentrée et ren
« forcée jusqu'à la plus haute intensité changea radicalement le langage,
« qui est la forme de la pensée ». Les Irlandais qui jusque-là vivaient
dans un cercle d'idées fort restreint, eurent à méditer sur tant de sujets
nouveaux, trouvèrent tant de choses à se dire, qu'il fallut donner à leur
organe vocal plus d'énergie en plaçant l'accent sur l'initiale, atone jus-
que-là, et gagner du temps en abrégeant les mots par la chute des post-
toniques. C'est dans l'histoire du chritianisme et de la civilisation un
fait curieux dont la découverte appartient à M. Z. et qui est, sans au-
cun doute, destiné à illustrer son nom, en ouvrant à l'étude un champ
tout à fait inexploré jusqu'à nos jours.
Je ne puis terminer sans dire un mot des attaques personnelles que
dans ce mémoire M. Z. dirige contre moi. Je rappellerai que dans la
Revue critique du 7 novembre sSSr, j'ai inséré un compte rendu de la
I lO REVUE CRITIQUE
première livraison des Etudes celtiques de M. Z. Dans ce compte rendu
je jugeais, avec sévérité peut-être, mais avec une sévérité que Je crois
légitime, les injustes appréciations formulées par M. Z, sur les travaux
considérables par lesquels M. Windisch s'est acquis tant de droits à la
reconnaissance des celtistes'. Il paraît que j'ai frappé juste -, car au bout
de deux ans la plaie n'était pas encore guérie; le Mémoire de M. Z. en
contient plusieurs fois le témoignage indiscutable. Ai-je manqué de
charité? Non, car M. Zimmer, tout blessé qu'il est, se porte encore fort
bien, et, dès qu'on l'entend donner la riposte à un contradicteur, on
constate que les inoffensifs éclats de sa voix irritée n^ont rien perdu de
leur juvénile verdeur.
H. d'Arbois de Jubainville.
2 5. — fiflistoii'e eeeSésîasîîque des aigliscs i-éfoi'tsîées au j'Oyaunie de
Fi-ance. Edition nouvelle avec commentaire, notice bibliographique et table
des faits et des noms propres, par feu G. Baum et par Ed. Cunitz. Tome deu-
xième, Paris. Fischbacher, 1884.
La Société de l'histoire du Protestantisme français poursuit ses belles
et utiles publications des Classiques du Protestantisme (xvi^, xvii" et
xviii° siècles). Voici le second volume attendu d'un des plus importants
monuments du xvi" siècle, V Histoire Ecclésiastique de Théodore de
Bèze. Ce second volume commence au massacre de Vassy, il contient
les livres VI à IX de l'œuvre totale. Les éditeurs, à quelques corrections
près, ont scrupuleusement reproduit Torthographe et presque les dispo-
sitions typographiques de la grande édition d'Anvers (Genève), chez
Jean Remy, i58o. Ce qu'on ne saurait trop louer dans la nouvelle,
c'est l'abondance des notes et des rapprochements instructifs. Tous les
mémoires ont été mis à contribution pour éclairer, justifier, rectifier le
texte de Théodore de Bèze. Grespin, les Mémoires de Condé, de Mou-
lue, l'Histoire de de Thou, les Additions de Le Laboureur, etc., for-
ment le commentaire perpétuel et vivant de l'œuvre elle-même. Ajoutons
que la présente édition est d'une netteté irréprochable et imprimée sur
papier de luxe. M. G. Baum, mort trop tôt, et M. Ed. Cunitz ont
rendu par cette belle publication un service réel aux amateurs de notre
histoire du xvi° siècle : il est juste aussi de rendre ce qui lui revient à
M. Jules Bonnet, commissaire délégué pour le présent ouvrage, et dont
I. M. Windisch vient de faire paraître, avec la collaboration savante de
M. Whitley Stokes, un volume nouveau dont nous rendrons prochainement
compte : Irische Texte, seconde série, première livraison, Leipzig, Hirzel, 1884,
in-8, 216 pages. La publication du tome I"" de ce recueil : Irische Texte, Wœrter-
buch, 1880, in-8, 886 pages a été dans l'ordre des études celtiques un véritable
événement. La suite de ce remarquable ouvrage nous paraît en tout point digne de
la première partie.
D HISTOIUK KT DK LITTERATURE I I I
le zèle érudit a tant fait déjà pour cette réimpression des Monuments
historiques du Protestantisme français.
E. n.
26. — Catalogue des iiicnnalile» do la bililiotlièque tS'i^wcEt, précédé
d'une notice historique, par Paul Parfouru, archiviste du Gers, correspondant
du ministère de l'Instruction publique. Auch, imprimerie Cocharaux irères,
grand in-8 de 20 p.
La brochure de M. Parfouru se divise en deux parties également in-
téressantes, l'historique de la bibliotiièque (p. 1-12), le catalogue des
incunables (p. 12-20).
L'archiviste du Gers rappelle, dès les premières lignes de sa notice,
que la création d'une bibliothèque publique à Auch, comme dans
presque tous les autres chefs-lieux de département, date de la Révolution,
et fut formée, comme ailleurs, des bibliotiièqnes des établissements reli-
gieux de la ville et du district, qu'un décret de l'Assemblée nationale
venait de supprimer. D'après les inventaires dressés en avril 1790 (Ar-
chives départementales, série L), le couvent des Capucins fournit
900 volumes, celui des Cordeliers 800, celui des Jacobins 400, etc. A
côté de la bibliothèque des Cordeliers existait une seconde bibliothèque,
distincte de la première. C'était celle qui avait été donnée à ces reli-
gieux par l'abbé Louis Daignan du Sendat, chanoine de Sainte-Marie
et vicaire général de l'archevêque d'Auch, à la condition que ses livres,
ses manuscrits, ses monnaies antiques fussent mis à la disposiiion du
public le mardi et le jeudi de chaque semaine ^ En 1791, les livres et
manuscrits confisqués furent transportés au collège d'Auch, et se fon-
dirent dans la bibliothèque déjà importante dont les Jésuites avaient
doté cet établissement. M. P. nous fournit divers détails sur les biblio-
thécaires successifs de la ville d'Auch, sur le catalogue rédigé par un
d'entre eux, M. Pierre Sentetz, et continué au jour le jour par
MM. Groiset, Prévost, Boubée, catalogue qui comprend aujourd'hui
plus de 7,000 ouvrages, sur quelques-uns des plus curieux de ces ou-
vrages, parmi lesquels on remarque le premier livre imprimé à Auch
{Breviarium metropolitaneum ad usuin insignis ecclesie Bcate Marie
Auxis, i535), sur les 80 manuscrits conservés dans la bibliothèque,
dont le plus ancien et le plus digne d'attention est une Bible du xni« siè-
cle in-folio sur parchemin ornée de miniatures et qui a été l'objet, en
1862, d'un travail spécial dû à feu l'archiviste A. Tarbouriech.
I. Testament du 12 décembre 1762. L'abbé Daignan du Sendat mourut le 17 mars
1764. Il a laissé des mémoires inédits sur l'hibloire ecclésiastique et civile du dio-
cèse a'Auch, avec pièces justiticatives, qu'un remarquable critique, M. Léonce Cou-
ture, a jadis appelé « recueil précieux » {Rappurt sur les manuscril', de la Biblio-
thèque d'Auch, 1870).
I I 2 KiiVUH CKiXÎQUK
Passons au Catalogue des incunables . Si l'on prend pour point d'ar-
rêt l'année i f-oo, Auch en possède 19. M. P. consacre à chacun de ces
vénérables volumes une notice claire, précise, minutieusement exacte.
Le plus ancien des incunables d'Auch porte la date de 1473 : c'est un
in-folio intitulé Compilatio decretalium. Comme le remarque M. P.,
VsLniQux an Manuel du libraire ?,'occu\)(t [i. II, col. 173 i) d'une édi-
tion des Décrètales de la même année, mais imprimée à Mayence par
P. Sclioifîer, et il ne semble pas avoir eu connaissance de celle-ci, sortie
neuf mois auparavant des presses de Vindelin, imprimeur à Spire. Le
second en date des incunables d'Auch (Cronica summorum pontijicum)
est un in-quarto de Tannée 1477 (Turin, J. Fabri). A la suite de cette
très rare édition on a relié Historia troyana Daretis Frigii (sans date
ni lieu) : Brunet en mentionne (t. II, col. 52 1) plusieurs éditions diffé-
rentes de cette dernière. Négligeons les n°* 3, 4, 5, 7, 8, 9, etc., qui
figurent dans le Manuel^ mais signalons comme moins connus les
n"^ 6, 10, II, 12 19 : Incipit quadragesimale de floribus sapientie
peroptimum, recueil de 45 sermons ou carême d'Ambroise Spicra, de
Trévise (Venise, 1485, in-4'') ; Publii Ovidii Nasonis fastorum li-
bri VI. Petit in-folio sans lieu ni date (à Venise vers 1496, comme nous
l'apprend une lettre de Bartholomœus Merula, sans doute l'auteur des
commentaires); M. T. Ciceronis rhetoricorum Libri (1497, in-4");
Reverendissimi ac eximii sacre théologie doctoris fratris Gulielmi
Paraldi, episcopi Lugdunensis... summa aiirea de virtutibus et vitiis
(Venise, 1497, in-8^) ; Bartholomœus de Sancto CoJicordio Pisanus.
Summa casuum conscientiœ (sans lieu ni date, in-4"). A propos du
n" i3 (Juvenalis familiare commentum^ cum Anto'nii Mancinelli viri
eruditissimi explanatione . Lyon, 1498, in-4°), M. P. relève une pe-
tite erreur commise par Brunet (t. 111, col. 629) au sujet du nom du
libraire lyonnais écrit Reynald et qu'il fallait écrire Gaynard. Em-
pruntons, en finissant, à Texcellent opuscule de M. 'Parfouru une note
sur le n° 18 (Spéculum hystoriale fratris Vincentii Belvacensis Or-
dinis sancti Dominici., in-folio) : « Ce bel incunable que nous plaçons
à la fin de notre catalogue, faute de date, est certainement un des plus
anciens que possède la bibliothèque d'Auch, comme l'indiquent la beauté
des caractères, l'absence de chiffres et de signatures et les initiales à la
main. Brunet décrit minutieusement la première édition de cette volu-
mineuse compilation (1473); des différences notables ne permettent pas
d'identifier notre volume avec cette édition; mais il a dû être imprimé
peu d'années après cette date. Sur le feuillet de garde on lit la note ma-
nuscrite suivante : Charlotte Le Feure., fille de Guillaume Le Feiire,
seiille héritière de feu maistre Jehan Le Feure, son frère., qui trespa
(sic) le neuf"^'^ jour de jung, l'an i524 et fonda une messe tous les
dimanches au matin à Feucherolles de Nostre-Dame, et laquelle est
innumée devant l'ostel de Nostre-Dame en l'église Saincte- Geneviève
de Feucherolles. » S'agit-il là de Feucherolles, dans le canton de Marly-
le-Roi, à 16 kilomètres de Versailles? T. de L.
0 HISTOIRE Kl DK LITTERATUKK II J
2y. — Sui* quoi reposent les prétention» politiques «le l'Eglise, par
V. CouRDAVEAUX, profcsscur à la Faculté des lettres de Douai. Un vol. in-i8, de
i3o p. Paris, Ch. Bayle, 1884.
Essais de critique religieuse, par A. -S. MoRiN (Miron). Un vol. gr. in-8,
de 416 p. Paris. F. Alcan, i885.
Les hasards de la publicité ont amené simultanément sur notre table
deux ouvrages de polémique philosophique et historique contre le ca-
tholicisme. Us ne rentrent guère dans le cadre de cette Revue, dont les
rédacteurs ont pour propos de faire ressortir, dans les livres soumis à
leur examen, les faits ou idées propres à compléter et à préciser notre
connaissance d'une époque, d''une œuvre, d'un homme, d'un épisode.
Or les traités d'apologie ou de polémique ne comportent en général
ni faits ni idées nouveaux.
Uopuscule de M. Courdaveaux ne saurait modifier notre façon de
voir, en quelque sympathique estime que nous tenions sa personne,
quelque cas que nous fassions de la sobriété et de la précision de son
attaque, de la simplicité de son pian, de sa connaissance des Pères de
l'Église. Il nous faut cependant lui signaler des points plus faibles.
L'exposé prétendu de la religion de Zoroastre, 2000 ans avant l'ère
chrétienne (p. 39 ss.) ne répond absolument pas à Tétat de nos connais-
sances sur Pancienne religion des Perses. Il est parlé d'Esdras et de la
prétendue réfection par lui des livres auparavant existant de la Bible
(p. 71 ss.) en des termes qui ne conviennent guère davantage à la posi-
tion actuelle des questions.
Mais pourquoi donc faire de la polémique quand on peut employer
beaucoup mieux son temps et son talent? Qu'il eût mieux valu s'en
prendre à tel sujet, que M. C. n'a fait qu'effleurer, par exemple « la
Morale et les Religions )),et présenter un historique précis des relations
qui ont existé dès l'antiquité entre Tune et les autres! Par là on retra-
çait un intéressant chapitre de l'histoire des idées et des mœurs et Ton
réfutait indirectement la prétention que peut avoir telle ou telle reli-
gion d'inféoder la cause de la morale à celle de son dogme et de sa hié-
rarchie. C'est là la seule polémique qui nous semble désormais conve-
nir à une société, où la liberté de penser et d'écrire est définitivement
assurée '.
Si le petit volume, d'allures rapides, de M. Courdaveaux nous a mis
dans l'obligation de déclarer que le meilleur livre de polémique est celui
qui ne fait pas de polémique, que dire des élucubrations de M. Morin
ou Miron? On réserve généralement le nom d' « Essais » à des écrits
d'une certaine étendue; ici nous ne rencontrons pas moins de cin-
quante-six morceaux, de dimensions forcément restreintes. Dans la
distribution et la suite de ces morceaux, aucun ordre à noter. Tous les
lieux communs de la polémique anticatholique ou antichrétienne
I. Ceux qui font de la polémique s'imaginent toujours que leur propagande sera
fructueuse. Comme ils se trompent!
I i4 REVUK CRITIQUE
y sont confondus dans un pêle-mêle qui n'a rien d'attrayant. Pour
comble de malheur, l'auteur, qui est d'ailleurs consciencieux, est aussi
dépourvu d'esprit que d'originalité. Dans cette égale médiocrité du fond
et de la forme, à quoi se prendre?
M. Vernes.
CORRESPONDANCE
Xiépouso à la « CfSIXaQIOE: » du AI. Salomon I^einacli.
Je me vois obligé, moi aussi, de demander pardon à la Revue du sacrifice que je
lui impose en lui empruntant quelques-unes de ses pages, la critique de M. Rei-
nach me me paraissant, et dans le fond et dans la forme, ni scientifique, ni même
impartiale.
J'aborde tout d'abord la série des objections avancées par lui. Je les reprends une
à une. Le lecteur sera juge de ce qui en restera après.
i" M. Reinach parle du texte de Ptolémée (édition Nobbe, IV, 3, II, page 237)
26pTcO)ç [X'.y,pàç Oéctç et croit m'apprendre qu'il existe '.
J'ai cependant non seulement cité ce texte, mais aussi répondu à l'objection qu'il
soulève (Comptes rendus de l'Académie des Inscriptions, i'' trimestre). Je n'y re-
viens pas. Première inexactitude^.
2° Au sujet du passage de Ptolémée (IV, 3, 34, page 243), où il est question des
villes situées au nord du Triton, passage que le premier f ai cilé en France^, j'ai moi-
même soulevé l'objection tirée de l'emplacement de la localité de Sassura (Comptes
Rendus de l'Académie des Inscriptions, i" trimestre.) Quant à Gilma, cette ville
ville est bien au nord de l'artère maîtresse de la Tunisie centrale, artère dont la
source est près de Tébessa, et l'embouchure dans le golfe de Hammamet. J'ai
suffisamment insisté sur ce point dans la Nouvelle Revue et le Bulletin de la Société
de géographie pour me croire dispensé d'y revenir. Sur ce passage de Ptolémée,
M. Reinach ne m'apprend rien que je ne sache, et que je ne lui ai même appris.
Deuxième inexactitude.
Quant aux cinq autres villes qui nous conduisent bien au-dessous du bassin hy-
drographique du Bagla et de la Tunisie centrale ^, je prierai M. Salomon Reinach
d'avoir l'obligeance de m'indiquer leur synonymie moderne et les preuves certaines
sur lesquelles il base leur synonymie. Serait-il prouvé d'ailleurs que ces cinq villes
ont été mises par Ptolémée au midi de l'artère maîtresse de la Tunisie centrale,
que cela ne constituerait pas une objection pouvant entrer en ligne de compte
contre la thèse de l'identification du bassin hydrographique de la Tunisie centrale
et de l'ancien fleuve Triton.
3° Au sujet de la situation de Gafsa. Que Gafsa soit dans la région des chotts, je
le sais bien, puisque j'ai passé six mois dans cette oasis. Je n'ai donc pas besoin de
la leçon que me donne M. Reinach. Mais la situation de Gafsa dans la région des
1. Je n'ai rien écrit de semblable. — S. R.
2. Répondre à une objection et l'écarter sont deux. M. Rouire n'a rien écarté du tout. — S. R.
3. M. Rouire est le premier, en effet, qui ait commis un contre-sens sur ce passage. — S. R.
4. Ce qui est vrai de Sassura l'est, a fortiori, des villes .suivantes. — S. R.
uHlSTOlKk. KT. Dk LITTÉRATURE Il5
chotts n'empêche pas, au contraire, que cette ville soit située au-dessous du bassin
hydrographique du Bagla, sous la ville de Sousa, c'est-à-dire qu'elle corresponde, par
conséquent, à l'emplacement de la ville de J^^^f^;^, indiquée par Ptolémée au-dessous
du Triton et d'Hadrumète. M. Reinach, sur ce point, me paraît avoir eu une asso-
ciation d'idées que je ne m'explique pas'.
4° Je n'ai nullement identifié Oûô'.va et OÙTixva, j'ai cité la première de ces loca-
lités à sa place et la seconde aussi (Comptes rendus de l'Académie des Inscriptions.
i^r trimestre}. Ces deux villes n'ont pas les mêmes coordonnées, l'une était au nord,
c'était l'Utina actuelle, l'autre au midi. L'appellation latine Utina qui accompagne
0'JT(/.va a été simplement empruntée par moi à la traduction latine de Ptolémée
qui accompagne les éditions anciennes du géographe grec imprimées à Amsterdam^.
Si quelqu'un corrige ici quelque chose, c'est 'oien M. Reinach qui, par son inter-
prétation, corrige ma pensée et me prête une confusion que je n'ai jamais faite.
5° Thysdrus et Outicna font partie de la même liste des villes situées au-dessous
d'Hadrumète. Si je n'ai point cité les quatorze autres noms qui séparent ces deux
villes, c'est que j'ai jugé cette citation inutile au point de vue de la thèse que j'ai
soutenue.
6° Au sujet du sens général du passage de Ptolémée, M. Reinach n'a pas le droit
d'ajouter -/.al tcO TpiTWVCç 7:0Ta;xcj ^.
TTrcOc Aopo'JiJ/^TOV est bien opposé à Otîc [JLSV Kap)(Yjo6va, mais cette opposi-
tion n'entraîne pas du tout l'interpolation que M. Salomon Reinach introduit
dans le texte. Le texte doit être lu tel qu'il nous a été donné par Ptolémée; il n'y
a pas de phrase sous-entendue. L'observation de M. Salomon Reinach prouve qu'il
n'a pas compris le sens général de ce passage, parce qu'il n'a pas consulté la carte
de Tunisie, et aussi parce que l'importance, au point de vue de la géographie an-
cienne, des découvertes géographiques faites récemment lui a échappé. Son inter-
polation aurait pour effet de laisser supposer que Ptolémée, dans sa nomenclature,
a omis tout le grand bassin hydrographique du Bagla, l'analogue de celui de la
Msdjerdah. Au point de vue géographique, un tel oubli de la part du géographe grec
constituerait une énormité^. J'ajoute en outre, qu'au point de vue hydrographique
et topographique, il n'est pas soutenable que Ptolémée ait désigné sous le nom
de Triton, les trois bassins hydrographiques des Chtout.
7° Au sujet du texte de Pline (édit. Littré, V, 4, page 212) je suis obligé de dire,
à M. Reinach qu'il n'a pas su comprendre la signification du mot citra. Je l'engage
fort à lire sur ce point les Comptes rendus de l'Académie des Inscriptions, 3" tri-
mestre; il y verra que le texte de Pline est fort clair, quoiqu'il en dise. Sur ce
point particulier, l'erreur de M. Reinach provient de ce qu'il n'a pas tenu compte
des deux significations de citra ^.
8° Au sujet du texte de Mêla, même recommandation à M. Reinach. Qu'il lise les
Comptes rendus de l'Académie des Inscriptions, 3" lv\m(mT& {Géographie comparée
des Syrtes et du lac Triton). Je suis encore obligé de dire à M. Reinach qu'il n'a
pas su comprendre la signification du mot super. Super a deux significations, l'une
verticale, l'autre horizontale. A la signification verticale (celle qui doit être adoptée)
1. Je ne comprends pas. — S. R.
2. C'est cet emprunt qui constitue la confusion. — S. R.
3. Lire ce passage. S. R.
4. Ptolémée a été bien mal inspiré en mentionnant seulement le Bagradas ! — S. R.
5. M. Rouirea négligé, dans l'interprétation qu'il a proposée de ce passage, les mots ab his{Phi-
laenorum aris) non procul — qui suffisent à le convaincre d'erreur. — S. R.
Il6 REVUK CRITIQUE
correspond l'emplacement du lac Kelbiah. Pour ce passage, comme pour celui de
Pline, l'erreur de M. Reinach provient de ce qu'il n'a pas tenu compte des deux
significations du mot super, et de ce qu'il n'a pas lu non plus la carte i.
9" Au sujet du texte de Scylax, je suis toujours obligé de dire à M. Reinach qu'il
n'a pas plus compris ce passage que celui de Ptolémée, de Pline et de Mêla. Ici son
erreur est d'autant plus inexplicable, que j'ai signalé, il y a bien longtemps, la
confusion soulevée par quelques-uns à propos du mot Syrte, confusion dans la-
quelle, un instant, je suis tombé, il est vrai, à la suite des autres, mais que j'ai
presque immédiatement dissipée. La petite Syrte de Scylax n'est pas la petite Syrte
de Mêla et des auteurs latins {Revue de Géographie de Paris, i" janvier 1884,
Bulletin de la Société de Géographie de Constantine, i^^ nov. i883. Comptes
rendus de l'Académie des Inscriptions^ 3' trimestre. Géographie comparée des Syrtes
et du Triton).
Bien longtemps avant moi. M. Pomel avait eu d'ailleurs la sagacité de signaler
cette particularité et de montrer l'erreur de quelques commentateurs. « Scylax, di-
sait-il, est le premier géographe qui parie de la petite Syrte. Toutefois il ne la
place pas dans le golfe de Gabès, mais bien, au moins en partie, dans le golfe situé
entre Thapsus (cap Dimas) et Adrymète (Souze), et c'est là qu'il indique le lac, le
fleuve et l'île Triton. » [Revue scientifique, 1877, sept., 2c série) 2.
10" Au sujet du passage d'Hérodote, IV, p. 178, M. Sal. Reinach confond le pays
des Machlyes avec celui des Lotopha^o'es.
Les deux phrases controversées sont celles-ci :
AwTOçocYwv 0£ xapà OaXacaav eyov-ai Ma/Xusç. KaTY;y.ou(;i o\ ïr\ '::0Ta[j,6v
[xé^av TO) ouvo[J,a Tpîxwv koiX... Ce qui veut dire mot à mot : le long de la mer et
voisins du pays des Lotophages sont les Machlyes. Ceux-ci s'étendent ^ jusqu'au
grand fleuve Triton; et non : les Machlyes confinent le long de la mer aux Loto-
phages qui s'étendent jusqu'à un grand fleuve qu'on appelle Triton. Hérodote ne
dit pas que les Lotophages seuls s'étendaient jusqu'au fleuve Triton. Après avoir
parlé des Lotophages, il parle aussi des Machlyes. Par sa traduction, M. Salomon
Reinach commet un contre-sens géographique. Il supprime le pays des Machlyes
intermédiaire au pays des Lotophages et au Triton (voir comptes rendus de l'Aca-
démie des sciences, 16 juin 1884J.
11° M. Reinach prend enfin à parti ma traduction du texte de Scylax, probable-
ment parce que je n'ai point traduit ce texte mot à mot. J'ai dû adopter une traduction
claire, explicite, précise, qui rendît, en même temps que la signification littérale, la
signification générale du g 1 10. Ce paragraphe, je ne pouvais le citer en entier, étant
donné le peu d'espace dont je disposais et l'accumulation de textes nouveaux et de
preuves topographiques et géographiques que j'étais obligé d'entasser dans ce court
espace. Je défie M. Salomon Reinach, malgré ses points d'exclamation, de prouver
que ma traduction viole le sens général du g iio ^. Je le défie de même de prouver
que j'aie eu tort de traduire 7:apàOa)vaciaavdu texte d'Hérodote par: en remontant
la mer. Ici encore, j'ai combiné le sens local, Hérodote décrivant les peuples de
Libye de l'est à l'ouest.
1. J'ai montré à M. Rouire que super signifie « dans l'intérieur des terres » Le passage de Mêla
ne laisse rien subsister de son paradoxe. — S. R.
2. Ici, du moins, M. Rouire n'a pas la priorité dans l'erreur. — S. R.
3. J'aurais dû écrire : ils s'étendent. Voisins du golfe de Djerba habité par les Lotophages, les
Machlyes habitent bien les environs du Chott el Djerid, et non à 3oo kilomètres plus au nord.
— S. R.
4 Cette traduction est un tissu de contre -sens, comme je l'ai montré. — S. R.
d'histoire et de littérature I 1 7
J'en ai fini avec les objections proprement dites. Je passe aux erreurs d'impres-
sion : un •/, dans le mot [x'.7,pa aurait été remplacé par un y^\au-dessous mis pour
au-dessus; Thenœ traduit pour Thapsus et un lambeau de phrase de Mêla mal
rendu. Tout ceci a peu de rapport avec le Triton; en relevant ces erreurs, M. Rei-
nach laisse voir son parti pris. Je répondrai d'une manière générale que les fautes
d'impression sont erreurs communes, qu'elles ne sont point la faute des auteurs et
surtout de la mienne, car je n'ai pu, par suite de circonstances particulières, revoir
ma dernière épreuve; à un point de vue plus particulier, j'ajouterai que, dans le
tirage supplémentaire que j'ai fait faire, le mot [xiy.pa est écrit par un x et qu'il y
a bien imprimé le mot au-dessus. Pour ce qui est du lambeau de phrase de Mêla, je
prie M. Reinach de se reporter au Compte rendu de l'Académie, 3« trimestre. Si-
tuation géographique comparée des Syrtes et du lac Triton : il y verra que je n'a-
vais pas besoin de sa leçon. Veut-il se reporter aussi aux Comptes rendus de la
Société de géographie, no^ 18 et 19, année 1884?
Pareil accident peut d'ailleurs arriver à tout le monde, y compris à M. Reinach
lui-même. C'est ainsi qu'il écrit, dans la Revue critique du 19 janvier i885,
M/X'JSC pour Ma/AUEÇ, Oukiina pour Outicna, et que, chose plus grave, il confond,
à son tour, Thenœ avec Thapsus. Il nous dit que Thapsus est situé à 120 kil. de la
pointe méridionale du golfe de Hammamet! Mais ce n'est pas Thapsus, c'est
Thenœ qui est à 120 kil. de la pointe méridionale du golfe de Hammamet.
Thapsus (cap Dimas) est, au contraire, sur cette pointe méridionale. Je veux bien
croire que M. Reinach n'a pas commis une aussi curieuse erreur géographique,
qu'on a écrit pour lui Thapsus au lieu de Thenœ, mais enfin, voyez-vous, mon-
sieur Reinach, vous n'avez pas de chance avec ce mot de Thenœ, ou celui de
Thapsus, comme vous voudrez. Vous avez voulu être méchant, et vous voilà puni,
puni par là même où vous avez péché. Juste retour des choses d'ici-bas 2.
Et maintenant quelques mots au sujet de la manière dont M, Reinach a mené
cette polémique. Au lieu de lui donner l'ampleur et la gravité scientifique que le
sujet comporte, ce à quoi je l'avais convié d'ailleurs, M. Reinach a imprimé à
cette discussion un caractère mesquin que je laisse au grand public le soin d'appré-
cier. Au lieu de discuter à fond et sans parti pris cette question capitale de géogra-
phie comparée, il l'a prise par les petits côtés, cherchant à trouver en faute non la
thèse, mais l'homme; de là ces quantités d'appréciations personnelles assez singu-
lières faites sur mon compte. Comme j'ai l'oubli des injures facile et que je n'en ai
jamais voulu à M. Reinach, je vais lui donner un conseil.
En laissant de côté ce qui est du domaine des inexactitudes qui, je veux bien le
croire, ont été de sa part involontaires, les erreurs de géographie, les fausses inter-
prétations qu'il a commises, proviennent de ce que, en lisant les textes, il ne jette
pas les yeux sur une carte de géographie 3. Pour traiter une question de géographie
comparée ardue comme celle du Triton, il faut non-seulement connaître le grec,
mais aussi les textes dans leur ensemble, mais aussi la topographie, la géologie et la
géographie de la région avoisinant le lac Kelbiah. M. Reinach « s'est hypnotisé »
sur quelques textes. Il ne les a pas compris et, comme toujours, il met son ignorance
sur le compte des auteurs.
!. A deux reprises. — S. R.
2. J'avoue cette faute d'impression. Aucun lecteur sérieux ne s'y est trompé — S. R.
3. .Merci. Le conseil est bon et part d'un naturel charitable. — S. R.
I l8 KKVUE CRITIQUE
Qu'on me permette encore d'ajouter quelques mots relatifs non plus à la question
du Triton, mais à des ajfifirmations et à des appréciations de M. Reinach.
M. Reinach s'est oublié quand il a imprimé la phrase suivante :
M. Tissot était au lit et mourant lorsque M. Rouire a lu son mémoire à l'Acadé-
mie. Cela explique qu'on ait donné ï imprimatur à ce travail, etc
M. Tissot n'était ni au lit, ni mourant, quand j'ai lu mon premier mémoire à l'Ins-
titut. Il était si peu au lit et si peu mourant qu'un mois auparavant, le 26 décem-
bre i883, et aussi l'avant-veille du jour où je devais avoir l'honneur de lire devant
l'Académie des Inscriptions mon premier mémoire, j'eus avec lui une longue entre-
vue — où la question du Triton fût traitée à fond '. Depuis M. Tissot a été vu à
l'Institut, j'ai eu l'honneur de causer avec lui : nous nous sommes serré la main.
M. Reinach en demande-t-il davantage? Mon mémoire a été lu le 18 janvier, et le
décès de M. Tissot est survenu le 3 juillet 1884.
Quant à la valeur de ma thèse en elle-même, je ne tiens nullement à la faire ressor-
tir. D'autres l'ont fait déjà, d'autres le feront, car cette découverte sera féconde en
découvertes ultérieures^, mais M. Reinach m'oblige à lui rappeler que, le premier
parmi les archéologues, soit en France, soit ailleurs, j'ai cité :
1° Le passage de Scylax relatif à l'emplacement de la mer de Triton (ce passage,
bien que faisant corps avec la description que le portulan grec donne de cette mer
n'avait été cité ni par Shaw, ni par iMannert, ni par M. Tissot, ni par M. Roudaire);
2° Le passage de Ptolémée relatif à la situation géographique comparée de
rO'JcaXsTOV opoç et du Aibç opoç ;
3° Le passage de Ptolémée relatif à la situation du même OùciÀSTOV opoç par
rapport à la Libye déserte ;
4° Le passage de Ptolémée relatif aux villes placées entre le Bagradas et le Triton,
et au midi du Triton.
5" La concordance des données d'Hérodote et de Ptolémée relatives à la nature
des pays avoisinant le Triton.
De même pour les dimensions de la mer de Triton et du lac Triton, j'ai le pre-
mier fait ressortir :
6° La concordance des données de Scylax avec les données topographiques de la
région du nord de Sousa;
70 La concordance des données d'Hérodote au sujet des dimensions du lac Triton
avec le périmètre du lac Kelbiah.
Et de même, au sujet de la situation géographique comparée des Syrtes et du lac
Triton, j'ai le premier :
8" Donné une interprétation rationnelle du mot super, de Mêla ;
90 Du mot citra, de Pline 3.
Pour ce qui est des données géographiques ou topographiques nouvelles que j'ai
fait connaître, je laisse aux géographes le soin d'en apprécier la valeur. Qu'il me
suffise de dire ici que l'ensemble de ces études m'a coûté, à l'heure actuelle, quatre
années d'un travail presque continu.
C'est, avec la révélation d'un pays nouveau, la Tunisie centrale, un redressement
complet de la géographie comparée ancienne, et, ce redressement sera fécond, je le
répète, en découvertes ultérieures. Ainsi posée et obtenue, la solution de l'énigme
1. M Tissot, quoique fort malade, ne fut pas du tout convaincu par M. Rouire. — S. R.
2. A en juger par las prémisses, ces découvertes n'auront pas la vie longue. — S. R.
3. M. Rouire ne devrait pas se vanter d'avoir, pour la première fois, mal interprété un aussi
grand nombre de textes, — S. R.
d'histoire kt dk ijttératurk 119
tritonienne vaut bien la question du rôle joué par les chiens dans le culte d'Escu-
lape. L'histoire en jugera probablement ainsi', et il faut dès maintenant en pren-
dre son parti. Monsieur Reinach.
ROUIRE.
CHRONIQUE
FRANCE. — La librairie Klincksieck vient de faire paraître les Fastes de la
provmce romaine d'Afrique, par Charles Tissot, ambassadeur de France, membre
de l'Institut, publiés d'après le manuscrit original et précédés d'une notice biogra-
phique sur l'auteur par M. Salomon Reinach.
— M. R. Cagnat a fait paraître la leçon d'ouverture du cours d'épigraphie latine
qu'il professe à la Faculté des lettres de Douai (année 1884-1885) ; l'auteur y montre
V utilité de V épi graphie latine pour rétablissement de certains textes: W cite deux
erreurs que renferment les manuscrits et que l'étude des inscriptions permet de cor-
riger. (Tacite, Hcst. IV, 68, et Ptolémée, II, 8, p. 142 de l'édition Wilberg.)
— La librairie Hachete publie le Discours de Cicéron contre Verres, seconde ac-
tion, livre V, De suppliciis, texte latin, à l'usage des professeurs, avec un commen-
taire critique et explicatif, une introduction et un index, par M. Emile Thomas,
professeur à la Faculté des lettres de Douai (un vol. in-8°, 4 fr.) Le même éditeur
a déjà publié dans la même collection le Pro Archia de Cicéron ; le De Signis est
en préparation.
— On annonce la publication très prochaine du Dictionnaire étymologique latin
de MM. Bréal et Bailly. « En dépit des apparences, disent les auteurs dans leur
Préface, l'étymologie n'est pas l'objet principal que nous avons en vue. Sans aucun
doute, il est utile de savoir à quelle origine appartient tel ou tel mot, et de pouvoir
placer à côté de chaque racine les vocables qu'elle a produits. Nous en fournissons
les moyens à nos lecteurs, quoique nous ayons évité de réunir sous un seul chef
d'article des termes trop nombreux et de parenté trop éloignée. Mais il est un autre
point qui n'a pas moins d'importance : c'est de retracer l'histoire du mot et de dis-
poser la série des sens dans l'ordre véritable; nous nous y sommes appliqués
avec un soin particulier. Un vocabulaire étymologique qui se contenterait d'indi-
quer la racine sans autre accompagnement serait à peu près aussi instructif qu'un
dictionnaire de b/ographie qui se bornerait à fournir le nom et la date des person-
nages. Avant tout, nous demandons à connaître leur vie et leur caractère, ainsi que,
la part qu'ils ont prise aux év^.nements de leur temps. S'il fallait sacrifier quelque
chose, on aimerait mieux ne rien savoir des commencements. L'essentiel est ce que
Littré appelle la filière et Vhistorique. Nous avons tâché de donné, à cet égard, en
restant dans les bornes que nous nous étions tracées, ce qui était nécessaire. Une
de nos préoccupations a été de montrer, toutes les fois que cela était possible, à quel
ordre de notions, à quelle face de la vie du peuple romain, à quelle portion de la
culture antique appartenait primitivement chaque terme. Les divers emplois du
mot s'en trouvent toujours éclaircis. La religion, le droit, l'agriculture, la guerre, la
marine, les métiers manuels ont donné naissance à quantité d'expressions qui, après
1 L'histoire a autre chose à faire qne d'enregistrer des bévues, soutenues, je dois le reconnaître
avec une téuacitc digne d'une meilleure cause. — S. R.
I20 RtVUR CRITIQUE DH:ST01Kt. ET DE LITTERATUHK
avoir été usitées dans un sens restreint, sont entrées ensuite dans la langue géné-
rale. On observe de la sorte ce qui a été improprement appelé la vie du langage,
mais ce qui est en réalité la vie de la nation avec sa variété et ses constrastes, em-
preinte dans la langue. » Les auteurs ont attaché un soin particulier au choix des
exemples et emprunté nombre de passages à Virgile, parce que, de tous les écrivains
latins, il est celui qui s'applique le plus à employer les mots en leur acception propre
et leur sens primitif.» Nous reviendrons du reste plus longuement sur cet ouvrage,
dès qu'il aura paru.
GRÈGE.— M. Spiridion P. Lambros vient de faire paraître un recueil de onze opus-
cules ('Icxopixà {Ji£XcTY;[Ji.aTa, Athènes, 1884; y; '-224 p. in-8). Les sujets qu'il traite
sont bien divers; pourtant, comme le fait remarquer l'auteur, ils ont pour lien une
pensée patriotique, l'étude du passé de la Grèce, de ses gloires lointaines et de ses
longs malheurs. L'ordre suivi dans l'impression est celui de l'histoire; le volume
commence par un article sur les habitants préhistoriques du sol grec et se termine
par un travail sur la domination vénitienne au xviiie siècle. Entre ces deux termes
extrêmes M. Lambros étudie successivement un établissement des Phéniciens, un
épisode des guerres médiques, la prise d'Athènes par les Hérules Dans le qua-
trième de ses opuscules, le savant auteur rétablit d'après Constantin Porphyrogénète
trois fragments des Indica de Ctésias, imparfaitement connus par Photius et par
Elien. Daus le sixième, il fait connaître deux nouveaux mss. delà Chronique de Mo-
nembasie, conservés au mont Athos. L'objet du septième est un poème en 80 trimè-
tres paroxytons sur le second siège de Constantinople par les Arabes (vu" s.), publié
d'après un ms. de la Bodléienne. Le neuvième opuscule contient un autre poème, en
cent vers imités d'Homère, relatif à Georges Maniacès (vies.), d'après un ms. de
Vienne et un du Vatican. On voit que la nouvelle publication intéresse l'histoire lit-
téraire aussi bien que l'histoire politique de tous les temps.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 3o janvier i885.
M. Clermont-Ganneau présente le moulage d'une stèle découverte par lui, il y a
une quinzaine d'années, auprès de Jérusalem. C'est une des stèles dont parle Flavius
Josèphe, sur lesquelles était gravée, soit en grec, soit en latin, la loi qui interdisait
aux païens l'accès des enceintes du temple d'Hérode le Grand. Celle-ci porte le texte
de cette loi en grec. Quand M. Clermont-Ganneau la découvrit, il ne put, comme il le
désirait, l'acquérir pour les collections nationales. Bientôt après, le monument dis-
parut, et longtemps on ne sut ce qu'il était devenu. Enfin, on apprit qu'il avait été
saisi par l'autorité ottomane et qu'il était conservé dans les caves du musée impérial,
de Tchinili-Kieuchk, à Constantinople. Par l'entremise de M. Sorlin-Dorigny
M. Clermont-Ganneau a pu en faire exécuter un moulage complet, qu'il met aujour-
d'hui sous les yeux des membres de l'Académie et qu'il se propose d'offrir au musée
du Louvre.
L'Académie se forme en comité secret.
La séance étant redevenue publique, l'Académie procède à la désignation de deux
candidats à la chaire de langues et littératures slaves au Collège de France. M. Louis
Léger est présenté en première ligne, M. Dozon en seconde ligne.
Ouvrages présentés : — par M. Alexandre Bertrand : Vouga (E.), les Helvètes à la
Tène (Neuchàtel. in-4'';; — par M. Barbier de Meynard : Halevy (Joseph), Aperçu
grammatical de l'allographie assyro-babvlonienne (Leide, in-8°); — par M. de
Rozière : Tamizey de Larroque (Philippe), Les correspondants de Peiresc, VIII :
le cardinal Biclii, etc.; — par M. Delisle : Rossi (G.-B. de), la Biblioteca délia sede
apostolica ed i cataloghi dei suai manoseritti ; — par M. Deloche : Revue numisma-
tique, 3^ série, vol. II.
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Puv. inw-njcrie de Marchessou fils, boulevard Saini- Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
^^_ ,_^. Il ^M ^m ■! I I f I ■ - n ■ - I — r»— .
No 7 — 16 février — 1885
Sommaire î 28. Schmidt, Additions au vol. VIII du Corpus. — 29. Gazette
archéologique, p. p. de Witte et de Lasteyrie, année 18S4. — 3o. Schlumberger,
Sigillographie de l'empire byzantin. — 3i. Molière, les Précieuses ridicules,
p. p. Larroumet. — 32. Thibaut, Dictionnaire français-allemand et allemand-
français. — Variétés : T. de L. et Communay, Isaac de la Peyrère et sa famille. —
Chronique. — Académie des Inscriptions. — Société des Antiquaires de France.
28. — Joh. Schmidt. i«.dclitaiuenta ad Corpoi-is Vol. VIIB. (Extrait de l'E-
phemeris Epigraphica, tome V, p. 265-65 1).
On sait combien le nombre des inscriptions latines d'Afrique s'est
augmenté depuis trois ans; aussi à peine le huitième volume du Corpus
était-il paru qu'il devenait nécessaire d'y publier un complément. L'a-
cadémie de Berlin l'a compris et à chargé de ce soin M. Schmidt. Mais
comme il faut un long temps pour copier, vérifier et imprimer quatre
mille inscriptions, — c'est à peu près là le chiffre des découvertes nou-
velles, — M. S, s'est contenté, pour le moment, de réunir les plus impor-
tantes dans VEphemeris epigraphica^ sauf à les reprendre ensuite pour
les unir aux autres et nous donner un véritable Supplément. Ce recueil
est donc du plus haut intérêt; aucun des textes qu'il contient n'est sans
valeur et beaucoup sont précieux. Je signalerai : 1° les inscriptions
renfermant des ethniques nouveaux. II a été découvert ces derniers temps
en Afrique et identifié plus de vingt-cinq villes anciennes, parmi les-
quelles les deux Zama dont il a été question à l'Académie; M. S. croit
même avoir retrouvé Naraggara qu'il place à l'hcnchir « Ksiba-Mau »,
mais par une simple conjecture; 2" les épitaphes des esclaves et affran-
chis de Tempereur provenant des deux cimetières de Carthage déblayés
par le P. Delattre : elles nous révèlent l'organisation des bureaux et de
l'administration centrale à Carthage; 3^ toutes les inscriptions gravées
sur les blocs de marbre, dans la carrière de Chemtou, curieux complé-
ment au travail du P. Bruzza, Iscri^ioni dei marmi gre{:{i ; 4° le rè-
glement de collège funéraire que j'ai rapporté au Louvre ; 5° la grande
inscription de Timgad relative aux honoraires en nature et en ar-
gent dus aux officiales du Consularis sous Julien, qui a fourni à
M. Mommsen le sujet d'un article inséré dans le même volume de
V Ephemeris \ ce document est aussi important que l'inscription ana-
logue de Ptolémaïs publiée autrefois par M. Waddington (Inscriptions
de Syrie) 1906 [a] ; 6° la liste des centurions de Lambèse connue déjà
par les articles de M, Desjardins et de M. Mommsen ; 7° linscription
en vers de Macteur, écrite en onciaies « ut codicis antiquissimi pagin ae,
Nouvelle série. XIX. ^
122 KKVUK CHiiîQUK
dit M. s., hic lapis vices facere possit » etc. J'en passe et des plus inté-
ressantes.
M. S. a apporté à l'établissement des textes épigraphiqueslesoin minu-
tieux qui est indispensable pour une semblable besogne : non seulement
il a revu lui-même, dans son voyage en Afrique, la plupart des origi-
naux, mais il a vérifié, après nous, sur nos estampages, l'exactitude de
nos copies : son travail peut donc être regardé comme à peu près défi-
nitif. Ce n'est pas que l'on ne puisse relever des taches dans le livre. Je
ne parle pas ici de certaines lectures différentes des nôtres et où, je crois,
la vérité est de notre côté : quand on a été soi-même en présence d^une
inscription souvent presque effacée qu'il s'agit de copier, quelque soleil,
quelque pluie, ou quelque vent qu'il fasse, on sait trop combien les
erreurs de détail sont difficiles à éviter ; mon observation porte surtout sur
la bibliographie. Tantôt l'auteur attribue à un seulla publication d'un
texte qui a été donné par deux personnes (n'' 1221), tantôt il regarde
comme éditeur d'une inscription le président d'une Société dans le bul-
letin de laquelle elle a été publiée (n°s 547, 548), tantôt il reproduit
une copie imparfaite alors qu'elle a été complétée dans une autre publi-
cation par un second explorateur (n» 32o) : ce sont là des inexactitudes
qui disparaîtront dans le Supplément définitif que donnera M. S.
Il y aurait aussi des rectifications à faire dans la carte de M. Kiepert
qui termine le volume; nous en sommes peut-être un peu responsables
pour n'avoir pas donné des renseignements suffisamment précis dans
nos publications. Ainsi la voie de Ghemtou à Tabarka ne passe nulle-
ment par Bulla Regia : elle se dirige vers le nord-ouest en quittant
Ghemtou; on la rencontre à Aïn-Ksira (3" milHaire), et à Aïn-Gaga
(8^ milliaire); enfin elle va rejoindre un peu au-delà de ce point, la
route de Souk-el-Arba à Fernana. L'henchir Dekir était, sinon sur
cette voie, du moins tout auprès. Quant à Aïn Zaga, il faut placer
cette ruine en plein nord de Souk-el-Khmis entre Tabarka et Béja,
J'ajoute que nous avons tous été traités par M. Schmidt avec une
courtoisie parfaite à laquelle aucun de nous ne peut rester insen-
sible.
R. Gagnât.
2Q. — Gazett» arcïtéologStjHe. Kîecejieîî dt^ monuments poui> sei""vîi- à
la eonnnîssance et à l'tsîsîoÎD'e «o î'îts't tlasîs l'awîîtsijîîé et Bo moyen
âge, fondé par J. de Witte et Fr. Lenormant, publié par les soins de J. de
WiTTE, membre de l'Institut et Robert de Lasteyrie, professeur d'archéologie
à l'école des Chartes. Neuvième année, 1884. Paris, A. Lévy. i vol. gr. in-4, de
402 pages et 5o planches tirées à pan.
Nous avons promis de rendre un compte détaillé de la belle publica-
tion bimensuelle de MM. de Witte et de Lasteyrie. Nous ne craignons pas
d'histoire et de LITTËRATUÏ4E 123
de la recommander ainsi aux érudits et à tous les amateurs éclairés de
l'archéologie. Depuis les monuments de la civilisation chaldéenne jus-
qu'aux chefs d'œuvre de la Renaissance, ils y trouveront selon leurs
goûts de quoi se satisfaire. Le volume comprend trente-deux articles :
dix-sept sont relatifs à des sujets de l'antiquité, quinze à des sujets mo-
dernes. Tous offrent de l'intérêt, mais nous ne pouvons nous arrêter
qu'aux plus importants. Pour plus de commodité nous les avons grou-
pés en deux classes pour les examiner successivement. Une chronique
et une a'oondante bibliographie terminent les fascicules; une table ana-
lytique, le volume entier. jO planches, presque toutes en photogra-
vure, achèvent de placer la Galette archéologique à un rang qu'aucune
Revue française ne dépasse.
I. Archéologie antique. — Rayet (O.) — Thésée et le Minotaure. —
La fuite de Dédale. — Peinture d'tin skyphos trouvé en Grèce ; pages
1-6; planches 1-2. — Cette pièce découverte en 1876 appartient aujour-
d'hui à l'auteur. L'origine tanagréenne qu'on lui attribue est très dou-
teuse, car il faut se délier beaucoup du dire des marchands du pays. Le
skyphos est peut-être simplement athénien. M. R. le fait remonter
jusqu'au milieu du vii^ siècle; aussi les peintures que reproduit la plan-
che sont-elles fort barbares : mais l'une d'elles, la fuite de Dédale, est
une scène tout à fait unique.
MowAT (Robert). — Buste de Mercure en broji^e, entouré des divini-
tés du Capitole; p. 7-1 5; pi. 3. — Appartient au Cabinet des Anti-
ques; on croit qu'il provient d'Orange. Mercure est coiffé du pétase. Le
buste est encadré par deux cornes d'abondance en sautoir, masquées par
deux feuilles d'acanthe : au-dessus apparaissent deux petits bustes de
Minerve et de Junon. Sur la croisée des cornes est le petit buste de Ju-
piter. L'ornement le plus original consiste en sept chaînettes munies
chacune d'une clochette. Suétone rapporte (Aug. 91) qu'Auguste fit
garnir de clochettes le faîte du temple de Jupiter Tonnant. C'est peut-
être dans cette anecdote qu'il faut chercher la raison du fait, et aussi
dans le respect religieux observé vis-à-vis des actes d'Auguste accomplis
en quahté de grand pontife. Le buste de Mercure est d'une finesse char-
mante.
Marmier (G.) - Les routes de VAmanus: p. 43-5 o. — Rectifications
et identifications de diverses villes et routes, à propos surtout des mou-
vements des opérations d'Alexandre et Darius avant et après la bataille
d'Issus. Une petite carte explique le texte.
Berger fPh.) — Stèles trouvées à Hadrumète ; p. 5i-56 et 82-87 ;
pi. 7 et 12. ~ Trouvées en 1867 dans des fouilles à Sousse, et rappor-
tées par l'abbé Trihidez, aumônier du corps expéditionnaire en Tunisie.
Une seule présente un vrai bas-relief, d'une richesse décorative harmo-
nieuse. Elle est remarquable comme figurant un portique de deux
cariatides qui supportent une large frise. Le style des colonnes rappelle
certains types égyptiens qui ne sont, suivant M. Perrot, que l'imitation
1 24 REVUE CRITIQUE
d'une architecture légère où le métal jouait le rôle principal. M. E
pense qu'il faut voir dans la figure de déesse reproduite sur ces stèU
le type traditionnel de Tanit, la déesse lunaire de Carthage. Les autrt
stèles, dénuées d'intérêt artistique, sont pourtant des plus précieuses e
ce qu'elles font toucher au fond même de la religion carthaginoise, ne
tamment avec le symbole de la triade.
Perrot (G.) — Statuette en bronze de la Comagène; p. 77-79 ; pi n
— Acquise à Marach en 1881, dans l'ancienne Comagène. Le mouve
ment et la hgure de ce petit bronze de 1 1 centimètres sont très curieus
L'hauteur le rattache, malgré le lieu de sa découverte, à la série des ou
vrages où l'on peut reconnaître l'empreinte du premier art phénicier
nourri à l'école de l'art égyptien et de l'arl assyrien.
Reinach (S.) — Deux têtes archaïques du Musée de Constantinople
p. 88-90; pi. j3. — L'une est de la belle époque de Part grec, ma:
conservant par tradition des traces d'archaïsme : elle appartient à 1
troisième phase de l'art chypriote et présente un caractère individu(
marqué. Elle provient des fouilles de M. de Gesnola à Chypre. L'auti
tête, plus difficile à déterminer, plus primitive, provient peut-être de 1
côte asiatique.
LiNAS (Ch. de). — Gourde antique en bronze émaillé; p. 1 3 3- 14c
pi. 18-19. — Cette curieuse pièce, trouvée en 1866 à Pinguente (Istrii
est conservée à Vienne, à l'Antiken Cabinet. La planche la reprodu
avec les vives couleurs qu'éteint un peu aujourd'hui la patine verte d
bronze. L'auteur ajoute quelques développements sur l'importation d
rémaillerie champlevée en Europe.
Heuzey (L.) — La stèle des vautours. — Etude d'archéologie cha
déenne:p. 164-180 et 193-203; pi. 24, 26. — Les trois débris dont
s'agit fontpartie des découvertes de Tello par M. deSarzec. Ce sont les re
tes précieux d'un art chaldéen archaïque où l'on trouve les noms de deu
nouveaux rois de Tello. L'auteur donne une description approfondi
de ces fragments qui portent encore d'assez longues descriptions i
quelques figures d'un caractère intéressant, des scènes de funérailles. 0
remarque surtout au revers du second fragment la partie supérieu:
d'une grande tête coiffée d'un bizarre bonnet, très probablement ur
tête de déesse : c'est un morceau unique en son genre et d'un intér
exceptionel. — La stèle devait être cintrée *.
Thédenat(H.) et Héron de Villefosse (A.) — Les trésors de vai:
selle d'argent trouvés en Gaule; p. 231-240; 261-272; 332-:547
pi. 35-37. — Le premier chapitre de ce considérable travail présente u
« aperçu historique du luxe de l'argenterie chez les Romains » et c
développement de la richesse romaine : une masse imposante de cit
tions et de textes permet de consulter sans peine tous les auteurs ai
I. 11 y a une erreur dans le tirage de la seconde planche (26). Le fragment B t
indiqué C, et réciproquement.
d'histoire et de littérature 125
ciens sur la matière. Une liste sommaire, par noms de pays, indique
ensuite les principales trouvailles d'argenterie romaine faites en dehors
de la Gaule. — Le second chapitre traite « des différentes espèces de
vaisselle d'argent chez les Romains », et le troisième, « des principaux
trésors trouvés en Gaule ». C'est un catalogue clair et précis, renforcé
de textes à l'appui, des inscriptions originales, et au besoin de quelques
curieuses figures. — Les trois planches reproduisent de remarquables
pièces du trésor de Montcornet (Aisne).
Witte (J. de). — L. Munatiiis Plancus et le génie de la ville de Lyon;
p. 257-260; pi. 34. — Description d'un petit médaillon de terre cuite
trouvé dans les environs d'Orange et sur lequel se voient deux figures :
le génie d'une ville, nu et couronné de tours, tenant un sceptre et une
corne d'abondance. En face, un personnage romain, nu tête, en toge et
en bottines, présentant deux épés et tenant un rouleau. L\iuteur y
pense pouvoir reconnaître le fondateur de la colonie romaine de Lug-
dunum.
Monceaux (P.) . —Fouilles et recherches archéologiques au sanctuaire
desjeux isthmigues;p. 273-285, 354-363; pi. 38. — L'auteur résume ici
les principaux résultats des fouilles par lui dirigées il y a un an dans la
région des jeux isthmiques. L'acropole, Tenceinte de Poséidon et de
Palémon, est restituée à nos yeux par plusieurs plans nouveaux avec
de nombreuses recherches topographiques. Les caractères architectu-
raux et les données historiques permettraient de l'attribuer, avec la porte
triomphale, au temps d'Auguste, et comme l'œuvre des colons romains
qui relevèrent Corinthe. Cette porte, du N. E., est la seule bien con-
servée, mais elle est exclusivement romaine. L'entrée principale était
flanquée de deux petites portes latérales : dès le me siècle, à Tépoque des
incursions des barbares, deux tours byzantines fortifièrent la grande en
bouchant les petites. Puis on finit par ensevelir aussi la grande sous des
décombres.
Babelon(E.). — Terres cuites grecques delà collection de M. Bellon;
p. 325-33 1 ; pi. 43. — A propos de trois charmantes figurines, — de Ta-
nagra sans doute, mais dans tout Tarticle il n'y a pas un mot relatif aux
terres cuites reproduites, ~ l'auteur résume les théories diverses émi-
ses au projet des statuettes trouvées dans les tombeaux grecs, et examine
en particulier la thèse récente de M. E. Pottier « quam ob causam
Graeci in sepulchris figlina sigilla deposuerint, » dont il admet la
conclusion éclectique : les figurines auraient été apportées par les pa-
rents et amis du défunt, achetées d'ailleurs par avance pour cette occa-
sion, ou pour toute autre, dans l'étalage varié du coroplaste qui répon-
dait à tous les goûts comme à tous les usages.
WiTTE (J. de). L'expiation on la purification de Thésée : p. 352-3 ;
pi. 44-46. — Superbe composition reproduite en rouge et noir d'après
une grande hvdrie.
II. Archéologie du rnoren âge et de la Renaissance. — Satriano
120 REVUE CHiTIQ'Jb
(Gaetano Filangierî, prince de). -^Antique onde la Renaissance? -
La tête de cheval colossale du musée de Naples; p. i5-2o; pi. 4. -
L'auteur voudrait voir, avec Vasari, dans cet admirable morceau, i'œuvi
du xv^ siècle florentin et en particulier de Donaîelîo : il la rapproch
comme exemple, de la statue équestre d'Erasmo da Narni dit Guattc
melata, en 1444. Elle fut envoyée de Florence au comte de Maddalo
par Laurent de Médicis. C'est depuis Winckelmann qu'elle passe poi
antique.
Durand (G.). — Portail de Véglise de Dompierre (Vosges) ; p. 20-2,
pi. 5. — Du milieu du xii^ siècle; richement sculpté.
MoLiNiER (E.). — Deux plaques d'ivoire au musée du Louvre; p. 3:
42; pi. 6. — A peu près les plus anciens ivoires du moyen-âges
Louvre; ceux-ci proviennent d'une reliure.
Lasteyrie (R. de). — Miniatures inédites de Vhortus deliciaru
(xii® siècle); p. 57-64; pi. 8-10. — Ce ms. de l'abbesse Herrade (
Landsberg était un des joyaux de la bibliothèque de Strasbourg : il a é
détruit avec elle à Pémotion générale du monde savant. Les planch
reproduites sont celles que le comte de Bastard avait déjà fait faire poi
son Recueil de peinture des mss. Elles peuvent compter parmi les ph
curieuses de l'ouvrage : c'est l'arbre généalogique du Christ, le crucifi
ment, et l'Eglise chrétienne.
CouRAJOD (L.). — Une sculpture en bois, peinte et dorée, de lapr
mière moitié du xii* siècle; p. 91-97, 129-132; pi. 14. — 11 s'agit d'i
Christ en croix, un peu moins grand que nature, provenant sans dou
d'une poutre de gloire et appartenant à l'auteur. C'est une pièce fo
rare pour la taille et d'une grande finesse d'exécution. L'œuvre est pleii
de caractère et remarquable eu égard à l'époque; mais je ne puis pa
tager entièrement l'admiration de M. C. qui s'élève à bon droit cont
le dénigrement de parti pris et injuste de tant de critiques, mais e
entraîné par là même un peu loin dans le sens opposé, quand il dév
loppe la valeur esthétique, l'élégance, et la beauté sereine de la statu
Les pieds et le bras gauche sont une restauration moderne.
MuNTz (E.). — La statue du pape Urbain V au musée d'Avigno
p. 98-104; pi. i5. — Ce portrait d'un des papes d'Avignon qui o
montré pour les arts le goût le plus éclairé est malheureusement ti
mutilé. L'auteur donne d'intéressants détails sur l'iconographie de
pape et publie son inscription tombale.
Héron de Villefosse (A.). — Feuille de diptyque consulaire consi\
vée au musée du Louvre: p. 117-128; pi. 16-17. — L'auteur, sui^r
son habitude, épuise la question. On ne connaît que vingt-huit de 1
diptyques : il nous tient au courant des caractères intéressants de toi
Ici c'est une feuille d'ivoire sculptée sur les deux faces qui ne sonti
de la même main, ni de la même époque. On peut attribuer l'une îi
première moitié du vi<' siècle : c'est la page qui porte le bu.<te du coni
(Areobindus?) L'autre, où M. H. de V. croit reconnaître un tra^i
o'HÎSTOIRfc ST DE I.tTTKRATURE 127
italien des premières années du xve siècle, est d'une grande finesse et
délicatement exécutée : c'est une sorte de bestiaire encadré dans une très
riche bordure,
Delisle (L.). — Le sacramentaire d'Autiin; p. i53-i63; pi. 2o-23.
— C'est un des plus curieux mss, de l'époque carolingienne; très impor-
tant pour deux raisons principales : l'exécution du milieu du ix* siècle
probablement, et la ressemblance avec la Bible de Charles le Chauve.
— Il est conservé au séminaire d'Autun. — L'auteur en donne une des-
cription savante, minutieuse et complète au point de vue de la peinture
et de la paléographie. Le ms. offre des exemples de toutes les écritures
des livres de luxe de l'époque. — Quatre belles planches reproduisent
quelques-uns des principaux spécimens. La pi. 22 notamment présente
une bordure de feuillages ornementaux qui est véritablement char-
mante.
Saint-Paul (Anthyme). — Notre-Dame d'Etampes; p. 21 1-223;
pi. 29-31. — Etude soignée non seulement de ce monument, de la
seconde moitié du xii^ siècle et de la première du xiii'', mais en général
des divers édifices anciens de la ville, plus l'église de Morigny, située à
quelques kilomètres. — L'auteur appelle à juste titre Tattention et la
curiosité des visiteurs sur une ville qui présente « un aperçu presque
complet du progrès de l'art de bâtir dans le domaine royal depuis Ro-
bert le Pieux jusqu'à Philippe-Auguste, m II a raison de fixer la con-
struction de la Tour Guinette au règne de Louis VI, quand la tradition
en fait honneur à Robert et les archéologues à Louis VII le Jeune.
Quant au clocher, où l'on peut bien hésiter un peu, je le rangerais
franchement dans le style roman pur, et parmi les dates proposées par
l'auteur j'accepte plutôt la dernière, 1 140. — Comparez surtout avec
le clocher de la Trinité de Vendôme, de la première moitié du xii*' siè-
cle, et avec le clocher vieux de Chartres, qui ne dépasse pas 1 170. — A
propos de ce charmant clocher de Notre-Dame, avec ses (juatre étages et
ses élégants clochetons à jour, à peu près la seule partie remarquable de
Téglise, dont le plan est bizarre et froid, M. Saint- Paul aurait pu citer
la cloche de 1401, donnée par le duc Jean de Berry, avec son inscrip-
tion. C'est une des plus vieilles cloches de France.
RuPRiCH-RoBERT. — Le chapiteau normand aux xi" et xn^ siècles ;
p. 286-299; pi. 39. — Cette étude est détachée du grand ouvrage de
Tauteur sur Tarchitecturc normande auxxi"^ et xn^ siècles en Noriiiandie
et en Angleterre, en cours de publication. — La théorie originale
qu'expose ici M, R.-R. est illustrée de trente-trois figures à Tappui. Sa
conclusion est celle-ci : on peut constater à l'époque romane deux cou-
rants, l'un d'Orient vers l'Occident, l'autre du Nord au Sud : 1° le cha-
piteau du xi'' siècle a conservé de l'art antique précédemment importé
les volutes et les feuilles de la corbeille, et pris son évasement en en-
corbellement et son tailloir à l'art byzantin ; 2° le chapiteau normand du
XTi^ siècle a pris sa forme dite cubique à la Scandinavie, sans en adopter
I 28 REVUE CRITIQUE
rornemenlation, et a emprunté comme le précédent sou encorbellement
et son tailloir à l'art byzantin ; il devient ensuite godronné. Enfin ce
chapiteau est une conception originale et toute spéciale au génie de la
race des Normands. — Tout cela me semble bien exclusif; les transfor-
mations dans des membres aussi constamment employés de la construc-
tion ne se font pas avec cette rigueur mathématique. L'observation
que l'on trouve des chapiteaux cubiques de bois dès l'an looo en Scan-
dinavie est très curieuse. Mais il ne s'ensuit pas : i° que là soit l'origine
exclusive du type cubique, sous prétexte qu'il est « la conséquence ab-
solument logique de Temploi du bois » ; 2° que ce même type soit venu
« se reproduire en pierre et s'acclimater » au Rhin, en Allemagne, dans
l'Est de la France, à Marmoutier, puis jusqu'en Italie, à Pavie, à Flo-
rence, à San Miniato ; sous prétexte « qu'on ne peut nier qu'il existe
un degré de parenté bien plus sensible entre tous ces chapiteaux et ceux
de la Norwège, qu'entre eux et ceux de la Syrie et de Byzance. 1^ —
Franchement la forme cubique n'a rien de si extraordinaire en soi
qu'on ne Tait pu inventer partout ailleurs qu'en Norvège. Passe encore
pour l'Angleterre et la Normandie, où l'influence du Nord peut s'ad-
mettre parfaitement. — La planche reproduit cinq colonnes de la crypte.
de Canterbury.
Lasteyrie (R, de). — Vierge en ivoire de la collection Bligny ;
p. 3oo-3o2 ; pi. 40-41. — Cette remarquable statuette de Vierge et
l'enfant, assise, est très-probablement un travail français du temps de
Philippe-le-Bel. La pose et les draperies sont élégantes et fines, mais
les figures déjà un peu maniérées.
Lasteyrie (R. de). — Vierge en bois sculpté provenant de Saint-
Martin des Champs (xii^ siècle); p. 317-324; pi. 42. — Cette statue de
i"45 de haut fut recueillie en 1792 au musée des Petits- Augustins, dit
des Monuments français, par Al. Lenoir. Lors de la dispersion du mu-
sée, elle fut portée directement à Saint-Denis où elle est encore, sur une
courte colonne à l'entrée du chœur, à droite. Sa conservation est re-
remarquable, ce qui est précieux pour l'étude de ce rare morceau du
xif siècle roman. Plus intéressante à ce point de vue que la vierge de
la collection Bligny, celle-ci est beaucoup moins belle et élevée comme
art : elle est franchement archaïque, bien qu'avec plus de vie et de na-
turel que dans beaucoup des sculptures qui nous restent de l'école ro-
mane. Ceci est dit surtout pour l'entant Jésus, dont le visage a une
certaine grâce. La Vierge est encore moins un type de beauté, et l'on a
quelque peine à trouver dans sa figure cette « noblesse, cette beauté
sévère et régulière qui en fait un morceau du plus grand style » et que
l'auteur signale avec admiration. — C'est peut-être aussi la faute de la
photographie qui a plongé dans une ombre très prononcée les trois
quarts du visage et qui surtout épaissit son dégagement sur le cou. —
La Vierge est assise dans un fauteuil massif, suivant un usage alors
constant, qui avait le tort d'exagérer encore la maigreur et la raideur
D HlSTOliUC Kl lit. Ll ITERAI UKli J 30
du personnage. — Malgré ces défauts qu'on ne peut essayer de nier, il
V a sans doute dans le type présenté ici un progrès réel, une tendance
caractéristique d'étude de la nature, qui lui assure un rang distingué
dans la sculpture du milieu du xn'^ siècle.
MoLiNiER (E.). — Quelques calices en filigrane de fabrication hon-
groise-, p. 348-351; pi. 47-4S. — La planche reproduit cinq calices,
tous de la lin du xv ou du commencement du xvi'' siècle, et des plus
remarquables. Il est surtout curieux d'y constater les types d'un genre
d'orfèvrerie qui est une industrie nationale chez les Magyars, l'orfèvre-
rie en filisrane. Les oièces données ici sont d'une finesse d'exécution
et d'une délicatesse e:ctrémcs. La forme du reste est à peu près la même
qu'en France.
MoLiNiKR (E.) — Une œuvre inédite de Liica délia Robbia. Le taber
nacle en marbre de l'église de Peretola près de Florence; p. 364-370;
pi. 49-5o. — C'est là une de ces sculptures du grand artiste dont on
avait complètement perdu la trace. Exécuté de 1441 à 1443 pour l'hô-
pital de Santa Maria Nuova à Florence, comme on le voit dans des
comptes publiés ici, le tabernacle dont il est question n'a été retrouvé
que depuis peu de temps. Il mesure 2'" 54 de haut sur i'" o5 de large.
On ne peut avoir eu la main plus heureuse : le monument est tout à
fait remarquable. Le bas-relief du tympan, au-dessus des deux grandes
figures, est en particulier une œuvre du sentiment le plus élevé. L'en-
cadrement architectural est également dans d'excellentes proportions.
— L'auteur a ajouté comme élément de comparaison une seconde plan-
che reproduisant le tombeau de Benozzo Federighi, évéque de Ficsole,
qui se trouve dans Téglise de S. Francesco di Paola, près de Florence.
H. DE Clrzon.
3o. — SlsSlïoj^rapJiîo «le l'Euipirt» I>yzniiiln, par Gustave ScHLCMUtiiUiEU,
avec iioo dessins par L. Dardcl. Public sous le patronnage de la Société de
l'Orient latin. Paris, Ernest Leroux, 18S4, in-4, vii-749 P^S^s
La magnifique publication dont nous venons de transcrire le titre est un
monument élevé à une science nouvelle dont on était bien loin, il y a
dix ans, de soupçonner l'importance et l'étendue. Le quatrième volume
du Corpus inscript ionuni graecariwi, édité par M, Kirchhoff, ne con-
tient que 70 sceaux byzantins (n°^ 8986-9056), imparfaitement repro-
duits et déchiffrés. Depuis l'achèvement du Corpus, on a publié en-
viron deux cents plombs byzantins dans difl'ércnts recueils; celui de
M. Schlumberger en contient près de trois mille. Ainsi le nombre des
documents de ce genre se trouve décuplé par le labeur d'un seul homme.
Mais la comparaison des chiffres ne donne encore qu'une idée impar-
faite de l'importance du progrès réalisé. Dans les publications précé
dentés, les légendes des sceaux étaient transcrites plus ou moins correc-
I :)0 KKVUh CKITlQl-'i-
tement, mais les fac-similés étaient médiocres ou faisaient complètement
défaut. M. S., grâce à l'habile crayon de M. Dardel, a pu faire graver
très exactement plus de mille sceaux, et les lectures qu'il en a données,
résultat d'une pratique de cinq ans, doivent être considérées comme
définitives dans l'immense majorité des cas. Ceux qui réussiront plus
tard à corriger quelques-unes de ses transcriptions ne le feront qu'en
s'inspirant de son exemple et des règles qu'il a été le premier à formuler.
Il est regrettable que M. S. n'ait pu joindre à son volume, comm.e l'a
fait par exemple M. Carapanos en publiant les plaques de plomb de
Dodone, quelques planches en héliogravure destinées à donner une idée
des difficultés souvent décourageantes que présente le déchiffrement des
sceaux. Le lecteur, à l'aspect des dessins de M. Dardel, qui sont déjà une
interprétation rendue possible par le déchiffrement des sceaux, peut se
faire illusion sur Paspect de ces petits monuments où toutes les lettres,
au premier abord, semblent identiques entre elles, où la multiplication
des sigles et des abréviations se joint à l'usure de la surface métallique
pour soumettre la patience de l'archéologue à une rude épreuve. Tous
ceux qui s'intéressent au moyen âge byzantin comprendront l'utilité de
ia publication de M. S., mais ceux-là seuls qui ont manié des sceaux et
les ont rejelés un à un comme indéchiffrables en apprécieront tout le
mérite.
Il y a une dizaine d'années, des travaux de voirie exécutés à Gon-
stantinople, notamment aux abords du Séraskiérat et sur le tracé du
chemin de fer d'Andrinople, mirent au jour plusieurs milliers de sceaux
qui, d'abord jetés dans le Bosphore avec les terres de déblais, furent
bientôt remarqués et recueillis par les marchands. M. Mordtmann, qui
est depuis longtemps comme le consul de Tarchéologie allemande à
Gonstantinople, en recueillit une importante collection, dont il a géné-
reusement permis à M. S. de tirer parti. En 1879, M. S. se rendit lui-
même sur les lieux et réussit à se former une collection personnelle qui
est incontestablement la plus riche de l'Europe. Depuis, M. Sorlin-
Dorigny à Gonstantinople, M. Lambros à Athènes, les musées d'Athè-
nes, de Berlin et de Londres ont acquis un certain nombre de sceaux
qui figurent égalemenf, pour la plupart, dans la publication de
M. Schlumberger. La Sigiîlog7'aphie de l'Empire by:[antin est donc
un véritable Corpus, où l'on trouvera, à côté d'un très grand nombre
de monuments inédits, la reproduction de tous ceux qui étaient connus
jusqu'à présent. M. S. a pourtant renoncé à publier plusieurs centaines
de sceaux, appartenant à sa collection ou à des collections étrangères,
parce que la lecture de leurs légendes ne lui paraissait pas assez cer-
taine. Le présent volume sera donc suivi de suppléments, dont les élé-
ments sont entre les mains de M. S., mais qu'il a sagement différé de
taire connaître jusqu'à ce qu'il pût les interpréter d'une manière com-
plète.
Dans une science aussi neuve que celle des plombs byzantins, il ne
O'HISTOIKfc: ET Di: HTTÉRATUKE l3l
suffisait pas de publier des fac-similés et des transcriptions, en laissant
au lecteur le soin de tirer des règles des matériaux accumulés qu'on lui
offrait. M. S. l'a compris, et il a consacré 93 pages de son livre à des
considérations générales qui seront, pour la Sigillographie byzantine, ce
que les Elementa de Franz ont été pour lépigraphie grecque il y a un
demi-siècle. Les questions relatives à la fabrication des sceaux, aux re-
présentations figurées qu'ils portent, à la classification des légendes,
aux abréviations et aux sigles, sont traitées avec détail et éclairées par
de nombreux exemples. Nous regrettons seulement, dans ces prolégo-
mènes si bien conçus, l'absence d'un tableau des variations orthogra-
phiques; comme un grand nombre de sceaux peuvent être datés, on
aurait là des témoignages intéressants pour l'histoire de la prononcia-
tion byzantine.
Les représentations figurées des sceaux sont d'une grande importance
pour l'histoire de l'art, en particulier pour l'iconographie religieuse; les
effigies de la Vierge, du Christ et des saints affectent, suivant les épo-
ques, des aspects très différents, qui permettent de remonter aux types
graphiques ou plastiques dont les graveurs des plombs se sont inspirés.
Mais le grand intérêt des sceaux réside dans leurs légendes, qui en font
de véritables documents historiques et comme une illustration perpé-
tuelle aux ouvrages où Codinus et le Porphyrogénète ont minutieuse-
ment énuméré les fonctions de la hiérarchie byzantine. 11 n'est guère
de fonctionnaire, militaire, civil ou religieux, deouis le Basileus jus-
qu'aux higoumènes et aux moines, dont on ne possède des sceaux, et
ces monuments font même connaître quelques dignités ou fonctions
dont les historiens n'ont pas conservé le souvenir. Les sceaux géogra-
phiques forment aussi une série très nombreuse, féconde en renseigne-
ments sur les noms des éparchies, des thèmes, des villes, des évéchés,
des monastères, des églises; on pourrait, à l'aide des indications qu'ils
fournissent, et que M. S. a relevées avec grand soin, commenter pas à
pas le livre des Thèmes de Constantin Porphyrogénète. Les plombs de
Constantinople, que M. S. propose d'appeler topographiques ^ forment
une classe à part et déjà considérable; ce sont les sceaux des fonction-
naires du palais, des églises, des couvents, des hôpitaux de la capitale,
sur lesquels sont inscrits les noms de ces monuments. Enfin, un très
grand nombre de sceaux se rapportent soit à des personnages histori-
ques, soit aux membres des grandes familles byzantines, tant de Con-
stantinople que des provinces.
Les légendes, au point de vue de la forme, se divisent en trois classes.
Dans les neuf dixièmes des cas, la formule est une invocation : K'jp-.e
(OîCToy.s) ^oy;Oî'. -m gG> Bo6).(i) tw Cctv. (y.cupâTwp'., cTpaTr^vÇ), ;j.ova/o>, etc.)
Plus rarement, c'est le sceau qui déclare lui-même le nom de son pro-
priétaire : la plupart des légendes de cette classe se composent d'un ou
deux trimètres iambiques : Toj riaTC'.y.îcj BipBa toj Hcs'.aîvou | Ac^cov
c';j.( 7.aeI;, ÔETTâ/.wv z-^x-r{-(i-yj. (Sigillogr. by{. p. 54). C^s deux types
l32 REVUE CRITIQUE
présentent naturellement beaucoup de variétés. Souvent encore, on ne
trouve que rindication du prénom, du nom et de la fonction du titu-
laire, généralement au génitif, avec l'ellipse de cypà^c.q. Enfin, un cer-
tain nombre de légendes ne rentrent dans aucune des précédentes séries
ou se composent uniquement de monogrammes dont le déchiffrement
est très dffïicile.
M. S. a classé les sceaux recueillis par lui en cinq grandes divisions :
1° série géographique ; sceau de fonctionnaires de thèmes et de titu-
laires de sièges ecclésiastiques; 2° l'armée; sceaux de fonctionnaires
et d''officiers militaires; 3° le clergé; sceaux de membres du clergé ci
de religieux; 4° titres, fonctions, dignités ; sceaux impériaux, sceaux
princiers, sceaux de fonctionnaires, titulaires et dignitaires d"ordre civil;
5° les familles byzantines; sceaux dits patronymiques, portant des
noms de familles byzantines. Chacune de ces classes contient un grand
nombre de subdivisions entre lesquelles on pourra répartir, à l'avenir,
tous les sceaux encore inédits ou qui restent à exhumer. Si le Corpus
définitif n'existe pas encore, du moins M. S. nous en a donné le cadre
et en a réuni les éléments les plus importants. Aussi la sigillographie
byzantine, dont le nom paraissait à peine il y a cinq ans, est-elle aujour-
d'hui une science établie sur des bases solides, le chapitre le mieux connu
peut-être de Tarchéologie grecque du moyen âge. L'honneur en revient
presque entièrement à M. S., qui doit s^estimer récompensé de son travail.
L'impression qui résulte de ces documents sillographiques n'est guère
favorable, il faut l'avouer, à la civilisation complexe et formaliste de
Byzance, où la multiplicité des rouages tenait lieu de la chaleur et de la
vie. M. S., comme tous les byzantinistes, a cru nécessaire, à plusieurs
reprises, d'accuser Tinjustice des savants modernes à l'égard du moyen
âge byzantin. En vérité, la réhabilitation ou la condamnation d'une
époque sont affaire d'appréciation personnelle, mais l'histoire n'a pas
le droit d'être dédaigneuse, parce qu'elle aie devoir de connaître et non
celui de juger. Il faut savoir gré aux savants qui abordent courageu-
sement l'étude d'une époque où il n'y a de beauté ni dans la littérature
ni dans l'art. Le service qu'ils rendent est d'autant plus appréciable que
l'on eût trouvé moins d'hommes disposés à se charger de leur tâche.
Mais, tout en comptant que M. Schlumberger continuera l'œuvre qu'il
a si bien commencée, nous voulons espérer pour lui comme pour nous
qu'il fera paraître un jour sur un terrain moins ingrat ses rares qua-
lités de finesse et de pénétration.
L'exécution matérielle du livre est très soignée et très élégante; on
peut regretter seulement que le papier soit trop fort, ce qui rend le vo-
lume un peu lourd et difficile à manier. Nous réunissons en note quel-
ques observations de détail que nous a suggérées une première lecture et
dont l'auteur pourra tirer parti dans le supplément qu'il nous promet '.
Salomon Reinach.
1. M. S. indique quelquefois, u'après MM. Frœhner ou Mordtmann, que les lé-
gendes des sceaux sont en vers : il aurait i'alhi signaler ce détail partout on ne le
OHISIOIRK KT DE Ll ÏTER ATUHh l33
3i. — Molière, Les Précieuses ridicules, nouvelle édition conforme à l'édi-
tion originale avec les variantes, une notice sur la pièce, le sommaire de Voltaire,
un appendice et un commentaire historique, philologique et littéraire, par Gus-
tave Larroumet, docteur es lettres, lauréat de l'Académie française, professeur de
rhétorique au lycée Henri IV. Paris, Garnier frères, 1884. In-8, 217 pages, vi,
avec un fac-similé héliog. de la carte de Tendre.
Cette nouvelle édition destinée aux candidats à la licence reproduit,
sauf quelques changements purements typographiques, le texte de l'é-
dition princeps et jusqu'à la ponctuation dramatique de l'auteur. Elle
n'indique d'autres variantes que celles qui ont quelque intérêt et ren-
ferme d'utiles remarques grammaticales tirées, pour la plupart, des
grammaires de Vaugelas et de M. Chassang. M. Larroumet fait de très
bonnes observations sur la langue des Précieuses et cite les expressions
relevées par Somaize, Son commentaire surpasse en abondance toutes
les éditions que nous connaissons; d'un bout à l'autre il témoigne d'une
lecture étendue, d'un soin consciencieux, d'une critique Judicieuse
et fine.
On retrouve les mêmes qualités dans la notice historique qui sert
d'introduction. Après avoir recueifli les documents relatifs aux pre-
mières représentations de la pièce de Molière, M, Larroumet fait l'his-
toire de la société précieuse, en rappelle les dates et les faits principaux.
Quoique rapide, cette histoire est très complète et écrite sans parti pris.
L'auteur a tiré grand profit des travaux de ses prédécesseurs et a habi-
lement réuni « les résultats les plus nets des travaux accumulés en
grand nombre par la critique historique et littéraire » ; mais il n'a pas
signaler nulle part. La légende du n" 55 (p. 5i) se compose de trimètres iambiques;
il en est de même des nos 58 (même page), 2 et 6 (p. 52), 7 (p. 53), i3 (p. 54), etc.
Les mots cxé^rotç, ^Xéiro), ttÉXo) appartiennent exclusivement à des légendes ver-
sifiées. — P. 5b, note i. 'ATîOT'Jvy^avEiv ty;ç èXTTÎOO? signifie « être frustré dans
son espérance» et non « mourir ». Le sens est probablement : « Théotokos, celui
qui met son espoir en toi ne sera pas trompé. » — P. 108, M. S. admet, d'après
M. Rambaud, que le thème du Strymon ne s'étendait pas jusqu'à la mer. Je crois
le contraire prouvé par une inscription de Cavalla (Christopolis), que j'ai publiée
dans le Bulletin de Correspondance Hellénique, VI, p. 268. Ce texte rappelle la re-
construction des murs de Cavalla. l'une des places forte de la mer Egée, par Basile
Cladon, stretégète du Strymon, en 926 ap. J.-C. Ce petit thème était un comman-
dement militaire qui paraît avoir été placé sous les ordres d'un stratégète. — P. 197.
Ce n'est pas la première fois, comme le croit M. S., que l'on trouve le nom de THel-
lespont sur un monument épigraphique ; v, C. L G. 2374, 6855 rf B; C. LA. I,
37, 87. L'auteur a peut-être voulu écrire sur un document sigillographique, auquel
cas la remarque ne méritait pas d'être faite. — P. 55g. Le titre ot ïrX Twv ozwv pa-
raît être synonyme de celui d' Ituct:-:?;? (p. 5x3). — P. 575. Le 7:povoY]rr;ç se ren-
contre déjà dans une inscription d'Um ez Zeitun en Palestine, datant du commen-
cement de l'époque byzantine (C. I. G. 45qi).
P. (j.lÀxe. publié. — P. 10. Ce n'est que par hyberbole que l'on peut parler de
centaines de mille d'anses d'amphores avec noms de potiers. — P. 3o. Lire d et non
oh! — P. 146, n'= 2, lire 0lX0v6[X0V*
I 34 REVUK CRITIQUE
négligé de consulter les œuvres des contemporains et est toujours re-
monté aux sources.
La grande question, c'est le but que se proposait Molière en écrivant
sa pièce. On connaît la théorie de Rœderer et de Victor Cousin, nou-
vellement reprise et défendue avec beaucoup d''érudition par M. Livet
dans sa nouvelle édition des Précieuses ridicules (Paris, Dupont, 1884).
Nous accordons volontiers à M. Livet que Molière ne pouvait s'em-
pêcher de donner quelquefois dans le « style précieux » (opposé par
M. Livet au langage précieux), qu'il y avait des Précieuses qui n'é-
taient pas ridicules et qu'on ne trouve pas dans les lettres de Balzac, de
de Voiture, de Sarrazin, etc., « une langue semblable au sot langage de
Cathos et de Madeion », enfin que M'^" de Scudéry elle-même sait fort
bien reconnaître la Précieuse véritable et ridicule en traçant les por-
traits de Sapho et de Damophile. Mais toutes les explications de M. Li-
vet ne pourront nous persuader que Molière se soit allié à M"« de Scudéry
« pour toucher du doigt le ridicule d'un savoir affecté » (p. xix) ; qu'il
ait sciemment propagé la langue nouvelle des Précieuses (p. xl) ; que
les Précieuses ridicules n'aient été que des bourgeoises (p. vu), enfin
que le poète ait seulement voulu se moquer de « pecques provinciales ».
Le Grand Cyrus et la Carte de Tendre ne figurent pas en vain dans
la pièce de Molière; il est évident que le grand comique a voulu tout
simplement se moquer de la Reine de Tendre, de Sapho-Scudéry.
Aussi M. Larroumet a-t-il raison de dire que la thèse de M. Livet
n'est guère acceptable. « Molière visait nettement M"^ de Scudéry et son
cercle (p. 34), « où M. Livet voit une question de catégories sociales,
(p. 74), nous voyons surtout une question de dates et d'époques diffé-
rentes. »
Mais nous nous étonnons que M. Larroumet se rallie aux défenseurs
de la société précieuse, « qui afïirment que la pièce ne visait pas l'hôtel
de Rambouillet lui-même >:■ (p. 32). Voilà une thèse qu'il serait, à notre
avis, difficile de prouver, et les preuves alléguées par M. Larroumet ne
nous paraissent guère concluantes. « D'abord on n'attaque que ce qui
existe, et en lôSg l'hôtel de Rambouillet proprement dit n'existait
plus » (p. 32). Nous comprenons la distinction, mais elle est bien sub-
tile; car on lit à la page suivante (p. 33) ce mot bien connu de Ménage
que « tout le cabinet de l'hôtel de Rambouillet » assistait à la première
représentation. Il faut donc qu'il ait encore existé. Que Molière n'ait
pas visé la marquise elle même, soit; mais peut-on dire avec M. Lar-
roumet que ". ce qui est hors de doute, c'est la faveur avec laquelle
M™" de Rambouillet et ses amis accueillirent la mordante satire »
(p. 34)? Ce qui, selon nous, est hors de doute, c'est que « les sottises
qui viennent d'être critiquées si finement » — pour employer les pro-
pres paroles de Ménage — ne sont autres que les sottises de Rambouil-
let, et en cela nous partageons l'opinion de Despois.
Voilà les légères critiques que nous suggère le premier chapitre de
d'hISTOIRK et DR LITTÉRATURE î35
rintroduction de M. Larroumet ; mais les autres chapitres ne sont ni moins
intéressants, ni moins complets. Le deuxième est consacré à Somaize et
aux attaques antérieurement dirigées contre les précieux (Sorel, d'Aubi-
gné, Scarron, dWubignac, Saint-Evremond, Gnappuzeau, et surtout de
Pure et son roman). Le troisième, Les Précieuses ridicules au théâtre,
nous fait connaître les acteurs et actrices qui jouèrent avec succès les
rôles delà pièce. Nous approuvons M. Larroumet de blâmer (p- 65-67)
les suppressions traditionnelles qui nuisent, en effet, à l'intelligence du
texte et on ne peut que louer ses remarques au sujet des costumes
(p. 67-68). Le quatrième et dernier chapitre. Bibliographie des Pré-
cieuses ridicules, donne une liste raisonnée àts orincioales éditions de
la pièce. En somme on ne saurait assez recommander cette excellente
édition à tous les érudits.
W. Mangold.
32. — Dîctîonnaîi'e fr^ançaîs-alleîsisinci et «ISemand-françaîs, par M. A.
Thibaut. 104^ édition, revue et corrigée. Un volume in-4, 994 pp. — Brunswick,
Westermann, 1884. Prix, relié: 10 fr.
La première édition de ce livre a paru il y a un siècle; il a subi dans
ses éditions subséquentes des transformations continuelles et importan-
tes, et a pu se maintenir ainsi avantageusement à côté des autres dic-
tionnaires. Cette nouvelle édition donne Porthographe la plus récente
de l'Académie, ainsi que la nouvelle orthographe officielle pour l'alle-
mand. De plus, elle est augmentée et sensiblement améliorée. Ainsi,
parmi tous les dictionnaires, il est à notre connaissance le seul qui
donne pour le mot bonde franchement la signification actuelle de
« Zapfen », à côté de l'ancienne, qui était « trou de bonde ». En
revanche, il oublie encore, comme tous ses confrères, le verbe écoper
(herausschnpfen, herausschaufeln) , quoiqu'il donne comme eux le
substantif correspondant écope. Encore comme tous les autres, il
oublie le mot très usité plumier^ appelé Federschachtel dans le sud,
et Federkasten dans le nord de l'Allemagne : c'est la « boite », par
opposition à a Fétui », appelé Federrohr : ce mot manque dans la
deuxième partie, ainsi que Kiel/eder (antonyme de Stahlfeder), tous
deux très usités. Spundloch est rendu par les deux deux mots bondon,
bonde : il faut les remplacer par « trou de bonde ». Federdecke se dit
édredon, et non plumeau, ni plumon : ce dernier est un provincialisme
de l'est, qui devrait enfin disparaître des dictionnaires. A côté de la
forme voussoyer, il fallait citer vousvoyer, plus usitée et correspondant
phonétiquement mieux à tutoyer.
L'exécution typographique est admirable et !e prix d'un bon marché
inouï.
A. B.
l35 RKVUK CRITIQUE
VARIÉTÉS
Isaac de la Peyi-ère et sa famille.
Quand Je publiai Quelques lettres inédites d'Isaac de la Peyrère à
Boulliau (no 2 des Plaquettes gontaudaises, Paris et Bordeaux, 1878),
je trouvai bien peu de renseignements sur l'auteur des Préadamites et
sur sa famille dans nos divers recueils biographiques, même dans la
France protestante. Aussi, en terminant ma notice sur l'écrivain bor-
delais, exprimai-je le vœu qu'un autre chercheur, ^/î« /zewreziA:, 5znoK
plus \élé, mît la main sur des documents qui vinssent compléter cette
notice. Le chercheur que j'appelais, j'ai Thonneur de le présenter aux
lecteurs de la Revue critique : c'est M. A, Communay, celui-là même
qui m'avait fourni la petite chanson du xvi^ siècle imprimée ici, et qui,
continuant ses recherches dans les registres des notaires bordelais conser-
vés aux Archives départementales de la Gironde, a pu reconstituer,
pour le plus grand profit des biographes futurs, et notamment du
nouvel et si vaillant éditeur de la France protestante, le tableau com-
plet de la famille d'Isaac, tableau comprenant : 1° son père, Bernard ;
2" sa mère, Marthe de Malet; 3° sa femme, Suzanne de Petit; 4° ses
trois frères, Abraham ', Jean, Joseph; 5° ses quatre sœurs, Marthe.,
Anne, Marie et Jeanne. Après avoir adressé à l'excellent travailleur
toutes mes félicitations, tous mes remerciements et tous mes vœux, je
reproduis le résumé de ses intrépides déchiffrements.
Ph. Tamizey de Larroque.
Notes généalogiques sur les Lapeyrère.
M. M'^ Bernard de Lapeyrère, d'abord secrétaire du maréchal de Ma-
tignon, fut pourvu vers 1600 d'une charge de conseiller du roi, contrô-
leur triennal et provincial de l'extraordinaire des guerres en Guyenne.
Bernard fit son testament olographe le 29 décembre i63o (Grenier,
notaire à Bordeaux) et mourut en cette ville au mois d'août 1642 ^ —
De son mariage avec demoiselle Marthe de Malet ^, contracié le 19 jan-
vier 1595 (Sonet, notaire à Bordeaux) il eut neuf enfants;
1° Izaac de Lapeyrère, avocat au parlement de Bordeaux, qui le
10 novembre 1624 (Brandalas, notaire à Montauban) épousa demoiselle
1. Quelques biographes, et, parmi eux, les auteurs du Dictionnaire dit de Moréri
avaient cru pouvoir affirmer que le jurisconsulte Abraham de la Peyrère était seule-
ment ^i.i/-eHif du bibliothécaire du prince de Condé.
2. 11 était fils de Jacques de Lapeyrère et de demoiselle Daliès.
3. Fille d'un trésorier général des hnances de la maison de Navarre. Dans son
testament B. de Lapeyrère déclare que sa femme et lui professent la religion ré-
formée.
d'histoire E'I OU. t.IirÉKAIUKB 1 37
Suzanne de Petit, laquelle lui porta en dot le fief de Clairac '. C'est
seulement à partir de 1647, que Izaac, né en iSgô, est qualifié gentil-
homme ordinaire du prince de Condé ;
30 Jacob de Lapeyrère, conseiller du roi et contrôleur des guerres en
Guyenne, mort, sans alliance, à Bordeaux, en 1646, après avoir insti-
tué son frère Abraham pour héritier de tous ses biens;
3° Abraham de Lapeyrère, avocat au parlement de Bordeaux, né dans
cette ville, en iSgS, mort sans enfant de demoiselle Marguerite Daris-
con % le 1 1 avril 1680. Il est Fauteur des Décisions sommaires du
Parlement de Bordeaux ;
4° Jean de Lapeyrère, avocat au parlement de Bordeaux, marié à
Jeanne de Borcas;
5° Joseph de Lapeyrère, qui fut également conseiller du roi et contrô-
leur des guerres en Guyenne et depuis capitaine d'une compagnie de
gens de pied au régiment du cardinal Mazarin;
6'' Marthe, femme de François Joly, seigneur de Saint-Eugène, con-
seiller secrétaire du roi ;
7° Anne, alliée à M. M® Jean de Mazelières, avocat au parlement de
Bordeaux;
8° Marie, morte sans alliance;
9° Jeanne, mariée à Etienne de Maniald, aussi avocat au parlement
de Bordeaux 3.
A. COMMUNAY.
1. Izaac est, dans son contrat de mariage, qualifié docteur et avocat en la cour du
parlement de Bordeaux.
2. Marguerite Dariscon appartenait à une vieille famille gontaudaise. Dans la pre-
mière moitié du xvm"= siècle, « noble Jean-Pierre Dariscon, écuyer » épousa Mar-
guerite Tamizey, laquelle était sœur d'Antoine Tamizey sieur de Larroque, bisaïeul
de celui qui écrit cette note. (T. de L.)
3. En février et avril 1643, Izaac de Lapeyière était à Bordeaux où il assista et
signa aux contrats de mariage de ses sœurs Anne et Jeanne. Le 12 juin 1644, il fit
donation à son frère Jean de la métairie appelée du Coudroy, sise en la paroisse
de Martillac, mais spécifia que cette maison avait été pillée et incendiée lors des
guerres de Bordeaulx et que les meubles et bestiaux avaient été enlevés. Le 4 avril
167(5, Jean de Lapeyrère se présenta devant Cazenove, notaire à Bordeaux, et dé-
clara que son frère aîné Izaac était décédé à Aubervilliers le 3o janvier précédent,
dans une des chambres du couvent des Révérends Père de l'Oratoire; que, quoique
institué héritier général de son frère, suivant un testament souscrit le 23 avril 1676
devant Lebeur, tabellion dudit Aubervilliers, il ne consent à accepter cet héritage
que sous bénéfice d'inventaire, Izaac étant mort chargé de beaucoup de deUes consi-
dérables. En conséquence il requiert ledit notaire de retenir acte de sa protestation
et lui remet l'inventaire dressé par le R. P. Supérieur dudit Oratoire, des meubles,
argent et autrc:i effets trouvés dans ladite chambre mortuaire.
REVUE CRITIQUE
CHRONIQUE
FRANCE. — M. Bahbier de Meynard, qui, ainsi que nous l'avons déjà annoncé,
a quitté la chaire de persan au Collège de France pour celle d'arabe, a fait lundi 2 fé-
vrier sa leçon d'ouverture. Après un hommage ému à la mémoire de son prédéces-
seur dans cette chaire, qui avait été son élève, M. Guyard, il a exposé à grands
traits l'histoire des éléments étrangers dans la civilisation des Arabes, leur religion
et leur philosophie.
— M. Salomon Rein.\ch a fait paraître à la librairie Klincksiec!; (in-8°, 86 p., avec
portrait), uns Notice biographique sttr Charles-Joseph Tissât ; on Wra avec le plus
vif intérêt cette biographie d'un des hommes les plus éminents de notre époque, un
des meilleurs serviteurs de son pa3's, dit M. S. Reinach, et le maître de l'archéolo-
gie africaine.
— Nous avons dit dans notre analyse delà brochure de M. Tajiiziîy de Larroque
sur le cardinal Bichi que ce fascicule était le Vile des Correspondants de Peiresc;
c'est en réalité leYIII ; les sept premiers fascicules sont les suivants: I. Dubernard.
II. César Nostradamiis. III. J. Bouchard. IV. Joseph Gaultier^ prieur de la Valette.
V. Claude de Saumaise. VI. Baltha^ar de Vias. VII. Gabriel de Laiibespine, évêque
d'Orléans.
— M. Charles JoRET, professeur à la Faculté des lettres d'Aix, membre de la So-
ciété des Antiquaires de Normandie, a fait tirer à part (Léopold Cerf, in-8°, 3i p.,
I fr. 5o), la conférence qu'il a faite au cercle Saint-Simon le 25 octobre 1884 sur la
Crise agricole en Normandie.
— M. Clermont-Ganneau, directeur adjoint à l'Ecole pratique des Hautes-Etudes,
fait, à partir du 14 février, en dehors de sa conférence d'archéologie orientale du
lundi, une seconde conférence spécialement consacrée à l'archéologie juive, les sa-
medis à trois heures et demie.
— La Bibliothèque Mazarine possède un manuscrit du P. Dan (i 580-1649), supérieur
de l'Ordre de la T. S. Trinité pour la rédemption des Captifs. Ce manuscrit porte
pour titre : Les Illustres Captifs, et renferme de très curieux et très instructifs
récits sur l'histoire de l'esclavage en Alger; si le style est diffus, si les naïvetés ne
font pas défaut, les documents abondent, et ils sont d'autant plus importants que
le P. Dan était très bien renseigné; il avait séjourné quelque temps à Alger; il avait
soigneusement recueilli les informations que lui adressaient les religieux de son or-
dre envoyés sur les côtes de Barbarie pour racheter les prisonniers. Malheureuse-
ment la lecture de ce manuscrit est fort difficile; le P. Dan écrit terriblement mal;
il ignore absolument la ponctuation, il accumule les fautes d'orthographe et les
abréviations. M. H. D. de Grammont vient de donner une description complète de
ce manuscrit, grâce à laquelle on aura une idée exacte du iravail du P. Dan; il re-
produit les titres des six livres des Illustres Captifs et de leurs nombreux chapitres
(le Trinitaire traite successivement des chrétiens pris en guerre, de ceux qui furent
pris en mer, des captifs qui furent miraculeusement délivrés ou se sauvèrent a par
industrie », des chrétiens qui sont morts en captivité, des renégats qui se sont re-
pentis et « reconciliés à la religion chrétienne », des femmes qui ont été captives).
A la suite de cette minutieuse description qui facilitera les recherches de tous ceux
qui s'occupent des études algériennes, un collaborateur de M. H. D. de Grammont,
M. L. PiESSE, a transcrit quelques-uns Jes chapitres du manuscrit du P. Dan qui se
rapportent le plus directement à l'histoire des Pays Earbaresqucs : ce sont les cha-
D HISTOIRE El DE LIXIKKA i URSi î Sq
pitres concernant Pierre Gilles, bibliothécaire de François l"; Melchior Guillandin,
professeur de médecine à l'Université de Padoue ; Caraciol, évéque de Catane; le
jésuite Sébastien del Campo; Haëdo, l'abbé de Fromesta et auteur de la Topogra-
phie d'Alger: Guillaume Maran, docteur de l'Université de Toulouse; Mascarenas,
gouverneur de Mazagan; Antoine de Govea ; Jean le Voisin; Claude Sisteron ; Do-
minique de Gourgue, « capitaine de grande réputation»; le capucin Machaire;
Charles du Laurier, seigneur de l'Espine, né « en cette belle province des Gaules qui
se pique bien fort de vaillance, je veux dire la Gu)enne ». Le seul exposé de ces
noms suffit à montrer que M. Piesse a su faire un h^rureux choix parmi les « per-
sonnes notables » dont le P. Dan a retracé les aventures, ei on ne peut que lui sa-
voir le plus grand gré, ainsi qu'à M. H. D. de Grammont. d'avoir fait connaître en
détail le précieux manuscrit du Trinitaire et d'en avoir tiré les notices les plus inté-
ressantes. Le volume est intitulé Les Illustres Captifs, manuscrit du P. Dan, analysé
par MM. L. Piesse et H. D. de Grammont; il a paru à Alger, chez Jourdan. (In-8",
83 p.).
— Un concours littéraire avait été ouvert l'an passé entre les étudiants de la Fa-
culté des lettres de Poitiers ; le sujet du concours était le suivant : exposer et discu-
ter, en s'appuyant sur les textes et les témoignages originaux, les causes sociales,
politiques et littéraires qui ont empêché à Rome le développem^^nt d'un théâtre na-
tional. Deux mémoires ont été couronnés : l'un, de M. Vessereau, boursier d'agré-
gation, l'autre, de M. Ey.mard, étudiant libre.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 6 février iSS^.
L'Académie procède à l'élection d'un membre ordinaire en remplacement de
M. Louis Quicherat. Deux tours de scrutin ont lieu et donnent le résultat suivant :
1^'" tour. a"* tour.
MM. Abel Bergai^no ii 27
Léon Gautier 8 3
Héron de Villefosse. 7 a
Auguste Longnon b »
32 32
M. Bergaigne est élu. L'élection sera soumise i\ l'approbation de M. le président
de la République.
L'Académie décide qu'il y a lieu de pourvoir à la place de membre libre laissée
vacante par la mort de M. Frédéric Baudry. L'examen des titres des candidats est
fixé au 27 février.
L'Académie procède au renouvellement de la commission des impressions. Sont
élus membres de cette commission MM. Delisle, Miller, Hauréau, Jules Girard et
Barbier de Meynard.
M. Desjardins communique une note qui lui a été transmise par M. Ch. Joyant,
ingénieur en chct à la compagnie du chemin de fer de l'Est, sur un groupe romain
trouvé dans les travaux du chemin de fer, près de Naix (N'asium', entre les stations
de Ménaucourt et de Tréveray. Ce groupe se compose d'une figure de divinité fémi-
nine, assise, vêiue d'une longue tunique qui descend jusqu'aux pieds, avec des
m^anches courtes et une ceinture, et de deux enfants debout à ses côtés, également
vêtus de tuniques. Les têtes des enfants sont cassées La déesse tient des fruits dans
son giron ; un petit chien est placé entre ses pieds. M. Desjardins reconnaît dans
cette figure la déesse Nelialennia, dont il a parlé dans sa Géographie de la Gaule à
l époque romaine, t. I, p. 396.
M. Barbier de Meynard dépose, de la part de M. Spiro, professeur au collège
Sadi.ki, à Tunis, une collection de vingt-deux estampages d'inscriptions phéni-
140 REVUE CRITIQUE D HTSTOIRE ET DE LITTERATURE
ciennes. M. Spiro a joint à son envoi un mémoire dans lequel il a donné la tran-
scription hébraïque et la traduction des inscriptions.
M. P.-Charles Robert présente à l'Académie, de la part de M. Maxe-Werly, une
bague d'or, octogone, de petit diamètre, trouvée, dit-on, dans un de nos départe-
ments de l'Est. Cette bague est de l'époque romaine, mais elle porte une inscription
eaùloise, ainsi conçue :
ADIA I NTVN I NENl | EXVE | RTIN | INAP | PISET | V
M. Maxe-Werly rapproche le mot adiantvnneni, qui occupe les troi spremières faces,
à'Adietiianus, inscrit sur une monnaie gauloise, et d'Adiantuniius, dérivé lui-même
d'Adiaiito. dont le datii, Adiantoni, se retrouve, si l'on s'en rapporte à Creuly, sur
une stèle découverte à Aoste. Il remarque en outre que, sur la quatrième face, les
lettres qui suivent ex semblent être liées; on aurait donc Exuterti ou même Exu-
nerti, qui se rapprocherait d'Esunerlus, donné par un monument trouvé dans les
environs de Genève lOrelli, 298). Il reconnaît toutefois que ex pour es ne serait pas
très correct et que I'n serait retournée. Il admettrait alors ex vertini, à rapprocher
du nom connu Vertico. 11 ne fait aucune hypothèse sur le sens des lettres suivantes;
toutefois, si setv ne se trouvait pas réuni dans divers textes au nom connu Bogios
ou Bokios, il serait disposé à trouver dans la finale de l'inscription un verbe à la
troisième personne du singulier du prétérit, comme iewii, kaniitii. Mais il reconnaît
qu'il faudrait alors un nominatif, qui paraît ne pas se trouver dans le texte.
M. d'Arbois de Jubainville propose d'expliquer l'inscription ainsi : adiantvnneni,
datif d'Adiantunnena, nom de femme (la bague paraît trop petite pour avoir appar-
tenu à un homme) ; exvertinappi, génitif d'un nom d'homme, qui serait celui du
père d'Adiantunnena; setv, nom du donateur, au nominatif. « Setu (a donné cette
bague) à Adianiunnena, (fille) d'Exvertinappius. » On trouve dans Exvertinappius
le préfixe ex et la racine vert; Setu serait le nominatif singulier d'un nom propre
gaulois qui fait Setunos au génitif et qu'on latiniserait en écrivant Seto, Seioiiis
(comp. le nom gaulois Seiubogius.)
Ouvrages présentés : — par M. Desjardins : Tissot (Charles), Fastes de la province
romaine d'Afrique; — par M. Deloche : Nevnarck (Alfred), Turgot et ses doctrines ;
— par M. Oppert : Pognon (Henri), Inscription de Nerou-Nerar, roi d'Assj-rie;
— par M. P.-Ch. Robert : Evans (John), a Gold Solidus of Louis le Débonnaire
(extrait du Numismaiic Chronicle, 1884).
Julien Havet.
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du 21 janvier 188 5.
présidence DE M.COURAJOD
Lecture est donnée de deux lettres par lesquelles la Société libre d'agriculture des
sciences, des arts et des belles-lettres du département de TEure, et la Société algé-
rienne déclarent adhérer au vœu formulé par la Société des Antiquaires de Frairce
pour la conservation des monuments anciens.
M. Berthelet est élu membre correspondant à Arlay (Jura).
M. Mowat donne suite à sa précédente communication sur les groupes statuaires
qui représentent un cavalier romain foulant aux pieds de son cheval un ennemi ter-
rassé; il signale, dans les papiers de Pereyse, conservés à la Bibliothèque nationale,
un passage concernant une mosaïque de Riez, dans laquelle le même sujet se trou-
vait figuré et accompagné de deux vers hexamètres léonins relatifs au baptême de
Constantin.
M. Mûntz dit qu'il est question du même monument dans une autre lettre de Pey-
rese, celte-ci publiée dans les Annales encyclopédiques de Millin,
M. l'abbé Thedenat fait quelques observations relatives aux milliaires de Constan-
tine, sur lesquelles la mention de Maximien Hercule a été martelée. Il constate que
la restitution M. Aurelii Valerii Maximiani nepoti, proposée il y a quelques années
par M. Allmer, et dans son travail récent par M. Révillat, pour rétablir les lignes
martelées est pleinement confirmée par les milliaires de Cabasse (Var) et par un au-
tre milliairedu musée de Vienne (Isère), sous le martelage desquels on retrouve des
restes de l'inscription primitive. Il donne un texte rectifié de ces deux milliaires et
termine en adhérant à l'opinion de M. Alliner, qui croit que l'ordre de marteler fut
donné par Constantin, au plus tard en l'an 3 10.
Le Secrétaire,
Signé : R, Mowat.
Erratum, p. 66, 1. 10 (art. de M. E. Picot), « des trois diocèses aujourd'hui ad-
ministrés par l'évêque de Langres », lisez d'Autun.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
ï,e Puv. imprimerie de Marchessou fils^ boulevard Saint-Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 8 — 23 février - 1885
Sommaire s 33. Voigt, Les Douze Tables. — Variétés : Gazier, L'abbé de
Prades, Voltaire et Frédéric II, d'après des documents inédits, dont une lettre
de Voltaire. — Thèses de doctorat : Lévy-Brûhl, Le Dieu de Sénèque et l'idée
de responsabilité. — Chronique. — Académie des Inscriptions. — Société des
Antiquaires de France.
33. — Moritz Voigt. Oie XH Xafeln. Geschichte und system des civil-und
criminal-rechtes, wie -processes der XII Tafeln nebst deren fragmenten. Leipzig,
Liebeskind, i883. i vol, in-8 de 859 et 843 p.
Les deux volumes, consacrés par M. Voigt à la loi des Douze Tables,
contiennent, le premier, l'histoire et les principes généraux de la loi; le
second, l'exposé du droit civil et du droit criminel aux premiers siècles
de la République. C'est la première partie dMne histoire générale du
droit privé des Romains. A ce seul titre, Touvrage de M. V. mérite
d'être accueilli favorablement.
Malgré les nombreux travaux dont le droit romain a été l'objet de-
puis le moyen âge, l'histoire de ce droit reste encore à écrire. On l'a
beaucoup étudié au point de vue pratique en vue d'y trouver des précé-
dents à notre droit actuel. On n'a même pas hésité, comme cela est ar-
rivé à Dumoulin, à couvrir de l'autorité des jurisconsultes romains des
théories modernes, à leur prêter des décisions qu'ils n"'ont jamais don-
nées, à corriger les textes quand ils ne se pliaient pas à l'interprétation
que Ton jugeait plusconforme aux besoins nouveaux de l'étatsocial. On
s'est moins préoccupé d'étudier le droit romain dans son développe-
ment historique. L'exemple donné par Cujasa trouvé peu d'imitateurs.
De nos jours cependant, le courant général qui porte les esprits vers
la critique historique ne pouvait manquer de se faire sentir dans l'étude
du droit romain. En présence de cette législation si vantée, le scepti-
cisme contemporain veut faire la part de ce qui revient aux Romains
et de ce qui est d'origine étrangère. Cette analyse a pour préli-
minaire indispensable la reconstitution du droit national des Romains
tel qu'il résulte des Douze Tables et de la jurisprudence qui les a inter-
prétées. A cette condition seulement, on pourra discerner les éléments
nouveaux qui se sont introduits dans le droit classique et reconnaître
comment ils ont réagi sur les éléments primitifs. L'étude du droit des
Douze Tables a donc une importance capitale pour qui veut com-
prendre et apprécier à sa juste valeur le droit classique. On ne s'éton-
nera pas que M. V. y ait consacré deux gros volumes.
Les difficultés à surmonter, pour mener à bonne fin cette étude, sont
Nouvelle série, XIX. 8
142 REVUE CRITIQUE
nombreuses. Nous ne connaissons les dispositions des Douze Tables
que par les citations ou par les allusions des auteurs anciens. Est-ce
suffisant pour reconstituer la loi dans son ensemble, et pour détermi-
ner l'ordre des matières? M. V. estime que nous possédons à peu
près complètement la loi décemvirale. Elle était peu étendue puisque
Cicéron l'appelle libellus, et il n'est guère croyable que quelques dispo-
sitions importantes nous aient échappé, étant donné le zèle patriotique
que les Romains mettaient à les citer. Dans Tappendice placé à la fin
du premier volume, M. V. a réuni les fragments qui nous ont été con-
servés. Grâce à la différence des caractères typographiques, on peut, à
première vue, distinguer : a) les fragments dont Tauthenticité est cer-
taine; {i) ceux que l'auteur a restitués; y) ceux dont le contenu seul est
donné par les textes, ou â) restitué par l'auteur.
On ne peut, comme on le voit, se flatter d'avoir le texte original.
Déjà à l'époque antique, il avait subi bien des modifications soit quant
à la forme, soit quant à Torthographe des mots. Il reste néanmoins
beaucoup d'expressions archaïques et de particularités intéressantes
pour l'histoire de la langue latine. On trouvera dans le livre de M. V.
des indications utiles, même après les travaux de J. Godefroy, de Ditlv-
sen et de Schoell, et en attendant que M. Michel Bréal livre à la pu-
blicité, comme nous nous plaisons à Tespérer, le cours qu'il vient de
professer au Collège de France sur les plus anciens textes des lois ro-
maines.
C'est par les efforts réunis des philologues et des jurisconsultes qu'on
réussira à donner un texte satisfaisant. 11 ne suffit pas de rassembler
tous les documents qui de près ou de loin ont trait aux Douze Tables :
il faut encore assigner une place convenable aux mots isolés que parfois
on rencontre. Ainsi certains auteurs mettent les mots endoque plorato
à la suite de la disposition relative au meurtre du voleur de nuit ou du
voleur de jour qui agit à main armée. M. V. les rattache à la disposi-
tion relative au vol manifeste. Le sens est très différent : ïimploratio
serait requise pour donner au vol le caractère de vol manifeste, au lieu
de servir à constater l'état de légitime défense. De même Dirksen et
Schoell séparent les fragments relatifs au maliim cannen incantare et
■àxifr liges excanîare: M.V. les rapproche. lien conclut que Vincantatio
mali canninis n'était punie que si les sortilèges tendaient à nuire aux
fruits de la terre, et non aux hommes ou aux animaux. D'un autre
côté, M. V. sépare les dispositions qui concernent ïoccentatio (diffa-
mation) et Vincantatio. Peut-être étaient-elles réunies; cela explique-
rait comment Horace a pu confondre malum et famosum carmen
(Sat. Il, I, 82; Ed. il, I, i52).
Pour la distribution des matières, M. V. reproduisant les conclusions
d'un de ses travaux antérieurs, s'écarte de celle qui avait été jusqu'ici
acceptée. Les modifications qu'il propose ne portent ni sur les deux
premières ni sur les trois dernières tables pour lesquelles on a des
D HISTOIRE Kï Dr. LITTKRATUKS I43
renseignements positifs. L'ordre des tables 3 à 9 avait été jusqu'ici
en grande partie fixé à l'aide des fragments du commentaire de
Gaius sur les Douze Tables. Pithou et J. Godefroy avaient remar-
qué que, dans ce commentaire, l'ordre des matières était précisé-
ment celui de la loi; et comme l'ouvrage était divisé en six livres, ils en
avaient conclu que chacun contenait Texplication de deux tables et
que les matières qui faisaient Tobjet de ces deux tables devaient avoir
entre elles un certain rapport. L'idée était contestable ; en tout cas il
restait encore un champ bien vaste pour les conjectures. M. V. l'a
restreint d'une manière sensible.
Il a fait observer que, dans les ouvrages de plusieurs jurisconsultes,
certaines matières sont traitées dans un ordre uniforme. Ces ouvrages
sont : les trois livres de droit civil de Sabinus, les commentaires de
Pomponius, de Paul et d'Ulpien sur Sabinus, les posteriores de Labcon,
le livre de Javolenus ex posterioribiis Labeonis, les réponses d'Urseius
Ferox, de Julien sur Urseius Ferox, de Minicius Natalis, de Julien
ex Minicio. L'ordre suivi dans ces écrits n'est rien moins que logique,
mais il est le même que celui des Tripertita de Sex. ^lius. Or, nous
savons par le témoignage de Pomponius que la première partie des
Tripe7'tita se rapportait au.t Douze Tables. Pour connaître Tordre des
dispositions de la loi, il suffit alors d'examiner les questions traitées
dans la première partie des ouvrages précités. Voici cet ordre d'après
M. Voigt :
1'% II«, II1« Tables: i. in jus votatio ; 2. jurisdictio ; 3. legis actio
sacramenti ; ^.jiidicium : 5. leg-. a. per manus injectionem.
IVe. I. Testament, hérédité ab intestat, créances et dettes héréditai-
res; 2. puissance paternelle; 3. de liberis hominibus {de iisii miilieris,
de statu liberis, de patroni Jraude clienti facta).
Ve. i.Nexum, mancipation ; 2. servitudes eivia vicinalis. 3. Usuca-
pion, usureceptio. 4. Eviction. 5. Action résultant de la lex mancipii.
6. A. fidiiciae. 7. A. nuncupatae pecuniae. 8. A. vadimonii de-
serti\ a.depensi. 9. A. familiae erciscundae.
VI. I. Divorce. 2. Tutelle. 3. A. tutelae, rationibus distrahendis,
postulatio suspecti. 4. Curatelle.
VIL Délits privés.
VII L Actions quasi délictuelles. Sodalitates.
IX. Compétence en matière criminelle, et procédure dans les co-
mices.
X. Règlements sur les sépultures.
XI. I. Provocatio. 2. Empêchements à mariage entre patriciens et
plébéiens. 3. Interkalatio. 4. Pignoris capio.
XÏI. I. Action noxale. 2. Dedicatio rei controversiosae. 3 Arbi-
trium rei aestimandae.
Bien que le droit grec ait été connu des décemvirs, il n'a exercé sur
leur œuvre qu'une influence très secondaire. La loi des Douze Tables
144 RKVUl*: CRITIQUE
est romaine soit quant au fond, soit surtout quant à la procédure. A
la différence des lois antérieures, elle se présente, non pas comme l'ex-
pression de la volonté des dieux, mais comme une conception purement
humaine. Les décemvirs ont cherché à établir Tégalité des patriciens et
des plébéiens quant au droit privé, sinon quant au droit public et au
droit sacré. Ils ont amélioré la condition économique de la plèbe en
fixant le taux maximum de Tintérét, en adoucissant les voies d'exécu-
tion contre les débiteurs insolvables. C'étaient là des innovations. Mais
la partie principale de la loi peut être considérée comme une codifica-
tion du droit coutumier. Toutefois M. V. pense qu'on a laissé de côté
un certain nombre de règles qui étaient admises sans contestation, telles
que ks règles sur l'acquisition des fruits par le propriétaire, sur les
droits du maître ou du patron, sur la situation des enfants issus de jus-
tes noces, sur les restrictions à la faculté de tester. Quant aux lois
royales, on n'eut pas à s'en occuper : elles faisaient partie du droit écrit
et continuèrent à subsister à côté des Douze Tables.
L'étude de la loi décemvirale ne suffit donc pas pour nous faire con-
naître l'état du droit civil et du droit criminel dans les premiers siècles
de la République. D'autre part, à côté des règles imposées par la puis-
sance publique (jus), il y en avait qui résultaient des lois divines ou re-
ligieuses (fasj, des bojii moines, des mores gentis ou familiae. 11 y
avait là un ensemble de dispositions auxquelles les citoyens étaient as-
sujettis, et dont il faut tenir compte pour ne pas s'étonner de certaines i
lacunes de la législation. Les boni mores notamment ont eu à Rome
une influence telle qu'on n'en trouverait pas un autre exemple dans
l'histoire des nations civilisées. Les devoirs imposés par les boni mores
étaient sanctionnés d'une manière si efficace que le droit n'avait pas à
intervenir. Même après les Douze Tables, on rencontre des institutions
qui n'eurent pendant longtemps une sanction que dans les boni mores :
tels furent les fidéicommis.
Nous n'essayerons pas de suivre M. V. dans les développements qu'il
a donnés sur tous ces points. Aussi bien la plupart des idées contenues
dans son livre ont déjà été émises soit dans les travaux de MM. Fustel
de Coulanges, Ihering et Sumner-Maine, soit dans ceux de l'auteur
lui-même. Mais M. V. les a vérifiées dans les moindres détails; il a
produit à l'appui tous les textes qui peuvent servir à les confirmer. Rien
n'échappe à son œil exercé. Qu'il s'agisse de décrire les formes si com-
pliquées des actes juridiques ou de classer les peines sacrées et les peines
profanes, les neuf délits criminels ou les cinquante-deux actions men-
tionnées dans les Douze Tables ; qu'il faille retrouver, à travers les in-
terpolations d'i Tribonien, les applications si variées de la lex mancipii
ou injure cessionis, rien ne peut lasser sa patience. On est vraiment
étonné de la somme de travail condensée dans ces deux volumes qui ne
comprennent pas moins de 1,700 pages.
Ce n'est pas à dire que nous acceptions toutes les hypothèses émises
d'histoire et de littérature I P
par l'auteur, et que nous approuvions sans réserves la méthode qu'il a
suivie. On peut lui reprocher d'avoir visé à la précision dans des cas
où l'état de nos connaissances ne permet pas d'y atteindre. Puis
nous sommes avertis par le sous-titre du livre que nous avons
affaire plutôt à un système qu'à une étude historique. L'auteur nous
présente une construction logique de l'ancien droit tel qu'il le com-
prend. Mais la méthode déductive doit être employée avec une grande
discrétion dans les sciences historiques; elle est dangereuse et conduit à
des résultats difficiles à admettre. En voici la preuve. Partant de cette
idée que, dans tous les cas où la vindicatio est donnée, il existe un droit
réel, M. V. considère la liberté, c'est-à-dire la qualité d'homme sui ju-
rw comme un droit réel que nous aurions sur notre personne. Du reste,
ce droit n'aurait pas d'objet, car l'idée que le sujet d'un droit pourrait
en même temps en être l'objet est étrangère au très ancien droit ro-
main.
M. V. soutient également que la distinction des res mancipi et îiec
mancipi n'est pas antérieure au vn" siècle de Rome. Il ne croit pas
que l'ancien droit ait connu une classe de choses qui auraient pu être
acquises par un mode non solennel. C'est en vain qu'on lui objecte la
forme antique de l'expression nec mancipi et le témoignage de Gains.
C'est en vain qu'on lui demande pourquoi on aurait enlevé aux femmes
en tutelle le droit d'aliéner leurs res mancipi à une époque où la tu-
telle des femmes tombait en désuétude et provoquait les railleries de
Cicéron : il reconnaît que ce serait une innovation en opposition avec
l'esprit du temps, mais il ne recule pas devant la conséquence de son
opinion.
De même que M. V. exagère, à notre avis, la portée primitive de la
mancipation, de même il attribue une signification trop étendue,
croyons-nous, à la disposition des Douze Tables sur la faculté de lé-
guer. D'après lui, le testateur aurait toute liberté pour disposer de son
patrimoine, mais non pour régler le sort des personnes placées sous sa
puissance : il ne pourrait que leur nommer un tuteur. Il nous paraît
excessif de donner au mot pecunia le sens de patrimoine. Nous ne
croyons pas qu'au temps des Douze Tables pecunia fût synonyme de
Jamilia. Pecunia désigne à cette époque les res nec mancipi. De ces
choses seulement le testateur peut disposer sans recourir au testament
calatis comitiis. Ce sont los interprètes qui ont imaginé la familiae
emtio et permis de disposer à cause de mort des res mancipi, en dehors
des comices. Nous estimons plus conforme aux principes rigoureux de
la méthode historique de distinguer ici l'œuvre des décemvirs de celle
des interprètes. A plus forte raison, hésiterons-nous à suivre notre au-
teur lorsqu'il décrit l'organisation des gentes à l'aide de documents ap-
partenant aux premiers siècles de l'empire.
Nous avons plus de réserves à faire quant à la forme de l'ouvrage.
Le procédé suivi par M. Voigt dans son exposé du droit ancien nous
146 RKVUK CitlTiQUK
paraît défectueux. Les notions générales sont dans le premier volume,
les détails dans le second, de sorte que pour saisir les conséquences de
ce qui est dit dans le premier volume il faut se reporter au second.
Ajouterons-nous que le style manque d^aisance, que les distinctions
sont poussées jusqu'à la minutie, que parfois il faut faire un effort
pour suivre la pensée de l'auteur ? Nous voudrions aussi ne pas avoir
à relever certaines personnalités qui devraient être soigneusement
exclues d'une oeuvre scientifique. Quant à la bibliographie, elle est loin
d'être complète. En ce qui concerne les livres publiés en France, on
s'étonne de voir citées de simples thèses de doctorat en droit, alors que
les travaux de notre regretté collègue P. Gide sur la condition privée
de la femme et de M. Bouché-Leclercq sur les Pontifes de l'ancienne
Rome ne sont pas même mentionnés.
Nous n'insisterons pas sur ces critiques qui ne nous empêchent pas
de rendre hommage à la science profonde de Fauteur. Nul plus que lui
n'était en mesure de nous donner une histoire du droit des Douze Ta-
bles. Il s'y était préparé de longue date par ses travaux sur les lois roya-
les, sur le jus naturale et par de nombreux mémoires publiés dans
divers recueils. Nous souhaitons que Téminent professeur couronne
sa laborieuse carrière en nous donnant une histoire complète du droit
privé des Romains.
Edouard Cuq.
VARIÉTÉS
IL'abbé de I»racîe«» Voltuîre et Frédéric II, «ti'sipfè» de» doeunientw
inédits, dont une letti'e de VoltiJc-e.
La Revue politique et littéraire du 1 1 octobre 1884 a publié sous la
signature de M. Francisque Bouillier un article fort intéressant inti-
tulé : Une thèse en Sorhonne au xvni" siècle ; l'abbé de Prades. M. B.
a très bien vu que l'affaire de Tabbé de Prades (1751-1754) a une
grande importance au point de vue de Thistoire des idées en France, et
il a tiré des documents imprimés tout ce que Ton en pouvait tirer. Mais
il en existe d'autres que M. B. ne pouvait pas connaître, et je demande
la permission de reprendre en quelques mots le récit de cette curieuse
affaire à laquelle ont été mêlés la Sorbonne, le Parlement, plusieurs
évêques de France, Voltaire, Frédéric II, Pévêque de Breslau, le cardi-
nal de Tencin et le pape Benoît XIV; Tintervention de Louis XV est
la seule qui manque pour transformer en affaire d'état cette soutenance
d'une thèse latine présentée à la Sorbonne par un simple bachelier en
théologie.
L'abbé de Prades jeune ecclésiastique du diocèse de Montauban, avait
/
d'histoirk et 0E littérature 147
soutenu en Sorbonne, le 18 novembre lySi, une thèse de licence, une
Quœstio theologica, comme on disait alors, dans laquelle se trouvait,
entres autres hardiesses, la proposition suivante : « Toutes les guérisons
« opérées par J.-C, si vous les séparez des prophéties, qui y répandent
« quelque chose de divin, sont des miracles équivoques, attendu qu'elles
« ressemblent par quelques endroits aux guérisons faites par Escu-
« lape ■. » Chose étrange, et qui montre bien à quel degré d'avilisse-
ment les querelles du jansénisme et l'exclusion des docteurs appelants
avaient tait descendre la Sorbonne, la thèse avait été approuvée par les
syndic, président et grand maître de la Faculté; la soutenance publique
avait même été pour le candidat un véritable triomphe; il était question
de le recevoir licencié avec une mention très honorable en lui assignant
la première place parmi ses concurrents.
Mais bientôt on vit s'élever dans le public des réclamations très vi-
ves ; la Sorbonne s'émut, d'autant plus que le Parlement se disposait à
prendre connaissance de Taffaire, et « le sieur de Prades fut suspendu
de tout acte de licence. » La thèse fut examinée à nouveau par 146 doc-
teurs durant onze assemblées extraordinaires; on refusa d'entendre
l'auteur de la thèse qui demandait à se défendre, et la Faculté fulmina
I une censure contre cet ouvrage de ténèbres qui lui faisait horreur : « hor-
ruit sacra Facultas... » La sacrée Faculté parlait avec une singulière
naïveté de cette thèse a dont la texture artificieuse et subtile détournait
« l'attention des lecteurs par la difficulté de saisir son vrai sens, thèse
« composée de phrases captieuses, poétiques, et hérissée de métaphores
« dans lesquelles, sous le masque de la vérité, s'est caché le poison de
« l'erreur, etc. » Ce n'était plus une proposition, c'était dix que la Sor-
bonne relevait et condamnait en leur appliquant les épithètes usitées en
pareille circonstance. L'archevêque de Paris, le fameux Christophe de
Beaumont, lança le 29 janvier 1752 un mandement contre la thèse;
l'évéque de Montauban imita cet exemple le 20 février, et enjoignit à
l'abbé de Prades de se rendre immédiatement dans son séminaire « pour
y reprendre les sentiments du christianisme et l'esprit de son état ».
Enfin l'évéque d'Auxerre, le janséniste Caylus, composa pour réfuter
le bachelier incriminé un mandement de 90 pages in-4'', tout un vo-
lume pour une thèse de quelques pages.
Le Parlement se joignit au clergé, et rendit le 1 1 février 1732 un ar-
rêté dont les conséquences pouvaient être giaves; il décrétait que l'abbé
de Prades serait appréhendé au corps et amené es prisons de la Concier-
gerie pour répondre sur les faits de scandale que contenait sa thèse. Le
scandale consistait à avoir soutenu que « tous les hommes, nés avec le
« même droit, sont réduits à se soumettre ii un droit barbare et détesta-
I. « Omncs morborum curationes a Christo peractas, si seorsim sumantur a pro-
phetiis, quœ in eas aliquid divini refundunt. œquivoca sunt miracula, utpote illa-
lum haberent vuhum et habitum in aliquibus curationes ab ^sculapio factae. »
I ^8 REVUE CRITIQUE
« ble d'inégcilité et de subordination ; » le Parlement voulait réprimer
d'une manière exemplaire de tels excès de parole.
L'abbé de Prades devenait donc un hérétique et un criminel d'Etat,
et pourquoi ? parce qu'il était lié avec les auteurs de l'Encyclopédie; on
disait même que la thèse avait été composée dans leurs bureaux; on
insinuait que Diderot en était l'auteur. 11 est certain que Tabbé de Pra-
des et l'abbé Yvon collaboraient pour la partie théologique à l'œuvre de
d"'Alembert et Diderot ; il n'est pas prouvé que les encyclopédistes aient
eu connaissance de la thèse, et surtout que Diderot y ait mis la main.
L'abbé de Prades songeait à se frayer le chemin des dignités ecclésias-
tiques, et il ne croyait pas faire tant de bruit.
Quoi qu'il en soit, il jugea prudent de ne pas obtempérer aux injonc-
tions de révéque de Montauban et du Parlement; il s'enfuit en Hol-
lande avec Tabbé Yvon. Dès qu'il se vit en sûreté sur la terre hospita-
lière qui avait jadis accueilli Arnauld et Quesnel, Bayle et Jurieu,
l'abbé de Prades reprit confiance; il songea sérieusement à se tirer
d'affaire et à se défendre; il commença à écrire sa fameuse Apologie.
C'est alors que l'abbé de Prades eut recours à ses collaborateurs de
l'Encyclopédie. Naturellement il était en relations avec d'Alembert ;
l'illustre géomètre, qui alors ne connaissait Voltaire que de nom, écrivit
à M™e Denis, nièce du grand homme, en la priant d'intéresser son oncle
à cette aftaire. Chambellan de Frédéric II, Voltaire était encore auprès
de « son héros m; il imagina de faire venir l'abbé de Prades à la cour
de Prusse, et son ami le marquis d'Argens se joignit à lui pour mener
à bien cette singulière entreprise, Frédéric était alors en Silésie et l'on
ne pouvait rien faire avant son retour; toutefois le marquis d'Argens
écrivit à l'abbé de Prades les deux lettres que voici ' :
I
a A Potsdam, le 24 juin lyDa.
« Le roi m'a remis, Monsieur, la lettre que vous m'avez écrite, et m'a
ordonné de vous répondre que vous trouverez toujours un asile dans
ses états contre la persécution de vos ennemis. D'ailleurs, vous ne devez
espérer aucune pension; ainsi, Monsieur, prenez là-dessus vos mesures.
C'est ce que Sa Majesté m'a ordonné de vous dire expressément; mais
lorsqu'il viendra à vaquer quelque bénéfice en Silésie ou quelque
pension sur des bénéfices, Sa Majesté se fera un plaisir de vous en
gratifier. Quant au temps où cela vous sera accordé, il peut être prochain,
il peut être aussi éloigné de plusieurs mois, et même d'une année,
puisqu'il faut attendre une place vacante.
a Jusqu'ici, Monsieur, je vous ai écrit comme un homme qui agit
i. Je les tianscris, ainsi que la lettre de Voltaire qui va suivre, d'après une copie
du temps insérée par un janséniste du xviiie siècle au tome LX\'I d'un important
recueil de pièces.
û HISrOIRK ET DK LITXEU A i (JRii «49
par l'ordre du roi son maître; actuellement je vous parlerai comme un
homme de lettres, ennemi de la superstition, qui s'intéresse au sort d"un
philosophe qui est la victime de cette même superstition. Si vos affaires
pécuniaires vous permettent de venir à Berlin, vous ferez fort bien de-
vons y rendre, parce que les princes ont besoin de voir les gens pour
s'en ressouvenir. Vous courrez risque d'attendre plus longtemps la
pension du bénéfice, si vous ne venez à Berlin qu'après l'avoir obtenue,
que si vous vous y rendez actuellement. Vous y trouverez M. de Vol-
taire et moi disposés à vous rendre tous les services qui dépendront de
nous, et vous y attendrez avec agrément les bienfaits du roi. D'un autre
côté, si l'état de vos affaires est dérangé au point de ne pouvoir pas vous
soutenir ici pendant quelques mois avec une certaine décence, vous
ferez peut-être aussi bien de différer de quelque temps votre voyage.
Vous mécrirez une lettre dans laquelle vous me marquerez votre
sensibilité pour les bontés du roi, et vous me direz de l'assurer que vous
attendrez avec grand plaisir la pension sur le bénéfice. Vous ajouterez
que vous allez écrire en France pour régler vos affaires, et que vous vous
rendrez ensuite le plus tôt qu'il vous sera possible à Berlin. Pendant cet
intervalle, le temps s'écoulera; la pension vous sera donnée, ou prête à
vous être donnée, et vous ne serez pas sur vos crochets dans une ville
où l'on vit assez chèrement.
<c Pardonnez-moi; Monsieur, si j'entre avec vous dans ce détail; mais
comme les malheurs que les fanatiques et les prêtres m'ont fait essuyer
autrefois m'ont appris à connaître ceux où peuvent se trouver les
personnes qui ont été persécutées par les mêmes ennemis, j'ai cru,
comme votre confrère en philosophie et en infortune, devoir vous parler
à cœur ouvert,
<f Le roi n'a rien répondu sur l'article de M. l'abbé Yvon; mais
lorsque vous serez ici, il ne sera pas difficile de lui faire obtenir le même
parti qu'à vous. 11 devrait écrire une lettre au roi; cela serait en
place.
« Je suis avec une respectueuse considération, Monsieur, etc.
« Le marquis d'AfiOENs. »
II
[Jaillet;' 1732].
« J'ai montré, Monsieur, votre lettre au roi, et je l'ai accompagnée de
de tout le bien que mes amis de Paris m'ont écrit de vous. Sa Majesté
m'a ordonné de vous dire qu'elle serait charmée de vous voir. Venez
donc tout de suite à Potsdam descendre chez moi. Nous avons pourvu,
M. de Voltaire et moi, à vous trouver un logement qui ne vous coûtera
rien; vous n'aurez pas besoin même de manger à l'auberge, et peu de-
jours après votre arrivée vous aurez votre pension. Il est même question
d'un poste auprès du roi, utile et très gracieux. Lorsque vous serez ici.
je vous dirai tout cela. En attendant, soyez persuadé que votre cicrnière
I 5o revuiî: critique
lettre vous a gagné toute mon estime, et que vous verrez en arrivant
ici que j'ai travaillé à vous donner des marques de cette même estime.
M. de Voltaire vous écrit par ce courrier, et si, en attendant que vos
affaires soient arrangées en France, vous avez besoin d'argent pour votre
voyage, il vous envoie une lettre pour en prendre. Je vous prie de faire
mes compliments à M. Yvon. Vous verrez, puisque vous le voulez,
quand vous serez ici, de quoi il est question, et je ne doute pas que
nous ne réussissions. Partez, je vous prie, ma lettre reçue, parle chariot
de poste, et donnez-moi des nouvelles de votre départ ».
Voltaire joignit ses instances à celles de d'Argens et adressa de Pots-
dam à Fabbé de Prades une lettre bien curieuse que Ton s'étonne de ne
pas trouver dans sa correspondance. Il en est en eff'et question dans un
ouvrage imprimé qui parut l'année suivante et qui a pour titre Lettres
flamandes. L'abbé Duhamel, auteur de ces Lettres, cite les premières
lignes de la lettre de Voltaire et lui assigne la date du i8 juillet 1752; la
voici tout entière, elle donne sur l'installation de Voltaire à Potsdam des
renseignements qui ne se trouvent pas ailleurs.
[18 juillet? J572]
« Je peux, Monsieur, m'expliquer avec vous en liberté, et répondre à
la confiance que vous avez bien voulu me témoigner. Vous savez com-
bien les ennemis de la raison abusent des armes de la religion pour se
déchaîner contre les philosophes et contre ceux qui leur rendent service.
D'autres, qui prétendent au nom de philosophes, le sont rarement, et
on a vu des personnes qui devraient le plus appuyer, en qualité de com-
patriotes, un homme à la vérité fort au-dessous de vous, le persécuter '
de toutes façons. Mais enfin un homme de lettres se défend par des
écrits publics d'avoir eu la moindre part à son établissement auprès du
roi de Prusse [?] -. En un mot vous ne pouviez faire une démarche plus
prudente que de vous adresser directement à un roi humain, sage, plein
de talents, et qui est au-dessus des préjugés. Le roi, comme vous savez,
reçut favorablement votre lettre; il promit qu'il vous donnerait le pre-
mier bénéfice vacant en Silésie. Il chargea M. le marquis d'Argens de
vous en assurer. Il paraît par votre réponse à M. d'Argens que vous êtes
dans la disposition de venir dans les états de Sa Majesté, d'y travailler
à des ouvrages de votre ressort, et d'y attendre ses bontés.
« Tout ce que M. Dalembert et d'autres personnes de mérite ont
mandé de vous, Monsieur, a redoublé, dans le marquis d'Argens et moi,
le désir de vous servir et de vous posséder ici. Tout me fait espérer que
le roi, connaissant votre mérite, pourra non seulement avancer bientôt
le temps des grâces qu'il vous desiine, et les augmenter, mais même
vous placer auprès de lui d'une façon très agréable. Vous ferez donc
très bien de vous rendre incessamment sur les lieux; mais voici des dé-
1. Allusion à Maupertuis.
2. Il est à présumer que cette phrase a été dénaturée par le copiste.
L) HISIOIKE Kl Uf. LITTEKAlUKh l5l
tails dont l'intérêt que nous prenons à vous nous oblige à vous ins-
truire.
<i Le roi n'est presque jamais à Berlin ; il habite le palais Potsdam ; il
embellit cette ville tous les jours par de nouveaux édifices; mais les
maisons commodes sont jusqu'ici en petit nombre. Je suis logé dans le
palais avec deux jeunes gens de mérite qui travaillent avec moi. Sa
Majesté a permis en considération de ma mauvaise santé que je dinasse
dans ma chambre; j'y soupe même quelquefois. On me sert un repas
pour moi seul qui peut suffire pour nous trois; j'ai un petit apparte-
ment dans la ville où il n'y a précisément que le nécessaire : un lit de
toile peinte, deux fauteuils, deux tables; un petit entresol très vilain,
une chambre pour une cuisinière qui nous fait à manger quand le roi
n'est pas à Potsdam. Je ne vais presque plus à Berlin. Le marquis
d'Argens et moi nous passons toute Tannée ici, excepté six semaines de
l'hiver, seul temps oti le roi s'établit dans sa capitale.
(( Tout ce menu détail exposé, voyez, Monsieur, si vous voulez me
faire la grâce d'accepter, je ne dis pas l'appartement, je dis le bouge que
j'ai à Potsdam. Il est fort près du château, et c'est la seule raison qui
m'a déterminé à prendre ce logement, qu'on ne peut habiter que par
excès de philosophie, et qui est la plus vilaine chose du monde. Ma
cuisinière vous ferait du bouillon, si vous aviez le malheur de tomber
malade. Nous dînerions ensemble avec les deux amis que j'ai auprès de
moi, et il ne m'en coûterait que très peu de chose pour ajouter à ce que
la table du roi me fournit. Vous seriez par là délivré d'un loyer qui ne
laisse pas d'être cher, et de la nécessité de chercher votre dîner dans des
auberges allemandes.
(( Je vous demande bien pardon d'entrer dans ces détails; mais j'au-
rais peut-être plus de pardons à vous demander si je n'y entrais pas. Il
est très essentiel que vous soyez promptement dans ce lieu, que Sa Ma-
jesté habite, afin qu'elle voie que vous n'êtes venu que pour elle; et sur-
tout afin que les occasions de faire connaître votre mérite puissent se
présenter au plus tôt. Vous pouvez être sûr que le marquis d'Argens et
moi nous saisirons ces occasions. Il faut que vous soyez assuré d'un lo-
gement et des choses nécessaires à la vie en attendant que le roi vous
place, et que vous ayez le temps de vous reconnaître.
« Au reste, Monsieur, n'ayez aucun scrupule d'accepter les misères
que je vous propose. Passons, vous et moi, par-dessus la honte que j'ai
de vous offrir si peu. Agissons en philosophes, comme si nous nous
étions déjà connus il y a longtemps. Si votre ami ^ veut venir avec vous
il pourrait loger dans le petit entresol qui est auprès de votre chambre.
C'est un endroit où il n'est guère possible de mettre une tapisserie ; il
n'y a point de lit; j'en chercherai un. Encore une fois, c'est un loge-
ment bien étroit et bien vilain; mais c'est au moins chez des Français,
1. L'abbé Yvon.
I 52 KlîVUE CRITIQUE
et VOUS et votre ami y aurez des secours. Enfin nous vivrions tous en-
semble.
« Vous pourriez y apporter les livres que vous avez, et je pourrais
vous faire prêter par la voie de Leipzig ceux dont vous auriez besoin. Il
y a dans Leipzig des libraires dont vous pourriez être content. Enfin,
Monsieur, si l'état présent de vos affaires et de celles de votre ami vous
oblige à une prudente économie dans un pays étranger, surtout après
les frais du voyage, n'hésiîez pas à daigner accepter, vous et lui, ces
offres indignes de vous deux que je prends la liberté de vous faire en
rougissant, mais avec des sentiments qui doivent m'attirer de vous de
la confiance et de la bonté. Nous ne nous gênerions point du tout; une
telle vie est convenable à des gens qui aiment la retraite et le travail, et
je présume que ces deux goûts sont en vous. Le séjour de Potsdam
n'est fait uniquement que pour des guerriers ou des philosophes. Toute
superfluité en est bannie. La plus grande simplicité en habits est re-
commandée. Les gens de guerre n'y portent jamais que leur uniforme.
Le roi donne l'exemple; un habit uni est tout ce qu'il faut pour un
homme de lettres. Le roi n'aime pas le noir, et comme il y a très grande
apparence que vous approcherez de sa personne, je vous conseille un
habit gris tout simple. La poste part pour la France et arrive deux fois
la semaine. Les foires de Leipzig sont commodes pour le débit des li-
vres. Il y a d'ailleurs des voitures publiques qui vont journellement
aux frontières de France. Prenez sur tout cela votre résolution, Mon-
sieur, sans aucun scrupule. Faites-moi en philosophe le plaisir que je
vous demande instamment. Je crois qu'il n'y a pas de temps à perdre,
soit que le roi vous donne un bénéfice, soit qu'il vous destine un em-
ploi auprès de lui, saisissez cette occasion.
« Encore une fois il faut que vous ayez un gîte assuré dans une ville
toute guerrière où Ton ne parle qu'allemand. Regardez ma lettre comme
celle d'un camarade qui vous parlerait uniment à cœur ouvert, sans
aucun de ces vains compliments qui sont le fard de la société. Mandez-
nous votre résolution, le jour de votre départ, et disposez de moi comme
d'un ami.
« C'est avec ces sentiments dus à la philosophie, au malheur et au
mérite que je suis très véritablement, etc.
« Voltaire. »
L'ab'oé de Prades et son ami l'abbé Yvon acceptèrent avec empresse-
ment les offres qui leur étaient faites de la sorte; on en jugera par les
deux lettres suivantes, signalées comme la précédente dans l'ouvrage
de Duhamel et provenant évidemment de quelque janséniste libéral
dont je n'ai pu trouver le nom; les abbés de Prades de tous les temps
ont toujours trouvé des protecteurs et des amis de cette espèce.
d'hISIOIRK ht D\< LirriÔRATURK oi
« De Paris, 12 août 1752.
« Nos amis ' m'ont envoyé deux lettres qu'ils ont reçues de Prusse :
une de M. le marquis d'Argens, l'autre de Voltaire. Je ne sais pourquoi
on s'est attaché à décrier ce dernier du côté du cœur; s'il m'était permis
de faire imprimer la lettre que j'ai entre les mains, ce serait une réponse
bien éloquente à toutes les invectives qu'on a faites contre ce grand
homme. En vérité, le père le plus tendre n'agirait pas mieux pour son
fils. En conséquence de ces deux lettres, l'abbé de Prades est parti en
poste pour Potsdam; les voitures les plus courtes ne l'étaient pas assez
pour répondre à l'empressement que Voltaire et M. le marquis d'Argens
ont de l'embrasser, et au désir que le roi a de le voir. L'abbé Yvon le
suivra dans huitaine. Voltaire leur donne un logement, et il les fera
manger avec lui jusqu'à ce qu'ils soient placés, ce qui ne tardera pas.
M. d'Al[embert], dont le nom et l'amitié leur ont été très utiles, va
écrire au roi et à Voltaire pour les remercier tous les deux, au nom des
philosophes français et au nom de l'humanité même, de ce qu'ils font
en faveur de deux jeunes gens de mérite, malheureux et injustement
persécutés par la cabale des dévots. C'est quelque chose de bien singu-
lier qu'il n'aient reçu de secours que de ceux qui n'ont pas trop de
religion, et que les zélateurs de la loi aient voulu les livrer à l'exécuteur.
Serait-ce que la religion rend le cœur dur? Je ne saurais le croire; la
religion nous ordonne de regarder tous les hommes comme nos frères,
et de faire du bien même à nos ennemis. D'ailleurs, je sens bien que la
religion n'a pas endurci mon âme; je vous avoue que ce contraste me
frappe bien vivement ».
« 16 août, 1752.
« Ce que vous me dites de M'i<= de T. m'a fait plaisir; on trouve si
peu de personnes qui soient sensibles au malheur des hommes qu'on est
toujours charmé de voir ces marques de sensibilité! Elles prouvent
assurément la bonté de son cœur; mais vous pouvez la rassurer sur le
péril où la religion de notre ami est exposée. J'avoue qu'il est grand;
d'autant plus, comme je vous le marquais dans ma dernière lettre, que
ce sont les dévots qui ont causé tous ces malheurs, et que ce sont les
déistes qui l'en ont tiré. En voilà plus qu'il n'en faut pour tourner la
cervelle d'un homme ; cependant, je ne crains rien pour lui de ce côté-
là, et je l'ai toujours vu si convaincu de la divinité de la religion chré-
tienne qu'il n'est pas en son pouvoir de se persuader qu'elle est fausse.
D'ailleurs, vous verrez dans la lettre du marquis d'Argens que Je vous
envoie que la lettre que l'abbé lui a écrite lui a gagné toute l'estime du
chambellan. Or l'abbé m'a marqué qu'il ne s'était attiré cette estime
que parce qu'il avait mandé au marquis qu'il n'était disposé à profiter
des laveurs du roi que supposé que Sa Majesté ne lui donnât aucun
I. I.cs abbcs de Pra.ies et Yvon.
l54 REVUK CRITIQUE
emploi qui fût incompatible avec la religion catholique, qu'il veut
toujours professer; et qu'il ne demandait un asile dans ses états que
pour pouvoir achever son grand ouvrage sur la religion, afin de prouver
à toute l'Europe combien la Faculté de théologie s'est méprise en l'ac-
cusant d'impiété. Il a mandé la même chose à Voltaire qui ne l'a pas
trouvé mauvais; au contraire, il lui promet de lui faire prêter tous les
livres dont il aura besoin pour cela. Ne montrez ces lettres qu'à M'''^ de
T. et recommandez-lui le secret; il n'est pas bon qu'on sache en Faculté
qu'il est protégé par ces deux hommes. Les docteurs auraient encore
plus de raison qu'elle d'en être scandalisés ».
Quelques jours plus tard, c'est-à-dire le i8 ou le 19 du même mois
d'août 1752, Voltaire avait vu « Monsieur » de Prades, qu'il ne voulait
plus, disait-il, nommer abbé. « Naïf, gai, instruit et capable de s'instruire
« en peu de temps, intrépide dans la philosophie, dans la probité et dans
« le mépris pour les fanatiques et les fripons, » tel il avait paru dès la
première entrevue. C'était «. le plus drôle d'hérésiarque qui eût jamais
« été excommunié. Je crois, ajoutait Voltaire, qu'il sera lecteur du roi
de Prusse, et qu'il succédera dans ce grave poste au grave La Mettrie '» .
On verra tout à l'heure quelles lectures le bachelier de Sorbonne faisait
au monarque protestant, et l'on jugera si l'emploi de lecteur qu'il
conserva plusieurs années était compatible avec les sentiments de religion
que M. Bouillier prête à l'abbé de Prades. Frédéric était toujours en
Silésie; Arius de Prades, devenu frère Gaillard, employa son temps à
faire plus ample connaissance avec Voltaire; si l'on en croit ce dernier
ils formèrent ensemble « de beaux projets pour l'avenir de la raison
humaine ». C'est à Potsdam, chez Voltaire, que l'abbé termina et publia
son Apologie dans laquelle, au dire du philosophe, il était « misérable-
ment obligé de soutenir ce qu'il ne croyait pas ».
Frédéric revint de Silésie en novembre, et l'abbé fut nommé lecteur
de Sa Majesté. Le roi se donna même le plaisir de le faire archidiacre et
chanoine dans le diocèse de Breslau. Mais l'affaire souffVit bien des dif-
ficultés en raison de la censure de Sorbonne, des trois mandements
d'évêque et de la bulle du pape contre de Prades. La publication de
V Apologie avait encore aggravé la situation. On trouva moyen de tout
arranger. L'évéque de Breslau écrivit à Benoit XIV qui chargea le
cardinal de Tencin de réconcilier l'abbé de Prades avec la Sorbonne;
l'abbé signa le 6 avril 1754 une rétraction, il fut rétabli dans ses droits
de bachelier et reçut même de d'Argenson l'autorisation de revenir à Pa-
ris. Mais il était lecteur du roi de Prusse et chanoine de Glogau, il
aima mieux rester auprès de son nouveau protecteur, et, par un singu-
lier retour des choses d'ici-bas, le lecteur, devenu secrétaire particulier,
dut tout d'abord exercer ses fonctions contre Voltaire lui-même. C'est
le 26 novembre au plus tard que Frédéric écrivit la fameuse lettre
I. Corr;spondance de Voltaire, eoit. L. Moland.
D HISTOIRK ET DE LITTERATURE IDD
« Votre effronterie m'étone (sic), etc. » et Ton sait le reste. Voltaire
quitta la Prusse en i/SS, et ce fut Tabbé de Prades qui lui écrivit alors,
sous la dictée du roi, quelques lettres assez dures En Juin lySS,
M'"'' Denis, de concert avec Voltaire, adressait à Tabbé une supplique des
plus humbles, faisant appel à « sa justice et à sa bonté ». Plus tard
encore de Prades écrivit à Voltaire au nom de Frédéric; nous le voyons
même, en octobre ijSS, demander au nom du roi le seizième chant de
la Pucelle. 11 était chargé certainement de lire et de commenter cet ou-
vrage, et il avait écrit au pape, l'année précédente, qu'il passerait sa vie
à pleurer ses fautes.
Le reste de cette existence un moment si tourmentée n'appartient pas
à Thistoire; l'abbé de Prades cessa d'être lecteur du roi, sans doute
parce que Frédéric, après avoir, suivant son expression, 4 pressé les
oranges», se plaisait à « rejeter lesécorces ». Il fut, paraît-il, incarcéré à
Magdebourg pour cause d'indiscrétions et de correspondances suspectes;
il mourut à Glogau en 1782.
A. Gazier.
THÈSES DE DOCTORAT ES LETTRES
Faculté des lettres de Paris
(19 décembre 1884).
Soutenance de M. Lévsr-Brûlil.
I. Thèse latine : Quid de Deo Seneca senserit. In-8. Hachette et C'«, 1884. 65 p.
II. Thèse française : L'idée de responsabilité. In-8. Hachette et C'*", 1884. 25 1 p.
I
Le sujet de la thèse latine ne plaît pas à M. VVaddington : cependant il est hono-
rable et légitime. A vrai dire, il est plus littéraire que philosophique. Sénèque n'est
pas un grand philosophe; le jugement de Ritter est sévère, mais a du vrai. Sénèque
n'est original que comme écrivain. D'ailleurs, M. Lévy s'est réduit à ne parler que
du Dieu de Sénèque, et encore il n'a pas su être complet. Beaucoup d'écrits de Sé-
nèque ne sont pas cités. M. L. répond qu'ils ne contenaient aucun texte se rappor-
tant au sujet. Seulement ce que M. L. a cité, tout le monde le connaît. M. L. a
comparé Sénèque à deux moralistes : Epictète et Marc-Aurèle; mais il ne l'a com-
paré à aucun philosophe, il ne l'a pas rapproché de ses devanciers. Il eût été plus
intéressant d'étudier par exemple le maître de Sénèque, Quintus Sextius, ou Mu-
cius Musonius Rufus, qui enseignait sous Caligula, ou Claudius PoUion. L'auteur du
ITepi Osôiv, Cornutus, était particulièrement digne d'intérêt. M. L. répond qu'il l'a lu,
mais qu'il n'a pas trouvé dans son livre une théorie des dieux; ce n'est qu'une sorte
d'Epitome historiœ sacrœ. Si M. L. voulait étudier la théologie de Sénèque, du moins
devait-il le comparer à Cicéron : tous deux au fond appartiennent à la même école.
M. L. a cherché seulement à déterminer avec quel accent Sénèque parlait des ques-
I 56 RKVUK CHITIQUK
tions religieuses; sa tournure d'esprit est intéressante dans le milieu où il a vécu.
M. Waddington lui fait remarquer qu'il n'a rien dit de ce milieu. Sénèque a inté-
ressé M. L. à cause de son imagination, de l'ouverture, de la diversité de son esprit.
Les textes que M. L. cite pour prouver que Sénèque est un grand penseur philo-
sophique se trouvent dans Platon, dans Socrate. Même comme moraliste, Sénèque
est contestable. Ses conceptions philosophiques, quand elles lui sont personnelles
sont misérables; il n'est pas même sérieusement panthéiste. Pourquoi M. L. sem-
ble-t-il connaître si mal les prédécesseurs de Sénèque? Comment a-t-il pu dire qu'à
l'époque où vivait Zenon, la vie que l'on menait à Athènes était tranquille et calmer
D'après M. L. un changement s'est fait dans la conception de Dieu en passant des
premiers stoiciens à Sénèque; peu à peu les attributs moraux prédominent sur les
attributs métaphysiques. La doctrine stoïcienne est restée la même, maison n'insiste
plus sur les mêmes points. Sénèque ne dit qu'en passant : Deus est votimdus. Ce
qu'il y a de meilleur dans la thèse de M. L., c'est son chapitre sur la dilTérence des
mots Deus el di dans Sénèque. Mais là-même, Cicéron a précédé Sénèque; il est
bien plus ferme que lui sur l'existence de Dieu, sur ses attributs, sa raison. Le
deuxième livre du De legibiis fait prévoir Fénelon. Les belles pages où Sénèque
séparent la religion de la superstition sont presque empruntées à Cicéron. M. L.
répond que, pour lui, Cicéron n'est pas un philosophe; c'est une source. Il est dif-
ficile de lui attribuer quelque chose de ce qui est dans ses livres. Cependant, ré-
pond M. Waddington, il croyait plus à la philosophie que Sénèque. Ce qu'il fallait
rechercher, c'est de quelle manière Sénèque était stoïcien. Cicéron lui aussi était
un académicien d'une sorte particulière. La fusion entre les doctrines s'était déjà
faite en Grèce avant leur arrivée à Rome. Cicéron est un platonicien stoïcisant,
Sénèque est plus éclectique encore que Cicéron : non seulement son stoïcisme est
mêlé de platonisme, mais il emprunte même à l'épicurisme quelques-unes de ses
doctrines. Tout ce mouvement a abouti à l'école néo-platonicienne d'Alexandrie.
La thèse de M. L. est si mince, dit M. Janet, qu'il n'y a pas matière à discus-
sion. Sur la question spéciale dont s'occupe M. L. les littérateurs en ont dit plus
que lui. M. Martha a admirablement parlé de cet accent personnel avec lequel Sénè-
que traite les questions religieuses. M. Havet a porté sur cette philosophie un ju-
gement très juste et qui restera. La thèse de M. Aubertin est une étude détaillée de
la métaphysique religievise de Sénèque. M. L. parle des Questions naturelles, mais
ce qu'il y avait à dire a été dit par M. Crouslé. Aussi M. Janet n'était-il pas pressé
de savoir quelque chose de plus sur la théologie de Sénèque. M. L. avoue qu'il n'a
rien trouvé de bien nouveau, mais si la pensée de Sénèque est vague, et s'il n'a
point réussi à la préciser, il croit avoir du moins montré combien sa foi était vive.
Puis il a mis, pense-t-il, en lumière un point intéressant : malgré l'envahissement
des idées orientales, Sénèque croit à la fixité des lois naturelles, à la non-interven-
tion des dieux.
M. Joly pense que, si le stoïcisme s'est lentement transformé depuis le premier
stoïcien jusqu'à Sénèque, cette transformation a eu lieu en sens inverse de celle
qu'a cru apercevoir M. L. La personnalité morale de Dieu est plus nette, plus
forte, chez les premiers stoïciens que dans Sénèque. Cela tient peut-être au voisi-
nage du platonisme, au polythéisme, qui au moment où le stoïcisme est né était
encore vivant. Ce passage de l'hymne de Cléanthe : « Rien ne se fait sans Dieu,
hormis les crimes des méchants », dont le sens est fixé par un texte du De fato, éta-
blit que Cléanthe croyait à un Dieu moral. Les doctrines stoïciennes ne s'accordent
point au fond avec la croyance à la personnalité de Dieu, mais les premiers stoï-
ciens s'en apercevaient moins. La finalité est bien plus immanente au monde chez
D HISTOIKK ET DE LITTÉRATURE iSy
Sénèque que dans Ghrysippe el Zenon. M. L. répond qu'il ne comprend pas com-
ment Sénèque pourrait aimer Dieu, s'il le confond avec la nécessité. Mais Epictète,
qui est plus religieux que Sénèque, croit fermement que Dieu est identique à cette
nécessité qui régit le monde.
D'après M. L. Carrau, Sénèque est un éclectique qui n'a aucune doctrine parti-
culière. Il a paru en Allemagne sur la théologie de Sénèque un assez grand nombre
de monographies. M. L. aurait dû les mettre à profit. M. Carrau n'est pas certain
que Sénèque ait distingué nettement entre Dieu et les dieux; pas plus chez lui que
chez les autres stoïciens la notion de l'immatérialité n'est nette. Il faut se souvenir
que pour les stoïciens la vertu est matérielle ; seuls le temps, l'espace, le vide et
l'affirmation sont spirituels. Sénèque implore tour a tour Deiim et deos. On trouve
dans une phrase : Deus nudus est, nihil habet. Dans une autre : dii midi siint, nihil
habentes. M. L. avoue que la distinction est difficile à faire entre les cas où Sénèque
se sert du mot Deus, et ceux où il se sert du mot dii. Souvent c'est l'euphonie qui
le décide. M. L. admire surtout chez Sénèque la liberté de l'esprit : pourquoi ne
dit-il rien de Panetius, esprit bien plus libre, plus dégagé des superstitions de son
temps; pourquoi louer Sénèque de ses opinions sur la superstition i Platon dans la
République et l'Eutyphron avait tout dit à ce sujet.
M. C. Manha juge la thèse de M. L. agréable, élégante, mais peu profonde. En
quelques passages, M. L. semble avoir lu Sénèque très vite et l'avoir mal compris.
Il méconnaît cet héroïsme, cet optimisme volontaire qui sont le vrai caractère de la
philosophie stoïcienne.
Pour M. Marion la vraie thèse consistait à déterminer ce que Sénèque a ajouté ou
enlevé aux doctrines de ses prédécesseurs. En fait, il a ajouté peu de choses, mais il
en a enlevé beaucoup. 11 a mis à la place d'un panthéisme sincère, un anthropomor-
phisme assez plat. Comme écrivain même, Sénèque a été abandonné dans l'anti-
quité : on connaît le jugement d'Aulu-Gelle. Quant au chap. iv, il n'avait que faire
dans la thèse, à moins que M. L. ne voulut montrer combien Epictète et Marc-Au-
rèle sont supérieurs à Sénèque.
II
M. Caro tient i\l. L. en grande estime; c'est un dialecticien fin et délicat. M. L.
voudrait préserver de toute atteinte les doctrines morales, mais il est douteux qu'il
y soit parvenu. Sa thèse est très intéressante comme symptôme du mouvement
philosophique actuel. 11 y a vingt ans, la métaphysique était seule atteinte : devant
le devoir, la critique s'arrêtait. Depuis lors, elle s'est attaquée au devoir même. Pour
Kant le devoir était la seule certitude; pour M. Renouvier, il est devenu un objet de
foi; pour M. Fouillée, un objet de doute; pour M."Guyau, un objet de risque. En
somme, d'après M. L., l'idée de la responsabilité objective n'enferme pas d'éléments
moraux; l'idée de la responsabilité subjective ne tient pas. il cherche à reconstruire
la responsabilité qu'il vient de jeter à bas, mais il ne croit pas lui-même à sa re-
construction, et termine sa thèse par un acte de foi.
M. Janet loue la manière précise dont M. L. a posé la question, mais il relève
l'erreur grave qu'il commet à propos de l'école spiritualiste française. 11 n'est pas
vrai qu'elle ait voulu rester au point de vue dogmatique de Leibnitz et de Descar-
tes. Il confond les époques. De 1812 à i836, l'école spiritualiste est une école de
rénovation, cette philosophie a voulu être la philosophie du xix<= siècle. C'est au
point de vue de Kant et non à celui de Descartes que se place Maine de Biran : sa
psychologie n'est pas une psychologie dogmatique. Joutïroy passait pour sceptique;
il a dit que la raison est indémontrable : comme les Ecossais, il a cru que la philo-
l58 REVUE CRITIQUE
Sophie pouvait être fondée sur l'expérience iniime. Jusqu'en 1840, M. Cousin n'est
pas cartésien. Dans sa philosopiiie personnelle, il n'y a pas un mot sur la distinc-
tion de l'âme et du corps : sur onze leçons il ne consacre que dix pages à Descartes,
Malebranche et Spinoza. C'est par Maine de Biran, Royer-Collard et Cousin que
Hume a été introduit en France. Si M. L. ne comprend pas Maine de Biran dans
l'école spiritualiste, il commet alors une erreur formelle.
La définition de la philosophie que M. L. a mise à la première ligne de sa thèse
choque M. Waddincton. Pour lui la philosophie est une véritable science, elle a ses
certitudes : pour l'oublier, il faut oublier le passé, perdre le sentiment de la tradi-
tion.
M. Gebhart trouve qu'historiquement la théorie de M. L. sur le droit de punir
n'est pas exacte. M. L. semble croire qu'au moyen âge c'était la conscience même
du criminel que l'on jugeait : il se trompe, on ne tenait compte que du dommage
causé. Les erreurs du vieux code pénal viennent de ce qu'on ne s'attachait qu'à la
valeur de la personne lésée: Dieu, l'Eglise, le roi, l'Etat. Les crimes, fussent-ils mi-
nimes, s'ils atteignaient une personne de haute valeur, étaient sévèrement châ-
tiés. Il y a quelque cinquante ans la fabrication de la fausse monnaie était encore
punie de mort en France, parce que c'était un crime envers l'Etat. Dans le code pé-
nal de Grégoire XVI (i833) le libelle attaquant l'Eglise, les lois de l'Etat, ou le
Souverain Pontife, est puni de mort, même si l'on a dit la vérité.
M. Joly fait remarquer que AL L. mêle un peu son idéal de la pénalité sociale
à ce qui se passe dans la réalité. En fait la société fait entrer dans ses juge-
ments un élément moral : elle est frappée de l'inquiétude des jurés et des juges
dans certaines causes, il lui semble alors que la responsabilité se déplace et porte en
partie sur elle.
D'après M. L. Carrau, la position où M. Lévy veut se tenir à la fin de sa thèse est
bien difficile à garder : il veut maintenir la place de l'absolu sans maintenir l'absolu
lui-même. D'ailleurs la conclusion tout entière est un brillant hors-d'œuvre.
Deux questions dominent la thèse deM.L.. sa théorie de la responsabilité sociale
et son analyse du remords: c'est sur ces deux points qu'il a rencontré chez ses
juges de vives contradictions.
CHRONIQUE
FRANCE. — Nous avons récemment annoncé que les amis, élèves et collaborateurs
d'Albert Dumont avaient eu, au jour de ses funérailles, la pensée d'honorer et de per-
pétuer sa mémoire. Un comité s'est formé; il a pour président M. G. Perrot, pour
secrétaire M. T. Homolle; il a pris les résolutions suivantes: i" une souscription est
ouverte pour constituer un fonds qui sera appelé fondation Albert Dumont; 2" le
produit de la souscription sera einployé à l'achat d'un titre de rente française qui
sera remis en dépôt au Ministère de l'Instruction publique, à charge de toucher et
distribuer annuellement les arrérages en prix; 3° le prix sera donné au premier
agrégé d'histoire ; 4° il consistera eu livres, dont le c'noix sera laissé au lauréat;
5" si l'importance des sommes recueillies le permet, d'autres prix pourront être
fondés. Un comité formé de représentants des Facultés de Paris et de la province en
déterminera l'attribution. :Les souscriptions devront être adressées à M. Lantoine,
secrétaire de la Faculté des lettres de Paris, à la Sorbonne.)
d'histoire et de littérature i59
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du i3 février.
L'Académie reçoit l'ampliation d'un décret du président de la République, qui
porte approbation de l'élection de M. Ber^aigne à la place de membre ordinaire
laissée vacante parla mort de M. Louis Quicherat. M. Bergaigne est introduit et
prend place. , . , . , ,.
M. le Ministre de l'instruction publique invite l'Académie a présenter deux candi-
dats pour [la chaire de diplomatique, actuellement vacante a l'Ecole des ciiartes. La
question est mise à l'ordre du jour de la séance du 20 lévrier.
Une lettre de M. Le Blant, directeur de l'Ecole française de Rome, contient diver-
ses nouvelles archéologiques. L'une des petites cloches de Sainie-Marie-Majeure s'e-
tant brisée, on a eu l'occasion de l'examiner de près et on y a remarque une in-
scription du xiu° siècle, en deux lignes, ainsi conçue :
AD HOMOREM DE! ET BEATE MARIE VIRGINIS ISTA CAJIPANA lACTA F VIT PER ALFANVM.
P0ST.M0DVM IN ANNO DO.MINI MCCLXXXIX RENOVaTA.
EST PER DOMINVM PANDVLFVM DE SABELLO PRO REDEMPTIONE ANIME SVE. GVIDOCTVS PI-
SANVS ET ANDREAS EIVS FILl VS ME FECERVNT .
Alfanus, mentionné dans la première partie de ce texte, fut camerlingue du pape
Galixte 11 (1U9-1124J; il restaura l'église de Sainte-Marie in Cosmedin et y tut en-
terré (Forcella, Iscri:iioni délie chiese ai Roma. 1\', n»' 74?, 744, 745). Panoolphe
Savelli, dont il est question ensuite, fut sénateur de Rome en iii7g et mourut en
i3o6 (Forcella, I, n" 423); son frère Jacques fut pape, de 128^ à 1287, sous le nom
d'Honorius IV. .
Dans la catacombe de Domitille, M. de Rossi a relevé un grand nombre de g)\:j/Tti,
tracés par d'anciens pèlerins, près de l'hypogée où se trouve l'épitaphe antique d'un
chrétien nommé Ampliaiiis. La présence de ces inscriptions prouve que ce^point de
la catacombe contenait des sépultures particulièrement vcnérée^. Le nom d'Amplia-
t us fait pensera un passage d'une épître de saint Paul (Rom., xvi, 2.
A Palestrina, M. Maruc'chi a découvert un cadran solaire antique, qui pourrait
bien être celui que mentionne Varron (De lins;ua latina. VI, 4) : u Meridies eo quod
médius dies. In hoc loco D antiqui, non R, dixerunt, ut Prseneste incisum in sola-
rio vidi. » Le cadran solaire trouvé par M. Marrucchi est gravé sur le mur d'un très
ancien édifice, bâti en opiis quadraium, qui forme le soubassement de la cathédrale
de Saint-Agathon. E11 ôtant un enduit moderne qui couvrait ce mur, on a mis à
découvert quatre rainures obliques, de o'"2 3 de largeur chacune, disposées en éven-
tail, deux à droite et deux à gauche, et surmontées chacune d'une tige métallique.
On a calculé que la direction de ces rainures répond a celle de l'ombre des tiges à
la 3*, à la 4=, à la 8' et à la 9<^ heure, selon le compte des anciens; grâce à la lar-
geur donnée à chaque rainure, l'ombre devait y passer à la même heure dans toutes
les saisons de Tannée. On suppose qu'une rainure analogue, dirigée verticalement,
devait être placée au milieu, pour marquer la sixième heure ou midi, et qu'elle aura
disparu dans les remaniements qu'a subis l'éditice depuis l'antiquité.
M. Ravaisson commence la seconde lecture de son mémoire intitulé : l'Hercule
èz'.^pxr.i'Ç'.oc, de Lysippe.
M. Désiré Charnay continue ses communications sur l'histoire de la civilisation
toitèque en Amérique. Il s'attache, avant tout, à établir l'existence du peuple toltè-
que, que plusieurs historiens modernes ont niée, et il retrace dans ses traits essen-
tiels l'histoire de ce peuple. Elle ne commence qu'au vue ou au viu^ siècle, car pour
les temps antérieurs on n'a que des traditions peu dignes de foi. A cette époque,
les Toltecs s'établissent à Tula et en l'ont la capitale de leur empire. Des témoignages
et des monuments divers permettent d'apprécier leur civilisation, qui paraît avoir
été très avancée. On trouve chez eux, dit M. Charnay, ; en industrie, les produits
les plus divers : le travail des métaux poussé jusqu'à la perfection dans les instru-
ments agricoles, les armes, les bijoux et les statues ; en morale comme en religion,
les idées les plus pures et les conceptions les plus élevées: en astronomie, la science
assez avancée pour amener la création d'un système chronologique des plus simples
et des plus ingénieux; en architecture, des instincts des plus remarquables, qui fe-
ront du Toltec un être à part, un grand bâtisseur de palais et de temples, aont il
transportera plus tard le modèle dans l'Amérique centrale. » L'empire toitèque dura
près de quatre siècles ; il s'étendait d'un océan à l'autre, sur un espace de plus de
mille lieues de circuit; il était arrivé à un tel degré de prospérité que la terre était
cultivée jusque sur les plus hautes montagnes. Une longue période de guerre, de fa-
mine et de peste mit fin à cette prospérité et amena l'abandon du pays. Le peuple
toitèque émigra le long des côtes du golfe et de celles du Pacifique, et alla peupler
et civiliser le Teibasco, le Chiapas, le Yucatan et le Guatemala. La suite des com-
munications de M. Charnay sera consacrée à l'étude de la civilisation toitèque dans
ces divers pays.
l60 REVUE CRITIQUE d'hISTOIRE ET DE LITTERATURE
— Ouvrages présentés : — par M. Gaston Paris : Des Robert (Ferdinand), Deux
Codex manuscrits de Vabbaye de Gor:{e; — par M. Oppert : i" C[olomb] (le P. A.),
mariste. Notes f^rammaticales sur la langue de Lifu (Loyaltys) ; 2° le même, Essai
de grammaire de la langue de Viti ; 3° histoire sainte, traduite en langue de l'île
d'Uvea (archipel des Wallis), par le même.
Julien Havet.
Séance du 2 janvier i885 '.
L'Académie reçoit l'ampliaiion d'un décret par lequel est approuvée l'élection de
M. Benoist à la place d'académicien ordinaire laissée vacante par la mort de M. Ad.
Régnier. M. Benoist est introduit et prend place.
L'Académie procède au renouvellement annuel du bureau. M. Ernest Desjardins.
vice-président sortant, est élu président, en remplacement de M. Georges Perret,
M. Gaston Paris est élu vice-président.
MM. Perrot et Desjardins prononcent chacun une courte allocution. M. Desjardins
annonce la mort de M. Frédéric Baudry, membre libre de l'Académie. La séance
est levée en signe de deuil.
SOCIETE NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du 28 janvier 188^.
PRÉSIDENCE DE M. COURAJOD
L'Académie de Nîmes et la Société des sciences historiques et naturelles de Sé-
mur envoient des lettres d'adhésion au vœu formulé par la Société des Antiquaires
de France pour la conservation des monuments anciens.
M. de Barthélémy communique, au nom de M. l'abbé Julien Laferrière, l'estam-
page d'une inscription commémorant la destruction de l'abbaye de Mardion en 1677.
M. de Villet'osse présente plusieurs objets faisant partie des collections léguées au
Louvre par feu le baron Davillier, notamment deux ivoires antiques représentant
l'un une bacchanale d'Amour, l'autre une tête de Mercure; des bagues en or avec
sujets mythologiques, des bagues avec monogrammes mérovingiens. 11 communi-
que, de la part de M. Guigue, le frottis noir d'une inscription romaine trouvée dans
le Rhône, à Lyon, relative à une Viennoise.
Il communique enfin, de la part du R. P. de la Croix, des détails sur les fouilles
du cimetière mérovingien d'Antigny.
M. Guillaume annonce que la porte Tournisienne, à à Valenciennes, vient d'être
classée parmi les monuments historiques. Il lit ensuite une lettre de M. Caliiaux
rendant compte des fouilles exécutées à Valenciennes.
M. Mowat présente l'estampage et la photographie d'une stèle romaine découverte
le 8 janvier à South Shields (Angleterre). C'est l'épitaphe d'un jeune Maure affran-
chi, d'un cavalier de Vala I^ Asturum ; l'inscription est surmontée d'un beau bas-
relief représentant le sujet connu sous le nom de Repas funèbre.
M. Schlumberger présente une tête de bronze creuse portant une coiffure cylin-
drique basse dont le pourtour et le fond sont percés de trous circulaires. Elle offre
quelque analogie avec une tête chypriote que M. de Villefosse communique en
même temps. Le Secrétaire,
Signé : R. Mowat.
Séance du 4 février 188 5.
PRÉSIDENCE DE M. COURAJOD
M. Michelant, membre résident, est élu membre honoraire; M. Germain Bapst est
élu membre résident, en remplacement de M. Albert Dumont, décédé; M. Emile Mo-
linier, membre résident, en remplacement de M. Ernest Renan, promu à l'honora-
riat. M. le marquis Ripert-Monclar est élu associé correspondant. M. Eugène Mûntz
communique la première partie d'un travail intitulé La légende de Charlemagne
dans rart du moyen âge. Il signale de nombreux monuments inédits conservés en
France, en Italie, en Allemagne, dans les Pays-Bas et en Espagne.
M. de Laurière communique, d'après un estampage envoyé de Rome par M. l'abbé
Le Loiret, la copie d'une inscription étrusque sur le ventre d'un vase en forme de
coq ; elle se compose de trois mots : Larile:;ili mimulu mlaph qu'il faut peut-être lire
à rebours. Le Secrétaire,
R. MoWAT.
I. Par suite de la perte d'un envoi de copie adressée à l'imprimerie, le compte rendu de cette séance
n'a pu être inséré en son lieu.
Le Propriétaire-Gérant : EPxNEST LEROUX. _
Le Puy, Tmvrimerie de Marchi>ssou f'ils. oaulevard S (jint- Laurent. 2s>.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE El DE LITTÉRATURE
N» 9 — 2 mars - 1885
!Soiîîmîi5a>c : 34. GrJgoire de Tours, Histoire des Francs, p. p. Arndt et Kru-ch.
— 33. Le Psautier de Metz, p. p. Bonnardot, I. — Variéics : Clermont-Ganneau,
Notes d'archéologie orientale, XX et XXI : nouvelles observations sur l'inscrip-
tion nabatéenne de D'meir; les noms propres nabatéens pseudo-théophores. —
Chronique. — Académie des Inscriptions. — Société des Antiquaires de France.
34. — Gt-egorîî T8!r«iiiens5s opern. Ediderunt W. Arndt et Br. Kruscm.
Pars I. Historia Francorum 'Monumenta Germaniae historica. Scriplorcs reruni
merowingicariim. T. I pars I). 4^0 pages, in-4. Hannoverae (Hahn), 1884.
Parmi ies volumes déjà nombreux des historiens publiés dans la col-
lection des Monumenta Gcrvianiae, il n'en est guère qui aient été at-
tendus aussi impatieinment que celui-ci ; il n"'en est aucun qui intéresse
aussi directement la l'rance. Nous sommes heureux d^annoncer que la
nouvelle édition de Grégoire de Tours a paru, et de la recommander à
tous ceux qui s'occupent de l'étude de nos origines. Ce premier volume
renferme l'Histoire des Francs ; le deuxième, qui doit paraître prochaine-
ment, contiendra les livres des miracles et les autres petits écrits. Il ne
sera plus permis désormais d'étudier ni de citer l'Histoire des Francs
d'après les anciennes éditions, tant on peut voir aujourd'hui qu'elles
s'écartaient du texte authentique, tant la nouvelle édition, au con-
traire, s'en est rapprochée.
Dans une substantielle introduction, M. Arndt résume, précise et
complète ce que ses devanciers ont dit de la vie et des œuvres de Gré-
goire; il traite ensuite des sources du texte de l'Histoire des Francs. La
partie biographique de cette introduction nous a paru complète et fort
intéressante, les jugements prudents et fermes '. A propos des œuvres
de Grégoire, nous avons des réserves à faire sur la Vie de saint André,
que M. A. ne croit pas authentique; mais nous aurons Toccasion de
traiter ailleurs cette question.
Si cette étude biographique est pleine d'intérêt, c'est cependant la
constitution du texte qui fait la véritable nouveauté de l'œuvre de
I. Ainsi, par exemple, on nomme fréquemment, parmi les lectures de Grégoire,
Aulu-Gelle et le traité de grammaire de Pline, parce qu'ils sont cités dans le pro-
logue de la Vie des Pères. M. A. fait observer avec raison que rien ne prouve qu'il
y ait là des citations directes. En revanche, quand M. A. dit que Grégoire ne paraît
avoir lu de Salluste que les premiers chapitres du Catilina , il va peut-être trop
loin. 11 est difficile de ne pas admettre une réminiscence du Jugurtha (41, 9) au
1. IV, 12, p. 149, 26, in Cautino autetn nihil sancti, nihil pensi fuit. A moins que
égoire n'ait pris cette phrase dans un imitateur de Salluste.
Nouvelle série, XIX. 9
l6i RKVIIK CRIlriQUk
M. A. et son importance cupitale. Sans méconnaître, en effet, les méri-
tes éminents de D. Ruinart, ni ceux de D. Bouquet, on a de la peine à
croire, en comparant leurs éditions à celle de M. A., qu'ils aient eu à
leur disposition presque les mêmes manuscrits. C'est que, suivant
l'habitude de leur temps (auquel on pourrait croire que Guadet et Ta-
raiinc aussi ont vécu, tant ils ont peu songé à en renouveler la méthode
critique), ils ont pris pour base de leurs recensions la vulgate, et se
sont contentés de puiser, dans les mss. de premier ordre qu'ils consul-
taient, les morceaux jusque-là inédits et certaines leçons particulière-
ment intéressantes. M. A., est-il besoin de le dire? a procédé tout autre-
ment. Pour lui, le point de départ, ce sont les mss. les plus anciens et
les meilleurs; quant aux travaux de ses prédécesseurs, si nous avions
un reproche à lui faire, ce serait plutôt de les avoir trop mis de côté '.
Il résulte de ce retour aux sources, préparé depuis de longues années
par Pertz, Bethmann et autres, accompli par M. A-, une trans-
formation du texte, qui, sans doute, ne touche pas d'une manière nota-
ble aux faits rapportés par Grégoire, mais qui donne à son œuvre une
tout autre physionomie. La langue à demi barbare dans laquelle il a
écrit, a repris la place de ce latin presque classique dans lequel nous
étions habitués à le lire.
Il existe une trentaine de mss. de Y Histoire des Francs, qui ont été
tous examinés avec soin en vue de cette nouvelle édition, et dont les
plus importants ont été collationnés, en entier, quelques-uns même à
deux fois. M. A. les divise en quatre groupes désignés par les lettres
A, B, G, D. Le groupe A, n'a guère qu'un représentant, le seul ms.
presque complet de l'Histoire des Francs, le n" 273 du Mont-Cassin.
Cinq mss. forment le groupe B ; ce sont les mss. de Cambrai (Bi), de
Bruxelles (B2), de Leyde (B4), de Bcauvais (B3), et de Corbie {B5), ces
deux derniers appartenant aujourd'hui à la Bibliothèque nationale de
Paris. Ces mss. B sont les plus anciens de tous (vii«= et vui'^ siècles) et les
plus intéressants, en ce sens que c'est par eux principalement qu'on a
I. Même des corrections déjà anciennes, et passe'es à l'état de vulgate, sont men-
tionnées par corrcxi, sc7-ipsi, etc. (p. 66, 23; 217, 44). — III, 16, p. 3oo, 20 on n'ap-
prend pas de qui est l'émendation adoptée. — Vil, 27, p. 307, 10. Childebertiim
(après nepotem dus) est attribué à Ruinart, mais ce mot se trouve déjà dans D4
(qui a d'autres conjectures plus probables que celle-là : I, 3i, p. 49, 14, miiiistcrio ;
IX, 10, p. 367, 7, iiidicatus, etc.). Il n'est pas rare aussi que les collations de M. A.
soient en contradiction avec celles de ses prédécesseurs (par exemple, p. 64, 40, avec
Ruinart; 223, 3i, avec Guadet; etc.). Naturellement, c'est M. A. qu'on croira de
prétcrcncc. Néanmoins, un signe conventionnel quelconque, avertissant les lecteurs
que ces contradictions sont bien des rectifications, les rassurerait. Car il va
sans dire que dans ces centaines de mille variantes, il a dû se glisser des erreurs
par-ci par-là, ne fût-ce qu'à l'impression. Plnlin, il serait non seulement intéres-
sant, mais utile, de connaître les corrections tentées par les anciens éditeurs sur bien
des passages. Pour ne citer qu'un seul exemple, II, 2, p. Gi, 20, l'émendation évi-
dente UH^ume n'est pas même mentionnée, et l'on reste en présence d'un texte
inintelligible.
d'histoirk kt dk f.i ttkraturb i63
pu retrouver la langue et jusqu'à Torthographe originale. Par la lettre
C, M. A. désigne le ms. de Heidelberg et sept autres qui lui res-
semblent. D, enfin, est la marque commune de tous les autres mss. Le
seul caractère distinctif de ce groupe, que mentionne M. A., c'est l'omis-
sion de la préface Decedcnte, etc.; il aurait pu ajouter l'absence du
ch. 33 du 1. IV, et un grand nombre de leçons '.
L.e classement de M. A. constitue un notable progrès sur cehii
qu'avait tenté Pertz autrefois \ Cependant, il ne nous paraît encore ni
tout à fait exact ni propre à donner une juste idée de la valeur et de
Tautorité relative de chaque famille. Ainsi, par exemple, M. A. fait des
trois fragments de Leyde, de Rome et de Copenhague un membre de la
famille A. Or, la collation qu'il en donne prouve que le ms. auquel ces
fragments appartenaient était de la famille D, et plus particulièrement
apparenté au ms. D5, dont il partage des leçons tout à fait caractéris-
tiques ■'. M. A. le nomme A2, parce que, dit-il, il contenait des chapitres
du 1. V, que Ai seul renferme. Mais aucun chapitre du 1. V ne man-
que à D. — Al lui-même, que M. A. qualifie de codex magni pretii,
n'a de qualité bien saillante que celle d'être complet ^ et de former à
lui seul un rameau de l'arbre généalogique. 11 est d'ailleurs criblé de
fautes, surtout dans les derniers livres; mots omis, mots mal rendus,
et, ce qui est le pire des vices pour un manuscrit, mots altérés sous pré-
texte de corrections ■'. — D, en revanche, qui a tous les dédains de
M. A., ne les mérite que si, avec M. A., on prend un seul membre de
la famille pour représentant de toute la famille. Si, au contraire, on
essaye de reconstruire par la pensée le ms. qui a été la source commune
de tous ces mss. D (M. A. en énumère 14, mais deux ou trois suffisent
partout où A, B, C existent), on trouve qu'il n'était point si mauvais.
il sort d'ailleurs de la même branche que Ai, comme le prouvent
1. Il est vrai que D. Bouquet ne dit pas si la préface était dans Di (nous ne con-
naissons ce ms. que par lui), et que M. A. ne donne aucun détail sur quelques au-
tres mss. Mais presque tout ce que D. Bouquet rapporte de Di se retrouve dans D4
ou D5; une grande lacune {IV, 3o et suiv.) est commune à D3, 4, 5; une autre
(IV, 25) à D2, 3, 4, 5, S, 9, 12 ; une leçon très caractéristique (Vllt, 3o, p. 344, 43) se
trouve dans Dr, 4, 5, 12; etc. 11 paraît bien probable que tous les mss. D découlent
d'une même source.
2. Archiv f. celt. d. Geschiclitskimde, V, p. 5i à 53; comp. G. Monod, Etiules
critique'--, etc., p. 5o.
3. Excepté V, 43, p. 256, 21, sanctnm eius (qui est d'ailleurs la leçon de Ruinart,
c'est-à-dire, probablement, de quelque ms. D), et des détails d'orthographe, il n'y a
pas de rencontre entre A i et A2, qui n'en soit une aussi entre A2 et D4 ou D5. Au
contraire, Ai et A2, se séparent souvent, et A2, D5, s'accordent p. 237, 47 et
31 ; p. 383, 4<S, [sigiberto D4); 384, 8 (comneiUia); 36; 42 {esse}; oSg, 3i; 3qo.
35, etc. P. 388, 5i, note g, il faut sans doute lire A2. D5.
4. bes lacunes (X, 3 à 5 et i3) ne proviennent pas d'omission volontaire, mais de
la perte de feuillets, soit d'Aï même, soit de son modèle.
5. Voyez p. 3i, 29; 32,43; 33, 3y, 33, 41; 34, .^-j; et ainsi de suite, à chaque
page.
l6| r:;v'jk ckiîiquk
leur nccord presque constant et ceitaines leçons caractéristiques ".
Les rapports qui existent entre B et C, sont plus difficiles à établir.
Non pas pour les livres I à VI. Ici chaque page abonde en preuves
que C " ou son modèle a été copié sur l'original de B i et 2, tandis que
B3, 4, 5 forment un second groupe B. Quant aux chapitres que C
rcnfernic, tandis qu'ils manquent aux autres mss. B, la sjule explica-
tion possible est celle que donne M. A., c^est qu''ils ont été ajoutés dans
C ', d'après un ms. autre que B '''. Mais la difficulté est plus grande
dans les 1. VII ù X. Ici, B3, 4, 5 nous abandonnent, et Bi, 2 d'une
part, C de Pautre, semblent intervertir leurs rôles : Bt et 2 sont beau-
coup plus complets que (3, qui, vers la fin, omet plus de chapitres qu'il
n'en conserve. On a de la peine a comprendre une telle indifférence de
la part d'un copiste qui, dans les premiers livres, prenait la peine de
compléter son modèle en recourant à un second exemplaire. Cependant,
la parenté entre le texte de C et celui de B, malgré d'innombrables
variantes, est si étroite ■', qu'on ne peut douter que C tout entier ne
I 1,47, p. 35, II, uocitûucre. . . itoluerunt. — 1!, 28, p. 8q, 41, uests mncunina
(Al, D4), pour uestein Chruna. — VU, 33, p. 3 [3. lô, omission d'une phrasj.
— Vil!, i5, p. 333, 2Ô, Cfosiliirn. — Vlll, 3;, p. 347. 5, nos omis. — V'III, 42,
p. 334, 1, lacune, mal dissimulée par D. — X, 19, p. 43i, 43, atque; etc.
2. Au lieu de G, il faudrait dire Ci, que M. A. nous fait seul connaîire; mais
M. A. elle au moins un cas (p. 72, i5j de leçon fautive commune à tous les mss.
B et C 'p. 29, 4g). Une difficulté très sérieuse s'élève cependant au 1. IV, ch. 20,
p. iGo, 34. M. A. constate ici l'omission d'une quarantaine de lignes à la fois dans
les mss. C2, 3, 4, et dans D2, 3, 4, 3, 8, 9, 12. Une lacune non motivée par un
homéotéleute, et commune à certains mss. de deux familles, non à tous, cela ne se
conçoit pas aisément. Il faut croire que C 2, 3, 4, qui sont écrits de diflerentes mains
chacun, descendent, en partie seulement de C, et en partie, notamment dans le 1. IV.
de mss. D, qui avaient la lacune.
3. Cette hypothèse n'a rien d'invraisemblable. Il ne faut pas croire que les copis-
tes, dans certaines maisons pai ticulièrement lettrées, ne sussent, dès les premiers
siècles du moyen âge, s'entourer de plusieurs exemplaires d'un livre. On peut en
ciier mainte preuve. Il suffit d'en donner quelques-unes, tirées de l'édition même
dont nous parlons. Dans C4, plusieurs fois (par exemple II, 3i et 32), le texte de
Grégoire est remplacé par celui des Gesta Francnrum. Ailleurs (VI, 6, p. 23 1, 24 et
VU, 32, p. 3i2, 261, des noms propres, passés sous silence par Grégoire, ont été
ajoutés par les copistes. Ailleurs encore (II, Soi on a inséré après coup des feuillets
où sont écrits les chapitres manquants. Comp. aussi p. 102, 43, etc. C lui-même, si
l'an;iotaiion de M. A. est exacte, aurait comblé même de petites lacunes, comme
p. iu5, 41 -, 2o5, 39; 220, 27; 241'), 38; 267, 37; 2S4, 42, etc. — Quant à l'opinion
autrefois émise par M. G. Monod (Etudes critiques, p. 46 et 47) et combattue par
M. A. (préface p. 18, suiv.}, elle est inconciliable avec la filiation aujourd'hui évi-
dente des mss., et en particulier avec l'existence d'un archétype unique. M. Monod
a, sans doute, abandonné déjà son hypothèse, d'ailleurs très ingénieuse.
4. Ces chapitres étant courts et peu nombreux, on n'y trouve pas de preuves tout
à fait décisives de la provenance du texte. Mais d'une manière générale, il y a ac-
cord entre A et D contre C (voyez, par exemple p. 47, 27 ; 28; 32, etc ), ce qui ferait
supposer que la source où l'on a puisé n'est ni A ni D.
5. Voyez, outre l'accord général, p. 3o4, 41 w); 3i3, 33 0) ; 33o, 37 0); 332,
44 v); 343, 43 w) ; 346, 33 «); 373, 41 w); 376, 3o g); 29 c); 377, ^bt); 378, 41
V); 379, 48 C]) 391, 33 b); 33 /;.
r>
o'HiSrOIRK KJ DH. LIT IKR.V î UKh l65
iérive des mêmes sources que Br et 2. G n'est donc qu'un raineati de
, (ians la seconde partie aussi bien que dans la première ', et il est re-
grettable que M. A. ait donné à ce groupe de mss. une désignation qui
paraît assigner à son témoignage la valeur d'une troisième branche de
la tradition.
En même temps que B3, 4, 5 nous abandonnent, Bi et 2 chan-
gent de nature. Dans tous les deux, les livres I à VI seuls sont de pre-
mière main; les livres suivants ont été ajoutés après coup, par vme
main du vin'' siècle au ms. de Cambrai (Bi), par différentes mains
au ras. de Bruxelles (B2). Où les copistes qui ont fait ces supplé-
ments ont ils pris leur texte? C'est ce que nous ne saurons probablement
jamais. Tout ce que nous pouvons constater, c'e^t que ce texte est
ditïérent de A et D, indépendant de leur source commune, et que, par
conséquent, dans les i. VII à X aussi bien que dans la première partie,
B, C, forment ensemble une des branches de la tradition, et A, D, l'au-
tre. Ci parait être écrit d'une même main, mais C, j'entends le ms.
dont Cl, C2, etc., sont des copies, a pu être forme de la même manière
que B[ et B2.
Voici, pour nous résumer, comment on peut (igurer la tia-iition du
texte des 1. I à VI :
a (archétype)
Ai
Di D2 D3 etc
Bi B2 c
B3 B4 B5
Cl C2 C3 etc.
1. On ne doit pas dissimuler, cependant, que C, se rapproche souvent aussi de
Ai, ou de certains mss. D, d'une façon étonnante, au point qu'on peut le soupçon-
ner (non pas Ci, mais C) d'avoir été retouché à plusieurs reprises (voyez p. 3oo,
46 k); 3ii, 35 u); 3i3, 29 a); 3i5,46/); 333, 3(3 0); 344, 43 a); 365, 32 11); 566,
29 il); 385, 3i e); 410,45 k) m); 5o a); 412, 27 //); 417, 3q p); etc.). Dans ce cas,
(. perdrait encore bien plus de l'autorité qu'on lui a attribuée jusqu'ici, puisqu'il ne
pourrait même pas servir de contrôle à Bi et z. Un pourrait alors admettre que C
aurait été copié sur un ms. B auquel manquaient tous les chapitres omis par B
dinslesl. 1 à VI, et par C, dans les 1. VU à X. En même temps qu'on aurait corricé C
d'après un second ms. on l'aurait complété d'après ce même ms. ; mais le zèle du
correcteur se serait ralenti peu à peu ; de là la fréquence relative de ces suppié-
meius dans les premiers livres, et leur rareté dans les derniers.
l66 KEVUK CR(T1QUK
Et celle des livres VII à X :
a (archétype)
C'i C3 etc.
Quel est, demaïuiera-t-on, cet archétype que nous plaçons au sommet
de notre arbre généalogique? Serait-ce l'original de la main de Grégoire
ou du secrétaire écrivant sous sa dictée? Non, un grand nombre de
fautes de copie évidentes, qui déparaient déjà cet archétype, le prou-
vent clairement ". Mais l'âge même des mss.B fait penser que le point de
départ des deux branches X et B, doit être cherché bien près de la sou-
che.
Quel usage M. A. a-t-il fait de ces matériaux réunis avec tant de
soin? Ses déclarations à ce sujet ne sont pas très explicites, et en obser-
vant attentivement les procédés de l'éditeur dans le livre même, on est
amené à penser, ce qui n'est pas bien étonnant, qu^il y a eu quelques
tâtonnements, quelques incertitudes. Voici les principes énoncés dans
la préface p. 29 : Dans les l. I à VI, adopter le texte de Bi et 2, sauf à
I. I, cap. 33 p. 32, 3^ Qjdriaco pour Qidrino ; comp. I, 33 p. 3o, 24 et 1, 3ô,
p. 3i, 8. — I, 10, p. 40, 17 omission des mots omnes mare transierunt (i Cor.
10, i), que Grégoire n'a pu laisser de côté, puisque c'est sur ces mots que porte sa
remarque (1. i3, transilus illc inaris). — I, 12, p. 40, 3o, Boo:^ ne pouvait manquer,
puisque Grégoire veut énumérer quatorze générations; quelques mss. ont rétabli ce
mot d'après la Bible. — II, 2, p. 61, 20, sanguine (ou angitinc?) pour unguine,
émendation évidente, due soit à un copiste (D4 en a tenté une autre, inguine),
soit aux anciens éditeurs; le mot unguen se retrouve gl. m. 5r, p. 782 R. et s.
Mart. III, 18, p. 1091 R. ; la même faute de copie se voit dans les mss. de Catulle
66, 91. — II, 3, p. 66, 3, ter pour teter, qui, grâce à une émendation ancienne, se
trouve déjà dans D4. — H, g, p. 74, i3, imperatorisque pour imper atisque. — II, 25,
p. 87, 14, Germaniae pour Aquitaniae (v. Longnon, Géogr. de la Gaule, p. 190).
— V, 33, p. 225, II, Flauarisque pour Elauarisqiie (Longnon p. 161). — V, 43,
p. 234, 21, iunior pour m/«or (Ruinart .■•); sans doute, quelquefois iuniov se rappro-
che beaucoup du sens de minor, par exemple, gl. conf. 43, p. 93 1 R. et peut-être/?.
F. IX, 6, p. 361, II ; mais ici, dans un syllogisme, il faut le même terme dans la
prémisse que dans la conclusion, 1. 22; comp. aussi p. 34, 2; 16; 233, i; i3; 371,
6 et surtout 247, 18. — VU, 16, p. 3oo, 20, egressus coepit pour aegre suscepit.
— VU, 35, p. 3i3, 2\, se mota seditione pour mola seditione (comp. p, 323,
14; 34f, i3; 348, 19; 5. lui. 10, p. 837 R.; probablement le copiste avait com-
mencé à écrire seditione avant mota); etc., etc.
d'histoire et de littékature 167
corriger certaines fautes; rapporter toutes les variantes de Ar, B3, 4, 5,
Ci. Dans les 1. VII à X, suivre l'accord de Ai, Ci, D5, saut pour
l'orthographe, qui sera empruntée à Bi, 2. Enfin, dans les parties qui
manquent aux mss. B, s'en tenir à Ai et Ci, en donnant quelquefois
(interdtim) les variantes de D5. Enfin, dans les derniers chapitres, ajou-
ter les leçons Di i et D12.
Remarquons d'abord que M. A. tient plus qu'il ne promet. Outre les
mss. qu'on vient de nommer, il donne la collation de quelques mss.
qui ne renferment que des morceaux choisis '. Les uns sont intéies-
sants surtout au point de vue de l'orthographe; les autres sont presque
indispensables pour le texte de Timportant chapitre final (X, 3i).En re-
vanche, il est bien regrettable qu'on ait fait aux mss. D une part si exi-
guë. On aimerait à connaître mieux les mss. G aussi, mais, d'après ce
qui vient d'en être dit, il est probable qu'ils n'auraient qu'une utilité
assez restreinte pour l'établissement du texte. Au contraire, des centai-
nes de leçons adoptées par M. A. n'obtiennent toute leur certitude ou
leur probabilité que par le témoignage de D ^; beaucoup d'autres, re-
jetées par M. A., ne l'auraient pas été, s'il avait accordé à D l'attention
qu'il mérite ''. Mais ceci nous oblige à examiner de plus près les
principes mêmes de M. Arndt.
1. Un ms. de Berlin et un autre de L.aon, qui lui ressemble beaucoup (,3 i et 2) ;
celui de Paris lat. 141 5 (V, 43); enfin trois autres mss. pour le cli. 3i du 1. X.
M. A. déclare les mss. ji proches parents de B2. Il ne peut s'agir, cependant de B2
dans les 1. I à VI, puisque ,3 a le ch. I, 47, qui manque dans B, C, et qu'au ch. VI, 29,
il ne s'accorde avecB, C, ni sur les leçons les plus importantes, ni sur les omissions:
deux lacunes de toute la famille B, C, ne sont pas dans ,5. Pour les 1. Vil à X, c'est
autre chose; on peut citer au moins une rencontre vraiment signifîcaiive ; p. 435,
37, le nombre XVII au lieu de XVI. Mais il y a aussi des ressemblances frappantes
avec A. Il n'est pas impossible que le texte de ,3 soit tiré d'un ms. différent de A, D,
de la même famille que la source de B, pour les I. VII à X; il se peut aussi que ji
soit pour nous le seul représentant d'une famille éteinte ; son peu d'étendue ne per-
met pas d'en juger avec certitude.
2. Quelques exemples seulement. — [, 2S, p. 47, i scisinas (scema/// D 4). — 11, 32,
p. q3, 20, poposcevit (poposceret D4). — III, 9, p. i iG, 17 adiiiic. Ici et dans plu-
sieurs des passages suivants, les crochets doivent tomber, le témoignage de A, D,
équivalant à celui de B, C, et le sens exigeant les mots omis par ces derniers mss.
Ou bien, si l'on pense qu'une lacune de l'archétype a pu être comblée par conjec-
ture, il faudrait frapper de la même marque de défiance les mots omis par A, D, qui
se lisent dans B, C. — III, 10, p. 117, 7 ad. — 111, i5, p. 124, 22. framea. — IV,
3o, p. i65, 16 autem. — IV, Sg, p. 173, 6 cecidit et mortiius est ; D4 manque,
mais je conclus du silence de Dom Bouquet, que Di, etc., portaient cette leçon, qui
est d'ailleurs conforme à l'usage de Grégoire; cecidit et m. est se lit au moins douze
fois dans Y Histoire des Francs, six fois dans la seule Vie de saint André, etc. —
V, 18, p. 210, 21 Marlinum. Ici M. A. lui-même invoque le témoignage de D. —
V, 24, p. 220, 5 quoque. — V, 40, p. 235, 9 dignum. — VI, 3, p. 246, 14 de pace.
— VI, 6, p. 249, 28 ius. — VU, 27, p. 3o7, 25 e/. — VIll, 10 p. 33 1, 4. lamentaret
(D4); etc. Enfin, tous les passages où la leçon de B est contredite par Ai et confir-
mée par D.
3. Dans tous les passages qui suivent, je m'appuie sur Ai, D4 à moins de men-
tion contraire, et à part l'orthographe.— I, 6, p. 30, 25 Nebroih; comp. curs. stell. 4,
1 68 RKVUE CKITIQUK
IJ en est un, d'abord, qu'il faut pleinement approuver, c'est la distinc-
tion qu'il établit entre le texte proprement dit, les mots du texte, d'une
part, et d'autre part la manière d'écrire ces mots, c'est-à-dire l'orlhoj^ra-
phe et, dans une certaine mesure, la grammaire. On peut être divisé
sur la question de savoir si le latin de Grégoire était aussi barbare en
réalité qu'il l'est dans l'édition de M. Arndt. M. Waitz, dans la préface
qu'il a mise en tète du volume, paraît en douter. J'inclinerais plutôt
du côté de M. A., et j'aurai l'occasion ailleurs de développer ce point de
vue '. Mais quelque parti qu'on prenne, tout le monde sera d'accord
pour reconnaître que le latin de Grégoire devait êire plus barbare qu'il
ne le paraît dans les éditions anciennes, et dans les mss. postérieurs au
— I, 14, p. 41, 16 appellabatur. — I, 21, p. 44, g liberatur. — 1, 48, p. 53, Z'j jprae-
iermittamiis. — II, prol. p. 58, zopvaestit. — II, 2 p. 61, 20 substantiae esseniiae-
qiie, digno aqitas unguine {suv ce dernier mot, voir plus haut; la nouvelle édition
a singulièrement défiguré cette phrase;. — II, g, p. 74, q conmonet. — II, g.
p. 75, II Alanoriim (B a mis par mégarde, à la place de ce nom peu connu, celui des
Alamans, qui l'était beaucoup). — II, g, p. 77, 3 amnes (= amnim. — II, 27, p. 88,
c^ retentationem. — II, 3i,p. g2, 18 ibi. — II, 32, p. g3, 23 ref;no (comp. <î4, ii :
Godégisèle considère que son but est atteint, bien que Gondebaud soit à Avignon). —
H, 34, p. g7, 3 melues (Ai, Di ^=. me lui s D4). — II, 37, p. 102, j palrata (comp.
X, 3, p. 411, i). — 111, 18, p, 128, 20 talon se îantamquc; comp. VI, g, p. 254, 37;
uit. pair. 17, I, p. 1233 R. ; gl. conf. 42, p. g2g, R. ; g8, p. g7g R— IV, 18, p. i55,
17 iussissit. — V, I [, p. 200, 2 legali (la loi et les prophètes; David est compris dans
ces derniers).— V, 17, p. 207, 24 caelebrauimus. — V. 18, p. 3i3, i iienirem
r=.uenerim Aï, D4';. — V, 18, p. 2i5, 24 quod ei iam. — V, 2g, p. 223, 7 delegatur.
— VI, 33, p. 275, 2 habititr. — VI, 40, p. 281, 7 una, una. — VII, 14, p. ^gg, 27
putvefactas astulas. — VII, 44, p. 32 1, 2g apostolicis iAi,D5; apostoloriim D4,
interpolation très naturelle); Grégoire dit aposioUci acius dans mir. Andr. prol.,
etc. — VII, 47, p. 323, 24 quoniam ipsorum est regnum caelonan; Grégoire a con-
fondu deux béatitudes (Matth. 5, 3 etg),Bc a rétabli l'une d'après la Bible; comp.
I, 12, p. 41, 3i ; V, 6, p. ig8, 46, etc. — Vill, 7, p. 33o, i ad aeclesiam. — IX, 22,
p. 38o, 18 plaga iialde m. (plaga ualida m. D4) ; 1. 20 interitii grauata; h.\ a
déplacé ualde. — IX, 33, p. 3go, 11 ingreditur ; etc.
I. Voici, en deux mots, mon opinion sur cette question fort délicate, je le recon-
nais, et que je n'ai pas la prétention de trancher. Sur un certain nombre de points,
nous avons des indices suffisants pour établir la manière d'écrire de Grégoire lui-
même. A en juger par ces mots-là, par les propres déclarations de l'auteur et par
diverses considérations d'une nature plus générale, il est permis de croire que Gré-
goire, en écrivant ou en dictant, faisait autant de solécismes et de barbarismes que
nous en trouvons en moyenne dans les mss. B, et que lui-même ou son secrétaire
faisaient autant de fautes d'orthographe. Mais comme cette orthographe et cette
grammaire admettaient indifféremment plusieurs manières d'écrire un même mot
et de construire une même phrase, comme cette grammaire et cette orthographe si
élastiques étaient aussi celles de l'époque et des plus anciens copistes, ceux-ci ont
rendu avec une g-ande liberté e par /, o par u, des accusatifs par des ablatifs, etc.,
et il n'est pas possible d'établir dans chaque cas particulier comment Grégoire a
écrit. II faut se contenter de remonter aussi près que possible de l'archétype. Mais
le latin de l'archétype doit présenter à peu de chose près l'apparence qu'avait le la-
lin de Grégoire lui-même. Je ne puis donc, pour ma part, qu'approuver M. A., qui
n'a voulu ni dépouiller de leur physionomie authentique, ou peu s'en faut, les clia-
pitr^s conservés dans les mss. anciens, ni essayer de conformer à ce type les pages
qui ne nous ont été transmises qu'après avoir été modernisées au ix'' siècle.
d'histoire kt Dr-; littérature 169
ix^ siècle. On est donc forcé d'admettre que ces derniers inss. ont été cor-
rigés d'après les régies de la grammaire classique. C'est d'ailleurs ce qui
ressort avec évidence de la comparaison des mss. anciens avec les mss.
récents, et de mille traces de cette opération encore visibles dans ceux-ci.
Mais beaucoup de ces mss. dont l'orthographe est falsifiée n'en sont pas
moins dignes de confiance à d'autres égards, et il est parfaitement légi-
time d'établir sur des bases différentes le texte même et l'orthographe.
En cette dernière matière, il faut s'attacher surtout aux mss. anciens ;
on ne peut pas toujours procéder méthodiquement, contrôler les témoi-
gnages les uns par les autres et mesurer l'autorité relative des mss. à
leur degré de parenté '. Au contraire, on peut appliquer cette méthode
au texte même avec une grande précision. Et c'est ici que nous devons
avouer que les principes de M. A. ne nous satisfont pas entièrement.
On doit se demander, en effet, sur quoi repose cette préférence presque
exclusive accordée à Bi et 2 dans les livres 1 à VI • ; pourquoi c'est
1. Je ne veux pas dire qu'on soit livré à l'arbitraire. Mais la méthode est moins
simple et moins sûre; il faut se fier beaucoup plus à une seule famille de mss., ou
à un seul ms., quelquefois même à des preuves indirectes. — 11, 9, p. yS, 3 l'ac-
cord de Ai, B2, Ci, B3, 5 contre Bi, D4, devrait faire admettre adcomodus par
un seul m. — Le génitif en i pour ii, fréquent surtout dans les 1. I à VI, est suffi-
samment attesté, bien que faiblement. Vil, 3i, p. 3ii, 5 (Sergi) et IX, 20, p. "ijb,
16 ( Vico luli). — III, 5, p. 112, î3 subilum Ci et X, 4, p. 412, 25 subito B2 : il
faut lire peut-être supitttm (:= sopiium) et supito. — A propos d'orthographe, quel-
ques observations encore. — H, 2, p. 61, 17 on écrirait mieu.x adhoc (=^ adhuc), et
V, II, p. 200, 24 forasmovancum, comme p. qS, 2 iiitra)nuraneum, p. 3o3, 7 iii-
framiiranea. — V, 34, p. 227, i3 etsi. — VIll, 3i, p. 34G, 12 antefaiias, comme
p. 100, 6. — Frustra {=.frusta), que M. A. admet à partir de V, 44, p. 237, zi
(comp. 42}, est attesté déjà, 111, i5, p. I25, 4, même par D4, et V, 5, p. 197, même
par D5. — Le ch. IX, 12, n'étant fondé que sur B2 et D5, on se demande pour-
quoi p. 368. 21. on n'écrirait pas avec DbVabrinsi, ce qui est presque régulier dans
les 1. I à VI. — M. A. imprime souvent coena, obscoenus, moeror, etc., et cou-
ramment, dans la seconde partie, oracio, viiiicia, etc., sans variantes. Pourtant
même à supposer que co^«ci etc., se lise quelquefois dans certains mss., on peut être
sûr que ce n'est pas dans tous; et si Bi et 2 donnent souvent ci pour ii dans
les 1. VU à X, ce n'est pas sur ce point qu'il eût fallu les suivre; on sait trop bien
par les I. I à VI, que celte faute était assez rare dans Tarchétype. D'ailleurs M. A.
ne s'astreint pas absolument à conserver l'orthographe de B, même quand elle est
conforme à B dans la première partie; voy. 336, 5i tenturii ; 337, 'i6 finissitque ;
3 17, 26 orbis , etc.
2. Bi et 2 sont des mss. fort remarquables, sans doute, mais nullement infail-
libles. Ils ont beaucoup de fautes de copie et, ce qui est plus propre à ébranler la
confiance, des interpolations. On en jugera par quelques exemples. — I, 24, p. 43,
17 liberauit pour librauit. leçon absolument certaine, grâce à l'accord de At, 65,
C3, 7, D4 et au texte de Rufin (Euseb. hist. eccl. I. 8, 14), à qui Grégoire em-
prunte son récit; ce texte porte: eleuauit in semet ipsum dexteram ictumque li-
brauit: comp. en outre h, F. p. 101,4 {libcrarel B2); 25o, 25 (liberaret Bi);
267, 24; 273, 16; 277, i; 209, 25; 3x0, i; 3i9, i6; 382, 23 (liberauit Ci, D5);
390, 23 (liberauit B2) ; 439, 7 [liberatae D5). — II, i3, p. 81, 9 seditio pour con-
lisio, [cousilio dans l'archétype, que B5 seul a bien corrigé; D4 porte contentio).
— II, 28, p. go, 4 mittit pour dirigit (Ai, B4, 5, D4). — II, 33, p. 96, 6 uerberibus
pour urijls (d'abord changé par erreur en iierbis. que présentent B3, 4, et dont Bc,
\JO RIîVUK CRlTfQUF.
rnccorJ de A. C, D, plutôt que de A, B, D, qui fera loi dans les livres
suivants; pour quel moiif, dans les chapitres qui manquent à B, D sera
seulement entendu, et Ci écouté, quand pourtant M. A. croit ces cha-
pitres de C empruntés à un ms. A, en sorte que Ai et Ci représent,^-
raient une seule et même famille.
On a vu que tous nos mss. remontent à deux copies (X et B, ou X et Y
pour les 1. VII ù X) d'un exemplaire fort ancien (a). Chacune de ces
copies est représentée pour nous par deux groupes de mss. (Ai, et Di
à 12 =: X; Bi, 2, Cl à 8, et B3. 4, 5 rr B) issus de copies au second
degré (A et D issus de X ; Bc et Bb issus de B). Dans l'immense majorité
des cas, l'accord de trois de ces groupes contre un nous fera connaître la
leçon de a; car il est plus probable qu^un copiste (A, par exemple, ou
Bc) se sera trompé, que si deux (D et B dans le premier cas, Bb et X
dans le second) avaient fait la même faute au même endroit. Certaines
erreurs, cependant, sont si faciles à commettre, ou si habituelles aux
copistes, certaines altérations volontairessont si séduisantes, que, quand
il s'agit de ces fautes-là, on ne peut pas se fier au même raisonnement.
Souvent on écoutera une des quatre voix plutôt que trois ' ; parfois
aussi, il faut l'avouer, on restera perplexe ^ C'est ce qui pourra arriver
encore lorsque A, D d'une part et Bc, Bb de l'autre, ou bien ailleurs
A et D seuls, se tiendront la balance, et que le sens ne fera pas distin-
guer avec certitude la leçon préférable ^. Mais cette situation ne se pré-
sentera pas souvent; et alors même il restera une ressource, utile dans la
plupart des cas : comparer des passages analogues, s'enquérir de la tour-
nure préférée par l'écrivain.
a fait uerberibus ; urbis est dans A, D, et retrouvé par conjecture dans B5). — il, 38,
p. 102, 9 consolatione pour consolato {= consiilatu) . — VIII, 20, p. 338, 44 Euua
pour ceii iiirwn: etc. Je ne cite aucun exemple de simples fautes de copie, parce
qu'on en trouvera à chaque page dans les notes de M. Arndt.
1. I, q. p. 38, i5 ligans Ci, 3, D4, legcns les autres; c'est legans {^ ligans ;
comp. Genèse 37, 7), que la majorité des copistes a mal compris et mal coirigé. —
II, 3, p. 64, 28 ablata dolore (Bi, 2, Ci, seuls) est confirmé par s. Mart. III,
02, p. ioq7 R. ablaia omni dolore (mss. de Paris 2204 et 22o5). — VII, 18, p. 337,
6 pacatum populum a été corrigé d'après la grammaire par B et D.
2. II, 23, p. 87, () hidus temporis \^ï, 2, Ci, pour Indus tempore : est-ce lutins
qui a entraîné le copiste à mettre un second génitif? est-ce la confusion de is et e
qui remonte jusqu'à Grégoire lui-même ? (comp. p. 1 13, 9 et i36, 3i tune tempore ;
123, I opere;-iC)6, 23 latere). — 111, i5, p. i23, 2 manducare B, C, mandi Ai, Dj,
4; etc.
3. II, 5, p. 66, 18 et p. 67, 4 dci B, C, domini A, D. — VI, 35, p. 273, 6 oc-
ciimbere lecto B, C, o. leto A, D : à première vue, lecto paraît inadmissible; mais
comp. gl. m. 71, p. 801, R.; s. Mart. III, 44, p. iio3R., lectulo 0., à côté de h. F.
Vil, 22, p. 3o4, 27 laeto subcumbere; enfin uil. pair. 8, 7, p. 1190, R. laeto o.
Paris. 2204, le///io 0. Paris. 2203. — En certains cas, on adoptera la leçon d'une des
deux branches, sans trop se demander si cette leçon est duc à la tradition ou si elle
a été retrouvée par conjecture : V, 28, p. 222, 21 discripiionum ; V, 12, p. 257, 5
ciuiiates ; etc. — Ailleurs, il faudra bien se faire une règle, ci alors B, C l'emporiera
sur A, D, parce qu'il y a moins d'intermédiaires entre B, C et a, et D sur A, parce
qu'on a plusieurs témoignages sur D et un seul sur A.
D HISTOIRR KT DI^. LITTKRATURE 171
On doit comprendre maintenant Tintérêt qu^il y aurait à connaître
plus complètement la leçon de D, même là où B existe. Dira-t-on qu'une
collation de plus eût pris bien de la place dans un livre déjà si chargé
de notes critiques? Personne ne voudra faire cette objection, si, en con-
sultant D, on obtient un texte plus pur et plus sûr. Et puis, il y avait
un moyen de gagner beaucoup de place, c'était de citer les leçons de D,
c'est-à-dire les leçons communes à plusieurs mss. D, sinon à tous, au
lieu de celles de D5 seul. En Joignant à D5 le seul D4, je m-e suis
convaincu que des centaines de variantes tirées de D5 par M. A. pour-
raient être retranchées sans inconvénient, et au plus grand profit de la
simplicité et de la clarté des notes. Toutes les fois, en effet, que D4 se
trouve d'accord avec A, B, C, contre D5, il est évident que c'est D4, et
non D5, qui a conservé la leçon de D; comment, en efl'et, D4 aurait-il
connu la leçon de X, s'il ne l'eût trouvée dans D? Or, si D portait la
même leçon que A, B, C, adoptée aussi dans le texte, il n'y avait pas
lieu de rien dire en note d'aucun ms. D.
Voilà pour les livres I à VI. Dans la seconde partie, pourquoi serait-ce
l'accord de A, C, D, qui devrait l'emporter toujours? Celui de A, B, D,
est pour le moins aussi digne de foi ; car la nature incertaine de C fait
que B est pour nous le seul représentant tout à fait sûr de Y ; et B, C
valent autant que A, D. Aussi, M. A. n'a pas pu appliquer d'une ma-
nière conséquente le principe énoncé dans la préface. Il a dû adopter des
leçons de A, B, D, de A, D, et même de B tout seul K Enfin, il accorde
à B une importance vraiment excessive, en plaçant entre crochets tous
les mots que les mss. B ont omis. On aurait évité ces hésitations et ces
inconséquences en prenant pour règle l'ordre généalogique des mss.
tel qu'il a été esquissé plus haut.
Il faut ajouter un mot enfin sur les chapitres qui ne se lisent que
dans A et D. Ici, on est obligé de choisir entre A et D, en se fondant
sur le sens, quand il offre des motifs de choix, sur l'observation du vo-
cabulaire et de la grammaire de Grégoire, quand le sens est indifférent -.
Mais c'est ici, où D possède non plus seulement un quart de l'autorité
totale de la tradition, mais une moitié, qu'il apparaît surtout clairement
combien il importerait de connaître, au lieu d'un représentant de D,
avec tous les écarts qui lui sont particuliers, le ms. D même, recons-
1. A tort, selon nous, VIII, i3, p. 333, 8, où la place même de )ion trahit l'inter-
polation (peut-être faut-il lire nitllitm aliiim) ; X, g, p. 416, i^fueris me : pourquoi
suivre B ici plutôt qu'à la ligne i5 ^ Mais souvent B seul a gardé la leçon véritable :
VIII, i5, p. 333, 26 Eposiwn; VIII, 18, p. 337, i^ citra; VIII, 19, p. 33;, 3o in
terra; IX, 35, p. Sgi, (3 infilicem; etc.
2. II, 16, p. 82, ig, le texte de D in altttm infra capsum iisque cameram (d'après
D4 et Ruinart : M. A. ajoute id est, probablement par erreur) est bien préférable à
celui de Ai, dont on adoptera cependant les ablatifs alto et capso. — VI, 36, p. 276,
35 aliquem est faux; les complices du meutrier savent ce qu'il fait et tandem prouve
que scientem se rapporte à l'évêque. Lisez donc avec D5 aliquid ; comp. )nir. Andr.
18 lit nihil de Iiis aiiquid doleret; Fortunat, X, 2, i nihil est in aliquo aliquid
magis qiiod cniciet.
I 7- KKVUE CRITIQUE
truit par la méthode indiquée plus haut, ou, en d'autres termes, les le-
çons communes à plusieurs mss. D '. Ces leçons-là seules méritent d'ê-
tre mises en regard de celles de A, pour lequel, par la force des cho-
ses, nous devons au contraire nous contenter du seul représentant
existant, A i -.
On voit que nous ne donnons pas TéJition de M. A. pour définitive,
compliment banal, qui ne peut faire plaisir qu'à ceux qui ne savent pas
ce que c'est que faire une édition. Mais grâce à ses soins, nous avons
en mains presque tous les matériaux nécessaires pour retrouver le
texte authentique de Grégoire ; ce texte, il l'a lui-même rétabli dans la
plupart des cas, et la critique n'a désormais qu'à marcher dans la voie
ouverte par lui. Cet article est trop long déjà pour que nous essayions
de proposer et de justifier quelques-unes des émendations désormais
possibles ^. Signalons un point seulement sur lequel l'attention pourra
se porter avec fruit, et qui est autant affaire d'interprétation que de
critique, je veux dire, la ponctuation. Il existe un nombre considéra-
ble de passages où la ponctuation eût pu être corrigée déjà dans la
vulgate, et d'autres où elle doit Tétre pour se conformer au texte nou-
veau "*.
1. En considérant D5 comme équivalent de D, il est arrivé à M. A. d'introduire
dans le texte (entre crochets, il est vrai) un mot qui ne méritait même pas d'être
mentionné en note, autem V, 5. p. ig5, 19. Ce mot manque dans Ai, dans D4, et,
selon toute probabilité, puisque Ruinart, D. Bouquet et Guadet ne l'ont pas admis,
dans les autres mss. D. C'est donc une pure fantaisie de D5. — V, 49, p. 241, 25
me (D5), doit céder la place à nam (Ai, D4;. — IX, 12, p. 36g, i3 cordis dolore
n'a d'autre autorité, dans la nouvelle édition, que D5. Or, D4 porte dolore cordis.
— Toute la page 377 repose sur B, C seuls, à cause de lacunes de Ai et D5. Jus-
tement dans cette page, D4 porte une trace d'orthographe ancienne (leodes) et une
leçon qui est au moins spécieuse (1. ib absohitus).
2. Le ch. II, I, qui manquait primitivement à D5, a été ajouté après coup à ce
ms., d'après un ms. A. De même selon toute probabilité les ch. IV, 32, 34, 35 à Di.
Peut-être aussi le ms. de Paris 145 1 appartient-il à la famille A. Mais il ne
paraît pas qu'il s'en soit conservé d'autres traces. Voir plus haut ce qui a été dit
de A2.
3. I, II, p. 40, 23 probantiir rédsimQ un complément tel que tribulationibiis, par
exemple. — I, 25, p. 46, 2 argumenttim me paraît dénué de sens; faut-il lire ar ■
gutum? ou argutissimum? — I, 47, p. 5^1, 8 pour nunquid, lisez, en changeant un
petit trait, nunquam. — I, 48, p. 56, 18 uiiiebant se comprendrait mieux que uide-
bantiir. — III, 18, p. 128, 8 pour incestatur, lisez incentor (Di2).ou peut-être /H5ff-
ccitur (— instigator). — VIII, 3o, p. 345, 9 pour depcndat lisez desccndat (comp.
mir. Andr. i ne descendat ira dei super ciuitatem hanc); etc.
4. 11, 32, p. 95, 6 mettez une virgule entre consilium et licet (h cause de l'ordre
des mots). — m, prol. p. 109, 6 point et virgule après confitemur ; 1. 7 sancti confi-
tcmur, et triniim, etc. — 111, i3, p. 120, 8 si ita est, hoiie pessumdatus numquam
eregeris. — III, i5, p. I23, 23, point et virgule après potii ; virgule après dw5. —
IV, 16, p. i54, 3 virgule après retenere. — IV, 36, p. 170, 24 virgule après sancti -
tatis.— V, 39, p. 232, 24 nobis obtenentibus ad régi (=^ ab rege), abire permisit
(comp. p. 367, 7 liber abirei) ; comment le malheureux irait-il trouver le roi, qui l'a-
vait probablement fait livrera la reine? — V, 40, p. 233. r transporter la virgule
D'HISTOIKK KT DK I.lTTÉKATUlîK 1 7 :)
L'interprétation, pour laquelle on trouve de précieux secours chez
Ruinarr, n'a pas été négligée par M. Arndt. Identitkation des noms de
lieux, faite le plus souvent d'après M. Longnon ', renvoi aux sources
de Grégoire - et parfois à des récits parallèles, explication de certains
mots rares ^, éclaircissements sur les faits ni:;ntionnés, tout cela trouve
sa place dans une seconde série de notes placées au bas des pages, et
dont les lecteurs, même les plus versés dans ces questions, sauront gré à
l'éditeur.
La disposition matérielle du volume est celle de toute la nouvelle col-
lection in-4°, beau papier, impression très nette "* et généralement cor-
après siiam et VU, 29, p. ?io, 26 après regionem : comp. IV, 3q, p. ijS, (o. —
VI, 3, p. 246, Il pactioiiem, subscriptis ea. qiiaelociUifuerant,Jinnaucnmt; comp.
VI, i5, p. 258. 25; VII, 6, p. 293, 28. — IX, 3, p. 36o, 5 « sic enim U-actaitit qui
me misit, quia «« cognouit ueiberitin- >:p ». — IX. 2?, p. ?8o. 25, virgule après
esiis; etc. —Corrigez encore d'après la traduction de M. Giesebrecht, p. 45, 14; 48,
3; 96, 16; II 5, 8; iSj, 6; 160, 6; 216, 22; 388, 12 ; 398, 16; 442, 34, etc.
1. VI, 4, p. 247,4 un renvoi à Longnon, Géogr. de la Gaule (p. 421), serait utile;
de même pour quelques autres noms de villes peu connus.
2. I, 10, p. 39, I comp. Prudence, Psych. 655; c. Symm. 11,494.— II, i3, p. So,
52. Les mots uel mine Pegasium Pctrocoris (p. 81, 3), placés à la fin de l'énumé-
ration, font penser que c'est Paulin de Périgueux qui parle; dans ce cas, on doit
conclure de nunc, que Pégase vivait dans la seconde moitié du V siècle, et non au
commencement, comme le pensent les auteurs du Gailia Clirisiiana (II, p. 1450, D .
— Il, 2g, p. go, 10 et II, 3i. p. 92. 9, comp. Sulp. Sev. uit. Mart. 14. 7. — IV, 46,
p. 182, 3, comp. Virg. En. Il, 2Ô5. — V, 35, p. 228, 3, le mot caractéristique, sus-
piria, n'est pas dans Virgile, En. I, Syi ; il faut croire que Grégoire a emprunté sa
phrase au langage poétique courant, dans lequel nous la trouvons pour la première
fois chez Ovide, met. II, 753. —V, 35, p. 228, 49. Giégoire devait connaître la
mort d'Hérode et sa féroce vengeance anticipée par Rufin 'Euseb. Hist. Eccl., I,
8, 1 3), plutôt que par Josèphe ; comp. p. 45, i5. —VI, 36, p. 276, 27 Virg. i>i/f. i,
16. — VI, 40, p. 280, 8, le grec est inutile, la Vulgate aussi povX.t secundum carnem.
On voit combien les citations de Grégoire sont peu sûres, puisqu'ici il invente le mot
sur lequel porte son raisonnement ! — VI, 40, p. 280, i3. Vulgate : facerem saluas,
et un peu plus loin, lucri facerem.
3. Sur ce point, il était difficile que le choix ne fût pas un peu arbitraire. Tel
mot, en effet, qui se trouve dans tous les dictionnaires (p. 36i, 5i\ est expliqué :
d'autres, qui manquent même dans le dictionnaire de M. Georges, ne le sont pas
{uohicrum ou uoluclum, metatum, etc.); tel enfin qui avait paru déjà, p. 86, 32;
102, II ou i5o, 12, n'est expliqué qu'à la page i23 ou 3i5.
4. Déparée malheureusement par les renvois aux notes faits au moyen de lettres.
Ce système, si peu agréable à l'oeil, est, en outre, fort incommode; sur les pages où
les notes sont nombreuses, toutes les lettres de l'alphabet reviennent jusqu'à trois et
même quatre fois, de sorte que, en cherchant une note m), par exemple, on erre in-
certain entre quatre notes désignées par cette lettre. — 11 est bien regrettable aussi
qu'on n'ait pas rappelé en marge les anciens numéros des chapitres, et même les
pages de l'édition Ruinart. Celle-ci restera indispensable, à côté de la nouvelle édi-
tion, pour vérifier les citations faites n'importe où, jusqu'à ce jour! — Enfin, cn;re
le texte et les notes, on trouve l'indication des mss. qui contiennent chaque chapitre.
11 eût été plus utile d'en donner le tableau dans la préface ou à la î\n du volume, et
d'indiquer à la place dont nous parlons, comme c'est l'usage, les mss. qui sont d'ac-
cord avec le texte, à moins de mention contraire dans les notes.
174 KKVIJK CKITigUK
recte \ A la fin quatre planches de fac-similés des principaux mss.. l'un
photolithographic, les autres faits à la main très habilement.
Max Bonnet.
33. — Lo ï»8autîer «le Metz, texte du xiv'= siècle, édition critique, publiée
d'après quatre manuscrits, par François Bonnardot. Tome I, texte iinégral, un
vol. petit in-8, de 464 pages. Paris, Vieweg, 1884 (sur la couverture, i885).
Tome III de la Bibliothèque française du moyen df^e.
En 1881, paraissait dans la collection d'anciens textes français que
dirige M. Fœrster, une édition du Psautier Lorrain due aux soins d'un
jeune romaniste, mort depuis, Friedrich Apfelstedt -. C'est une seconde
édition de ce texte que donne aujourd'hui M. François Bonnardot, et
cette seconde édition ne fait pas double emploi avec la première; car elle
repose non seulement sur le ms. de la Bibliothèque Mazarine, mais
sur d'autres mss. et fragments dont le premier éditeur avait ignoré
l'existence (Bibl. nation. ; f. fr, 9272; British Muséum Harléien 4327-,
Bibl. d^Epinal).
Ce premier volume ne donne que le texte de la Mazarine, et, courant
au-dessous, les variantes du ms. Harléien et la leçon complète du ms.
de la Bibl. Nat. La description des mss., la discussion des variantes et de
la méthode, Tétude historique, littéraire et gramrnaticale, les appendices
et le glossaire sont réservés pour une deuxième partie actuellement
sous presse. Nous ne pouvons donc en ce moment qu'annoncer cette
publication, nous réservant de l'apprécier quand nous aurons entre les
mains l'œuvre tout entière.
Notons ici quelques observations. Le texte courant dans l'édition
Bonnardot et Tédition Apfelstedt est celui de la Mazarine. Nous avons
coUationné pour les dix premiers poèmes les deux éditions et nous avons
noté quelques divergences : IV, p. : Bonnardot : (vous qui dittes et
parlei\ en vos cuers secrètement... ; Apfelstedt : dute:{. — Vil, 2, B. :
que... li lyons d'enfer ne ravisse mon avmepour li tueir...; A. : anrme.
VII, 5, B. : retourner en pourre et en poucieire; A. : pourieire. —
VIÏ, II, B : qui salve les droiturieirs de cuer ; A : droituriers. - Ces
divergences sont-elles voulues?
A. Darmesteter.
P. S. — Je profite de l'occasion qui m'est donnée ici pour revenir
sur un ouvrage de la collection Fœrster, dont j'ai parlé dans un nu-
1. Il est probable que l'erraia du second volume nous éclairera sur certains pas-
sages où l'on peut se demander s'il y a faute d'impression ou si le texte reçu a été
changé d'après les mss.
2. Lolhringer Psalicr (Bibl. Mazarine, n" 798), altfran^oesische Uebevset:{ung
des XIV Jahrhunderts, zuni ersten Mal herausgegeben, von Friedrich Apfelstedt,
Heilbronn 1881. — Voir la Revue critique àc l'année i88'3, t. I, p. 408.
n HlSrOIKH KT DE L!TyKR.\rUHK IjS
méro précédent, V Orthographia gallica, publiée par M. Sturzinger (voir
Revue critique, 1884, n° 35, p. iSy). M. S., dans une lettre privée,
réclame contre une ou deux de mes assertions, et je lui donne volontiers
acte de sa courtoise réclamation. Je disais que dans la constitution de son
texte il avait réuni « les divers mss. connus, publiés, analysés ou sim-
plement indiqués, qui contiennent les documents sur la langue fran-
çaise « ; j'aurais dû dire que la plupart de ces documents (les deux tiers)
n'avaient pas encore été signalés ou reconnus. Je regrettais qu'il n'eût
pas souligné le vocabulaire de Gautier de Biblesworth et la grammaire
hébraïque française que j'ai publiée. Il me répond que ces textes n'in-
téressaient qu'indirectement son sujet, qui était la grammaire française
et la grammaire française en Angleterre au moyen âge. Ici, qu'il me
permette de persévérer dans mon appréciation et de croire qu'il aurait
pu agrandir quelque peu le sujet de l'étude qui sert d'introduction à
son Orthographia gallica ; il Taurait rendue plus intéressante, en
embrassant Tensemblc de la littérature grammaticale.
VARIETES
IVotCÉà «i'uroliêologie ui^ieutale.
XX
Nouvelles observations sur l'inscription nabatéenne de D'meir ' .
Le nom de Gadlou, la maîtresse de Taffranchi Hanâou, qui a élevé
la stèle, peut être rapproché du nom d'homme palmyrénien Gadilat
(de Vogué, n» m); celui du père (et non de la mère) de Gadlou, qui
est peut-être à restituer en [Blagrat, du nom Bi^pa-cç, figurant dans
deux inscriptions de D'meir même \
Adramou le stratège et son frère Neqidou, fils de Gadlou, sem-
blei-.t, d'après le grand texte, avoir eu pour père Abdmalkou le stra-
tège. Leurs noms se trouvent répétés au-dessous de deux des bustes
sculptés en haut de la stèle; là ils sont accompagnés chacun du mot bar,
hls, suivi d'une lettre. M. Sachau prend cette lettre pour un AT, et sup-
pose qu'elle appartient à un nom disparu accidentellement dans les deux
épigraphes : Malkou, abrégé de Abdmalkou. Une pareille abréviation
est de la plus haute invraisemblance ; de plus, il n> a pas trace de
fruste dans \q fac-similé; enfin la lettre prise pour Af semble bien plu-
tôt être un hé nabatéen avec sa forme finale. Je propose de lue m2, son
fils. Les bustes se succéderaient ainsi avec leurs épigraphes :
1. Cf. Revue critique, 2 février i885, p. 88 et suiv.
2. Waddington n° 25Ô2, h et i.
\--f) RKVUK CRITIQUK
Hcindoii ■' Adramou, son fils — Neqidou, son fils.
Cette disposition me paraît lormellement JListitiée par une insciiption
paimyréniennc ' et par les légendes des monnaies nabatéennes représen-
tant la tête du roi associée à celle de la reine, sa mère ou sa sœur.
11 en résulterait que Hanâou aurait été non seulement l'affranchi mais
le mari de sa maîtresse Gadlou. L''antiquité nous a conservé des
documents explicites, bien que rares, sur la réalité de ce genre d'u-
nion. L'objection qu'on pourrait tirer du silence gardé par Tinscri-
ption sur l'existence de ce lien entre Gadlou et Hanàou peut être
levée par Tinscription palmvrénienne et latine de South Shields où
Regina, liberta et conjux de Baratès d'après la partie latine, est simple-
ment dite affranchie de Baratès dans la partie palmyrénienne. Il s'en
suivrait que Adramou et Neqidou seraient indiquées peut être comme
iils par adoption - de Abdmalkou le stratège.
En ce qui concerne la date 410 de l'ère des Séleucides et Texpression :
selon le comput des Romains, j'ajouterai quelques mots à ce que j'ai
dit. Il est probable que cette expression a trait à la giande moditication
introduite par les Romains dans le calendrier svro-macédonien pour
l'adapter au calendrier julien de César régularisé par Auguste; l'année
lunaire, avec mois intercalaire, jusque alors en usage en Syrie, fut,
comme on l'admet généralement, convertie par les Romains en une
année solaire Hxe'^. L'expression bcmuryan arhomaya, signifierait donc:
selon la manière de compter des Romains ; comme nous disons, vieux
style, QX. nouveau style ; et ne serait pas proprement la dénomination
de Vère des Séleucides, mais la déHnition de la manière nouvelle de
la calculer. La formule serait en conséquence à concevoir comme
équivalant à : dans le mois de Yar de l'an 410 (des Séleucides] cal-
culé selon le calendrier des Romains.
En un mot, si l'on n'avait pas voulu spécifier expressément ce mode
spécial de comput, il est à supposer que Ton aurait mis l'an 410, tout
court, ce qui aurait signifié, comme dans toutes les inscriptions grecques
de Syrie et comme dans les inscriptions palmyréniennes, Van 410 des
Séleucides, sans qu'il fût besoin de nommer cette ère.
XXI
Les noms propres nabatéens pseudo-ihéophorcs
Les inscriptions n.ibatéenncs nous ont révélé Texistence d'une catc-
1. De Vogué, n° 33^.
2. Min al iaama? [.'on pourrait pci!t-être soiii^er aux dérives trùs nombreux de
la racine taam ayant l'acception de grejjfc, greffer?
3. Ideier, Handbuch der mathcmat. und tcclin. Chronologie I. 433. Je n'ai pas
besoin d'insister sur l'imporiance de notre document qui, ainsi interprété, introduit
dans ce grave problème chronologique si discuté un élément a"une valeur ca|ilale.
D iMStOÎH;-; El UK LSI IF.lt \T [i!!K I77
gorie de noms propres d'hommes assez singuliers, ayant les apparences
de noms théophores : Abdinalkou, Abdobodat. Abdhartat '.
D'après Fusage constant des langues sémitiques, ces noms, semblables
à ceux de Abdbaal, « serviteur de Baal », Abdastoret, « serviteur d'As-
tarté », etc., devraient être considérés comme formés du mot Abd,
i( esclave, serviteur » en combinaison avec des noms de dieux : Malkoii,
Obodat, Hartat. Or Malkou, Obodat, Hartat, ne sont pas des noms
de dieux mais des noms d'hommes.
Comment expliquer cette anomalie?
Malkou, Obodat et Hartat présentent tous trois cette particularité
d'avoir été portés par des rois de la dynastie nabatéenne.
J'en conclus que c'est à litre de noms royaux qu'ils ont dû être utili-
sés comme éléments divins dans la composition de ces noms pseudo-
ihéophores.
Cette théorie implique l'existence d'un véritable culte rendu aux rois
nabatécns, conformément à l'usage ptolémaïque. ils devaient recevoir,
sinon de leur vivant, tout au moins après leur mort les honneurs défi-
nitifs de Tapothéose, ainsi que l'indiquent un passage d'Uranius ' et le
protocole même qui, dans les inscriptioi.s, leur est commun avec les
dieux nabatéens [Marana^ « lîotre Seigneur. ») Rien d'extraordinaire
dès lors si les noms de ces monarques passés à l'état des dieux ont
fourni leur contingent aux combinaisons ordinaires de l'onomastique
théophore.
Il est frappant de voir que ces noms étaient portés de préférence par
les artistes qui ont exécuté les remarquables monuments funéraire^ de la
nécropole de Medâïn Sâleh. Il y a peut-être là une indication sur Torigine
et la condition première de ces artistes : esclaves affranchis (à la mort du
roi?) et constatant, par l'adoption même de leurs noms caractéristiques
l'affranchissement qui, selon la conception antique si nettement for-
mulée dans les inscriptions de Delphes, les avait fait passer du service
d'un maître réel à celui d'un maître idéal et divin ^. Si ces artistes
étaient originairement des esclaves, il y a bien des chances pour qu'ils
fussent en même temps des étrangers. Ainsi s'expliquerait le fait singu-
lier signalé par M. Renan, que dans la liste des artistes nabatéens l'on
ne trouve aucun nom grec caractérisé, bien que le style de ces monu-
ments nabatéens trahisse une profonde influence hellénique.
Clermont-Ganneau,
1. J'ai proposé de corriger ainsi le nom lu inexactement Abdhodeinat dans la
34" inscription de Medâïn Sâlch. Cette correction a été justitiée par un nouvel exa-
men de l'estampage.
2. Fraf^m. Iiist. gr., IV, p. 525, 23.
3. Cf. les observations que j"ai présentées autrefois ici même sur ce sujet à pro-
pos des noms théophores grecs X -\- cojpoç , correspondant aux noms théophores
sémitiques Abd -|- -V.
' rS REVUE CRITfQUR
CHRONIQUE
FRANCE. — M. Louis Lecer a .éic nommé professeur de langues et littératures
slaves au Collège de France.
— La nouvelle Revue coloniale dont nous avions précédemment annoncé la pu-
blication vient de faire paraître son premier numéro sous le titre de Revue française.
C'est surtout une revue d'informations. Elle se propose en même temps de susciter
des vocations pour la colonisation. On s'abonne à la librairie Ghaix, rue Bergère.
— Le Dictionnaire étymologique latin de MM. Michel Bréal et Amable Bailly
vient de paraître à la librairie Hachette. (In-S", viii et 463 p.); nous publierons très
prochainement un compte rendu de cet important ouvrage.
— Le iff février est mort à Paris M. Alfred-Robert Frigoult de Liesville, conser-
vateur du musée et des collections historiques de la ville. Né à Caen le 4 juin i836
et élève du collège de Pontlevoy, M. de Liesville vint fort jeune à Paris et. maître
d'une fortune indépendante, consacra tout son temps et toutes ses ressources à ras-
sembler des collections très diverses. L'étude de la céramique et de l'imagerie popu-
laires l'amena peu à peu à rechercher ce qui pouvait subsister des emblèmes, des
armes, des meubles et des ustensiles de la période révolutionnaire; après vingt ans
d'investigations patientes et de voyages dans toutes les régions de la France, il
avait réuni un véritable musée qu'il serait impossible de refaire aujourd'hui à n'im-
porte quel prix. Oiîert à l'État, en pur don, cette collection, qu'il fut un moment
question d'exiler à Versailles, fut enfin agréée par la ville de Paris, et M. de Liesville
prit officiellement le titre de conservateur, le i<^i" juin l88i. Ces fonctions ne furent
nullement pour lui une sinécure : en quelques mois il parvint à installer l'ensemble
de ses richesses dans l'espace restreint dont disposait l'administration de l'hôtel
Carnavalet. 11 nous serait impossible de les énumérer ici, mais une notice, rédi-
gée par M.Jules Cousin et distribuée gratuitement à tous les visiteurs, les fait con-
naître et remplace provisoirement le catalogue méthodique qui sera dressé lorsque
les nouvelles galeries seront construites. M. de Liesville avait en même temps donné
à la ville une bibliothèque spéciale de plus de 4,000 volumes, plaquettes et jour-
naux et une collection d'estampes, encore plus nombreuse, toutes deux relatives à
l'histoire de France de 1789 à 1871. II ne cessait point d'accroître, par d'intelligen-
tes et heureuses acquisitions, ce premier fonds si précieux : c'est grâce a lui, par
exemple, que la ville est entrée en possession de divers portraits originaux de con-
ventionnels, provenant des familles Saint-Albin et Jubinal et de l'intéressante série
des vues de Paris par Raguenet qui a longtemps décoré l'antichambre des bains de
la Samaritaine. Outre diverses brochures sur l'agriculture et sur l'histoire natu-
ri;lle, M. de Liesville avait publié à petit nombre un Recueil de bois ayant trait à
rimagerie populaire, aux cartes, aux papiers, etc. (Caen et Paris, 1868, in-tolio),
une série de brochures annuelles sur les Artistes normands aux salons de 1874...
1878, enfin une Histoire numismatique de la Révolution de février qu'il laisse mal-
heureusement inachevée : dix livraisons (texte et planches) ont paru chez H. Cham-
pion, il devait yen avoir vingt-cinq. 11 avait, en outre, amassé des notes pour une
biographie d'Augustin Dupré, le graveur en médailles de la Révolution, dont il
possède l'œuvre en épreuves exceptionnelles, auxquelles il avait pu joindre la plu-
part des coins et des cires. Il est impossible de clore cette notice déjà longue et pour-
tant bien imparfaite sans rappeler les qualités à la fois aimables et solides de M. de
Liesville, et cette douceur, contrastant avec des formes athlétiques, qui l'avait fait
Û HtSrOSRK KT DE LITTEKAlURK 179
surnommer par un de ses amis «le bon géant». Tous ceux qui l'ont approché, qui
ont profité de son savoir et apprécié la bienveillance dont il enveloppait sa finesse
garderont de lui le souvenir le plus sympathique et le plus ému. — M. Tx.
— Presque en même temps que M. de Liesville, le 5;février, M. Edmond du Som-
merard, conservateur du musée de Cluny et membre libre de l'institut, était enlevé
à l'œuvre à laquelle il aura eu. comme son père, la gloire d'attacher son nom. Nous
ne referons pas ici sa notice, que les journaux ont copiée à l'envi dans le Diction-
naire universel des contemporains, mais nous rappellerons, avec le Temps, sa patrio-
tique conduite en 1871, à l'Exposition de Londres, et en 1873 à celle de Vienne. En
dehors de ce rôle très actif, et qui lui avait valu parmi les artistes une légitime po-
pularité, M. Du Sommerard consacrait tout son temps au musée qu'il n'avait cessé
d'enrichir. M. H. de Curzon a rendu compte ici même (Revue critique du iq mai
1884, art io3) de la plus récente édition du Catalogue que M. Du Sommerard avait,
de 1880 à i883, accru de près de 3,ooo numéros. Dans ce nombre figuraient les
belles tapisseries de Boussac, dites de la dame à la Licorne, les chaussures recueil-
lies par Jules Jacquemart, et les voitures installées au rez-de-chaussée. M. E. Du
Sommerard était l'exécuteur testamentaire et le propriétaire des œuvres de Prosper
Mérimée, dont son père avait été l'intime ami. — M. Tx.
— M. Clermont-Ganneau nous prie de faire remarquer que le n° 37 de ses In-
scriptions inédites du Hauran. publiées dans la Revue archéologique (novembre-
décembre), figure déjà au Corpus inscriptionum graecarum sous le n" 4660. La co-
pie qu'il en donne présente d'ailleurs quelques variantes.
BOHÊME. — A l'occasion du 25""= anniversaire de l'enseignement de M. Jean
KviczALAjles philologues tchèques ont fait paraître un volume de Mélanges entiè-
rement consacrés à la philologie classique. Ce volume renferme des études sur la
mythologie comparée, sur Platon, Démosthènes, Euripide, Tacite, sur la religion
védique, etc. Il est entièrement rédigé en langue tchèque.
GRANDE-BRETAGNE. — Le rév. J. Murray Mitchell, ancien secrétaire des mis-
sions orientales du Free Church d'Ecosse, vient de publier dans la collection des
Présent Day Tracts (Londres, 56 Paternoster Row; un court exposé, très clair et
fait d'après de bonnes sources de la religion hindoue CThe Hindu religion, a sketch
and a contrast). Il expose tour à tour le système védique, auquel il accorde une
antiquité trop haute, mais où il voit, avec M. Banh, une œuvre sacerdotale; le brah-
manisme et la philosophie religieuse; l'hindouisme et son absorption « omnivore »
de tous les systèmes avec lesquels il a été en contact, enfin le mouvement de Brahma
Scimaj. Les préoccupations religieuses de l'auteur ne nuisent ni à la clarté ni à
l'exactitude de l'exposition.
ITALIE. — M. Paul Fasre, membre de l'Ecole française de Rome, achève la
préparation d'une édition critique du livre censier de l'Eglise romaine, connu sous
le nom de Liber censuum Cencii Camerarii. Le texte, dont une bonne partie est
encore, inédite, sera accompagné de notes et précédé d'une longue introduction. Le
premier fascicule paraîtra très prochainement à la librairie Thorin.
SLAVES MÉRIDIONAUX.— L'académie d'Agram vient de publier le sixième fasci-
cule du grand dictionnaire serbo-croate rédigé par M. Budman.mi. 11 va de Dali à Do.
— Le volume 5g du Glosnik de Belgrade renferme un dictionnaire des mots
turcs et orientaux compris dans la langue serbe. C'est un utile supplément aux vo-
cabulaires existants.
— Sous ce titre Medjudnevnitsa (les vacances) M. Militchevich publie un nou-
veau volume de lettres sur la Serbie. Elles renferment de nombreux éléments pour
l'ethnographie des pays serbes.
l8o niCVUK CRITIQUK DKI.srUÎÎ'.E KT DR 1,111 KRATURE
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 20 février 188 5.
M. Le Blant, directeur de l'Ecole française de Rome, annonce par lettre la décou-
verte d'une statue de bronze, de 2'"3o de hauteur, trouvée auprès de la via Na^io-
nale. Klle représente un homme nu. Sur le visasse, entièrement lisse, est tigurée
une barbe gravée au burin.
L'Académie procède à la désignation de deux candidats pour la chaire de diplo-
matique vacante à l'Ecole des chartes. M. Arthur Giry, secrétaire de la même école,
est présenté en première ligne. M. Elie Berger, archiviste aux Archives nationales,
est présenté en seconde ligne.
h\. Ravaisson continue la seconde lecture de son mémoire sur Vlleicule STriTca-
T.ïÇioç de Lysippe.
M. Hauréau commence la seconde lecture de son Mémoire sur la vie et sur quel-
ques ouvrages d'Alain de Lille.
Ouvrages présentés : — par M. Barbier de Meynard : i» les Illustres Captifs,
manuscrit du P. L)an, analysé par V. Fiesse et H.-D. de Grammont; 1° Sauvaire,
Arah Metrology, V : Ej-Zalirdivy, iranslated and annotated (extrait du Journal of
îlie Royal Asiatic Society); — par M. Egger : 1° Favé (général), l'Empire des
Francs depuis sa fondation jusqu'à son démembrement, \, les Francs avant le régne
de Clovis ; 2' Garcia Ayuso (F.), l'Etude de la philoloiiie dc.ns ses rapports avec le
sanscrit, traduit par J. de Castro; 3° Stéphanos (Clon), la Grèce au point de vue
naturel, ethnologique, antliropologique. démof^rapluque et médical (extrait du Dic-
tionnaire encyclopédique des sciences médicales du D' Deciiambre); — par M. C^harles
Nisard : r" (Leader (G.-Temple,] Un Mercante fioreniino e la sua famiglia nel se-
colo XV ; -i" Libro dei nobili veneti, ora per la prima volta messo in luce da G. Temple
Leader; 3" f/n' Ambasciata. diario dell' abate G. Fr. Ruccellai, pubblicaio da
G. Temple Leader e G. Marcotti ; — par M. de Boislisle : Jal (A.\ Abraham du
Quesne et la marine de son temps, tables analytiques et alphabétiques; — par
M. Bréal : Bladé J .-F.], Epigrapkie antique de la Gascogne ; — par M. Scheler :
Derenbourg (Hartwigi et Spino (lean), Chrestomathie élémentaire de V arabe littéral,
avec un glossaire.
Julien Havet.
SOCIETE NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du 11 février 188 5.
présidknce de m. courajod
M. de Ripert-Monclar attire l'attention des archéologues sur des bas-reiiefs repré-
sentant un amoncellement de têtes coupées comparables aux monuments d'Entre-
mont iBouches-du-Rhône) publiés par Rourd et découverts dans la même localité
en 1882. Ils ont été recueillis par M. d'Aubergue, à Aix.
M. Mowat fait remarquer que ces bas-rehefs oflVent de curieux rapprochements à
faire avec ceux du même genre qui sont conservés au Musée de Cluny et au iMusée
Carnavalet.
M. de Marsy présente une petite affique en argent du xvi^ siècle, portant une lé-
gende allemande en caractères gothiques, Mein .. und dein .. est ein .. ; un cœur
après chacun des mots mein, dein, ein.
M. de Rougé lit un rapport sur le mémoire de M. Robiou, relatif au syncrétisme
gréco-égypiien.
M. de Viilefosse communique des observations sur une inscription de Bourges
dans laquelle les dénominations de Caligula olfrent des particularités explicables par
un passage de Dion Cassius (lix, 3).
i\L Mowat lit, au nom de M. Jadart. une notice sur l'ancienne abbaye de Saint-
Remy, aujourd'huy l'Hôtel-Dieu de Reims.
Le Secrétaire,
R. Mowat.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
L(f ^''uy-, nni'VJwe.rie de .Marci:^.isoti tlls. bouieyariî Samt-Laiii-eiil, sJi.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
]>jo 10 — 9 mars — 1885
Somu>aii-e : 36. Plutarque. Vie d'Alexandre, p. p. Delaitre, p. p. Ruelle.—
37. Ant. Lefèvue Pontai.is, Vingt années de république parlementaire au xyu^
siècle, Jean de Witt, grand pensionnaire de Hollande. — 38. Lange. Tableau de
la littérature allemande. — Correspondance : Lettre de M. Livet. — Chronique.
— Société des Antiquaires de France.
36. _ ï»î«taf<iue. Vie <î»Alexan<ïre- Nouvelle édition publiée avec une
notice sur Plutarque. un commentaire grammatical et philologique, un lexique
des noms historiques, géographiques et mythologiques, par Ch,-R. Delaitre.
Paris, Garnier frères, in-12, s. d.
Vie <i'A!exajidi-« pai- r»lutaB'q«e. Nouvelle édition, texte grec revu sur
les dernières recensions avec des sommaires, des notes grammaticales et litté-
raires, un lexique historique et géographique et une carte, par Ch. Emile
Ruelle. Paris, Paul Dupont, i883, in-12.
M. Delaitre nous prévient dans sa préface que son édition n'a aucune
prétention à Térudition ni à l'originalité philologique. Le texte est géné-
ralement celui de Doehner, dans la collection Didot; çà et là quelques
corrections de Sintenis, Bekker, Reiske ont été adoptées. Il est regret-
table que M. D. n'ait pas connu les Symbolae criticae et palaeogra-
phicae de M. Bernardakis (Leipzig, 1879, 8") il y aurait trouvé pour le
lociis desperatus du ch. lxxv une ingénieuse conjecture qui, si elle n'est
pas acceptable de tout point, vaut cependant la peine d^étre citée. Cette
édition étant destinée à des élèves encore peu avancés dans l'étude du
grec, M. D. a donné aux notes explicatives un développement très con-
sidérable; on pourrait dire qu'il a péché par excès, mais il était obligé
de se contormer au plan général de la collection M. Delaitre a voulu
rendre aux élèves le service (en est-ce un?) de condenser pour eux en un
petit volume tous les renseignements dont ils peuvent avoir besoin
pour expliquer la Vie d'Alexandre. A la fin on trouve un vocabulaire
historique et géographique, plus une carte. En somme beaucoup de
clarté, de conscience, de précision, telles sont les qualités que l'on re-
marque dans ia plupart des notes de ce petit livre.
M. Ruelle, pour ne pas « supprimer entièrement le travail de l'élève
et la tâche du professeur », s'est montré très sobre de notes. Quelques-
unes manquant un peu de justesse comme celle de la p. 11 ou de clarté
comme la note i delà p. 19. On trouve aussi chez M. Ruelle la men-
tion d'un certain nombre de variantes; nous n'en voyons guère l'utilité.
la discussion des variantes ne pouvant être introduite dans les classes.
Le texte est suivi d'un vocabulaire historique et géographique dans le-
Nouvelle série. XIX. 10
l82 KKVIJK CRlTIQUli
quel, malgré tout le soin et toute l'attention de l'auteur, quelques er-
reurs se sont glissées. Ainsi, p. 142, il n^est pas exact de dire qu'Anti-
clide n'est cité que par Plutarque; il l'est encore par A.thénée IX,
384 D; par Strabon V, p. 221 ; par Diogène Laerte VIII, II ; par les
scholiastes d'Aristophane (ad Niibes 144) et d'Apollonius de Rhodes I,
1298, etc. P. i63, â propos de Ptolémée, M. Ruelle s'appuyant sur le
témoignage d'Arrien (Expéd. d'Alex. VI, 11) dit que ce générai a été
surnommé Soter pour avoir sauvé la vie à Alexandre chez les Oxydra-
ques. Or précisément Arrien révoque en doute cettre tradition en pre-
nant à témoin Ptolémée lui-même, qui, de son propre aveu, n'assistait
pas à la bataille.
Alf. Jacob.
3'-. — Vingt années de ïiépwlïlSqne parlemejstaîfe au. «lix-eeptiènic
eièclc «Sean de V^/'itt, gi'untS pensioniiaîre de I^oiSande, par Antonin
Lefèvre PoNTALis, avec un portrait d'après Netscher. Paris, librairie Pion, 1884,
2 vol. in-8.
Il y a longtemps qu'aurait dû paraître le compte rendu de cet ouvrage,
publié par M. Antonin Lefèvre Ponîaiis au printemps dernier; ce
retard du moins me permet, en annonçant ce livre, d'enregistrer en
même temps la belle récompense que T'Académie française vient à juste
titre de lui accorder : dans les concours de l'année 1884, elle lui a
« décerné le prix Halphen en son entier et sans partage ».
L'ouvrage de M. L. P- vient comblera propos une lacune regrettable
de notre littérature historique, i^es historiens hollandais, allemands,
anglais, ont accumulé les travaux sur la vie de Jean de Witt et sur
l'histoire de la Hollande à l'époque où il dirigeait ses destinées; en
France, en dehors des histoires générales, nous étions réduits à la tra-
duction d'un ouvrage hollandais , la Biographie des frères de Witt,
■composé au commencement du xvni" siècle par Van der Hoeven : ou-
vrage estimable et consciencieux, mais vieilli et composé d'ailleurs sans
grand souci des sources originales. Cependant les vingt années pendant
lesquelles Jean de Witt a été Grand Pensionnaire de Hollande, de i652-
à 1672, constituent la période qui est certainemer.t la plus intéressante
de l'histoire des Pays-Bas, au point de vue des Hollandais eux-mêmes
comme au point de vue plus vaste de l'histoire générale. En i652, la
République était dans une situation des plus délicates; une guerre rui-j
neuse contre l'Angleterre, des désastres sur mei, la mort du grand ami-
ral Tromp, une administration désorganisée, le commerce paralyséJ
telles étaient les difficultés au milieu desquelles elle se dcbatïait; quel-
ques annéees plus tard, le gouvernement avsit été raffermi, la paix glo-
rieusement conclue, le commerce florissait de nouveau, et la Hollande!
était devenue l'arbitre de la paix européenne : sa mciiation obligeait
L> HiSiOlRK Kr ùh Li! IKKATURK l83
le Danemark et la Suède à poser les armes, et arrêtait les conqucLes de
Louis XIV. ITautie paît, Jean de Witt, à qui étaient dus ces beaux
résultats, était lui-même un grand homme de bien en même temps
qu'un grand homme d^Etat, patriote désintéressé , républicain incor-
ruptible, doué des plus rares vertus publiques et privées, un des plus
nobles esprits qui aient paru dans les temps modernes.
Aussi devons-nous être reconnaissants à M. Ant. L. P. d'avoir éclairé
d'une vive lumière ce personnage et les événements auxquels il a été
mêlé; son livre est sans contredit le meilleur qui existe actuellement sur
ce sujet, c'est assurément le plus complet. Pendant une dizaine dam-
nées, avec une infatigable et intelligente persévérance, il a compulsé
tous les ouvrages publiés à l'étranger sur les questions qui l'intéressaient
et les innombrables documents manuscrits mis à sa disposition : d'une
part, la Vie des frères J. et C. de Witt par Van der Hoeven, Jean de
Witt et son temps par Simons, VHistoire de V administration de
J. de Witt par Geddes, et de trè<; nombreux ouvrages des érudits hol-
landais que Ton trouve cites à chaque page de ces volumes ; d'autre
part, la correspondance publique et privée de J. de Witt conservée aux
archives de la Haye, la collection précieuse des papiers de la famille de
Witi communiquée parles descendants actuels du Grand Pensionnaire,
les dépôts publics de Londres et de Paris, les archives de Chantilly^, etc.
Peu de livres s'appuient sur une érudition aussi sûre et aussi complète.
Je ferais même à M, L. P. le reproche de nous avoir trop libérale-
ment communiqué les richesses de son érudition : son livre aurait ga-
gné, je crois, à être quelque peu allégé. Le style est toujours ferme, élé-
gant, coloré; les différents récits, pris isolément, sont animés et atta-
chants ; mais, au milieu de la multiplicité des détails et des incidents, les
idées d^ensembie ne se détachent pas toujours assez nettement, et il ar-
rive que l'intérêt général languisse : il y a trop d'événements particu-
liers consciencieusement racontés et mis tous sur le même plan.
M. L. P. a donné deux titres à son ouvrage, et il semble qu'en eiïet il
ait voulu traiter simultanément deux sujets différents, l'histoire générale
de la Hollande au milieu du xvn^ siècle, et la biographie particulière de
Jean de Witt; ces deux sujets s'entrecroisent d'un bout à l'autre des
deux volumes, se disputent l'intérêt, et se nuisent souvent. Je ne citerai
qu'un exemple de cet inconvénient : dans la seconde moitié du chap. xi,
après avoir lu un exposé irès net et très intéressant de la situation di-
plomatique, économique et militaire des Pays-Bas à la veille de la
guerre de Hollande, quand mon attention est tout entière aux prépara-
tifs de cette grande lutte qui va mettre en jeu les destinées de l'Europe,
je rencontre tout à coup un tableau intime de la famille de Jean de
Witt, des détails sur sa demeure, sur ses relations privées avec son on-
cle, ses belles-sœurs, ses cousines, sur les soins donnés à l'éducation de
ses filles et de ses fils, erc; et c'est ?eulenient après quinze grandes pages
remplies par ces renseignements domestiques que nous revenons aux
1 84 REVUE CRITIQUE
préliminaires de la lutte contre Louis XIV : il faut avouer que nous
avions eu tout le loisir de les perdre de vue.
Ce qui domine d^un bout à Tautre le livre de M. L. P. et lui donne,
en dépit des observations précédentes, une unité réelle, c'est le patrio-
tisme républicain de Jean de Witt. Pendant vingt ans, le Grand Pension-
naire a mis tout son génie et toute son opiniâtreté à défendre au-dehors
les intérêts et l'indépendance de sa patrie contre l'Angleterre et contre
la France, à défendre ù l'intérieur la liberté politique de ses concitoyens
contre l'ambition de la maison d'Orange, qui, après avoir au xvi*^ siècle
délivré les Pays-Bas de la domination espagnole, voulait au xvii^ les assu-
jettir à sa propre domination. Relations avec PAngleterre, relations
avec la France, lutte contre le parti orangiste, voilà les trois grandes
questions qui remplissent les Vingt années de République parlemen-
taire.
Dans l'histoire des relations de la Hollande avec l'Angleterre,
M. L. P. élucide parfaitement la politique de Jean de Witt : au début,
le Grand Pensionnaire trouva son pays engagé dans une lutte malheu-
reuse contre Ciomwell ; il comprit nettement que la prolongation de
cette guerre ne pouvait être que fatale à la République, et, malgré la
passion patriotique qui entraînait et aveuglait un grand nombre de ses
compatriotes, il sut faire partager ses convictions, et signa en 1654 la
paix de Westminster. Mais s'il tenait à l'alliance anglaise, il n'enten- À
dait lui sacrifier ni le point d'honneur, ni Tambition coloniale, ni les
intérêts commerciaux : quand Charles II méconnut les droits légitimes
des Hollandais, ce même Jean de Witt, qui avait presque imposé la
paix de Westminster, fut le plus ardent à demander une rupture nou-
velle, et ce fut son éloquence patriotique qui triompha des États géné-
raux; la guerre une fois déclarée, sans se laisser abattre par les revers
du début, il la soutint énergiquement jusqu'à ce que la Hollande fût
récompensée de ses efforts par la paix glorieuse de Bréda (1667). l
L'exposé des relations de la Hollande avec la France est particulière-
ment clair et méthodique; je noterai seulement que M. L. P. attribue
trop exclusivement à des motifs de ressentiments personnels la malen-
contreuse guerre de Hollande (t. II, p. 106 et sq,, p. 255, etc.). En
réalité, à y regarder de près, et en dépit des préjugés, cette affaire de la
guerre de Hollande, au moins tant que de Lionne la dirigea, se rattache
étroitement au plan général de la politique française au xv!!*" siècle, à la
question capitale de la conquête des Pays-Bas espagnols préparée de-
puis un demi-siècle. C'est une singulière illusion que de se représenter
Louis XIV comme abandonnant, vers 1670, \a. politique d'intérêts pour
la politique de principes, comme oubliant tout d'un coup le but profi-
table poursuivi jusqu'alors si patiemment, pour se faire le champion du
catholicisme et de la royauté contre les Hollandais protestants et répu-
blicains. Sans doute Louis XIV avait été piqué au vif, il le dit lui-
même, par l'insolence de ce petit peuple, qui naguère client des rois de
DHISTOIRK KT Oli LITTKRATURE loD
France voulait maintenant limiter leurs conquêtes; mais la guerre qu'il
lui déclara n'a pas été uniquement une guerre de médailles, encore
moins une guerre de principes. Louvois et Turenne estimaient que,
pour conquérir la Belgique, il fallait tout d'abord abattre la Hollande;
et depuis l'expérience faite en 1667, penaant la guerre de Dévolution,
leur opinion était partagée par de Lionne. Et, en effet, peu s'en fallut
que cette guerre de Hollande ne fût à la fois courte et triomphante pour
la France : il aurait été seulement nécessaire que Louis XIV, enivré par
les succès du début, ne perdît pas de vue les idées politiques qui lui
avaient mis les armes à la main. Le Rhin fut franchi le i 2 juin 1672 ;
dix jours plus tard, le 22 juin, des envoyés de Jean de Witt se présen-
tèrent au camp du roi, offrant de céder Maëstricht, les places du Rhin,
et le Pays de généralité compris entre la Meuse inférieure et la Belgique.
Ces propositions donnaient à la France tous les avantages sérieux
qu'elle pouvait espérer de cette guerre : par la conquête du Pays de
généralité, la Belgique aurait été en quelque sorte incorporée d'avance,
comme était la Lorraine depuis la conquête de l'Alsace. Malheureuse-
ment Louis XIV, poussé par Louvois, oublia alors le plan primitif, et
de Lionne, mort en 1671, n'était plus là pour le lui rappeler,
La partie la plus neuve, peut-être, du livre de M. L. P., celle qui me
paraît la plus intéressante, c'est celle qui raconte les efforts de Jean de
Witt pour fonder et rendre durable dans son pays un gouvernement
libre; je noterai particulièrement, à la tin du chap. i, un tableau
excellent delà constitution delà république des Pays-Bas vers i65o,
et, à la fin du chap. n, l'indication précise et complète des attributions
du Grand Pensionnaire. La république des Provinces-Unies, association
de sept provinces se gouvernant chacune par leurs assemblées, ne pou-
vait se passer d'un pouvoir central; ce pouvoir avait été exercé primiti-
vement par les stathouders, les princes d'Orange, qui avaient été ses
libérateurs sans devenir ses maîtres. Au milieu du xvn'= siècle, Guil-
laume Il d'Orange avait essayé, par un coup d'État et en s'appuyant
sur la force militaire, de changer cette situation et d'usurper le pouvoir
souverain ; sa mort prématurée et la longue minorité de son fils pos-
thume, Guillaume III, avaient pour longtemps condamné sa maison à
l'impuissance : c'est dans ces circonstances que Jean de Witt devint
Grand Pensionnaire. Dès l'enfance, il avait reçu de son père, bourgmes-
tre de Dordrecht, Pexemple du patriotisme, du courage et de Tincorrup-
tibilité républicaine, et appris la haine du parti orangiste et de la faction
militaire; aussi toute sa politique intérieure tendit à l'abolition du
stathoudérat et à la ruine de la puissance de la maison d'Orange.
M. L. P. nous le montre suivant une double voie pour arriver à ce
résultat : d'une part, il s'attaqua directement au parti orangiste, puis-
sant encore en Zélande et dans les provinces d'Over-Yssel et de Gronin-
gue, et il crut Tavoir ruiné à jamais quand l'assemblée générale des
Etats eut adopté en 1667 la résolution connue sous le nom d'Edit
I 86 REVIJF CRlTIQCî^
perpétuel, qui abolissait le stathoiidérat et en interdisait pour toujour:;
le rétablissement. D'autre part, il s'efforça de gagner le jeune Guil-
laume m lui-même à ses vues patriotiques et désintéressées; chargé par
les États de surveiller Téducation du jeune prince, il se donna à cette
tâche avec un zèle admirable, poussé par l'espérance de mériter sa con-
fiance, d'éveiller en son âme Pamour désintéressé de sa patrie, d'étein-
dre en lui toute ambition personnelle : un jour alors viendrait où l'on
pourrait utiliser pour le grand profit de la Hollande les rares qualités
qu'il avait vues poindre dans son esprit.
L'avenir lui réservait une double et terrible désillusion : dans des
pages dramatiques, où Pémotion naît de la précision même des détails,
M. L. P. nous montre comment le parti orangiste profita habilement de
l'invasion imprévue de la Hollande par Louis XIV pour relever la tête ;
Guillaume III, qui longtemps avait dissimulé sous un masque impé-
nétrable ses espérances et ses projets, tourna l'émotion populaire contre
les républicains qui étaient alors au pouvoir; l'édit perpétuel fut
abrogé, le stathoudérat rétabli, et comme le nouveau stathouder ne se
sentait pas affermi au pouvoir tant qu'il n'aurait pas détruit jusqu'à la
racine l'influence si longtemps exercée par le chef habile et honnête du
parti républicain, des assassins soudoyés massacrèrent à La Haye Jean
de Witt et son frère Corneille au milieu d'une émeute. Le prince d'O-
range, il est vrai, n'intervint pas lui-même directement dans cette tra-
gédie, mais ses partisans, ses amis, en furent les instigateurs ; il ne fit
rien pour prévenir la catastrophe, ni pour punir les coupables, et le
récit de M. L. P. prouve jusqu'à l'évidence sa complicité, au moins
morale, dans l'assassinat du grand patriote républicain.
Faut-il ajouter que çà et là, notamment dans la Préface et vers la fin
du second volume, quelques phrases ont le tort de sembler inspirées par
les événements contemporains plutôt que par ceux du xvii^ siècle?
M. Lefèvre Ponlalis n'a pas pu entièrement nous faire oublier qu'il est,
non un historien de profession, mais un homme politique mêlé à notre
histoire contemporaine; du moins, s'il n'a pas toujours résisté à la
tentation de tirer des événements qu'il raconte une leçon à notre adresse,
il est impossible de contester l'impartialité vraie du récit. Cette oeuvre
considérable d'érudition est aussi une oeuvre de conscience.
A. Ammann,
38. — X«l>lcB« de la lîttécatui*e nllemnncle, par Albert Lange, professeur
au lycée Louis-le-Grand, maître de conférences à la Sorbonne. Paris, Léopold
Cerf. (Nouvelle collection illustrée à i fr. le vol). Petit in-8, i68 p.
Ce manuel, sans prétention aucune, est divisé en neuf chapitres :
I. Les origines; II. Le premier âge classique; III. Fin du moyen âge
et Réforme ; IV. Période d'anarchie ; V. L'époque classique (on aurait
d'histoiri-; !:t de littérature 187
plutôt attendu « Le deuxième âge classique »); VI. Lessing et Her-
der;^\\. Gœthe ■ VIII. Schiller; ï^. Les temps modernes.
Ces divisions sont nettes et tranchées; peut-être aurait-il mieux valu
intituler le dernier chapitre l'époque contemporaine, et le titre du
IV' chapitre période d'anarchie ne nous paraît pas très heureux; car
r « anarchie » dure encore, ce nous semble, pendant la première moitié'
du XVIII' siècle, et la période que M. Lange a nommée la période d'orage
et de combat (la Sturm- iind Drangperiode], est certainement une épo-
que d''anarchie littéraire.
Quoi qu'il en soit, l'ouvrage est clairement distribué; il offre un
coup d'œil d'ensemble, une Uebersicht sur la littérature allemande de-
puis la Version d'Ulfilas et le poème de Hildebrand Jusqu'à Freytag et
Geibel. Les idées originales, les aperçus brillants sont rares, ou plutôt
il n'y en a pas; mais on ne peut guère exiger d'un livre élémentaire ce
qu'on réclame d'une histoire de la littérature en un ou plusieurs volu-
mes. Les analvses sont nombreuses, et il faut en remercier M. L.,
dans l'intérêt du grand public ou mieux du public ignorant; elles
sont naturellement courtes, et apprennent ce qu'il faut savoir.
Mais çà et là quelques négligences de forme : « Schiller nous le
montre... refusant de saluer le chapeau que le bailli Gessler a fait
arborer sur une pique et tirant une pomme de dessus la tête de son
fils Walther » (p. i38). « La pièce se termine par la prise des châteaux-
forts enlevés par ie peuple soulevé. » (p. i5g.]
Parfois aussi des erreurs, des obscurités, des lacunes; nous citons
celles que nous avons remarquées en feuilletant rapidement ce petit
livre.
P. i5. « Le Ludipigslied célèbre la victoire de Louis III d'Outre-
mer »; M. L. confond Louis III, fils de Louis le Bègue, et Louis IV,
fils de Charles le Simple; c'est Louis IV, et non Louis lîl, qui reçut
le surnom d'Outremer.
P. 25. Pourquoi écrire toujours le nom du roi burgonde Gunter au
lieu de Gunther (d'autant que M. L. écrit Walther et non « Walter »)?
P. 3o. M Bodmer rappela en ijSy l'attention de ses contemporains
sur ce poème national (les Nibelungen); Mylier le publia en 1782. »
On croirait, en lisant cette phrase, que Bodmer n'a pas publié les Ni-
belungen; on sait pourtant qu'il en fit paraître la seconde partie
(Chrimhilden Rache und die Klage), et M. L. dit lui-même plus loin,
p. 75, que Bodmer « donna une édition des Nibelungen. »
Ibid. « Il a été traduit en français par M O. de Laveleye »; lisez
Emile de Laveleye et ajoutez la date 1861.
P. 40. < La modération de Freidank. » Il faut traduire Bescheiden-
heit par « discernement, intelligence, sagesse, » et non par « modé-
ration ».
P. 4:. Dans l'analyse de VIsengrines not M. L. cite le roi Brevel, au
lieu de Vrevel [ou Frevel); aurait-il pris le V allemand pour un B?
l88 KKVUK CUITIQUK
Il ajoute, entre parenthèse, « noble » ; il a sans doute voulu dire que le
Vrevel allemand n'est autre que Noble ou le lion; mais le lecteur croira
que Vrevel signifie noble, tandis que ce mot était alors synonyme de
muthig et de kulm.
P. 55. Brant est né en 1457, et non en 1458.
P. 58. Murner est mort en 1 537, et non en i53o.
P. 66, pas un mot de Giinther, pas même son nom; M. L. sait pour-
tant que Gœthe lui consacre une page entière dans Poésie et Vérité cl
qu'il le nomme « un poète dans le plein sens du mot ».
P. 77. On ne peut prononcer le nom de Rabener sans citer celui de
Liscow ; mais on cherchera vainement dans le livre de M. L. le nom de
l'adversaire de Sievers et de Philippi.
P. 75. a Gottsched s'enfuit à Leipzig pour ne pas être incorporé de
force dans Tarmée du grand Electeur » Gottsched s'enfuit en 1724, et
le grand Electeur — dont M. L. parle p. 67 a propos d'Opitz — était
mort au siècle précédent, trente-six années auparavant, en 1688; le
prince qui régnait en Prusse était le roi sergent, Frédéric-Guil-
laume l''^
P. 78. a Pfeffel, 1736-1809 », et c'est tout ce que dit M. L. sur le
gracieux fabuliste, l'auteur de la Pipe turque ; Pfeffel méritait davan-
tage; d'autant qu'il est français (né à Colmar; directeur d'une école
militaire, qu'il avait fondée dans sa ville natale; nommé en i8o3 par
Napoléon président du consistoire évangélique).
P. 85. « Klopstock dans sa vieillesse, fit une part importante dans
ses œuvres à la mythologie septentrionale»; c'est en 1767 que l'ode
meine Freunde fut remaniée sous le titre de Wingolf; Klopstock avait
alors 40 ans ; il est donc inexact de parler ici de sa vieillesse.
P. 86. M. L. nomme parmi les collaborateurs de \^ Almanach Cra-
mer, qui ne méritait guère d'être cité; il aurait dû, en tout cas, donner
son prénom, pour le distinguer d'un autre Cramer, père de celui-là,
collaborateur àesBremer Beitriige et mentionné p. 77. H aurait dû, en
nommant Miller, ajouter Vauteur du Siegwart. II aurait dû enfin
nommer Leisewiiz, l'auteur de Jules de Tarente.
Ibid. « Gessner que ses idylles firent surnommer le Théocrite alle-
mand » ; ce fade et insipide auteur n"est pas jugé assez sévèrement.
P. 87. La société de Goettingue n'a jamais pris le nom de Hain-
bund ; ce nom a été forgé postérieurement (par Voss, en 1804): le nom
que se donnaient les jeunes admirateurs de Klopstock était le Bund ou
le Haiti, terme favori de Klopstock qui oppose volontiers la forêt ger-
maine à la colline grecque, Hiigel.
Ibid. « Les jeunes écrivains allèrent prendre Klopstock dans une
voiture à huit chevaux. » Je ne sais où M. L. a trouvé ce dernier
détail; il n'est question dans la lettre de Voss que d'un simple
Wagen.
P. 88. M. L. parle de deux mariages de Burger (Molly et sa sœur);
a HISTOIRK tiJ DE UTTEhATUllh 189
pourquoi n'a-t-il rien dit du troisième et si malheureux mariage avec
Elise Hahn?
Ibid. M. L. a jugé bon de reproduire une grïivure qui représente « le
tombeau de Klopstock à Ottensen»; il fallait mettre une note et rappeler
le beau poème de Rûckert, die Gràber ^u Ottensen, rappeler que Char-
les-Ferdinand de Brunswick, le vaincu d'Iéna, est, lui aussi, enseveli
« zu Ottensen, an der Mauer der Kirch' », rappeler que Klopstock re-
pose à côté de sa Meta et de son enfant, « mit seiner Gattiu lieget und
ihrem Sohne dort »
Ibid. Qu'est-ce que le chasseur magique de Biirger? M. L. a voulu
dire sans doute « le chasseur sauvage » (der wilde Jager).
Ibid. Lenore est « la première pièce (de Burger) qui parut dans l'Al-
manach » : elle fut publiée dans TAlmanach des Muses de 1774; or
Biirger avait collaboré auxalmanachs de 1771, de 1772 (sous la lettre u),
et de 1773.
P. 89. « Voici sa chanson (de Holty) sur le vin du Rhin, dont le
début rappelle Alfred de Musset. » Où M. L. prend-il cette chanson sur
le vin du Rhin? Cette pièce de vers, tendre et mélancolique, a pour
titre, non pas « le vin du Rhin », mais Vermâchtniss ou « Testament »;
elle ne se compose que de deux strophes, toutes deux très touchantes.
Pour s'en convaincre, que M. L. ouvre l'édition de Halm à la p. 109.
P. 90. Ce ne furent pas « les membres du Bund qui procurèrent à
Voss les moyens de gagner sa vie ». Le Bund n'était pas fondé lorsque
Voss se rendit à Goettingue, et son seul patron, celui qui lui pro-
cura des leçons, qui se fit son protecteur et son « père », fut le généreux
Boie.
P. 99. « Mylius, un de ses parents... »; il vaudrait mieux dire : un
de ses amis; voir le i" vol. du Lessing de Danzel-Guhrauer, I,
pp. i5-i6.
P. 100. « Lessing fut nommé bibliothécaire à Wolfenbûttel où il se
maria (1777) »■ H fallait dire « à Wolfenbûttel où il vécut désormais,
après s'être marié » ; Lessing, en effet, se maria à Hambourg où demeu-
rait sa fiancée, Eva Kônig, et ce lut en 1776, et non en 1777.
P. 102. Le Marinelli deVEmilia Galotti n'est pas le « ministre » du
duc de Gonzague; il est son chambellan (Kammerherr), et le mot delà
jeune fille « ehe der Sturm sie entblattert » doit être traduit par « avant
que l'orage Tait eff^euiilée » et non pas « avant que Torage l'eût flé-
trie ».
P. I 12. « Reinhold Lenz (1750-1792) ». On sait, depuis le travail de
Falck, que Lenz avait pour prénoms Jacob Michael Reinhold, que
son Rufname était Jacob et non Reinhold, qu'il est né le 1 2 janvier 1 75 1 .
P. 1 15. Il n'est plus permis de dire Thorane; le vrai nom du comte
était Thorane ou Thorenc.
Ibid. Les ministres des réfugiés protestants se faisaient entendre,
non pas à Francfort, mais en dehors de la ville, à Bockenheim.
igO REVUE CRITIQUE
Ibid. Goethe « cite particulièrement Gellert et Gottsched parmi les
maîtres les plus célèbres de Leipzig », mais il n'a pas suivi leurs cours
très assidûment.
P. 1 16, Tédileur de la Chronique de Goetz se nomme Steigerwald et
non Steigenwald, et c'est en 1771, et non en 1772, que Goethe composa
« sous la plus ancienne forme qui nous en soit parvenue le premier de
ses grands ouvrages ».
P. 117. Il n'est pas tout-à-fait exact de dire que que Goetz « suc-
combe à ses blessures » ; und mehr als das ailes, die Finsterniss seiner
Seele, dit Elisabeth : le chevalier meurt, en proie au découragement et
au désespoir; il ne survit pas à la liberté perdue.
Ibid. Marie est la sœur de Goetz, et non sa belle-sœur.
P. 122. En plaçant la Campagne de France entre les « Epigrammes
vénitiennes » et Reineke Fuchs, M. L. fait croire à ses lecteurs que
Gocihe publia cet ouvrage immédiatement après l'expédition ; or, on sait
que ce récit ne fut composé qu'en 1820 et 1 821 ; il fallait en parler après
Poésie et Vérité.
P. 123. Une expression inexacte s'est glissée dans l'analyse de i/er-
manji et Dorothée; M. L. dit que le jeune homme porte des secours à
des émigrés; le lecteur croira naturellement quMl s'agit de Français;
or, les fugitifs sont des Allemands de la rive gauche du Rhin.
P. 125. Pourquoi nommer Tamante d'Edouard Odile, au lieu de lui
conserver le nom d'Ottilie qu'ont gardé tous les critiques français?
M. L. n'a-t-il pas cité (p. i63) Ottilie Wildermuth?
P. 134. Il serait temps de faire disparaître de Thistoire littéraire
l'ineptie attribuée par M. L. à la Convention. D'abord, ce n'est pas la
Convention qui conféra à Schiller le titre de citoyen français ; ce fut
l'Assemblée législative qui, dans sa séance du 26 août 1792, déféra ce
titre à Klopstock et à Schiller [Moniteur du 28 août). Croit-on d'ail-
leurs que Guadet qui proposa le décret au nom de la commission
extraordinaire, que Vergniaud et Lasource qui l'appuyèrent, ignoraient
le nom de Schiller? Si le nom du grand poète fut défiguré et prit la
forme de Gille, ce fut l'erreur, non pas d'une assemblée française, mais
d'un scribe obscur de ministère, et le nom de Schiller est inscrit en
toutes lettres, sans faute aucune, dans les colonnes du Moniteur ; c'est
l'essentiel.
P. 143. « Henri de Kleist dont les drames sont les meilleurs qui
aient été composés depuis Schiller, ... Werner, qui fut le créateur des
tragédies du destin... », et M. L. ne donne pas de titre d'un seul de ces
drames, d'une seule de ces tragédies! Pas une date dans cette page, où
on trouve les noms de La Motte Fouqué, de Clément Brentano,
d'Achim d'Arnim [et Bettina?), d'Eichendorf, de Hôlderlin, de Kleist,
de Werner, de Chamisso; tout au plus si M. L. nous dit que Chamisso
est « né en France », et il ne dit pas un mot du château de Boncourt,
de Salas y Gome^ et de Matteo Fa l cône.
d'histoire et de litticrature 191
p. 146. M. L. ne voit dans Platen que Pauteur de la Fourchette fa-
tale et de Y Œdipe romantique ; il aurait dû dire, au moins en passant,
que les odes de Platen ont une perfection de forme merveilleuse.
P. 149. Pourquoi ne pas donner les dates de la naissance et de la mort
de Grillparzer, de Zedlitz, de Lenau, d'Anastase Grun? Pourquoi ne
pas donner les titres des drames de Grillparzer et des principales œuvres
de Lenau? « Lenau, dit M. L., était un poète d'un grand talent, mais
malade d'esprit; les doutes qui le torturaient, le poussèrent à la mélan-
colie » et c'est tout. Franchement, c'est un peu sec. Et Savonarole, et
les A Ibigeois, et Faust ! ^
P. i5o. « Les écrivains de la Jeune Allemagne raillèrent Klopstock
et le Tugendbund »; Heine, Gutzkow, etc., ne se souciaient guère de
Klopstock mort en i8o3 et déjà bien démodé.
P. ibi. M. L. parle des drames de Gutzkow, et il cite Richard Sa-
vage, Die Schule der Reichen et Zopf und Sdiwert ; on s'eion-
nera qu'il ait oublié Uriel Acosta et das Urbild des Tartuffe.
P. i55. Freiligrath ne vécut pas seulement de traductions; il fut
commis, aux appointements de 200 livres sterling, dans une grande
maison de commerce, la maison Oxlord; puis dans une succursale de la
banque de Suisse. Le fait est remarquable, et nous l'avons déjà dit dans
cette revue; Freiligrath aima mieux faire le métier de commis que
d'éparpiller et de gâter son talent; il acceptait la servitude du comptoir
pendant le jour pour donner le soir a la muse sa pleine liberté.
P. iSy. a Les œuvres de Charlotte Birch-Pfeitïer forment 22 volu-
mes ». Les œuvres dramatiques, complètes, parues de iS63 à i88o
forment 23 volumes; les « nouvelles et récits », parus de 1862 à i865,
3 autres volumes.
Ibid. « Holtei, 1 798-1 880 m; il fallait dire Gh. de Holtei, né en 1797
(le 24 janvier.)
Ibid. A côté de Holtei et de Benedix ne fallait-il pas citer Ferdinand
Raimund, le génial Viennois, Fauteur du Verschtyender et du Bauer
als Millionlir?
P. i58. Les Journalistes de G. Freytag ont paru en 1854, et non en
i85?.
Ibid. Le titre d'un des romans historiques de Freytag a été traduit
par M. L. « les frères de la maison d'Allemagne. i> (Die Bruder vom
deutschen Hause) ! Il s'agit de l'Ordre Teutonique (der deutichc Orden
ou das deutsche Haus) -.
1. Que M. Lange ne dise pas que, s'il tenait compte de nos remarques, il aurait
trop grossi son volume; nous ne lui demundons que des titres, des dates, et une
ou deux lignes de plus pour Gùnther, Liscow, Ptetfel, Leisewitz, etc. : lu tout
trois ou quatres pages; cela nous mènerait à 170 pages, au lieu de 106. Les p. iS3
et 1G6 sur le dédain de la France pour l'Allemagne et la « peine» qu'a prise l'au-
teur, sont-elles d'ailleurs bien utiles.^
2. Charlotte était-elle fille d'un intendant de « la maison d'Allemagne » ?
]g2 REVUK CUITIQUE
Ibid. M. L. oublie de citer, après les Geschtvister, la sixième partie
des « Aïeux » de Freytag « Ans einer kleinen Stadt » (1880).
P. 160. Pourquoi ne pas citer les titres des « beaux travaux » de Nie-
buhr, Mommsen et Curiius?
Id. « L'Histoire au siècle de la Réforme », de Ranke; il fallait dire
« Histoire de V Allemagne » (deutsche Geschichte).
Id. « Les Annales prussiennes à partir de 1866, de de Treitschke » ;
M. L. a pris une revue pour un livre d'histoire; il aura lu dans quel-
que manuel « Preussische Jahrbûcher seit 1866 », etc.; il n'a pas vu
qu'il s'agissait du recueil mensuel Preussische Jahrbiicher que Trei-
tschke dirige depuis 1806. S'il fallait ciier un ouvrage du brillant po-
lémiste, c'était sa deutsche Geschichte im neun\ehnten Jahrhundert .
Id. U Histoire de la littérature allemande de Vilmar est citée à côté
de celle de Gervinus. à côté de Ranke et de Mommsen. Il fallait citer
plutôt celle de W. Scherer, celle de Hettner.
Ibid. U fallait avec les hisioriens énumérer les philosophes. M. L. ne
cite même pas Schelling, Schopenhauer et Edouard de Hartmann! Il
ne cite pas Zeiler, Visclier, Carrière, David Strauss! Il ne cite pas Mohl,
Blunlschli et Gneist, Yirchow et Helmholtz! Mais n"a-t-il pas oublié
parmi les historiens Dahlmann, Waitz. Sybel, Duncker, Gregorovius,
Reumont, Biedermann, Justi, Burckhardt;à côté des Grimm, Lach-
mann et Diez, Bopp, Schleicher, Max Millier, Steinthal, Otfried Mill-
ier? Et Karl Hillebrand que connaissent bien des Français, ne méritait-
il pas une ligne au moins? ^
P. 161. On saura gré à M. L. d'avoir consacré une demi-page aux
romans de M. Ebers; mais il aurait fallu : 1° donner la date de la nais-
sance de régyptologue (i"^"" mars iSSy); 2" placer /e^ Sœurs après Homo
swn., en 1880 et non en 1879-, 3" chev der Kaiser (1881) et die Frau
Burgemeisterin (18S2).
P. 162. « Les histoires villageoises de Bitzius » ; il fallait ajouter qu'Al-
bert Bitzius — d'ailleurs Suisse de naissance — a signé toutes ses œu-
vres du nom de Jérémie Gotthelf.
P. i63. M. Lange oublie justement parmi les œuvres de Fritz Reuter
celle qui nous intéresse ic plus, ut de Fran^osentid, traduite en 1880
par M. Zeys sous le titre iin l'année 18 13.
Ibid. Lire Marie de Nathusius et non « Marie Nathusius ».
P. 164. Annette de Droste-Htilshofî est morte, non en 1887, mais en
en 1848 (le 24 mai) et Jordan est né en 1819 (le 8 février) et non en
1829.
I. Il faut bien se dire que la plupart de ceux qui lisent l'histoire a'une littératu; j
étrangère courent aussitôt aux dernières pages et veulent connaître surtout \~
mouvement contemporain. C'est ce qu'a justement senti M. Jean Fieury (voir la
dernière partie, si intéressante, si instructive pour les étrangers, de son Histoire
élémentaire de la littérature française).
n HISTOIRE ET DK LITTEit ATURF, \ q :>
P. i65. Nicolas Becker, l'auteur du Rhin allemand est né, non en
1809, mais en i8io(le i5 janvier).
Ibid. L'auteur de la Wacht avi Rheinse nomme Max Schneckenbur-
ger et non Maurice Scheckenburger, et il eût fallu citer le nom du com-
positeur de ce chant national, Cari Wilhelm. Pourquoi ne pas ajouter
que le Rhin allemand et la Faction sur le Rhin datent tous deux de
1840 ■?
Nous pensons que cette suiie d'observations sera utile à M. L.,
qu'il en fera son profit pour une seconde édition, qu'il nous saura
gré d'appeler son attention sur ses lacunes et ses fautes. Nous ne nions
pas au reste la peine qu'il a prise et le difficile travail de condensation
qu'impose la rédaction d'un manuel qui doit contenir tant de choses
en si peu de pages. Ce tableau sommaire, comme le nomme M. Lange,
est assez terne; il faut y faire en maint endroit des corrections et des
retouches; malgré tout, il contribuera selon l'expression de l'auteur, à
mieux faire connaître un peuple et un pays dont la connaissance
importe à tant d'égards (p. 166).
A. Chuquet.
CORRESPONDANCE
ÏLiettre de M. B>îvet.
Je reçois aujourd'hui seulement communication d'un article de la Revue critique
d'histoire et de littérature, où M. Gazier conteste les conclusions d'une note que j'ai
publiée dans le Temps du 20 octobre dernier, pour prouver que « les comédiens ne
sont pas excommuniés ».
Je remercie M. Gazier d'avoir donné son attention à mon article; je ne le remer-
cie pas moins de la courtoisie de sa discussion : c'est un honneur et un plaisir
d'avoir un contradicteur tel que lui.
Les objections de M. Gazier, pour être présentées en excellents termes, n'en sont
pas moins formelles.
M. Gazier laisse de côté, pour aller droit au but, dit-il, les raisonnements plus ou
moins spécieux que j'ai accumulés. — 11 dit spécieux; je à\s probants : ni lui ni
moi ne pouvons décider entre nous : nos lecteurs seront nos juges.
I. Les fautes d'impression sont nombreuses : p. 38 Pey pour Pcj et fur pour
fiir; p. 40 Striker pour Stricker-, p. 41 Ubelloch pour Uebelloch ; p. 70 Judi-
tenkirch pour Judithenkirch ; p. 77 Zackariae pour Zacliariœ; p. 100 Tauentzien
pour Taucu:iien; p. ni Museus pour Mus'aus; p. i38 Atlinghausen pour Atting-
hausen ; p. 141 Atheneum pour Aikencieum ; p. 146 Lutzow pour Lût:^ù)v ;
p. 107 bemoste pour beniooste ; p. 160 Hœuser pour Haeusser ; Treitsckke pour
Trefi^c'/z/ce; Hedwig pour Hedivige ; Sculûngtn. 'poMV S'àckingen; p. i63 Fany pour
Fanny et Otilie pour Citilie; p. 164 Hûhishoft pour Hùlshoff, etc.
194 RKVUh CHlilQOE
M. Gazier n'est pas surpris que les comédiens aient pu se confesser et faire bapti-
ser leurs enfants; soit, ce sont là deux actes entre plusieurs autres que j'ai notés.
Mais du mariage des comédiens entre eux devant l'église, mais des comédiens accep-
tés comme parrains, mais des comédiens admis à la communion pascale, que dit-
il? Rien. Peut-il se refuser à y voir trois fois pour une ' la preuve qu'ils n'étaient
pas excommuniés? Or ce sont des faits incontestés que Molière, par exemple, s'est
régulièrement et religieusement marié, qu'il a été plusieurs fois parrain, que sa
femme a été plusieurs fois marraine, et qu'il a communié à Pâques de 1672.
M. Gazier me reproche de n'avoir pas consulté les rituels publiés « dans tous les
diocèses », et en particulier le rituel de Paris. Il est vrai que je n'ai pas dit dans mon
article tout ce que je pouvais dire, les raisons que j'avais données mayant paru
suffisantes. Mais je connais le rituel de Paris, et j'en connais assez d'autres pour
savoir que M. Gazier s'est trop avancé en présentant tous les rituels comme portant
des dispositions identiques dans la question qui nous occupe; trop avancé aussi en
disant qu'il s'est trouvé un rituel où les comédiens sont privés du viatique comme
excommuniés : les rituels les plus sévères, — et notamment le rituel de Paris, —
leur retirent cette faveur en qualité de pécheurs publics, ce qui est bien différent, le
pécheur public étant simplement un pécheur comme M. Gazier ou moi, mais dont
les péchés sont notoires sans qu'il les confesse, tandis que les miens et ceux de
M. Gazier ne seront connus du prêtre que si lui et moi les confessons : lui et moi,
à priori, sommes supposés sans péché : le pécheur public est reconnu avoir péché,
mais n'est pas excommunié pour cela.
Que dit en effet le Rituel de Paris? « On se gardera surtout de conférer le Viati-
que à ceux qui sont indignes avec scandale d'autrui, tels sont les usuriers publics,
les concubinaires, les comédiens, les criminels notoires, les (malades) excommuniés
nominativement et nominativement dénoncés. » — Les usuriers, les comédiens, les
criminels notoires forment une catégorie, la catégorie des indignes pour cause de
scandale public, et les excommuniés nominativement en forment une autre. — Dans
la première rentreront aussi, s'ils refusent de renoncer à leurs péchés, tous les pé-
cheurs non publics, les adultères, les voleurs, etc., dont le péché ne sera connu que
par leur confession, au lieu de l'être par la notoriété publique; mais seront-ils pour
cela excommuniés? Nullement.
En matière si délicate, c'est peu de chose que l'opinion d'un laïc. Un théologien
compétent qui se rangera du côté de M. Gazier ou du mien sera d'un poids décisif
dans la balance, et, pour moi, je déclare que si le cardinal Gousset, dont l'autorité est
acceptée par toute l'Eglise de France, a traité la question, je me soumettrai à sa dé-
cision. M. Gazier veut-il accepter cet arbitrage? — Je ne puis croire à son refus.
Ouvrons donc la Théologie morale. J'ai entre les mains la treizième édition, pu-
bliée en i865, 2 vol. in-8° : c'est là que pourront être contrôlées mes citations.
T. I, p. 2(i3. — « Le spectacle par lui-même n'est point mauvais ; on ne peut donc
le condamner d'une manière absolue; mais il est plus ou moins dangereux suivant
les circonstances et l'objet des pièces qu'on y joue; on ne peut donc approuver ceux
qui ont l'habitude de le fréquenter; on doit même l'interdire à toutes les person-
nes jjowr lesquelles il devient une occasion prochaine dépêché mortel 1^, et non aux
autres, bien entendu.
« Le spectacle n'étant point mauvais de sa nature, la profession des acteurs et des
actrices, quoique généralement dangereuse pour le salut, ne doit pas être regardée
I. M. L. fait erreur ici, j'ai dit en propres termes que les cures « consentaient ù marier les co-
médiens. » — A. G.
d'HISTOIU:'. et de LiTTKRAT!.mfc IQS
comme une profession absolument mauvaise ». Mgr Gousset cite, à l'appui de cette
déclaration, un grand nombre de textes : S. Thomas, S. Antoine, S. Alph. de Li-
guori, et S. François de Sales ; il ajoute :
M On voit que ces Saints Docteurs ne croyaient point que les acteurs, les comédiens
fussent excommuniés. Et effet^ il n'existe aucune loi générale qui proscrive cette
profession sous peine tf excommunicaii on . »
On a invoqué, pour soutenir la thùse de l'excommunication des comédiens,
un canon du Concile d'Arles tenu en 314. Mais qui oserait dire que les théâtres de
cette époque étaient comparables aux théâtres modernes ? Mgr Gousset, après avoir
cité ce canon, ne lui donne d'autre importance que celle d'un règlement particulier,
et fait précisément la distinction que nous venons de faire entre les spectacles de
cette époque et les spectacles établis en France au moyen âge, avec les confrères de
la Passion, et dans les temps modernes depuis Jodelle,
Au tome II du même ouvrage, p. 02, Mgr Gousset reprend la question et se de-
mande « si on doit refuser les sacrements aux comédiens qui les demandent publi-
quement ? » — Suit une double réponse, au point de vue du fait, au point de vue de
l'histoire.
Après avoir séparé les comédiens proprement dits, c'est à dire « les acteurs ou
actrices qui jouent des rôles tant dans le comique que dans le tragique », des bate-
leurs, danseurs de corde, « en un mot des histrions », le savant cardinal est d'avis
que les sacrements doivent être refusés à ces derniers, « à moins qu'ils n'aient re-
noncé ou ne déclarent publiquement renoncer à une profession justement flétrie par
l'opinion publique »... — « Mais en est-il de même de tous les comédiens? Est-on tenu
de les éloigner des sacrements par cela seul qu'ils sont comédiens ? Nous ne le pen-
sons pas : le Rituel romain ne les exclut pas des sacrements, et on les y admet géné-
ralement partout ailleurs qu'en France ». — Suit la liste d'un certain nombre de
diocèses dont les rituels ne sont pas moins favorables que le Rituel romain à l'admis-
sion des comédiens aux sacrements : et ceci répond à l'asseriion de M. Gazier ap-
pelant à son aide tous les rituels '.
Si un certain nombre de diocèses admettent les comédiens, d'autres les repoussent
donc": Oui, « mais ceux de nos rituels qui les excluent ne les excluent pas pour
cause d'excommunication ; ils les excluent uniquement comme pécheurs publics ou
comme infâmes. D'ailleurs le droit public n'excommunie point les comédiens ».
Nous n'avons pas dit autre chose.
Reste la question de la sépulture des comédiens, en général, et de Molière en par-
ticulier.
Dans les diocèses où les comédiens étaient considérés comme des pécheurs publics,
c'est-à-dire comme des pécheurs dont le péché était connu sans qu'ils s'en confes-
sassent et par la seule notoriété de leur profession, si le comédien mourait sans
s'être réconcilié, — je crois qui c'est le terme théologique, — il était dans le cas de
tout autre pécheur public qui mourait sans absolution. Mais, dans ces diocèses
mêmes, s'il se confessait et se mettait dans les conditions voulues pour recevoir
l'absolution, pécheur public ou pécheur privé, comédien ou adultère, son péché lui
était remis; il avait droit à la sépulture ecclésiastique, et même à la sépulture dans
les églises, comme nous l'avons vu pour un grand nombre d'acteurs dont nous avons
cité les noms.
Nous arrivons à Molière. II esi évident que Molière, frappé dans les circonstances
que l'on sait, ne pouvait, au point de vue des règlements ecclésiastiques, être con-
1. Tous ceux des xvii<- et xvjue siècles; e! tous ceux de France, bien entendu.
sidéré autrement que comme un pécheur, — puisqu'il était comédien, — et un pé-
cheur non réconcilié, puisqu'il était mort sans confession.
Une enquête, que l'on aurait peut-être faite, mais aussi que peut-être on n'aurait
pas faite sans l'intervention du roi, apprit que Molière, si le temps lui avait manqué
pour se confesser, en avait du moins manifesté l'intention; on put se rappeler que,
Tannée précédente, il avait communié dans son ancienne paroisse, ce qui témoignait
de ses sentiments, et la sépulture ecclésiastique lui fut accordée.
L'enterrement dut se faire le soir et sans grande pompe : il est hors de doute
que, si Molière avait pu être formellement absous, après confession, sa dépouille
mortelle aurait reçu les mêmes honneurs que celle des autres comédiens que nous
avons nommés. Son cas n'était pas absolument le même, et la différence dans les
manifestations des derniers moments explique la différence des cérémonies qui sui-
virent : à moins qu'on ne veuille voir dans la réserve du clergé une mesure de pru-
dence en présence de l'exaspération de la foule. — Si, à huit heures du soir, au mois
de février, la veuve du grand poète eut à calmer, à beaux deniers comptants, l'effer-
vescence de cinq à six mille personnes, combien plus terrible encore n'aurait pas
été, à dix heures du matin, l'explosion populaire contre le mécréant que « le doigt
de Dieu » venait de frapper d'une manière si soudaine et si terrible.'
Je ne prends ici la défense ni du clergé ni du populaire, dont l'intolérance, plus
superstitieuse que sainement religieuse, s'entretenait et s'exaltait réciproquement; je
suis même fort à l'aise pour dire hautement que les évêques de certains diocèses
avaient tort de considérer les comédiens comme pécheurs publics, puisque ces évê-
ques étaient en désaccord avec beaucoup de leurs collègues dont la charité leur faisait
un devoir d'imiter la tolérance, et avec le rituel romain qui a fini par avoir raison
de ces divergences dans l'épiscopat et qui seul aujourd'hui est adopté dans tous nos
diocèses.
Ce que j'ai voulu, c'est éclaircir, sans parti pris, sans opinion préconçue, un point
d'histoire. Surtout à l'époque de la mort de Molière, il y a assez et de plus grandes
fautes à relever contre l'intolérance du clergé, — les protestants en savent quelque
chose, — sans lui intenter encore, sur ce point spécial, un procès mal justifié :
avant de chercher à lui faire pièce, il faut savoir rendre hommage à la vérité.
Cll.-L. LlVET.
La réponse qu'on vient de lire ^'adressant aux lecteurs de la Revue, juges naturels
deces sortes de controverses, jecrois ne devoir l'accompagner d'aucun commentaire-,
je rapjiellerai seulement que j'ai parlé des xva^ et xvuie siècles, et non pas du nôtre,
qui a vu tant de changements apportés par l'Eglise dans la discipline et ailleurs.
En conséquence, l'autorité d'un cardinal qui écrit en i865 me paraît nulle pour ce
qui concerne l'année lôyS; j'en crois plus volontiers le prélat qui écrivait en 1694 :
« L'Eglise condamne les comédiens et croit par là défendre assez la comédie; la dé-
i( cision en est précise dans les Rituels, la pratique en est constante; on prive des
u sacrements, et à la vie et à la mort, ceux qui jouent la comédie, s'ils ne renon-
« cent à leur art; on les passe à la sainte table comme des pécheurs publics; on les
tt exclut des ordres sacrés comme des personnes infâmes; par une suite infaillible,
« la sépulture ecclésiastique leur est déniée. » (Bossuet, Maximes et réf.exions sur
la comédie, XL)
Qu'il y ait opposition absolue entre Bossuet, qui ne fut jamus cardinal, et
M^"' Gousset, je n'en disconviens pas, mais, comme dit le poète :
Ce ne sont uas li mes affaires.
d'HISTOIUK et du LITTÉKATUHK I 97
J'ajouterai aussi que, n'écrivant pas pour des théologiens, j'ai employé l'expression
à' excommunié sans lui donner son véritable sens théologique; j'ai appelé et j'appelle
encore ainsi tous ceux que l'Eglise prive des sacrements et de la sépulture ecclé-
siastique, mais j'accorde volontiers qu'ils ne sont pas nominatim cxcommiimcati,
comme feu le bon roi Robert, et qu'on peut, en conscience, souper avec eux.
A. Gazier.
CHRONIQUE
FRANCE. — La Société des anciens textes français vient de mettre en distribu-
tion deux nouveaux volumes : le t. VII des Miracles de Nostre Dame, qui termine
cette précieuse collection de drames religieux du xiv' siècle, et \t Dit àt la Panthère
d'amours, par Nicolas de Margival, poème allégorique des dernières années du
XIII* siècle ou des premières années du xiv" dont l'auteur est connu par un autre
opuscule. L'éditeur, M. H.-A. Todd,a fait usage des deux mss. connus, l'un à Paris,
l'autre (venant de l'abbaye de Sair.t-Germain-des-Prés) à Saint-Pétersbourg. La So-
ciété publiera prochainement le t. II de la Chronique du Mont Saint-Miciicl (éditeur :
M. S. Luce) et le recueil des anciennes versions de l'évangile de Nicodème (éditeurs :
MM. G. Paris et A. Bos) qui est sous presse depuis bien des années.
— M. Clermont-Ganneau vient de faire paraître un cinquième fascicule
de ses Matériaux inédits pour servir à l'Histoire des Croisades (Leroux, gr.
in-8", trois planches héliographiques). Ce fascicule, extrait des Archives de l'Orient
latin (tome II), contient un nouveau groupe de monuments des Croisés recueillis
en Terre-Sainte par M. Clermont-Ganneau au cours de la mission de 1881 : sept
inscriptions et un fragment de bas-relief d'un fort beau style représentant l'entrée
triomphale de Jésus monté sur l'ânesse. Trois des originaux ont été rapportés par
lui au Louvre; dans le nombre, la pierre tombale de sire Gautier Meinne-Bœuf et
de sa femme, Mme Alemanne avec les armoiries du chevaher et l'épitaphe, en fran-
çais, des défunts, datée de l'an 1278. Les quatre premiers fascicules des Matériaux
inédits pour servir à l'histoire des Croisades sont : I. Inscriptions médiévales de
Palestine; — II. La présentation du Christ au Temple (d'après un chapiteau pro-
venant de Jérusalem) ; — III. La Pierre de Bethphagé, fresques et inscriptions des
Croisés; — IV. Une inscription arabe de Bosra relative aux Croisades.
— La librairie Hachette vient de publier, dans sa collection d'éditions savantes, le
Jugurtha de Salluste {Œuvres de Salluste, texte latin publié d'après les travaux
les plus récents, avec un commentaire critique et explicatif, et une introduction.
Guerre de Jugurtlta, xi et 164 pp.) L'auteur de cette édition, Roger Lallier, colla-
borateur de notre revue, est mort le 2q juillet 1884, avant d'avoir vu paraître son
œuvre; il avait achevé le commentaire et travaillait à l'introduction ; on ne publie
de cette introduction que le premier chapitre (comparaison des deux livres histo-
riques qu'on a conservés de Sallustej, mais ce chapitre forme un ensemble. Lallier,
lisons-nous dans l'avant-propos, laisse à tous ceux qui l'ont connu le souvenir d'un
professeur solide et sérieux, d'un lettré délicat, d'un latiniste distingué, et cette édi-
tion ajoutera aux regrets qu'a causés sa perte.
— M. Cam. Jullian publie la première leçon, faite le 2 décembre 1884, de son
I 9S RKVUK CRITIQUE
cours d'histoire et d'antiquités latines à la Faculté des lettres de Bordeaux; elle a
pour titre Causes et caraclère de la guerre civile qui suivit la mort de Néron (Bor-
deaux, Chollet. In-8°, 02 p.). Elle est fort instructive et on lit avec le plus vif intérêt
ces pages où l'auteur recherche le caractère de la lutte engagée après Néron, démêle
les divers éléments qui sont en conflit, expose clairement les causes qui entraînèrent
les armées et les provinces à s'entredéchirer sans relâche pendant deux années.
— M. Ludovic Drapeyron a publié une brochure (Paris, Thorin, in-S", 2g p.)
intitulée Les Carlovingiens en Limousin, transmission des institutions féodales à la
partie ouest du massif central. L'auteur s'est proposé de montrer le lien de l'histoire
du Limousin et de l'histoire générale de la France durant l'époque carlovingienne.
Son étude comprend trois parties : dans la première, le Limousin est le principal
théâtre de la lutte de Waïftre et de Pépin le Bref; dans la seconde, au milieu des
querelles des descendants de Charlemagne et des invasions normandes, le Limousin
prend, comme le reste de la France, un autre aspect ; « c'est le moyen âge religieux
qui s'annonce très distinctement; n dans la troisième, le Limousin s'organise poli-
tiquement, et, s'il doit reconnaître l'autorité d'un suzerain, il a ses vicomtes "néré-
ditaires, ses seigneurs, ses évêques et ses abbés; on est en pleine féodalité.
— On trouvera dans le n» 7 du Courrier de l'art (i3 février i885) une partie de
la leçon par laquelle M. Eugène Muntz a ouvert son coursa l'Ecole des beaux-arts;
cette leçon avait pour titre resthélique, l'archéologie et l'histoire de l'art; M.Mûntz
y définit l'esprit de l'enseignement auquel on doit aujourd'hui de voir l'histoire de
l'art renouvelée et renaissante; l'esthétique qu'il recommande, est celle qui demande
à l'artiste, avec les connaissances techniques les plus complètes, tout ce qui en-
flamme et tout ce qui élève; les premiers cours de M. Mûntz seront consacrés à
l'histoire de l'Ecole florentine.
— Le n" 6 dû V Université (5 février i8S5) renferme également une partie de l'allo-
cution prononcée par M. Hartv/ig Derenbourg à l'ouverture de son cours d'arabe à
l'Ecole des hautes-études ; le professeur y donne le programme de son enseignement:
«. A l'Ecole des langues orientales nous continuerons à former des traducteurs et
interprètes, des consuls; ici nous aspirons à former des philologues... A l'Ecole des
langues orientales, depuis tantôt dix ans, j'expose la grammaire arabe, mais je me
garde bien d'introduire les élèves dans le laboratoire où les résultats que je leur
présente ont été obtenus. Une telle réserve serait déplacée à l'école des hautes-études:
nous discuterons librement la valeur des procédés mis en œuvre, nous examinerons
le plus ou moins de solidité des matériaux accumulés, nous chercherons à dégager
les formations anciennes des éléments plus modernes, nous étudierons la phonétique,
la morphologie, la syntaxe, le vocabulaire de l'arabe. » M. Derenbourg explique le
livre de Sibawaihi.
— M. Frédéric Plessis a fait tirer à part (extrait du Bulletin mensuel de la Faculté
des lettres de Caen), sous le titre Un chapitre de métrique latine, une étude sur
le pentamètre dactytique. (Caen, Le Blanc-Hardel, in-S", «2 p.)
— Nous receTons la première leçon du cours complémentaire de langue française
dont M. Edouard Bourciez est chargé à la Faculté des lettres de Bordeaux; elle est
intitulée la syntaxe de V ancien français ; \q professeur veut, pendant l'année 1884-
i885, « tracer la syntaxe de notre vieille langue, montrer sa formation lente et étu-
dier le degré de perfection relative qu'elle a atteint pendant le xn" et le xiu^ siècle ».
(Bordeaux, Chollet, in-S". 28 p.)
— Les quatre fascicules de novembre et décembre 1884 et de janvier et de février
i885 du Bulletin mensuel de la Faculté des lettres de Poitiers renfermant, outre la
chronique, une revue bibliographique où nous remarquons des comptes rendus
d'histoire Kl DE lutékatuuî. 199
de M. Arren sur l'Essai de xM. Chaignet sur la psychologie d'Arislole (nov. et
déc. 1884^, de M. Fr. Plessis sur la nouvelle traduction d'Euripide par Leconte
de Lisie (déc. 1884), de M. Aulard sur l'influence du concile de Trente sur la
littérature et les beaux-arts chez les peuples catholiques, de M. Dejob (déc. 1884),
de M. HiLD sur l'édition des Adelphes de M. Plessis (janv.) et la phraséologie latine
de Meissner (févr.j, de M. Bénard sur la grammaire élémentaire delà vieille langue
française par M. Clédat, et l'étude de M. Jannettaz Semo Sanctus Fidiiis; 2° sous
la rubrique Cours, conférences, études diverses, les art. suivants : Flammkrjiont,
Négociations secrètes de Louis XVI et du baron de Breteuil avec la cour de Berlin
(d'après les <i Secretissima sur les affaires de France », des archives de Berlin ; ;
30 Ernault, Eiymologie du nom de Poitiers (déc. 1884); Ducros. Le Laocoon de
Leasing et la critique contemporaine, et Genevrav, Le portrait au xvii^ siècle (fév.);
4° des Variétés : Ernault, l'ancien nom des Poitevins (janv.) et l'Inscription de Ma-
laiicène (févr.l
ALLEMAGNE. — Vient de paraître : le cinquième volume de V Histoire univer-
selle de Ranke, sous le titre : Die arabische Wcltherrschaft und das Rcich Karls
des Grossen. Première partie (Leipzig, Duncker und i4umbloî).
— La Société pour la littérature allemande /Allgemeiner Vercin fur dcuische Li-
teratur) a publié une troisième édition des u Vortraege und Aufsœt^e n de M. H. de
Sybel et un ouvrage couronné de M. Engei.haaf sur l'histoire ue l'Allemagne au
temps de la Réforme (Deutsche Geschichtc im Zeitalter der Rcfonuaiicn).
— La douzième et dernière livraison (année 1884) de la revue dirigée par H. von
ZwiEDENECK-SûDENHORST : Zeitsclvift fûr aligemeine Geschichtc, Kultur- Liieralur-
und Kunstgeschichte (Stuttgart, Cotta) renferme des articles sur la poste en Russie
au xvu" et au xviue siècle (par M. Brlickner), sur G. F. Hœndel et l'opéra à la cour
de Halle sous le duc Auguste (par M. Opel) et sur bir Phitip Francis, le prétendu
auteur des lettres de Junius (par M. Mûller).
— La collection Oncken (Aligemeine Geschichte in Ein:;eldarsiclliingcn, Berlin,
Grote) est parvenue aux quatre-vingt-onzième et quatre-vingt-douzième livraisons,
qui contiennent : Russland, Polen und Livland bis in s XVII Jahrhundert, par Th.
Schiemann.
— La collection des « Gcschichtschreiber der deuischen Vor^^eit «, publiée par
Pertz, Grimm, Lachmann, Ranke, Ritter, et continuée par M. Wattenback (Leipzig,
Duncker), vient d'arri\er à sa soixante-treizième livraison : La guerre des Vandales
par Procope (Procop, Vandalenkrieg), traduite par M. D. Goste.
— M. H. Homberger publie une brochure sur le regretté K. Hillebrand CEin
Nachriif, Berlin, Meidinger).
— M. SuPHAN a fait paraître le VIP volume de son édition des Œuvres complètes
de H cr der à !a librairie Weidmann, à Berlin.
— Le 4 janvier, le centième anniversaire de Jacob Grimm a été solennellement
célébré à l'Académie royale de Berlin. Parmi les ouvrages qui ont paru à cette occa-
sion on nous signale J. und W. Grimm, Dahlmann und Gervinits (VIII, 5i'3 p.
8«), par M. Ippei. (Berlin, Dûmmler); Schœnbach, Die Brûder Grimm, ein Gedenk-
blatt:;um 4 Janiiar iSS5 , Berlin, Dûmmler. 60 p. 8»); Die Lieder der alten Edda,
deutsch durch die Brûder Grimm, nouvelle édition par .1. Hofforv.
— La livraison la plus récemment parue du Deutschcs Wœrterbuch de Grimm
(IVe vol., fe partie, 11, G) contient la suite de la lettre G, par M. Rud. Hildebrand,
et va du mot Geliist au mot Gemût.
— Beaucoup d'ouvrages et de brochures nouvellement publiés en Allemagne s'oc-
cupent de la littérature française. La librairie Maske à Oppeln, qui s'en fait une spé-
200 Rtvufc; CRU :Quii d histoihk i;t du littérature
cialité, donne au public une édition critique de la Satyre Ménippée. avec introduc-
tion, etc., par M. Frank, et le premier volume d'une Biographie de Voltaire, par
M. Mahrexuoltz (Voltaire' s Lebcr. :ind Wcrke. Voltaire in seineni Vater lande,
iGgy-iySo. VIII, 255 p. 8"). Un autre ouvrage sur Voltaire paraît en même temps
à Fribourg, en Brisgau, Voltaire, ein Ciiarakterbild, par M. Kreiten. M. Herting
publie une étude sur la versification de Jodelle (Kiel, Lipsius, 52 p. 8°); M. Rickek,
des Recherches sur la versification de Corneille (Untersuchungen iïber die metrische
Technik Corneille's iind iiir Verhceliniss :^ii dcn Regchi der franzœsischen Vers-
kunst. (ire partie, 67 p. 8°, Berlin, Weidmann). M. Scola traite dans une brochure
de 35 p. (Pilsen' des rapports du Menteur de Corneille et du Biigiardo de Goldoni
avec la Verdad sospechosa d'Alarcon. M. Tiior Sundby commence une conscien-
cieuse étude sur Pascal, sa lutte contre les jésuites et sa défense du christianisme
dans la Zeitschrift fur neufran^œsische Sprache und Litteratur de Kœrting und
Koschwitz (VI, 5), et l'un des éditeurs de cette revue, M. G. Kœrting, publiera
prochainement le troisième et dernier volume de son Encyclopœdie und Méthodo-
logie der Romanischen Philologie mit besonderer Berûcksichtigung des Fran^^œsis-
chen und Italienischen (Heilbronn, Henninger).
— La librairie Veit, de Leipzig, annonce un Grundriss :;w Geschichte der fran:{œ-
sischen Litteratur, par M. K. Vollmœller, et un Grundriss der deutschen Literatur-
geschichte, par Al. Ph. Strauch.
SOCIETE NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANGE
Séance du 18 févriei- iS85.
PRÉSIDENCE DE M. COURAJOD
M. Rayet présente le moulage en plâtre d'une pierre gravée portant la signature
d'Aspasios et représentant le buste d'Athéné Parthénos.
M. de Lasteyrie communique des photographies qu'il a reçues de M. Delort, pro-
fesseur à Auxerre, et qui représentent des bijoux recueillis dans des sépultures
burgondes découvertes à Auxerre; des fibules, des boucles d'oreilles d'un modèle
particulier, une pierre antique sur laquelle on voit un personnage, vraisemblable-
ment Silène armé d'un thyrse.
M. l'abbé Thédenat présente un fragment de vase de bronze, découvert par M. Bul-
liot au Mont Beuvray. On y reconnaît des traces de lettres burinées, d'une lecture
difficile.
M. Mowat communique de la part de M. Taillebois : i» l'empreinte d'un fragment
de poterie pseudo-samienne, orné de sujets en relief avec une inscription; 2° l'em-
preinte d'un jeton trouvé entre Pau et Lescat, pesant 2 k. i5o gr. et représentant
un buste dans lequel M. Taillebois croit reconnaître Mithra. M. Saglio doute de
cette attribution.
M. de Villefosse présente l'estampage d'une inscription découverte par M. Letaille
à Makteur (Tunisie) et faisant connaître le nom d'un cinquième évêque de Mactaries
Germanus.
M. Roman communique le texte d'une inscription gravée sur le tympan de la
porte de l'église de Ville-Vieille en Quevras. détruite en i574 pendant les guerres de
religion. Elle contient un passage, MISSAQUE SEPULTA, qui donne lieu à des
observations.
M. l'abbé Duchesne produit une liste des évêques francs qui assistèrent au concile
romain de 769. Cette liste, plus correcte que celles qui avaient été publiées jusqu'ici,
permet de reconnaître que l'évêque Bernwult, de Wurzbourg, était déjà en fonction
au temps du concile, et par conséquent que la vie de saint Boniface, par Willibald,
dédiée à son prédécesseur Megingoz, a été écrite avant 769, moins de quinze ans après
la mort du célèbre missionnaire.
Le Secrétaire,
E. Mowat.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le P'uv. tmvfitiierii^ <i<> h'îarcnt^saou rils. onuie.vara Saini-Lauveni. i5.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 11 — 16 mars — 1885
Soniuiaire s 3g. Elie Berger, Les Registres d'Innocent IV. — 40. Correspon-
dance de Luther, p. p. Enders, 1. — 41. Sermons de Bossuet, p. p. Choussy. —
42. Flint, Vico. — 43. Sanders, Dictionnaire complémentaire de la langue
allemande. — Chronique. — Académie des Inscriptions. — Société des Anti-
quaires de France.
39. — Le* Registres trinnocent IV. (Par M. E. Berger). Tome I, chez
Thorin. Paris, 1884.
Le premier volume des registres d'Innocent IV comprend les bulles
des cinq premières années de son pontificat (1243-1248). Le talent de
l'auteur de cette publication, les événements auxquels est resté attaché
le nom du pape dont il a transcrit les actes, donnent un vif intérêt à un
recueil où Ton suit, au jour le Jour, pendant cinq ans, l'histoire
de l'Europe. Ce recueil lui-même, nous l'avons presque tout entier. A
part celui de la septième année, les registres d'Innocent IV nous sont
tous parvenus. La Bibliothèque nationale possède le sixième, les autres
se trouvent au Vatican et forment aujourd'hui trois volumes qui portent
les n'^ 21, 22 et 2 3 dans la collection générale des Registres.
M. E. Berger a tiré le meilleur parti de ces documents originaux, II
les a publiés tels qu'ils se sont présentés à lui. sans y mettre un ordre
chronologique qu'ils ne lui donnaient pas. On sait, en effet, qu^à part une
classe assez peu nombreuse de documents, les pièces émanées de la curie
n^étaient pas enregistrées d'office. Les intéressés devaient demander eux-
mêmes l'insertion et les lettres étaient transcrites suivant Tordre dans le-
quel on les apportait au bureau du Registre. Entre deux lettres qui se
suivent sur le registre, l'écart chronologique est souvent considérable. De
plus, quand la chancellerie faisait plusieurs expéditions d'un même acte,
le premier seul était intégralement transcrit, les autres étaient représen-
tés par la formule « in eumdem modum » ; or, il pouvait se faire que la
date de ces pièces identiques fût différente. Etablir dans de pareils cas
une ordre chronologique eût été une innovation fort incommode. M. B.
y a sagement renoncé. Il a préféré, en érudit scrupuleux, garder l'ordre du
registre. Une table chronologique placée à la tin du dernier volume en
fera disparaître les inconvénients.
Tous les documents transcrits sur le Registre n'ont pas été publiés
in extenso. De très nombreuses lettres d'Innocent IV nous étaient déjà
connues. Parmi ces dernières, la plupart sont signalées dans le recueil de
Potthast. Quelques-unes ont été plus récemment publiées par M. Hau-
Nouvelle série. XIX. 11
202 RKVUK CRITIQL'H
reau. M. E. B. n"a pas voulu encombrer son recueil de textes déjà con-
nus. Il s'est borné à les rappeler par une courte analyse, la mention de
l'adresse, des premiers mots et de la date. II a voulu donner une grande
place à l'inédit; mais, là encore, il s'est restreint. Tous ces documents
en effet sont de valeur bien inégale. Beaucoup d'actes gracieux sont con-
çus dans des termes identiques ; ils ont été seulement mentionnés dans
le Recueil. En revanche, M. E. B. a donné de longs extraits ou une
copie intégrale des lettres relatives aux affaires de l'Eglise ou aux événe-
ments politiques.
Nous n'insisterons pas sur Plntroduction très intéressante que M. B.
a mise en tête de son recueil. C'est une étude très précise sur la diploma-
tique d'Innocent IV et qui complète heureusement la série des travaux
publiés récemment en Allemagne sur les actes pontificaux du xii'' et du
xin^ siècle. Une des parties les plus importantes de celte étude porte
sur les règles nouvelles établies dans la chancellerie romaine par les pre-
miers successeurs d'Innocent III. Les changements diplomatiques ont
beaucoup plus porté sur Tordre même des transcriptions que sur la
forme des actes transcrits. Entre les actes d'Innocent III et les actes
d'Innocent IV les différences sont tout extérieures. Le format des regis-
tres est devenu plus haut et plus large, l'écriture plus élégante, les mi-
niatures elles-mêmes ne présentent plus les mêmes caractères; en réalité,
la rédaction des actes pontificaux n'a pas changé. Les distinctions que
M. Léopold Deiisle avait établies dans les lettres d'Innocent III se re-
t.iouvent dans les lettres d'Innocent IV. Les actes pontificaux sont tou-
jours divisés en privilèges et en lettres. Toutefois le privilège déjà très
rare sous Innocent III Test devenu beaucoup plus sous Innocent IV. La
lettre ou petite bulle avec ses formes distinctes, lettre gracieuse ou man-
dement, lettre close ou lettre patente, est devenue depuis le xuf siè-
cle d'un usage général. Jusqu'au xv'= siècle, elle fut employée par les pa-
pes dans leurs rapports avec la chrétienté.
M. E. B. a signalé quelques actes d'Innocent IV qui restent en de-
hors des formes ordinaires. Ce sont d'abord des documents relatifs à des
confirmations ou à des concessions de fiefs faites en Sicile par le Saint-
Siège. Les condamnations solennelles portées contre Frédéric II ou ses
partisans rappellent également en plus d'un point les Privilèges. La date
de ces pièces est plus complète que celle des lettres ordinaires, la formule
initiale, moins brève et plus solennelle. La collection de copies faite au
concile de Lyon et connue sous le nom de Rouleaux de Cluny nou.'
présente des actes ayant le même caractère. Ces documents d'ailleurj
sont rares et leur forme solennelle s'explique surtout par les circonstan
ces particulières où ils furent composés.
En définitive, les actes d'Innocent IV n'offrent pas de caractères pa-
léographiques bien nouveaux. Mais sur Tordre même des Registres le
innovations de la chancellerie ont été beaucoup plus graves. ]
Sous Innocent IIÏ, à part le « Registrum super negotio Romani Im,
I
I
d'histoiri;: et de littérature 20 3
perii », tous les actes pontificaux sont confondus dans une même série.
Les divisions du Registre se font par les années du pape, non par l'im-
portance des pièces. Dans une même année, nous trouvons à côté de
dispenses pour les mariages ou les ordinations, d'indulgences, de privi-
lèges liturgiques, des bulles importantes pour l'histoire religieuse et po-
litique de l'époque. Sous Grégoire IX déjà, la curie romaine avait réuni
dans des appendices particuliers les actes relatifs au>: affaires de France,
à la lutte contre Frédéric II, à la convocation du Concile. Cette division,
qui n'avait rien de régulier, devint d'un usage constant sous Inno-
cent IV. Ce fut le chancelier Marin en 1244 qui la fixa. Les actes d^un
intérêt général, enregistrés d'office, furent réunis dans un cahier spécial
ajouté au Registre. Dès ce moment, une distinction s''établit entre les
actes pontificaux. Les moins Importants prirent le nom de lettres con"!-
munes, les autres, celui de lettres curiales. Cette dernière classe de docu-
ments comprit les bulles relatives aux affaires générales de PEglise, aux
ordrci religieux, aux affaires politiques. Elle forma un recueil spécial
annexé chaque année au recueil ordinaire.
Une deuxième distinction s'établit un peu plus tard entre les actes
pontificaux. Un grand nombre de pièces insérées dans le recueil des
lettres communes se rapportaient surtout à des collations de bénéfices
ou de prébendes. On mit à part, dès les dernières années d'Innocent ÎV,
un certain nombre de ces documents. M. E, B signale à la fin des années
8, 9, 10, II, 12, des cahiers spéciaux qui contiennent ces actes gracieux
du Saint-Siège. Cette nouvelle division connue, mais un peu plus tard,
sous le nom de Bénéficia, fut, conirpe la précédente, maintenue par les
successeurs d'innocent IV: on la retrouve sous Alexandre IV. Toutefois
le classement des actes pontificaux comme les taxes de la chancellerie
et le format des lettres ne fut bien établi que sous le pontificat de
Jean XXII.
II
Tous les documents contenus dans le tome I des Registres sont d'un
intérêt fort différent. Les analyser serait chose impossible, nous indi-
querons fort brièvement les sujets auxquels ils se rapportent. En général,
les lettres communes s'appliquent à des actes gracieux (indulgences, in-
duits, provisions etc.), ou à des mandements. Quelques-unes ont trait à
des élections épiscopales et à Tadministration intérieure de l'Eglise;
d'autres, mais en plus petit nombre, aux aff"aires politiques et religieuses
du temps. Les curiales se rapportent surtout à la lutte contre Frédé-
ric ILau'c relations avec les princes chrétiens et infidèles; au gouver-
nement du domaine temporel, aux légations, à la répression des héré-
sies, à la Croisade. Nous trouvons également dans les curiales de la troi-
sième et de la quatrième année des lettres relatives à la réforme des mo-
nastères, dans celle de la cinquième, une bulle très curieuse sur la falsi-
fication des lettres apostoliques (4086).
204 RKVUE CRITIQUR
Les documents politiques contenus dans le Registre sont assurément
les plus importants. Ils nous donnent d'abord de précieux détails sur la
lutte de Frédéric II contre Innocent IV et sur la situation de l'Allema-
gne, de la Suisse et df^ l'Italie, de 1243 à 1247. ^^ signale également les
Lettres relatives aux affaires d'Orient, de Pologne, de Russie et de
Prusse. En Orient, grâce aux croisades et à la chute de l'Empire grec,
les papes depuis Innocent III, cherchèrent sans cesse à étendre leur in-
fluence. Innocent IV lui-même travaille encore à prolonger la lente
agonie de l'Empire latin et à réunir les Eglises séparées. Plusieurs let-
tres du Registre concernent les missions de ses légats André et frère Lau-
rent en Arménie et en Asie Mineure, confèrent des privilèges aux Eglises
d'Orient et ordonnent des levées de subsides en faveur de l'Empereur de
Constantinople. Au Nord, les efforts du Saint-Siège furent plus heu-
reux. Depuis Innocent III la conquête chrétienne avançait toujours
vers la Baltique. En 1244, le Pape avait créé un légat avec le titre d'ar-
chevêque de Prusse, Livonie et Esthonie. Il soumit à sa juridiction les
évéchés créés dans ces provinces par Grégoire IX. En 1247, ^^ moment
des troubles de Pologne, il envoya dans ce pays Jacques, archidiacre de
Liège. Plusieurs bulles se rapportent à cette importante mission qui
pacifia la Pologne et amena, en 1249, l'organisation religieuse et politi-
que de la Prusse. D'autres bulles enfin nous renseignent sur les rap-
ports d'Innocent IV et du prince russe de Gallicie, Daniel, qui, pour
lutter contre les Tartares, se rapprocha de la cour de Rome. Le pape
créa des évêques dans ses états, reçut la soumission des autres et la
réunion des deux églises fut un instant accomplie.
Un grand nombre de lettres sont relatives à la croisade de Saint-
Louis. Beaucoup sont inédites et les renseignements qu'elles nous don-
nent sur les préparatifs de l'expédition offrent un grand intérêt. On les
trouvera surtout dans le Registre de la cinquième année. Elles nous
montrent les efforts du Pape pour faire réussir la croisade. Levée de dé-
cimes en faveur du roi, dons aux seigneurs qui prennent la croix, pres-
sants appels en Hollande, en Angleterre, en Norvège, Innocent IV met
tout en œuvre. La croisade partit, le plus grand nombre des croisés ne
partit pas. A vrai dire, nous trouvons dans les lettres mêmes du Pape
Pexplication de cet insuccès. Presques toutes sont des refus d'exemp-
tions. Les évêques, les clercs comme les seigneurs se rachètent de leut
vœu ; quelques-uns, comme l'archevêque de Narbonne et ses suffra-;
gants., refusent de payer les décimes. L'esprit de la croisade s'en va. Ellcl
n^est plus qu'une guerre féodale, qu'une chevauchée de chevaliers con-|
duite par le plus grand des rois chevaliers. Sans le savoir, la papaut(:
elle-même a contribué à son insuccès. Si nous voyons le Pape refuseil
des exemptions en France, il en accorde sur le Rhin, en Allemagne, e'
à quelles conditions? C'est que les croisés s'armeront contre Frédéric II ^
Bien plus, le Pape qui a excité les croisés de Hollande à partir pouij
l'Orient, les autorise à marcher contre l'Empereur. Leur choix ne fui
o'HISTOIKE et de HTTl^RATURE 205
pas douteux. C'est qu'à ce moment la chute de Frédéric II est la grande
préoccupation d'Innocent IV, celle qui se trouve dans toutes les lettres
de son Registre.
J'insisterai en terminant, sur les bulles relatives à l'administration et
au gouvernement de l'Eglise. Ce sont les moins étudiées jusqu'ici et ce-
pendant, pour l'histoire des institutions ecclésiastiques, leur importance
est grande. Presque toutes se rapportent à des collations de bénéfices.
Certes, avec ces seuls documents, il serait facile de faire l'histoire de la
propriété ecclésiastique et, par là, du pouvoir pontitical au xiii^ siècle. La
politique des papes envers l'Église fut en effet, depuis Grégoire VII sur-
tout, ce qu'était la politique de nos rois envers la féodalité. Les uns et
les autres s'affermirent par des conquêtes territoriales, la Royauté, en
rattachant directement des terres ou des seigneurs à la Couronne, le
Saint-Siège en étendant ses droits de collation sur les terres d'Eglise et
en disposant des bénéfices avec les dignités. Engagés depuis le xi*^ siècle
dans une lutte sans merci contre le patronat seigneurial et les investitu-
res laïques, les papes se virent, par la force même des choses, obligés
d'intervenir dans les collations des bénéfices et des prébendes. Ils retirè-
rent peu à peu aux laïques le droit de présentation, puis, pour assurer
contre eux l'indépendance des clercs, ils cherchèrent à se Tattribuer.
C'est au nom de la liberté de l'Eglise qu'ils commencèrent à l'asservir.
Déjà nous voyons Innocent II, Adrien IV, Alexandre III recommander
des candidats. Depuis Célestin III, l'investiture pontificale devint obli-
gatoire pour tout nouveau titulaire sous peine des censures ecclésiasti-
ques. Au xnie siècle, dans beaucoup de bénéfices, le Saint-Siège nomme
directement ; dans tous, il a le droit de faire pourvoir ceux qu'il désigne.
Aussi, le nombre des mandements laissés par Innocent III est-il déjà
considérable. Ceux d'Innocent IV sont plus nombreux encore; ils for-
ment la majeure partie de son Registre. Il ne faut pas oublier en effet
que la Papauté, dans sa lutte contre Frédéric II, tira une grande force
des droits que l'Eglise lui avait reconnus sur les bénéfices. Presque tou-
tes les provisions signalées dans le Registre sont faites sur le Rhin, en
Allemagne, en Suisse, en Italie, et le Pape les accorde à ses partisans ou
sur la demande de ses partisans.
Ce pouvoir si grand du Saint-Siège lui permit d'intervenir sans cesse
dans les élections des évêqucs ou l'administration des diocèses. Déjà In-
nocent III avait déclaré que, si les chapitres n'avaientpas élu un candi-
dat dans un temps déterminé, le Pape pourrait désigner le titulaire.
Innocent IV nomme directement à un très grand nombre d'évèchés va-
cants. Nous le voyons placer des moines dans les évéchés. En 1244, il
nomme à Plaisance un de ses chapelains, à Bologne, son vice-chance-
lier Ricanati, à Assise, en 1247, un de ses chapelains. En 1246, au plus
fort de la lutte contie Frédéric II, il mande à son légat en Allemagne
de conférer un évêché au neveu de l'archevêque de Mayence, son dévoué
partisan. Enfin une constitution de 1249 établit qu'aucune provision en
206 REVUE CRITIQUK
peut se faire en Allemagne sans la permission expresse du Pape.
Sans doute, ces prétentions de la Curie romaine ne furent pas accep-
tées de tous. Déjà se font entendre bien des protestations dont le Regis-
tre d'Innocent IV nous a gardé le souvenir. Je signale, par exemple, les
bulles 3735-3764 sur la constitution des chanoines de Milan et de Man-
toue, les bulles 3o7r-332i et beaucoup d'autres dans lesquelles le Pape
supprime en faveur d'une église ou d'un monastère l'abus des expectati-
ves. Un grand nombre d'évéques, de chapitres, d'abbés font reconnaître
par le Pape les privilèges de leurs églises et leur droit de collation. Au
concile de Lyon en 1245, nous voyons les évêques anglais protester au
nom de l'église d'Angleterre contre l'intervention oppressive de la Pa-
pauté dans les provisions ecclésiastiques. G'JS mesures restèrent isolées.
Les papes signaient les privilèges et ne les respectaient pas toujours : on
en a la preuve dans le nombre même d'induits que se fait donner une
même église. L'abus des collations pontificales ira en grandissant, de-
puis Innocent IV jusqu'au jour où ces désordres provoqueront la grande
réaction des conciles du xV^ siècle.
J'ai tenu à insister sur la nature de ces documents : ils peuvent deve-
nir le sujet d'études curieuses et nouvelles : à ce point de vue, la publi-
cation de M. E. Berger ne saurait mériter trop d'éloges. L'histoire du
Saint-Siège est dans les archives du Vatican. La collection est assez ri-
che pour que les membres de notre Ecole de Rome ne se lassent pas d'y
puiser et d'en tirer d'intéressantes publications et d'utiles études.
I. L.
40. — Dr. Martin Luther's ïïs-ïef'weclsseï. Bearbeitei und Jmit Eilseuterungen
versehen von E. L. Enders. Erster Band. Briefe vom Jahre 1607 bis Mœrz iSicj.
Frankfurt am Main, Schriften-Niederlage des Evangelischen Vereins, 1884. Pet.
in-8, XIV et 494 p.
Il faudra attendre encore bien des années jusqu'à ce que la magistrale
édition critique de Luther, dirigée par Knaake, et dont le premier
volume a paru en i883 [Dr. Martin Luthers Werke. Kritische Ge-
sammtausgabe. Band I. Weimar, Bohlau, i883, gr. 8°, xxiv et 710 p.,
18 mark), nous donne, après toutes les œuvres se su'ivant par ordre
chronologique, la correspondance qui doit la terminer. En outre, son
prix élevé n'en permettra pas l'accès à chacun, plus d'une bibliothèque
publique même devant y regarder à deux fois avant de souscrire à une
publication qui comptera environ trente-cinq volumes, à 20 ou 25 fr.
chacun, et dont aucun ne se vendra séparément. Aussi est-il heureux
que l'on puisse recourir à l'édition dite d'Erlangen et Francfort, com-
mencée dès 1826 par Irmischer, etc., et dont quelques parties impor-
tantes, les sermons et les écrits relatifs à l'histoire de la réformation
ont paru ces dernières années en seconde édition très améliorée, grâce
d'hisioirk ht dk littkuaturk 207
aux soins de Enders. Une brochure publiée Tannée dernière, à l'occa-
sion du quatre-centième anniversaire de la naissance de Luther, par
l'éditeur actuel de cette édition, joint à l'examen de toutes les éditions
antérieures des œuvres complètes du réformateur la description détaillée
de celle dont nous parlons et l'indication du contenu de chaque volume.
[Die Erlangen-Frankfiirter Gesammtausgabe von Dr. Martin Luther's
Werken im Jubeljahr.Yv3in\dml a. M., Schriftenniederlage des Evangel.
Vereins, i883. 8°, xvi et 48 p., o,5o M.) — Cette édition se divise en
deux séries : Tune, comprenant les œuvres allemandes, est achevée en
e-j volumes petit in-octavo (1826-57; t. I-XX reproduits en sec. éd.
1862-81 ; de même en i883 les t. XXIV et XXV, que le t. XXVI doit
suivre prochainement); Tautre, les œuvres latines, n'est pas encore
terminée; 33 volumes en ont paru, de 1829 à 18/3; une douzaine de
volumes est encore attendue. Il manquait entre autres à cette série les
lettres latines, comme contre-partie des lettres allemandes, qui sont
publiées depuis 1 85 3-54 et forment quatre volumes (LUI à LVI) de la
première série. Ces quatre volumes renferment 885 lettres (sans compter
les n°= employés à double eu à triple), dont i3i non comprises dans
l'éditien de Wette. — Préparant depuis des années la publication des
lettres latines, M. Enders a été amené à élargir peu à peu son plan
d'une manière très heureuse : d'une part, en accompagnant les lettres de
nombreuses notes fort utiles et de renvois aux principaux ouvrages
récents sur Luther et son époque; d'autre part, en joignant aux lettres
de Luther celles de ses correspondants et même d'autres lettres contem-
poraines qui ne lui sont pas adressées, mais le touchent de près; enfin
en enregistrant à leur date, par des sommaires annotés, les lettres alle-
mandes publiées dans les quatre volumes dont nous avons parlé, et en
imprimant au milieu des lettres latines les lettres allemandes retrouvées
depuis. Comme les lettres allemandes se vendent à part (les 4 volumes
ensemble pour 8 mark), aussi bien que la nouvelle publication, qui doit
former six volumes (au prix de 3 mark le volume pour les souscrip-
teurs), on peut espérer d'avoir bientôt, et à un prix très modique, une
édition complète de la correspondance de Luther, mise au niveau des
recherches des cinquante dernières années. Et réellement, cela était né-
cessaire : depuis la publication des lettres de Luther par de Wette
(Berlin, 1825-28, 5 vol. 8», renfermant 2324 lettres), publication si
utile à son moment tout en laissant beaucoup à désirer sous le rapport
de l'exactitude et par la rareté des notes, Seidemann y avait joint un
sixième volume (Berlin, i858), et les vingt-cinq dernières années avaient
fourni un contingent considérable de suppléments; les uns, réunis en
volume par le même Seidemann {Liitherbriefe . Dresden, 1859), par
Burkhardt {Luther's Briefwechsel. Leipzig, 1866. 8°, x et 524 p.), par
Kolde [Analecta Lutherana. Gotha, i883. 8», xviet479 p.); les autres,
sous forme de contributions de détail, mais fort nombreuses, dispersées
dans des revues, dissertations et livres de toute sorte, en particulier.
208 REVUE CRirtQUK
d'importantes trouvailles dues à Charles et Guillaume Krafft; en un
mot c'est un labyrinthe dans lequel les plus compétents mêmes ne se
retrouvent plus. — Grâce à M. Enders ce chaos va se débrouiller; il
s"'est tenu au courant de tout ce qui a été publié depuis un demi-siècle
et peut promettre déjà à Theure qu'il est une augmentation de trois à
quatre cents pièces sur les recueils réunis de de Wette, Seidemann et
Burkhardt. Il a revu sur les originaux, ou, à leur défaut, sur les copies
les plus authentiques, la plupart des lettres; il indique pour chacune
d'elles l'endroit où elle se trouve en manuscrit, ainsi que les ouvrages
dans lesquels elle a déjà été imprimée ; il marque les variantes, s'il y a
lieu, et enfin il les annote brièvement mais d'une manière très pratique.
Le premier volume contient les lettres de 1 507 à mars 1 5 19, en 168 nu-
méros, y compris les numéros de renvoi aux lettres allemandes, dont
quelques-unes sont reproduites plus correctement. Nous espérons que
les volumes suivants paraîtront à bref délai. B.
41. — Fae-simlle du sermon sur le Jugement dernier de Bossuet Fac-similé
de deux plans de sermons de.... saint Vincent de Paul et saint François de Sales...
précédés d'une étude sur ce sermon, et sur un exorde que les éditeurs placent
à la suite de ce sermon, par J, E. Choussv. Société générale de librairie catho-
lique, V. Palmé, Paris et Bruxelles, 1884. Pet. in-4.
Les éditions de Bossuet donnent trois sermons pour le premier di-
manche de l'Avent : deux d'entre eux seulement se trouvent en manus-
crit à la Bibliothèque nationale. L'original autographe de celui de ces
trois sermons qu'on appelle communément le sermon sur le Jugement
dernier et qu'on range le second dans les édi-tions (édition des Bénédic-
tins, t, IV, p. 134 sqq.; édition de Versailles, t. XI, p. 179; édition
Lâchât, t. VIII, p. 117) fait partie d^une collection particulière. Le pos-
sesseur de ce précieux manuscrit, M. J. Choussy, vient d'avoir Theu-
reuse idée d'en publier un fac-similé. S'
Cette publication est intéressante à plusieurs égards. Tout d'abord
elle nous permet de faire au texte même du discours de Bossuet plusieurs
modifications dont quelques-unes ne manquent pas d'importance. En
collationnant avec l'original publié par M. C le texte donné par dom
Déforis, et reproduit, d'après lui, par les éditeurs suivants, il est aisé de
constater queles Bénédictins, malgré leur admirable clairvoyance et leur
exactitude habituelle, ont laissé échapper un certain nombre d'erreurs.
Nous ne relèverons pas ici de nombreuses variantes (nous en avons
compté une trentaine), négligées par Deforis sans qu'on en voie bien la
raison, puisqu'il en imprimait un grand nombre d'autres, ni plus ni
moins intéressantes. Ces variantes, une édition critique devrait les re-
produire au complet ; on tiendrait compte, pour les déterminer avec le
plus de certitude possible, des règles de lecture établies d'une façon si
L> HISTOtRK KT DR LITTÉRATURh 2O9
raisonnable et si précise par M. Gandar dans la préface de son édition
de Sermons choisis de la jeunesse de Bossuet (i 867.)
Nous nous bornerons à signaler les principales corrections au texte,
et les plus certaines, que l'autographe de M. G. nous donne lieu de
faire.
Déf. (nous désignons ainsi l'édition des Bénédictins), t. IV, p. i35 :
à ce dernier jugement qui nous est proposé dans notre Evangile. —
Fac-similé G., p. 3 : ces trois derniers mots, dans notre Evangile, ne
sont point dans le manuscrit autographe.
Déf., p. i37 : à droite et à gauche. — Fac-similé G., p. 10 : à droit,
qu'il faut conserver dans le texte; cette orthographe était alors correcte.
(Voir le dictionnaire de Richelet et un autre exemple dans le sermon de
Bossuet sur la Vigilance, publié dans le Choix de sermons, de M. Ga-
zier, p. 33o.)
Déf., p. iSq : Si accommodants, si souples et si adroits. — Fac-
similé G., p. i3 : Si accommodans et si souples et si adroits. Peut-être
même faut-il lire seulement : Si accommodans et si souples, ou plutôt
si accommodans et si adroits, et rejeter dans les variantes l'un de ces
trois adjectifs.
Déf., p. 189 : Sur votre face confuse. — Fac-similé G., p. 14 : con-
fuse est souligné, ce qui le plus souvent, chez Bossuet, signifie supprimé
ou à supprimer. C'est du reste la règle que Déforis applique presque
toujours en pareil cas.
Déf., p. 139 ; Ainsi viendront rougir devant Jésus-Ghrist tous ces
trompeurs vainement fardés; ils viendront, dis-je, rougir, non seule-
ment de leur crime caché... — Fac-similé G., p. 14 : devant Jésus-Christ
tous, trois mots soulignés, de même qu'à la ligne suivante le mot pu-
blics que Déforis supprime avec raison, et de même aussi que le mem-
bre de phrase : 2'/^ viendront., dis-je, rougir. Le texte doit donc être
restitué ainsi qu'il suit : Ainsi viendront rougir ces hommes vainement
fardés, non seulement de leur crime caché, etc.
Déf., p. 139: pour la faire servir de prétexte, de montre et de parade.
Gette accumulation de substantifs à peu près synonymes n'est guère
dans les habitudes de Bossuet. Aussi bien voyons-nous en examinant
de près le fac-similé G., p. 14, qu'il a écrit d'abord prétexte, puis au-
dessus couverture qu'il barre, puis au-dessous montre (monstre), et,
encore au-dessous /j'ari^iie, sans relier ces mots entre eux par la parti-
cule de, que Déforis ajoute gratuitement. G'est ici qu'il y a lieu, comme
le recommande M. Gandar, « de donner la préférence à l'expression
qui s'est trouvée la dernière sous la plume de l'orateur '. » La leçon la
plus probable est donc: a pour la faire servir de parade. »
Déf., p. 189 : Et vous, soyez aussi confus et portez votre ignominie.
— Fac-similé G., p. 14 : Soye:{ confus, 6 pécheurs, et porte^ votre igno-
I. Avertissement de l'édition déjà citée, p. xv.
2 10 RKVL'K CHITIQOh;
minie. — BossueL ayant traduit lui-même la citation de l'Ecriture, il
est inutile de substituer à la sienne une autre traduction, fût-elle même
plus exacte.
Déf., p. 141 : et celui que vous découvriez de loin tout entier, vous
le perdez tout à coup. — Fac-similé C, p. 17 : et lui que vous décou-
vrie:{ de loin, etc.
Déf., p. i4r : toutes ses menées. — Le fac-similé C, p. 17, nous
montre ce mot fortement souligné. 11 est donc probable que Bossuet
n'en était pas satisfait. Menées se trouve pourtant dans les diction-
naires du xvn" siècle, avec le sens que Bossuet lui donne ici,
d'intrigues clandestines et de conspirations criminelles. Il est vrai de
dire, d'autre part, que nous rencontrons rarement ce mot dans les clas-
siques du xvn'' siècle ; une fois dans Malherbe, deux fois dans La Ro-
chefoucauld, et pas du tout dans Corneille, du moins d'après les Lexi-
ques de ces auteurs.
Déf., p. 141 : Ils se cachent, s'ils peuvent, comme fit Adam, et s'ils
ne peuvent pas, etc. — Le fac-similé C, p. 18, ne nous autorise pas
à supprimer, apvè?, Adam, les mots suivants : dans le plus épais de la
/oref, mots que Déforis a cru pouvoir retrancher, sans doute parce qu'ils
se retrouvent deux lignes plus bas.
Déf.. p. 141 : Et s'ils ne peuvent pas se cacher. — Fac-similé C,
p. i8 : ef s'ils ne peuvent se cacher.
Déf., p. 142 : Et adorent le vain fantôme. — Fac-similé C, p. 19 :
et adorent eux-mêmes le vaînfantôme.
Déf., p. 142 : le vain fantôme qu'ils ont supposé pour tromper le
monde, — Le mot supposé est souligné comme tout à l'heure menées.
sans que Bossuet, ici encore, mette rien à la place. — L'emploi de sup-
poser dans son sens étymologique (mettre à la place de) est rare au
xvii^ siècle. (On en cite deux exemples: La Fontaine, Fables, X, i,
vers 74, et Corneille, avertissement de Rodogiine.)
Déf., 143 : Plusieurs s'éveilleront, — Fac-similé C, p. 22 : Quel-
ques uns s'éveilleront.
Déf., p. 143 : Ceux qui s'étaient appuyés sur des conseils accommo-
dants et sur des condescendances flatteuses. — Fac-similé C, p. 22 :
tous ces mots, depuis qui jusqu î\ /latteuses , sont soulignés, c'est-à-dire
qu'ils sont probablement à supprimer, — Notons du reste qu'un peu
plus loin (fac-similé, p. 23), Bossuet trace en marge des dix dernières
lignes du paragraphe un trait vertical, signe dont il marque souvent les
développements qu'il se propose d'abréger.
Déf., p. 143 : S'éveilleront tout à coup à leur honte. — Fac-similé
C, p. 22-2 3 : tout à coup., souligné, doit disparaître du texte ; il n'est
pas d'ailleurs dans le latin que Bossuet traduit.
Déf., p. 144 : Comme dit Julien Pomère. — Fac-similé C, p. 26 :
comme dit Prosper l'Africain. — La pensée que cite Bossuet, est en
effet de Julien Pomère, mais il convient, en pareil cas, de laisser subsis-
I> HlSIOI!5K KT DK r.l T T 1'!! A TOM i-
ter le texte et de ne corriger Terreur que par une note. Ajoutons qu^uns
indication marginale de Bossuet, qu£ Déforis a tort de reproduire
seulement en abrégé, nous montre d'où vient cette inexactitude. Cette
indication est ainsi conçue : ap. Jon. Aurel. de inst. laie. lib. 3,c. ij .
Sipieileg. tom. /. , c'est-à-dire, apud Jonam Aiirelitviensem, de insti-
tiitione laicali, lib. J, cap. ly, dans le tome I*"»" du Spicilègc de dom
Luc d'Achery. C'est en effet à Prosper que Jonas d'Orléans attribue le
De vita contemplativa cité par Bossuet, mais à tort : ce traité est de
Julien Pomère, comme l'avait démontré depuis longtemps déjà le P.
Sirmond. Bossuet ne s'est plus rappelé qu'à la page ii du tome I"" de
son Spicilège, dom Luc d'Achery avertit par une note de l'erreur de
Jonas d'Orléans et nomme le véritable auteur, Julien Pomère.
C'est probablement aussi par inadvertance que Bossuet appelle le
Prosper qu'il cite « Prosper V Africain ». C'est à Prosper l'Aquitain qu'on
attribuait le Traité de la Vie contemplative. — On sait, du reste, que
les différents auteurs chrétiens qui ont porté le nom de Prosper ont pu
être souvent confondus.
Déf.. p. 145 : Tous, disait-il, seront confus. — Fac-similé C., p. 27 :
Tous seront confus, dit-il.
Déf.. p. 146 : Que Dieu et ses serviteurs. — Fac-similé C., p. 29 :
Qiie lui et ses serviteurs.
Déf., p. 146 : qu'il leur insultera. Le fac-similé C, p. 29, nous
montre ces trois mots soulignés. Le scrupule de Bossuet a pu porter
ici, soit sur l'emploi du mot insulter, soit sur la nature de son complé-
ment. Si Bossuet, en i665, a hésité devant insulter, comme devant un
néologisme, on peut trouver qu'il poussait dans ce cas le purisme un
peu loin. En 1647, Vaugelas avertissait sans doute que ce mot était
« fort nouveau », mais déjà cependant il déclarait qu'étant « excellent
pour exprimer ce qu'il signifie » il passerait u d'ici à quelques années
pour un nom de la vieille marque. » En 1687, Thomas Corneille cons-
tate qu'insulter est « généralement reçu, » et Furetière, Richelet, l'Aca-
démie l'admettent, sans observation, dans leurs dictionnaires. — Quant
au complément, direct ou indirect, du verbe insulter, si c'est cette
question qui a embarrassé Bossuet, l'incertitude sur ce point était plus
justifiée, comme nous pouvons le voir, par les Dictionnaires du temps
et par Icii Remarques nouvelles du P. Bouhours (1691); les cas où il
faut user de l'accusatif ou du datif n'étaient point très nettement dis-
tmgues.
Déf., p. 146 : cette juste et inévitable insulte. — Fac-similé C, p. 3o ;
ce juste et inévitable insulte. Cf. ibid., p. 3i : un insulte public;
p. 02 : les insultes sanglants. — Le L;cnre de ce mot était alors dou-
teux : le père Bouhours, l'Académie, Boileau le faisaient masculin;
Ménage, Thomas Corneille, Richelet, féminin.
Déf., p. 146 : ... S'ils ne la faisaient jouir, dit Tertullien (en parlant
de l'intempérance des pécheurs) de toute la lumière du jour et de tout
2 I 2 RKVUl! CRITIQUK
le témoignage du ciel : delicta vestra et loco omni et luce omni et
universa cœli conscientia frinintiir. — Tout ce passage est très nette-
ment effacé dans le ms, comme le montre le fac-similé C, p. 3o. Les
Bénédictins le trouvaient sans doute digne d'être conservé, mais il faut
se résigner à sacrifier ce que Bossuet a évidemment rejeté lui-même.
Déf., p. 147 : A qui la pudeur même semble une faiblesse indigne
d^euK. — L'aspect du ms (fac-similé C, p. 3i) paraît indiquer qu'il
faudrait supprimer indigne d'eux qui, en effet, n'est pas très nécessaire
3iTp^t?, faiblesse.
Déf., p. 148 : O mes frères, que la teinture de cette honte. — Fac-
similé C, p. 33 : le mot teinture est souligné. Bossuet hésite à rem-
ployer dans son sens technique et familier. On ne trouverait probable-
ment pas d'autre exemple de cette hardiesse que dans un vers du Cid
(III, se. 4).
Déf., p. 148 : A Votre Majesté. Comme le fait justement remarquer
M. C, le ms porte (fac-similé, p. 34), sous une forme abrégée : à Vos
Majestés.
En même temps qu'elle nous fournit ces corrections au texte du dis-
cours, la publication de M. C. rectifie encore une erreur commise, on
ne sait comment, par les premiers éditeurs, sur la date de ce sermon :
ils l'ont daté de 1669, or i665 est très lisible sur la page d'enveloppe
(fac-similé C., p. i.) Cette rectification nous amène à changer dès lors
tout Tordre des sermons de Bossuet pour le premier dimanche de
l'Avent. Admettant, sur la foi de dom Déforis, que le sermon sur le
}ngQ\T\Qnx Atvmtv (Tune videbunt) éla.\X. de 1669, on en avait conclu,
d'après le nombre des Avents prêches par Bossuet à Paris, que le ser-
mon (pour le même dimanche) dont le texte est Hora est jam nos de
somno surgere et qu'on intitule quelquefois sermon sur la Vigilance,
— était de i665. C'est le contraire qui est vrai. 11 ne peut y avoir de
doute sur la date du ms C, et, au besoin, la comparaison, pour l'écri-
ture, du fac-similé que nous avons sous les yeux avec les sermons de
1669 et de i665 conservés à la Bibliothèque nationale, confirmerait
l'exactitude de la date de i665. — Voilà donc encore un exemple prou-
vant combien il sera hasardeux d'affirmer quoi que ce soit sur l'histoire
du développement oratoire de Bossuet, ou sur l'histoire de sa langue,
tant qu'on n'aura point une édition critique de tous les sermons.
Au fac-similé du sermon sur le Jugement dernier, M. C. a joint :
i" une page de textes de l'Ecriture, relatifs à l'ensemble du discours
et accompagnés d'essais de traduction ; cet appendice au sermon, qui
permet de saisir sur le vif le procédé intime du travail de Bossuet, avait
été omis par les Bénédictins et ne figure pas, par conséquent, dans les
éditions subséquentes;
2" Un exorde isolé, que les éditeurs rangent à la suite du sermon
Tune videbunt.
Cet exorde, selon M. C, n'appartient pas à Bossuet; tout le lui
d'histoire et de littérature 2|3
prouve, l'écriture, le style, la terminaison insolite d'un nom propre
[Philippiis au lieu Je Philippe), la présence de corrections interlinéaires
de la main de Bossuet tandis que le texte du fragment n'est pas écrit
par lui, et enfin ce fait qu'aucun éditeur de Bossuet n'a pu rattacher à
un corps de sermon ce morceau isolé. M. C. suppose donc que Ton se
trouve ici en présence d'un fragment composé et écrit par une autre
personne, qui l'aurait envoyé à Bossuet pour le revoir. (Introduction,
p. vi-xv.)
L'hypothèse de M. C. est ingénieuse, mais les raisons dont il Pappuie
ne nous paraissent pas décisives. Le style, d'abord, n'est pas tellement
différent de celui de Bossuet; — Torthographe latine du mot Philippiis
ne nous étonnerait guère dans un écrit qui pourrait être de la jeunesse
de Bossuet, et d'une époque où, conservant assez souvent aux noms
propres leur forme ancienne, il écrivait par exemple Tertullian. D'au-
tre part, si cet exorde n'a pu être relié encore à aucun sermon, c'est
peut-être qu'il appartenait, soit à un sermon perdu, soit à un sermon
dont le reste ne fut point écrit. Pour ce qui est enfin de l'écriture, il
ne paraît pas en effet que ce soit celle de Bossuet, mais quand on en se-
rait parfaitement sûr, ne pourrait-on pas supposer avec vraisemblance
que nous avons ici la rédaction d'un exorde de Bossuet, faite soit de
mémoire par un de ses auditeurs, soit par un de ses amis sous sa dictée,
et qui, ensuite, aurait été soumise à ses corrections? — Il faudrait,
à notre avis, plus de preuves que M. C. n'en donne pour retrancher
définitivement cette page des éditions. Au reste, il n'y a pas grand in-
convénient à l'y laisser ; si elle n'appartient point à Bossuet, elle n'est
pas toutefois de nature à déparer le recueil où, selon M. C, elle se se-
rait indûment glissée.
M. C. nous donne encore dans la même brochure deux autres fac-
similés intéressants, empruntés également à sa collection. Ce sont deux
plans de sermons, autographes, de saint Vincent de Paul et de saint
François de Sales. Il existe fort peu, comme on sait, de manuscrits de
ces deux saints, du premier surtout. Le plan de saint Vincent de
Paul que M. Choussy publie porte la date de 1645. Celui de saint
François de Sales n'est pas daté; il est rédigé tout en latin.
A. Rébelliau.
42. — Vico by Robert Flint, professer in the Univeisity ci" Edinburgh, cor-
responding member of the Institute of Fiance, etc. W. Blackwood and sons.
Edinb. and London, 1884, in-12, 202 p.
Ce petit volume, signé d'un nom bien connu chez nous, est le neu-
vième d'une collection de biographies des philosophes les plus célèbres,
qui mérite d'être aussi bien accueillie en France, qu'elle l'a été en An-
gleterre. C'a été une heureuse idée de mettre à la portée du grand pu-
214 REVUE CRITIQUE
blic l'histoire des principaux penseurs qui ont honoré l'humanité; par
là cette entreprise mériterait déjà d'être encouragée, elle ne le mérite pas
moins par le soin et l'î talent avec lesquels elle a été mise à exécution,
et le volume que j'annonce est bien fait pour en assurer et en accroître
le succès.
Il était difficile d'étudier avec plus de finesse la nature complexe et
énigmatique de Vico que ne l'a fait son nouveau biographe; après
l'avoir montré d'abord se formant surtout par des études solitaires,
M. Flint le suit ensuite dans sa carrière de professeur et d'écrivain; avec
lui nous assistons sans peine à l'évolution lente, mais sûre, de la
pensée de Vico; nous voyons comment ses théories ingénieuses et har-
dies apparaissent en germe et se forment peu à peu, dans les Discours
académiques, qu'il prononça de 1699 à 1708. A cette dernière date,
Vico avait quarante ans; son esprit avait acquis toute sa maturité, et
son système philosophique pouvait être considéré comme arrêté dans
quelques-uns de ses traits principaux. A l'aide des écrits qu'il avait
jusque-là publiés, M. F. s'efforce de montrer ce que fut la métaphy-
sique du célèbre penseur; il l'étudié à un double point de vue, au point
de vue de sa théorie de la connaissance et à celui de sa psychologie et de
sa cosmologie.
C'était une tâche ardue que de mettre en lumière l'idée mère qui se
trouve au fond de la théorie que Vico s'est faite de la connaissance;
M. F. l'a dégagée avec autant de bonheur que d'habileté des nuages qui
l'obscurcissaient, et on ne peut que lui donner raison quand il fait voir
qu'après tout le seul critérium de la vérité que reconnût Vico, c'était la
convertibilité de celle-ci en fait. La psychologie de l'illustre napolitain
était peu connue; M. F. aura eu le mérite d'en retrouver les points
principaux et les traits distinctifs. Mais ce n'est pas par ses théories de
philosophie spééulative, mais pour avoir le premier appliqué la philoso-
phie à l'étude de l'histoire que Vico est et restera célèbre; désertant le
domaine de la pure métaphysique, on le voit peu à peu se tourner vers
les recherches historiques. C'est par l'étude des lois qu'il les aborda. Il
s'était bien vite aperçu que pour en comprendre la nature, il fallait re-
monter aux causes qui les ont rendues nécessaires, aux circonstances au
milieu desquelles elles ont pris naissance; il n'y avait qu'un pas à faire
pour étudier l'histoire même des peuples dont il voulait connaître et
comparer les diverses législations. Mais de ce point de vue particulier ce
sont moins les faits, on le comprend, que les causes des faits qui le
préoccupent ; c'est en cherchant à pénétrer ces causes cachées qu'il jeta
les fondements de la philosophie de l'histoire, de la « Science nou-
velle », comme il l'appelle.
Dans son livre De constantia jurisprudentis {iy2i), il trouve comme
la première esquisse de cette science moins nouvelle toutefois qu'il ne
le pensait; il avait eu, en effet, pour précurseur dans cette voie Machia-
vel, Campanella, Bodin, Grotius, Bossuet même, sans parler de Platon
d'histoire et de littérature 21 5
et d^Aristote; mais quelle que soit la profondeur des recherches ou des
études qu'ont pu faire ces penseurs célèbres dans le domaine historique,
aucun n'avait tenté d'ériger — ce que Vico le premier devait faire, —
l'histoire en une science particulière et philosophique. L'originalité de
son esprit pénétrant et critique se manifeste en entier dès ce premier
ouvrage qui jette une lumière toute nouvelle sur les anciens temps de
Rome ; le premier il soupçonna, ce que personne n'avait encore en-
trevu, qu'il fallait en chercher, sous le mythe qui les enveloppe, l'histoire
réelle, dont celle des temps postérieurs n'est que le développement con-
séquent et nécessaire. Par là il devançait Nie'ouhr ; par sa « découverte
du véritable Homère », il devait aussi devancer Wolf ; tout ce qu'a dit
des poèmes homériques le savant critique se trouve en germe dans les
notes que Vico, en 1722, donna comme appendice à son traité de « la
Loi ».
Dans ces divers écrits, Vico n'avait fait en quelque sorte qu'essayer
ses forces; il donna toute sa mesure dans les Principes d'une science
nouvelle, publiés une première fois en 1725, une seconde, mais singu-
lièrement modifiés dans le fond et dans la forme, en 1730. M. F. a étu-
dié avec un soin tout particulier ce Magnum Opus de Vico, si difficile à
saisir dans son immense variété; il s'est attaché à en mettre en lumière
les idées mères et les principaux résultats, et je ne dirai pas l'analyse, il
n'a pas essayé d'en faire une, mais le résumé exact et substantiel qu'il
en donne en fait admirablement connaître toute l'originalité et la portée.
Ce qui distingue avant tout la « Science nouvelle », c'est l'alliance
étroite que Vico établit entre la philosophie et la philologie, et par cette
dernière il entend, non l'étude des mots, mais encore et surtout, comme
A.Bœckh un siècle plus tard, celle des faits; la philologie pour lui com-
prend ainsi à la fois la connaissance de la langue et des actions des peu-
ples/'/a cogniTjone délie lingue e de' Jatti de' popolij. C'était une ré-
volution dans l'élude du passé, révolution féconde, qui n'a porté tous
ses fruits que de nos jours. A ce rôle inconnu encore de la philologie
se joint celui de la critique, et là encore Vico apparaît en novateur;
sans doute Bayle avait, quelques années auparavant, ouvert à la cri-
tique une voie nouvelle, mais il ne l'avait guèie appliquée qu'à des faits
isolés ou à des questions particulières; Vico l'éleva à la hauteur d'une
science, en lui donnant une base vraiment philosophique; avec lui, elle
ne se borne plus à l'examen ou à la discussion des faits, elle étudie sur-
tout et recherche les causes qui les dominent ou les produisent.
Ainsi préparé et armé, Vico pouvait entreprendre d'expliquer, ce qui
est comme la pensée fondamentale de son œuvre, la marche et le déve-
loppement mystérieux de l'humanité; l'unité qui y préside vient, d'après
lui, de ce que, dans son ensemble, l'histoire du genre humain tout entier
n'est que la réalisation, dans le domaine des faits, d'un plan conçu par
la pensée divine. L'homme, toutefois, n'est pas pour cela un agent in-
conscient d'une volonté supérieure; ses aptitudes particulières, ses pas-
2l6 REVUE CRITIQUE
sions, cil un mot sa nature tout entière, influent sur la marche des évé-
nements; de là la nécessité pour l'historien philosophe de connaître et
d'étudier la nature humaine ; là philosophie de l'histoire doit être avant
tout une psychologie de l'homme et des peuples; elle doit en suivre les
idées et leurs manifestations diverses dans le domaine complexe de la
législation, de la science, de l'art, de la religion, manifestations sembla-
bles, sous leurs différences apparentes , chez les différentes nations.
L'identité de la nature des différents peuples est, en effet, comme le
symbole de la science nouvelle; c^est cette croyance qui a fait admettre
à Vico que la civilisation suivait partout la même marche, et que toutes
les nations formaient comme un tout, un système complexe dont l'en-
semble constitue l'humanité, et dont l'histoire, qui n"'est autre que celle
de l'homme lui-même, est par suite une et identique.
La fantaisie occupe une place considérable dans l'explication que Vico
a voulu donner des origines de la civilisation et de la religion, et, à côté
de vues ingénieuses, sa théorie mythologique renferme bien des asser-
tions aventureuses et hasardées; mais on y entrevoit déjà quelques-unes
des idées de la critique moderne sur la formation des mythes. De même
qu'il avait emprunté aux anciens quelques-uns des principes qui lui
ont servi à établir son système des origines de la religion, il a trouvé
dans Hérodote l'idée première des trois âges, celui des dieux, des héros
et des hommes, qui se succèdent, d'après lui, chez les différents peuples.
L'histoire de l'âge des dieux, à une époque où l'on ne soupçonnait au-
cun des faits mis en évidence par la science moderne, ne pouvait être
qu'un tableau souvent fantaisiste d'un état de choses mystérieux et à
peine entrevu; mais dans la peinture de l'âge héroïque, dont les poè-
mes homériques ont donné les principaux traits, Vico a montré une
originalité singulière. L'âge des hommes est celui où la civilisation
atteint, dans chaque ordre de l'activité humaine, son plus haut point de
perfection, pour de là, Vico le pensait après Machiavel et Campa-
nella, déchoir et revenir à son point de départ; l'humanité parcourrait
ainsi un cercle complet. Est-elle condamnée à repasser éternellement par
les mêmes phases? 11 n'est guère probable que Vico pût l'admettre. Mais
je n''examine point cette question, que M. F. résout négativement, et je
termine ici cette analyse trop longue déjà ue la « Science nouvelle » :
le sujet est si curieux qu'on me pardonnera de m'y être tant attardé.
Que de points cependant j'ai laissés dans l'ombre! On les trouvera mis
en lumière dans le livre de M. Flint, dans cette étude aussi attrayante
par la clarté du style que par le talent de l'exposition, et où, malgré son
petit volume, rien n'a été omis d'essentiel dece qu'on peut désirer savoir
sur Vico.
Ch. J.
D^HISTOIRE El OK LITTÉRATUKE 217
43. — Ei'guenzungswœi'tei-bucli dei* deutsclieii Spi-aclie, von Dr. Daniel
Sanders. Berlin, 1879- 1884. Un vol. in-4 de 6g i pages sur trois colonnes.
Prix : 5o marks.
Le dictionnaire complémentaire est enfin aclievé! Plusieurs fois déjà
nous avons eu l'occasion d'entretenir nos lecteurs de ce volume, ainsi
que des volumes précédents; nous n'avons donc pas à revenir sur les
mérites de cet ouvrage, où M. Sanders a réussi à condenser des matériaux
immenses dans l'espace relativement restreint de quatre volumes. Nous
devons ici quelques excuses à Fauteur : dans nos précédents articles
nous avions cité un certain nombre de mots manquants; mais il nous
a montré que plusieurs de ces mots se trouvent bel et bien dans son
dictionnaire. Notre reproche n'était donc pas entièrement fondé; mais
n'y a-t-il pas une circonstance atténuante en notre faveur? On sait
avec quelle difficulté souvent on parvient à se retrouver dans le grand
répertoire de M. S.; cette opinion est tellement générale que nous
nous permettons d'émettre ici un vœu, auquel s'associeront certaine-
ment tous les intéressés : que M. S. couronne son œuvre en publiant
un index alphabétique complet des mots du dictionnaire, avec des
renvois aux deux volumes de Synonymes allemands. Et, comme un
dictionnaire n'est jamais complet, il pourra joindre à cet index un
appendice d'additions, appendice qui pourra être renouvelé et augmenté
de temps en temps. Espérons que M. Sanders nous promettra cet index
dans le nouveau livre qu'il va faire paraître sous le titre « L'atelier dhin
lexicographe^^, qui sera lui-même un premier complément de son grand
ouvrage.
Alfred Bauer.
CHRONIQUE
FRANCE. — Le Collège de France a présenté à la chaire de philologie latine en
première ligne M. Louis Havet, en seconde ligne M. Châtelain ; à la chaire de
langues et littératures de \o Perse, en première ligne M. James Darmesteter, en
seconde ligne M. Clément Huart.
— La. Revue politique et littéraire du 7 mars publie une conférence faite à l'As-
sociation scientifique par M. J. Darmesteter sur le Mahdi depuis les origines de
l'Islam jusqu'à nos jours.
— Voici deux tirages à part concernant i'épigraphie : le premier du Bulletin épi-
graphique : Observations phonétiques et orthograpliiques sur les inscriptions sépul-
crales de Rome, par M. Edouard Bourciez ; c'est le relevé méthodique et explicatif
des faits grammaticaux à signaler dans les inscriptions du Corpus, t. VI, 3926-
10228. En attendant la publication de VLidex de ce tome VI, qui ne paraîtra pas de
si tôt, cette étude rendra les plus grands services aux philologues ; — de la Revue
2 l8 REVUK CRITIQUE
de Comminges (excellente revue d'histoire locale, que nous sommes heureux de re-
commander à nos lecteurs) : Qjidques faux dieux des Pyrénées, lecture faite à l'A-
cadémie des Inscriptions et Belles-Letires, le 25 avril 1884, par M. Julien Sacaze;
c'est une élude à la fois sérieuse et agréable à lire, où l'auteur, en rectifiant certai-
nes lectures des inscriptions pyrénéennes, supprime à coup sûr plus d'un dieu du
panthéon ibérique.
— Nous recevons de notre collaborateur Max Bonnet une excellente édition du
Liber de miraculis beaii Andreae apostoli, de Grégoire de Tours; c'est l'écrit qu'il
promettait tout dernièrement dans la Revue critique (n° du 2 mars, p. 161). Nous ne
pouvons que saluer brièvement l'apparition de cette plaquette de 26 pages in-40;
c'est un tirage à part des Monumenta Germaniae (Scripiores rerum merowingica-
ricm, t. I, 2" partie).
ALLEMAGNE. — L'infatigable éditeur des œuvres complètes de Herder, M. B. Su-
PHAN, vient de publier un nouveau volume, le Vile, des œuvres du grand écrivain.
Ce volume, qui renferme les ouvrages théologiques les plus importants écrits par
Herder pendant son séjour à Buckeburg, s'ouvre par la quatrième partie de VAelteste
Urkunde des Menschengeschîechts et se continue par les lettres aux Prédicateurs,
dont la première et la seconde partie sont de lyyS^ et la troisième, les Provinciales,
de 1774; puis viennent l'écrit intitulé ./ejîz, essai d'exégèse de l'évangile du grand
apôtre, les Commentaires du Nouveau Testament tirés d'une source orientale nouvel-
lement découverte, enfin les Lettres de deux frères de Jésus comprises dans notre
canon. Une longue introduction (i-liv), mise en tête du volume, fait l'iiistorique
des ouvrages qu'il contient et, en nous renseignant sur leur composition et leur
publication, leur rend pour nous quelque chose de l'attrait qu'ils eurent pour les
contemporains. Q.uant au texte, comme toujours, il est établi avec le plus grand
soin; et des notes discrètes, mais suffisantes, en facilitent l'intelligence et invitent
à lire ces ouvrages bien vieillis sans doute, mais qui font époque dans la vie de
Herder et ont pour nous encore un intérêt historique véritable et quelque chose de
plus. — Ch. J.
— M. B. DoMBART vient de publier à part des Commodian- Studien (extrait des
Sit:{ungsber. der philol.-hist. Classe der Kais. Académie der Wissenschaften de
Vienne. Gerold, 1884. 92 pp. 8°). Ce sont des études critiques sur les sources du
texte de Commodien. Dans une première section consacrée aux Instructiones, M. D.
étudie les mss. que nous en possédons : cod. Leidensis \, le Parisinus B et le
Cheltenhamcnsis C. M.Dombart distingue dans le ms. B le texte B', les additions faites
sur la ligne B^, enfin la seconde main B^ qui est due à des corrections de Rigault,
le premier éditeur. G est très important : il est parent de B'. L'Andecavensis, ms.
perdu et dont quelques savants nous ont laissé des leçons, appartenait à une autre
famille. Dans la seconde partie du mémoire, M. D. prouve l'utilité de la collation
du ms. unique du Carmen Apologeticum (cod. Mediomontanus), faite dernièrement
par MM. Sedlmayer et Knœll. L'éd. princeps, donnée par dom Pitra, avait été trop
rapidem.ent préparée, de l'aveu même de son auteur. — L.
— L'Encyclopcedie der neueren Geschichte dirigée d'abord par M. Herbst, puis
par M. ScHULZE, publie ses 21'^ et 22= livraisons (Gotha, Perthes); on y trouvera la
suite de la lettre K et le commencement de la lettre L ; on y remarquera l 'article sur
Catherine II, par M. Herrmann, sur les combats du Caucase (Kaukasuskœmpfe) , sur
Kaunitz, sur les états de l'Église (KirclienstaatJ, Cologne (Kœln), Kolowrat, Kœ-
niggrsetz, Kœnigsmark, Copernic {Kopernikus)., Kosciuszko, Kossuth, Kray, la guerre
de 1870-71 (Krieg von iSjo-ji , excellent résumé), la guerre de Crimée [Krim-
krieg), la Courlande (Kurland), Jacques Laffitte, etc. Quelques remarques en pas-
0 HISTOIKK El DK LMTÉRATURK 31 Q
sant : p. 47, il eût fallu citer sur Kellermann la notice de Botidoux, composée sous
les yeux mêmes du maréchal; p. 8o {Koblen^), « die feige Flucht der Emigraiucn«,
les émigrés méritent-ils vraiment ce repçoche de lâcheté et que pouvaient-ils faire:';
p. 102 (Kopenhagen), on a oublié de mentionner le débarquement de Charles XII
en 1700; p. 108 [KorfuI, le général français qui défendit Corfou se nommait Don-
;(elot et non « Donzot »; p. 117 (Kray), lire Marchiennes et non « Macchienne >>;
p. 120 (Kricg von iSjo-yi) Bu^ancy et non « Busanzy » ; p. 149, écrire Grenelle
et Grenoble, et non « Grenelle » et « Grenoble »; M. Laboulaye était-il « Besitzer
ciner Schriftgiesserei » ou possesseur d'une fonderie de caractères, il n'était que
simple fondeur de caractères; il eût fallu donner la date des Propos de Labienus,
i865 et ajouter qu'ils furent réimprimés avec quelques pages de préface en 1870;
p. i5o, la notice suivante sur le député et ministre Labourdonnaye est bien insufti-
sante « député qui sous les Bourbons se fit remarquer par son ultraroyalisme « ;
p. i54, la notice sur Lafayette est également bien sèche; et il faut observer que le
« chevalier de la Révolution » fut arrêté le ig août, et non le 14 (le nom du château
où il est né est Chavaniac et non « Chavagnac »); p. iSg Lagny, il aurait fallu rap-
peler non seulement que cette ville fut un dépôt important pendant la guerre franco-
allemande, mais encore qu'Alexandre Farnèse la prit dans la nuit du 4 au 5 sep-
tembre iSgo. Manquent Théodore ^oenier et Kot^ebue qui appartiennent à l'his-
toire, le premier par sa mort devant l'ennemi, le second par son rôle politique et
l'assassinat de Sand, ainsi que Lacépède, La (Jhalotais et Lacbrdaire. — A. G.
— On lira avec intérêt une histoire des premiers temps de l'opéra français (Vor-
geschichte und erste Versuche der fran:[œsischen OperJ, par M. H. M. Schletterer,
qui vient de paraître à Berlin.
— Nous apprenons la mort de M. Lhardy, ancien directeur du collège français
de Berlin et auteur d'une édition d'Hérodote.
GRANDE-BRF.TAGNE. — La librairie Macmillan à Londres vient de faire paraî-
tre une édition des Académiques de Cicéron (M. Tiilli Ciceronis Academica, thetext
revised a. explaned by J. 5. Keid, M. L. i885, 8, x-37i pp.). L'introduction, qui
est fort importante (i-83), comprend les chapitres suivants : 1° Cicéron littérateur
et philosophe; ■2.° Opinions philosophiques deC, p. 10; 3° But poursuivi par C. dans
la composition de ses œuvres philosophiques et leur caractère, p. 20; 4° Histoire et
contenu des deux éditions des Académiques, p. 28 (circonstances de leur composition ;
le dialogue perdu intitulé Catulus ; le Lucullus; la seconde édition); 5» Sources
grecques des Académiques, p. 5i; 6» De la discussion philosophique contenue dans
les Académiques, p. 53 ; 7" Du texte des Académiques, p. 63 ; 8° Orthographe de la
présente édition, p. 72; g» Analyse des deux ouvrages, p. 76; 10" Lettre d'envoi à
Varron, p. 83. — Les notes de cette édition comprennent un choix de variantes des
rass. et un commentaire développé distinct des notes critiques. Enfin, trois index
complètent la publication : index général, index des mots grecs, index des auteurs
cités. — L.
RUSSIE. — Dans la bibliothèque slave elzévirienne (Paris, Leroux) le P. Pxer-
LiNG continue ses études sur les rapports de la Pologne, du pape et de la Russie au
xvi" siècle. Le nouveau volume (Le Saint-Siège, la Pologne et Moscou) étudie le
rôle du jésuite Possevino de ibSa à 1387. D'après M. Pierling, les papes, en s'ef-
forçant de soumettre la Moscovie à la Pologne, n'avaient d'autre but que de grouper
toutes les forces du monde slave contre le Croissant. Nous souhaitons vivement
que les études dispersées dans un certain nombre de plaquettes ou brochures soient
prochainement réunies par l'auteur en un ensemble définitif. — L. L.
— M. Nil Popov commence (à Moscou) une histoiie de la Société d'histoire et
220 RhVUK CRITIQUE D HISTOIRE ET DE LITTERATURE
d'antiquités russes de cette ville. Le premier volume paru va de 1804 à 1812.
— On annonce la mort du comte Ouvarov, président de la Société archéologique
de Moscou, fondateur des congrès archéologiques russes. L'un des ouvrages du
comte Ouvarov, Mera et les Meriens, a été traduit en français sous sa direction.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 2j Jévrier i885.
L'Académie se forme en comité secret pour examiner les titres des candidats à la
place de membre libre, laissée vacante par la mort de M. Baudry. Ces candidats
sont au nombre de sept : MM. Benlœw, Castan, de Mas Latrie, Menant, de Ponton
d'Amécourt, C. Port et Saglio. Julien Havet.
Séance du 6 mars 188 5.
L'Académie procède à l'élection d'un membre libre, en remplacement de M. Fré-
déric Baudry, décédé. MM. Benlœw et Castan ayant fait connaître leur désiste-
ment, le nombre des candidats est réduit à cinq. Deux tours de scrutin ont lieu et
donnent le résultat suivant :
ler tour. 2e tour.
M. de Mas Latrie 1 5 voix. 23 voix.
M. Célestin Port 8 — 2 —
M. Joachim Menant 7 — 6 —
M. Saglio ... 6 — 7 —
M. de Ponton d'Amécourt 2 — » —
38 voix. 38 voix.
M. de Mas Latrie est élu. L'élection sera soumise à l'approbation de M. le pré-
sident de la République.
MM. Hauréau et Schefer sont élus membres de la commission chargée de vérifier
l'état des publications de l'Académie.
M. Ravaisson continue la seconde lecture de son mémoire sur V Hercule ÈTrtTpa-
TréJ^'-OÇ de Lysippe.
Ouvrages présentés : — par M. Schlumberger : Mordtmann (A.), Constantinople
au moyeyi âge (plan dressé pour la Société de l'Orient latin); — par M. Bergaigne ;
Charencey (H. de), Une légende cosmogonique ; De lafo>ine des mots dans la langue
maya; la Tida Votanide: Textes en langue tarasque; — par M. P.-Ch. Robert :
Caron, les Monnaies féodales françaises, dernier fascicule; — par M. Georges
Perrot : Burckhardt (J.), le Cicérone, guide de Vart antique et de l'art moderne en
Italie, traduit par Aug. Gérard : première partie, A'-t ancien; — par M. Renan :
Clermont-Ganneau, Matériaux inédits pour servir à l'histoire des croisades, 5<^ fas-
cicule. Julien Havet.
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du 25 février 188 5.
présidence de m. courajod
Une commission est nommée pour examiner les réponses faites par les diverses
Sociétés savantes de France à l'appel que la Société leur a adressé pour la conserva-
tion des monuments de France et d'Algérie.
MM. Mûntz et de Laurière communiquent une série de reproductions de dessins
exécutés au xv^ siècle par l'architecte San-Gallo, d'après des monuments antiques.
On peut reconnaître dans ces dessins des croquis de l'arc et du théâtre d'Orange,
et d'un monument romain qui exista à Aix en Provence, jusqu'à la fin du siècle
dernier.
M. l'abbé Bernard communique le texte de l'épitaphe de Sinibaldi de Lavan, neveu
du pape Innocent W , enterré dans le couvent des Jacobins de Paris.
M. l'abbé Thédenat rend compte des fouilles récemment exécutées à Pioule, près
le Luc (Var), par M. Aube, et qui ont amené la découverte de sources thermales et
d'un assez grand nombre de débris antiques, poteries, tibules émaillées, etc.
M. Charles Read communique un beau médaillon en bronze émaillé, représentant
le roi Louis XI 1. MM. Courajod et Miintz le rapprochent de diverses pièces analogues.
Le Secrétaire.
Signé : R. de Lastetrie.
Le Propriétaire-Gérant : KKNEST LEHv)UX._
Le Puy, imprimerie de XJarch.esscu ^i-'s. ooulevard Saint-Laurent, 2-?.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 12 — 23 mars - 1885
is^omuiaii'e s 44. Tschudi, Organisme de la langue quichua. — 45. Curtius,
Grammaire grecque, trad. par Clairin. — 46. Clédat, Grammaire élémentaire
de ia vieille langue française. — 47. Vingtrinier, Jean Pillehotte et sa famille. —
48. Tsiureau-Dangin, Histoire de la monarchie de Juillet, I et H. — Chronique,
— Académie des Inscriptions. — Société des Antiquaires de France.
44. — orguitismus tlei- Khetsua-Spraclie, von J. J. von TscHUDi. Leipzig,
F. A. Broclihaus, 1884. In-8, xvi-536 pp.
L'auteur de ce livre est déjà connu du monde savant par ses études
de lingustique et d'ethnographie américaines, et notamment par une
monographie très exacte et très complète de la langue quichua, qui re-
monte à plus de vingt ans \ C'est cette même langue qu^il a cru devoir
soumettre, dans toutes ses particularités phonétiques, grammaticales et
syntaxiques, à un nouvel et minutieux examen, et certes on ne saurait
méconnaître l'opportunité d'un pareil travail, après les fantaisies lin-
guistiques qui se sont exercées sur elle dans ces dernières années. On
sait, en effet, qu'un éminent professeur de Buenos-Ayres, M. V. F. Lo*
pez, a dépensé beaucoup de savoir et de talent à démontrer Torigine
aryenne de la langue des Incas \ Ce qu'on sait moins, c'est que cette
thèse étrange n'a point rencontré partout l'accueil qu'elle méritait.
L'hypothèse aryo-quichua a trouvé çà et là des partisans en Amérique,
et il nous a été donné de feuilleter quelques mémoires où le livre de
M. Lopez était cité comme une autorité. Celui de M. de Tschudi clora-
t-il enfin le débat ? On voudrait pouvoir l'espérer ; mais l'erreur est tenace
et, détruite sous une forme, elle reparaît sous une autre. Il y a de par
le monde des polyglottes qui rattacheraient Talgonquin au lantenioys
de Panurge, plutôt que de reconnaître simplement dans les idiomes
américains un ensemble de catégories linguistiques isolées.
M. de T., en tous cas, fait bonne justice de ces préjugés d'un autre âge.
S'il incline à croire que l'espèce humaine est issue d'un seul couple, et
que par conséquent le continent américain s'est peuplé par voie d'im-
migration (p. 4), il s'empresse d'ajouter qu'il serait chimérique de vou-
loir retrouver dans la langue quelque trace de cette unité d'origine,
puisque les langues américaines elles-mêmes se ramènent à un assez
grand nombre de types jusqu'à présent irréductibles entre eux, et que,
1. J. J. v. Tschudi, die Kechiia-Spraclie. Wien, i8,53. — In-S", 2 Bnd.
2. V. F. Lopez, les Races aryennes du Pérou. Paris, Vicvveg, 1871. — In-8",
I vol.
Nouvelle série, XIX. 12
222 REVl!l? CRJTIQUh
à l'époque lointaine où s'est effectuée la séparation des races, leur maté-
riel linguistique ou même phonétique, encore embryonnaire, se mainte-
nait dans un état de simplicité et de pauvreté que nous aurions peine à
imaginer (p. i5). Ainsi se trouve tracée de main de maître la ligne de
démarcation nécessaire entre la linguistique et Panthropologie, deux
sciences qui se prêtent un mutuel appui, mais que beaucoup sont
malheureusement trop enclins à confondre en une seule.
A la suite de ces considérations générales, l'auteur distingue, dans
l'Amérique du Sud, trois domaines linguistiques principaux : i" pam-
péen (avec ses enclaves, langues du Chaco, chiquito, moxa, etc.); 2° in-
terandin..(quichua); 3" tupi-guarani, du pied des Cordillères à l'océan
Atlantique (p. 27). Puis il nous fait longuement connaître, dans toutes
les particularités de sa civilisation et de sa religion disparues, le
groupe ando-péruvien (p. Si sq.); et une étude historique, aussi con-
sciencieuse que sympathique pour la race opprimée, l'amène à une
triste conclusion, qu'on ne peut s'empêcher de citer en la déplorant
avec lui (p. 63) : « L'amélioration du sort de l'indigène péruvien, je la
croyais encore possible il y a quarante ans; aujourd'hui je dois con-
damner absolument cette illusion. Il périra fatalement par les maladies
contagieuses, par Tivrognerie, par la paresse obstinée et stupide. Les
races métisses seules se conserveront ; à elles appartient l'avenir du
pays, y^
L'étude des divers dialectes du quichua (p. 68 sq.) amène naturelle-
ment M. de T. à la délicate question de l'affinité présumée du quichua
et de l'aymara, et ce n'est pas sans quelque surprise qu'on le voit se
prononcer ouvertement pour la négative (p. 77). Il semble, en effet, que
toute solution du problème soit jusqu'à présent prématurée : si le qui-
chua, grâce surtout à M. de T., est aujourd'hui bien connu, l'aymara
l'est beaucoup moins, et en tout cas la grammaire comparée des deux
idiomes est encore à faire. La plupart des spécimens comparatifs qu'il
offre sont incontestablement de nature à étayer sa négation, et pourtant,
d'autre part, la quasi-identité de certains noms de nombre, l'indice lo-
catif, qch.-pi, aym. -îiipi, l'indice plural, qch.-kii-iia, aym. -?îa-ku, qui
paraît bien contenir dans les deux langues les mêmes affixes soudés en
ordre inverse, d'autres faits encore ramènent les plus défiants à l'hy-
pothèse d'une affinité obscure admise par M. Fr. Muller '.
L'introduction se termine par une bibliographie fp. 93i25), très
complète et très instructive, de tous les ouvrages publiés sur la langue
et la littérature péruviennes, depuis la Grammaire de S. Thomas jus-
qu'aux plus récents travaux de M. L. Adam. Peut-être cette revue cri-
tique se serait-elle accrue d'un article intéressant, s'il avait plu au Con-
grès de Bruxelles de publier ses annales en temps utile.
L'ouvrage comprend les divisions suivantes :
I. Gnmdriss der Sprachwissenschaft, I, p. 89.
O^MISTOIRK Kl DK LITTK«ATURK 2 2:»
Ire partie : Phonétique (p. 126-181). C'est, croyons-nous, la pre-
mière fois que les sons et les articulations d'une langue américaine sont
analysés et étudiés en détail conformément aux principes rigoureux de
la phonétique physiologique de M. Brticke.
Il" partie : Morphologie (p. 182-312), divisée en quatre chapitres : le
pronom, le verbe, le nom et les particules. On voit que l'auteur a rompu
résolument avec l'ordre suranné que les habitudes de la grammaire
classique ont imposées durant de longues années aux grammaires de tou-
tes les langues, si rebelle qu'y parût leur structure agglutinante. Il
prend soin d'ailleurs de nous avertir du caractère artificiel de ces caté-
gories grammaticales : le verbe quichua, nous dit-il expressément
(p. 190), n'est point un verbe, mais un thème nominal auquel s'affixent
les indices de relation possessive; il implique une notion attributive, et
non prédicative. Cette dernière distinction n'est-elle pas entachée de
quelque subtilité? et sommes-nous bien sûrs de toujours saisir avec
précision la nuance vague et toute subjective qui sépare le prédicat de
l'attribut?
IIP partie : Lexiologie (p. 3 i 3-352), ou formation, à l'aide d'affixes,
des noms, des verbes et des adverbes. Le quichua, comme la plupart
des idiomes américains, possède à cet égard une prodigieuse puissance
agglutinaîive, en sorte que les mots de huit ou dix syllabes n'y sont
point rares, par exemple, d^iprès Tauteur, kamkunakikil'aykitsiytaymi
« vous-mêmes exclusivement. »
IV'' partie : Syntaxe (p. 353-5 17). M. de T. étudie successivement, au
point de vue syntaxique, le nom, le pronom, le verbe, les adverbes et
les conjonctions, puis l'ordre des mots dans la proposition. Viennent
ensuite trois documents quichuas, datés de trois siècles différents
(i56o, 1646 et 1S74!. qui permettent de suivre les variations, surtout
syntaxiques, qu'a subies la langue depuis la destruction de l'empire
des Incas. Enfin l'ouvrage se termine par un rapide aperçu du chin-
chaysuyu, le plus important des dialectes du quichua, et par un très
court appendice, où M. de T. revient sur un certain nombre de points
controversés entre lui et M. Pacheco-Zegarra. Ce dernier, Péruvien de
naissance, a composé un Alphabet phonétique de la langue quichua ' et
publié, dans la transcription, malheureusement beaucoup trop compli-
quée, dont il est l'inventeur, le texte du célèbre drame dCOllanta, avec
traduction et commentaire =. Il ne nous appartient pas, dans cette brève
analyse, de nous prononcer sur les questions multiples qui sont agitées
entre M. de Tschudi et son ardent contradicteur. Bornons-nous à consta-
ter qne les observations de M. Pacheco-Zegarra n'auraient probable-
ment rien perdu à se présenter sous une forme plus modérée. C'est faire
1. Congrès des Américanisies de Nancy (Paris et Nancy, 1875) t. II, p. 3oi sq.
■2. OllaïUay, texte original suivi d'un vocabulaire, etc. Paris, Maisonneuve. 1878.
224 RtVUh. CKiriQUJi
trop d'honneur à une opinion quelconque que de s'exposer, pour la dé-
lendre, à blesser un honnéie homme.
V. Henry.
45. — Gi-î«inin:»îre grecque claesique, par le D' George Curtius, traduite de
l'allemand sur la quinzième édition, par P. Clairin, professeur au lycée Louis-le-
Grand, docteur es lettres. Paris, Vieweg, 1884, ^^ vol. in-8, xu-436 p. '.
On peut se demander s'il était bien opportun de traduire en français
la grammaire de Curtius, si répandue dans les gymnases allemands. En
général, il semble qu'on ne doive emprunter à l'étranger que les livres
qui nous manquent réellement, dont l'absence crée une lacune dans
notre enseignement. La traduction que nous donne M. Clairin ne fera-
t-elle double emploi avec aucun des livres français déjà existants?
M. C, pour prouver la nécessité de son œuvre, cite le passage sui-
vant, écrit par Charles Thurot à propos de l'apparition de la grammaire
de Curtius ^ : « La rédaction de cette grammaire me paraît très bonne,
simple, claire, courte, telle qu'il convient à un livre d'enseignement. Il
ne serait pas difficile de traduire ce livre en français, et je crois que ce
serait rendre service aux études. » Mais depuis j868 la situation a
changé : la place donnée par le savant allemand aux résultats de la
grammaire comparée dans l'exposition de la morphologie grecque pa-
raissait alors une nouveauté. Aujourd'hui les grammaires de M. Chas-
sang et de M. Bailly ont donné à la méthode comparative une place
aussi grande, plus grande même que celle de Curtius. Sans discuter la
question de savoir si la linguistique doit ou non entrer dans l'enseigne-
ment des langues classiques, il est permis de croire que les deux ou-
vrages cités plus haut suffisent amplement, même à ceux qui tiennent
pour l'affirmative.
Ajoutons que M. C. voudrait introduire la grammaire de Curtius
dans les lycées. Souhaitons qu'un tel désir puisse se réaliser bientôt;
pour le moment, étant donné le niveau des études grecques dans l'en-
seignement secondaire, on peut le trouver un peu ambitieux.
Pourtant, s'il ne nous paraît ni utile ni facile de mettre ce livre entre
les mains des élèves des lycées (sauf peut-être exceptionnellement dans
les classes supérieures), la traduction en sera commode du moins pour
les professeurs et les étudiants des Facultés peu familiers avec la langue
allemande. L'éloge de l'ouvrage n'est plus à faire; on en a souvent re-
marqué la bonne disposition, la lucidité.
Malheureusement quelques taches le déparent. Par exemple, Curtius
1. Nous devons à l'obligeance de M. Riemann quelques-unes des indications con-
tenues dans le présent article.
2. Revue de l'Instruction publique, 12 et 19 nov. 1868. — Annuaire de l'Asso-
ciation pour l'encouragement des études grecques, 186g, pp. 42-64. !
r)\iiSIOIKK Kl :jk i.ni F1<AI Ul-K 225
se trouve être un des détenseurs de doctrines linguistiques qu'il a émises
parmi les premiers, mais qui sont aujourd'iiui piusou moins contestées;
ainsi la théorie des voyelles de liaison ou celle de Torigine pronominale
des désinences verbales. Si même nous ne voulons pas sortir du domaine
de la grammaire purement grecque, nous aurons des réserves à faire en
ce qui concerne tant les formes que la syntaxe. Les formes atliques ne
sont pas assez nettement distinguées des formes du dialecte commun ;
assez souvent même elles se trouvent rejetées dans des notes ou des re-
marques (voy. § 214. Rem. i, toj, tw, pour t'.v:ç, t'.v!. — Î^3i4, "ficav, «ils
allaient », donné comme une forme poétique. — |^ 235, -/jjcov donné
comme forme rare). Des formes qui sont, au point de vue de la
langue attique, presque des barbarismes se trouvent dans les paradigmes
(l'impératif parfait actif, conjugué tout au long, bien qu'on n'en ren-
contre que quelques formes isolées, et encore seulement chez des écri-
vains postérieurs à l'époque attique, § 272; stîO-^ç, è^îO-/;, au lieu de è-i-
Gîiç, ÈTiôî'., donnés en note, § 3o5).
Nous nous bornons à ces exemples, en nous contentant de renvoyer
le lecteur à un article de M. O. Riemann sur la même publication {Re-
vue de renseignement secondaire et de l'enseignement supérieur, 1884,
pp. 85o-85i).
La syntaxe, très élémentaire d'ailleurs et bien moins complére que
celles de KrCiger, de Madvig ou même de Koch, a une réputation de net-
teté et de clarté, méritée la plupart du temps; cependant elle contient
parfois des remarques rédigées avec une certaine négligence, d'autres
tout à fait erronées.
Relevons en passant, p. 225, § 362, une petite inexactitude dans la
traduction d'un des exemples : 6 Ilatwv y.al b 'lAAÛpioç 7.7). à-Awç cl~ot. ::âv-
T£ç -î^o'.ov av èXsùôspct stsv est traduit : « le Péonien et l'Illyrien et, en gé-
néral, toutes ces peuplades aimeraient beaucoup à être libres. « Il faut
évidemment ^< aimeraient beaucoup mieux ctie libres. »
P. 295, § 493. L'exemple ol Utkz-yrn^z'.z'. l'/J.-;-.-/ \yv) yzi-iz^) ï[j.zv>xv,
eTïî'.-caok s^pixov-s i- -bv nâvop[j.o7, z^v/ztp àvTjvâvcvTs se rapporte à la pre-
mière partie du paragraphe, oij il est question de Taoriste correspondant
au plus-que-parfait français, et non à la seconde, où il est question de
remploi de l'aoriste dans les propositions de temps. Il v a là un défaut
de clarté, et l'auteur a eu tort de réunir dans un même paragraphe deux
questions tout à fait différentes. — P. 3o8, ^51", £uv, formule de tran-
sition, est donnée comme une forme d'optatif; il n'en est rien: c'est une
interjection, peut-être parente de eIol, en tout cas distincte de la forme
verbale'. — P. 3i5,§ 525. Les verbes qui signifient croire, penser ne se
construisent pas avec 5t'., mais avec o)ç(ou plutôt avec Tin fini tif).— P. 323,
§§ 539 et 540. La distinction faite entre les propositions conditionnelles
à l'aoriste et celles qui sont au plus-que-parfait n'est pas claire. « Le
I. Voyez G. Uhlig, dans les Neue Jahrbûchcr, 18S0, p. 789 s
qq.
226 REVUE CRITIQUE
verbe est à l'indicatif aoriste, si l'on admet qu'une chose n'a pas eu
lieu dans le passé Le verbe est au plus-que-parfait, si l'on indique
une condition qui n'a pas été accomplie. » x\vec cette explication, il
me semble impossible de se rendre un compte exact de la différence entre
l'aoriste et le plus-que-parfait. Il faudrait dire que l'aoriste marque en
pareil cas un fait qui aurait eu lieu dans le passé, le plus-que-parfait
une action qui actuellement serait terminée '. — P. 33o, § 552, Rem.
La construction oIgO' o cpà^cv est peut-être qualifiée à tort de poétique^.
— P. 393, j5 637, 2. Donc ne semble pas une traduction suffisante de
ouv^ qui s'emploie dans des cas où il n'y a pas conséquence, mais, au
contraire, opposition (« quoi qu'il en soit »); voyez à ce propos l'ar-
ticle de Y. dans la Revue de Philologie, VU, p. i36 \
M. G. a cru, et avec raison, selon moi, devoir ajouter quelques notes
au texte de Curtius, soit pour compléter ses indications, soit pour relever
ses erreurs. Il est à regretter qu'il n'ait pas, de temps à autre, cité les
Erlœiiterungen :[U meiner griechischen Grammatik, où Curtius apporte
souvent des preuves à l'appui de ses assertions, ou développe les théories
dont il ne donne que les résultats dans la grammaire. Il y aurait eu
grand profit pour les lecteurs.
Des notes rectificatives auraient été utiles en plus d'un endroit : ainsi,
p. 5, § i3, Curtius écrit ïlôppoç en faisant remarquer que « beaucoup
écrivent le double p sans aucun esprit : IIûppcç. » Il fallait dire en note
que cette orthographe est bien préférable à l'autre. — P. 26, à propos
de l'allongement, M. C. dit en note : « La voyelle suivie de deux con-
sonnes forme une syllabe longue par position ou plutôt par convention
(Oéss'.)- » Oi") Ch. Thurot a fait remarquer jusrement [Rev. de Phil.^ IV,
p. 97) que le mot convention n''est pas plus juste que le mot posi-
tion ^
P. 223. M. c. explique en note la tournure oî ïlépaa'. xbv Kupov eîXovTO
^ac'.Xéa en faisant de elÀovTO ^a^i/ia une seule expression, construite
comme un verbe transitif : il crée pour le faire comprendre un verbe
actif, (ias'.Acûo) (!) =: ci Ilép^at tov KDpcv ?è6ac{A£uaav. Est-il prudent (mal-
gré le point d'interrogation, dont on ne saisit pas d'abord la valeur) de
mettre sous les yeux des élèves un tel barbarisme, surtout en l'accen-
tuant, après avoir dit (p. 32, note) que les formes inusitées sont données
1. Cf. Règles fondamentales de la syntaxe grecque, par Mor. Seyffert et A. von
Bamberg, trad. Cucuel, p. 124, note i.
2. Cette construction, dit Krùger (Syntaxe, 2' partie, § 54, 4, A. 2), est rare chez
Sophocle, plus fréquente chez Euripide et chez Aristophane; il en conclut sans doute
avec raison que ce devait être plutôt une façon de parler de la langue familière.
3. L'article ouv est bien mieux fait dans Koch (g i3i, 69). Ainsi Curtius ne men-
tionne pas l'emploi particulier qui fait que [j.£v CJV correspond souvent, dans l'usage,
au latin inimo (= « au contraire », dans une réponse), et c' oûvau latin ce?-/e(= ce
qu'il y a de sûr, c'est que ).
4. [Le terme juste serait : longue par aitribiifion. — Réd.]
0 HISTOIKE Kl DK LITTKr? ATUK.K 227
sans accent et en caractères espacés?— P. 236, ^§ 396-397, le texte
donne des listes de verbes, transitifs en grec, qui sont intransitifs dans
d'autres langues. Il eût été bon de faire remarquer aux élèves que la
plupart correspondent à des verbes intransitifs en allemand, et qu'un
certain nombre n'auraient pas eu besoin d'être signalés dans une gram-
maire écrite pour des Français.— P. 289 et suiv. A propos de la théorie
de la signification des temps, M. C. donne avec raison des extraits d'un
mémoire de Ch. Thurot, qui combat lopinion de Curtius ', Mais il
aurait peut-être pu se dispenser de le faire pour la partie qui concerne
le parfait; car Thurot, tout en contredisant Curtius, est au fond d'ac-
cord avec lui ".
En somme, nous avons ici plutôt un regret qu'un reproche à adresser
à M. C. : son travail sur Le génitif latin et la préposition de a montré
qu'il était capable d'excellentes recherches de gramrnaire. Peut-être
aurait-il dû ajouter à sa traduction un peu plus de remarques person-
nelles.
Le livre est imprimé avec une grande netteté. Mais, malgré VErrata
assez considérable, il reste encore quelques fautes d'impression (ainsi
p. 1 18, § 274, Dial., sali pour sali).
Tout en regrettant queM.Ciairin n'ait pas choisi, pour l'introduireen
France, une autre grammaire plus utile ou plus nouvelle, nous devons
Je remercier d'avoir contribué, pour sa part, au progrès des études clas-
siques.
A. M. Desrousseaux.
46. — Orsiiianîsîaîre éléiMentaîre «Je ïa -vieille lungue fftiiïçîiîae, par
L. Clédat, professeur de langue et de littérature françaises du moyen-âge à la
faculté des lettres de Lyon, ancien élève de l'école des Chartes, ancien membre
de l'école française de Rome. Paris, Garnier frères, i885. Gr. in-i8, vm-35i pp.
La grammaire de M. Léon Clédat mérite le meilleur accueil de tous
ceux qui désirent voir se répandre la connaissance de notre ancienne
langue. Elle arrive tout à fait à propos pour aider, dans leur tâche
1. Mémoires de la Société de liuguixtique de Paris, t. I, i86g, pp. 111-125. —
Pour la question de la différence de sens entre les modes de l'aoriste et ceux du
présent, Thurot a peut-être éle aussi excessif en la niant que Curiius en l'affir-
mant sans restriction; Aladvig paraît être dans le vrai, en admettant que la diffé-
rence de sens est très réelle et visible en un grand nombre de passages, mais que
souvent aussi on la néglige. Cf. l'article publié sur cette question par M. Riemann
dans \(t% Mélanges Graux, p. 585 sqq.
2. Dire, comme Curtius, que le parfait marque qu'une action est actuellement
terminée ou bien, comme Thurot, qu'il exprime le résultat présent d'une action
passée, cela revient à peu près au même. Au contraire, dans la syntaxe de Madvig,
g 1 1 1, il y a une négHgence grave de rédaction : d'après ce qui est dit à cet endroit,
on pourrait croire que i-j parfait grec doit être rangé parmi les temps du passé; or
la règle de la concordance des temps prouve bien le contraire.
228 RKVUK CKiriQUk
nouvelle, les professeurs de nos lycées et de nos collèges, chargés
depuis quelque temps d'expliquer des textes qui leur étaient, en géné-
ral, peu familiers. Elle ne sera pas moins bien venue des élèves eux-
mêmes, qui pourront y apprendre, sans trop de peine, tout ce qui leur
est nécessaire — le vocabulaire excepté — pour aborder de plain pied
une littérature qu'il sera bientôt, nous l'espérons, honteux d'ignorer à
tout Français quelque peu lettré.
Tout en souhaitant vivement, avec M. C, que les bons élèves des
écoles primaires viennent puiser en grand nombre à la source d'in-
struction qu'il a voulu aussi leur ouvrir, j'avoue ne pas partager plei-
nement l'espoir qu'il exprime à ce sujet. Mais son livre ne dût-il servir
qu'aux professeurs et aux élèves de l'enseignement secondaire, aux
étudiants des facultés et, en dehors du monde universitaire, aux sim-
ples curieux, il rendrait encore ainsi assez de services pour que l'auteur
n'eût qu'à se féliciter de l'avoir écrit.
La grammaire de M. C, comme son titre l'indique, est une « gram-
maire élémentaire ». Elle a, constatons-le tout d'abord, les qualités
essentielles d'un livre de ce genre : clarté, simplicité, netteté. L'auteur
n'est pas, d'ailleurs, un simple vulgarisateur des travaux d'autrui. Son
livre offre aussi le résultat, souvent heureux, de ses recherches person-
nelles; mais il n'y a place ni pour la discussion des points controversés,
ni pour les longs développements. L'ouvrage est, sauf quelques réserves,
bien ordonné; et si on y peut relever plusieurs omissions, on n'y remar-
que aucune lacune trop considérable, le but et le plan de l'auteur étant
donnés. La syntaxe, en général trop négligée, a été traitée ici avec un
détail suffisant ^ Je reprocherais seulement à cette partie de l'ouvrage
d'affecter trop la forme d'un recueil de faits, bien classés, il est vrai,
mais sans idées générales qui les relient. Tout élémentaire que soit et
que veuille rester la grammaire de M. C, l'auteur pouvait, sans dépas-
ser la portée intellectuelle des lecteurs pour lesquels il écrivait, — et
cette observation s'applique également, à des degrés divers, aux autres
parties du livre, — indiquer les grandes lois qui gouvernent notre lan-
gue et les progrès que d'âge en âge elle réalise, conformément à ces
lois.
C'est dans l'Introduction, où il traite sommairement de l'origine
de la langue, que M. C. donne toutes les notions que renferme
son livre sur la formation des mots. Je regrette qu'il ne se soit pas
étendu davantage sur ce sujet, auquel il aurait dû consacrer une section
tout entière. La formation des mots est une des parties les plus impor-
tantes et les plus neuves encore, malgré les remarquables travaux de
M. Darmesteter, de notre grammaire, et celle de toutes où se manifeste
peut-être le plus sensiblement le génie de la langue.
M. C, préoccupé, trop préoccupé peut-être, de se mettre à la portée
I . Signalons, en particulier le chapitre des prépositions.
d'hiSTOÎRR et DÀ LITTERATURE 2 2()
des lecteurs qui ignorent les éléments de la langue latine, a rejeté la
phonétique à la fin de son ouvrage, en manière d'appendice. La place
que, normalement, il aurait dû donner à cette partie nécessaire de toute
grammaire est occupée par un chapitre sur l'orthographe, où se pro-
duit, presque à chaque paragraphe, une confusion, peut-être inévitable,
entre la figuration des sons et les sons eux-mêmes, et où les phénomè-
nes étudiés sont autant, par conséquent, du domaine de la phonétique
que de celui de la graphie. Par exemple, ce n'est pas, sûrement, par
suite du simple changement du signe d'un son resté fixe que chapel est
devenu chapeau (p. 21). M. G. le sait tort bien ; mais le lecteur peut s'y
tromper.
Après rintroduction, Fauteur traite successivement des diverses par-
ties du discours, en commençant par le substantif. L'article prend place
dans le chapitre des adjectifs démonstratifs. Je ne puis suivre pas à pas
M. G. dans son exposition, pour marquer sur chaque détail, soit mon
assentiment, soit mes réserves. Je dois me borner à quelques remarques
rapides.
P, 36, à propos des noms comme Evain, M. G. aurait dû noter la
variante ien (Marien, Ayen)^ et en expliquer la cause. Peut-être aussi
aurait-il bien fait de dire que tout le monde n'est pas d'accord pour at-
tribuer à cette flexion ain (ien) une origine germanique.
P. 43, note. On a des exemples de pluriel neutre plus probants que
celui qui est ici allégué; ainsi dans Erec et Enide (6617) : deux paire
riment avec apaire (appareat).
P. 58. C'est par une méprise évidente que M. G. range les noms
ethniques comme danois, anglais^ parmi ceux qui, à l'origine, étaient des
deux genres. Ges noms ont toujours, en français, pris un e au féminin.
67. J'entends autrement que M. G. le vers du Roland qu'il cite ici.
Le sujet de cumencet est, pour moi, non pas le conseil, mais il, sous
entendu, représentant Guenes. Par conséquent je n'admets pas plus
d'article neutre le que de nom neutre conseil, ce qui n'est d'ailleurs pas
admissible.
69. Le cel du roman à'Eneas cité ici (je n'ai pas ce texte sous la
main) ne serait-il pas, plutôt qu'un pronom neutre, sel =z si le?
70. On ne saurait admettre l'influence régressive de Ve final que
M. G, suppose ici. La véritable source de il comme de // (suj. sing. de
l'art.) est sans doute z7//c que IM. G. indique également et qu'il avait
déjà proposé ailleurs.
83. L'f final dont parle, ici et ailleurs, M. G. est 1'/ long, ce qu'il ne
dit nulle part, et ce qu'il fallait dire expressément, car 1'/ bref ne produit
pas les mêmes effets.
II 5. M, G. traite du participe passé avant le prétérit, ce qui pour
toute une catégorie de vérités, est un inconvénient, à cause de l'in-
fluence analogique exercée par la forme du prétérit sur celle du parti-
cipe.
2 30 REVUE CRITIQUE
J2I. Il eût été bon de dire que ri est une forme relativement récente.
L'ancienne langue disait ris.
125. M. G., au sujet de l'^ des formes de la i''*' pers. de Tind. présent,
et, plus loin, de celle de l'imparfait et du parfait (je vends^je vendais,
je vendis) exprime une opinion que, pour l'avoir adoptée moi-même au-
trefois, je ne me crois pas obligé de défendre. C'est celle qui explique
ces formes par une influence analogique de la 2" personne. Je ne la
crois plus fondée. La question d'ailleurs est complexe, et ce n'est pas
ici le lieu de la traiter en détail.
128. Il eût été bon de faire remarquer c\nç, gemiscunt ni getniscam ne
pouvaient donner les formes françaises correspondantes. C'était le cas
d'insister sur le caractère original de notre conjugaison en ir.
145. Dans tenuion n'a plus affaire à un m atone, mais à un u consonne,
qui tombe, comme dans tva, sva, qvi., battvere, mortva, etc., etc.
i52. Le rapprochement des formes fr. en asse., isse, iisse et des for-
mes provençales correspondantes en a permet de supposer l'assimila-
tion de l'imparfait au présent du subjonctif, quant à la flexion pure-
ment personnelle.
i53. M. C. donne ici un procédé tout mécanique pour trouver la
forme du plus-que-parfait archaïque. A quoi bon, puisque c'est une
forme morte depuis si longtemps? Il eût été plus simple et plus expédi-
tif de citer quelques-uns des rares exemples qu'on en connaît, en les
rapprochant des formes latines correspondantes.
i65. M. C n'a pas remarqué que plusieurs des substantifs qu'il note
comme ayant changé de genre en passant de l'ancienne langue à la
nouvelle se sont seulement réduits de deux à un seul. Les substantifs
dérivés de noms neutres, de participes, les substantifs verbaux allaient
souvent par couples, et les deux genres avaient fréquemment, grâce aux
lois phoniques, une forme identique. Tel était le cas d'un grand nom-
bre de ceux que cite M. Clédat : miracle, exemple. Joiidre^ dette, re-
proche, rencontre. Pour voile., la forme masculine correcte est vo//, qu'on
trouve en effet.
179. Il ne faudrait pas confondre, comme le fait ici, et déjà plus haut,
p. 74, M. C, li féminin, résidu de liei, avec // masc.-fém. = illi.
184. M. C. aurait dû noter l'emploi si fréquent de qxii au sens de si
on {== si qiiis), emploi conservé encore dans quelques locutions (par
exemple : il pleut comme qui la jette), et celui de qui, que fquis, quid)
distributif : ils erraient qui cà, qui là.
188. Chacun no. ^t\jLi être quisque iinus, Il est probable que cescun
a été modifié en chascun, sous l'influence de chaduti, chaiin.
201. M. C. n'aurait pas dû omettre de signaler l'emploi de l'infinitif
au sens passif, dans des phrases telles que : ja n'eussent regart de
prendre (= crainte d'être pris.)
257. Il est singulier que, parmi lés particules d'affirmation, M. C
ait précisément oublié oui. Signalons aussi, pour la négation, l'omis-
d'histoirk kt dk littérature 23 I
sion de naie et de nenil. Uemploi de pas, point, mie, etc., au positif n'a
pas non plus été noté.
258. « Le substantif e^^o/r était employé adverbialement. » Etait-ce
bien le substantif ? Je crois plutôt que c'était le verbe, à la prem. pers.
sing. de l'ind. prés. Vt\Qm^\Q c'né (espoir c' estait uns Assacis) st tradui-
rait par suite, littéralement : c'était, je pense, un Assassin.
279. Je ne puis admettre que dans il i ont uns oriloges, si telle est
bien en effet la leçon du ms., uns oriloges soit sujet; uns est ici, comme
si souvent ailleurs, non le cas-sujet singulier, mais lecas régime pluriel
de l'article indéfini.
3o6.M. C. tire je puis dtpoteo. Cest je pense une en-^in, puis=poc-
sum.potsum. Cf. le provençal pose, à côté de pois. Puissant ne vient
pas davantage de poteantem.
3i r. M. C. oublie ici que au atone, en initiale peut aussi se réduire à
a : aoust;ailr, eiir; escouter. Peut-être est ce une réduction pareille, à
la tonique, qui a produit anc a côté de OJique (adunquam ?)
3i3. Courage est corati(c)um, non corat{i)cum. On ne peut admet-
tre le changement de c en g doux devant u.
32 3. Il n'est pas tout à fait exact de dire que v se change en g dans
gué, guêpe et autres mots pareils. Le cas n'est pas le même que celui
de fois, brebis, cités au même endroit. Dans vaduni, vespa, Vu consonne
initial a appelé devant lui un g qui a fini par le supplanter, en tant que
son. Il n'y a pas, comme dans vicem devenu fois, une mutation pro-
prement dite. — Il n^est pas non plus exact de dire, comme le lait
M. C, dans la même page, que la labiale de sapiani, apiuni soit • tom-
bée », puisque le ch des formes françaises sache, ache^ est le résultat de
l'union dn p et de Vi. Si lep tombait tout de bon, le résultat serait au-
tre. Cf. aie de habeam,
32g. L'/ mouillée ne se vocalise pas en u. Partout où nous voyons le
latin lius ou dus aboutir à us (miens, viens) nous trouvons comme
intermédiaire une forme en / sèche, suivie de :[ (non 5, du moins dans
le principe). — Le cas de vieux me parait plus complexe qu'il ne semble
à M. Clédat. Que vieux soit, au singulier, l'ancien cas sujet, il n'y a pas
de doute. Mais le maintien exceptionnel de cette forme doit s'expliquer
par une confusion avec vie-{ (vêtus) qui était intégral.
Des notions générales sur la versification française du moyen âge,
notions qu'on souhaiterai', un peu plus développées, et où la question
des origines tant de la rime que des mètres n'est pas abordée, terminent
la grammaire de M. Clédat.
Les menues remarques qui précèdent ne sont pas les seules que
suggérerait un examen minutieux de l'ouvrage dont je rends compte et
que je pourrais présenter moi-même. Mais si nombreux que puissent
être les points sur lesquels mon sentiment diffère de celui de Tauteur,
je tiens à redire en terminant que M. Clédat a fait, en composant sa
grammaire, une œuvre vraiment méritoire, et qui contribuera efficace-
2:) 2 KKVIIK CitrUQUK
ment, je Tespèie, à hâter le moment où tout le monde, en France, liia
la Chanson de Roland aussi couramment que le Cid.
C, Chabaneau.
47. — IiU!>:>iiiicufs B^yonnnis. «lean I^'lllelioilc et, *=•« riiinillc? par Aimé
ViNGTRiNiER. Lyon, imprimerie Pitrat aîné, i88b. Grand in-8 de 23 p.
En travaillant à l'annotation des lettres inédites de Peiresc aux frères
Dupuy, j'ai rencontré le nom de Pillehotte et, après avoir vainement
cherché, dans nos principaux recueils, des renseignements sur ce per-
sonnage, j'ai interrogé sur son compte celui, de tous mes savants cor-
respondants et amis, qui me paraissait pouvoir le mieux me répondre,
soit en sa qualité d''ancien imprimeur lyonnais, soit en sa qualiic de ré-
dacteur du Catalogue de la bibliothèque lyonnaise de M. Coste, soit
enfin en sa qualité de conservateur de la bibliothèque de la villede Lyon.
Mon espoir n'a pas été déçu ; de ma question à M. A.Vingtrinier est sorti
— j'en suis justement fier — le travail dont je vais dire quelques mots.
M. A. constate tout d'abord que non seulement son confrère du
xvi*^ siècle est totalement oublié, mais qu'encore le peu que les écrivains
lyonnais nous ont laissé sur lui, en passant et comme par grâce, est
entaché de méprises et d'erreurs. C'est avec une piquante verve que le
nouveau biographe apprécie (p. 5-6) le rôle presque toujours négatif q\
toujours imparfait joué par chacun de ses devanciers : «. Pernetti, qui,
comme Vapereau, de nos jours, a fait connaître tant de médiocrités
politiques ou littéraires, Pernetti ne ditpas un mot de lui. MM. Breghot
du Lut et Péricaud, dans leurs Lyonnais dignes de mémoire, ne lui
accordent qu'un fils et nous sommes porté à croire qu'il en eut plusieurs.
M. Achard avance qu'il en eut deux, portant tous dtny., ensemble et à
la fois, le prénom de leur père, ce qui eût fait trois .Jean Pillehotte au
même foyer et à la même table. MM. Révérend du Mesnil, Guigne et
Steyert sont d'une concision désolante. Ils citent des prénoms à la suite
les uns des autres sans prévenir s'ils veulent parler du père, du uh, de
l'oncie ou du neveu. Quant à M. Monfalcon, aussi bref, aussi concis
que ses confrères, il l'emporte sur eux en erreurs '. »
C'est au prix d'innombrables recherches que M. A. a réuni les détails
les plus nouveaux et les plus fidèles : i» sur Jean Pillehotte, impri-
meur et libraire des Ligueurs et lui-même un des meneurs les plus
influents de la Ligue lyonnaise, lequel exerça dans la rue Mercière
I. L'auteur de l'Histoii-c vionumentale de Lyon a confondu le père ei le lils et
même le petit-fils. M. V., après avoir signalé autour de ce quiproquo diverses au-
tres inexactitudes, arrive à cette conclusion trop justiticc : « On voit si Ton doit
consulter avec prudence cette Histoire monumentale imprimée aux trais de la ville
de Lyon. »
O HISTOIKK KT DK LlîTÉUATURK 233
de 1574 à 161 2, époque de sa mort ' et gagna une infimense fortune;
2° sur Jean II, son fils et son successeur, qui fut échevin en 1643 et
1644, et auquel sa femme, Anne FJachier, apporta en dot le château de la
Pape, situé au bord du Rhône, au nord de Lyon et à peu de distance de
cette ville '; 3° enfin sur Jacques, fils du précédent, seigneur de la Pape,
baron de Gourdan, conseiller garde des sceaux en la sénéchaussée et
siège présidial de Lyon, maître des requêtes au Parlement de Dombes,
qui fit, en i652, Tachât de la terre de Messimy et dont la fille unique,
Marie-Anne, eut pour époux (1674) Charles de Gambis, marquis d'Or-
san.
Je suis heureux de pouvoir ajouter à toutes ces indications si précises
une indication qui les complète. Jean Pillehotte I" eut une sœur,
nommée Marie, qui fut mariée avec un docte humaniste, d'origine
écossaise, Alexandre Scot, l'auteur de Universa grammatica grœca
(Lyon, 1594, in-8"de plus de mille pages), l'éditeur et le commentateur
des discours de Gicéron (Lyon, i588-i589, 2 vol. in-12), etc. L'exis-
tence de la sœur et du beau-frère de Jean I" Pillehotte m'a été révélée
par le testament inédit de Thumaniste, que m'a gracieusement commu-
niqué M. le marquis de Seguins, propriétaire du château du Rocan,
près de Garpentras, château qui avait appartenu audit humaniste ''.
On pense bien qu'un bibliographe tel que M. Vingtrinier n'a pas
négligé d'énumérer les plus importantes ou les plus rares des publica-
tions auxquelles Pillehotte attacha son nom (p. 10-12 et 20-24). Je
I. La date de la mort de Pillehotte 1er a été communiquée à M. V. par un érudit
de Lyon, M. Morel de Voleine. Pilleliotte avait épousé Antoinette Jove, tille de
Michel Jove, libraire, qui testa le 3o avril iSyg. En cette année même le nom du
beau-père et celui du gendre figurent réunis sur le frontispice d'une pièce intitu-
lée : Réconciliation faicte par la Royne mère du Roy, entre les gens du clergé, de
la noblesse et du tiers Estât du pays du Dauvliiné (Lyon, par M. love et J. Pil-
lehotte, in-8°).
2. Jean II Pillehotte mourut en i65oet fut inhumé dans l'église des Grands-Au-
gustins. U. V. a reproduit son épitaphe (p. i3). Jean [ei' Pillehotte avait été inhumé
aux Célestins.
0. Comme Alexandre Scot a été non moins abandonné des biographes que Jean
Pillehotte, comme il a même été oublié dans l'ouvrage spécial de x\L Francisque Mi-
chel {Les Ecossais en France, etc.), comme il n'a obtenu qu'une simple mention
dans la Notice sur Ch. Fabrot de feu M. Charles Giraud, qui le qualifie (p. 154)
jurisconsulte de Carpcntras, enfin comme l'article qui lui a été consacré par le
D'' Barjavel dans le Dictionnaire historique, biographique et bibliographique du dé-
partement de Vauclusc (t. I!, p. Sgy-SgS) est déplorablement insuffisant, j'em-
prunterai au précieux document, conservé dans les archives du château du Rocan,
quelques particularités inconnues : Le testateur (3o juin 16161 déclare qu'il veut être
enterré dans l'église des Franciscains de l'Observance à Carnentras; il rappelle qu'il
est né « au château de Kinindmouth, dans la province d'Aberdeen; il salue la mé-
moire de Georges Scot, son père, et de Marguerite Fraser, sa mère; il nomme ses
enfants, sa femme (Marie Pillehotte), son beau-frère, Jean Pillehotte, imprimeur-
libraire à Lyon, etc. « Noble Alexandre Scot, docteur es droits ». comme il est ap-
pelé dans un cadastre de Garpentras, de la fin du xvie siècle, fut pendant quelques
années directeur du collège de cette ville (avant 1600).
234 REVU!'. CRITIQUK
voudrais que, dans une nouvelle édition, cette curieuse liste fût encore
plus développée et que Ton y fît entrer autant que possible tous les
livres ou livrets sortis des presses de Pillehotte '. Et cette nouvelle
édition n'est pas douteuse, car sans parler des diverses qualités d'un
travail que je n'ose louer autant qu'il le mérite, son origine entravant
ma liberté d'appréciation, la dédicace de Félégante plaquette à un de
nos plus sympathiques et de nos plus charmants poètes lui portera bon-
heur. Voici cette dédicace : k A M. Joséphin Soulary hommage de
son ami tout à lui ».
T. DE L.
48. — HÎBtoine de la Kuonarchîe «3e eSïzillet* par Paul Thureau-Dangin.
Paris, Pion, 1884. In-8, T. I, vu, 458. T. 11, 438 pages.
M. Thureau-Dangin entreprend d'écrire une histoire complète de la
France sous le règne de Louis-Philippe. Ces deux premiers volumes
s'arrêtent au mois de février i836. M. Th.-D, a fait ses preuves avec
éclat. Il s'est montré, notamment dans son livre Royalistes et Républi-
cains, écrivain brillant et critique plein d''indépendance. Les mêmes
qualités se retrouvent dans l'Histoire de la monarchie de Juillet, et si,
du premier coup, au courant de la première lecture, on ne les apprécie
peut-être pas aussi aisément, c'est la faute du sujet, bien plus que celle de
y diUXQnr. Royalistes et Républicains forment une série d'essais: M, Th.-D.
ne s'arrête qu'aux côtés saillants de l'histoire; il procède constamment
par oppositions entre les extrêmes. Il se place très haut pour voir et
pour juger : le lecteur s"'élève volontiers avec lui sur ces hauteurs et y
respire à l'aise. Dans l'Histoire de la monarchie de Juillet, qui est une
œuvre suivie, il faut en venir à l'entre-deux des choses, et marcher dans
la plaine; on a plus de difficultés à trouver les beaux points de vue.
M. Th.-D. avait opposé, avec une grande force de relief, aux fautes des
républicains ruinant la république, les fautes des royalistes ruinant la
monarchie. On pouvait croire que les modérés, du centre gauche au
centre droit, les libéraux, les constitutionnels gardaient le secret du
sens commun et que, s'ils arrivaient au gouvernement, on aurait la rare
satisfaction de voir des actes sages d'accord avec des principes raison-
nables. Je sais bien que dans un autre écrit, bien piquant, mordant
I. Le Catalogue de la Bibliothèque nationale. Histoire de France (t. I) serait
utilement consulté. J'y ai relevé, pour la période comprise entre les années i588-
i5ci3, une quarantaine de mentions. Voir articles 3i2, 6o5, 676, 67g, 695, 7o3,
75 1 (règne de Henri 111), et articles qo, q8, iii, ii3, 118, I23, 126, i35, 164, 176,
177, 178, 182, 2o3, 210, 212, 244, 246, 249, ^Si, 252, 269, 291, 296, 3i5, 335,
341, 346, 359, 362, 410, 419, 445, 479 ('règne de Henri IV). On trouverait encore
l'indication de plusieurs éditions imprimées par Pillehotte dans la Bibliothèque des
écrivains de la Compagnie de Jésus par les PP. de Backer et C. Sommeuvogel
(3 vol. in-fo, 18Ô9-1876).
d'HISTOIRK et DK t.ITTÉR\Tt.!Kh 235
même par endroits, le Parti libéral sous la Restauration, M. Th,-D.
nous avait mis en garde contre ces espérances. Il ne nous laissait guère
d'illusions, même sur Royer-GoUard. Un livre plus récent, beaucoup
moins critique, beaucoup plus exclusif et plus passionné, livre de
discussion, on dirait volontiers de polémique, l'Eglise et l'Etat sous la
monarchie de Juillet, nous avait préparés à des jugements rigoureux sur
l'œuvre de i83o et sur ses conséquences. Cette attente n'a pas été trom-
pée. V Histoire de la monarchie de Juillet est sévère pour cette monar-
chie. C'est, non pour la forme qui est pleine d'attrait, et pour l'exposi-
tion qui est constamment intéressante, mais pour le fond des idées et
pour les conclusions, une œuvre morose et attristée. La tristesse s'y
traduit en traits éloquents, le chagrin en ironie amère : le talent de
l'auteur n'en souffre point, bien au contraire; je ne puis en dire autant
des actes qu'il juge et des personnages qu'il prend à partie.
Cette couleur sombre répandue sur l'ouvrage tient beaucoup, je crois,
au point de vue où M, Th.-D. s'est placé. C'est un point de vue très
élevé, trop élevé même : il dépasse notre atmosphère. C'est à vrai dire
un idéal. M. Th.-D. conçoit un gouvernement très pur, très conserva-
teur, très catholique, très éclairé, en même temps, et moderne et sincè-
rement libéral. Cet arc-en-ciel politique s'est-il jamais vu, dans la réa-
lité, autrement que par échappées, entre les nuages et les orages, comme
ce ministère Martignac qui semble n'être né que pour démontrer sa
propre impossibilité? Considérés de si haut, les hommes se rapetis-
sent singulièrement, et tout paraît mesquin dans le fouillis où ils
se meuvent. C'est l'impression que l'on garde après avoir lu ces deux
volumes. Choses et gens, actes et institutions, la révolution, les cham-
bres, les ministres, la charte, le roi lui-même, tout s'y amoindrit et s'y
obscurcit d'autant plus qu'une seule grande figure, un seul caractère
supérieur, s'en détache avec plus d'ampleur, dans une plus grande lu-
mière, écrasant tout alentour : Casimir Périer.
Si mon impression est juste, il y a là un défaut de proportions. Ca-
simir Périer n'est pas trop grandi; mais, à part Guizot et le duc de Bro-
glie, qui sont étudiés avec sympathie et équité, à part Latîitte qui n'est
pas trop sévèrement condamné, les autres personnages sont trop dimi-
nués. Il ne faut point monter en ballon pour mesurer les hommes. En
eux-mêmes et par rapport à l'archétype de l'homme d'Etat idéal, les
gouvernants de i83o à i836 peuvent sembler médiocres; comparés à la
moyenne des ministres de tous les temps, i!s restent parmi les plus es-
timables et les plus distingués. Il importe d'ailleurs de s'entendre sur
les mots. Au fond, Périer lui-même n'est pas encore pour M. Th.-D.
un véritable homme d'Etat. « Homme d'une crise plutôt que d'un sys-
tème, plus apte à l'action qu'à l'étude et à la méditation... il voulait
raffermir l'Etat ébrr.nlé, sans se piquer d'apporter une doctrine nou-
velle... Sa conception de l'ordre était évidemment un peu terre à terre
et matérialiste; le dégoût qu'il éprouvait pour l'anarchie était moins
236 revup: ciutique
celui d'un philosophe que celui d'un homme d'affaires, et il se montrait
plus soucieux d'assurer la paix de la rue, la réussite du commerce, le
fonctionnement de la machine administrative que de restaurer dans les
âmes Tordre moral si gravement troublé. Après tout, il répondait au
besoin premier du moment... » (I, p. 36/. ) « ... Comparée à ce que
doit être la politique d'une époque régulière, elle (la politique de Périer)
présente encore de graves lacunes. » (II, p. 67. Faiblesses de la Politi-
que de Périer). — M. Th.-D. cite avec quelque complaisance cette
boutade de Royer-Collard : « Il était ignorant et brutal; ces deux ver-
tus ont sauvé la France. » Toute la doctrine de Royer-Collard n'aurait
pas maîtrisé les émeutes, rétabli l'ordre dans les rues et rendu la conriance
aux fonctionnaires qui devaient agir, aux gardes nationaux qui devaient
risquer leur vie. A chacun son rôle : Royer-Collard rendait des oracles,
Périer rendit des services, c'est l'affaire des hommes d'Etat. En réalité
« cette politique d'une époque régulière )\ l'avait-on jamais connue, au
moins depuis le commencement de ce siècle? La Restauration ne laissa
pas de s'occuper de la doctrine et de Tordre moral, mais elle le fit de
telle façon que la machine se détraqua et que le désordre reparut aussi
profond que jamais. Quant à la monarchie de Juillet, bien que l'étude
de M. Th.-D., s'arrête à i836, il nous annonce que les temps héroïques
sont déjà terminés. « On allait bientôt s'en rendre compte, au spectacle
de la longue crise qui devait se prolonger de 18 36 à 1840 : triste pé-
riode de décomposition parlementaire et d'instabilité ministérielle, qui
aboutira au-dedans au démoralisant scandale de la coalition, au dehors
à la périlleuse mésaventure de 1840. » (II, p. 480.) — Cependant, à
la fin de cette première partie, M. Th.-D. mesurant le chemin par-
couru, négligeant le détail qui est confus et troublé, ne voyant plus que
l'ensemble, écrit une page excellente, qui corrige l'excès de ses juge-
ments. « Considérons les grands résultats d'ensemble, sans nous arrêter
aux petites misères de détail, conséquences nécessaires de tout gouver-
nement humain, pas plus nombreuses, mais seulement plus en vue
avec le régime parlementaire. » En i83o tout s'écroule, tout est me-
nacé, la société comme l'Etat et le gouvernement. « Six ans s'écoulent,
et au dedans, la révolution est contenue, les émeutes écrasées... la sé-
curité publique rétablie; le gouvernement a reconquis sa force maté-
rielle et une partie de son autorité morale; le crédit public est restauré,
le commerce et l'industrie jouissent d'une prospérité sans précédent; la
religion même a retrouvé, auprès de la société moderne, une popularité
qu'elle n'avait pas connue depuis longtemps; au dehors, la paix est assu-
rée, des avantages considérables, comme la constitution de la Belgique
ont été obtenus... Et cette victoire sur la Révolution a été remportée
sans qu'il en ait rien coûté à la liberté, sans un acte arbitraire, sans une
heure de dictature. » (II, p. 430.)
M. Th.-D. ne s'est pas renfermé dans la seule histoire politique et
parlementaire. La politique extérieure est traitée par lui avec un soin
d'histoire et de littérature 237
particulier : je ne trouve qu''à louer dans cette partie essentielle de son
ouvrage. Il sait tout ce qu'on peut savoir aujourd'hui, il l'expose en
termes excellents et il juge avec autant de pénétration que d'équité.
Il va plus loin encore, et je ne saurais trop le féliciter de l'avoir tenté.
Il veut composer une histoire totale : la reUgion, la littérature, les
sciences sociales, l'état de la société et des mœurs occupent dans
ces deux volumes une place considérable. (T. I, 1. I, ch. viii : le
Saint-Simonisme ; ch. ix, le Journal l'Avenir; ch. x, la Révolution de
i83o et la littérature. }Cqs chapitres qui sont parmi les plus attachants
du livre, sont empreints de la même humeur sombre, de la même sévé-
rité altière que les chapitres politiques. J'y retrouve le même penchant à
rattacher à la révolution de i83o des événements qui en sont la suite
bien plutôt que la conséquence, et qui, en réalité, procèdent non de
cette révolution, mais des causes plus profondes dont cette révolution
même est sortie. Elle a manifesté ces causes, elle ne les a pas créées.
M. Th.-D. déclare, il est vrai, en maint endroit, qu'il s'en prend moins
à la révolution particulière et contingente de i83o, qu'au « mal révolu-
tionnaire » en soi-même. Sans discuter sur le caractère et la définition
du « mal révolutionnaire », je crois que M. T.-D. en exagère les
effets dans l'époque qu'il étudie.
Cela est surtout sensible dans le chapitre consacré à la littérature.
II commence par cette phrase de M. de Rémusat : « Après i83o, il ne
s'est guère développé que les semences jetées en terre durant la Restau-
ration ». J'en conclus deux choses : c'est qu'à juger par la récolte, la
semence était bonne, et que s'il y a eu de mauvaises herbes, elles ont
été semées en même temps que les autres. M. Th.-D. pense que l'orage
de juillet a tué beaucoup de bons germes et qu'il a développé outre
mesure tous les mauvais. Je ne conteste ni l'action de l'orage, ni celle
de l'inondation qui l'a suivi et des fièvres qu'elle a engendrées; mais
je discute le degré, la mesure et les nuances. Est-il juste, par exemple,
d'attribuer au « mal révolutionnaire n la « décadence » poétique de
Lamartine des Harmonies (iS2Ç)] à la Chute d'un ange (i838) en pas-
sant par Jocelyn (i835)? Est-ce le développement naturel de son génie,
comme l'avait si bien deviné Sainte-Beuve, ou comme le croit M. Th.-D.,
l'avènement de Louis-Philippe qui conduit Victor-Hugo à écrire les
Chants du crépuscule ((835) après les Feuilles d'automne (i83i)? Je
ne découvre, je l'avoue, que les effets d'une évolution purement litté-
raire entre Hernani (i83o) et Ruy-Blas (i838). Il me semble enfin que
toute la critique que fait M. Th.-D. de l'œuvre de nos deux grands
poètes après i83o, s'appliquerait à l'œuvre de Chateaubriand sous le
Consulat, l'Empire et la Restauration, ce qui diminue sensiblement
l'influence absolue des « trois glorieuses journées » sur la littérature.
M. Th.-D. est très sévère pour le théâtre. Il s'approprie et souligne cet
arrêt du duc de Broglie, en i835 . « Qui est-ce qui ose entrer dans une
salle de spectacle, quand il ne connaît la pièce que de nom!... Le théâ-
238 REVUE CRITIQUE
tre est devenu une école de débauche, une école de crime ». (I, p. 3 12.)
Le théâtre n'a guère changé, si j'en juge parles jugements qu^on en porte.
Sous PEmpire, on attribuait volontiers cette corruption du théâtre au
despotisme; il paraît que sous Louis-Philippe, elle venait de la liberté.
« Le théâtre n'était pas le seul grand coupable. Précisément à cette épo-
que, il est un genre qui commence à prendre, dans notre littérature, une
importance dont l'exagération est peut-être à elle seule un signe de déca-
dence : c'est le roman. » (I, p. 314.) George-Sand mène au socialisme de
1848 (I, p. 319), Balzac fait pire, il conduit à la commune de 1871. (I,
p 33o.). Cest « une sorte d'abaissement général, et, si nous osons dire,
d'enlaidissement qui résulte de la révolution de i83o ». (I, p. 35 5.)
9 Chacun avait alors comme le sentiment d'une décadence, on dirait
presque d'une banqueroute intellectuelle. » (I, p. 35 2.) Pensons un
peu à nous-mêmes, qui vivons de l'héritage de ces banquerou-
tiers, pensons à leurs prédécesseurs qui sans doute n'avaient fait encore
que faillite, et rentrons dans la mesure. M. Th.-D. s'en écarte ici
comme dans la politique, pour le prendre de trop haut et se placer dans
l'absolu. Ce n'est point qu'il n'en sorte par instants, et un peu inopiné-
ment, par des traits qui visent le temps présent. Ce sont là de petites
taches en une oeuvre aussi grave et aussi élevée : elle est au-dessus des
allusions. Ces entrefilets de polémique accrochés à certains chapitres
étonnent et déroutent le lecteur.
Albert Sorel.
P. S. — J'avais tcrminécet article lorsque j'ai lu le tome VIII et dernier
des Mémoires deMetternich '. La présomption de ce fameux pontife de
la monarchie pure s'y étale avec une ampleur et un aplomb faits pour
déconcerter les historiens qui tiennent quelque compte de la chronologie.
Larigueurdestt principes ? de Metternich se déclare dans toute sa majesté ;
on n'a jamais parlé des faits avec plus de désinvolture, ni traité l'expé-
rience d'un ton plus impertinent. Il n'y a aucun rapprochement à faire
entre ce monument de la suffisance aveuglée de soi-même, et une œuvre,
comme celle de M, Th.-D., qui pèche surtout par l'excès de la critique.
Toutefois, quelques lignes que je trouve dans ce tome VIII des Mémoires
de Metternich, me paraissent très propres à faire ressortir ce qu'il
y a justement d'excessif dans les études de M. Th.-D. Jugeant la
France au mois d'avril 1859, c'est-à-dire à l'apogée du second Empire,
Metternich écrit ceci (p. 624) : « Huit banqueroutes, que des systèmes
de gouvernement fondés sur des théories privées de toute saine pratique
ont imposées à la France, et qui composent en toute vérité son histoire
pendant les dernières soixante-dix années, marquent-elles la fin de la
détestable situation dans laquelle se trouve placé le second empire sous
I. Paris, Pion. 18S4. i vol. 722 pages avec tables analytiques des tomes III
à VIII.
d'histoire kt de littérature 239
le troisième Napoléon ?» — Suit la pièce à l'appui, c'est une note au-
tographe du prince, ainsi conçu j : « Liste des banqueroutes qui ont eu
lieu en France dans le cours des dernières soixante-dix années :
i" Entre les aimées ijSç-ijpi : banqueroute de la réforme des abus...
et celle du programme d'une royauté constitutionnelle. — 2" Entre les
années i'jQi-i'jg4. Celle de la république une et indivisible et de la
Terreur. — 3° Entre les années 1795-1799- Celle de la république
directoriale. — 4" Entre les années 1799-1804. Celle de la république
consulaire. — 5° Entre les années 18,04-1814., banqueroute de l'em-
pire. — 6° Entre les années i8i4-i83o. Celle de la royauté légitime
restaurée. — 7° Entre les années 1830-1848. Celle de la royauté par-
lementaire. — 8" Entre les années 1848-1851 . Banqueroute de la répu-
blique modérée. » Cet arrêt doit nous apaiser un peu dans nos accès de
pessimisme national, car, au demeurant, la France n'est pas morte, et
paradoxe pour paradoxe, celui de sa vie a sur celui de sa mort l'avantage
de Tévidence. Voici, du reste, de quoi rabattre, par contre-coup, la con-
fiance de ceux qui, en France ou au dehors, altriouent, a priori, toutes
ces « banqueroutes » à la Révolution française et à la liberté. C'est
une neuvième banqueroute, qui, celle-là, n'e.-t impiitable ni à la Révo-
lution ni à la liberté, c'est la banqueroute de iMeuernich lui-même :
savez-vous à quoi il l'attribue? Lisez page 3oi, et méditez : « La diplo-
matie est le seul ressort sur lequel J'aie pu exercer quelque influence,
malgré la réputation que j'avais de tout gouverner dans un paj's oii
c'était précisément le gouvernement qui manquait. »! — Qu'entendait-
il, grand Dieu! par un gouvernement?
A. S.
CHRONIQUE
FRANCE. — M. P. Batiffol vient de publier une Note sur un Evangeliairc de
Saint-G ail, contribution à l'histoire deVItala (Champion. In-S", 8 p.).
— M. H. DE CuRZON a fait tirer à part une Notice sur l'église prieitrale de Saint-
Germain-des-Fossés (Allier), dont il fixe la date de la construction à la tin du
xi"= siècle- cette église, outre Tintérêt que présente ses difiérenies voûtes, a le mérite
d'être parfaitement une et intacte dans toutes ses parties.
— M. Jules Flammermont a fait paraître : i" une étude sur les jésuites et les par-
lements au xvme siècle (conférence faite cà Poitiers le 7 février i885 à la Ligue de
l'enseignement. Picard. In-S", 22 p.); 2° une brochure mmulct Des facilités de
travail assurées en Allemagne aux professeurs des universités de province (il suffit
d'en reproduire la conclusion : « Q.uand les professeurs des facultés de province
posséderont les facilités de travail dont jouissent les professeurs des universités alle-
mandes, quand ils auront comme eux cinq mois de vacances par an, quand les
grandes bibliothèques et les archives de Paris leur prêteront les livres, les manus-
240 REVUE CRITIQUE DHISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
crits, les registres et les documents dont ils auront besoin, alors seulement on aura
le droit de les accuser, s'ils ne produisent pas plus de travaux scientifiques qu'ils
ne le font aujourd'hui que le temps et les moyens de travail leur font absolument
défaut n) ; 3» Négociations secrètes de Louis X VI et du baron de Breteuil avec la cour
de Berlin, décembre ij gi-juillet iyg2, lettres et documents authentiques ; nous re-
viendrons probablement sur ce dernier ouvrage très utile à tous ceux qui étudient
l'histoire des origines de la première coalition.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du i3 mars i885.
L'Académie reçoit l'ampliation d'un décret du président de la République, portant
approbation de 'l'élection de M. de Mas Latrie à la place de membre libre laissée
vacante par la mort de M. Baudry. M. de Mas Latrie est introduit et prend place.
M. le Ministre de l'Instruction publique invite par lettres l'Académie à présenter
des candidats pour les chaires de philologie latine et de langues et littératures de
la Perse, actuellement vacantes au Collège de France. L'assemblée des professeurs du
Collège de France a présenté, pour la chaire^ d'éloquence latine, en première ligne,
M. Louis Havet, et et en seconde ligne, M. Emile Châtelain; pour la chaire de lan-
gues et littératures de la Perse, en première ligne, M. James Darmesteter, et, en
conde ligne, M. Clément Huart. La question est mise à l'ordre du jour de la pre-
chaine séance.
M. Ravaisson termine la seconde lecture de son mémoire sur VHercule ÈTTiTpa-
"Tzi'Ç'.O^ de Lvsippc. Puis il communique une notice sur un vase grec qui a fait par-
tie de la collection Campana et qui appartient aujourd'hui au musée du Louvre. Ce
vase est décoré de deux tableaux qui ont étc expliqués jusqu'à présent comme re-
présentant l'un la colère d'Achille, qu'Ulysse et Diomède s'etïbrcent de calmer, l'au-
tre la Mort et le Sommeil transportant le corps de Memnon. Selon M. Ravaisson,
Achille, dan., le premier de ces tableaux, est habillé en femme; dans le second,
c'est encore lui que portent le Sommeil et la Mort : il pense donc que le tableau
représente Achille à Scyros, au moment où, cédant aux exhortations d'Ulysse et de
Diomède, il va les suivre à Troie, et le second le même héros transporté, après sa
mort, au séjour éternel. Ces deux tableaux, dit-il, offrent un exemple frappant de la
pensée qu'il a souvent signalée comme présidant à la décoration des monuments
funéraires, et en particulier des vases qu'on déposait auprès des morts, celle de la
vertu héroïque récompensée par la félicité éternelle et couronnée par l'apothéose.
L'Académie se forme en comité secret.
Ouvrages présentés: — par M. Desjardins : Mariette (Auguste), Identification
des dieux d'Hérodote avec les dieux égyptiens l'extrait de la Revue archéologique) ;
— par M. Ravaisson: Uzielli, Ricerche intorno a Lionardo da Vinci, seconda série
(Rome, 1884) ; — par M. Bergaigne : Henry CVictor), Trente Stances du Bhdminî-
Vildsa, accompagnées de fragments du commentaire de Manirdma ; — par M. Sé-
nart : Colinet, la Théologie de la Bhagavad-Gîtâ; — par M. Bréal : Bréal (Mi-
chel) et Batlly (Anatole): Dictionnaire d'étymologie latine ; par M. Delisle: i" Cail-
LEMER, Lettres Je divers savants à l'abbé Cl. Nicaise; 2" Anonyme de Cordoue,
chronique rimée des derniers rois de Tolède, etc., publiée par le P. J. Tailhan.
Julien Havet.
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANGE
Séance du 4 mars 188 5.
PRÉSIDENCE DE M. L. COURAJOD
M. Léon Palustre adresse une note sur une inscription qui se lit sur un chapiteau
du xii« siècle dans l'église de ChâtilJon-sur-Indre et qui donne le nom d'un sculp-
teur inconnu jusqu'ici. Elle est ainsi conçue : Petrus Janitor capitellum istudfecit
primum.
M. l'abbé Thédenat fait circuler une inscription sur plaque de bronze, trouvée à
Rome et faisant partie de la collection de M. Dutuit. Ce bronze a été érigé en l'an
198 par le peuple des vici de la onzième Région en l'honneur deP. Septimus Géta,
récemment élevé à la dignité de César.
Le Secrétaire,
Signé : R. de Lasteyrie.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX^
Le Puv, imprimerie de Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
No 13 — 30 mars — 1885
Sommaire î 4Q. Reinisch, Travaux sur les langues africaines. — 5o. Bréai, et
Bailly, Dictionnaire étymologique latin. — 5i. Sumner Maine, Ktudes sur
l'ancien droit et la coutume primitive; J. Kohlur, Shakspeare devant le forum
de la jurispriidence; Post, Les fondements du droit. — Chronique. — Académie
des Inscriptions. — Société des Antiquaires de France.
49. — Quelques ttuvaux de M. Léo Eîetnîsclj sui- les Ir.Eîgucs africai-
nes :
1° Die Kunama Sprache in Nordost-Âfrika, Leip/ig, 1881.
2" Die Saliosprache, Vienne, 1878.
3» Die Sprache dcv Irob-Saho, in Abessinien, Vienne, 1878.
4" Dit' Bilin-Spraclie, in nord-ost Afrika,Vitnne, 1882.
5" Die Chamir sprache, in Abessinien, I et II, Vienne, 1884,
La philologie africaine doit à la plume féconde du célèbre égyptolo-
gue et voyageur M. Léo Reinisch, membre correspondant de TAcadé-
mie impériale de Vienne, une riche série de travaux remarquables qui
laissent loin derrière eux tout ce qui a paru jusque-là sur ce domaine
si peu accessible. Observateur scrupuleux et travailleur infatigable,
M. L. R, a profité de son séjour réitéré en Afrique pour recueillir de
nombreux documents dans les langues les plus diverses du Soudan égyp-
tien et de l'Abyssinie. Les œuvres grammaticales que M. R. a écrites
sur les langues soudaniennes me sont très imparfaitement connues; je
signalerai surtout une excellente grammaire barea et une grammaire
noûba qui conserve toute sa valeur, ù côté de la grammaire monumen-
tale de M. Lepsius. Les travaux énumérés ci-dessus se rapportent au
contraire à des idiomes qui se parlent dans des contrées contiguës à
l'Abyssinie, ou formant partie du royaume des Négous. Le premier de
ces cinq idiomes, le kounama, appartient d'après le jugement de M. R.
à la famille noûbâ ou nilotique; les quatre autres se rangent avec certi-
tude dans la famille qu'on est habitué à appeler chamitique, dont le
type le plus ancien, sinon le plus parfait, est l'égyptien des vieux mo-
numents pharaoniques, avec son descendant direct, le copte. De grandes
autorités, et M. R. en est sans conteste l'une des plus compétentes, opi-
nent pour la connexité primitive des langues chamitiques avec les lan-
gues sémitiques. Pendant longtemps, j'avais moi-même caressé cette
idée; les recherches ultérieures m'ont cependant obligé à y renoncer.
Je reparlerai plus loin de cette question importante. Pour le moment,
il suffit de savoir que tous les cinq idiomes dont M. R. nous donne
les grammaires étaient naguère fort peu connus et que l'auteur a
Nouvelle série. XIX. i3
2^2 HKVCi CKillv^L'K
bien mérité de la science de les avoir rendus accessibles à Tinvestigation
philologique.
Voici d'abord quelques observations succinctes sur ces peuples :
Les Kounarna sont appelés Bd:{d par les Tigré du Barka et Schan-
gallâ par les Abyssins. Ils habitent le plateau situé au nord des pro-
vinces abyssiniennes Adyabo et Walqaïth, des deux côtés du Mareb
ou Gasch. C'est la nation la plus cgalitaire du monde : il n'y a ni chefs
ni sujets. Le clan (lâga) laisse la commune dans l'indépendance la plus
absolue, et la commune ne connaît d'autre autorité que celle de l'assem-
blée que tout homme marié a le droit de convoquer. A cette occasion,
le débat est engagé par les membres les plus jeunes et terminé par les
vieillards qui imposent leur décision par la seule menace de maudire le
récalcitrant. Cette absence totale de gouvernement convient très bien
au caractère paisible des Kounama, qui sont de bons agriculteurs mais
dépourvus de tout sentiment d'intérêt commun. Aussi sont-ils conti-
nuellement les victimes des gouvernements égyptien et abyssinien, qui
font des razzia annuelles dans le pays afin de lever le tribut et d'y faire
des esclaves. Les idées religieuses des Kounama sont des plus maigres :
elles se bornent à la croyance vague d'un séjour des morts et à la
croyance à la puissance du Maître de la pluie [àula manna], sorte de ma
gicien dont la fonction consiste à faire descendre du ciel une pluie abon-
dante pour les récoltes et qui est impitoyablement massacré s'il échoue.
L'idée de Dieu y existe à peine et le mot pour « Dieu 5) (anna) semble
emprunté à l'arabe allah. La vie de famille est assez relâchée, le kou-
nama étant peu porté à la jalousie; les enfants légitimes ou non, appar-
tiennent à la commune et le droit des successions est du côté maternel.
La race est d'ailleurs assez laide; le type nègre prédomine surtout chez
les Dika, voisins de l'Abyssinie. La plus belle création du peuple kou-
nama est sa langue, une des plus harmonieuses du monde. Pendant
mon séjour à Tendere, en pays kounama, et ayant encore les oreilles
toutes pleines des sons rauques et gutturaux des idiomes abyssiniens,
la langue de ce peuple faisait sur moi l'effet d'une musique délicieuse
et je ne pouvais m'en rassasier. Malheureusement je ne me suis arrêté
chez lui que peu de jours et les quelques notes que j'y ai prises ont été
publiées dans une Revue peu répandue et sont par conséquent demeu-
rées inconnues à M. Reinisch.
Les habitudes si foncièrement sédentaires et agricoles des Kounama
ont fait suggérer l'idée que ce peuple a été rejeté malgré lui sur le pla-
teau aride qu'il habite actuellement et qui convient plus à la vie de
pasteur qu'à l'agriculture. Le fait que plusieurs mots kounama, parmi
lesquels quelques-uns relatifs à l'agriculture et à l'organisation commu-
nales sont empruntés à l'agau de Lasta, semble confirmer une rumeur
assez vague recueillie par IMunzinger, suivant laquelle les Kounama
auraient primitivement habité l'intérieur de l'Abyssinie et auraient été
les Axumitains présémitiques. En attendant sa publication sur la con-
d'histoire Kl DE LITTÉRATURE 243
nexion du kounama avec le noûbâ, je prends la liberté de soumettre au
savant auteur certaines considérations qui me semblent témoigner en
faveur d'une parenté très intime entre le kounama et les langues cha-
mitiques.
Des cinq numéraux fondamentaux du système quinaire des Kou-
nama, trois sont d'une clarté parfaite : élla « un » signifie « pointe »;
bdre « deux », est « répétition » ; kûssume « cinq » est la contraction de
konsii-me, mot à mot « main ou doigts indiquant » (p. 78-9). Ce sont
donc des mots indigènes; or, ces termes non seulement reviennent dans
les numéraux chamitiques, mais ils servent même à les expliquer. Ainsi,
en saho, kôn « cinq » est tout à fait identique au mot correspondant du
kounama ; elel « premier » reçoit son explication par le kounama elle
« un »•, bahâr « huit w semble n'être qu'une forme développée de k.
bare « deux » en sous-entendant le nombre 4, Il y a plus, le saho adôh
« trois » est plus usé que le kounama saddé, ayant perdu le s initial,
ainsi que le prouve le numéral sa^-:{am « trente », contracté de sad-tam
a trois-dix ». En un mot, la parenté entre les noms de nombre kounama
et saho est hors de doute, n'est-ce pas une preuve que ces deux peuples
sont rattachés l'un à l'autre par un lien plus étroit que celui d'un simple
voisinage?
Ce sentiment est encore corroboré par des comparaisons grammati-
cales d'un caractère plus intime. Ainsi, la désinence du cas objectif 5f
est commune au kounama et à l'agaou ; le verbe koumana da « dire,
faire » explique la désinence causative d du bilîn; la postposition locale
kounama là se rapproche visiblement de la postposition agaou li « avec ».
Je pourrais augmenter considérablement le nombre de ces rapproche-
ments, mais ceux qui précèdent suffisent peur indiquer la nature des
énigmes auxquelles l'origine des Kounama donne lieu.
Le peuple saho, composé de sept tribus principales, ayant chacune
plusieurs subdivisions, est beaucoup plus connu, à cause de la région
maritime qu'il habite et qui est située presque en face de l'île de Mas-
soua. Son origine n'a non plus rien d'obscur, car il appartient sans au-
cun doute possible à la nation des Dankali ou Danâkil, nation qui dans
la haute antiquité a été étroitement unie aux Galla du sud de l'Abyssi-
nie. C'est, à ce que je crois, la race autochtone du littoral abyssinien.
On est tout d'abord tenté de supposer que la séparation entre les Saho
et les Danâkil a été effectuée par l'invasion des Sémites. Ceux-ci, ayant
poussé les Saho vers le nord, auraient occupé le territoire intermé-
diaire et auraient rendu désormais impossible la jonction des tribus
détachées à leurs congénères méridionaux. La grande affinité qui existe
encore aujourd'hui entre les langues des deux branches de la nation
Dankali, milite cependant en faveur de la tradition populaire qui place
l'immigration des Saho à quatorze générations avant l'époque actuelle.
Ajoutons en passant, que l'arrivée des Abyssins sémitiques en Afrique ne
date pas de très loin, Plusieurs indices conduisent à ce résultat. Aaoulis,
244 RKVUK CRITiQL'E
la plus ancienne fondation sémitique sur la côte africaine (du gucez dajpal
« contrée », pi. adiudlj, n'est pas connue de Strabon, et la fable elle-
même qui fait fonder Adoulis par des esclaves échappes à la servitude
et qui repose sur une étymologie grecque (à- oouXsi'a), ne la fait remonter
qu'à Pépoque ptolémaïque. Cette considération seule suffit déjà pour
nous rendre méHant à Tégard des identifications que certains égyptolo-
gues ont proposées pour les noms de lieu du littoral érythréen mention-
nés dans les monuments de Toutmcs III et des Ramessides, monuments
dans lesquels ils croient trouver les noms d'Adoulis et d'Axum !
Les Irob, divisés en deux grandes familles, habitent le versant sud-
ouest de la province de Hamasien, en Abyssinie. Ils sont chrétiens,
parlent un dialecte du saho et prétendent tirer leur origine de négociants
romains, d'où, disent-ils, leur nom /roè (=/ro?n). Il paraît plus pro-
bable que cette dénomination ne soit qu'une variante du nom national
des Galla, oroma, qui signifie « hommes ». Ils jouissent d'une indé-
pendance complète vis-à-vis de l'Abyssinie, et la seule obligation que
le chef fraddntej des Irob doit accomplir envers le Negous consiste à
lui envoyer annuellement à titre d'hommage une vache grasse et un
pot de miel.
Sous le nom de Bilîn, Fauteur désigne les tribus de race agaou qui
habitent le pays de Bogos, plateau montagneux arrosé par l'Anseba et
situé au nord de la province abyssinienne, Dembélas. L'émigration
partit de l'intérieur de l'Abyssinie sous la conduite d'un chef nommé
Gebre-Ther^ê, originaire du Lasta. Les Bilîn comptent quatorze géné-
rations depuis Gebrc-Ther^é. Les autres Agaou, qui paraissent avoir
formé la population principale de TAbyssinie avant l'arrivée des Sémites,
se donnent eux-mêmes le nom de Kham ou Khamir, surtout dans la
Lasta et le Wâg.
Voilà les peuples sur les langues desquels M. R. donne les renseigne-
ments les plus complets. La difficulté d'une entreprise aussi vaste n'a pas
besoin d'être relevée, mais elle ne pourra être appréciée à sa juste valeur
que par ceux qui ont eux-mêmes fait des tentatives analogues. Pendant
mon séjour au Bogos et en Abyssinie, la transcription exacte des mots
agaou me causait une peine extraordinaire, à tel point que j'ai fini par
prendre cette langue en grippe et à ne me servir dans mes relations avec
les Falascha, que de la langue amharique. Aussi ai-je du me borner à
des notices rapides et très imparfaites". Toutes ces lacunes sont heureu-
sement comblées par les études de M. Reinisch. Les critiques les plus
difficiles y trouveront à peine quelque vétille à reprendre. Pour ne pas
oublier entièrement le métier, je ferai les observations suivantes sur le
mode de transcription adopté par le savant auteur.
Si l'on fait abstraction des textes Kounama, M. R. choisit pour tous
les autres textes la transcription éthiopienne, en parlant de cette hypo-
I. Essai sur la langue agaou, le dialecte des Falacha. Paris, 187?.
d'mISîOJHË Kl DK LITTi-^RATtJRE 245
thèse que les langues saho et agaou appartiennent à la famille sé-
mitique. Il aurait été plus simple de prendre pour base la trans-
cription latine seule, qui rendait inutile le soulignement des voyelles
(5., p. J4-i5)qui agace la vue et complique la phonologie, surtout
a propos de la prononciation du schewa mobile [B., p. 18-19). ^c ca-
ractère guëëz ne sera d'ailleurs jamais accepté par les Saho et les Bilîn,
qui sont musulmans. Quant aux Chamir, qui sont chrétiens, si jamais ils
voulaient créer une littérature nationale, ils ne pourraient se servir de
l'alphabet éthiopien qu'après lui avoir fait subir de nombreuses moditi-
cations. Les Irob-Saho seuls, également chrétiens, peuvent s'en servir
tel quel, à cause de la simplicité relative de leur langue; mais pour
TEuropéen, la référence constante àPorthographe éthiopienne est des plus
fatigantes et s'exécute au plus grand détriment de l'étymologie.
Passons eniin à signaler certaines particularités de ces langues.
Les pronoms personnels kounama ont trois nombres : singulier, duel
et pluriel ; le duel se distingue du pluriel par la longueur des voyelles.
Ainsi : a « mon «, e « ton » i « son »; âme <c nous, nos deux », ême
« vous, vos deux », îme « eux, leurs deux » ; âme « nous, notre, nos )>,
éme « vous, votre, vos », ime « eux, leur, leurs ». — Les suffixes rela-
tifs-?7Z<^ et -j'â, reviennent en saho sous une forme presque identique :
-m ou -mi et j^d. — Le suffixe de Taoriste, ke, rappelle le préfixe
haoussa du parfait, A"a, — La formation d'un nom verbal par la termi-
naison a est aussi usitée en saho. en agaou et en haoussa. — Une forme
remarquable est le suffixe de privation, -itta, qui coïncide avec le pré-
fixe négatif égyptien at. — Au suffixe négatif du ïutur -uni, on compare
avec vraisemblance le préfixe galla en; celui de Taoriste, -mmi, a toute
chance d'être le même que le préfixe saho, jua. — La particule énde
« comme » est empruntée à l'amharique. — Les curieuses formules de
serment : eb-i-a « apud ejus(scil. patris mei) penem! » et dendir (ou
sin] -i-a-lâ « apud ejus (scil. matris meae) vulvam ! » est l'écho d'un
usage qui était aussi connu des Hébreux (Genèse, xxiv, 2). — Le dicton
« Répands les réaux par terre, car de nouveaux réaux y apparaîtront
{riyâne-si Idga-ta ut uni, Kûla-lâ riydnai tâmmdi agunk' o-ld-na-md)
réfléchit notre adage populaire : « L'argent attire l'argent » qui a été si
bien exploité par la toute récente sorcière de Villepoint.
J'ai déjà parlé plus haut des nonTs de nombre saho. Le préfixe m qui
forme les ordinaux de 2-5 est sans doute identique au relatif postpositif
m; son équivalent yâ forme les autres ordinaux sans changer de place;
sarâ 1 second » signifie au propre « (celui de) derrière ». — Le pronom
indéfini;^/// « l'un » explique le numéral agaou /a «un », dont la forme
pleine wdl apparaît dans wâl-ta « six », au propre « un et (cinq) ». —
La division des verbes en deux classes selon que leurs désinences de déri-
vation sont des préfixes ou des suffixes est aussi le trait caractéristique
des langues bedja et agaou. Le galla et le haoussa préfèrent les formes
postpositives, tandis que les langues du nord, l'égyptien et le berbère.
246 RËVUK CKITIQUK
n'ont que des préformantes. Ces désinences sont presque les mêmes
dans toutes ces langues : s, sJi marque le causatif, t, le réfléchi ; ;72, jî le
passif, et elles peuvent encore se combiner l'une avec l'autre pour for-
mer des voix verbales analogues aux formes sémitiques ishtaf'al et
tanfa'al. Tous les idiomes chamitiques possèdent en outre une voix
énergique, formée par le redoublement d'une ou de deux lettres de la
racine, comme le piél ou pilpél des langues sémitiques. — Ce qui frappe
dans lesaho, c'est le grand nombre de racines verbales, pour la plupart
monosyllabiques, qui expriment l'idée d'existence et de devenir ; ainsi
rt, ne, ki signifient « être », // « avoir », ke « devenir ». Le dernier de
ces verbes paraît se cacher dans la désinence de l'aoriste kounama dont
j'ai parlé précédemment. — Au verbe auxiliaire négatif jvay a man-
quer, ne pas trouver » on est tenté de comparer la négation haoussa
ba-baet Pégyptien^zf; l'auxiliaire du potientiel digh^righ, szmhlQ ne pas
différer de dag^ lag « savoir », en agaou, areq. — Le suffixe individua-
lisant des noms saho, ta^ to doit être identifié avec le suffixe indéfini ti
« un » mentionné ci-dessus; !e numéral galla tôko « un » consiste peut-
être en cette racine, augmentée d'un suffixe. — Le saho, comme toutes
les autres langues chamitiques, possède une sorte de pluriel brisé, mais
la faculté d'indiquer le pluriel par le préfixe a (a-lah « chèvres » de
lah; a-riih « esprits » de ruh) lui est particulière.
A propos des idiomes agaou, il est curieux de voir que le bilîn est
beaucoup plus intact que Tidiome de la majorité de la race, le khamir.
C'est un phénomène parallèle à la corruption du guëëz en A'oyssinie et
à sa conservation relative chez les Tigré nomades du Mensa. En fait de
phonétique, il importe de signaler que le khamir n'emploie pas les
sons aleph eVain que possède le bilîn, l^ait d'où il ressort que ces sons
ont été empruntés aux idiomes simitiques. La même conclusion doit
être tirée au sujet des sons thet, çade, chade employée en khamîr et que
le bilîn transforme enty et sch. Remarquons en passant que M. R.
traite de la phonologie agaou avec un soin des plus consciencieux :
celle du bilîn occupe dix pages; celle du khamir trente-six; cette
dernière, à cause de son extrême complication et difficulté, résume
un travail considérable et mérite notre reconnaissance spéciale. Non
moins méritoire est le traitement aussi minutieux que méthodique du
verbe agaou dans les deux dialectes: M. R. a su introduire dans cette
partie du discours si compliquée toute la lumière désirable. Parmi tant
de singularités que présente ce verbe agaou, la plus étrange est l'emprunt
de la négation éthiopico-amharique al, ala (| 65) et des suffixes régimes
tigré : -le, il le « à moi, me », kâ, -ilkâ « à toi, te, », -kî ilkî « à toi, te
fém. », -lu, illû « à lui, le », -là, -illâ « à elle, la », -na, ilnâ «^ à nous,
nous », -kiim, -ilkum « à vous, vous », -lom, -illom « à eux, eux v,
-/en, -illen « à elles, elles » (§ 76). C'est là un exemple frappant du
passage de flexions sémitiques dans les langues africaines, car je ne
pense pas qu'on puisse soutenir avec quelque vraisemblance que ces
D'iJiSTOIRE ET DE MT'IKI'.VÎIIRE 247
désinences soient primitives en bilîn; et la circonstance qu'elles font
défaut au khamîr montre bien que l'emprunt est très récent. L'em-
prunt par les Sémites de particules africaines parait aussi être un fait;
de ce nombre je me contenterai de citer les désinences d'abstraction
nat, «a en guëëz qui semblent venir de l'agaou. Devant des phénomènes
de cette nature, on arrive à se demander si les formatives personnelles du
verbe chamitique, presque identiques à celles du verbe sémitique, ne
viennent pas de cette dernière source, ou tout au moins d'une source
commune et préhistorique. Mais, la supposition que les idiomes des
Chamites forment une subdivision des langues sémitiques, n'est accepta-
ble qu^à la condition qu^on puisse prouver que, en dehors de ces parti-
cules, il y ait encore un grand nombre d'autres racines communes, ou
réductibles à des types communs; or, jusqu'à ce jour, le lien linguis-
tique entre les racines chamitiques et les racines sémitiques, non seule-
ment est introuvable, mais ces racines semblent séparées par des traits
caractéristiques les plus opposés : bilittéralité d'une part, trilittéralité
de l'autre. Du reste, plus on étudie les langues chamitiques, plus on
s'aperçoit qu'elles reposent sur une base différente de celle du génie sé-
mitique. Ainsi les formatives des voix verbales chamitiques sont de vraies
racines employées dans plusieurs de ces langues :
i) Formative réfléchie /, de ta « être ensemble » : k. te « et, avec »,
b. di « avec », ta (dans jval-ta, etc.).
2) Formative causaîive 5, ag. is ch, kham. is « faire. »
3) Formative passive n, s. ne « être. »
Peut-on expliquer de la même manière les formatives sémitiques
homophones du hitpaël, du saphel et du niphal? Personne n'osera l'en-
treprendre dans l'état actuel de nos connaissances sémitologiques'. C'est
assez dire combien la question relative à la parenté des deux familles
linguistiques dont il s'agit commande encore de la réserve et de la mé-
ditation.
Il ne me reste qu'à remercier iM. R. des nouveaux horizons qu'il
vient d'ouvrir à la philologie africaine. Ses grammaires, qu'il a su
rendre pratiques et presque attrayantes par des vocabulaires et des
textes originaux, seront désormais les guides indispensables de tous ceux
qui voudront connaître à fond cette mystérieuses race chamitique " qui
a créé le sphinx et érigé les pyramides. C'est là un progrès immense qui
se place dignement à côté des plus belles conquêtes de la linguistique
moderne et nous en félicitons de grand cœur M. Léo Reinisch.
J. Halkvy.
1. Je compte traiter prochainement la quesiion relative aux pronoms sémito-
chamitiques.
2. Les travaux de M. R. serviront encore, peut-être, à un autre genre d'études au~
quelle savant auteur n'a certainement pas pense'. Je veux parier des études accadien-
nesou sumériennes. Il est probable que quelques accadistes, en quête de comparaisons
philologiques pour le soi-disant idiome de la Babylonie présémitique, trouveront
248 REVUE CRITIQUE
3o. — Dictioiinstirc et vonologiqiie intiii, par Michel Bréai,, professeur au
collège de France, et Anatole Baii.ly, professeur au lyciie d'Orléans. Paris,
Hachette, i885, in-8, vin-463 pp.
Le grand mérite de ce Dictionnaire étymologique — on pourrait bien
ajouter : et historique, — c'est qu'il détermine avec précision le sens
primitif des mots, ainsi que les images et les métaphores auxquelles le
langage a eu recours. Cette connaissance des origines et des usages per-
met à l'humaniste de fixer la signification exacte d'expressions comme
argutum caput, hostem affare superbum, laetas segetes, récidiva Per-
gama, spoute mea, rappelées dans la préface, ou d'autres mots étudiés
à leur rang, tels que aptus, arbitcr, coliis clementer assurgens, conside-
rare, igitiir, interpres, paenitet, praviis, propitiiis, ratio, seduhis,
splendida bilis, etc Quand le Portique et l'École cie Chrysippe (grex
Chrysippi) décernent un brevet de folie à certaines catégories d'indivi-
dus — insanum autumat {Hor., Sat. II, 3, 43), — on comprend, par
l'étymologie, la force de ce verbe emprunté à la langue sacerdotale.
L'étymologie réveille dans les mots abstraits des miages éteintes : per-
contari nous otïre celle d'un coup de sonde; sollers désigne un artiste
consommé qui possède à fond tout son art (soins, solidus) ; l'attelage de
Neptune (curruque volans dat lora secundo] apparaît dans son mouve-
ment rapide qui suit (sequiturj l'impulsion communiquée par le maître.
Mille autres idées sensibles pourront être évoquées de la sorte, avec des
mots comme examen, praerogativa, reciprocus, respondeo, scrupulus,
sublimis, subtilis, supplex, sincerus (sine cera), temeritas (la confiance
aveugle, cf. tenebrae], vindex,
Nec deus intersit nisi dignus vindice nodus...
Qu'il nous soit permis maintenant d'exprimer quelques critiques.
L'ouvrage, nous disent les auteurs, s'adresse particulièrement aux pro-
fesseurs. Les maîtres de la jeunesse profiteront, sans aucun doute, d'une
foule de notions linguistiques et grammaticales très heureusement ré-
sumées, comme Test, à la page 98^ la théorie du rhotacisme, ou bien, à
l'article dare, la classification des composés de ce verbe, distingués soi-
gneusement d'après leur double origine '. Nous serons encore très heu-
reux de trouver de nombreux renvois à une grande quantité de mo-
nographies et d'études spéciales, aux Mémoires de la Société de
linguistique notamrnent '-. Mais, d'autre part, certaines explications
un beau jour que les Accadiens ou Sumériens étaient des Kounama, des Saho ou
des Agaou, au lieu d'être des Turcs, des Mongols ou des Finnois, comme ils l'ont
cru jusqu'aujourd'hui. Tandis que la théorie touranicnne a été construite sur la com-
paraison de seize mots, la nouvelle théorie chamiJque aura pour elle l'autorité de
plusieurs dizaines qui se présen;eront à la première réquisition. Je nj'étonne qu'une
semblable bonne fortune n'ait encore tenté personne. '
1. Sujet de la thèse lat:ne de M. J. Darmesteter.
2. D'autres références étaient désirabies : au mot incoluve ou inchuave, l'étymo-
logie mentionnée par les grammairiens anciens (voir Forcellini); aux mots septen-
D'HISTOrRii; ET DE LITTERATURE 249
sont si concises que l'intelligence de quelques passages en devient diffi-
cile. L'article sur lympha est obscur ; l'étymologie de littera (du grec
o'.cOéoa) est incompréhensible à qui n'a pas présente à l'esprit la séance
de l'Académie des Inscriptions du 9 mai 1884; or cette référence, ni
aucune autre, n'est indiquée dans le Dictionnaire à propos de ce rap-
prochement entre littera et oisOépx. Même observation pour l'hypothèse
si curieuse relative à l'origine du mot praevaricator ; on ne comprendra
cette conjecture que si on a lu une certaine page des Annales de la Fa-
culté de Bordeaux.
Ce qui frappe, en second lieu, c'est le nombre relativement considé-
rable des mots qui restent sans explication, c'est-à-dire dont l'origine
n'est point mentionnée. Sans doute l'état de la science et la prudence
de MM. Bréal et Bailly justitient ces réserves. Les deux auteurs se sont
dit peut-être que si tout le corps enseignant s'assimilait déjà ce que
renferme leur volume, un progrès important serait accompli. Ont-ils
craint que certains d'entre nous ne fussent attirés plutôt par les hypo-
thèses et les rapprochements séduisants, et se dispensassent d'enseigner
le certain et le nécessaire pour n'apprendre que les choses douteuses"^
Nous pensons toutefois que MM. Bréal et Bailly ont dû s'imposer assez
souvent des sacrifices pénibles, et ce qui le prouve, c'est qu'en plus d'un
endroit ils ne se sont point interdit de simples conjectures (imago et
aemulus.Jebris et febriiarius, facetus et la racine ça, fortis et hortari,
cohors QX. hortiis; ira, la colère, et hira, le boyau; vultus et volo ; les
Messapiens et aqiia ; costae ctsino; suus et siiesco; miles et mille-, Nep-
tunus et nebula.vectigal et veho). Alors Tpo\iï<\\ioi passer sous silence
d'autres hypothèses tout aussi plausibles sur des mots comme aeger,
amphora, Jistiila, mare, tribus, crinis, postis, torus. tristis... ? Tacitt
parle {Hist., II, 42) des Othoniens qui s'avancent catervis et ciineis.
On aimerait à apprendre dans le Dictionnaire étymologique, malgré les
réserves que Tun des deux auteurs a pu faire à ce sujet (Mém. de la
Soc. de linguistique, III, 409) que caterva pourrait bien être dérivé de
quattiior, et qu'il s'agit ici, à proprement parler, d'une formation en
bataillons carrés, analogue à ïagmen quadratum K
Quelques hésitations sont également visibles dans le groupement des
mots : un article unique aurait dû, ce nous semble, réunir sous la même
rubrique, et avec toute la série de leurs dérivés, si nombreux qu'ils puis-
sent être, judex et jubeo ; firmus^Jretus et frenum (et peut-être forma);
tranquillus et liquidus; lino et obliviscor ; aptus et amentum ; pilum er
pistor; confestirn, festinus et manijestus ; cor et credo; abdomen et
abdo; limen, sublimis tlobliquiis; dorsiim ei prosa oratio. On eût aimé
iriones, tero ou Stella^ les savantes dissertations de Varron, de Max Mûiler et de
M. G. Paris {le Petit Poucet et la Grande Ourse). Lire aussi un important article
des Studien de Curtius, qui ouvre bien des horizons, de produciione syllabarivu
suppletiora Ungiiae latinae.
I. On a proposé de même d'expliquer par le nombre quatre le français caserne
230 REVUf CRITIQUK
à parcourir tout d'une traite les dérivés de sino (astus, crista, exta,
instar, juxta, praesto). Du reste, la méthode du groupement est rigou-
goureusement appliquée dans d'autres articles du dictionnaire : c'est
ainsi que se trouvent réunis sous le même chef iter, indutiae^praetor,
seditio, subitus ; ebrius et sobriiis; amictus et jacio; ciincti, cunctator,
conjux, jumeiitiim et qiiadriga, marchant sous leur chef de û\eJungo;
decrepitus et crepo; sunio et emo; detrimentum et tero; sodalîs et
edo J'en passe et des meilleurs. On les trouvera, soit à leur rang
alphabétique, dans le corps du Dictionnaire, soit à l'Index qui renferme
1 124 mots qu'on ne devra pas chercher au rang alphabétique dans le
Dictionnaire lui-même. Un second Index, composé de 674 mots grecs,
n'est point non plus à dédaigner : -/CO'.irrj-:Y;p'.ov renverra au mot sepelire
et à la séduisante étymologie proposée par M. J. Darmesteter. Je re-
grette l'absence d'àviv-/.-/] qui eût été bien à sa place à côté de angulus et
de angor.
Et maintenant faisons des vœux pour qu'une seconde édition nous
donne bientôt ce précieux ouvrage à tout le moins augmenté du
double '.
Léonce Person.
I. La destination scolaire du Dictionnaire étymologique nous engage à exprimer
encore un autre désir. Ce livre sera lu, extrait, invoqué par de jeunes professeurs
qui n'auront pas tous étudié les méthodes de la linguistique, et qui pourront n'être
pas en état de discerner toujours le certain, le probable, le possible. La seconde édi-
tion leur rendrait plus de services encore, si l'épuration des matériaux y était plus
rigoureuse, l'exposition des principes plus appuyée, le choix des hypothèses plus
sévère. Au lieu de mettre à l'article Qitatuor : « L'orthographe qiiattuor est an-
cienne », ne serait-il pas plus net de faire de Quattuor la tête d'article et d'écrire :
« L'orthographe par un seul t est fautive? » La dissertation sur le changement d's
en r entre deux voyelles (ait. Flos) est un morceau remarquable de quatre-vingts
lignes, capable non seulement de bien renseigner le lecteur sur un point spécial,
mais aussi de faire concevoir clairement l'ampleur et la précision des lois phonéti-
ques, et d'initier de jeunes esprits à l'intelligence de la vie du langage : combien ce
morceau gagnerait à la suppression de deux petites phrases sur le rhotacisme sup-
posé de Carmen pour casinen ou de majores pour majonses! A supposer, ce qui est
douteux, qu'il y ait jamais eu un casmen et un majonses, ces formes n'auraient, en
tout cas, rien à démêler avec le rhotacisme entre voyelles. Costae est expliqué par
con-sitae très ingénieusement, mais avec un judicieux « peut-être ». Nous préfére-
rions ou bien une indication expresse de la difficulté (consitae aurait dû avoir l'o
long, tandis que costa a l'o bref), ou bien le sacrifice de cette jolie hypothèse. —
[Réd.]
d'histoirk et de littérature 25 I
5j_ [_ Etudes 8UI' l'ancien di-olt et la coutume primitive, par sir Henry
SuMNER Maine. Traduit de l'anglais avec l'autorisation de l'auteur. Paris, Thorin,
1884, 1 vol. in-8.
II. ShaUespeai'e voi- den» Forum <ier Jurisprudensr: von D' Jos.
KoHLER. Wûrzburg, 1884. i vol. in-8. (2 livraisons et i supplément).
lîl. Bausteîne f<ïr eîue allgemeîno ReclitsA^'iseenncliart auf
-verf^leiciiend-etlinologisclier Basis von Dr. Alb. Herm Post, t. Il, Olden-
burg, 18S1, I vol. in-8.
Die Cii-undlagen des rteclits und dîe d-undy.û^ie seinei- Entwiclte-
lungBgescliiclite von Alb. Herm. Post, Oldenburg, 1884, i vol. in-8.
I. Sir Henry Sumner Maine. Etudes sur l'ancien droit. — Le nou-
vel ouvrage de Téminent jurisconsulte et philosophe anglais sera lu avec
le même intérêt que les précédents. L'auteur s'y montre comme tou-
jours profond, ingénieux, sagace. Je lui adresserai toutefois des critiques
plus graves et plus nombreuses que précédemment. Il n'est pas possible
de laisser passer sans protestation certaines assertions ou certains aper-
çus qui pourraient compromettre aux yeux des esprits prévenus une
science toujours suspecte à quelques savants timorés, bien que déjà en
pleine floraison.
Le plan de l'ouvrage est peut-être un peu flottant : toutefois Tidée
inspiratrice s'en dégage facilement. Cette idée, encore contestée en
France, bien que nos anciens l'aient déjà mise en lumière, je me plais
à la redire, à la formuler encore une fois : les diversités sociales et juri-
diques des peuples couvrent une profonde et merveilleuse unité. Le
droit ressemble à un immense enchevêtrement de rameaux touffus issus
d'un tronc unique.
L'Inde ancienne et, pour certains rapprochements, Tlnde moderne,
l'Angleterre et la France au moyen âge, enfin les pays slaves contem-
porains, tels sont les temps et les lieux à travers lesquels sir Henry
Sumner Maine nous promène aujourd'hui. Grand voyage assurément,
bien qu'il ne représente qu'une petite partie du trajet qu'autorise la
méthode comparative universelle de sir Henry Sumner Maine.
Je ne puis analyser tous les chapitres de l'ouvrage : j'indiquerai seule-
ment les sujets traités : les lois sacrées de l'Inde (exposé fort utile, avec
quelques indications bibliographiques précises) ; la religion et le droit
(je signalerai ici notamment les vues de l'auteur sur la conception suc-
cessive des purgatoires indiens); le culte des ancêtres; la succession au
trône et la Loi Salique; la royauté primitive et l'administration de la
justice civile; les théories de la société primitive (l'auteur défend son
système de formation patriarcale contre les théories différentes de Mac
Lennan et de Morgan); les communautés domestiques de l'Europe
orientale ; la décadence de la propriété féodale en France en Angle-
terre; classification des biens; classification des règles légales.
J'ai indiqué en peu de mots la haute valeur de cet ouvrage ; il me
faudra nécessairement un peu plus de place pour quelques critiques de
détail :
252 REVUE CRITIQUE
— Le ch. IV, Le culte des ancêtres et l'hérédité, contient quelques pa-
ges très importantes sur Tadoption dans Tlnde, à Rome et à Athènes.
L'auteur, après avoir fait observer que l'adoption au sens technique du
mot n'existe pas en Angleterre (p. i33), ajoute : « Mais dans le Code
« civil français et dans les autres codes du continent fondés sur ces
« principes, l'adoption survit en tant qu'institution légale Notre fa-
« miliarité avec l'adoption pendant une si longue période historique
« nous aveugle sur ce fait qu'elle est au nombre des fictions les plus
« excessives. » Ces observations supposent la continuité du régime de
l'adoption dans le droit français; or l'adoption, très rare pendant le
moyen âge français, était tombée en désuétude dans les derniers siècles
de l'ancien régime. Elle a été créée de toutes pièces et artificiellement
pendant la période révolutionnaire : nous l'avons empruntée au droit
romain et au droit prussien qui avait lui-même reçu avec quelque ar-
rangement l'adoption romaine. Il ne faut donc pas parler de notre
a familiarité avec l'adoption pendant une longue période historique ».
— A la p. 144, Sir H. S. M. combat l'opinion de ceux qui croient
apercevoir dans un usage grec que Je vais rappeler à l'instant un souve-
nir des temps éloignés où les peuples ne comptaient la parenté que par
les femmes. Voici l'usage en question : à Athènes, un frère et une sœur
de père pouvaient se marier entre eux. Issus de la même mère, ils ne
pouvaient contracter mariage ^ Je crois toujours entrevoir ici une sur-
vivance de l'antique parenté par les femmes. Pourquoi sir H. S. M.
ne consent-il pas à l'y apercevoir? Parce qu'il croit que le mariage était
prohibé seulement entre frère et sœur utérins au sens moderne, c'est-
à-dire issus de la même mère, mais de pères différents : une sœur utérine
n'ayant pas de droits sur les biens du père de son frère, un pareil mariage
eût été, pense-t-il, sans but, car le but du mariage entre frère et sœur est
d'épargner au frère la charge de doter sa sœur sur les biens paternels.
— Ce raisonnement de sir H. S. M. tombe, car la loi athénienne in-
terdit le mariage entre frère et sœur issus du même père, dès lors qu'ils
sont issus de la même mère : entre frère et sœur issus du même père le
but pratique en question existe incontestablement. Cependant le ma-
riage est interdit; il faut donc chercher ailleurs une explication. Et ici
la théorie que combat sir H. S. M. se présente assez naturellement. Un
passage de Manou (xi, 58) donne une grande force à cette théorie.
— Le ch. V, La succession au trône et la Loi Salique soulève de gra-
ves objections. Sir H. S. M. y examine les prétentions d'Edouard III à
la couronne de France : on sait que ce prince prétendait à la couronne
de France du chef de sa mère et que Philippe de Valois son adversaire
soutenait que les femmes n'héritant pas de la couronne de France ne
I. Cf. Caillcmer, Le droit de succession légitime à Athènes, p. 37; Cornélius
Nepos, De vita excel. imperat., prtrfatio. Sir H. Sumner Maine parle expressé-
ment des Athéniens et ne fait pas intervenir Sparte, ce qui compliquerait la ques-
tion.
d'histoire Kl DK LITTÉRATURK 253
pouvaient transmettre le moindre droit à cette couronne. Sir H. S. M.
estime que les prétentions d'Edouard III se présentèrent aux contem-
porains sous un jour moins défavorable que nous ne le supposons et
qu'elles eurent quelque chose de plausible parce que les esprits en
France et en Angleterre ne devaient pas être absolument étrangers à
une notion juridique formellement inscrite dans la législation hindoue
et qui, pour Tlnde, se peut formuler ainsi : « Malgré la préférence accor-
dée aux héritiers mâles, la famille peut se continuer par une fille lorsque
« les fils font défaut. » En ce cas, le vieux droit hindou exige que la fille
<( soit désignée et chargée de donner un fils à son père. Transportons ces
notions hindoues dans le moyen âge français et nous nous apercevrons
que ce fils donné par la fille à son. père, c'est précisément Edouard III.
Ainsi une vieille idée populaire qui s'est épanouie dans l'Inde aurait été
charriée jusqu'au moyen âge par les races germaniques et se révélerait
à nous par les débats célèbres d'où est née la guerre de Cent ans.
Ce rapprochement me paraît, je l'avoue, tout à' fait arbitraire. A quoi
bon aller chercher l'Inde et creuser à de telles profondeurs, lorsque,
d'une part, tous les intermédiaires font défaut et qu'on a d'ailleurs sous
la main l'explication la plus naturelle, une explication qui, pour ainsi
dire, s'impose d'elle-même? Le levier juridique d'Edouard III \ c'est
tout simplement le droit romain de Justinien. Le droit romain, à cette
époque, est en progrès : il bat en brèche les institutions coutumières et
françaises. Pourquoi ne servirait-il pas les intérêts du roi d'Angleterre?
Quant au vieux droit hindou, il n'a rien à faire ici. Les 40 pages con-
sacrées à ce rapprochement me paraissent donc inutiles : j'y relève, en
outre, des erreurs matérielles : Sir Henry Sumner Maine suppose - que
la Loi Salique fut invoquée au xiv" siècle lors du débat entre Philippe
de Valois et Edouard III. Il n'en est rien : aucun texte contemporain
ne mentionne la Loi Salique.
Je pourrais grossir cette liste d'observations : je m'en tiens aux plus
importantes. L'auteur travaille, ce semble, un peu trop en grand sei-
gneur, se fiant à ses souvenirs et à ses impressions, ne soumettant pas
ses vues à un contrôle bien sévère et, quant au style, ne prenant pas
toujours le temps d'être court. 11 est vrai que la rigueur et la brièveté
enlèveraient peut-être à cette prose abondante et féconde quelque chose
de ses qualités nutritives. Le labeur manque donc un peu \ mais que de
labeurs je donnerais pour de telles « oisivetés m !
Si l'on met à part le premier chapitre intitulé Les lois sacrées de
l'Inde, la bibliographie est presque nulle. Une fois pourtant, l'auteur
paraît avoir iait un elfort en ce sens ; mais cet effort n'a pas été heureux :
il s'agit des célèbres Cahiers de 1789 : « La seule collection com-
1. Edouard III est lils d'Isabelle de France, sœur de Charles ie Bel. Il est le neveu
du roi défunt. Philippe VI n'est que le cousin de Charles le Bel ; Edouard 111 pou-
vait donc invoquer contre Philippe VI la novelle n8, c. 3.
2. P. iq3.
2 54 REVUK CRITIQUE
a pléte, à ma connaissance, écrit-il, est celle dont la publication fut en-
« treprise, il y a plusieurs années, par Prudhomme et Laurent de Mé- t
« zière ; » ainsi la grande collection de Mavidal et Laurent (sans a
parler de diverses publications locales fort curieuses des petits Cahiers)
n"est pas parvenue jusqu'au savant anglais : il en est resté à une petite
publication de 178g.
La traduction est exacte, autant que j'en ai pu juger, n'ayant eu que
fort peu de temps l'original anglais entre les mains : la préface du tra-
ducteur français, les appendices et les notes qu'il a ajoutés sont utiles
et parfois importants : le traducteur possède toutes les qualités de pré-
cision désirables ; il se livre, en outre, pour son propre compte, à quel-
ques réflexions élevées et justes : il donne, çà et là, des indications bi-
bliographiques précieuses, mais il connaît mieux les publications
étrangères que les publications françaises '. Le beau livre de M. Fustel
de Coulangcs intitulé La cité antique est le seul ouvrage français tou-
chant à ces études d''archéologie et de paléontologie juridique qui soit
parvenu jusqu'à lui, en sorte que, par une étrange ironie, M. Fustel,
le savant éminent qui, après avoir apporté à l'édifice de la science so-
ciale comparée, un monument considérable, a contesté plus tard non
seulement Fexistence de cette science, mais même la légitimité des re-
cherches qui Pont pour objet, se trouve aux yeux du traducteur ano-
nyme, représenter seul parmi nous ce vaste domaine scientifique. Le
traducteur ignore d'ailleurs ce que j'appellerai la rétractation de M. Fus-
tel de Coulanges : le mal n'est pas grand assurément; car cette rétracta- *" '
tion court des risques sérieux de n'être pas acceptée par le monde sa-
vant et de rester non avenue. La Cité antique lui fera un tort durable.
Je reprocherai plus sérieusement au traducteur de paraître ignorer
les auteurs français, surtout les anciens qui ont ouvert la voie à ces
belles recherches : il ne cite ni Goguet, qu'on pourrait appeler le fon-
dateur ^ de cette science, ni Kœnigswarter, ni Ch. Giraud, ni Giraud-
Teulon, ni Emile de Laveleye, ni Dareste. Ces savants, français de na-
tion ou au moins de langue n'ont-ils pas aussi des titres considérables
qui auraient pu rendre leur traducteur moins dur pour la science fran-
çaise? J'ose enfin lui demander pour moi-même une petite place dans ses
lectures françaises vraiment trop négligées.
H. Kohler, Shakespeare vor dem Forum der Jurispruden{. — Un
moment étonnés et comme surpris du magnifique développement de la
I.P. XV. \
2. Dans une histoire complète de ia sociologie, il faudrait accorder une place im-
portante à des savants bien antérieurs à Goguet : Loccenius, au xvii' siècle, doit être
compte parmi les précurseurs les plus considérables : il a écrit notamment dans ses
Antiquitates Siieo-Gothicœ un chapitre qui est digne d'un bout à l'autre de la science
moderne : De ritu prisco Sueogothoriim invesiigandi rem furtivam in aliéna domo.
Confertur cum simili Grœcorimi, Romanovum, Germanoriim et Norvegorinn ritu
(liv. II, ch. x}.
o'KîSTOIKK et Dh LITTÉRATUKK 25 5
sociologie historique, science qui s'est, on peut le dire, épanouie en
Angleterre, les Allemands se jettent depuis quelques années avec ar-
deur vers ces recherches fécondes, appelées à renouveler le domaine de
l'histoire du droit et des institutions. Les ouvrages du D'' Post, dont je
parlerai à l'instant, occupent parmi les travaux des dernières années
une place très distinguée. Les études à la fois si solides et si brillantes
du D'' Kohlcr sont incontestablement au premier rang.
Le D"" Kohier a été frappé de quelques notions juridiques mises en
œuvre par Shakespeare, il a voulu en scruter la valeur et la profondeur;
et, tout en nous offrant le résultat de recherches étendues et originales
sur la vindicte privée ', sur le droit du créancier dans les temps primi-
tifs et à ce propos sur le sens et la valeur d'un passage célèbre des Dou-{e
Tables % sur la cession de biens, etc., il nous a montré en Shakespeare
le génie inconscient de l'histoire intime du droit. Cette découverte ne
me surprend pas : le droit que nous appelons le droit primitif et que
nous ovposons trop légèrement au droit moderne n'est après tout qu'une
des manifestations du génie humain, merveilleusement et admirable-
ment un. On nous parle, par exemple, du formalisme des droits primi-
tifs ; mais ne sommes-nous pas écrasés sous un gigantesque formalisme
mille fois plus pesant et non moins enfantin que le formalisme des an-
ciens Romains ou des Francs de la Loi Salique? Pourquoi Shakespeare,
aidé par une certaine tradition populaire et juridique, n'aurait-il pas,
avec le secours de son puissant génie, retrouvé des traits anciens?
Le D"" Kohier a traité ailleurs, avec la même abondance et la même
supériorité, l'histoire de la femme et dn jus primae nociw, l'histoire des
ordalies et de l'adoption ■''.
III. Post, Bausîeine, t. II; Grundlagen, i vol. — Dans le temps
même où la légitimité de ces vastes recherches d'archéologie juridique et
sociale comparée était contestée en France par un savant éminent, les
Allemands s'occupaient tranquillement de condenser et de résumer les
I . A propos à'Hamlct.
1. A propos du Marc'nayid de Vcn:sc. Ce passage célèbre des Doi!:{e Tables :
Si plus minusve seciienint. se fraude eslo (Tabula III, in fine) est vivement éclairé
par le droit Scandinave et vient définitivement justifier les prétentions du juif Sliy-
lockqui, comme on sait, tient dans la pièce de Shakespeare à obtenir, à défaut de
paiement en espèces, une livre de la chair de son débiteur. Ce qu'il y a de plus pi-
quant, c'est que ce fragment des Doit^e Tables paraît contenir un adoucissement ju-
ridique en faveur du créancier qui primitivement était, semble-t-il, obligé de s'en
tenirà une portion rigoureusement précise du corps du créancier, de telle sorte qu'une
petite erreur du couteau pouvait entraîner des conséquences terribles. La clémente
Loi des Dou^e Tables abroge ce compte de boucherie par trop rigoureux : Si plus
minusve secueriint, se fraude esto. (Kohier, Sitahespeare pp. 3o à 33.)
3. Zeitschrift fiir vergleichende Rechtswissenschaft, t. V. Il faut citer encore du
Dr Kohier Gesammelie Abhandliingen aus dem gemeinen und fran^œsiscJien Civil-
?'ec/z<, Mannheim. i883, i vol.; des études de droit comparé très importantes dans
Kritische Vierteljarscbrift fiir Gesef^gebung und Rechtswissenschaft, Neue Folge,
t. IV et dans Zeiischrifi fiir vergleichende Rechtswissenchaft, t. III.
2 56 RKVLK CRITIQUE
résultats acquis. Tel est le caractère général de l'ouvrage du D'" Post.
Baiisteine fiir eine allgemeine Rechtswissenschaft aiif vergleichend-
etJmologischer Basis. Le t. Il publié en 1881 est consacré aux origi-
nes sociales, à la formation des familles et des tribus, aux origines de
l'esclavage, de la noblesse, des castes, à celles de la royauté et du ré-
gime féodal; à l'histoire de la propriété, à Fhistoire des impôts dans les
temps primitifs. L'auteur admet la propriété collective ' à l'origine des
sociétés et il voit clairement les conséquences philosophiques et histo-
riques de ce grand fait.
Il faut signaler à la fin du t. II les pages remarquables et empreintes
d'un sentiment de modestie qui plait intiniment, dans lesquelles l'auteur
esquisse les conditions nouvelles d'une philosophie du droit qui pren-
drait pour base la connaissance des droits et des usages de tous les peu-
ples.
Un second ouvrage du D' Post, Die Grundlagen^ répond aux mêmes
préoccupations : on y trouvera notamment des pages importantes sur
l'histoire de la propriété, sur celle du droit criminel, des recherches ori-
ginales et abondantes sur l'histoire de la femme. (Les conclusions de
M. Schmidt sur le jus primae noctis y sont visées et victorieusement
combattues.)
Le D' Post n'a pas l'abondance et l'originalité de sir Henry Sumner
Maine; mais les aperçus originaux et profonds ne lui manquent certai-
nement pas : ses travaux sont plus achevés, plus reposants que ceux de
l'auteur anglais : ce sont d'excellents guides.
Je regrette de n'avoir pu donner qu'une idée bien rapide et nécessai-
rement incomplète de quelques-unes des récentes publications consa-
crées au droit comparé historique, cette science féconde qui ne saurait
être négligée parmi nous, car c'est en France qu'elle est née.
Paul ViOLLET.
CHRONIQUE
FRANCE. — M. Eggermont, premier secrétaire de la légation de Belgique à Paris,
vient de publier à la librairie Delagrave un petit volume intitulé : Le Japon, liistoire
et religion. C'est un résumé exact et très clair, et fait avec beaucoup d'intelligence
I. L'école allemande moderne va trop loin dans cette direction, elle tend à refu-
ser aux peuples primitifs toute espèce de propriété privée : il y a là, à mon sens,
une exagération (voyez notamment Post, Die Griindlagen, p. 322). La minime im-
portance de la propriété privée à l'origine des sociétés (je songe surtout à certains
objets mobiliers) ne doit pas nous empêcher d'en reconnaître l'existence. Un senti-
timenl comme celui de la propriété privée n'est pas un produit de la civilisation;
c'est un sentiment humain.
D H!S:0!Ki. KJ UK LlTfKKAltJKh 2D7
des derniers travaux sur le sujet. Il est regrettable que Tauteur ne donne pas la
moindre indieauon bibliograpiiique : le lecteur à qui ce petit livre inspirerait le dé-
sir d'en savoir plus peut croire que l'ouvrage de M. Eggermont est le seul existant
sur la matière. Le style est trop souvent celui du journalisme et parfois d'une struc-
ture étrange, qui étonnerait même dans le journalisme. (P. i5, on s'expliquera mal,
comment l'infortunée Izanami ait pu se réfugier dans l'empire des Ombres; p. i3,
cette uliieme expérience avait déterminé la féconde Izanami; à la page 8i on voit
l'astre éclatant des Minamots sombrer comme un météore pour céder la place à d'au-
tres).
MM. Feret, libraires-éditeurs a Bordeaux, mettent en souscription un ouvrage
qui nous promet les plus piquantes révélations: Les dessous de Fhisioirc, curiosilés
judiciaires, administratives, politiques et littéraires recueillies et annotées par
J. HovYN UK Tranchkre, ancien député de la Gironde {z vol. grand in-8°, d'environ
jpo p., imprimés en caractères elzéviriens, sur beau papier vélin). C'est de la Biblio-
thèque impériale de Saint-Pétersbourg, si riclie en dossiers d'autographes relatifs à
l'histoire politique et littéraire de la France, que M. Hovyn de Tranchère a extrait
les documents qui forment la matière des deux volumes annoncés. La plupart sont
inédits; quant aux autres, ils sont devenus tellement rares, qu'on peut les considé-
rer comme presque inédits. Parmi les plus appétissants morceaux du recueil on dis-
tin'^uera : une histoire de Marie Stuart écrite au xvi^ siècle, une relation du procès
et de la mort de la reine d'Ecosse, écrite à la même époque. le rarissime récit des
Amours de Henri IV, une relation du procès et supplice de F'rançois Ravaillac, unj
relation du procès et de la mort du maréchal de Biron (relations du temps', une
correspondance avec le chancelier Séguier relative aux luttes du parlement de Bor-
deaux avec les deux ducs d'Epernon (i 633- 1669), une relation de la prise du château
de Vayres par les Epernonistes et du siège de Libournepar les Bordelais ((649), une
autre relation du temps que l'on peut intituler : la fin de la Fronde à Bordeaux,
une notice par le Père Surin sur la possession des Ursuiines de Loudun (i(j33). un
pamphlet presque introuvable du wn" siècle : La Dieudade ou caractères satyriques
de la cour de Louis XIV, les papiers de la Bastille, enfin une réimpression des
Mémoires de Latiide d'après le manuscrit autographe du célèbre prisonnier. Tous
les curieux sauront gré à M. Hovyn de Tranchère d'avoir, selon sa pittoresque ex-
pression, rapatrié ces intéressants dessous de notre histoire nationale. — T. de L.
ALLEMAGNE. — La librairie Oskar Frankj de Vienne, entreprend de publier une
nouvelle revue de critique, intitulée Allgemeine Oesterreichische Litcratu)-^citunff,
(.< qui doit être pour l'Autriche et l'Allemagne ce que sont les feuilles allemandes
pour VAllemap^ne et FAutriclie ». Le pretnier numéro doit paraître à la fin de mars.
Dans la liste des rédacteurs nous trouvons les noms de MM. George Bûhler, Kara-
BACEK. Frédéric Mûlleu, H. Mûller, iMussafia, Reinisch, etc. Ces noms suffisent
pour bien faire augurer de la nouvelle publication
— M. F. W. B. BoRNEMANiN, licencié en théologie, a publié une tlièsc sur la ques-
tion suivante : In investiganda monachatus origine quibus de causis ratio habenda
sit Origenis (Gottingae, Vandenhœck et Ruprecht, iS85. in-8", 80 p. dont 38 de
notes et de références). Cette thèse est dirigée contre Weingarten. (Ueber den Urs-
prung des Mœnchtums im nachconslaniinischen Zcitallcr. iSj-j , qui rattache l'ori-
gine du monachisme aux reclus du culte de Sérapis. M B. montre dans la première
partie de sa thèse que l'institution elle-même est très complexe et a pris des formes
variées ; en conséquence, l'origine n'en est pas une: la pratique des conseils évan-
géliques, la pénitence, la répugnance pour la vie du « siècle >>, l'attrait du merveil-
leux, les pratiques des sectes philosophiques contemporaines, l'état précaire de la
258 RiiVlîIi CRITIQUE
société d'alors, ia préoccupation de la fin prochaine du monde, telles sont quelques-
unes des causes de la naissance et du développement du monachisme (pp. lo-ii),
La méthode à suivre dans la question est de faire la critique des sources de l'an
3oo à l'an 5oo et de comparer les données ainsi obtenues avec les renseignements
que les écrivains ecclésiastiques des premiers siècles nous fournissent sur l'ascéti-
que chrétienne. Dans la seconde partie de la thèse, M. B. applique cette méthode à
la vie et aux écrits d'Origcne. Il nous montre Origène se livrant à tous les exerci-
ces de ia vie monastique, (d'après Eusèbe, Hist. ecciés., VI, 3 et Grégoire le thau-
maturge, Panegyrica Gr-atio, ap. Orig. opp. éd. Lommatzsch, t. XXV); ensuite il
passe en revue chacun de ces exercices et prouve qu'Origèneles recommandait dans
ses écrits et dans ses exhortations. — M. B. conclut que la vie monastique a pris
naissance, quand l'Eglise ayant fait la paix avec l'Etat et assuré sa domination sur
la société, l'ascétisme des premiers temps cessa d'être possible au plus grand nom-
bre. Ce travail excellent, qui renouvelle et élargit la question, manque un peu de
clarté dans la disposition de hi première partie : les objections à la théorie de Wcin-
garten sont confondues avec les considérations générales et avec l'e.xposé de la mé-
thode. — Signalons sur la même question un travail de M. Lucius publié dans la
Zeitsdir. f. Kirdiengcsch. M. L. prouve que Rufin, Pailadius et Sozomène ont
puisé, pour leurs biographies monastiques, à une source unique rédigée en Egypte
à la fin du iv^ s. — P. A. L.
GRÈCE. — On a trouvé entre l'Acropole et le temple de Jupiter Olympien à
Athènes une inscription du v^ s. a. C. qui nous fait connaître l'existence d'un tem-
ple du roi Codrus dans cette ville.
ITALIE. — Il a paru récemment à Florence des Notes de M. Pasquale Papa
sur le cinquième volume de l'histoire de la liitéraiure itcdienne du prof. Adoifo Bar-
îoli; l'auteur, disciple du savant professeur florentin, passe d'abord en revue les
principaux points de la vie de Dante, que M. A. Bartoli a discutés dans son dernier
volume de l'histoire de la littérature italienne, tels que la noblesse de la maison de
l'Alighieri, la date de sa naissance, son mariage, ses différents séjours pendant son
exil, son voyage prétendu à Paris, etc.; après cet examen, qui a pour but de prouver
que le livre de M. A. Bartoli est <i le résultat d'une étude attentive de tout ce qu'on
a écrit jusqu'ici sur Dante »; M. P. Papa s'attaque à M. Gaetano Amalfi, qui lui a
prétendu que « le cinquième volume de l'histoire de M. A, Bartoli n'est qu'un pla-
giat depuis le premier jusqu'au dernier mot ?>. M. G. Amalfi est un disciple de
M. Imbriani, de Nnples, comme M. P. Papa l'est de IVl. Bartoli, de Florence;
M. Imbriani a écrit sur Dante et M. Bartoli s'est rencontré avec lui sur certains
points, sur d'autres il est d'un avis tout différent; mais il ne l'a pas cité ou du
moins il ne l'a pas placé à côté de MM. Giuseppe Todcschini et Isidoro del Lungo,
les seuls auteurs, d'après M. A. Bartoli, « d'études originales et importantes nou-
velles sur la vie de l'Alighieri ». De là le mécontentement de M. Imbriani d'abord
et ensuite de M. Amalfi; celui-ci a voulu venger son maître d'un dédain immérité,
en essayant de rabaisser sottement M. A. Bartoli. Tout cela paraît déjà assez étrange;
mais que M. P. Papa écrive à son tour un pamphlet grossier contre M. Amalfi,
c'est ce que je ne puis compreridre; les pédants du xvi<^ siècle avaient de ces que-
relles; peut-être, en s'attaquant, s'accusaient-ils eux-mêmes aussi de « méchanceté
asinaire », asinina irisii:{ia; M. P. Papa, grâce aux progrès de la science, a trouvé
moyen de renchérir sur eux; il parle quelque part d'un « Rabagas littéraire », ce
qui est déjà assez beau, mais ce qui est plus fort et entièrement nouveau, c'est de
dire que « i'Amalfi offrirait au docteur Koch le plus beau cas d'infection par
le bacille en virgule ». On ne a^'ra guère tenté après cela de lire M. Amalfi, et j'ai
d'histoire El DE LrrTKUATUHE 2^9
presque regret aussi d'avoir lu M. P. Papa. Mais de quelles mœurs scolastiques cela
nous donne-t-il l'exemple et que nous voilà loin de l'ancienne urbanité italienne si
connue! — Cil. J.
— M. D. CoMPARETTi, fait paraître depuis les derniers mois de 1884 un nouveau
périodique consacré à l'antiquité classique : le Museo italiano di antichità classica.
Florence, Loescher, 1884). La première livraison contient les articles suivants :
1° Spicilegio floventino, de G. Vitelli : série de notices intéressantes sur plusieurs
mss. de la Laurentienne (pp. i-55) ; 2« Les Colonies militaires établies en Italie
par le second Triumvirat et par Auguste, par Ettore Pais; 3° Fragments de l'E-
thique d'Epicure, (pp. 67-88), seconde publication complétée et annotée d'un ms.
d'Herculanum, par Comparetti; 4° Diverses notices archéologiques (pp. 89-1 12) par
Luigi A. Milani, sur les frontons d'un temple toscan trouvés à Luni et sur la collec-
tion de bijoux antiques réunie sur le territoire de Luni parle marquis A. Remedi ;
b<>Dela langue vulgaire che^ Aristophane, ^2,v G. ?>m\ (pp. n3-i3o). — On annonce
pour la prochaine livraison du Museo la publication de l'importante inscription
trouvée àGortyne par M. F. Halbherr : on sait qu'elle contient en 600 lignes tout un
recueil des lois de cette cité et qu'elle remonte au moins au vi"^ s. a. G.
SUISSE. — M. Jules Vuy vient de publier le discours qu'il avait prononcé le
2 mai 1884 dans la séance annuelle et publique de l'Institut national genevois sur
VOrigine de la commune de Genève. Il montre que cette origine est beaucoup
plus ancienne qu'on ne le pense, que J.-J. Rousseau a vu juste à cet égard et que
la commune de Genève est bien antérieure au xiir siècle.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du. 20 mars looj.
L'Académie procède aux scrutins pour la présentation des candidats aux deux
chaires vacantes au Collège de France. Sont présentés : pour la ciiaire de phUologie
latine, en première ligne M. Louis Havet, en seconde ligne M. Emile Châtelain ;
pour la chaire de langues et littératures de la Perse, en première ligne M. James
Darmesteter, en seconde ligne M. Clément Huart.
M, Julien Havet communique une notice sur l'emploi de la formule rex Franco-
rum vir inluster, dans les diplômes royaux. On lit dans les traités de diplomatie
que les souverains mérovingiens ajoutaient à leur titre de roi celui de vir inluster
(pouv ilhisii-is); qu'ils avaient emprunté ce titre aux grands dignitaires de l'empire
romain, et ils entendaient, en le prenant, rappeler la dignité consulaire jadis confé-
rée à Clovis par l'empereur Anastase. Dans les éditions des diplômes mérovingiens,
qui ont été données à plusieurs reprises depuis un siècle, on lit en effet en tète de
la plupart des actes : N. rex Francorum vir inluster. Mais, si l'on se reporte aux
originaux, on trouve, au lieu de ces deux mots, une abréviation : v.inl. Il_ n'y a pas
un seul acte royal original et authentique, de l'époque mérovingienne, où l'on lise
en toutes lettres vir inluster ; mais il y en a un assez bon nombre où l'on lit ex-
pressément j^/r/s inlustribus. formule d'adresse par laquelle le roi désignait les
fonctionnaires chargés de l'exécution du diplôme. L'analogie commande de lire ainsi
l'abréviation v. inl.; il serait étrange que les rois mérovingiens eussent pris pour
eux le même titre qu'ils donnaient aux fonctionnaires leurs subordonnés, et d'ail-
leurs le titre de vir inluster ou illuslris, qui appartenait sous l'empire à un grand
nombre de fonctionnaires divers, était au-dessous de la dignité d'un roi. Les édi-
teurs des diplômes se sont donc trompés, quand ils ont lu dans les actes mérovin-
giens va- z;i/z<5^^;, et il faut rétablir uniformément dans tous ces textes viris inlus-
tribus.
Il y a eu un temps où le titre de vir inluster a été associé à celui des rois, rnais
ce n'est pas sous la première race, c'est au commencement de la seconde. Les maires
'du palais, sous les Mérovingiens, portaient, en qualité de fonctionnaires, le titre
de vir inluster ; l'accroissement de la puissance des maires du palais, à la fin de la
première race, accrut l'importance de ce titre, qui devint peu à peu le monopole de
200 RKVUE CRITIQUE d'hISTOIUE ET DE LITTERATURE
CCS hauts fonctionnaires. Quand Pcpin devint roi, il ne renonça pas à cette qualifi-
cation honorifique, qui avait été l'expression de son rang quasi-royal. A partir de
son avènement, on trouve dans les diplômes, en toutes lettres, rex Francoitnn vir
zi(/î(5/er. Après lui, Carloman et Gharlemagnc tirent usage de la même formule;
mais Cliarjemagne l'abandonna au bout de quelques années de règne pour rempla-
cer le titre de vir inliister par celui <.\ii patficiiis Roynanorum. Le tilre de rex Fran-
conim vir inlustcr est donc carlovingien et non mérovingien ; il renferme une allu-
sion, non à la dignité consulaire conférée à Clovis par l'empereur de Constantino-
ple, mais à la dignité de maire du palais, revêtue par Pépin le Bref avant son
avènement à la couronne.
M. Philippe Berger lit une note de M. de Vogué sur une stèle nabatéenne récem-
ment découverte, sur laquelle on voit des bustes sculptés et plusieurs inscriptions.
M. de Vogué examine et rectifie sur plusieurs points l'explication que des savants
allemands ont donnée de ces inscriptions. Ceriains mots, qui se voient au-dessous
des bustes, ont été expliqués comme faisant corps avec le texte principal; il faut
les lire à part et y reconnaître ies noms des personnages représentés dans les sculp-
tures. L'inscription principale se traduit ainsi :
« Ceci est la stèle qu a érigée Hanâou, Taffranchi de Gadilou, fille de Begralh,
mère d'Adramou le stratège et de Nequdou le..., fils d'Abdmalikou le stratège, dans
le mois d'iqar de l'année 410 suivant le comput des Romains, qui est l'année 24 de
Dabêl le roi. »
Selon M. de Vogué, le terme de comput des Romains désigne l'ère des Séleuci-
des. Le monument est de l'an gg de notre ère. Le synchronisme de l'an 410 des
Séleucides avec l'an 24 de Dabêl confirme les conclusions auxquelles M. de Vogiié
était arrivé antérieurement sur la chronologie des rois nabatéens.
M. Paul Meyer commence une communication sur deux ouvrages français du
moyen âge, qui nous ont été conservés par un grand nombre de manuscrits, mais
qui ont été peu étudiés jusqu'ici. L'un est une histoire générale de l'antiquité, l'au-
tre une histoire de Jules César. Ils ne portent pas de nom d'auteur. On les a crus
composés l'un et l'autre au xiv'^ siècle, et M. Meyer a longteinps partagé cette opi-
nion; ses dernières recherches l'ont amené à reconnaître qu'il faut reculer cette
date d'un siècle. Dans l'ouvrage sur l'histoire de l'antiquité, l'auteur anonyme nomme
son seigneur, le châtelain de Lille, Roger : or le seul seigneur auquel cette désigna-
tion puisse convenir est mort en i23o Comme, d'autre part, il est fait mention de
la mort de Philippe-Auguste, qui régna de 1180 à 1223, on voit que cet ouvrage
doit avoir été écrit ou au moins commencé, entre 121'i et 1230.
Ouvrages présentés : — par M. Desjardins : Lasteyrie (R. de). Notice sur une
croix du xni'" siècle conservée à Gorre (Haute- Vienne) (extrait du Bulletin archéo-
logique du Comité des travaux historiques et scientifiques) ; — par M. de Boislisle :
Chamillart (Michel), contrôleur général des finances, etc., Correspondance et pa-
piers inédits, publiés par l'abbé C Esnault ; — par M. G. Perrot : i" Lenormant
(François), Histoire ancienne de l'Orient, t. IV ; 2" Guhl et Koner, La vie antique,
traduit par O. Riemann; — par M.Bergaigne : Reynaud (P.), la Rhétorique sanscrite;
— par M. Delisle, de la part de M. Riant : Archives de l'Orient latin, t. 11.
Julien Havet.
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du 11 mars.
présidence de m. l. courajod
La Société française d'archéologie à Caen et la Société d'érnulation de Montbéliard
envoient leur adhésion aux démarches faites par la Société pour obtenir des pouvoirs
publics des mesures législatives pour la conservation des monuments et antiquités.
M. l'abbé Thédenat communique le texte d'une inscription votive a Mercure ré-
cemment découverte à (Uiarleville, et d'une autre iiiscripiion trouvée à Reims.
M. Courajod communique une petite figure en terre de pipe représentant Sainte-
Barbe et qui vient d'être donnée au musée du Louvre par M. Henri Havard.
M. Guillaume lit une note sur la découverte d'une médaille à l'effigie d'Hélène,
mère de Constantin, qui vient n'être faite à \'alenciennes.
M. Héron de Villefosse communique, de la pari de M. Berthelé, le texte d'une
inscription récemment découverte à Aulnay (Charente-Inféiieurej et relative à un
soldat de la xive Légion.
Le Secrétaire,
R. DE Lasteyrie.
Le Propriétaire-Gérant : EHNEiST LKKOL'X
Le PuY, imprimerie de Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
EVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
]>î'' 14 -6 avril - 1885
^oinitsitire î 52. De Biberstein-Kazimirski, Dialogues français-persans. — 53.
Choix des Métamorphoses d'Ovide, p. p. Armengaud. — 54. Stephens, Les é... les
de Bugge sur la mythologie noroise. — 55. Le Voyage d'outremer de Jean
Thénaud, p. p. Schefer. — Thèses de M. Hauvette-Besnault : L'archonte-roi
et Les stratèges athéniens. — Clironique, — Académie des Inscriptions.
5 1. — Siiîslogaît's irrssjiç:its-jîe3-^;!.;)s, précédés d'un précis de la grammaire
persane et suivis d'un vocabulaire français-persan, par A. ur-: Bibehst.kin Kazi.mih'Ki,
I vol. in-.S, II 18 pages. Paris, Klincksieck, i883.
Les ouvrages destinés à l'étude pratique du peisan îv.oderne, consi-
déré comme langue vivante, se sont beaucoup multipliés durant les dix
dernières années '; mais aucun de ces ouvrages ne peut se comparer
pour l'éteiidue et la richesse des informations avec le vaste ensemble que
M. de Biberstein Kazimirski vient de mettre à la disposition des amis
de la langue persane. Le service de premier ordre que M. de B. av ùt
déjà rendu à la littérature arabe par son beau Dictionnaire, le plus
grand et le plus heureux effort de la philologie arabe jusqu'au Diction-
naire de Lane, il vient à présent, un quart de siècle plus tard, le rendre,
sous une forme différente, à la plus arabisée des langues aryennes. L'âge
n'a point de prise sur l'infatigable travailleur.
Le volume un peu massif dont nous voulons donner une idée se
compose de trois parties : 1 un précis de grammaire persane, qui oc-
cupe les cent vingt-six premières pages; 2" des dialogues français-persans
(pages 127-498); 3" un lexique français-persan, qui occupe le reste du
volume et qui forme la partie la plus considérable de Touvrage (499-
II 18). L'ouvrage a été primitivement composé pour les dialogues et
doit sa naissance à des circonstances que Fauteur nous fait connaître
dans sa préface. Il y a quelques années, il causait à Paris avec un mé-
decin persan, formé à Paris, Mirza Mohammed de Kirmanchah, Je
rinsuffisance des ressources offertes aux Persans et aux Français pour
étudier la langue les uns des autres. M. de B. proposa à son ami de no-
ter au fur et à mesure les conversations qu'ils tenaient, ce qu'ils firent,
écrivant le français et le persan alternativement sous la dictée l'un de
I. Wahrmund, Pr^iktisches Handbuch der mii-peysischeii Spvac'ne, Giessen, 1^73;
Mirza Mohammed Ibrahim et Fleischer, Grammatik der pe>-xisc!ien Spraclie, 1^" Auf-
lage, Leipzig. 1873 ; les deux dictionnaires persan-anglais et [anglais-persan de
Palmer, 1876, i883 ; Stanislas Guyard, Ma)utel de la IcDii^ue persane vulifaire, i8!So.
Nouvelle série. X1.K. 14
202 REVUK CRITIQUE
l'autre Ainsi commença un premier noyau de dialogues, qui se développa
ensuite au cours de conversations tenues avec d'autres Persans. Les
dialogues achevés, M. de B. mit en tête un précis de grammaire à Tu-
sage des Français et à la suite un vocabulaire complet de plus de vingt
mille mots, pour la rédaction duquel il a eu également des conseils in-
digènes, entre autres ceux du général Kerim Khan, attaché militaire de
la légation de Perse à Paris. On voit que, tout au long de son travail,
M. de B., malgré sa longue et profonde connaissance du persan, a tou-
jours remonté à la source vivante. De là la sûreté et la nouveauté d^in-
nombrables informations que l'on rencontrerait difficilement ailleurs.
Il n'est pas aisé de donner un résumé d'un ouvrage de ce genre que l'on
n'apprécie bien que dans Tusage de chaque jour que l'on en fait. Quel-
ques indications donneront cependant une idée du genre de nouveauté
que Ton y trouve.
Le précis de grammaire, dont M. de B. parle avec une modestie qui
ne lui rend pas suffisante justice, est surtout intéressant par Pattention
spéciale que l'auteur a prêtée à l'élément arabe. On sait que récemment
une école s'est formée qui essaie de débarrasser le persan de ses éléments
arabes et de faire remonter à la langue le courant de l'histoire. C'est une
tentative aussi absolument condamnée d'avance que celle des Roumains
d'exclure les éléments slaves de leur langue ou que le serait une tenta-
tive anglaise de revenir au pur saxon : on peut chasser les étrangers
introduits par la mode, et le plus souvent d'ailleurs ils partent d'eux-
mêmes, se sentant mal vus et mal à Taise; mais on ne peut chasser les
mots qui sont entrés avec des idées et des faits étrangers, car Tun em-
porte Tautre. Un des innombrables fils de Feth Ali Shah a essayé, il y
a quelques années, d'écrire une histoire de la Perse dans le style de
Firdousi ' : elle est tout bonnement illisible. Le persan moderne doit en
prendre son parti et faire sa part à l'arabe, s'il veut continuer à expri
mer les idées des Persans d'aujourd'hui '. C'est ce que M. de B. a fait
mieux ressortir qu'aucun de ses devanciers, et il ne manque pas une
occasion de distinguer les deux éléments et de délimiter leur champ
d'action. Je mentionnerai en particulier ses excellentes remarques sur
les changements de sens des mots arabes employés en persan (p. 26),
sur les verbes composés hybrides : M. de B. fait remarquer, ce que les
grammaires ordinaires ne signalent point, que je sache, que kerden,
nemoudetijfermouden sont d'ordinaire précédés du nom d'action arabe,
tandis que sakhten, guerdiden, guechten, guerdaniden, chouden et bou-
den sont précédés d'un adjectif ou d'un participe arabe ou persan
1. Nâmé-î Khosvevdn (voir la Zeitschrift der Deutschen Murgcnl. Gesdls. xxvin,
bo6.
2. L'ascendant de l'arabe est tel que même des idées, pour lesquelles la vieille
langue avait un mot parfaitement adapté, ne peuvent plus s'exprimer que par le vo-
cable sémitique. Un médecin, observe M. de B., ne pourrait, sans ridicule, êtie un
pesechk, c'est un tabib; s'excuser, c'est o^v âvorden ; pou:{ech Cwovden ferait éclater
l'auditoire (p. 65).
D HISIOIHK Kl 1)K I.DT Kit A I U I'. h 203
(pp. 67 seq.). Signalons surtout un chapitre précieux sur les Locutions
arabes employées en persan {^^. 1 04-11 3) et en particulier sur le pluriel
brisé appliqué aux mots persans. On aurait désiré peut-être plus
d^exemples et d'éclaircissements pour les pluriels en at ; il aurait été
bon aussi de mentionner les pluriels en djat (formés des thèmes en h sur
l'analogie des pluriels en g-an : type nevechtedjat). Le précis termine
par une série d'appendices utiles ou curieux : noms des jours, des mois
lunaires et solaires, des cycles; des mesures de distance et de longueur;
des poids et des monnaies; liste des déterminatifs génériques; liste des
mots qui désignent les voix et les bruits de l'homme, des divers ani-
maux, des objets inanimés ; enfin des exercices sur la lecture de mots
équivoques, dont le son et le sens varient avec les points diacritiques,
et sur les jeux de mots : ces minuties, qui font sourire le lettré d'Occi-
dent, sont malheureusement, on le sait, d'une importance capitale pour
Tétude de la littérature moderne de la Perse qui trop souvent touine
autour des jambages d'une lettre ou des homophonies par à peu près.
Le lecteur qui veut s'édifier là-dessus n'a qu'à parcourir la Rhétorique
des nations musulmanes, de Garcin de Tassy.
Les dialogues étant de vrais dialogues tenus entre interlocuteurs réels
— nous avons dit plus haut comment, — ont ce double avantage d'ê-
tre pensés au français et pensés au persan, ce qui n''est pas le cas
ordinaire des dialogues écrits par la même personne, si bien naturalisée
qu^elle soit. 11 suit de là que le persan est généralement l'équivalent du
français, non la traduction, chose excellente, puisqu'elle permet ainsi
à l'étudiant, quMl soit français ou persan, d'entrer plus profondément
dans l'esprit des deux langues. Quelques exemples donneront une idée
de la méthode de l'auteur et du bonheur des idiotismes :
Rien ne lui réussit, il se noierait dans son crachat, traduit en persan :
E\ beskè bed bekht est Jaloudè dendadnechra michekened (eguer Lila
bekhored tchouden ber mi aïed (p. i36), littéralement : malheureux
comme il est, à manger du faloudè (sorte de marmelade de pommes), il
se casserait les dents; ou bien : s'il achetait de Tor, Tor se changerait
en scorie.
A bon chat, bon rat : chagalébichèi Maienderanra neguired djô:{ se-
gué Ma:^enderani (p. 134) : pour prendre un chacal du Mazendéran, il
faut un chien du Mazendéran.
Je ne m'en soucie pas, je n'y tiens pas : der bendé on nistem.pechmech
midanem{-p- 129), littéralement : je n'y suis pas attaché, je l'estime un
brin de laine (Jlocci facio).
Ces dialogues sont de véritables conversations; ils ne sont donc pas
destinés au touriste qui aborde en Perse sans connaître la langue et cher-
che dans son guide tout d'abord les noms des objets de première néces-
sité et le minimum de phrases toutes faites qui sont le fond universel de
la langue du voyageur. Les Dialogues de M. de B. s'adressent au voya-
geur qui veut faire un séjour prolongé en Perse, qui a déjà une idée de
264 KKViJK (.umyui,
la langue et vent se former à la pensée et à la vie persane. Aussi tous ces
dialogues sont ils persans par le fond autant que par la forme : c'est sur
la Perse qu'ils portent ou sur la Perse comparée à la France. Voici
quelques-uns des sujets : des langues française et persane (p. j63), mar-
ché, emplettes, poids et mesures (265), du logement et des domestiques
(3oi), maison persane (873), l'armée (407), mariage et noces (425), tein-
ture des cheveux ei toilette des femmes (435), enterrement et funérailles
(460), un procès Cil Perse (4o5). La conversation est vive, pittoresque;
rinterlocuteur persan est généralement satirique et amer. Signalons en
particulier un chapitre de croquis et portraits (346) : les deux amis, de
leur fenêtre, voient défiler dans la rue et présentent au lecteur, généra-
lement avec peu de charité, le Cottin, le Tartuffe, rPîarpagon, le Miles
Gloriosus, le Dorante de la société persane, Jusqu'J la scène du Lavoir
-qui est évoquée devant nous, tout cela en style populaire et vivant.
Le lexique, avec ses vingt mille mots et phrases, dépasse de bien loin
tout ce qu'on a dans ce genre. Le seul regret que je me permettrai
d'exprimer, c'est que les divers sens des mots ne sont pas assez
nettement ou ne sont absolument pas séparés, ce qui peut exposer
à des méprises. Voir, par exemple, le mot accorder, traduit mian khes-
min ashti kerden ; er\ani dashten; sa\ra kouk kerden, sans que rien
avertisse que. dans le premier cas, il s'agit d'adversaires que Ton met
d'accord, dans le second d'une faveur qu'on accorde, dans ie troisième
d'un instrument qu'on met d'accord.
Ajoutons encore deux desiderata : x" une table des matières de la
grammaire et des dialogues permettant de se retrouver plus aisément
dans leurs richesses; 2^ un lexique persan -français des dialogues, ce qui
permettrait de retrouver le sens précis des phrases persanes qui rendent
le français par équivalent et qui ne sont pas toujours expliquées dans
l'aj^^endice destiné à cet objet (pp. 489 sq.). A défaut de ce lexique, qin
serait tout un livre et aurait augmenté d'un tiers la masse déjà peu ma-
niable du livre, on désirerait au moins un index des mots qui ne se
trouvent pas dans les dictionnaires en usage : la lexicographie trouve-
rait là un butin asseii riche encore à glaner. Terminons en remerciant,
au nom de tous ceux qui s'intéressent au persan, le vaillant et infatiga-
ble vétéran de qui nous avons tous tant à apprendre, et souhaitons-lui,
po':r le plus grand progrès de nos études, d'atteindre les années ik
Saadi : il s:iura bien les remplir de belles et vaillantes œuvres.
J. 1).
3M. — OjviDi-:. ezîiolx «Jos aaôtsEJssorpttoses, texic latin public avec des notes
en françai?., etc.. par L Armeng.aud. Paris, 18^4 (coll. Hachette, iii-i6).
On aurait mauvaise grâce, devant la modestie avec laquelle M. Ar-
mengaud présente son édition (préf. p. i), à méconnaître les qualités
d'histoiuil et dk littérature 265
honorables qui la recommandent et à lui reprocher trop sévèremeni des
défauts qui ne Pempêcheront pas, somme toute, d'être utile aux élèves
de l'enseignement secondaire. C'est un travail fait avec soin par un
professeur instruit ; il est regrettable que, faute de renseignements es-
sentiels et de réflexion critique plus approfondie, cette édition ne cons-
titue pas un progrès bien sensible sur celle de Fr. Dûbner, déjà vieille
d'une trentaine d'années.
A commencer par le texte, M. A. ne nous donne pas le premier î.xte
venu, selon une mode heureusement passée; lia établi le sien avec cons-
cience, s'attachant parmi les éditeurs en renom à celui qui lui a paru
le plus sûr, contrôlant son modèle dans les passages douteux et cessant
de le suivre s'il le juge dans l'erreur. Bien qu'il soit préférable de ne
se fier spécialement à aucun éditeur, la méthode choisie par M. A. est
acceptable; il s'agit de savoir comment elle est appliquée. M. A. a pris
pour guide Riese; sans doute, le texte de Riese est plus sage que celui
de Merkel: mais, publié e'.i 1872, il a déjà vieilli. M. Magnus le disait
récemment, et c'est l'opinion de M. Riese lui même, puisqu'il a modi-
hé, depuis, un assez grand nombre de ses leçons, dans un article du
Jahresberichte de Bursian (année 1881).
Il a paru, dès la fin de l'année i883, une édition des Métamor-
phoses dont M. A. semble ignorer l'existence ou dont il ne tient nul
compte ' : elle est pourtant l'œuvre d'un homme qui a prouvé, par des
travaux antérieurs % sa grande familiarité avec Ovide, M. Ant. Zin-
gerle. M. A. eût bien fait de prendre pour base de son texte l'édition de
Zingerle plutôt que celle de Riese.
Ce n'est pas tout. Sans exiger que l'auteur d'une petite édition cjui
s'annonce sans aucune prétention savanle, connaisse jusqu'aux moindres
brochures sur la matière, on est en droit de demander qu'il n'ignore
pas les travaux importants, ceux qui, justes ou non dans leurs conclu
sions, ont eu un cerlain retentissement et peuvent avoir des consé-
quences sérieuses pour l'établissement du texte. Or. en ouvrant l'édition
de Zingerle, M. A. aurait vu, dès la première page, que l'autorité du
Marcianus a été fortement attaquée, ces derniers temps, par M. Hell-
muth; que lefragrnentiim Britannicum doit être compté pour quelque
chose, etc. il eût été amené à réviser la liste des mss. qu'il donne p. vu,
en les classant et en les évciluant d'une inanière trop absolue. M. A. a
eu tort également de négliger la brochure écrite en i856 par Dûbner,
Commentaire critique sur le texte officiel du choix des Métam., la-
quelle, bien que conçue en vue d'une polémique spéciale, demeure frap-
pée à la bonne marque, comme tout ce que faisait le savant philologue.
1 . P. Ovidi Nasonis Metamovphoseon Ubri XV scholarnm in usiim edidit Anto-
nius Zingerle (collect. J. Kvicala et C. Schenkl.)
2. Ovidius iind sein Verhœltniss ^u den Vorgœngern iind Gleich^eitîgen Rcemis-
chen Dichtern, von Ant. Zingerle (Innsbruck, 1869-1871).
206 REVUE CRITIQUE
j'arrive au détail, et je constate, par quelques exemples, les suites de
CCS négligences.
P. 12, V. 46 (I, 307) detiir, leçon du Laurentianus, adoptée par Mer-
kel, Dûbner, Zingerle, vaut mieux que possit (cf. Verg. Aen. III, 7);
— p. i3, V. 28 (1, 340) même observation pour receptiis, non reces-
sus ; — p. 26, V. 62 (II, .128) c^était ici le cas de garder la leçon du
Marcianus, volantes {cî. i53 volucres) et de laisser à Merkel comme à
Ricse la correction de Heinsius volentes (cf. Comment, crit. de Dûbn.
p. 40 suiv.); — p. 3o, V. 6 (II, 21 3) terras avec le Laurent., non gén-
ies avec le Marc; — p. 32, v. 7 (II, 278) si M. A. avait connu l'édi-
tion de Zingerle, il y aurait trouvé une bonne conjecture de C. Schenkl,
raucaque, pour sacraque des rnss. qui, ici, ne présente pas un sens ac-
ceptable; — p. 41, V. 23 (III, 2Ç))media, leçon du Bernensis, attestée
par Priscien et que Riese a été sur sur le point d'adopter (cf. sa préf.
p. xiii), a été préféré avec raison par Zing. à medio, retenu par M. A. ;
— p. 44, V. 41 (III, 90) M. A. écrit conjectiim in gutture ferruni;
mais le rapprochement avec les v. 244-245 du livre vu cultrosque in
guttura velleris atri Conicit ne me permet pas de douter qu'il ne faille
écrire ici guttura avec Bentley et Zing.; — p-6i, more, vu, v. i
(IV, 662) au lieu de aeterno, Zing. écrit Tyrrheno, déjà soupçonné
par Heinsius, approuvé par L. Mûller et par Riese (dans son article du
Jahr. de Burs., précité); — p. 83, v. 25 (VI, 27) baculo quoqiie ;
la correction baculo quos, proposée par Riese dans ce même article
dont M. A., évidemment, n'a pas pris connaissance, ne peut guère être
repoussée; — p. 84, more. 11, v. i (VI, 53) constituunt, bien plus satis-
faisant que consistunt ; — p. 88, v. 56 (VI, 201) ite, satis, properate,
sacri est, conjecture de Haupt suivi par Riese, ne vaut pas infectis
properate sacris de Birt [Symb ad hist. hexam. p. i5, en note) ' ; —
p. 99, V, 29. (VII, 223.) Threces; c'est certis, qu'il faut, sans aucun
doute écrire avec Madvig, Dûbn., Zing ; le Laurent, donne cretis, le
Marc, crêtes d'une première main, et cretis, d'une seconde; — p. 108,
V. 43 (VII, 657) quod — reservet ; le Marc, donne reservent; écrivez
avec Merkel et Diibn. fcf. son Comment, crit. p. 37) qui — reservent'.,
— p. 128, v. 1 10 (VIII, 709) Thyneius; il vaut mieux lire Thym-
breius, conjecure de Korn ; — p. 137, v. 40 (IX. 'j,\)reclusi Merk.
Zing., non reduxi; — p. i5i, v. 24 (XI, 27) vatemque petunt] vatem
repetunt Korn, Zing. ; — p. i5 3, v. 41 (XI, S3) porrectaque ; le Marc.
a longos quoque ; Riese écrit lignosa que dans son édition; mais il a,
depuis, approuvé l'heureuse correction de Korn, Zing , frondosaque ; —
— p. j57, V. 19 (XI, 180) celare cupit, turpique pudore; voy. Dubn.
Comment, crit. crit. p. 38 celât, turpique onerata pudore, avec Merk.;
— p. 171, V. 23 (XII, 2'i)servat, des mss., est bien suspect; \e super at
de Merk. doit être préféré; — p. 175, v. 38 (XII, i2>2) recepto ; h'xen
1. Dûbner et Madvig écr'wQnt propere, en modifiant le reste du vers différemment;
mais le mot propere ne se trouve nulle part ailleurs chez Ovide.
D HISrOIRK KT l>K LITTÉRATURK 267
que rAnplonianus soit un mauvais ms., sa leçon rejecto, rapprociiée
de retecto du Marc. {v'« main), est la plus vraisemblable; — p. i85,
V, 77 (XIII, 199) commiinis] communem, Bentl. Zing; — p. 199, v, 3i
(XIII, 717) inpia; le Marc, donne inita qui soutient la conjecture de
Heinsius, invita, Zing.; — p. 202, v. 9 (XIV, \^b)lapisve, mss. infé-
rieurs; M. A. eût gagné à suivre cette fois Riese, ictusve.
Si. M. A. avait connu la brochure de Diibn., il aurait, ce me sem-
ble, pris garde à la nécessité de modifier les vers qui commencei.t la
p. 63 de son édition (IV, 695, suiv.); un retranchement ayant été opéré
pour a expurger » le texte, le passage en question devient à peu près
inintelligible : l'introduction du vers, à moitié refait par Diibn., Hanc
ego si peterem, Perseus Danae et Jove natus est si utile qu'on peut
Faccepter (voy. Comment, crit. p. 5i).
Venons aux notes placées au bas des pages. La question de savoir si
la méthode dans laquelle elles sont conçues, au point de vue de leur
nature et de leur étendue, est la meilleure, ne tombe pas sous notre
examen, puisque le livre de M. A. fait partie d'une collection, d'ail-
leurs remarquablement dirigée, et que Tauteur a dû se soumettre aux
conditions prescrites. Les notes de M. A. sont en général exactes et
claires, convenablement rédigées; toutefois, dans un commentaire aussi
restreint, alors que tant de difficultés sont passées sous silence et lais-
sées soit à Texplication du professeur, soit à la préparation des élèves, il
faudrait éviter les observations inutiles, et j'en trouve plus d'un exemple.
P. 175, en voici trois de suite, dont je ne vois pas du tout Tintérét :
— « Capulo, la garde de son épée »; un lexique suffit pour laire con-
naître ce sens, qui n'est pas douteux dans le v. Ter quater ara viri
capulo et cava tempera puisât. — « Cedenti est le complément d'/«i--
tat »; Cedentique sequens instat, il n'y a pas, que je sache, d'équivo-
gue possible ; pourquoi ne pas dire aussi qu'au v. suivant a/fowzVo est
le complément de negat, et deux vers plus bas/erenti, celui de obsti-
tit? Voici Texplication de cette note; M. A. l'a prise chez Dûbn. :
« Cedenti se joint à instat »; Mais Dûbn. avait ses raisons pour insis-
ter sur le passage ; il s'insurgeait, fort à propos, contre le texte pres-
crit par le Conseil impérial de l'Instruction publique, lequel à ce pas-
sage donnait cedentem. Si M. A. avait lu le Comment, crit., il aurait
trouvé p. 39 l'explication de la note de Dûbn., et il s'en serait épargné
la répétition, cedentem étant aujourd'hui abandonné. — « Tene-
brae, les ténèbres flottent devant ses yeux «, Ante oculos natant tene-
brae; en vérité, ces ténèbres n'avaient besoin d'aucun éclaircissement.
P. 189, est-il utile de dire que accusasse .^ damnasse sont des formes
syncopées de accusavisse, damnavisse, surtout lorsque, p. 144, M. A.
s'est déjà cru obligé d'avertir que « tentasse est une syncope de tenta-
visse »? De même, p. 2o5, vitasset pour vitavisset, etc.
Dans un autre ordre d'idées, je lis p. 67, à ces mots Corniger Am-
mon, une note qui me parait donner trop ou trop peu : « Corniger,
208 KKVUK CKITiQUh
épiihètc ici rigoureusement juste, car le dieu était adoré sous la forme
d'un bélier. » Combien y a-t-il d'élèves sachant que les dieux des fleu-
ves étaient fréquemment représentés avec des cornes de taureau? 11 est
pourtant nécessaire de le savoir pour comprendre la note, d'ailleurs
exacte et sensée, de M. A. ; il valait mieux ou ne rien mettre ou mettre
trois ou quatre lignes de plus.
Dans les Remarques de grammaire et de prosodie, je rencontre plu-
sie ;rs fois cette formule : « Ovide a employé le premier, Ovide a éié le
premier à user de, etc., » (p. xvn par exemple] Qu'en savons-nous?
Les œuvres de tant de poètes romains sont perdues! Il vaudrait mieux
dire ; « Ovide, le premier, à notre connaissance, emploie, etc. » On se
mettrait mieux à l'abri du reproche. On gagnerait aussi à faire disparaître
l'expression fausse de licence poétique (p. xix, xx). Dans un traité de ver-
sification française, qui a paru il y a quelques années et qui n'a d'ailleurs
rien de scientifique, un chapitre est excellent, et, vu sa brièveté, je me
permets de le citer en entier : « Licences poétiques. Il n'y en a pas ».
Voilà la vérité : il n'y a pas de licence poétique, du moins chez les bons
poètes; ce que l'on nomme ainsi improprement, ce sont des particula-
rités venant soit de la recherche de certains effets, soit d'emprunts à une
métrique étrangère, soit des usages d'une doctrine, d'une école qui n'ont
pas prévalu.
L'orthographe suivie par M. A. est celle qu'ont adoptée MM. Be-
noist et Riemann ; M. A. ne pouvait prendre de meilleurs guiJes, plus
compétents et plus sages. Je crois pourtant, en m'autorisant de l'opi-
nion exprimée justement par M. Benoist dans sa préface de Virgile,
que, à mesure qu'on avance, on pourrait oser davantage. Y aurait-il
tant de mal à écrire quotiens et Grajus? On répondra que des éditions
scolaires sont faites pour de jeunes élèves, non pour des savants :
mais plus les élèves sont jeunes, moins l'habitude d'une orthographe
vicieuse leur sera ancienne, moins les nouveautés légitimes les étonne-
ront; d'ailleurs, le professseur est là pour les leur expliquer. Il y au-
rait beaucoup moins d'inconvénient à écrire umor ou conicit, comme
on doit le faire, qu'à mettre dans deux vers qui se suivent ciim, puis
qiium (voy. p. 174 de l'édit. de M. A., more. V, v. 14 et j5); ce n'est
là qu'une étourderie, mais elle est de nature à dérouter les élèves.
Malgré toutes ces restrictions , le Choix des Métamorphoses de
M. A. n'en demeure pas moins un livre estimable par les notes prises
dans leur ensemble, par les Remarques de grammaire et de prosodie
données d'après de bons guides et dans une juste mesure, par l'/;zc/^.v
des noms propres qui manque à l'édition de Dûbner, par des qualités de
conscience, de jugement, de connaissances classiques, qui s'imposent à
la critique et qui lui font un devoir de discuter longuement et sérieuse-
ment ce petit volume. On peut le juger avec plus ou moins de sévérité:
on n'aurait pas le droit de le laisser passer inaperçu.
Frédéric Plessis
d'histoire et de littérature 269
34. — professof S. Uuggc's^ »tudBes on nortlicrn niytliolo^v by pro-
fcssor George Stepiiens, dans Mémoires de la Société royale des Antiquaires du
Nord, nouv. série, 1882-83. Copenhague, in-8, librairie de Gyidendal, imprimerie
de Thiele, p. 289-414; et 1884, p. i-55, avec fig. dans le texte.
l»rof. ^. Bugges ^tiidici- ovei' noi-<Iisk llSyllsolegjk-, trad. danoise du
mémoire précédent, revue par l'auteur, dans Aarbœger for nordisk Oldkyiidiglied
og Historié udgivne af det K. nordiske Oldskrift-Selskab. Copenh., in-8, même
librairie, ann. i8S3, liv. 3 014, p. 2i5-263 et xvii-xxv table alphab.); ann.
1884, liv. 1-47, avec fig. dans le texte.
Lorsque lun des plus célèbres professeurs à l'Université de Christia-
nia, M. Sophus Bugge, eut publié le premier fascicule dç, sqs Etudes
sur l'origine des traditions héroïques et mythiques des Septentrio-
naux ', où il soutenait que la mythologie Scandinave s'était formée, aux
IX*' et x^ siècles, de la combinaison de vieux éléments germaniques avec
des réminiscences gréco-romaines et des croyances chrétiennes, cette
thèse originale et soutenue avec beaucoup d'érudition fut vivement
critiquée par MM. G. Stephens et Gisli Brynjulfsson, tous deux profes-
seur à l'Université de Copenhague et, s'il est permis de se citer soi-
même après ces maîtres, par l'auteur de la présente notice '. Les leçons
de M. Brynjulfsson n'ont pas été publiées; celles de M. S., qui l'ont été
de 1882 à 1884, en anglais et en danois, étant trois fois plus volumi-
neuses que la partie correspondante de Touvrage critiqué, peuvent être
considérées comme un travail indépendant, bien qu'elles afFecteni la
forme d'une simple notice. Elles ont d'autant plus d'autorité que le
professeur Stephens, Anglais de naissance, mais Scandinave par adop-
tion, est un des nordistes les plus éminents. Sa connaissance approfon-
die du vieux norrain et de l'anglo-saxon; ses études circonstanciées sur
les mythes et les traditions populaires, ses recherches sur les inscrip-
tions runiques qu'il a publiées en trois magnifiques in-f", lui ont été
d'un grand secours dans Texamen critique des théories de M. Bugge.
Il y a un fait curieux à noter dans l'antogonisme de ces deux savants :
c'est la liberté d'esprit avec laquelle ils traitent des sujets dont les ultra-
patriotes des siècles passés (les antiquaires chauvins, si l'on osait appli-
quer cette épithète aux Rudbeck et aux Gœransson) auraient fait des
questions nationales : tandis que le Norvégien Bugge tire des Iles Bri-
tanniques, sinon l'origine, du inoins la dernière forme des mythes eddaï-
ques, l'Anglais Stephens fait remontera la Scandinavie les mythes de son
pays. Il ne veut pas admettre, avec son adversaire, que des relations
passagères et le plus souvent hostiles aient suffi aux premiers Vikings
ou à leurs descendants pour s'assimiler les croyances des Anglo-Saxons,
1. Stiidier over de nordiske Giide-og Heltesagns Oprindelse. Christiania, 1881.
80 p. in-80.
2. Bulletin critique de la mythologie Scandinave dans Revue de l'histoire des
religions publiée sous la direction de M. Maurice Vernes, t. IV. n^ 4, juillet-août
1881, p. 54-74.
270 RKVlIk CRITIQUE
des Bretons et des Gaëls; lorsqu'il trouve des ressemblances entre les
mythologies des pays situés sur les rives opposées de la mer du Nord,
il les attribue à l'affinité des Anglo-Saxons avec les Scandinaves; de
sorte qu'en remontant à trois ou quatre siècles avant les expéditions des
corsaires du Nord (vni'^-x'^ siècles), il a l'espace de temps nécessaire
pour que les croyances différentes se soient fondues ensemble et, après
avoir été pour ainsi dire digérées, aient pu retourner sous une nou-
velle forme en Scandinavie et s'y répandre d'un bout à l'autre, ainsi
que dans les colonies éloignées.
Un exemple fera mieux comprendre ce bre( exposé de sa thèse, pour
ne pas dire de son hypothèse. Cherchant d'où peut venir Pidée du satan
enchaîné, qui ne se trouve ni dans les livres canoniques ni dans les
écrits des anciens Pères, mais qui fut pourtant répandue au moyen âge
dans le monde catholique et auquel il est fait allusion pour la première
f»is dans l'Evangile apocryphe de Nicodémie (v^ ou vi»^ siècle), le pro-
fesseur Stephens incline à croire que « ce trait a pu être emprunté au
mythe septentrional de Baldr, car au vi" siècle on connaissait depuis
longtemps les armes, les mœurs et les idées des Goths, aussi bien dans
rOrient que dans l'Occident; et les hérétiques et compilateurs grecs re-
cueillaient des idées de tous les coins du monde. Tout ce que nous
pouvons dire, c'est que le diable lié est en Occident une idée peu répan-
due et hétérodoxe, jusqu'à ce qu^elle paraisse de bonne heure et pleine-
ment développée en Angleterre, où nous savons que les Anglo-Scandi-
naves s'étaient établis en très] grand nombre. Cette circonstance rend
vraisemblable que la Scandinavie gothique est le lieu où cette idée à
commencé à prendre racine et d'où elle s'est propagée dans les pays
occidentaux ' ». Il est propable, en efîet, que les Goths du Danube,
leurs descendants les Visigoths et les Ostrogolhs, ainsi que les nombreux
peL:ples sortis de la Scandinavie, cette officina nationum et vagind
gentium , selon l'énergique expression de Jornandès, ont porté dans
l'empire romain beaucoup de leurs superstitions ; mais quelles étaient
celles-ci? On peut le conjecturer, non l'affirmer avec certitude. En outre,
l'idée d'enchaîner le génie malfaisant et déchu est tellement naturelle
que, si la plupart des premiers chrétiens l'ont supposé libre en sa qua-
lité de tentateur, quelques autres ont pu le concevoir captif, sans avoir
besoin d'emprunter cette idée à la mythologie scando-gothique. UApo
caîypse lait allusion aux liens qui retiennent Tancien serpent (xx, i,
2, 7) et le pape saint Grégoire emploie l'expression Ugatus en parlant
de Satan, de sorte que, selon la thèse de M. Bugge, le dieu Loké,
enchaîné pour ses méfaits , pourrait bien être une imitation de
Lucifer.
Mais si l'on peut discuter à qui appartient la priorité de cette concep-
tion, il faut donner raison à M. St. quand il signale des représentation^'
I. Mém. 1882-83, p. 338-9; — Aarbtrger, i883, p. 273-4.
D'HISTOIRE KT DK LITTERAÏUKE 27 I
chrétiennes du mythe Scandinave de Loké. Jamais les poètes, les artistes
et même les théologiens les plus orthodoxes, ne se sont fait faute d'em-
prunter à la mythologie les uns des motifs de décoration, les autres des
leçons ou des exemples à ne pas imiter. Il suffisait pour les derniers de
dégrader les anciens dieux et de les transformer en démons. C'est ce
qu'il li'a même pas été besoin de faire pour Loké, qui passait pour
un mauvais génie dès le temps de la gentilité. II n'est donc pas
étonnant que ce nom ait été employé par les Scandinaves évan-
gélisés comme un synonyme de Satan. Nous mêmes, quinze siècles
après le concile de Nicée, ne nous servons-nous pas journellement
de métaphores empruntées à la fable et ne représentons nous pas
les vices et les vertus sous les noms et avec les attributs de Vénus,
de Mars, de Minerve ? Un peuple en devenant chrétien ne re-
nonce pas du même coup aux images auxquelles il avait eu recours
jusqu'alors pour exprimer ses idées. 11 n'y avait donc rien de choquant
à figurer Loké sur des monuments chrétiens, pourvu qu'on ne lui don-
nât pas le beau rôle. C'est lui évidemment que l'on voit dans un mé-
daillon de la croix de Gosforth en Cumberland. II est lié par le cou,
par les pieds, par les mains; une femme, sans doute la fidèle Sigyne,
dont on reconnaît le sexe à sa longue tresse de cheveux, se tient age-
nouillée près de lui, tendant une coupe pour recevoir le venin qui dis-
tille de la bouche du serpent placé au-dessus du captif. Voilà une vraie
découverte archéologique, d'autant plus précieuse que l'on possède fort
peu de scènes et même de figures isolées de l'ancienne mythologie sep-
tentrionale traitées par des artistes contemporains. — Il n'est pas aussi
bien prouvé que l'arbre Yggdrasil soit sculpté sur une autre croix du
Cumberland, celle de Dearham; ce que notre auteur regarde comme un
tronc avec deux branches pourrait bien être une queue de poisson avec
les nageoires caudales; il est fâcheux que le reste de la figure soit en-
ioncé en terre et peut-êrre brisé; si le reste est conservé et qu'on y
distingue l'image d'un poisson, on n'en sera pas surpris puisque les
lettres composant le mot r//)6; forment l'acrostiche des noms et des
titres du Christ.
Avec sa perspicacité habituelle, M. St. a découvert sur un fragment
d'une autre croix de Gosforth l'illustration d'un des plus célèbres épi-
sodes de la mythologie edda'ique : c'est le dieu Thor en barque et pé-
chant le serpent Jœrmungand qui entoure la terre; d'une main il tient
le marteau avec lequel il veut briser la tête du monstre, de l'autre, la
ligne au bout de laquelle est fixée, en guise d'appât, une tête de bœuf;
le géant Hymi, debout dans la même barque, est tout prêt à couper la
ligne avec sa hache, si le serpent mord à l'hameçon. On se demandera
pourquoi un tel motif de décoration a été choisi pour une croix. Voici
la réponse de M. Stephens : « Le maître chrétien enseigne à ses compa-
triotes non convertis qu'ils doivent renoncer à leurs erreurs, le puissant
dieu Thor lui-même n'ayant pas réussi à anéantir Jœrmungand,
272 REVUE CRITIQUE
tandis que le Christ a réellement brisé la tête du serpent ' ». —
M. K-G. Brœndsted proposait une explication plus subtile- : l'idée de
cette pèche singulière aurait été empruntée par les Scandinaves aux
rêveries de quelques commentateurs du moyen âge, d'après lesquels
Dieu le Père aurait tendu une ligne dans le grand Océan pour prendre
le Léviathan ou Behemoth, qui correspond à Jœrmungand; l'humanité
du Christ en formait l'appât, tandis que sa divinité servait d'hameçon;
le démon, en avalant avec avidité le corps du crucifié, resta suspendu
au crochet. Il y a là en effet certains traits d'analogies naturelles entre les
deux scènes, mais beaucoup plus de différences essentielles; il est donc
fort douteux que la mythologie eddaïque se soit inspirée à cet égard des
allégories du mysticisme chrétien.
On pourrait multiplier les exemples de rapprochements ingénieux et
d'explications originales qui remplissent le mémoire de M. Stephens;
quand même on n'en accepterait pas toutes les conclusions, il faudra à
l'avenir en tenir grand compte dans l'étude de la symbolique et des arts
pendant les premiers siècles du moyen âge, surtout chez les peuples du
Nord. Les recherches du laborieux savant ont, quoiqu'on en puisse
dire, agrandi notre horizon et ouvert des voies nouvelles où nous sou-
haitons qu'il nous guide longtemps encore.
E. Beauvgis.
55. — Le Voyage tl'outi'emei" (Egypte, Mont Sinay, Palestine) de Jean Tlie-
naud, gardien du couvent des Cordeiiers d'Angoulême ; suivi de la Relation de
l'Ambassade de Domenico Trevisan auprès du Soudan d'Egypte, i5i2; publié et
annoté par Ch. Schefer, membre de l'Institut. Paris, Ernest Leroux, m dccc xlxxiv
[sic pour 1884]. Gr. in-8 de 2 ff. xc et 297 pp., plus 3 figg.
Les deux relations que M. Schefer a réunies dans le même voluine
ont entre elles un lien des plus étroits. En 1509 ou i5io, le soudan
d'Egypte, Qansou Ghoury, croyant avoir à se plaindre des Vénitiens,
se rapprocha de Louis XII qui était en guerre avec eux, et chargea
un marchand ragusain de porter au roi de France des lettres con-
çues dans le sens le plus amical. 11 accordait aux Français la liberté du
commerce dans les ports de l'Egypte et de la Syrie, et promettait de ne
pas inquiéter les pèlerins qui viendraient visiter la Palestine. Louis XII,
pour répondre à ces ouvertures, résolut d'envoyer un ambassadeur en
Egypte, et, après avoir songé à son roi d'armes. Guillebert Chauveau,
dit Montjoye, porta son choix sur André Le Roy, qui avait précédem-
1. Mém. 1884, p. 35; — Aavbœger, 1884, P- 38.
2. Dans Une allégorie chi-étienne et un mythe païen, mémoire analysé dans le
Bulletin de la mythologie Scandinave déyà cité, p. 80-82.
t!
D^HlStUSKfi Kl 1>H, LI »Tr,B/\l"l-'UK 2^3
ment rempli avec succès plu?ieurs missions diplomatiques. I.cs Véni-
tiens furent bientôt informés que Ton équipait à Narbonne un grand
navire qui devait conduire à Alexandrie une ambassade française; ils
ne voulurent pas rester en arrière, et choisirent pour les représenter en
Egypte un membre d'une des plus illustres familles de la République, Do-
menicoTrevisan. Celui-ci devait s'efforcer de contrebalancer l'influence
de Louis XII auprès du soudan et de rétablir les affaires des Vénitiens.
André Le Roy lit voile d'Aiguesmortes le 14 novembre 1 5 r i . Il était
accompagné d'une nombreuse suite dont faisait partie frère Jehan Thé-
naud, gardien du couvent des cordeliers d'Angoulême. Louise de Savoie
et son lib, le duc d'Angoulême, qui protégeaient ce religieux, l'avaient
chargé de se rendre à Jérusalem, afin de prier pour eux dans les sanc-
tuaires des Saints Lieux; ils lui avaient recommandé de recueillir des
renseignements sur la puissance des Persans, dont les conquêtes exci-
taient l'atterition de la chrétienté, et de pousser jusqu'aux Indes, s'il le
pouvait. Thénaud, qui avait quitté Angoulême le 2 juillet , avait
rencontré l'ambassadeur à Valence; il l'accompagna jusqu'à Savone,
oi^i il débarqua, « délibérant passer l'y ver en Italie ». L'attitude hostile
de la population lui Ht abandonner son projet, et il continua isolément
son voyage en faisant le long des côtes diverses escales. A Castellamare,
il prit passage sur un navire ragusain, qui le conduisit à Alexandrie.
Il y arriva le 29 février i5i2, presqu'en même temps que la nef Z,a
Normande que montait André Le Roy. Il suivit au Caire l'envoyé du
roi et resta près de lui jusqu'au milieu du mois de juin; mais, quand il
vit que les négociations traînaient en longueur, il se sépara de l'ambas-
sadeur, visita le monastère de Sainte-Catherine, situé au pied du mont
Sinaï, revint au Caire, puis repartit pour Jérusalem, où il eut des
démêlés avec les Géorgiens, qui le décidèrent à retourner en Egypte.
Ses ressources étaient éptiisées ; il se souciait peu d'ailleurs de s'ex-
poser à de nouvelles fatigues et à de nouveaux dangers; aussi prit-il
le parti de ne s'occuper ni de la Perse ni des Indes. Il gagna Damiette,
où il s'embarqua vers la tin d'octobre. Il prit terre à Villefranche, près
de Nice, le 2 mars i5i3, et arriva à Amboise, où était Louise de
Savoie, le 3i du même mois. Nous ignorons quand André Le Roy
rentra en France.
La mission vénitienne avait été conduite avec beaucoup plus de dili-
gence et d'habileté. Dominique Trevisan, parti de Venise le 23 janvier
i5i2, était à Alexandrie le 17 avril; il se rembarquait à Damiette le
7 août et était de retour à Venise le 2 3 novembre. Quelques semaines
avaient suiïi pour mener les négociations à bonne fin.
La relation de Jehan Thénaud contient une foule de détails du plus
haut intérêt, non seulement sur l'Egypte, mais sur l'Italie, les iles et la
Palestine ; elle est pour la plus grande partie originale. L'introduction
et le commentaire qu'y a joints M. Sch. ne contribuent pas peu a en
274 RKVUK CKHIQOK
augmenter la valeur. Nul n'était plus à même que le savant directeur de
l'Ecole des Langues orientales d'élucider toutes les difficultés du texte,
à l'aide des auteurs occidentaux, aussi bien que des auteurs arabes.
Les renseignements qu'il nous donne sont si abondants et si variés
qu'il serait difficile d'y faire une seule addition. M. Sch. connaît non
seulement les auteurs, en vers et en prose, mais il n'est pas une carte,
pas un tableau, pas une miniature qu'il ne mentionne à propos. Notre
amour pour la bibliographie nous aurait fait seulement désirer que la
liste des ouvrages de Thénaud fût dressée avec un peu plus de préci-
sion '. La note relative à Prégent de Bidoulx (p. 9) eût pu également
être plus complète -.
M. Sch. a cru devoir traduire en français le principal document re-
latif à l'ambassade vénitienne : la relation de Zaccaria Pagani, dont
le texte original a été publié en 1875 par M. le commandeur N. Ba-
rozzi, et dont il possède lui-même un manuscrit ^. Il y a joint le texte
italien des instructions données à Trevisan, instructions dont l'origi-
nal, supérieurement calligraphié, fait également partie de sa bibliothè-
que, et divers autres appendices. Quant aux lettres de Marcantonio
Trevisan, fils de Domenico, qui accompagnait son père en Egypte,
M. Sch. se contente de nous renvoyer aux Diarii de Marino Sanuto '.
1. Voici cette liste en abrégé :
I" La Margarite de France, ou Civoniqiic abrégée des roys qui ont régné es
Gaules... i5oS.
Un ms. de cet ouvrage était, en lyyD, entre les mains de l'abbé Mercier de
Saint-Léger. Voy. Lelong. Biblioth. histor., IV, 358.
2" La Lignée de Saturne., i5i3.
Cet ouvrage, que M. Sch. ne cite que d'après Labbe (Nova Bibliotheca historica.
i653, in-4, 353), existe en ms. à la Bibliothèque nationale fr. .:o8i). Un fragment
se retrouve sous le n" i358.
3° Les Triomphes des Vertus, i5i8.
Biblioth. nat., mss. fr. 4.1.3 (fe partie), 144 {2^ partie^.
.l" Poème sur la Cabale, v. i52o.
Biblioth. nat , ms. fr. 882.
5' Le Voyage d'outremer.
La rédaction de ce voyage est postérieure à l'année i523, puisqu'il y est fait men-
tion de la prise de Rhodes par Soliman.
Thénaud nous apprend lui-même dans sa relation qu'il avait fait un travail sur
Aythonius et traduit en français les Epîtres de saint Paul. Voy. l'édition Schefer,
1 1/\, 126.
2. Voy., sur ce célèbre marin, Jal. Marie-la-Cordelière (Paris, 1845, in-8) et
Montaiglon, Recueil de Poésies françaises, VI, 97.
3. La seule observation que nous ayons à faire sur cette traduction porte sur le
mot haspersegi (p. 210). Il faut lire naspersegi (des brugnons).
4. M. Sch. ne nous dit pas si Marcantonio est le même personnage que le doge
mort en i534. Les documents auxquels il renvoie permettraient de répondre facile-
ment à cette question.
Quant a Domenico, M. Scii. énumère (p. lxv) ses nombreuses missions diploma-
tiques; nous n'avons rien à ajouter à sa note; mais nous, relèverons ici un détail
d'HISTOIRH KT 1)K LI irKKAïXIHfe l'/b
En résume, le présent volume est un des ouvrages que liront avec le
plus de plaisir et de profit tous ceux qui s'intéressent à Thistoire et à la
géographie de l'Orient. Il occupera un des premiers rangs dans l'excel-
lente collection publiée par MM. Schefer et Cordier '.
Emile Picot.
THÈSES DE DOCTORAT ES LETTRES
Faculté des lettres de Paris
(8 janvier i883).
Suuteiiaiiee fie AI. l^. Hauvette>llesn<iult.
I. De Archonte Rege. — Ain. Hauvette-Besnault. Thoiin, 1884, in-S". v-124 pp,
II. Les Stratèges athéniens, par Am. Hauvutie-Besnault, ancien élève de l'Ecole
Normale supéneuie, ancien membre de l'Ecole française d'Athènes, pro-
fesseur au collège Stanislas. Thorin, 1884, in-80, vu- 190 pp.
I
M. Hauvette-Besnault a fait de ses deux thèses deux contributions à l'histoire de
la constitution athénienne. La thèse latine, qui est consacre'e à l'étude de l'Archonte-
Roi, se recommande par trois qualités, aux yeux de M. Himly : l'érudition, la sa-
gacité et la prudence; la méthode de M. H.-B. est rigoureuse; un bon index en fait
foi à la fin du livre; sa thèse est bien divisée : i" origine des fonctions du Çty.zO.Z'JC,',
2° rôle religieux; 3° rôle judiciaire de ce magistrat. On regrette peut-être l'absence
d'une bibliographie du sujet; c'est que M. H.-B. n'aurait eu à indiquer que des
manuels.
A quelle époque apparaît cette magistrature? Il est assez difficile de le détermi-
ner. M. H.-B. croit pouvoir assimiler son ^c/.aù.tùq aux ^actXîTç mentionnés dans
un décret de Dracon, malgré la théorie de Curtius qui considère ces [5a7t/.îiç
comme les neuf magistrats annuels de la République. A partir de Solon, on se rend
de l'institution un compte un peu plus exact; on voit le '^cf.aù^tùç présider les trois
tribunaux de l'Aréopage, des Ephètes et du Frytanée, sans doute en vertu de son
caractère religieux, car ce sont les attributions sacrées, qu'il a héritées du roi ;
^aaiXcUÇ est le seul nom qu'il porte; le nom d'archonte ne désigne exactement
qui se trouve à la fin d'une pièce intitulée : Epistola magnifici equilis aitrati
Hermolai, Barbari artium et utriusque juris docioris ac poetae laureati, legati ve-
neti ad Fredericum imperatorem et Maximilianitm regem Romanorinn, principes
invictissimos (s. 1. n. d. [1486J, in-4). Cette lettre se termine par la mention sui-
vante, que nous regrettons de ne pas avoir connue lorsque nous avons parlé des
équités aitrati (voy. Revue critique, 188-1, I, 3i2) : « Idibus Augusti [148Ô] Hermo-
laus Barbarus a rege Romanorum Maximiliano, Federici Cesaris patris sui jussu.
eques auratus Brugis creatus est et aurea veste donatus, una cum praestanti coUega
suo Dominico Trivisano. » Voy. Cigogna, Saggio di Bibliogr.vene^, n" iiyS.
I Relevons en terminant deux fautes d'impression omises dans les errata ;
p. XLvii, Simon Goulard, Senonois, lis. Senlisien; p. ii, la Mermandc, lis. la
Normande,
276 «KVIIH CRITIQtJh
que le premier des neuf magistrats et le nom d'archonte-roi est tout à fait impropre.
Relativement au rôle et aux fonctions de ce magistrat, M. Himly regrette que
M. H.-B. n'ait pas développé l'analogie du pxîtXî'jç et du rex sacvificulus. Il re-
grette aussi que M. H.-B. ait cru devoir prendre à parti M. Renan. M. Renan
a comparé le (3a!Jt}vc6^ et les procès d'impiété au Grand-Inquisiteur et aux procès
d'hérésie. Sans méconnaître la différence essentielle qui sépare le dogme catholique
fixé par un Credo, et la religion vague et mystérieuse des Grecs, M. Himly persiste
à voir une analogie dans le procédé qui consiste des deux parts à mettre la religion
au service de la politique. Mais s'il y a analogie dans le résultat, répond M. H.-B..
le rôle du Roi est tout à fait différent de celui du Grand-Inquisiteur ; car il n'a, en
réalité, aucune compétence religieuse.
iM. Collignon revient sur la question de l'origine du [iaG'.AS'jç ; '1 a peine à ad-
mettre que, dans le décret de Dracon, [SaîiAôtç ait pu désigner la série des archon-
tes-rois. Sur cette question se greffe la discussion relative à l'apparition des déno-
minations spéciales pour les neuf archontes. Si l'on admet la correction de Kœhler
pour l'inscription de Dracon, on conclura, avec M. H.-B , qu'en 624 le [îas'.Xsj;
avait déjà assumé des fonctions spéciales; et. par analogie, on conjecturera que les
autres magistrats s'étaient partagé le reste des attributions; comme cette division
des pouvoirs a dû nécessairement coïncider avec une grave réforme et que nous sa-
vons pertinemment que Solon n'a pas touché aux archontes, on est peut-être auto-
risé à penser que le partage des attributions est contemporain de la formation d'un
collège. Le chapitre de la thèse relatif aux attributions religieuses est très intéres-
sant; M. H.-B. a scientifiquement démontré que ce rôle religieux était des plus
effacés. Pourquoi n'avoir pas complété la démonstration en groupant autour du
PacrfAeù; le personnel dont on l'entourait pour suppléer à son insuffisance.' ses
parhêdres et ses parasites: C'est que les parhèdres ne sont pas particuliers au
(iaîiXcûç, et que chaque archonte (chacun des trois premiers du moins) en a deux;
quant aux parasites, M. H.-B. n'a pu déterminer leurs fonctions. 11 reste encore à
se demander quel était décidément le rôle du [3aaiA£Ûç ; M. H.-B. a montré son ef-
facement, et cependant l'on désirerait préciser cette insignifiance. A-t-il des fonc-
tions liturgiques.' Non, répond M. H.-B, ; si Platon parle des cérémonies aux-
quelles il prend part, c'est que le ^acri/auç y assiste comme magistrat; mais il
n'oflficie pas; peut-être fait-il deux sacrifices, dans l'Eieusimum d'Athènes et
dans celui d Kleusis; mais aux Panathénées, il s'efface; ce sont les ispot qui jouent
le rôle actif; le ["iacJlXc'Jç; est là avec ses huit collègues, mais si bien confondu avec
eux que, dans les représentations figurées, rien ne le distingue dans le groupe des
Neuf. Quant aux attributions judiciaires, M. H.B. a bien fait, suivant M. Colli-
gnon, de ne pas se laisser séduire par l'analogie du saint Office; Albert Dumont a
démontré, dans son Ephébie attique, l'absence de toute théologie à Athènes; dans
les procès politiques, il n'y a jamais de dogme en question; et cela suffit à fausser
la comparaison. Dans les procès criminels relatifs aux alliés, le [ja^tAîiiç était-il
compétentr Dans le discours d'Antiphon sur le meurtre d'Herodes, l'accusé parle
aux Héliastes; qui préside? La condition des alliés varie beaucoup, explique
M. H.-B., mais quand ils sont justiciables des tribunaux athéniens, et qu'il s'agit
d'une cause de meurtre, le jias'.Asijç préside, quel que soit le tribunal; il préside
toujours en cas de meurtre; c'est la plus claire de ces attributions. C'est peu de
chose et l'on peut conclure avec M. H.-B., per se ipsum rex niJiil est; sitôt qu'on
cherche à préciser quoi que ce soit qui s'y rapporte, on se heurte aux conjectures
comme M. H.-B. qui a cru pouvoir fixer l'emplacement d'un (iaa'.Xsicv dont l'exis-
tence reste douteuse.
2'"J
OHISTOIRK Kl DK rjTTKR aTI[J«K 277
M. Geffroy insiste sur la comparaison du fiaatXîùç et du Rex sacrificuhts ; ce pa-
rallèle eût peut-être été suggestif. Le Rex occupe à Rome un rang bien plus élevé
que le PactASUÇ à Athènes; et pourtant son caractère religieux est moindre,
mais il a des attributions plus précises. Il lient un rang supérieur au Pontifex
Maximits.an Flamen Dialis;û exerce des fonctions inférieures. 11 ne peut exercer
d'autre magistrature; il ne peut paraître assister aux actes politiques; il immole la
victime avant l'ouverture des Comices, et s'enfuit à toutes jambes. Il reste en charge
toute sa vie. et demeure ainsi éloigné des magistratures. Le [iaî'.Xsûç est-il plus
libre vis-à-vis de la tradition? Il est soumis à bien des obligations, de même que
sa femme; car il doit être marié, c'est une condition de la dokimasie. Quelle est
l'origine de ce sacerdoce de la regina ou de la ^aaiXtaca? On ne voit guère le
rôle de. la femme du roi dans Homère, ou près de Romulus ; si l'on rapproche ce
fait de la persistance des Codrides à Ephèse (Strabon, xiv, i, 3) avec les insignes
royaux, sans attributions politiques, et de la séparation des pouvoirs religieux,
tandis qu'à Athènes tous ces pouvoirs sont transportés en bloc avec les autres au
collège des Archontes; si l'on se souvient que nous trouvons dans Tacite la preuve
que certains anciens pensaient que la royauté primitive n'était pas une chose
religieuse, il est permis de se demander si l'autorité du (îaciXîùç est une survi-
vance du pouvoir royal ou du pouvoir patriarcal.
M. Fustel de Coulanges, prenant la parole après M. Jules Girard, regrette que
M. H.-B. ait intitulé sa thèse De Archonte Rege, puisqu'il n'existe en réalité qu'un
archonte, et que le Collège tout entier est appelé par les Grecs et £VV£a, et se montre
sceptique au sujet d'une correction faite à Pollux, qui ne pouvait pas ne pas avoir
de bons textes; i! n'est pas bien convaincu que les inscriptions grecques donnent
TOÛTOÇ pour TC'JTCUC et croit qu'on psut aussi bien conjecturer TCUTGtç. 11 revient
à la question des procès d'impiété, félicite M. H.-B. de s'être gardé d'une compa-
raison fausse; mais estime que l'auteur a peut-être un peu trop atténué les senti-
ments religieux des Athéniens; ces procès sont-ils bien des procès politiques; les
accusateurs de Socrate n'étaient-ils pas sincères? Il ne faut pas oublier qu'il s'agit
ici d'une génération dévote, de la génération qui a fait les procès des Arginuses et
des Hermès.
M. Croiset revient sur l'impossibilité, au point de vue philologique, d'expliquer,
dans le décret de Dracon, j^asiAstç par la série des archontes-rois.
II
La seconde thèse de M. H.-B., les Stratèges Athéniens, a été composée avec la
même rigueur que la thèse latine; cette rigueur parfois trop archéologique,
d'après M. Himly, fait le grand mérite de la thèse, comme u le sentiment de la
mesure » en fait l'originalité. La thèse est divisée en trois parties : Origine des
stratèges. — Les stratèges au V et au iv^ siècle. — Les stratèges depuis la conquête
macédonienne jusqu'à l'envahissement de l'empire romain.
M. Jules Girard demande quelques éclaircissements sur la stratégie de Périclès.
M. H.-B. estime qu'elle ne se distingue pas constitutionnellement de tout autre
stratèges. On avait à tort conjecturé que Périclès restait à Athènes, tandis que les
autres stratèges étaient en expédition. Le manuscrit de Wilamowitz-Moellendorf
démontre que tous les stratèges pouvaient à la fois quitter Athènes. La conjecture
de Droysen, qui attribue à Périclès une présidence du collège des stratèges, ne
précise même pas l'existence de cette présidence. Le mot auTOy.pitwp, employé par
Plutarque, n'est rien moins qu'un titre officiel. Il reste pourtant à rendre compte
27'*> KKVUK CKlTlQUh
ues rapports de Périclès avec l'assemblée; il interdit pendant le siège aux citoyens
de s'assembler. Est-ce à titre de générai en chef et en vertu d'une soi te d'état de
siéger M. J. Girard termine en reprochant à M. H.-B. son indulgence pour l'insti-
tution des stratèges. C'est, avant tout, une institution militaire, destinée à défendre
le pays; or, elle n'a pu remplir cette mission; donc, c'était une mauvaise institu-
tion. M. H.-B., au contraire, ne considère pas les stratèges comme investis seule-
ment de fonctions militaires, mais comme ayant exercé une grande influence sur le
développement de la démocratie athénienne, et il constate que la période la plus
brillante de l'histoire de la stratégie coïncide avec l'époque la plus glorieuse de l'his-
toire d'Athènes.
M. Perrot explique l'influence de Périclès par la constitution d'une sorte de mi-
nistère, guidé par ses inspirations. Les décrets étaient rendus sur l'initiative des
rhéteurs; les rhéteurs étaient ses amis ; mais de plus, pour entrer dans les détails
de l'exécution, il fallait s'adresser à un homme déjà au courant des précédents.
Seul restant chaque année du collège précédent, il était seul à savoir, seul à diriger.
M. Perrot apprécie que, quels que fussent les défauts de la stratégie, elle offrait du
moins cet avantage de corriger le vice essentiel de la constitution athénienne, le ti-
rage au sort.
M. Gebhart fait ressortir la morale qu'on peut tirer de cette étude La ruine d'A-
thènes est due à l'instabilité du commandement, à l'indiscipline, à la faiblesse de ce
gouvernement dont tous les gouvernés faisaient partie. La démocratie à outrance
de l'armée nationale, et les condottieri athéniens, dont M. H.-B, ne parle pas en-
core assez, sont en somme un progrès dans l'organisation militaire d'Athènes. Au
reste, les Grecs avaient-ils un tempérament militaire? M. Gebhart égaie la discus-
sion sur ce point, par le récit de ses souvenirs personnels sur les révolutions en
Grèce.
A ces souvenirs un peu modernes, M. Bouché-Leclercq compare des anecdotes ti-
rées des anciens et emprunte aux Stvatagemj.tica les preuves de la lâcheté des sol-
dats d'iphicrate. Il insiste sur la loi historique persistante à .Athènes qui fait tom-
ber le pouvoir effectif des mains des magistrats affaiblis à des personnages d'un
rang moins élevé dans l'Etat. Des archontes réduits à l'impuissance, il passe aux
stratèges qui ne sont primitivement que des généraux; à peine les stratèges sont-
ils devenus les vrais magistrats de la République, qu'ils sont déconsidérés. L'un
d'eux, le stratège "Ez'. Ta C7:Aa, n'est plus qu'un instructeur militaire, et tout le
pouvoir est exercé par les rhéteurs. Si la Macédoine avait tardé, que serait-il ad-
venu des rhéteurs;
M. Croiset fournit une explication plausible de l'interdiction de l'assemblée par
Périclès; il fait remarquer que tous ces événements se succèdent dans un laps de
temps assez court; l'invasion de l'Attique dure trente et quelques jours; si la
/'Jpia E"/,xX'/]i7(a a été tenue aussitôt avant le siège, on peut supposer que Périclès
a seulement retardé de quelques jours l'assemblée suivante : et ce retard a été d'au-
tant moins considérable que, dans les derniers jours du siège, il permit quelques
sorties; et son inaction était le principal grief qu'on eiît à relever contre lui.
M. J. Martha fait observer qu'une liste des stratèges connus, avec leurs dates, eût
fourni un appendice utile. M. H.-B. a fait ce travail ; mais le produire, c'est en mon-
trer toutes les lacunes.
.\1. Haiivette-Besnault a obtenu l'unanimité.
d'histoirk et dk littérature 279
CHRONIQUE
FRANCE. — Cinq plaquettes de M. E. Prarond. — Le savant historien d'Abbe-
ville a voulu rendre mémorable son passage à la mairie de celte ville en publiant,
dans l'année même de son consulat, cinq pièces imprimées avec luxe dans le format
in-4° et qui toutes ont un intérêt abbe\illois. En voici Ténumération : — 1. Jacobi
Sanson aliter R. P. Ignatii Josephi de Jesu Maria carmina quce ex libris Reve-
rendi Patris eruit F . Prarond, Scriptoris historici jEmulator indignus.{Ambiani,
typis Delattre-Lenoel, 1 1 p. Tiré à 100 exemplaires.) Les petites pièces de vers latins
du bon Père en l'honneur d'Abbeville, de deux de ses maires du xvii' siècle, etc.,
sont précédées de cette dédicace de l'éditeur : « Mon Révérend Père, l'indifférence en
matière d'histoire de nos concitoyens — des vieux temps — a laissé se perdre pres-
que en totalité les exemplaires de votre Histoire ecclésiastique de V Archidiaconé
de Ponthieu ei de votre Histoire chronologique des Maieurs d'Abbeville. De ces deux
livres j'extrais simplement aujourd'hui votre œuvre poétique et latine, trop discrète
à mon gré, et je vous présente ces minces feuilles en expiation pour nos compatrio-
tes. •» M. PraronJ a fait suivre sa petite épître de huit vers latins adressés au Ré-
vérend capucin, ad patrem discalceatum. Est-ce parce que les vers latins sont
nujourd'hui bannis et ont tout l'attrait du fruit défendu.' — IL Abbatisvilla a peste
servata nova editio e recensione et curis E. Praro.nd, ynajoris tirbis. {Ibid. unutn e
centum exemplaribus, 14 p.' Ce poème anonyme a été imprimé pour la première
fois à Abbeville chez Jean Musnier en 1674. L'éditeur, dans une préface latine qu'ac-
compagnent huit vers latins non moins bien tournés que les précédents, apprend à
son lecteur (Lectori), qu'il ne subsiste qu'un seul exemplaire de l'édition originale,
lequel est conservé dans la bibliothèque d'Abbeville. Citons le dernier vers du huitain
adressé au poète inconnu : Cui bene venit ave, cui beyie dix it amen. — 111. Qjtalis
anno MDCXLHI Abbatisvilla stabat. Hanc e perrara Claudii Kiveti de Mont Devis
regice majestatis Geograpîn Tabula excerpit civibusque suis offert descriptioncm
E. Prarond, viajoris iiupcr munere functus. (Ibid. 2b p. Tiré à cent exemplaires).
La description d'.Abbeville par Claude Rivet de Mont Devis est précédée d'une étude
(en langue française) de l'éditeur sur le plan de sa ville natale et sur la légende tri-
lingue qui l'accompagne (latine, française, allemande). Dans ses dernières remarques
(p. 23-25), M. Prarond déclare que '< Claude Rivet et son plan sont encore des
énigmes défendues par de nombreux mystères ; » il énumère les divers petits pro-
blèmes à résoudre et il convie à celte tâche les chercheurs et les curieux, — IV. Ja-
cobi Francisci Buquet Regalis sancti Wulfranni ecclesice canonici opéra quce su-
persunt edidit cum notis E. Prarond, Abb.ivillœi Athenœi prœses ex iionore, major
urbis. {Ibid., vi, 44 p. Tiré à cent exemplaires.) Reproduction d'un manuscrit acheté
en 1872 par M. Prarond et intitulé : Inscriptions pour la cour de France avec deux
paraphrases sur le psaume cent trente-sixième 01 vers latins et français présentées à
Son Altesse Royale Monseigneur le duc d'Orléans Régent du Royaume par M. Bu-
Q.UET, chanoine de l'église royale de saint Yulfran d\'ibbeville. L'éditeur adresse
un quatrain à l'abbé Buquet, raconte sa paisible vie, apprécie ses vers bien faibles
hélas! (tous ses distiques paraissent longs) et met presque sous chaque pièce une
piquante note assaisonnée de ce sel dont Buquet, à propos de M""^ de Nantes, parle
ainsi : Cecropiis salibus tu quoque Pallas eris. — V. Les œuvres de Jciian Barba-
fust qui fut maire d'Abbeville en l'an 1 524, publiées pour la première fois par
E. pRARo.sD. son successeur en l'Echevinage en Van 18S4. [Ibid., iv, 28 v. Tiré ù
iSo KhvuK CKinyuK u histoikk kï dk i.n t i.raturk
loo exemplaires. On chercherait vainemeiu le nom de Barbatust dans notre grande
Histoire liilévaire de la France. Ce prétendu poète du xiii'' siècle appartient en réa-
lité au xix«. Barbafust n'est autre que M. E. Prarond. En dénonçant le coupable, je
demande sa grâce, car rarement pastiche fut plus ingénieux, plus spirituel et mérita
mieux de désarmer et de faire sourire les plus implacables critiques. Je n'hésite pas
à mettre le tour de force de M. Prarond bien au-dessus de celui de la trop fameuse
Clotilde de Surville. — T. de L.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 27 7nars iSS5.
M. Paul Meyer continue sa communication sur deux ouvrages historiques français
du moyen âge, dont l'un est une histoire de l'antiquité et l'autre une histoire de
JulesCésar. L'histoire de l'antiquité a été écrite, comme M. Meyer l'a prouvé à la
dernière séance, avant i23o, et dédiée au châtelain de Lille Roger. C'est un ouvrage
à demi populaire, destiné a être lu ou récité devant des auditoires composés d'hom-
mes médiocrement instruits; on possède un autre échantillon du même genre litté-
raire dans les Récits d'un ménestrel de Reims, publié par M. de Wailly en 1876.
L'auteur a débarrassé son récit des détails qui lui ont paru trop obscurs ou trop
peu intéressants ; il a intercalé, de temps à autre, des réflexions morales, en vers,
tirées des événements racontés dans l'histoire. Mais, dans la plupart des manuscrits,
on a supprinié ces vers, ce qui a changé notablement le caractère de l'ouvrage. Une
autre modihcation grave a été faite vers le temps de Charles V : on a supprimé
toute la parti^e du livre qui concerne l'histoire sainte, et l'on a substitué au récit de
la guerre de Troie, traduit de l'ouvrage connu sous le nom de Darès, un récit beau-
coup plus développé, tiré en majeure partie du poème français de Benoît de Sainte-
More, avec quelques additions originales qui témoignent que l'auteur de ce rema-
niement avait visité la Grèce.
M. Héron de Villefosse adresse à l'Académie une lettre dans laquelle il justifie,
au moyen d'une inscription nouvellement découverte, la lecture adoptée dans un
passage du dernier volume des oeuvres de Borghesi, publiées par l'Académie.
M. Delaunay lit, au nom de M. Deloche, une notice sur un poids de cuivre con-
servé au nmsée royal d'antiquités de Bruxelles. Ce poids est en forme de disque,
de o"'047 de diamètre et o"'oig de hauteur. La face supérieure est ornée de grénetis
et de points diversement disposés. La tranche porte la légende : RODULFUS NE-
GOTIENS. Plusieurs archéologues et épigraphistes, consultés par M. Deloche, se
sont accordés avec lui pour fixer la date de ce petit monument au x-^ siècle de notre
ère. Il pèse exactement 327 gr. 10, ce qui se rapproche beaucoup du chilTre de
327 gr. 3bi, fixé par Letronne pour la livre romaine. 11 y a donc là un argument
en faveur de l'évaluation de Letronne. D'autre part, c'est une raison de plus de
rejeter une hypothèse sans fondement de Benjamin Guérard, qui voulait qu'en 779
Charlemagne eût élevé d'un quart l'étalon légal de la livre pesant, conservé intact
pendant toute la durée de l'antiquité et du inoyen âge.
M. P.-Ch. Robert rappelle à l'Académie qu elle a, l'an dernier, sur sa proposition,
signalé au ministre de l'instruction publique, la nécessité d'arrêter par une loi la
destruction des monuments antiques et des inscriptions qui abondent dans nos pos-
sessions d'Afrique. 11 vient d'être informé par M. Julien Poinssot, leprésentant à
Paris des sociétés archéologiques d'Oran et de Constaniine, que les ruines de Se-
riana, à 8 kilomètres de cette dernière ville, viennent à leur tour d'être mises en exploi-
tation régulière. Beaucoup d'inscriptions, dont plusieurs à ce qu'on croit, n'avaient
pas encore été copiées, ont disparu ; un fortin byzantin a seul résisté par sa masse.
Parmi les pierres détruites, M. Poinssot signale un texte publié par M. Léon Re-
nier, puis relevé de nouveau par Willmanns, et reproduit dans le t. VIII du Corpus
inscriptioniim latinarimi. Ce texte mentionnait la patrie d'un vétéran qui se dit
DOMO LAMIGO; il avait, par conséquent, dit M. Robert, un intérêt ethnique réel.
Des protestations ont eu lieu, mais on a considéré les ruines de Seriana comme
n'ayant pas d'importance. On envisage trop souvent, en effet, les antiquités de notre
terre d'Afrique au point de vue exclusif de l'art. Or, s'il convient, ajoute M. Ro :ert,
de ne conserver en France que les églises romanes ou gothiques d'un certain mérite
architectural, il ne faut pas oublier que dans notre' colonie l'inscription la plus
modeste a parfois un intérêt capital au point de vue de l'histoire, de la géographie
et de la connaissance des races diverses qui vivaient dans cette partie du monde
romain ou qui peuplaient la legio III Aiigiista et ses cohortes auxiliaires.
Ouvrage présenté par M. Gaston Paris : Paius (Paulin), Etudes sur François I",
sa vie privée et son règne. Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : K.HNEST i.EKOi-JX.
i*nv7'itynirii' de Mi>' ri;a^fni /;7v, lutuinv^'-'-l Si3!iil ■ i.-7ii>'en'
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 15 — 13 avril — 1885
fBommaire : 56 Dosabhai, Histoire des Parsis. — b-j. Willems, Le sénat de la
République romaine, II. — 58. Favé, L'empire des Francs, I, les Francs avant
le règne de Clovis. — 5q. Gav, Glossaire archéologique du moyen-âge et de la
Renaissance, III. — 6o. Scheler, Etude lexicologique sur les poésies de Gillion
Le Muisit. — 6i. Aventinus, œuvres, p. p. Riezler, iii-v. — Ô2. De Budé, Vie de
Guillaume Budé; Amiel, Juste-Lipse. — 63. Pigeon, L'Allemagne de M. de Bis-
marck. — Chronique. — Société des Antiquaires de France.
3(3. _ Hi»toi-y ortlie Pai-eis, including their manners, cus'.oms, religion, aud
présent position by Dosabhai Framji Karaka, G. S. I. vol. I, xxxin-3'32 pages;
Vol. Il, vni-35o, in-8. Londres. Macmillan, 1884.
Ces deux grands volumes, magnifiques d'exécution, sont la refonte
complète d'un livre publié par Tauteur il y a plus dVin quart de siècle ',
Il ne s'agit pas ici d'une nouvelle édition, mais d'une œuvre
presque originale : car, malgré l'identité générale du plan et les
pages nombreuses qui ont passé du premier livre dans le second, les dé-
veloppements nouveaux sont si nombreux et si étendus que l'œuvre pri-
mitive s'y trouve comme perdue. Il est inutile de faire ici la comparai-
son entre les deux ouvrages, et nous analyserons la nouvelle édition en
elle-même, sans distinguer entre les parties récentes et les parties an-
ciennes.
L'auteur est un des représentants les plus parfaits du Parsi anglisé :
magistrat supérieur à Bombay, ancien président du conseil municipal,
ancien membre du conseil législatif de Bombay, ancien sheritf, il avait
été élevé à VElphinstone Institution, le grand foyer de l'éducation an-
glaise parmi les indigènes de Bombay, et avait fait ses débuts en donnant
une preuve éclatante de loyalism pendant la grande insurrection par la
publication d'un appel en guzerati et en marathi % adressé à ses compa-
triotes en faveur de la domination anglaise dont il comparait les bienfaits
à Toppression et à la misère de Tlnde sous les anciens Rajas. M. Dosabhai
a depuis fait sa carrière dans Tadministration : c'est un magistrat, ce n'est
pas un savant. De là les défauts, les lacunes et de là les qualités de l'ou-
vrage dont nous avons à parler. 11 a essayé de faire une encyclopédie de
l'histoire des Parsis : pour une grande partie de sa tâche, il était absolu-
1. Sous le titre suivant : The Parsees : their hisioiy, manners, ciisioms and reli-
gion by Dosabhay Framjee, London, Smith, Eder and C% i vol. in-12, 286 p. i838.
2. The Cornpany's Raj contrasted ii'ith Us predccessors.
Nouvelle série, XIX. i5
282 RKVUK CIUTIQUK
mont incompétent; pour une autre, par sa connaissance pratique du
présent, il était le meilleur guide qui pût se trouver.
Dans le premier volume, M. D. étudie tour à tour l'histoire ancienne
des Parsis, avant et depuis la conquête arabe, décrit leur situation en
Perse, s'étend sur leur histoire en Inde, où ils forment depuis longtemps
la partie la plus vivace et la plus avancée de la race, fait connaître leurs
moeurs, leurs coutumes, leur gouvernement intérieur et leurs lois, leur
éducation. Dans le second volume, il nous fait connaître les familles les
plus distinguées du Guzerat et de Bombay, leurs worthies, fait ensuite
le tableau de la religion des Parsis et termine par celui de leurs progrès
et de leur position présente.
La partie historique est faible; pour les périodes anciennes, elle est
nulle. L'auteur résume l'histoire ancienne d'après le Shah Nameh com-
biné avec le Ûesatir et autres sources qui n'ont pas même la valeur de
document populaire : il compte sept dynasties, des origines à la conquête
arabe : Mahabadiens, Peshdadiens, Kéanides, première dynastie mède.
Assyriens, seconde dynastie mède, Achéménides, Parthes, Sassanides
(p. 5). Il ne semble pas bien convaincu que les Grecs aient été vain-
queurs à Marathon '. Le terrain devient plus sûr avec la conquête arabe,
où l'auteur a pour guide le Kissahi Sanjan. Arrivé à la période con-
tem.poraine, le récit devient tout à fait neuf. Nous trouvons là, en par-
ticulier, l'histoire des longs efforts faits depuis une vingtaine d'années
par les Parsis de l'Inde pour relever la condition de leurs frères de Perse
et qui n'ont abouti que tout récemment, par la suppression de laja^ia.
La ja^ia, comme on sait, est la capitation à laquelle sont soumis en pays
musulman les infidèles : c'est à la fois un impôt infamant, car c'est le
signe de la position inférieure de Pinfidèle, et un instrument d'oppres-
sion, car la perception en est confiée à des agents sans contrôle qui,
malgré le chiffre peu élevé de la ja^ia (845 tomans) savent la rendre
singulièrement productive à leur profit. La campagne commencée en
1857 par la Société pour l'amélioration du sort des Zoroastriens de Perse
(The Persian Zoroastrian amélioration JundJ n'a. abouti qu'en août
1882, date du firman de Sa Majesté Nasaredin Shah, qui, en considéra-
tion des bienfaits dont la Providence a bien voulu le combler, et en
vertu du devoir qui lui incombe de veiller au bonheur de ses sujets, sans
distinction de tribu, de race, de communauté, de credo, et de les rafraî-
chir tous également des eauK de sa faveur, exempte du tribut annuel les
Zoroastriens, résidant à Yezdetau Kerman, « descendantS/de l'ancienne
population et des nobles de Perse ».
Les chapitres relatifs à la religion sont de seconde main et sans cri-
tique. L'auteur ne connaît pas le pehlvi ni, semble-t-il, le zend et est
très inégalement au courant des travaux des vingt dernières années. Il
est très préoccupé de prouver que le mazdéisme est une religion mono-
1. « The famous baitle of Marathon is alleged to hâve resulted in a viciory for
the Greeks » (p. H).
d'histoire f.t df, littérature 283
théiste et cite péle-méie à l'appui de cette thèse le Desatir, Firdousi,
Gibbon, le Dabistan, Malcolm. Pope, Niebuhr et jusqu'au bon Rollin
qu'on ne s'attendciit guère à voir en cette affaire '. Mais ces chapitres
mêmes contiennent des renseignements neufs et intéressants sur la lit-
térature guzeratie contemporaine relative à TAvesta, sur les madressas,
les destours du jour et sur les cérémonies d'initiation à la prêtrise, le
Navar et le Maratab (II, 227 seq.).
Dans la description des mœurs et des usages, le lecteur trouvera nom-
bre de détails saisis sur le vif et qu'il chercherait sans succès ailleurs
(I, 80 seq,). C'est là une des parties les meilleures et les plus riches de
l'ouvrage. Je ne puis tout analyser : Je choisis au hasard. Rites de la
naissance : la destinée de l'enfant est fixée la sixième nuit; on met près
du lit ae la mère une feuille de papier blanc, une plume et de l'encre
pour que l'ange de la destinée y écrive le sort de l'enfant : le lendemain
matin, les parents recueillent précieusement le papier blanc, couvert
d'une écriture invisible aux hom.mes, et « le livre de la destinée est
scellé ». On voit avec plaisir, par le témoignage de M. D., que les abo-
minables prescriptions du Vendidad relatives aux femmes en couches
tombent en désuétude. L'auteur décrit tout au long les cérémonies du
mariage et de Tenterrement, donne le plan des Dakhmas ou tours du
silence ei donne à l'appui des usages funéraires des Parsis, si répu-
gnants au goût européen, des raisons ingénieuses, utiles à citer par
ce temps de crémation. On sait que les Parsis exposent les morts
sur le sommet des Dakhmas pour être dévorés par les oiseaux de
proie. M. Nasarvangi Beramji, secrétaire du Panchayet parsi, disait à
ce sujet à M. Monier Williams : « Nus nous sommes venus dans le
monde, nus nous devons le laisser. Mais les parties périssables de notre
corps doivent être dispersées aussi rapidement que possible, de sorte que
ni la Terre Mère ni les êtres qu'elle nourrit n'en soient souillés au
moindre degré. Notre Prophète a été le premier des hygiénistes .. Dieu
envoie les vautours, et de fait ces oiseaux font leur besogne d'une ma-
nière bien plus expéditiveque les millions d'insectes auxquels vous con-
f.ez vos cadavres... Dans nos cinq tours reposent les restes de tous les
Parsis qui ont vécu à Bombay d'irant les deux cents dernières années.
Nous formons un corps uni dans la vie et nous sommes unis dans la
mort )). M. Monier Williams fut ébranlé et bien près de se convertir :
« Si l'exposition des dépouilles mortelles aux assauts de vers innom-
brables n'a point de terreurs pour nous, dit-il, c'est seulement parce que
les survivants ne voient point l'armée assaillante »,
Un passage intéressant et caractéristique de l'esprit national sur l'es-
prit militaire chez les Parsis. L'armée ne compte pas un seul Parsi. L'on
jcroit généralement aux Indes que l'horreur des Parsis pour les armes
tient à leur culte : tirer le fusil est profaner le feu qu'ils adorent. M. D.
1. On tiouvera, !1, \j/,, un poMrait colorié de Zoroastre qui semble avoir été un
on bel homme.
284 RKVCE CRITIQUE
n'a pas de peine à montrer qu'il n'en est rien : un des meilleurs tireurs
de l'Inde est un Parsi, M. Dorabji Padamji; les Parsis brillent au pre-
mier rang dans les corps de volontaires levés en cas à'emergency, et
M. D. cite avec fierté un coreligionnaire qui vient de recevoir un brevet
de lieutenant dans le corps volontaire de Quetta, Khan Saheb Dinsha
Dosabhai Khambata. La véritable raison du peu d'empressement mili-
taire des Parsis, c'est que le métier est trop mal payé : le soldat indigène
gagne sept roupies ou quatorze shillings par mois, tandis qu'un Parsi, |
dans le métier le plus humble, gagne aisément le double, comme cuisi- '
nier ou comme domestique. — Signalons encore l'histoire de la division
des deux sectes, les Shehanshais et les Kadmis ; l'histoire de la grandeur
ei de la décadence du Panchayet, sorte de parlement de la communauté
parsie, et l'histoire législative des dernières années qui ont mis les tra-
ditions parsies en accord plus parfait avec les principes du droit an-
glais '.
Une partie absolument neuve et d'un intérêt considérable pour les
Parsis, c'est l'histoire des grandes familles, formant comme le livre d'or
du parsisme. Un des premiers noms est celui de Merji Rana, le premier
grand-prétre de la communauté, nommé en 1579, qui eut l'honneur de
représenter le zoroastrisme dans les conférences théologiques tenues
devant l'empereur Akbar qu'il faillit convertir et qu'en tout cas il im-
prégna fortement de l'esprit du parsisme. Il est regrettable que M. D.
n'ait pas fait entrer dans ce cadre les très nombreux docteurs dont les
noms et la date nous sont connus par les Rivaets pehlvis et persans et
par les colophons des manuscrits : il aurait été possible ainsi de rest ituer
l'histoire de la tradition et des écoles de Perse et d'Inde dans leur dé-
veloppement et dans leurs rapports; l'étude des traductions guzeraties,
dont quelques-unes très anciennes, aurait aussi fourni des données in-
téressantes sur le mouvement parsi en Inde dans les derniers siècles. Le
Parsi trouvera ici l'origine de bien des noms populaires aujourd'hui ' :
les Sorabji, les Modi, les Kama, les Wadia, les Wikaji, que domine, du
haut de sa baronie et de ses millions, sir Jamshedji Jijibhai, un des
hommes qui ont le mieux enseigné comment on peut faire sa fortune et
comment on doit l'employer. On lira avec intérêt une lettre de Jamshedji
écrite en 1799 comme prisonnier de guerre des Français, à bord du
BrunsiPick, vaisseau anglais capturé par nos croiseurs dans les mers de
Chine, et une lettre du baron Haussmann, préfet de la Seine, au lord
maire de Londres le priant, cinquante-sept ans plus tard, de trans-
mettre ses remerciements à sir Jamshedji, pour une souscription de
5oo livres envoyée par lui aux inondés de i856.
1. Quatre appendices contenant le Parsi Chattels Real Act (iSSy), le Parsi Mar-
riage and Divorce Act {iHGb), \q Parsi Succession Act (i 863) et le brevet de baronie
de Jamshedji Jijibhai.
2. Signalons, I, i(33, un tableau très utile de ronomastique parsie, avec distinction
de l'origine hindoue ou parsie.
d'histoire et de littérature 285
L'ouvrage termine par des protestations de loyalisme parsi, dont la
sincérité ne sera douteuse pour personne, et par la traduction guzeratie
de rhymne national, qui, chanté par un chœur d'enfants parsis, ac-
cueillit dans l'automne de i883 le duc et la duchesse de Connaught,
débarquant à Bombay. Ces malheureuses traductions de l'hymne natio-
nal dans les divers dialectes de l'Inde ont fait couler beaucoup d'encre
et ridée, il faut l'avouer, n'était pas heureuse. Le premier vers, en par-
ticulier, de la plupart de ces rapsodies est gros de scandale. Le texie de
M. D. porte Raksh Dev Tun Mah-Rani, God save our Empress Queen ;
i littéralement « O Dev, garde la Maha-Rani ». Les lecteurs de la Revue
' critique nous permettront de donner ici les observations que présentait
un spirituel critique de VIndian Spectator du 8 avril i8S3, à propos,
I non pas de cette traduction, mais d'une autre analogue, de M. Kabraji :
Rakhsha Deva Kripala Kaiser, « Save God Gracions Queen ». Le cri-
tique anonyme (M. Behramji Malabari?) observe que d'abord raksha
n'est pas guzerati : « C'est du sanscrit tout chaud, tout bouillant « (a
red-hot radical sanskrit) que les Rishis seuls et leurs suivants pourront
prononcer; le peuple ne peut pas souffrir « ce sanscrilisme sibilant »,
il n'en veut ^pd^s.Vms rakhsha suggère un homonyme terrible, ra/c^/za^a,
démon. Que sera-ce avec Deva? Pour un Hindou, Deva n'est pas Dieu,
c'est un dieu, c'est-à-dire fort peu de chose; c'est le dieu d'une rivière,
d'un arbre, d'une pierre, c'est une idole; l'employer ici est une carica-
ture. Mais, pour un Parsi ou un Musulman, Z)era signifie <Ye?H0/7, ^/aè/e,
de sorte que nos pauvres petits Parsis sont allés saluer la famille royale
en criant cet abominable blasphème : Que le D sauve la reine ! Un
loyalisme mal éclairé est parfois chose bien dangereuse. Terminons
cette analyse où la part de la critique aurait pu être plus grande encore
en déclarant que celle de l'éloge aurait pu l'être également sans peine et
que ce livre, avec tous ses défauts, contient assez de choses neuves et
instructives pour être indispensable à tous ceux qui voudront s'occuper
sérieusement de l'histoire du parsismc des derniers siècles et de nos
jours.
James Darmestkter.
57. — I>e Sénîit tle la Itépukiicjuc «•«inalne, par P. WiLLEMS. Tome II,
Les attributions du Sénat, i883. Louvain, Peeters, in-8, de 784 p.
Le second volume du beau travail de M. Wiilems présente les mêmes
qualités que le précédent. J'ose presque dire qu'il les possède à un de-
gré supérieur. Jamais peut-être un écrivain moderne n'a dépouillé les
auteurs anciens et catalogué leurs textes avec une aussi grande atten-
tion, un soin aussi minutieux. Il est difficile de croire que quelque
chose ait échappé à l'auteur, et qu'il manque une date, un nom ou un
286 REVUE CRITIQUE '
fait à celte statistique historique du sénat romain. En outre, les maté-
riaux amassés pour faire ce travail ont été disposés avec ordre, méthode
et clarté : même malgré l'absence d'un index des noms et des choses, et
avec le seul secours de la table des matières, il est aisé d". retrouver les
passages que l'on cherche. Puis, M. W. a su se tenir, presque partout,
à égale distance entre la sèche nomenclature des textes et les hasards de
l'hypothèse : tout le monde n'a pas son tempérament, mais il est permis
à ceux qui sont le plus éloignés de sa sagesse delà constater et de Ten
féliciter.
Voilà donc les trois qualités maîtresses de son livre : il est complet,
il est méthodique, il est conforme à la vérité que donnent les textes. On
peut en ajouter une quatrième, qu'on chercherait vainement dans le
premier volume : il se lit avec un certain intérêt, il est, je ne dis pas
plus vivant, mais moins sec et moins aride; il n'est pas encombré de
tableaux et de listes. Il est vrai que dans le tome premier, relatif à la
composition du sénat, il fallait dresser surtout de bonnes nomenclatu-
res; dans celui-ci, qui traite des pouvoirs du conseil, on avait à montrer
son rôle, son activité, son action au dehors : l'ouvrage se ressentait na-
turellement du sujet traité. Mais l'auteur a si bien compris la nécessité
d'animer son livre par quelque récit qu'il y a ajouté un dernier chapitre
purement historique, les pouvoirs et le rôle du sénat pendant la
dernière période de la République (4g-2g av. J.-C). Ce récit des
transformations subies par les lois romaines dans cette période de
guerres civiles est bien fait et d'une netteté extrême : tout en faisant les
plus expresses réserves sur la manière dont est exposée en particulier la
fin de l'année 44, réserves qui nous sont entièrement personnelles, on
ne peut s'empêcher de reconnaître la supériorité de ce chapitre sur la
partie correspondante du livre de Lange.
Le reste de l'ouvrage comprend les divisions suivantes : Le sénat
pendant l'interrègne; — Rapports du sénat avec les comices ; — Le
sénat, conseil du pouvoir administratif et exécutif; — Départements de
l'intérieur et de la justice ; — Départements des finances et des tra-
vaux publics ; — Département de la guerre; — Administration de
l Italie et des provinces.
Les différentes attributions du sénat peuvent être groupées sous deux
rubriques : le consilium, Vauctoritas. « Uauctoritas est exercée par le
sénat vis-à-vis du peuple. Le sénat, en donnant la sanction de son
autorité aux décisions du peuple, en achève le caractère légal et obliga-
toire. A l'égard des magistrats qui dirigent l'administration de l'Etat,
le sénat est un corps consultatif, consilium C'était un principe ad-
mis par le peuple romain que toute mesure importante, soit dans le
sphère privée, soit dans la sphère administrative, devait être discutée,
avant l'exécution, dans un conseil de parents, d'amis, ou d'hommes
compétents. Conformément au même principe, il importail que les
magistrats du peuple romain, chargés de l'administration de Tctat, fus-
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 2 07
sent entourés d'un conseil public auquel ils pussent soumettre, avant
Texécution, les mesures administratives ou politiques générales. Ce
conseil, c'était le sénat. » Voilà des paroles excellentes et on ne saurait
mieux caractériser le double rôle joué par le sénat. Mais ces deux
formules, consilium et auctoritas, rendent-elles exactement compte de
la place occupée dans l'état par le conseil suprême de la République? Je
ne le pense pas. Quelque extension qu'on leur donne, elles ne suffisent
pas à expliquer au Juste le pouvoir du sénat. M. W. Ta implicitement
reconnu lui-même, en ne les faisant intervenir que dans le second livre
du présent volume, en laissant en dehors du consilium et de Vauctori-
tas ' les attributions du sénat pendant l'interrègne. C'est précisément
sur ces dernières attributions qu'on aurait voulu que l'auteur insistât.
S'il leur donne dans son livre leur vraie place, la première, il ne les
traite pas avec l'ampleur désirable : il ne recherche pas quel en était le
principe, en quelque sorte le fondement légal. Pourquoi, en l'absence
de toute magistrature curule , est-ce au sénat que revient l'autorité?
pourquoi est-ce lui qui désigne les interrois? quel est au juste le sens
politique de cette phrase : auspicia ad patres redeunt? De même, il
me semble que M. W. eût pu expliquer en tête de son livre la formule
connue : senatiis populusque romamis.
Ce qu'il dit des relations du sénat avec les peuples étrangers est très
exact, très complet, et une des parties les plus utiles de ce livre. Peut-
être eût-il convenu d'annoncer, dès le commencement de ce volume,
que le sénat était, à l'étranger, le représentant du peuple romain. Il y a
là un fait d'une importance générale, et pour ainsi dire plus constitu-
tionnelle qu'administrative : il ne fallait pas le reléguer dans le « dépar-
tement des affaires étrangères ».
Nous dirons de même, en ce qui concerne le gouvernement de l'Italie :
les détails de l'administration sont à leur place dans le corps du volume,
mais cette souveraineté du sénat sur les allié? pouvait être signalée au
début : il fallait montrer dès lors le sénat exerçant la suprématie sur la
ligue italienne au nom du peuple romain.
Ces différents faits expliquent évidemment pourquoi, vue de Tétran-
ger, la constitution de Rome paraissait éminemment aristocratique;
pourquoi le sénat semblait, au yeux du monde, le chef de l'état et le
détenteur de l'autorité supiême. Remarquons, par exemple, dans l'or-
ganisation de l'Italie, que c'est le sénat qui juge au criminel tous les
alliés : les crimes de trahison, dit Polybe, d'empoisonnement, de meur-
tre, les contestations entre les villes, sont du ressort immédiat du sénat.
Dans la ligue athénienne, au contraire, « la justice ordinaire était, pour
I. Signalons en passant une récente étude de M. le sénateur Pantaleoni, Délia
auctoritas patrum nelV aiitica Roma, 1884. Turin, Lœscher, in-8, étude ex-
traite de la Rivista di Filologia et spécialement dirigée contre le système de
M. Willems.
288 RKVUK CRiriQUK
les alliés d'Athènes, celle du jury athénien ' ». Ce sont les héliastesqui
jouent à Athènes le même rôle que le sénat à Rome. J'ai peur que dans
le livre de M. W., où il n'est question, même à chaque page, que du
sénat, la constitution de Rome n'apparaisse trop peu aristocratique.
En résumé, il manque à ce livre un chapitre d'introduction qui
aurait fixé la place du sénat dans l'état romain, son rôle vis-à-vis du
peuple souverain, le principe de son autorité -. Il importait de savoir
dès le début que le sénat est la délégation permanente du peuple ro-
main; de deviner que, lorsque Tibère transférera au sénat Tautorité
des comices, il n'accomplira pas une révolution inouïe, mais que sa
mesure est parfaitement conforme à l'esprit du droit public de Rome
aussi bien que de celui des autres villes d'Italie : l'idée, émise ainsi en
tète du livre, aurait servi de conclusion à l'ouvrage. Car la vraie fin
du sénat de la république, ce n'est pas, comme l'insinue M. W., la
fondation du principal en l'an 27, c'est la législation de Tibère. En
somme, peut-être le livre de M. W. manque-t-il d'une idée générale
qu'on retrouverait dans tous les chapitres, qui les enchaînerait, qui
formerait l'unité de l'ouvrage. Dans l'état actuel, il ressemble à une
machine fort bien faite, un peu compliquée, dont on aperçoit les in-
nombrables ressorts, dont on suit les moindres mouvements, mais
sans savoir d'où vient l'impulsion première.
Nous avons tenu à insister sur cette critique, parce que c'est la seule
que Ton puisse faire au travail de M. W. Nous n'entrerons pas dans
l'étude du détail. Aussi bien, pour analyser dignement son livre,
faudrait- il l'étonnante science de l'auteur lui-même. Puis, il touche à
tant de faits, il aborde tant de questions ^^, il en résout si heureusement
1. Voyez le travail de M. Guiraud De la condition des alliés dans la première
confédération athénienne {Ann. de la Fac. de Bord., i883), p. 2o3. — Il me paraît,
d'autre part, que M. W. a amoindri la part de souveraineté laissée à Rome dans la
ligue italienne : il incline à croire que cette juridiction du sénat mentionnée par
Polybe ne s'exerce que dans des cas extraordinaires. Je ne le pense pas : Polybe
n'aurait pas insisté là-dessus, et son texte est aussi net que possible. Evidemment,
la condition des alliés de Rome différait peu de celle des alliés d'Athènes, et les
mêmes principes semblent avoir été admis dans l'une et l'autre confédération.
2. Dans ce chapitre, M. W. aurait pu insérer tout ce qu'il dit sur les séances du
sénat et sur les sénatus-consultes, qu'il relègue dans son chapitre sur les rapports
du sénat avec les magistrats.
3. Voyez, par exemple, le chapitre sur Vinterregniim; celui sur la patruin auctori-
tas est le plus original de l'œuvre. Contre Niebuhr, qui fait de la patrimi auctoritas
l'apanage des patriciens réunis en comices curiates; contre Lange (seconde manière)
qui la donne aux patres faïuilias gentiuin patriciantm; contre Huschke et Momm-
sen, qui la réservent aux patriciens membres du sénat, M. Willems conclut après
une longue et intéressante discussion : « La patriim auctoritas n'était donc pas l'a-
itribution des sénateurs patriciens; elle appartenait au sénat. Ce système était généra-
lement reçu avant Niebuhr; et, après la critique que nous avons faite des hypothè-
ses par lesquelles on a voulu le remplacer, nous sommes obligé de reconnaître
qu'il est le seul qui se concilie avec la tradition. »
t
d'histoire et de littérature 289
un si grand nombre, que le choix est difficile. Je tiens seulement à
marquer l'importance capitale de cet ouvrage pour quiconque s'occupe
des institutions de la république. Dans son genre, c'est un véritable
traité de la constitution romaine. M. W. est amené par la force des
choses à étudier l'organisation des comices, des finances, des provinces :
il donne sur toutes ces branches du gouvernement une foule de textes,
il est plus complet peut-être sur ces points que les traités d'antiquités
romaines les plus autorisés. Signalons en particulier son chapitre des
revenus de Rome et du budget de l'état, et son étude des provinces ro-
maines et des relations internationales, questions presque toujours écour-
tées dans les manuels. Le livre deM.W. est peut-être, après le traité de
MM. Mommsen et Marquardt, l'ouvrage moderne qui a rendu le plus
de services à la science des institutions romaines. Nous sommes pres-
que honteux de venir parmi les derniers rendre à M. Willems ce sincère
hommage.
C. J.
58. — Général Favé. L'Empire de* Francs, depuis sa fondation jusqu'à son
démembrement. Livre !". Les Francs avant le règne de Clovis. Amiens, typ.
DeJattre-Lenoel, 1884. In-S", 8r p. Extrait de la Revue de la Société des éludes
historiques.
Ce fascicule comprend trois parties : dans la première sont repro-
duits les principaux passages de la Germanie de Tacite, d'après la tra-
duction de J.-L. Burnouf; la seconde est une traduction française du
plus ancien texte de la loi salique; la troisième contient diverses con-
sidérations inspirées à l'auteur par Tétude et la comparaison de ces textes.
« Une pensée, dit le général Favé, m'a sans cesse préoccupé dans le
cours de ce long travail, celle d'aller droit aux documents originaux
qui sont seuls capables de nous éclairer sur les institutions sociales,
politiques et militaires de nos ancêtres. J'ai voulu recevoir l'impression
directe de ces témoignages sur un esprit dégagé de toute opinion pré-
conçue. Au risque de m'égarer en marchant sans guide sur un terrain
souvent exploré. Je n'ai pas résisté au désir d'y faire de nouvelles décou-
vertes en m'avancant hors des sentiers battus. »
Parmi les conclusions de Tauteur, la plus nouvelle et celle sur
laquelle il insiste le plus est ainsi formulée : « Les dissemblances entre
les Francs et les Germains sont assez caractéristiques pour qu'on puisse
affirmer sans hésitation que les Francs ne sont point les descendants des
Germains que Tacite a connus (p, 70). » Cette proposition serait im-
portante, si elle était bien établie; mais jusqu'ici la démonstration n'en
est pas faite d'une façon péremptoire.
On saura gré au général Favé d'avoir traduit en français la loi salique.
Ce n'est p;!s que cette loi n'ait jamais été n-.ise en français, comme il pa-
290 REVU F. CRITIQUE
raît le croire; mais la traduction publiée en 1828 par J.-F.-A. Peyré ' est
aujourd'hui à peu près oubliée et l'on a rarement occasion de la ren-
contrer. La traduction nouvelle est, sinon absolument irréprociiable %
du moins généralement exacte et rend avec fidélité Timpression que laisse
la lecture du texte. La loi salique n'intéresse pas seulement les histo-
riens du droit; c'est un document précieux pour quiconque veut se
rendre compte de l'état des mœurs et de la société au commencement
de la période mérovingienne. Ce n'est qu'après avoir lu les prescri-
ptions minutieuses de la loi sur le vol des animaux domestiques, sur les
récoltes, sur les moulins, etc., que l'on comprend bien à quel point le
peuple franc, établi en Gaule, était un peuple agricole et séden-
taire ; et aucun récit ne peut faire sentir l'insécurité et la barbarie de
cette époque aussi vivement que certaines dispositions légales, celles ci
par exemple :
« XXVIIl. Des louages. — Celui qui loue criminellement ^ un
homme pour un meurtre devra, le fait étant prouvé, être condamné à
payer 25oo deniers qui font 63 solidi.
« 2. Celui qui s'est engagé à tuer un homme devra, le fait étant
prouvé, être condamné à payer 25oo deniers qui font 63 solidi.
« 3. Si le prix de louage a été transmis par un tiers, homme libre,
que celui qui a donné, celui qui a reçu et celui qui a porté soient con-
damnés à payer chacun 63 solidi. » (Favé, p. 33.)
« XLL Des homicides de personnes libres. — 8. Celui qui aura
trouvé sur la voie publique un homme mutilé, sans pieds ni mains,
laissé dans cet état par ses ennemis, et qui l'aura achevé, doit être con-
1. Loi des Francs, contenant la loi salique et la loi vipuaire ; suivant le texte de
Dutillet, revu avec soin, et éclairci par la ponctuation, avec la traduction en regard et
des notes, par .M. J.-F.-A. Peyré; précédé d'une préface par M. Isambert. Paris,
impr. Firmin Didot, 1828. In-S", xvi-427 p.
2. I, 4, p. 20 : « Car si l'assigné est occupé d'un service public, il ne peut pas
obéir à l'assignation. » Lisez : « Or, si celui qu'on veut assigner est occupé au ser-
vice du roi, on ne peut l'assigner. » — II, 12, p. 21 : « Celui qui aura volé un
porc châtré et engraissé. )) Le sens est plus probablement : « destiné au sacrifice »
(maiale votivo ; variante : maialem sacrivum). Ce trait est important; il témoigne
que la loi salique a été écrite pour un peuple païen. — X, 2, p. 25 : « Si un esclave,
homme ou femme, a emporté des objets appartenant à son maître, etc. » Lisez :
« Si l'esclave volé, en suivant le voleur libre, a emporté, etc. » — XXIV, 4, p. 3o :
« Celui qui aura tué un enfant dans le ventre de sa mère avant qu'il ait un nom. »
Lisez : « ou avant qu'il ait un nom. » Le mot aut, omis dans le manuscrit qui nous
a conservé le texte le plus ancien, doit être rétabli d'après les autres manuscrits;
il est indispensable pour le sens. — XXXVIII, 4, p. Sy : « Si le troupeau est plus
petit et ne dépasse pas sept têtes. » C'est plutôt : « Si le troupeau est plus petit,
mais non au-dessous de sept têtes. »
3. Je substitue ce mot à ceux-ci : « en fraude », par lesquels le général Favé tra-
duit in fiirtiim. — L'équivalent des mots « pour un meurtre » ne se trouve pas
dans le plus ancien texte, mais le traducteur supplée ces mots avec toute apparence
de raison, tant d'après le paragraphe suivant que d'après les autres rédactions, qui
ajoutent ici-même : ut hominem interficiat.
d'histoire rt dk LrrTÉRATURK 291
damné à payer 4000 deniers qui font 100 solidi. » (Favé, p. 40.)
On peut recommander l'opuscule du général Favé aux personnes
qui, sans avoir le temps de se livrer à l'étude directe des lois barba-
res, voudraient s'instruire autrement que par la lecture des historiens
sur l'état de notre pays pendant les premiers temps de la domination
franque.
Julien Havet,
5n. — Gloetsnire archéologique du moyen âge vl «le la renaissance,
par Victor Gay, ancien architecte du gouvernement, etc. Paris, librairie de la
Société bibliographiqne, 1884, in-4, SM'ascicule : Cliape-Coutelier.
La lecture du troisième fascicule du Glossaire de M. Victor Gay ne
suggère pas d^observations générales différentes de celles que Ton peut
faire sur les deux premiers. Je n'ai donc rien à ajouter, dans cet ordre
d'idées, au compte rendu que j'ai fait de ceux-ci, et auquel je renvoie '.
Mais il sera peut-être utile de présenter ici quelques notes sur le détail
de la nouvelle publication.
Je saisis d'abord cette occasion de répéter les éloges que j'ai déjà faits
au sujet de la richesse d'informations de l'auteur et de la netteté avec
laquelle il classe ses textes, On pourra toujours dire qu'il n'y en a pas
assez sur un sujet donné, et trop sur un autre : de telles inégalités sont
inévitables et il serait imprudent de prétendre contenter toutes les
curiosités. Mais ces sortes de répertoires sont tellement utiles, et il est si
rare d'en trouver de bien faits, que nous devons rendre grâce à M. G.
d'avoir entrepris celui-ci. Il était aisé du reste de prédire son succès :
selon la formule consacrée, c'est un livre que l'étranger nous envie, et
l'on me dit que l'Allemagne en fait venir paquets sur paquets. Raison
de plus pour ne pas craindre de signaler à l'auteur les lacunes que l'on
aimerait à voir remplies, ce qui lui sera facile de faire dans un Supplé-
ment.
C'est toujours le domaine des étoffes et du costume qui est étudié le
plus à fond et qui présente les plus précieux matériau.K. Il faudrait
beaucoup citer pour indiquer les articles importants; notons seulement
les mots : chape, chapel et chapeaux, chaperon, chausses, chemise,
coiffe, collet, corset, cote, et surtout costume. Dans ceux de ces articles
qui sont le plus développés les textes sont rangés selon les diverses
acceptions du terme, et aussi les provenances : par exemple, dans les
mots chapel, qui comporte 10 colonnes, et costume, qui en comporte
22. Je regrette seulement que l'auteur évite parfois de donner une
définition nette et précise et laisse un peu trop parler les textes eux-
mêmes. Il est vrai qu'il n'en est, pour ainsi dire, que l'introducteur, et
I. Voy. année 1884, nouvelle série, t. XVII, p. 3G6-3Gc).
292 RKVOK CRITIQUE
qu'il doit s'effacer devant, sans trop insister : à d'autres le soin de
coordonner les faits, de les discuter et d'en tirer les conclusions.
D'autres termes, à côté de ceux-ci, présentent un intérêt qu'il est bon
de signaler spécialement : char et chariot, châsse, chevaux, ciboire,
cierge, cire, clou, coffre, collier, cor, couleurs, coulevrine, coupe,
couronne, couteau. Mais je ne puis m'empécher de constater encore que
l'auteur ne semble pas s'être tracé un plan assez rigoureux et bien déli-
mité en commençant son dictionnaire. Je trouve maintenant des termes
héraldiques, et jusqu'à présent rien ne présageait l'introduction du
blason dans le Glossaire. Je demande également ce que vient faire ici
l'article sur la courante, et le morceau tiré des Suites de Haendel qui
l'accompagne? Quand j'aurai admis que la pièce est charmante et bien
choisie, sera-t-elle plus à sa place, surtout ainsi isolée? et pourquoi n'ai-
je pas trouvé l'explication, illustrée d'exemples, de mots comme alle-
mande, canon, chanson, contre, contrepoint, contretaille, qui ont
aussi bien leurs droits d'ancienneté?
J'insisterai encore sur un point : dans un dictionnaire comme celui-
ci, il ne saurait y avoir trop de renvois. Les termes techniques, les
simples mots usuels se sont quelquefois écrits si différemment, qu'il est
toujours commode de trouver inscrites les différentes orthographes. Que
l'auteur choisisse celle qu'il jugera la meilleure, mais qu"il y renvoie :
M. G. le fait ici trop rarement. Je serais aise de savoir si charpe sera
renvoyé à serpe; christ, à croix; cloisonné, à émail; et je voudrais
trouver par exemple chenevas, claquet et claquette, chjrboille, cou-
louere. componné, chartes, à côté de canevas, cliquette, ciboire, couloir,
copponné, cartes. A l'article chaussures, M. G. renvoie pour les détails
aux termes divers, mais il ne les énumère pas, ce qui aurait permis d'y
recourir plus facilement, et en aurait donné en outre un tableau géné-
ral.
Les indications de sources sont aussi brèves que possible, et cela se
comprend; mais il est malheureux qu'il faille attendre la table de renvoi
que l'auteur a promise, pour qu'elles puissent être vraiment utiles :
encore ne sont-elles pas des plus précises. Peut-être M. Gay eût-il pu
désigner au moins par des initiales, faciles à expliquer dans la Table
des abréviations qu'il imprime au verso de la couverture, si tel ou tel
inventaire cité est édité, ou se trouve, manuscrit, dans tel ou tel dépôt
d'archives ou bibliothèque publique.
Je termine par la liste de quelques omissions notées en passant :
Costume, armes, étoffes : chapelière (de chevaux), chareté (ou cache-
let, masque), clinquant, clos (du casque et du bouclier), coirier (collet
de cuir), colère^, colletin, conche et cop.que, confalon ou confanon,
coter et, cotillon, coudières, coule.
Outils : cheville, claveure, coignée et coignouoir, coin, coupelle,
Courbet.
Meubles et ustensiles : chartre, chariot (berceau), cliauffecière,
d'histoirk et dk ijttkkatlihk 2g 3
chauffedoux, civière, clou (gouvernail), coispel (gobelet), coissines ou
coussines (sachet), console, corme.
Orfèvrerie : claire-voie, cloisonné.
Pierres, métaux, etc. : cheline, chelonite, chrysolite, chrysoprase,
cinabre, cinnamone, cipolin, coliandre, colophane.
Enfin, puisque Tauteur admet quelques-uns des termes de blason et
de mœurs, usages et professions, on a droit de réclamer les mots : chape,
chaussé, chevron, clarine, contourné, coquerelle, cotice, etc. ; et char-
pentier, chasse, chiromancie, chirurgie, confréries, corporation, etc.
H. DE GURZON.
t)0. — Etude lexloologîquf s^mi- les I»oé&>cs tie «^isUioii I>e SSmîsîï, par
A. ScHELER, i«6 p. Bruxelles, Hayez, 1884. Prix : '3 fr.
Cette étude lexicologique sur les poésies de Gillion Le Muisit, avec
préface, glossaire, corrections, était absolument nécessaire. Il y a long-
temps qu'on n'avait vu un texte si défiguré, si maltraité de toutes ma-
nières. M. Scheler a bien raison de dire que son glossaire ne sera pas
considéré comme une doublure de celui qui a été fait par M. Kervyn de
Lettenhove. En outre, grâce au grand nombre de corrections données
par M. S., on pourra lire le texte sans être arrêté à chaque page par des
vers faux, des non-sens, des barbarismes, et autres « adinventions »,
comme eût dit Li Muisis, du copiste et de l'éditeur. Il reste bien en-
core quelques passages inexpliqués, quelques énigmes peut-être insolu-
bles, mais la lumière est faite en beaucoup d"endroits, et M. Sch. mé-
rite vraiment pour ce travail la reconnaissance de tous ceux qui
s'intéressent à l'étude de notre ancienne langue. On pourra contester
quelques-unes de ses explications et conjectures, mais il sera difficile de
nier qu'elles ne soient toutes ingénieuses, et la plupart déduites avec
une grande justesse. J'en citerai un petit nombre seulement qui me
paraissent ou hasardées ou douteuses.
Aventet, p. 16. — Je ne crois pas que ce mot soit à remplacer par
arentet = doté, doué. On a le verbe avanter, aventer = louer, qui
offre pour cet endroit un sens très satisfaisant. — Chascoute, p. 28. —
M. S. met en doute le sens de « bourrade, poussée », que j'ai donné à
ce mot, en m'appuyant sur un passage de Ruiebeuf. Dans le fableau
di'Aloiil [Fabl. i, 278, édit. Montaiglon et Raynaud) je le trouve sous la
forme cacoute (sacoutej avec la signification bien claire de « mauvais
coup. » — Fourmes, p. 71. — L'explication par le latin formosus est
inadmissible; on HMXà'xi eu formeus , comme/umeus de/umosus., etc.;
c'est format us. Yvretongne, p. 8f. — Ici M. S. préférerait ivrecongne
par analogie avec iracundia; ivretongne cependant n'est pas rare sur-
tout dans les textes picards et wallons; je citerai seulement cet exem-
2 94 RKVUK CRITIQUE
pie : « Mais ciaus ki par ignorance u par négligence, parj^vretoigne,
luxure, sunt lait u aveugle, chiaus blame-on. » [Li Ars d'Amour, i,
319, Petit.) — Mite, p. 93. — « Dans abbés, vous ares et nos wans et
nos mites, » mite = mitaine, dit M. Scheler. Ce mot que dans ce pas-
sage j'avaisinconsidérémentexpliquéici par petite pièce demonnaie, signi-
fie autre chose que mitaine, comme semble bien le prouver cet exemple :
« Hz (les Anglais) ne se sçavoient armer... fort que de grans haubers et
de grans baligans armoyez de leurs armes, et de mites de toiles coston-
nées, et pardessus ung grand chapel de fer ou cuir bouilli, n (Jeh. Le
Bel, Chron., i, 154, Polain.) — Fourkeure^ p. 71. — La leçon sor»
heure n'aurait pas lenergie defourkeiire, verbe qui exprime l'idée de
courir sur quelqu'un sans qu'il s'y attende: cfr. le dén\éJbrcourse,
ap. Godefroy. Sorre, p. 1 15. — Vient du latin solvere qui a entre au-
tres sens ceux de délier, d'ouvrir; de là sorre peut passer à la significa-
tion de pénétrer, scruter '. La correction forre =. fouir, creuser, ne
s'impose point; cette forme d'infinitif a-t-elle été jamais employée?
Dans Job et Saint-Alexis on trouve foir et enjodir. — Desointes,
p. 43. — Au lieu de « à Conroi desointes », il faut lire à « Couroies
desjointes, » cela ne fait pas de doute et offre un sens très clair. — Avo-
lentet, p. 17 :
Leurs estas par raison eus a volentet,
Dou sourplus retenir soient destalentet.
Le premier vers étant trop court d'une syllabe, et ne signifiant rien,
M. S. corrige ainsi : « Leurs estas par raison tenir avolentet, etc. »
A la place de tenir, je mettrais aient, au subjonctif. — Tenir crès,
p. 35. — Signifie « tenir serré ? ; crès est une forme apocopée de
crespe (voir Godefroy sub V Crespe,. Interpréter « mal emboukiet »,
p. 49, par insoumis, qui se laisse aller à ses passions, et le rapprocher
du grec o6crT0[j.oç, me paraît forcé, c'est simplement la forme picarde de
la locution française très populaire « mal embouché ».
Je laisse à de plus habiles à expliquer d'autres obscura qui ont arrêté
M. Scheler si versé pourtant dans notre vieille langue.
A. Delboulle.
[i. Arguer et sorre poser et résoudre des arguments; c'est une locution scolasti-
que; seulemem ici elle est prise activement; arguer et sorre les pecheors, leur po-
ser et leur donner des solutions — RéJ.]
I
D HISTOIRE KT DE MTTERATURE tqS
5l. — Joliniincs Xui'niaîr's genannt Avcntînus siemiustiche V^erke.
Auf Veranlassung seiner Majestaet des Kœnigs von Bayera herausgegeben von der
K. Akademie der Wissenschaften. Dritter Band. Muenchen, Christian Kaiser, i883,
1884,699 p. Vierter Band, Zvs^eite Haîlfte i883, p. 581-1184. Fuenfter Band,
erste Haelfte, 1884, 6û3 p.
Nous remplissons avec plaisir la tâche de rendre compte biièvement
des derniers volumes des œuvres d'Aventinus. Abstraction faite du
glossaire des écrits allemands qui manque encore, l'édition complète des
écrits de l'Hérodote bavarois, entreprise avec tant de soin, a mainte-
nant atteint sa fin. La deuxième partie du quatrième volume et la
première partie du cinquième contiennent les livres Il-VlII de la
Bayerische Chronik, publiée avec la même diligence que le premier.
On a pour la première fois un texte complet et authentique de cet ou-
vrage qui, par son style populaire et vigoureux, est un monument
littéraire des plus admirables de Tépoque de la Réforme. Il est très
regrettable qu'Aventinus n'ait pas achevé sa Chronique allemande
qu'il avait conçue dans le même esprit.
Le troisième volume contient les livres V-VII des Annales ducum
Bojariae. C'est à M. Sigmund Riezler qu'est due l'édition critique de
ces Annales. Il y a joint une dissertation consacrée surtout à l'ouvrage
qu'il publie, mais qui est de la plus haute valeur pour Tappréciation
générale de l'historien bavarois. M. Riezler, après avoir traité de l'ori -
gine et des différents manuscrits des Annales^ fait la revue des travaux
historiques d'Aventinus. Il met en lumière l'étendue de ses études,
l'im.portance de ses trouvailles, la valeur des éditions de sources histo-
riques qu'il a entreprises, les côtés forts et faibles de sa critique. Le pre-
mier, il entreprend de démontrer aussi complètement que possible
quels étaient les divers documents historiques où Aventinus a puisé
pour la composition de ses Annales. M. Riezler ne se fait pas d'illu-
sion à ce sujet : il reste encore beaucoup de doutes à éclaircir, beaucoup
de questions à résoudre, mais il sera sans doute permis d'énoncer quel-
ques conjectures comme M. Riezler l'a fait par exemple en parlant de
Frethulphus et de Schritovinus, antiquissimi Bojorum historiographi.
Il les identifie par une argumentation fort ingénieuse avec Ulrich
Fuetrer on Filrtrer, poète, peintre et chroniqueur bavarois du xv^ siè-
cle et Schreitwein, son contemporain, auteur d'un catalogus archiepis-
coporum et episcoporum Laureacensis et Pataviensîs ecclesiarum, etc.
Aventinus aurait dû désigner ces deux auteurs « antiquissimorum tem-
poriim Bojorum historiographi » au lieu de antiquissimi Bojorum his-
toriographi. Nous relevons aussi ce que dit M. Riezler des Annales
patrii ou Bojorum, des inscriptions latines dont Aventinus a eu con-
naissance, des Annales Fuerstenfeldenses et nous n'oublierons pas de
mentionner la table consciencieusement rédigée des volumes 1 et II des
Annales.
Alfred Stern.
2gD RKVDfc CRlTIQUfc
62. — Vie do Giiillnumc Buclc, fondateur du collette de France (1467-1340),
par Eugène de Budé. Paris, E. Perrin, 18S4, in-12 de 'ioi pages.
— Emile Amiel. Un publiciate «lu "XV!" Bièclc. Jiu!>te-I>îp^e. Paris,
A. Lemerre, 1884, in-iS, de 33o pages.
On vient d'écrire en France la biographie de deux illustres savants
du xvie siècle, Guillaume Budé et Juste-Lipse; il est fâcheux que ni
Tun ni l'autre de ces grands hommes n'ait rencontré un historien digne
de lui. Je ne peux insister beaucoup sur le petit livre de M. Eug. de
Budé. On louera ailleurs, et avec justice, les sentiments généreux de
l'auteur, le point de vue large et élevé de son travail, la piété filiale
qui Ta porté à rappeler le savoir et le noble caractère d'un érudit dont
on peut être fier de porter le nom; mais il est utile de mettre en garde
le public savant contre l'œuvre d'un homme du monde, qui n'apporte
rien à l'histoire littéraire de la Renaissance. A part quelques pages sur
la vie privée et la famille du grand helléniste (notamment chap. vni),
je ne vois pas bien ce que le livre ajoute à la thèse, estimable d'ailleurs,
de M. Rebitté sur le restaurateur des études grecques en France (Paris,
1846), Cette biographie de Budé est trop incomplète pour être bien
utile. 11 semble que M. de B. aurait élevé un monument plus solide à
la gloire de son illustre ancêtre en donnant une réimpression ou une
traduction de ses lettres grecques et latines; un travail de ce genre ferait
honneur à qui aurait le courage de l'entreprendre. Si M. de B. devait
s'en charger, comme le principal mérite de l'œuvre consisterait dans des
éclaircissements nombreux et des identifications précises, je lui conseil-
lerais de faire plus ample connaissance avec le personnel littéraire du
XVI" siècle. Les noms propres dans son livre sont trop souvent défigu-
rés : p. 5 I , les deux bibliographes La Croix du Maine et Antoine du
Verdier sont transformés en Lacroix, Dumaine et Duverdier ; il est
question, p. 284, de /ra Giacondo ; p. 216, Léger Du Chesne, par
une malencontreuse virgule, se trouve désigner deux personnages, etc.
On me dispensera de m'étendre sur un ouvrage qui ne cite presque
jamais les sources contemporaines et qui ne permet même pas au lec-
teur de se reporter aux passages grecs et latins traduits dans le texte.
Le Juste-Lipse de M. E. Amiel mérite peut-être davantage de retenir
l'attention; mais on reconnaît vite que ce n'est aussi qu'un livre d'ama-
mateur, sans méthode bien nette et sans utilité pour la science. En
mettant un peu partout les aperçus généraux et les lieux communs sur
la Renaissance, l'auteur a fait de son travail quelque chose d'agréable
et d'instructif pour le gros public. Les érudits que le titre du livre
pourrait tenter n'ont absolument rien à y prendre; la nature du travail
historique et ses exigences sont absolument étrangères à M. Amiel. On
n'a, pour s'en convaincre, qu'à regarder la façon dont il conçoit ses
renvois au bas des pages. L'édition à laquelle ils se rapportent n'est
jamais indiquée, même quand ce serait absolument nécessaire. Le
même ouvrage est cité de plusieurs manières difiércntes à deux pages de
Il
I
d'hISTOIRK et 0[< LirrF.RATUKK 2Q7
distance (ex. : DeThou, pp. 3i, 32). Pour un passage assez important
de Chateaubriand qu'on aimerait à retrouver, on est renvoyé à : Et.
Hist. La Revue des Deux Mondes est appelée la Revue tout court : il
n'y a qu'à la R. des Deux Mondes qu'un tel renvoi suffise. Les
textes anciens sont presque tous de seconde main : ayant à citer un mot
connu de Plutarque, M. A. le prend dans une phrase de M. de Pres-
sensé et c'est à celle-ci qu'il renvoie. Il est pourtant facile de citer
Plutarque; on ne demande pas à M. A. de le faire en grec; on le prie-
rait plutôt de s'en abstenir, tant son imprimeur défigure singulièrement
cette langue (pp. 140, 180, i83, etc.)' — L'ouvrage a deux parties et
la première est trop évidemment écrite pour accompagner la seconde.
Dans celle-ci M. A. analyse la Politique du savant philologue, en la
rapprochant des idées de son temps et de celles du nôtre. Ce travail est
clair et intéressant, bien qu'il y ait à la fin trente pages sur la séparation
de l'Eglise et de l'Etat, les biens de mainmorte et le décret du 2 no-
vembre 1789, qui nous mènent extrêmement loin de Juste-Lipse. Ces
considérations financières et religieuses pourraient être excellentes dans
le Temps ou dans les Débats; elles sont évidemment ici hors de propos.
La première moitié du livre, mieux composée, comprend la biographie
de Juste-Lipse. L'auteur ne s'y montre point au courant des travaux
récents sur le xvi^ siècle. On peut lui reprocher aussi d'avoir étudié le
publiciste sans presque parler du savant. C'était son droit; mais en
s'occupant d'un homme qui est resté illustre surtout comme philologue
il convenait de n'être pas tout à fait étranger aux hommes et aux œu-
vres de la philologie. M. A. ignore le monde littéraire des Pays-Bas au
milieu duquel se meut son héros. P. 57, la Constance de Lipse, dit-il,
« est un dialogue à Liège entre l'auteur et un certain Charles Lange,
« le meilleur et le plus savant homme de la « Belgique », personnage
pj-obablement supposé, qui nous est du moins inconnu. » Charles Lange
est, en effet, suivant le mot de Lipse, un des plus savants humanistes
de son temps et l'un des plus illustres de son pays; il n'était pas per-
mis à l'historien d'un de ses amis d'émettre de pareils doutes sur son
existence. Pour la biographie même de Juste-Lipse, M. A. est encore
fort incomplet sur des points importants; il ne fait aucune allusion aux
travaux de Lipse dans l'imprimerie de Plantin; p. 82, il cherche à
prouver que Juste-Lipse avait été quelque temps hors de l'Eglise
romaine; au lieu de s'en tenir à ce qu'on a déjà dit vingt fois et
qui ne prouve qu'à demi, il était très simple de rappeler les discours
luthériens prononcés par Lipse à l'université d'iéna et dont l'authen-
ticité a été mise en lumière par M. Karl Halm [d. Rev. crit., 1884,
I, p. 65). Si M. A., avant de se mettre à l'œuvre, avait pris la peine de
faire la bibliographie de son sujet, il se fût évité bien àts lacunes de
I. Les titres des recueils de Lipse sont transcrits d'une manière bizarre : M. A.
mentionne « les Variarum lectionum » (p. 2(S), « les Antiquas Icciiones » (p. 41 15 on
attend les EpistoUcis quaestionibus !
298 RKVUK CRITIQOR
ce genre et eût donné quelque valeur à la partie biographique de son
travail.
Malgré les nobles intentions et le zèle louable des auteurs dont je
viens de parler, il reste, on le voit, deux livres à faire : Tun sur
Guillaume Budé, l'autre sur Juste-Lipse.
P. DE NOLHAC.
63. — I.*Alloinagne de M. <le Blennarck, par Amédée Pigeon. Paris, nouvelle
librairie parisienne, E. Giraud et O'', éditeurs, 18, rue Drouot. In-S, 499 p.
7 i'r. 5o.
On sera quelque peu désappointé en lisant ce gros volume; Fauteur
sait l'allemand, il a visité quelques parties de l'Allemagne, recueilli de
ditférents côtés des anecdotes et des descriptions ; mais, quoi qu'en dise
une note delà librairie, on ne peut comparer ce livre à la Monarchie
prussienne de Mirabeau. M. Pigeon s'est rendu la besogne trop facile
en se bornant à nous donner des notes prises au jour le jour. L'année
i883 et Vannée 1884 en Allemagne qui forment la dernière parue de
l'ouvrage (p. 288-399), ne sont qu'une collection de correspondances
qui ont, croyons-nous, paru dans \q Figaro et ne méritaient pas l'hon-
neur de la réimpression.
Le livre est ainsi divisé : I. La politique de M. dé Bismarck; II.
La cour d'Allemagne ; III. Berlin; IV. La province allemande [on
plutôt la province du Rhin, car M. P. ne parle que de Bonn, de Colo-
gne et de Coblenz). Un appendice renferme l'analyse d'une tragédie
allemande [Sedan, par Henri Hart) et une traduction des souvenirs de
M. Bitter sur la révolution de 1848 à Berlin; il contient aussi un
chapitre intitulé Les écrivains allemands, le roman allemand, le ro-
man naturaliste, opiîtion des romanciers allemands sur nos roman-
ciers, mais ce chapitre ne se compose que de cinq pages et ne contient
rien ou presque rien.
Le style de M. P. est aisé et naturel ; on trouve çà et là des réflexions
vives, d'intéressants aperçus, des traits spirituels, çà et là aussi des fau-
tes comme « Kalkrusth « pour Kalkreuth (p. 408). Ce livre devrait être
allégé de la moitié '; mais par le soin et la conscience, par l'exactitude
de l'observation, il est bien supérieur aux élucubrations de Victor Tissot
et, s'il ne rappelle ni Mirabeau, ni M™*" de Staël, ni Henri Heine par la
minutie des détails et la profondeur des vues, s'il ne donne pas des in-
formations aussi précises, aussi saisissantes que la Galerie des caractè-
res prussiens — qui a paru, soit dit en passant, non pas au siècle der-
nier, mais au commencement de ce siècle, — il mérite d'être lu, et nous
1
I. On subit par deux fois (p.. 398-399 et p. 456-457) un portrait de Gœben et
M. Pigeon oublie de dire qu'il fut opposé à Faidlierbe.
D HISTOIRE KT DE LITTERATURE 2QQ
souhaitons à nos correspondants de journaux et à nos chroniqueurs de
1 étranger le sérieux, le souci de bien observer et de bien dire, la connais-
sance de la langue allemande qu'on remarque dans le livre de M. Pigeon.
A. C.
CHRONIQUE
FRANCE.— MM. Gaidoz et Sébillot viennent de publier un nouveau cliapitre de
leur Bibliographie des traditions et de la littérature populaire de la France. Il est
consacré à l'Auvergne et au Velay et il vient de paraître dans la Revue d'Auvergne de
Clermont-Ferrand (n» de janvier-février i885, pp. 3i-65). Il comprend les divisions
suivantes : 1. Généralités; — II. Patois; — III. Traditions, moeurs et usages; —
IV. Mœurs épulaires et cuisine; — V. Contes; — VI. Chansons; — VII. Noéls; —
VIII. Devinettes, formulettes, proverbes; — IX. Danses et musique; — X. Théâtre
patois; — XI. Costumes; — XII. Dessins et estampes; — XIÎI. Imprimerie et ima-
gerie populaires, almanachs; — XIV. Art populaire (faïences, chaudronnerie et bois
sculptés). — Le directeur de la Revue, M. Vimont, a fait précéder la Bibliographie
de MM. Gaidoz et Sébillot d'un article intitulé Folk-Lore où il a expliqué le mot et
la chose à ses lecteurs auvergnats, les engageant à se mettre à l'œuvre pour recueil-
lir les légendes et les traditions de l'Auvergne. Nous félicitons M. Vimont de cette
initiative qui, si elle est couronnée de succès, ne peut qu'élargir le cercle de ses lec-
teurs et la faire apprécier en dehors même de l'Auvergne et du Velay.
— Nous apprenons en même temps que MM. Gaidoz et Sébillot se préparent à
publier une autre section de leur Bibliographie consacrée aux Français d'outre mer,
en comprenant sous ce titre les colonies françaises actuelles et celles que la France
a perdues, mais qui sont restées françaises de langue comme le Canada et l'Ile de
France (Maurice). Cette section va paraître prochainement dans la Revue de linguis-
tique.
ALLEMAGNE. — Nous recevons delà librairie Trûbner, de Leipzig, une édition
de morceaux choisis de Victor Hugo, par M. K. A. Martin Hartmann {Victor Hugo,
eine chronologisch geordnete Auswahl seiner Gedichte mit Einleitung und Anmer-
kungen, 1884, In-8°, 3 fascicules, vui et 92 p., ii5 p., 128 p. Prix des trois fasci-
cules : 4 mark 20). L'éditeur dit dans sa préface que « le monde entier de la vie et
de la pensée humaines trouve son expression dans la poésie de Hugo », que l'auteur
des Feuilles d'automne et de la Légende des siècles est « le Paganini de la poésie
française », que lui-même « comme Allemand, regrette et déplore quelques assertions
de Hugo en 1870 », mais qu'il ne donne dans son recueil que très peu de poésies po-
litiques et « aucune ligne qui puisse blesser le patriotisme germanique ». Le choix
des poésies a éié fait avec goût; elles sont, autant que possible, rangées par ordre
chronologique; le texte est celui de l'édition définitive des œuvres complètes. L'in-
troduction n'est qu'une simple esquisse, mais où l'on trouve tout ce qu'il faut con-
naître. A la fin du troisième fascicule, en appendice, est une liste assez longue des
études critiques qui ont paru sur Hugo. Le commentaire est sobre, un peu sec,
presque toujours historique, et ne fait pas, ce nous semble, une assez large part à
la langue du poète; mais il est presque partout intéressant et rédigé avec soin et
3oO RKVUK CRrTIQUR d'hISTOIRE KT DR LITTÉRATURE
savoir; il serait même meilieLir, avoue l'éditeur, si le dictionnaire de Larousse,
« l'œuvre encyclopédique la plus importante qui soit », se trouvait à Leipzig. En
attendant que M. Hartmann puisse le découvrir, nous le prierons de corriger quel-
ques fautes légères que nous avons notées dans le commentaire du troisième fasci-
cule (rien ne nous a choqué dans la rapide lecture des deux premiers) : p. 22, il ne
suffisait pas de dire que Chaix-d'Est-Ange était un avocat qui avait de la réputation
depuis le commencement de Juillet et défendait le ministère dans le procès de le
Roi s'amuse ; mais il était bonapartiste prononcé, et Hugo associe son nom à celui
de Troplong; p. 74. il fallait dire tout simplement que le nom de Brissac, mêlé à
ceux de Turenne et de Luxembourg, n'est là que pour la rime; p. 82, M. Hartmann
juge obscur le vers « Puis la brume où du Harz on entendait le cor » {Le cimetière
d'Eylaii , et il a raison ; il faut comprendre sans doute : une de ces brumes comme
celles qui couvrent le Harz lorsqti'y passe le chasseur légendaire sonnant du cor;
p. 86, pourquoi ne pas rappeler au mot dtre l'ancien haut-allemand astrih, aujour-
d'hui Estrich? p. 106, à propos du « groupe altier des batailles » (Sedan), il fal-
lait dire que Châlons est une allusion à la victoire des Francs sur Attila et que Ra-
venne rappelle le triomphe de Gaston de Foix (et non de Louis XII, ce chiffre XII a
été oublié). M. Hartmann ne sait ce que vient faire « Arezzo la cruelle » en cette
affaire, c'est évidemment une erreur de Hugo qui a voulu parler de la défaite de
Conradin par Charles d'Anjou à Tagliacozzo; « la cruelle » nous fait souvenir des
vengeances exercées par l'Angevin après sa victoire. Ajoutons que Jemmapes date de
1792, et non de 1793, et que Tours est mis pour Poitiers, les Francs ayant marché
contre les Arabes lorsque ces derniers menaçaient la basilique de Saint-Martin ;
quelques historiens disent d'ailleurs que la bataille s'est livrée entre Tours et Poi-
tiers. — A C.
SOCIETE NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du 18 mars.
PRÉSIDENCE DE M. COURAJOD
M. d'Arbois de Jubainville présente des observations sur le nom gaulois Liluc-
cus dans lequel il reconnaît un thème litu « fête » comparable à lugu dans Lugudu-
num. Il pense que lugu donne le nom indigène du Mercure gaulois et que le nom
des dieux Lugoves n'en est que la forme plurielle.
M. Gaidoz combat cette hypothèse de la pluralité appliquée à Mercure, bien que
l'on connaisse des dieux Mars collectivement désignés dans une inscription. Par
suite, il conteste que L^g- soit le nom proprement' dit du Mercure gaulois : pour
lui, le mot lugoves est un simple appellatit générique comme Matres, Genii.elc.
Les divers cultes locaux de Mercure s'adressaient à un seul et même dieu. De même,
personne ne croit qu'il y ait plusieurs Vierges Maries, bien qu'il y aie une N.-D.
de Lourdes, une N.-D. de la Salette, une N.-D. de Loretie, etc.
M. Engel donne lecture d'une notice sur des objets en bronze, fibules, torques,
poignards, découverts il y a une quarantaine d'années dans les grottes de Saint-An-
toine, près Ajaccio, et appartenant à M. Peraldi.
M. Mowat fait remarquer que la récente création du Camel-Corps anglais, des-
tiné à opérer dans le Soudan, est une innovation imitée de l'armée romaine d'O-
rient. Par une curieuse coïncidence, il y avait précisément en Haute-Egypte, à Thè-
bes, une troupe créée par Dioclétien et pourvue du même genre de monture, VAla
prima Valeria dromedariorum. M. Waddington a vu à Rimet-el-Lohf, en Syrie, la
tombe d'un vétéran de ce corps nommé Julius Candidus. A Admatha, en Palestine,
il y avait aussi une Ala Antana dromedariorum.
Le Secrétaire,
MoWAT.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEKO]JX^_^
l.e f'uv. ri^rrimerie de AJn> rhessou tlla. boulevard Saiytt- Laurent, 2 î
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
No 16 — 20 avril — 1885
Soniniaii-e : 64. Le Vendidad et le Khordeh Avesta, trad. par Kavasji. — 65. De
La Blanchère, Terracine. — 66. Winkler, Peuples et langues ouralo-altaïques.
— 67. Archives de l'évêché de Luçon, p. p. Ingold. — 68. Wolf, Sur l'Histoire
de l'Université de Vienne. — 69. Fournel, Etudes sur la littérature française au
xviii' siècle; Fournier, Etude sur la vie et les œuvres de Molière, p. p. P. Lacroix
et ViTU. — 70. HûFFER, La République de Naples; Max-François électeur de
Cologne; Henri Heine et Detmold ; Le plus ancien manuscrit de 1' « Ecole Ro-
mantique )) de Heine. — Chronique. — Académie des Inscriptions. — Société
des Antiquaires de France.
6^^. _ Vendidad translated into Gujerati from the original Zend text, with
critical aud explanatory notes, by Kavasji Edalji Kanga, second édition, Bombay,
the era of Yezdezard, i253, the year of Christ, 1884, i vol. in-8, 262 pages.
— Biltordelï Avesta, transliterated and translated into Gujerati with
copious explanatory notes by Kavasji Edalji Kanga, Head-Master, MooUa Feeroz
Madresa, Bombay, 1880, i vol. in-12, 270 pages.
M. Kavasji Edalji Kanga, directeur du Collège MooUa Feeroz à
Bombay, est un des hommes qui ont fait le plus pour vulgariser parmi
ses coreligionnaires les résultats des études européennes sur V Avesta.
11 avait publié il y a dix ans une traduction guzeratie du Vendidad, avec
texte, traduction littérale, — chaque mot zend et chaque mot guzerali
correspondant ayant leur numéro d'ordre, — et commentaire gramma-
tical donnant l'analyse et Pétymologie des mots importants. L'ouvrage
avait reçu le prix offert par M. Kharshedji Kama de Bombay et
avait été publié aux frais de la « Société de recherches sur la religion
zoroastriennes » (Zarthoshti Dharmni Khôl Karnari Mandli '). L'ou-
vrage a eu assez de succès pour qu'une seconde édition soit devenue
nécessaire. M. K. a profité de l'occasion pour utiliser les nouvelles
traductions parues dans lesdix dernières années et ildonnedans les passa-
ges importants les opinions des divers traducteurs, quand elles diffèrent.
Le commentaire grammatical a été supprimé et les notes sont purement
explicatives. Telle quelle, Fœuvre nouvelle peut se définir une traduc-
tion européenne en guzerati.
Les savants européens doivent être reconnaissants à M. K. de faire
connaître et apprécier leurs travaux parmi les Parsis. Cependant si j'osais
donner un conseil à nos confrères de Bombay, je leur recommanderais
1. Dosabhai Framji, History of the Parsis, II, 232. — M. Kavasji a aussi
publié une traduction anglaise de la Relation du Voyage aux Indes d'Anqueiil Du
Perron.
Nouvelle série, XIX. 16
302 REVOii CltrriQOE
de moins s'inquiéter de ce que nous pouvons écrire et de continuer à
travailler surtout d'après les données indigènes, ou du moins, sans |
dédaigner ni ignorer ce qu'il peut y avoir de solide dans les travaux
européens, de suivre avant tout la tradition. Ils ont infiniment plus à
nous enseigner que nous à eux : nous pouvons leur donner des traduc-
tions plausibles et raisonnables, appuyées sur de brillantes étymologies
sanscrites et autres toiles d'araignées : eux peuvent nous donner des
faits. Aussi tout leur effort devrait-il porter vers le débrouillement de
la tradition, vers la publication et la traduction des trésors enfouis dans
la littérature pehlvie: ils peuvent rendre là des services inappréciables et
préparer ainsi les matériaux de la traduction définitive de ÏAvesta.
La traduction de Khordeh Avesta est la troisième de ce genre publiée
en Inde. La première, qui date d''une soixantaine d'années, est due au
Destour Framji Sorabji Meherji Rânâ; elle a été suivie rapidement de |
celle du Destour Edalji Dorabji Sanjânâ, souvent réimprimée depuis et
qui fait autorité chez les Parses. M. Kavasjî en donnne une troisième
qui représente la tradition européenne. Cette traduction comprend
YAshem vohii, le Yathâ ahu vairyô, les cinq Nyaj^ish^ les cinq Gâhs,
le Vispa hiimata, le Isiâmsitâyishn, le Patet Pashemâm, les Nirangs^
les Vâjs, les Namaskâr , les Yashts de Horma\d, Ardîbehesht, Srush,
Hum, Vanant, Behrâm, et le Doâ tandiirusfî . Le commentaire donne
toutes les explications nécessaires sur le sens des mots techniques, donne /
les passages zends parallèles et parfois !a traduction pehlvie. Le
traducteur ne s'astreint pas toujours à suivre les traductions européen-
nes et donne souvent des suggestions personnelles, dignes d'être prises
en considération. Voir en particulier le Bahram Yasht {\ayôtemô, tra-
duit 5^^/^/» ^^anoycïîe/z?;2a«t/, le plus victorieux; de ^i vaincre; et les
autres aTra^ X£YÔf.£va).
De pareils travaux font honneur à leur auteur et montrent tout ce
qu'il y a de sérieux et de sève intellectuelle dans la petite communauté
parsie. On peut faire quelques réserves sur la méthode, mais sans pou-
voir s'empêcher d'admirer la bonne foi et l'amour sincère de la science
qui amènent de si loin des disciples à la science européenne. Pour
rendre pleine justice à ces efforts, qu'on jette les yeux sur leurs voisins
Musulmans et Hindous: quand aura-t-on en guzerati une traduction
des Védas ou du Coran faite d'après les recherches de lOccident ?
James Daumesteter.
65. — t'erracîne, par M. R. de l,v Blanchère. iS83. Paris, Thorin, in-8, de
218 p. et 7 planches.
11 y a deux parties à distinguer dans ce livre, l'histoire et la topogra-
phie de Terracine. Apprécier la seconde nous serait difficile : il faudrait,
pour en faire la critique, avoir eu, comme Taulcur, le courage ue s'en-
D HISTOIRE hl DK Ll i TÉKaTUK!!. 3o3
fermer trois ans dans une des villes les moins gaies, dans un des pays les
plus malsains de l'Italie. Nous devons nous borner à dire que les cartes,
dues à M. de la Blanchère lui-même, sont claires et bien venues, et
qu'elles ont été dressées avec autant de soin que de compétence. — L'his-
toire de Terracine est plus abordable : mais, si on en détache les in-
scriptions, qui absorbent plus d'une page, elle est bien courte, bien peu
riche en faits intéressants. Les seules questions qui pouvaient concerner
rhistoire générale, comme l'organisation de la colonie primitive, les
rapports des colons avec les anciens habitants, ont été sommairement
traitées, sans qu^on puisse en vouloir trop à l'auteur : il a tenu à ne pas
sortir des limites de son sujet, quelque étroites qu'il se les fût tracées.
Il est certain, en tout cas, quMl a tout dit ce qu'il y avait à dire sur
Terracine, — au moins jusqu'en 1882, — qu'il l'a bien dit, et que cer-
tains chapitres de l'histoire d'une ville qui nous intéresse fort peu, sont
fort intéressants. Nous avons cherché des lacunes ou des omissions :
nous avons été heureux de n''en point trouver. Les résultats les plus im-
portants de l'œuvre terracinaise de M. de la 31. n'apparaissent malheu-
reusement pas dans sa thèse : ce sont la découverte de nouvelles inscrip-
tions et le redressement d'anciennes lectures. M. de la Bl. cite, en effet,
les inscriptions de Terracine d'après le Corpus : il importe de rappeler
que le Corpus en doit beaucoup à l'auteur de ce livre. Pour se rendre
compte des services rendus par lui au recueil général des inscriptions
latines, il suffit de comparer l'inscription 633 1 du Corpus, t. X. à
rinscription 8397, ^1*-^^ ^'^"^ deux copies différentes du même texte, l'une
antérieure, l'autre postérieure au séjour de M. de la Bl. M. Mommsen
a dit avec raison de ce dernier : Is vlr doctus, cui rerum Terracinen-
sium vetusta :nemoria quantum debeat, multij'ariam hae paginae emin-
liant. Nous sommes pleinement de l'avis de M. Mommsen : cette étude
est une résurrection de Terracine antique, une histoire locale excellente
à tous égards. C'est, dit l'auteur, « l'histoire de Terracine, et de Terra-
cine seulement, faite à Terracine comme l'eût faite un Terracinais pour
être lue là «. La chute de la phrase n'est pas heureuse, mais on ne sau-
rait parier de ce livre en termes plus exacts que ne Ta fait M. de la
Blanchère lui-même.
C. J.
56. — aji'alalt-»îscïie Vœîkea- uiid fc^praeiieiî, von Dr. Hcinricii Winkleu.
Berlin, Dûmmler, 1884, in-8, 480 pp.
On classe généralement en cinq groupes, finnois, samoyède, turc,
mongol et tongouse, les idiomes très divers qu'on est convenu de rat-
tacher à la grande famille ouralo-altaïque. A la suite d'une étude con-
çue et conduite dans le véritable esprit de la linguistique contempo-
304 REVUh CHlTIQUfc,
raine, M. H. Winkler croit pouvoir en ajouter un sixième, le japonais,
et proposer une nouvelle division de la famille tout entière. Avant de
discuter ses conclusions il convient de reconnaître que jamais peut-être
un recoin du domaine grammatical de l'ouralo-altaïsme n'avait été
exploré avec un soin plus méthodique et plus minutieux.
L'ouvrage se divise en deux parties, anthropologique et linguistique.
La première est de beaucoup la plus courte : M. W. se borne à colliger
les mensurations crâniennes obtenues d'un bout à l'autre de la famille
ouralo-altaïque, et à constater que les résultats qui s'en dégagent ne
sont pas incompatibles avec l'hypothèse de l'unité primitive. L'auteur
ne méconnaît pas d'ailleurs (p. 9] le caractère tout relatif de Tindice
céphalique, dont on a parfois exagéré la valeur. Aujourd'ui que Fan-
thropologie arrivé de plus en plus à cette conclusion « qu'il n'y a point
de races pures », l'objet de cette science sera beaucoup moins de recher-
cher l'unité ancestrale d'une race donnée, que de concilier l'unité de
langue avec les infinies variétés de type qui résultent d'hybridations
successives.
La seconde partie comprend à son tour deux divisions. Disons à ce
propos que l'on souhaiterait plus de netteté dans la distribution des
matières ; le plan de l'ouvrage n'est pas assez apparent, et, faute de
repères matériels, on a parfois peine à suivre le développement de la
pensée. Le sommaire placé en tête n'est pas toujours un fil d'Ariane
suffisant, et en tout cas il vaudrait mieux n'avoir pas à s'y reporter.
M. W. parcourt d'abord rapidement son terrain : parmi les langues
dont le caractère ouralo-altaïque a été à tort contesté, il nomme sans
hésitation le japonais (p. 65), avec réserve le coréen et l'aïno (p. yS),
puis consacre quelques pages excellentes (pp. 75 sqq.) à la réfutation
des rapprochements hnno-indo-européens de M. Anderson, rapproche-
ments, on le sait, presque exclusivement lexicographiques, et par cela
même des plus suspects. Sous le litre Turanismus (pp. 1 1 1 sqq.) il se
livre ensuite au travail inverse, et élimine successivement toutes les
langues que la malheureuse hypothèse touranisante a tenté de rattacher
à l'ouralo-altaïsme, langues hyperboréennes de l'Asie et de l'Amérique,
langues dravidiennes, chinois, birman, tibétain et autres. Sur le bas-
que (p. i55) il évite de se prononcer et ne paraît même pas fort éloigné
d'admettre une affinité très ancienne. Le tableau qu'il a tracé pourra
dans l'avenir recevoir encore plus d'une modification importante. Ce
qui demeure acquis, c'est que le touranisme a fait son temps. Je ferais
pour ma part une réserve en ce qui concerne l'eskimo et l'aléoute.
M. L. Adam, qui les sépare nettement des langues américaines ', sem-
ble bien disposé, lui aussi, à y reconnaître un type linguistique isolé.
Pourtant les affixes du duel et du pluriel sont ceux de l'ouralo-
altaïsme ; la préfixation y est également inconnue : ce sont là des carac-
I . En quoi la l.vigue esquimaude diffère-t-elle grammaiicallement des autres
langues de l'Amérique du Nord? Copenhague, Thiele, 1884.
D'HiSrOIRK HT OP. LMTKKAlUUk ?o5
tères communs assez graves pour qu'on puisse sans inconvénient laisser
provisoirement la question ouverte.
11 est vrai que ces langues ne répondent pas au critérium absolu
d'ouralo-altaïsme admis par M. W., et.dont l'intéressant développe-
ment occupe toute la seconde division de sa seconde partie (pp. 171-
480). Précisons donc, à l'aide d'extraits aussi succincts que possiJ^le,
le point de vue auquel il se place, le caractère commun et dlstinctif
qa'il assigne à toute la famille.
« Les cas indo-européens ne paraissent plus contenir aucune rela-
tion matérielle ou locale... La formation casuelle, à l'époque où les
peuples indo-européens entrent dans Thistoire, est arrêtée dans ses
traits essentiels, de telle sorte qu'on y reconnaît, bien caractérises, un
nominatif, un génitif, un accusatif, un datif, dont la signification n'a
rien de local, et qui au contraire expriment des relations purement
intellectuelles, en opposition la plupart du temps avec les relations lo-
cales. » (P. 171.) Il en faut dire autant même du cas appelé locatif, qui
« n'est originairement, ni le cas du séjour, ni celui de la direction,
mais indifféremment celui du but atteint ou à atteindre. » (P. i85,) Au
contraire, à l'esprit des races ouralo-altaïques toute relation se présente
d'abord sous la forme matérielle et locale : aussi loin qu'on remonte
dans le passé de leurs idiomes, on n'y aperçoit qu'un suffixe essentielle-
ment inessif, qui, par extension successive, a revêtu le sens illatif, puis
la fonction de datif, celle d'mstrumental, d'autres encore; bref, « les
langues ouralo-altaïques marquent toute action, unie à un lieu déter-
miné par un rapport, soit de séjour, soit de tendance, à l'aide d'un suf-
fixe de signification purement locale joint à Tobjet de l'action, v. g.
ville-lieii-habiter-rnoi^ et de même ville-lieii-aller-moi, et de même,
alors qu'il s'agit d'une relation tout intellectuelle, père-lieu-donner-
moi (je donne au père) : d'où la conception toute locale du rapport que
nous exprimons par le datif. » (P. 60.) 0 Cette donnée fondamentale,
commune à toutes les langues ouralo-altaïques, conservée encore de
nos jours par le groupe mongol, s'est altérée dans les autres, sinon en
principe, du moins en fait, en ce sens que ceux-ci ont peu à peu
adopté, outre l'exposant vague du locatif primitif, un certain nombre
d'autres indices plus précis, tels que intérieur^ milieu, proche, con-
trée (?), etc._, ce qui a amené le développement graduel de véritables
adessifs, inessifs, allatifs, etc. : à l'unique cas exprimant l'idée brute de
localité se substituèrent ainsi diverses formations que d'ailleurs l'analyse
ramène aisément à la même idée fondamentale... D'après le mode
d'emploi de ces éléments auxiliaires, on peut diviser la famille entière
en deux grands groupes : turco-mongol ; finno-samoyède-tongouse-
japonais. « (P. 478-9.)
La netteté de ces conclusions ne laisse rien à désirer; mais il nous
reste, avouons-le, quelques doutes sur la valeur absolue du principe
qui les justifie.
3o6 KEVUE CRITIQUE
I" On se demandera d'abord si la distinction des cas indo-européens
était aussi tranchée, la signilicalion intime de ces cas aussi purement
intellectuelle que le voudrait la théorie. Le sanscrit a confondu pres-
que partout le génitif et l'ablatif; l'ablatif et l'instrumental y apparais-
sent côte à côte avec la même fonction ' ; le grec et le latin ont presque
entièrement confondu le datif et le locatif, et en sanscrit même la limite
des deux cas est bien flottante, car on dira indifféremment dive dive et
dyavi dyavi{àe. jour en jour), et les verbes qui signitient donner veu-
lent leur régime indirect au datif, au locatif ou au génitif. M. W. proteste
contre les conséquences qu'on voudrait tirer de ces confusions : elles
sont, dit-il (p. i86), très postérieures; il n'en reste pas moins que, si elles
ont pu se produire, la distinction originaire devait déjà être assez va-
gue. Peut-il en être autrement? la fonction ne préexiste pas à l'organe,
c'est l'organe qui s'adapte à la fonction. Le sens des catégories gramma-
ticales va se spécialisant de plus en plus : c'est Toeuvre des siècles, de
l'esprit d'abstraction qui se développe, du besoin toujours croissant de
clarté et de précision. A ce point de vue, l'école de Schleicher a raison
d'étudier la forme en elle-même, indépendamment de la fonction que le
hasard l'a appelée a remplir : la forme est Télément matériel et visible
des langues; la fonction, un insaisissable Protée.
2° Les cas primitifs s'usant à la longue, on recourt à des substituts
périphrastiques, et dans cette période toutes les langues du monde
emploient au besoin les procédés artificiels créés par l'ouralo-al-
taïsme. Il exprimera, par exemple, la possession par une tournure in-
diquant que Pobjet possédé est che\ le possesseur (p. 208) ; mais, sans
parler du latin, qui use dans ce cas du datif, censé inconnu à i'ouralo-
altaïsme. n'est-ce pas ainsi que le rapport de possession est conçu dans
la langue russe : u vas H mqy caftan? avez-vous mon habit? litt. mon
habit (est-il) chez vous? Ou bien encore, les langues ouralo-altaïques
confondent l'illatif, le datif, la relation possessive et l'instrumental sous
l'étiquette commune du locatif: mais le français ne les distingue pas
davantage dans les locutions, je demeure à Paris^ je vais à Paris, je
donne à mon père, la fille à Jérôme, graver à la pointe sèche, etc. Et
que dire de la tournure périphrastique des dialectes alamans, qui
pourtant n'ont point perdu le génitif, em Péter si hûs (à Pierre sa
maison), la m. de P., sinon qu'on la retrouve dans nombre de lan-
gues qui n'ont pas dépassé la phase de l'agglutination? Ce sont là,
dirons-nous volontiers avec M. W. (p. i83), individuelle schn/ankung-
en; mais, à moins d'embrasser à l'aide de documents écrits toute l'é-
volution historique d'un langage, on ne saurait se flatter de faire exac-
tement le départ des éléments primitifs et des variations hystérogènes.
3" Dans la famille qu'étudie M. W. pareilles fluctuations se rencon-
trent. Le yakoute et le turc sont étroitement apparentés; pourtant le
I. Yad ukta;72 . . . . ajânatâ machimanajn taveraam maya pramàdât praîfayena
vâpi (Bhagavad-Gîtâ, XI, 41.)
d'histoire et DK LITTÉHATURI-: 3o7
turc (p. 397) distingue un illatif-allatif-datif et un locatif-essif; le ya-
koute ignore cette distinction. Cest, dit l'auteur (p. 399) le yakoute qui
présente l'archétype du groupe; le turc a développé son datif postérieu-
rement. Mais on pourrait également supposer que l'idiome primitif
avait deux cas, que le yakoute en a perdu un, et l'exemple de la famille
indo-européenne autorise cette conjecture. Ce n'est pas ainsi, dira-t-on,
que procède rouralo-altaïsme : les langues dont l'histoire nous est
connue, magyar, Japonais, nous montrent les cas se muhipliant et se
spécialisant de siècle en siècle; et M. W. accumule les documents les
plus probants. Il reste à savoir jusqu'à quel point un fait prouvé pour
le magyar et le japonais peut être tenu constant pour le turco-yakoute.
40 A propos de rharmonie vocalique M. W. paraît quelque part
(p. 92 i. n.) se défier du critérium psychologique. Aucun, en effet, n'est
plus décevant. Les peuples mis en contact par le commerce ou la con-
quête ne s'empruntent guère de formes grammaticales; les mots, les
tournures et les idées sont au contraire la monnaie courante de leurs
échanges. C'est pourquoi, malgré l'intérêt et la haute portée des recher-
ches de l'école psychologique, rien ne vaudra jamais, pour la classifica-
tion des langues , la morphologie pure appuyée sur une rigoureuse
phonétique. M. W., sans méconnaître les services rendus à la science
par l'école néo-grammaticale, s'effraie de ses tendances trop exclusive-
ment phonétiques (p. 176 i. n.); mais n'aurait-il pas lui-même un peu
trop fortement réagi dans le sens opposé?
Ces réserves faites sur la portée du principe admis par l'auteur, on
ne peut que louer la persévérance, la sagacité et la sévère logique avec
lesquelles il en a poursuivi l'application dans toutes les langues de la
famille ouralo-altaïque. Si la théorie, dans son ensemble, provoque
quelques défiances, les détails de l'œuvre sont si clairs et si concordants
qu'ils emportent presque la conviction. Les exemples colligés, les
monographies et articles de revues lus et coUationnés représentent une
somme de travail vraiment imposante. Enfin ies travaux antérieurs
sont toujours appréciés avec une parfaite équité et une rare courtoisie,
alors même que M. W. y relève des erreurs.
L'exécution matérielle laisse quelque peu à désirer. Des fautes d'im-
pression assez nombreuses déparent surtout la première partie, et no-
tamment les citations françaises (p. 16, coînts pour coins ; p. 3o,
progmatisme pour prognathisme, etc.). Il y aurait mauvaise grâce à
insister sur des défectuosités dont l'auteur s'accuse lui-même (pp. 171
et 480), sans toutefois publier d'errata. Dans les citations ouralo-altaï-
ques M. Winkler reproduit la transcription des ouvrages auxquels il les
emprunte; outre que cette transcription est peu méthodique, il en
résulte dans le cours de l'ouvrage de fâcheuses bigarrures graphiques,
qui n'offrent d'ailleurs aucun inconvénient grave, puisque la phonéti-
que n'y tient aucune place. L'-q souligné rz: n guttural est un signe
conventionnel auquel on a peine à s'accoutumer.
V. Henry.
3o8 REVUE CRITIQUE
67. — Ai-ehives» <ïe E'ôvt'-cliê «lo i^iioo», publiées par le P. Ingolp, prêtre de
l'Oratoire. Paris, Poussiclgue trcres, i883, in-8 <ie 118 p.
Le P. Ingold, ayant été chargé du classement des livres et des papiers
conservés dans le palais episcopal de Luçon, a fait de nombreuses trou-
vailles. Le fascicule oîi il vient de les consigner sera suivi de plusieurs
autres qui, je Tespère, ne seront pas moins intéressants et auxquels
j'aime à souhaiter d'avance la bienvenue. Ce fascicule est formé de dix
morceaux intitulés : La Révocation de l'édit de Nantes dans le dio-
cèse de Luçon ; Barri lion et l'abbé de Rancé ; Polémique : répojise
à M. le chanoine du Tressay ; les Lazaristes dans le diocèse de Luçon
(1° à Luçon; 2° à Fontenay) ; Barillon et ses Métropolitains ; Barillon
et les cardinaux ses contemporains ; l'Oratoire à Luçon (i" Richelieu
et l'Oratoire; 2° Barrillon et rOratoire)\ Lettres de Barillon-, les
missionnaires oratoriens aux Essarts ; La cabane de la Bonne-Mort.
Parmi lesdocuments inédits insérés dans ces dix chapitres, on remar-
que six lettres du célèbre confesseur de Louis |XIV, le P. de La Chaise,
adressées, comme les suivantes, à l'évéque de Luçon, Henri de Barril-
lon, que le savant bibliothécaire de l'Oratoire défend victorieusement
contre l'accusation de Jansénisme dont le prélat a été l'objet de la part
de M. l'abbé du Tressay, auteur de Y Histoire des moines et des évêques
de Luçon (1869); une lettre du cardinal Etienne Le Camus, évêque de
Grenoble, intime ami de Barrillon ; vingt-deux lettres de l'abbé de
Rancé, qui avait donné au futur évêque de Luçon cet éloge : <s, le plus
vertueux et le plus savant ecclésiastique qui soit en France; » une lettre
de Henri de Béthune, archevêque de Bordeaux, et une autre de Louis
de Bourlemont, archevêque de la même ville; deux lettres du cardinal
de Bouillon, cinq du cardinal de Forbin-Janson, deux du cardinal
d'Estrées, le correspondant de Jean Chapelain, deux du cardinal de
Coislin, évêque dOrléans, dont je publierai prochainement un récit
auto-biographique qui me paraît aussi piquant qu'instructif. Mention-
nons encore, dans le petit et si riche volume du P. Ingold, un contrat
passé le 14 décembre 1616, entre le futur cardinal de Richelieu et le
futur cardinal de Bérulle, au sujet de l'établissement d'une maison de
rOra'ioire, à Luçon, document tiré des Archives nationales, une lettre
du fondateur de l'Oratoire, également tirée des Archives nationales, des
lettres de divers oratoriens (le P. Louis du Laurens, le P. de Monchy, le
P, Juanet, le P. Dorigny); six lettres de Barillon, « dont l'importance
est capitale pour l'histoire de ce prélat, » comme le remarque fort bien
l'éditeur (p. 99).
Le recueil du P. Ingold a le grand mérite de compléter divers ouvra-
ges bien connus des curieux, tels que le volume spécial de M. Chante-
lauze sur le P. de La Chaise, l'Histoire de l'abbé de Rancé par
M. l'abbé Dubois et surtout les Confessions de Ms^ de Barillon ou vie
écrite par lui-même, confessions publiées en 1882, d'après \e Manuscrit
autographe, dans la Revue de Bretagne et de "Vendée.
T. DE L.
1
d'histoire kt uk dttkkatukk 309
58. Zut- Cescllicîite tlei* Wiener BJniversitaet, von G. WoLK. Wicn,
iHS'i. Alfred Hœlder, K. K. Hof und Universiiaets-Buchhaendler, iv, 242 p.
Depuis les travaux de Kink et d'Aschbach, pour ne citer que ceux-
là, rhistoire de l'université de Vienne n'est plus à faire; aussi, loin
d'entreprendre une œuvre peut-être inutile, M. G. Wolf s'est-il borné
avec raison à " combler les lacunes » de ses devanciers, de ceux du
moins qui ont suivi jusqu'après 1848 les destinées de la célèbre école \
à compléter et, à l'occasion, à rectifier ce qu'ils ont dit de son histoire
depuis le milieu du siècle dernier. Ferdinand I" avait, presque dès les
premières années de son règne, essayé de relever l'université de Vienne
de sa décadence, et le règlement de i5 54, auquel il a attaché son nom,
inaugura pour elle le régime sous lequel elle a subsisté jusqu'après l'a-
vènement de Marie-Thérèse. A cette époque le besoin de réformes se fit
sentir de nouveau; réclamées par le a consistoire « ou conseil de l'uni-
versité dès 175 I, elles furent essayées sous Marie-Thérèse d'abord, puis
sous Joseph II son successeur. Cest par l'examen de ces tentatives de
régénération que commence le livre de M. G. W. ; puis après avoir
passé rapidement sur la période qui va de 1790 à 1848, il suit pas à pas
le travail nouveau de restauration qui fut entrepris au lendemain de la
Révolution de février pour les universités, comme pour tant d'autres
institutions autrichiennes, et il en étudie les péripéties diverses jusqu'à
l'époque actuelle.
Malgré son caractère fragmentaire, l'ouvrage de M. G. W. présente
un véritable intérêt, pour ceux surtout qui s'intéressent aux questions
d'enseignement supérieur. Rien de plus curieux que de suivre la lutte
engagée dans la catholique Autriche entre l'esprit clérical et l'esprit
laïque, que d'assister à la victoire de ce dernier et à l'établissement pro-
gressif, sous un gouvernement si longtemps absolu, de la liberté la plus
complète, dans les universités, pour les maîtres, comme pour les élèves.
Que nous sommes loin en France d'un pareil état de choses, et pour-
quoi faut-il que nous en soyons encore à réclamer et à désirer l'indé-
pendance et l'autonomie de l'enseignement supérieur comme on les a
en Autriche?
Les conflits entre l'autorité spirituelle et l'autorité temporelle signa-
lent surtout l'histoire de l'université de Vienne sous le règne de Marie-
Thérèse; malgré sa piété sincère, l'impératrice comprit qu'il y allait de
l'avenir de l'enseignement de le soutenir contre les empiétements du
clergé; la suppression du serment religieux par Joseph II annonce le
triomphe prochain de l'esprit laïque et inaugure les nombreuses modi-
fications que le souverain réformateur s'efforça d'apporter à l'organisa-
tion des universités de son empire; s'il fut mal inspiré, en voulant en
réduire le nombre à trois, on ne peut disconvenir qu'il rendit de
grands services â la cause de l'enseignement supérieur ; la substitution
I . Aschbach finit avec l'époque de l'humanisme.
3lÔ REVUE CRITIQUE
de l'allemand au latin dans les cours, le développement donné aux étu-
des de médecine, la suppression des directeurs institués par Marie-
Thérèse-, sur le conseil de Van Swieten, comme représentants de l'état,
et leurs attributions rendues aux doyens élus à tour de rôle par les pro-
fesseurs des diverses facultés, voilà quelques-unes des mesures qui
marquent le règne de Joseph dans l'histoire des universités autrichien-
nes, mesures dont la dernière entre autres fut rapportée, il est vrai,
après sa mort, mais seulement pour un temps.
M. G. W. s'est à peine occupé de la période qui va de la mort de
Joseph II à la révolution de 1848, période de décadence nouvelle pour
Tuniversité de Vienne, la faculté de médecine peut-être exceptée. A la
vérité on ne trouve guère qu'une seule mesure utile à signaler pendant
ce long espace de temps : la suppression des cours dictés. Il en est tout
autrement à partir de 1848. Un souffle de liberté s'y fait alors sentir
partout; l'époque des réformes commence; dès le lendemain de la Ré-
volution un projet de règlement réclame l'élection du recteur, proclame
la liberté complète des professeurs et des élèves, et n'admet d'autre au-
torité académique que les délégués du corps enseignant. On reconnaît
là l'influence allemande. On la retrouve aussi dans cette protestation
contre l'ingérence de l'état et de l'administration centrale, laquelle « ne
peut que rabaisser les universités au rang de vulgaires écoles et arrêter
le libre essor et le développement de la science ; » elle n'apparaît pas
moins dans la volonté de ne confier la direction des études qu'à des
membres de l'université distingués par leurs longs services dans l'en-
seignement, leur caractère et leur valeur scientifiques. Ce qu'il ne faut
pas moins approuver, c'est la résolution bien arrêtée de ne chercher le
relèvement des études que dans les leçons de maîtres habiles et éprouvés
qu'on appelle de tous les lieux où ils se sont fait connaître, c'est la sage
lenteur avec laquelle on élargit les enseignements qui existent déjà et
on en crée de nouveaux; aussi n'a-t-il pas fallu moins de vingt-cinq
ans pour que l'université de Vienne arrivât à son développement com-
plet.
Ce développement fut contrarié, il est vrai, par la réaction de 18 56
signalée par l'établissement du concordat; mais si la liberté d'enseigne-
ment fut alors menacée, les créations nouvelles furent à peine arrêtées;
c'est à cette époque, en effet, que remonte l'extension donnée aux études
d'économie politique et de médecine. D'ailleurs la réaction ne fut pas
de longue durée; au lendemain de Solferino l'Autriche entra, on le sait,
d'une manière définitive dans la voie du libéralisme, et l'esprit nouveau
qui pénétrera dès lors toutes ses institutions se fait sentir d'abord dans
la vie universitaire. A partir de ce moment les libertés de l'enseigne-
ment supérieur sont à jamais fondées en Autriche, les réformes de 1848
définitivement consacrées, l'indépendance des universités assurée par
l'établissement d'un sénat académique composé du recteur élu, des
quatre doyens et des délégués des professeurs; en même temps la sup-
d'histoire et du littérature 3ii
pression de la charge de chancelier en achevait la sécularisation ^
L'influence de ces mesures fécondes et bienfaisantes ne s'est pas fait
attendre; l'université de Vienne compte aujourd'hui 5ooo étudiants et
la vie des autres universités de Tempire ne s'est pas moins développée;
la liberté a là, comme toujours, porté ses fruits. Tel est le spectacle au-
quel nous fait assister M. Wolt. Si Ton peut reprocher à son livre de
n'être qu'une suite de contributions pour servir à l'histoire de l'univer-
sité de Vienne, ces contributions sont trop précieuses en renseignements
utiles pour qu'on ne doive pas le remercier de nous les avoir données
et qu'on ne lui pardonne pas ce que son travail peut avoir de défectueux
au point de vue de la composition et de la (orme.
Ch. J.
5q, EtutBes su-.- la îittérîiïuro f:-aiîeîiî*e :»« tîîx-i^epîième siècle.
Victor FouRNEL. De Malherbe à Bossuct, études littéraires et morales. Paris,
Firmin Didot, i885, in-12 de 3o6 p. p.
— Edouard Fournier. Etudes sur la vie et les œuvres deMolière, revues etmisc^i
en ordre par M. Paul Lacroix et précédées d'une préface par M. Auguste Vitu.
Paris, Laplace et Sanchez, ii)83, in-12 de xiv et 4G4 p. p.
On aurait quelque peine à trouver deux écrivains qui se ressemblent:
moins par le tour d'esprit et la méthode que MM. Victor Fournel et
Edouard Fournier. Tous deux, cependant, ont poursuivi le même genre
d'études, et la plus grosse part du dernier ouvrage de M. Fournel est
consacrée à Molière, comme le livre posthume de M. Fournier. Ce sont
deux mo/fer/5fe5, pour leur donner le litre dont les fervents du grand
comique se parent volontiers depuis une dizaine d'années. L'histoire
du vieux Paris, de notre ancien théâtre, la biographie littéraire ont éié
aussi pour eux l'objet de travaux importants.
Mais c'est tout ce qu'ils offrent de commun. Edouard Fournier ap-
partenait à la famille des aventureux; c'était un romantique de l'érudi-
tion. Fécond en hypothèses, il introduisait à chaque instant l'imagina-
tion dans un ordre d'études où elle est plus dangereuse qu'utile. Un fait
n'avait guère de valeur à ses yeux que s'il pouvait l'interpréter et cî; tirer
un peu plus qu'il ne contenait. Poète avec cela, il taisait de la poésie
érudite, et de l'érudition poétique, au grand dommage de son érudition
comme de sa poésie; feuilletoniste, i! mettait de la science dans le
feuilleton et du feuilleton dans la science, mélange bizarre; enfin, il
était obligé de travailler vite. Et pourtant, ses recherches et ses conjec-
tures ont rendu de grands services; les documents qu'il a exhumés, les
livres inconnus qu'il a signalés, la part de vérité neuve qui se mêle à la
plupart de ses erreurs font qu'il est difficile de ne pas recourir à iui
I. Il faut ajouter à ces mesures libérales ce qui a été fait de 1870 à 1874 pour
relever et améliorer le rang et la situation matérielle des professeurs.
JI2 REVUK CRITIQUK
lorsqu'on aborde à son tour les sujets dont il s'est occupé. M. Fournel,
au contraire, esc un classique et un prudent; il donne peu à Thypo-
thèse, et, rare me'rite, ne surfait pas l'objet de ses études. Lorsqu'il
remet en lumière un auteur de second ordre ou s'attache à retrouver
en histoire des traces effacées, il sous-entend que ces figures ou ces faits
accessoires n'ont d'autre valeur que de servir à mieux comprendre les
grands auteurs et les grandes époques. Il est plus qu'un simple érudit
et se pique d'écrire, mais il ne prétend pas faire des vieux livres et des
vieux papiers une source d'inspiration. Ecrivain périodique, lui aussi,
mais prenant son temps, il compose ses articles avec le même soin que
s'il écrivait un livre.
Je dois dire, cependant, que De Malherbe à Bossuet est plutôt un
recueil d'articles qu'un livre. Le titre, d'abord, promet plus qu'il ne tient.
On s'attend à une étude sur la première moitié du xvii^ siècle, et il se
trouve que, sauf Malherbe, Voiture et Balzac, qui prennent un chapitre
et demi sur les onze dont se compose le volume, c'est le vrai siècle de
Louis XIV, de 1660 à 1700, qui fait l'objet de tout le reste. L'unité
manque aussi, car la chronologie donne à peine un lien factice à un
groupement arbitraire de noms. Si l'on devine chez M. Fournel des idées
arrêtées sur le développement de notre littérature et la hiérarchie de nos
écrivains entre la Fronde et la Régence, elles ne se montrent guère dans
l'enchaînement des chapitres. A vrai dire, vu l'objet de chacun, elles ne
pouvaient guère se montrer; il faut franchir de larges fossés pour passer
de Balzac à Molière, de Molière au cardinal de Retz, de la Bruyère à
M""' Deshoulières, de M"° Deshoulières à Bossuet.
M. Fournel ne nous donne donc pas une étude sur une période de la
littérature française, mais un recueil d'études très exactes et d'un jugement
très sain sur quelques écrivains pris isolément. Il y a lieu de signaler sur-
tout les deux chapitres où figure Molière. M . Fournel a consacré une bonne
part de sa vie aux études d'histoire dramatique dont Molière est le centre ;
nul n'est donc plus autorisé que lui à signaler les dangers de l'engoue-
ment et de la passion exclusive en cet ordre de recherches, comme aussi
de railler la superstition puérile de quelques dévots d'un cuite dont il
est lui-même un fidèle éclairé. Certains moliéristes, en effet, sont trop
portés à tout ignorer au profit du seul Molière. Or, par cela seul que
Molière est, avec la Fontaine, le plus parfait représentant de l'es-
prit français, le plus sûr moyen de le comprendre est de le rattacher
étroitertient à ce qui l'entoure, de le voir toujours à son rang dans la
littérature et l'histoire générales. C'est la méthode qu'ont suivie les mo-
liéristes dont les travaux ont mérité de rester comme un modèle; ainsi
Bazin. Par la comparaison, elle permet le contrôle, et, par la notion de
l'ensemble, elle empêche de méconnaître la perspective.
Cette méthode est rarement celle d'Edouard Fournier. D'abord,
Fournier, une fois entré dans un sujet, ne voyait que ce sujet et s'y
enfermait étroitement. En outre, il se suffisait à lui-même et tenait peu
d'histoire et de littérature 3i3
de compte de ce que d'autres avaient pu dire avant lui. Enfin, il n'avait
pas le temps, une fois sa tâche accomplie, de revenir en arrière pour l'a-
méliorer. Souvent il s'est trompé sur Molière et à propos de Molière ; ra-
rement il a signalé et corrigé lui-même ses erreurs. Etait-ce faux amour-
propre? Peut-être. Un judicieux érudit, M. Jules Cousin, disait dans
l'excellente notice qu'il lui a consacrée : « Satisfait et content de lui,
sans exagération ni fausse honte, il acceptait volontiers et accentuait au
besoin les compliments qu'il savait mériter. » On devine, sous Patté-
nualion amicale des termes, une plénitude de soi-même qui n'empêchait
ni la conscience, ni la sûreté de l'information, mais qui la rendait for-
cément incomplète. Fournier en restait trop à ce Roman de Molière,
qu'il avait publié en i863. Or, cette même année, son livre fut boule-
versé, presque anéanti par les admirables Recherches sur Molière de
Eudore Soulié. Le coup était rude; il se tira d'affaire en écrivant d'un air
dégagé qu'il aurait « à réparer plus d'une brèche, et plus d'une hypo-
thèse à remettre sur pied ou à supprimer tout à fait », mais que, somme
toute, « son petit volume n'était pas le plus malheureux ; que les certi-
tudes notariées apportées par M. Soulié lui étaient plus indulgentes que
rigoureuses; qu'il avait parfois deviné ce qu'elles assurent; qu'il fau-
drait, de ci de là, le récrépir et le replâtrer un peu, tandis qu'il en était
d'autres qui devraient être refaits de fond en comble ». Et il ne se privait
pas de faire la leçon à M. Soulié, en un sujet où M, Soulié devenait une
autorité suprême.
Je ne crois pas, cependant, qu'il eût publié lui-même sans refonte
préalable le volume qui vient de paraître sous son nom. En effet, s'il ne
citait guère autrui, du moins était-il au courant des résultats essentiels
de l'érudition « molicresque » en ces dernières années. Or, parmi tous
ces articles réunis dans un ordre assez factice par M. Paul Lacroix, il
n'y a presque pas une page qui n'eût exigé des corrections. Et, cepen-
dant, l'éditeur n'y a pas joint une seule note. Tel quel, ce volume est
donc un nid d'erreurs, où s'accumulent les hypothèses démenties parla
découvcrre de faits positifs, les déductions hasardées, les dates inexac-
tes. A la rigueur, des moliéristes très informés peuvent trouver quelque
profit à le parcourir ; encore feront-ils bien d'en user avec prudence ;
mais Dieu garde un homme qui ne serait pas du métier d'y chercher
des renseignements !
Le défaut capital du livre est corrigé, dans la mesure du possible, par
la préface dont M. Auguste Vitu l'a fait précéder. M. Vitu donne à en-
tendre qu'il V a beaucoup d'arriéré et de controuvé dans cette érudition
et cette critique ; puis, s'atta.juant aux cinq ou six thèses principales
soutenues par Fournier, il les ruine complètement, sans trop dire contre
qui il argumente ; c'est là un procédé piquant et de bon goût. Mais eût-
il consenti à se charger lui-même du travail d'éditeur dont M. Paul
Lacroix n'avait pas craint d'assumer la responsabilité? Le mal était fait;
il l'a réparé de son mieux. Quant à M, Paul Lacroix, malgré sa rare
3 14 RKVUK CRITIQUE
puissance de travail, son flair, l'étendue de ses connaissances^ le bon
bibliophile était peut-être de tous les érudits français le plus dénué de
critique. Doyen des moliéristes, il faisait à la fois leur désespoir et
leur joie, par les erreurs qu'il mettait en circulation avec une activité
infatigable, par toutes les sources d'information qu'il découvrait et
signalait. 11 n'a pas même soupçonné qu'il rendait un assez mauvais
service à la mémoire d'Ed. Fournier. Tout ce que l'on peut dire de l'un
et de l'autre, de l'éditeur et de l'édité, à propos du livre doublement pos-
thume où leurs deux noms se trouvent réunis, c'est qu'ils valent beau-
coup mieux que ce livre.
Gustave Larroumf.t.
yo. — Hermann Hûffer, i. oie ]^eapolît«nîscI»o RepMblîU des .lalires
l'y»». Leipzig, Brockhaus, 18S4. In-8, iio pages.
2. îigaximîlîRn F"i"aniz, Kurfûrst von Kœln, 1756-1801. Leipzig, Duncker
und Humblot. i885. In-8, 14 p.
3. Meîni-icia Pleine «nd Joliann Hermanii Detmold, mit bisher
ungedruckten Briefen H. Heine's. Berlin. Paetel i885 (tiré à part de la « deutsche
Rundschau », mars i885, pp. 427-458).
4. s>as aîîteste Manuseript von H. Heine's « Romantischer Schule », id.,
avril i885, pp. 139-143.
Nous réunissons en un même article quatre livres et brochures que
vient de publier successivement Téminent professeur de l'Université de
Bonn, M. Hermann Hûffer, et où l'on trouve tout ce qui distingue
l'auteur du Congrès de Rastatt et de sur la vie de Henri Heine (Cp.
Revue critique^ 1878, n° 38) : recherches minutieuses et profondes,
heureuses trouvailles d'inédit, finesse, sagacité, qualités qui rendent
M. H. également apte à traiter les sujets historiques et les sujets litté-
raires, à développer les causes de la deuxième coalition et à retracer les
débuts de Lombard ' et la carrière finissante de Lucchesini ' comme à
raconter la vie accidentée du poète de Dûsseldorf et à mettre en relief
dans la Campagne de France les mérites de Goethe \
I. Dans le premier ouvrage, M. H. expose l'histoire delà République
proclamée à Naples le 22 janvier 1799 et qu'on a nommée la république
parthenopéenne. Il a consulté tous les ouvrages sur la matière, le Fabri-
lio Ruffo de Helfert et de Sacchinelli, le recueil de CoUetta (Proclami e
san^ioni délia republica Napoletana), l'ouvrage de Malaspina (Occupa-
lione dei Francesi del regno di Napoli deW anno lygg) et celui de
Cuoco (Saggio storico sulla rivolu\ione di Napoli), la correspondance
1. Cp. Les lettres de Lombard à sa femme publiées dans la deutsche Revue
2. Cp. Ziveineue QiteUen 7^urGeschichte Friedrich Wilhelms III, ausdem Nach-
lass Lombards und Lucchesinis.
3. Cp. l'étude de M. Hûffer dans le IV^ volume àw Gœlhc Jahrliich.
D HISTOIRK KT DK LITTERATURE 3 I 3
de Marie Caroline et de Ruffo éditée par Maresca et IcsBorboni a Napoli
de notre Alexandre Dumas qui a donné, avec beaucoup de fautes, un
grand nombre de pièces importantes, les « Dépêches et lettres » de
Nelson publiées en 1845 par Nicolas, etc. Il fait justice, en passant, du
livre de Saint-Albin sur Champiormet qui « est si plein d'erreurs qu'on
ne peut lui emprunter avec ^précaution que quelques menus détails »
(p. 26, note i). Le récit est bref, mais animé, vivant, en de nombreux
endroits dramatique. On remarquera, par exemple, les pages consacrées
à la prise d'armes de Boccheciampe et de Cesari (d'après une relation
de Durante, aide-de-camp de Cesari), à l'expédition de Ruffo, enfin à
la fameuse violation de la capitulation. C'est principalement sur ce
dernier point qu'insiste M. H., et il le fait avec une grande vigueur;
selon lui, et ses lumineuses conclusions s'imposent au lecteur, la cour
de Naples, en retenant les chefs du soulèvement, en les traduisant de-
vant des juges impitoyables, en faisant exécuter le jugement sans misé-
ricorde, a montré qu'elle avait perdu tout sentiment du droit (p. io5).
Mais le seul ou le grand coupable n'est ni Nelson, ni le roi, ni la
reine, ni Acton, ni les Hamiltons ; tous ont leur part de blâme (aile,
jeder in seiner Weise, sind dabei betheiligt, p. 106;... so trifft jeden
der Betheiligten sein Mass von Tadel, p. 110).
2. La longue notice de M. H. sur Maximilien François, archiduc
d'Autriche et électeur de Cologne, est pleine de détails intéressants tirés
des principaux ouvrages sur la Révolution et sur l'histoire des provin-
ces rhénanes; M. H. a puisé également, pour la composer, aux archi-
ves de Prusse, d'Autriche et de l'ordre teutonique (à '*/ienne); il conclut
que Maximilien Joseph fut, non pas un grand homme, mais un prince
actif, perspicace, doué de bonnes intentions qui clôt dignement la lon-
gue suite des électeurs de Cologne (p. 14). Cette notice a paru dans
VAllgemeine deiitsche Biographie ; on peut souhaiter que tous les arti-
cles de ce recueil soient aussi étendus que celui de M. H. et composés
avec autant de soin et de conscience.
3. M. H. a fait un attachant récit des relations de Henri Heine et de
Detmold; ce dernier est à peine mentionné dans la biographie de
Strodtmann; M. H. nous retrace sa vie et publie quatorze lettres iné-
dites qu'il reçut du poète. La plupart de ces lettres sont datées de
Paris et intéresseront vivement le lecteur français; il y est question de
la femme de Heine, Mathilde Mirât, des rancunes de l'écrivain contre
Menzel, d'un séjour qu'il fit à Granville et où Mathilde, son « atra
cura » s'amusait à chercher sur la plage les jolis coquillages (p. 436), de
projets littéraires qu'il roulait dans son esprit comme celui d'une An-
thologie ou d'un journal allemand qu'il aurait rédigé à Paris et fait
imprimer à Kehl, de ses continuels besoins d'argent, de la colère qu'il
éprouva lorsqu'il apprit que son oncle, le millionnaire Salomon Heine,
avait laissé un testament qui le privait de sa pension annuelle, du pro-
cès qu'il voulait dans sa fuicur intenter à Charles Heine et qu'il était
3l6 RKVlJh. CKingUK
sûr de perdre, de sa rupture avec le libraire Campe, etc. Ces lettres de
Heine, dit fort bien M. H., éclairent d'une lumière plus vive des traits
essentiels de son caractère et des événements décisifs de sa vie,
4. M. H. a trouvé dans les papiers de Detmold un manuscrit qui est
tout entier de la main de Heine; c'est un fragment de l'Ecole romanti-
que qui, comme on sait, parut d'abord en français dans {'Europe litté-
raire (i833), puis en allemand sous le titre Zur Geschichte der Jieiie-
ren schonen Literatur in Deutschland (même année) et trois ans plus
tard sous le titre qu'il a conservé Die romantische Schule. Le manus-
crit de Detmold est évidemment le premier brouillon de l'ouvrage, qui
fut donc écrit primitivement en allemand, et non, comme Tavait cru
Strodtmann, en français. Il offre le plus curieux intérêt par les nom-
breux passages que Heine supprima à l'impression; M. H. les reproduit;
il est toujours important, dit-il, de savoir non-seulement ce qu'a dit
un grand écrivain, mais ce qu'il a pensé et ne voulait pas dire publique-
ment. Nous renvoyons, pour ces passages, à l'article même de M. H. :
on y remarquera quelques lignes sur Gottfried de Strasbourg, l'asser-
tion suivante sur Lessing, qu' « il fut peut être le plus grand homme
que l'Allemagne ait produit », une longue tirade sur Zacharias Werner,
etc. Citons aussi cette réflexion sur lena que la censure aurait évidem-
ment retranchée : « Il fallait supporter ces épreuves avec une chrétienne
résignation et les Prussiens surtout se soumirent à Thumilité chré-
tienne; après avoir tourné le dos aux Français, ils se jetèrent dans les
bras de la religion; lorsqu'on a perdu une pareille bataille il n'y a pas
en effet de meilleure religion que le christianisme » et plus loin sur
Napoléon et le grand mouvement de i8i3 : « Lorsque nos princes ap-
prirent que ce fléau de Dieu avait été très affaibli par la campagne de
Russie, ils ne purent voir plus longtemps avec une patience chrétienne
que nous étions les esclaves de tyrans étrangers et ils nous ordonnèrent
de devenir patriotes. Comme on le conçoit, nous obéîmes à cet ordre
et éveillâmes dans notre cœur l'enthousiasme du patriotisme. » Un pas-
sage presque incrovable est celui-ci : « Chez les meilleurs de ceux qu'on
nommait alors les patriotes, le patriotisme n'était qu'un attachement
animal à l'Allemagne, tel que l'âne par exemple s'attache à son écurie;
il est vrai qu'un âne, si passionnément enthousiaste qu'il fût de la man-
geoire de son maître, finirait cependant par se décider à manger dans
une crèche étrangère; un âne ne sacrifierait passes biens et son sang
pour recevoir les coups d'un bâton allemand, au lieu d'un bâton fran-
çais; il n'y a pas de semblables ânes. » Ces citations suffisent à montrer
tout l'intérêt du manuscrit de ÏEcoIe romantique que M. Hûffer a
trouvé dans les papiers de Detmold.
A. Chuquet.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE :> l '
CHRONIQUE
FRANCE. — Les fascicules II et III de la deuxième année de VAivniaire de la Fa-
culté des lettres de Lyon contiennent les articles suivants : fascicule II, Regnaud,
Stances sanskrites inédites, d'après un manuscrit de la Bibliothèque nationale
(p. -201) et Etudes phonétiques et morphologiques (p. 223); Clédat, La flexion dans
la traduction française des sermons de saint Bernard (p. 243) ; Brunot, Le valet
de deux maîtres, comédie inédite attribuée à La Fontaine (p. 284, M. B. analyse
cette comédie dont il possède le manuscrit, l'analyse en détail, prouve que l'écri-
ture ne ressemble en rien à celle de La Fontaine et que le manuscrit doit dater du
commencement du xviu' siècle, dégage en un mot la responsabilité du fabuliste ; la
pièce paraîtra d'ailleurs prochainement dans une édition du Théâtre de la Fontaine
que M. B. publie chez Charavay); Fontaine, J. J. Rousseau, ses idées sur l'éduca-
tion avant VEmile (p. 339-360); fascicule III; Ferraz, Etude sur la philosophie de
la littérature (deuxième article, p. 362); A. Bertrand, La psychologie extérieure
(p. 4o3); Regnaud, Mélanges (p. 423-435). Rappelons encore que l'-dnHwafre paraît
en trois fascicules, au prix de 10 francs par an, à la librairie Leroux.
— M. Henri Jadart, secrétaire général de l'Académie de Reims, vient de publier :
1° Louis XIII et Richelieu à Reims, du i3 au 26 juillet 1641, notice avec documents
inédits extraits des archives de Reims. (Reims. Michaud. In-8°, 81 p.); c'est après
la bataille de la Marfée que le roi et le cardinal se rendirent à Reims, alors « assu-
jettie aux princes lorrains dont elle était depuis un siècle comme le fief patrimo-
nial »; Richelieu y vint établir un gouverneur pour le roi et un major pour la place,
assurer la déchéance définitive des Guise du siège métropolitain, enfin par ses
négociations rendre la paix à la frontière de Sedan et à la Champagne. Les chroni-
queurs rémois ont noté les détails de sa visite, et M. J. les reproduit à son tour,
d'après les conclusions du Conseil de ville et les mémoires de René Bourgeois et de
Coquault ; il a soin d'ailleurs de donner en appendice les documents contemporains
qui relatent les circonstances de cette mémorable quinzaine; 2° Nicolas Dumont,
curé de Villers-devant-le Tliour (Ardennes), (Arcis-sur-Aube, Frémont. In-S", 35 p.)
M. Jadart raconte la vie de ce curé qui fut activement mêlé aux événements de 178g,
qui fut élu dans les bailliages de Reims et de Vitry-le-François comme député de
l'odre du clergé aux Etats-Généraux, qui donna son adhésion à la constitution civile
du clergé, redevint curé de sa paroisse ;iprès la Constituante et fut investi par le
suffrage populaire des fonctions d'officier public, c'est-à-dire de rédacteur des actes
de l'état civil, jusqu'à ce qu'en 1 794 l'exercice du culte fut interdit; Dumont se retira
à Reims et y mourut en 1S06. Il reste de lui un curieux document qu'a reproduit
M. Jadart : c'est une réponse à un questionnaire adressé en 1774 par l'archevêché,
de Reims à tous les curés du diocèse ; elle renferme des traits qui peignent à la fois
son caractère indépendant et l'état véritable de sa paroisse à cette époque; elle fait
connaître beaucoup de détails sur ce qu: concerne les écoles, les seigneurs, les édi-
fices publics. — A. C.
— M. Auguste DiETRicH a fait tout récemment paraître à la librairie Charpentier
(in-8°, Lxxxiv et 210 p.l, les Poésies de ce Jacques Richard, né en 1841 et mort en
1861, qui fut un instant célèbre dans le monde des écoles par ses stances sur Jé-
rôme, On se souvient de cet épisode : la matière de vers latins du concours général
de 1860 avait pour titre ad Hieronymum principem ; Jacques Richard composa une
pièce en vers français qu'il dédia à son ami Ernest Duvergier de Hauranne et qui
3r8 REVUK CIUTIQUK
courut de lycée en lycée. M. Dietrich a reproduit le texte de cette pièce et des autres
poèmes, La mort de Calon, Barra, Spartacus, etc., de Jacques Richard; son intro-
duction « remet en pleine lumière cette noble et sympathique figure ».
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Erratum. — P. 259, séance de l'Académie des inscriptions (20 mars), deuxième
alinéa, ligne 2, au lieu de diplomatie, lire diplomatique.
Séa7îce du i" avril /(.Vc^J.
Une lettre de M. Le Blant, directeur de l'école française de Rome, contient diverses
nouvelles archéologiques. On continue de découvrir de beaux sarcophages sculptés
dans la partie des terrains de la villa Bonaparte qui répond à la région appelée par
Pline conditorium hortorum Sallusiianorum. A Cività Lavinia, on a trouvé deux
curieuses petites figurines de terre cuite, de 0^20 et o'^^iô de hauteur, qui représen-
tent chacune un corps humain, sans tête, sans bras et sans jambes, à la hauteur de
la poitrine est une large ouverture, et l'on voit les poumons et le cœur grossièrement
figurés. On pense que ce sont des ex-votos. Près de la basilique de Sainte-Agnès,
on a mis au jour une inscription grecque qui se lit ainsi : STZtvO'/jpoç Tuavéoç
è-i-câçtoç ûv xaTéOrjXcV auTw 6 ^pvhi[j.zvoc, xal xb l'î:i-^poi.[).\).c(. ly^âpa^e.
M. Castan, correspondant de l'Académie à Besançon, lit un mémoire intitulé : le
Capitale de Carthage; c'est un chapitre détaché d'un travail d'ensemble sur les ca-
pitules de l'empire romain, dont l'auteur a été amené à s'occuper à l'occasion du
capitule antique de Besançon. La colonie romaine de Carthage fut fondée par Au-
guste, en l'an i3 ou 14 avant notre ère; une première tentative de fondation d'une
colonie, dirigée par Gaius Gracchus, n'avait pas eu de suite. Comme beaucoup
d'autres colonies romaines, celle-ci eut un capitole, c'est-à-dire un temple réunissant
sous un même toit trois sanctuaires dédiés à Jupiter, à Junon et à Minerve. Ce
capitole est mentionné expressément dans une inscription de l'époque impériale,
dans un passage de Tertullien, dans une constitution impériale de l'an 42g. M. Cas-
tan le reconnaît aussi dans le temple de Juno Caelestis, dont parle une description
due à un Africain du iv= siècle de notre ère; en effet, des trois sanctuaires réunis
dans le capitole, celui de Junon devait être le principal aux yeux de la population
carthaginoise, pour qui cette déesse représentait la grande divinité tutélaire indi-
gène, Baal-Tanit. Or, le texte qui parle du temple de Junon prouve qu'il était situé
sur l'acropole de Byrsa : c'était donc là l'emplacement du capitole de Carthage. Il
est vrai que d'autres textes mentionnent au même endroit un sanctuaire d'Esculape;
mais la colline de Byrsa est assez grande pour que plusieurs temples y aient pu
trouver place. Les débris de l'époque romaine qu'on y a trouvés paraissent être les
restes du capitole. La chapelle qui y a été construite par la France occupe proba-
blement la place du sanctuaire de Juno Caelestis, et non, comme on l'a cru, celle
du temple d'Esculape.
M. Louis Havet lit un travail sur le classement et la valeur critique des manus-
crits de Nonius Marcellus, grammairien latin de la fin du iii<= siècle. L'obscurité dont
cette question est restée entourée vient de ce qu'on a méconnu l'hétérogénéité de
certains recueils et l'origine complexe de certaines des principales copies. Ainsi,
trois des manuscrits les plus importants sont conservés respectivement au musée
britannique de Londres, à la bibliothèque nationale de Paris et à la bibliothèque de
Leyde. Or, M. Louis Havet établit que le manuscrit de Londres est un recueil fac-
tice de deux copies partielles, celui de Paris un recueil factice de trois copies par-
tielles; la copie de Leyde est la fusion de deux textes de famille différente. La pre-
mière des deux copies partielles de Londres représente troix textes : l'un est celui
de la seconde main, les deux autres sont fondus dans le texte de la première main.
Par suite de ces complications, un fait bizarre se présente : la première main de la
copie partielle de Londres, toujours fautive quand son témoignage concorde avec
celui de la copie de Leyde, est d'ordinaire très digne de foi quand elle témoigne
seule. La valeur critique de chaque copie se déduit de la place qu'on est amené à
lui assigner dans un tableau généalogique, dressé d'après l'examen des variantes, et
qui doit comprendre, non-seulement les copies subsistantes, mais aussi les manus-
crits perdus dont on démontre qu'elles dérivent. Pour la première partie de l'ou-
vrage de Nonius (les 140 premières pages de l'édition de Josias Mercier), il subsiste
six copies de date carolingienne, celles de Paris, de Leyde, de Wolfenbûttel, de
d'histoire et de LITTÉRATUUK 3ig
Florence, et les deux mains successives de la copie de Londres; l'existence de dix
manuscrits perdus s'établit avec certitude, celle de deux autres avec vraisemblance;
en somme, le tableau généalogique contient dix-huit articles. Dans ce classement,
les manuscrits de basse date sont provisoirement laissés en dehors, ainsi que les
manuscrits d'extraits. v , ^, , „
Ouvrage présenté par M. Gaston Paris : Rœhrich (Edouard), la Chanson de Ro-
land, traduction nouvelle à l'usage des écoles.
Julien Havet.
Séance du i o avril 1 88S .
Une lettre de M. Le Blant, directeur de l'école française de Rome, annonce la dé-
couverte de plusieurs sépultures très anciennes dans un terrain appartenant^ à
M. Spithœver, auprès de l'enceinte de ServiusTullius. Les cadavres, non incinérés,
étaient placés entre des fragments de grands vases de terre.
M. Duruy annonce qu'un certain nombre de membres des diverses sociétés savan-
tes des départements réunies à Paris pour le congrès de la Sorbonne.^ainsi que de
la Société des amis des monuments parisiens, ont visité, le matin même, avec les
délégués de l'Académie, les restes des arènes de la rue Monge. Une pétition a été
adressée séance tenante au conseil municipal pour demander qu'on ne se borne pas
à conserver l'emplacement exact des arènes et qu'on ménage autour des ruines un
espace libre d'une étendue suffisante.
M. Pavet de Courteille lit une note de M. Egger sur une inscription grecque qui
vient d'être trouvée dans l'île des Serpents ou "Phidonisi. l'ancienne Leucé^, en face
des bouches du Danube. Cette inscription, malheureusement très mutilée, était gra-
vée à ce qu'il semble, sur la base d'une statue. Quarante à cinquante mots ont pu
être déchiflrés. On y reconnaît le texte d'un décret rendu par les citoyens de la ville
voisine d'Olbia ou Olbiopolis, située sur le continent, pour honorer un personnage,
celui sans doute que représentait la statue. On doit présumer que celui à qui était
rendu cet honneur était originaire de Leucé. 11 faudrait en conclure que cette île,
inhabitée aujourd'hui, a pu avoir à une époque ancienne une population d'une cer-
taine importance.
M. Paul Meyer, continuant sa communication sur deux ouvrages historiques
français dr. xiu' siècle, entretient l'Académie du second de ces ouvrages, qui con-
tient une histoire de Jules César. L'auteur paraît avoir eu l'intention d'y raconter
la vie des douze Césars, mais il n'a pu achever son œuvre. Ses sources principales
ont été Salluste, César, Suétone et Lucain. Cet ouvrage se recommande, au point de
vue littéraire, par plusieurs qualités assez rares chez les écrivains du moyen âge.
L'auteur montre un sentiment poétique qui manquait à beaucoup de ses contempo-
rains. Il rend assez heureusement plusieurs des passages de Lucain qu'il imite, et
ajoute parfois de son chef quelques détails pittoresques. D'ailleurs, il cherche à la
fois à être en général exact dans ses récits et à les présenter sous une forme facile-
ment accessible au public de son temps. 11 remplace les noms des lieux et des peu-
ples anciens par des équivalents français, dont la détermination a dû quelquefois
lui coûter un certain travail. Il dit, d'après César, que la Fi-ance (c'est-à-dire la Gaule),
est partagée en trois peuples, les Belges, les Celtes et les Poitevins ou Aquitains.
11 traduit in vico Veragrorum qui appellaiur Octodiirus par : « en Chablais, là où
saint Maurice gît en terre », ce qui est bien près de la vérité, car on admet qu'Oc-
todurus est Martigny, en Valais, non loin de Saint-Maurice. On sait que Jules Qui-
cherat a soutenu, par des arguments fondés sur l'examen attentif du texte de César,
que le lieu de la bataille entre Labiénus et Camulogène, auprès de Paris, doit être
cherché du côté d'Athis : l'auteur du xiii^ siècle dit qu'elle fut livrée à Juvisy, ce
qui revient à peu près au même; lui et Quicherat sont donc arrivés chacun de leur
côté, et sans doute par des raisonnements semblables, à un même résultat. 11 men-
tionne les arènes romaines de Paris, mais, comme Grégoire de Tours, il en attribue
la construction à Chilpéric P'', petit-fils de Clovis; des termes dont il se sert, il ré-
sulte que ces arènes n'ont été détruites qu'au moment de la construction du mur
d'enceinte de Philippe-Auguste, en 12 ii. Pour donner de la vie à son récit, l'auteur
fait parfois des rapprochements entre le temps dont il parle et celui où il a vécu :
il compai-e Jules César, que Sylia, selon Suétone, appelait « mal ceint », maie per-
cinctuni pueriim, à Philippe-Auguste, qu'on aurait pu à bon droit, selon lui, sur-
nommer H le mal peigné », mais qui n'avait pas moins d'intelligence que César; s'il
était moins lettré que le dictateur romain, il avait sur lui une supérioéité morale,
c'est qu'il était « sans malice ».I1 est regrettable que l'auteur de cet ouvrage remar-
quable ne nous ait pas fait connaître son nom. Quand à l'époque où il a écrit, elle
peut être déterminée avec assez de précision : c'est après la mort de Philippe-Au-
guste, en 1223, et avant la rédaction du Trésor de Brunetto Latini, en 1266. En
effet, plusieurs passages de Tacite, que Brunetto cite en français et qu'on croyait
traduits directement par lui du latin, sont simplement erhpruntés à l'ouvrage dont
320 REVUE CRITIQUE d'hISTOIRE ET DE LIITÉRATURE
parle M. Meyer. Cet ouvrage eut d'ailleurs un grand succès au moyen âge, tant en
France qu'à l'étranger. On le trouve dans une trentaine de manuscrits; Charles V
en avait plusisurs exemplaire^ dans sa bibliothèque; il fut imprimé en 1490 ; enfin,
on en connaît jusqu'à trois iL^^Juctions italiennes, dont l'une se rencontre dans un
manuscrit daté de l'an i3i4.
Ouvrages présentés : — par M. Deloche : Drapeyron (Ludovic), Institutions géo-
graphiques nécessaires; — par M. Bréal : Revnaud (Paul). De primigenia vocis
kshatriya vz;— par M.Georges Perrot : 1° Wagnon (Adrien), Traité cC archéologie com-
parée : la sculpture antique ; origines, description, classification des monuments de
l Egypte et de la Grèce ,- 2" Dieulafoy Marcel), l'Art antique de la Perse, 'i' partie,
la Sculpture persépolitaine; — par M. Delisle : i" Henry (Charles), Pierre de Car-
cavy (extrait du Bulletino di bibliografia c di storia délie scien^^e matemaiiche e fi-
sichej ; 2" Bibliographie des travaux histori^jUes et archéologiques publiés par les
sociétés savantes de la France [par Robert de Lasteyrie], i" livraison.
Julien Havet.
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANGE
Séance du 25 mars i885.
PRÉSIDENCE DE M. COURAJOD.
M. Saglio lit une note dans laquelle il résume les passages d'auteurs anciens et
signale quelques monuments relatifs à l'emploi des chameaux comme monture de
combat.
M. le président communique, de la part de M. Gaidoz, l'ouvrage du général Car-
buccia sur le régiment de dromadaires organisé en Egypte par le général Bonaparte
en 1798.
M. de Laigue envoie en communication les photographies de deux sujets en bronze,
une femme et un homme, provenant de fouilles exécutées en 1706 dans la com-
mune Cereçara, province de Milan, et appartenant à M. le d' Martin, médecin du
consulat de Livourne.
M. de Barthélémy présente, au nom de MM. Richard et de la Brosse^ un coffret
d'ivoire paraissant être de fabrication persane du xia* ou du xiv" siècle et ayant
contenu de longue date des reliques de saint Tugdual, évêque de Treguier. Ce cof-
fret appartient au président du conseil de fabrique de l'église de la Trinité à Laval.
M. de Marsy annonce que M. de Laurière, en ce moment à Aix, a découvert dans
la bibliothèque de cette ville la preuve que le dessin de San Gallo, communiqué par
lui dans une précédente séance, s'applique à Aix; le mot Tempio qui y figure dé-
signe l'église des Templiers.
M. l'abbé Thedenat présente, de la part de M. l'abbé Gères, des objets antiques
trouvés à Grosfessenque près de Rodez (Aveyron), entre autres des terres cuites eri
forme de bobèches ainsi qu'une petite lamelle se terminant en fil de bronze replié
en nœud coulant et portant une estampille imprimée en relief.
M. le baron de GeymuUer présente un recueil de dessins d'architecture d'Antonio
da San Gallo l'ancien et de son neveu Francesco.
M. de Boislisle présente, de la part de M. le marquis de Nicolay, deux statuettes
de bronze représentant Henri IV et Marie de Médicis avec les attributs de Jupiter
Tonnant et de Junon. Il rappelle qu'une commande de ce genre est mentionnée
dans la correspondance du cardinal de Richelieu qui, en outre, avait fait exécuter
deux grandes statues de ces mêmes personnages en dieux de l'antiquité pour orner
le portail de Limours.
M. Courajod développe les motifs pour lesquels il croit que ces statuettes étaient
destinées à décorer des chenets de dimensions colossales, probablement pour la che-
minée de la chambre du roi au Louvre ou dans quelque château royal. 11 les com-
pare à certains petits bustes de Henri IV et de Marie de Médicis dont il existe plu-
sieurs variantes au Musée du Louvre et qui ne sont que des copies ou des imitations
des statuettes appartenant à M. de Nicolay.
Le Secrétaire,
MOWAT.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX..
Lé Puy. imprivierii' de Marchessou uls. boulevard Saint-Laurent. 3.Î.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE El' DE LITTÉRATURE
N» 17 — 27 avril - 1885
SojiîBJiiMii'e ï 71. Malabari, Le Gujarat. — 72. Eschyle, p. p. Wecklein. — 73.
Bladé, Epigraphie antique de la Gascogne. — 74. Œuvres poétiques de Béreau,
p. p. HovvN DE Tranchère et GuYHT. — Variétés : Lettre du comte de Broglie
sur la publication de la Henriade. — Thèses de M. Monin : L'unité de la reli-
gion homérique dans l'Iliade et Essai sur l'histoire administrative du Languedoc
pendant l'intendance de Basviile. — Académie des Inscriptions. — Société des
Antiquaires de France.
71. — Gujarat antî tl)e Gujaratls î pictures of men and manners takcn from
life; second édition by Behramji M. Malabari; Bombay, Education Society's
Press 1884.
Ce livre est la seconde édition d'un ouvrage paru en 1882 à Bombay.
L'édition nouvelle est augmentée de plusieurs chapitres et ornée de
gravures indigènes dont le stvje étrange relève encore la saveur du livre.
M. Behramji iVIaiabari, quoique très jeune encore, a déjà fait preuve
d'une heureuse fécondité d'esprit : journaliste et poète, réformateur
religieux et social, il manie tour à tour avec la même aisance Tanglais
et les dialectes indigènes. M. James Darmesteter a, dans un numéro
antérieur (5 février i883), apprécié les premiers fruits de cette activité
intellectuelle. Le succès de Gujarat and the Gw/ar^fw s'explique par des
mérites de toute sorte. C'est le récit d'une simple excursion ; mais si
M. B. M. a vu peu de pays, il a bien vu et il a réfléchi sur ce qu'il a
vu. Parti le î3 mars 1878 de Surate, M. B. M. arrive, dès les premiers
jours d^avril, à Ahmedabad : les étapes du voyage sont Brosch, Paroda
et Billimora. La région n'est pas d'un pittoresque rare; mais M. B. M.
est moins curieux d'observer la nature que les hommes. Ce n'est point
qu'il ne donne, avec la précision d'un guide, l'historique et la topogra-
phie de ces villes '. Mais ce qui l'arrête et le préoccupe, c'est la recher-
che des causes qui ont amené leur décadence, et des mesures qui peu-
vent y remédier. Le salut, il ne l'attend point du gouvernement an-
glais, mal informé par ses agents indigènes ou européens, et riche en
promesses autant qu'avare en effets. Aux Indiens seuls de régénérer
l'Inde; mais que de progrès à accomplir! que de travers à dépouiller!
que de vices à rejeter ! L'auteur se met en campagne pour voir et signa-
ler le mal, mais il sait habilement déguiser la leçon ou la satire et la
rendre aimable, grâce aux ressources d'un esprit humoristique à la
1. Pour les détails de statistique et d'érudition, nous no'.;.; contenterons avec
M. B M. de renvoyer aux Mémon-es xur l'Orient, de Forbes, i8i3, 4 vol. 4", et au
Bombay GayCiteer, de J.-M. Campbell.
Nouvtil-.; série, XIX. jy
322 REVUE CUITIQUK
façon de Swift et de Sterne. A chacune de ses haltes, l'auteur passe en
revue les célébrités locales, les grands hommes de petite ville, les uns
dignes de leur réputation, les autres et ies plus nombreux parvenus à
force de bassesse et de servilité, toujours empressés à approuver « ce
qui tombe des lèvres du sahib. »
M. B. M. examine ensuite les trois religions qui fleurissent côte à
côte en ce simple district : l'Hindouisme d''abord, ou plutôt la secte des
Maharajas dont il flétrit les pratiques ridicules et scandaleuses; puis les
Mahométans et enfin les Parsis. C'est ici le cœur de l'ouvrage. M. B.
M. souffre de voir la décadence morale de ses coreligionnaires, alors
que leur doctrine pure et leurs vertus anciennes devraient ks proposer
à l'imitation de l'Inde. Il rêve de les régénérer, et par eux le peuple
tout entier. 11 voudrait un culte plus spirituel, moins encombré de
cérémonies toutes matérielles, le plus souvent mal comprises et mal
observées. Il résume ainsi lui-même les remèdes qu'il propose : « Il
nous faut un Fonds national (pour les charités), un Conseil national
(pour les affaires de la communauté), une Église nationale (pour les
questions religieuses). » Après ces groupements leligieux, viennent les
castes subdivisées elles-mêmes à l'infini, hostiles les unes aux autres et
dont le maintien assure la perte de l'Inde.
Des plaies religieuses, M. B. M. passe à la société; il fait défiler sous
nos yeux une galerie de portraits tracés de main de maître. Les uns sont
odieux comme le Marvari, Fusurier indien, le fléau des pauvres gens,
que l'auteur prend au berceau pour le suivre jusqu'à la tombe sous ses
multiples apparences, avec la conscience d'un biographe et la finesse
d'un moraliste. Les autres sont simplement plaisants , comme le
Hajaam, barbier de village qui cumule autant d'emplois que ses con-
frères d'Occident; le Vaquil, avocat, homme d'affaires, politique et
plumitif. De l'avocat au tribunal il n'y a qu'un pas. M. B. M. nous
introduit aux diverses cours de justice, dont il esquisse la physionomie
avec la plume d'Henri Monnier. Suivent quelques chapitres sur les men-
diants et les médecins indigènes, à qui il oppose les missionnaires, « ces
médecins de l'âme », les premiers maîtres de M. B. M., qui leur a voué
une éternelle reconnaissance et qui célèbre hautement leur dévouement
et leurs bienfaits.
L'auteur étudie ensuite la vie domestique, dont il décrit les phases
successives : enfance, mariage, mort. Deux points arrêtent spécialement
son attention : les mariages entre enfants à naître conclus d'avance par
les parents, unions dont il fait ressortir les funestes effets dans le récit in-
titulé : Idylle Aryenne; d'autre part, l'état de la veuve condamnée par
le préjugé, en dépit de toute considération, à ne jamais renouer de liens
conjugaux. Au nom de Phygiène physique et morale il proteste contre
cette coutume et en appelle au gouvernement anglais pour la com-
battre ^
I. L'auteur a depuis coniinué cette campagne àdinsVIndian Spectalor.
d'histoire et Dli LirrÉRATURE 32 3
L'ouvrage se termine par de brèves notices sur les jeux, les divertis-
sements, les arts et l'industrie au Gujarat, et par une description dé-
taillée des grandes fêtes indigènes - : le Divali, le Baleva et le carnaval
du mois Sravana pour les Hindous; le Muktâd parsi et le Mohaiâm des
Mahométans ; enfin le Holi, sorte de bacchanales effrénées où les Vaisli-
navas et toutes les basses castes se livrent à de scandaleuses orgies.
Il serait regrettable de passer sous silence l'hymne exalté que M. B. M.
adresse à Vâlmîki, le plus glorieux poète du plus beau des langages,
l'inimitable auteur du Râmâyana, supérieur même à ces deux géants
httéraires : Homère et Ferdousi. Cet enthousiasme, à coup sûr excessif,
s'explique aisément par la passion maîtresse de M. B. M. : le désir de
ressusciter la nationalité indienne par une restauration littéraire et par
un relèvement moral : Toeuvre de Vâlmîki, par les mérites du poème et
la pureté des caractères, peut contribuer mieux que toute autre au suc-
cès de cette glorieuse entreprise,
Sylvain Lévi.
72. — .-Esehj'lî Tabulac cura lectionibus et scholiis codicis Medicei et in Aga-
memnonem codicis Florentini ab Hieronymo Vitelli denuo collatis edidit N.
Wecklein. 2 vol. in-8, xvi, 471 p. et 3i6 p. Berlin, S. Calvary, i885.
M. N. Wecklein, qui s'était fait avantageusement connaître dès 1872
par ses Stiidien \u Aeschyliis^ ouvrage dont nous avons rendu compte
dans ctliQRevue (1872, 1, p. 260), et qui n'a cessédepuis de s'occuper des
tragiques grecs, nous donne aujourd'hui une édition critique d'Eschyle
en deux volumes. Le premier volume, qui est la partie principale de
l'ouvrage (le second ne formant qu'un Appendix)^ tsl conçu, et disposé
d'après le même plan que l'Eschyle d'A. Kirchhoff (1880). En effet,
l'éditeur n'admet dans le texte que les conjectures qui lui semblent abso-
lument sûres ; il place sous le texte, d'abord les scholies du Mediceus,
puis la leçon du manuscrit toutes les fois qu'il s'en éloigne, et les
conjectures qu'il juge très probables. Comme Kirchhoff, il pense que
tous les manuscrits dérivent du manuscrit de la Laurentienne, qui est,
sans contredit, le meilleur et le plus ancien. J'ai exposé ailleurs les rai-
sons qui me font pencher vers l'opinion, qui était autrefois aussi celle
de M. W. lui-même, à savoir que les manuscrits des trois premières
pièces, Prométhée, Sept, Perses, proviennent d^un manuscrit très sem-
blable au Mediceus, mais non du Mediceus même.
Voici maintenant par où la nouvelle édition diffère de celle de Kir-
chhoff. M. Vitelli, dont le nom figure à bon droit sur le titre de l'ou-
vrage, a collationné de nouveau le meilleur manuscrit avec l'expérience
et la conscience qu'il porte dans ces sortes de travaux. Le Mediceus
avait déjà été exploré plusieurs fois ; R. Merkel avait donné une repro-
I. Voir à ce sujet les Essais de Wilain (éd. Rast, 1862) p. 151-24').
024- RP:VUK CUITIQUK
duction minutieuse de la première main du manuscrit, ligne par ligne
et page par page. Tous ces travaux au lieu d'apporter la lumière avaient
au contraire jeté du doute sur les leçons qu'il faut attribuer aux diffé-
rentes mains du manuscrit : on peut croire que la collation de M. Vi-
telli est définitive. Sans doute la constitution du texte ne se trouve pas
sensiblement modifiée par la nouvelle collation; nous apprenons, par
exemple, qu'au v. 21 des Pe7'ses la première main de M. porte 'ApTa-
çéprr,q\ tous les éditeurs n'en écriront pas moins 'Ap-raçpév/;? avec le
réviseur et les scholies ; mais c'est quelque chose que de savoir exacte-
ment à quoi s'en tenir. Les résultats de la nouvelle collation sont peut-
être plus considérables pour les scholies que pour le texte. L'importante
observation des grammairiens alexandrins au sujet de Perses^ v. 2 i :
a 1J.SV Twv ovc;j.aT(i)v icj-cpr^ijcv, Ta ûe 'ztKeiià^ ezAacjsv se trouve deja, nous
l'apprenons maintenant, dans le plus ancien manuscrit. Dans les Sup-
pliantes, i3, le manuscrit perte: O-rrèp tgutwv Xcv'.Lqj.svoç, non utt-ctcûtwv
qu'on avait corrigé en u^rb 'ttsttwv. Ib., 3oi : ty; (non -(fi) "^^^ Ipo'jq fs.-ent.
dcXy.S). Jb., 5o5 : àvd toj 'âou, non àvTt zoïi. Ib., 53/ : aÙTÛv (non aùrr/;)
TYjV ijêpiv, iè., 893 : r^j'a^ov, non r^-;a-(tv. Choëph. 54 : y.aT' cù-yj, non
o.\i-m. Dans la plupart de ces exemples, comme dans d'autres que l'on
pourrait ajouter, la vraie leçon avait été trouvée par conjecture, mais il
est intéressant de savoir que le manuscrit confirme ces rectifications.
Pour ce qui est de la constitution du texte, le nouvel éditeur y a
peut-être admis un peu plus de corrections que Kirchhoff", mais, d'un
autre côté, il a poussé le respect pour le meilleur manuscrit jusqu'à
reproduire la division des vers lyriques qui s''y trouve. Il ne s'est écarté
de cette fidélité que lorsque la strophe et l'antistrophe n^y offrent pas
les mêmes cola; dans ce cas, il a opté pour la division qui lui semblait
préférable. C'est là peut-être une petite inconséquence, puisque il avait
renoncé sur ce point à son propre jugement. Pour ce qui est des conjec-
tures citées en note, M. W. a été un peu moins avare que Kirchhoff.
A notre gré, il aurait dû être plus large encore, mais c'est là une ques-
tion de choix et de mesure qu'il est difficile de discuter : tôt capita, tôt
sensiis.
Je ferai maintenant quelques observations sur les Perses, les Sept et
les Suppliantes, les trois pièces que j'ai examinées plus attentivement.
"Voici d'abord quelques corrections que je trouve bonnes ou tout au moins
remarquables. Perses, 483: vawvcsTaYot ne convient guère au commence-
ment d'un discours. M. "W. s'est rencontré avec moi pour la conjecture
-caYco/si. — Ib., 999 : Gxoaaîvstç pour \jr.z]}.'.\virt':7.v.z, qui n'entre pas dans
la mesure du vers; au v. 1861 du Prométhée, le scholiaste explique
■Âpocjaivîi par \j7:z\}x\).rriZ'AV.. — îb.. 1019 : T( c'cj*/, 'é)v()))\£v, [J.r;' aKcf.at,
risojav ; M porte ;x$-fâXaTs; Tcditeur a mis dans le texte cette conjecture
admissible, .sans doute, mais qui nous paraît d'autant moins certaine
que-Tî n'est probablement qu'un lapsus pour Ta, leçon du scholiaste et
des autres manuscrits. — Sept, .3o : 7:6 Aa; TrupYwiJ.aTOîv M. ■nû/'-wv r.-jp-(ôi-
d'histoire et de UTTÉRATUUE 32 5
aa-ca rec. W. propose xôXswç T,\)p'^ù>]xot,xix. — Ib., 498 : èv y^p^'.oi. ccpc; pour
xûyqq. — Ib., 5 5^: roûcâ' oXé^etav ï[j.T^xq pour èv ^(x. — Ib., 618 : tôv
£CCO[ji,ov OY) Tov T.'jXixiq 'èç' £6o6[xat<; pour t6vo èf éêSoixatç TcùXatç.— /^. schol.
sur 874 : 3'.à twv •rrXîUpwv autwv •/,aO£(/,x::r/ pour aJTwv •/.xOrjy.xa'.v. — /è.,
882 : <Co''J>' o'./^scppov. TusTixco; ce supplément rétablit le texte de la ma-
nière la plus heureuse : les frères ennemis ont été unis dans la même
mort. — Suppliantes, 260 : W. n^a pas adopté la correction de Words-
worth T.xaT/ alav, -qqcC àvvb; ipyzvT.'. 2-p'j[j,wv, qui est devenue en quelque
sorte la vulgate des dernières éditions. En effet, elle est sujette à caution :
le manuscrit porte oiac^Yo;; faut-il écrire avec W. 3'.' 1x77.0;? J'avoue que
cette conjecture ne me satisfait pas trop non plus. — ■ /&., SSq : l'éditeur
a mis dans le texte vaûovô' (véovO' M) oi;.'./vOv. Au vers 5i 2, il s'est contenté
de proposer en note vauc-c^p' (vaù-i-^v M) àvovxaç. J'aime mieux cette ré-
serve; voyez à ce sujet les observations de Dindorf dans son Lex. Aesch.
s. V. vtùiù. — Ib., 726 : Trpwpa... ctay.o; sjO'jVT-i^po; uîtoctou vîwç àyav v.aXdq
•/.Aûcusa ^Xwccrav où ©(Xr^v. C'est la correction d'un anonyme pour twj. av
où oO.-q. — Ib., 796 : la correction iv opy.âva'.;, pour iv Gxpydw.q, peut
s'autoriser, jusqu'à un certain point, d'une glose d'Hesychios. Cepen-
dant, la leçon généralement adoptée èv àp-râvaiç me semble tout aussi
probable. — Ib., 879 : G\iazx\d[xiùq 'oXo'.o U àXîppuTOv àXso;; la conjecture
SuïzaXxîj.o); cxXeûo'j est très satisfaisante. — L'examen attentif des autres
pièces fournirait sans doute bon nombre d'autres exemples à ajouter à
cette liste. Citons au hasard : Agamemnon, 940 : oapèwv tô (pour çOeî-
povTa) ■jrXouTov àpYupwvrjTOuç 6' uçâç. — Ib., 952 : '6X60; (pour oTv.o;) B' hizip-
yv. Twvoî aùv ôeoïç, ava^, £/-'■''•
Il est d'autres endroits où je ne puis partager le sentiment de l'éditeur.
On lit dans les Perses, 220 :
E'i v. çXaijpov cîosç, (d-zy!) xôJvB' à-OTpo'::-}^v TîXîrv,
Ta V àyi^' èy.TîX*?] -(v/ia^ai zoi -:$ y.al -rèy.vo'.; créOsv.
Jamais je ne consentirai à remplacer tx 0' dcYaOâ par t7. 0' stspa. Les
Grecs se servent de cette tournure par euphémisme pour tx zx-ax. tx ào'.y.x,
mais ils ont l'habituae de désigner le bien directement sans périphrase.
— Ib., 295 : la leçon to [j.-qxt Xéçx-. [j:i]-.' èpwTYÎsx'. rJ-Oq me paraît suscep-
tible d'une interprétation satisfaisante. La conjecture to [r/jTs çwvsTv est
inutile. — /&., 352 : W. propose ::pa)-:ov [j.lv yj/si yiXxoo; 'EXXr,vcov ■::âpa.
Que devient alors le membre de phrase [j.oX— r;obv •/]ùç;-^[r(jC7£v? — Ib., 891 ,
on lit : y.xi tx; (XYX'-xXcu; èy.pxt'jvE [xesxxto'j; (toXî'.;) ; W. conjecture y.xi
v/îp'.-OTpô^o'j; èypxT'Jvî [xs'ây.TO'jç. Passe pour la première de ces deux épi-
thètes qu'Athénée cite comme se trouvant dans les Perses, mais [j.zTxy,-
Touç, dont àvy^taXou; aurait été l'interprétation, est un mot nouveau qui
m'inspire peu de confiance. — Je ne voudrais pas non plus écrire au
V. 903 èy.pxTuv' £-:épai; aptib pour èy.pâ-'jvsv GO£T£pa'.; op£7iv. Darius sub-
jugue ces pays par le bras d'autrui, mais par sa volonté et son intelli-
gence à lui. — Sept, [49 : la conjecture "Oy^a âopl; TcùXa; (pour ^rpo
326 REVUE CRITIQUE
TcXsco;) pouvait être reléguée dans les oubliettes de l'Appendice. — Ib.,
après V. 177 : aÙTOi 0' uç' aû-tov IvooOsv ■:rop9o6iJ,î0a, W. ne donne pas le
vers omis dans M., et cela est conforme à son opinion sur la filiation
des manuscrits; il croit cependant à une lacune et il propose de la com-
bler au moyen des vers 182, i83 : ij.éAsi ^âp àvopi /.ta., transposition qui
nous semble peu heureuse. — Ib., 322 : 0Ka\).zX^a.\ qj.sây.ow -.^m-^iç.-j:) opcc70v
serait plus qu'obscur, — Ib., 407 : la conjecture Tp£[j,w 0' alixa-ïTiçipouç
CTÔvouç (pour [xopcuç) br.iç) (pîXwv cXciJivwv loécOat est bien étrange, et n a
qu'un faible appui dans une scholie obscure, peut-être altérée. — Ib.,
469 : Je ne comprends pas xotci oi m<:-zQ]}svt [lr^zi)yo\h%K]. — Ib., 692 : vuv
OTS cot TiapécTaxsv èTrotoocvov (pour i%ti oaifjiwv) est de ces conjectures très
ingénieuses qu'on ne saurait admettre, et tout d'abord on se demande
quel est le sujet du verbe. — Ib.., 758 : iW àvopwv ^àp xoccvo' èOaûiJ.aaav
oOvsto'. (pour Oîoi y,ai), ^uvé^iio'., xtX. Les étrangers me paraissent tout à
fait déplacés parmi ceux qui admiraient le libérateur de Thèbes; encore
s'ils se trouvaient après les habitants, mais on est étonné de les voir
mentionnés en premier lieu. ■ — Suppliantes, 107 : l'éditeur met dans
le texte -î^ij-ev' (pour -/^[xsvov) àvo) çppcv/3[j.a tcwç aùîiOsv è^éTrpa^sv qj.^raç écpivwv
à©' à^vwv. Je ne suis pas sûr de comprendre son intention. Faut-il tirer
de oa'.[xov(o)v un sujet neutre li oai[j.cvta rj[j,£va àvw et prendre op6vT([xa dans
le sens très insolite de « volonté xi? Je doute fort de la leçon oaqxovtwv et
je ne pense pas qu'Eschyle ait employé ce dérivé pour catjj.cvwv. Ou
bien rjixeva doit-il signifier « les résolutions arrêtées » comme les Latins
disent sedet ^nnno? Ces deux explications me semblent également inad-
missibles. — Ib., 405 : cl 7:06 -il xai [j-r^ toÎov lû/ct. M. W. propose eï 7:06
Tt OocTspov ibyo\ : je ne me rends pas compte de l'article renfermé dans
Oâ'spov. — Ib., 525 : oCkV o'jt'. oapcv r^oXo' (pour "/pfvsv] £p-/;[j.a)a£i 7:a-rjp. Le
singulier r.xloy. serait de mise si la pensée était générale, mais le futur
£pr,[j.u)!7£t s'applique à Danaos en particulier et à ses filles, Tratoaç. — Ib.,
job : çuXâcGOi -i a.x\\).[a.ç, v.^Àq zb oyjix'.ov, to -kxôXv^ xpaxuvEU M. W. propose
«puXâacoi B'£u T'iTaicc TtiJ.aç, ce qui impliquerait le vœu de voir conserver
les honneurs des hommes du peuple : c'est là le sens qu'Eschyle attache
au mot Ivr^z, plus haut, au vers 247; or, le chœur d'Eschyle n'émet cer-
tainement pas un pareil vœu. — Ib., 792 : l'éditeur recommande la
conjecture de Schuetz : àcpuy.Tov o'cij7.£t' av ■kÉaoi /.axcv (pour y.éap) ; c'est
là une singulière distraction : le chœur peut dire que le mal ne saurait
plus être évité, mais il ne peut dire le contraire. — /è., 81 1 : la conjec-
ture to -^àp Oav£tv èXeuOEpoî TOI çiXaiây.xwv y.ay.ôW insère la particule toi à
une place peu convenable. — Ib., ioi3 : la conjecture àwpa xwXuouaa
■7rpoua£7v£tv Ipov introduit une pensée tout à fait inutile; le vers est gâté,
et personne jusqu'ici n'a trouvé une correction plausible.
Le second volume, intitulé Appendix conjecturas viroriim docto-
rum minus certas continens, est le fruit d'un travail prodigieux; M. W.
y était préparé par ses rapports annuels (Jahresberichte) dans le Philo-
logus et dans la Revue de Bursian, mais il a dû explorer un grand nom-
d'histoire kt de LirrÉRATURE 327
bre de livres et de brochures de toute espèce, dont les auteurs ont
accidentellement émis quelques conjectures sur le texte d'Eschyle. Il
est vrai que la plupart des lecteurs n'oseront affronter cette farrago,
mais tous ceux qui, à Tavenir, voudront exercer leur critique sur ce
texte, seront obligés de recourir à un travail dont on ne saurait être assez
reconnaissant à l'auteur. Grâce à M. W., nous voilà débarrassés une
bonne fois de tant de trouvailles qui n'ont rien de nouveau, et ceux qui
proposent des corrections anciennes ne pourront plus invoquer leur
ignorance. M. W. énumère les éditions en tête de chaque pièce, mais
un grand nombre des conjectures qu'il donne sont tirées d'ailleurs. Je
comprends qu'il eût été long d'indiquer exactement pour chaque con-
jecture l'endroit où elle se trouve et Tannée où elle a été publiée; ce-
pendant, en ajoutant quelques pages à son livre, l'auteur aurait pu nous
donner la liste par ordre chronologique de tous les écrits qu'il a com-
pulsés avec tant de soin : cela lui était facile, et le lecteur lui en aurait
su gré. Je regrette un autre oubli; M. W. déclare lui-même : « Gons-
« titui probabilia improbabilia appendici ut Orco omnia recondenti
« committere. » On se perd dans cette masse confuse où les « impro-
babilia » dominent décidément. J'aurais voulu que l'auteur attirât l'at-
tention sur les meilleures conjectures par quelque moyen typogra-
phique, par exemple en espaçant les caractères. Enfin je crains qu'il
n'ait enterré quelques vivants dans cette fosse commune, je veux dire
dire qu'il n'y ait jeté quelques corrections qui méritaient l'honneur du
premier volume, peut-être même du texte. La séparation de ce qui re-
vient aux deux volumes n'est pas toujours faite d'une manière consé-
quente. Si M. W. remarque à propos d'Agamemnon, 1625 : « Scriben-
«dum videtur yuvy) c6,»et n'indique que dans le second volume que c'est
là une correction de G. Hermann, il n'y a là qu'une distraction. Mais,
Siippl.y 814, il met en note : « Fort, y) tîv' à[j.vj-{x:: ^cpov », sans ajouter
que ce qu'il y a d'essentiel dans cette conjecture, le mot à\xc^\jyi, vient de
Hermann. On peut trouver cela, il est vrai, dans l'Appendice, mais qui
aura la patience de l'y chercher? — Agam., io83 :
'H[^.£v y.\éoq cou [;.avi;r/.ôv 7:ezijij\)À'toi,
La note porte: « Fort, twv TîpivTrpoî/'/iTa; ». Que l'on supplée tôv irplv ou
to6to)7, n'importe (et cependant je tiens toujours pour to'jto)v), pourvu
que l'on écarte le second r,\).vf et se rendre compte de ce que le chœur
doit dire en cet endroit. Je pourrais citer un grand nombre d'oublis
du même genre, qui n'ont sans doute rien de bien grave, mais
que je relève parce que l'auteur a mis d'ailleurs une attention scrupu-
leuse à donner à chacun ce qui lui revient. En effet, on trouve chez lui
des notes comme celles-ci : y.'.p'Ar^Jr,aq (ydp-A-qldrqq Wellauer) à-^Sévoç
(Hermann), ou bien : Opovotç Pauw (ôpcvo-.a'. Sophianus).
On le voit, cette édition, fruit du travail combiné de deux savants de
328 hEVUi: CRITIQUE
grand mérite, MM. Vitelli et Wecklein, fournit une base large et solide
à tous ceux qui voudront désormais s'occuper d'Eschyle : elle rend un
immense service à tous les philologues qui se proposeront de travailler
dans cette direction ou de se rendre compte du travail d'autrui, et elle
devra trouver place dans la bibliothèque des hellénistes qui ne se con-
tentent pas du plaisir de lire les grands poètes, mais veulent connaître
l'origine et la légitimité des textes les plus répandus.
Henri Weil.
73. — Kpîg'.-Mphîe antique «le la Gascogne, par M. Jean-François Bladk,
correspondant de l'Institut, i883. Bordeaux, ChoUet, in-8 de xvi-222 p.
Les inscriptions de la Gascogne sont parmi les plus intéressantes de
la Gallia comata : elles nous permettent de constater que les Aquitains,
de tous les peuples de la Gaule, ont été le plus vite et le plus complè-
tement gagnés par la civilisation romaine. En réunissant ces textes
dispersés dans une multitude de revues locales et de brochures introu-
vables, M. Bladé a rendu service aussi bien à l'histoire qu'à l'épigra-
phie. Son travail a été fait avec soin et conscience : il suffit de jeter un
coup d'œil sur la bibliographie pour montrer qu'il a tout dépouillé.
Les inscriptions sont classées par civitates, ce qui est le seul classement
rationnel. Les civitates qui ont fourni des inscriptions à ce recueil sont
celles de la Novempopulanie, PAquitaine primitive : la civitas Eliisa-
tium (Eauze), Ausciorum (Auch), Aquensium (Dax), Lectoratium (Lec-
toure), la civitas Tiirba (Tarbes), la civitas Elloronensium (Oloron);
M. B. a négligé à dessein les inscriptions de la civitas Consorannorum
(le Conserans) et de la civitas Convenarum (le Comminges) qui entreront
dans ïEpigraphie des Pyrénées de M. Julien Lacaze; les civitates
Boatiiim, Benarnensiiim^ Vasatica, Aturensiiim n'ont malheureuse-
ment rien donné. L'auteur a ajouté à son travail qui a pour objectif la
Gascogne plus que la Novempopulanie les inscriptions des Nitiobriges
(Agen)
L'ordre des différentes parties de cette étude, la lecture exacte et sin-
cère des inscriptions, les traductions qui en sont données, font du
travail de M. B. un recueil épigraphique précieux à plus d'un
égard. Remercions en particulier l'auteur du soin qu'il a pris à dé-
pouiller les manuscrits de Baumesnil et d'avoir fait bonne et décisive
justice de ses misérables inventions. Au moins, après le livre de M. B.,
n'aurons-nous pas à attendre des publications étrangères pour « net-
toyer l'épigraphie aquitaine », une des plus encombrées de faussaires
qui ait existé. M. B. a donc fait, en écrivant cet ouvrage, non pas seu-
lement oeuvre d'épigraphiste, mais aussi œuvre de patriote '.
I. Au sujet de la fameuse inscription d'Hasparren et du vers :
Pro novem optinuit popiiUs sejungere Gallos,
d'histoire et V)K LITTKf'.ATCrîE 329
- ,_ CtSiîîVfes noctîqnies tîe «BsiCtîMc» Eïêii-eaïis E'oîlevîaî, avec préface,
notes et glossaire, par J. Hovyn de Tranchére et il. Guyet. Paris, Jouaust,
iS83. Prix : II f.
On ne sait presque rien sur Jacques Béreau, pas même les dates cer-
taines de sa naissance et de sa mort. Il est cependant probable qu'il
naquit aux environs de ib3o et qu'il survécut peu à Timpression de ses
œuvres qu'il publia en i 565, à Poitiers. Ce qui est bien certain, puisque
nous tenons de lui-même ce renseignement, c'est que, jeune encore, il
se rendit dans cette ville pour y étudier le droit, à la prière de ses pa-
rents et amis qui le sollicitaient « a eslire pour principal labeur et oc-
cupation restude de la jurisprudence ». Mais l'amour de la maison
paternelle et le regret de ses belles campagnes le rappelèrent bientôt à
Burbure où le « petit Loy » prend sa source, et lui firent sans doute
négliger, puis oublier tout à lait « les lois césariennes w, car on le voit
dépenser tout son temps « à lire les poètes grecz :;t latins », à faire des
vers à leur imitation. On rencontre, en effet, à chaque page des dix
églogues qu'il a composées, des réminiscences et des traductions de
Virgile; les Bucoliques, les Géorgiques surtout, « le plus acomply ou-
vrage de poésie », disait Montaigne, étaient sou livre de chevet. Mais
son imitation est loin d'être un esclavage; voyez plutôt ce qu'il fait de
ce seul vers de Virgile, « Alba ligust7'a cadwit^ vaccinia nigra legun-
tur » :
Vray est Phillis, que le peuple commun
Dit que tu as un petit le teint brun ;
Mais ne sçait-il les plus belles fleurettes
Par les jardins estre toutes brunettes?
Voilà ce qui s'appelle démarquer gentiment le linge d'autrui pour se
l'approprier. Si, comme son poète favori Virgile, il fait l'éloge de la vie
des champs, il nous transporte au beau milieu du pays qu'il habite. Ce
n'est plus le rude paysan Sabin que nous avons sous les yeux, mais « le
bon Villageois » du Bocage qui tantôt dans son jardin plante pour son
usage sauges et « lizobiers », tantôt s'amuse à enter
Dedans ses sauvagcaux un poignant ciiateignier.
Un poirier, un pommier, un guindoux, un prunier.
Il décrit la chasse et la pêche en homme qui en connaît toutes les ru-
ses et en savoure tous les plaisirs; il raconte comment on prend le bro-
M. Mommsen écrit deux lettres à M. Eladé; dans la i«, p. 79, il interprète ut Galli
se jungercnt novcm populis, « Vérus obtint de l'empereur, en faveur de la Novem-
populanie, que le diocèse des Gaules y fut adjoint » ; — il accepte, dans la s''*,
p. 211. l'ancienne interprétation, '.it imperator a novcm populis Gallos sejungerct,
M Verus obtint de la cour de Rome, en faveur de la Novempopulanie, qu'elle fut
séparée des Gaulois ». Cette dernière explication, qui est le seul légitime, a reçu
droit de cité dans le tome V, récemment paru, p. 88, de la Rœmische Geschichîe
de M. Mommsen, qui traduit ainsi le vers :
Wirkle dem Nemtgau ans vom ihm ^u scheiden die G.v.ler.
33o REVUE CRITIQUE
cher, le dard ou le barbeau, et ne nous laisse pas ignorer que de son
temps, comme aujourdMiui encore, les braconniers vendéens prenaient
avec « l'araigne » perdrix, merles et mauvis. Ses bergers, qu'il appelle
« Perot et Jaquet ■>•>, n'en déplaise à Boileau, fredonnent sur leurs pi-
peaux, quand ils se disputent le prix du chant, des vers qui ne sont pas
plus « gothiques « que ceux de Ronsard :
Si quelquefois, assise à l'ombre d'un buisson,
Ma bergère est chantant, la gentille allouctte.
Ravie incontinent, devient toute muette,
Et se taist pour oyr sa divine chanson.
Il a traduit quelquefois tel passage de Virgile ou d'Ovide avec un rare
bonheur d'expression, avec un sentiment exquis de l'harmonie :
Heureux fleuves de laict et de miel couleront,
Et les chesnes encor le roux miel sueroni.
Je ne crois pas que le vers d'Ovide «Flavaque de viridi stillabant ilice
niella », ou celui de Virgile « Et durœ quercus siidabunt roscida mella »,
ait jamais été mieux rendu. Laissant de côté la paraphrase un peu en-
fantine de Marot, « Et le doux miel, dont lors chascun goustoit, | Des
arbres vertz tout jaulne degqutoit », je trouve que le vers de Ronsard
lui-même, « Le miel distillera de l'ecorce des chesnes «, n'est pas à com-
parer avec celui de Jacques Béreau qui ferait envie à nos meilleurs
poètes modernes.
Il serait aisé de recueillir, dans nos poètes du xvi'' siècle, bien des
passages comme celui-ci, et utile d'en enrichir nos éditions classiques
de Virgile, d'Horace, d'Ovide. Nos élèves trouveraient maintes fois
d'admirables leçons de traduction dans cette langue pleine de sève et
de verdeur, et qui, par cela même, plaît davantage à la jeunesse.
Jacques Béreau aime les mots qui sentent le terroir natal, et, comme
s'il eût connu la recommandation que Ronsard faisait à ses contempo-
rains, il ne laisse pas perdre « ces vocables qui sentent le vieux, mais le
libre et le françois ». Ces mots comme areau, charrue, chapiiser, tail-
ler du bois, reciene, rassasié, (recie = repas, est encore usité dans
le Poitou), arbrere, bouquet d'arbres, guindoiix , sorte de cerisier,
terme qu'on a vu plus haut et qui manque en ce sens dans GoJefroy,
donnent à sa langue une saveur originale.
Outre les Eglogues, ce volume contient encore quelques odes, des
chansons, deux imitations d'Ovide, « le Ravissement d'Hyllas, l'his-
toire d'Hyppomene et d'Atalante », une assez longue complainte sur les
guerres civiles qui déchirent la France, et, au xvi" siècle cela est inévita-
ble, une trentaine de sonnets qui ne valent ni plus ni moins que tous
ceux des poètes de ce temps. Du Bellay excepté. En somme, Jacques
Béreau n'a pas eu la chance des Claude Buttet, des Jean Doublet, quoi-
qu'il ne leur soit pas inférieur : son nom ne brille pas dans les vers de
Ronsard, et dans « cette flotte de poètes que produisit le règne de Henri
deuxième », et que passe en revue Est. Pasquier, il n'est pas nommé
d'histoire et de littérature 33 I
davantage. L'élégant éditeur Jouaust, en réimprimant pour les biblio-
philes le vieux poète poitevin, a réparé l'injustice du sort.
A. Deleouelic.
VARIÉTÉS
Uiîf îetli-4.' inédite <lu comte «5«' Eîfogïîe, îsmliassadocf <io S't-niice
à Londres, sui* In puîjlioîat ion de lu Henri;«!Î<-.
Lorsque Voltaire, après sa seconde Bastille, dut quitter La France
pour se réfugier en Angleterre (1726":, il y retrouva son ami, lord Bo-
iingbroke, Tancien ministre de la reine Anne, avec qui il s'était lié,
pendant le temps d'exil que l'homme d'état philosophe avait dû passer
dans notre pays. Il reçut de lui le meilleur accueil. Bolingbroke qui
était « amy zélé, dangereux ennemy ' », s'empressa d'introduire Vol-
taire, 'banni à son tour, dans la haute société anglaise, et, ce qui ne fut
pas moins précieux à notre compatriote, dans la société littéraire de
Londres. Voltaire connut ainsi Svvilt, Pope, Gay et beaucoup d'autres.
Un fait qui n'a jamais été relevé est celui-ci : l'exilé, qui se disait
justement à son départ « très bien recommandé dans ce pays-là % »
s'était muni, avant de passer la Manche, de lettres pour l'ambassadeur
de France. Elles lui avaient été données par le comte de Morville, mi-
nistre des affaires étrangères et membi-e de Tacadémie ; celui-là même à
qui Voltaire annonçait un peu plus tard une prochaine visite de Swift;
(toutefois l'auteur de Gulliver ne mit jamais son projet de voyage à exé-
cution). M. de Morville avait même prié Tenvoyé du roi à Londres
de présenter Voltaire aux ministres de la cour britannique, si bien que
notre compatriote se trouva dans peu de temps au mieux avec tout le
monde, avec les tories grâce à Bolingbroke et avec les whigs grâce aux
lettres de M. de Morville, Walpole en particulier lui fut tout à fait
favorable.
Cette recommandation adressée à un ambassadeur en faveur d'un
banni n'avait rien d'extraordinaire. Il n'y avait pas plus de honte à
cette époque d'être exilé que d'être « embastillé », et il n'était pas rare
de voir des relations cordiales et presque intimes s'établir entre les
proscrits et le représentant du roi très chrétien. Chassé de France pour
une injure qu'il dut expier pendant tout le reste de sa vie, Saint Evre-
mont avait été reçu dans la familiarité de l'ambassadeur de son pays, et
celui-ci ne manquait jamais de donner de ses nouvelles à Louis XIV et
même de dire au souverain tout le bien possible de l'auteur de la Lettre
1. Portrait de Bolingbroke dans une note du duc d'Aumont, ambassadeur de
France à Londres, lo août 1712. Archives des Affaires étrangères; Angleterre, t. 242.
2, L. à Thiérot. 12 août 1726.
332 RI', vu H. ch!tiq;;e
au marquis de Créquy. Le chevalier de Grammont n'était pas moins
bien reçu du même comte de Cominges, qui poussait la bienveillance
jusqu''àlui adresser de temps en temps des remontrances sur son incon-
duite et de paternels conseils pour le détourner d'épouser l'incompara-
ble mais peu fortunée mademoiselle de Hamilton.
Voltaire parait ne s'être prévalu de ses lettres pour l'ambassadeur
même, lequel était alors le comte de Broglie (depuis maréchal et duc),
que dans une seule circonstance. 11 s'agissait de la publication d'une
édition définitive de la Henriade. Ce poème avait été déjà imprimé à
cinq reprises sur le continent; mais ces éditions, dont trois étaient ^a-
ife<?5 de Genève et deux dWmsterdam {1723-1724), présentaient toutes
des lacunes. Voltaire avait revu son œuvre et, depuis plusieurs années, il
éîait préoccupé de donner au public un teste complet qui paraîtrait
« in-4°, en beau papier, belle marge, beau caractère '. »
L'occasion maintenant était bonne % et l'auteur avait un double inté-
rêt littéraire et pécuniaire à la saisir. Une mode, qui existait aussi en
France', s'était éta'olieen Angleterre depuis une trentaine d'années ; on
publiait par souscription les ouvrages de Tesprit un peu importants.
Chez nos voisins, les auteurs en vogue recueillaient ainsi des sommes que
le produit des romans les plus goûtés de nos jours et tirés à cent édi-
tions égale à peine. C'était une révolution complète dans les usages bri-
tanniques. Naguère encore, le Paradis perdu, qui cependant avait été
publié avec grand succès,- bien que Voltaire ait assuré le contraire, avait
rapporté en tout dix-huit livres sterling tant à Milton qu'à sa veuve.
Depuis, pour sa traduction de Virgile publiée par souscription en 1697,
Dryden avait reçu douze cents livres ; Pope pour sa traduction de
l'Iliade et de ï Odyssée avait touché près de neuf mille livres; Prior,
pour un volume de poésies, quatre mille livres; Gay allait en gagner
mille par la publication d'une seule comédie, Polly qui, il est vrai,
avait été interdite à la scène.
Voltaire, pressé par des besoins d'argent d'autant plus criants qu'il
était privé de ses pensions et que, dès son arrivée à Londres, la faillite
du juif d'Acûsia lui avait fait perdre vingt mille francs, voulut profiter
de cet engouement pour les choses de l'esprit et réaliser une idée qu'il
avait eue déjà avant son exil ''. 11 annonça donc une belle édition in-4°
de la Henriade^ avec gravures, et se mit en devoir de recueillir des sous-
criptions; elles étaient d'une guinée par exemplaire. Une curieuse lettre
1. L. à Thicriot, i7 oct. 1725.
2. Voltaire avait eu soin de préparer le terrain en publiant à Londres, peu avant,
pour se faire mieux connaître, deux essais en anglais : Ayi essay iipon the civil
ivars of France extracted from ciirious mss. and also iipon the epick poetry of the
european nations from Homer doivn to Milton, by M. de Voltaire, Londres, 1727, 8°.
3. Elle avait été importée d'Angleterre dans notre pays : « Tout le monde sait,
écrit l'abbé Prévost, dans son Pour et Contre, que c'est à Londres que la méthode
des souscriptions a pris naissance. » Le Pour et Contre, nombre VI.
4. L. à Tiiicriot, 17-22.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 0 0 :>
qu'il adressa dans ce temps à Swift et qui figure à su correspondance
générale montre qu'il mit, comme il était légitime, ses amis littéraires
à contribution ; il prie Swift « de faire usage de [son] crédit en Irlande
pour procurer quelques souscripteurs à la Henriade, qui est achevée et
qui, faute d'un peu d'aide, n'a pas encore paru ", »
Il fit appel aussi à ses amis politiques; Walpole prit en mains ses
intérêts avec beaucoup d'ardeur et Bolingbroke s'occupa de même très
efficacement de ce poème, dont il avait été « intiniraent satisfait » lors-
que Voltaire lui en avait apporté la première ébauche, à son château de
la Source en Touraine (1722).
Enfin Voltaire s'était recommandé au représentant de la France et
l'avait prié de lui trouver, à son tour, des souscripteurs. L'ambassadeur
qui, avant de venir négocier à Londres, s'était beaucoup plus occupé de
guerre que de littérature, fut assez embarrassé, car il ne savait pas trop
si le poème en question était de tout point recommandable. Il en référa
au Ministre des Afïaires étrangères de France et lui demanda, sur l'œu-
vre de Voltaire, des explications et éclaircissements, par la lettre suivante
qui figure dans sa correspondance officielle et qui est demeurée jusqu'à
ce jour inédite.
« A liondres, le 3 mars 1727.
« Monsieur,
a Le S. de Voltaire, que vous m'auez fait l'honneur de me recom-
mander et pour lequel vous m'auez addressé des lettres de recommanda-
tion pour les ministres de cette cour, est prêt à faire jmprimer à Londres,
par souscriptions, son poème de la Ligue. Il me sollicite de lui procurer
des souscriuants et M. de Walpole s'employe de son côté tout de son
mieux pour tacher de luy en faire auoir le plus grand nombre qu'il sera
possible ; je serois très aise de luy faire plaisir, mais comme je n'ay
point veu cet ouurage et que je ne sais point si les additions et sous-
tractions qu'il dit auoir fait à celui qu'il a donné au puplic à Paris, ni
les planches grauées qu'il en a fait venir pour l'enrichir seront ap-
prouuées de la Cour, je luy ay dit que je ne pouuois m'en mesler qu'au-
tant que vous l'auriez pour agréable. Je crains toujours que des auteurs
françois ne veuillent faire vn mauuais vsage de la liberté qu'ils ont dans
vn pais comme celuy-cy d'écrire tout ce qui leur vient dans l'jmagina-
tion sur la Religion, le Pape, le Gouuernement ou les personnes qui le
composent. Ce sont des licences que les poètes particulièrement se
croyent toujours en droit de se donner sans s'embarrasser de prophaner
ce qu'il y a de plus sacré. Et s'il se trouuoit quelque chose de pareil
dans ce poème, jj ne voudiois pas être dans le cas d'essuyer le reproche
que j'y aurois souscrit et engagé des gens à y souscrire. Je vous supplie
très humblement, Monsieur, de vouloir bien me mander la conduite
que je dois tenir à ce sujet; je me conformeroy à ce que vous me feres
l'honneur de me prescrire.
I. 14 déc. T727.
334 nEVtlK CRITIQUE
tt J'ay ccluy d'être, auec vn très sincère et très parfait attachement,
Monsieur, votre très liumbe et très obéissant seruiteur.
« Broglie '. »
Cette grande circonspection du capitaine diplomate n'était que trop
Justifiée. Dans aucun temps, les produits de la presse n'avaient été sur-
veillés en France d'un esprit plus jaloux. Voltaire le savait bien, qui
s'était déjà vu refuser le privilège pour cette même Henriade et avait
dû en faire transporter secrètement les exemplaires de Rouen à Paris :
« L'esprit de petitesse et de minutie, écrivait-il peu après, est venu au
point que Ton ne peut plus imprimer que des livres insipides. Les bons
auteurs du siècle de Louis XIV n'obtiendraient pas de privilège. Boileau
et La Bruyère ne seraient que persécutés. Il faut donc vivre pour soi
et pour ses amis et se bien donner garde de penser tout haut, ou bien
aller penser en Angleterre ou en Hollande -. » L'épopée, comme Ta
observé M. Desnoiresterres, avait été Jugée « janséniste » et « semi-péla-
gienne » ; l'éloge de l'hérétique Elisabeth et du chef huguenot Coligny
avait révolté aussi les âmes pieuses. Quant aux gravures du nouveau
texte, s'il n'y avait rien à dire à celles qui représentaient, par exemple,
« Henri IV au naturel, sur un trône de nuages, tenant Louis XV entre
ses bras ' », etc., il n'en était pas de même de plusieurs autres ou l'au-
teur semblait avoir pris plaisir à ne faire paraître les moines que dans
des rôles d'assassins. Le comte de Broglie s'abstint donc de souscrire au
poème; son nom ne figure pas sur la liste, et la Henriade expédiée en
France à l'adresse d'un certain nombre de souscripteurs de notre pays
fut saisie au débarqué par l'autorité.
On sait que la souscription n'en réussit pas moins bien en Angleterre.
A côté du nom de plusieurs collègues du comte de Broglie dans le
corps diplomatique étranger, on voit figurer dans le tableau placé en
tête du volume le nom d'une foule d'honorables et de très hono-
rables lords, comtes, ducs et duchesses, enrôlés évidemment par Bo-
lingbroke, Walpole et les autres puissants amis de Voltaire. Beaucoup
de gens de lettres ont place aussi dans ce brillant cortège, notamment
Swift, Tickell, Cibber, Berkeley, lady Marie Wortley Montagu, Con-
greve, etc. Il est curieux de constater que Swift dut s'employer de son
côté avec beaucoup de zèle pour notre compatriote. Le nombre des
hauts fonctionnaires irlandais compris dans la liste en est la preuve; on
y trouve le lord primat, le lord lieutenant, le lord chancelier, l'un des
lords chiej justice, le lord chief baron de l'échiquier, etc. d'Irlande.
Enfin, le roi George et la reine Caroline, « the virtuous consort, avait
écrit Voltaire dans sa dédicace, of a King who, among so many crowned
heads enjoys, almost alone, the inestimable honour of ruling a free
1. Archives des Affaires étrangères, Angleterre, Correspondance officielle, t. 358.
2. L. à M. de F'ormont, 1734.
3. L. à Thiériot, 11 sept. 1722.
D'uiSTOlRIi KT DK LIlTÉRATUUF,
135
nation, » patronnèrent hautement l'œuvre du proscrit. Elle eut trois
éditions en trois semaines et les sommes que recueillit alors Voltaire
furent le premier commencement sérieux de sa richesse, c'est-à-dirc de
son indépendance.
.T. J. JUSSEKAND.
THÈSES DE DOCTORAT ES LETTRES
Faculté dks lettres de Paris
Soutenance de K3. Kloniii.
I. De unitate relifiionis homericae in Iliade. H. Monin. Hachette, 1884, in-8. yS pp.
li. Essai sur Vliistoire administrative du Languedoc pendant f Intendance de Bas-
ville (16^0-1 jig). H. Monin, ancien élève de l'Ecole normaje supérieure,
professeur au lycée de Montpellier. Hachette, 1884, in-8. 400 pp.
1
M. Monin a cru découvrir dans VIliade les traces d'une conception jusqu'ici né-
gligée par les historiens de la religion grecque. 11 pense qu'à une certaine époque
du développement de cette religion, a dû se former, comme chez les Latins, la
conception du numen. C'est là ce qu'il a entrepris de démontrer dans sa thèse,
M. Himly ne prend la parole que pour demander à M. M. son opinion sur la ques-
tion de l'existence d'Homère, question que M. M. avait écartée, pour ne s'occuper
que de Y Iliade telle qu'elle est.
M. Croiset s'attaque à la thèse elle-même. Les idées qu'elle renferme sont telle-
ment subtiles et délicates, qu'au premier abord on ne comprend pas bien; au second
on croit bien comprendre ; puis la construction et l'enchaînement des idées sont si
ingénieux, mais si subtils, qu'on oublie de nouveau. On se demande si l'idée que
s'est faite M. M. de la religion homérique est tout à fait nette. Le titre de la thèse
n'est pas bien clair. Qu'est-ce que l'unité de la religion homériquei' Est-il néces-
saire de l'admettre à priori? M. l\. étudie aussitôt la nature de cette unité sans se
demander si elle existe. — Voici comment s'explique M. Monin. S'il y a eu unité
d'action (primordiale ou finale) il est nécessaire que les Dieux, acteurs principaux,
aient une existence conforme à un principe qui n'est ni métaphysique ni réfléchi,
mais issu de la conception du divin. Au premier abord, ce principe unique n'ap-
paraît pas. On trouve dans le Panthéon grec des divinités naturalistes, des mortels
déifiés par apothéose (l'anthropomorphisme ne s'explique complètement que par le
naturalisme et l'apothéose), et, déjà dans Homère, des personnifications d'abstrac-
tions. — Mais, si diverses que soient ces origines, est-il possible qu'il y ait une
unité historique ou littéraire, sans un point central religieux. Or, on ne peut
faire de l'une de ces catégories le centre ou l'origine des autres. — C'est ici que
M. M. introduit son hypothèse; dans le numen, conception généralement attribuéeaux
Latins, «dans cette force précise, sans forme précise, » il trouve l'unité qui lui man-
que. Comme on le voit, c'est ici le résultat d'un effort de réflexion personnelle très
tenace; car, chez ses devanciers, AL M. n"a pu trouver qu'une note très brève et
très vague de Schœmann, où celui-ci parle du numen divinum qui, chez Homère,
336 REVUE CRITIQUE
apparaît SOUS forme humaine. — Tout cela est très condensé, très difficile à saisir;
et M. Croiset résume très heureusement la théorie; les dieux sont issus de trois
sources : forces matérielles, forces morales, idées générales ou forces intellectuelles,
pour devenir des divinités anihropomorphiques. Dans chacun de ces cas, entre le
point de départ et le point d'arrivée, il existe un intermédiaire, le numen. Donc
l'unité n'existe ni au point de départ, ni au point d'arrivée; elle est dans le procédé
d'évolution; c'est une unité subjective, avoue lui-même M. Monin. Mais si M. M. a
voulu seulement démontrer qu'ils ont toujours passé par la force, ce n'est pas
montrer grand chose. Il est presque évident que l'esprit passe de l'indéterminé au
déterminé. Heureusement M. M. ne s'est pas borné là ; cette grande application, cette
intensité de réflexion n'est pas restée vaine; et dans les détails il a fait une toule
d'observations intéressantes; en cherchant à suivre l'effacement du numen devant
le Dieu, à déterminer dans quels dieux cette notion avait disparu, chez quels dieux
elle avait subsisté, il a été très utile; mais ce n'est pas là ce qu'annonce le titre. —
Pourtant, même sur ce point, M. M. a tout naturellement été poursuivi de l'idée
fixe du numen. II interprète (pp. i3-i4) la langue des Dieux dont parle Homère, et
le double vocabulaire usité pour certains objets (Xanthe et Scamandre, par exem-
ple) par cette hypothèse ; qu'un des mots désigne l'objet et l'autre le numen de
l'objet. Toute cette explication ne peut s'appliquer qu'à deux exemples sur six.
M. Croiset explique plus simplement et plus finement que la langue des Dieux est
composée des restes de vieilles formules religieuses, tombées en désuétude; et,
remarquant que ces mots sont ou des épithèies, ou des périphrases, toujours
plus claires que la langue des hommes, il en conclut que la langue des dieux, bien
qu'oubliée, est relativement moderne, et que celle qu'on n'oublie pas et qui reste
toujours en usage est au contraire la langue usuelle qui remonte plus haut. — De
même (p. i5) lorsqu'il s'agit d'expliquer pourquoi, dans l'esprit des Grecs, les
hommes vont en déclinant, les dieux en grandissant, M. M. l'explique par un pro-
grès intime du sens religieux. Il distingue d'une part la force divine, idée simple
analogue à l'idée de cause, et, d'autre part, l'expression de cette force. Si l'expres-
sion était fixe, le sentiment religieux irait se blasant; il s'exalte par les transfor-
mations de l'expression; et les dieux grandissent à mesure que l'esprit distingue
mieux le numen et l'expression. M. Croiset fournit encore une explication plus
simple. Ouranos et Chronos n'ont pas d'existence religieuse bien déterminée avant
Zeus, Zeus est le premier dieu; il a ses racines dans le passé le plus lointain; mais
on s'est dit qu'il devait avoir un père et on lui a fait une généalogie. Or, Zeus seul
vivait dans l'âme religieuse, on supposait ses ancêtres chassés ou détrônés. Pour
les hommes, au contraire, on partait de la réalité misérable comparée aux triom-
phantes légendes du passé. Enfin (p. 36), M. M. retrouve encore le numen dans
l'expression O'.ovévrjç et les expressions du même genre si souvent appliquées aux
personnages de Ylliade.
M. J. Girard corrige la thèse et présente un grand nombre d'observations de
détail. Il ajoute que ce qui l'a toujours frappé, c'est cette force de l'esprit grec, qui
arrive à faire un ensemble harmonieux d'idées puisées à toutes les sources. M. M, a
beau vouloir les disloquer, tout cela se tient. Une analyse comme celle de M. M., qui
exclut les éléments principaux, n'avancera pas beaucoup l'intelligence d'Homère.
M. J. Girard sait gréa un historien d'avoir lu Homère, il regrette qu'il l'ait mal lu.
M. Bouché-Leclercq ne peut déterminer, après avoir lu la thèse, à quelle école
appartient M. Monin. Il semble être de ceux qui croient à un monothéisme religieux
originaire, désagrégé par « des maladies du langage », pour former le polythéisme
d'où, par éliminations successives, on aboutit au monothéisme métaphysique. — De
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE SSj
plus, l'hégélianismc de Naegelsbach a déteint sur M, M.; pour lui, Tide'e de Dieu
sïï précise, s'agrandit de plus en plus. — M. Bouché-Leclerc pense d'une façon in-
verse. Toutes les religions grecques sont des apports; mais ces cultes, arrivés à
l'état colossal, informe, se sont, sous la main des Grecs affinés, limités, rétrécis;
Zeus même se réduit à des proportions humaines. La Grèce est un atelier rationa-
liste où se fondent les religions pour être réduites aux éléments philosophiques.
Sauf les petites divinités naturalistes, m^al personnifiées, sauf aussi Zcus trop grand
pour être complètement réduit, les autres dieux sont si déterminés qu'on pourrait
à volonté allonger leurs légendes, et dire, sans risquer d'erreur, ce qu ils feraient
dans telle circonstance. En somme, la religion d'Homère, est-ce une religion qui gran-
dit ou qui tomber M. M., pour introduire de force son ninnen issu de la réfiexion
philosophique, a trop de foi aux étymologies. Un savant allemand n'a-t-il pas ainsi
démontré que la mythologie grecque est une ars coquinciria ; un autre a vu dans
l'Iliade un traité d'astronomie. M. M. abuse aussi des expressions poétiques pour
conclure au nitmen; dans les délibérations d'un homme avec lui-même, de l'expres-
sion O'j[xot, il tire la présence du numeii, L'homme discuterait donc avec son nii-
men; mais, dans ce cas, on place généralement l'homme entre deux conseillers.
Pour ce qui est du progrès des dieux, il ne faut pas oublier que le développement
s'est fait sur plusieurs points d'abord; quand on a fait l'unification, on s'est trouvé
embarrassé en face des dieux des Pélasges; Hésiode explique que le Zeus Pélasgi-
que c'est le ciel; c'est peut-être là l'origine d'Ouranos. Chronos fut introduit par les
Phéniciens. En résumé, la thèse repose sur une pointe d'aiguille. 11 est difficile de
démontrer la nécessité de la conception du numen. Les Grecs (c'est leur originalité)
ont été fidèles à l'anthropomorphisme qu'ils se sont fait. La légende se développe
du type humain conçu, sans qu'il soit besoin de nous rebattre les oreilles des
tonnerres et du fracas des mythologues. La thèse révèle des qualités très sérieuses,
mais ce sont celles de l'auteur et non de la thèse. L'effort a dépassé le but.
II
Le titre de la thèse annonce beaucoup plus qu'elle ne tient; le nom de Basville
n'est qu'une date; toutes les questions intéressantes, pour peu qu'elles soient pas-
sionnantes, sont écartées, et la Faculté veut des jugements sur les choses qui pas-
sionnent; il ne reste que le fatras administratif, telle est l'opinion de M. Himly sur
la thèse. — Encore n'est-ce pas de toute l'administration qu'il s'agit, iM. M. n'étudie
que la question financière; dans cette avalanche de détails pas une idée générale
n'apparaît; on ne se fait pas une idée claire de ce qui se passait en Languedoc, de
ce que c'était que le Languedoc; quelques brèves notions de géographie sont semées
çà et là 'pp. 285-389). ^^- ^- "^ ^'^^^ "£'1 <^'r<i qu'on puisse trouver ailleurs; mais
on écrit un livre pour être lu, et le livre de M. M. est illisible; une thèse n'est pas
un assemblage de documents. — Pourquoi, si l'on ne prend l'administration de
Basville que comme fournissant deux dates, choisir ces deux dates; elles n'ont rien
de caractéristique; il eût fallu dire au moins où en était l'administration lorsque
Basville est arrivé. — Quant à la date de son départ, on ne sait si c'est 17 18 ou 17 19.
Il faut reconnaître à cette thèse le mérite d'un long et minutieux travail ; à l'auteur
celui de la perspicacité dans les détails; il a vu des choses qui n'a\aient pas encore
été vues, peut-être parce qu'elles n'existaient pas.
M. B. Zeller, à la première lecture de la thèse, avait demandé que Casville y
joiiùt un plus grand rôle; M. M. s'est contenté de juxtaposer une biographie qui ne
lient en rien à ia thèse, il n'y a donc aucune unité dans cette étude : iCS5 et 1718
(!a kcvucatioi/ ci le Système de Lr.wj ne rcpréscnient rien au point ae vi;e du Lan-
338 RKVUt CKllIQOK
gueJoc. Il eut fallu montrer comment l'administration est devenue désordonnée à la
fin du règne de Louis XIV. Au reste, il ne s'agit pas ici d'administration mais
purement de finances. C'est que, répond M. M., au xvn'> siècle l'administration n'est
qu'une exploitation dépendant du Contrôle général. Bref, répond M. Zeiler, il ne
resterait du titre que le mot Essai.
Il y a contradiction entre le mot Languedoc et le mot intendance; il n'est pas
question du Parlement de Toulouse. Les documents mêmes sont-ils complets r
M. M. a vu aux Archives nationales la plupart des documents du Greffe des Etats,
le règlement intérieur des Etats ressemble à tous les autres; mais il y a encore les
documents réunis par les soins des Etats et, après la mort de D. Vaissète, par son
continuateur ; il existe un recueil de cérémonial et harangues; M. M. mentionne
sans plus, un tarif par diocèse; il en existe plusieurs aux Archives. — Quant à la
division du livre, c'est la reproduction de la table des matières, sans justifier
celle-ci. Les titres des chapitres ne correspondent pas non plus à leur contenu. —
M. M. répond que sa division de l'administration financière est celle de l'époque;
il n'y avait pas d'impôt théoriquement conçu, pas de conception générale qui per-
mît de faire rentrer les impôts dans une classification moderne. Il divise donc
en Impositions et en Fermes et en Dépenses Extraordinaires; les impositions directes
en ordinaires et certaines, et en incertaines et arbitraires, c'est-à-dire, explique
M. Zeiler, qu'il distingue la manière dont les impôts sont perçus avant de dire ce
que sont ces impôts. C'est, répond M. M., ce qui intéresse le plus les peuples; et
s'il appelle les appointements impositions, c'est qu'ainsi les appellent les comptes.
M. Zeiler passe ensuite en revue les titres des chapitres, et s'efforce de démontrer à
M. M. qu'il n'a pas suivi un ordre rigoureux. — M. M. a terminé par une conclu-
sion générale, de haute métaphysique qui ne ressort en rien de la thèse, où il est
question pour la première fois sérieusement des Etats, et de la nécessité de la Ré-
volution, et dont le dernier mot est « le provincialisme ne pouvait plus rien faire
de national ». — Bref, du jugement de M. Zeiler, ce travail n'est ni une thèse car
il ne renferme pas de positions, ni un livre car il n'est pas coordonné.
M. Lavisse adresse d'une façon générale les mêmes reproches au candidat; il n'a
pas fait le portrait de Basville; ses transitions sont des bonds; il écrit trop souvent
le mot « philosophe «; il a tort de citer le professeur Charcot et de mettre en note
le mot névrose ; on ose, à Paris, juger la révocation de l'édit de Nantes; on ne trouve
pas Basville dans l'introduction, ni le Languedoc dans le corps de l'ouvrage; les
Etats, les personnages, la vie provinciale sont semés çà et là. Il aurait dû classer les
faits et les personnages autour de Basville ou du Languedoc, et se tenir dans la
zone intermédiaire des idées générales, au lieu de se noyer dans le concret pout
faire ensuite des pointes inexplicables dans l'abstrait.
M. Bouché-Leclercq , déclare qu'il a été moins frappé du désordre du livre, l'ayant
commencé par la fin.
M. Pigeonneau le définit, un portefeuille bourré de notes qu'on lui aurait versé
sur la tête. M. M. lui a pourtant montré Basville sous un nouveau jour: persécuteur
à son corps défendant, administrateur intelligent qui s'est créé le moins d'embarras
possible.
M. Larroumet signale plusieurs détails négligés, par Ivl. Monin, qui répond qu'on
les connaît en gros. On sait aussi, réplique M. Larroumet, qu'on a toujours payé
des impôts.
d'histoirk et de littérature 339
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 18 avril 188 5.
M. Bergaigne rend compte d'une nouvelle série d'inscriptions, recueillies au Cam-
bodge par M. Aymonier, dont les estampages lui sont parvenus récemment. Les
prcc'edentes recherches de M. Aymonier avaient permis d'établir plusieurs points
importants: i» tandis que la seule religion aujourd'hui pratiquée au Cambodge est
le bouddhisme, les inscriptions prouvent que les divers cultes brahmaniques y
étaient jadis très répandus; 2° la langue sacrée du Cambodge était autrefois le sans-
crit, et non comme aujourd'hui le pâli; 3° à l'aide des inscriptions, on peut dresser la
liste chronologique des rois du Cambodge, au moins depuis le vi' siècle de notre
ère jusqu'au xu^, et hxer les dates précises de chaque règne; 4° ces mêmes textes
fournissent des données certaines pour déterminer les dates des monuments si im-
portants de l'architecture khmère, conservés â Angkor et ailleurs. Le nouvel envoi
de M. Aymonier présente un intérêt d'un autre genre. Ses l'echerches se sont éten-
dues sur des régions qu'il n'avait pas exploitées encore, le cours supérieur du
Mékong et le cours inférieur du Ménam, au nord et à l'ouest des limites actuelles
du Cambodge. Il résulte des nouveaux textes recueillis par lui que la domination
cambodgienne s'est étendue, autrefois et durant plusieurs siècles, au nord jusqu'au
i5" degré de latitude, à Bassak, Sourén, Korat, etc., dans le pays de Siam et le
Laos siamois, à l'ouest jusqu'à Bangkok et aux environs. Quelques inscriptions prê-
tent à des rapprochements. Une d'entre elles, relevée dans la province de Bassak,
mentionne un roi Mahendravarman, qu'on sait avoir été le prédécesseur d'Içanavar-
man, qui régnait en 626; elle dit que Mahendravarman, avant son avènement, por-
tait le nom de Citrasena. Or, les annales chinoises rapportent qu'en 616 et 617 la
Chine reçut des ambassadeurs envoyés par un roi du Tchin-la, appelé Chi-to-se-
na. On admettait jusqu'ici, mais avec quelque doute, que le Tchin-la des Chinois
était le Cambodge; cette identification devient maintenant certaine, et de plus on
voit que la chronologie chinoise et la chronologie cambodgienne se confirment ici
mutuellement. Un autre monument, trouvé aux environs de Bangkok, aux confins
de l'ancien Cambodge et de Siam, porte une date qui répond à peu près à l'an
i36o de notre ère et cite deux rois, nommés, l'un Râma, l'autre Sûryavamça et dit
qu'il régnait en même temps que Râma, roi de Siam. Beaucoup d'inscriptions se
rapportent au règne de Jayavarman VII, de 1162 à ii8G de notre ère : elles prou-
vent qu'à cette époque le Cambodge, loin d'être déjà en décadence, comme quel-
ques indices l'avaient fait supposer, était à l'apogée de sa puissance et à l'époque la
plus brillante de sa civilisation,
M. Delaunay lit, au nom de M. Félix Robiou, une Noie sur une double date
égypîo-macédonienne contenue dans une stèle récemment acquise par le musée ae
Bouldq, La stèle en question contient une nouvelle édition du décret de Memphis,
dit de Rosette, postérieure de quatorze ans à la première. Elle porte une date ainsi
conçue : « L'an 23, mois Gorpiaios, jour 24^, correspondant au mois des Egyptiens
Pharmouthi, 24"^ jour. » Quelques-uns des éléments de cette date semblent contre-
dire les théories émises autrefois par M. Robiou sur certains détails de la chrono-
logie égyptienne. M. Robiou s'attache à établir que cette contradiction apparente
est due à une erreur du lapicide, et qu'ainsi le nouveau texte n'ébranle en rien son
système.
M. Gasati-commence une communication sur la numismatique étrusque. Il étudie
successivement les monnaies des différentes villes étrusques : Netathri, Volterra,
Pupluna, Populonia, Hat, Adria, Tla, Telamon, Vatl, Vetulonia, Ka, Camars ou
Chiusi, Tutere,ToiS\, Ikuvin, Gnbh'xo, etc., et il s'efforce de déterminer l'attribution
de diverses monnaies qualifiées incertaines. Il insiste particulièrement sur une mon-
naie qui n'a été considérée comme inconnue, selon lui, que par une erreur de lec-
ture : au lieu de Peithesa, qu'on a lu sur cette monnaie, il faut lire Peiresa, qui est
sans doute la forme étrusque de Perusia, Pérouse. Dans une prochaine lecture,
M. Casati doit étudier les monnaies d'or et d'argent et établir le rapport de ces
monnaies avec celles de bronze.
Ouvrages présentés : — par M. Egger : Houssaye (Henry), la Loi agraire à Sparte
(extrait dfe V Annuaire de l'Association pour l'encouragement des études grecques en
France) ; — par M. Oppert : Haerdtl {^Ed. von), Astronomische Beitrœge ^ur assy-
rischen Chronologie.
Julien Ha VET.
340 RKVUK CRITIQUE D HliiTOlUb Kl Dt LIITICUATURE
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séances des /" et 8 avril iSS'^.
PRÉSIDENCE DE M. COURAJOD.
La Société archéologique de l'Orléanais adresse une lettre d'adhésion au vœu for-
mulé par la Société des antiquaires de France pour la préservation des monuments
anciens.
Election d'un membre résidant en remplacement de M. Mich-jlant pnssé dans la
classe des membres honoraires. Les candidats sont M.M. Collignon et Lecoy de la
Marche.
Après cinq tours de scrutin aucun des candidats n'ayant obtenu la majorité règle-
mentaue des deux tiers des sulîrages exprimés, le scrutin de ballottage est ajourné
à la première séance du mois suivant, 6 mai.
M. Palustre présente une suite de photojjraphies des bas-reliefs en marbre blanc
disposés extérieurement autour de l'abside dans l'église de Saint-Paul-Ies-Dax ; peut-
être proviennent ils de l'ancienne église bàiie dans le couranidu x'' siècle. Les sujets
sont tirés de la Passion, sauf un seul qui reproduit des animaux fantastiques décrits
dans les anciens bestiaires; ces bas-reliels sont comparables à ceux de Saint-Sernin
de Toulouse.
M. Julliot annonce que le trésor de la cathédrale de Sens s'est enrichi d'une col-
lection d'ornements pontilîcaux de diverses époques donnés par la famille Auguste
de Bastard ; il en fait circuler de très beaux dessins coloriés de son exécution. On y
remarque une chasuble attribuée à saint Ebon, évéque de Sens, et une mitre ornée
de sujets représentant le martyre de saint Etienne et celui de saint Thomas de Can-
torbérv.
M. Roman communique la copie d'une lettre de Crozat relative à la collection d'an-
tiquités du cardinal de Richelieu. Cette lettre se trou\e aux archives du Ministère
des allaires étrangères.
M. Pilloy présente un choix d'objets retirés de sépultures franques à Homblières
(Aisne).
M. Buhot de Kersers présente une plaque de bronze trouvée à la Croix-Moult-Joie
près Bourges; cet objet anciennement émaillé est orné d'un sujet représentant une
femme agenouillée; au dessus, en minuscules gothiques du xiv« siècle, la devise
Espéra on Deo.
M. de Geymùller dit que le volume de Giuliano da San Gallo à la bibliothèque
Barberlne a subi un remargement qui a agrandi son format. San Gallo ayant des-
siné dans ce volume depuis l'année 1463 jusqu'en i5i4, les dessins de sa jeunesse
sont d'une main plus légère que les suivants et ont pu être attribués à son rils
Francesco qui a ajouté des annotations manuscrites au volume.
M. Mûntz ajoute que, grâce à l'obligeance de M. de Geymùller, il peut fixer la date
d'un des voyages de Giuliano en France; au mois d'avril 1496 le célèbre architecte
italien quitta Avignon pour se rendre à Grasse en passant par Arles. Saint-Maximin
et Draguignan.
M. Nicard demande si quelqu'un de ses contrères peut indiquer dans quel dépôt
se trouve le manuscrit de Dolomieu relatif à l'emploi du marbre par les statuaires
anciens.
Le Secrétaire,
.MOWAT.
Et'ï'atum. N" du i3 avril, p. 2qo. Chroniq.ue, i*- paragr. au lieu de Fr,:'.nçais
d'Outre-.Mer — lire Fmuces d'Ouire'-Mer.
Le Propriétaire-Gérant : KRNKST LEROUX.
.' Puy. i-»ir''nnerie dr Ma^chcssoti 'f.'.î, houit^varà SaiiU~[,ni
REVUE CRITIQUE
'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 18 — 4 mai — 1885
^oin>instii>e s 73. Klatt, Etude chronologique sur l'histoire de la ligue achéenne,
— 76. Hertz. Les notes de Carrion sur Aulu-Gelle. — 77. Hoelder, Les Insiitutes.
— 78. RuELENS, La première relation de Christophe Colomb. — 7g. Loeschke,
Dissertations sur l'histoire de l'art grec et la topographie d'Athènes. — Chronique.
— Académie des Inscriptions. — Société des Antiquaires de France.
75. — M. Klatt. CIn'onoBogîsehe Beltrasge xur GescliScl«te «îes* Acliails-
elieu Eîutidesn. R. Gaertner, Berlin, i883.
Cet opuscule complète en quelques points le savant ouvrage publié
en 1877 par M. Klatt. C'est une étude essentiellement chronologique,
une discussion serrée et précise de quelques dates proposées par divers
historiens de la ligue achéenne, par Unger en particulier.
L'auteur avoue son dessein de travailler, cette fois, d'une manière
toute négative à Fhistoire achéenne. On ne saurait trop l'en féliciter
s'il entend seulement porter son attention sur la chronologie. Quicon-
que a étudié de près cette époque sait qu'il est difficile de fixer exacte-
ment les dates, même les plus importantes, par exemple celle de la
bataille de Seliasie. Et, par conséquent, le premier souci qu'on
doive apporter à l'examen chronologique des faits rapportés par les
textes anciens est une réserve extrême et un scepticisme minutieux.
M. K. n'y a point manqué. De la chronologie des guerres du roi
Agis, il laisse subsister peu de chose ; sa discussion des témoignages de
Pausanias et de Plularque, des opinions de Preiss, de Reuss, de Schô-
mann, montre bien qu'il est impossible d'indiquer autre chose que des
probabilités à ce sujet.
L'article II de son opuscule (Entrée en charge des stratèges depuis
216] est une critique très particulière d'un ouvrage de G. F. Unger
(Das Strategenjahr der Achuer, Abhandl. d. Munchener Akad. 1879).
L'auteur rappelle combien il est malaisé d'établir une chronologie
scientifique de la succession des stratèges achéens. Déjà A. Mommsen
(Philologus, XXIV, B., p. 17 à 19), avait signalé la difficulté de ce
problème. Le stratège désigné entrait sans doute en charge peu de
temps après sa proclamation; au moins à Tépoque d'Aratus, il y avait
un intervalle entre l'élection du nouveau stratège et la remise du pouvoir
faite par son prédécesseur '. Il est impossible de savoir s'il survint dans
la suite quelque changement à cet égard; mais, à coup sûr, la date
même de l'entrée en charge fut une fois modifiée. En effet, vers 219-
I. Plutarque, Aratits, 38.
Nouvelle série. XIX. 18
34- RKVIJK CRITIQUE
2 1 8, l'année achéennc commençait avant l'été; et Tentrée en charge du
stratège coïncidait avec le commencement de Tannée. Plus tard, l'entrée
en charge du stratège n'a plus lieu en mai, mais à un autre moment de
l'année. Au second siècle avant notre ère, le commencement de la stra-
tégie achéenne dut se présenter en automne, peut-être vers le mois
d'octobre. En tout cas, on ne saurait proposer une date précise, et
M. K. le montre par plusieurs exemples. La chronologie d'une liste des
stratèges achéens, même sans l'indication des mois, reste encore bien
incertaine, malgré les travaux de Merleker, de MM. Freeman, Unger
et Klatt, et un récit de l'histoire achéenne ne peut prétendre qu'à une
exactitude approximative. Il serait également téméraire de vouloir dis-
tinguer les congrès réguliers de la Ligue achéenne des assemblées ex-
traordinaires, de manière à en dresser la liste chronologique; le principe
même de cette distinction nous est bien connu; mais M. K. n'a pas
de peine à montrer qu'on s'est souvent trompé dans les applications.
Encore une fois, rien n'est plus louable que cette méthode critique;
on savait déjà, et pourtant on ne pouvait trop répéter combien la chro-
nologie d'une histoire de la Ligue achéenne et de toute Thistoire grec-
que, au m* et au u" siècle, est sujette à caution.
Mais cette histoire purement formelle et mathématique n'est pas tout,
fort heureusement. M. K. remarque, dans son introduction, que la
chronologie scientifique ne consiste pas seulement en de petits calculs. La
critique des sources, la recherche du lien rationnel des faits sont aussi
des éléments importants de la même science. L'étude du témoignage de
Polybe, contenue dans l'opuscule de M. K,, nous paraît pleine de
modération et de sens, mais un peu écourtée; après les longues dis-
cussions de Tittmann, Diumann et Lucas, il convenait peut-ê[re de
traiter plus largement cette question; cependant nous n'oublions
pas c|ue Pauteur a voulu seulement composer un « programme ».
Mais M. K. pousse le scepticisme un peu loin lorsqu'il déclare im-
possible toute étude scientifique de la constitution achéenne. A coup
sûr le livre de Polybe, et les inscriptions découvertes jusqu'à ce jour,
ne nous renseignent point complètement; l'examen comparé des textes
et des monuments épigraphiques nous permet, néanmoins, de détermi-
ner d'une manière générale le caractère de la fédération achéenne, les
rapports des peuples et des villes entre eux et avec le pouvoir central,
les attributions des assemblées plénières ou locales, les fonctions des
plus importants magistrats. Nous ignorons la date précise de Pentrée en
charge des stratèges; nous avons quelque peine à discerner la nature de
chacune des assemblées mentionnées par Polybe; nous ne savons exac-
tement à quels intervalles se succèdent les stratégies d'Aratus et de
Philopœmen. Ces lacunes sont très regrettables ; nous espérons avec
M K., que des découvertes épigraphiques contribueront un jour ou
l'autre à en diminuer retendue. Mais l'examen minutieux des écrivains
classiques pourra mettre aussi en lumière plus d'un fait nouveau :
D^HISTOiriK ET DK LITTERATURE 34'3
M. Klatt l'a prouve par son exemple. Et dès maintenant nous estimons
que la constitution de la Ligue achéenne est connue dans ses traits les
plus généraux, témoins le petit livre de Wahner ', si net et précis, et
l'opuscule plus récent de M. Wcinert ".
Marcel Dubois.
76. — Ssïtîes. seîioîai'Mm in univcrsiiate litterarum Vraiislaviensi per aesialem
anni m dccc lxxxv a die XV mensis aprilis habendarum. Praemissum est [p. S-iy]
Lud. Garrionis in A. Geilii Noctium Atticarum libres commentarios qui cxstanf
castigationum et nolaium spccimen ex éd. princ. a Marlino Hertz dcproinplum.
ln-4.
Les notes de Carrion sur Aulu-Gelle (i585) sont à peu près introuva-
bles; il en existe un exemplaire à la Bibliothèque nationale, un aurre à
l'université de Breslau. Encore ne sont-elles qu'un fragment de ce
quelles devraient être ; leur étendue est de 120 p. in-8, et elles ne s'ap-
pliquent qu'aux vingt-cinq premiers chapitres de l'auteur latin.
M. Hertz a pensé que le public érudit serait bien aise de s'en faire une
idée non-seulement par les extraits qu'il a insérés dans son apparat
d'Aulu-Gelle, mais par la reproduction in-extenso d'un morceau de
quelque longueur ; son programme donne la copie exacte des 3o pre-
mières pages de Toriginal, c'est-à-dire le commentaire des trois pre-
miers chapitres; des références ajoutées entre crochets facilitent la lecture.
L'utilité des notes de Carrion était avant tout qu'elles renseignaient sur
les principales leçons des mss. Comme sa publication atteint lâge de
trois siècles cette année même, entre l'apparition du premier volume de
l'édition Hertz et du second, il n'est pas sans intérêt de mesurer les
progrès faits en trois cents ans par l'outillage de l'érudition, c'est-à-dire
récart entre cet apparat rudimentaire, quoique bien précieux en son
temps, et l'apparat richissime de notre savant contemporain.
77. — Eduard Hœlder. 5nsti3iii«.îonciî «îes rœniîsclion Eieehls. Freiburg
i. B. und Tûbingen, J.G. B. Mohr. Zvveite erweilerte Autiage, i883. i vol. in-8
de 368 p.
Les manuels de droit Romain, publiés en Allemagne à l'usage des
étudiants, se divisent en deux catégories, comme les cours des profes-
seurs : les uns sont consacrés aux Institutes, les autres aux Pandectes.
Les premiers donnent ordinairement un aperçu du droit privé des Ro-
1. Wahiier, De Acliœorum fœdcris origine a;que insliiiiiis, Berlin et Gio^au
(i854).
2. Wcinert., Z)('c Achceiscke Bundesvcrfassinig, Demmin, 1881 (programme).
^44 RKVIJK CRITIQUE
mains dans son développement historique; les seconds considèrent ce
droit comme une partie intégrante du droit en vigueur, et s'attachent
de préférence aux règles qui ont encore aujourd'hui un caractère prati-
que; ils en montrent les transformations jusque dans le droit moderne.
Pour nous qui avons un code civil et qui, dans l'étude du droit Ro-
main, n'avons à nous préoccuper que du point de vue scientifique, ce
sont principalement les livres sur les Instituies qui peuvent nous inté-
resser. Celui de Holder se distingue des livres analogues en ce qu'il
se borne à peu près exclusivement à un exposé systématique de la lé-
gislation Romaine, envisagée au moment où elle a atteint son entier
développement. L'auteur procède par voie d'affirmation et se contente
de transcrire quelques fragments du Digeste pour éclairer chacune de
ses propositions.
Nous croyons volontiers que ce manuel, grâce à la distribution judi-
cieuse des matières et aux renseignements substantiels qu'il contient,
peut avoir son utilité comme introduction à l'étude du droit allemand.
Mais en substituant des classifications modernes à celles des anciens,
l'auteur n'a peut-être pas trouvé la meilleure manière de présenter, sous
leur jour véritable, les institutions juridiques des Romains.
E. C.
y8. — B^n pi-eniîèi-e i-elalîon «le Clîi-istoplje Colonîl» (ï-'îîîîî). Lettre sur
une édition de L' « Epislola Christofori Colom », appartenant à la bibliothèque
royale de Bruxelles, par Cli. Ruelens, conservateur de la section des manuscrits,
avec reproduction en fac-similé. Bruxelles, Institut national de géographie, i883.
In-8 de 5o p. Tiré à loo exemplaires, 12 sur papier bristol, 38 sur papier vélin,
5o sur papier ordinaire.
Le travail de M. Ruelens, adressé (i" janvier i885)àM. John Ni-
colas Brown, fils de Pamateur américain si zélé qui a formé la prodi-
gieuse collection dont le catalogue a paru, de 1870 à 1882, sous le titre
de Bibliotheca Avie^'icana^ en quatre volumes grand in-8'', est consacré
à une petite plaquette de quatre feuillets, contenant la première lettre
de Christophe Colomb, en une édition qui n'est mentionnée par aucun
bibliographe américaniste. Comme il s'agit d'une pièce unique, le sa-
vant conservateur de manuscrits de la Bibliothèque royale de Bruxelles
annonce (p. 8) qu'il en parlera un peu longuement. Après avoir rappelé
en quelques mots l'origine de a ce vaste arsenal littéraire, » il retrace
avec une verve piquante l'histoire du petit livre, « histoire qui ressem-
ble beaucoup à un roman. » Ce petit livre, on le trouve cité pour la
première fois, dit-il (p. 14), dans l'ouvrage mmuXé : Documents pour
servir à l'histoire des bibliothèques en Belgique, par Aug. Voisin,
conservateur de la bibliothèque de l'université de Gand, etc. (Gand,
1840).
DHISTOrUE ET DK LITTÉR VIURK 345
M. R., après avoir reproduit la description de son ancien confrère,
ajoute (p. i5): «Je ne puis m'empècher ici de vous faire remarquer
l'ctiange manière de procéder de M. Voisin : il est bibliothécaire et bi-
bliographe, il compose un ouvrage spécial sur les collections de son
pays, il habite à une heure de chemin de fer de Bruxelles, et, pour dé-
crire le plus riche dépôt de son pays, il se contente de renseignements
donnés de seconde main; il les formule dans un langage des moins
scientifiques, au lieu de se donner la peine d'y venir jeter lui-même un
simple coup-d'œil. » M. R. n'a pas tort de croire qu'en Amérique, et
même ailleurs, « on qualifierait sévèrement un semblable mépris de la
précision. » Dans un recueil où Xa, précision a toujours été en si grand
honneur, on aimera certainement à trouver quelques autres citations
tirées des pages où M. R. se moque si spirituellement du sansgéne de
ses devanciers : « Et pourtant, » continue-t-il (p. i5-i6), ce n^est rien
encore. Dans la même année 1840, mais postérieurement au livre de
M. Voisin, parut le tome I'-"'' de V Histoire des bibliothèques publiques
de Belgique^ par P. Namur, conservateur adjoint à la Bibliothèque
royale de Belgique (Bruxelles, 1840)... » M. R. emprunte à ce livre un
passage sur la fameuse plaquette et ajoute ensuite : « Nous sommes
maintenant en présence de renseignements plus précis; tout y est : les
titres in extenso, des notes, des renvois à des manuels bibliographiques.
On doit croire, d'ailleurs, que M. Namur, habitant Bruxelles, dirigeant
en sous-ordre le premier dépôt du pays, n'a rien avancé à la légère,
qu'il a décrit de visu les ouvrages dont il parle, ouvrages qui étaient à
la disposition du public et se trouvaient à deux pas, dans un local atte-
nant à la Bibliothèque royale elle-même. C'eût été une façon d'agir par
trop correcte. » Et M. R. d'établir que M. Namur avait pris à M. Voi-
sin la substance de ses renseignements de seconde main et y avait joint
des titres pris au hasard dans les manuels, sans daigner mettre les pieds
dans la salle où l'on gardait la Isttre de Christophe Colomb '.
Voi.là déjà deux blibliographes qui semblent avoir été fatalement
voués à Tà-peu près, à la fantaisie. M. R. va dessiner d'une plume aussi
malicieuse qu'habile, le portrait d'un autre bibliographe belge qui fut
encore moins consciencieux que MM. Voisin et Namur. Voici ce por-
trait qui est d'un bout à l'autre un trop joli morceau pour que je ne le
reproduise pas tout entier (p. 18-20) : « La comédie blibliographique
n'est pas terminée... il y a encore un acte, et celui-ci nous apporte ce
qu'en Europe nous appelons aujourd'hui un cotnble. Nous avons vu
tout à l'heure que la bibliothèque royale a été créée en 1837. Elle eut
pour son premier conservateur en chef, M. de Reiffenberg, l'homme le
plus connu et, à certains égards, le plus remarquable de Belgique en ce
moment-là. Il était doué de prodigieuses facultés : ancien officier, il
était devenu professeur de philosophie aux universités de Louvain et
I. On a prétendu que M. Namur avait classé le roman d'Indiana parmi les aiia.
Ce que raconte de lui M. R. rend tout vraisemblable.
346 REVUIi CRITIQUli
de Liège, il composait des mémoires en latin, des romans et des tragé-
dies en français, publiait des volumes de documents historiques, diri-
geait des revues d'érudition, lançait dans une foule de recueils d'in-
nombrables articles toujours curieux, se tenant au courant de tout,
écrivant de onmi re scibili avec autant d'aplomb que d'esprit, en un
mot, un homme de grande valeur, doue d'un talent extraordinaire
d'assimilation encyclopédique, ayant avec cela à sa disposition une
plume élégante, rapide, infatigable. Son nom doit être connu en Amé-
rique, car il était membre d'une centaine de sociétés savantes et se pré-
valait volontiers de ses relations universelles. Pourtant, malgré tous
ses mérites, il a manqué de la plus haute qualité du savant, de celle
dont je ne cesse de prononcer le nom. il a manqué de précision^ c'est-
à-dire qu'il n'a jamais produit un livre qui fût le fruit de longues et
patientes recherches, qui accusât l'accumulation lente de notions mi-
nutieusement recueillies, exactement rapportées, et lorsqu'un mémoire,
çà et là, fait exception dans la masse, on peut se douter que l'homme
s'est aidé de quelque travail d'autrui, de quelque collaboration inédite.
Il eut même à subir, sur ce point, de cruels et mortifiants reproches.
Ce n'est pas de sa faute s'il agissait ainsi; il était affligé d'une névrose :
celle de produire et de reproduire sans cesse '... » Ne nous étonnons
pas trop, après cela, de voir (p. 21) M. de Reiffenberg venir « à la
queue leu leu de ses confrères nous répéter la même chose. »
M. R. cherche à montrer, dans les dernières pages de sa brochure,
que VEpistola de la Bibliothèque royale de Bruxelles a vu le jour peu
de temps après l'édition princeps de Rome (1493), à Anvers chez
Thierry Martens d'Alost, qui fut le premier imprimeur de la Belgique.
Il me semble que les arguments sont excellents et ne peuvent qu'être
victorieux. En tout cas, puisqu'à propos de ÏEpistoIa, il a été si sou-
vent parlé de précision^ je dirai que cette vertu maîtresse du bibliogra-
phe brille du plus vif éclat dans la discussion à laquelle se livre
M. Ruelens.
T. DE L.
1. Un jour (.ju'étant dans le beau cabinet de notre ancien et si savant collabora-
teur, Charles Defrémery, je l'avais interrogé sur un problème bibliographique, mon
excellent ami feuilleta plusieurs de ses recueils. N'y trouvant pas la solution que je
lui demandais, il médit : D'où vous vient l'indication? — De M. de Reiffenberg, ré-
pondis-je avec assurance. — Alors, répliqu;'.-t-il en souriant, je ne cherche plus. —
Cette anecdote me paraît compléter le chapitre que l'on vient de lire. Ai-je besoin
de rappeler que notre cher Defrémery était tout l'opposé de M. de Reiffenberg, je
veux dire la précision même dans l'érudition .•'
I
d'histoire et DK LlTTÉUATUUlî 347
-q. _ G. Lœschke, Verniutungcn xur gi-iccliîselioii Kuns.tge«^clii<'^(e
unti xui* Xopoëi-î«t>hie Athens. Programme de l'Université de Dorpat, 1884,
2+ P-
Cet opuscule de M. Loeschke contient trois dissertations archéologi-
ques fort intéressantes, écrites avec cette originalité de vues et cette sû-
reté de savoir dont le jeune professeur de Dorpat a déjà donné beaucoup
de preuves. Comme elles risqueraient de passer inaperçues dans le
fatras de la Programmen-Literatiir, nous nous proposons de les analyser
ici avec quelque détail.
I. Le fronton occidental du Parthénon '. — La partie gauche et la
partie centrale de ce fronton ont été expliquées d'une manière satisfai-
sante par E. Petersen - et C. Robert '^ M. L. s'occupe des figures placées
à droite, qui font partie du cortège de Poséidon. On sait que le fronton
occidental du Parthénon a péri presque tout entier; nous le connaissons
principalement par trois dessins, ceux de Carrey '* (1674), de l'Anonyme
de Nointel ^ (vers 1674) et de Dalton *' (1 749). Michaëlis attribue le
plus d'autorité aux dessins de Carrey et de Dalton; mais ces derniers,
comme le montre M. L., sont absolument sans valeur, ayant été « con-
taminés » par le dessinateur avec des fragments de la balustrade du tem-
ple de la Victoire Aptère. Ceci prouve que certains fragments de la ba-
lustrade, notamment les planches II D et IV O de la publication de
Kekulé, étaient encore visibles en 1749, alors que l'on admet générale-
ment, d'après Ross, que toutes ces sculptures ont été encastrées dans des
murs récents dès 1687.
Le milieu de la partie droite du fronton est occupé par une femme
assise, portant sur ses genoux une figuie entièrement nue ; à droite de
cette dernière est un enfant marchant de face, puis une seconde femme
assise, à droite de laquelle on aperçoit, sur le dessin tle Carrey, la partie
supérieure du torse d'un autre enfant. On s'accorde à reconnaître dans
ces deux groupes Leucoîhée et Palémon (à gauche du spectateur) et
Aphrodite avec Eros sur les genoux de Thalatta. O. Miiiler, WclcUer et
Robert n'admettent pas que la figure drapée représente Thaîatta ; ce
serait Dioné, et Phidias aurait eu dans l'esprit le vers d'Homère [Iliade,
! E, 370) : 'H o'èv Yû'jvaji tcXt.zz A'.wvr;; oV 'Aopooirr). M. L. considère toutes
ces explications comme inacceptables, parce qu'elles supposent sans la
justifier une chose tout à fait anormale, à savoir la représentation de la
nudité féminine dans une œuvre du grand art attique au v« siècle. Long-
1. Le lecteur est prié de se reporter à la planche publiée dans Overbeck, Gcschichte
dcr Griechisdicn Plastik, t. I, p. 2q3 de la 3^ édition.
2. Die Kunst des Pheidias, p. iSi et suiv.
3. Hennés, XVI, p. 60 et suiv.
4. Reproduit dans Laborde, Le Parthénon, pi. ix, et Miciiaeiis, der P.vthenon,
pi. VII, 2.
3. Michaëlis, der Parihenon, VII, 3.
(3. Miciiaëlis, ibid., Uilfst.ifd i.
348 RKVOK CRITIQUK
temps après, lorsque Praxitèle sculpta l'Aphrodite de Cnide, il crut en-
core devoir Justifier la nudité de la déesse par l'idée du bain symbolisée
par un vase. L'hypothèse suivant laquelle Aphrodite est représentée ici
au moment de sa naissance, sortant du sein de Thalatta, se heurte à
cette difficulté que la figure drapée vue de profil n'oflre en aucune ma-
nière les caractères d'une divinité marine. Si donc la figure drapée n'est
pas Thalatta, la figure nue ne peut être Aphrodite; et si ce n'est pas
Aphrodite Anadyomène, il faut nécessairement en conclure que ce n'est
pas une femme.
L'enfant à droite de la prétendue Aphrodite n'est pas davantage Eros.
C'est un tout jeune enfant, alors que sur la frise il est représenté comme
un adolescent, {j.-Skkic^rfizz. Michaëlis a pensé qu'il devait être ailé, parce
que sa position presque flottante ne s'expliquerait pas autrement. M. L.
objecte que le dessin de l'Anonyme montre que la prétendue Leucothée
maintient Tenfant à l'aide de son bras gauche passé derrière lui. Nous
ajouterons que sur le dessin original de Carrey, que nous avons consulté
au Cabinet des Estampes, le bras gauche de la Leucothée est indiqué plus
complètement que dans la mauvaise reproduction donnée par Overbeck :
il est évident que M. L. a raison.
Revenons cà la figure nue. Si l'on considère la reproduction du dessin
de Carrey telle queTont publiée, entre autres, Overbeck et M^s Mitchell,
on ne doutera pas que ce soit une figure de femme : les seins et les han-
ches ne laissent aucune incertitude à cet égard. Par contre, dans le dessin \
de FAnonyme, les formes sont évidemment masculines, et Visconti avait ^J
déjà soutenu que cette figure ne pouvait être que celle d'un homme. M.L. "'
remarque que, dans le fac-similé publié par Laborde, les formes du corps
sont « pleines, mais non pas féminines». Nous n'avons pas éprouvé une
médiocre surprise en comparant la planche d'Overbeck au dessin origi-
nal de Carrey ^; il était difficile d'être plus inexact là où l'exactitude la
plus absolue était de rigueur. Le prétendu Palémon est méconnaissable
sur la gravure; sur le dessin, il est vu de face, et ce que le graveur a pris
pour rattache inférieure de son bras n'est que l'indication un peu exa-
gérée du pectoral de droite. Le bras gauche de la Leucothée n'est repro-
duit qu'à moitié. L'Eros est beaucoup trop grand : le somm.et de sa tète
ne doit pas dépasser l'horizontale de la bouche d'Aphrodite. La Jambe
gauche de l'Eros, très visible sur le dessin, fait complètement déiaut.
Enfin, la tête de la prétendue Aphrodite ne regarde pas à droite, mais
presque de face, et les seins de ce personnage, ainsi que la forme si-
nueuse de ses hanches et de ses cuisses, sont de pures inventions du plus
maladroit des graveurs. Dans le dessin de Carrey, les pectoraux sont
incontestablement virils; le galbe du torse et des jambes ne laisse pas
plus de doute que la poitrine sur le sexe masculin du personnage. Je
I. Le volume des dessins de Carrey fait partie de la Réserve du Cabinet des Es-
tampes, n" 616. Le deuxième feuillet de l'album, repré.sentant le fronton occidental,
est malheureusement fort effacé.
D'HîSTOfRK KT DK MTTÉRATUKK 34g
suis heureux de pouvoir affirmer à M. L. que ses pressentiments étaient
pleinement justifiés : ni Carrey ni l'Anonyme n'ont dessiné une figure
de femme, et la bévue doit être uniquement imputée aux auteurs des
reproductions postérieures. Nous avons là un exemple curieux d'une de
ces altérations subjectives auxquelles les dessins n'échappent pas plus
que les textes dès qu'ils sont livrés à l'arbitraire des copistes.
La représentation d'une femme nue est bien moins blessante aux yeux
des modernes que celle d'un jeune homme nu assis sur les genoux d'une
femme : c'était tout le contraire pour les Grecs du temps de Phidias, La
chose s'explique trop aisément pour qu'il soit besoin d'y insister. M. L.
a eu ridée ingénieuse de rappeler le tableau d'Aristophon, frère ou ne-
veu de Polygnote, où l'on voyait Alcibiade sur les genoux de la divinité
de Némée '. Or, il paraît certain que les deux femmes du groupe orien-
tal du Parthénon ont été inspirées à Phidias par le groupe de Polygnote
représentant Chloris sur les genoux de Thyra ^; il n'est donc pas dérai-
sonnable de supposer que le groupe hardi et gracieux du fronton occi-
dental ait servi à son tour de modèle au fils ou au neveu du grand pein-
tre de Thasos.
Reste à trouver des dénominations satisfaisantes pour la prétendue
Aphrodite et les figures qui l'entourent. Ici, nous entrons avec M. L.
dans le domaine de l'hypothèse; mais son hypothèse a jusqu'à présent
sur toutes les autres l'avantage d'être seule compatible avec le texte des
dessinateurs anciens. L'Aphrodite serait Héraclès jeune, assis sur les
genoux de Mélite, nymphe éponyme du dème attique de ce nom. Mé-
lite, au témoignage du scholiaste d'Aristophane [Grenouilles, v. 5oi)
aurait été aimée d'Héraclès : Ms/ar^ç vij[;,o'^ç,-^ ^^'h'^ o 'HpiaxAv;;;. Le culte
d'Héraclès à Mélite paraît dériver du culte béotien d'Héraclès Melon ;
or, les monnaies de Béotie '■' prouvent que dans ce pays le dieu était re-
présenté sous les traits d'un adolescent, comme sur le fronton du Par-
thénon. La draperie indiquée par les dessinateurs entre les jambes du
personnage assis est sans doute une partie de la peau de lion. La figure
assise à droite d'Héraclès serait la déesse des Thesmophories, adorée avec
lui à Mélite, et que l'inscription d'un fauteuil du théâtre de Dionysos à
Athènes "* appelle A-i^[j/ri--/;p Koupo-poçoç 'A'/aïa. Les deux enfants de part
et d'autre de la Koupc-pcso; sont les fils d'Héraclès et de Mélite. Ainsi, à
la famille de Cécrops, que Petersen a reconnue dans la partie gauche du
fronton, répond, dans la partie droite, la famille d'Héraclès.
« Nous ne savions pas encore, dit M. L., quelle idée l'on se faisait,
dans le cercle de Périclès, des commencements d'Athènes, des plus an-
ciennes divinités qu'on y avait adorées, des quartiers les plus ancienne-
1. Atliénée, XII, 5J>4D; Pausanias, I, 22,6; Plutarquc, Alcibiade, XW.Cï.Oxav-
beck, Schriftquellcn, p. 2i5, et Brumi, Gesch. der Kûnstler, II, p. i3.
2. 'Ava7,Ey.Ai.[Asvr] XXiopiç è-i ty;ç 0u(aç -(c^ta.'zv) (Paus., X, 29, 3).
3. Head. Types of Greck coins, pi. m, 4'3.
4. Corpus inscriptionum atticanim, III, HyS.
35o REVUE CRITIQUE
ment peuplés de la ville. Voici maintenant Phidias lui-même qui nous
montre la région entre l'ilissus et le Céphise au temps oii Cécrops ré-
gnait et où Athéna n'était pas encore maîtresse d'Athènes ». La prospé-
rité de Mélitc commença à décliner dès le v" siècle, mais Phidias savait
que ses habitations creusées dans le roc étaient aussi anciennes, plus
anciennes peut-être que le premier établissement sur TAcropole '. Thu-
cydide le premier paraît avoir révoqué cette opinion en doute, et M. L.
considère sa digression sur les quartiers primitifs d'Athènes comme
une polémique contre la manière de voir qui prévalait à l'époque de Pé-
riclès.
II. La date de la Nike de Paeonios selon Paiisanias. — Schubring a
établi (Archaeol. Zeitung, 1877, p. Sg et suiv.) que la Niké de Paeo-
nios a été élevée par les Messéniens et ceux de Naupacte à la suite de la
victoire de Sphactérie et du pillage de la Laconie en 420. Pourquoi
donc Pausanias a-t-il placé l'exécution de cette statue trente ans plus
tôt? M. L. croit en trouver la raison dans la dédicace même de la Niké
(Inscript, antiqiiissimae^ n" 848) : Ilaiwvioç l-cW^zt MEvcaTo:; y.at Tà/.po)T/ip'.a
TTO'.wv £-1 Tcv vabv âvi/.a. Or, Urlichs, Furtwaengler et Purgold ont prouvé ~
que le temple d'Olympie a été achevé vers 450, précisément à l'époque
où Pausanias et sa source placent de préférence l'exécution de la Niké.
La date de Texécution des acrotères étant établie par Thistoire du tem-
ple, on en conclut que celle de la statue était contemporaine. Il se
trouvait précisément qu'en 455 les Messéniens et ceux de Naupacte
avaient conquis la ville d'Oiniadai : on rattacha donc à celte victoire
sans importance l'exécution de la Niké.
Il pourrait paraître étrange que Paeonios, sculptant la Niké en 420,
se fût encore vanté dans la dédicace d'une œuvre de jeunesse achevée
trente ans plus tôt. Mais Purgold et Furtwaengler ^ ont précisément dé-
montré que les acrotères de Paeonios, vues par Pausanias, n'ont été
placées sur le fronton du temple d'Olympie qu'assez longtemps après
son achèvement. A l'origine, l'acrotère du milieu était la phiale en or
des Spartiates avec le Gorgoneion ; c'est vers 420, à la même époque où
Pausanias sculpta la Niké, qu'elle fut sinon remplacée, du moins relé-
guée au second pian par la Niké en or de Paeonios. En somme, tandis
que la source de Pausanias date la Niké des Messéniens d'après la date
1. Eschyle le savait aussi, témoin ces vers qu'il met dans la bouche de Prométhée
(ripoix., V. 43o) :
Bo[xo'jç T:pcc£(Xouç fl^jav, où ^uXcup^iocv •
xa-wp'j/cç 0' eva'.ov, wax' à-rjuupoi
IJ.'jp[rr(/,sç, àvxpiov h [xu/oîç àvr/XtOiç.
2. Urlichs, Bcmerkiatgen ûbev den olympischcn Tcmpel, Wùrzbourg, 1877;
Furt\vitng\eT, Arcli. Zeitung, 1879, p. 4401 i5i; Purgold, ibid., 1882, p. 17g sqq.
3. Hist. pliilologische Auf scelle fiir Ernst Curtiiis, 1884, p. 362.
d'histoire et de LlTTKKATUiîfc 35 I
présumée des acrotères, nous devons, avec M. L., dater les acrotères
d'après la date certaine de la Niké de Paeonios.
III. Basileia. — M. L. admet avec Wachsmuth ' contre Wilamowitz -
que le boiileutérion à" Kihtncs éia.\l construit sur le terrain du sanctuaire
de la Mère des dieux. 11 voudrait prouver, par un témoignage nouveau,
qu'il en était ainsi dès le v^ siècle.
K. Lange, dans sa thèse d'habilitation ', a essayé d'identifier l'empla-
cement de la palestre de Taureas dont Platon dit, au commencement
du Charmide, qu'elle était située y.aTavûr/.pù -coD ty^; Ba(:t).'.7.-?)ç îspou. Lange
se fonde sur l'hypothèse, repoussée par M. L., que la BactXiy.r, serait le
Portique Royal : ce portique ne s'est jamais appelé que BacrîAs'.oç c-oâ.
Mais que signifient les mois de Platon : y.aTavTtxpù toD xr,; BasiAty.-?]; t^pou?
M. L. propose de corriger : /.a-av-tzp'j toD rr^ç BaatXstaç icpoî). Reste à
déterminer ce qu'était la BaaiXsta. Suivant Diodore, Ouranos et Titaia-
Gé eurent deux filles, Basileia et Rhea, aussi nommée Pandore. Basileia
était l'aînée et se distinguait par sa cwspocûv^ de ses frères les Titans. Le
soin maternel qu'elle prenait de ceux-ci lui fit donner le surnom de
MiviA-^ [).r-.r^Çi. Plus tard, elle épousa Hypérion, et eut de lui Helios et
Séléné. Le culte de Basileia dans l'île de Théra est attestée par une ins-
cription 0ea(O BaîtXsîafi) ''E7:[['>.]oj/pc, xal [n]s[pJt[x]ap(aTa "/apicTsTov ■*. De
même que la Mère des Dieux en Asie-Mineure paraît souvent comme
protectrice des tombeaux ^, Basileia est ici la divinité tutélaire d'un
héroon en sa qualité de Me^ciA-/) [J-'^^Tr^p.
Le culte de Basileia étant mis hors de doute par cette inscription,
M. L. se demande si dans les Oiseaux d'Aristophane Basileia n'est pas
autre chose qu'une fiction du poète. « Qui est Basileia? » interroge Pci-
thetairos (v. 1 337). Et Prométhée répond : « C'est une très belle jeune fille
qui dispense la foudre de Zeus et toutes choses, la prudence, les bonnes
lois, la sagesse (t/;v (70)çpoc;6v/;v) , les arsenaux, la calomnie, le colacrète et
le triobole. » Or, toute cette plaisanterie s'explique si Basileia est iden-
tique à la Mère des Dieux, protectrice du Bouleutérion, où sont
conservées comme dans un trésor « la prudence, les bonnes lois, la sa-
gesse », L'autel de rE'Jvo[xta était probablement au même endroit, et la
(jwçporjv'/] de Basileia est à deux reprises vantée par Diodore. Aristophane
avait de bonnes raisons pour écrire que la calomnnie, Xcocpta, habitait
aussi le Bouleutérion. « je n'ai pas oublié, dit-il dans les Achaniiens
i. atadt Athen. I, p. ito.
'.i. Aits KydathcH, p. 2o5.
3. Die Kœnipçslialle in Athcn, Leipzig, iS"4.
4. Sur ic mur d'une iiiclie dans un petit héroon décrit par L,. Ross [Monumenti,
III, 26, 9; Annali, XIll, p. 20) et par F. Lenormant {Gazelle ardiéolugiquc, i883,
pi. xxxvii).
5. Furtwaengler, Collection Sabouroff, pi. cxxxvii. Je rappellerai les //croa archaï-
ques avec l'image de Cybèle que j'ai découverts dans la nécropole de Cymé; ils
m'ont été volés par le gouvernement turc et sont malheureusement encore inédits
{Catalo'juedu musée impérial de Con:i!antiiiople, 1882, n'^ 47 b, c, d).
352 KKVUh CKITIQOh
(v. 379), comment Cléon m'a traité à cause de ma comédie de l'an
passé : il m'a traîné dans le Bouleatérion, il a vomi mille calomnies
contre moi : j"'ai failli périr dans ce bourbier de mensonges. » On sait
d'ailleurs qu'à Tépoque d'Aristophane le soin des arsenaux maritimes
incombait à la Boulé. Quant à la mention des colacrètes, on peut l'ex-
pliquer par l'hypothèse que la caisse de ces magistrats , à Pépoque
d'Aristophane, était déposée au Métroon. Les clefs du temple où étaient
conservés les fonds publics (tcD îepoîi àv 10 là. or^xccia 7pr,[j.a-:a), confiées à
la garde de Tépistate des prytanes, sont peut-être celles du trésor des
colacrètes et des apodectes dans le Métroon.
Si donc, dans le passage cité d'Aristophane, tout ce que Promélhée
dit de Basileia est vrai de la Mère des Dieux du Métroon d'Athènes, il
est légitime de conclure que dès le v^ siècle le Bouleutérion était placé
sous la protection de cette déesse, qui portait aussi à Athènes le nom de
Basileia. Rien n'empêcherait dès lors d'écrire au début du Charmide
y.a-avT'.xp'j tou ty]; Bacùsiaç îspoD, et la Palestre de Taureas devrait par
suite être placée au sud-est du marché, là ou Lange suppose que se
trouvait FEleusinion.
Peu de temps après Platon, le nom de Basileia tomba dans l'oubli.
D'après Pausanias, (I, 8, 4), une statue de Pindarc s'élevait « non loin »
des Tyrannicides, c'est-à-dire, comme ce dernier groupe, vis-à-vis de
Métroon. Mais une lettre attribuée à Eschine(IV, 3) place cette statue
^po vqç PaGfAîiou Gi:ôa.ç,. Il faudrait donc que le Métroon et le Portique
eussent été contigus, à Pangle sud-ouest du marché. Or, E. Curtius a
montré que les Tyrannicides doivent être placés ailleurs. M. L. résout
la difficulté en admettant que le texte consulté par Tépistolographe por-
tait -Kpb 100 tepou T% BacriXei'aç, d'accord avec l'indication de Pausanias;
Fauteur de la lettre, ne con)prenant plus le sens de Bas'.Xeîa, crut qu'il
s'agissait de la c-oà [îaffîXsto;.
A la fête des Anthestéries, la « reine » d'Athènes, l'épouse de Tar-
chonte Basileus, était solennellement mariée à Dionysos '. Cette Basi'-
Aivva'tient lieu incontestablement d'une divinité chlhonienne qui s'unit
à Dionysos au retour du printemps. Mais de quelle divinité s'agit- il ?
Ne serait-ce pas de BaaiXs'.a, dont la Bac;iXivva,à cause de son nom même,
était particulièrement apte à jouer le rôle? Pindare, dans les Isthmiques
(VII, 3), invoque Dionysos comme le Tlapcopoç -/aXxcxpc-cou Aa[xa-:£poç,
c'est-à-dire de la ixî^âAYj irrjr/jp, et les monuments montrent assez l'al-
liance du culte dionysiaque avec celui de la Mère des Dieux -. « Si l'on
peut identifier Basileia avec la divinité des Anthestéries, conclut M. L.,
l'on s'expliquera facilement pourquoi le conseil gouvernant d'Athènes
était placé sous sa protection, et le dénouement un peu imprévu et
I. Pseudo-Demosth., in Neaer., 75. Cf. maintenant, sur la BaaiXtwa, Hauvette-
Besnault, De archoyite rege, 1884, p. 3o et 63. L'auteur na pu connaître le pro-
giamnie de M. Loeschke, publié presque en même temps que sa thèse.
■.:. Cf. Funwaenglcr, Collection Sabouroff, pi. cxxxvi.
D'HisTomr: f.t dr littérature 33 3
« opcrnhaft » des Oiseaux se justifiera comme une glorification indi-
recte de l'épouse mystique de Dionysos. »
Nous avons rendu compte assez longuement de cet opuscule; cette
insistance nous dispense de tout éloge. Le meilleur hommage que Ton
puisse rendre à des travaux aussi remarquables, c'est de faire connaître
le mieux possible ce qu'ils renferment.
Salomon Reinach.
CHRONIQUE
FRANCE. — La librairie Leroux a mis en vente la seconde édition du Manuel
de l'histoire des religions de C. P. Tiele, professeur à l'Université de Leyde, traduit
du hollandais par Maurice Vernes. Cette édition diffère considérablement de la pré-
cédente. L'auteur ne s'est pas borné à la revoir attentivement en vue d'une réimpres-
sion et à y modifier un grand nombre de détails; il en a remanié à fond certains
chapitres, entre autres ceux qui concernent l'ancienne religion chaldéenne, dite
accadienne, et l'hindouisme. Notons aussi les changements apportés dans l'exposé
du mazdéisme, de la mythologie slave, etc. Bref, l'ouvrage a été mis au point en
tenant compte des travaux considérables accomplis sur plusieurs domaines de
l'histoire religieuse depuis 1876, date de l'édition hollandaise. Une amélioration,
peut-être plus importante encore, consiste dans l'addition de notices bibliographi-
ques étendues, qu'on trouvera placées en tête des différentes divisions du livre et
qui contiennent une sorte d'histoire critique de la marche des éludes religieuses
depuis le commencement de ce siècle.
— Trois lettres inéditas du cardinal Ma:^arin. — M. E. Caillemer vient de publier
(Mémoires de V Académie de Lyon) trois lettres de Mazarin, qu'il a trouvées dans
un recueil de pièces manuscrites appartenant à la Bibhothèque de cette ville. Une
de ces lettres (21 février 1643; a été seulement analysée par M. Chéruel (t. 11,
p. G42) d'après une copie conservée à Paris; les deux autres (4 et lO juin 1O44) ne
sont pas même, comme le remarque notre collaborateur, mentionnées dans le ré-
pertoire de la correspondance du cardinal dont le tome III a paru tout récemment.
Les trois documents sont adressés au cardinal Alphonse de Richelieu, archevêque
de Lyon. On savait déjà qu'il existait d'étroites relations entre Mazarin et le frère
aîné de son « illustre patron w, relations arrosées, du côté du cardinal de Lyon,
par « de bonnes quantités de son vin de la Charité » qu'il expédiait au ministre
d'Anne d'Autriche. Les nouvelles lettres montrent la haute estime de Mazarin pour
l'ancien Chartreux. On y trouve diverses choses intéressantes pour l'histoire géné-
rale et qui sont très bien mises en lumière dans les notes du savant éditeur. —
T. DE L.
— La librairie H. Lecène et H. Oudin, vient de faire paraître un volume sur
Madame de Maintenon, institutrice, par Emile F"aguet. (260 p., i fr. 5o c). Ce vo-
lume contient une introduction où M. F. étudie dans Madame de Maintenon la femme,
l'institutrice, l'écrivain. Il résume à la suite les appréciations de la critique moderne.
Vient ensuite le texte des Extraits, des lettres, avis, entretiens, conversations et
proverbes de Madame de Maintenon sur l'éducation. Enfin M. F. a donné des notes
:>b^ KKVUK CHITIQUR
explicatives et do nombreux éclaircissements où il fait enlrer la substance du Traité
de l'Education des filles de Fe'nelon dont Madame de Maintenon s'est inspirée.
Cette nouvelle édition est précédée d'un portrait, d'après Mignard (musée de Ver-
sailles), représentant Madame de Maintenon avec son élève Mademoiselle de Blois.
— Deux lettres de Mascaron à iU"« de Scudéry. — Ces deux lettres insérées par
M. René Fage dans l'élégante brochure qui sort des presses de Mazcyrie (Tulle,
i885, in-8o de 22 p.), proviennent d'un lot d'autographes récemment acheté par le
fameux collectionneur de Londres, M. Alfred Morrison. fvlascaron, nommé évêque
de Tulle, avait, en quittant Paris, promis à M"e de Scudéry de lui donner des nou-
velles de son voyage et de lui tracer le tableau de sa ville épiscopale. La lettre du
23 juin 1672 répond à ce double engagement. La seconde lettre, écrite de Tulle le
12 octobre 1674, a été citée par son ancien possesseur, M. Monmerqué (avec la date
inexacte de 16 j 2) dans l'article sur Madeleine de Scudéry de la Biographie univer-
selle. U y est question de Cyrus, de Clélie et d'Ibrahim, ouvrages qui ont toujours
pour le bon évêque. « le charme de la nouveauté » et où il « trouve tant de choses
propres pour reformer le monde que vous serez, ajoute-t-il, très souvent [citée dans
mes sermons] à costé de saint Augustin et de saint Bernard ». Mascaron, dans la
même lettre, annonce à son amie l'envoi de « six paires de gants de fil ». M. R. Fage,
auteur d'une excellente notice sur le Point de Tulle (1882), pouvait mieux que
personne nous expliquer qu'il s'agit, à n'en pas douter, de gants en dentelle, montés
et brodés par les filles du pays, et il rappelle que le docte Baluze faisait, à la même
époque, des cadeaux de ce genre aux dames de son entourage. Au moment même
où l'on achevait d'imprimer la brochure de M. Fage, paraissait dans le Correspon-
dant (25 novembre 1884) toute la correspondance de Mascaron avec M'" de Scudéry.
Le mérite des deux concurrents permet de dire que ce qui abonde ne vicie pas. —
T. DE L.
ITALIE. — M. V. De Vit, bien connu dans la science par sa refonte du Lexicon
de Forcellini et par son Totius latinitatis Onomasticon, en cours de publication, a
fait, le 2 I décembre dernier, devant l'Académie des sciences de Turin, la lecture d'un
mémoire sur la façon dont il faut lire dans les monuments épigraphiques l'abrévia-
tion d'usage si fréquent, D'L (Délia lettiaa dellc leitere singolari 3-L nci monu-
menti epigrafici, Turin, Loescher, 1884, 8°, 21 p.^ Le sens de ces deux lettres n'est
pas douteux; tout le monde reconnaît qu'elles signifient le libertus ou la liberla
d'une femme. Où il y a désaccord entre lesépigraphistes, c'est pour savoir si D'L si-
gnifient simplement Caiae libertus {liberta) ou si le 0 renversé tient lieu du gentî-
licium de la patronne, de telle manière que l'inscription suivante sosia'd-l équivau-
drait à sosiA.*sosiAE' Liberta. Cette dernière opinion a été introduite dans l'épigra-
phie latine par Cavedoni, en 1842 ; elle a été adoptée, entre autres, par M. Henzen.
C'est en faveur de l'ancienne opinion que M. De- Vit a composé son mémoire. U
pose en principe que tout sigle doit être lu et interprété par un mot dont la pre-
mière lettre soit la lettre même du sigle, ou la première, si le sigle se compose de
plus d'une lettre. Il vérifie cette règle sur une série d'exemples. Par suite, sa con-
clusion est que les lettres qL ne sauraient avoir une autre interprétation que celle
qui a été pendant longtemps en usage, c'est-à-dire Caiae libertus (liberta). Un exa-
men attentif de toutes les inscriptions qui ont été citées en faveur de l'autre système
de lecture conduit l'éminent érudit à la même conclusion. — G. L-G.
d'hISTOIKK Kl bK LITTKKATOKE 355
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 24 avril i8S5.
Une lettre de M. Le Blant, directeur de l'école française de Rome, fait connaître
diverses nouvelles archéologiques. D'après une communication de M. Stevenson à
l'Acaaémie d'archéologie chrétienne, M. Le Blant donne des détails sur la découverte
d'une habitation du iv"-' siècle de notre ère, via dello Statido. On a trouvé deux
chambres. Tune triangulaire, l'autre carrée, celle-ci ornée de stucs avec des médail-
lons, probablement les portraits des principaux philosophes, d'après cette inscription
"rav'ée sous l'un d'entre eux : Apolonius Thyaneus. Au-dessous sont deux chambres
souterraines. L'une est une salle de bains; on y a trouvé une tuile qui porte celte
inscription : Cvispiniane vivas ctim omnibus tuis. L'autre paraît avoir été un lieu
consacré au cuhe de Mithra. On y voit une table de marbre, avec l'image bien con-
nue du jeune homme égorgeant un taureau, des lampes à ornements perles, une
règle de bois percée de trous pour placer des cierges, etc. Tous ces objets sont en
place; le sanctuaire paraît avoir été fermé et abandonné brusquement, sans doute
dans l'a crainte d'une persécution chrétienne. On a remarqué la même particularité,
dit M. Le Blant, au Mithrceiim d'Ostie, et aussi, ajoute M. Renan, dans un autre
Mithrceum trouvé il y a quatre ans à Saïda. — Dans la catacombe de Sainte Pris-
cille, M. de Rossi a commencé des fouilles qui ont mis au jour plusieurs épitaphes
primitives, masquées par un mur antique. — A Pompéi, on a trouvé un nouvelle
trace de la présence d'une population chrétienne ou juive : M. Mau a communique
une inscription grossièrement tracée où l'on lit les noms de Sodome et de Go-
L'Académie procède à l'élection d'une commission chargée d examiner la question
de l'attribution du prix Jean Reynaud, que l'Institut doit décerner cette année sur
la proposition de l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Cette commission est
composée des membres du bureau de l'Académie, MM. Ernest Desjardins, président;
Gaston Paris, vice-président; Wallon secrétaire perpétuel ; et de MM. Delisle, Re-
nan, Hauréau, Georges Perrot, Bréal et d'Arbois de Jubainville.
M. Sénart commence une communication sur les inscriptions du roi Piyadasi. Les
textes épigraphiqucs, aujourd'hui réunis en assez grand nombre, offrent une série
d'édits d'un roi indien nommé Piyadasi, depuis la i3e jusqu'à la 27" année de son
règne. Lassen a montré que ce roi est le même qui est mentionné dans les chroni-
ques singhalaises sous le nom d'Açoka. Il résulte à la lois des inscriptions et des
chroniques qu'il embrassa la religio'n boudhique dans la ge année de son règne, et
qu'à partir de la ii« il ht preuve, pour cette foi nouvelle, d'une grande ferveur,
qu'il conserva jusqu'à la ftn de sa vie. Il était petit-flls d'un roi Tchandragoupta,
dans lequel on reconnaît aisément le Sandrocottos des Grecs, contemporain de Sé-
leucus Nicator (hn du iv'' et commencement du iii^ siècle avant notre ère). Dans un
de ses édits, Açoka Piyadasi donne les noms de plusieurs rois grecs ses contempo-
rains : Antioclius de Syrie, Ptolémée d'Egypte, Antigone de Macédoine, Alexandre
d'Épire, etc. Ces noms fixent la date de l'édit où on les trouve aux années 270 à
268 avant notre ère : or cet édit est de la iS"^ année du règne d'Açoka ; son avène-
ment eut donc lieu en 273 ou environ.
M. P. -Charles Robert, en offrant à l'Académie une brochure dans laquelle il a
réuni la description de plusieurs médaillons contorniates relatifs au culte de Cybèle
et d'Atys, donne quelques détails sur ces monuments. Il rappelle que les objets con-
nus sous le nom de contorniates sont des tessères du iv^ ou du v« siècle, relatives
aux représentations hippiques ou théâtrales qui accompagnaient les fêtes de diver-
ses divinités; on y voit représentés, non ces divinités elles-mêmes, mais les acteurs
qui en en jouaient le rôle sur le théâtre. Les médaillons, dont M. Robert entretient
l'Académie, montrent:
Le premier, Atys dans les bols de laPhrygie; c'est le prologue de son histoire ;
Le second, Cybèle rencontrant Atys et posant la main sur l'épaule du berger, en
signe d'adoption ;
Le troisième un pin, arbre au pied duquel Atys, qui avait violé son vœu de chas-
teté, avait trouvé la mort, et dont l'exposition le 22 mars, à Rome, dans le temple
de Cybèle, était le signal des pleurs et du deuil ;
Le quatrième rappelle l'expiation sanglante à laquelle des fanatiques se soumet-
taient, le 24 mars, à l'exemple d'Atys ;
Le cinquième représente Atys ressuscité, le pin mystique, et Cybèle sur un trône
soutenu par des lions. C'est le commencement des têtes.
Entin, le 27tmar3, Atys et Cybèle se montraient sur un char traîné par des lions et
une immense procession se déroulait sur leurs pas. C'est le triomphe de Cybèle et
d'Atys, traînés par des lions, qui forme le dernier sujet. Des signes du zodiaciue,
imprimés dans le champ, semblent indiquer l'époque où avaient lieu jadis les fêtes
356 RKVUE CRITIQUE DHISTOIKE KT DK LITTÉRATURE
de la grande déesse ou bien celle des représentations et des pompes qui en rappe-
laient le souvenir.
M. Gasati, continue sa communication sur la numismatique étrusque. Il passe à
l'examen des inscriptions des monnaies d'argent et d"or.
Les monnaies d'argent étrusques sont beaucoup moins nombreuses que les mon-
naies de bronze.
Les inscriptions qu'elles portent ne permettent de fixer que deux attributions cer-
taines, l'une à la ville de Populonia, l'autre à la ville de Fœsulae (Fiesole). Les piè-
ces de Populonia présentent une particularité unique, elles sont à revers lisse.
iVl. Casati en fait passer plusieurs sous les yeux des membres de l'Académie; elles
portent la marque de leur valeur et correspondent au denier romain.
Les monnaies d'or étrusques sont très rares. Les unes appartiennent à Populonia ;
il en existe cinq ou six spécimens. Les autres appartiennent, d'après M. Casati, à la
ville de Vulsinii; elles portent l'inscription Velsu; \l en existe deux exemplaires.
M. Casati attribue la même provenance à une pièce du Musée britannique, qui
porte, selon lui, l'inscription Velsnani; il établit en terminant le rapport qui existait
entre la valeur des monnaies d'or et celles des monnaies d'argent.
M. Salonion Reinach commence une communication sur les fouilles exécutées
par lui et M. Ernest Babelon, en 1884, à Bou-Ghrara (Gighthis) et à Ziân (Tunisiej.
Ouvrages présentés: — par l'auteur (voy. ci-dessus) : Robert (P.-Ch), les Phases
du my^the de Cybèle et d'Arty s rappelées par les inédaillons contorniaies ("extrait de
la Revue numismatique) ; — par M, Gaston Paris : // Romans de carité et Miserere
du Renclut de Moiliens, poèmes du xii^ siècle, édition critique par A. -G. Van Ha-
MEL (fasc. (3i et 62 de la Bibliotlièque de Fécole pratique des hautes études, section
des sciences historiques et philologiques).
Julien Havet.
SOCIETE NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANGE
Séance du /j avril iSS5.
PRÉSIDENCE DE MM. COUKAJOD ET SaGI.10.
M. Gréau conteste que la plaque de bronze portant l'inscription espéra en Deo et
communiquée dans la séance précédente ait jamais été émaillée; il n'y voit qu'un
travail de burin sur un fond doré ; l'objet n'en est pas moins très intéressant.
M. de Boislisie lit un travail sur la grande fonte des objets d'orfèvrerie en 1690;
elle a eu pour conséquence de développer l'industrie de la faïence à Moustiers et à
Marseille. M Nicard dit que c'est aux époques les plus tristes de notre histoire
qu'on a fabriqué le plus d'argenterie, pendant la guerre de Cent Ans, par exemple.
M. Bapst annonce que M. le baron Pichon a recueilli des notes sur toutes les fontes
exécutées à l'hôtel de la Monnaie et rappelle que, suivant l'opinion de M. Darcel,
l'argenterie tenait lieu de numéraire au moyen âge.
M. l'abbé Beurlier présente des observations sur une inscription publiée récem-
ment par M. Glermont-Ganneau et relative à un cames primi ordinis d'Arabie. 11 la
rapproche d'un passage de la Notitia Dignitatum et conclut que l'annotation et dux
et cornes rei militaj is se rapporte à l'Arabie, et non à l'Isaurie, comme le prétend
Boecking.
M. Courajod lit un mémoire sur le buste de Jean de Bologne conservé au Musée
du Louvre; il démontre qu'il a été sculpté par Pietro Tacca, attribution qui a été
dernièrement contestée par M. Abel Desjardins.
Le Secrétaire,
MOWAT.
Rectification. — Dans mon article sur M. Scheler. (Etude lexicologique sur les
Poésies de Gillion Le Muisit, Rev. crit. du i3 avril, i885), j'ai dit que ce savant
expliquait a fourmes » par ufo)-mosus », et j'en ai tiré cette conclusion qu'il déri-
vait de «formosus y>/ourmés. C'est une inadvertance que je le prie de me pardonner.
Voici l'article de l'Etude de M. Scheler :« Fourme— faitis, lat., formosus. beau »,
c'est-à-dire que u fourmes », a la valeur du latin a formosus >, mais n'en dérive
point. — A. Deleouile.
Erratum. — Académie des Inscriptions, p. Sig, avant dernière ligne, lire Salluste
et non Tacite.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le. Pur. imvrimerie de Marchessou fils, boulevard Saint- Laurent. 2.».
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
H» 19 — 11 mai — 1885
Soinniicii'c : 8o. DiETRicasoN, Antinous. — 8i. Berger, Stylistique latine, t;aJ.
par Gâche et Piquet, revue par Bonnet. — 82. Bloch, De roctroi des insignes des
magistratures romaines. — 83. J. Quichehat, Mélanges d'archéologie et d'his-
toire. — 84.. Le conte de Gamelyn, p. p. Skeat. — 85. Sanders, Dictionnaire
allemand. — Académie des Inscriptions.
81. — L. Dietricuson, Antinoos. Eine Kunstarcha;ologische Untersuchung.
Universitsetsprogramm fur das 1*''-' Semester 1884. Christiania, Aschehoug,
1884, in-8, xui et 357 p. Avec une photogravure et 18 planches gravées.
En 1808, alors que la conquête avait réuni au musée Napoléon la
plupart des chefs-d'œuvre de la sculpture antique, Levezow publia sa
monographie Uebei' den Antinoos, oh il décrivit quarante-huit œuvres
d^art, dont di.x: statues et dix-huit bustes, représentant le jeune Bithy-
nien. Ce travail, d'ailleurs fort incomplet, devint bientôt d'un usa!?,e
difficile, lorsque la plupart des statues d'Antinoiis eurent repris
leurs places primitives dans les collections de l'Europe. Cependant le
sujet, quelque séduisant qu'il fût, n'avait tenté personne depuis Leve-
zow ', soit parce que l'art romain est tiès négligé de notre temps, soit à
cause delà signification fâcheuse attachée au nom d'Antinous. M. Die-
trichson a touché une première fois aux questions délicates que ce nom
soulève dans une étude sur le type plastique du Christ, écrite en da-
nois et que je n'ai point lue -. Désireux, de refaire la monogiaphie su-
rannée de Levezow, et ne trouvant pas les ressources nécessaires dans
les musées ni dans les bibliothèques du Nord, il obtint une mission de
son gouvernement et visita, de 1880 à 1881, Paris, Berlin, Dresde,
Munich, Venise, Turin, Florence, Rome, Naples, la Grèce et l'Egypte.
Il avait déjà étudié auparavant les collections de Saint-Pétersbourg,
Stockholm et Londres. En 1881, il passa cinq mois à Rome et put ras-
sembler ses matériaux littéraires à la Bibliothèque de l'Institut archéo-
logique. Le volume dont nous avons transcrit le titre n'est donc pas
1. Parmi les ouvrages où il est effleuré, on peut citer Gregorovius, Hadrian iiiid
seine Zcit, 2" éd., i883; Stahr, Torso, i855, p. 381-402; O. MûUer, Ilandbuch,
l io3; Overbeck, Geschiclite der Plastik, i. 11, p. 444 et suiv.; Lûbke, Gcschichte
der Plastik, t. I, p. 32 1 ; Brunn, art. Antinoos dans la 2'' éd. de la Realencydopae-
die àe. Pauly, t. 1, p. ii25; Vinet, art. Antinous dans le Dictionnaire de Darem-
bcrg et Saglio. Ce dernier travail est des plus médiocres.
2. Christus billedct, Studier over den typiske Christus fremstillings Oprindelse,
Udinkliiigog Oflosuinf(. Copenhague, 1880. On annonce une édition allemande ae
Cet ouvrage.
Nouvelle séiie, XIX. ki
358 RnVUF. CUITIQUR
Tœuvre d'un Jour : il nous a paru mériter d'être examiné avec at-
tention.
Les divisions du sujet étaient nettement indiquées : d'une part, Anti-
nous dans rhistoire et dans la légende; de l'autre, Antinous dans l'art.
Comme pièces justificatives à l'appui de cette double étude, M. D. a
réuni tous les textes anciens, tant littéraires qu'épigraphiques, où il a
trouvé la mention d'Antinous; il a donné un catalogue descriptif des œu-
vres d'art où on a cru le reconnaître, enfin publié 1 8 planches contenant
54 figures, dont i5 inédites ou qu'il a crues telles. Tout en remerciant
M. D. d'avoir ainsi misses matériaux à la disposition de ses lecteurs,
nous ne pouvons porter qu'un jugement sévère sur les planches qui
accompagnent son ouvrage; elles ne serviront guère qu'à identifier les
statues et ne donnent pas la moindre idée de leur caractère ni de leur
style.
Le point de vue de l'auteur est nettement indiqué dès le début : « S'il
est commode, dans l'usage journalier, d'opposer le classicisme antique
et le romantisme du moyen âge, il ne faut pas oublier que raniiquiié a
eu elle aussi son romantisme, qui a commencé à Rome longtemps avant
Julien. » Ce romantisme se personnifie dans l'empereur Hadrien, qui
aurait mérité, mieux encore que Julien, d'être appelé par Strauss « un
romantique sur le trô.ne des Césars ». La touchante figure d'Antinous,
avec sa beauté, sa mélancolie, sa mort mystérieuse, son apothéose, mar-
quent comme la première apparition du « sentimentalisme romantique »
dans l'art antique à la veille de disparaître.
Le portrait que M. D. a tracé de « l'empereur romantique » est juste
dans son ensemble, mais les traits en sont un peu forcés. C'est surtout
lorsque l'on cherche le présent dans le passé que le précepte glisse\,
n'appiiye\pas est bon à suivre. Toute exagération d'un sentiment vrai
provluit l'effet d'un anachronisme paradoxal. Nous regrettons que M. D.
n'ait pas connu les pages exquises que M. Boissier a consacrées à Ha-
drien ^; il y aurait trouvé le modèle d'une simplicité et d'une discrétion
qui lui font défaut. Comme il écrit dans une langue qui n'est pas la
sienne, son style n'est pas exempt de boursouflure, et l'abus du jargon
philosophique à la mode ne contribue pas à le rendre plus agréable. Pour
M. D., le trait fondamental du caractère d'Hadrien serait « une mélanco-
lie profonde alliée à une contemplation ironique des choses humaines ».
Il fait ressortir avec raison le goût d'Hadrien pour les beautés de la na-
ture. Cet empereur qui étonne son entourage en escaladant l'Etna pour
jouir d'un beau lever de soleil est certainement, à bien des égards, une
figure moderne dans la société antique. Mais il n'est pas isolé dans son
siècle : les contradictions et les disparates de sa nature correspondent à
ceux de la société romaine d'alors, qui se résument en lui et y trouvent
leur expression la plus haute. Si l'on a pu lui attribuer avec raison des
^oùts romantiques, il était d'autre part classique et même pédant, épris
1. i^ohsicr, Promenades aicliéologiqnes, p. i84-i9(j.
d'histoire et de littérature 359
des merveilles de Part de la Grèce au point d'en réunir comme une
image en raccourci dans sa villa de Tibur, écrivant des vers plus que
maniérés et préférant le rude Ennius à Virgile. Trois figures de l'Orient
romain, dont M. D. a mis les physionomies en relief, Apollonius de
Tyane, Peregrinus Proteus et Alexandre d'Abonoteichos, reflètent les
tendances religieuses de la société d'alors. Cette société avait des dieux
innombrables, mais ne laissait pas de chercher un dieu unique. Ses
aspirations vers le monothéisme se marquent parla facilité avec laquelle
elle identifie entre eux les dieux les plus différents. L'esprit naturelle-
ment inquiet d'Hadrien était agité par les mêmes problèmes et les mê-
mes doutes. D'obscures légendes, qui se répandaient de plus en plus,
avaient trait à un homme-dieu qui s'était offert en sacrifice pour les
hommes. Hadrien, suivant M. D., crut découvrir ce dieu dans l'esclave
Bilhynien qui s'était sacrifié pour lui, et tenta d'imposer au monde le
culte du favori qu'il pleurait.
Toute cette introduction de M. D. n'est pas du remplissage : elle fait
comprendre la légende d'Antinolis et préserve de jugements peu équita-
bles, c'est-à-dire, dans l'espèce, de grossières erreurs. Pour la plupart
des critiques modernes, comme pour Bayle et Levezow, Antinous est
un vulgaire mignon; on voudrait effacer ce nom de l'histoire d'Hadrien
comme personnifiant les honteuses faiblesses d'un grand homme.
« Tandis qu'Hadrien remontait le Nil, dit M. Duruy ', Antinous s'y
noya par accident, ou en se dévouant pour son maître, un dieu ayant
déclaré ce sacrifice nécessaire au salut de l'empereur. Si la dernière ver-
sion est vraie, ce dieu voulait des mœurs honnêtes : l'affection d'Hadrien
était un scandale, sa douleur fut une honte. » Cela est bientôt dit, et la
sentence n'est pas longue. L'histoire a le droit d'exiger qu'on la motive.
Nous sommes reconnaissant à M. D. d'avoir étudié minutieusement les
pièces du procès, et d'avoir pu, à l'honneur de l'humanité, conclure à
l'acquittement des prévenus.
On sait peu de chose touchant la vie d'Antinous, Il naquit à Bithy-
nium, colonie de Mantinée, le 27 novembre; mais la date de l'année
de sa naissance est très incertaine. M. D., qui le fait mourir en i3o,
admet qu'il naquit en 110, parce que les œuvres d'art qui le représen-
tent, et le nom de [XEtpây.'.ov qu'on lui donne, ne permettent guère de lui
attribuer plus de vingt ans à l'époque de sa mort. Cette dernière épo-
que a été l'objet de longues discussions : on l'a placée tantôt entre 121
et 126, tantôt entre 129 et i32, dates extrêmes de deux voyages d'Ha-
drien en Egypte. La seconde hypothèse est seule admissible. En effet,
les inscriptions du colosse de Memnon prouvent que l'empereur péné-
tra jusqu'à Thèbes en i3o. Les monnaies frappées à Alexandrie à l'épo-
que du séjour qu'y fit Hadrien indiquent la quinzième année de son
rè.'^ne-; or, ce sont des années alexandrines commençant le 29 août, et
2. Histoire des Rotiuiins, 6(.\. major, V, p. (-)2.
i. Eckhal, Doctrina, iV, p. 480, 490.
36o REVUE CRITIQUE
Hadrien monta sur le trône le 1 1 août 1 17. La première année de son
règne, pour les Egyptiens, comprenant seulement le court espace entie
le 1 1 et le 28 août 117, la quinzième va du 29 août 1 3o au 28 août
1 3 1 . Il est vrai qu'une monnaie d'Alexandrie à Teffigie d'Antinous porte
l'indication de la treizième année d'Hadrien. Bien qu'Eckhel et Sallet
en aient révoqué Tauthenticité en doute, M. D. remarque que Tauteur
de la matrice a pu faire commencer par erreur le règne d'Hadrien à sa
première puissance tribunice, le 10 décembre 117, ce qui placerait la
treizième année en i3o. Comme Hadrien était à Thèbes à la fin de Tau-
tomne de i38, il semble qu'il remontait le fleuve au commence-
ment de Tautomne de la même année et que la mort d'Antinous à Besa
(Antinoé) doit se placera cette époque. Besa, d'après la Chronique Pas-
chale, avait été fondée huit ans plus tôt, en 122 ; il faut admettre que
la Chronique s'est trompée, ou que la ville élevée à Besa ne reçut que
plus tard le nom d' Antinoé, sous lequel elle est restée célèbre.
D'après M. Dûrr, le consciencieux historien des voyages d'Hadrien,
l'empereur se serait trouvé en Cappadoce vers le mois de mars i3o.
M. Dietrichson pense qu'il s'attacha Antinous à cette époque, lors de son
passage à Bithynium. La liaison d'Hadrien et d'Antinous n'aurait donc
duré qu'environ sept mois. C'est là une hypothèse qui ne paraît pas jus-
tifiée. Avant de devenir l'ami de l'empereur, le jeune esclave dut recevoir
quelque éducation dans un paedagogium, et rien n'oblige à admettre
qu'Hadrien l'ait rencontré pour la première fois à Bithynium. Il faut
se résigner, pour l'instant, à ne rien savoir de positif sur ce point.
Les témoignages des anciens sur la liaison d'Hadrien et d'Antinous
sont loin d'être également défavorables à l'empereur. Dans presque tous,
on reconnaît l'existence de deux versions, l'une malveillante et pour
ainsi dire sceptique, l'autre naturelle et bienveillante. Comme l'a très bien
montré M. D., la seconde version ne prévaut définitivement que sous la
plume des écrivains chrétiens. Lucien, dans son Assemblée des Dieux,
est le premier qui ait incriminé l'affection d'Hadrien, en assimilant
Antinous à Ganymède. Dion Cassius et Spartien ne mentionnent ces
accusations qu'à titre de bruits. Aurelius Victor les traite ouvertement
de rumores 7nali, ce qui prouve tout au moins qu'il n'v avait rien de
prouvé à cet égard. 11 s'est même trouvé un écrivain chrétien, Athéna-
gore, pour décorer l'amitié d'Hadrien pour Antinous, dans son Apolo-
g'z'e adressée à Marc-Aurèle, du beau nom de çtXavOpwTrîa. Mais Athéna-
gore est une exception, sans doute parce qu'il parlait à un empereur;
tous les autres Pères, Tertullien, Origène, Athanase, Prudence, saint
Jérôme, considèrent l'infamie d'Hadrien comme un fait prouvé. Le
motif qui les inspirait a été très bien indiqué par Bayle ^ : « Les Pères
de l'Eglise, dit-il, se servirent avantageusement de cette folie supersti-
tion pour faire sentir la vanité de la religion païenne. 11 était aisé de
I. L'article Antinous du Dictionnaire critique est resté inconnu de M. D. : il y
aurait trouvé plus d'une indication intéressante.
.i
D'HtSTOIRE ET DU LITTÉRATURE 36 I
remonter jusqu'à la source, à l'égard de cette nouvelle divinité, et puis
de rendre suspecte l'origine de toutes les autres. » Les païens repro-
chaient aux chrétiens d'adorer un homme de basse naissance, un juif
méprisé : les apologistes répondaient aux païens qu'ils adoraient un
Gitou. D'ailleurs, ils n'allèguent pas un seul fait qui ne se trouve dans
Spartien ou dans Dion : leurs accusations ne prouvent donc rien de
plus que les bruits eux-mêmes dont les historiens païens se sont faits
l'écho. Hadrien, comme l'a montré M. Boissier, n'a pas été aimé de ses
contemporains; Dion etSpartien ontconsultédes mémoires qui lui étaient
certainement hostiles. On sait aussi que l'apothéose d'Antinous, décré-
tée par unjïat deus de l'empereur, n'a pas été reconnue par le sénat, ce
qui était contraire à tous les usages, et que Rome, si hospitalière à tous
les dieux, a montré une répugnance presque invincible à l'introduction
du culte nouveau. Hadrien avait méconnu des privilèges aristocratiques:
c'est la morale publique qu'on l'accusa d'avoir souillée. Quant à Lu-
cien, que M. D. appelle assez étrangement « un mélange de l'ironie de
Voltaire et de l'étourderie de Jacques Offenbach », il appartenait à une
coterie de beaux esprits, frondeurs et sceptiques, qui, par réaction contre
la crédulité grossière des foules, aimaient à exercer leur raillerie aux
dépens des dieux nouveaux. Un empereur amoureux et un page déitié
se prêtaient admirablement à la satire : le parallèle de Jupiter et de
Ganymède s'imposait. Les esprits forts, qui sont parfois des esprits
étroits, ne voyaient dans toute cette histoire qu'un homme d'âge mûr
épris d'un bel adolescent, et ils concluaient, avec Aurelius Victor, que
les apparences étaient fâcheuses : In remisso ingenio sus^ectam aesti-
mantes varietatem aevi longe impari lis.
Nous avons la preuve certaine que ces mauvais bruits commencèrent
à courir du vivant d'Hadrien, et que l'empereur les dénonça comme des
calomnies. Vopiscus nous a conservé, dans la vie de Saturninus, une
lettre d'Hadrien à son beau-frère Servien, empruntée à l'autobiographie
de l'empereur publiée sous le nom de Phlégon. Hadrien se plaint, dans
cette lettre, du caractère des Alexandrins : « J'ai tout accordé à cette
ville d'Alexandrie; je lui ai rendu ses anciens privilèges, je lui en ai
donné de nouveaux, dont elle m'a témoigné sa reconnaissance tant que
j'étais présent. Mais sitôt que je l'ai quittée, on s'est mis à tenir mille
propos sur le compte de mon fils Yerus; je crois que tu sais ce que Von
a dit d'Antinous. » Le texte des manuscrits porte : De Antonino quae
dixerint, comperisse te credo. Mais l'empereur aurait écrit de T. Aure-
Ho Antonino ; Casduhon a proposé la correction Antinoo, qui paraît
certaine et qui a été généralement admise. Or, rien n'obligeait Hadrien
à mentionner ces bruits dans une lettre adressée à son beau-frère; son
allusion dédaigneuse aux rmnores mali des Alexandrins est une justifi-
cation qui suffit à réfuter les insinuations des auteurs païens et les ca-
lomnies des Pères. Enfin, il est à noter que dans tous les textes sérieux,
ceux des historiens païens, l'apothéose d'Antinous est expliquée soit par
302 Rr:vuE critique
ses relations coupables avec Hadrien, soit par son sacrifice volontaire
pour la vie de l'empereur, mais jamais par ces deux motifs à la fois.
Ainsi, Tune de ces deux hypothèses réduit l'autre à néant, et il se trouve,
comme nous le verrons plus loin, que la seconde est infiniment la plus
vraisemblable. On conçoit cependant que la première ait aisément
trouvé créance à Rome auprès d'esprits troids et positifs qui considé-
raient la mort d'Antinous comme un simple accident. Faut-il ajouter
que ce que nous savons du génie d'Hadrien proteste contre le soupçon
d'une infamie que les moralistes romains sont unanimes à fîétrir ? —
Telle est l'argumentation de M. D., dégagée de considérations secondai-
]-es et toutes subjectives qu'il eût mieux fait de passer sous silence, dans
l'intérêt même de la cause qu'il a plaidée avec une noble chaleur.
M. D. a raille fois raison, mais nous craignons qu'il n'ait perdu sa
peine. Sa réhabilitation ne sera acceptée que de ceux qui étaient con-
vaincus à l'avance. Déjà quelques protestations se sont fait entendre ' :
elles sont destinées à trouver plus d'un écho. Ernest Curtius, dans son
admirable essai sur l'Amitié dans V Antiquité ", a dit que l'amitié chez
les anciens équivalait à la « Schivurmerei » chez les modernes. C'est
une haute vérité dont l'intelligence est devenue rare. L'amitié s'est re-
froidie en même temps que l'amour s'est épuré ; on ne comprend plus que
l'amitié des anciens ait pu être tout à la fois ardente et pure. Ce que
M. D. a fait pour Hadrien, d'autres l'ont fait, il y a longtemps, pour
Virgile, pour Socrate, pour Sappho; et pourtant, les mêmes calomnies
reparaissent sans cesse, jusque dans les mots d'amour socratique et de
sapphisme, qui servent à désigner, par manière de périphrases, des aber-
rations écœurantes. La faute n'en est-elle pas, dans une certaine mesure,
à ce qu'on pourrait appeler une survivance de l'esprit ascétique, qui
nous a rendu suspecte la beauté physique en la représentant comme
un piège du démon ? Pour les natures élevées de l'antiquité, la contem-
plation de la beauté était par elle-même la plus haute des jouissances "■ :
on nous a habitués à ne voir en elle qu'une promesse de volupté. Il
serait grand temps que la philologie, dont l'objet dernier est l'intelli-
gence de l'esprit antique, s'inspirât de l'exemple d'Oifried Miiller, de
Welcker, de Comparetli, pour laisser aux dilettantes qui n'ont lu que
Martial et Pétrone le plaisir et la honte de couvrir de boue les plus
belles figures de l'antiquité.
Au dire de Dion Cassius, Hadrien affirmait lui-même qu'Antinous
s'était noyé dans le Nil; d'autres, et Dion partage leur avis, soutenaient
I. M. Biûmner s'est inscrit en taux contre ce qu'il appelle» cine bedenklichc und
verfehlie Rettuns; Ti^ (Wochenschrift fiir klassische Philologie, 1884, p. 1121). Tant
pis pour M. Biûmner.
a- Alterthinn und Gef^einiKis t, I, p. i83-202.
?. Voyez le Pltèdre de Platon, auquel il est curieux de comparer la Metaphysik
dcr Liebe dans Die Wclt als Wi7/e deSchopenhauer. La comparaison est accablante
pour la grossièreté de l'esprit moderne.
OHISTOIRË KT UE L.1 ÎTKK A i Lilt K 363
qu'il avait été sacrifie. D'après Aureiius Victor, on disait que les M.'.ges
avaient exigé, pour prolonger la vie d'Hadrien, qu'une personne se
sacrifiât volontairement pour lui : comme tous s'y refusaient, Antinous
s'était dévoué. Il nous semble que les historiens modernes, y compris
M. D-, ont commis un contre-sens sur le texte de Dion Cassius. « D'a-
près Hadrien lui-même, dit M. D. (p. 70), Antinoiis aurait été victime
d'un simple accident. » Dion met simplement en présence deux versions
opposées : suivant l'une, qui était celle d'Hadrien, Antinous était tombé
dans le Nil (£[j,7rî(7wv), suivant l'autre, il avait été immolé (EspoupYTjOîîç).
C'est le genre de mort qui est seul en question : d'après Hadrien, Antinous
s'est noyé; d'après ses détracteurs, auquel se rallie naturellement Dion,
il a été victime d'un sacrifice sanglant. Hadrien affirme qu'Antinous est
tombé dans le Nil, mais il ne dit pas que ce fût par accident, et non
avec une intention de sacrifice. Le texte de Phlégon, que Dion avait sous
les yeux, était probablement très peu explicite, puisque l'empereur de-
vait éprouver quelque gêne à rappeler une immolation volontaire que
sa superstition avait seule rendue possible.
Différentes œuvres d'art, notamment le célèbre groupe de saint Ilde-
fonse à Madrid, les gemmes de Mason et de Fauvel, représentent clai-
rement le sacrifice d'Antinoiis; mais la première a été défigurée par des
restaurations ', et les autres sont assurément apocryphes. Il n'y a
donc rien à tirer de ces témoignages suspects. Mais il est remarquable
qu'Antinous soit représenté de préférence sous les traits de Dionysos,
d'Osiris et d'Hermès, c'est-à-dire de trois divinités qui n'ont rien de
commun, sinon d'être descendues aux enfers pour en ramener des morts.
Sémélé revient à la lumière avec Dionysos, Perséphone avec Hermès,
et Osiris est désigné comme « celui qui s'est sacrifié pour ses frères. »
Cette conception de Yantipsychie, de la « mors vicaria » n'est nulle-
ment particulière au christianisme : M. D. a rassem.blé (p. 79) un cer-
tain nombre de textes à ce sujet, et il aurait pu en ajouter bien d'autres.
Elle existait dans les mystères d'Eleusis et dans ceux de Sérapis en
Egypte. Mais nous croyons que M. D. a fait fausse route en supposant
qu'Antinous avait été initié à cette doctrine, pendant le court séjour
qu'il fit avec Hadrien à Jérusalem et à Alexandrie. Nous nous gardons
de penser, comme lui, qu'Antinous fut un mystique, encore moins
qu'un mysticisme partagé fût le lien entre l'empereur et son esclave.
Antinous était aimé et il aimait ; un jour il apprend que la vie de l'em-
pereur est en péril, qu'elle ne peut être sauvée que par un sacrifice vo-
lontaire : il se sacrifie. L'histoire nous paraît ainsi plus vraisemblable
et plus simple. Cette notion du sacrifice est d'une intelligence si facile
que les peuples les moins cultivés ont pu la comprendre quand ils se
sont convertis au christianisme. Toutes les hypothèses qu'a échafaudées
M. D., pour faire d'Antinous une façon de philosophe, ne reposent que
t. I.'examen du moulage de ce groupe à l'Ecole des Beaux-.\rts m'a convaincu
que la têts d'Antinous a citf fixée sur un corps auquel elle n'appartient pas.
364 KEVUK CRITIQUE
sur le sable. Qu'Hadrien ait été initié ou non aux doctrines chrétien nés,
son esclave a dû leur rester complètement étranger. M. D., malheu-
reusement, ne s'est pas arrêté dans la voie des conjectures. Pour lui,
Hadrien a déifié Antinous à l'imitation du Christ déifié. « Le sacrifice
d'Antinous, écrit-il, est un reflet jeté par le christianisme qui s'élève
sur le monde antique qui se meurt. «Ce sont là des mots, praetereagiie
nihil. Tout ce qu'on peut dire, c'est que l'état religieux et moral du
monde païen était singulièrement propice au développement du chris-
tianisme, et que le sacrifice mystique d'Antinous en fournirait au be-
soin une preuve nouvelle. Celse, au dire d'Origène, avait rapproché le
culte du Christ de celui d'Antinous ', mais c'est là une idée toute per-
sonnelle et d'ailleurs isolée, dont il n'y a rien à conclure. Un fait non
moins curieux, mais encore moins concluant, c'est que l'artiste — Lo-
renzettp ou Raphaël — qui a sculpté la statue du prophète Jonas dans
Péglise Maria del popolo à Rome, a donné à la tête du prophète les
traits d'Antinous, alors que le reste de la figure est une imitation des
Tritons de la villa Borghèse ".
Le reste du volume de M. D., qui en est la partie la plus considéra-
ble, est consacré à l'étude archéologique du type d'Antinous. « Ce type,
dit M. D. (p. i52), est la dernière création de Tart antique et la première
de l'art romantique ; il occupe la même place significative sur les confins
. de Fart ancien et de l'art nouveau qu'Antinous lui-même à la limite de
la pensée antique et de la pensée moderne "'. » On l'a dit bien des fois,
Antinous est la dernière création idéale de l'art antique, qui semble
avoir retrouvé quelque chose de sa vigueur pour célébrer le favori d'Ha-
drien et s'associer à la douleur du maître du monde. Toutefois, quel-
que admiration que l'on ressente en présence de plusieurs de ces statues,
comparées surtout aux productions contemporaines, on ne peut s'em-
pêcher de reconnaître dans les meilleures les défaillances d'un art qui
s'en va, où l'uniformité du modelé, le traitement froid et monotone des
surfaces, ne sont pas rachetés par une habileté technique souvent admi-
rable. M. D. remarque avec raison que les types d'éphèbes créés par
l'art attique ont exercé une grande influence sur la formation du type
d'Antinous, où la convention et le souvenir de la réalité ont également
leur part. Mais, suivant une erreur commune depuis la découverte de
1. Contre Celse, III, c. SG-Sy : 'Ersi 0£ [J.'-cx lauxa v.x\ zx r.api twv zatctxwv
'Aoptavcj (Xéyw C£ Ta Xîpt 'Avxivcou -où [;.£'.pay.(ou -/.ai -à;; elç aùxbv twv iv
'AvTtvcou TrcXsi -crjç Ai^ûxToa xiixiq) cjSèv ol's-at àzoBsïv vqç, YjjxsTépai; r.phq tov
2. Dietrichson, p. 164. Ces rapprochements sont dûs à Victor Rydberg, Romcrslca
dagar, Stockholm, 1877.
3. M. D. aurait pu rappeler ces mots de M. Lûbke dans sa Geschichte der Plastik,T. I,
p. 321 : « Die Stimmung in diesen oft recht edlen Werken ist eine so subjcktive,
scJnvennuthsvolle . dass sie das Gebiet der aniiken Anscliauung nur an der aùssersten
Grenue noch berûhrt. »
D'KîSTOiRii: Kl [}i-. Livrù.RA.rviŒ 365
l'Hermès d'OIympie, il nous semble faire la part trop grande à l'in-
fluence de Praxitèle, aux dépens de celle de Lysippe, que l'on est dis-
posé aujourd'hui à méconnaître. Dans un chapitre intéressant (pp. i 39-
168), M. D. a cherché à classer les représentations d'Antinous, suivant
les modifications plus ou moins profondes que l'imitation des modèles
grecs leur a fait subir. Il y a deux types nettement marqués : un type
aux traits anondis, qui rappelle celui de Dionysos et qui se rencontre
seul sur les monnaies; un type eflilé, presque grêle, qui rappelle celui
d'Hermès. Le premier sera représenté, par exemple, par le buste de la
villa Mondragone, le second par le buste d'Ecouen, tous deux au musée
du Louvre. M. D. pense que le type plus effilé, plus semblable à celui
des éphèbes grecs, est le résultat d'un effort de l'art pour idéaliser Ja
figure d'Antinous en l'hellénisant. Le témoignage unanime des mon-
naies paraît lui donner raison.
M. D. a rendu un grand service à l'archéologie figurée en réunissant
bien des renseignemicnts épars sur la découverte de statues et de bustes
d'Antinous depuis la Renaissance, en décrivant avec détail, la plupart
du temps pour les avoir étudiées sur place, les œuvres des musées de
rEurope où l'on a cru reconnaître Antinoiis. Il arrive au total de
1 36 sculptures, dont 70 authentiques, 18 douteuses, 7 faussement dé-
nommées et 9 modernes. Sur les 70 représentations authentiques, 22 sont
des statues, 33 des bustes, 4 des bas-reliefs. Les gemmes et les camées
relatifs ou crus relatifs à Antinoiis sont au nombre de i32, dont 29 mo-
dernes et 88 seulement (nous croyons encore ce chiffre exagéré) d'une
attribution certaine. On a longtemps discuté pour savoir si la statue dite
Antinous du Capitale représentait véritablement ce personnage : lu
question est tranchée, suivant la remarque de M. D., grâce à Pexistence
d'une réplique de la tête sur une pierre gravée, qui appartenait à Guido
Reni longtemps avant la découverte de la statue (1738] et qui porte l'ins-
cription ANTINOOZ. Les monnaies d'Antinous sont au nombre de i3o,
dont 6 douteuses, 3 mal dénommées et une moderne : elles appartiennent
exclusivement à l'Egypte, à l'Asie-Mineure et à la Grèce. M. D. a éga-
lement publié vingt inscriptions où il est question d'Antinous ou des
jeux établis en son honneur. Le texte égyptien de l'obélisque Barberini
est reproduû dans la traduction de M. Birch revue par M. Lieblein.
Avant de prendre congé de ce bon livre, il nous reste à signaler quel-
ques lacunes et quelques erreurs que nous avons notées au passage.
P 79. — L'étude sur Vantipsychie est fort incomplète. Il fallait
tenir compte de la fréquence du mythe d'Alceste sur les sarcophages
gréco-romains (Dissel, der Mythos von Admetos iind Alkestis, Bran-
debourg, 1882) et citer les vers de Juvénal, VI, 653 sqq.
P. 102. — Une description d'Antinoé, par le P. de Bernât, se trouve
dans Montfaucon, Antiquité expliquée, Supplément, III, p. i53 et
suiv.
P. î5o. — On ne peut dire que « avec le portrait d'Antinous, la mé-
366 RKVUK CUITIQUK
lancolie a fait son entrée dans l'art antique », M. D. oublie, entre au-
tres, la Démétcr de Guide au Musée britannique, qui remonte sans
doute à un original de Praxitèle. Cf. Waldstein, Transactions qf the
royal Society of littérature, 1880, p. 22.
P. 219. — Sur le groupe de sainte Ildefonse, ajoutez Hettner, K'J-
nigliches Muséum der GypsabgUsse ^u Dresden, 4* éd., 1881, p. iSy,
et sur les restaurations que ce groupe a subies, W. v. Humboldt, Je-
naer Literatur^eitung, 1808, p. 1 1 ; O. v. Quandt, Reise in Spanien.
p. 220; Tieck, Deutsches Muséum, mars 181 3.
P. 235. — M. D. n'a pu connaître un buste encore inédit d'Anti-
nous provenant de Rome et récemment acquis par le Louvre (armoire à
droite de l'entrée de la salle des bronzes, rayon du haut). Demi gran-
deur naturelle; travail soigné et un peu rond, rappelant le buste du
palais Doria.
P. 253. — Le buste d'Antinous à Cassel n'est qu'un moulage; il
figure dans la Gallerie der Abgiisse. Cf. le catalogue de 1881, n" 338.
P. 258. — L'Antinoiis-Bacchus de l'Ermitage a été publié en photo-
graphie par d'Escamps, Marbres du Musée Campana, 1862, p. lx et
pi. 90. Les restaurations ont été faites par ordre de Campana.
L'Antinous d'Eleusis, que M. D. croit également inédit, a été publié
en photographie et décrit par François Lenormant, Revue Archéologi-
que, 1874, pi. xvn (cf. Bullettino, 1860, p. 179). Les Antinoiis de
Patras ont été décrits par Duhn, Mittheilungen, 1878, p. Gy .
P. 264. — M. Wescher {Archives des Missions, 1864, p. 182) a dé-
crit le piédestal d'Antinoé; il ajoute que le piédestal a servi de base à
une statue de marbre blanc dont les débris ont été trouvés dans le voi-
sinage.
P. 287. — M. D. n'a pas mentionné un Antinous de profil, repré-
senté sur une cornaline qui faisait partie de la collection Pourtalès
(n** 1 104 du catalogue).
P. 329. — Dans l'inscription d'Alexandrie (C. L G. 4685), reproduite
par M. D., M. Froehner a corrigé avec raison tûv i^ 'Avxtviou IspoTOiwv
[Kritîsche Analekten^ Supplementband du Philologus,N ^ p. 26).
P. 33o. — Ajoutez un piédestal trouvé à Panias, qui faisait partie de
la collection Péretié à Beyrouth, avec l'inscription 'AvTiviw 'î^pwi [Bul-
letin de Correspondance Hellénique, ill, p. 259).
Le P. Delattre a récemment signalé « un chaton d'un beau travail
où est gravée la tête d'Antinoiis, avec l'inscription ANGOT. » [Bulletin
des antiquités africaines, i883, p. 12). Cette pierre, comme J'ai pu
m'en assurer depuis, ne fait pas partie de la collection de Saint-Louis
de Carthage ; le P. Delattre l'a seulement vue, il y a cinq ou six ans,
au doigt d'un maltais de Tunis et n'en a même pas conservé d'empreinte.
Elle n'a probablement rien de commun avec Antinous.
M. D. a oublié de mentionner les Antinoeia célébrées à Olympie,
d'après une inscription récemmentpubliée(.(4/x/j. Z'(?//m«^^, 1877, p. 192].
d'histoirb et de littératui'E 367
Postérieurement au livre de M. D., on a découvert à Aphro^iisias une
curieuse inscription où on Ut : iv 'Aopiavr,aTr;ç Bî'.9uv(aç 'Aop'.âvs'.ov 'Avxi-
véetov ::aî8wv §ol'.xov (Bulletin de Corresp. Hellén., IX, 68). Il y avait
donc à Bithynium, probablement surnommé Adrianéa, des jeux en
l'honneur d'Antinous.
Salomon Reinach.
On me permettra d'ajouter à cet article un post-scriptum qui devait
être joint à mon compte-rendu de l'ouvrage de M. Loeschke (voir le
précédent numéro de la Revue).
P. S. M. Koumanoudis vient de publier dans l"Eçr,i;.sp'.; (1884,
p. 161], un décret athénien daté de 418 av. J, C. où il est question
d'un sanctuaire nommé 10 tepcv toD Kicpou */.ai xoy N-f^Xéwç /.al zîqq BaafX-^ç.
Le savant épigraphiste athénien voit dans ce texte une confirmation
éclatante de l'hypothèse de M. Lœschke ; il suffit de substituer, dans le
passage du Charmide, le mot BaîiXr,; à Bas'.Asîaç, proposé par M. L.
Le décret a été découvert dans les fondations d'une maison vers Textré-
mité méridionale de la ville moderne, à gauche de la voie ferrée qui
conduit à Phalère. S'il n'a pas été transporté là à une époque antérieure,
la partie topographique du travail de M. L. devient sujette à contesta-
tion.
81. — stylistique latine, par Ernest Berger, traduite de l'allemand sur la
7« édition, par Ferd. Gâche et Sully Piquet, revue et adaptée aux besoins des
élèves français, par Max Bonnet, professeur suppléant à la faculté des lettres de
Montpellier. Paris, Klincksieck, 1884, in- 12, 290 p.
Il y a longtemps qu''un livre comme celui que nous annonçons était
attendu; et nous sommes bien en retard, sous le rapport des traités de
latinité, sur les Allemands, qui ont depuis si longtemps, pour ne nom-
mer que les principaux ouvrages, la Théorie du style latin de Grysar,
le Traité du style latin de Hand, les Stylistiques de Nsegelsbach, de
Klotz, de Haacke, la Palestre Cicéronienne et les Scholae latinae de
Moritz Seyffert. Le livre de M. Bonnet vient tard, et cette fois encore
cette nouveauté se présente sous la forme d'une traduction. Comme les
collaborateurs de ce petit manuel sont assez nombreux, c'est à M. Bon-
net que j'adresserai, comme directeur responsable de cette très louable
entreprise, quelques observations.
Je lui chercherai d'abord une querelle de français au sujet du vilain
nom qu'il donne à son livre. Pourquoi donc s'obstiner ainsi à repro-
duire les barbarismes que les Allemands forgent avec tant de désinvol-
ture? Le mot stylistique n'est ni latin, ni grec, ni français. A faire un
mot tiré de stilus, il faudrait dire alors la stilique, comme de mimus
on a fait la mimique. Il était si simple pourtant d'appeler ce manuel de
368 REVUK CRITIQUE
latinité, par exemple : Théorie abrégée du style latin. Ce titre aurait
l'avantage d'être clair et français.
Le livre est divisé en trois parties. La première traite de la propriété
et du choix des expressions. L'auteur lui a donné une certaine impor-
tance, et il a eu raison de le faire. C'est la partie faible des études latines,
sur laquelle on insiste le moins dans les classes. Dans l'explication des
textes, surtout dans l'explication rapide, on glisse; on traduit à peu
près, et rarement on s'attache à saisir le sens précis des mots et l'idée
complète. De plus on a à peu près supprimé la composition et les thè-
mes latins, complément indispensable de la version pour quiconque
veut réellement apprendre une langue. Aussi la précision et la propriété
des termes est ce qui manque le plus dans les compositions latines de
nos candidats à la licence. Les trois quarts des mots sont à noter comme
impropres ou insuffisants. Il faut avouer d'ailleurs que c'est-là une
science difficile à acquérir. Les stylistiques ne peuvent non plus suffire
à la donner, si l'on n'y joint la lecture, l'explication minutieuse des
textes et Tétude des mots dans les bons dictionnaires.
Le grand service que peuvent rendre ces ouvrages pédagogiques est
d'appeler l'attention sur ce point important, de prémunir contre la pa-
resse à chercher le mot vrai, et d'éveiller la curiosité par des exemples.
La deuxième partie traite <i de l'emploi des parties du discours». C'est, en
somme, un chapitre de grammaire. Une grammaire bien faite ne peut,
en effet, se dispenser de donner cette théorie sur le véritable sens et sur
l'emploi des parties du discours. Il était bon cependant d'insister sur ces
particularités qui tiennent à la fois de la grammaire proprement dite et
de la science du style. Il y a en particulier un excellent chapitre sur
l'emploi des pronoms. Les observations y sont d'une grande clarté, assez
étendues ; la doctrine est bien exposée. C'est une des meilleures parties
de l'ouvrage.
La troisième partie a pour objet. « Les principaux caractères de la lan-
gue latine. » C'est la partie la plus considérable : elle égale en étendue les
deux autres. Ici nous sommes dans le domaine de la « stylistique i pure.
M. B. y revient sur la théorie des noms abstraits, sur la répugnance
du latin à les employer; puis il énumère, en les classant, les différentes
tournures qui correspondent en latin à l'emploi que nous laisons du
nom abstrait. Le livre se termine par un chapitre sur <i l'ordre des mots
et des propositions ».
Cette question a une importance d'autant plus grande dans une théo-
rie du style, que l'étude de la construction latine est généralement beau-
coup trop négligée dans les classes. Je crains même qu'elle ne soit à peu
près absente de l'enseignement. Nos grammaires ou l'excluent ou lui
accordent dédaigneusement une place très restreinte.
Etant donnés l'original et le point de départ, le livre de M. B., comme
traduction adaptée aux besoins des élèves français, me parait irrépro-
chable. Les perfectionnements qu'il pourrait recevoir ne peuvent con-
sister qu'en addenda. xMais alors il devra en recevoir beaucoup et
s'augmenter de façon à devenir un livre nouveau. Je regrette, pour ma
part, qu'il ait manqué à M. B., comme il nous le dit dans sa préface, le
temps et le courage de composer ce livre nécessaire; et cela, pour les
raisons qu'il donne lui-même, à savoir que « les règles sur le style latin
(ici M. B. nous traduit en français le mot stylistique) seront nécessai-
rement différentes suivant la nationalité de ceux à qui elles seront des-
tinées ; dans la dissertation aussi bien que dans le thème, il s'agit de
rendre en latin des idées conçues d'abord dans la langue maternelle. »
Il serait temps en outre de commencer à faire des livres trançais.
Le seul et sérieux reproche, que j'aie à faire à M. Bonnet, puisqu'il
voulait nous donner, en attendant mieux, une traduction, c'est d'avoir
donné la préférence à la stylistique de Berger. 11 prévoyait l'objection,
puisqu'il y répond dans la préface en nous donnant les raisons qui font
déterminé. Eh! bien, quoi qu'il dise pour le justifier, le choix ne me
paraît pas heureux. Le livre de B. est trop court et trop résumé, préci-
sément parce qu'il s'adresse à des novices en fait de composition latine,
lesquels ont besoin, non pas d'un répertoire d'exemples, mais d'expli-
cations nombreuses, claires et bien développées. M. B. nous dit que la
stylistique de Berger tient le juste milieu. Il mesembleau contraire qu'elle
est à une extrémité. Je n'ai pas entre les mains l'original, mais si je m'en
tiens à ce qui est dans la traduction, je me demande comment une sty-
listique pourrait contenir moins de choses que celle-ci. Le juste milieu
à prendre, c'était plutôt, je crois, la stylistique de Klotz. Entre le livre
volumineux de Naegelsbach, qui ne peut guère servir qu'aux maîtres, et
le petit manuel de B., destiné aux classes, le livre de Klotz me paraît
être d'une étendue raisonnable. Il est complet, sans être diffus ; la théo-
rie est claire, exposée sans profusion ni redites.
Le livre de M. B. rendra incontestablement de grands services, et il
doit être le bienvenu. Mais il ne rendra pas tous les services qu'on en
attend ; il est trop sobre de théorie et d'explications. C'est un répertoire
d'exemples bien choisis; mais, sous cette forme concise, il suppose des
connaissances que n'ont pas les jeunes gens auxquels il s'adresse.
Ainsi, par exemple, à propos de l'emploi des noms abstraits et des
noms concrets en latin, M. B. se contente de constater les faits par ces
mots : « Dans certains cas, les substantifs concrets se mettent à la place
des substantifs abstraits : Cicérone consiile, etc. Dans d'autres cas, les
substantifs abstraits se mettent à la place des concrets : Hœc pestis pour
homo pestifer, etc., (§ 7, p. 5o). » Il est vrai que M. B. revient sur laques-
lion dans latroisième partie, à l'article : « Préférence accordée aux expres-
sions concrètes ». Mais là encore je ne trouve guère que la constatation
du tait et une énumération sèche des différents cas où il se produit. Cela
est insuffisant. Il me semble que quelques considérations générales sur
le génie de la langue latine, sur sa pauvreté en substantifs et sur sa ré-
pugnance pour les abstractions, par où elle se distingue si profondément
370 RKVDh CRIirQUK
des langues modernes, eussent été ici à leur place. C'était le lieu de
faire rhistorique abrégé de l'emploi des noms abstraits; de montrer
Cicéron, qui introduisit à Rome les études philosophiques, luttant con-
tre la pauvreté de sa langue et créant pour les besoins de sa pensée un
certain nombres de substantifs abstraits en tas, tio, tudo, etc.
Je prends un autre exemple au hasard, p. 198. Au sujet de l'attrac-
tion du pronom relatif et du pronom démonstratif au cas du substantif
auquel il se rapporte, l'explication de cette particularité syntactique
manque absolument. M. B. dit tout simplement : « Une forme du lan-
gage qui contribue beaucoup à la concision est l'attraction, qui consiste
à établir entre deux mots un rapport plus étroit que celui qu'ils devraient
avoir logiquement. L'attraction donne au langage, outre la concision,
de la vivacité, de Tabandon et de la grâce. » Puis viennent ensuite les
différentes sortes d'attraction : « 1° Pronoms démonstratifs et relatifs.
Qiio in numéro tu certe fuisses, pour quorum in numéro, etc. ; 2" le
pronom sujet s'accorde avec Tattribut. Hœc suntfere de anima senten-
tiœ, ce sont-là les opinions, etc. » Je ne sais si je me trompe, mais je
crois bien que bon nombre d'élèves ne comprendront pas et qu'ils auront
besoin de chercher un complément d'explication dans les bonnes gram-
maires.
P. 70. « L'adjectif français se remplace en latin par des substantifs
abstraits. Dans ce cas, le substantif qui accompagne l'adjectif français
se met au génitif : Superstitio homijium imbecillitatem occupavit. »
N'y aurait-il pas ici une remarque intéressante pour faire sentir aux
élèves comment cette substitution du substantif à Tadjectif renforce
l'idée exprimée par celui-ci, et comment il y a dans les deux langues une
différence de points de vue? La chose en vaut la peine, et des études sur
le style latin ne peuvent aller sans un peu de philosophie.
P. 125. Le g 58, sur l'emploi de ut servant à former des propositions
appositionnelles demanderait une plus longue explication. Ut, dans ces
sortes de proposition incidentes, est ou explicatif ou restrictif. 11 mar-
que, ou bien que la personne ou Tespèce dont il s'agit possède à un très
haut degré la qualité ou fait volontiers Faction qui lui est attribuée :
Diogenes liber ius, ut Cynicus, Alexandro roganti... etc.,a en sa qua-
lité de cynique », (ut explicatif). Ou bien ut marque au contraire que la
personne ou l'espèce possède la qualité à un degré inférieur ou ne peut
faire l'action que dans une certaine mesure : Quos tum, ut puer i, refu-
tare solebamus, 1 autant que des enfants peuvent le faire » (ut restric-
tif).
P. 4. Je trouve l'exclusion des mots et des tours néologiques un peu
trop absolue. Il y aurait des réserves à faire. Par exemple, placita philo-
sophorum, au lieu de sententice ou prœcepta n'est pas un néologisme
aussi condamnable que prœtextum, prœtextus pour causa, species. Il
y aurait place ici pour un chapitre sur l'importance relative des diffé-
rentes époques de la langue latine, au point de vue du parti qu'on peut
D HISTOmr. ET DE LITTKR ATURK Bj I
en tirer pour la stylistique. Que peut-on prendre à la linguaprisca, à
la lingua latina, à la linguaRomana, à la lingiia elegans? Il serait bon
de nous le dire et de ne pas nous continer tyranniquement et sans dire
pourquoi dans la période classique.
Je terminerai par une dernière observation générale. Dans la troisième
paitie, les règles sur l'ordre des mots et des propositions me paraissent
manquer un peu de précision et de méthode. Il y avait à distinguer les
deux constructions ou les deux principes d'après lesquels se construit la
phrase latine : Tordre grammatical, basé sur l'importance respective
des mots, et l'ordre oratoire ou inversion, basé sur Timportance des
idées. La théorie générale et les explications détaillées font défaut. Ainsi,
p. 216 : « Le sujet se met au commencement de la phrase, le verbe à la
fin; les termes de moindre importance, les compléments, etc., se placent
au milieu. » Pourquoi cet ordre? Pourquoi le sujet au commencement
et les compléments au milieu? Quand il y a plusieurs compléments,
quelle est, dans ce milieu, la place de chacun? Pourquoi la première et
la dernière place sont-elles les plus importantes? Autant de questions qui
se posent d'elles-mêmes et qui restent sans réponse.
Je pourrais multiplier les desiderata. Mais, me répondra M. B.,
nous sortions ainsi des limites d'un abrégé. Oui, et cela prouve préci-
sément qu'il fallait en sortir, et que les abrégés sont, en bien des cas,
plus compliqués et plus difficiles que les traités plus étendus. Ce n'est
pas un abrégé qu'il faut aux novices, mais bien de très nombreuses ex-
plications, simples, claires et surtout moins abstruses que celles qui
composent le volume de Naegelsbach.
Cet abrégé, tel qu'il est, est bon, bien fait et rendra d'incontestables
services. La tentative est d'un bon exemple et elle appelle l'attention sur
cette partie trop négligée de l'enseignement du latin. Je me plais à con-
sidérer cette publication comme la promesse d'un livre plus complet, et
français cette fois, sur la Théorie du style latin. M. Bonnet, qui est un
très savant latiniste, vient de nous montrer, par la façon heureuse don
il a remanié et adapté la stylistique de Berger, qu'il est homme à mener
à bien cette sérieuse et difficile entreprise.
Ferdinand Antoine.
^>2. — lie clecs-eti-s fiinctoruin inagSstrniuuiii oi-nitinentis ; de deereta
adieetione in ordlnes Tunetopum inogisti>»tuuiii, par G. Bi.ocu. Paris,
Thorin, in-8 de viii-iySp. 1884.
On doit particulièrement recommander la thèse latine de M. Bloch
aux candidats au doctorat qui traitent un sujet d'histoire romaine. Elle
mérite de leur servir de modèle : c'est un morceau d'excellente érudi-
tion. Tout y est clair, solide, méthodique. Ceux qu'intéressent les
372 mkvi;k cfUTrQUE
questions d'administration impériale éprouveront à la lire un véritable
plaisir, Fauteur n'ayant reculé devant aucune des difficultés présentées
par le sujet qu'il a choisi, et les ayant abordées toujours avec audace et
souvent avec bonheur. A certains égards, je préfère ce livre à sa thèse
française. En tout cas, il est une réponse formelle et décisive à ceux
qui, n'ayant lu que Les origines du sénat romain, seraient très dispo-
sés à voir dans M. B. un ingénieux metteur en scène d'hypothèses sé-
duisantes, un habile arrangeur de textes. La thèse latine suffit à prouver
que M. B. est tout aussi à son aise sur le terrain solide de l'administra-
tion impériale que dans les nuages de Thistoire primitive de Rome.
Sur la plupart des points, nous sommes complètement d^accord avec
lui : aussi nous bornerons-nous à donner une analyse du travail, en
indiquant les questions traitées et la manière dont elles sont résolues.
Cette étude comprend trois parties.
La première, uniquement historique, est destinée à montrer com-
ment s'est introduit, à Rome, Tusage de décerner les insignes des ma-
gistratures à des citoyens qui ne les avaient pas exercées, functorum
magistratuiim ornamenta : de donner par exemple les ornamenta
consularia à un ancien préteur. — Contre Nipperdey (Leges annales,
appendice, p. 74), et contre C. Th. Zumpt (De leg. judiciisqiie repet.,
II, p. 57), M. B. s'attache à montrer que l'institution apparaît pour la
première fois vers l'an 67 de notre ère, — cela, d'après un texte très
précis de Dion Cassius, dont ses adversaires repoussaient purement et
simplement l'autorité (36, 38). — Les second et troisième chapitres de
cette première partie sont consacrées aux honneurs extraordinaires
conférés par César, et à ceux que le sénat décerna à Octave, en jan-
vier 43.
La seconde partie est intitulée « de l'octroi des ornements réservés
aux anciens magistrats », de decretis Junctorum magistratuum orna-
mentis. Il s'agit de Toctroi à un sénateur ou à un chevalier des orna-
menta réservés aux anciens questeurs, préteurs ou consuls, quaestoria,
praetoria, consularia. — La principale question quMl avait à traiter
dans cette partie et, certainement, une des plus importantes de toute la
thèse, était de savoir si les ornamenta consularia, par exemple, donnés
à un ancien préteur, lui conféraient le droit de voter au sénat parmi
les consulaires, ou s'il devait continuer à voter parmi les anciens pré-
teurs, à son tour ordinaire. Deux opinions avaient été émises, — deux
seulement, sans doute parce qu'il n'y avait pas place pour une troi-
sième. Nipperdey {loc. cit.) prétend que « si un ancien préteur reçoit
les ornements consulaires, il prend rang parmi les consulaires au théâ-
tre, dans les festins, dans les fêtes de tout genre; mais, au sénat, il con-
tinue à voter parmi les prétoriens » : en d'autres termes, les ornements
sont une distinction honorifique, à laquelle n'est attachée aucun privi-
lège politique. M. Mommsen, au contraire (Staatsrecht, I, p. 442),
veut que le prétorien revêtu tles ornements des consulaires, a. change
d'histoire et de litiérature 373
immédiatement de place dans la direction de cette dernière classe » '.
M. B. se range du côté de M, Mommsen (p. 48), mais, hélas! après
avoir infirmé un des deux seuls arguments sur lesquels M. Momm-
sen appuie sa thèse ; et, ceci en passant, constatons l'extrême franchise
et sincérité du livre de M. Bloch. Reste un second argument, sur le-
quel M. B. revient et insiste par deux fois (!« p., ch. 2; et II*^ p., ch. 3).
— Malgré la discussion extrêmement serrée à laquelle se livre l'auteur,
nous ne pensons pas que la question soit résolue en faveur de
M. Mommsen et en sa propre faveur. Nous croyons que l'on peut au
moins hésiter entre les deux opinions contraires. Voici Targument qui
a survécu à la critique de M. B. : « Les auteurs, qui nous ont raconté
la concession de la dignité sénatoriale à Octave, emploient indifférem-
ment les deux expressions, rang consulaire, ornements consulaires » ;
par conséquent recevoir les ornements consulaires équivalait à prendre
rang parmi les consulaires. Cette conclusion est possible; elle ne me
parait pas certaine. Il peut se faire que les auteurs aient confondu les
deux expressions parce qu'elles étaient identiques ; il est possible aussi
qu'ils se soient servis tantôt de l'une, tantôt de Tautre, parce qu'Octave
reçut en même temps, mais par deux décrets différents, les ornements
consulaires et le rang consulaire. Suivant l'importance qu'il accordait
à l'une ou à l'autre de ces prérogatives, chaque auteur a mentionné l'un
ou l'autre de ces décrets. En outre, ce qui ferait pencher en faveur de
Topinion de Nipperdey, c'est que les ornements consulaires ou préto-
riens étaient aussi bien concédés à des chevaliers ou à de simples ci-
toyens qu'à des sénateurs en fonctions. Or, il est évident et certain que
le chevalier auquel on accordait les ornements des consulaires ne pre-
nait point rang parmi eux, ni même n'obtenait par cela le droit d'entrer
au sénat. Ces ornamenta étaient, pour les non sénateurs, purement ho-
norifiques. Pourquoi le caractère de l'institution aurait-il varié d'une
classe de citoyens à l'autre? Pourquoi, accordés aux sénateurs, les or-
namenta auraient-ils modifié leurs droits politiques, alors qu'ils ne
modifiaient pas ceux des chevaliers?— Encore une fois, je ne veux
point prendre parti pour ou contre M. B., qui est un rude adversaire :
mais je veux seulement croire que la question est encore indécise.
C'est malheureusement le sort d'un assez grand nombre parmi celles
qu'il soulève : M. B. a plus d'une fois raison contre ceux qu'il attaque,
mais il ne parvient pas à imposer sa propre opinion. Et son livre fait
souvent songer avec découragement aux efforts continus qui, depuis cin-
quante ans, ont été tentés dans le domaine du droit public romain pour
trouver une vérité que les textes refusent et refuseront toujours de nous
livrer. Après que, sur chaque point, toutes les opinions possibles ont été
émises et soutenues, la question en revient souvent à son point de dé-
I. Cf. Res gestae, 2^ Jd., p. 3 : Simul ornamenta consularia acciperet, et pr ap-
tère a sententiam diceret loco consulari.
3^4 RKVUE CKITIQUH
part. Ainsi, pour prendre un autre exemple dans le livre de M. B., il
se demande (II'' partie, ch. 5), pourquoi les historiens ne font jamais
mention des ornements de tribuns ou d'édiles. A cette question,
M. Mommscn avait déjà répondu [Staatsrecht, 1, p. 448) en disant
qu'on se bornait à accorder les ornements des magistratures qui étaient
exigées des fonctionnaires au temps où fut instituée cette concession
honorifique des ornamenta : or le tribunat et l'édilité ne faisaient point
partie, à l'origine, du cursus honorum obligé. M. B. réplique que Tor-
ganisation définitive des ornamenta est précisément contemporaine de
l'insertion du tribunat et de l'édilité dans le cursus honorum. Du reste,
M. B. avoue qu'il ne sait trop par quoi remplacer l'opinion de
M. Mommsen ; car c'est un aveu d'incertitude que de dire : « Le tribu-
nat et l'édilité n'avaient pas assez d'importance pour qu'on en conférât
les ornements ».
Dans la troisième partie, il étudie l'octroi de la dignité sénatoriale
combinée avec l'octroi d'un rang déterminé dans la catégorie des an-
ciens magistrats, ce qu'on appelait adlctio inter quaestorios, etc. :
Yadlectus inter quaestorios recevait le titre de sénateur avec le droit
de prendre place parmi les anciens questeurs. Dans le premier chapitre
de cette partie, l'auteur examine la forme du titre, les conditions de
Vadlectio, les droits et privilèges des adlecti, les grades des adlecti. —
Les chapitres n, m et iv de cette partie, sont, je ne dirai pas les plus
heureux, mais les plus intéressants de l'ouvrage, ceux qui ont la portée
la plus générale. Tout est à adopter et à retenir dans ces pages excellen-
tes, où M. B. étudie l'influence de l'institution des adlecti, d'abord,
sur l'autorité des empereurs, puis, sur le recrutement du sénat, enfin,
sur la diffusion du droit de cité dans l'empire. « Ce n'était pas un
avantage pour l'Etat romain que de ne pouvoir entrer dans la curie
sans avoir passé par la questure; que de ne pouvoir s'avancer dans les
rangs sénatoriaux qu'au fur et à mesure de l'exercice d'une magistra-
ture. On voit mal pourquoi un empereur se serait borné à ne faire en-
trer au sénat que ces jeunes questeurs, à peine sortis de l'enfance...
Comment élever aux honneurs les hommes mûrs qui auraient rendu
des services dans d'autres fonctions? Il n'eût guère été décent de les
obliger à recommencer pour ainsi dire la carrière politique, à réap-
prendre au milieu d'adolescents le maniement des affaires de l'Etat...
C'était l'intérêt de la République que l'empereur eût le droit de nommer
à son gré les sénateurs, et de donner n'importe quel rang aux nouveaux
venus. Adlectione autem fuit et dominât ioni principis et communi
utilitati subventum (p. 102 et io3) ^ — Le cinquième et dernier cha-
pitre est relative à l'octroi du laticlave. M. B. se borne à dire quelques
I. Notons encore, p. 119 et s-, les remarques sur l'influence de la censure de
Vespasicn et do Titus. 11 y a, dans ce iv» chapitre, un très utile complément au
livre de Spanheim et au travail d'A. W. Zumpt sur la propagation de la cité
romaine.
d'hISTOIKE et DK LITTÉUATI-RK ^"/'^
mots sur la question, qui mérite, ditil lui-même, une étude spéciale.
Mais il semble bien qu'il en ait trouvé la solution et que les textes qu'il
apporte pour la résoudre soient décisifs : Lato clavo ornari, dit-il,
idem illud erat ac referri inter équités illustres vel senatoria digni-
tate. Du reste M. B. ne veut pas étudier à fond cette question et celles
qui s'y rattachent : il reconnaît Timpossibilité d'arriver, pour toutes,
à une solution définitive. Et son livre, si plein de faits nouveaux et
d'intéressantes discussions, si heureux à tous égards, se termine par cette
conclusion qui n'est pas sans tristesse : « Ce sont des choses dont les an-
ciens historiens ont négligé de nous parler : ces transformations commen-
cent et s'achèvent dans le secret, loin d'apparaître à un moment
donné. »
A la fin de cet ouvrage se trouve une liste complète et bien ordonnée
de tous les adlecti qui nous sont connus. Les textes et les inscriptions
sont soigneusement transcrits: ces dernières, — dont M. Bloch a fait un
constant usage dans le cours de son travail, — sont copiées d'après les
meilleures lectures. Ce qui donne à ce livre une véritable valeur épigra-
phique.
Camille Jullian.
33. — Jules QuiCHERAT. aBélange» »rai"t"!sooî«>£;!o et <S'histoîi-o. — Antiqui-
tés celtiques, romaines et gallo-romaines. Mémoires et fragments réunis et mis
en ordre par Arthur GiRY et Auguste Castan. Paris, A. Picard, iS8r>. i vol.
in-8 de viu-58o pages, 8 planches, i portrait et i carte.
Appelé à rendre un public hommi;ge à celui qui fut pour moi plus
qu'un maître vénéré, et dont Jcs conseils paternels guidaient depuis
longtemps mes études, je ne puis me défendre d'une émotion que com-
prendront à coup sûr tous ceux qui ont connu un peu intimement
J. Quicherat. On ne pouvait donner à sa mémoire un témoignage plus
significatif de la sympathie et de l'admiration qu'il a laissées derrière
lui, qu'en entreprenant la publication dont le premier volume vient de
paraître. Réunir sous le litre de Mélanges d'Archéologie et d'Histoire,
ces mémoires, ces rapports, ces discussions critiques de toutes sortes
qu'il fallait chercher de tous côtés, et procurer au public la facilité de
les lire et de les étudier à nouveau, n'était-ce pas faire revivre en quel-
que sorte au milieu de nous, celui qui les a écrits?
C'est qu'en effet J. Quicherat est tout entier dans ces opuscules si
remplis de choses, où il mettait en jeu toutes ses facultés, c'est qu'on l'y
voit encore, avec ses décisions neuves et hardies, son éloquence brus-
que et incisive, son style ferme et clair, son horreur de la phrase et des
développements oratoires, et on peut le dire aussi, son entrain, sa cha-
leur passionnée devant un sujet difficile, sa confiance dans sa convic-
tion. — Nous ne pouvons que déplorer le petit nombre des grands ou-
3y6 RKVUK CRITIQUE
vragcs qu'il nous a laissés, mais combien d'œiivres parfaites n'y at-il
pas dans tel article de 5o pages, voire de 20 ou de 3o? Demandons-lui
d'ailleurs son avis sur ce sujet. Il dit quelque part : « Je ne cher-
che point à passer pour un érudit. Mon unique ambition est de jeter
sur la place les grains de vérité qui me tombent sous la main, et comme
je suis tant soit peu Américain dans ma manière de voir, comme je
pense que le temps est de l'argent, pour les savants comme pour tout
le monde, je me suis toujours fait une loi d'éloigner de mes communi-
cations ce qui n'est pas le strict nécessaire » Et voilà précisément
pourquoi il était indispensable de recueillir les grains de vérité si ha-
bilement semés de tous côtés. Leur réunion à peu près complète n'est
pas seulement un monument élevé au souvenir du maître : ses leçons
seront encore suivies, ses décisions feront souvent loi, ses critiques por-
teront toujours leurs fruits.
La collection comprendra au moins 4 volumes. Celui que nous avons
sous les yeux renferme 76 articles plus ou moins longs, groupés sous
les titres de : Antiquités celtiques (28); antiquités romaines et gallo-
romaines (44) ; question d'Alesia (4). En tête on a réédité, d'abord,
l'excellente notice de M. R. de Lasteyrie « J. Qiiicherat, sa vie et ses
travaux » que tout le monde a pu lire dans le Bulletin des travaux
historiques de i883; puis, la Bibliographie détaillée, publiée dans la
Bibliothèque de l'Ecole des chartes de 1882, et à laquelle M. Giry a pu
ajouter quelques numéros et joindre un classement chronologique de
l'œuvre. Des numéros placés en tète de chacun des articles du volume
permettent une prompte référence à la Bibliographie.
De tous les travaux rassemblés ici, deux sont inédits et nous devons
les signaler spécialement. Le premier, placé en tête, est un fragment
écrit vers 1867 et destiné à la préface d'un manuel d'archéologie à
l'usage des instituteurs et des habitants de la campagne, ouvriers et
paysans, que J. Quicherat appelle les pourvoyeurs naturels de l'ar-
chéologie. Ce projet ne fut pas exécuté, mais l'idée était féconde et
tentera peut-être quelque autre courageux initiateur. — Le second,
écrit en 1882, devait faire partie, ainsi que la dissertation sur la rue et
le château Hautefeuille parue récemment dans la Société des Anti-
quaires, de toute une élude sur le Paris romain delà rive gauche. 11
porte particulièrement sur ks fouilles pratiquées si souvent depuis
qninze ou vingt ans dans le quartier, à l'occasion d'un percement de
rue ou d'un nivelement de terrain.
Voici inaintenant un simple aperçu des autres mémoires et articles
critiques : un grand nombre consiste en rapports au comité des travaux
historiques, sur des communications ou des bulletins de Sociétés savan-
tes. Malgré l'importance secondaire que l'on serait tenté d'attribuer à
ces sortes d'articles, il fallait ici se garder de les omettre ; car toutes
les facultés du critique s'y donnent carrière dans une discussion
aussi nourrie et serrée que pleine d'aperçus nouveaux. Les uns ont
d'histoiue kt dk littératurr 377
principalement pour objets les antiquités préhistoriques et gauloises, que
J. Quicherat ne voulait pas séparer et auxquelles on a donné le nom
commun de celtiques : Nous citerons surtout les études relatives à l'an-
cienne lieue gauloise, à diverses fouilles importantes de tumuli en Al-
sace et en Bretagne^ aux explorations pratiquées dans le lac du Boiir-
get, à la question du ferrage des chevaux en Gaule (p. 167-186). —
Les autres ont trait aux antiquités latines de la Gaule : voies romaines,
sépultures gauloises en Alsace etc., puits funéraires (fouilles de
MM. Bréan et Baudry), ruines romaines de Vieux en Biigey^ inscrip-
tions antiques, sculptures diverses, (parmi lesquelles la splendide statue
grecque du Mas d'Agenais, ici reproduite), antiquités gallo-romaines
à''Arras^ etc. — Mais il faut citer hors de pair plusieurs mémoires
originaux bien connus des savants : Du lieu de la bataille entre Labié-
nus et les Parisiens (p. 207 252). — Le pilurn de l'infanterie romaine
(p. 307-337). — D\in peuple Allobrige différait des Allobroges
(p. 338-345).
Enfin la troisième partie du volume a été réservée à cette fameuse
question d'Alesia, qne J. Quicherat avait tant à cœur, et pour laquelle
il a dépensé sans compter tant de science et d'éloquence. Il était inad-
missible de la passer sous silence, mais tout rééditer semblait un peu
inutile : on a préféré un moyen terme. M. A. Castan, Tun des princi-
paux champions de la campagne dirigée par J. Quicherat, a exposé en
quelques pages un résumé suffisant de ces débats qui firent prendre la
plume à plus de 5o écrivains plus ou moins compétents; puis il a re-
produit à peu près intégralement quatre des principaux mémoires du
maître. — Je ne puis dire qu'une réédition plus complète ne m'eût pas
semblé préférable encore, d'autant plus que les brochures originales
sont devenues très rares. Cependant ce qui nous est donné sufiit parfai-
tement pour faire juger de sa valeur : c'est certainement ce qu'il y a de
plus original dans tout le volume; on ne sait qu'admirer le plus, de
l'érudition variée de l'auteur et de sa verve entraînante, de sa discussion
incisive et de la libre allure de son style. — Il y a pourtant une chose
dont on pourra regretter l'absence, c'est une carte d'ensemble des lieux.
Je sais bien que les Mémoires de J. Quicherat n'en ont pas, mais le
public qui les lisait était plus au courant que celui d'aujourd'hui, et
d'ailleurs le résumé nouveau de M. Castan semble la réclamer tout na-
turellement.
Un dernier mot. — On pourra trouver çà et là, (et ceci s'applique
également aux volumes encore à paraître), certaines affirmations qui
sont aujourd'hui inexactes, certaines déductions qui n'ont plus leur va-
leur primitive. J. Quicherat s'en rendait lui-même parfaitement compte,
et n'aurait pas laissé passer sans remaniement ou sans corrections tel ou
tel article qu'il aurait voulu publier à nouveau. C'est le malheur de ces
publications posthumes. Mais dans un pareil cas, il n'y a pas à hésiter :
il faut réimprimer le texte authentique, sans se permettre d'y mettre la
378 RKVUK CRITIQUK
main. Les éditeurs Tout, avec raison, compris ainsi. C'est au lecteur à
complcier, à l'aide des découvertes plus récentes, les conclusions insul-
fisantes de Fauteur.
H. DE CURZON.
84. — Xiie Xule of Giiiiiol}-»* fi-oin tlie IEai*lcinii n>s. n" ÎSS^S, <-<>!la.
ifd wîtli Hîx «itliei- mes. 9 edited wilU notes and a glossarial index, by the
Rev. Walter W. Skeat; Oxford (Clarendon Press), 1884, un vol. iG» de
xL-64 pp.; prix 1 s. 6 d.
Dans la plupart des éditions de Chaucer et dans beaucoup de mss.,
on trouve, à la suite du conte inachevé du cuisinier, un conte de Game-
lyn(\m a été souvent inséré dans les œuvres du poète, mais qui n'est
certainement pas de lui ; comme ton, comme langue et comme versifi-
cation, il diffère de tout ce que Chaucer a écrit. Il semble probable
qu'une version de ce vieux récit, qui dut être rédigée en la forme que
nous avons, vers l'année i35o, se trouvait parmi les mss. de Chaucer
à sa mort; il Tavait recueillie sans doute pour la retondre, comme il a
refondu tant d'autres anciens poèmes dans ses Canterbïiry taies. Les
scribes qui, après lui, ont copié son œuvre inachevée ont admis l'his-
toire de Gamelyn parmi celles que ce grand poète avait transformées et
faites siennes, et, trouvant une interruption au milieu du discours du
cuisinier, ils ont placé à cet endroit le conte apocryphe. L'un d'eux, sans
souci de la vraisemblance, Ta intitulé « le conte du cuisinier touchant
Gamelyn, » désignation que les éditeurs ont fidèlement reproduite de-
puis.
Bien que nous ne devions pas à Chaucer le tableau des aventures de
Gamelyn, l'histoire de ce personnage n'en est pas moins intéressante à
plusieurs points de vue. D'abord par sa donnée et par la manière dont
elle est traitée, elle se rattache à Timportante série des chants populaires
dont Robin Hood est le principal héros, chants pleins de vie et d'en-
train qui flattaient le goût des Anglais pour la lutte et les entreprises
aventureuses. Ensuite, ainsi que le remarque justement M. Skeat,
« c'est un bon spécimen du middle english du xiv^ siècle, et le dialecte
dans lequel ce poème est écrit ne s'écarte que très peu de celui qui, avec
le temps, a fini par devenir la langue littéraire de l'Angleterre. » Enfin,
un ms. renfermant ce conte étant tombé, au temps d'Elisabeth, entre
les mains du poète, romancier et dramaturge Thomas Lodge, il en tira
la donnée d\ine de ses nouvelles, intitulée : Euphues golden legacie,
foiind a/ter his death in his cell at Silexedra. (Londres, 1 592 ; réimpr.
par Hazlitt dans sa Shakespeare library). Lodge a développé l'histoire
de Gamelyn (auquel il donne le nom de Rosader) ; il a ajouté des scènes
de vie forestière et surtout il a créé, ce qui manquait dans l'original,
des personnages de femmes. Le nom du principal de ces personnages
d'histoire f.t de LITTÉKATUKE 3^9
est aujourd'hui familier à tout le monde, c'est celui de Rosalinde. Re-
prenant à son tour le vieux récit, Shakespeare a fait ce que l'âge avait
empêché Chaucer d'accomplir; il a donné l'immortalité au conte de
Gamelyn en puisant dans cette histoire, telle que Lodge l'avait racon-
tée, le sujet de sa comédie Asj'oii like it.
A différents points de vue, ce conte qui a tenté à deux siècles de dis-
tance le génie de deux des plus grands poètes de l'Angleteire, présente
donc un intérêt permanent et M. S. n'a fait que lui rendre justice en lui
accordant place parmi les belles publications critiques de la Clarendon
press. Il n'avait été imprimé jusqu'ici que parmi les œuvres de Chaucer
et comme il y était admis seulement par tolérance, il ne lui avait jamais
été fait dans les notes et éclaircissements qu'une part de frère cadet.
Gamelyn prend aujourd'hui sa revanche; il se présente à nous précédé
d'une longue introduction, escorté de variantes, suivi de notes et d'un
glossaire, avantages que beaucoup de ses aines sont encore à attendre :
la publication des contes de Chaucer à la Clarendon press, comm.encée
il y a une quinzaine d'années, avance en effet avec une telle lenteur que
ce siècle peut-être n'en verra pas la fin.
M. S. a étudié dans son intéressante introduc[ion la valeur littéraire
du conte, son origine, la famille de récits à laquelle il appartient, les
transformations qu'il a subies avant de recevoir de Shakespeare sa forme
littéraire définitive, la langue dans laquelle il est écrit; enfin il a donné
une analyse de l'étude critique consacrée par M. Lindner à ce poème
dans les EngUsche Studien. A côté de cette dernière autorité le nom
d'Eugène Sue paraît d'une façon un peu inattendue. M. Skeat prend
texte d'un des romans de notre compatriote pour affirmer que le carac-
tère de Robin Hood n'est pas inconnu en P'rance et que ce personnage
a son rôle dans nos récits populaires; le nom de « Robin des Bois « serait
invoqué par les mères françaises pour effrayer leurs enfants. Malgré
l'autorité d'Eugène Sue et celle de l'auteur anonyme d'un article des
Notes and Queries \ le nom de Robin des Bois ne représente rien parmi
nous que la traduction fort libre du titre d'un opéra de Weber, Der
FreisckHt\.
.1. .1. JUSSKRAND.
85. — VeiMleutBeJ»u!t{»swœrt«>i>ljsjf!î, von Daniel Sander?. Leipzig, O. Vvigand,
1884. Un vol. in-4, xii et 255 pp.
Ce livre donne plus que ne promet son titre. Comme le dit M. San-
ders dans sa préface, il doit être un intermédiaire entre son Diction-
naire des mots étrangers, et son Dict. idéologique (Deutscher Sprach-
schat:{), et il contient, en outre, des additions au premier. La préface
I. T. VI, p. 597.
38o RKVUE CRITIQUE û'hiSTÛIRK Kl ÛK LITTÉRATURK
offre des remarques excellentes sur l'abus des mots étrangers, mais aussi
sur la manière maladroite et arbitraire dont on les a souvent combattus.
L'auteur s'élève contre la « sotte germanomanie » (thorichte Deiitsch-
thumelei) , qui voudrait habiller à l'allemande absolument tout,
même les choses les moins allemandes. Nous ne pouvons pas entrer ici
dans une discussion détaillée du livre; nous nous contenterons d'attirer
l'attention de nos professeurs d'allemand sur son utilité pratique : ils y
trouveront un choix abondant d'expressions allemandes pour beaucoup
de mots étrangers qu'on est souvent embarrassé de traduire '.
A. B.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du i" mai i885.
M. Le Blant, directeur de l'école française de Rome, envoie les photographias de
sept sarcophages sculptés trouvés par M. Maraini dans les terrains de la villa Bona-
parte, et donne la description de quelques autres sarcophages récemment découverts.
M. Bergaigne donnQ lecture d'une lettre de M. Aymonier, datée de Binh-Tuam,
chef lieu de !a province de ce nom, au sud de l'Annam, le i6 mars i885. Le Bing-
Tuam correspond à l'ancien Tchampa, dont le nom tigure sur les inscriptions du
Cambodge comme celui d'un royaume ennemi. M. Aymonier y a recueilli un cer-
tain nombre d'inscriptions sanscrites et quelques inscriptions en langue tchame. 11
va continuer l'exploration de l'Annam, et il ne croit pas impossible que le domaine
de répigraphie indienne en Indo-Chine s'étende jusqu'au Tonkin.
MM. Schefer et de Mas Latrie sont nommés membres de la commission chargée
de publier les historiens arméniens des croisades.
L'Académie se forme en comité secret.
La séance étant redevenue publique, M. Senart, continuant sa communication sur
les inscriptions d'Açoka-Piyadasi, résume les renseignements que nous fournissent
ces monuments : i° sur la famille et l'empire de Piyadasi ; i" sur son administra-
tion intérieure; 3" sur les idées religieuses qui avaient cours de son temps. Compa-
rant, autant que possible, ces données avec les souvenirs conservés par la tradition
littéraire, M. Senart montre comment des idées postérieures à l'époque de Piyadasi
ont altéré, sur son compte, les souvenirs de la tradition, en y faisant pénétrer des
exagérations inadmissibles et une couleur monastique beaucoup trop accentuée. 11
s'attache surtout à montrer que les inscriptions conservent le témoignage d'un état
du bouddhisme plus populaire, moins développé dans le sens de la spéculation,
moins hgé dans ses écritures canoniques, que celui dont les écritures singhalaises
nous ont transmis et ont généralement fait accepter l'image. Il termine en protes-
tant contre certaines accusations excessives et injustes dont Piyadasi a, dit-il, été
l'objet, et en faisant valoir les services qu'il a rendus à la culture générale de l'Inde.
Ouvrages présentés: — par l'auteur: Paris (Gaston), la Poésie du moyen dgc, le-
çons et lectures i — par M. de Rozière : Willems, le Sénat de la république ro-
maine, nouvelle édition; — par M. Oppert : Quentin (l'abbé Aurèle), Du prétendu
parallélisme entre les inscriptions cunéiformes et la Genèse, f* partie, de la créa-
tion au déluge; — par M. Bréal : Chodzkiewicz, Archéologie Scandinave (extrait de
la Revue archéologique); — par .M. Renan : Sabatier (Paul), la Didachè ou l'En-
seignement des apôtres; — par M. Desjardins: Charnay (Désiré), les Anciennes
Villes du nouveau monde. Julien Havet.
I. Nous rejetons en note quelques observations. Au mot allegorisieren, M. S. pro-
pose, pour le sens neutre, versinnbildern, et donne encore ce même mot, à côté de
versinnbildlichen, pour le sens actif. Nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire de
créer ce nouveau mot ; car rien n'empêche d'employer versinnbildlichen, comme
allegorisieren, également comme neutre, ou, pour parler plus exactement, au sens
absolu. Nous demandons grâce aussi pour Telegraph, telegraphieren, etc., qui ont
un caractère international, et qu'on ne doit pas nationaliser, puisqu'ils sont étran-
gers, non pa? en allemand seulement, mais aussi dans les autres langues.
Le Propriétaù^e-Gérant : ERNEST L.EKOUX.
Li t'u-i-. nriri-iwerie ûp Ai(7rrhessou tlls, oouievard Saint-Laurent, a ï-
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
No 20 — 13 mai — 1885
SoiMBïiaîre î 86. Haossleiter, Le Pasteur d'Hermas. — 87. A. Thomas, Francesco
de Barberino et la littérature provençale en Italie. — 88. Coblenz et Q_uiberon,
souvenirs du comte de Contades. — Variétés : Grandeur et décadence de la
Colombine. — Chronique. — Académie des Inscriptions. — Société des Anti-
quaires de France.
86. — Do Vei'sîoBïsbu^ Pasioris Herniae liiîîiiis, scripsit J. Haussleiter.
Erlangen, Deichert, 1884.
Le Pasteur d'Hermas, dont le texte grec n'est connu que par deux
mss. incomplets, nous est parvenu dans une double version latine :
l'une, la viilgate, est imprimée depuis le xvi'= siècle, Pautre, dite pala-
tine, a été publiée pour la première fois en iS5j. On admet que la vul-
gate remonte au second siècle et que la palatine n'est pas antérieure au
cinquième.
M. Haussleiter, qui s'était déjà occupé de ces versions dans les Acta
seminarii philologici Erlangensis (HI, p. 428 sqq.), entreprend dans
ce nouveau travail de déterminer les rapports qui existent entre elles.
A ses yeux les deux versions ne sont pas étrangères l'une à l'autre,
chacune d'elles est faite d'après le grec,la vulgate est plus littérale que la
palatine : en quoi, M. Haussleiter est d'accord avec tout le monde. Ce
qui est nouveau c'est la conclusion qu'il tire de ces prémisses, l'anté-
riorité de la palatine sur la vulgate. — J'avouerai que l'opinion qui
attribue la vulgate au second siècle n'est pas très solidement établie :
on s'appuie sur le fragment de Muratori, mais le texte original de ce
fragment n'était-il pas grec? Sur les notes stichométriques du Claro-
montamis, mais elles n'ont pas de date ; sur un passage du de aleatori-
bus, opuscule attribué autrefois à saint Cyprien, mais qui en réalité est
de la lin du m*' siècle ou du commencement du iv^. Par ailleurs on ne
met la palatine au v« siècle que parce qu'elle est citée par l'auteur de la
Vita S. Genovefae dans la première moitié du vi^ (p. 17 de l'édition
Kohler). Le champ est donc largement ouvert aux conjectures. — Mais
je doute fort que celle de M. H. rallie l'opinion générale. Dans son
premier travail il avait essayé d'établir le caractère africain du latin
de la palatine, mais il n'en a convaincu personne en Allemagne. Au-
jourd'hui il compare les deux versions, et veut que du moment que la
vulgate est plus littérale, elle soit plus récente que la palatine. Le rai-
sonnement n'est pas très concluant. Il suppose aux traducteurs de l'an-
tiquité ecclésiastique des scrupules qu'ils n'ont guère connus, Pauteur
Nouvelle série. XIX. 20
382 REVUB CRITIQUE
de la palatine est le premier à nous en donner la preuve. On n'a qu'à
comparer les deux versions, ou simplement les passages que M. H.
met en parallèle, pour constater l'exactitude presque barbare de la
vulgate tout à fait dans la manière de nos anciennes versions latines
de la Bible, et les inexactitudes élégantes de la palatine. Les variantes
de la palatine témoignent chez son auteur du souci d'écrire d'une façon
coulante et claire; il lie les phrases heurtées, adoucit les tournures
abruptes et efface les obscurités delà vulgate jusqu'à la paraphrase et
jusqu'au contre-sens inclusivement, à ce point que l'on se demande à
certains endroits s'il avait vraiment le texte grec sous les yeux. La pala-
tine est une recension intelligente, née du besoin moins peut-être de
corriger que de rajeunir un texte qui n'était plus considéré comme
canonique mais qui ne laissait pas d'être d'une lecture intéressante et
édifiante
Il y aurait bien à dire sur les corrections proposées par M, H. au texte
delà vulgate; elles partent d'une donnée fausse, croyons-nous, mais
de plus elles ne sont trop souvent ni claires ni nécessaires; il en est de
bonnes qui ne sont pas neuves (par exemple Sim. V. i, 4 et 5, la con-
jecture de M. H. a été proposée par M. Harnack), et il en est de mau-
vaises qui sont étonnantes. Nous en citons une : Sim. V. i, 3, la
palatine donne : Nescitis... Deo jcjunare ; hoc enim jejuniiim quod vos
facitis nihil proficit, et la vulgate écrit lourdement: Nescitis... Deo
jejunare; neqiie enim est jejimiinn, hoc qiiod vos jejiinatis domino nihil
proficientes. M. Haussleiter propose de corriger projicientes en profi-
ciens! Evidemment il veut du mal à la vulgate '.
P. Batiffol.
87. — Ffancesco fia Bai'berîno et la lîttéralure provençale ew 5talie
au moyen âge. Thèse présentée à la faculté des lettres de Paris, par Antoine
Thomas, ancien élève de l'école des Chartes et de l'école pratique des Hautes-
études, etc., maître de contérences à la faculté des lettres de Toulouse. Paris,
E. Thorin, i883. In-8, p. 200.
Francesco da Barberino n'est rien moins qu'inconnu; cinquante
ans environ après sa mort Fiiippo Villain en écrivit la biographie, et
s'il lui a fallu attendre trois siècles pour que le premier de ses ouvrages,
les Documenti d'amore, fût publié; si un second, le Reggimento e cos-
tiimi di donna, ne l'a été presque que de nos jours, tous les auteurs
I. On nous permettra de signaler en passant deux mss. de la Vulgate : le premier
(Arsenal 33?) est le Cod. Cannelitarum, dont M. Zoîenberg n'avait pas retrouvé la
trace en 1869, le second {S. Genove/anus Bl. 44) n'avait pas été signalé : c'est un
ms. du xiii'^ siècle, antérieur par conséquent au Cod. Cai-mcUtarum, mais dont le
texte n'est pas di lièrent du type décrit par M. Harnack (Prolog, de l'édit. de Leipzig,
p. xix). Ce sera un ms. de plus à ajouter aux uix-sept que l'on connaissait jusqu'à
ce jour.
ÛHISTOIRK ET DR LlTTKRAl URK 38 3
qui ont parlé de l'ancienne littérature italienne n'ont eu garde de l'ou-
blier; comme poète, quoique poète médiocre, et comme prosateur, il
s'imposait doublement a leur attention '. Cependant, malgré ce qu'ils
en ont dit, bien des points restaient obscurs dans la vie de Barberino, —
la sagacité de M. A. Thomas n'a pu encore tous les éclaircir — et un
côté curieux de l'activité littéraire de ce contemporain de Dante, je
veux parler de ses rapports avec la poésie des troubadours, restait à
découvrir , du moins presque en entier. En 1870, i) est vrai, M. Karl
Bartsch, en examinant dans la Barberine le commentaire latin qui ac-
compagne les Documenti, y trouva quelques indications précieuses pour
riiistoire de la littérature provençale. On pouvait penser qu'il y avait là
une mine entrevue, mais non épuisée; sur le conseil de M. Paul Meyer,
M. A. Th. a entrepris de Pexplorer à son tour, et jamais tentative n'a
été récompensée par de plus riches découvertes. L''éditeur des Docu-
menti, Federigo Ubaldini, en avait déjà compulsé le commentaire et il
y avait puisé plus d'un renseignement utile, sinon toujours exact, pour
la biographie qu'en 1640 il donna de Barberino ; mais il s'en fallait
qu'il eût tiré de ce document tout ce qu'il renferme de précieux;
M. A. Th., tout en poursuivant l'exploration commencée par M. Karl
Bartsch, devait naturellement être tenté de compléter les fouilles im-
parfaites d'Ubaldini; c'est ainsi qu'il a été amené à refaire d'abord la
biographie de Barberino, puis à rechercher quel usage l'auteur des Do-
cumenti a fait dans ses écrits des œuvres des troubadours.
Si la biographie de Barberino, écrite déjà en entier à deux reprises
différentes, était connue dans ses grands traits, il s'en fallait qu'elle le
fût dans tous ses détails; grâce aux renseignements que M. A. Th. a
trouvés dans le commentaire mieux étudié des Documenti, il a pu rec-
tifier ou compléter sur plus d'un point ce qu'on savait de la vie du
célèbre toscan. Le suivant d'abord de Barberino à Florence où il paraît
avoir reçu sa première éducation, puis à Bologne où il étudia le droit,
en même temps qu'il s'occupait déjà de poésie, il nous le montre rap-
pelé, en 1296, à Barberino par la mort de son père, puis établi l'année
suivante comme notaire dans la capitale de la Toscane. M. A. Th. in-
siste avec raison sur l'influence que durent exercer sur la vocation
littéraire, comme sur le talent de Barberino le séjour qu'il ht à Flo-
rence et les relations qu'il y entretint avec Dante, Guido Cavalcanti,
Dino Gompagni, Feo Amiero, encore habitants de cette ville; les
Fiori di Novelle, dont M. A. Th. fait remonter avec vraisemblance la
composition à cette époque, sont la preuve la plus manifeste de cette
influence bienfaisante.
Le séjour de Barberino à Florence fut interrompu une première fois
par un voyage à Padoue, que M. A. Th. croit avoir eu lieu entre 1004
et i3o8. Il y était à peine rentré quand, pour des raisons qui ne sont
I. Le plus récent à ma connaissance, M. Adolfo Bartoli, y revient à deux reprises
dans les tomes II, p. 3o3 et m, -40 de sa Sioria délia letteratura italiana.
384 REVUE CRITIQUE
pas encore découvertes, il quitta une seconde fois sa famille et ses affai-
res et se rendit en France. Il ne devait être absent que quelques semai-
nes, il resta quatre ans et trois mois (i3o9-i3j3) loin 'de son pays.
M. A. Th. s'est efforcé de reconstituer, à l'aide des allusions qu'on
trouve dans les ouvrages de Barberino, les étapes successives de ce
voyage prolongé; nous le voyons tour à tour à Marseille où il débar-
que, à Avignon, à Orange, en Bourgogne, en Auvergne, à Saint-Denis,
à la cour du roi de France, en Picardie^ à Noyon, à Senlis, puis à
Paris où tant de choses devaient piquer sa curiosité, entin à la cour de
Louis le Hutin, où il fit la connaissance de Joinville. Mais chargé, à
ce qu'il semble, d'une mission auprès du souverain pontife, ce fut sur-
tout dans le Comtat Venaisin que résida Barberino; M. A. Th. suppose
que dans les diverses villes où il accompagna la cour papale, Barberino
suivit des cours de droit civil et canonique ; ce fut sans doute à Avignon,
dont l'Université venait d'être fondée ', M. A. Th. ne paraît pas le
remarquer, qu'il dut et put avant tout se livrer à ses études juridiques.
Rentré dans sa patrie en i3i3, Barberino y poursuivit d'abord ses
travaux littéraires, mais bientôt il renonça aux lettres pour se donner
tout entier aux occupations de sa charge; l'année même de son retour
à Florence, sa première femme était morte lui laissant cinq enfants; il
n'avait pas tardé à se remarier ; c'est pour les siens qu'il vivra désor-
mais; pourvu en i3i8du grade de docteur en droit, ses connaissances
juridiques, sa longue pratique des affaires, lui assurèrent la confiance
de ses compatriotes et il en jouit jusqu'au jour où la peste l'emporta
avec un de ses fils en 1348.
Après avoir ainsi refait d'une manière succinte, mais avec une grande
précision de détails, la biographie de Barberino, M. A. Th. passe en
revue ses divers ouvrages, en s'attachant à en faire connaître l'esprit et
la portée. Le Reggimento l'arrête d'abord ; il fait voir comment ce
poème allégorique, qui rappelle pour le fond le Chastiement des Dames
de Robert de Blois, que cependant Barberino n'a peut-être pas connu,
et les Ensenhamens de Garin le Brun et d'Amanieu de Sescas, qu'au
contraire il a dû lire, fait, pour la forme, ainsi que l'a déjà remarqué
M. Borgognoni, penser au poème de Vlntelligen^a, attribué à Dino
Compagni, et au Tesoretto de Brunetto Latino; j'ajouterai avec M. Bar-
toli " au Roman de la Rose: comment expliquer, en effet, autrement que
par l'imitation de ces trois dernières œuvres le personnage de Madonnaà la
prière de laquelle Barberino a entrepris son oeuvre, et son cortège allé-
gorique? Un livre comme \q Reggimento renferme bien des renseigne-
ments précieux sur l'état de la société contemporaine; M. A. Th.
aurait-il dû s'en servir pour nous faire le tableau de la vie italienne au
commencement du xiv^ siècle? Je ne le crois pas ; d'abord cela rentrait |
i
1. En i3o3. Cf. Léon Bardinet, Universitatis Avenioncnsis bistorica adumbratio,]
in-80, i88o, p. 7.
2. Op. cit., m, 307.
d'histoire et de littérature 385
à peine dans le plan qu'il s'est tracé, et puis on trouve dans le Reggi-
mento nombre de préceptes de conduite ou de morale qui n'appartien-
nent pas plus à l'Italie qu'à la France du midi ou du nord; comment
faire aujourd'hui le départ de ce qui se rapporte au premier ou au se-
cond de ces pays?
A l'étude du Reggimento succède, dans le livre de M. A. Th., celle
des Documenti d'amore, œuvre didactique encore et allégorique, où,
sous un titre qui nous surprend, Barberino a écrit « un traité de morale
pratique et de bonnes manières à l'usage des hommes de toute condi-
tion ». Pour lui, en effet, comme pour les derniers troubadours, l'a-
mour est le principe de tout bien ; qui en suit fidèlement les lois est ca-
pable de toute vertu; on ne doit donc pas être surpris que Barberino
ait songé à en rédiger les préceptes et le code. Cette tâche devait avoir à
ses yeux une importance bien grande, puisque, non content d'écrire en
italien les Documenti, il les a accompagnés d'une traduction latine et y
a Joint encore un commentaire explicatif; l'étude attentive de ce com-
mentaire, jusqu'ici trop négligé et dont la publication serait si désira-
ble, a permis à M. A. Th. de montrer tout ce que Barberino avait à la
fois de connaissances variées et d'originalité d'esprit. Mais à quelle épo-
que a-t-il été composé, ainsi que les Documenti et le Reggimento? Cette
question depuis longtemps soulevée, M. A. Th. devait naturellement
essayer de Ja résoudre; Ja discussion et l'examen des textes lui a fait
admettre que le Reggimento^ commencé peut-être à Padoue, puis in-
terrompu par le voyage que Barberino fit en France, fut achevé seule-
ment après son retour dans sa patrie; quant aux Documenti, écrits en
très grande partie en France, ils n'auraient été aussi probablement
achevés qu'à Florence, et c'est là seulement que fut rédigé vers j3io
ou i3i5, certainement avant i3i8, le commentaire qui les accompagne
et les explique. Ce sont là des hypothèses très ingénieuses et quelques-
unes très vraisemblables, mais qui sont loin d'être toutes également
fondées et que M. A. Th. n'a pu même mettre toutes d'accord.
Les a poésies détachées » de Barberino ne donnent lieu à aucune re-
marque importante; il n'en est pas de même des Fiori di Novelle; le
comte Galvani a cru pouvoir identifier ce recueil avec le Novellifio, qui
serait ainsi l'œuvre de Barberino; cette manière de voir a été victorieu-
sement réfutée par MM. Bartoli et d'Ancona; ils ont montré qu'il n'y
avait rien de commun entre le style des Documenti et celui du Novel-
lino ; M. A. Th. a fait faire un pas de plus à la question, en prouvant,
par le témoignage même de Barberino, l'existence désormais indiscuta-
ble desFioridi Novelle comme œuvre distincte du Novellino. L'examen
du problème soulevé par le recueil perdu des nouvelles du notaire flo-
rentin termine la première partie du livre de M. A. Th.; dans la se-
conde, « Barberino et la littérature provençale », il aborde un ordre de
questions toutes différentes, le sujet presque inexploré qu'il a voulu
surtout traiter.
386 KICVUE CRITIQUE
On sait quelle faveur la poésie des troubadours rencontra depuis la
fin du xiie siècle au-delà des Alpes; accueillie avec un empressement
que nous avons peine à comprendre aujourd'hui et que peut seule ex-
pliquer l'absence d''une littérature indigène en Italie à cette époque,
elle ne devait pas tarder à y trouver des imitateurs et à y susciter des
disciples; la Péninsule eut des poètes en langue d'oc avant d'avoir des
poètes nationaux, et les plus anciens de ces derniers, les poètes de l'école
sicilienne, relèvent des troubadours français qu'ils ont pris pour mo-
dèles et pour maîtres. Plus tard même, quand la poésie italienne eut
été définitivement affranchie par Dante, les troubadours ne furent pas
encore oubliés dans le pays où ils avaient autrefois régné en maîtres
comme dans leur propre patrie, témoin l'éloge que font de quelques-
uns d'entre eux Dante lui-même, Pétrarque et l'auteur anonyme de la
Léandréide; Francesco da Barberino, comme ceux-ci et plus que ceux-ci,
est un connaisseur de la poésie provençale; il y cherche sinon ses maî-
tres, du moins des autorités; non-seulement à lui seul il a plus cité de
poêles de la langue d'oc que Dante et Pétrarque réunis, mais, ce qui lui
est propre, il parle de troubadours dont nul autre auteur ou document
ne fait mention. Il y a plus, les troubadours déjà connus qu'il cite,
souvent il nous les fait connaître sous un aspect entièrement ignoré
jusqu'ici; c'est le cas, en particulier, pour la comtesse de Die; au lieu
de la femme passionnée jusqu'à l'oubli de toute réserve que nous révé-
laient les vers que nous avons d'elle, nous trouvons, dans les citations
que Barberino lui emprunte, un poète sensé et presque austère, con-
traste si grand qu'on serait tenté de se demander si dans les deux cas
nous avons affaire à la même trobairit\. Il y a là, on le voit, une demi-
révélation. Mais où la révélation est entière, c'est quand il s'agit d'au-
teurs provençaux inconnus.
M. A. Th. en cite trois surtout, aux œuvres desquels Barberino a fait
de nombreux emprunts : Raimon d'Anjou, dont l'écrivain toscan
semble invoquer de préférence le témoignage, Hugolin de Forcalquier '
et Madame Blanchemain. Ce qui faisait leur prix aux yeux, de Barberino,
c'est que ces troubadours sont, le premier surtout, des maîtres de savoir-
vivre et qu'il trouvait dans leurs oeuvres des préceptes propres à appuyer
les règles de conduite qu'il donnait. M. A. Th. a essayé de reconstituer
la biographie de ces poètes favoris de Barberino; il fait vivre Raimon,
qu'il considère avec raison comme originaire du Viennois -, de 1 12b à
1200; quant à Hugolin, son glossateur , il appartient, ainsi que
Madame Blanchemain, à la fin duxii^et à la première moitié du xin^siè-
1. M. A. Th. fait remarquer que le nom Hugolin a une forme italienne et qu'on
s'attendrait à trouver Hugonet; on pourrait peut-être proposer Hugonin. Je dois
dire toutefois qu'un Jean Hugonet fut professeur à la faculté de droit d'Avignon,
mais seulement, il est vrai, dans la seconde moitié du xiv° siècle. Bardinet, op. cit.,
p. i5.
2. D'une localité citée dans les Miracles de N.-D. de Roc-Amadour, publiés en
extraits par iM. G. Servois. « Vienncnsi pago, castium quoddam Anjou nomine, »
d'histoire et de littérature 387
de. M. A. Th. place lui-même vers 1240 un événement où figure Ma-
dame Blanchemain; on comprend difficilement après cela qu'il dise,
p. 160, que ces troubadours vivaient plus d'un siècle avant Barberino,
lequel n'est né qu'en 1264.
Mais comment celui-ci a-t-il pu les connaître, tandis que leurs noms
sont restés ignorés de son contemporain Dante et de Pétrarque, qui
passa cependant un temps si considérable au midi de la France? L'ex-
plication que M. A. Th. donne de ce fait en apparence surprenant me
paraît excellente de tout point. On sait comment l'influence de la poé-
sie lyrique des troubadours en Italie fit, au xiii* siècle, place à l'influence
de la poésie épique des trouvères; à partir de ce moment, les œuvres
des premiers cessèrent d'être recherchées au-delà des Alpes; il n'est donc
pas surprenant que Dante ait ignoré ceux qui parurent depuis cette
époque; Pétrarque également en est resté aux troubadours de l'âge clas-
sique et ne paraît avoir eu qu'indifférence pour les rares représentants
de la poésie provençale qui vivaient de son temps ; Barberino, lui aussi,
s'occupa peu des troubadours contemporains; mais il lui fut sans doute
possible, pendant son séjour dans le Comtat, de lire des œuvres non
encore perdues ou oubliées de Raimon d'Anjou, d'Hugolin et de
Madame Blanchemain son épouse ^
On voit combien l'explication est vraisemblable ; il en est de même
en général de toutes celles que propose M. Antoine Thomas ; esprit sa-
gace et pénétrant, il interprète les textes d'une manière aussi ingénieuse
qu'il les discute avec clarté; c'est là ce qui double la valeur de l'étude
curieuse et originale que je viens d'analyser, étude qui intéresse à la
fois l'histoire littéraire de l'Italie et celle de la France, et où les compa-
triotes de Francesco da Barberino pourront, tout aussi bien que ceux de
Raimon d'Anjou, « trouver beaucoup à apprendre ».
Gh. J.
88. — Cobîenz et Qull»ei*on. Souvenirs du comte de Contades, pair de France,
publiés par le comte Gérard de Cont.vdes. Paris, Dentu, i885. In-8, lx et 298 p.
5 fr. (avec portrait).
Ces Souvenirs du comte Erasme-Gaspard de Contades forment deux
parties; la première, consacrée au séjour du comte à Coblenz et à la
part qu'il prit à la croisade des émigrés en Ghampagne ; la seconde, re-
lative à l'expédition de Quibcron. Cette seconde partie est la plus atta-
r.M.A.Tii., dans le récit de l'épisode dramatique à la suite duquel Madame Blan-
chemain donna sa main à Hugolin, qui lui avait sauvé la vie au passage à gué
d'une rivière, traduit Ysdt-a par Isère; je ne connais pour Isère que la forme latine
Isara, qui a dû difficilement donner Ysdra; une autre objection, c'est qu'il me pa-
raît impossible qu'on ait jamais pu tenter de passer à gué une rivière aussi large et
aussi rapide que l'Isère. N'y aurait-il point là un récit inventé par Barberino?
388 REVUE CRITIQUE
chante ; on y trouve de piquants et véridiques portraits de Puisaye et
d'Hervilly, un remarquable entretien du comte avec le capitaine Breton
et le général républicain Humbert à la veille du désastre, un récit de la
prise du fort Penthièvre, et, dans les notes, d'importantes rectifications
que fit Erasme de Contades aux Mémoires de Vauban et des citations
du Journal du marquis de Beaupoil-Sainte-Aulaire. Le volume est
élégamment imprimé; il renferme une table des noms propres et en
appendice neuf lettres écrites par Contades à Puisaye en 1795, un Etat
du corps d'infanterie commandé par Oilliamson, une lettre de l'abbé
Péricaud à Puisaye sur les derniers moments de l'cvêque de Dol tombé
au pouvoir des républicains à Quiberon, Tétat de services du comte de
Contades. L'éditeur a fait précéder le texte de ces Souvenirs d'une notice
biographique sur leur auteur. Il a, dans le texte même, inséré quelques
notes. Mais il écrit p. 63 Somme-Snippe, et p. 71 et 72 (ainsi qu'à la
table des noms propres) Snippe pour Somme-Siiippes et Siiippes, la
Croix-de-Champagne pour la Croix-en-Champagne ; la Croix-au-Bois
pour la Croix-aiix-Bois ; Béthenville pour Béthelainville ; Wailes
(près d'Arlon) pour We/Zer; il parle p. 62 du 29 septembre, lorsqu'il
faut lire évidemment le 20 septembre; il laisse dire, sans corriger l'er-
reur, que La Neuville est à deux lieues de Stenay (p. 79); il cite les
souvenirs de Neuilly, de la marquise de Lâge, de Villeneuve-Laroche-
Barnaud, et il oublie de mentionner dans le récit de la marche du
20 septembre, les Mémoires du baron de Crossard et à propos de l'en-
gagement où fut tué le chevalier de la Porte, une page intéressante de
Marcillac. On doit savoir le plus grand gré à M. Gérard de Contades
d'avoir publié ces curieux Souvenirs et le féliciter vivement d'avoir fait
connaître, après le Journal de Thiboult du Puisact, ces nouveaux et
instructifs documents sur l'émigration.
A. Chuquet.
VARIÉTÉS
GrantïewR' e-t tïôe«denco cîe Sa Coloïïiîcîne.
I
Une des bibliothèques publiques les plus curieuses de l'Europe vient
d'être abominablement et définitivement saccagée. Les libraires, les
amateurs et les brocanteurs y ont trouvé leur compte; mais pour le
bibliophile éclairé, celui qui lit, pense et travaille, cette pillerie est une
véritable calamité.
Il s'agit de la bibliothèque du chapitre de Séville, célèbre sous le nom
de Biblioteca Colombina.
d'histoire kt de littérature 389
Au xv" siècle, l'église cathédrale de cette vieille cité possédait déjà une
bibliothèque. En ces temps primitifs, où l'ignorance le disputait en-
core à la naïveté, les bons chanoines aimaient leurs livres et les proté-
geaient contre les larrons. C'est ainsi, du moins, que nous interprétons
la bulle fulminée par Nicolas V, le 9 juillet 1454. Aux termes de ce
rescrit, étaient passibles de Texcommunication majeure « tous ceux qui
oseraient soustraire ou emporter les livres de cette collection, même
avec le consentement du chapitre, fussent-ils rois, cardinaux ou arche-
vêques '. » On ne pouvait attendre moins d'un pape qui fonda la Vati-
cane après avoir été le conseiller de la première Médicéenne, et fut,
à notre avis, le souverain pontife par excellence. C'est lui que les bi-
bliophiles devraient faire canoniser et prendre pour patron. Malheureu-
sement il mourut l'année suivante. Son successeur, Pie II, qui cepen-
dant était un lettré, adoucit les sévérités de cette défense, et, par un
bref du 7 août 1460, autorisa le prêt, cum consensu capituli-. C'est
peut-être la porte par laquelle sont sorties les merveilles qui font en ce
moment la joie des bouquinistes vigilants et le désespoir des amateurs
arrivés trop tard. Que ceux-ci sèchent leurs larmes. « II y a dans la mer
plus d'un gros poisson qui n'a pas encore été péché », dit un vieil
adage et, du train dont vont les choses de l'autre côté des monts, on
trouvera bientôt sur les quais et ailleurs de nouvelles aubaines pour tout
le monde et en tous genres.
Le lecteur n'ignore pas que Fernand, fils illégitime de Christophe
Colomb, fut le plus grand bibliophile de son temps; peut-être de tous
les temps. De i5io à iSSj, il parcourut l'Espagne, l'Italie, l'Allema-
gne, les Pays-Bas, l'Angleterre et la France, à la recherches de livres
sur les sciences, l'histoire et surtout la littérature. Les romans de cheva-
lerie, les mystères, les chansons de geste, les facéties, l'attiraient parti-
culièrement. Chose aujourd'hui incompréhensible, les ineptes raretés,
les provenances puériles, les maroquins flétris, les grands papiers à
marges biscornues, n'éveillaient en lui aucun enthousiasme. Un autre
trait notable de son caractère et qui montre bien la simplicité de ses
mœurs, il n'achetait pas des livres uniquement pour les revendre, même
pour les revendre très cher après les avoir payés presque rien du tout.
Enfin, singularité non moins digne d'attention, ce bibliophile émérite
avait la manie de lire ses livres, voire de les communiquer, sans que
son visage passât par toutes les couleurs de l'arc-en-ciel à la fâcheuse
pensée que son convive, fût-il Cleynaerts ou Vaseus, n'eut pu toucher
un volume recouvert en maroquin sans le souiller ou l'ouvrir sans lui
casser les reins.
I. Cette bulle et la suivante sont citées dans la préface de l'inventaire de la Bi-
blioteca Colombina, dressé d'avril à juin 1684, par Juan de Loaisa. Voir notre
D. Fernando Colon, historiador de su padre ; Sevilla, 1871, in-40, appendice E,
page 172.
z. Archives du Vatican ; Index de Pistolesi, II, i5, p. 3o8.
ï
:>90 RKvut: critique
Comme au lieu de rechercher les bons offices du commissaire-priseur,
Fernand parait au contraire les avoir évités avec un soin extrême, il
iaissa en mourant, le 12 juillet iSSp, une bibliothèque considérable,
installée dans une sorte de palais, au milieu d'un parc planté d'arbres
superbes importés du Nouveau-Monde '.
Les six catalogues originaux de la Colombine qui existent encore
étant incomplets ", il est ditficile de préciser le nombre de livres que
Fernand Colomb possédait au moment de sa mort. Le bachelier Juan
Ferez ^, en annonçant à Doria Maria de Toledo le décès de Fernand,
dit que la bibliothèque contenait 13,370 volumes. Gomara * réduit le
chiffre à douze ou treize mille, tandis que Pero Mexia ^ le porte à
plus de 20,000. La différence entre ces estimations s'explique peut-être
par le lait rapporté dans l'inventaire dressé en 1684, que la section des
miscellanées contenait des recueils factices renfermant jusqu'à quarante
rlaquettes sous la même couverture.
Fernand légua sa bibliothèque à Luis Colomb son petit neveu, chef
de la famille. Ce legs portait la condition que 100,000 maravédis
seraient dépensés annuellement pour l'entretien de la collection. Si le
légataire s'y refi^'^it, les livres devaient échoir au chapitre de Séville,
er, en cas de r'U''''ilie \ monastère de San Pablo, de cette cité.
Ni Luis /(euillv. aeurs n'ayant fait acte d'héritier, la Biblioteca
Fernandina (c'est ainsi qu'on l'appelait alors) resta dans la maison du
défunt, sous la garde de l'exécuteur testamentaire, jusqu'en ii>44. A
cette date Maria de Toledo, mère et tutrice de Luis, prit sur elle de faire
transférer temporairement la bibliothèque au couvent de San Pablo ''.
Nous pensons que ce fut l'époque où commencèrent les déprédations.
On ne toucha probablement pas aux livres, car dans le xvi^ siècle les
vieux imprimés étaient peu recherchés, surtout en Espagne; mais nous
soupçonnons fort que la carte nautique de Toscanelli et les documents
originaux concernant l'Amérique, possédés par Barthélémy de Las Ca-
sas, provenaient de la Fernandina ■. Les religieux dominicains, titulaires
et occupants du couvent de San Pablo, offrirent sans doute toutes fa-
cilités à un évéque de leur ordre qui venait justement d'être sacré
dans la chapelle du monastère, et s'occupait d'écrire l'Histoire de la
découverte du Nouveau-Monde.
"Vers 1546, Luis Colomb atteignit sa majorité; mais ce vaurien, que
1. Juan de Mai-iara, Reczbimiento que hi:^o la muy noble y vuty letxl ciudad de
Sevilla, à la C. R. M. dd R:j' D. Philipe. Sevilla, ôjo, in-8°, f. 5o.
2. Ils sont décrits dans notre Fei-nand Colomb, sa vie, ses œuvres, Paris, 1872,
gr. in-S°, appendice IV.
3. Carta notable; loc. cit., page i85.
4. Historia gênerai de las Ir.dias, Médina del C, i353. in fol., vers du f. i5.
5. De Academiis et Doctis viris Hisp., dans VHispania illusiraia de Schott,
tome II, p. 820.
5. Ecritura otorgada por las P. P. de S. Pablo; publiée dans D. Fernand
Cclcmb, append. A.
7. Notre Christopite Colomb, sa vie, ses voyages... Paris, 18S4, tome I, page 129.
d'hîstoire et de littérature 391
Philippe II devait un jour envoyer périr en exil au Maroc, pour avoir
épousé in Jacie ecclesiœ quatre femmes sans être veuf d'aucune '. se
souciait médiocrement de la bibliotiièque de son oncle. L'idée d'avoir à
dépenser 100,000 maravédis par an pour entretenir ce legs inutile et en-
combrant, lui qui accaparait jusqu'aux revenus de sa mère pour courir
le guilledou, n'était pas non plus de naiure à éveiller en son âme un
enthousiasme bien vif pour la collection des Pères de l'Eglise, la
polvglotte du cardinal Ximenes et autres énormes in-folios, effrayants à
voir, dont il se trouvait, malgré lui, le malheureux propriétaire. Aussi.
arrivé à l'âge de raison, s'empressa-t-il d'éloigner de son esprit cette
pensée mélancolique.
Le chapitre, fatigué d'attendre, introduisit une instance devant le tri-
bunal de Grenade, et finit par obtenir gain de cause. En conséquence,
le 16 septembre i55i, les chanoines chargèrent un notaire et un gref-
fier de procéder à la prise de possession des livres indûment détenus au
monastère de San Pablo, et, sans plus tarder, de les transporter dans
une salle de iaile mauresque de la cathédrale.
Le tabellion et son plumitif, selon un antique usage qui s'est perpé-
tué jusqu'à nos jours parmi les notaires de tous les peuples, reçurent
leurs dernières instructions avec force révérence, et mirent soigneuse-
ment les papiers timbrés dans un coin sans plus s'en occuper. Les bons
religieux de San Pablo, à leur tour, perdirent patience, et sommèrent
le chapitre de les débarrasser d'une bibliothèque désormais sans valeur
à leurs yeux. Le tribunal fit droit à une si juste requête, et, à la fin de
i552, la .B/è/fo^eca Fernandina prit définitivement le chemin de l'église
métropolitaine -.
On sait parfaitement ce qu'il advint après que la collection eut été
remisée dans une sorte de garde-meuble, placé au-dessus de la pièce où
se trouvaient les livres de l'ancienne bibliothèque que les rats, les mites^
le bedeau et les sacristains en leurs pressants besoins, avaient épargnés.
Argote de Molina, vers i5g2, disait avec amertume : € La bibliothè-
que de Fernand Colomb est sous clef, et bien que formée pour l'étude
et le travail, elle ne sert absolument à rien ^ h Cependant. la porte de
la Colombine n'était pas tellement verrouillée que parfois elle ne s'ou-
vrit, non pour faire entrer les lecteurs et les savants, mais afin de laisser
sortir subrepticement des livres qui, — inutile de le dire, — n"v rentrè-
rent jamais.
Il est certain qu'on ne tarda pas à pratiquer dans cette belle biblio-
thèque de fortes saignées. Fernand Colomb d'ailleurs n"avait jamais été
complètement rassuré à cet égard. En ordonnant dans son testament de
1. Mémorial del Pleyto. In-foL, s. a. a. 1. vas. xMadrid. 1Ô06. f. 20.
2. Pour les pièces ce cette procédure, voir D. Fernando Colon, iibi supra.
3. Londe agora estân encarcelados en iina sala alta a la nave del La^arto.
no siendo a nadie de provecho lo que se dejô para apvovechamiento y esiudio de
los ingenios. (Aparato d la Hisîoria de Sevilla; Ms.)
BgZ RKVUE CRITIQUE
prendre grand soin de sa collection, ce généreux donateur dit, avec une
visible tristesse, qu'il « savait néanmoins que malgré toutes les précau-
tions possibles, on ne pouvait empêcher les livres d'être volés, même en
les attachant avec un cadenas ' ». Cet apophtegme fut brillamment con-
firmé le 21 septembre 1577, lorsque Philippe II se fit remettre les ma-
nuscrits originaux des œuvres d'Isidore de Séville, pour servir à l'édi-
tion que préparait Gomez de Castro, par l'ordre de S. M. C, et qu'on
publia à Madrid en iSgg. Les mandataires du monarque profitèrent de
Toccasion pour enlever en outre de ces mss., — qui appartenaient à
l'ancien fonds, — « beaucoup d'autres livres qui manquent encore »,
dit le vieux bibliothécaire du chapitre ".
Par cette trouée d'auguste origine, filtrèrent en moins d'un siècle,
deux tiers de ce qui restait de la bibliothèque. Juan de Loaisa, dans la
préface de l'inventaire dressé le 11 avril 1684, constate avec douleur
que la Colombina « contenait seulement de quatre à cinq mille volu-
mes, sur plus de vingt mille que Fernand Colomb avait légués ^, »
Après la mort de ce brave homme, victime de l'épidémie de 170g, ce
fut bien autre chose. Les clefs de la Colombine passèrent aux mains des
balayeurs de la cathédrale, qui y remisaient leurs torchons et leurs ba-
lais. Rafaël Tabares racontait à Gallardo, qu'étant enfant, il allait sou-
vent y jouer avec d'autres gamins de son espèce, dont le passe-temps
ordinaire était de lacérer les livres et d'en arracher les miniatures ou les
estampes. L'abandon fut tel « qu'on voyait pourrir dans le ruisseau les
manuscrits les plus précieux '•. »
Cependant, de temps à autre, des livres et des manuscrits venaient
encore échouer à la Colombine. C'étaient de vieux fonds trouvés dans
des greniers ou des épaves de successions dont on s'estimait trop heu-
reux de se débarrasser. Peut-être y eut-il aussi quelques achats en bloc,
à bas prix. Dans des lots de provenances si diverses, naturellement il y
avait de tout. L'Oviedo de i535, le recueil de pièces inédites de Cetina,
1 . Pues que vemos que es ymposible guardaise los libvos aunque esten atados
con cien cadenas. (D. Fernando Colon, page i^'i.)
2. Pues ni los libros originales del Sr. San Isidoro que se llevaron à Madrid
a peticion del Sr. Felipe II para corregir por ellos los que se imprimian.... à quien
aun no se lian resiituido los dichos originales, como ni otros muchos libros que fal-
tan. Inventaire de Loaisa, loc. cit., page lyS.
3. Caben solo 4 ô 5,ooo cuerpos de libros no mas, esto es, tomos o volûmenes :
pero tambien es certîssinio lo que dice el mismo D. Fernando Colon y ajirtnan las
historias que esta libreria pasaba 20 ,000 libros. (Ibidem, page 182.)
4. Qiiedo la Biblioteca tan abandonada que à mcdiados del siglo XVIII es-
taba confiada su custodia à los barrenderos de la catedral que tienen las llaves del
camaranc/ion de las vêlas â toldos, alfombras, esteras, etc. D. Rafaël Tabares me
asegurC que cuando muchacho iba cl con otros a jugar allî, y se entretenian en ho-
jear los libros de iluminaciones y estampas.... La incuria y el abandono en que
estaban entônces los libros y los mas preciosos cûdices asegnraba ser tal, que al-
gimos estaban recalados y podridos de las goteras. (Ensayo de una biblioteca
espanola; Madrid, 1S66, grand in-8°, tome II, p. 514.)
d'histoire et de litti';rature SgS
de Cervantes et de Quevedo, ainsi qu'un certain nombre dViutres articles
excellents, proviennent ou provenaient de ces additions; mais la plus
grande partie des livres qui entrèrent de la sorte à la Colombine étaient
de véritables bouquins.
Diego Alejando de Galves, qui cumulait la dignité de chanoine avec
le titre de bibliothécaire, chercha à mettre un peu d'ordre dans ce fouil-
lis. A cet effet, il s'adjoignit Rafaël Tabares, qui, seul, rédigea en 1783,
un inventaire sommaire, mais très bien fait. Cependant, c'est seulement
au siècle suivant, à dater de Janvier iS32, lorsque José Maria Fernan-
dez, honnête homme s'il en fut jamais, eut été nommé bibliothécaire,
que la Colombine sembla devoir renaître de ses cendres.
Don José-Maria se mit immédiatement à l'œuvre, et déploya toute
l'activité dont un Andalou soit capable. A force d'instances et parle
jeu d^ine habile diplomatie, il obtint un peu d'argent du chapitre.
Cette libéralité lui permit de faire raccommoder les casiers et balayer
la bibliothèque une fois la semaine jusque dans les escaliers. Lorsque
S. M. C. la reine Isabelle monta sur le trône, et que plus tard M. le
duc de Montpensier se fut fixé à Séville, les contributions augmentè-
rent. Un exemple parti de si haut produisit le meilleur effet, et après
quinze ans d'efforts, le zélé bibliothécaire eut la joie de voir affluer des
volumes de tous formats. On n'y trouvait plus, malheureusement, des
romans de chevalerie ou des pièces gothiques, comme du temps de Fer-
nand Colomb. C'étaient pour la plupart de ces majestueux volumes
reliés en velin jaune d'or, avec superbe titre gothique s'étalant sur toute
la longueur du dos; livres dont l'aspect plein de promesses fait tressail-
lir de joie l'innocent bibliophile qui les voit pour la première fois. —
Il n'y a presque jamais rien dedans.
Enfin, au mois de février 1859, la bibliothèque avait tellement aug-
menté, qu'il fallut abattre le mur mitoyen construit par l'ordre de
Almanzor-Jacob, en Tan 5 93 de l'hégire . à ce que leur avait dit autre-
fois le grand orientaliste espagnol Gonde. On trouva dans cette muraille
une poutre en bois de cèdre, apportée du Liban, comme tous les ma-
driers qui avaient servi à construire la grande aljama (toujours d'après
Conde). La solive fut débitée en autant de morceaux que la Colombine
comptait de bienfaiteurs, et chacun reçut avec joie cette relique, deve-
nue entre leurs mains et les nôtres un vulgaire presse-papier.
En 1871, Fernandez estimait, un peu à l'aventure, que la Colombine
contenait 34,000 volumes et 1,600 manuscrits. Il ne pouvait dire com-
bien dans le nombre provenaient de la bibliothèque de Fernand Colomb.
Ceux-ci étaient noyés dans la masse, sans signe extérieur qui permit
de les reconnaître. Nous proposâmes à Don José-Maria de ranger ces
livres à part, et, après en avoir dressé le catalogue, de les renfermer
dans un casier construit à nos frais et orné de la plus forte serrure qui
se put voir. Le brave bibliothécaire ne s'y refusait pas, mais il remettait
l'opération au lendemain. Or, en Andalousie, les jours sont des mois,
394 REVUE CRITIQUE
les mois des années, et comme, après tout, on ne vit pas plus
longtemps dans cet heureux pays qu'ailleurs, nous résolûmes de le
quitter sans plus attendre. C^était à la fin de la Commune. La dépêche
affichée au cercle : n Paris incendié s effondre ; trois cent mille morts, »
précipita notre départ.
Un beau coffret en bois de cèdre (rien du Liban), que nous donnâ-
mes pour y renfermer les trois volumes annotés de la main de Christo-
phe Colomb, et qui traînaient depuis deux siècles dans un tiroir rempli
de poussière, seul aujourd'hui rappelle des intentions dignes assurément
d'un meilleur sort.
II
Le senor Fernandez mourut il y a quelques années et nous ne pen-
sions plus à la Biblioteca Colombina, lorsque la vue de certains ma-
nuscrits vint, dans les premiers mois de cet hiver, en raviver le souve-
nir. C'étaient des chroniques et des poèmes historiques en italien ou en
catalan, d'une écriture du xv^ siècle. La provenance hispano-monacale
que le marchand leur attribuait, de forts grattages tant en haut du titre
qu'au bas du dernier feuillet, d'autres signes encore finirent par nous
convaincre que c'étaient des manuscrits de la Colombine, récemment
sortis de cette bibliothèqne. Nous apprîmes en même temps que depuis
plusieurs mois, un habile réparateur avait reçu de l'étranger beaucoup
de manuscrits pareils, pour en refaire les marges transpercées par un
grattoir brutal, justement au premier et au dernier feuillet.
Notre surprise se peut facilement concevoir quand un mois après cette
découverte, nous sûmes que des plaquettes gothiques françaises, évi-
demment de semblable origine, et portant toutes ces marques indé-
lébiles, couraient les quais et les rues. Il nous fut enfin permis d'en
voir et palper un certain nombre, ainsi que de magnifiques in-folios des
presses parisiennes du xvi^ siècle, également déreliés, grattés jusqu'au
sang et provenant de la même source.
Sans plus tarder, nous procédâmes à une petite enquête dont les ré-
sultats, bien qu'incomplets, ne sauraient être passés sous silence.
Si l'on en croit la légende, au cours de l'hiver que nous traversons,
de novembre à janvier, et par deux fois, on vit arriver d'Espagne, et
décharger devant une maison de respectable apparence, non loin de la
chaussée qui conduit à la Grande Cascade, un énorme colis. L'intro-
duire et le déballer ne fut pas une mince affaire. La caisse était remplie
d'objet précieux. Nous ne saurions dire si elle contenait aussi un saint-
ciboire du xm'= siècle enchâssé de perles et d'émaux translucides, comme
le fameux vase du duc de Prias, — autre importation espagnole, — venu
récemment en ligne directe du couvent de Médina de Pomar, et qui
défraie en ce moment la première chambre du tribunal civil de la Seine.
En tous cas, le volumineux colis renfermait de superbes tapisseries, et,
probablement pour les empêcher de balloter pendant le transport, on
D'HlSlUihfC Kf iiti MITEliArUiŒ 3^5
avait tamponné les vides rien moins qu'avec de nobles manuscrits du
xv'^ siècle ' et des plaquettes gothiques de toute beauté.
Ne tenant pas à garder ces livres, non qu'ils fussent malpropres, mais
parce que cela prenait de la place, le collectionneur s'empressa de les
céder à un brave et honnête libraire, qui n'est pas au coin du quai.
Soit que le vendeur voulut avant tout le bien du prochain ou que,
inspiré par un vieux Brunet à prix antédiluviens, il n'eut pas une idée
adéquate de la valeur de ces merveilles, le lot fut vendu pour ce qu'on
appellerait, à l'Hôtel Drouot, un morceau de pain.
Le modeste acquéreur, tout à la joie, se mit immédiatement en me-
sure de tirer parti de son aubaine; aubaine dont il ne paraît pas avoir
calculé toute la portée. D'ailleurs, comme lui non plus n'a jamais
voulu la mort du pêcheur % il dressa promptement une liste, que nous
jugeons digne d'être conservée, pour servir à l'histoire du commerce
des livres rares et précieux dans la capitale du monde civilisé en l'an de
grâce i885.
Prenons au hasard quelques articles dans cette nomenclature curieuse
et pittoresque.
Il y eut un premier lot, composé en partie des ouvrages suivants :
Le Cheualier ans Dames; Mets, Hochfeder, i5i6, petit in-4°, go-
thique.
Feldtbuch der jpiindtartiney ; Straszburg, Schott, iSiy, in-fol.,
planches anatomiques.
Les faicts et prouesses du puissant et preux Hector; Paris, Ph. le
Noir, s. d., petit in 4°, gothique.
Lhystoire et cronicque du noble et vaillant Baudoin, comte de
Flandres, lequel espousa le dyable ; Lyon, ArnouUet, s. d., petit in-4°,
gothique.
La mareschalerie de Laurens Ruse, translatée du latin enfrancoys;
Paris, Wechel, i5 33, in-fol., gothique.
La Thoyson Dor composée par reuerend père en Dieu Guillaume
[Fillastre]; in-fol,, gothique; le tome I, Paris; le tome II,Troyes, Nico-
las le Rouge, i53o.
Sensiiyt ung très beau et excellent romant tîomme Jehan de Paris;
Lyon, Cl. Nourry, s. d., petit-S", gothique, figures sur bois.
Les grandes prouesses du très vaillant chevalier Tristan; Paris,
i533, in fol., gothique.
1. Version italienne du voyage de Saint-Brandan avec dessins en couleurs; catiier
de chansons françaises et italiennes avec musique notée, ms. de la îin du xv-e siècle;
Roman de Brut avec des terminaisons italiennes, ne ressemblant à aucun texte
connu jusqu'ici; chronique lombarde, avec dessins enluminés; Vie de Jésus-
Christ, en catalan. (Notre confrère M. Alfred Morel-Fatio se propose de décrire
prochainement ce curieux ms., ainsi que les autres manuscrits catalans venus
à Paris dans le même colis), etc.
2. Les Evvres de Lovi^e Labe lonuo:{re, de i555, revendues pour i5,ooo fr.,
avaient été données par ce même libraire moyennant quarante écus.
3q6 KI'.VUK CKiligUH
Le prix demandé par ce libraire aimable et patenté, ne fut pas moins
de six cent cinquante Jrancs, pour le lot complet.
Quand le bibliophile expérimenté voit une évaluation aussi fantasti-
que, il doit se demander ce que ces livres ont bien pu rapporter au
joyeux Andalou qui le premier les jeta sur le marché : une gousse
dail et un paquet de cigarettes, tout au plus. Qu'il nous suffise de rap-
peler qu'un exemplaire d'un seul de ces ouvrages a été adjugé en vente
publique ' pour 1 1 , roo fr., sans les frais.
Plusieurs clients examinèrent cette réunion unique de livres pré-
cieux; mais ce fut un confrère, né malin, qui l'obtint. Il paya même,
dit-on, sans sourciller.
Encouragé par ce résultat, notre modeste commerçant acquit, tou-
jours du même importateur franco-espagnol, un lot bien plus curieux
encore de raretés bibliographiques. Mais, cette fois, il voulut répandre
cette manne bienfaisante en petite pluie, et c'est directement aux ama-
teurs qu'il s'adressa. Un magnifique Phebiis, de Trepperel -, qu'il avait
fallu rapporter au Bois de Boulogne parce qu'un bibliophile des plus
distingués l'avait trouvé trop cher au prix de 200 fr., tempéra d'abord
son ardeur. Cependant il ne tarda pas à reprendre courage, et c'est ré-
solument que la liste suivante fut offerte à prix marqués :
Contre roman de la rose ^ 60^ »
Opuscules de Clément Marot •* 60 »
L'Amant rendu cor délier '•' 40 )>
Petit compost '^ 60 »
L'Hôpital d'amour ' 5o »
1. Le Cheualier ans Dames. Vente Didot, juin 1878, n° 126.
2. Des dedui^ de la chasse des testes sauvaiges et des oy seaux de proye. Pa-
ris, s. d., petit in-fol. Le dernier exemplaire vendu à Paris, en 1881, l'a été au prix
de 5,000 fr.
3. Cotre rômdt de la rose. Plaquette in-4°, s. 1. n. d., complètement inconnue,
sans nom d'auteur, dont le texte est daté de i3(j8, et qui continue la série des piè-
ces rarissimes composées pour la défense du beau sexe contre les allégations du Ro-
man de la Rose, telles que le Cheualier ans Dames, le Garand des Dames (frag-
ment du précédent), V Epitre au Dieu a'amour et le Trésor de la Cite des Dames, de
Christine de Pisan, le Champion des Dames, de Martin Franc, et le Tray disant
advocate des dames, de Jehan Marot (père de Clément).
4. Opuscules de Clément Marot réduits en tout un. Plaquette gothique absolu-
ment inconnue jusqu'ici; s. 1. n. u., mais probablement de Lyon, G. ArnouUet,
antérieurement à i538.
5. Lamant rendu cor délier a lobservance damours. Petit in-4'', goth., vignette au
titre. Nous ne savons quelle édition. Il importe de rapprocher de cette plaquette, quatre
opuscules gothiques de la même famille, opuscules dont nous n'avons pu obtenir les
titres, mais qui passèrent dans les mains du même amateur, en bloc, pour 140 fr.,
prix marqué.
6. En francoys. Paris, i5i6 ou i53o, petit in-8°.
7. Cy commence lospital damours. s. 1. n. d., petit in-4", gothique. Attribué à
tort à Alain Chanier.
D HISTOIRE KT DK LITTERATURE
^97
L'Image du monde ' . i oo »
Le Parthenice Marianne • loo «
Les XXI éjDîtres d'Ovide '■'■ i oo »
Testament d'un amoureux '* ............ 5o »
Procès de deux amants ^. . . . : 40 »
L'histoire de deux amants ^. , 200 »
Les sept Psaumes ~ .... = .... 1 00 »
Art et science de bien vivre *^ 3oo »
Le Temple Jehan Boccace ^ ., . . 35 o »
Passages d'outre-mer "^ 200 »
Perpignan " . , „ 1 5o «
Songe du Vergier ^-. , 5o »
Compendium gothique '''' ^ 70 »
Histoire de Troyes '^^ 70 »
Miroir de l'âme ^'^ 70 )^
Judas Machabée "^ 70 »
))
Boece " 45
On nous affirme qu'il vendit sa collection à ces prix sans éprouver de
1. Sensuyt le liuve de clergie nomme lymage du monde ; Paris, Trepperel ou Ja-
not, s. d., petit 111-4°, gothique, figures.
2. La Parthenice Mariane de Baptiste Mantuan; Lyon, Nouny et Besson, i523,
petit in-fol.
3. Traduction d'Octavien de Saint-Gelais. Une édition de Paris ou de Lyon, an-
térieure à iSSy.
4. Le testament ditng amoureux qui mourut par amours. Plaquette gothique.
5. Procès des deux amans plaidyant en la court de Cupido la grâce de leur
dame. Par B, Desmarnes deMasan; s. \. n. d., petit in-8°, goth. Jusqu'ici on ne
connaissait qu'un exemplaire de cette pièce curieuse, qui est une des perles de la
fameuse et mystérieuse collection du quartier des Champs Elysées.
6. Sensuyt Ihistoire des deux vrays amants Eurial et la belle Lucresse. Lyon,
S. Arnoullet?
7. Peut-être est-ce un ouvrage autre que la Paraphrase et dévote exposition sur
les sept très précieux et notables pseaumes, par Gringore.
8. Le Hure nomme lart et science de bien viure et de bien mourir. Probablement
l'édition donnée à Lyon, parle Grand Jacques, avant i538, in-4".
g. Par George Chastelain. Paris, Galliot du Pré, i5i7, petit in-fol. ?
:o. Paris, Michel le Noir, i5i8?
11. Recollecta de tots los previlegts, provisions, pragmatiques de la vila de Per-
j^enj'a. Barcelona, i5io, in-fol.
12. Paris, Jehan Petit, s. d.? Nous ne savons si le Gyron le Courtois, Paris, Mich.
le Noir, i5 19, qui devrait figurer ici, appartient à cette liste ou à la première.
i3. Compendium historial des polices des empires ; Paris, i528, in-fol ''
14. Recueil des hysîoires de Troyes; Lyon, .\. du Ry, 1529, in-4i' Peut-être le
lot contenait-il deux exemplaires de ce roman ancien.
i5. Le Mirouer de lame pécheresse. S. 1. n. d., petit in-4, goth- Attribué à Mar-
guerite de Valois.
16. Excellentes, magnifiques et triomphantes croniques... du prince Judas Ma-
chabeus. Paris, Bonnemère, i5i4, petit in-fol.
17. Traduction de Jean de Meun. Paris, Mich. le Noir, i520, in-4.
898 HEVUE CRITIQUE
trop grandes difficultés. Seulement — il y a toujours une goutte d'ab-
sinthe dans les bonheurs les plus complets, — les amateurs, dont l'âme
généreuse n'est un secret pour personne, écartant le candide intermé-
diaire, se mirent en campagne afin de remonter à la source de ce qu'on
pourrait appeler le Pactole de Chaillot. Ils y réussirent; car rien n'égale
le flair, la persévérance, le génie du collectionneur de primo cartello,
une ("ois lancé sur la piste d'une plaquette dépaysée qui, au moment psy-
chologique, peut rapporter à l'encan cent fois la somme déboursée. Et
comme la vertu trouve toujours sa récompense, ces vieux passionnés
revinrent les mains pleines. Voici les titres de quelques-uns des livres
dont ils peuvent à bon droit s'enorgueillir :
La complainte de lescuyer a la dame, nouuellement imprimé. Petit
in-4°, gothique, s. !. n. d. '.
Scnsuyt le débat des heraulx darmes de france et dengleterre.
Petit in-4°, gothique, s. 1. n. d. ", bois au recto et au verso du titre.
Mariaige et Triuviphe des quatre fil\ hemon et des Jîlles damp-
simon ^.
Lomme pécheur par parsonnages ioiie en la ville de Tours "*.
Lincarnation et natiuite de nostre saulueur et rédempteur Jesu-
Christ, ... somme soixante dix personaiges ^.
Bataille de Caresme avec Saint Pansard °.
Jeu de V Adventure et Devis facétieux des hommes et des femmes.
Plaquette gothique avec des représentations de dés à jouer ".
La source et origine des c... saunages et la manière de les appri-
voiser. Plaquette gothique **.
Le siècle dore contenant le temps de Paix. Amour et Concorde,
1. Pièce ou édition différente du Débat de la dame et de lescuyer nouuellement
faict, laquelle porte la marque de Jehan Lambert.
2. Inconnu à Brunet. L'heureux possesseur en avait déjà trouvé un exemplaire,
mais incomplet du titre. Celui-ci est parfait.
3. Facétie qu'il ne faut pas confondre avec le fameux roman. Le mot Triumphe
paraît indiquer une édition jusqu'ici inconnue.
4. Probablement l'édition qui a passé à la vente Taschereau; Paris, P. le dru,
i5o8, petit in-fol. Nous demandons pardon à nos lecteurs de leur servir des titres
aussi tronqués; mais, en vérité, ce n'est pas notre faute.
5. Probablement l'édition s. 1. n. d., petit in-fol., de ce mystère représenté à
Rouen en 1474. On ne saurait se risquer à compléter ces titres d'après les descrip-
tions des catalogues ou celles du Manuel, car les livres de la Colombine sont pleins
de surprises pour les bibliographes. On ne pourrait les décrire que sur le volume
même. Ce n'est qu'une question de patience, attendu qu'avant longtemps ils passeront
presque tous en vente publique; à moins qu'ils ne soient vendus sous le manteau.
6. Nous ne savons si c'est la Description du merveilleux conjlit et Bataille entre
Caresme et Charnaige; Paris, i53o, in-8°, ou quelque autre facétie de la même
famille.
7. On ne connaissait cet opuscule jusqu'ici que par la description donnée par
Du VerJier, t. I, p. 186.
8. Première édition, du commencement du xvi siècle, jusqu'ici inconnue.
d'histoire et de littérature 399
Paris, rue Saint-Jacques, enseigne du croissant. S. ci., petit in-4,
gothique. -.
La petite Dyablerie dont Lucifer est le chef -.
Nous ne savons exactement ce que nos sagaces amateurs payèrent
une si belle série de livres rarissimes; mais, à tout prendre, on est
fondé à croire que même les consolidés anglais ou le trois pour cent
amortissable, — avec tous ces bruits de guerre — , ne saurait surpasser
cet achat comme placement de père de famille.
Ces volumes avaient tous un air de parenté qui sautait aux yeux. Ils
provenaient d'Espagne, étaient antérieurs à l'année ôSp, et portaient
au haut du titre ainsi qu'au bas du verso du dernier feuillet, de pro-
fonds grattages identiques. Parfois, la partie inférieure de la dernière
marge avait été enlevée avec des ciseaux, après tentatives de lavages.
Ces mutilations demandent à êtrs expliquées.
A fur et mesure que Fernand Colomb achetait un livre, il inscrivait
de sa main, en tète du premier feuillet, une rubrique de classement et
au bas de la dernière page, une notule énonçant la date, le lieu et le
prix d'acquisition, en y ajoutant quelquefois des renseignements per-
sonnels. C'est à l'aide de ces annotations que nous pûmes naguère re-
constituer les détails de la vie et l'itinéraire des voyages de ce bibliophile
aussi méthodique qu'intelligent. Sous l'administration de Fcrnandez,
on apposa sur beaucoup de ces volumes un cachet noir, de la dimension
d'une pièce de deux francs, portant une représentation de la Giralda,
flanquée de deux vases de fleurs, et pour légende, biblioteca colombina.
Les mutilations avaient eu pour but de faire disparaître ces notes et ce
cachet compromettants. Mais comme les plaquettes provenaient de
recueils factices que le spoliateur avait dereliées à la hâte, une d'entre
elles ^, collée à sa voisine, a échappé au funeste grattoir; une autre a
été mal raclée; de telle sorte, qu'on peut lire encore sur cette dernière,
de l'écriture de Fernand Colomb : Este libro costô et sur la pre-
mière : Este libro costô en Tôrino 12 de enero de i53i ''. Et
l'on ne saurait dire que ces opuscules sont de provenance différente du
lot entier, car, rapprochés d'autres plaquettes vendues en même temps
et portant toutes des giattages identiques, ils montrent la même tran-
che, les mêmes nerfs et des dimensions extérieures semblables, bien que
la justihcation ne soit pas pareille. Cette ressemblance s'explique par
l'action de l'abominable rabot du relieur sévillan qui a imposé son lit
de Procuste au recueil complet. Enfin, le titre d'un des volumes porte
encore le cachet de la Colombine absolument intact \
11 est donc certain que cfs, livres et beaucoup d'autres, dispersés sans
1. Par Michel de Tours. Paris, Fezandat, i52i.
2. Paris, veufve de Jehan Trepperel, s. d., peiit iii-8, goth. avec figures?
3. Le Débat des kcraidx darmcs, précite.
4. La Complainte de lescuyev, précite'e.
5. Les Faicts du preux Hector, précité.
400 RKVUli Ci.niQOK
doute en Espagne et en Italie, proviennent de la Biblioteca Colombina,
dont ils sont sortis subrepticement. Quand, comment, pourquoi, est-ce
par la porte ou bien par la fenêtre, c'est ce qu'on ignore. Si nous inter-
rogeons les gens de Séville, ils répondent invariablement que c'est un
des effets du tremblement de terre. Effectivement, on comprend qu'une
secousse, assez violente pour lézarder la Giralda, ait pu faire sauter cer-
tains livres hors des rayons et jusque dans la rue par un soupirail
grillé. C'est même un des phénomènes dont les géologues ne désespèrent
pas de déterminer un jour les principes, — si principes il y a. — Mais
n'appuyons pas. Evitons surtout d'être plus royalistes que le roi '...
Lorsqu'on assiste à un pareil spectacle, qu'on voit ces œuvres mer-
veilleuses et uniques de la science ou de l'esprit mutilées, sacrifiées, dis-
persées aux quatre vents du ciel quand leurs gardiens ne les laissent
pas manger aux vers, pourrir dans l'humidité ou servir aux usages les
plus vils, on arrive à se demander si le malheureux qui vole certains
livres pour les vendre, n'est pas, en fin de compte, un bienfaiteur de
rhumanité.
Il est incontestable qu'un volume utile et rare, après que l'amateur
l'a fait encoller, relier en maroquin et monter dans une vente publique
jusqu'au prix de dix ou quinze mille francs, ne court plus le risque de
servir à allumer le brasero ou de servir à essuyer les lampes. Si, au
contraire, on le laisse entre les mains d'ignares, ce livre précieux, loin
d'acquérir des conditions de durée qui peuvent se prolonger pendant
des siècles, ne tardera pas à disparaître pour toujours et sans profit
pour personne. Au risque d'aller en prison, comme accusé d'avoir fait
l'apologie d'un acte qualifié crime, nous avouerons sans détour qu'en
considérant ces choses, il nous arrive par moments d'être pris d'une
certaine tendresse pour les détrousseurs de bibliothèques exotiques. Et
cependant, en y réfléchissant bien, on ne voit pas clairement de quelle
façon ces pillages éhontés profitent aux savants qui n'ont pas 100,000 li-
vres de rente, l^our nous autres, c'est sauter du fourneau dans la poêle
à frire. En effet, ces livres deviennent la proie de riches amateurs.
Or nos lecteurs ont-ils une conception bien nette des vertus de l'ama-
teur, — celui, s'entend, qui a le feu sacré?
L'amateur avise une boutique et entre, après avoir jeté de tous côtés
des regards inquiets. D'une voix qu'il s'efforce de rendre naturelle, mais
que sa gorge desséchée par l'espoir ou la crainte affaiblit, il s'enquiert
des nouvelles du jour. Le libraire, toujours de Caen ou de Falaise, et
qui de loin l'a vu venir, prend un air mystérieux, murmure quelques
paroles et, enfin, tire lentement le livre du fond d'un tiroir. Son client
I. On lit dans la Galette de Hollande qu'un consciencieux acquéreur ayant ap-
pelé l'attention d'un grand personnage officiel espagnol sur ces déprédations et pro-
posé de rétrocéder les mss., contre remboursement, il lui fut répondu qu'une en-
quête ne saurait aboutir et qu'on n'éprouvait pas un besoin extrême de rentrer en
possession de toutes ces paperasses : Cosas de Espaha!
ÛHISTOÎRE El DK LITTÉRATUUK 4O I
s'en empare aussitôt, l'emporte vivement dans un coin isolé du maga-
sin, et une lutte sourde s'engage. Le bibliophile, cela va de soi, sort
vainqueur d'un combat dont ce bouquin est le prix, et, après avoir t'ait
jurer au libraire de ne jamais dévoiler le lieu où dorénavant le livre
devra rester caché à tous les yeux, il s'éloigne rapidement.
Le romaniste d'en face a surpris le fatal secret. Ses travaux, le souci
de sa gloire, le mettent dans la nécessité absolue de consulter ce livre
unique. Que dans l'innocence de son cœur, il demande donc à l'étu-
dier, à le voir seulement! On lui refusera, poliment d'abord, sèche-
ment ensuite, et pour peu qu'il insiste, on réconduira peut-être avec les
raisons employées par Tarchevéque de Salzbourg à Tendroit ou à Ten-
vers du divin Mozart.
Quelle est alors la pensée qui obsède le possesseur de ces livres pré-
cieux? Veut-il être seul à les lire? Jamais de son vivant on ne les sort
des rayons dans ce but. Serait-ce le désir patriotique de conserver sa
bibhothèque afin de la léguer absolument immaculée à quelque établis-
sement public, comme font tant d'Américains arriérés et fantasques?
L'orgueil qu'il caresse est tout autre.
Le rêve de Pamateur, l'espoir de sa vie c'est de faire une belle
vente! Souvent il a trop tardé. Le moment suprême est venu. Un pieux
silence règne autour du chevet désolé, mais Timagination défaillante du
moribond se ranime à l'agréable pensée que bientôt ses chers volu-
mes seront mis sur table et adjugés au plus offrant enchérisseur. En
son esprit il entrevoit une fois encore ces livres, dont l'âpre pour-
suite fut la grande occupation de sa vie. Soudain, une voix harmonieuse
l'éveille. Il écoute, son cœur palpite : ce sont les accents du commis-
saire-priseur. La lutte est engagée ; on se dispute les provenances et les
maroquins. Le Pastissier françoïs, de i656, le seul vrai, l'inimitable,
atteint un prix inoui. L'émotion, la joie, et un hoquet font tressaillir le
mourant, mais c'est pour la dernière fois. Ses regards se voilent, sa voix
s'éteint, un petit souffle effleure ses lèvres décolorées, et son âme ravie
lentement s'élève dans l'espace, saluée par de bruyantes et nombreuses
enchères.
H.
CHRONIQUE
FRANCE. — M. Gaston Paris vient de publier à la librairie Hachette (In-S",
XIV et 254 p.), sous le titre La poésie du moyen âge, sept leçons ou lectures acadé-
miques faites à différentes époques, 1866-1884 : La poésie dumoyen dgc ; Les ori-
gines de la littérature française ; La chanson de Roland; La nationalité française;
La chanson du pèlerinage de Charlemagne ; L'Ange et l'Ermite, étude sur une lé-
gende religieuse; Les anciennes versions françaises de l'An d'aimer et des Remèdes
d'amour d'Ovide ; Paulin Paris et la littérature française du moyen âge.
402 REVUK CRITIQUE
— M. Louis Léger a fait paraître à la librairie Cerf (In-8", 3i p.) la leçon d'ou-
verture du cours de langues et littératures d'origine slave qu'il professe au Collège
de France. La leçon a pour titre : « Le monde slave au xix' siècle » ; M. Léger re-
cherche u par suite de quelles circonstances les études slaves ont pénétré dans l'en-
seignement du Collège, ce qu'était alors le monde slave et ce qu'il est actuellement,
quels peuvent être les écueils et les difficultés du cours, quel en doit être l'esprit et
la méthode. »
— Doléances du tiers état d'Agenais. — Je ne veux qu'annoncer ici une publica-
tion fort importante de M. G. Tholin, archiviste du département de Lot-et-Garonne
Caliievs des doléances du tiers état du pays d'Agenais aux états généraux, i5S8,
1614, 164g, JjSg, Textes accompagnés de notes et de commentaires. Paris, Pi-
card ; Agen, Michel et Medan, i885. Grand in-S", de vit-igS p. Extrait delà Revue
de r Agenais. Tiré à 200 exemplaires). Les documents, qui appartiennent aux archi-
ves de i'Hôtel-de-Ville d'Agen, ont une grande valeur encore rehaussée par le mérite
du commentaire. Indiquons, au nombre des notes les plus curieuses de M. Tholin,
celles qui concernent la sorcellerie (p. 16), les blasphémateurs (p. 16-17), le clergé
(p. 17), les institutions d'enseignement primaire et secondaire (p. 18), les dîmes et
revenus ecclésiastiques affectés en partie aux réparations des églises et à Yentretene-
ment des paouvres (p. ig), la tenue parles curés de registres paroissiaux, équiva-
lents à notre état civil (p. 20), l'usage des monitoires pour découvrir les auteurs de
crimes ou de délits demeurés inconnus (p. 21), les anciennes institutions judiciai-
res (p. 22 et suivantes, avec indication d'un livre très rare sur l'Instruction et
abbréviation des procès. Agen, 1621), l'emploi des amendes (p. 27), les punitions
de l'adultère (p. 34. Cf, une récente et piquante brochure de M. Jules Andiieu :
Un châtiment singulier. Agen, i885, in-8^), la répression du vagabondage (p. 36),
le service vicinal en Agenais (p. 3g), l'organisation postale (p. 40J, une émeute en
i6og à Auvillars contre les fermiers du bureau de la foraine (p, 41), les redevances
féodales (p. 43), les convocations du ban et de l'arrière-ban (p. 44-45), le collège
des Jésuites à Agen, où les enfants des protestants étaient admis comme ceux des
catholiques (p. 5 5), le costume ecclésiastique et l'avènement tardif de la soutane
(p. 65), les tonsures précoces (p. 58), les impositions des biens nobles et des biens
ruraux (p. 62), les anoblissements (p. 63, avec cette observation que la noblesse était
autrefois accessible non-seulement aux gens de guerre, mais même aux industriels,
tels, par exemple, que les maîtres de forges), la rectification, d'après un titre d'nr-
pentement de i6o5, du travail de M. Bladé sur la géographie historique de l'Age-
nais (p. 65), sur les charges consulaires (p. 67), les luttes entre la ville d'Agen
et les seigneurs de Madaillan et de Bajamont (p. 68-6g avec document inédit de
1279), les habitations seigneuriales de l'Agenais (p. 70), Saint-Amans qui
« a réalisé ce tour de force incroyable d'écrire une histoire du département sans con-
sulter les archives d'Agen » (p. 80-81). la ville de Puymirol, « la plus forte
place de l'Agenais, depuis la démolition de Pense w (p. 97), les châteaux de
Castelculier, de Lusignan et de Lafox (p. 97), la fondation des bastides (p. 100-
loi), les intendants de Guienns (p. 118-120, c'est la liste la plus complète qui
ait encore été donnée), le projet de création dû au savant Romas (de Nérac),
d'une école de physique expérimentale et de mathématiques (p. 124), les cadas-
tres (p. 134), etc. Souhaitons que le remarquable rapport de M. Georges Picot au
Comité des travaux historiques (6 décembre 1875), sur les recherches des documents
relatifs à la tenue des Étals généraux, produise plus d'un travail à tous égards aussi
bien fait que celui de M. Tholin. — T. de L.
D'HISTO.'Uit. ICI Dii LITTÉR AÎCKE 403
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 6' mai iS8_s-
Le P. Delattre adresse à rAcadémie le dessin d'un petit objet antique de terre
cuite, de o"> 19 de liauteur, qui vient d'être trouvé près de Cartilage, et qui repré-
sente un orgue complet, très exactement figuré dans toutes ses parties. Cette com-
munication, qui intéresse l'histoire de la musique, sera transmise à l'Académie des
beaux-arts.
M. Sclilumberger est adjoint provisoirement à la commission des écoles françaises
d'Athènes et de Rome.
Après une délibération en comité secret, l'Académie procède au vote pour 1 attri-
bution des prix fondés par le baron Gobert. Le premier prix est décerné a M. Achille
Luchaire, pour son Histoire des instiiutions monarchiques de la France sous les pre-
miers Capétiens et ses Etudes sur les actes de Louis VU, le second prix à M. René
de Maulde, pour sa publication relative au Procès du maréchal deGyé.
M. Desjardins communique une inscription qui vient d'ètre_ découverte dans les
restes de l'enceinte romaine de Bourges et dont la copie lui a été envoyée par
M. Boyer, archiviste du Cher :
N V M - A V G
ET ai A R T I
M O G E T 1 O
GRACCHVS
ATEGNVTIS-FIL
V • S • L • M
Mogetius est sans doute un surnom local de Mars : M. d'Arbois de Jubainville y
reconnaît un mot gaulois qui signifie grand.
M. Alexandre Bertrand communique une notice de M. Gozzadini sur les Fouilles
archéologiques et les Stèles funéraires du Bolonais. Entre la ville de Bologne et la
Certosa, auprès de cette ville, on a rais au jour une quantité de sépultures anté-
rieures à l'époque romaine, dont le nombre s'élève à plus de deux mille. La plupart
sont étrusques, et remontent, selon M. Gozzadini, à la période comprise entre le
v<-" et le iir^ siècle avant notre ère. Ce qui distingue cette nécropole des autres cime-
tières de l'ancienne Etrurie, c'est qu'on y a trouvé un grand nombre de stèles funé-
raires, sculptées en bas-relief, dont iM. Gozzadini décrit les variétés principales. Le
plus souvent ces sculptures représentent des combats de fantassins ou de cavaliers,
des chars attelés de chevaux ailés, parfois un Mercure psychopompe, etc. Quelques-
unes présentent des sujets qui ne se rencontrent qu'une fois : un enfant tétant une
louve, un grand navire entouré de vagues, une sirène à queue de poisson tenant de
ses mains un gros bloc de pierre posé sur sa tête. Le mérite artistique des sculp-
tures est très inégal : les unes sont tout à fait grossières, dans les autres l'artisan a
fait preuve d'un véritable talent.
M. Salomon Reinach termine sa communication relative aux fouilles archéologi-
ques qu'il a exécutées avec M. Babelon sur les emplacements de Gightis et de Zi:;a,
dans le sud tunisien, aux mois de janvier et février 18S4. Les ruines fort étendues
de Gighthis, sur la côte opposée à l'île de Djerba, sont aujourd'hui désertes et portent
le nom de Henchir -Sidi Salem Bou-Ghrara. Découvertes en 1S60 par M. Guérin,
elles n'avaient encore été l'objet d'aucune étude prolongée, à cause du manque de
sécurité qui en rendait le séjour fort dangereux. Grâce à l'obligeance de M. le co-
lonel de la Roque, qui voulut bien leur fournir une escorte de 3o hommes, MM. Rei-
nac'n et Babelon ont pu passsr cinq jours à Gighthis et déblayer presque entièrement
le forum de l'ancienne ville. Outre de nombreuses inscriptions, ils ont découvert
une belle tête d'Auguste voilé -en pontife, qu'ils ont rapportée à la Bibliothèque na-
tionale, et trois grandes statues de marbre blanc, représentant sans doute des ma-
gistrats municipaux de Gightis, que leur poids n'a pas permis d'enlever. Quant aux
ruines de Zian, situées à i5 kil. de la mer, dans une presqu'île qui l'ait place à l'île
de Djerba et à S kil. de Zarzis, elles ont été visitées pour la première fois en 1846,
par E. Pellissier, qui y découvrit une douzaine de statues de marbre blanc « jetées
pêle-mêle dans une fosse commune, comme des cadavres après une bataille d. Pel-
lissier obtint du bey de Tunis que ces statues fussent données à notre pays, et des
mesures furent prises pour les transporter en France. Dans une lettre de M. Mattel,
vice-consul de France à Sfax, à feu Charles Tissot, M. Reinach a lu ce qui suit :
« Vous devez vous rappeler qu'en i85i, je fus désigné pour accompagner la Senti-
nelle à Zarzis, d'où je me rendis avec Saint-Quentin dans l'intérieur pour retirer
douze statues qui furent embarquées sur la Seniinelte, commandant Dupré. Nous
prîmes ces statues dans l'ancienne ville de Ziza, aujourd'hui Ziân. » Or, ces douze
statues ont été vainement cherchées dans les magasins du Louvre; personne ne sait
ce qu'elles sont devenues, et tout porte à croire, dit M. Reinach, qu'elles se trouvent
encore, à l'heure qu'il est, dans quelque arsenal maritime où la Sentinelle avwA dé-
sarmé. M. Reinach espère, en signalant la disparition de ces œuvres d'art, provo-
404 RliVUK CRITIQUE 0 HISTOIRE ET DE LITTERATURE
quel" quelque communication qui puisse nous éclairer sur leur sort. Le terrain oc-
cupé par les ruines de Ziân avait été acheté en 1881 par M. Tissot, ce qui a permis
d'y pratiquer des fouilles en toute liberté. Avec le concours d'une compagnie franche,
commandée par M. le capitaine Rebillet, on a pu, en dix jours, déblayer tout It forum
et lever le plan des édifices qui le bordaient. Cinq grandes statues de marbre, toutes
privées de leur tête, étaient étendues à la surface du sol. On a découvert et rapporté
à la Bibliothèque nationale une grande lêtede Claude, d'un bon travail, une tête de
l'impératrice Lucille et une amulette d'or, fort curieuse, couverte de caractères énig-
matiques, qui a été recueillie au fond d'un puits. Les inscriptions provenant du por-
tique qui entoure le forum ont fait connaître qu'il avait été construit par Q. Marcius
Barea, consul en l'an 18 de notre ère. proconsul d'Afrique en 42, et par M. Pompéius
Silvanus, consul en 45. proconsul d'Afrique en 57. Les monuments et les inscriptions
du haut empire sont fort rares en Afrique : il est remarquable que les ruines voi-
sines de Gighthis et de Ziza aient fourni, l'une une tête d'Auguste, l'autre une tête
de Claude, sous le règne duquel les grands monuments de Ziza ont été construits.
Ojvrages présentés : — par M. Barbier de Meynard : Grammont (H. de), la Course,
l'Esclavai;e et la Rédemption à Alger (extrait de la Revue historique) ; — par M. Ber-
gaigne : Bhavabhouti, Madhava et Mcilasz, drame en dix actes, traduit du sanscrit
et du prâcrit par G. Strehly; — par M. Siméon Luce : Musset (Georges), la Cha-
rente-Inférieure avant l'histoire et dans la légende.
Julien Havet.
SOCIETE NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séances des 22 et 2 g avril 188 5.
PRÉSIDENCE DE M. COURAJOD
M. Saglio présente une faïence acquise pour le musée du Louvre à la vente de la
collection Dupont Aubertville et représentant une statuette équestre de Louis XIII
dans sa jeunesse.
M. Courajod dit que cet objet a pu être fabriqué pour servir de jouet au royal
enfant et cite à ce propos quelques passages du journal du médecin Héroard.
M. de Witte communique l'épreuve d'une planche en héliogravure d'une figurine
de bronze provenant d'Asie-Mineure et appartenant à M, de la Redorte. C'est une
Vénus génitrix reproduisant le type de la statue sculptée par Praxitèle pour les
habitants de Cos et représentée vêtue par opposition à la Vénus nue qu'il fît pour
Chido.
M. Molinier présente divers fragments de poterie italienne du genre dit à la Cas-
tellana très répandu dans toute l'Italie pendant plusieurs siècles; il décrit ensuite
les faïences du xiv^ siècle qui décorent l'extérieur de la cathédrale de Lucques.
M. l'abbé Thédenat communique, d'après un estampage et des renseignements four-
nis par M. l'abbé Dupui, curé de Vallaaris, une inscription votive dédiée à un dieu
nouveau, Pipius et trouvée au lieu dit le Pioulet près Vallaaris (Alpes Maritimes).
M. Germain Bapst fait une communication sur un des joyaux de la couronne de
France connu sous le nom de Cote de Bretagne.
M. Gaidoz lit, sur épreuves, un travail relatif aux rouelles celtiques qu'il consi-
dère comme des amulettes.
M. Ramé a la parole pour présenter des observations sur les inscriptions de la
crypte de l'église Saint-S^vinien à Sens; il les croit antérieures à l'an Hb-j .
M. de Lasteyrie conteste ces conclusions; il regarde les incriptions comme posté-
rieures à l'an 1068.
M. Gaidoz établit un rapprochement entre le bas-relief d'Esus conservé au musée
de Cluny et un sujet analogue figuré parmi les bas-reliefs de la Porte-Noire à Be-
sançon.
M. de Ripert Monclar présente un fragment de brique en terre grise découvert à
Mazau (Vaucluse) et portant en creux, l'empreinte d'une marque qui a la forme d'un
D de grande dimension.
M. Gréan exhibe une roue de bronze, ainsi qu'un beau choix de rouelles en bronze
et en plomb de sa collection, les unes sont pourvues de rais, comme des roues; les
autres dépourvues de rais ont la forme de simples anneaux caractérisés par des
échancrures sur leur pourtour.
M. Flouest pense qu'en raison de l'absence de rais, ces anneaux ne doivent pas
être qualifiés de rouelles ; quant à la roue de bronze, il s'accorde avec M. Mowat
pour y voirie débris d'un quadrige triomphal ayant fait partie du groupe statuaire.
M. Mowat présente le moulage en plâtre du peson de bronze avec lest de plomb
signalé par M Taillebois comme provenant des environs de Pau et comme repré-
sentant un buste de Mithra caractérisé par la coiffure asiatique.
Le Secrétaire,
Mowat »
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
"" Lf? F-uy, imprimerie de Marchessou f/Js. boulevard Saint-Laurent, 2-î.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 21 - 25 mai - 1SS5
Sommaire î 8g. Kastromenos, Les monuments d'Athènes, tiad. par A. Sjiith. —
90. Bender, Histoire abrégée de la littérature romaine, trad. par Vessereau
avec introd. et notes par Plessis. — 91. Extraits des essais de Montaigne, p. p.
VoiZARD. — Thèses de M. Bourchenin : Tanneguy Lefebvre et Etude sur les
académies protestantes en France au xvi« et au xvn'= siècle. — Chronique. —
Académie des Inscriptions.
8g. — Panagiotes I^astromcnos. TBIso asonuments of i^tlicns, an hisîo-
rical and archaeological description. Translated from the greek by Agnes Smith.
London, E, Standford, 1884, 101 p. et une carte d'Athènes.
Entre les grands ouvrages relatifs à la topographie d'Athènes et les
indications nécessairernent sommaires fournies par les Guides du
voyageur en Grèce, il y avait place pour un petit livre résumant, sous
une forme concise et élégante, les principales données historiques et
archéologiques touchant les monuments athéniens. M. Kastromenos,
beau-frère de M. Schliemann, comme il nous Papprend dans sa préface,
a essayé d'écrire ce livre (Ta Mrq\j.zXa tûv 'AO-<;vwv, i883), et M"" Agnès
Smith a essayé de le traduire en anglais. Comme le titre du présent
ouvrage et la publicité dont il a été Tobjet pourraient induire quelques
personnes sérieuses à en faire l'acquisition, nous devons les mettre en
garde contre une tentation à laquelle elles regretteraient bientôt d'avoir
cédé. Il était impossible de réunir en quelques pages moins d'indications
utiles et plus d'erreurs.
La traduction a été faite, nous dit-on, sous la direction de Tauteur.
Ce n'est, à proprement parler, ni de Tanglais ni du grec, mais le calque
servile d'une pompeuse phraséologie qui rappelle les plus mauvaises
pages des Byzantins. Ce serait encore la moindre des choses si l'auteur
était tant soit peu au courant et ne nous enseignait pas, sur un ton
doctoral, les choses les plus étonnantes, par exemple : que les monu-
ments de Persépolis sont plus romantiques (?) que ceux d'Athènes (p. i) ;
que le rostrum des orateurs attiques était sur le Pnyx (p. 2); que les
Pélasges ont réuni sur l'Acropole les plus belles productions de Tart
(p. 4); que les Propylées sont de Mnesides (p. 7); que l'Athéna Proma-
chos avait plus de soixante pieds de haut (p. 8); que VHécatompédon
est ainsi nommé à cause de sa beauté (p. 10); qu'on ne sait si l'explo-
sion de 1687 ^ endommagé Pintérieur aussi bien que l'extérieur du
Parthénon (p. 12); que les fouilles du Céramique ont commencé en
1871 (p. 52), etc. Dans un livre si court, M. K. trouve moyen de se
Nouvelle série. XIX. 21
406 REVUE CRITfQUE
contredire : la tour des Propylées date successivement de la campagne
de Morosini (p. 7), et de l'occupation franque (p. 28); l'escalier de Beulé
est du moyen âge (p. 10), puis de l'époque d'Auguste (p. 33). Les dimen-
sions des monuments décrits ne sont pas même indiquées; la méthode
d'après laquelle ils sont décrits reste un mystère. Après avoir parlé du
temple de Rome et d'Auguste sur TAcropoIe, M. K. ajoute : « En ter-
minant notre description de l'Acropole avant l'invasion des Perses,
nous ferons observer, etc. » Les quelque citations de textes anciens et
modernes sont présentées sous une forme extraordinaire : « Démosthè-
nes, Contribution, xx, 12; Compare Arch. Russopulos § 189, note 7;
UXo\j-y.pyoq (sic); The Scholiast Aristides the Sophist, etc. » Nous ne
dirons rien des citations grecques, dont l'incorrection dépasse toute
croyance. Mais nous reproduirons pour terminer deux passages qui
donnent une idée de la traduction faite sous sa direction de M. Kas-
tromenos : P. 41 , à propos de l'Horloge d'Andronic : « Since
the Roman Baronius (sic) who flourished about B. C. 5o, men-
tions it in his Georgics (sic), it certainly follows that it was erected
before his time. » On peut deviner qu'il s'agit de Varron, de Re Rus-
tica, III, 5, § 17. — P. 58, il est question des sièges du théâtre de Bac-
chus : « An inscription on one of thèse seats is peculiar. It isas follows.
The city of Mark fsicj to Uolpius Eubiotus, etc. » 11 faut quelque
perspicacité pour reconnaître qu'il s'agit de C. I. A. m, 688 : 'H luiAiç
Mctp/,(i) O'jXttîo) EùotcTO). La ville de Mark est une trouvaille qui mérite
d'immortaliser son auteur.
A part le papier et les caractères d'impression, ce petit livre est au-
dessous de la critique. Elle se contente de le mentionner en passant
comme un Noli me tangere.
Salomon Reinach.
go. — H. Bender. Histoire al»régée de la littérature romaine. Traduite
de l'allemand, par J. Vessereau, avec une introduction et des notes, par F.
Plessis, maître de confe'rences à la Faculté de Caen. Paris, Klincksieck, i%'6b .
In-24, XX- 179 pp. avec deux planches.
Ce petit volume fait partie d'une Nouvelle collection à l'usage des
classes, que la librairie Klincksieck a entreprise il y a deux ans, et qui
est placée sous la direction de M. Eugène Benoist. La collection, ex-
clusivement consacrée à l'antiquité classique , s'adresse, malgré sou
titre, bien plutôt aux étudiants des facultés des lettres qu'aux élèves de
nos lycées; elle est destinée à leur donner, en quelque sorte, la mon-
naie des grands manuels d'archéologie, de grammaire, de métrique qui
nous font encore défaut. Pour cela, au lieu de demander à des savants
français des ouvrages originaux dont la composition aurait exigé un
certain temps, les éditeurs ont préféré recourir à la traduction de livres
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 4O7
allemands déjà en possession de la faveur du public. L'ide'c n'a, en elle-
même, rien de déraisonnable. Si nos voisins sont mieux outillés que
nous pour les études philologiques, pourquoi ne pas leur emprunter
leurs instruments de travail, en attendant que nous ayons les nôtres?
Les nations qui ont reconnu la nécessité de transformer leur armement
adoptent, en général, à titre provisoire, les produits de la maison
Krupp, jusqu'au jour où leurs artilleurs ont terminé l'étude du fusil ou
du canon « national » ; il se passe quelque chose dVmalogue aujourd'hui
dans l'ordre scientifique ■ et philologique. Toutefois on peut se deman-
der si les éditeurs ont eu toujours la main bien heureuse dans leur choix,
en voyant figurer sur la liste des neuf volumes déjà publiés, à côté de
travaux d'une valeur incontestable (le Manuel d'orthographe latine de
Brambach, la Syntaxe grecque de Bamberg) des ouvrages beaucoup
plus médiocres (les Mètres d^Horace de Schiller, l'Armée romaine de
Kraner) et un même qui est franchement mauvais (la Métrique de
L. Mûller).
Le précis de VHistoire de la littérature romaine de Bender, que j'ai
sous les yeux, peut servir de type moyen pour toute la Nouvelle collec-
tion, tant par la valeur intrinsèque de l'ouvrage traduit, que par la
manière dont les éditeurs ont compris leur tâche. C'est, de l'aveu même
de l'auteur, une sorte de résumé ou d'extrait du grand ouvrage de Teuf-
fel % dont M. Bender s'est contenté de reproduire en substance le gros
texte, laissant de côté les notes, qui constituent, comme on sait, le mé-
rite le plus sérieux de cet excellent répertoire. Il en est résulté un précis
court, sensé, à peu près exact et bien ordonné, mais auquel manquent
la vie, le mouvement, le coloris, et surtout l'originalité dans la « carac-
téristique » des auteurs, pour parler comme les traducteurs français. Je dis
« à peu près exact et bien ordonné, » car une critique sévère pourrait
signaler plus d'une imperfection dans le travail, sans doute un peu hâ-
tif, de M. Bender. Les divisions mêmes n'en sont pas irréprochables :
ainsi, au lieu de ne faire qu'une seule période littéraire, subdivisée par
genres, des quatre siècles qui s'étendent entre Adrien et Justinien, il
i aurait fallu admettre une coupure au règne de Constantin, qui marque,
' à certains égards, une évolution nouvelle. De même il est étrange de
parler de Virgile et d'Ovide avant Cicéron. Le choix des écrivains cités
ne témoigne pas non plus d'un sens historique bien sijr : des spé-
cialistes insignifiants ont obtenu une mention, tandis que Salvien,
Commodien, si importants pour Thistoire de la langue, de la versifica-
tion et du goût, sont passés sous silence. Quand M. B. s'aventure sur
le terrain du droit (et comment écrire l'histoirede la littérature romaine
sans parler des admirables travaux des jurisconsultes?) il commet aussi
I. La traduction des traites de botanique et de géologie de Sachs et de Credner,
publiée par la maison Savy, a permis d'attendre les excellents manuels de MM. Van
Tieghem et de Lapparent.
'^- M. Hermann Bender est, comme feu Teuiïei, professeur à Tubingue.
408 RSVl.'F CklTI()UK
de singulières erreurs. Pour lui, les legis actiones servaient « à l'inter-
prétation de la loi des XII Tables » (p. 14); les Institutes ont été « subs-
tituées » au Code de Justinicn (p. i 55) etc. '.
Malgré ces taches, le Précis de M. B. a été bien accueilli en Allema-
gne; il a été traduit, paraît-il, en anglais et en italien, et la traduction
française peut être utile à nos étudiants, vu le peu de valeur des abré-
gés du même genre qu'ils ont entre les mains. Seulement il eût été
désirable que celte traduction fût faite avec goût, qu'on élaguât de
l'original tout ce qui ne pouvait présenter d'intérêt que pour un lecteur
allemand , qu'eniin une annotation intelligente appropriât Touvrage
aux besoins et aux habitudes du public français. Je regrette de devoir
constater que ni le traducteur, M. Vessereau, ni le reviseur, M. F. Pies-
sis, ne se sont rendu parfaitement compte de la tâche qu'ils avaient à
remplir. M. Vessereau, boursier d'agrégation à la faculté de Poitiers, et
auteur d'un mémoire récemment couronné par cette faculté, est sans
doute un étudiant de mérite, qui doit savoir le latin, puisqu'il est licen-
cié, et l'allemand, mais il paraît avoir trop négligé jusqu'à présent de
porter son attention du côté du français. Son style manque de légèreté,
d'élégance, parfois même de correction. Il parle des débuts « d'ailleurs
très honorables » de l'éloquence romaine (p. 16), d'un caractère « qui se
manifeste avec une grande différence suivant qu'on considère la pre-
mière ou la seconde moitié d'un siècle » (p. Sp). Il reproduit servilement
les lourdes parenthèses, les renvois filandreux du texte allemand, au
lieu de les rejeter au bas des pages. Il transcrit purement et simplement
des vocables scolastiques, passés dans l'usage en Allemagne, mais qui
n'ont pas, que je sache, reçu droit de cité dans la bonne langue fran-
çaise : l'objectivité apparente d'un historien, les excursio7îS et parfois
même les excursiis géographiques d'un auteur (on. ne dit donc plus
(c digressions »?) Il lui arrive aussi d'écrire Liigdunum pour Lyon, et
de définir la Mosella d'Ausone « un voyage sur la Moselle depuis Bin-
gen jusqu'à Ti'ier » (sic). C'est le cas ou jamais de s'écrier : Nimis
ger manie e ^
M. Plessis a sa part de responsabilité dans cette teutomanie du tra-
ducteur; il lui appartenait aussi, une fois la traduction achevée, d'en
faire disparaître un certain nombre de citations, d'allusions à des cho-
ses d'Allemagne qui, tout à fait à leur place dans un manuel destiné à
des étudiants d'Outre-Rhin, détonnent singulièrement dans un livre de
1. Il n'est pas moins inexact de dire que l'Histoire auguste est la « seule source
à consulter » pour l'histoire des empereurs depuis Adrien jusqu'à Numérien 'p. 149K
M. Bender ne connaît donc pas Hérodien ? De même fp. iSg) les commentaires de
Servius sur Virgile sont cités sans qu'un mot fasse soupçonner la diversité de pro-
venance des écrits parvenus à nous sous ce nom, etc.
2. Le Pinnato gradu de Porcius Licinus devient chez M. Vessereau « un pas
rapide » (p. i5, note). Je n'ai pas le texte de M. Bender sous la main, mais il me
paraît probable qu'il a écrit avec Schiller : vernit gejlûgeltcm Schritt » un « pas aile. »
M. Vessereau coupe les ailes à la Muse.
D HISTOIRK ET DE LITTERATURE 4O9
classe français. Un des grands mérites des ouvrages d'enseignement de nos
voisins, c'est que leurs auteurs ne perdent jamais de vue les habitudes
du public auquel ils s'adressent, qu'ils cherchent à éclairer les sujets an-
ciens dont ils parlent par des rapprochements convenables avec les
hommes, les événements, les livres de l'Allemagne les plus familiers à
leurs jeunes lecteurs. C'est fort mal s'inspirer d'un excellent exemple
que de conserver intégralement ces parallèles dans une traduction fran-
çaise. La littérature allemande est, en général, bien moins connue de
nos étudiants que la littérature grecque ou latine; prétendre éclairer
Celles-ci par celle-là, c'est tomber dans le sophisme obscurum per obs-
curius- Un traducteur sagace doit chercher à remplacer les rapproche-
ments de ce genre par des rapprochements avec des faits analogues de
notre littérature nationale; quand il ne trouvera pas des équivalents, il
fera mieux de supprimer simplement la phrase : en un mot, le traduc-
teur doit forcément se transformer un peu en adaptateur. M. Plessis
n'a pas compris ainsi son rôle. De là des bizarreries choquantes. Si
M. B. rapproche les hexamètres rocailleux d'Ennius, exclusive-
ment composés de spondées, d'un mauvais vers du poète allemand
Stolberg (p. 27), M. Plessis ne nous fait pas grâce de ce mauvais vers.
Si M. B. compare les petites pièces erotiques et les tableaux de genre de
Catulle aux poésies de Moerike, poète souabe, (p. 62), M. P. conserve
cette comparaison, déjà ridicule en elle-même, et qui n'a de sel que
pour un étudiant, je ne dirais pas allemand, mais wurtembergeois.
S'agit-il des comédies de Plante et de leurs imitations modernes (p. 20),
M. Plessis nous apprendra bien que le Miles gloriosus a servi de mo-
dèle à Y Horribilicribrifax de Gryphius (versificateur de l'école de
Silésie). mais il se gardera de rappeler qu.' Amphiti'j'on a inspiré Molière
et les Ménechmes Regnard. De même encore, se figure-t-on la mine de
l'écolier auquel on enseigne que la ville campanienne d'Atella — d'où
viennent les Atellanes — était « une sorte de Schoepenstedt oudeSchilda
latine! » (p. 1 1). Autant vaudrait écrire tout de suite en allemand.
Je pourrais multiplier les exemples de ce genre; j'aime mieux finir
par un éloge. M. Plessis, outre une préface assez inutile ', a ajouté au
livre de Bender un certain nombre de notes bibliographiques où il si-
gnale, pour chaque auteur important, les meilleures éditions, les tra-
ductions iVançaises et quelques ouvrages de critique littéraire. Quoique
ce travail ne soit exempt ni d'erreurs, ni de lacunes-, il est, en général,
1. 11 y développe notamment l'idce absurde, quoique banale, que les Romains ont
agi « en bons pères de iamille » en ne se livrant aux travaux littéraires qu'après avoir
compris le monde. Comme si c'était là la raison de l'infécondité des prem.iers siè-
cles de leur littérature, et comme si Pindare et Eschyle avaient empêché les Grecs de
vaincre à Saiamine!
2. J'en ai noté quelques-unes en passant. P. 5 2, il aurait fallu citer l'édition de
Virgile par Gebhardi (18S4) et la traduction française de Cabaret Dupaty au lieu de
la <i traduction abrégée » de Colomb; p. 134, on cherche vainement la traduction de
Pline l'Ancien par Littré; p. 1 52, l'édition de Grégoire de Tours par Arndtet Krusch
410 UEVUK CRITIQUE
consciencieusement fait et pourra rendre de réels services aux étudian:s.
Mais si ce petit volume, comme je l'espère, atteint les honneurs d'une
seconde édition, que M. Plessis se souvienne, je l'en supplie, qu'il ne
traduit ni le Laocoon de Lessing ni le Werther de Gœthe, mais un livre
élémentaire n'ayant d'autre mérite que son utilité, et que ce n'est pas un
sacrilège, en pareil cas, d'apporter à son modèle quelques retouches né-
cessaires, dont l'absence jette une certaine teinte de barbarie et de pé-
dantisme sur un travail estimable.
Théodore Reinach.
gi. — Extraits <îes l!:seais de SEoiitaîgne, par M. Eugène Voizard, professeur
agrégé au lycée d'Angoulême. Paris, Garnier frères, 1884. Prix : 2 fr. 5o.
Montaigne est le plus charmant et le plus aimable de nos moralistes.
Sa langue pleine de gaillardise et de vivacité, si riche d'expressions naï-
ves et vraiment françaises, si abondante en tours pittoresques, est faite
pour plaire à de jeunes esprits, et l'on ne peut qu'approuver la mesure
qui enjoint aux élèves de seconde de connaître au moins par quelques
morceaux choisis l'admirable auteur des Essais. Mais il ne faut pas se
dissimuler que si Montaigne a l'abord facile et attrayant, il ne se laisse
pas aisément saisir : c'est parfois une besogne ardue de suivre dans ses
élans cette imagination puissante qui procède par sauts et par bonds, de
bien comprendre les conceptions d'un esprit qui laisse plutôt « désir que
satiété de soy ». Il ne se soucie guère de cet art qui consiste à passer
insensiblement d'une idée à une autre, et qui faisait le désespoir de La
Bruyère; mais il va çàetlà, avance, revient sur ses pas, souvent « sans
autre sergent de bande à ranger ses pièces » que le caprice et la fantaisie.
C'est là précisément ce qui rend l'intelligence de Montaigne si difficile
au fond pour la jeunesse, et il me semble que celui qui destine à cet âge
un recueil tiré des Essais devrait pour le moins s'attacher autant à
(Momnnenta de Pertz, 1804) et la traduction de Guizot. Des indications bibliogra-
phiques comme « Boissier, Revue archéologique n (p. 42, note) sont insuflisantes.
— r^. 95, note I : il n'est pas exact que la traduction de Tite Live par M. Gaucher
soit précédée du texte latin etc., — Dans les rares notes « critiques » de M. Plessis
il y a des phrases bien singulières comme celle sur« le Juvénal de fantaisie si haut
vanté par tant de gens qui ne l'ont pas lu « (p. 112, note) ou celle-ci, sur le juge-
ment sévère que M. Nisard a porté de Lucain : « il ne faudrait pas aller au-delà »
(p. 106, note 1 ; cela veut-il dire qu'il ne faut ^a.s?A\&v jusque-là?) Comment M. P.,
qui est un latiniste distingué, peut-il écrire (p. 109 note) que le prénom de Perse
«i QsX. Aules cl non Aulus ti i Si cette bévue orthographique a été commise deux fois
par le copiste ignorant de la Vita Persii, est-ce une raison pour la reproduire et
pour inventer un prénom romain qui n'a jamais existé? — Je regrette enfin que les
épreuves n'aient pas été corrigées avec plus de soin ; il y a d'assez nombreuses fautes
dans les noms propres qui peuvent dérouter un lecteur novice (p. 22 Hautontimo-
rumenos; p. 27, Maevius (pour Naevius. p. 64-6^1, MétaRmophoses, 'i fois; p. iio,
Coningpon, etc.)
d'histoire et de littérature 411
commenter la suite des idées que la langue même de Tauteur. Il faudrait
par de courtes explications montrer le lien extrêmement ténu qui lie
telle phrase à telle autre, afin que les jeunes gens pussent mieux goûter
un écrivain qui pense beaucoup, et suivre sans trop de peine les tours
et détours de sa pensée. Ce n'est pas trop d'appliquer au style de Mon-
taigne ces épithétes d'à espineux et ferré >», qu''il appliquait lui-même à
Plutarque. Prenons au hasard ce passage du livre I, ch. xix, p. 27, de
l'édition de M. Voizard ; « Qui escouteroit celuy qui, pour sa fin, esta-
bliroit nostre peine et mésaise? Les dissentions des sectes philosophiques
en ce cas sont verbales; transcurramus solertissimas nugas; il y a plus
d'opiniastreté et de picoterie qu'il n'appartient à une si saincte profes-
sion : mais quelque personnage que l'homme entreprenne, il joue tou-
jours le sien parmy »; et cet autre du liv. II, ch. xvn, p. i33 : « Entre
deux pareils ouvrages poiseroy toujours contre le mien ; non tant que la
jalousie de mon advancement et amendement trouble mon jugement,
comme que, d'elle mesme, la maistrise engendre mespris de ce qu'on
tient et régente ». Je le demande, combien d'écoliers de quinze à seize
ans sont en état de comprendre ces deux passages, s'ils les lisent seuls
et sans secours? Et il y en a des centaines qui ne sont pas moins épineux,
je ne dis pas pour des enfants, mais pour le commun des hommes.
Pour attirer l'attention du lecteur, les anciens critiques avaient Phabi-
tude de marquer d'un signe les endroits difficiles; avec Montaigne ce
n'est pas assez d'une simple note; un commentaire, je le répète, est
souvent indispensable, et il est à regretter que M. V. ne se soit pas assez
rappelé qu'il faisait ce recueil pour des enfants, qu'il n'ait pas voulu ou
qu'il n'ait pas su, comme disait Montaigne, « se ravaller pour s'acom-
moder à leur force ».
Ce n'est pas que M. V. n'ait multiplié les notes, mais un grand nom-
bre sont insuffisantes, et pour s'en convaincre, il suffit de se reporter au
dernier passage cité plus haut; on y trouvera deux notes grammaticales
qui n'éclaircissent rien du tout. Voici les remarques, et il y en a trop de
cette espèce, que je relève au bas de la page 56 : « Empereur . Voir
Glossaire. S'embesongnoient, Voir Gloss. — Exercitation. Voir Gloss.
— Ce que nous ferions. Voir Plutarque, même traité — Commander.
Voir Plutarque, vie d'Agésilas. — Hippias. Voir Platon, Hippias ma-
jor. — Villette, petite ville. — Heur. Bonheur. /- Les beaux renseigne-
ments! Tout cela, il faut bien le dire, est d'une inutilité parfaite. Com-
bien il eût mieux valu faire remarquer aux jeunes gens les tours
nouveaux dont Montaigne a enrichi notre langue, et « ces braves formes
de s'expliquer », ces mots signifiants que Ton rencontre à chaque page
des Essais? Il est important dans une édition classique d'éviter les
erreurs : c'est ce que n'a pas toujours fait M. V. Ainsi la locution très
connue a être à dire » rr manquer, liv. II, ch. xvii, p. 239, est expli-
quée on ne sait comment par « pouvoir être favorable, pouvoir être
utile ». Il est vrai que dans la partie syntaxique, p. lxv, cette locution
41 2 REVUE CRITIQUE
est bien comprise, en sorte qu'il semble que la syntaxe et les notes ne
soient pas du même auteur. On remarque la même confusion d'explica-
tion pour « dessoude, en dessoude », locution qui, dans un double
article du Glossaire est interprétée par « désordre, en désordre », tandis
que dans le texte elle est expliquée par « à l'improviste », ce qui est
juste. Montaigne emploie très souvent le pronom qui au sens de « si on,
si l'on », comme dans ce passage : « C'est en vain estude qui veut; mais
qui veut aussi, c'est un estude de fruit inestimable », I, 25, p. 70. —
M. V. met en note : « C'est en vain estude ^Oî/r qui veut. Au xvie siècle
pour se supprime volontiers. » Dans la syntaxe, p. lx, il cite cet exem-
ple : « Qui me voudroit employer à mentir, à trahir... je diroy », et
donne de qui une autre explication qui est encore moins heureuse :
Cette dernière tournure est aujourd'hui remplacée par l'expression
« celui qui ». Cet emploi est cependant des plus fréquents dans notre
ancienne langue qui Tavait emprunté du latin :
Stultum imperare reliquis, qiti nescit sibi 1.
« Nous voilà au rouet », II, 12, p. 221 ne signifie pas « au bout de
nos inventions », mais» nous voilà au supplice, sur la roue », ainsi que
le prouve cet exemple :
Piez et mains garroté sur les volantes aeles
D'un rouet cramponné a gros liens de fer.
Supplice inusité aux ombres de l'enfer.
(Rémi Belleau, II, 209, Gouverneur).
« Brider l'asne par la queue », I, ig, p. 29, c'est commencer une
chose à rebours, et expliquer ce proverbe par « s'arranger mal, prendre
mal ses mesures », n'est qu'un à peu près.
Le Glossaire qui termine ce volume, très incomplet et sans renvois
aux pages du texte, est rempli des affirmations les plus hasardées, et qui
dénotent que M. V. n'a guère feuilleté les auteurs du xvi« siècle, et
encore moins ceux des âges précédents. Ainsi il prétend que « labile,
insipience », sont rares au temps de Montaigne; que seul ou à peu près
seul, cet écrivain a employé « liture^^mor fondement, piilote}'^ assagisse-
ments, enfieler, encouardir , neantise, vastité, verisimilitude^ questuaire,
profonder,judicatoire, dyspathie »: si c'était ici la place, je pourrais lui
prouver par de nombreux exemples que ces mots ont été employés avant
et après Montaigne. Il faut être bien sûr de soi avant d'affirmer qu'un
mot est la création de tel ou tel écrivain : les plus savants s'y sont
trompés,
La syntaxe de Montaigne est la partie que M. Voizard a le mieux
traitée. Mais aussi il avait pour se guider le chapitre iv de l'excellent
I. Dans ce vers de Pathelin que m'a signalé M. G. Paris :
Qui me paj'ast, je m'en alasse,
il saute aux yeux qu'on ne peut sous-entendre pour devant qui, m l'expliquer par
celui qui.
d'histoire et de littérature 41 3
ouvrage de M. Darmesteter, le Seizième siècle en France, et il en a lar-
gement profité. Il aurait pu également, pour l'orthographe, tirer parti du
beau livre de feu Thurot : « La prononciation française depuis le com-
mencement du xvi= siècle » : je n'ai pas remarqué qu'il Tait cité même
une fois.
A. Delboulle.
THÈSES DE DOCTORAT ES LETTRES
Faculté des lettres de Paris
(20 février i885).
Soutennnce «îe SU. Daniel Bourclienîn.
I. Thèse latine : De Tanaquilli Fabvi vita etscriptis. Paris. Grassart, i885, in-8.
200 pp.
II. Thèse française : Etudes sur les Académies protestantes en France au xvi^ et
au xvne siècle. Paris. Grassart, 1882, in-S. 480 pp.
I
Le sujet qu'avait choisi M. Bourchenin était fort intéressant, et il aurait pu,
s'il avait su en tirer parti, ajouter à l'histoire littéraire de la France un très
curieux chapitre. Il y avait une étude précise et méthodique à faire des procé-
dés pédagogiques de Tanneguy Lefebvre, de sa méthode en philologie : il aurait
fallu comparer ses procédés de critique à ceux de ses contemporains, montrer com-
ment il s'y prenait pour constituer un texte. Mais si la thèse est longue, elle est
au jugement de M. le Doyen, pleine de lacunes et peu agréable à lire. Elle comprend
deux parties, une partie biographique et une partie critique. Celle-ci n'est guère
qu'un assemblage de notes, une nomenclature confuse de tous les ouvrages de Tan-
neguy Lefebvre, de ses notes les plus brèves que M. B. a recueillies patiemment :
JVI. B. a du reste rendu un véritable service à celui qui voudra écrire un livre sur
T. Lefebvre; il lui aura fourni toute la bibliographie de la question, mais il est
impossible de lire telle qu'elle est la thèse de M. B., on est contraint de commen-
cer par la retaire. La langue est fort mauvaise, elle laisse tout à désirer. La méthode
de composition prête plus encore à la critique. Les idées se suivent au hasard et les
incidentes s'enchevêtrent les unes dans les autres de telle sorte qu'il faudrait être
fort habile pour se reconnaître au milieu d'elles. M. B. donne les noms français
sous leur forme latine, ce qui augmente encore l'obscurité de ses phrases. Puis des
chapitres inutiles viennent interrompre et embarrasser encore la marche de
l'exposition. M. B. les a écrits pour alléger un peu le récit qu'il essaye de faire de la
vie de T. Lefebvre, mais il n'a pas réussi dans son entreprise. Le chapitre le plus
obscur, c'est celui qu'il a intitulé : De duplici in familia dedecore et in Lutetiam
itinere. Par trois fois M. B. parle des rapports de T. Lefebvre avec M''^ Liger et il
attaque vivement sa conduite, mais toute cette question est si embrouillée que M. le
Doyen ne parvient pas à démêler le vrai du faux, ni même M. R. à s'expliquer très
clairement. Ce qu'il dit de M"i« Dacier (Anne Lefebvre) est moins clair encore. Il est
impossible de fixer la date de sa naissance, M. B. la place en 1648 ou 1649, mais
/
414 REVUE CRITIQUE
c'est une date contestée. A-t-elIe été la maîtresse de Dacier avant d'être sa femme,
M. B. le soutient, mais rien ne le prouve avec certitude. Il s'appuie sur des docu-
ments imprimés, mais ce sont des racontars, des bavardages de journalistes de
Hollande, et qui sont de cinquante-sept ans postérieurs aux événements qu'ils racon-
tent : il cite des actes authentiques, mais ils ne contiennent pas clairement les noms
des personnes dont il parle. Il s'appuie sur le témoignage d'Abbadie, mais ce té-
moignage n'est rapporté que par Chauffepied en qui M. B. a trop de confiance. D'a-
près M, B. Anne Lefebvre aurait été mariée en 1664 au libraire Lesnier, elle serait
devenue la maîtresse de Dacier, en aurait eu un enfant. Lesnier meurt en 1666, et
sa veuve attend 17 ans pour épouser Dacier en i683. Il est certain, d'après M. B.,
qu'Anne Lefebvre a quitté son premier mari, vieillard au caractère insupportable,
que Lesnier a désavoué son enfant, puis l'a reconnu à la suite d'un arrangement.
Mais l'acte du mariage n'est pas au greffe à Saumur, on conteste qu'il y ait eu au-
tre chose entre Anne Lefebvre et Lesnier qu'une promesse de mariage. M. B. s'ap-
puie sur une décision du consistoire de Castres, mais elle est contradictoire, il sem-
blerait en résulter que les enfants de M"'- Dacier sont à la fois illégitimes et adultérins,
reconnus et désavoués. M. B. se fait d'ailleurs, d'après M. Himl}', bien des illusions
sur les protestants d'alors, ils n'étaient pas beaucoup plus moraux que les catholiques :
T. Lefebvre n'a jamais été du reste ni ardent catholique, ni ardent protestant : au témoi-
gnage d'Henri Desbordes, que M. B. rapporte lui-même, il lisait au culte Tcrence et
Anacréon. Il tenait cependant à rester protestant, les lettres de Chapelain, dont M. B.
ne s'est pas servi, le prouvent.
M. Goelzer n'a que des critiques à adresser au style latin de M. Bourchenin. Sa
thèse est un long thème et mal fait, semé de solécismes et de gallicismes, de tournu-
res que M. B. croit rares et élégantes. Les informations sont très riches, mais M. B.
aurait dû consulter les lettres de Chapelain : il est vrai qu'elles étaient encore iné-
dites à l'époque où il a fait sa thèse. Il n'a ajouté que fort peu de choses à ce qu'a-
vait dit M. Célestin Port (Biographie générale de Didot). Ce qu'il aurait fallu mon-
trer, c'est comment T. Lefebvre, encore obscur, a pu être appelé à l'Académie de
Saumur et dispensé des épreuves, il eut fallu montrer son rôle et son vrai caractère
en le replaçant dans la société savante de son temps. Pour savoir quelque chose de
l'Académie de Saumur, il faut recourir à la thèse française. Les conclusions man-
quent d'ordinaire : on ne parvient pas à rien savoir de précis sur T. Lefebvre comme
éducateur et pédagogue. De Tanneguy Lefebvre, philologue, M. B. ne nous dit rien
non plus de très net, il s'abstient de donner son opinion sur la méthode qu'il em-
ployait et après avoir esquissé une vue très générale de ses procédés de critique,
M. B. transcrit simplement les tables des matières de ses livres. C'était ces procédés
de critique qu'il fallait étudier en détail, mais M. B. semble ignorer ce qu'était la
philologie de l'époque. Il n'a pas indiqué, comme il aurait fallu le faire, les diiïé-
rentes méthodes philologiques d'alors; il aurait fallu montrer que la critique de
T. Lefebvre est avant tout une critique conjecturale, qu'elle se soucie moins d'établir
le texte des auteurs de l'antiquité que de les rendre clairs et parfaits. Mais M. B.
n'avait pas la compétence nécessaire pour étudier cet intéressant chapitre de l'histoire
delà philologie française ; des quarante éditions qu'a faites T. Lefebvre, il n'a étu-
dié sérieusement que celle d'Horace et encore n'a-t-il pas su tirer de conclusion
de cette étude. Aussi le livre de M. B. est-il avant tout une consciencieuse et com-
plète bibliographie, mais il eut fallu le terminer autreinent que par une recette pour
faire de l'encre.
Le chapitre sur les méthodes d'enseignement de T. Lefebvre est lourd et vide,
d'après M. Crousié. La thèse est pleine de renseignements, mais de renseignements
DHlSTOfRK ET UK LITTÉRATURE 4l5
sans ordre. M. B. n'a rien ajouté à ce que M. Célestin Port avait dit de T. Le-
febvre et de sa fille, qu'un roman déplaisant : ses affirmations ne reposent que
sur des documents vagues ou peu authentiques. Bayle ne dit rien de toute cette
histoire ni Lamothe : Sainte-Beuve ni V. Fournel n'en ont entendu parler.
M. Waddington loue M. B. d'avoir donné comme thèse latine un travail sérieux,
qui soit autre chose qu'un chapitre détaché de la thèse française. Mais il regrette un
peu le sujet choisi et il n'approuve ni le style de M. B. ni le plan qu'il a suivi. Il
a amassé des matériaux intéressants et sa thèse peut rendre des services comme
travail préparatoire.
C'est un livre à refaire et à refaire en français, au jugement de M. Gazier.
On pourrait utiliser des documents dont M. B. ne s'est pas servi, les lettres
de Chapelain, les mss. de Conrart. xM. Gazier proteste avec indignation contre
les infâmes libelles qu'on a dirigés contre M™^ Dacier et qui ont induit M. B. en
erreur : il croit pouvoir affirmer, jusqu'à preuve positive du contraire, la pureté de
sa vie. D'après lui, il n'y a jamais eu autre chose entre elle et le libraire Lesnier
qu'une promesse de mariage. Saint-Simon fait son éloge, elle a été recueillie par
Huet, et a travaillé pour les éditions ad usum delphini : elle était à Paris en 1674 ;
Lesnier était encore vivant à cette époque; comment, s'il avait été son mari, ne l'cût-
il pas contrainte à revenir près de lui '( D'ailleurs elle était protégée par le rigide
Montausier, la pudeur de sa traduction d'Homère prouve en faveur de la pureté de
ses mœurs, et les sentiments délicats et tendres, la vive douleur qu'elle a montrée,
lors de la mort de sa fille, ne sont pas d'une femme qui aurait commis une faute
dans sa jeunesse.
II
M. B. avait été frappé, en lisant le livre que M. Compayré a écrit sur l'histoire
des théories de l'éducation en France, du silence presque complet qu'il garde sur
l'enseignement des Académies et des Collèges protestants. C'est l'histoire de cet en-
seignement que M. B. a essayé d'écrire et il a réussi dans la tâche qu'il a entre-
prise. Son livre est très exact, très complet : il sera dans les mains de tous ceux qui
voudront étudier sérieusement l'histoire de la pédagogie française. C'est d'ailleurs,
au jugement de M. le Doyen, un livre bien composé. Les pièces annexes sont fort
intéressantes, la bibliographie est très riche. En dehors de l'introduction et de la
conclusion, le livre comprend cinq parties : Origine et fondation de l'enseignement
protestant français. Organisation intérieure du Collège classique, de l'Académie pro-
prement dite. Administration générale et discipline des Académies. Physionomie
comparée de chaque Académie. La seconde, la troisième et la quatrième partie où
M. B. étudie le plan des études, leur sanction, l'administration générale, la juridic-
tion des Académies, la hiérarchie, la discipline, le régime et les mœurs sont les
plus intéressantes. Le collège de Genève semble avoir servi de modèle aux collèges
protestants de France. Sturm est l'initiateur de l'enseignement protestant en France
par la fondation du gymnase de Strasbourg, mais cette fondation est contemporaine
de celle du collège de Genève. Sturm a pris beaucoup de ces idées sur l'éducation
aux jéromites (Frères de la vie commune), chez lesquels il avait fait ses études,
mais c'était un humaniste et qui voulait former des lettrés, il tenait à donner aux
élèves le goût des auteurs de l'antiquité. M. Himly présente à ^L B. quelques ob-
servations : Crevier n'est qu'un abréviateur, c'est de Duboullai qu'il aurait fallu se
servir, surtout pour l'histoire de l'Université de Paris; il est fâcheux que M. B. n'ait
pu utiliser le rapport de ^L Gréard, mais il n'avait pas encore paru, quand son li-
vre a été imprimé. Un point sur lequel il aurait fallu insister, d'après M. le Doyen
4l6 RliVUK ChlMQUE
c'est l'existence des Universités mi-partie; cela ne s'est vu qu'en France, partout ail-
leurs les Universités sont confessionnelles. C'est une gloire pour la France d'avoir
réussi à faire vivre ensemble, pendant cent ans et en se respectant les uns les autres,
les enfants du même sol, si divisés qu'ils fussent sur les questions religieuses :
mais la mauvaise volonté des deux partis a empêché que l'entente régnât toujours.
La tolérance n'est pas une idée théologique; la liberté que favorise l'homme qui se
croit en possession de la vérité absolue, c'est la liberté du bien, la liberté de la vérité.
Le protestantisme n'a pas introduit volontairement le libre-examen dans le monde,
comme semble le prétendre M. B., ce qu'il oppose à l'Eglise romaine, c'est l'autorité de
la Bible, de la Parole de Dieu. Luther, Calvin sont en somme des réactionnaires qui
remontent de quinze siècles en arrière, à l'Eglise de Jésus-Christ et des premiers
apôtres. Sans cela que signifierait l'autorité du synode? Si, en France, il n'y a pas eu
de persécutions des diverses sectes protestantes, les unes par les autres, c'est que
jamais le pouvoir civil n'a été entre les mains de protestants. Il importe d'ailleurs
de ne pas se faire trop d'illusions, les mœurs des étudiants protestants ne valaient pas
beaucoup mieux que celles des étudiants catholiques; si parfois elles étaient plus
austères, c'est à cause du contrôle efficace qu'exerce toujours une majorité hostile.
Mais dans les deux religions les gentilshommes se battaient en duel, les jeunes gens
avaient des maîtresses et les dames des amants. D'ailleurs, tout peut-être n'est pas
à admirer également dans la Réforme; Calvin est un très grand homme et dont la
France doit s'honorer, mais il n'y arien en lui qui aille au cœur. M. le Doyen dé-
clare qu'il l'aime aussi peu qu'il aime Luther, et que ce qui a lait la grandeur de
l'Eglise calviniste, ce sont moins ses doctrines que les souffrances qu'elle a héroï-
quement supportées.
M. Crouslé loue beaucoup M. B. des efforts qu'il fait pour rester toujours impar-
tial entre catholiques et protestants, malheureusement il ne réussit pas toujours à ce
qu'il a tenté. Comment a-t-il pu dire que dans le catholicisme les fidèles peuvent,
à la rigueur, se passer d'instruction? M. B. répond qu'en fait l'Eglise catholique a
été favorable à l'instruction du peuple, mais que dans les questions de foi les fidè-
les n'exercent pas de contrôle sur les dogmes, mais s'inclinent devant ce que leur
affirme et leur prescrit l'Église, qu'il suffit donc à la rigueur que le prêtre soit ins-
truit, que c'est pour le fidèle un droit incontesté de s'instruire, mais non un devoir.
M. B. semble croire que ce n'est que grâce à l'action de la cour que la France n'est
pas devenue prolestante; c'est une erreur grave. Du reste, il attire au protestantisme
tous les hommes qu'il admire, Erasme, Rabelais. M. Crouslé se demande ce qu'on
peut trouver de nouveau dans la pédagogie de Rabelais : c'est encore un scholasii-
que, il fait tout apprendre dans les livres : l'enseignement des sciences naturelles se
réduit à l'observation du ciel : il enseigne bien le calcul des probabilités à son élève,
mais c'est en jouant aux cartes. Rabelais tient avant tout à s'amuser et à amuser ses
lecteurs. Pourquoi dire que Montaigne est un ennemi de la science; il a écrit cepen-
dant « c'est un merveilleux outil que la science. » Que de choses à dire sur 'Vives,
sur Ramus, que M. B. n'a pas dites et cependant que de choses entassées déjà dans
cette revue complète, consciencieuse; mais les documents sont mal digérés; expo-
ser ainsi tous ces faits sans pitié, c'est trop durement traiter le lecteur. Il n'est pas
exact de dire que les jésuites ne songeaient qu'aux belles-lettres, au commencement
du siècle, ils ne s'occupent que de théologie pédantesque. Pourquoi leur reprocher
les auteurs expurgés; si M. B. avait enseigné, il saurait combien certains passages
sont parfois gênants pour le professeur. Le livre de M. B. en résumé est un thé-
saurus, un magasin où iront utilement chercher ceux qui en auront le courage.
M. Waddington remercie M. B. de l'hommage qu'il a rendu au bulletin de la so-
DHISTOIRK ET DE LITTÉRATUBE 4I7
ciété de l'Histoire du protestantisme français et à ses services. Seulement il aurait
fallu citer par leurs noms Ch. Read, les frères Haag. L'étude que M. Bourchenin a
faite de l'organisation des Académies est supérieure à l'esquisse qu'il a tentée de leur
histoire, mais il eut fallu plus de peintures vivantes, plus de portraits. 11 eut été bon
de raconter quelques concours, celui de Bayle, à Sedan par exemple, de parler de son
amitié avec Jurieu.
M. Petit de Jullevilie a lu la tlièse d'un bout à l'autre avec plaisir et profit. La
forme est simple et correspond au fond. N'y a-t-il pas un peu de mirage dans ces
mots d'Académies, d'Universités : d'ordinaires les collèges seuls avaient des élèves et
des maîtres, les Universités n'étaient souvent que des cadres vides : l'Université de
Dijon ne se composait que de deux professeurs de droit. Nulle part, il n'y a eu
plus de neuf chaires publiques occupées.
CHRONIQUE
FRANCE. — Deux brochures du docteur J. B. Noulet. — Dans la Notice sur le
passoiens moundi — c'est-à-dire le passe-temps toulousain — (Montpellier, 1884, in-S"
de i3 p. Extrait de Iz. Revue des langues rowaiies), le docteur Noulet décrit un petit
volume in-S" de 64 p. sans nom d'auteur, publié à Toulouse chez Jean Boude en
1624. 11 cite quelques-unes des pièces du rarissime recueil. La principale de ces
pièces est une série de Sy quatrains en vers alexandrins consacrés à la glorification
de Louis XIII (Stansos sur les faits de Louys le Juste, rey de Franco et de Nabarro}.
Le reste du livret est occupé par des compositions variées (sonnets, strophes, qua-
trains) adressées à une maîtresse inexorable. On s'explique l'insensibilité de cette
dernière en lisant les détestables vers de celui qui voulait l'attendrir. On remarque,
dans une pièce en l'honneur de la beauté des jeunes toulousaines (Descripsiu de
beautat) l'éloge d'un des peintres les plus habiles du xvii' siècle, Chalette (le Troyen)
que le poète anonyme met bien au-dessus d'Apelles. — C'est encore d'un poète
qu'il s'agit dans la seconde brochure du docteur Noulet, mais d'un poète qui faisait
des vers français et qui ne les faisait pas mal {Jean Charron de Lacarry, lauréat
des jeux floraux. Auch, i885, in-8° de 22 p. Extrait de \3. Revue de Gascogne). Le
savant critique a très heureusement complété un opuscule que j'ai publié l'an der-
nier (A/'o/t? sur le poète lectoiii-ois Lacarry. Auch, in-S» de 11 p.). 11 s'est servi, pour
cela, d'un recueil qui n'avait pas encore été signalé aux bibliographes et qui est in-
titulé : Triomphe pour la fleur de la violete, par Charron de Lacarry (A Tolose,
par A. Colomiez, 1640, in-40 de 24 p.). On lira avec grand intérêt les citations et
surtout les observations du docteur Noulet. Quelques-unes de ces observations con-
firment les miennes (par exemple pour l'épigramme que j'avais cru devoir attribuer
au président Barthélémy de Grammond); d'autres observations prouvent que je
m'étais trompé, notamment quand j'ai regardé l'imprimeur Boude comme l'auteur
probable d'une pièce composée par J. P. Baynaguet, avocat toulousain, pièce pour
laquelle mon honorable confrère me trouve trop sévère et pour laquelle je le trouve
trop indulgent. Nous nous accordons mieux (voir la note 3 de sa page 12) touchant
la non-existence de Clémence Isaure. La notice du docteur Noulet fait connaître di-
vers poètes méridionaux, amis de Lacarry, tels que de Boissonade (de Montesquieu-
Lauraguais), Boyer (de l'Albigeois), Lombrail de Saint-Martin (de Toulouse), A. An-
\
418 RKVUK CRITIQUE
sclme (de l'Isle-Jourdain), Paris (de Lectoure). Parmi ies révélations spécialement
relatives à Lacarry, je signalerai celles-ci : Le poète qui chantait Clytie dans son
son premier recueil (i536), était^ quatre ans plus tard, déjà infidèle et célébrait Ma-
rie Castain sous le nom à^Aminte. L'ancien lauréat de i536 et de 1640, était, en
i68j, juge aux jeux floraux. Cinq ans auparavant, il figurait sur la liste des Ca-
pitouls et il portait les noms et titres que voici : Jean de Lacarry, avocat, baron de
Mauléon. T. de L.
— On sait très peu de chose de Pierre de Carcavy qui joua le rôle d'intermédiaire
entre les plus grands savants de son temps, devint bibliothécaire de Colbert et du
roi, et directeur de l'Académie des sciences. M. Charles Henry cherche dans le mé-
moire qu'il vient de publier (Pierre de Carcavy. Paris, Gauthier-Villars, 1884), à com-
bler cette lacune par des documents inédits ou peu connus: i» Carcavy est né à Lyon;
son acte de naissance n'a pu être retrouvé, mais on donne sa commission de con-
seiller au parlement de Toulouse telle qu'elle est conservée aux archives de ce parle-
ment; 2° en 1647, il était à Paris conseiller au Grand Conseil ; une lettre inédite de
lui à Mersenne est publiée page 9, puis sa correspondance avec Huygens, également
inédite, dont les précieux résultats nouveaux sont résumés pp. i2-i3; on remarque
particulièrement l'attribution à un ouvrier allemand séjournant à Angoulême de la
première horloge à pendule (i6i5); 3° en 164g il quitta sa charge de conseiller, se
mit au service du duc de Liancourt, puis de Colbert. Parmi les travaux qu'il fit pour le
Ministre on publie ici pour la première fois un mémoire sur l'ordre suivi par lui de
l'arrangement des papiers du cardinal Mazarin et un mémoire sur la préséance des
ducs et pairs; 4° après des renseignements aussi complets que possible sur les tra-
vaux importants de Carcavy à la Bibliothèque on publie une relation autographe de
lui qui jette la lumière sur un attentat — encore entouré de circonstances obscures
— l'assasinat de l'abbé Breunot, garde du cabinet des Antiques ; neuf gros volumes
in-folio de notes prises par Carcavy à la Bibliothèque du roi, sont signalés à Sainte-
Geneviève; 5° deux lettres inédites de Carcavy à Falconieri sont publiées pp. 69-70,
d'après le ms. de la Bibliothèque Saint-Marc à Venise; la première prouve que c'est
à Carcavy que revient l'honneur d'avoir conçu le projet de la belle édition des Ma-
thematici veteres; on voit, pp. 71-72, que la carrière académique de Carcavy n'a pas
été sans difficultés; 6» un Mémoire concernant la Bibliothèque du Roy publié pour
la première fois p. 72, prouve que Carcavy avait beaucoup d'ennemis; la mort de
Colbert en i683 amena sa disgrâce; il fut remplacé à l'Académie et à la Bibliothè-
que par l'abbé Gallois et mourut en 1684.
BELGIQUE. — M. Willems vient de publier une forte brochure (Louvain-Paris;
Thorin) formant appendice à ses deux volumes sur le Sénat de la République ro-
viains. La première partie, où l'auteur répond à diverses objections qui lui ont été
faites, contient les dissertations suivantes : I. Ornamenta consularia praetoria, etc.
— 11. La /orwiM/e patres conscripti et Vépoque de l'admission de la plèbe dans le Sé-
nat. — 111. A Les droits sénatoriaux du flamen dialis. B Le plébiscite ovinien. C Le
plébiscite atiiiien. — IV. L'inscription d'Adramytion. — V. Le sénatus-consulte re-
latif aux cités de Mélitée et de Narthakion en Tliessalie. — La deuxième partie con-
tient des index. Nous apprenons avec plaisir que M. Willems se propose de complé-
ter son grand ouvrage en entreprenant l'histoire du sénat sous l'empire. Il aura
ainsi acquis un nouveau titre à la reconnaissance du public savant.
ALLEMAGNE.— Le savant éditeur de Herder, M. B. Suphan, vient de publier dans le
dernier volume du Gœthe Jahrbuch, sous le titre « Goethe und Prin:{ August von
Gotha », un curieux article sur les relations, entre les années 1780 et 1793, du grand
poète et du prince son ami. Cette courte mais substantielle étude renferme des détails
D MISrOlKli ET DK LriTEHAlCRK 4I9
d'un grand intérêt sur les goûts et les sympathies d'Auguste de Gotha, ainsi que
sur les occupations de Gœthe à cette époque. Tout en suivant avec une curiosité
constante les nouvelles littéraires de France, le correspondant de Grimm porte l'in-
térêt le plus vif aux travaux du poète; le voyage de ce dernier en Italie l'éloigna du
prince une première fois, mais sans porter atteinte à leur amitié; la campagne de
France amena presque un refroidissement entre eux. La guerre était blâmée par
Auguste, dont les sympathies étaient au fond pour la France ; le danger qui, l'an-
née suivante, menaça l'Allemagne, vint seul changer ses sentiments; mais il ne put
comprendre la satire que Gœthe fit dans le Bùv g er général des soldats de la Révo-
lution et il punit le poète, en affectant d'attribuer son drame à Kant : méprise vo-
lontaire que Goethe eut peine à oublier. On voit que de faits curieux rappelle l'arti-
cle de M . B. Suphan. — G. J.
— M. UsENER vient de réunir en deux volumes les articles et mémoires publiés
par Jacob Bernays (Gesammelte Abhandlungen von Jacob Bernays, hggb. von H.
Usener, 2 vol. 8,xxiv-356, 896 pp. Berlin, Hertz, i885). De ce recueil sont exclus
les ouvrages qui sont à la disposition du public, comme les Essais sur la théorie
dramatique d'Aristote ou l'Étude sur Scaliger qui va être réimprimée. Le \" vol.
contient 24 articles relatifs à la littérature grecque, surtout à la littérature philoso-
phique : les auteurs étudiés sont Héraclide, pp. i-io8, Aristote, pp. iSo-igi, Pho-
cylide, pp. 192-261, Epicharme, Protagoras, Gorgias, Philon, S. Hippolyte, Longin
et Apulée. Le 2e vol. est consacré à la littérature latine. 11 renferme le commentaire
des 68Ç( premiers vers du poème de Lucrèce. L'éditeur raconte dans sa préface l'his-
toire de ce travail. En i853, Bernays se chargea de préparer pour la Clarendon Press
une édition de Lucrèce avec notes critiques et explicatives; puis, il se fatigua d'un
travail qui l'asservissait et y renonça, malgré les protestations de ses amis. Deux
notes (pp. 68-78) placées à la suite de cet article sont encore relatives à Lucrèce. Les
numéros suivants roulent sur la crainte de Dieu dans le Juvénal, pp. 77-80 ; sur
la Chronique de Sulpice Sévère, pp. 8i-2o5; sur Gibbon et son œuvre historique,
pp. 206-254; sur les Etudes de droit romain avant Théodore Mommsen, pp. 255-
275. Sous le titre de Mélanges, on a rangé à la suite Sg notes ou notules sur diffé-
rentes questions. Les parties inédites sont dans le I^'' vol. le n" xv, Oratio de Aris~
totele Athenis peregrinante et de libris eius politicis, 186(3; dans le 2" vol. les no^xxv,
Commentaire sur le i" livre de Lucrèce, et xxxi. Gibbon et son œuvre historique,
les mélanges 3 : sur le TCîpi "/.ojjj.O'J faussement attribué à Aristote; 37, les Discours
d'Aristote éonire Platon, Qt 3(), Zu Lucretius IV i i3o. Le P' vol. est précédé d'un
avertissement (m-x) où B. est dépeint au lecteur comme « un sage antique, fidèle à
la croyance et aux coutumes de ses pères, détaché des honneurs, concentrant toute
sa vie au dedans de lui-même, » etc.; d'un tableau chronologique des publications
de Bernays (xi-xvii) et d'un catalogue des mss. qu'il laisse à la bibliothèque de l'U-
niversité de Bonn (xviii-xxiv). — P. A. L.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du i5 mai 188 5.
Une lettre de M. Le Blant, directeur de l'école française de Rome, donne l'analyse
d'une communication de M. Gamurrini, faite à l'Académie d'archéologie chrétienne,
sur un manuscrit d'Arezzo. On a annoncé, il y a quelque temps déjà, la découverte
de ce manuscrit, due à M. Gamurrini : il contient plusieurs ouvrages inédits, le
De mysteriis de saint Hilaire de Poitiers, deux hymnes et le récit d'un voyage en
Orient, écrit par une femme à la fin da iv^ siècle. M. Ch. Kohler a eu communi-
catic)n de ce dernier texte et en a donné une analyse dans la Bibliothèque de VEcole
des Chartes. Dans le travail qu'il a lu a l'Académie d'archéologie chrétienne, M. Ga-
420 RKVUE CRITIQUE d'hISTOIRE ET DK LITTÉRATURE
murrini s'est attaché à établir, par diverses considérations, que l'auteur de cet ou-
vrage doit cire Sylvie, sœur de Flavius Rufus, qui fut consul en 3q2 et préfet d'O-
rient sous Théodose et Arcadius. — M. le Elan: annonce, en outre, que les fouilles
faites dans les terrains voisins de Vatrium des Vestales, du côté du Capitule, ont
amené la découverte d'une série de médaillons peints au x*^ siècle, qui représentent
des bustes de saints.
On sait que la Société centrale des architectes décerne chaque année une médaille
à un membre de l'une des Ecoles françaises d'Athènes et de Rome, qui lui est dé-
signé par l'Académie des inscriptions comme s'étant particulièrement distingué par
ses travaux archéologiques. L'Académie, sur la proposition de la commission des
deux écoles, présente cette année à la Société, pour cette récompense, M. Pierre Paris,
membre de l'Ecole française d'Athènes. M. Paris a dirigé, pendant l'automne de
l'année 18S4, des fouilles importantes à Elatée (Phocide)."
M. Clermont-Ganneau communique les estampages de trois monuments phéni-
ciens recueillis par M. Lœytved, vice-consul de Danemark à Beyrouth. Le premier
est un sceau, de forme scarabéoïde, ou l'on lit un simple nom propre, Abd-Hadad,
c'est-à-dire serviteur du dieu Hadad. Les deux autres monuments sont des textes
lapidaires, qui viennent enrichir la série peu nombreuse des inscriptions phéni-
ciennes trouvées en Phénicie même : on n'en connaît encore, sans compter celles-ci,
que douze, dont neuf ont été insérées dans le Corpus inscripiiomim Semiticariim,
et trois doivent trouver place dans le supplément de ce recueil. Les deux inscriptions
trouvées par M. Lœytved n'ont pu encore être lues en entier ni l'une ni l'autre.
Dans la première, gravée sur un fragment de marbre qu'on a trouvé dans la ville
même de Tyr, on distingue seulement un passage relatif au paiement d'une somme
de quatre-vingt-dix sicles de monnaie tyrienne, une liste de suffètes, et ces mots
qui reviennent à trois reprises : « a fait la moitié de ce » L'autre con-
tient une mention chronologique précise : « En l'an 26 de Ptolémée, seigneur des
royautés, illustre, Evergète, rils de Ptolémée et d'Arsinoé, dieux frères, l'an 53 du
peuple de Tyr. » L'année ainsi désignée est l'an 221 avant notre ère, et l'on a ici
une double confirmation du calcul des années du règne d'Evergète et de celui des
années de l'ère tyrienne. Les titres données à Ptolémée sont exactement ceux qu'il
prenait dans les documents écrits en grec. Le titre d'adôn melakim, qu'on traduit
ordinairement par seigneur des rois, mais qui signifie plutôt, selon M. Clermont-
Ganneau, seigneur des royautés (on le trouve rendu en grec par y.'jpioç pasO^stûv),
n'a été porté que par les successeurs d'Alexandre et probablement par Alexandre
lui-même. Aussi M. Clermont-Ganneau pense qu'il faut rapporter à l'époque des
diadoques le tombeau d'Eschmounazar, où on lit ce même titre. Il trouve dans l'ins-
cription découverte par M. Lœytveld une nouvelle confirmation de cette opinion.
M. Benlœw commence la lecture d'un mémoire intitulé : Des peuples el des lan-
gues du Caucase.
M. Abel des Michels commence la lecture d'une note sur le sens du nom de Giao~
chi, donné par les Chinois aux ancêtres du peuple annamite. On a prétendu que ce
mot signifiait, soit : « Qui a les orteils écartes, >/ soit : « Qui a les orteils croisés l'un
sur l'autre», et l'on a dit que les hommes de quelques tribus indigènes de l'Annam
présentaient une conformation qui justifiait de pareils noms. M. des Michels repousse
ces hypothèses sans fondement et soutient que le mot Giao-chi ne signifie autre
chose que « jonction », « frontière » : il désigne les habitants des confins de l'em-
pire chinois.
M. le D' G. Lagneau lit un mémoire intitulé : Des aneslhésiques chirurgicaux
dans l'antiquité et au moyen âge. M. Hauréau a fait remarquer, dans un ouvrage
d'Abélard, un passage où ce théologien attribue à des aneslhésiques, analogues à
ceux qu'emploient les chirurgiens, le profond sommeil d'Adam durant l'ablation de
la côte qui devait servir à la "création de la femme. M. Lagneau s'est demandé quels
pouvaient être au xii» siècle les aneslhésiques chirurgicaux auxquels Abélard faisait
allusion. Rapportant des textes de Pline, de Dioscoride, de Hugues de Lucque, de
Théodoric, de Matthiole, de Gui de Chauliac, de Des Moulins, de Dodoens, de Ga-
nappe, de Laurent Jaubert, d'Ambroise Paré, de Bodin, de Porta, de Deusing, il
montre que dans l'antiquité et au moyen âge les auieurs parlent de trois sortes
d'anesthésiques usitcs par les chirurgiens ; des anesthésiques locaux, employés par
application, et des anesthésiques généraux, employés de deux façons difiérentes :_les
uns, préparés de diverses manières avec la mandragore et l'opium, étaient ingérés
avant les opérations; les autres, plus complexes, préparés avec ces mêmes substances
et beaucoup d'autres, auraient agi, dit-on, par olfcation, bien que les principes peu
volatiles dont ils sont composés, semblent à priori devoir faire douter de leur pré-
tendue ethcacité. Aussi est-il permis de croire, selon M. Lagneau, que beaucoup des
auteur cités par lui n'ont parlé des préparations qu'ils décrivent que par ouï-dire,
et qu'ils ne les ont jamais mises eux-mêmes ni vu mettre à l'épreuve.
L'Académie se forme en comité secret.
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Fuy, imprimerie de Marchessou tUs, boulevard Haint-Laurent. si.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE El DE LITTÉRATURE
N" 22 — 1 juin - 18S5
Konsmiaîre : 92. G. Meyer, Essais de linguistique et de folk-lore. — g'5. V. Duruy,
Histoire des Romains, VI et VII. — 94. Mossmann, Cartulaire de Mulhouse, I et
H. — gb. GOiMJiuNAT, Le comte de Toulouse et la bataille de Veiez-Malaga. —
96. Marionneau, Les salons bordelais au xyin*^ siècle. — Chronique. — Académie
des Inscriptions. — Société des Antiquaires de France.
02. — Ksaays und Stutîien zui» Spi"«<'îïge?îcît3eliîe ïssitî ■Volkskundc.
von Gustav Meyer, Dr. phil., Professer an der Universitœt Graz. — Berlin,
R. Oppenheim, iS83. In-8, 412 pp.
Toute science, en se spécialisant, tend à se frayer des sentiers inabor-
dables aux simples curieux, à s'éloigner de plus en plus du grand pu-
blic, et la linguistique, depuis les travaux de Bopp, surtout depuis les
vingt dernières années, n\i pu échapper au destin commun. Est-il bon
que, de temps à autre, une tentative de rapprochement surgisse,
qu'un auteur de talent cherche à intéresser aux résultats des plus récen-
tes recherches les amateurs de bonne volonté que décourage i"appareil
de l'érudition ? La réponse n'est point douteuse : si la vulgarisation
n^est pas toujours sans danger entre des mains inhabiles, elle devient
rindispensable auxiliaire des travaux d'érudition pure, lorsqu'elle est
conçue dans l'esprit du dernier ouvrage de M. G. Meyer, que nul,
même parmi les initiés, ne lira sans plaisir et sans profit.
L'auteur en effet y a réuni, en les refondant, un certain nombre
d'articles publiés par lui dans diverses revues savantes ou littéraires ; il
Ta complété en y joignant deux essais inédits, dont le dcvnÏQV (les qua-
trains populaires allemands, pp. 332-407) est fort long et très impor-
tant. Tel qu'il est, et bien que composé de morceaux détachés, l'ouvrage
forme un ensemble des plus satisfaisants, réparti en trois sections :
linguistique, folk-lore, poésie populaire; sujets dont l'étroite connexion
et le vif intérêt n'échapperont à personne.
Dans la V" partie M. G. M. étudie successivement : i'^ la civilisation,
ou plutôt la barbarie indo-européenne primitive, surtout d'après les
données recueillies par M. Schrader ", si différentes des tableaux idylli-
ques qu'on se plaisait autrefois à tracer; 2° la question étrusque, d'a-
près les travaux tout récents de MM. Deecke et Pauli ; 3° la langue et
la httérature albanaises; 4» les particularités du grec moderne ; 5° l'im-
migration des Slaves en Grèce et les traces qu'elle y a laissées. Sur
tous ces points l'auteur s'est beaucoup plus occupé d'exposer l'histori-
I. Schrader, Sprachvevgleichitng xind Urgcschichte. Jena, 1883.
Nouvelle série, XIX. 22
422 UEVUE CRITIQUE
que et Tétat actuel des questions, que de les faire avancer ; néanmoins
il en renouvelle certains côtés par des aperçus ingénieux et tout per-
sonnels; il les relève par le tour facile, agréable, parfois même très
humoristique, de son exposition. Qu'on en juge : (p. 45) « M. Pauli
(après avoir rattaché les Etrusques au groupe letîo-slave) a déclaré de-
puis qu'il avait voulu plaisanter et réfuter par l'absurde les conséquen-
ces de la méthode étymologique. On peut se demander Jusqu^à quel point
la plaisanterie était de mise en une matière où déjà le sérieux ressemble
si fort à une plaisanterie. »
La II"" partie nous révèle en M. G. M., non seulement un érudit en
matière de folk-lore, mais encore un véritable enthousiaste de littérature
et de poésie populaires. Il sent et exprime avec une vivacité singulière
le charme de ces études, si importantes au point de vue de la recherche
des origines, et si aisées que chacun, pour modeste que soit la sphère
oii il vit, peut s'y adonner. P. 23o : « Le conte n'est-il pas l'oiseau
merveilleux, à la suite duquel nous nous enfonçons plus avant, tou-
jours plus avant dans la forêt enchantée des légendes, jusqu'à n'en
plus pouvoir sortir? » M. G, M. en est sorti, heureusement pour nous;
car autrement il ne nous eût donné ni la Grammaire grecque ni les
Etudes albanaises ; mais qui ne se plairait à s'y égarer parfois avec
lui? Voici les titres de ses études mythologiques : i'^ le folk-lore en
général; 2° les contes en tant que documents sur l'antiquité préhistori-
que; 3° contes égyptiens ; 4° contes arabes; 5° l'Amour et Psyché; 6° les
sources du Décaméron ; 7° contes yougo-slaves ; 8° le preneur de rats
de Hameln; 9" le filleul de la Mort; 10" Rip van Winkle. Ces trois
derniers essais surtout contiennent une riche moisson de légendes simi-
laires, recueillies à diverses sources et soigneusement comparées entre
elles.
La dernière partie est la plus originale. A la suite de deux études sur
les çlokas indous (spécialement le Saptacataka de Hâla) et les stances
populaires de la Grèce moderne, l'auteur aborde les quatrains rustiques
de l'Allemagne (Schnaderhiipfel) , qu'il compare aux productions analo-
gues delà muse populaire en Europe et en Asie, Rien n'est plus curieux
que de voir la pensée revêtir, dans des domaines si divers, le même
tour de phrase, la même allure rythmique. De nombreuses citations
donnent à cette étude minutieuse tout l'agrément d'une composition
littéraire '.
t. J'en choisis deux, l'un dans le genre sentimental (p. 378) :
Das:, im Tanmvald finster is,
Das maclil das Hol\ ;
Dasi mei Schat\ finstr schaut,
Das macht dcr Stol^.
l'autre dans le genre qu'on pourrait nommer gaulois (p. 3(jo, c'est une jeune villa-
geoise qui parle, patois suisse) :
Mi Muclcr lict gsait,
I soll's Cliindli wicgc ;
d'histoire et de LlTTÉUAlURE 423
Je soumettrai maintenant à M. G. M. quelques-unes des observations
que m'a suggérées la lecture de son excellent livre.
Ueberirdisch (p. 8) dans le sens de « surnaturel » me paraît une ex-
pression bizarre et de nature à induire en erreur les non initiés, alors
qu'il s'agit des êtres souterrains qui ont révélé à l'homme Texistence
des métaux et Fart de les travailler.
Si « la décadence des Etrusques nous semble commencée dès leur
première apparition dans le domaine des historiens romains » (p. i5),
n'est-ce pas surtout parce que ceux-ci se sont appliqués à voiler, dans
les pénibles débuts de leur patrie, les échecs répétés que les Etrusques
lui ont fait subir et la quasi-servitude où ils Pont tenue durant de lon-
gues années?
Sur le vers politique byzantin (p. 107) je suis obligé d^en croire
M. G. M., n'en ayant jamais entendu réciter; mais, quant à Palexan-
drin français, j'en accorde difficilement la « fatigante monotonie ». Si
Ton m'avait demandé un exemple de cadence monotone, j'aurais peut-
être commis Pimprudence de citer la stance des Nibelungen : simple
affaire d'éducation et d'habitude. De même, malgré la grossièreté de
beaucoup de nos fableaux et l'immense supériorité des contes de Boc-
cace, on aura peine à souscrire au jugement un peu trop sévère de
l'auteur (p. 21 3).
Dans les études contemporaines sur le folk-lore, l'auteur a fait aux
travaux français une place très honorable (p. 04). Il a toutefois oublié
de mentionner la i?o?7îan/rt, qui, avant et depuis la première publica-
tion de Mélusine^ a accueilli plusieurs intéressants essais de mythologie
populaire.
D'une manière générale je souhaiterais — mais ceci est une impres-
sion toute personnelle — que M. G. M. insistât davantage sur l'inter-
prétation naturaliste des contes, à laquelle il ne fait que des allusions
assez timides, à propos de mythes qui, quoi qu'il en dise (p. 182, p. 207)
ne me semblent pas susceptibles d'une autre explication. Il se peut
bien que souvent des récits d'événements historiques se soient superpo-
sés aux mythes et confondus avec eux ; mais le phénomène naturel n'en
demeure pas moins le substratum, l'élément essentiel de la plupart des
contes populaires, sinon de tous. C'était vraiment, M. G. M. nous le
dit ailleurs (p. n), la façon dont nos pères expliquaient la nature; et,
si je ne craignais de donner à ma pensée un tour paradoxal, je dirais
volontiers que nos contes de fées sont les traités de physique du temps
jadis. Dans quatre mille ans, les nôtres, s'il en est resté trace, ne paraî-
tront pas moins surannés à nos arrière-neveux ; seulement il n'est pas
probable que leurs enfants s'en amusent.
Do /mil i vcrstandc,
I soll d' Biicbe licbc.
Je ne traduis pas : tout le charino de ces petits morceau;; est dans l'assonance
naïve, répondant au rythme de la pensée.
424 REVUE CKlTIQUli:
« Sans Balzac on ne saurait comprendre Zola, ni Shakespeare sans
Marlowe y> (p. 209). Malgré le mérite littéraire de M. Zola, je ne pense
pas que î'auteur ait voulu dire qu'il soit à Balzac ce que Shakespeare
est à Marlowe ; mais on pourrait s'y tromper.
A propos du conte de Rip et des similaires (longue durée écoulée à
l'insu du héros), je signale Fomission du conte de Pécopin et Baul-
dour, qui, tel que V. Hugo Ta inséré dans le Rhin^ laisse apercevoir
sous la magie du style un fond emprunté sans doute à quelque légende
rhénane.
DaPiS les nombreuses citations en divers dialectes allemands,
M. G. Meyer nous déclare qu'il a purement et simplement transcrit ses
sources (p. 41 1), d'autant qu'une graphie phonétique eût été ici tout à
fait déplacée, et qu'au surplus la vérification personnelle lui était inter-
dite. Rien de mieux. Toutefois je dois dire que la transcription de deux
quatrains alsaciens est si défectueuse que, si je n'avais été prévenu, je
n'aurais certes point reconnu le dialecte de la Haute-Alsace ' (p, 341-2).
Celui de Strasbourg (p. 343) est mieux traité.
Il reste à signaler quelques menues incorrections, fort peu nombreu-
ses. On s'étonne de lire (p. 96) Kalidasa et (p. 2o5) Urvasi (pour
Urvaci), alors que d'autres noms sanscrits sont correctement orthogra-
phiés (p. 264) et que plus loin (p. 290) on retrouve Kâlidâsa. P. 395, il
faut «acfero/zau lieude?7iïcferoJZ. Je relève enfin (p. 236) Monmouthsire
pour Monmouthshire et (p. 277J les morits Kaatskill^ partie du massif
alléghanyen (du moins Kiepert orthographie Catskill).
V. Henry.
g3. — Hîstoîi-e des iSoiriaîn&« par M. DuRuy, édition illustrée; tomes VI et
VU; édition in-8, tome VIL
En même temps que M. Duruy recevait de l'Académie française
l'honneur qui couronne sa belle carrière, achevait de paraître, sous une
forme définitive, cette Histoire des Romains qui est la plus solide par-
tie de son œuvre littéraire et scientifique. On écrira beaucoup sur
Rome, après ce livre et contre lui : on aura quelquefois raison de le
faire ; on aura toujours tort d'oublier, en relevant les erreurs qui peu-
I. Je restitue un de ces quatrains en transcription phonétique approximative
[à ■= a sourd, voisin de Va anglais dans ail, f aise ; a =. a bref français ; les sonores
se distinguant à peine des sourdes) :
's ésch nà net làng das\ es g'rayt hett,
Di baymle trepfle noch ,-
/ hà 'nemôl e Schat^le g'hett,
I n'Ott' i liatt' es noch.
« Il n'y a pas longtemps qu'il a plu — l'eau dégoutte encore des arbres; — autre-
fois j'avais une amie, — je voud-ais l'avoir encore, d
d'histoire et DK LITTÉKATUUE 42 3
vent s'y être glissées, de rendre hommage à un travail dont l'influence
a été aussi féconde que la gloire en sera durable. La génération qui
travaille aujourd'hui l'antiquité latine s'est formée à cette lecture : elle
y a trouvé ce qui vaut mieux que de longues citations, que des notes
hérissées de chiffres ou de transcriptions épigraphiques, elle y a trouvé
l'amour de la science, le plaisir de la recherche, le désir de la vérité,
c'est-à-dire les conditions morales de toute découverte scientifique. Elle
y a appris encore que l'histoire de Rome fait partie de notre héritage
national, et que la connaître et que Paimer est un devoir patriotique.
Enfin, elle y a vu aussi comment elle devait être écrite ; les recherches
épigraphiques, juridiques ou administratives sont une préparation
indispensable à l'histoire romaine : elles ne sont pas cette histoire.
L'imagination réclame sa part dans cette science : et les érudits qui
l'oublient trop volontiers aujourd'hui, feraient bien, pour se rappeler
comment on doit concevoir l'histoire, de relire de temps à autre un
chapitre de l'œuvre de M. D. '.
Des volumes que nous annonçons ici, nous n'avons rien à dire de
particulier; le texte a subi de légères, mais heureuses modifications por-
tant presque toutes sur les questions administratives ; les notes ont été
brillamment enrichies et complétées. Des gravures qui accompagnent
l'édition illustrée, nous n'avons qu'à louer le choix heureux et l'habile
exécution. Nous avons tout particulièrement admiré l'héliogravure
d'une vignette de la Notitia dignitatum empruntée au meilleur des ms.
parisiens de ce document : elle en donne une idée aussi exacte que pos-
sible. En illustrant l'œuvre de M. D. de cette grandiose manière, qui
est et sera toujours dans ses traditions, la maison Hachette ne s'est pas
seulement adressée aux gens du monde : elle a rendu à tous les érudits
un véritable service.
Le résumé général qui termine l'ouvrage apparaît pour la première
fois, quoique ceux qui suivent les séances de l'Académie des Sciences
morales et politiques aient pu en avoir la primeur. Ce résumé ne peut
ni se commenter ni s'analyser : il faut le lire. Certes, nous n'en parta-
geons point toutes les idées; nous ne jugeons pas de la même manière
la politique des empereurs, les causes de la chute de Rome, l'influence
du christianisme. Mais nous pensons qu'il est diflScile de caractériser
avec plus d'ampleur et d'éclat le rôle que Rome a joué sur la terre. « Le
peuple Romain est-il mort tout entier? Il en est des empires comme
des individus : les uns et les autres ne vivent avec honneur dans la
mémoire des hommes que par les grandes œuvres qu'ils ont accomplies.
Sanctuaire de l'art et de la pensée, la Grèce, comme son poète.
Est jeune encore de gloire et d'immortalitc,
1. Les Aliemands ont compris cette portée littéraire en mêine temps que la valeur
scientifique de l'ouvrage en le traduisant. Ce qui est bien caratérisiique, c'est que
la traduction est dirigée par un savant qui serait infiniment capable d'écrire par
lui-même une grande et bonne histoire romaine.
426 REVUE CRITIQUE
Rome mérite moins d'admiration, et son peuple n'est pas de ceux qu'on
aime ; mais elle reste pour le monde l'école de la politique, du droit,
de l'administration et de la guerre m.
Nous nous permettrons, à propos du dernier volume de M-. D. une
observation qui n'est pas un reproche, mais un regret. L'Histoire des
Romains finit en 395, c'est-à-dire trop tôt. La mort de Théodosc ne
doit pas faire date : ce n'est pas une époque dans l'histoire universelle.
« L'ancien monde », dit M. D. en arrivant à cette date, « est bien
mort; il ne reste plus à son historien attristé qu'à coucher le Génie de
Rome au sépulcre, où le moyen âge le tiendra dix siècles enfermé ».
« Cet empire où il ne reste rien qui puisse le faire tenir debout, ni
soldats, ni citoyens, par conséquent plus de qualités militaires ni de
vertus civiques, a pour gouvernement une administration vénale qui
corrompt tout, et, pour défenseurs, ceux qui demain le démembreront ».
M. D. juge trop sévèrement les contemporains de Symmaque et de Ju-
lien. Ainsi donc, selon lui, il ne resterait plus rien alors de l'ancienne
Rome? Le Génie du peuple romain, ce Genius Piibliciis né le jour de
fondation de la ville et qui devait mourir avec elle, il faudrait lui dire
un éternel adieu le jour où disparut Théodose, qui ne fut après tout
que le plus insignifiant des empereurs?
Si c'est le triomphe du christianisme qui a tué l'ancien monde,
c'est avec Julien que le Génie de Rome est descendu dans la tombe.
Et, de fait, la veille du jour où devait mourir le dernier des empereurs
payens, le Génie de Rome lui apparut, semblable à un fantôme qui va
s'évanouir. Vidit^ dit Ammien Marcellin, vidit squalidius speciem
illam Genii Publici per aulaea tristiiis descendentem. Mais si l'Eglise,
loin de tuer le Génie de Rome, lui a infusé un sang nouveau, il fallait,
après Julien, parcourir une étape plus longue et ne pas s'arrêter à la
mort de Théodose; il fallait nous montrer l'agonie, la fin politique de
l'empire jusqu'à l'arrivée d'Odoacre; il fallait nous montrer la papauté
saisissant et conservant l'idée de l'unité créée par Rome. Le moyen
âge n'a pas couché le Génie de Rome dans la tombe, il Ta fait végéter,
sinon vivre, dix siècles encore, et c'est la Réforme qui l'a achevé. Dieu
merci! il y a après Théodose une histoire romaine; il y a, sinon un
esprit militaire, du moins une organisation des armées très habile et très
forte. Il y a aussi des Romains pour commander aux soldats; et Stili-
con malgré son origine barbare, n'est pas moins romain que ne le fut
Septime Sévère malgré son origine provinciale. Je ne puis comprendre
que, dans une Histoire des Romains, il ne soit parlé longuement ni de
Stilicon ou d'Aetius, ni de cet admirable empereur qu'on appela Majo-
rien, ni de cet admirable livre qui est le Code théodosien, ni de cette
étonnante, quoique malheureuse réorganisation de l'administration ro-
maine qui eut lieu sous Honorius.
Au fond peut-être, cependant, le regret que nous exprimons ici vient-
il de la peine que nous avons à nous séparer de ce beau livre. Nous
D HISTOiRK ICT DE LITTERATOUE 427
avons indiqué plus haut les trois mérites qu'il possède à un degré supé-
rieur, ses qualités morales et patriotiques, sa valeur historique. Nous au-
rions dû y ajouter le charme qui s'attache à sa lecture : nous avons tous
eu à le lire le plaisir que l'auteur a eu en l'écrivant. Cet ouvrage a été
pour M. Duruy comme le compagnon fidèle de sa vie; le premier vo-
lume en parut en 1843 : Tauteur a vécu quarante ans dans ce travail,
et il y a vécu avec joie : « Gibbon », dit-il, a termine son grand ouvrage
par un adieu mélancolique et fier à Tancien compagnon de sa vie. Je
n'ai pas son légitime orgueil, » — M. Duruy a le droit de Tavoir, —
« mais je n'ai pas non plus sa tristesse, car je ne me sépare pas encore
de ce livre qui m'a été aussi un ami fidèle ». Il n'est pas seulement
l'ami fidèle de celui qui Ta écrit : il l'a été, il le sera de tous ceux qu'il
a formés à l'amour de la vérité et à l'étude de l'histoire romaine.
94. — Cai'tulaîi-o de Mulhouse, par X. Mossmann, archiviste de la ville de
Colmar, etc. Strasbourg, Heitz; Golmar, Barth, T. 1, xiv, 3 25 p., i883; T. II.
VI, 508 p. 1884. 2 vol. in-4. Prix du volume : 2 5 fr.
Des ouvrages de la nature de celui que nous annonçons en tête de
ces lignes, sont toujours d'une exécution difficile, quand ils sont l'œu-
vre d'un seul homme, et le seul succès qu'ils puissent espérer est un
succès d'estime auprès d'un groupe restreint d'érudits de profession ou
de quelques rares amateurs éclairés. Aussi est-il du devoir de la criti-
que d'accueillir des travaux de ce genre avec une attention sympathi-
que, de leur accorder tous les encouragements que mérite l'abnéga-
tion personnelle qu'ils présupposent, et de ne pas trop s'appesantir sur
quelques lacunes inévitables, sur de légers défauts d'exécution que nul
ne saurait se flatter d'éviter dans une besogne pareille.
La littérature historique relative à l'Alsace, si riche en publications
diverses, dont beaucoup d'un sérieux mérite, ne s'est guère augmentée
depuis cent ans, en fait de publications de chartes et de documents
originaux du moyen-âge. Soit que l'accès de nos archives ait été long-
temps trop difficile, soit que leur publication supposât des connaissances
spéciales faisant défaut au plus grand nombre des publicistes amateurs,
soir enfin que le développement politique et social de la province dé-
tournât de plus en plus l'intérêt des périodes germaniques du passé
alsacien, toujours est-il que Schoepflin et Grandidier n'ont guère eu
d'élèves et d'imitateurs. Les travaux projetés dans ce domaine, comme
celui de M, Hugot sur la Décapole, n'ont jamais vu le jour, et en 1864,
au moment 011 M, X. Mossmann abordait le travail difficile de réunir
les matériaux pour le Cartulaire de Mulhouse, on ne pouvait guère
signaler, depuis un siècle, qu'un travail de M. Ch. Schmidt, V Histoire
du chapitre de Saint-Thomas, comme enrichissant sérieusement la
428 REVUE CUITIQUE
diplomatique alsacienne. Depuis cette date la situation a quelque peu .
changé. Des subventions officielles considérables ont permis à quelques
savants allemands d^aborder la publication de recueils importants, tels
que V Urkiindenbuch de la ville de Strasbourg, dont MM. Wiegand
et Schulte ont déjà mis au jour le premier et le troisième volume, ou
bien encore les Urkunden :{iir Geschîchte der Tucher-iind Weber:{un/i
de M. Schmoller, dont nous avons autrefois rendu compte dans la
Revue. Le grand ouvrage de M. M. n'en reste pas moins, par ses origi-
nes, le premier en date paimi ceux destinés à renouveler, dans une
certaine mesure, la trame de Thistoire d'Alsace, grâce à l'exploitation
des nombreux documents conservés dans les archives de la province et
dans celles du dehors. Il est le fruit d'un travail incessant d'une ving-
taine d'années, qui a conduit le savant archiviste de Colmar dans les
dépôts publics de la Suisse, de l'Autriche, à Paris et jusqu'au Vatican,
pour réunir les pièces pouvant se rapporter à son sujet. L'importance
de Mulhouse qui, de nos jours, se laisse qualiiier volontiers de capitale
morale de TAlsace, est de date relativement récente; simple domaine
rural de l'abbaye de Saint-Etienne à Strasbourg, Mulhouse n'est devenu
qu'assez tard une petite cité, close de murs, appartenant aux évêques
de Strasbourg. Dans la seconde moitié du xvi<^ siècle elle se souleva
contre Walther de Geroldseck, le même prélat qui perdit également
Strasbourg, par suite de ses prétentions exagérées, et, pour se soustraire
à sa vengeance, elle se donna au landgrave Rodolphe de Habsbourg.
Sous Adolphe de Nassau, elle conquit dérînitivement la situation de
ville libre impériale, mais ce qui sépara bientôt son sort de celui des
autres villes alsaciennes et lui donna une physionomie propre dans
l'histoire de la province, c'est son alliance avec les Treize Cantons
helvétiques, qui lui permit d'échapper à la main-mise de la France sur
l'Alsace et les autres villes libres, en 1648 et plus tard. Grandissant en
importance par son commerce et surtout par son industrie, elle ne fut
réunie au département du Haut-Rhin, dont elle était une enclave,
qu'en 1798. On comprend, d'après ce résumé de son histoire, que les
premiers siècles de son existence ne puissent présenter qu'un intérêt
relatif au point de vue de l'histoire générale et même de l'histoire pro-
vinciale. Mais il est plus facile, d'autre part, d'assister à la formation
de la cité, d'en étudier l'organisme rudimentaire, d'en observer les
premiers pas dans la carrière politique et, à ce point de vue, l'étude des
pièces du premier volume, qui va jusqu'au xve siècle, offrira pour le
moins autant d'intérêt au jurisconsulte ou bien à l'historien que le
second, qui embrasse les documents recueillis par M. M. pour les an-
nées 142 I à 1466 '. Ce tome premier, qui débute par un diplôme de
I. Nous signalons surtout les pièces si curieuses, relatives aux Armagnacs, p. 12G-
200, celles qui se rapportent à un procès vehmique ([454-1465) soutenu par Mul-
house, celles enfin qui concernent le meunier Hermann Klee, et la Guerre des six
deniers (1466).
d'HISTOïRE et de LITTERATURE 429
Louis-le-Débonnaire, reconnaissant à Pabbaye de Masevaux des pro-
priétés sises à « Mulleniîusen » (823), connprend cinq cents pièces et le
second un chiffre un peu plus considérable. Ce millier de pièces est re-
produit d'après des copies prises soigneusement sur les originaux,
excepté quand ceux-ci n'ont pu être retrouvés ou bien quand les pièces
figurent déjà dans un recueil moderne où elles ont été éditées conformé-
ment aux exigences de la diplomatique et de la paléographie moderne;
dans ce cas M. M. s'est contenté d'en donner une analyse suffisamment
explicite, en renvoyant pour le texte même au recueil en question. Les
pièces sont publiées dans la langue originale, soit en latin, soit, pour
les siècles postérieurs, en allemand, mais l'éditeur a eu soin de placer
en vedette de chaque pièce un sommaire détaillé de son contenu, rédigé
en langue française, afin de permettre aux érudits ignorant l'allemand,
et même aux Mulhousois étrangers à l'une et l'autre de ces langues, de
s'orienter pourtant dans son Cartulaire. Il a joint à ces pièces d'archi-
ves les extraits des chroniques du moyen âge qui s'occupent en passant
de Mulhouse, en les classant à leur place chronologique. Nous regret-
tons seulement qu'il n'ait pas admis pour cette catégorie de témoins la
même règle que pour les documents eux-mêmes, et qu'il nous les donne
dans une traduction française au lieu de leur laisser leur forme latine
ou allemande, puisque les travailleurs ne seront pas dispensés de la
sorte d'aller chercher autre part le texte original.
La série des actes relatifs, d'une façon ou d'une autre, à l'histoire de
Mulhouse n'a pu être naturellement réunie d'une manière absolument
complète, malgré les longues et persévérantes recherches de M, Moss-
mann. Du moment qu'on prend — ainsi qu'il l'a fait, et avec raison —
le titre de Cartulaire de Mulhouse dans son sens le plus étendu et qu'on
y tient compte, par exemple, des diplômes signés pendant un séjour
princier dans cette ville, ou bien encore de toutes les pièces concernant
l'histoire de la Décapole, quand elles s'adressent â la généralité des dix
villes libres d'Alsace, il était inévitable qu'il restât des lacunes dans un
premier travail sur la matière. L'on ne peut s'étonner que d'une chose,
c'est que les critiques d'outre-Rhin qui ont épluché si strictement le
recueil de M. M. à ce point de vue, n'aient pas trouvé de pièces plus
nombreuses à signaler comme devant figurer au cartulaire. M. M. lui-
même a déjà donné un petit supplément au premier volume dans son
tome deuxième et le même fait se reproduira forcément pour les volu-
mes suivants. Jamais un cartulaire, jamais des régestes d'un souverain
quelconque, bien qu'ils fussent entrepris par les plus marquants des
spécialistes en ce genre, les Boehmer, les Jaffé, les Potthast, n'ont été
complets du coup; il ne faudrait pas l'oublier en reprochant si aigre-
ment une pièce oubliée dans un recueil peu accessible ou dans des ar-
chives peut-être mal classées.
Aussi les observations que nous aurions à présenter au savant archi-
viste de Colmar, portent-elles sur quelques autres points de son travail.
43o RKVUE CRIÏIQUK
La publication s'en est faite dans des conditions matérielles très favora-
bles, subventionnée qu'elle était par M. F. Engel-Dollfus, le grand
industriel de Dornach, qui, de son vivant, n'a cessé de s'intéresser à
tout ce qui se faisait dans le domaine intellectuel, en Alsace. Une ou
deux feuilles d'impression de plus ou de moins n'auraient donc pas
dérangé l'équilibre du budget de notre Cartulaire, et nous aurions
voulu que M. M. les employât à annoter un peu plus largement les
documents publiés par ses soins. Le Cartulaire de Mulhouse, comme
VUrkundenbuch de Strasbourg, abandonne un peu trop souvent le tra-
vailleur à ses propres forces, en présence de certaines indications vagues
de faits, de certaines mentions de personnages obscurs ou à peu près
inconnus. Qui pourrait mieux les élucider, les éclaircir d'une note suc-
cinte que l'éditeur du recueil lui-même, qui s'en est assimilé par une
longue et patiente collation, tous les éléments essentiels? Au besoin l'on
aurait pu rogner d'autant les en-têtes, si détaillés parfois, des pièces
reproduites et gagner ainsi la place nécessaire '.
Une seconde observation s'adresse à Vindex du Cartulaire. Chacun
sait que ce répertoire des noms et des choses consignés dans le corps du
volume est, dans l'usage journalier, la partie la plus importante de
l'ouvrage. Personne, à moins de vouloir écrire une histoire détaillée de
telle localité, n'en étudie le cartulaire, pièce par pièce et la plume à la
main ; mais on feuillette la table des matières pour y retrouver un nom
de localité ou de personne sur lequel on désirerait trouver des rensei-
gnements et sans perte de temps trop considérable. La table est-elle
mal faite, incomplète, le renseignement qu'on désire se trouverait mille
fois dans le volume, qu'il faudrait renoncer à l'y découvrir, à moins
d'efforts disproportionnés avec l'objet de nos recherches. Tel n'est pas
assurément le cas du Cartulaire de Mulhouse ; nous avons trop sou-
vent vu M. M. à l'œuvre pour ne pas savoir quels soins il a consacrés
à l'établissement de son index; mais on a pu néanmoins lui faire cer-
taines objections qui ne sont pas dénuées de fondement. La première
est discutable, bien qu'elle ait été principalement accentuée par certains
critiques allemands. M. M. a rédigé son cartulaire en français; comme
conséquence naturelle, il a classé les noms de localités et de personnes
sous leur forme française. D'autre part le passé de Mulhouse apparte-
nant à l'histoire de l'Empire et à la fédération helvétique, son Cartu-
laire sera évidemment consulté de préférence par des érudits de langue
allemande et ceux-ci n'étant pas tenus de connaître la forme francisée
des noms alsaciens, auront quelque peine à se retrouver dans un index
qui est classé d'après ces formes-là. Pour trouver une pièce relative à
Sennheim, il faut chercher à Cernay ; pour vérifier une donnée sur
Oberehnheim, c'est Obernai, pour Leiningen c'est Linange^ pour Lu-
ders c'est Lure qu'il faut chercher et ainsi de suite. Il y aurait eu un
I. Ces en-têtes ne remplacent nullement les notes que nous réclamons, parce
qu'ils résument seulement les pièces, ils ne les expliquent pas.
d'histoire et de littérature 43 i
moyen très simple d'éviter ces réclamations intéressées en mettant à
leur place alphabétique les formes allemandes et en renvoyant simple-
ment pour le fond à la forme française, à la place assignée par l'éditeur
Ce qui nous paraît plus fâcheux, c'est que M. M., ayant une fois admis
ce système, parfaitement justifiable en somme, à son point de vue, n'ait
pas tenu strictement à le suivre partout. C'est ainsi qu'au n° 3 (i, 2)
nous trouvons un comte de Tinvingen (au lieu du comte palatin de
Tubmgue)Q\. qu'au n» 468(1, p. 454) nous voyons figurer dans l'analyse
sommaire un Jean de Linange, comte de Rixingen\ si Ton emploie la
forme française Linange^ il faut aussi employer la forme française
Réchicourt. Du moment que l'on dit Rixingen, il n'y a aucune raison
pour ne pas dire Leiningen. De même Liit^elstein et La Petite-Pierre^
etc. Il en est de même pour l'orthographe de certains noms propres.
M. M. introduit généralement ces noms sous une forme légèrement
francisée; il écrit Giiéroldseck, Guebhart, Goesguen. Je n'y contredis
pas, bien que je n'en voie pas l'utilité majeure et qu'il vaudrait mieux,
à mon avis, conserver l'orthographe véritable, Geroldseck, Gebhart,
etc.; mais je ne comprend pas bien en ce cas pourquoi il écrit Baldwin
au lieu de Baudoin de Trêves. Dans les sommaires français, placés en
tête de chaque pièce, les noms ne sont souvent pas modiiiés et cepen-
dant ils le sont dans l'index qui renvoie à la pièce; ainsi au n" 337 (I,
325) Halle pour Hall en Sonate, au n" 348 (I, 33 1) Geilnhaiisen pour
Gelnhausen; au n» SyS (I, 36i) Gorlit:{ pour Goiilit:^; au n° 38i (I,
368) Eckerich pour Echery; au n" 495 (I, 409) Cliim pour Chlum, et
ainsi de suite. C'est une nouvelle source de confusions et de mécomptes
pour un travailleur impatient ou mal orienté. Les mêmes faits se répè-
tent, bien que moins souvent, dans l'index du second volume; ainsi
p. 55 I nous trouvons la ville de Boppart à la lettre B et p. 565 le re-
présentant de la vieille famille des Beger de Boppart sous la forme de
Poppard à la lettre P; nous lisons W. de Grumbach et W. de Griim-
pach, etc. Ces petites contradictions ne sont pas toujours faciles à éviter,
nous le savons, mais elles peuvent disparaître devant une révision plus
soutenue des épreuves, et la vive satisfaction que nous avons ressentie à
voir M. Mossm.ann produire enfin son grand travail, le fruit de tant de
veilles, devant le public, nous fait désirer que les prochains volumes
soient absolument inattaquables sur ces points de détail techniques.
Les sincères éloges qu'il mérite pour avoir osé aborder et mener si loin
déjà le plus grand travail diplomatique entrepris par un enfant de l'Al-
sace, depuis la mort de Schoepflin, ne sont nullement diminués par les
quelques observations critiques que nous avons cru devoir soumettre à
l'éditeur du Cartulaire de Mulhouse. 11 a eu la douleur de voir mourir
à ses côtés, à un an de distance, M. Engel Dollfus, le grand industriel
et M. Auguste Stoeber, le savant mulhousois qui avaient été les deux
parrains de cette entreprise si méritoire et si diflficile. Nous espérons
qu'il aura du moins la satisfaction de mener à bon terme et de pouvoir
432 REVUE CRITIQUE
mettre bientôt la dernière main à ce travail qui Toccupe et le préoccupe
depuis un quart de siècle et qui lui conservera Tune des meilleures pla-
ces parmi les historiens de l'Alsace moderne '.
R.
q5. — A. CoMMUNAY. Le conote «îe Xoulouse et la bataille de Velez-
]IXaI»ga. Documents inédits. Angers, i885, brochure grand in-8 de 40 p.
Extrait des Annales de la Faculté des lettres de Bordeaux. Tiré à bo exem-
plaires.
Le recueil de M. Communay s'ouvre par un net et rapide récit de la
bataille navale de Velez-Malaga(24 avril 1704), si glorieuse pour la flotte
française devant laquelle la flotte anglo-hollandaise dut, à la fin de la
plus sanglante journée, se retirer à demi-détruite. A la suite de ce récit,
que complète un exposé des événements antérieurs et postérieurs, nous
trouvons treize lettres (8 juillet 1704-12 janvier 1705) du vainqueur de
Velez-Malaga, Je comte de Toulouse, grand amiral de France, à l'am-
bassadeur français accrédité auprès de la cour d'Espagne, le duc Antoine
Charles de Gramont, fils du maréchal dont il rédigea les Mémoires. A
ces lettres sont mêlées huit lettres de Gramont à Louis XIV, une du
même au duc du Maine, frère du comte de Toulouse, et une autre au
prince de Vaudemont, écrite de Madrid par Tambassadeur le 20 mai
1705. Tous ces documents sont intéressants et méritent l'éloge que leur
donne ainsi (p. 9) l'excellent éditeur - : a Extraits des archives particuliè-
res de M. le comte de Gramont d'Aster, arrière petit-fils du plénipo-
tentiaire de ce nom, ces documents, où régnent les plus nobles et les
plus patriotiques sentiments, mettent en lumière de nombreux détails
inédits. Ils viennent ainsi compléter les relations que déjà l'on possède
sur cette dernière grande journée de la marine de Louis XI'V \ »
1. Voici encore quelques additions aux errata du premier et du second volume.
I, p. 14, lire iSjo au lieu de i83o. — P. 94. Il faut sans doute lire Jancra^heim
(Dankrotzheim) Y>our Jantra:[Jieim. — P. 210 1. Rense pour Rensée. — P. 5ii 1.
Neustadt pour Neuenstadi. — P. 5o2. Le Henri de Duba et le Henri von der Du-
ben qui se suivent dans l'index (p. 5o2) sont certainement le même personnage,
chancelier de Wenceslas. — II, p. 61, « le noble Obrecht Harst «. Obrecht est sim-
plement la forme vieillie à'' Albert. — P. 473 lire Egerden pour Egreden. — Le René
Gattiat du n" 719 (II, 229) et le René Gatéats du n» 843 (II, 347), sont sans doute
identiques. — P. d3o Walther Pinguis ne serait-il pas la forme latinisée du nom
nobiliaire Walther von Pfetten? L'index renvoie d'ailleurs pour ce nom à la pièce
m bis, faute d'impression pour ii3 bis. — P. 428 1. Heint^ pour Heit^.
2. Le mot excellent est deux fois justifié, d'abord par la très fidèle reproduction
des textes, ensuite par la minutieuse exactitude des notes.
3. M. C. nous apprend (p. g, note i) que les lettres du comte de Toulouse sont
originales et que celles du duc de Gramont ont été transcrites sur un volume ainsi
coté : Registre des minutes de la correspondance adressée par le duc de Gramont,
ambassadeur en Espagne, au roy de France. Ledit registre commençant le 26 mai
1704, à Tolo:{ette et finissant le 28 mai jyo5, à Madrid.
1>'hIST0!ÎIE et DR LITTERATURE 433
Divers personnages célèbres sont mentionnés ilans la correspondance
du comte de Toulouse et du duc de Gramont. Je nommerai, entre au-
tres, Je ministre de la marine, Pontchartrain, ennemi personnel du
grand amiral de France, qui lui reproche (p. lo) « les sots et imperti-
nents discours qui ont couru » contre sa navigation; le lieutenant géné-
ral des armées navales, Jean Ducasse, intrépide gascon qui prit une
brillante part au combat de Velez-Malaga et sur lequel M. de Boislisle
a donné d'amples renseignements dans le tome IV de son édition des
Mémoires de Saint-Simon, le roi d'Espagne, qui nous apparaît (p. i 5)
bien inférieur à son rôle, le marquis de Rivas, le lieutenant général
comte Ferdinand de Relingue (d'origine allemande), un des héros et
une des victimes de la bataille de Velez-Malaga, également loué et
pleuré par le comte de Toulouse (pp. 22-2 5) et par le duc de Gramont
(p. 26), l'académicien J. B. H. du Trousser de Valincourt, alors page
du comte de Toulouse auprès duquel il fut blessé, le duc de Berwick,
le lieutenant général Bernard Renau d'Elissagaray que le duc de Gra-
mont avec tous ses contemporains appelle (p. 27) le « petit Renau » ',
le baron de Pointis, chef d'escadre, qui s'est immortalisé à Carthagène, le
maréchal de Oeuvres (Victor Marie d'Estrées), M"'° des Ursins dont le
comte de Toulouse décrit ainsi (p. 36) l'arrivée à Versailles (lettre du
12 janvier lyoo) : « Madame la princesse des Ursins arriva icy avant
hier au soir : elle eut le lendemain une audience du roy de deux heu-
res. Elle alla ensuite au soupper, où il y avait autant de monde pour
la voir que si c'eust esté le Grand Turc en personne. »
Il y aurait à noter beaucoup de passages curieux. Je me contenterai
de reproduire quelques lignes du fils de M'"*^ de Montespan, qui mon-
trent à la fois sa résolution, comme amiral, et sa gracieuseté, comme
ami (p. 9) : « Je ne say pas des nouvelles bien sûres de l'armée des en-
nemys, mais quand je seray une fois sorti d'icy [de la rade de Toulon],
j'en iray apprendre moy-méme, parce que je suis résolu de les attaquer
quelque part que je les trouve. Voyla, Monsieur, toutes les nouvelles
que je puis vous mander, car ce n'en doit pas estre une que de vous
dire que je suis entièrement et sincèrement à vous". » J'emprunte deux
passages remarquables à la correspondance du duc de Gramont avec
Louis XIV, un sur la prise de Gibraltar (p. 16) ; l'autre sur la mort du
bailli de Lorraine, fils du grand écuyer de France, le comte d'Armagnac
(p. 2 3) : « C'est avec le poignard dans le cœur, Sire, et pénétré de dou-
1. M. C. (p. 26, note i) a eu tort — c'est la seule faute que je puisse lui reprocher
— de faire mourir l'illustre marin « à Paris ». On lit dans le Dictionnaire critique
de Jal : a Le Mercure dit que Renau mourut à Fougues; il a raison. J'ai fait venir
de Fougues l'extrait de son acte mortuaire, qui m'a fait connaître que Bernard Re-
nau décéda, le 3o septembre 1719, âgé de G8 ans, dans la petite ville où il était
allé pour se traiter. »
2. Le comte de Toulouse appelle familièremeat son correspondant /i:z)î/jn (pp. r:;
l4, -22).
4^4 REVU F. CRITIQUE
leur que Je me trouve forcé à vous dépêcher ce courrier pour vous ap-
prendre la triste nouvelle de la prise de Gilbraltar par les ennemis, qui
n'a durée que deux fois vingt-quatre heures. Tout ce que j'ay eu Thon-
neur de dire au roy d'Espagne à ce sujet, il y a trois semaines, ne s'est
trouvé que trop véritable^; sur quoy Ton a "jamais voulu donner la
moindre attention. Ma gourmette vient enfin de se rompre avec le roy
et la reine d'Espagne, Sire, et je viens de leur parler comme un homme
de bien et revestu du caractère de vostre ambassadeur, devoit faire.
C'est maintenant à eux à en faire leur profit. Nous perdons Gibraltar,
Sire, parce qu'on a eu l'infamie de ne laisser que cinquante hommes
dedans, pas un canon en estât de tirer et presque point de munitions de
guerre... »
« Vous avez fait, Sire, une grande perte que celle de M. le bailly de
Lorraine; c'estoit un homme d'un mérite fort distingué dans la ma-
rine. Je croy devoir ne vous pas taire l'action qu'il a fait en mourant.
Ayant receu un coup de canon qui luy emportoit la moitié du ventre
et ses boyaux tombant à terre, il les a ramassez luy même et se les est
remis dans le ventre, et voyant ses officiers qui estoient autour de
luy et ses matelots étonnés, leur a dit que ce n'estoit rien que ce qu'il
avoit, qu'on eut seulement à faire la même manœuvre et à augmenter le
feu; puis est mort deux heures après sur son pont. Voilà qui s'appelle
de la fermeté, sire, et de la grandeur d'âme. ».
Une dernière citation, tirée celle-là de la savante introduction de
M. Communay et où me semble parfaitement rectifiée (p. 7) une grave
erreur de Saint-Simon sur la bataille de Velez-Malaga : « Saint-Simon
tout en rendant justice aux talents et à la bravoure du comte de Tou-
louse, écrit que, le lendemain de cette journée, la flotte française rejoi-
gnit les ennemis et qu'aussitôt, officiers et soldats s'apprêtèrent à un
combat; mais que le marquis d'O, sorte de mentor imposé par
I. Le 9 avril 1704, le duc de Gramont avait écrit ceci à Louis XiV (p. i5) :
« J'allai sur le champ trouver le roy pour luy faire voir l'importance dont il estoit,
la flotte ennemie estant à la veue de Malaga, de songer prestamment à mettre dans
Gibraltar ce qu'il convenoit, et d'en donner les ordres à M. Canales [le marquis de
Canales, ministre de la guerre et des affaires étrangères], parce que sans cela il arri-
veroit indubitablement un accident. Mais il est bon que vous scachiez au moins,
Sire, que quand on parle au roy d'Espagne, i! ne répond rien du tout, et que
lorsqu'on s'adresse à la Reine, elle dit qu'elle ne se mesle pas d'affaires. Voilà
l'Évangile, Sire, et vostre Majesté scait mieux que personne que les affaires d'une
monarchie comme celle-cy ne se meuvent pas de la sorte, et qu'il faut que tout y
soit renversé dans peu de temps, si l'on ne change de système. » Le 14 avril, Gra-
mont reparlait ainsi à Louis XIV de Vaccideiit qu'il avait prédit : « Vous ne sauriez.
Sire, vous représenter qu'elle a esté la fureur du peuple sur la perte de Gibraltar ; il
faillit à lapider Canales dans son carrosse, le jour qu'on y apprit icy la nouvelle, et si
le sieur Orry [surintendant général] n'eust déguerpi sans trompette, je ne scay ce qui
ne lui fut pas arrivé. Aussi est-ce une chose criante devant Dieu et devant les hom-
mes que de laisser prendre une place de l'importance de Gibraltar, par une négli-
gence qui ne peut estre excusée et que la plupart des gens de ce pays cy taxent de
trahison. »
d'histoikk et dk littérature 435
Louis XIV à son fils, s'opposa formellement aune seconde bataille ',
Les différentes Relations publiées sur cette journée ne font mention de
rien de semblable : la correspondance du comte de Toulouse et du duc
deGramont est muette à ce sujet. Du reste les deux flottes avaient reçu
de trop fortes avaries pour oser se risquer dans une seconde affaire, et si
d'une part les Français manquaient de vivres, de son côté l'escadre
ennemie était presque dépourvue de munitions de guerre. .'>
T. DE L.
96. — ILes Suions boi'delaîs ou Kxpositîons des beaux.-ai'ts à Bor-
deaux au :svill' siècle (B "3 TS -l 'î^'?), avec des notes biographiques sur
les artistes qui figurèrent à ces expositions, par Charles Marionneau, corres-
pondant de l'Institut (Académie des beaux-arts). I^ordeaux, veuve IVloquet, 1884,
in-8, xni-2ii p. (Extrait, tiré à i25 ex., du Tome III des Mélanges de la Société
des bibliophiles de Guyenne).
En 1 882, un groupe d'amateurs lillois, auquel s'étaient joints quelques
curieux parisiens, a fait réimprimer à trois cents exemplaires la collec-
tion des livrets des salons qui avaient eu lieu à Lille de 1773 à 1788.
Encouragé par cet exemple, M. Ch. Marionneau, l'auteur d'un grand
travail surF/c^orLoi/z'^et de diverses publications spéciales très estimées,
s'est imposé la tâche de rassembler et de remettre au jour les catalogues
des salons ouverts périodiquement par l'ancienne Académie de peinture
de Bordeaux. Bordeaux a eu, en effet, une Académie qui, constituée dès
1768, ne fut officiellement reconnue que douze ans plus tard, par lettres
patentes délivrées le 19 novembre 1779 et enregistrées par le parlement
de Guyenne le 25 février 1780. L'article 11 des statuts portait qu''une
exposition aurait lieu tous les deux ans; en réalité il n'en fut rien, car
depuis la promulgation de ces règlements jusqu'à la Révolution, l'Aca-
démie ne rouvrit ses portes qu'en 17S2 et en 1787. Antérieurement, il
est vrai, elle avait témoigné une activité plus grande, puisque on a
retrouvé la mention ou le livret des salons de 1771, 1772, 1774, 1776;
mais telle a été l'indifférence de ses contemporains et de leurs descen-
dants immédiats qu'après les plus actives recherches, M. M. n'a pu
remettre la main sur les livrets de 1772 et de 1776 et que celui de 1782
est représenté par un exemplaire, considéré jusqu'ici comme unique,
dans la collection de M. Jules Delpit. Ceux de 1771, 1774 et 1787
existent, soit dans la même collection, soit à la Bibliothèque de la ville.
M. M. a dû se contenter de reproduire l'analyse détaillée quel'^/ma-
I. Ce n'est pas, ajoute M. C. en note, la seule erreur que l'on relève dans le récit
de Saint-Simon. Il dit en effet nue la bataille tut livrée le 24 scpt:)nbre (au lieii du
24 avril), et que les deux flottes étaient pour le nombre de vaisseaux à peu près
é Liâtes.
436 Rxvuf i.KiiiQaE
nach des articles de 1777 a donnée du salon de 177G ■ ; quant à celui
de 1772, il est simplement annoncé par les Affiches locales.
M. M. n'a pas borné sa tâche, comme ses prédécesseurs lillois, à des
soins typographiques qui font honneur aux presses de M. Gounouil-
hou; il s'est attaché adonner sur chacun des membres de FAcadémie
une notice biographique et cette partie de son travail occupe près de
quatre-vingts pages. Sans doute aucun des hommes qu'il s'est efforcé de
faire revivre n'a une notoriété bien haute, mais ces renseignements si
patiemment recueillis n'en sont que plus précieux, car Thistoire de l'art
ne doit point avoir les dédains légendaires du préteur et rien de ce qui
concerne son passé ne saurait lui être étranger. Comme elle ne fran-
chissait pas les limites de leur province, ou souvent même de leur ville
natale, la renommée des artistes de l'ancienne France n'a presque jamais
égalé leur valeur, et le solide enseignement qui les avait formés attes-
tait, dit avec raison M. M., une autonomie qui a complètement disparu.
« Les salons de Paris, ajoute-t-il, ont absorbé les expositions de pro-
vince. Il s'est bien créé des Sociétés des Amis des arts qui organisent
des salons de peinture pour la vente et le placement des tableaux, mais
qui est-ce qui fait l'importance numérique de ces exhibitions? le trop
plein des expositions parisiennes, les toiles parfois invendues ou refu-
sées des salons de Paris... Où sont, dit-il plus bas, nos peintres d'his-
toire comme Pierre Lacour et Jean-Paul Alaux, nos peintres de genre
et de portraits, comme Pierre Brun, Gué, de Galard et Colin, nos gra-
veurs, comme les Pallière, Barincou, Lacour hls? \ »
« La province est morte, le moment est bon pour écrire son histoire, »
disait en 1847, ^^ début de ses Recherches sur les peintres provin-
ciaux, M. Ph. de Chennevières, à qui revient l'honneur d'avoir inau-
guré ce genre d'études jusqu'alors si complètement dédaignées. Quel-
que soit le nombre des monographies de toute nature qui ont vu le jour
depuis trente ans, il faut reconnaître que l'histoire des beaux-arts n'est
1. Depuis que ce compte-rendu a été écrit, on a retrouvé un exemplaire du livret
de 1776; il serait bien à souhaiter que M. M. le réimprimât en appendice.
2. Tous ces noms, sauf celui de Pierre Lacour, appartiennent au xix<! siècle, mais
je crois bon de signaler dans celte note les artistes dont M. iM. s'est occupé : J. A.
Batanchon, F. Beaucourt, J. A. Berinzago, R. F. Bonfin, G. Bouquier (plus tard
conventionnel), P. Cabesse, B. Cabirol, Martial Cessy, Guy-Louis Combes, N.
Courrège, Cheveaux ou Chevaux, Dambielle aîné, Pierre-Bertrand Dandrillon, J. Ch.
de Lafosse, Deschamps, Descourgeats de La Chèze, J. B. Dufart, Gastambide, N.-M.
Gatteaux, Godefroy fils aîné, Ant. Gonzalès, Henry, Labatie, P. Lacour, J.-B. Lar-
tiguc, André Lavau, Jacques Lavau, le comte Le Gentil de Paroy, Lépine, J.- J. Leu-
pold, Fr. Lhôte, R.-M. Magol, Pipy ou Pipi, Ricœur, J.-J. Taillaisson, P. -J.-B.
Tliiac, Thomire, (peintre de genre), Jean Toul, A-A. Turier, les deux Vernet, sta-
tuaires, frères de Joseph. Le Dictionnaire des artistes de l'Ecole française de Bel-
lier de La Chavignerie, continué par M. Louis Auvray, ne consacre de notices qu'à
Bouquier, Gatteaux, P. Lacour, n'accorde qu'une mention sommaire à Combes et,
selon la remarque de M. M., confond le miniaturiste Henry avec un homonyme
qui était paysagiste (Je n'ai poursuivi la comparaison que jusqu'à la fin de la
lettre L).
D'HlSTOiRii: ET DK LITTÉRATURE 437
pas Li mieux partagée; nous connaissons mal, — et le plus souvent
même nous ne connaissons pas du tout, — les origines et les vicissi-
tudes de ces écoles gratuites de dessin fondées au xvni'' siècle dans la
plupart des grandes villes; quant aux expositions locales, c'est pire
encore. Avant les réimpressions des livrets de Lille et de Bordeaux, on
ne peut guère citer que celle d'un salon ouvert à Poitiers en 1777 et que
M. H. Beauchet-Filleau a fait connaître dans un recueil des Pièces
inédites, rares ou curieuses concernant le Poitou et les Poitevins [Pims,
1870, in-8), et cependantces trois villes ne sont pas les seules où se soient
produites des tentatives de même nature : Marseille a vu au moins trois
expositions en 1756, en 1757, en 1760 '; est-il vraisemblable que
Lyon -, Toulouse, Rouen, Dijon, Troyes, etc. ^ n'aient pas eu leurs
solennités artistiques? Il y a là pour les érudits qui se dévoueront à cet
ordre de recherches une mine féconde en découvertes piquantes, et ces
restitutions d'un des aspects de l'ancienne vie provinciale sont d'autant
plus assurées d'éveiller notre curiosité que nos mœurs politiques et so-
ciales, profondément modifiées, entre autres causes, par les facilités de
communication, nous en éloignent chaque jour davantage.
Maurice Tourneux.
CHRONIQUE
FRANCE. — La revue mensuelle le Moliériste, dirigée par M. Georges Monval,
archiviste de la Comédie-Française, contient, dans sa livraison d'avril, à propos de
l'article de notre collaborateur M. A. Gazier sur l'excommunication des comédiens et
de la réponse de M.Ch. Livet,une étude très nourrie de M. Monval. Le savant archi-
viste soutient la même thèse que M. Gazier et l'appuie de nouveaux arguments ; il
extrait aussi du dépôt dont il a la garde une très curieuse lettre inédite, datée du
12 juillet 1746, de Lelio Riccoboni, le célèbre « amoureux » de la Comédie-Ita-
lienne, auteur de la Réformation du Théâtre. Riccoboni expose à un correspondant
inconnu, qui lui en avait fait la demande, les usages de l'Eglise en l'espèce; voici
les passages essentiels de sa lettre, dans leur orthographe : « i» Par rapport aux
sacrements. Les comédiens ne peuvent pas se confesser à la paroisse, et encore
moins communier. Par bonheur il y a des moines à Paris. 2" Pour les mariages.
1. Voir le Mercure de France, octobre lySb, tome I. Voir aussi un recueil de
pièces de Dandré-Bardon, formé par Mariette et décrit sous le n» 7-^0 du catalogue
Goddé (i85o).
2. M. R. de Cazenove a réimprimé en i883 dans la Revue lyonnaise et fait tirer à
part un Salon des arts qui eut lieu en 1786. Le seul exemplaire connu est incom-
plet du dernier feuillet.
3. Sur un ancien catalogue de M, Crépin, libraire à Douai, je vois mentionné le
Livret d'une exposition faite à Valenciennes par Messieurs de l'Académie, également
en 1786.
_j.38 RKVUf CKiriQUB
Silvin et Mario (deux de ses camarades de la Comédie-Italienne) se sont maries à un
vilage près de Paris [Drancy-le-Grand), avec cependant tous les papiers nécessaires
de l'archevêché, mais il n'étoit point fait mention qu'ils étoient comédiens. Mon
fils s'est marié à Saint-Eustache, et M"" le Curé me dit quelque temps après : .... je
l'ai sçu après coup {qu'il était comédien), et je vous proteste qu'il n'auroit pas été
marié à ma paroisse. » Suit un autre exemple de même nature. Enfin : « 3° Pour
les enterremens. Tous les comédiens Italiens qui sont morts à Paris ont été con-
fessés, et comuniés, et par conséquent enterrés dans l'Eglise. Quelques-uns ont re-
noncé publiquement, d'autres tacitement en confession au Curé même... » On
trouvera aussi dans la même livraison du MoUériste uns autre étude de M. Monval
sur l'Origine du Registre de La Grange, d'après les documents inédits de la Comé-
die-Française. Ce registre, si précieux pour l'histoire de la troupe de Molière, n'est
sorti de la famille de La Grange pour entrer dans les archives qu'en 1785. Depuis
cette époque jusqu'aux premières années du second empire, il fut plusieurs fois
prêté et courut grand risque de se perdre. Il est aujourd'hui bien gardé. On n'a
plus, du reste, le même besoin d'y revenir directement, car il a été publié avec
beaucoup de luxe et de soin, en 1876, par la Comédie-Française, avec une étude de
M. Edouard Thierry.
ALLEMAGNE. — UAltpreussische Monatsschrift de 1884 (Kœnigsberg, Beyer.
4 fascicules par an; prix : 9 mark ou 11 fr, 25), a publié les articles suivants :
i" parmi les Abhandlungen, la suite du manuscrit de Kant que publie M. Reicke,
une étude de M. Ed... sur la province de Prusse en i83i à la première apparition
du choléra, de M. W. Fuchs sut Pierre de Dusbourg et la Chronique d'Oliva, de
M. A. Thomas sur les Struter ou « latrunculi », comme les appelle Pierre de Dus-
bourg, qui faisaient, tantôt de leur propre chef, tantôt sous l'impulsion de l'Ordre
Teutonique, une guerre d'escarmouches aux Prussiens et aux Lithuaniens païens de
la frontière {z^ fasc); de M. Perlbach sur le vieux chroniqueur prussien de la chro-
nique d'Oliva (3"^ fasc); un essai sur la peste qui désola la Prusse dans les années
1709 et 17 10 (3*^ fasc); deux travaux de M. Beckherrn sur la généalogie de la fa-
mille kœnigsbergeoise Beckherrn et sur le village de Baeslack où existe encore une
des maisons de l'Ordre Teutonique. On trouve sous la rubrique Miitheilungen und
Anhang un grand nombre de documents inédits relatifs à l'histoire de Prusse et
parmi les compte-rendus (Kritiken u'id Referate) des articles de M. iMaroid sur le
Preussisches Wœrterbuch de Frischbier, de M. Frischbier sur l'ouvrage de Lemke,
Volksthtimliches in Preussen, de M. P. sur la 2« partie des Ifansereccsse publiés par
M. VON DER Ropp, de M. Em. Grosse sur Schiller als Historiker und Philosoph de
Fr. Ueberweg, deO. sur Friedrich dcr Grosse und die deutsche Poésie, àQ G. Krause.
On trouve aussi dans ce recueil une chronique de l'Université de Kœnigsberg en
1884, une bibliographie des ouvrages parus en i883 sur la province de Prusse et
sur la philosophie de Kant. Nous rendrons compte désormais de chaque fascicule, à
mesure qu'il nous arrivera, dans \qs périodiques àc la couverture.
— Il vient de paraître dans l'Universal-Bibliothek de Reclam (n° 1841, au prix de
20 pfennig ou 25 centimes) un petit volume de 114 pages fort intéressant, écrit
avec beaucoup d'agrément et de verve : Berlin, Bilder und Ski:;:{en, par Paul Lin-
DENBERG. Nous en recommandons la lecture à tous ceux qui désirent connaître la
vie berlinoise sous ses aspects les plus variés et aux Français qui désirent lire de
l'allemand. La langue est pleine de naturel et de vivacité, presque française par son
allure et ses tours. On profitera beaucoup à cette lecture, tout en s'amusant. Voici
les titres des chapitres de ce petit livre : Berlin bei Tag und Nacht. — Wie du mir,
so ich dir. — Berlin iin Sommer. — In dcn Abgrund. — Die Friihjahrs- Parade. —
D''HISTOiaE KT DE LITTÉUATURE 439
Kiaistlcrs Erdemvallen. — Berlin im Winier. — Im Thiergartcn. — Der Bcrliucr
Heirathsdamm. — Italien in Berlin. — Elwas Statistik.
GRANDE-BRETAGNE. — M. Garnett, l'cditcur dos lettres choisies de Shel-
ley, vient de publier dans la Parchment Library de la maison Kegan Paul, une
nouvelle édition des Confessions d'an fumeur d'opium : il donne le texte de la pre-
mière édition (1821), au lieu du texte de la dernière, revue, augmentée et gâtée
par l'auteur et qui est trois fois plus étendue. Il donne le texte français de l'épisode
ajouté par Alfred de Musset dans la traduction qu'il en donna encore collégien en
1828, traduction introuvable aujourd'hui et qui manque dans l'édition complète.
Suivent des conversations inédites de Quincey recueillies en 1821 par Richard Wood-
house. L'introduction et le commentaire sont ce qu'on pouvait attendre de M. Gar-
nett.
GRÈCE. — L'éphore général des antiquités P. Stamatakis vient de mourir.
— Parmi les livres récemment publiés en Grèce ou par des Grecs, nous signalons
les suivants :
Ut'Ki-.-q è~i ■z-qq véa; z/J.r,vy/.îr,q -q j^isavoç lou Iké-^ycu tou «i£UoaTTtut(j[J.ou uTtb
r. N. Xai'Çt'èdxq. 'Ev 'AOr,va'.!; (Coromilas), 1884. C'est une réponse à un savant
anonyme, qui n'est auire que M. Bernardakis, lequel avait attaqué dans une suite
de feuilletons de la ÎSéa llijipa de Trieste et ensuite en un volume les
T'/M'zc.y.y}. napaT'^pf,7c'..; de M. Contos.
— No;;.(7[xaTa tôjv àosAç-wv Map-rîvou xal BîvsoaTOu B' Zr/ap'.ôjv, oovaîTwv
-zfiçyhj 1 3 14-1329 b-sll. Aâ[j.7:pou. 'Ev 'A6r,va'.; Perris), 1884.
— Mavj'jr,A rsoswv Xpov'.y.à tûj IIxTp'.apx'.v.cu olV.cu zat toîj vaoî). 'Ev KtovcTav-
T'.vo'jzcÀ:'. 1884. Cette publication fait partie de la B'.S"A'.oOr,7.'(^ T'^ç 'Ey."/,"A"/;Gtaî'r'.y,ï;ç
— Excerptorum Constanlini de natura anirnalium libri duo. Aristophanis Historiac
animalium epitome subjunctis Aeliani,Timothei aliorumque eciogis edidit Spyridion
P. Lambros. Berolini (Reimer), i885. C'est la première partie du I" vol. publié sous
les auspices de l'Académie de Berlin. Cette importante publication contient les
Excerpta Constantini qwQ M. Lambros a eu la bonne fortune de trouver au mont
Athos. On sait que la première partie était déjà connue et avait été publiée par Va-
lentin Rose, de sorte que M. Lambros n'a fait que donner une seconde édition très
correcte. Mais la deuxième partie (la troisième manque encore) est d'une grande im-
portance. La préface dans laquelle M. Lambros éclaircit toutes les questions relati-
ves à la formation des Exccrpta et des auteurs qu'il a mis à profit, les notes criti-
ques et les notes qui indiquent les passages des auteurs, dont il est fait allusion
dans le texte, enfin les indices vraiment locupletissimi que l'éditeur a ajoutés ren-
dent cette nouvelle publication aristotélique de l'Académie de Berlin pour laquelle
M. Lambros a si consciencieusement travaillé, digne de l'attention du monde savant.
— N. I. ^■q\).aç,Q. 'lîTcpia /al "Ei'.c'q-fqQzic, -zox) 'Po)[;.aÏ7,G!j o'.y.ai'cu i6\}.. B' 'Ev
AO-/;va'.ç (Parnasso3>, 1884. Le premier volume de cette histoire de droit romain
qui contient aussi les sources byzantines, avait été annoncé en son temps dans cette
Revue.
— Ka-ïâXoYo; Twv ^têXiwv v<]ç, 'EOvtx^ç Bi6XtoOr|y.-o? x-qq 'Kkkàooq. T[rrj[xa
B'. 'EXX-^vty.-r) cptXoXoYta. 'Ev 'AOrjva'.ç, 1884,
— Nous signalerons encore deux dissertations philosophiques faites dans le but
d'obtenir la veniani docendi : Une sur Plotin par M. Bizyenos, et l'autre intitulée
IcTOpîa ir^q O^o^piaç xr^q ^'^OJCctOi; par M. Margaritis Evangelides, ainsi qu'une
dissertation ITîpt 7:poYa[j,ia(aç oojpîaçxaià Tov po)[xaïy,b^ /.al to(wç7.aTà xcv [jU^av-
T'.ay.îV voi^QV par \c privai-docoit Damianos Borrès. — S.
I
RUSSIE. — Ou annonce la mort, à Pctersbourg, de l'historien Kostomarov. U
était né en 1817. Ses premiers travaux sont relatifs à l'histoire de la Petite-Russie.
Son oeuvre la plus remarquable est L'histoire de Russie cxyosée par la biographie
de ses principaux personnages.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 22 mai 188 5.
M Barbier de Meynard communique quelques passages d'une lettre de M. René
Basset, chargé du cours public d'arabe à l'école supérieure d'Alger. M. Basset a reçu
de M. Tirmàn, gouverneur général de l'Algérie, une mission et les subsides néces-
saires pour étudier sur place les dialectes berbères parlés par les populations du
M'zab, deOuargla et de Touggourt. Il a voyagé pendant deux mois et demi dans ces
régions. En dehors des renseignements qu'il a pu recueillir de vive voix, il rapporte
quelques copies d'inscriptions et divers manuscrits, qui éclairent certaines parties
de l'histoire du pays berbère.
Après une courte délibération en comité secret, M. le Président fait connaître que
l'Académie, ayant reçu la nouvelle de la mort de Victor Hugo, a décidé exception-
nellement, de lever la séance en signe de deuil.
Julien Havet.
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du 6 mai.
PRÉSIDENCE DE M. COURAJOD
M. Lecoy de la Marche est élu membre résidant en remplacement de M. Miche-
lant, passé dans la classe des membres honoraires.
M. Germain Bapst donne des indications sur la manière dont a été constituée la
donation des diamants de la couronne.
A propos des anneaux perlés en pierre de couleur et d'une seule pièce exhibés
dans la séance précédente par M. Gréau, M. Gaidoz émet l'hypothèse que le disposi-
tif de ce type est une imitation des colliers de grains ou de fusaioles si fréquents à
l'époque dite préhistorique.
M. l'abbé Duchesne présente des observations sur un manuscrit du Liber Poniifi-
calis en deux parties séparées, mais se raccordant sans aucun doute possible; l'une
de ces parties est à la bibliothèque de Poitiers, l'autre, comprenant trois cahiers et
provenant de la collection Ashburnham, a été acquise par l'Italie pour la bibliothè-
que de Florence; il est maintenant prouvé que cette deuxième partie a été fraudu-
leusement détachée du manuscrit de Poitiers.
Le Secrétaire,
MOWAT.
Errata. — Article sur la Colombine. (N" 20). — Page 390, note 5, lisez Silua de
varia lecion. P. 392, ligne 22, lisez « dont le passe-temps ordinaire était de feuille-
ter les livres de miniatures et d'estampes. L'abandon fut tel, qu'on voyait pourrir
sous les gouttières les manuscrits les plus précieux. » Page 395, note 2, lisez :
lionnoi^e. Page 397, note 5, lisez Desmarins. Page 401, ligne 28, lisez i 655.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le /■'uy. imprimerie d>- M<2'-ci><?};sr>7j lU.-;, hnulavard Sai>K~ Laurent. 2,3.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE El DE LITTÉRATURE
N" 23 - 8 juin - 1885
^oniniairc î 97. Preller, Mythologie romaine, p. p. Jordan. — 98. Tacite,
Annales, i-iv, p. p. Fourneaux. — 09. Kolligs, Guillaume le Taciturne. —
100. Catalogue des livres de M. James de Rothschild. — Variétés: V. Egger,
Une lettre de Leibniz. — Encore la Colombine. — Chronique. — Société' des An-
tiquaires de France.
97. — Rocuiisclie îillytliologîe von Pi'ellei', S'' éd., par Jordan, 2 in-8.
Weidmann, Berlin.
La réédition de l'ouvrage de Preller a été confiée à M. Jordan,
rhomme d'Allemagne le plus désigné par ses travaux linguistiques et
mythologiques pour la mener à bonne fin. Les éditeurs n'auront pas
eu à se plaindre du choix : sans avoir fait une refonte complète de
l'œuvre primitive, M. J. y a apporté de si nombreuses et si heureuses
additions qu'il est devenu impossible de se servir de la Mythologie ro-
maine autrement que dans cette troisième édition. Par respect pour
la mémoire de l'auteur, le texte a été à peine touché; mais les notes ont
presque doublé d'étendue, si bien que le nombre des pages du livre qui
était autrefois de 796, a été porté à 910 et qu'il a fallu faire deux volu-
mes. Les additions de M. J. consistent surtout en citations nouvelles
de textes épigraphiques ou de travaux connus ou publiés depuis la mort
de Preller : toutes les inscriptions utilisées dans ce livre, ont été revues
et corrigées d'après le Corpus, que Preller n'avait pu consulter. Les
monuments figurés, auxquels ce dernier avait fait un trop petit nombre
d'emprunts, ont été cette fois largement mis à profit, et ont fourni la
matière de longues notes, qui sont de petites dissertations (cf. sur les
génies, II, p. 197, n. 2; 199, n. 3; 201, n. 2 : cette partie de l'œuvre
de Pr. a été plus que doublée). Les observations philologiques de
Pr. ont été rectifiées et complétées, et en cela M. J. a été singulière-
ment aidé par sa profonde connaissance de l'ancien latin (cf. à propos
de l'étymologie des noms de Mars, I, p. 334, n. i ; 335, n. 2: notes
d'une demi-page ajoutées par M. J. ; sur le nom Liina, p. 327, n. i,
etc.). Nous regrettons seulement, dans cette nouvelle édition, que les
fautes d'impression n'aient pas été plus soigneusement évitées (cf. II,
p. 199, 2, au lieu de ut animae nascuntur, il faut écrire ut animae
nasceniibus ; la fin de ce texte de Symmaque doit être du reste corrigée
d'après la récente et belle édition de M. Seeck, Monumenta Gennaniae]\
il est encore fâcheux que les renvois soient faits taniôt aux pages de la
nouvelle édition, tantôt à celles de l'ancienne. Ces critiques purement
matérielles n'enlèvent aucun mérite à l'ouvrage de Preller si utile, si
Nouvelle série, XIX. ^i
44^ iiiivut; cRiiiQuE
complet et, à certains égards, si intéressant, qualités dont une bonne
part doit revenir aujourd'hui à M. Jordan.
gS. — Cornelii Taciti Aanullmiii lîbi-î i-lV, cdited wilh introduction and
notes for the use of sdiools and junior studcnts by H. Furneaux, M. A. Oxford,
at the Clarendon press. i885.
Cette édition des quatre premiers livres des Annales de Tacite est ce
que nous appelons une édition classique. L'introduction contient quel-
ques pages sur la vie et les ouvrages de Tacite, un traité de syntaxe
tacitéenne et une historical introduction aux quatre premiers livres;
il y a en outre un arbre généalogique de la famille impériale et des
sommaires. Cette introduction est fort peu développée et nous devons
la considérer comme un abrégé de ce que le professeur exposera plus
amplement en classe; elle ne renferme du reste rien de neuf. — Le texte
est celui de la quatrième édition de Halm; il ne s'en écarte qu'en cinq
passages, où les leçons d'autres savants allemands ont été adoptées. —
Le commentaire est rejeté après le texte; on le consulterait plus com-
modément s'il était placé au bas des pages. Quoiqu'il soit rédigé d'une
manière fort concise, il occupe à peu près la moitié du volume. M. F.
avait publié en 1884 une édition où les notes et toute l'introduction
prennent de plus grands développements, et il renvoie fréquemment,
dans le chapitre de la syntaxe, à ce larger volume, que nous ne con-
naissons pas. 11 faut donc que les étudiants qui veulent approfondir
davantage certaines questions aient les deux ouvrages sous les yeux; on
peut même dire qu'il leur serait difticile de comprendre sans cela cer-
taines parties de l'abrégé; c'est un grand inconvénient. — Les notes
sont nombreuses, et concernent aussi bien la grammaire que les insti-
tutions, l'histoire, la géographie, etc. Nous ne nous y arrêterons pas
pour les examiner en détail. Bornons-nous à dire en général que l'au-
teur nous paraît avoir mis à contribution les meilleurs ouvrages, et
qu'en somme son édition classique lui fait honneur,
J. G.
99. — 'VïîlJieliM vt»ai Ofiiitâeit ua>d tîîo Aaïf.yien{|e «ïes i^ufistsiiaiiloï^ dei-
iViedei-laïKile, von D' Hans Kolligs. Bonn, Max Cohen, i885, 79 p. In-8.
L'auteur de cette dissertation académique a voulu examiner de plus
près l'attitude personnelle de Guillaume-le-Taciturne avant le commen-
cement de l'insurrection des Pays-Bas, les influences politiques et reli-
gieuses qui ont pu changer le gouverneur catholique et dévoué à Phi-
lippe II en un chef redouté de l'oi'position protestante et en un rebelle
d'histoire KT de LlTTÉRAn.'RH 443
contre la famille des Habsbourgs. Sans apporter un contingent bien
conside'rable de faits nouveaux à la discussion ' qu'il engage avec
Motley et d'autres devanciers, M. Kolligs a soigneusement noté dans
la correspondance du prince d'Orange, dans ses paroles et ses actes, les
symptômes d'un changement plus ou moins net, d'une désaffection à
l'état des choses cxistîint alors aux Pays-Bas; il les rattache d'une part
(sur le terrain religieux) aux négociations de mariage entamées avec
l'ciecteur de Saxe, en i 56o, d'autre part (sur le terrain politique), à
l'attitude de plus en plus frondeuse de la noblesse contre Marguerite, et
surtout contre Granvelle et ses conseillers intimes. Guillaume n''a point
provoqué cette attitude de défiance, aussi peu qu'il s^est révélé d'un jour
à l'autre comme un ardent champion des idées delà Réforme; mais
quand il a vu naître ces dispositions autour de lui, il a su en profiter et
les incarner, pour ainsi dire, en sa personne; dès i562 sa rupture mo-
rale avec le gouvernement de Philippe II est complète. Tel est le ré-
sumé du mémoire de l'auteur et nous n'y voyons rien qui ne puisse être
accepté comme certain, ou du moins comme plausible, par la critique.
R.
loo. — «:;:iialo;^!iie ûes îîvi-cs composant la bibliothèque de feu M. le baron
James de Rothschild. Tome premier. Paris, Damascène Morgand, 1884. Grand
in-8 de xix-bji p.
Le tome I du Catalogue de la collection du. baron J. de Rotschild
est d'une telle importance, qu'il me sera permis, je l'espère, d'en parler
longuement. Depuis bien des années on n'avait vu paraître un ouvrage
oii les révélations, en ce qui regarde les livres et même les écrivains,
fussent aussi abondantes et aussi précieuses. Oii me pardonnera donc de
beaucoup m'étendre sur un volume qui agrandit considérablement le
domaine de l'histoire littéraire et qui mérite d'être considéré comme
l'indispensable complément de tous nos meilleurs recueils bibliogra-
phiques.
Le Catalogue est précédé d'une notice sur le baron James de Roth-
schild par son bibliothécaire, son collaborateur, son ami, M. Emile Pi-
cot. Cette notice, où le savant critique a mis tout son cœur, est aussi
touchante qu'intéressante : elle fait admirablement connaître une vie
qui fut si courte et qui fut « si noblement remplie ». L'excellent bio-
graphe signale « en quelques mots » empreints a « une douloureuse
émotion » les grandes qualités intellectuelles et morales de celui dont il
garde si pieusement le souvenir. Sa notice, dont aucune exagération ne
I. Disons pourtant que l'auteur a reçu communication, par son maître, M. le pro-
feeseur Ritter, de plusieurs documents ine'dits, tires des archives de Marbourg et re-
latifs surtout aux rapports de Guillaume d'Orange avec les princes allemands, à
cette 'jpoquc.
444 KKVUK CUITIQUE
gàie l'éloquente simplicité, montre d'une façon saisissante combien fut
regrettable, à tous les points de vue, la mort de cet homme de trente-
six ans, qui avait tant de zèle, tant de goiàt et tant de talent, qui s'était
déjà rendu recommandable par tant d'œuvres utiles de tout genre, qui
avait formé de si vastes et de si beaux projets littéraires, et en qui nous
avons perdu à la fois un éminent homme de bien et un travailleur que
l'on ne louera jamais assez ^
M. Picot nous donne (p. xviii) les renseignements suivants sur le
catalogue des livres rares et précieux réunis par le baron de Rothschild :
« Ce travail, auquel nous avons été associé, mais auquel il a eu la part
principale, ne porte que sur les articles choisis... Bien que toutes les
divisions contiennent des livres importants, on verra que James de
Rothschild avait surtout concentré ses recherches sur les productions
de nos anciens poètes et sur la littérature française en général. En
dressant l'inventaire de ses richesses, il a tenu à consigner une foule
d'observations que lui suggérait son expérience d'amateur, et qui se-
ront sans nul doute utiles aux bibliographes de l'avenir. Au lieu de
publier une simple nomenclature des livres qu'il avait groupés sur ses
tablettes, il s'est proposé de faire une œuvre scientifique. Il a voulu que
tous ses volumes fussent décrits avec une précision rigoureuse.., » Par-
lant ensuite (p. xix) des épithètes banales, chères aux faiseurs de catalo-
gues, qui ont été écartées du présent ouvrage, il annonce que ces
qualificatifs superflus « ont été remplacés par des notices littéraires qui
ne paraîtront peut-être pas sans intérêt, si l'on en juge par la peine
qu'elles ont coûtée. De nombreux fac-similé, obtenus à Taide de la pho-
tographie -, permettent de se faire une idée précise des impressions les
plus rares, surtout de celles qui ne portent pas le nom du typographe
1. M. P. constate (p. viii) que M. Gaston Paris, dans un discours prononcé le
2 1 décembre 1881, à la séance annuelle de la Société des anciens textes français, dont
il était alors le président, c< a rendu un digne hommage à la mémoire de celui que
nous venions de perdre ». Il ajoute : « Nous ne pouvons mieux faire que de repro-
duire ses paroles. » Je tiens à rappeler qu'à mon tour, analysant, dans la Revue des
Questions historiques (i^r janvier 1882) le tome I des Continuateurs de Loret, j'ex-
primai toute ma sympathie pour le brillant érudit qui nous était si prématurément
enlevé.
2. Les fac-similé sont si nombreux, en effet, qu'on en compte, de la page 2 à la
page 65o, près de i5o. Ajoutons y cinq planches chromo-photographiques qui re-
présentent la reliure des Preces chrisLianœ, manuscrit de Jarry (i652), le titre de La
Noble science des joueurs d'espée (i538), le spécimen des caractères employés pour
l'impression des Qjdnti Horatii Flacci opéra (vers 1471), la reliure en mosaïque,
aux armes du comte d'Hoym, exécutée par Padeloup le jeune sur un exemplaire de
CaiuUus, Tibullus, Propcrtius (i5o2), le spécimen d'une impression faite à An-
goulême, en 1491, enfin la reliure exécutée par Giordano Orsini sur un exemplaire
de Cornazano, De re militari (i53(3). En tête du volume on admire un très beau
portrait du baron J. de Rothschild. Le volume a été splendidement imprimé par
L. Danel. Je n'y ai trouvé que très peu de fautes d'impression : la plus grave est celle
qui défigure ainsi fp. 196, article 358) le nom d'un de nos plus célèbres recueils:
Gallia ciuiistiania.
d'histoire er dr littérature 4; 5
qui les a exécutées. Elles devront servir à fixer l'origine de plus d'un
volume curieux ».
La notice se termine ainsi (p. xix) : « Nous nous sommes astreint à
revoir toutes les descriptions sur les originaux et à contrôler rigoureu-
ment toutes les notices. Nous avons apporté tous nos soins à cette tâche,
et, si nous avons échoué, si Fouvrage auquel James de Rothschild atta-
chait le plus d'importance, n'est pas ce qu'il avait rêvé, qu'on ne s'en
prenne qu'à notre incapacité de mieux faire; qu'on ne nous accuse pas
d'ingratitude ni d'indifférence envers sa mémoire. » Aces trop modestes
déclarations tous les lecteurs répondront avec moi que les deux collabora-
teurs ont été dignes l'un de Tautre et qu'entre ces vaillants et savants
amis notre reconnaissance doit également se partager.
Le tome I du Catalogue se compose de io58 articles. Presque tous
ces articles me fourniraient une mention intéressante. Choisissons-en
quelques-unes : au sujet d'une Bible imprimée à Genève par Mathieu
Berjon (i6o5, in-8o], nous apprenons (p. 2) que ce Mathieu était frère
de l'imprimeur Jean Berjon et que, dès l'année 098, il imprimait les
Commentarii in Genesim de Jean Mercier (Bibliothèque Nat., A. 1242).
On trouve (p. 3) des indications sur deux imprimeurs beaucoup plus
célèbres, Etienne Dolet (Psalmes du Royal prophète David fidèlement
traduicts de latin en francoys. Lyon, 1542) " et Jean de Tournes
(Calendrier historial, Lyon r563). Nous lisons (p. 4, article Le Pseau-
tier de David. lo"* édition, 1698): « L'abbé Goujet dans le Dzc^/o/z/zi^î/r^
de Moréri attribue cette traduction des Psaumes à Nie-Fontaine ; Barbier
croit au contraire qu'elle est d'Antoine Le Maître, frère de M. de Sacy.
On voit par le catalogue de Josset que le traducteur, est en réalité le
célèbre prédicateur Nicolas Le Tourneux, né à Rouen en 1640, mort à
Paris en 1686 -. » Les Heures à l'usaige de Romme imprimées par
1. Ce petit voluiue est resté inconnu au biographe français de Dolet, Joseph Boul-
mier, mais il est de'crit dans l'ouvrage anglais sur le même personnage de M. R. C.
Christie. Voir encore sur Dolet (p. 23, article 28) la reproduction d'une note ma-
nuscrite de feu Paul Lacroix apposée sur l'exemplaire d'un livre de prières qui avait
appartenu au malheureux imprimeur.
2. Sous l'article suivant consacré au Nouveau Testament de Mons (p. 4 et 5) on a
reproduit un douzain de Robinet (Lettre en vers à Madame, du 3 décembre 1667).
On renvoie, de plus, aux Mémoires de Paquot, au Port-Royal de Sainte-Beuve et
aux Elsevier de M. Wilhem. Pourrait-on souhaiter de plus riches indications? En
revanche on a oublié (p. 5), en mentionnant le Nouveau Testament en basque par
Jean de Liçarrague, de Briscous (La Rochelle, iSyi, in-S"), de citer les remarquables
études bibliographiques d'un renommé spécialiste, M. Julien Vinson, publiées d'a-
boid dans le Bulletin du Bouquiniste, et republiées (avec additions^, dans un humble
recueil périodique, la Revue des Bibliophiles, imprimée par ChoUet à Sauveterre-
de-Guyenne, laquelle revue, après trois années d'existence, a disparu, tuée, dit-on,
par mes trop nombreux articles. Autre petite observation : il y a excès de prudence
dans cette assertion de la p. 6 : « On prétend que Royaumont n'est qu'un pseudo-
nyme adopté par Nie. Fontaine et Louis Isaac Le Maistre de Sacy. >; Peu de choses
sont plus sûres en bibliographie.
44^ KKVUIC CRITIQUE
Philippe Pigouchet vers i5oi (p. 9) ' n'ont pas été décrites par l'auteur
du Manuel du Libraire ~ . D'après une note qui accompagne (p. 12-
1 3) la description des Heures à l'usaige d'Amiens {P avis, pour Simon
Vostre, vers i5o8), la prière à la Vierge en vers que M. Kervyn de
Lettenhove a insérée dans les Œuvres de Georges Chastellain (vai,
2q3), tout en constatant que l'attribution était fort douteuse, se retrouve
dans un ms. appartenant à l'abbaye de Westminster (voy. Bull, de la
Société des anciens Textes français, 1875, 2g) et elle a été imprimée
séparément sous le titre de : Oraison très dévote à Nostre-Dame (5. I.
n. d. petit in-8° gotthique de 4 ff., dont un exemplaire est conservé au
Musée britannique). Elle se confond probablement avec les Oraisons
très dévotes a l'honneur de la très sacrée et glorieuse vierge Marie...
composées par révérend père en Dieu monsieur VEvesque de Senlis
(Guillaume Petit). M. Brunet (iv, 199) cite de ces Oraisons une édition
publiée par Simon de Colines vers 1540, mais elles avaient paru long-
temps auparavant avec le Viat de Salut du même auteur. Notons que,
dans l'article sur les Heures à Vusaige de Paris (vers 1488), on a im-
primé (p. iS-ig) une foule de citations tirées des prières en vers
français dont ces heures sont enrichies -. C'est pour la première
fois qu'est donnée une notice aussi détaillée de ces Heures, connues
sous le nom de Grandes Heures de Verard, et qui diffèrent sensiblement
de la description du Manuel du Libraire (v, 1600, n» 1 18). Les Horce
in laudem beatissimœ Virginis Marice de i538 (p. 23) n'ont pas été
mentionnées par M. Aug. Bernard qui s'est occupé de la bibliographie
des Heures publiées par Mallard avec les figures gravées par Geofroy
Tory. Une autre édition appartenant à l'année i 536 (p. 27), est citée par
M. Bernard d'après le Manuel du Libraire^ le biographe du peintre,
graveur, imprimeur et libraire Geofroy Tory, n'en ayant jamais vu
d'exemplaire.
Indiquons diverses particularités sur Germain Brice, chanoine de Pa-
ris, poète latin et traducteur du traité de Saint-Jean Chrysostome contre
les Gentils (p. 3o), sur le Miroir d'or de l'âme pécheresse (p. 42), que
« M. de la Borderie est tenté, nous ne savons pour quelle raison, d'at-
tribuer au célèbre prédicateur breton Olivier Maillard », sur l'impri-
1. Voir sur Ph. Pigouchet l'article 61, p. 42. Dans un travail où l'on ne s'atten-
drait pas à trouver un renseignement de ce genre {Notice sni- la ville de Marmande,
1872, p. io3, note i) j'ai signalé de visu une autre édition des Heures, que Pigou-
chet acheva d'imprimer pour Simon Vostre le 4 juin 1497, et qui ne semble avoir
été mentionnée par aucun bibliographe.
2. Brunet a décrit les Heures de l'article précédent (même page), mais il indique
seulement 14 figures, et il fallait en indiquer 16. Voir pour d'autres remarques sur
les omissions ou erreurs du Manuel du Libraire pp. i3, 35,42, 73, i33, i85, 219,
228, 266, 299, 3o4, 3o7, 374, 399, 415, 422, 437, 431, 482, 529, 53o, 534, 536,
543, 545, 567, etc.
3. Voir sur d'autres pièces de vers insérées dans d'autres Heures les pp. 25-27
(pièces de Jehan Molinct, de Guillaume Alexis, de Charles Morel, de Jacques le
Lyeur, de Jacques du Parc, de Nicolle Lcscarre),
b
a'HiSïOiKK HT DK LlTTK;<.VrUKK 447
meur lyonnais Pierre Mareschai (p. 48], sur ie BrieJ Traité de Purga-
toire (Genève, i55i), volume qui n'a été décrit par aucun bibliographe
et qui est l'oeuvre de Guillaume Farci (p. 53), sur le Discours théolo-
ique de la tranquilliié et vray repos de l'dme (p. 55], opuscule
posthume de PierreMerliii (La Rochelle, Jean Brenouzet, 1604), qui est
incomplètement cité (sans mention de lieu d'impression, de date et de
format) dans la France protestante et est passé sous silence par M. L.
Audiat dans l'Essai sur l'imprimerie en Saintonge et en Aunis; sur
Deux satyres de Joachim de Coignac (Lausanne, i55i) inconnues aux
frères Haag et vainement cherchées par plusieurs bibliographes, par
feu Tricotel notamment (p. 56) ; sur les Coustumes et usaiges de la
ville... de Lille {i534), édition qui ne paraît pas avoir été connue de
M. Houdoy, l'auteur de : Les imprimeurs Lillois (p. 62): sur le grand
recueil de d'Argentré (Collectio Judiciorum, etc., 1755, 3 vol. in-t"'^),
malgré son importance fort peu connu, au point que Brunct n'en a fait
aucune mention (p. 63) ' ; suri'imprimeur d'un Discours de l'exécrable
forfait commis par irn garson de la ville de Rumilly., Pierre Pomart
(Chambéry, 1606), lequel Pomart n'est pas cité dans l'ouvrage de
MM. Dufoi;r et Rabat sur V Imprimerie en Savoie (p. 65); sur le re-
cueil : Règle constitutions professions et aultres doctrines pour les
filles pénitentes, qui parut à Paris, in-S°, de 1499 à i5o2 (p. 69) -; sur
les Statuta Synodalia dioecesis Ritthenensis publiés en i556 par le
cardinal d'Armagnac ip. 69). Citons une partie de la note si intéres-
sante relative à ces statuts : •<■ Au verso du titre est un extrait du privilège
accordé pour dix ans par Monseigneur le reverendissime cardinal
d'Armaignacix Jean Mottier, libraire de Rhodez, à la date du 27 février
r55 2, avant Pâques. Cette publication a été faite par le cardinal lui-
même, qui prenait soin d'instruire le clergé et les fidèles de son diocèse.
Nous avons cité plus haut une traduction de V Instruction de Gerson,
qu'il fit traduire en provençal; un opuscule décrit ci-après (n'^ ig5) nous
apprend que ie docte prélat s'occupait aussi de propager les connaissan-
ces médicales. On voit par les titres des ouvrages que nous signalons
que Rhodez, malgré le zèle de son évêque, ne possédait pas encore
d'imprimerie. C'est à tort que M. Pierre Deschamps fDictiofinaire
géographique, v" Segodunum) fait remonter à l'année i556 l'introduc-
tion de la typographie dans cette ville, l."" Instruction de Gerson décrite
ici sous le n" 47 et que M. Deschamps attribue aux presses de Jean
Mottier, est imprimée avec les caractères qui ont servi à l'impression
des Statuta et sort par conséquent des presses de Corneille de Septgran-
1. Faut-il croire qu'une partie des exemplaires périt dans un naufrage, ce
qui en expliquerait l'extrcme rareté? Gela m'a tout l'air d'une légende.
2. A ces constitutions de l'évêque de Paris, Jehan Simon de Champigny. est em-
pruntée une citation fort curieuse que le rédacteur du Catalogue recommande avec
raison à ceux qui voudront faire l'histoire des mœ'jrs et aussi à ceux qui s'occupe-
ront de l'histoire de la médecine.
448 REVUK CKITIQUK
ges, à Lyon. Les Advis et Remèdes Souverains pour se garder de
peste en temps suspect sortent des presses de Guion Boudeville, à Tou-
louse. Les Statuta sont précédés de vers latins adressés au cardinal
d'Armagnac par Nicolas Du Mangin, évéque de Spalatro, et Urbain
Lombard, Rémois. « Reproduisons encore une note (p. 71) sur les
Questions Tusculanes de Marc Tulle Ciceron nouvellement traduictes
de latin en franco}^ s par Estienne Dolet (Lyon, Sulpice Sabon, s. d.
in-8°) : « L'auteur du Manuel du Libraire décrit cette édition à laquelle
il assigne, d'après le catalogue Coste (n° 266), la date de 1549. O"^ ^tnl
se demander si ce renseignement est exact et si la date portée sur l'exem-
plaire de M. Coste n'a pas été altérée par suite d'une faute d'impression.
Nous ne connaissons, en effet, aucun livre imprimé à Lyon par Sabon
après 1545, année où Lottin le fait figurer parmi les imprimeurs pari-
siens. Si nous ajoutons que l'édition dont nous parlons reproduit page
pour page l'édition originale donnée par Dolet lui-même en 1543 et
dont le seul exemplaire connu est conservé à la bibliothèque de Dôle,
tandis que l'édition de Paris, Jean Ruelle, 1544, in- 16, a i33 ff"., on
sera tenté de conclure que la réimpression de Sabon a dû paraître peu
de temps après la publication faite par Dolet, c'est-à-dire en 044 ou
en 1545. Le biographe français de Dolet, M. Boulmier, dont nous avons
déjà signalé une omission, ne fait aucune mention de notre édition
des Questions tusculanes : M. Richard Copley ChnsÛQC Etienne Dolet,
538) en cite au contraire un exemplaire, également sans date, qui est
conservé au Musée britannique. »
Lin chapitre d'histoire littéraire bien curieux est celui qui concerne
(p. 75-76), le Chemin de l'Ospital, cette satire morale, composée par
Robert de Balzac, Seigneur d'Entragues, de Saint-Amand, etc., séné-
chal d'Agenais et de Gascogne ■. Il y a là divers rapprochements avec
d'autres poésies de la fin du xv'' siècle et du commencement du xvi«,
dues à Pierre Gringore, Laurens Des Moulins, d'Adonville. L'édition
du Chemin de l'Ospital, ici décrite, et qui a dû être exécutée vers i525,
donne un texte différent de celui qu'a reproduit M. AUut {Etude bio-
graphique et littéraire sur Symphorien Champier, Lyon, 1859).
D'autres articles dignes de l'attention des plus délicats connaisseurs de
vieux livres, sont les articles relatifs au Proumenoir de Monsieur de
I. On trouve d'excellents renseignements sur R. de Balzac dans la Généalogie
des maisvns de Fabvi et d'Ayrettx par M. Jules de Bourrousse de Laftbre (Bordeaux,
1884, p. 54). Robert, veuf d'Antoinette de Casielnau, dame de Bretenoux, épousa,
le 22 octobre 1480, Lancie Fabri, fille de Laurent Fabri, Gonfaionier de Florence,
et fut fait gouverneur de Pise, lorsque son beau-frère Ludovic Fabri eut fait mettre
cette ville sous la puissance du roi Charles VIII. Ajoutons, d'après les Coutumes de
Clennont-Dessus publiées par M. H. Rébouis(Paris, 1881, p. G), que Charles, duc de
Guyenne, avait donné, le 23 février 1463, la Seigneurie de Clermont-Dessus à R. de
Balzac. Ce fut dans le château de ce nom, près d'Agen, que mourut chez les descen-
dants de l'auteur du Chemin de VOspital, la célèbre M"« Pauiel, indication qui
manque au remarquable Commentaire des Historiettes de Taliemant des Réaux par
Paulin Paris.
d'histoire et de littérature 449
Montaigne par sa fille d'alliance (p. 80-81), à V Instruction pour tous
estais par Girard Corlieu, d'Angoulême (iSSg), édition inconnue à
Brunet (p. 88), au Devis sur la vigne, vin et vendanges (Paris, 1549)
d'Orl. de Suaue (pseudonyme de Jacques Golîory, alchimiste, poète
et professeur (p. 96), aux Sécréta mulierum (Lyon, vers 1540), pla-
quette si faussement attribuera Albert-le-Grand (p. 97-98) ' ; au Thré-
sor du remède préservatif... de la peste... par maistre Jean Thibault,
médecin, astrologue, etc., Anvers, i53i (p. 107-308) '; au Livre de
restât et mutation du temps par Richard Roussat, chanoine de Lan-
gres, volume sorti (r55o) des presses du typographe lyonnais qu'il faut
appeler Roville et non Rouillé (p. 121), comme M. É. Picot l'avait
déjà très bien montré ici-même'; à la Prédiction merveilleuse sur les
deux ecclypses de lune., et une d: Soleil, en Van présent i588 par
Lucas Tremblay, à qui Brunet n'a pas consacré d'article (Lyon, i588^,
(p. 123-125); à La noble science des joueurs d'cspée (Anvers, i5yS) et
à un Traicté... sur l'espée seule (Paris, i573). Ce dernier opuscule,
composé par Henry de Saint-Didier, gentilhomme provençal, est orné
(ft. 8-20) de vers laudatifs de divers poètes dont plusieurs apparaissent
dans rhistoire littéraire pour la première fois (p. 159-160)". C'est ici
l'occasion d'observer que le Catalogue ne nous révèle pas seulement
les noms de ceux qui ont fourni la moindre pièce de vers à divers re-
cueils du xvi'^ siècle et du xyu** siècle ", mais qu'encore il nous fait con-
1. Cette édition des Sécréta fait partie d'un recueil du xvic siècle,, qui est par-
venu entre les mains de M. de Rothschild dans sa reliure originale en vélin blanc,
à recouvrements, et qui est composé de 22 pièces énumérées de la p. 98 à la
page 100 du Catalogue. Ces pièces ont été imprimées à Lyon par Jacques Mo-
derne, dit Grand Jacques. 0:i donne (p. ioi-)o3j une liste par ordre chronologique
d'un certain nombre de volumes sortis de ses presses, liste qui n'avait jamais éît'
dressée. Voir l'énumération (p. 219-226) de chansons et morceaux divers, en prose
et envers, du xvi* siècle ajoutés à un volume de i563 par un amateur qui, ayant
fait interfolier ce volume de papier blanc, l'avait transformé en une sorte d'al-
bum. Voir encore (p. 271-2S1) une énumération de 104 pièces, inédites pour Ja
plupart, dont se compose le recueil des œuvres poétiques de Jean Molinet. On en
rapprochera (p. 444-44G) l'énumération des chansons diverses qui forment la se-
conde partie d'un recueil des œuvres de Saint-Gelais (Lyon, 1547) dont on ne con-
naît que deux exemplaires. Signalons, pour n'y plus revenir, le dépouillement de
quelques autres précieux recueils de pièces (p. 540-542, 545, 546, 547-349, 55o-55i.
552, 553, 554, 563, 5Si-583, 583-584, etc.
2. La notice biographique sur Jean Thibaut, « un des personnages les plus sin-
guliers dont fasse mention l'histoire littéraire du xvi^ siècle, » est fort piquante. Thi-
baut ne fut pas seulement médecin et astrologue, mais fondeur de caractères, li-
braire et historien.
3. 1882, second semestre, p. 93.
4. Ces poètes sont Estienne de La Guette, de l'Aigle, Jacques Brocher (de Pertuis.
en Provence), Jean Emery, aussi Provençal (de Berre), Pierre du Fief (du Poitou;.
Pierre Quinefaut (également Poitevin), Estienne Du Four, de Yaulusien, Amad'"
Jamin, Fr. de Belleforest, Com^mingeois.
5. Voir pp. i65, 171, 177, 216, 238, 25i, 433, 434, 442, 466, 471, 473, 477-
479,484.485,492,494,496, 5oo, 5o2, 5o3, 5o5, 5o6-5o9, 5ii,5i3-522, 524,
53i, 542-543, 554-558, 56o, 562, 565, Sgo, 612, 622, 629, 63o, 634-636, etc.
45o REVUE CRITIQUE
naître trois friands morceaux poétiques reproduits en entier : d'abord
(p. 187) un sonnet adressé par Joachim Du Bellay à Jérôme de la Ro-
vère, évèque de Toulon, auteur de : Les deux sermons funèbres et obsè-
ques et enterrement du feu Rojr très chrestien Henri deuxiesme de
nom (Paris, iSSg) '; ensuite (p. 488) un dixain du même à la ville du
Mans en faveur de J. Pelletier; enfin une traduction fort bien enlevée
(p. 423) d'une spirituelle épigramme de Nicolas Bourbon en l'honneur
de Clément Marot, petit bijou qui paraît avoir échappé à tous les édi-
teurs modernes du poète de Cahors.
A tant d'indications littéraires nouvelles se joignent souvent des indi-
cations biographiques dont on aura désormais à tirer parti, comme, par
exemple (p. 196), l'indication de la date, non déterminée dans la conti-
nuation du Gallia Cliristiana (XVI, 256) de la mort de Pierre Scarron,
évêque de Grenoble, dont l'oraison funèbre fut prononcée le i3 février
1668 par le P. Nicolas de Dijon -. Citons encore cette petite notice
(p. 214) sur le « seigneur Jules Gassot » auquel furent adressées une épî-
tre de Remy Belleau et une élégie de Ronsard : « Comme les éditeurs
modernes de Belleau et de Ronsard paraissent ne rien savoir de Jules Gas-
sot, nous ferons remarquer que ce personnage, qui fut secrétaire du roi
et des finances, mourut le i3 septembre 1623. Il fut enterré à Paris,
dans l'église Saint-Germain-l'Auxerrois, à côté de sa femme Renée de
La Vau, morte le 2 3 avril 1608. » ^'.
Revenons aux curiosités bibliographiques : le Virgile déguisât, o VE-
neido burlesco del s^ de Vales, de Mountech (Toulouse, J. Boude,
1648, Jn-4°) est Cp. 217) un « ouvrage de la plus grande rareté, dont
on n'a décrit jusqu'ici aucun exemplaire complet. » Le recueil intitulé :
Syntra Aloisiœ Sygeœ Toletanœ (Paris, i566, in-40) est introuvable.
Voici ce que nous apprend le Catalogue (p. 234) : « Le bibliographe
lyonnais [il s'agit là de M. AUut, l'auteur de la dissertation sur Aloy-
sia Sygea et Nicolas Chorier, 1862, in-S"] a reproduit en entier le
poème de Syntra, élégante description des jardins royaux qui avoisi-
nent Lisbonne, mais il n'a pu consulter qu'une réimpression faite à
Lisbonne en 1781, par D. Francisco Cerda y Rico, sur une ancienne
copie manuscrite; il n'a pas réussi, malgré toutes ses recherches, à dé-
couvrir un seul exemplaire de l'édition originale, que nous venons de
décrire. Cette édition fut publiée par Jean Nicot, le célèbre auteur du
I. Le sonnet et neuf distiques latins adressés au même prélat ont été omis dans
toutes les éditions des œuvres du charmant poète.
■1. Dans le Dictionnaire historique de la France {2" édition, 1877), ^^ a prolongé
(p. 940) l'épiscopat de P. Scarron jusqu'en 1C70, c'est-à-dire deux ans de trop.
3. Voir d'autre excellentes petites notices sur le poète Eloy d'Amerval (p. 261),
sur Robert Gaguin (p. 271), sur le chanoine Guillaume Flameng (p. 283), sur Mar-
tial d'Auvergne (p. 285), sur Jacques d'Adonville (p. 291-292), sur Jehan d'Abun-
dance (p. 377), sur Pierre de La Vacherie, dont le nom n'a été cité ni par La Croix
du Maine ni par Du Verdier (p. 379), sur Fr. M. Cliastelet de Beauchasteau (p. 564),
sur Esprit de Raimond de Mormoiron, comte de Modène (p. 567), etc.
d'histoire liT DE LITTÉRATURE 4^ I
Dictionnaire françois (voy. ci-dessus, n" 326), à qui Jacques Sygée
[père d'Aloysia] avait remis le manuscrit du poème, au moment où il
quittait Lisbonne pour rentrer en France. » L'édition du Sermon des
repeu:{ franches de maistre François Villon (petit in-8° gotliique, de
l'an i5oo environ) est, lit-on p. 26, « inconnue à tous les bibliogra-
phes » et « doit être antérieure à celles qui portent le titre de Recueil
des repeues franches. )> Les Méditations et oraisons dévotes en rymc
(composées par François Le Roy, religieux de l'ordre de Fontevrauk
et imprimées à Paris vers i5oo} sont (p. 283) « restées inconnues à
l'auteur du Manuel., comme à tous les bibliographes. » L'édition de
La vie sainte Règne vierge et martire (in-4", i 5oo) est encore (p. 287)
« restée inconnue à M. Brunet, qui ne mentionne que l'édition impri-
mée à Troyes, par Jehan Le Coq '. » L' Epitaphe [en 724 vers] de feu
très hault très puissant et redoubté prince Phelippes Daustrice Roy
de Castilles., de Leo)i et de Grenade (Paris, i5o6) par Nicaise Ladam,
héraut d'armes (p. 278), n'a été citée par aucun bibliographe; c'est le
seul exemplaire connu ^ L'édition des Folles entreprises qui Iraictent
de plusieurs choses nouvelles (Paris, vers i5o6) n'a, de même (p. 3o6),
été connue d'aucun bibliographe. Les Contredict:^ de Songecreux
(Paris, i5 3o) ont fourni au rédacteur du Catalogue l'occasion de cette
remarquefp. 3i2-3i3) : « Les contredict^ de Songecreux sont un des
livres sur lesquels les bibliographes ont commis les plus nombreuses
erreurs. Cet ouvrage, dont il n'existe pas d'édition moderne, est d'une
telle iareté que la plupart de ceux qui en ont parlé ne l'ont jamais eu
entre les mains. Ainsi peut s'expliquer la facilité avec laquelle s'est
accéditée l'opinion de Goujet {Bibl. franc. XI, 2 38) qui l'avait un peu,
à la légère, attribué à Gringore. On sait maintenant que Gringore,
connu sous le nom de Mère Sotte, n'a jamais porté celui de Songe-
creux. Ce surnom appartenait au contraire à son rival, Jean de TEs-
pine du Pont-Alletz, le célèbre Chef et maistre des joueurs de mora-
lités et farces à Paris, dont ont parlé Gringore (éd. Montaiglon et
1. Voici sur l'auteur une note que l'on peut appeler du fruit nouveau (ibid) :
« Jehan Piquelin, dont le nom nous est révélé par la souscription du poème et par
un acrostiche final, n'est cité par aucun bibliographe. Il semble pourtant qu'il ait
écrit plus d'un ouvrage en vers. Nous croyons du moins pouvoir lui attribuer une
jolie composition, plusieurs fois imprimée : Le Messagier d'Amours (Montaiglon
et Rothschild, Recueil, de Poésies françaises, XI, 1. 33. Cette dernière pièce se
termine par un acrostiche qui donne le nom de Pilvelin, mais Pilvelin est in-
connu, et l'acrostiche qui atteste son existence contient une faute que nous pouvons
désormais corriger..- »
2. L'auteur du Catalogue, après avoir décrit trois autres pièces de N. Ladam,
ajoute (p. 3o2) : « Comme les ouvrages de cet auteur sont de la plus insigne rareté,
que la Bibliothèque nationale n'en possède aucun, et que M. Brunet lui-même n'en
a pas donné la liste complète, nous croyons intéressant de citer ici ceux que nous
avons eus entre les mains. » Suit la description (p. 3o2-3o3) de cinq poèmes de
N. Ladam, qui appartiennent, les quatre premiers, à la Bibliothèque de l'université
de Gand, le dernier à la Bibliothèque royale de Bruxelles.
1.52 RKVUK CRITIQDK
d'Héricault, I, 207) Marot (éd. Jannet, I, 187) et Du Verdier (éd.
Rigoley de Juvigny, IV, 5o2-3o3) '. » L'Esperon de discipline par
Antoine Du Saix (i532, in-4) amène (p. 327-328) une note fort intéres-
sante sur l'auteur et sur son rarissime livre très curieux comme docu-
ment historique. L'édition des Gestes des solliciteurs par Eustorg de
Beauliku (Bordeaux, Jehan Guyart, i537) décrite (p. 33o), est la troi-
sième et n'est citée ni dans le Manuel du Libraire ni dans les Origines
de l'imprimerie en Guyenne par M. Jules Delpit. Les dits de Chiche-
face (Lyon, vers i5 37), bien que — lit-on (p. 440] — « M. de Montai-
glon en eût soupçonné l'existence {Recueil de poésies françaises, II,
191), étaient restés inconnus à tous les bibUographes jusqu'au moment
de la découverte de notre plaquette... )) Le Grand credo de Venise
(iSog, in-8°) n'a été cité ni par M. Brunet, ni par aucun autre biblio-
graphe (p. 341). La description des Rondeaiilx tiouveaulx jusqiies au
nombre de cent et troys (Paris, vers i33o) est suivie <p. 399) de cette
rectification parfaitement justifiée dans une discussion à laquelle je
renvoie les curieux : « ces rondeaulx, qui forment un petit roman
d'amour, méritent d'être cités parmi les meilleures productions poéti-
ques du commencement du xvi° siècle. C'est à tort qu'ils ont été tour à
tour attribués à Jehan Bouchet et à Pierre Gringore. » L'édition de
Y Adolescence clémentine de Lyon (i5 33) est restée inconnue à tous les
chercheurs (p. 409), ainsi que celle de Paris, i5 38 (p. 420) ^.
Voici une trouvaille fournie par le Tombeau de Marguerite de
Valois, Rojrne de Navarre (Paris, i55i) : « nous relèverons [p. 443)
une autre devise, employée par Pierre Des Mireurs (Mirarius) :
ignoti nulla ciipido. Cette devise nous fait connaître l'auteur de petites
pièces insérées dans le Recueil des Poésies francoises (VI, 335, 337,
340). » Le Genethliacum Claudii Doleti (Lyon, 1540) et ï Avant-Nais-
sance de Claude Dolet {Lyon, iSig) ont perm.is au rédacteur du Catalo-
gue de compléter d'un seul coup (p. 448) trois ouvrages : « M. Brunet
(II, 796) et M. Boulmier {Est ienne Dolet ^ Paris, 1847, in-S", p. 285)
ne citent le Genethliacum que sous la date de 1539. M. Christie
(pp. 5oo-5o2) a le premier fait remarquer qu'il existe deux sortes
d'exemplaires de Genethliacum sous la date de i539; mais il n'a pu
1. Le rédacteur da Catalogue cite encore un acquit au comptant du règne de Fran-
çois l" (Arch. nat. J. 061) où il est fait mention de 225 livres tournois que le roi
accorde à Jean de l'Espine, dit Songecreux, pour avoir avec sa bande, joué plusieurs
farces devant lui pour son plaisir et récréation. Ce document n'est pas le seul qui
nous fasse connaître la personne de Songecreux; ainsi Jean, condamné à la prison
par le prévôt de Paris, en i52g ou en i53o, signe de son nom réel et de son nom de
théâtre une requête adressée à Messieurs du Parlement, en vue d'obtenir sa liberté
(Bibl. nat. mss. fr. 2206, fol. 191)-
2. L'édition des Cinquante deux pseaumes de David traduict:^ en riihme fran-
çaise selon la vérité hébraïque par Clément Marot (Paris, Guillaume Thibaust, 1546),
a été omise par M. Bovet dans la bibliographie qui accompagne son Histoire du
psautier des églises réformées. Cette édition est également restée inconnue à
M. ûouen, le dernier historien du psautier huguenot.
d'histoirk et dk littérature 45?
voir aucun exemplaire de l'édition de 1340. Cette édition ne contient
aucun des passages que le bibliographe anglais croyait avoir été ajoutés
par Dolet, en vue d'une réimpression de son œuvre. M. Christie a aussi
vainement cherché un exemplaire de l'édition originale de VAvaut-
Naissance. » La complainte intitulée : Les Regret^ et tristes lamenta-
tions sur le trespas du très Chrestien Roy Henry II (Paris, iSSg) est
(p. 458) restée inconnue à Brunet; elle ne figure pas dans la liste des
ouvrages de François Habert donnée par La Croix du Maine et Du
Verdier. En revanche c'est à tort que Du Verdier et, d'après lui, l'au-
teur du Manuel du Libraire attribuent à Fr. Habert la Description
poétique de l'histoire du beau Narcissus (Lyon, Balthazar ArnouUet,
i55o, in-8o).
Voici les motifs invoqués par le rédacteur du Catalogue (p. 458-
459) : « Cette attribution repose sur une erreur évidente. Habert a
donné, il est vrai, dans la Jeunesse du Banny de liesse (fol. io5-i i î)
une traduction de la. Fable du beau Narcissus, amoureux de sa beaulté,
dont il mourut ; mais la traduction dont nous parlons n'a rien de com-
mun avec la paraphrase beaucoup plus étendue qui parut en i55o. Il
n'est pas probable qu'Habert ait traité deux fois le même sujet d'une
manière entièrement différente, et, d'ailleurs, tous les ouvrages qu'il
publia après 1545 portent son nom en toutes lettres. Nous regardons
en conséquence conime parfaitement authentique l'attribution faite par
un lecteur du temps sur le titre de l'exemplaire de la Bibliothèque de
FArsenal : De Jehan Ruz, Bourdel[ois]. Les ouvrages de ce poète sont
d'une telle rareté que son nom n'a été recueilli ni par La Croix du
Maine, ni par Du Verdier, et que M. Brunet lui-même n'a pas soup-
çonné son existence. En 1873, M. Tamizey de Larroque a réimprimé,
d'après un exemplaire unique, appartenant à la Bibliothèque d'Auch,
les Œuvres dictées par Jehan Rus, Bourdeloys, e^ jeux Jloraulx à
Tholose (Tholose, Guyon Boudeville, s. d. in-8") ' ; nous croyons
pouvoir restituer aujourd'hui au même auteur la Description poétique,
dont M. Tamizey de Larroque n'a point parlé -. » Au dernier feuillet
du Discours à très hault et très puissant prince, Monseigneur le duc
de Savoye, etc. (Paris, i55g) est imprimé un Extrait du privilège
du 23 février i558 dont le rédacteur du Catalogue tire cette consé-
quence (p. 473-575). « Le titre donné ici à Ronsard est des plus curieux,
car, dans les autres privilèges que nous avons consultés, le poète est
désigné sous le nom de P. Ronsard, gentilhomme Vandomois, ou
simplement Vandomois. La qualité d'aumonier ordinaire du roi et de
la duchesse de Savoie fournit un argument précieux à ceux qui préten-
I . Voir un article de M. Gaston Paris dans la Revue critique du ig juin iSyS,
p. 397.
2. Le rédacteur du Catalogue ajoute qu'une des pièces qui composent le recueil
de Jean Rus, le Triste chant d'une dame, lequel on joue sur le luth, se retrouve dans
quatre chansonniers du temps (i 557, i55(), i582, i588).
434 REVUK CRlilQUE
dent que Ronsard entra d^abord dans les ordres. Nous nous étonnons
que les biographes ne l'aient point mentionnée '. » Le Vœu à laRoyne
par Nicolas Filleul, de Rouen (s. 1. i568, in-4'') est (page 5oo) une des
plus rares des compositions de l'auteur de la tragédie à' Achille. Ce
compliment en vers, où Filleul fait Téloge de toute la famille royale,
n'est cité ni par M. Brunet, ni par M. Frère. M. Eugène de Robillard
de Beaurepaire, qui a réédité les Théâtres de Gaillon pour la société
des Bibliophiles normands, et qui les a fait précéder d'une notice sur
l'auteur, ne cite qu'un exemplaire défectueux qui appartient à la Biblio-
thèque de TArsenal «. Le Chant triumphal sur la victoire obtenue par
le Roy^ à V encontre des rebelles et ennemys de Sa Majesté (Paris,
i56g, in-4") n'est pas moins rare que le poème précédent. Le rédacteur
du Catalogue a réuni en une demi-douzaine de lignes (p. 5oi) tous les
renseignements que l'on possède sur le médecin-poète : « Antoine Valet,
de Saint-Germain, en Limousin, dont M. Brunet ne cite pas le nom,
est l'auteur de divers ouvrages français et latins. Voy. La Croix du
Maine, éd. Rigoley de Juvigny, 1, 54; Du Verdier, m, 226 (article
Pierre de La Roche) et IV, 24. Aux ouvrages cités par les deux biblio-
graphes nous ajouterons le Tojnbeau de messire Jean de Vojyer (Pari-
siis, Benenatus, iSyo, in-4") et trois épigrammes, dont une en grec, qui
se trouvent en îéte d'une édition d'Ausone publiée à Bordeaux en
ibgo -. )) Le rédacteur du Catalogue ajoute ainsi (p. 5o2) à ce que Ton
savait de VOde sur les misères des églises francoises imprimée à la
suite de YEpitaphe de la mort de très illustre prince Wolgang, etc.
(Genève, iSôg, in-S") : <? Ci poème, d'une facture très remarquable, a
été réimprimé sans nom d'auteur en i586, sous le titre (X'Ode sacrée de
1. Rappelons que M. l'abbé L. Froger, dans une notice sur Ronsard ecclésiasti-
que faite d'après des documents inédits (Mamers, 1882, in-8°), a très bien établi que
l'évêque du iMans, René du Bellay, conféra la tonsure en 1343 au futur poète alors
âgé de dix-neuf ans, et que ce dernier reçut, en novembre i554, du cardinal Jean du
Bellay l'investiture d'un bénéfice ecclésiastique, la cure de Challes, en échange de
laquelle il abandonna la cure de Marolles (diocèse de Meaux) à son prédécesseur. En
i556 Pierre de Ronsard était en possession de la cure Saint-Martin d'Evaillé qu'il
allait échanger, la même année, contre une prébende que lui céda M^ Jean Berneuil,
prêtre, chanoine de la collégiale Saint-Martin de Tours. A propos de Ronsard, disons
que le rédacteur du Catalogue rectifie (p. 474-475) les erreurs commises par feu
Prosper Bianchemain en ce qui regarde la date de \2l Paix (iSSg et non i56o). In
date de V Élégie sur les troubles d'Amboise (i563 et non 1564), enfin la date de la
Remonstrance au peuple de France (i563 et non 1564). Voir encore (p. 475-476)
d'assez nombreuses variantes non recueillies par le dernier éditeur des Œuvres de
Ronsard. On voit un peu plus loin (p. 477) que P. Bianchemain n'a pas connu la
Réplique faite à la Response de P. de R. par un calviniste caché sous le pseudonyme
de Lescaldin (i563, in-4°).
2. C'est la fameuse édition d'Élie Vinet, enrichie des Lectiones ausonianœ de
Joseph Scaliger (Simon Millanges, in-4"). On sait que la première édition de \'Au-
sone de Vinet avait été donnée dans la même ville, dans le même format et chez le
même imprimeur, en i58o; l'impression en avait été commencée en lôyS, ainsi que
nous l'apprend un avis au lecteur au recto du titre.
DHISTOiUli K'î Dii LITTÉRATURE 455
l'église française sur les misères de ces troubles., et reproduite,
comme une composition anonyme, às^nslQ Recueil de poésies françai-
ses (V. 49-59). Notre édition est signée à la fin : A. Zamariel ; VOd.e
est donc, comme les épitaphes, l'œuvre d'Antoine de La Roche Chan-
dieu, dit Zamariel ou Sadeel, gentilhomme maçonnais, qui fut minis-
tre à Paris, à Poitiers, à Orléans, et qui mourut, en lôgi, à Genève, où
il s'était retiré après la Saiat-Barthélemi. L'Ode n'a pas été citée par
MM. Haag dans l'excellent article qu'ils ont consacré à Chandieu (La
France protestante, lïi, 327-334); elle se retrouve cependant à la suite
d'une tragédie latine de Jean Jacquemot, qui parut à Genève en 1601...
L'édition de iSôg offre cet intérêt particulier qu'elle contient la musique
de la première strophe. » A propos de VHjnmie de Clémence par Claude
Pellejay, poitevin, secrétaire du duc d"An;ou (Paris, iS-i, in-4«'), le
rédacteur du Catalogue note que le nom de ce poète ne figure pas au
Manuel du Libraire, bien que La Croix du Maine (r, 147) et du Ver-
dier l'i, 358) lui aient consacré l'un et l'autre un article '. Autre addi-
tion (p. 525), au sujet du Blason des Barbes (Paris, i55i) et de La
Response et contredit d.' un Barbu (Paris, i55t) :« M. Brunet (I, 9/0)
et l'éditeur du Recueil des poésies françaises (11, 210) ne citent du
Blason des Barbes qu'une édition imprimée à Paris vers la fin du
xvie siècle et une édition publiée par Loys Costé, à Rouen, en 1602...
La plaquette que nous venons de décrire est précisément l'édition an-
cienne qui avait échappé jusqu'ici aux recherches des bibliographes... La
Response, qui fixe d'une manière précise la date du Blason des Barbes,
est restée inconnue à M. Brunet, aussi bien qu'à l'éditeur du Recueil
des poésies françaises '-. » Citons enfin — car il est temps de s'arré-
1. Brunet n'a cité que d'après La Croix du Maine (art. Robert Corbin) et du Ver-
dier (article Boisserau] le Songe de la Piaffe, opuscule composé par Robert Corbin,
écuyer, seigneur du Boissereau, en Berry (Paris, 1374, 1114°). Cette satyre, dirigée
contre les gens de guerre, et qui paraît, selon le Catalogue (p. 5o3), avoir fourni à
Gabriel Bounyn l'idée de sa : Tragédie sur la défaite et occision de la Piaffe et la
Picquerie et bannissement de Mars, etc., (Paris, 157g, in-4°), est d'une extrême
rareté. P. Lacroix (Recherches bibliographiques sur des livres rares et curieux)
(Paris, 1880, in-S", p. 97) cite le Songe de la Piaffe parmi les livres perdus. Reve-
nons à Brunet pour constater, au sujet du premier recueil des Quatrains de Pybrac
(Lyon, Jean de Tournes, 1574, in-8°), décrit (p. 604), que des quatre éditions de
cette même année (Paris, G. Morel, in-40; Paris, G. Gorbin, in-8°; Rouen, Martin le
Megissier, in-S»), il n'en cite que deux, celle de Jean de Tournes et celle de G. Mo-
rel, qu'il n'a pas vue et dont il a emprunté la mention à l'abbé Goujet. Brunet a omis
encore \e Discours faict par Michel Qidllian, Breton, panégyrique enthousiaste du
duc de Guise, (i588, in-40). Le rédacteur du Catalogue en cite trois éditions sous
trois titres différents et ajoute (p. 517) : Michel Quillian était sieur de La Tousche.
Il prend cette qualité, en iSgô, sur le titre de Xz. Dernière Semaine, ou consomma-
tion du monde; c'est probablement à lui qu'il convient d'attribuer un quatrain : Si-
gné : La Touche, qui se trouve en tête de Y Art poétique françois de Pierre de
Laudun d'Aigaliers (Paris, 1597, in-8°).
2. Deux pages avant (article 771), sont mentionnées les œuvres latines et françai-
ses du docteur Raimond de Ma5sac, natif de Clairac, en Agenais, doyen de la faculté
456 REVUE CRITIQUK
ter ' ! — une note touchant l'Ode aux Muses sur le portrait du Roy
composée par le comte de Modène (Paris, 1667, in-4°) : « Ces relations
du comte de Modène avec Molière ont fait penser à divers auteurs que
le poète comique avait eu quelque part aux ouvrages du gentilhomme.
M. Paul Lacroix a soutenu cette opinion pour V Histoire des Révolu-
tions de la ville et du royaume de Naples (voy. Bibliographie
Moliùresque, n" 228); il serait plus naturel de penser à une collabora-
tion pour un ouvrage en vers tel que VOdeaux Muses ; mais cette pièce
paraît être inconnue à tous les bibliographes. » Avis à MM. les Moliè-
ristes!
T. DK L.
VARIETES
Une leîti-e de L.eil>niz.
On aimerait pouvoir considérer comme définitive la belle édition des
œuvres philosophiques de Leibniz entreprise il y a dix ans par C. J.
Gerhardt et dont le cinquième volume a paru en 1882 ". On désire y
trouver, outre une disposition des matières plus méthodique que celle
des anciens éditeurs Dutens et Erdmann, un texte à peu près irréprocha-
ble. L'Allemagne est la terre classique des recensions savantes, et Leibniz
mérite assurément autant d'égards qu'Aristote, Platon, ou, pour citer
un moderne, Kant, dont le texte a été récemment l'objet des beaux tra-
vaux de Benno Erdmann. II y avait beaucoup à faire de ce côté :
PéditiondeJ. Ed. Erdmann (1840) est très incorrecte ; à l'Ecole normale,
en 1869, notre maître, M. Lachelier, expliquant les lettres au P. Des
de médecine d'Orléans, et de son fils Charles. On aurait pu indiquer sur ces écri-
vains un mcmoirc communiqué par la famille de Massac aux éditeurs du Moréri
(édition de lyScj, t. VII, p. 3.iO-32i). Ce mémoire aurait permis au rédacteur du
Catalogue d'éviter les deux seules fautes peut-être qu'il y ait dans tout l'ouvrage,
c'est-à-dire d'appeler Spasçnet ou Y Espagnet le poète Jean d'Espagnet et d'en faire
un conseiller à l'imaginaire parlement de F'oitiers, ledit poète — qui fut aussi pro-
sateur — ayant été conseiller, puis président au parlement de Bordeaux.
1. J'aurais pourtant voulu signaler la réhabilitation littéraire (p. 266) de Pierre
Meschinet, de Nantes, l'auteur des Limettes des Princes, que, sur la foi de l'abbé
Goujel, on considère injustement comme un poète médiocre; la description (p. 3i6)
d'une édition du Temple de Jehan Boccace (Paris, Galliot du Pré, i^iy), laquelle
édition contient un grand nombre de leçons préférables à celles des manuscrits suivis
par M. Kervyn de Lettenhove /Œuvres de Georges Chastellain, vu, 75-143); l'éloge
(p. 494) de u la forme correcte, facile et souvent heureuse » du poète Scèvole de
Sainte-Marthe, avec accompagnement d'indications sur les éditions comparées de
i56q et de 157g, indications qui seraient très utiles à celui qui voudrait remettre
au jour les œuvres de cet honnête chantre des joies du foyer domestique, etc.
2. Die philosophischen Schriften von G. \V. Leibniz, hcrausgegeben von C. J.
Gerhardt. Berlin, ^^'cidmalln, grand S'\
d'hISTOXUK et Dli r.IT'réRATURE 4^7
Bosses, en était réduit à traiter cette édition comme un mauvais ma-
nuscrit, et proposait souvent des corrections nécessaires au sens. Nul
doute que l'édition Gerhardt ne constitue un progrès à cet égard. Mais
la perfection est difficile à atteindre, et nous venons d'avoir une occa-
sion de constater que la récension des manuscrits de Hanovre n'a pas
toujours été faite par Gerhardt et ses collaborateurs avec l'attention
scrupuleuse qu'on était en droit d'attendre d'eux.
Un amateur parisien a bien voulu nous communiquer une lettre
autographe de Leibniz qui ne portait pas le nom du destinataire.
Nous avons d'abord reconnu qu'elle faisait partie des lettres à l'abbé
Nicaise, dont la majeure partie (dix-huit lettres), conservée en France
dans des bibliothèques publiques, a été publiée, sur des originaux
ou sur d'anciennes copies, par un anonyme dans la Revue des Deux
Bourgognes {iS36), puis par Cousin dans les éditions successives des
Fragments philosophiques^ par CoUombet (i85o), enfin tout récemment
par M. Gaillemer; cette dernière publication peut être louée comme un
modèle du genre, pour la fidélité des transcriptions, la richesse et la pré-
cision du commentaire '. Cousin avait signalé l'absence de deux lettres,
dont il retrouvait la mention ou même des fragments dans la corres-
pondance de Nicaise avec Huet, que possédait et que possède sans
doute encore M. Feuillet de Couches. Mais on sait que Leibniz avait
l'habitude de conserver pour lui-même un double, brouillon ou copie,
de la plupart des lettres de quelque importance qu'il envoyait à ses
correspondants; les manuscrits de Hanovre ont ainsi fourni à Gerhardt
quatre lettres inédites [n"' VIH, XIII, XXI, XXII), ce qui porte à
vingt-deux Tensemble de la collection, et c'est lui qui a publié le pre-
mier le texte complet de la lettre qui nous occupe (la XI Ile), dont
Cousin n'avait pu donner que les fragments communiqués par Nicaise
à l'évêque d'Avranches -.
L'autographe que j'ai entre les mains est évidemment l'exemplaire
mis à la poste par Leibniz à l'adresse de Nicaise. Comparé avec le texte
de Gerhardt, il nous a donné un certain nombre de variantes, dont la
plupart corrigent des fautes de l'édition allemande. Nous croyons ren-
dre un service en signalant ces variantes, à l'exception, bien entendu,
de celles qui sont purement orthographiques; ce sera peut-être donner
un avertissement utile à l'éditeur, dont la tâche est loin d'être termi-
née ^
1. Lettres de divers savants à l'abbé Claude Nicaise, publiées pour l'Académie des
Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon par E. Caillemer. Lyon, i885, grand 8°.
— Sur les manuscrits et les éditions de cette correspondance, voy. p. i-vi, xxxiii
sqq., 265 sqq. M. Caillemer paraît ignorer la publication de Gerhardt.
2. Mais il n'a pas retrouvé la première des deux lettres dont Cousin avait signalé
l'absence; sa place serait entre la 1"^° et la II* delà collection-
3. Il pourrait également, lors d'une réimpression, rectifier la ponctuation, tout à
fait fâcheuse, de l'épitaphe en vers de Nicaise (t. IL p. 527), et (p. 546) la date de
la V° lettre, qui est de 1694 et non de 1692.
Lettre du 3o avril zr lo mai 1697, t. II, p. 365-368 :
Page 365,1. 21 : vous avés porté Monsieur d'Avranches de vouloir s'informer
de etc. ; — l'autographe portait d'abord : de vouloir, mais Leibniz a corrigé : à vou-
loir.
P. 366, 1.7: auteurs anonymes et pseudonymes... les auteurs marqués ; — sur
l'autographe, Leibniz semble bien avoir e'crit d'abord marquésou manques, mais il a
corrigé : masqués.
P. 366, I. ig, sur Foucher; phrase inintelligible; une ligne est omise, — L'auto-
graphe porte : Sa curiosité estait limitée et ne regardait que certaines matières un
peu sèches, et il me semblait qu'il ne traitait pas ces matières mêmes avec toute
l'exactitude nécessaire.
P. 367, 1. 2 : on Va dispensé de Vexcrcice de la charge; — aut. : de sa
charge.
P. 3C7, 1. 29 : Arnauld; aut. : Arnaud.
P. 368, 1. 16 : des gens qu'on appelle Pietistes, qui font icy autant de bruit etc;
aut. : et qui font etc.
P. 368, 1. 23 : Ne connaisses vous pas quelqu'uns, Monsieur, qui aient ramassé les
mots des anciennes langues perdues ; — aut. : Leibniz avait d'abord écrit quelqu'uns;
il a corrigé : quelques uns.
P. 36<S, 1. 26 : Pondanus ; — aut. : Pontanus.
P. 368, 1. 32 : un recueil des jnots Scythiques, Persiques, etc.; — sur l'aut. le
mot Persiques est omis.
Trois de ces variantes révèlent l'embarras de Thomme qui écrit dans
une langue étrangère et ne trouve pas de suite le mot propre (comme
masqués) ou la tournure correcte; et Ton remarquera que le second
mouvement de Leibniz n'est pas toujours le bon : ainsi lorsqu'il écrit :
quelques uns. Dans d'autres endroits il commet des fautes d'orthogra-
phe : elle... nous apprends; — si Enée est venue en Italie.
J'ignore si, en général, Leibniz avait l'habitude de recopier ses lettres
pour son usage personnel ou, au contraire, d'en garder le brouillon;
mais, ici, il semble bien que l'exemplaire delà bibliothèque de Hanovre
est le brouillon de Leibniz, puisque notre autographe porte d'évidentes
corrections de style; de même, l'omission d'un mot, à la fin de la lettre,
ne s'explique que si Leibniz se recopiait.
D'autres lettres de Leibniz à Nicaisesonl, dans l'édition Gerhardt,
publiées d'après un texte tout à fait défectueux. Ce sont celles (no^ lî,
IV, VI, XIV, XVII) dont il n'a pas trouvé de manuscrit à Hanovre et
que Cousin avait publiées d'après une copie de la bibliothèque de Lyon.
Gerhardt, faute de mieux, reproduit Cousin; mais les autographes de
ces lettres ont été retrouvés et la publication que vient d'en faire
M. Caillemer donne pour la première fois leur texte correct et com-
plet '.
Victor Egger.
I . Voir, par exemple, sur la IV lettre, Caillemer, p. xxxv et 40. — Dans
cette lettre, à la fin, Cousin et Gerhardt doivent avoir raison contre M. Caillemer :
Leibniz a dû écrire, non pas jYoAJ'rt'. mais Voslrc illustre M . Iluet.
d'histoiki-: et di-; littérature 459
Kncore la C^olonabisie.
L'article sur la Bibliotheca Colombina publié dans i'avaiU-dernier
numéro de la Revue critique a été Tobjet d'une interpellation aux cer-
tes espagnoles, samedi 23 mai.
Au sénat, le Sr. Fabie, dans une péroraison éloquente et patriotique,
a déclaré ne pas vouloir qu'on prît TEspagne pour une Grèce en déca-
dence . No quiero que Espana paresca una Grecia décadente.
S. Exe, le ministre d'État a promis d'aviser.
Au congrès, le Sr. Balaguer a interrogés. Exe. le président du conseil
sur l'allégation que des manuscrits delà Colom.bine auraient été projetés
dans les rues de Séville par une secousse violente du dernier tremble-
ment de terre, ramassés et vendus K
S. Exe, le ministre de la justice a répondu que le gouvernement
allait provoquer une enquête afin de savoir ce qui s'était passé à celte
occasion. tl.
IHRONIQUE
^'
FtlANCE. — M. H. D. de Grajimont, a fait tirer à part les articles qu'il avait pu-
bliés dans la « Revue historique » sur la course, l'esclavage et la rédemption à Al-
ger ; oa lit avec le plus vif intérêt cts éludes algériennes où Tauteur nous montre
successiven-ent comment on tombait entre les mains des Barbaresques, dans quelles
conditions vivaient les captifs et comment on sortait de captivité; elles formeraient
un des chapitres les plus remarquables d'un livre d'ensemble que l'auteur se déci-
dera peut-être à écrire sur Alger avant la domination française.
— Viennent de paraître à la librairie Hachette : 1° Le Directoire et l'expédition
d'Egypte, étude sur les tentatives du Directoire pour communiquer avec Bonaparte,
le secourir ou le ramener, par le comte Boulav de la Meurthe. (In-S", 344 p.,
3 fr. 5o) ; l'ouvrage renferme sept chapitres : I. Causes de l'expédition; II. Malte,
l'Irlande, Aboukir (19 mai à oct. 1798); III. Nouvelle coalition (nov. i7c)8 au
12 mars s 799) ; IV. La tiotte de Brest dans la iVicdilerranée (14 mars au 26 mai
179(5); V. Bruix et Mazarredo (juin au 8 août 1799); VI. Crise du régime directo-
torial (juillet-août 1799); VU. Projet de traité avec la Porte (3 sept, au b nov. 1799),
et plusieurs appendices renfermant des lettres inédites (p. 219-333); 2" un Voyage
au Mexique de New-York à Vera-Cru^ par terre, par M. Jules Leclercq, (collec-
tion de voyages illustrés. In-S", 446 p. avec carte, 14 fr.); l'auteur est allé de New-
York au Rio Grande et de là, par San-Luis-Potosi et Queretaro à Mexico, d'où il a
gagné, par Puebla, Cordoba et Jalapas, le port de la Vera-Cruz; le chapitre sur Que-
retaro est fort instructif et M. Leclercq a recueilli du chanoine Soria de nouveaux
détails sur les derniers instants de Maximilien; il décrit d'une façon fort attachante
le musée national de Mexico; le livire se termine par un chapitre assez original sur
I. Habiendo espresado cl vendedor que diclios codiccs las habia aicontrado en
una calle de Seviila, donde los arrojô u)io de las ierronotos ûltiinos. {La Corrcs-
pondencia de Espana, n" du 24 mai).
460 WnVUii CRITIQUE d'hiSTOIRK KT ûH LlTTKkA 1 URk
l'avenir du Mexique ; 3° Ecrivains modernes de l'Angleterre, par M. Emile Monté-
GUT. (ln-8", 4o5 p., 3 fr. 3o) , c"est une première série; elle comprend un Premier
essai sur George Eliot, (p. 3-58, écrit en iS3g, au lendemain de la publication d'^-
dam Bede); Georges Eliot, portrait général (I, l'âme et le talent, p. 61-102 ; II, les
œuvres et la doctrine morale, p. io3-i8o); Charlotte Bronté, portrait général
(I. sa famille et sa jeunesse, p. 184-270; II, sa vie littéraire et ses œuvres, p. 271-
354); Un roman de la vie mondaine (analyse et appréciation du Guy Livingsione
du major Laurence, p. 357-405).
SOCIETE NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANGE
Séance du i3 mai.
PRÉSIDENCE DE M. COURAJOD
Lecture d'une lettre de M. de Laigue signalant une urne cinéraire de marbre
blanc vue chez un marchand de curiosités à Lucques; elle porte une inscription
funéraire qui -lit connaître les noms du détunt, L. Caiius Velox, et ceux de sa
femme, lunia l'hyllis.
La Société des Etudes indo-chinoises à Saigon envoie son adhésion au vœu émis
par la Société des Antiquaires pour la conservation des monuments anciens, et in-
siste particulièrement pour que les restes précieux et grandioses de l'antique civili-
sation khmer au Cambodge, soient également l'objet de mesures conservatrices.
M. Nicard rappelle que la fameuse mosaïque de Lillebonne sera prochainement
mise aux enchères publiques et réclame l'intervention de l'Etat pour que cet incom-
parable spécimen de nos antiquités nationales ne sorte pas du territoire français.
M. Molinier présente la chromolithographie d'un triptyque en cuivre émaillé
appartenant au Musée national de Budapest. Il établit que ce triptyque, qui passe
pour une œuvre byzantine du x^ siècle, est celle d'un faussaire qui s'est servi d'une
gravure de Gori représentant une des mosaïques byzantines conservées au baptis-
tère de Florence.
M. de Kermaingant communique un portrait de Henri IV peint sur cuivre et
appartenant à M. le baron d'Hunolstein ; d'après certaines particularités on peut ad-
mettre que Henri n'était encore que roi de Navarre quand ce portrait a été exécuté.
M. Gaidoz communique la gravure d'une sitiila en bronze découverte à Bologne,
analogue par son travail et par ses sujets figurés à des objets de même usage trou-
vés à Watsch (Carniole); on y voit des scènes de vie militaire et sportive. M. Gai-
doz émet l'hypothèse qu'il s'agit là peut-être de Gaulois et que ces ustensiles sont
des monuments de leur migration de l'est à l'ouest de l'Europe.
M. l'abbé Thédenat dit qu'il a eu l'occasion de voir à Saint-Michel d'Euzet une
inscription à tort publiée comme milliaire de Constantin ; c'est un titulus en l'hon-
neur de cet empereur. 11 a reconnu la trace d'antiquités romaines en cet endroit ;
des fouilles y seront bientôt pratiquées.
M. Flouest donne des détails circonstanciés sur une sépulture à char gaulois dé-
couverte près de Suippe (Marne) par M. Counhaye, il communique des dessins co-
loriés de la garniture de bout de timon consistant en plaques cle bronze ciselées à
jour et incrustées de cabochons qui paraissent être en corail ou peut-être en érnail
analogue à celui qui a été signalé dans les touilles du Mont Beuvrey par M. Bulliot.
M. de Montaiglon exibe une espèce d'armature en fer forgé qu'il suppose avoir
servi à maintenir la fraise dans le costume des femmes à l'époque des Valois.
Le Secrétaire de la Société,
, MOWAT.
Séance du 20 mai i8S5.
PRÉSIDENCE DE M COURAJOD
M. de Villefosse fait, au nom de M. l'abbé Duchesne, hommage de son mémoire
intitulé « Les Sources du Martyrologe hiéronymien », étude critique d'un précieux
document hagiographique dont M. "l'abbé Duchesne prépare une édition définitive
en collaboration avec M. S. B. de Rossi.
M. de Bourgade fait circuler des dessins de fragments de poteries rouge-lustré
ornés de sujets en relief et trouvés à Martre de Veyre î Puy-de-Dôme). Il y relève
des estampilles de potiers, dont quelques-unes avec noms gaulois.
Le Secrétaire,
MoWAT.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le FuY, imprimerie de Marchessou fils, boulevard Saint- Laurent, 3:>.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
No 24 — 15 juin — 1885
luminaire î loi. Deltour, Histoire de la littérature grecque. — 102. Le monu-
ment d'Ancyre, p. p. Mommsen. — io3. Brives-Cazes, Passages de princesses
royales françaises et espagnoles en Guyenne. — 104. A. Sorel, L'Europe et la
Révolution française, l, les mœurs politiques et les traditions. — Chronique. —
Académie des Inscriptions. — Société des Antiquaires de France.
ICI.— HIstoîi-e de la littérature grecque, par F. Deltour. Paris, Delà-
grave, 1884, I vol. in- 12 en 2 parties, de ix-713 p.
Ce n'est pas un livre savant que M. Deltour s'est proposé d'écrire.
Les lecteurs auxquels il s'adresse sont surtout les élèves de nos lycées, à
qui il a voulu donner, sous une forme succincte, une idée d'ensemble
de l'histoire de la littérature grecque, depuis les origines jusqu'aux By-
zantins. Pour atteindre ce but, il a multiplié les citations et les analy-
ses, y mêlant des appréciations sobres, qui ne disent que le nécessaire,
mais qui Je disent avec assez de charme pour retenir l'attention et se
fixer dans la mémoire. Sachant bien que les élèves, faute de temps,
d'expérience, de curiosité, ne recourent guère aux textes, que, d'autre
part, les généralités ont sur eux peu de prise, M. D. a voulu, par des
traductions, des résumés, les mettre en contact avec les écrivains eux-
mêmes, se réservant, par des remarques judicieuses, de guider leur juge-
ment. Les jeunes gens lui sauront gré de cette méthode, très propre à
leur donner, dès le lycée, sur ce que le génie grec a produit de plus ad-
mirable, un certain nombre de notions précises, qu'ils seront libres de
compléter plus tard, s'ils ont du goût pour ce genre d'études.
Peut-être eût-on souhaité que Fauteur, tout en songeant aux élèves
de l'enseignement secondaire, se préoccupât un peu plus qu'il ne Ta
fait des étudiants de l'enseignement supérieur. Ceux-ci, sans doute,
liront son livre avec profit, mais il leur servirait davantage, s'il était
composé suivant une méthode plus scientifique. Pourquoi, par
exemple, à propos d'Homère, M. D. ne reproduit-il que des hypothèses
qui, à l'heure qu'il est, ne trouvent plus guère de crédit (pp. 34-36), au
lieu de signaler les derniers résultats de la critique? Sans s'aventurer
dans le chaos delà question homérique, il eût été possible de traiter ce
grave problème avec un peu plus de développeinent ; il eût été bon
surtout de faire connaître aux élèves, parmi les différentes solutions
qu'on en a proposées, celles qui sont les plus récentes.
Il faut louer M. D. d'avoir donné, toutes les fois qu'il l'a cru néces-
saire, des éclaircissements sur quelques usages qu'il est utile de connaî-
Nouvelle série, XIX. 24
462 ■ REVUK CRITIQUK
tre pour bien comprendre certains traits de la litte'rature grecque. C'est
ainsi qu'avant d'aborder l'étude du théâtre athénien, il expose Torga-
nisation matérielle du théâtre à Athènes, les conditions des concours
dramatiques, etc. (pp. 165-172). De même, avant de parler des orateurs
attiques, il rappelle quelques-unes des principales coutumes judiciaires
des Athéniens (pp. SSy-Sôo). La méthode est excellente; on ne saurait
trop y applaudir : mais on se demande si, dans un manuel, de pareilles
indications, si discrètes qu'elles soient, sont bien à leur place. Les
questions relatives à l'archéologie du théâtre offrent tant d'obscurité, il
est si difficile de les traiter, en peu de mots, d'une façon satisfaisante,
qu'au lieu d'en présenter un résumé nécessairement très incomplet, il
eût mieux valu, semble-t-il, renvoyer le lecteur aux chapitres plus déve-
loppés d'O. Muller et de Bernhardy. Il en est de même pour les institu-
tions judiciaires : ne pouvant être complet, M. D. eût mieux fait,
croyons-nous, d'engager les élèves à consulter l'ouvrage de M. Perrot
sur le droit public d'Athènes, ou le premier volume du manuel de Schœ-
mann, dont M. Galuski vient de nous donner une traduction.
Enfin M. D. s'est beaucoup servi d'un certain nombre de travaux
plus ou moins récents dont il nomme les auteurs dans sa préface
(pp. vn-vni). Telles sont les études de M. Patin sur les tragiques grecs,
de M. J. Girard sur Thucydide, de M, A. Croiset sur Pindare, etc.
M. D. renvoie, dans son livre, à ces divers ouvrages ; çà et là, il en cite
encore d'autres. Il pouvait faire plus : aux ouvrages français ou traduits
en français', il pouvait joindre quelques ouvrages allemands ou anglais,
les plus complets sur chaque question , et les plus répandus. La
plupart des élèves de nos lycées lisent aujourd'hui couramment l'anglais
ou l'allemand; il en est de même des étudiants de nos facultés. En tai-
sant précéder chaque chapitre ou chaque livre d'une courte bibliogra-
phie signalant les principaux travaux français, allemands, anglais rela-
tifs aux auteurs étudiés dans ce livre ou dans ce chapitre, M. Deltour
eût fait un livre qui nous manque encore et que les élèves de l'ensei-
gnement supérieur eussent accueilli avec faveur.
Telle qu'elle est, cependant, cette Histoire de la littérature grecque
rendra de grands services, et les quelques fautes que nous venons de
signaler sont de légères taches qu'une nouvelle édition fera disparaître.
Paul Girard.
I. Ou est surpris, parmi ces ouvrages, de ne voir figurer ni les histoires de Cur-
tius et de Droysen, traduites par M. Bouché-Leclercq, ni l'histoire de la phi-
losophie grecque par Ed. Z^llcr, traduite sous la direction de M, Boutroux.
d'hISTOIUK et Dli LITTÉRATURE 463
102. — Res gestse» dîvi iliugusti ex monumentiA Anc^'i-ano ot Apollo-
niensî iteriim edidit Th. Mojimsen, accedunt tabuIœXI; i883, Berlin, Weidmann,
in-8 de LXxxxviii-284 p.
Le moulage du monument d^Ancvre dû à l'architecte Humann (le
même qui a fait transporter à Berlin les bas-reliefs célèbres du temple
de Pergame) et possédé aujourd'hui par le musée de Berlin, a permis à
M. Mommsen de voir par lui-même le texte de l'inscription, et de cor-
riger la lecture qu'il en avait autrefois dressée pour le Corj7Z/5 à l'aide des
copies de Lucas, Mordtmann, surtout de M . Perrot. C'est vingt ans après
la première édition des Res gestae {iS6 5) qu'apparaît la seconde. Les
nouveaux instruments de travail possédés par l'auteur ont-ils complè-
tement transformé et le texte et le commentaire du testament d'Auguste?
Je ne pense pas qu'on puisse le prétendre. Ils ont prouvé au contraire
que les copies précédentes, surtout et avant tout la dernière, avaient été
faites avec le plus grand soin; et que les erreurs, ou bien plutôt, les
quelques lacunes qui s'y étaient glissées, sont des plus faciles à compren-
dre : il suffit de voir la photographie qui accompagne cette nouvelle
édition pour se rendre compte des difficultés qu'ont eu à surmonter
ceux qui ont lu l'inscription sur place, peu à Taise, et incommodés par
tous les ennuis du climat. En quelque sorte, cette nouvelle publication
du monument d'Ancyre est un hommage rendu au dernier éditeur
français.
Il n'en est pas moins vrai que, dans le détail, les corrections appor-
tées sont innombrables et souvent importantes, sans être nulle part
capitales. Voici, pour les premiers passages les plus modifiés, le texte
du Corpus mis en regard de la nouvelle lecture.
i,i3 Corpus : a RMA. TERRA. E i883 -^e LLA. TERRA. ET
i.igi me.dedT r me. dedI
1,28 2 DVCTI.SVNT.ANTE.CV...,V DVCTISVNT.ANTE. CVRRVM M/ V.M.REGES
M.REGES
1,33 /;7///;/;;/ENVRt/////,y/;//;v/// /■ envri/ vratio7'M.an,%7////VA!v1 ita .ad
1,343 S//,V/V.ET.PE /, C////MVN1V S . METV.ET.PE IC///,7,v7///// 7 M VXIV
1,44 IR ERAM..........
i>45 M AiORI ; M. SACRIS
1,46 TVl .....S.FVl
2,23 ERE.M.IN.ViVl/O /E FIEREM. IN. VIVl ONLE
2,2(5 ....IO///OCCVPAVERAT CCASIONE OCCVPAVERAT
1. M. Bormann dans son travail intéressant intitulé Bemcrkimgen :{um schriftli-
chen Nachlasse des Kaisos Augiislus, Marbourg, in-4, 1884, p. 20, n'accepte ni la
lecture ni le complément de M. M.; d'après une vérification faite sur le monument
par M. Dessau, au lieu de I/7ME il accepte /IIAE, et à l'hypothèse de M. M. : pro
vr[aedi\i[s a]ynededi, il substitue* celle de QtT2,y. pvo pr[aemis mili]tiae dedi.
2. Le vrai texte avait été supposé et retrouvé par M. M.
3. Voici, pour les lignes 33 et 34, la première hypothèse de M. M., et, en regard,
la nouvelle :
[Non recusavi in siimma fru- [Non recusavi in summafru-
nienti p]entiri[a ciiram annonae]. menti p]enuri[a c'iiiratiolnelm an\nonaé],
[quanon neglegenter facta [qu]am ita ad[mimstravi, ut. . paît-
464 RKVUE CRITIQUE
Voilà assez d'exemples pour prouver l'importance et le nombre des
changements apportés au texte par la nouvelle édition. Ajoutons que
le commentaire de M. Mommsen a été remanié et surtout complété et
enrichi en maint endroit; qu'au volume est annexé un atlas compre-
nant onze grandes planches, reproduisant toute Tinscription d'Ancyre
en magnifiques héliogravures prises sur le moulage. Les lettres appa-
raissent très distinctes et très nettes sur ces reproductions, en caractères
d'un demi centimètre de hauteur. C'est certainement une des publica-
tions les plus utiles et les plus somptueuses qui aient été faites depuis
longtemps par la maison Weidmann. Cette réédition, comme celle de
Preller, sont véritablement de nouveaux livres indispensables à quicon-
que s'occupe de l'antiquité latine.
Io3. — ï*nssa|;cs de pi-incesses i*oyaIes ri*anç»Î!^cs et espagnoles en
Guyenne (1 '5^1 -1 î^lS), par E. Brives-Cazes, docteur en droit, vice-pré-
sident au tribunal civil de Bordeaux, membre de l'Académie des sciences, belles-
lettres et arts -de cette ville, membre correspondant de l'Académie de législation
de Toulouse. Bordeaux, Gounouilhou, 1884, ^^-'^ '^^ 144 P-
Les relations que nous donne M. Brives-Cazes sont au nombre de
cinq: Passage de Vlnfante Marie-Anne-Victoire, de Madeynoiselle de
Montpensier et de Mademoiselle de Beaujolais [iy2i-ij22]] Retour
de Vinfante et des princesses d'Orléans (1725); Passage de la fille
aînée de Louis XF (Madame de France) (1739); Passage de Vinfante
Marie-Thérèse-Antoinette-Raphaële {Lq. Dauphine) {ij^.b)'^ Passage
des princesses femme et fille de Vinfant don Philippe (1748). On re-
remarque (à l'Appendice) une harangue, tirée, comme toutes les pièces
précédentes, des papiers de l'intendance de Guyenne (archives départe-
mentales de la Gironde), harangue que l'intendant Tourny qui était,
en 1745, directeur de l'Académie de Bordeaux, adressa, au nom de cette
compagnie, à Madame la Dauphine. Le savant magistrat n'a pas seu-
lement voulu reproduire les incidents relatifs aux passages en Guyenne
des princesses françaises et espagnoles que les deux branches de la mai-
son de Bourbon ont échangées de 1721 à 1745 : « Un intérêt, plus
sérieux, » dit-il (p. 5) « attirait mon attention. Dans ces moments
solennels, on avait, en effet, à se préoccuper de bien des choses se ratta-
chant à l'administration même de la province, à l'état de ses routes et
aux ressources du pays. La pénurie était grande, et des aveux précieux
sont faits à cet égard. 11 fallait mettre en réquisition des vivres et des
fourrages, des locaux de toutes sortes et des bétes de toutes espèces. De
meis su)H}rtibii]s,
[me/];< et pe[i-i\c{ulo praesenii]
\popidu]m ititi[versum paiicis
diebus liberavi].
cis diebu\s,
metu cl per\i]c{lo quo ct-at]
[popidu]m univ{ersum meis impen-
sis liberarem].
d'histoire ar de littératuke 465
Tenserable des renseignements que fournissent abondamment les cor-
respondances échangées dans ces occasions, ressort, outre l'indication
du prix des choses et des services à ces diverses époques, un aperçu in-
téressant sur le rôle des intendants. »
Les principales lettres analysées par M. Brives-Cazes sont celles du
secrétaire d'État Le Blanc, du cardinal Dubois et de l'intendant Bou-
cher, du contrôleur général Dodun, du ministre La Vrillière, du mar-
quis d'Argenson, de M. de La Houssaye, du marquis de Puizieulx, du
comte de Noailles, surtout de l'intendant Tourny, qui est le véritable
héros de l'attachant petit recueil. Voici une anecdote qui nous montre
en cet éminent administrateur (p. 82) un spirituel précurseur de Po-
temkin : « Il avait, à la vue de Taspect désolé des landes, imaginé, en
vrai courtisan, de préparer la mise en scène la plus originale qu'on eût
jamais conçue. Par ses ordres, des pins avaient été plantés des deux
côtés de la route, entre Bazas et Captieux, sur une étendue de 800 toi-
ses. Cette allée, formée d'arbres de dix pieds de haut, bien choisis et
bien alignés à vingt-quatre pieds de distance les uns des autres, ne
devait pas manquer de présenter l'illusion d'une ancienne avenue, en
même temps qu'elle devait masquer aux yeux de la princesse la triste
perspective d'un vrai désert. » On trouvera dans la brochure bien d'au-
tres curieuses particularités.
T. DE L.
104. — L'Europe et la Sïévolutîon ri-ançaise« par Albert Sorel. Les mœurs
politiques et les traditions. Paris, Pion, i883. In-8, 562 p. Prix : 8 fr.
Il faut d'abord analyser ce volume si plein de choses, si plein de dé-
tails attachants et de profonds aperçus. Il est divisé en trois livres:
l. Les mœurs politiques et les réformes {p. i-i85). II. Les traditions
politiques, la France (p. 187-336) III. Les traditions politiques, l'Eu-
rope (p. 337-355).
Le livre premier nous montre qu'il n'y avait dans l'Europe de l'an-
cien régime d'autre droit public qu'un droit fondé sur les faits, et dans
ce droit public d'autre notion fondamentale que celle de l'État.
L'Etat était souverain et ne reconnaissait aucune autorité au
dessus de la sienne. La raison d'État était la règle, et l'agrandissement
de l'Etat, l'objet de la politique. 11 fallait donc saisir les occasions, et le
succès n'appartenait qu'à l'habile, à celui qui savait prévoir, qui trom-
pait les autres sans se laisser tromper. Pas d'engagements sûrs, pas de
traités respectés; tout, pour parler comme ce Bielfeld dont M. Sorel a
si bien mis à profit le traité d'Institutions politiques, tout se réduisait
finalement à la puissance, et par suite, la guerre était « le grand instru-
ment de règne, l'argument suprême de la raison d'État. » (p. 27). Mais,
comme l'ajoute l'historien, ce qui faisait l'excès de cette docuine en fai-
466 RKVUE ClUTIQUK
sait aussi le tempérament, les intérêts s'opposaient les uns aux autres; il
fallait non seulement conquérir, mais conserver; de là l'équilibre; de là
cette idée qu'il devait y avoir balance entre les forces; mais « la pesée
implique un partage; il faut des contre-poids, ce sont les faibles qui les
fournissent, et l'opération tourne inévitablement au profit des forts »
(p. 34). De là les démembrements qui devinrent comme la ressource
normale de la diplomatie et le moyen d'arrêter les guerres en donnant
satisfaction aux ambitieux; de là les échanges de royaumes et les dépla-
cements de dynasties. La Révolution trouva les sécularisations
dans la jurisprudence du temps; elle divisa les Etats et déposséda les
souverains, mais ces coutumes étaient en vigueur dans la vieille Eu-
rope; elle refusa de les subir pour son propre compte, mais ses adver-
saires les avaient appliquées à la Pologne; elle n''innovait donc pas, elle
entrait en commerce avec les anciens États en s'appropriant leur sys-
tème, « elle ne creusa pas le lit du torrent, elle ne fit qu'en grossir les
eaux » (p. 42). N'avait-on pas vu Louis XIV reconnaître la Répu-
blique d'Angleterre, Voltaire applaudir à la décapitation du tsaré-
vitch Alexis, Marie-Thérèse s'incliner devant la Providence à la nou-
velle de l'assassinat de Pierre III? La révolution d'un État étranger ne
paraissait alors aux gouvernements qu'une crise particulière, parce
qu'ils la jugeaient d'après leurs intérêts, et on tint au xviii^ siècle en
présence de la Révolution française la même conduite qu'au xvi^, en
présence de la Réforme. On intervenait dans les guerres civiles, on en-
courageait les factions, on les suscitait même. « Si quelque chose
paraît invraisemblable à la fin de l'ancien régime et contradictoire même
à la coutume suivie, c'est une coalition fondée sur le droit public pour
la défense de ce droit. Une sainte alliance avant 1789 est un véritable
paradoxe historique. L'ancienne Europe en était incapable, et il fallut
la Révolution française pour lui en donner la notion « (p. 71). Ainsi la
diplomatie s'accommodait aisément des moyens révolutionnaires que
les hommes de 1798 devaient employer. M. S. nous la fait connaître
par le menu; il la montre dénuée de tout scrupule, recourant à la plus
vile corruption, usant et abusant de tous les stratagèmes, interceptant
les lettres, arrêtant les courriers, se servant d'agents occultes, d'aventu-
riers et d'intrigants de bas-étage destinés à jouer un grand rôle sous la
Révolution qui les « poussa vers la surface et les jeta sur la rive, parmi
les épaves et l'écume » (p. 77). En réalité, après la guerre de succession
d'Autriche où les engagements d'Etat les plus solennels avaient été
impudemment déchirés et après le partage de la Pologne, la vieille
Europe s'était condamnée elle-même, et la France révolutionnaire ne
pouvait que suivre son exemple et retourner contre elle sa propre con-
duite. Quel était le droit public qu'elle léguait à ceux qui prétendaient
la réformer? «. La raison d'Etat, comme principe et fin dernière, l'in-
trigue pour moyen, la force pour loi » (p. 90). C'est pourquoi tout se
décomposait et se désagrégeait à la fois, et la Révolution put, au milieu
d'histoiric !ct ni'; littérature 467
de cette dissolution et de cette ruine, se développer impunément.
M. S. passe rapidement en revue les gouvernements et les nations et
fait voir clairement les facilités qu'elle rencontra pour se propager. Par-
tout les mêmes causes de désordre et de souffrances, partout le même mal,
la même décadence, les mêmes réformes essayées, et, comme idéal poli-
tique, le despotisme tempéré par la tolérance et les lumières, le « despo-
tisme éclairé » qu'on admirait en F"rédéric II. De même que les politi-
ques, les philosophes croyaient que l'Etat est omnipotent et la raison
d'État souveraine, que les princes seuls pouvaient appliquer les réfor-
mes, que tout était facile au gouvernement, même la régénération de la
Pologne, le rétablissement des finances de l'Espagne et Porganisation
de la paix perpétuelle. Ils faisaient l'apologie du coup d'Etat, et « on
s'étonnera moins de voir les disciples acclamer le 18 Brumaire comme
Tavenement de la liberté, quand on se souviendra que les maîtres
avaient célébré , comme les plus beaux succès de la philosophie, les
journées de la grande Catherine et celles de Gustave III » (p. 109). Les
réformes se faisaient donc seulement dans l'intérêt du pouvoir; elles
tendaient à rendre l'homme plus heureux, mais en lui donnant un
maitre plus fort; elles ne s'opéraient qu'au profit de l'Etat et ne don-
nèrent nullement la liberté politique. On ne trouvait d^iutre palliatif
contre la crise universelle que de tendre le ressort ; l'Eglise
même n'était pas à Pabri des entreprises violentes des gouvernements
et « les pouvoirs issus de la Révolution française n'auront pas
d'autres vues sur leurs relations avec Rome, d'autre langage à Pégard
du Saint-Siège que les gouvernements du xvni^ siècle » (p. i33). Mais
cette campagne contre le passé provoquait des troubles et des séditions;
la révolution éclatait un instant, en Hollande, dans les Pays-Bas autri-
chiens, à Genève; les révolutionnaires chassés venaient demander asile
à l'Angleterre, puis, à la France, et l'on retrouvera bientôt à Paris tous
ces « professeurs et courtiers de révolution cosmopolite », les Belges, les
Genevois, Dumont, Clavière, Marat. M. S. expose comment la F"rance
fit sa Révolution avant les autres nations. 11 montre que toutes les idées
répandues en Europe trouvaient naturellement chez nous leur plus
parfaite expression, que l'éducation de l'homme du monde était toute
française, qu'avant la Révolution, la société polie employait déjà le jar-
gon de la Révolution, qu'il y avait une rhétorique républicaine passée
de notre littérature dans celle des étrangers, que cette communauté
d'éducation et de culture intellectuelle avait établi de singulières affini-
tés entre les contemporains et que, les philosophes français étant les
premiers citoyens de cette immense république des esprits, on suivit
aisément leurs disciples, lorsque la Révolution les eût faits les chefs du
gouvernement, a Si violente qu'elle soit, la crise ne pourra briser des
liens formés par toute la civilisation d'un siècle. L'origine roturière des
républicains français n'effarouchera pas l'Europe, depuis longtemps ha-
bituée aux parvenus. .. Les hommes d'État que la Révolution fit surgir,
/
468 lîF.VUi-: CRITIQUE
sortaient de ces familles de bourgeoisie lettrée où l'ancien régime recru-
tait ses conseillers et même ses ministres. Un prince Cambacérès valait
largement un prince Potemkinc,et, régicide pour régicide, tel comte fran-
çais qui avait condamné Louis XVI, pouvait, au moins, marcher de pair
avec tel comte russe qui avait exécuté Pierre III... On put mesurer la
force des liens que le xviii" siècle avait formés entre la France et TEurope.
Les Français surent se défendre et vaincre, c'était beaucoup; ils surent
se faire entendre et comprendre, c'était plus encore. C'est qu'au fond,
leurs ennemis et eux avaient appris à parler la même langue... Telles
sont les voies que la vieille France ouvrait à la nouvelle. Et mainte-
nant, dans l'Europe ainsi préparée, représentez-vous les armées fran-
çaises enthousiastes de leur cause, exaltées par leurs victoires... Elles
proclament des principes généreux ; elles détruisent des abus que l'on
Jugerait intolérables, si les peuples ne les avaient supportés si longtemps.
Elles annoncent des réformes qui répondent aux aspirations des penseurs
et aux réclamations des humbles. Ceux qui composent ces armées et qui
propagent cette Révolution appartiennent à cette race dont toutes les
idées sont nationales et passionnées. Ils sont convaincus que les
Français seuls sont des êtres raisonnables; leur patriotisme, qui est pour
eux une religion, confond le salut de la République et celui de la civi-
lisation ; ils sont persuadés que tout ce qui est acquis à la France est
conquis à l'humanité. Leur impulsion sera prodigieuse, et l'Europe n'y
résistera pas. » (p. 171). Mais, en même temps, l'État réalise pour son
profit et sa gloire l'œuvre commencée par la nation, a On vit, dès le
début de la Révolution, à côté de ce large et beau courant qui découlait
pour ainsi dire, de toute Phistoire de France, s'en former un autre, trou-
ble, violent, tumultueux, grossi par tous les orages, qui déborde sur le
premier, le chasse de son lit, et confondant ses eaux avec les siennes, enva-
hit les terres et les bouleverse de leur déluge commun. » Le prosélytisme
furieux se substitua à l'élan du patriotisme, l'enthousiasme dégénéra en
fanatisme, la Révolution devint un dieu. C'étaient encore les doctrines
du xviii^ siècle qui avaient engendré ce prosélytisme; aux revendications
révolutionnaires, dit M. S., se mêlait un appoint d'aspirations mysti-
ques, et au fond des imaginations fermentait un levain de religion sen-
timentale. (Rousseau, Saint-Martin, les Illuminés, les Rose-Croix, etc.)'
Le premier livre de M. S. a prouvé que, dans la Révolution qui se
prépare, les gouvernements ne suivront que la raison d'État, c'est-à-
dire leurs intérêts, et les peuples, que leur génie héréditaire, c'est-à-dire
leur caractère et leurs instincts; les uns interpréteront ce grand mouve-
ment selon leurs traditions politiques, les autres selon les traditions na-
tionales. C'est à l'examen de ces traditions en France qu'est consacré le
I. Ce point n'est peut-être pas suffisamment développé.
D'HlSTOIRli ET DE HTTÉRATURK 469
deuxième livre de l'ouvrage '. Après avoir montré comment la monar-
chie prévalut en France et quels étaient ses fondements réels, M. S. décrit
l'anarchie qui règne dans l'Etat au xvhi° siècle, l'effervescence politique
qui se manifeste de tous côtés, la détresse de l'ancien régime, qui à bout
d'hommes et d'expédients, demande à la nation les ressources qu'il ne
trouve plus en lui-même et convoque les Etats généraux. Le Tiers-
état, maître de la majorité, prétendit exercer exclusivement le pouvoir;
il avait Tesprit des légistes, car « le peuple qui débutait dans la souve-
raineté, continuait, en se l'appropriant, la tradition de la couronne et
prenait ses représentants dans ces mêmes prétoires d'où la royauté
avait si souvent tiré ses conseillers et ^-es agents » (p. 221). Les légistes
poursuivirent avec la Révolution l'œuvre que leurs prédécesseurs avaient
accomplie avec la monarchie. Ils contribuèrent à rendre l'Assemblée
souveraine à la manière de Louis XIV; ils nommèrent des comités qui
prirent la place des conseils du roi et des commissions qui prirent celle
des intendants; ils recoururent, comme avant 1789, aux expédients
arbitraires; même dans leur conduite à l'égard de l'Église, ils copièrent
l'ancien régime, et pour soumettre Tadversaire, ils employèrent les
moyens d'inquisition et de répression accumulés par la monarchie.
A côté de ces légistes, M. S. n'oublie pas de peindre les écrivains
portant dans les assemblées les rivalités Jalouses et les furieuses discor-
des qui déchiraient auparavant le monde des lettres ; il démontre que
les écoles étaient déjà des sectes et les coteries des factions, que le style
de la polémique était tout plein des violences révolutionnaires, qu'il n'y
avait qu'un degré à franchir pour passer de l'ostracisme littéraire à la
proscription politique. Mais il a soin d'ajouter que, si la Révolution
n'est qu'un épisode de l'histoire de la France et n'en brise pas le cours,
la nation n'avait changé ni de tempérament, ni de caractère, qu'elle sub-
sista telle que la royauté l'avait élevée, qu'elle se sauva par cette pas-
sion de l'unité qu'avait développée l'ancien régime. Ici s'ouvre un des
chapitres les plus remarquables de l'ouvrage, le chapitre où M. S. défi-
nit le génie national et caractérise la politique extérieure de la France.
C'est, en somme, un éclatant résumé de notre histoire ; M. S. re-
trouve dans la geste de Charlemagne la première origine de la tradition
politique de la nation; il montre dans Philippe-le-Bel aidé de ses lé-
gistes, et surtout de Pierre du Bois, le roi réaliste et constamment
préoccupé de l'agrandissement du royaume. Il distingue, en s'empa-
rant d'un mot du Débat des hérauts d'armes de France et d'Angle-
terre^ les guerres de l'ancienne monarchie en guerres communes ou de
frontières et guerres de magnificence. Après les entreprises de Char
les VII dans l'Est, Louis XI commence avec la maison d'Autriche une
lutte que voulaient les intérêts de la France et que commandait l'inté
i.Ce livre comprend deux chapitres; le premier est intitulé la nation ei le gou-
vernement ; le second, la politique extérieure.
4/0 REVUE CRITIQUE
rét national. Mais bientôt la politique royale dévie et s'égare; les expé-
ditions d'Italie sont des guerres de magnificence qui aboutissent à des
désastres. Henri II revient aux guerres communes, aux vraies guerres
du Roi ; il prend les Trois-Evéchés, et Saulx-Tavanne lui reproche de
n'avoir point pris toute la Lorraine et l'Alsace. Coligny veut conquérir
les Flandres, et l'on sait jusqu'où s'étendaient les vues de Henri IV,
quel fut le grand dessein de Richelieu, et comment jsa politique étran-
gère fut continuée par Mazarin. Le système classique de la diplomatie
française, dit M. S. fut la modération dans la force; mais Louis XIV
dénatura ce système ; ses premières guerres furent des guerres de limi-
tes; sa guerre de magnificence, celle de la succession d''Espagne, est « la
préface de l'Empire; on y observe la même coalition dont l'Angleterre
est l'âme et dont l'Allemagne fournit l'armée; la France se trouve, après
tant de conquêtes, menacée de démembrement; ces œuvres déplorables
procèdent du même excès d'orgueil et du même paradoxe de grandeur »
(p. 287). Néanmoins la France reste la puissance plus compacte sur le
continent ; malheureusement, au lieu de se donner tout entière à ses colo-
nies, elle se jette dans des guerres continentales qui n'ont d'autre résultat
que d'agrandir la Prusse et d'assurer le triomphe de l'Angleterre qui lui
prend les Indes et le Canada. C'est le temps de la déchéance politique ;
la nation s'irrite d^être exploitée par l'Autriche ; Duclos écrit ses Mé-
moires secrets ; Favierj'de qui s'inspirent les politiques de la Révolution,
publie ses Conjectures raisonnées et déclare que l'alliance de la Prusse
est l'unique remède. Mais les pages les plus originales de ce chapitre
sont celles que consacre M. S. au problème des frontières et au système
des limites naturelles. Il rappelle les plans de Vauban, où l'on relèvera
ce mot sur Strasbourg, que cette place ne se doit pas plus restituer que
le faubourg Saint-Germain. Il cite d'Argenson, Montesquieu, Vergen-
nes; selon ce dernier, il faut renoncer aux conquêtes et grouper autour
de soi les Etats secondaires; ce sont les idées de Mirabeau, de Talley-
rand et des législateurs de 1789. Mais la guerre éclate, et les gouver-
nants sont ces « légistes, descendants directs des chevaliers es lois de
Philippe-le-Bel, émules excessifs de Richelieu, continuateurs démesu-
rés de Louvois » ; la politique de conquête l'emporte sur la politique
de modération. Dès 1744 n'a-t-on pas dit que la France doit se tenir
bornée par le Rhin ? Frédéric II n'écrivait-il pas en 1788 qu' « il serait
à souhaiter que le Rhin pût continuer à faire la lisière de la monarchie
française » ? Bielfeld n'a-t-il pas déclaré en 1760 que si le système poli-
tique de la France se réduit à mettre les mers, les Alpes, les Pyrénées
et le Rhin pour frontière à ses États, c'est assurément un plan dicté par
la sagesse? Enfin, cette frontière, au delà de laquelle la France ne
prétendra rien, n'est-elle pas tracée par la nature elle-même, ce principe
supérieur à tout?
Le troisième livre de M. S, traite des traditions politiques de l'Europe
d'histoire et de littérature 471
et contient huit chapitres. On remarquera dans le chapitre sur l'Angle-
terre tout ce que dit M. S. du mépris qu'on avait alors sur le continent
pour cette puissance qui passait pour une sorte de Pologne insulaire,
ruinée par la corruption et les discordes. On discutait sérieusement
l'idée de l'anéantir; on faisait d'innombrables projeta de descente;
on ne se doutait pas que dans la lutte contre la France, elle serait
la plus énergique et le plus tenace des combattants; « ces sentiments
seront ceux des hommes de la Révolution. La conception de la
guerre de 1793 et plus tard celle du blocus continental qui perce déjà
dans le comité de salut public, procèdent logiquement de ces notions
erronées. La gigantesque aberration de Napoléon en 18 12 n\n est que
l'hyperbole. L'Angleterre n'était qu'un simulacre d'Empire, un fantôme
d'Etat ; il suffisait de le toucher pour qu'il s'évanouit » (p. 048). Nous
ne faisons que mentionner les chapitres sur la Hollande, sur l'Espagne,
sur ritalie. L'Allemagne qui de toutes les contrées de l'Europe fut le
plus profondément bouleversée par la Révolution, fournit à M. S. la ma-
tière d'une étude très fouillée ; l'auteur montre qu'il y eut au xviii'' siè-
cle un réveil du patriotisme allemand que les États surent exploiter
contre la France ; il analyse finement l'esprit du public de ce temps-là ;
il développe les conséquences de la Révolution en Allemagne, consé-
quences qui furent très opposées selon les régions. On trouvera dans le
chapitre sur l'Autriche, en quelques pages précises, une juste apprécia-
tion du rôle de cette puissance durant la Révolution et de ses ressources ,
« elle ne considère dans cette grande crise qu'une occcasion de poursui-
vre l'exécution de ses desseins d'agrandissement... elle était toujours en
retard d'une idée et d'une armée, mais elle avait toujours une idée et
une armée... L'esprit dynastique y tient lieu de l'esprit national. Ce
n'est qu'une agglomération d'héritages... elle vivait comme ces êtres pri-
mitifs que l'on découpe impunément et qui se reconstituent de leurs
propres lambeaux, parce qu'ils n'ont point de centre, ni d'organe essen-
tiel, et que leur corps, à vrai dire, n'est jamais entamé... Elle était la
seule puissance qui se réglât sur la statistique pure » (p. 455, 461).
Dans le chapitre sur la Prusse, M. S. rappelle, après M, Lavisse, la for-
mation de cet Etat et explique, en se servant surtout des notes de Mira-
beau et du travail de M. Philippson, comment périclita l'œuvre du
grand Frédéric ; il trace le portrait de Frédéric Guillaume II et de son
entourage; il montre que la catastrophe de 1806 était inévitable, mais
que comme la décadence était sortie de la prospérité, la régénération de
l'État prussien devait naturellement sortir de sa décadence. Le dernier
et huitième chapitre a pour titre La Russie, la Suède, la Pologne
et les affaires d' Orient . Notons au passage la peinture de Catherine II.
« une Allemande par la race et le caractère, devenue un grand seigneur
russe... moins sentimentale que Marie-Thérèse et plus humaine que
Frédéric, elle ne possède ni les vertus privées de la première, ni le dia-
bolique esprit du second; mais elle a de l'un et de l'autre le sens positif
472 HKVi'b cmricjuK
des choses, la passion du certain et le mépris de l'impossible » (p. 5i8).
Signalons surtout le récit des négociations de 1787, du grand projet de
Hertzberg, ce présomptueux disciple de Frédéric, de la campagne de
1788, et de la crise européenne de 1789. Ce récit, assez confus chez
d'autres historiens, est très clair dans sa brièveté; on y lit de nouveaux
détails sur le rôle de la France, puisés par M. S. dans la correspondance
de l'ambassadeur Ségur et du ministre Montmorin. En résumé, ily
avait en 1789 une France dont on enviait les ressources et surveillait
les mouvements avec une inquiétude Jalouse, une Angleterre à qui les
événements inspiraient tantôt Pindifférence, tantôt un intérêt passionné
et qui devait étonner l'Europe soir par ses apparentes langueurs, soit par
les subites explosions de ses sentiments, une Prusse qui disposait d'une
belle armée, mais qu'agitaient la crainte et la convoitise,, une Autriche
toujours affiiirée et toujours agissante sans jamais agir, une Russie qui
n'avait d''autrc souci que les affaires de Turquie et de Pologne, bref,
a des faits et des rapports anciens déjà à la tin du xviu" siècle et qui se
sont reproduits à plusieurs reprises dans le xix*^ " (p. 586).
Il faudrait reproduire la conclusion tout entière. Contentons-nous de
la résumer aussi bien que possible. La Révolution était imminente
dans presque toute l'Europe, elle éclata en France parce que l'ancien
régime était plus usé, plus détesté, plus facile à détruire qu'ailleurs,
mais l'esprit national interpréta les idées universelles de la Révolution
et les transforma en se les appropriant. L'idée de patrie, par exemple,
tendait à s'abstraire, aussi bien pour les révolutionnaires que pour les
émigrés , les premiers s'attachaient aux droits de Thomme et se croyaient
citoyens du monde; les seconds confondaient Fidée de la patrie avec
l'idée de la royauté et opposaient une France extérieure (mot du temps
que M. S. aurait pu citer] à la France réelle, à la France de la nature et
de l'histoire qu'ils abandonnaient. Mais la guerre rendit à l'idée de pa-
trie son caractère concret ; l'amour de la France s'identifia avec l'amour
de la Révolution ; on se livra aux terroristes par haine de l'émigration
et des étrangers, et « la victoire réveilla dans les âmes, où ils dormaient
confusément, tous les instincts anciens de gloire, de croisades, d'éclat et
d'aventures, ce goût de l'extraordinaire, cette soif de l'impossible, ce
fond de roman de chevalerie et de chanson de geste que porte en soi
chaque Français, et que chaque siècle renouvelle de sa légende » (p. 541 j
Peu à peu, la guerre absorbant la nation, on confondit la propagation
des idées nouvelles avec l'extension de la puissance française, l'éman-
cipation de Ihumanité avec la grandeur de la République, le règne de
la raison avec celui de la France, l'affranchissement des peuples avec la
conquête des Etats, la révolution européenne avec la domination de la
révolution française en Europe. La République dégénéra en propa-
gande armée et par suite en despotisme militaire. « Ces égarements,
observe M. S., étaient depuis longtemps familiers à la nation. Si l'on
d'histoiue kt de littérature 473
se rappelle que c'esi au lendemain de la guerre de Cent Ans que les rois
de France entreprennent les guerres d'Italie, on s'explique mieux com-
ment Bonaparte, acclamé par le peuple pour avoir vaincu les étrangers,
conclu la paix, rétabli Tordre dans TÉtat, affermi la révolution civile et
assuré dans de magnifiques frontières Tindépendance de la République,
fascine la France tout en lui ravissant ses libertés et l'entraîne jusqu'au
fond de la Russie à la poursuite d'un idéal insensé d'éclat et de gran-
deur » (p. 542). Quant à l'Europe, elle fut prise au dépourvu parla
Révolution; elle la considéra d'abord comme une simple crise intérieure,
jugea les jacobins comme elle avait jugé les jésuites et agit d'après les
précédents. Elle fut vaincue parce qu'elle se divisa ; alors elle transi-
gea, et la raison d'État, la seule notion commune sur laquelle la vieille
Europe et la France républicaine pussent s'entendre, régia les conven-
tions. Les traditions de l'ancien régime furent reprises et on revint aux
partages. Mais, ce faisant, la France dérogeait à son principe fonda-
mental, la souveraineté du peuple, et ses traités, conformes à la cou-
tume des monarchies, étaient contraires à l'esprit delà Révolution. Elle
suscita les peuples contre elle-même; elle substitua à l'Europe cosmo-
polite du xvni^ siècle une Europe ardemment nationale; ce fut «l'é-
trange destinée de la Révolution de se retourner contre la France
dès que les Français en fausseraient eux-mêmes le principe et en feraient
un instrument de conquête et de domination » (p. 552).
Cette analyse incomplète suffirait pour montrer tous les mérites
du livre de M. Sorel. Ce qui frappe d'abord, c'est le savoir étendu de
l'auteur, c'est sa vaste connaissance du xviiif siècle et de tous ses cou-
rants. Nos lecteurs ont vu souvent dans la Revue critique le nom de
M. S.; ils retrouveront dans cette grande œuvre celui qui, depuis dix
ans déjà, leur a rendu compte avec tant de compétence des ouvrages
relatifs à la période révolutionnaire et aux relations extérieures de la
France pendant le dernier siècle. M. S. a fouillé les archives des affai-
res étrangères sous Louis XV et Louis XVÎ ; il a consulté tous les livres
composés récemment en Allemagne et en France sur la matière; il a lu
les nombreux mémoires de l'époque. Aussi n'avons-nous pu, dans les
lignes qui précèdent, énumérer tous les détails instructifs qu'a su rassem-
bler l'historien, tous les exemples qu'il apporte à l'appui de sa magis-
trale apprécia:ion des mœurs politiques et des traditions de la France et
de l'Europe en 1789, tous les rapprochements à la fois abondants et
curieux qu'il fait entre la Révolution et l'ancien régime. L'auteur, sur-
tout dans les deux premiers livres de l'ouvrage, fait preuve d'une
immense lecture; il ne se cantonne pas dans son xvni^ siècle; il remonte
jusqu'au xvii« et plus haut encore. Il expose l'œuvre de Henri IV, de
Richelieu et de Mazarin avec autant de sûreté que celle de Vergennes
ou de Frédéric II ; il cite La Bruyère et Pascal pour montrer la toute
puissance de la raison d'État et les règles de conduite de l'ancienne
474 RKVUK CKIIIQUE
diplomatie; il rappelle, à propos des conquêtes sagement conçues et
habilement opérées, non-seulement Montesquieu, mais Rabelais.
M. S. connaît la littérature de l'époque qu'il étudie aussi bien que
son histoire politique. Les quelques pages qu'il consacre à l'influence de
l'esprit et de la langue de la France peuvent compter parmi les meil-
leures du volume (voir surtout ce qu'il dit de la propagande vivante et
des émissaires qui se disséminent dans toute l'Europe et de tous les
« demi-dieux nomades » p. i53). 11 développe avec originalité l'action
que Jean-Jacques Rousseau exerça sur ses contemporains, qui furent en
France des révolutionnaires et en Allemagne des réformateurs (p. 104
et i85). Il montre que dans les dithyrambes de Raynal sur Richelieu
comtîîe dans ses invectives déclamatoires contre les tyrans se fait pres-
sentir l'esprit des rhéteurs révolutionnaires et que, le premier ou l'un
des premiers, l'auteur de l'Histoire philosophique, ce « grand propaga-
teur de la politique nouvelle et le véritable prophète de la diplomatie
révolutionnaire » a déclaré que le salut du peuple est la suprême loi
(p. 309 et 324). Ici il nous fait voir qu'en Allemagne la littérature et la
nation surgirent ensemble et que l'ardeur des écrivains à combattre la
domination de l'étranger réveilla la notion de la patrie (p. 429); là il
nous apprend, à l'aide d'exemples fort heureusement choisis, que les
hommes cultivés du xvin" siècle avaient tous le même fonds et que chez
l'Anglais comme chez le Français avait soufflé l'esprit de l'époque
(p. 163-164); ailleurs il nous explique l'infériorité du développement in-
tellectuel en Autriche et montre comment l'enseignement des jésuites, la
censure, les craintes et la pruderie de Marie-Thérèse avaient proscrit la
philosophie et étoufïé la littérature (p. 458).
Mais il ne suffit pas de recueillir des documents, de réunir de
toutes parts des faits et des menus détails ; il faut composer un ensem-
ble dont les parties se tiennent et se rattachent les unes aux autres.
C'est ce qu'a fait l'auteur de ce volume. D'un bout à l'autre de l'ouvrage
règne et s'impose cette idée, que la Révolution kançaise est la suite
naturelle et nécessaire de l'histoire de l'Europe; il semble par instants
qu'on la perde de vue; une simple remarque, faite en passant, nous y
ramène: en exposant, par exemple, les procédés de l'ancienne diploma-
tie, M. S. cite les envovés de François I^'' à Soliman assassinés dans le
Milanais et Louvois écrivant au comte d'Estrades de faire disparaître le
plénipotentiaire impérial Lisola, mais il ne néglige pas de mentionner
en même temps l'enlèvement de Maret et de Sémonville en 1793 et
l'attentat de Rastadt. Pas un chapitre qui ne montre la permanence de
l'impulsion, la tendance des habitudes accumulées et la force de la
tradition; qui n'apporte avec lui une preuve nouvelle que les consé-
quences, même les plus singulières, de la Révolution découlent i.!u passé
historique de l'Europe et s'expliquent par les précédents de l'ancien
régime ; qui n'affirme avec évidence que dans ce grand événement tout
est surprenant, selon le mot de Bossuet, à ne regarder que les causes
d'histoire et de littérature 475
particulières, mais que touc s'avance et doit s'avancer avec une suite
réglée.
De même, on reconnaît dans les premières pages du livre sur les
maximes et les procédés de la diplomatie du xvni'^ siècle, l'auteur
du Précis du droit des gens et le professeur de l'École des sciences
politiques; mais à la sagacité qui rapproche et rassemble les textes,
M. S. a joint le talent de l'artiste qui les distribue et les met en
lumière ; toutes ces réflexions originales et si vraies sur le droit public de
l'ancienne Europe s'agencent et s'ordonnent avec la plus grande clarté;
ces artifices de la politique du temps, ces vues communes à la race des
négociateurs du siècle dernier, les actes et les procédés d'un Frédéric,
d'un Kaunitz, d'un Louis XV, tout cela est expliqué avec une précision
admirable ; l'historien pénètre jusqu'aux sources de la vieille diploma-
tie; il la fait voir et sentir telle qu'elle pensait et agissait.
C'est une démonstration complète que nous fait M. Sorel; mais il
saitôter à cette démonstration ce qu'elle aurait de trop rigoureux et de
trop sec par la vivacité du récit, par l'allure toute française de son style,
par l'éclat de ses tableaux. M. S. n'est pas seulement un historien qui
s'entend mieux que personne à dérouler devant nous une chaîne de faits
et de déductions; c'est un écrivain, des meilleurs et des plus brillants. Il
raisonne et prouve, mais il n'évite pas de parti pris toute image et tout
mouvement: il anime ses développements de la verve de son esprit et
comme d'une chaleur entraînante; il rend tout ce qu'il traite aisé, lu-
mineux, intéressant. Les citations que nous avons faites au cours de cet
article nous dispensent d'insister. Mais on a peint rarement avec autant
de vigueur la crise de la monarchie française, le rôle des gens de lettres
dans la Révolution, la puissance du caractère national pendant cette
période, la force et la fermeté des desseins de Catherine II. Rien de plus
bref et de plus frappant que les pages sur la formation et la grandeur de
l'État prussien. Rien de plus piquant que la peinture de la cour de Ber-
lin, du neveu de Frédéric à la fois superstitieux et débauché, du monde
d'intrigants subalternes qui s'agite autour de cet étrange souverain et
qui préfère « au vin clair et pétillant de Voltaire la liqueur subtilisée,
l'hydromel fermenté de Rousseau; » de Marie-Thérèse et de ses scru-
pules et de son ingénieuse dialectique qui l'amenait à « se figurer qu'il
serait beaucoup pardonné à qui aurait beaucoup usurpé ». Rien enfin
de mieux dit que ce passage de la conclusion où M. S. raconte comment
l'Europe se convertit à notre Révolution et retourna contre les Fran-
çais les idées d'indépendance nationale et de liberté qu'ils avaient se-
mées dans le monde. <( Les princes virent, en revenant de leur croisade,
cette révolution germer, pour ainsi dire, dans le sol de leurs États, la-
bouré si longtemps par les armées françaises et fécondé de leur sang
Mais cette révolution de l'Europe n'était que l'envers de la Révolution
française. Il y manquait ce qui fait l'originalité de la France en cette
prodigieuse aventure, ce qui restait le motif de sa grandeur en même
4/6 RKVOb. CRITIQUE
temps que l'excuse de ses aberrations, je veux dire l'enthousiasme, l'élan
généreux et la croyance qu'on travaille pour l'humanité. Les imitateurs
n'ont pensé qu'à eux-mêmes; quelque légitimes qu'aient été leurs vœux
d'indépendance, quelque dévouement que les individus aient mis au
service des passions nationales, ces passions ont gardé je ne sais quoi de
jaloux et d'âpre, un fonds de rancune, un ferment de convoitise qui les
rabaisse et les obscurcit, il y manque le rayon du désintéressement.
Sans doute ce rayon n'a lui en France que dans l'aurore d'un jour
plein de ténèbres, mais il en reste un reflet qui anime toute cette histoire
et fait qu'elle restera toujours un des plus prestigieux épisodes de l'hu-
manité » (p. 548, 55o).
Il nous reste à chicaner M. S. sur quelques points; mais ces criti-
ques sont en bien petit nombre. Il nous dit, par exemple (p. 81 et suiv.)
que la guerre était devenue aussi atroce que la paix était perfide. Nous
admettons avec lui que Frédéric, Potemkine, etc., firent la guerre sans
pitié ; mais nous sommes convaincus qu'à la fin du xvni'' siècle, sous l'in-
fluence même de la philosophie et de la sensibilité que Rousseau avait
mise à la mode, la guerre était plus douce et plus humaine ; on ne revit
plus les cruautés de Louvois. M. S. cite les menaces que proférait le
duc de Brunswick dans son manifeste du 25 juillet 1792; mais les exé-
cutions militaires qu'annonçait la fameuse déclaration n'eurent lieu
qu'en de rares occasions; il y eut des villages français où Ton tira sur
l'envahisseur; on ne les brûla pas. Vainement le baron de Breteuil et
les émigrés n'épargnaient rien pour faire sentir à Brunswick la nécessité
d'une grande sévérité; son caractère est doux, écrivait Breteuil, et ses
principes du moment répugnent à la rigueur dont nous avons tant be-
soin. {Fersen II, p. 367.) On sait que le parti de l'émigration réclamait à
grands cris le sac de Varennes, la ville la plus coupable de France après
Paris, parce qu'elle avait osé arrêter Louis XVI; Varennes fut respecté.
Tous les témoignages des officiers prussiens qui firent la campagne dé-
montrent qu'on se piquait alors de délicatesse et d'humanité. La guerre
est déclarée, comme on sait, le 20 avril; aussitôt le maréchal de Ro-
chambeau qui est sur la frontière de Flandre, en face de Beaulieu,
demande à l'adversaire, « pour éviter de répandre du sang, de suspen-
dre tous les actes d'hostilité jusqu'au moment où la guerre Jranche
commencera » [Fersen, II, p, 252). Au reste, M. S. l'avoue plus loin, et
il se contredit lui-même (p. 170-1 71); puisqu'il reconnaît que « le cou-
rant du siècle emportait tous les officiers » et que « Thonneur, le respect
réciproque du courage, les traditions de courtoisie militaire, adoucirent
l'atrocité de la guerre et servirent même plus tard à préparer la paix. »
Nous aurions désiré en outre que dans les chapitres relatifs au problème
des frontières et aux limites naturelles, M. S. eût rappelé les Vœux du
gallophile, ouvrage paru en 1785 ; l'auteur qui n'est autre qu'Anachar-
sis Clootz, soutient que les bords du Rhin doivent être Its frontières natu-
relles de la France. Nous lui reprocherons d'avoir tiré trop peu de parti
d'histoirk kt de littérature 477
des ouvrages de Gervinus, de Hettner et de Biedermann dans son ta-
bleau de l'Allemagne; de ne pas citer sur la chambre impériale de Wetz-
lar les Mémoires de Gœthe et les pages consacrées à cette institution
par Hàusser(p. 402); de UdiàmxQ. Sturm-und Drangperiode\)S.\- période
d'assaut (p. 194, la véritable traduction est période d'orage) \ de croire
que la révolution d'Amérique inspire à Gœthe son drame cCEgmont
(p. 162 ; c'est plutôt lui-même que le poète représente dans cette œuvre
et sa récente passion pour Lili Schonemann ; cp. la lettre à Bûrger
du 18 octobre 1775; Strodtmann, n" 187); dédire que « le Roi prit
Metz, Toul et Verdun sous sa protection » (p. 265 ; les trois derniers
mots sont de trop ; le roi prit tout simplement les Trois-Evéchés et les
garda; le traité de janvier i5 56 cède Metz en toute propriété, Donation
iind Uebergabe). Ajoutons enfin que M. S. écrit Hausser au lieu de
Hausser et qu'il fait naître Lucchesini en 1732 (le marquis est né le
7 mai 1751) ^
Le livre de M. S. est le premier volume d'un ouvrage de longue ha-
leine qui comptera plusieurs tomes. L'auteur nous promet une deuxième
partie qui aura pour titre La chute de la royauté i'j8()-i-jg2, et une
troisième intitulée La Convention, iyg2-iy()5 (en deux volumes).
Peut-être, et nous le souhaitons, traitera-t-il du Directoire et de l'Em-
pire. Mais on peut dès maintenant juger sa publication et annoncer ce
qu'elle doit être, c'est-à-dire l'une des plus remarquables de notre temps.
Lorsqu'elle sera terminée, elle formera un ensemble imposant, un mo-
nument véritable. Par toutes les qualités qu'on trouve déjà dans ce
premier volume, par l'étendue et la précision des connaissances, par la
profondeur de l'analyse, par la hauteur et l'impartialité des vues, par l'in-
telligence pénétrante avec laquelle l'auteur saisit dans toute leur vérité
les idées et les résultats des faits en même temps que les personnages his-
toriques, par un style clair, alerte, animé, en un mot par la solidité et
la beauté de l'exécution, l'Europe et la Révolution française égalera,
surpassera même — nous n'hésitons pas à le dire — les travaux des sa-
vants d'outre-Rhin sur le même sujet , la deutsche Geschichte de
Hausser un peu dense et confuse, la Geschichte der Revolutions^eit
de Sybel si nourrie et si complète, mais qu'inspirent trop souvent un
esprit assez injuste de nationalité et l'idée préconçue de tout rapetisser
dans le plus grand événement des temps modernes^. M. Sorel entreprend
1. Nous avons déjà traité ce point dans la Revue critique (1882, n° 4, p. 76),
nous y reviendront prochainement.
2. L'indication de la p. 435 nous semble erronée : Seeley, Life and iimes of
Stein. Leipzig, 1879. ^' ^'^^^ ''^'^ Londres au lieu de Leipzig. Le premier volum.e de
la traduction allemande a paru à Gotha en i883.
3. Nous sommes d'autant moins embarrassé pour porter ce jugement que les
belles éludes sur la paix de Baie et la mission de Custine à Brunswick qui ont
paru dans la « Revue historique », sur Dumourie:; (Revue des Deu.\.-Mondes), sur
^ambassade de Ségur à Berlin (Temps) trouveront évidemment leur place dans
l'ouvrage.
47° REVUE CRIilQUE
cette œuvre dans la force de sa maturité; elle le mettra incontestablement
au premier rang des historiens d'Europe; la France aura le droit d'ê-
tre fière d'un livre de tant de savoir et de talent, qui lui retracera défi-
nitivement l'histoire de sa politique extérieure à l'époque où elle com-
battait avec enthousiasme pour son indépendance et sa gloire.
A. Chuquet.
CHRONIQUE
FRANCE. — Le i'"" fascicule du Recueil d'archéologie orientale de M. Clermont-
Ganneau, vient de paraître à la librairie Leroux (80 p. et gravures). Sommaire :
Inscriptions grecques inédites du Hauran et des régions adjacentes. — Le sceau de
Obadyahou, fonctionnaire royal Israélite. — Les noms royaux nabatéens employés
comme noms divins. — Le cippe nabatéen de D'meir et l'introduction en Syrie du
calendrier romain combiné avec l'ère des Séleucides. — Mouches et filets. ~ Deux
nouvelles inscriptions phéniciennes de Sidon.
— La librairie Hachette vient de faire paraître un Discours sur l'histoire de
France, par M. le comte Charles de Moûy. (In-S", 1 1 et 322 p., 3 fr. 5o). Le volume
renferme trente-deux chapitres. Nous y reviendrons ; contentons-nous de dire, en
attendant, que l'auteur veut montrer que l'histoire de France est une à travers la
série de nos révolutions, que, si nous avons épuisé toutes les formes connues des
gouvernements, « nous n'avons jamais eu qu'une même pensée » et que » le peu-
ple qui passe pour le plus inconstant a été le plus obstiné ». En considérant, ajoute
l'historien-philosophe, nos luttes et nos efforts, nos oscillations, nos périodes de
convulsions et d'attente, nos succès enivrants et nos adversités formidables, je vou-
drais reconnaître et déterminer les règles immuables auxquels nous avons obéi.
Quelque jugement qu'on porte sur ce livre, il a été inspiré par l'amour de la France,
et on ne peut qu'applaudir à la pensée qui résulte du travail de M. de Moiiy, « que
nos annales nous imposent le courage et l'espérance. )>
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 29 inai iS85.
M. de Wailly demande qu'il soit entendu que la décision prise le 22 mai, par la-
quelle l'Académie des inscriptions a levé sa séance à la nouvelle de la mort de Vic-
tor Hugo, membre de l'Académie française, est exceptionnelle et ne crée pas un
précédent pour l'avenir.
M. Desjardins communique une inscription envoyée par M. Boyer, archiviste du
Cher, qui contient une dédicace à Mars, en ces termes : MARTI RIGISAMO, C'est
un nouveau nom à ajouter à la liste des appellations locales du dieu Mars.
M. Weil lit une note intitulée : V Iliade et le droit des gens de la Grèce. Dans le
7' chant de l'Iliade est un épisode qui a déjà inspiré à divers titres des soupçons
aux critiques : après un combat, les Troyens demandent une trêve aux Grecs pour
enterrer leurs morts, et Agamemnon la leur accorde. On reconnaît généralement
que ce morceau n'est pas digne du reste du poème et l'on croit qu'il a été ajouté
d'hISTOIKE KT Dli LITTICUATUKE 479
après coup. M. Weil présente un nouvel argument à l'appui de cette opinion : Vu-
sat^e d'accorder aux ennemis une trêve pour donner la sépulture à leurs morts ap-
partient aux temps historiques de la Grèce et non ù l'âge héroïque. Dans toutes les
autres parties du poème, on représente les guerriers morts exposés aux chiens et
aux oiseaux de proie ; leurs amis sont obligés de lutter pour reconquérir leurs corps,
et au dernier chant il faut un ordre exprès de Zeus pour qu'Achille consente à re-
cevoir de Priam la rançon du corps d'Hector. Le principe du respect des ennemis
morts paraît, dit M. Wéil, avoir été proclamé et consacré pour la première fois dans
l'épilogue du poème aujourd'hui perdu de la Thé'oaïde, oii l'on voyait les Thébains
vainqueurs permettre la sépulture des Argiens vaincus. L'épisode en question, au
7e chant deVIliade, ne peut avoir été composé qu'après la Thébaïde.
Le prix La Grange est décerné à M. Antoine Thomas, maître de conférences a la
faculté des lettres de Toulouse, pour son livre intitulé : Francesco da Barberino et
la poésie provençale en Italie et diverses autres publications.
Une lettre de M. Le Blant annonce la découverte qui vient d'être faite aupres_ de
Rome, le long de la via Salaria, en face de la villa Albani, d'un tombeau circulaire,
analogue à celui de Cécilia Métella, mais plus grand : le tombeau de Cécilia a 20"" de
diamètre, celui-ci Sq^^. On y lit l'inscription suivante en grands caractères :
m-lvcIlivs-m-f-sca-paetvs
trib-mIlit-praep-fabr-praef-eqvit
LVCIlIAM-F-POLLA'SOROR
M. Oppert communique deux fragments d'inscriptions trilingues, trouvés, dit-on,
à Rhaï (l'ancienne Rhages), près de Téhéran, dont la photographie lui a été com-
muniquée par M. Germain Bapst. Ces inscriptions sont du roi Artaxerxès Mnémon.
Le texte en est peu important ; mais, si la provenance en est bien établie, il en ré-
sulte que les rois achéménides résidaient parfois dans la région oiî se parlait la lan-
gue médique, et cela explique l'emploi qui est fait de cette langue dans leurs ins-
criptions.
M. Mowat lit une étude sur l'origine de l'expression : Domus divina.Cest un frag-
ment d'un travail plus complet qui doit paraître dans le Bulletin épigrapliique. —
L'expression de domus divina. pour désigner la famille impériale, paraît remonter
au temps d'Auguste : pourtant ce prince n'a jamais permis que les Romains lui ren-
dissent des honneurs divins. Pour expliquer cette contradiction apparente.
M. Mowat rappelle qu'Auguste était officiellement le fils de Jules César, et que celui-ci,
divinisé après sa mort, était appelé dans l'usage courant, non-seulement divus Jii-
lius. mais eutore simplement Divus : ce mot était devenu pour lui un nom.
Il pense que, dans rcv.pression domus divina, le second mot n'est que l'adjectif
dérivé de ce nom, et qu'ainsi cette expression, au moins à l'origine, doit se traduire,
non par « famille divine », mais par «. famille de César ».
M. Benlœw, continuant sa lecture sur leb langues et les peuples du Caucase, in-
siste sur l'extrême variété linguistique et ethnographique que présente cette région,
aujourd'hui aussi bien que dans l'antiquité. Il répartit les idiomes parlés par les abo-
rigènes du Caucase en quatre groupes :
1° Groupe géorgien : le géorgien, le mingrélien, le taze, le suano-colque, idiomes
parlés au sud de la chaîne des montagnes ;
1° Groupe de l'abchase et du tcherkesse : ces deux langues, refoulées aujourd'hui
sur les bords delà mer Noire, sont nettement distinctes l'une de l'autre, mais elles
ont des particularités grammaticales communes;
3" Groupe des idiomes kistes, appelés par les Lesghiens, Mizdegh et par les Russes
Tchétchènes, parlés au nord et au nord-est de la chaîne;
40 Groupe de la Caspienne : langues des Avares, des Lesghiens ou Lak, des Akusha,
des Koubatshi, des Kourines, etc.
On a vainement tenié de rattacher quelques-unes de ces langues à la famille indo-
européenne ou à la famille ouralo-altaique. Elles sont pour la plupart incorporantes
on agglutinatives, cequi impliquequ'elles sont encore primitives ou peu développées.
Ouvrages présentés : — par M. Sénart: Charencey (le comte H. de). De la conju-
gaison dans les langues de la famille maya-quichée ; — par M. de Boislisle : Tami-
ZEY DE Larroque, Lettres du comte de Comitiges, ambassadeur extraordinaire de
France en Portugal, i65y-i6:>ij (extrait des Archives historiques de la Saintonge
et de l'Aunis ; — ,par M. Renan, deux leçons d'ouverture faites au Collège de Fraiice :
Havet (Louis), Eloquence et Philologie; Darmesteter (Jam^s), Coup d'œil sid- l'Iiis-
toire de la Perse;— par M. Hauréau : Nadaillag (le marquis de), V Homme
tertiaire; — par M. E. Desjardins : Desj\rdi.ns (Abel), Vie de Jeanne d'Ai-c, 3" édi-
tion ; — par M. Derenbourg : Lévy ( mile), La Monarchie che-^ les Juifs en Pales-
tine.
Julien Havet .
48o
KKVUE CKIlIQUfc, D HISTOIRE ET OE LllTERATURE
Séance du 5 juin i885.
M. d'Arbois de Jubainville rend compte de deux inscriptions latines, trouvées près
de Bourges, dont la copie a été envoyée par M. Boyer. archiviste du Cher. Ce sont
deux dédicaces au dieu Mars : au nom du dieu sont joints deux surnoms locaux
empruntés à la langue gauloise : MARTI MOGETIO, dans l'une, et MARTI RIGI-
SAMO, dans l'autre. Mogetios, en latin Mo fretins, est le participe passé passif d'un
verbe qui signifie grandir, glorifier; Mars Mogétius est « Mars glorifié >-. Quant à
Rij^isamus, nom qui se trouve aussi dans certaines inscriptions de la Grande-Bre-
tagne, on y reconnaît un thème }'ii^o, dérivé de iix, roi, et signifiant royal, avec un
sufîixe samos, probablement identique au sufiixe latin du superlatif, simiis : Mars
Rigisamus est donc « Mars très royal » ou « très puissant ».
M. Charles Nisard commence la lecture d'un travail sur le poète Fortunat; c'est
un fragment de la préface d'une traduction de ce poète, que M. Nisard se propose
de publier prochainement. Les poésies de Fortunat n'ont encore été traduites en
aucune langue. En effet, l'obscurité d'un grand nombre de passages est de nature à
rebuter les interprètes, et l'on chercherait en vain un secours dans les notes des di-
vers éditeurs. Ceux-ci se sont bornés à recueillir les variantes des manuscrits; ils
n'ont pas pris soin d'éclaircir les phrases inintelligibles, ni même de corriger les
vers faux. M. Nisard cite divers passages où le texte est évidemment corrompu et
pour lesquels il propose des corrections.
Le P. Delattre annonce l'envoi des estampages de vingt-six stèles puniques de
Carthage. M. le lieutenant Marius Boyé envoie une étude sur les ruines romaines de
Sbeitla (Tunisie et de nouvelles copies d'inscriptions romaines.
M. Delisle annonce que M. l'abbé Batiffol, chargé d'une mission scientifique du
gouvernement français, vient de découvrir, sur les indications qui lui avaient été
données par M. l'abbé ûuchesne, dans le trésor de l'église de Berat (Albanie), un
manuscrit du vi"" siècle, écrit en onciales d'argent sur fond pourpre, qui contient les
Evangiles de saint Mathieu et de saint Marc, et qui offre de grandes analogies avec
le ms. de Rossano, découvert il y a quelques années.
Ouvrages présentés : — par M. Deloche : Fage {René), Notes sur u>i pontifical de
Clément VI et sur un missel dit de Clément VI,conser,jé à la bibliothèque de Cler-
moni-Ferrand ' le même, le Tombeau du cardinal de 1 ùlle; — par M. de Boislisle :
MiRON DE l'Espinay (E.), Françoïs Miron et l'administration municipale de Paris
sous Henri IV; — par M. Georges Perrot : Dieulafoy (Marcel), l'Art antique de la
Perse, 4"= partie, les Monimients voûtés de l'époque achéménide ; — par M. Heuzey :
Sarzec (Ernest de). Découvertes en Chaldée, i""*^ livraison; — par M. Delisle :
1° Philippe (Jules), Origines de l'imprimerie à Paris; 2° Omont (Henri), Catalnff"e
des majiuscrits grecs de la Bibliothèque royale de Bruxelles et des mitres bibliothè-
ques publiques 'de Belgique; — par M. Renan : Recueil d'archéologie orientale, pu-
blié par Ch. Clermont-Ganneau, fasc. I; — par M. Brcal : Barth (A.), Bulletin des
religions de l'Inde. Julien Havet.
SOCIETE NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANGE
Séance du 2 y mai 188 5.
présidence de m. courajod.
M. de Villefosse exhibe une figurine de Mercure en bronze provenant de Caussade
(Tarn et Garonne); le dieu est représenté debout. Il montre que c'est une variante
d'un type dont le Musée du Louvre possède deux spécimens sous les n"' 2.^0 et 238.
M. l'abbé Thédenat communique d'après un mss. de Billing, recteur des écoles
de Golmar mort en 1790, le texte d'une inscription qui, vers cette époque, était en-
castrée dans un montant de porte à Wihr, près Horbourg (Alsace) lOVl BOVÛILLVS
POS (uit).
M. de Laurière présente les photographies de quelques sarcophages récemment
découverts à Rome dans les terrains de la villa Bonaparte; ils servaient de sépulture
à des membres de la famille des Calpurnii Pisones. Les faces des sarcophages sont
décorées de sculptures en relief dont les sujets représentent des épisodes de la vie de
Bacchus. 11 présente aussi des photographies de casques de bronze découverts en
i883 dans les tombeaux étrusque de Corneto. Us se terminent en pointe comme le
spécimen conservé au Musée du Louvre.
M. Mowat annonce qu'il a été informé par M. Thouroude que, dans le courant de
Tété dernier, alors que l'on creusait les fondations de la maison qui porte le n° 28
dans la rue du Cardinal Lemoine, on découvrit à une profondeur de 4 mètres une
substruction en forme de courtine longue de 8 à 9 mètres sur 2 mètres d'épaisseur
dans une direction parallèle à la rue; à chaque extrémité de ce pan de mur une
demi tour en saillie. On a supposé que c'était un reste de l'enceinte de Philippe
Auguste. Le Secrétaire,
Signé : Mowat,
Le Propriétaire-Gérant : EKNËST LEROUX. _
>■.'. ^-"«1', f.Yifivime.riP. df MarrJiesaou rîts, hnulevard Saivt-l.awenî. 2Î
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 25 — 22 juin - 1885
f^-ommaîre î io5. Dieulafoy, L'ait antique de la Perse, II et III. — io6. Tacite,
Annales, I-VI, p. p. Jacob. — 107. Ferez Gomez, Choix de poésies d'un
chansonnier inédit au xv° siècle. — Variétés : Clermont-Ganneau, Notes d'ar-
chéologie orientale, XXII, une nouvelle inscription relative à Baal-Marcod. —
Chronique. — Académie des Inscriptions.
io5, — I^'ai't aiiti€5ue <îe la K^ei-se, Achéme'nidcs, Parthes, Sassanidcs, par
Marcel Dieulafoy, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, chargé par le
gouvernement d'une mission archéologique.
Deuxième partie, RaonuBiients de l'ersépolSs, 92 p. in-fol., 22 planches,
1884.
Troisième partie, H^a sépulture persêpolâtîîîsîeî, îo8 p., 19 planches,
i885; Paris, librairie centrale d'architecture.
Les lecteurs de la Revue critique connaissent déjà la première partie
du grand et original ouvrage, consacré par M. Dieulafoy à Phistoire
de Tart antique de la Perse ^ Dans cette première partie, l'auteur étu-
diait les ruines de la vallée du Poulvar Roud (la vallée qui aboutit à
Persépolis) et montrait que les monuments de cette vallée étaient l'œu-
vre de Cyrus et relevaient de l'art grec, introduit en Perse par le con-
quérant de la Lydie et de l'Ionie. M. D. aborde à présenties monuments
de Persépolis qui appartiennent à la seconde dynastie Achéménide
(Darius et ses successeurs) : le lecteur retrouvera encore ici les qualités
qui distinguaient la première partie, la même union des dons de l'ar-
chéologue avec les aptitudes spéciales de l'homme du métier, la même
puissance de comparaison et de combinaison, la même aisance à se
mouvoir au milieu des formesde trois ou quatre grandes architectures et
à retrouver le fil historique au milieu de l'enchevêtrement des em-
prunts ; il y retrouvera également, il faut le dire, la même hardiesse
parfois inquiétante, et aussi la même confiance excessive dans la prépa-
ration technique du lecteur, aussi embarrassé que flatté des connais-
sances spéciales que M. D. lui suppose ^.
Les monuments achéip.énides de Persépolis sont les palais élevés par
Darius, Xerxés et Artaxerxès sur le colossal soubassement du Trône de
1. Voirie n" 22, 26 mai, 1884.
2. Je ne saurais trop instamment prier M. D. de nous donner à la fin de l'ouvrage
un lexique explicatif des termes techniques employés. L'ouvrage intéresse un public
beaucoup plus vaste que celui des Ponts et Chaussées et qui saura gré à l'habile in-
génieur de lui frayer une voie commode à travers le pays si neuf exploré par lui.
Nouvelle série. XIX. 23
482 KEVUE CRITIQUE
Jemshid (Takhté JemshidJ, auxquels il faut joindre les tombeaux et
les Atashgâh de Nahkshé Roustem. A propos des palais de Persépolis
M. D. étudie aussi le palais d'Artaxerxès à Suze. Le second volume et
le commencement du troisième sont consacrés à Tarchitecture, la tin du
troisième à la décoration et à la sculpture de ces monuments.
Le principe directeur et les conclusions de M. D. sont les mêmes que
dans le précédent volume. Le principe directeur est que l'art des Aché-
ménides n'est pas en rapport avec les nécessités constructives du pays,
c'est-à-dire n'a point les formes que, dans l'état des choses abandonnées
à leur libre cours, impose la nature des matériaux mis par le sol de la
Perse à la disposition de ses habitants : donc cet art n est pas national.
Les conclusions auxquelles l'auteur est conduit par l'étude directe des
formes achéménides est qu'en effet cet art, comme celui de Cyrus, est
d'importation étrangère : seulement, tandis que Part de Cyrus est avant
tout grec, celui de Darius et de ses successeurs est composite, grec,
assyrien et égyptien.
Une fatalité géologique domine l'art constructif dans le plateau ira-
nien : par suite de la constitution de ce plateau, point de cours d'eau,
point d'humidité ni dans le sol, ni dans Pair, ce qui rend la Perse pro-
prement dite ^ absolument rebelle à la culture forestière : il n'y a pas
de bois. Dans le nord ou le centre de l'Iran il n'y a pas un seul arbre
venu spontanément: les vergers et les rares ombrages à l'ombre desquels
il élève sa demeure, sont l'œuvre de Thomme qui a su capter les sources
souterraines. Faute de bois, l'homme dut employer la terre argileuse :
toutes les formes architecturales originaires de la Perse dérivent donc
nécessairement de l'emploi de la brique et par suite de la voûte qui
permet de former les édifices sans charpente. En effet, toute l'architec-
ture populaire de la Perse sort de la voûte : une ville persane vue de
haut est un fourmillement de coupoles ^ Ces principes posés, M. D.
aborde le Takht de Jemshid, seconde édition agrandie et complétée du
Takht de Cyrus (Takhté Maderé Souleiinan) ; il en en analyse l'appa-
reil qui appartient à un système plus archaïque que celui du Takht de
Cyrus, celui-ci procédant par assises réglées, l'autre procédant de l'ap-
pareil pélasgique, longtemps conservé sur les côtes de l'Asie mineure ;
il monte l'escalier, après avoir rétabli le perron en saillie sur le nu de la
façade, parcourt les deux volées divergentes parallèles au Takht, s'ar-
rête aux paliers d'entresol, suit de là deux rampes convergentes séparées
des premières volées par un mur de soutènement, et arrivé au bout des
cent onze marches restitue le couronnement renversé, mais dénoncé
par des pierres retrouvées dans les décombres amoncelés au pied du
muret dont la taille suit le profil de la frise et de la corniche du tom-
I. Fars et Médie : la côte de l.i Caspienne est riche en eaux et en bois, mais isolée
de la Perse par la barrière gigantesque du Demavend.
■1. \'oir planche I, la vu; panoramique de Kouai, une des grandis villes de la
Perse moderne.
d'histoire et de LITTÉUATÛRE 4.83
beau des rois. Au sommet de la plate-forme, il se trouve en face des rui-
nes de trois règnes, amoncelées sur trois terrasses distinctes. Ce sont les
restes de cinq palais : un grand palais construit par Xerxès, et composé
d'un vaste salle hypostyle flanquée d'une colonnade double sur trois de
ses faces; trois petits palais construits par Darius, Xerxès et Artaxerxès
Ochus, composés chacun d'une stèle hypostyle moyenne précédée d'un
porche; le dernier est plus ruiné que les précédents : il n'en reste que
des bases de colonnes; enfin il reste les vestiges d'une immense salle
dont la toiture, couvrant près de cinq mille mètres carrés, était suppor-
tée par cent colonnes, le plus vaste et le plus beau palais achéménide
de Persépolis, mais dont aucune inscription ne révèle l'auteur, M. D.
établit la destination, le nom technique et la forme primitive de chacun
de ces édifices : la salle à cent colonnes et le palais de Xerxès sont,
comme le palais d'Artaxerxès à Suse, des apadânas, c'est-à-dire des
salles d'audience : Vapadâna répond exactement, comme rôle et comme
disposition, au talar royal sous lequel aujourd'hui encore le Çhâh
vient recevoir en grande pompe ses officiers et les ambassadeurs. Les
autres palais sont les habitations particulières du roi : ils sont désignés
par le mot tacarmn, inscrit sur toutes les portes du palais de Darius,
ou parle terme général de hadhish; c'est le biroun moderne. Uande-
roun ou appartement des femmes et les constructions auxiliaires, proba-
blement construites en briques, se sont effondrées et fondues : seuls les
^palais de pierre ont résisté au temps.
Après avoir relevé le plan général de cette ville de palais, M. D. étu-
die isolément chacun des organes du palais achéménide et en fait
l'histoire : les escaliers particuliers, les portes et les baies, les colonnes.
Un résultat curieux et inattendu auquel le conduit l'examen des portes,
c'est qu'elles restaient ouvertes, qu'elles n'avaient point de vantail : la
seule ouverture qui en ait trace montre par la grossièreté du travail et
l'incohérence de l'effet qu'il y a eu là une appropriation postérieure,
probablement d'époque sassanide. C'étaient des draperies, peut-être une
tente placée à l'entrée du portique, qui devaient intercepter l'air ou l'ex-
cès de la lumière : preuve nouvelle que l'appartement intime, Vande-
roiin^ était ailleurs. Ces portes révèlent les influences multiples qui ont
créé l'art achéménide : le couronnement des baies est importé de l'Egypte;
les ornements de la baguette et des listels sont empruntés aux écoles gré-
co-ioniennes ; le cadre, aux édifices de Mechhed Mourghab ; mais c'est
l'influence grecque surtout qui domine et elle se marque par une preuve
presque mathématique, par l'emploi de rapports rythmiques dans les
proportions des baies. Dans la vieille architecture grecque, il y a un
rapport simple entre les deux dimensions des baies : dans certains mo-
numents ioniques il est de i à 2 ; le devis de l'arsenal du Pirée, rétabli
par M. Choisy, impose le rapport à i à i.5o; or, les ouvertures les mieux
. conservées de Persépolis donnent pour les portes de Vapadâna à cent
colonnes, du tombeau des rois et des tours funéraires de Nakhshé Rous-
4S4 UEVUK CRITIQUE
tem, entie la largeur et la hauteur, les rapports de i à i.5o, 2, 2.5o.
Mêmes rapports simples dans les fenêtres et les takhtche (fenêtres con-
damnées).
Je passe rapidement sur le chapitre relatif à la colonne, bien qu'il
soit un des plus importants du livre: il aurait besoin d'être analysé par
une personne au courant de l'archéologie grecque. M. D. y refait l'his-
toire des ordres grecs ; il n'admet pas que l'ordre ionique soit une déri-
vée du dorique ; le dorique est une résultante des influences égyptiennes
sur l'architecture en bois des côtes de la Méditerranée, autrement dit
sur l'architecture ionique primitive : à l'Egypte, les Grecs ont emprunté
le principe des lourdes colonnes de pierre et Taspect grandiose de Pédi-
fice, à l'art méditerranéen, les planchers horizontaux résistants qui sup-
portaient les terrasses, les éléments de l'ornementation de la frise et
de la corniche; à TEgypte, et plus probablement à la Phénicie, le prin-
cipe du chapiteau et de ses ornements : ils ne doivent qu'à eux-mêmes
l'harmonie des proportions, l'invention de la modénature, la mesure et
Fadaptation des parties entre elles, a ces compromis pleins de délica-
tesse et de tact entre la logique, la beauté et la rigueur modulaire » . La
colonne perse de Mechhed Mourgab, c'est-à-dire de Cyrus, est empruntée
à rionie : la colonne persépolitaine dérive des ordres de Mechhed
Mourgab et des ordres légers de l'architecture égyptienne : elle ne dif-
fère de celle de Mechhed que par l'adjonction de motifs égyptiens tra-
duits sur pierre par une école de sculpteurs formés à l'école grecque.
Nous reviendrons sur ce point à propos de la décoration. Un dernier
point à faire ressortir et qui montre tout ce que l'étude de cet art dé-
rivé permet de digressions fécondes sur l'histoire de l'art générateur,
c''est qu'étant donnée la commune origine des ordres grecs et ioniens,
il est possible, selon M. D., au moyen des charpentes perses achéménides
dont les détails sont connus ou faciles à rétablir, de reconstituer des
stages intermédiaires de l'entablement grec (pp. 48 et suiv.).
En face des palais, les tombes; sur la rive droite du Poulvar Roud,en
face du Takht, s'étend une paroi de rochers, le rocher de Nakhshé
Roustem; c'est là que Darius et trois de ses successeurs ont fait creuser
leur tombe : derrière le Takht même existent trois tombes identiques.
L'architecture funéraire a changé du tout au tout, de la première dy-
nastie achéménidc à la seconde, de Cyrus à Darius. Cyrus et les siens
avaient élevé pour y reposer des tours isolées et carrées, type emprunté
à la Lycie : Darius et ses successeurs creusent leur tombe en hypogée
dans le roc, à la façon des Pharaons. Leurs monuments sont entaillés à
la suite les uns des autres dans la paroi du rocher à peu près verticale
et reproduisent à l'extérieur, comme les hypogées des Béni Hassan,
la façade des édifices sculptée en bas-relief. La Lycie a fait place à
l'Egypte. Darius a probablement emprunté aux Pharaons l'idée pre-
mière de ces monuments, comme il leur a emprunté le modèle des
jioitcs et des chapiteaux pcrscpoHtains (tome III, 2). Mais ici, comme
D'HiSTOIRE rCT DE LITTERATURE 485
dans tout l'art achérnénide, il n'y a point d'influence simple : les hy-
pogées sont surmonte'cs de Teftigée d'Ormazd, sous la forme du génie
ailé assyrien, accompagné du soleil et de la lune, comme sur un des
plus ancients monuments de la Chaldée, la Stèle du Sippara '. L'enta-
blement, dont les tombeaux conservent l'image, était en charpente : l'es-
pacement et la légèreté des colonnes le prouvent. M. D. étudie à ce pro-
pos l'entablement achérnénide : il a eu la bonne chance de trouver la
confirmation matérielle de sa théorie sur le sol même : dans les décom-
bres amoncelés au centre du palais, il a retrouvé des débris carbonisés
de grosses poutres et de chevrons, de bois du Liban.
Sur la gauche de la nécropole, s'élèvent deux Ateshgdh (temples du
feu) : ce sont deux tables carrées, supportées par quatre arceaux en
plein cintre^ reposant sur des colonnes engagées dans les angles du
monument : à la partie supérieure, Tautel est terminé par une ligne de
moulures triangulaires -. M. D. reconnaît dans ces deux autels le mo-
nument le plus archaïque de la Perse : ils sont antérieurs à l'invasion
de l'art grec : les créneaux, les colonnes engagées, les arcs en plein
cintre sont caractéristiques de l'art monumental de l'Assyrie. M. D.
retrouve sur le revers des monnaies sassanides le type de ïdtashgâh
primitif et relie à travers des dégradations successives, fournies par les
monnaies, le sablier enrubanné des derniers sassanides à la pyramide
tronquée quadrangulaire de l'époque assyrienne. Il y a là une dé-
monstration de fait aussi neuve que convaincante : le livre de M. D. est
riche en surprises de ce genre.
Les études de détail aboutissent à la restitution des palais, laquelle
n'oifre plus de difficultés spéciales, tous les points de repère importants
étant en place, colonnes ou bases de colonnes, pilastres d'angle, enca-
drement des portes et des fenêtres, escaliers, fondations des murs.
M. D. pourrait presque en faire le devis. Pour le seul Apadâna aux
cent colonnes, il calcule qu'il est entré dans la charpente 1.400 mètres
cubes de bois, pesant environ 1,260,000 kilos. Si l'on songe que
toutes ces masses venaient des rives de la Méditerranée, du Liban,
de l'Amanus, cet inépuisable chantier des dvnaslies assyriennes, et
qu'elles avaient dû monter et franchir à bras d'homme les 2,800 mè-
tres du mont Zagros, les montagnes les plus abruptes et les défilés les
plus inextricables de la Perse, on comprend tout l'orgueil bâtisseur
des Achéménides et tout ce qu'il y a de joie triomphante dans cette for-
1. Reproduite dans Menant, Recherches sur la glyptique orieiit.ile, p. 243. La
triade de Sippara, soleil, lune, étoile, est la triade persane de soleil, lune, Nâhîd
(étoile du matin, Vénus; firdousi, éd. VuUers, p. 1).
2. L'emplacement de ces autels, observe M. D., a dià être depuis longtemps sacré
pour les Aryens : c'est la cause qui aurait déterminé Darius à y faire sa dernière
demeure. C'est encore un lieu de pèlerinage pour les Guèbres et les Persans : les
Persans l'appellent la Kaaba des Guèbres ou la Maison des Zendiks (des héréti-
ques). Cf. M">« Jane Dieulafoy, I.a Perse, la Susiane et la Chaldée, dans le Tour
du Monde, tom.e XLVIT, 20S.
486 RliVUE CRITIQUE
mule bien simple en apparence, qui revient si souvent sous leur stylet:
a C'est par la grâce d'Aurâmazda que j\ii bâti cette demeure. » —
«Quant à moi, dit M. D., lorsque j'essaye de faire revivre dans ma
pensée ces grandioses édifices, lorsque je vois ces portiques aux colonnes
de marbre ou de porphyre poli, ces taureaux bicéphales dont les cor-
nes, les pieds, les yeux et les colliers devaient être revêtus d'une
mince feuille d'or, les poutres et les solives de cèdre de l'entablement et
des plafonds, les mosaïques de briques semblables à de lourdes dentelles
Jetées en revêtement sur les murs, ces corniches couvertes de plaques
d'émaux bleu turquoise que termine un trait de lumière accroché à
l'arête saillante des larmiers d^or et d'argent; lorsque je considère les
draperies suspendues au devant des portes, les fines découpures des
moucharabiés, les épaisses couches de tapis jetées sur les dallages, je me
demande parfois si les monuments religieux de TEgypte, si les temples
de la Grèce eux-mêmes devaient produire sur l'imagination du visiteur
une impression aussi saisissante que les palais du Grand Roi. »
De Tarchitecture proprement dite, M. D. passe à la décoration du
monument. Les rapprochements ingénieux et nouveaux entre les qua-
tre arts se multiplient ici tellement que je dois me contenter de résumer
les conclusions en renvoyant le lecteur aux développements. Ici encore
l'art persan, n'étant qu'un dérivé latéral, sert surtout de prétexte et d'oc-
casion à des recherches sur les origines helléniques. Je signalerai en
particulier les rapprochements séduisants, mais sur lesquels je n'oserais
donner une opinion, sur l'origine de la volute grecque, à propos de
laquelle on a édifié tant de systèmes. La volute grecque viendrait du
chapiteau égyptien, non pas copié directement et sur les édifices, mais
connu d'après les représentations déformées et aplaties que Torfèvre-
rie et Particle-Paris égyptien, colportés par les Phéniciens sur toute
l'étendue de la Méditerranée, exporta par milliers durant des siècles,
«Quelle singulière carrière a parcourue la fleur de lotus ! L'architecte
égyptien compose à son image un chapiteau circulaire, l'ornemaniste la
grave à plat, et sous ce dernier aspect, la transmet au monde ancien.
Les Grecs s'emparent de ce motif, le modifient au gré de leur génie, et
composent le tailloir ionique, une de leurs plus gracieuses créations.
Les Assyriens, au contraire, copient d'abord servilement le modèle
égyptien et l'utilisent dans leurs constructions légères. Le jour cependant
où ils désirent posséder, eux aussi, un ordre monumental, ils façonnent
en pierre, à la suite de tâtonnement successifs et de transformations
progressives, les chapiteaux et les bases de Kouioundjik. »
Quant au chapiteau persépolitain, c'est un empilage de chapiteaux
exotiques, c'est la volute grecque surmontée du chapiteau bicéphale égyp-
tien directement importé d'Egypte, c'est-à-dire que la Perse puise deux
fois en même temps à la même source, une fois directement, l'autre in-
directement.
d'histoire et de littérature 487
La sculpture ornementale de la Perse est d'origine assyrienne, mais a
pris ses modèles dans la gravure chaldéenne. La scène le plus fréquem-
ment reproduite à Pcrsépolis représente le roi, maintenant de sa main
gauche le lion dressé qui l'attaque et de la main droite lui enfonçant le
poignard dans la poitrine : c'est la scène favorite des cylindres chaldéens
archaïques, Isdubar égorgeant le monstre: et, rapprochement inattendu
et frappant, cette vieille image chaldéenne a inspiré les Grecs anciens
aussi bien que les Perses : les deux personnages se retrouvent dans la
même attitude sur la Nécropole de Xanthe (combat d'Hercule et du
lion de Némée) et sur un skypiios du vu'' siècle, récemment publié par
M. Rayet et représentant la lutte ue Thésée et du Minotaure : Isdubar,
le roi perse et Thésée sont trois épreuves plastiques du même type.
Un autre bas-relief fréquent à Persépolis représente le lion déchi-
rant le taureau. On a voulu voir là une représentation symbolique de
la Perse écrasant ses ennemis : c''est tout simplement la reproduction
d'un curieux motif artistique, fréquent dans Timagerie chaldéenne, sur
les cylindres de Babyloneet d'Assyrie, sur des vases, des cachets et des
pierres de Tépoque des Atrides et qui paraît même sur les tombeaux de
Xanthe. Un détail curieux marque ici la parenté plus étroite des artistes
perses et grecs : les uns et les autres rendent conventionnellement par
des rangées d'écaillés les poils du monstre. M. D. suit les types de la
sculpture jusque sur les monnaies des Achéménides. Une de ces mon-
naies est comme le symbole de toute l'histoire de l'art achéménide. Sur
la face, le grand roi tirant de l'arc; au revers et au centre, la
chouette et le fléau d'Osiris : encadrant le sujet principal, la torsade
assyrienne. Toutes les sources de l'art perse sont rassemblées dans le
champ de cette darique.
M. D. termine par quelques pages pleines de sens historique sur les
théories récentes qui essaient de restituer un type d'art aryen \ La
poursuite d'un type de race, déjà insuffisante en linguistique, le domaine
qui lui est pourtant le plus favorable, abandonnée de plus en plus dans
l'histoire religieuse, à mesure que l'on descend vers les périodes récentes,
ne peut se soutenir dans l'art, même à l'origine. La forme de l'art n'est
point donnée par le génie de la race, mais par la nature du sol où va la
race. L'homme peut emporter sa langue avec lui, quoique l'expérience
montre qu'il l'oublie aisément ; il peut emporter ses dieux, quoique
l'expérience prouve aussi qu'il lui arrive de les laisser en chemin;
mais il ne peut transporter avec lui dans ses pérégrinations à travers le
monde, les forêts, les carrières, le sable, la faune et la flore des terres où
il est né. En art, encore plus qu'en politique, l'homme n'emporte pas la
patrie à la semelle de ses souliers. La terre ambiante est le grand artiste
et c'est pourquoi toutes les fois qu'il n'y a pas accord entre l'art et ce
milieu, c'est qu'il y a eu intrusion d'une force étrangère, un coup d'état
I. Milchhoefer, Die Anfaenge dcr Kunst in Griec'nenland (voir le compte-iendii de
M. S. Reinach dans la Revue archéologique, 188?, 366).
488 REVUE ClUTIQUE
de la volonté. Le livre de M. Dieulafoy est la démonstration continue
de ces principes, poursuivie avec une rare vigueur.
A bientôt les Parthes et les Sassanidcs.
James Darmesteter.
loG. — <MEuv«*«s tîe s'îieite, texte latia d'après les travaux les plus récents, avec
un commentaire critique, philologique et explicatif, une introduction, des argu-
ments et des tables analytiques, par Emile Jacob, ancien e'icve de l'Ecole nor-
male, professeur de rhe'torique au lyce'e Louis-le-Grand. Annales, livres 1-VI.
Deuxième édition, revue et corrigée. Paris, librairie Hachette, i885.
Nous nous sommes occupé de la première édition de cet ouvrage dans
le numéro du 27 mars 1875 ; le compte rendu qu'on nous demande de
la deuxième aura d'abord à signaler un certain nombre de corrections,
et fera ensuite quelques observations critiques, qui pourront peut-être
servir à améliorer une édition subséquente. Celle que nous avons sous
les yeu>c s^annonce comme une édition revue et corrigée, mais il est
permis de croire que le savant commentateur n'y a pas pu faire tous les
changements qu'il aurait voulu : un ouvrage cliché ne donne pas une
aussi grande liberté. Pour compléter, dans un commentaire, une note
trop courte, il faut en abréger une qui peut paraître trop longue; pour
ajouter une remarque importante, il faut en retrancher une qui est
beaucoup moins utile; les additions doivent exactement prendre la
place que les suppressions ont laissée libre; il est nécessaire de compter,
non seulement le nombre des lignes retranchées et ajoutées, mais encore
le nombre des lettres. C'est là un travail qui présente des difficultés de
toutes sortes, et qui n'a que de médiocres attraits, surtout pour un lit-
térateur distingué. Le clichage des éditions avec commentaire n'est
donc pas un petit obstacle aux améliorations dont, avec le temps, elles
ont toujours besoin, et cela est vrai pour les éditions savantes aussi
bien que pour les éditions classiques, A quelque point de perfection
qu'elles aient d'abord été portées, les progrès de la science y feront
bientôt découvrir soit des lacunes, soit des côtés faibles, soit de vérita-
bles fautes. On peut dire la même chose de la plupart des livres qui
servent à l'enseignement. Les grammaires de l'cminent philologue Bur-
uouf ont mérité de faire époque dans renseignement classique. Elles
auraient pu conserver leur prééminence si on les avait rajeunies de
temps en temps et qu'à la place de nombreux nouveaux tirages on
eût fait de véritables nouvelles éditions.
Ce que nous venons de dire de la difficulté d'améliorer les éditions
clichées peut se vérifier dès la première note de celle que nous examinons.
Comme nous l'avions conseillé, cette note a été abrégée et ime remar-
que a pu être ajoutée sur la forme de la troisième personne du pluriel
du parfait de l'indicatif. Nous sommes persuadé que si la place néces-
d'histoiue et de littéuatl'kf, 489
saire n'avait pas fait défaut, M. Jacob aurait développé cette remarque
afin de la rendre scientifique, comme cela convient dans une édition qui
est surtout destinée aux professeurs.
Le texte a subi plus de moditications que le commentaire, aucun
obstacle matériel ne s'opposant au changement d'une lettre, d'une syl-
labe, d^un mot. Constatons d'abord que Torthographe a été rectifiée
dans un certain nombre de mots : Gai, par exemple, a été substitué à
Caii, Sibullini à Sibyllini, etc. Cependant, en somme, les change-
ments orthographiques ne sont pas en grand nombre, et l'auteur en
expose les raisons dans sa préface. Il écrit bien inaeror, proelium au
lieu de moeror, praclium, mais il parait qu'il n'ose pas encore mettre
caelum au lieu de coelum, ni remplacer conditio par condicio, comme
le veut avec raison l'éminent philologue Michel Bréal, etc. Voici, dans
le texte, des corrections d'une autre espèce. Au ch. 4, aliquid quam est
remplacé par aliud quani, d'après Nipperdey. Au ch. 8, il y a, égale-
ment d''après Nipperdey, ^cî.wz^^ est au lieu de passas. L'addition de est
peut paraître inutile. Dans le même chapitre nous trouvons maintenant
nomenqiie Augiistuin, d'après les meilleures éditions, au lieu de nomen
Aiigustae , que nous avions critiqué. Au ch . 1 5, il y a celebratio an-
ninim ad praetorem translata ; nous préférons anmia avec Juste- Lipse,
Joh. Mulier, etc. Le chapitre 34 donne maintenant seqiie et proximos
au lieu de Seqiianos proximos. Le ms. a seque proximos, que Wagener
conserve et cherche à expliquer. On aurait pu citer, à l'appui de la le-
çon adoptée, hist. IV, ch. 34, où l'on trouve également seqiie et proxi-
mos. Au ch. 41, nous rencontrons quod tavi triste iter, au lieu de quod
tam triste? Iter a étéajouté par M. J. Heinsius ; Nipperdey, Joh. Mul-
ier remplacent le quod du ms. par quid; Haase, Draeger, Wagener
conservent quod. Nous préférons quid. Au ch. 49, il y a cetera fors ré-
git, d'après le ms. Andresen met cuncta au lieu de cetera; cette correc-
tion nous semble heureuse. Notons encore qu'au ch. 4, les meilleures
éditions, parmi lesquelles la plus récente, celle de Joh. Mulier, ont exul
egerit et non pas exiilem egerit . La note sur ce passage ne justifie pas
la leçon adoptée.
Passons au commentaire. Ch. ni, « quod Maximum... aperuisse. »
Après avoir fait une note de grammaire élémentaire sur l'emploi de l'in-
finitif, l'auteur ajoute : ce Tacite construit de même l'infinitif avec les
conjonctions ubi, unde, quanquam, et avec les interrogatifs, tels que
quid,cur, quin. quando, ne et nonne. « C'est confondre des cas tout à fait
différents. En outre, unde n'est pas une conjonction, et ubi n'est pas
employé comme conjonction dans le passage cité, 1. III, 61, etc., etc.
— Ch. VI. « Monuit ne... resolueret : eam conditionem esse... ut ratio
constet. Le présent du subjonctif remplace l'imparfait des propositions
précédentes. Ce passage d'un temps à l'autre a Heu fréquemment dans
le style indirect. " On ne peut pas plus mal expliquer un fait gramma-
tical des plus élémentaires. — Ch. xxvit. L\iccusatif d'apposition eau-
490 REVUE CRITIQUE
sam discordîae est mieux expliqué dans les grammaires de Tacite. —
Ch. xxxvjii. « Chaucis, entre l'Ems et TElbe. On les distinguait en
majores et minores. » Il aurait fallu dire de quels Chauques il s'agit
ici; les minores habitaient entre l'Ems et le Weser. — Ch. xlix. « Non
medicinam illiid... appel lans, sans attraction : on trouve des exemples
semblables à toutes les époques de la langue. » Nipperdey, dont M. J. suit
souvent le commentaire, n'est pas de cet avis. Faisons remarquer, ea
outre, qu'il eût été nécessaire de dire, si l'absence de l'attraction n'est
pas de règle dans certains cas. Cf. ma « Nouvelle grammaire de la langue
latine». — Ad amnem [Visurgin]. L'auteur rapporte les opinions des sa-
vants sur la question de savoir quel est ce fleuve, qui ne peut être le
Visurgis. Nous eussions voulu qu'il eût aussi cité celle de Wagener,
qui retranche hardiment le mot entre crochets, et dit dans son cora-
mentaire : « amnem., le fleuve, qui conduisait de la mer du Nord dans
les lacs dont parle Tacite au ch. lx.
Signalons, pour terminer, quelques lacunes. Au ch. xii, nous rencon-
trons tanquam... agitaret, sans que la signification de tanquam soit
expliquée. Elle aurait pu l'être utilement d'après Woelfflin ou au moins
d'après les grammaires de Tacite, — Au ch. xiii, il aurait fallu attirer
l'attention sur le sens particulier de la conjonction et dans avidiim et
minorem. Au ch. xxv, il y a stabat Drusus silentium marin poscens^
qui aurait pu fournir l'occasion dédire un mot sur la place du verbe
en tête de la phrase. De semblables remarques esthétiques sur la cons-
truction pourraient remplacer avantageusement des notes élémentaires
sur la grammaire, comme, par exemple, miitatus princeps = miitatio
principis. — Dans la phrase indulserat, dum obtempérât du ch. liv,
le présent de l'indicatif avec dum n'aurait pas dû rester sans renvoi à la
grammaire, de même qu'au ch. lvi igitiir aurait bien mérité une pe-
tite explication. — Enfin, au ch. lxxiv, l'accusatif d'apposition, inevi-
tabile crimen, a été passé sous silence. Il est possible que M. J,, en le
faisant précéder de deux points au lieu de la virgule qui est dans les
meilleures éditions, le prenne pour un nominatif; dans ce cas, nous ne
pourrions pas être de son avis. Nous avons discuté cette question dans
la Revue de philologie, etc., publiée sous la direction de MM. O. Rie-
mann et E. Châtelain, année et tome VI, 3'' livraison, p. i85.
Notre compte rendu doit s'arrêter ici ; il deviendrait beaucoup trop
long si nous voulions examiner de la même manière les cinq livres qui
suivent. Concluons : nous sommes porté à croire que si M. Jacob n'a
pas remanié davantage son commentaire, leclichage en a été, en grande
partie, la cause. Telle qu'elle est, cette deuxième édition ne laissera pas
que de rendre de grands services à l'enseignement; elle a sa place mar-
quée dans la bibliothèque des professeurs et de tous ceux qui, en France,
s'occupent sérieusement de l'étude de Tacite.
J. Gantrelle.
D HISTOIUE ET DE LITTERATURE 49 I
107, — Coleccîosi de pocsias de un cancionero inéciito del siglo XV existente
eu la bibliotcca de S. AI. el rey D. Alfonso XII con una carta del Ex'"» Sr. D.
Manuel Canete de la Academia Espanola y un prologo, notas y apéndice por A.
Pérez Gômez Nieva. Madrid, Fernando Fé. 18S4. xxxix et 3 14 pp. in-8.
Ce a choix de poésies tiré d'an chansonnier inédit du xv« siècle con-
servé dans la bibliothèque du roi d'Espagne » a ponr auteur un Jeune
homme, qui s'est fait connaître dans le monde littéraire de son pa}'s par
une idylle intitulée « La Vallée de larmes. » J'aime à croire que les
vers de M. Alfonso Pérez Gômez Nieva valent mieux que son érudition,
qui, pour le présent, ne vaut pas grand chose; et puis qu'il est encore
dans l'âge heureux où les défauts se corrigent et qu'il a du temps devant
lui pour acquérir les connaissances indispensables à qui se destine à
publier d'anciens textes, j'éprouve moins de scrupules à lui déclarer
franchement que sa nouvelle publication n'est pas pour lui faire beau-
coup d'honneur. Qui a pu l'induire à tenter cette aventure? Je ne sais;
mais je me figure que le beau zèle, dont il se prétend enflammé pour la
poésie castillane du xv° siècle, est de date récente et lui sera venu un
peu comme par hasard. Il me souvient d'amateurs du crû, qui, au
pied levé, forment volontiers des projets analogues à celui que ce jeune
homme a mis à exécution, et tout semble indiquer qu'un : Vavios d
ver S"^ D. Alfonso, sise anime Vd. d publicar aqiiel cancionero^ échappé
à quelqu'un de ses amis dans une conservation familière, aura servi de
prétexte à la méprise qu'il regrettera lui-même un jour.
L'académicien, qui s'est chargé de recommander la publication de
M. P. G. a pris, je dois le dire, beaucoup de précautions pour ne pas se
compromettre. Il admet que le public saura gré à l'auteur « du soin et
de la fidélité « avec lesquels il a déchiffré et reproduit les poésies dudit
chansonnier, si toutes ses transcriptions sont aussi rétissies que le petit
nombre de celles que lui, académicien de la Langue, a pu contrôler.
C'est parfait, et une telle réserve n'était que trop justifiée, comme on va
voir; mais je n'aurais pas été fâché que iM. Gariete nous indiquât avec
plus de précision les pièces du recueil qu'il a coUationnées et qui lui
ont paru fidèlement et soigneusement transcrites. De même le membre
de l'Académie Espagnole félicite son jeune ami de la « conscience
scrupuleuse » qu'il a témoignée en déclarant ne pas prendre sur lui
d'affirmer que les poésies de sa collection sont toutes inédites, « car
rien, dit l'académicien, n'est plus facile que de se tromper en cette ma-
tière. » Encore ici il semble que M. Gariete, au lieu de se tirer d'em-
barras avec des banalités peu dignes de ses fonctions, eût fait œuvre plus
utile et plus louable en révélant à i\L P. G. les noms d'ouvrages très
connus où s'étalent bon nombre des « inédits » que ce dernier a si pé-
niblement copiés.
Le chansonnier castillan-aragonais-catalan, côté VII-a-3, de la bi-
bliothèque particulière du roi, que publie (partiellement) M. P. G.,
est connu et a été souvent manié par divers érudits espagnols, tels que
492 REVUE CRITIQUE
le premier marquis de Pidal ', Amador de los Rios ^ et M. José Sancho
Rayon ', qui en ont même imprimé quelques bribes. M. P. G. connaît
ces travaux et s'en est inspiré dans son introduction, mais il ne connaît
que cela et n'a pas eu l'idée de chercher ailleurs. Voyons d^abord son
plan et son système de publication.
M. P. G. n'a pas entendu reproduire le chansonnier tout entier,
mais seulement la partie qu''il suppose inconnue et qui se compose des
œuvres de poètes populaires de Tépoquc de Jean II de Cas[ille et d'Al-
phonse V d'Aragon; il a omis les poésies de hauts personnages, dont un
grand nombre, dit-il, ne sont plus inédites '. Sans doute il lui était
permis de limiter sa tâche et de nous donner de ce chansonnier peu ou
prou, ainsi qu'il le jugerait à propos; mais ne nous en livrant qu'un
choix, au moins aurait-il dû indiquer exactement ce qu'il y laissait et
procéder à un inventaire complet de son manuscrit. Il n'a pas pensé,
que cela fût nécessaire, en sorte qu'aujourd'hui, comme devant, on ne
voit pas de quoi au juste se compose le recueil. — M. P. G. a-t-il un
système arrêté de publication, de reproduction en lettres de forme d'un
manuscrit du xv" siècle? J'avoue que je ne saisis pas sa façon de procé-
der, et je me demande ce qui signifie « moditîer un original sans le
changer (ni le alteramos hasta el piinto de variarle) )> ou « suppléer
l'orthographe et la prosodie ». Au reste peu importe : M. P. G. a géné-
ralement si mal lu son manuscrit et, partant, si mal reproduit, qu'il de-
vient indifférent de savoir comment il s'y est pris pour en régulariser,
à sa manière, la graphie.
D'une chose on doit au moins féliciter M. P. G. , c'est que contrairement
à l'usage de plusieurs de ses compatriotes, qui impriment sans sourciller
des textes inintelligibles, se gardant bien Je dire qu'ils ne les entendent
pas, lui ne cache pas son ignorance, il la proclame même le plus ingé-
nument du monde. Par ses notes explicatives ou qui tendent à l'être,
il nous a fourni le meilleur moyen de mesurer ses connaissances paléo-
graphiques et philologiques, sa pratique de la langue du xV siècle et
des variétés dialectales de l'époque. S'il s'était tu, le doute serait possi-
ble; il ne l'est plus, depuis qu'il a parlé. Ainsi sur certaines fautes de
lecture qu'il est sans cesse amené à commettre, on sait à quoi s'en tenir,
quand on a pesé cette déclaration. « Comme il est connu qu'en vertu
des règles grammaticales de l'époque, telle lettre s'employait pour telle
autre, nous avons donné, toutes les fois que le sens l'exigeait, à ly sa va-
leur définitive de s ou h, et à Vu celle de b. » Voilà qui est clair. Us lon-
gue, si usitée en ce temps et plus tard encore dans les manuscrits et les
imprimés, est un signe inconnu de M. P. G., et partout où son ma-
1. Cancionero de Baena, Madrid, i85i.
2. Histoiia critica de la lit. espanola, t. VI et VU, passim.
3.Cancioncra de Stuhiga,yi3.dTÏà, 1872.
4. M. P. G. supprime aussi tout ce qui est écrit en catalan ; voy. p. 106, note 2 et
p. 292, note 'i.
d'histoirk et de littérature 493
nuscrit remploie, il le prend pour un /, quitte à le « corriger », quand
le sens l'exige, c'est-à-dire quand il saisit ce sens, ce qui ne lui arrive
pas toujours. Par exemple il laissera (p. 164) « \à fubril concupiçen-
cia 11, alors qu'il faut (ce que confirme au reste un autre manuscrit) « la
siUil concupiçencia ^>\ ou bien, lorsqu'Alphonse V dit (p. 179) que « la
renomée ne sonnera pas en son honneur en maison, ville ni village »,
M. P. G. corrige bien mal à propos Ffama eu Ssa?iia, qui ne donne
aucun sens, A la p. 2S8, voici deux vers qui certainement se lisent dans
le manuscrit : (f Mienbreste que amor sin arte (amour sincère) Siempre
quiere gualardon » : M. P. ne'anmoins découvre là un mot JiJjarte. Plus
loin (p. 291) 1'/" encore a été « corrigé » en 5 ; « Fferbos e'mirar e béer
Una linda creatura. a Ces vers s'entendent, mais l'éditeur préfère lire
Ssei'bos et propose de comprendre Siervos!
L'inexpérience paléographique de M. P. G. se trahit, comme on peut
penser, en bien d'autres rencontres. Appris pour », t pour c, / pour s
longue, ;2/pour m, cl pour d, et quantité de mots mal coupés. Faut-il
citer des exemples? On n'a que l'embarras du choix. P. 60. «... é tome
à Rodrigo E à Fernant Perez entranios consigo. » A entranios, mot
inconnu et qui n'a rien à faire avec extranos^ doit évidemment être
sMhsihné entranios (tousdeux), — P, i23. Galaxado n'est pas un mot:
il y a sans aucun doute gasaxado dans le manuscrit. — P. 129. Au
lieu de : « Que clamor tome combate, » c'est « Que d'amor^ » etc.
qu'il faut lire. — P. 154. 'c Gran panes que las detienda », et au bas
de la page cette note précieuse : « nous ne comprenons pas ce mot;
peut être au sens figuré ^ane^ désignent-ils les satyres et les faunes »! ?
Lisons panes (pavois), c'est plus sûr. — P. 184. ff El gran Cipion triado
Alongado De biçio et de beldat, » et en note : « triado^ apartado, esco-
gido. » Si le mot triado existait dans ce sens, il y aurait pléonasme et
alongado ne servirait à rien. Lisons donc criado. — P. 207. La pièce
est intitulée : « A Madame Doha Timbor, parce que je n'ai pas pris
cons,é (comiat) d'elle. « Mais M. P. G. ne veut pas entendre parler de
congé; il propose de lire connaty mot inconnu, auquel il donne de sa
propre autorité le sens d'offense. — P. 18 et i85. Qiiejras, deyas,
lejyado, formes qui n'existent pas. Dans ces trois mots l'y est un x, qui
a une forme approchante, mais cependrait distincte, de ïy. — Quicon-
que a eu un manuscrit du moyen-âge sous les yeux sait que les scribes
laissent souvent des intervalles entre les syllabes d'un mot, ou, au con-
traire, agglutinent deux ou plusieurs mots ensemble. Cette pratique si
connue a joué quelques mauvais tours à M. Pérez Gôrnez. A la p. 14,
il disserte sur un mol sete et y voit un italianisme; mais ce sete doit
s'unir au 710 qui suit : Seteno (septième). — P. 20. Ausadas n'a jamais
pti signifier « usadas » ; il faut séparer d usadas, pour a osadas, adverbe,
dont le sens est à peu près « certes. » — P. 188. * Id^ pentas asta el
dia », et la note : « asta, hasta. » Je parierais pourtant que le manuscrit
porte : vx De Pentacosta el dia. — P. 24. '< Muerto so enoso creydo. »
494 RitVUK CKITIQUK
Enoso serait pour enojo. Impossible pour plusieurs raisons. Lire :
« Muerto so e no so (et je ne suis pas) creydo. » — P. 263. « Quando
ciiy de ser dcspierto. » M. P. G., qui a sur la conjugaison de cuidar
des idées très personnelles, écrit en note : « City, présent de cuidar. »
Je n'en crois rien, et je lis : « Quando cuydé ser despierto. » — P. 271 .
« Tanto que ser ienposible w. M. P. G. : « ienposible, imposible. » C'est
le cas de dire : impossible. L'f appartient au verbe : « Tanto que
serV enposible. — Enfin il arrive même à M. P. G. de forger des mots
ou d'en introduire dans ces vieux textes qui bien sûr n'avaient pas cours
alors. Un exemple est le monîsimo de la page 8, où il s'agit du jour du
jugement. Très joli ce monîsimo., mais un peu trop moderne, et puis :
No creo yo que sera tan mo7io el dia del juicio, ni para el Senor Pérez
Gômez (sobre todo si continua publicando cancioneros], ni para mi,
ni para nadie.
Et la grammaire ne vaut pas mieux. Ainsi l'auteur nous découvre
(p. 62) que conqiiiso est une forme du verbe conqiiistar, et plus loin
(p. i52) que de/esso lui parait être une contraction de defendido. Il se
montre aussi fort étonné (p, 2i3) de la formation \ti-h'à\& partir ssan :
« Sabe Dios si se partiran, Partîrssan como forçados. » Il cherche de
midi à quatorze heures et ne voit pas qu'elle se décompose en ^iirïzr
se han, simple futur. — Des dialectes il ne faut pas non plus parler :
M. P. G, n'en sait à peu près rien. Il ignore, par exemple, le sens
à'etîta, préposition qui revient si souvent dans les textes aragonais : la
trouvant quelque part, (p. i3i), il en sépare les deux syllabes et veut
que ta soit pour ti (à toi). Yes aussi forme aragonaise pour es (p. 214),
lui cause une vive surprise : il croit que ïy est ici de trop.
Reste la bibliographie. On a vu que M. P. G. s'est excusé; mais ces
excuses, il n'est vraiment pas possible de les admettre. Si les pièces
depuis longtemps publiées, et que notre auteur tient néanmoins pour
inédites, se trouvaient seulement dans quelque chansonnier gothique et
inabordable, on se montrerait de bon gré indulgent; mais ce n'est pas
le cas. Les pièces en question figurent dans un livre, dont la publica-
tion remonte à vingt ans, et que tout hispanisant doit avoir à portée
de sa main, j'entends VEnsayo de ima biblioteca de libros rarosy
curiosos de Gallardo, mis en ordre et imprimé par les soins de D. José
Sancho Rayon et de D. Manuel Rernon Zarco del Valle, ce dernier bi-
bliothécaire du roi d'Espagne, qui tient sous sa garde le manuscrit VII-
a-3 et à l'obligeance duquel M. P. G. se plait à rendre hommage.
Comment ce dernier n'a-i-il pas songea se renseigner auprès du docte bi-
bliothécaire, qui, j'en suis sûr, ne lui aurait pas marchandé son érudi-
tion bibliographique ? Ce que c'est que de vouloir voler trop tôt de ses
propres ailes! Rien qu'en parcourant donc, dans le tome premier de
cet Ensayo, les extraits qui y ont été donnés du chansonnier de notre
compatriote Nicolas de Herberay des Essarts, le traducteur de YAmadis
(manuscrit aujourd'hui conservé à la Bibliothèque nationale de Madrid],
D^iJSTOlKK Kl DE Lî rTÉlîA'I UhK 495
M. P. G. n'y eût pas trouvé moins de onze pièces du poète aragonais
Pedro Santa Fé, qu^il suppose inédites. En voici la liste : (col. 5i8)
Los hombres de amor tocados ; (ibid.) Como yo, mi amor, caya ;
(col. 52 1) Partir m'é donde partir ; (col. 5 19) Qui bien ama lo que vee ;
(col. 520) Senyora, hablar querria, texte très différent pour les trois
dernières strophes; (col. 524) En la cort d' amor puyé ; [col. 525) Amor,
si bibo dudoso ; (col. 525) De\ir mi mal me combiene; (ibid) A quai-
quier parte que baya; (col. 52 1) Si no bienes con amor; (ibid.) Pues
que suerte, non cordura. De Johan de Dueiias le même chansonnier
contient aussi (col. 5 29) la pièce : Ay de vos^ despues de mi ! Et ce n'est
pas seulement parce qu'il importe de publier le moins possible de
r « inédit y> de cette qualité là, qu'on doit regretter l'inadvertance de
M. P. G., c'est aussi parce que du rapprochement des deux manuscrits
il eût obtenu un texte préférable à celui de VEnsayo et surtout très su-
périeur au sien, dont on a pu juger par les fautes relevées plus haut. —
Je n'ai pas tini ma querelle bibliographique. M. P. G. ai-je dit, a feuil-
leté quelques livres au cours de son travail, par exemple VHistoria
critica d'Amador de ios Rios, mais avec tant de négligence qu'il n'en a
pour ainsi dire tiré aucun profit. Ainsi, il lui arrive d'imprimer (p. 66)
une réponse [repuesta) de Johan de Duehas, et il ne s'avise pas de re-
chercher à quoi se rapporte cette réponse : une réponse pourtant sup-
pose une question. Eh bien, en ouvrant ÏHistoria critica à la page
176 du tome VI, il eût appris que ladite poésie est une réponse audecir
du marquis de Santillana sur les Aragonais, et que les deux pièces du
petit procès figurent dans les œuvres du marquis de Santillana, publiées
par le même Amador de Ios Rios en i852 . J'ajoute qu'il n'est pas pos-
sible de saisir l'à-propos et le mérite de la répartie de Dueiias sans avoir
préalablement lu le « dire » du marquis.
Ce livre est donc mauvais, mais, eu égard à l'âge de l'auteur, ne tire pas
à conséquence. Péché de jeunesse — on voudrait n'en avoir pas commis
d'autres — que M. Pérez Gômez, j'en ai la conviction , saura se faire
pardonner. Il manifeste çi\ et là de bonnes intentions : le tout est qu'il
veuille sérieusement apprendre et sache résister au dangereux plaisir de
voir prématurément sa prose en letras de molde.
Alfred MoREL- Fatio.
VARIETES
Notes tl'ai'cliéologie oï-ÎJii»tale.
XXII
Une nouvelle inscription relative à Baal-Marcod.
Deirel-Kal'a, couvent maionite du Liban, Mtué à une demi-heure du
496 RiCVUK CKiriQUE
village de Beit-Meri, à deux heures et demie dansl'E.S.E. de Beyrouth,
semble avoir été construit sur l'emplacement d'un sanctuaire consacré
à Baal-Marcod. L'on a déjà recueilli en cet endroit plusieurs inscrip-
tions grecques et romaines ' relatives à cette divinité notoirement sémi-
tique; Baal-Marcod, ainsi quel'indiquentson nom^'etrépithctcdey.cipavc
xa)[^.wv, qui lui est donné dans une inscription, paraît avoir présidé aux
danses. C'était une sorte de « Cornus » phénicien. Je crois que Baal-
Marcod avait certaine accointance avec le Bès dansant des Egyptiens, et
que la Bible "' fait dans un passage une allusion directe à ce culte par-
ticulier du Liban.
J'ai rapporté, en 1881, une nouvelle et curieuse inscription relative à
ce dieu singulier ''. L'original appartient à M. Loytved qui a bien voulu
m'en envoyer depuis plusieurs estampages et copies, et vérifier sur la
pierre certaines lectures douteuses. Le texte, gravé sur un cippe d'envi-
ron I mètre de hauteur, est écrit négligemment; en outre, plusieurs
lettres ont été enlevées ou défigurées par des cassures, ce qui, dans cer-
tains cas, rend la lecture assez difficile. Voici la transcription, faite sur
mes estampages, de ce texte demeuré jusqu'ici inédit :
\ I Pï (ol El [ku]p(w-'LT]îM
N A I 0) B A A vaio) BaX-
M A P K (0 A I ixapyvCJo'.,
T w K A 1 M H To) y.al Mq-
r P T N K A I A Ypiv, 7.a[T]à
K E A E r c m yiXô'j; Giv]
0 E 0 V A ÔEOu 'A-
P E M e H p-.iJ.0-o-
N 0 r î^î A voù, Mâ-
i I M 0 C ^tiJ.oç,
E r X A P T r, T ehyap'.az-
[ 0) ] ?«! A N E [ôjjv àvs-
[ 0 ] H K A [0]r;/.a.
TzT/aXo^ peut être une simple épithète laudative du dieu Baal-Marcod.
Il ne faut pas oublier, cependant, que, selon Damascius *^, TswaTc; était
le nom spécifique d'une divinité à forme de lion, adorée, par les habi-
tants d'Héliopolis, dans le temple de Zeus. Cette nouvelle inscription
nous apporte un renseignement très important sur le nom de Baal-Mar-
1. Waddington, Iiiscr. gr.ctlat. delà Syrie, n" i855, i.S56, 1867.
2. Mûrcod, de la racine raqad, « sauter, danser ». Baal-Marcod, « dominus salt?.-
tionis. » Je serais cependant plus porté à croire que Marcodcsx un nom de lieu, dé-
signant l'endroit oit l'on danse.
3. Psaume 29 : 6.
4. Mission en Palestine et en PIiénicie,\^ Rapport, n" 5G du Catalogue (II" partie).
5. Correspondant à la formule phénicienne : le-adon, le.... « au seigneur, au dieu
un tel. »
6. Vie d'Isidore, p. 20"}.
d'hISTOIRK El DH LITTÉllATURK 497
coJ, en nous disant expressément qu'il s'appelait aussi Mr,yp'.'K Je ne
vois pas Torigine cie cette bizarre appellation ', dont la lecture est, d'ail-
leurs, certaine'-. Je serais porté à croire que Mègrin est le véritable
nom du dieu et que Baal-Ma>'cod esz seulement son surnom qualilicatif
ou topique.
Le nom du dieu sur l'ordre duquel Maximos reconnaissant a consa-
cré le cippe à Baal-Marcod, ou plutôt au Baal-Marcod, n'est pas moins
intéressant ni moins obscur. C'est la première fois, à ma connaissance,
qu'il se rencontre. 'Âp£y.0-/;v6ç, à en juger par la terminaison, est une
appellation topique : le dieu de la ville de 'Aps;j.Oa. Le nom de cette
ville est nouveau, au moins sous cette forme, mais il a une physionomie
bien sémitique; il rappelle tout à fai^ ceux de "Apt[j.aOa(x, localité de
Palestine, et, surtout, de Xpa[j.aOi ^, ville du pays de Galaad, dans la
Perce, qu'on a voulu identiticr avec Sait.
Clermont-Ganneau .
CHRONIQUE
FRANCE. — M.Lcon Renier, membre de l'Institut, professeur au Collège de France,
président de la section des sciences historiques et philologiques à l'Ecole pratique des
Hautes-Etudes, administrateur de la bibliothèque de l'Université, est mort, après une
assez courte maladie, le jeudi 11 juin, à la Sorbonne. Nous consacrerons une notice
à ce savant éminent, a cet homme excellent que personne n'a connu sans l'aimer.
Nous donnons en attendant le discours que M. Brcal a prononcé sur sa tombe au
nom de l'Ecole des Hautes-Etudes, qui l'avait délégué pour la représenter. Nous
avons eu plus d'une fois l'occasion de rappeler les liens qui unissent l'École des
Hautes-Etudes à la Revue critique, dont tous les directeurs font partie de l'École ;
la perte de M. Renier est donc un véritable deuil pour nous aussi. Il est impossible
de retracer mieux que M. Bréal, avec plus d'exactitude et d'intérêt, la part qu'a prise
M. Reniera la fondation et au développement de l'École dont le nom restera insé-
parable du sien.
« Messieurs,
« Au nom de l'École des Hautes- Études, dont les directeurs, les maîtres de con-
férences et les élèves sont réunis autour de ce cercueil, je viens rendre un dernier
hommage à notre cher et respecté président. C'est lui qui a dirigé les premiers pas
de i'Écoie, qui en a assuré les progrès et les développements, et qui l'a sagement
administrée durant dix-sept ans. Ce que M. Léon Renier a été pour elle, ceux-là sur-
tout le savent, qui ont assisté aux origines et aux premiers débuts : c'est la raison
pour laquelle vous m'avez invité, quoiqu'éioigné depuis quelques années de la vie
1. Il serait téméraire île vouloir en chercher une trace dans le nom de Bcit-Meri.
2. M. Loytved a bien voulu la vérifier de nouveau ave: attention sur l'oiiginal.
3. F!. Josèphe, Aiit.J., S, i5, 3, etc.
49^ RliVUb" CKiriQOli
de l'Ecole, à parler en votre nom. Pour louer celui qui n'aimait ni les longs dis-
cours, ni les formules vagues, je m'attacherai à rappeler surtout des faits.
«En 1868, lorsque M. Duruy, alors ministre de l'Instruction publique, justement
préoccupé de l'avenir intellectuel de notre pays, fonda l'Ecole des Hautes-Études, il
songea d'abord aux sciences mathématiques, physiques, chimiques et naturelles.
Mais l'historien de la Grèce et de Rome ne pouvait oublier les études auxquelles il
devait son renom et sa haute situation. A côté des laboratoires de physique et de
chimie, il y avait une place à faire à d'autres recherches, qui ne sont ni moins fé-
condes, ni moins nécessaires : une quatrième section de l'École fut consacrée aux
sciences historiques et philologiques. Pour organiser cette section, il s'adressa à un
petit nombre d'hommes parmi lesquels, à côté de M. Léon Renier, il faut rappelerles
noms de M. Alfred Maury et de M. de Rougé.
« Ceux-ci, réunis en comité, choisirent pour président M. Léon Renier. Aucun
choix ne pouvait être plus heureux. Déjà alors il était chargé d'honneurs et de fonc-
tions qui ne lui laissaient plus rien à souhaiter pour lui-même. Mais il était animé,
au fond du cœur, du désir d'être utile. Travailler à faire le bien, à susciter des pro-
grès, à servir son pays, était, à vrai dire, sa première passion, celle qui a fait l'unité
de sa vie et qui l'accompagnait partout dans ses multiples et diverses occupations.
L'expérience de sa propre éducation lui avait appris que notre enseignement supé-
rieur présentait des lacunes, et que la forme de cet enseignement était parfois plus
propre à assurer la notoriété des professeurs qu'à servir l'instruction des élèves.
L'Ecole des Hautes-Études allait remédier à cet état de choses.
« 11 groupa autour de l'école un petit nombre d'hommes animés du même esprit
et qui devaient trouver dans leur réunion un redoublement de forces. Ces maîtres
devaient former des élèves qui, les circonstances aidant, se répandraient dans l'en-
seignement pour le compléter, pour l'étendre et pour en modifier, dans une certaine
mesure, l'esprit et les méthodes.
(c Par une heureuse coïncidence, M. Léon Renier était en même temps bibliothé-
caire de la Sorbonne. Il ouvrit un asile à la jeune école, lui attribua une des salles
dont il disposait, et y installa, avec le coup-d'œil et le choix d'un véritable homme
du métier, une petite, mais admirable bibliothèque. C'est dans celte salle que, du-
rant les premières années, se firent toutes les conférences et où se passèrent les
séances de travail de la jeune école.
« Ces temps sont déjà loin et ceux-mêmes qui les ont vus sont obligés de faire un
effort pour y retourner en esprit. On était au lendemain de Sadowa. Beaucoup
d'hommes sentaient plus ou moins distinctement que notre pays avait peut-être pé-
ché par excès de confiance en lui-même et qu'il y avait un arriéré à récupérer. On
aurait peine aujourd'hui à se faire une idée de l'ardeur qui régnait parmi les colla-
borateurs de l'école. Tout était nouveau : un enseignement qui n'est astreint à au-
cun programme, des leçons qui ne préparent à aucun examen, des élèves qui en-
trent sans concours, une école qui ne donne accès à aucune carrière déterminée,
toute cette organisation, qui aujourd'hui nous est familière, excitait alors l'étonne-
ment. Les maîtres, dont plusieurs n'avaient point eu de modèle sur qui ils pus-
sent se régler, et qui étaient obligés de tirer d'eux-mêmes la forme et la matière de
leurs cours, allaient assister aux leçons les uns des autres, heureux de retrouver
chez leurs collègues l'esprit, les espérances, les convictions dont ils étaient remplis.
Les conférences, qui se faisaient souvent le soir, continuaient par des discussions
qui ne voulaient pas finir, et réveillaient, au milieu de la nuit, les échos des esca-
liers et de la grande cour de la Sorbonne. Quelquefois le ministre venait assister de
sa personne aux leçons. Parmi ce monde ardent et actif, M. Léon Renier passait
d'HISTOIRH. tiT DE LlTl ÉUATUKK 499
tous les jours, son bon sourire aux lè/res, jetant discrètement un mot d'encourage-
ment au professeur ou au:c élèves, et parcourant d'un long regard la ruciie labo-
rieuse.
« A ce moment de la direction, l'avenir de l'école pouvait dépendre de quelques
résolutions bien ou mal conçues. On doit à M. Léon Renier, sur un ou deux points,
des règles de conduite décisives. La plus grande incertitude avait régné d'abord sur
le plan qu'il convient de donner à l'école. Quelques-uns, séduits par une généreuse
chimère, voulaient qu'elle fût ouverte à toutes les doctrines, à tous les savoirs, à
tout homme qui avait ou qui pensait avoir quelque chose à enseigner. M. Léon Re-
nier ne partagea pas celte illusion. Il fit adopter le principe que l'école serait fermée
à quiconque n'y entrerait point par nomination ministérielle. Sa longue expérience
était cause qu'il se défiait des concours désintéressés. Sur ce point, il n'admit qu'une
seule exception : lui-même, — et ce ne fut pas une des moindres originalités de
l'institution nouvelle.
« Pour montrer combien étaient vagues les idées qui avaient eu cours à l'origine,
il suffit de relire les règlements : on y voit que les répétiteurs sont destinés, con-
formément à leur nom, à répéter et à expliquer les leçons données par les professeurs
dans les grands établissements du haut enseignement. Cet article devait rester tou-
jours sur le papier : le choix des premiers maîtres était de telle sorte qu'il ne fut
jamais appliqué, et M. Léon Renier contribua pour sa part à l'organisation indépen-
dante de l'école, en faisant la première année un cours pratique d'épigraphie à ses
élèves.
« Cependant le ministre à qui l'école était redevable de son existence était des-
cendu du pouvoir. Peu de temps après vinrent la guerre, les désastres, le siège ;
puis la guerre civile; puis une longue période de trouble et d'incertitude. On aurait
pu croire que le germe si récemment déposé dans la terre allait périr. Des minis-
tres, dont une partie connaissaient à peine l'école de nom, se succédaient. Un ins-
tant, la liste des professeurs fut prise pour une sorte de feuille des bénéfices où l'on
croyait qu'on pouvait, sans inconvénient, inscrire les hommes de lettres méritants.
M. Léon Renier résista avec énergie, de même qu'il tint tête aux jalousies et aux
suspicions. 11 était secondé par un homme dont il est juste de rappeler ici les grands
et nombreux services : le clief de division au ministère qui administrait l'instruction
supérieure, M. Armand au Mesnil voyait en AI. Léon Renier un ami et un maître,
il comprenait comme lui les intérêts de la haute science et de la haute culture, et
volontiers il acceptait ses choix et lui demandait ses avis. C'est pendant ces années
de lutte et d'obscurité que se consolida en silence le succès de l'école. Déjà des élèves
l'avaient quittée en assez grand nombre pour porter son enseignement dans les
chaires de nos Facultés et dans les universités de l'étranger. Les publications de
l'école se succédaient sans interruption et attiraient sur elles la considération du
public savant en Europe. Lorsqu'en 187S vint le dixièm.e anniversaire de la fonda-
tion, et que l'école, déjà fière d'elle-même, offrit une fête à son fondateur, M. Léon
Renier, le visage rayonnant, offrit à M. Duruy un volume écrit tout entier à son in-
tention par lui-même et par ses collègues, et portant sur le titre la mention du 35<^ fas-
cicule de la Bibliothèque de TEcole des Hautes-Etudes : l'hommage était digne de
ceux qui le rendaient comme de celui à qui il était rendu.
<i Ce qui n'était pas moins précieux, l'autonomie de l'école s'affermissait de plus
en plus. L'usage s'était établi que l'école était appelée à délibérer sur ses intérêts, à
choisir elle-même ses collaborateurs. Cette liberté, dont elle fit toujours l'emploi le
plus judicieux, est devenue, grâce au regretté directeur qui lui a donné sa charte,
M. Albert Dumont, un privilège et un droit. M. Léon Renier prenait plaisir à pré-
OOO RKVUE CKlTlQUE DHItiTOlRE ET ÙK LiTTHRATt'KE
sider notre république: il n'avait rien à craindre des orages qui agitaient quelquefois
cette démocratie intelligente, car si les opinions étaient divergentes, tout le monde
se rencontrait sur un point : rattachement et le respect de sa personne. Ainsi fut
réalisée une œuvre capitale, celle d'une corporation vouée au haut enseignement, qui
se recrute et s'administre elle-même : expérience pleine de promesse pour l'avenir,
et que l'éminent successeur de M. Albert Dumont est heureux d'encourager et de
maintenir.
« Cependant les années venaient : quelquefois une plainte contre le poids de la
vieillesse, contre l'ingratitude, tombait de la bouche du vénéré directeur. Mais bientôt
ce mécontentement, plus simulé que réel, cédait au plaisir d'entendre dire que tout
allait bien et que le directeur était aimé de son personnel de maîtres et d'élèves. Les
joies de M. Léon Renier étaient de voir ses anciens étudiants devenir répétiteurs,
ses anciens répétiteurs devenir ses collègues au Collège de France, ses confrères à
l'Institut. Aussi, quand la nouvelle de sa mort est venue hier nous trouver, tout le
monde est accouru. Chacun sentait qu'il perdait un conseiller, un protecteur, un
ami, que le chef de la famille venait de disparaître et qu'un chapitre de notre his-
toire se fermait avec lui. Mais nous avons la confiance que l'école, fiaèle à ses ori-
gines, fidèle à ses premiers jours, continuera de grandir dans le même esprit, et que
toujours elle associera au souvenir de ses premières années, de sa glorieuse jeunesse,
le nom de Léon Renier. »
— Nous recevons de M. Tamizey de Ladroque des Lettres du comte de Coniin-
ges, ambassadeur extraordinaire de France en Portugal (ibb-j-iôSg). Ce sont huit
lettres écrites de Lisbonne ou des environs de cette ville par ce diplomate à Jacques-
Auguste de Thou, baron de Meslai ; Cominges y donne des détails sur les Portu-
gais; au milieu de cette correspondance se trouve une harangue qu'il débita le iq oc-
tobre 1657 dans l'assemblée des commissaires de Portugal et des députés des Etats
des Provinces Unies. La brochure qui compte 32 p. et a paru à Pons, chez Texier,
est tirée du tomeXIll des u Archives historiques delà Saintonge et de l'Aunis. »
ITALIE. — Le parlement italien a été saisi d'un projet de loi portant ouverture
d'un crédit de 200,000 francs, pour des fouilles à Sybaris. On n'a qu'à lire le cha-
pitre consacré à cette ville dans la Grande-Grèce de Fr. Lenormant ((, p. 325} pour
savoir quelles immenses espérances l'archéologie est en droit de fonder sur cette
exploration; les fouilles de Sybaris donneront peut-être des résultats plus intéres-
sants que les fouilles même de Pompéi.
— M. L. Pasqualucci, bibliothécaire-adjoint de la B. Victor-Emmanuel à Rome, a
entrepris la publication des œuvres complètes de l'abbé Tosti, revues et augmentées
par l'éminent bénédictin. UHistoire du Mont-Cassin de 3 volumes sera portée à 4.
La souscription aux 20 volumes est ouverte au prix de 4 francs le volume. Le pre-
mier paraîtra au mois d'août.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 12 juin 188^.
M. Ernest Desjardins, président, annonce la mort de M. Léon Renier, membre
ordinaire de l'Académie. La téance est le\ée en signe de deuil.
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNESi LEKOUX.
Lf- PuY. ■mprir.'ierje de. Mai-chcs^ct-u. ■fils, boulevard S air: i~ Laurent., ï.?-
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 26 _ 29 juin - 1885
Soniits:aire : io8. G. CuRTius, (^-itique de la nouvelle linguistique. — 109. De
RoNCHAUD, La tapisserie dans l'antiquité. — iio. Rosenthal, Contributions à
l'histoire du droit municipal allemand. — 11 i. Œuvres de La Fontaine, II,
p. p. H. Régnier; Mémoires de Saint-Simon, IV, p. p. de Boislisi.e.— Chronique.
— Académie des Inscriptions. — Société des Antiquaires de France.
108. — Georg. CuRTius. iZuf a^cilik <J4>'ï- ticîjf&Seai î-'.jn-:tc8Bfoj'Ec!iunë.
Leipzig, S. Hirzel, iS85. Un vol. in-8, lôi p. Prix : 2 mark Go.
I
Ce nouvel ouvrage de M. G. Curtius est divisé en quatre parties dont
chacune est consacrée à l'examen critique d'une des principales ques-
tions qui forment comme le credo des néo-grammairiens .
La première traite des lois phonétiques. Sont- elles absolues comme
tend à le croire l'école nouvelle? M. C. est d'une opinion différente. Il
triomphe du reste facilement sur ce point, soit en montrant les contra-
dictions et les hésitations des néo-grammairiens eux-mêmes, soit en
établissant par plusieurs exemples l'impossibilité de mettre les faits d'ac-
cord avec le principe qu'il combat. Mais ses raisons sont moins con-
cluantes quand il essaie de préciser l'idée qu'il s'est faite des lois phoné-
tiques et de leur portée. Certaines modifications, dit-il en substance, en
répétant une théorie déjà exposée par lui dans ses Principes d'étymolo-
gie grecque, ont un caractère constant, tandis que d'autres sont spora-
diques. Or quelle prise une pareille manière de voir ne laisse-t-elle pas
aux explications arbitraires, et si tel était le dernier rnot de la science,
n y aurait-il pas lieu de désespérer d'arriver jamais à pouvoir appliquer
à la grammaire historique une méthode critique invariable et sûre? On ne
peut qu'approuver M.C. quand il blâme l'abus qu'on fait dans la nou-
velle école du mot impossible, à propos de telle ou telle explication de
détail ; on en use en effet un peu trop facilement et d'une manière un peu
trop dogmatique, étant donné l'état actuel de nos connaissances. Mais
le but auquel tous doivent tendre est de faire qu'on puisse s'en servir
un jour avec certitude. Une science sans critérium n'est pas une science,
et nul critérium ne saurait exister en matière de science du langage tant
qu'à côté des faits constants, c'est-à-dire soumis à des lois, on en ad-
mettra de sporadiques, c'est-à-dire ayant une origine arbitraire. Faut-il
ajouter que si la nature des choses était ainsi, il faudrait bien en pren-
are son parti et renoncer à faire de la linguistique une science positive.
Mais il reste à le prouver, et l'on ne saurait voir un motif suffisant pour
Nouvelle série, XIX, 26
5o2 REVUK CHIIIQUK
renoncer dans ce domaine à l'établissement d'une méthode "énérale,
dans l'analogie que M. C. établit, entre le développement du langage et
celui du droit, des mœurs et de la vie politique des nations. Là aussi, en
effet, il s'agit de savoir sMl n'y a pas entre les phénomènes observés des
relations nécessaires de causes à effets, et la tâche des historiens, eu égard
à la recherche de ces causes, ressemble beaucoup à celle des grammairiens
à la piste des lois du langage.
Les pressentiments fondés sur la logique pure semblent donc à cet
égard en contradiction avec les faits invoqués par M. C. : les lois pho-
nétiques devraient être générales et paraissent ne pas Fétre; voilà qui
est incontestable, et cependant nous ne croyons pas que les termes de
cette antinomie soient radicalement inconciliables '.
II
Dans la seconde partie de son opuscule, M. C. traite de l'analogie.
Mais est-ce bien l'analogie qu'il faut dire? L'auteur, en effet, n'a pas de
peine à faire voir que l'analogie dont il va s'occuper, et telle que l'en-
tendent les néo-grammairiens est, pour ainsi dire, l'opposé de l'àvaXo^ia
des anciens. C'est qu'en réalité il y a deux sortes d'analogies; ou plu-
tôt, il y a l'analogie proprement dite et la fausse analogie, ou la conta-
mination analogique : c'est de cette dernière qu'il s'agit. Il eût été bon
d'ailleurs de les distinguer nettement l'une de l'autre, nous essaierons
de le faire, au défaut de M. Curtius.
La véritable analogie donne naissance à un mot nouveau en ajoutant
à un radical déjà en usage dans des formes voisines pour le sens géné-
ral, une désinence commune à tous ceux qui appartiennent à la caté-
gorie grammaticale dans laquelle il doit se ranger. Exemple : amabilis,
formé du thème ama contenu dans amare et de la finale bilis, propre à
toute une série d'adjectifs latins à sens voisin de celui des participes
futurs passifs, comme laudabilis, terribilis^ etc. Ce procédé, que l'ex-
tinction des lois phonétiques détruites par la grammaire, a rendu le
facteur unique ou à peu près des formes nouvelles dans les langues
modernes, a été pourtant fécond de très bonne heure; c'est à lui qu'est
dû le développement de la déclinaison et de la conjugaison dont il a
propagé les formes à l'infini.
La contamination agit d'une tout autre manière. Elle ne crée pas de
mots nouveaux, mais elle modifie la forme des anciens, sous l'influence
et d'après des termes appartenant à une catégorie voisine de ceux-ci, au
double point de vue significatif et phonétique. C'est ainsi qu'en grec,
selon M. G. Meyer % une seconde personne du singulier au présent de
l'indicatif actif, ayant passé de çépeai à çépît, conformément à la loi qui
fait tomber en cette langue un c placé entre deux voyelles, s'est trans-
I. Les idées de l'auteur de cet article sur la question ont été exposés dans la
Revue de Linguistique, n'^ du i5 octobre 1884, p. 36i, scqq.
1. Gr. Giani., g 447.
D HISTOIRE KT DE LITTERATURE DOD
formée de nouveau en çépetç par analogie avec la finale ç employée
comme désinence secondaire, par exemple à la seconde personne du sin-
gulier de rimparfait actif csspô;.
Cet exemple fait voir d'ailleurs que la contamination se distingue encore
de l'analogie proprement dite en ce que celle-ci est indispensable au dé-
veloppement des séries grammaticales et reste d'un usage constant dans
les langues modernes, tandis que celle-là n'est pas nécessitée par les exi-
gences de la vie du langage et qu'elle est incompatible avec la fixité relative
des langues littéraires. Nées de confusions imputables principalement à
l'ignorance, lescontaminationsapparaissent surtoutaux époquesd'un re-
tour de la civilisation à la barbarie (comme à la chute de l'Empire romain
et au moment de la naissance des langues romanes) et quand la langue
populaire est doublée d'une langue littéraire en décadence ignorée ou
oubliée de ceux qui font usage de la première, et leur offrant matière à
de fréquentes erreurs s''ils essaient de s'en servir. Quoi qu'il en soit, la
contamination analogique ne saurait être déterminée avec certitude que si
Tantécédent de la forme contaminée s'est conservé auprès de celle-ci ;
malheureusement, ce n'est presque jamais le cas pour les perturbations
phonétiques que les fondateurs de la nouvelle école rapportent sans hé-
siter, même en l'absence de tout moyen de contrôle direct, au phéno-
mène en question. De là les objections très fortes que M. C. fait valoir
contre leur méthode à cet égard. Où est, en effet, si nous reprenons
l'exemple cité plus haut, la preuve du changement de l'hypothétique
oipti(2^ pers. du sing.) en oépsiç sous l'influence d'Isspîç? Nulle part
ailleurs que dans le caractère absolu attribué à la loi phonétique qui a
dû faire tomber le a de ziptai — sk. bhdrasi et la difficulté d'expliquer
autrement la substitution de ©épsiç à çépei.
Nous approuvons donc entièrement la critique de M. G. et nous
croyons qu'on ne doit avoir recours aux explications fondées sur la
contamination, en ce qui concerne la langue mère et ses descendants
immédiats, qu'avec une extrême circonspection et seulement quand on
dispose à cet effet d'une circonstance directement probante.
Nous sommes moins disposé à suivre le savant linguiste quand il es-
saie de démontrer plus loin le caractère arbitraire de certaines modifica-
tions antiques du langage.
La réduction de àij.stpopsuç, par exemple, à i]}.<^oç,tbc, est le résultat
d'une contraction qui diffère peu de celle de eu^aTépa; en Guvatpaç.
La réduction, évidemment arbitraire, d'un nom propre comme
Zz:SQ.T.r.o- en li\)'0.q paraît plus concluante et a ses analogues dans des
langues modernes. Mais ce procédé n'a rien de primitif, ni de naturel,
comme le montre bien la forme complexe du mot qui sert d'exemple.
C'est le résultat d'une sorte de convention qui ne peut guère s'établir
qu'au sein d'une famille à propos d'un nom propre ou, d'une manière
générale, parmi les membres d'une société secrète qui s'essaient de parti
pris, à ne s'entendre qu'entre-eux. Une chose sûre, c'est qu'un sembla-
5 04 REvat; critiquk
ble moyen n'a rien de commun avec le développement normal du lan-
gage et peut difncilement aider à l'explication de ses formes primitives.
III
Dans la troisième partie M. C. aborde le vocalisme indo-européen,
et sur ce terrain, l'ancienne théorie de la division de Va primitif en a,
e, 0, chez les peuples d'Europe trouve en lui un défenseur persistant.
Il reconnaît pourtant qu'un argument considérable interviendrait en
faveur du caractère primordial de ïe gréco-latin et du changement de
ce son en a dans le rameau asiatique, si l'opinion de MM. Joh. Schmidt
et CoUitz sur Torigine des palatales en sanskrit sous l'influence des
sons / au e pouvait être admise sans réserve. Mais combien d'excep-
tions ne laisse-t-elle pas inexpliquées, à moins d'avoir recours aux effets
si difficiles à démontrer d'une manière convaincante de la contamina-
tion analogique?
M. C. présente beaucoup d'observations de détail qui tendent à faire
échec aux idées des novateurs sur le vocalisme primitif indo-européen,
et qui semblent exiger une réponse de leur part. Nous souhaiterons, dans
l'intérêt de la science qu'elle ne se fasse pas attendre trop longtemps, et
surtout qu'elle soit de nature à jeter un peu plus de lumière sur ces
question si difficiles et encore si obscures.
En ce qui regarde l'hypothèse de la nasale sonnante, M. G. indique
une difficulté que nous avons signalée de notre côté dans un opuscule
qui paraissait à peu près en même temps que le sien '. Il s'agit de la
chute de n comme mode d'affaiblissement d'une foule de formes en grec
et en sanskrit. Or si on a en grec iç à côté de âvç et, en sanskrit balisu
auprès d'un thème balin où la nasale a disparu sans laisser aucune trace,
il est difficile d'échapper à l'idée qu'il a pu en être de même pour Taxcç,
tatd-s, etc. Ici encore on attend avec une impatiente curiosité la réponse
des auteurs ou des défenseurs du système.
M. G. rencontrera une adhésion moins facile, à notre avis, quand il
proteste contre la mort du gouna proclamée dans une formule devenue
célèbre par M. L. Havet, il y a quelques années déjà. Ici, les objections
du savant professeur de Leipzig ont un caractère tout particulier de
faiblesse; on dirait qu'il ne résiste guère que pour l'honneur. En tous
cas, il est besoin, pour ressusciter le, gouna, d'une évocation autrement
puissante que celle qui consiste à faire appel à l'analogie de la vriddhi
du sanskrit, dont le caractère artificiel est, en général, si manifeste.
IV
Faut-il considérer les questions qui touchent d'une manière générale
à la morphologie de la période d'unité indo-européenne comme inac-
cessibles à jamais à la science, et, par conséquent, les études qui s'y
i. Mélanges de linguistique indo-européenne, Paris, Vieweg, i885.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE DOO
rapportent sont-elles vouées à une irrémédiable stérilité; ou bien peut-
on fonder quelque espérance de progrès réel en suivant cette voie? Tel
est Tobjet de la discussion à laquelle M. C. consacre la quatrième et
dernière partie de son travail.
L'école nouvelle accuse, en général, des tendances favorables à la pre-
mière de ces alternatives, tandis que M. C, fidèle aux vues qui l'ont
guidé dans son ouvrage sur la Chronologie dans la formation des
langues indo- germaniques , est favorable à la seconde.
Nous nous bornerons à ajouter aux siennes quelques considérations
qui les corroborent.
En ce qui regarde la morphologie proethnique, nous ferons remar-
quer que certaines manières, communes à toutes les écoles, d'exposer
les généralités, impliquent une opinion sur la structure et les combinai-
naisons primitives des éléments du langage. Les idées qui ont cours, par
exemple, sur l'analyse des formes verbales qui dépendent de la conju-
gaison thématique, comme o£p-i-[j.£v, en sont la preuve; ces idées en-
traînent l'hypothèse du monosyllabisme des racines contenues dans les
formes en question. Des motifs qui ne manquent pas de poids militent
en faveur de cette manière de voir, bien que celle qui consisterait à
considérer les racines des mêmes verbes comme bisyllabiques l'emporte
à notre avis, en vraisemblance. On peut en conclure que, dans la pra-
tique, personne ne regarde ces questions comme insolubles, et qu''il
n'est guère possible de faire de la grammaire historique sans en tran-
cher quelques-unes d'une manière au moins provisoire.
Pour la même époque, les problèmes phonétiques nous paraissent,
comme à M. C, offrir souvent matière à des discussions utiles et même
à des solutions à peu près sûres. On objecte en vain que nous ne pou-
vons rien savoir des lois qui ont prévalu pendant la période d'unité. Si
les faits positifs, matériels nous échappent à tout jamais, il nous reste
l'induction. En bonne logique, nous sommes, ce nous semble, tout-à-
fait autorisés à attribuer à la période d'unité les mêmes lois phonétiques
dont nous constatons l'existence dans tous les dialectes de première for-
mation, ou dans la plupart d'entre eux. Citons en première ligne la
contraction sous toutes ses formes, l'influence assimilatrice d'un son
donné sur celui qui le précède, le rhotacisme de s, au moins dans cer-
taines positions, le larabdacisme de r, la dégradation vocalique de o en
z/, de ai, ei, e en î et i et même de a en e, etc. Voilà autant de faits gé-
néraux qu'il nous est rationnellement permis de transporter de chez ses
filles directes dans la langue mère. Aucune science du reste ne se prive
d'une méthode aussi légitime et nous ne voyons pas pourquoi on l'in-
terdirait à celle du langage.
Bien que très souvent d'accord avec M. C. dans sa polémique contre
les doctrines nouvelles, nous ne dissimulerons pas que l'impression qui
résulte pour nous de l'ensemble de la discussion est bien différente des
espérances qui ont soutenu l'auteur. Quelque large prise qu'offrent à la
^5o6 REVU!' CRITIQUE
critique les théories de MM. Brugmann, Osthoff, de Saussure, etc., on
ne saurait méconnaître qu'elles ont donné une impulsion aux études
de linguistique indo-européenne qui viendra difficilement s'éteindre
à son point de départ. Que ces théories soient appelées à se développer
et à se modifier profondément, c'est possible et même probable; mais
celles qui les ont précédées n'ont guère de chances, croyons-nous, de
tirer profit de telles circonstances. Bien des parties du système de Bopp
sont irrémédiablement condamnées et le mieux serait encore d'en faire
son deuil.
On comprend, il est vrai, que ce parti coûte à prendre aux meilleurs
disciples de Tillustre fondateur de la grammaire comparée indo-euro-
péenne; mais dans le naufrage qui les appauvrit, ils ne sont pas sans
consolations. M. Curtius surtout a tracé un tel sillon dans le champ
de la linguistique, ses travaux si estimés et si utiles malgré tout, ont
tellement contribué à frayer la voie aux découvertes nouvelles, que sa
gloire survivra à certaines idées défendues par lui avec plus de courage
que de succès et qu'il restera pour tous, sans distinction d'écoles, un
maître respecté et admiré.
Paul Regnaud.
log. — La tapisserie dans l'antiquité, le péplos d'Athéné ; la décoration
intérieure du Parthénon restituée d'après un passage d'Euripide, par Louis de
RoNCUAUD. (Bibliothèque internationale de l'art). Paris, Rouam, 1884. In-8,
ib-j pages.
L'ouvrage dont nous avons à rendre compte est le développement
d'une série d'articles fort remarqués qui ont paru en 1872 dans la
Revue archéologique. Le véritable sujet est le péplos d'Athéné et la dé-
coration intérieure du Parthénon. L'auteur cherche à restituer
dans tout son luxe et son éclat ce qu'il appelle la Chambre de la
Vierge, formée par la colonnade intérieure de ÏHécatompédon., et par un
système de draperies suspendues dans les entrecolonnements. Mais
avant d'arriver au détail de cette restitution, et pour mieux la faire
comprendre, il rassemble tout ce qu'on peut savoir sur la tapisserie
dans l'antiquité.
Le premier chapitre traite de l'histoire de la tapisserie et de la brode-
rie dans le monde antique, chez les Egyptiens, les Hébreux, les Assy-
riens, les Babyloniens, les Indiens, les Arabes, les Phrygiens, les Ly-
diens, les Phéniciens, les Grecs, les Romains. C'est un excellent résumé,
où l'auteur n'a négligé aucun détail important et pour lequel il a su
mettre à profit, avec une grande sagacité, les textes aussi bien que les
monuments archéologiques. On peut s'étonner seulement que dans cette
histoire aucune place n'ait été faite aux Etrusques. Les peintures de
Cornéto, les sarcophages coloriés de Géré et de Volterra témoignent
o'HrsroiRK ET DK littératuke 5o7
surabondamment du goût des populations étrusques pour les étoffes
brodées et les tapis. A propos des trésorsdes temples (p. 9) et des mysté-
rieux souterrains où s'entassaient les offrandes et les richesses sacrées,
il n'eût pas élé inutile de signaler les trésors des cités grecques à Olym-
pie et le célèbre trésor de Gurium découvert à Chypre par le général
de Cesnola.
Sans insister sur le chapitre fort intéressant où Tauieur a groupé
les renseignements fournis par Tantiquité sur la technique et les
instruments du tissage, je passe à la partie de l'ouvrage consacrée à
l'emploi des étoffes brodées et des tapisseries dans la décoration des
monuments. Avec beaucoup de raison, M. de R. y réfute la théorie
trop absolue de Semper qui rattache étroitement l'art de tisser à
l'art de bâtir et fait dériver l'un de l'autre. Il montre qu'en réalité
l'art de tisser s'est produit d'une manière indépendante. Il trouve con-
tre la thèse de Semper des arguments dans les usages des sauvages
modernes qui savent tisser et ne savent pas bâtir. Je crois qu'à ces
arguments il eût été possible d'ajouter d'autres preuves tirées de l'ar-
chéologie antique. Les plus anciennes poteries de l'Italie, les poteries
des terramares et celles de Villanova, œuvres de populations barbares
qui ne savaient guère construire que des huttes en terre battue, semblent
prouver, par leur ornementation géométrique, que l'art du tissage était
tamilier à ces civilisations encore élémentaires. Cette ornementation
s'explique difficilement si on ne suppose pas qu'elle reproduit l'aspect
des tresses de ficelles, de laines ou de roseaux dont on entourait la panse
et le col des vases, alors que faute desavoir bien cuire les poteries on ne
pouvait avoir des anses solides à la main et que pour les suspendre ou
les porter, il fallait les garnir d'une sorte de manchon, comme cela se
pratique encore aujourd''hui pour les i'vagllesjiaschi de la Toscane.
Les chapitres IV et V traitent des tentes et des statues peintes et habil-
lées. A propos des tentes dressées prés des sanctuaires qui servaient de
lieu de pèlerinage à certaines grandes fêtes périodiques, on pouvait ren-
voyer à l'importante inscription d'Andanie(LeBas et Foucart, Inscrip-
tions du Péloponnèse, n" 326»).
M. de R. arrive enfin à ce qui fait le sujet principal et le but de son
ouvrage, à la restitution de la décoration intérieure du Parthénon. Les
données précises qu'il a recueillies dans les chapitres précédents lui ren-
dent désormais la tâche plus facile. Il n'a plus qu'à appliquer au sanc-
tuaire d'Athéné Parthénos les principes qu'il a observés dans la plu-
part des édifices sacrés de l'antiquité. Se fondant sur un important
passage de VIon d'Euripide, où il voit avec raison une allusion au tem-
ple d'Athéné à l'Acropole, il suppose que dans les entrecolonnements du
portique intérieur du naos, à la galerie supérieure, comme à la galerie
du rez-de-chaussée, étaient attachées des tapisseries verticales formant
autour de la statue chryséléphantine un rideau continu, et qu'au dessus
de la statue, d'autres tapisseries tendues presque horizontalement cou-
5o8 RKVUE CRITiQOK
vraient le naos d'une sorte de voûte. La statue se trouvait ainsi enfer-
mée dans une tente. J'avoue que ce système de décoration me paraît
difficile à admettre. Les objections de M. Chipiez subsistent entières.
Dans rhypotlièse de M. de R. l'éclairage du naos est bien compromis.
La partie centrale seule peut recevoir la lumière. Le portique intérieur,
avec toutes les draperies qui ferment les entrecolonnements au rez-de-
chaussée et à l'étage supérieur, reste forcément dans l'obscurité. M. de
R. incline aussi à penser qu'il y avait des tapisseries dans les entrecolon-
nements des portiques extérieurs, de telle sorte qu'on pût se promener
à l'ombre tout autour du monument. La conjecture est peu vraisembla-
ble. En somme, je crois, avec M. Chipiez, que s'il y a jamais eu des
tapisseries à l'intérieur ou à l'extérieur du Parthénon, cette décoration
n'a été que temporaire, comme celle qu'on voit dans nos églises à cer-
taines cérémonies. Du reste le passage d'Euripide, sur lequel se fonde
M. de R., indique une décoration temporaire, puisque c'est en vue
d'un sacrifice déterminé que le jeune Ion construit sa tente.
L'ouvrage de M. de R. soulève une multitude de questions curieuses
sur lesquelles il y aurait lieu de revenir. J'ai seulement voulu en mon-
trer l'intérêt par une courte analyse. Le problème n'est pas entière-
ment résolu, mais il est posé d'une façon nette et l'auteur fournit des
faits nombreux pour la solution définitive. Il est désormais certain que
la tapisserie a joué un rôle important dans la décoration monumentale
de l'antiquité.
Est-il nécessaire d'ajouter que le livre de M. de Ronchaud est écrit
avec une claire simplicité et une vivacité de style qui sont un charme
pour le lecteur? Ne sait-on pas à quoi l'on peut s'attendre quand on
prend en main un livre signé de ce nom ?
Jules Martha.
Iio. — Oeîtraege zui* deutsclien Stadtrcelitsgescliictitc, von D"" Eduard
RosENTHAL, Piïvatdocent an der Universitaet lena. Het't I-II, Zur Rechtsgeschi-
chte der Staedtc Landshut und Straubing. Wûrzburg, Stuber, i883, ix, B'iy p.
In-8. Prix : 8 fr. -jb.
Cette contribution à l'histoire du droit municipal allemand présentera
de l'intérêt pour les écrivains qui s'occupent de l'histoire du droit ger-
manique au moyen-âge, comme pour les savants qui se livrent à l'étude
du développement des villes d'Allemagne à cette époque, La plupart des
cités les plus importantes de ce pays sont devenues assez rapidement vil-
les libres et villes impériales; ce qui fait l'originalité des deux cités de
Straubing et de Landshut, dont M. Rosenthal s'occupe dans les premiers
fascicules d'un travail de longue haleine, c'est qu'elles sont restées sou-
mises à l'autorité d'un seigneur territorial, tout en développant leurs
droits municipaux et leur juridiction particulière.
û'histoirk et de littérature 5 09
Fondée en 1204 par Louis de Wittelsbach, Landshut est devenu en
î 255 capitale du duché de la Bavière inférieure et c'est à son Stadtrecht
de 1279 que se rapportent tous les développements ultérieurs dont
M. R. s'est fait l'historien et le commentateur minutieux, en s'appuyant
principalement sur le Stadtbuch ou Codex officiel dans lequel les secré-
taires du conseil ont transcrit successivement tous les privilèges ducaux
et les règlements autonomes du magistrat sur toutes les matières d'inté-
rêt public. L'auteur nous fait passer en revue l'organisation du conseil,
les prérogatives de la bourgeoisie, les règlements de la procédure civile
et criminelle, le droit commercial, etc. Nous signalons comme particu-
lièrement intéressantes les lois relatives à l'organisation de la famille, le
droit matrimonial et la législation des héritages. Mentionnons aussi le
serment caractéristique imposé aux Juifs (p. 198].
Pour Straubing, c'est un autre recueil, le Livre 7'oiige, compilé sur
les coutumes locales par un des greffiers de la ville, qui a servi de source
principale au savant d'Iéna. Il a été écrit de 1472 à 1482 ; mais il ren-
ferme des éléments beaucoup plus anciens. Straubing existait déjà du
temps des Romains sous le nom de Sorviodurum, et figure dans les
chartes de Louis-le-Germanique. C'est en 1208 qu'elle reçut ses pre-
mières franchises municipales des mains de Louis de Bavière. L'auteur
a exposé sa législation spéciale d'après le même plan qu'il a employé
pour celle de Straubing. Nous ne sommes pas suffisamment compétent
pour juger s'il y a des observations d'importance majeure à présenter à
M. Rosenthal au point de vue plus spécialement juridique. Il aurait pu
en tout cas expliquer çà et là les expressions dialectiques de son texte,
qui embarrasseront certains lecteurs peu au courant de l'allemand du
moyen âge; il nous semble aussi qu'il y a par moments de véritables
fautes de lecture dans les pièces justificatives de ce consciencieux travail'.
R.
iii. — I^es grandis cci>Ivain$i «ïe la Fi'aiiee, nouvelles éditions publiées sous
la direction de M. Ad. Régnier, membre de l'Institut, sur les manuscrits, les
copies les plus authentiques et les plus anciennes impressions avec variantes,
notes, notices, portraits, etc.
— <M£uvi-es <le «ï. de E^a Fontaine, publiées par M. Henri Régnier.
Tome II. Paris, librairie Hachette, 1884. In-8 de 111-524 p.
Mémoîfos de «aînt-Sîmon, publiés par M. A. DE Boislisle. Tome IV.
Paris, librairie Hachette, 1884, in-8 de Syo p.
Je regarderais comme un pieux devoir de rendre hommage, au début
de ce compte-rendu, à la mémoire de M. Adolphe Régnier, si déjà la
I. Ainsi tout le monde ne devinera pas que Cliamer ^^ Kaemnerer, piiritinp^ -=2
burgding, chaeiijî =^ Kaufleute, P. 191 il ÏAul Vire andere farende haba pour andrew
farendew hab, etc.
5 lo REVUK CRITIQUE
Revue critique n'avait consacré un article spécial ^ à Téloge d'un des
hommes qui honoraient le plus la science française « autant par Pélé-
vation du caractère que par l'étendue et la profondeur de Pérudition ».
Kien ne pouvant être ajouté à des pages où nos regrets ont été si bien
exprimés, je me contenterai de dire ici combien je souhaite que « Pad-
mirablc collection des Grands écrivains de la France^ publiée sous sa
direction, véritable monument élevé à la gloire de notre littérature »,
reste toujours fidèle aux traditions laissées par Téminent critique, et
qu'elle continue à paraître en de telles conditions qu'il semble que ce
soit encore sous ses inappréciables auspices.
Résumons d'abord V Avertissement du tome II des Œuvres de La
Fontaine. M. Henri Régnier aurait voulu que les Fables tinssent en
deux volumes; mais il eût fallu pour cela « resserrer, appauvrir les
notices et le commentaire, les explications, rapprochements, accompa-
gnements divers, que comporte, à notre avis, cette partie des écrits de
La Fontaine la plus admirée à bon droit, et par suite la plus étudiée ».
Personne, j'en suis sûr, ne blâmera l'éditeur de s'être décidé à faire trois
volumes au lieu de deux, et, pour ma part, je l'en félicite vivement. Les
bonnes choses ne sont jamais trop abondantes, M. H. R. nous apprend
ensuite que le P. Ingold, bibliothécaire de l'Oratoire, lui a très obli-
geamment communiqué des papiers venant du P. Adry, qui permettent
de joindre à la Notice bibliographique quelques détails sur la compo-
sition du relevé des sources inséré, à la suite de chaque fable, dans les
deux volumes publiés, en 1825, par A. G. M. Robert, qui ont été
depuis d'un très grand secours aux éditeurs de La Fontaine. 11 nous
apprend encore qu'un savant et aimable bibliophile, M. le marquis de
Queux de Saint-Hilaire, a mis à sa disposition la sténographie du cours
fait à la Sorbonne par Saint-Marc Girardin sur le grand fabuliste en
1858-1859, ce qui a fourni quelques additions aux leçons imprimées
par l'auteur en 1867. C'est dans la précieuse collection du même érudit
que sont conservés les manuscrits relatifs à La Fontaine trouvés dans
l'héritage de l'ancien inspecteur général de TUniversité Noël, manus-
crits que l'on supposait pouvoir être une riche mine de notes, de recher-
ches. Mais hélas! On n'a que trop le droit de leur appliquer le dernier
vers de la fable le Chameau et les Bâtons flottants :
De loin c'est quelque chose, et de près ce n'est rien.
Ce n'est rien, en effet, que cet amas de fables latines, écrites du xv'= au
XVIII* siècle, tirées par Noël de recueils imprimés tous bien connus et
copiées de sa main avec une patience digne d'un meilleur emploi. En-
fin, M. H. R. loue beaucoup et même avec renfort de citation latine
(p. iii) le récent travail de M. Léopold Hervieux "^ et lui emprunte
I. N" du 3 novembre 1884, p. 37g-38i.
1. Les Fabulistes latins depuis le siècle d'Auguste jusqu'à la fin du moyen dge
(Paris, 1884). Nous avons rencontré peu d'œuvres philologiques qui soient preuve
d'histoire et de LITTÉR.VTU«E 5 I [
cette rectification : « Si nous avions lu à temps la dissertation de
M. Hervieux (tome I, p. 434-452) sur l'Anonyme de Nevelet, nous
n'aurions pas rédigé comme nous Pavons fait la note i de la page 28.
Il faut renoncer à faire honneur affirmativement à un Ugobardus Sul-
monensis de ces fables latines en vers élégiaques, et substituer à ce nom,
avec grande Vraisemblance, celui de Walther l'Anglais, chapelain du
roi d'Angleterre Henri II ^ »
J'ai donné beaucoup d'éloges au tome I des Œuvres de La Fon-
taine"; le tome II n'en mérite pas moins. Il semble même, si c'est
possible, qu'il en mérite encore davantage, car on a tenu compte dans
une certaine mesure des desiderata indiqués dans la Revue critique,
et, par exemple, on a plus souvent mis à profit les fines remarques de
Charles Nodier et les consciencieuses études de Solvet. Sans doute,
malgré toute la splendide richesse de l'annotation, il y aurait, pour
plusieurs fables, de nouveaux rapprochements à signaler ', mais vouloir
être absolument complet en une semblable matière qui s'étend, pour
ainsi dire, jusqu'à l'infini, ne serait-ce pas poursuivre ce que La Fon-
taine appelle une chimère vaine? Nos observations ne s'appliqueront
donc pas à telle ou telle petite lacune dans les notices qui précèdent
chaque fable, notices qui parfois occupent trois ou quatre pages, comme
pour Les Deux Pigeons (p. 358-36 1), et même six pages, comme pour
Les Animaux malades de la peste (p. 88 94) '''. Je me bornerai à relever
quelques peccadilles de l'annotation. Tantôt on donne à la pubhcation
du Dictionnaire de Richelet la date de 1679 et tantôt celle de 1680
(pp. 5i, 59, i33, i58, 174, 175, 195, 262, etc.). Je crois que cette
de si courageuse et si infatigable diligence, peu d'auteurs auxquels puisse mieux
s'appliquer, pour chacune des recherches à faire, le vers de Lucain (livre II,
vers 657) :
Nil actum credens qiium quid superesset agendum.
1. Cette attribution elle-même est fort contestable; voyez dans le Journal des
Savants de décembre 1884 et janvier i885 mes deux articles sur le livre de
M. Hervieux. — G. P.
2. N" du 29 octobre i883, p. 337-344.
3. En voici du moins un pour la fable Le rat et Vhuitre (p. 52 1) : on a publié à
Aix, en 1629, chez Etienne David, une plaquette in-40 excessivement rare, recueil
de pièces de vers latins, français et provençaux relatives à une souris qui, dans la
cuisine de l'archevêque de cette ville, devenu le cardinal de Lyon, Alphonse de Ri-
chelieu, frère du Grand ministre, se trouva prise entre les écailles d'une huitre. Ce
recueil est intitulé : Osireomyomachia seii ostrece et mûris piigna, >nors, cenota-
phium, d'apotheosis. Je donnerai prochainement, à la suite de Lettres inédites de Guil-
laume Abbatia, un des poètes qui chantèrent la lutte tragi-comique de la souris et
de l'huitre, je donnerai, dis-je, quelques détails sur ce curieux recueil dont on ne
connaît que deux exemplaires, un dans la collection de M. le marquis de Lagoy,
l'autre dans la bibliothèque de Carpentras.
4. Pour bon nombre de fables i! y aurait à répéter cette phrase de la notice (de
quatre pages) sur le Discours à Madame de la Sablière (p. 454) : « On pourrait
faire abonder les renvois aux livres qui ont traité la question ou qui prêtent à des
rapprochements avec la manière dont le poète l'a traitée. »
5 r 2 REVUE CRITIQUE
dernière date est la bonne, si j'en Juge soit par les meilleurs livres de
bibliographie, soit par les divers exemplaires de la première édition que
j'ai eu l'occasion de voir. — Ce n'était point un vautour (p. 1 36, note 1 1)
qui « dévorait le foie sans cesse renaissant » de Prométhée; c'était un
aigle. Charles Estienne, l'auteur du premier des dictionnaires histori-
ques, géographiques et mythologiques connus, le Bouillet du xvie siè-
cle, a résumé en ces termes Topinion la plus répandue dans Pantiquité
sur le châtiment infligé par Jupiter à l'audacieux Prométhée : « Aqui-
lam que adhibet jecur ejus assidue depascentem ', » ce qui n'empêche
pas le légendaire vautour d'être presque toujours substitué à Paigle
classique. — Ce n'est pas assez de dire (p. r62_, note 4) qu'une tradition,
il est vrai, contestable, veut que Sixte-Quint ait été porcher. Je propose
de remplacer contestable par fabuleuse. Tout le monde sait que ie
prétendu gardeur de porcs a été imaginé par Gregorio Leti et que ce.
romancier a été depuis longtemps convaincu de mensonge, à cet égard,
comme à l'égard des feintes infirmités du cardinal de Montalte, par un
consciencieux biographe, le cordelîer Tempesti, dont les deux accablants
volumes in-4'' ont paru à Rome en 1754. — Je n'ajouterai qu'un mot
pour confirmer une explication donnée par Boissonade (p. i35, note 4)
de la manière dont La Fontaine a écrit le dernier mot de ce vers :
Mars autrefois mit tout l'air en émute.
Etnute, selon le célèbre philologue, « est quelque prononciation de
province ». Cela est si vrai que j'ai moi-même entendu, quand j'étais
élève au collège royal de Cahors, le censeur des études, M. H. de Bau-
dus, alors déjà sexagénaire, s'écrier, un jour que nous faisions, au
réfectoire, une orageuse manifestation : Messieurs, c'est donc une
émute ?
Le tome IV des Mémoires de Saint-Simon renferme le récit des évé-
nements de l'année 1697 (p. i-258), un Appendice composé des Addi-
tions de Saint-Simon au Journal de Dangeau (p. 359-376) et de Notices
et pièces diverses (p. 377-519), d'additions et corrections (p. 521-544],
enfin de trois Tables (p. 447-579), la Table des sommaires qui sont en
marge du manuscrit, la Table alphabétique des noms propres et des
mots et locutions annotés dans les Mémoires, la Table de VAp'pendice.
Le commentaire de M. de Boislisle reste ce qu'il a été dans les trois
volumes précédents, c'est-à-dire digne de tous les éloges. Exactitude,
clarté, abondance, intérêt, ce commentaire possède au plus degré les
I. Dictionarium historicum, geographicum, poeticion aiithore Carolo Stephano...
(édition de iGJiS. Genevœ, typis Jacobi Store, colonne 1671). J'ai jadis protesté,
dans V Intermédiaire des chercheurs et curieux, contre la transformation de l'aigle
en vautour, ainsi que contre plusieurs autres petites erreurs qui courent les rues. On
retrouvera mes notules, les unes déjà publiées un peu partout, les autres encore iné-
dites, dans un volume que j'intitulerai : Mille et une rectifications.
0 HISTOIRK KT DK J.lTf l'.ti AT (JR K 5l3
qualités les plus désirables. Je l'ai déjà dit et redit ici ', et je ne puis
me lasser de le redire encore.
Parmi les notes les plus remarquables j'indiquerai celles qui concer-
nent divers membres de la famille Bignon (p. i-3), Louis Urbain Le-
fèvre de Gaumartin (p. 5-6), Gabriel Nicolas de La Reynie (p, (O-12),
ledoyen du Gonseil, Pussort (p. i3-i5),le chevalier de Gaylus(p. 17-
i8),MM.deRuvigny (p. 20-27), lecomte de Briord (p. 34-35), le marquis
de Malauze (p. 36-39), MM. de Noailles (p. 78-80), le président et la
présidente Tambonneau (p. 11 3- 114), les comédiens italiens chassés par
Louis XIV (p. 124-127), J. B. de Santeul (p. 248-250), Le Peletier et
sa famille (p. 258-273), MM. de Bonrepaus et de Bonnac (p.- 279-283),
le comte d'Aubigné, frère de M™^ de Maintenon (p. 292-301), le châ-
teau d'Anet (p. 425), La Varenne (p. 327-33o), Béatrix de Cusance,
veuve du comte de Gantecroix et femme de Gharles IV, duc de Lorraine
(p. 335), le prince et la princesse de Vaudémont (p. 340-347), la Mo-
resse, religieuse à Moret « fort énigmatique, » comme dit Saint-Simon
(p. 354-358). Quelques-unes des notes sont accompagnées de documents
inédits : c'est ainsi, par exemple, que (p. 2o5) nous trouvons une lettre
du cardinal de Polignac à Pontchartrain, du i5 mars 1697, et (p. 246)
une lettre du cardinal de Janson au même ministre, du 22 juillet de la
même année. Une seule fois M. de B. n'a pu rien nous apprendre sur
un des si nombreux personnages qui, français ou étrangers, figurent
dans le volume : rencontrant le nom de M"^ Panache (p. 5 i), il dit avec
une résignation qui a dû fort lui coûter : « nous n'avons trouvé aucun
renseignement sur cette femme. » Je doute qu'aucun chercheur soit, en
ce qui regarde cette singulière M™e Panache, jamais plus heureux que
lui.
Je me flattais tout d'abord de pouvoir contester ou compléter quelques-
unes des assertions du commentateur. Ses additions et corrections
m'en ont presque enlevé jusqu'aux plus petites occasions. L'infiniment
peu qu'il m'a laissé à dire se réduit à ceci : Sur Michel-François de
Verthamon (p. 3i, note 7) il y aurait eu à citer un recueil manuscrit de
la Bibliothèque nationale qui est fort précieux et qui contient la biogra-
phie très fidèle et très détaillée de tous les maîtres de requêtes antérieurs
au xvjn^ siècle, avec leur généalogie, recueil inscrit dans le fonds fran-
çais sous le n° 14018. Pour la seconde maréchale d'Estrades, Marie
d'Aligre (p. 4, note i), on aurait pu renvoyer à divers passages de la
correspondance de Bussy-Rabutin et à d'autres témoignages consignés
dans V Introduction à la Relation inédite de la défense de Dunkerque
(1872, in-8% p. 19, note 3). M. de B. attribue aux secondes noces du
maréchal qui, selon le mot pittoresque de M"Me Montpensier, « vendoit
bien sa vieille peau % » la date du 9 juin 1678 et à la mort de la fille
1. Voir, dans le n" du 29 mars 1880, le compte-rendu des tomes précédents
(p. 235-261).
2. Le maréchal n'avait pas moins de 72 ans; sa nouvelle femme en avait 46.
5 14 UhVUK CKITIQUK
du chancelier, la date du 2 février 1724. Dans la note que je viens d'in-
voquer, J'avais indiqué des dates différentes, g juin 1679 pour le second
mariage, 12 février 1724 pour le décès de la seconde maréchale. Je
n'ose défendre mes dates contre celles de M. de B., ne saciiant trop à
quinze ans de distance (j'épargne à mes lecteurs l'inévitable citation du
mot de Tacite), ne sachant trop, dis-je, où je suis allé prendre mes in-
formations. Les anciens répétaient : Ne luttons point contre Hercule.
Au sujet de La Reynie (p. 10). on aurait pu rappeler que les Archives
de la Bastille de feu M. François Ravaisson, renferment beaucoup de
documents émanés de ce magistrat sur lequel on trouve une notice
étendue dans le manuscrit du F. F. 14018 tout à Theure cité. A propos
des « embellissements dignes d'une maison royale » faits à Liancourt
par a la sainte duchesse » (Jeanne de Schomberg), on aurait pu rappro-
cher des deux recueils, l'un poétique, Tautre géographique, de Charles de
Sercy et de l'abbé d'Expilly, les descriptions données par Tallemant des
Kéixnx {Historiettes, t. Vil, p. 3o3) et par un intime ami des maîtres
de la maison, l'abbé J. J. Boileau, qui s'extasie sur l'extraordinaire
beauté des jardins et les met au-dessus des plus admirables jardins de la
France '. En regard de ce que rapporte Saint-Simon touchant les con-
versations de Louis XIV avec Georges d''Aubusson de La Feuillade,
évêque de Metz et ancien archevêque d'Embrun, il aurait été bonde
citer ce qu'on lit dans les Mémoires du marquis de Sourcbes (tome III,
p. 476) : « De tout temps il étoit en possession de railler avec le Roi,
qui le traitoit fort bien, etc. » Comment M. de B. a-t-il oublié, en ce
qui concerne la vie de Santeul, de mentionner les copieuses études
spéciales de M. Bonnetty (Annales de philosophie chrétienne, 1854) et
la fine et charmante notice de Sainte-Beuve ( Athenœum français de
septembre i855), et, en ce qui concerne le prétendu empoisonnement
du chanoine-poète, le démenti infligé à l'historiette par les Mémoires du
président Bouhier? — Une dernière observation : M. de B. place (p. 225)
le château de Faudoas entre Montauban et Toulouse. C'est exact, mais
c'est vague. A cette indication para peu près je substituerai cette indica-
tion précise : Le château de Faudoas était situé dans la commune ac-
tuelle de ce nom, département de Tarn-et-Garonne, arrondissement de
Castel-Sarrazin, canton de Beaumont: à 7 kilomètres de cette dernière
ville, à 44 kilomètres de Montauban,
Il ne me reste plus qu'à énumérer les notices et pièces diverses dont
la seconde partie de V Appendice est enrichie. On y remarque d'abord
(p. 376-439) une magistrale étude sur les Conseils sous Louis XIV,
étude qui sera continuée dans le volume suivant et qui complète tout ce
qu'on avait écrit jusqu'ici - sur leur composition et leurs attributions
I. J'ai reproduit celte description dans les A^o/c^5 sur la vie et les owrages de l'abbé
Boileau (1S77, in-S», p. 24).
•2. Indiquons seulement les travaux les plus récents, ceux de MM. Chéruel, Da-
reste, Alfred Maury, Aucoc, Valois, comte de Luçay.
i) HIS10IR1-. ;;t dk r.irri'.KATunK did
respectives. A la suite de cette monographie dont l'étendue est en rap-
port avec l'importance de cette partie si insuffisamment connue de notre
histoire administrative, on trouve (p. 440-442) un Factuin des ducs et
pairs à propos du procès du bailli d'Auvergne, extrait des manuscrits
Clairambault (p. 443); La duchesse de Valentinois, fragment inédit de
Saint-Simon, extrait du dépôt des affaires étrangères (p. 444-449); divers
documents relatifs à la disgrâce du comte de Roye (lettres de M. de
Cheverny, du comte de Roye, de Louis XIV et de M. de Meyercron,
envoyé danois, cette dernière communiquée par le directeur des archi-
ves privées de la couronne de Danemark); (p. 450-452) Oraisons
pieuses de la duchesse de Noailles d'après les originaux autographes de
la Bibliothèque nationale; (p. 453-456) Les deux Bouthillier de Cha^
vigny^ évêques de Troyes, fragment inédit de Saint-Simon; (p. 457-
463) Fragments de la correspondance du duc de Vendôme relatives à
la prise de Barcelone^ extraits du ms. Fr. 14177 (lettres du duc de
Vendôme, de la marquise de Maintenon, du roi Jacques d'Angleterre,
de Louis XIV, de la princesse de Conti, douairière, du duc du Maine);
(p. 464-487), Campagne de l'année i6gy en Allemagne, résumé des
opérations et lettres du maréchal de Ghoiseul, du comte de Chamilly,
de M. de Saint-Frémond, du marquis d^Huxelles, de Louis XIV, du
marquis de Villars, de M. de la Grange, intendant, du marquis d'Har-
court, de M. d'Arcy, le tout extrait du dépôt de la Guerre; (p. 482-502),
élection du prince de Conti au trône de Pologne, lettres du cardinal-
primat Radziciowski, des ambassadeurs, Tabbé de Polignac et l'abbé de
Châteauneuf, de Louis XIV, extraites du dépôt des affaires étrangè-
res '; (p. 5o3-5o5) un récit de la mort de Santeul qui dégage la respon-
sabilité de Monsieur le Duc (Archives nationales M 761); (p.566-5o7) La
démission du contrôleur général Le Peletier (deux lettres de ce dernier
à l'archevêque de Reims Le Tellier, extraites de la Bibliothèque de la
rue Richelieu); (p. 5o8), une note sur les postes sous Louis XIV ";
(p. 509-510) le Cardinal de Janson, fragment inédit de Saint-Simon ;
une Lettre de la mère de Saint-Simon au contrôleur général des finan-
ces, du 3o juillet 1 697 (Archives nationales) ; (p. 5 1 3-5 i 5) les Fêtes du
mariage du duc de Bourgogne, compte-rendu en langue italienne que
l'ambassadeur vénitien Frizzo adressa au doge le i3 décem.bre 1697;
(5i6-5i9), ^' ^^ Mailly, archevêque d^ Arles, puis de Reims, et car-
dinal, fragment inédit de Saint-Simon.
Une telle énumération me semble plus éloquente que tout ce que
Ton pourrait dire encore en faveur du tome IV d'une édition qui, à elle
seule, aurait rendu M. de Boislisle digne de la plus haute et de la plus
1. Signalons, de plus, une Relation de Vélection écrite de Varsovie, le 25 juin
iGqy, et qui est tirée des papiers réunis par le P. Léonard sur la Pologne (Archives
nationales).
2. Note qui nous annonce pour un prochain volume une notice considérable sur les
postes sous Louis XIV.
5 l6 REVUE CRrriQUK
glorieuse des récompenses réservées à un travailleur, le titre de mem-
bre de rinstitut.
T. DE L.
CHRONIQUE
FRANCE.— On annoncela prochaine puhUcaûon des Actes demariyvs de l'Egypte
d'après les ms. coptes du Vatican, par M. Hyvf.rnat. Cette édition comprendra une
introduction liistorique et critique, le texte copte accompagné d'une traduction fran-
çaise d'une trentaine d'actes de martyrs, dont les noms même étaient, pour la plu-
part, inconnus jusqu'à ce jour, enfin un index des mots coptes ou grecs nouveaux
et une table analytique considérable. L'ouvrage formera deux volumes in-8°, qui
sont sous presse.
— Variétés historiques et biographiques [Auvergne et Velay). — M. Paul Le Blanc
a réuni sous ce titre (Le Puy, Marchessou. i885, brochure grand in-80 de 104 p.)
quelques notes qui avaient déjà paru dans le' journal La Haute-Loire ou dans V An-
nuaire du département, mais qui ont été revues et augmentées; il y a joint des notes
toutes nouvelles, espérant que les documents inédits, dont presque toutes ces notes
sont enrichies, lui vaudront l'indulgence du lecteur. Le recueil a bien d'autres qua-
lités encore qui le recommandent à l'attention des curieux. Voici les notices que
l'on y trouve : Robert Michel, sculpteur 1720- 1786 (p. i-io), La papeterie de
Prades (p. 11-16), Alexandre Marie Bienvenu, chanoine et sescal du chapitre ca-
thédral de N.-D. du Puy (p. 17-21), Le château du Thiolent et ses possesseurs (p, 22-
26), Timothée de Chillac et Gabriel Ra)iquet, poètes vellaviens (p. 27-31), Voyage
de Jean-Marie Roland au Puy en 17/8 (p. 32-41), Michel Boyer, peintre né en
Velay (p. 42-46), Le maréchal de camp de Lormet (p. 47-49I, les statuts de la com-
munauté des chaudronniers du Puy, ifjzS (p. 5o-56), Jean Chassanion (p. 57-62),
Les Pierres précieuses du Riou-Pe^ouliou (p. 63-69), Les Origines de la Chartreuse de
Villeneuve près le Puy, 1626-1628 (p. 70-84), Le cardinal de Polignac, poète fran-
çais (p. 85-yo), Jean Viallenc, sculpteur (p. gi-q2). La dernière pièce est une repro-
duction (p. 93-104) de la rarissime plaquette, qui manque même à la Bibliothèque
nationale, intitulée : Le vray discours du Siège, prinsc et totale ruyne de la ville de
Sainct-Agreve, pays de Languedoc, par le sieur de Tournon, gouverneur de Vive-
rois, et le sieur de Sainct-Vidal, avec le nombre des morts et blesse^ durant le siège.
Fait et escrit par Monsieur du Figon, secrétaire de la Royne. A Paris, chez Jean
de Lastre. Jouxte la copie imprimée à Lyon, par Jean d'OgeroUes, i58o. Parmi les
choses nouvelles d'un recueil si riche et si varié mentionnons l'acte de baptême du
sculpteur Robert Michel, né le 8 novembre 1721, fils d'un obscur maître-vitrier de
la ville du Puy (p. 2); un document du 18 décembre 1657, relatif à la papeterie de
Prades (p. i5-i6); l'acte de Baptême de Roland, le célèbre ministre girondin, né au
Puy le 18 avril 1734, et non, comnae on le voit dans certain dictionnaire biographi-
que, le 18 février 1734 (p. 32); une lettre de Jean Chassanion, l'auteur de VHis-
toire des Albigeois, écrhe de Montpellier, le 29 janvier i563, provenant de la Bi-
bliothèque de Genève (p. 58); six lettres de D. Bruno d'Affringues, général de
l'ordre des Chartreux, à l'évêque du Puy Just de Serres, 1626-1628, tirées de la
bibliothèque de Grenoble, et qui ont fourni à l'éditeur l'occasion de compléter une
d'histoirk et de littérature 5 17
notice du tome II (col. 762) du Gallia Christiana (p. ij-nd; l'acte de baptême du
cardinal de Polignac, né le 11 octobre 1661 (p. o5); deux documents relatifs au
sculpteur Jean Viallenc (p. gi-qS). La précieuse brochure de M. P. Le Blanc est
ornée d'une photogravure du portrait que l'on conserve à Madrid de Robert Michel,
qui mourut en cette ville (3i janvier 1786), directeur général de l'Académie royale
de Saint-Ferdinand. — T. de L.
— Deux brochures de M. René Fage. — Dans les Notes sur un pontifical de
Clément VI et sur un missel, dit de Clément VI, conservé à la bibliothèque de Cler-
mont (Tulle, Crauffon, i885, in-80 de 18 p), M. R. Fage retrace 1° l'histoire d'un
manuscrit récemment vendu à Saint-Étienne sous le titre de Pontificale seu cœre-
moniale, in-fol. orné de miniatures, avec reliure en bois recouverte de vélin, ms.
acheté en i353 par Guillaume de la Jugie, neveu de Clément VI, et resté pendant
cinq siècles la propriété de la famille de ce pape (voir, p. 8-9, la généalogie des
Roger-Beaufort) ; 2° l'histoire du missel avec enluminures, inscrit au catalogue de
la bibliothèque de Glermont-Ferrand sous le nom de Missel de Clément VI, ayant
appartenu aussi aux Roger-Beaufort, mais qui ne remonte pas plus haut que la
seconde moitié du xv« siècle (1462). La description et le récit des aventures des
deux mss. intéresseront tous les bibliophiles. — C'est encore au Limousin que se
rapporte la seconde brochure de M. R. Fage : Le tombeau du cardinal de Tulle à
Saint-Germain-les-Belles (Limoges, i885, in-S» de 14 p. sur papier teinté. Tirée,
comme la précédente, à un très petit nombre d'exemplaires). On trouve là une courte
et bonne biographie du cardinal Hugues Roger, né, comme son frère Clément VI,
au château de Aiaumont, près d'Egletons, (chef-lieu de canton de la Corrèze), mort
le 21 octobre i363 au couvent de Montalieu, diocèse de Carcassonne, et surnommé
le cardinal de Tulle parce qu'il venait d'être nommé à l'évêché de cette ville lors-
qu'il entra dans le sacré collège. M. Fage remarque, à ce propos, que ce cardinal ne
fut jamais évêque de Rodez, erreur que l'on retrouve jusque dans le Nobiliaire du
Limousin de l'abbé Nadaud. Il reproduit (p. 9-1 3) une notice inédite sur le tombeau
élevé à Hugues Roger dans le chœur de l'église de Saint-Germain-les-Belles (chef-
lieu de canton de la Haute-Vienne), laquelle a été rédigée par un chanoine du cha-
pitre de Saint-Germain, dont le nom est demeuré inconnu, et qui nous a été conser-
vée par Baiuze (collection dite des Armoires, vol. XXI). La notice sur le magnifique
tombeau détruit par la Révolution est complétée par l'épitaphe inédite du Cardinal
de Tulle, gravée sur une pierre à l'entrée du chœur de l'église de Saint-Germain-
les-Belles. — T. DE L.
— Jacques d'Arc, père de la Pucelle. — M. Boucher de Molandon, qui s'est déjà
tant occupé de Jeanne d'Arc et de sa famille, continue avec le même zèle ses recher-
ches sur un sujet qui semble ne devoir être jamais épuisé. Sa nouvelle brochure
{Jacques d' Arc, père de la Pucelle, d'après des textes déjà connus et des documents
récemment découverts. Orléans, Herluison, i885, in-8' de 28 p.) apporte la pleine
lumière sur cette question que Ton vient d'agiter en Lorraine : quelle était la con-
dition sociale de la famille de l'héroïne r L'auteur, après avoir analysé les textes
trouvés dans les Archives de Nancy et publiés par MM. Lepage et Chapellier (1882-
1884), établit très judicieusement que si ces textes montrent la confiance et la con-
sidération dont étaient investis en leur qualité de braves gens le père et le parrain de
Jeanne d'Arc, ils ne prouvent rien de plus, et qu'il faut renoncer à rattacher la fa-
mille d'Arc à la noblesse de Lorraine. Il combat avec une très ferme critique les
complaisantes exagérations de ceux qui ont voulu rehausser outre mesure la condi-
tion des parents de la Pucelle, humbles cultivateurs, dont la fortune était fort mo-
deste et se rapprochait plus de la demi-pauvreté que de l'aisance. Les conclusions
5 l8 RKVUt Cid IKjUll
de M. Boucher de Molandon sont de celles qui s'imposent. Ajoutons qu'il a traité,
autour de la question principale, diverses questions accessoires relatives aux person-
nages mentionnés dans les documents de mars 1427 et de février 1429, et que sur
Robert de Sarbruck, sur Henri d'Ogévillers, sur Robert, seigneur de Baudricourt et
de Blaize, sur Jean Morcl, parrain de Jeanne d'Arc, il a donné des renseignements
où l'on reconnaît la sûreté de main d'un spécialiste. — T. de L.
— Signalons cinq brochures et tirages à part de M. Eugène Mûntz : i' Les
peintres d'Avignon pendant le règne de Clément VI, 1 342-1 35a; M. M. y fait con-
naître les fresques du règne de ce pape, qui sont aux chapelles de Saint-Jean-Bap-
tiste, de Saint-iMartial, etc., et donne la photographie de quatre d'entre elles; c'est
la première fois qu'on publie la reproduction de ces chefs-d'œuvre de la peinture
du xiv" siècle oij prédomine l'influence deGiotto; 2" Les peintures de Simone Mar-
tini à Avignon, étude où M. M. réunit et discute les textes que nous possédons
sur l'histoire de la principale des fresques du Palais des papes, (les Prophètes de la
salle du consistoire), donne les noms de la plupart des peintres attachés à l'entre-
prise, démontre que les fresques de Notre-Dame-des-Doms sont dues à Simon de
Sienne, ce Fra Angelico du xiv^ siècle, et publie une lettre de Rucellaï à Lorenzo
Strozzi sur une peinture conservée en i5oô, soit à Avignon, soit à Vauduse, et
regardée comme l'effigie authentique de la belle Laure de Noves, l'amante de
Pétrarque; 3° Le palais pontifical de Sorgues, iSiq-iigS. M. M. dresse la
liste, par ordre alphabétique de prénoms, des peintres, — qui n'étaient parfois
que de simples manœuvres — attachés à la décoration de cette résidence favorite
des papes pendant le xiv« siècle, et mentionne les travaux que firent entre-
prendre à Sorgues Benoît XII, Clément VI, Innocent VI et Urbain V; 4° la
première partie de nouvelles recherches sur les arts à la cour des papes, de
Martin V à Paul II; il s'agit, dans ce fascicule, du pontificat de Martin V (travaux
que commanda ce pape pendant son séjour à Florence, ouvrages d'architecture exé-
cutés à Rome et dans les environs, notices sur le sculpteur Paluzzo; date de la no-
mination de Golino Vasalli aux fonctions d'orfèvre pontifical, les orfèvres Simone
di Giovanni di Simone Ghini et Simone di Giovanni di Giovanni, etc.); 5° le pre-
mier fascicule d'un travail nouveau sur les monuments antiques de Rome à l'époque
de la Renaissance; M. Mûntz y reproduit le récit d'un voyage entrepris en i5o4 par
Bernard Bembo, qui vint assister au couronnement de Jules 11, il y parle du van-
dalisme obligé des papes qui devaient, malgré tout, reconstruire la nouvelle Rome
avec l'ancienne, et cite des documents curieux, par exemple un bref de Martin V
qui consacre officiellement le système des démolitions.
— A propos du Livre de demain, de M. de Rochas, essai d'une application rai-
sonnée de la polychromie et des proportions au livre, M. Charles Henrv publie
dens la Revue indépendante (mai i885s un article intitulé : Le livre de l'avenir :
justification, polychromie, caractères, dans lequel il expose le principe fécond d'une
application des mathématiques à l'esthétique, qui sera l'idée directrice d'un ouvrage
complet sur la matière. Le principe est celui-ci : si les lignes sont indifférentes, les
directions ne le sont pas : il en est d'agréables, de désagréables et d'autres qui pro-
duisent plutôt l'étonnement. Le problème est d'appliquer aux autres phénomènes
esthétiques (couleurs, sons, etc.) d'expression psychologique identique à ces diffé-
rentes classes de directions — les découvertes des géomètres passés ou à venir sur
les directions. A propos du problème de la polychromie, M. Charles Henry prouve
bien qu'il n'y a pour une direction qu'une seule dégradation de teinte qui lui soit
rigoureusement harmonique : écrite à ce point de vue, l'histoire du développement
de la polychromie prend une grande importance rsychologic]uc et un fondement
u'HISXOIKh Kl Dh LlIlÉRATURIi DI9
ri'^oureusement scientifique. L'auteur promet de revenir prochainement sur cette
question.
— La librairie Deiagrave commence une « Bibliothèque du droit mise à la portc'e
de tout le monde », et qui formera une véritable petite Encyclopédie du droit; elle
paraîtra en séries de douze volumes en petit format de 100 à 120 pages. Le premier
volume, élégamment relié, vient de paraître ; il a pour titres Les successions, et
pour auteur M. Emile Acollas (Deiagrave. ln-8°, loi p.).
ALLEMAGNE. — La maison Galvary de Berlin vient enfin de publier le dernier
cahier du n<^ Jalvgcing du Jahresbericht itber die Forlschritte der Alterîhumswis-
sensclîaft, après l'avoir fait attendre à ses abonnés pendant deux ans. Sous prétexte
que ce ne Jahrgang comprend plus de feuilles d'impression que les précédents,
M. S. Galvary accompagne le dernier fascicule d'une facture de 4 marks 5o, à payer
par les abonnés en sus de l'abonnement. C'est là un procédé dont on trouverait
difficilement un autre exemple, et qui témoigne d'un sans-gêne touchant à ÏUn-
verschœmtheit. Parce que le directeur du Jahresbericht a autorisé certain de ses
collaborateurs, comme M. Schiller, à bavarder et à polémiser pendant un nombre
extraordinaire de pages, ce sont les abonnés du Jahresbericht qui doivent porter les
conséquences d'une prolixité dont ils n'ont recueilli aucun avantage! Ajoutons que
le désordre avait lequel paraît le Jahresbericht commence à lasser les patiences les
plus robustes, malgré l'incontestable utilité de ce recueil. — S. R.
— M. Th. ScHREiBER a fait tirer à part un mémoire imprimé dans les Comptes-
rendus de la Société Royale de Saxe, sous le titre Unedirte rcemischc Fundberichte
ans italienischen Archiven und Bibliotheken, (Leipzig, 80 p.) Les textes inédits que
M. S. a publiés avec de courtes annotations sont les suivants : 1° Extraits des notices
de l'abbé Valesio (1670-1742), contenant le récit de découvertes faites à Rome en
1729-32; 1° Extraits des lettres archéologiques adressées à Francesco Gori (1691-
1759), par Vettori et Bottari; découvertes faites à Rome en i73i, 1741 et 1744;
3" Extraits du registre de Cassiano Dal Pozzo (i588-i657), fondateur du Musée Pu-
teano, aujourd'hui dispersé; notice sur des découvertes à Rome, Tibur, Otricoli,
Chiusi, etc. ; 4° Discorso sopra Vantica acqua Appia, del générale de Giesuati,
adressé à Clément IX -, 5° Deux rapports de Suarez sur les découvertes faites en
1627 lors de la construction du palais Barberini à Rome; 6° Cava à Santi Pietro e
MarcellinO; note de Giacomo Bartolomicchi; j" Relatione d'alcune cose mcmorabili e
spettanti alla restauratione del famoso tempio di S. Maria ad Martyres, chiamato
délia Roionda, rapport adressé à Alexandre VII par Gipriano Cipriani, aichiprêtre
du Panthéon. Fea avait déjà pubWé (Miscellanea, II, p. 22g et suiv.) une copie fau-
tive et incomplète de ce document, le plus important de la Série. — S. R.
— M. A. Jaein, professeur à l'Université de Berne et membre de l'Académie des
sciences de Bavière, nous envoie une feuille imprimée sous le titre Offener Brief
an Professer A. Riese in Frankfurt ; il y répond très vertement à l'article et à
une réplique de M. Riese dans le Centralblait, à propos de son édition de la
Prosopopoeia de Grégoire Palamas.
3^0 RKVljii CHITIQUE li'HlSlOiKIi El ûh LlT'n-,KATUi(E
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du ig juin i885.
Apres délibération en comité secret, l'Académie, par un vote au scrutin, décerne
le prix Jean Reynaud à M. Aymonier, pour ses voyages d'exploration scientifique et
ses découvertes archéologiques dans l'Indo-Chine.
Le prix Stanislas Julien est décerné à M. Léon de Rosny, pour son Histoire des
dynasties divines. Le prix ordinaire sur les traductions qui ont été faites au moyen
âge d'ouvrages philosophiques ou scientifiques, du grec, de l'arabe et du latin en
hébreu, est "décerné à M. Moritz Steinschneider, à Berlin. Le concours sur les ques-
tions suivantes, proposées pour le prix ordinaire et pour le prix Brunet, est prorogé
jusqu'au jîi décembre 1886 : i" Etude sur l'instruction des femmes au mioyen
âge, etc '.' — -z" « Relever sur le grand catalogue de bibliographie arabe intitulé
Filirist toutes les traductions d'ouvrages grecs en arabe, critiquer ces données, etc. »
Ouvi-ages présentés : — par M de Roz'ière : 1° Tardif (Adolphe;, la Procédure
civile et criminelle aux xiii^ et xiv^ siècles ou période de transition ; 1° Inventaire des
Archives de ia marine [rédigé par Didier Neuville], série B, Service général, t. I",
I" fascicule; — par M. Alexandre Bertrand : Bibliothèque ethnologique : les A^^tè-
ques, histoire, mœurs, coutumes, par Lucien Biart; — par M. Gaston Paris : 1° les
Dits de Hue Archevesque, trouvère normand du xni' siècle, publiés par A. Héron
(société rouennaise des bibliophiles) ; 2° Correspondance inédite de Nicolas-Fran-
çois, duc de Lorraine et de Bar, 1634-1644, publiée par Ferdinand Des Robert,
— par M. Renan : Bedjan, Imitatio Christi nunc primum ex Latino in Chaldaicum,
idiomatis Urmiae Persidis, translata; — par M. de Boislisle : Fagniez (G.), la Mis-
sion du P. Joseph à Ratisbonne en i63o (extrait de la Revue historique); — par le
traducteur : Trois nouvelles chinoises, traduites par le marquis d'Herve\ de Saint-
Denys, (Bibliothèque orientale el^éviriennej ; — par M. Delisle : i» Ruble (Alphonse
de), le Mariage de Jeanne d'Albret; 2" le même, Antoine de Bourbon et Jeanne
d'Albret; 3° Hincmari de ordine palatii epistola, texte latin, traduit et annoté par
Maurice Prou {Bibliothèque de V Ecole des Hautes-Etudes, fasc. 58); 4° Stevenson
(H.), Codices nianuscripti Palatiiii Graeci bibliothecae Vaticanac descripti; — par
l'auteur : Meyer (Paul), les Premières Compilations françaises d'histoire ancienne
(extrait de la Romania, t. XIV).
Julien Havet.
SOCIETE NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANGE
Séance du 3 juin.
présidence de m. courajod.
M. le comte de Fayolle est nommé associé correspondant.
M. L. Maxe Verly présente deux moules en schiste ardoisier, destinés à reproduire
en métal des enseignes de pèlerinage et pouvant être rapportés au xiV^ siècle; l'un,
appartenant à M. le général Meyers. représente la Mort du Pèlerin et la Délivrance
de son âme. L'autre, trouvé à Rennes et appartenant à M. A. Ramé, offre l'image
de l'archange saint Michel pesant les âmes au jour du jugement dernier.
M. de Villefosse exhibe deux bronzes antiques acquis par le Musée du Louvre à
la vente de la collection Gréau; l'un est un vase en forme de tête de femme avec le
mot étrusque suthina gravé sur le front; l'autre est une applique de vase représen-
tant un Silène barbu, agenouillé, portant une amphore sur l'épaule.
Séance du 10 juin 188^.
M. Prost communique l'empreinte d'une pierre gravée sur laquelle on voit un aigle
éployé, au-dessus une tête imberbe radiée, à droite; de chaque côté, une hampe
d'enseigne militaire, surmontée d'une victoire aptère tenant une couronne; à l'exer-
gue les lettres COV. Le sujet paraît se rapporter à une apothéose impériale.
M. Voulet présente le moulage d'une stèle trouvée à Gran (Vosges), représentant
un personnage imberbe, de lace, debout, vêtu d'une tunique longue, la main droite
armée d'une hache; sous ses pieds un chien.
M. Mowat présente des empreintes d'une pierre à moules, découverte à Rennes et
conservée au Musée archéologique; sur l'une des faces, on voit les instruments de la
Passion ; sur l'autre face, un personnage vêtu d'une sorte de caleçon court, auquel
une bourse est attachée; il est violemment attiré par les mains crochues d'un per-
sonnage dont le corps est détruit; ce tableau représente sans doute un damné entraîné
dans l'Enfer par le Diable. La pierre paraît devoir être rapportée à la fin du xv* siècle.
Le Secrétaire,
A. Mowat.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEKOl^X.
Lf Puy. imprimerie fie Marchessou ùis. hc.ulcvard Saim-l.axirent. 2.
No 1 Dix-neuvième année 5 janvier 1885
REVUE CRITIQUE
D'HiSTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIE SOUS LA DIRECTION
DE MM. J. DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 25 fr
PARÎS
KRNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIQIJAlRK DE I.A SOCIÉTÉ ASIATIQUE
Dft «.'ÉCOI.K DFS LANGUKS ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28, nUF. BONAPARTE, 28
Adresse)- les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, a8).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, et
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu .
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
DÉCOUVERTES EN CHALDÉE
Par Ernest DE SARZEC
Consul de France à Bagdad, correspondant de l'Institut.
Ouvrage accompagné de planches
Publié par les soins de M. Léon HEUZEY
Membre de l'Institut, conservateur des Antiquités orientales
Sous les auspices du Ministère de l'Instruction publique et des
Beaux-Arts.
Première livraison, in-folio, avec 3o planches en héliogravure.. 3o fr.
— Carton pour contenir Pouvrage entier. •..,.. 2 fr.
PERIODIQUES
Literarisches Centralblat, n" 49, 29 novembre 1884 • Pi-i^Ji'-R, Geschichte
der christlichen Religionsphilosophie seic der Reformation, II. Von
Kant bis auf die Gcgenwart. (Intéressant, mais il y a trop de m.étapiiy-
sique, ne parle ni de Stuart Mill, ni de Herbert Spencer, ni de Comte,
etc.) — LipPKHT, Allgemeine Geschichte des Priesterthums, II. (Lecture
difficile parfois, mais toujours sérieuse et pleine de détails instructifs.) —
Weber, Allgemeine Weltgeschichte, Mittelalter. I u. II. (cinquième et
sixième volumes.) — Koch, Trillersagen, ein Beitrag zur urkundlichen
Geschichte des silchsischen Prinzenraubes und seiner Wirkungen, I. —
Hartfelder, Zur Geschichte des Bauernkrieges in Siidwestdeutschland.
— Lûbeck und Ratekau im November 1806. (Attachant.) — A dictionary
of îhe Kalispcl orFlat-Head Indian Language compiled by the missiona-
ries of the Society of Jésus I u. II; Lu tel Kaimentis Kolinzuten Kuitit
Smiimii, sonie narratives from the Holy Bible in Kalispel Szmimeies
Jésus Christ, a catechism of the Christian doctrin in the Flat-Head or
Kalispel Language; CuoQ, Lexique de la langue iroquoise [Montréal,
Chaplean]; Wright, Chahta Leksikon, a Choctaw in English Défini-
tion; Baraga, A grammar a. dictionary of the Otchipwe Language. —
Zachariae, Beitraege zur indischen Lexikographie. (D'une très grande
importance pratique.) — Hinrichs, Herr Sittl u. die homerichen Aeolis-
men. (Défend sa thèse avec beaucoup de zèle, de savoir et de succès.) —
Die Oreslie des Aeschylus hrsg. v. Th. Heyse. (Fort remarquable.) —
Publications de la société philologique hellénique de Constantinople. —
WuLCKER, Grundriss zur Geschichte der angelsachsischen Literatur. —
Wlastoff, Prométhée, Pandore etja Légende des siècles, essai d'analyse
de quelques légendes d'Hésiode. (Etude d''une fatigante diffusion et qui
repose sur une hypothèse soutenue et menée avec une rare obstination :
Prométhée est la personnification de la vie des races antiques qui avaient
envahi la Grèce et luttaient contre les immigrations qui marchaient
sous la bannière de Zeus-Dyaus védique; il est le type d'un peuple d'ori-
gine aryenne, comme le prouve son nom, mais ennemi des races védi-
ques; le çnythe de Pandore contient le souvenir des premiers mariages
mixtes entre les autochtones et les Grecs, dans lesquels la femme grec-
que est donnée aux chefs des tribus indigènes par raison de politique
astucieuse , mais ces mariages étaient loin d'être toujours heureux,
comme celui de Thétis et de Pelée, etc., etc. : travail d'un dilettante qui
ne connaît que Lenormand, Gladstone, Maury et « le vénérable »
Creuzer, qui ignore les travaux de O. Mûller, de H. D. Miiller, de
Mannhardt, et se plonge avec une naïve audacedans les profondeurs des
temps préhistoriques.) — Lucy Mitchel, A history of ancient sculp-
ture. (Répertoire fait avec un très grand soin et une extrême con-
5cience.
Im "Verlage von Eduard Trewendt in Breslau erschien soeben :
Die Pilzthiere oder Schleimpiize.
Nach dem neuesten Stanclpimkt Ijearbeitet von
Wèv. 'W. 5Eopf.
Privaldocenten an der Universilffit Halle a/S.
Mil 5î vom Verfasser meist selbst auf H0I2 gezeichneten Schnitlen.
11»/- Bogeu gr. 8. Hreis ô Mark.
Wichtig fur Mediciner, Tharmacculen, Botaniler und Mihi'oskopiker.
Zu bezielien durch aile Buchliandlungen.
LIBRAIRIE HACHETTE ET C'% BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79. PARIS
LES
^^^NDE
DU NOUYE.
VOYAGES D'EXPLORATION AU BÎEXIQUE ET DANS L'AMÉRIQUE CENTRALE
PAR
LN MAGNIFIQUE VOLUME lN-4
ILLUSTUÉ !);: 2ÎH GIUVnUES PHSSIMÎES SUR BOiS
PAR MM. DI-: EAU, BAIICLAV, CATEXACCI, CHAPUIS, FRITICL, GUIAUD, LAXCELOT, MA!LL.*.R.T
RIOU, IION.TAT, SELLÎKR, SI.OM, TAYLOR, TOUSSAINT
et contentont 1 cai"to
Broché, îîO fr. — Relié richement, avec fers spéciaux, franches dorécs', Gîî fr.
LES CHRONIQUEURS
L'ilIS
7\
i ¥K
&:j
DEPUIS LES ORIGINES JUSQU'AU XV1° SIÈCLE
Texte abrégé, coordonné et traduit
PAR Mi^i£ DE WITT, NÉE GUIZOT
3c SÉRIE :
LES CHRONIQUEUBS, DE FROISSÂRT A MOKSTRELET
ajH iKiigïsîfîquo volume în-S jésMs
CONTENANT 8 PLANCHES EX CHROMOLITHOGRAPUIE, 50 GRANDES COMPOSITIONS TIREES EX NOIR
ET 300 GRAVUP.ES INTERCALÉES DANS LE TEXTE
Broché, 3S fr. — Relié richement, avec fers spéciaux, tranches dorées, -«O fr.
^
En vente : 1" série : Les Chroniqueurs, de Grégoire de Tours a Guillaujik de Tyr.
1 volume in-8 jésus contenant 11 planches en chromolithographie, 47 grandes compo-
sitions tirées en noir et 267 gravures intercalées dans le texte.
2» série ; Les Chroniqueurs, de Suger a Froissapjp. 1 volume in-8 Jésus contenant
9 planches en chromolithographie, 50 grandes compositions tirées en noir et 300 gra-
vures intercalées dans le texte.
Chaque volume se vend séparément. Broché, 3» fr. Relié richement, tranches
dorées, -<50 fr.
L'ouvrage conijplet comprendra 4 séries formant chacune un vohtnie.
LIBRAIRIE HACHETTE ET C'% BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79, PARIS
HISTOIRE
DE L'AR^
DANS L'ANTIQUITÉ
EGYPTE— ASSYRIE— PHÉNICIE — PERSE—ASIE MINEURE
GRÈCE — ÉTRURIE — ROME
PAR
TROFliSSEUR A I.A. FACULTE DES LETTRES DE PARIS
MEMBRE DE l'iNSTITUT
KT
CHi^ï^LES CHII*IEZ
ARCHITECTE DU GOUVERNEMENT
INSPECTEUR DE l'eNSKIGNIlMENT DU DESSIN
TOME III
PHÉNICIE — CYPRE
UN MAGNIFIQUE VOLUME lN-8 JÉSUS
contenant
S> i>Ianclies en couleurs, 1 pïanelie en noir tirée à part
et 4t^li9 gravures intercalées tlans 1© texte
Dessinée d'après les originaux ou d'après les documents les plus authentiques.
Broché ; 30 fr. — Relié richement, avec fers spéciaux, tranches dorées, 3> fr.
En vente : Tome I. L'Egypte, contenant 5 planches en couleurs, 15 planches en noir
tirées à part et 616 gravui'es intercalées dans le texte.
Terne II. Chaldée — Assyrie, contenant 4 planches en couleurs, 11 planches en noir
tirées à part et 452 gravures intercalées dans le texte.
Chaque volume se vend séparément : broché, 30 fr. — Relié, 3T fr.
IL A ÉTÉ TIRÉ DANS LE FORMAT LX-4 :
50 exem])laires sur papier Whatman, 10 exemplaires sur papier de Chine et 25 exem-
plaires sur papier du Japon. Tous ces exemplaires sont numérotés. Prix de chaque
exemplaire : sur papier ^Vhatman, eo fr.; sur papier de Chine, 80 fr.; sur papier du
Japon, 100 fr.
CONDITIONS ET MODE DE LA PUBLICATION
L'Histoire de l'art dans Va^itiquité formera environ 300 livraisons, soit cinq ou six
beaux volumes gi'and in-8, contenant plus de 6000 gravures.
Chaque livraison composée de 16 pages, contenant en général plusieurs gravures, et
protégée par une couverture, se venu 50 centimes ; ce prix est porté à 1 franc pour les
quelques livraisons qui se sont accompagnées d'une planche en couleurs.
Le Puy. imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint- Laurent, 23.
N° 2 Dix-neuvième année 42 janvier 1885
REVUE CRITiaUE
O^HISTOIRE ET DE LITTERATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIE SOUS LA DiKECTION
DE MM. J. DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 23 t"r.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Kevue : rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, et
non par commissiottnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu-
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
LES FRAUDES ARCHÉOLOGIQUES
en Palestine, suivi de quelques monuments phéniciens apocryphes,
par Ch. Clermont-Ganneau. Un fort volume in- 18, elzévir, illustré
de 33 gravures 5 fr.
LES LANGUES D'AFRIQUE, pa, Robert Cust.
In- 18, elzévir 2 5o
LE SAINT SIÈGE, LA POLOGNE ET
MOSCOU (1582-1587), par p. PiERLiNO. In-i8,elzév. 2 5o
LA GRÈCE ANCIENNE ET MODERNE,
considérées sous l'aspect religieux, par Ad. Terzetti. In-iS,
elzévir , 2 3o
PÉRIODIQUES
The Academy, n" 658, i3 déc. 18S4 : Freem\n, The office of thehisto-
rical professer, an inaugural lecture. — Reid, A sketch of the life a.
times of sir Sidney Smiih. (W. WalJace : 2" édit. de ce livre intéres-
sant.) — Dent, Above the snowline, mountaineering skeiches between
1870 a. 1880. — Jessopp, Norwich [Diocesan historiés]. — A literary
curiosity (D. Asher : attaque contre le « Magazin fiir Literatur des
In-und Auslandes » qui, bien dirigé par Lehmann, puis par Homber-
ger, un peu moins bien par Engel, a de plus en plus dégénéré et encourt
un mépris mérité; n^i-t-on récemment parlé du livre « Altiora peto »
de Lawrence Oliphant sous le titre « Altiora, von Peto Laurence Pli-
phant », en ajoutant que le livre est d'origine américaine, que l'auteur a
pris un pseudonyme, et que c'est une femme !) — Eucharistie usage in the
ancient irish church (Whitley Stokes) — Ben Jonson's song « to Celia »
(Hoskyns-Abrahall). — The Croker Papers (Littledale). — « The em-
pire of the Hittites» (W. Wright). — A suggested eranian etymology
(Casartelli : à propos des mots brâtarvat et brâtarvatîh). — The Soma
Plant (Max Mullcr). — The Ruba'iyat of Omar Khayyam, rendered
into english verse by Edw. Fitzgerald. (Am. B. Edwards : second
article.) — Thomson's life of Hablot Browne. (Bicknell.)
— N° 659, 20 décembre 1884 : Mrs Miller, Henriett Martineau.
(Noble.) — Dosabhai Framsi Karaka, History of the Parsis, 2 vols.
(Wollaston : écrit simplement et sans prétention; ce livre où l'auteur
fait l'histoire de son peuple et de sa race, est plein d'intérêt et mérite le
plus vif éloge.) — A. Lang, Custom and myth. (Grant Allen.) — Herbert
Spencer, The man versus the state (Macdonell : petit livre digne d'être
lu et où bien des passages respirent un noble et large sentiment de la
liberté.) — Rinaldo Fulin (not. nécrol.) — Eucharistie usage in the
ancient irish church. (Hammond.) — « Beside » or « besides «.(Thomp-
son.) — Philological books : Winteler, Uraltaische Vôlker u. Spra-
chen (bon); Heidmann, Die Samaritanische Pentateuch - Version ;
Kautzsch, Grammatik des Biblischen Aramaischen ; Schweizerisches
Idiotikon, VI et VII. — « The empire ofthe Hittites »(Tyler).— The Soma
Plant (Eyer). — The word « humecillus » (Evans.) — Sidney L. Léo,
Stratford-on-Avon, from the earliest times to the death of Shakespeare
(Robinson : fait avec soin.) — A smaller Biblia Pauperum. (M. Stokes.)
Raphael's « Madonna col Divino » (Thwaite). — Thomson's life of
Hablot Browne (Bicknell).
N" 660, 27 décembre 1884 : Murray's handbook for Grèce, 2 vols,
5e edit. ; Baedekers handbook, Griechenland, ire édit. (Mahaffy.) —
Malleson, Loudon, a sketch of the railitary life. (M. Stephens : livre
sans prétention à l'originalité, mais utile.) — Linda Villari, On tuscan
hills and venetian waters. — The catechism of John Hamilton archbis-
hop of St. Andrews, i552. éd. by Law, with a préface by Gladstone.
— Markham, The Sea Fathers, a séries of lives of great navigators of
former times. — Theproposed University of London. (K. Pearson.) —
Mr. Lang's « Custom and mvth. » (Cox). — The forthcoming life of
Coleridge. (Al. Brandi). — An old german New Year's rhyme (Cesa-
resco.) — Howell, Grammar of the classical arabic language, transla-
ted a. compiled from the works of the most approved native and natu-
ralised authors, vol. II. (G. P. Badger,) — « The empire of the
Hittites » (Bail). — M. Jackson, The pictorial press, its origin and
progress. (Conway.) « Lee's Stratford-on-Avon. »
The Athenaenm, n» 2979, 29 nov. 1884 : Wylie, History of England
under Henry IV. I. 1 399-1404. (Œuvre solide et méritoire.) — Malle-
son, Loudon. (Essai historique à la fois concis et intéressant.) — Maria
SoLTERA, A lady's ride across Spanish Honduras. — Memories of a life
oftoil, the autobiography of Tracy Turnerelli. — Abbott, The com-
mon tradition of the synoptic Gospels in the text of the revised version.
— The cuneiform inscriptions. (Max MûUer.) — The grave of Anne
Brontë. (Donner.) — The historians of Queen Anne. (Me Carthy.) —
An obscure passage in the « Koran. » (Airy.)
— N" 2980, 6 déc. 1884 : The hves of ihe Berkeley, by John Smith
of Nibley. II, edit. by Sir John Maclean. — Prince Rudolph, Travels
in the East, including a visit to Egypt a. the Holy Land. — Verres^,
Luther, an historical portrait. (Livre d'un historien qui n'est pas tout à
fait véridique.) — The metaphysics of Flatland. — An obscure passage
in the Koran. (Lynn.)
— N° 2981, i3 déc. 1884 : The Maritime Alps and their seabord,
by the author of « Véra ». — Letters of the Rev. Mozley. — Calendar
of the manuscripts of the marquis of Salisbury, I. — Miss Char-
lotte Reynolds. (Buxton Forman.) — An obscure passage in the Koran.
(Stanley Lane-Poole.) — The « dictionary of national biography y>.
(Liste des futurs art. de Cabaliere à Camville.) — « Greek folk-songs. »
(St. Glennie.) — A teaching university for London. — The Brough
Stone. (Browne.)
— No 2982, 20 déc. 1S84 : J. Hawthorne, Nathaniel Hawthorne a.
his wife, a biography, 2 vols. — Pleas of the crown for the county of
Gloucester before the Abbot ofReadinga. his fellow justices itinérant,
1221, edit. by Maitland. — AavTO'j -rc KaOaprr;p'.ov, ij.stâopas'.çK.Mo'jsTjppu.
(Cette traduction de Musurus-Pacha est plutôt une curiosité littéraire
qu'une contribution méritoire à Tétude de Dante.] — The « dictionary
of national biography w. (Liste des futurs art. de Canada à Carruthers.)
— The centenary of Dr. Johnson's death. — Explorations in Asia Mi-
nor. (Ramsay.) — The Brough Stone. (Ferguson.)
— N" 2983, 17 déc. 1884 : Continental literature in 1884 : Belgium
(Em. de Laveleye et P. Fredericq). — Denmark (Petersen). — France
(Fr. de Pressensé). — Germany (Zimmermann). — Greece (Lambros).
— Holland (van Campen) — Hungary (Vambéry). — Italy (Bonghi).
— Norway (Jaeger). — Poland (Belcikowski). — Russia (Achkinasi).
— Spain (Riafio). — Sweden (Ahnfelt). — Lady Brassey, In theTrades,
the Tropics and the « Roaring Forties », or fourteen thousand miles in
i883. — « Miss Bretherton. » (M. A. Ward.) — The « Dictionary of
national biography » (de Carse à Chard, liste des futurs articles.) —
« Greek folk-songs. » (Glennie et Rail.) — The Syston Park Library, —
Mrs Roundell, Cowdray, the history of a great english house. —
Explorations in Asia Minor. (Ramsay.) — Notes from Athens.
(Hirst.)
Archiv fiïr Slavische Philologie. Tome VIII, n" i . — Slavische Vôlkerna-
men. (J. Perwolf. : M. Jagic promet un appendice à ce travail curieux,
mais parfois paradoxal.) — Zur Frage ûber zweitheilige und einheit-
litche Saetze. (K. Lugebil.) — Die Sprache des polnischen Theils des
Florianer Psalters. (J. Leciejewki.) — Der Ursprung des Namens der
Rupci in der Rhodope. (C. Jirecek. Ce nom viendrait du nom Meropi
qui se trouve chez les Byzantins.) — Conventionnelle Geheimsprachen
auf der Balkanhalbinsel. (C. Jirecek, étude curieuse sur Targot des
maçons dérivé de Palbanais.) — Sprachproben des Dialectes von Cirkno.
(Beaudouin de Courtenay, suite des études du savant linguiste sur les
dialectes Slovènes.)— Bibliographie. (Ouvrages de MM. Stasov, Buslaev,
Beaudouin de Courtenay, Jarnik, Brandt, Novakovic, Vymazal, etc..
Cette revue due à M. Jagic donne une idée très complète du mouve-
ment scientifique chez les divers peuples slaves.)
LIBRAIRIE PLON, RUE GARANCIÈRE, lo, PARIS.
I. VIE DE SAINT FRANÇOIS. — IL SAINT FRANÇOIS APRÈS SA MORT
Un beau volume grand in-4, illustré de 7 eaux-fortes, 9 héliogi-avures, 3 chromolitho-
graphies, 1 dessins de maîti-es reproduits en chromotypographie, 12 gravures hors
texte, et plus de 2(0 gravures dans le texte.
Prix : broché, 2îO Ir.; cartonné, CO Ir. ; relié, ro tr.
M. B. DE ]%fOIWE:i^
CHANSONS DE FRANCE
POUR LES PETITS FRANÇAIS
Accompapements de J. B. WECKERLIN
Un beau volume-album en couleurs. Car-
tonné 10 fr.
VIEILLES m\mU ET RONDES
POUR LES PETITS ENFANTS
Accompag'nemeiits de Ch. M. WIDOR
Un beau volume-album eu couleurs. Car-
tonné 10 fr.
^^ÎCXOR GUÊRIIV
LA TERRE SAINTE
PREMIERE PARTIE
Son Histoire. — Ses Souvenirs. — Ses Monuments.
DEUXIEME P.\RTIE
Palestine. — Liban. — Phènicie. — Sinai. — Egypte.
Prix de chaque partie, in-4 : Broché, 50 fr.; cartonné, 60 fr.; relié, 70 fr.
LES CONTES FLAMANDS
relatant les hauts faicts de guerre,
d'amour, de beuverie et AULTRES
advenus es pays de fl .r:dres depuis le
bon roy dagobert
Un beau volume in-8, enrichi de 170 dessins
de .Just.
Broché, 12 fp.; cartonné, 16 fr.; relié,17fr.
PARIS A CHEVAL
Xexte et dessins pas- CRAFXV
PRÉFACE DE GUSTAVE DROZ
Un beau volume grand in-S, richement
illustré.
Deuxième édition.
Broché, 20 fr.; cartonné, 24 fr.; relié, 25 fr.
VICTOR TISSOT
LARUSSIE ET LES RUSSES
LA HONGRIE
Chaque vol. : toile, 24 fr. ;
relié, 25 fr.
Mis DE BEAUVOIR
VOYAGE
AUTOUR DU MONDE
Gr. in-S; toile, 24 fr.;
rehé, 25 fr.
LE MÊME, édition popu-
pulaire. Br., 12fr.;toilo,
15fr.; rehé, 16 fr.
HENRY GRÉVILLE
PERDUE
Toile, 10 fr.; relié, 12 fr.
LE VŒU DE NADIA
Toile, 13 fr. 50; relié,
14 fr. 50
Le Fuy, imprimerie Marchessou Jils, boulevard Saint- Laurent, ai.
N° 3 Dix-neuvième année 19 janvier 1885
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIE SOUS LA DIRECTION
DE MM. J. DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 23 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE I, A SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de \a Revue : nie Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, et
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
LES FRAUDES ARCHÉOLOGIQUES
en Palestine, suivi de quelques monuments phéniciens apocryphes,
par Ch. Clermont-Ganneau. Un fort volume in- 18, elzévir, illustré
de 33 gravures , . . . , 5 fr.
LES LANGUES D'AFRIQUE, p.,,- ro.e„t cu.t.
In-i8, elzévir 2 5o
LE SAINT SIÈGE, LA POLOGNE ET
MOSCOU (158...-1587), parP. PiERLiNG. In-i8,elzév. 2 5o
LA GRÈCE ANCIENNE ET MODERNE,
considérées sous l'aspect religieux, par Ad. Terzstti. In-i8,
elzévir , , 2 5o
PÉRIODIQUES
Tbe Academy, n" 66i, 3 Janvier i885 : Camoens, ihe Lyricks, Sonnets,
Canzons, Odes a. Sextines cnglished by R. Burton. — Dictionary of
National Biography, editcd by Leslie Stephen, vol. I. Abbadie-Anne.
— The Maritime AÎps and their Seaboard, by the author of « Véra ».
— A. SoREL, Recueil des instructions données aux ambassadeurs et
ministres de France, depuis les traités de Westphalie jusqu^à la Révolu-
tion française. Autriche. (H. M. Stephens : volume d'une très haute
valeur historique). — Correspondance : Destruction at Athens.
(Freeman). — The Brilish Muséum Catalogue of early english-printed
books. (Raine). — a Custom a. myth ». (Lang, Isaac Taylor et Rob
Brown). — The University of London. (Whitley Stokes). — The Or-
dinances of Manu, translated from the sanskrit by Burnell. fMax Mill-
ier). — Two books on icelandic law : Grâgâs, éd. Finsen; Die Niàls-
sage, hrsg. v. Lehmann. u, Schnorr v. Carolsfeld (York Powell. —
Ancient navigation in the Indian Océan. (Edkins). - « The Empire
of the Hittites », (Tyler et W. Wright). — The Sonia Plant. (Leland).
— Lecoy de la marche, Les manuscrits et la miniature,
The Athencaeum, n" 2984, 3 janvier i885 : Letters a. journals ofMrs.
Calderwood of Poitou, 1756, edited by Alex. Fergusson. — Sélections
from the prose writings of Swift, with a préface a. notes by Stanley
L\ne-Poole; Notes for a bibliography of Sv/ift, by Stanley Lane
P00LE. — Sir Thomas Baker, Memorials of a dissenting Chapel, its
fcundation a. worthies, being a sketch of the rise of Nonconformity in
Manchester a of the érection of the chapel in Cross Sireet, with notices
ot its ministers a. trustées. — Theological books. (Sharpe, Notes a. dis-
sertations upon the prophecyof Hosea). — « Greek folk-song ». (Elliot
Stock.) — Tuskan hills a. venetian waters. — « The Chantry Priest of
Barney » — St. Vedast, otherwise St. Foster. (Wheatley). — Dr Ran-
ke's eighty-ninth birthday. (M. C.)
Literarisches Centralblatt, n" 5o, 6 déc. 1884: Die samaritanische Pen-
tateuch-Version, die Genesis in der hebr. Quadratschrift hrsg. v. Hei-
DKNHEiM. (Début d'une très utile et importante publication.) — Fraidl,
die Exégèse der siebzig Wochen Daniels. (Fait avec le plus grand soin.)
— Kahnis, Ueber das Verhaltniss der alten Philosophie zum Christen-
thum. (Instructif.) — Hirsch, Ueber die Beziehungen des Talmuds zum
Judenthum. (Fort méritoire.) — Deutsch, Peter Abàlard, ein kritischer
Theologe des XII. Jahrhunderts. (Ce livre aidera à mieux comprendre
la théologie d'Abélard et ce sera son durable mérite.) — Der Brietwe-
chsel des Justus Jonas, p. p. Kawerau, I. (Travail solide et soigné qui
témoigne d'un grand savoir, d'une profonde connaissance de la langne
du temps, d'une critique réfléchie.) — Briefe des Pfalzgrafen Johann
Casimir p. p. Bezold. II, 1 582-1 586. (Toujours abondant et excellent.)
— Urkunden u. Actenstûcke zur Geschichte des Kurfursten Fr. W.
von Brandenburg, Polit. Verhandlungen, V, p. p. Erdmannsdorffer.
— TscHUDi, Organismus der Khetsua-Sprache. (Bonnes recherches.) —
Go.MPERZ, Ueber ein bisher unbekanntes gricchisches Schriftsystem.
(Cp. Revue critique, n° 5o, art. 209.) — Homeri Iliadis carmina sejuncta
discreta emendata prolegomeniset apparatu critico instructa éd. Christ,
I. — Saalfeld, Thésaurus italograecus. (Quelques défauts, mais l'éty-
mologiste consultera cet ouvrage avec profit et les spécialistes doivent
l'avoir.) — Lévy, Der Troubadour Bertolome Zorzi. (D'heureuses con-
jectures et de justes éclaircissements.) — Lehmann, Der Bedeutungswan-
del im Franzôsischen. (Réunion méritoire de faits connus.) — Lamp-
recht's Alexander p. p. Kinzel. (Travail qui a coûté beaucoup de peine,
qui répond à un besoin depuis longtemps senti et qui fait à Fauteur
beaucoup de reconnaissants.)
— N" 5i, i3 déc. 1884 : Bestmann, die Anfange des Katholischen
Ciiristenthums u. des Islams. — Kolde, Martin Luther, eine Bio-
graphie, II u. III. — Kern, Der Bnddhismus u. seine Geschichle
in Indien. (Clair et plein de détails instructifs.) — Brodbeck,
Mensch u. Wissen. — (Aristotelis ethica Eudemia.) Eudemia Rhodii
ethica, recogn. Susemihl. — Fechner, Ueber die Frage der Weber'
schen Textes u. Periodicitats^esetzes im Gebiete des Zeitsinnes. —
Santi, Storia del Commune di Spoleto dal sec. XII al XVII. — Frie-
densburg, Zur Vorgeschichte des gotha-torgauischen Bûndnisses. i525-
1626. — Sepp, Maria Stuart u. ihre Anklager zu York, Westminster u.
Hamptoncourt oct. i568, jan. iSôg. — Landau, Rom, Wien, Neapel
wâhrend des spanischen Erbfolgekrieges. (Travail intéressant.) — Mor.
Meyer, Die Handwerkerpolitik des Grossen Kurfûrsten u. Kônig Frie-
drich's I, 1649-1713. (De nombreux et instructifs matériaux.) — Ca-
vour's gedruckte u. ungedruckte Briefe, gesammelt von Chiala, I. —
Der Hitopadescha, altindische Marchen u. SprtJche, ûbers. von Schoen-
berg. (Traduction destinée au grand public.) — Mittheilungen der Rie-
beck'schen Niger Expédition. — Reinisch , Die Chamirsprache in
Abessinien, II. — Schleusinger, Studie zu Caesar's Rheinbriicke. (Man-
que de connaissances techniques.) — Gust. Meyer. Albanesische
Studien, II. Die albanesischen Zahlwôrter. (Témoigne de beaucoup de
soin et de sagacité.) — Irische Texte mit Uebersetzung und Wôrterbuch,
hrsg. V. Stokes u. Windisch, IL Série, I Heft. (Très recommandable.)
— G. Raynaud, Bibliographie des chansonniers français des xni^ et
xiv'^ siècles, tome I, 2, (Livre très utile et très adroitement fait, qui
vaudra à son auteur la reconnaissance de tous les amis de l'ancienne
littérature française.) — Ausgaben u. Abhandlungen aus dem Gebiete
der romanischen Philologie^ hrsg. v. Stengel. X-XVII. — Phipson
(Emma), The folk-lore of Shakspeare's time, including quadrupeds,
birds, reptils, tish and insecls. (Livre d'une lecture très intéressante,
que doivent h're tous ceux qui s'intéressent aux légendes animales du
rnoyen âge et des temps postérieurs.) — J. Martha, Manuel d'archéolo-
gie étrusque et romaine. (Livre à louer dans son ensemble.) — Jordan,
Marsyas auf dem Forum zu Rom. — Beier, Ueber J. J. Froberger's
Leben u. Bedeutung lur die Geschichte der Claviersuite.
— N" 52, 20 décembre 1884: Bickell, Der Prediger ueber den Werth
des Daseins, Wiederherstellung des bisher zerstuckelten Textes, Ue-
bersetzung u. Erklarung, et Dichtungen der Hebraer, zum ersten Maie
nach dem Versmass des Urtextes uebersetzt, III. Der Psalter. —
A. RiTscHL, Geschichte des Pietismus in der luther. Kirche des XVII.
u XVIII Jahrhunderts, I (Beaucoup de nouveau, assez difficile à lire).
— Krause, Kant wider Kuno Fischer zum ersten Maie mit Hïilfe des
verloren gewesenen Kantischen Hauptwerkcs : Vom Uebergang von der
Metaphysik zur Physik vertheidigt. — Cohausen, der rôm'ische Grenz-
wall in Deutschland (clair et sensé). — Ewald, Die Eroberung Preus-
sens durch die Deutschen, III. — Ant. Lefèvre-Pontalis, Jean de
Witt (œuvre qui respire un esprit vraiment scientifique et répond à tou-
tes les exigences). — Wiermann, der deutsche Reichstag, seine Parteien
u. Grossen. — Werthheimer, Geschichte Oesterreichs^u. Ungarns im
ersten Jahrzehnt des XIX Jahrhunderts, I (précieux complément aux
œuvres de Béer et de Fournier qui traitent le même sujet). — Leiden-
ROTH, Indicis grammatici ad scholia Veneta A exceptis locis Herodiani
spécimen. — Spiro, De Euripidis Phoenissis (de la sagacité, mais pas
assez de réflexion et d'exactitude). — Biese, Die Eniwickelung des Na-
I
[
)
turgefûhls bei den Romern. — Aus Th. Kôrneis Nachlass, hrsg. v.
Latendorf. — Manstein, Handbuch der russischen Sprache (fait avec
beaucoup de soin et aura du succès). — Albert, Le culte de Castor et
Pollux en Italie (très méritoire). — Pellegrini, La raccolta archeologica
Chiellini in Livorno. — Riegel, Peter Cornélius, Festschrift.
— N" f, i^f janvier i885 : Goblet d'alviella, L'évolution religieuse
contemporaine chez les Anglais, les Américains et les Hindous. (Extrê-
memeni: intéressant et instructif.) — Knapp, Beitruge zur Lebensge-
schichte Spangenberg's. — Bâcher, Die Agada der Tannaiten, L von
Hillel bis Akiba. — G. Schneider, Die Platonischc Metaphysik. —
Cruck, Quae veteres de Pelasgis tradiderint. (Petit livre qui sera utile
pour de futures recherches et préservera de quelques erreurs vieilles et
nouvelles.) — Machatschek, Geschichte der Bischufe von Meissen.
(L'auteur n'a pas la moindre idée de la critique historique.) — Zurbon-
SEN, Das Chronicon Campi S. Mariae, 1 185-1422. — Daendliker, Ge-
schichte der Schweiz, L (Très recommandable ouvrage et qui prouve
les progrès que Thistoire de la Suisse a faits depuis Jean de Miiller.) —
Conrat (Cohn), Die Epitome exactis regibus mit Anhangen u. einer
Einleitung : Studien zur Geschichte des rômischen Rechts im Mitte-
lalter. — Cohn, De Heraclide Milesio grammatico. (Recueil complet
des fragments d'Héraclide.) — Loewe, Glossae nominum, accedunt
eiusdem opuscula glossographica collecta a G. Goetz. — Appel, De
neutre intereunte in lingua latina. (Très abondant et intéressant.) —
Arno Grimm. Ueber die baskische Sprache u. Sprachforschung, Allge-
meiner Theil. (Très estimable.) — Das Altprovenzalische Boethiuslied
hrsg. v. Hundgen. (Etude trop longue et diffuse, soignée, en certains
endroits insuffisante, sans rien de nouveau; texte quelquefois assez mal
établi.) — Fabeldichter, Satiriker u. Popularphilosophen des XVIIL
Jahrhunderts hrsg. v. Minor. — Kuhnert, De cura statuarum apud
Graecos. (Fait avec du soin.) — Schreiber, Die Athena Parthenos des
Phidias u. ihre Nachbildungen. (Œuvre scientifique fort remarquable.)
— Drescher, Die Arreststunde im Lichte der Herbart-Ziller-Stoy'schen
Ideen. — Vogt, Das padagog. Universitats-Seminar. — Rôhrich, Théo-
rie de Téducation d'après les principes de Herbart. — Das Nibelungen-
lied fur das deutsche Haus bearb. von Engelmann.
— N" 2, 4 janvier 1884 : Luthers Briefwechsel, bearb. von Enders.
— Vitte, das Leben Tholucks, I, 1799-1826. — Apell, Argentora-
tum; (bon travail d'ensemble.) — Mûcke, Aus der Hohenstaufen =
und Welfenzeit, Heinrich VI, Kônig Philipp u. Otto IV von
Braunschweig. (Favorable au parti des Stauffen.) — Wapler,
Wallenstein's letzte Tage. — Petrich, Aus dem Zeitalter der Befreiung,
Pommersche Lebens und LandesbiKler. — Usener, Philologie u. Ges-
chichtswissenschaft. (Très intéressante étude.) — Winkler, Ùraltaische
Vôlker u. Sprachen. (Livre qui renferme un nombre incroyable de
choses instructives et qui causera un émoi mérité.) — Krebs, Die Prâ-
positionsadverbien in der spateren historischen Gracitat, I. (Clair et
intéressant.) — Reissert, Die syntaktische Behandlung des zehnsilbi-
gen Verses im Alexius-und Rolandsliede. (Travail fait avec application
et bon sens.) — Brauns, Ueber Quelle u. Entwicklung der altfranz.
Cançun de saint Alexis verglichen mit der provenzal. Vida sowie den
altengl. u. mittelhochdeutschen Darstellungen. (Etude profonde.) —
Launitz, Wandtafeln zur Veranschaulichung antikcn Lebens u. antiker
Kunst, fortges. v. Trendelenburg, Taf. XXI II, Olympia nach den Re-
^Itaten der deutschen Ausgrabungen dargest. v. Bohn.
Le tuy, imprimerie Marc'nessou Jils, boulevard Saint- Laurent. 2j.
N" 4 Dix-neuvième année 26 janvier 1885
REVUE CRlTICll
D • ii i S r O I R E ET DE L l i' T E R A T U H E
RECUEII. HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. J. DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Cîujquet
Prix d'abonnement :
Un an, Paiis, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 23 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE I, A SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE 1,' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la re'daction à M. A. Chuquet
{Au bureau de la llevue : rue Ijonaparte, a8).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, et
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
KP^NEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
LES FRAUDES ARCHÉOLOGIQUES
en Palestine, suivi de quelques monuments phéniciens apocryphes,
par Ch. Clermont-Ganneau. Un fort volume in- 18, elzévir, illustré
de 33 gravures , 5 fr.
LES LANGUES D'AFRIQUE, par rob.»t cust.
In-i 8, elzévir ., 2 5o
LE SAINT SIÈGE, LA POLOGNE ET
MOSCOU (15S2-1587), parP, PiEBuNG. In-i8,elzév. 2 5o
LA GRÈCE ANCIENNE ET MODERNE,
considérées sous Taspect religieux, par Ad. Terzetti. In iS,
elzévir.
2 50
PÉRIODIQUES
The Academy, n» 622, !<■'• janvier i885 : Mullinger, The University
of Cambridge from the royal injonctions of i535 llio tlie accession of
Charles I, — Prince Rudolph, Travels in the East, a visit lo Egypt a.
the Holy Land. — Bradley, The wreck of the « Nisero » a. our capti-
vity in "Sumatra. — Letter from Egypt. (Sayce.) — The University of
London (Dyer). — « Custom and raylh » (Lang). — « Bezonian »
(Skeat). — « Aureus de universo » (Lumby). — Valerius Flaccus.
(Hoskyns-Abrahall.) — Frohnefs « Kritische Analekten » (Ellis). —
« The empire of the Hittites » (Houghton.)
The Athenaeinn, n" 2985, 10 janvier i885 : Dictionary of National Bio-
graphy, edited by Leslie Stephen, vol. I. Abbadie-Anne. — Theworksof
Gray, edit. by Èdm. Gosse, 4 vols. (A la fois soigné et complet.) —
Documents épigraphiques recueillis dans le Nord de l'Arabie, p, p.
DouGHTY. — LiTTLE, Madagascar, its history a. people. (Ne satisfait
nullement.) -— St. Vedast. (Kerslake, Hudson et Tancock.) — Tyn-
dale's Testaments. (Angus.) — Johnson and Mary Wolistonecraft.
(Alex. Napier.) — The Grimm centenary. — « Greek folk-songs »
(Glennie et Gaarnett.) — Swift (Stanley Lane-Poole),
Literarisches Centralblatt, n° 3, 10 janvier i885 : Schmidt, Die Kirche,
ihre biblische Idée u. die Formen ihrer geschichtl. Erscheinung. —
Brieger, Alexander u. Luther i52r, die vervollstandigten Aleander-
Depeschen nebst Untersuchungen iiber den Wormser Reichstag, I. —
V. Fries, Abriss der Geschichte Chinas (manqué en son ensemble). —
Res gestae divi Augusti, p. p, Mommsen. — Frôhlich, Die Bedeutung
des zweiten punischen Heeres fur die Entwickl. des rom. Heerwesens
(très détaillé). — G. Kohler, zur Schlacht von Tagliacozzo (petit écrit
intéressant). — Peukert, Die Memoiren des Marquis von Valorv. —
Krause, Proben der Sprache von Gliat in der Sahara (très instructit). —
Lange, Altjapanesische Frûhlingslieder aus der Sammlung Kokinwa-
kashu (essai qui a réussi). — Opsimathes, Thésaurus sententiarum et
apophtegmatum. — Pypin et Spasovic, Geschichte der Slawischen Li-
teraturen, II, 2 : Cecho-Slovaken (Très remarquable). — Bindseil, der
deulsche Aufsatz in Prima.
Deutsche Literaturzeitung, n» 48, 29 novembre 1884 : Stadler, Kants
Théorie der Materie. — Radestock, Génie und Wahnsinn. — Holtz-
MANN, Grammatisches aus dem Mahabharata (recommandable). —
[Aristotelis Ethica Eudemia] Eudemii Rhodii Ethica adiecto de virtu-
tibus et vitiis libello recogn. Susemihl. (Heitz : très bon.) — Cam.
Selden, h. Heines letzte Tage, Erinnerungen, aus dem franzôsischen ;
C. Jaubert, h. Heine, i833-i855; H. Heines Memorien und neuge-
sammelte Gedichte, Prosa und Briefe, p. p. Engel. (Jacoby.) — Tiktin,
Studien zur rumiinischen Philologie, 1. (Gaster : quelques critiques à
faire, mais l'auteur a lu beaucoup). — Res gestae Divi Augusti ex mo-
numentis Ancyrano et Apolloniensi iterum; éd. Th. Mommsen. (Bor-
mann : nouvelle et très brillante édition à tous égards, et pour le texte
et pour les figures.) — F. v. Apell, Argentoratum, ein Beitrag zur
Orstsgeschichte von Strassburg. (HoUaender : peu de nouveau sur
l'histoire, mais beaucoup de choses importantes sur la situation et les
fortifications d'Argentoratum.) — Obser, Wilfrid der Aeltere, Bischof
von York, ein Beitrag zur angelsachsischen Geschichte des VII. Jahr-
hunderts. (Hahn : plusieurs fautes, mais exposé clair, du coup d'œil
historique et de la sagacité critique.) — Bianchi, La politica di Mas-
simo d'Azzeglio 1848-1859. — Chavanne, Carte de l'Afrique cquato-
riale entre le Congo et l'Ogooué. — Grossiierzogliche hessische Silber-
kammer. Mustergiltige Werkc alter Edelschmicdekunst ans dcm XVI
bis XVIII Jahrhundert hrsg. v. Schuksiann u. Luthmër. — Vioi.lkt,
Précis de l'histoire du droit "français accompagné de notions de droit
canonique et d'indications bibliographiques. (Brunner : guide très es-
timable pour rhistoire du droit français et qui comble une lacune sen-
sible ; le seul travail qui puisse satisfaire les exigences actuelles; l'auteur
connaît la littérature du sujet et est arrivé à de remarquables résultats
par ses recherches originales.) — Steffenhagkn, Die Entwickelung der
Landrechtsglosse des" Sachsenspiegels. — M. Meyer, Geschichte der
preussischen Handwerkerpolitik nach amtlichen Quellen, I. Die Hand-
werkerpolitik des grossen Kurfursten u. Konig Friedrichs I, 1640-
1713. (Stieda.) — Italiens Wehrkraft.
— N« 49, 6 décembre 1884 : Grafe, Die Paulinische Lehre von
Gesetz. — Flint, Vico (Natorp : clair et impartial). — Ed. Zeller,
VortrJlge u. Abhandlungen, III. — Hregaard, Ueber Erziehung, eine
Darstellung der Paedagogik und ihrer Geschichte — Vietor, Elemente
der Phoneiik und Orthoepie des Deutschen, Franzôsischen u. Englis-
chen. (Clair, sensé, sagace, fort recommandable.) — Hermanns Lehr-
buch der griechischen Antiquitaten , neu hrsg. II, i. Alterthiimer.
(Bûchsenschûtz : trop de notes qui auraient dû figurer dans le texte.)
— Karg, Die Sprache Steinhôwels. — Hôlderlin, Dichtungen, p. p.
KosTLiN. — G. Sand, Correspondance 18 12-1876, V et VI; G. Flau-
bert, Lettres à G. Sand. — Lechner, Das Grosse Sterben in Deutsch-
land 1348-135 1 u. die folgenden Pestepidemien bis zum Schlusse des
XIV. Jahrhunderts. (Meitzen : plein de détails.) — Perrens, Histoire
de Florence, tome VI. (A utilisé la littérature du sujet et fouillé les
archives, style élégant, « nur etw^as springend, etwas zu sehr pointiert
und ieicht ermûdend ») — Precht, New- York im XVII. .lahrhundert.
(Rien de neuf, mais habilement fait.) — Werner, Das Kaiserreich Ost-
indien u. die angrenzenden Gebirgsliinder. (Résumé de Schlagintweit.)
— Prschewalski , Reisen im Tibet u. am oberen Lauf des Gelben
Elusses 1879-1880. — PoTTiER, Etude sur les lécythcs bhmcs attiques
à représentations funéraires. (G Robert : monographie soignée et qui
mérite tous les éloges, surtout dans la seconde partie.)
— N° 5o, i3 déc. 1884 : Dulk, der Irrgang des Lebens Jesu, I.
Die histor. Wurzein u. die galilaische BlQte. (Holtzmann : il
faut attendre le 2« vol.) — Plumacher, Der Pessimismus in Ver-
gangenheit u. Gegenwart. — Sammlung selten gewordener padag.
Schriften hrsg. v. Israël. — Ciceio's Rede fur L. Flaccus, erkUirt von
Du Mesnil (Eberhard : très satisfaisant.) — Ciceronis ad M. Brutum
Orator, rec. Heerdegen. (Stangl : très soigné.) — Goedeke, Grundrisszur
Geschichte der deutschen Dichtung, l.(Max Roediger : nouvelleédition
entièrement remaniée.) — Mauerhof, Zur Idée des Faust. (Minor :
œuvre de polémique. — Schiffer, William Dunbar (Breul : travail com-
plet sur le Burns de la vieille Ecosse.) — Verdaguez, L'Atlantide, trad.
par Savine. (Baist.) — Peiser, Der deutsche (nvestiturstreit unter Ko-
nig Heinrich V bis zu dem pilbstlichen Privileg vom i3 April iiir.
(Ribbeck.) — Kôcher, Geschichte von Hannover und Braunschweig
1648 bis 17 14, I. 1648- 1668. (Zimmermann : œuvre très méritoire.)
— Leist, Die Urkunde, ihre Behandlung u. Bearbeitung fur Edition u.
Interprétation. (Bresslau : mal fait.) — .Iohnston, Der Congo. — G. Voss,
Das jûngste Gericht m der bildenden Kunst des friihen Mittelalters.
— N° 5 1 , 20 déc. 1 884 : Brunel, Les philosophes et l'Académie fran-
çaise au xvni" siècle. (Natorp : œuvre d'un véritable historien, étude
complète des sources, jugement mûr.) — Rotter, Andréas Ritter von
Wilhelm. (Horawitz.) — Benares Sanskrit Séries, a collection of sans.
krit words editcd by the Pandits of thc Benares Sanskrit Collège undcr
the superintendence of Griffith a. Thibaut. (Weber.) — Ludwich,
Aristarchs homerische Textkritik nach den Fragmenter! des Didymos,
I. (Hinrichs.) — Wolfius, Prolegomena ad Homerum, vol. I,editio III
quam curavit Peppmuller. (Renner : édition qui surpassse en correc-
tion les éditions peécédentes.)— Herzfeld, Zu Ottes Eraclius. (Schroder :
bon travail.) — Scherer, Emanuel Geibel. (Petit livre écrit avec cha-
leur et plein de remarques instructives.) — Erkelenz, L'orthographie
allemande au point de vue historique et pratique. (Seemûller : bon,
quoique sans rien de nouveau.) — Raich, Shakspeares Stellung zur
katholischen Religion. 'Zupitza : l'auteur prétend que Shakspeare était
un catholique croyant!! — Thurot, De la prononciation française de-
puis le commencement du xvie siècle, tome II. (Koschwitz : on ne peut
qu'approuver sur tous les points le jugement porté sur ce livre par
G. Paris dans Pavant-propos.; — Winkelmann, Geschichte der Angel-
sachsen bis zum Tode KOnig Aelfreds. iLiebermann : court, mais plein
de faits.) — (Jrkundenbuch der Stadt Strassburg III, i 266-1 332, bearb.
V, Schulte. — Aus Hamburgs Vergangenheit, hrsg. v. Koppmann. (In-
téressant.) — Graf R Anrep-Elmpt, die Sandwich-InseIn oder das In-
selreich von Hawaii. — B asti an, Zur Kenntniss Hawaiis. — Schaufuss,
Giorgiones Werke unter Berûcksichtigung der neuesten Forschungen
von Crowe u. Cavalcaselle.
— N" 52, 27 décembre 1884 : Ratzinger , Geschichte der
kirchlichen Armenpflege ; Uhlhorn, Die christliche Liebesthatig-
keit. — Andronici qui fertur libelli Trspi TcaQwv pars prior de
affectibus, éd. Kreuttner. (Wellmann : recherches soignées). — Ed.
Muller, ]3ie Hochschule Bern in den Jahren 1834 bis 1884. — Hei-
DENHEiM, Die samaritanische Peutateuch-Version. — Krauss, Sagen und
Marchen der Siidslawen in ihrem Verhaltniss zu den Sagen und Mar-
chen der ûbrigen indogermanischen Vôlkergruppen, II (beaucoup de
légendes intéressantes). — Die ersten drei Kapitel der Metaphysik des
Aristoteles, Grundtext, deutsche Uebersetz. u. Kritischexeget. Com-
mentar, v. Wirth. (Susemihl : complément très utile aux travaux de
Bonitz et de Schwegler.)— PAUCKER,Vorarbeiten zur lateinischen Sprach-
geschichte, hrsg. v" Rônsch. (Jordan.) — Trinummus p. p. Schoell ;
Poenulus, rec!" Goetz et Loewe. (Langen.) — Valentin u. Namelos,
die niederdeutsche Dichtung, die hochdeatsche Prosa, die Bruchstûcke
der mittelniederiandischen Dichtung, ne'ost Einleitung, Bibliographie
u. Analyse des Romans v. W. Seelmann. (Franck : texte publié avec
soin). — Welti, Geschichte des Sonettes in der deutschen Dichtung.
(Minor : travail excellent, très profond, exécuté par un homme fort
compétent.) — Hagberg, Rolandsagan till sin historika karna och poe-
tiska omkladnad. (Appel : petit livre aimable). — Beloch, Die attische
Poliiik seit Perikles. (Nitsche : histoire des partis à Athènes et de leur
influence sur la politique extérieure de l'état depuis le commencement
de la guerre du Péloponnèse jusqu'à la tin de la guerre lamiaque;
quelques hypothèses et inconséquences; mais étude pénétrante et pro-
fonde.) — Pflugk-Harttung, Perikles als Feldherr. (Landwehr ; on
approuvera le jugement de l'auteur sur Périclès.) — Roth, Rômische
Geschichte, 1^ Àufl. v. Westekmayer, IL — Pflugk-Harttung, Iter
Italicum (très varié et très abondant). — Veyries, Les figures criopho-
res dans l'art grec, Tart gréco-romain et l'art chrétien. (Kekulé : cette
étude n'est pas très profonde, mais elle est souvent fine et attachante.)
Le Pu)-, imprimerie M arches s ou fils, boulevard Saint- Laurent, si.
N» 5 Dix-neuvième année 2 février 1885
"revue critique
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. J.DARMESTKTER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, ib fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l'École des langues orientales vivantes, etc.
38, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les couimiinications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, et
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
KRNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
LES FRAUDES ARCHÉOLOGIQUES
en Palestine, suivi de quelques monuments phéniciens apocryphes,
par Ch. Clermont-Ganneau. Un fort volume in- 18, elzévir, illustré
de 33 gravures 5 fr.
LES LANGUES D'AFRIQUE, pa,- robe.t cust.
In-i8, elzévir 2 5o
LE SAINT SIÈGE, LA POLOGNE ET
MOSCOU (1582-1587), par p. PiEELiNG. In-i8,elzév. 2 5o
LA GRÈCE ANCIENNE ET MODERNE,
considérées sous Paspect religieux, par Ad. Terzstti. In-i8,
elzévir..., 2 50
PÉRIODIQUES
The Academy, n*' 6G3, 17 janvier i885 : Probyn, Italy, i8i5-i8i8.
(Myers : delà chute de Napoléon i"'' à la mort de Victor Emmanuel,
livre clair et concis sur les causes et les événements qui ont lait
Tunité de l'Italie.) — Swift's prose writings, selected by Stanley Lane-
PooLE. — Gatschet, a migration legend of the Creek Indians, 1, —
Leland, Tiie Algonquin legends of New England. — Waters, Gun-
drada de Warrenne, wife of W. de Warrenne of Domesday, the first
earl of Surrey. — More Luther literature (Pearson : sur la Bibliotheca
Lutherana, les « Ungedruckte Predigten » de i53o, et la « Vorlesung
Liber das Buch der Richter » p. p. Buchwald; le livre de Horawitz,
« J. Heigerlin genannt Faber, Bischof von Wien »). — Discovery of a
St. Alban's book. (Duff et Bradshaw.) — An unpublished letter of
Hobbes. — « Custom and myth » (Rhys et Hager). — « Bezonian »
(Hall), — Kautzsch's Grammatik des Biblisch-Aramâischen (Stenhouse).
— The original meaning of màtri] bhrâtr/ and svasrf (Max Millier). —
« The empire of the Hittites » (Tyler).
The Athenaeiim, n" 2986, 17 janvier i885 : The poetical works of
John Keats, reprinted from the original éditions with notes by Pal-
grave. — Friedmann, Anne Boleyn, a chapter of english history, 1527-
i536, 2 vols. (Aucun historien n'a étudié cette période avec un plus
grand soin que l'auteur.) — Low a. Pulling, The dictionary of english
history. (Très complet, quoique très condensé; 1 1 19 pages en deux co-
lonnes; volume quMl faut recommander chaudement.) Philoiogical
books (E. MuLLER, A simplified grammar of the pâli language; Cust,
(Les langues de l'Afrique, etc.) — « Greek folk-songs » (EUiot Stock). | —
Notes from the greek islands. The sun (Bent). — Asbjornsen (not. né-
crol.) — Hawkins, Annals of the french stage from its origin to the
death of Racine. 2 vols. (Quelques erreurs, mais « very readable »).
Literarisches Ceulralblatt, n° 4, 17 janvier i885 : Beard, Die Reforma-
tion des XVI. Jahrhunderts. (Recueil de douze conférences traduites de
l'anglais.) — Nadrowski, ein Blick in Roms Vorzeit (brochure d'un dilet-
tante). — Zardo, Albertino Mussato (clairet soigné). — Encyclopâdie der
neueren Geschichte. IV. — Horawitz, Johann Heigerlin, genannt Fa-
ber, Bischof von Wien (biographie de ce peu sympathique humaniste).
— Cavour's gedruckte u. ungedruckte Briefe, 2 vols. 1 853-1 858. —
Bastian, Die Molukken, Reiseergebnisse u. Studien. — Leist, Graeco-
italische llechtsgeschichte. (Très bon travail dont l'auteur a su, par de
très longues études détaillées, surmonter toutes les difficultés.) — Mer-
KEL, Abhandl. aus dem Gebiete des rômischen Rechts, II, tJeber die
Geschichte der classischen Appellation. — Hoffory, Prof. Sievers u.
die Principien der Sprachphysiologie (argumentation en somme étroite
et injuste). — La vie de saint Alexis, p. p. G. Paris. (Texte amélioré en
maint endroit et édité « mit gewohnter Meisterschaft ».) — Cuervo,
Diccionario de construccion y regimen de la lengua castellana. (Excel-
lent, Tauteur peut devenir le Littré espagnol). — Veyries, Les figures
criophores dans l'art grec, l'art gréco-romain et Tart chrétien. (Exposi-
tion claire, sans critique, beaucoup de finesse et de savoir.) — Pottier,
Etudes sur les lécythes blancs attiques à représentations funéraires. (Ce
travail est un modèle par les recherches soignées et la clarté de l'exposi-
tion ; l'auteur domine son sujet et a fait une des meilleures monogra-
phies sur ce domaine.)
Deutsche Litteratur^citim?, n» i, 3 janvier 1884 Forster, Ambrosius
Bischof von Mailand. (Bcnrath : fait avec soin.) — Wilken, Das Ma-
triarchat bei den alten Arabern. (Hurgronje : intéressant travail qui a
paru en hollandais.) — H. D. Mullek, Sprachgeschichtlichc Studien.
(Mahlow : Fauteur persiste dans un point de vue que la linguistique a
abandonné.) — Fick, Die homerische Odyssée in der ursprungl. Sprach-
form wiederhergestellt (Hinrichs : livre important et instructif.) —
T. Livii, etc., éd. MADVioet Ussing, vol. III, 3i-35. (H. J. Muller.) —
RoELTEKEN, Dcr zusammcngesetzte Satz bei Berthold von Regensburg
(Lohner : très soigné). — Krause, Friedrich der Grosse u. die deutsche
Literatur. (L. Geiger : sujet souvent traité et où l'auteur a déployé
beaucoup d'habileté et de savoir.) — Duncker, Die Bruder Grimm.
(W. Scherer : plein d'intérêt.)— A new study of Shakespeare, an in-
quiry into the connection of the plays and poems, with the origins ot
the classical drama, and with the platonic^ philosophy, through the
mysteries. (Zupitza : n'est nullement convaincant.) — G. Raynaud.
Bibliographie des chansonniers français des xiii« et xiV^ sipcles. (Gas-
pary :"un des travaux préliminaires les plus nécessaires pour une étude
des lyriques du moyen âge.) — Wiedemann, Aegyptische Geschichte.
(Erman : l'auteur manque de connaissances philologiques et de criti-
que.) — Ed. Meyer, Geschichte des Alterthums, I : der Orient bis zur
Begrundung des Perserreiches. (Erman : excellent ouvrage, le meilleur
qui ait été écrit sur l'ancienne Egypte.) — Philipp^son. La contre-révo-
lution religieuse au xvi'' siècle. (Baumgarten : l'auteur n'a fait que
décrire les institutions, à l'aide desquelles la contre-révolution a entre-
pris son œuvre; il a, ici comme ailleurs, travaillé trop vite.) — Blok,
Eene hollandsch stad in de middeleeuwen et Eene hollandsch stad
onder de Bourgondisch-Oostenrijksche. (Von der Ropp.)
— No 2, 10 janvier 1884 : H. Schmidt, die Kirche. — V. Mayer,
Hobbes. — Stoll, Zur Ethnographie der Republik Guatemala.
— E. H. Meyer , Indogermanische Mythen , 1 , Gandharven-
Kentauren. (Kaegi : un des travaux les plus importants qui aient
paru sur la mythologie comparée.) — J. Girard, Essai sur Thucydide.
(Wilamowitz : livre qu'il faut lire.) — Merguet, Lexikon zu dcn
Schriften Caesars u. seiner Fortsetzer, I. (Soin et exactitude fort remar-
quables.) — W. Scherer, Jacob Grimm (Schônbach : 2" édition de ce
livre distingué.) — Vising, sur la versification anglo-normande. fSera
utile.) — Hertzberg, Geschichte der Byzantiner u. des osman. Reiches
bis gegen Ende des XVI. Jahrh. (Lambros : excellent.) — Documents
inédits relatifs à l'histoire de la Grèce au moyen âge, p. p. Sathas, V.
— Oncken, das Zeitalter Friedrichs des Grossen, II. (Wiegand : des
erreurs et des légèretés, mais cette œuvre est extrêmement intéressante
et écrite avec beaucoup d'agrément.) — Herzog von Broglie, Friedrich
II u. Maria Theresia, 1740-1742, deutsche Uebersetz. v. O. Schwedel.
(Wiegand : forme brillante, sujet clairement exposé, tableaux tracés de
main de maître, mais on ne devra utiliser le livre qu'avec extrême pré-
caution, car l'auteur condamne la politique de Frédéric, et son œuvre
« porte presque Tempreinte du pamphlet ».) — Eicgelmann, Die Leib-
eigenschaft in Russland.
— N" 3,17 janvier i885 : Sus. Rubinstein, Psychologisch aesthetischc
Essays. — Kautzsch, Grammatik des Biblisch-Aramaischen. (Lan
dauer : trop de fautes contre les plus simples règles de la grammaire.)
— Themistii quae fertur in Aristotelis Analyticorum prioruni librum I
paraphrasis éd. Wallies, Anonymi in Aristotelis Sophisticos elenchos
paraphrasis éd. Heyduck. — Statius, Thebais, éd. Kohlmann. II, 2.
lO. Miiller : fin d'un travail pour lequel n'était pas fait l'auteur.) —
Becker, Catalogi bibliothecarum antiqui, I. Catalogi saeculo XIII ve-
tustiores, IL Catalogus catalogorum posterioris aetatis. — Schonbach,
Die Brûder Grimm. (Max Roediger : destiné au grand public.) — Gœ-
ihes Briefe, hrsg. v. Strehlkil, 111. (R. M. Werner : lia de cette très
estimable publication.) — P'ornsogur Sudrlanda, Magus Saga .Taris,
Konrads Saga, Baerings Saga, Flovcnts Saga, Bevers Saga und inled-
ning utgifna af G. Cederschiold. — Schmitz, Portugiesische Gramma-
tik. (Storck : a besoin d'être corrigée en maint endroit.) — A. de Guber-
NATis, Storia universale délia letteratura, vol. IX-XII (beaucoup de
choses intéressantes et originales). — Cohn, Quibus ex fontibus S. Au-
relii Victoris et libri de Caesaribus et Epitomes undecim capita priora
fluxerint. (Klebs.) — Libri confraternitatum Sancti Galli Augiensis
Fabariensis éd. Piper. — Horawitz, Johann Heigerlin (genannt F'a-
ber), Bischof von Wien. — J. B. Weiss, Lehrbuch der Weltgeschichte,
VII, das Zeitalter der aufgekliirten Selbstherrschaft. — Beseler, Erleb-
tes und Erstrebtes, 1809-1859 (très instructif et important pour This-
toire de notre époque). — Beitraege zur Landcskunde Baierns. — Kôstlin,
Geschichte der Musik im Umriss, 3* Auflage.
Gœttingische gelehrte anzeigen, n° 25, 10 déc. 1884 : Dr. Martin Lulhers
Werke, kritische Gesammtausgabe, I Band. (Kolde : puisse l'éditeur de
cette vaste publication, Knaake, mener à bonne tin Tentreprise, et don-
ner enfin une édition des œuvres complètes de Luther vraiment com-
plète et vraiment digne du Réformateur.) — Quintus Ennius, eine Ein-
leitung in das Studium der rômischen Poésie, von Lucian Miiller.
(O. Keller : beaucoup de points douteux et non démontrés,, avec un
grand nombre de bonnes et fines remarques; Féditeur prend aussi un ton
trop arrogant.) — E. Meyer, Geschichte des Alterthums, I Band, Ge-
schichte des Orientes bis zur Begrûndung des Perserreiches.(Ad. Bauer ;
livre qui résume excellemment tous les résultats acquis dans ces derniè-
res années et doit être recommandé à ceux qui veulent s'instruire sérieu-
sement des progrès de la science; de tous les ouvrages qui traitent le
sujet, celui-ci est le plus réussi.)
Theologische Literaturzeitimg, n° 25, i3 décembre 1884 : Theologischer ,_
Jahresbericht, hrsg. v. Punjer, i883. — Wordsw^orth, The Gospel ac-- p
cording to St. Matthew from the St. Germain ms. (g. i). — Ranke, I
Weltgeschichte, das Kaisertum in Constantinopel u. der Ursprung ro- 1
manisch-germanischer Konigreiche. (O. Harnack : quatrième partie où I
l'on trouve, non pas « la vie germaine et l'empire romain », comme le
promet l'auteur, mais Thistoire des rois germains et des empereurs ro- [
mains ; les idées fondamentales sont souvent cachées au milieu de la
foule des détails; il faut lire le livre en son entier et, à ce prix, on ap-
prendra beaucoup.) — Pflugk-Harttung, Iter Italicum. (O. Harnack :
de nouveaux et abondants matériaux pour l'histoire de la papauté; of- ;
fre une foule d'indications pratiques à quiconque veut faire en Italie
des recherches historiques.) — Nitzsch, Luther und Aristoteles.
— N" 26, 27 décembre 1884 : Kautzsch, Grammatik des Biblisch-
Aramàischen. (Budde : répond à toutes les exigences de la science ac-
tuelle). — Novam Testamentum graece rec. Tischendorf, vol. III,
Prolegomena scripsit Gregory, I. — Klostermann, Problème im Apos-
tehexte neu erortert. — Seep, Quellenuntersuchungen zu den grie-
chischen Kirchenhistorikern et Zur Geschichte Constantins des Grossen.
(A. Harnack : résultats importants.)
Le Fuy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint- Laurent, 23.
N° 6 Dix-neuvième année 9 février 1885
REVUE CRITiaUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. J.DARMESTETER, L. HAVET, G.MONOD,G. PARI?
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
Prix d'abonnement ;
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 23 fr,
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l'École des langues orientales vivantes, etc.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de V étranger sont priés d'envoyer directement, ei
non par commissionnaire , les livres dont ils désirent un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
LA LÉGENDE D'ÉNÉE avant Virgile, par J. -a. Hild. In-S. 3fr.
JUVENAL" Notes biographiques, par J. -A. HiLD. In-8 2 fr.
ÉTUDES SUR LA VIE DE SÉNÈQU E, par m. Hochart.
In-8 , 6 fr.
ROMAN DE RENART, publié par Ernest Martin.
Volume I. L'ancienne collection des Branches, In-8 12 5o
Volume II. Les Branches additionnelles. In-8. 10 fr.
DES VARIATIONS DE LA LANGUE et delà métrique
d'Horace dans ses différents ouvrages, par A. Waltz. In-8. .. 5 fr.
DE CARMINE CIRIS, auct. a. Waltz. In-S 3fr.
CROQUIS ARTISTIQUES ET LITTÉRAIRES,
par J. C0NDAMIN. In-8, papier teinté 6 fr.
PÉRIODIQUES
The Academy, n"^ 664, 24 janvier i885 : The works of Gray in prose
and verse, p. p. Gosse (Beeching). — E. M. de Vogué. The true
story of Mazeppa, the son of Peter the Great, A change of reign, trans-
lated by Millington. (Hodgetts : très brillant et très soigné.) — Two
books of réminiscences : Gallenga , Episodes of my second life ;
O'sHEA, Leaves from the life of a spécial correspondent. — Benham,
Winchester, « Diocesan Historiés». — The current literature of the
Madras Presidency. (Foulkes). — Lane-Poole's « Sélections from
Swift, » — 'Omar Khayyâm (Houtum-Schindler). — The hunting of
the wren. (Ridgeway.) — An old epitaph. (Novati). — An unpublished
letter of Hobbes. (Robertson). — « Bezonian » (Wedgwood). — Odin.
(Isaac Taylor.) — « Finn » and « Gwynn. « (Powel). — Pierson. Mé-
trique naturelle du langage (Lecki : compte rendu qui analyse l'ouvrage
et retrace la courte carrière de Fauteur). — Some arable books (Wil-
ken, das Matriarchat [Mutterrecht] bei den alten Arabern; Wellhau-
SEN, Skizzen und Vorarbeiten, I ; Al-Handâni's Geography of the ara-
bian peninsula, p. p. D. H. Mûller). — A law of latin accentuation.
(Wharton.) — Butler, The ancient coptic churches of Egypt. (R. S.
Poole : excellent.)
The Athenaeum, n" 2987, 24 janvier i885 : Parkman, Montcalm and
Wolfe, 2 vols. (Ouvrage très important, vives peintures, réflexions atta-
chantes, l'auteur est un des plus grands historiens qui écrivent en an-
glais.) — Tregellas, Cornish worthies. — Correspondance de George
Sand, 1812-1876. — The Brontë family. — St Vedast, otherwise St.
Poster. (Roud et Hall.) — A warning (Stevenson : sur l'histoire de la
littérature anglaise de M. Aug. Filon; Tauteur, a commis une foule
d'erreurs : ce He is a rash and ignorant compiler, hehas read but few of
the books of which he treats, many he has not even seen, and he trades
in fuU security on the superior ignorance of the public and the French
Academy... such a book can only be described as an imposture.) —
Notés from Athens (Hist). — The Victory of Samothrace at the Louvre.
Litterarisches Centralblatt n°5, 24 janvier i885 : Harnack, Lehre der
zwolf Apostel. (Mérite Tattention à un haut degré.) — Natorp, Fors-
chungen zur Geschichte des Erkenntnissproblems im Alterthum.
(Contribution très remarquable à l'histoire de la philosophie ancienne.)
Schricker, alteste Grenzen und Gaue im Elsass. (Résultats certains;
r « Alsace » était primitivement le pays entre Selzbach et Eckenbach, le
Nordgau.) — Carini, Gli archivi e le bibliotheche di Spagna, I, i. —
Riant, La donation de Hugues, marquis de Toscane au S. Sépulcre, et les
établissements latins de Jérusalem au x'' siècle. (Travail qui est un mo-
dèle.)— Poschinger, Preussen im Bundestagi85i bis 1859, Documente
der preuss. Bundestags-Gesandtschaft, IV, i85i-i858. — Osthoff, zur
Geschichte des Perfects im Indogermanischen mit besonderer Riicksicht
auf griechisch und lateinisch. (Un peu diffus, mais des points de vue
nouveaux et des solutions définitives.) — Vising, Sur la versification
anglo-normande. (Prolixe et ne réfute pas ses adversaires , surtout
Suchier.) — O. Zingerle, Die Quellen zu Rudolf's Alexander. (Plus
longque profond.) — Geflligelte Vorte, p. p. Buchmann, 14^ edit. revue
par Robert-tornow.
TheologischeLiteraturzeitung, n» i, 10 janvier i885 : Koe, De Conjec-
turaal-critick en het Evangelie naar Johannes ; Baljon, De text der
brieven van Paulus aan de Romeinen, de Corinthiërs en de Galatiërs.
— E. Havet, Le christianisme et ses origines, IV. (^Harnack : cet ouvrage
laisse des impressions très mêlées; on se sent parfois transporté au mi-
lieu du siècle dernier, et de nombreuses parties du livre pourraient
être écrites par un contemporain et ami de Voltaire. Cest en cela que
consistent la force et la faiblesse de l'auteur; sa faiblesse, car il a un
idéal d'humanité, qui l'a rendu injuste envers la religion positive; il ne
se soucie guère des travaux dont Thistoire de l'ancienne littérature
chétienne a été Tobjet depuis le temps de Voltaire. Mais le bon sens a
aussi sa vertu, et comme le bon sens a toujours voix prépondérante,
l'auteur a raison sur d'importantes questions.) — Plenkers, Der Dilne
Niels Stensen, ein Lebensbild — Friedrich von Hardenberg, genannt
Novalis, eine Nachlese aus den Quellen des Familienarchivs, 2" Aufl.
Zeitschrift fur neufranzœsische Sprache und Litteratur, i883. Partie I. —
Mémoires. P. i. H. P. Junker. Studien ûber Scarron. — P. 42.
C. Humbert. Victor Hugo's Urteile uber Deutschland. — P. 5 3.
R. Mahrenhoitz. Voltaire-Analekten. — P. 81. F. Zverina. Replik m
Sachen der Satyre Ménippée. — P. 107. H. Welti. Die Astrée des Ho-
noré d'Urfé und ihredeutschen Verehrer. — P. 120. A. Reissig. Jean-
Baptiste-Louis de Gresset. — P. i38. A. Lûder. Carlo Goldoni in
seinem Verhaltnis zu Molière. — P. 161. A. Lûder. Carlo Goldoni in
seinem Verhiiltniszu Molière. — TSchluss). — P. 178. R. Mahrenhoitz
Nachlesen auf dem Gebieteder Molière-Littératur — P. 206. J. Frank.
Duplik in Sachen der Satire Ménippée. — P. 220. W. Schefïler. Ueber-
blick uber die Geschichte der franzosischen Volksdichtung. — P. 241.
W. Schefïler. Ueberblick ûber die Geschichte der franzosischen Volks-
dichtung (Schluss). — P. 244. A. Reissig. Sébastien-Roch-Nicolas Cham-
fort. —"p. 25o. F. Zverina. Beitrage zur franzosischen Lexikographie.
— P. 281. R. Mahrenhoitz. Vergessenes und VerschoUenes. (Aus der
franzosischen Litteratur des 18. Jahrhunderts).
Partie IL — Articles critiques et analvtiques. P. i. G. Willenberg, H.
Breyinann, Die Lehre vom franz. Verb etc. Zur Reform des neuspra-
chlichen Studiums. C. von ReinhardstiJttner, Gedanken liber das Stu-
dium dermodernen Sprachen in Bayern etc. Heft 1. und II. — L. : H.
Karting, Ueber zwei religiôse Paraphrasen P. Corneille's : « L'Imitation
de Jésus-Christ » und die « Louanges de la Sainte- Vierge ». Ein Beitrag
zur Gorneille-Forschung. — P. 25. Litterarische Chronik. W. Knorich,
Schulausgaben. — E.SecVetan, Chronique littéraire de la Suisse romande.
— P. 38. Zeitschriftenschau. F. Zverina. Zeitschrift fur das Realschul-
wesen. Ph; Plattner. L'Instruction publique; Deutsche Litteratur-Zei-
tung ; Magazin fur die Litteratur des In- und Auslandes ; Revue criti-
que^ R. Mahrenhoitz. Molière-Museum. — P. 45. Osterreichische
Programme. F. Zverina. Osterreichische programme. — P. 48. Miscel-
LEN. R. Mahrenhoitz. Ein Tendenzroman A. Daudet's. R. Meyer. Zu
Sachs' Worterbuch. A. Heyn. Zu Sachs' Wôrterbuch. —A. Kressner.
Nachtrage zu dem franzosischen Wôrterbuch von Sachs. — Deutsche Lit-
teratur-Zeitung. Mitteilung aus derselben. — D. Behrens. Kreut^berg,
Bohmer'sphonetische Transcription etc. — M.Gisi. Zu Sedaine. — P. 65.
KritIsche Anzeigen. D. Behrens. A. Risop, Die analogische Wirk-
samkeit in der franzosischen Konjugation. — P. 8i. Litterarische
Chronik. D. Behrens. Ausgaben. — G. Willenberg. Schulbucher. —
W. Munch. Pâdagogische Schriften. — Eug. Secretan. Chronique litté-
raire de la Suisse romande. — P. 96. Zeitschriftenschau. D. Behrens.
Zeitschrift fiir romanische Philologie; Romania; Revue des langues
romanes; Litteraturblatt fur germanische und romanische Philologie;
Revue politique et littéraire; Magazin fur die Litteratur des In- und
Auslandes; L'Athénœum Belge; Revue scientifique; Le Correspon-
dant ; Annales de la Faculté des lettres de Bordeaux ; Le Livre ; Bulle-
tin du bibliophile. — Ph. Plattner. Blatter fur das baierischeGymnasial-
und Reaischuhvesen. — C.Th. Lion. Centralorgan fur die Interessen des.
Realschulvveseiis; Neue Jahibucher fur Philologie und Padagogik; Lit-
terarische Centralblatt. — P, 117, Miscellen. G. Willenberg. Zur
Konstruktion von falloir. — G. Erzgraeber. Hauptregeln der franzôs.
Syntax nebst Musterbeispielen von Dr. R. Brunnemann. — A Spohn.
Ueber den Gebrauch des Konjunktivs bei Joinville. — W. Knorich. Zu
Molière's Misanthrope. — R.Mahrenhohz. Der « Panégyrique de l'Ecole
des Femmes ». — P. 129 Referate und Rezensionen W Brummert.
J. F/ezo;;^, Marivaux et le Marivaudage. — W. Knorich. R. Mahrenholt^,
Voltaire-Studien. — R.Mahrenholtz, A. Laun, Molière's Werke. — J. Sar-
razin. O. Weber : A. Barbou, Victor Hugo et son temps. G. Brandes,
Die Litteratur des XIX. Jahrhunderts etc. — P. 17?. Lttterarische
Chronik.E Koschwitz und A. Haase: Grammaire und Metrik. — C.Th.
Lion. Verhandlungen der preussischen Direktoren - Versammlungen
liber den franzosischen Unterricht, — Ph. Plattner. Vokabularien, Kon-
versationsbiicher, Phraséologie und Synonymik. A. KIotzsch. Padago-
gische Schriften. — A. Rambeau. Schulgrammatiken. — P. 2o5. Miscel-
len. R. Mahrenholtz, H. Kôrting und E. K. — P. 209. Referate und
Rezensionen. J. Sarrazin. Ces Villatte, Parisismen etc — P. 216.
L1TTERARISCHE Ghronik. g. Th. Lion. Schulausgaben. — W. Mûnch.
Schulbijcher. — A. Rambeau. Schulgrammatiken. — P. 239. Miscellen.
E. Koschwitz, R. Meyer, Ph. Plattner. — P. 248. Verzeichnisse. Sys-
tematisches Verzeichnis der in der « Revue des deux Mondes », Jahr-
gang 1882, enthaltenen Artikel, sowie der in ihrem « Bulletin biblio-
graphique » angezeigten Bûcher. — H. Aschenberg, Systematisches
Verzeichnis der in Band V. der « Zschr. f. nfrz. Spr. u. Litt, » bespro-
chenen oder erwahnten Bûcher und Schriften.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
PUBLICATIONS DES FACULTÉS DES LETTRES
BULLETIN DE LA FACULTÉ DES LETTRES DE
CAEN. Bulletin mensuel. Première année. Prix du numéro, i 25
ANNALES DE LA FACULTÉ DES LETTRES DE
BORDEAUX , rédigées par les professeurs des Facultés de
Bordeaux et de Toulouse.
Ancienne série. Cinq années. Cinq volumes in-8 5o fr.
Nouvelle série. 1884. Abonnement annuel. = 10 fr.
BULLETIN DE LA FACULTÉ DES LETTRES DE
POITIERS. Bulletin mensuel. Abonnement 10 fr.
Années i883, 18S4. 2 volumes in-8. 20 fr.
ANNUAIRE DE LA FACULTÉ DES LETTRES DE
LYON. Souscription annuelle 10 fr.
Tomes I et II,.i8?i3, 1884. I"-8- Chaque 10 fr.
Le Puy, imprimerie Marchessou <ils, boulevard Saint- Laurent, 23.
I
N» 7 Dix-neuvième année 16 février 1885
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LIT T E R A T U K E
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIE SOUS LA DIRECTION
DE MM. J. DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Ghuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 25 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l'École des langues orientales vivantes, etc.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Ghuquet
(Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28),
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, et
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
LA LÉGENDE D'ÉNÉE avant Virgile, par J.-A.Hild. In-8. 3fr.
JUVENAL' Notes biographiques, par J. -A. Hild. ln-8 2 fr.
ÉTUDES SUR LA VIE DE SÉNÈQUE, par M. Hochart.
In-8 6 f r.
ROMAN DE RENART, publié par Ernest Martin.
Volume I . L'ancienne collection des Branches. In-8 12 5o
Volume II. Les Branches additionnelles. In-8 10 fr.
DES VARIATIONS DE LA LANGUE et delà métrique
d'Horace dans ses différents ouvrages, par A. Waltz. In-8. . . 5 fr.
DE CARMINE CIRIS, auct. a. Waltz. In-8 3 fr.
CROQUIS ARTISTIQUES ET LITTÉRAIRES,
par J. Gondamin. In-8, papier teinté 6 fr.
e
PÉRIODIQUES
The Academy, n" 665, 3i janvier i885 : Reg. Lune Poole, Illustra-
tions of the history of mediaeval thought in the departments of theo-
iogy a. ecclesiastical politics. — Memorials of James Hogg. the Ettrick
Shepherd, edited by his daughter, Mrs. Garden, with préface bv prof.
Veich. — Capt. J. Buchan Telfer, The Chevalier d'Eon de Beaumont,
minister plenipotentiary from France to Great Britaia in 1763.
(Purcell : c'est plus qu'un supplément aux recherches du duc de
Broglie). — Grimm's household taies with the author's notes, translated
from the german a. edited by Margaret Hunt, with an introd. by A.
Lang. 3 vols. — The teaching of the twelve apostles, X'.oxyjt twv owor/.a
'A'::3aT;Awv, a translation with notes a. excursus, by Canon Spence. —
Lesson, Les Polynésiens, leur origine, leurs migrations, leur langage,
ouvrage rédigé craprès le manuscrit de l'auteur par Lud. Martinkt,
rome IV. — An unpubiished letter of Thomas Hobbes. (Aitken.) —
Odin (Vigfusson). — Aeschyli Fabulae cum lectionibus et scholiis
codicis Medicei et in Agamemnonem codicis Florentini ab Hieronymo
Vitelli denuo oollatis, éd. Wecklein, 2 vols. (Campbell : très remar-
quable.) — The Soma plant. (Houtum-Schindler). — The original
raeaning of mâtr/, bhrâtrz, svasri (Arnold). — Egypt Exploration
Fund. (R. St. Poole.)
The Atheiiaeiim, n» 2988, 3i Janvier i885 : George Eliot's life, as
related in her letters and journals, arranged a. edited by her husband
Cross, 3 vols, (i'^'" art.) — Leland, The Algonquin legends of New
England. — Thornill, The personal adventures a. expériences of a
magistrate during the rise, progress and suppression of the indian
mutiny. (Très intéressant.) — Reg. Lane Poole, Illustration of the
history of mediaeval thought in the departments of theology and eccle-
LÙastical politics. — Mrs. Speety, My wanderings in the Soudan, 2 vois.
— The death of Catherine of Aragon (Norman Moore). — Relies of
totemism. (Gomme.) — Gochran- Patrick, Catalogue of the medals of
Scotland from the earliest period to the présent time.
Literarischss Centralblatt, n° 6, 3i janvier iS85 : Novum Testamentum
graece p. p. Tischendorf, III. — Bissinger, Uebersicht iiber Urge-
chichte des badischen Landes. — Turmair^s Aventinus Annales ducum
Boiariae, Bayerische Chronik. — Kôcher, Geschichte von Hanno--
ver und Braunschv>--eig 1648 bis 1714, I. (Excellent travail qui
renferme d'innombrables matériaux fort habilement mis en œuvre.)
— LoRCK, Handbuch der Geschichte der Buchdruckerkunst, II. Wie-
der Erwachen und neue Bliithe der Kunst, 175 i- 1882. (Très recom-
mandable.) — Aristophanis Ecclesiasuzae, rec. Velsen. — Luebke,
Observationes criticae, I De comoediae licentia legibus coercita, II. De
Aristophanis cum aequalibus poetis comicis amicitia et simultate. (Té-
moigne que l'auteur a été à bonne école.) — Ten Brink, Chaucer's
Sprache und Verskunst. (Livre qui épuise le sujet, exposition concise,
prix modéré, livre qui se trouvera dans les mains de tous ceux qui veu-
lent étudier à fond le vieil et le nouvel anglais.) — Elsàssische Volkslie-
der, gesammelt u. hrsg. v. Mundel. (256 chants populaires de toutes
sortes.) — TopPERT, Richard Wagner, sein Leben und seine Werke.
(Brochure de cent pages, le meilleur écrit sur Wagner depuis la mort
du musicien.) — Pohl, Richard Wagner. (Brochure de 78 pages, sé-
rieusement faite.)
Deutsche Literaturzeitung. n" 4, 24 janvier i885 : Edmond Stapfer, La
Palestine au temps de Jésus-Christ. (Wolf : fait avec très grand soin et
abondant.) — O. Volkmar, Lehrbuch der Psychologie. — Die Matrikel
der Universitat Heidelberg, i386-i662, p. p. Toepke, I. — Brauns.
Japanische Milrchen und Sagen. (Lange : recueil très intéressant.) —
Altjapanische Fruhlingslieder aus der Sammlung Kokinwakashu
ûbersetzt u. erlautert v. Lange. (Schott.) — Acta seminarii philologici
Erlangensis éd. Iwan Muller u. A. Luchs (Dittenberger.) — Inhoof-
Blumer, Monnaies grecques, et Choix de monnaies grecques de la col-
lection de F. Imhoot — Blumer. (R. Weils; la publication la plus abon-
dante et la plus variée par son contenu qui ait paru depuis longtemps
sur le domaine de la numismatique grecque.) — Otfrids Evanyelien-
buch, p. p. Piper, II, Glossar u. Grammatik. (Seemuller : fin de cette
édition qui ne vaut pas d'ailleurs celle de Kelle.) — Schùll, Gesam-
melte Aufsâtze zur klassischen Litteratur alter u. neuerer Zeit.
(Ulrichs : recueil d'essais où la critique historique s'unit à la critique
esthétique.) -- Lieder der alten Edda, deutsch durch die BrûderGrimm,
neu hrsg. v. Hoffory. (Roediger.) — Gaspary, Geschichte der italienis-
chen Literatur, I. {Wiese : laisse bien loin derrière lui tous les ouvrages
précédents, a consulté consciencieusement tout ce qui a paru sur la ma-
tière; lait d'ailleurs non seulement pour les spécialistes, mais pour le
grand public.) — V. Stern, Geschichte der spartanischen u. theban.
Hégémonie vom Kônigsfrieden bis zur Schlacht bei Mantinea. (Niese :
beaucoup de bonnes choses dans le détail.) — Schliephake, Geschichte
von Nassau, fortg. von Menzel , VI Band. — Correspondance de
M. de Remusat pendant les premières années de la Restauration. —
Max Muller, Biographische Essays. (Recueil de neuf essais, entre
autres sur Colebrook, MohI, Bunsen, Kingsley, l'étude sur Colebrooke
est la plus importante. — E. Hermann, die Standegliederung bei den
alten Sachsen u. Angelsachsen.
— N" 5, 3i janvier i8S5 : Biedermann, Christliche Dogmatik.
— Literarische Correspondenz des Pàdagogen F. E. von Rochov^ mit
seinen Freunden, hrsg. v. Jonas. — Gutersohn, Beitrage zu einer
phonetischen Vocallehre ( rien d'important et de nouveau ). —
Reitzenstein, De scriptorum rei rusticae qui intercedunt inter Cato-
nem et Columellam libris deperditis. (Jordan : soigné et clairement
écrit.) — Die Gedichte des Catullus hrsg. v. Riese. (Léo : commentaire
utile, mais le jugement de l'auteur n'est pas toujours sûr). — Elster,
Beitrage zur Kritik des Lohengrin. (A. Schmidt : recherches menées
avec sagacité et circonspection.) — Schlossberger, Neuaufgefundene
Urkunden ûber Schiller u. seine Familie. — Sam. Berger, La Bible
française au moyen âge; Bonnard, Les traductions de la Bible en vers
français et au moyen âge. (Deux ouvrages qui, par l'étendue de leurs
matériaux et la profondeur de leurs recherches, appartiennent à ce
qu'on a écrit de plus important dans ces dernières années sur le domaine
de l'histoire littéraire du vieux français.) — Bormann, Bemerkungen
zum schriftlichen Nachlasse des Kaisers Augustus (Nissen : explica-
tions détaillées et sagaces). — Monumenta Germaniae historica, Die
Urkunden Conrads I, Heinrichs I und Ottos I. (Steindorff.) — Juste,
La révolution brabançonne (1789) et La république belge (1790). —
Codex diplomaticus Saleniitanus. p. p. Weech, I, ij 34- 1266. (Boos.)
— Nomina geographica neerlandica, geschiedkundig onderzoek der ne-
derlandsche aardrijkskundige namen, onder redactie van Dornseiffen,
Gallée, Kern, Naber, Rogge uitgegeven door det nederlandsch aar-
drijkskundig genootschap. — A. Weber, Leben und Werke des Bild-
hauers Dill Riemenschneider. — Deumer^ Der rechtliche Anspruch
Bôhmen-Oesterreichs auf das kôniglich sâchsische Markgrafentum Ober-
lausitz. — C. Friedrich, Die deutschen Glaser, Beitrag zur Termino-
logie u. Geschichte des Glases, hrsg. v. bairischea Gewerbemuseum zu
Nûrnberg.
Revue de l'instruction publique en Belgique, tomeXXVIIl, i'''= livraison :
P. Thomas, sur quelques irrégularités dans Temploi des négations en
latin. — Omont, Catalogue des manuscrits grecs de la Bibliothèque royale
de Bruxelles (suite). — Comptes rendus : Gliges von Christian von
Troyes, hrsg. v. W. Foerster. (Wilmotte : art. qui renferme beau-
coup d'observations.) — Ziemer, Vergleichende Syntax der indogerma-
nischen Comparation insbesondere der Comparationscasus der indo-
germanischen Sprachen und sein Ersatz. (Orterer : ouvrage composé
avec beaucoup de soin et qui dénote chez son auteur une connaissance
approfondie de son sujet.) — Plate, cours gradué de langue anglaise,
I. Cours élémentaire, édition française par Koenig. (Hegener : ne ren-
ferme que des coq-à-l'àne, des inepties, des absurdités.) — Roumen et
Severyn, Cours pratique de langue anglaise, i""'= année (Vercoullie : ce
manuel a beaucoup de bonnes parties et celui qui saura bien s'en servir
ne s'en trouvera pas trop mal.) — Erkelenz, L'orthographe allemande
au point de vue historique et pratique. (Bley : absence de méthodes,
manque de clarté, erreurs nombreuses parfois contraires aux notions les
plus élémentaires; on s'étonne que l'auteur ait abordé un sujet pour le-
quel il était si peu préparé.) — Paléographie des classiques latins, p. p.
Châtelain, i '''' livraison. (P. Thomas : publication qui rendra les plus
grands services, qui a atteint la limite de l'extrême bon marché, qui a
été faite sur un plan excellent, avec infiniment de soin et de con-
science.)
Zeitschrift fur Katholische Théologie, IX Band, I Quartarheft, i" janvier.
(A Innsbruck, chez Rauch ; 4 fascicules par an, 6 mark ou 7 fr. 5o.)
MûLLENDORFF, Die Hinordnuug der Werke auf Gott nach dem hl,
Thomas. — Kobler, Die Heiligen in den fûrstlichen Familien des Mit-
telalters. — Heller, Das nestorianische Denkmal in Singan fu. —
Straub, Zur scholastischen Behandlung der Engellehre. — Comptes
rendus : Stôckl, Geschichte der neueren Philosophie (Frins). — Girodon,
Exposé de la doctrine catholique (Hurter). — Markovic, Papino pogla-
varstvo (Brix : ouvrage écrit en croate et dont le titre entier est « le
primat papal dans l'Eglise aux huit premiers siècles », beaucoup de
science théologique). — Pressutti, Regesti di Onorio 111(1216-1227),
compilali sui codici dell" archivio Vaticano ed altre fonti storiche per
l'ab. Pressutti, vol. I. [Grisar : travail absolument imparfait, il faut
souhaiter que ce recueil ne soit pas continué.) — Les registres d'Inno-
cent IV, p. p. Elie Berger, I. (Grisar : travail très bien fait et qui fera
mieux connaître l'époque de Frédéric IL) — Oswald, Angelologie. —
Weber, Die kanonischen Ehehindernisse. — Bemerkungen u. Na-
chrichten : Ein Dominikanerbischof aus dem XV. Jahrhundert als
Molinist vor Molina (Pesch). — Die Scholastik auf dem antiquarischen
Bûchermarkte. (Ehrle.) — Die Théologie am Ende des XVIII u, An-
fang des XIX Jahrhunderts (Hurter). — Ebner contra Kelle. — Vor-
laiirige Glossen zu Spitzen's Schrift ftir Kempis. — Fortsetzungen u,
neue Auflagen frûher besprochener Werke. — Analecten aus auslân-
dischen Zeitschriften. — Literarischer Anzeiger.
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
]sjo 8 Dix-neuvième année 23 février 1885
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIE SOUS LA DIRECTION
DE MM. J. DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 25 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE 1.' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction ^ M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, et
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
ANONYME DE CORDOUE
CHRONIQUE LATINE RIMÉE
DES DERNIERS ROIS GOTHS DE TOLÈDE ET DE l'iNVASION ARABE DE l'eSPAGNE
Editée et annotée par le P. J. TAILHAN
Un beau volume in-folio, avec 28 planches en héliogravure 5o fr.
JOURNAL DE BURCHARD
Johannis Burchardi Argsntinensis, capelle pontificie sacrorum rituum magis-
iri Diarium, seu rerum Urbanarum commentarii (i4t:)3-i5o6). Texte latin publié
intégralement pour la première fois d'après les manuscrits de Paris, de Rome et
de Florence, avec introduction, notes, appendices, tables et index par L. Thuasne.
3 forts volumes gr. in-8 (5o fr.
Le tome III paraîtra dans quelques jours.
HISTOIRE INTÉRiEURE DE ROME
Jusqu'à la bataille d*Actium
Tirée des Rœmische Alterthuemer de L. LANGE
Par A. Berthelot et Didier.
Fascicule II i
o -1
PÉRIODIQUES
The Academy, n°666, 7 février i885 : George Eliot's lite as related in
her letters and journals, arranged a. edited by her husband Cross. (Dow-
den.) — Lawrence, Essays on some disputed questions in modem in-
ternational law ; Stephen, International kiw and international relations.
— The dictionary of English History, edited by Lovv and Pulling.
(Peacock : de bons articles.) — « Palestine Pilgrim^s Te.Kt Society», n° i,
of the Holy Places visited by AntoninusStewart, translated by Stewart
a. annotated by Wilson. — Mytlis and household taies. (Lang et Cox.)
— Odin. (Max Millier et Isaac Taylor.) — Lotze, System of philoso-
phy, english translation, edited by Bosanquet. — Classical school books.
(The Oeconomica of Xenophon,edit. by Holden; The IV book of Thu-
cydides, edit. by Barton a. Ghavasse; Sallust's Gatilina a. Jugurtha,
edited by Long, revised by Frazer. — Philology notes. (Thurneysen,
Keltoromanisches). — The proposed british school of archaelogy in
Athens,
The Athenaeura, n'^ 2989, 7 février i885 : G. Eliot's life, as related in
her letters and journals, arranged a. edited by her husband, Cross (se-
cond article). — Texte und Uniersuchungen zur Geschichte der altchrist-
lichen Literatur, II, i, 3. Lehre der zwôlf Apostel, nebst Untersuch.
zur .ïltesten Geschichte der Kirchenverfassung u. des Kirchenrechts v.
A. Harnack; The traching of the twelve apostles, a translation, with
notes and excursus, by Canon Spence. — Dosabhai Framji Karaka, His-
tory of the Parsis. 2 vols. (Des chapitres intéressants, surtout ceux qui
sont relatifs aux coutumes et au gouvernement intérieur.) — James Bass
Mullinger, The University of Cambridge from the royal injunctions of
f 535 to the accession of Charles I. — The récent changes at Eton. —
Dr. Eug. Bodichon, (Betham-Edwards.) — Totems in folk-Iore (Lang).
— Shelley in France. — St Vedast. (Wheatley.) — Mr. FuUer RusselFs
librar}'.
Literarisches Centralblatt, n° 7, 7 février i885 : Symmachii quae super-
sunt, éd. Seeck. (Très remarquable.) — Mecklenburgisches Urkunden-
buch. VIII, i33i-i355. — Beckh, ein Kampf ums Recht, ûber die
Leitung im Ausschuss des histor. Vereins fur Steiermark, — Manno,
L'opéra cinquetaneria délia R. Deputazione di storica patria di Torino ;
Manno et Promis, Bibliografia storica degli stati délia monarchia di
Savoia, I. — Sammlung der griech. Dialect-Inschriften, IV, (Beaucoup
d'intéressant.) — Constams, Ghre.tomathie de Tancien français. (Utile,
fait avec soin et méthode.) — Franck, Etymologisch woordenboek der
nederlandsche taal, uitgeg. onder toezicht von Cosijn, 1-2. (de A à Fr.)
— Hense, Shakespeare. (Recueil d'essais et d'articles.) — Paulsen, Ges-
chichte des gelehrten Unterrichts auf den deutschen Schulen u. Univer-
sitaten vom Ausgang des Mittelalters bis zur Gegenwart. (Beaucoup de
détails curieux, mais souvent des idées étroites ou à demi vraies.)
Deutsche Literatiirzeitiing n" 6, 7 février i885 : Lutheri scholas ineditas
de libro Judicum habitas p. p. Buckwald. — Cesca. La doctrina Kan-
tiana delT a priori. — Paulsen, Geschichte des gelehrten Unterrichts
auf den deutschen Schulen u. Universitàten vom Ausgange des Mittel-
alters bis zur Gegenwart. (Voigt : Tabondance des matériaux, bien or-
donnés sous de grands point de vue, attachera et conciliera peut-être
ceux qui ne peuvent partager les idées de l'auteur.) — Osthoff, Zur
Geschichte des Perfecîs im indogermanischen mit besonderer Rûcksicht
auf Griechisch u. Latein. (Mahlow : absolument sans valeur; matériaux
maigres et ramassés dans les manuels et les dernières dissertations; là
où Grassmann, Delbrûck et les autres refusent leur service, le livre
y
d'Osthoff n'est qu'une solitude absolue; renferme des hypothèses de
toute sorte et pas une seule preuve, pas un seul résultat positif.) —
E. MuLLER, A. simplitied grammar ofthe Pâli language. fOldenberg :
clair.) — Sanimlung der griech. Dialect-Inschriften, III, IV. Die
baotischen Inschriften v. Blass ; die arcad. v. Bechtel ; die pamphyl.
V. Bezzenberger ; Nachtrage zu den aolischen v. Bechtel, zu den
thessal. v. Fick, zu den baot. v. Meister. — Terenti Adelphoe, p. p.
Plessis. (Spengel : bon.) — H. Kaufmann, Ueber Hartmann^s Lyrik.
(E. Martin : quelques points nouveaux.) — Eigenbrodt, Hagedorn u.
die Erzilhlung in Reimversen. (Sauer : plein de mesure.) — Ward,
Catalogue of romances in the départ, of mss. ofthe British Muséum.
(Tobler.) — Seinecke, Geschichte des Volkes Israël, II, vom Exil bis
zur Zerstoruiig Jerusalems. (Nowack : partout une démonstration su-
perhcielle, partout la même ignorance de la littérature du sujet et une
critique hâtive. — Nadrowski, Ein Blick in Roms Vorzeit. (Wissowa :
Etymologies douteuses.) — E. Koch, Triller-Sagen, I. (Wenck.) —
Hn<N, Erzherzog Ferdinand II von Tyrol. (Inama : très important pour
l'histoire du xvi« siècle.) — Das russische Reich in Europa, eine Studie.
— F. v. Stein, Geschichte des russischen Heeres vom Ursprung dessel-
ben bis Nicolaus I.
Theologische Literaturzeitnng, n" 2, 24 Janvier i885 : P.apadopulos-Kera-
MEUS, MaupoYopoi-îipoç BiéXtoO-/;/.-^ et Avéy.ooTa 'EXAr^v.y.â (v. Gebhardt). —
Krhel, Das Leben und die Lehre des Muhammed. (A. MûUer : à re-
commander très chaudement., — Loserth, Neuere Erscheinungen der
Wiclif-Literatur. (Lechler : courte brochure qui renferme quelques
points nouveaux et instructifs.) — Brieger, Quellen u. Forschungen
zur Geschichte der Reformation, I. Aleander und Luther i52i, die
vervollstândigten Aleander-Depeschen, nebst Untersuchungen ûber den
Wormser Reichstag, I. (G. Bossert.) — Sptess, Luthers Beziehungen zu
Nassau (Enders).
— N« 3. 7 février i885 : Bickell, Der Prediger ueber den Wert des
Daseins, Wiederherstellungdes bisher gedruckten Textes, Uebersetzung
und Erkiarung. (Budde : œuvre de soin et de sagacité, mais en somme
l'auteur, malgré les moyens les plus hardis, n'a rien donné de satis-
faisant. 1 — Kattenbusch, Luthers Stellungzu den oecumen. Svmbolen.
— KAWERAU,DerBrief\vechsel des Justus Jonas, I. — PHiLippi,Symbolik.
Gœttingische ^elehrte ADzeijen, n» 2, o Janvier i885 : Die Bibel oder
die ganze Heilige Schrift des Alten und Neuen Testaments, nach der
deutschen Uebersetzung D. Martin Luthers, erster Abdruck der im
Auttrage der Eisenacher deutschen evangelischen Kirchenconferenz
revidierten Bibel sogenannte Probebibel (P. de Lagarde).
Léopold CERF, éditeur, rue de Médicis, i3.
POUR PARAITRE PROCHAINEMENT
GOETZ DE BERIJGHINGEN
DE GŒTHE
Nouvelle édition avec introduction et notes,
par A. CHUQUET.
Librairie de l'Art, J. ROUAM, éditeur, cité d'ÂJitin, Paris.
BIBLIOTHÈQUE INTERNATIONALE DE L'ART
TIf
PUBLIEE SOUS I,A DIRECTION DE
K BJ G Ê ]^^ JE M ïj IV Tl" Z
PREMIÈRE SÉRIE — VOLUMES IN-4°
LE LIVRE DES PEINTRES
DE
CAREL VAN MANDER
Vie des peintres flamands , hollandais et allemands
TRADUCTION, NOTES & COMMENTAIRES
Conservateur à la Bibliotiiéque Royale de Belgique
Membre correspondant de l'Académie Royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts
Professeur à l'Académie Royale des Beaux-Arts d'Anvers.
DEUX VOLUMES IN-4" RAISIN COMPRENANT 80 PORTRAITS ET 4OO BIOGRAPHIES
Édition à 500 exemplaires sur beau papier anglais.
Prix des deux volumes : brochés, 100 ir.; reliés 110 fr.
Édition à To exemplaires sur papier de Hollande.
Prix des deux volumes 150 fr.
OUVRAOES PUBLIÉS
I. — Les Précurseurs de la Renaissance, par M. Eugène Mûntz, Conservateur
du Musée, des Archives et de la BiblioUièque a rp^ole nationale des Beaux-Arts. ] 'rix:
broché, 20 fr. ; relié, 25 fr. 2t> exemplaires sur papier de Hollande. 50 fr.
II. — Les Amateurs de l'ancienne France. Le Surintendant Foucquet, par
M. Edmond Bonnaffé. 11 ne reste plus de cet ouvrage que quelques exemplaires reliés, à
15 fr., et quelques exemplaires sur papier de Hollande, à 25 fr.
III. — Les Origines de la porcelaine en Europe. Les Fabriques italien-
nes du XV« au XVIJe siècle, par M. le baron Davillier. Il ne reste de cet ouvrage
qu'un très petit nombre d'exemplaires qui sont réservés aux acheteurs de la collection.
Prix : broché. 20 fr. ; relié, 25 fr. 25 exemplaires sur papier de Hollande, 40 fr.
IV. — Le Livre de Fortune, par M. Ludovic L vlanne, sous-bibliothécaire de l'Ins-
titut. Recueil de deux cents dessins inédits de Jean Cousin, d'après le manuscrit conservé
à la Bibliothèque de l'Institut. Prix ; broché, 30 fr. ; relié, 35 fr. 25 exemplaires sur pa-
pier de Hollande, 50 fr.
V. — La Gravure en Italie avant Marc Antoine, par M. le vicomte Henri
Delaborde, Secrétaire perpétuel de l'Académie des Beaux-Arts, Conservateur du Dépar-
tement des Estampes à la Bibliothèque Nationale. Prix : broché, 25 fr. ; relié, 30 fr.
25 exemplaires sur papier de Hollande, 50 fr.
VI. — Claude Lorrain, sa vie et ses œuvres, d'après des documents nouveaux,
par M"'e Mark Pattison, auteur de The Renaissance in France. Prix : broché, 30 fr.
relié, 35 fr. 25 exemplaires sur ])ai)ier de Hollande, 50 fr.
VIL — Les Délia Robbia, leur vie et leur œuvre, d'api'ès des documents iné-
dits, par M. J. Cavallucci, professeur à l'Académie des Beaux-Arts de Florence, et
M. Emile Molinier, attaché à la Conservation du musée du Louvre. Prix : broché, 30 tr.;
relié, 35 fr. 25 exemplaires sur papier de Hollande, 50 fr.
DEUXIÈME SÉRIE. - VOLUMES IN-8°
L -- Les Historiens et les Critiques de Raphaël, par M. Eugène Mûntz.
Esssai bibliographique, pour servir d'appendice à l'ouvrage de Passavant, avec un choix
de documents inédits ou peu connus. Un volume illustré de quatre portraits de Raphaël.
Il ne reste de cet ouvrage qu'un très petit nombre d'exemplaires qui sont réservés aux
acheteurs de la collection. Quelques exemplaires sur pajner de Hollande, 25 fr.
IL — L'Encaustique et les autres procédés de peinture chez les anciens,
par MM. Henry Cros et Charles Henry. — Un volume illustré de 30 gravures. Prix :
broché, 7 fr. 50. Quelques exemplaires sur papier de Hollande, 15 fr.
III. — Les Livres à gravures du XVI« siècle. Les Emblèmes d'Alciat, par
M. Geougf.s Duplessis, Conservateur du Département des Estampes à la Bibliothèque Na-
tionale. Un volume illustré de 11 gravures. Prix : broché, 5 fr. Quelques exemplaires sur
papier de Hollande, 10 fr.
IV. - La Tapisserie dans l'antiquité. Le Péplos d'Athéné Parthénos, par
M. Louis DE KoNCHAUD, Directeur des Musées nadonaux et de l'Ecole du Louvre. Un vo-
lume illustré de 16 gravures. Edition sur pajiier ordinaire, 10 fr. Quelques exemplaires
sur papier de Hollande, 20 fr.
L.e J'u}-, ivifrimc'ne Mavchessou Jils, boulevard Saint-Laurent, 23.
W 9 Dix-neuvième année 2 mars 1885 \
REVUE CRITIQUE
D m S r DIRE ET DE L 1 11 E R A 1 U i< E
HtCUKU, }1KBD0MADA!KE PUBLIÉ SOUS LA DIKECTION
DE MM. J.DAKMESTETER, L. HAVET, G.MONOD,G. PARiS
Secrétaire de la rédaction : M. A. CnrQUiiT
Prix d'abonnement :
Un an, Pasis, 20 fr. -— Départements, 22 fr. — Etranger, 2b ir.
PARIS
ERNEST LEROUX, EDITEUR
1. IBRAIKE DE l. A SOClÉTii: ASIATIQUE
Dii l'kcole des langues orientales vivantes, etc.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Oisiqukt
( Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, et
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
KUNESr EEUOUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
ANONYME DE CORDOUE
CHRONIQUE LATINE RIMÉE
DES DERNIERS ROIS GOTHS DE TOLÈDE ET DE l'iNVASION ARABE DE L^ESPAGNE
Editée et annotée par le P. J. TAILHAN
Un beau volume in-folio, avec 28 planches en héliogravure 5o fr,
JOURNAL DE BURCHARD
Johannis Burchardi Argentinensis, capellc pontificie sacrorum rituum magis-
tri Diarium, seu rerum Urbanarum commentarii (i483-i5o6). Texte latin publié
intégialement pour la première fois d'après les manuscrits de Pans, de Rome et
de Florence, avec introduction, notes, appendices, tables et index par L. Thuasne.
3 forts volumes gr. in-8 ,30 fj-.
Le tome III paraîtra dans quelques jours.
HISTOIRE INTÉRIEURE DE ROME
Jusqu'à la bataille d^Actium
Tirée des Rœmische Aiterthuemer de L. LANGE
Par A. Berthelot et Didier.
Fascicule II , _ ,23
PERIODIQUES
The Acaclemy n" 667, 14 février i835 : Mozlky, Réminiscences, chiefly
ot towns, villages and schools. — Rudler a. Chisholm, Europe, ediled
by sir Andrew G. Ramsay, with ethnological appendix by Keane.
(Rob. Brown.) — Steel a. Temple, Wide-awake stories, a collection of
taies told by littlc children, between sunset and sunrise, in the Panjâb
and Kasmir. — Rawlinson, Egypt and Babylon. (Bail.) — Current
littérature (The poetical works ot" John Keats, reprinted froni the ori-
ginal éditions, with notes by Palgrave, etc.] — The hungarian war of
"1849. — Arethusa and Alpheus. jStrachey.) — Odin. (Gaidoz et Vigfus-
son.) — Myths and household taies. (Bradley.) — J. N. Madvigii Ad-
versariorum Criticorum volunien tertium. (Wilkins.) — The Soma
Plant. (Thiselton-Dyer.) — Tewrdannckh, a reproduciion of the édi-
tion printed at Augsburg in iSig, edited by W. H. Rylands, with an
introduction by George Bullen , printed for the Holbein Society.
(Conway : mauvais à tous égards, et ne contribuera pas à relever l'opi-
nion désavantageuse qu'on a delà science anglaise.) — Naville's critical
édition of a the Book of The Dead. » (Am. B. Edwards.) — « The wood-
cutters of the Netherlands. » (Linton.) — Ms. Catalogue of the Towne-
leian Marbles. (Perceval.)
The Athenaeum, n'' 2990, 14 février! 885 : Sélections from the letters
and correspondence of Sir James Bland Burges with notices of his life,
edited by Hutton. — Thomson, Through Masai Land, a journey of
exploration. -- G. Rawlinson, Egypt and Babylon from scripture and
profane sources. (Beaucoup de peine et de long travail; Tidée d''un livrs
de cette sorte était bonne, mais les matériaux auraient dû être choisis
avec plus de soin; les erreurs des précédents chercheurs, corrigées;
l'auteur considère trop souvent comme prouvée une proposition qu^il
s'est contenté dVnablir.) — O'Shea, Leaves from the diary of a spécial
correspondent; Gallenga, Episodes of my second life. — The author
of « Peter Wilkins ». (Goodwin.) — The national association of jour-
nalists. (Frost.) — The death of Catherine of Aragon. (Friedmann.) —
« The Gentleman's Library ». (Aitken.) — The egyptian hieroplyphic
ritual. (Asher.) — « Beauties of Washington Irving. » (Tegg.l — To-
tems. (Jacobs.) — Thomas Poole^ of Nether Stowey. — Heiss, Les
médailleurs de la Renaissance.
Litterarisches Centralblatt, n°8, 14 février i885 : Zohn, Forschungenzur
Geschichte des neutestamentlichen Kanons u. der altkirchlichen Lite-
ratur. III, Supplementum Clementinum. — Hardy, Der Begrifî der
Physis in der griechischen Philosophie, I. (Travail solide et soigné.) —
Krauss, Die Psychologie des Verbrecliens. — Rauber, Urgeschichte des
Menschen, II, Territorialer Ueberblick; Entwickelungsgeschichte der
Gesellschaft. fCompilation sans valeur scientifique.) — Rimbertus, vita
Anskarii, accedit vita Rimberti, rec. Waitz. — Bôhmer, Die Regesten
des Kaiserreichs unter den Karolingern 751-918, neu bearb. v. Mûhl-
BACHER, 2 et 3. — Hessisches Urkundenbuch, I. Urkundenbuch der
Deutschordens-Rallei Hessen von Wyss, 2 vols. i3oo-i35g. — Becker,
Die Enzersdorfe in Niederôsterreich. — Richthofen, Atlas von China.
— De niddeleeuwsche rechtsbronnen der Stadt Utrecht, p. p. S. Mul-
LER, 1,2. — P. Terenti Afri Adelphoc, p. p. Fréd. Plessis. (Bonne
édition.) — Le romans de Claris et Laris, hrsg. v. Alton. (Publication
remarquablement éditée.) — Gœthe's Werke, Dramen, I u. II, hrsg. v.
ScHROER. — Berthold Auerbach, Briefe an seinen Freund Jacob Auer-
bach, ein biographisches Denlunal, mit Vorbemerkungen von Fr. Spiel-
HAGEN u. dem Herausgeber. 2 vols.
Deutsche Littercaturzeitung, n» 7, 14 février i885 : Rabier, Leçons de
philosophie. (Laas : « Ecole de Cousin, avec certaines concessions au
sensualisme; beaucoup de détails instructifs et de pensées réfléchies;
parfois des compromis intenables et des mots «.) — Schroder, Das
Volksschulwesen in Frankreich, I, die Vorbildung, Prûfung u. gesetzl.
Stellung der VolkschuUehrer in Frankreich. — Rabany, les Schweig-
haeuser. (Krauss : précieuse contribution à l'histoire littéraire de
l'Alsace.) — Donati, Mangalavadah ossa ragionamento sulla félicita,
manoscritto indiano. (H. Jacobi : sans valeur.) — Benicken, Studien u.
Forschungen auf dem Gebiete der homer. Literatur, das 12 u. i3 Lied
vom Zorne des Achilleus in NirO der homerischen llias. (Hinrichs : ce
travail a droit à l'existence; mais, si soigné qu'il soit, l'auteur lui a nui
par le style et l'impression qui sont informes.) — Wagler, De Aetna
poemate quaestiones criticae. (Léo : soigné et fait avec une bonne mé-
thode.) — Mittelniederdeutsche Fastnachtspiele, hrsg. v. Seelmann.
(Strauch : louable.) — A. W, Schlegels Vorlesungen ueber schone
Literatur u. Kunst, 2, 3. — The life of Saint Catherine from the royal
ms. 17 A xxvu p. p. ÉiNENKEL. — Satire Ménippée de la vertu du Ca-
tholicon d'Espagne et de la tenue des Estats de Paris, p. p. Frank.
(Vollmôller : bon.) — GregoriiTuronensis opéra, éd. Arndt et Krusch,
I. Historia Francorum. (Breslau : publication très remarquable à qui
le a nonum prematur in annum » a été fort utile.) — Ellinger, das
Verhaltnis der ôffentlichen Meinung zu Wahrheit u. Luge im X, XI u.
Xll Jahrhundert. (Wilmanns : Tauteur étudie un domaine important
qui a été peu remarqué jusqu'ici, il a fait une contribution à Phistoire
de la conscience morale.) — Quellen zur Schweizer Geschichte, VI,
Conradi Tûrst de situ confoederatum descriptio; Balci descriptio Hel-
vetiae ; Fratris Felicis Fabri descriptio Sueviae; Stumpf, Reisebericht
von 1544. (Wiegand.) — An Leroy-Beaulieu, Un homme d'état russC;
Nicolas Milutine, d'après sa corresp. inédite. (Brûckner : fort remar-
quable.) — Max ScHMiDT, die Mûnzen u. Medaillen der Herzoge von
Sachsen-Lauenburg.) — Hazelius, Minnen Iran Nordiska Museet. —
Trendelenburg, die Laokoongruppe u. der Gigantenfries des Perga-
menischen Altars, ein Vortrag.
Léopold CERF, éditeur, rue de Médicis, i3.
VIENT DE PARAITRE
GOETZ DE BERLICHÎNGEN
DE GŒTHE
Nouvelle édition avec introduction et notes,
par A. CHUQUET.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
PUBLICATIONS DES FxVCULTÉS DES LETTRES
BULLETIN DE LA FACULTÉ DES LETTRES DE
CAEN. Bulletin mensuel. Première année. Prix du numéro. 1 20
ANNALES DE LA FACULTÉ DES LETTRES DE
BORDEAUX , rédigées par les professeurs des Facultés de
Bordeaux et de Toulouse.
Ancienne série. Cinq années. Cinq volumes in-8 3o fr.
Nouvelle série. 1884. Abonnement annuel 10 fr.
BULLETIN DE LA FACULTÉ DES LETTRES DE
POITIERS. Bulletin mensuel. Abonnement 10 fr.
Années i883, 1884. 2 volumes in-8. 20 fr.
ANNUAIRE DE LA FACULTÉ DES LETTRES DE
LYON. Souscription annuelle 10 fr.
Tomes I et II, i8.n3, 1884. In-8. Chaque 10 fr.
LA LEGENDE D'ENEE avant Virgile, par J. -a. Hild. In-3. 3fr.
JUVENAL- Notes biographiques, par J. -A. Hild. In-8 2 fr.
ÉTUDES SUR LA VIE DE SÉNÈQ_UE, par m. Hochart.
In-8 6 fr.
ROMAN DE RENART, publié par Ernest Martin.
Volume I . L'ancienne collection des Branches. In-8 12 3o
Volume 11. Les Branches additionnelles. In-8 10 fr.
DES VARIATIONS DE LA LANGUE et de la métrique
d'Horace dans ses différents ouvrages, par A. Vv^altz. In-8. . . 5 fr.
DE CARMINE CIRIS, auct. a. Waltz. In-8 3fr.
CROQUIS ARTISTIQUES ET LITTÉRAIRES,
par J. CoNDAMiN. In-8, papier teinté 6 fr.
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, si.
I
Il» \Q Dix-neuvième année 9 mars 1885
REVUE CRITIQUE
O'HISTOIRE ET DE LITTERATURE
recueil hebdomadaire publié sous l.\. direction
deMxM. J.DARMESTETER. L. HAVET, G.MONOD.G. I-'ARIS
Secrétaire ce la rédaction : M. A. Ghuqlkt
Prix d'ahonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — E:ranger, 2b tr.
PARIS
ERNEST LEROUX. ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
OE i-'rCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
2 S, RLE BONAPARTE, 2 S
Adresser les communications concernant la rédaction Si M. A. Ckuquet
Au bureau de Li Kevue : rue Bonaparte, ^8).
MM. Us éditeurs de Vétrans^er sont priés d'envoj'er directement, ei
non var ccvimissiomiaire, les livres dont ils désirent un com-çte -rendu.
.,:l.T LEROUX. ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 2
-ANONYME DE CORDOUE
CHRONIQUE LATINE RIMÉE
DES DERNIERS ROIS GOTHS DE TOLÈDE ET DE l'inVaSION ARABE DE l'eSPaGNE
Editée et annotée par le P. J. TAILHAN
Un beau volume in-folio, avec 28 planches en héliogravure.. . . ro fr.
JOURNAL DE BURCHARD
Johannis E-archardi Argentinensis, capelle ron:itic-e sacroruin rituum matiis-
tri Oiarium, seu rerum Urbanarum commentarii i4S3-i5o6\ Tixte iatin putUë
intésraiement pour la première fo.s a'après les manuscri:s de Pans, de Rome et
de Florence, avec introduction, notes, appendices, tables et index par L. 'ihuasne.
3 forts volumes gr. in-S ôo fr.
Le tcnze III paraîtrez dans quelques jours.
HISTOIRE INTÉRIEURE DE ROME
Jusqu'à la bataille d*Actium
Tirée des Roemiscae Alterthueœer de L. L.ANGE
Par A. Bert.4elot et Didier.
Fascicule II .23
PÉRIODIQUES
The Academy, n° 668, 2 i février i885 : The lives of the Berkeleys from
1066 to 1618 by John Smith of Nibley, vol. II, edited by sir John
Maclean Hull, Mount Seir, Sinai and Western Palestine ; Colvile,
The AccLirsed Land, or tirst steps on the water-way of Edom. —
Hosea, with notes a. introductions, by Cheyne. — Current literature.
(Bosworth Smith Lifeof lord Lawrence, ô*" edit. 2 vols. : Vita Haroldi,
the romance of trie lifeof Harold, King of England, edited with notes a.
a translation by W. de Gray-Birch ; J. N. Stuart, Réminiscences and
essays.) — A letter from Egypt (Sayce.) — The pedigree of Finn Mac
Cumaill. (Kuno Meyer.) — Arethusa and Alpheus. (Rawlins.) — The
zodiacal crab. (Rob. Brown.) — Aeschyli Choephoroi, with introduc-
tion and notes, edited by Sidgwick. (EUis : a Wecklein est rigidement
conservateur, Sidgwick admet plusieurs changements radicaux ».) —
MûNTZ, La Renaissance en Italie et en France à l'époque de Charles VIII.
(Monkhouse : volume « full of spirit and érudition « ; savante et lumi-
neuse peinture de l'histoire de la Renaissance au xV^ siècle; on y trouve
le savoir, la patience et le goût que possède l'auteur.)
The Alhenaeum. n» 2991, 21 février 1 885 : Taine, Le gouvernement
révolutionnaire. (L'auteur ne raconte pas, il analyse et critique ; il dé-
daigne la succession chronologique des faits ; il est brillant, mais sans
l'éclat artificiel de Macaulay; l'histoire, ainsi conçue, cesse d'appartenir
à la littérature et commence à appartenir à la science.) — Memoir and
correspondence of General James Stuart Fraser, of the Madras Ariny,
by his son. — "W. Harris, The history of the radical party in parlia-
ment. — And rew Lang, Customsand myth. (Premier article.) —
« Beautiesof "Washington Irving ». (Th. Bayne.) — Tribal patronymics.
(Isaac Taylor.) — Mr Campbell of Islay. (Ralston.)
Literarisches Centralblatt, n° 9, 21 février 188 5 : Lorenz, das Lehrsys-
tem im Rômerbrief. — Fahlbeck, La royauté et le droit royal francs
durant la i'"'' période de l'existence du royaume, 486-614. (Livre man-
qué en son ensemble, Fauteur a confondu les causes avec les consé-
quences et attribué à Clovis des pensées et des motifs qu'il n'avait pas;
l'ouvrage est une construction historique, et non de l'histoire réelle.)
— Regesten zur schlesischen Geschichte, hrsg. v. Grûnhagen, 2^ Aufl.
— II. Lrkundenbuch zur Geschichte der Herzôge von Braunschweig
u. Lûneburg, II, 2 et 3. Register. — Ulmann, Kaiser Maximilian I, i.
(Œuvre d'un long travail et d'un jugement sain qui appartient aux livres
d'histoire les plus remarquables.) — Prschewalski, Reisen in Tibet. —
Bergaigne, Manuel pour étudier la langue sanscrite. Chrestomathie,
lexique, principes de grammaire. (Livre bien médité, qui n'existait
pas encore en France et qui profitera aux Allemands.) — 'Welti,
Geschichte des Sonettes in der deutschen Dichtung. (Recherches faites
avec beaucoup de zèle et de méthode et qui ont produit maint résultat
nouveau et intéressant.) — Ad. Stern, Hermann Hettner, ein Lebens-
bild. — Max Meyer, De Euripidis mythopoeia capita duo. (Instructif.)
— PoHL, Richard Wagner, ein Vortrag.
Deutsche Litteratiirzeitung, n" 8, 2/ février i885 : Gloatz, Spéculative
Théologie in Verbindung mit der Religionsgeschichte, I. — Gerber.
Die Sprache u. das Erkennen. — Perles, Bertriige zur Geschichte der
hebrâischen u. aramaischen Studien. (Steinschneider : sera très utile.)
— RocKHiLL, The life of the Buddha and the early history of his order,
derived from tibetan works. — Papyrum Berolinensem n° i63 Musei
Aegyptiaci commentario critico adiecto éd. Landwehr. (Cohn.) —
Saalfeld, Tensaurus italograecus. (Genthe : vaste résultat des études
dont l'auteur avait déjà donné un spécimen dans son « Index-graeco-
rum vocabulorum in linguam latinam translatorum 1874 », ce livre
rendra de grands services; il y a pourtant quelques corrections et amé-
liorations à faire encore.) — M. Fabii Quintiliani declamationes quae
supersunt recensuit Ritter. (Travail laborieux et peu agréable que
l'auteur a mené à bien et qui mérite toute gratitude.) — Gedichte des
Konigsberger Kreises aus Heinrich Alberts Arien und musikalischer
Kûrbshûtte, i638-i65o, hrsg. v. Fischer. (Bolie : très exact et minu-
tieux.)— JoRET, Mélanges de phonétique normande. (« L'auteur est le
premier dans le nord de la France qui, doué de connaissances linguis-
tiques tort étendues, ait entrepris de recueillir les mots patois d'un pays,
ait compris la nécessité d'employer dans le dictionnaire patois l'alphabet
phonologique et livré d'importantes contributions à l'explication éty-
mologique et phonétique d'un des dialectes les plus ditticiles de la
France du nord ») — Stade, Geschichte des Voikes Israël, feuilles
20-29. (Julicher.) — Vuy, Geschichte des Trechirgaus und von Oberwe-
sel. (Lamprecht.) — Jung, HerzogGottfriedder Bartige und Heinrich IV,
ein Beitrag zur Geschichte des deutschen Reichs u. besonders Italien
im XI. Jahrhundert. (Ladewig : un peu trop de phrases.) — Urkun-
den und Actenstiicke zur Geschichte des Kurfûrsten Friedrich Wilhelm
von Brandenburg, VII, politische Verhandlungen, 5. — Lefevre-
PoNTALis, Jean de Witt. (Von der Ropp : excellent livre, quoique l'au-
teur juge trop favorablement son héros.) — Bastian, der Fetisch an der
Kûsle Guineas. Leist, Graeco-italische Rechtsgeschichte. (Krûger.) —
Franklin, Die freien Herrn und Grafen von Zimmern. (Gierke.)
Theologische Literaturzeitimg, n" 4, 21 février i885 : Zûckler, Handbuch
der theologischen Wissenschaffen. I, i. — Die Bibel oder die ganze
heilige Schrift des Alten u. Neuen Testaments nach der deutschen Ue-
bersetzung Dr. Martin Luthers. (Sogenannte Probebibel.) — Smith,
The prophets of Israël and their place in history to the close of the
eight century. (Stade : très remarquable.) — Gregorii Palamae Prosopo-
poeia animae accusantis corpus et corporis se defendentis, p. p. Jahn.
(Gas : publication très méritoire.) — Usteri Zwingli und Erasmus.
(Baur : instructif.)
Léopold CERF, éditeur, rue de Médicis, i3.
VIENT DE PARAITRE
GOETZ DE BERLICHINGEN
DE GŒTHE
Nouvelle édition avec introduction et notes,
par A. CHUQUET.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
PUBLICATIONS DES FACULTÉS DES LETTRES
BULLETIN DE LA FACULTÉ DES LETTRES DE
CAEN. Bulletin mensuel. Première année. Prix du nunr.éro. i 25
ANNALES DE LA FACULTÉ DES LETTRES DE
BORDEAUX , rédigées par les professeurs des Facultés de
Bordeaux et de Toulouse.
Ancienne série. Cinq années. Cinq volumes in-8 5o fr.
Nouvelle série. 1884. Abonnement annuel 10 fr.
BULLETIN DE LA FACULTÉ DES LETTRES DE
POITIERS. Bulletin mensuel. Abonnement 10 fr.
Années i883, 1884. 2 volumes in-8. 20 fr.
ANNUAIRE DE LA FACULTÉ DES LETTRES DE
LYON. Souscription annuelle 10 fr.
Tomes I et II, 188 3, 1884. In-8. Chaque 10 fr.
LA LÉGENDE D'ÉNÉE avant Virgile, par J. -a. Hild. In-8. 3fr.
JUVENAL- Notes biographiques, par J. -A. Hild. In-8 2 fr.
ÉTUDES SUR LA VIE DE SÉNÈQUE, par M. Hochart.
In-8 6 fr.
ROMAN DE RENART, publié par Ernest Martin.
Volume I. L'ancienne collection des Branches. In-8 12 5o
Volume II. Les Branches additionnelles. In-8 10 fr.
DES VARIATIONS DE LA LANGUE et de k métrique
d'Horace dans ses différents ouvrages, par A. Waltz. In-8. . . 5 fr.
DE CARMINE CIRIS, auct. a. Waltz. In-S 3fr.
GROCIUIS ARTISTIQUES ET LITTÉRAIRES,
par J. C0NDAMIN. In-8, papier teinté 6 fr.
l.e Puv, itnprimerie Marchessou fils, boulevard Sain: -[.durant. 2.?.
1^0 ^^ Dix-neuvième année 16 mars 1885
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. J. DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Ghuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 23 ir.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE I, A SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction àlA. k. Ghuquet
(Au bureau de la llevue : rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, et
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
ANONYME DE CORDOUE
CHRONIQUE LATINE RIMÉE
DES DERNIERS ROIS GOTHS DE TOLÈDE ET DE l'iNVASION ARABE DE l'eSPAGNE
Editée et annotée par le P. J. TAILHAN
Un beau volume in-folio, avec 28 planches en héliogravure 5o fr.
JOURNAL DE BURCHARD
Johannis Burchardi Argentinensis, capelle pontiticie sacrorum rituum magis-
tri Diarium, seu rerum Urbanarum commentarii (i483-i5o6). Texte latin publié
intégralement pour la première fois d'après les manuscrits de Paris, de Rome et
de Florence, avec introduction, notes, appendices, tables et index par L. Thuasne.
3 forts volumes gr. in-8 (3o fr.
Le tome III paraîtra dans quelques jours.
HISTOIRE INTÉRIEURE DE ROME
Jusqu'à la bataille d^Actium
Tirée des Rœmische Alterthuemer de L. LANGE
Par A. Berthelot et Didier.
Fascicule II 125
PÉRIODIQUES
The Academy, n" 669, 2S février i885 : Holmes, Emerson (Lewin.) —
Sudaneseliterature -.James, The wilci tribes of the Sudan ; Mrs. Speedy,
My wanderings in the Sudan ; CoLBORNE, withHiclvS Pashain the Sudan;
Em. Saktorius, thrce months in the Sudan. (Keane.) — The Aencid of
Virgil, translated into english by Mackail. (Traduction acceptable.)
Spanish — popular legends and poetry : Biblioteca de las tradiciones
popuiares cspafiolas, tomos I-V; Costa, Goncepto del derecho en la
poesia popular espaiiola. (Webster.) — A Ictter of Adam Smitli. (Lettre
d'Adam Smith à William Pulteney, du 5 septembre 1772. communi-
quée par Thorold Rogers.) — « To end » as an agricultural verb.
(Archer.) — Arethusa and Alpheus. (Hoskyns-Abraliall, Tuckett et
R.Ware.) — Platts, A diciionary of Urdu, classical Hindi and English.
(Lyall.) — Bocks on ancient philosophy : A history of eclectism in
greek philosophy, of Zeller, transi, by Alleyne; G. Martha, Etudes
morales sur l'antiquité; Natorp, Forschungen zur Geschichte des
Erkenntnissproblems im Aiterthum.
The Athenaeum, n" 2992, 28 février i885 : Pater, Marius the Epicu-
rean, his sensations and ideas. (Biographie imaginaire, en deux volumes,
d'un jeune homme qui vit au temps des Antonins.) — Golquhoun,
Amongst the Shans, with an historical sketch by Hallett, preceded
byan introduction on the cradle of the Shan Race by Terrien Ide la
Goupelie. — Andrew Lang, Gustom and myth. (Second article.) —
Leslie, Life and v^'ritings of Gharles Leslie. — The public schools his-
torical atlas, edited by Golbeck. (Un assez grand nombre d'erreurs
sérieuses.) — Thomas Poole of Nether Stowey. (Landford.) — The
God Tselem. (Neubauer.) — The death of Catherine of Aragon.
(Moore.)
Literarisches Centralblatt, n" 10, 28 février i885 : Bloch, Einblicke in
die Geschichte der Entstehung der talmudischen Literatur (matériaux
instructifs). — Werner, die Scholastik des spiiteren Mittelalters (fait
avec un très grand soin). — Bresslau, Jahrbiicher des deutschen Rei-
ches unter Konrad II, 2, io32-io39 (ouvrage terminé et qui prendra
une place tout à fait remarquable dans la collection dont il fait partie).
— Fries, Die Geschichte des Bauernkrieges in Ostfranken, hrsg. v.
ScHaFFER (travail solide à tous égards). — Jacobs, Geschichte der in der
preussischen Provinz Sachsen vereinigten Gebiete, i-3 (sujet difficile et
assez habilement traité). — G, Curtius, Zur Kritik der neuesten Spra-
chforschung (écrit où circule d'un bout à l'autre un esprit de douce
conciliation). — Keil, analecta Isocratea (savoir et louable acribie). —
RosiGER, Neu-Hengstett, Geschichte und Sprache einer Waldenser Co-
lonie in Wûrttemberg (sujet intéressant, mais qui n'est pas traité par
son côté intéressant). — Leiffholdt, etymologische Figuren im Roma-
nischen (matériaux rassemblés avec grand soin et rangés avec habileté).
— Scheffer, die franz. Volksdichtung und Sage (ce livre est plutôt un
livre de littérature qu'un livre de science). — Wulfstan, Sammlung der
ihm zugeschriebenen Homilien nebst Untersuchungen iiber ihre
Echtheit, von Napier, I. Text u. Varianten. — Sanders, Verdeutschun-
gsworterbuch (c'est en réalité un Fremdwôrterbuch). — Gœthe's na-
turwissenschaftliche Schriften, I, hrsg. v. Steiner.
Deutsche Literaturzeitung, n^' 9, 28 février i885 : Gregorii Palamae Pro-
sopopoeia animae accusantis corpus et corporis se defendentis (Bon-
wetsch). — Orti y Lara, Wissenschaft und Offenbarung in ihrer Har-
monie. — Jungmann, Aesthetik. — K. Werner, Die italien. Philosophiie
des XIX. Jahrhunderrs. — Hinrichs, Karl Sittl u. die homerischen
Aeolismen. (Blass : de minces résullats, mais la position prise par
l'auteur est trop forte pour être ébranlée par les attaques de Sittl.) —
Bergk. Kleinere philologische Schriften, hrsg. v. Peppmuller. I, zur
rcimischen Literatur. — Cipolla, Dei coloni tedeschi nei XIII comuni
Veronensi. (E. Martin.) — Perry, From Opitz to Lessing (W. Scherer :
clair.) — Brahm, Heinrich von Kleist. (Seuffert : supérieur à Wil-
brandt, non par l'art du récit, mais par le jugement littéraire et la con-
naissance des sources.) — Antona-Traversi, Ugo Foscolo nella fami-
glia con lettere e document! inediti. — V. Cohausen, Der romische
Grenzwall in Deutschland, militarische u. technische Beschreibung
desselben. (Velke : remarquable.) — Friedensburg, zur Vorgeschichte des
Gotha - Torgauischen Biindnisses der Evangelischen i525-i526.
(Wenck : utile.) — Peukert, Die Memoiren des Marquis von Valory
(Wiegand : excellent commentaire.) — Klaic, Geschichte Bosniens von
den altesten Zeiten bis zum Verfalle des Konigreichs, nach dcm croatis-
chenvon BojNicic.(^Brûckner : mal traduit, un peu sec et parfois plat.) —
Lenz, Timbuktu, Reise durch Marokko, die Sahara und den Sudan.
— Erman, Deutsche Medailleure des XVI. u. XVII. Jahrhunderts. ~
Minhâdj af-falibîn, le guide des zélés croyants, manuel de jurispru-
dence musulmane selon le rite de Châfi'î, texte arabe p. p. van den
Berg avec traduction et annotations, III. Batavia. — Schuster u.
Francke, Geschichte der silchsischen Armée von deren Errichtung
bis auf die neueste Zeit. (Hinze.)
Gœtting'ische gelehrte Anzeigeii, n» 4, i5 février 188 5 : Wlassak, Kri-
tische Studien zur Théorie der Rechstsquellen (G. Hartmann). — Zwei
Abhandlungen aus dem rumischen Rechte, Herrn Prof. v. Scheurl
ûberreicht von Brinz u. Hôlder (Ubbelohde : la première de ces disser-
tations a pour titre « die Freigelassenen der lex. Aelia Sentia und das
Berliner Fragment von den Dediticiern « ; la seconde, « das Wesen der
Correalobligationen »). — Brugsch, Religion und Mythologie der alten
Aegypter, I. (Puchstein : rappelle les idées d'Ed. Rôth.) — Bechtel,
Thasische Inschriften ionischen Dialektsim Louvre (Bechtel).
Léopold CERF, éditeur, rue de Médicis, i3.
VIENT DE PARAITRE
GOETZ DE BERLICHINGEN
DE G (ET HE
Nouvelle édition avec introduction et notes,
par A. CHUQUET.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
PUBLICATIONS DES FACULTÉS DES LETTRES
BULLETIN DE LA FACULTÉ DES LETTRES DE
CAEN. Bulletin mensuel. Première année. Prix du numéro, i 25
ANNALES DE LA FACULTÉ DES LETTRES DE
BORDEAUX , rédigées par les professeurs des Facultés de
Bordeaux et de Toulouse.
Ancienne série. Cinq années. Cinq volumes in-8 5o fr.
Nouvelle série. 1884. Abonnement annuel 10 fr.
BULLETIN DE LA FACULTÉ DES LETTRES DE
POITIERS. Bulletin mensuel. Abonnement 10 fr.
Années i883, 1884. 2 volumes in-8 20 fr.
ANNUAIRE DE LA FACULTÉ DES LETTRES DE
LYON. Souscription annuelle 10 fr.
Tomes I et II, 188 3, 1884. In-8. Chaque 10 fr.
LA LÉGENDE D'ÉNÉE avant Virgile, par J. -a. Hild. In-8. 3fr.
JU VENAL' Notes biographiques, par J.-A. Hild. ln-8 2 fr.
ÉTUDES SUR LA VIE DE SÉNÈQUE, par m. Hochart.
In-8 6 fr.
ROMAN DE RENART, publié par Ernest Martin.
Volume I. L'ancienne collection des Branches, In-8 12 5o
Volume il. Les Branches additionnelles. In-8 10 fr.
DES VARIATIONS DE LA LANGUE et de la métrique
d'Horace dans ses différents ouvrages, par A. Waltz. In-8. . . 5 fr.
DE CARMINE CIRIS, auct. a. Waltz. In-S 3fr.
OROQ.U1S ARTISTIQUES ET LITTÉRAIRES,
par J. CoNDAMiN. In-8, papier teinté 6 fr.
Le Puy. imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint- Laurent, 23.
N* 12 Dix-neuvième année 23 mars 1885
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. J. DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 23 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28 , RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : rue Jionaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, et
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
PDBLICATIONS DE L'ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES
Ile SERIE
XIV. - KIM VAN KIÊU TAN TRUYÉN,
publié et traduit pour la première fois, par Abel des Michels.
Tome I, transcription, traduction et notes. In-8... i5 fr.
XV. — Tome II, 2' partie. Texte en caractères figuratifs. In-8. 10 fr.
XVI.- KAMI YO-NO MAKI. Histoire des dynas-
ties divines, publiée en japonais, traduite pour la première
fois sur le texte original, accompagnée d'une glose en
chinois et d'un commentaire, par L, de Rosny. I. La Ge-
nèse. In-8 i5 fr.
LA RHÉTORIQUE SANSCRITE, exposée
dans son développement historique et ses rapports avec la rhétorique
classique, suivie des textes inédits de Bhâratîya-Natya-Castra et de
la Rasa tarangini, par Paul Regnaud. In-8.,...., 16 fr.
PERIODIQUES
TheAcademy, n" 670, 7 mars i885 : Hubert Hall, A history of ihe 1
custom-reveuLie in England trom the earliest times to the year 1827, (
compiled cxclusively h-om original authorities. 2 vols. (Ehon : sujet
très difficile, traittj avec succès.) — Ellis, West African Islands. —
Alb. Réville, Prolcgomena of the History of Religions, translated by
Squire, with an introduction by Max Muller (Cheyne.) — G. M. J.
Blackburne, Algernon Sidney, a"revie\v. (Airy : l'auteur aurait mieux
fait de choisir un autre sujet, "car son livre est fort mal écrit et dénote
une très médiocre connaissance de Tépoque où vivait Sidney.) — Col
Lkwin, A Fiyon the Wheel. (Keenne : livre très supérieur aux « Ré-
miniscences » ordinaires des Anglais qui ont vécu aux Indes.) — Books
ofancient history. (Sir G. Cox, Lives of greek statesmen ; Horton, A
history of the Romans; Dacbert, Sénèque et la mort d'Agrippme;
Pflugk-Harttung, Perikies als Feldherr.) -- Lady Martin on Shak-
spere's women. — The Eikon Basilike and a book of ballads. (Maunde
Thompson.) — The Brough Stone. (Browne.) — The hunting of the
wren. (Soutesk.) — Thompson, A system of psychology. (J. Sully.) -—
Art-books. (Em. Molinier, Dictionnaire des émaiileurs.) -- The Hol-
bein's Society's « Tewrdannckh ». (Conway.)
The Atiienaeiiin, m' 2993, 7 mars 885 : Shaw, Madagascar a. France,
with some account of the island, its people, its resourses a. develo-
pment. — Col. Lewin, A Fiy on the Wheel. — Catalogue of books in
the library of British muséum printed in England, Scotland and Ire-
land, andof books in English printed abroad, to the year 1640, printed
by order of the trustées, 3 vols. — Boddv, To Kairwân the Holy scènes
in Muhammedaa Africa. — Historical books. (Hall, History ot ihe
Lown and parish of Nantwich, co. Chester; Pflugk-Haarttung, Iter
italicum, II et acta pontihcum romanorum inedita; Correspondance
de M. de Rémusat, tome III.)— Philological books. (The taie of Ga-
raelyn. edited by W. Skeat; Aeschylus, Choephoroi, with introduction
and notes by Sidgwick; Saalfeld, Tensaurus Italo-graecus (compila-
tion consciencieuse avec quelques négligences); Clédat, Grammaire
élémentaire de la vieille langue française : ouvrage de valeur; Lattes,
Miscellanea postuma.) - Patronymicsin -ing (Mcclure).— Notes from
Naples. — Shelleyana (Dobell).
Literarisches Centralblatt n" 11,7 mars i885 : Augustini in Joannis
Evangeiium tractatus, 1. II. — Sacrorum conciliorum nova et amplis-
sima collectio, p. p. Mansi, I. — Joël gegen' Gildemeister ; Rodeins-
soHN, der Schulchan Aruch u. seine Beziehungen zu den Juden u. den
Nichtjuden. — Alcimi Ecdicii Aviti, Viennensis episcopi, opéra quae
supersunt, rec. Rud. Peiper. (Monumenta germaniae histonca,
tomi Vi pars posterior.) — Garrigou, Ibère, Ibérie, études sur Forigine
et les migrations de ces Ibères, premiers habitants connus de l'occi-
dents de l'Europe. (II v a des domaines qui semblent condamnés à être
le champ de l'ignorance et de la fantaisie la plus vagabonde; par exem-
ple, la question ibérienne; l'auteur ferait bien de déclarer que son 011-
vrage entier est une faute d'impression ; on croit à peine qu'un pareil
livre ait paru en 1884.)— P. Mever, Fragment d'une chanson dAn-
tioche, en provençal, publié et traduit. (Contribution bienvenue à la ht-
térature de Thistôire des croisades et remarquable travail qui offrira
grand intérêt aux romanistes autant qu'aux historiens.) — Dk CATT,lJn-
'terhaltungen mit Friedrich dem Grossen, Memoiren und TagbUclier, ;
hi-sg. v. R. Koser; Friedrichsdes Grossen Gesprache mit Henri de Catt. |
— Bergner. Siebenburgen. eine Darsiellung des Landes und der Leute. |f
— Heims Unter der Kriegsflagge des deutschen Reiches, Bilder u ■
Skizzen von der Weltreise S. M. S. Elisabeth i88i-i883. — Alexan
DROFF, Die Substitute der einzelnen Laute und der Lautgruppen der
normalen russischen Sprache in der Aussprache eines I:idividuums,
welchem in Folge von Cancroides die Zungc ampuiiert worden war,
eine Beobachtung. (L'ouvrage est écrit en russe ; observations sur les
sons articulés par un individu à qui la langue avait été presque entière-
ment coupée.) — HoMMEL, Die sumero-akkadische Sprache und ihre
Verwandtschaftsverhaltnisse. (Trop grande hardiesse d'hypoUjèses,
mais beaucoup de remarques instructives et utiles.) — OiMont, Inven-
taire sommaire des manuscrits du supplément grec de la Bibliothèque
nationale. (Catalogue fait d'une façon pratique et d'un usage très com-
mode.) — R. Wackernagel, Wilhelm Wackernagel, Jugendjahre,
1 806-1 833. (Récit simple et sans prétention.) — Instructionem fur den
Lfnierricht in Oesterreich.
Deiitscbe Litteraturzeituiig', n" 10, 7 mars i885; Lepsils, Die Liingen-
masse der Alten. (Loewenherz.) — G. Gurtius, Zur Kritik der neuesten
Sprachforschung. (J. Schmidt : long article de quatre colonnes .sur ce
livre où l'auteur critique tous ceux qui ont suivi d'une façon quelcon-
que la méthode de Schleicher.) — Max Mûller, Indien in seiner
weltgeschichtlichen Bedeutung, Vorlesungen gehalten an der Univer-
-s'tat^Cambridge ûbers. von Cappi-xlkr. (Weber.) — Homeri Iliadis
carmina seiuncta discreta emendata prolegomenis et apparatu critico
instructaed. Christ. (Hinrichs : livre qui contient beaucoup de choses;
vues instructives et qui font avancer la science; quand à l'édition même,
elle représente une hvpothese toute moderne et raffinée, qui fera diffici-
lement son chemina Homerum ipsum totius fabulae Iliacae lineamenta
duxisse et fato abreptum sodalibus suis auctorem fuisse opus de linea-
tum perficiendi et amplificandi.) « — WilamowitzMoellendorff, Home-
rische fjntersuchungen. ,R. Neubauer : ce livre n'est pas un livre de
fabrique, il a de l'originalité, de la race, du caractère: il est plein d'es-
prit et de fraicneur ; il vaut la peine d'être lu, et quant à ses résultats,
c'est, depuis les travaux de Kirchhoff, l'œuvre la plus remarquable de
la littérature homérique; elle aura sur les recherches postérieures une
grande influence; quiconque s'occupera des problèmes de la question
homérique et ne l'aura pas lu, devra se taire.) — Eckermann, Gesprii-
che mit Goethe in den leîzten Jahren seines Lebens, hrsg. v. Duntzer.
(R. M. 'vVerner : commentaire assez abondant, mais qui n'est pas assez
complet, malgré tout, et évite trop les citations; ce n'est qu'un premier
essai de commentaire.) — Miguel de Cervantes Saavedra, der sinnrei-
che Junker don Quijote von der Mancha ûbersetzt, eingeleitet u. mit
Erleuterungen versehen von Braunfels. (Vollmuller : Braunfels a fait
pour Cervantes ce que Schlgel a fait pour Shakspeare.) — Soltau, Die
Giltigkeit der Plébiscite. (J. Schmidt : diffus, et le principal résultat du
livre peut être regardé comme manqué.) — Monumenta saecuii XVI
historiam iliustrantia p. p. Balan. I, démentis VII epistolae per Sa-
doletum scriptae. (Baumgarten : recueil fait superficiellement.) —
Frey, Die Loggia dei Lanzi zu Florenz, eine quellencritische Uriter-
suchung. (H. Grimm.)
Im Verlage vou Edti;:rd Ti-e^ventït in Ereslau erschiea soeheu
ïjïe Hpailpïize.
j^îieïj tîeîiî tîeisestoîï Stîtsulpunîit I>oaï'I)eBtet VOn
S5s*. "^"W. ^opr.
Privaldoceut un der Universital Halle a S.
Mit 41 vom Verfasser meist selbst auf Holz gezeichneteu Sclinitlen.
lîrîtte stsSiE- -vei'jaietsj-îe und vei'bessei'tc i%.«ffltïge.
S'/e Hogea gr. 8\ Preis 3 Mk.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
OUVRAGES POUR DISTRIBUTIONS DE PRIX
PREMIERE S K R I !•;
FORMAT GRAND IN-So. — OUVRAGES RICHEMENT ILLUSTRÉS
Baron DE Vaux. LA PALESTINE. Illustré de 140 dessins originaux
de MM. Chardin et Mauss 20 fr.
Mention honorable de T Académie française.
SoLDi (Emile), grand prix de Rome. LES ARTS MÉCONNUS.
Illustré de 400 gravures 20 fr.
MouRA (J.), ancien représentant de la France au Cambodge. LE
ROYAUME DU CAMBODGE. 2 beaux volumes avec nom-
breux dessins, plans, cartes en couleurs, etc 3o fr.
Sainte-Marie (E. de, consul de France). Mission à Carthage. Un
volume richement illustré i5 fr.
PL'BLIË SOUS LES AUSPICES DU MINISTÈRE DE i;iNSTRUCTION PUBLIQUE
Desmaze (Ch., conseiller à la Cour). LES MÉTIERS DE PARIS,
avec les sceaux des artisans. In-8 7 5o
Galland. JOURNAL D'ANT. GALLAND, pendant son séjour
à l'ambassade de France à Constantinople, publié par M. Sche-
fer, de l'Institut. 2 vol 2 5 fr.
OUVRAGES GRAND IN-S" NON ILLUSTRÉS
CHRONIQUE DE NESTOR, traduite sur le texte slavon russe,
avec introduction et commentaire critique, par L. Léger, professeur
à TEcole des langues. In-8 i5 fr.
RECUEIL DE POÈMES HISTORIQUES en grec vulgaire, publiés,
traduits et annotés par Em. Legrand. ln-8 i 5 fr.
BAG-0 BAHAR. Le jardin et le printemps, poème hindoustani,
traduit en français, par Garvin de Tassy, membre de l'Institut.
I n - 8 1 2 f r .
ÈPHÉMÉRIDES DACES. Histoire de la guerre de quatre ans
entre les Turcs et les Russes, texte grec et traduction, par Em.
Legrand. 2 vol. in-8, avec portrait et fac-similé 3o fr.
CHRONIQUE DE CHYPRE, texte grec publié, traduit et annoté
par E. Miller, de l'Institut et C. Sathas. 2 vol. in-8, avec une
carte en chromolithographie 3o fr.
* Remises très importantes seront accordées aux établissements d'instruction
sur les prix de vente indiqués ci-dessous.
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Sainl-Laureni, 23.
i
N" 13 Dix-neuvième année 30 mars 1885
REVUE CRITIQUE
D'hnSTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIE SOUS LA DIRECTION
DE MM. J.DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr, — Départements, 22 fr. — Etranger, 23 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE 1.' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les coTumunications concernant la rédaction ^ M. A. CHUQut.T
(Au bureau de la Kevue : rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont ■priés d'envoyer directement, ei
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
ARCHIVES DE L'ORIENT LATIN, publiées
sous le patronage de la Société de l'Orient Latin et la direction du
comte Riant, membre de F Institut.
Tome II, fort volume gr. in-8 de 11 60 pages, avec plan-
ches , 3o fr.
Tome I... 2 5 fr.
RESUME HISTORIQUE DES PRINCI-
PAUX TRAITÉS DE PAIX conclus entre les
puissances européennes, depuis le traité de Westphalie (1648)
jusqu'au traité de Berlin (1878), par le prince A. M. Ouroussow. 16 fr.
LES ROUMAINS AU MOYEN AGE,
par Xenopol, professeur à l'Université de Jassy. Un volume
in-8 7 5o
PÉRIODIQUES
The Academy, n" 671, 14 mars i885 : Dowell, A history of Taxations
and Taxes in England, 4 vols. (Thorold Rogers : livre très utile.) —
Noël, Songs of theheights and deeps. — Shaw, Madagascar and France
with some account of the island, its people, its resources and deve-
lopment. (Trotter : court et clair.) — Bersier, Goligny, the earlier life
of the great huguenot, translated by Annie Harwood-Holmden. (Mor-
ris : première partie d'un livre dont le dessein est supérieur à l'exécu-
tion, ce n'est pour la plus grande partie qu'un épitome de Fouvrage de
M. Delaborde, il y a des recherches exactes et une certaine mise en
œuvre, mais l'art manque, la figure de Famiral ne revit pas, l'époque
où il vécut ne reparaît pas devant nous; mais, quoique parfois sans ani-
mation, le livre a une grande valeur.) — Proceedings of the Interna-
tional Conférence on éducation, London, 1884, edited by Rich. Cowper,
4 vols. — The Thoughts of Biaise Pascal, translated by Paul. — Cur-
rent literature. (Mémoires of Napoléon Bonaparte, by Phipps, 3 vols.
Field-Marshal Count von Moltke, Poland, an historical sketch, etc.)
— M. de Laveleye on J. S. Mill. — A tract of Bishop Ken's. (Doble.)
— Death of CromwelPs son (Sam. R. Gardiner.) — Two queries. —
Arethusa and Alpheus. (Lloyd.) — Il giorno délie vecchie. (Martincngo-
Cesaresco.) — Finn and Gwynn (Powel). — The hunting of the wren.
(Evans). — Two books on buddhist law : King Wagani's Dhamma-
sattha, tex:, translation and notes, edited by Forchhammer ; Notes on
buddhist law by Jardine. (Rhys-Davids.) — First and second persons of
the indo-european verb. (Sibree.) — « Giles » or « Galis » in Hindous-
tani. (Lyall.)
Literarisch es Central blatfc n<» 12, i3 mars i885, Mangold, der Rômerbrief
u. seine geschichtlichen Voraussetzungen. — Nietzsche, Also sprach ']
Zarathustia, ein Buch fur Aile und Keinen. (Suite de discours d'un
mysticisme exalté.) — Mehlis, Grabhûgel und Verschanzungen bei 1
Thalmassing in Mittelfranken. — Joseph, historisch-kritische Beschrei-
bung des Bretzenheimer-Goldguldenfundes. — Urkundenbuch der
Stadt Strassburg, II, privatrechtliches Urkunden und Amtslisten von
1266 bis i332, bearb. v. Schulte. (Remarque Fintroduction très inté-
ressante et profonde.) — Von Wyss, Leben der beiden ziircherschen |
Btirgermeister David von Wys, Vater und Sohn ; I. (Très important
pour l'histoire de la Suisse pendant la période révolutionnaire.) —
Kiepert, Schul-Wandatlas der Lânder Europas; 10, Politische Wand-
karte von Deutschland ; 11, Politische Wandkarte von Oester-
reich-Ungarn. — Pantschatantra, Ein altes indisches Lehrbuch der
Lebens Klugheit in Erzahlungen u. Sprûchen , aus dem Sans-
krit neu ûbersetzt von Fritze. (Bien réussi, fidèle à l'original et
« porte un bon vêtement allemand ») — Holtzmann, Grammatisches aus
dem Mahabharata, ein Anhang zu Whitney's indischer Grammatik.
(Beaucoup de choses en peu de pages.) — Rolfs. Ueber die Grûndung
eines Institutes fur deutsche Philologen zum Studium des Englischenin
London. (Non, pas d'institut, pas d'école, mais des bourses de voyage.)
— Carstens, zur Dialektbestimmung des mittelenglischen Sir Firum-
bras, eine Lautuntersuchung. — Linning, Deutsche Mythen-Marchen,
Beitrag zur Erklàrung der Grimm'schen Kinder-und Hausmârchen.
(Bizarres explications, écrit néanmoins avec chaleur, ne connaît pas
assez la littérature des contes populaires de tous pays.) — Michaelis,
Ancient marbles in Great Britain described, translated by Fennel.
(Comble une lacune sensible.) — K. Lange, Haus und Halle, Studien
zur Geschichte des antiken Wohnhauses und der Basilika. (Beaucoup
de clarté dans l'exposition et d'indépendance dans le jugement.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
OUVRAGES POUR DISTRIBUTIONS 1)E PRIX
PREMIERE SERIE
FORMAT GRAND IN-S". — OUVRAGES RICHEMENT ILLUSTRES
Baron DE Vaux. LA PALESTINE. Illustré de 140 dessins originaux
de MM. Chardin et Mauss 20 fr.
Mention honorable de TAcadémie française.
SoLDi (Emile), grand prix de Rome. LES ARTS MECONNUS.
Illustré de 400 gravures 20 fr.
Moura (J.) , ancien représentant de la France au Cambodge. LE
ROYAUME DU CAMBODGE. 2 beaux volumes avec nom-
breux dessins, plans, cartes en couleurs, etc 3o fr.
Sainte-Marie (E. de, consul de France). Mission à Carthage. Un
volume richement illustré 1 5 fr.
Publié sous les auspices du Ministère de l'Instî'uction publique.
Desmaze (Ch., conseiller à la Cour). LES MÉTIERS DE PARIS,
avec les sceaux des artisans. In-8 , 7 5o
Galland. JOURNAL D^ANT. GALLAND, pendant son séjour
à l'ambassade de France à Constantinople, publié par M. Sche-
fer, de l'Institut. 2 vol.... 2 5 fr.
OUVRAGES GRAND IN-8'^ NON ILLUSTRÉS
CHRONIQUE DE NESTOR, traduite sur le texte slavon russe,
avec introduction et commentaire critique, par L. Léger, professeur
à l'Ecole des langues. In-8. ., i5 fr.
RECUEIL DE POÈMES HISTORIQUES en grec vulgaire, pubHés,
traduits et annotés par Em. Legrand. In-8 1 5 fr.
BAG-0 BAHAR. Le jardin et le printemps, poème hindoustani,
traduit en français, par Garcin de Tassy, membre de l'Institut.
In-8 '. , 12 fr.
ÈPHÉMÉRIDES DACES. Histoire de la guerre de quatre ans
entre les Turcs et les Russes, texte grec et traduction, par Em.
Legrand. 2 vol. in-8, avec portrait et fac-similé 3o fr.
CHRONIQUE DE CHYPRE, texte grec publié, traduit et annoté
par E. Miller, de l'Institut et C. Sathas. 2 vol. in-8, avec une
carte en chromolithographie , 3o fr.
* Des remises très importantes seront accordées aux établissements u'instiuction
sur les prix de vente indiqués ci-dessus.
OUVRAGES POUR DISTRIBUTIONS DE PRIX
DEUXIEME S !•: U I E
FORMAT IN -8 RAISIN
HISTOIRE GRECQUE, par Ernest Curtius. Traduction Bouché-
Leclercq. 5 vol. in-8 87 5o
HISTOIRE D'ALEXANDRE ET DE SES SUCCESSEURS, par
J.-G. Droysen. Traduction Bouché-Leclercq. 3 vol. in-8. ... 3o fr.
ATLAS POUR L'HISTOIRE GRECQUE, par A. Bouché-Leclercq,
professeur à la Faculté des lettres. In-8 i:i fr.
HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE LATINE du moyen-âge,
par A. Ebert. Traduction Aymeric et Condamin. 2 vol. in-8. 20 fr.
HISTOIRE DE LA DIVINATION DANS LANTIQUITÉ, par
A. Bouché-Leclercq. 4 vol. in-S 40 fr.
HISTOIRE DES LITTÉRATURES SLAVES, par Pypine et
Spasovic. Traduit du russe par Ernest Denis, professeur à la Faculté
des Lettres de Grenoble. In-8 16 fr.
LES NORMANDS EN ITALIE depuis les premières invasions
jusqu'à Tavènement de Grégoire VII, par O. Delarc. In-8., 12 fr.
HISTOIRE DE L'ÉCOLE ANGLAISE DE PEINTURE, par
Feuillet de Conches. In-8 12 fr.
HISTOIRE DES MACHABÉES, ou princes de la dynastie asmo-
néenne, par F. DE Saulcy, membre de l'Institut. In-8 10 fr,
LES COLONIES FRANQUES DE SYRIE, aux xn« et xm^ siècles,
par E. Rey. In-8 8 fr.
LE PAYS DANNAM, par E. Luro, lieutenant de vaisseau, directeur
du collège des stagiaires à Saigon. In-8, avec carte 8 fr.
VIE OU LÉGENDE DE GAUDAMA, le Boudha des Birmans, par
Ms'' BiGANDhT. In-8 10 fr.
UN AMBASSADEUR LIBÉRAL sous Charles IX et Henri III,
Arnaud du Ferrier, par Fremy, secrétaire d'ambassade. Iii-8.. 10 fr.
LES ROUMAINS AU MOYEN AGE, par Xenopol, professeur à
l'Université de Jassy. In-8 , 7 5o
ETUDES SUR LA VIE DE SÉNÈQUE, par Hochart. In-8. 6 »
LES POLYNÉSIENS, leur origine, leurs migrations, leur langage,
par le Dr. P. A. Lesson, ancien médecin en chef des établissements
français de TOcéanie. 4 forts volumes in-8, avec cartes 6c tr.
Le /'uy^, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent. 2 3,
N' 14 Dix-neuvième année 6 avril 1885
REVUE CRITK
O'HÎSTOIRE ET DE LITTERATUKE
RECUKIL HEBDOMADAIRE PUBr.lÉ SOUS I.A DIKECTION
DK MM. L DARMESTLTER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire i!c la rédaction : M. A. Cmuquei
Prix d'abonnement ;
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 Ir. — Etranger, 20 fr
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l'École des langues orientales vivantes, etc.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
'Au buicaii de \a Hevue : riie l'onaparte, i8).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, et
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
ERNEST LKROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28
ARCHIVES DE L'ORIENT LATIN, pubi.ées
SOUS le patronage de la Société de lOrient Lalin et la direction du
comte Riant, membre de Flnstitut.
Tome II, fort volume gr. in-8 de 1160 pages, avec plan-
ches , 3o fr.
Tome I , . 2 3 fr.
RÉSUMÉ HISTORIQUE DES PRINCI-
PAUX TRAITÉS DE PAIX conclus e„ue les
puissances européennes, depuis le traité de Westphalie (1648)
jusqu'au traité de Berlin (1878), par le prince A. M. Ouroussow. 16 fr.
LES ROUMAINS AU MOYEN AGE,
par Xenopol, professeur à l'Université de Jassy. Un voiu ne
in-8 , 7 5o
PÉRIODIQUES
The Acadeniy, n" 672, 21 mars i885 : Pater, Marius the Epicuraean,
his sensations and ideas, 2 vols. (Gray : histoire d'un jeune Italien, né
vers la fin du règne d'Antonin le Pieux ; elle est racontée en fort beau
style.) — Montagne, The limits of individual liberty. (Alexander.) —
Sélections from the letters and correspondence ot Sir James Bland Bur-
ges, with notices of his life, edited by Hutton. — Weise, The discove-
ries of America in the year i525. (Temple: ouvrage d'un plan très
vaste et qui n'épuise pas le sujet, mais où Ton trouve de nombreux dé-
tails et le fruit de laborieuses recherches.) — Correspondence : Death
of CromwelTs son. (Wright.) — The Aberdeen Poll-Booke (Morice).
— M. de Bourrienne's Memoirs. — Kielland's « skipper worse » (Du-
cie). — Two queries (Green). — The hunting of the wren (Ridgeway).
— M. Tulli Ciceronis ad M. Brutum Orator, recensuit Heerdegen,
(Sandys : recommandable.) — Redhouse, A turkish lexicon, showing
in english. the significations of ihe turkish terms, I. (Gibb.) — Wauters,
The flemish school of painting, translated by Mrs. Henry Rossel.
(Couway.)
The Athenaeum, n" 2994, i5 mars i885 : Mark Pattison, Memoirs. —
Aeschyli Fabulae cum lectionibus et scholiis Codicis Medicei et in
Agamemnonem Codicis Florentini ab Hieronymo Vitelli denuo col-
latis, éd. Wecklein, 2 vols. (Excellente édition, « opéra infiniti labo-
ris ».) — Davenport, Sport. — Melville, In the Lena Delta. —
MoRWooD, Our gipsies in city, tent and van. — « Giordano Bruno »
(Christe). — Coleridge, Lamb, Leigh Hunt and others in the « Poe-
tical Register » (Campbell.) — Naville, The Store-city of Pithom and
the route of the Exodus.
— N^» 2995, 21 mars i885 : A diary of two parliaments, by
Lucy; the Disraeli Parliament, 1874-1880. — Major Ellis, West
Africa Islands. — Si-yu-ki, buddhist records of the western world,
translated from the chinese of Hiuen-tsïang, a. d. 629, by Beal. 2 vols.
— Poster, The royal lineage of our noble and gentle families, compi-
led. — Verrall, Studies litterary and historical in the odes of Horace.
(Critique littéraire souvent fine et suggestive.) — Calendar of State
Papers and manuscrits, relating to english affairs existing in the archives
and collections of Venice and in other libraries of Northern Italy,
vol. VI, part III, i557-i558, with an appendix, edited by Rawdon
Brown. — Theological books. (Helen Spurrell, A translation of the
Old Testament Scriptures from the original hebrew; The Cambridge
Bible for schools and collèges, Hosea with notes and introduction by
Cheyne, etc.) — The biographv of sir Moses Montefiore. (Partridge.)
— Prof. Ch. Cassai. — Shorthand for schools. (Rundel.) — Tsalam,
Zalim, Salman, Salm. (Forlong.) — Drummond of Hawthornden. (Pur-
ves.) — The Wellington dispatches (Forrest). — Perrot et Chipiez,
Histoire de l'art dans l'antiquité, tome II, Chaldée et Assyrie, 452 gra-
vures; A history of art in Chaldea and Assyria, from the french of G.
Perrot a. Chipiez, translated and edited by Armstrong, illustrated,
2 vols, (Suite de l'ouvrage qui tient toujours ce qu'il promet, et où
l'on trouve un « digeste admirable de découvertes et de conclusions. »)
— The protection of the monuments of Cairo (S. L.-P.)
Literarisches Centralblatt, n» i3, 21 mars i885 : Bergaigne, La religion
védique d'après les hymnes du Rig-Veda, II et III. (ouvrage très impor-
tant dont l'auteur a fait preuve d'une grande sagacité et domine
enii:;rcment son sujet.) — Erler, deutsche Geschichte von der Urzeit bis
zum Ausgangdes Mittelalters in den Erziihlungen deutscher Geschichts-
schreiber, Liefer. 16-22. (Fin d'an ouvrage qui offre une lecture à la
fois utile et attachante.) — Stauffer, Hermann Christoph Graf von
Rusworm, Kaiserlicher Feldnaarscliall in den Tûrkenkampfen untcr
Rudolf II. (intéressant) — Kaufmann, Bilder aus dem Rhcinland,
culturgeschichtliche Skizzen. (Suite d'essais sans prétention, ] — Johns-
TON, der Kongo, Reise von seiner Mundung bis Bolobo, autoris.
deutsche Ausgabe. — Avesta, die heiligen Bûcher der Parsen, hrsg. y.
Geldner. I Yasna, i Lief. (Bon.1 — Bendatx, Catalogue of the buddhist
sanskrit manuscripts in the Univeisity Library, Cambridge. — Drei
Yasht aus dem Zendavesta, uebersetzt und erklart von Geldner. —
Galeni Pergameni scripta minora, recens, I. Mueller, Marquatdt,
Helmreich, I, ex rec. Marquardt. (i^f volume d'une nouvelle édition
qui sera bien accueillie.) — v. Bezold. Rudolf Agricola, ein deutscher
Vertreter der italienischen Renaissance. (Simple discours.) — Klette,
William Wycherley's Leben u. dramatische Werke, mit besonderer
Berticksichtigung von Wycherley als Pldgiator Molière's. (Travail très
soigné et dont les remarques témoignent d'un bon jugement.) — Schiessl,
System der Stilistik, eine wissenschaftliche Darstellung u. Begriindung
der stilischen Entwickelungstheorie. (Diffus.) — Gessner's Werke,
Auswahl, hrsg. v. Frey, — Koi-y.\c'(oq ~w) àp/x-cov vo[j.'.':[xaT(i)v, ij'J[j.66)vWV
v.xX y.Epij.a-iojv r?i; GUKKO'!f,q jMîAstottcjAO'j. — Stf.fkenhagen u. Wetzel.
die Klosterbibliothek zu Bordesholm und die Gottorper Bibliothek.
Deutsche Litteraturzeitimg-, n° 11, 14 mars i885 : Witte, Das Leben
Tholucks. — DiKTERicH, Grundziige der Metaphysik. — Heegaard.
Ueber Erziehung. — Krause, Mittheilungen der Riebeckschen Niger-
expédition, I. — Spiro, De Euripidis Phoenissis. (Maas.) — Grundmann,
Quid in elocutione Arriani Herodoto debeatur. (Kaibel : travail plein
de sens et de soin, qui épuise le sujet, en son ensemble.) — Plûss, Ver-
gil und die epische Kunst. (Mêmes qualités et mêmes défauts que dans
les études du même auteur sur Horace.) — Zingerle, die Quellen zum
Alexander des Rudolf von Ems, im Anhange : die Historia de praeliis.
(E. Martin : trouvera bon accueil.) — Frankl, Zur Biographie Ferdi-
nand Raimunds et Zur Biographie Friedrich Hebbels. [U faudra con-
sulter le livre sur Raimund avec circonspection, le livre sur Hebbel
renferme de jolies lettres inédites.) — E. Hermann, Erganzungen und
Berichtigungen der hergebrachten Shakspeare-Biographie nebst An-
hàngen. (Mosen : beaucoup de peine et de soin, mais l'auteur manque
d'habileté.) — Hoyns, Gcschichte des deutschen Volkes in Staat, Reli-
gion, Literatur und Kunst von den altesten Zeiten bis zur Gegenwart. I
Bis zur Regierung Ottos des Grossen. (Kaufmann : exposition habile et
un peu diffuse, jugement mesuré, sentiment patriotique, sans être
bruyant.) — Leupold, Berthold von Buchegg, Bischof von Strassburg,
ein Beitrag zur Geschichte des Elsass und d"es Reichs im XIV. Jahrhun-
dert. (Wiegand : bon travail qui met en relief la figure imposante de
l'évéque Berthold.) — Die Berner Chronik des Valerius Anshelm, hrsg.
vom historischen Verein des Kantons Bern. (Boos.) — Stohle, Géogra-
phie und Heimatkunde der Hohenzollernschen Lande (très bon ma-
nuel). — Bruun, Ueber die kunstgeschichtliche Stellung der pergame-
nischen Gigantomachie. (Kekuié : très abondant en détads et écrit avec
beaucoup d'agrément.) — Gai Institutiones edid. Krueger et Stude-
MUND.
Gœttingiscbe gelehrte Auzeigen, n" 5, i"^'" mars i885 : van Vloten et Land,
Benedicti de Spinoza opéra quotquot reperta sunt, IL (Sigwart.) —
Lipps, Grundthatsachen des Seelenlebens (Natorp.)
OUVRAGES POUIl DISTIUBUÏIONS DE PRIX
VOLUMES IN-8 RAISIN ILLUSTRES
liERTRAND (A.) de l'Institut). La Gaule avant les Ganlois,
d'après les monuments et les textes. In-8, illustré 6 fr.
BARGES (professeur à la Soibonne). Recherches archéologiques sur
les colonies phéniciennes établies dans le midi de la France.
In-8, 8 planches. 7 5o
CHEVREMONT (Al.) Les mouvements du sol sur les côtes occi-
dentales de la France. In-8, illustré i5 IV.
Honoré d'une récompense de l'Académie des sciences.
LONGPÉRIER (A. de), de l'Institut. Œuvres, publiées par
M. S. Schlumberi;er, de Tlnstitut. 6 vol. in-8, richement illus-
trés ..... 1 20 fr
LETRONNE [A. J.), de rinsiitut. Œuvres choisies. (Géographie,
archéologie, philologie). 6 vol. in-8, illustres 73 fr.
r R o I s I È M E s É R I h;
FORMAT IN- I 8 JÉSUS
LEGER ! Louis), professeur au collège de F'rance. Eludes slaves,
voyages et littérature. In- 18 3 5o
•— Nouvelles études slaves. Histoire et littérature. In-i8.... 4 fr.
GL'ÉRIN (V.) L'île de Rhodes. Avec carte. In-i8. 4 fr.
BARON D'.AVRIL. De Paris à l'île des Serpents. Impressions
de voyages. In- 18 3 5o
JUSSERAND (J.) Le théâtre en Angleterre, depuis la conquête
jusqu'à Shakespeare. lu- 18 4 fr-
FRÉMY (secrétaire d'ambassade). Diplomates du temps de la ligue.
In-i8, 3 5o
ELPIS ME LENA. Gemma, ou vertu et vice. In- 1 8 3 fr.
le h'uVy imprimerie Marchessnu /ils, boulevard Saint-Laurent. 2 V.
N' 15 Dix-neuvième année 13 avril 1885
REVUE CRITfQUI
0 ' ii 1 S 1 G I R E EIDE 1. i T T É R A T U l< E
BKCUEIL HKBDOMADAIRE PUBLIlî SOUS LA DIRKCTION
DK MM. J. DAl^MESTLTER, L. ïiAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaciion : M. A. Ckuqukt
Prix d'abonnement :
Un an, Pcuis, 20 ir. — Départements, 22 fr. — Etranger, 23 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l'École des langues orientales vivantes, etc.
38 , RUE BONAPARTE, 28
Adresser les conimiinical ions concernant la rédaction ^ M. A. Chuqi'kt
{ i\\i biucai! lie l.i Keviie ; vue Bonapaite, .'S).
MM. les éditeurs de Vétranger sont priés d'envoyer directement, et
non par cotntiiissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, EDITEU'il, RUE BONAPARTE, 28.
LES MONUMENTS ANTIQUES DE
i\v_JlviC à 1 époque de la Renaissance, Nouvelles recherches
par Eugène Munt;:, conservateur de TEcolc nationale des Beaux-
Arts. Premier fiiscicule. In-8 i 5o
LES RELiGiONS EN GRANDE BRE-
1 A.V_riNCj résumé historique et statistique, par Henri Gaidoz,
professeur de i"'EcoIe libre des sciences politiques, In-8 1 5o
LA LÉGENDE DU PREMIER PAPE DES
1 AC_/io 1 Ho et l'histoire de la famille pontificale desTchang,
d'après des documents chinois traduits pour la première fois, par
G. Imbault-Huart. In-8, figures 3 fr.
CONTES ARA BES en dialecte de la Haute-Egypte, par
H. DuLAc. ln-8 , , , I 5o
PÉRIODIQUES
The Acadeiny, n° 673, 28 mars i885 : Mark Pattison, Memoirs. —
Joseph Thomson Through Masai Land, a journey of exploration in
Eastern Equatorial Africa. — Cunningham, Politics and Economies, an
essay on the nature of the principles of political economy and a survey
of récent législation. — The cat, past and présent, from the french of
M. Champrteury, with supplementary notes by mrs. Cashel Hoey and
numeroLis illustrations. — William Tyndale's five books of Moses cal-
led the Pentateuch, being a Verbatim reprint of the édition of i53o, by
J. Iv MoiNBERT. — Original verse : two sonnets after Bion (Symonds). —
Letier from Egypt. (Sayce.) — Death of CromwelTs son (Gardiner). —
The hunting' ot the wren (Ewans). — Stokes a. Windisch, Irish texts,
with translations and a dictionary (Rhys : livre d'une très grande va-
leur). — Wright's « Empire ot the Hittites » (Cheyne). — Montagu,
The Copper, Tin and Bronze Coinage and Patterns for coins of En-
gland from Elizabeth to Victoria. (W. Wroth.) — Tarsus and Pompeio-
polis (Michell). — « The woodcutters of the Netheilands t) (Linton). —
No cities on the Exodus route (H. Glay Trumbull). — The Tuihanti
(Haverfield).
The Athenacum, n» 2996, 38 mars i885 : Thornton, Harrow School
and its surroundings. — Benham, Diocesan historiés, Winchester. —
Steingass, The Student's arabic-english dictionary (n'est pas strictement
scientifique, mais rendra de grands services). — Gertrude M. Ireland
Blackburne, Algernon Sidney, a review. (Si Miss Blackburn a des en-
nemis, ils doivent être contents; on ne trouve dans le livre ni la con-
naissance des faits, ni celle de la langue.) — The biography of sir Moses
Montefiore (Wolf). — The Bodleian and Radcliffe libraries. — Be- ^
nyowski. — Jackson, The pictorial press, its origin and process. — »
Duplessis, Les emblèmes d'Alciat. — The « restoration » of Westmins-
ter Hall. — Notes from Athens. (Hirst.)
Literarisches Centralblatt, n° 14, 28 mars 28 i885 : Ernest Havet, Le
christianisme et ses origines, tome IV. — Hilgenfeld, die Ketzerge-
schichte des Urchristenthums, urkundlich dargestellt. — Biedermann,
christliche Dogmatik, I, der principielle Theil, 2^ Auflage. — Das rus-
sische Reich in Europa, eine Studie (Travail méritoire.) — Mehlis,
Studien zur aeltesten Geschichte der Rheinlande, mit der archaologis-
chen Kane der Pfalz imd der Nachbargebiete. VIII. (Œuvre qui est le
résultat d'un long travail et d'études profondes.) — Kromer, Festschrift
zur Einueihung der neuen Synagoge in Erfurt am 4 September 1884.
Wie studiert man classische Philologie und Geschichte, von einem
crfahrenen Fachgenossen. (Beaucoup d'avis et de conseils utiles, on ne
peut assez recommander la lecture de cet ouvrage aux jeunes philolo-
gues.) — Philologische Untersuchungen, Vil Hett : homerische Unters.
von Wilamowitz-xMoellendorf. (« Quelque contestables que soient les
résultats trouvés par Tauteur, personne ne pourra désormais s'occuper
d'Homère sans consulter ce travail.») — Seger, Lehrbuch der neufran-
zôsischen Syntax mil systematischer Beriicksichtigung des Deutschen,
I. Syntax des einfachen Satzes, II. Syntax des mehrfachen Satzes, i Ei-
nige besondere Satzarten oder Satzformen, 2. Von der Interpunction.
(Trop d'inexactitudes, guide peu sûr.) — Brinkmann, Syntax des Fran-
zosischen und Englischen in vergleichender Darstellung, I.
Deutsche Litteraturzeitung, n'' [2, 21 mars i885 : Die Psalmen aus dem
Giundtexte.uebersetzt u. durch eine fortlaufende Besprechungerleutert
von Andreae. (Guthe.) — Bastian, Religionsphilosophischc Problème
auf dem Forschungsfelde buddhistischer Psvchologie u. der Ver-
glcichenden Mythologie. (Happel.) — Instructionen tiir den Unter-
richt an den Gymnasien in Oesterreich (v. Sallwiirk.). — Beitrage zur
Geschichte u. Statistik des Taubstummenbildungswesens in Preussen.
(Bûrkner.) — Marx, Traditio rabbinorum veterrima de librorum vete-
ris testament! ordine atque origine. (Barth : notes philologiques très
faibles.) — Cohn, De Heraclide Milesio grammatico scripsit, fragmenta
collegit, disposait, illustravit. (Dittenberger : œuvre de grand mérite.)
— Dn Gange, Glossarium mediae et intinae latinitatis digessit Hens-
chel, editio nova aucta pluribus verbis aliorum scriptorum a Leop.
Favre, II et III, 1 , D et E. (Zeumer : le nombre des additions utiles a
beaucoup augmenté.) — Alfr. Schône. Friedrich der Grosse u. seine
Stellung zur deutschen Literatur. (E. Schmidt : discours lumineux et
en noble style.) — Penon, Bijdragen tôt de geschiedenis der neder-
landsche letterkunde, 3 Teile. — Vauquelin de la Fresnaye, L'art
poétique, texte conforme à Tédition de i6o5 par G. Pellissier. (To-
bler : bonne et utile édition.) — Die Chroniken der niedersilchsischen
Stadte, Lûbeck, I. — Hallwich, Gestalten aus Wallensteins Lager.
I, Johann Merode. (E. Fischer : étude profonde d'après une foule de
documents inédits.) — Briefe Benedicts XIV an den Canonicus Fran-
cesco Peggi in Bologna 1 727-1758 nebst Benedicts Diarium des Con-
claves von 1740, hrsg. von Kraus. — Baron, Geschichte des rômischen
Rechts, I. Institutionen und Civilprocess.
— N° i3, 28 mars i885 : Chr. Hoffmann, Bibelforschungen,
II, I. Erklàrung der fûnf letzten Kapitel des Romerbriefes , 2.
Erklàr. des Brietes and die Kolosser. — Krauss, Die Psvchologie
des Verbrechens, ein Beitrag zur Erfahrungsseeienkunde. — Brugsch,
Religion und Mythologie der alten Aegypter, nach den Denkmalern
bearbeitet, I. (Pietschmann : il faut attendre la seconde partie, pour ju-
ger le volume entier.) — Suter, Homerische Problème und Lusungs-
versuche. (Hinrichs : travail écrit avec bon sens et qui sera utile.) —
Pauli, Altitalische Studien, III. (Deecke.) — Historische und philolo-
gische Aufsâtze Ernst Curtius zu seinem siebenzigsten Geburtstage am
2 september 1884. (Loeschke.) — Herders ausgewahlte Werke,'hrsg.
v. Suphan; I Band, Dichtungen, hrsg. v. ReolTch; Herders Cid, hrsg.
V. Redlich. (Sauer.) — Ueberweg, Schiller als Historiker und Philo-
soph, mit einer biographischen Skizze Uebervvegs von F. A. Lange,
hrsg. von M. Brasch. (Naîorp : remarquable à certains égards.) —
ScHUCHARDT, Krcolische Studien, I. Ueber das Negerportugiesische von
S. Thomé, Westafrica ; IL Ueber das IndoportugUsische von Cochim;
III, Ueber das Indoportugiesische von Diu ; IV. Ueber das Malaio-
spanische der Philippinen-" V. Ueber das Melanesoenglische; VI. Ueber
das Indoportugiesische von Mangalore; et Ueber die" Benguelasprache.
(Gerland : très intéressants pour les romanistes, les linguistes et les
ethnologues.) ~ FRâNKEL, Studien zur rômischen Geschichte, I. Der
Amtsantritt der rômischen Consuln wàhrend der Période 387-552, das
Verhàltniss des rômischen Kalenders zum julianischen wiihrend des
Zeitraumes 440-552. (Polémique contre la Chronologie romaine de
Matzat.) — Weskamp, Herzog Christian von Braunschweig und die
Stifter Munster und Paderborn im Beginne des dreissigjaehrigen Krie-
ges, 161 8-1 622, hrsg. von Lindner. (Zimmermann : travail soigné.) —
D. Hess, Joh. Caspar Schweizer, ein Charakterbild aus dem Zeitalter
der franzôsischen Révolution, eingeleitet und hrsg. v, Bakchtold.
(Stern : livre attachant.) — Rocher, Trente-deux ans à travers l'Islam,
tome I, l'Algérie. (J. Schmidt : peu de nouveau, excepté sur Abd-el-
Kader et l'histoire de la conquête d'Alger par les Français.) — Peter-
SKN, Aus Transkaukasien und Arménien, Reisebriefe. — Pinset et d'Au-
uiAC, Histoire du portrait en France. — V. Scheurl, Weitere Beitrage
zur Bearbeitung des roniischen Rcchts, I. Teilbarkeit als Eigenschaft von
llechten.
Theologische LitGraturzeitiin?, n° 5, 7 mars i885 : Bâcher, die Agada der
Tannaitcn, I Band, von Hillel bis Akiba, von 3o vor bis 735. (Schiirer :
travail très recommandable.) — Marx, Traditio Rabbinorum veterrima
de librorum Veteris Testamenti ordine atque origine illustrata. (Scliû-
rer : détaillé.) — Lorenz, das Lehrsystem im Rômerbiief. (Julicher.) —
KoLDE, Martin Luther, eine Biographie, i-3 Lief. (G. Bossert : com-
mencement d'une biographie remarquable par sa clarté et sa concision.)
— Baur, Geschichts = und Lebensbilder aus der Erneuerung des reli-
giosen Lebens in den Belreiungskriegen, II.
— No 6, 21 mars i885 : Ratzinger, Geschichte der kirchlichen Ar-
menpflege. (Uhlhorn : matériaux abondants.) — Lekort, Etudes sur les
monuments primitifs de la peinture chrétienne en Italie et mélanges
archéologiques. (Pohl : suite d'essais déjà publiés dans les revues.) —
Prowe, Nicolaus Coppernicus, 2 vols. (Tschackert : « œuvre d'une
science persévérante et allemande qui montre une érudition étendue,
des recherches soignées et prudentes, une exposition pleine de goût ».)
— Archbishop John Hamiiton, The Catechism, i552, edited with in-
troduction and glossary by Law, with a préface by Gladstone. — Sto-
KAR, Johann Georg Mùller, Johannes von Mûllers Freund und Herders
Herzensfreund, Lebensbild. (Ritschl.) — Schoel, Herbart's philosophi-
sche Lehre von der Religion, quellenmàssig dargestellt. (Katlcnbusch.)
— Miscelle zu Hermas, (Harnack.)
F. A. BROCKHAUS, éditeur A LEIPZIG.
INSCRIPTIONES
ITALIAE MEDIAE DlALECTiCAE
AD ARCIIETYPORVM ET LIBRORVM FIDEM
KBiurr
lOHANNES ZVETAIEFF.
I vol. de te.\le gi'. in-8 et allas in-folio 37 50
DU MEME AUTEUR
Sylloge inscriptionvm oscarum. 1878. 1 vol. de Ic.xLe gr. in-8 et
atlas in-folio 50 fr.
Inscriptiones Italiae inferioris dialecticae. Ad usum praccipue
acudcmicum. (Sous presse).
Le ruy, imyi-ii:ierie Marchessou fsls, boulevard Saint- Laurent, 25.
N" 16 Dix-neuvième année 20 avril 1885
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIE SOUS LA DIRECTION
DE MM. J. DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Ckuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 23 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, et
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
COLLECTION DE CLERCQ
CATALOGUE MÉTHODIQUE ET RAISONNÉ
Première partie : Antiquités Assyriennes
Cylindres orientaux, cachets' briques, bronzes, bas-reliefs, etc., publié
par M, DE Clercq, avec la collaboration de M. Menant.
Première livraison, in-folio avec 10 planches en héliogravure.. , 20 fr.
ANONYME DE CORDOUE
CHRONIQUE RIMÉE DES DERNIERS ROIS DE TOLÈDE
Et de l'invasion de l'Espagne par les Arabes
éditée et annotée par le P. J. Tailhan.
Un beau volume in-folio, avec 28 planches en héliogravure 5o fr.
PÉRIODIQUES
The Academy, n° 674, 4 avril 1884 : Taine, Le gouvernement révolu-
tionnaire. (Gardiner : en somme, les mérites du livre ne sont que le
résultat d'une façon étroite et partiale de traiter un sujet vaste et com-
plexe. L'œuvre n'a que les qualités et les défauts d'un essai dont l'auteur
fait effet en appuyant fortement sur ce qui met en relief son propre
point de vue et en laissant de côté tout ce qui ne se rapporte pas à son
dessein. C'est ainsi que, dans ce volume, il rend compte du triomphe
des Jacobins sans s'occuper des affaires extérieures. D'ailleurs, l'historien
digne de ce nom ne doit pas seulement montrer l'évidence de ses asser-
tions, il doit prendre la peine de réfuter l'évidence contraire, si elle
existe. Mais M. Taine ne choisit dans les documents que ceux qui con-
firment son opinion; il soutiendra, par exemple, que les Lyonnais
révoltés étaient des radicaux fidèles au régime établi, alors que la ville
renfermait un nombreux parti royaliste. Ce livre rendra service dans un
pays où les écrivains ont toujours pallié ou glorifié les crimes de la Ré-
volution. Mais il faut regretter que l'auteur ait consacré des années à
une tâche qu'il aurait pu laisser à d'autres et où ses talents ont été mal
appliqués, et ce, sur une grande échelle (to a great extent misapplied).
On regrettera toujours que Tocqueville n'ait pas assez vécu pour com-
pléter son ouvrage; car lui, du moins, n'aurait jamais perdu de vue ce
fait, que l'ancien régime était aussi responsable que le Contrat Social, de
ia grande catastrophe.] — Hill, From home to home, autumn wande-
rings in the North-West in the years 1 881- 1884. — Chetwynd-Stapyl-
TON, Chronicles of the Yorkskire family of Stapelton. — Ali aziz Efendi,
The story of Jewâd, a romance, translated from the turkish by Gibb. —
Peel, a Highland gashering. — Récent theology. — Napoléon I and his
travelling libraries. — Death of Cromv^'ell's son (Rye.) — A wort wan-
ted. (Isaac Taylor : propose « deprint » pour rendre « tirage à part »
et a Separatabdruck.) » — « To end » as an agricultural verb.
(M'Lintock.) — Avesta, the sacred book of the Parsis, edited by Geld-
NER. I Yasna, fasc. L (West.) — On a (v Bhaumayantra » (W. Stokes).
— Some points in irish grammar. (Kuno Meyer.) — The Hittites and
the a Pig-Tail » (Th. Tyïer). — Art books (Audsley, The ornamental
artsof Japan, III; Campbell, Annales de la typographie néerlandaise au
xve siècle). — Persian art at the Burlington. — Roman inscriptions in
North Wales and at Carlisle. (Watkin.l — No cities on the Exodus
route, (R. St. Poole.) — Fouilles de Pithom. (Eug. Revillout : protes-
tation contre l'analyse inexacte d'un livre de M. Naville, sur les fouil-
les dirigées par lui en Egypte.)
The Athenaeum, n" 2997, 4 avril i885 : Autobiography of Henry Tay-
lor 1800- 1875, 2 vols. — Chalmers a. Gill, Work and adventures in
New Guinea. 1877 to i885. — Ph. Smith, The student's ecclesiastical
history, part II. 'The history of the Christian church during the middle
âges. — Ingram, The haunted homes and family traditions of Great
Britain, second séries. — W. Wright, The empire of the Hittites. (Li-
vre qui rend un grand service en résumant toutes les recherches anté-
rieures.) — Philippson, La contre-révolution religieuse au xvi*^ siècle.
rSe compose en réalité de trois études historiques écrites avec soin et
impartialité.) — « Sketches by Spec. », an unknown work by W. M.
Thackeray. (Johnson.) — Drummond or Hawthornden (Brooke). —
Munro (le célèbre philologue, éditeur du Lucrèce, de l'Etna, etc., est
mort le 3o mars à Rome)."— Gow, A Short history of greek mathema-
tica. (Excellent à beaucoup d'égards.) — Creeny, A book of facsimiles
of monumental brasses on the continent of Europe, with briet descrip-
I
tive notes. — Ravaisson, Les monuments de Léonard de Vinci publiés
en fac-similés, I et II ; Uzielli, Ricerche intoino a Leonardo da Vinci,
série seconda.
Literarisches Centralblatt, n" i5, 4 avril i885 : Kohler, Johannes der
Tiiufer, kritisch-theologische Studie (travail solide, quoiqu'on ne
puisse approuver qu'une partie des résultats). — Siebeck, Geschichte
der Psychologie, 1,2: die Psychologie von Aristoteles bis zu Thomas
von Aquino (simple, clair, intéressant, très méritoire). — Wahle, Ge-
hirn und Bewusstsein. — Cauer, De fabulis graecis ad Romam condi-
tam pertinentibus (travail soigné). — L. Schmidt, zur Geschichte der
Langobarden (petit écrit excellent, sans rien d'aventureux). — Huber,
Geschichte Oesterreichs, I (fait d'après les sources, impartial et tenant
compte de tous les éléments qui ont contribué à former l'Autriche). —
Mutianus Rufus, Briefwechsel, gesammelt u. bearbeitet von G. Krause
(recueil aussi complet que possible des lettres du sage de Gotha). — Pe-
tersen, Henrik Steffens, ein Lebensbild, aus dem Danischen von
MicHELSEN. — KiEPERT, Schuhvaodatlas der Lilnder Europas. — Râ-
vanavaha oder Setubandha, prakrit u. deutsch hrsg. von Goldschmidt,
II, Uebersetzung (il était difficile de traduire le texte d'une façon aussi
sûre et aussi claire) . — Cosjin, Altwestsilchsische Grammatik, I (bon).
— Engel, Zusammenstellung der Faust-Schriften vom XVI. Jahrhun-
dert bis Mitte 1884. (A recommander à tout ceux qu'intéresse le Faust
aussi bien qu'à tout ami des légendes.) — Lummert, die Orthographie
der ersten Folioausgabe der Shakspeare' schen Dramen (étude où il y
a beaucoup d'application et beaucoup de soin, et sur laquelle on ap-
pelle l'attention de tous les amis de Shakspeare et de la langue an-
glaise). — Neu aufgefundene Urkunden ûber Schiller u. seine Famille,
hrsg. von v. Schlossberger. — Meissner, Gœthe als Jurist. (Etude in-
téressante d'après Poésie et Vérité et le livre de Kriegk.) — Poestion,
Islàndische Marchen, aus den Originalquellen tibertragen. (Trente-six
contes attachants pour les amis du folklore et de la poésie.) — Casati,
Fortis Etruria, la civilisation étrusque d'après les monuments, deuxième
étude. (Le point de vue de l'auteur semble sujet à discussion ; il va trop
loin en disant que presque tout était étrusque à Rome jusqu'à la con-
quête de la ville par la civilisation grecque, et il prétend faussement
que Tusage des noms de famille est d'origine étrusque, tandis que tous
ces noms sont à très peu d'exceptions près, d'origine italiote. On fera
donc bien d'accueillir avec quelque circonspection les recherches ulté-
rieures de l'auteur). — Baumgart, die Stipendien und Stiftungen,
Convicte, Freitische, u. s. u. zu Gunsten der Studirenden an allen
Universitâten des deutschen Reichs nebst den Statuten und Bedingun-
gen fur die Bewerbung, etc. nach amtlichen Quellen zusammengestelk
(livre qui est nécessaire et fera beaucoup de bien, mais l'auteur s'est
contenté de copier littéralement, sans changer un mot, en ce qui con-
cerne l'université de Leipzig, le livre de Meltzer paru en 1876; espé-
rons qu'il a procédé avec plus de soin pour les autres universités).
EN SOUSCRIPTION
LE M AR ÉCHAL D'ANCRE
PAR F. POUY
Un volume in-8 de i5o pages, orné du portrait de Concini. Prix pour
les souscripteurs "^ , 3 jS
Port en sus, i fr.
On souscrit à Paris : Librairie E. Leroux; à Amiens, imprimerie
Douillet.
ERNEST j£ROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
VIENT DE PARAITRE
PUBLICATIONS
DE
L'ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES
PREMIERE SERIE
CHRONIQUE DE MOLDAVIE .fUrechi, texte roumain et traduc-
tion, par Em. Picot. Fasc. 4 , 5 fr.
DEUXIEME SERIE
Tome XIV, XV. Kim Vân Kieu tân truyen, poème annamite, publié
et traduit pour la première fois, par A. des Michels. Tome I,
transcription, traduction et notes i5 fr.
— Tome II, 2*^ partie. Texte en caractères figuratifs. In-8.. 10 fr.
Tome XVI. Histoire des dynasties divines, publiée en japonais, traduite
et accompagnée d'une glose, par L. DE RosNY.I. La Genèse. In-8. i5 fr.
LA RHÉTORIQUE SANSCRITE, exposée dans son développement
historique et ses rapports avec la rhérorique classique, par Paul
Regnaud. In-8. , 16 fr.
QUATRIÈME CROISADE. La diversion sur Zara et Constanti-
nople, par J. Tessier. In-8. , 7 5o
MANUEL DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS, par C. P. Tiele.
Traduit du hollandais, par M. Vernes. Nouvelle édition revue et
augmentée d'une bibliographie. In- 18 5 fr.
ÉTUDE SUR LA VIE DE SÉNÈQUE, par M. Hochart. In-8. 6 fr.
LE SAINT SIÈGE, LA POLOGNE ET MOSCOU, par le P. Pierling.
In-i8, elzévir 2 5o
LA THÉODICÈE DE LA BHAGAVaD-GITA, étudiée en elle-même
et dans ses origines, par Ph. Colinet. In-8 3 fr.
DU BRAHMANISME et de ses rapports avec le judaïsme et le chris-
tianisme, par Mgr Laouenan. Tome I, orné de 2 cartes. In-8. 12 fr.
L^ÉLYSÉE DES MEXICAINS, comparé à celui des Celtes, par E.
Beauvois. I n-8 . 5 fr.
LE CULTE DES ANCÊTRES et le culte des morts chez les Arabes,
par Goldziher. In-8 i 5o
Le Puy, inipriDurie Marchessou fils, boulevard Saint- Lai^re»t, 2.?.
N" 17 Dix-neuvième année 27 avril 1885
REVUE CRIT1Q,UE
D' HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIE SOUS LA DIRECTION
DE MM. J. DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
Prix d'abonnement ;
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 23 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au btiieaii de la Revue : rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, et
non par com^nissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendU'
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
COLLECTION DE CLERCQ
CATALOGUE MÉTHODIQUE ET RAISONNÉ
Première partie : Antiquités Assyriennes
Cylindres orientaux, cachets, briques, bronzes, bas-reliefs, etc., publié
par M. DE Clercq, avec la collaboration de M. Menant.
Première livraison, in-folio avec 10 planches en héliogravure.. . 20 fr.
ANONYME DE CORDOUE
CHRONIQUE RIMÉE DES DERNIERS ROIS DE TOLÈDE
Et de l'invasion de l'Espagne par les Arabes
éditée et annotée par le P. J. Tailhan.
Un beau volume in-folio, avec 28 planches en héliogravure, ... 5o fr.
PÉRIODIQUES
The Academy, n° 675, 11 avril i885 : Gindely, History of the thirty
yeais' Avar, transi, by Ten Broek; Stevens, History of Gustavus
Àdolphus. (O' Connor Morris.) — Edwin Arnold, The secret of death
(from the sanscrit) with some collected poems. — W. Harris, The
history of the radical party in Parliament. — Lady Brassey, In the
Trades, the Tropics and the Roaring Forties. — Hirsch, Geschichte
derdeutschen Literatur, I. (Blind : ouvrage consciencieux sous une forme
agréable.) — Ed. Reuss, History of the canon in the Holy Scripture
in the Christian church, transi, by Hunter. — Current literature
(Alice Grand Duchess of Hesse, princess of Great Britain and Ireland,
letters to Her Majesty the Queen, new and popular édition ; The
Looking-Glass for the Mind, a reprint of the édition of 1792 ; Barzel-
LOTi, David Lozzaretto di Arcidosso; Gaidoz, Les religions de la
Grande-Bretagne. (Recueil méritoire de faits disposés clairement et avec
une absolue impartialité.) — Munro (Ellis). — The Squire papers.
(W. A. Wright et Gardiner.) — The Peking Literary Society (Terrien
de la Coupene.) — The hunting of the wren (Exans.) — A correction
(Sayce). — Schuchardt, Slawo-Deutsches and Slawo-Italienisches.
(Morfile). — Windisch's irish texts (W. Stokes). — The Epinal Glos-
sary again (Sweet,) — Some minor books about Egypt. (Yeats, The
London Obelisk, a new translation of the hieroglyphic texts; Jan Van
Gelder, The storchhouses of the King; Oxley, Egypt a. the wonders
of the land of the Pharons ; King, Cleopatra's needle; Berkley, The
Pharaons and their people; Chesney, The land of the Pyramids;
Ottley, Modem Egypt, its witness to Christj. — The Tuihanti
(Howorth).
The Atheuaeum, n° 2998, 11 avril i885 : Jefferies, After London or
wild England. — The "Gentleman's Magazine Library, being a ciassi-
fied collection of the chief contents of the Gentleman's Magazine from
173 I to 1868, éd. by Gomme. — Nettleship, Lectures and essays on
subjects connected with latin literatur or scholarship. — Mrs. King,
The diary of a civilian^s wife in India, 1877- 1882, 2 vols. — The ca-
techism of Hamilton ib52, éd. by Law. — Society in London by a
foreign résident. — Historié and other doubts. (Edwards.) — The bio-
graphy of Sir Moses Montefiore (Patridge). — « A Perilous Secret »
(Pettitt).— A Domesday Book Society. (De Gray Birch). — Grant White.
(Art.nécrol.) — Gray, David Scott and his works. — Notes from Athens
(Lambros.) :|(j
Literarisches Centralblatt, n° 16, 11 avril i885 : Scerbo, Crestomazia
ebraica e caldaica. (Louable.) — Bastian , Der Fetisch an der Kûst'e
Guineas. — Matzat, Romische Chronologie, II, Romische Zeittafeln
von 5 06 bis 219 (beaucoup de bon, parfois aussi du mauvais et trop de
polémique). — Wattenbach, Deutschiands Geschichtsquellen im Mit-
telalter bis zur Mitte des XIII, Jahrhunderts, I, (5'= édition remaniée).
— Plener, Ferdinand Lassalle. — Tappeiner, Studien zur Anthropologie
Tirols u. der Sette communi. — Lenz, Timbuktu. — Jannettaz, Etude
sur Semo Sanctus Fidius, Dieu sabin représentant le feu et sur l'étymo-
logie d^Hercule. (L'auteur ignore les lois phonétiques, mêmes les plus
connues, et a vainement dépensé sa sagacité.) — Gregorii Palamae Pro-
sopoeia animae, etc. p. p. Jahn. (Publication intéressante, mais « l'édi-
teur ne possède pas l'intelligence nécessaire pour la publication philolo-
gique des textes. ») — Bernays, Gesammelte Abhandlungen. (2 volumes
qui renferment beaucoup d'essais solides et importants.) — Paucker,
Supplementum lexicorum latinorum, fasc. V. — Eigenbrodt, Hager
dorn und die Erziihlung in Reimversen (exact). — Choisy. L'art de
bâtir chez les Byzantins (travail fort remarquable). — Engf.rth, Kunst-
historische Sammlungen des Kaiserhauses, Gemalde, beschreibendes
Verzeichniss, II, niederlandischeSchule.
Deutsche Litteraturzeitimg', n» 14, 4 avril i885 : Schanz Comrnentar
ûber das Evangelium des heiligen Johannes. (Rade). — Laas, Idealis-
mus und Positivismus, III. — Schuricht, Geschichte der deutschen
Schulbestrebungen in Amerika. (Holst : n'est pas complet, mais c'est
un premier essai méritoire.) — Madvigii adversariorum criticorum ad
scriptores graecos et latinos vol. III, "emendationes graecas et latinas
continens. (Dittenberger : ce troisième volume témoigne éloquemment
de l'admirable fraîcheur d^esprit et de la puissance de travail que Mad-
vig a conservées malgré la privation presque complète de la vue.) —
Planck, die Feuerzeuge der Griechen u. Rômer und ihre Verwendung
zu profanen und sacralen Zwecken. (Biichsenschutz: rassemble tous les
passages sur le sujet.) — W. Wackernageis Jugendjahre 1807-1833,
dargestellt von Rud. Wackernagel. (Très intéressant.) — Klaar, Konig
Ottokars Gltick und Ende, eine Untersuchung ûber die Quellen der
Grillparzerschen Tragôdie. (Er. Schmidt : excellent travail.) — Beo-
wulf, hrsg. v. A. HoLDER, II, berichtigter Text mit knappem Apparat
und Wôrterbuch. (Zupitza : texte constitue avec soin.) — Korting, En-
cyclopadie u. Méthodologie der romanischen Philologie mit besonderer
Beriicksichtigung des franzosischen und italienischen; II, die Encyclo-
padie der romanischen Gesammt-philologie. (Livre pratique et' tort
recommandable.) — Ottonis et Rahewini gesta Friederici 1 imperatoris,
editio altéra, rec. WAiTZ.(Meyer von Knonau.) — Weber, Allgemeine
WeJtgeschichte ; VII, Geschichte des Mittelalters, III. — W^ Buse h,
drei Jahre englischer Vermittelungspolitik, 1 5 18-1 5 21. — Des Don
Diego de Aedo y Gallart Schilderung der Schlacht von Nôrdlingen.
1634, ausdessen Viaje del Infante Cardenal don Fernando de Austria
ûbersetzt u. mit Anmerkungen versehen von Weinitz. — Karten von
Attika, durch Ofïiziere und" Beamte des kùn. preuss. Grossen Gene-
ralstabes, mit erleuterndem Text hrsg. v. E. CuRxms et Kaupekt. (Lol-
ling.) — MiTHOFF, Mittelalterliche Kûnstler und Werkmeister Nieder-
sachsens und Westfalens lexikalisch dargestellt. (A. Schultz.) —
MiTTEis, Die Lehre von der Stellvertretung nach rumischem Recht mit
Berucksichtigung des osterreichischen Rechtes. (Seuffert.) — v. Fran-
SECKY, Geschichte des I. Rheinischen Infanterie-Régiments n" 25,
1837-1883. '
Theologische LiteraturzeituD», n^, 7 4 avril i885 : Kurtz, Lehrbuch der
Kirchengeschichte fur Studirende 9^ édition. — Bestmann, Geschichte
du-chnsthchenSittelI, die katholischeSitte der aUen Kirche, 2. -Jac.
Bernays, Gesammelte Abhandlungen, hrsg. von Usener, 2 vols. —
LiiTKENS, Luther's Kirchenideal. — Nippold, Handbuch der neuesten
Kn-chengeschichte, 2' vol. : Geschichte des Katholizismus seit der Res-
tauration des Papsthums. (Weizsacker).
CONCOURS
r r
OUVERT PAR
LA SOCIETE POUR LE PROGRÈS DES ÉTUDES
DE GENÈVE
La Société pour le Progrès pes Études a décidé d'affecter une somme de fr. 400
à un concours ayant pour objet l'introduction dans l'enseignement primaire et
secondaire d'une Terminologie g«-airjnîatîcale unifoi-me, appropriée, en
première ligne, à l'étude méthodique de la langue française, et applicable, subsi-
diairement, pour tous les phénomènes communs du langage, aux autres langues
étudiées dans les écoles du Canton de Genève.
Conditions du Ooncours.
1° Tout mémoire devra renfermer les points suivants, selon un ordre laissé au
choix de l'auteur :
A. Un examen critique des termes grammaticaux généralement usités, soit un
exposé des raisons qui doivent décider de leur adoption ou de leur rejet.
B. Une liste complète des termes dont l'adoption paraît le plus recommandable
au point de vue de la justesse, de la clarté et de la commodité, avec l'indication
des abréviations à admettre dans leur emploi, soit oral soit écrit.
Les termes seront classés par catégorie sous les chefs suivants :
aj Noms des parties du discours ;
b) Noms des diflerentes espèces de chacune des parties du discours ;
c) Noms des éléments organiques qui ssrvent à la formation des mots ;
dj Noms des modifications, soit flexions, des différentes parties du discours;
ej Noms des fonctions des mots dans la proposition ;
X' Noms dcs différentes espèces de propositions.
C. La définition précise de chacun des termes adoptés, avec des exemples à
l'appui.
D. Une concordance entre la terminologie proposée et celle qu'ont employ.^e les
divers grammairiens.
E. Des modèles d'analyse grammaticale et logique pour chacune des diflerentes
espèces de propositions.
2" Ne seront admis à concourir que les mémoires inédits parvenus, avant le
i»"" janvier 1S86, entre les mains du secrétaire de la Société, M. Charles Seitz,
boulevard de Plainpalais, 2C, Genève.
3" Tout mémoire devra être pourvu d'une épigraphe qui se trouvera répétée sur
un pli cacheté renfermant le nom et l'adresse de l'auteur.
40 La Société se réserve le droit, dans le cas où aucun mémoire ne serait jugé
digne du prix, de décerner, s'il y a lieu, de simples accessits ou des mentions
honorables.
5° La décision du Jury désigné par la Société sera prise dans le premier trimestre
de 1886.
Le Président,
Ph. ROGET.
l.c Puy, imprimerie Marchesscn fils, boulevard Saini~l.aurt:<it. 2.5.
N" 18 Dix-neuvième année 4 mai 1885
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE L ÎI 7' É R A 1 U l< E
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. J. DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARÎS
Secrétaire de la rédaction : M, A. Ghuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 23 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les comrniinications concernant la rédaction à M. A. Ghuquet
(Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, ei
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 2^.
HISTOIRE INTERIEURE DE ROME
jusqu'à la bataille d'Actiuin. Tirée des Rœmische Alterthuemer, de
L. Lange, par A. Berthelot et Didier. Fascicule 3... i 25
HISTOIRE DE L'HELLÉNISME parj.o.D^ov.
SEN. Traduit de l'allemand sous la direction de M. Bouché-Leclercq.
Fasc. 3o I 25
(Le fascicule 3i, terminant Touvrage paraîtra dans un mois).
HISTOIRE DE LA GRÈCE sous la domination
romaine, par Hertzberg. Traduite sous la direction de M. Bouché-
Leclercq. 3 vol. in-8 3o fr.
Le fascicule i paraîtra le i5 mai.
PERIODIQUES
The Academy, n° 676, 18 avril i885 : Autobiography of Henry Taylor,
iSoo-yb. — CoLQUHOUN, Amongsc the Shans, with an historical sketch
by Hallett a. an introduction on the cradle of the shan race by Ter-
rien DE laCouperie. — Bémont, Simon de Montfort, comte de Leicester,
sa vie, son rôle poUtiqne en France et en Angleterre. (Creighton : ou-
vrage fait avec beaucoup de soin, écrit avec vigueur, et qui aura une
valeur durable.) — Jefferies, After London or Wiid England. — The
Lindsev survey (Round). — The Squire Papers. (Peacock et Rye.) —
The late R. H. Horne and Mr. Browning. (Barnett Smith.) — A word
wanted (Ward, etc. : proposent pour « tirage à part » soit Partprint, soit
off-print, soit overprint). — Two queries (Vicente de Arona). — Lu-
crèce, \° livre, p. p. Benoist et Lantoine; T. Lucreti Cari de Rerum
Natura libri I-III, p. p. Warburton-Lee; libri sex, p. p. Kelsey (EUis).
— « The empire of the Hittites » (Wright). — « The Epinal Glossary
(Hessels). — The buddhist mss. at Cambridge (Wright). — Gilbert,
Landscape in art beiore Claude and Salvator.
The Athenaeum, n° 2999, 18 avril i885 : The Dictionary of National
Biography, edited by Leslie Stephen, vol. II, Annesley-Baird. — Lo-
MAS, Sketches in Spain from nature, art and life. — William Tyndale's
reprint of Five Books of Moses called the Pentateuch, being a Verba-
tim reprint of the édition of mcccccxxx by Mombert. — « A Perilous
Secret ». — « Historié doubts « (Garnett). — « Extracts » (W. Clark
Russell. — The founder of Harvard University (Rendle). — Greek ma-
thematics. — Hamerton, Landscape.
Literarisches Centralblatt, n° 17, 18 avril i885 : Marx, Traditio rabbi-
norum veterrima. (utile et instructif à plus d'un égard.) — Aus Ham -
burgs Vergangenheit , culturhistorische Bilder aus verschiedenen
Jahrhunderten, hrsg. v. Koppmann, — Kriegsgeschichtliche Einzelschrif-
ten, hrsg. vom grossen Generalstabe, V. — Hallwich, Johann Merode,
ein Beitrag zur Geschichte des dreissigjahrigen Krieges. (Très intéres-
sant pour l'histoire militaire du xvii« siècle.) ^- Sax, Die Bischôfe und
Kurfiirsten von Eichstadt I, 745-1 535. — Retzius, Finnland, Schilde-
rungen aus seiner Natur, seiner alten Cultur und seinem heutigen
Volksleben, ûbers. v. Appel, (très remarquable) — Scriptores historiae
Augustae p. p. Peter, I et IL (2'' édition d'un texte consciencieusement
recensé) — Plauti Trinummus rec. Ritschl, editio III a Schoell re-
cognita. (de notables augmentations) — Goethe-Jahrbuch, hrsg. v.
Geiger, VI. (Toujours intéressant.)
Deutsche Litteraturzeitung, n° i5, 1 1 avril i885 : Kônig, Die Hauptpro-
bleme der altisraeliiischen Religionsgeschichte. (Nowack : méritoire.)
Krûger, Monophvsitische Streitigkeiten im Zusammenhange mit der
Reichspoliiik. — Bellesheim, Wilhelm Cardinal Allen u. die englischen
Seminare auf dem Festlande. 1532-1594. — Schneider, Die Platonische
Metaphysik auf Grund der im Philobus gegebenen Principien. — Der
Briefwechsel des Mutianus Rufus, ges. von Krause. (Voigt.) — F. Mûl-
ler, Grundriss der Sprachwissenschaft, III. Die Sprachen der locken-
haarigen Rassen, II, i; die Sprachen der mittellândischen Rasse. —
Siyuki, buddhist records of the Western world, transi, from the chinese
of Hjuen Tsiang by Beal, 2 vols. — Sophokles, Tragôdien libers, von
'Wendt, Aeschylos ubers. von Droysen. — Lange (K.),Haus und Halle,
Studien zur Geschichte des antiken Wohnhauscs und der Basilika.
(Nissen : instructif.) — Lenz. dramat. Nachlass, p. p. Weinhold ;
Falck, Friederike Brion; Lenz, Lvrisches aus dem Nachlass, p- p-
LuDWiG. (Sauer : la publication de Weinhold renferme beaucoup d'in-
téressant et d'inédii; celle de F'alck, trop d'assertions insoutenables;
celle de Ludwig, trop d'erreurs présomptueuses.) — Leiffholdt, Ety-
mologische Figuren im Romanischen. (Koschwitz : recueil de maté-
riaux.) — Grohs, der Werth des Geschichtswerkes des Cassius Dio als
Quelle fur die Geschichte der Jahre 49-44. (Klebs : trop d'hypothèses.)
— A. KocH, Hermann von Salza, Meister des deutschen Ordens. (Perl-
bach : impartial et à approuver sur beaucoup de points.) — Froudk,
Carlyle, a history of his life in London, 1834-1881. (A. Stern : rempli
de faits, de lettres, de documents de toute sorte et habilement composé.)
Haltrich, zur Volkskunde der Siebenbûrger Sachsen. — Der Codex
theresianus und seine Umarbeitungen, hrsg. v. Harrasowsky.
— N° 16, 18 avril i885 : H. Zeller, Biblisches Worterbuch
fur das christliche Volk, I, II, — V. Tschudi, Organismus der Khe-
tsua Sprache. (Seler : prendra une place éminente dans la linguisti-
que américaine.) — The Ordinances of Manu, translated from the
Sanskrit, with an introduction by Burnell, completed and edited by
HopKiNs. (Garbe.) — Forchhammer, Erklarung der llias auf Grund der
in der beigegebenen Originalkarte von Spratt und Forchhammer dar-
gestellten topischen und physischen Eigenthumlichkeiten der troischen
Ebene. (Renner : bien du papier inutilement noirci.) — Commentatio-
nes philologae Jenenses ediderunt seminarii philologorum Jenensis pro-
fessores, vol. III. (Dittenberger.) — Den tredje of fjaerde grammatiske
afhandling : Snorres Edda, tilligemed de grammatiske afhandlingers
prolog og to andre tillaeg udgivne af Bjôrn Olsen; Smastykker, i-3.
— Hrustchka, Zur angelsachsischen Namenforschung, I. (Zupitza :
connaissances grammaticales peu suffisantes.) — Li Romans de Claris
of Laris, hrsg. v. Alton. (Tobler : l'éditeur n'était peut-être pas assez
bien préparé à ce travail.) — Der Rotulus der Stadt Andernach, iiyS-
1256, hrsg. V. Hoeniger. — Wimpfeling, Germania, iibersetzt u. erleu-
tert von E. Martin, mit ungedruckten Briefen von Geiler u. Wimpfe-
ling. — Bkemond d'Ars, Jean de Vivonne, sa vie et ses ambassades près
de Philippe II et la cour de Rome. (Philippson : tableau attachant, qui
donne çà et là un détail inconnu à Thistorien, mais qui en somme ne
marque pas un progrès.) — Merkel, Jurislische Encyclopadie.
Revue de l'instructioa publique supérieure et moj'enne eu Belgique tome XXVIII,
2^ livraison : Hoffmann, sur les Aiazopta-. d'Epicure. — Omont, Catalo-
gue des manuscrits grecs de la bibliothèque royale de Bruxelles (suite).
— Comptes-rendus : Prou, Les coutumes de Lorris et leur propaga-
tion aux xii'' et xiii*^ siècles (Pirenne : cette étude peut être considéVée
comme définitive, ce n'est pas un mince service que le jeune érudit aura
rendu à l'histoire de son pays que celui d'avoir mis en pleine lumière un
document d'une importance aussi grande pour le droit municipal du
moyen-âge,) — Li sermon de saint Bernart, aelteste franzôsische Ueber-
setzung der lateinischen Predigten Bernhard's von Clairvaux, nach der
Feuillantiner Handschrift in'Pariszum ersten xMal vollstandig hrsg.
von W. FoERSTER. (Scheler : les soins consacrés à l'établissement du
texte répondent pleinement aux exigences actuelles de la science et la
notice introductive se distingue par sa richesse en renseignements utiles
et nouveaux sur le manuscrit ; on regrette de ne pas trouver un exposé
des formes grammaticales et de la phonétique des sermons et un recueil
des faits lexicographiques les plus intéressants, mais la première de ces
deux tâches est confiée aux soins d'un élève de M. Foerster, et le glos-
saire paraîtra prochainement.) — Ebering, Bibliographischer Anzei-
ger fur romanische Sprachen und Literaturen, tome L' (Scheler : l'au-
teur n'a pas surestimé ses forces et son entreprise trouvera bon accueil.)
— Scriptores Historiae Augustae, éd. Peter, 2^ edit. (De Ceuleneer :
cette édition diffère notablement de la première et constitue un progrès
véritable.) — La démocratie athénienne d'après une publication ré-
cente : ScHWARcz, die Demokratie, I : Die Demokratie von Aihen. [Ana-
lyse d'une production originale qui a fait du bruit, heurté de front les
idées reçues et scandalisera certainement les nombreux admirateurs delà
démocratie athénienne.) — Varia. Fédération des professeurs de ren-
seignement moyen. (Decamps.) — Concours général de l'enseignement
moyen en 1884. (Sujets donnés.) — Bourses de voyage, concours de
i885, nomination des jurys. — Nominations (M. Charles Michel, doc-
teur en philosophie et lettres, chargé de cours à l'université de Liège,
est nommé par décret du 3i janvier i885, professeur extraordinaire à
la faculté de Gand, et donne les cours de grammaire générale et de
sanscrit.)
Zeitschrift tùr katholiscbe Théologie, redigirt von Wieser u. Grisar. i885.
{Innsbruck, Rauch.) IX Band, II Quartalheft, April. Abhandliingen :
MûLLENDORFF, Dic Hiuordnuug dcr Werke auf Gott. II. (Schlussarti-
kel.) — JuNGMANN, Zur Aesthetik, I. eine angebliche Schrift des heiligen
Thomas ûber die Schônheit; II. Eine angeblich ans dieser geschôpfie
Définition der Schônheit und eine unrichtige Lehre von der Aufgabe
der schonen Kunst. — Biederlack, Die Verletzungen der Vermôgens-
rechte, ihr Unterschied nach Art und Zahl. — Otto, Fiinf neuent-
deckte Briefe des heiligen Ignatius von Loyola (cinq lettres inédites
d'Ignace de Loyola, écrites de Rome; quatre sont adressées au P. Leon-
hard Kessel, de Cologne). — Recensionen : R.atzinger, Geschichte der
christlichen Armenpflege. (Kobler : 2" édition remaniée de cette œuvre
aussi instructive qu'intéressante.) — Le Blamt, Les Actes des Martyrs,
supplément aux Acta sincera de Dom Ruinart. (Rinz : contribution très
bien venue à Tappréciation exacte des Actes des Martyrs.) — Bibliotheca
theol. et phil. schol. éd. Ehrle ; Silv. Maurus, in Aristotelem (Heg-
gen); Cosmus Alamannus, Summa philos. (Limbourg.) — Kônig, Alter
und Entstehungsweise des Pentateuchs. (Flunk.î — Jus canonicum
juxta ordinem Decretalium recentioribus sedis apost. decretis et rectae
ration! in omnibus consonum auctore Grandclaude. — - Fr. Schmid, De
inspirationis bibliorum vi et ratione. — Bemerkungen und Nachrich-
ten : Paul Tschackert, der neue protestantische Polemiker gegen die
katholische Kirche ; eine Selbstzeichnung. — Ueber Tôkôli's Bekehrung A
zum Katholicismus. — Uceni Petra Cheiciekého o Eucharistii. —
Scripturae sacrae cursus. — Fortsetzungen und neue Auflagen frûher
besprochener Werke. — Analecten besonders aus auslandischen Zeit-
schriften.
^^^ERNESl'^l^l^OUX, ÉDITEUR, JRUE BO N A PARTE^28^;
REVUE ARCHÉOLOGIQUE
(Antiquité et Moyen âge)
Publiée sous la direction de MM. A. Bertrand et G. Perrot, membres de l'Institut.
Abonnement annuel : a5 fr.
Janvier, février : Clermont-Ganneau. Le sceau de Obadyahou, fonctionnaire royal israciite. —
l'Iouest. Deux stèles de Laraire. — Lièvre. E.xploration archéologique du département de la Cha-
rente. — G. Bapst Souvenirs du Caucase, fouilles sui' la grande chaîne. — Sorlin Dorigny.
Timbres d'amphores trouvés à Mytilène. — Note sur la crosse et sur l'aimeau de Jean II de la
Cour d'Aubergenvillc, par G. Bourbon — S. Reinach. Deux moules asiatiques en serpentine. —
Clermont-Ganneau Inscriptions grecques inédites du Hauran. — A. Baux. La poterie des Nu-
raghes. — S. Reinach. Chronique d'Orient. — Sociétés savantes, Chronique, Bibliographie. —
5 planches hors texte.
Mars, avril. Weber. Trois tombeaux archaïques de Phocée. — H. de Curzon. L'église prieurale
de Champvoux — G. de la Noë. Le rempart-limite des Romains en Allemagne. — Deloche. Cachets
et anneaux de l'époque mérovingienne. — Clermont-Ganneau. Les noms royaux nabatéens. —
Gaidoz. Le dieu gaulois du soleil. — E. Drouin. Monnaies à légendes en pehlvi et pehlvi arabe. —
E. Duval. Tête antique du Musée Fol. — C. Jullian. Les antiquités de Bordeaux. — Mélanges. —
5 planches hors texte.
Le Pu}'. imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laweni, -iS.
N"> 19 Dix-neuvième année 11 mai 1885
REVUE CF<IT1QUE
D'HISTOIRE ET DE 11 T T É R A T U H E
RECUEIL HKBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. J. DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Ghuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 23 tr,
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l'École des langues orientales vivantes, etc.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuqukt
(Au biiieau de \a Kevcie : nie Bonaparte, -28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directemeitt, ei
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
HISTOIRE INTÉRIEURE DE ROME
jusqu'à la bataille d'Actium. Tirée des Rœmische Alterthuemer, de
L. Lange, par A. BERThELOT et Didier. Fascicule 3..<> ,. i 25
HISTOIRE DE L'HELLÉNISME parj.G.D„ov.
SEN. Traduit de l'allemand sous la direction de M. Bouché-Leciercq.
Fasc. 3o I 25
(Le fascicule 3i, terminant Pouvrage paraîtra dans un mois).
HISTOIRE DE LA GRÈCE sous u domination
romaine, par Hertzberg. Traduite sous la direction de M. Bouché-
Leciercq. 3 vol. in-8 3o fr.
Le fascicule i paraîtra le i5 mai.
PÉRIODIQUES
The Academy, n° 677, 25 avril i885 : Martineau, Types of ethical
theory. — Eoddy, To Kairwân the Holy, scènes in Muhammedan
Africa. — The public letters of John Bright, coll. by Leech. — Mel-
viLLE, In the Lena Delta — The Merton professorship of english lan-
guage and literature (Sveet). — Canon Stephens on St Anselm (Rule).
— The Squire Papers (Norgate et Goodman) — The Burges-Corres-
pondence. (Luardj — The alleged discovery of two unpublished cantos
of the « Inferno y. (Moore : ces deux chants publiés par M. Boyer dans
le 2*^ numéro de la Revue contemporaine, avaient été signalés en 1879
par Giorgi et publiés la même année dans le Giornale di philologia
romaii^a.) — Taoist texts, ethical, political a. spéculative, by Balfour,
(Douglas). — Parallels between the old-norse and the irish literatures
and traditions. (Whitley Stokes). — The etymology of «Gossamer "
(Wedgwood). — The empire of the Hittite. (Cheyne). — Comyns Carr,
Papers on art. — The Tuihanti (Hoskyns Àbrahall).
The Athenaeum, n° 3ooo. 25 avril i885 : Mrs Higgins, Women of Eu-
rope in the fiftheenth and sixteenth centuries. I a. II. (Séries de biogra-
phies sans réelle valeur.) — Hare, Studies in Russia. — Caird, The social
philosophy and religion of Comte — The lyrics of Camoens, englished
by BuRTON. 2 vols. (Camoens n'est pas « englished » dans ces deux vo-
lumes, il est « burtoned »; la langue du traducteur n'est ni l'anglais
d'auJourd''hui ni celui de Shakespeare ou de Spenser ou de Chaucer.)
— « Historié doubts » (Edwards et Axon). — The proposed Domesday
Society (Moore). — The Dean of Lincoln (note [nécroL sur M. Blakes-
ley). — Major Raverty's notes en Afghanistan.
Literarisches Centralblatt, n" 18, 25 avril i885 : Zenonis episcopi Vero-
nensis Sermones, p. p. Giuliari. — Ryssel, Ein Brief Georg's, Bischofs
der Araber, an den Presbyter Jésus, aus dem syrischen ûbersetzt und
erleutert. — Giesebrecht, Geschichte der deutschen Kaiserzeit, II,
Blûthe des Kaiserthums, S" édition. — Aedo y Gallart (Don Diego de),
Schilderung der Schlacht bei Nordlingen. 1634, ûbers. von Weinitz.
(intéressant) — Stôlzel, Cari Gottlieb Svarez, em Zeitbild aus der
zweiten Halfte des XVIII. Jahrhunderts. (très bon travail sur ce juris-
consulte prussien.) — Heusser, Drei Aufsatse betrefïend die europaische
Auswanderung nach den Argentinischen Provinzen. — Brunnhofer,
Ueber den Urbesitz der Indogermanen. (Très contestable en beaucoup
d'endroits.) — Ciceronis opéra rhetorica, recognovit G. Friedrich, 1,
ad C. Herennium et de inventione ; memorabilia vitae Ciceronis per
annos digesta praescripta sunt. (Texte « sûr, qui est à la hauteur de la
hauteur de la science et satisfait un besoin pressant».) — Thorkels-
soHN, Supplément til irlandske Ordboger. — Kônig Rother, hrsg. v.
Bahder. (Sera, en tout cas, la seule édition qu'on consultera désor-
mais.)— Gaedertez, Das niederdeutsche Schauspiel, — Gœthe's Ge-
dichte, 111, p. p. Loeper. — Jean Paul's Werke, hrsg. von Nerrlich, 1.
— Cros et Henry, L'encaustique et autres procédés de peinture chez
les anciens, histoire et technique (la meilleure étude et la plus détail-
lée sur le sujet, avec le travail de Donner ; la discussion de ce chapitre
difficile est menée avec beaucoup d'érudition et de compétence) —
J. Meyer, Kônigliche-Museen zu Berlin, beschreibendes Verzeichniss
der Gemillde, 2° Aufl., unter Mitwirkung von Scheibler u. Bode bearb.
— Huselmann, Anleitung zum Studium der decorativen Kiinste. —
Bechstein; Die deutsche Druckschrift und ihr Verhilltnis zum Kunst-
stil alter und neuer Zeit.
Deutsche Litteraturzeitung, n° 17, 25 avril i885 : Luthers Briefwechsel,
p. p. Enders, I. 1307-1519. — Mead, Luther, a study of reformaiion.
(Max Lenz : étude assez superficielle d'un carlylien.) — Bruns, Lucrez-
Studien. (Wellmann.) — Trautmann, Die Sprachiaute im allgemeinen
und die Laute des Englischen, Franzosischen und Deutschen im beson-
deren. I. (Hoffory : terminologie cherchée, exposé clair.) — Wellhau-
SEN, Skizzen und Vorarbeiten, Abriss der Geschichte Israels und Judas.
II, Lieder der Hudhailiten, arabisch und deutsch. (Le premier travail
est t'ait de main de maître.) — Bibliotheca Indica, a collection of
oriental works published by the Asiatic Society of Bengal ( We-
ber). — Keil, Analecta Isocratea. (Reinhardt : témoigne à la fois
d'érudition et de sagacité.) — Philoderai de musica librorum quae
exstant, éd. Kemke. (Reimann : réussi en son ensemble, parfois inexact
dans les détails.) — Châtelain, Paléographie des classiques latins.
(R. Fôrster : sera tout à fait le bienvenu.) — Erinnerungen an Frie-
drich von Uechtritz und seine Zeit in Briefen von ihm und an ihn, mit
einem Vorwort von H. v. Sybel. (Minor : recueil intéressant.) — Bren-
NiNG, Leopold Schefer. (Werner : travail très soigné.) — Tkn Brink,
Chaucers Sprache und Verskunst. (Zupitza : travail très important non
seulement pour l'étude de Chaucer, mais pour l'histoire de la langue et
de la métrique anglaise.) — ■ Mommsen, Rômische Geschichte, V, die
Provinzen von Casar bis Diocletian. (Seeck: u l'ouvrage n'est pas défini-
tif, mais il ouvre une voie, il offre de nouveaux points de vue, il en-
traînera à sa suite une foule d'études spéciales, il vieillira vite scientifi-
quement parlant, mais artistiquement il restera, comme les précédents
volumes, un bien éternel de notre nation, et les générations futures le
regarderont avec orgueil, comme les Anglais, Gibbon et Macaulay. »)
— Monumenta Poloniae historica, IV (Brûckner). — De la Garde, Le
duc de Rohan et les protestants sous Louis XIII. (Schott : clair, mais
n'est qu'une habile compilation des œuvres connues, et encore, pas de
toutes^. — Egelhaaf, Deustche Geschichte im Zeitalter der Reforma-
tion. (Lenz: manuel.) — De Reumont, aus Kônig Friedrich AVilhelms
IV gesunden und kranken Tagen. (Riche en observations et descrip-
tions piquantes; portrait de Bunsen.) — Von Richthofen, Atlas von
China, I. — Hansen, Agrarhistorische Abhandlungen II.
Altpreussische Monatsschrift, pr et II" fascicule, janvier-mars i885 :
Abhandlungen : Petong, Die Griindung und atteste Einrichtung der
Stadt Dirschau. — Rogge, Die Gobotiner. — De ratione componendi
cantus, auctore Thoma Hornero Egrano, von Otto Ungewitier, nebst
biographischen Notizen ûber Thomas Horner von Rudolf Reicke. —
KuTTNEK, DieBedeutung der regulativen Ideen Kants, die Atomistik. —
Kants Gedanken von der Bewohnern der Gestirne, Vortrag von
C. WiTT. — Konigsberger Kirchenliederdichter und Kirchencomponis-
ten, Vortrag von Fr. Zimmer. — E...d, der preussische Staatsrath und
seine erste That im Jahre 1817. — Kritiken und Referate : Veckens-
tedt, Die Mythen, Sagen und Legenden der Zamaiten (Litauer). —
HoBRECHT, Von der Ostgrenze. — Alterthumsgesellschaft Prussia in
Kônigsberg i883. — Mittheiltmgen iind Anhang : Alfr. Stern, Was
ist ein Gutsbesitzer ohne Polizeigewalt ? — Beitra^ zur Kenntniss des
Keligionszustandes in Preussisch Litauen unter dem Churfûrsten Frie-
drich Wilhelm. — Universitats-Chronik, 1 884-1 885. -- Lyceum
Hosianum in ^Braunsberg, i885. — Altpreussische Bibliographie,
1884.
Archiv fur Slavische Philologie. Tome VIII. 2" livraison. Ueber die Ne-
dation, insbesonderer im altbôhmischen (J. Gebauer). — Ueber die
vVirkiing der Analogie in der Declination des Klein Russischen
Stockij). — Ein Beitrag zur kroatisch-glagolitischen Bibliographie
jlvan Mileetic). — Die Sprache des polnischen Theils des Fforianer
Psalteis (Leciejewski). — Sprachproben des Dialektes von Cirkno
(Beaudoin de Courtenay). — Lituanica (Brlickner). — Slawo-deutsches
und Slawo-Italienisches vou Hugo Schuchardt (V. Jagic). — Der Dra-
che zu Babylon (Al. P. Wesselovsky). — Bibliographischer Bericht
(V. Jagié).
Gœtting'ische gelehrte Anzeigen, n» 7 : Braunfels, Der sinnreiche Junker
Don Quijote von der Mancl)a von Miguel de Cervantes Saavedra, iiber-
setzt. (Vollmôller : la meilleure traduction allemande; travail d'ailleurs
scientifique par l'établissement du texte et par le commentaire.) —
Lambrechts Alexander, p. p. Kinzel. (Wilmanns : édition qui rend un
service essentiel ) — Gering, islendzk Aeventyri. TCarl af Petersens :
travail soigné et consciencieux, qui sera le bienvenu auprès de tous ceux
qui étudient soit le norois, soit la littérature du moyen âge.) — Voss,
Republik und Kônigthum im alten Germanien, eine historische
Abhandiung. (Dahn : l'auteur prétend avoir exposé clairement le déve-
loppement historique de la vie politique de l'ancienne Germanie, sujet
que Dahn étudie depuis trente ans et sur lequel il avoue ne savoir pres-
que rien; ce travail est fait sans méthode et plein dUiypothèses arbi-
traires.)
— N'* 8. i3 avril i885 : Waitz, Deutsche Verfassungsgeschichte,
Band IV, 2'' édition ou Die Verfassung des frankischen Reichs. dritter
Band. (Waitz.) — Ulmann, Kaiser Maximilian I, Band I. (Bachmann :
bon travail qui témoigne de beaucoup de lectures et d'une grande éru-
dition.) — Urkundenbuch des Bisthums Culm, bearbeitet von Woelky,
I. — Weimitz, Des Don Diego Schilderung der Schlacht von Nôrdiin-
gen-
Theologische Literaturzeitun», n° 8, 18 avril i885 : Mpihlhorn, Leitfaden
zur Kirchengeschichte fur hôhcre Lehranstalten, 2" édit. — Renan,
Marc Aurèle et la fin du monde antique. (Harnack : quelques réserves
que Ton puisse faire avec raison, le grand ouvrage de Renan est la pre-
mière et jusqu'ici la seule histoire des deux premiers siècles de l'Église
chrétienne qui soit complète et qu'on ait composée avec toutes les res-
sources de la science historique.) — P. Martjn, Luthers Leben, Thaien
und Meinungen, dem Volke erzâhlt, I. (Kav/erau : manuel populaire.)
— Chemnitz, Examen Concilii Tridentini, das ist Beleuchtung und
Widerlegung der Beschlûsse des Tridentinischen Concils, deutsch bearb.
von Bendixen u. Luthardt. — Hoefmeister, Luther u. Bismarck als
Grundpfeiler unserer Nationalgrôsse. (Parallèle bizarre.)
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
REVTJE ARCHEOLOGIQUE
(Antiquité iît Moyen âge)
Publiée sous la direction de MM. A. Bertrand et G. Ferrot, membres de l'Institut.
Abonnement annuel : 2 5 fr.
Janvier, février : Clermont-Ganiieau. Le sceau de Obadyahou, fonctionnaire royal israëlite. —
Fiouest. Deux stèles de I.araire. — L.iévre. Exploration archéologique du département de la Cha-
rente. — G. Bapst. Souvenirs du Caucase, fouilles sur la grande chaîne. — Sorlin Dorigny.
Timbres d'amphores trouvés à Mytilene. — Note sur la crosse et sur l'anneau de Jean II de la
Cour d'Aubergenville, par G. Bourbon — S. Reinach. Deux moules asiatiques en serpentine. —
Clermont-Ganneau Inscriptions grecques inédites du Hauran. — A Baux. La poterie des Nu-
raghes. — S. Reinach. Chronique d'Orient. — Sociétés savantes. Chronique, Bibliographie. —
5 planches hors texte.
Mars, avril. Wcber. Trois tombeaux archaïques de Phocée. — H. de Curzon. L'église prieurale
de Champvoux. — G. de la Noë. Le rempart-limite des Romains en Allemagne. — Deloche. Cachets
et anneaux de l'époque mérovingienne. — Clermont-Ganneau. Les noms royaux nabatéens. —
Gaidoz. Le dieu gaulois du soleil. — E. Drouin. Monnaies à légendes en pehlvi et pehivi arabe. —
E. Duval. Tête antique du Musée Fol. — C. Jullian. Les antiquités de Bordeaux. — Mélanges. —
5 planches hors texte.
tl
.? /''/r. n»i,r;-/),'),- r;t= M,.ircrr,'S'i(/H !tis. ti>}tlei'.jri2 ."^atni.- L^iureni, z .■> .
N" 20 Dix-neuvième année 18 mai 4885
REVUE CRITIQUE
0 • H 1 S T O I R E ET DE LITTERATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIKKCTION
DE MM. J. DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 2b fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE I, A SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l'École des langues orientales vivantes, ktc.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuqukt
(Au bureau de la Kevue : rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, et
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28
HISTOIRE INTERIEURE DE ROME
jusqu'à la bataille d'Actium. Tirée des Rœmische Alterthuemer, de
L. Lange, par A. Berthelot et Didier. Fascicule 3 i 25
HISTOIRE DE L'HELLÉNISME parj.c.D^ov-
SEN. Traduit de l'allemand sous la direction de M. Bouché-Leclercq.
Fasc. 3o I 25
(Le fascicule 3i, terminant Touvrage paraîtra dans un mois).
HISTOIRE DE LA GRECE sous la domination
romaine, par Hertzberg. Traduite sous la direction de M. Bouché-
Leclercq. 3 vol. in-8 3o fr.
Le fascicule 1 oaraîtra le i5 mai.
PÉRIODIQUES
The Academy, n» 678, 2 mai i885 : Bianchi, La politique du comte
Camille deCavour de i852 à 1861, lettres inédites avec notes ; Memoirs
of count Giuseppe Pasolini, late Presideni: of the Senate of Italy, com-
piled by his son, translated and abridged by the dowager countess of
Dalhousie (Myers : le l'^f volume montre la ténacité du grand homme
d'état qui lit du Piémont le noyau de l'Italie unie; le second est inté-
ressant). — The Iliad of Homer, books I-IV, translated into english
hexameter verse by Wright. — Chalmers a. Gill, Works and adventu-
res in New Guinea. — Sir John Maclean, An historical and genealogi-
cal memoir of the family of Poyntz, I. — Shropshire Folk-Lore, part II,
edited byCharl. S. Burne from the collections of Georgina F. Jackson.
— Books of travel. — A translation, Catullus XXXIV (Headlam). —
Alfred Kingston (not. nécrol.). — The Merton professorship of english
language and literature (Vigfusson). — The Squire Papers (Wright et
Rye). — The last of the Goethes (Betham-Edwards : sur Walther de
Goethe, le dernier descendant du poète). — A word wanted (Isaac
Taylor : il faut, pour tirage à part, choisir entre excerpt, reprint et
deprint). — Two queries (Greene). — Nettlesiph, Lectures and essays.
(Wilkins.) — « Tin-Yût » not India (Terrien de la Couperie). — Some
notes on roman pronunciation. — The Egypt Exploration Fund in the
United States. (Winslow.)
The Atîienaeum, n° 3ooi, 2 mai 188 5 : Shepniak, Russia under the
tzars, 2 vols. (Remarquable.) — William Tyndale's five books of Moses
called the Pentateuch, being a Verbatim reprint of the édition of
Mcccccxxx by Mombert. (Second article.) — Mr. Alfred Kingston (not.
nécrol.). — « Historic doubts « (Julien Havet : liste des éditions, qui
se trouvent à la Bibliothèque Nationale, de la brochure de J. B. Pérès
« comme quoi Napoléon n'a jamais existé ». — Rev. F. Field (not.
nécrol.). — The Domesday Book Society (De Gray Birch). — M. Kos-
tomarof (not. nécrol. sur l'historien russe).
Literarisches Centralblatt, u° iq, 2 mai i885 : Abraham Aben Esra,
Commentar zu den Sprûchen Salomons, iioo-iiyS, zum ersten Mal
nach einer alten in meinem Besitze befindlichen Handschrift hrsg. v.
HoROWiTz. — Poach's handschriftliche Sammlung ungedruckter Pre-
digten Luther's aus den Jahren i528 bis 1546, aus dem Originale zum
ersten Maie hrsg. v. Buchwald, I, i528-i53o, i, — Blasius, Kônig
Enzio, ein Beitragzur Geschichte Kaiser Friedrichs II. (Travail soigné).
— K. Fischer, Deutsches Leben und deutsche Zustânde von der
Hohenstaufenzeit bis ins Reformationszeitalter. (Même travail que ce-
lui de Janssen, mais à un point de vue opposé, tableau d'ensemble fait
avec clarté.) — Heydenreich, Bibliographisches Repertorium liber die
Geschichte der Stadt Freyberg u. ihres Berg-und Huttenwesens. — von
Reumont, Aus Kônig Friedrich Wilhelm's IV gesunden und kranken
Tagen. (Recueil de souvenirs personnels.) — The book of Kalilah and
Dimnah, translated from arable into syriac, éd. Wright. (Publication
de très grande valeur.) — Herodot's Perserkrieg hrsg. von Hintner, II,
Anmerkungen (assez bon). — von Gôrner, der Hanswurst-Streit in
Wïen und Joseph von Sonnenfels. (Clair et impartial.) — Graesers
Schulausgaben classischer Werke, hrsg. von Neubauer, Lessing, La-
cooii p. p. Jauker ; Schiller, die Jungfrau von Orléans p. p. Kny u. don
Carlos, p. p. Kuhll. (Beaucoup de choses utiles, mais aussi beaucoup
de superflues.) — Junker von Lakgegg^ Japanische Theegeschichten,
Fu-sô châ-wa, volks-und geschichtliche Sagen, Legenden und Màrchen
der Japanen, I Cyclus (n^indique pas assez ses sources et n'écrit pas
(1
i
assez simplement). — Cari Meyer, der Aberglaube des Mittelalters und
der nâchstfolgenden Jahrhunderte. (Intéressant, souvent nouveau et
plein d'idées personnelles, ne connaît pas assez la littérature récente du
suj'etO — Karten von Attika, aufgenommen durch Officiere und Beamte
des k. preussischen Grossen Generalstabes, hrsg. v. E. Curtius u. Kau-
PERT, III. — Crowe u. Cavalcasselle, Raphaël, sein Leben und seine
Werke, aus dem englischen ûbersetzt von Aldenhoven, I.
Deutsche Literatarzeitiing, n" i8, 2 mai i885 : Paoli, Délia vita di Anto-
nio Rosmini-Serbati. — Miklosich, die tûrkischen Elemente in den
siidost und osteuropaischen Sprachen, i et 2. (ouvrage fait avec fort
grand soin.) — Miklosich, Die Slawischen Elemente im Magyarischen.
(2*^ édition d'un travail paru en 1871 et depuis presque introuvable.) —
Avesta, die heiligen Bûcher der Parsen, hrsg. v. Geldner. (Spiegel :
très louable). — Comicorum atticorum fragmenta, p. p. Kock, II.
(v. Bamberg.) — Cozza Luzi, Délia geogratia di Strabone. (Partsch.) — '■
Sallust's Catilina a. Jugurtha, p. p. Long a. Frazer (Scheindler : ne se
distingue pas des éditions allemandes, mais renferme beaucoup de choses
utiles.) — Schweizeriche Volkslieder, miit Einleitung und Anmerkun-
gen hrsg. von L. Tobler. II. (Hevne; très recommandable.) — Stokar,
Johann Georg Muller, Lebensbild (Boos : bon travail sur le frère de
Jean de Muller qui fut l'intime ami de Herder et l'éditeur de ses œu-
vres.) — Recueil de motets français des xii^ et xm^ siècle, p. p. Ray-
NAUD, suivi d'une étude sur la musique au siècle de Saint Louis par
H. Lavoix iils ; I, Le chansonnier de Montpellier, II, chansonniers
divers, Etude musicale (Schwan : édition qui rendra de bons services,
car elle renferme des matériaux qui sont de véritables trésors pour l'his-
toire de l'ancienne lyrique française et de la civilisation du moyen-âge.)
— Molière und seine Bûhne, Moliere-Museum, hrsg. v. Schweitzer,
IV-Vl. (VoUmôUer.) — Kaiserurkunden in Abbildungen hrsg. v. Sybel
u. SiCKEL, VII. (Wattenbach.) — Heigel, Quellen u. Abhandlungen
zur neueren Geschichte Baierns. (Kugler : recueil d'études très soignées
et détaillées sur la Bavière au xvii*" et au xviii^ siècle.) — Journal d'un
habitant de Colmar, juillet-novembre 1870, suivi du cahier de M"e H.
pendant le mois de janvier 1871 et d'autres annexes par Julien Sée. —
Brau de Saint Pol Lias, Ile de Sumatra, chez les Atchés, Lohong. —
LoEscHKE, Yermutungen zur griechischen Kunstgeschichte und zur
Topographie Athens. (Loliing : beaucoups de finesse, suppositions ac-
ceptables pour la plupart.) — Bennecke Die stra(rechtliche Lehre vom
Ehebruch in ihrer historisch-dogmatischen Entwickelung, I. Das rô-
mische, canonische und das deutsche Recht bis zur Mitte des XV.
Jahrhunderts. (Loening : très soigné sans résultats essentiellement nou-
veaux.)— RiEss, Geschichte des 'Wahlrechts znm englischen Parlament
im Mittelalter. (Gierke : rectifie sur des points essentiels les travaux de
Gneist et de Stubb.) — Gross, Karl Marx, eine Studie. — Jurien de la
Gravière, La marine desPtolémées et la marine des Romains; I, la ma-
rine de guerre; II, la marine marchaijde. (n'est pas assez profondément
étudié, trop de souvenirs personnels et d'excursions dans le temps pré-
sent.)
Berliner Philologische Wcchenschrift, n° 18, 2 mai i885 : Holzer, Zum
ABC der Liebe (de Wagner). — Homeri Ilias edidit G. Dindorf.
(P. Cauer : corrections de Bekker et de Nauck adoptées, p. ex. A 5
oiwvGÏcjî Ts oaÏTa). — F. A. Wolf, Prolegomena ad Honerum, éd. III*
quam curavit R. Peppmuller. Adjeciae sunt epistolae Wolfii ad Hey-
nium (Kammer : la publication des lettres de V/olf n'était pas utile). —
Jamblichi de vita Pythagorica liber, rec. A. Nauck (E. Heitz). —
Th. Oesterlein, Studien zu Vergil und Horaz (Faltin : vulgarisation
solide). — OviDii métamorphoses, Auswahl fur Schulen von Siebelîs,
1 1" Aufl. besorgt von Fr. Polle (Ehwald). — Cicéron, Plaidoyer pour
Archias, expliqué littéralement, traduit en français et annoté par Chan-
SELLE (F. MûUer : a Einen solchen aufrichtigen » Schûlerfreund « ha-
ben wir Deutschen wohl noch nicht, oder er musste im verborgensten
Dunkel sein Wesen treiben. » Le travail de Chanselle est soigné.) —
O. RiEMANN, Etudes sur la langue et la grammaire de Tite-Live, 2* éd.
(-ff- : excellent). — E. Remv, de subjunctivo et infinitivo apud Plinium
minorem (K. E. Georges : consciencieux et utile). — J. Gow, A short
history of greek mathematics (Hultsch : bon). — A. v. Kampen, Orbis
terrarum antiquus in usum scholarum (Chr. B. : défectueux).
— N" 19, 9 mai i885 : Fr. Paulsen, Geschichte des Gelehrten Un-
terrichts auf den deutschen Schulen und Universitaten von An fan g des
Mittelalters bis zur Gegenwart, mit besonderer Riicksicht auf den klas-
sischen Unterricht (*** Analyse). — A. Nauck, de Marci Antonini
commentariis (J. Stich : intéressant). — Albii Tibulli elegiae cum
carminibus pseudotibullianis, edid. E. Hiller 'H. Magnus : impor-
tant). — K. F. Hermanns, Lehrbuch der griechischen Antiquitaten,
Bd. II, Abt. 1 : die griechischen Rechtsalteithumer, dritte aufl. von
Th. Thalheim (Buermann : utile). — E. Graf, die Aniiopesage bis auf
Euripides (A. Schirmer). — L. Weniger, Der Gottesdienst in Olympia
(Boetticher : pour le grand public, agréable à lire). — J. Adeline,
Lexique des termes d'art (Baumeister : mauvais; Adeline parle de la
glyptotique de Vienne et du torse Farnèse ; il explique monument
choragique par « trépied d'airain. ») — G. Pictrogrande, Giuseppe
Furlanetto e Tarcheologia (Sabbadini : verbeux et sans valeur).
Gœttingische gelebrte Anzeigen, no 9, i*"" mai i885 : Bezzenberger, Let-
tische Dialekt-Studien (Bielenstein : « A recommander très chaudement
à tous les amis de la langue lette et puisse l'auteur faire encore de nom-
breuses visites dans le pays pour introduire le lette de plus en plus dans
la linguistique par de nouvelles et de louables recherches!) » — A com-
prehensive grammar of the sanskrit language, analytical, historical and
lexicographical, by Anundoram Borooah, vol. III, part, i, Nânârtha
Samgraha with varions readings and copious notes, to wich is added the
Çabhabheda Prakâça with notes and index. (Zachariae : très long article
rempli de critiques de détail; Borooah n'a pas consulté assez de manus-
crits pour établir un texte correct; parmi les notes, les unes sont bon-
nes et claires, les autres douteuses et inutiles.)
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
(Antiquité et Moyen âge)
Publiée sous la direction de MM. A. Bertrand et G. Perrot, membres de l'Institut.
Abonnement annuel ; 2 3 fr.
Janvier, fémier : Clermont-Ganneau. Le sceau de Obadyahou, fonctionnaire royal israëlite. —
Flouest. Deux stèles de Laraire. — Lièvre, exploration archéologique du département de la Cha-
rente, — G. Bapst Souvenirs du Caucase, fouilles sur la grande chaine. — Sorlin Dorigny.
Timbres d'amphores trouvés à Mytilène. — Note sur la crosse et sur l'anneau de Jean II de la
Cour d'Aubergenville, par G. Bourbon — S. Reinach Deux moules asiatiques en serpentine. —
Clermont-Ganneau Inscriptions grecques inédites du Hauran. — A Baux La poterie des Nu-
raghes. — S. Reinach. Chronique d'Orient. — Sociétés savantes. Chronique, Bibliographie. —
5 planches hors texte.
Mars, avril. \Veber Trois tombeaux archaïques de Phocée. — H. de Curzon. L'église prieurale
de Champvoux. — G. de la Noë. Le rempart-limite des Romains en Allemagne. — Deloche. Cachets
et ainieaux de l'époque mérovingienne. — Clermont-Ganneau. Les noms royaux nabatéens. —
Gaidoz. Le dieu gaulois du soleil. — E. Drouin. Monnaies à légendes en pehlvi et pehlvi arabe. —
E. Duval. Tète antique du Musée Fol. — C. JuUian. Les antiquités de Bordeaux — Mélanges. —
5 planches hors texte.
Le i'uv, iniprnnerie Marchessou fils, i>auiei>arj Saint-hnureni. 23.
I
N" 21 Dix-neuvième année 25 mai 1885
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. J. DARMESTETER, L. H AVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, zb fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE I. A SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l'École des langues orientales vivantes, etc.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les comyniini cations concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau cie la Kevue : nie iionaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, et
non par commissionnaire, les livres dont ils désiretit un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, ÉDIIEUR, RUE BONAPARTE, 28.
BIBLIOTHÈQUE ORIENTALE ELZÉVIRIENNE
XLI
LES LANGUES PERDUES DE LA PERSE
ET DE L'ASSYRIE, par J. menant. Perse. In-iS. 5 fr.
XLII
MADHAVA ET MALATI, drame en dix actes et un
prologue, de Bhavabouti, Traduit du sanscrit et du pracrit, par G.
Strehly. Avec une préface, par A. Bergaigne, de l'Institut. In-i8. 5fr.
XLIII
Le, IVlAriL)!, depuis les origines de l'islam jusqu'à nos jours,
pariâmes Dar.mesteter, professeur au collège de France. In-18. 2 5o
XLIV
COUP D'OEIL SUR L^HISTOIRE DE LA
F CixDC, parlâmes Darmesteter, professeur au collège de France.
In-i8 2 5o
PÉRIODIQUES
The Academy, n° 679, 9 mai i885 : Bent, The Cyclades or life among
ihe insular Greeks. — Thornton, Harrow School and its surroundings.
— Nixon, The complète story of the Transvaal from the i Great
Trek » to the Convention of London. — Hartmann (E. von), The Phi-
losophy of the Unconscious, translated by Coupland. — French lite-
rature (Sarrazin, Poètes modernes de l'Angleterre : bien fait et impar-
tial; Li Romans de Carité et Miserere du Rendus de Moiliens, édition
critique par Van Hamel : « a very admirable example of linguistic
study » ; L'Art poétique de Vauquelin de la Fresnaye, par G. Pellis-
siER : bon ; Clédat, Grammaire élémentaire de la vieille langue fran-
çaise : livre très méritoire; de Laveleye, Nouvelles lettres d'Italie;
Engel, Psychologie der franzôsischen Literatur : appréciations singu-
lières, c'est de l'actualité, mais non de la critique). — Correspondence.
« Atterbury » in the « Dictionary of national biography » (Doble). —
A slavonic parallel to « the Merchant of Venice * (Frazer). — The sur-
name « Poyntz » (Davies). — The Merton professorship of english
language and literature (Sweet), — The Squire Papers (W. Squire). —
A Middlehill ms. of Cicero. (Nutt). — Stokes and Windisch's « Irish
Texts » (Rhys). — The Brough stone. (Scarth.)
The Athenaeum, n° 3oo2, 9 mai i885 : Little wars. The Transwaal
war, 1 880-8 r, edited by Lady Bellairs; Scott, France and Tongking,
a narrative of the campaign of 1884 and the occupation of Further
India. — Johnson, On the track of the Crescent, erratic notes from
the Piraeus to Pesth. — Webb, The veil of Isis, a séries of essays on
idealism ; Laurence Oliphant, Sympneumata. — Em. de Laveleye,
The socialism of to-day, transi, by Orpen, with an account of socialism
in England. — Shelleyana, IL (Dobell.) — The Lincolnshire Survey,
temp. Henry I. (Greenstreet.) — Jacobsen. (Gosse : not. nécrol. sur ce
De Quincey de la littérature danoise.) — The Osterley Park Library.
— The discovery of a Caxton. (Round.) — Rock-cut tombs of Carpa-
thos, (Bent.)
Literarisches Centralblatt, n° 20 9 mai i885 : Techen, Zwei Gôttinger
Machzorhandschriften beschrieben [an soin). — Leop. Stein, Morgen-
lilndische Bilder in abendlandischem Rahmen, talmudische Parabeln,
Gleichnisse und Erzàhlungen ausgewahlt und metrisch wiedergegeben.
(Nullement scientifique.) — Windelband, Praludien, Aufsàtze und Re-
den zur Einleitung in die Philosophie. (Recueil d'essais écrits avec
goût, sans étroitesse de pensée, avec beaucoup de profondeur et d'ori-
ginalité.) — Amiel, Fragments d'un journal intime, précédés d'une
étude par Edm. Scherer, tome I, 3'= edit. et tome IL (Ouvrage inté-
ressant d'un homme qui était, selon le mot de Jean Paul, un génie pas-
sif; renferme des observations remarquables et précieuses pour le psy-
chologue.) — HuBER, Ludwig I von Ungarn und die ungarischen
Vasallenlunder. (Beaucoup de points obscurs sont ici éclaircis.) -—
Wimpfeling, Germania, iibersetzt und crlentert von E. Martin, mit
ungedruckten Briefen von Geiler und Wimpfeling, ein Beitrag zur
Frage nach der Nationalitiit des Elsasses und zur Vorgeschichte der
Strassburger Universitat. (Renferme tout ce qui se rapporte au sujet,
parfois un peu lourdement traité.) — Die bôhmischen Landesverhand-
lungen und Landtagsbeschliisse vom Jahre i526 an bis aufdie Neuzeit,
hrsg, vom kônigl. bôhmischen Landesarchive, III, i558-i573. —
NissEN, Beitrilge zum rOmischen Staatsrecht. (A recommander à l'étude
sérieuse des spécialistes.) — Roquette, De Xenophontis vita (de re-
marquables résultats). — W. Meyer, Zur Geschichte des griechischen
und lateinischen Hexameters. (Intéressant et détaillé, beaucoup de fines
réflexions.) — Hofmann-Wellenhof, Alois Blumauer, literarhistorische
Skizze aus dem Zeitalter der AutkUlrung. (Bien fait, parfois un peu sec ;
dans l'appendice, trop de documents insignifiants; monographie néan-
moins importante.;— HoHENBÛHEL, Die Holzschnitte der Handschritt des
Heilthum-Buchleins zu Hall in Tirol, ein Beitrag zur Kunst-und Cul-
turgeschichte des beginnenden XVI. Jahrhunderts. — Réponse de
M. "Albert Jahn à un article du Centralblatt, n° i6, sur son édition de
la Prosopopoeia de Grégoire Palmas et réplique de l'auteur de l'article,
M. A. Riese.
Zeitschrift ftir neufranzœsische Sprache und Litteratur, herausgegeben von
Prof. Dr. Kôrting und Prof. Dr. Koschwitz. Tome VI (1884). Pre-
mière partie. — Traités ; P. i : Ed. Bôhmer. Gemeinsame Transcrip-
tion fur Franzôsisch und Englisch. — P. 11 : H. Harth. Die Qualitat
der reinen Vokale im Neufrauzôsischen. — P. 1 13 : J. Frank. Studien
iiber die Satyre Ménippée. — P. i5o : L. Wespy. Die historische
Entwiekelung der Inversion des Subjektes im Franzôsischen und der
Gebrauch derselben bei Lafontaine. — P. 210 : Thor Sundby. Biaise
Pascal, sein Kampf gegen die Jesuiten und seine Verteidigung des
Christentums. — P. 234 : B. Uber. Zu dem franzôsischen Worterbu-
che von Sachs. — P. 263 : Thor Sundby. Biaise Pascal, sein Kampf
gegen die .lesuiten und seine Verteidigung des Christentums (suite). —
P. 297 : H. j. Heller. Der Naturalismus in der Romandichtung Fran-
kreichs und Deutschlands. — Deuxième partie : Comptes-rendus, etc. :
P. I : R. Schmidt. G. Korting, Encyklopadie und Méthodologie der
romanischen Philologie etc. — P. 14 : Fr. Dôrr. O. Danker, Die Real-
gymnasien bezw. Realschulen I. Ordnung und das Studium der neue-
ren Sprachen. — P. 22 : W. Schefïier. R. Wilcke, Anleitung zum
franz. Aufsatz. — K. Bartsch, Alte (ranzôsische Volkslieder. — P. 33 :
R. Mahrenholtz. F. Lotheisseji, Geschichte der franz. Litteratur im
XVII. Jahrhundert. Bd. IV. — L. A. Ménard, Le livre abominable
de i665. —- P. 38 ; E. Koschwitz. Dictionnaires d'argot. — P. 52 :
A. Haase. Abhandlungen ûber den Gebrauch der Tempora und des
Konjunktivs. — P. 55 : A. Rambeau. Schulgrammatiken. — P. 84 :
G. Th. Lion. Centralorgan fur die Interessen des Realschulwesens;
Litterarisches Centralblatt fiir Deutschland ; Neue Jahrbûcher fur Phi-
lologie und Padagogik. — P. 90 : F. Zverina. Zeitsclirift fiir das
Realschulwesen. — P. 95 : D. Behrens. Zeitschrift fiir romanische
Philologie; Romania ; Litteraturblatt fur germanische und romanische
Philologie; Magazin fiir die Litteratur des In-und Auslandes. —
P. loi : F. Zverina. Ultimatum in Sachen der Satyre Ménippée. —
P. 108 : der wahrend des letzten Halbjahres (vom I. November i883
bis 3o. April 1884) auf dem Gebiete der franzôsischen Philologie
erschienenen wichtigeren Biicher und Schriften. — P. ii3 : J. Sarra-
zin. R. Mahrenholt:{, Voltaire im Urteil des Zeitgenossen. — P. 114 ;
W . Schefïier. A. Stem, Geschichte der neueren Litteratur. — P. 117:
J. Klette. H. Krause, Wycherley und seine franzôs. Quellen, —
P. 124 : E. Einenkel. M. Trautmann, Die Sprachlaute im allgemeinen
und die Laute des Englischen, Franzôsischen und Deutschen im be-
sonderen. — P. i3i : L Sarrazin. A. Kressner, Aufsiltze technischen
und historischen Inhalts zum Uebersetzen ins Franzôsische. W. Wied-
mayer, Franzôsische Stilûbungen fiir obère Klassen. — P. i34 ;
A. Rambeau. Methodik des franzôs. Unterrichts und Grammatik. —
P. i55 : W. Knôrich. Schulausgaben. — P. i65 : F. Zverina. Oster-
reichische Programme. — P. 169 : D. Behrens. Revue politique et
littéraire; Revue critique; Deutsche Litteraturzeitung. — P. 173 :
R. Mahrenholtz. Dr. H. Schweitzer und das Molière-Museum. —
P. 175 : R. Meyer. Grammatische Bemerkungen. I. — P. i83 :
L. Bertrand. Les Parisismes de M. Villatte. — P. i85 : H. Gauthier-
Villars. Zum Pariser Argot. — P. 199 : W. Brummert. de Lescure :
Rivarol et la société française pendant la révolution et l'émigration. —
P. 23o : J. Sarrazin, O. Schuize, A. Rhode, G. Willenberg. Schul-
grammatiken. Grammatische Schriften. — P. 245 : G. Th. Lion.
Schulausgaben. — P. 248 : C. Th. Lion. Centralorgan fiir die Interes-
sen des Realschulwesens. — P. 254 : J. Sarrazin. Die franzosische
Schullcktûre der badischen Gymnasien und Progymnasien. — P. 238 :
Ph. Plattner. M. A. Thibaut, Wôrterbuch der franzôsischen und
deutschen Sprache. — P. 261 : R. Mahrenholtz. J. Franck, Satyre
Ménippée. — P. Norrenberg^ AUgemeine Litteraturgeschichte. —
P. 264 : C. Humbert. Léon Dumoiistier, Molière auteur et comédien.
— P. 267 : E. Koschwitz, Ph. Plattner. Schulgrammatiken, Ubungs-
bûcher. — P. 269 : C. Th. Lion. Schulausgaben. — P. 285 : E. von
Salhviirk, W. Mûnch, A. Klotsch. Padagogische Schriften. — P. 292 :
C. Th. Lion. Litterarisches Centralblatt fur Deutschland. — P. 294 :
D. Behrens. Deutsche Litteraturzeitung; Litteraturblatt fur germanis-
che und romanische Philologie; Revue critique. — P. 3o2 : C. Th.
Lion. lîinige Stellen aus Molières Femmes Savantes. — P. 304 :
R. Mahrenholtz XXXVII. Versammlung deutscher Philologen und
Schulmanner zu Dessau. — P. 3o6 : F. Hummel. Zur Vervvahrung
und Richtigstellung. — P. 3 10 : G. Erzgraeber. Eine Rektifikation. —
P. 3i3 : E. Koschwitz, Notiz. — P. 314 : R. Schmidt. Verzeichnis
sàmtlicher in der « Revue des deux Mondes », Jahrgang i883, enihal-
tenen Ariikel, sowie der in ihren Bulletins bibliographiques angezeig-
ten Bûcher. — P. 326 : H. Aschenberg. Verzeichnis sàmtlicher im VL
Bande dieser Zeitschrift beurteilten, bezw. besprochenen oder doch
ererwahnten Werke und Schriften.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
ARCHIVES DE L'ORIENT LATIN
Publiées sous la direction de
M. le Comte RIANT. Tome L
Un fort volume in-8 3o fr.
RÉSUMÉ HISTORIQUE
DES PRINCIPAUX TRAITÉS DE PAIX
Conclus entre les puissances européennes depuis le traité de Westphalie
(1648) jusqu'au traité de Berlin (1878)
Par le Prince A. M. OUROUSSOW.
U n beau volume gr. in-8 16 tr.
Le fuy, imprimerie Marchessou jiis, boulevard Saint-Laurent, 23.
»
N° 22 Dix-neuvième année 1 juin 1885
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE L1TTÉRATU!<E
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. J. DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, zo fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 23 fr
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
38 , RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Cmuquet
'Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, ei
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte -rendu.
KRNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
BIBLIOTHÈQUE ORIENTALE ELZÉVIRIENNE
XLI
LES LANGUES PERDUES DE LA PERSE
ET DE L'ASSYRIE, par J. menant. Perse. In-iS. 5 fr.
XLII
MADHAVA ET MALATI, drame en dix actes et un
prologue, de Bhavabouti. Traduit du sanscrit et du pracrit, par G.
Strehly. Avec une préface, par A. Bergaigne, de l'Institut. In-i8. 5 fr.
XLIII
LE, IVlArliJl^ depuis les origines de l'islam jusqu^à nos {ours,
par James Darmesteter, professeur au collège de France. In-18. 2 5o
XLIV
COUP D'OEIL SUR L'HISTOIRE DE LA.
i EiA^l!,, parlâmes Darmesteter, professeur au collège de France.
In-i8 2 5o
PÉRIODIQUES
The Academy, n" 680, 16 mai i885 : Mrs. Higgins, Womens of Eu-
rope in the XV. a. XVI. centuries, vols I à II. (Purcell.) — Wallens-
tein, a drama of Schiller, doneintoenglish verse by Hunter (Morshead).
— Clodd, Myths and dreams. — E. B. Custer, Boots and saddles, or
life in Dakota with gênerai Custer; Wardman, A Irip to Alaska, a nar-
rative of what was seen and heard during a sommer cruise in Alaskan
waters. — Edersheim, Prophecy and history in relation to the Messiah,
the W^arburton lectures for 1880-1884. — Some récent books on éco-
nomies. — Correspondence : The Lindsey Survey. — Macci Plauti
Mostellaria, with notes, critical a. exegetical a. in introduction by
SoNNEKSCHEiN (Ncttlcship : sera très utile). — Afghanistan in avestic
geography (Aurel Stein). — Windisch's irish texts. (Whisley Stokes.) —
Roman pronunciation (Krebs). — The etymology of « Gossamer »
(Karl Blind). — Hamerton, Landscape (Monkhouse). — A roman ins-
cription discovered at Jedburgh (Watkin). — The Tuihanti (Haver-
field).
The Athenaeiim, n" 3oo3, 16 mai i885 : The Holy Bible, containing
the Old and New Testament, translated out of the original tongues,
being the version of 161 1 revised. fi" article.) — Home Letters, writcn
by the late Earl Beaconsfield in i83o a i83i. — Encyclopaedia Bri-
tannica, vol. XVIII, Orn-Pht. (Renferme d'excellents articles, « Persia »
de Nuldeke, Gutschmid, Geldner, Ethéet Goldsmid; « Oxus » de Wal-
ker; « Palestine » de Socin; « Pérou » de Markham; « Phrygie » de
Ramsay; « Pékin r^ de Douglas; « Paestum » de Middleton; « Paléo-
graphie » de Thompson; « Pentateuque » de Wellhausen, etc. —
Ghronicles of the Yorkshire family of Stapelton. — Barzellotti, David
Lazzaretti di Arcidosso, detto il Santo. — Notes from Oxford. —
Monbert's « Tyndale » — Dr. Ernst Trumpp (Rost : notice né-
crol.). — An incident in the history of Trinity Collège, Cambridge
(Airy).
Literarisches Centralblatt, n° 21, mai 188 5 : Franke, das alte Testament
bei Johannes. — Comte, Die positive Philosophie, im Auszuge von
Jules Rig, uebersetzt von Kirchmann, 2 vols. — Kirchmer, Diatetik des
Geistes. — Ad. Koch, Hermann von Salza, Meisier des deutschen Or-
dens. ein biographischer Versuch. (L'auteur a fait ce qu'il a pu, ses
recherches sont profondes et sûres, son récit est clair et habilement fait,
pourtant, et naturellement, il a des lacunes et manque de vie.) — O. Ri-
CHTER, Verfassungsgeschichte der Stadt Dresden, I. (Très détaillé et très
soigné. "i — MiCHELET, (C), W^ahrheit aus meinem Leben. (Autobiogra-
phie intéressante du disciple de Hegel.) — Benndork, u. Niemann, Rei-
sen in Lykien und Karien, unter dienstlicher Fôrderung durch S, M.
Raddampfer Taurus, Commandant Fûrst Wrede. (Renferme de nom-
breux et importants détails.) — Annae Comnenae Porphyrigenitae
Alexias ex recensione Reifferscheidii, I et II. (Nouvelle édition faite
avec une critique réfléchie.) — Paucker, Vorarbeiten zur lateinischen
Sprachgeschichte, hrsg. von Ronsch, 3 parties en un volume. (Recueil
de matériaux qui ne doivent pas inspirer trop de confiance.) — Servii
grammatici qui feruntur in Vergilii carmina commentarii, rec. Thilo et
Hagen, vol. II, fasc. 2, Aen. libr. IX-XII. (L'ouvrage est terminé, et
grâce aux soins et aux peines de Tinfatigable éditeur, le monde savant
possède une édition longtemps souhaitée et qui satisfait le mieux du
monde aux exigences de la science.) — Stkngel, Ausgaben und Abhan-
.Uungen auf dem Gebiete der romanischen Philologie : 5, Maus, Peire
Cardinal's Strophenbau; 12, K. F. Th. Meyer, Die provenzalische
Gestaltung der mit dem Psrfectstamm gebildeten Tempora des Latei-
nischen. (Deux travaux qui témoignent d'un grand labeur et qui ren-
dront des services à tous ceux qui s'occupent du provençal.) — Jansen,
Jean-Jacques Rousseau als Musiker. (L'auteur a épuisé le sujet; on
peut même dire qu'il le traite avec plus de profondeur qu'il ne le fallait;
quelques faiblesses çà et là, car l'auteur n'est pas spécialiste; mais, en
somme, excellent livre, le meilleur et le plus complet exposé du déve-
loppement de l'opéra français de Rameau à Gluck, l'ouvrage est très
instructif et aura longtemps une fort grande valeur.)
Deutsche Litteraturzeitung, n° iq, 9 mai i885 : Franke, das Alte Testa-
ment bei Johannes, ein Beitrag zur Erklarung und Beurteilung der
Johanneischen Schriften. (Siefïert.) — Knauer, Grundlinien zur Aristo-
telisch-Thomistischen Psychologie. (Heitz.) — Gudemann, Geschichte
des Erziehungswesens und der Cultur der Juden in Spanien wahrend
des Mittelalters. (Wolf : plein de détails intéressants.) — Vâkyapadêya,
a treatise on the philosophy of sanskrit Grammar by Bhartrihari, with
a commentary by Punyarâja, éd. by Pandit Râmakrishna Sâstrî Pa;fa-
vardhana, fasc. ï. (Kielhorn : i^r fascicule de la publication d'une des
oeuvres les plus intéressantes, mais en même temps les plus difficiles
de la grammaire sanscrite.) — Aeschyli tragoediae éd. H. Weil (Wila-
mowitz-Moellendorf : édition fort louable; il faut souhaiter qu'elle ait
la même influence que celle de Dindorf.) — Eusebii canonum epitome
ex Dionysii Telmahatensis chronico petita sociata opéra verterunt no-
tisque illustrarunt Siegfried et Gelzer ; Anagnostopulos, IIspl rr^; Aa::t-
va-^ç; 'E7:tT0[j.r,ç tgj ^japSdpoo (Schône.) — Jannetaz, Etude sur Semo San-
cus Fidius dieu sabin représentant le feu et sur l'étymologie d'Hercule.
(Jordan : écrit qui traite un sujet très difficile, mais sans bonheur; tou-
tes ces explications étymologiques sont manquées.) — Von Gorner,
Der Hans Wurst-Streit in Wien und Joseph von Sonnenfels. (R. M.
Werner.) — H, Brandes, Visio S. Pauli, ein Beitrag zur Visionslitera-
tur mit einem deutschen und zwei lateinischen Texten. (Koch : bon
travail.) — Ad. Stern , Hermann Hettner, ein Lebensbild. (Er.
Schmidt : clair, sans prétention, mais ne fait pas revivre Hettner
tout entier.) — Max Duncker, Geschichte des Altertums, neue Folge,
I. (R. Weil : commence après Platées et Mycale et traite de Sparte
et de ses alHés jusqu'à la mort de Cimon , de la Sicile jusqu'aux
premières relations d'Egeste avec Athènes, de la Perse, etc. ; les
meilleurs chapitres sont" consacrés à Pausanias.) — Unterhaltungen
mit Friedrich dem Grossen , Memoiren und Tagebiicher von H. "de
Gatt; Gesprache Friedrichs des Grossen mit Henri de Catt. (Wiegand :
documents de la plus haute valeur.) — Ad Vaticani archivi Romano-
rum pontificum regesta manuducto, curante Palmieri. (Ewald.) —
Radloff, Aus Sibirien, lose Bliltter aus dem Tagebucheeines reisenden
LiniTuisten. 2 vols. — Lehrs, Die altesten deutschen Spielkarten des
Kôniglichen Kupferstichkabinets zu Dresden. — Biscia, Ricordi bihlio-
grafici, vol. I. — v. Gusmann u. du Plat, Geschichte des Schlewigs-
chen Infanterie-Régiments nr. 84. (légèrement fait.) — Monumenta
Germaniae historica.
— N" 20, 16 mai i885 : Das Buch Al-Chazarî aus dem arab. des
Abu-L-Hasan Jehuda Hallewi ubersetzt von Hirschfeld. — G. Bie-
dermann, Philosophie der Geschichte. (Bernheim : hégélien et ne dépas-
sant pas Hegel.) — Fornelli, Educazione moderna. (Méthodique et
plem de fines observations.) — Paul de Lagarde, Mitteilungen. (No-
wack : recueil d'études et de critiques où l'on trouve le savoir étendu
de^l'auteur, son soin habituel et la sûreté de sa méthode scientifique.] —
vV. Christ, Homer oder Homeriden ? (Hinrichs.) — W. Christ. Zur
Chronologie des aligriechischen Epos. (Hinrichs.) — Ciceronis Acade-
mica p. p. Reid. (Stangl : bon, remarquable par le nombre de notes de
Toute sorte.) — Sandeks, Vcrdeutschungswurterbuch. (Heyne : court,
commode, instructif.) — Burg, Die aiteren nordischen Runeninschrif-
ten. (Hoithausen : sera le bienvenu, recherches grammaticales très uti-
les.) — Amis and Amiioun mit der altfr. Quelle hrsg. v. Kolp.ing nebst
einer Beilage Amilcus ok Amilius Rimur. (Zupitza Mrès louable publi-
cation.) — Braunholtz, Die erste nichtchristliche Parabel des Barlaam
u. Josaphat, ihre Herkunft u. Verbreirung. (Varnhagen : beaucoup de
soin.) — Jacoi5s, Geschichte der in der preussischen Provinz Sachsen
vereinigten Gebiete. — Turmairs genannt Aventinus sammtliche
Schriften, II, III, p. p, Riezler. (Roediger : travail fait avec grand
soin.) — Steinmann, Die Grabstiitten des Ftirsten des Welfenhauses,
I-III. — Fleischauer, Kalender-Gompendium der christlichen Zeit-
rechnungsweise auf die Jahrc i bis 2000 vor u. nach Christi Geburt.
(K. Rieger : assez incomrnode, utile néanmoins et à recommander.) —
Karlowa, Rumische Rechtsgeschichte, 1. Staatsrechts und Rechtsquel-
len, I. (Hulder : travail solide, mais qu'on ne pourra juger définitive-
ment que lorsqu'il sera terminé.) — Kuropatkin, Kritische Rûckbiicke
aufden russisch-turkischen Krieg 1877-1878, bearbeitet von Krahmer.
Mitleilungen : Fundbericht aus Italien. (Rossbach.) — Neue Ervver-
bungen der konigl. Museen. (Von Oettingen.)
Berliner Philologische Wochenschrift, iv 20, 16 mai i885 : Paulsen, Ge-
schichte des gelehrten Unterrichîs auf den deutschen Schuien und
Universittiten vom Ausgang des Mittelalters bis zur Gegenwart
(G. Nohle : compte-rendu analytique, suivi d'une note très élogieuse de
Chr. Belger. Paulsen demande que l'on restreigne la part du grec et du
latin pour augmenter celle de la philosophie, de Tallemand et du moyen
haut-allemand). — J. Herzer, Metaphorische Studien zu griechischen
Dichtern. I. Die auf « Unglûck und Verwandtes «• bezûglichen Meta-
phern und Bilder bei den Tragikern (Wecklein). — A.Matthias, Kom-
mentar zu Xenophons Anabasis, Buch V, VI, VII, et X. Anabasis fûr
den Schulgebrauch herausgegeben, mit einer Karte und drei iithogra-
phierten Tafeln (Vollbrecht : méritoire). — Q. Horatius Flaccus erkliirt
von KiESSLiNG, i°''Teil, Oden und Epoden (G. Faltin : bon). — M. Faisii
QuiNTiLiANi de institutione oratoria liber decimus, avec une notice, des
notes et un dictionnaire par Dosson (P. Hirt : les observations sur la
langue de Quintilien et les indices sont méritoires; les illustrations sont
inutiles). — E. Naville, The store-city of Pithom and the Texte of the
Exodus (G. Ebers: intéressant). — Extraits et analyses des Leipziger phi-
lologische Universitatsschriften en i883 (P. Feine).
Theologische Literaturzeitimg, n« 9, 2 mai i885 : Hoixenberg, Hebrais-
ches Schulbuch; Merger, Hebriiisches Uebungsbuch, 4'^ Aufl. ; Mit-
CHELL, Hebrcw lessons. — Schnapp, Die Testamentc der Zwolf Patriar-
chen untersucht. — Bornemann, In investiganda monachatus origine
quibusdc causis ratio habenda sit Origenis. — Eusebii canonum epi-
tome ex Dionysii Tclmaharensis chronico petita, p. p. Siegfried et
Gelzer. — Kl'hx, Luther, sa vie et son œuvre, 3 tomes (Kolde : à
recommander très chaudement à tous les protestants de langue fran-
çaise.) — Biederman'n, christliche Dogmatik (Kastan : premier article).
Le J'ity, imprimerie Marchessoii fils, boulevard Saini-Laurent, s3.
N° 23 Dix-neuvième année 8 juin 1885
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIE SOUS LA DIRECTION
DE MM. J. DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
Prix d'abonnement ;
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 25 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adr-esser les communications concernant la rédaction ^ M. A. Chuquet
(Au bureau de la Kevue : rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, ei
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
BIBLIOTHÈQUE ORIENTALE ELZÉVIRIENNE
XLI
LES LANGUES PERDUES DE LA PERSE
ET DE L'ASSYRIE, par J. menant. Perse. In-iS. 5 fr.
XLII
MADHAVA ET MALATI, drame en dix actes et un
prologue, de Bhavabouti. Traduit du sanscrit et du pracrit, par G.
Strehly. Avi c une préface, par A. Bergaigne, de l'Institut. In-i8. 5 fr.
XLIII
Lt iVlAi~lL)I, depuis les origines de l'islam jusqu"'à nos jours,
par James Darmesteter, professeur au collège de France. In-i8. 2 5o
XLIV
COUP D'OEIL SUR L'HISTOIRE DE LA
F ElxOC, par James Darmesteter, professeur au collège de France.
In-18 2 5o
PÉRIODIQUES
The Academy, n» 68i, 23 mai i885 : Remarks and collections of Tho-
mas Hearne, vol. I. 1705-1707, edited by Doble. (Courtney.) — Hare,
Scudies in Russia. — Oedipus the King, translatcd tVom the greek ot
Sophocles into english verse by Morshead. (Traduction pleine de soin,
de goût et de poésie.) — Menendez y Pelayo, Obras complétas, iiri-
oos;estudios de la critica literaria; historia de las ideas esteiicas en
Espana, 3 vols. — A translation, the battle of Maldon, II, 2-84 (Em.
Hickeyj. — » Hugh Conway « (Wedmore). — Waters's « Inhabitants
of Melbourne » (Round). — « Moustaches down to the knees » (Chin-
nock). — Harrow School (Thornton). — Gow, A short history of Greek
Mathematics. ^Mackay : travail qui est le produit d'années de labo'rieu-
ses recherches.) — Latin L for D. (Wharton. — The old-irish glosses
on the St. Gall Priscian. (Whitley Stokes). — Egypt Exploration Fund.
(Lettre de M. Ebers sur les fouilles de M. Naville et approuvant l'opi-
nion que Tell-el-Maskhulah est le siège de l'ancienne Pithom de
l'Exode.)
The Atheuaeiim, n» 3004, 23 mai i885 : Stanley, The Congo and the
îounding of its Free Stale, a story of work and exploration, 2 vols. —
Bent, The Cyclades.(Très intéressant surtout en ce qui concerne le folk-
lore.)— The Holy Bibel, containing theOld and New Testaments, trans-
îated out of the original tongues, being the version of 161 ! revised. —
The incident in the history of Trinity Collège, Cambridge. (Thomp-
son.) — Mr. Fargus. — « Historié doubts » (S. Calvary et O'' : sur les
diverses éditions du livre de J. B. Pérès sur Napoléon ; la première édi-
tion portait le titre (c Grand Erratum, source d''un nombre inhni d'er-
rata à noter dans l'histoire du xix'^ siècle »; la troisième s'intitula
<i Comme quoi Napoléon n'a jamais existé.) — The Rolls séries (Pi-
ckering). — The revised version of the Old Testament.
Literarisches Centralblatt, n° 22, 23 mai i885 : Kruger, Monophysi-
tische Streitigkeiten im Zusammenhange mit der Reichspolitik. —
Troostenburg de Bruyn, de hervormde Kerk in Nederlandsch Oost-
indië onder de Oost-Indische Compagnie 1603-1795. (Neuf et intéres-
sant.) — V. Duruy, Geschichte des rômischen Kaiserreiches von der
Schlacht bei Actium u. der Eroberung Aegyptens bis zu dem Einbruche
der Barbaren, iibers. v. Hertzberg, Liet. i-i i. (L'auteur sait, en grou-
pant habilement les faits et en mettant les principaux en relief, tracer
de saisissants tableaux; le récit est attachant et nullement surchargé
de détails archéologiques et critiques ; cet ouvrage méritoire rendra de
grands services et doit figurer dans toutes les bibliothèques des écoles. ")
— DuRO, La armada invencible, 2 vols Madrid, Rivadeneyra. (Prouve
que l'absolue incapacité du duc de Medina-Sidonia a causé le désastre;
récit lait avec un soin et une critique très sagace.) — Schuster u.
Francke, Geschichte der silchsischen Armée von deren Errichtung bis
auf die neueste Zeit. (Excellent travail d''après tous les documents de
i'xLtat.) — Stoll, Zur Ethnographie der Republik Guatemala. — Pol-
.lAROW, Reise nach der Insel Sachalin in den Jahren 1 881-1882. — Die
Mufaddalijât, nach den Handschriften zu Berlin, London u, Wien
hrsg. V. Thorbeck, I. (Très bonne publication.) — Konigliche Biblio-
thek, Berlin; Kurzer Verzeichnis der Sachauschen Sammlung syrischer
Handschriften von Sachau. — Quintiliani Instituiionis Oratoriae
iiber X, p. p. Hild. (Critiques de détail.)— T. Livii historiarum roma-
narum libri qui supersunt, p. p. Madvig et Ussing, i i i, i, libr. XXXI-
XXXV. — Adamy, Architektonik der altchristlichen Zeit, umfassend
die altchristliche Kunst, I. — Ritz, Untersuchungen ûber die Zusam-
mensetzun:; der Kliinge der Streichinstriimente. — Kretschmau, G. Fr.
Hândel.
Deiitsche Litteraturzeitimg', 11° 21, 23 mai i885 : Diegf.l, Theologische
Wissenschaft und pfairamtliche Praxis ; Grat von Baudissin, der heu-
tige Stand der altiesiamentlichen Wissenschaft. — ROiMUNDx, Grundle-
gung zur Reform der PhiJosopiiie. — Rolfs, Ueber die Grundung eines
Institutes fur deutsche Phiiologen zuni b-tudium des Englisclien in
London. — Platonis opéra quae feruntur omnia, p. p. Schanz, IX,
Hippias maior, Hippias minor, Jo, Menexenus, Clitopho, accesserunt
quaestiones criticae. (Susemihl : le texte a beaucoup gagné.) — Ballas,
Die Phrasaeologie des Livius (soin et compétence). — Gœthes Werke,
XII, Gedichte, 3, p, p. v. Loeper, 7.^ Ausg. — Le roman de Renart,
p. p. E. Martin, II, 2 : les branches additionnelles (Stengel). —
G. Mkyer, Essays u. Studien zur Sprachgeschichte und Volkskunde.
(Schrader : prouve une admirable lecture, est écrit en même temps d'une
façon spirituelle et attachante-) — K. Neumann, Geschichte Roms wiih-
rend des Verfalles der Republik, II, von Sullas Tode bis zum Aus-
gange der catilinarischen Verschwôrung (Partsch : fait avec conscience).
— WvLiE, History of England under Henry the fourth, I. 1 399-1404.
(Liebermann : sujet profondément étudié.) — v. Noorden, Historische
Vortriige, eingel. u. hrsg. v. Maurenbrecher. (Erdmannsdùrffer : dix
essais intéressants sur Guillaume d'Orange, M'"'-' de Maintenon, Bo-
lingbroke, Swift, Victor Amédée II, Frédéric Guillaume I, Fox, Arndt,
Adalbert de Brème, Louis de Bavière et l'église de son temps.) —
Freund, das lûbische eheliche Guterrecht in altérer Zeit. — Prowe,
Nicolaus Coppernicus, II, Urkunden. (Bruns : suite de cette excellente
monographie.) — von Heinemann, Die Randschriften der herzoglichen
Bibliothek zu Wolfenbûttel. I. Die Helmstedter Handschriften (grand
travail fort important). — Fundberichte aus Italien (Rossbach .
Beiiiner Philologische 'Wochenschrift, no 21, 23 mai 1888 ; Xenophons
Hellenika, erkliirt, von L. Breitenbach, I Baud. Buch I und ÎI. 2.
Auflage (R. Hansen : très recommandable). — G. Goetz, Glossarium
Terentianum (O. Seyffert : publication d'un glossaire du ix* siècle, dé-
couvert par Loewe au Vatican, contenant 600 gloses de l'Andrienne,
des Adelphes et de l'Eunuque. U confirme l'opinion de Dziatzko rela-
tive à l'existence d'une troisième source du texte de Térence, à côté du
Bambcrgensis et de la récension de Calliopius). — R. Menge et S. Preuss,
Lexicon Cesarianum, fasc. I. H. Meusel, Lexicon Caesarianum, iasc. III
(R. Schneider : le lexique de Menge-Preuss est « ein ganz vorzugliches
Hûlismittel », celui de Meusel est davantage, c'est « eine Fundgi ube x).
— S. Rkinach, Manuel de philologie classique, 2^ éd., tome I et II
[I. Muller: « das Handbuch wird vielen Beifall finden, aber auch man-
chen Widerspruch sich gefallen lassen miissen »). — E. Châtelain,
Paléographie des classiques latins (V/. Wattenbach : à recommander
Cj)audement;. — Lecoy de la Marche, les manuscrits et la miniature
(O. Lehmann : intéressant même pour le philologue; bon marché éton-
nant). — E Nageotte, la Polychromie dans Tart antique \G. Treu :
intéressant). — B. Head, A catalogue of greek coinsin the British Mu-
séum. Central Greece. Locris, Phocis, Boeotia aud Euboea (.^. Weil).
— BoNXELL, Lateinisch". Uebungsstûcke, neu bearb. durch P. GEYERuntt
\V. Mewes. Bonnell, Lateinisches Vocabularium, neu bearb. P. Geyeu
et W. Mewes, Uebungsbuch zum Uebersetzen aus dem Deutschen ins
Lateinische (P. Hellwig). — O. Weissenfels, Syntaxe latine, suivie
d'un résumé de la versification latine {-y.z- : bon livre écrit spécialemeni
pour le gymnase français de Berlin). — Analyses des dissertations acadé-
miques de Leipzig publiées en 188 3.
— N^ 22, 3o mai i885 : E. Leroux, Dictionnaire de la mytiio-
logie d'Homère (A. Gemoll : l'auteur a raison de ne pas latiniser
les noms grecs). — H. Collitz, Sammlung der griechischen Dia-
lektinschrit'ten. Heft IV. Die eleïschen, arkadisclien, pamphylischen
Inschriften (W. Larfeld : ce cahier termine le premier volume.
« Hochbedeutsam. »). — M. Porci Catonis de agricultura liber,
M. Terenti Varronis rerum rusticarum libri III, ex rec. H. Keilii.
Vol. I, fasc. II (F. Zahlfedt). — M. Tulli Ciceronis de natura deorum
libri III, with introduction and commentary by J . B. Mayor, with a
new collation of several of the english mss. by J. H. Swainson (H. Dei-
ter). — H. Haupt, der rômische Grenzwall in Deutschland nach den
neueren Forschungen (O Keller : très instructif). — Fr. Ohlenschlager,
Die Rômischen Grenzlager zu Passau, Kûnzing, Wischelburg und
Straubing (C. Mehlis). — F. v. Apell, Argentoratum. Ein Beitrag zur
Ortsgeschichte von Strassburg (C. Mehlis : utile). — P. von Pôllnitz,
Die Rômische Rheinbrûcke bei Mainz (Boetticher). — K. Adamy, Ein-
fûhrung in die antike Kunstgeschichte [-m- : beaucoup d'erreurs). —
A. DuMONT et J. Ghaplain, Les céramiques de la Grèce propre. Vases
peints et terres cuites, i""*^ partie, fasc. i et 2 (A. Furtwilngler : « Die
Zeichnungen von J. Ghaplain zeugen ûberhaupt von wenig Verstan-
dniss fiir den griechischen Vasenstil. .. Wir beklagen in dem Texte jene
schlimmste Art des Dilettantismus, die in streng wissemchaftlichem
Gewande auftritt. » Le jugement porté sur les admirables dessins de
Ghaplain nous paraît comique sous la plume de Furtwiingler, éditeur
lui-même de deux collections coûteuses de caricatures d'après l'antique,
« Griechische Keramik » et « Sammlung Saburoflf. » — A. Dumont,
Terres-cuites orientales et gréco-orientales Chaldée, Assyrie, Phénicie,
Cypre et Rhodes (A. Furtwangler : « n'ajoute rien au Gatalogue des
figurines de terre cuite de Heuzey. » Le critique ne dit pas que ce tra-
vail de Dumont est un simple compte-rendu du Catalogue de Heuzey).
Gœttingische gelefcrle Anzeigen, n" 10, i5 mai i885 : Monumenta Ger-
maniae historica, Scriptorum tomus XXVII. (Waitz : renferme les
auteurs anglais qui traitent de l'époque des Hohenstaufen et de la
2*" moitié du xiri^ siècle.) — W. Vogt, Die Gorrespondenz des schwà-
bischen Bundeshauptmanns Ulrich Artzt; Baumann, Acten zur Geschi-
chichte des deutschen Bauernkrieges in Oberschwaben (v. Druffel). —
Ernest Havet, Le christianisme et ses origines, le Nouveau-Testament,
tome IV. (Jiilicher : « l'auteur est du parti de Voltaire et son travail a
le ton du subjectivisme hardi du xviii« siècle; il mesure tout à son point
de vue avec l'intolérance d'un athéisme naïf. Il a paru en Allemagne
sur la vie de Jésus et les origines du christianisme des livres non moins
radicaux, non moins odieux que celui-ci; mais l'auteur dépense beau-
coup plus d'esprit qu'eux tous, et son livre a le séduisant aspect de
l'impartialité. Il ne hait même pas le christianisme au point de haïr
tous les chrétiens. Parfois aussi son bon sens et l'influence du xix^ siè-
cle l'emportent en lui sur son rationalisme. Ce livre est un mélange de
vues et d'explications justes autant que d'idées vieillies et de bizarres
méprises, et tout y est dit avec esprit, avec grâce et bon goût; mais il
ne doit être lu en Allemagne que par ceux qui voudraient savoir com-
ment un point de vue depuis longtemps dépassé exerce pourtant encore
son influence sur des hommes bien doués. ») — Koch. Hermann von
Salza, Meister des deutschen Ordens, ein biographischer Versuch.
(Haussner : ouvrage fait avec grand soin et une sûre critique, tableau
clair de l'activité si étendue dugrand maître de l'Ordre Teutonique.)
Le Puy, imprimerie Marchessou Jils, boulevard Saint-Lawent, 23.
kl
N" 24 Dix-neuvième année 45 juin 1885
REVUE CRITIQUE
D ' Fil S T O I R E ET DE LITTERATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIE SOUS LA DIRECTION
DE MM. J. DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 23 tr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRK DE I, A SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE 1.' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, KTC.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. CnuQURr
(Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, ei
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
BIBLIOTHÈQUE ORIENTALE ELZÉVIRIENNE
XLI
LES LANGUES PERDUES DE LA PERSE
ET DE L ASSYRIE, par J. menant. Perse. In-iS. 5 fr.
XLII
MADHAVA ET M AL ATI, drame en dix actes et un
prologue, de Bhavabouti. Traduit du sanscrit et du pracrit, par G.
Strehly. Avec une préface, par A. Bergaigne, de l'Institut. In-i8. 5 fr.
XLIII
Le IVl A il LJl, depuis les origines de l'islam jusqu'à nos jours,
par James Darmesteter, professeur au collège de France. In- 18. 2 5o
XLIV
COUP D'OEIL SUR L'HISTOIRE DE LA
1 ErlXvl^t, par James Darmesteter, professeur au collège de France.
In-i8 , 2 5o
PÉRIODIQUES
Literarisches Ceutralblatt, iv» 23, 3o mai i885: Der geschichtliche Chris-
tus und seine Idealitiit, alter Wein in neuem Schlauche, von einem Ve-
teranen. — Sinnett, die esoterische Lehre oder Geheimbuddhismus. —
Drobisch, Kant's Dinge an sich u. sein Ertahrungs-begriff. — Dahn
Die Kunige der Germanen, VI. Die Verfassung der Westgothen. Das
Reicli der Sueven. (Deuxième édition de cette partie de l'ouvrage; elle
en est la plus brillante; elle épuise le sujet.) — Acta pontificum roma-
norum inedita, II; 97-1197, p. p. Pflugk-Harttung. II, i. — Kol-
LiGS, Wilhelm von Oranien u. die Antange des Aufstandes der Nieder-
lande, (Recherches correctement menées.) — Sach, die deutsche Heimat,
Landschaft u. Volksthum. — Psichari. Essais de phonétique néo-
grecque. Futur composé du verbe moderne. (Témoigne d'une
grande sagacité; pas d^objection sérieuse à faire aux résultat acquis par
Fauteur.) — Madvigii adversariorum criticorum ad scriptores graecos
et latinos vol. III. (« trésor d'émendations sûres. ») — Merguet, Lexicon
zu den Schriften Gaesars u. seiner Fortsetzer mit Angabe stimmtlicher
Schriften. I. (Commencement d'une vaste et utile entreprise.) —
Krauss, Friedrich der Grosse und die deutsche Poésie. (Quelques points
nouveaux et importants, quoique le sujet ait été si souvent traité.) —
PouGiN, Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui
s'y rattachent, poétique, musique, danse, etc. (Livre de luxe plutôt
qu'un réel manuel.) — Erman, Deutsche Medailleure des XVI. u.
XVII. Jahrhunderts. (Travail intéressant et qui sera utile.) — Tikka-
NEN, der malerische Styl Giotto's (Travail écrit en allemand par un Fin-
landais et qui enrichit réellement l'histoire de l'art.)
Deutsche Literaturzeitung, n" 22, 3o mars j885 : Spitzer, Nouvelle
défense de Thomas à Kempis, en réponse à Denifie. (Hôlscher :
n'avance pas la question.) — Beard, Die Reformation des XVI.
Jahrhunderts inihrem Verhaltniss zum modernen Denken und 'Wissen,
ûbers. v. Hai.verscheid. (Instructif.) — Petersen, Henrik Steffens, ein
Lebensbild, aus dem dtinischen von Michelsen. — Oesterlen, Studien
zu Vergil und Horaz. (Léo : recherches sans résultats.) — Sal. Reinach,
Manuel de philologie classique, tome I et II. (Hertz : savant, solide,
bien conçu, le sera plus encore dans les éditions postérieures.) — Lam-
prechts Alexander, p. p. Kinzel (Schroder : très bonne publication). —
Bilder aus der Schillerzeit mit ungedruckten Briefen an Schiller, hrsg.
v. Speidel u. Witmann (Minor : intéressant). — La Rochefoucauld,
œuvres, III, i. Lexique de la langue avec une introd. gramm. par
H. Régnier. (Koschwitz : « Ne mérite pas, considéré comme produc-
tion scientifique, un très haut rang ni Téloge qu'on a coutume de donner
aux autres volumes de la collection »). — Vierteljahrschrift fur Cultur
und Liieratur der Renaissance hrsg. v. Geiger. I, i. (Voigt : de riches
et bons matériaux.) — Bladé, Èpigraphie antique de la Gascogne.
(J. Schmidt : ce n'est pas une èpigraphie, ce sont les matériaux d'une
èpigraphie.) — Ranke, Weltgeschichte, V, diearabische Weltherrschaft
u. das Reich Karls des Grossen. (Kaufmann : les chapitres qui traitent
de la naissance et de l'extension de l'Islam, sont admirables par l'abon-
dance des recherches spéciales.) — Giseke, Die Hirschauer wilhrend des
Investiturtreites. (Breslau.) — Schwarz, Landgraf Philipp von Hessen
u. die Packschen Hilndel. (Friedensburg.) — Paulitschke, dieSûdân-
lânder nach dem gegenwiirtigen Stande der Kenntniss. — REiMERS,Zur
Entwickelung des dorischen Tempels (Bohn). — R. von Scherek,
Handbuch des Kirchenrechtes.
Berliner Philologische Wochenplirift, 6 juin i885, n° 2 3 : Démosthène,
Plaidoyers politiques, 2'' éd. par H. Weil (W. Nitsche : « Le tiire
d'édition entièrement revue et corrigée est bien justifié. ») — Studia
NicoLAiTANA dem scheidenden Rektor Dr. Th. Vogel dargebracht von
dem Lehrercollegium der Nilcolaischule zu Leipzig (W. Larteld : Ce
volume de mélanges contient, entre autres écrits, R. Meister, Eine
neue Inschrift von Mijtilene [Mittheilungen des deutschen Instituts in
Athen, IX, p. 88 et suiv.], et H. Voigt, Ueber einige neugefundem
kyprische Inschriften, dont deux inédites.) — Fr. Fischer, De patriar-
chariim Constantinopolitanorum catalogis et de chronologia octo pri-
morum patriarcharum. Accedunt eiusmodi catalogi duo adhuc non
editi (Waschke : très utile). — A. Frankel, Studien zur rumischen
Geschichte. Heft I. Der Amtsanhitt der romischen Konsaln rvahrend
du Période 387-532 der Stadt. Das Verhàltniss des romischen Kaleu-
ders zum Iulianischen wahrend des Zeitraums 440-552 (H. Crohn). —
Hochegger, Die geschichtliche Entwicklung des Farbensinnes (H.
Magnus : trop philosophique et pas assez physiologique). H. Faye Sur
l'origine du monde. Théories cosmogoniques des anciens et des moder-
nes (P. V. GiRYCKi : superficiel en ce qui concerne l'antiquité). — K.
KiRCHNER, Dialetik des Geistes. Eine Anleitung. Zur Seibsterziehung
(Th. Engiser : spirituel et profond). — Analyse des programmes et
dissertations académiques de Tuniversité de Strasbourg en i883 (Hûtte-
mann).
Theologische Literaturzeitung, no 10, 16 mai i885 : Heinrici, Von Wesen
und Aufgabe der evangelisch-theologischen Facultiiten. (Holtzmann.)
— ScHOLTËN, Die Taufîormel, aus dem hoiland. ûbersetzt von Gubalke.
— G. Mueller, De nonnullis doctrinae gnosticae vestigiis quae in
quarto Evangelio inesse feruntur. — A Biedermann, Christliche Dog-
matik, I, der principielle Theil, 2° erweiterte Auflage. — M£c;cXcÔ7:aç,
Su[j,6o>vf/.'}] TYJç opOoûo^cu àvazoXr/.Ti:; £y,y.A'^c:iaç. Ta cu[J.êoA'./.i fiiÊAïa. TLCy.oç A.
OXFORD
at the Clarendon Press.
CORPUS POETICUM BOREALE
THE POETRY
of the
OLD NORTHERN TONGUE
from the eariiest times to the thirteenth century
edited
classified and translated
with
introduction , excursus and notes
by
Gudbrand Vigfusson, M. A.
and
F. York PowELL, M, A.
Vol. 1. Eddie poetry (cxxx a. 576 p.)
Vol. II. Court poetry (712 p.)
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
VIENT DE PARAITRE
PUBLICATIONS
DE
L'ÉCOLE DES lAJiGUES ORIEWALES VIVANTES
PREMIERE SERIE
CHRONIQUE DE MOLDAVIE d^Urechi, texte roumain et traduc-
tion, par Em. Picot. Fasc, 4 5 fr.
DEUXIEME SERIE
Tome XIV, XV. Kim Vân Kieu tân truyen, poème annamite, publié
et traduit pour la première fois, par A. des Michels. Tome I,
transcription, traduction et notes i5 fr.
— Tome II, 2* partie. Texte en caractères figuratifs. In-8.. 10 fr.
Tome XVI. Histoire des dynasties divines, publiée en japonais, traduite
etaccompagnéed'uneglose, par L. DE RosNY. I. La Genèse, ln-8. i5fr.
LA RHÉTORIQUE SANSCRITE, exposée dans son développement
t; historique et ses rapports avec la rhétorique classique, par Paul
Regnaud. ln-8 16 fr.
QUATRIÈME CROISADE. La diversion sur Zara et Constanti-
nople, par J. Tessier. In-8 7 5o
MANUEL DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS, par C. P. Tiele.
Traduit du hollandais, par M. Vernes.' Nouvelle édition revue et
augmentée d'une bibliographie. In- 18 5 fr.
ÉTUDE SUR LA VIE DE SÉNÈQUE, par M. Hochart. In-8. 6 fr.
LE SAINT SIÈGE, LA POLOGNE ET MOSCOU, par le P. Pierling.
In-i8, elzévir 2 5o
LA THÉODICÈE DE LA BHAGAVaD-GITA, étudiée en elle-même
et dans ses origines, par Ph. Colinet, In-8 3 fr.
DU BRAHMANISME et de ses rapports avec le judaïsme et le chris-
tianisme, par Mgr Laouenan. Tome I, orné de 2 cartes. In-8. 12 fr.
L^ÉLYSÉE DES MEXICAINS, comparé à celui des Celtes, par E.
Beauvois. In-8 5 fr.
LE CULTE DES ANCÊTRES et le culte des morts chez les Arabes,
par GoLDZiHER. In-8 i 5o
Le f'uy. imprimerie Marchessou Jils, boulevard Saint- Laurent, 23.
N° 25 Dix-neuvième année 22 juin 1885
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIE SOUS LA DIRECTION
DE MM. J.DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Ghuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 23 fr,
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adj'esser les communications concernant la rédaction à M. A. Ghuquet
(Au bureau de \a Revue : nie Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, et
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
RECUEIL D'ARCHÉOLOGIE ORÏEN^
1 ALc, par Ch. Clermont-Ganneau. Avec planches et gravures.
Fascicule 1 5 fr.
Cinq fascicules formeront un volume, auquel on peut souscrire
au prix de „ 20 fr.
ÉTUDES D'ARCHÉOLOGIE ET DE
MYTHOLOGIE GAULOISES. Deuxstèiesde
Laraire. Suivi d'un appendice et d'une note sur le signe S, par Ed.
Flouest. In-8, avec 19 planches 6 fr.
CONTES FRANÇAIS, recueillis par E. Henry Garnay.
In-i8.. '. '. 5 fr.
Forme le tome VIII de la Collection de Contes et Chansons populaires.
LA PERSÉCUTION DES CHRÉTIENS
SOUS NERON (Etudes au sujet de), par P. Hochart.
In-8 6 fr.
PÉRIODIQUES
The Academy, n" 682, 3o mai, i885 : The Holy Bible, containing the
Old and New Testaments translated out of the original tongues, being
the version set forth A. D. i6i i revised. (Premier article.) — Wharton,
Sappho, memoir, text, selected renderings and a literal translation.
(Elton : Fintroduction est écrite avec soin.) — Oman, The art of war in
the middle âges, with maps and plans. (Boase : très clair et très ins-
tructif dans sa brièveté.) — Boissevain, Story of the life and aspirations
of Koolmans Beynen, translated by M. M. (Temple.) — Webb, The
Veil of Isis (suite d'essais sur l'idéalisme). — Victor Hugo — Daniel
Schenkel — The barons of Criche, (Waters.) — Tyndale's « Penta-
teuch » (Mombert) — Die Gedichte des Calullus, hrsg. und erkUlrt von
Alex. RiESE. (Postgate : œuvre de valeur, commentaire pratique.) —
Latin Lforo (Mayhew). — Egypt Exploration Fund (Reginald Stuart
Poole.)
— N° 683, 6 juin i885 : Jeaffreson, The real Shelley, new views of
the poètes life. 2 vols. (Dowden : livre qu'on doit se garder de prendre
pour guide ; il a été composé sans beaucoup de soin — l'auteur de Tar-
ticle cite trente erreurs — et avec un parti-pris contre Shelley.) — For-
ées, A naturalist's wanderings in the Eastern Archipelago. — Keene, A
sketch of the history of Hindustan from the lirst muslim conquest to
the fall of the Mughol Empire. (Wollaston.) — The Genealogist, new
séries, vol. I — Current theology (entre autres La didachè p. p. Saba-
T1ER : addition bienvenue à la littérature du sujet, arguments d'une
force considérable). — University jottings. — Two sonnets of Goethe.
(Southward : I- A great surprise, II. A friendly meeting.) — The Na-
tional Anthem in India. — The romanisation of the japanese language
(Chamberlain). — The Bacon-Shakespeare theory in Germany (David
Asher). — Arethusa and Alpheus (von Duhn). — The barons of Criche.
— M. Tulli Ciceronis Academica, the text revised and explained by
Reid. (Wilkins : prendra rang parmi les meilleures publications de la
philologie latine contemporaine.) — M. Bendall's report on sanskrit
mss. (Tiré du « Cambridge University Reporter. ») — Latin l for d.
(Postgate.) — Stanley Lane-Poole, Coins and medals, their place in
history and art. (Oman : excellent ouvrage consistant en dix essais ou
études.) — The discovery of Pithom (Pleyte).
The Athenaeum, n" 3oo5, 3o mai i885 : J. Jeaffreson, The real Shelley,
new views of the poet's life, 2 vols. (Premier article.) — J. F. and
D. M' Lennan, The patriarchal theory. — DelMar, A history of money
in ancient countries from the earliest times to the présent. (L'auteur a
pris beaucoup de peine, mais il n'a pas les connaissances historiques
exactes et le jugement critique que doit avoir l'auteur d'une « histoire
de la monnaie » digne de ce nom.) — The « Dictionary of national l?io-
graphy ». (Liste des futurs articles de Chardin à Christiana.) — Genesis,
XLix, 10 a until Shiloh comc » (Neubauer). — Victor Hugo (Henley).
— Notes from Athens. (Hirst.)
— N» 3oo6, 6 juin i885 : S. Tronholt, Under the rays of the aurora
borealis, in the land of the Lapps and Kvœns, p. p. Siewers. — Jeaf-
freson, The real Shelley, new views of the poet's life. (Second article :
livre important en somme, mais âprement hostile à Shelley et qui sera
révangile de ceux qui aujourd'hui détestent, décrient et raillent un des
plus grands poètes et des plus passionnés.) — The Ordinancesof Manu,
translated from the sanskrit, with an introduction by Burnell, comple-
ted and edited by Hopkins. — The expulsion of Shelley (Grifïith :
communique l'extrait des registres de l'University Collège, d'Oxford, du
25 mars 1811 «... Hogg and Shelley be publicly expelled... «) —
M. John Colquhoun. — An incident in the liistory of Trinity Collège,
Cambridge (Airy et Luard). — The « Dictionary of national biogra-
phy ». (Liste des futurs articles de Christie à St. Clarus.) — The late
Mrs. Ewing. — The Hartley library. — Notes from Dublin. — Notes
from Jérusalem (Hanauer).
Literarisches Centralblatt, n» 24, 6 juin i885 : H. Zeller, Biblisches
Worterbuch fur das christiiche Volk. — Aica/v] twv cwcsy.a à-os-:6/.ojv,
la didaché ou renseignement des douze apôtres, texte grec retrouvé par
Philotheos Bryennios, publié pour la première fois en France avec un
commentaire par P. Sabatier, (Excellent travail qui soulève avec esprit
une foule de questions, sans les résoudre toutes définitivement, mais
qu'on lira et consultera avec le plus vif intérêt.) — Monumenta sac-
culi XVI historiam illustrantia, p. p. Balan, vol. I. démentis VII
epistolae per Sadoletum scriptae. (Très bon recueil.) — A. Frunkel,
Studien zur rOmischen Geschichte, I, (Le compte-rendu analyse l'ou-
vrage et en indique brièvement les résultats.) — L. Schmid, Der Ur-
stamm der Hohenzollern und seine Verzweigungen, I. (Recherches
dignes d'attention.) — Pajol, Les guerres sous Louis XV, III, 1740-
48, Italie-Flandre. — von Loher, Beitrilge zur Geschichte und Vulker-
kunde, vol. I. (Suite d'essais qui auront quatre volumes; celui-ci
renferme 21 études diverses, où il v a çà et là des légèretés.) — Pohle,
P. Angelo Secchi, ein Lebens-und Culturbiid. — Judicia placiti régis
Damai justiiiarii, p. p. Sécher, i6o5-i6o8; Sécher, cm Vitterlighed og
Vidnebevis i den aeldere danske procès, retshistoriske Studier, 1. —
Brugman, Zum heutigen Stand der Sprachwissenschaft ; Delbrûck, Die
neueste Sprachforschung, Betrachtungen uber G. Curtius^ Schrift zur
Kritik der neuesten Sprachforschung, (L'auteur de l'article adhère plei-
nement aux conclusions de Brugman et juge que l'étude de Delbrûck
ne montre pas assez les différences qui séparent la nouvelle école de
l'ancienne représentée par Schleicher et G. Curtius.) — Gitlbauer,
philologische Streifzuge, I. (Sur vr|S'j;xi; dans Homère, sur les éléments
de la strophe du chœur grec, le Bellum gallicum de César.) — Oester-
LEN, Studien zu Vergil und Horaz. (Instructif et impartial.) — Sedulii
opéra omnia, p. p. Huemer. (Très bon et fort soigné.") — Blûmner, Tech-
nologie und Terminologie der Gewerbe und Kunste bei Griechen und
Rômern, III. — Tondeur, die Gigantomachie des pergamenischen Al-
tars, Skizzen zur Wiederherstellung derselben entworfen, erltlutert von
Tre.n'delenburg .
Deutsche Litteraturzeitimg', n» 2 3, 6 juin i885 : Kautzsch, Hagcnbachs
Encyclopàdie u. Méthodologie der theologischen Wissenschaften,
11^ Auflage. — Pfleiderer, Religionsphilosophie auf geschichtlicher
Grundlage, 2« Auti. — The Sankhya Aphorisms of Kapila wiih illus-
trative extracts from the commentaries, translated by Ballantyne,
3^ edit. (Deussen : le meilleur travail sur le sujet.) — A. Grim.m, Ueber
die baskische Sprache und Sprachforschung; Hannemann, Prolegomena
zur baskischen oder kantabrischen Sprache. (Tomaschek : le travail de
Grimm est une excellente introduction à l'étude du basque; celui de
Hannemann est absolument contraire à la méthode scientifique.) — He-
rodoti Historiae rec. H. Steim, I et II, (Diels : seralebienvenu.) — Heikel,
De participiorum apud Herodotum usu. (Diels : souvent juste, mais en
Tensemble un peu trop sec.) — Goethe-Jahrbuch, hrsg. vouGeiger, VL
(E. Schmidt : très bonne suite de cette publication annuelle si utile et si
attachante.) — Henkel, das Gœthesche Gleichnis, II. (Jaccby : suite
de ces recherches très importantes.) — Clédat, Grammaire élémentaire
de la vieille langue française. (Schwan : exposé en général vague et
inexact; n'atteint pas son but; l'auteur a néanmoins rassemblé de nom-
breux matériaux. — Blasius, Konig Enzio, ein Beitrag zur Geschichte
Kaisers Friedrichs II. (Bernhardi : a tous les mérites d'une bonne dis-
sertation.) — Lauk, Fcrreto von Vicenza, seine Dichtungen und sein
Geschichtswerk. ein Beitrag zur Geschiclite des Humanismus; im
Anhang : die Gesta Florentmorum und ihre Benutzer. (Wenck : très
intéressante et remarquable contribution à Tétude de Ferreto.) — Tage-
buch Susannens, Baronin von Albret Miossens, 1 548-1572, p. p.
Wackerhagen. — Kôlner Schreinsurkunden des XII. Jahrhunderts,
Quellen zur Rechts-und Wirthschaftsgeschichte der Stadt Coin, hrsg.
V. MoKNTGER. I, I. — BaHR, Einc deutsche Stadt von sechzig Jahren.
(Boos : la ville dont traite l'auteur est Cassel.) — G. Meyer von Kro-
NAU, Aus einer zûrcherischen Familienchronik, als Einleitung zu den
Lebenserinnerungen von Ludwig Meyer von Knonau 1 769-1841. —
M. Strack, Aus Sud und Ost, I. Sammlung, das geeinte Italien, Sici-
lien, Bilder aus Griechenland und Kleinasien, hrsg. von H. L. Strack.
— Mittheilungen zur Geschichte des Heidelberger Schlosses, hrsg. vom
Heidelberger Schlossverein, I.
Theologische Literaturzeittm», n" 11, 3o mai i885 : Cheyne. The book of
Psalms, translated; Cross, Somes notes on the book of Psalms. —
P. ScHMTDT, Der erste Thessalonicherbrief neu erkUlrt. — Birt, De mo-
ribus Christian is quantum Stiliconis aetate in aula imperatoria occiden-
tali vaîuerint disputatio. (Harnack : prouve d'une façon convaincante
que la cour de l'empire d'Occident, tant qu'elle fut sous l'influence du
tout-puissant Stilicon de 095 à 408, a été l'asile des idées païennes.) —
Sedulii opéra omnia, p. p. Huemer; Claudiani Mamerti opéra, p. p.
Engei.brecht. (Lipsius : deux nouvelles et remarquables éditions dues à
deux élèves de Hartel.) — O Schmidt: Luther's Bekanntschaft mit den
alten Klassikern. (Enders : travail complet et qui sera d'une grande
utilité.) — Zitztaff, G. Bugenhagen, Pomeranus; Knauth, Bugenha-
gen; Petrich, Bugenhagen-Biichlein. (Rade.) — Wixz, Zwingli, Vor-
triige. fStaehelin.) — M. Carrière, Kunst im Zusammenhange mit der
Culturentwickelung u. die Idéale der Menschheit, 3^ Aufl. (Nouvelle
édition de cette œuvre si méritoire et si importante; on remarquera
surtout les chapitres relatifs à la Réforme et à la Renaissance.)
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
ARCHIVES DE L'ORIENT LATIN
Publiées sous la direction de
M. le Comte RIANT. Tome I.
Un fort volume in-8 3o fr.
RÉSUMÉ HISTORIQUE
DES PRINCIPAUX TRAITÉS DE PAIX
Conclus entre les puissances européennes depuis le traité de Westphalie
(1648) jusqu'au traité de Berlin (1878)
Par le Prince A. M. OUROUSSOW.
Un beau volume gr. in-8 16 fr.
Le i'uy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 2.î.
N" 26 Dix-neuvième année 29 juin 1885
REVUE CRÏTIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. J. DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARiS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 25 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28 , RUE BONAPARTE, 28
Adresser les commimicatio7is concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Kevue ; nie Bonaparte, 28),
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, et
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
QUATRIÈME CROISADE. La diversion sur Zara
et Constantinople, par J. Tessier, professeur à la Faculté des Lettres
de Caen. In-8 7 5o
ÉTUDES D'ARCHÉOLOGIE ET DE
MYTHOLOGIE GAULOISES. Deuxstaesde
Laraire, suivies d^un appendice et d'une note sur le signe symbolique
en S. Avec 19 planches, par Ed. Flouest, de la Société des Anti-
quaires. In-8, 19 planches hors texte 6 fr,
CONTES FRANÇAIS, recueillis par E. Henry Carnoy.
In-i8 ?: 5 fr.
Forme le tome VIII de la Collection de Contes et Chansons populaires.
LE SAINT-SIÈGE, LA POLOGNE ET
MOSCOU (1582-1587), par le P. Pierling. In-i8, elzé-
vir 2 5o
Forme le tome VII de la Bibliothèque slave el^évirienne .
1
/
PÉRIODIQUES
The Acaclemy, n" 684, i3 juin i885 : Abbott, Francis Bacon, an ac-
coLint ot lîis life and works. (Gardiner.) — The Ingénions Gentleman;
Don Quixote of La Mancha, by Miguel de Cervantes Saavedra, a trans-
lation, with introduction and notes by John Ormsby, vol. I. (Webster:
sans être Fidéal, cette traduction doit être recommandée au lecteur an-
glais.) — J. Conrad, The German universities tor the iast Hfty years. —
Glassical books: Hadley a. Allen, A Greek grammar; Mergukt, Lexi-
con zu den Schriften Cilsars, I ; Meusel, Lexicon Caesarianum, I.
(Meusel est plus complet, plus soigné, plus minutieux que Merguet) ;
De bello gallico commentarius octavus, p. p. Peskett; Letters of Ci-
cero, p. p. Muirhkad; YouNG, Proœmia graeca: etc.) — Correspon-
dence « The real Shelley » (Jeaffreson : protestation contre l'article de
M. Dowden) — The Merton professorship. (Sweet.) — The barons of
Criche (Yeatman et Round). — The c Langandene » of King Alfred's
will (Tomkinsl. — G. Schneider, Die platonische Metaphysik auf
Grund der im Philebus gegebenen Principien in ihren wesentlichsten
Zûgen dargestellt. (Micks : livre clair sur un sujet obscur.) — Latin l
for D. (Sayce : Tadmôr est devenu en grec et en latin Palmyra.) — The
« Zafar Nameh » of Humdullah, Mustauh (Churchill). — Perrot a Chi-
piez, History of art in Phoenicia and its dependencies, translated by
Armstrong, 2 vols. (Sayce : les deux auteurs « hâve again enriched
science with a princely gifr. y>)
The Atheuaeum, n» 3007, i3 juin i885 : Abbott, Francis Bacon. (Ou-
vrage clairement écrit et de grande valeur.) — The Iliad of Homer,
with a verse translation by Green, I, books i-xii; translat. into English
Hexameter verse by Wright, books I-IV ; done into English verse,
books I-VI by Way. — The marriage, baptismal and burial registers
1 571- 1871, and monumental inscriptions of the Dutch Reformed
Church, Austin Friars, London, edited by Moens. — Our library table
(James Darmksteter, The Madhi post and présent « pleasant and ins-
tructive reading » ; Whauton, Sappho, a memoir and a translation,
etc.") — The ancient palm-leaves of Horiuzi. (Max MûUer.) — The
dictionary of national biography (liste des futurs articles de Clater à
Collins). — The expulsion of Shelley and Hogg (Jeaffreson). — The
Harley library. — The Ansidei Raphaël.
Literarisclies Centralblatt, n" 25, i3 juin i885 : Haussleiter, De versio-
nibus_ Pastoris Hermae latinis (beaucoup de points instructifs). —
Sancti Fulgentii episcopi Ruspensis epistolae in unum corpus collectae,
p. p. HuRTER. — RoTH, Die Einfuhrung der Reformaîion in Nurnberg,
i5i7-i528, nach den Quellen dargestellt (Solidement fait). — Krause,
Einleitung in die Wissenschaftslehre, p. p. Hohlfeld u. Wûnsche. —
Hochegger, die geschichtliche Entwickelung des Farbensinnes, eine
physiologische Studie zur Entwickelungsgeschichte des Menschen
(travail d'ensemble, clair et inté.'essant sur la controverse soulevée au-
trefois par M. Gladstone). — Czoernig, die alten Volker Oberitaliens,
Italiker (Umbrer), Raeto-Etrusker, Raeto-Ladiner, Veneter, Kelto-
Romanen, eine ethnographische Skizze. (Cet ouvrage n'avancera guère
l'ethnographie de l'antiquité.) — Sieglin, Karte der Entwickelung des
rômischen Reichs, entworfen, gezeichnet und mit Erlauterungen verse-
hen, Separatabdruck aus Duruy-Hertzberg (fait avec soin et compé-
tence). — H. Schwarz, Landgraf Philipp von Hcssen und die Pack'
?chen Hilndel, eingeleitet von Maurenbrecher. — Stokar, Johann
Georg MûUer, Doctor der Théologie, Professer u. Oberschulherr za
Schafîhausen (hvre intéressant sur un ami de Herder). — Oppel, Land-
schaflskunde. — Der Codex Altenberger, Textabdruck der Her-
mannstadter Handschrift, hrsg. v. Lindner. — Von Wober, Die Rei-
chsberger Fehde und das Nibelungenlied. eine genealogische Studie
(Livre étrange et plein de fantaisies; le langage modeste de l'auteur dé-
sarme la critique, mais qu'il n'écrive plus sur les Nibelungen!) —
Gœthe, Gotz von Berlichingen, nouv. éd. avec introduction et com-
mentaire par A. Chuquet (« nouveau et solide travail, non moins
remarquable que la campagne de France parue l'année précédente;
dans rintroduction, l'auteur a su « die zur Geschichte, Kritik. und
Erkliirung des Dramas reichlich vorhandenen Materialien in leichtem
lichtem Aufbau mit Uriheil und Geschmack zu einem eigenen und ei-
genartigen Ganzen zu verarbeiten »; le commentaire très détaillé et
renfermant de bonnes remarques). — Reinhold Lenz, Lyrisches aus
seinem Nachlass, aufgefunden von Karl Ludwig (intéressant, fait avec
soin, mais publication d'amateur), — Frimmel, Zur Kritik von Dureras
Apokalypse und seines Wappens mit dem Todtenkopfe. — Beschrei-
bende Darstellungen der illteren Bau :=z und Kunstdenkmaler des Ko-
nigreichs Sachsen, II. xA.mthauptmannschaft Dippoldiswalde ; III
Amthauptmannschaft Freiberg, bearb. von Steche. — Catalogue of
Additions to the Mss. in the British Muséum, I et II; Index to the Ca-
talogue of Additions.
Deutsche Literaturzeitimg, n° 24, i3 juin i8S5 : P. Schmidt, Der erste
Thessalonicherbrief neu erklart. — Wahle, Gehirn und Bewusstsein.
— FowLER, Progressive morality, an essay in ethics. — Das Gobhila-
grhyasûtra hrsg. u. ubersetzt von Knauer, I. Text, nebst Einleitung.
(Oldenberg : bon travail.) — Szyrwids Punkty Kazan (Punktay Sa-
kimu) vom Jahre 1629, mit einer grammat. Einleitung von Garbe
[Littauische und lettische Drucke des XVI und XVII Jahrhunderts,
hrsg. V. Bezzenberger, IVJ. — T. Macci Plauti Mostellaria with notes
critical and exegetical and an introduction by Sonnknschein. (Léo : fait
par une main exercée: bonne connaissance de la littérature.) — F. Zarn-
CKE, Christian Reuter, der Verfasser des Schelmuffsky, sein Leben und
seine Werke. (Schlenther : de nombreux et nouveaux documents, pu-
bliés avec le plus grand soin ; mais exposition diiîuse qui souffre quel-
ques lacunes, arguments souvent peu soutenables.) — Mahrenholtz,
Voltaires Leben und Werke, I. (Bon, va de 1697 ^ ijSo.) — Lezius,
De Plutarchi in Galba et Othone fontibus (Klebs : soigné, sensé, sans
rien de nouveau.) — L. Schmid, die iilteste Geschichte des erlauchten
Gesammthauses der konigl. und fûrstlichen HohenzoUern. I. (Kuger :
beaucoup de soin et d'érudition, mais Fauteur ne s'est pas assez con-
centré.)— Waitz, Deutsche Verfassungsgeschichte, III. u.IV, 2'' Aufl.
Verfassung des frilnkischen Reichs. (Bresslau : de nombreuses et nou-
velles remarques, grande somme de travail et d'étude, qui a mis, au
bout de plus de vingt ans, cette seconde édition au niveau de la science.)
— V. LôHER, Beitrilge zur Geschichte und Volkerkunde, I, (Holst :
trop d'essais vieillis et où il eût fallu faire quelques changements.) —
F. MûLLER, Kalender-Tabellen, (Netto : beaucoup de choses utiles réu-
nies en un petit espace.) — Juristische Abhandlungen, Festgabe fur
Georg Beseler von Brunner, Hinschius, Pernice, Bernstein, Cosack,
Ryck, Eck, Goldschmidt, Gneist. Mommsen. (Holder.) — Reitzenstein
und Nasse, AgrarischeZustande in Frankreich und England.
Berliner Philologische Wochenschrifc, i3 juin i885, n" 24: Th.iMommsen,
Romische Geschichte. Funfter Baud. Die Provinzen von Casar bis
Diokletian. Mit zehn Karten von H. Kiepert (H. Schiller : « Eine
Arbeit, eigenartig und merkwûrdig vor vielen... ein Iv':-?î[j.a èç av.. » —
J. Sôrgel, Ausgewahlte Reden des Demosthenes, fur den Schulge-
brauch. II Bândchen (J. Peters : bon commentaire). — M. Tullii Ci-
CERONis Laelius de amicitia. Fur den Schulgebrauch erklilrt von
A. Strelitz (F, Millier). — M. Tullii Ciceronis in L. Catilinam ora-
tiones quattuor. Scholarum in usum recogn. R. Novak (F. Muller). —
W. JuDEiCH, Casar im Orient. Kritische (Jebersicht der Ereignisse vom
9 August 48 bis Oktober 47. (R. Schneider : important). — Titi Livi
ab urbe condita libri. Editionem primam curavit G. Weissenborn. Ed.
aliera quam curavit M. Muller, Lib. XXIV-XXX {-c- : très soigné).
— Ovide, Morceaux choisis des métamorphoses, etc., par L. Armengaud
(G. Knaack : « verbesserungsbediirftig » ; les vignettes sont de trop). —
Louis de Ronchaud, La tapisserie dans l'antiquité, le péplos d'Athéné,
la décoration intérieure du Parthénon (Biichsenschûtz : très belle exé-
cution, conclusions invraisemblables). — F. Hiittemann, Methodischer
Lehrgang der griechischen Sprache. Teil I. Grammatik. Teil II.
Uebungsbuch (Vollbrecht). — E. Kurtz, Griechisches Uebungsbuch
Zur Formenlehre und Syntax (E. Bachot). — Ch. Danjou, Précis de
grammaire latine (Th. Sorgenfrey : ne facilitera pas l'étude du latin,
comme le croit l'auteur). — M. Bréal et A. Bailly, Les mois latins
groupés d'après le sens et l'étymologie. Cours élémentaire (Th. Sor-
genfrey : « durchweg als gelungen zu bezeichnen. «) — Extraits des
programmes et écrits adadémiques de TUniversité deSrasbourg en i883
(Hiittemann).
Gcettingische gelehrte Anzeigen, n'> ii, i Juin i885 : von Czoer.mig, die
alten Vôlker Oberitaliens, eine ethnologische Studie (Deecke : Fauteur
n'a pas les connaissances scientifiques et critiques indispensables pour
traiter le sujet). — Jubeischrift zum neunzigsten Geburtstag des Dr.
L. ZuNz (D. Kaufmann). — Stûrzinger, Orthographia Gallica (Willen-
berg : précieuse édition d'un texte composé vraisemblablement du xiii^
au xive siècle par un Anglais).
— N° J2, Pajol, Les guerres sous Louis XV (Peukert : très long et
très savant article qui démontre que l'auteur des trois volumes déjà
parus n'a pas accompli sa tâche avec autant de profondeur qu''on le
croirait).
Theologische Literaturzeitung, n" 12, i3 juin i885 : Aug. Kôhler,
Lehrbuch der biblischen Geschichte Alten Testamentes, IL, i. —
BicKELL, Ein Papyrusfragment eines nichtkanonischen Evangeliums
(Harnack : Toute notre reconnaissance au savant sagace qui a décou-
vert ce diamant brut et l'a si bien poli). — Haussleiter, De versioni-
bus Pastoris Hermae latinis (Lipsius : n'est pas complet ni fait avec
une juste méthode). — Kleinermanns, Der dritte Orden der Busse des
heiligen Dominicus, quellenmassige Darstellung der Geschichte dessel-
ben von der Entstehung bis zur Bestàtigung durch die Papste Inno-
cenz Vil und Eugen IV (K. Muller : recherches tout à fait insuffi-
santes).
Le i'uy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
DIX-NEUVIEME ANNEE
II
( Nouvelle Série. — Tome XX).
REVUE CRITIQUE
D' HISTOIRE ET DE LITTERATURE
PUBLIKE SOUS LA DIRECTION DE
MM. J. DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la Rédaction : M, A. Chuquet
DIX-NEUVIEME ANNEE
DEUXlhMt; SEMîiSTKE
Nouvelle Série. — Tome XX
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIHKAIRK DE I,A SOClÉTlî ASIATIQUE
lE l.'hCC'I.E DES LANGUES ORIENTALES V I V A .N T K S , KTC.
28, RUE BONAPARTE, 28
l8S5
ANNEE 1885
TABLE DU DEUXIEME SEMESTRE
ARTICLES
k
TABLE ALPHABETIQUE
art. pa.^es
Abbt (Thomas), contribution à sa biographie 217 420
Abraham, Études sur Plante (Louis Duvau) 1 13 5
Adam, le Taensa a-t-il été forgé de toutes pièces? 164 197
Allard, Histoire des persécutions pendant les deux premiers
siècles d'après les documents archéologiques (G. Lacour-
Gayet) 222 4:0
Armitage, Sermons du xii° siècle en vieux provençal (Ant.
Thomas) \5j 168
Augustin, extraits par Eugippius, p. p. Knoell (Salomon
Reinach) 216 414
Autriche (Contributions à la littérature de 1') 212 SgS
Baldy, Traduction de Kraner, l'armée romaine au temps
de César 170 221
Batz-Trinquelléon, Henri IV en Gascogne (T. de L.) . . . 193 299
Baunack (J. et Th.), L'inscription de Gortyne (M. Bréal) . . 192 294
Bekker, Marie Stuart, Darnley, Bothwell (R.) 116 9
BÉMONT, Simon de Montfort (J. J. Jusserand) i33 93
Benamozegh, Israël et humanité (M. V.) 190 293
Bengesco, Voltaire, Bibliographie de ses œuvres, II
(M. Tourneux) „ 175 235
Benoist, Edition du V^ livre de Lucrèce 178 25o
Bergaigne, Manuel pour étudier la langue sanscrite
(A. Barth) 168 2i3
Bezold, Lettres du palatin Jean Casimir, I (R.) 174 233
Birt, Le livre chez les anciens (Em. Thomas) i32 87
Boèce, Commentaire sur les Topiques i56 167
BoGisic, De la forme dite inokostina de la famille rurale
chez les Serbes et les Croates (P. VioUet) 2 38 5o5
VI TABLE DES MATIERES
BoRMANN, Corpus des inscriptions latines, VI ibô
Bouché-Leclercq, Traduction de l'hiisloire de l'heliénisme
de Droysen, III (P. G.) 2o3
BuACQUEMOND, Du dcssin et de la coulcur (A. D.) 121
Brémont d'Ars (de), Jean de Vivonne (E. B.) t38
Brinton, le Taensa ► 164
Brugmann, De l'état actuel delà linguistique (Victor Henry). 145
Bucheler et ZiTELMANN, Lc droit de Gortyne (M. Brcal). . . 192
— (Théodore Reinach) . iq5
Caillemkr, Lettres de divers savants à Tabbé Nicaise
(T. deL.) !S8
Catt (de), Entretiens avec Frédéric II, p. p. Koser (A. Chu-
quet) 194
Chuquet (A.), Edition du Gotz de Berlichingen, de Gœthe. i25
Cicéron, le pro Roscio, p. p. Landgraf (Eni. Thomas).. . . 128
Comparetti, Lois anciennes de la ville de Gortyne
(M. Bréal). 192
Copernic 1 3/
Corpus des inscriptions latines, VI, p. p. Bormann, Henzen,
HuLSEN (R. Mowat) i65
Csoma, sa vie et ses œuvres 1 34
CuQ, Le conseil des empereurs, d'Augliste à Dioclétien
(G. JuUian) i35
Dareste (R ), La loi de Gortyne (M. Bréal) 192
Davoiit, sa correspondance, p. p. de Mazade (A. Chuquet). 241
Derenbourg (H.) et Spiro, Chrestomathie arabe (^R. Duval). 176
Desnoiresterres, La comédie satirique au xvm" siècle
(M. Tourneux) 183
Des Robert, Correspondance du duc de Lorraine Nicolas
François (T. de L.) 162
Desrousseaux, Edition des Dialogues des morts de Lucien, i 3o
DiTTENBERGER, Rccucil d'iuscriptious grecques (B, Haus-
souUieT) 112
Dobrowsky et Kopitar, leur correspondance, p. p. Jagic
(Louis Léger) 234
Donatello 233
Douais, Les frères prêcheurs en Gascogne au xiu° et au
xiv« siècle (A. Molinier) 289
Droysen, Histoire de Théllénisme, III (P. G.) 2o3
DuKA, Vie et oeuvres de Csoma (L. Feer) i34
DuRUY (Alb.), Hoche et Marceau (A. Chuquet] 129
DUntzer, Lettres de Charles Auguste à Knsbel et à Einsie-
del (A. Chucjuet) t • • • • • t . • • 1 • « « • • 21/
pagss
365
32
I 12
197
i33
294
0 [7
283
3o5
5,4
71
294
log
200
10 1
43 1
104
294
24D
258
190
85
486
485
5 06
365
lor
431
73
7 436
TABLE DK5 MATIKRlîS VU
nit. P'Ti'^''
— Gœthe et Weimar (A. Chuquet) 200 35o
DussiEux, Lettres intimes de Henri IV, 2° édition (T. de L.). 193 Soi
Engelbrecht, édition de Mamert 216 414
Eraclius, p. p. Graef (A. Chuquei;') 204 366
EsPERANDiEu, Eplgraphie des environs de Kef (Salomon
Reinacli) 179 252
Etat-major allemand, publications historiques, 1-VI
(A. Ciiuquet) 2 35 491
Eugippius, extraits d'Augustin 216 414
Fancantlldi politique de Richelieu iSi 255
Filon, Histoire de la littérature anglaise (M. P.) 2i3 399
Flach, Edition de la Chronique de Paros (Paul Girard). . . i.jo i5o
François 1^'', roi de France 156 32 t
Frédéric II, ses entretiens avec de Catt 194 3o5
Fredericq, Travaux de l'Universiia de Liège (R.) ï 53 )6o
Gaedertz, Le drame et la comédie en bus-allemand (A. Chu-
quet) 217 424
Garrisson, Edit. des œuvres poétiques de Maynard i58 169
Gaster, La littérature populaire roumaine (Em. Picot). . . 147 140
Geer (Louis de) 142 124
Geley, Fancan et la politique de Richelieu (R.) 181 255
Genève (Histoire de) de 1 563 à 1 568 i23 5o
Gerber, Le langage comme art. — Le langage et la récogni-
tion (V. Henry) 184 269
GiRY, les Etablissements de Rouen (J. Havet) 147 iSy
Glaeser, Lûbeck et Ratekau, 1806 207 377
Glocic, La quesiion de la loi dans la vie de Jésus et la doc-
trine de Paul (M. V.) 172 229
Goblet d'Alviella, Des préjugés qui entravent l'étude
scientifique des religions (M. Vernes) 169 218
GoDEFROY, Dictionnaire de l'ancienne langue française, let-
tre F (A. Jacques) 160 i85
— Lettres G et H (A. Jacques) 218 426
Gœthe, Gotz de Berlichingen, p. p. A. Chuquet (E. Lich-
tenberger) i25 54
— p. p. E. Lichtenberger (A. Chuquet) 200 346
— Editions diverses, p. p. Schrosr, Steiner, DQntzer et
Keck (A. Chuquet) 200 346
Gœthe (œuvres de et sur) 200 345
Gœthe- Jahrbiich, p. p. L, Geiger, VI (A. Chuquet) 200 35o
Gortrne (la loi de) 192 294
195 317
Graef, édition de i'Eraclius (A Chuquet) 304 366
Guy.\z, Histoire des institutions municipales de Lyon avant
1789 (L. Giédat) , , 187 282
VIII TABLE DES MATIERES
art.
Hagedorn (Anne-Marie de) et ses lettres à son fils .... ; . 217
Hagmann, L'Essai sur les mœurs, de Voltaire (Ch. J.). . . . 143
Harrisse, Grandeur et décadence de la Colombine (A. O.). iS3
Haumonté, le Taensa 164
Hal'ssoullier, La vie municipale en Attique (Paul Gui-
raud) 2i5
Havet (J.), Questions mérovingiennes, I, la formule v. inl.
(H. d'Arbois de Jubainville) irS
Heisterbergk, Le jus italicum (Edouard Cuq) 198
Hekzen, Corpus des inscriptions latines i65
Henri IV en Gascogne igB
— Ses lettres intimes igS
Hersel, Les citations du pseudo-Longin (A. Cr.) 23 1
Hildebrand (Hugo), L'opinion d'Aristote sur le libre arbitre
(Théodore Reinach) 237
HiRZEL, Catalogue d'une bibliothèque de Gœthe (A, Chu-
quet) 200
Hoche 129
HoHENBiiHEL (de), sur le Tyrol 209
HoMMEL, La langue suméro-accadienne (J. Halévy) .... 122
HûBNER, Spécimen d'épigraphie latine (R. Mowat) i65
HuEMER, édition de Sedulius 216
HûLSEN, Corpus des inscriptions latines i65
Institut archéologique américain d'Athènes, I (Sal. Rei-
nach) 139
Jahn, Edition de la Prosopopée de Palamas 177
Jamblique, Vie de Pythagore, p. p. Nauck (A. M. Desrous-
seaux) 210
Jean Casimir (le palatin), ses lettres 174
Jensen, Une tablette assyrienne (J. Halévy), . , 126
Jugurtha, p. p. Lallier 221
Jus italicum (le) 198
Keck, Edition d'Hermann et Dorothée (A, Chnquet) 200
Keil, Des amis de Vienne, 1784- 1808 (A. Chuquet) 212
KiNDLER DE Knobloch, Le livrc d'or de Strasbourg (S.) ... iSo
Kleiber, Ce que Tacite doit dans le Dialogue des Orateurs
aux auteurs précédents (E. T.) , i5 i
Kleist (Ewald de), p. p. Sauer (A. Chuquet) 217
Kluge, Dictionnaire étymologique de la langue allemande
(J. Kirste) 249
Knoell, Edition des extraits d'Augustin par Eugippius ... 216
KocK, Fragments des comiques attiques, II (H. Weil). ... i85
KoHLER, Shakspeare devant le forum de la jurisprudence
(Ch. J.) 02
KosER, Edition des entretiens de Frédéric II et de Cait. . . 194
pages
422
126
260
197
413
24
34 [
200
299
3oi
484
502
0-0
378
45
200
414
200
117
249
389
^ '^ ^
200
61
438
341
356
395
204
\oo
418
5o8
414
275
157
3o5
TABLE DES MATIERKS IX
art. pnges
Kraner, L'armée romaine au temps de César (R. C.) . . . . 170 221
KûRscHNER, Collection de la littérature nationale allemande
(A. Chuquet) 225 448
KviCALA, Contributions à l'explication de TEneide (Em.
Thomas) 117 21
La foi chrétienne et la propagation du christianisme à To-
rigine (M. V.) 189 298
Lallier, Edition du Jugurtha de Salluste 221 438
Landgraf, Edit, du pro Roscio 128 71
Lanman, Textes sanscrits (A. Barth) lôS 216
Lantenay (de), Mélanges de biographie et d'histoire
(T. de L.) 2o5 567
Lantoine, Edition du V° livre de Lucrèce 178 2 5o
Larroumet, Traduction de Kraner, l'armée romaine au
temps de César 170 221
Latychew, Inscriptions grecques et latines du littoral du
Pont-Euxin (Théodore Reinach) 23o 481
Lechler , L^époque apostolique et l'époque post-apostolique
(M. Vernes) 199 841
Leher, Lettre d'un capitaine de cuirassiers sur la campagne
de Russie 202 357
Leroux, Molinier et A. Thomas, Documents historiques
bas-latins, provençaux et français, II (A) i36 107
Lewy, L'ancien droit de Gortyne (M. Bréalj 192 294
— (Théodore Reinach) igS 3j7
Lichtenberger (E.), Edition du Gutz de Berlichingen, de
Gœthe 200 346
Liège (l'Université de] et les travaux de son séminaire d'his-
toire i53 160
Liscon^ et sa carrière littéraire 217 422
LiTZMANN, Liscow (A. Chuquet) 217 422
— Lettres d'Anne-Marie de Hagedorn (A. Chuquet) 217 422
Lucien, Dialogue des morts, p. p. Tournier et Desrousseaux
(Em. Baudat] i3o 85
Lucrèce, V° livre, p, p. Benoist et Lantoine (Fr. Plessis) . . 178 25o
LuFFT, La prise du Schanzel. — La campagne de 1793 (C). 214 3o3
Lyall, Etudes sur les mœurs religieuses et sociales de l'Ex-
trême Orient !54 i65
L;^o?z avant 1789 1S7 282
Madvig, Adversaria critica 139 iSi
— Tite-Live,XXXI-XXXV (A. M. Desrousseaux) iSg 182
Mamert, p. p. Engelbrecht (Salomon Reinach) 216 414
Marceau 129 73
97
Marie Stiiart 116 q
X TABLE DES MATIKRES
art. pagîs
Martel (de), Les historiens fantaisistes, M. Thiers, II. La
pacification de l'ouest et la machine infernale (A. Chu-
quet] 197 33o
Mazade (de), Correspondance du maréchal Davout 241 5i3
Maynard, Œuvres poétiques p. p. Garrisson, I (A. Del-
boulle) 1 58 169
Meissxer, Les comédiens anglais en Autriche au temps de
Shaskspeare (A. Chuquet) 213 396
Mention, Le comte de Saint-Germain et ses réformes
(A. Chuquet) 229 472
MiRON DE L^EspiNAY, Frauçois Miron et l'administration
municipale de Paris sous Henri IV (P. B.) 228 444
MoNTAGNAC (de], Lettres d'uu soldat (C.) 219 429
Montreuil (Jean de) 119 27
MoRATTi, Arménien et indo-européen (V. Henry) 2 36 5oi
MowAT, Remarques sur les inscriptions antiques de Paris. 211 391
MûLLER (Fr.), Le Taensa n'a pas été forgé de toutes pièces. 164 197
MuLLER (Iwan), Manuel de l'antiquité classique, ï (Salo-
mon Reinach) 173 229
— II, 2 (Salomon Reinach) 227 463
MûNTz, La Renaissance en Italie et en France à l'époque
de Charles VIII (P. de Nolhac) 124 5i
MûNTz, Donatello (P. de Nolhac) 233 485
Napoléon^ général 2 35 497
Nauck, Vie de Pythagore, de Jamblique 210 389
Neumann et Partsch, Géographie physique de la Grèce
(Paul Girard) 116 21
JV/c<i:z5e (l'abbé) et ses correspondants ]88 285
NiLLEs, Etienne de Moldavie (Emile Picot) ii5 8
Nordli7îgue(\a bataille de) 224 447
OsTHOFF, De l'histoire du parfait dans les langues indo-
germaniques (^V. Henry) 149 149
Ovide et ses comparaisons 114 6
Pajol, Les guerres sous Louis XV, III (C). ........ 201 356
Palamas, Prosopopée, p. p. Jahn (Em. Baudat) 177 249
Paris (Paulin), Etudes sur François 1'='', roi de France, sur
sa vie privée et son règne (T. de L.) 196 321
Parisot, le Taensa 164 197
Paros (Chronique de) 149 i5o
Pauli, Les inscriptions en nord-étrusque (Michel Bréal). . . 232 484
Pentzhorn, Thomas Abbt (A. Chuquet) 217 423
Périclès général 127 71
Perry, d'Opitz à Lessing (A. Chuquet) 217 422
Peukert, Les mémoires du marquis de Valory 206 376
Pflugk-Harttung (de), Périclès général (Paul Girard). . . 127 71
TABLE DES MATIERES XI
art. pages
Philippson, Origines du catliolicisme moderne, la contre-
révolution religieuse au xvi« siècle (R.) 167 2o5
Prou, Les coutumes de Lorris(Louis Farges) 141 122
Prowe, Copernic, I et II (R.) , iSj 109
Pyra et son influence 217 419
Rahlenbeck, Metz et Thionville sous Charles-Quint (R,). i6i 188
Reinach (Th.), Histoire des Israélites (M. Vernes) 1S6 278
Reynald, Succession d'Espagne, Louis XIV et Guil-
laume III (R.) 144. 128
RoGET, Histoire du peuple de Genève (R.) î23 5o
Rouen (Etablissements de) v J47 187
RuBLE (de), Antoine de Bourbon et Jeanne d'Albret
(T. de L.) : 171 222
Saint-Germain (le comte de) et ses réformes 229 472
Salliiste^ Jugurtha, p. p. Lallier (Frédéric Plessis) 221 438
Sauer, Edition d'Ewald de Kleist 217 418
ScHLiTTER, l'Autriche et les Etats-Unis, 1778-1787 20S 877
ScHROER, Gœthe et l'amour (A. Chuquet). 200 352
— Editions de Gœthe 200 354
ScHucHARDT, Slavo-allemand et slavo-italien (L. L.) i63 190
ScHwicKERT, De la paix entre la philosophie et la religion
positive (M. V.) 191 294
— De rimportance de l'enseignement du grec (Salomon
Reinach) 220 437
Sébastian, L'organisation du patronat chez les Romains
(R. Cagnat) 146 i36
Sedidius, p. p. Huemer (Salomon Reinach) 216 414
Serviiis, Commentaire de l'Enéide p. p. Thilo, II (E. Tho-
mas) , 140 1 20
Shakspeare et la jurisprudence i52 157
Simon de Montjort^ comte de Leicester i33 93
Smith (miss Lucy Toulmin), les Mystères d'York (J. J. Jus-
serand)...- 22S 466
Spengler, Wolfgang Schmcltzl (A. Chuquet) 212 396
Stangl, Commentaire de Boèce sur les Topiques (0) i56 167
Steiner, Edition des œuvres scientifiques de Gœthe (A. Chu-
quet) 200 355
Stern (de), L'hégémonie iacédémonienne et thébaine (Paul
Girard) 1 3 1 86
Stieve, La politique de la Bavière, 09 1-1067 (R.) 120 3i
T'jciYe et le Dialogue des orateurs i5i î55
Taensa (le) et les travaux dont il a été l'objet (Victor Henry). 164 197
Thilo, Commentaire de Servius sur l'Enéide, II (E. Tho-
mas) .. . , 140 120
Thomas (Ant.), Jean de Montreuil (Ch. J.). 119 27
:Cir TABLE DES MATIERES
art. pages
rzïe-i/v^, XXXI-XXXV, p. p. Madvig i5y 182
TouBiN, Dictionnaireétymologiqueet explicatif de la langue
française (A. Dclboulle) 166 204
TouRNiER (Ed.), 2*^ édition des Dialogues des morts de Lu-
cien....- <• i3o 85
Valory, ses Mémoires 206 376
Viennoises (réimpressions), I-VI (A. Chuquet) 212 SgS
Vivonne (Jean de) 1 38 112
Voltaire, Bibliographie de ses œuvres 175 235
Voltaire, L'Essai sur les mœurs 143 126
Von der Goltz, Rossbach et léna (A. Chuquet) 235 488
Waniek, Pyra et son influence (A. Chuquet.) 217 419
Washietl, Les Comparaisons d'Ovide (W. Zingerlc) 1 14 6
Weinitz, La bataille de Nordlingue (C.) 224 447
Willems, Le sénat de la république romaine (C. Jullian).. i55 166
WiNKLER, L'ouralo-altaïque et ses groupes (V. Henry) .... 226 461
Witt (de), Un patricien au xvii^ siècle, Louis de Geer
(T. de L.) 142 124
York de Wartenbourg, Napoléon général, I (A. Chuquet). 235 497
ZiMMERN, Les psaumes de pénitence des Babyloniens (J. Ha-
lévy).. 126 6ï
TABLE PAR ORDRE DE MATIÈRES
Langues et littératures orientales.
Bergaigne, Manuel pour étudier la langue sanscrite (A.
Barth) 168 21 3
Derenbourg(H.) et SpiRo, Chrestomathiearabe. (R. Duval.) 176 245
Duka, Vie et œuvres de Csoma. (L. Feer.) 1 34 i o r
431
HoMMEL, La langue suméro-accadienne. (J. Halévy.) 122 45
Jensen, Une tablette assyrienne. (J. Halévy.) 126 61
Lanman, Textes sanscrits. (A. Barth.) 168 216
Lyall, Etudes sur les mœurs religieuses et sociales de
l'Extrême-Orient 134 i65
ZiNGUERN, Les psaumes de pénitence des Babyloniens. (J.
Halévy.) , 126 61
Linguistique.
Brug.mann, De l'état actuel de la linguistique. (V. Henry.).
Gerber, Le langage comme art. — Le langage et la réco-
145
-0"D^
33
TABLE DES MATIERES XIII
art. pages
gnition. (V. Henry.) 1 84 269
Haumonté, Parisot, Adam, Brinton, Fr. Mûller, Le Taensa.
(Victor Henry.) 1 64 197
Moratti, Arménien et indo-européen. (V. Henry.) 236 5oi
OsTHOFF, De riiistoire du parfait dans les langues indo-
germaniques. (V. Henry.) 149 i-,'9
ScHUCHARDT, Slavo-allcmand et slavo-italien. (L. L.) \65 190
WiNKLER, L'ouralo-altaïque et ses groupes. (V. Henry.)... 226 461
Epigraphic.
Corpus des Inscriptions latines VI, p.p. Bormann, Henzen,
HuLSEM. (R. Mowat.) iC5 200
Dittenberger, Recueil d'inscriptions grecques. (B, Haus-
EouUier. ) 112 i
Esperandieu, Epigraphie des environs de Kef. (Salomon
Reinach.).,.; ^79 =52
HuBNER, Spécimens d'épigraphie latine. (R. Mowat.) io5 200
Institut archéologique américain d'Athènes, I. (Salomon
Reinach.) i39 117
Latychew, Inscriptions grecques et latines du littoral du
Pont-Euxin. (Théodore Reinach,) 23o 481
MowAT, Remarques sur les inscriptions antiques de Paris. 211 891
Pauli, Les inscriptions en nord-étrusque. (Michel Bréal.). 232 484
Histoire grecque.
Droysen, Histoire de l'hellénisme, III. (P. G.) 2o3 365
HAUssouLLiER,LaviemunicipaleenAttique. (PaulGuiraud.) 2i5 4i3
Neumann et Partsch, Géographie physique de la Grèce.
(Paul Girard.), , , 116 21
Pflugk-Hauttung (de), Périclès général. (Paul Girard.). . . 127 71
Stern (de). L'hégémonie lacédémonicnne et thébaine. (Paul
Girard.) i3( 86
Histoire romaine.
Allard, Histoire des persécutions pendant les deux premiers
siècles d'après les documents archéologiques. (G. Lacour-
Gavet.) 222 <i2o
CuQ, Le conseil des empereurs, d'Auguste à Diociétien. (G.
XIV
TABLE DES MATIERES
crt
JuUian.) i35
Kraner, L'armée romaine au temps de César. (R. C.) 1 70
Sébastian, ^organisation du patronat chez les Romains.
(R. Gagnât.) 1 46
WiLLEMs, Le sénat de la republique romaine. (C. Juliian.) i55
pages
104
i36
1Ô6
Langue et littérature grecques.
Flach, Edition de la Chronique de Paros. (Paul Girard.). . 149
Hersel, Les citations du pseudo-Longin. (A. Gr.) 23 1
HiLDEBRAND, (Hugo), L'opiuiou d^Aristote sur le libre arbi-
tre. (Théodore Reinach.) 287
Jamblique, Vie de Pythagore, p.p. Nauck. (A, M. Desrous-
seaux.) 2 1 u
KocK, Fragments des comiques attiques, II. (H. Weil.),.. i85
Lucien, Dialogues des morts, p. p. Tournier et Desrous-
SEAUX. (Em. Baudat.) , 1 3o
Palamas, Prosopopée, p. p. Jahn. (Em. Baudat.) 177
ScHWiCKERT, De l'importance de l'enseignement du grec.
(Salomon Reinach.) 220
Langue et littérature latines.
Abraham, Etudes sur Plante. (Louis Duvau.) 1 13
Augustin, Extraits par Eugippius, p. p. Knoell. (Salomon
Reinach.) 216
BiRT, Le livre chez les anciens. (Em. Thomas.). i32
Cicéron, Le pro Roscio, p. p. Landgraf. (Em, Thomas.). 128
Kleiber, Ce que Tacite doit dans le Dialogue des Orateurs
aux auteurs précédents. (E. T.) 1 5 r
KvicALA, Contributions à l'explication de FEnéide. (Em.
Thomas.) 1 1 y
Lucrèce, V^ livre, p. p. Benoîst et Lantoine. (Fr. Piessis.) 178
Madvig, Adversaria critica i5g
— Tite-Live, XXXI-XXXV. (A. M. Desrousseaux.) 159
Mamert, p. p. Engelbrecht. (Salomon Reinach.) 216
MûLLER, Manuel de l'Antiquité classique, I. (Salomon
Reinach.) 173
— II, 2. (Salomon Reinach.) 227
Salluste, Jugurtha, p. p. Lallier. (Frédéric Piessis.) 221
Sedulius, p. p. HuEMER. (Salomon Reinach.)., 216
Servius, Commentaire de l'Enéide, p. p. Thilo, II. (E.
Thomas.) 140
00
484
5o2
389
275
85
249
437
414
87
71
r 55
21
25o
i8t
182
414
229
463
438
414
120
TABLE DES MATIERES XV
srr papes
Stangl, Commentaire sur les Topiques. (0.) • i56 167
Washietl, Les comparaisons d'Ovide, (W. Zingerle.) 114 6
Droit grec et romain.
Baunack (J. et Tii ), L'inscription de Gortyne. (M. Bréal.) 192 294
BûcHELER et Zitelmann, Le droit de Gortyne. (M. Bréal.]. . 192 294
— (Théodore Reinach.) = , i'j5 Siy
Comparetti, Lois anciennes sur !a ville de Gortyne. (M.
Bréal.) 192 294
Dareste (R.), La loi de Gortyne. (M. Bréal.) j 92 294
Heisterbergk, Le jus italicum. (Edouard Cuq.) 198 341
Lewv, L'ancien droit de Gortyne. (M. Bréal.) 192 294
— (Théodore Reinach.) 195 3iy
Histoire du moyen âge.
Bémont, Simon de Montfort. (J. J. Jusserand.) i33 93
Douais, Les frères prêcheurs en Gascogne au xni'' et xiv" siè-
cle. (A. Molinier.) 239 5o6
GiRY, Les établissements de Rouen. (J. Havet.) 147 137
Havet (J.), Questions mérovingiennes, I, la formule v. inl.
(H. d'Arbois de Juhainville.) , 118 24
Prou, Les coutumes de Lorris. (Louis Farges.) 141 122
Histoire des temps modernes.
Batz-Trinquellkon, Henri IV en Gascogne. (T. de L.) . . . 193 299
Bekker, Marie Stuart, Darnley, Bothwell. (R.) 116 9
Bezold, Lettres du palatin Jean Casimir, L (R.) 174 233
Brémond d'Ars, (de), Jean de Vivonne. (E. B.) i3S 112
Catt [dt]. Entretiens avec Frédéric II, p. p. Koser. (A.
Chuquet.) 194 3o5
Davout^Sa correspondance, p. p. de Mazade. (A. Chuquet). 241 5i3
Des Robert, Correspondance du duc de Lorraine Nicolas
François. (T. de L.) 162 190
DuRUY (Alb.) Hoche et Marceau. (A. Chuquet.) 129 73
Dussieux, Lettres intimes de Henri ÎV, 2^ édition. (T. de L.) 193 3oi
Etat-major allemand, publications historiques, I-VI. (A.
Chuquet.) 235 491
Fredericq, Travaux de l'Université de Liège. (R.) i53 160
XVI TABLE DES MATIERES
art. pages
Geley, Fancan et la politique de Richelieu. (R.) i8i i'55
Glaeser, Liibeck et Ratekau, 1806 207 877
GuYAZ, Histoire des institutions municipales de Lyon avant
1789. (L. Clédat.) 1S7 282
KiNDLER DE Knobloch. Le livrc d'or de Strasbourg. (S.).... 180 254
Lantenay (de), Mélanges de biographie et d'histoire. (T.
de L.) 2o5 367
Leher, Lettre d'un capitaine de cuirassiers sur la campagne
de Russie , , 202 357
Lufft, La prise du Schanzel. — La campagne de 1793. (C.) 214 403
Martel (de), Les historiens fantaisistes, M. Thiers, II, La
pacification de l'Ouest et la machine infernale. (A. Chu-
quet.) , 197 33o
Mention, Le comte de Saint-Germain et ses réformes. (A.
Chuquet.) 229 472
MiRON DE l'Espinay, François Miron et l'administration
municipale de Paris sous Henri IV. (P. B.) 223 444
MoNTAGNAC (de), Lettres d'un soldat. (C.) 219 429
NiLLEs, Etienne de Moldavie. (Emile Picot.) 1 1 5 8
Pajol, Les guerres sous Louis XV. II 1. (C.) 201 356
Paris (Paulin), Etudes sur François I<^'", roi de France, sur
sa vie privée et son règne. (T. de L.) 196 3 2 1
Peukert, Mémoires du marquis de Valory 206 376
Philippson, Origines du catholicisme moderne, la contre-
révolution religieuse au xvi^ siècle. (R.) 167 2o5
Prowe, Copernic, I et II. (R.) 137 109
Rahlexbeck, Metz et Thionville sous Charles-Quint. (R.). 161 188
Reynald , Succession d'Espagne, Louis XIV et Guil-
laume III. (R.) 144 128
RoGET, Histoire du peuple de Genève, VII. (R) i23 5o
RuBLE(de), Antoine de Bourbon et Jeanne d'Albret. (T.
de L.) i 171 222
ScHLiTTER, L"Autriche et les Etats-Unis, 1778-1787 208 377
Stieve, La politique de la Bavière, 1591-1607. (R.) 120 3i
VoN DER GoLTZ, Rossbach et léna. (A. Chuquet.) 235 488
Weinitz, La bataille de Nordlingue. (C.) 224 447
WiTT (de), Un patricien au xyiii^ siècle, Louis de Geer.
(T. de L.) , 142 124
York de Wartenbourg, Napoléon général, I. (A. Chuquet.) 233 497
Langue et littérature françaises.
Armitage, Sermons du xii^ siècle en vieux provençal. (Ant.
Thomas.) 157 168
I
I
TABLE DES MATIERES XVII
art. pages
Bengesco, Voltaire, Bibliographie de ses œuvres, II, (M.
Tourneux.) 1/5 255
Caillemer , Lettres de divers savants à l'abbé Nicaise.
(T. de L.) i85 283
Desnoiresterres, La Comédie satirique au xviii^ siècle. (M.
Tourneux.) 182 258
Godefroy, Dictionnaire de l'ancienne langue française,
lettre F. (A. Jacques.) 160 1 8 5
— Lettres G et H. (A. Jacques.) . . . , 218 426
Hagmann, L'Essai sur les mœurs de Voltaire (Ch. J.) 143 126
Leroux, MoLiNiER et A. Thomas, Documents historiques
bas-latins provençaux et français. (A.) i36 107
Maj^nard, Œuvres poétiques p. p. Garrisson, I. (A. Del-
boulle.) i58 169
Thomas (Ant.), Jean de Montreuil (Ch. J.) 119 27
TouBiN, Dictionnaire étymologique et explicatif de la langue
française. (A. Delboulle.) 166 204
Langues et littératures germaniques.
DûNTZER, Gœthe et Weimar. (A. Chuquet.) , 200 35o
— Editions diverses 200 2 33
— Lettres de Charles-Auguste à Knebel et à Einsiedel. (A.
Chuquet. j 217 426
Eraclius, p. p. Graef. (A. Chuquet.) 204 366
Filon, Histoire de la littérature anglaise. (M. P.) 2i3 3qg
Gaedertz, Le drame de la comédie en bas-allemand. (A.
Chuquet.) 217 424
Gœthe, Gôtz de Berlichingen, p. p. A. Chuquet. (E. Lich-
tenberger.) i25 54
— P.p. E. LlCHTENBERGER. (A. ChuqUCt.) 200 346
Editions diverses^ p. p. Schroer, Steiner, Duntzer et
Keck. (A. Chuquet.) 200 346
Gœthe- Jahrbuch, p. p. L, Geiger, VI. (A. Chuquet.) 200 35o
HiRZEL, Catalogue d'une bibliothèque de Gœthe. (A. Chu-
quet.) 200 353
Keil. Des amis de Vienne 1784-1808. (A. Chuquet.) 212 395
iC/e/5f (Ewald de), p. p. Sauer. (A. Chuquet.) 217 418
Kluge, Dictionnaire étymologique de la langue allemande.
(J. Kirste ) 249 5o8
Kohler, Shakspeare devant le forum de la jurisprudence.
(Ch. J.) i52 157
KiiRscHNER, Collection de la littérature nationale allemande.
(A. Chuquet.) 225 448
XVIII TABLE DES MATIERES
art. pages
LiTZMANN, Liscow. (A. Chuquet,) , . . . 217 420
— Lettres d'Anne-Marie de Hagedorn. (A. Chuquet.) 217 422
Meissner, Les comédiens anglais en Autriche au temps de
Shakspeare. (A. Chuquet.) » . ^ 212 Sgô
Pentzkorn, Thomas Abbt. (A. Chuquet.) 217 428
Perry, d'Opiiz à Lessing. (A. Chuquet.) 217 422
ScHROER, Goethe et Famour. (A. Chuquet.) 200 352
Smith (Miss Lucy Toulmin), les Mystères d'York. (J. J.
Jusscrand.) 228 466
Spengler, Woirgang Schmehzl. (A. Chuquet.) 212 096
Viennoises (réimpressions), I-VL (A. Chuquet.) 212 SgS
Waniek, Pyra et son influence. (A. Chuquet.) 217 419
Langues et littératures slaves.
Dobroîi'sky et Kopitar, Leur correspondance, p. p. Jagic.
(Louis Léger.) ..,.,.... = 234 486
Histoire religieuse et théologie.
La foi chrétienne et la propagation du christianisme à
l'origine. (M. V.) 1S9 293
Bknamozegh, Israël et humanité. (M. V.). 190 293
Glock, La question de la loi dans la vie de Jésus et la
doctrine de Paul. (M. V.) 172 229
GoBLET d'Alviella , Des préjugés qui entravent l'étude
scientifique des religions. (M. Vernes.) 169 218
Lechler, L'époque apostolique et l'époque post-apostolique.
(M. Vernes.) 199 344
Reinach (Th.), Histoire des Israélites. (M. Vernes ) 180 278
ScHVvTCKERT, De la paix entre la philosophie et la religion
positive. (M. V.) 191 294
Beaux-arts.
Bracquemond, Du dessin et de la couleur, (A. D.) 121 32
MuNTZ, Donatello (P. de Nolhac.) 233 485
MûNTZ, La Renaissance en Italie et en France à Tépoque
de Charles VIII. (P. de Nolhac.) 124 5i
Divers.
BoGisic, De la forme dite inokostinade la famille rurale chez
les Serbes et les Croates. (P. Viollet.) 2 33 5o5
Gaster, La littérature populaire roumaine. (Em, Picot.).» 147 H*^
TABLE DES MATIERKS XÎX
art pagijs
Harrisse, Grandeur et décadence de la Golombine. (A. O ) i83 260
HoHENBQHEL (de), Sur ie Tyrol .,.,.... 209 1^78
CHRONIQUE
Ancona (d'), Turin et Paris en 164.3 , 2qr
Ancre (maréchal d'), travaux de MM. Pouy et Danicoukt, 519
Andrieu, Les Agenais Rigal et Roux et le charbonnier Cap-
chicot. (T. de L.) 17
Annuaire de la Société historique de Berlin, IV.. 433
Antonovitch, Monographies sur l'histoire de la Russie occi-
dentale, I 291
Aussy (Denis de), Un château de Sainlonge 433
Baguenault de Puchesse, La campagne du duc de Guise
dans l'Orléanais. (T. de L.) 1 8
Bailleul, Louis Ferdinand. 435
Bazin, Le Galet inscrit d'Antibes 81
Brunet (Gust.), Les supercheries typographiques, essai bi-
bliographique. (T. de L.) ig4
Bulgarie (nouvelles de) , 268
Castei.bajac (de), Le second mariage du premier duc d'É-
pernon. (T. de L.) i53
Cercle Saint-Simon., 1 3o
Chabaneau, Poésies inédites de troubadours du Périgord,
(T. de L ) 3(j3
Chardon, La vie de Tahureau, documents inédits. (T. de
^v - ' ■. DbO
Charvériat, Philippe Lang 36
CoMMUNAT, Jean des Moutiers de Presse, évéque de Bayonne.
(T. deL.) i63
CoNDAMiN et Langlois, Histoire de Saint-Bonnet-le-Château.
(T. de L.) 211
Corpus des écrivains ecclésiastiques latins publiés par l'A-
cadémie de Vienne. (P. A. L ) 82
CoTTiN, Revue rétrospective ..» 226
CouRAJOD, La part de l'art italien dans quelques monu-
ment de peinture de la première Renaissance française. . 1 15
Darmesteter (J.), Le mahdi depuis les origines de l'Islam
jusqu'à nos jours. ,..,.,,., 38
DgcK.\a.ME, Mythologie de ia Grèce antique, s" édition , , . . , 2S9
XX TABLE DKS MATIICRES
pages
Delboullk, Quelques notes sur rédition de La Fontaine,
tome II, par H. Régnier 33
Delisle (L.), Le testament de Blanche de Navarre 210
— Discours prononcé à l'assemblée générale de la Société
de rhistoire de France, 26 mai i885. 210
Derenbourg, seconde partie de la grammaire arabe de Si-
bawaîhi 4^8
DoNNADiEU, Le budget de Béziers en 1620. (T. de L.) 18
DupuY, Les grands maîtres de la littérature russe. (L. Lé-
ger.) 147
Egger (Emile), discours prononcés à ses funérailles 225
Fagniez, Édition du Livre de raison de M' Nicolas Varsoris. 5 1 8
— Une biographie inédite du père Joseph 5 19
Faguet, Corneille et La Fontaine i 5
Falloux (de), Études et souvenirs, 2^ édition 458
Flammermont, Relations inédites de la prise de la Bastille.. Sy
— L'expansion de T Allemagne 1 3o
Fredericq, L'enseignement supérieur de l'histoire en Ecosse
et en Angleterre 291
Fritsche, Œuvres choisies de Mirabeau 3 1 5
Gaidoz, Ses adieux à la Revue celtique 102
Gasquet, Précis des institutions politiques et sociales de
l'ancienne France 404
Gasté, Correspondance de Huet et du P. Martin 458
Ga:{ette archéologique 114, 267, 459
Gélineau, Blaye en 1814. (T. de L.) . 290
GiRY, Documents sur les relations de la royauté avec les
villes en France de j 1 3o à 1 3 14 19
Grammont (de). Les consuls lazaristes et le chevalier d'Ar-
vieux 289
Grandeur et décadence de la Colombinc, 2" édition 240
Grèce (nouvelles de) 195, 459
Halphen, Lettres inédites du roi Henri IV. (T. de L.). . .. 406
Hatin, Une brochure sur Renaudot 179
Heautontimorumenos (!') de Térence, p. p. Wagner 519
Henry (Ch.), Rouelle et Diderot 1 3o
— Casanova et Catherine II 267
Howard Collège (le) et renseignement du français. (A. D.). 82
Ingold, L'Oratoire et la Révolution. (T. de L.) 211
Jadart, Dom Mabillon et la réforme des prisons 4o5
Jessen (J.), Apollonius de Tyane et son biographe Philos-
trate. (P. A. L.) 59
JouBERT (André), Brochures diverses. (T. de L.) 16
— Un mariage seigneurial sous Louis XV
— Histoire de saint Denis d'Anjou. (T. de L.) 4^3
TABLli DES MATIÈRES XXI
JuLLiAN, Les antiquités de Bordeaux , 1 15
Legrand, Bibliographie hellénique ou description raisonnée
des livres publiés en grec par des Grecs aux xv^ et xvj" siè-
cles 5 1 S
Lehugeur, La traduction de Perse et les exemples attribués
à Bossuet par M. Ménard , if)2
Lichtenberger, Edition nouvelle du G(it:[ de Goethe 3-j
Lisco, La philosophie de Schelling _j.35
Loewenfeld, Collection de lettres inédites des pontifes ro-
mains. , 82
Marionneau, Une visite aux ruines du château de Montai-
gne. (T. de L.) j 6
MoRTET, Maurice de Sully, évêque de Paris, 1 1 60. 2S9
Muller (W.), Histoire du présent, années i883 et 1884., 3x6
MuNTz, Etude sur Giuliano da San Gallo et les monuments
antiques du midi de la France au xV siècle 33g
N1ZIER DU FuiTSPELu, Très humble essai de phonétique
lyonnaise^, 114
NoLHAC (P. de), Jacques Amyot et le Décret de Gratien... 432
Paris (Louis), La chapelle du Saint-Laict dans la cathédrale
de Reims ;
— Le théâtre de Reims depuis les origines jusqu'à nos
jours. (T. de L.) , . , , 406
Parmentier, Art. publiés dans le Bulletin mensuel de la
Faculté des lettres de Poitiers i i 3
Passy (Paul Edouard): sa mission en Islande 81
Pirenne, L'organisation des études d'histoire provinciale et
locale en Belgique 82
Plessis, Essai sur Calvus 226
Pologne (nouvelles de) 268
RiESE, L'idéal de justice et de bonheur et la vie primitive
des peuples du Nord dans la littérature grecque et latine,
trad. par Gache et Sully Piquet 4o5
RuELENs, Rubens en Italie. (T. de L.). • , 244
Russie (nouvelles de) 19, 196
Seeck, le Calendrier des pontifes. . . . , , 38
Sejus, l'Origine de Christophe Colomb 43 1
Seure, Dyspepsie et dyspeptiques. (L. P.) 36
SiMOND; L'Afghanistan, les Russes aux portes de Tlnde. . . i3i
Slaves méridionaux (nouvelles des) 196
Société de Gœthe , 98
Société pour la publication des œuvres des écrivains reli-
gieux de la Bohême 193
Stein, Olivier de la Marche , , , , . 432
Strauch, Bibliographie de la littérature allemande • 290
XXII TABLE DES MATIERES
Sybel (de), Histoire de la Révolution française, lome IV,
traduit par M''^ Dosquet i 16
Syllogue littéraire grec de Gonstantinople, 25" anniversaire
de sa fondation » 459
Tamizey de Larroque, Appel aux érudits 1 1 5
— Quelques pages inédites de Louis de Rechignevoisin de
Guron : , . . 226
— Salomon Azubi, rabbin de Carpentras 4o5
— Lettres de Guillaume d'Abbatia à Peiresc 4o5
Wachsmuth, Gorpusculum poesis epicae graecae ludibun-
dae , 435
Vandal, Le pacha Bonneval i3o
Vidal, Les manuscrits provençaux de la Méjane. (T.- de L.). 3i6
VARIETES
Chuquet(A.), Un détail biographique relatif à Marceau.. 97
— Une trouvaille de l'Intermédiaire^ le rôle de Lactos en
1792, 3 10
Clermont-Ganneau, Notes d'archéologie orientale;
— XXIII, un nouveau titulus funéraire de Joppé 14
— XXIV, Le mot « chillek », sauver, en phénicien et dans
Tarabe vulgaire 58
— XXV, Le sceau d'Abdhadad 171
— XXVI, Segor, Gomorrhe et Sodome 172
Harrisse, Toujours la Colombine 78
Henry (Ch.), Voltaire et le cardinal Quirini d'après des
documents inédits , . , 358
Lejay, Les manuscrits de l'abbé Nicaise. 333
Omont, Paul Louis Courier et la tache d'encre du manus-
crit de Longus de Florence 378
Tamizev de Larroque, L'acte de décès de Scipion Dupleix. 209
— Lettres d'un oflicier républicain sur Charette et autres
Vendéens 263
— Les lettres de Fénelon à la Quirinienne 237
THESES DE DOCTORAT
Décrue, Le Conseil du roi sous François I et Anne de
Montmorency 17^
Il
TAIÎLE DES MATIERES XXIII
pages
Thirion (M.), Des cités fondées par les Grecs en Chersonèse
et Etude sur le protestantisme à Metz et dans le pays
messin , . . . e , 3 r 2
NOTICES NECROLOGIQUES
Léon Renier (Ant. H. de V.). .... . .,...,.., ,.. 41
CORRESPONDANCES
Lettre de M. Duka 481
Lettre de M. Théodore Reinach 4o3
Note de M. Jahn . , , 388
PERIODIQUES
A N A L V s ti s SUR LA COUVERTURE
ANGLAIS
TJie Academjr, n" 685-710, 20 iuin-12 décembre i885.
The Athenaeiim, n" 3oo8'-3o33, 20 juin- 12 décembre i885.
ALLEMANDS
Altpreussische Monatsschrift^ lîI-VI'' fascicules.
Berliner philologische Wochenschrift, n° 25-47, "^^ juin-22 novem-
bre i885.
Deutsche Literatur^eîtiing , n° 25-48, 20 Juin-28 novembre i885.
Gijttingische gelehrte An-eigen^ xf i3-23. i juillet-i5 novembre i885.
Literarisches Centralblatt, n" 26-5 1, 20 juin-12 décembre i885.
Theologische Liîeratur^eitung, n° i3-23, 27 juin-14 novembre i885.
Wochenschrijt fiir classische Philologie, w^ 32-44, 5 août-28 octo-
bre i885.
Zeitschriftfiir kaîholische Théologie, IV« fascicule.
BELGES
Revue de Vinstniction publique (supérieure cl moyenne) en Belgique^
tome XXVIII, 3'= livraison.
LE rUY, IMPRIMERIE MARCHESSOU FILS, DOULEVARD SAINT-LAURENT, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE Ei DE LITTÉRATURE
N» 27 - 6 juillet - 1885
Soniinuii'e î ii2. Dittenuerger, Recueil d'inscriptions grecques. — 1 13. Auraham,
Etudes sur Plaute. — 1 14. Washietl, Les comparaisons d'Ovide. — ii5. Nilles,
Etienne de Moldavie. — 116. Bekkku, Marie Stuart, Darniey, Bothwell. —
Variétés : Clermont-Ganneau, Notes d'archéologie orientale, XXllI : un nouveau
titulus funéraire de Joppé. — Chronique. — Académie des Inscriptions. —
Société des Antiquaires de France.
112. — W. Dittenberger. Sylloge iinsci-ij>tio«iutiî jji-îxîcarajiî. Leipzig. S. Hir-
zel, i883. 2. vol. in-8, 8o5 pages. Prix : 16 mark.
Quand M. Ditrenbei-ger, qui venait d'éditer le troisième volume du
Corpus inscriptioniim atticarum, entreprit cet ouvrage, il n'existait
pas encore de recueil d'inscriptions giecques, analogue au recueil d'insc.
latines de Wiimans. M. H. Droysen n'avait réuni que quelques insc,
uttiques (5y//o^e itiscriptiomim atticarum in iisum scholarum acade-
micarum, Berlin, G. Reimer, 1878) : encore ce recueil où les textes
sont donnés en caractères épigraphiques, sans le moindre commentaire,
ne pouvait-il rendre que très peu de services. Dans son Manuel (^1 jua-
nual oj Greek historical inscriptions, Oxford, Clarendon Press, 1882),
M, E. L. Hicks n'avait inséré que des insc. historiques, se réservant,
s'il le jugeait utile, de consacrer un second volume aux textes épigra-
phiques d'un autre ordre. L'ouvrage de M. D. peut donc être consi-
déré comme le premier recueil méthodique d'insc. grecques, destiné à
aider à l'intelligence des institutions de la vie publique et de la vie pri-
vée chez les Grecs. Par le classement et le choix des insc, par la mé-
thode suivie pour la transcription et l'explication des textes, par ses
Indices, le recueil de M. D. est appelé à rendre de très grands services.
Il comprend des insc. de tous les pays qui étaient habités par les
Grecs avant l'époque d'Alexandre : l'Asie (à l'exception de la côte de
1 Asie Mineure), l'Egypte, les provinces septentrionales et occidentales
de l'empire romain n'y sont donc pas représentées. M. D. a écarté en
outre les insc. métriques, pour ne pas faire double emploi avec le re-
cueil de Kaibel, et tous ceux des textes dont l'intérêt est plutôt dans les
tormes dialectales qu'ils renferment : telles sont la plupart des insc.
béotiennes, que l'on peut consulter dans le très utile recueil deW. Lar-
feld {Sylloge inscriptionum bœoticarum dialectum populareni exhi-
bentium, Berlin, G. Reimer, i883).
Les insc. dans le premier volume sont chissées par ordre chronolo-
Nouvelle série, XX. ' 27
2 RKVUE CRITIQUE
giquc et rapportées à quatre époques : I. [Delà première moitié du
V- siècle] à la fin de la Guerre du Péloponnèse [n^^ 1-47)- H. De la
fin de la Guerre du Péloponnèse à la mort d'Alexandre [n."^ 48- i 17).
III. De la mort d'Alexandre à la destruction de Corinthe {w^^ 1 1 8-235).
IV. Époque romaine (n"* 236-293). — Les insc. du second volume sont
classées dans trois chapitres avec les subdivisions suivantes. I. Res pu-
BLic/E (294-354I. — I. Reipiiblicœ forma ac partes^ urbis et agri ter-
mini. 2. Civium et peregrinorum honores et privilégia. 3. Senatus,
magistratus, judicia. 4. Varia. II. Res sacr.î; (355-432). i. Templa
et delubra, simulacra, donaria, supellex sacra. 2. Sacerdotia. 3.
Sacrificia,pompœ, mysteria aliœque cœrimoniœ. 4. Certamina gymni-
ca, musica., scœnica 5. Varia. III. Vita Privata (433-470).
Ainsi le premier volume comprend surtout des insc. historiques, le
second des textes destines à faire connaître le détail des institutions pu-
bliques et privées des Grecs. Il n'y a rien à dire des divisions du pre-
mier volume : elles sont suffisantes et M. D. n^ivait pas à les multiplier
comme dans le manuel de Hicks. Elles correspondent assez exactement
aux divisions du C, I. A., avec la seule différence que M. D. a dédou-
blé le tome II du Corpus, rangeant les insc. en deux chapitres au lieu
de les grouper en un seul, d'Euclide ou de la fin de la Guerre du Pé-
loponnèse à l'Epoque romaine.
Dans le second volume, il y avait au contraire intérêt à multiplier
les chapitres et les titres, pour montrer tout le parti qu'on peut tirer de;
textes épigraphiques, et peut être M. D. ne Ta-t-il pas assez fait. Il aurai
pu, par exemple, consacrer à la Marine et à l'Armée un chapitre facile à
remplir et où auraient trouvé place lesn°^ 352 (contrat pour la construc-
tion de la sheuothèque de Philon, au Pirée), 35 i (comptes des épimélè-
tes des arsenaux uu Pirée), puis les insc. éphébiques (346-347). Tous
ces textes sont rangés sous la rubrique Varia : sans doute il en est au
moins un (352) dont M. \). n''a eu connaissance que fort tard, lorsque
1 impression de son recueil était déjà très avancée, puisque Tinsc. n'a été
publiée qu'en 1882, et il faut savoir gré à M. D. de lui avoir trouvé
une place, mais pourquoi le n° 345 (décret du dème d'Eleusis) n^est-il
pas à la suite des autres décrets des dèmes (296-298)? — De même il
eût été facile de trouver des subdivisions au m" chapitre (Vie privée)^
par ex. : Condition civile de la femme. Dot. — Esclaves. Affranchisse-
ments. — Enterrements et deuil, pour ne parler que des insc. citées par
M. Dittenberger. Ces titres ont le double avantage de rendre le Recueil
plus clair et encore une fois de montrer à ceux qui le consultent que
dMnformations variées nous devons à l'épigraphie : or il ne faut pas
oublier que les recueils de ce genre sont surtout destinés aux étudiants,
aux tirones pour qui n'est pas fait le Corpus (Neque enim tironum
usui corpus inscriptionum Atticarum condi puto, dit justement M.
U. Kohler dans la préface du IP vol. du C. I. A., pars prior).
Le choix des insc. était l'une des difficultés de l'ouvrage : il suffit de
D HIsrOIRK ET ûïï LÎTTEKATUUE 5
rappeler qu'il y a près de 2 5ooo insc. grecques, groupées dans les
grands recueils bien connus ou dispersées dans des revues et des jour-
naux de toute sorte, pour comprendre l'embarras de l'auteur. 11 ne faut
pas non plus demander à un recueil général comme celui-ci tout ce
qu'on est en droit d'exiger d'un recueil spécial comme ceux de Cauer,
de Hicks ou de Kaibel. Lors même qu'on n'y signalerait pas de lacu-
nes, on est toujours tenté, selon ses études particulières, de criti-
quer la parc faite aux différentes matières et la proportion des divers
chapitres. Même avec toutes ces réserves, le livre de M. D. n'échappe
pas à la critique.
Comme de juste, les insc. de l'Attique sont de beaucoup les plus
nombreuses : ce sont sans contredit les plus intéressantes et les plus
utiles. Elles remplissent presque en entier les trois premières parties du
premier vol. Elles sont un peu moins nombreuses dans le second, qui
semble avoir été composé plus vite. M. D, nous avertit dans la Préface
que, retardé par la maladie et de nombreuses occupations, il a dû plus
d'une fois interrompre son livre : c'est ce second vol. qui en a souffert,
comme on a déjà pu le voir par les observations précédentes. Ainsi les
actes d'affranchissement de Delphes y occupent une trop grande place :
des 38 insc. du chap. sur la Vie privée, 22 sont des actes de Delphes!
sans doute ils diffèrent les uns des autres par quelque côté, mais ce sont
des détails qu'il aurait fallu sacrifier à des textes plus importants. Les
insc. juridiques ne sont pas suffisamment représentées : le n» 344 (loi
éphésienne sur des créances hypothécaires) et quelques enseignes hypo-
thécaires (434 et suiv.) ne nous donnent du régime de la propriété fon-
cière qu''une idée imparfaite. Si M. D. voulait écarter la longue insc.
d'Héraklée(C. 1. G., 5774, 37751, il pouvait au moins citer quelques
passages de l'insc.de Tinos [îbid., 2338), certainement plus intéressante
que celle d'Amorgos (no 408 '). De même, M. D. pouvait citer d'autres
contrais de vente que le n» 440. — Dans le chap. sur la Marine et l'Ar-
mée dont il a été parlé plus haut, auraient pris place des catalogues mi-
litaires — dût M. D. traduire en langue commune un des nombreux
catalogues béotiens — et des décrets de clérouques. — Enfin aux textes
éphébiques, il eût fallu ajouter le n» du Corpus [C. LA. II, 992) où
M. Koumanoudis a cru reconnaître une de ces listes de livres que les
éphèbes athéniens donnaient à la Bibliothèque du Gymnase au sortir
de l'éphébie. Je n'insiste pas sur ces observations : les lacunes sont en
effet inévitables dans les recueils de ce genre.
Il n'y a qu'à louer la méthode suivie pour la transcription et l'expli-
cation des textes. Chaque insc. a son numéro qui se détache nettement
et qui est reproduit au haut de la page, en face du chiffre de la page.
Après le n** est un sommaire contenant des renseignements sur la ma-
1. Il est vrai que M. D. avait terminé son recueil quand M. Newton donna dans
le second vol. des Insc. Grecques du Musée Britannique, un texte de l'insc. de Ti-
nos beaucoup plus complet que celui de Bœckh (n» 077 du recueil anglais )
4 REVUE CRITIQUE
tière de l'objet où est gravée Tinscription, sur Teiidroit où elle a été
découverte, sur les livres et recueils où elle a été publiée et commentée.
En vérité, ce sommaire est presque trop riche". Que M. D. nous donne
tous ces détails pour des insc. qui ne figurent ni dans le C. 1. G., ni
dans le C. I. A., ou pour des insc. dont Bùckh n'avait eu que des co-
pies incomplètes et inexactes, cela se comprend : mais quand, par exem-
ple, l'insc. ligure au CL A. avec un sommaire complet, était-il besoin
de le transcrire? Il ne faut pas en effet que ceux qui se serviront du re-
cueil de M. D. songent à se passer du Corpus : ils doivent au contraire
y recourir souvent et pour y voir le texte en caractères épigraphiques et
pour y étudier les insc. analogues ou les insc. contemporaines. Qu'im-
portent Pittakis, Rhangabé, ou ceux qui ont fourni des copies à Bockh?
Ces détails ne sont à leur place que dans le Corpus^ et nul recueil, nul
choix, — fût-il fait par un des auteurs du Corpus^ — ne peut en tenir
lieu.
Après le sommaire vient Pinsc. Elle est transcrite en caractères cou-
rants, mais la première des notes du commentaire est généralement
consacrée à la forme des lettres. Si quelque lettre présente une forme
remarquable, M. D. a soin, non de la décrire, mais de la citer en l'em-
pruntant à l'alphabet épigraphique. Pour l'orthographe, M. D. la res-
pecte absolument, ce qu'il ne pouvait se dispenser de faire puisque le
texte épigraphique n'est pas en regard de la transcription. Il écrit donc :
ïhoyavj T£Ï [io'kzX y.at loX c£[xoi, etc.
Suit le commentaire : on y remarquera d'abord que M. D., avec un
soin qui n'est pas commun à tous les éditeurs, s'est efforcé de faire à
chacun sa part dans l'établissement du texte ou l'interprétation de
l'insc. S'il emprunte une restitution ou une explication, il en cite l'au-
teur. Mais M. D. ne se borne pas à des citations : il a étudié les textes
et dans plus d'un endroit ses restitutions et ses corrections sont telles
qu'on pouvait les attendre du savant éditeur du Corpus. Parmi les
insc. qui paraissent chaque jour dans les revues d'Athènes ou d'Europe,
il en est peu que l'on ne puisse reprendre et corriger, soit que l'éditeur
ait été pressé de les publier, soit qu'il n'ait pas eu sous la main tous les
livres dont il aurait pu s'aider. II y a dans le recueil de M. D. un cer-
tain nombre de leçons nouvelles et d'observations personnelles dont il
faudra désormais tenir compte. Le commentaire est sobre et le plus sou-
vent très suffisant : les renvois aux auteurs anciens et aux commenta-
teurs modernes sont des plus utiles et facilitent les recherches dont ne
peuvent se dispenser ceux qui consulteront l'ouvrage. Tel est en effet
l'objet d'un pareil commentaire : il doit servir de guide.
Des indices étaient indispensables. On sait avec quelle impatience
sont attendus ceux du second vol. du Corpus : les indices du recueil de
M. D. ne tiennent pas moins de 140 pages. En voici les divisions : I.
I. Signalons pourtant quelques omissions : dans le sommaire des n"' 407, 400,
40g, n'est pas indique le n" correspondant du CI. A.
d'histoiuk kt de LITTÉUATURK 5
NOMINA VIRORUM ET MUUERUM. II. NoMINA I.OCOIiUM, REGTONUM, CIVITATUM
cuM ETHNicrs. III. Res public.e. — RcspubHca Aiheniensiinn i. Sena-
tus et comitia. 2. Magistratiis et cnratores. 3. Varia. Tribiiiivi
nomina. Pagoriim nomina. Trittywn n. Phratriarum n. Gcntiinn n.
Naviiim n. — Alice respublicœ Grœcorum et barbaroriim. Tribmim,
phratriarum^ gentium, pagorum nomina. — Respublica Romanorwn.
IV. Res sacr^. i. Dei,Deœ, hcroes ciim templis et delubris. 2. Feriœ.
3. Menses. — Fasti Romani. 4. Varia. Fabularum nomina. V. Gramma-
TiCA ET ORTHOGRAPHICA (Vocales. Consonœ. Nominum declinatio. Prono-
mina. Verborum declinatio.) VI. Notabilia Varia.
Si complets qu'ils semblent, ces indices sont encore insuftisants : il
était, à notre avis, indispensable d'y ajouter l'index des insc. empruntées
au CI. A. et même au C. I. G. avec les numéros correspondants du
Recueil. Sans doute on peut arriver sans trop de difficulté à savoir si
telle insc. du Corpus est reproduite dans le Recueil : on n'a qu'à feuil-
leter l'index des noms propres ou quelque autre. Mais pourquoi ces
recherches, et n'était-il pas plus simple de dresser une liste où Ton au-
rait mis en regard le n» du Corpus et celui du Recueil? Enfin une ta-
ble des matières avec Tindicalion des divisions et des chapitres était ab-
solument nécessaire.
Ces indices donneraient également lieu à de légères critiques. Sans
parler des fautes d'impression inévitables dans des listes qui sont rem-
plies de chiffres (par exemple p. 797, au mot [xspt-ia'., lire 440 et non
404), il est certains termes qui manquent, tels que yp-/;;j,a-:(Lô'.v, xp-^ixa-ri'-
ca'. r.t^'\ r.voç (par exemple, n° 3 33, 1. 10), -/pâ-l^a^Oa'. çua-?;ç ■/.%<. cr,[j.Z'j -/.al
opa-pia; (par exemple, n" 145, 1. 21 et 22). II ne fallait pas craindre de
multiplier ces indications.
En somme, le recueil de M. D. rendra de très grands services. C'est
un excellent instrument de travail et les livres de ce genre, Recueils ou
Manuels, ne sauraient recevoir de plus grand éloge.
B. Haussoullier.
II 3. — stiîjîia F'IîiîitSnn scripsit Guilelmus Abraham. Leipzig, Tcubner^ 1884.
08 pages in-8. Prix : i mark 60.
La brochure de M. Abraham se compose de trois parties. Dans la pre-
mière il étudie quelques passages de Plante où les mss. présentent deux
vers consécutifs exprimant la même pensée en partie à l'aide des mêmes
mots; p. ex. Pseud. I, 5, 108 s., Merc, V, 4, 22 s. Le svstème de
Ritschl qui fondait les deux vers en un seul est certainement peu vrai-
semblable : on est, en réalité, en présence de deux rédactions d'un même
vers réunies dans les mss. d'une même famille. Ailleurs, p. ex. Truc. II,
4, 23 chacune des rédactions ne figure que dans une famille de mss.
6 IlEVUK CRITIQUE
M. A. démontre par le rapprochement d'une foule d'exemples, qu'il
faut rejeter comme étrangers à la langue de Plante les vers I, 5, 109 du
Pseud.; V, 4, 23 du Merc. ; et la rédaction de Truc. îl, 4, 23 donnée
par l'Ambrosianus.
La deuxième partie contient des observations sur l'usage que Plaute
fait de certaines locutions : on y remarquera, comme dans le reste de
l'opuscule, une grande richesse d'exemples, en général bien classés.
Les trente-cinq dernières pages sont remplies par des remarques et
des conjectures sur plus de soixante passages de Plaute. M. A. semble
bien connaître la langue de Plaute; aussi fait-il souvent un choix très
heureux entre les variantes des mss., ou les diverses conjectures des
philologues. Il rétablit avec raison la leçon des mss. dans plusieurs pas-
sages, p. ex. Merc. I, i, 90 Seruom iina mittit qui olim puero jpa-
riiolo II îiiihi paedagogiisfuerat, et non <a> puero; id. I, 2, io5
Sed qtiid ego hic in lamentando pereo, et non ego hic : diem'^ la-
mentando per<Cd'^o. Ailleurs il appuie d'arguments nouveaux des
conjectures anciennes. Epid. I, i, i3 Vt tu is gradibus grandibus
f^mss. : ut tues] ;id. I, 2, ^.g Aliqua exsoluar, extricabor aîiqua fmss. :
aliqua ope exs.)Ma.is des conjectures personnelles de M. A. aucune n'est
assez plausible pour être citée : l'auteur ne tient compte que des consi-
dérations grammaticales, et nullement de la vraisemblance paléographi-
que; aussi n'hésite-t-il pas à faire des correclions comme celle-ci :
Aul. II, 2, 85 mss. : istuc fiet\ M. A. : ut ualeas!
Cependant le travail de M. A. n'est pas sans utilité, tant pour la con-
naissance de la lung'ue et du style de Plaute que pour la critique du
texte. Grâce à ses connaissances grammaticales, M. A. a pu dans plus
d'un vers altéré déterterminer exactement l'endroit malade : son
erreur a été trop souvent de croire qu'il Pavait guéri.
Louis DuvAU.
II,,. _ B>e simUîtMdJniliUs îmagîmibusque Oviaiotuis scripsit Johannes
A.Washietl. Vindobonas sumptibus et typis Caroli Geroldi filii. In-8, MDCccLXXxiir,
VI et 193 p. Prix : 6 mark.
Ce travail soigné sera le bienvenu, car on n'avait pas encore un re-
cueil des comparaisons d'Ovide : on sait, comme le montre l'auteur de
ce travail, que les œuvres de ce poète renferment plus de comparaisons
encore que celles de Virgile et d'Homère '.
M. W. recherche d'abord l'origine des comparaisons d'Ovide et mon-
I. Il aurait fallu citer ici le travail de Sobieski « Vergil und Ovid nach ihren
Glcichnissen in der Aeneide und den iMetamorphosen » (Lcmberg, i85i); M. Was-
hietl n'a pas mentionné cette étude; il cite d'autres travaux, mais assez étrange-
ment, cp. Philologischc Rundschau, IV, p. 437.
DiliSiOIRE ET DE LlTïÉRATUUIi 7
tre celles qu'il emprunta aux poètes grecs ou latins. On trouve dans cette
partie de bons détails qui seront utiles pour la critique du texte d'O-
vide. Mais il ajoute « De eis tantum imaginibus vel similitudinibus,
quae proprie comparationes dicuntur, in hoc opuscuio mentionem
feci; nullam rationem habui earum similitudinum, quae ad sententiam
aliquam explicandam atque comprobandam adiunctae potius, quam
cum rébus ipsis coniunctae in carminibus Ovidianis leguntur m. Il fal-
lait, ce nous semble, épuiser le sujet, et par conséquent citer aussi en
leur lieu les comparaisons qu'exclut M. Washietl. Après tout, il s'agit
ici plutôt de la pensée du poète que de son style, et c'est la pensée que
nous développent et nous font mieux voir des comparaisons où man-
que, il est vrai, la première particule iit^ mais où le second memibre de
la comparaison commence par sic. Je ne cite comme exemple que le
passage des Tristes., IV, ï, 3i (lotus). M. W. a-t-il oublié ce passage
à bon escient? Je Pignore, mais d'autres comparaisons véritables, et
qu'il devait mentionner, ont échappé à son attention {A. A., II, 3So,
Bacchus ; Tristes., III, I, 45, laurns; IV, I, oi, lotus; I, 47, Lethe ; ex
P. I, 5, 37, gladiator.
Il aurait fallu également être plus complet sur certains points, et, par
exemple, p-ôi, rappeler d'autres passages: Rem., 235, et Tristes,
IV, 6, I et 23, passages où le poète recourt aux mêmes objets de com-
paraison, au taureau et au cheval.
M. W. a voulu faciliter la tâche de ceux qui consulteront son travail,
en donnant à la fin des index, d'ailleurs nécessaires dans une étude de ce
genre. Mais \\i Index imaginum » ne nous semble guère ordonné
d'une façon pratique ; l'auteur répartit les comparaisons, selon leurs
objets, en certains groupes : les animaux, les plantes, Peau, etc. Mais,
dans ces groupes mêmes, les objets ne sont pas rangés selon l'ordre al-
phabétique, et trop souvent ils sont cités, non pas sous la rubrique qui
les concerne, mais soùs une rubrique différente quoique analogue
[Stella, A. A., I, Sy sous « sidéra «, imda, Ep. IIÎ, r33 sous « mare »,
ariindo, Am. 1, 7, 55 sous « segetes aliaeque plantae tremefactae », etc.).
Tout cela rend les recherches difficiles. Il y a même une comparaison
que M. Washietl a placée dans un groupe auquel elle ne se rapporte nul-
lement ; A. A. Il, 376, « Nec brevis ignaro vipera laesa pede » (c'est-à-
dire « tam sacra est ») n'est pas rangé dans le groupe « animalia », mais
dans le groupe « quae ad homines eorumque res et vitam pertinent »,
et au mot viator qu'on ne trouve pas du tout dans ce passage.
11 y aurait encore quelques mots à ajouter à l'Index. Mais ces lacunes
ne diminuent pas la valeur de ce travail qui rendra certainement ser-
vice à ceux qui s'occupent des littératures de ce moyen-âge, dont
Ovide était un des poètes favoris.
V/OLFKAM ZlNGKRLE.
8 RKVUK CRITlQUh
I I 5. — Oo pi'iiioïpo .loannc S(«-j>Ii«iu> Moidnvîae l'e et iioînîne voÎA'otl;»,
i-icn»» Grscei, MariaiiîB studiosorum congregationis Œniponte prœfecto an.
1601-1602, Noiiiia hislorica, ex « Symbolis ad illustrandam historiam Ecclesia;
orientalis in terris Coronas S. Stephani •>^, excripla a Nicolao Nilles, S. J. Œni-
ponte, ex officina Feliciani Rauch, i885. In-S de 32 pp. (chiffr. [ojyj-iooS).
Nous n^avons pas à parler ici du grand ouvrage que vient de termi-
ner le R. P. Nilles; nous ne voulons faire connaître qu'un de ses ap-
pendices. Voici, en peu de mots, quel en est le sujet. Pierre le Boiteux,
qui occupa d'abord le trône de Valachie, puis, à deux reprises, celui de
Moldavie, et qui renonça définitivement au pouvoir en iSgr, s'était
laissé gagner au catholicisme par un conseiller albanais nommé Barto-
lomeo Brutii. Le R. P. N. reproduit, d'après Theiner, les documents
relatifs à l'union des Moldaves avec le Saint-Siège, union restée, d'ail-
leurs, à Tétat de lettre morte; mais ce qui fait l'intérêt de sa publication
et ce qui nous a décidé à la signaler, ce sont les pièces inédites qu'il y a
jointes. Ces pièces se rapportent à Pierre le Boiteux, qui mourut à Botzen
en 1594, et à son jeune fils Etienne, né en Moldavie le 3i juillet 1584,
mort à Innspruck le 22 mars 1602. Nous connaissions déjà le lieu et la
date de la mort de Pierre le Boiteux par une source que le savant jésuite
autrichien semble avoir négligée ' ; mais nous avons ici une rela-
tion détaillée de sa mort '- et une traduction latine de son testament,
originairement rédigé en slavon et daté de Cracovie le 6 avril i5gS.
Quant au jeune Etienne, nous ignorions ce qu'il était devenu. On voit
par les actes nouvellement découverts qu'il fut élevé par les soins de
l'empereur, qu'il fut placé au collège des jésuites d'Innspruck et ne
cessa de pratiquer la religion catholique.
Il est regrettable que le R. P. N. n'ait eu entre les mains pour la
rédaction de ses notes que des manuels historiques tout à fait insuffi-
sants, dans lesquels les divers règnes de Pierre le Boiteux ne sont
même pas datés exactement. Ce prince régna en Valachie depuis la fin ■'
de l'année iSSg^ jusqu'au milieu de l'année i568 '. Après une lutte
prolongée contre Jean l'Arménien, qui fut tué le 14 juin 1574, Pierre,
soutenu par les Turcs, se rendit maître de la Moldavie. Une inscription
1. La:^ari So:{ancii, patricii Veneti, Ottomanus, sive De imperio Tiircico. Ex
lialico vertu J . Geudertis ab Hcrolt:[berga (Hclnicstadi, 1064. in-4), 127, — cité par
Hasdeu, Din Moldova, I, 21.
2. Nous apprenons par cette relation que le métropolitain de Moldavie, Georges
Moviia, dont nous perdons la trace pendant quelques années après l'abdication de
Pierre le Boiteux, se trouvait avec le prince dans le Tyrol.
3. On possède de lui un diplôme du 23 novembre iSôq (archives de Bucarest,
Monastère de Bistritsa en Valachie, liasse, n" 14).
4. Pierre est encore prince de Valachie le 2? mai i568, date d'un diplôme relatif
au même monastère de Bistritsa (/èfi.. liasse n» i5; — cf. Aricescu, Revista isto-
rica, H. n" 2098); mais, le 3o juillet suivant, Alexandre, frère aîné de Pierre, à qui
les Turcs ont donné la principauté, est déjà en possession du pouvoir 'Aricescu,
Reinst.i istorica 11, n» 2098).
D HISTOIRE ET Dii LITTERATURE g
qui se voit encore à Suceava nous apprend qu'il fit commencer son
règne, non pas à la mort de son rival, mais seulement le 24 juillet sui-
vant'. Dépossédé par Ivan Podcoavà au mois de novembre 1577, il
rentra à lassi le i^"" janvier 1578. Il dut fuir, peu de temps après,
devant Alexandre Serbega et les Cosaques; mais, dès le milieu du mois
de mars, il eut raison de son rival. Il conserva la couronne jusqu'aux
premiers jours de Tannée i58o-. Le second règne de Pierre en Mol-
davie commença au mois d'octobre i583 ^ et se prolongea jusqu'au
mois d'août i5gi "*. Les dates que nous venons de rapporter ditièrent
assez sensiblement de celles que le R. P. Nilles a empruntées à
Laurian. Ajoutons qu'une estampe représentant Pierre le Boiteux et
son fils, à peine âgé de cinq ou six ans, a été reproduite dans la
Columna lui Traian, i883, p. 365.
Emile PïcoT.
Î16. — Gïessenet' Stutîîeti aul' cSeew Gebiet tiei* GescîiâeUte. I Maria
Stuart, Darley, Bothwell, von D^" Ernst Bekker, durch ein Vorwort eingefûhrt,
von W. Oncken. Gicssen. Ricker, iSSi, xi, SSy p. !n-8. Prix : 8 mark.
Il est un peu tard pour parler plus en détail de ce travail considéra-
ble, sorti du séminaire historique, dirigé par M, le professeur Oncken à
l'université de Giessen. Le but principal du jeune auteur a été de pro-
céder à une enquête minutieuse sur les rapports intimes et la situation
politique des trois personnages nommés sur le titre de son étude, afin
d'en déduire pour chacun la part de responsabilité dans les événements
qui troublèrent TEcosse de i565 à 1567 et plus spécialement dans la
catastrophe de Kirk-of-Field. Le résultat de cette enquête, menée avec
beaucoup de soin, sans utiliser d'ailleurs d'autres documents que ceux
depuis longtemps publiés par Labanoff, Mignet, Hosack, etc., se for-
mule de la manière suivante. La lutte poursuivie pendant ces années
dans le royaume d'Ecosse est une lutte essentiellement religieuse; la
noblesse protestante a employé tous les moyens possibles pour empê-
cher une restauration du catholicisme; c'est le motif qui a successive-
ment amené les conspirations contre Riccio, contre Darnley, contre le
pouvoir de Marie Stuart elle-même. Darnley a servi d'abord d'instru-
ment aux nobles dans l'affaire du meurtre de Riccio, entraîné par l'es-
1. Urechi, Chronique des princes de Moldavie, éd. Picot, 5ii.
2. Pierre déposé par les Turcs, arriva à Gonstantinople vers le 20 janvier i58o
{Columna lui Traian, V, 1S74, 238; Hurmuzaki, Documente, IV, n, loq).
3. Urechi dit qu'il fit son entrée à lassi le 17 octobre. lancu, que le sultan venait
de déposer, signait encore un diplôme le 4 octobre (Wickenhauser, Moldawa,
I, 90).
4. Voy. les dépêches de Gonstantinople, en date du 7 août iSgi, dans la Columna
lui Traian, VU, 1876, 284, et dans Hurmuzaki, Documente privitorc la istoria
Romdnilor, IV, n, i56.
10 REVUK CRITIQUE
poir d'être roi de fait, comme il l'était de nom. Déçu dans ses espéran-
ces, il s'est tourné contre ses complices, les dénonçant à Tinimitié de la
reine. Pour se venger, les lords furieux fournissent à Marie les preuves
de sa participation au complot de Holyrood, et amènent de la sorte une
rupture morale à peu près complète entre les deux époux. Puis, mal
rassurés sur l'abandon définitif de Darnley par la jeune reine, ils préfè-
rent s'en défaire et chargent Bothwell de cette tâche, Marie Stuart est
restée absolument étrangère à ces intrigues ténébreuses qui se terminent
par l'attentat du 9 février 1567. Elle n'a trempé, à aucun titre, dit
M, B., dans les négociations des lords et de Bothwell. Seulement il
avoue que sa manière de voir n'explique absolument pas la façon d'agir
de ce dernier; le « rôle du comte dans cette tragédie reste obscur et
incompréhensible » (p. 29), puisque l'auteur ne veut rien savoir d'une
passion de Bothwell pour la reine. D'autre part il n'admet pas, comme
les plus récents défenseurs de Marie, que son mariage avec le meurtrier
de Darnley, « preuve d'une inintelligence politique effrayante » (p. 100),
ait été absolument forcé, La théorie du viol ou des narcotiques, récem-
ment encore exposée par M. Opitz, ne le compte point parmi ses adhé-
rents. M. B. reste donc devant une solution, qui n'en est pas une,
puisqu'il ne réussit pas à élucider l'un des facteurs psychologiques
au moins de ce drame célèbre. Son travail restera surtout intéressant
par le soin avec lequel il a tracé le tableau de la formation successive de
la légende de Marie Stuart, et le zèle avec lequel il a discuté, point par
point, à la manière de M. Hosack, tous les arguments allégués pour
et contre les accusés de ce procès historique, constamment plaidé
avec une égale conviction, par les admirateurs et les adversaires de la
reine d'Ecosse. En procédant de la sorte, M, B. a pu trancher, ce
nous semble, un assez grand nombre de questions incidentes secondai-
res qui encombraient le terrain de la discussion et rendaient la con-
troverse encore plus embrouillée qu'elle ne l'était déjà par la force
des choses. Même si l'on ne partage pas ses convictions sur la question
principale, sur le rôle joué par Marie vis-à-vis de Darnley et surtout
vis-à-vis de Bothwell, on doit rendre hommage à l'effort constant et
sincère de l'auteur pour aller au fond des choses et à l'érudition de bon
aloi qu'il montre à chaque page de ce début dans la carrière scienti-
fique '.
R.
I . Ne pouvant entrer ici dans plus de détails sur un livre paru, il y a bientôt trois
ans, nous nous permettons de renvoyer pour un jugement plus approfondi à notre
travail sur Marie Stuart, Boiivell et Darnley^ publié dans la Revue historique, 1884,
t. III, p, 45-64.
D H1S1 OISt m Dti LITTKKATURS. I î
117. — siiaksi)eafc. Untersuchungen und Studien von Dr. Cari Conrad Hense.
Halle a. S. Verlag der Buchhai-.dlung des Waisenhauses, 1884. In-S, G42 p. Prix :
8 mark.
Ce volume se compose de neuf études d'inégale longueur et d'inégal
intérêt, mais qui toutes témoignent, chez leur auteur, d'une connais-
sance intime de Shakespeare. De ces études deux seulement, la huitième
et la neuvième, paraissent aujourd'hui pour la première fois, les autres
avaient déjà été publiées dans divers recueils ou revues et l'une d'elles,
la seconde, dès i852 ; on voit par là avec quelle persévérance M. Hense
s'occupe, depuis un tiers de siècle, de son poète favori; sMl ne lui a pas
consacré un travail d'ensemble, il a étudié avec amour et un soin dili-
gent, non pas quelques oeuvres prises isolément, mais quelques-uns des
aspects du talent si divers ou de l'immense influence du grand trafique :
on en jugera par les titres mêmes de ses « Recherches » : i" John Lyly
et Shakespeai'e ; 2° Remarques historiques et littéraires sur le Songe
d'une Nuit d'été ; 0° les Poètes allemands dans leurs rapports avec
Shakespeare ; 4" Conception de la nature par Shakespeare ; 5" Poly-
mythie des drames shakespeariens ; 6° de la Représentation des Ma-
ladies de l'âme dans les drames de Shakespeare ; 7" des Eléments
antiques dans le drame de la Tempête; 8" la Conscience et la Fata-
lité dans les œuvres de Shakespeare ; g" Shakespeare et la Philosophie.
Je n'ai point la prétention de faire connaître en détail chacune de ces
études, je voudrais seulement en indiquer l'esprit et la méthode et
montrer quel intérêt elles peuvent présenter. Les sujets qu'y a abordés
M. H, peuvent d'ailleurs se rapporter à trois ou quatre chefs différents:
de quelle manière Shakespeare a-t-il compris l'antiquité et quelle in-
fluence a-t-elle exercée sur lui; quelle place le sentiment et le monde
de la nature occupent-ils dans ses drames; comment le grand poète
a-t-il mis en œuvre la folie et quel intérêt tragique a-t-il tiré du re-
mords; enfin quelle influence a-t-il exercée sur les poètes allemands et
de quelles inspirations lui sont-ils redevables? voilà autant de questions
curieuses, sinon toutes nouvelles, que M. H, a examinées et a cherché
plus ou moins complètement à résoudre,
L'Angleterre, pas plus que les autres pays de l'Europe, ne fut étran-
gère à la Renaissance, elle en subit comme eux l'influence toute puis-
sante dans les arts et dans les lettres; M. H. recherche d'abord ce que
lui dut Lyly, puis il examine quelle différence il y a entre la manière
dont Shakespeare et l'auteur à' Euphues com.'pnvtïix. l'antiquité; il n'a
pas de peine à montrer comment le grand tragique, tout en imitant
parfois son prédécesseur, en se laissant, surtout dans ses premières piè-
ces, aller comme lui aux jeux de mots, aux antithèses subtiles, en un
mot au langage précieux du temps, en a aussi évité les défauts les plus
graves et, grâce à la supériorité de son génie et à sa brillante imagina-
tion, a transformé les sujets et les conceptions qu'il a empruntés à l'an-
tiquité et les a marqués au sceau de sa puissante originalité. Pour prou-
I 2 REVUE CRITIQUE
ver cette thèse incontestable, M. H. a accumulé les citations et les
rapprochements ; mais si la démonstration est irréfutable, on pourrait
souhaiter qu'elle fût moins prolixe, ce qui d'ailleurs ne lui aurait rien fai
perdre en force. Mais il faut en prendre son parti ; M. H. est avant tout
un esprit curieux; depuis trente ans il a lu et relu Shakespeare et quel-
ques-uns des poètes les plus grands de l'antiquité et des temps moder-
nes, il tient à nous le montrer et à nous faire part de tout ce qu'il a
trouvée dans ce commerce assidu, de pensées ingénieuses et de sentiments
élevés ou profonds ; de là la richesse et l'abondance des rapprochements
qu''il a faits, rapprochements qui souvent toutefois sont purement for-
tuits et ne prouvent rien pour la connaissance que Shakespeare aurait
eue de l'antiquité.
On retrouve cette curiosité infatigable de M. H. dans la septième
étude où il recherche quels éléments antiques sont entrés dans le drame
de la Tempête; ici cette curiosité pouvait s'exercer d'autant plus à son
aise et était d'autant plus à sa place que tout, dans cette pièce singulière,
se passe dans le domaine de la fantaisie. Même richesse d'informations
et de rapprochements dans la cinquième étude, où M. H. traite de la
« polymythie » des drames shakespeariens; le sujet est intéressant, mais
il eût été facile de le traiter de plus haut; multiplicité des épisodes
empruntés souvent à des sources différentes, nombre des personnages,
contrastes cherchés des caractères, complexité de Fidée-mère du drame,
voilà autant de traits caractéristiques qui distinguent le drame de Sha-
kespeare de la tragédie des Grecs; mais aussi rien de moins inconnu;
M. H. a eu au moins le mérite de montrer par l'examen de quelques
pièces du grand poète, combien cette complexité de l'action et de l'in-
trigue était chez lui une tendance réfléchie et volontaire.
A-t-on jamais fait de Shakespeare un disciple de la philosophie? Je ne
le crois pas et telle n''est pas non plus précisément l'opinion de M. H.;
il accorde, en effet, que Shakespeare est resté étranger aux études de
philosophie spéculative, mais il aurait subi l'influence des doctrines
de Pythagore popularisées par la Renaissance et un penchant secret
l'aurait attiré vers la philosophie morale; il faut convenir que nous
sommes ici en pleine hypothèse; que des pensées profondes et éminem-
ment philosophiques se rencontrent à chaque instant dans les drames
de Shakespeare, rien de plus incontestable; mais elles sont le fruit de sa
connaissance intime du cœur humain, bien plus que d'études philoso-
phiques plus que problématiques'.
M. H. a été plus heureux en parlant de la place qu'occupent les
légendes et la nature dans le théâtre du poète anglais.
Ça été la rare fortune de Shakespeare de paraître à une époque et
dans un pays où l'influence bienfaisante de la Renaissance se faisait
partout sentir, sans que les traditions ou les légendes du moyen âge
I. Je fais abstraction ici de l'étude que Shakespeare fit assez tard des Essais de
Montaigne.
D HISTOIKE ET »!•. LIITERATURK I 0
fussent entièrement oubliées; voilà ce qui explique comment dans ses
pièces nous trouvons, à côté des souvenirs de l'antiquité, les croyances
populaires des siècles précédents; le monde des dieux du paganisme
antique s'y rencontre comme celui des géniesdu paganisme germanique.
Mais si c'est là un trait distinctif de ses drames, ce qui est carac-
téristique de son génie, c'est le sentiment profond qu'il a de la nature,
la sympathie qu'elle lui inspire ou celle qu'il lui prête pour les héros
de ses drames, ainsi que le symbolisme sous lequel lui apparaissent les
êtres qui la peuplent; n'a-t-on pas pu dans ces derniers temps tirer de
son théâtre une faune populaire véritable ' ?
Observateur fidèle et exact de la nature physique, Shakespeare l'a été
plus encore de la nature morale; il en a étudié et suivi d'un œil sûr
toutes les grandeurs et toutes les misères, les vices et les vertus, ne reculant
même pas devant la folie; Sophocle, ce modèle de la tragédie grecque,
a bien mis en œuvre les égarements d''Ajax et les fureurs d'Hercule ; mais
aucun auteur dramatique ne s'est complu comme Shakespeare dans la
peinture des maladies de l'âme ou ne leur a fait dans son théâtre une
place aussi large. Il sufiit pour le prouver de citer Lear, Macbeth,
Ophclie et Hamlet. La folie dans les drames de Shakespeare a été l'ob-
jet de plus d'une étude, écrite au point de vue purement et étroitement
scientifique; M. H., comme il était naturel, s'est attaché à montrer
comment le grand tragique lui a donné un intérêt dramatique, en en
faisant la conséqLience fatale d'une faute antérieure, en la transportant
du domaine de la réalité vulgaire dans celui de la poésie. Mais c'est au
remords considéré comme mobile dramatique, qu'il a consacré la plus
longue et l'une des plus intéressantes de ses études. Ici, en etïet, le cou-
pable n'échappe jamais au regret qui suit la faute; c'est même là,
remarque avec raison M. H., un trait caractéristique du drame shakes-
périen ; le Tamerlan et le Barabas de Marlowe commettent leurs forfaits
sans remords, comme sans scrupule, Macbeth hésite avant, comme il
tremble après son crime et la conscience de Richard III, malgré sa
perversité native, se fait son juge et son bourreau. C'est que la faute
pour Shakespeare est un acte de la volonté même du coupable, non
d'une volonté étrangère ou de la fatalité; ce n'est pas le sort ou les
« étoilesennemies », mais la passion insoumise, les penchants indomptés
du cœur qui amènent la catastrophe finale de ses héros, comme c'est
le témoignage d'une bonneconscience qui les soutient dans l'adversité ou
dans les revers. C'est par là qu'au fond, malgré la hardiesse de la forme,
le théàrre du grand poète est si véritablement moral.
Parmi les questions que M. H. a examinées, l'une des plus curieuses
est celle de l'influence que Shakespeare a exercée sur quelques-uns des
I. The animallore of Shakespeare' s iime, includtng quadrnpcds, birds, reptiles,
Jîshes ad insects, by Emma Phipson. In-8. London, iS83. M. Hense, lui, a surtout
parlé de la flore populaire d'après hihakespeare et des attributs que le grand poète
donne à quelques plantes.
14 Kiivuic CRiriQUi;
poètes les plus célèbres de rAllemagne. Déjà dans ses « Remarques sur
le Songe d'une Nuit d'été », écrites en i852, il avait montré ce que
« Gryphius, Wicland dans son Obéron, Gœthe dans son Faust, Tieck
dans la Vie des poètes^ » devaient à ce drame fantastique; dans son
étude sur « les poètes allemands et leuis rapports avec Shakespeare »,
écrite dix-huit ans plus tard, il a essayé de montrer ce que le théâtre
tout entier du grand tragique a fourni aux poètes germaniques de la fin
du siècle dernier et des premières années de ce siècle-ci. Le sujet n'était
point neuf, puisque Gênée en particulier l'avait traité et que toutes les
histoires de la littéraiure allemande parlent naturellement de l'in-
fluence de Shakespeare sur la poésie allemande; M. H. ne pouvait
guère avoir la prétention de le renouveler, il s'est borné aussi à montrer
ce que Klinger et Lenz, Gœthe et Schiller, Tieck, dans un si grand
nombre de ses œuvres, ainsi que H. von Kleist et Eichendorf, doivent
aux drames de Shakespeare; il y a là plus à\\n point de vue et d'un
fait nouveau, mais la matière est loin d'avoir été épuisée; on se de-
mande aussi pourquoi M. H. a pu procéder avec si peu d'ordre, et
parler de Lenz et de Klinger avant Gœthe, de H. von Kleist avant
Tieck.
Ce défaut de méthode, avec le manque de simplicité et de concision,
se rencontre plus d'une fois dans les études de M. Hense; on y voudrait
plus de lumière et moins de prolixité, mais on y trouve toujours à
s'instruire; elles sont l'œuvre d'un esprit curieux et cultivé, d'un con-
naisseur enthousiaste et passionné de Shakespeare ; le culte qu'il a voué
au tragique anglais lui a permis d'en pénétrer souvent l'esprit et Fori-
ginalité, et les études qu'il lui a consacrées méritent par là d'être lues,
même après tant de travaux dont le grand poète a été l'objet.
Ch. J.
VARIETES
IWotes tï'arehéologÊe os-îentale.
XXIII
Un nouveau titulus funéraire de Joppé.
Je viens de recevoir de Jaffa Pestampage d'une inscription grecque ré-
cement découverte ■ et provenant probablement de la nécropole juive
antique dont j'ai déterminé l'emplacement il y a une douzaine d'an-
nées. Cette inscription appartient à la classe des titiili, ou plaques de
marbres scellées au-dessus de l'entrée des sépulcres ou des foursàcer-
I. L'envoi n'est accompagné d'aucune indication; je suppos: que l'original doit
être cnirc dans la collection du baron von Ustinow.
d'histoiue et de lïttérature i5
cueil, iituli dont j'ai déjà recueilli un assez grand nombre à Jaffa,
et que je compte publier un jour. Celui-ci sort un peu de l'ordinaire
par sa teneur ; c'est ce qui m'engage à le faire connaître sans retard. Il
mentionne l'acquisition d'un tombeau, faite à Joppé par un juif nommé
Saûl, d'un de ses coreligionnaires nommé Baruch ou Baruchias {cL
Bapa/Jxç, S*- Matth. 33, 35. — Barouchias semble être une moyenne
hvbride entre Baroiik et Berekyah). Le fait est curieux. Il est à sup-
poser que Saûl appartenait, sinon à cette colonie juive d'Alexandrie
dont j'ai constaté plusieurs fois la présence à Jaffa par d'autres épita-
phes où cette origine est expressément indiquée, du moins à quelque
autre groupe de ladiaspore; peut-être était-il originaire d'Asie Mineure.
Toutes ces inscriptions, y compris celle-ci, sont, d'ailleurs, postérieu-
res à notre ère ; quelques-unes peuvent descendre jusqu'aux V et
vi" siècles :
HrOPACAErOCAOTA
ENTHïonnnnAPA
B A P 0 ï X I 0 r M N H M A
A N E e I K A iM E N n P
Q T 0 G C A 0 r A K A ï
CÏNKAHTIKHN
'H^cpaija èYfw) ^*^'-^^M ^'' '^fl 'Is'î^'îi^fn 'Tcapà Bapou/Jou, [j.vfj[j.a ' àvcO(-/])7,:'.[J.£V
Le nom de femme 2uvy,7/ryTr/,-r) est déjà connu (C. I. G. 396 3, et add.
41 38) ; il correspond au nom d'homme -luvy.X-rjTiy.oç (G. B. G. 4373, b.)
— sénateur . La tournure de la phrase ne permet pas de savoir au juste
si c'est bien le même Saûl, acquéreur du tombeau, qui l'a inauguré
avec sa femme Synclétiké; il faudrait admettre, dans ce cas du reste
très probable, un changement d'interlocuteurs.
Clermont-Ganneau.
CHRONIQUE
FRANCE. — M. FusTEL de Coulanges, membre de l'Institut, professeur à la Fa-
culté des lettres de Paris, a fait paraître à la librairie Hachette des Recherches sur
quelques problèmes d'histoire (gr. in-S", iv et 53o p.); l'ouvrage est ainsi divisé :
I. Le colonat romain (p. 3-i86); II. Les Germains connaissaient-ils la propriété des
terres (p. iSg-SiS); Hî. De la marche germanique (p. Suj-SSG); IV. De l'organi-
sation judiciaire dans le royaume des Francs (p. 36i-528).
— Les éditeurs Lecène et Oudiii (17, rue Bonaparte), font paraître, sous la direc-
tion de M. Emile Faguet, une Collection des classiques populaires ;]e àkccteui' de
la collection explique ainsi le plan qu'il se propose de suivre pour chaque volume
« un entretien continu où s'introduisent, chemin faisant, naturellement et leur place,
l6 REVUE CRITIQUE
analyses, extraits et explications»; il veut « donner aux enfants et aux jeunes gens
une première idce des écrivains français, et, du même coup, les premiers traits
d'une grande morale, large, profonde, vraiment liumaine ». Deux volumes ont déjà
paru : Corneille et La Fontaine ; ils sont dûs à M. Faguet. N'iendront ensuite Victor
Hugo et Chateaubriand par M. Ernest Dupuv, Racine et Lamartine par M. Jules
Lemaître. Nous donnons la table des matières du La Fontaine, orné d'ailleurs d'un
portrait du fabuliste et de plusieurs gravures : I. Pourquoi La Fontaine est un écri-
vain populaire, sa jeunesse, son caractère; II. Ce qu'est la fable; III. L'esprit des
bêtes ; IV. Amour de La Fontaine pour les petits et les faibles; V. La morale de La
Fontaine est particulière aux petits et aux humbles. Etourderie et imprévoyance.
Ne pas juger des gens sur la mine. La prudence est la mère de la sûreté. Ecouter
ses parents et les gens d'expérience. Vanité. Folle ambition. Economie. Patience
et travail. 11 faut îe soutenir les uns et les autres et éviter les procès ; VI. Insolence
et faiblesse des grands. Ils ont besoin des petits. Les petits préfèrent la médiocrité ;
VIL De ramiiié; VIII. Vieillesse et mort de La Fontaine. Chaque chapitre, chaque
paragraphe renferme des exemples à l'appui. La collection s'adresse surtout aux en-
fants, comme l'indique le titre : (La Fontaine explique aux enfants) et nous la re-
commandons de grand cœur; on louera surtout l'habileté de l'auteur â relier le texte
des fables principales entre elles par ses analyses et à les grouper d'après la pensée
qui inspirait le fabuliste. Le volume sur Corneille est tout aussi bien fait; il ex-
plique suffisamment le grand tragique et le met à la portée de l'enfance sous une
forme à la fois aisée et originale.
— Quatre brochures de M. André Joubert. — Ces brochures d'un travailleurd'une
très grande activité sont intitulées : \° René de la Rouvraye, sieur de Bressault
1570-1.^71. Mamers, i885, grand in-S" de 7 p. (C'est un appendice à une étude sur
le même personnage publiée par M. .Ioubeut en 1881, appendice où sont utilisés, en
ce qui regarde les brigandages commis en 1570-71 près de la Selle-Craonnaise par
celui qu'on appelait le diable de Bressault. divers titres de l'abbaye de la Roë con-
servés aux archives de la Mayenne) ; 2° La démolition des châteaux de Cv.ion et de
Château -Gontier d'après les documents inédits i5g2-r65j. Mamers, i885. Grand
in-8° de 3q p. (Récit qui s'appuie presque en entier sur les Registres des délibéra-
tions de l'hostel de ville d'Angers, d'importants extraits sont donnés aux Pièces jus-
tificatives, et sur plusieurs documents des archives de la Mayenne); 3" La Chatelle-
nie de la Jaille-Yvon et ses seigneurs d'après les documents inédits 1052- 1789.
Angers, i885, grand in-8'' de 82 p. — (Monographie complète, ornée de deux hélio-
gravures qui représentent La Jaille-Yvon et le château de l'Oncheray, enrichie de
renseignements nouveaux tirés d'un grand nombre de recueils manuscrits soit de la
Bibliothèque nationale, soit des dépôts publics ou particuliers de l'Anjou et du
Maine, renseignements parmi lesquels on remarquera surtout d'abondants détails
généalogiques, ainsi que d'intéressantes particularités relatives à de dramatiques épi-
sodes de l'histoire des années 1798 et 1794; 4° Le Collège de Requeil d'après des
documents inédits 1676-1793 (Mamers, j885, [grand in-8'', de 14 p.) Le collège de
Requeil, arrondissement de la Flèche, [canton de Pontvallain, a été fondé en 1676
par Jehan de Launay. sieur de la Maldemeure, chanoine régulier de Saint-Augus-
tin. L'histoire de cet établissement a été rédigée par M. Joubert d'après une série de
pièces inédites dont il a fait récemment l'acquisition, pièces qui complètent le dos-
sier des archives de la Sarthe relatif à cet établissement, et d'après des documents
conservés dans les archives de la paroisse de Requeil. — T. de L.
— Une visite aux ruines du château de Montaigne. — C'est un savant archéolo-
gue, M. Ch, Mario NNEAU, correspondant de l'Académie des Beaux-Arts, qui a voulu
i
D HlSTOlllE ET DE LITTERATURE I 7
décrire ce qui reste, après l'incendie du 12 janvier i885, du manoir de l'auteur des
Essais (Bordeaux, veuve Moquet, i885, brochure grand in-8", de 24 p., tirée à i5o
exemplaires sur papier de Hollande, imprimée par Gounouiihou et ornée de trois
belles gravures qui représentent : 1» l'ensemble des constructions dont se composent
le manoir ; 2" l'église du petit bourg de Saint-Michel de Montaigne ; 3° la tour
ou donjon du manoir. Empruntons à la très intéressante notice de M. Marionneau
(p. i3), un renseignement qui sera bien accueilli de tous les amis de Montaigne :
Cl Et maintenant, avant de dire adieu à ce château réduit en cendres, il est conso-
lant de pouvoir constater que la partie la plus curieuse de ce domaine, celle où le
grand moraliste a laissé l'empreinie la plus profonde de lui-même, la vieille tour
dite de Montaigne, qui contenait sa chapelle, sa chambre et sa librairie, existe en-
core sinon dans un état parfait de conservation, au moins telle qu'elle était avant
rincendie du corps principal du logis. » A la suite du récit de la visite aux ruines
qui ont déjà disparu, car je puis annoncer d'après un sûr témoignage que Ton tra-
vaille avec activité à la reconstruction du château, nous trouvons : 1° une note de
iM. Gustave Brunet relative aux inscriptions tracées au pinceau (et non gravéesj sur
les solives et les poutres de la librairie de Montaigne) ; 2° une Table iconographique
où sont indiqués tous les plans, dessins, lithographies, gravures du château; 3° enfin
la copie de l'inscription que la municipalité de Rome va faire placer sur la façade de
l'ancienne auberge de VOiirs, où Montaigne et sa suite vinrent loger, à leur arrivée
à Rome, le dernier jour de novembre i58o. A ce propos, M. Marionneau exprime
un vœu auquel s'associera chacun des lecteurs de sa splendide brochure, le vœu
qu'au flanc de la vieille tour, si chère au philosophe, et dont il disait : « Je passe
là la plupart des jours de ma vie et la plupart des heures des jours », on inscrive ces
simples mots : Ici naquit, écrivit et mourut Michel de Montaigne. — T. de L.
— Deux brochures de M. Jules Andrieu. — L'autre jour, je signalais, en passant
(no du 18 mai. Chronique, p. 402) une étude fort curieuse de M. J. Andrieu sur un
châtiment singulier (la baignade, en une cage de fer, des femmes de mauvaise
vie). Signalons deux autres non moins curieuses brochures du même auteur
(Les Agenais. Deux oubliés du xvui' siècle; Agen, Michel et Médan, t8S5, grand
in-80 de 17 p. Tiré à 5o exemplaires. — Un amour d'Henri IV. Capchicoi, légende
et histoire -^ Paris, Em. Lechevalier; Agen, Michel et Médan, i885, grand in-S" de
21 p. Tiré à 100 exemplaires. — Les oubliés sont: Jean-Baptiste Rigal, né à Frespech
vers 1720, mort vers 1792, maréchal des camps et armées du roi, commandant de
la ville d'Agen, et Barthélémy Roux, né vers 1720, mort après 1786, négociant
d'une admirable générosité, et qui fut pour les pauvres une véritable providence.
M. Andrieu a publié, d'après les registres des Archives départementales de la Gi-
ronde, les lettres de noblesse accordées en 1771 et en 1777 à ces deux personnages
dont nul n'a gardé le souvenir. — C'est encore du même dépôt que proviennent les
lettres d'anoblissement en faveur d'Estienne Saint- Vincent de Cachicot et ceux de
sa postérité (20 avril iSgy) et les lettres de confirmation du dit anoblissement
(20 juin i6i3). Etienne Saint-Vincent, surnommé Capchicot, n'est autre que le pau-
vre charbonnier chez lequel coucha, dans les landes de Lot-et-Garonne, en 1578, le
roi de Navarre et à la femme duquel le diable à quatre passe pour avoir donné un
fils. M. Andrieu joint à son agréable récit d'utiles indications et rectifications.
L'auteur, qui est un des plus zélés travailleurs de Gascogne, va publier prochaine-
ment deux ouvrages importants sur lesquels j'appelle d'avance l'attention de nos
lecteurs ; L'imprimerie en Agenais depuis l'origine jusqu'à nos jours (i vol. grand
in-80) ; Bibliographie générale de V Agenais. Répertoire alphabétique de tous les li-
vres, brochures, journaux, etc., dus à des auteurs de la région, imprimés dans ce
l8 RlîVUE CRITIQUE
pays OU l'intéressant directement, avec des notes littéraires et biographiques (2 vol
grand in-8°]. — T. dk L.
— Le budget de Bc:{iers en 1620. — Sous ce litre M. Frédéric Donnadieu, pré-
sident de la Société archéologique de Béziers, publie (Béziers, i885, grand in-" de
ôo p.) un important document qui avait écliappé aux investigations des historiens
locaux, quoiqu'il ait été mis au jour en 1648 (il est vrai que la brochure imprimée
par Jean Martel et Pierre Claverie est d'une excessive rareté). Le budget de 1620 est
le premier qui ait été régulièrement établi dans Béziers. Outre les sommes à dé-
penser et les recettes à faire, on y indique les moyens de prévenir les fraudes et les
mauvaises gestions des deniers publics. C'est donc plus qu'un budget; c'est en
quelque sorte un code municipal. Ce document fait connaître le nombre des em-
ployés de la commune, la nature de icurs fonctions, le quantum de leurs gages, des
détails de mœurs et de coutumes locales inhérentes à ces emplois, les peines encou-
rues par les employés principaux ou subalternes, dans tels et tels cas, toutes choses
qui, comme le remarque M. Donnadieu, nous font pénétrer plus avant dans la vie
municipale de nos pères. Notons ce piquant rapprochement : le budget de 1Ô20
présente en recette le modeste total de moins de i3,ooo livres et en dépense la
somme, plus modeste encore, de moins de 10,000 livres. Le budget de Béziers en
i88d s"élève en dépenses et en recettes à près de deux millions. Notons encore que
les habitants de Béziers étaient admis aux séances du conseil, mais qu'ils avaient,
de plus qu'aujourd'hui, le droit d"y prendre la parole et de faire entendre leurs
plaintes pour le bien de la ville. M. Donnadieu a entouré le budget de 1620 de no-
tes très abondantes et très instructives qui méritent d'être recommandées non seu-
lement aux amis de l'histoire, mais aussi aux amis de la philologie, car ces derniers-
y trouveront d'excellentes choses sur certains mots méridionaux, tels que clavaire
(trésorier municipal), compe^aires (agents chargés de rédiger le livre de la Taille),
bans (droit de pacage), hortolanerie (jardinage , èo^e (plante marécageuse qui sert à
faire des nattes grossières), boineias (beignets), etc. Au moment où M. Donnadieu
publiait son étude sur le budget de Béziers en 1620, M. Paul de Fontenilles. prési-
dent de la Société des Etudes du Lot, publiait une étude qui est fort intéressante
aussi sur le Budget de la ville de Cahors en 1684 {Bulletin, t. X, i" fascicule,
i8S5, pp. 1-49 pour le texte, 5o-i 1 1 pour le commentaire). — T. de L.
— La campagne du duc de Guise dans l'Orléanais. — Dans cette monographie
(Orléans, Herluison, i885, in-80 de 28 p.), M. Baguenault de Puciiesse, prési-
dent de la Société archéologique et historique de l'Orléanais, a voulu suivre pas à
pas, à l'aide de documents dont quelques-uns n'ont pas encore été utilisés, notam-
ment les lettres du duc de Guise à Henri III (B. N. F. Fr. 4734), les manœuvres
militaires dont l'Orléanais lut le théâtre en octobre et novembre ïbSj. 11 envi-
sage concurremment la marche des trois armées en présence : celle qui était
commandée par Henri III en personne, ayant le duc d'Epernon pour lieutenant,
celle des protestants, où l'on remarquait Jean-Casimir, duc de Bavière, le baron
de Dohna, le duc de Bouillon, le colonel général Clervant, enfin celle du duc de
Guise. 11 décrit ensuite les deux combats de Vimory (26 octobre) et d'Auneau
(24 novembre), où fut presque anéantie l'armée allemande. A la brochure est an-
nexée une excellente carte explicative des opérations des trois armées. M. Bague-
nault de Puchesse énumère et analyse (Appendice, pp. 17-28) 3j petites publica-
tions contemporaines relatives à la campagne de 1087, « qui la plupart sont telle-
ment rares qu'elles font le désespoir ou le bonheur des bibliophiles ». Le som et
l'habileté avec lesquels a été dressée la liste de ces plaquettes, dont plusieurs man-
quent à la Bibliothèque nationale, montre ce que nous devons attendre du catalogue
D'HUVrOlRE ET DlC LITTERATURE ÎQ
des plaquettes de la seconde moiiic du xvv- siècle préparée par M. Baguenault de
Puchesse avec le concours d'un excellent travailleur qui a fait ses preuves, M. L. Jarry,
catalogue qui certainement serait pour ces innombrables pièces ce qu'est pour les
Ma:{arinades le classique recueil de M. Moreau. — T. de L.
— M. A. GiRY vient de faire paraître à la librairie Picard le volume de Documents
sur les relations de la Royauté avec les villes en France de ii3o à i3i4, que
nous avons précédemment annoncé à nos lecteurs. Ce volume fait partie d'un
Recueil de textes pour servir à l'étude et à l'enseignement de l'histoire, qui fera
pendant au Recueil de M. Tardif pour servir à l'étude et à l'enseignement du droit.
M. Lavisse a mis en tête du volume de M. Giry une courte préface où il insiste sur
la nécessité de mettre des instruments de travail aux mains des jeunes gens.
RUSSIE. — Sous ce titre Cyrille et Méthode dans la philologie slave, M. Jagic
vient de publier à Saint-Pétersbourg (imprimerie de l'Académie des Sciences) le tra-
vail qu'il a lu dans la séance solennelle du 5 avril dernier, séance consacrée à la
mémoire des deux apôtres slaves. Cette dissertation, accompagnée de nombreuses
notes, présente un résumé très exact des travaux auxquels les deux saints ont donné
lieu depuis un siècle et demi. 11 est vivement à souhaiter que M. Jagic en publie
une traduction allemande dans VArchivfïir Slavische Philologie. UArchiv rendrait,
croyons-nous, un grand service aux savants en publiant une bibliographie détaillée
des travaux relatifs aux deux apôtres.
— A l'occasion du millénaire de saint Méthode. l'Université (russe) de Varsovie a pu-
blié sous la direction de M. Boudilovitch un recueil de travaux originaux : V Lavro-
vsKY : Cyrille et .Méthode et les origines du Christianisme en Russie; 2° Boudilo-
vitch : (Considérations sur le caractère greco-slave de l'œuvre de Cyrille et de
Méthode; 3° Pervolf ; La langue slavonne et ses destinées; 4» Koulakovsky : La
question de l'unité de langue littéraire chez les peuples slaves; 5" Grote : L'origine
grecque des apôtres slaves ; 6*' Ziegel : L'importance sociale de l'œuvre des apôtres
Cyrille et Méthode.
ACADEiMlE DES IînSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 26 juin i885.
Le prix Eordin, sur cette question : a Etude critique sur les œuvres que nous pos-
sédons de l'art étrusque », etc., n'est pas décerné. Le concours est prorogé au
3i décembre 1886
M. Renan communique à l'Académie une lettre de M. de Lostalot, vice-consul de
France à Djeddah, qui est débarqué à Marseille le 16 juin, ayant avec lui les objets
recueillis, au cours d'une mission archéologique entreprise sous les auspices de l'A-
cadémie, par M. Huber, courageux voyageur tué par les Arabes il y a un an à peu près.
M. de Lostalot rapporte, en particulier, la célèbre stèle araméenne de Teima, qui
mérite la seconde place parmi les monuments d'épigraphie orientale connus jus-
qu'ici; la stèle du roi moabite Mésa mérite seule de lui être préférée. La stèle de
'i'eima est, dit M. Renan, un acte d'éclectisme religieux, une sorte de concordat,
par lequel un individu étranger à la tribu des Teïmites élève la prétention que le
culte qu'il rendra à son dieu particulier soit agréable aux dieux des Teïmites et que
ceux-ci le protègent. Une part sur ce qu'on peut appeler le budget des cultes de la
tribu de Teïnia, consistant en 2g palmiers, est prélevée au prohc du dieu nouveau.
La stèle de Teïma peut être rapportée au v'' siècle avant notre ère. Une très curieuse
sculpture en relève singulièrement la valeur. M. de Lostalot a déployé pour acqué-
rir ce précieux monument à la France un zèle et une intelligence qui ne sauraient
être assez loués.
^ M. Charles Nisard termine la lecture de son mémoire sur les poésies latines de
Fortunat. Il s'est proposé de rechercher pourquoi ces poésies, remplies de détails
intéressants sur les mœurs et les arts de l'époque mérovingienne, n'ont encore été
20 REVUK CRITIQUE D HISTOIRE El DE LnTERATURB
traduites en aucune langue. Il passe d'abord en revue tous les auteurs qui, depuis
Paul Diacre, au viii'^ siècle, jusqu'à nos jours, ont parlé de Fortunat ; il relève les
èloi^es dont il a été presque constamment l'objet, mais il remarque qu'aucun des
érudits du xvi° siècle ne s'est laissé prendre à ces éloges. Dégoûtes sans doute par
celte latinité barbare, par cette poésie dont le vol ne lait que raser la terre, et sur-
tout par l'état du texte dans les manuscrits, où il y a souvent plus de fautes que de
mots, les lettrés de la Renaissance ont négligé l'étude des œuvres de Fortunat.
Brower le premier donna, en i6o3, une édition de ces œuvres, accompagnée d'un
commentaire. Malheureusement il s'occupa moins d'en rétablir le texte que d'expli-
quer les passages qui renferment des allusions historiques. Ses éclaircissements à cet
égard sont loin d'être sans mérite, mais ils reposent trop souvent sur des conjectu-
res hasardées ou sur des faits manifestement erronés. Cent quatre-vingt-trois ans
plus tard, une nouvelle édition fut donnée par Puchi. Elle l'emporte sur la précé-
dente par l'étendue et la richesse du commentaire. L.es connaissances de Puchi en
histoire étaient plus grandes que celles de Brower, il a montré plus de prudence
dans ses conjectures, enfin il a eu à sa disposition un plus grand nombre de manus-
crits. Néanmoins son texte laisse encore beaucoup à désirer, et c'est ce mauvais état
du texte, pense M. Nisard, qui est cause que personne n'a encore osé traduire For-
tunat. Les premiers éditeurs, ajoute-t-il, ont eu trop de respect pour les leçons ab-
surdes ou inintelligibles que présentent à tout instant les manuscrits. Beaucoup de
ces mauvaises leçons peuvent aisément être corrigées par conjecture : on aurait dû
oser le faire. 11 y a heureusement, ajoute M. Nisard, quelques traits de cette har-
diesse dans l'édition de M. Frédéric Léo, publiée à Berlin en i88i. On y remarque
notamment un certain nombre de corrections très heureuses, suggérées à M. Léo
par M. Mommseii. On aurait pu les souhaiter plus noinbreuses -, mais telles qu'elles
sont, elles rendent désormais possible une traduction de ce ténébreux et inextrica-
ble poète. M. Ch. Nisard laisse entendre qu il se propose de donner lui-même cette
traduction.
M. Benlœw termine sa lecture sur les langues et les peuples du Caucase.
Ouvrages présentés: — par M. Gaston Paris : Boselu (le comte Jules), Tableaux
généalogiques de la dynastie capétienne, extraits des principaux auteurs ; — par
M. Georges Perrot : BÂpst (Germain), Étude sur l^s coupes phé)iicien)ies (extrait de
la Revue des arts décoratifs) ; — par M. Léopold Delisle : i" Archives de Bretagne,
publiées parla société des bibliophile bretons, t. I, 11. 111, (privilèges de la vjlle de
Nantes, complot breton de 140-.:, mystère de sainte Barbej ; 2° Châtelain (Emile),
Paléographie des classiques latins, livraisons i et 2 ; — par l'auteur Oppert (Julius),
Die astronomischen Angaben der assyrischen Keilinschriften (extrait àts, Sit:{ungs- ;
berichte de l'Académie impériale de Vienne). î
Julien Havet. J
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du 17 juin i885.
PRÉSIDENCE DE M. COURAJOD
M. le Président donne lecture de l'allocution qu'il a prononcée au nom de la Com-
pagnie, sur la tombe de M. Léon Renier, membre honoraire, décédé le ii juin
dernier.
M. de GeymuUer présente les épreuves photographiques des dessins d'un archi-
tecte français conservés à la Bibliothèque royale de Munich; d'après des indices cer-
tains, il les restitue à Du Cerceau; ces dessins représentent des monuments exécutés
en Italie vers iSyS.
La séance est suspendue pour permettre aux membres présents de procéder, sous
la conduite de M. de Villcfosse, à la visite des bronzes antiques acquis à la vente de
la collection Gréau pour le musée du Louvre.
A la reprise de la séance, M. de Villefosse lit un travail du P. Camille de la Croix
intitulé : « Troisième note sur de nouvelles inscriptions franques trouvées à Anti-
gny (Vienne) ».
A cette occasion M. de Laarière rappelle que le cimetière antique d'Antigny était
déjà connu des archéologues par le monument appelé Lanterne des Morts.
M. Germain Bapst annonce que des fouilles viennent d'être exécutées à Van (Ar-
ménie) et qu'on y a trouvé des monuments de l'art chaldéo-assyrien dont le travail
rappelle celui du siège de bronze de même provenance acquis par M. le marquis de
Vogué.
Le Secrétaire,
R. MOWAT.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Puy, imprimerie -le Marchessoii fils, boulevard Saint-Laurent. 2.5.
♦
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 28 — 13 juillet - 1885
Sotninuirc : il 6. Neumann et Partscii, Géographie physique de la Grèce. —
1 17. KviCALA, Nouvelles contributions à l'explication de l'Enéide. — 1 18. J. Havet,
(Questions mérovingiennes, I, la formule v. inl. — 119. Ant. Thomas, Jean de
Montreuil. — 120. Stieve, La politique de la Bavière, 1 591-1607. — 121. Brac-
QUEMOND, Du dessin et de la couleur. — Variétés : Delboulle, (Quelques notes
sur l'édition de La Fontaine, II. — Cluronique. — Académie des Inscriptions. —
Société des Antiquaires de France.
116. — l»liysikalîsctie Geograpliîe von Grleeltcnlantî mît besonder-ei*
Rûcksiclit auf das A.ltei-tliuin, par G. Neoaiann et J. Partsch. Breslau,
W. Kœbner, i885. In-8 de xii-476 pages.
Ce livre se compose de cinq chapitres: I. Climat de la Grèce; II. Confi-
guration du pays, côtes, etc. ; III. Relief du sol; IV. Composition géolo-
gique; V. Végétation. Une table très développée, au commencement de
l'ouvrage, et un index alphabétique fort complet, à la fin, facilitent les
recherches. Comme l'indique le titre, les auteurs ne se sont pas seule-
ment proposé de décrire la Grèce actuelle : la Grèce ancienne, avec ses
produits, ses ressources physiques de toute nature, son ciel, est sans
cesse présente à leur esprit; c'est en songeant à l'antiquité qu'ils parcou-
rent et nous font parcourir la Grèce continentale et les îles. Ainsi,
après avoir parlé du climat d'Athènes, ils se demandent (pp. 3 1-45)
quelle a pu être Pinfluence de ce climat sur la religion des Athéniens,
sur leur art, sur leur vie de chaque jour. Ailleurs (p. 254), certains
phénomènes physiques leur fournissent Fexplication de quelques-uns
des mythes dont la poésie grecque est pleine. L'ouvrage de MM. Neu-
mann et Partsch n'intéresse donc pas les seuls naturalistes : les amis
de l'antiquité y trouveront, eux aussi, d'utiles renseignements et les ar-
chéologues le consulteront avec profit. Ajoutons que la lecture en est
facile et que des notes nombreuses en éclairent le texte.
Paul Girard.
117. _ Joh. KviCALA. Xeue Beîtrspge z«i- Erklîjerung dei- yEiiels nebst
melirei-en Excui'sen imd Abtiandlungen. Prag, Tempsky, 1881, in-8,
viu et 462 p. 8 mark.
Le présent volume est une sorte de second tome ajouté aux Vergil-
Studien, donnés par Tauteur à Prague en 1878, et bien reçus par la cri-
tique. Ces études contenaient, avec la collation d'un ms. de Prague, des
Nouvelle série. XX. 28
22 REVUE CRITIQUE
notes critiques et exégétiques sur les premiers livres de rÉnéide, parti-
culièrement sur le premier livre. Ici nous avons de même des remarques
développées sur divers passages des livres II, III et IV et particulière-
ment sur ce dernier livre. Les difficultés de texte ou d'interprétation
sont indiquées; l'auteur énumère exactement les solutions données jus-
qu'ici; il indique celle qu"'il choisit, en quelques endroits celle qu'il
propose, le tout avec beaucoup de sens et une grande clarté. Tout au
plus trouverait-on à reprendre çà et là quelques longueurs, des digres-
sions, des raisons plutôt comptées que pesées, un peu trop de complai-
sance pour les conjectures et pour les explications proposées : huma-
nuni est.
De ces remarques retenons seulement que M. Kvicala défend l'au-
thenticité des vers II, 567-588. Ils ne seraient pas, comme le suppose
Weidner, une première improvisation du poète. Mais en écrivant le
livre VI, Virgile ne put pas ne pas s'apercevoir qu'il y avait contra-
diction entre les deux épisodes, et que celui de Déiphobe devait faire
écarter l'épisode d'Hélène au livre II. Il n'eut pas le temps de suppri-
mer celui-ci; mais il indiqua quelque part la correction qu'il voulait
faire, et c'est d'après celte indication que ces vers auraient été omis par
Tucca et par Varius.
Il est regrettable que dans tout Touvrage, Servius soit assez mal em-
ployé. M. Kv. ne fait pas de distinction entre les groupes de scolies; de
là une source d'erreurs et de confusions très fréquentes. Il est évident
que M. Kv., quand il a fait son livre, ne connaissait encore ni l'édition
Thiio, ni rien de ce qui a été publié pendant ces dernières années sur
Servius {voir p. 14,3; p. 58, au bas, etc.) Le sens donné par les scolies
n'est pas toujours bien dégagé; leur texte même est parfois altéré (ainsi
p. 93, note *). Pour un travail sur Virgile, c'est un défaut qui ne man-
que pas de gravité.
Suivent, p. 223 et suiv. , cinq Excursus. Dans les deux premiers,
M. Kv. a réuni les données que nous possédons sur la destruction de
Troie; dans V Excursus I^ les données semblables au récit de Virgile;
dans le second, les données qui en diffèrent. Les auteurs sont Quintus
de Smyrne, Tryphiodore, Lycophron, Proclus, Hygin, Tzetzès, Dic-
tys, Darès, enfin les poètes grecs et latins. L^ Excursus I ns. fait pas dou-
ble emploi avec les indications de Ribbeck. Il est beaucoup plus déve-
loppé et, dans le détail, plus précis. Dans le second, M. Kv. indique avec
beaucoup de sagacité pour quelles raisons de vraisemblance Vn"gile s'est
écarté des détails souvent naïfs du récit traditionnel.
yEn. IV, 573, M. Kv. propose de ponctuer d'après Servius : « Socios
que fatigat Prœcipites : vigilate, viri » et il est amené par cette diffi-
culté à traiter des cas analogues et à examiner dans un excursus^ le
troisième, les passages assez nombreux ■ où le commencement du dis-
M
I. Ils sont sur l'ensemble des discours dans la proportion d'un quart environ.
d'histoire et Di<: littérature 2'i
cours d'un personnage, ne coïncide pas avec le commencement du vers.
Chez les poètes épiques grecs, au contraire, on ne trouve à cette coïnci-
dence presque aucune exception (p. 268), et de même chez eux les dis-
cours finissent avec le vers tandis que Viri^ile les termine souvent avant
la fin du vers.
Dans VExcursiis IV. M. Kv. développe et complète une vue déjà
indiquée dans les Vergilstiidien (p. 34 et suiv.) en montrant comment
Virgile se plait à donner aux mots qui doivent être accentués une place
symétrique et parallèle, soit au commencement et à la fin du même
vers, soit à la fin ou au commencement de deux ou même de trois vers
qui se suivent. Ce sont là des observations fort justes et présentées dans
une juste mesure.
Je crains qu'il n'en soit pas tout à fait de même de VExcursus V qui
traite de l'allitération dans Virgile. Pour l'auteur, cette question est de
grande importance; c'est un point qui a été trop négligé jusqu'ici
(p. 293), et M. Kv. n'hésite pas, dans cet excursus et dans d'autres en-
droits de son livre, à tirer de ce qu'il regarde comme une habitude cons-
tante et caractéristique du style de Virgile des arguments probants pour
l'interprétation, pour l'établissement du texte et même pour l'authen-
ticité de vers contestés. On trouvera sans doute dans ces vues et dans
cette étude beaucoup d'intérêt, d'excellentes remarques, des tables très
développées qui peuvent servira déterminer d'une manière assez précise
l'emploi de l'allitération dans Virgile, C'est une observation ingénieuse
et très juste, que plusieurs expressions du poète qui paraissent d'abord
singulières ou forcées, ont été choisies par lui à dessein pour produire
quelque allitération. Mais l'auteur reconnaît (p. 386) que dans Virgile
l'allitération n'est pas toujours volontaire; que dans ce domaine, il est
d'ailleurs difficile et souvent impossible (p. 422) de distinguer un effet
voulu d'un rapprochement simplement dû au hasard; donc première
difficulté: on risque de supposer l'allitération où elle n'est pas, tle prê-
ter au poète des intentions qu'il n'a pas eues et de changer son texte
sous prétexte de l'épurer. M. Kv. reconnaît de plus (p. 2Q4; p. 419 et
suiv. ; p. 430) que la plupai t des Romains ont fait un grand usage de
l'allitération; seconde difficulté : car d'une observation qui doit être et
qui doit rester générale pour être solide et vraie, pourra-t-on tirer quelque
trait vraiment caractéristique du stylede Virgile?— Ce qu'en a tiré M.Kv,
pour l'interprétation de quelques passages difficiles, comme p. 410, sur
^n. I, 233 .,0b Italiam, n'est certes ni clair ni convaincant. Enfin on ne
peut oublier que ce principe de Vallitération, comme l'appelle l'auteur,
aurait mené dans l'application à la monotonie la plus fastidieuse; qu'il
était sans cesse restreint et limité par un autre principe aussi important,
celui de la variété du style ; qu'un auteur doué de ce tact et de ce senti-
ment de mesure que M. Kv. loue dans Virgile (p. 434) devait éviter de
multiplier les mêmes effets; que l'art chez lui partout se dissimule, tan-
dis que par l'allitération, il ne manque jamaisde se trahir.— Il n'est pas
24 RKVUK CRIÏJQUB
besoin d'insister : on comprend avec quelle prudence il convient d'ac-
cepter ce pre'tentiu principe, et l'on devine à quelles fausses conséquences
il peut conduire. Que dans la critique du texte, on en use en seconde
ligne et après d'autres raisons, nous l'admettrons; mais nous croyons
que l'exemple de M. Kvicala lui-même montre clairement comme
il est facile d'en abuser.
Trois index commodes terminent le volume.
E. T.
Ii8. — <J«pstîojis niérovin^îennes, par Julien Havet. I. La formule : N rex
francorum v. iiil. Extrait de la Bibliothèque de V Ecole des Chartes. Paris, Cham-
pion, i885. In-8, \6 pp.
Le conclusion de cette brochure est que « l'abréviation v. ittl. placée
« après le titre royal, dans les diplômes mérovingiens, doit se lire viris
« inhistribus . Le titre de vh' inluster, appliqué aux rois est carolingien
« et non mérovingien. » Ainsi s'exprime l'auteur, qui me semble avoir
démontré avec succès Texaclitude de cette thèse. C'est une découverte
importante dans le domaine de la diplomatique française, elle atteste la
perspicacité de M. Havet, et la justesse de son esprit.
Si son mémoire était extrait de la Revue historique, et si j'en rendais
compte dans la Revue des Questions historiques, ou réciproquement, je
me bornerais à ces observations élogieusement banales. Mais le travail
de M. Havet a paru dans la Bibliothèque de l'École des Chartes, c'est-
à-dire dans une publication d^un caractère tout à fait technique, ce
semble; j'écris de mon côté dans la Revue critique qui a la prétention
de mériter son titre. Je crois donc que c^est le cas de joindre à mes élo-
ges l'expression de la surprise que j'ai éprouvée en voyant combien la
terminologie spéciale à la diplomatique apparaît rarement dans la dis-
sertation de M. Havet, et combien le jeune érudit s'est peu occupé des
conséquences diplomatiques de sa découverte. Je vais essayer de combler
en partie cette lacune en exposant la question sous une forme un peu
différente de celle dont M. Havet a revêtu sa pensée.
Dans un diplôme mérovingien, si nous adoptons les expressions con-
sacrées par les savantes études de M. Sickel, il faut distinguer deux par-
tics, le protocole et le texte, ou si l'on veut la formule '. Le protocole,
sorte de cadre qui embrasse pour ainsi dire le texte, comprend les clau-
ses initiales et les clauses rinales. Les clauses initiales, les seules dont
nous ayons à parler ici, sont, dans un diplôme mérovingien, l'invoca-
tion, le nom du prince dont l'acte émane, son titre ou ses titres (?); ar-
rive ensuite le commencement du texte., qui débute par Tadresse. La
question posée et résolue par M. Havet est de savoir si les mots repré-
I. S'ickéi, Acta karolinorum,x. I,pp. 106, 107, 170, 209. 210.
d'histoir!': et de LITTÉRATUKE 25
sentes par les lettres v. inl. font partie des titres du prince dont le di-
plôme émane, ou sMls constituent l'adresse de ce diplôme, si par consé-
séquent ils appartiennent soit au protocole soit au texte. On a cru
jusqu'ici qu'ils appartenaient au protocole, qu'ils étaient la fin des
clauses initiales du protocole.
Le protocole débute par l'invocation. L'invocation, dans les diplômes
mérovingiens, consiste en ce que les Allemands appellent le chrisme '
sorte de monogramme dont les lettres grecques •/ et p sont le principal
élément; mais les éditeurs français, y compris J. Tardif dans ses Monu-
ments historiques, ont ordinairement supprimé le chrisme, même quand
il est accompagné de notes tironiennes exprimant une proposition tout
entière, ainsi, en tête du diplôme qui porte les numéros 440 chez Par-
dessus -, 33 chez Letronne \ 38 chez Tardif ^^ 70 chez Pertz ■' antc
omnia Christus, vaots très faciles à lire cependant, si nous en croyons
Kopp " et que Ch. Pertz lui-même a laissés au fond de son écritoire.
Vient ensuite le nom du prince Dagobercthus^ ,Childebercthus, etc.
Après cela on trouve son titre : rex Francorum. Puis, apparaissent
dans un certain nombre de diplômes les lettres embarrassantes v. inl.
Est-ce un nouveau titre du roi, et la fin de la première partie du proto-
cole; est-ce au contraire déjà le commencement du texte., c'est-à-dire
l'adresse?
Si les lettres v. inl. expriment un titre du roi, la lecture vir inluster
est justifiée ; si ces lettres obscures constituent l'adresse, il faut lire viris
inlustribus. M. Havet adopte la lecture viris inlustribus ; mais il ne
distingue pas assez nettement l'une de l'autre les deux circonstances
dans lequelles, suivant son système, les mots viris inlustribus se pré-
sentent au début du texte des diplômes mérovingiens. Tantôt dans son
système les mots viris inlustribus composent à eux seuls l'adresse, tan-
tôt ils ne nous offrent que le début d'une adresse plus développée. Dans
le second cas, tout le monde lit viris inlustribus. Ouvrons les Monu-
ments historiques de Tardif : nous y trouverons les adresses : [viris il-
lustrijbus Chrodegar[io]... n« 5 (Pertz, m 11); — viris in[lustribuJiS
Vuand[elberto] duci, Gaganrico domestico...., n° 7 (Pertz, n" 14); —
[viris inlustr]ibus V[uandalberto] duci et Ebrulfo grajîoni..., n" 9
(Pertz, n.° 18); — viris inlustrebus Audoberctho et Rocconi patriciis....,
1. Sickel, Acta karoliiwriiiu, t. I, pp. 211, 212. Voir aussi la brochure du même
auteur intitulée : Monumenta Gennaniae hisiorica, Diplomatinii imperii tomns pri-
miis pp. 48-49.
2. Pardessus, Diplomata, t. II, p. 241.
3. Diplomata et diartae merovingicae aclalis, t. II, p. 24.
4. Tardif, Monuments historiques, p. 21.
5. Diplomatum imperii tomiis primas, p. 62.
6. Palœographia Critica, 1, 425. C'est d'après Kopp que ces trois mots ont été
transcrits par M. Sickel, Acia karolinorum, t. I, p. 2q5, et par J. Tardif, Musée des
archives de l'Empire, p. 20, n" 22. Kopp écrivait en iSiyjM. Sickel et J. Tardif
en 1867.
2 6 REVUK CRITIQUE
n" 2 1 (Pertz, n" 48); — viris inlustrebus omnebus agentebus..., n" 23
(Pertz, n" 5i); — viris inlustrebus omnis tilenariis Masiliensis^ n" 47
(Pertz, n" 82 ■) ; Mabillon déjà lisait ainsi.
Mais la difficulté se présente là où, si l'on adopte le système de
M. Havet, les mots viris inlustribus, écrits v. inl. constituent à eux
seuls toute l'adresse, et sont immédiatement suivis de la seconde partie
du texte, c'est-à-dire précédent immédiatement le morceau, qui, dans
la langue diplomatique proposée par M. Sickel, s"appelle arenga ".
C'est alors que dans l'usage général, v. inl. est lu vir inluster. M. H.
peut, contre cette lecture, alléguer un document tout à fait décisif.
C'est le diplôme 46 de Tardif, n° 81 de C. Pertz, n"" 27 du Musée des
Archives de ï Empire : il commence par ces mots, immédiatement sui-
vis de Varenga : Chilpericus, rex Francorum viris inlustribus, comme
on peut s'en assurer en consultant le fac-simile de Letronne, n" 89.
M. Pertz a corrigé bien à tort viris inlustribus en vir inluster, et en ce
point s'est fait battre par Tardif, qui, avant lui, précédé dans la bonne
voie par la deuxième et par la troisième édition du De re diplomatica,
avait écrit, conformément à l'original, viris inlustribus \
Quand une fois on a sous les yeux le fac-simile n" 3g de Letronne,
et, que de cette reproduction d'un acte écrit en 716, on passe chez Le-
tronne au fac-simile n° 4 (Tardif n" 7, Pertz, n" 12), au fac-simile n" 9
(Tardif n° 1 1 , Pertz n° 19) représentant des originaux écrits le premier
vers 628, le second en 653, on y remarque, au lieu de v. inl. ,1a. notation
très différente vir. inl.; on voit que vir. est, dans ces deux fac-simile,
suivi d'un signe abréviatif très nettement apparent, d'où la nécessité de
compléter le mot au moyen d'une addition qui ne peut être que celle de
la syllabe is : viris, et comme conséquence inl. se doit lire inlustribus.
Les éditeurs ont jusqu'ici lu vir inluster dans ces deux diplômes; leur
erreur est évidente ^. Il est donc établi que vers 628, en 658 et en 716,
on trouve le texte de diplômes mérovingiens commençant par une
adresse qui consiste dans les deux mots viris inlustribus. Il est donc,
vraisemblable que dans les diplômes du même temps, c'est-à-dire du
vii*^ siècle et de la première moitié du viii", qui nous offrent v. inl. après
le mot Francorum, sur la frontière du protocole et du texte, v. inl. doit
se lire aussi viris inlustribus, doit appartenir au te.xte, doit constituer
l'adresse, ne point faire partie du protocole, ne point signifier vir in-
luster. D'ailleurs, si le protocole mérovingien eût compris le titre royal
1. Voir Sickel, Acta karolinormn, t. I, p. 175, note 5. Comparez p. 2i3, note 8.
2. Sickel, ibid., p. loS, 167. M. de Wailly dit préambule. Eléments de paléogra-
phie, t. I, p. 193, 204.
3. Vir inluster est la lecture de Mabillon, De re diplomatica, première édition,
p. 484; cf. deuxième édition, même page; troisième édition, p. 504.
4. Le diplôme dont Letronne a donné le fac-simile sous le n" 4 a été aussi publié
en fac-simile par Mabillon, De re diplomatica, supplément, pi. II. Le fac-simile de
Mabillon, comme celui de Letronne, exige id lecture viris inlustribus, et cependant
Mabillon a commis l'erreur de lire vir inluster.
D HISTOIRE ET DK LITTERATURE l'J
de vir inluster, il serait étrange que ce titre royal manquât, et que par
conséquent le protocole fût mutilé dans les diplômes cités un peu plus
haut, n"* 5,7, 9, 21, 23, 47 de Tardif où l'adresse, plus développée
que dans les autres diplômes, commence de Tavis de tout le monde par
viris inlustribus, et où il n'y a aucune trace de vir inluster. Ainsi
l'exactitude de la thèse de M. Havet est démontrée.
Au point de vue des études diplomatiques, la théorie nouvelle est
grosse de conséquences. En voici une : L'abréviation v. inl. est toujours
inscrite sur la première ligne; quand on l'attribuait au protocole, on
disait que le protocole occupait à lui seul la première ligne, et que le
texte commençait à la seconde '. Maintenant il faut reconnaître que le
texte des diplômes mérovingiens commence dès la première ligne, ce
qui, du reste, était forcément admis pour les diplômes auxquels Tardif
a donné les numéros 5, 7, o, 21, 23, 47. Autre résultat: on ne peut plus
poser ce principe que dans la période mérovingienne, l'écriture allon-
gée, employée ou début du diplôme, était réservée aux clauses initiales
du protocole \ Cet emploi s'étend aux premiers mots du texte comme
dans la période carolingienne \
J'en ai dit assez pour montrer à la fois que la découverte de M. Ha-
vet est très importante et pour justifier mon regret qu'il l'ait exposée
plutôt en historien qu'en diplomatiste.
H. d'ArBOIS DE JUBAINVILLE.
p. -S. M. J. Havet a pris connaissance de mon article et m'a fait
une réponse que je crois devoir communiquer aux lecteurs de la Revue
critique. Suivant lui, il pourrait bien n'être pas à propos de considérer
l'adresse comme une partie du texte et non du protocole, dans les
diplômes mérovingiens. La nomenclature fixée par M. Sickel est jus-
tifiée, quand il s'agit des diplômes carolingiens. Il n'est pas démontré
que cette nomenclature puisse s'étendre sans inconvénient à la période
mérovingienne.
Cette critique de ma critique peut être fondée, mais elle me confirme
dans l'opinion que M. H. aurait dû dans son mémoire s'occuper
davantage des conséquences techniques de sa découverte.
iig. — De «loannîsii <le ABonstei'olio vîta ot operîbus, sive de romanarum
litterarum studio apud (jallos inslauialo Carolo \'I régnante. Thesim proponebat
facultati litterarum Parisiensi Antonio Thomas, Chartarum altorumque studio-
rum scholarum olim alumnus, etc. Parisiis, i883, in-8, 114 p.
11 est étonnant, remarque M. Georg Voigt dans une note de son
I. Sickel, Acta k.iroUnovinn, t. I, p. 294.
•>.. Sickel, ibid.
3. Sickel, p. 2q8.
28 REVUE CRITIQUE
excellente histoire du premier siècle de THumanisme ', que depuis
l'édition des lettres choisies de Jean de Montreuil % personne n'ait paru
songer à l'importance littéraire de cet écrivain; cet oubli qui surprenait,
avec raison, le critique allemand que je viens de citer, M. A. Thomas
s'est proposé de le réparer, et de rappeler l'attention sur le latiniste trop
délaissé; mais là ne s'est pas bornée sa tâche; « il a voulu encore
prouver que sous le règne de Charles VI, il y eut en France, tout
comme en Italie, des savants qui se vouèrent à l'étude des lettres lati-
nes et tirent sortir de la poussière des bibliothèques, pour les appeler à
une vie nouvelle les auteurs de l'antiquité \ w On peut se demander
si la démonstration était nécessaire et si, après Bercheure et Nicolas
Oresme, qui vivaient sous Jean le Bon ou Charles V, on peut ne faire
commencer la renaissance des lettres latines en France qu'à Charles VI
et attribuer à Jean de Montreuil <> la gloire d'avoir été le premier de
ceux qui tentèrent dans notre pays de dissiper les ténèbres du moyen
âge. » Mais si le mérite de ce dernier est exagéré, on ne peut nier qu il
fut, dans le vrai sens du mot, le premier humaniste français, et il faut
savoir gré à M. A. Th. d'avoir essayé de lui rendre la place qui lui re-
vient dans l'histoire de notre passé littéraire.
On savait peu de choses de Jean de Montreuil; M. A. Th. s'est efforcé
de compléter les renseignements trop rares qu'on avait sur lui, et s'il
n'a pu reconstituer en entier la biographie du secrétaire de Charles VI,
il est du moins parvenu à fixer avec une grande vraisemblance quelques-
uns des faits principaux de sa vie remplie par les missions les plus
importantes. Il y a dans les douze pages de cet essai biographique — il
forme le premier chapitre de l'étude de M. A. Th. — des indications
précieuses et qui resteront. On peut regretter sans doute que le jeune
érudit n'ait pu trouver davantage ; il n'en faut pas moins lui être recon-
naissant de ce qu'il nous donne.
Le second chapitre est consacré à l'examen des œuvres de Jean de
Montreuil. Ces œuvres sont loin d'avoir été toutes publiées et n'existent
pas même toutes en manuscrit. M. A. Th. a donné de chacune d'elles
une notice, qui pour les œuvres manuscrites est presque une révélation.
Chemin faisant, il rectifie quelques erreurs de ses devanciers ou éclaire
quelque question douteuse; ainsi à propos des Libelles de Jean de
Montreuil contre les Anglais, l'abbé Lebeuf avait cru que le libelle
français publié dans la Chronique Martiniane était antérieur au libelle
latin des manuscrits, parla raison que dans ce dernier Jean de Mon-
treuil parle d'un <. traité plus étendu » en langue vulgaire; mais comme,
d'après les termes mêmes de Jean de Montreuil, le libelle français est de
1. Die Wiederbelehung des classîschen AUerthivns odev das erste Jahrhundei t
des Huynanismus. Il, 347, note 2.
2. Il s'agit ici des Epistolae selectae publiées par Martène, Veterum scriptonnn
et momimentorumamplissima coUectio, II, coll. i3ii-i465.
3. Prooemium, p. 2.
DHISrOlRK ET DE IJTTÉRaTURK 2g
1416 et le libelle latin de 141 5, M. A, Th. en conclut natuiellement,
que l'abbé Lebeuf s^est trompé, ce qui vu de soi, et de plus que,
dans le passage du libelle latin, il ne peut être question du traité français
déjà publié, mais d'un troisième traité autre que celui de la Chronique
Martiniane, traité qu'il identifie avec beaucoup de vraisemblance avec
un libelle anonyme du manuscrit de Paris 2i38i.
L'examen des lettres de Jean de Montreuil, en particulier de ses let-
tres privées, n'a pas fourni à M. A. Th. moins d'occasion d'exercer sa
sagacité. « On ne voit pas d'ordinaire, dit une note du manuscrit de
Paris i3o62', à qui elles sont adressées; » M, A. Th. a mis, assure-t-il
et on ne saurait en douter, « tout le soin possible » pour retrouver les
noms omis des correspondants de l'humaniste -diplomate et la liste qu'il
en a donnée offre un grand intérêt; seulement on est obligé de le croire
ici sur parole, car il ne donne aucune des raisons qui l'ont guidé dans
cette curieuse investigation; pourquoi par exemple p. 38 faire adresser
à Martino Salva la lettre qu'on avait jusqu'ici regardée comme écrite à
Pierre d'Ailly ^? A cette occasion je reprocherai à M. Th. d'être, et non-
seulement sur cette question, trop sobre d'explications 2; il est vrai
qu'écrivant en latin et ne s'adressant dès lors qu'à des lecteurs spéciaux,
il a peut-être cru pouvoir se dispenser d'entrer dans de longs détails;
mais je n'en estime pas moins l'absence de ces détails regrettable.
M. A. Th. a voulu montrer dans Jean de Montreuil le restaurateur
des études latines en France, il a été ainsi conduit, et cette étude était
nécessaire à sa démonstration, à examiner — c'est l'objet des chapi-
tres 3, 4 et 5 de son livre — ce que ces études avaient été avant Jean de
Montreuil, et la part que ce savant y prit, ainsi que ses contemporains.
On n'en est plus depuis longtemps à croire que la renaissance des études
grecques et latines ne date que du xvi« siècle, M. A. Th. rappelle avec
raison celle dont Charlemagne fut le promoteur et la renaissance du
xn" siècle; il aurait pu ajouter la renaissance des Othons, qui ne fut pas
inconnue en France, où elle fut en particulier représentée par Gerbert.
Mais que devinrent les études anciennes à la fin du xii'' siècle? Il est
certain qu'elles furent alors moins florissantes que sous Louis VII et
Philippe-Auguste; après eux il y eut décadence, décadence qu'il faut
sans doute, comme l'a remarqué M. Boutaric "*, « attribuer à la scolas-
tique », mais qui ne dura point, ainsi qu'on l'a prétendu, jusqu'à la fin
du xV^ siècle. M. A. Th. en fixe la date dernière à la fin du xiv*; il faut
i.GeUe note est citée par M. A. Th. p. 96, dans l'appendice consacré à la des-
cription du manuscrit de Jean de Montreuil.
2. Cette question ne veut pas dire que je mette en doute l'attribution faite par
M. A. Tir.; j'en demande seulement la raison.
3. Par exemple M. A. Th. cite à deux reprises, d'après Jean de Montreuil, Jean
Boor, « le grand historien des Anglais »; pourquoi ne pas dire un mot de cet écrivain
certes bien peu connu en France?
4. E. Boutaric, Vincent de Beaitvais et la connaissance de l'antiquité classique au
trei^çième sjèc/e dans la Revue des questions historiques, ']mlht 1875, p. 9.
30 REVUE CRITIQUE
la reculer davantage encore. Jean de Montreuil florissait avant 1400
et Nicolas Oresme et Pierre Bersuire, ses précurseurs, nous reportent le
seco'nd surtout, à une époque bien antérieure. C'est en i352 que Ber-
suire entreprit sa traduction de Tite-Live et il avait commencé entre
iSSj et 1340 son commentaire moral et allégorique sur Ovide ', com-
mentaire qui lui tut inspiré par l'Ovide moralisé de Chrétien Legouais,
œuvre des premières années du xiV siècle -, Mais il y a plus, les ci-
tations d'auteurs anciens que M. Jean de Meun, le traducteur de Vé-
gèse, a prodiguées dans le Roman de la Rose, les nombreux ouvrages
mentionnés par Vincent de Beauvais ■* prouvent également qu'au xiii* siè-
cle même, malgré la décadence des études classiques, l'antiquité ne fut
point ignorée ni entièrement délaissée. 11 faut avoir ces faits présents
à Tesprit, quand on lit la longue liste, dressée par M. A. Th., des au-
teurs latins que Jean de Montreuil cite dans ses ouvrages, pour appré-
cier cette liste à sa juste valeur; toute curieuse qu'elle est, elle ne saurait
prouver à elle seule, cela est évident, que Jean de Montreuil eut une
connaissance des auteurs latins beaucoup plus grande que ses devanciers.
Qu'est-ce donc qui Ten distingue et qui fait de lui le véritable précur-
seur de la renaissance du xvi^ siècle? C^est l'esprit dans lequel il lit les
auteurs de l'antiquité, non plus pour s'appuyer uniquement de leur
témoignage ou de leur autorité, comme les écrivains des siècles précé-
dents, ou même pour y chercher des modèles de style, comme ses con-
temporains ou ses successeurs immédiats, Nicolas de Clémengis, Jean
Gerson, Pierre d'Ailly, Laurent de Premierfait, etc., mais pour s'en
nourrir et essayer de les comprendre ' ; c'est l'amour désintéressé qu'il
leur porte, le zèle avec lequel il recherche ceux qu'il n'a pas en sa pos-
session. Je ne sais si M. A. Th. a toujours assez mis en évidence ce trait
du caractère de Jean de Montreuil que M. G. Voigt a si bien signalé.
Quant à admettre que l'amour des études latines en France au xiv° siècle
fut une importation de l'Italie ou la conséquence de nos rapports suivis
avec la Péninsule, ainsi que M. A. Th. le dit dans sa conclusion, je ne
puis m'y résoudre; ce serait méconnaître tout ce qu'il y eut d'indépen-
dant dans le développement de l'humanisme en France.
Je ne voudrais pas toutefois qu'on se méprît sur le sens de ces criti-
ques ou de ces restrictions ; elles ne portent, on le voit, que sur une
question d'appréciation ; elles ne sauraient donc diminuer le mérite et la
valeur de l'étude de M. A. Thomas, valeur qu'elle doit surtout à la mé-
thode excellente dont il y fait constamment preuve, à la sûreté d'infor-
mations, à l'érudition étendue qu'il y montre ''; aussi comme je l'ai dit
1 . Gaston Paris, Chrétien Legouais et autres traducteurs ou imitateurs d'Ovide,
p. 54.
2. Id., ibid., p. 57.
3. E. Boutaric, ibid., p. 42-65.
4. « Si au moyen âge on connaissait l'antiquité, on ne la comprenait pas. »
E. Boutaric, ibid., p. i 5.
5. Ce qui rehausse encore la valeur de l'étude de M. A. Th., ce sont les trois ap-
OHISTOIKE KT DU Ll T f F.H Al U H h 3l
plus haut, si ou peut regretter qu'il se soit montré si avare de développe-
ments, on ne peut que le remercier d'avoir réparé un oubli injuste en-
vers un des fils les plus généreux du xiV^ siècle et du seul savant que
l'on puisse réellement mettre en regard des humanistes italiens contem-
porains.
Ch. J.
I20. — Bi-iefeuiid/dcten zui* GescliîehSe tles^ di*eÎ!$si^aehi-!gen Iii'iejA;os
în (leii 5Eeîten «le» vor^valteiitlei» Kînflu^ses «Jei* ■Vll/ittelslmchea-.
Bd. V. Die Politik Bayerns, 1 591-1607, zweite Haelfte, bearbeitet von Félix
Stieve. Mûnchen, Rieger, 1884, vi, 084 p. ln-8. Prix : 22 fr. 5o.
Nous avons parlé plusieurs t'ois déjà des volumes successifs de ce
grand travail, consacré à la politique des Wittelsbach bavarois au
xvni'^ siècle et contié par PAcadémie de Munich à MM. Ritter et Stieve.
Nous avons plus spécialement appelé l'attention dans un dernier ar-
ticle " sur la première moitié du présent tome, rédigé par M. Siieve.
Nous disons rédigé, parce que, contrairement à ce qui s'était passé pour
les volumes antérieurs, M. S, a résumé les documents des archives, en
a fait un exposé courant et continu, au lieu de publier les pièces in-ex-
tenso, ou d'en donner simplement des régestes, sans établir un lien en-
tre ces pièces elles-mêmes. En d'autres termes, M. S. n'a pas seulement
voulu nous fournir les matériaux nécessaires pour édifier une histoire
de la politique bavaroise à la fin du xvi° et aux xvii'' siècle ; il a eu la
gracieuseté de bâtir lui-même l'édifice et il l'a fait avec une abondance
de matériaux en même temps qu'avec une sûreté scientifique telles que
l'on n'essaiera pas de sitôt de reprendre la tâche. A vrai dire, ce que
M. S. nous donne, dépasse même de beaucoup la sphère d'activité plus
immédiate de la politique des Wittelsbach. Avant que Maximilien I"
de Bavière se fût mis à la tête de la Ligue catholique, son pays, pour
être le plus grand des territoires temporels allemands (en dehors des
possessions des Hapsbourgs) restés fidèles à TEglise, n'en restait pas
moins un territoire bien modeste et son influence en dehors de l'Alle-
magne catholique était médiocre. C'est donc plutôt une histoire d'Alle-
magne sous le règne de Rodolphe II que nous rencontrons ici, racon-
tée d'après les pièces des archives de Munich, et mainte fois éclairée
par des faits et des points de vue nouveaux. Les querelles entre les
deux branches de la famille régnante dans le margraviat, Edouard-For-
tunat de Bade-Bade et George-Frédéric de Bade-Dourlach ; la fin de la
pendices qu'il y a joints, le premier consacré à la description des manuscrits de Jean
de Montreuil, le second renfermant huit lettres inédites du savant laiiniste et le
troisième une lettre également inédite du chancelier llorenlin Coluiius à Jean de
Montreuil.
I. Voyez la Revue du 17 avril 1880.
32 REVUK CRITIQUE
guerre des Evêques en Alsace depuis le traité provisoire de Sarrebourg
(i 593) jusqu'au traité définitif de Haguenau (1604); les diètes impéria-
les de 1 598, i6o3, 1608, où la faiblesse du vieux Rodolphe II se mani-
feste de plus en plus, entre les attaques et les menaces des voisins de
droite et de gauche, Français, Turcs et jusqu'aux Espagnols : voilà les
points qui fournissent les principaux chapitres de ce nouveau volume.
II s'arrête avant Taffaire de Donauwoerth (1608), point de départ d'une
nouvelle phase de la politique des Wittelsbach et de la fondation des as-
sociations politico-religieuses; l'Union protestante et la Ligue catholi-
que, dans peu d'années, amèneront l'explosion de la guerre de Trente-
Ans.
L'étude du livre de M. Stieve s'impose à tous ceux qui voudront
connaître ou retracer avec exactitude le tableau de la situation de l'Em-
pire au commencement du xvii^ siècle, une des époques les plus trou-
blées de son existence. Tant par la sûreté de son jugement que par l'a-
bondance des détails nouveaux que nous présente l'auteur, son travail
mérite et a recueilli déjà les suffrages des juges compétents '.
R.
ï2r. — Félix Eracquemond. Ou dessin et de la couleur. Paris, Charpentier,
i885. Un vol. in-12 de >;iv-28i pages. Prix : 3 fr. 5o.
Ce livre de l'éminent graveur n'intéresse pas les seuls artistes. L'au-
teur a voulu condenser en formules précises les observations et les
réflexions que lui a suggérées, pendant sa longue et brillante carrière,
l'interprétation, par le burin, de la palette du peintre. Il analyse scien-
tifiquement et définit en phrases nettes et rigoureuses ces notions de
dessin, couleur, chaleur, froideur, reflet, valeur, ton, modelé, etc.,
sur lesquelles l'Académie, Littré et les artistes eux-mêmes sont souvent
loin de s'entendre. Les lexicographes en feront leur profit.
A. D.
I. Une observation de détail, recueillie en passant. P. jb, l'éditeur met un point
d'exclamation après le titre d'un pamphlet imprimé « bey Strassburg durch Joli.
Handt ». Il n'y avait alors pas d'imprimeur de ce nom à Str. mais on mettait frë-
qjemment, pour dépister la censure, cette indication « imprimé yirès de telle ou telle
localité. » Précisément pour Str. nous pouvons citer une brochure « Gedvuckt bey
Strassburg unter blauem Himmel. » 11 ne faut pas chercher là une indication biblio-
graphique sérieuse. — P. 141, lire Kippenheim pour Kappenheim et Wurmser ■pour
Wurmsser.
d'histoirk et de littérature 33
VARIÉTÉS
Quelque» notes sut- l'édition «le J. De ft^a Fontaine^ Tomc II, par
H. Régnier. Hachette, 1884.
Ce que j'ai fait pour le premier volume de La Fontaine de M. H.
Régnier, je continue de le faire pour le second. Mais ces quelques notes
et remarques, nous le répétons, n'ont pas pour but d'amoindrir la va-
leur de cette belle édition si pleine de recherches, si riche en compa-
raisons ingénieuses, en rapprochements curieux avec les fabulistes an-
ciens et modernes de tous les temps et de tous les pays.
Le Cochet^ le Chat et le Souriceau. — Le Plaisant Boutehors d'oy-
5zVe?t?, imprimé à Rouen en i553, et réédité dans le t. VII des Ane.
Poét. fr. du xv'^ et du xvi'' siècle, contient entre autres pièces une assez
longue fable intitulée a Apologue d'une souris et de ses suurichons »,
qui ne serait pas indigne d''étre comparée à celle de La Fontaine. Il y a
de jolis passages, comme celui-ci :
Mais pas si tost elle (la souris) n'a esté partie
Qu'entrer ne soit aucun glorieux coq
Qui en entrant chanta coquericoq
A haute voy, espanissant ses ailes, etc.
Le Villageois et le Serpent. — Au Heu des vers ïatins de Le Noble
(note 6), n'eût-il pas mieux valu citer ceux-ci de Virgile, auxquels pen-
sait peut-être La Fontaine?
Longos fiigiens dat corpore torltis.
Parte ferox, ardensque oculis et sibila colla
Arduiis altollens. {Enéide, V, 27G.)
Le Vieillard et l'Ane. — Lire sur ce vers '\ notre ennemi c'est notre
maître, » les réflexions très fines et très judicieuses de Joubert, Pensées,
II, 379. C'est une réfutation anticipée de la conférence de M. Crouslé,
citée par les éditeurs.
La Laitière et le Pot au lait. — Dans le Rudens de Plante, (IV, 2,
édit. Benoist) le pécheur Gripus en jetant ses filets dans la mer retire
une valise fort lourde qu'il croit être remplie d'or ou d'objets précieux,
et le voilà aussitôt, lui aussi, qui bâtit sur cette trouvaille, des châ-
teaux en Espagne. D'abord il achète sa liberté, puis acquiert des
terres, des maisons, des esclaves, fait un grand commerce sur mer,
frète un vaisseau pour son agrément, et fonde une ville qui porte son
nom, etc. — Il est étrange qu'aucun annotateur de La Fontaine, n'ait,
à ma connaissance, rapproché le rêve de Gripus de celui de Perrette.
Les Souhaits. — « 11 est au Mogol des follets, etc. » Ici La Fontaine
imite en l'abrégeant un passage de l'hymne de Ronsard aux Daimons :
On dit qu'en Norouegue ils (les follets) se louent à gages,
Et font comme valets des maisons les mesnages;
Ils pensent les chevaux, ils vont tirer du vin.
34 RKVUE CRITIQUE
Ils font cuire le rost, ils serancent le lin.
Ils filent la fusée et les robes nettoyant
Au lever de leur maistre, et les places baloyent.
(Ronsard, V, i3i, Blanchemain.)
Les Devineresses. — Littré, est-il dit à la note 3, ne donne qu'un
exemple du féminin « devine », celui de La Fontaine, Le mot est bien
plus ancien, Gaciiet dans son Gloss. roman, sub V" devine en fournit
un ex. du xiv" siècle et un autre du xvi% tiré de Desportes. Nous ajou-
terons celui-ci :
Jà sont ouvers d'eux mesmes les cent huis
Tant spacieux du grand manoir, et puis
Par eux la voix de la devine apporte
Responce en l'air. (Des Masures, Enéide, 255 r», édit. i6o8.)
Quant à ce vers : « Je ne suis ni sorcière ni devine, » que cite M. Au-
bertin dans son édition de La Fontaine, comme étant de Scarron
{Virg. Trav.) sans en indiquer l'endroit, disent les éditeurs, il ne se
trouve pas dans le Virgile travesti par la raison bien simple que ce
poème burlesque est écrit en vers octosyllabiques. -
Le Chat, la Belette et le jeune Lapin. — « C'était un chat vivant
comme un dévot ermite, etc. » On cite en note un passage de Guill.
Haudent que j^ai moi-même rapproché des vers de La Fontaine. En
voici un autre qui n'est pas moins intéressant :
En faignant prier Dieu
Ainsi comment un bon et sainct hermite
Tant sçauroit bien faire la chattemite.
[ApoL de la Souris et de ses Sourichons . Ane. Poés. fr. VII, 195.)
Le Pouvoir des Fables. — Les allusions au « bellua multorum es
capitum » d'Horace sont fréquentes au xvi^ siècle :
Dy moy (car lu sçais tout) comme doy-je complaire
A ce monstre testu, divers en jugement r
(Ronsard, I, 147, Bibl. elz.)
Ce monstre testu,
Ce peuple qui ressemble à la beste de Lerne.
(Du Bellay, Les regrets, 109, Liseux.)
Geste grande beste populaire..., croiant tout soudain au plus volages
et legieres paroles. (Tahureau, Dial., 63, Lemerre.)
Le Rat et VHuitre. — La locution, <-< se faire savant jusques aux
dents, » a été aussi employé par Du Lorens :
Mon père pour cela m'envoyoit à l'escole
D'un curé qui n'estoit au roolle des pedans.
Et c'est lui qui m'a fait sçavant jusques aux dens.
{Premières satires. loq, Blanchemain.)
L'Ours et l'Amateur des jardins. — A la note 7, j'aurais ajouté :
Moult vaut miex boins taisirs que folement parler.
(Fierabras, 2 121, A. P.)
d'histoire et dk littérature 35
Ce proverbe est cent fois cité dans nos vieux trouvères.
Le Charlatan, liv. VI, 19. — Senecé a fait un joli conte intitulé :
a Qni a temps a vie », que les éditeurs ont négligé de comparer avec
cette fable de La Fontaine. — Un esclave Génois, nommé Fregose,
ayant, chez le vizir Achmet cassé un verre, est condamné à être empalé.
Il est sursis à l'exécution parce que Fregose révèle au vizir qu'il a trouvé
le secret de faire parler un éléphant chéri de son excellence. Dix ans au
plus suffiront au professeur pour faire de Tanimal « un gradué de
grosse importance. » Un ami de Fregose lui dit alors :
Ne redoutes-tu point de ton engagement
La conséquence naturelle,
Et du vizir dupé le fier ressentiment r
A quoi Tautre répond :
Dix ans, à ton avis, sont-ils si peu de chose?
La mort viendra prendre sur soi
Le soin de dégager ma foi.
Et réduira sous sa puissance
L'éléphant, le vizir ou moi.
(Senecé, Œiiv. posthumes, ig5, Bibl. elz.)
L'Horoscope. — On rencontre cette fable dans Laurent Valla, elle a
été gracieusement enjolivée plutôt que traduite par Guill. Tardif : « 6
cruelle et maudicte beste, tant je te doy hayr et maudire... Certes je te
destruiray et aboliray » Et en disant les dictes paroles, voulant crever
Toeil du dict lyon, leva sa main et donna un grand coup de poing contre
la paroy, etc. (P. 255, édit. Marchessou.) C'est tout à fait le même
mouvement de colère dans La Fontaine.
Jupiter et les Tonnerres. — Note 12. Il n'y a pas à douter que
« enceinte » puisse signifier « circuit, entour, détour, » comme jadis
« cnceint », ex. :
Sçachant qu'il trouvera puis après a son aise
En faisant un enceint cesie beste mauvaise.
(Ci. Gauchet, 154; Bibl. elz.)
Note i5. Le vsçsXr^vspéTa d'Homère avait déjà été heureusement tra-
duit avant La Fontaine par Hug. Salel :
Le Dieu des dieux, Vassembleur des nuées.
[Iliade., vi<^ chant, 167, v°, édil. 1606).
Cet ex. manque dans Littré.
Le Milan et le Rossignol. — « Ventre affamé n'a point d'oreilles »,
cfr. ce vers des gnomiques grecs :
At[xa) Y^p oySév èaTtv àvTeiTTîïv ïr.oq.
Puisque les éditeurs ont l'intention de mettre à profit nos remarques
sur le premier volume des fables, nous leur signalerons encore deux
omissions assez graves : i' la fable du Hérisson et de la Marmoteine,
dans Baïf, Mimes., Il, 2o3, édit. Blanchemain, qui ne diffère de lu
36 RKVUE CRITIQUE
« Lice et de sa Compagne », que par les personnages; 2" « la Belette
entrée dans un grenier », sujet qui a été aussi traité par Vauquelin de
La Fresnaye :
Il advint d'aventure un jour qu'une belette.
De faim, de pauvreté, grêle, maigre et défaite,
Passa par un pertuis dans un grenier a blé, etc.
On trouve encore chez le même poète la fable : « Le cheval s'étant
voulu venger du cerf. » En voici le début :
Car il me souvient trop du cheval généreux,
Qui libre, qui gaillard, errant aventureux,
Menda le secours de l'homme pour apprendre
Comment il pourroit vainqueur a la course se rendre
Du cerf aux viste-pieds, etc.
Je regrette de ne pouvoir indiquer ni le volume, ni la page, n'ayant
par ici en ce moment sous la main mon Vauquelin de La Fresnaye.
A. Delboullk.
CHRONIQUE
FRANCE. — Nous apprenons que le comité des travaux historiques et scientifi-
ques vient de charger MM. Edouard Rott et Léon Mention de la publication, dans
la collection des Documents inédits de l'histoire de France, des mémoires, dépêches
et papiers politiques du duc Henri de Rohan (i 600-1 638).
— M. E. Charvériat vient de publier (Lyon, Mougin-Rusand, in-8", i3 p.) une
étude sur Philippe Lang, valet de chambre de l'empereur Rodolphe II. Ce Lang, né
en Tyrol vers i538, était un juif converti qui ajouta à son nom celui de Langenfels
et devint le favori de Rodolphe II, ce « fou incapable de vivre sans être gouverné ».
M. Charvériat raconte, d'après le livre de Hurter, la curieuse existence de Lang, qui
finit par être arrêté (1608) et mourut en prison au commencement de 16 10.
— Dyspepsie et dyspeptiques!... On ne s'attendrait guère à trouver un pareil titre
mentionné dans la Revue critique, si cet ouvrage du docteur J.Seure (Paris, A. Coc-
coz, i885) ne renfermait un chapitre des plus curieux sur Voltaire, Voltaire étudié
au point de vue de la maladie d'estomac. Ce n'est pas la première fois que la mé-
decine s'occupe des hommes de lettres et de leurs oeuvres. On connaît les études du
docteur Lélut sur le Démon de Socrate, de Malgaigne sur les blessures de guerre
dans l'Iliade. Molière poitrinaire, Boileau asthmatique, Racine mourant d'une ma-
ladie de foie et Bossuet de la pierre, M<= de Sévigné prenant les eaux de Vichy, Fon-
tenelle attribuant sa longévité au bienfait des asperges, ont tour à tour comparu
devant la Faculté. D'autres feront un jour une histoire complète des épileptiques
depuis Jules César et Brilannicus jusqu'à Flaubert et Dostoiewski. Voltaire, lui, était
dyspeptique et M. le docteur J. Seure combat à ce propos le diagnostic de ses con-
frères les docteurs Roger du Havre, et A. Rattel de Paris. Il suit pas à pas dans la
correspondance de Voltaire les causes, les effets et les progrès de sa maladie, ainsi
que les différents traitements auxquels il se soumet, — essence de canelle, pilules
' i.
d'histoire et de littérature 37
de Stahl, marmelade de Tronchin, sans parler de la casse et de la rhubarbe. Cette
longue et exacte analyse, montrant avec une rare précision les effets du mal sur
le caractère et le tour d'esprit du patriarche de Ferney, fait comprendre cette con-
clusion pratique et humoristique que le docteur J. Seure emprunte à son malade et
qu'il a donnée comme épigraphe à son livre : « On n'est véritablement malheureux
« que quand on ne digère point. » — L. P.
— M. Jules Flammermont, professeur à la Faculté des lettres de Poitiers, vient de
faire paraître une étude pleine d'intéressants détails sur le Nouveau règlement de
l'examen d'état des candidats à l'emploi de professeurs dans les gymnases et écoles
réaies d'Autriche (Paris, Picard, in-»8. 27 p.). Ce règlement, daté du 7 février 1884,
est très complet, et il convenait de le signaler en ce moment où l'on discute la ques-
tion de la réforme des diverses agrégations; peut-être, observe le jeune professeur,
aurions nous intérêt à emprunter aux Allemands quelques usages dont une longue
expérience a démontré la valeur. On remarquera, p. 1 3 et 14, un certain nombre
de sujets donnés comme Hausarbeiten aux candidats qui doivent prouver leur apti-
tude au travail scientifique et la solidité de leurs connaissances spéciales.
— Nous appelons également l'attention de nos lecteurs sur une autre brochure
que vient de publier M. Flammermont (même librairie, in-S". 32 p.). On y trouvera
des Relations inédites de la prise de la Bastille^ par le duc de Dorset, ambassadeur
d'Angleterre en France, et le comte de Mercy-Argenteau, ambassadeur de l'empereur
d'Allemagne. Les nouveaux témoignages que fait connaître M. F. s'accordent sur ce
point, que le gouverneur de la Bastille, de Launay, fut mis à mort parce qu'il avait
violé la foi jurée et fait massacrer par trahison une troupe d'assiégeants précédés de
tambours et d'un drapeau de parlementaire. Dorset et Mercy affirment tous deux
que la révolution s'est faite dans le plus grand ordre; Dorset écrit même le 16 juillet
ces mots remarquables : « Ainsi s'est accomplie la plus grande Révolution dont
l'histoire ait conservé le souvenir, et, relativement parlant, si l'on considère l'impor-
tance des résultats, elle n'a coûté que bien peu de sang ; dès ce moment nous pou-
vons regarder la France comme un pays libre, le Roi comme un monarque dont
les pouvoirs sont limités et la noblesse comme réduite au niveau du reste de la na-
tion. » M. Flammermont a fait précéder d'une introduction ces documents qui sont
au nombre de trois : une lettre du duc de Dorset au duc de Leeds et deux dépêches
de Mercy à Kaunitz.
— La librairie Hachette vient de mettre en vente une édition nouvelle du Gœt:^ de
Berlichingen de Gœthe, due à M. E. Lichtenberger, professeur suppléant de litttéra-
ture étrangère à la Faculté des lettres de Paris; publiée dans le format des « Classi-
ques grecs et latins », cette édlùon est digne de figurer dans cette célèbre collection
par le soin et le talent avec lesquels elle a été faite; établissement scientifique et
correction du texte, commentaire substantiel et approfondi des difficultés de langue
et d'interprétation, enfin historique de cette pièce qui fait époque dans Thistoire de
la littérature allemande, tout se réunit pour donner une haute valeur au travail de
M. E. L. : il fait honneur à la fois au jeune et savant professeur qui l'a mené à
bonne fin et à la maison en qui a généreusement entrepris la publication. — Ch. J.
— L'infortuné lieutenant de vaisseau qui a péri avec le Renard dans le golfe d'A-
den, M. Saint-Remy de Rotrou, était un des descendants en ligne directe de Pierre
Rotrou de Saudreville, frère du poète et secrétaire du maréchal de Guébriant, dont
il a récemment été question dans la Revue critique.
— Vient de paraîtra à la librairie Delagrave (Paris, in-8% 142 p.) De la vérité
dans l'art musical par un amateur.
ALSACE. —L'Université de Strasbourg (Kaiser- Wilhelms Universitaet) décernera
38 REVUE CRITIQUE
le 1" mai 1890 un prix de 2,400 mark (prix^Lamey) à l'auteur du meilleur travail sur
« la caractéristique et l'histoire du style grotesque qui a ses représentants principaux
dans Rabelais et Fischart. Les concurrents devront retracer les commencements de ce
style(poésie macaroniqueetsurtout des Italiens)ainsi queson développement ultérieur
jusqu'au commencement du xvu« siècle. On remarque expressément, en ce qui con-
cerne Fischart, qu'il ne faudra pas se borner aux œuvres dont il a pris le sujet à Ra-
belais, On désire aussi des concurrents qu'ils démontrent les rapports qui existent
entre les particularités de ce style et la culture générale des esprits au xvi« siècle. »
Le concours est ouvert à tous, sans distinction d'âge ni de nationalité. Les travaux
devront être rédigés en allemands ou en français, ou en latin, et envoyés avant le
!'■■' janvier i88q au secrétaire de l'Académie; ils doivent être revêtus d'une devise
et ne pas porter le nom de leur auteur ; une enveloppe fermée sur laquelle est écrite
la devise, devra renfermer le nom et l'adresse du concurrent. Les manuscrits exclus
ou non couronnés ne seront pas rendus ; on n'ouvrira d'autre enveloppe que celle
de l'auteur du travail couronné.
ALLEMAGNE, — M. O. Seeck vient de publier des recherches sur le Calendrier
des Pontifes (die Kalendertafel der Pontifices, Berlin, Weidmann, i885, 8, 192 pp.).
Le dernier chap. contient des tables indiquant la concordance entre la chronologie
varronienne et le calendrier Julien. Mais on lira surtout avec intérêt le premier
chap., Graecus Flavius, qui est une discussion très serrée, parfois un peu subtile,
des origines et des sources de la tradition relative à ce personnage. C'est un com-
mentaire important du récit de Tite-Live (IX, 46).
— La librairieTeubner annonce, pour paraître très prochainement: i" une éJition
de M. Uhlig, Dionysii Thvacis ars gvammaiica; 2° un Corpusculum poesis epicae
graecae ludibundae par MM. C. Wachsmuth et P. Brandt (en deux fascicules); 3"
une édition de Végèce par M. K. L\ng {Flaui Vegeti Renati epitoma rei militaris);
40 une édition du Christus patiens par M. J. G. Brambs; 5° un Nepos-Vokabular,
par M. E. Schaefer,
GRANDE-BRETAGNE. — L'opuscule de M, James Darmesteter sur le Mahdi de-
puis les origines de l'Islam jusqu'à nos jours vient de paraître en traduction anglaise
sous le titre : The Mahdi, past and présent par Miss Ballin (Londres, Fisher Un-
win).La traductrice a ajouté une série de documents parus depuis sur les derniers
événements, en particulier sur la prise de Khartoum.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 3 juillet i885 .
M. Alexandre Bertrand fait connaître les décisions de la commission des antiqui-
tés de la France. Les trois médailles et les six mentions honorables sont décernées
aux auteurs suivants :
I'''" médaille : Tanon, Histoire des justices des églises et communautés monasti-
ques de Paris ;
•i" médaille : Léon Palustre, la Renaissance en France,
3" médailles : Buhot de Kersers, Histoire et statistique monumentale du départe-
ment du Cher.
Mentions honorables :
I» Pellechet, Notes sur les livres liturgiques des diocèses d Autun, Châlon et Ma-
çon;
2» Izarn, Compte des recettes et dépenses du roi de Navarre en France et en Nor-
mandie de i3ùy à 1 870 ;
{
D HISTOIRE KT DE LITTERATURE OQ
30 Maurice Prou, les Coutumes de Lorris aux xn" et xiu' siècle ;
4" André Joubert, Etude sur la vie privée au xv' siècle eu Anjou ; ,
5" Germain Eapst, les Métaux dans l'antiqjiité et au moyen âge : l'Etain ;
6° Le D"" Le Pau\m\ev, Ambroisc Paré, a'après de nouveaux documents découverts
aux Archives nationales et des papiers de famille
Le prix de numismatique Allier de Hauteroche est partagé entre M. Percy Gard-
ner {the Types of Greek coins) et M. Six {Classement des séries cypriotes).
M. Félix de Lostalot, vice-consul de France à Djeddah, présente la stèle de
Téima, dont M. Renan a entretenu l'Académie à la dernière séance. Ce précieux
monument de l'épigraphie araméenne, découvert par l'intrépide voyageur Charles
Huber, faillit être perdu lorsque celui-ci périt assassiné par les Arabes, le 2g juillet
1884. Sur les instances de M. Renan, le gouvernement invita M. de Lostalot à taire
les recherches les plus minutieuses pour le retrouver. Grâce aux fonds mis à la dis-
position du vice-consul, et à rintelligent, habile et énergique concours d'un cheikh
algérien séjournant à la Mecque, Si-Aziz ben Cheikh el Haddad, qui s'est rendu
lui-même dans l'intérieur pour effectuer des recherches, la stèle a pu être reprise,
ainsi que la plus grande partie du bagage scientifique recueilli par Ch. Huber au
cours de la mission dont il était chargé par le gouvernement français, et le tout a
été ramené à Djeddali au milieu des péripéties les plus émouvantes. La stèle et plu-
sieurs autres monuments analogues viennent d'être rapportés à Paris par M. de
Lostalot et sont désormais acquis au musée du Louvre.
M. de Vogué rend liommage à l'habileté et au dévouement que M. de Lostalot a
montrés dans toute cette affaire et insiste sur la reconnaissance qui lui est due.
M. de Lostalot alJdroit pour lui-même à autant d'éloges qu'il en a donnés, à juste ti-
tre, à Si-Aziz ben Cheikh el Haddad.
M. Hauréau signale, dans un manuscrit de la Bibliothèque nationale, lat. 8299,
une pièce historique qu'il vient de découvrir et qu'il se propose de publier. C'est
une relation latine, très étendue, des derniers moments du roi Charles V. On y re-
marque surtout des paroles prononcées par le roi, peu de temps avant sa mort, en
présence des seigneurs, des évêques, du prévôt et des échevins de Paris, au sujet
des impôts qu'il avait établis durant son règne : il reconnaît que ces impôts sont
devenus intolérables et il déclare les abolir. L'ordonnance d'abolition fut en effet
expédiée et signée par le roi mourant et nous est parvenue; mais elle fut dissimu-
lée par le nouveau chancelier. Miles de Dormans, et le secret fut si bien gardé que
nul n'en soupçonna l'existence. Le peuple de Paris, voyant maintenir les impôts
dont il avait espéré la suppression à l'occasion du changement de règne, envahit le
palais et obtint, dit M. Hauréau, par la violence ce dont il avait été privé par une
fraude coupable.
Dans le même manuscrit, M. Hauréau rencontre une glose de Guillaume d'Au-
xerre sur VAnticlaudien d'.-\lain de Lille, où sont cités à la fois la Physique et la
Métaphysique d'Aristote et les commentaires d'Averroès. Il en résulte que ces com-
mentaires étaient connus dans l'école de Paris, contrairement à ce qu'on a cru jus-
qu'ici, avant la sentence d'interdiction prononcée contre la Pliysique par le concile
de 1210, et furent compris dans cette sentence
M. Alexandre Bertrand communique des remarques de M. Auguste Nicaisesur les
objets gaulois trouvés an cours des fouilles exécutées sous sa direction au cimetière
de Courtisols, commune de Marson (Marne). M. Nicaise soutient une tlièse qu'il for-
mule en ces termes : « Dans la partie de la Gaule qui correspond au Belgium de
César (départements de la Marne, de l'Aisne et de l'Aube), le torques., contrairement
à l'opinion commune, était porté par les femmes et très exceptionnellement par les
guerriers. » M. Bertrand ajoute : a A quoi on reconnaît les sépultures de femmes,
M. Nicaise ne nous le dit pas -, mais ce qui semble ressortir de ses observations, c'est
que le torques ne s'est que très rarement, très exceptionnellement rencontré dans
des sépultures oîi avaient été déposées des armes, épées, poignards ou lances. »
M. P.-Ch. Robert attire l'attention de l'Académie sur la nécessité de prendre des
mesures pour protéger les inscriptions antiques en Afrique. « J'ai eu l'honneur,
dit-il. dans la séance du 20 juin 1884, de provoquer un vœu de l'Académie, en fa-
veur d'une mesure législative assurant la conservation des monuments anciens dans
les possessions françaises régulièrement organisées. Une loi, annoncée depuis long-
temps, qui vient d'être votée par la chambre des députés, assurera désormais, en
Algérie et en Tunisie, la conservation des édifices antiques et des mosquées classés
comme monuments historiques . C'est un grand pas de fait, et l'on doit seulement re-
gretter que la loi ne soit pas intervenue plus tôt, car un monument qui figure sur
la liste qui vient d'être publiée, l'arc de Bulla Regia, a déjà disparu comme la co-
lonne de Feriana. Mais tout est encore à faire pour les inscriptions, qui forment la
véritable richesse de notre terre d'Afrique, et qui, même les plus modestes en appa*
rence, sont d'un intérêt capital pour la science; c'est par elles, en effet, tant les au-
teurs anciens sont peu explicites, que nous pénétrons dans l'histoire administrative
et militaire d'une des plus importantes parties du monde romain, et que nos savants
reconstituent les routes anciennes, les limites des provinces et celles du territoire
de chaque cité; c'est par elles encore que nous retrouvons des ethniques et des noms
40 RKVUE CRITIQUE d'hISTOIBK KT DE LITTÉRATURE
d'homme, qui ont pour la linguistique un intérêt capital. Or, les nombreuses ins-
criptions, éparses sur la terre d'Afrique, ne peuvent être classées comme monuments
historiques, et peut-être eût-il fallu que la destruction de toute pierre écrite fût, en
principe, punie par la loi, et que la constatation du délit fût confiée à tous les agents,
quels qu'ils fussent, de la force publique; la science y eût beaucoup gagné et la perte
eût été mince pour les colons et les entrepreneurs. »
M. Héron de Villefosse donne lecture d'une notice sur les fouilles exécutées à
Sbeïtla, l'ancienne Sufetula (Tunisie), par M. le lieutenant Marius Boyé. Cet officier,
au cours de ses recherches, qu'il a conduites avec une activité et une intelligence
remarquables, a découvert et mis en lumière plusieurs textes épigraphiques impor-
tants. Des fouilles, commencées en août i883, ont duré près d'une année, et sont
loin d'avoir épuisé le vaste champ des ruines de Sbeïtla. Parmi les textes recueillis
par M. Boyé et commentés par M. Héron de Villefosse, citons une dédicace en l'hon-
neur d'Aurélien, où le texte primitif, Victoriae... L. Domiti Aureliani, a été modifié,
après la mort du prince, au moyen d'un grattage; on a substitué le mot Divi aux
noms L. Domiti. Un piédestal porte le nom de Macrobe, proconsul d'Afrique en
409-410. Dans une longue et curieuse inscription, on trouve le cursus honorum
d'un chevalier romain, qui fut avocat du fisc dans la province de Bétique, procura-
teur du domaine privé de l'empereur, secrétaire du préfet du prétoire, enfin procu-
rateur impérial du district financier d'Hadrumète (Sousse), aux appointements de
200,000 sesterces ou 5o,ooo fr.
Ouvrages présentés : — par M. Gaston Paris : Xénopol (A.-D.), Une énigme his-
torique : les Roumains au moyen âge; — par M. Bréal : Chaban (le comte de), £"5-
sais sur l'origine du nom des communes dans la Touraine, le Vendomois et une partie
du Dunois.
Julien Havet.
SOCIETE NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du 14 juin i885.
PRÉSIDENCE DÉ M, COURAJOD.
M. d'Arbois de Jubainville lit un travail intitulé : Lugus, Lugores ; le Mercure
gaulois.
M. Flouest lit, au nom de M. le comte de la Noé, un mémoire sur L'oppidum gau-
lois en général.
M. l'abbé Beurlier communique, de la part de M. l'abbé Baiiffol, les dessins de
deux objets d'art grec vus par lui à Apollonie d'Epire; l'un, un Satyre de bronze de
même style que celui de Dodone découvert par M. Carapanos, l'autre, une tête de
femme voilée, terre cuite analogue aux figurines tarentines signalées par Fr. Lenor-
mant.
M. le chanoine Julien Laferrière communique deux inscriptions inédites relevées
par lui, l'une au portail de l'église de Saint-Léger, en Saintonge, l'autre sur la clo-
che de la même église; il signale quelques particularités des églises romanes en
Saintonge, notamment leur réfection partielle au commencement du xni" siècle et
l'emploi du fer-à-cheval comme motif d'ornementation. Un membre dit que ce der-
nier ornement fait allusion à des pèlerinages accomplis au tombeau de saint Mar-
tin.
M. E. Mùntz rappelle que M. Grimm a démontré que le cheval du Saint Georges
de Raphaël au Musée du Louvre était imité de l'un des chevaux antiques de Monte
Cavallo et qu'il en a conclu que le tableau de Raphaël était postérieur à l'établisse-
ment du Maître à Rome en 1. -107-1 5o8. M. Mûntz se servant d'un dessin publié par
M. Courajod, établit que Raphaël a connu les colosses de Mont Cavallo par l'inter-
médiaire de Léonard de Vinci dans l'atelier duquel ce dessin a été exécuté et que le
Saint Georges du Louvre doit, en conséquence, être daté de 1604 et non de iboj-
i5o8.
M. Héron de Villefosse communique, de la part de M. Albert Babeau de Troyes,
la copie d'une inscription qui aurait été relevée en i63i par le chanoine Bonhomme,
mais qui est manifestement controuvée.
Le Secrétaire,
R. MOWAT.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
/..(? Puy, iwprimeHe de Marchrssou ^Is. boulevard Saint- Laurent, 23,
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTERATURE
No 29 — 20 juillet - 1885
Soniniaii>e : Léon Renier. — 122. Hommel, La langue suméro-accadiennc. —
123. RoGET, Histoire du peuple de Genève, Vl[. — 124. Mûntz, La Renaissance
en Italie et en France à Fe'poque de Charles Vil. — 12b. Gœthe, Gœtz de Berli-
chingen, p. p, Chuquet. — Variélés : Clermont-Ganneau, Notes d'archéologie
orientale, XXIV :Lc mot chillek « sauver » en phénicien et dans l'arabe vulgaire.
— Chronique. — Académie des Inscriptions. — Société des Antiquaires de
France.
LEON RENIER
Charles- Alphonse-Léon Renier, né à Gharleville (Ardennes) le 2 mai
1809, est mort à Paris le 11 juin i885. Il était membre de l'Académie
des Inscriptions et Belles-Lettres, professeur au Collège de France,
Président honoraire du Comité des travaux historiques (section d'ar-
chéologie), Conservateur-administrateur de la bibliothèque de l'Univer-
sité, Président de la section des sciences historiques et philologiques à
l'Ecole pratique des hautes-études, membre honoraire de la Société des
Antiquaires de France.
Après de bonnes études au collège de Reims, il allait être admis à
l'Ecole normale pour la section des sciences, avec l'espoir de devenir
professeur de mathématiques, lorsque la révolution de i83o éclata. Il
avait été porté sur la liste de M. de Frayssinous pour entrer à l'Ecole ;
le nouveau ministre dressa une nouvelle liste sur laquelle il ne hgurait
pas. Loin de se laisser décourager par cet échec. L. R. chercha sa
voie d'un autre côté.; deux ans plus tard, en i832, il devint principal
du collège communal de Nesles (Somme). Cette situation ne lui conve-
nait guère; il l'abandonna pour se rendre à Senlis auprès de ses parents
et occupa ses loisirs en classant l'importante bibliothèque de cette ville.
Bientôt il se décida à venir chercher fortune à Paris où, pendant les
premiers temps de son séjour, il eut à lutter contre les difficultés de
l'existence.
Il se consacra d'abord à l'enseignement privé, M. le professeur
Yanoski lui ouvrit le Journal de l hxstruction publique ; puis, il
entra en relations avec Philippe Le Bas dont il devint le secrétaire et
l'ami : cette liaison eut une influence décisive sur sa carrière. — Sous la
direction de ce savant il collabora au Dictiojinaire encyclopédique de
Noui'elle série, XX. 2g
42 REVUE CRITIQUE
la France et pendant une mission que Le Bas accomplissait en Orient
(1843- 1845) il fut chargé de terminer ce grand ouvrage qui ne com-
prend pas moins de 34 vol in-S". La maison Firmin Didot lui confia
ensuite la direction de VE?îCjrclopédie moderne dans laquelle il a
publié de nombreux articles (i 845-1851, 3o vol. in-8'') : il faut si-
gnaler surtout l'article fw^cr/^^z'o», dont il fit faire un tirage à part;
il y a esquissé l'histoire de Pépigraphie et démontré Tutilité de cette
science. Dès cette époque il s^était adonné à l'étude des inscriptions et
des antiquités romaines. — En 1844, l'année même de la fondation de
la Revue archéologique y il publia dans un des premies numéros des
Observations sur diverses incriptions thessaliennes dont le texte avait
été envoyé par Ph. Le Bas; depuis, il ne cessa de collaborera cette
revue; pendant vingt-cinq ans il y fut le champion incontesté de
répigraphie romaine; les articles dont il a enrichi ce recueil sont très
nombreux.
Nommé membre de la Société des Antiquaires de France en 1845,
il déploya au sein de cette Compagnie une grande activité, surveillant
lui-même les publications et s'occupant de les améliorer. C'est à lui
qu'on doit la fondation du Bulletin auquel pendant plusieurs années il
a donné d'intéressantes notes épigraphiques. Dans \qs Annuaires de cette
Société, outre de nombreuses communications sur les antiquités de la
Gaule et de l'Afrique, il a publié la traduction française de la Géogra-
phie de Ptolémée, partie concernant la Gaule (1848) et un excellent
et très utile travail sur les Itinéraires romains de la Gaule (i85o).
Dans les Mémoires il a commenté les Inscriptions antiques recueillies
par M. de la Mare sur la route de Constantine à Lanibèse (i85o) et
il a fait paraître ses Mélanges épigraphiques (i852) comprenant quatre
dissertations importantes.
En 1845 il fonda la Revue de philologie, de littérature et d'his-
toire ancienne (1845-1847, 2 vol. in-8") : on y chercherait en vain un
travail épigraphique signé de son nom, mais il y inséra trois articles
critiques d'une grande valeur. C'est à cette période de sa vie (iSdo")
qu'il faut rattacher les Notes sur Tite-Live publiées à la suite du Tite-
Live de la collection Nisard : ces commentaires furent la première
révélation qui ait été faite en France de l'administration et des magis-
tratures romaines. Trois ans auparavant (1847), il avait fait paraître
une petite édition de Théocrite .
Ses travaux sur i'épigraphie romaine le firent désigner à deux reprises
pour remplir des missions archéologiques en Algérie (i85o à 1854);
ces missions sont restées célèbres : les principaux résultats en sont
consignés dans des Rapports au Ministre publiés dans les Archives
des jnissions scientifiques (i85o, i85i, 1854). Au cours d'un de ces
d'histoire et de httkrature 43
voyages, en i852, il fonda, avec le général Creully et Cherbonneau, la
Société archéologique de Constantine et donna ainsi une vigoureuse
impulsion aux études archéologiques en Algérie. Chaque fois il revint
d'Afrique avec une abondante récolte de documents épigraphiques. Il
en entreprit la publication. Son grand recueil des Inscriptions romai-
nes de l'Algérie (ïj^. ïasc, i855 à i858, in-4°) comprend 4417 textes
presque tous inédits. Jusqu^à la fin de sa vie il conserva Fespoir
d'éditer un second volume aussi considérable que le premier.
Nommé en i853 membre du Comité de la langue, de Thistoire et
des arts de la France, il fut désigné deux ans plus tard par ce comité
pour réunir les éléments d'un Corpus des inscriptions romaines de la
Gaule et, depuis cette époque, il ne cessa de rechercher et de classer
les matériaux qu'on lui envoyait de tous côtés pour ce grand travail
resté malheureusement à l'état d'ébauche. Il devint président delà section
d'archéologie du Comité des travaux historiques; [a Revue des Sociétés
savantes renferme de nombreux rapports de L. R. sur les communica-
tions envoyées au Comité par les correspondants provinciaux et
en particulier sur les découvertes épigraphiques faites en territoire
français.
Le 12 décembre i856 l'Académie des Inscriptions et Belles- Lettres
lui ouvrit ses portes ; il y remplaça Fortoui : depuis i858 les Comptes-
rendus de cette Académie contiennent presque chaque année des
notes de L. R. sur Pépigraphie de la Gaule et de l'Afrique et sur toutes
les questions qui touchent à l'histoire romaine. Son célèbre Mémoire
sur les ojficiers qui assistèrent au conseil de guerre tenu par Titus
avant de livrer l'assaut au temple de Jérusalem et son travail sur
Velleius Paterculus onl Y>^v\x dans les Mémoires de V Académie, Xo.
premier en 1867, le second en 1875. Dans les différentes commissions
dont il faisait partie, et surtout dans celle des Antiquités de la France,
son influence s'est toujours fait sentir d'une manière utile et juste. La
droiture de son jugement et la sûreté de son érudition lui donnaient
une grande autorité.
Les honneurs ne ralentissaient pas son activité, car il collaborait en
même temps au Bulletin de l'Institut de correspondance archéologi-
que de Rome (1857, 1859, 1860), au Bulletin archéologique de
l'Athenaeum français (i855-i856), à la Revue archéologique (1844
a 1875) et aux différentes publications des corps savants dont il faisait
partie.— En 1854 il faisait paraître ses Mélanges d'épigraphie, réunion
de 14 dissertations modèles dans lesquelles sont éclaircis au moyen des
inscriptions plusieurs points jusqu'alors obscurs de l'histoire et de l'ad-
mmistration romaines; les questions traitées dans ce livre sont présen-
tées d\ine manière méthodique et claire qui ne pouvait manquer d'être
44 REVUE CRITIQUE
féconde, — En i855 il travaillait avec M. Edmond Le Blant, aujour-
d'hui membre de Tlnstitut et directeur de l'école française d'archéologie
de Rome, à la révision et à la correction de toutes les inscriptions insé-
rées dans le grand ouvrage de Perret sur les Catacombes de Rome. En
i858 il donnait au public une nouvelle édition de la Recherche des
antiquités et curiosités de la ville de Lyon par Jacob Spon en y joi-
gnant des notes dont quelques-unes sont de véritables mémoires, par
exemple celle qui est relative à G. Furius Sabinius Timesitheus, beau-
père de Gordien III: un supplément mxïiiûé Inscriptions relatives à
l'administration de la province renferme trois dissertations importan-
tes sur les fonctionnaires de la Lyonnaise.
En 1860, après la mort de Bartolomeo Borghesi, Napoléon III institua
une commission chargée de publier, aux frais de la liste civile, les
Œuvres du savant numismatiste et épigraphiste. L. R. fut Pâme de
cette commission : il mit les manuscrits en ordre, rechercha et classa la
correspondance si instructive de l'illustre Italien, revit et corrigea lui-
même toutes les épreuves, travailla aux tables et enrichit surtout de
précieuses notes les neuf volumes (1862 à i885) de cette grande publi-
cation continuée aujourd'hui par les soins de l'Académie des Inscrip-
tions et Belles- Lettres. — En 1861 il fut envoyé à Rome par le chef de
l'état pour traiter conjointement avec M. Sébastien Cornu de Tacquisi-
tiondu Musée Caynpana ; il contribua ainsi à un enrichissement considé-
rable de nos musées. Il était chargé en même temps de négocier pour
Tempereur l'acquisition des jardins Farnèse qui occupaient l'emplace-
ment d'une partie du Palais des Gésars; il dirigea plus tard les fouilles
qui furent faites sur ce terrain.
La même année on créa pour lui une chaire d'épigraphie et d'anti-
quités romaines au Gollège de France: c'est laque pendant vingt années,
avec une méthode et une clarté admirables, il exposa les règles et la
doctrine de l'épigraphie romaine, science dont il fut en France le véri-
table initiateur. Trop difficile envers lui-même, il ne voulut jamais se
décider à publier des leçons qui faisaient sa gloire, de peur de mêler
quelques éléments imparfaits aux précieux résultats de ses tra-
vaux.
Nommé en 1860 administrateur de la bibliothèque de l'Université
à la place de Philippe Le Bas, il donna asile, en 1868, dans la vieille
Sorbonne, à la section des sciences historiques et philologiques de l'E-
cole pratique des hautes études dont il devint le président; pendant
l'année 1868- 1869 il trouva le temps de prendre part à l'enseignement
intérieur de l'Ecole dans une suite de conférences très intéressantes
sur les lettres de Pline le Jeune. Un de ses derniers articles Inscription
inédite de Bcjyrouth, a éié publié en 1878 dans le volume de Mélan-
d'histoirk et de littérature 45
ges que l'École a dédis à M. Victor Duruy pour le dixième anniver-
saire de sa fondation.
Son dernier travail, Monument élevé à Grenoble en l'honneur de
Claude II le Gothique a paru en 1 88 1 en tête du Bulletin épigraphi-
que de la Gaule à la fondation duquel il s'était particulièrement inté-
ressé et auquel il voulait témoigner ainsi toute sa bienveillance. Tous
ceux d'ailleurs qui se sont occupés d'épigraphie romaine, savent qu'on
ne s'adressait jamais en vain à L. R.; il était heureux de faire profiter
ses élèves et ses amis de ses observations et des notes qu'il avait re-
cueillies. On trouvait toujours auprès de lui un accueil cordial et
d'affectueux conseils.
Léon Renier s'est éteint à la Sorbonne près de sa chère Ecole, au
milieu même de ses occupations d'administrateur de la bibliothèque de
l'Université qui n'avaient, pour ainsi dire, pas été interrompues. II
avait été fait chevalier delà légion d'honneur en i853, officier en 1862,
commandeur en 1870.
Ant. H. DE V,
122. — S>ie sunïet'iscli-aliliadleclie Spi-aelio und Hire Vei^'^vaiitlsctiafts-
verlua^ltnisse, von Fritz Hommel. Leipzig, Otto Schulzc, 70 pp. in-8, 1884.
— lie îjicantanicïttorum soiMci-îco-îjsByE'5oi-«ïîî scj-îes quao tiîeîtuf
s9iui*bu tabula sexta. Cosmneutatîo-pliilologîea quant «^ci-Bp§ti( X^c.
ti'U)^ Jenseii uusti'upeDisîs. Monachii ex ofticina academica F". Strauss. 91 pp.
in-8, i885 .
— BabylooBSfliie Hîusspsaliiieiî uuîsclis'iebeii uebergetzt UEîtl
eï'klaei't. Inauguml-Dissertation zur Erlangung des philosophischen Doctor-
grades de Universitset Leipzig, von Heinricli Zimmern. Leipzig, Breitkopf et
Haertel, 17 pp. in-4, i885.
Ces trois écrits représentent très exactement les trois étapes successi-
ves par lesquelles la question accadienne a passé depuis un an en Alle-
magne. On sait que l'école assyriologique admettait dès le début
l'existence en Babylonie d'un peuple allophyle qui aurait légué aux
Sémites sa langue sacrée, sa mythologie et sa civilisation. Les textes
qui offrent en apparence une langue antique et qui sont souvent accom-
pagnés d'une version assyrienne, étaient unanimement attribués à ce
peuple non sémitique que, sur la foi de comparaisons philologiques, on
déclarait appartenir à la race ouralo-altaïque ou touranienne. La pré-
tendue découverte de la civilisation primordiale des Touraniens excita
l'admiration générale et on la plaça au rang de l'immortelle découverte
de Champollion. C'est contre ces affirmations, passées à l'état de dogmes
depuis vingt ans, que j'ai publié un travail critique en 1874. A l'opposé
de l'opinion reçue, j'ai cherché à prouver : i" que la langue acca-
dienne ou sumérienne, si elle a existé, n'était pas de la famille toura-
46 REVUE CkITIQUE
nienne; 2° que ce qu'on nomme accadien ou sumérien, loin d'expri-
mer une langue sui generis constitue un système de rédaction, en
grande partie hiéroglyphique, fondé sur l'assyrien sémitique. J'ai
accentué tout spécialement, 3" que la civilisation assyro-babylonienne
était dans sa totalité Tœuvre des Sémites. La thèse antiaccadienne,
épurée et fortifiée dans la longue lutte qu^elle a dû soutenir contre ses
contradicteurs, finit par obtenir les suffrages de deux assyriologues
français, M. Stanislas Guyard et M. Pognon. En Allemagne Thypo-
thèse accadienne régna sans contrôle jusqu'en 1884; le seul progrés
effectué se rapporte au caractère touranien de la langue d'Accad que
MM. Schrader, Haupt et Delitzsch nient comme moi, sans cependant
avouer que mes arguments sont pour quelque chose dans leur con-
version un peu tardive. Le travail de M. Hommel en faveur du tou-
ranisme sera probablement le dernier dans cette direction, car les deux
autres travaux inaugurent pour l'année courante une tendance mar-
quée vers l'antiaccadisme, tendance à laquelle la théorie contraire
aura de la peine à résister. Analyser ces trois mémoires ce sera faire
l'histoire des phases que l'accadisme parcourt depuis peu dans les écoles
assyriologiques de TAllemagne.
I
M. H. considère l'existence de la langue accadienne comme étant à
l'abri de tout doute ; le dualisme qui se manifeste dans les textes dits
bilingues suffit pour l'en convaincre. Il croit plus profitable de renfor-
cer la thèse touranienne que la défection de plusieurs assyriologues a
fortement discréditée. Plus prudent que les anciens touranophiles qui
mettaient à contribution toutes les langues de TAsie septentrionale,
M. H. borne ses rapprochements aux langues turques seules. Malheu-
reusement, à travers la minutie apparente de son exposition et malgré
l'appareil scientifique mis en œuvre, on s'aperçoit bientôt qu'il ne con-
naît pas les langues dont il traite si doctoralement. Déjà le seul fait de
remploi du mot Turksprache dans tout son mémoire, montre bien
qu'il ignore et l'orthographe et la prononciation indigènes du mot
Turc, car il semble croire que Vil de Tilrke est un umlaut allemand.
La même inexpérience, mais doublée d'une prétention vraiment exorbi-
tante, se trahit à propos du nom de nombre besh « cinq » qu'il ordonne
de prononcer vesh. Que dira-t-on d'un grammairien qui affirmerait que
le mot allemand band « lien » se prononce jpand? Cet exemple peut
donner une idée des tortures que M. H. fait subir aux phonèmes acca-
diens qu'il veut à toute force douer d'une physionomie turque. Aussi,
toute la partie phonétique de son travail n'est-elle qu'une aggloméra-
tion de formes arbitraires créées pour le besoin de la cause et planant
dans le vide. Le phénomène de l'imâlé sémitique est confondu avec
rharmonie vocale propre aux idiomes ouralo-altaïques; l'agencement
des consonnes n'est pas traité avec plus de discernement : c'est un chaos
indescriptible.
d'histoire et de LITTERATURE 47
On s'imagine que la partie qui concerne les éléments du discours(For-
menlelire), étant plus matérielle, sera traitée moins cavalièrement; que
les désinences accadiennes seront confrontées d'une part, avec les dési-
nences assyriennes pour en démontrer la différence; d'autre part, avec
les désinences turques, pour en établir la parenté, M. H. ne fait ni Tun
ni l'autre. Les faits relatifs à Tanalogie vocalique des noms et des ver-
bes, appelée inexactement status prolongationis, à l'état construit, à
l'ordre du nom et de l'adjectif, aux préfixes navî^ nin [=z as. navi^ nin)
qui forment des noms abstraits, au préfixe miilu (=as. amelu]« homme »,
faits purement sémitiques et impossibles dans les idiomes turcs, sont
passés rapidement par M. H,, qui se contente d'identifier le préfixe
nin avec la désinence turque du génitif ning désinence qui, sans qu'on
en fournisse la moindre preuve d'ailleurs, aurait signifié primitivement
« chose ». Avec l'élasticité que M, H, accorde à la phonétique acca-
dienne, où les consonnes n, g, d, sh se remplaceraient sans façon l'une
l'autre, il aurait beaucoup mieux fait d'identifier Taccadien nin avec
l'allemand ding, dont le sens du moins est bien certain. Ce qui est en-
core plus étonnant, c'est que M. H. prend l'idéogramme déterminatif w
dans u-kur et ii-tu-ud-da pour un préfixe formatif.
Parmi les soi-disant suffixes formatifs d'adjectifs. M, H. n'en trouve à
comparer que deux : gai et tuk qu'il rapproche des désinences ni et ti
particulières selon lui au turc oriental, ce qui prouve qu'il n'a aucune
idée du turc occidental. Au lieu de chercher si loin, M. H. aurait dû
comparer les terminaisons germano-romanes al, el et tic^ tique, tisch ;
cela aurait été tout aussi raisonnable.
Les pronoms ont de tout temps formé le champ clos où les amateurs
de comparaisons à casse-cou donnent libre carrière à leur fantaisie.
Quelle qu'en soit la cause, il est avéré que les pronoms se ressemblent
beaucoup dans les langues les plus diverses. La similitude si parfaite
des pronoms sémitiques et chamitiques a été impuissante à établir la
parenté de ces deux familles de langues. A plus forte raison une telle
similitude perd-elle toute valeur scientifique lorsqu'elle est partielle et
imparfaite. Quand donc M. H. met sur la même ligne les pronoms ré-
putés suméro-accadiens ?n;.!('/Zy', :[ii{n), ni &X. les pronoms turcs primitifs
inan, san, on (pour o/), on pourra sans peine remplacer ceux-ci par
les formes germano-slaves niein, dein; on. L'anglais iife « nous » va à
merveille avec le sumérien mi f= w^/j, M. H. consentira-t-il qu'on en
conclue que le sumérien est un idiome germanique? Quant à la compa-
raison du turc bu « ce » avec le sumérien bi, elle est illusoire, car les
formes tartares inunga, munda etc. attestent que la consonne initiale
était primitivement une m.
J'ai démontré depuis deux ans que les nombreux phonèmes acca-
diens qui indiquent les noms de nombre, ne sont autre chose que les
lectures des signes-chiffres qui les représentent. M. H, passe naturelle-
ment sous silence la grande majorité de ces sons; il nementionne que les
48 KKVUE CRITIQUE
six suivants : ash « un », gash «deux n^vish «trois », 7iin « quatre », vash
« cinq », lin « dix », dont les correspondants turcs seraient respective-
ment ash, ikish, i'ttch, nil, vesh, on. Ce rapprocliement lui paraît si pro-
bant qu'exalté par son triomphe il s'écrie : « Wenn man dies Factum
mit ciem oben betonten der Identitat samtlicher Pronominalstamme
und ihrer Ver-.vendung in Betracht zieht, so miisste das allein schon
geniigen, jeden Zweifel an der engen Zusammengehorigkeit des Sum-
mero-akkadischen und der Turksprachen zu beseitigen. » En réalité, la
seule chose que M. H. a réussi à prouver, c'est son ignorance absolue
des langues ei de la philologie turques. En ce qui concerne le nombre
« un », les langues turques, sans exception aucune, l'expriment par ôir;
l'ouigour ashni « tout d'abord » (\iierst), vient de ash « passer devant
ou avant » et n''a rien à voir avec l'idée de nombre. La forme primitive
de « deux )), f/ft, n'est pas ikish comme le croit M. H., mais, témoin la
ïorme j^igirmi « vingt», comparée au yakoute sûrbe, avec un û long,
sikir, ce qui n'a plus la moindre ressemblance avec gash. On peut éga-
lement affirmer que le turc iitch (yak. ils) a trois •», vient d'une forme
primitive iclt, conservée dans le nogaï o/^zq « trente », turc commun
o^zq, yak. oîiis ; or, de iilt à vis ou plus exactement ish, la distance est
grande. Pour le nombre « quatre », tous les dialectes turcs disent dort,
tih'irt ; le terme nilau « quatrième » est emprunté aux idiomes finnois.
Le mot turc pour <> cinq », besh, bies, visse, comme le montre le fin-
nois vUe, avait probablement une dentale dans sa seconde syllabe; il
n'a donc rien de commun avec le sumérien mash dont, soit dit en pas-
sant, la lecture n'est même pas certaine. Enfin, la comparaison du
livonien A'wn (fin. Ktim) « dix » fait assez voir que le turc on =: yak.
lion offre l'altération d'une forme ancienne kuom. forme avec laquelle
Taccadien mun, un, en admettant qu'elle fût exacte, n'a plus aucune
analogie. Voilà les considérations qui auraient dû empêcher M. H.
d'entonner son chant de triomphe.
Que le verbe accadien diffère entièrement du verbe touranien, c'est un
fait que les partisans les plus autorisés de l'accadisme ont, depuis long-
temps, reconnu et concédé : il est seulement fâcheux qu'ils n'en aient
pas tiré la conséquence naturelle contre le touranisme. M. Lenormant
crut obvier à cet inconvénient en introduisant de hardies corrections
dans l'analyse du verbe ouralo-altaïque, hardiesses que les connaisseurs
de ces langues ont naturellement reçues plus que froidement. M. H.
est moins résolu, mais il se tire d'affaire en affirmant que la conjugai-
son prépositive du verbe suméro-accadicn est due à l'influence de
l'assyrien sémitique. 11 ne considère comme originale que la conjugai-
son postpositive qu'il rapproche de la conjugaison turque sans se douter
qu'en turc le présent est formé d'un nom verbal terminé par un r, au-
quel se joignent les suffixes personnels : baqar-ym, gider-im, olur-inn
etc., tandis qu'en accadien, conformément à l'usage assyrien, \ts suf-
fixes se joignent immédiatement à la racine ; dibba-mu = as. cabta-ku
d'histoire et de LITTERATURE 49
« je prends », shummu-nin = as. inaddin « il donne ». Au lieu d^assi-
miler le précatif préfixe accadien hi (ha, hu, ga) au précatif affixe turc
khaï limité à la 3^ personne seule, et l'indice verbal accadien ta, da
aux suffixes turcs tiu\ dur qui forment le causatif, M. H. pouvait
avec autant de vraisemblance assimiler, le premier au roman que, che,
le second au t du latin capto, dérivé de capere. Semblablement, il pou-
vait substituer avec avantage le roman ni -ni ou. ne-ne à la négation tur-
que nè-nè qu'il rapproche de l'accado-sumérien na, nam, nu. Les lan-
gues romanes s'accordent du moins en cela avec Taccadien qu'elles
n'ont pas de conjugaison particulière pour la négation, ce qui est le con-
traire des langues turques. En continuant à consulter les langues euro-
péennes, M. H. ne tardera pas à trouver que les prétendues postpositions
accadiennes gime, ka, ta, ra répondent, le premier au comme français,
le second au génitif slave go, ga, le troisième au îhe, then grec, le qua-
trième au datif allemand des adjectifs féminins, er. Entin, le soi-disant
locatif accadien bi aura son analogue dans le bi de sibi et la conjonc-
tion accadienne an dans le hollandais en, ail. imd, ang. and, ce qui
clora triomphalement la série des comparaisons suméro-européennes
que je soumets à M. Hommel. L'origine européenne du sumérien ex-
pliquera à merveille la conjugaison prépositive aussi bien que l'exis-
tence de nombreuses prépositions, deux faits inexplicables dans l'hypo-
thèse turque. Quant au vocabulaire, comme M. H. n'a encore produit
qu'une demi douzaine de mots en tout, nous pensons qu'il ne sera pas
difficile d'en fournir dix fois autant à l'aide du dictionnaire de n'im-
porte quel idiome européen.
Pour terminer, annonçons une découverte ethnographique de la plus
haute importance faite par M. H. : l'existence antique d'une race ala-
rodieJine qui renfermait les Susiens, les vieux Arméniens, les Cosséens,
les Hittites, les Suméro-Altaiens, les Basques et probablement aussi
les Albanais et les Celtes, c'est-à-dire presque tous les peuples non
aryens et non sémitiques de l'Asie et de l'Europe, avec quelques peu-
ples aryens par dessus le marché. M. H. en est absolument sûr et nous
aurions mauvaise grâce de ne pas le croire sur parole. Ilest vrai qu'on ne
comprend guère ni le su&ien ni le vannique, ni le cosséen, que la lecture
du sumérien est incertaine, que les inscriptions hittites ne sont pas
déchiffrées, mais ce sont là des bagatelles dont l'admirable intuition de
M. Hommel a bien vite raison. Quelques désinences de la seconde lan-
gue des textes achéménides rapprochées des formatives géorgiennes lui
suffisent pour établir sa découverte sur des bases inébranlables. Baissez
la tête, philologues
I
[A suivre). J. Halévy.
5o BEVUE CRITIQUE
123. — Histoire du peinîle tie Ceiiève depuis la Reforme jusqu'à l'Escalade,
par Amédée Roget. T. Vil. Genève, J. Jullien, iS83, 279 p. I11-12.
C'est kl sixième fois que nous parlons ici de cet ouvrage depuis
quinze ans; ce sera la dernière. M. Amédée Roget est mort à Genève,
le 29 septembre i883, au moment de corriger les derniers feuillets du
présent volume, et ce monument de science critique et de patriotisme local
(deux choses qui ne se rencontrent pas toujours ensemble et semblent
même parfois s'exclure) restera donc inachevé. Nous avions exprimé
déjà quelques craintes à ce sujet, mais nous ne pensions pas prophétiser
si juste à cet égard. Le septième volume embrasse les années i563 à
i568; pour arriver à l'Escalade (1602) il aurait fallu au trop conscien-
cieux auteur sept autres volumes encore et quinze autres années
d'existence, qui lui ont été refusées; il ne se trouvera sans doute per-
sonne pour continuer avec la même abnégation cet intéressant et
consciencieux travail. M. R. retraçait dans ces dernières pages tracées
par sa plume, la suite des luttes intérieures de la petite république
genevoise, Fun des états les plus agités de l'Europe au xvi^ siècle. La
conspiration de Balthasar Sept, la mort de Calvin en 1564, les négocia-
tions avec le duc Philippe de Savoie, le singulier procès de Spifame,
l'ancien évêque de Nevers (i565), le procès de Pex-syndic Jean Porral,
l'alerte causée par le duc d'Albe se rendant aux Pays-Bas en été iSôy,
voilà les principaux chapitres du récit de M. R. Il n'a pas réussi, mal-
gré ses recherches, à nous expliquer les obscurités de la procédure contre
Spifame, ni surtout à découvrir les véritables raisons pour lesquelles
Jeanne d'Albret poursuivit avec tant d'âpreté l'ancien dignitaire de
l'Église, devenu plus ou moins sincèrement huguenot.
Le présent volume est riche également en détails de moindre impor-
tance relatifs à la vie intérieure, politique ou religieuse de Genève, A
certains moments l'auteur se laisse aller, un peu trop peut-être, au ton
de la chronique, encombrant son récit de minuties inutiles, au goût de
ceux qui ne s'intéressent qu'aux actions générales dans l'histoire. Mais
nous en aurions volontiers accepté la suite, pour notre part, si nous
avions reçu en même temps des mains de l'auteur quelques-uns de ces
chapitres si savamment écrits et d'une impartialité si calme sur les
luttes intérieures des libertins et des calvinistes de sa cité natale. Au
milieu de l'antagonisme toujours vivant des anciens partis du xvi® siè-
cle, M. Roget représentait l'esprit de critique moderne, essayant de tout
comprendre avant de juger, et ne lançant jamais l'anathème, ni à droite,
ni à gauche. Aussi sentait-on en lui un guide sûr avec lequel on avan-
çait lentement, mais avec confiance. C'est ce guide qui nous fera désor-
mais défaut pour l'histoire de Genève.
R.
DHISTOIRE ET OK LlTrÉRATURE 5l
124. — L.a Renaïssance en Italie et en Fi-ance à l'épocjuc cle CliniJe^
Vîll» ouvrage publié sous la direction et avec le concours de M. Paul d'AIburt
de Luynes et de Chevreuse, duc de Chaulnes, par M. Eugène Mûntz, et illustré
de 3oo grav. dans le texte et 38 planches tirées à part. Paris, F'irmin-Didot,
i883, in-4 de xi-56o pages.
M. Mûntz vient de publier un nouveau livre digne de ses précédents
travaux. L'auteur des Précurseurs de la Renaissance, des Arts à la
cour des Papes, de l'Histoire de la tapisserie en Italie, etc., était dési-
gné avant tout autre pour présenter le tableau d'ensemble d'une des
plus intéressantes époques de la Renaissance, la fin du xv^ siècle. Le
plan du livre est tout entier dans une lettre du duc de Chaulnes à
M. Mûntz : <( Un événement capital marque la fin de ce siècle. Les
Français sous la conduite de Charles VIII traversent triomphalement
ritalie. Dans la Péninsule, l'art était alors dans un complet développe-
ment et l'on peut précisément arrêter à ces dernières années du xv« siè-
cle cette grande et puissante époque qui finit à Michel-Ange et à Ra-
phaël. Pouvoir réunir dans un même cadre l'état des arts en France,
leur magnifique épanouissement en Italie, les exploits de la nation fran-
çaise, les résultats sinon matériels, du moins moraux et artistiques
d'une semblable expédition, me semble devoir assurer le succès de Tceu-
vre à entreprendre. » Pour cette œuvre, que le duc de Chaulnes devait
exécuter avec M. M., les pièces d'archives, les photographies, les docu-
ments de toute espèce furent recueillis et accumulés pendant plusieurs
années par les deux savants. Mais cette collaboration n'a pu se poursui-
vre dans la rédaction de l'ouvrage; le duc de Chaulnes est mort, presque
au début d'une vie qui promettait d'être admirablement féconde, et
M. M. a réalisé fcuI le plan combiné en commun.
Le format du volume, le nombre et la richesse des illustrations font
delà Re7îaissance un livre d'étrennes; d'autre part, l'étendue du sujet,
la complexité des matières empêchent que l'ensemble de Touvrage
puisse être de première main. Cependant, l'œuvre est véritablement
scientifique et dépassera le public spécial auquel elle semble destinée.
M. M. a utilisé et groupé pour la première fois une foule considérable de
renseignements amassés dans ces dernières années par des érudits infati-
gables sur rhistoire de l'art au xV^ siècle, spécialement sur l'art français,
méconnu jadis, et justement célébré aujourd'hui. Dans un si vaste plan,
où sont effleurés tant de sujets divers, du plus rebattu au plus nouveau,
M. M. a su n'être ni banal ni aventureux. Il a des qualités qui le gar-
deront toujours des lieux communs ou des généralisations trop promp-
tes. Sa méthode est excellente : on sent en lui l'homme qui a la fré-
quentation directe des documents, qui n'avance rien sans indiquer ses
sources et dont l'œil, habitué aux recherches minutieuses et précises, ne
s'égare pas volontiers dans l'hypothèse et la fantaisie. Aussi M. M. sera-
t-il un guide très sûr pour qui voudra embrasser les diverses manifesta-
tions de Tesprit de la Renaissance; ses jugements exacts et modérés sur
52 REVUK ClUTIQUK
les hommes et les idées de cette grande époque sont une des parties les
plus méritoires de son travail.
Des trois parties dont se compose le livre, la première est un tableau
général du mouvement intellectuel et moral de la première Renaissance,
des conditions de la vie publique et privée en Italie, des influences lit-
téraires et autres qui concouraient à l'éducation des artistes de ce temps.
Ce tableau a été tracé bien des fois, notamment par Burckhardt dans
son beau livre die Ciiltur der Renaissance in Italien; mais les docu-
ments récemment mis au jour et que M. M. a utilisés lui ont permis
de renouveler certains points de vue. 11 faut le louer aussi de réagir
contre quelques exagérations de M. G. Voigt à propos du caractère des
humanistes.
Dans la seconde partie, l'auteur nous conduit dans tous les états de
l'Italie et nous montre, au moment de l'arrivée de Charles VIII,
l'activité artistique de chacun des centres politiques de la péninsule, la
noble émulation entre les princes, les prélats, les villes, pour aider au
développement de la Renaissance et donner satisfaction aux besoins
intellectuels des temps nouveaux. C'est ainsi que nous visitons succes-
sivement le duché de Milan, où Ludovic le More fait cons-truire la
Chartreuse de Pavie et retient Léonard de 'Vinci, Padoue et Venise, où
fleurissent Mantegna et les Bellini, Ferrare, Mantoue, Urbin, dont les
noms sont inséparables de leurs glorieuses familles d'Esté, de Gonzague
et de Montefeltro, l'incomparable Florence qui peuple de chefs-d'œuvre
la Toscane et Tltalie entière, Rome, où les lettrés et les artistes vien-
nent à l'envi s'inspirer des grands souvenirs antiques, la cour de Na-
ples enfin, où la Renaissance des lettres donne des résultats bien plus
brillants que celle des arts. L'Ombrie est un peu sacrifiée; l'auteur se
réserve sans doute d'y revenir, mais ce sera, on peut le craindre, sans
enthousiasme : il parle du Pinturicchio (p- 414 et passim) avec une
sorte de dédain, que ne lui pardonneront pas les ardents amateurs
des fresques delà libreria de. Sienne. Ses sympathies les plus chaudes
sont pour les Florentins : elles l'inspirent heureusement et l'une des
meilleures pages de son livre est celle où il caractérise les trois grands
peintres de Técole toscane à cette époque, Gozzoli, Ghirlandajo et Bot-
ticelli (p. 384). Pour ce qui regarde le rnouvement de la Renaissance
à Rome et Tinfluence des Papes, M. M. est aussi sobre que précis; on
sent qu'il est ici dans un domaine qu'il a fait sien plus que tout autre.
La troisième partie, la Renaissance en France^ est naturellement la
moins importante, les œuvres étant moins nombreuses et le mouve-
ment artistique moins considérable. On remarquera l'intéressant récit
de l'expédition de Charles VIII d'après les témoignages contemporains,
ainsi que les détails relatifs aux artistes italiens en France, aux artistes
Irançais en Italie. Les admirateurs passionnés de notre art national du
xv siècle, des tombeaux de Dijon, des tapisseries de Boussac, du Lit de
justice du duc d'Alcnçon, et de tant d'autres chefs-d'œuvre, ne se sont
d'hisioire kt dk littérature 53
pas montrés satisfaits des conclusions de M. M.; ils estiment que
la France a plus perdu que gagné à subir Tinfluence italienne. M. Gonse,
dans la Ga:{ette des Beaux-Arts du i" janvier i885, s'est fait l'écho de
leur réclamation : « Lorsque nous entendons, dit-il, chanter les louan-
ges d'une importation commandée au début par des engouements de
cour, nous pensons involontairement au trouble et à l'incertitude de
nos architectes, de nos peintres, de nos tailleurs d'images devant les
tyrannies de la mode nouvelle; nous pensons avec tristesse à la supério-
rité de ces maîtres modestes et souvent demeurés anonymes, s'inclinant
devant les médiocres et les outrecuidants que nous expédiait l'Italie. »
M. M., est resté étranger à cet ordre de sentiments; il se réjouit sans
réserve de constater que a pour la seconde fois les Latins ont conquis
la Gaule '. »
Un des mérites de l'ouvrage si consciencieux et si vivant de M. M.
est la bibliographie considérable qu'il a eu le soin, d'une manière dis-
crète pourtant, de faire figurer au bas des pages. Je lui soumets sur
ce point quelques observations; p. 290, à propos de Jacopo Bellini
et de son volume de dessins récemment acquis par le Louvre, il eut
été très utile de renvoyer aux deux articles sur ce sujet, dont le premier
se trouve dans la Gaiette des Beaux-Arts du i"' octobre 1884. On
objectera que la Renaissance paraissait vers cette époque; mais
l'auteur connaissait mieux que personne la publication de ces excellents
articles, puisqu'ils sont signés Eugène Mlintz. — M. M. parle (p. 5 10)
des volumes provenant de la Bibliothèque d'Alphonse le Magnanime et
de Ferdinand I", qui ont passé dans la bibliothèque royale de Blois ;
au renvoi fait au Cabinet des manuscrits de M. Léopold Delisle, il
convenait d'en joindre un autre au travail plus récent du même savant
inséré en 1884 dans les Mélanges Graux et intitulé Notes sur les
anciennes impressions... conservées au xv° siècle dans la librairie
royale de Naples (pp. 244 et sqq.). — N'y avait-il pas lieu, p. 1 16, de
mentionner à Rome l'académie qui se réunissait chez Paolo Cortese
et dont parle Tiraboschi (Storia délia lett. it., éd. de Florence, VI,
p. ï 1 3) ?
Pour une prochaine édition, on peut inviter M. M. a adopter une
orthographe plus constante pour les noms propres. 11 écrit souvent, à
quelques lignes de distance, Mantègne et Mantegna, Bellin et Bellini.,
Pomponius Laetus et Pomponio Leto. Il faut choisir une forme et s'y
tenir. Pour ce qui est de ce dernier nom, on a dit ici que sa forme lo-
gique et en général celle de tous les noms de fantaisie que se donnaient
les humanistes du xv^ siècle, est pour nous. Français, la forme latine et
nullement la forme italienne (cf. Rev. crit. 1884, II, p. 460 =).
1. M. M. cite toujours ses sources; il termine son livre sur celte phrase entre
guillemets sans en indiquer la provenance : aurait-il eu peur de nommer, parmi tant
d'auteurs graves, M. Alphonse Daudet '.
2. M, M. effacera quelques fautes d'impression. Le renvoi de la page 394 à la
54 REVUE CRITIQUE
En résumé, la Renaissance est un livre bien composé, agréable à lire,
nourri de faits et d'un bon et solide jugement. J^ai dit qu'il ferait hon-
neur à M. Mtintz; j'ajoute qu'il a comblé une lacune dans la librairie
française, puisqu'il peut paraître sans désavantage â côté des travaux
de Burckhardt et de Symonds.
Pierre de Nolhac.
125. — Oœtlte, Gcetz von Sîei-licltingen mit dei* eieernen Haiid, Ein
Scliauspîel. Edition nouvelle avec introduction et commentaire, par A. Chuquet,
Paris, libr. L. Cerf, i3, rue de Médicis, i885. In-8. Prix : 2 fr. 5o.
Le volume de M. Chuquet serait sans contredit la meilleure édition
classique que nous possédions jusqu'à ce jour d'un ouvrage allemand si
la Campagne de Fj'ance du même commentateur ne permettait l'hési-
tation.
Dans son Introduction, M. C. qui est au courant de tous les travaux
anciens et récents de la critique allemande, notamment des études de
MM. Dûntzer, Minor et Sauer, Brahm, Wustmann, etc., a extrait la
substance de tous ces ouvrages pour l'animer de sa verve et de sa pen-
sée.
Pour donner une idée de la richesse de cette Introduction, je marque
brièvement le contenu des différents chapitres (Pourquoi M. C. n'a-t-il
pas lui-même donné ces titres qui auraient permis au lecteur, et surtout
à l'élève, de s'orienter plus aisément dans un travail aussi touffu?) :
1. Le Goet^ historique (M. C. témoigne à Pégard du chevalier à la
main de fer plus de faveur et d'indulgence que ses plus récents histo-
riens, MM. Janssen, Wegele, etc.; ceux-ci sont bien sévères; M. C. ne
serait-il pas bien clément?)
2. Histoire de la composition de Goet:{ de Berlichingen.
3. Analyse du drame.
4. Emprunts faits par Gœthe à la Chronique de Goetz. (Pourquoi
M. Ch. ne nous donne-t-il pas soit dans ce chapitre, soit dans ses notes,
la traduction des principaux passages de la Chronique? \)tns&-X.-\\ que
l'original tout seul soit d'une lecture commode pour les élèves?)
5. Imitation de Shakespeare (un des chapitres les plus judicieux et les
plus brillants).
6. Critique et appréciation du drame; ce que Gœthe y a mis de lui-
même.
7. Causes de son succès.
8. Les caractères dans Goet\ de Berlichingen.
9. Style et langue.
gravure de la p. 385 se rapporte à celle de la p. 1 13. P. 375, la date de la mort de
Sig. Malatesta est 1468. Nous reclamons un index alphabétique, dont l'absence dans
cette édition se fait vivement sentir.
d'histoire et de littérature 55
10. L'esquisse de 1771 comparée au drame de 1773.
1 1 . L'adaptation de 1 804.
12. L'influence de Goet:{ de Berlichingen (un excellent résumé d'a-
près l'ouvrage de M. Brahm, des imitations de Goet^ dans les drames
de chevalerie).
Les notes, aussi abondantes que variées, témoignent de l'érudition la
plus sûre, d'une souplesse d'esprit remarquable, inépuisable en rappro-
chements de tous genres. Etymologie, particularités de langue et de
grammaire, renseignements historiques et géographiques, tous les se-
cours dont l'élève et même le maître ont besoin, M. Ch. les leur otïre
avec une libéralité dont ils ne songeront pas à se plaindre.
Pour le commentaire proprement dit, pour l'interprétation des passa-
ges difficiles, M. Ch. est aussi un auxiliaire précieux. Cependant si sur
tout le reste il nous donne assez, quelquefois plus qu'assez, ici j'en
voudrais souvent davantage.
Que M. Ch. me permette d'appeler son attention sur ce point; j'y
insiste à cause de l'excellence même de ses éditions, que tout commen-
tateur consciencieux prendra à l'avenir pour modèles.
L'interprétation du texte, l'explication des passages difficiles, est,
selon moi, le premier devoir du commentateur. Pour tout ce qui tou-
che l'étymologie, l'histoire, la géographie et toutes les sciences, il y a
des dictionnaires, des encyclopédies, des recueils de tous genres, aux-
quels il est facile de s'adresser; mais si Ton est embarrassé sur le sens
d'une phrase, où trouver un secours sinon dans les notes du commen-
tateur? C'est donc là son objet propre, la partie nécessaire, indispensa-
ble; tout le reste n'est que le superflu, ou, tout au plus, \t superflu
nécessaire. D'ailleurs, la première vertu du commentateur tel que je
l'entends doit être l'abnégation. En effet, tandis que pour les autres
notes les chances d'erreur sont minimes, ici, elles sont grandes; le lec-
teur, qui est prompt à relever vos fautes avec sévérité, ne tient aucun
compte de vos mérites, persuadé que les commentaires qu'il comprend
et qu'il api)rouve, il n'aurait pas eu de peine à les trouver lui-même.
Néanmoins, il faut oser; il faut avoir le courage de se tromper; si l'on
hésite entre deux ou trois explications différentes, qu'on avoue loyale-
ment ses doutes et qu'on en marque les causes. Devant un passage vrai-
ment difficile, il vaut mieux se tromper que se taire; cela est plus loyal,
cela est aussi plus utile; car l'erreur excite à la contradiction, à la
réflexion, tandis que le silence favorise la paresse d'esprit. En veut-on
un exemple? Melancholisch wie ein gesiindes Madchen., dit Adelheid
au second acte de Goeti. La plupart des commentateurs allemands
passent devant cette comparaison étrange sans l'expliquer; M. Wust-
mann s'arrête, et M. Ch. après lui, et ils nous disent : « Sans doute
Adélaïde qui est une femme du grand monde, avide d'honneurs et de
pouvoir, se moque des jeunes filles qui ne connaissent pas ces nobles
soucis; QÏiQ'à soîiX. gesund, c'est-à-dire « nature », comme on dit aujour-
56 REVUK CRITIQUE
d'hui ; elles ne pensent qu'à Tamour, elles en savourent la mélancolie,
elles ignorent les jouissances d'une âme altière, tourmentée par Tambi-
tion. Adélaïde se sait imgesund et s'en fait gloire, ce n'est pas elle qui
donnera dans la sensibilité, dans V Empfindsamkeit ; tous les sentiments
naturels, la douce tristesse que Goethe et ses contemporains ajoutaient
volontiers à Pamour, la Wehmiith qui leur paraissait inséparable de la
passion ( Wehmiith iind Wonné), tout cela semble vulgaire à l'orgueilleuse
châtelaine. » Je crois cette explication trop subtile, et je la rejette; mais
ne voit-on pas qu'elle vaut mieux que le silence ? Je propose cette autre
interprétation : « L'expression semble amenée par la recherche de l'an-
t'ilhèse jammernd wie einen kranken Poeten; la signification me paraît
un peu libre, dans le sens d'un grand nombre de plaisanteries de Sha-
kespeare (notez que cette imitation est frappante dans toute la scène) :
une fille bien portante est mélancolique, parce qu'elle est mûre pour le
mariage. » Peut-être me trompé-je comme MM. Wustmann et Chu-
quet; mais nos hypothèses, erronées ou non, exciteront Tesprit du lec-
teur et le mettront sur la voie de la solution véritable. M'en voudra-t-
on si je résume mon opinion sous cette forme paradoxale : « Le meilleur
commentateur est celui qui fait le plus de contre-sens. » Gela revient à
dire : Le meilleur commentateur est celui qui ne tourne aucune diffi-
culté, qui se risque à proposer des hypothèses, là où l'affirmation ne
lui paraît pas possible.
D'après ces observations, M. Ch. comprendra quelles sont les parties
de son commentaire que j'estime le plus, les explications des propos
subtils de Liebetraut, des discours métaphoriques d'Adelheid, etc. Je
puis différer d'avis sur certains détails; mais ces essais d'interprétation
sont excellents ; je répète que je les aurais souhaités plus nombreux.
Après une étude minutieuse de ces notes, je ne trouve à relever que
deux ou trois explications qui me semblent franchement erronées :
P. 5. Hait' dein Maul! « Le chevalier prie Sievers de parler encore
plus bas ; l'expression populaire hait' dein Maul n'a donc pas ici l'éner-
gie et la rudesse qu'elle a d'ordinaire. » Le cavalier ne prie pas Sievers
déparier plus bas; Goethe prend soin de marquer par la parenthèse
leise que Sievers parle bas; mais le cavalier se fâche de ce que Sievers
prononce le nom de Goetz, au moment où son compagnon vient de
dire : « dass du dich nit unterstehst :{u verrathen wem ipir dienen » Hait
dein Maul signifie donc bien: « tais-toi ! veux-tu te taire! veux-tu ne pas
nommer Goetz ! » et non « parle plus bas ! » — P. 12. Martin: Wollte
Gott hotte mich :{um Gartner oder Laboranten gemacht, « Laborant,
chimiste... Le moine Martin aurait aimé à préparer des remèdes ou des
liqueurs en distillant des plantes. » C'est un contre-sens; M. Ch. a eu
tort de suivre ici les traducteurs et M. Dûntzer lui-même. Il est mani-
feste que les exclamations admiratives de frère Martin sur le jardin des
moines de saint Guy sont ironiques. Das ist also eure Sache nicht,
observe Goetz qui comprend bien l'ironie. Martin se contredirait donc
d'histoire et de littérature 57
en ajoutant quMl aurait aimé être Jardinier ou chimiste. Le sens est
celui-ci : «Ah! si Dieu m'avait créé pour être jardmier ou chimiste, s'il
m'avait donné le goût du Jardinage!... » Il pourrait alors être heureux,
comme les moines dont il vient de parler; il n'y aurait pas de contra-
diction entre ses penchants et sa destinée. — P. yS. PJlicht leisten^
«■ engager sa foi, faire un serment, une promesse solennelle. » PJlicht
leisteji n^est pas ici synonyme de einen Eid leisten. Adelheid ne s'indi-
gne pas de ce que Weislingen ait engagé sa foi ù Goetz pour se délivrer,
mais de ce qu'il songe à tenir son engagement [Riîterpjîicht ! Kinder -
spiel! Pflicht leisten n^a donc pas ici le sens de prêter serment, mais de
s'acquitter de l'engagement que l'on a pris. Leisten = einer Verpflich-
tiing nachkommen, etwas Schuldiges thiin oder erfiillen.
M. Ch. corrigera ces taches légères dans une seconde édition. Dès au-
jourd'hui, son commentaire sera infiniment précieux à tous ceux qui
étudieront le drame de Goethe.
J'oublie, en recommandant ainsi Tédition de M. Chuquet, qu'au mo-
ment où elle paraît, Gœt:{ de Berlichingen vient d'être rayé du pro-
gramme de renseignement secondaire. Espérons que le conseil supé-
rieur reviendra sur cet ostracisme de Tune des oeuvres les plus vivantes,
les plus entraînantes de la littérature allemande, les plus faites pour
intéresser la Jeunesse. Que signifie d'ailleurs cet ostracisme d'ouvrages
classiques? Pourquoi supprimer Gœt^ de Berlichingen, Iphigénie,
etc.? Si des ouvrages nouveaux sont signalés à l'attention du conseil
supérieur, si beaucoup de bons esprits trouvent qu'il faut faire une place
plus grande aux livres contemporains, même aux romans, à l'allemand
de nos jours, de l'heure présente, rien de plus facile que de leur donner
satistaction : les livres nouveaux, approuvés par le conseil, pourront se
placer à côté des anciens sans les supplanter; les professeurs seront li-
bres de choisir entre les uns et les autres. Was man nicht liebt, kann
man nicht machen, a dit Gœthe à propos du remaniement même de son
Gœt:{; on ne fait bien que ce que l'on aime faire. Laissez donc les pro-
fesseurs choisir eux-mêmes entre un nombre suffisant d'ouvrages excel-
lents. Plus le choix sera grand (si d'ailleurs ces livres n'offensent ni la
morale ni la langue), plus il y aura de chance que le professeur expli-
quera avec ses élèves des ouvrages qu'il aime et qu'il admire, dont l'utilité
ou l'intérêt éclate à ses yeux ; mieux aussi il fera, selon le mot de Gœ-
the. La tolérance, la liberté, ici comme partout, comme presque par-
tout, est donc la solution la meilleure.
Ernest Lichtenberger.
58 REVUE CRITIQUE
VARIÉTÉS
IVotcs d'ai'cliéologle orientale.
XXIV
Le mot « chillek », sauver, en phénicien et dans l'arabe vulgaire.
J'ai eu plusieurs fois l'occasion d'insister sur les analogies phonéti-
ques, grammaticales et lexicographiques qui tendent à rattacher direc-
tement aux plus anciens idiomes sémitiques les dialectes de l'arabe
vulgaire, par dessus la tête, pour ainsi dire, de l'arabe littéral. Voici une
nouvelle preuve assez topique à l'appui de cette observation.
Il existe en phénicien un groupe de noms propres théophores, formés
d'un élément divin en combinaison avec le thème verbal "Sc : ~SwS"2,
Baalchillek, "brjDUJX, Echmounchillek, etc.. Cette racine chillek
n'ayant pas en hébreu de sens convenable et n'étant point, d'ailleurs, usi-
tée à la forme piel ', l'on admet généralement que ~bw est ainsi écrit pour
nTùJ, chillakh, <.< délivrer », et que les noms où figure cet élément signi-
fient celui que Baal, celui quEchmoun a délivré, sauvé. Un phénomène
phonétique familier aux hébraïsants peut, dans une certaine mesure,
expliquer cette équivalence du kaph et du khet ^ En tout cas, il me pa-
raît intéressant de signaler un fait qui. Je crois, n'a pas été relevé jus-
qu'ici; c'est que l'arabe vulgaire, et l'arabe vulgaire seul, connaît encore
un verbe, identique pour la forme et pour le sens: sellek, « sauver, déli-
vrer». Ce qu'il y a de plus frappant, c'est que l'emploi de ce verbe, in-
connu dans ce sens à l'arabe littéral aussi bien qu'aux dialectes vulgaires
de Syrie et d'Egypte, parait particulier aux dialectes moghrébins'; or les
noms théophores phéniciens du type x -j- chillek semblent appartenir
en propre à l'onomastique punique; c'est tout au moins dans les ins-
criptions d'origine punique qu'on les rencontre le plus fréquemment,
pour ne pas dire exclusivement. Par conséquent, c'est dans la même
aire géographique que nous constatons la survivance de ce mot phéni-
cien conservé fidèlement par l'arabe vulgaire. Reste à savoir s'il faut
réellement continuer à le considérer comme une variante orthographi-
que de chillakh^ ou s'il ne vaut pas mieux y voir une antique acception,
demeurée à l'état sporadique, de la racine "S"»!;.
Clermont-Ganneau.
1. Dont l'existence en phénicien est confirmée dans l'espèce par les transcriptions
grecque et latine, BaAatAAr,/, Balsilech.
2. Voir à ce sujet les observations des savants édieurs du Corpus Inscriptionum Se-
miticavuin, aux n^^ 5o et i32.
3. Détail à noter au point de vue de la génération des idées: \e sellek, selek
moghrébin a, comme son synonyme khallaç, khalaç, qui lui, est d'un usage géné-
ral en arabe, la double acception de sauver, délivrer, et de payer [— s'acquitter;
nom d'action : selâk, « paiement. »)
0 HISIOIRK E\ DK LITTÉRATURE Sq
CHRONIQUE
ALLEMAGNE.— La biographie d'Apollonius de Tyane par Philostrate vient d'eue
étudie'e par M. Julius Jessen, (4;7o//oh2ws von Tyanau. sein Biograph Philostratus,
Hambourg, i885 j 36 pp. 4). Voici les conclusions de ce travail : « Si nous jetons un
dernier regard sur l'ensemble de la vie d'Apollonius, nous ne pouvons éprouver que
du désenchantement et de l'amertume. Il n'y a en lui nulle trace de modestie; il est
rempli d'un vain amour propre, comme un sophiste mal élevé. Il veut devenir le pro-
phète de son peuple sans en posséder les qualités. Surtout il est loin d'être un esprit
religieux : on n'a de lui aucun de ces mots qui retentissent dans le cœur de l'homme,
il n'a fait entendre aucune de ces exhortations qui enflamment. Son amour pour sa
patrie et sa persistance à combattre pour elle sont le plus beau trait de son caractère.
Le passé de son pays faisait sa force; c'est ainsi qu'il allait partout prêchant l'anti-
quité grecque. Il débitait sa sagesse avec ce ton déclamatoire dont Philostrate nous
a conservé souvent l'écho. Nous ne voulons pas le juger d'après ces actes : peut-être
la tradition s'est-elle gravement rendue coupable à son sujet; ni admettre le jugement
de Lucien qui n'hésite pas à faire d'un disciple d'Apollonius le maître du célèbre
aventurier, Alexandre d'Aboroteichos. Nous préférons le jugement d'un homme qui
fut son ami au rapport de Philostrate : Dion Chrysostôme déclare dans un de ses
discours qu'Apollonius a eu comme philosophe une célébrité plus grande, que qui
que ce soit, mais qu'aussi aucun autre n'a mené à son époque une vie plus conforme
à ses paroles. » — P. A. L.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 10 juillet iS8^.
Le prix Bordin, sur les textes épigraphiques qui éclairent l'histoire des institu-
tions municipales dans l'empire romain, est décerné à M. Loth.
M. G. Perrot communique un rapport de M. Foucart, sur les fouilles dirigées par
M. HoUeaux, membre de l'école française d'Athènes, à Karditza (Acrcephiœ), en
Béotie. L'emplacement du temple d'Apollon Ptoos est définitivement fixé; on a dé-
couvert de nombreux fragments de l'entablement, décoré de couleurs vives bien
conservées. On a recueilli une statue archaïque d'Apollon, une statuette de bronze
avec une inscription en caractères archaïques, diverses autres inscriptions, dont plu-
sieurs du v"= et du VI" siècle avant notre ère et une, notamment, gravée à la pointe
sur un cône de terre avant la cuisson, un décret assez long, qui n'est pas encore
déchiffré, etc. Les fouilles se poursuivent et l'on espère arrivera des résultats plus
complets.
M. Delisle annonce qu'il a appris de M. Bondurand, archiviste du Gard, l'acquisi-
tion faite par la bibliothèque de Nîmes des papiers de feu M. Germer-Durand,
parmi lesquels se sont trouvés deux manuscrits anciens, un Horace du xiii'' siècle
et un exemplaire du manuel de Dhuoda, écrit à l'époque carolingienne, Dnuoda ou
Duodana fut la femme de Bernard, duc de Septimanie, fils de Guillaume de Gellone,
le saint Guillaume du Désert de l'Eglise, le Guillaume Fiérabras ou au Court-Nez
des chansons de geste. Elle fut mariée en 824, à Aix-la-Chapelle. En 841, elle fit
écrire, à Uzès à l'usage de son fils Guillaume, âgé de quinze ans, un manuel de mo-
rale chrétienne, en yS chapitres. L'ouvrage fut achevé le 2 février 842. Mabillon
en publia, en 1677, ^^ préface, la table en treize chapitres, dont la copie nous a été
conservée en outre dans un manuscrit de la Bibliothèque nationale. Ces fragments
avaient permis de reconnaître l'intérêt qu'offre le livre pour la connaissance de l'his-
toire et des inœurs de l'époque carolingienne, et l'on regrettait la perte du reste.
Grâce au manuscrit de Nîmes, M. Bondurand va pouvoir publier le texte complet du
manuel de Dhuoda. M. Delisle cite deux passages de ce manuscrit, d'où il résulte :
1° qu'il n"y a pas déraison de supposer, comme on l'avait fait, que Dhuoda fût fille de
Charlemagne ; 2° qu'en 842, à Uzès, on ne savait encore qui l'on devait reconnaître
pour successeur de Louis le Débonnaire; la date se termine par ces mots : Christo
propitio régnante etregem quem Deits dederit sperantem (sic).
60 REVUE CRITIQUE û'HiSTOlRK KT DE LlTTÉRATURk
M. Ravaisson présente la photographie d'une statue antique qui vient d'être ac-
quise par le musée du Louvre. Cette statue, qui a fait partie d'une ancienne collec-
tion de Sienne, est de marbre de Parcs très tin ; le travail est bon et paraît indiquer
l'époque hellénistique, la conservation est presque parfaite. La statue représente un
personnage à cheveux courts et à barbe longue, debout, en marche, vêtu seulement
d'un manteau, dont il relève le pan. comme pour monter des degrés; il tient de la
main gauche une lyre dont le corps est formé par une écaille de tortue. M. Ravais-
son annonce en même temps qu'on peut voir aussi au Louvre, depuis quelques jours,
de beaux bronzes de la collection Gréau, acquis au moyen d'un crédit extraordinaire
voté par les Chambres. Plusieurs de ces bronzes appartiennent aux meilleurs temps
de l'art grec.
M. Dieulafoy rend compte des fouilles exécutées à Suse, pendant les premiers
mois de celte année, ponr le compte du gouvernement français. L'expédition chargée
de ces fouilles comprenait M. Dieulafoy, chef de la mission, M'"<= Dieulafoy, M. Ba-
bin, ingénieur des ponts et chaussées, et M. Houssaye, docteur ès-sciences, prépa-
rateur à l'école normale supérieure. Le tumulus de Suse, montagne artificielle de
25 à 38 m. de hauteur et d'environ loo hectares de superficie, n'avait encore été
exploré qu'une fois, en iS5i, par sir Kenneth Loftus, qui y découvrit le palais et la
célèbre inscription d'Artaxerxès Mnémon. L'expédition dirigée par M. Dieulafoy,
continuant les découvertes de Loftus, a mis au jour les objets suivants :
1° Un chapiteau bicéphale, de près de 4 m. de longueur, analogue aux chapiteaux
persépolitains ; malgré la dimension de ce morceau, on espère pouvoir l'apporter
en France et le placer au Louvre;
2° Une partiedu couronnement des pylônes placés au-devant du palais d'Artaxerxès ;
ce couronnement se composait d'une frise de faïence, de 4 m. o5 de hauteur, dont
les fragments ont été retrouvés dispersés à plus de 4 m. 5o au-dessous du niveau du
sol; M™* Dieulafoy dessinait et numérotait sur place les fragments à mesure qu'ils
sortaient de terre, et les faisait transporter sous des tentes où elle les remontait
et les cataloguait avant qu'ils fussent emballés; grâce à ces soins minutieux, la
frise pourra être reconstruite sur une longueur de 10 mètres;
3° Deux fragments de rampe de faïence, de l'époque élamite, curieux spécimens du
plus ancien art susien, dont la découverte est due à M'" Dieulafoy;
40 Des fragments de bas-reliefs de brique émaillée qui représentent des person-
nages noirs, revêtus d'insignes royaux (peaux de tigre, riches vêtements où est
figurée la citadelle de Suse, bracelets, grande canne), en sorte qu'on est conduit à
se demander si la dynastie qui a précédé celle des Achéménides aurait été de race
éthiopienne;
5° Divers ustensiles d'ivoire, de verre, de bronze, de terre (mais pas une parcelle
d'or ou d'argent);
6° Un grand nombre de cachets élamites et achéménides, notamment un cachet
d'opale qui paraît avoir appartenu à Xerxès ou à Artaxerxès I";
7° Une série de briques et de stèles avec des inscriptions;
8° Les deux tiers d'une des tours qui défendaient l'entrée du palais. Elle se ratta-
chait à un système de fortifications très complet et très savant.
Dans la prochaine campagne, M. Dieulafoy espère terminer le déblaiement des
ouvrages fortifiés de la porte et pénétrer dans le palais élamite. Mais plus on avan-
cera, plus les travaux seront lents et difficiles.
Ouvrages présentés : — par M. Schlumberger : Julien-Laferrière, l'Art en Sain-
tonge et en Attnis, 11* fascicule; — par M. Deloche : Drapeyron (Ludovic), la Géo-
graphie est une science, grâce à la topographie ; — par M. Delisle : Mossmann (X.),
Cartulaire de Mulhouse, t. III. Julien Havkt.
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du /" juillet.
présidence de m. courajod et de m. héron de villefosse
M. de Goy communique la photographie d'une Mise au tombeau de la cathédrale
de Bourges.
M. Ma'xe 'Verly présente le dessin d'une roulette de bronze conservée au Musée de
Rouen et destinée à reproduire en relief sur la terre molle des poteries les ornements
gravés en creux sur la tranche.
M. Gaidoz lit une notice sur les monnaies à la roue et à la croix de la Gaule; il
ramène ces monnaies à un seul type primitif celui de la roue, qui est celiri des
monnaies grecques imitées par les Gaulois. L'avènement et le triomphe du Chris-
tianisme vinrent donner une signification nouvelle à ces monnaies qui paraissaient
porter le signe de la croix chrétienne et assurèrent la continuation de ce type jus-
ques dans les temps modernes.
M. Courajod lit un mémoire intitulé « Documents sur l'histoire des arts et des
artistes à Crémone au xv"= et au xvi" siècle». Le Secrétaire,
MOWAT.
Le Propriétaire- Gérant : ERNEST lKKOCX.
Le PuY, impriniei-ie dp Aiarchessrm iJls boulevard Saint- Laurent. 2,;.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 30 — 27 juillet - 1885
»ot»iii:sSB-o : 126. Jensen, Une tablette assyrienne; Zimmern, Les psaumes de
pénitence des Babyloniens. — 127. De Pflugk-Harttung, Périciès général. —
\2.S. Cicéron, le pro Roscio, p. p. Landgrai-. — 12g. Alb. Duruv, Hoche et
_ Marceau. — Variétés: Harrisse, Toujours la Colombine. — Chronique. — Aca-
démie des Inscriptions.
I2t3. — Eiie suii»efÎRc3«-s»liUa<îisclie SpB-acîîo ui:<l îîtï'e Ver'vi'aiidscltïjfi»-
^'ei'lïîi'îtijÊsse, von Fritz Hommel. Leipzig, Otto Schulze, 70 pp. in-8. 1884.
— Eîo âit*;atî(laï.-.ieiitorum suïMCï-sco-a&syi-Boi'wnï sei-îes qusw (iîoîtui*
sS«MB*l)U lal>u3:9 sexta. CciiBiiïentatio-plsîlcîogîca qnîsmî scrîpsît E^e-
ti-M» Jenseni sausts-ispensîs. Monachii ex officina academica F. Strauss. 91 pp.
in-8, i885.
— B$aby!«s»îseîie EiMsspsaliiieiî UKiwcltîiebeBi uebereetzî. uisct
ei-Ulaeï-t. Inaugural-Dissertation zur Erlangung des philosophischen Doctor-
grades der Universilœt Leipzig, von Heinrich Zimmern. Leipzig, Breitkopf et
Hasrtel, 17 pp. in-4, i885.
II
Avec le mémoire de M. Jensen, nous entrons dans le domaine de lu
philologie sérieuse. Après MM. Oppert, Lenormant, Sayce et moi,
M. J. étudie la 6^ tablette de la série shiirbu qu'il traduit et commente
d'une façon très complète. Il y a dans le commentaire bien des choses
intéressantes dont l'assyriologie fera son profit; beaucoup d'autres sti-
muleront les recherches futures en appelant Tatlention sur des phéno
mènes peu observés; d''autres entin seront contestés et demanderont
une plus ample confirmation. La restitution des passages fragmentaires
est faite avec beaucoup de discernement, grâce à la grande connaissance
que Fauteur possède des textes cunéiformes; un petit nombre d'entre
eux laissent seuls place au doute. Les travaux de cet ordre ne se prêtent
pas bien à Tanalyse, mais les observations qui suivent suffiront pour
donner une idée de l'importance du mémoire de M. Jensen.
P. ty-iS. La lecture gallu du groupe te-lal a été supposée par moi
dans D.R.A.B., p. 3i; seulement, au lieu de considérer te comme un
déterminatif, M. J. cherche à constater pour ce sigiie la valeur phonéti-
que g-a/= 7;n//. — P. ig. Les exemples de noms privés de désinences
vocaliques sont trop peu nombreux pour que l'on puisse en conclure
que la prononciation vulgaire rejetait les voyelles finales. Pour les mots
tels ^xxQ arrat,mamit, îamat, la chute des voyelles terminales s'explique
par leur nature de mots personnifiés, qui les rapproche des noms pro-
pi"es. — P. 21. Bonnes remarques sur l'identité fréquente (primitive?) des
signes um et shit. Le sens de kuru reste douteux. — P. 22. Une valeur
NoiiVi-lÎ!; série. XX. 3o
02 RKVUK CKITlQtrii
kib pour sag est peu vraisemblable; sag-ba ou sag-bi vient de sagbii
« blesser », ce qui désigne lu nature nuisible des serments et des impré-
cations. — P. 23. La correction mamit pour gal-ii est excellente. — Je
persiste à croire que muruç-qaqqadi ou di'ii est un nom de démon. —
P. 28, La traduction de mushtalu par « prudent » parait très vraisem-
bablc. — P. 32. Le TaA'.vo; de Damascius présente l'adjectif assyrien
elinu « haut, élevé » non le pseudo-sumérien en-lil (la), groupe qui se
fonde d'ailleurs sur les mots assyriens cnu « seigneur » et lilu « sorte
de démon, dont l'hébreu lîlît est le féminin ». — P. 34. L^équation
ra-ab-taJi-c = luzjbka ^= luraddika rend vraisemblable que ra remplace
quelquefois le précatif ha, cela n'empêche pas l'emploi de ra comme
indice de la première personne. On sait qu'il marque aussi la seconde
personne {Apet^cn grammatical, g 10). — P. 35. Le remaniement
proposé par M. .1. de la tablette R., v. 20, n» 4 [Aperçu 1. c, est excel-
lent et j'en profite pour corriger la table des pronoms allographiques
que j'y ai donnée :
Singulier. Pluriel,
l'^^pers. mal-e, a, LV, mu-lu, ra, a-na, du ( == gin)
2" pers. ra, e, ku, a, LV,IB, ab, du (gin) ni ( ^= ^i ?} me-en
3^ pers. e-ne, she, shi, la, H, bi, gan (hi) ene-7ie-ne, me-esh
P. 38. Il est très douteux que dubbussu signifie « frère mineur »;
c'est peut-être <t garçon (cf. ar. dabsli) ». L'hiératique dub-ush-sa
« tablette-dot » joue sur le mot assyrien. — P. 40-41. Le sens de nish
shame Intamâta, a été établi par Guyard , seulement l'ordre de
mentionner le nom du ciel etc. vient du maître et s'adresse à son
élève en magie. Je crois que les textes qui renferment cette formule sont
des poèmes didactiques et non des hymnes, ainsi qu'on Ta généralement
admis. Cela explique pourquoi ils s'ouvrent par un exorde narratif. — *
L'existence du précatif a pour ha a déjà été signalée par Lenormant;
j'ai oublié de l'enregistrer dans le g 18, 3 de mon Aperçu. — P. 45.
Une heureuse transcription est ana ishati innadû pour ana ne-ru-u,'
nous avons tous été égaré par nam-ne-ru = mamit. — P. 46. La sup-
position que le dieu du feu se nommait en sumérien Ngishwar ne
repose sur rien. Que Thiératique mu-sar « Jieu-plante » joue sur l'assy-
rien musarû « parterre », c'est ce qui sera probablement reconnu par
l'auteur lui-même. —P. 47. Amiranii « tonneau? » vient peut-être delà
ïQ.c\v\thmr ; cf. éth. hamar « vaisseau »;le rébus hiératique a-^/r fin) doit
son existence à la valeur gi du signe jui. — P. 48. Au lieu de prendre
shi-ru pour l'idéogramme de ^akaru comme je l'ai fait, M. J. le prend
pour celui de namaru (il ne verra pas le soleil); c'est une leçon excel-
lente.— P. 53. J'ai le premier tvaduit buânu par veine, ce qui n'est
pas loin du musculus que propose M. Jensen. — P. 5 3. Ma traduction
de ina umi anni par « à l'instant » est justifiée par l'hébreu kayyôm. —
P. 54..ninu, ninushu, ni niwiishu sont des formes contractées pour inU' .
inu. inn-inushu, imi-ianishu non pour ina-inu etc. ; le redoublement de
UHISrÔÎRli KT DK LITTÉRaTUKÏ' 63
inu « temps « indique une précision plus grande. Ces formes n'ont rien
d'extraordinaire. En ce qui concerne la chute de la voyelle initiale, com-
parez mûmmu pour iim-iinimu. — P. 58. Le verbe carapu signifie <( être
pur, blanc », jamais « teindre » ; cette dernière idée est évolue à çarabii,
d'où l'hébreu cârebet « marque rouge » ; çirpu est donc « du filblanc ». —
P. 62. Les métaphores des passages indiqués ne permettent point de con-
clure que kishpu est une liqueur; comparez par exemple Fexpression kima
mê litbukushîi (R., IV, 16, 60) appliquée au démon. — P. 71, La
proposition de lire gaddâlat elâhâtâ est très ingénieuse et très sédui-
sante. — P. 73-74, note. On ne saurait admettre des formes aussi mons-
trueuses que shalanàu ti pallagdn ; il faut lire shalantitm et pallaktiim.
— P. y6. Que le signe ba sgit Tabréviation de be lequel se lirait bod,
voilà deux assertions dont on attend la preuve. — Au lieu de iilinnu^
je persiste à Wxq shamlinnn « drap, vêtement », héb, simla;le pseudo-
accadien sham-li-in offre le thème du mot assyrien. L'équation A-zi=:
cubatu est connue. — P. 78. A propos de l'hébréo-araméen qat « m.an-
che », Tauteur répète une ancienne erreur ; ce mot s'écrit aussi qant et
son pluriel est toujours qenatôt; il ne vient donc pas de l'assyrien qdtu
dont le « radical a été perdu, ainsi que àv^ns pâtu 'c devant » pour pa-
natu. Le manche est proprement un qané « une canne » ; de là l'expres-
sion de Job XXXI, 22 : e:iru'i tniqqânâh tishshdbér a que mon bras se
brise près de Pavant-bras «, mot à mot : près de son manche ». C'est
un des cas nombreux où Tassyrien s'explique à l'aide de l'hébreu et de
l'araméen. — P. 79, L'argumentation sur la prétendue valeur slag,
slug des signes ud et çab manque de base. La glose II, 27, 7 c ne
s'occupe pas du signe ki; cette lacune est complétée par II, 52, n" 3,
68, indiquant que ki se lit aussi kis . Quant aux phonèmes hiératiques
àenamarii «être pur, briller », \a-lag, si-lag, sii-lii-iig, ils viennent du
démotique salaliu, \alaiiu « asperger, purifier »; leur équivalent 5Z/-«5-
lii-ug est formé de l'infinitif shaphel shiishihu (II, 26, 65 cd]. Le sémi-
tisme de salahii est prouvé par l'hébréo-araméen sdlah « pardonner les
péchés » et l'arabe salaha <k se débarrasser des immondices. » De son
côté, le phonème lah, liih, lag semble simplifié de su-hih en laissant
tomber le signe su pris pour un déterminatif ; ainsi 2f-r/^, thème de
iirqitu (r. 7in^q) s'abrège en rig. Dans le groupe curieux LV-ku-
iid — ashlakti, LV se lit a^ (la preuve sera donnée ailleurs), ku équivaut
à :[a (îi?J, ud à lag, de là la lecture a-~a-lag. Il va sans dire que l'in-
différence pour les voyelles dans ces phonèmes comme dans les phonè-
mes si, sa; miil, mal, na, ni, nu que cite M. J. porte le cachet du
phonisme sémitique et je m'étonne que l'habile assyriologue ne l'ait pas
remarqué.
P. 81. Excellente correction : ishatu pour isharu. — p. 82. L'équa-
tion ki-ne = kiniinu fait croire que le signe ?2e avait aussi la valeur nun.
— La forme grecque 'Euéot>>y.oç répond à laii diimuqu « laou le bon » et
n'a rien à voir avec la ville de Eridu, exprimée au moyen du rébus cri-
64 REVUE CRITIQUE
dii(g)ga « ville bonne », — P. 83. Les mots synonymes qui expriment
à peu près Pidée de « flamboyer » sont bien discutes; shamû se latîaclic à
shamû^^ ar. samiya être haut, élevé'. Cf. ar. 'a/;^' «flamme». Le pseudo-
sumérien shii-hu-ii^ constitue le thème de shuhuiu (saph. de aha:{u}
« faire prendre le feu »; son équivalent shii-rii-ii^ suppose un verbe
ara^ii (su, eu) ayant à peu près la même signification. Peut-être, est-ce
celui qui en qualité de phonème indique la prière ticlitu étant donné
que la racine çtï/a;^iZ signifie «prier» et « brûler, rôtir». — P. 86. On ne
s'attend pas en Assyrie à une divinité indigène identique au Du-shara
(Dusarès) des Nabatéens; l'ancien araméen babylonien ne dentalisc pas
le relatif :{. — P. 87. Au lieu de ukabbat il vaudra mieux lire iiqappad
et comparer l'hébreu qâphad. — P. 88. Le fait qu'en pseudo-sumérien
le signe a veut dire à la fois « père » et « fils » aurait mérité d'être
expliqué par Tauteur. — P. go. Atabba est l'arabe moderne 'atêbé
désignant le lac à l'est de Damas.
On pouvait compter d'avance qu'un écrivain aussi érudit et aussi
sagace que M. J. prendrait dès sa brillante entrée dans la compagnie
des assyriologues une position décidée dans ce fameux débat de Sumer
et d'Accad, vieux déjà de dix ans et dont il connaît toutes les pièces.
Cette attente n'a pas été déçue. M, J. a fait un pas décisif dans la voie
des concessions à la théorie antiaccadienne. Sous ce rapport, le progrès
accompli entre le mémoire de M. Eb. Schrader et celui de M. .T. est de
tout point satisfaisant. Tandis que pour M. Schrader les textes dits
bilingues sont de la littérature suméro-accadienne traduite et tout au
plus légèrement retouchée par les Assyriens, M. J. y voit un produit d'au-
teurs sémitiques, qui auraient, il est vrai, tout d'abord écrit leurs compo-
sitions en un sumérien émaillé de locutions sémitiques, puis les auraient
traduites en un assyrien émaillé de grimoires sumériens. C'est un procé-
dé que beaucoup de personnes ne trouveront pas naturel, mais ne soyons
pas exigeant. Le long et pénible débat que j'ai soutenu contre l'école
assyriologique tout entière avait pour objet principal de savoir si la
littérature religieuse et scientifique des Assyro-babyloniens était le
produit du génie sémitique ou non. C'est la première fois qu'un assy-
riologue de l'école allemande se décide à se rallier à moi pour répondre
par l'affirmative. Pourquoi demanderai-je davantage? A chaque jour
suffit sa peine; aujourd'hui le principal, demain les accessoires! Le seul
regret qu'il me soit impossible de ne pas exprimer, malgré la haute
estime que je professe pour le savant auteur, c'est qu'il procède à sa
confession de foi sumérienne par voie indirecte, en relevant plutôt les
points sur lesquels il n'est pas de mon avis. Après avoir remarqué que
l'idéogramme i:^-bal désigne en même temps, grâce à la loi de l'homo-
phonie, pilakku « fuseau » et pilaqqu « hache », M. J. écrit : Non
consentio cum Josepho Halévy et Stanislao Guyaru, linguam quae
dicitur summericam (sive scripturam sumericam) ab Assyriis inventam
esse contendentibus.Sednon esse linguam sumericam, qualem exhibeant
d'histoire et de littérature 65
tabuiaepreces, incantamenta, etc., continentes, originaiem popuii Sumc-
riorum linguam, et ex aliis causis colligi potest et ex novo fortasse hoc
exemplo«. Celui qui lira ces mots avant de connaître les centaines de
preuves que j'ai données pour démontrer l'origine sémitique des textes
religieux, sans ébranler la foi opiniâtre des accadistes, sera tenté decroire
que l'origine sémitique des textes bilingues ne faisait jamais ombre de
doute pour personne, et que toute la question se bornait à savoir si
l'écriture ou le système dit sumérien a une origine sémitique. Non,
on n'a pas combattu si longtemps pour une question aussi abstraite :
le véritable objet du débat, c'était bien Torigine de la littérature cul-
tuelle, poétique et scientifique représentée par les textes unilingues et
bilingues existants. Étant convaincu que M. J. n'a pas eu la moindre
intention d'affaiblir le résultai que j'ai obtenu après une lutte pénible
de plus de dix ans, je tiens à rétablir la vraie nature de la question. Du
reste, ce n'est pas le moment de me plaindre. Les choses ont marché vite
en Allemagne et M. Jensen est déjà distancé par un assyriologue plus
récent, auquel je veux souhaiter la bienvenue.
III
Le mémoire de M, Zimmern est consacré aux psaumes de pénitence
(Busspsalmen) des Babyloniens. C'est sur les poésies de cette nature,
presque toujours rédigées en double version, que M. Schrader s'était
fondé pour déclarer eni875,que \q parallelismus membrorum do. la poésie
hébraïque, voire le monothéisme lui-même étaient empruntés au peuple
de Sumer et d'Accad, de race ouralo-altaïque ou turco-finnoise. Mes
critiques n'ont produit sur M. Schrader que ce seul effet de lui faire
abandonner l'hypothèse touranienne, mais il n"a jamais renoncé à son
idée de l'origine sumérienne de la littérature des psaumes, du parallé-
lisme et du monothéisme hébraïques. M. Z., élève de MM. Schrader et
Delitzsch et écrivant en i885, donne aussi aux psaumes cunéiformes
Tépitliète de « Babyloniens », mais seulement au sens géographique,
parce que leur origine est la Babylonie et non l'Assyrie, mais il nous
avertit explicitem.ent qu'il ne les appelle pas non plus « suméro-
accadiens » parce que, malgré leur rédaction pour la plupart bilingue,
conformément à l'intuition qui leur sert de base, ils n'ont pu venir que
d'un ordre d'idées sémitiques et de plus, parce que la version assyrienne,
loin (.l'avoir l'air d'une traduction interlinéaire, se montre plutôt par
ses formes, sa syntaxe et son vocabulaire comme appartenant aux par-
ties les plus belles, les plus finement développées de la littérature assy-
rienne (... auch nicht etwa sumerisch-akkadisch weil sie, trotz ihrer
meist bilinguen Abfassung, gemass der ihnen zu Grunde liegenden
Anschauungsvveise nur aus semitischem Gedankenkreise hcrvorgegan-
gen sein kônnen, undauch das Assyrische sich durchaus nicht als blosse
Interlinearversion gibt, vielmehr durch Formen, Syntax und Wortschatz
mit zu den schunsten, am feinsten durchgebildeten Teilen der assyris-
66 Ri;VU|-. CRITIQUE
chen Literaturgehort). M. Z. ne fait que résumer ce que j'ai dit en 1878
à propos d'un psaume assyrien choisi comme modèle du genre : « Ce
morceau, comme en général tous les textes d'un style relevé, porte le
cachet particulier à la poésie sémitique, le parallelisnms meynbroriim.
Celui qui prendra la peine de comparer les psaumes ne tardera pas à
remarquer de nombreuses analogies de style et de rendu entre la poé-
sie assyro-babylonienne et la poésie hébraïque, analogies qui seraient
impossibles si la première ne consistait qu'en traductions faites sur des
textes rédigés dans un idiome non sémitique. (Mélanges de critique et
d'histoire, p, 354). » Quelques pages plus haut, à propos des proverbes
bilingues, j'ai écrit ceci : En dehors de leur valeur intrinsèque, les sen-
tences et proverbes qui précèdent ont pour nous ce prix inestimable
qu'ils portent un cachet sémitique tellement évident que sans être
aveuglé, il est impossible de ne pas le voir. Sortis du plus profond génie
populaire, ces proverbes sont moulés dans des formes si vivaces, sont
encadrés de tours de phrase si particuliers qu'il est absolument impos-
sible de les traduire mot à mot dans une autre langue. Et cependant
le mot-à-mot est aussi étroit que possible dans les deux colonnes
parallèles et, qui plus est, la version assyrienne est beaucoup plus
concise et mieux agencée que celle d'en face. Des faits pareils mon-
trent nettement que nous ne sommes pas en présence d'un texte tra-
duit d'une langue dans une autre, mais d'un même original transcrit
dans deux systèmes différents [Ibidem^ p. 33o). Je vois avec plaisir
que M. Z. a là-dessus complètement abandonné l'opinion de son
maître pour se rallier à la mienne; seulement comme M. Z., empêché
par des considérations que j'apprécie parfaitement, n"a pas cité la source
de ses informations, je suis obligé de l'indiquer dans l'intérêt de la
chronologie des études assyriennes.
Après avoir reproduit quelques opinions connues sur l'âge et l'em-
ploi des psaumes dans certaines cérémonies rituelles, M. Z. consacre
tout un chapitre à la question de Summer et d'Accad. Des derniers
travaux pour l'accadisme, M. Z. mentionne les mémoires de MM. Hom-
mel et Schrader. En ce qui concerne le premier, il avoue ne pouvoir le
juger au point de vue de la philologie turque, mais il reconnaît que
M. Hommel a souvent fait violence au sumérien pour le besoin de la
cause. Nos lecteurs savent déjà ce qu'il faut penser de ce travail entre-
pris sans une connaissance suffisante des idiomes turcs et avec le parti
pris de pallier ou de supprimer tous les faits linguistiques qui rendent le
rapprochement impossible. Le travail de M. Schrader est plus favora-
blement apprécié; M. Z. regrette seulement que M. Schrader se soit
mis à défendre des positions qu'il faut certainement abandonner (nur
das Eine ist schade, dasse die teilvveise sehr sachgemassen Ausfûhrungen
in Schrader's neuester, dièse Streitfrage behandelndcn Schrift, dadurch
in etwas verlieren, dass sie Positionen zu halten suchen, welche sicher-
lich aufzugeben sind). Les concessions à faire; se résument dans \i\
d'histoire kt dic littératuuf. 67
reconnaissance du sémitisme de plusieurs vocables assyriens qui ligu-
rent dans les textes sumériens, dans les gloses et les idéogrammes
simples ou composés ; puis, des jeux de mot et des rébus fondés sur
rhomophonie, etc., c'est-à-dire de tous les traits caractéristiques que j'ai
signalés pour prouver l'origine assyro-sémitiquc de tous les textes dits
sumériens ou accadiens (p. 5-7). En adoptant la comparaison présentée par
M. Pognon avant son ralliement à mon opinion, du sumérien des bilin-
gues avec le latin des moines, M. Z. se demande si les textes de Hammii-
rabi et de Gudea ne sont pas rédigés en un sumérien plus exempt d'assy-
riacismes que les documents postérieurs {p. 7). A cette question précise,
je donnerai tout-à-l'heure une réponse précise, qui, je l'espère, convain-
cra bien le savant auteur. L'un des points les plus importants du débat
se rapporte à la différence présumée entre un texte sumérien, si sumérien
il y a, et un texte assyrien rédigé en idéogrammes ; j'ai prouvé contre
M. Schrader qu'il n'existe aucune différence tranchée et que, par con-
séquent, les anciennes inscriptions des rois babyloniens, ont pour base
le pur assyrien sémitique; M. Z. se rallie à mon opinion en produisant
quelques exemples nouveaux de ce principe graphique, bien qu'il ne cite
pas ma réponse à M. Schrader, où ce principe fondamental a été dé-
montré tout au long. 11 paraît que cette concession n"a pas été faite sans
regret, car M, Z. cherche à l'atténuer en prétendant que ce n'est là
qu'un accessoire et que la lutte culminait dans la question de savoir s'il
y a jamais eu une langue sumérienne ou s'il n'y en a pas eu (Aber in
diesen Punkte gipfelt ja auch gar nicht die Streitfrage, ob es jemals
eine sumerische Sprache gegeben hat oder nicht). M. Z. me permettra
de rétablir les faits : le titre du mémoire de M. Schrader : « Zur Frage
nach dem Ursprung der altbabylonischen Cultur » suffit pour lui faire
voir que l'objet de la lutte était avant tout l'origine de la littérature
babylonienne, et non pas Texistence préhistorique d'une langue non
sémitique en Babylonie. Les accadistes ont toujours nié que la littéra-
ture cunéiforme fût le produit du génie sémitique; les antiaccadistes au
contraire l'ont toujours affirmé, parce que pour eux, il n'y avait pas de
traductions, mais des rédactions primitives. Voilà le vrai enjeu de la
discussion, enjeu digne et précieux entre tout parce qu'il s'agit d'une
civilisation antique ayant rayonné non seulement sur la race sémitique
tout entière, mais aussi sur le monde aryen. Donc, quand M, Z. admet,
non sans quelque réticences il est vrai, le sémitisme de la littérature
assyro-babylonienne, il donne raison aux antiaccadistes et réduit le
litige à un mince problème de philologie préhistorique qui, tout au plus,
démontrerait l'origine non sémitique de l'écriture cunéiforme.
Qu'on se l'avoue ou non, un fait est acquis, l'accadisme intransigeant
est mort et bien mort. Le néo-accadisme, se bornant à affirmer l'exis-
tence du sumérien comme langue préhistorique, puisqu'on ne produit
aucun texte rédigé sans mélange de sémitism.es, s'évanouira dès que
ion se sera convaincu des deux points suivants : i» que les textes
68 REVUE eu ITIQUR
sumériens des plus anciennes dates sont aussi remplis de jeux de mot
et de tournures sémitiques que les textes les plus modernes; 2" que les
sons fondamentaux du syllabaire reposent sur des vocables assyriens.
J'ai tant de fois prouve ce dernier point et la nature purement graphi-
que des formes soi-disant dialectales, que je me contente de renvoyer
M. Z. à mes écrits précédents, principalement à mon Aperçu gram-
matical. Sur le premier point, et pour me conformer à son désir, je
consens à venir en aide à la bonne volonté de M. Z. en donnant ci-
après la transcription d'un texte réputé sumérien de Kimtou-rapashou,
dit Hammurabi auquel j'ajoute une version assyrienne en regard :
I
an-ri
(ana) ilat
2
za-ri-un-ki
Zaram (?)
3
nin me-lam-ma-ni
sha melemmisha
4
an ki a lai
shame (u) irçiti umallu
5
nin-a-ni ir
beltishu
6
ha-am-mu-ra-bi
Kimtu-rapashtu
7
ka-DE-a an-na
munambu Ani
8
an en bil da
bel da-
9
ga-ni
gani
10
she-ga an-par
migir Shamash
1 1
sib lib hi hi
ri muthib lib
1 2
an cur-ud kit
(il) Marduk
i3
ri lib ki-ram
mushallu naram
lib
H
an-ri kit
(il) Ilti
i5
lu-gal ag-ga
sharru dannu
16
lu-gal KA-dingir-ra-ki
shar Babilu
17
lu-gal ki-in-gi
shar Shumerim
18
ki bur-bur
(u) Akkadim
19
lu-gal an ub-da
shar kibrati
20
IV-bakit
irba'i
21
lu-gal BARA BARA
shar (sha) parak'
;i
22
an gai gai e-ne
ilani rabuti
23
shu bil
eshshis
24
ne in ag-a
ebûsh
25
ud an-ri
inushu iltu
26
shi um un ga-ni
tukultishu
27
ki-en-gi ki bur-bur
mat Sumcrim u
Akkadim
28
nam en bi c-ne
ana belutislui
29
mu-na-an shum-
iddin-
3o
ma ta
shu
3r
ku ka bi
çirrazina
32
shu ni ku
ana iJashu
33
ne in si-a
umallu
34
an- ri
(ana) ilti
35
ki ram-ma-ni ir
naramishu
36
za-ri-VN-ki
37
er nam-nin-a ka na
38
e zi kalam-ma
3q
c ki ram-ma ni
40
mu-na ni-ia kak
a
A la déesse de Zaram
d'histoirh; kt dk liitératokk 69
(ina; Zaram (?)
er belutisha
bit napshat-kakima
bit naramisha
ibnu
dont la splendeur remplit le ciel et la terre
sa dame. Kimtou-rapaschtou, proclamateur de Anou et de Bel-dagan.
adorateur de Schamasch (soleil), pasteur qui satisfait le cœur de Marduk,
magnilique, délice du cœur de la Déesse, roi puissant, roi de Babylone.
roi de Sumer et d'Accad, roi des quatre régions, qui a réparé les sanc-
tuaires des grands dieux; au jour où la Déesse sa protectrice donna à sa
seigneurie le pays de Summer de d'Accad et mit dans sa main les rênes
(du gouvernement), il a construit à la Déesse qu'il aime, dans la ville de
Zaram (?) qu'elle aime, le temple Vie de l'Univers, son temple de pré-
dilection ».
Joignons-y tout de suite Tinscription A de Mounamboûdit Gudea que
nous empruntons à Texcellente dissertation de M. Amiaud. Nous y
ajoutons une version phonétique.
an nia harsag (ana) Belit shadi
nin er da-sar-a
karibat eri
ama tur tur ne
um marisha
nin a ni
beltishu
KA-DE-a
Munambû
pa-te-si
ishak
shir-bur-la-ki kit
Shirburla (?)
e er gir-su-ki
bit ina erisha Gir-
ka ni
su
mu na kak
ibnû
DVP a araza
dip a ellu-
ni
tisha
mu na dim
epush
ic-ku nin mah nam
(ana; surqini mahhé sha b
nin ka ni
lutisha
mu na dim
epush
e mah ni a
(ina) bit rubutisha
mu na ni [i
ishkun
kur mâ-gan
ishtu shad Ma-
ki ta
gan
TAG ag im
aban ushu ushé-
ta tul-du
11
alan-na-ni ku
ana çalamisha
mu tu
iptuq
nin an-ki a nam
belit mushimat shame ir-
tar-ri ne
citim
an nin tu
belit talitti
70
ama dingir-ri
ne kit
ka-DE-a
LY E kak-a ka
nam îi-la ni
mu .shiul
niu ku mu na
sa
E-a mu na ni
RliVU:-; CRITIQUE
um ilâ-
ni
(sha) Munambu
banu bitaka
balatliishu
labiri
ana shumishu
ibbi
(ina) biti islikun.
« A Belit-shadi, protectrice de la ville, mère de ses habitants, sa
dame, Mounambou, gouverneur de Sirburla (?;, a bâti un temple dans
sa ville de Girsou. Il a fait faire son autel (?) sacré, il a fait faire le trône
élevé de sa divinité; il les lui a consacrés dans son temple saint. Des
montagnes du pays de Magan il a fait tirer un bloc de diorite; il Ta fait
tailler pour sa statue. « Déesse qui iixe les destins du ciel et de la terre,
Belit-talitti, mère des dieux, de Mounambou, le constructeur du temple,
prolonge la vie! » tel est le nom dont il l'a nommée (la statue), et il Ta
consacrée dans le temple ».
Cela se passe de commentaire : non seulement les traits principaux: de
la grammaire et de la syntaxe de ces textes sont assyriens, mais les mots
assyriens plus ou moins abrégés ou défigurés y foisonnent et se recon-
naissent du premier coup. Contentons-nous de mentionner parmi les
plus frappants du premier exemple melam =■ melammu (3), anr= Anu
(7), en = enu = belu, lil = lillii (8) dagani = Daganu (8-9], le dieu
Dagon; ram — râmu {i3 passim, héb. râliam), ag = aggu (i5) arba
(20), kalam ■:=^ kalamma. Un jeu de mot purement assyrien fait que le
signe bil^^ ishatu « feu » exprime aussi eshshis [v Iidsh) « de nouveau >>.
Dans le second texte, on relève : ama = iimmu, gir-su, Girsu, DVP =
diippu, mail = mahhu, nam-tar, namtaru (r mtr). Ily a plus, M. Amiaud
a démontré avec beaucoup de sagacité qu'en ancien sumérien comme
en assyrien la foime simple du verbe s'employait dans les propositions
principales et la forme prolongée dans les propositions subordonnées,
introduites par le pronom relatif ou par une conjonction. Une pareille
conformité de construction intime montre bien qu'aux anciennes épo-
ques le système hiératique était encore plus imprégné du génie de la
langue assyrienne qu'aux époques postérieures. En un mot, Taccadien
ou sumérien pur est une chimère ; il ne se trouve nulle part, parce qu'il
n'a jamais existé! — O suméro-accadistes
Lascicite ogni speran^a.
J. Halévy,
D HISTOIRE F.T DK LITTKRATUUK J l
127. — E^ei'îkles als Feltlhei'i', par Julius von Pflugk-Harttung; Stuttgart,
W. Kohlhammer, 1884, In-8 de ix-143 p.
L'auteur de ce petit livre avoue lai-même {p. v) que depuis longtemps
il a cessé de s'occuper d'histoire ancienne pour étudier l'histoire du
moyen-âge; mais l'antiquité lui est demeurée chère et il y revient avec
plaisir. Sans être un tacticien de profession, ses souvenirs de la guerre
de 1870, à laquelle il a pris part, et la lecture de quelques ouvrages mili-
taires Tout mis à même d'écrire le court mémoire dont on vient de lire
le titre (p. vi).
Après avoir rappelé les expéditions de Périclès contre Sicyone ,
en Acarnanie, dans la Chersonnèse de Thrace, etc., M. J. von Pflugk-
Harttung aborde la guerre de Samos, puis la guerre du Péloponnèse,
dont il raconte longuement les trois premières années. Le jugement qu'il
porte sur la conduite de Périclès comme homme d'Etat et comme géné-
ral, durant ces événements, nous semble quelque peu sévère (pp. 110
sqq.j.Ases yeux, Périclès, général médiocre, bien inférieur à Cimon,
par exemple, ne mériterait même pas la réputation d'habile politique
que l'histoire lui a faite. Thémistocle, Epaminondas seraient bien au-
dessus de lui (p. 1 1 3) ; Cléon, par certains côtés, lui aurait été très supé-
rieur (ibid.) ; mais le malheur voulut que Cléon fût un mauvais général
et qu'il rencontrât comme adversaire Brasidas. Il nous paraît y avoir,
dans tout cela, à côté d'idées justes, une certaine exagération. Le travail
n'en est pas moins intéressant à lire. Il se termine par un appendice où
l'auteur cherche à déterminer la situation de l'île de Tragia, près de
laquelle Périclès battit les Samiens en 440 (Thuc, I, 116, i).
Paul Girard.
128. — D' Gustav Landgraf. Oîcero* Eïetle riii- Sex. E^oscius aus Amei-îa.
I : Text mit den Tcsiimonia veierum und dem Scholiacta Gronovianus, Erlan-
gen, 1882, in-8, 1-S4 p.; Kritischer Anhang, p. BD-iiy; Il : Kommeniar, Er-
langen, 1884, p. 1 18-412; Lidex, p. 413-427.
Le titre seul de cette édition montre qu'elle contient une étude
étendue et approfondie du Pro Sex. Roscio. On voit qu'il ne s'agit
pas ici d'une édition classique ', mais d'un travail fondé sur une révi-
sion attentive des sources du texte avec un commentaire développe.
Toutes les difficultés que présente le discours, y sont sinon résolues, du
moins examinées avec soin; l'auteur connaît et a judicieusement em-
ployé les travaux assez nombreux qu'on a publiés dans ces dernières
années sur la langue et le style de Cicéron.
I. L'auteur a donne à part, en 1882, dans la collation de Perthes, à Gotha, une
édition destinée aux élèves.
72 RKVUK CRITIQUE
Aussi convient-il de recommander la lecture de ce riche commentaire
aux étudiants de nos facultés et à tous les professeurs de latin.
Gomme il est écrit avec une grande clarté, il leur permettra d'appren-
dre beaucoup sans trop de peine, et en attirant leur attention sur des
mots et sur des tournures qui sont d'ordinaire mal comprises, il leur
procurera le double avantage de savoir un peu plus et de savoir beau-
coup mieux.
Le meilleur enseignement qu'on puisse leur proposer n'est cependant
pas contenu à mon avis dans l'ouvrage même que je recommande. Je
le tirerais plutôt de la suite des publications de M. Landgraf. En 1878,
il donnait à Wûrzbourg une dissertation intitulée: Z)e Ciceronis elocii-
tione in orationibus proP. Quinctio et pro Sex. Roscio Amerino cons-
/?/czM ; travail estimable sans doute, mais bien inférieur à celui que
H. Hellmuth publiait la même année sur le même sujet '.
Trois ans plus tard M. L. donnait dans les Acta seminarii Erlangen-
sis, II (r88i), une excellente dissertation : Dejiguris etymologicis lin-
giiœ latinœ. Enfin depuis l'édition du Pro Roscio, dédiée à Ed. Wolf-
iîin et très digne de lui être dédiée, M. L. dirige la réimpression soignée
et soigneusement complétée de la syntaxe de Reisig -.
Il me semble que de ces dates, de ces titres d'ouvrages, dont les derniers
laissent si loin derrière eux les premiers essais du début, tout étudiant
peut conclure quels rapides progrès on fait dans nos études, sous une
bonne direction, à la seule condition qu'on choisisse bien et qu'on s'ap-
plique à bien connaître le domaine restreint que Ton veut exploiter.
Pour revenir au Pro Roscio, Ton ne peut sans doute tout approuver
sans réserve dans ce travail. Il n'était pas tout à fait juste de comparer
comme on l'a fait, cette édition au Lœliiis de Seyffert. Il s'en faut que
M. L. ait la même sûreté de doctrine. Je suis certain qu'il n'y prétend
pas. D'autre part, beaucoup de ses conjectures sont à peine vraisembla-
bles. On aurait mauvaise grâce à insister surtout quand on voit que du
texte au commentaire, M. L. en a de lui-même sacrifié un assez bon
nombre. Je me bornerai à une critique que me pardonnera facilement
M. L., car elle est générale. On eût pu l'adressera Seyffert ; on l'adres-
serait surtout à la plupart des derniers éditeurs de Gicéron.
Est-il bon de donner au commentaire d'un ouvrage assez facile une telle
étendue ? Peut-on saisir la suite du discours en lisant les notes, et leur
nombre et leur longueur ne contraint-il pas tout lecteur de choisir entre
Gicéron et son interprète? Autrefois, dans les premières éditions, dans
celles de Richter comme celles de Halm, il y avait quelque blanc entre
les remarques mises au bas des pages. Voici qu'on le supprime et que
I. En voici le titre exact : De sermonis propriclatibits quce in prioribits Ciceronis
orationibus inveniuntw : Acta seminarii Evlangensis,l, 1878.
1. Reisig, Vorlesitngen ùber lateinische SpraclnvissenscJiaft mit dcn Anmerkun-
gen von Haase, neu bearbeitet von Schmalz, itnd (à partir du g 223) von Landgraf.
Calvary, Berlin, 1884.
uhîibioinK i<:r DK Li rri';s</vruKh
de plus en pius les notes se hérissent de longues files de chiffres et de
renvois. Le lecteur s'y reporte d'abord consciencieusement. Mais il s'a-
perçoit bien vite qu'il n'est pas toujours payé de sa peine: il prend le parti
d'en croire l'auteur sur parole. Dès lors à quoi bon tant de preuves que
nul ne vérifie? Il faudrait de longues journées, non pour digérer, mais
pour lire les commentaires qu'aujourd'hui l'on nous donne ; mais qui
dispose aujourd'hui de tels loisirs, et si on en a, les emploie-t-on à lire
des notes? Si donc le lecteur est forcé de choisir, fût-ce au hasard, dans
ce second ouvrage plus long que le premier, ne vaudrait-il pas mieux
que ce choix fût fait judicieusement par l'auteur même du commen-
taire?
J'ajoute, pour être juste, que sur ce point M. Landgraf est plus excu-
sable que personne. Il a pu craindre qu'à diminuer le nombre de ses
pages, il diminuât aussi le nombre de ceux qui diront l'avoir lu. Qu'il
en soit donc comme il l'a voulu. Je lui souhaite chez nous, pour tout
ou partie de son livre, beaucoup de lecteurs.
E. Thomas.
]2Q. — Albert Duruv. Hoche et ïiEai'ceau. Paris, Hachette, in-8, 191 p. Pri.x' :
I fr. 5o.
Quoique ce livre soit surtout destiné à la jeunesse (il fait partie de la
« Bibliothèque des écoles et des familles »), il mérite d'être recommandé
à tous les amis de l'histoire.
L'auteur a rapproché deux héros qui ont plus d'un trait commun.
« Tous deux débutent dans la vie par l'isolement et l'abandon,... tous
deux, au sortir de l'enfance, s'engagent, et, pour leur coup d'essai dans
la carrière des armes, le 14 juillet, ils passent à l'émeute. Tous deux...
se poussent au premier rang, en moins de temps qu'il n'en fallait au-
trefois pour gagner une iieutenance, et sont généraux en chef à vingt-
quatre ans. Tous deux commandent en Vendée, s'illustrent et meurent
sur le Rhin. Tous deux enfin, ils tombent à la fleur de Tàge, en pleine
force et en pleine gloire et viennent, à quelques mois de distance,
s'étendre l'un à côté de l'autre, pour donnir leur dernier sommeil. C'est
le même sol qui recouvre et c'est le même monument qui abrite leurs
cercueils jumeaux. Comme l'héroïque Kléber, à Strasbourg, ils ne re-
posent pas en terre française, en terre sainte. Ils sont là-bas, à Peters-
berg, près Coblentz, en Prusse » (p. 5 et 6 de V Avant-propos).
La biographie de Hoche, telle que nous la raconte M. Duruy, est un
précis très exact et très vivant de la carrière du vainqueur de Vvissem-
bourg. L'appareil des notes et des renvois fait défaut, parce que la place
a manqué. Mais le livre a été composé d'un bout à l'autre sur les pièces
et les documents; l'œuvre de M. D. est celle d'un historien; le Hoche
qu'il décrit, nous apparaît dans sa correspondance, dans ses actes, avec son
74 REVUE CRITIQUE
caractère agité et soupçonneux, son ambition insatiable et sans scrupules.
M. D. n'iiésite pas à s'écarter du Hoche consacre; il le montre prêt à
monter à cheval au premier appel de de Barras; il raconte que son héros
lit, à Pexemple ilu Directoire, un coup d'état dans son armée; qu'il des-
titua ou mit en état d'arrestation ses anciens camarades; qu'il porta contre
Kléber up.e dénonciation inouïe. « Ce n'était pas par la mesure que
brillait Hoche; comme toutes les natures exaltées, il apportait souvent
dans ses jugements sur les hommes et les choses une violence de parti-
pris et des exagérations regrettables » (p. 121). On voit que M. D. ne se
paie pas de jugements reçus et ne reproduit pas un portrait de conven-
tion. Il dira même (p. 58) que Hoche était mal élevé; « en entrant à la
Conciergerie, il avait encore les rudes façons d'un officier de fortune; sa
conversation manquait d'élégance; son style, de décence. Il parlait vo-
lontiers l'ignoble langue du père Duchéne; ses lettres d'Alsace au Co-
mité de salut public, au ministre de la guerre, à ses collègues surtout,
sont pleines d'expressions triviales, sentant le corps de garde, et tout à
fait déplacées dans la bouche d'un général. » Il lui reprochera d'avoir
gardé le silence après Quiberon, de n'avoir pas dit un mot « qui eût
peut-être sauvé la vie d'un millier de braves gens », de n'avoir pas eu
(t une minute d'attendrissement, une ligne un peu chaude, un peu gé-
néreuse », de n'avoir pas a couronné par une bonne action un brillant
fait d'armes » (p. io3-io5). En réalité, la figure de Hoche, une des plus
grandes de la Révolution et une de celles qui semblent le plus connues,
nous est parvenue très altérée. On a revêtu ses traits de la plus rare
perfection. On lui a tout donné, beauté, pureté, grâce mélancolique et
tière. Il passe encore pour un grand administrateur, pour un politique
de premier ordre, pour un républicain austère, désintéressé, magnanime.
Mais M. D. rend au personnage sa physionomie propre. « L'histoire,
dit-il très justement, même lorsqu'elle s'adresse à des jeunes gens, leur
doit avant tout la vérité, dût celle-ci leur enlever quelque illusion. Au
surplus, le mal ici n'est pas bien grand. Si le point de vue change, s'il
faut renoncer à Cincinnatus et si, vu de plus près, le héros qui cachait
l'homme et ses faiblesses perd un peu de sa perfection légendaire, les
morceaux, Dieu merci, en sont bons et l'on taillerait encore dedans
plus d'une statue de bronze aujourd'hui. Hoche avait été trop exalté,
c'est certain. Son caractère, ses talents eux-mêmes n'avaient pas encore
été jugés avec assez de liberté; mais n'eûcil pour lui que sa belle cam-
pagne de 1793, Wissembourg et Landau, qu'il sera toujours difficile à
des cœurs français de lui refuser leur reconnaissance et leur admiration »
(p. i5oj.
Je cite encore dans cette excellente biographie quelques points que
M. D. a su traiter avec beaucoup de savoir et tout le talent qu'on lui
connaît : la campagne d'Alsace (p. 36-49) ; Hoche à l'armée des côtes de
Cherbourg (p. 66-84); la pacification de la Vendée (p. 106-117) et par-
ticulièrement le récit saisissant de Quiberon (p. 85-îo5). On remar-
DHlSiOIKK h! LMi i.l i 1 KK AXUK h, JD
quera ce que dit M. D. à propos de la lameuse capitulation; il soutient
avec raison qu'il n'y eut pas à proprement parler de capitulation, que
Sombreuil n'obtint pas des généraux la promesse de la vie sauve pour
ses compagnons et eut le tort de s'en rapporter aux propos de quelques
soldats ',
La biographie de Marceau qui suit celle de Hoche (p. i5i-iQi)est
faite avec le même soin et la même conscience. M. D. nous montre
Marceau en Vendée, et à l'armée de Sambi e-et-Meusc, pendant les
campagnes de 1793 (Gholet, La Croi>:-de-Bataille, Pontorson, Antrain,
Le Mans), de 1794 (Fleurus, bataille de i'Ourthe, Duren, prise de
Coblentz), de 1795 [blocus d'Ehrenbreitstein), de 1796. 11 raconte avec
émotion la mort et les funérailles du jeune général. 11 apprécie digne-
ment ce loyal et chevaleresque caractère. « Tout de premier mouve-
ment, très impressionable, il se laissait parfois dominer par la vivacité
de ses sentiments, mais ni Tintérét, ni l'ambition ne le guidèrent ja-
mais. Bon camarade et ami dévoué, paternel sans faiblesse avec le sol-
dat, pitoyable aux vaincus, affable avec tous, dur pour lui seulement,
il avait le caractère et l'âme à la hauteur de l'intelligence. Rien de
touchant comme l'affection qui' l'unissait à Kléber ; elle s'était scellée
dans un jour de bataille; elle dura jusqu'au bout, avec une nuance de
respectueuse déférence chez l'un et de protection chez l'autre » (p. 190].
On ne peut chicaner M. D. que sur de très menus détails; mais nous
savons qu'il aime la critique et la contradiction. Pourquoi écrit-il Le-
veneur au lieu de Le Veneur (p. 25-26) et ne dit-il pas que Hoche
témoigna toujours au vieux général une vive affection et l'appela son
second père?
Si Hoche servait dans le régiment de Rouergue (il fallait ajouter,
pour plus de clarté, le 58^ régiment), n'a-t-il pas assisté au siège de
Thion ville '? Teissier nous dit d'ailleurs que ce siège fut pour Hoche
une école militaire et qu'il allait, avec Semelle, faire le coup de feu
avec les vedettes. [Hist. de Thionville. Metz, 1828, p. 464).
En citant le passage si connu des mémoires de Riouffe sur les prisons,
ne fallait-il pas rectifier quelques chiffres rapportés par l'ami des Giron-
dins (p. 56)? Ces négociants de Sedan (Riouffe dit vingt-cinq) étaient
au nombre de vingt-sept^ et ces jeunes tilles de Verdun (Riouffe dit
quatorze) au nombre de sept.
P. 74 « l'intrigant du nom de Cormatin » n'est autre que i'adjudant-
général Desoteux qui fut proscrit par l'Assemblée constituante, en
même temps que Bouille, Klinglin et Heymann.
P. 87, pourquoi le poste de Sainte-Barbe n'est-il pas indiqué sur la
carte de la presqu'île de Q_uiberon ?
P. 90 et 146, me permet-on de dire, à propos de Chérin, le fidèle chef
1. M. Albert Duruy, trop modeste, a négligé de citer ea net:; le remarquable arti-
cle qu'il a publié sur Quiberon dans la Revue des Deux-Mondes [ib juin 1884^
2. Ce détail semble avoir échappé à presque tous les biographes de Hoche.
76 REVUE CRITIQUE
d'état-maJor de Hoche, que ce brave soldat repose, lui aussi, en terre
étrangère? J'ai vu l'an dernier, aux portes de Huningue, le monument
qui lui fut élevé et qui porte Tinscription suivante : « A Chérin, géné-
ral tie division, blessé à Riesbach, en avant de Zurich, le vu prairial,
mort à Huningue le xx prairial an VII ».
P. 107, est-il exact de dire que lorsque dWrtois vint débarquer à
l'île Dieu, un Bourbon se montrait pour la première fois aux armées?
Les comtes de Provence et d'Artois avaient fait la campagne de 1792
à la tête du corps d'émigrés qui suivait l'armée prussienne.
La biographie de Marceau est peut-être un peu maigre. En tout cas,
l'héroïque Chartrain fut nommé capitaine, non pas du deuxième, mais
du premier bataillon d'Eure-et-Loir (p. r55).
Ce bataillon fut-il désigné « comme un des meilleurs » pour faire
partie de la garnison de Verdun (p. i57)? D'après les Observations
du maréchal-de-camp Galbaud, d'après Buirette, Phistorien de Sainte-
Menehould, enfin d'après une lettre de Marceau (Doublet, p. 142) qui
rougit de commander à des lâches, ce bataillon était un des plus mau-
vais de l'armée, et ce ne fut pas « au premier bruit de la marche de
Brunswick » qu'il vint s'enfermer dans'la forteresse, puisque Marceau
nous dit lui-même qu'il est arrivé le jour de l'investissement (Doublet
de Boisthibault, p. 141).
On sait que Marceau fut chargé de porter à l'ennemi la capitulation.
« Quand on l'introduisit auprès du roi, dit M. D. (p. i58), sa voix était
frémissante, ses yeux remplis de larmes ; malgré la dignité de son atti-
tude, il y avait dans toute sa personne je ne sais quoi de fier et d'im-
domptabie ». Où M. D. et avant lui tous les biographes de Marceau, y
compris Doublet, ont-ils puisé ce détail? ils l'ont emprunté tout sim-
plement à Sergent, le septembriseur et le beau-frère de Marceau. Dans la
séance du 9 février 1793, Cavaignac, chargé du rapport sur la reddition
de Verdun, proposa de traduire devant une cour martiale les membres
du conseil défensif de la place. Ce fut alors que Sergent, député de Paris,
prononça ces paroles : « Pour vous prouver que le conseil défensif, en
partie composé de jeunes gens, n'est point coupable..., c'est que le
commandant du bataillon d'Eure-et-Loir, obligé d'aller dans le camp
<;nnemi pour y rédiger les articles de la capitulation, en y entrant, ré-
pandait des pleurs de sang. » Ce mot emphatique de Sergent, pleurs de
sang, a inspiré tous les biographes de Marceau, et Doublet disait déjà
(p. 5) « on présence du roi de Prusse, il ne put maîtriser son émotion ; ses
larmes coulèrent, des larmes de sang ! » Mais il n'est pas prouvé que
Marceau — et j'en serais d'ailleurs fâché pour lui — ait pleuré devant
Frédéric-Guillaume; Sergent voulait sauver son beau-frère; il imagina
sans doute, pour mieux toucher la Convention, ces larmes de Marceau.
En tout cas, le jeune officier, dans sa lettre du 7 septembre à Maugars
(Doublet, p. 144) dit simplement en post-scriptum : « C'est moi qui ai
■été au camp du roi de Prusse et qui ai réglé les articles de la capitula-
D HISTOIRE KT DP: LITTERATURE y^
tion. » Le prince royal le vit arriver au camp et il écrit dans ses Rémi-
niscences : tt Vers midi, arrivée au quartier-général d'un lieutenant-
colonel accompagné d'un trompette; tous deux ont les yeux bandés. »
A notre avis, on ne sait absolument rien de Tattitude de Marceau au
quartier-général prussien, et M. D. qui désire ruiner les légendes, nous
saura gré de détruire celle-là.
Ce qu'on sait, et ce qu'on devra dire désormais dans une biographie
de Marceau, c'est que le jeune officier ne signa pas la capitulation, car
son nom ne figure pas au bas de la délibération du conseil défensif de
Verdun « opinant à ce que le commandant de la place le rende dans les
vingt-quatre heures » (Dommartin, Beaz/repaire, p. 83). Ce qu'on sait,
c'est qu'il était d'avis que la place n'était pas tenable, mais qu'il fallait
y rester deux jours de plus » (Doublet, p. 142) '.
P. iSg, M. D. dit que « Marceau n'eut pas l'honneur d'assister à cette
mémorable journée (de Valmy) qui vit pour la première fois nos jeunes
troupes se mesurer avec les vieux régiments de Frédéric et les tenir en
échec ». C'est vrai, mais il fallait peut-être ajouter que Marceau servait
dans le corps de Dillon, qu'il campait dans le bois de Courupt-, qu'il
repoussa le 17 et le 20 septembre — le jour même où s'engageait la
canonnade de Valmy — les attaques des Austro-Hessois; j'ai moi-
même, écrit-il à Maugars le 24 septembre, été chargé de la poursuite
des fuyards et je les ai menés jusqu'au bord de leur retranchement. Le
rôle du jeune officier pendant la campagne dite de l'Argonne méritait
donc quelques lignes de plus; il se déclare dans cette même lettre c, dé-
voué entièrement à la chose publique » ; il souffre de la faim, mais,
dit-il, pro patria mori oportet.
Plus loin, p. 161, pourquoi M. D. n'a-t-il pas observé que Marceau
quitta le bataillon de volontaires qu'il commandait pour entrer dans la
légion germanique comme simple lieutenant en premier?
Je ferai enfin une dernière observation. M. D. parie p. 191 du
monument élevé à Marceau par l'armée de Sambre-et-Meuse : « une
pyramide de pierre avec des noms de bataille pour tout ornement. t> J'ai
vu ce monument il y a trois ou quatre ans. Il est au contraire sur-
chargé d'inscriptions de toute sorte (noms de bataille; circonstances
I. Ace propos, qu'on me permette encore de traiter et d'éclaircir un le'ger détail
que M, D, a bien fait de négliger dans son volume, mais que devront citer les futurs
biographes de Marceau (j'en connais deux). Quel était alors le grade du jeune Char-
train? Il avait été nommé capitaine le 12 juillet, et pourtant il assiste aux délibéra-
tions du conseil détensif de Verdun, et signe celle du i*^'' septembre ii. Marceau Des-
graviers, lieiiîcnant-colonel ». (Dommartin, Beaurepaire, p. 70, fac-similé). Il était
évidemment lieutenant-colonel en second, car nous connaissons le nom du lieute-
nant-colonel en premier, Huet. Pourtant, d'après Doublet (p. 1 1 1 et 148) et les pa-
piers delà Guerre, il fut nommé adjudant-major le i'^'" décembre 1792 et lieutenant-
colonel en second le 25 mars de l'année suivante; il faut donc qu'au siège de V^erdun,
il ait été lieutenant-colonel en second par intérim.
1. Et non Coureux, comme dit Doublet, p. 142; à recommander aux futurs bio-
graphes.
78 UEVUli CRITIQUE
de la mort de Marceau; appel à la sensibilité du visiteur : « Qui que
tu sois, ami ou ennemi de ce héros, respecte ses cendres » ; passage du
Loyal Serviteur : « Je voudrais qu''il mV'n eût coûté le quart de
mon sang et vous tinsse en santé mon prisonnier, quoique je sache
que l'empereur mou maître n'eût en ses guerres plus rude ni fâcheux
ennemi », et — pour qu'on ne s^^ trompe pas, — on a ajouté « Mé-
moires du chevalier Bayard. Allusion aux paroles du général autri-
chien baron de Kray »). Byron, dont M. I). cite en note les belles
strophes de Childe Harold^ avait raison de trouver ces inscriptions
fort inutiles.
On ne parle longuement que des bons livres, et ces vétilles ne dimi-
nuent en aucune façon le mérite du travail que vient de publier M. A-
Duruy. Nous souhaitons que le brillant écrivain entreprenne de nous
donner une Vie de i/oc/ze définitive; « ce qu'on n'a fait qu'indiquer
ici, dit-il p. 14g, peut-être l'achèvera-t-on quelque jour ». En attendant,
son ouvrage est un des meilleurs qu'on puisse mettre entre les mains de
nos jeunes gens, et il sera lu avec autant de profit que d'intérêt par tous
ceux qu'attire ^'histoire militaire de la Révolution. Nous ne louerons
pas le patriotisme de l'auteur, quoi qu'on puisse lui appliquer ses
propres paroles, qu'il a le « vrai patriotisme », et non « ce chauvinisme
étroit et borné, fruit d'une science superficielle et sans conscience »
(p. 149]. Mais le récit est clair, rapide, animé, habilement disposé; le
style est simple, ferme, entraînant '. Il ne faut pas se laisser tromper par
la couverture du volume, par son format, par ses images, par le titre
delà collection à laquelle il appartient; il renferme plus d'un docu-
ment inédit, plus d'une vue neuve, et nous n'hésitons pas à mettre le
Hoche de M. Albert Duruy, si court qu'il semble, au-dessus des études
de ses devanciers.
A. Chuquet.
VARIETES
Xoujou:*s !:t Colomllinc.
Nous recevons de notre collaborateur la réponse suivante à une lettre adressée
par le bibliothécaire en chef de la Colombine au journal El Porvcnir, de Séville :
Monsieur le rédacteur de El Porvenir:
On me communique à l'instant le n° du 3o mai dernier de votre es-
timable journal, contenant une lettre adressée par D. Servando Arboli,
I. Je n'aime pas beaucoup le mot fatriotisev (p. 3i « excite, éçhaulïe, patriovise
)es ùmcs »).
D HISTOIRK Kl UK i,l ITK RA flj t< (■ 79
chef de la bibliothèque du chapitre métropolitain de Séviile à M. le sé-
nateur Fabié.
Pour le présent, je ne relèverai dans cette lettre que le passage sui-
vant : « Ni uno siquiera de los ciuco vianiiscritos puestos d la venta en
Paris ha jpertenecido jamds d la Biblioteca de D. Fernando^ segun
résulté del examen minucioso de nuestros Indices, d pesar de no ha~
bérsemos determinado con bastante presicion en dicha carta \_del Di-
rector de la Biblioteca Nacional de Paris] las noticias bibliogrdjîcas
necesarias. »
Les manuscrits visés dans cette phrase, sont ceux qui ont été signa-
lés par l'article de la Revue critique et par la lettre de M. Tadministra-
teur de la Bibliothèque nationale de Paris
Parmi ces mss., il y en a cinq qui, soit dans ledit article, soit dans
ladite lettre, se trouvent indiqués de la façon suivante :
1° « Chronique du xv*= siècle, en vers italiens. In-folio; Qt Chronique
lombarde. »
2° « Le livre de Pierre de Luxembourg, en français. In-4°. »
3° « Vie de Jésus-Christ, en catalati. »
4° « Version italienne du voyage de Saint-Brandan, avec dessins
en couleurs. »
5° « Roman de Brut, avec terminaisons italiennes. »
Le seiîor D. Servando Arboli nie qu'un seul de ces manuscrits ait
jamais appartenu à la Colombine ou figure sur les catalogues de cette
bibliothèque.
Or ces cinq manuscrits non seulement figurent sur les catalogues de
la Biblioteca Colombina, mais ils étaient encore sur les rayons de cette
bibliothèque il n'y a pas longtemps. En voici la preuve :
1° Chronique du xv« siècle, en vers italiens.
M. Paul Ewald a relevé le titre de ce ms., en 1879, sur les catalogues
de la Colombine, sous ce titre : Chronica de Lombardia métro italico
cumjigiiris, et sous la rubrique: 7. 4. 7. fol. saec. xv. (Voir le Neues
Archiv der Gesellschaft fiïr altère deutsche Geschichtskunde. Han-
nover, 1880, tome VI, page 379.)
Ensuite ce manuscrit a été vu, palpé et analysé à la Biblioteca Co-
lombina, le !<''■ octobre 1880, par M. Pio Rajna. D'après les notes du
savant professeur florentin, notes que nous avons en ce moment sous
les yeux^ le dernier feuillet du ms., aujourd'hui arraché, portait, de
i écriture même de Fernand Colomb : Este libro costo 20 be:[os en
padua a. 75. de abril de i52i, y el ducado de oro vale 280 be\os.
2" Le livre de Pierre de Luxembourg a été relevé sur les catalogues
de la Colombine et décrit de visu dans cette bibliothèque même, en
1879, P^"" M- Francisque Michel, en ces termes : « S. Petriis de Luxem-
hour in-4''. Ais. &œc. xv ad initium. lectu j .... j2.. Ce présent livre
composa saint Pierre de Liicembourg lequel il envoya à damaiselle
fehanne de Luçembourg, » Cette description e.st suivie d'extraits cfil
8o REVUE CRITIQUE
ms. (Voir Archives des missions scientifiques, Paris, 1880, IIP série,
tome VI, page 278.)
3° La vie de Jésus-Christ, en catalan, a été aussi vue, touchée et dé-
crite en iSjq, à la Colombine même, par M. Francisque Michel. De
son temps, ce ms. faisait partie d'un recueil factice contenant des im-
primés et des mss. religieux, de la musique de plain chant, des recettes
pharmaceutiques, des formules opératoires, etc., recueil désigné ainsi :
Opuscula varia, mss. t. IV. Quant au ms., il porlait le n" 204, et, en
haut, 404, en bas, n° 5. A la suite, venait un voyage de Saint-Bran-
dan en italien. (Voir les Archives précitées, page 275.)
4" Version italienne du voyage de Saint-Brandan, avec dessins en
couleurs.
C'est le manuscrit qui se trouvait après le précédent dans le recueil
factice rubrique Opuscula varia, mss. t. IV, et que M. Francisque Mi-
chel a également compulsé à la Colombine, en 1879. Cet écrivain le
décrit comme étant un ms. sur papier avec miniatures, portant encore
une annotation de la main de Fernand Colomb comme quoi il iut
acheté à Milan, en février i52i, pour 20 quattrines. (Voir les Archives
précitées, tome VI, page 277.)
5" Roman de Brut, avec terminaisons italiennes.
Ce ms. a été d'abord mentionné, de visu, comme se trouvant à la
Colombine, par M. Pascual de Gayangos, alors qu'on lisait encore sur
un feuillet, aujourd'hui gratté ou lavé : Este libro costô 36 quatrincs
en Milan a 3i de enero de i52i, y el ducado de oro vale 440 qiiatri-
ne^ (Voir la traduction espagnole de Ticknor, Madrid, i85i, tome I,
page 520.)
Le titre en a été ensuite relevé sur le catalogue de Tabares, en 1876,
par Charles Graux, en ces termes : MS. AA. 144-1 g. Wace. Rhythmœ
de gestis Bretonum et Baronum genealogiis, prœsertim de Bruti ge-
nealogia : sermone lemosino, codex membranaceus, in-4°, maj . (Voir
les Archives des missions précitées, tome V, page 129.)
Il a été également signalé par M. Paul Ewald, en 1879, sous la ru-
brique plus moderne de 5. 4. 3'j. membr. qu. : Wace. (Voir le Neues
Archiv précité, tome VI, page 375.)
Quant au manuscrit, M. Francisque Michel l'a vu et analysé à la
Colombine, en 1870, et en a donné des extraits. (Voir les Archives des
jnissions précitées, tome VI, page 370.)
Notons aussi que ledit ms. porte au bas du premier feuillet les traces
du cachet moderne de la Biblioteca Colombina, montrant encore le
sommet de la Giralda.
Enfin, les descriptions données par les érudits que nous avons cités
correspondent par leurs points de repère : époque, calligraphie, ortho-
graphe, divisions, format, lacunes, illustrations, etc., etc., aux manus-
crits tels qu'on peut les consulter aujourd'hui à la Bibliothèque natio-
nale de Paris, où ils ne sont entrés qu'après en avoir référé aux parties
d'histoire et de littérature 8i
intéressées à Séville. D'ailleurs, aux témoignages si précis de spécia-
listes compétents comme M. de Gayangos, comme Charles Graux,
comme M. Francisque Michel, comme M, Paul Ewald, comme
M. Rajna, le bibliothécaire de la Colombine, D. Servando Arboli, ne
saurait faire une réponse topique qu'en produisant ces manuscrits
mêmes.
La chronique lombarde, le livre de P. de Luxembourg, le récit de la
Passion, en catalan, le roman de Brut et la version italienne du voyage
de Saint-Brandan, manuscrits vus et touchés à la Colombine même à
des époques aussi récentes que 1875, 1879 et 1880, par des témoins di-
gnes de foi, et dont les descriptions sont consignées dans des rapports
officiels imprimés antérieurement à cette polémique, existent-ils encore
sur les rayons de la Biblioteca Colombina? S'ils n'y sont plus, pour-
quoi n'y sont-ils plus? Voilà toute la question.
Comptant sur votre impartialité, j'ose espérer que vous voudrez bien
publier cette rectification dans votre estimable journal et vous prie,
Monsieur le rédacteur, d'agréer l'assurance de mes sentiments les plus
distingués,
Henry Harrtsse.
Paris, 3o, rue Cambacérès, 3 juillet i8S5.
P. -S. — J'adresse en même temps une copie de la présente lettre à la
Revue critique, revue qui a été mise en cause dans la discussion aux
Cortès et dans la plupart des articles que la presse espagnole a consacres
à cette question.
CHRONIQUE
FRANCE. — Nous recueillons dans le Bulletin administratif du Ministère de
VInsiruetion publique l'entrefilet suivant : « M. Paul-Édouard Passv, licencie ès-
lettres, professeur de langues vivantes à l'École normale primaire de la Seine et au
collège Sévigné, est chargé d'une mission en Islande, il devra visiter les principaux
centres d'éducation de ce pays, en étudier les ressources et les procédés intellectuels
et pédagogiques, examiner les principaux documents de la langue et de la littérature
islandaises. » Nous avions ignoré jusqu'à ce jour que l'Islande eût des ressources et
des procédés intellectuels et pédagogiques inconnus ailleurs. Quant aux principaux
documents de la langue et de la littérature islandaises, nous osons croire qu'on les
trouverait plus sûrement dans les bibliothèques de Copenhague et de Stockholm qu'en
Islande.
— M. H. Bazin, agrégé de l'Université, a fait tirer a part (un ia-4 de 28 p. et
2 planches. Leroux, i885) son article sur le G.ilet inserit d'Antibes, paru dans le
t. X des Annales du Musée Guimet. M. Bazin lit ainsi l'inscription de ce monu-
ment :
Totç Sa xatacTYjcact KuTvptç yigi^ àvTaTrooci'r
82 KKVUK CUlTIQUJî
Voici sa traduction : ^< Je suis Tevpon, serviteur de l'auguste déesse Aphrodite;
que Cypris paie de retour ceux qui m'ont déposé ici. » Le galet, — dont la forme
rappelle d'ailleurs un phallus, — est censé parler lui-même. M. B. rapproche le
T£p7:(i)V de cette inscription d'un mot entièrement semblable, écrit au-dessus d'une
figure de Silène, sur un vase de Capoue. Ce rapprochement constitue une véritable
nouveauté pour le commentaire du précieux monument d'Antibcs.
ALLEMAGNE. — M. S. Lœwenfeld vient de publier un recueil intéressant pour
l'histoire ecclésiastique. C'est une collection de lettres inédites des pontifes romains
{Epistolae Pontificum Romanorum ineditac, Lipsiae, Veit, iS85, 288 pp. 8) d'après
la collection du musée Britannique (Add. 8873), le ms. de Trinily Collège à Cam-
bridge (R. q, 17 ; cf. Neues Archiv fur aeltere deuts. Gesch., X, 586) et divers mss.
de la Bibliothèque nationale de Paris. Toutes ces lettres ne sont pas complètement
inconnues : mais le texte de toutes a été revu avec grand soin. Elles sont au nombre
de 424 et vont de 85o à iigS. On sait que M. L. est l'un des auteurs de la
nouvelle édition des Regesta de Jaffè.
AUTRICHE. — L'Académie de Vienne poursuit rapidement la publication du
Corpus scriplontv.i ecclesiasticorum latiiwnmi. Trois nouveaux volumes viennent
de paraître : t. IV, Eugippii Opéra, pars I : E. excerpta ex operibus S. A.ugustini
(éd. P. Knœll); t. X, Sediilii Opéra omnia (éd, J. Huemer); t. XI, Claudiani Ma-
merti Opéra {éd. A. Engelbreciit). Les deux derniers volumes présentent quelque
utilité, quoique pourtant, ce nous semble, il fût plus utile d'éditer des œuvres plus
remarquables. Pourquoi publier ces extraits faits par Eugippius? On comprend
que M. Knœll se proposant de donner au public les œuvres de saint Augustin (avec
le concours d'un certain nombre de collaborateurs; ait étudié avec soin les mss. des
excerpta, en ait même à la rigueur présenté une édition critique. Cependant un tra-
vail de ce genre étant purement préparatoire, devait rester dans les Comptes-rendus
et les Mémoires de l'Académie de Vienne. Quel intérêt peuvent présenter en eux-
mêmes \qs excerpta, k côté des œuvres complètes de saint Augustin.' Des morceaux
choisis, s'ils n'ont pas un but scolaire, n'offrent guère d'utilité que pour celui qui
les a faits. — P. A. L.
BELGIQUE. — M. Henri Pirenne a fait paraître dans la Westdeutsche Zeitschrift
fur Geschichie iind Kitnst (IV, i, p. Ii3-r38, Trêves, Lintz) un très instructif arti-
cle sur l'organisation des études d'histoire provinciale et locale en Belgique; il y
fait connaître en quelques pages substantielles l'état des archives en Belgique et
les travaux des nombreuses sociétés d'histoire locale qui sont toutes postérieures à
la révolution de i83o.
ÉTATS-UNIS. — L'enseignement du français paraît fortement constitué au Ho-
ward Collège (Cambridge, Mass.'. Nous avons sous les yeux le programme des
cours pour l'année i885-i8Sô; nous constatons douze sections qui comprennent
tous les degrés de l'enseignement depuis les éléments jusqu'à la grammaire histori-
que et la philologie romane. Dans les premiers cours, on enseigne la littérature du
xvu% du XYiii' et surtout du xix« siècle. Le xv"= et le xvi' siècles sont étudiés dans le
cours 5. le moyen âge dans le cours 6 ; la grammaire historique, phonétique et
morphologie et la philologie romane dans les cours 7 a 11. Jusqu'à quel point ceS
études sont-elles approfondies ? Il est difficile de le dire. Voici cependant un
aperçu des questions données aux examens de fin d'année, fait dans le cours 6, par
le prof. Adolphe Cohn. Du râle de Vaccent latin dans la formation de la langue
française; liste chronologique des principales œuvres du moyen âge ; brève analj'se
delà Chanson de Roland ; traduction en français moderne, avec explication philo-
logique, d'un passage de la Chanson de Roland et d'un fragment de Maurice de
d'histoire et de littérature 83
Sully; comparaison des deux parties du Roman de la Rose-, questions sur la Croi-
sade des Albigeois et Joinville. Les meilleurs et les plus récents ouvrages sur la phi-
lologie et le littérature du moyen âge sont signalés et recommandés dans les sta-
iements des cours. — Remarquons que, dans les cours élémentaires, on met entre
les mains des élèves spécialement des ouvrages d'écrivains contemporains. Plus d'un
lecteur verra avec surprise des pièces de Labiche, d'Augier, Vabbé Constantin de
Ludovic Halévy, etc., passer à l'état de textes classiques à côté du Cid, à' Horace,
d'Andromaque et des Fables de La Fontaine. Dans le catalogue des textes classiques
français publié par la grande librairie de Henry Hold, à Ncv/-Yorlv, les romans de
Sand, le théâtre de Scribe, d'Augier, de Feuillet éclipsent singulièrement nos grands
classiques. Du reste, cela n'a rien d'étonnant; il s'agit avant tout d'enseigner l'usage
pratique de la langue, et à ce point de vue nos romans contemporains ont sur nos
grands écrivains du xvii' siècle une supériorité naturelle qu'on ne peut contester.
— La plupart de ces éditions sont accompagnées de notes ou commentaires qui
ne s'élèvent pas en général au-dessus d'une honnête médiocrité Signalons cepen-
dant les annotations qu'un professeur de Madison, M. Edward T. Owen, a publiées
SUT \q Roman d'un jeune homme pauvre ei la Petite Fadette et qui se distinguent
par un sens philologique très fin, et par une précision dans l'étude grammaticale
et un effort à serrer le sens des originaux qu'on rencontre rarement dans les
travaux scolaires de ce genre, en Amérique et ailleuis. — A. D.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du i y juillet i8S^.
L'Académie déclare vacante la place de membre ordinaire qui était occupée par
feu M. Léon Renier, et tixe au troisième vendredi de janvier 1886 l'examen des ti-
tres des candidats.
M. Egger est désigné pour faire une lecture, au nom de i'Académic, à la séance
publique annuelle de l'institut, le ai? octobre prochain. Jl lira son mémoire inti-
tulé : r Encyclopédie, les origines du mot et de la chose.
M. Léon Heuzey communique, de la part de MM. le colonel Gazan et le D'" Mou-
gins de Roquefort, qui s'occupent depuis de longues années avec le zèle le plus
"louable à recueillir et à publier les monuments anciens de la région d'Antibes, l'es-
tampage d'une inscription latine trouvée en cette ville en i883, dans le quartier dit
le Priignon, au fond d'un ruisseau, et publiée dans le Bulletin monumental. Cette
inscription est ainsi conçue :
CFCARINA
INICASACER
AETHVCOLIS
AMENTO-F-I-
« f-' Julia] Gaii filia Carina [flamjinica sacerfdos] testamenlo fieri jussit. »
Ala troisième ligne, MM. Gazan et Mougins de Roquefort ont vu un nom propre,
Aetliucolis, qu'ils ont pensé être celui d'une déesse d'Antibes, dont Carina était prê-
tresse. Cette idée, émise dans le Bulletin monumental, où le texte a paru d'abord, a
été généralement acceptée et a paru dans plusieurs recueils épigraphiques. M. Heu-
zey croit devoir l'écarter. Le composé grec AïOouy.OAt'ç ne serait pas, dit-il, de for-
mation régulière. Il faut séparer les mots autrement, détacher les lettres AE des
syllabes qui les suivent et lire thucolis, en grec Os'J'/.oAi;;, contraction régulière pour
OîCy.oAiç (comme 0oU7,'JO'3'^ç pour Gsoy.UGtcr,;). Le mot 0eO7.o}^tç est la forme fé^
minine de Ôaoy.ÔAoç (écrit aussi Osrf/.I/.S^^ qui était, chez les Grecs, le titre d'une
fonction sacerdotale d'un rang élevé. Quant aux lettres ae, M. Heuzey y voit la fin
du mot quae et lit : Jlaminica sacer[dos, qu'jac thucolis, c'est-à-dire prêtresse flami-
nique, nommée Os'jy.OAi;; dans le dialecte local. A l'époque romaine, on avait traduit
84 REVUE CRITIQUE d'hISTOIRE ET DE LITTERATURE
officiellement le litre grec par l'appellation latine de Jlaminica sacerdos, mais les
Aniipolitains, tideles à leurs traditions, conservaient dans l'usage le vieux terme hel-
lénique. 11 faut donc reléguer la déesse Actlnicolis parmi les « taux dieux », comme
disait feu A. de Longpérier. L'inscription d'Antibes n'en est pas moins un précieux
vestige de l'hellénisme dans le midi de la France, puisqu'elle nous fait connaître
à la fois une fonction religieuse d'Antipolis et une forme du dialecte antipolitain.
M. Casati complète les communications qu'il a faites cette année sur la numis-
matique étrusque par la production de pièces originales et d'empreintes ou dessins
de pièces du Cabinet des médailles, pour établir le rapport qui existait entre les
monnaies d'argent et de bronze et montrer, contrairement à l'opinion reçue, que le
système monétaire étrusque était un système homogène qui a servi de modèle au
système monétaire romain. L'unité monétaire étrusque est l'as libral. La monnaie
d'argent étrusque la plus répandue porte le chifl're X et vaut dix as; c'est le de-
nier. Le demi-denier, qui correspond au quinaire romain, porte le chiffre V et vaut
cinq as. Le quart de denier, le type du sesterce romain, porte en chiffres étrusques
2 1/2 ; il vaut en effet deux as et demi. On rencontre encore assez fréquemment le
double denier, qui porte le chiffre XX et vaut vingt as. L'antériorité du système
étrusque sur le système romain est, selon M. Casati, incontestable. La monnaie
d'argent et la monnaie d'or étrusques présentent un caractère archaïque absolument
spécial et unique, le revers lisse. M. Casati établit ensuite le rapport des monnaies
d'or et des monnaies d'argent. Les monnaies d'or étrusques sont très rares. Les
petites pièces à revers lisse, dont on connaît 5 ou 6 exemplaires, portent la marque
de leur valeur dans le chiffre X et représentent dix deniers. Les pièces de Vulsinii,
d une époque postérieure, portent des signes qui dénotent que la valeur de l'or
avait baissé au moment où elles ont été frappées; elles sont à deux faces et l'on n'en
connaît que des exemplaires uniques.
M. P.-Ch. Robert, en présentant un travail à M. Louis Blancard sur les talents
grecs au i" siècle de notre ère, signale les aperçus nouveaux contenus dans cet opus-
cule. Les divers talents en usage dans les pays grecs se composaient toujours de
6,000 drachmes, mais la valeur même de la drachme variait selon les pays. M. Blan-
card a cherché à établir la relation qui existait entre les diverses drachmes. 11 s'ap-
puie principalement sur le témoignage de deux auteurs grecs, l'Anonyme et PoUux,
et d'un latin, Festus, et il n'hésite pas à proposer au texte de ces auteurs diverses
corrections que les données générales de la question lui semblent autoriser. Ainsi,
il n'admet pas qu'on doive conserver, dans Festus, Alexandrinum XII denarium,
et propose, à l'exemple de Boeckh et de Vasquez Queipo, de modifier cette expres-
sion munérale ; au lieu de XII denaj-iiun. il met X F<= denariorum ; mais, dit M. Ro-
bert, si denariorum s'impose, est-il certain qu'on ait le droit de changer XII duo-
decim, en XV'^, mille et quingentorum? Quoi qu'il en soit, l'auteur arrive, en
prenant pour base la valeur de la drachme attique, à présenter le tarif suivant d'é-
valuation des monnaies grecques au i'"'" siècle de notre ère :
i" La drachme attique, base de comparaison;
2° Le denier romain des pays grecs d'Italie, semblable à l'attique ;
3° La drachme de Tyr, semblable à l'attique;
40 La drachme asiatique (antiochique ou syrienne, rhodienne, cistophorienne),
valant les 3/4 de l'attique;
50 Le victoriat de Sicile, courant aussi et exceptionnellement à Reggio, et valant
la moitié de la drachme attique;
6° La drachme alexandrine, valant le quart de l'attique;
7° La drachme arsacède ou babylonienne, valant les 7/G de l'attique;
8° La drachme éginète valant les 10/6 de l'attique,
Il est à remarquer que M. Blancard est en contradiction sur un grand nombre de
points avec MM. Mommsen et F. Hultsch. Le premier ne change rien au tarif donné
par Festus. Ainsi, dans son histoire de la monnaie romaine, il ne modifie pas l'ex-
pression arithmétique XII denarium, qui s'applique au talent d'Alexandrie, et la
considère comme exprimant la valeur d'un talent de cuivre. Le second, dans son
vaste traité de Métrologie grecque et romaine, s'occupe du passage de Pollux, cité
plus haut et corrigé par M! Blancard. 11 en signale l'obscurité, inais le maintient tel
qu'il est et tente de l'expliquer par différentes hypothèses.
Ouvrages présentés : — par M. Bertrand : Flouest (Edouard), Deux stèles de la-
rairc; suivi d'une note sur le signe symbolique en S (avec 19 planches); — par M. P.-
Ch. Robert : Blancard (Louis), Valeur comparée des talents grecs au t^"" siècle de
notre ère; — par M. Delisle : le Liber pontificalis , texte, introduction et commen-
taire, par Tabbé L. Duchesne (Biblioihèque des écoles françaises d'Athènes et de
Rome}: — par M. Heuzey : i» Mougins de Roquefort (P.) et" Gazan (A.), Note sur
une inscription latine trouvée à Antibes en i883; 2° Mougins de Roquefort (P.),
Une ancienne et curieuse cloche à Tourelles- Vence.
Julien Havet.
Le Propriéiaire-Gérant : ERNEST LEKUlix.._
Li i^uv. îKiprxinerie ée Mû'chr.<!r.oii Hls. bniilei'ard Saitit-Laurer-a. 2i.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 31 - 3 août - 1885
ssoniimuii-e s i3o. Lucien, Dialogues des morts, p. p. Tournier. — i3i. De Stern,
L'he'gémonic lacédémonieiine et ihébainc. 387-362. — i32. Birt, Le livre chez
les anciens. — i33. Bémon't, Simon de Montfort. — Yariélés : Un détail bio-
graphique relatif à Marceau. — Chronique. — Académie des Insc.iptions.
i3o. — Lucien. ïftiîslogacs des mortsi, par Ed. Tournier; 2"'- édition, complétée
par A. M. Desrousseaux. Paris, Hachette, 1884, xxv. 16g p., in-iG.
La première édition de ce recueil, donnée en 1881 par M. Tournier,
ne renfermait qu^un nombre très restreint des Dialogues des morts^
choisis et annotés à l'usage des classes, sept dialogues entiers et un frag-
ment du vingt-septième, en tout huit morceaux. La deuxième édition,
que nous avons sous les yeux, et dont Lexécution a été confiée à un
élève de l'École normale supérieure, M. Desrousseaux, nous offre,
comme complément, seize autres dialogues, en tout vingt-quatre sur
trente que nous possédons de Lucien. La suppression des dialogues 9,
16. 19, 20, 23 et 28 a été nécessitée par la destination même du livre,
— maxima piiero debetur reverentia — quoique les éditeurs, nous
scmbie-t-il, aient été bien sévères pour les dialogues 19 et 20, et surtout
pour le vingt-troisième, qui est charmant. En guise de préface, M. D.
a donné une Notice sur Lucien, que ne fait que résumer la partie bio-
graphique du livre de M. Groiset ; il l'a fait suivre de jugements sur
l'auteur, empruntés aux ouvrages de jVIM, E. Egger, G. Martha,
A. Pierron et M. Groiset.
Comme ouvrage d'enseigiiement, ce petit livre se recommande en
particulier par la disposition progressive des dialogues au point de vue
de la difficulté. Les notes sont substantielles et variées, un peu trop
abondantes, à notre avis, pour un livre destiné à être mis entre les
mains des élèves; les notes n'ont pas à faire la besogne du maître. En
revanche, une chose qui nous plaît beaucoup, ce sont ces titres don-
nés par les éditeurs à chacun des dialogues qu'ils ont choisis, et qui
résument bien l'impression du morceau : il y a là quelque chose qui
doit piquer la curiosité de l'élève et exciter son intérêt; le procédé est
bon. — Au point de vue scientifique, ce petit livre a une réelle valeur.
La base du texte est Tédition de Fritzsche, mais, en maint passage, ses
éditeurs n'ont pas hésité à suivre leur propre chemin, surtout lorsquHls
ont attribué au Vaticanus Sj plus d'importance qu'on ne lui en avait
accordé jusqu'à présent. Du reste, les maîtres qui se serviront de ce li-
Nouvelle série. XX, 3i
86 REVUE CRITIQUE
vre cil philologues, feront bien de le compléter par l'article étendu et
soigné que M. Desrousseaux vient de publier dans la Revue de philolo-
gie (mars i885), et qui contient sur les Dialogues des morts :
1° les bonnes leçons du Vatic. Sy; 2" les leçons et corrections fondées
sur l'autorité du Vatic. S" -, et enfin 3" des conjectures personnelles.
Nous ajouterons que, comme exécution typographique, ce petit livre
ne laisse rien à désirer. Bornons-nous à relever, page 11, une faute
d'impression de peu d'importance. A la première ligne, au lieu de
zapâ[xsv£', il faut lire 7:apâ[j.£Vî •.
Emile Baudat.
l3i. — <iescîiioî»te cSeï* spai-tanîsclien und tlieltanisclien Hégémonie
voiM Kœnîgsfi-îedeiî bîs zui* Selilaclit beî Mantînea, par Ernst von
Stern; Dorpat, Laakmann, 1884; in-8 de x-248 p.
La période de l'histoire de la Grèce que M. E. von Stern a entrepris
de raconter est une des plus curieuses, en même temps qu'une des plus
difficiles à bien connaître. Durant les vingt-cinq années qui séparent la
Paix du Roi (tel est le nom officiel de la paix vulgairement appelée
Paix d'Antalcidas) de la bataille de Mantinée (387-362), le monde grec
est en proie à une agitation continuelle : ce ne sont que guerres locales,
ambassades, congrès, alliances, défections. De tous ces événements se
dégagent deux grands faits : l'hégémonie lacédémonienne, créée par la
guerre du Péloponnèse, mais qui a peine à se soutenir, et la brillante
mais éphémère hégémonie de Thèbes. C'est sur ces deux points que
M. E. V. S. attire notre attention. Son livre comprend quatre chapitres:
î. De la Paix du Roi à l'affranchissement de Thèbes; II. Affranchisse-
ment de Thèbes: III. De la première campagne de Cléombroteen Béotie
à la première expédition d'Epaminondas dans le Péloponnèse; IV. Hégé-
monie de Thèbes. L'auteur s'est entouré, pour traiter ces différents
chapitres, de tous les livres, de tous les documents qui pouvaient lui
être de quelque secours. La liste alphabétique, placée en tête de son
mémoire, des cent vingt-trois ouvrages ou articles qu'il a consultés,
prouve le soin minutieux, parfois même excessif, qu'il a mis à s'infor-
mer de tout ce qui concernait son sujet, Le récit, en général, est bien
conduit, non sans quelques longueurs. Ainsi, au chap. II (pp. 44 sqq.),
M. E. V. S. n'a pu résister au désir de raconter dans le détail la dra-
matique délivrance de Thèbes : peut-être eût-il pu glisser plus rapide-
ment sur ces faits connus de tous. Ailleurs, il semble, au contraire,
qu'on pourrait lui reprocher de pécher par excès de concision : par
exemple, on ne voit nulle part qu'il ait mis en lumière comme il l'eût
fallu les efforts de tout un parti considérable, qui prit naissance à
Athènes en 379, et à la tête duquel figuraient des orateurs tels que
Thrasyboulos de Collytos, Aristophon d'Azénia. etc., pour favoriser la
d'histoire et de littérature 87
révolte thébaineet conquérir à la Béotie une situation forte et indépen-
dante. Malgré ces quelques taches, le livre de M. E. von Stern est un
ouvrage méritoire, que devront consulter tous ceux qui étudieront dé-
sormais rhistoire de la Grèce dans la première moitié du iv'= siècle. On
regrette seulement qu'aucune table, qu'aucun index n'y rende les re-
cherches un peu plus faciles.
Paul Girard.
i'd'2.. — Theod. Birt. jy>as aMtîUe Bucîiwesen in seinem Verhœltniss zur
Litteratur mis Beitrgegen zur Textgeschiclite des Theocrit, CatuU, Properz und
anderer Autoren. Berlin, Hertz, in-8, 1882, vit et 5 18 p. Prix : 12 mark.
Voici un travail vraiment magistral, écrit avec amour, plein de faits,
plein de vues neuves, désormais classique dans la matière et qui pourrait
bien rester tel encore pendant nombre d'années. Nous avons l'histoire
du livre de M. Egger '. Mais qu'on la lise dans le Magasin d'éduca-
tion et de récréation ou dans le volume formé par les articles détachés
de ce recueil, malgré tout ce que sait M. Egger, malgré tout ce que
contient, sans qu'il y parîrisse, son exposé clair et facile, cette histoire
était destinée avant tout à la jeunesse. Il manquait à ceux qui étudient
l'antiquité une oeuvre d'ensemble, réunissant les indications qui sont
éparses dans des articles et des dissertations spéciales, les éclairant les unes
par les autres, y ajoutant, et par une critique exacte des documents
anciens, menant à des résultats précis : cette œuvre, M. Birt nous l'a
donnée, et vraiment, ou peu s'en faut, telle qu'on pouvait la souhaiter.
Une introduction de quelques pages indique nettement le but de
l'ouvrage. L'auteur veut nous mettre à même de nous représenter
exactement ce qu'était le livre pour les anciens. Il cherche quelle était
chez eux la forme, quels étaient les usages de la publication, enfin et
surtout quelle influence ont exercée ces conditions matérielles sur la
I composition des œuvres anciennes. Suivent neuf chapitres qui se résu-
ment ainsi : 1° termes employés par les anciens pour désigner soit une
partie d'un ouvrage, soit l'ouvrage entier ; 2° le parchemin ; il n'était
employé que pour des brouillons; à quelle époque (iv^'-v^ s.) il parvint
à supplanter dans les éditions le papyrus ; 3'^ division d'un ouvrage en
livres; intluence de celte division sur la composition; 4° la ligne; sti-
phométrie - ; 5" la page; 6° le livre ; son étendue; 7° l'édition ; 8" con-
1. M. Birt la cite p. 7, note i .
2. Dans ce chapitre sont re'unis avec beaucoup d'orore et de clarté les principales
indications stichométriques que nous fournissent soit les restes de catalogues
I d'Alexandrie, soit les papyrus et les mss. M. B., p. 173, n° 100, discute avec beau-
t coup de sagacité un total de vers de Virgile donné par le Par. i320Ô, ix<'-x<= s. Ajou-
'■ tons-y un total de vers des Bucoliques, contenu dans la suscription d'une Explana-
tio Jiinii Filagvii (Philargyrius) des Par. 7960, x*^ s. et ii3o8, x'' s. : bocolicon
' habet versus dcccxx. Le nombre sera exact si on lit dcccxxixix. J'ai mal interprété ce
88 REVUK CRITIQUE
fusions que nous offrent les mss. dans le nombre et dans la succession
des livres; 9" le livre et les éditions dans la période pré-alcxandrinc.
On voit par ce dernier chapitre dans quel sens l'auteur entend : das
antike Buchwesen. L'époque qu'il étudie, ou pour mieux dire dans
laquelle il s'enferme, s'étend du n" siècle avant J.-G, auiv° siècle de l'ère
chrétienne. Klle a dans le temps comme point central le siècle d'Au-
guste, et dans le monde ancien, comme centres d'activité, Alexandrie
et Rome. M. B. ne traite des temps antérieurs que dans le dernier cha-
pitre. Pourquoi? En partie parce que nous manquons de renseigne-
ments détaillés et authentiques sur cette première époque; mais aussi
parce que c'est seulement après les Alexandrins qu'ont été établies et sui-
vies les règles particulières sur lesquelles M. B. voulait appeler notre
attention.
Le siècle de Périclès ne les a pas connues. C'a été dans l'histoire de la
Grèce un temps de liberté, un âge li'or dans tous les sens. Prosateurs et
poètes pouvaient suivre leur verve sans se soucier de la dimension du
papyrus. On ne leur mesurait pas les pages. Non seulement les gros
rouleaux étaient tolérés; ce sont eux qui dominaient alors, et grâce à
eux, l'auteur pouvait disposer sa matière comme il l'entendait. Après
Callimaque au contraire, le petit rouleau est de règle, et l'auteur doit y
songer. Comme chez les modernes, dans certains ouvrages d'une dispo-
sition spéciale, il faut remplir sans les dépasser les vides de certaines
pages, de môm.e dans ces siècles désormais de fer pour la pensée, l'au-
teur devait remplir le cadre du rouleau moyen et s'y maintenir. Chaque
ouvrage un peu étendu comportait des divisions. Or, il y avait pour
ces divisions, suivant les sujets, un maximum et un minimum. L'auteur
devait s'y conformer sous peine de ne pas trouver d'éditeur. J'ai conser-
vé dans ce résumé la forme que M. B. donne à ses idées. On comprend
d'ailleurs que devant une nécessité matérielle, si vraiment elle existe, il
n'y ait ni discussion, ni atténuation possible. Toutes les raisons du
monde n'allongeront pas d'un pouce un carré de papier.
Ces principes posés, M. B. les applique à la rigueur. Tel livre dé-
passe le maximum : c'est une inhabileté, une faute d'art et de composi-
tion dont l'auteur est comptable. Tel livre est inférieur au minimum :
il est incomplet, et nous n'en possédons qu'un abrégé.
Les principes ont dû, si Je ne me trompe, étonner plus d'un lecteur.
Plutôt que d'admettre toutes les conséquences, on se sent prêt à rejeter
tout le système. C'est que les objections se présentent en foule à l'esprit,
et que si M. B. a répondu d'avance à quelques-unes, il ne paraît pas en
avoir prévu de très fortes qu'il ne pourrait écarter.
Et d'abord comment comprendre que la réforme alexandrine ait pu
signe dans mon essai sur Servius p. 280-28 J. — Dans ce chapitre comme d'ailleurs
dans tout son livre, M. B. cite avec grand éloge l'article de Graux dans la Revue de
Philologie, il, 187S, p. 97, et il reconnaît {p. i86j le pas décisif qu'ont fait, grâce à
cet article, les études de stichométrie.
a HÎSTOÏKE iiT DK LI f IKU .". I UHK 89
s'accomplir si entièrement et s'imposer à tous sans rencontrer de résis-
tance? Tous les auteurs ont donc eu la docilité de substituer auK divi-
sions essentielles et réelles de leur sujet, des divisions factices, imposées
par des gens de métier? Il semble qu'en pareil cas les cantores Eupho-
rfo;2« eux-mêmes se seraient mis en révolte contre leursauteurs préférés.
Ce n'étaient pas ceux-ci d'ailleurs, mais bien les grands classiques grecs,
que les classiques romains reconnaissaient pour leurs modèles. Er si les
œuvres des anciens Grecs avaient été dans les rééditions récentes accom-
modées à la mode alexandrine, on ne manquait pas cependant crédi-
tions dressées suivant la méthode antérieure et nous en voyons encore
dans les papyrus. Callimaque disait: ]}.i-{(x Pi6/aov, \ii-^a. y.ay.cv; mais
Pline répondait : bonus liber melior est qiiîsque, quo major. M. B,
cite p. 141, au siècle d'Auguste, Strabon, pour qui la division en livres
n'était qu'accessoire: n'est-ce pas la preuve qu'on pouvait même à cette
époque ne pas se soumettre à ces règles qu'on nous dit inviolables? Si
l'usage alexandrin avait été à ce point tyrannique, nul doute qu'on
n'eût vu à Rome de libres esprits rompre nettement avec cet usage et
se conserver le droit de couper leurs ouvrages comme ils l'entendaient,
et d'écrire des livres longs ou courts.
Les deux époques n'étaient pas d'ailleurs aussi distantes, et la sépara-
tion n'était pas aussi tranchée qu'on le croirait d'après quelques
pages de M. B. Si les poèmes d'Ennius avaient été divisés suivant la
méthode alexandrine en livres d'une étendue déterminée, les poèmes
de Liviuset de Néviusau contraire étaient écrits d'enfilée, sans division.
Les Romains qui se sentaient prêts à s'affranchir, auraient donc pu,
sans recourir aux Grecs, trouver chez eux des autorités, qui n'étaient
pas si éloignées, et des exemples éclatants de l'ancienne liberté.
Voyons d'ailleurs les faits et les textes. Est-il vrai que l'état de la li-
brairie ancienne imposât aux auteurs ces formes arrêtées et invariables?
Ne parlons pas des Grecs du siècle classique, puisque, d'après M. B.,
'toutes les divisions de leurs ouvrages en livres sont d'un âge postérieur.
L'athétèse est bien générale; admettons-la; ne parlons, pour simplifier,
que des auteurs qui ont suivi les Alexandrins. Laissons encore de côté
les livres publiés séparément ([ji,ovô6''.-SAa, p. 43). M. B. admet pour eux
tant d'exceptions qu'en fait ils ont l'avantage d'échapper à toutes les
règles ^ Prenons des ouvrages qui comprennent plusieurs livres, exa-
minons ces parties de l'ouvrage en les comparant les unes aux autres.
M. B. soutient que dans toutes les publications soignées, l'étendue des
livres était sensiblement la même; que c'est à ce signe qu'on recon-
naissait dans un ouvrage une composition égale et symétrique [q tôjv
I. Le minimum, pour les aovs6'.5Aa, descendait très bas, jusqu'à deu.v cents et
même jusqu'à cent vers, l'étendue de très plagulœ; et pour eux il n'y avait pas
pour ainsi dire de maximum; si le livre était trop fort, on avait la ressource de le
diviser en deux ou trois parties, comme on fit pour le Brtitus de Cicéron (p. 3i3,
note 2), pour l'abrégé de Velleius Paterculus fp. 32o), etc.
90 REVUK CRITIQUE
àp(ô|xwv àp\).o'nx, consentanea divisio partium, p. i53). Voyons si cette
règle était observe'e par les meilleurs écrivains latins.
M. B. indique i loo vers comme le maximum régulier pour les livres
des poètes. Nous comptons bien 1090 v. au III'' livre de Lucrèce; mais
il y en a i loi au I", 11 74 au II'; 1279 au IV^; 1284 au VP, et 1455
au V«. Suftit-il, pour écarter l'exception, de dire, comme M.B. (p. 292),
que Lucrèce est un ancien poète, et qu'il a pu rester étranger à l'in-
fluence alexandrine que subirent aussitôt après lui Catulle et Virgile?
— L'inégalité n'est guère moindre dans les satires de Juvénal: P^, 990 v.;
IP\ 661; 111^,668. — Les livres des Géorgiques n'ont qu'un peu plus de
de 5oo v. tandis que celui des Bucoliques en compte 829, à peu près
comme ceux de l'Enéide. Les Géorgiques, dit M. B., sont un poème
didactique; comme l'œuvre de Lucrèce, je pense. — On connaît le carac-
tère d'Horace, le soin qu'il apportait à toutes choses, petites et grandes,
le tact dont il a toujours fait preuve, dans ses jugements, dans ses
écrits, comme dans sa conduite. Horace a divisé ainsi les trois premiers
livres de ses odes : P»" livre, 876 v. ; 11% 572 v. ; 111% 1014 v. C'est
un manque d'habileté, dit délibérément M. B. (p. 294 besonders un-
geschickt ist offenbar Horaz verfahren). Lucrèce un ancien, Horace
un maladroit ! voilà des exceptions bien faites pour ruiner une règle.
Passons à la prose et prenons par exemple les discours de Cicéron
On ne dira pas de lui comme de Strabon, de Polybe, de Diodore, qu'il
était de la vieille école. Laissons les discours de peu d'étendue. Voici la
seconde action contre Verres. Les remarques de M. B. nous font par-
faitement comprendre la division de ce long discours en cinq livres de
sujets distincts. Mais par l'étendue, ces livres ne diffèrent guère moins
entre eux que ceux des poètes : I, i58 §§, dans Baiter, 5o p.; II, 192,
61 p.; III, 228, 80 p.; IV, i5i, 55 p.; V, 189, 62 p. : le troisième
livre dépasse donc les autres d'un tiers, de la moitié et de plus de la
moitié. On trouverait ailleurs les même inégalités ou pour mieux dire
la même variété : Cicéron, Tusculanœ : livre II, de iioo à 1200 li-
gnes; livre I, 2000 1. ; même différence entre le i"' et le 2" livre du De
finibus; De officiîs: livre II, de 1400 à i5oo 1. ; I, 2 3oo 1. ; De oratore :
livre III, 2700 1.; II, 4000 1.; Epist . fam. XIII, 2024 1.: ad Quint.
111,8341.; César. ^. G. livre II, 707 1. ; VII, 2073, 1. etc. 1.
Il ne faut donc pas prendre à la lettre ce que dit M, Birt. II a raison
dans l'ensemble ; nous pouvons retenir le fond de son système qui a
l'avantage de préciser et de faire bien voir les faits, mais à la condition
I. M. B. distingue pour les livres en prose jusqu'à i3 formats. Si le minimum
est à iioo lignes, le maximum est à 5184 lignes. II y avait, on le voit, une belle
marge et les auteurs pouvaient choisir.
Je n'ai pas voulu multiplier les citations; mais on trouverait bien d'autres exem-
ples d'inégalités pareilles dans les lableaux de M. B. p. 326 et suiv. Car M. B. donne,
avec une grande loyauté, aussi bien les faiis contraires à son système que ceux qui
sont propres à l'appuyer.
d'histoire et de littérature 91
de le ramener à une forme moins absolue. Dans des choses qui sont de
mode et de commerce, on se prête à tous les tempéraments nécessaires.
On admet même les contradictions directes, pourvu qu'elles viennent de
gens d'esprit. A supposer qu'Horace ait eu maille à partir avec les So-
sie, quoi qu'il ait exigé, ceux-ci n'auraient pas manqué d'y donner les
mains. Tout libraire finit par s'entendre avec le poète le plus irritable
pourvu qu'il ait du talent et ses vers du débit. S'il y avait des règles,
elles comportaient pour \cspolybibla comme pour les monobibla toutes
sortes d'exception. De même que nous avons des plaquettes, des volu-
mes du type moyen et de très forts volumes, les rouleaux des anciens
étaient de forme et d'étendue très diverses. Le nombre des lignes étant
noté dans la suscription, le copiste prévenu n'avait qu'à se pourvoir
d'un rouleau convenable. Les auteurs n'étaient pas emprisonnés dans
un cadre étroit; ils n'avaient pas à user dans une lutte ingrate le meil-
leur de leurs forces; l'écrivain n'était pas esclave-né du copiste; il y
avait place pour le libre essor de l'esprit. C'est tout ce que nous vou-
lions retenir.
Si M. B. a le tort d'arriver trop vite à des conclusions trop absolues,
il a le mérite de vouloir et de savoir conclure. Ses preuves sont enchaî-
nées et forment un véritable système. Il voit les choses et il tient à nous
les faire voir. Que quelques parties perdent ainsi de leur exactitude
comme par suite d'effets voulus d'optique, ce n'est pas un grand mal,
quand on a l'avantage de découvrir à cette vive lumière toutes sortes de
points jusqu'ici laissés dans l'ombre. Ajoutons que dans ce domaine
étendu et qui touchait aux matières les plus diverses, elles sont toutes
traitées avec une égale compétence. M. B. est partout chez lui et con-
naît les bons chemins.
Ahn de montrer combien est suggestive la lecture du livre de M. B.,
qu'on me permette d'en détacher encore deux remarques. On sait le
sens que les modernes attachent au mot livre : réunion de ciiapitres,
section d'un sujet faite avec choix et réflexion. Ce sens est étranger à
l'antiquité. Les anciens entendaient par livre l'étendue d'un rouleau
continu, donc une section forcée et matérielle d'un ouvrage. Cf. nos
mots : tome, volume. On oublie trop souvent que de cette signification
ou plutôt de cet usage résultait la nécessité de placer au commence-
ment de chacune de ces sections quelque transition, parfois un préam-
bule; il fallait de même résumer à la fin ce qui avait été raconté ou
prouvé et s'arrêter à quelque conclusion. Un auteur habile ne man-
quait pas de faire coïncider ces divisions matérielles avec les divisions
naturelles du sujet. Rien n'est plus juste que cette observation féconde en
conséquences de toute sorte. - De même pour avoir vu de très anciens
mss. en parchemin, nous croy'ons que les livresdes anciens Juraient autant
et plus que les nôtres. Rien n'est plus taux. Le livre en papyrus, sans
cesse menacé par les vers et par l'humidité, durait en moyenne un siècle.
Pline cite comme une rareté un livre qui avait deux cents ans. Il fallait
93 REVUE CRITIQUE
donc sans cesse les renouveler, et l'on devine combien se sont succédé
de copies d'Eschyle, de Demosthènc, de Térence et même de Cicéron,
avant qu'on fût arrivé au temps où, consignés sur le parchemin, ces
ouvrages prirent enlin une forme plus durable.
L'auteur raconte dans sa préface qu''il a été amené à traiter son sujet
en étudiant d'abord les rapports du livre avec la littérature. C'est aussi
par ce côté que le lecteur sera surtout attiré et c'est là qu'il s'arrêtera
davantage. On trouvera dans les chapitres qui touchent à l'histoire litté-
raire des conclusions neuves et très vraisemblables sur beaucoup d'au-
teurs: sur Catulle, dont les œuvres formaient d'abord quatre livres ; sur
les poèmes de Tibulie qui n'en comptaient que deux; sur Properce dont
le premier livre (monobiblos) était indépendant, tandis que les quatre
autres (II A, 1-9; II B, 16-34; III et IV) forniaient un groupe et une
édition séparée, cûv-raÇtç. Je pourrais citer aussi ce qui est dit de Théo-
crite ', de Nonius, de Phèdre; de l'Anthologie grecque, où M. B. re-
trouve un livre isolé (Epideictica, 21 5-3 12); deV Anthologie latine qu'il
regarde comme un abrégé, fait vers le vu*^ siècle, d\\ne Anthologie com-
posée vers le milieu du vi".
Voici quelques critiques de détail. M, B. cite p. 407 la fin de l'épi-
gramme de Martial à Silius, IV, 14 : « sic forsan tener ausus est Catul-
lus magno mittere passerem Maroni ; » et il en veut tirer un indice de
lu division primitive des poèmes de Catulle en livres; la première épi-
gramme servirait ici, comme c'était l'usage chez les anciens, à désigner le
livre entier. Mais on objectera que le fait lui-même n'est ni vrai, ni
vraisemblable : tout le prouve, les dates, le/orsan qui est modeste, le
ton même du passage. Il faut mettre quelque peu du sien pour conclure
de l'hypothèse de Martial à la forme réelle des poèmes de Catulle.
On aurait à regretter çà et là des obscurités dans la rédaction, des di-
gressions, et souvent des longueurs. On eût volontiers renoncé a\ixprœ-
mia déplus d'un chapitre et à mainte broderie sur des thèmes connus
(ainsi p. 290, 299 etc.) pour avoir les indications que nous refuse ensuite
l'auteur, faute de place (ainsi p. 419 et p. 426). — Toute la p. 3i pou-
vait être supprimée. La phrase discutée est empruntée à urie scolie de
Servius, ^En. I, 368, qu'on ne trouve que dans les mss. du xv^ siècle,
(édition Thilo : add. D), et qui n'apparaît pour la première fois que dans
les éditions de Fabricius. Le rapprochement est dû à quelque humaniste
de la Renaissance. Rien d'étonnant qu'il se soit exprimé avec inexac-
titude et en mauvais latin. — Pour la notation d'Asconius, p. 159 :
« circa tertiam partem a primo, » le régime n'est plus ici comme dans
les autres citations du Pro Scaiiro: orationis; il faut sous-entendrc
quelque autre mot. En raporochant ce qui est dit p. 179. de rhabitudj
d'Asconius et de la nature du texte dont il se servait fopistographa) ,
I. Voir dans \a. Revue du ii octobre 1881, p. 3i5, un article sur l'étude de
M. Birt. intitulée 'EXTrfcs;.
D HISTOIRK KT DK LnXlCRATUKK g^
on pourrait, ce me semble, entendre; « circa tertiam parîcm chartœ » :
ùu recto. — Le changement que propose M. B. pour Properce (II, lo,
7-8, vers à reporter après 20) n'est pas satisfaisant, et le sens qu'il donne
à qiiando {quand , avec le sens tutur) est contredit par le temps de dicta
est. — De même il y a erreur sur la citation de Senèque p. i55. Le
parfait recessi aurait dû mettre en garde M. B. Senèque fait allusion au
§ 16, 33,7, B. de la même Siiasoria : « quod a declamatoribus ad lus-
toricos transeoy>. S'il y a digression, c'est là qu'elle commence, et non
à partir de la VU" <c suasoria; » ou plutôt il n'y a nulle part aucun rem-
plissage. Il est singulier, mais il est certain que Senèque avait à se faire
pardonner de ses fils, grands amateurs de déclamations, les citations
curieuses qu'il venait de faire. — L'exemple du Pro Archia p. 206. est
bien bizarrement placé entre une citation d'Isocrate et une autre d'Hé-
rode Atticus. Une s'agit pas ici, comme dans ces deux auteurs, de lignes
de prose, mais de vers, puisque Gicéron ajoute aussitôt : « atque sic
accepimus /7oe?a?n... »
Je suppose que M. B. préfère â toutes les parties de son livre sa pré-
face, sa conclusion et quelques pages écrites du même style (p. 872 etc.).
Pour moi, j'avoue que c'est là justement ce qui me plaît le moins dans
son ouvrage; je ne puis m'empêcher de trouver de mauvais goût des
rapprochements entre la liberté des républiques grecques et le système
des gros rouleaux, entre la monarchie alexandrine ou romaine et le
système des petits rouleaux. M. Birt a manque sa conclusion : il
n'importe, puisqu'il n'a pas manqué son livre.
F^. Thomas.
l33, _ §^inion «le Montrort:, eois»te «!e I^eîcestei*; sa vie (S*iO^-B %G;j),
son l'ôlo politique en Fi-amco et ers 7^sj,',;!eïei-j"es pai' Charles Bémon'T,
docteur ès-lettres. Paiis, Alphonse Picard, i vol. in-8, de xxviii-Sijj pp. Prix :
7 fr. 5o.
La figure de Simon de Monfort, l'une des plus grandes et des plus
incertaines de l'histoire d'Angleterre, a prêté à une multitude de re-
constitutions; le vague même dont son image était entourée, a permis
aux esprits inventifs de redresser le personnage, de l'exagérer, de le
douer de rares vertus policiques et de nous le présenter tel qu'un géant
des temps héroïques. A côté du front nimbé de Saint-Louis, sa tête guer-
rière est placée par une foule d'historiens dans leur galerie des grands
hommes du xni" siècle comme celle d'un génie protecteur, chargé de
défendre, devant le tribunal de la postérité, le renom de cet âge épique.
Rapprochés de ces modèles gigantesques, les pygmées des siècles sui-
vants ne gagnent guère à la comparaison et nous les voyons défiler,
mesquins personnages, stigmatisés presque tous par la qualification d'â-
mes égoïstes, d'esprits étroits, de cœurs petits. Pour le principal histo-
94 REVUE CRITIQUE
rien tie la constitution anglaise, M. Stubbs, on sait que le xiii" siècle
n'est rien moins qu' « une époque héroïque... un âge de dévouement et
d'abnégation. »
M. Bémont n'a voulu faire ni l'apologie ni le procès du comte, ni
même reconstituer de toutes pièces sa figure en comblant, au moyen
d'hypothèses, les vides laissés par le temps. Son travail est autrement
louable et utile, car il a su se restreindre, malgré des tentations évidem-
ment bien vives, à dresser Tinventaire méthodique des faits connus
d'une manière positive qui concernent l'illustre guerrier ou auxquels il
fut mêlé. Dès que l'authenticité des récits devient douteuse. M. B. nous
avertit; dès que les documents font défaut et que la légende commence,
il a le courage de s'arrêter. La part du réel et du fictif est faite avec le
soin le plus consciencieux; désormais nous savons quels fragments de
cette histoire sont venus jusqu'à nous et quelles lacunes subsistent; nous
avons sous les yeux quelque chose de pareil aux grandes plaques niel-
lées des tombes de Westminster, à celles qui ont été pieusement lavées
de leurs poussières mais non pas restaurées. Ce que le temps a respecté
parait net aux regards, les brisures et les vides ne sont point dissimulés
et le visiteur n'est pas induit à prendre pour antiques les ingénieuses
reconstitutions des artistes contemporains. C'est parce qu'il a épuisé en
conscience les sources d'information que présentent les archives de Pa-
ris, de Londres, de Leicesîer, d'Oxford, que M. B. peut avouer sans
honte dans certains cas qu'il ne sait pas : ce qui, en termes plus généraux
et moins modestes, signifie : « personne ne sait. » C'est ainsi, il faut le
reconnaître, que la clef des différends survenus entre Simon et son ne-
veu Esquivât de Chabannais, avec toutes leurs phases contradictoires,
est encore à découvrir, et ainsi encore que la vie de famille du comte
de Leicester se dérobe « sous un voile difficilement pénétrable ; » nos
renseignements sur son enfance, son éducation, la date de sa naissance
sont également insuffisants. En revanche, les deux périodes de sa car-
rière les plus importantes au point de vue historique viennent en pleine
lumière, savoir la péiiode de son gouvernement de la Gascogne et le
temps dans lequel, selon la juste expression de M. B., Simon joua en
Angleterre le rôle de « protecteur » du royaume.
Dans son métier de vice-roi d'une province turbulente et riche, Simon,
qui ne faisait guère que débuter dans la vie publique, se révèle tout de
suite tel qu''on le retrouvera à Lewes, à Londres et à Evesham : esprit
pratique, intrépide, sans scrupules et sans pitié, alliant le soin de sa for-
tune à la poursuite du bien public, mais beaucoup moins préoccupé de
celui-ci que de celle-là. L'état de la Gascogne à cette époque est tort
curieux à étudier; ses habitants étaient traités par le comte et par ses
soldats d'après des méthodes fort semblables à celles que nous avons vu
appliquer aux tribus barbares de l'Algérie dans les premiers temps de la
conquête; les campagnes incessantes répondaient aux révoltes incessan-
tes ; le pillage et les ghazias servaient de part et d'autre d'encouragé-
OHISTOIRK ET DE Li'fTÉUATURK gS
ment pour le soldat. La justice de Simon est expéditive et peu minu-
tieuse; tantôt il brûle contenant et contenu, toute une maison pleine
de bandits (ch. ii p. 3g), tantôt il protège un brigand qui a su lui
plaire; partout où il est vainqueur, il pille et rançonne les vaincus. On
ne suivra pas avec moins d'intérêt Thistoire des interminables querelles
des Rostein et des Colon, ces Montagu et ces Gapulet de Bordeaux, qui,
par leurs dissensions, partagent la ville en deux camps, et ensanglan-
tent le pays, et que Simon ruine et tue autant qu'il peut, pour avoir la
paix.
Rapproché de ses contemporains et surtout de son souverain le vacil-
lant, faible et ambitieux Henri III, Simon, comme Gromwell et comme
Napoléon, mais sans avoir, tant s'en faut, un génie égal, semble un
homme de fer marchant parmi des hommes de liège. Quiconque est
frôlé par sa lourde cotte-de-mailles, tombe. Inquiet de la mobilité
de caractère du roi et des revirements soudains qu'il avait remar-
qués dans les esprits de ses compatriotes d'Angleterre, Simon de Mont-
fort chercha à donner quelque iixité, par le moyen des serments les plus
solennels, aux engagements politiques, qu'il avait besoin de faire pren-
dre au prince et à son peuple. Le renouvellement des grandes chartes
fut le moyen qu'il employa vis-à-vis du roi ; la convocation d'un par-
lement extraordinaire fut celui qu'il adopta vis-à-vis de la nation. M. B.
montre avec la plus parfaite lucidité que : i" Simon n'eut aucunement
ridée noble et désintéressée, à lui prêtée par beaucoup d'historiens, de
mettre entre les mains du peuple un instrument de contrôle qui permît
aux masses de résister en cas de besoin aux empiétements delà royauté; il
s'agissait pour le comte d'assurer la durée de lois d'Etat fondamentales, et
il lui parut nécessaire que le plus grand nombre possible de représen-
tants du pays les consacrassent de leur aveu; il leur demanda « moins une
discussion que leur assentiment aux résolutions déjà prises » (ch. vu,
p. 23o) ; 2° Simon n'eut aucunement l'idée d'inventer, d'innover, de don-
ner une constitution politique à sa patrie; on ne saurait soutenir avec
M. Stubbs qu'il prévit en aucune manière « l'utilité et les gloires futu-
res », de l'institution du parlementa II n'eut rien à emprunter ni à la
Gascogne, ni à l'Aragon, ni à la Sicile, comme on l'a soutenu tour à
tour. Il ne fît rien que s'inspirer de précédents purement nationaux
qui, il est vrai, reçurent par son fait une importante consécration. La
réunion d'un « Conseil commun » ou parlement du royaume était
chose usuelle et normale; depuis l'époque de la majorité d'Henri III,
en particulier, il .s'était assemblé à peu près tous les ans. Il était formé
principalement par les membres de la haute noblesse et de la haute
église ; mais dans les circonstances importantes on y avait appelé aussi
de moindres personnages. En 121 3 les représentants des villes y avaient
été convoqués; en 1227 tous les libres tenanciers de la couronne y figu-
I. Constitutional History of England, Oxford 1880, t. II, çh. xiv, p. io8.
96 REVUK CRITIQUE
rent; en 1247 les représentants de toute la noblesse, la haute et la basse,
sont appelés; en 1254 deux chevaliers par comté viennent siéger; Simon
lui-même convoque quatre chevaliers en 1264. ^'" J265, il réunit le
célèbre parlement où figurèrent, avec les barons et les prélats, à la fois les
délégués des villes et les chevaliers des comtés. Cet appel simultané des
représentants de la classe urbaine et de la classe rurale est sans doute fort
remarquable; mais c'est, dans l'histoire de la constitution anglaise, une
innovation moins capitale que celle qui fit appeler pour la première fois
au conseil commun, les députés bourgeois en 121 3. Simon eut telle-
ment peu l'intention d'innover ou même simplement d'établir ce précé-
dent à titre de règle qu'ayant eu encore à convoquer un parlement en
juin de cette même année i265 (son dernier parlement), il n'y fut plus
question des communes. Celles-ci ne furent régulièrement appelées que
que lorsque la royauté reconnut, à n'en pas douter, le besoin permanent
qu'elle avait de leur aveu : cela eut lieu sous Edouard I". Les deux
grandes dates de l'histoire parlementaire au xiii'' siècle sont donc 12 r 3
et 1295. La date i265 marque seulement une étape intermédiaire dont
l'importance est certaine, mais a été généralement exagérée.
Chemin iaisant, dans le cours de cette biographie, on trouvera, à côté
des grands faits que nous venons de résumer, une foule de détails et
d'exposés d'un très vif intérêt historique. On ne fera pas sans plaisir la
connaissance des amis de Simon, de Robert Grosseteste, évéque de Lin-
coln, à qui il confiait volontiers ses enfants lors de ses absences, de Jean
de Basingstoke, l'un des rares clercs anglais qui, commue le précédent, sa-
vaient le grec au xiir siècle, d'A.dam de Marsh qui écrivait au batailleur
pour lui conseiller de lire les Ecritures, notamment « les chapitres 29,
3o et 3 r du livre de Job... et les plus suaves dissertations de saint Gré-
goire, » dans le temps que Simon, tout occupé de guerres, de conquêtes
et de procès, courait grand chance, en effet, de négliger ces méditations si
recommandables (ch. ni). On trouvera encore dans le livre de M. B. des
exposés sommaires très bien faits de plusieurs grands mouvements so-
ciaux politiques ou religieux contemporains de Simon, tels que l'éta-
blissement des dominicains et des franciscains en Angleterre (ch. ui), la
réforme et la confirmation des grandes chartes (ch. iv), l'institution ré-
gulière des juges errants ou itinérants (ch. iv), etc.
Pour faire jusqu'au bout métier de critique, nous contesterons, du
moins pour partie, en finissant, le sens donné par M. Bémont au mot
a honourwCch. n). Il n'y a pas de doute que dans beaucoup de cas
a honour » avait la signification de c< caput baroniaî. » C'était le ma-
v\o\v principal du seigneur, celui que nous appellerions le lieu de son
domicile légal et qui était considéré comme le centre de son action sur
ses divers autres manoirs. C'est ainsi, par exemple, que le château de
Chilham était la tête, 1' « honour » de la baronnie de Douvres. Nous re-
procherons aussi à M. B. une bibliographie un peu maigre dans laquelle,
sans parler du livre fondamental de M. Thorold Rogers, sur les prix,
d'histoire et DlC LITTÉRATURE 9/
ùoiJt M. B. a sûrement fait usage,, le bel ouvrage de M. Elton (Tenures
o/Kent, Londres, 1867, in-8°), qui contient le résultat de recherches im-
portantes sur les diverses sortes de tenures non seulement dans le Kent
mais dans toute l'Angleterre, aurait dû incontestablement figurer. Mais
c'est pour nous un devoir, en considérant une dernière fois l'ensemble,
de rendre hommage à la lucidité, au soin, au véritable sens historique
avec lequel M. Bémont a traité son difficile sujet. L'Académie française
en le couronnant il y a quelque temps, n'a fait que lui rendre justice, et
les historiens de l'avenir lui rendront justice aussi en adoptant, pour
formuler leur jugement définitif sur le comte de Leicester, la dernière
phrase de sa conclusion : « Sans peut-être en avoir conscience [Simon]
a créé un des précédents les plus caractérisés qui préparèrent la lente
évolution de l'Angleterre vers la liberté politique; il n'a pas créé autre
chose, mais cela suffit à sa gloire. »
J. J. JUSSERAND.
VARIETES
Un dclaîl I>io;îi>ai>Iiique i-elatif à I%i!ai>ceau.
J'ai dit dans le dernier numéro de la Revue critique (n" 3o, 27 juil-
let, p. 77, note i) que Marceau devait être lieutenant-colonel par in-
térim au siège de Verdun. Voici, en effet, ce que dit le meilleur biogra-
phe de l'héroïque Ghartrain, Doublet de Boisthibault. qui nous assure
avoir reçu des bureaux de la guerre la copie des états de services du
général : Marceau était capitaine du i" bataillon des volontaires na-
tionaux d'Eure-et-Loir le 12 juillet 1792; puis adjudant-major le
ler décembre de la même année, et lieutenant-colonel le 25 mars 1793.
Mais, en ce cas, comment Marceau, simple capitaine le i^r septembre
1792, aurait-il signé, à cette date, la délibération du conseil défensif de
Verdun en qualité de lieutenant-colonel? Pour résoudre la difficulté,
il fallait supposer qu'il n'avait alors ce grade de lieutenant-colonel que
provisoirement.
Un examen attentif des lettres de Marceau reproduites par Doublet
de Boisthibault m'a convaincu que les dates données et par ce biographe
et par les bureaux de la guerre sont entièrement inexactes et que Mar-
ceau était en réalité le 1" septembre 1792 lieutenant-colonel en second
du i" bataillon d'Eure-et-Loir.
Doublet publie, en appendice, 58 lettres de Marceau. Il place la
8" de ces lettres qui n'est pas datée, en 1793. On y lit le passage suivant :
« Je suis plus élevé d'un grade et d'adjudant-major, je suis lieutenant-
colonel en second. »
98 REVUE CRITIQUE
Mais cette lettre est timbrée de Reims; les lettres préce'dentes qui
portent les n°^ 3 et 4 portent également le timbre de Reims ; dans la lettre
n° 3 Marceau signe « adjudant-major » et dans la lettre n° 4. « lieute-
nant-colonel » : la lettre n" 3 étant du i3 mars 1792 et la lettre n» 4 du
4 mai 1792, c'est à la iin de mars et probablement dans les premiers
jours d'avril 1792 que Marceau fut nommé lieutenant-colonel et c'est à
cette date, entre les deux n°' 3 et 4. que doit figurer la lettre 8, que
Doublet a mise par erreur à l'année 1793.
En résumé, on ne peut admettre les chiffres que donne Doublet
sur les commencements de la carrière militaire de Marceau. L'intrépide
soldat se fait inscrire comme volontaire le 27 juin 179 1 ~ on m'a com-
muniqué ce détail à Chartres tout récemment; — peu après il est élu
capitaine, puis adjudant-major, enfin lieutenant-colonel en second,
et il a ce dernier grade avant le 4 mai 1792.
Je profite de cette occasion pour ajouter un nouveau détail à mon
article sur le Hoche et Marceau de M. Albert Duruy. Je disais que
Chérin, le fidèle chef d'état-major de Hoche, reposait lui aussi en terre
étrangère à Huningue. J'ai lu depuis que le Conseil des Cinq Cents
avait ordonné, sur la proposition de Joseph Chénier, de réunir les
restes de Chérin à ceux de Hoche et de Marceau dans le mausolée élevé
sur les bords du Rhin [Moniteur du 1 3 messidor an VII).
A. Chuquet,
CHRONIQUE
ALLEMAGNE.— Les 20 et 21 juin s'est réunie à Weimar une « assemble'e consti-
tuante », composée de plus de cent personnes et chargée de fonder une Société de
Gœthe (Gcethc Gesellschaft). Dans la séance du 20 juin, M. de Loen, nommé président
de l'Assemblée, annonça que par testament de Walter de Gœthe, le dernier descen-
dant du poète, la grande-duchesse de Saxe Weimar possédait désormais toutes les
archives de Gœthe; qu'elle voulait rendre ce précieux trésor accessible à la nation;
qu'elle désirait faire entreprendre deux grands travaux : 1° une édition authentique
de Gœthe, d'après les matériaux existants, les travaux préliminaires inédits, et les
fragments du poète ; -2.° une vaste biographie de Gœthe qui épuiserait le sujet. Après
ce discours de M. de Loen, l'assemblée adopta les statuts de la Gcethe-Gesellschaft
(réunions annuelles des membres, continuation du Gxthe-Jahvbuch, représentation
des œuvres dramatiques de Gœthe, conférences sur le poète, fondation d'une grande
Gœtlie-Bibliothek à. Weimar dans le « Gœthe-Archiv », enrichissement du « Gœthe-
Museum », comité de onze membres dont trois demeurent à Weimar ou à Jena,
souscription annuelle de 10 mark, etc.). Dans l'après-midi eut lieu un banquet et
le soir, au théâtre, fut jouée Stella. Dans la séance du lendemain (21 juin) on
nomma le comité qui fut composé de MM. Simson, Schcrer, de Loen, K. Fischer,
P. Heyse, de Loeper, de Beaulieu, Rûmelin, E. Schmidt, Eggeling, Ruland.
MM. Ruland, de Loeper et Scherer prirent successivement la parole. M. Ruland
parla de la richesse des collections artistiques de Gœthe. M. de Loeper annonça
qu'il avait fouillé deux armoires, sur six, des archives de Gœthe ; il a trouvé le seul
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE qg
exemplaire connu de la Hœlleiifalvt Jau Christi dans un journal uc Francfort,
die Sichtbaren (1766), le manuscrit du Juif errant, le premier manuscrit de Gœt:^,
des dialogues inédits de 1774 (14 cet.) où Frau Aja joue un rôle, plusieurs ma-
nuscrits de Promêthée (un de Lenz, un autre de M"^' de Gœchhausenj, un petit vo-
lume où Gœthe a rassemblé ses poésies de jeunesse, un autre qui contient celles
qu'on a trouvées dans les papiers de Herder et de M°" de Stein, trois copies du
Triumph dcr Empfindsamkeit, trois versions des Mitschuldigen, le ms. d^Iphigénie
en prose et en iambes, celui d'Elpénor en double, celui du Tasse, le commencement
d'une tragédie en cinq actes, Das Mcedchen von Oberkirch, les Elégies romaines
entièrement de la main de Gœthe, les Epigrammes vénitiennes , trois manuscrits
autographes renfermant de nombreuses poésies inédites, les unes erotiques, les au-
tres dirigées contre Lavater, le Grand-Cophte sous forme d'opéra, le ms. de Her-
mann et Dorotiiée, corrigé peut-être par Humboldt, revu certainement par Gœthe,
un très beau ms. de V Achilléïde et la première esquisse, jusqu'au NI" chant, de l'en-
semble de cette épopée, des essais sur Homère, et, par ex. un Versuch eine dunkle
homerische Stelle ^11 erklcercn et un essai de traduction en hexamètres de plusieurs
chants, de nombreux matériaux sur le Divan, (toutes les poésies autographes, datées
pour la plupart, et avec diverses variantes), un très grand nombre de petites pièces
devers {Zahme Xcnien, Invectivcn, politische Verse, Eroiica, satires), l'esquisse
d'un Volksbuch populaire (1808), les journaux que tenait Gœthe ou Tagebùcher de
177Ô au 16 mars i832 (avec une lacune de 1782 à 1796, faiblement comblée par
deux appendices datés l'un de 1791, l'autre de 1793). M. de Loeper remarque à ce
propos que, plus le poète avance dans la vie, plus son journal devient détaillé et
plein de choses; au moment de la mort de Schiller, Gœthe laisse quelques pages
blanches; il s'est d'abord servi de petits calendriers pour écrire ses impressions au
jour le jour, puis du calendrier de Gotha jusqu'en 1817, enfin de cahiers in-folio ;
chaque année comprend presque toujours quatre gros volumes : aussi, ces journaux
seront-ils la base des futures biographies, et grâce à eux, on pourra déterminer très
exactement une foule de dates importantes pour la vie et les œuvres du grand écri-
vain. Enfin, iM. de Loeper annonce la découverte d'une quantité de lettres, les unes
en copies soignées (depuis 1807), les autres en original, par exemple des lettres de
Gœthe à sa sœur et à Behrisch. 38 lettres à Fritsch, la correspondance du poète
avec sa femme de 1792 à 1S16 (beaucoup de renseignements précieux, beaucoup de
chaleur et de tendresse), des lettres inédites de Charles-Auguste, 180 lettres de la
mère de Gœthe, de nombreu:; billets de M""' de Stein, de M™-^ de Grotthus et d'Ey-
benberg, de Christiane Vulpius, des souvenirs de Charlotte Buff (1798) et de Lili
Schœnemann (1801), etc. Après M. de Loeper, M. Scherer parla des matériaux du
Faust que renferment les archives; Gœthe destinait cette œuvre à la scène, il vou-
lait l'abréger et il a laissé le « schème » du i" acte, etc., etc. Ajoutons que dans
l'après-midi du 21 juin, tous les membres du congrès furent invités au Belvédère où
le grand duc et la grande duchesse de Weimar leur firent un gracieux accueil et
leur assurèrent, l'un comme protecteur de la nouvelle société, l'autre comme pro-
priétaire des archives de Gœthe, qu'ils sauraient conserver et transmettre à la na-
tion les trésors que leur a laissés le testament du dernier descendant de l'illustre
poète. — Nous avons tiré ces renseignements d'un très long et très intéressant
article de la Deutsche Liieratur:^eitung ; cet article, rédigé par M. L. Geigeu, vient
de paraître à part, sous forme de brochure, à la librairie Weidmann; il a pour
litre Die Constituierung dcr Gœthc-Geeellschaft in Weimar (petit in- 8, rG p.)
100
REVUE CRITIQUE D HISTOIRE ET DE LITTERATURE
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 24 juillet 188^.
L'Académie procède à l'élection d'un membre de la commission des écoles fran-
çaises d'Athènes et de Rome, en remplacement de M. Léon Renier : M. Henri Weil
estéiu.
MM. Delisle et Weil sont élus membres de la commission chargée de la révision
des comptes.
M. d'Arbois de Jubainville envoie l'estampage d'une inscription qui a été trouvée
aux Pousseaux, commune de Dijon, et qui appartient à M. E. de Torcy. Elle se lit
ainsi :
MANDVBLI
D DOVSONNI • FIL M
ETSVARICAVXS
c'est-à-dire, selon M. d'Arbois de Jubainville : « Dis Manibus Mandubilli, Dousonni
filii, et Suarica uxsor. » L'inscription est gravée au-dessus d'une niche où se voient
deux têtes, l'une de femme à gauche, l'autre d'homme adroite. La partie inférieure
de la stèle manque.
M. Maspero rend compte des fouilles qui ont été faites sous sa direction en Egypte
depuis un an.
Les travaux du déblaiement de Louxor, dont les frais sont payés par des souscrip-
tions recueillies en France et en Angleterre, ont été poussés activement. On restaure
sommairement les murs à mesure qu'on les déblaie, afin d'en assurer la solidité. Une
restauration semblable a suffi pour arrêter la ruine des pilônes de Karnak, qui pa-
raissait imminente. Les habitants de Louxor ont été expropriés et presque tout l'es-
pace du temple est maintenant libre. Au reste, le compte rendu détaillé des fouilles
de Louxor ayant fait l'objet de plusieurs articles publiés par le Journal des Débats,
M. Maspero n'insiste pas sur ce point.
A Karnak, M. Maspero a dirigé des fouilles qui avaient moins pour objet d'enri-
chir le musée que d'acquérir des renseignements scientifiques. Il a cherché, en
explorant les ruines de la ville antique, à "se rendre compte du mode de construction
des maisons et des rues. Malheureusement, si les maisons de Kainak sont très an-
ciennes (elles remontent peut-être au x" ou xi* siècle de notre ère), la conservation
en est très imparfaite. On a mis au jour quelques chapelles, une entre autres, de la
xxvi" dynastie, entièrement cachée par les maisons environnantes, et destinée dès
l'origine à être ainsi cachée, car la surface extérieure des murs est restée brute. A
ration sommaire. Il signale une maison de quatre étages, entièrement conservée :
tous les étages sont voûtés en brique, et chaque voûte est couverte d'un plancher de
feuilles de palmier.
Des particuliers ont été autorisés à entreprendre des fouilles de leur côté. Une so-
ciété anglaise en a fait faire d'assez importantes, sous la direction de M. Flinders
Pétrie. On a reconnu l'emplacement de l'ancienne Naucratis, à En-Nabirèh. Sous
les pierres de fondation d'un temple, on a trouvé des objets commémoratifs déposés
au moment de la pose de la première pierre, comme cela se fait encore chez nous :
des outils de maçon, des spécimens de tous les matériaux employés dans l'édifice, etc.
Au musée dc'Boulaq, on a ouvert une nouvelle salle, consacrée aux antiquités
chrétiennes. Des stèles coptes importantes ont été trouvées à Erment et à Assouan,
dans la Haute-Egypte. Elles portent des inscriptions qui en fixent la date. Quelques-
unes de ces stèles, qni remontent au ix" siècle de notre ère, rappellent d'une ma-
nière frappante certaines parties des églises romanes du midi de la France. M. Mas-
pero voit dans ce fait une preuve de l'inHuence exercée à la fois dans l'Egypte et
dans l'Occident par les artistes byzantins.
Ouvrages présentés : — par M. Alexandre Bertrand : Quellien, Un Argot de
Basse-Bretagne; — par M. Delisle : Harrisse (Henry), Grandeur et Décadence de
la Colombine,
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Ci- i"Mr. imprimerie <ie Marchessou tlts. voulevard Saini-Laurer.r. oji.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
No 32 " 10 août - 1885
Sojaîiîîaîi-e î 1 34. Duka, Vie et oeuvres de Csoma. — i35. Cuq, Le conseil des
empereurs, d'Auguste à Dioclétien. — i36. Documents liistoriques bas-latins
provençaux et français, p. p. A. Leroux, Em. Molinier et A. Thomas, IL —
107. Prowe, Copernic, 1 et IL — i38. De Brémond d'Ars, Jean deVivonne. —
Chronique. — Société des Antiquaires de France.
■t
134. — Life and -ivoî-ks or Aïexawdei- Csotsia de Moros, by Théodore
Duka. London, Trûbner and G", i885, in-8, xn-234 pages. (Oriental Séries).
La vie et les travaux du fondateur des Etudes tibétaines ne sont pas
ignorés. On connaît les principaux incidents de sa carrière; et ses
ouvrages les plus importants, s'ils ne sont pas très répandus, sont ce-
pendant accessibles au petit nombre de ceux qui peuvent avoir à les
consulter. Toutefois, il n'existe de la vie de Csoma que des relations
incomplètes dispersées dans des recueils où il n^est pas facile dédier les
chercher, et Tensemble de ses écrits n'a jamais été réuni. Un compa-
triote de Csoma, qui a séjourné dans l'Inde, habité ou visité quelques-
unes des localités par lesquelles Csoma a passé, et obtenu des renseigne-
ments qui ne sont pas à la portée d'un chacun, a essayé avec succès de
combler cette lacune dans la mesure du possible. Le volume qu'il nous
offre, riche en documents, reproduit in-extenso des pièces qui n'a-
vaient encore été publiées que par extraits, il en contient de nouvelles,
de sorte que, en le lisant, on apprend à mieux connaître la vie et le ca-
ractère de Tin trépide et déterminé voyageur.
Nous n'insisterons pas ici sur la vie de Csoma; on la lira dans le livre
de M. Duka. Qu'il nous soit permis cependant de signaler la lettre où
Csoma raconte sa vie depuis sa naissance jusqu'à son arrivée dans l'Inde
britannique (p. 14-32), celle où il fait connaître les résultats de ses tra-
vaux et ses projets (p. 41-65), la lettre du D'' Gérard (p. 8o-g8), médecin
philanthrope qui, voyageant dans l'Asie centrale pour y propager la
vaccine et arrêter les progrès de la petite vérole, y fit la connaissance de
Csoma et donne sur son genre de vie les plus curieux détails. Il nous
le montre au monastère de Yang-la (province de Zanskar) « assis en-
veloppé dans un manteau de peau de mouton, les bras plies, lisant du
matin au soir, sans feu, sans lumière à la brune, sans autre lit que le
sol, sans autre abri que les murs de l'édifice contre un froid si rigou-
reux qu'il était obligé de faire un effort énergique pour sortir ses mains
de leur enveloppe de laine afin de tourner les pages de son livre
(p. 83). »
Nouvelle série, XX. 32
102 RliVUE CRITIQUE
Je n'insiste pas non plus sur le caractère de Csoma. Je relève seule-
ment ce trait : absolument dénué de ressources et obligé d'accepter,
quelquefois de demander des secours, il ne voulut jamais rien recevoir,
au moins pour ses besoins personnels, d'un particulier quelconque,
même de la Société asiatique de Calcutta; il n'accepta que des subsides
du gouvernement, il se regardait comme étant au service du public et
travaillant pour lui.
Je n'insisterai pas non plus sur la valeur des travaux de Csoma.
M. D. leur a consacré un appendice considérable (p. 169-234). Je divi-
serais volontiers les écrits de Csoma en quatre groupes : i^ les publi-
cations isolées; elles se réduisent à sa Grammaire tibétaine et à son
Dictionnaire; 2° les articles publiés dans le tome XX des Asiatic j'es-
earches : analyse du Kandjour du Tandjour; vie de Çâkya (c'est là la
partie capitale de son œuvre); 3° articles publiés dans le Journal asia-
tique du Bengale; 4'' manuscrits. M. D. les divise simplement en
iiîiprimés et manuscrits, et compte 17 articles, se rapportant à des
travaux ou groupes de travaux d^étendue variable, dont il donne la liste
et à chacun desquels il consacre une notice. II se trouve qu'il y a un
désaccord entre la liste et les notices correspondantes. La notice XIV
sur un ouvrage médical tibétain n'est pas représentée dans la liste; l'ar-
ticle 9 de la liste, relatif à la Grammaire et au Dictionnaire tibétain, n'a
pas de notice; il en résulte un désaccord entre les articles 9 a 14 de la 1
liste et des notices. L'inconvénient est sans gravité; le nombre des^
articles est le même de part et d'autre et la correspondance existe pour
les numéros jusqu'à 8 et après 14.
Les manuscrits de Csoma sont au nombre de deux. Ils sont caracté-
ristiques. L'un appartient à l'œuvre que Csoma a accomplie : c'est un
Dictionnaire sanskrit-tibétain avec traduction anglaise; il est resté à
Calcutta. L'autre appartient à l'œuvre que Csoma aurait voulu taire :
c'est un glossaire de mots indiens et de mots hongrois qui en sont rap-
prochés; il est parvenu en Hongrie et y est conservé par l'Académie des
sciences. M. D. a reproduit intégralement ce fragment de vocabulaire
(termes indiens en transcription et en écriture originale — traduction
anglaise, — termes hongrois analogues); nous aurons à y revenir.
Quant au Dictionnaire-sanskrit tibétain, qui est un recueil de ternies
techniques classés par ordre de matières et qui se compose de 706 feuil-
lets, M. D. donne la table des 271 chapitres entre lesquels les matières
sont distribuées. Ce dictionnaire n'est autre que le Mahâvyutpatti, ou-
vrage connu, mais non publié ^ Si l'on imprimait le ms de Csoma,
comme son biographe en exprime l'espoir (p- vi), il y aurait lieu défaire t
attention au mode de transcription des mots sanskrits employé par Csoma \
et de voir s'il ne serait pas préférable de les rétablir en Devanâgari.
Le volume est accompagné de deux planches : i" une reproduction
I. Le Trigloi'.c boudd'iique public ou plutôt réimprimé par les
Schifnur est un extrait du Mahâvyutpatti.
soins
d'A. I
OiliSTOIKK ET DK LITTÉK AIURK I03
photographique du monument funéraire de Csoma à Darjiling, dont
l'inscription présente deux fautes, une dans le nom du défunt (Csoma
de Korosi pour Csoma Kôrosi ou Csoma de Kôrôs) et une relative à
l'âge (on lui donne 44 ans, il en avait 58) ; 2° un portrait de Csoma. Il
est fâcheux que M. D., qui invoque le témoignage du D^ Malan pour
la ressemblance de ce portrait, n'en fasse connaître ni Torigine ni la
date.
Je demande à présenter avant de terminer quelques observations.
1. On a dit qu'une phrase du professeur Blumenbach, de Gôttingen,
sur l'origine asiatique des Hongrois avait donné à Csoma l'idée d'aller
chercher en Asie le berceau de son peuple '. Ceci rappelle fort la pomme
qui fit découvrir à Newton les lois de la gravitation. Je m'attendais à
trouver quelque chose sur cetie anecdote dans le livre de M. Dul^a. A
ma grande surprise, je n'y ai absolument rien vu. M. D. qui parle de
quelques professeurs de Gôttingen. Eichhorn, Fiorillo, ne prononce pas
même le nom de Blumenbach, Ce nom se rencontre, il est vrai, dans
le livre (p. 127); mais c'est dans une phrase traduite de Pavie, et M. D.
a l'air de ne pas se douter de l'intention de l'écrivain français appelant
Csoma« l'élève de Blumenbach» ^.
2. On a dit que Csoma avait abordé Fétude du tibétain à l'instigation
de Moorcroft. Les documents prouvent que l'initiative de Moorcroft
consiste à avoir mis un exemplaire de VAlpliabetum tibetamim entre
les mains de Csoma. Quand le voyageur hongrois résolut d'aborder
sérieusement l'étude du tibétain, il consulta Moorcroft qui, « après
mûr examen » approuva son dessein, (p. 19 et 29).
3. Je regrette que M. D. qui cite le nom de Victor Jacquemont n'ait
pas parlé de sa rencontre avec Csoma. Il est vrai que Jacquemont s'est
beaucoup moqué de Csoma et de son tibétain : mais ce n'était pas une
raison pour passer leurs relations sous silence. Jacquemont était un
voltairien qui tournait tout en ridicule. Ses plaisanteries ne sont pas au
fond bien méchantes et ne tirent pas à conséquence. Ce qu'il dit de
Csoma est, en définitive et malgré son ton de raillerie, à l'honneur du
voyageur hongrois.
4. Nous avons déjà remarqué qu'il y a lieu de considérer dans l'œuvre
de Csoma, ce qu'il a fait, et ce qu'il a voulu faire. Ce qu'il a fait, on
le sait parfaitement ; il a révélé au monde savant la langue et la littéra-
ture du Tibet complètement ignorées avant lui, rendues par lui accessi-
bles à tout étudiant doué de quelque courage. Ce que Csoma a voulu
faire est bien moins facile à préciser. Dans sa lettre du 28 janvier 1825
ï. Journal asiatique, juin 1842 (p. 4Q2); Foucaux, Histoire du Bouddha Shakya
Mouni, i.
2. M. Duka semble attribuer à Eichhorn (p. 6) ce qu'on raconte de Blumenbach.
D'un autre côté, il dit à deux reprises (p. 8 et 140) que c'est par suite des conseils
d'un de ses compatriotes, Szabo de Borgata, que Csoma aurait entrepris son voyage
dans l'Orient.
104 REVUK CRITIQUE
il dit (p. 25) que son dessein était d'entreprendre « des recherches qui
puissent, par la suite, être utiles au monde savant d'Europe en géné-
ral, et, en particulier, éclaircir quelques faits obscurs de notre propre
histoire (celle des Hongrois) ». Moorcroft lui attribue des plans imagi-
nés par lui « pour le développement de quelques points obscurs de
l'histoire asiatique et européenne » (p. 35). On peut tenir pour certain
que Csoma aspirait à visiter la Mongolie, les contins de ce pays et de la
Chine, en particulier la terre des Ouigours (p. i5o), que lors de son
dernier voyage, au début duquel il fut arrêté par la mort, il avait l'in-
tention d'atteindre cet objet de ses vœux, et qu'une des choses qui lui
tenait le plus au cœur était de découvrir en Asie le berceau des Mad-
gyars. Ce qui ne veut nullement dire qu'il ait eu la prétention de trou-
ver dans un coin ignoré d'Asie une tribu parlant Madgyar, comme on
l'a reproché récemment au «pauvre Korôsi » (p. iS-j). M. D. repousse
avec vivacité cette étrange imputation. Le vocabulaire indo-hongrois
qui termine le volume de M. Duka me paraît en être une réfutation
positive. Il prouve avec évidence que Csoma cherchait en Asie non le
Madgyar lui-même, mais des langues qui puissent en être rapprochées.
Peut-être pourrait-on trouver qu'il mettait de la bonne volonté à cons-
tater des ressemblances. Mais c'est là une question que nous ne vou-
lons ni ne pouvons aborder pour plus d'un motif; et nous ter.minons
cette notice, un peu longue peut-être, en recommandant un livre qui est
un juste et digne hommage rendu à Pun des plus courageux et Ton peut
ajouter des plus fortunés pionniers de l'érudition.
L, Feer.
l35. — Le conseil des Empercus"®, tî'Aiifçuste à H^îocSéticii^ par Edouard
CuQ, professeur à la Facultc de droit de Bordeaux, ancien membre de l'Ecole
française de Rome, extrait des Mémoires présentés par divers savants à l'Acadé-
mie des Jnscriptior.s et Belles-Lettres, 1884. Paris, imprimerie nationale, in-4,
de 194 p. (3io-5o4;.
Le travail de M. Cuq se divise en deux parties: la première est intitu-
lée Le consili 11 m p r i n c ip i s d'A ugiiste à l'avènement de Dioclé-
?/e;z; la seconde porte pour titre Le^ consilia sacra sous Dioclé-
tien.
Dans la première partie, l'auteur traite les questions suivantes :
Ch. I. Origine et attributions dit conseil.
Ch. n. Le consiliiim principis d'Auguste à Trajan. — M. C
expose l'histoire du conseil durant cette période, en se bornant à analy-
ser ou à traduire les textes des écrivains anciens. L'intérêt de ce chapitre
consiste surtout dans l'examen du conseil impérial au temps d'Auguste
et de Tibère. D'après M. C, il n'y eut jamais, sous ces règnes, qu'un
seul conseil, chargé à la fois de régler les affaires publiques et de con-
L> iflSTOnîF: KT D<.\. LITTERATURE lO:)
naître les procès dont l'empereur se réservait l'examen. C'est une opinion
diamétralement opposée à celle que soutient M. Mommsen (Staatsreclit,
II, p. 864 et p. 908) : suivant ce dernier, ". il n''est pas douteux qu'il
« ne faille distinguer le consilium judiciaire du conseil politique, quoi-
« qu'il puisse se faire que tous les membres de ce dernier aient siégé dans
« le premier «; et M. Mommsen ajoute : « Si Auguste consultait par-
<f fois le conseil d'Etat pour des affaires de droit, il ne faut voir là qu'une
« confirmation de plus de la différence des deux institutions. » — Il me
semble que la théorie de M. G. est plus conforme aux données que nous
ont laissées les anciens : ni dans Suétone, ni dans Dion Cassius, il n'est
positivement question de deux conseils; ces auteurs nous disent qu'Au-
guste jugeait avec les conseillers (p.ETà-wv Tjvioptov, Dion Cassius, 5 5, 27),
ou avec le conseil {ciim consilio; Icc;é \).y. v.al tw hj.Ci 7'j[j.co'jaiw, dit Auguste
dans redit adressé aux Juifs, Josèphe, Ant. Jud.^ i(5, 6, 2), et comme
ils n'ont jamais exposé l'organisation que d'un seul conseil, celui qui
préparait les lois, il y a tout lieu de croire que c'était également celui-là
qui assistait l'empereur dans l'examen des procès. Et il faut d'autant
moins s'étonnner de ce qu'au temps d'Auguste et de Tibère le même
conseil eut une double compétence, politique et judiciaire, que celui de
Dioclétien, tel que nous le montre clairement M. C, s'occupait aussi
bien d'affaires de gouvernement que de police ou de justice.
Gh. ni. Le consilium depuis Hadrien jusqu'à Dioclétien. — Re-
marquons, p. 33o, les observations faites par l'auteur sur les signataires
de VEdit perpétuel : leurs noms ne sont connus que par un document
de l'an 920 (cf. Mortreuil, Histoire du droit hy^^antin, II, p. 372) qui
les donne ainsi : 'lo'jX'.avîo tôî voiJ.'.y.(o y.s-à Zizziz-j Ksovs/acj. Le premier,
P. Salvius Julianus, est bien connu; l'autre l'est û peu qu'un savant
moderne a même nié absolument son existence. M. C. l'identiiie — sans
doute à bon droit, — avec Ser. Cornélius Salvidicnus Scipio Orfitus,
consul en 149 |JuIiiinus fut consul en 148).
Ch. IV. Organisation du conseil. — Cette partie du travail a été faite
à peu près exclusivement à l'aide des documents épigraphiques, les seuls
d'ailleurs qui nous donnent quelque renseignement précis sur les titres
et la hiérarciiie des conseillers du prince. Peut-être M. C. aurait-il pu
l'abréger en se bornant à reproduire en note les inscriptions: quelques-
uns trouveront sans doute inutile qu'une inscription de 20 lignes qui
ne nous donne que le titre consiliarius Aiigusti soit transcrite tout au
long dans le texte, en elzévirs du 10 ou du 1 1, eî accompagnée de sa
lecture en italiques, cette dernière insérée encore dans le texte; cette
habitude de surcharges épigraphiques ou paléographiques, habitude que
l'on prend chaque jour davantage et qui ne sont de mise que dans des
travaux d'épigraphie pure, a pour résultat de rendre le texte, récit ou dé-
monstration, à peu près illisible, et de doubler l'étendue du volume. Je
ne pense pas d'ailleurs que M. C. ait simplement eu l'intention d'aug-
menter le nombre de page? de son travail : il est assez riche de son pro-
lOb RKVUIC CRITIQUK
pre fond pour n'avoir pas a recourir à ce subterfuge. — Son étude sur
les ministri du prince, a libellis, a rationibus^ etc., est complète et bien
faite. Je regrette qu'il n'ait pas remplacé quelqu'une de ces inscriptions
si inutiles parla citation complète et le commentaire d'un passage, tout
autrement important, de Dion Cassius, où Mécène conseille à Auguste
de se choisir des aides et des ministres parmi les chevaliers (52, 33 ; cf.
Cuq, p. 394, note 2) : Kal [jivxoi xal xpbçTàç SiV.aç {a cognitionibiis]^ ziz,
Tî èTCtcToXàç {ab epistulis'], -xal Ta d''/;9Îa[j.aTa twv 7:6X30)7 [c'est Vàro -:ô)v
Tpsc6stîov y.al twv àr.o%çi\\)Âibyi de Suidas, dont les fonctions, comme le
suppose avec raison M. C, p. 392-4, passèrent de bonne heure à Vab
epistulis]^ Taç ts t(ov iouotwv à$to')crstç [<t libellis]. y.a). O'zct. aAÀa ttj tvjç ûp/YJç
otc;ar,{:ît 7upocrjy.î'., cuvspvoyç tî Tiva; [rtrf/îi/ore^] y.ai uTrYjpéxaç \)ninisiros\
h, -îwv i7:7:éo3v £X£. Je crois d'ailleurs que M. G. a donné très exacte-
ment et très complètement les attributions de tous ces fonctionnaires.—
Sur la manière dont on discutait et votait au conseil impérial, M. C.
croit qu'en règle générale les conseillers émettaient leur avis verbale-
ment; cela se passait sans doute ainsi au temps des Antonins; mais je
pense que le vote secret était bien moins exceptionnel que ne le veut
M. C. et quMl était au contraire général, aussi bien sous les mauvais
que sous les bons princes. Les uns comme les autres avaient des motifs
pour en Justifier l'emploi : Néron, parce que ce système lui permettait
de prononcer le jugement selon son bon plaisir, comme s'il ne faisait
que se conformer à la majorité du conseil; Sévère Alexandre, parce que
le vote secret permettait aux sénateurs d'émettre leur avis en toute
liberté d'esprit, sans crainte de blesser un collègue ou l'empereur. Cest
ce dernier motif que donne Mécène, dans le discours que lui prête Dion
(52, 33), et le texte de Dion prouve au moins que ce genre de votation
était le plus suivi. — M. C. aurait peut-être pu tirer meilleur parti de
la lettre si intéressante et si amusante où Pline le Jeune raconte une
séance du conseil tenu par Trajan à Civita-Vecchia (6, 33).
Ch. V. Les affaires soumises au conseil. — C'est l'étude la plus nou-
velle, la plus instructive, et la plus riche de la première partie du tra-
vail.
La seconde partie, excellente de tout point, comprend les chapitres
suivants :
Ch. I. Les cens m a sacra des Augustes et des Césars.
Ch. II. Organisatio7i des consilia sacra. — Nous signalerons
les remarques justes et fines de l'auteur, à la fin de ce chapitre, sur les
sources des Vaiicana fragmenta et du Code Justinien (p. 484 et s.), et
sur les constitutions de l'empereur Maximien (p. 487).
Ch. m. Affaires soumises au conseil. — Ce dernier chapitre de Tou-
vrage caractérise fort bien l'œuvre politique et législative des empereurs
romains, et en particulier de Dioclétien et de Maximien.
La seule objection générale que nous ferons à ce livre est la manière
dont il est divisé : le conseil de Dioclétien, d'une part, celui de tous les
fj HISTOiRK K'V Dli LIT 1 !i:;; A.Tt)!t 14 I O7
empereurs qui Tout précédé, de i autre. Je ne pcuse pas que M. C. ait
nulle part justifie nettement cette profonde distinction qu'il établit en-
tre les deux institutions. S'il lallait à tout prix diviser cette étude en
périodes historiques, ce qui n'est point prouvé, c'est le règne d'Iîadrien
qui aurait dû faire époque, et pas un autre. Les anciens ont dit et ré-
pété que l'organisation de l'empire, surtout de l'administration centrale,
telle qu'elle existait sous Dioclétien et Constantin, était l'œuvre de ce
prince : les modifications apportées au conseil de l'empereur par Dio-
clétien ne sont rien à côté de la réforme fondamentale qu'y opéra Ha-
drien. Au lieu d'insister, comme le fait M, C. dans son livre, sur les
différences qui séparent l'ancien et le nouveau conseil, j'aurais aimé, au
contraire, à montrer l'unité de son œuvre, de sa procédure et de sa lé-
gislation.
Toutefois, on ne doit pas se plaindre outre mesure de la marche sui-
vie par M. G. : à certains égards, elle offre un précieux avantage ; elle a
permis à l'auteur de classer historiquement les différentes constitutions
impériales, de marquer le caractère de la législation de chaque règne,
les étapes suivies par le droit romain. Son livre est la première applica-
tion de cette méthode historique si chère et si justement chère à M. Cuq;
et ce n'est pas seulement un essai et une tentative, mais un succès franc
et complet.
Camille Juluan.
i36. — Oocujiients Itistci-itguets ttas'littins, pr-o-vençaux et fr«nçs»îsi,
concernant principalement la Marche et le Limousin, publiés sous les auspices
de la Société archéologique et historique du Limousin, par Alfred Leroux,
Emile Molinier et Antoine Thomas, anciens élèves de l'Ecole des Chartes.
Tome IL Limoges, Ducourtieux, 3So pages, in -8.
La Revue critique en rendant compte il y a quelques mois (n° du
21 avril 1884) du tome I de cette publication collective, a indiqué son
importance pour l'histoire des deux provinces qu'elle concerne. Le
tome II, qui est aussi le dernier, ne se distingue du précédent que par
son avance chronologique et par une plus grande variété de contenu. Le
moyen âge n'y est plus représenté que par deux courts Cartulaires de
V aumûnerie de S. Martial (xie-xn° s.) — très curieux à étudier au point
de vue de la langue et de la forme de certains noms propres, — et par
une assiette d'impôt sur le pays de Combraille, de iSSy. M. Thomas,
qui publie ce document et qui nous en promet d'analogues, rappelle à
bon dioit le profit qu'on en peut tirer pour l'évaluation de la population
à une époque et dans un lieu déterminés. C'est même à vrai dire la
seule source d'information sérieuse que nous possédions sur ce sujet au
moyen âge.
La Chroniqi'e de Pierre Foucher. chanoine de Saint-Étienne de
I08 REVUK ClUTIQUE
Limoges (i 507-1 545], que M. Molinicr nous donne par extraits, offre
cette particularité que commencée en latin elle est continuée en français
à partir de i533, lit omnes intelli gant. Attentif avant tout aux événe-
ments généraux de Tépoque, le chroniqueur daigne pourtant faire une
place (la seule importante à nos yeux, quoi qu'il ait pu croire) aux événe-
ments locaux et en particulier aux changements d'évéques presque aussi
nombreux en ce temps là que de nos jours les changements de préfets.
Les extraits du premier Registre consulaire de Rochechouart, que
nous devons à M. Leroux, ont le mérite de faire connaître exactement
un document dont on avait, paraît-il, surfait jusqu'ici la valeur. Ce
registre consulaire n'est en somme que le recueil des actes passés au
nom du consulat et nullement le registre de ses délibérations.
A la suite de ces extraits en viennent d'autres beaucoup plus consi-
dérables du premier Registre consistorial de cette même ville de
Rochechouart (rSgô-ibSô), le document le plus important que nous
aient légué les anciennes églises réformées de la région. Les historiens
du protestantisme en général pourront y recueillir plus d'un détail
instructif autant que pittoresque.
Ce registre consistorial forme avec le Mémoire sur la généralité de
Limoges, de Tintendant de Bernage (1698), la partie principale du
volume. Dans le préambule dont il fait précéder ce Mémoire, M. Leroux
indique les raisons qui l'ont déterminé à devancer la publication de
M. de Boislisle. On les trouvera certainement suffisantes. L'enquête de
M. de Bernage s'applique au Limousin, à la basse Marche et à TAn-
goumois. Grâce à son exposition systématique, elle pourrait servir de
point de départ précis à une histoire de ces trois provinces au xvme siè-
cle. L'éditeur a tiré parti des Lettres de Colbert et de quelques docu-
mens locaux pour éclairer, corroborer ou rectifier le texte. Ses annota-
tions sont faites avec suite et précision. Les identincations de noms de
lieux, quand il s'agit de simples hameaux ou de très petites châtelienies,
peuvent prêter à discussion. Elles n'en seront pas moins le plus souvent
d'un grand secours pour l'édition définitive que M. Leroux déclare lui-
même n'avoir voulu que préparer.
Ce volume de documents historiques se termine par un choix abon-
dant de pièces d'archives relatives aux collèges classiques et petits
séminaires de l'ancien diocèse de Limoges, dont M. Leroux donne pour
la première fois la liste exacte. Il n'y en a pas moins de vingt et un
d'énumérés. Quelques-unes des pièces publiées n'ont qu'un intérêt tout
à fait local. D'autres, comme le règlement du collège d'Ussel, feront la
joie de tous ceux qui étudient l'histoire de la pédagogie française.
Des préambules en tête de chaque morceau, un glossaire provençal,
un index riiriim et un index nominum se référant aux deux volumes,
complètent cette riche série de documents historiques. Nous en saluons
la publication d'autant plus volontiers qu'elle s'applique à deux des
provinces les moins connues de l'ancienne France.
A.
D HISTOlfU: ET DE LITTERATURrC IO9
i3y. — ivicolaus Coppefîiîeus von Lcopold Prowe. Erster Band : Das Leben.
Theil I; i473-i3i2. Theil H: i5i2-i543. Berlin, Weidmann, i883, xxviii, 4i3,
576 p. in-8.
Les Vies de Copernic^ ne manquent pas; on en a rédigé dans la
plupart des langues de l'Europe moderne et ce sujet, si attrayant par
lui-même, a été rendu, pour ainsi dire, plus actuel encore par les que-
relles politiques et religieuses qu^on y a rattachées de nos jours. On
n'ignore pas en effet que, depuis un demi-siècle surtout, Allemands et
Polonais se disputent le grand astronome avec autant d^acharnement
que les cités grecques se disputaient Homère, et plus récemment encore,
la question des sympathies de Copernic pour les idées de la Réforme a
jeté un ferment nouveau de discorde dans les discussions relatives à sa
personne. On devait donc accueillir avec une curiosité légitime le volu-
mineux travail d'un des hommes les plus compétents en la matière, de
M. le docteur Prow^e, consacré tout entier à Télucidationde la biographie
du chanoine de Frauenbourg. Voici plus de trente ans que M. P. ne
cesse d'étudier la vie et les œuvres de Copernic; depuis que ses premières
études ont paru en i853, il est revenu maintes fois à ce sujet favori,
fouillant et refouillant les archives de Thorn, de Cracovie, de la
Prusse occidentale et orientale et réunissant de la sorte tous les maté-
riaux qui lui ont permis de rédiger la présente biographie. Ce n'est
faire injure ù personne que d'affirmer, même après les travaux estima-
bles des Sczulc, Polkowski, Czynski, etc., que nous n'avions rien sur
Copernic, approchant de loin, de ce millier de pages de texte et de notes
touffues, alors que l'absence de sources semblait devoir forcer les narra-
teurs modernes à paraphraser sans cesse à neuf les maigres renseigne-
ments fournis par les contemporains du célèbre astronome. Certaines
conclusions de M. P. seront attaquées sans doute, par les écrivains po-
lonais surtout, si chatouilleux sur la question d'origine, mais nul ne
pourra refuser son admiration au labeur infatigable, à la sagacité pé-
nétrante et à l'esprit critique du savant de Thorn qui a élevé dans le
présent ouvrage, un véritable monument à la gloire du fondateur de
l'astronomie moderne. Si l'on veut se rendre compte de tout ce que les
recherches patientes de l'érudition contemporaine ont ajouté à la con-
naissance du sujet, il faut simplement comparer les volumes de M. P.
avec la biographie de Copernic, rédigée cent ans après sa mort, avec un
grand soin pourtant, par son admirateur Gassendi.
Ce qui fait à nos yeux le grand charme du travail de M. P., c'est
qu'il nous révèle un Copernic à peu près inconnu. Ce n'est plus
le savant mathématicien seulement, indifférent aux bruits de la terre,
tel que le dépeignent ses anciens biographes, que nous y retrouvons,
mais un « escholier » vagabond dans sa jeunesse, s'en allant par le
I. M. Prowe établit que l'orthographe correcte du nom doit être Coppeniic, mais
je ne sais si elle prévaudra chez nous contre Thabitude.
I 10 REVUE CRITIQUE
monde, en quête de savoii% et, dans son ùge mùr, un diplomate pru-
dent, un administrateur consommé, mêlé de fort près aux affaires im-
portantes de ce monde, tout en étudiant la marche d'un monde supé-
rieur. Le cadre dans lequel M. P. place son héros est vaste, un peu
trop vaste peut-être par moments, mais les données accumulées par •
l'auteur sur les personnages accessoires de sa biographie, s ils ne sont
pas toujours absolument nécessaires, contribuent si efficacement à
mieux nous faire comprendre l'époque et le pays où vécut Copernic,
que personne ne songera à accuser M, P. d'une prolixité fâcheuse.
L'ouvrage débute par un tableau fort détaillé de la situation politi-
que et religieuse, des mœurs, de l'activité intellectuelle et commerciale
de la Warmie, cet évêché situé entre le royaume de Pologne et les pays
soumis à l'Ordre Teutonique, et qui fut la véritable patrie du grand
astronome. Tout le premier livre est consacré à cette introduction gé-
nérale, ainsi qu'à la recherchedes ancêtres delà famille des Koppernigk,
et à la constatation de leur origine ethnographique. D'après M. P., le
berceau de la famille a dû être à Kopirnik, petit endroi', situé près de
la ville de Neisse, dans la Silésie supérieure. De là, les Koppernigk se
sont disséminés, soit en Pologne, soit sur les terres de l'Ordre Teuto-
nique, ce qui permet d'attribuer au plus illustre d'entre eux, une ori-
gine allemande ou polonaise, selon les goûts de ses biographes. M. P.
se prononce naturellement pour la première alternative. Le père de
Copernic, Nicolas Koppernigk, a lui-même successivement habité
Cracovie et Thorn, où il occupait une position fort honorable, puisque
l'évêque de Warmie, Luc Watzebrode, était son beau-frère.
Ce n'est que dans le second livre que Copernic lui-même fait son
apparition, en naissant à Thorn le 19 février 1473. Malgré toutes les
recherches de M. P. dans les registres municipaux, les urbaires, con-
trats de vente, livres du cadastre, etc., il n'a pu réunir qu'un nombre
fort petit de données certaines sur la famille immédiate, l'enfance, l'en- r
tourage de son héros. Le troisième livre raconte le séjour du jeune I
homme à Cracovie, en 1492, et le manque de détails personnels y est
racheté par l'abondance de renseignements curieux fournis par l'auteur
sur les Universités du temps et tout particulièrement sur celle de Craco-
vie '. De retour à Thorn, Copernic entre dans les ordres sous la pro- j
tection de son oncle, l'évêque Watzebrode, qui lui confère un cano- !■
nicat au chapitre de Frauenbourg, en 1496. Le jeune chanoine ne j
resta pas longtemps dans son nouveau lieu de résidence; la même
année nous le voyons partir pour l'Italie, où il séjourna, en deux fois, [1
pendant près de dix ans, étudiant les lettres, les sciences et surtout la
médecine. Nous le voyons successivement à Padoue, à Bologne, à Fer-
rare et à Rome ; ici, encore, M. P. a su vérifier l'ensemble assez maigre
. I
I. M. P. établit, contrairement à certains devanciers, que Copernic n'est pas venu
une seconde fois à Cracovie. I, p. iSy,
D HISTOIRE ET D!C LITTERATURE I 1 I
des faits positifs, connus sur l'existence de Copernic en Italie, par une
accumulation de notices exactes et topiques sur l'état de la société, des
études, de la situation ecclésiastique et politique de la péninsule à cette
époque; système assez dangereux sous la plume d'un rhéteur ou d'un
compilateur superficiel, puisqu'il permet l'amplification indéfinie d'un
sujet, mais qui perd une bonne partie de ses dangers quand un véritable
érudit s'en sert pour mieux nous faire pénétrer dans Tesprit d'une épo-
que, et qu'il s'applique à renouveler ses descriptions plus générales par
des traits inédits et choisis aux bonnes sources.
Mais c'est surtout dans les livres suivants de l'ouvrage de M. P. que
le biographe de Copernic nous révèle une toule de détails inconnus jus-
qu'à ce jour. Nous y voyons notre chanoine résider au château de Heils-
berg, chez son oncle l'évêque de Warmie, s'initier à l'administration
du diocèse, négocier en son nom avec le roi de Pologne et l'Ordre
Teutonique, et publier en i5og ses premiers travaux littéraires, une
traduction latine des Épitres poétiques de Théophylacte Limocatta,
poète byzantin du vn^ siècle. Apre la mort de Luc Watzebrode, arrivée
en i5i2, Copernic va résider à Frauenbourg et c'est là que ses occupa-
tions astrononiiques commencent à le faire connaître, si bien qu'il est
invité à collaborer à la réforme du calendrier, proposée en i5i4 par
Léon X au concile de Latran. En i5i6 il est appelé de nouveau à des
fonctions politiques, comme administrateur de la châtellenie d'AUen-
stein. Jusqu'en i52i nous la voyons participer aux luttes entre l'Ordre
Teutonique et le roi Sigismond de Pologne, essayer de défendre le
territoire delà Warmie contre des pillages répétés, représenter à la diète
prussienne son évêque, Fabien de Lossainen, et devenir même un ins-
tant, à la mort du prélat, administrateur-général de l'évêché. Son rôle
politique devenait d'autant plus difficile que vers ce moment même, le
grand-maître de l'Ordre, Albert de Brandebourg, préparait sa conversion
au protestantisme et la sécularisation des territoires confiés à sa garde. Il le
remplit néanmoins, à la satisfaction de ses supérieurs et de ses collègues,
jusqu'à la mort de l'évêque Maurice Ferber, advenue en i53i. Ace mo-
ment l'élément de réaction catholique, éveillé par les progrès de la
Réforme dans les contrées environnantes, pénétra également dans l'entou-
rage de Copernic, et lui causa bien des ennuis. Le nouvel évêque, Dantis-
cus, ancien humaniste aux mœurs légères, auteur de poésies erotiques et
père d'enfants vivant au loin, m.ais auxquels allaient une partie des
revenus de sa charge nouvelle, n'en affectait pas moins une grande
sévérité extérieure, et un zèle ardent contre les novateurs. Au même
moment entrait aussi au chapitre de Frauenbourg un nouveau chanoine,
Stanislas Hosius, le futur cardinal, le grand meneur de la réaction
catholique en Pologne. Copernic qui professait des idées plus larges en
fait de tolérance et qui s'était fort peu occupé des questions théologiques,
fut dorénavant mis de côté, puis persécuté d'une façon mesquine par le
nouvel évêque, qui alla jusqu'à lui enjoindre de quitter sa vieille gou-^
I I 2 REVUE CRITIQUE
vei-nante, Anne Scliilling, âgée de soixante-six ans! A partir de ce
moment, il vécut retiré du monde, dans sa maison curiale de Frauen-
bourg, inconnu de la génération nouvelle; il s'y consolait avec ses livres,
initiant quelques disciples préférés, comme le professeur Joachim Rhe-
ticus de Wittemberg, à son système astronomique, qui, dès i53i, avait
été tourné en ridicule par quelque maître d'école pédant, ou trop
croyant, dans un drame scolaire, joué parla jeunesse d'Elbing. Il quit-
tait parfois Frauenbourg pour Kœnigsberg, où rappelait le duc Albert
de Prusse, qui tenait en haute estime ses connaissances médicales; mais
la majeure partie de son temps était consacrée aux préparatifs pour la
publication da uahé De revolutionibus orbiiim cœlestiiim, que Rheti-
cus préparait à Nuremberg. Il était mourant quand on vint déposer sur
sa couche le premier exemplaire complet de ce livre qui devait amener
une révolution radicale dans les idées astronomiques du moyen-âge.
Quelques jours après il fermait les yeux, à Frauenbourg, le 24 mai î543 ^
C'est pour une seconde partie de son grand travail que M. P. a réservé
l'exposé et la discussion des découvertes scientifiques de Copernic. Nous
souhaitons qu'elle paraisse bientôt et qu'un critique plus compétent
puisse en rendre compte aux lecteurs de la Revue, Mais ceux-là rnéme
qui ne sont point astronomes de profession, et n'entendent pas grand
chose aux problèmes de la mécanique céleste, liront avec fruit les deux
premiers volumes exclusivement biographiques. Ce tableau d'un coin
de l'Europe orientale au temps de la Renaissance et vers les débuts de
la Réforme est tracé avec une telle abondance de documents, une telle
sûreté d'informations que tous ceux qui s'occupent de l'histoire intellec-
tuelle ou politique de cette époque la liront avec profit et plaisir, mal-
gré quelques longueurs. On ne saurait songer à traduire le livre de
M. Prowe en son entier dans notre langue, mais ce serait assurément
une besogne utile que de le résumer et de concentrer en un seul volume
de dimensions moyennes tout ce que le travail du savant de Thorn
nous apprend de nouveau sur l'homme illustre dont il s'est constitué,
depuis de si longues années, l'infatigable champion.
R.
l'iS. — -Jeaiî <J^^ ^'ivoniit-, sa vic et ses ambassades près de Philippe II et à la
cour dj Rome, d'après des documents inédits, par le vicomte Guy de Buéjiond
D'Ans, 2' édit., Paris, Pion, 1884. Un vol. gr. in-8 de iv-^qô p. 7 fr. 5o.
L'auteur, en tète de son volume, a placé la mention suivante : Le
père de Madame de Rambouillet ; et à la p. 271 il écrit à propos du
I. C'est à cette date que M. P., après avoir lui-même varié dans ses différentes
publications, s'est définitivement arrêté pour des motifs qu'il énumère en détail
dans son dernier chapitre.
d'hISTOIUE KÏ Oli LITTÉKATURK 1 I 3
mariage de Jean de Vivonne avec Julia Savelli : « La célébrité de la
« fille suffirait à légitimer cette biographie du père, si d'ailleurs celui-ci
'< n'avait pas un véritable mérite personnel : qui donc ne s'intéresserait
« aux origines de la marquise de Rambouillet comme à tous les détails
« de sa vie? » M. de Brémond d'Ars se défie peut-être un peu trop de
son héros, ce qui n^estpas une excellente condition pour en « restituer »,
comme il l'annonçait dans sa préface, « la franche et hère physiono-
mie ». Le marquis de Pisany « n'est pas un grand homme », assuré-
ment : mais il a été mêlé à des événements capables de grandir un
homme dont la taille eût été encore plus médiocre ; le récit de sa vie peut
et doit nous intéresser, abstraction faite de souvenirs et de personnages
plus récents.
L'ouvrage est divisé en six chapitres de longueur et d'importance très
inégales. Dans le premier, M. de B. d'A. a retracé en trente pages l'en-
fance de Jean de Vivonne s'écoulant au milieu des mœurs encore féoda-
les de la Saintonge, ses premières campagnes aux Pays-Bas, son retour à
la cour, sa liaison avec la célèbre et galante mademoiselle de Vitry :
l'occasion eût été belle pour nous « restituer » un peu cette cour de
Henri II si curieuse avec son luxe nouveau, son étiquette, ses fêtes et
ses tournois monarchiques. M. de B. d'A. a préféré se lancer dans des
considérations assez générales sur les horreurs de la guerre civile qui
approche; à la note i de la p. 17, il nous affirme (précaution oratoire
toujours un peu dangereuse) que « tout ceci n'est point de la déclama-
tion. » N'insistons pas. Peu de chose à dire également des deux derniers
chapitres où est retracée la lin de la vie du marquis de Pisany, et où,
faute de document plus sûrs, il a été fait un trop large usage d'une
Historiette suspecte de Tallemant des Réaux (jVÎ. de B. d'A. le recon-
naît avec bonne grâce lui-même, Appendice, p. SgS),
La partie la plus importante du livre et de beaucoup la plus neuve
est celle où se trouve racontée en détail la carrière diplomatique de Jean
de Vivonne. Son ambassade en Espagne de 1572 a 1 583 {Chapitre u,
p. 31-147), ses "2'-^^' missions successives à Rome de i585 à iSSg (Cha-
pitres m et IV, p. 148-31 1), sont au point de vue historique d'un grand
intérêt. Il est curieux, quoiqu'un peu pénible, de voir la piètre figure
que fait à Madrid, vers la fin du xvi'' siècle, un ambassadeur français;
la résistance qu'oppose le Saint-Siège aux premières prétentions du
gallicanisme est aussi un sujet digne d'attention. Le représentant du roi
très chrétien se jouait là à fortes parties : avoir à faire à Philippe II
d'abord et ensuite à Sixte-Quint, c'est un honneur si l'on veut, mais
périlleux. Jean de Vivonne fut-il à la hauteur de cette tâche? Il est
permis d'en douter un peu. Quoi qu'il en soit, M. de B. d'A., pour
nous retracer celte série d'intrigues diplomatiques, qu'il faut suivre
dans son livre même, s'est servi de documents en presque totalité ma-
nuscrits, îl a fait surtout un heureux usage des cinq volumes renfer-
mant la correspondance manuscrite de Jean de Vivonne pendant l'am-
I 14 UEVUE CRITIQUE
bassade d'Espagne (5/^/. Nac. F. Fr., 16104-108) ; il a suppléé habile-
ment à une lacune de trois années à l'aide de pièces provenant de la
chancellerie de Philippe II. Les citations tirées de ces différentes sources
et de celles qui sont relatives aux ambassades près du Pape (en attendant
la publication complète des documents originaux), apportent une con-
tribution réelle à l'histoire de la diplomatie française pendant le
xv[° siècle. Ce doit avoir été là, à n'en pas douter, le véritable but de
l'auteur., et il l'a atteint.
Nous lui adresserons cependant, en terminant, une légère critique. Si
les documents manuscrits ont été cités avec une précision rigoureuse, il
n'en est pas de même des livres imprimés, et c'est un tort. Il est très
légitime d'invoquer le témoignage d'historiens contemporains ou beau-
coup plus récents : mais il est moins légitime de rédiger, sans indication
de page ni d'édition, des notes telles que celles-ci : D'Aubigné, Histoire
(p. 17, n. 2), et : Ranke, Histoire de la Papauté (p. 28, n. 2\ etc.
Enfin il est bon de choisir les textes établis avec le plus de soin. Bran-
tôme est constamment cité d'après l'édition du Panthéon littéraire :
nous n'apprendrons rien sans doute à M. de Brémond d'Ars, en lui rap-
pelant que l'édition de M. Ludovic Lalanne peut seule faire autorité.
E. B.
CHRONIQUE
France.— Sous le titre de Très humble essai de phonétique lyonnaise, M. Nizier du
FuiTSPELU vient de publier chez H. Georg à Lyon {in-8; tiré à 5o exemplaires), un
travail curieux sur le patois lyonnais; cet idiome, peu connu jusqu'ici, comptera dé-
sormais parmi ceux dont les formes auront été le mieux étudiées; il en est peu dont
M. N. du Fuitspelu n'ait point recherché l'origine ou essayé de donner la raison, et
si toutes ces explications ne sont pas également justes, elles sont presque toujours
ingénieuses. Mais ce qui recommande surtout son étude, c'est l'emploi des procédés
scientifiques de dérivation; on doit lui savoir gré de travailler ainsi à répandre ces
méthodes sans lesquelles on s'égare fatalement. Ce mérite est trop grand pour ne
pas faire excuser les erreurs qu'on peut signaler dans un travail qui renferme tant
de choses intéressantes et utiles. — Ch. J.
— Le 3« fascicule de la Ga:{etle archéologique dirigée par MM. de Witte et de
Lasteyrie, vient de paraître. Il contient les n*** 5 et 6 de l'année i885, toujours
illustrés de magnifiques photogravures; les articles principaux sont les suivants :
Sculptures antiques trouvées à Cfjrr/iag-e (Musée Saint-Louis), par S. Reinach et
Babelon ; Orfèvrerie bretonne, Croix processionnelle du xvi« siècle, par L. Palus-
tre, avec deux jolies reproductions; fin d'une étude sur les Miniatures inédites du
fameux Hortus deliciarum {xii<^ s.) de Strasbourg, par R. de Lasteyrie, avec le ca-
talogue complet des miniatures et leur bibliographie détaillée ;une aiguière enbron:;e
représentant un centaure, ■pdLY'E..y\oi.\\w.K;nQ\\c(i svw un plan inédit de Rome à la
fiti du \[v' siècle, par F.. Mùntz; trois figurines du cabinet des médailles de Paris,
D HlSTOiR;!, ai DE LirrERATUSlE IIJ
par G. Perrot. — Rappelons que les précédents numéros de celle année contenaient,
comme articles importants : Une longue élude sur V Hercule 'ETritpazÉçtOÇ de Ly-
sj'ppe, par F. Ravaisson ; Notice sur le David de bronze de Michel-Ange au château
de Bury, par L. Courajod, etc. — Nous nous réservons de rendre compte ici plus
en détail, à la fm àz Tannée, de ces intéressants travaux. — II- G.
— Dans une petite étude sur les Antiquités de Bordeaux (Paris, Leroux et Bor-
deaux. ChoUet. In-8o, 12 p., extrait de la Revue archéologique), M. Camille Julliax
fait riiistoire du musée de Bordeaux et de ses enrichissements successifs (plus de
six' cents pièces, statues, bas-reliefs, tombeaux, fragments d'architecture) ; il décrit
rapidement cette collection d'antiques « la plus riche et la plus précieuse des col-
lections analogues n; il montre que cette galerie d'art gallo-romain est la plus belle
qui existe en France, tant par le nombre des pièces que par la variété des sujets et
le fini des sculptures; il propose enfin de réunir le dépôt d'antiques de Bordeaux
(collections du Coliséa et de l'hôtel Jean Jacques Bel) le musée d'armes, le musée
préhistorique pour former avec ces quatre collections une admirable galerie histo-
rique qui serait installée dans l'ancien couvent où se réunirent les Girondins.
— M. J. Parmentier vient de publier dans le Bulletin mensuel de la Faculté des
lettres de Poitiers 'juillet) un article sur la littérature étrangère à l'Académie où il
rend compte du livre de M. Beljame sur k le public et les hommes de lettres en
Angleterre au xviii° siècle » et de V « Histoire de la littérature anglaise » de M. Fi-
lon; ces deux livres ont éié couronnés par l'Académie française; M. P. fait le plus
grand éloge de l'œuvre de M. Beljame, oij u tout est exact, bien disposé, bien dit » ;
il est plus sévère pour !e volume de M. Filon, où il trouve beaucoup d'erreurs et
très peu de précision. — .M. Parmentier fait paraître en même temps, dans la Re-
vue de Venseignenieni des Lingues vivantes (i5 juin i885, n» 4), les deux premiers
chapitres d'une courte histoire de la littérature anglaise, A short History of the
English Language and Literature, précis écrit en un anglais très facile à compren-
dre, destiné aux candidats à l'agrégation et au certificat d'aptitude, et qui pourra
être très utile.
— La part de Vart italien dans quelques monuments de peinture de la première
Renaissance frj.nçaise, tel est le titre d'un nouvel opuscule que M. Louis Courajod
a fait paraître à la librairie Champion (in-8", 36 p.,\ L'auteur montre qu'il faudra
désormais, pour expliquer définitivement les origines encore obscures de la Renais-
sance française, tenir compte d'un élément d'importation qu'on avait trop souvent
négligé. Il prouve qu'un des foyers de la propagande italienne fut un groupe d'ar-
tistes domiciliés au Petit-Kesle, à Paris.
— Dans la réunion générale de la Société historique de Gascogne (i5 juin i885),
M. Tamizey de Larroque a fait un Appel aux érudits que nous renouvelons ici avec
empressement. « Je voudrais, dit notre infatigable et savant collaborateur, perfec-
tionner le tableau dressé par Berger de Xivrey des séjours et itinéraires de Henri IV
pendant qu'il fut roi de Navarre; j'ai déjà réussi à combler un grand nombre de
lacunes, mais combien d'anneaux encore il faut attacher à la chaîne pour qu'elle soit
complète! Je dis complète, car dans mon ambition peut-être téméraire je me pro-
poserais de suivre le futur Henri IV jour par jour, depuis son adolescence jusqu'à
son avènement au trône de France, de ne pas le perdre de vue un seul instant dans
ses marches comme dans ses haltes, de photographier pour ainsi dire toutes ses al-
lées et venues, tous ses mouvements. Je ne me tirerai pas d'aflaire si je n'ai pas de
nombreux et dévoués collaborateurs. » M. Tamizey de Larroque prie ces «collabo-
rateurs » de chercher des lettres du roi de Navarre et de ses compagnons dans les
archives des vieux châteaux et dans les archives uépariemeniait:£ uî communales; en
ii6
REVUE CRITIQUE D HISTOIRE ET DE LITTERATURE
rapprochant les dates, on arriverait à reconstiiuer le tableau fidèle et minutieux de
toutes les courses de Henri IV.
— Le tome quatrième de la traduction, par M"!^ Dosquet, de VHistoire de VEii-
rope pendant la Révolution française de M. H. de Sybel vient de paraître à la li-
brairie Alcan (In-8°, 5o2 p. 7 francs). 11 comprend trois livres: I. Le Directoire;
II. Milan et Manioue ; 111. Léoben. Nous avons comparé la traduction française avec
le texte original, et nous devons reconnaître que cette traduction est très fidèle et
très exacte; elle fait honneur à l'inspectrice générale des écoles maternelles, qui a
entrepris cette laborieuse tâche avec autant de succès que de persévérance. Tout au
plus lui reprocherons-nous, p. 844, d'avoir traduit « der Schneesturm abscheulich,
die Wege bodenlos » par « les chemins défoncés étaient rendus impraticables par la
neige »; le mot « Schneesturm » n'est pas rendu. Ajoutons que, p. 299, Lockerung
signifie plutôt « dissolution » que rupture. Il est inutile de dire que cette traduction
rendra de grands services.
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séances des 8 et i5 juillet.
PRÉSIDENCE DE M. COURAJOD.
M. Al. Bertrand communique les photographies d'une tête de marbre blanc qu'il
a reçue de M. Aug. Nicaise et que l'on croit provenir des anciennes fouilles exécu-
tées par Grignon au Châtelet (Haute-Marne).
M. Flouest communique de beaux dessins coloriés d'objets antiques retirés d'un
tumulus de la forêt de Champberceau, commune de Rivières-les-Fosses (Haute-
Marne) notamment une feuille mince et flexible de bronze façonnée en ceinture.
M. Molinier lit un extrait d'un mémoire de M. Cloquet sur une peinture murale
de l'église de Courtray (Belgique).
_ M. l'abbé Thédenat fait circuler les empreintes de deux masques moulés sur le
visage de deux enfants défunts; le premier, trouvé à Paris dans une sépulture ro-
maine de la rue Nicole, est conservé au Musée Carnavalet; le second, trouvé à Lyon
et conservée au Musée de cette ville, donne, comme on l'apprend par l'épitaphe
gravée sur la tombe, les traits de Claudia Victoria morte à l'âge de dix ans un mois
et onze jours.
M. le Président présente avec éloge le livre de M. Ch. de Linas « Œuvre de Li-
moges conservée à V étranger et documents relatifs à l'émaillcrie limousine. »
M. l'abbé Beurlier communique la photographie d'un taureau de bronze trouvé à
Dodone et appartenant à la collection de M'. Troienski, consul général de Russie à
Janina ; cette œuvre d'art est d'un style tout particulier. Il fait également circuler
une drachme inédite d'Apollonie d'Epire, destinée au cabinet des Médailles et d'une
très belle conservation; on y lit des noms de magistrats locaux : Agonippos et Pres-
bylos, fils de Timoxénos.
M. Lecoy de la Marche lit une analyse détaillée d'un manuscrit du xiv" siècle,
conservé à la bibliothèque de Naples, De arte illuminandi.
M. de Barthéleniy achève la lecture du mémoire de M. de la Noé sur l'oppidum
Gaulois en général. A cette occasion, un membre présente des observations sur
l'emploi des pluriels oppidums et oppida, et autres analogues en français.
Le Secrétaire,
Signé : R. Mowat.
Le Propriétaire -Gérant : ERNEST LEROUX.
1
Le Puy, impriKierie ae ÀJarchessov iils. loule.vard Saint-Laurcni, 2j.
REVUE CRITIQUE
3'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N° 33 — 17 août — 1885
Sontn:aii*e î liJg. Recueil de l'Instiiut archéologique d'Athènes, I. — 140. Servius,
commentaire de l'Enéide, p. p. Tiulo, 11. — 141. Prou, Les coutumes de Loiris,
— 142. De WiTï, Un patricien au xvii'' siùcle, Louis de Geer. — 143. Hagmann,
L'Essai sur les mœurs, de Voltaire. — 144. Reynald, Succession d'Espagne,
Louis XIV et Guillaume IlL — Chronique. — Académie des Inscriptions. —
Société des Antiquaires de France.
i3q. — Ai-chseologîcal Instîtuîe of i^mierica. Papers of the american school
of classical studies at Athens. Vol. I, î882-83. Boston, Cupples, Upham and Go.
26'z-vii pages.
UEcole améi'icaine des études classiques à Athènes a été fondée en
1882, sous les auspices de Plnstitut archéologique d'Amérique et aux
frais des treize principaux collèges des États-Unis. Elle possède aujour-
d'hui à Athènes une installation convenable et une bibliothèque d'envi-
ron 3,000 volumes. Le règlement de l'École a été inspiré par ceux de
ses deux aînées, l'Ecole française et l'Institut allemand, non sans
présenter, toutefois, des particularités plus ou moins heureuses qui Ten
distinguent. L'École, qui ne loge pas ses élèves, ouvre gratuitement sa
bibliothèque et prête son concours à tous les graduâtes des collèges qui
contribuent à son entretien, ainsi qu'aux étudiants américains de toute
origine qui paraissent vouloir se livrer à des études sérieuses. Les élèves
vivent des felloji'ships qu'ils ont obtenues dans leurs collèges respectifs,
ou de leurs ressources personnelles : le directeur de l'École, qui n'est
nommé que pour un an, est seul rétribué. Un comité dirigeant se réunit
deux fois par an à New-York et à Boston, nomme le directeur et prend
connaissance des travaux de l'École. Chaque élève doit présenter, à la
fin de l'année, un mémoire sur une question dUiistoire ou d'archéologie
grecque; le comité décide s'il y a lieu de faire imprimer ces essais, et la
dépense prévue de ce chef peut atteindre 1,000 dollars par an. L'obliga-
tion pour chaque élève de remettre un mémoire annuel est empruntée
au règlement de l'École française; elle n'existe pas pour les stipendiés de
l'Institut allemand, qui peuvent ainsi consacrer à d'utiles voyages tout
le temps de leur séjour en Grèce, au lieu de disserter sur des questions
d'histoire, d'archéologie ou de grammaire que l'on étudierait tout aussi
bien, et mieux même, dans les bibliothèques de Paris ou de Ber-
lin'.
î. Depuis iS83, l'obligation de remettre un mémoire a été supprimct; pour les
élèves de première année de l'Fcole française; ce n'est qu'une demi-mesure.
Noisvelle série, XX. 33
r I 8 REVUE CRITIQUE
L'École française depuis 1868 et l'Institut allemand depuis 1876
publient des recueils qui, entre autres mérites, ont rendu des services
considérables à l'étude de l'épigraphie grecque. Les mémoires des mem-
bres de notre Ecole étaient autrefois publiés dans les Archives de
Missions, ou restaient manuscrits dans les cartons de Plnstitut; depuis
1877, ^^^ meilleurs sont imprimés dans la Bibliothèque des Écoles d'A-
thènes et de Rome, mais la plupart, qui résument parfois des observa-
tions personnelles intéressantes, restent inédits, parce que le Bulletin de
Correspondance hellénique^ comme les Mittheilungen de l'Institut
allemand, ne s'ouvrent guère à des travaux de longue haleine. L'École
américaine a été bien inspirée en n'essayant pas de fonder un troisième
recueil périodique de documents, à côté de ceux des Écoles française et
allemande ; elle a préféré commencer un recueil de mémoires développés,
dûs au directeur et aux membres de l'École, qui tiennent le milieu entre
les courts articles de notre Bulletin et les travaux souvent fort longs
publiés dans la Bibliothèque des Ecoles. Le premier volume de ce recueil,
qui paraît avec un retard bien excusable aux débuts d'une publication,
est destiné à donner une idée de Pactivité de l'École pendant la première
année de son existence, 1 882-1 883. Il fait grand honneur à ceux qui
ont dirigé cette institution ' et permet d'augurer favorablement de son
avenir. Nous avons remarqué avec plaisir que tous les mémoires conte-
nus dans ce volume sont le fruit d'études conduites sur place; c'est un
précédent qui mérite de devenir une règle, car pour intéressantes que
puissent être des monographies d''histoire littéraire, de grammaire ou de
droit public, il n'est pas besoin de se rendre à Athènes pour les écrire^
Alors que la fondation de l'École américaine n''était encore qu'à Tétat
de projet, on avait cherché un emplacement de fouilles où elle pût
gagner ses éperons. Après une tentative infructueuse pour obtenir un
lirman en Crète -, l'Institut archéologique américain commença des
travaux considérables à Assos. Les fouilles amenèrent la découverte de
plusieurs fragments de la trise du temple et d'un grand nombre d'ins-
criptions grecques, qui ont cté partagés entre le musée de Constantinople
et celui de Boston. Une monographie sur l'ensemble de l'exploration
doit paraître dans le courant de l'année prochaine; dés 18S2, M. Clarke
a publié un Report on the investigations at Assos^ où il a fait connaître
les découvertes relatives à l'architecture et à la sculpture, avec un choix
d'inscriptions de la même provenance. Le I^"" volume des Papers ofthe
american school s'ouvre par un excellent travail de M. Sterrett sur les
inscriptions recueillies à Assos; elles sont au nombre de 73, et quelques*
^. M. Goodwin, d'Harvard University, en i882-i883; M. PackarJ, de Ya!e collège,
■en -1883-1884. Le directeur actuel est M. Cooke Van Benschoten, de la Wcsleyan
University.
2. Archaeological instiiute of America, second annual report of the executive corn-
mittee. 1881, p. 41-49 (Rapport de M. Stillmann sur les sites anciens à explorer en
Crète).
d'histoire Kl DE LITTÉUATUKE II9
unes sont fort intéressantes. Signalons un texte en dialecte éolien de
Lesbos où l'oti rencontre pour la première fois la forme £7c;'., S^'pers.
plur. d'£j;.[j,i, au lieu d'iv-î, conjecture de Sauppe '; un décret en l'hon-
neur d'Assos, qui avait envoyé des juges-arbitres pour trancher des
différends dans une autre ville; un décret de Stratonicée en l'honneur
d'Assos, qui lui avait rendu le niême service; la base d'une statue élevée
par les marchands romains d'Assos à Caïus César, hls d'Auguste; plu-
sieurs textes relatifs à Quintus Lollius Philetairos et à sa famille, où le
titre de rAzp'.oq ycaù.fjç, était héréditaire -; une tablette de bronze conte-
nant le serment de fidélité des Assiens à Caligula, etc. Tous ces textes
sont reproduits en fac-similé, commentés avec détail et traduits intégra-
lement, suivant un excellent exemple donné par MM. Rangabé, 5]gger,
Foucart et Dareste, mais que la plupart des épigraphistes trouvent
commode ou prudent de ne pas suivre. Les fac-similés sont d'une
exécution excellente et bien autrement utiles que les transcriptions en
caractères épigraphiques uniformes publiées par d'autres recueils. Il est
vrai que la gravure de ces fac-similés a dû entraîner une dépense consi-
dérable, ce qui explique sans doute que le même svstème n''ait pas été suivi
dans le reste du volume '.
Le second mémoire, également par M. Sterrett, contient 2? inscrip-
tions grecques et latines recueillies à Tralles en i883 par MM. Sterrett
et Ramsay. La plupart de ces textes ont déjà été publiés dans les
Mittheilungen^ mais l'auteur, en les rééditant, a notablement amélioré
ses premières copies. Nous trouvons ensuite un travail d'un membre
de rÉcole, M. James Wheeler, sur le théâtre de Bacchus à Athènes;
c'est une excellente monographie, qui vient remplir une véritable la-
cune, et qui contient une photographie, un pian et plusieurs bois habi-
lement dessinés. Le quatrième essai, par M. Louis Bevier, est une
histoire de la construction de l'Olympieion à Athènes, sujet qui n'avait
pas encore été traité dans son ensemble avec autant d'exactitude et de
soin. M. Harold Fowler a donné ensuite un nouveau travail sur un
sujet bien usé et pourtant bien obscur encore, l'Erechtheion d'Athènes,
avec quatre plans et deux bois. Enfin, le volume se termine par une
dissertation de M. Goodwin, le directeur de TÉcole, sur la topographie
de la bataille de Salamine et les manœuvres qui font précédée. Le but
de ce travail, dont Tintclligencc est facilitée par une carte et deux vues
1. CommentLiiio de diiabus jiiscriftioiiibvs Lesbiacis. 187 1. Cf. Brugmann,
Handbuch, II, i, p. 76, qui voit dans rijtî'. une 3« pers. du singulier.
2. Quintus Lollius Philetairos est pfctie de Zeus Homonoos et d'Auguste; le culte
de ces deux divinités était associé à Assos comme celui d'Athéné Polias et de Livieà
Cyzique.
3. L'Ecole américaine rendrait un bien grand service en publiant ainsi en fac-
similé, d'après des photographies, toutes les inscriptions datées éparscs dans le monde
grec. Un pareil travail, qui reste à faire, rendrait seul possible une histoire complète
de l'alphabet grec épigraphiqne.
1 2U RKVOE CRITIQUE
de l'île, est de mettre d'accord le récit d'Hérodote avec celui d'Eschyle,
contrairement à l'opinion de M. Loeschke, qui les croit inconcilia-
bles.
Nous ne pouvons entrer ici dans l'examen détaillé de ces mémoires,
c[ui, portant en général sur des questions controversées, ne sauraient avoir
la prétention de donner dts solutions définitives. Nous avons seulement
voulu si^naler à Tattention de nos lecteurs un recueil très sérieusement
fait, dont la publication, coïncidant avec celle de Y American journal
of Archaeology^ est un remarquable symptôme du mouvement des
études classiques aux États-Unis. Ce pays, à cause du grand développe-
ment qu'y a pris la civilisation matérielle, a besoin, plus que tout au-
tre, d'encourager des études qui puissent faire contre-poids, dans les
générations nouvelles, à ce que les tendances de sa civilisation ont d'un
peu grossier. Nous souhaitons que l'École américaine d'Athènes éveille
de vives sympathies de l'un et l'autre côté de l'Atlantique et que ses
heureux effets sur les jeunes gens qu'elle formera vérifie une fois de plus
le vers d'Horace :
Adjecerc bonae paulo plus at-tis Atlienae.
Salomon Reinach.
140. — G. Tiiri.o. Ssei-vàâ gi-aiitmutîeii quî fci'ssKtus" in Vei'gîlîî cai"îrs!«i«
c:ouïi3sentai>iî. \'ol. il. fascic. II; .Eneidos libror. ix-xii, commentarii; in-8,
prasf, i-x; p. Soy-bôo; Teubner, Leipzig, 1884.
M. Thilo a construit son monument; il nous a donné entièrement le
commentaire de Servius sur V Enéide '. Puissent ses lecteurs reconnaî-
tre quel effort a été nécessaire pour arriver à cet heureux achèvement !
Plus de vingt ans d'études, des collations dans presque toutes les gran-
des bibliothèques de l'Europe, beaucoup de sagacité, une longue pa-
tience, c'est à ce prix seulement que l'œuvre a pu être terminée. Il est
vrai qu'elle forme un monument solide et qui durera. L'édition de
Lion, malgré sa médiocrité, a dépassé le demi-siècle. On peut prédire
à l'édition Thilo un ou deux siècles de durée, et ce succès indiscutable et
prolongé, on peut dire qu'elle l'aura mérité plus qu'aucune autre.
La disposition extérieure et la méthode suivie sont les mêmes ici que
dans les fascicules précédents. Aussi n'avons-nous plus à en parler.
Remarquons seulement qu'outre les conjectures propres à M. Th., et
parmi elles il y en a de très heureuses", on en verra sur presque tous
les passages difficiles de ces derniers livres, de M. R. Schoell et d'autres
savants.
1. Voir l'ariicle publié dans ccitc Revue sur le 2' fascicule du tome I : iSS'i,
n" 2, 8 janvier, p. 2 3.
2. Par exemple, p. 342, 22, sur IX, 442 ; Capiiolii jproimo.
D HISTOrRR ET DE LITTERATURE I 2 I
L'éditeur fait preuve partout de conscience. Voici de sa part une
preuve de sincérité que je tiens à citer. P. 840, 23, sur IX, 346, après
secundum Hoineriim,M.Th. n'a trouvé dans ses notes qu'une indication
qui lui a paru insuffisante : il avait noté seulement que la citation
grecque était corrompue, qu'elle n'était pas probablement celle qu'a pro-
posée Daniel; maisil n'avait pas transcrit les caractères grecs : il a donc
laissé après ces mots une lacune. Comblons-la, puisque nous le pou-
vons, grâce à l'obligeance de M. Omont. F donne après Hotnerum :
EAAABnOP(I>ÏPEO^0TANO:ï:KÂIMOPÂXTAIE. Donc il y a là unesim.ple
erreur de collation, et Daniel ne s'était pas trompé.
Je complète de même les indications qui manquent sur le lemme de
la scolie X, 4, p. 387, 19 ; dans la scolie, i^'omet le mot spectat ; dans
le texte, le même ms. donne aspectat; au même vers, Paris. ' donne
as. p. (:= aspectat populos).
Des éloges que ne restreindrait aucune critique, pourraient paraître
fondés sur un examen superficiel; j'ai donc cherché, particulièrement
dans le livre IX, quels lapsus avaitpu commettre l'auteur et quelles chi-
canes on pouvait lui faire.
Je n'ai vu qu'une faute d'impression : p. 33o, dernière ligne et der-
nier chiffre : lisez 241. —Le système des italiques, qui sert à distinguer
les scolies de F de celles de la vnlgate, est commode et en général
très clair. 11 est ici appliqué par erreur à la fin de la scolie IX, 187,
p. 326, 19-20. Les mots et sepiilti-sentientes manquent dans F et dans
les mss. de Burmann. Leur place était donc dans les notes critiques
avec la mention add. D. D'autre part l'emploi des italiques sans autre
indication peut tromper, par exemple à propos de la longue et impor-
tante scolie sur IX, 641, p. 366, 19, macte ergo — vino inferio esta.
Tout lecteur supposera qu'elle n'est conservée, comme toutes celles
qui sont en italiques, que par i^^. Or cette scolie est de seconde main au
bas de la page dans Paris.; je l'ai trouvée dans le Par. 7969 et elle
doit très probablement exister aussi dans d'autres mss.
M. Th. n'a pas remarqué ou plutôt n'a fait remarquer nulle part
une faute assez fréquente dans F: la consonne finale des mots est
omise, soit que le copiste se soit mépris sur le sens des abréviations
finales, soit que celles-ci aient disparu de l'archétype : de là IX, 363,
p. 342, 29 : inferiore; IX, 369, p. 343, 22 : oratione. J'en conclus
qu'il ne faut pas hésiter à corriger ailleurs la même faute dans le ms. et
qu'il tant lire par exemple IX, 217, p. 328, 24: interriiptam orationem;
tel est le îe>:te de Paris. ; le copiste de F aura mal interprété l'abrévia-
1. J'emploie dans ce qui suit les mêmes signes critiques que M. Tli. J'aurai seule-
ment à citer à plusieurs reprises un ms. de Paris, n» 7959, s. IX, dont M. Th. n'a
examiné que quelques passages. Je le désignerai comme lui-même l'a fait au com-
mencement du livre I, par Paris.
2. S?iuf bien entendu celles que reproduisent aussi G et T.
122 REVDK CRIXIQUK
lion h. l. (= hoc loco). Je m'appuierais sur la même observation pour
corriger IX, 191, p. 826, 27 : lisez : aut ab eo reportare <[curei>.
La distinction des scolies ajoutées par Fabricius et de celles qu'on !
trouve dans d est bien faite en général. Voici cependant quelques scolies
notées add. Fabricius, où il aurait fallu add. D, puisque j'ai trouvé ces
scolies dans le Paj\ 7965 : IX, 5 (p. Sog, 5) et — dicitur ; 73 (p. 3i5,
26) Atris — siint; 141 (p. 322,26) quasi [cod. quœ] non iutela ; 523
[p. 355,12) ductum est — spirare.
Il est regrettable que M. Th. n'ait pu examiner de plus près et avoir à
sa disposition le texte de Paris. J'ai déjà cité ce ms. ; voici encore deux
preuves de sa valeur relative : IX, 266 (p. 334,12) à la différence de
tous les mss. sauf F, Paris, porte au lemme : DICERE SORTEM ;
IX, 3o (p. 3 12,2) après secundnm, M. Th. donne sans variantes et sans
remarque un nom obscur et bizarre : Melonem; F a : Meolonem; Pa-
ris, a : Melo;z(?m, la dernière partie est de deuxième main ; donc la pre-
mière main autorisait à lire : Melam.
En voilà assez sans doute sur des minuties. Venons à l'essentiel. Nos
professeurs lisaient peu ou même ne lisaient pas jusqu'ici Servius. Le
prétexte qu'ils invoquaient, était qu'on manquait d'une édition suffi-
samment répandue, sûre et claire. Désormais ils n'auront plus cette
excuse. Je conseille aux plus laborieux d'essayer de lire à l'avance les
scolies du texte qu'ils expliquent en classe. Ils seront surpris de gagner
ainsi une connaissance plus complète, non pas seulement de l'antiquité ''
latine, mais de la langue, du style, des habitudes du poète ; leurs explica-
tions, grâce à Servius, auront plus de solidité, parfois plus de finesse.
Ce ne sont pas là des qualités à négliger.
On annonce que M. Th. est chargé du Virgile dans la nouvelle collec-
tion de Tauchiiitz. Rien n'était plus naturel. Après le grammairien, le
poète. Nous pouvons facilement prédire que l'excellent commentaire
dont nous venons de recommander l'édition, sera plus tard suivi d'un
excellent texte.
E. Thomas.
141. — t,es eoutUMic's tle G.oi>i-is et ïeui- pi-opagstlion aux XaE' et XIIB^
siècles, par Maurice Prou, archiviste-paléographe, élève de l'Ecole des Hautes-
Etudes. Paris, Larose et Forcel, 1S84. i vol. in-S, i~b pages.
L'ouvrage de M. Prou n'est autre que sa thèse de l'École des Chartes
qui, justement remarquée à la soutenance, paraît aujourd'hui en vo-
lume modifiée et augmentée, mais sans qu'il ait été nécessaire d'en
changer les divisions.
Après une courte introduction (p. i-3), M. P. expose la situation de
Lorris et du Gatinais aux xi*" et xu* siècles et les causes qui ont poussé
Louis VII à accorder la charte de 1 155 (ch. i, p. 3-17). Le chapitre 11 est
d'histoire El DU LITTÉRATURE 123
consacré à l'étude des coutumes elles-mêmes (p. ly-yi). Vient ensuite la
question de la propagation des coutumes : i» dans le domaine royal
(ch. m, p. 71-88); 2° dans les domaines des maisons de Courtenay et de
Sancerre (ch. iv, p. 88-99); 3" en Champagne (ch. v, p. loo-ioôj. Une
liste chronologique des chartes copiées en totalité ou en partie sur les
coutumes de Lorris; une liste alphabétique des quatre-vingt-trois villes
ou villages qui ont reçu de ces chartes et vingt-sept pièces justifica-
tives complètent le volume.
D'après M. P. le besoin pour la royauté d'augmenter la population
et par conséquent le revenu de ses domaines a été la cause principale de
l'octroi de la charte de Lorris.
Après avoir montré que cette charte qui ne contient ni concessions
politiques, ni stipulations de droit privé n'est pas à proprement parler
une charte de commune, mais bien plutôt une charte de franchise,
M. P. explique la différence qui la sépare de la coutume de Lorris rédi-
gée en 1494. Tandis que la première n'est que l'énoncé des points sur
lesquels Louis VII voulait soustraire les habitants de Lorris au droit
commun qui régissait le Gatinais au xii« siècle, la seconde est au con-
traire « la consignation par écrit » de ce même droit commun au xv® s.
Un seul article (art. 2 3 de la charte de 1 155, art. 1 1 du chapitre iv de
la coutume de 1494) a passé d'un texte dans l'autre.
Ce sont là les points capitaux et vraiment nouveaux que M. P. a
parfaitement mis en lumière. Le but qu'avaient visé les donateurs de la
charte fut atteint, car elle en arriva vite à jouir de la plus grande popu-
larité, et « gagnant de proche en proche, elle était devenue au xn° et
xnie siècles la loi d'un grand nombre de villages du centre de la
France ». Comme nous l'avons dit plus haut, M. P. en a compté quatre-
vingt-trois qui Pont reçue en tout ou en partie.
On peut regretter que M. Prou n'ait pas consacré un chapitre spécial
à Tétude des sources de la charte de Lorris. Il aurait ainsi pu élargir le
cadre un peu restreint de son étude et assigner au document qu'il a si
bien étudié, sa place dans l'histoire générale du mouvement municipal
des XII* et xni"^ siècles. Mais, telle qu'elle est, son étude n'en reste pas
moins un modèle de discussion historique serrée et précise et c'est par
une série de monographies telles que la sienne, telles que {"Histoire des
Institutions de Senîis de M. Flammermont ou que les Établissements
de Rouen de M. Giry que nous arriverons à connaître vraiment l'his-
toire du régime municipal de la France au moyen-âge.
Louis Farces.
124
REVUE CRITIQUE
142. — f^n patrîoion au X-VIIÎ" siècle. P^ouîs de Geer*, étude l>iof;i>apI)l-
que, par Pierre de Witt. Paris, librairie Didier (Perriii), i885. In-12 de 11-177 P-
Louis de Geer n'est guère connu parmi nous et c'est sans exagération
que M. P. de Witt a pu dire (p. 2) : « Il en esî peu, parmi les lecteurs
français, qui soupçonnent son existence. » Ce personnage, qui a été
l'objet de nombreux travaux en Suède et aux Pays-Bas ', méritait de
nous être révélé, et il faut applaudir à Theureuse idée qu'eut le jeune
historien, en travaillant à la Bibliothèque royale de La Haye, de pein-
dre une vie aussi remarquable à tous égards. Louis de Geer ne fut pas
seulement un des plus riches et des plus célèbres négociants du monde :
ce fut aussi, comme intelligence et comme vertu, un des hommes les
plus distingués du xvii'^ siècle. Son biographe, dès la première page, in-
dique en quelques lignes frappantes le rôle mémorable qu'il joua : (c II
connaît Gustave-Adolphe et correspond avec Christine de Suède ; il va
en ambassade auprès des républiques, équipe des flottes pour les souve-
rains, soutient les savants et les lettrés, fait imprimer leurs livres à ses
frais, distribue par toute l'Europe des secours aux opprimés. »
M. de W., après avoir loué en L. de Geer un parfait honnête homme
(p. 2), après avoir déclaré que, dans le cours d'une longue vie, tout en-
tière inspirée par le sentiment du devoir, il rendit aux Pays- Bas, comme
à la Suède des services signalés (p. 3),et que. descendant d'une ancienne
race, il ne crut pas déroger en augmentant par le commerce les biens
que lui avaient transmis ses ancêtres (Ibid.J, nous fournit les détails les
plus précis sur la famille du grand négociant, laquelle était d'origine
belge et des plus nobles du pays de Liège, particulièrement sur Louis III
de Geer, seigneur de Gaillardmont, qui, protestant zélé, quitta sa patrie,
vint s'établir à Dordrecht, ville dont M. de W. donne (p. 16) une char-
mante description, et y rendit le dernier soupir, le 29 octobre 1602,
« laissant à ses descendants le souvenir de sa foi et de sa constance in-
vincible. » Son fils aîné, Louis IV de Geer, né à Liège, le 17 novembre
1587, est le héros du livre. A vingt ans, il se rendit à la Rochelle
(17 août 1608) pour y étudier la pratique du négoce. Il revint à Dor-
drecht en janvier 161 1, s'y maria (27 mai 16 12) avec Adrienne Gérard,
et le tableau de la tendre et inaltérable union des deux époux fait pen-
ser au délicieux récit de M. Guizot, YAmoicr dans le mariage. M. de W.
cite, à ce sujet (p. 23), de touchantes lignes extraites d'un carnet, sorte
de livre de famille, où L. de Geer recueillait les souvenirs des événe-
ments domestiques. Louis de Geer vint habiter Am:;Lcrdam en 161 5 avec
sa femme et ses deux enfants; il fit le commerce des armes et lut bien
vite regardé, dans la Venise du Nord, comme un des plus habiles de
tous les hommes d'affaires. Chargé de plusieurs missions par les Etats
généraux, il les remplit toutes à merveille, comme il devait plus tard,
I. Voir fp. 3-4') la liste de ces principaux travaux compris entre les années 1843
et i85-2.
d'histoire et D!î littérature 123
à l'occasion de la guerre entre le Danemarck et la Suède, remplir une
importante mission du gouvernement de ce dernier pays. D'accord avec
Gustave-Adolphe, il établit dans le royaume du Lion de la Scandinavie
d'importantes usines pour le travail du fer, tira le plus grand parti des
richesses métallurgiques de ce royaume, séjournant plus de trois ans à
Norkoping qui devint, grâce à lui, un port de commerce très florissant.
Le 22 décembre 1634, il eut le malheur de perdre sa femme, qui lui
avait donné seize enfants, six fils et dix filles.
Quelques années plus tard, L. de Geer rendit un immense service à
sa patrie d'adoption momentanée en équipant, à ses propres frais, une
flotte de secours qui contribua fort à amener le traité de paix de Bro-
sembro (i3 avril 1645), si avantageux à la Suède. Mai§ il ne put obte-
nir qu'un incomplet remboursement de ses avances qui s'élevaient à
onze millions de livres : la plus mauvaise payeuse du monde, la reine
Christine ', ne lui offrit (voir sa lettre à la page 126) que des compli-
ments et des promesses, que de Veau bénite de cour. La fortune de L. de
Geer, dit M. de W. (p. i3o), « se trouva diminuée par cette aventure,
mais sa réputation ne fit que croître. Ce marchand homme de guerre,
comme il s'appelait lui-même, avait frappé l'imagination publique; les
mesures rigoureuses prises contre lui par la cour de Danemark avaient
étonné ; on s'entretenait de cette flotte considérable prêtée à un royaume
par un simple particulier » ^
Le dernier chapitre fait revivre devant nous Louis de Geer dans sa
famille, dans ses bonnes œuvres, dans ses relations avec les savants.
Père de famille, il fut un modèle ; sa charité envers les pauvres et les
opprimés fut sans bornes; protecteur des lettres, il établit à Rotterdam
une imprimerie et fit publier à ses frais une traduction de la Bible en
langue slave, dont plusieurs milliers d'exemplaires furent distribués
gratis par ses soins; ami de notre grand Descartes, qu'il avait rencontré
à la cour de Suède, il fut le bienfaiteur d'Amos Comenius, « le linguiste
renommé, le grand novateur en matière universitaire, a de Jean Fré-
1. Voir, dans le tome II des Lettres de Jean Chapelain (188?, passim), les inter-
minables doléances de Nicolas Heinsius, infortuné créancier de la princesse, dont
il ne peut rien tirer. Constatons, à ce propos, que M. de W., quand il a rapproché
l'ingratitude du roi Henri IV envers d'Aubigné, de l'ingratitude de Christine envers
L. de Geer (p. 1 24- 1 25), s'est appuyé sur un récit apocryphe, récit emprunté à quel-
que recueil a'anecdotes et qui est une manifeste interpolation dans les anciennes
éditions des Mémoires du grand-père de M'"- de Maintenon. Voir dans VHistoire
universelle du même écrivain (t. III, livre III, ch. xxi, p. 285) une version bien dif-
férente de celle qui a été adoptée par M. de Witt. Gomme la monographie de L. de
Geer sera souvent réimprimée, étant un de ces livres qui font autant de plaisir que
de bien, il importe que tout y soit irréprochable.
2. On retrouve la trace de cette vive impression produite par cet événement dans
les Mémoires de Daniel Huet (Commentatio de rébus ad eiiui periineniibiis, p. ()3).
Le futur évêque d'Avranches avait recueilli cette impression à Elseneur huit ans
après l'expédition où un simple citoyen s'était montré si redoutable à un puissant
royaume. Conférez Mallet. Histoire du D.tnemarck, Genève, 1788, t. VIK. p. q3).
126 UEVUE CUITIQUE
déric Gronovius, « le commcmateur habile des classiques latins, l'édi-
teur des Varioriim, m du professeur Jean Clauberg, qui lui dédia ses
Elementa philosophiœ ^, d'Abraham Loly, qui lui dédia ses poèmes
chrétiens (Utrecht, i65i), et ses admirables générosités lui valurent
l'honneur d'être surnommé le Médicis d'Amsterdam. Il mourut le
29 juin i652, ayant bien mérité de sa famiile, de son pays, de Fhuma-
nité. Tous les lecteurs de l'excellent petit volume, devant le fortifiant
récit d'une vie si droite et si pleine, aimeront à redire que Louis deGeer
sut concilier, comme le déclare M. de Witt (p. 5) en citant une remar-
quable phrase de son illustre grand-père .-^Ffe de Washington) » deux
choses, grandes et difficiles, qui sont de devoir pour l'homme, et peu-
vent taire sa gloire : Supporter le malheur avec fermeté; croire au bien
et s'y confier avec persévérance. «
T. DE L.
143. — EJebes' "^roîtJiîres « JEssiiî s.u«' les Mcsm's. >» Inaugural-Dissertation
ziir Erlangung der Doctorwûrde an der phiiosophisclicn Facultaeî der Univcrsitaet
Leipzig. Joh. Georg. Hagwann, stiid. phil. (Degersheim, Schweiz). i88d. In-8,
69 p.
On sait quelle est rimportance au point de vue littéraire et histori-
que de V Essai sur les mœurs de Voltaire; M. G. Hagrrjann a donc été
heureusement inspiré de le prendre pour sujet de sa thèse de doctorat;
il lui eût été difficile d'en choisir un qui offrît plus d'intérêt et qui lui
permît de mieux mettre en lumières les connaissances étendues qu'il
possède. Son travail se divise en deux parties; dans la première, il s'est
attaché à nous faire connaître comment prit naissance un ouvrage, qui!
occupe, dans la carrière de Voltaire, une place si considérable; dans la
seconde, il s'est efforcé d'en apprécier le mérite littéraire et de raoatrer
l'influence qu'il a exercée sur le développement des études histo?lq-ue&
au siècle dernier.
Il était difficile de mieux exposer, que ne l'a fait M. G. H., la genèse-
de V Essai sur les mœurs ^ il a très bien montré dans quelles circons--
tances Voltaire en conçut la pensée, quelles préoccupations il y apporta,.
et au milieu de quelles péripéties ce livre vit le jour. C'est une histoire
pleine d'intérêt que celle de l'élaboration d'une œuvre, qui, pendant
vingt-cinq ans et plus, occupa son auteur, et à laquelle il travailla,
pendant ce long espace de temps, avec une prédilection particulière;
M. G. H. n'en a omis aucune circonstance curieuse depuis le jour, où
I. M. de W. cite seulement sur ce philosophe, qui fut un des meilleurs disciples
de Descartes et qu'a tant vanté Leibniz, la compilation de Ladvocal (1732), la-
quelle ne compte plus et n'a même jamais beaucoup compté. Voir sur Clauberg de
bonnes pages de M. Francisque Bouiliier (Hisioir^ de la phiioaoyînQ çariesicjuie,
3'"'" édiiion, Paris, 18ÔS, t. I, p. 2g3-3oQ;.
d'histoîkk et de littérature i'-îf
Voltaire commença son Essai en Lorraine, à Circy, jusqu'à celui
où il le publia, sous sa forme détinitivc. L'apparition chez Néaulme, en
1733, de V Abrégé de l'histoire universelle, première esquisse qui
avait é[é dérobée au grand écrivain, l'engagea à donner entin son li-
vre au public et, en iy56, parut V Histoire universelle, partie princi-
pale de l'Essai^ dont la Philosophie de l'histoire déd'iéQ, en 1765, à
Catherine II, est comme le prologue. On sait quel en fut le succès, et
Ton n'ignore pas davantage de quelles attaques cet ouvrage fut 1 objets
Voltaire; qui les avait prévues, avait cherché, mais en vain, à y échap-
per en se cachant sous le pseudonyme de l'abbé Bazin. Pour raconter
cet épisode de l'histoire littéraire du xvui^ siècle, M. G. H. n'avait qu'à
suivre M. Desnoireterres; s'il le trouvait encore pour guide dans l'exa-
men des influences que Voltaire a subies, en écrivant son Essai, il a, on
doit le reconnaître, singulièrement élargi le cadre tracé par son prédé-
cesseur; Voltaire, comme il le montre fort bien, a, non seulement subi
l'influence de Bolingbroke, mais il a eu pour précurseurs, en France,
Bayle, dont le dictionnaire lui fut d'un si grand secours, Montesquieu,
qui avait, avant lui, jeté les bases véritables d'une philosophie de l'his-
toire, enfin Turgot, qui, dès lybo, avait exposé d'une manière si nette
l'idée de progrès. Leurs théories ont été les fondements dont Voltaire
se servit pour élever l'édifice qui l'a immortalisé, pour opposer au sys-
tème théocratique de Bossuet une conception plus humaine du déve-
loppement historique de la civilisation.
On a, surtout au commencement de ce siècle, accusé souvent Vol-
taire d'avoir abordé sans une préparation suffisante l'immense sujet
qu'il voulait traiter; depuis on est revenu à une appréciation plus saine,
M. G. H. a fait plus, il a donné une liste de tous les ouvrages cités par
Voltaire et on ne peut, en la parcourant, s'empêcher de reconnaître que
pour l'époque, il était difficile d'avoir recours à plus de moyens d'infor-
mations. Quel parti Voltaire en a-t-il tiré? Quel est le caractère de
l'œuvre sortie d'un travail d'élaboration aussi considérable? Quel pro-
grès marque-t-elle sur les écrits des historiens philosophes qui l'avaient
précédée? VEssai de Voltaire a un caractère à la fois négatif et positif,
il y apparaît comme polémiste, et comme novateur; comme polémiste
il combat Bossuet, et son opposition à l'historien théologien l'a fait
exalter tout ce que celui-ci avait dédaigné ou laissé dans loubli, tel que
la Chuie et l'Inde, rabaisser, au contraire, ce que l'auteur du Discours
sur l'histoire universelle avait loué et admiré, en particulier les Egyp-'
tiens et les Hébreux; c'est en polémiste encore qu'il a traité l'histoire
religieuse, condamné si facilement les croisades et si mal compris la
Réforme; mais si ses préoccupations dogmatiques l'ont égaré, quand
elles l'abandonnent, Voltaire retrouve toute sa netteté de vues ha-
bituelles, et il est alors réellement novateur; l'idée qu'il se fait du pro-
grès, de l'influence du climat, des rapports étroits qui existent entre
l'homme et le globe qu'il habite, est souvent d'une grande justesse, et si
128 RKVUK CKniOlJf'"
ses conceptions ne sont pas toutes également originales, elles devaient
néanmoins en partie rester; il n'a pas été en vain non plus l'apôtre de
la tolérance et de la justice. Mais c'est surtout ce que Voltaire dit de
l'histoire de la civilisation qui est nouveau, instructif, plein d'aperçus
ingénieux et vrais. Là, le grand écrivain a été vraiment un précurseur.
Il ne l'a guère moins été en ce qui concerne la méthode, l'utilité et
l'importance des études historiques, enfin la nécessité de la critique.
Aussi tout en étant une œuvre de parti, qu'on ne peut bien comprendre,
comm.e M. H. le remarque avec raison, qu'en se plaçant au point de
vue étroit du xvni'' siècle, VEssai sur les mœurs n'en fait pas moins
époque dans la manière de concevoir et d'écrire l'histoire.
On comprend qu'une œuvre aussi considérable ait pu et dû exercer
une grande influence sur les contemporains et sur les écrivains de la géné-
ration suivante; cette influence, on l'a dès longtemps reconnue et on a
été en général plus porté à l'exagérer qu'à l'amoindrir; ainsi on a fait, —
M. Villemain en particulier, — de Hume, de Gibbon et de Robertson
trois disciples de l'Essai de Voltaire, sans remarquer que cela est de
toute impossibilité pour Hume, dont l'histoire d'Angleterre était ache-
vée quand parut l'ouvrage français, et douteux pour Robertson, qui ne
le cite pas une seule fois; M. G. H. le nie aussi pour Gibbon, qui sem-
ble s'être inspiré bien plus des Considérations de Montesquieu que de
VEssai sur les mœurs-, ces conclusions sont justes dans leur ensemble;
seulement M. G. H. oublie que le Siècle de Louis XIV était connu
des trois écrivains anglais et que l'esprit qui y règne est celui même qui
domine dans VEssai; d'ailleurs ce dernier ouvrage est com.me le résumé,
le programme et le symbole de la pensée philosophique du xviiie siècle;
il n'est pas surprenant dès lors que les historiens, qui, ainsi que
Hume, Robertson et Gibbon, en ont été eux aussi les représentants,
aient écrit et jugé comme Voltaire. Mais M. G. Hagmann a raison,
quand il dit que l'influence de VEssai se fit bien plutôt sentir d'une
manière générale sur l'ensemble des études historiques, que d'une ma-
nière isolée sur quelques écrivains en particulier.
Ch. J.
i^^^. _ succos$>son <i»Espagnc. Louis XIV et Guillaume IIL histoire des deux
traités de partage et du testament de Charles II, d'après la correspondance inédite
de Louis XIV, par Hermile REViVALD, doyen de ia faculté des lettres d'Aix. Paris,
Pion, i883, XI, 376, 395 p. In-8. Prix : i5 fr.
L'auteur de cet ouvrage est mort avant que nous ayons eu le loisir
d'en terminer la lecture et le compte-rendu ; aussi devrons-nous limiter
nos observations à quelques points essentiels, puisque malheureusement
M. Reynald n'est plus là pour accepterou réfuter nos critiques ou pour
les discuter contradictoirement avec nous. Ce n'est pas la première fois
D^HISTOIRli !iT DE LITTÉUATURE I 29
que le doyen de la faculté d'Aix s'occupait de la question de la succes-
sion d'Espagne. Il l'avait étudiée dans un de ses épisodes et avait pré-
senté à ce sujet un mémoire à l'Académie des sciences morales et poli-
tiques dont nous avons rendu compte ici-même '. Depuis lia voulu re-
tracer les commencements de cette entreprise si ruineuse pour le pres-
tiae de Louis XIV et la prédominance de l'influence française en Eu-
rope, et montrer, plus en détail, Vmcubation de ce qui mit la France
aux prises avec l'Europe entière. L'auteur a peu consulté les récents
travaux consacrés à cet épisode de l'histoire moderne par les historiens
étrangers, MM. Arnold Gaedeke (Oesîreick's Polit ik im Spanischen
Erbfolgekrieg, i vol.) et surtout M. Ch. de Noorden, qui vient de mou-
rir lui aussi, laissant inachevée son Histoire de la succession d'Espa-
gne, dont trois volumes seuls ont paru. M. R. a surtout travaillé sur
les documents que M. Mignet lui avait confiés après avoir cessé, pour
sa part, de s''occuper plus activement de son grand recueil des pièces
diplomatiques de l'époque pour la collection des Documents inédits. 11
a utilisé en second lieu les lettres, instructions, etc. déjà publiées à Lon-
dres, en 1849, par M. Grimblot, mais dans une version anglaise. On ne
lira pas sans intérêt, sous leur forme française, ces correspondances, of-
ficielles et secrètes, parmi lesquelles nous remarquons surtout celle de
Tallard, plus d'une fois inspirée par une rare clairvoyance patriotique
(par exemple le mémorandum de nov. 1700), mais on ne sera pas tou-
;ours d'accord avec les commentaires dans lesquels M. R. encadre ces
pièces inédites ou peu connues. On a quelque peine à trouver que la
victoire de Louis XIV ait été aussi « complète » qu'il veut bien le dire,
quand on connaît Tissue de cette lutte inutile autant que désastreuse,
et Ton se refuse à admettre que l'ambition du monarque ait toujours
été 'c tempérée par la raison. »
Ce que nous regrettons le plus, c'est que M. R. n'ait pas pu se décider à
tenir un peu plus compte des observations présentées par la critique sur
la forme de ses travaux antérieurs. Sans vouloir exiger un appareil d'é-
rudition pédantesque, on ne peut que s'étonner de l'absence de certains
renseignements. Dans ces deux volumes on ne rencontre pas un mot
d'indication sur l'endroit où il faut chercher les pièces citées ou analy-
sées par Fauteur. Pas de désignation d'archives, bien moins encore une
côte de dossiers quelconque. On ne sait pas si M. R. a retraduit les
pièces données en anglais par M. Grimblot ou s'il a consulté les origi-
naux. On retrouve, ici encore, une négligence dans la transcription
Jf-S noms étrangers poussée jusqu'à l'incurie, non seulement dans les tex-
tes, mais àans le récit même de Pauteur. [Auerspeg pour Auersperg ;
Gaedeke pow Gaedeke; Sclnpresbun/ pour Shrewsbury ; Dona pour
X)ohna ; Zin-endor/ pour Sit^ejidorff; FreisJunan pour Frischmann;
Wart^bourg pour 'Wiirt^ùourg; Florente pour Llorente ; etc. etc.) Ces
1. Voy. ia ivc'i':.'.' du 26 avril 1879.
1 3o REVUE CRITIQUE
menus défauts auxquels nous ne voulons pas attacher trop d'importance
et qui ne nous rendront pas injuste envers les qualités sérieuses de
l'ouvrage, n'en donnent pas moins un sentiment d'insécurité relative au
travailleur appelé à le consulter, à Tutiliser à son tour. Faire le métier
d'historien était évidemment chose secondaire aux yeux du regretté
professeur d'Aix, qui prisait davantage les considérations générales et
les vues d'ensemble. Mais ce dédain pour les obligations précises, voire
même minutieuses qui s'imposent de nos jours à tous ceux qui préten-
dent écrire Thistoire, n'est plus de mise aujourd'hui, et ce sont précisé-
ment ceux qui le professent qui en souffriront le plus, injustement par-
fois, dans l'opinion du public compétent en ces matières.
R.
CHRONIQUE
FRANCE. — Le cercle Saint-Simon avait jusqu'ici pubWéun Bulletin formant au moins
20 feuilles et servi gratuitement à tous ses membres. Il vient de faire paraître un
Annuaire et en même temps ue commencer, à côté du Bulletin, une série de publi-
cations spéciales consacrées à des travaux historiques, littéraires ou scientifiques. Le
Pacha Boimeval par M. Albert Vandal et l'Expansion de l'Allemagne par M. Jules
Flammerjiont forment les deux premiers numéros de cette série (Paris, Léopold
Cerf). M. Vandal, après le prince de Ligne et Sainte-Beuve, a fait revivre la physio-
nomie du gentilhomme renégat; il a trouvé aux archives des affaires étrangères un
assez grand nombre de documents relatifs à Bonneval; ces témoignages, comme il
le dit lui-même, jettent quelque lumière sur le rôle du comte en Orient et mon-
trent que Bonneval relève non-seulement du roman, mais aussi, par certains côtés,
de l'histoire. M. Flammermont montre par de nombreux faits les efforts énergiques
que tente TAllemagne pour maintenir en étroite communion de langage, d'idées et de
passions avec la mère patrie, les trente millions d'Allemands établis en dehors des
limites de l'Empire.
— Le n» du 27 juin (n" 26) de la Revue scientifique renferme un article très ins-
tructif de M. Charles Henry qui prouve que le manuscrit de Bordeaux, dont il a déjà
été question ici même, renferme : i" la rédaction du cours de Rouelle l'aîné (qu'on
retrouve dans les mss. de la Bibliothèque nationale et qui a été faite par un ano-
nyme sur des notes de Diderot) ; 2° des additions de Rouelle le cadet et de Darcel ;
3" des additions et des nouvelles rédactions de Diderot, sensibles en divers endroits;
40 des notes inlerfoliées de Latapic. M. Henry publie dans le même article un mor-
ceau intitulé V Utilité de la chimie, qui lui paraît être de Diderot : « si le grand écri-
vain, dit-il, est moins personnel dans les idées qui incontestablement sont de Rouelle,
il est encore plus lui-itiéme en les exprimant; les lignes consacrées aux vitraux des
églises gothiques sont en des termes plus vifs les idées que Diderot exprime à Grimm
dans son Essai sur la. peinture ».
— La « nouvelle collection de géographie et de voyages » publiée par la librairie
Lecène et Oudin, s'est augmentée de deux volumes : Le pétrole, son histoire, ses
origines, son exploitation dans tous les pays du monde, par M. Fernand Hue (in-8<»,
à'HISTOIRK Et DE LITTERATURE l3l
3o7 p.) et L'Afghanistan, les Russes aux portes de l'Inde, par M, Charles Simond
(in-8°, 32'3 p. 3 fr. 5o); ce dernier volume qui vient à son heure, offre dans une
forme claire et succincte un grand nombre d'informations intéressantes; c'est un ré-
cit d'histoire contemporaine, simple, mais exact et impartial. Il est divisé en quatre
parties : I. Les clefs de l'Inde. II. L'intrigue russe. III. L'intrigue anglaise. IV. Le
conflit anglo-russe.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 3i juillet iS8^.
M. Deloche rend compte de l'état des travaux de dégagement des arènes de la
rue Monge. Le déblaiement est très avancé. On a mis à découvert l'ellipse du po-
dium, les deux principales avenues, l'emplacement des gradins pour les spectateurs,
\t prosccenimn du théâtre de mimes, de danseurs, etc., qui était annexé au cirque.
Les murs ont été mis à l'abi i des intempéries et des travaux de réfection seront
entrepris sur tous les points où cela sera juge nécessaire. On a aussi exécuté une
restitution en relief des arènes et du théâtre; un moulage de cette réduction sera
prochainement présenté à l'Académie. .Enfin, M. Deloche annonce que, par une
décision récente, délibérée en conseil d'Etat, les arènes ont éié déclarées monument
d'utilité publique.
M. Le Blant lit un mémoire intitulé : le Christianisme aux yeux des païens. On
sait par le témoignage des auteurs que les païens connaissaient fort mal le christia-
nisme et s'en faisaient toutes sortes 'd'idées fausses. M. Le Biant trouve une nou-
velle preuve de ce fait dans une série de documents dont on a trop peu tiré parti
jusqu'ici, les actes des martyrs. Il est vrai que ces actes sont souvent interpolés et
peu dignes de foi ; pourtant, quand ils relatent, comme dans un procès-verbal sté-
noj^raphié, l'interrogatoire des chrétiens par les magistrats et les réponses des mar-
tyrs, on peut croire qu'ils reproduisent des pièces authentiques. M. Le Blant cite
un grand nombre de questions.tirées de ces interrogatoires, qui prouvent chez les
magistrats païens une grande ignorance des principes et des doctrines véritables du
christianisme. Ils montrent en même temps combien, dès les premiers siècles, il
était devenu difficile aux païens et aux chrétiens de s'entendre entre eux : ils ne
parlaient pour ainsi dire plus la même langue.
M. Salomon Reinach communique une note sur Qiiatre villes nouvelles en Tuni-
sie. En mars et avril i885, MM. Reinach et Gagnât ont entrepris un voyage d'explo-
ration dans quelques régions encore peu connues de la Tunisie du Nord. Ils te-
naient à vérifier sur place plusieurs inscriptions dont M. Tissot avait autrefois reçu
des copies plus ou moins défectueuses. A Aïn-Dourat, sur le bord d'un ruisseau
qui se jette dans l'Oued-Tine, à i8 kilomètres au nord-nord-ouesî de Medjez-el-Bab,
se trouvent des ruines très considérables : d'après une inscription, c'est l'ancienne
cité d'Uccula, dont l'existence était connue par un document ecclésiastique, mais
dont on ignorait l'emplacement. A lo kilomètres plus au nord, on a trouvé les rui-
nes d'un municipedont le nom même est nouveau, municipiwn Septiuiium Liberum
Aulodcs. Une ville nommée Tnibar et mentionnée aussi dans les documents ecclé-
siastiques a été reconnue, grâce à une inscription signalée déjà par MM. Bordier et
Tauzia de Lespin, à l'Henchir-Hammâmet, près du mont Gorra ; le ruisseau qui
longe cette ruine s'appelle encore aujourd'hui l'Oued-Thibar. A 12 kilomètres plus
loin, sur la route de Teboursouk, au lieu appelé aujourd'hui Kourbatia, une autre
inscription signalée par MM Bordier et de Lespin fait connaître l'existence d'un an-
cien mtinicipe du nom de Thimbure En dehors de ces renseignements géographi-
ques, MM. Reinach et Gagnât ont relevé une curieuse inscription (ce sont encore
MM. Bordier et de Lespin qui l'avaient les premiers signalée), dédiée au Saturne
gréco-romain, Saturnus Achaiae, ainsi nommé sans doute pour le distinguer du
Saturne punique, dont le culte était prohibé :
SATVRNO • ACHAIAE • AVG • SACR
PKO'SALIMP'CAES'ANTONINI-AVG'PiIp p
GENSBACCHV1A.''^'*"^'^''^^™'^^'^'^E'^"PECERVNT-1D'DEDIC
CANDIDVS'BALSAMONIS-FlL'EX-XI^i^ '^MPLIVS-SPATIVM'IN QVO -TEMPLVM "FIERET
D0NA\^'T
« Saturno Achaiae Augusto sacrum. Pro saluîe imperâtoris Caesaris Antonini
Augusti Pii patris patriae gens Bacchuiana templum sua pecunia fecerunt idemque
dedicaverunt. Candidus Balsamonis filius ex undecim primis amplius spatium in
l32 REVUE CRITIQUE d'hISTOIRE ET DE LITTERATURE
quo tcmplum fieret donavit. » C'est la première fois qu'on rencontre les noms de
Balsav.oii et de la gens Bacchuiana.
M. Hamy, conservateur du musée d'ethnographie, communique un portulan ou
carte marine, d'origine portugaise. Cette carte paraît avoir été tracée en i5oi ou
ï3o-2. Les côtes d'Afrique y sont extrêmement détaillées jusqu'à Mélinde. point où
Vasco de Gama et Alvaro Cabrai prirent les pilotes maures qui les menèrent à Cali-
cut. C'est un des rares monuments qui subsistent aujourd'hui des premières cir-
cumnavigations africaines, un de ces routiers de l'Inde dont une loi portugaise in-
terdisait sous peine de mort la vente à l'étranger. L'Asie et l'Europe septentrionales
sont représentées suivant les formes traditionnelles, fort inexactes, comme l'on sait.
L'Amérique montre les résultats des voyages des Cortereal et autres navigateurs
portugais, antérieurs au milieu de l'année i5o2.
Ouvrages présentés : — par M. Le Blant; Mûntz (Eug.), quatre brochures : le
Palais pontifical de Sor gîtes, les Peintres d'Avignon pendant le règne de Clément VI,
les Peintures de Simone Martini à Avignon, la Statue du pape Urbain V au musée
d'Avignon ; — par M. Heuzey : Revue d'assyriologie et d'archéologie orientale, di-
rigée par MM. Oppert et Ledrain, 2" livraison; — par M. Delisie : Bréard (Charles),
les Archives de la ville de Hon/leur; par l'auteur : Deloche (M.), Description d'un
poids de répoque carolingienne.
Julien Maveï.
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du 2g juillet iSSj).
PRÉSIDEN'CE DE M. COURAJOD.
M. Mûntz propose une interprétation nouvelle pour un passage du moine Théo-
phile. Il signale l'analogie entre l'exécution de la pierre tombale de Frédégonde, à
Saint-Denis, et les procèdes décrits par Théophile au chapitre i" du livre 11 de son
traité.
M. de Montaiglon fait observer qu'il serait difficile de fixer la date précise de ce
tombeau, mais qu'il n'offre pas les caractères de l'école romane du xi' ou du xii" siè-
cle.
M. Prost continue la Ici'ture de son mémoire sur les justices privées.
M. de Barthélémy lit la suite de l'étude de M. de la Noé sur les Oppida.
M. Flouest présente des photographies envoyées du département des Basses-AIpes
par M. Eyssrie, représentant un Mercure en bronze et une statue en marbre mutilée
de l'époque romaine.
M. Courajod lit une note sur la statue de Diane qui surmonte une fontaine dans
le jardin de l'orangerie à Fontainebleau.
Pour le Secrétaire,
Slg^'^ '. .:».. LECOY DE LA MaRCHE»
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Séance du 22 juillet 18S 5. '\
PRÉSIDENCE DE M. COUBAJOD
M. CoUignon communique la photogra[)hie d'une sculpture trouvée sur la ligne
du chemin de fer de l'Est, près de Gondrecourt, et représentant une divinité gau-
loise assise.
M. l'abbé Touret donne divers renseignements sur trois missels anciens du dio-
cèse d'Elne, offrant un intérêt archéologique.
M. Lecoy de la Marche achève la lecture de son étude sur le manuscrit de la biblio-
thèque de Naples, renfermant le De arte illuminandi, et donne, d'après ce traité,
des explications sur le bro3'ement des couleurs, sur leur application et sur les ins-
truments de l'enlumineur.
M. l'abbé Thédenat fait circuler l'estampage d'une coupe de marbre trouvée près
de Clierchell (Algérie), représentant deux personnages se tenant par une main et
faisant de l'autre le geste de l'orani.
M. Prost commence la lecture d'un mémoire sur les justices privées.
Pour le Secrétaire,
A. Lecoy de la Marche.
Le Puy, imprimerie Mard'cssou fils, boulevard Saint-Laureni. ;;.'■.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE El DE LITTÉRATURE
No 34 — 24 août - 1885
Soniinaii-e : 145. Brugmann, De l'état actuel de la linguistique. — 146. Sebastien,
L'organisation du patronat chez les Romains. — 147. Giry, Les établissements
de Rouen. — 148. Gaster, La littérature populaire roumaine, — Chronique. —
Académie des Inscriptions.
145. — Zum heutigen Staud der Spraclixvissenschaft, von Karl Brugmann,
ord. prof, der vergleichenden Sprachwissenschaft in Freiburg i. B. Strassburg,
K. J. Trûbner, i885. In-8, 144 pp.
Tous les initiateurs doivent s'attendre à être un jour dépassés. Est-il
aussi dans leur destinée de ne point comprendre ceux qui les dépassent,
de combattre ceux qui ne font que poursuivre jusqu'au bout l'application
de leurs propres principes, de désavouer enfin leurs élèves et leurs con-
tinuateurs? Bien que le cas soit assez commun, on ne se résigne pas
aisément à voir d'excellents esprits méconnaître, avec une aussi parfaite
ingénuité, les progrès dont ils auraient lieu de s'enorgueillir. Ainsi,
récemment, M. Curtius a consacré un livre ' à la critique des doctrines
et des tendances de l'école néo-grammaticale, critique très modérée dans
la forme, très radicale dans les conclusions qui s'en dégagent : la lin-
guistique a battu les buissons depuis dix ans, et il est grand temps de
revenir au point de départ. Si l'école nouvelle est autorisée à ne pas l'en
croire sur parole, à relever son défi et à persévérer dans les voies qu'elle
a trayées, c'est ce dont on pourra juger en pleine connaissance de cause
après avoir lu la solide et entraînante réponse de M. Brugmann.
L'auteur a réuni sous un titre commun trois essais, dont deux se
rattachent à la polémique soulevée par M. Curtius. De l'autre (pp. i-
41J, qui est un cours inaugural intitulé « Linguistique et Philologie »,
il y a peu de chose à dire : on y remarque une analyse très fine des rap-
ports intimes de ces deux sciences, mais aussi une tendance à les rap-
procher jusqu'à les confondre. M. B. n'a eu en vue que la linguistique
classique, qui a en effet beaucoup à apprendre de la philologie et beau-
coup à lui enseigner; mais la linguistique indo-européenne, déjà trop
étendue pour le philologue, n'est elle-même qu'une division de la lin-
guistique générale, qu'une frontière bien nette sépare de toute autre
science. Ce qui demeure vrai, c'est qu'un même esprit scientifique doit
les animer, et que les résultats de l'une sont naturellement soumis, au-
tant que faire se peut, au contrôle rigoureux de l'autre.
La réponse à M. Curtius (pp. 43-128) suit pied à pied l'argumenta-
I- G. Curtius, Ziir Kritik der netccaieii SpracliforsciUDig. Leipzig, i885.
Nouvelle série. XX. 34
l:)4 KKVUK CRITIQUE
tion de réminent professeur. En conséquence, elle traite successivement
des quatre points fondamentaux de l'enseignement néo-grammatical,
savoir: i» les lois phonétiques n'admettent point d'exception; 2" l'a-
nalogie est sans cesse à l'œuvre dans toute langue, jeune ou vieille (une
langue ne nous paraît vieille que relativement à notre brève existence,
et cette distinction ne répond à rien de réel), pour rétablir entre les
formes grammaticales l'harmonie que troublent les changements pho-
nétiques; 3° la langue indo-européenne possédait un vocalisme beau-
coup plus varié que celui que lui attribuaient les premiers grammai-
riens sur la foi du sanscrit, et nommément un e, un o et un a, conservés
en totalité ou en partie par le groupe européen de la famille, puis encore
les liquides et nasales sonantes ou vocaliques ; 4'' l'explication des for-
mes grammaticales de la langue indo-européenne par l'agglutination
d'éléments radicaux (v. g., de l's aoristique par la racine es « être ») est
en général illégitime, non pas qu'elle soit inadmissible a priori, mais
en ce sens que, faute de documents qui permettent de résoudre à coup
sûr ces questions de paléontologie linguistique, il vaut mieux s'abstenir
absolument de les poser. Sur ce dernier point (pp. 1 15 sqq.) M. B. se
montre plus conciliant qu'on ne s'y attendrait : il ajourne la solution
plutôt qu'il ne la repousse.
Il serait superflu de dire que l'ouvrage ne contient rien de nouveau
et puéril d'en faire un reproche à Fauteur, qui s'est simplement proposée
de constater l'état actuel de la science sur chacun des points en litige.
On y trouvera, sous forme de mémento rapide, tout ce qu'il est indis-
pensable de savoir aujourd'hui pour s'intéresser avec fruit à la linguis-
tique indo européenne. Le renvoi aux sources permet à ceux qui le
désireront de compléter ces renseignements sommaires. L'argumentation
de M. S. est irréprochable et d'une logique convaincante. On voudrait
seulement parfois (p. 64 i. n.. p. 92 i. n.) qu'il triomphât avec moins
d'âpreté de son ancien maître.
Parmi les détails hasardés je signalerai (p. 83) la genèse de la forme
l[).z^j attribuée à l'analogie de èy6). On cherche en vain la formule précise
sur laquelle pourrait reposer cet étrange processus. Si l'on ne veut pas
admettre un thème primitif de déclinaison em-, emé-, il faut, je pense,
avec M. Bréal, recourir à l'hypothèse d'un doublet syntactique.
Ailleurs (p. 64) M. B. répond assez faiblement à M. Curtius, qui dé-
clare n'avoir trouvé dans Diez rien qui justifiât les assertions de la
nouvelle école, relatives à la prodigieuse influence de l'analogie dans la
formation des langues romanes. Il le renvoie à l'examen du phonétisme
des patois allemands. Est ce pour s'épargner la peine de mentionner les
beaux travaux des romanistes français, qui ont montré avec une évi-
dence singulière qu'il est impossible de faire un pas dans le domaine de
la phonétique romane, sans se trouver pris dans un véritable lacis d'a-
nalogies entrecroisées •?
I. Voy. notamment Roma nia, V, p. 140. Vil, p. 420,. X, p. 36, etc.
oHisroiRj!; liT v>\i LiniiRAXORE i35
Sur un point capital, enfin (p. 114), l'auteur, d'ordinaire si scrupu-
leux, reste en défaut. « Comment concevoir en fait, dit M. Curtius,
qu'une racine ez, bheugh devienne f, bhugh [€\.]j.i 1'[J.£v, os-jyîiv çuysiv)'- ^tc?
Par quel miracle Ve saute-t-il ainsi hors de la racine? — Mais, dit
M. B., par quel miracle iV, ou plutôt Va dans votre théorie, y entre-
t-il, quand une racine bhugh, pt devient en vertu du guna bhaugh^pat? »
Il y avait, ce semble, mieux à répondre; car jamais une impossibilité
n'a rendu plausible l'impossibilité contraire. La vérité est que le guna.
seul est inconcevable; le procès inverse n'a rien que de fort naturel. Si,
en effet, on admet, comme je l'ai dit ailleurs, que Ve proethnique d'une
racine bher, par exemple, se rapprochait beaucoup de Ve muet français
(mid-front-wide-round de Sweet), on comprendra sans la moindre diffi-
culté : 1° sa disparition, surtout si la syllabe devient atone [bhr, cf. en
français petit p'tit, et en hébreu le cheva quiescent); 2° sa permutation
en un 0 ouvert (mid-mixed-wide-round), soit bhor, gr. oôpoç; 3° enfin
la permutation de l'un et Tautre en a aryen (mid-back-wide sans labia-
lisation); ces trois phonèmes n'étant séparés, comme on le voit, que par
d'insignifiantes nuances physiologiques. Je ne dis pas que cette explica-
tion s'impose, mais au moins est-elle de nature à faciliter l'intelligence
du système.
L'appendice (pp. 129-144) est une réponse à la récension que M. J.
Schmidt a donnée de l'ouvrage de M. Curtius •. Il s'agit de savoir si
c'est l'école de Schleicher ou celle des néo-grammairiens qui a la pre-
mière proclamé et appliqué avec rigueur le principe de la constance des
lois phonétiques. M. B. n'accorde cet honneur qu'à M. Leskien, et il a
beau jeu, en effet, à faire ressortir l'arbitraire de certaines reconstruc-
tions de Schleicher et de M. J. Schmidt lui-même. Mais ce sont chi-
canes de détail. Il n'en reste pas moins que Schleicher, par la tournure
scientifique de son esprit, par sa méthode consistant à descendre des
formes primitives restituées aux formes historiques, par l'erreur même
qui lui faisait ranger la linguistique au nombre des sciences naturelles,
a préparé le mouvement actuel, s'il n'en a à son insu donné le signal.
Ceux qui avaient accepté sa forte discipline se sont plies sans peine à
celle, plus rigoureuse encore, que leur imposent les temps nouveaux;
et, pour me résumer, j'oserais presque dire que, si une mort prématurée
ne l'eût ravi à la science, il serait aujourd'hui l'un des plus fermes te-
nants des doctrines que condamne M. Curtius,
M. Brugmann paraît profondément pénétré des devoirs de la critique
sérieuse, quand elle s'exerce à son endroit. 11 est même assez piquant
de le voir prêcher la tolérance à M. J. Schmidt (p. 144), ou prier M. Cur-
tius de ne point tant épiloguer sur les mots (p. 86 i, n.). Ce sont là d'ex-
cellents conseils, dont il voudra certainement profiter lui-même à l'oc-
casion.
V. Henry.
i. Deutsche Litteratiirzeilung, i885, p. 339.
'> ."
I :>0 KKVUI'. CKITIQUK
146. — Km. Sébastian. De pati>onis coloniuruui atque municlpioi'uxn
Rouiunoruni (Dissertation inaugurale, Halle, 18S4, in-8, bb pages).
Celte brochure est une utile contribution à l'organisation du patro-
nat chez les Romains. L'auteur y a rassemblé avec soin et habilement
groupé les différents textes, surtout épigraphiques, relatifs aux patrons
de villes (municipes et colonies).
La dissertation comprend six paragraphes : 10 De patronatus urbium
origine et natura gênera H ; 2° De hereditate patronatus urbium. La
conclusion de ce paragraphe est bonne à noter : quand un personnage
était élu patron d'une cité, toute sa famille participait au titre et à
l'honneur, mais lui seul supportait les charges du patronat; à sa mort,
son fils aîné héritait de ces charges. 3o De ordine patronorum urbium ;
4° De patronis complurium oppidorum;5'' De cooptatione patronorum.
C'est la partie la plus instructive du travail. Au début de l'empire il y
a, suivant M. S., trois actes nécessaires pour qu'un homme soit reconnu
patron d'une cité : a) le sénat municipal, à la majorité des deux tiers, dé-
crète qu'il y a lieu d'accorder le patronat à tel ou tel personnage ; b) le
peuple réuni par curie vote l'adoption du personnage comme patron ;cj
on envoie à l'élu une table de bronze (tabula patrocinalis). Plus tard,
quand le peuple cesse de se rassembler en comices, le second de ces actes
est supprimé; mais les décurions ont soin de ne pas choisir de patron à'
la cité avant de s'être assurés que leur choix sera agréable au peuple, ou
sans y être préalablement invités par lui. 6° De muneribus, officiis., ho-
noribus patronorum urbium.
Une thèse inaugurale ne saurait avoir la prétention d'être complète :
on s'étonne pourtant de ne pas trouver à la fin du travail qui porte en
sous-titre : Quaestio epigraphica une étude sur les tables de patronat
qui nous sont parvenues et leur différent mode de rédaction ; il semble
que la dissertation en eût fini moins sèchement et la question n'est
pas tellement connue qu'elle n'eût valu la peine d'être examinée dans le
détail.
Nous signalerons à l'auteur, en terminant, un procédé de références
qui est défectueux. M. S. connaît bien les différentes thèses inaugurales
parues ces dernières années en Allemagne, celle de M. Degner sur les
curatores rcipiiblicac, celle de M, Herbst sur les sacerdoces munici-
paux, celle de M. Karbe sur les centurions, qui vaut en effet la peine
d'être consultée; rien de mieux. Mais pourquoi faire honneur à ces
jeunes savants de vérités passées dès longtemps dans le domaine com-
mun? On lit p. 18, note i : « Praefectura cohortis auxiliariae estinfima
militiarum cquesirium (Karbe; de centurionibus, p. 23) r> et au des-
sous : « De militiis equestribus v. Liebenam (Diss. Bonnens, 1882,
p. g), » ce qui est d'ailleurs une référence fausse : lisez p. 14 et suiv.
Est-ce que la question des milices équestres n'a pas été résolue il y a
déjà iicnte ans par MM. L. Renier et Henzen? Si l'auteur voulait
d'histoire et de littérature i37
absolument une référence plus moderne, pourquoi, au moins, ne ren-
voyait-il pas au travail de M. Hirschfeld, Die prociiratorische Ccir-
riere, qui traite à fond le sujet?
R. Gagnât.
i^y. — Les ÉtabUssements de Rouen. Études sur l'histoire des institutions
municipales de Rouen, Falaise, Pont-Audemer, Verneuil, la Rochelle, Saintes,
Oleron, Bayonne, Tours, Niort, Cognac, Saint-Jean-d'Angély, Angouléme, Poi-
tiers, etc., par A. Giry. Paris, F. Vieweg. i883-i885. 2 vol. in-8, xxvii-441,
xiii-266 p. (Bibliothèque de l'École des hautes études, etc., Sciences philologiques
et historiques, fasc. 55 et 5q.)
On appelle établissements de Rouen, Stabilimentum communie Ro-
thomagi, un règlement d'organisation communale qui paraît avoir été
écrit à Rouen à la fin du xii'' siècle et qui a régi, à diverses époques,
non seulement la ville de Rouen, mais encore un assez grand nombre
d'autres communes de la Normandie et de l'ouest de la France. L'ou-
vrage de M. Giry, dont le premier volume a paru il y a deux ans et le
second cette année, comprend à la fois une étude sur ce règlement et
sur l'histoire des institutions des diverses communes auxquelles il a
été appliqué. Le titre qu'on vient de lire donne la liste de ces com-
munes.
Les différentes copies ou traductions, par lesquelles nous connaissons
le règlement communal de Rouen, ne donnent pas le même texte. Les
unes n'offrent qu'une rédaction assez courte, en 28 articles; dans les
autres, on trouve, d'abord ces mêmes 28 articles, puis d'autres dispo-
sitions, en plus ou moins grand nombre, qui portent le chiffre total des
articles, dans la rédaction la plus développée, à 55. M. Giry est d'avis
que le texte le plus long, en 55 articles, représente la rédaction origi-
nale et authentique, et que les versions plus courtes sont des copies
mutilées par l'effet d'une erreur de transcription. Cette opinion est, à
première vue, assez difficile à accepter.
Le texte le plus court est, en effet, celui que donnent les documents
les plus anciens et les plus authentiques, les registres de la chancellerie
royale. En mai 1204, Philippe-Auguste, recevant la capitulation de
Falaise, confirma cette ville dans la possession de son statut communal
et fit transcrire ce statut sur son registre; au mois suivant, il accorda
une confirmation semblable à la ville de Pont-Audemer. Les registres
de Philippe-Auguste nous ont conservé le texte du statut ainsi con-
firmé : c'est celui de Rouen, avec la rubrique : Hoc est stabilimentum
communie Rothomagi et Falesie et Pontis Audomari ; le texte ne
comprend que les 28 premiers articles. Ces articles figurent seuls aussi
dans la copie des établissements envoyée par le roi aux habitants de
Sainl-Jean-d'Angély, en novembre 1204. Les autres articles ne se
i38
REVUK cuniQur:
trouvent que dans des copies sans caiactère authentique, conservées à
Niort et à Poitiers, que l'aspect de l'écriture seul date du commence-
ment du xin^ siècle, et dans deux traductions du xiV^ siècle, Tune en
gascon et l'autre en français, faites à Bayonne et à Oléron. La copie
de Poitiers est manifestement interpolée. Elle débute par une formule
d'envoi libellée au nom de Philippe-Auguste et se présente comme le
texte adressé par ce roi aux habitants de Poitiers, en novembre i 204,
c'est-à-dire dans le même mois où il envoyait les établissements à Saint-
Jean-d'Angély ; or, le texte de Saint-Jean-d'Angély ne donne que
28 articles, et celui de Poitiers en donne 43. Il est clair que le roi,
envoyant un même document à deux villes voisines, à la même date,
par des lettres libellées dans les mêmes termes, n'a pu leur envoyer
qu'un texte pareil; il est clair aussi que la chancellerie royale, ne pos-
sédant dans son registre que 28 articles, n'a pu en transmettre 43 aux
gens de Poitiers. Le texte conservé aujourd'hui à Poitiers est donc un
texte composite, que l'on a formé en ajoutant aux 28 articles transmis
par la chancellerie royale i5 articles pris ailleurs. Du moment que
nous avons ici un exemple certain d'un texte obtenu par juxtaposition
artificielle de dispositions empruntées à des sources différentes, n'est-il
pas naturel d'attribuer, jusqu'à plus ample information, la même ori-
gine aux autres textes d'étendue diverse, que nous rencontrons à Niort,
à Bayonne ou à Oléron?
Pour résoudre en connaissance de cause ces questions relatives
à l'histoire du texte, il faudrait avoir la collection des variantes
des diverses copies; on pourrait alors essayer, comme dans \es\
éditions des classiques, de classer les manuscrits par familles et d'en
établir la généalogie. On doit regretter que M. Giry, qui a donné en tête
de ses pièces justificatives une édition d'ailleurs soigneusement faite du
texte latin des établissements, avec les deux traductions anciennes et
une traduction nouvelle en regard, n'ait pas publié en même temps un
relevé exact des variantes des divers manuscrits qu'il a consultés et
qu'il n'ait pas tenté un classement de ces manuscrits fondé sur la com-
paraison de ces variantes.
Pour écrire l'histoire communale des villes régies par le statut de
Rouen, M. Giry a divisé son livre en chapitres consacrés chacun à l'é-
tude d'une commune différente. Ce plan s'imposait ; en dépit de la cons-
titution uniforme qu'ont possédée théoriquement ces diverses com-
munes, elles ont eu une histoire et une organisation trop différentes pour
se prêter à un exposé collectif. Ce morcellement du travail en une série
d'études détachées nuit sans doute à l'unité de l'ouvrage et fait qu'il est
assez difficile au lecteur d'en dégager une impression d'ensemble; mais
c'est un inconvénient qu'on ne pouvait éviter. Peut-être seulement aurait»
on pu l'atténuer, en condensant un peu davantage les monographies
relatives à chaque commune et en donnant, par contre, un peu plusd'é-
ten Jue au chapitre de résumé et de comparaison qui termine le volume,
d'histoire et de littérature 189
La valeur du livre est dans le grand nombre des vues nouvelles qu'il
contient. M. Giry n'a rien négligé pour approfondir l'histoire des diverses
communes soumises au régime des établissements de Rouen. Non con-
tent des documents imprimés et de ceux qu'il pouvait trouver aux Ar-
chives nationales, il a visité presque toutes les villes dont il s'est occupé
et a examiné sur place les archives locales; il est même allé jusqu'en
Espagne, pour consulter les archives de la chambre des comptes de
Navarre, à Pampelune. Ces recherches, poursuivies pendant plusieurs
années, lui ont permis de découvrir bien des faits ignorés et de refaire
presque en entier l'histoire de certaines villes à l'époque communale.
Faut-il s'étonner, si, en possession d''un grand nombre de documents
non encore exploités, M. Giry s'est laissé aller à la tentation d'en faire
connaître le contenu, fût-ce en dépassant parfois un peu le cadre qu'il
s'était tracé; s'il lui est arrivé d'admettre, dans un livre consacré à This-
toire des institutions, des détails qui intéressent plutôt Thistoire politi-
que? Des événements comme la suppression et le rétablissement des
pêcheries du Bayonnais Pierre Arnaud de Viele, en i3i2, ou les incen-
dies qui affligèrent à plusieurs reprises le faubourg de Ghâteauneuf à
Tours, seraient mieux à leur place dans une histoire de la ville de
Tours ou de la ville de Rayonne que dans une étude sur l'organisation
municipale des communes régies par les établissements de Rouen. Mais
il vaut encore mieux donner trop que trop peu, et ce que donne M. Giry
est presque toujours fort intéressant. Il faut signaler en particulier le
chapitre où il raconte, pièces en main, l'histoire de Bayonne sous la do-
mination des rois d'Angleterre et montre la bourgeoisie turbulente de
cette ville, tantôt profitant de l'inertie du gouvernement anglais pour
étendre ses franchises au delà des limites de ses privilèges, tantôt four-
nissant par des dissentions intestines des prétextes au roi et à ses offi-
ciers pour confisquer quelques-unes des libertés de la commune. Sur
l'histoire communale de Tours et sur celle de Poitiers, il a su également
jeter une lumière nouvelle et faire voir sous leur vrai jour des faits
jusqu'ici peu connus ou mal compris. Dans presque tous les chapi-
tres, son livre offre un riche répertoire de renseignements pour l'histoire
municipale des principales villes de l'ouest de la France.
Il n'offre pas moins d'intérêt pour l'histoire générale des institutions
urbaines dans notre pays. Quelques-uns des faits qui ressortent de ses
recherches sont en contradiction avec les opinions généralement ad-
mises. La royauté, par exemple, est loin d'avoir favorisé, autantqu'on se
l'imagine, les libertés communales; les communes ont trouvé en elle un
adversaire au moins aussi souvent qu'un appui. Un autre trait domi-
nant, que ce travail met en lumière, c'est le peu de valeur des constitu-
tions écrites, des chartes données ou imposées aux villes par l'autorité
royale. Parmi les communes auxquelles fut attribué expressément, soit
par les rois d'Angleterre, soit par les rois de France, le statut de
Rouen, il en est, comme Niort ou Angoulême, qui paraissent être
140 REVUE CRITIQUE
restées plus d'un siècle sans savoir même ce qu'était ce statut et
sans se soucier de s'en procurer le texte. Dans d'autres, comme
Bayonnc ou Tours, 011 possédait le règlement qui était censé régir la
commune, maison ne se croyait pas tenu de s'y conformer; ni le roi ni
les bourgeois ne se gênaient pour en moditier les dispositions, pour
les violer même ouvertement, quand ils en trouvaient Toccasion. L'ou-
vrage de M. Giry pourrait presque être intitulé l'histoire des déroga-
tions qui furent apportées aux établissements de Rouen dans les
diverses communes que ces établissements auraient dû régir. On peut
regretter que l'auteur n'ait pas présenté le résumé comparatif de ces
dérogations, en une sorte de tableau synoptique, dans le dernier cha-
pitre. Les résultats de son travail se seraient ainsi détachés avec plus de
netteté.
La plus grande partie du tome II est remplie par les pièces justi-
ficatives, au nombre de quarante. Le n»* i, qui occupe 'à lui seul
55 pages, est l'édition synoptique du texte latin des établissements et des
deux traductions anciennes (celle de Rayonne en gascon et celle d'Olé-
ron en français), avec une nouvelle traduction en français rédigée par
réditeur. « On a perdu à peu près complètement en France, dit
M. Giry, Thabitude de traduire les documents du moyen âge. Me
sera-t-il permis de le regretter, au moins en ce qui touche les anciens
textes de droit public ou privé, dont le sens est si souvent douteux,
l'expression équivoque, les termes peu clairs, et dont il y a intérêt à pré-
ciser l'interprétation? » Ce sentiment est fort juste, et l'on peut consta-
ter, depuis peu de temps il est vrai, d'heureux symptômes d'un
retour de l'opinion en ce sens parmi les érudits : le général Favé vient
de nous donner la traduction française de la loi salique, et M. Prou,
dans la Bibliothèque de l'Ecole des hautes études, celle du De ordine
palatii d'Hincmar.
Ensuite viennent des documents divers, pour la plupart inédits,
qui éclairent sur plusieurs points l'histoire des communes de Rouen,
la Rochelle, Oléron, Rayonne, Tours, Niort, Cognac, Saint-Jean-
d'Angély, Angoulême et Poitiers. Le volume se termine par un abon-
dant index bibliographique (p. i63-i8olet une table analytique très dé-
taillée (p. 181-265). Ainsi est enfin complété l'un des ouvrages les plus
importants qui aient paru depuis longtemps sur l'histoire communale
de l'ancienne France.
Julien Havet.
148. — I.îtei-atura popular". »'*>«nj"iiî^., de Dr. M. Gaster. Cu un Apendice :
Voroava Garamantilor cu Alexandru Machedon, de Miron Cosùn. Bucure.^U , Ig.
Ilaimann, i883. In- 12 de xij pp., i f , CoS pp. et i f.
Les plus anciens monuments de la langue roumaine qui nous soient
connus, ne remontent qu'à la seconde moitié du xvi" siècle. Sans perdre
OHISTOIRK ET DK LITTERATURK I4I
tout espoir d'en découvrir de plus anciens, on peut du moins, en fouil-
lant les manuscrits que nous possédons, et en étudiant de près une
fouie d'imprimés ignorés des savants, reconstituer une littérature qui
nous montre que les Roumains ont puisé comme les autres peuples
dans le trésor des traditions que l'Orient a léguées à l'Occident. L'ou-
vrage de M. Gaster, qui n'est qu'un premier essai, a le rare mérite
d'être entièrement nouveau sur la plupart des points; aussi tenons-nous
à réparer envers Tauteur le silence involontaire auquel de nombreuses
occupations nous avaient condamné.
Avant de parler du volume de M. G., il est juste de reconnaître que
M. Hasdeu avait ouvert la voie à ces études par la publication de son
important recueil intitulé : Chtile poporane aie Românilor in seco-
lul XVI, m legatura eu literatur'a poporana cea neserisa, qui forme
le tome II des Ciivente den batrani (Bucarest, 1880, gr. in-8). Dans ce
recueil, M. H. avait attiré l'attention de ses compatriotes sur Timpor-
tance des littératures populaires en général, puis il avait publié, d'après
un ms. donné à l'Académie roumaine par M. D. Sturdza, divers textes
religieux, tels que r£'27zYre de Jésus-Christ sur l'observation du di-
manche^ la. Légende d'Abraham^ le Voyage de la Vierge en enfer Qt
V Apocalypse de saint Paul, d'où il ressort que les Roumains ont subi,
eux aussi, Pinfluence des livres apocryphes et qu'ils ont eu particulière-
ment en honneur les productions dans lesquelles se reflétait la doctrine
des bogomiles. M. H., qui avait complété sa publication par d'innom-
brables rapprochements avec les littératures étrangères, y avait fait en-
trer également quelques exemples curieux des ressources que la critique
peut tirer des traditions orales ; enfin, comme son plan primitif était de
rassembler des matériaux pour un glossaire historique, il était entré
dans de longs développements philologiques. L'ouvrage de M. G. a des
proportions plus modestes, mais il offre cet intérêt de présenter non
plus desimpies fragments, mais un tableau d'ensemble,
M. G. divise la litteratu'-e populaire en littérature esthétique, littéra-
ture éthique ou morale, et littérature religieuse. A la première appar-
tiennent : le roman d'Alexandre, Barlaam et Josaphat, Syndipa,
Bertoldo, Halima, Archir et Anadan, Geneviève de Brabant, Hélio-
dore, Philerote et Antuse, Le Diable et la Femme, La Fleur des
Vertus, TU Ulespiègle, Nastratin Hodja et quelques autres recueils
de facéties plus spécialement roumaines. La seconde comprend les fa-
bles, les proverbes et les énigmes. La troisième, qui a pour objet la
plupart des traditions fondées sur les apocryphes, est de beaucoup la
plus riche et la plus intéressante. On y trouve les histoires de la créa-
tion, d'Adam et d'Eve, la légende des démons et celle du bois de la
croix, les histoires de Gain et d'Abel, de Lameth, de Melchisédec, d'A-
braham, de Moïse, de Salomon, l'histoire de la destruction de Jérusa-
142 REVUE CRITIQUE (
lem et la légende du prophète Jérémie, l'histoire du Christ et de Pilate,
l'apocalypse de saint Paul, le voyage de la Vierge en enfer, le songe de
la Vierge, l'Épître de Jésus-Christ sur l'observation du dimanche, la lé-
gende de sainte Vénus ou Parascève, les enseignements pour les douze
grands vendredis de l'année, les miracles de saint Sivoé. M. G. com-
plète cette série, déjà longue, par les soixante-douze noms du Christ et
les soixante-douze noms de la la Vierge; puis viennent les incanta-
tions, les miracles de la Vierge, la vie de saint Basile le jeune, un traité
sur l'origine des offices, d'après Baronius (dont le nom est devenu dans
certains manuscrits Varonim, ou même Parochie), enfin les chants de
Noël et les cantiques des trois rois. M. G. rattache encore à la littéra-
ture religieuse les livres contenant des prédictions astrologiques et au-
tres, la Roue de Salomon, etc.
Comme le montre Ténumération qui précède, les productions qui
composent la littérature populaire roumaine appartiennent à des épo-
ques fort différentes. Si quelques-unes peuvent être considérées comme
véritablement anciennes, par exemple l'histoire d'Alexandre, que les
Roumains ont traduite du slavon et qui était répandue chez eux dès le
xvi« siècle, la plupart sont des traductions toutes modernes. Il en est
ainsi de Geneviève de Brabant et de divers autres livrets traduits tant
bien que mal d'après quelque édition de notre Bibliothèque bleue ^,
M. G. eût pu élargir son cadre et rechercher quelles sont les traditions du
moyen âge qui se sont conservées dans la littérature orale des Roumains.
Cette recherche, qui sera sans doute tentée par la suite, sera d'autant
plus intéressante que les contes ont une origine assurément beaucoup
plus ancienne que les livrets, souvent peu intelligibles pour le peuple,
qui se débitent dans les foires de Bucarest ou de lassi, et que, de plus,
ils ont subi dans la bouche des conteurs certaines transformations qui
leur donnent une valeur originale. 11 est curieux de noter qu'un des con-
tes les plus répandus chez les Roumains, les Doï Fet'i cotofati cii parul
de aur % nous offre un récit qui rappelle un épisode du roman delà belle
1. Un libraire allemand de Kronstadt (Braçov), M. Hintz, qui, sous le nom de
Hintescu cultive avec amour la littérature roumaine, publie depuis quelques années
de petits livrets destinés au colportage. 11 a non seulement réimprimé, d'après di-
vers auteurs, des contes populaires, des récits patriotiques, etc., mais il a com-
mencé la publication de traductions abrégées de certains ouvrages que les Rou-
mains ne possédaient pas encore, par exemple, l'histoire de Griselidis {Pataniele
multcercatet Griselde, istorioara morala prea interesanta. scrisa pentru poporul
roman. Braçov, Frank ?i Dressnandt, [1876J, in-i6 carré). M. Hintz s'est contenté
d'abréger l'édition allemande de Reutlingen; le début est même traduit textuelle-
ment. Grâce à lui, Griselidis peut aussi bien figurer parmi les productions de la
littérature populaire roumaine que Geneviève de Brabant et surtout que Zadig.
2. Voy. Schott, Walachische M'àrciien, 121; \AAx.v\c\-i, Deutsche Volksmarchen ans
dem Sachsenlande in Siebenbûr^en, n° i ; Doi Feli cotojeti, seu Doi Copii eu pendu
de auru, povesta poporala vomana vublicata de Dr. At.-M. Marienescu (Pest'a,
Em. liartalits, 1871, in-16, extr. de VAlbina); Ispirescu, Légende sau Bas mêle Româ-
niloru adunate din guva poporului, i88--i, 62.
D HiSroiUK KT Dh LITTKHAIUKK 1^0
Hélène de Constantinople ■ et présente la plus grande ressemblance avec
l'histoire de la femme du roi Thierry, que nous trouvons parmi les
Miracles de Nostre Dame -. Il n'est pas moins intéressant de rappro-
cher le conte que M. Ispirescu intitule Omul de piatr'â, et qui contient
rhistoire de Dafin et d'Afin % des versions occidentales d'Amis et
d'Amiles.
Si le livre de M, G. peut être sur bien des points augmenté et amendé,
il n'en contient pas moins une foule de notices qui seront lues avec in-
térêt. L'auteur a su, en particulier, mettre à profit deux sources d'in-
formations qui, à elle seules, suffiraient pour donner à son livre une
sérieuse valeur : les légendes talmudiques et les littératures slaves. Il en
a tiré des rapprochements qui seront probablement nouveaux pour beau-
coup de ses lecteurs. Ce sera pour les romanistes, peu familiarisés
d'ordinaire avec l'hébreu, le russe ou le serbe, un secours très apprécia-
ble que d'avoir dans le volume de M, G. un commencement d'informa-
tion sur bien des questions qu'ils ont l'occasion d'aborder.
M. G. a, depuis quelques années, apporté tous ses soiriSà rassembler le
plus grand nombre possible de manuscrits roumains ; c'est dans ces li-
vres, le plus souvent incomplets et lacérés, qu'il a fait et fera certainement
encore bien des découvertes '''. De tous les textes qu'il a réunis, celui
qui nous paraît offrir le plus d'intérêt est celui de la Palia, ou Bible
enrichie d'histoires apocryphes, dont il a décrit dans la Revista pentru
isiorie, archéologie si istorie ^ un ms. du xvir siècle, il faut espérer
qu'il pourra bientôt nous en donner une édition complète, au lieu de
se borner à en publier des fragments dans des recueils souvent éphé-
mères.
M. G. n'a pas eu dans sa Literatura populara romanà la prétention,
d'ailleurs chimérique, d'indiquer d'une manière complète les sources
auxquelles ont puisé les auteurs roumains ni les productions similaires
I. M. G. cite, pp. ï i()-i25, deux rédactions roumaines de la Vie de la belle Hélène
et un conte populaire qui s'en rapprociiee ; il ne mentionne pas les Doi Fetit cotofatf
i. Miracles de Nostr3 Dama par personnages, publies par Gaston Paris et Ulysse
Robert, n» XXXII.
3. Légende, p. 112.
4. En dehors de son principal ouvrage. M, G. a déjà extrait des matériaux qu'il a
réunis diverses publications détachées dont voici les titres : Lilith iceitre't ingert
(Amiar pentru Israeliti romdn't , iV, iSbJi, jS-jij); Légende talmudice n Légende
romane, studiu comparativ fibid., V, 1882, 27-33) ,- Cabbahi, originea si desuolta-
rea eY (Ibid., Vi, i883, 25-36); O Povesle lalmudica în literatura romdnâ — his-
toire d'un homme qui se ruina en voulant mettre en pratique cette parole de Salo-
mon : a Celui qui fait miséricorde au pauvre, prête à Dieu », et qui, sur le chemin
de Jérusalem, trouva une pierre d'un grand prix, que deux hommes se disputaient —
iibid., VI, 62-66);— Scholomonar, d. i. der Garabancijas dijak nacli der Volksu-
berlieferung der lumanen (Archiv/iir slavische Piiilologie, VU, 281-290 ; Légende
inédite, —I. Viaf.a Sf-lu'i Alexie, omul iu1. Dumneieu ; H. Viata Sf-lu't Evstatkie
Plachida (Revista peniru istoric, archéologie si filologie, Iir.
144 KKVUK CRITIQUE
des pays étrangers ; nous n'essayons donc pas de combler certaines la-
cunes que nous avons pu remarquer dans son ouvrage ; nous nous bor-
nerons à consigner ici quelques notes bibliographiques :
P. i3. Le plus ancien ms. de YAlecsandrie cité par M. G. est daté
de Tannée 1764. M. Bianu a donné depuis, dans la Cohimna lui
Traian ', la notice d'un ms. daté de 1620 et en a même commencé la
publication.
P. 14. D'après Pop -, l'édition de Y Alecsandrie publiée à Mohilev
appartient à Tannée 1796 et non à Tannée 1797, comme le dit larcu.
L'imprimeur était le protopope Michel Stribêlcki, celui même qui avait
fondé à lassi en 1789 un atelier typographique ^.
P. 35. Après la traduction de Barlaam et Josaphat duQ à ce Bomlescu
qui était prisonnier à Milan, il y aurait lieu de mentionner celle de Sa-
muel Klein de Szâd, qui est restée manuscrite ■*.
P. 96. M. G. ne cite, à propos de Beuve d'Antone que le poème an-
glais de Sir Bevis (dont le titre est défiguré par une faute d'impression),
le poème italien et la traduction hébraïque. Il eût dû citer au moins le
titre du poème français dont M. Paul Meyer a sommairement classé
diverses rédactions '.
p. ii5. Nous possédons une édition de VIstoria Ghenovevi de Bra-
dant imprimée à Sibiu (Hermannstadt) en i865, in-i6.
P. 125. M. G. eût pu dire quelques mots des sources françaises de
Thistoire de la belle Hélène de Constantinople et citer en passant les
drames de Hans Sachs et de M. Montanus sur la KiJnigin aiis^ Frank-
reich '^.
P. 127. La première édition de l'Histoire éthiopique d'Héliodore
est de I 534 et non de i 535.
P. 129, M. G. place entre i63o et i65o la composition de YEroto-
crite de Vincent Cornaro. Cette date, malgré sa latitude, est certaine-
ment inexacte. S'il est vrai que M. Sathas : range Cornaro parmi les
1. Noua série, IV (ib83), 322-32g, 445-456.
2. Disertaùe desyre iipogi-afiilc romîncxti în Trairjilvania, etc. !,Sibiu, 18.28.
in-8), qo.
3. Hasdeii, Ciivinte den batr., I. 259.
4. Voy. ^\jimm\\\, Lepturariu rimnnesc, IV, i, 22.
5. Voy. Daurel ci Béton, chanson de geste provençale (Paris, 1880, in-8), xxj.
6. Godeke, Gnindris^, i, 325, 34g.
7. Neo;7v}vr,v.y.r, <]^'.\o\o'^'.x, p. 6o3.
d'histoire et dk littératurk 145
auteurs du xviii'^ siècle, il est prouvé aujourd'hui que Leake ' a eu raison
de faire remonter YÉrotocrite Jusqu'au xvi'= siècle". La plus ancienne
édition connue du poème est de ijSô.
P. i32. Draculsi Femeea, sait Roman gasit siib peruca iimu holtei'u
b'âtrân (Le Démon et la Femme, ou Roman trouvé sous la perruque
d'un vieux garçon). Cet arrangement du Belfégor de Machiavel ' pa-
raît être une simple traduction du français. Tandis que La Fontaine a
respecté le titre original, plusieurs traducteurs ou imitateurs en prose
l'ont travesti à peu près comme Téditeur roumain *.
P. i38. M. G. dit que la Floarea darurilor est une simple traduc-
tion de r'A.v6oç TÛv "/apiTwv, dont l'original est le recueil italien intitulé
Fior di virtù. Il eût été bon d'ajouter que le Fior di virtîi est un ou-
vrage du xiv° siècle, ordinairement attribué à Tomaso Leoni ; qu'il a
été traduit en français, en espagnol et même en arménien '■> ; enfin que
le texte italien a été réimprimé à Florence, en i855, in-i6, et à Naples
en 1857, in-i2. La version grecque, publiée à Venise en 1667, est Toeu-
vre d'Ambroise Gradenigo ''. Il est vraisemblable que Constantin-Pa-
come Sarachin avait cette version entre les mains quand il fit imprimer
par le moine Anthime. au monastère de Snagov, en 1700, la Floarea
darurilor, mais ce livre était depuis longtemps déjà connu des Rou-
mains. On le trouve, en effet, dans le m.anuscrit daté de 1620 dont
M. Bianu a entrepris la publication ".
1. Reseaches in Grcece (London, 1814,111-4), 116. — Leake donne, pp. 101-116
une analyse et d'assez nombreux extraits du poème.
2. Voy. Mikiosich et Mûller, Acta et Diplomata graeca, III, 264 : « Vincentius
Cornarus Antonio Daravenia vendit domum in oppido Chandace insulae Creiae. »
L'acte est daté du 16 juillet i56i.
3. Belfégor parut pour la première fois en 1543 et non en 1547, comme le dit
M. G.
4. Le Démon et la Démone marie:{, ou le Malheur des hommes qui épousent de
mauvaises femmes, avec leurs caractères vicieux; nouvelles historiques et morales
tirées des Annales de Florence par le fameux Machiavel. A Rotterdam [Paris], 1705
[ou 1706], in-i2.
Roderic ou le Démon marié, nouvelle historique, traduite de l'italien en français.
Cologne 1694, in-i2.
II existe de la même traduction une édition de Lyon, Lojonie, s. d., in-12, une
édition publiée sous la rubrique de Baratrapolis. 1748, in-12, et une réimpression
jointe au Diable amoureux de Cazotte (Paris, i853, in- 16). Sur l'édition de 1748 et
sur une pièce qui y est jointe, voyez Brunet. II, 585 et Barbier, Dict. des anony-
mes, IV, 373.
Tanneguy Le Fèvre, dont la traduction est antérieure, avait conservé le nom de
Belfégor : Le Mariage de Belfégor, nouvelle italienne (Saumur, Lerpinière, 1664,
pet. in-8).
5. Voyez Brunet, II, 1262.
6. M. Sathas ne cite aucun ouvrage de cet auteur ; il se borne à dire (p. 335) qu'il
était probablement frère d'Aloisio Gradenigo et qu'il enseignait en i65o à l'école
grecque de Venise.
7. Col. lut Traian. 188?, 328.
146 RKVUE CRITIQUE
P. [40. Capela din pàdiire. C'est le conte de Christophe von
Schmid intitulé Die Waldkapelle .-onoWé pour la première fois dans les
Er:[àhlugen fur Kinder iind Kinderfreunde^ 181 3. Une traduction
française parut dès Tannée 1829 [La Chapelle de laforêt, conte pour
les enfants^ traduit de l'allemand; Strasbourg, 1820, in- 18).
P. 167. Il n"est pas douteux que le Gacavela à qui la littérature po-
pulaire attribue diverses réponses facétieuses ne soit Jérémie Cacavela '.
Démètre Cantemir, dont il avait été le précepteur, raconte sur lui une
anecdote qui présente ce personnage sous un Jour des plus curieux et mon-
tre bien comment on a pu lui attribuer une dispute avec un hodjaturc-.
P. 168. Pour le Spilvon eineni Keiser und eim Apt, que Wacker-
nagel attribue à Hans Folz ^, il convient de renvoyer à l'édition cie
Keller (i83o) et aux Fastnachtspiele publiés par le même auteur'^.
Le même sujet a été traité en Allemagne par le duc Henri-Jules de
Brunsvic (1594) ^; on le retrouve en France dans la. Farce nouvelle
du Musnier et du Gentil-Homme ^'.
P. 171. On trouvera que la mention consacrée par M. G. à Pâcaia
est tout à fait insuffisante. Il v aurait eu lieu de renvoyer aux Wala-
chische Mdrchen des frères Schott ', au petit livret publié par M. Hin-
tescu % enfin au Calindarin de M. Mangiuca pour 1882 ".
P. 404. Aux rapprochements indiqués par M. Hasdeu on peut ajou-
ter le Tractât dels noms de la mayre de Dieu publié par M, Paul
Meyer dans son introduction à Daurel et Breton "\
1. L'article consacré par M. Sathas à Cacavela (N£OAAr|Vty.Y) <I>tAo}vOYta, ^83) esi
des plus incomplets, Il n'y est fait mention ni de Vlnva^atura svînta de 1697, ^^'^
laquelle on peut voir la Col. lui Traian, 1882, 52 1, ni même du Divanul sau Gil-
ciavaîit(.eleptului eu hnnea, III, i6q8.
2. Voyez Vita Constantini Cantemyri àd^ns \ts Opevele principehii Demetriu Can-
temiru, publicate de Academia roman ; VU, yS.
3. Deutsches Lesebuch, IV, 3i5.
4. I, 199-210; lY, Sog, 338.
3. Die Schauspiele des Her:^ogs Heinrich Ji'.liiis von Braiinschweig, hrsggb. von
Dr. W.L. Holland, 47f)-5o5.
6. Cette farce a dû être composée vers i53i. Elle a été réimprimée dans le Recueil
de livrets singuliers de M. de Montaran (1829) d'après une édition de Troyes, 1628.
7. Pp. 223-238.
8. Tntémplarile lu'i Pacala, o istorioara vcsela in 2 5 capuri , hitocmita astfel
de S. F. Editorul I. C. Hin{sscu. Brasov, Frank si Dressnandt I1H76], în-32.
9. Calindariu julianu, gregorianu fi yoporalu romdnu... pe anulu i S82. de Si-
vuone Mangiuca iBva^\o'vu, Tipographi'a Alexi, 1881, in-8), 67-120. — M. G. ne
cite ce recueil qu'à propos des colinde (p. 473). Si les étymologies et les commentai-
res de M. Mangiuca sont plus que hasardés, il n'en a pas moins réuni des matériaux;
utiles.
10. Pp. ciij-cviij-
p/histciuk et nE litteratukk i-l~
p. 406. L'article consacré par iM. G. aux mcantaùons [descantece)
doit être complété à l'aide des fragments que l'Académie roumaine a
récemment extraits des papiers de Sàulescu '.
P. 499. Les calendriers pour les années lôgS, 1694, lôgS, 1699 et
1703, dont M. Odobescu a donné une notice dans la Revista rom'âna'-
et les pronostications, de source italienne, qu'ils renferment sont beau-
coup plus anciens que les livrets du même genre dont parle M. G.
P. 519. Le ms. de 1 620, dont nous devons la notice à M. Bianu, con-
tient le traité intitulé Rojdanicul ou Zodiile '■'. Le plus ancien ms. cité
par M. Gaster appartient au milieu du xviii" siècle.
Emile Picot.
CHRONIQUE
FRANCE. —Sous ce titre les Grands maîtres de la littérature russe, M. Ernest
DupoY, professeur de rhétorique au lycée Charlemagne, lauréat de l'Académie fran-
çaise, vient de publier (Paris, Lecène et Oudin) une série d'études ingénieuses et
pénétrantes sur les romanciers N. Gogol, Tourguenev et Léon Tolstoï. M. Dupuy
a connu personnellement Tourguenev, et il s'est donné la peine d'apprendre le
russe pour lire dans l'original les auteurs dont il s'est occupé. Tourguenev et Tolstoï
sont en ce moment fort à la mode chez nous; mais Gogol est trop ignoré, et nous
savons gré à M. D. de l'avoir remis en lumière. Ce volume d'un humaniste distingué
et délicat mérite d'être salué comme un très heureux début, dans un genre d'études
auquel on peut appliquer le mot de l'Evangile : « La moisson est immense, mais
les ouvriers sont bien peu nombreux. » — L. Léger.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 7 août i885.
M. Caspar-René Gregory communique un mémoire intitulé : les Cahiers des ma-
nuscrits grecs. L'objet de ce travail est de combler une lacune de la science paléo-
graphique, en déterminant exactement la composition des cahiers dont sont formés
les manuscrits. Ces cahiers, dans les manuscrits grecs, sont généralement des qua-
ternions ou assemblages de quatre feuilles de parchemin pliées en deux parle mi-
lieu : chaque quaternion comprend donc huit feuillets ou seize pages. Dans chaque
feuillet, on distingue le côté du poil de l'animal dont la peau a fourni le parchemin,
et le côté de la chair : celui-ci est lisse et blanc, l'autre rugueux et plus ou moins
foncé Les pages sont réglées au moyen de traits creusés à la pointe. M. Gregory a
constaté que les lignes étaient presque toujours tracées avant la formation des qua-
ternions et sur le côté du poil : elles sont donc marquées en creux sur ce côté et en
relief sur le côté de la chair. Pour former un quaternion, les feuilles étant réglées,
le scribe plaçait sur sa table une feuille, le côté de la chair en dessous, sur celle-ci
une seconde, le côté du poil en dessous, puis une troisième tournée comme la pre-
rnière et une quatrième tournée comme la seconde : il les pliait ensemble par le mi-
lieu, et le quaternion était prêt. 11 en résulte que, dans chaque quaternion, le côté
i. Analele Academe^ romane, ser. II, VII, II, i53. — Les pièces recueillies par
Stiulescu comprennent six incantations, deux formules de sorcière (vr^^jî) et deux
charmes (farmice). On y a joint un morceau d'un poème populaire dont M. G. ne
fait pas mention : La Prière de saint Nicétas, martyrisé par les Gotlis en Dacie.
1. I, 657-661.
3. Col. lui Traian, i883, 328.
148 REVUE CRITIQUE d'hISTOIRE ET DE LITTERATURE
de la chair forme les pages 1, 4, 5, 8, 9, 12, i3 et 16 : ces pages sont blanches, lisses
et ont les lignes en relief; le côté du "poil forme les huit autres pages, 2, 3, 6, 7,
10, II, 14 et i5, qui sont teintées, rugueuses et ont les lignes en creux. A quelque
endroit qu'on ouvre le volume, les deux pages qui se présentent à la fois aux re-
gards sont toujours pareilles Tune à l'autre. On trouve très peu d'exceptions à cette
règle, du moins dans les manuscrits écrits en Orient. M. Gregory exprime le désir
de voir d'autres paléographes faire des constatations analogues sur les manuscrits
latins, les manuscrits orientaux, etc. Si l'on déterminait avec précision la pratique
de chaque temps et de chaque pays, en ce qui concerne ces détails techniques,
on trouverait là un utile élément d'appréciation pour juger de la provenance des
manuscrits et par suite de leur valeur.
Ouvrages présentés : par M. Alexandre Bertrand : Mémoires de la Société des an-
tiquaires du Centre, t. XIII, fasc. 1 ; — par M. de Boislisle : Décrue (Francis), Anne
de Montmorency , grand-maître et connétable de France, à la cour, aux armées et au
conseil du roi François /«■■; — par l'auteur : Delisle (L.), Discours prononcé à la
Société de FUtstoire de France; — par M. Barbier de Meynard : i" Houdas, Mono-
graphie de Méquine:^ (extrait du Journal asiatique); 2" Basset (René), Note de lexi-
cographie berbère. Julien Havet.
Séance du 14 août 188^.
M. Bergaigne lit, au nom de M. Egger, un fragment qui doit former la conclusion
d'une nouvelle édition de l'Histoire de la critique che:{ les Grecs. M. Egger insiste,
dans ce morceau, sur l'originalité du génie grec : si des recherches nouvelles ont
montré qu'en art, la Grèce a pu apprendre quelque chose des pays voisins, J'E-
gypte et l'Assyrie, en littérature du moins l'hellénisme ne doit rien qu a lui-même.
Ni l'Egypte, ni la Perse, ni l'Inde, ni la Chine ne lui ont rien fourni.
M. Paul Meyer communique des planches d'héliogravure qui reproduisent un ma-
nuscrit de quatre feuillets de parchemin, écrit au commencement du xiu' siècle :
on y lit un poème français, d'environ cinq cents vers, de huit syllabes, chacun re-
latif à l'histoire de saint Thomas Becket, archevêque de Canterbury. Il y a une ou
deux miniatures à chaque page. M. Meyer a trouvé ce manuscrit, il y a deux ans,
d'après les indications de M. Ruelens, dans la bibliothèque de M. Gœthals-Ver-
cruysse, à Courtrai. M. Gœthals-Vercruysse a exécuté lui-même les photographies
d'après lesquelles a été faite la reproduction en héliogravure. Cet ouvrage est le troi-
sième poème français que l'on connaisse sur la vie de Thomas Becket : les deux au-
tres sont dûs, l'un à Garnier de Pont-Sainte-Maxence, l'autre à un certain Beneit ou
Benoît. Celui-ci ne nous apprend qu'un seul fait nouveau, une entrevue de Thomas
Becket avec le pape Alexandre III, à Sens, en 1 165, à la suite de laquelle ils voya-
gèrent ensemble jusqu'à Bourges. L'intérêt du manuscrit de Courtrai est surtout
littéraire et archéologique. Quelques particularités linguistiques donnent lieu de
croire que l'auteur était un Anglais. Les miniatures peuvent suggérer diverses ob-
servations sur l'histoire du costume. M. Meyer se propose de publier ce poème, avec
le fac-similé des huit pages en héliogravure, dans un des prochains volumes de la
Société des anciens textes français.
M. P.-Ch. Robert présente des observations sur un détail de numismatique gau-
loise. On connaît par Lucien un dieu gaulois, nommé Ogmius, qui était à la fois
une sorte d'Hercule et un dieu de l'éloquence : on le représentait avec des chaînes
qui sortaient de sa bouche et auxquelles étaient attachées les oreilles des hommes.
Les numismates se sont accordés a voir une image de ce dieu dans quelques mon-
naies de l'Armorique, où est représentée une grande tête entourée de têtes plus pe-
tites, celles-ci reliées à la première par des fils de grénelis. M. Robert fait remar-
quer qu'à supposer qu'il y ait là des chaînes, ces chaînes ne se relient ni à la bou-
che de la tête principale, ni à l'oreille des autres. Il est donc probable que le dieu
Ogmius n'a rien à faire ici. Les Gaulois avaient l'habitude de disposer en trophées
les têtes des vaincus : les monnaies en question représentent probablement des tro-
phées de ce genre. 11 existe une variété de ce type monétaire où la tête principale,
au milieu de la pièce, est une tête de cheval : or, précisément nous savons que les
guerriers gaulois aimaient aussi à suspendre aux rênes de leurs chevaux les têtes _ae
leurs ennemis On a donc vu à tort une image mythologique, là où il n'y a en rea-
lité qu'un trophée de victoire.
Ouvrages présentés : — par M. Gaston Paris : Hasdeu (B. Petriceicu-), Ety^mo-
logicum magnum Romaniœ : dictionarul limbei istorice si poporane a Romanilor,
fasc. i; — par M. Delisle : 1° Mûntz (Eugène), Notice sur un plan inédit de Rome
à la fin du xiv^ siècle (extrait de la Gaielte archéologique) ; 2° Omont (Henri),
Georges Hermonyme de Sparte, maître de grec à Paris et copiste de manuscrrits
(extrait des Mémoires et du Bulletin de la Société de l'histoire de Paris et de l'Ile-de-^
France;; 3° Havet (Julien), Questions mérovingiennes : \, la Formule n. rex fra.x-
coRu.M v. iNL.; II. les Découvertes de Jérôme Vignier (extrait de la Bibliothèque de
rEeole des chartes). Julien Havet.
Le Propriétairc~Gei\int : c.R^ii.ST LEKOUX.
..' /"M-.
)»!j '-n-.ifrV df MarchesSQV fils, boulevard Saini-Laurenî, 3J.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N-^ 35 —31 août — 1885
Soinitittii-e : 149. OsTHOFF, De l'histoire du partait dans les langues indo-ger-
maniques. — i5o. La Chrorfique de Paros, p. p. Flach. — i5i. Kleiber, Ce
que Tacite doit dans le Dialogue des Orateurs aux auteurs précédents. — i52.
KoHLEH, Shakspeare devant le forum de la jurisprudence. — i33. Frédéricq,
Travaux de l'Université de Liège. — Chronique. — Académie des Inscriptions.
ilg. — Zui- GeseliîeSite des 8*ei*rects îm liiclogemaauîsclien, mit beson-
derer Rûcksicht auf Griechisch und Lateinisch, von Hermann Osthoff. — Strass-
burg, K. J. Trubner, 1884. In-S, x-653 pp.
A ceux qui nieraient les progrès réalise's dans Pétude de la grammaire
comparée depuis le jour oii les deux premiers représentants de l'école
néo-grammaticale publiaient leur manifeste ', on pourrait hardirnent
opposer le nouvel ouvrage de M. Osthoff. Non pas qu'il doive convain-
cre ou contenter tout le monde; fauteur lui-même ne s'en Hatte pas
sans doute, et son livre a déjà soulevé en Allemagne des polémiques
amères, dont heureusement il nous est permis de nous désintéresser.
Mais, alors même qu'on ne se rallierait pas à ses solutions, il serait
difficile, à moins d'extrême prévention, de ne pas les juger plus satis-
faisantes pour la plupart que celles qui les ont précédées. Elles demeu-
reront, ou disparaîtront à leur tour, cela importe peu; l'essentiel est
que les notions se précisent, que le champ laissé à l'arbitraire se res-
treigne de plus en plus, et M. O. a travaillé de son mieux à le circons-
crire.
Les types morphologiques les plus mystérieux sont en général, comme
on doit s\v attendre, ceux qu'on ne rencontre qu'à l'état sporadique :
tels les thèmes nominaux en -£j-, qui n'appartiennent qu'au grec, les
subjonctifs latins, qu'on n'est pas encore parvenu à identifier. Le parfait
indo-européen toutefois fait exception à la règle : conservé à peu près
dans toutes les langues de la famille, remarquablement développé mcme
en sanscrit et en grec, il n'en est pas pour cela plus clair; car, si les
témoignages abondent, d'autre part ils se contredisent. Les langues
européennes n'offrent plus que des vestiges bien effacés de l'apophonie
primitive; le grec et le latin ont créé, chacun dans son domaine propre,
de nouveaux suffixes de parfait (--/.a, -iiî), qu'on chercherait vainement
partout ailleurs; de plus, le latin a plié tousses parfaits, sans distinction
d'origine, à une flexion bizarre et sans analogues, et l'apophonie propre
à certains d'entre eux (ago êglj, qui renverse toutes les données connues
1. Morphologisclie Untersitchungen, l, préface (juin 1878).
Nouvelle série, XX. 35
1 50 RKVUK CRITIQUE
de la phonétique indo-européenne, se répercute à distance dans un type
sanscrit bien connu (racine sad, sedere, pf. sêJ-)^ sans qu'on puisse
d'ailleurs admettre entre ces deux phénomènes d'autre lien que celui
d'une ressemblance tout extérieure. C'est à ces problèmes et h beaucoup
d'autres accessoires que s'est attaqué M. O., souvent avec bonheur,
toujours avec cette consciencieuse érudition, qui accumule les termes
de comparaison et n'essaie point de tourner les difficultés.
Cette qualité même l'entraîne parfois trop loin : il ne se borne pas
volontiers et traite toutes les questions avec l'abondance de dérails qui
rend un peu pénible la lecture de ses meilleures pages. Une idée qu'il
avance l'amène à prévoir Tobjection qu'on tirera contre lui de telle ou
telle forme grammaticale étrangère au sujet traité : il se transporte donc
sur un nouveau terrain, résolu à forcer jusque dans ses derniers re-
tranchements Tobjcction importune. Mais à son tour celle-ci en fait
lever d'autres, qu'on ne saurait épargner. Bref, le lecteur perd de vue
l'objet essentiel de la discussion, cl il lui faut tout un travail d'esprit
pour s'y remettre. M. O ne se dissimule pas cet inconvénient de sa
méthode, il l'avoue même avec une parfaite ingénuité : « Tantce
molis erat ! » s'écrie-t-il (p. 34S) au retour d'une de ces chasses à perdre
haleine. Ai-je besoin d'ajouter que, quand on a eu la patience de le
suivre d'un bout à l'autre de sa digression, on la lui pardonne aisément
en faveur de tout ce qu'on y a appris?
Un autre défaut de l'auteur, heureux défaut s'il en fut, c'est son
extrême hardiesse, une irrésistible tendance à longer les précipices, à
faire tenir la pyramide en équilibre sur sa pointe. On se souvient de
l'enthousiasme que lui inspira jadis le terme technique exanclare,
auquel il devait la découverte d'une loi phonétique latine '. Ici, c'est le
seul -opùo) (p. 14), forme à tout le moins peu claire, qui sert de fonde-
ment à tout un système, séduisant, il est vrai, de simplicité et de logi-
que, mais parfois s'accommodant moins aux faits qu'il ne les violente
(cf. p. 17, p. 37 sq., etc.). Plus loin, c'est l'énigmalique parfait ombrien
subocaii [tç) . 284 sq.), qui se prête complaisamment à la restitution d'une
série complète de types italiques. Au surplus l'auteur va lui-même au
devant du reproche de témérité qu'on ne manquera pas de. lui adresser
(p. 248), et l'on ne peut, somme toute, que souscrire à son apologie :
sans ces plongeons dans l'inconnu, la science n'avancerait que trop
lentement au gré de notre impatience. La seule conclusion à retenir de
cette critique, c'est qu'il ne faudrait pas recommander la lecture de
l'ouvrage aux débutants qui n'ont pas encore appris à douter,
Aussi bien n'est-ce pas à leur intention qu'il a été écrit.
1. M. O. s'efforce d'abord de concilier les données, identiques en
apparence, et au fond contradictoires, fournies par les parfaits sanscrits,
latins et gothiques dont la voyelle radicale est un ê (sêdima sêdimus
I. Forschimgen im Gebiete der indogerm. noniin. Stammbildung, I, p. 24 sq.
n'HISTOIRIÎ KT DI^ MTTER AT'JRK 1 5 I
sêtiimj. Une série dMnductions fondée essentiellement ?ur !e contraste
de TCiù (rr: *c(-c&-oj) et de tcpûo) (=r *Gi-5-p6-w, avec t long) l'amène à
penser que, contrairement à ce qu'on a enseigné jusqu'à présent, le
groupe indo-européen sd ne se réduisait à un simple d, avec allonge-
ment de la voyelle précédente, que quand il était lui-même suivi d'une
consonne; autrement dit. qu'on prononçait proelhniquement *5/^io et
* sidreu-, et de même, au datif pluriel des thèmes en -es-, * menêb'nj'os
(sk. manôbhyas avec un métaplasme analogique), mais à l'instrumental
'^ menesbhis (gr. 'opsc^t). — Chemin faisant, l'auteur constate que, si
touffue et si compliquée que nous paraisse la phonétique sanscrite, elle le
serait encore bien davantage si l'analogie n'y avait passé son niveau,
et on lui accordera en effet volontiers que les règles du sandhi extérieur
doivent être tenues pour suspectes toutes les fois qu'elles sont contredites
par celles du sandhi intérieur. — Dans la même étude on trouvera une
explication très plausible des parfaits sanscrits à redoublement long
(type jdg-ara, p. 56), auxquels se rattachent les types grecs or^v/x-y.'.,
r,cty,urat, et même swpay.a par l'intermédiaire de * r,6ç.y:/.%. — Moins rigou-
reuse semble la restitution de la quantité radicale des participes, rêctiis,
têctiis, etc. (p. III sq.), car ici les témoignages anciens et modernes
sont contradictoires. Si les types romans éti'oit strettu, délit delitto
devaient suffire à justifier les quantités strictus et lîctiis, que faudrait-
il penser de detto en regard de dîctiis accepté sur la foi de Gell. IX, 6?
D'autre part, la quantité dctiis, d'ailleurs probable, ne saurait en tout
cas s'étayer de celle d'dgmen, en supposant celle-ci démontrée; car les
neutres en -iiien ont aussi normalement la racine allongée (sr?iaa std-
menjL]aQ les verbaux en -to- la racine réduite ('z-y.-i: status). — La loi
panhellénique suivant laquelle toute voyelle longue devant sonante
suivie de consonne deviendrait brève (Aûzotç = ' Auv.w.ç, p. 84), est cer-
tainement appuyée de nombreux exemples. On aimerait cependant à
savoir comment elle se concilie avec le vocalisme de -'orjr, rrjz: la
longue sera sans doute revenue sous l'influence des cas obliques, où elle
devait subsister.
II. Parfaits des racines ed, es, ei, non. — Relevons l'identification de
l'augment long du grec {■qccuKé [j.rf/) ei du préfixe sanscrit d (p. i2q i. n.).
Un autre savant a cru reconnaître ce dernier préfixe dans l'iniiiale
grecque m ', rapprochement qui me semble plus convaincant. Il y a
donc lieu, au moins provisoirement, de s'en tenir à l'explication tort
satisfaisante de M. G. Meyer 2. — L'auteur maintient ici (p. i23), bien
qu'un scrupule légitime l'empêche de les appliquer, ses théories sur la
contraction indo-européenne de eo et ea en é ^, auxquelles il m'est
impossible de me rallier, mais dont la discussion nous entraînerait
beaucoup trop loin.
1. (b'Aiœiiç, zz j'çayûiias. J. v. Ficrlinijcr, K. Z., XXVII, p. 477.
2. Gr. Graiinn, g 473 a.
3. Cf. Morph. Uut., il, p. i i3 sq.
I D2
REVUE CRITIQUE
m. Parfaits latins qui ont uii é radical en regard de Va radical du
présent (ago êgi). — Toujours par application des mêmes théories,
M. O. envisage comme réguliers êg-i [= ind.-eur. '^ êg- contracté de
* e-ag) et ' êp-î (rac. ap, dans coepi; puis il en fait sortir par voie
d'analogie Jéci, ^'^P^, /f'^gi- Le procès analogique ne souffre aucune
difficulté, mais le point de départ demeure contestable.
IV. Flexion du parfait italique. — Si, selon toute probabilité, l'on
doit reconnaître dans Vî latin une désinence moyenne fsêdî zn sêdê\ la
concordance d"'un t latin avec un ai indo-européen n'en reste pas moins
fort problématique ; car enfin, pour expliquer que ai soit devenu î dans
mensîs et ae dans Romae (locatif), on est obligé de prendre le contre-
pied de toutes les données étymologiques en supposant que Va était bref
dans "inensais et primitivement long dans Romai ; et le latin si rr. osq.
svai va tout droit à l'encontre de la thèse; car Va de ce mot a dû être
long; autrement l'ionien ne répendrait pas par zl = *r,l au dorien at '.
Mais la restitution d'une finale rtf s'impose-t-elle absolument? le voca-
lisme 0 des désinences secondaires du grec (^(iypa-'ZQ) et même des
désinences primaires de l'arcadien [-(t(ç.a~-o'., inscr. Teg.), ne donne-t-il
pas à penser? Si d'aventure pareil métaplasme s'était produit en latin,
v?^z remonterait aussi aisément à *veidoi que hiimî à hiimoi. — Pour
les désinences en -st- (sg. 2, pi. 2), M. O. part, très justement, ce sem-|
ble, des types où I'^ était radical, so'ii* visti, * cecisti (p. 204), et restituq
une conjugaison primitive très régulière, profondément altérée par une]
série d'analogies répercussives. Malgré Pextrême complication des phé-
nomènes, le procès est surtout frappant si l'on vient à songer que les
formes du parfait, qui avaient parfois un s radical, et les formes
aoristiques, qui avaient toujours un s suffi.'ial, ont dû vivre assez,
longtemps côte à côte avant de s^absorber les unes les autres, en sorte
que la sifflante intruse a pu pénétrer dans la place par deux portes à la
fois.
L'explication du parfait en -vî eût été plus logiquement placée dans
un chapitre à part, et cette disposition eût mis en relief la solution d'un
problème demeuré longtemps en suspens. Les quatre types ycîyz, jnôvi,
vôvi Qtjûvi sont, comme vîdi, des parfaits radicaux, et le v y appartient-
à la racine; sur ces modèles, et au moyen de la formule môîus : inôvi
:=:nôtiis : X, ont été créés les parfaits nuvi, crêvî, et autres (p. 25i).
Un procès tout semblable rend raison des parfaits en -ni. Je ne rencon-
tre point, dans cette remarquable étude, le parlait potut, dont la genèse
analogique serait difficilement concevable, vu l'absence d'une troisième
proportionnelle dans le reste de la conjugaison de posswn ; or, le parfait
régulier de la juxtaposition * pot-sum étant * pot -fui, peut-être y a-t-il
lieu de maintenir cette dernière restitution (potui par fusion des deux
1. Que si l'on sépare ces deux types, alors le latin si se rattachera plutôt au
grec ei.
d'histoire et de littérature i53
abiales après consonne?) et de restreindre à cette mesure modeste le rôle
e Fauxiliaire/z»' dans la formation des parfaits en -uî. Je relève en
lUtre (p. 256) le participe inolitus , qui aurait donné naissance au
rdiiâit mohâ ; ce serait plutôt l'inverse, puisque le régulier multiis io.
it encore dans Catulle (Nisard cxi) '.
V. Vocalisme de la réduplication. — Partant du principe, assez
;énéralement admis aujourd'hui, que la voyelle primitive de réduplica-
ion était un e, M. O. s'attache à ramener à l'unité les divergences que
)résentent à ce point de vue les diverses langues indo-européennes et
out particulièrement le sanscrit.
VI. Le parfait aspiré grec. — L'aspiration est un phénomène d'analo-
;ie : elle est partie des types où l'aspirée était radicale, v. g. ysyP^?*"^^-!
;t s'est étendue à des thèmes terminés par une ténue ou une moyenne,
i la faveur de l'identité de certaines formes de Tune et de l'autre catégo-
ie. Par exemple, ypaço) faisant ^{t(Ç)Ct.r^-:fyx, comme xpiTTO) Ts-cpaxTat, il
l'en a pas fallu davantage pour qu'on formât xsxpâçaxat sur le modèle
le Y^Tpâsaxat, et ainsi du reste. Cette explication semble irréprocha-
Dle ".
VII. Le parfait grec en -/.-. — Cette question, la plus épineuse de
toutes, est résolue par Thypothèse de l'afîixation à des formes régulières
de parfait, telles que *oé3to, de la particule grecque bien connue xa xsv
<£, laquelle aurait fini par faire corps avec le verbe et ne plus s'en
listinguer. Sous cette forme trop brève Thypothèse n'a rien de séduisant :
1 faut lire la minutieuse argumentation de M. O. pour en apprécier
oute la valeur. Sans vouloir Tinfirmer il est permis de croire qu'elle
l'infirmera pas non plus entièrement celle de M. Brugmann, qui Ta
précédée ^. D'une part, en efïet, la restitution d'un parfait o£-oo)x-£,
ssu d'une racine otox, n'offre absolument rien de choquant; de l'autre,
VI. O. expliquera malaisément pourquoi la particule x£ est arrivée à
aire corps avec le parfait plutôt qu'avec toute autre forme verbale
|u'elle accompagnait : il se peut au contraire que l'existence préalable
i'un parfait régulier ciotoxe ait, par son influence analogique, favorisé
a soudure de la particule dans ^Iqit^ y.e, * 7:i-ïïnù xs, etc. En d'autres
eimes, les deux hypothèses subsisteraient sans s'exclure. Que s'il fallait
aire un choix, j'avouerais mes préférences pour celle de M. Brugmann.
En tout cas l'argument tiré contre elle (p. 326) del'apophonie régulière
iu parfait é'wxe n'est pas très probant; car, s'il existait un parfait régu-
lier *£oj, et que l'analogie de Béoioxsait donné naissance à un type *£Y)X£,
[es deux formes ont pu évidemment confluer en une seule. — Parmi
1. Selon l'ingénieuse conjecture de M. Bury, Be:{:[bg. Bir., VIII, p. Ssq.
2. Comme, en traitant ailleurs un sujet analogue, j'ai fait allusion aux parfaits
Jspirés, M. O. veut bien s'enquérir de mon opinion sur ce point (p. 617). Je n'é-
prouve aucun embarras à lui reconnaître la priorité de la découverte. J'ai passé tout
rrcs de la solution, mais ne l'ai pas vue.
3. K. Z., XXV, p. 212 sq.
l54 RliVUK CKITIQOli
les questions traitées accessoirement je dois mentionner une théorie
nouvelle de Forigine du v paragogique (p. 340) et une explication du
phénomène connu sous le nom de svarabhakii après nasale (p. 365).
L'auteur complète le tableau d'ensemble de la conjugaison du parfait,
en étudiant raffixation des désinences personnelles aux thèmes dont la
forme primitive a été antérieurement établie. L'ouvrage se termine par
dix excurse variés, tous fort intéressants, quelques-uns très étendus. Je
n'y relèverai qu'une explication curieuse de la chute sporadique de
Tesprit rude. Tout le monde connaît l'alternance syoj sçto : l'alternance
auto a'j7o) serait de même nature, en ce sens que la chute de l'esprit rude
serait due à la présence préhistorique d'une aspirée intervocalique (soit
*a'j/2(o), régulièrement substituée à 1'.^ de la racine sans (p. 478). De là
aussi tooc, ic(w, en regard de tcpô;, lopwç : l'esprit rude de *looq aurait
disparu aux cas obliques, v. g. "Ic.tho^ = *'toîso; '.De là enfin l'esprit
doux de àoî.\oôç, (p. 480). Pour ma part, j'avais pensé à une sorte de
confusion de l'a négatif et de l'a copulatif : M. O. trouve cette idée bi-
zarre; ce ne serait pourtant pas la première fois que l'on constaterait pa-
reil phénomène entre deux particules quasi-homophones, l'obscurcis-
sement du sens et la psilosis aidant ^ Quoiqu'il en soit, l'explication de
M. O. vaut sans doute mieux que la mienne; il est seulement fâcheux
que l'esprit rude ait subsisté dans àOpco;, le seul mot à ma connaissance
où, d'après la théorie, il dût nécessairement disparaître \
L'ouvrage est imprimé avec une exactitude et un soin qui font hon-
neur à la typographie allemande. J'ai relevé (p. i23) constraction, lire
contraction, et (p. 164) *pegagi, lire * pepagi.
M. Osthofi a des idées très arrêtées, mais il les défend et expose ses
critiques avec beaucoup de modération. C'est là un éloge qu'on ne
devrait avoir besoin d'adresser à personne; mais les excès de certaines
polémiques l'ont malheureusement rendu opportun.
V. Henry.
i3o. — Cliroiiîeon Pai>iuui, texte et prolégomènes, par J. Flach; Tùbingen,
Fr. Fues, 1884; iii-8 de xvu-44 p.
Celte édition a l'avantage de donner, en quelques pages, le texte de
la Chronique de Paros, qu'il faut d'ordinaire aller chercher dans de
gros volumes d'un maniement peu commode. Dans le court préambule
placé en tête du livre, M, Flach rappelle les éditions successives de la
Chronique parienne depuis 1628, l'origine et le caractère de l'ins-
1. M. O. ne nous dit pas comment l'aspirée agit ici à deux syllabes de distance, ce
qui n'est pas le cas ordinaire.
2. Je rappelle le latin siib employé dans le sens de « sur », * per complètement
supplanté par /por =. pro dans le domaine hispano-portugais, etc.
3. Cf. aussi âoT,, où l'a n'est pas préfixe.
I
D HISTOIUB ET DK LnXKKATUKK I .1 :>
ciiptioii (il); il rectiiie, pour la série des rois et des archontes athéniens,
les dates données par Bœckh (m), et touche au difficile problème du sys-
tème adopté par l'auteur de la Chronique (iv). On est heureux de trou-
ver réunis sous une forme concise, dans ces chapitres préliminaires, tous
les renseignements nécessaires pour étudier les marbres de Paros, ainsi
que rindication des principaux travaux auxquels ils ont donné lieu. Le
texte, en caractères courants, est accompagné de notes à la fois ci itiques
et explicatives. Partout où M, F. se sépare de Bœckh, il l'indique à la
marge à l'aide d'une croix. Ses restitutions, dont quelques-une» seule-
ment lui sont tout à fait personnelles, nous semblent, en général, assez
admissibles. Pourtant, 1. 14 (p. 4), vaD[ç [xs-cà im 7:£vi:]-/i[y.ovxa Aavaîjowv
ne paraît pas être le texte véritable. En supposant qu'il faille un aussi
grand nombre de lettres pour remplu" la lacune que présente ici la
pierre, AxvatQO)v(M. Flach lui-même en fait la remarque) n'est pas né-
cessaire, les Danaïdes étant clairement désignées à la ligne suivante. Ne
pourrait-on remplacer iiavaîjotov par 7:apf)£v]wv, qui vaudrait mieux? —
En regard de chacune des indications de la Chronique parienne,
M. Flach note les dates correspondantes de l'ère chrétienne, ainsi qu'un
certain nombre de synchronismes. Un appendice contient des fragments
de la chronique d'Eratosthène et de quelques autres chroniques.
Paul Girard.
l5l. ~ Lud. IvLElBiiR. QuBiË 'râc-itus îsi diaIoj3;o pi'ioi-ilïlis aci-l|»t«>i-îl>iis
«lebeat. Thèse de Halle, 188?, iri-8.
Nous avons un faible en France pour le dialogue des orateurs. Il
nous plaît par le sujet qui y est développé. Nous aimons à entendre dis-
cuter, fût-ce avec quelque emphase et non sans paradoxe, les destinées
de la poésie et de l'éloquence, et les plus difficiles doivent reconnaître à ce
petit livre le mérite d'être un des rares essais de critique littéraire qui
nous soient parvenus de l'antiquité. Nous en aimons le style abondant,
plein de verve, plein d'audaces, et nous fermons volontiers les yeux sur
des défauts qui, partout ailleurs, nous choqueraient. Il n'est pas jusqu'à
sa forme impartaite et à demi-anonyme qui n'aide à la séduction. Aussi
prenons-nous un vif intérêt aux études nombreuses qu'on a publiées sur
cet ouvrage dans ces derniers temps.
Parmi elles je n'hésite pas à recommander la thèse que M. Kleiber, un
élève de M. Vahlen, vient de présenter à TUniversité de Halle. La suite
en est claire, le latin assez bon; l'auteur est un esprit judicieux, bien
informé, de qui l'on peut apprendre dans toutes les questions (jui tou-
chent au dialogue ce qui est acquis, et ce qui reste discuté.
Le sujet sans doute n'est pas très nouveau. On savait dés longtemps
qu'avant de se créer un style original, Tacite avait imité les auteurs
précédents et quelques-uns de ses contemporains, et que ces imitations
I 56
REVUE CRITIQUE
étaient surtout fréquentes dans Je dialogue des orateurs. Mais il man-
quait sur ce point une étude d'ensemble et quelque peu précise; M. K.
vient de nous la donner.
L'auteur s'est proposé (p. 7) de résumer clairement les travaux précé-
dents en y ajoutant quelques remarques personnelles. Sur ce dernier
point, il ne faudrait peut-être pas trop appuyer, et je n'ai pas vu que
ces remarques fussent nombreuses. Mais nous devons savoir beaucoup
gréa M. K. de la manière dont il a résumé les principaux résultats des
étu.ies d'Eckstein, de Weinkauff et de Vogel.
L''auteur réunit d'abord les passages où se révèle soit dans l'expres-
sion, soit dans la pensée l'imitation de Cicéron, parfois inconsciente,
mais le plus souvent voulue. M. K. prouve cette imitation, non seu-
lement par des rencontres d'expressions, mais par ce fait que Tacite
reproduit souvent et presque sans changement des idées et des juge-
ments qu'avaient d^abord répandus dans le public les ouvrages du
grand orateur.
Afin de préciser jusqu'à quel point l'auteur du dialogue a subi Tin-
fluence des poètes et celle des auteurs du premier siècle, M. K. dresse,
p. 3/ et suiv. la liste des substantifs, des adjectifs, des verbes qu'on
trouve ici, et que Cicéron n'employait pas ou qu'il employait en leur
donnant un autre sens. Toute cette partie de la thèse est très soignée et
intéressera vivement les latinistes.
Dans un tableau qui répond à celui des imitations, M. K. indique
quelles expressions nouvelles, souvent assez heureuses, ont été introdui-
tes dans la langue, par Fauteur du dialogue, (p. 69). La dernière partie
de la dissertation précise les rapports qui existent entre le dialogue d'une
part, et de l'autre Velleius, Senèque le rhéteur, le traité du sublime,
Senèque le philosophe, enfin Quintilien. L'auteur a grand raison de ne
pas se borner, comme M. Vogel, à relever des rapprochements de mots
qui prouvent assez peu; il va jusqu'aux pensées et recherche jusqu'à
quel point elles se conviennent ou s"'opposent.
On aurait à critiquer quelques détails : les exemples cités à l'occasion
à'aiiditus, p. 49, ont un tout autre sens. Fastidire (p. 60) contraire-
ment à ce que croit M. K. est déjà dans Cicéron ; car il faut lire avec le
Vaticanus, In Pis. xxvni, 68 : non fastidivit ejiis amicitiam. Nitor
contrairement à ce que feraient croire les exemples cités p. 42, est déjà
dans Cicéron : Orat. ji5; ad Att. XIII,xix^«, et Briitiis 36. —
M. K. était parti de celte remarque fort juste qu''en un sujet comme
celui-ci, mieux vaut peser que compter ses exemples. Il ne me paraît
pas avoir toujours évité lécueil qu'il avait si bien signalé. Que prou-
vent deux pensées très semblables de Tacite et de Quintilien (p. 83 et
suiv.) ou de Tacite et de Senèque (p. jb), quand nous savons que les
deux auteurs s'inspiraient d'un maître commun et qu'ils ne faisaient
que répéter Cicéron? Certains rapprochements sont bien inutiles quand
ils portent sur des expressions simples, courtes, et en quelque sorte for-
d'histoire kt de littérature ï5j
cées : ciim prœsertim (p. 14). ineunte adolescent ia\{p. 12), summo (ou
injimo) loco natus (p. 53), impcriti, diserti^ dicentes^ audientes em-
plo3'és substantivement (p. 49) etc.
On regrette surtout de n'avoir aucun secours pour se guider dans la
lecture de la dissertation ou pour y retrouver une citation. Une table
ou un index ou plutôt une table et un index étaient indispensables.
E. T.
l52. — SshaUespeai-e voi* ciem Forum «ler Jui'îspi'udetiz von Di'. Jos.
KoHLER, protessor in Wûr/burg. in-8, Wiirzburg 1884. (II Liefcrung, ioi-3oo
pages).
— IVaclivvoi't zu SUaUespeai'e voi' «Ic-isi S-'oi-uni der Juiispi'udcnz
von Dr. Jos. Kohler, professer in Wûrzburg. In-8, Wùrzburg, 23 pages.
M. Jos. Kohler s'est proposé, dans l'étude dont on vient de lire le ti-
tre, de montrer quelle idée Shakespeare s'est faite du droit et comment
il a compris et résolu les problèmes juridiques que présentent trois de ses
pièces surtout : le Marchand de Venise, Mesure pour mesure et Haui-
let ; le premier fascicule, oti l'auteur examine la première de ces pièces,
ne m'étant pas parvenu, je ne puis parler que de l'étude consacrée aux
deux autres. La question principale que soulève Mesure pour Mesure
est celle du droit de grâce ou plutôt de son application. Angelo a remis
en usage une loi depuis longtemps déjà tombée en désuétude, erreur ju-
ridique, contre laquelle proteste iniiirectement Shakespeare, en en
montrant les conséquences funestes; la condamnation capitale qui
frappe le coupable n'est plus en rapport avec le délit; les mœurs, la to-
lérance du passé en montrent Ténormité; il n'y a qu'un moyen de sor-
tir de la situation inextricable dans laquelle s^est mis Angelo lui-même,
c'est d'user du droit de grâce que son rang et la coutume lui confèrent ;
le cas dans lequel il se trouve est précisément un de ceux oli l'exercice
de ce droit est légitime et presque nécessaire; mais en y mettant une
condition odieuse, Angelo contrevient à ce droit, et le vicie. Telle est la
vérité que M. J. K. a mise en lumière. A cette intrigue dramatique et
juridique à la fois, il oppose ensuite la situation du héros de la Comé-
die des Erreurs, lequel, une fois qu'il a prononcé sa sentence, se
trouve dans l'impossibilité absolue de l'atténuer par Texercice du droit
de grâce et se verrait forcé de la faire exécuter, si une heureuse inter-
prétation ne permettait au duc, tout en paraissent s'y conformer, de
l'annuler en réalité : dénouement qui permet au poète de mettre d'ac-
cord la justice et le préjugé oriental, qui veut que la sentence du sou-
verain soit et demeure immuable.
Le problème soulevé dans Mesure pour Mesure, quelque intérêt qu'il
présente., ne saurait être comparé en importance à celui que doit résou-
dre Hamlet, « la pièce de la vengeance »; M. J. K. a étudié ires Ion-
i58
RKVUK CUITIQUK
guement, trop longuement même, ce chef-d'œuvre de Shakespeare;
mais il offrait à ses recherches un domaine si vaste qu'il s'est volontiers
laissé aller à examiner les questions nombreuses et diverses qui se rat-
tachent à la situation dramatique et terrible du prince de Danemark.
Pour M. J. K., Hamlet n'est point une espèce de Werther, incapable
d'agir, et dont Tinaction, comme Ta prétendu Goethe, cause la ruine;
il voit bien plutôt dans le héros du drame la victime fatale du conflit
qui éclate entre les exigences d'une coutume ancienne et barbare, — la
vengeance personnelle, — et les scrupules d'une conscience délicate,
le sentiment moral plus élevé, qui remet à la loi le soin de se venger.
Il y a dans cette conception du rôle d' Hamlet, qui n'appartient point
en propre à M. J. K., (il la trouvait en germe dans une étude curieuse
de M. Liebau sur la pièce de Shakespeare)., quelque chose de séduisant
et de vrai; elle permet au moins d'expliquer sans peine les hésitations
du jeune prince, hésitations qui ne viennent point de la peur de frap-
per un coupable, puisqu'il le fait toutes les fois en particulier qu'il se
trouve dans le cas de légitime défense, mais de la crainte de se faire juge
et vengeur dans sa propre cause, en se substituant à la loi. Hamlet re-
présente ainsi le droit nouveau, tandis que l'ombre de son père, en le
poussant à frapper Claudius, personnifie, en quelque sorte, le droit
ancien de la vengeance privée. M. J. K. a énuméré avec beaucoup
de soin les différentes formes de ce droit chez tous les peuples anciens
el-modernes; c'est l'histoire de la vendetta, armant d'abord famille
contre famille, acceptant plus tard la composition, ne s'attaquant plus
dans la suite qu'au meurtrier et finissant, à mesure que l'idée pure du
droit prédomine, par faire place au rôle impersonnel de l'impartiale jus-
tice. Tout cela est curieux, mais nous fait aussi perdre de vue bien
longtemps le sujet véritable; Hamlet et sa lutte entre deux devoirs op-
posés qui s'imposent également à sa volonté.
Le prince de Danemark ne peut douter du crime de Claudius et de
sa mère, et cependant, esprit rêveur, il hésite, malgré les objurgations
de Tombre paternelle ou de ce qu'il regarde comme tel, bien différent
de Laerte, qui, à la première nouvelle de la mort de son père, jure de
se venger sur Hamlet; il y a là un contraste frappant, que M. J. K.
a eu raison de faire ressortir. Je ne sais s'il a été aussi heureux dans
l'explication qu'il donne de l'éloignement immérité de Hamlet pour
Ophélie, coupable en apparence d'avoir voulu découvrir son secret,
mais qui en réalité n'est qu'un instrument innocent dans la main de son
père. J'aime mieux du moins ce que dit M. J. K. delà folie prétendue de
Hamlet, folie qui n'est véritablement que l'expression et l'effet de la peine
profonde qui lui déchire le cœur. Ceite douleur comprimée qui le ronge,
Hamlet yrevient sans cesse, non pour se plaindre, mais pour en sourire
et s'en jouer, en quelque sorte; de là cette puissance d' humour qui le ca-
ractérise, cette ironie par laquelle il se console de ne pouvoir remplir la
tâche terrible qui lui est imposée; sa conscience répugne à ce qu'il joue
D HisToiRK El ui:; r,iTiï:i'..\ TURE i:>9
le rôle de justicier, et la loi est impuissante à frapper, parce que c'est une
tête couronnée, celui qu'il n'ose frapper lui-même; quanta soulever le
peuple, à l'armer pour venger son père, traîtreusement misa mort, sa na-
ture rêveuse et méditative s'y oppose : le rôle de Fortinbras n''est pas fait
pour lui. C'est au dernier moment seulement, quand un nouveau crime
de Claudius aura porté au comble son indignation, que Hamlct cessera
d'écouter les scrupules de sa conscience, pour obéir à la loi de vengeance,
à laquelle il avait résisté jusque là, et tuera enfin le meurtrier de son père.
Une dernière question se pose : quelle doit être, au point de vue ju-
ridique, la conduite de Hamlet à l'égard de sa mère? Qu'elle soit cou-
pable, cela ne peut faire de doute pour lui, et il le dit en termes exprès ;
mais un droit supérieur l'arrête; un rils ne peut, ni ne doit se lairc le
juge de sa mère, et quand il est sur le point de l'oublier, une voix vient
le lui rappeler : « Que ton cœur n'ourdisse rien contre la mère », lui
dit l'ombre paternelle. Par là le rôle à' Hamlet contraste singulière-
ment avec celui d'Oreste; mais c'est Apollon même qui affranchit le hé-
ros grec du respect qu'il doit à Glytemnestre; c'est lui qui dans Eschyle
l'arme pour la vengeance d'Agamemnon, proclamant ainsi la supériorité
des droits du père sur ceux de la mère.
C'est par cette comparaison que se termine la longue étude de
M, J. K. sur Hamlet ; un court paragraphe qui la suit, fait une revue
rapide au point de vue juridique, des autres drames de Shakespeare '.
On y trouve quelques aperçus, non sans intérêt, sur la donnée de
Tout est bien qui finit bien, le Roi Lear, Jules César, le Conte d'hiver,
Peines d'amour fer dues, Henri IV ; chemin faisant, M. J. K. trouve
moyen de nous montrer ce que Shakespeare pensait du rôle du
souverain dans un Etat bien organisé, de l'utilité de la hiérarchie, etc.
On finit, comme 0:1 le voit, par sortir de la question ; mais M. J. K.
aime la digression et avec lui il faut en prendre son parti ; heureuse-
ment il possède si bien tout ce qui se rapporte à Shakespeare et ses
connaissances esthétiques sont si sûres et étendues qu'on est tenté de
lui pardonner ses longueurs.
C'est surtout uu point ue vue littéraire que j'ai apprécié le livre de
M. J. K.-, n'étant point légiste, je n'ai point cru devoir en examiner
le côté juridique, ni rechercher s'il s'y trouve à cet égard quelque
eiTeur ou quelque omission ; mais un jurisconsulte allemand, M. Ihring,
a cru, lui, pouvoir combattre les deux principes mis en avant dans la
première partie de l'étude de M. J. K. ; c'est pour répondre a cette
attaque qu'a été écrit le Nachxport 7ji Shakespeare; mais comme
je ne connais ni ie mémoire de M. Ihrmg, ni la partie de l'ouvra j;e de
M. J. K., qu'il critique, il m'est impossible d'apprécier, en connais-
sance de cause, la valeur de la réponse de celui-ci ; tout ce que je puis
I. Ce paragraphe est d'ailleurs suivi liii-même d'un appendice qui comprend
neut documents curieu.K sur les points de droit examines dans le livre de M. J. K.
i6o
RKVUE aUTIQUE
dire, c'est que M. Jos. Kohler montre une érudition juridique aussi va-
riée qu'étendue dans l'examen qu'il fait du droit de poursuite contre
les débiteurs dans les diverses législations.
Ch. J.
i53. — Uiiîvci'&ité de L,iège. Travaux du cours pratique d'histoire nationale de
Paul Frédéricq. Fascicule I-II. Dissertations sur l'histoire des Pays-Bas au
seizième siècle. Gand, J. Vuylsteke, 1883-1884, un, 144 p. viir, i32 p. In-8.
Prix : 8 fr.
Les dissertations renfermées dans les deux présents volumes sont le
fruit du travail commun des élèves du séminaire historique de l'Uni-
versité de Liège, récemment organisé d'après le système depuis long-
temps en vigueur en Allemagne. Nous en saluons la publication, non-
seulement avec Tintérôt que mérite la valeur intrinsèque de quelques-uns
de ces travaux, mais aussi comme un signe des temps. C'est par ces
procédés seulement que l'enseignement historique universitaire formera
des chercheurs expérimentés, des érudits au sens critique plus déve-
loppé, et que Ton pourra espérer voir renaître l'étude plus scientifique
de l'histoire provinciale et locale, trop souvent abandonnée au zèle
sincère mais inexpérimenté d'amateurs sans critique. Mais pour préparer
les iuturs historiens à leurs travaux plus difliciks, il faut les exercer à
une tâche plus appropriée à leurs forces, strictement et nettement li-
mitée, les pousser à l'émulation par un travail commun, sans trop
restreindre cependant leur esprit d'initiative, sans leur prescrire dans
tous ses détails la marche à suivre, revoir consciencieusement avec eux
ce qu'ils ont produit, en leur expliquant scrupuleusement les lacunes
et les erreurs d'un premier essai, puis leur accorder aussi la récom-
pense morale qu'ils ont méritée par leur zèle et leur talent — s'ils l'ont
méritée — de voir ces travaux livrés à la publicité et rendre quelque
service, même aux vétérans dans la carrière. C'est là ce que M. P. Fré-
déricq, qui a vu fonctionner le système allemand dans tous ses détails,
a fort bien compris et nous ne saurions assez recommander à nos pro-
fesseurs d'histoire et à nos maîtres de conférence, non-seulement de
lire, mais de méditer la longue introduction du jeune et savant profes-
seur de Liège, afin de se guider d'après ses avis. L'application systéma-
tique et persistante de ces principes aurait les résultats les plus heureux
pour l'enseignement supérieur lui-même, pour l'enseignement de
l'histoire dans les lycées et les collèges et le développement des sociétés
savantes de la province, peut-être même de la capitale.
Naturellement tous les mémoires contenus dans ces deux volumes
n'ont pas une valeur égale et ne présentent pas un intérêt majeur aux
lecteurs. Il en est qui touchent des points d'importance très secondaire
et d'autres qui auraient pu être traités d'une façon plus mtéressante sans
n HISIOIRK KT DI-. MT 1 KK ATtJRK
i6i
paraître moins érudits. Nous signalerons dans le premier fascicule des
Travaux du cours pratique, le travail de M. G. Crutzer sur Torigine
maternelle de Marguerite de Parme, tille de Charles-Quint et régente
des Pays-Bas. Après avoir écarté la donnée traditionnelle qui en lait la
petite-fille d'un comte vénitien, Jérôme de Nogarola, l'auteur établit
pardes preuves qui paraissent convaincantes, la filiation beaucoup moins
aristocratique de la princesse avec un manant d'Audenarde, nommé
Van Gheest, dont la fille Jeanne était au service du baron Charles de
Lalaing, gouverneur de cette ville, et chez lequel Charles-Quint logea
quelques jours, vers la fin de i52i. Marguerite de Parme a dû le jour
à ces relations fugitives entre le monarque de toutes les Espagnes et la
servante flamande. M. F. lui-même a lourni pour ce premier volume
un important travail sur l'enseignement public des calvinistes à Gand,
de 1578 à 1584, d'après les comptes de la ville et le Journal de Philippe
van Campene, bourgeois gantois et grand adversaire de l'hérésie. Cet
enseignement fut supprimé après la capitulation de la cité, le 12 sep-
tembre 1584. M. Alfred Journez a retracé la biographie de Fray Lo-
renço de Villaviceneio, agent secret de Philippe II aux Pays-Bas, cha-
pelain à Bruxelles, moine augustin descendant d'une vieille famille
andalouse et dont les papiers nous fournissent des détails bien curieux
et peu suspects d'exagération sur le fanatisme et l'ignorance du clergé
des Pays-Bas et sur les différentes sectes laïques établies dans le pays et
surtout à Anvers, pratiquant en secret la polygamie, la communauté
des biens, etc. M. Eugène Monsan a adressé le catalogue, sans doute
encore incomplet, de tous les personnages qui ont exercé les fonctions
d'inquisiteur, depuis la réorganisation de ce tribunal, par Charles-
Quint, en 020, jusqu'à la pacification de Gand {i5j6). M. E. Hubert
enfin — car nous ne pouvons citer tous les travaux contenus dans ces
deux volumes — a fourni les tables chronologiques du « Registre pour
le faict d'hérésie, » compilé par le juiisconsulte Viglius van Zwichem,
le conseiller d'Etat bien connu de Philippe II. Ce volumineux registre
de I 3 16 pages est conservé aux Archives royales de Bruxelles. L'ana-
lyse de 1 14 pièces donnée par le jeune et savant professeur de Liège, et
dont beaucoup mériteraient d'être données in-extenso, nous permet
d'étudier avec détail et d'exposer dorénavant avec compétence l'organi-
sation de l'Inquisition néerlandaise et son développement historique au
xvie siècle.
Nous ne pouvons que féliciter en terminant M. Paul Frédéricq des
heureux débuts de son séminaire historique dans la carrière scientifique
et nous souhaitons bien vivement qu'il nous fournisse de temps à autre
la preuve que ses élèves continuent à profiter de son enseignement mé-
thodique et pratique.
R.
102
RKVUE CRITIQUK
CHRONIQUE
FRANCE. — M. Gaidoz annonce dans le n" 4 du tome VI delà Revue Cellique
qu'il abandonne la direction de ce recueil et fait ainsi ses « adieux au lecteur ».
M Lorsqu'en i86g nous conçûmes la pensée, quelque peu ambitieuse, de donner un
organe à la philologie cellique, notre projet fut accueilli avec quelque scepticisme.
Pour les uns, les langues et les littératures celtiques étaient chose sans importance
et curiosité de diieUantes; pour les autres, ces études se résumaient dans le néo-
druidisme et dans le Barzaz-Breiz dont ils avaient quelque défiance ; d'autres, enfin,
reconnaissaient qu'il y avait là matière à une étude scientifique, mais ils se deman-
daient si la philologie celtique était désormais assez sûre d'elle-même pour prendre
possession de ce domaine et pour alimenter une revue spéciale : on se demandait si
nous n'allions pas inaugurer une nouvelle période de Celtomanie, et on semblait
dire : quelque chose de bon peut-il venir de Nazareth t Notre premier numéro, paru
en mai 1870, dissipa ces craintes, grâce au concours bienveillant et désintéressé des
celtistes de l'Europe entière, dont la collaboration donna dès le premier jour à ce
recueil sa valeur et son autorité... Notre mérite fut de demander des articles aux
hommes compétents et de n'en demander qu'à ceux-là — et de ne pas chercher à
ce recueil de vaine populaiité par des articles de « littérature facile », par des ampli-
fications enthousiastes sur les Druides, les Bardes, leur philosophie et leurs mystè-
res, bien que le prestige de noms célèbres, de paroles éloquentes et de poésies char-
mantes eût pu recommander notre œuvre au grand public et l'y intéresser Mais
nous aurions cru démériter de la sévère divinité que nous voulions servir en cher-
chant à attirer la foule dans son sanctuaire. La philologie celtique est aujourd'hui
fondée et organisée; aussi ce recueil a-t-il maintenant moins d'utilité qu'il n"en avait
à l'origine, quand les savants travaillaient isolément et sans encouragement, quand
les études celtiques n'étaient représentées dans aucune université, et quand d'un
pays à l'autre on ne pouvait se tenir au courant des travaux et des publications de
ses confrères, bien plus, de ses devanciers. C'est ainsi qu'en France on ne savait rien
des travaux de ces grands érudits irlandais des quarante dernières années, Todd,
Pétrie, O'Donovan, O'Curry (nous ne nommons que les morts). Les services rendus
par ce qu'on pourrait appeler 1' « Ecole de Dublin » ne sont encore que bien peu
connus du public savant du continent, et nous regrettons aujourd'hui de n'avoir pas
essayé d'en tracer l'histoire : c'est une lacune qu'il conviendrait de combler ici-
même. Notre revue a créé l'unité celtique, une sorte de Zollverein scientifique. No-
tre tentative ambitieuse de i8ôg est aujourd'hui justifiée. Des raisons d'ordre privé,
parmi lesquelles le désir de repos, nous ont décidé à abandonner la direction de la
Revue. Mais nos lecteurs n'ont pas le droit de s'en plaindre; car un des maîtres de
la philologie celtique, un érudit dont ils ont pu dès le premier jour apprécier la
haute critique et la féconde activité, M. d'ARBOis de Jubainville, va reprendre et
continuer notre œuvre; entre ses mains expérimentées, la Revue Celtique aura bien-
tôt acquis une importance nouvelle. C'est l'idée qui nous console en abandonnant
une œuvre qui, pendant seize ans, a été l'objet de nos soins et de nos pensées; mais
ce n'est pourtant pas sans regret que nous prenons congé de nos collaborateurs et
de nos lecteurs, et que nous nous séparons de la Revue Cellique ; et en lui disant
adieu, nous lui adressons les paroles du poète latin :
Sine me, liber, ibis in orbem,...
Vade, liber, verbisque meis loca grata saluta ! »
d"'histoire et de littérature i63
— Jean des Montievs de Presse, évoque de Bayonne. — Sous ce titre M. A. Com-
MUNAV nous donne (Auch, i885, gr. in-8« de 2g p.) un recueil de documents iné-
dits destinés à faire mieux connaître un prélat qui fut un habile négociateur et un
fécond écrivain. Le premier de ces documents, extrait des manuscrits de la Biblio-
thèque de Bordeaux, est un mémoire sur Jean des Montiers de Presse par son com-
patriote, l'abbé J. Nadault, curé de Feyjac (Limousin), correspondant de l'Académie
de Bordeaux, 1773. Ce mémoire, que complètent d'excellentes notes de l'éditeur,
fournit des détails biographiques et bibliographiques très abondants et comme n'en
présente aucun des travaux antérieurs. Le mémoire de l'abbé Nadault est sui\i de
deux lettres de Jean des Montiers de Presse écrites, l'une à Claude de l'Aubespine,
12 janvier i552, l'autre au maréchal de Brissac, lo mai i554, d'un procès- vei bal,
dressé par ordre du Roy, de la saisie du temporel de l'évêque de Bayonne (17 sep-
tembre i56o), et de deux lettres des magistrats de cette ville adressées, le 4 octobre
de la même année, au roi et au cardinal de Lorraine. Ces cinq documents sont ex-
traits des collections de la Bibliothèque nationale. Parmi les notes de M. Communay
on remarquera celles qui complètent leGallia Chiistiana (p. 14-15) et celle qui rec-
tifie (p. 22) une erreur de Tallemant des Réaux {Historiettes, t. V, p. 192), d'après
laquelle Laurent de Nyert aurait été maire de Bayonne à l'époque de la Saint-Bar-
thélémy et aurait empêché le massacre dans la ville. Or Laurent de Nyert, qui ne
fut, du reste, que lieutenant du maire, était mort dès 1570. — T. df, L.
— Sur le second mariage du premier duc d'Epernon. — Guillaume Girard, secré-
taire et biographe de Jean-Louis de Nogaret, n'a rien dit, dans le gros volume in fo
qu'il a consacré (i655) à la vie de son maître et de son héros, d'un nouveau mariage
qu'aurait contracté le futur gouverneur de la Guyenne, veuf depuis 1594 de Mar-
guerite de Foix et de Candalle. Tous les autres biographes, tous les généalogistes,
ont également passé sous silence les secondes noces de l'ancien favori du roi
Henri III. Aussi trouvera-t-on bien curieuse la communication faite par M. le mar-
quis de Castelbajac à la Réunion générale de la Société historique de Gascogne, le
i5 juin dernier, d'une note sur le mariage, dans une petite église de Provence (pa-
roisse de Pignans, et non Pigans, ce qui est une mauvaise lecture, diocèse de Fré-
jus), le 4 février i5g6, du duc d'Epernon, alors gouverneur de Provence, avec Jeanne
de Monier, fille de Gaspard de Monier, sieur du Castelet, etd'Isabeau de Bompart.
M. de Castelbajac a trouvé l'acte de mariage dans les archives de son château de
Caumont (département du Gers), château qui appartenait, au xvi^ siècle, à la famille
de Nogaret et où naquit celui qui devait être le premier duc d'Epernon et qui,
dans sa jeunesse, fat connu sous le nom de Caumont. On poiura lire le document
retrouvé, après trois siècles d'oubli, par M. de Castelbajac, dans le Compte-rendu
de la réunion générale de la Société historique de Gascogne (Auch, i885; p. 16).
— T. DE L.
&
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 21 août 188^.
M. P. -Charles Robert communique une note intitulée : Qjielques Mots sur le mo-
bilier préhistorique; danger d'y comprendre des objets qui n'en font pas partie.
tt Les antiquités préhistoriques, dit M. Robert, ont donné lieu en France depuis
un demi-siècle à un nombre considérable de publications, et c'est par milliers que
les éclats de silex, les pierres polies et les poteries grossières ont été gravés ou
ohotographiés. Il y a, je le reconnais, un certain charme à toucher des objets qui
164 REVUF. CRITIQUE d'hISTOIRE F.T DE LITTÉRATURE
étaient aux mains des populations des premiers âges et à tenter de tirer de leur
forme ou de leur matière des conjectures sur l'état de ces populations ; aussi n'ai-je
pas l'intention de critiquer les éludes préhistoriques. Je veux seulement montrer
que les archéologues sont parrois entraînés à rejeter dans la nuit des temps les ob-
jets informes qui en réalité appartiennent à des époques relativement voisines de
nous.
« Je mets sous les yeux de l'Académie un spécimen que tous les archéologues
considéreront à première vue comme préhistorique et dont l'époque peu reculée est
approximativement connue : ce sont les fragments d'un vase dont la terre, à peine
pétrie, est mêlée de charbon. Or, ce vase a été découvert, dans le Languedoc, rem-
pli de monnaies gauloises d'argent, dont j'ai acquis une partie et qui, par leur type,
dit à la croix, appartiennent à la dernière période des imitations que les peuples du
bassin de la Garonne firent en si grande abondance de la drachme de Rhoda d'ibé-
rie. On peut croire qu'elles ont été frappées vers le temps où Oiiéius Domitius
Ahénobarbus, vainqueur des Allobroges, en 121. fut mis, comme l'a établi M. Er-
nest Desjardins, à la tête du beau territoire qui allait devenir la province romaine.
« Dans une maison byzantine, dont les premières assises ont été mises à nu pen-
dant la campagne de Crimée, on a rencontré, avec des monnaies de bronze fort
communes du ix' et du x" siècle, quelques modestes instruments d'usage domesti-
que, et parmi eux de ces pierres polies, à tranchant plus ou moins aigu, qui tien-
nent une place importante dans le mobilier préhistorique.
« La pierre a été employée dans les armes de jet jusqu'à des époques relativement
récentes " et, si les frondeurs romains étaient pourvus de balles de plomb, les Goths
du Nord, longtemps après, lançaient encore des pierres, suivant Olaûs le Grand,
bien que leur armement fût très coinplet.
<i En général, je crois qu'on a tort de partager le passé en grandes tranches, au
point de vue du mobilier et des armes. Là où le fer natif s'offrait à l'homme dans
des conditions d'emploi exceptionnellement faciles, l'âge de fer a dû se confondre
avec l'âge de bronze. Ajoutons que des objets grossiers ont continué à servir dans
les ménages modestes, à des époques où la civilisation avait déjà créé des objets d'art.
Ainsi le vase de terre grossière dont je viens de mettre des fragments sous les yeux
de l'Académie appartient à un temps où les Gaulois du Sud, assez civilisés pour
faire de belles monnaies, ne pouvaient être étrangers à un certain luxe, dont ils
trouvaient l'exemple chez leurs voisins les Grecs de Marseille et les Romains de la
Provence, et même chez les Arvernes, dont les rois, lorsqu'ils se promenaient dans
leur char, semaient sur leur passage l'or et l'argent à pleines mains. Seulement le
Gaulois avait pris pour cacher son trésor un vase sans valeur. Si quelque cataclysme
renversait jamais le musée de Sèvres et l'enfouissait sous un remblai, la charrue,
dans quelques milliers d'années, pourrait passer à côté des vases qui ont fait la
gloire de nos expositions et heurter un des objets en terre à l'usage de la cuisine du
concierge; les curieux d'alors seraient-ils fondés à déclarer que la céramique était
fort arriérée de nos jours sur les bords de la Seine r »
M. Deloche lit une notice sur quatre cachets de l'époque mérovingienne, dont il
donne la description :
1» Bague d'argent, trouvée à Argœuvres (Somme), aujourd'hui conservée au mu-
sée de Pétonne. Diamètre, o™oi8; épaisseur du pourtour, o'"ooi ; hauteur, o">oo5 ;
hauteur du chaton, o°»oo7 ; largeur, o'"oi2. Le chaton porte plusieurs ornements
gravés en creux et trois groupes de deux lettres chacun : EV, SI, CC. M. Deloche
pense que, dans la lecture de ces groupes, il faut compter deux fois chac^une des
lettres S, 1 et E; il lit S. Eusiccie, c'est-à-dire sceau d'une femme nommée Eusiccia.
En effet, le faible diamètre de cette bague donne lieu de croire qu'elle a été faite
pour une femme.
2° Bague de bronze, trouvée à Templeux-Ia-Fosse (Somine^ conservée aussi au
musée de Peronne. Diamètre, o"^oi8; épaisseur, o'nooa. C'est encore une bague de
femme. Sur le chaton, M. Deloche déchiflre. groupées en diverses combinaisons, les
lettres M, E, L, 1, T, A, qui lui paraissent former le nom propre Melita ou Me-
Utta .
3" Boucle de ceinturon, de provenance inconnue. On y voit, grave- en creux, un
monogramme qui comprend toutes les lettres du nom Agnits, surmonté d'une pe-
tite croix. C'est le seul exemple connu d'une boucle de ceinturon disposée de ma-
nière à servir de cachet.
4" Bague de bronze, trouvée près de Châions-sur-Marne. Diamètre, o°'oi8; largeur
du chaton, o'"oi2; hauteur, o^ooy. On distingue, disposées en divers groupes, les
lettres S, E, V, L (deux fois), A et I. Le diamètre indiquant encore une bague de
femme, M. Deloche propose de lire 5. Eulalie, sceau d'Eulalie, en comptant l'E
deux fois.
Julien H.wET.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Fuy, imprimerie Marchessou Jils, boulevard Saint-Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'KISIOÏRE El DE LITTÉRATURE
jM" 36 — 7 septembre — 1885
goBîisnaîi'e s i54. Lyall, Eludes sur les mcsurs religieuses et sociales de l'Ex-
îicme Orient. — i55. Willei.is, Le Sénat de la République romaine. Appendices
du Tome I et registres. — i56. Stangl, Commentaire de Boèce sur les Topiques.
— 157. Sermons du xii'= siècle en vieux provençal, p. p. Armitage. — i58.
Œuvres poétiques dcMaynard.p. p. Garrisson, I. — i'^ar/e/t^5: (-lermont-Ganneau,
Notes d'archéologie orientale; XXV. Le sceau d'Abdhadad ; XXVI. Scgor,
Gomorrhe et Sodome. — Thèses de doctorat : Décrue, Le Conseil du roi sous
François I et Anne de iMoatiiiOrency. — Chroniqiie. — Académie des Inscriptions.
[54. — B';iudes su:- Ses îaœurs rclîgâeuseB et socinics tEc Vi:-x.ti'ùmc-
Oi-ieiït, par sir Alfred Lvall, lieuteriant-gouverneur des provinces du Nord-
Ouest (Inde). Traduit de l'anglais avec l'autorisation de l'auteur. Paris, Thorin,
i885, Lxiv-536 pages, in-8.
Les essais de sir Alfred Lyall sont bien connus de tous ceux qui s^in-
téressent aux ciioses de l'Inde. M. L. appartient à cette élite de civilians
jui a tant fait pour l'avancement des études indiennes : ce n'est point
in savant de profession, c'est avant tout un homme pratique qui a eu le
naniement des hommes sur une vaste échelle, hommes de toutes races,
le toutes classes, de toutes sectes, et a su observer. Commissaire du
5erar Occidental, agent généial du Radjpoutane , enfin lieutenant-
jouverneur des provinces du nord ouest, il a eu sous sa main tout le
^ord aryen. Dégagé de système préconçu, il a porté dans l'étude reli-
;icuse et sociale de l'Inde cet esprit de netteté et de bon sens que donne
e contact direct des faits et qui marque d'un cachet si particulier les
euvres de son illustre émule, sir Henrv Maine.
Les avantages de ce point de départ ne sont point sans leur revers :
a réaction contre les abus de Lécole mythologique, par exemple, le fait
emonter dans l'Evhémérisme, dont il y a des exemples certains dans le
)résent, plus haut et plus loin qu'il n'est peut-être prudent. Mais il est
)on que les théories des travailleurs de cabinet soient ainsi contrôlées
)ar ceux qui travaillent sur le terrain même. Il faut donc remercier
^auteur anonyme de la traduction que nous annonçons et qui fera
:onnaître au public français un livre plein de faits, plein d'idées et
wg-ge^ïf/' au possible. Les essais au nombre de neuf traitent presque
ousdeTInde religieuse: un d'entre eux est une réponse à la fameuse
:onférence de M. Max MûUer à Westminster sur les religions mission-
laires et les religions non missionnaires : M. L. montre que M. Max
\4ûller a eu tort de compter le Brahmanisme parmi ces dernières.
Ûeux sont consacres à l'étude de !a formation dis classas et des castes et
Nouvelle série, X>'. 3(3
l66 REVUE CRITIQUE
à la description du système Radjpoute, le plus curieux et le plus pré-
cieux survival en Inde de la vieille organisation aryenne.
Le traducteur a fait précéder sa traduction d''une préface qui con-
tient d'intéressantes réflexions sur l'esprit des sociétés orientales. A la
tin il se justifie d'avance du littéralisme souvent pénible de sa traduction
en se couvrant de l'autorité d'un traducteur anglo-indien de Savigny :
<£ la fidélité à l'original, dit-il, tel a été tout du long mon unique
but, et si ma version semble parfois rude ou obscure, cela pro»
vient, en grande partie, de mon souci d'être textuel ; car je n''ai pas cru
qu'il fût de mon ressort, — outre qu'il n'est pas, je le crains, en mon
pouvoir, — de récrire mon auteur ou d^améliorer sa prose. » Mais le
lecteur répondra tout naturellement qu'un traducteur n'a pas à récrire
ni à améliorer Toriginal, puisqu'il traduit; il doit dire dans sa langue à
lui ce que Fauteur a dit dans la sienne.
l53. — Le sénat, «le la E^épublique l'omaine, par P. WiLLEMS, Appendices
du tome. I et Registres, Louvain, Peeters; Paris, Thoriii; Berlin, Calvary, i885.
I vol. in-8 de iv, g8 (p. G26-724) et 116 p.
M. Willems a réuni dans ce volume les Indices généraux de tout son
ouvrage (1° Indexais matières; 2° Index des termes grecs ; 3'^ Index
des noms propres; 4° Ltdex d^s cognomina) auxquels il a donné une
pagination distincte et isolée, et les additions au tome I" de son livre,
dont elles continuent la pagination. Dans ces additions, M. W. revient,
pour consolider par de nouvelles preuves les opinions qu'il avait déjà
soutenues, sur les questions suivantes :
I. Ornamenta consularia, praetoria; sententiam dicere loco praeto
rio, consiilari; allegi inter jpraetorios, consulaires.
IL La formule patres conscripti. C'est la partie la plus longue et la
plus développée de ce nouveau volume. Dans le tome L'', page 39, M. W.
avait dit : « Patres cojtscripti veut dire les sénateurs inscrits sur la liste,
« synonyme de l'expression ^^?re.ç lecti-h^ et page 41: « Nous conclurons
« que la formule patres conscripti fut la dénomination officielle des
« membres du Sénat, non pas depuis le commencement de la Républi-
« que, mais depuis que Ton a dressé une liste sénatoriale, c'est-à-dire
« déjà sous la période royale ». Ce système n'est pas en faveur, et la
majorité des savants, après comme avant le livre de M. W., ont accepté
l'autre système, brillamment préconisé par M. Mommsen (Rœmische
Forschungen, I, p. 227) : patres conscripti, jpg patres die patricis-
chen^ conscripti die plebejischen Senatoren sind. M. W. revient
longuement sur son explication, reprend et discute une à une toutes les
objections qui lui ont été faites. Nous ne pouvons que souscrire aux
opinions émises dans cette nouvelle dissertation, comme nous avions
tout d'abord souscrit à son système. Conscripti ne peut avoir le sens
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE I by
que d'inscrits sur la liste des sénateurs; on ne saurait interpréter j^a-
tres conscripti comme s'il y avait patres conscriptique (sénateurs
patriciens et plébéiens) : « A Torigine, les sénateurs s'appelaient j'a/rei"
« parce que le Sénat était l'assemblée de tousltspatresfaniiliasseniores^
« tous patriciens. — Au terme patres tout court, a succédé celui de
« patres conscripti (patres portés sur la liste sénatoriale), non pas après
« l'admission des plébéiens au Sénat, ni pour distinguer différentes
« catégories desénateurs, mais depuis que, en dehors des j;a?re,s siégeant
« au Sénat, il y avait des citoyens qui étaient juridiquement patres
« familias sans être sénateurs «. Il n'eût peut-être pas été inutile, dans
toutes ces discussions, de rappeler un texte qui a bien sa valeur et qui
vient singulièrement confirmer la théorie de M. W. A la fin de la fable de
Psvché, dans les métamorphoses d'Apulée, Jupiter convoque les dieux
pour leur signifier le mariage de son petit-fils Cupidon avec Psyché.
Selon une habitude qui lui est chère, Apulée parodie la langue adminis-
trative : Mercure, sur l'ordre de Jupiter, convoque les dieux en déclarant
une amende pour les absents : Jubet Mercurium deos or,ines ad con-
tionem convocare protinus, ac, sei qui cœtu cœlestiwn defuisset, in
■pœnam decem millium nummum conventuni iri pronuntiare. Jupiter
préside et prend la parole. On pense bien qu'il parlera comme un prin-
ceps senatus et qu'il y aura dans ses premières paroles une allusion à la
formule patres conscripti. Voici en effet le début de son discours : Dei
conscripti Miisarum albo, « Dieux inscritssur l'albumdes Muses».
Apulée interprétait donc la ïormulz patres conscripti comme s'il y avait
conscripti albo senatorio: c'est-à-dire absolument de la même manière
que M. Willems : c'est un renfort que ce dernier ne saurait, je pense,
refuser.
III. A : Les droits sénatoriaux du flamen Dialis.
B : Le plébiscite Ovinien.
C : Le plébiscite Atinien.
IV. L'inscription d'Adramytium.
V. Le sénatus consulte relatif aux cités de Mélitée et de Nartha-
kion.
Camille JuLLiAN.
130. — D"" Thomas Staxgl. Boetîîîanu veï Oociiiil eojiîitîeBîtarîoi'iinî în
Cicei'oiiîs 'Fojiica emeiKintiones ex ocao coiîîcîbus îsnwstîe et aiicfaî
observatjoniliiîs gt-aiHiîiiatîcis. Diss. inaug. Monacensis «mdccclxxxii. Gotha,
Perthes, in-8, 104 p.
Le soin qu'on a apporté de notre temps à éditer plus exactement les
discours et les traités de Cicéron devait s'étendre aux scoliastes du même
auteur. Aussi a-t-on vu K. Halm donner ses Rhetores latini minores;
MM. Schœll et Kiessling ont réédité Asconius ; récemment M. Land-
l68 UKVtJK CRITIQUE
graf soumettait à un nouveau travail une partie du scoliaste de Grono-
vius. Restaient avec une partie de ce dernier scoliaste les scolics de
Bobio et le commentaire de Boëce sur les Topiqties. C'est ce domaine
que M. Stangl s'est proposé d'explorer.
La dissertation dont je rends compte a été suivie de travaux qui se
sont succédé rapidement en publications séparées ou en articles de re-
vues, et qui portaient sur le texte des scolies deGronovius, sur les cita-
lions de Cicéron dans les traités des rhéteurs, plus récemment sur les
manuscrits italiens de Cicéron.
L'activité de M. St. est si évidente, si louable, si appréciée de tous
qu'il peut bien nous permettre d'indiquer ici sans réticence quelques
défauts de ses Boethiana.
Il y a sans doute dans ce travail des parties forts dignes d'éloge, de
bonnes corrections fondées sur la recension de huit manuscrits nou-
veaux, un effort pour caractériser la langue et !c style de Boëce (p. i5)
quoique cet effort ne soit pas, suivant moi, très heureux. Mais à côté de
ces qualités, combien la composition de cette étude paraît superficielle
et arbitraire! que d'obscurités, de renvois, de digressions, de contradic-
tions ! Dans les premières pages (p. 4 et suiv.) on voit annoncée une
discussion et des développements spéciaux qui tiennent plus ou moins
étroitement au sujet. Heureux le lecteur qui oubliera cette promesse.
Car s'il y comptait, voici ce qu'il trouvera à la fin de la brochure: Fau-
teur ayant usé tout son papier [quoniam hic liber qiiamvis angusLus ad
eam auctiis sit magnitudinem) vous prie d'aller chercher la suite dans
les Bluttern fiir das bayerische Gymnasialschubpesen. On trouverait
chez nous le procédé un peu fort.
Mais il n'y a pas là de quoi nous empêcher de souhaiter que M. Stangl
tienne mieux cette autre promesse qu'il a faite de nous donner une
édition du commentaire de Boëce et des Scholia Bobiensia. Nous sou-
haitons sut tout qu'il veuille bien démêler lui-même dans ses notes ce
qui mérite d'être publié et ce qu'il peut tout aussi bien garder. Nous
espérons surtout que, suivant l'exemple de son maître K. Halm, il con-
sentira à apporter dans ses nouvelles publications plus de clarté et de
méthode.
0.
\~,-. — Scs'isîosîs «îii XaS'' siècle en vâeîax pro-*-cnçiîl» publiés par Frederick
Arjut.'.ge, Hjilbronn, Hcimingcr, 1884, ia-12 de 121 p. Prix: 3 fr. 75.
Cinq des sermons de ce recueil ont été depuis longtemps publiés par
M. Paul Meyer, sous le nom de Sermons limousins, dans le tome VII j
du Jahrbuchfur romanische iind englische Literatiir. Depuis, et avant
l'apparition du livre de M. Armitage, le même manuscrit (Bibl. nat.,
laî. 3548 B) a été publié intégralement et commenté par M. Chabaneau
d'kISTOIRF. F.T de LiTTKrvAIUUF. 169
dans la Revue des langues romanes. Cette dernière circonstance enlève
donc une grande partie de son intérêt à l'édition que nous avons sous
les yeu\ ; cette édition n'est cependant pas complètement inutile, yrâce
surtout au glossaire qui la termine et qui paraît rédigé avec soin. Si-
gnalons aussi l'introduction, bien qu elle soit écrite dans un français
étrange, dont M. A. s'excuse en ces termes (p. lvii) : « Je dois enfui
m'cxcuser d'avoir osé me servir d'une langue dont je suis si peu maître.
Mais puisque le choix entre l'allemand et le français me restait seul
ouvert, il n'y avait pas à hésiter. D'abord tout Allemand qui s'occupe
du provençal comprendra le français. Puis je me suis consolé en pen-
sant que tout Français pardonnerait des négligences de style, même
quelques fautes, à un étranger qui voulait contribuer à la connaissance
de l'ancienne littérature de son pays. Ecrire en anglais aurait été écrira
pour ceux qui ne s'intéressent pas a l'étude de l'ancien provençal. Jus-
qu'à présent, nous Anglais, nous nous sommes contentés de garder à
l'usage des étrangers les trésors que renferment nos bibliothèques pour
l'étude de l'ancien provençal et de l'ancien français. Nos Universités
apprendront peut-être plus tard que le latin est encore langue vivante,
et que la philologie a peu de tâches plus importantes, que celle de réta-
blir la continuité entre la langue de Gicéron et les idiomes latins d'au-
jourd'hui. » Il est impossible de ne pas être désarmé par tant de fran-
chise et de bonne grâce; on ne peut même que souhaiter beaucoup
d'imitateurs à M. Armitage parmi ses compatriotes, cette imitation
dût-elle créer un nouveau dialecte franco-anglais dont l'étude occupe-
rait les loisirs de nos arrière-neveux.
Ant. Tmomas.
i58. — Cï'^uvros poéticiues de Fs-ar.eoîs cîe îiZîïvnîirtî, publices avec notice
et notes par Gaston Garrisson. Tome I. Paris, Lenierre, ia-12. Prix: 7 fr. 5o.
M. G. Garrisson publiera en trois volumes les œuvres poétiques
complètes de François de Maynard. Le premier, qui vient de paraître,
et dont nous allons essayer de rendre compte, renferme les poésies pu-
bliées en 161 3, les Amours de Cleande, les Stances, les Elégies et Pas-
torales. Voici pourquoi je me suis empressé de l'acheter : j'avais présent
à l'esprit un très intéressant article de Sainte-Beuve sur Malherbe et son
Ecole, dans lequel Maynard était traite avec beaucoup d'indulgence, et
je me reprochais de ne pas connaître un poète qui, selon l'illustre criti-
que, « avait laissé quelque chose de durable. » — Cela peut être, mais
ce quelque chose nt se rencontre assurément pas dans le volume que je
viens de lire. Je ne crois point qu'il soit facile de trouver plusieurs
milliers de vers aussi vides d'idées, aussi fades que ceux de Maynard,
plus capables, en un mot, de transmettre au cerveau « cette pesanteur
endormie » dont parle Montaigne. Les sonnets à Cleande, au nombre
17° REVUK CRITIQ'JF.
de soixante-neuf, sont par dessus tout un échantillon de ce verbiage
alambiqué, de ce galimatias pompeux cher aux imitateurs de Pétrarque.
Maynard, qui était Gascon, avait l'emphase naturelle, et il laisse bien
loin derrière lui tous les amoureux transis de ce temps là, si riches
pourtant en métaphores. Les sonnets de Ronsard à Cassandre, quel-
ques-uns de Du Bellay, beaucoup de Philippe des Portes, n'ont rien de
simple et de naïf, rien de ce genre français qui déteste l'afféterie et le
raffinement; mais même dans ce que ces poètes ont de plus mauvais,
il y a des passages où l'on sent l'amour vrai, et parfois la passion éclate
dans un vers franc qui fait tout d'un coup oublier les imitations grec-
ques, latines et italiennes. Rien de tel chez Maynard : son amour n'est
que l'effort d'une pauvre imagination; on ne s'aperçoit jamais que l'au-
teur ait eu vingt ans, et que son cœur, comme dit Musset, ait bondi au
rendez-vous. Il est de ceux qui glacent, qui morfondent le lecteur.
Lorsque, dans une langue aussi incorrecte que précieuse, il nous
parle « de ce bel œil qui tient les clefs de son servage », de la <( large
mer de beautés et d'appas » où il se noie; des regards de son adorée qui
sont « les fusils de sa langueur»; de ses tristes yeux, à lui, qui sont
changés « en deux sources liquides » qui mouillent sa poitrine de « lar-
meuses eaux », ou qui font « une mer de larmes w, des soupirs qui
a empoulent son sein », c'est de grand cœur que l'on s'écrie avec Boi-
leau :
Je hais ces vains auteurs dont la muse forcée.
M'entretient de ses feux, toujours froide et glacée, etc.
Si l'on veut se rendre bien compte des services que le satirique du
xvii'' siècle a rendus au bon sens et à la langue française, il faut absolu-
ment lire des poètes comme Maynard. Ce n'est pas Malherbe qui nous
a débarrassés de ce langage affété, de ces fadeurs vomitives, comme
disait Saint-Simon, c'est Boileau ; c'est lui qui nous a tirés du bour-
bier.
Ce volume renferme plus de trois cents pages de texte : j'ai eu le
courage de les lire depuis la première jusqu'à la dernière, espérant tou-
jours trouver ici ou là « ce quelque chose de durable » dont avait parlé
Sainte-Beuve. Peine perdue : ce sont toujours les mêmes rhapsodies,
les mêmes plaintes langoureuses, les mêmes « soupirs venteux » ; tou-
jours le papillon qui « va brusler son aisle hautaine Aux rigoureux
flambeaux de sa belle inhumaine ». J'ai pourtant fini par rencontrer
dans les Stances une strophe de quatre vers qui est vraiment belle ',
mais ce n'est pas assez pour dire avec M. G. Garrisson que « Maynard
mérite d'être classé parmi les premiers écrivains de son époque, tant
pour sa prose que vout~ ses vers ».
I. La voici :
J'aime mieux comme un aigle esirc frappe ciii foudre,
Que mourir comme un cygne aux bords d'un Hot courant,
Si pour voier au ciel je suis réduit en poudre.
Je scray comme Icare immortel en mourant.
■'.Uik
DUISTOIHJC ICT DK LlTTKRATaKE I 7 /
Trouverons-nous dans les volumes suivants quelques morceaux à
mettre à côté de La Belle Vieille, ou de Fode qui commence ainsi :
Alcippe , reviens dans nos bois^ dont Sainte-Beuve cite quelques
strophes? J'en doute fort, et l'on peut affirmer d^ivance que ce n'est que
par accident que Maynard s'élève au dessus du médiocre. Or en lait de
poésie, le tolérable est intolérable.
A. Delboulle.
VARIETES
Rîotes tl'areîiéologîe oiientaïe.
XXV
Le sceau d'Abdhadad.
J'ai reçu de M. Lôytved les empreintes d'un joli scarabéoïde avec lé-
gende phénicienne. C'est un onyx à bandes transversales. La pierre
étant enchâssée dans une bague en or moderne, la monture empêche de
se rendre un compte exact de sa forme; autant que je puis en juger,
c'est un ellipsoïde bombé qui devait être percé longitudinalement. Sous
le plat se trouve gravée la légende, séparée en deux lignes par une re-
présentation de scarabée aux quatre ailes éployées, vu de dos et tenant
entre ses pattes de derrière une toute petite boule (son œuf?) La gravure
est d'une grande finesse.
Les caractères phéniciens d'une excellente forme, sans aucune tendance
aramaïsante, sont disposés à l'envers de façon à fournir des empreintes
à l'endroit. C'est donc bien à un sceau que nous avons affaire. Les
daleths sont triangulaires, sans queue, ce qui est un indice d'archaïsme,
confirmé, d'ailleurs, par l'aspect des autres lettres.
La légende se déchiffre avec certitude :
(Scarabée)
A Abdhadad.
Le nom propre Abdhadad signifie serviteur du dieu Hadad, divinité
syrienne et édomite dont le nom entre dans la composition des noms de
plusieurs rois de Damas et de Syrie mentionnés par la Bible, Hadad \
I. Roi d'Edom {Genèse 36 : 35, 36; I. Clir. I, 46, 47). Le nom de Hadad est aussi
porté par un personnage édomite (I. Rois, 11 : 14, 25), et par un fils d'ismacl (I. Car. i,
3o). Dans ces deux derniers cas le texte présente d-s variantes.
172 REVDE CUiriQUIi
Ben-Hadad •, Hadade^er -, et du nom de la ville de Hadad-R\m-
mon ^.
Le nom du dieu Hadad s'était dé;à rencontré sur un sceau araméen '',
et le nom d'homme Abdhadad sur deux didrachmes à légendes araméen-
nes frappés à Hiérapolis ". Ces monuments sont sensiblement posté-
rieurs à notre sceau; il est intéressant de constater, à Fétat d'élément
onomastique Ihéophore, Tapparition de ce dieu, essentiellement syrien,
sur un monument de paléographie purement phénicienne.
Nous ne possédons sur la personnalité même du dieu Hadad que des
informations d'époque relativement basset La numismatique est d'ac-
cord avec l'épigraphie pour nous montrer son culte intimement lié à
celui de la déesse Syrienne Atergatis ".
XXVI
Segor, Gomorrhe et Sodome.
Il n'est peut-être pas de question de topographie biblique plus con-
troversée que celle de remplacement des villes maudites de la Pentapole.
Les nombreux savants qui s'en sont occupés paraissent divisés en deux
groupes principaux; ceux qui mettent cet emplacement dans la région
nord de la mer Morte, et ceux qui le mettent dans la région sud.
Il y a plusieurs années ^ j'ai été amené à prendre position parmi ces
derniers, en combattant par des arguments surtout philologiques Tiden-
tification, proposée par M. de Saulcy, de Gomorrhe avec les ruines de
Goumrân (== Qoiimrdn], non loin de Jéricho, vers Textrémité nord-
ouest de la mer Morte. J'ai eu occasion alors de toucher incidemment
la question de Segor, en utilisant quelques données des géographes
arabes qui avaient été jusque-là un peu négligées. J'avais insisté parti-
culièrement sur certaines légendes curieuses qui me semblaient rattacher
étroitement la ville de Segor au pays de Moab, et qui tendaient, par
conséquent, à la localiser dans la partie S.-E. de la mer Morte.
Les auteurs arabes, puisant probablement à des sources juives, disent
que Lot, l'ancêtre des Moa'oites, avait deux lilles, dont l'aînée s'appe-
lait Reyya, Radia, ou Zaha, et la cadette Ra'oiia, Ra'uucha ou
Zoghar. MM. Goldzieher et Derenbourg avaient parfaitement reconnu
1. Trois rois de Damas ont porte successiment ce nom (I Rois, i5 : 20-1 Rois
20 : I ; 2 Rois, i3, etc..)
2. Roi de Soba (Sammuel, 8 : 3, 12; l.Rois. ir : 23 etc., la leçon Hadadcier est
préférable à Hadare^ev).
3. Zacharie 12 : 11.
4. Levy, Phœiii^. Stud. ir, 24; Siegel iind G., p. 6; de Vogué, Mal. d'Avck. or.,
121.
5. Waddington,7îci;;;e mimism. 1861, p. 9; cf. J. P. Six, Monn.ves d' Hiérapolis
en Syrie.
6. Macrobe, Philon de Byblos, Nicolas de Damas, liesychius.
7. Six, op. c. et Bull, de Corresp. hell. 1882, p. 493.
8. Gomorrhe, Segor et les filles de Lot (Revue archéologique, 1S77).
O'hiSTOIRIÎ et de LITTICRATUlîH I^S
que CCS formes si diverses n'étaient autre chose que des variantes fauti-
ves, rigoureusement justifiées par les errements de l'écriture arabe,
des mots araméens Rabbeta, u l'aînée » (la grande) et Seghirta « la
cadette » {Zosiiara, Zoghai\ littéralement « la petite »). J'avais essayé,
de mon côté, d'établir que ces noms étaient autres que ceux de deux
villes principales de Moab : Rabbat et Segor (la grande et la petite},
dont les filles fabuleuses de Lot n'étaient que les cponynies antithéti-
ques. J'ai trouvé, depuis, dans le dictionnaire de Yaqout, la confirma-
tion formelle de ma conjecture (s. v. Soghar). A propos de la ville de
Segor, le géographe arabe dit que Zoghar est le nom d'une fille de
Lot, la cadette {Soghra) qui fut enterrée auprès de la source de Zoghar;
sa sœur aînée Reyya (lisez Rabbat), morte pendant que Lot se rendait
à Damas, avait été enterrée auprès d^une source appelée également de
son nom Reyya (lisez Rabbat). Le caractère éponyme de ces deux
filles est donc ici nettement avoué.
Récemment jM. Guy Le Strange ', à propos d'une théorie nouvelle
de M. Selali Merrill, qui propose à son tour de localiser Segor à Tell
ech-châghoûr, au nord de la mer .Morte, insiste avec raison sur les in-
dices qui militent en faveur de la localisation méridionale. Il tire un
très bon parti des sources géographiques arabes que j'avais déjà indi-
quées. Je vou, irais profiter de l'occasion pour revenir sur la question
en essayant de la serrer de plus près.
Je ne rappellerai pas les nombreux témoignages qui, depuis l'anli-
quité jusqu'à l'époque arabe, et même jusqu'à celle des Croisades,
nous invitent expressément à chercher l'emplacement de Segor à l'ex-
trémité sud-est de la Mer Morte -. Je u'&n retiendrai que deux c[ui
me paraissent catégoriques. L'Onumastico;: '•' d'Eusèbe et de saint
Jérôme mettent la localité moabite de Nimrin * au nord de Zoar, autre-
ment dit Segor. Cette TTinirin n'est autre que le N'vieira '" arabe,
située au débouché du Wadi N'meira dans la Mer MorLe, dans la
région sud-est de ce grand lac. Voilà donc un premier point de repère
solide. Entre ce point et le Djebel Ousdoimi, représentant incontesté
de Sodome, situé dans la rc-don sud-ouest du lac, presque à l'opposite,
il y a une distance que j'évalue à environ lo milles romains. Or, le
Talmud ^, dans un passage qui n'a rien de légendaire, dit qu'il y a
1. Palestine Exploration Fund; Quatcrly Statement, July, i<So5, o. 178-180.
2. Q_uand ce ne serait que celui, si clair, de Josèphe, nous disant que la Mer Morte
s'étend de Jéricho au nord, à Segor au sud.
3. S. V. Aeincrin; appelée de leur temps ]l-ç>vc/.[J.7.0i:'J..^ Bc!iiia,ruu-ii::, qu'il faut
probablement coriiger en Br/) Na;j,a2ô'![J., Beth Nanu:!-i;}i.
4. Isaie, i3i ib; Jcrémie, 4S-34.
5. Boiirdj N'incira u la tour de N'meira », avec ruines étendues. Cette tour rap-
pelle la Tz'.'oaTTUO'^i'b'., dont parle Anastase le Sinaïte quand il meniionne la rép^ion
de Segor et de Tctrapyrgia, dont l'insalubrité extrême répond bien à ce que l'ou
sait de ces parages par les relations modernes.
6. Pcsackim, g? t.
174 REVDK CRiTlQUK
5 milles entre Sodome et Segor '. C'est donc à peu près à moitié chemin
qu'ilconviendrait de rechercher Segor, dans le Ghaures-sâfi, où quelques
cartes théoriques en marquent justement l'emplacement. Il est étonnant
qu'avec des indications aussi précises, aucun des voyageurs qui ont eu
la bonne fortune de visiter cette région, n'ait pu retrouver sur le terrain
le nom de Segor, qui n^a certainement pas disparu de l'onomastique
arabe. Je crois, pour ma part, qu'une enquête attentive le fera retrouver
non loin de Qasr el-Bachariyé (?), et des Tawdhm eS'SOiikkdr {ruines d&
moulins à sucre) marqués àcôté, sur les cartes les plus récentes. Ces mou-
linssont fréquemment en Syrie l'indice d'un établissement des Croisades,
et, justement, nous savons que les Croisés étaient installés à Segor,
qu'ils appelaient Palmer. Il est permis, d'ailleurs, d'espérer que le pro-
blème recevra un jour une solution rigoureuse. En effet, les auteurs de
Y Onomasticon ~ et celui de la Notitia dignitatum ' sont d'accord pour
signaler à Segor l'existence d'une garnison romaine; il suffira peut-être
de quelqu'un de ces documents épigraphiques dont les soldats romains
étaient si prodigues, pour trancher la question. En attendant, je crois
qu'elle est maintenant circonscrite étroitement, et j'appelle de mes vœux
le jour où quelque voyageur voudra bien procéder sur place à cette vé-
rification relativement facile.
Je terminerai par une suggestion sur l'emplacement possible de Go-
morrhe. Cette ville s'appelle littéralement en hébreu 'Amorah. La trans-
cription des Septante, ro[j.éppa, nous prouve que la première lettre est en
réalité un ghain et non un 'ain '*, avec autant de certitude que la trans-
cription faÇa, confirmée par la forme arabe Gha\\a, nous prouve que
le nom hébreu de Gaza était articulé Gha:{:{ah et non 'A^^ah. Les rives
méridionales de la Mer Morte ne nous fournissent aucun nom topique
approchant de celui-là. En revanche, les anciens géographes arabes
nous parlent d'une localité qui, au point de vue purement onomatiquc,
ferait admirablement l'affaire : c'est Ghamr. Moqaddesy '" ia mentionne
sur la route qui mène de Ramlé de Palestine au désert d'Arabie : de
Soukkariyé'^ à Toiileil, deux journées de marche; de Touleilk Ghamr,
deux journées; puis à Waila'^, deux journées s. A Ghamr, dit-il ail-
1. Le récit biblique (Genèse, 19: 55 et 23) dit lui-même que Lot, parti de Sodorae
à l'aube, arriva à Segor au moment où le soleil se levait, ce qui implique la proxi-
mité des deux localités.
2. Onomasticon, s. v. lir/.\d {Segor J.
3. C'étaient alors \cs équités sagiitarii indigence.
4. L'écriture hébraïque ne distingue pas entre ces deux articulations cependant
bien différentes.
5. Texte arabe, éd. de Goeje, p. 249.
6. Environ à moitié chemin entre Gaza et Hébron.
7. Qui est Elath, sur la Mer Rouge, au fond du golfe d'Akaba.
S. Je ferai remarquer, à ce propos, que Moqaddesy nous donne également (p. 192)
l'itinéraire de Hébron à Soghar (Segor); il compte deux journées de marche avec
une station intermédiaire, dont les manuscrits ont défiguré le nom en Qaoûoûs{Qaf
d'histoirh et de littérature 175
/
leurs ', il y a de l'eau mauvaise qu'on obtient en creusant dans le sable.
Je n'hésite pas à reconnaître ce Ghamr dans VAin Ghanir de nos jours,
situé dans l'Araba, au débouché du Ouadi Ghamr, à environ une ving-
taine de lieues au sud de l'extrémité méridionale de la Mer Morte.
Que si l'on éprouve quelque répugnance à mettre Gomorrhe à cette
distance de la Mer Morte, il ne faut pas oublier que, d'après la façon
même dont la Genèse (10 : 19) procède à son énumération, Gomorrhe
semble, ainsi que Çeboïm et Adamah, avoir été au sud de Sodome.
Dans ce cas, la Pentapole se trouverait donc occuper la partie méridio-
nale du bassin primitif àt la Mer Morte, Sodome et Segor en étant, à
droite et à gauche, les deux villes les plus septentrionales. Ce serait bien
conforme à la tradition arabe, qui n'est pas à dédaigner, tradition qui
place justement dans cette région ce qu'elle appelle les « villes du peuple
de Lot » (ineddïn qaum Loût). C'est ce qui résulte avec évidence de l'é-
numération de Moqaddesy qui décrit ainsi (p. 252), en remontant
successivement du sud au nord, la limite du désert d'Arabie : Waila
(Elath sur la mer Rouge); les villes du peuple de Lot; Moab ; Amman;
E drapât; Damas, et Palmyre.
Glermont-Ganneau,
THÈSES DE DOCTORAT ES LETTRES
Faculté des lettres de Paris
(17 avril i885).
Soutenance de SI. ïi'i'. Etecrue.
I. D3 Concilio Regio Francisci I. — Pion, Nourrit et 0"=, i885. 94 pp. in-8.
W.Anne de Montmorency, Grand- Maître et Connétable de France, a la cour, aux
armées et au Conseil du Roi François I"'. par Francis Décrue. — Pion, Nourrit
et G''^', i8S3. In-8, vn-452 pp.
I
M. Décrue a voulu faire à la fois une thèse administrative et une thèse narrative.
C'est la thèse latine qui est administrative ; il s'agit d'étudier le Conseil du Roi
sous François l"^ .
M. Himly constate que ce sujet offrait une double difficulté : on ne possède sur
le sujet que des renseignements fragmentaires, et la meilleure preuve en est la pau-
vreté des appendices de la thèse; en second lieu le règne de François 1*='' se trouve
— dans un manuscrit la lettre est sans point — vvaw, waw, sin). Ne faudrait-il pas
corriger e-^-r^oûair, et y reconnaître E:(-;^ouaii-é (elfauqa)': Paléographiquement ce
n'est pas impossible, géographiquement ce serait excellent. MoqaJdcsy calcule de
Waila à Segor quatre journées de marche; cela fait bien le compte : deu;c journées
de Waila à Ghamr, restent deux journées de Ghamr à Segor, ce qui correspond sen-
siblement à la distance indiquée ci-dessus.
I. Id., p. 253.
176
KEVL'K CUITiQUr.
sur la limite de deux pciiodes; c'est un lègiie qui, par suite, n'est pas très un ; on
essaie de nouveau sans trop réussir, et l'on ne saurait guère exposer les régies d'un
Conseil en voie de renouvellement. M. D. n'a pas complètement surmonte ces diffi-
cultt's; sa thèse fait connaître peu de choses. En somme, le roi faisait ce qu'il vou-
lait, tout rentrait ou pouvait rentrer dans la compétence du Conseil; peu importe
après cela que du Tillet se soit trompé en fractionnant le Conseil en 3 sections au
début du règne, et en le fractionnant de nouveau en 2 sections à la fin du même
règne. — Un autre défaut de la thèse, c'est l'insufiisance de l'introduction; il suit
pas à pas le livre de M. Luchaire, sans avoir l'air de se douter qu'en ces trois siècles
les institutions ont déjà pu subir des transformations considérables. Que valent
les listes de conseillers données en appendices? Ce sont les noms mentionnés au bas
des Ordonnances. Sont-ce lu les noms de tous les conseillers? Se peut-il qu'en
i344 la moitié fussent absents, qu'en i545 il n'y eût aucun financier au Conseil
même pour traiter les affaires ce finance? — Pour combler ces lacunes la thèse est
grossie de dissertations en hors-d'œuvre sur les Duchés-pairies et les Grands-Ofîi-
ciers; outre qu'elles ne sont pas à leur place, elles n'ont rien d'original et ne sont
point exemptes d'inexactitude, non plus que la liste des nobles que renferme l'ap-
pendice : l'érection de Nemours en pairie est de i5i3 et non de i5o3; à propos de
Valois, Jeanne d'Orléans n'est pas sœur, mais tante du roi. — Les pairs, qui font
suite aux six premiers pairs, ne sont pas que de petits gentilshommes; le septième
est le duc de Bretagne.
M. B. Zeller estime que pour une étude sur le Conseil du Roi le cadre choisi était
défectueux; c'est sous Henri II qu'il fallait l'étudier; mais, en admettant le sujet tel
qu'il est, l'enquête n'a pas été sufïisante. Pourquoi n'emprunter à Robertet que deux
renseignements monastiques? Pourquoi ne citer dans les imprimés qu'Aucoc, sous
prétexte que L. Dciisle a publié une Bibliographie complète? Il y a aux Archives de
la série JJ 3o registres, qui vont de i522 à 1547 ; il y a dans la série J d'autres re-
cueils; enfin il y a un travail rédigé par ordre de Colbert, et qui est la thèse elle-
même. — Le chapitre des secrétaires est trop resserré, les secrétaires sous Fran-
çois I"-'»" se préparent à devenir ce que les a faits Henri II. Il y a aux Archives,
section V', 79 liasses sur les secrétaires. — M. B. Zeller demande ensuite à M. D.
quelles raisons il a de douter du renseignement de du Tillet d'après lequel le Con-
seil eût, au début du règne, été divisé en trois sections, — M. D. répond qu'il n'a
trouvé trace nulle part de cette division. — M. Zeller veut pourtant qu'on n'en doute
pas. parce que du Tiîkt devait avoir ses raisons pour affirmer ce fait et qu'au reste
dans le manuscrit ci dessus indiqué de l'histoire du Conseil, la même division est
mentionnée. — M. D. répond que le Conseil a pu en diverses occasions se partager
en commissions, mais qu'on ne trouve nulle part de sections définies; quant à l'au-
torité du manuscrit cité, elle est nulle en l'espèce, car cette histoire n'a pu être faite
que d'après du Tillet. Quant à la deuxième proposition de M. D., à savoir qu'à la
tin du règne le Conseil fut partagé en 2 sections, M. D. ne peut affirmer que ce sec-
tionnement eût persisté jusqu'à l'avènement d'Henri II. M. R. Zeller en apporte une
preuve, c'est qu'on a du 3 avril 1547 ^^^ ^'^^^ '•^^ conseillers divisés en deux sec-
tions, qui doivent siéger l'une le matin, l'autre le soir. 11 ne s'agit évidemment pas
d'un règlement nouveau, mais d'un simple changement de personnes.
M. Egger fait observer, à propos des listes établies d'après les Ordonnances, qu'il
est dangereux de confondre les signataires d'un acte avec les personnes qui ont dé-
libéré cet acte. 11 rappelle à ce sujet la formule des Senatus-consultes, scribitndo .id •
fuerunt, qui n'est suivie que de cinq ou six noms, sans qu'on en puisse conclure
que le Sénat fût à ce point infreqtteus.
D HISTOIRE iil L)K r.nrivRATlJRH; \'J-j
M. GelTroy i'élicite M. D. d'ua tel effort malheureusement inutile. Le sujet est pré-
maturé. Il faut attendre que l'Académie des Sciences Morales, qui a repris l'œuvre
des mains de l'Académie des Inscriptions, ait achevé le Recueil des Ordonnances de
François 1"'. Or le travail préparatoire n'est pas terminé. Les seules rubriques des
actes recueillis jusqu'ici pour la période de i5i3 à 1027 sont la matière de 100 pla-
cards. De là un sentiment de malaise à la lecture d'une telle thèse. On n'y entend
rien; 3 sections, 3 Conseils, Grand Conseil, Conseil étroit, rien de tout cela n'est dis-
tinct. M. D. parle d'ordonnances, où donc les a-t-il prises? L'Académie travaille de-
puis un an à en retrouver les traces; et avant tout, qu'est-ce qu'une ordonnance.' —
M. D. répond qu'il est allé aux Archives, qu'il a demandé les Ordonnances de Fran-
çois I" et qu'on lui a apporté quelques registres ; qu'il pense qu'une ordonnance c'est
toute décision prise par le Roi en son conseil. — M. Geffroy n'est pas satisfait de
la déhnition, un édit ne passe-t-il pas par le Conseil' Ainsi on choppe à chaque dé-
tail. — D'autre part, pourquoi M. D. n'a-t-il pas montré le Grand Conseil citadelle
de l'aristocratie et le rôle politique du Conseil étroit; — M. D. répond que les actes
émanaient u'un Conseil plus étroit, mais que tous passaient par le Conseil. Il rap-
pelle la lutte entre le Parlement et le Conseil étroit à propos des évocations (atïaire
du cardinal du Bellay et de M. de Geers); ses velléités d'indépendance politique sous
la régence; son refus d'enregistrer la nomination de Duprat à l'archevêché de Sens;
son acharnement contre Berquin et contre Févêque d'Auxerre qu'il fallut envoyer
comme ambassadeur à Rome; mais il fallait introduire tout cela dans la thèse, c'é-
tait le fonds de la question. — M. Geffroy reproche encore au candidat de n'avoir
pas suivi de règle fixe pour la traduction des titres; il lui signale trois livres de
Vincentius Luparius sur ce sujet. Il aurait pu aussi consulter l'épigraphie du xvr siè-
cle, ou l'index de Lasteyrie au V=vol. des Inscriptions de la Gaule: prœses infu-
latus (président à mortier) magisîer a libellis (maître des requêtes), etc.
M. Pigeonneau estime que la discussion est épuisée parce qu'elle est inépuisable,
et compatit à l'inutilité des efforts de M. D. pour apprendre aux autres ce qu'il ne
sait pas. 11 ne relève donc que quelques points de détail. — C'est faute d'avoir ob-
servé d'assez près qu'il a pu croire qu'on admettait des élus au Conseil (p. 35) ; l'élu
Bayard n'y a été admis que comme général en i53o. Il demande s'il n'y a pas trace
d'instructions rédigées en commun pour les ambassadeurs, et quelles relations il y
avait entre ceux-ci et le Conseil. C'était, répond M. D., un ministre comme Mont-
morency qui rédigeait les instructions; le Conseil appelait parfois des ambassadeurs
étrangers pour prendre des dispositions en commun; mais les lettres de créance
n'étaient pas présentées en Conseil. Pour ce qui est de la diplomatie permanente,
l'ambassadeur était généralement un grand personnage. M. de Grignan, neveu du
cardinal de Tournon, se fait rappeler de Rome parce qu'il faut au moins un comte.
De là la nécessité d'un secrétaire d'ambassade. De même en Angleterre près de l'Em-
pereur. En Suisse la représentation est double : l'ambassadeur ordinaire, et un gé-
néral des finances pour les questions d'argent.
M. Luchaire félicite M, D. du choix de son sujet; la période est inconnue, c'est
vrai; mais la thèse latine est faite précisément pour élucider les points obscurs. —
Sur la question de la traduction des titres, il le félicite de s'en être tenu au latin
ordinaire, mais transparent du moyen âge; il vaut mieux que le latin classique de
de Thou.
II
M. îilmly remercie M. D. qui a dû lire, pour écrire sa thèse, plus de 1,000 let-
tres; de ne pas les y avoir toutes introduites. Il en est pourtant encore trop entré.
1-8 REVUE CRITIQUE
11 y a quelque chose de pis que l'histoire-bataille, c'est l'histoire-campagne; certains
chapitres de M. D. ne sont pas autre chose. Les lignes générales ne ressortent pas.
C'est le métier des diplomates de faire des dépêches; c'est le métier de l'historien de
faire un choix. M. D. a abusé aussi de l'ordre chronologique. — M. D. répond qu'il
est pénible à un érudit de brûler ce qu'il a recueilli, que, au reste, n'ayant rien à
modifier aux traits généraux de ses personnages qui sont connus, il ne pouvait
qu'apporter des renseignements nouveaux. — M. Himly a peine à croire que Fran-
çois I<^'" soit depuis i526 un roi fainéant, du fait de la maladie ou du fait de l'indo-
lence. Après tout, il congédie Montmorency d'un mot. — C'est, répond M. D., l'éiat
de la Turquie avant les réformes; le sultan laisse tout faire au vizir jusqu'à ce qu'il
le fasse étrangler. — Etait-ce donc un homme fini à 32 ans r II ne parle pas aux am-
bassadeurs, il les évite; mais il va sans cesse à la chasse; sous Henri 11 aussi, qui
n'était pas malade, les ministres traitaient avec les ambassadeurs; et pourtant Fran-
çois l"^"" a dû diriger sa politique; ce qu'il y a de plus habile dans la politique du
règne, c'est la politique vis-à-vis des protestants ; or le grand-maître les détestait.
Il ressort bien du reste de la thèse latine que le roi fait ce qu'il veut, et que le Con-
seil est un paravent.
M. Lavisse, tout en constatant que M. D. ne présente là qu'une demi-biographie,
reconnaît que Montmorency a joué son rôle le plus important dans cette première
partie de sa vie où il a été le maître; l'histoire de cette vie devient dès lors un cha-
pitre important de l'histoire de France. Répondant aux critiques de M, le Doyen, il
avoue qu'en suivant l'ordre chronologique on s'expose à l'encombrement des détails,
et M. D. n'a" pas toujours évité ce danger (v. p. 192), Mais, en somme, une thèse
n'est pas tout à fait un livre, et si nous ne devons pas nous condamner à l'histoire-
campagne, nous avons besoin de savoir comment se fait la guerre dans chaque siè-
cle; à cet égard le chapitre sur la campagne d'Artois est très intéressant. Néanmoins
lorsqu'on a suivi tout d'un fil la vie de Montmorency, il serait bon de fournir quel-
ques explications que l'on pourrait grouper et dont l'on trouve tous les éléments dans
la thèse. Q.ue reste-t-il en Montmorency du seigneur féodal, comment adminis-
tre-t-il son domaine i Malheureusement tous les documents sont à Chantilly où on
ne les communique pas. Quel est son pouvoir comme ministre r A quel titre gère-t-il
les aftairesr Est-ce seulement en vertu des charges qu'il assimile en sa personne ou
est-il revêtu de quelque pouvoir spécial? Quels sont les emplois qu'il a fournis, et
comment la carrière qu'il a suivie l'a-t-elle amené au conseils II y est entré une fois
maréchal; l'office de grand-maître de l'hôtel du Roi l'a élevé à un rang supérieur à
tous par suite de la confusion du Domaine et du royaume. — M. D. répond que son
influence était déjà réelle avant qu'il fût Grand-Maître et que tant vaut l'officier,
tant vaut l'office; qu'il était très riche et très travailleur, que cela explique son in-
fluence. — M. Lavisse passe aux idées et au caractère de Montmorency. Il était peu
lettré; quant à son goût artistique, il n'est point prouvé; il a réuni de beaux objets,
mais c'était peut-être la manie d'un collectionneur qui obéit à la mode. Ses idées
politiques se résument dans le culte de l'autorité royale. Au dehors « il est impé-
rial et très bon ecclésiastique », sous la réserve des intérêts du Roi. Il traite fort
bien avec les Anglais et les mécréants, pour peu que la chose soit utile. Mais c est
exagérer que de l'appeler avec M. D. « tenacem propositi virum ». Il n'a pas ete
un fiancé bien tenace; il a forcé son fils à faire comme lui. Il n'a pas plié dtvanl la
duchesse d'Etampes, comptant bien sur le règne de Diane, et il n'a pas agi autre-
ment en politique. 11 a ajouté à ce manque d'honnêteté le ridicule d'être dupé. La
politique de François I"'' tourne autour de Milan ; nous considérons cela comme
une sottise ; les contemporains ne pensaient point comme nous. Les luttes religieuses
d'HISTOIIUC et de LITTERATURE I 79
retardaient la formation des nationalités; la conception féodale de la propriété per-
sistait encore dans l'idée du pouvoir royal. Cela explique Milan. Si pourtant le
connétable avait conçu une politique dirigée vers l'Artois, il eût fait preuve de péné-
tration; mais M. D. n'apporte pas les preuves. En résumé, il y a beaucoup à pren-
dre dans cette thèse. On y trouve beaucoup de détails d'administration et de gouver-
nement, les éléments d'un jugement sur le roi. Mais une biographie doit éclairer
l'histoire générale. M. D. a été trop timide; il essaie parfois de conclure, sans y
réussir. Bien des personnages ressemblent à Montmorency ; il est soldat, ingénieur,
comptable ; dès sa vingtième année il voyage et fait de la diplomatie; il est adminis-
trateur et financier. C'est le caractère universel qui marque ses contemporains, les
artistes, les peintres, les sculpteurs, les architectes. Si le xvi" siècle n'est pas le siè-
cle des grands caractères, c'est le siècle des esprits larges, et c'est par là que Mont-
morency se rattache à son siècle.
M. GefFroy trouve qu'il est difficile de s'intéresser à cette thèse, sauf pour ceux
qui s'intéressent aux réalités; mais il eût été plus facile d'intéresser le lecteur en
comprenant dans cette biographie la deuxième partie de la vie de Montmorency et
en montrant en lui l'homme de la Renaissance, qui a réuni ou inspiré tant de mer-
veilles artistiques dont M. GefFroy fait une sommaire énumération.
CHRONIQUE
FR\l>iCE. — Une bi-ochure sur Renaudot. — Au sujet de la pose, sur une des maisons
du quai du Marché-Neuf, par la commission officielle des Inscriptions parisiennes, de
quatre lignes destinées à rappeler la fondation (i63i) du premier journal imprimé
à Paris, M. Eugène Hatim a publié une curieuse brochure intitulée : La maison du
Grand Coq et le Bureau d'adresse, berceau de noire premier Journal : La Ga^ietie,
du Mont-de-Piété, du Dispensaire et autres « innocentes inventions » de Theo-
PHRASTE Remaudot, Conseiller, Médecin ordinaire et historiographe de Louis XIII,
Commissaire général des pauvres du royaume. Maître et intendant général des Bu-
reaux d'adresse (Paris, Champion, i885, in-i8 de 71 p.). Voici les divers paragra-
phes de la brochure : Raison de cette notice, — Théophraste Renaudot. — La mai-
son du Grand-Coq. — Le Bureau d'adresse. — La Ga:{ette. — Les Petites-Affiches.
— La première Académie des sciences. — Le Mont-de-Piété. — Le Dispensaire. —
Tribulations de Renaudot. — Sa fin. — Post-Scriptum. M. Hatin a voulu suppléer
aux omissions de l'inscription commémorative adoptée sur la proposition de M. Ju-
les Cousin, et profiter de l'occasion pour « faire pénétrer dans le public parisien la
vérité touchant les origines de la Galette et son fondateur, sur lesquels semble pe-
ser une invincible fatalité, n Cette vérité, ajoute-t-il, il n'a cessé « depuis trente ans
de la crier par dessus les toits «; mais sa voix n'a pas été entendue, « et les chro-
niqueurs, voire même des écrivains sérieux, ont continué bravement à broder sur le
père des journalistes français et sur son œuvre les fantaisies les plus abracadabran-
tes. » M. Hatin prétend qu'à la suite de la pose de l'inscription du quai du Marché-
Neuf, il y a eu dans les journaux un « étalage éhonté d'ignorance n au sujet de Re-
naudot. Puisse sa brochure, écrite avec beaucoup de verve, vulgariser les divei-s
mérites de son héros! Cette brochure est, du reste, un résumé du volume dont il a
été rendu compte ici, l'an dernier [Théophraste Renaudot et ses innocentes inven-
tions, i883), de même que les très piquantes notes des pages 33 et 66 sont le ré-
sumé d'une plaquette qui déborde de spirituelle malice et qui a pour titre : A pro-
pos de Théophraste Renaudot, L'histoire, la Fantaisie et la Fatalité (1884, in-8°).
— T. DE L.
l80 REVUE CUITIQUE d'kISTOIRE KT DY. LITTERATURE
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 28 août 188^.
M. Desjardins appelle l'attention de l'Académie sur une série assez nombreuse
d'inscriptions qui ont été découvertes récemment à Aire-sur-1'Adour (Attira). On y
remarque un certain nombre de dédicaces à un dieu local dont le nom n'était pas
encore connu, iUi;7;-s Lelhunniis.Cis monuments viennent d'être décrits par M. Emile
Taillebois, dans une brochure intitulée: le Temple de Lelhunniis à Aire-sur-l'Adoiir
et Ids inscriyiioHS attivienncs (extrait du Bulletin de la Société de Borda).
M. Delociic lit un mémoire sur les monnaies d'or du roi Théodebert l^^. Ces
nionnaies nous sont parvenues ea très grand nombre, tandis qu'on ne possède que
très peu de pièces frappées par les deux autres rois l'ranes qui régnaient, en même
temps que Théodebert, sur les autres parties de la Gaule, Chiidebert I'^'' et Clo-
taire 1". De plas, ces deux princes imitaient la monnaie romaine et faisaient ins-
crire sur les pièces frappées dans leurs Etats le nom de l'empereur de Constantino-
ple; les pièces de Théodebert, au contraire, portent son nom. Enfin les pièces d'i-
mitation romaine fabriquées dans les royaumes de Chiidebert et de Cloiaire sont de
bas titre et de faible poids, tandis que le's sous d'or de Théodebert ont le titre et le
poids légal. Certains savants ont prétendu que Justinien, par une concession spéciale,
avait accordé à Théodebert le droit de battre monnaie; d'autres ont dit que le roi
franc, indigné de l'insulte que l'empereur byzantin avait faite aux Francs en ajou-
tant à ses titres officiels celui de Franciscus, avait voulu protester et affirmer sa
souveraineté par l'émission d'une monnaie à son nom. Ce sont la des conjectures
que rien n'appuie et qui ne suffisent pas à rendre compte des faits signalés par
M. Deloche. Il pense que l'explication de ces faits doit être cherchée dans une cir-
constance matérielle : si Théodebert a frappé plus de pièces d'or que les autres
princes francs, c'est qu'il a possédé plus d'or. Grégoire de Tours, en effet, men-
tionne plusieurs expéditions heureuses qu'il fit en Italie, et d'où il rapporta chaque
année un énorme butin. Maître d'une grande quantité de m.étal précieux, il en pro-
fita, non seulement pour faire frapper beaucoup de monnaie, mais encore pour la
faire de bon aloi et de bon poids. Il ne voulut pas alors que cette bonne monnaie
pût être confondue avec les pièces de faible valeur, frappées au nom de l'empereur
par Chiidebert et Clotaire : et c'est pourquoi il prit soin de les en distinguer exté-
rieurement, en y mettant son nom.
M. Bréal présente des considérations sur le sens et l'étymologie de quelques mots
des langues anciennes.
1° Asigtiae est un vieux mot latin qu'une glose explique par le grec /.péa [xzpi'Qé-
[J.îva, des chairs découpées. Selon M. Bréal, ce mot est un de ces anciens participes
passés en nus dont on trouve encore la trace dans des adjectifs comme plenus, dig-
nus, ou dans des noms comme regmim et donuni. il vient de la racine de secare.
L'a initial représente la préposition osque au, qui est l'équivalent du latin in. Le
mot a donc été emprunté à Tosque. Il répond, pour l'étymologie comme pour le
sens, au latin insiciae.
2° Dans mortuus, on n'a pas expliqué encore la terminaison uus; le participe de
mo?-/or devrait être régulièrement v.ortus. M. Bréal attribue l'addition d'un u à l'a-
nalogie de vivus. C'est une tendance commuiie, dans toutes les langues, de vouloir
que les mots qui ont une signification opposée aient une forme analogue. Ainsi, en
français, on a été amené à créer l'adjectif méridional, au lieu de '.r.éridial, par l'ana-
logie de l'adjectif opposé septentrional .
3" Qu&o. On n'a pas donné d'étymologie satisfaisante de ce verbe. M. Bréal y
voit un dérivé populaire de l'adverbe qui, qui signifie comment, par quel moyen.
4° Suppcdito vient, selon M. Bréal, de pedcs, fantassin. Il se dit proprement de
l'assistance que prêtent aux cavaliers, en guerre, les hommes de pied qui les accom-
pagnent.
b" On a cherché vainement jusqu'ici, dans la langue grecque, l'équivalent étymo-
logique du latin regere : M. Bréal le trouve dans ào'/o). Il y a eu métathèse de la
voyelle et de la consonne au commencement du mot, comme dans àpzaLto, com-
paré au latin rapio.
6° On a trouvé à Herculanum une inscription osque qui, si l'on transcrit en let-
tres latines les lettres de l'alphabet osque, se lit ainsi :
L-^LABliS-L-AVKIL-MEDDlSS.TVVTIKS
HERENTATEI-HERVKINAI-PRVFFED
ce que tout le monde s'accorde à traduire en latin : L. Slavius Luci filius Aucilius
magistratus publicus Veneri Erycinae probavit. M. Bréal refuse d'admettre qu'il
soit question dans ce texte de Vénus Erycine. Il pense que ravant-der4iier mot est
abrégé et doit se lire Herukinaiom, que celui qui le précède signifie volonté et par
suite résolution, décret, et il propose de traduire : L. Slavius Luci filius Aucilius
magistratus publicus dccrcto Herculanensium probavit . Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ï'AilW.'à'ï L.I-ùi.-<Ol'|_^2
l.r. ruv. in:;)c.nV7,'' /le /i/.>f rv. .v<;<.f r.'/i, bot;lfvara Sair,t~L.aui-cnt, ai.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N" 37 — 14 septembre — 1885
Soi»uiairc s iSg. Madvig, Adversaria critica, m et Tite Live, xxxi-xxxv. —
ibo. GoDEFROY, Dictionnaire de l'ancienne langue française, lettre F. — i6i.
Rahlenbeck, Metz et Thionville sous Cliailes-Q.uint. — 162. Des Robert, Corres-
pondance de Nicolas-François de Lorraine. — i63. Schuchhardt, Slavo-allemand
et slavo-italien. — Variétés : Lehugeur, La traduction de Perse et les exemples
attribués à Bossuet par M. Ménard. — Chronique. — Académie des Inscriptions.
i5a. — Jo. Nie. Madvigii, professoris nuper Hauniensis, Atîversai-îoi-um cvi-
ticorum ad sci-iptores gi"a;cos et lislinos^ voluinen tertium, novas emen-
dationes grœcas et latinas continens. Haunise, Gyidendal, 1S84, 280 p. in-8.
— T. Livii. SSîstoi-îarum i>omunai-uiii libi-i tsuî &upei-s«nt, ex reccn-
sione Jo. Nie. Madvigii, iterum ediderunt Jo. Nie. Madvigius et Jo. L. Ussingius,
Vol. III, pars I (livres xxxi-xxxvj. Hauniœ. Gykiendal, 18S4, xvii-222 p. in-8.
I. — Ni Page ni la cécité n'ont pu arrêter les travaux de Madvig. Il
continue à se livrer avec la même ardeur, la même autorité à ses études sur
les auteurs anciens. Le tome troisième des Adversaria critica est une
nouvelle preuve de sa vigueur d'esprit. Ce livre fait suite à deux volu-
mes bien connus de tous les philologues, consacrés l'un aux auteurs
grecs, l'autre aux auteurs latins, et dont Charles Thurot a rendu compte
dans deux articles ■. Il contient des corrections au texte des auteurs
suivants": Auteurs grecs: Homère (Iliade), Sophocle fAJaxJ Euri-
pide (Ion), Hérodote, Démosthène, Athénée (beaucoup de corrections
portent sur les fragments cités par Athénée), Appien, Dion Cassius,
Hérodien; Auteurs latins : Cicéron, Cornélius Népos, Sénèque le
Philosophe, Pline TAncien, Quintilien, Pline le Jeune, Tacite,
Suétone, Juvénal, Florus, Macrobe, Ammien Marcellin, Rutilius
Lupus, Julius Rufinianus, Festus.
Naturellement toutes les corrections que propose Madvig ne sont pas
à adopter: celles qui portent sur des textes latins et surtout des textes
de prosateurs sont plus généralement excellentes. Mais presque partout
la discussion précise et serrée de l'auteur prouve que là où il a cherché
un remède, qu'il l'ait ou non trouvé, le mal existe réellement. La ri-
gueur et la pénétration sont les principales qualités d'esprit du savant
danois.
Un assez grand nombre des conjectures comprises dans ce volume
avaient déjà été proposées par divers philologues. On pourrait s'en éton-
i. Revue critique, 1872, I, p. 53 et suiv. 1874, I. p. 49 et suiv.
2. On a mis en italiques les noms des auteurs sur lesquels il y a le plus grand
nombre d'observations.
Nouvelle série, XX. 37
l82 KEVUE CniTIQUE
ncr, si Ton ne savait, par Madvig lui-même, que beaucoup de livres lui
ont fait défaut. Par exemple dans Sophocle, Ajax, v. 969 : touo' h' è^-
YîXwsv Meineke ; (il vaudrait mieux d'ailleurs, comme l'a fait M. Tour-
nier, admettre dans le texte toiojo' èY^eXtoîv où lO'.'fSo paraît avoir été la
leçon primitive du Laurentianus]; v. 11 12. ci tôOcj t.^'ïù^ou rXkù Mor-
stadt ; V. 1281. eu c7j [xr,, Jî-Tiva'. z.zt'\.J. Kraiiss.
Il serait trop long de discuter une à une les observations de l'auteur ;
il serait sans intérêt de n'en examiner que quelques-unes. Bornons-
nous à constater la grande valeur de cette nouvelle contribution du
premier latiniste de notre temps,
II. — On sait que Madvig a consacré une grande partie de sa vie à la
publication de ce qui nous reste de Tite-Live. 11 a été rendu compte ici
même ' de la nouvelle édition des livres xxi-xxv. Le volume que
nous annonçons est une nouvelle édition des livres xxxi-xxxv (la pre-
mière avait paru en 1864).
On sait que, pour les livres xxxr, xxxii et xxxiii jusqu'au §duchap. 17
le principal manuscrit est le codex Bambergensis; (B) (ce manuscrit
finit avec le ch. xlvi du livre xxxviii); à partir du chap. xvii § 6 du livre
xxxHi (jusqu'à la fin du livre xl), il y a, outre B, une autre source du
texte, à savoir le Mog-2m/mzi5 (M), manuscrit aujourd'hui perdu, mais
d'après lequel a été établi le texte de Mayence (M éd.) de i5i8 Madvig.
croit qu'en cas de désaccord entre B et M, c'est plutôt M qu'il faut sui-
vre; il semble même accorder aujourd'hui plus d'autorité à M qu'il
qu'il n'avait fait jusqu'ici.
Une introduction critique, dont la disposition manque un peu de
clarté, contient l'indication des passages où le texte de Madvig s'écarte
de celui de Weissenborn (3" éd. [revue par H. J. MùllerJ pour les li-
vres xxxT-xxxix, 2" éd. pour le xxxv'=). La nouvelle édition présente pour
le texte un assez grand nombre de différences avec celle qui avait pré-
cédé. En voici une liste, aussi complète que possible :
Texte de 1864. Texte de 1884-
xxxi. 12, 6. Lanuvii templo; Lanuvii <in> templo (Wesen-
berg)\
18, 5. auroargentoqucqUcT a^'>-o> argcnto, quœque coacervata
coacervataerant, accepto : ^r^^^it accepto (L. Harant).
24, ii.expleturum; <iram> expkturum (Madvig).
2(y, I 3 non tam ira satiata ; "O" tam ira satiata <erat> (Sies-
bye).
27, 5. Codrionem; Codrione {Harait).
36, 6. Ottolobum; Octolophum (leçon de plusieurs
mss.).
44, [ . Malea superata ; Malco superato (mss.) .
48, 6. Suisqueauspiciis; suis quis auspiciis (mss. et Ha-
rant).
1. Noyez l'articic cic M. Riemaan. !883. U. p. .\'6b et suiv,
0 Mli,T01Uh Ki UL LilîEKAÏURE
i83
49,2. millia mille quingenta;
:h. 4, 4. Thessalias, atque tran-
seunti :
I r, 6. ut averteret rem;
26, 9. quœ acta futuraque
erant;
2g, 2 ^sulœ;
ciir. 6, 12 noctis simiilima ;
j8. 12. super ripam ( [quij
tenui tum aqua interflue-
baî torrens),
23, 7. duplex equiti centu-
rionique;
3o, ii.Lemnum.Imbrum;
44, 4. quod Hispania mo-
visset, bellum negligi;
KiY. 1,3. nec vestimento;
2, 2. non domuimus;
2, II. foroquoque;
2, 12. [aliam] legem abro-
gandam ;
2, I 3. nisi vos facietis;
3, 2. etextorquereet aequari;
4, 3. quo melior... fortuna
rei publicae est, impe-
riumque crescit ;
5, 2. vir gravissimus;
11, 2. praesidium Romanus
misisset;
12, 6. expediri jussit;
21,1. Vergium;
27,1. vires suas hostiumque
sestimanti ;
2y, 5. jubet Lacedsemonios ;
29, ii.isquum supercilis;
32, 3. nihil esse;
35,4. privatumeduceretur;
si qua anteeducta forent,
dominis recte restitueren-
tur;
millia mille quingentos. (Madvig,)
Thessaliaî ; itaque transeunti
(Madvig).
ut averteret regem (Harant).
quae factas futuraque erant (Lent{).
/Efulse 'Hiibner).
nocti simiilima (Kreyssig).
super ripam, qui tenui tum aqua
interfluebat, torrenlis (Madvig^
d'après des mss.)
duplex centurion!, triplex equiti.
(Duker.)
Parum, Imbrum (M. éd.)
quod Hispania movisset bellum,
negligi (Madvig).
neu vestimento (leçon de M, à ce
Qu'il semble).
non compescuimus (Madvig)
foro prope (M).
quam legem abrogandam (Ha-
rant) .
nisi vos feceritis (M).
et extorquere et exasquari (M)
quo melior... fortuna reipublicae est,
quo magis imperium crescit (M).
vir clarissimus (M).
prœsidio Romanus miles esset (M)
expediri [jussit] (Peri:{onius).
Bergium (Hertz) de même plus bas
§ 2 Bej'gestanus au lieu de Ver-
gestanus).
vere suas hostiumque aestimanti
vires (Mj.
jussit Lacedasmonios (M).
is quum <Cin> supercilio (Wesen-
berg).
nihil est (Hert^).
privatum educeretur; sine dolo
malo, si qua publiée aut priva-
tim ante educta forent, dominis
[recte] reslituerentur. (C'est le
texte de M. sauf les crochets).
184 RKVUE
36, 3. omiiem oramMaleae;
36, 3. civitatium earum [ad]
supplementum ;
36, 4. vanis ut ad ceteram ;
40, 4. deducta est res;
44, 8. indicio consciorum;
46, 4. locis apertis;
49, 2. ruina gravissima ci-
vitatis;
49, 8 effrenatam et praecipi-
tem esse,
xvxv. 10, 5 et quo major
29, 2. praeerat. [CretensesJ
et hostium.
3i, i3. partim assensu, par-
tim indignatione;
32, 2. redierat indeque Me-
nippum ;
32, 6. abscisa res erat;
34,4. ^toli consiliumyuno
die spei;
38, 14. unde venerat, repe-
tit;
41,6. sors duplex;
5o, II. Delium convertit,
[utj inde;
5i, To. Quum id, quod ca-
put erat, Eubœae teneret
rex;
CRHIQUE
omnem oram a Maleo (H. J. MtiU
1er).
sans crochets.
vanis sicut ad ceteram (M).
deducta res est (M).
indicio sociorum (M).
locis idoneis (M)
rnina gravissimae civitatis (niss.
récents),
[effrenatam et] priccipitem esse
(Madvig).
sed quo majos (Drakenborch)
sans crochets.
partim assensum, partim indigna-
tionem (mss. récents),
redierat inde , Menippumqu(|
(Drakenborch^ Harant).
abscisa spes erat (DiikerJ.
..Etoli consilium non dico <fei
sed^' spei; (Madvig). |
unde venerat, repetiit (Wesen-
berg).
sors duae.
sans crochets.
quum id, quod caput erat Eubœae|
teneret rex.
Cette liste prouve suffisamment l'importance de la nouvelle édition
elle est indispensable à qui voudra s'occuper de la4'' décade de Tite-Livell
Il est permis de regretter que Madvig tienne à conserver pour queli
ques mots une orthographe peu autorisée: intelligo (pour intellego]jOn
tout à fait incorrecte : qiiuin (pour ciim]. Certes c'est là une questioi;
secondaire; mais la rigueur scientifique consiste à ne rien négliger, etîB
Torthographe est chose de peu d'importance, c'est une raison de pluj
pour ne pas se refuser aux modifications qui semblent nécessaires.
A. M. Desrousseaux.
I*!
m
d'histoire et de littérature i85
i5o. La Lettre F du Dietîonuaii>e <le l'Ancienne Langue française,
par F. GoDEFROY, pp. Vieweg. Paris, 1884. Prix : 20 fr.
S'il m'était venu, il y a trente ans, l'idée d'entreprendre ce travail
d'enfer qu'on appelle un Dictionnaire de l'ancienne langue française,
voici en quelques mots comment je m'y serais pris. J'aurais commencé
par dresser une liste bien choisie d'environ trois mille volumes du xi'' au
xvi"' siècle, que je me serais attaché à dépouiller scrupuleusement, sans y
rien omettre ni laisser qui intéressât notre vieille langue. C'eût été là
une besogne largement suffisante à occuper plus de la moitié d'une
longue vie; après quoi, j'aurais classé mes notes et livré ma récolte à
l'impression. Afin que les lexicographes futurs ne perdissent point leur
temps à revenir sur ces ouvrages et portassent ailleurs leurs recherches,
l'aurais donné, au commencement ou à la fin de mon Recueil de vieux
mots, le titre des volumes dépouillés par moi, le nom des auteurs avec
la date des éditions, aussi exactement que possible. Il va sans dire que
ce travail n'aurait pu porter le titre de Dictionnaire de r Ancienne
Langue française avec tous ses Dialectes, mais c'eût été la base
solide d'un monument que d'autres auraient achevé plus tard.
Il semble que tout d'abord M. Godefroy se soit aussi fait un plan, et
qu'il ait voulu se borner; mais il n'a pas tardé, au grand préjudice de
son œuvre, à s'affranchir des limites déjà trop étendues qu'il s'était tra-
cées. C'est ce qui ressort nettement de la préface qu'il a mise en tête du
troisième volume de son Dictionnaire. On peut dire qu'il s'est précipité
lans un vaste champ où il a moissonné à la hâte et à pleines mains, il
;st vrai, mais non sans laisser beaucoup de belles et grosses gerbes à
'aire derrière lui. J'en parle savamment, puisque dépouillant après lui,
3ar curiosité, certains ouvrages très connus qu'il cite, j'y trouve bon
lombre de mots omis, et quelques-uns qui ne sont pas rares du tout,
le ne ferai pas à M. G. l'injure de le comparer à ses devanciers ; il v a
Tiême plaisir à répéter que ce n'a pas été faire de son Dictionnaire un
rop grand éloge que de l'appeler « un merveilleux instrument de tra-
vail, un répertoire incomparable », mais l'œuvre est encore loin d'être
)arfaite, et à mesure qu'elle se développe, qu'elle s'étend, on en aperçoit
nieux les lacunes. C'est que les richesses de notre vieil idiome sont
vraiment infinies, et qu'il est impossible à un homme seul, si laborieux,
li infatigable qu'il soit, eût-il trois ou quatre collaborateurs dévoués,
l'en faire le catalogue complet. Si l'on disait à M. G. qu'il manque au
"noins quinze cents mots, et je ne parle pas des mots savants du xvi^ siè-
:1e, à la lettre E de son Dictionnaire, il serait peut-être surpris, et
pourtant rien n'est plus exact. Je dirai plus : si je pouvai,s pendant un
in ou deux fouiller dans une bibliothèque que je sais bien, il n'est pas
iouteux que ce nombre ne finît par être doublé.
Je passe maintenant à l'examen de la lettre F. On n'y trouvera pas les
mots suivants en usage du xii^ au xiv^ siècle -.fronciné, qui est delà nature
de la fronciné, Jlavis, tromperie au jeu, faillue, manque, foueresse,
l86 REVUIC CRITIQUE
fuiierasse, fouage, foiirmal, qui iavmt, flair ison, semeur ^felonisme-
ment, superlatif adv. de félon, /Wc/ze/^e, diminutif de ïnc\\Q,Jîament,
monnaie de Flandre, fiobart, petit vaisseau, fausoir, le même que
faussart^Javée, plant de iè\'cs,fauvoier, tromper, filoper, découper en
tranches longues et m'mccs, fierons, sauvage, fierté etfreniete, pièces
d'une horloge, /aî/55o;-, fausseté, /o/o/er, s. masc, acte de iou, flct et
flondre, machines de gUQrvziJrigalle, mot qui dans un passage semble
désigner quelque morceau recherché, et dans un autre a le sens de
bombance; /ore^cAe, écarté, ./l'/zoz;/, fenaison, fînant, caduc, périssa-
ble, fleurdelis, sorte de pâtisserie, fonncnture, tare, Jorploîer^
etc.
Les mots du xiv« au xvi^ siècle qui manquent sont beaucoup plus
nombreux, je n'en citerai qu'un nombre assez restreint, et ceux-là sur-
tout, à quelques exceptions près, qui appartiennent à la langue popu-
laire : fourfe, phorphe, fourfe, furfure^ pellicule, croûte farineuse qui
vient à la tête ou au visage; feinte, nom d'un arbuste difricile à déter-
miner (n'a rien de commun q.\ te feinte =: ^oisson)-^ ferissure^Jardeiire ,
fluste, petite \3,i\vùïo\Q,flamusse, espèce de pâtisserie, ^a^or;zez/x, adj.,
flattice, flambissant^ fondibidaire, fesque, civière ou peut-être petite
brouette; /ormf/zer, adj., qui démange, fastigieux, dégoûté, /re/zf,
pauvre diable, furtineux^ fondraille^ flevee et fleiifvée, cours d'eau,
frascher^ hnsQV , Jaiirain, encadrement ou rebord d'une fenêtre?, foyer^
appuyer, favoriser; /azïereazf, fin, rusé, /eofz'er, vassal, filleau, de fil Je
fhabillemens filleaiilx) ; falloise, ancien terme usité chez les marins
qui désignaient par ce mot Tendroit où le soleil se couche; frangeon^
fenaille, f alleux, qui a une grosse falle; fars, hachis dont Dupin nous
donne la recette dans sa Description des Deux-Sèvres; franche-pute^
alimon, plante delà famille des arroches, alias blanche-pute, qui man-
que aussi à la lettre E-^fleurtiser, conter fleurettes, fritier, qui sert à
frire, etfrigoloire, poêle àini-e-^flateux, qui abat, cngourdh, fluterie^
fallacité, fineté, fin, fremillement, mot assurément ancien, quoique je
ne l'aie rencontré qu'en plein xvii^ siècle. Quand on admet fulgor, ful-
gure et fulminaîion, il n'y a pas de raison pour rejeter fulgurin et
fulgurateur. Fracassis, faitilier, vaurien, foui onne, injustice, oppres-
sion,/br^er^^^e, fideau, viande hachée menue, firuticineuXjfiemmage,
nom collectif, les femmes, fetisse, qui a mis bas, fil ipende, synonyme
du moderne filipendule, fustier, fiitier, fes'der, de bois et qui sert à
allumer le bois (pierre futiere) ;fainier, qui se nourrit de faîne, /oz//,
droit de pâturage (de foui qui est le contraire de ce mot n'est pas non
plus dans le Dictionnaire), foulloyer, faire \>àiuvev, fatible, avouable,
febé, qui mérite un ample historique, etc., tous ces mots ont échappé
aux recherches de M. Godefroy.
J'ai noté quelques mots suivis d'un seul exemple dont il aurait été
facile de fortifier l'historique, tels que, fieffé, fixion, faucquier,fromen-
taire, femininenient, farcissenient, Jarçisseiire, Jorchement ou foyi,rt
d'histcir:-: et de litiÉ!; ".tltk 187
chemcnt, qui est encore employé comme terme technique à la date de
1732. Flestrissable, foutellaye foiitelloye ne sont pas non plus des
termes rares jusqu'au xvi" siècle.
Ce qu'il y a de plus délicat et de plus difficile à i'aire dans un tel
Dictionnaire, c'est de distinguer les significations multiples des mots,
leurs emplois variés, les rôles divers qu'ils ont joués à travers les âges.
M. G. y met toiue son attention, y emploie toute son expérience, et
beaucoup d'articles ne laissent rien à désirer, mais nécessairement
quelques-uns sont incomplets. Ainsi f ardeur n'est pas seulement subs-
tantif, il est aussi employé comme adjectif; foisil, outre qu'il signifie
ornement de toilette, désigne encore je ne sais quel ornement d'archi-
tecture. Fusile a signifié qui a été coulé en fonte, faire, attraper, ;''<7zï,
difficulté, valeur, importance, favorable^ partial, fondation^ raison,
motif, fritelle, cvelon, forneture, accomplissement, for jiig-ement, juge-
ment dernier, fat, fade (dont Littré ne donne pas d'exemple au sens de
« malade »), fimereux, qui cause, qui sème les funérailles, ^z/y/ew5,
riche en cours d'eau, fraiidulence, ruse, Jloreter, comm.encer à poindre,
froteresse, celle qui frotte, qui pile (frotteresse de venin), /î/er, four,
place publique et par extension, lieu, endroit, /brçi^^/e, celui qui force,
qui contraint : ces acceptions manquent dans le Dictionnaire. Ajoutons
encore que fantasme ou. fantasme se rencontre fréquemment avec le
sens de notre mot fantaisie, caprice, et flanchere, avec celui de garniture
de planches, palissade. Il est resté aussi dans la langue moderne beau-
coup de mots dont certaines acceptions ont disparu. Par exemple, bastard
a signifié « funeste, lâche, privé de »; arable a eu le sens de « qui peut
labourer », dénommer, celui de « célébrer, vanter » ; amiral a eu la
valeur de « brave, splendide » ; capituler, de « tenir chapitre » : il est
tout simple que ces vocables aient leur place dans un Dictionnaire du
vieux français, surtout si leurs acceptions disparues n'ont pas été signa-
lées dans la partie historique du Dictionnaire de Littré. Il y a dans la
lettre F plus d'un mot de cette sorte qui aurait mérité un article à part.
Ainsi cet emploi du mot /of : « laisser son héritier lafoy y, c'est-à-dire
léguer ses biens à l'Eglise, était digne de remarque. On ne trouve pas
non plus fabrique = m.ensonge, farder^ pris absol. nz mentir, figure
= moiistre, terme injurieux, ^oc/ze :=z vain, incertain, férocité = har-
diesse, sens dont Littré ne donne point d'exemple, fange = pus, forli-
gnement = ' action de s'égarer, de quitter la droite voie, etc.
Il est difficile dans une oeuvre aussi importante de ne pas faire quel-
ques erreurs. Les àeux an'iclesfaillon et filon, mots qui ont !a même
valeur, devraient être réunis en un seul. On ne sait comment M, G. a
été conduit à expliquer le premier par « sillon ». C'est chevon qui dans
l'exemple qu'il cite a ce sens. Par « tenre bonnot faillon », il faut enien-
dre « mes chers, mes bons petiîs fils », termes caressants qu'un labou-
I. Ce mot est dans le Dictionnaire, mais M. G. ne donne que des exempltjs au
sens métaphoriqvie.
l88 REVUE CRITIQUE
reur adresse uses bœufs. Dans ce passage où Didon souhaite que le corps
du pei"fide Troyen devienne,
Démembré sous les ondes,
Charongneuse pasture aux fouqucs vagabondes,
« fouqiie », est expliqué par « troupeau »; pourquoi ne pas reconnaître
ici des foulques, ces oiseaux vagabonds par excellence? Fricauderie est
une mauvaise lecture; on trouve partout fricanderie, cfr. fricandeau.
Ces quelques erreurs et omissions que nous signalons à M. Godefroy
ne nous empêchent aucunement de reconnaître toute la valeur et toute
l'importance de son travail. Il nous eût même été beaucoup plus facile
de faire sur ce Dictionnaire un article tout admiratif : mais il n'aurait
profité ni à l'auteur, ni au public.
A. Jacques.
i6i. — mietz et Xltîonvîlle sous diarles-Quînt, par Charles Rahlenbeck.
Bruxelles, Weissenbach, 1882, 302 p. In-8.
Le volume de M. Rahlenbeck est intéressant en ce qu'il renouvelle,
par un de ses côtés, l'histoire des Trois-Evêchés etdu-Luxembourg vers
le milieu du xvi" siècle. Ce n'est pas un travail d'ensemble ; Touvrage
de M. R. est formé par une série de monographies et d'études, publiées
à des époques différentes et ne se rattachant que d'une façon toute géné-
rale l'une à l'autre. Nous avons rendu compte autrefois ici-même, de la
première de ces études, La mission du conseiller Boisot à Met-{, chargé
en octobre iS^3, de forcer les Messins à répudier le protestantisme,
introduit parmi eux par Watrin du Bois et Pierre Brully ^ ; nous n'y
reviendrons donc pas. Un second mémoire est intitulé La famille des
de Heu ; il s'occupe de différents membres de cette puissante famille
messine, qui fut Tun des principaux soutiens de l'hérésie naissante dans
sa ville natale; il nous entretient surtout de Gaspard de Heu, le beau-
frère de La Renaudie, le futur chef de la conspiration d'Amboise, et
dont la carrière aventureuse se termina en i558 dans les fossés de Vin-
cennes; il y fut étranglé par ordre des Guises dont il était l'adversaire
acharné. Le siège de Met^ nous est relaté d'après les lettres et dépêches
adressées à la reine Marie de Hongrie, régente des Pays-Bas. Une autre
étude, intitulée Les adversaires du maréchal de Vieilleville, est consa-
crée principalement à discuter la véridicité de Vincent Carloix, rédac-
teur des Mémoires du maréchal, fortement mise en doute, avec preu-
ves à l'appui. M. R. y raconte par le menu les nombreux, mais infruc-
tueux essais de conspiration tentés à Metz, ou autour de cette cité, pour
la rendre à l'Empire ou la donner à l'Espagne. Un dernier chapitre,
intitulé Les sièges de Thionville, nous retrace les principaux assauts et
I. Voy. !a Revue du 17 mai 1880.
d'histoire et de littérature 189
blocus subis par cette place forte, autrefois importante, et plus particu-
lièrement ceux de 1542, i552 et i 5 58.
Le point de vue auquel se place M. R. pour apprécier la politique
messine en ces années d'une crise, qui pendant des siècles a pu sembler
la crise définitive de son histoire, est original et peut se défendre par des
arguments de valeur. Le protestantisme messin aurait désiré rester avec
l'Empire dans des relations plus ou moins vagues d'autonomie, afin de
s'appuyer sur ses coreligionnaires d'Alsace et d'Outre-Rhin, qui seuls
auraient pu garantir aux calvinistes de Metz une certaine sécurité au
milieu des possessions de la Lorraine, de la France et de TEspagne et
des terres des évêchés voisins. Le bigotisme religieux de Charles-Quint
l'emporta dans cette occasion sur sa clairvoyance politique. Il ne com-
prit pas que l'un des plus sûrs moyens de garder Metz aurait été d'y fa-
voriser le protestantisme, et s'acharna à détruire dans la ville libre la
fraction dont il aurait pu faire peut-être un appui de sa puissance et à
la rejeter, malgré elle, vers la France. Les catholiques messins, de leur
côté, ne songeaient guère à une réunion complète avec la France; ils
s'adressèrent à cette puissance, principalement parce que leurs propres
forces ne suffisaient pas à réduire l'hérésie; ils étaient, il est vrai, de
beaucoup les plus nombreux, mais la constitution aristocratique de Metz
rendait cette supériorité numérique assez illusoire, puisque dans les
paraiges les adhérents des doctrines nouvelles étaient plus puissants.
Quand les Messins ont vu que la protection de leur voisine se changeait
en une domination qui ne recula d'abord devant aucune violence pour
s'affermir, ils furent également étonnés et désappointés dans les diffé-
rents partis. Ces considérations, présentées par l'auteur, avec nombreux
détails à l'appui, auraient gagné encore à être présentées par mo-
ments dans un langage un peu plus grave, un peu moins journaliste
peut-être K Parfois aussi le récit est dramatisé d'une manière tout à fait
invraisemblable '^ et M. Rahlenbeck serait bien embarrassé de nous
citer les sources authentiques auxquelles il a puisé certains discours et
certains dialogues. Mais nous ne voulons pas insister sur ces détails; les
défauts signalés n'enlèvent pas leur mérite sérieux à ces pages que nous
avons parcourues avec plaisir et non sans fruit.
R.
1. P. ex. appeler Albert de Brandenbourg un « titan révolté « (p. 233); donner à
une ville, pendant plusieurs années, le double office d'épée de Damoclès et de sou-
ricière (p. 241) etc.
2. Le dialogue entre le margrave de Brandebourg et les envoyés français (p. 202-
2o3), les conversations entre Boisot et les Treize (p. 74, 8g, 94), le discours raconté
par Vaubonnetà M. de Berlaimont (p. 276) etc. — Nous relevons encore quelques
fautes d'impressions faciles à corriger à la lecture. P. 42. lire Sclimaiiss pour
Schmanss. — P. 109. Conrad de Hattstaii pour Hanstadt. — P. 198 Voigt pour
Vogt. — P. 237 Vigy pour Vcigy. — P. 042 Gamaut poux: Gamant, — M. R. varie
trop souvent dans l'orthographe des mêmes noms. P. 45, il écrit Bari^ey, p. gi
Barisey ; P. 97 Ragecoicrt, p. 12. Raigecourt ; le même personnage s'appelle
p. 169. Polweiler, p. 341. Polveillcr, p. 279. Polhveiller. P. 35 J. de Cassan s'ap-
pelle Jean dans le texte, Jacques dans la note.
igo RKViiK cnrriQUK
162. — Cot-pcsponilance înédîte «le IVicoias-FfnnçoIs. duc. de E.orraine
et d« Etui-, B«3/S-io^4, par Ferdinand des Rodert, membre de l'Académie
de Stanislas. Nancy, i88d, grand in-8 de 76 p, (Extrait des Mémoires de la So-
ciété d'archéologie lorraine).
On a communique à M. F. des Robert, auteur des Campagnes de
Charles IV, dont il a été rendu compte dans IdiRevue et dont on attend
impatiemment la suite — des lettres écrites parle duc Nicolas-François,
frère de Charles IV, la princesse Claude, sa femme, Henriette de Vau-
démont, princesse de Phalsbourg, et le baron Hennequin, intendant de
la maison du duc Nicolas-François, à Arnoult, conseiller d'État, in-
tendant des tinances du duc François et son procureur-général en Lor-
raine. En confrontant cette volumineuse correspondance, qui s'étend de
1634 a 1644, avec d'autres documents puisés au Ministère des affaires
étrangères, M. des Robert a pu retracer fort exactement « les intrigues,
les malheurs, en un mot l'existence tourmentée du frère et de la belle-
sœur de Charles « pendant les dix premières années de leur exil à Flo-
rence, à Munich et à Vienne ». Je signalerai, dans cette brochure pleine
de choses, des renseignements et documents (p. :6-i8) qui complètent
mon récent travail sur le cardinal Bichi, évéque de Carpentras (fascicule
VIII des Correspondants de Peiresc., i885); ce cardinal était consi-
déré comme abbé des Bénédictins de Saint-Michel : il était aussi abbé de
Saint-PieiTe-duMont, au diocèse de Metz. Je signalerai encore la men-
tion, à la date de i635 (p. 27) de la participation prise par le futur
saint Vincent de Paul à des nominations ecclésiastiques, ce qui fournit
à l'auteur l'occasion de faire cette remarque : « Jusqu'à présent on
croyait que Saint Vincent de Paul n'avait été chargé de la feuille des
bénéfices qu'en 1643, sous la régence. C'est là du moir.s l'opinion émise
par M. Chantelauze (Saint Vincent de Paul et les Gondi) «. — Indi-
quons enfin une révélation (p. 47) tirée d'une lettre de Nicolas-François,
du 19 novembre 1660, au sujet de la réitération du mariage de Char-
les IV avec la belle Béatrix de Cusance : M. des Robert constate que
jusqu'à présent on avait ignoré cette seconde cérémonie et il rappelle
que la première avait eu lieu le 2 avril 1637, à Besançon, dans Thôtei
de la princesse de Cantecroix.
T. DK L.
l63. — Hugo ScHUCiiARDT. Sla-wo-doMtscîîf Si uniE sil:\ivo-îtaïîenisî"Ia. Un
vol. in-4 de 140 pp. Graz, Leuschner et Lubensky, 1884.
Ce travail de Téminent professeur de Gratz est dédié à M. Miklosich.
M. Schucharut — suivant un usage trop peu répandu chez nous — a
voulu fêter, par la publication d'un mémoire spécial, le jubilé cinquan-
tenaire de son collègue. C'est sous la forme d'une lettre adressée à
M. ^i.!c|osich qu'il préseii'.e |c résultat -de §çs observations sur Jes rap-'
D'KISTOiaK KT DE LIlTiORATURE IQI
ports des langues slaves, de l'allemand et de l'italien. M. S. vit à Graz,
à la frontière même des populations Slovènes et croates. Il a rencontré
à Vienne et à Prague les Tchèques, les Polonais et les Slovaques. Il
s'occupe depuis longtemps de l'étude des patois créoles; il a été frappé
par les nombreux phénomènes phonétiques, morphologiques ou syn-
tactiques qui décèlent l'influence exercée par les idiomes des Slaves sur
les langues de leurs voisins romans et germaniques; il les a étudiés,
rassemblés et définitivement compilés dans cette étude dont M. Miklo-
sich ne sera pas seul à le remercier. Ce curieux et très nouveau travail
est écrit avec une verve entraînante et mériterait d'être lu même par
ceux ù qui les langues slaves sont absolument étrangères. Malheureuse-
ment M. S., pressé par le temps (il s'agit d'une Festschrift), a négligé
de diviser son mémoire en chapitres ou paragraphes, et de le pourvoir
d'un index alphabétique; ceci est profondément regrettable, car les re-
cherches de détails sont à peu près impossibles dans ce travail bourré de
citations. M. S. a également omis de donner la traduction des mots
qu'il cite. Aussi en dehors de l'Autriche polyglotte et d'un nombre res-
treint de slavisants, cette belle étude aura peu de lecteurs. C'est grand
dommage, car elle est éminemment suggestive, parfois même amusante,
et elle renferme, sur la situation respective des populations autrichien-
nes, des considérations élevées qui dépassent les frontières du domaine
de la philologie. Certains détails ont même pour le lecteur français et
profane un intérêt de curiosité. Je citerai par exemple (p. 681 une éty-
mologie du mot inexpliqué charivari qui du persan aurait passé, sous
les formes les plus diverses, en allemand et dans les langues slaves et
(p. 60) une étymologie du mot grippe qui serait d'origine slave (russe
hryp, enrouement]. C'est plaisir de voir M. Schuchardt se jouer au mi-
lieu de tant d'idiomes en semant à pleines mains les aperçus fins et
ingénieux.
L'opuscule se termine par quelques pages fort intéressantes sur les
mélanges et les conflits des langages dans les États polvglottes. L'auteur
y rend pleine justice au large développement que les langues et les
littératures slaves ont pris dans ces derniers temps. Les lecteurs slaves
tireront grand profit de cer opuscule; les profanes y trouveront à glaner,
les germanistes feront bien de l'étudier avec soin '.
L. L.
I. L'institut vient de lui décerner le prix Volney.
192 REVUE CRITIQUE
VARIÉTÉS
La traduction <lc Pci-so et les exemples attribués à Dossuet
par M. JMénard.
On sait le bruit qu'ont fait dans le monde lettré la brochure de
M. Ménard sur Bossiiet inconnu^ et ses deux volumes intitulés « Œu-
vres inédites de Bossuet, découvertes et publiées sur les manuscrits du
Cabinet du roi '. » Cette œuvre « retrouvée d'un des plus grands génies
de l'ancienne France » était dédiée à M. Jules Grévy « représentant de la
France nouvelle. » Le premier volume, paru en 1881, contenait, outre
l'introduction où est racontée la découverte des manuscrits en 1876,
des exemples au nombre de trente donnés au Dauphin lorsqu'il appre-
nait à lire, une traduction ou plutôt un commentaire des seize satires
de Juvénal, avec des applications politiques, philosophiques et morales,
et une table des mots difficiles. Le second volume, en i883, a offert au
public un Perse en prose et en vers et une harangue scolaire au Dau-
phin, tirée de la Cyropédie de Xénophon. De tous ces ouvrages poéti-
ques ou scolaires, M. M. reconnaissait que quelques-uns sont dûs au
duc de Montausier ou à Huet, mais Bossuet, ajoutait-il, s'est approprié
Tensemble de l'œuvre par le sceau inimitable de son style.
La découverte de M. M. éveilla une vive curiosité dès qu'on en eut
connaissance, et il eut pour lui quelques-uns de nos meilleurs juges litté-
raires. M. Edmond About -, à qui M. M. avait montré ses manuscrits,
crut reconnaître dans \qs applications « le style inimitable de Bossuet. »
M. Francisque Sarcey '^ applaudit aussi à la trouvaille, distingua dans
le Juvénal l'éloquence de Bossuet, « qui l'a pour ainsi dire repris à son
compte et transformé «, et qui « a largement puisé dans Tantiquité tout
entière aussi bien que dans la Bible » ^. Le Times, dans sa correspon-
dance télégraphique du 21 novembre 1882, fit part de la nouvelle aux
Anglais : « La publication du Juvénal inédit de Bossuet, faite par
M. M., vient d'exciter un immense intérêt; M. Grévy en a accepté la
dédicace à cause du ton libéral et presque moderne des débuts du Cours
Royal. »
Un des savants qui connaissent le mieux Bossuet, M. Gazier^, ne parta-
gea pas cet enthousiasme ; il ne refusa pas absolument d'attribuer à Bos-
suet les exemples donnés au Dauphin losqu'il apprenait à lire, mais il
n'admit pas l'authenticité du Juvénal, et déclara qu'il n'y avait pas dans
1. Paris, Firmin-Didot, 2 vol. in-12 (i88i-83).
2. XIX" Siècle, 22 juin et 7 juillet 1876.
3. XIX^ Siècle, 10 et 11 juillet 1876
4. Voir aussi Drapeyron, les Sources profanes de Bossuet, dans la Revue poliii-
tique et littéraire (i5 juin 1876), et le P. Lallemand, dans le Correspondant (mavs
1882).
5. Revue critique, 1 3 février 1882.
D^HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE IqS
tout le reste du premier volume, le seul paru alors, cent lignes qui
pussent être de Bossuet. M. Boissier, dans le Journal des Savants, re-
fusa aussi catégoriquement de reconnaître la main de Bossuet dans la
traduction de Juvénal, qu'il trouvait traînante et plate; bref, résumant
son impression sur tout le premier volume, il conclut qu'il n'y avait
rien là qui fût de la main de Bossuet et émit le regret que l'on attri-
buât au grand écrivain des ouvrages indignes de lui.
Je ne me propose pas d'étudier chacune des œuvres publiées par
M, M., mais je crois utile de faire part aux chercheurs des quelques
documents que j'ai trouvés sur deux d'entre elles. Je rapporterai d'a-
bord une note que j'ai lue dans les mélanges manuscrits de Philibert
de La Mare ^ : « M. le duc de Montausier a traduit les Satyres de Perse
en vers français. 11 pouvait se rabattre sur un meilleur auteur. » 'Voilà
une note assez décisive, qui nous dispense des conjectures.
Il me reste à parler des exemples donnés au Dauphin ; leur prove-
nance n'est pas la même que celle des autres documents ; ceux-ci viennent
pour la plupart, nous dit-on, d'un vieux manoir abbatial voisin des
ruines du château de Richelieu. Les exemples se trouvent à la biblio-
thèque de l'Arsenal (ms. 2324); ils font partie d'un recueil manuscrit du
xvni" siècle, volumineuse collection de conseils, d'instructions, de let-
tres, d'éloges de vois, tous morceaux destinés à l'éducation royale du
comte d'Artois, qui eut sur le grand Dauphin l'avantage de pouvoir
montrer plus tard s'il en avait profité. Le document a pour titre exact :
(c Exemples donnés à monseigneur le Dauphin lorsqu'il apprenait à
écrire » ; dans ce recueil composé avec soin et avec une certaine criti-
que, c'est à peu près le seul morceau qui ne porte aucune mention
d'auteur; mais le cahier même où se trouvent les exemples renferme un
morceau intitulé : « Extrait des maximes de M. le Duc de Montausier
par rapport à l'éducation de Monseigneur le Dauphin ^ »; je me borne
à mettre en parallèle les analogies les plus frappantes :
Anonyme (VI I^ exemple)
a Sachez et n'oubliez jamais que les lois divines assujettissent égale-
ft ment le berger dans sa cabane et le monarque sur son trône. »
Montausier (ms. 2324 folio i3 verso) :
ce Qu'il (le prince) sache que les lois divines assujettissent également
« le berger dans sa cabane et le monarque sur son trône. »
Anonyme (Ville exemple) :
« Vous êtes absolument égal par la nature aux autres hommes et par
i.Biblioih. nat. fonds français; ms. 23, 25 i n" i322.
2. Voir aussi le Fms^ment du livre des maximes chrétiennes et politiques, publié
par M. Roux {Montausier, sa vie et son temps); malheureusement M. Roux n'indi-
que pas d'où ce fragment est tiré; c'est pourquoi je renvoie d'abord au manuscrit de
l'Arsenal.
194 --•'-■ -:-.-<C:^.
« conséquent vous devez être sensible à tous les maux et i\ toutes les
« misères de l'humanité. »
Mo}7taiisier (ms. 2824 fol. ig recto) :
« Egal par la nature aux autres hommes, il (le prince) doit être sen-
te siblc à toutes les misères de Thumanité. »
Anonyme (XXIV^ exemple) :
« Le présent le plus précieux que le ciel puisse faire à un roi, c'est un
« cœur docile à la vérité et aux bons conseils, lors même qu^ils ne sont
« pas agréables. »
Mojitaiisîer (ms. 2334 fol. 25 recto) :
« Le présent le plus précieux qu'un roi puisse recevoir du ciel est un
K cœur docile à la vérité et aux bons conseils, lors même qu'il ne sont
« pas agréables. »
Nous ne pensons pas qu''on puisse souhaiter de rapprochements plus
satisfaisants. Cette question des modèles d'écriture du grand Dauphin
est certainement d'un intérêt secondaire, mais le nom de Bossuet lui
prête quelque intérêt, et la polémique engagée depuis 1876 l'a désignée
à la curiosité des lettrés. Je conclus donc en répétant que les exemples
attribués à Bossuet par M. Ménard sont de Montausier, ainsi que la
traduction de Perse.
Paul Lehugeur.
CHB.ONIQUE
FRANCE. —Les supercheries typographiques. Essai bibliograpliique. — C'est
M. Gustave Brunet qui est l'auteur de cet essai, extrait des Actes de l'Académie de
Bordeaux Qoïochurs. iu-8° de 20 p., i885).Dèsles premières lignes, l'excellent biblio-
graphe nous apprend qu'un supplément aux Supercheries littéraires de Quérardesten
préparation. Espérons qu'il est un de ceux qui préparent ce supplément si nécessaire.
Dans son Essai, M. Brunet énumcre, avec d'intéressants détails, les principales su-
percheries typographiques du xvi° siècle et des siècles suivants. Il s'occupe surtout
des imprimeurs hollandais : le plus fécond, comme le plus célèbre » de ces impri-
meurs fantastiques fut Pierre Marteau, qui fit sortir pendant plus d'un demi-siècle
de son officine de Cologne une multitude d'écrits, appartenant les uns à la politique
anti-française, les autres à la classe des fictions risquées; toutes ces productions
devaient le jour à des presses hollandaises. » On trouvera (p. 7; une liste des nom-
breux émules de Pierre Marteau (166Û-1680). L'Essai est accompagne de notes
parmi lesquelles je signalerai celles qui regardent ïEpistre au tigre de la France,
La Béatitude des chrestiens ou lejléo (sic) de lafoy, par Geoffroy Vallée, opuscule
de huit feuillets réimprimé à Bruxelles en 1872; Le Triomphe des Vertus sur les
Vices, par Piis de Raynonville, nom supposé adopté, dit on, par k fécond cvêque
d'hîsioïkk kt Di; litikuatukk 195
de Belley ; Zeloë, libelle dirige contre Joséphine de Beauharnais et M""'^ Tallien et
Visconti, ses amies, par le marquis de Sade, et qui a reparu à Bruxelles en 1870;
divers ouvrages de Rcstif de La Bretonne, romancier « réhabilité » depuis une
vingtaine d'années, avec quelque exagération peut-être \)cc\\àx\3,e. peut-êlre en assn-
yémenl], le Moyen de parvenir, que Charles Nodier refusait d'attribuer à Beroalde
de Verville, auteur lourd, mortellement ennuyeux, illisible, et, par conséquent, in-
capable d'écrire un livre aussi spirituel et aussi agréable, etc. — T. de L.
BOHFME. — Il vient de se créer à Prague une Société pour la publication des
œuvres des écrivains religieux de la Bohême, particulièrement de ceux qui se rat-
tachent au mouvement hussite. Les fondateurs de la Société sont pour la plupart
des professeurs de l'Université tchèque, MM. Emler, Gebauek,, Goll, Kalousek,
Masarvk, Rezek.
GRÈGE. - Un de nos correspondants nous écrit d'Athènes : L'éphorie générale
des antiquités, dont la direction a été confiée après la mort de Stamatakis à M. Ka-
VADiAS, publie tous les mois dans les journaux d'Athènes un bulletin des acquisi-
tions faites par les musées de l'Etat. Ces acquisitions proviennent surtout des fouilles
exécutées en difl'érents points de la Grèce et sur lesquelles de plus amples détails
sont donnés dans I" 'Es'/][J.£p\ç \oyci.'.o)^Ci-{l7:qàQnt la publication se poursuit régu-
lièrement.
— La Société historique et ethnologique de la Grèce vient de constituer un musée
dans le local du Polytechneion. Une section de ce musée forme les archives de la
Société, qui renferment d'importants documents historiques se rapportant surtout
à la guerre de l'indépendance.
— Parmi les livres récemment parus nous citerons les suivants : KaTaXo^OÇ TÔV
àp/aîo)v voi/,t(Jt>-aTti)v, cup-coXoiv y,ai xapiAaTÎojv ttjÇ cuXaoyyîç XAîçivopou MsAs-
tikO'jXou, etc. 'Ev 'AvO-r;va'.;(-:6'âC;içIkpp-^', 1S84.
— llcpl àor/.'/i[;.a':;; xxl TTC.vviç àv ir^ ày/rj.[% sXXYjvr/.vi Tpa^woia, Xo^oç K. N.
IvoJGTvi y.aBr.YYjTcD ir^q vo\}::/:qq àvaXœaSâvovTOç Tr,v T:p'jTavs(av tou nav£7ïi';'ï'^[;.{ou.
\^T^rrfli (TU'^roYpaçcîov îlaArpcevsciaç), i885.
— 'H xaxacTTpoç-!] toj IlapOsvwvoç Orrb twv Bevîtûv (1687) y.ai •?; ïoxjXi.hyziq lîîyf
'AOt,vÔ)v (1688-1690), etc. Otto K. T. Z'/jatou Y.ix^r,-^rfiQ\> (extrait de V'E6Q0\)Àq),
'Ev 'AO'/ivatç (tûttoi? Kcptvv/jç), i885.
— 2o!icy,Aéc'jç 'AvtIycv^ [^.ctà y.piTaûv u7:o[j.v'^[xâTO)v âv 'AO'/iva'.!; (tutcoiç
'A'TT'.y.ou MouGSiou), etc. L'éditeur de cette remarquable édition est M. A. Pallis.
— rpa[X[j,aTfAat îlo(.p7.vr,p-qcz\.ç liq tTjV dp/aïav éXX'/;vty.'r;v 67:0 rswpYiou A.
Zr|y.[o:y 'AÔTjVTjSI (tutcoi; UoCKr(^{V)zai<xq], iî83.
' — '0 £T:tv(woç Tqq ItôÔôpy.c, ujavo?, otaxp'6-/) i-\ uç'/JYscria t% oiSacicaAiaç x%
kôpaïv.f^q 'i'Atî)(7(j-/]ç utîo T. IlavTa'Cîâou. 'Ev 'AQ'rjvaiç (TUTTOtç tpiXaoeAÇcwç), i885,
37 p. in-8°.
— Tb or;[j.CT'.y.bv Sdp.a TTîpi toO vsy.poîi àosAçoD u~h N. F. IIoXtTOU (extrait du
AsXtiov r?îç 'Icr-ïopr/,Yiç STatpîaç) , 'Ev 'Aô'rjvatç (tûtco'.ç Oepp-?]), i885. M. Poutis
I a entrepris de réfuter W. WoUner Der Lenorenstojf in dcr slavischen Volkspoesie
(Archiv fur slavische Philologie, Berlin, 1882, vol. VI, pp. 239-269), et Jean Psi-
cHARi, La ballade de Lénore en Grèce (extrait de la Revue de l'histoire des religions,
Paris, 1884, E. Leroux, in-8° p. 40).
— A'.ovuîjbi) 6spj'.avojfï>iXoXoY'.y.a: T-GrjzwTît; èv tip-fh-uy (Schimpfi i885).
Ce volume comprend trois études publiées naguère dans les journaux grecs de Trieste :
' i" 'H T^apâXA'/jXoç 7:o}.'.T'.xrj y.al çiAO/vO^ty/}] àviTCTuEt; tûv àp7^a{o3v 'EA)vr,v(ov;
igS REVUE CKITIQUE
qui n'avaient point passé sous ses yeux. Pour plus de sûreté il en avait
même demandé communication au dernier moment, comme nous l'ap-
prend sa défense (p. 14); mais payé de quelque défaite, n'ayant d'ail-
leurs aucune raison de suspecter la bonne foi de son collaborateur, il
passa outre pour ne pas retarder le tirage.
Les objections de M. B., bien qu'en général fort sérieuses, ne sont
pas toutes d'égale valeur, et M. Adam n'a pas eu de peine à en réfuter
un grand nombre. Celles qui sont tirées du caractère de la langue méri-
tent à peine de nous arrêter, et M. B. reconnaît lui-même qu'elles n'ont
rien de péremptoire (p. 3). Personne n'admettra qu'une langue ne
puisse être américaine parce qu'elle possède la distinction du genre ou
un système de numération décimale. On sait aujourd'hui que les lan-
gues américaines sont bien loin de se ramener à un type unique, et que
la légende de Babel ne serait pas plus déplacée sur les rives du Mississipi
que sur celles de l'Euphrate. Le taensa offrît-il des caractères linguisti-
ques tout à fait isolés, ce ne serait pas encore une raison de le proscrire;
mais tel n'est pas même le cas : les deux genres du taensa sont le mascu-
lin et le neutre, distinction que l'arrawack et l'iroquois connaissent
également, et je crois avoir montré ailleurs comment i'aléoute a su tirer
un système décimal de la numération quinaire qui lui était commune
avec l'eskimo.
Plus graves, mais non pas irréductibles, sont les arguments tirés du
climat du pays desTaensas (Louisiane). Les chansons taensas font men-
tion de l'érable à sucre, arbre septentrional, et d'autres productions
inconnues sous la latitude de Taensas Parish; mais il n'est pas proba-
ble que ces chansons soient populaires. Disons mieux : il est évident
qu'elles ont été composées à froid par quelque lettré, qui s'est fait un
jeu d'esprit d'écrire dans une langue sauvage des pastiches pareils à
ceux de Chateaubriand, et dès lors les erreurs qu'on y pourrait relever
ne prouveraient rien contre l'authenticité de la langue en elle-même.
Quant au calendrier, il s'accommode assez mal, il faut le reconnaître,
avec la douce température de la Louisiane; toutefois il n'y est point
question de neige, comme le voudrait M. B. (p. 4) : le mois de décem-
bre se nomme doukkarâ-eol u lune blanche », dit la Grammaire
(p. 42) ; s'il ne neige pas en Louisiane, les gelées blanches n'y sont pas
fort rares à cette époque, et l'on sait quel rôle nos paysans aussi assi-
gnent à la lune dans la production de ce désastreux phénomène.
De tout cela il résulte, ce semble, qu'on ne saurait d'ores et déjà
condamner la Grammaire taensa, mais il ne s'ensuit pas qu'on puisse
l'accepter sans défiance. Aucune présomption ne peut remplacer une
preuve directe, et cette preuve, ce serait, à défaut de la langue elle-
même, morte depuis plus d'un siècle, la production du manuscrit ori-
ginal. Or M. Parisot s'y refuse, alléguant qu'il est égaré. On ne sait
vraiment que penser d'un semblable procédé,
M. P. a cherché tout d'abord à se dégager en prétendant que M. A.,
d'histoire et de LITTERATURE IQ^
ayant remanié sa copie, devait être tenu pour seul responsable de la pu-
blication. Mais, bien avant que M. A. lui apportât son précieux con-
cours, il avait publié seul ses Notes de Grammaire Taensa ^ et fait im-
primer à Épinal une petite plaquette à laquelle il jugeait bon de donner
une couleur espagnole très prononcée, si prononcée que par excès de
zèle il y glissait même un mot portugais. Plus tard il nie que ses docu-
ments taensas fussent rédigés en langue et transcription espagnoles,
alors que cette assertion s'étale en toutes lettres dans la préface de la
Grammaire, dont il a seul surveillé l'impression. En vérité les plus
indulgents seront portés à croire que le jeune auteur, étranger aux
mœurs scientifiques, a dû faire subir au manuscrit original des modifi-
cations et des additions, qui aujourd'hui l'embarrassent et Tempêchent
de déférer à la demande de collationnement que M. A. lui a adressée
avec les plus vives instances.
Mais, qu'il ait lui-même forgé ce langage et ces chansons, en vue de
se faire un nom ou de mystifier l'américanisme, c'est un soupçon qui
ne saurait tenir contre la solide argumentation de M. A. et contre la
lecture de la Grammaire. Quelle que soit son inexpérience, M. P. est
quelque peu frotté de terminologie linguistique : s'il eût fabriqué le
taensa, il n'eût pas fait rentrer l'augmentatif, le diminutif, le déprécia-
tif, etc., dans la déclinaison (p. 8-9), ni désigné sous les noms de pre-
mière, deuxième, troisième... conjugaison, de simples modes verbaux
tels que le nécessitatif, le potentiel, Pinchoatif, et autres (p. 25). Ces
gaucheries nous reportent à 1 âge d'or de la linguistique. Resterait à
supposer une fraude de la part de l'auteur inconnu du manuscrit dé-
couvert par M. P. ; mais quel intérêt pourrait bien avoir un mystifica-
teur à forger une grammaire américaine, soit pour la publier à une
époque où presque personne ne s'occupait d'américanisme, soit à plus
forte raison pour la laisser dormir dans un tiroir? D'ailleurs il y a cer-
tains détails minutieux (accentuation, p. 32 ; distinction des noms pro-
pres indigènes et étrangers, p. 40), dont un faussaire ne se fût certaine-
ment pas avisé.
C'est M. Fr. Mûller qui, dans sa lettre à M. Adam, a formulé la
conclusion de cette fâcheuse polémique, et il l'a fait en termes excel-
lents : le fond même de la Grammaire Taensa doit être authentique;
mais, faute de pouvoir faire le départ des éléments vrais et de ceux que
M. P. aurait ajoutés de sa grâce, les linguistes n'en devront user qu'a-
vec la plus grande réserve. Ce jugement n'a rien que l'américanisme
français et M. Adam ne puissent accepter, et en tout cas il ne saurait
dépendre de la légèreté d'un débutant de les discréditer.
V. Henry.
I. Rev. de Ling., XIII, p. i6ô sq.
igS REVUE CRITIQUE
qui n'avaient point passé sous ses yeux. Pour plus de sûreté il en avait
même demandé communication au dernier moment, comme nous l'ap-
prend sa défense (p. 14); mais payé de quelque défaite, n'ayant d'ail-
leurs aucune raison de suspecter la bonne foi de son collaborateur, il
passa outre pour ne pas retarder le tirage.
Les objections de M. B., bien qu'en général fort sérieuses, ne sont
pas toutes d'égale valeur, et M. Adam n'a pas eu de peine à en réfuter
un grand nombre. Celles qui sont tirées du caractère de la langue méri-
tent à peine de nous arrêter, et M. B. reconnaît lui-même qu'elles n'ont
rien de péremptoire (p. 3). Personne n'admettra qu'une langue ne
puisse être américaine parce qu'elle possède la distinction du genre ou
un système de numération décimale. On sait aujourd'hui que les lan-
gues américaines sont bien loin de se ramener à un type unique, et que
la légende de Babel ne serait pas plus déplacée sur les rives du Mississipi
que sur celles de l'Euphrate. Le taensa offrît-il des caractères linguisti-
ques tout à fait isolés, ce ne serait pas encore une raison de le proscrire;
mais tel n'est pas même le cas : les deux genres du taensa sont le mascu-
lin et le neutre, distinction que l'arrawack et l'iroquois connaissent
également, et je crois avoir montré ailleurs comment l'aléoute a su tirer
un système décimal de la numération quinaire qui lui était commune
avec l'eskimo.
Plus graves, mais non pas irréductibles, sont les arguments tirés du
climat du pays desTaensas (Louisiane). Les chansons taensas font men-
tion de l'érable à sucre, arbre septentrional, et d'autres productions
inconnues sous la latitude de Taensas Parish ; mais il n'est pas proba-
ble que ces chansons soient populaires. Disons mieux : il est évident
qu'elles ont été composées à froid par quelque lettré, qui s'est fait un
jeu d'esprit d'écrire dans une langue sauvage des pastiches pareils à
ceux de Chateaubriand, et dès lors les erreurs qu'on y pourrait relever
ne prouveraient rien contre l'authenticité de la langue en elle-même.
Quant au calendrier, il s'accommode assez mal, il faut le reconnaître,
avec la douce température de la Louisiane; toutefois il n'y est point
question de neige, comme le voudrait M. B. (p. 4) : le mois de décem-
bre se nomme doukkarâ-eol « lune blanche », dit la Grammaire
(p. 42) ; s'il ne neige pas en Louisiane, les gelées blanches n'y sont pas
fort rares à cette époque, et l'on sait quel rôle nos paysans aussi assi-
gnent à la lune dans la production de ce désastreux phénomène.
De tout cela il résulte, ce semble, qu'on ne saurait d'ores et déjà
condamner la Grammaire taensa, mais il ne s'ensuit pas qu'on puisse
l'accepter sans défiance. Aucune présomption ne peut remplacer une
preuve directe, et cette preuve, ce serait, à défaut de la langue elle-
même, morte depuis plus d'un siècle, la production du manuscrit ori-
ginal. Or M. Parisot s'y refuse, alléguant qu'il est égaré. On ne sait
vraiment que penser d'un semblable procédé,
M. P. a cherché tout d'abord à se dégager en prétendant que M, A.,
D HISTOIRE ET DE LIÏTERATORE 199
ayant remanié sa copie, devait être tenu pour seul responsable de la pu-
blication. Mais, bien avant que M. A. lui apportât son précieux con-
cours, il avait publié seul ses Notes de Grammaire Taensa ^ et fait im-
primer à Épinal une petite plaquette à laquelle il jugeait bon de donner
une couleur espagnole très prononcée, si prononcée que par excès de
zèle il y glissait même un mot portugais. Plus tard il nie que ses docu-
ments taensas fussent rédigés en langue et transcription espagnoles,
alors que cette assertion s'étale en toutes lettres dans la préface de la
Grammaire, dont il a seul surveillé l'impression. En vérité les plus
indulgents seront portés à croire que le jeune auteur, étranger aux
mœurs scientifiques, a dû faire subir au manuscrit original des modifi-
cations et des additions, qui aujourd''hui l'embarrassent et l'empêchent
de déférer à la demande de coUationnement que M. A. lui a adressée
avec les plus vives instances.
Mais, qu'il ait lui-même forgé ce langage et ces chansons, en vue de
se faire un nom ou de mystifier l'américanisme, c'est un soupçon qui
ne saurait tenir contre la solide argumentation de M. A. et contre la
lecture de la Grammaire. Quelle que soit son inexpérience, M. P. est
quelque peu frotté de terminologie linguistique : s'il eût fabriqué le
taensa, il n'eût pas fait rentrer l'augmentatif, le diminutif, le déprécia-
tif, etc., dans la déclinaison (p. 8-9), ni désigné sous les noms de pre-
mière, deuxième, troisième... conjugaison, de simples modes verbaux
tels que le nécessitatif, le potentiel, l'inchoatif, et autres (p. 25). Ces
gaucheries nous reportent à l'âge d'or de la linguistique. Resterait à
supposer une fraude de la part de l'auteur inconnu du manuscrit dé-
couvert par M. P. ; mais quel intérêt pourrait bien avoir un mystifica-
teur à forger une grammaire américaine, soit pour la publier à une
époque où presque personne ne s'occupait d'américanisme, soit à plus
forte raison pour la laisser dormir dans un tiroir? D'ailleurs il y a cer-
tains détails minutieux (accentuation, p. 32 ; distinction des noms pro-
pres indigènes et étrangers, p. 40), dont un faussaire ne se fût certaine-
ment pas avisé.
C'est M. Fr. Mûller qui, dans sa lettre à M. Adam, a formulé la
conclusion de cette fâcheuse polémique, et il l'a fait en termes excel-
lents : le fond même de la Grammaire Taensa doil être authentique;
mais, faute de pouvoir faire le départ des éléments vrais et de ceux que
M. P. aurait ajoutés de sa grâce, les linguistes n'en devront user qu'a-
vec la plus grande réserve. Ce jugement n'a rien que l'américanisme
français et M. Adam ne puissent accepter, et en tout cas il ne saurait
dépendre de la légèreté d'un débutant de les discréditer.
Y. Henry.
I. Rev. de Ling., XII!, p. 166 sq.
200 REVUE CRITIQUE
i65. — Coi-piis iriAci'iittionuin l:i(inar-iiin consllio et auctoritate Aca>
<lci»î:>o littet'ni-iiiii i-egîîie leoi-us^slcae cditiim. Vol. VI, pars quinta
inscriptiones falsae urbi Romae attributae comprehendens; collegerunt G. Henzen
et loh. Bapt. de Rossi, ediderunt G. Bormann, G. Henzen, Chr. Huelsen. Berlin,
Georges Reimcr, 1^85, in-folio, 271 pages.
— Excinplîi sei>iptui>ae epigrajtliieae latînae a Cacsai'is dictatorîs
moi-iis îul actatem lustiniani, auctarium corporis inscriptionum latinarum
consilio et auctoritate Acadeniiae litterarum regiae Borussicae edidit ^(îlmiiius
HuEBNER. Berlin, Georges Reimer, i885, in-folio, Lxxiv-458 pages.
A deux reprises nous avons eu déjà Toccasion de signaler ici ' la ra-
pidité avec laquelle sont successivement édités les volumes du Corpus
latin. Voici qu'aujourd'hui deux nouveaux tomes font simultanément
leur apparition. L'un d'eux, formant la cinquième partie du volume VI
consacré aux inscriptions de Rome, constitue le recueil aussi complet
que possible des textes faux soi-disant trouvés dans cette ville. Il n'y a
pas moins de 3648 articles numérotés, dont plusieurs servent de rubri-
que, non pas à une seule inscription, mais à tout un groupe.
Les éditeurs ont adopté la division suivante.
Epîgrammata antiqua ex libris scriptis desumpta.
Epigrammata recentia.
Epigravimata saeciili xiv.
Falsae codicum saec. xv et xvi.
Falsae Ligorianae :
1° Insc. sacrae;
2° Insc. Augustorum domusque augustae ;
3° Insc. honorariae et sépulcrales privatorum.
Insc. Panvinianae ;
Boissardianae ;
Gutenstenianae ;
Gratanae;
Gallettianae.
Insc. falsae reliquae.
Addenda et Corrigenda.
Index principiorum.
La première section comprend les inscriptions confectionnées par
des modernes d'après les passages d'auteurs anciens qui rapportent d'une
manière plus ou moins approximative des textes épigraphiques parais-
sant avoir réellement existé. Ces textes reposent donc sur une base dont
l'authenticité est variable dans chaque cas particulier; leur rédaction
n'est pas toujours conforme aux règles épigraphiques; aussi, peut-elle
être parfois contestée; mais leur fonds n'en a pas moins une certaine
valeur historique. Or les faussaires n'ont pas contrefait la totalité des
inscriptions consignées dans les écrits de l'antiquité, et Ton aimerait
assez à en trouver quelque part dans le Corpus^ le recueil complet.
I. Revue critique, 10 septembre 1881, p. 209; i" janvier 1884, p. 7.
d'histoire et de littérature 201
Maffei avait fait un essai de ce genre dans le deuxième livre de son
Ars critica lapidaria '. Son travail mériterait d'être repris et complété
avec les améliorations nécessaires. En effet, on ne voit pas pourquoi le
dépouillement épigraphique des écrits de Tantiquité ne serait pas fait
aussi intégralement, aussi méthodiquement que celui des ouvrages mé-
diévaux ou modernes, tant manuscrits qu'imprimés.
Les légendes de monnaies antiques ont également fourni aux faussai-
res une matière à exploiter; le recueil dont j'entretiens en ce moment
mes lecteurs en cite trois qui ont été transformées en inscriptions lapi-
daires. En cherchant un peu, on en trouverait probablement un plus
grand nombre; par exemple, je puis en signaler une dont Torigine a
échappé aux éditeurs du Corpus; c'est une inscription gravée sur le
socle d'une statue de Cérès, ANNONA AVGVSTI GERES, qu'ils font
figurer en tête des Boissardianae, sous le n" 3124 * (cfr. Gruter,
p. io65, n. 10). Ils l'ont visiblement récusée à cause de l'apparente
étrangeté de la rédaction; je dis apparente, et l'on va voir pourquoi.
Les numismatistes connaissent de nombreuses variétés d'une monnaie
de grand bronze de Néron dont le revers est décrit par Gohen - delà
manière suivante : Cérès assise à gauche tenant une torche et des épis ;
debout devant elle, l'Abondance tenant la corne amalthéenne; entre les
deux, un autel orné de guirlandes, sur lequel est placé un modius ;
dans le lointain, un vaisseau. Tout autour, la légende ANNONA
AVGVSTI GERES, disposée de manière que les mots Annona et Gè-
res correspondent respectivement à la personnification de l'Annone
debout et à la déesse assise. La lecture de la légende est correcte à
condition d'être coupée ainsi, Annona Aiigusti — Ceres. Mais sur le
socle de la statue, rien ne fait soupçonner cette coupure sans laquelle le
texte doit effectivement sembler controuvé. Par là on voit que l'inscrip-
tion de la statue a pour auteur un faussaire qui s'est inspiré d'une lé-
gende monétaire sans s'apercevoir qu'elle perdait sa signification du
moment qu'il l'appliquait à un sujet auquel manquait la figure de
l'Annone. La supercherie se trouve maintenant dévoilée; mais il n'en est
pas moins piquant de voir comment la sagacité des éditeurs du Corpus
avait flairé une fraude, même en dehors de la véritable piste.
Ils ont ainsi relevé 74 méfaits à la charge de Boissard, g5 à celle de
Gutenstein, 35 à celle de Grata et 55 à celle du bénédictin Galletti.
Mais que dire des 2998 inscriptions fausses ou interpolées dont on est
redevable au seul Ligorio ?
Et maintenant, tout en condamnant impitoyablement ces falsifica-
teurs, on se demande comment des savants, de par ailleurs très recom-
mandables et respectés de leur vivant, ont pu se commettre dans de pa-
1. Voir dans le Supplément de Seb. Donato au Nov. thesaur. veter. insc. de Mu-
ratori, tome 1, 1765.
2. Gohen, Descr. des monnaies impériales, t. 1, 1880, p. 279, n"* 14-26.
20 2 REVUK CRITIQUR
reils agissements. Pour le comprendre, il faut évidemment les juger,
non d'après l'idée que nous nous formons aujourd'hui de la probité lit-
téraire, mais en tenant compte des mœurs et des habitudes d'esprit
d'une autre époque; ils étaient de leur temps, tout comme les gentils-
hommes du seizième siècle qui n'avaient aucun scrupule de tricher au
jeu; c'était alors de bonne guerre et tacitement reçu. Un érudit
s'amusait à composer des inscriptions, à la manière d'un rhétoricien
s'exerçant à une amplification sur un sujet fictif ou d'un littérateur
écrivant un roman historique; il les mettait en circulation, moins
peut-être pour tromper autrui, que pour se prouver à lui-même
combien il était versé dans la connaissance de l'antiquité ; c'était un
passe-temps littéraire et la contre-taçon des mscriptions marchait de
pair avec l'imitation des œuvres d'art antique. La Renaissance avait
mis à la mode les pastiches dans tous les genres; les Ligorio et consorts
ont été pour l'épigraphie ce qu'avaient été le Padouan et ses imitateurs
pour la numismatique.
Pendant que je tiens en mains ce volume instructif, j'y relève au
courant de la plume des indications qui concernent plus particulière-
ment quelques-unes de nos collections publiques.
N''3572*; épitaphe apocryphe d'un Valerius MarcelHnus conscr-
vée au musée d'Aix-en-Provence (Gibert, Catalogue des Antiquités,
n° 395).
N° 3643 *; épitaphe d'un L. Calvinus Pubianus Sabimis dont nous
avions déjà dénoncé l'illégimité [Bull, des Aîitiq. de France, i883,
p. 201).
No 3573 *; épitaphe d'un Titus Mnesteus Volusianus conservée au
musée d'Orléans, n" ii5 E. Les Orléanais sauront désormais à quoi
s'en tenir sur la valeur du cadeau qu'ils doivent à la munificence de
PEtat.
N" 3574 *; épitaphe d'un Lucius Rujfinus, soi-disant préfet du palais
de G. G. Galigola. Appartient au musée du Louvre (Glarac, Musée de
sculpture, pi. lv, n» 8o3).
N» 3456 *; dédicace lovi Capiiolino ; au musée du Louvre (Frœh-
ner, Notice de la sculpture antique, p. ôj, n. 38).
A cette occasion, nous nous permettons une petite chicane bien inno-
cente; pourquoi, dans le Corpus, le musée du Louvre est-il désigné par
les mots muséum parisinum au lieu de parisiacum, seule forme auto-
risée par les textes d'inscriptions et d'auteurs?
Le recueil de M. Hiibner auquel j'arrive maintenant a pour objet lu
forme et l'exécution matérielle des caractères épigraphiques dans les
textes de Pépoque impériale; c'est la continuation du grand atlas de
Ritschl relatif à la paléographie des monuments du temps de la Répu-
blique, Priscae latînitatis monumenta epigraphica. Mais le format de
ce dernier est peu commode et l'on doit tout d'abord savoir gré à
M. Hûbncr d'avoir adopté le format général des volumes du Corpus.
DHISTOmii KT DK HTTERATUIîE 20.'>
Les Prolégomènes constituent le traité le plus complet sur la matière,
je devrais même dire le seul véritable traité que l'on possède ; on y
trouvera d'intéressantes notions sur la technique du graveur sur pierre,
quadratarius . L'éditeur a rendu justice en excellents termes (p. xvi et
xvni) aux épigraphistes français qui ne se sont laissé devancer par per-
sonne dans l'art de reproduire figurativement les inscriptions; ils ne
peuvent qu'être sensibles à ce témoignage courtois. Le corps du recueil
contient les exemples en fac-similé, non pas réduits à une échelle uni-
forme, mais ramenés aux proportions les plus favorables à l'étude dans
chaque cas particulier ; ces spécimens figurés sont répartis en deux
grandes divisions, Scriptura momirnentorum, Scriptura actoriim, chro-
nologiquement subdivisées en quatre périodes : i" de la mort de César à
celle de Néron; 2" de Vespasien à Commode; 3° de Septime Sévère à
Dioclétien; 4" de Constantin à Justinien. Dans chaque subdivision,
l'éditeur procède géographiquement, Inscriptiones Urbanae, Inscrip-
tiones Italicae, Inscriptiones Provinciales. Le lieu où gît actuellement
chaque inscription choisie pour exemple est enregistré à son rang al-
phabétique dans un répertoire spécial. Telle est l'économie générale de
cet ouvrage considérable appelé à rendre de grands services.
Le contingent des spécimens empruntés à l'épigraphie de la Gaule a
naturellement pour nous un intérêt particulier; aussi est-ce par une
remarque sur l'un d'eux, le n" 935, que nous terminerons ce rapide
compte-rendu. 11 s'agit d'une petite plaque de métal trouvée à Apt
avec inscription mentionnant la consécration d'une hache à Mars et à
la déesse Dexiva; cette plaque est, non pas en or, suivant une erreur
accréditée par Fauris-Saint-Vincent, mais en bronze; cela résulte du
témoignage formel et autrement authentique du propriétaire même de
I l'objet, qui s'appelait Charles Rolland, et non Edouard Roland. De
plus, le mot SIICVREM que l'éditeur transcrit sacurem en imputant
au graveur un a fautif pour un e, est en réalité correctement écrit sur
la plaque; la lettre prise pour un a après le s n'est autre chose qu'un e
du type vertical à deux jambages, soit IL Cette forme alphabétique est
souvent employée concurremment avec le E du type carré, dans un
même texte, voire dans un même mot. C'est une particularité dont j'ai
signalé plusieurs exemples dans \q Bulletin Monumental^ i885, p. 5 i et
57, entr'autres le mot MINERVAII sur une patère d'argent de Notre-
Dame-d'Alençon conservée au musée du Louvre sous le n" 55 r ; à lire,
Minervae ; de mêm.e, securem.
Robert ?vÎowat.
204 REVUK CRITIQUK
l66. — Itictioniiatre étymologique et explicatif de la I^aiigue fi-an-
çaîse, et spécialement du langage populaire, par Charles Toubin, officier de
l'Instruction publique. Maçon, Protat frères, imprimeurs, i885.
Je n"'ai sous les yeux que le spécimen (47 pages) de ce glorieux dic-
tionnaire « publié aux frais de l'auteur » \ mais par cet éclTantillon on
peut juger de la pièce tout entière. Il comprend (c'est M. Toubin qui
nous en avertit) : 1° L'introduction de l'ouvrage; 2«> un extrait du chapi-
tre des préfixes français, sujet qui n'a pas encore été traité, du moins à
ma connaissance; 3° un extrait du chapitre des suffixes, matière égale^
ment encore peu (sic) étudiée; 5° un court extrait du chapitre des va-
riantes phonétiques; 5° un certain nombre de mots pris dans le diction-
naire et tous empruntés à la lettre A. »
Il est dit dans l'introduction que Diez, Littré, Scheler, Brachet et au-
tres sont les représentans attardés d'une école étymologique surannée.
Pourquoi? parce qu'ils ont négligé le celtique, qu'ils n'ont pas assez
tenu compte du sanscrit et n^ont eu aucune notion du grec-marseillais.
C'est dans ce troisième élément tout à fait méconnu que ces philologues
auraient trouvé les étymologies de <.< aloyau., amphigouri, poisson,
d'avril, brimer, brioche, margot, marotte, etc. d Quant au celtique,
on ne se doute guère de tous les jolis mots, de toutes les gracieuses lo-
cutions que nous lui devons; en voici quelques-uns et quelques-unes :
« Carotte (tromperie), claquer (mourir), croquemort, fesse-mathieu,
gueule enfarinée, écorcher le renard, roublard, etc. » Le sanscrit nous
a donné des vocables qui ne sont pas moins élégants, comme « boulotter
(manger), chouriner, J ean-f outre , gobichonner , pioupiou, roupiller, su-
percoquentieux »; j^en passe, et des meilleurs. Il y a aussi certaines lo-
cutions populaires dont nous n'avions jamais jusqu^ici soupçonné Pori-
gine, mais M. T. est venu, et il verse partout des torrents de
lumière. Par exemple, pourquoi dit-on « tirer les vers du nez à quel-
qu'un? » — « C'est parce que les magistrats romains chargés d'interro-
ger les accusés, cherchaient à leur tirer les vères(ver^, les choses vraies)
ou en d'autres termes à leur faire dire la vérité. » — « Si nous disons
dégommer des fonctionnaires incapables, c'est que nos aieux les
Francs décomaient ou tondaient leurs rois pour les déposer. » Après
cette réjouissante et plus que fériale introduction, M. T. passe aux
principaux préfixes et sufiixes français auxquels je renvoie le lecteur,
s'il veut s'épanouir l'âme et la rate.
Mais là où M. T. est tout à fait merveilleux, unique dans son
espèce, là où il se surpasse lui-même, c'est dans la cinquième partie de
ce spécimen. 11 est difficile de rien lire de plus fort. Avec vient de
avectus, amende de amanda, celle qu'on doit aimer (suit une explica-
tion fantastique); âne dérive du sanscrit a^, s'asseoir, et du suffixe dimi-
I. 11 comprendra environ 800 à 900 pages, en trois fascicules dont le premier
doit paraître le i5 octobre i885.
DHISTOIRK RT DE LlTTER.'.TURfc, 20D
nutif inus; proprement petite monture ; — Anglais = créancier est une
corruption du mot anglet = petit compte chez un débitant; arbitre a
été fait avec deux mots sanscrits, ar qui représente hala^ terre, et bid,
partager. Il faut rejeter Pétymologie ad podium, ou appodiare pour
appuyer : ce verbe est dû au sanscrit iipa, sous, et dâ, mettre, poser. —
« Assaisonner^ dit encore M. T., selon Littré, Scheler, Bouillet et Bra-
chet, vient de saison, malgré la différence des sens. A mon avis, de ad,
contre, et saties ou satias, satiété. » Je recommande encore les trouvailles
suivantes : aucun de alius ac iinus, avril du sanscrit âpya, aqueux,
humide; atelier du sanscrit âstâ, réunion, et surtout l'étymologie du
français populaire « abouler, » lequel dérive du latin ab, hors, et olla,
marmite, exactement « tirer de la marmite; étymologie qui paraît à
l'auteur « avoir l'avantage d^etre en parfaite harmonie avec le rôle si
important de la marmite dans la vie et le langage des peuples. » Je
crois qu'après celle-là il est temps de tirer l'échelle.
M. Toubin peut avoir été un bon professeur d'histoire, mais pour
qu'il devienne philologue même médiocre, il lui reste à apprendre et à
désapprendre beaucoup de choses.
A. Delboulle.
167. — l!-,es oi'îgincs «!u c«tBsolîclsme snodefne. La contre-révolution reli-
gieuse au xvi"^ siècle, par Martin Phiuppson, professeur à l'Université de Bruxelles.
Paris, F. Alcan, 1S84, xi, 618 p. In-8. Prix : 10 fr.
L'ouvrage de M. Philippson est un travail de vulgarisation des plus
sérieux, fourni par un écrivain qui a fait ses preuves sur le terrain de
l'histoire du xvi*^ siècle aussi bien que sur celui des temps plus moder-
nes. Il a pu se débarrasser par conséquent de tout appareil trop érudit,
sans s'exposer pour cela à être traité de superficiel. Le premier titre de
son ouvrage (Origines du catholicisme moderne) indique plus exacte-
ment que le titre principal, le but et retendue du livre de M. Ph.^ car
l'auteur n'y a point traité la contre-révolution religieuse du xvi« siècle
en son entier et n'a point eu l'intention de le faire. A vrai dire, son tra-
vail nous offre plutôt le tableau du choc violent des idées religieuses et
politiques, engagées alors dans une lutte inexorable, qu'il ne nous initie
aux faits historiques, aux détails de la répression de l'hérésie, telle
qu'elle fut organisée par les papes et les principaux souverains catholi-
ques de cette époque. On ne trouvera donc dans son volume ni le récit
des guerres de religion en France, ni celui du règne de Marie Tudor,
ni les efforts des Habsbourgs pour détruire le « protestantisme dans leurs
Étals, ceux de Philippe II aux Pays-Bas, ceux des Dasa catholiques en
Pologne, etc., bien que tout cela fasse partie de la contre-révolution
religieuse au xvi<' siècle. « Ce n'est pas, bien entendu, un reproche que
nous adressons à M. Ph., puisqu'il était libre de tracer le programme de
206 REVUE CUITIQUE
son travail à sa guise, mais nous aurions désiré que son titre fût un peu
plus explicite à cet égard.
Les Origines du catholicisme moderne se divisent en trois livres. Le
premier s'occupe des préparatifs à la grande lutte contre le protestan-
tisme, de la création d'une série d'ordres monastiques nouveaux, desti-
nés à remplacer les anciennes corporations religieuses du moyen âge,
bénédictins, dominicains, franciscains, etc., dont Tactionne semble plus,
à bon droit, suflisamment efficace en cette crise dangereuse. Après avoir
rapidement exposé les origines des capucins, des théatins, des frères de
Saint-Jean-de-Dieu et autres congrégations d'importance secondaire,
M. Ph. consacre à peu près exclusivement ce premier livre à la Société
de Jésus, à laquelle l'Eglise du xvi'' siècle dut, en bonne partie, son
salut et qui, sachant user de moyens d'influence nouveaux, négligeant
les vains exercices de piété monastique, pour s'emparer de la jeunesse et
gagner les classes dirigeantes, réussit, dans Tespace d'un demi-siècle, à
refouler l'hérésie et à raffermir le Saint-Siège, en se le soumettant à elle-
même. M. Ph. parle de cet ordre célèbre en historien; c'est dire qu'on
trouvera dans ces pages de son volume un exposé exact et fidèle des
vues de son fondateur, de ses méthodes, de Forganisation intérieure des
Jésuites, une analyse pénétrante et judicieuse des raisons de son succès,
mais ni un panégyrique, ni un réquisitoire.
Le second livre est consacré à l'histoire de ce second « pilier de la foi »
au xvii« siècle, comme l'ont appelée certains admirateurs, de la Très-
Sainte-Inquisition, et à son tribunal redoutable. C'est en Italie que M. Ph.
nous la montre d'abord, écrasant également les réformateurs et les dis-
ciples de la libre-pensée, s'attaquant aux princes, comme aux plus
hauts dignitaires de l'Eglise, avec une inflexible rigueur, puis se déve-
loppant, en Espagne comme instrument de domination politique et
devenant le levier principal de l'absolutisme d'un Philippe IL C'est
grâce à l'Inquisition, que l'Europe méridionale ne resta pas longtemps
en proie à la contagion qui lui était venue du nord et qu'elle put four-
nir, après quelques années de crise intérieure, la base solide pour les
opérations agressives de la contre-révolution religieuse. Il n'est que
juste d'ajouter cependant que la tâche du mystérieux tribunal fut sérieu-
sement facilitée par les dispositions morales de l'immense majorité des
populations de race romane au milieu desquelles il a fonctionné sur-
tout. Profondément et naturellement payennes, payennes encore au-
jourd'hui, malgré certaines apparences, après dix-huit siècles de catho-
licisme^ elles ne pouvaient s'intéresser à des innovations religieuses qui
venaient choquer à la fois et leurs idées et leur manière de vivre, et sans
doute le protestantisme n'aurait jamais jeté que de faibles racines en
Italie ou bien en Espagne, quand même la tolérance des maîtres du pays
lui eût été acquise et quand bien même l'Inquisition n'eût pas été spé-
cialement réorganisée pour le combattre.
Le troisième livre enfin est consacré tout entier au tableau des péri-
D HISTOÎRR ET DK LITTERATURE 207
péties du Concile de Trente. Après tant de récits sur cette célèbre assem-
blée. M. Ph. a su être intéressant et parfois renouveler la matière dans
les chapitres qu'il lui consacre. Il juge, à notre avis, les travaux, les
efforts, les luttes ouvertes et secrètes qui forment l'histoire du Concile,
avec une équité parfaite. L'entente avec les protestants était exclue par
la composition même de l'assemblée, par les influences politiques qui
la dominaient, par Timpossibilité de trouver à ce moment un terrain
sur lequel on eût rétabli l'uiuon que bien peu désiraient encore
au fond des âmes. Ce qui fait l'importance du concile de Trente,
c'est la lutte au sein même de l'Église, ce sont les essais de réforme
émanant de l'épiscopat et des souverains temporels encore fidèles,
c'est enfin la concentration officielle des forces du catholicisme sous une
direction unique et absolue. Depuis un âge d'homme les doctrines
étaient vacillantes, les plus pieux parmi les défenseurs du passé avaient
ouvertement exprimé bien des doutes, s'étaient accommodés de bien des
concessions. Désormais l'ère des incertitudes et des accommodements avec
l'ennemi était fermée. Les canons formulés par le Concile, montraient à
tous, prêtres et laïques, quelle était la foi de PEglise. Il fallait être ca-
tholique ou ne pas l'être; ceux dont la conscience ou l'intelligence re-
gimbait contre la règle nouvellement formulée, étaient retranchés pro-
visoirement du corps de l'Eglise, sauf à être recherchés plus tard par le
bras séculier et forcés à rentrer au bercail. En même temps la papauté,
triomphant enfin delà théorie de la suprématie des conciles, reconnue
comme la maîtresse dans PEglise, organisait plus strictement la hiérar-
chie ecclésiastique, la moulait avec l'aide des Jésuites et faisait des
nouveaux séminaires épiscopaux comme des pépinières d'ardents lévi-
tes. Elle réussissait même à réduire, au moins dans les contrées de
l'Europe centrale et septentrionale, le désordre des mœurs dans le clergé
séculier et régulier, dont le scandale avait été pour une si forte part
dans l'explosion de la Réforme. Ce ne fut pas l'œuvre d'un jour ni d'une
génération, mais à la fin du siècle l'écart est déjà bien considérable et le
progrès continue partout durant le siècle suivant.
C'est maintenant seulement que le catholicisme est outillé, pour
ainsi dire, pour une lutte nouvelle, maintenant que les Habsbourgs et
les Valois ont fait leur paix avec l'Eglise, que les souverains temporels,
par l'influence de leurs confesseurs jésuites, sont disposés à joindre leurs
efforts à ceux du Saint-Siège, que commence la contre-révolution reli-
gieuse et politique proprement dite. Elle remplira le dernier tiers du xvi-^
et la première moitié du xvn'^ siècle et ses étapes sont marquées par les
noms de Charles IX, de Philippe II, de Marie Tudor, Ferdinand II,
Louis XIV et Jacques II d'Angleterre. C'est une mêlée sanglante, où
de part et d'autre, l'héroïsme est mélangé de cruauté, où les dévouements
les plus dignes d'admiration se rencontrent à côté des perfidies les plus
lâches et des plus infâmes trahisons. Mais tous ces efforts en sens con-
traire restent à peu près inutiles au fond. Quand le dix-huitième siècle
208 REVUK CRITIQUE
s'ouvre sur Ja décadence de rhëgémonie française, les limites religieu-
ses en Europe sont encore à peu près celles que fixait déjà le concile de
Trente. Quelques contrées, à peu près perdues, ont été regagnées par
TEglise, quelques autres ont réussi définitivement à s'émanciper, mal-
gré ses efforts contraires, mais au fond la situation reste ce qu'elle est
encore aujourd'hui, le nord de l'Europe est protestant et le sud est ca-
tholique, tandis qu'au centre du continent les deux cultes se mêlent
dans des proportions diverses.
Ce sont là les considérations générales qui sont comme l'essence et le
résumé du livre de M. Ph. Désintéressé dans le conflit plus immédiat
des croyances rivales dont il nous a décrit la lutte, l'auteur n'en est pas
moins — et ne s'en cache pas — un adhérent convaincu de la liberté
politique et religieuse; il s'en exagère même peut-être la puissance et, si
ces matières ne sortaient pas en définitive un peu du cadre de la Revue,
je serais tenté de combattre sa manière de voir sur la défaite prochaine
réservée à la puissance de l'Eglise par la force croissante de la pensée
libre à travers le monde. Mais cette manière de voir ne l'a nullement
empêché de traiter une matière diflScileavec le calme acquis par un his-
torien critique. Il a consulté les plus récents travaux de l'érudition con-
temporaine sur chacun des chapitres qu'il a traités ; les publications et
les recueils de documents de Doellinger, Druffel, Friedrich, Huber et
Maurenbrecher sur le concile de Trente, sur les Jésuites, etc., ont été
soigneusement misa profit par l'auteur, et si les critiques d'une certaine
école ne signaleront pas son volume sans un vif déplaisir, si l'on a même
ouvert déjà contre lui, dans certains organes de publicité, une campagne
plus riche en invectives qu'en arguments scientifiques, aucun adversaire
loyal ne pourra lui reprocher d'avoir torturé des textes, falsifié des sour-
ces, ou sciemment négligé des témoignages contraires, comme il arrive
trop souvent, sur ces polémiques, où l'esprit de secte envenime les dis-
cussions les plus inofîensivesen elles-mêmes. Aussi souhaitons-nous au
travail du jeune professeur de Bruxelles un accueil favorable en France,
où il pourra ramener certains esprits plus modérés, dans les deux
camps, à une appréciation plus saine et plus impartiale de l'époque im-
portante qu'il nous décrit ^
R.
I. Nous signalons en passant quelques fautes d'impression, relevées à la lecture.
P. 69, lisez VaUelinc pour Valtelline. — B. i63, 1. fondaco pour foudaco. —
P. 269, 1. Bohorques pour Bohorgnes. — P. 336, ligne 5, manque le mot si. —
P. 436, 1. Miscellanea pour Miscaellnea. etc. etc.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 20g
VARIÉTÉS
L'acte de décès de Scîpîon B>u ï»leix.
On a jusqu'à ce jour ignoré la date pre'cise de la mort de S. Du Pleix.
Guy Patin annonce en ces termes bien vagues la mort de son ancien
ami (Lettre à Falconet du 25 avril 1661) : « Le bonhomme Scipion Du
Pleix, historiographe de France, âgé de quatre-vingt-onze ans, est mort
dans sa maison de Condom. Il y avoit fort long-temps que je le connais-
sois; je l'avois ici traité bien malade Pan 1625 ; il y avoit déjà sept ans
que j^étois de ses amis. II a bien travaillé toute sa vie et n'a pas eu
grande récompense. » Cinq jours plus tard, l'auteur de la Muse histori-
que disait (Lettre du samedi 3o avril, tome III, p. 346-347 de l'édition
Livet, 1878) :
Ce n'est point, icy, l'Epitaphe
De ce docte historiographe,
Scipion Du Pleie, de Condon,
Qui de bien écrire eut le don
Ce grand et fameux Scipion
Qui subit son heure fatale
Dans sa propre ville natale,
Fort regreté des habitans,
Agé de plus de nonante ans.
En regard de cet éloge, on a imprimé en manchette : '< il mourut
vers la fin de mars. » La Galette du 2 3 avril se rapproche un peu plus
de la vérité; elle met la mort du S. Du Pleix au i5 mars. Cette mort
arriva le 5 du même mois, comme nous l'apprend le document suivant
que me communique un zélé et savant chercheur, M. Joseph Gardère,
bibliothécaire de la ville de Condom :
« Ce cinquiesme mars 1661 est decede Monsr Maistre [en abrégé] Sci-
pion Dupleix, conseiller du Roy en ses conseils destat [sic] et privé,
grand historiographe de France, home de grande vertu et très grand
deffenseur de la religion Catholique, Apostolique, Romaine, aagé de
quattre vingtz dix ans ', ayant receu avant sa mort tous les sacremens
nécessaires de l'Eglize avec une très grande pieté et dévotion. Son corps
a esté enterré dans l'eglize St Nicolas de la présente [en abrégé] ville
joignant le banq des Mess''^ du Presidial.
J. Lafite [C'est la signature du Vicaire].
On lit encore dans le Registre des baptesmes, mariages et mortuai-
res pour la paroisse de Saint-Pierre de Condom :
« Ce septiesme mars 1661 a este faicte POraison funèbre de feu
I. Et non 91, comme l'ont écrit Loret et Patin. La date de la mort du nonagé-
naire nous donne l'année de sa naissance, iSyi.
2IO REVUK CRITIQUE
M"" Dupleix qui fut enseveli le cinquiesmc du présent, par le R. P. Colin ,
prebstre [en abrégé] de l'Oratoire et régent philosophe dans le collège
de Condom. Lad. [icte] oraison funèbre a este preschée dans la grande
chère de Saint-Pierre. »
Voici le titre de cette pièce rarissime dont un exemplaire est conservé
dans la bibliothèque de Condom : Oraison funèbre de monsieur Sci-
pion Dupleix. conseiller du Roy en ses conseils d' Estât et privé, his-
toriographe de France, prononcée, deux jours après son deceds ',
dajis l'église cathédrale de Condom, par le Révérend Père Mathieu
Colin, prestre de l'Oratoire, le 7 mars 1661. (Agen, Jean Gayau,
petit 10-40.)
T. DE L.
CHRONIQUE
FRANCE. — Testament de Blanche de Navarre. — C'est d'après les documents des
Archives des Basses-Pyrénées que M. Léopold Delisle a publié le Testament de
Blanche de Navarre, reine de France (Paris, i885, grand in-S" de 64 pages. Extrait
des Mémoires de la Société de l'histoire de Paris et de l'île de France, t. XII). L'excel-
lent éditeur a très bien fait ressortir l'importance de l'acte du 18 mars iSgô (n. s.)
et des deux codicilles du 20 du même mois et du lo septembre i3q8. Il faut, dit-
il, les lire en entier pour se faire une idée du luxe et du genre de vie d'une reine
douairière au xiV siècle, pour juger des rapports qu'elle entretenait avec les mem-
bres de sa famille, avec les officiers, les dames, les serviteurs et les servantes de sa
maison. Ils méritent aussi d'être étudiés en détail, ajoute-t-il, pour y relever une
foule d'indications précieuses sur des objets d'art, de costume et d'ameublement,
principalement sur des livres. La reine Jeanne possédait, en effet, une remarquable
bibliothèque, dont elle partagea les volumes entre ses parents, ses amis et ses ser-
viteurs. Elle a droit d'occuper une des premières places parmi les princesses du
moyen âge qui ont aimé les livres. M. Delisle nous apprend que le psautier si cé-
lèbre de Leyde appartint à la veuve du roi Philippe de Valois depuis i35o jusqu'en
1398, qu'il avait été d'abord entre les mains de saint Louis et qu'il fut, au xv' siè-
cle, possédé par les ducs de Bourgogne. L'éminent critique n'a pas annoté le testa-
ment et les codicilles, mais il a mis à la lin de sa très curieuse brochure (p. 56-64)
une excellente Table qui permet de retrouver facilement toutes les mentions se rap-
portant à un établissement, à un personnage et à un genre d'objets.
— En même temps a paru le Discours prononcé à V Assemblée générale de la
Société de V Histoire de France, le 26 mai iS85, par M. Léopold Delisle, mem-
bre de l'Institut, président de la Société (Paris, librairie Renouard, i885. Grand
in-8° de 60 p.). Les 29 premières pages sont occupées par le Discours même; le
reste est un Appendice relatif aux pièces contenues dans l'Antiphonaire de Pierre de
Médicis, à la Laurentienne, volume que M. Delisle a pu examiner pendant son ré-
cent séjour en Italie. Le discours contient de fort intéressants détails sur l'inappré-
ciable recueil de la collection de Florence, ainsi que sur diverses pièces originales
I. Cette mention révélatrice n'avait pas été remarquée, et dans un recueil publie a
Condom même par un Condomois, 3oo ans après la mort de S. Du Pleix, on s est
contenté d'indiquer la date approximative « en mars », tout en citant l'oraison fu-
nèbre qui établit si nettement la date véritable.
d"hIST01UE KT de LITTERATURE 2 I I
offertes à la Bibliothèque nationale par MM. Ramé, Chassaing et surtout par la t'a
mille de Bastard. Signalons, de plus, en ce discours si plein de choses, deux sym-
pathiques et ressemblants portraits de MM. Lacabane et Ravenel. — T. de L.
— Histoire de Saint-Bonnet-le-Chdieau. — En attendant qu'ici on rende compte
avec les développements convenables de l'important ouvrage dont j'ai sous les yeux
le premier volume, je voudrais le recommander en deux mots à tous ceux de nos
lecteurs qui recherchent les monographies bien faites {Histoire de Saint- BonneL-le-
Château d'après les manuscrits conservés aux archives locales et départementales,
avec six vues hors texte, trente phototypographies et ia reproduction des principa-
les pièces originales, ouvrage publié en collaboration par deux prêtres du diocèse
de Lyon. Tome I, Paris, Alph. Picard ; Lyon, Vitte et Perrussel ; Saint-Etienne,
Chevalier, i885. Grand in-H» de xxxvni-56o p.). Ce tome I contient, outre une
préface qui fait très bien connaître le plan et les idées des deux auteurs, quatre
études intitulées : les origines ; la féodalité: l'organisation religieuse et la vie civile
à Saint-Bon>ict-le-Chdieau, au xiv' siècle ; construction de l'église, Saint-Bonnet au
xv° s/èc/e. Ces quatre parties sont suivies de vingt pièces justificatives qui, jointes à
divers extraits et diverses analyses répandus dans le volume, donnent pleinement le
droit aux auteurs de dire ceci (p. xvxvii) : « Nous désirions, avant tout, soustraire à
la ruine, qui les menaçait, les documents de nos Archives. Toute fausse modestie
mise à part, nous pouvons nous rendre le témoignage que ce but est à peu près
atteint par la publication même de notre livre. » Les mêmes auteurs ont pu dire
avec non moins de justice (p. xxxiv) ; « L'Histoire générale ne peut plus être écrite
désormais qu'en s'appuyant sur l'Histoire particulière et locale, rédigée scrupuleu-
sement d'après les sources. Notre livre, envisagé à ce point de vue, apporte donc
une contribution consciencieuse à l'Histoire générale. » L'Histoire de Saint-Bonnet-
le-Châieau est imprimée sur beau papier et ornée de remarquables gravures. C'est un
ouvrage de luxe en même temps qu'un ouvrage d'érudition. Au risque de commet-
tre une indiscrétion, j'apprendrai à mes chers lecteurs que les deux savants travail-
leurs auxquels nous devons une publication faite avec tant de soin et tant de talent,
sont M. le chanoine James Condamin, docteur en théologie et docteur ès-lcttres, et
M. l'abbé François Langlois, curé de Saint-Bonnet. — T. de L.
■ — L'Oratoire et la Révolution. — L'étude de M. A. M. P. Ingold, prêtre de l'Ora-
toire (Paris, Poussielgue, grand in-8° de 102 p.) renferme beaucoup de choses nou-
velles qui sont très bien exposées. L'auteur, qui est un de nos chercheurs les plus
intrépides, a utilisé diverses pièces inédites, les unes tirées de nos grands dépôts
publics, les autres de diverses collections particulières (parmi ces dernières on re-
marque des extraits de ia correspondance de Grégoire, communiqués par notre col-
laborateur, M. A. Gazier).Il a aussi utilisé, sans parler de tels ou tels ouvrages qu'il
rectifie ou complète, comme le Daunou de M. Taillandier et le Tabaraud de M. Du-
bédat, un grand nombre de plaquettes rarissimes dont, en sa double qualité d'ex-
cellent bibliographe et de bibliothécaire de l'Oratoire, il a eu particulièrement con-
naissance. Parmi les personnages qui figurent dans la consciencieuse et vivante
étude de M. l'abbé Ingold, signalons Dotteville, Gaudin, l'adversaire du célibat,
Fouché, qui — on l'oublie trop souvent, — n'a jamais été engagé dans les ordres,
Joseph Lebon, ordonné prêtre en lySc) et dont, dès 1785, le dernier supérieur de
Juilly, le P. Mandar, avait tracé un portrait si caractéristique, le précepteur de Vic-
tor Hugo, Larivière, qui , quoiqu'en ait dit le grand poète, n'était pas un ancien
prêtre de l'Oratoire, car il n'était que confrère laïque, ainsi que beaucoup d'autres
prétendus Oratoriens au sujet duquel on a commis tant d'erreurs, etc. Le travail de
M. l'abbé Ingold devra désormais être consulté par tous ceux qui voudront sérieu-
sement étudier l'histoire de la révolution. - T. de L.
212 REVUE CRITIQUE D HISTOIRK ET DE LITTERATURE
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du ii septembre i88^.
M. Desjardins appelle l'attention de rAcadémie sur une publication récente de
M. Saige, conservateur des archives de la principauté de Monaco, qui intéresse par
plusieurs côtés l'histoire de France. C'est une brochure in-4°, intitulée : Rapport
à Son Altesse Sérénissime monseigneur Is prince souverain de Monaco, sur la publi-
cation des documents historiques extraits des archives de la principauté de Mo-
naco.
M.Bergaigne communique à l'Académie une lettre qu'il a reçue de M. Aymonier.
Cette lettre est datée de Q.uin-hon, le 21 juillet. Malgré les d'ifficultés que lui crée
la situation troublée de l'Annam, M. Aymonier a visité plusieurs provinces et y a
relevé un certain nombre d'inscriptions nouvelles, les unes sanscrites, les autres
tchames. Une des inscriptions sanscrites est bouddhiste. M. Aymonier continue
aussi ses études sur la race tchame, dont la domination a précédé celle des Anna-
mites sur une partie de la côte orientale de l'Indo-Chine.
M. Dieulat'oy, complétant ses communications sur les fouilles qu'il a faites en Su-
siane, fait connaître les nouvelles qu'il a reçues de ses collaborateurs, MM. Rabin et
Houssay. Ces messieurs, forcés par la chaleur de quitter le pays pendant quatre
mois, se sont rendus à Ispahan, en passant par MaKAmir, Ram-Hormuz, Chaponz,
Chiraz, Nakhcè-Roustem et Persépolis. A Mal-Amir, ils ont photographié les bas-
reliefs et les inscriptions de Kaleh Faraoun (la forteresse de Pharaon) et de Che-
kiasft Salmon (la grotte de Salomon), qne l'on ne connaissait encore que par des
croquis très imparfaits. Ces bas-reliefs représentent des personnages vêtus de l'an-
cien costume élamite. Les vêtements qui y sont tigurés, ont la plus grande analogie
avec ceux du roi noir découvert dans les ruines des palais susiens. A Chapour ont
été prises les photographies des bas-reliefs sassanides, également inédits. Enfin, et
ce point est le plus important, M, Babin, sur des indications réitérées et précises
de M. Dieulafoy, a pu faire élever devant le tombeau de Darius, situé à Nakhchè-
Roustem, un échafaudage haut de 20 m. et photographier le testament du grand
roi achéménide. Jusqu'à ce jour, ce document du plus haut intérêt historique n'avait
pu être copié, à raison de sa position, que d'une façon très incomplète. M. Dieula-
foy, à son premier voyage, l'avait examiné en se faisant suspendre à l'extrérnité
d'un cable, mais il n'ava'it pu, dans cette position, manoeuvrer sa chambre noire.
L'échafaudage a permis, en outre, de découvrir sept inscriptions inédites, cachées
sous un enduit calcaire. En faisant tomber cet enduit, on a vu apparaître les ins-
criptions, colorées en bleu turquoise. M. Dieulafoy pense que la coloration des ca-
ractères gravés, destinés à être vus de loin, était un fait général, mais que dans les
autres inscriptions, non protégées comme celle-ci par un enduit, la couleur a été
effacée par le temps.
M. Deloche donne une seconde lecture de son mémoire sur les monnaies frappées
au nom du roi Théodebert P"^.
M. Léon Lallemand lit un travail intitulé : Un Chapitre de l'histoire de l'enfance
abandonnée : les Enfants trouvés en France du x" au xvu« siècle. Au moyen âge, la
plupart des seigneurs justiciers exerçaient, dans leurs domaines, les droits d'épave
et de déshérence : ces droits entraînaient l'obligation corrélative d'entretenir et d'é-
lever les enfants trouvés. Ils s'acquittèrent plus ou moins exactement de ce devoir,
mais leur obligation fut toujours reconnue en droit, et le parlement intervint par-
fois pour les contraindre d'y satisfaire. Dans certaines villes, particulièrernent en
Dauphiné et dans le nord de la France, où les seigneurs n'avaient pas les droits d'e-
pave et de déshérence, l'entretien des enfants trouvés était une des charges de la
communauté des habitants; on trouve souvent dans les comptes municipaux 1 indi-
cation des dépenses que les villes s'imposaient pour cet objet. Les hôpitaux, en prin-
cipe, ne recevaient pas les enfants trouvés; mais, à partir du xn' siècle, on voit sou-
vent les seigneurs ou les villes passer avec les hôpitaux des traités par lesquels
ceux-ci se chargent, moyennant une rente en argent, de l'entretien des enfants. De
plus, un grand nombre d'hôpitaux, placés pour la plupart sous l'invocation du
Saint-Esprit, furent fondés spécialement en faveur des enfants trouvés. Les textes
parlent souvent d'une fenêtre extérieure où les enfants étaient déposés et recueillis;
mais presque jamais, en France, il n'est question des tours, qui paraissent n avoir
existé qu'en Italie. En somme, bien avant saint Vincent de Paul, des mesures étaient
prises presque partout pour assurer l'existence et l'éducation des enfants trouves :
Vincent a eu le mérite de donner une impulsion plus vive à cette torme de 1 assis-
tance publique, dans un moment où la misère générale la rendait plus nécessaire
que jamais, mais il ne l'a pas créée. vu'c
Ouvrage présenté, de la part de l'auteur, par M. Leblant : Schoebel [Qr\.),^nts~
taire des origines et du développement des castes de l'Inde (publication de la Société
académique indo-chinoise). JuHen Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LERQUX-__
Lf- Pu\'. imprimerie iie March^.sxou fils, boulevard Saint- Laurent, si.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N" 39 — 28 septembre — 1885
Sominuice î i68. Bergaigne, Manuel pour étudier la langue sanscrite et Lanman,
Textes sanscrits. — lOg. Goulet d'Alviella, Des préjugés qui entravent l'étude
scientihque des religions. — 170. Kraner, L'armée romaine au temps de (^ésar,
trad. par Baldy et Larroumet. — 171. De Ruble, Antoine de Bourbon et Jeanne
d'Albret, III. — Chronique, — Académie des Inscriptions. — Société des Anti-
quaires de France.
168. — A bel Bergaigne. Manuel pour étudîei* la langue sansci'îte.
Chrestomathie — Lexique — Principes de grammaire. Paris, F. Vieweg, 1884,
xiii-335 p. in-8.
— Charles Rockweli, Lanman. A. «»anscrît rtea<lei> with Vocabulavy and
Notes. Parts I and 11. Text and Vocabulary. Boston, Ginn, Heath and C^, 1S84,
xx-2g3 p. in-8.
La France, qui a inauguré l'enseignement officiel du sanscrit en Eu-
rope, manquait jusqu'ici d'un livre élémentaire approprié à cet ensei-
gnement. Nous avions des textes et des grammaires et: quelques essais,
peu heureux de lexicographie. Mais ces publications, parmi lesquelles
il en est de fort estimables, étaient indépendantes les unes des autres et
ne répondaient d'ailleurs qu'imparfaitement, chacune prise à part, aux
exigences de la pratique. Pour un manuel pouvant servir de base aux
leçons, parfaitement relié en toutes ses parties, à la fois limité aux be-
soins des commençants et complet dans l'intérieur de ces limites, nous
étions absolument tributaires de nos voisins. C'est donc une lacune
dont notre haut enseignement a- souffert pendant soixante-dix ans, que
vient de combler la publication de M. Bergaigne, et le livre n'aurait que
ce mérite là, qu'il serait le très bien venu. Mais il en a d'autres encore :
il est si parfaitement approprié au but proposé, à la fois si pratique et
d'un niveau scientifique si élevé, qu'il fait plus que nous mettre au
courant et que, à plusieurs égards, il pourra servir de modèle encore
ailleurs, où jusqu'ici on était mieux outillé.
Comme l'indique le titre, le Manuel de M. B. comprend trois par-
ties : un choix de textes, un lexique et une grammaire, et chacune de
ces parties est si bien combinée, jusque dans les moindres dispositions,
en vue des deux autres, que l'élève le moins préparé peut aussitôt les
commencer de front, et que, dès le premier jour, sans perte de temps,
rien qu'à suivre le livre, l'enseignement se trouve organisé.
Les textes comprennent : i" 222 sentences morales empruntées aux
Indische Spriiche de M. Buhtlingk. Ces stances sont souvent difficiles;
mais elles ont l'avantage d'être courtes et complètes chacune en elle-
Nouvelle série, XX. Sg
2 14 REVUE CRITIQUE
même. Elles ne laissent pas à Tauention le temps de se lasser, et cons-
tituent ainsi, malgré leur construction parfois compliquée, un excellent
exercice de début pour des esprits déjà mûris et formés aux études clas-
siques. L'auteur a d'ailleurs prévu toutes les difficultés matérielles qui
pourraient arrêter le commençant. Tout ce que l'élève est censé igno-
rer— au début, M. B. ne lui suppose que la connaissance de l'alpha-
bet, des règles générales d'euphonie et de la déclinaison en a, — lui est
fourni par un double système de notes ingénieusement combinées. Ces
notes qui, dans la suite, deviennent de plus en plus rares, apprennent
en même temps à faire bon usage du lexique et de la grammaire et à s'y
retrouver aisément; 2" un épisode du 111'= livre du Mahâbhârata, « le
rapt de Draupadî », en 22 5 distiques, où le mètre trishliibh alterne avec
le cloka ordinaire. Le texte est établi d'après les meilleures éditions :
pour quelques endroits difficiles ou suspects, M. B. a eu recours aux
manuscrits; 3Me V acte de Çakuntalâ, d'après la recension bengalie
publiée par M. Pischel. La chdyâ des passages prâcrits a été retouchée
de façon à rendre non seulement le sens, mais à serrer aussi de plus
près les formes du dialecte vulgaire. Contrairement à Texemple de quel-
ques-uns de ses prédécesseurs, et, en ceci, je ne puis que l'approuver,
M. B. n'a pas donné de place dans son livre à la littérature et à la lan-
gue du Véda. Par contre, je regrette qu'il n'y ait pas admis quelques
spécimens de prose continue, une fable ou deux du Pancatantra ou de
THitopadeça, écrites en style simple, et même quelques pages du Daça-'
kumâracarita par exemple, avec leur abus des longs composés.
De même que les excellentes « Leçons de mots » de MM. Bréal et
Bailly (i88i-i885), le lexique est ordonné suivant l'etymologie. Autant
que faire se pouvait, les dérivés sont placés sous leur primitif et celui-ci,
à son tour, sous la racine. Les composés sont énumérés sous leur der-
nier terme. Ce procédé, qui serait inapplicable dans un dictionnaire
complet ayant pour objet d'enregistrer les richesses de la langue, est ex-
cellent dans un vocabulaire restreint comme celui-ci, destiné avant tout
à en faire saisir la structure. Grâce aux notes et aux renvois répandus
dans tout le livre et particulièrement multipliés dans les premières pa-
ges, l'élève se retrouvera bien vite dans la disposition nouvelle, et il
sera amplement dédommagé du léger surcroit de peine qu'elle lui aura
donné au début, par le profit qu'il retirera de ce constant exercice d'a-
nalyse. En tout cas, cette ordonnance est en harmonie parfaite avec le
caractère général du livre, qui est de réduire autant que possible le tra-
vail purement mnémonique au profit du travail refléchi. J'ajouterai
qu'en fait d'étymologies, M. B. a préféré pécher par excès de prudence.
Ainsi, il n'a pas placé diihitri sous duh, ni kula sous ka?', bien qu'il ait
mis sous ce dernier âkula.
Pour la grammaire, M. B. a suivi en général M. Whiiney, mais en
opérant à son tour quelques changements notables et en imprimant sur-
tout à son exposition un cachet très personnel. Cette exposition est à
D HISTOIRE r:T DR LITTERATURE 215
un haut degré condensée et abstraite. Les exceptions peu compréhensi-
ves ou tout à fait particulières sont renvoyées au lexique. Les paradig-
mes sont réduits au juste nécessaire, Fauteur ayant, sans doute, jugé et
avec raison, qu'il valait mieux laisser à l'élève le soin de les construire
que de les lui livrer tout faits. M. B. est parvenu ainsi à renfermer en
un petit nombre de pages une grammaire qui n'est élémentaire et in-
complète que par rapport à des faits isolés ou rares, dont les textes
choisis n'offraient pas d'exemples. Pour les faits généraux, pour tout ce
qui concerne le mécanisme delà langue, elle est complète. Des change-
ments introduits par M. B., les uns, et ce sont les moins heureux, pa-
raissent n'avoir été faits que pour se rapprocher d'avantage des habitu-
des de nos grammaires classiques. Du moins je n'aperçois pas
d'autre motif à la singulière distribution des noms en trois décli-
naisons : I" thèmes féminins en rt et féminins dérivés en /; 2" thèmes
en d; 3" tous les autres thèmes. Il est vrai qu'il n'y pas ou, plu-
tôt, qu'il n'y a plus à cet égard de tradition demeurée intacte. Ce-
pendant, pour le fond, en ce qu'elle avait de rationnel, on avait con-
servé jusqu'ici l'ordonnance indigène, qui remonte pour le moins à
Vopadeva; personne, surtout, ne s'était encore avisé de déposséder le
masculin d'un rang qu'il occupe depuis qu'il y a une terminologie
grammaticale en sanscrit. C'est pour une raison semblable que les
verbes ont été distribués en deux conjugaisons. M. B. a certainement
bien fait de ne pas s'en tenir à l'ordonnance hindoue des lo classes.
Mais je doute qu'il ait eu raison de simplement la supprimer. C'est dis-
poser bien lestement d'une division sur laquelle repose le Dlidtupdtha,
qui a pénétré largement dans nos grammaires et dans nos lexiques, qui,
d'ailleurs, n'a de factice que l'ordre de ses divers termes et qui, comme
nomenclatiu'e du moins, est indispensable dans une exposition complète
du verbe sanscrit, si on ne veut pas recourir sans cesse à d'intermina-
bles périphrases. En tout cas, il eût fallu la remplacer, ce semble, par
une distribution moins rudimentaire que celle de thèmes se terminant
en a et de thèmes se terminant autrement. N'y aurait-il pas là un peu
de libido novandi? — Une innovation plus profonde et introduite,
celle-ci, en vue des études de linguistique comparative 1, est l'admission
de la théorie de M. de Saussure sur les racines dissyllabiques. Je Lai vu
reprocher à l'auteur ~ comme n'étant pas à sa place dans un livre à l'u-
sage des commençants. Je ne suis pas de cet avis. Une grammaire élé-
mentaire du sanscrit n'est pas un rudiment qui s'adresse à des enfants.
Présentée, d'ailleurs, comme elle l'est ici, cette théorie est inoffensive.
Elle ne préjuge en rien la forme originaire des racines, et elle permet
de présenter d'une façon plus compréhensive un grand nombre de faits
essentiels de la langue. Si j'avais un reproche à adresser de ce chef à
1. Ce point de vue, du reste, est observe d'un bout à l'autre du livre. Le lexique
contient un excellent choix de rapprochements avec les autres langues de la famille.
2. Dans VAcademy du 9 août 1884.
2l6 REVUE CRITIQUE
M. B., ce serait plutôt de n'être pas parvenu, malgré les plus louables
efforts, à lui donner la précision didactique. Les pages qui en traitent,
ont parfois Tallure d'une dissertation plutôt que celle d'un chapitre de
grammaire.
J'ai déjà signalé la cohésion des diverses parties du Manuel de M. B.,
le soin minutieux avec lequel Fauteur a tracé à l'élève la voie qu'il de-
vra suivre, toutes les qualités enfin qui rendent l'ouvrage éminemment
propre à l'enseignement en commun, où il est essentiel que tout le
monde avance du même pas. J'imagine qu'une classe doit marcher ron-
dement et siirement à suivre ce livre. Mais est-il également approprié à
l'étude privée? M. B., qui a prévu le cas, recommande à Télève qui s'y
trouverait, de se conformer à ses indications aveuglément. Le conseil
n'était pas inutile, car le livre est une Hlière, dans laquelle il ne faut
pas s'engager si on ne veut pas y passer jusqu'au bout. D'autre part, la
direction, à n'en pas douter, est excellente. Seulement je me demande
si c'est bien celle qui convient à l'autodidacte, au jeune homme déjà
formé, qui prétend apprendre le sanscrit sans maître. J'en sais du moins
qui auraient refusé de s'y soumettre et qui, à vingt ans, auraient pré-
féré, sous une direction moins vigilante et au risque de quelques faux
pas, se sentir les coudées plus franches ^.
Cette direction moins vigilante, l'élève isolé la trouvera dans le Rea-
der de M. Lanman. Infiniment moins élaboré au point de vue des exi-
gences d'un cours que le Manuel de M. B., le livre du savant américain
soumet l'étude privée à une discipline moins rigoureuse, et se borne à
lui fournir en grande abondance les secours dont elle peut avoir besoin.
Le volume publié ne contient qu'un choix de textes et un glossaire.
L'élève est censé muni de la grammaire de "Whituey, dont le Reader
est en quelque sorte le complément, et à laquelle il trouvera de nom-
breuses références presqu'à chaque ligne. Les conseils de l'auteur et les
instructions, peut-être un peu minutieuses, pour le bon usage du livre,
sont réunis dans l'Introduction et dans un Appendice final. En tête du
volume se trouve une courte bibliographie destinée à orienter l'élève
qui voudra pousser plus loin l'étude de la langue et de la littérature
sanscrites. Le 2" volume contiendra les notes explicatives ainsi que des
renseignements (apparemment fort étendus)de diverses sortes, littéraires, 1
historiques et archéologiques. L'étudiant isolé aura ainsi sous la main,
réunie en deux volumes et recueillie en vue de la complète élucidation
des textes choisis, la substance de toute une bibliothèque. Déjà ces
quelques détails suffiraient à montrer la difTérence qu'il y a entre le but
poursuivi par chacun des deux auteurs, et combien de choses M. L, a
dû admettre dans son livre, que M. B. a fait sagement d'exclure du |
sien.
1. L'impression est fort belle et la correction est irréprochable. En fait de fautes
non relevées dans Vcrrata, je n'ai trouvé que Premières au lieu de Premiers, à la
3^ ligne de la Table des matières.
d'histoire et de littérature 217
Les textes choisis par M. L. comprennent : les cinq premiers chapi-
tres de l'épisode de Nala, du Mahâbhârata; 20 morceaux empruntés à
l'Hitopadeça; six autres pris du Kathâsaritsâgara et d'assez longs ex-
traits du Code de Manu: en tout 68 pages de textes en langue classique,
parmi lesquels on regrette de ne pas trouver quelques spécimens de
cette poésie lyrique et sentencieuse dont M. B. a fait un si judicieux
usage. Le restant de la chrestomathie, 38 pages, consiste en textes védi-
ques, à savoir : vingt-neuf hymnes ou fragments d'hymnes du i^ig
Veda; quatre morceaux de la Maitrâyanî Samhitâ ; un de la Taittirîya
Samhitâ;deux de TAitareya Brâhmana; quatre du Çatapatha Brâh-
mana ; un passage du Nirukta et deux longs extraits du Grihya Sûtra
d'Açvalàyana. Tous ces morceaux sont bien choisis ; ils sont intéres-
sants par eux-mêmes; ils se complètent parfois les uns les autres; ils
diffèrent de ceux qui se trouvent déjà dans d'autres recueils semblables;
enfin, par suite du caractère même du livre, ils n'y sont pas aussi dé-
placés qu'ils le seraient dans celui de M. Bergaigne. Et, pourtant, je
crois que M. L. eût mieux fait de les exclure, les hymnes du moins, et
de les remplacer par des textes en langue classique. Ce n'est pas dans
une chrestomathie qu'il faut faire connaissance avec le Rig Veda.
Les conséquences de ce mélange se révèlent aussitôt dans le glos-
saire. Celui-ci se compose en effet de deux parties distinctes : des mots
dont l'interprétation est certaine et beaucoup d'autres dont l'interpréta-
tion ne l'est pas, et, ce qui est plus fâcheux encore, sans que l'étudiant
soit averti, ne fût-ce que par un signe, de la différence. A part ce dé-
faut, ce glossaire est fait avec beaucoup de soin, et M. L., tout en pre-
nant pour base le Dictionnaire de Saint-Pétersbourg, y a mis beaucoup
de travail personnel et indépendant. L'évolution du sens des mots a
été l'objet d'une attention spéciale. La partie comparative est très riche
et les matériaux en sont bien choisis. Les formes verbales, comme le
comportait d'ailleurs la destination différente du livre, sont données
d'une façon plus complète que dans le lexique, un peu trop maigre
peut-être à cet égard, de M. Bergaigne. Par contre, il y a décidément
excès dans la nomenclature des composés, que M. L. enregistre à leur
rang, tous sans exception.
Imprimé avec une rare élégance sur un fort et beau papier à grandes
marges, le Sanskrit Reader de M. Lanman est un véritable joyau ty-
pographique.
A. Barth.
2l8 RRVUE CKITIQUE
169. — I>es pi'éjngés qui enti-avent l'élude tsclentînque des roligtons,
leçon d'ouverture du cours d'histoire des religions à l'Université de HruxcUes,
par le comte Goblet u'Alviella. Bruxelles, librairie Muquardt, 34 p. in-8,
i885.
Le mérite de cet opuscule consiste en une série d'idées Justes, de ré-
flexions sages, énoncées sous une forme agréable et ingénieuse; son dé-
faut est qu'il ne dit guère que ce que tout le monde sait ou devrait
savoir et que l'auteur s'arrête au seuil même du sujet qu^il prétend abor-
der. C'est un ragoût bien composé; nous y retrouvons avec plaisir des
viandes et des ingrédients de bonne qualité, mais nous regrettons qu'il
n'y ait été fait usage que de recettes tombées depuis dix ans dans le
domaine public.
M. Goblet d'Alviella, qui n"'est point un savant, pas même un érudit,
est, en revanche, un lettré d'une curiosité très éveillée et d'un jugement
perspicace. Il réclamait depuis plusieurs années qu'une place fût faite
dans le haut enseignement belge à l'étude des religions, envisagée en
dehors des points de vue confessionnels; il était doublement désigné
pour inaugurer un cours de cette nature après la publication de l'œuvre,
extrêmement remarquable, qu'il a intitulée: L'évolution religieuse con-
temporaine che^ les Anglais, les Américains et les Hindous '.
M. G. s'est proposé d'indiquer à ses auditeurs les principaux des
préjugés qui tendent « à entraver l'application des méthodes scientifi-
ques à l'étude des phénomènes religieux. » Le premier de ces préjugés
est le préjugé religieux ou, plus exactement, du dogmatisme religieux,
qui s'oppose à la fois à l'examen de la religion qu'on professe et à celui
des religions étrangères, l'une étant considérée comme ayant un carac-
tère divin, les autres, en revanche, comme plus ou moins diaboliques,
sinon simplement inférieures ou dérivées. Le second préjugé est le pré-
jugé anti-religieux, qui confond dans un mépris commun toutes les
doctrines et tous les sacerdoces, parfois avec quelque indulgence pour le
paganisme gréco-romain.
Vn troisième préjugé est le pvé]ug,é philosophique, autrement dit « la
préoccupation de trouver dans les faits la confirmation d'une doctrine
arrêtée d'avance. » Ainsi la doctrine de Comte, exigeant que toute
religion traverse successivement les trois phases du fétichisme, du poly-
théisme et du monothéisme. D'autres, à leur tour, présentent les di-
verses religions historiques « comme l'écho atïaibli d'un monothéisme
primitif. »
En quatrième lieu, il faut segarder des généralisations hâtives. Tel sou-
tient que les religions ont été inventées par les prêtres, en constatant l'art
de certains sacerdoces à maintenir des cultes caducs ; un autre veut voir
I. Il est assez bizarre que M. G. débute par une indication inexacte sur l'enseigne-
ment de l'histoire des religions en Hollande. Ce n'est pas, comme il l'indique, à
Leyde seulement que cette discipline est professée, mais bien dans les quatre uni-
versités du royaume.
D HISTOIRE ET DE MTTÉRATURE 2 I g
dans tous les dieux des hommes divinisés. Un troisième abusera de Tcx-
plication, partiellement légitime, des mythes et des panthéons par des
personnitications ou déifications de phénomènes, forces et corps natu-
rels. Chacun, dans cet ordre d'idées, a cru devoir insister, soit sur le
rôle joue par le soleil, soit sur celui prêté à Torage, sans parler de ceux
qui ont relevé de préférence la circonstance de métaphores du langage
prises au pied de la lettre ou qui ont imaginé la mythologie dite ocu-
laire ou iconographique '<. Ma conclusion, dit M. G., sera qu'il y a du
vrai dans chacune de ces ingénieuses théories et même qu'à elles toutes
elles n'épuisent pas la matière. » 11 ne faut pas non plus voir partout
des mythes, vaporiser faits et personnages religieux, affirmer des filia-
tions entre religions séparées par le temps et l'espace quand on ne pos-
sède point la connaissance des intermédiaires.
Le cinquième préjugé que combat M. G. est celui des sciences parti-
culières, linguistique et anthropologie, qui ont la prétention de « faire
de rhiérographie une simple province de leur empire respectif. » Les
linguistes prétendent tout expliquer par le dictionnaire, les ethnogra-
phes et folkloristes protestent de toutes leurs forces, etc. D'après M. G.,
ni les uns n'ont tout à fait raison, ni les autres tout à fait tort. A le bien
prendre, les diverses sciences « se contrôlent, se corrigent et par consé-
quent se complètent les unes les autres. »
J'ajouterai à ce résumé que mon analyse fait peut-être un peu de tort
à la « leçon d'ouverture » de M. G., en ce sens que ses différentes propo-
sitions sont généralement illustrées pav des détails heureusement choisis
et des allusions intéressantes. Je crains toutefois qu'une telle analyse ne
justifie que trop les réserves que j'ai placées en tête de ce compte-rendu.
C'eût été là une bonne conférence; c'est une médiocre leçon de haut
enseig!iement.
Ce qu'il aurait fallu dire, d'après nous, ce n'est pas qu'on fera de la
bonne hiérographie avec une cote mal taillée entre cinq ou six systè-
mes, mais déclarer que tous ces systèmes sont aussi mauvais les uns
que les autres et que le commencement de la sagesse consiste à les jeter
par dessus bord sans exception. Sans doute, il est juste de dire que quel-
qu'un qui en est à distinguer entre religion révélée ou surnaturelle et
religions naturelles ou fausses, est mal partagé pour étudier scientifique-
ment l'iiistoire des religions. Mais j'avoue que je suis de plus en plus
tenté de ranger dans la même catégorie quiconque croit possible et
préconise n'importe quelle explication générale des religions. 11 y a
certainement moins d'invraisemblance à dire que la religion a com-
mencé par un état premier assez pauvre pour s'élever petit à petit à
des systèmes aussi élevés que compliqués qu'à soutenir la thèse oppo-
sée. Ce n'est toutefois là qu'une hypothèse absolument gratuite.
Quand donc je lis dans le résumé le plus solide, le plus étudié qu'on ait
produit à cette heure de nos connaissances en matière d'histoire des reli-
gions, dans le manuel de M. Tiele, que j'ai été heureux de donner déjà
2 20 RKVUK CKlTlQUl!:
deux fois en français à ceux de nos concitoyens qui désirent être rensei-
gnés en CCS matières, des déclarations comme celles-ci : « Différentes
raisons rendent vraisemblable que, à la plus ancienne religion, qui n'a
laissé que de faibles traces, a succédé une période où dominait généra-
lement l'Animisme, lequel aboutit de bonne heure aux religions natio-
nales polythéistes, d'où sont sorties des religions nomistiques, puis des
religions universalistes etc., » je crains qu'il n'y ait là-dessous une
grande illusion, une fantasmagorie, j'irai jusqu'à dire, de la fantaisie.
Ce sont constructions de tête auxquelles les laits se laisseront plier, mais
qui ne sortent pas des faits. Je qualifierais plus sévèrement encore le
titre adopté pour les conférences anglaises de la fondation Hibbert :
Origin and growth of religion as illiistrated bj" the t'eligions of...
suit à volonté le nom de Tlnde, de l'Egypte, etc. II y a là de quoi in-
duire positivement le public en erreur. Parler du développement ou de
la croissance de la religion, c'est déjà risqué; annoncer qu'on jettera de
la lumière sur son origine est un propos qui n'est pas supportable.
Mais si nos hiérographes les plus sérieux font preuve d'une déplora-
ble absence de méthode, de plus en plus visible en cette fin de siècle,
rachètent-ils au moins ce défaut par la solidité de leurs tableaux de détail,
par la sûreté de leurs informations sur tel peuple, telle époque?
Hélas! là aussi, il faut répéter : fantasmagorie, fantaisie. Quand bien
même, en effet, on viendrait déclarer que les classifications adoptées
n'ont pas d'autre valeur que celle d'un cadre empirique, quand bien
même on sacrifierait résolument la chimère de la recherche des types
de race, que j'ai vu avec plaisir M. James Darmesteter déclarer « aban-
donnée déplus en plus dans l'histoire religieuse, » quand bien même on
dirait entendre au sens le plus modeste la méthode comparative appli-
quée aux religions', quand bien même les hiérographes sacrifieraient
mainte autre encore de leurs détestables habitudes, il n'en résulterait
pas encore que les données prétendues positives de notre discipline fus-
sent toujours très dignes d'être prises au sérieux.
Citons en quelques-unes. Qu'est-ce que l'ancienne religion sémitique
en général, et qu'est-ce que 1' « accadisme » en particulier? En matière
de religion israélite, dont je m'occupe spécialement, il me sera permis
de déclarer que les tableaux de la dite religion du x« au vi" siècle avant
notre ère, tels que les donnent les historiens les plus sobres, sur dix faits
qu'ils allèguent, en rapportent peut-être un ou deux dignes de foi; je ne
I. En matière de linguistique on a des occasions de constater l'état d'un idiome,
lequel se brise en dialectes à un moment donné de telle façon qu'on peut suivre
l'évolution parallèle de la langue dans dit^érents embranchements sortant d'un tronc
commun et connu (exemple : les langues romanes). C'est là un emploi de « la mé-
thode comparative. » Prétendre agir de même en matière religieuse, comme on l'a
tenté pour le groupe indo-européen ou le groupe sémitique, c'est tromper les autres
après s'être trompé soi-même. Mais il serait licite de le faire pour les sectes et
embranchements du christianisme, du brahmanisme, de l'islamisme.
D HISTOIRK ET DK LITTERATURE 22 1
parle pas des « origines», qui n'ont rien à voir avec l'histoire. Que
pense-t-on, d'autre part, de la religion aryenne primitive? Sait-on lort
bien ce qu^on peut appeler Védisme? — U est inutile de prolonger cet
aperçu critique.
Est-ce d'ailleurs de religion seulement qu'il est traité dans ces divers
chapitres, c'est à-dire d'un ensemble de conceptions sur la divinité et du
culte rendu à celie-ci? Non; on y mêle perpétuellement la mythologie,
qui est souvent tout autre chose et le folklore, qui n'est plus du tout
cela.
En dehors de quelques époques historiques où le pied pose, — se-
conde partie du judaïsme, christianisme (sauf les origines), islamisme,
partie des religions de Flnde, de la Perse, de la Chine, du monde gréco-
romain, etc., — ne serait-il pas juste de dire que les tableaux que nous
traçons de mainte religion du passé valent généralement celui qu'on
composerait delà religion de la Grèce avec le bagage mythologique de
la langue du xvine siècle 'l
Quelle conclusion tirer de là? C'est que Fetude de l'histoire des reli-
gions ou hiérographie en est encore à la péiiode de l'enfance, qui se
caractérise par Tabus des systèmes. La bonne œuvre à faire serait de
Tarracher à cette ornière en appliquant rigoureusement aux faits de son
domaine les règles sévères qui ont renouvelé de notre temps Tétude de
ia linguistique et de certaines parties de Thistoire. Cataloguer les faits,
soumettre ceux-ci et les textes à un épluchage rigoureux, les dater le
mieux qu'il est possible, en un mot, amasser des matériaux de bonne
qualité scrupuleusement vérifiés, qui pourront servir ultérieurement à
des constructions plus ou moins considérables, voilà la tâche du présent.
Il est grand temps, — je prends la liberté dedédier ce conseil à mes con-
frères en hiérographie, — que nous nous décidions à entrer résolument
dans cette voie de pleine sincérité, si nous voulons tenir notre rang
parmi les historiens. Sinon, la curiosité bienveillante dont nos études
sont aujourd'hui l'objet, ne tarderait pas à faire place à la méfiance, qui
précède le discrédit. Voilà, dirai-je enfin en me tournant du côté de
M. Goblet d'Alviella, les préjugés, les plus difficiles à déraciner, « qui
entravent l'étude scientifique des religions, » l'esprit de système en géné-
ral, l'absence de rigueur ou de méthode dans le détail.
Maurice Vernes.
170 — F. Kraner. s.'ariiîéc ronriMÎn*^ îiu feiups de <:ësaj-, ouvrage traduit
de ralleniand sous la direction de M. K. Benoist, par MM. L. Baldy et G. Lar-
ROUMET. (Paris, 1884, in- 12, chez Kiincksieck).
Pour juger un livre avec équité, il ne faut pas y chercher plus que
que les auteurs n'ont voulu y mettre; or le petit volume traduit de
Kraner tient ce qu'il promet : les élèves et surtout les étudiants v
2 22 'RKVUR ClUTIQUE
trouveront à bon compte, en vue de l'explication de Ce'sar et des au-
teurs contemporains, des renseignements précis sur l'état de l'armée
romaine à la fin de la République. Un pareil livre n^existait pas encore
en français. Les notes ajoutées par les traducteurs sont sobres, intéres-
santes et généralement exactes; elles renferment même certains rappro-
chements entre les institutions militaires romaines et nos institutions
modernes, qui rendent la lecture de ce précis moins aride. Enfin cinq
planches, empruntées aussi à un livre allemand, sont des commentaires
utiles à l'intelligence du texte.
Il nous faut cependant exprimer une grave réserve : il est à craindre
que ce livre, tel qu'il est, ne soit regardé par les étudiants, suivant une
expression que nous empruntons à la préface, comme a un ensemble
suffisant de renseignements » sur l'armée romaine. Si les cent petites
pages qui le composent figuraient, comme chez l'auteur allemand, en
tête d'une édition de César, cette crainte n'aurait point de raison d'être;
mais présentées en volume détaché, sous une couverture où on lit seu-
lement ces mots : l'Armée 7'omaine, elles induisent en erreur ceux qui
les consulteront. Or, il ne faut pas oublier que l'époque de César ne
répond qu'à une des nombreuses transformations de l'armée romaine :
ce n'est qu'une période de transition qui prépare l'armée permanente
de l'empire avec les restes de l'armée républicaine. Les traducteurs au-
raient dû en prévenir leurs lecteurs.
R. C.
171. Antoine de Bourbon et Jeanne «l'Albret, suile de le mariage de
Jeanne d'AIbret, par le baron Alphonse de Ruble. Tome III. Paris, Adolphe
Labitte. i885. Grand in-8 de Sgi p.
Le tome III du grand ouvrage consacré par M. de Ruble à Antoine de
Bourbon et à Jeanne d'Albret renferme le récit des événements écoulés
depuis la mort de François II (5 décembre i56o) jusqu'à la conclusion
des négociations duroi de Navarre avec l'Espagne (fin de l'année i56i),
Quoi, dira-t-on peut-être, tout un volume pour une seule année?
Jeanne d'Albret étant morte en 1572, cela n'annonce- t-il pas une dou-
zaine de volumes encore? Mais que ceux à qui font peur les longs ouvra-
ges se rassurent! La règle de proportion ne doit pas être appliquée en
ces circonstances. Le développement du récit dans le tome III, comme
dans le futur tome IV, lequel paraîtra l'an prochain, est justifié par l'im-
portance du rôle officiel joué par Antoine de Bourbon pendant les an-
nées i56i et i562, où ce prince exerça les fonctions de lieutenant-
général du royaume. Presque toutes les grandes affaires de ces deux
années ont dû entrer dans le cadre très élargi de l'auteur. Ce cadre se
rétrécira beaucoup après la mort d'Antoine de Bourbon (17 novembre
l 562), et M. de R., n'ayant désormais à s'occuper que de Jeanne d'Al-
d'histoire KT de LITTÉKATUUR 2 23
bret, deux volumes lui suffiront probablement pour achever de raconter
la vie de la mère de Henri IV.
J'ai déjà donné, dans trois articles assez étendus, tant d'indications
sur le Mariage de Jeanne d'Albret et sur l'ouvrage qui fait suite à
celui-là, que je crois pouvoir ne pas m'arréter longtemps devant un vo-
lume où l'on retrouve toutes les qualités précédemment louées. J'imite
ainsi M. de R. qui, après s'être donné libre carrière, veut se resserrer et
se restreindre.
Le biographe d'Antoine de Bourbon et de Jeanne d''Albret complète,
dans le tome III, comme dans les tomes précédents, tous les historiens
qui, avant lui. ont le mieux étudié le xvr siècle. De même que son en-
quête reste toujours aussi vaste et profonde, de même son récit reste
toujours aussi fidèle et lumineux. Ecrivains du temps français et étran-
gers, princes et ministres d'Etat, diplomates et chroniqueurs, tous sont
interrogés, confrontés, tous livrent leurs secrets, tous concourent à pro-
duire une trame solide, excellente, durable à jamais. En ce qui concerne
particulièrement Charles IX, je doute qu'on trouve ailleurs des rensei-
gnements à la fois aussi abondants et aussi curieux. Tantôt, à côté d'un
témoignage de Davila, favori de Catherine de Médicis, et qui reçut
les confidences de cette princesse', est mentionné (p. 12) un témoi-
gnage confirmatif emprunté aux 7Vfeî72o/re5 de Jacques Melvil (1594).
Plus loin (p. i5) une assertion de Brantôme est certifiée par une dépê-
che de l'ambassadeur vénitien Michel Suriano. Au contraire (p. 16), les
lettres des diplomates de Venise sont indiquées comme étant en desac-
cord avec un récit de Vincent Carloix -. Les auteurs le plus souvent
cités par M. de R., outre Brantôme et Davila, sont d'Aubigné, dont il
doit publier, pour la Société de l'Histoire de France, V Histoire uni-
verselle enrichie d'un commentaire perpétuel, Théodore de Bèze, Cal-
vin, Scipion Du Pleix, Hotman, La Place, La Popelinière, Jean de
1. M. de R. fait remarquer (p. yj, note i) qu'il cite à dessein très souvent les
deux plus considérables historiens de chaque parti, Davila pour les catholiques, et
Pierre de la Place pour les protestants. Il ajoute que tous les autres historiens les
ont suivis. Mais ce ne sont pas seulement les écrivains calvinistes, Th. de Bèze en
tête, qui ont copié P. de la Place; ce sont aussi sur quelques points spéciaux,
comme l'a constaté M. de R. (p, 79, note 21, Davila et Du Pleix. A propos de co-
pies, mentionnons ce renseignement sur Piguerre, l'auteur de V Histoire française
de notre temps (i58i, in-foj : « Cet annaliste ne s'est point inspiré de La Popeli-
nière, comme on l'a écrit souvent, mais de Belleforest. »
2. M. de R. cite (p. 262) sur le voyage de Vieilleville en Allemagne quelques phrases
de V. Carloix, notamment celle où ce chroniqueur signale « avec un accent de recon-
naissance » les festins de bienvenue donnés à son maître et, à Heidelberg, une em-
buscade de 5o ou 60 bouteilles de vin d'Alsace, très excellent, et il ajoute (note i) :
« Le récit de Carloix est très imagé et peint les mœurs de l'Allemagne du xvi*" siè-
cle (VllI, ch. XVII et suiv.) Malheureusement il est rempli d'erreurs de dates. Ainsi
la mission de Vieilleville est portée à l'année i5tj2. La lette de Maximilien, que
nous citons un peu plus loin, sans compter beaucoup d'autres preuves, montre que
la mission eut lieu au commencement de i56i. »
22 I REVUK. CRITIQUE
Serres, J. A. de Thou, pour lequel il éprouve beaucoup d'admiration '.
Après avoir indiqué comme particulièrement intéressantes les pages
de M. de R. sur les Etats généraux d'Orléans (i3 décembre i56o-
3i janvier i56i] % sur le départ de Marie-Stuart pour TÉcosse
(i5 avril i 56i), sur le colloque de Poissy (9 septembre-9 octobre 1 56i),
je reproduirai, comme spécimen de Thabile critique de l'auteur une
petite dissertation où il discute avec une rare précision une question
qui jusqu'à ce jour semblait quelque peu douteuse (p. 78, note 2) :
« On trouve dans les Mémoires de Condé (t. III, p. 209) et dans les
Mémoires-Journaux du duc de Guise (p. 464) une pièce intitulée :
Sommaire des choses premièrement accordées entre les ducs de Mont-
morency, connestable, et de Guyse, grand maître, pair de France^ et
le mareschal de Saint-André, pour la conspiration du triumvirat...
Cette pièce est un plan de campagne, dont le but est la destruction de
la maison du roi de Navarre et de tous les Huguenots : premièrement.,
ajin que la chose soit conduite par plus grande authorité, on est
d'avis de bailler la superintendance de tout l'affaire au roy Philippe
catholique... Cette pièce a été acceptée par M. Capefigue, qui, après en
avoir publié une partie (Hist. de la Ré/orme, de la Ligue... v. II,
p. 243), ajoute en note (p. 245) : J'ai trouvé cette pièce, qu'on a crue
supposée, en original et signée dans les niss. Colbert ». M. Michelet
la regarde comme supposée {La Ligue et Henri /F, p. 466) et M. ^euri
Martin, qui l'avait d'abord accueillie, la repousse dans la dernière édi-
tion de son Histoire de France (t. IX, p. 8i, note). Pour nous, malgré
le témoignage de M. Capefigue ■'^, nous ne pouvons croire à l'existence
d'un tel pacte; il faudrait en voir l'original pour y croire, et personne
de ceux, à commencer par nous, qui Tout cherché dans le fonds Col-
bert, ne l'y a trouvé. Sa présence dans les papiers du duc de Guise lui
donne une certaine valeur, mais seulement la valeur d'un projet, d'un
1. M. de R. relève (p. 118) « une des rares erreurs de ce grand historien ». Rele-
vons, à notre tour, au sujet de ce même historien, une inadvertance de l'auteur
(p. 162) : « De Thou a retraduit le texte en français » (1740. t. III, p. 6o\ M. de R.
citant (p. 164, note i) les Annales de Raynaldi, appelle Raynal ce continuateur de
Baronius. Un autre nom est encore mal imprimé dans le livre de M. de R. : c'est
celui du Père Polanc transformé (p. i85) en Polenque. C'est par Polanc que l'on a
rendu le nom de Polancus en tête des deux traductions françaises que nous possé-
dons (Douay, lôSg; Lyon i6o5) du Directorium brève ad confessarii, etc. (Louvain,
1554, in-12). Comment M. de R, qui nous a donné de si excellentes notes biblio-
graphiques sur Simeoni (p. 91), sur Charles du Moulin (p. 209), et qui est un si
distingué bibliophile, s'est-il contenté de dire vaguement que le P. Polanc composa
un traité sur la Conduite des Confesseurs? C'est en matière bibliographique sur-
tout qu'il faut mettre les points sur les i.
2. M. de R. ne donne aucun renseignement biographique sur l'orateur du tiers-
état, Jean Lange, alors avocat, plus tard conseiller au parlement de Bordeaux. Je me
suis occupé de ce personnage dans un article spécial de la Revue catholique de
Bordeaux, du 16 novembre i883 (p. 683-6q7).
3. Ce témoignage n'a jamais été de grande valeur. N'a-t-on pas surnommé Capefi-
gue le Varillas du xix» siècle.'
d'hISTOIRIC I'.T DK r.ITTKKATUUE 225
conseil d'un mauvais conseil qui fut donné au duc de Guise. Entin, ce
qui prouve absolument que ce pacte n'a jamais existé, c'est qu'il n'en est
jamais parlé dans les lettres de l'ambassadeur d'Espagne à Philippe II,
lettres qui existent encore au complet et sans lacune pour cette pé-
riode ^ » ^ T
1 . DE L.
CHRONIQUE
FRANCE. — L'Université du lo septembre (Paris, Léopold Cerf) renferme les
discours que MM. Ernest Desjardins, Himly, Hauréau, Jourdain et Saripolos ont
prononcés aux funérailles de M. Egger. M. Desjardins a parlé des travaux si nom-
breux de l'helléniste qui se recommandent tous également par le savoir, la patience
des recherches, le soin de la composition, et il a montré dans M. Egger l'arbitre
des études grecques « se tenant toujours au courant et voulant être instruit, des
premiers, de la moindre ligne de grec découverte en Egypte, à Athènes ou à Rome.»
M. Himly a rappelé les grands mérites du professeur, devenu le représentant attitré
de l'hellénisme français, ainsi que ses qualités de cœur. M. Hauréau a loué la cri-
tique sagace et ingénieuse du collaborateur du Journal des savants. M. Jourdain a
parlé au nom de l'Association pour l'encouragement des éludes grecques dont
Emile Egger était le président et le « chef vénéré ». M. Saripolos a « fait entendre
Ja voix d'un Hellène; Egger, a-t-il dit, était notre /To.vè/ie à Paris..., le irait d'u-
nion entre la France et la Grèce.
I. L'auteur dit encore{p. 74) : « M. Henri Martin signale (t. IX, p. 81, note) une
copie de ce pacte prétendu, comme conservée dans le vol. ii5 du supplément fran-
çais, f" i3i V à la Bibliothèque nationale (actuellement f. fr. vol. loigS). Cette indi-
cation n'est pas plus exacte que celle de M. Capefigue. A la place indiquée se trouve
un Alemorial sans rapport avec l'acte du triumvirat, et qui est imprimé sous le titre
de Requête dans les Mémoires de Condé, t. III, p. 38S ». — En finissant, complimentons
M. de Ruble sur le choix et l'abondance des Pièces justificatives de son volume
(p. 3 1 3-387). Parmi ces pièces qui sont au nombre de 72, on remarque une lettre
de la dame de Noailles à la reine de Navarre, écrite de Bordeaux le 24 novembre
i56o, une lettre de Catherine de Médicis (du 3 décembre i56o;, deux lettres de Sé-
bastien de l'Aubespine, évêque de Limoges, ambassadeur de France en Espagne
(28 décembre i56o et 4 avril i5'ji), une lettre de Leonor de Roye, princesse de
Condé (29 décembre i56o), une de Philippe II au roi de Navarre (décembre i56o),
diverses lettres du roi de Navarre à Tavanncs (23 février i36i;, au parlement de
Paris (22 février i56i), à Charles de Coucy, seigneur de Burie (28 février i5(ji),etc.,
les lettres patentes par lesquelles Charles IX accorde au roi de Navarre la lieute-
nance générale du royaume datées de Fontainebleau, 8 avril i56i. [Voir (p. 7C1) une
note sur l'importance de ce document inédit dont l'original sur parchemin est con-
servé aux archives des Basses-Pyrénées et dont on n'a de copie ni à la Bibliothèque
nationale, ni aux Archives nationales], le récit du sacre de Charles IX (i5 mai i56i)
extrait de la grande histoire inédite du président Montagne (F. Fr. 15494), une
lettre du duc de Guise à la reine (28 juillet 1 502), un rapport du seigneur de Crussol
à la reine (novembre i56i) sur la tentative d'enlèvement du duc d'Orléans par le
duc de Nemours (F. Fr. 6608), enfin l'analyse de plusieurs lettres de Babou de la
Bourdaisière, ambassadeur à Rome, de Chantonay, l'ambassadeur du roi d'Espagne
à Paris, de Charles IX, de Michel Suriano, ambassadeur de Venise, etc.
2>6 RRVUK CRniQlJK
— La première livraison du deuxième fascicule du Recueil d'archéologie orientale
de M. Ch. Clermont-Ganneau (p. 81-96) a éié présentée à l'Académie des Inscrip-
tions et Belles-Lettres dans la séance du 18 septembre. Elle contient : V inscription
phénicienne de Mac'Soub, une inscription phénicienne de Tyr et une nouvelle dédi-
cace à Baal Marcod, Ces monuments sont reproduits en fac-similé.
— M. F. Plf.ssis vient de faire paraître un Essai sur Calvus (Caen, Le Blanc-Har-
del. In-8°, 24 p.). Il retrace la vie de Calvus; il réfute en passant l'opinion de
M. Couat qui voit dans (Calvus une sorte de « Pascal païen » (à cause du mot de
Pline l'Ancien, que Calvus s'attachait aux reins et aux flancs des lames de plomb
pour vaincre le désir et conserver l'intégrité de ses forces et de sa volonté); il rap-
pelle les témoignages des anciens sur Calvus et pense que « ce dernier remportait
l'avantage sur Catulle dans la versification pour la solidité du vers et pour la sou-
plesse de la phrase poétique ». L'appendice renferme les vers de Calvus qui nous
sont parvenus.
— Une notice de M. Eugène Muntz dans la Galette archéologique (tirage à part.
Paris, Lévy) nous renseigne sur un plan de Rome à la fin du xiv* siècle; ce plan
dont M. NL donne la photographie, appartient au Livre d'heures du duc de Berry,
ce joyau de la bibliothèque de Chantilly; il représente les principaux monuments
de Rome avec une extrême netteté; M. Eug. Mùntz montre qu'il dérive du même
original que le plan de Taddeo di Bartolo publié par M. Stevenson ; ce dernier plan
est plus exact et plus détaillé, mais celui dn Livre dt heures représente fidèlement la
pyramide de Cestius, le fort Saint-Ange et le cours du Tibre.
— Sous un litre que deux publications de M, Taschereau ont rendu jadis fameux,
M. Paul CoTTiN, de la bibliothèque de l'Arsenal, a entrepris une Revue rétrospective
bi-mensuel!e, dont la seconde année a commencé le \^'^ juillet (librairie Lepin, au
Palais Royal, 8 fr. par an). D'un format commode et d'une typographie élégante, la
Revue rétrospective se préoccupe, comme elle le dit, de la qualité à défaut de la
quantité, et tout en restant fidèle à son titre, elle demande volontiers au passé un
écho des préoccupations du présent. L'histoire y tient légitimement la plus large
part : citons à l'appui une relation inédite de la reddition de la Bastille, un journal
de M. Boyer, régisseur du palais de Fontainebleau, pendant l'invasion de 1870, deux
notes inédites de Saint-Simon, deux lettres à Louis Boulanger et une hymne « an-
glophobe » de Victor Hugo, les Pompadouriques, ode dans le goût de La Grange-
Chancel, divers rapports de police extraits des archives de la Bastille, des lettres de
Hoche, Kléber, Vandamme, de très nombreux documents sur les origines et les épi-
sodes de la guerre, etc. Regrettons toutefois que M. Cottin ait réimprimé cette Re-
lation de la mort de Louis XV, par le duc de la Rochefoucauld, que connaissent tous
les lecteurs de Sainte-Beuve, et une lettre sur un projet d'incendie de la Bibliothè-
que nationale par Hanriot, que M. Henry Martin avait déjà publiée dans le Cabinet
historique.
— M. Ph.TAMizEY DE Lauroque publie Qitelques pages inédites de Louis de Re-
chignevoisin de Guron, évêque de Tulle et de Comminges. (Tulle, Crauffon. In-8",
38 p.). On trouve dans cette brochure un mémoire autobiographique adressé par
Guron en 1681 à Baluze qui préparait alors son histoire de Tulle et huit lettres
complétant ce rapide croquis; dans la lettre du 23 sept. i652, Guron se plaint à
Mazarin d'une retenue de trois mille livres sur les revenus de son évêché; dans celle
du 6 mai 1654, il lui donne des explications sur un bref d'Innocent X, relatif aux
querelles du Jansénisme; dans celle du 4 mai 1681, il réunit de curieux détails sur
Pierre de Marca et sur Richelieu. Cette dernière lettre est le clou du recueil. Marca
dit une fois à Guron que Richelieu « voulant dominer dans l'Église comme il fai-
DHISTOIR!-: KT DK LITTERATURE 227
sait dans l'État, eut la pensée de se taire patriarche d'Occident »'; Marca fut chargé
d' <■< apprécier cette pensée par des écrits » et rédigea un mémoire dont Richelieu
ne << fit ni cas ni estime » (en 1641 et 1642).
— La remarquable conférence que M. Gustave Larroumet avait faite le 14 février
à laSorbonne, pour l'association scientifique de France, sur les Béjart, a paru dans
les n's du 5 et du 12 juillet du « Bulletin hebdomadaire de l'Association scientifi-
que « et vient d'être tirée à part (Gauthier Villars. In-S", 32 p.)
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du i8 septembre iS85.
M. P.-Charles Robert, dans un mémoire intitulé : Disséminaiton et centralisation
alternatives de la fabrication monétaire depuis la période gauloise jusqu'au commen-
cement de la seconde race, esquisse l'histoire du monnayage dans notre pays aux
temps des Gaulois, des Romains, des Mérovingiens et des premiers Carolingiens.
11 montre le monnayage gaulois débutant vers le golfe de Narbonne par l'imita-
tion des bronzes de la Sicile, dans le bassin de la Garonne par celle des drachmes
d'argent de la colonie grecque de Rhoda d'Ibérie; dans ce que César appela plus
tard la Celtique, par la contrefaçon des statères d'or de Philippe et d'Alexandre
de Macédoine; sur d'autres points, enfin, par des types empruntés à diverses villes
ou colonies de la Grèce ou de la Grande Grèce. Toutes ces contrefaçons sont d'a-
bord d'une belle exécution, qui confirme ce que Strabon a dit de la culture grecque
qu'avaient possédée les anciens Gaulois, mais qu'ils avaient en grande partie perdue
à la longue. Aux contrefaçons exactes succèdent peu à peu des imitations dégéné-
rées qui se chargent d'accessoires bizarres et qui trahissent par leur extrême variété
l'existence d'un grand nombre d'ateliers. Les types romains s'introduisent ensuite
dans la Gaule; reproduits fidèlement dans les contrées voisines de l'Italie, ils ne
pénètrent chez les Belges, comme les types grecs, que transformés et dégénérés, et
il arrive parfois que l'importation latine se combine avec la tradition grecque. Les
poids des monnaies gauloises, sans être aussi variés que les types, dénotent plu-
sieurs systèmes, et, ainsi que l'a remarqué jadis M. de Longpérier, il arrive que
des monnaies empruntées aux types grecs, quant au poids et au système monétaire,
prennent plus tard le poids romain, tout en conservant le type primitif plus ou
moins dégénéré. Les légendes autonomes, qui n'arrivent qu'assez tard, trahissent
aussi une grande dissémination monétaire. Si elles peuvent encore présenter des
noms de rois sur certains points de notre Gaule, comme elles le font dans l'île de
Bretagne, elles semblent ne montrer que des noms de magistrats dans la Celtique,
où elles sont très abondantes. Ces magistrats qui signent la monnaie paraissent à
M. Ch. Robert être de deux sortes : le magistrat politique, qui se nommait vergo-
biet, et un magistrat ou un agent monétaire qui met son nom à côté de lui, ou
qui parfois signe seul la monnaie. Ce personnage met son nom sans qualification,
suivant l'usage général des monnaies gauloises, où les titres, quels qu'ils soient, et
même l'indication de la filiation, sont excessivement rares. Ce mode de garantie
donnée au signe d'échange était emprunté aux villes grecques, où le chef de la
cité ne mettait pas toujours son nom sur les espèces, tandis qu'elles sont signées
soit avec lui, soit sans lui, par des personnages chargés de la fabrication monétaire
ou de son contrôle.
A la dissémination gauloise succède la centralisation romaine. L'atelier de Lyon
et ceux de Trêves et d'.'\rles, qu'on y joignit plus tard, suffirent, en temps normal,
aux besoins de la circulation de toute la Gaule. C'est une grave résolution économi-
que dans le régime de la monnaie; M. Robert fait remarquer combien cette centra-
lisation extrême contraste avec la dissémination gauloise.
A l'époque mérovingienne, les Francs installés en Gaule imitèrent d'abord les
monnaies d'or d'Anajtase, de Justin et de Justinien, de même que les Gaulois avaient
imité les statères d'or de Macédoine. Les noms royaux se montrent a partir de Théo-
debert I^'', mais il arrive que la signature du roi se double de la signature d'un mo-
nétaire, comme chez les Gaulois le vergobret signait la monnaie avec un autre per-
sonnage. Puis les noms royaux s'efl'acent, sauf dans le sud est, qui était tout ro-
main, pour faire place aux noms des monétaires. Or ces monnaies des monétaires,
on en possède des centaines à noms différents, frappées non seulement dans les
villes importantes, mais dans les localités les plus infimes, et cela bien qu'on ne re-
cueille sérieusement les pièces mérovingiennes que depuis un demi-siècle. Voilà
donc une nouvelle dissémination, dans laquelle M. Robert propose de reconnaître
un retour aux usages gaulois. 11 appuie cette opinion sur ce fait que les Goths et
les Visigoths n'ont jamais émis, après leurs contrefaçons des monnaies byzantines,
que des pièces portant les noms de leurs rois, et n'ont eu qu'un nombre très limité
d'ateliers, placés dans leurs villes capitales. C'est donc seulement sur le sol gaulois
228 RKVUE CRITIQUE d'hISTOIHR KT DE LITTÉRATURE
que les barbares ont disséminé leurs ateliers et ont remplacé dans leurs monnaies
le nom royal par un autre nom.
Avec les Carolingiens renaît la centralisation romaine. Charlemagne frappe à Aix-
la-Chapelle sa monnaie palatine; Louis le Débonnaire adopte un type nouveau, ce-
lui du temple avec la légende XPISTIANA RELIGIO. A ces monnaies émises par ce
qu'on pourrait appeler aujourd'hui l'administration centrale se joignent encore quel-
ques monnaies portant des noms de ville; mais ces noms sont peu nombreux, et
d'ailleurs il est clair que l'état des voies de communication, les moyens d'échange,
la situation générale du pays ne permettaient plus, comme sous les Romains, de se
contenter d'un ou deux ateliers.
En terminant, l'auteur ajoute qu'à partir de l'avènement des Carolingiens l'élémen-t
germanique devient plus fort et plus prépondérant dans les Gaules. Si donc l'usage
de mettre sur les espèces des noms de monétaires disparaît justement à cette épo-
que, c'est qu'il n'est pas germain, mais bien gaulois.
M. Casati, qui avait avancé dans un mémoire précédent que les Etrusques avaient
surpassé les autres peuples de l'antiquité dans l'art de travailler les métaux, s'atta-
che à justifier cette proposition par l'étude des monuments de bronze qu'ils ont
laissés, il réserve pour une autre communication l'étude des objets d'or et d'argent.
Trois grandes et magniliques statues du musée de Florence, la Minerve, VArrin-
ghatore, qui porte dans une inscription étrusque l'indication de son nom, Aiilexi
Metetis, la Chimère, qui porte comme le beau Griffon de Leyde l'inscription étrus-
que Tinksfil, sont, dit-il, des monuments reconnus de premier ordre; à côté de
ceux-ci on peut placer une multitude d'objets de toute sorte, armes, casques, cui-
rasses, ustensiles de la vie ordinaire, et surtout les miroirs et les candélabres. M. Ca-
sati décrit le candélabre de Cortone, avec l'inscription étrusque Liimni, trouvé en
1840 sous les murs de la ville à la Fratta; il mentionne d'autres candélabres, les uns
conservés au musée Grégorien, d'autres trouvés récemment dans le port étrusque
de Télamon. Puis il arrive à l'étude des célèbres miroirs étrusques, qui, absolument
unis et lisses sur la face principale, portent au revers des gravures au trait d'une
grande finesse : on voit sur ces gravures toute l'histoire de l'Olympe antique, avec
l'indication du nom des personnages en langue étrusque. L'histoire de Vénus, Tu-
son, et de Vulcain, Sethlaus, est un des sujets les plus fréquemment représentés,
ainsi que les aventures d'Hélène, ii/(»ee, de Ménélas, iV/(?)!/e, et de Paris, Elknstre.
On y trouve aussi Bacchus, et Apollon, Aphi, à côté de Jupiter et de Minerve,
Menrva, Néoptolème et Promélhée, Ncftlaue et Prumalhe, Achille, Akle, Aga-
memnon, Akmcnrun, et une divinité intermédiaire des Etrusques, ange ou dé-
mon, toujours représentée avec des ailes, que les Etrusques appelaient lasa.
Ouvrage présenté de la part de l'auteur, par M. Sénart : — Clermont-Ganneau,
Recueil d'archéologie orientale, fasc. H, i^"^ livraison.
Julien Havet.
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du 3 septembre 188^.
PRÉSIDENCE DE M. HERON DE VILLEFOSSE, VIClî-PRÉSIDENT
Le Président annonce la mort de M. Egger qui faisait partie de la Société depuis
plus de 27 ans et exprime à cette occasion les vifs regrets de la compagnie.
M. Molinier entretient la Société des registres des comptes des bâtiments exécutés
à Fontainebleau de i63q à 1642. Ces registres qui ont appartenu autrefois à la Bi-
bliothèque de Nevers ont été l'objet d'un échange et se trouvent maintenant à la
Bibliothèque du Palais de Fontainebleau. Le marquis de Laborde en a déjà publié
quelques fragments, M. Molinier en a fait de nouveaux extraits plus étendus qu'il se
propose de publier.
M. Héron de Villefosse communique une note sur la croix d'Ussy (Seine et Marne).
Cette belle pièce d'orfèvrerie, filigranée et gemmée d'un côté, niellée de l'autre, est
un travail français du xin"^ siècle. Elle est ornée de plusieurs intailles romaines ; l'une
de ces intailles porte une inscription de trois lignes.
M. Héron de Villefosse signale ensuite de la part de M. Vincent-Durand, un ca-
chet d'oculiste découvert à Julien (Loire) et portant les noms de Sexius Antomus
Attalus. Il indique également deux autres cachets du même genre trouvés à Char-
bonnier (Puy-de Dôme), l'un avec le nom de Julius Callistus, fait connaître un re-
mède nouveau, Vharpagion dont les qualités sont vantées par Pline, l'autre est au
nom de l'oculiste Sabinus.
M. Héron de Villefosse termine en indiquant des copies d'inscriptions antiques
relevées par lui dans le recueil de dessins de Jacopo Bellini, récemment acquis par
le Louvre. Ces textes proviennent pour la plupart de la ville d'Esté : c'est un renseï--
gnement utile pour ceux qui s'occuperont de l'histoire de ce recueil.
Pour le Secrétaire,
E. Molinier.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le J'uy, iviprimerie Marchessou Jils, boulevard Saint-Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N" 40 — 5 octobre — 1885
i^onrunniro : 172. Glock, La question de la loi dans la vie de Jésus et la doctrine
de Paul. — 173. Iwan Mûller, Manuel de l'antiquité classique. — 174. Lcures
du Palatin Jean Casimir, I, p. p. Bezold. — 173. Bengesco, Voltaire, Bibliogra-
phie de ses œuvres. II. — Variétés : Tamizey de Larrocjue, Les lettres de Fénc-
lon à la Q.uirinienne. — Chronique.
172. — ï>ïe GesetzesTi'a^e îm I^elieai .t<^su unil in «1er Lelii'e <£es
Paiilus, Eine biblisch-kritische Untersuchung mit besonderer Berûcksichtigung
der Einwendungen Ed. v. Hartmanns und der Prœtensionen der Wortfùhrer des
modernen Judenthums. von J. Ph. Glock. Carlsruhe et Leip^^ig. Reuther, i8S5;
XII et i.Sg p. in-8.
Cette dissertation, composée avec soin, reproduit les idées générale-
ment adoptées sur le sujet dans les cercles protestants libéraux, idées
qui appellent, on le sait, les plus sérieuses réserves. L'auteur se distin-
gue de ses prédécesseurs en ce sens qu'il a prêté plus d'attention aux pu-
bifcaîions sortant du sein du judaïsme; il va sans dire qu'il se ratiiape
en se montrant très vif à leur égard.
M. V.
173. — IBaiitlItueli flei> klasfiiîselten ^^fteftliums-ivissenscliaft In syslo-
niati»4cliei> l>arstoi!un^, herausgegeben von Dr. Iwan Mûller. ErsterHalbband
(enthaltend die I Hœlfte von Band 11). Nœrdlingen, Beck'sche Buchhandiung,
j885, xii-288 p. Grand in-8.
Lorsque je rédigeais, en 1879, mon Manuel de Philologie classique,
il n'existait encore qu'un seu! livre de ce genre, qui fiît à la fois une
méthodologie et un précis des sciences philologiques : c'est le Trienniiiin
philologicum de M. Freund, dont la seconde édition (une Titel-ausgabe
dissimulée) n'a pas encore fini de paraître. L'ouvrage de M. Freund,
bien disposé et facile à lire, fait l'effet d'une compilation rédigée à Taide
de cahiers de cours vieux de trente ans; ni pour le fond des choses ni
pour la bibliographie, le Trienniiim ne répond à l'état actuel de la
science. L'Allemagne savante, qui a produit tant d'excellents manuels
spéciaux, pouvait et devait faire mieux. Un professeur d'Erlangen,
M. L Mûller, successeur de Bursian dans la direction du Jahresbericht,
a pris l'initiative d'un vaste travail d'ensemble, embrassant toutes les
disciplines de la philologie classique, qui doit former 14 demi-volumes
avec gravures et plans et être achevé, suivant les promesses de l'éditeur,
Nouvelle série, XX. 40
2 3o REVUR CRiTIQUR
dans le courant de l'année 1887. Comprenant qu'un philologue, quel-
que érudit qu'on le suppose, ne peut traiter avec compétence un si
grand nombre de sujets divers, M. M. s'est associé pour sa tâche vingt-
neuf collaborateurs, dont plusieurs portent des noms bien connus qui
sont une recommandation efficace pour l'œuvre naissante. Nous don-
nons ici la liste des savants qui ont promis leur concours avec l'indica-
tion des sujets qu'ils doivent traiter : Urlichs (Histoire de la Philolo-
gie) ; Blass (Herméneutique, Critique, Paléographie) ; Heinrichs et
Hiibner (Epigraphie) ; Nissen (Métrologie); R. Weil (Numismatique);
Unger (Chronologie); Brugmann (Graynmaire grecque); Stoiz et
Schmalz (Grammaire latine) ; Autenrieth et et Heerdegen (Lexicogra-
phie grecque et latine) ; Volkmann et Gleditsch (Rhétorique et Métri-
que); Lolling (Géographie de la Grèce et de l'Asie) ; Jordan (Italie et
Rome); Jung (Le reste de l'empire romain); Pohlmann (Histoire
grecque) ; Niese (Histoire romaine) ; Busoit (Droit public et privé des
Grecs) ; Bauer (Archéologie militaire des Grecs); J.Muller (Antiqui-
tés privées des Grecs); Schiller (Droit public et privé, archéologie mi-
litaire des Romains) ; M. Voigt (Antiquités privées des Romains);
Windelband et Gunther (Philosophie et Histoire naturelle des anciens)^
Reitïerscheid (Mythologie et culte) ; Flasch (Archéologie de l'art);
Christ (Littérature grecque); Schanz (Littérature romaine). — Nous
remarquons avec étonnement l'absence d'un chapitre sur la musique
antique; ce serait une lacune regrettable, et il est à souhaiter que
M. Mlilier, puisqu'il en est temps encore, s'adresse à M. Westphal pour
la combler.
11 n'est pas dans la nature des livres allemands de commencer par le
commencement : heureux encore quand ils ne commencent pas par
trois ou quatre côtés u la fois, comme TEncyclopédie d'Ersch et Gruber
ou lus interminables volumes du Jahresbericht ! Le Handbuch n"a pas
voulu faire exception à cette règle bizarre : il ouvre sa publication par
la première moitié du second volume, qui contient les travaux de
MM. Brugmann, Stolz et Schmalz sur la grammaire grecque et la
grammaire latine. Disons tout d'abord que ce premier demi-volume
fait augurer très favorablement de la suite de l'ouvrage : c'est une véri-
table bonne fortune pour le public savant de posséder une phonétique,
une morphologie et une syntaxe grecques de la main de M. Brugmann.
Mais nous ne pouvons nous empêcher de formuler une critique, ou du
moins une observation générale à l'adresse de la disposition des matiè-
res. Comme la plupart des savants allemands, MM. Brugmann, Stolz
et Schmalz manquent complètement de tact pédagogique : ils écrivent
pour ceux qui savent déjà beaucoup, et malheur au profane, au Laie,
qui ouvrira ce demi-volume avec l'idée d'apprendre ce qu'il ne sait pas!
Il est vrai que la phonétique des néo-grammairiens, en particulier, n'est
pas un sujet qui se prête à une exposition bien limpide; encore pourrait-
on ne pas en accroître l'obscurité par un incroyable abus des abrévia-
i
DHISTOIRK KT DK LITTÉRATURB 23 I
tioiis, l'absence presque complète de notes dont le contenu est jeté pèle
mêle dans le texte (à la manière de la Reaîencyclopaedie de Pauly), enfin
par la présomption que le lecteur comprend ou devine ce qu'on ne prend
pas la peine de lui expliquer. Par exemple, dès les premières lignes de
la phonétique grecque, M. Brugmann distingue la nasale vélaire et la
nasale palatale, ainsi que le Schwa indogermanicum qu'il représente
par un e renversé. Tout cela est intelligible pour celui qui connaît Sie-
vers : pour le commençant, j'ajoute même pour l'étudiant instruit qui
n'est pas tenu d'être au fait du Sclnua, c'est, à proprement parler, de
l'hébreu. On voit, sans qu'il soit besoin d'insister, que nous avons là
un Handbiich « more germanico » qui ne répond nullement à l'idée que
nous nous faisons en France d'un manuel et qui ne saurait prendre
pour épigraphe Indocti discant. C'est aux ■periti qxiW s'adresse, aux jif?-
riti qui veulent rafraîchir leurs souvenirs, trouver un renseignement
ou un détail qui leur échappe : le livre, tel qu'il est conçu, aurait été plus
justement intitulé Nachschlagebiich. Encore une fois, nous constatons
la chose et ne récriminons pas, mais il est bon que le lecteur français
soit prévenu.
Les auteurs ont parfaitement compris que des sujets aussi compliqués
que la grammaire grecque et latine ne pouvaient être condensés utile-
ment en quelques pages; ils se sont contentés, comme je l'avais fait
moi-même, d'expliquer et de discuter avec détail les matières imporian-
tes sur lesquelles se sont portés de préférence les récents travaux de la
linguistique. La phonétique et la morphologie, les questions relatives à
Faccent et à l'orthographe, tiennent de beaucoup la place la plus grande:
il n'y a pas lieu de s'en plaindre. Un précis de la syntaxe historique du
latin, qui termine le demi-volume sans être terminé avec lui, est pres-
que le seul chapitre où l'on trouve l'exposition de faits appartenant à
l'enseignement élémentaire ; il est d'ailleurs conçu dans un esprit stric-
tement historique qui le distingue avantageusement de tous les résumés
analogues. L'analyse des désinences casuelles et verbales a été l'objet
d'une attention particulière c^ constitue, avec la phonétique, le chapitre
le plus développé des deux grammaires.
Dans un ouvrage de ce genre, la bibliographie est une des parties les
plus importantes, ce dont les auteurs se sont parfaitement rendu compte.
Ils ont d'ailleurs pensé, avec raison, que les Griindrîsse de M. Hiibner
pour la syntaxe grecque et la grammaire latine étant très répandus, il
était inutile de répéter les indications que contiennent ces deux excel-
lents petits livres, et ils se sont bornés, en général, à signaler les travaux
spéciaux publiés postérieurement aux bibliographies de M. Hûbner.
Cela ne pouvait les dispenser, bien entendu, de renvoyer aux ouvrages
les plus importants sur chaque matière. MM. Brugmann, Schmalz et
Stolz ne laissent pas de rendre justice aux travaux des savants étran-
gers, en particulier de MM. Weil et Benlœv^, de Saussure, Riemann
et Gœlzer ; on pourrait souhaiter cependant qu'ils eussent accordé une
232 REVUK CRITIQUE
mention à beaucoup d'ouvrages anglais et français dont on chercherait
vainement les titres à côté de ceux de programmes allemands cités par
douzaines. Nous relèverons particulièrement l'omission des livres sui-
vants, qui ont tout au moins l'avantage d'être écrits avec une clarté
dont M. Brugmann et ses collaborateurs n'ont pas Je secret : Egger,
Apollonius Dyscole (p. 5) ; Sayce, Principles of compai\ philology (p. 6);
Henry, l'Analogie dans la langue grecque (p. 1 1) ; Rutherford, Phry-
nichus (p. i3); Gonnet, Degrés de comparaison (p. 67); Bergaigne, De
conjunctivo et optativo (p. 92); Weil, De l'ordre des mots (p. i25);
Bréal, Les tables eugubines et tous ses mémoires de dialectologie itali-
que! (p. i33); Boissier, Varroti (p. i33);Thurot, Doctrines gramma-
ticales (ibid.) ; Èdon, Ecriture et prononciation du latin (p. \2>j]\
Taylor, The alphabet (p. iS"); Garrucci, Sylloge inscriptionum lati-
tiarum, dont il fallait citer les prolégomènes (p. 137) ; Boissier, Les ré-
formes orthographiques attribuées à Ennius et à Attius, dans la Revue
archéologique de 1869", cf. Mommsen, Ephemeris , 1872, p. 286
(p. 141); G. Paris, L'accent latin dans la langue française (p. 193);
Roby, Latin grammar (p. 244) ; Gantrelle, Grammaire de Tacite
(p. 248); Boissier, ^cWz/Z/ms, dans la Revue de Philologie do. 1882 (ibid.);
CWnon, Du génitif latin (p. 248); Riemann-Benoist, jE'rfz^/o»^ de Tite-
Live (p. 249, où sont citées d'autres éditions avec commentaires gram-
maticaux), etc. On remplirait des pages à signaler toutes les omissions
de ce genre, auxquelles il faudrait en joindre d'autres portant sur des
ouvrages publiés en allemand; ainsi la Syntaxe grecque de Madvig
n'est pas citée à la p. 95, à côté de celles de Bernhardy, de Kûhner et
de Krûger'. Le beau travail d'Eckstein, Geschichte des lateinischen Un-
terrichts, n'aurait pas dû non plus être ornis (p. i33).
Nous ne pouvons entrer dans la discussion des théories grammatica-
les des auteurs, dont le point de vue est naturellement celui des Jung-
grammatiker, mais nous pensons qu'ils auraient bien fait d'exposer
avec quelque détail l'histoire de la science jusqu'à Bopp et de Bopp jus-
qu'à l'école contemporaine. Les indications fournies à cet égard (p. i-5,
129-133) sont absolument insuffisantes. Pas un mot des théories de
Sanchez, de Lennep, de God. Hermann, qui appartiennent pourtant à
l'histoire de la grammaire comme les systèmes des prédécesseurs de
Kant à l'histoire de la philosophie. Pas un mot non plus de l'histoire
de l'étymologie avant Bopp, des idées de la Renaissance sur les rap-
ports du grec et du latin. Le seul moyen de vivifier une étude, c'est de
la présenter comme le dernier terme d'un développement intellectuel,
de faire apprécier l'importance des vérités que l'on croit tenir par l'exa-
men des erreurs qui en ont précédé et souvent préparé la découverte.
Aussi bien les auteurs du Handbuch ne paraissent-ils pas s'être préoc-
cupés de soutenir l'attention de leurs lecteurs à la façon de M. MaxMul-
I. L'omission de la Grammaire grecque de Curiius n'est sans doute pas involon-
taire: elle ne laisse pas toutefois de surprendre le lecteur.
n'HlSTOinE KT DK MTrÉUATURK 2 33
1er dans ses Leçons ou de Bœckh dans son admirable livre posthume,
Encyclopédie et Méthodologie. Je n'ai pas l'impertinence de comparer
mon Manuel de Philologie, œuvre de commençant écrite pour des com-
mençants, au Handbuch publié par M. I. Mulier; mais quelques per-
sonnes ont bien voulu écrire que ce Manuel était « amusant », et je
doute que l'on ait jamais lieu de faire un pareil compliment au Hand-
buch — compliment dont les auteurs se sentiraient peut-être fort offen-
sés. L'exécution typographique, qui est d"une extrême monotonie, n'est
pas faite pour en rendre la lecture plus attrayante. Mais ce sont là, en
vérité, de petits inconvénients; ils n'enlèvent rien au mérite d'une œu-
vre qui, pour être complètement dépourvue de charme, n'en est pas
moins d'une réelle utilité et doit être accueillie avec une sincère re-
connaissance. D'ici à peu de temps, il n'y aura guère de savant dans les
deux mondes qui ne possède sur sa table de travail les treize demi-volu-
mes du Handbuch, deslinés à suivre de près le spécimen que nous avons
eu le plaisir de signaler.
Salomon Reinach.
174.— Briffe (les l»falzgrafeii Johann Casimir mit verwandten Schriflstûcken
gesammeh und bearbeitet, von Friedrich von Bezold. Band I (1576-1582).
Mûnchen, Rieger, 18S4, viii, Sgo p. In-8. Prix : 20 fr.
Les lettres du comte palatin Jean-Casimir, publiées sous les auspices
de l'Académie de Munich, forment, pour ainsi dire, la suite de la
Correspondance de son père, l'électeur Frédéric-le- Pieux, mise au jour
par M. Kluckhohn de 1868 à 1872, et dont nous avons rendu compte
autrefois dans la Revue. Comme le travail de M. Kluckhohn, celui de
M. Bezold mérite d'attirer Tattention de tous ceux qui s'occupent de
rhistoire générale de la seconde moitié du xvi« siècle, il dépasse en effet
de toutes parts le cadre de Fhistoire purement locale, soit du Palatinat,
soit même de l'Empire, pour nous fournir d'abondants renseignements
sur la politique des Wittelsbach protestants dans la grande crise reli-
gieuse et politique de cette époque. Le volume de M. B. devra attirer
en particulier l'attention des érudits français qui y puiseront plus d'un
renseignement nouveau sur les relations des réformés d'Allemagne avec
les huguenots et leurs chefs. Comme dans la Correspondance de
Frédéric-le-Pieux nous avons vu dominer l'élément religieux, voire
même théologique, nous remarquons ici la prépondérance de l'élément
politique; la génération qui suit celle descontemporains de la Réforme,
n a plus l'élan des premiers jours, et ses conseillers les plus influents ne
sont plus les théologiens, mais les diplomates. Jean-Casimir lui-même ne.
vaut pas comme homme son père, l'Electeur mort en i 576. Il est vrai, que,
privé de la puissance territoriale échue à son frère aîné, l'électeur Louis,
son attitude devait avoir forcément quelque chose d'aventureux; Tar-
2 34 RKVUK CRITIQUE
gent français devait influencer, autant que ses souhaits pour la cause
calviniste, ses plans militaires et ses négociations diplomatiques,
puisqu'il ne possédait pas lui-même la puissance matérielle nécessaire
pour intervenir dans les guerres civiles de ce temps.
Pour former la collection dont il nous offre ici le premier volume,
M. B. a parcouru les archives des principales villes de l'Allemagne et de
l'étranger. Ce que les archives palatines de Heidelberg, si souvent pillées
et transportées à la hâte, ne lui offraient qu'avec parcimonie, il l'a
trouvé dans les dépôts de Dresde, de Marbourg, etc. 11 leur a même
emprunté des pièces qui ne touchent pas précisément à la politique de
la branche protestante des Wittelsbach, comme, par exemple, les cor-
respondances de l'électeur Auguste de Saxe. Par contre, il aurait trouvé
dans d'autres dépôts publics des documents se rapportant directement à
son sujet, s'il avait prolongé les recherches assidues auxquelles il s'est
livré pour réunir tous les matériaux accessibles '. Mais il serait injuste
de trop appuyer sur ce fait auquel n'échappera jamais un savant, quel-
que consciencieux qu'il soit, alors qu'il essaie de réunir tous les docu-
ments inédits relatifs à un homme ou à une époque de l'histoire
moderne.
Le morceau capital du volume de M. B. est une introduction de plus
de deux cents pages sur la politique palatine de i56ô à iSyô, introduc-
tion très nourrie et sur laquelle nous appelons Tattention des lecteurs.
Il y a là surtout à leur signaler le chapitre sur la première campagne C
de Jean-Casimir en France (i 567-1 568), et celui sur les négociations du
jeune comte palatin avec Condé, préalablement à la seconde expédition
française (i 574-1 576). Parmi les documents plus particulièrement
curieux nous signalerons encore les révélations du docteur Beutterich
sur les projets des Lorrains contre Strasbourg (12 mai i58o); le
mémoire de Schomberg à Henri III (3i mai i58o), les rapports de
Beutterich sur sa mission chez les huguenots du midi, à Montpellier et
Montauban (juillet i58i); la lettre de ce même diplomate, colonel et
docteur en droit, adressée à Théodore de Bèze (6 septembre i582).
A ces pièces M. B. a joint des notes nombreuses, parfois un peu bien
touffues, et dont le labeur ne sera pleinement utilisé que lorsqu'un index
général permettra de s'y retrouver sans recherches trop prolongées. Cet
index ne paraîtra, nous dit-on, qu'avec le troisième volume. Nous
faisons donc des vœux intéressés pour que M. Bezold arrive bientôt à
donner la suite de son recueil, qui est le fruit de si longues recherches
et qui tient dignement sa place parmi toutes les publications analogues,
I. Nous avons trouvé aux archives municipales de Strasbourg un fascicule de la
Correspondance de Jean-Casimir avec son agent commercial et diplomatique dans
cette ville, Isaac Wicker; il renferme sept lettres pour 1677; six lettres pour 1378;
une pour i58i ; cinq pour i582; seize pour i5S3; douze pour i584, soit une cin-
quantaine de pièces que nous signalons à l'attention de M. B., s'il devait voulou'
joindre un supplément au prochain volume de son ouvrage.
d'histoire et de littérature 235
déjà confiées à d'autres savants par l'initiative incessante de PAcadémie
de Munich.
R.
175. — Voltaire. Bibliographie de ses œuvres, par Georges Bengesco. Tome
deuxième, orné du portrait de A. J. Q. Beuchot. Paris, librairie acade'mique
Didier (E. Perrin), i883, in-8.
Le tome I" de cette Bibliographie a paru en 1 882 et il en a été rendu
compte ici même '. L'Académie française lui a décerné l'un de ses prix
et cet honneur sans précédent, croyons-nous, est d'un bon augure pour
des études jusqu'ici trop complètement exclues des récompenses du
docte corps, mais dont la nécessité se fait cependant sentir chaque jour
davantage. En présence du développement inouï des produits de la
presse sous toutes ses formes depuis quatre siècles il faut aviser à dresser
le bilan de ces richesses si Ton veut évaluer, sous le double rapport du
nombre et de la valeur, les témoignages multiples de l'activité humaine.
Mais bien qu'il se soit trouvé en ce siècle un notable contingent de tra-
vailleurs assez intrépides pour braver les ennuis et les fatigues d'une
pareille tâche, l'indifférence des grands corps savants a longtemps ag-
gravé la situation précaire des érudits voués à ces sortes de travaux, et
les éditeurs s'en sont autorisés pour repousser des livres dont ils ne
pouvaient attendre ni honneur ni profit '. Je souhaite que la distinction
très justifiée obtenue par le livre de M. Bengesco encourage d'autres
tentatives de même nature et je me hâte de revenir à Texamen de son
second volume.
M. G, B., témoignant à l'égard de la critique une déférence trop rare
pour qu'elle ne soit pas signalée, a tout d'abord donné la liste des addi-
tions et corrections du tome P'' (p. i-xvm); puis il a décrit dans l'ordre
chronologique les trois cent quarante-trois opuscules qui forment ce
qu'on appelle traditionnellement les « mélanges » de Voltaire et il y a
joint la liste raisonnée des livres édités et celle des livres annotés par lui.
Un index, dont la Revue critique avait fait remarquer l'utilité, termine
le volume. Le troisième renfermera la liste des œuvres complètes et des
œuvres choisies, la correspondance et les écrits aprocryphes. Pour cette
1. Voir année 1882, tome II, p. 367-378.
2. Conçoit-on, par exemple, qu'il n'existe aucun répertoire bibliographique pour
notre xvue siècle et que pour le xvie on en soit vraisemblablement toujours réduit
à l'édition Rigoley de Juvigny des Bibliothèques françoises, de La Croix duMaineet
de Duverdier! Le Manuel du libraire n'a jamais enregistré que les livres de diverses
époques considérés, à tort ou à raison, comme « rares « et « précieux » et Quérard
s'est systématiquement interdit de faire figurer dans la France littéraire les travaux
antérieurs à 1700 (sauf les réimpressions). L'auteur d'une très bonne biographie
provinciale s'occupe, m'a-t-on dit, de combler une lacune si regrettable en ce qui
concerne le xvii siècle; puisse-t-il mener à bien cette œuvre méritoire et à laquelle
toutes les sympathies des travailleurs sont acquises d'avance!
2 36 REVUE CRITIQUE
nouvelle partie de son travail, comme pour la première, M. B. a sur-
tout mis à contribution la collection voltairienne de Beuohot, la sienne
propre et celle de M. le comte G. de Berlaymont, sans parler des res-
sources fortuites qu'il a dues à ses recherches dans diverses bibliothèques
privées ou publiques de la France et de l'étranger. Il n'a donc pu lui
échapper qu'un bien petit nombre de particularités dignes d'être notées,
mais comme il sollicite plus volontiers les observations que les louan-
ges, il me permettra de lui soumettre quelques remarques suggérées par
une lecture attentive.
P. 2 (n° i55i). Un exemplaire de VEssay upon the civil Wars of
France a passé en iSôg dans la vente de J. Fr. Boissonade (n" 5626 du
catalogue rédigé par B. Duprat). Comment se fait-il que Boissonade
n^ait point communiqué cette rareté à son ami Beuchot avec qui il en-
tretenait les plus cordiales relations? C'est là un de ces mystères dont le
cœur de l'homme en général, et celui des bibliophiles en particulier, offre
trop d'exemples.
P. 39 (n" i586). La protestation de Voltaire contre les retards appor-
tés à Tachèvement du Louvre a été réimprimée par Bachaumont dans
son Essai sur la peinture, la sculpture et l'architecture, seconde édi-
tion revue, corrigée et augmentée (s. 1. ijSi, in-8, frontispice composé
par Boucher, dessiné par Pierre et gravé par Pasquier) sous ce titre lé-
gèrement modifié : De ce qu'on ne /ait pas et de ce qu'on pourrait,
faire.
P. 81 (n'' 1644). Le frontispice des Quand n'est pas, comme on l'a si
souvent imprimé, de Moreau le jeune, mais d'un homonyme appelé
P. Moreau, dont M. le baron Roger Portails a le premier signalé dans
ses Graveurs du xxni" siècle un certain nombre de planches et de
vignettes pour livres, entre autres pour une édition de 1743 des Leçons
de physique de l'abbé Nollet. Jean-Michel Moreau, dit le jeune, né en
1741, avait donc dix-neuf ans en 1760 et n'était encore que l'élève fort
obscur du peintre Le Lorrain et du graveur Le Bas.
P. 134. Le « nommé de Vosge » (ou plus exactement François De-
vosge) aurait mérité une mention un peu plus détaillée. Non-seulement
il eut l'honneur d'être choisi par Voltaire pour illustrer les œuvres de
Corneille, avant que les « dégoûtés de Paris » n'eussent fait préférer au
patriarche Hubert Gravelot, mais il fut plus tard, — et cela suffirait à sa
gloire, — l'un des premier protecteurs de Prudhon, lorsque celui-ci sui-
vait les cours de dessin fondés par Devosge à Dijon. C'est encore à De-
vosge que Voltaire s'adressait en [766 par l'intermédiaire du président
Fyot de la Marche lorsqu'il voulait avoir un frontispice représentant
trois aveugles cherchant à tâtons un âne qui s'enfuit : « C'est l'emblème
de tous les philosophes qui courent après la vérité. Je me tiens un des
plus aveugles et j'ai toujours couru après mon âne. » Il est vrai que
l'on ne connaît pas ce frontispice destiné à un opuscule resté en projet,
non plus que les compositions de Devosge pour le Corneille des Cramer.
d'HISTOUvE El DE LlirÉKATUl'.E 2:)7
M. B. s'est attaché à décrire l'édition originale et les réimpressions
contemporaines de chaque opuscule de Voltaire; peut-être réserve-t-il
pour le troisième volume la mention des recueils qui en parurent
dès lors, avec ou sans l'aveu de l'auteur : c'est ainsi qu'il a négligé
cette fois de nous donner son opinion sur cet Evangile du jour qui
a tant embarrassé les bibliographes '. Je prends la liberté de lui si-
gnaler, pour le moment où il abordera cette partie de sa tâche, un
petit volume qui avait échappé à Quérard et que mes recherches
m'ont fait rencontrer à l'Arsenal où il est coté 20754 B : ce sont des
Mélanges de littérature pour servir de supplément à la dernière édi-
tion des œuvres de M. de Voltaire. S. 1., 1768, in- 12, 280 p. Ils
renferment, entre autres pièces, les Conseils à un journaliste, le Pané-
gyrique de Louis XV, les Embellissements de Paris, la Défense de
Milord Bolingbroke, puis des lettres à Dom Calmet, à Deodati de
Tovazzi, à Le Brun sur M"" Corneille, à d'Olivet, etc., et des poésies
fugitives, la plupart de sa Jeunesse. M. B. a certainement d'ailleurs
par devers lui un certain nombre de notes sur des recueils du même
temps et de même origine, devenus fort rares précisément parce que
nul ne s'est avisé de les rechercher.
Terminons en félicitant l'auteur de la bonne idée qu'il a eue de faire
reproduire par l'héliogravure le seul portrait connu de Beuchot, d'a-
près le dessin original appartenant à M. Louis Barbier, son gendre.
C est un tardif hommage rendu à un travailleur à qui personne, j'en
suis sûr, n'a voué plus de gratitude que M. Bengesco.
Maurice Tourneux,
VARIETES
Les lettres de fr'êneloii à la Quiriiiienne.
Dans l'Introduction d'un ouvrage dont j'ai rendu compte ici, l'an
dernier, le Journal inédit de Jean-Baptiste Colbert, marquis de Torcy,
ministre et secrétaire d'État des affaires étrangères, publié d'après
les manuscrits autographes (Paris, Pion, 1884, grand in-S»), M. Fré-
déric Masson s'exprime ainsi (p. xx) : « Il est malheureux qu'on n'ait
pas encore utilisé pour l'histoire du commencement du xvm" siècle
français les trésors qui sont accumulés à Brescia. Je citerai entre autres
huit lettres de Fénelon d'un intérêt capital » Huit lettres inédites de
Fénelon! On devine ce que fut une telle révélation pour un curieux
comme moi. Posséder une bonne copie d'aussi précieux documents
devint un de mes plus chers désirs. Ce désir vient d'être satisfait grâce
1. Voir la dernière édition du Dictionnaire des anonymes.
I
2 38 RKVUK CRITIQUE
à l'extrême amabilité d'un fervent lecteur de la Revue critique à Rome,
M. le marquis Gaetano Ferrajoli, qui m'honore de sa sympathie, et qui
a daigné demander à Brescia pour moi non seulement une très exacte
copie des documents signalés par Téditeur du Journal de Torcy, mais
une très nette photographie de deux des pages du manuscrit.
De l'examen de la photographie et de la copie, il résulte que les let-
tres de Fénelon à Quirini ne sont pas autographes, l'écriture ne ressem-
blant pas à celle de l'archevêque de Cambrai, et l'orthographe n'étant
pas non plus la sienne, car pour ne signaler qu'une seule différence qui
est décisive, on lui fait écrire constamment vûtre^ alors que Fénelon,
comme Bossuet, comme tout le xvu^ siècle, se servait de la forme voS'
tre. Autre déception plus cruelle encore. Les huit lettres qui, selon
M. Masson, n'avaient pas encore été utilisées^ sont toutes parfaitement
connues depuis longtemps. // est malheureux^ pour parler comme lui,
qu'avant de nous annoncer de l'inédit, il n'ait pas pris l'indispensable
précaution de consulter une bonne édition des Œuvres de Fénelon, par
exemple la meilleure de toutes, celle de la librairie Gaumc (Paris, i85i).
Les huit lettres à Quirini sont là et presque entièrement conformes
(y compris le rajeunissement de certains mots) à la copie de Brescia.
On ne doit pas trop reprocher, cependant, à M. Masson la fausse
nouvelle et la fausse joie qu'il a eu l'imprudence de donner aux admi-
rateurs de Fénelon. La gracieuse communication qui m'a été faite par
M. le marquis Ferrajoli, que Je prie d'accepter ici mes nouveaux remer-
ciments, n'aura pas été inutile. Je vais en tirer quelques indications
qui serviront aux futurs travailleurs auxquels nous demandons une
édition détinitive des œuvres complètes de Fénelon (et de Bossuet],
édition digne de celles qui forment la collection des Grands écrivains
de la France.
Les huit lettres à Quirini insérées dans le tome VIII de l'édition
Gaume ne sont pas toutes exactement datées. La première, par exemple
(p. 9), porte dans l'imprimé la date du 26 juin 171 1 et, dans le manus-
crit, celle du 26 janvier de la même année. On n'a pas à corriger seu-
lement l'évidente faute d'impression, mais encore à supprimer (p. 58)
une reproduction tronquée de la même lettre, mise sous la date de 171 2,
et à laquelle ont été ridiculement annexées quatre lignes de la lettre
suivante, ce qui forme un très bizarre assemblage et rappelle trop le
desinat in piscem. Les variantes entre l'imprimé et le manuscrit sont
plus nombreuses qu'importantes. Suivant la copie de Brescia, il faut
substituer à la leçon « pendant votre séjour à Paris » la leçon « dans
Paris ». L'harmonieux cygne de Cambrai évita très probablement le
dur rapprochement des deux a : a à Paris., à me donner ». On ne
trouve guère de ces cailloux là sur les chemins fîeuris de l'auteur du
Télérnaque. On a oublié un mot dans la phrase suivante : « Vos nou-
velles, auxquelles je prendrai en tout un véritable intérêt ». Le ms. de
Brescia, comme le sens, exige que l'on mette : « En tout temps «. De
d'histouîe et de littérature 239
même, un peu plus loin, on doit remplacer ave^ par avie:{ en cette
phrase : « L'endroit de St. Augustin dont vous avez commencé à me
parler ». Restituons encore à cette lettre le mot tout devant le mot le
loisir (tout le loisir de traiter la matière à fond).
La seconde lettre (p. i25) est bien datée (8 décembre 1712) et bien
reproduite. Je ne relève que cette petite modification dans Timprimé :
« Je vous en demande pardon du fond de mon cœur », Fénelon ayant
écrit : « Dujond du cœur ».
La troisième (p. 122) est, dans l'imprimé, du 19 octobre i']i2, dans
le ms., du 19 octobre jyi3. Il est vrai que Terreur est réparée à la
page 194 où, par une singulière négligence des éditeurs, la même lettre re-
paraît in-extenso. Légères nuances entre la version Gaume et la version
Brescia. « Rien n'est plus cordial /zf plus aimable » (Gaume) « — et plus
aimable »(Brescial. — Mais je ne me consolcpas (Gaume). — « Je ne me
console ^oz;/f » (Brescia). — « Aussi loin qu'il vous plaira » (Gaume). —
« Aussi loin qu'il vous plairoit » (Brescia). — Les dernières lignes de la
lettre (p. 122) ont été les unes abrégées, les autres supprimées, mais le
texte complet est donné à la page 194, complet pourtant, moins cette
phrase qui s'applique aux critiques trop hardis qui en sapant certains
fondements pour rejeter des fables, vont jusqu'à ébranler les vérités
essentielles : « Ils ont un besoin infini d'être réprimés ». On a aussi
omis le Post-Scriptum qui n'est, du reste, qu'une formule de politesse :
« Ne puis-je pas, mon R. P., vous supplier de faire passer à Monsieur
votre frère mes très humbles compliments » ?
La quatrième lettre (p. 282), du 28 décembre 171 3, n'appelle aucune
observation. J'en dirai autant de la cinquième (p. 21 3), du 22 janvier
1714, qui ne se compose que d'une quinzaine de lignes.
La sixième lettre (p. 214) est du 3o janvier 1714. Voici quelques va-
riantes : « Quoi! vous qiqs courant par toute la France (Gaume). —
« Vous êtes errant » (Brescia). — Omission : « Prions, soyons petits »
(Gaume). — « Prions, soyons dociles et petits (Brescia). — Le dernier
mot de la dernière phrase n'est pas le même dans les textes que je com-
pare : « Jugez combien je vous suis dévoué, par mon regret sur votre
défection », selon Timprimé, « par mes regrets sur votre désertion »,
selon le ms. Qui donc a raison? Désertion me semble moins naturel
que défection, car Fenélon reproche à son correspondant d'avoir été
mfidèle à un rendez-vous, de n'être pas revenu à Cambrai. Désertion ne
s'expliquerait que dans le cas où Quirini aurait abandonné son hôte.
Gardons, par conséquent, le mot défection si aimablement employé par
Fénelon, et employé, au contraire, d'une façon si émouvante par Bos-
suet s'écriant dans l'Oraison funèbre de la duchesse de la Vallièrc :
« Que fera Dieu pour la punir de sa défection » ?
La septième (p. 248) est datée d'août 1714. Le ms. nous permet de
donner à la lettre une date plus précise, celle du 3i août. La moins
msignitiante des variantes à relever est celle-ci, à propos de la France
240 RKVUf'. CRITIQUE
« Pays où les esprits sont violemment agités, et où le vaisseau est en
grand péril » (Gaume). La métaphore n'est pas dans le ms. où Ton
trouve, à la place, le mot 7-e//^fon. Ici l'infidélité n'est-elle pas inten-
tionnelle et les éditeurs n'auraient-ils pas cherché, au moyen d'une
image, radoucissement de ce qu'avait de trop énergique l'expression de
Fénelon ? — Nouveau changement à signaler dans une des phrases sui-
vantes : là c'est un nom propre qui a disparu et auquel un autre a été
substitué : on lit dans Timprimé : « J'avois pris mes mesures afin que
vous reçussiez de Florence un exemplaire de mon ouvrage. » C'est de
Rome qu'il s'agit dans le ms. Ce même imprimé contient un non sens
évident que voici : « Vous aurez aussi le mandement que j'ai fait pour
recevoir la constitution, où je revè/e, autant que je puis, Tautorité du
siège apostolique, sans donner de prise à la critique de ceux que cette
autorité incommode ». A l'impossible révèle substituons, avec le ms.,
le mot relève qui est si bien en situation.
La dernière lettre (p. 281) a reçu de Féditeur cette date un peu va-
gue : décembre ly 14. Le ms. donne : // décembre 1^14. Je ne trouve
qu'une toute petite variante à relever. D'après le ms. il faut lire non
les enfants, mais ses enfants dans la phrase où Fénelon parle ainsi de
l'Eglise de Rome : « Plus elle est contredite et méprisée par 5e5enfans
révoltés, plus elle doit répandre au loin la bonne odeur de Jésus-
Christ. »
Ph. Tamizey de Larroquk.
CHRONIQUE
FRANCE. — L'auteur de la « Variété » Grandeur et décadence de la Colombine
qui a paru dans notre numéro du 18 mai i885 a publié une seconde édition,
revue, corrigée et considérablement augmentée, de son article (Paris, chez tous les
marchands de nouveautés. In-8", 52 p.). Cette édition, sur fort beau papier et avec
spécimens, n'a été tirée qu'à un très petit nombre d'exemplaires. Nous croyons être
agréables à nos lecteurs en analysant ou reproduisant les passages nouveaux qui ne
figurent pas dans l'article de la Revue critique. L'auteur poursuivait son enquête,
lorsqu'il eut la bonne fortune de découvrir la piste d'autres plaquettes provenant de
la Biblioteca Colombina. Voici de quelle façon il annonce cette trouvaille :
" Le lecteur sera sans doute disposé à croire qu'en thèse générale, de pareilles
occasions ne sont guère plus fréquentes que les éclipses. C'est oublier qu'elles se
produisent dans le pays où l'on se détache le plus facilement des choses de ce
monde, surtout lorsque personne dans le voisinage n'en soupçonne la valeur. Q.ui
n'a mainte fois en Espagne entendu cette belle et sincère parole, digne de l'anti-
que : A la disposicion de usted?
« C'est guidé par ce souvenir et comptant sur la science particulière des fortunés
habitants de l'Andalousie, qu'un amateur alléché s'ingéra de promettre monts et
merveilles au missionnaire qui irait explorer certains réduits plus ou moins obs-
d''histoire et dk littérature 241
curs de Séville. Un adroit marchand de curiosités qui, nourri dans le sérail, en
connaissait les détours, partit pour cette croisade d'un nouveau genre, et revint à
Paris, le 14 avril dernier, avec un bon nombre d'objets d'art superbes et quarante
opuscules, chacun délicatement enveloppé dans une feuille de papier à musique.
C'étaient encore des plaquettes gothiques, italiennes et catalanes, provenant de la
Coiombine de Séville!
« Une heure après, avec une intuition qui tient du prodige, le plus sagace de nos
amateurs frappait à la porte de l'habile envoyé qui, séduit par un si beau zèle, lui
remit incontinent le lot complet. Rien ne saurait surpasser l'ampleur du geste et la
majesté du regard avec lesquels ce dernier offrit généreusement pour trente-six de
ces merveilles bibliographiques le prix insensé de i,5oo francs, si ce n'est la joie
et la reconnaissance dont témoigna celui qui les vendit en recevant cette somme
inespérée.
Il 11 est contraire aux bons principes de ne point exploiter sur le champ les heu-
reux hasards de la fortune. C'est en vertu de cette maxime, dont la profonde sa-
gesse n'échappera pas au lecteur, qu'on voit des bibliophiles se dessaisir de raretés
dont la possession paraissait essentielle à leur bonheur. Parfois il vient se mêler à
ce sacrifice de vagues inquiétudes, que de malins propos et les indiscrétions des
feuilles publiques finissent par rendre intolérables. C'est pro'oablement sous l'em-
pire de ces noirs soucis, que des négociations furent entamées avec Rome, à l'eftét
d'éloigner une cause d'insomnie, et non, comme on serait porté à le croire, atin
d'obtenir l'absolution.
<!. Les réponses furent favorables, mais l'esprit de sacrifice a des bornes. On ne se
sépare pas volontiers de cinquante-neuf plaquettes gothiques. Il faut, pour s'y ré-
signer, une force de caractère qui n'est pas donnée à tout le monde. Les plus braves
même allègent la douleur et diminuent les risques, en préparant des partages et
de petits paquets, disposés selon la rareté et la valeur des livres dont on désire faire
profiter les nations amies. C'est dans ces conditions que le moins important de ces
lots, composé exclusivement d'opuscules imprimés en Italie dans les premières an-
nées du xvi'= siècle, chemine présentement vers la ville éternelle. »
Cet exposé est suivi d'une description bibliographique, aussi exacte que minu-
tieuse, de quinze petites pièces rarissimes, dont douze n'avaient pas encore été si-
gnalées par les bibliographes, tandis que les trois autres ne sont connues chacune
que d'après un unique exemplaire. On remarque dans ce lot des collections de son-
nets et de pièces amoureuses qu'on vendait dans les rues de Florence, de Rome, de
Bergame et de Venise au commencement du xv' siècle, presque toutes illustrées par
des vignettes d'une naïveté charmante. Il y a aussi des éditions populaires de romans
de chevalerie; une édition milanaise inconnue du plus célèbre sermon de Savona-
role, la Predica del arte del bene morire, un voyage à Jérusalem, imprimé à Venise
en i522, et qui est probablement celui que Lechi attribue à Francesco Alexandro da
Modena, bien que le bibliographe de Brescia n'ait pas connu cette édition vénitienne.
En voyant une collection aussi curieuse d'imprimés rarissimes, on comprend que
M. H. demande « si ces quinze plaquettes sont seulement celles qu'on ne se souciait
pas de garder, comment était donc ledessus du panier.''» Malheureusement, il ne lui
fut pas permis de voir les autres impressions italiennes, celles-ci n'ayant pas été ex-
pédiées à Rome. Nous y perdons, sans aucun doute, de piquantes révélations biblio-
graphiques.
Dans son premier article, M. H. s'était contenté de faire seulement allusion aux
manuscrits de la Coiombine venus à Paris, comme tampons, dans une caisse d'ob-
jets d'art. Ici, le critique américain décrit neuf de ces mss., entrés depuis à la Biblic-
242 REVUK CRITIQUE
thèque nationale, mais après offres loyaiemeni faites aux parties intéressées à Sé-
villc, de les rétrocéder au prix coûtant, — assez minime d'ailleurs.
Après avoir démontré que la plupart de ces précieux codices étaient encore sur
les rayons de la Colombine, il y a quelques années à peine, M. H. fait suivre son
exposé d'observations, d'autant plus utiles que le journal Scvillan, El Parvenir,
s'est abstenu jusqu'ici d'insérer la lettre que notre collaborateur lui avait adressée 1
en réponse aux allégations de D. Servando Arboli, chef de la bibliothèque du chapi-
tre métropolitain de Séville :
« Six. au moins, de ces manuscrits ont donc été vus à la Biblioteca Golombina
même, et décrits sur place, d'abord par Haenel, ensuite par Charles Graux, par
M. Francisque Michel, par M. de Gayangos, par M. Paul Ewald, par M. Pio Rajna,
en 1875, 1878 et 1880, et, très probablement, par d'autres savants plus récemment
encore. Dans ces conditions, il est difficile d'admettre que les petites irrégularités
signalées ici remontent au temps de Charles-Quint, comme l'insinue agréablement
M. le bibliothécaire en chef de la Colombine.
« Ce conservateur modèle, qui ignore, évidemment, qu'il ne suffit pas toujours
d'enlever les timbres et d'effacer les rubriques pour rendre un manuscrit méconnais-
sable, vient même de faire savoir, iirbi et orbi, que « ces manuscrits ne sont jamais
entrés à la Bibliothèque Colombine ». Comment concilier une aussi audacieuse as-
sertion avec le témoignage contraire de deux savants français, d'un savant allemand,
d'un savant italien, voire d'un savant andalou, tous spécialistes compétents, d'une
véracité incontestable, et dont les descriptions se trouvent consignées dans des rap-
ports officiels parus antérieurement à cette polémique?
« Il y a un autre petit fait qui a bien son importance; les principaux détails et les
points de repère indiqués par ces savants : époque, calligraphie, orthographe, di-
visions, formats, lacunes, illustrations, etc.. etc., correspondent aux mss. tels qu'on
peut les consulter aujourd'hui à la Bibliothèque nationale de Paris.
« Quant à l'idée bizarre de reculer de trois cents ans l'époque où les déprédations
que nous signalons furent commises, le lecteur nous pardonnera de rappeler que
les deux premiers lots de livres et de plaquettes et les manuscrits mentionnés dans
notre article, sont venus à Paris en ligne directe de Séville, ensemble, dans le même
paquet^ et que le tout fut adressé par le même expéditeur au même destinataire, et
seulement à la fin de l'automne dernier. On notera aussi que six, au moins, des
mss. envoyés avec les imprimés, étaient encore sur les rayons de la Bibliothèque
Colombine, à une époque aussi rapprochée de nous que 18 j5, i8jg et 1880, et,
très probablement, depuis. Tous les livres, tous les opuscules et tous les manus-
crits en question ont donc été tirés du même tonneau, et ce, avec les unités de
temps et de lieu voulus pour démontrer, clair comme le jour, que ces voleries ne
remontent pas au-delà de l'année dernière.
« Cependant, pour être juste, nous devons dire que la remarquable concordance
relevée dans notre raisonnement est susceptible d'une autre interprétation. Par
exemple, on peut admettre, et les ingénieux défenseurs du bibliothécaire de la Co-
lombine le donnent à entendre, que, loin d'entrer dans cet établissement, les livres
et les plaquettes furent soigneusement remisés dans quelque autre endroit bien clos
de Séville, à l'abri, surtout, des tremblements de terre, au temps de Charles-Quint.
Ensuite, que les manuscrits, par intuition, trois siècles après, sortirent de la bi-
bliothèque et allèrent rejoindre les susdits livres et les susdites plaquettes, qui les
attendaient dans le lieu mystérieux, où plusieurs générations de gardiens les avaient
I. Revue critique, luimoro du 27 juillet dernier.
DHFSTOIRR KT DR LITTÉRaTURR 248
conservés avec une sollicitude qu'eussent pu leur envier MiVl. les bibliothécaires
de la Colombina. Les livres, tant grands que petits, et les manuscrits auraient alors
été envoyés de compagnie à Paris, en temps utile pour le jour de l'an. Rien de plus
simple.
« Tous ces manuscrits portent les traces de la main brutale qui a aussi lacéré les
livres pour les démarquer, les soustraire et les vendre. Cependant le texte est à peu
près intact, et ces épaves, recueillies avec soin dans une de nos bibliothèques pu-
bliques, sont désormais à l'abri. N'étant pas ornes de belles images, on ne les croyait
bons à Séville, ce semble, qu'à servir d'emballage. Malheureusement, d'autres mss.,
que leur beauté eut dû préserver de semblables atteintes, n'ont pu, justement parce
que c'étaient des œuvres d'art, échapper au vandalisme des gens qui les guettaient.
Comment décrire avec calme l'ignorance barbare et les déprédations éhontées que
ces nobles écrits, par leurs feuilles en lambeaux, attestent et dénoncent à l'animad-
version de tous les honnêtes gens? Et l'on ne connaît pas encore, on ne saura peut-
être jamais l'étendue de ce désastre.
« 11 y avait à la Colombine une collection remarquable de mss. sur peau de vé-
lin exécutés au xiv" et au xv' siècle, en Italie, par des scribes et des miniaturistes
de l'école bourguignonne. C'étaient non-seulement des œuvres d'Eglise, comme des
missels, des psautiers et des pontificals, mais aussi des traités de droit canonique
et des commentaires sur les œuvres d'Aristote, par Albert le Grand et autres philo-
sophes scholastiques.
« Il est difficile de s'imaginer une calligraphie plus pure, des lettres initiales et
des miniatures plus fines que celles qui ornaient ces superbes mss. Sait-on ce que
les plus beaux sont devenus? Des impies cachés dans l'ombre de la vieille cathé-
drale ont porté les feuilles enrichies d'ornements, après les avoir lacérées, chez des
brocanteurs de Séville qui, il y a un mois à peine, les débitaient encore à la bras-
sée. Un Français, qui passait dans le quartier, vit cette masse de raretés gisant
dans un coin, acheta pour un prix dérisoire un monceau de ces feuilles de vélin su-
perbement enluminées et les apporta à Paris. Nous en avons vu de nos yeux et tou-
ché de nos mains plus de cent. En ce moment même, dix feuillets, chacun digne
d'un musée, sont sur notre table, et c'est le cœur navré que nos yeux s'arrêtent sur
de pareils chefs-d'œuvre, mis en pièces, flétris et destinés, hélas ! à être déchiquetés
encore par des revendeurs.
« Ces magnifiques in-folios sont en partie les mss. mêmes que des papes, par
leurs bulles protectrices, espéraient sauver des entreprises d'ignares dont ils avaient
prévu l'incapacité et l'incurie. Pendant cinq siècles, ces modèles d'un art dont le
secret est perdu ont échappé aux ravages du temps, aux guerres civiles, aux dépré-
dations de toutes sortes. Par un hasard providentiel, on ne les a pas laissés croupir
sous la gouttière avec les autres codices précieux dont Tabares déplorait la perte. Et
c'est de nos jours, dans une cité de cent vingt mille âmes, à quelques pas d'une So-
ciété de bibliophiles, riche, prospère et reconnue d'utilité publique, que ces livres
et ces manuscrits sont enlevés de leur asile, démarqués, mutilés, souillés, vendus et
dispersés aux quatre vents du ciel. »
— Les deux thèses de M. Everat. — La Revue critique a pris l'excellente habi-
tude de rendre compte de la soutenance des thèses pour le doctorat ès-Iettres en
Sorbonne. Qu'il me soit permis de mentionner ici deux thèses qui viennent d'être
soutenues devant la faculté de Clermont-Ferrand par un avocat à la cour d'appel de
Riom, M. Edouard Everat {De D. M. Ausonii operibus et génère dicendi. — La
Sénéchaussée d'Auvergne et siège présidial de Riom au xviii^ siècle. Etude histori-
que. Paris, Thorin, i885, in-S» de 123 p. et de 412 p.). La thèse latine, où M. Eve-
2-14 RRVUR CRITIQUK d'hiSTOIUF. ET DE LITTERATURE
rat a reproduit une remarquable lettre de M. R. Dezeimeris sur la religion d'Au-
sone (p. 101-104) se lit avec agrément; mais la thèse française est de grande impor-
tance. M. Everat y a tracé, à l'aide de nombreux documents inédits, surtout de
ceux des Archives de la cour d'appel de Riom et plus encore de ceux des archives
de la famille de Chabrol, une histoire très neuve, très tidèle et parfois très piquante
de la Sénéchaussée d'Auvergne et du siège présidial de Riom. ce qui n'est point
seulement une monographie locale, mais, comme l'annonce l'auteur (p. x), une étude,
d'un intérêt plus étendu et plus élevé, sur la constitution et les mœurs judiciaires de
l'ancien régime, en quelque sorte une histoire de la magistrature française au
xvi= siècle. — T. de L.
— Riibens en Italie. — M. Charles Ruelens vient de publier des Notes d'un
voyage en Italie à la recherche de documents relatifs à Rubens (Anvers, imprimerie
veuve de Backer, i883, in 8" de 48 p.). Ces notes, extraites du Bulletin Rubens,
sont fort intéressantes. Le zélé secrétaire de la commission chargée de publier les
oeuvres complètes du grand peintre a « voulu voir les villes où il a passé des an-
nées ou des jours, vivre quelques instants dans les milieux où il a vécu, essayer de
reconstituer ceux-ci, par la pensée, tels qu'ils étaient il y a près de trois siècles,
chercher encore des traces de son passage ». M. Ruelens raconte avec beaucoup de
verve et d'agrément l'histoire de ses investigations à Milan, Vérone, Venise, où
M. Armand Baschet n'a rien laissé à prendre, Padoue, Mantoue, Bologne, Florence,
où il a copié une lettre autographe et inédite de Rubens à Pierre Dupuy, écrite en
langue italienne le 9 décembre 1027, à Anvers, et dont il donne la traduction
(p. 27-29), lettre qui a été volée à notre Bibliothèque nationale, ayant été extraite
d'un volume de la collection Dupuy « au moyen de ciseaux qui ont entamé quelque
peu l'écriture » et qui, du reste, « porte encore le chiffre primitif de la pagination
du volume, le chiffre i63 ». Il nous mène ensuite à Rome où il a surtout remarqué
dans la bibliothèque du palais Barberini trois volumes de lettres originales de Pei-
resc, un de lettres en langue italienne à Jérôme Aleandre, dont divers extraits ont
été donnés par notre collaborateur M. E. Mûntz, un de lettres françaises adressées
à Luc Holstenius, que je publierai dans mon grand recueil et qui correspondent aux
lettres latines du savant critique insérées par Boissonade dans l'in-S» de 1817, le
troisième de lettres en italien adressées au cardinal F. Barberini, et où « l'on voit,
non sans émotion, la mémorable lettre du 5 décembre i634, dans laquelle Peiresc
supplie si noblement le cardinal d'avoir pitié du pauvre Galilée «. A Gênes, M. Rue-
lens a retrouvé une lettre de Rubens à P. Dupuy, du i5 juillet 1G26, encore volée
à la Bibliothèque nationale. C'est dans ce dernier établissement qu'avant de ren-
trer à Bruxelles, M. Ruelens a transcrit une lettre de Rubens à Peiresc, du 18 dé-
cembre 1639, retrouvée dans les papiers de Libri, qu'il reproduit (p. 43-48), et dont
il dit : « Je trouve cette lettre si belle, si précieuse, que si je ne vous rapportais que
cela de mon voyage, je m'estimerais heureux de l'avoir accompli. » Le récit du
vaillant érudit se termine par cette bonne nouvelle : « Je mets sous presse, et sans
désemparer, le premier volume des documents épistolaires de Rubens ou relatifs à
lui, et comprenant la période de la vie du peintre jusqu'à son retour d'Italie. » —
T. DK L.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Lr i uy . imp) :r,>erif dt Maycrit'ss€iu tits, boulevard Saitii- Laut enx, ai.
EVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N" 41 — 12 octobre — 1885
socninati-e î 176. Chrestomathie arabe, p. p. H. Derenbourg et Spiro. — 177.
Palamas, Prosopopée, p. p. Jahn. — 178. Lucrèce, V<= livre, p. p. Benoist et
Lantoine. — 17g. EsPÉRANDiEU, Epigraphic des environs de Kef. — 180. Kindler
DE Knobloch, Le livre d'or de Strasbourg. — 181. Geley, Fancan et la politique
de Riclielieu. — 182. Desnoiresterres, La comédie satirique au xvin" siècle. —
i83. Grandeur et décadence de la Colombine, -inédit. — Variétés : Lettres inédites
d'un officier républicain sur Charette et autres Vendéens. — Chronique. — Aca-
démie des Inscriptions.
176. — Chi-cstoniatliie élémentaire de l'arabe littéral avec un glossaire, par
M. Hartwig Derenbourg, professeur d'arabe à l'Ecole spéciale des langues orien-
tales, et M. Jean Spiro, professeur au collège Sadiki de Tunis. Paris, i883,
Ernest Leroux, éditeur, pet. in-8, p. xii et 220.
Cette petite chrestomathie est, dans la pensée des auteurs, le livre à
mettre dans les mains des élèves qui commencent l'étude de l'arabe
littéral : « A nos yeux, disent-ils dans la préface, la seule méthode pra-
tique pour aborder Pétude d'un idiome, c'est de prendre un morceau
écrit dans la langue que Ton veut apprendre, et de chercher à le tra-
duire, avant même de savoir bien le déchiffrer. » Cette méthode, qui
débarrasse l'élève de l'étude préliminaire de la grammaire, est peut-être
conforme aux tendances du jour et aux soi-disant progrès de l'ensei-
gnement en France, mais elle nous paraît bien peu applicable à l'arabe
littéral, la plus compliquée des langues sémitiques, pour nous servir des
termes mêmes des auteurs. En tous cas, l'ordonnancement du livre ne
répond pas au système d'étude préconisé dans la préface; on s'atten-
drait, après la lecture de l'exposé de ce système, à trouver des textes
accompagnés d'un commentaire grammatical, analysant les formes et
les tournures difBciles qu'un élève ne peut comprendre, s'il n'a pas été
préparé par une étude préalable '. Les deux premiers textes tirés de la
version arabe de la Bible par le célèbre Gaôn Sa'diâ, dispensaient assu-
rément les éditeurs d'une traduction, mais non d'une analyse. Dans le
glossaire, les mots des textes sont groupés sous les racines ; sans expli-
cation, l'élève même le plus intelligent ne pourra de prime abord dé-
couvrir les racines déguisées dans la plupart des mots par les contrac-
tions, les affixes et les suffixes qui constituent les formes dérivées de ces
racines. On se demande donc si l'avantage résultant de sujets connus
I. Tout récemment, M. Scerbo a fait avec succès une tentative de ce genre pour
1 hébreu biblique dans sa Cresio}na^ia ebraica e caldaica con note e vocabolario, Fi-
renze, 1884. Von- Revue, critique, n'^ du. 10 novembre 1884.
Nouvelle série, XX. 41
246 :<iivuii cuiiic^uii
compense Pinconvénient d'initier les élèves à la connaissance de la lit-
térature arabe par une version littérale, œuvre d'un juif arabisant. Les
éditeurs ont même dû « dans certains cas remplacer le mot obscur, la
tournure rare par l'expression courante, par la construction usuelle. »
Les autres morceaux sont empruntés soit à des chrestomathies anté-
rieures, soit à des auteurs arabes déjà publiés. Ils auraient dû être gra-
dués méthodiquement, de manière à préparer l'élève par des textes faci-
les à l'étude des textes plus difficiles. Tel n'est pas le cas pour les anec-
dotes du n° II et la fable du n^ m qui présentent bien plus de difficultés
au lecteur que les fragments historiques des deux dernières parties.
Parmi ces derniers, les extraits d'Ibn Kotaiba sont d'une sécheresse re-
butante et d'un mince profit pour l'étude de la langue arabe; on pou-
vait faire un meilleur choix dans les monuments delà littérature arabe.
Poursuivant un but exclusivement pédagogique, les auteurs se sont re-
fusé le mérite de l'inédit; ils n'ont pas non plus signalé de variantes
pour les textes déjà publiés, à l'exception des numéros m et vi. Pour le
numéro m, qui contient une fable extraite delà version arabe de Kalîla
et Jjimna, publiée par Silvestre de Sacy, ils nous promettent dans la
préface un texte nouveau : « Le texte donné par Silvestre de Sacy a été
révisé d'après les variantes de M. Guidi et d'après un excellent manus-
crit appartenant à M. Hartwig Derenbourg. » Nous nous félicitions de
cette bonne fortune; on sait que le texte de S. de Sacy a été établi dans
de très mauvaises conditions. Mais notre espoir a été complètement
déçu : le texte de la chrestomathie est la reproduction exacte du texte
de S. de Sacy, à cinq corrections près, dont trois indiquées par le con-
texte et deux inutiles. Quant aux variantes de M. Guidi, qui renferment
une leçon très bonne sous le § 25, on n'en trouve pas trace; nous igno-
rons, d'un autre côté, en quoi consiste l'excellence du manuscrit de
M. Hartwig Derenbourg.
Cette chrestomathie n'est donc ni originale ni pratique dans le sens
que les auteurs l'entendent; elle ne se distingue de ses devancières que
par le glossaire, qui fait défaut dans la plupart de celles-ci. C'est, du
reste, la remarque que font les auteurs eux-mêmes, en parlant de la
chrestomathie arabe de M. William Wright : « Si le glossaire de cet
excellent recueil avait paru, disent-ils, nous nous serions abstenus de
publier notre chrestomathie élémentaire » '. C'est donc le glossaire qui
I. Les auteurs de la Chrestomathie élémentaire auraient bien dû prendre pour
modèles le format et les types de la chrestomathie de M, Wright. Les caractères
qu'ils ont choisis sont trop grêles et trop serrés, les signes diacritiques, notam-
ment le weslâ, trop peu distincts; ils ont pu, de cette manière, condenser de nom-
breux textes dans 65 pages de petit format, mais il eût mieux valu tenir compte des
diflicultés de lecture dans un manuel destiné aux élèves qui commencent l'étude de
l'arabe, avant même de savoir bien déchiffrer. Une composition moins compacte leur
aurait évité à eux-mêmes une grande partie des fautes et omissions de voyelles
qu'ils ont relevées dans une liste d'errata qui pourrait être encore augmentée. Il est
curieux que, dans cette liste, aucun des chiiîVcs se référant aux lignes des pages
n'est exact.
DfiiSTOiai'. ici uii i.rrîKnAiL:<i'. 247
appelle rexamen du critique. ïl n'est pas limité à la lexicographie, mais
renferme des notices étendues sur les noms de lieux et de personnes
qui se rencontrent dans les textes. Ces notices auraient pu être plus
concises, elles devaient surtout é[rc plus précises et souvent plus exac-
tes; quelques exemples justifieront cette observation. On nous apprend
que l'Euphrate a 2,800 kilomètres; avec une pareille étendue, est-ce
donner une idée topographique bien nette que de dire « ville située sur
i TEuphrate » pour Anbar, p. 81, et pour Zibatra, p. 122; pour Rakka,
p. 1 20, l'indication semble plus précise, mais il n'en est rien : « Ar-Rakka,
ville dans les environs de Diyâr-Bekr, sur la rive droite de l'Euphrate»;
or Rakka est sur la rive gauche, au confluent du fleuve avec le Belîk, à
200 kilomètres au sud de Diâr-Békir, qui est sur le Tigre; voilà des en-
virons bien lointains. Ce mot à.' environs paraît plaire aux auteurs; on
trouve encore, p. 108 : « Khisfîn, nom d'un endroit en Syrie, dans les
environs de Damas»; en fait, Khisfîn est près du lac de Tibériade;
p. i33 : « Asch-Schakif, ville forte située dans le voisinage de Saint-
Jean d'Acre », or cette citadelle est entre Tyr et Baniâs. La frontière de
TArabie et de la Syrie forme une autre désignation du glossaire, mais
I les élèves seront d'autant plus embarrassés de déterminer cette frontière
' que les savants professeurs ne paraissent pas très fixés sur son emplace-
ment; on lit, p. 177 : « Al-Karak, ville sur les limites de la Syrie et de
l'Arabie » : Karak, anciennement Kir-Moab, aujourd'hui Kérac, est au
sud-est de la mer Morte; p. i33, on trouve : « Scharâ, province et ville
sur la frontière qui sépare l'Arabie de la Palestine »: Scharâ est la région
qui entoure l'ancienne Pétra, à 100 kilomètres de Kérac. Les travaux
des voyageurs et des géographes modernes faisaient un devoir aux au-
teurs du glossaire de ne pas s'en tenir aux données souvent confuses des
géographes arabes, telles que : « Wâsit, ville située entre Basra et
Coufa sur le Tigre », p. 210; la distance entre Basra et Coufa étant de
525 kilomètres, on a de la marge pour chercher cette ville, qui était si-
tuée sur le Schatt-el-Haï appelé autrefois le Tigre ; p. 2o3: « Nahrawân,
endroit entre Bagdâdh et Wâsit », or Nahrawân se trouvait au sud
Wâsit sur le canal du même nom; p. i38: « Nahr-Sarsar, affluent
de l'Euphrate entre Bagdâdh ec Koufa » ; le canal de Sarsar, parallèle
au Nahr-Mélik, partait de l'Euphrate au-dessous d'Anbar et rejoignait
le Tigre entre Bagdâdh et Madaïn. Quant à l'histoire, il suiflra de faire
remarquer que les auteurs du glossaire ignorent le nom même des Ha-
roûrites; ils traduisent Waroûriy^"'- par « noble »,a de condition libre »
et, par ce faux sens, ôtent au texte 11, 7, son principal intérêt, qui est
de faire ressortir l'intrépide bravoure de ces sectaires.
La partie lexicographique n'est pas non plus à l'abri de toute criti-
que : p. 79, sous la racine 'îu /, on lit : « mu'anunil'''^ mendiant, solli-
citeur >; ; où les auteurs ont-ils pris ce sens? Dans le texte auquel cette
glose se rélère, p. 16, 1. 2, il faut vocaliser 'ala(i) mu ammalika et tra-
duire : au delà de ce que tu espérais; p. 144, la locution ia'annafî-S'
248 REVUE CRITIQUE M
sinni^ avancer en âge, est vocaliséeau passif, l'emploi du participe actif
dans cette locution ne laisse pas de doute sur la prononciation du verbe
au parfait. — P. 74, id'^ an « alors » devait figurer sous la racine ^d'^ et
non sous celle 'd'^n. — P. 29, 1. i, ponctuer /wt^/'" plur. de liitfat"".
— P. i65, le rapprochement entre /ar^tnh parasange et far a s cheval est
une étymologie à l'orientale qui ne méritait pas de figurer au glossaire. j
Il eût mieux valu indiquer l'origine persane des mots : qahramân ma-
jordome, 3o, 1. 3 d'en bas; hbahbad''- chef de la cavalerie, 5 5, 1. 17;
bischr dévot, 65 iilt. — P. i56, 'amm^^^^ oncle, a le sens d'ami, p. i3,
1. 5, suivant rhabitude qu"ont les Orientaux de donner des noms de
parenté à leurs amis; le passage signifie « épargne ton ami », c'est-à-dire
épargne moi, — 'Adjala à la ii^ forme a le sens de payer comptant,
p. 17, 1. i3. — P. 17g, kilâ est rangé sous la rac. A'//, nous croyons
avec Gesenius et Dillmann que ce mot est dérivé d'une racine kV. —
Les omissions de mots paraissent être nombreuses, voici celles que
nous avons notées au hasard : le pluriel imd, p. 4, penult. — Le sens
de vendre à la vm'' forme de ba'â, p. 11, 1. 9. — lFad<^"« « maintien,
tournure », p. 19, 1. 19. — Le sens d'effrayer à la w" forme de ra'ada,
p. 22, 1. 2. — Siibîy^"^ femmes captives, p. 38, 1. 19. — Maramma^
p. 47, 1. 6 et suiv. — La vme forme de qatala, p. 5o, 1. 3 et passim. —
AsinnaV"^, p. 52, 1. 4. — Yamdma, p. 55, 1. 3. — Djddda, p. 59, 1. 6.
— Nahr-bin, p, 59 ult. — Kabpâd''a, p. 60, 1. i. — La m'' forme de
djard, p. 60, 1. 16. — Makat''a, p. 62, 1. 18 et ult. — Al-\\araniiya,
p. 64, 1. 6, ce mot qui signifie les brigands, s'entend ici des partisans de
Bâbek et du Maziar. Le verbe 'aqada dans ce passage a le sens de
« nommer à une fonction », sens qu'il a souvent quand il est suivi de
préposition 'ala(i) . — K'^ aj'schana, p. 64, 1. 11. Les locutions qui
sortent du génie de nos langues ne sont pas toutes expliquées, on ne
trouve pas notamment les suivantes : bihaqqî ^alaika, p. 12, 1. 6. —
HaiplyâV^^^ 'ala(i) 'urilschihd, p. 44, 1. 17, locution familière au Co-
ran. — Hdd^'a yadjri^ p. 46, 1. 10. — LVamr^'^^ p. 46, 1. 21. — Mu-
lâ'i¥<- l-asinnati, p. 52, 1. 4. — Siiqiiafi aidîhim^ p. 47, 1. 9, signifie
plutôt dans cet endroit « ils furent effrayés, troublés. » V. Quatremère,
Mamcl. T. L not. Un inconvénient aussi fâcheux que les omissions, ce
sont les interversions des mots, car un mot qui n'est pas à sa place, est
un mot omis; tel est le cas notamment pour k'^asafa^ p. 108 /in, et
pour les racines k r k, k r m, k r h, qui sont à la page 177, au lieu d'ê-
tre à la page 178.
Les auteurs ont destiné leur chrestomathie « aux élèves de l'École spé-
ciale des langues orientales et des autres établissements où l'arabe est
enseigné tant en France que dans nos colonies et à l'étranger. » Ces
élèves doivent s'habituer de bonne heure à se contenter de peu; on at-
tendait mieux des efforts combinés des deux éminents professeurs.
Rubens Duval.
D HISTOIRE ET DE LITTEKATURE 249
jyy_ — Gpej;oi-ii Palamao Proeopopoeia, par Albert Jaiin. Halie, ib85,
xii-62 p. in-8.
Un savant suisse, M. A. Jahn, de Berne, a entrepris de rendre acces-
sible au public lettré la Prosopopée de Grégoire Palamas, archevêque
de Thessalonique. Ce curieux traité, que Casaubon appelait un aureo-
lus libellus, a été édité pour la première fois, en i553, par Turnèbe,
d'après un manuscrit de Paris. C'est cette édition princeps, devenue
presque introuvable, que M. J. a reproduite d'après l'exemplaire qui en
est conservé à la bibliothèque publique de Zurich. La Prosopopée se
trouve, il est vrai, renfermée avec les autres œuvres de Grégoire Pala-
mas dans la Patrologie de Migne (volumes CL et CLI), mais, ainsi que
le dit fort bien M. J., elle y est comme ensevelie et perdue.
C'est, sous la forme d'un débat judiciaire entre l'âme et le corps qui
s'accusent mutuellement, un traité théologique qui porte bien le cachet
de l'époque qui lui a donné le jour (milieu du xive siècle) et de la so*
ciété d'où il est sorti. Mais ce qui lui donne un intérêt très réel et très
piquant, ce sont les rapprochements constants que l'on trouve à y faire
avec la littérature grecque classique. Sous ce rapport-là, tout byzantin
qu'il soit, ce traité mérite d'être recommandé à l'attention des philolo-
gues et des théologiens.
C'est donc une heureuse idée qu'a eue M. J., de reproduire l'édition
de Turnèbe, qu'il a d'ailleurs corrigée dans beaucoup de passages.
D'autre part, s'il n'a pas, de dessein prémédité (p. x), reproduit la ver-
sion latine de Turnèbe, il a fait suivre le texte de la Prosopopée d'un
commentaire (p. 42-55) et de trois epimetra (p. 56-6i), qui en facili-
tent la compréhension. Le second des epimetra^ le plus important, con-
tient la liste des nombreux proverbes grecs dont Grégoire Palamas s'est
servi. Le commentaire est essentiellement destiné à relever les rappro-
chements fréquents que l'on peut faire, au point de vue du style et de
la langue, entre Palamas et les classiques grecs, notamment Platon ou
■es autres écrivains chrétiens.
Il y a toutefois une observation à fo'^muler, et une observation grave,
;ar elle porte sur la méthode même adoptée par l'éditeur dans son tra-
vail. Il y a lieu de regretter que M. J., le sachant et le voulant (p. ix),
;e soit borné au rôle de commentateur, et qu'il n'ait pas cherché à faire
ine édition vraiment critique de la Prosopopée. Son travail eût pré-
jenté bien plus d'intérêt, il eût acquis bien plus de valeur, si, au lieu
jie s'en tenir au texte de Turnèbe, qui est celui du manuscrit d-ï Paris,
1 avait coUationné les manuscrits d'Augsbourg (n" 7 3) et de Vienne
n" 117). Grâce à cette omission, d'autant plus étrange qu'elle est vo-
ontaire, l'édition de M. Jahn ne peut être considérée comme détinitive,
t, sous le rapport de la constitution du texte, tout reste encore à faire.
Emile Baudat.
2 DO RKVUK CRITIQUE
178. — T. ï^ucretl t:ai"î, de i-ei-um naturn, V* livre, texte latin publié avec
un commentaire critique et explicatif, par E. Benoist et Lantoine, in -8, p. 16S.
Paris, Hachette, 1884.
Voici encore un bon livre dont la maison Hachette vient d'enrichir
sa grande collection de classiques latins. Il est conçu dans la même
méthode que le Virgile de M. Benoist : rendre Finterprétation aussi
complète, aussi générale que possible, pénétrer le sens véritable du texte
à l'aide d'un commentaire surtout grammatical et historique, dire les
raisons du choix qui a été fait entre les différentes leçons des manuscrits
et les conjectures des savants, en un mot offrir au lecteur, qui veut lire
sérieusement, un grand nombre de renseignements de toute sorte qui,
brièvement donnés, ne sont pas pour cela superficiels. M. B. a Phabi-
tude de remonter aux sources, de s'entourer de tous les travaux anciens
ou récents, et de viser avant tout à deux choses : la recherche da la vé-
rité, l'intérêt des études en France,
Son œuvre a ce double caractère : c'est une oeuvre de science et de
patriotisme. Le professeur, en lui, est un savant, mais ce savant reste
toujours le professeur français qui se préoccupe des besoins et des apti-
tudes de la jeunesse qu'il s'est chargé d'enseigner et parmi laquelle il a
déjà formé tant d''élèves.
De tous les genres d'éditions, il n'y en a pas cependant qui, de nos
jours, soit, plus que ces grandes éditions varioriim, exposé à rencontrer
dans le monde savant un froid accueil. Personne, en effet, parmi les
spécialistes (et qui ne l'est plus ou moins aujourd'hui?) n'y trouve bien
son compte-, on ne juge jamais assez grande la place donnée à sa spécia-
lité, et d'autre part, du moment qu'il est question un peu de toute
chose, chacun s'accorde le droit d'intervenir. Une édition purement cri-
tique risquera de déplaire aux humanistes; mais elle aura pour elle
Pappui des paléographes; les premiers généralement se tiendront àPécart
et laisseront le champ libre à Papprobation des seconds. Une édition de
Lucrèce, conçue au point de vue philosophique, pourra déplaire aux
grammairiens : les philosophes du moins la soutiendront. Au contraire,
une édition d'un caractère général ne sera prônée ou défendue vive-
ment par aucun groupe, aucun ne la trouvant sienne.
Il n'en est pas moins vrai que ces éditions, à la fois explicatives et cri-
tiques, s'occupant d'abord du sens et du texte, mais avec une vue sur
toutes les provinces environnantes, littérature, histoire, philosophie, etc.,
sont justement celles qui, dans les circonstances où nous sommes, ren-
dent le plus de services immédiats. Lorsque, dans un pays, on s est
laissé attarder, comme nous l'avons fait en France pour les études lati-
nes pendant une longue période, lorsque, malgré les travaux et les
avertissements de maîtres illustres, on n'a pas pris garde au progrès des
études chez des peuples voisins, il faut avant tout retrouver le niveau
général, remettre au point tout Pensemble, et ce n'est qu'après ce travail
d'histoirI': et dp: littératurk 25 î
nécessaire et parfois ingrat qu'il est permis de s'attacher aux questions
particulières et de les approfondir une à une,
Le livre de M. Martha, sous une forme délicate et pure, met ii notre
disposition tout l'enseignement désirable sur le caractère du poète, sur
la valeur philosophique et artistique de son œuvre; nous avons aussi
de bonnes traductions : celle de M. Patin, celle de M. Grouslé. Mais
pour lire le poète lui-même, dans le texte, qu'avions-nous, en dehors
d'éditions scolaires estimables, comme les morceaux choisis de M. Berg-
son? 11 nous fallait ou bien nous contenter de Tédition Lemaire, une
des plus défectueuse de cette collection vieillie, ou bien avoir recours à
des travaux étrangers. Grâce à MM. B. et L., nous n^en sommes plus
là pour le V* livre, le plus important du poème. M. Lantoine, qui, avant
d'être le secrétaire de la Facult: des lettres de Paris, a exercé les fonc-
tions de maîtrede conférences de langue et littérature latines dans cette
même Faculté, est le principal auteur de l'interprétation des vers i lo à
677. L'unité de méthode n'en souffre pas : c'est bien une collabora-
tion, non la juxtaposition de deux commentaires plus ou moin? diffé-
rents.
MM. B. et L. nous avertissent (p. 3) qu'on ne doit pas s'attendre à
trouver dans leur édition « la proportion et l'équilibre qu'il faut tou-
jours rechercher dans une édition complète et qui font Télégance de ces
sortes d'ouvrages, » Les éditeurs ont eu en vue Pintéiét pressant des
candidats à l'agrégation, et, le temps leur faisant défaut, ils ont laissé à
leur publication l'aspect un peu négligé, les disproportions de déve-
loppement et les lacunes des leçons orales faites au jour le jour à la
Faculté. La publication était urgente : il était préférable qu'elle ait eu
lieu tout de suite avec ses défauts qu'absolument accomplie, en se faisant
attendre.
Le texte est celui de Bernays, très peu modifié, mais partout examiné
et contrôlé; parmi les leçons nouvelles, celle du vers Si:.' qiiicque mé-
rite particulièrement d'attirer l'attention. 11 serait désirable que
MM. B. et L. eussent moins souvent cité les corrections de Bockemïil-
1er; du moment qu'ils ne le.-, donnaient pas toutes, il valait mieux en
faire un choix plus restreint, la plupart étant inadmissibles et condam-
nées, et ne servant qu'à alourdir le commentaire. On peut aussi repro-
chera quelques notes d'être v.n peu compliquées sur des points relati-
vement simples, comme ceile du vers 121, par exemple, ou celle du
vers 848 où l'on retrouve écrits tout au long quatre vers pour dire quelle
leçon l'on adopte, surcharge inutile puisque cette leçon est déjà intro-
duite dans le texte. Je signale, à la note du v. 806, une légère erreur :
c'est aetas, non aestas qui se lit dans le texte de Bernavs. — Y. 752,
les éditeurs attribuent rallongement de la première syllabe dans ci à
l'accent métrique; je crois que le prétendu accent métrique n'a jamais
existé. — y. îi-ii. MM. B. et L. adoptent la théorie de L. Mullcr,
d'après laquelle conubiu-n auu'.it eu la seconde svilabe taiUôt brève,
232 RliVUE CRITlQUfc,
tantôt longue; il me paraît beaucoup plus satisfaisant de lire conubjum,
comme M. B. lui-même lit Lavinja Enéide I, 2. — Je doute qu'au
V. 838 on ait raison d'expliquer sine voltu par <c sine oculis » ; je ne
vois aucune nécessité de donner à voltus le sens d'un autre mot; voltus,
c'est le visage tout entier, ce sont les traits humains, ce qui exprime la
volonté humaine (velle); ce ne sont pas seulement les yeux. Cela ressort
clairement de deux passages de Cicéron, cités par M. Michel Bréal dans
son Dictionnaire latin étymologique : Ociili, supercilia, J'rons^ viiltus
deniqiie totus ; — Et Ociili... et is qui appellatiir vultus.
Ce sont là de petites choses ; on peut en relever d'autres, mais non en
grand nombre, car pour avoir été rédigé avec promptitude, le commen-
taire n'en a pas moins été fait avec soin et, cela va sans dire, avec une
haute compétence. Ajoutons qu'en tête de l'édition se trouve une ana-
lyse littéraire du V'^ livre, occupant une cinquantaine de pages et trou-
vée par M. Benoist dans les papiers de Patin. On y reconnaît la finesse
et la pénétration de cet esprit supérieur, son jugement élevé, son adresse
à suivre l'histoire d'une idée dans ses manifestations littéraires. Cette
lecture sera des plus utiles anx étudiants de nos Facultés.
Frédéric Plessis
17Q. — E. EspÉRANDiEU, EpîgB-îspliîe «les en^'ii'ori!» du Kef. Sept fascicules
réunis dans un cartonnage, u3 p. et 16 planches. Paris, Champion, 1884-1S85.
Les officiers de notre corps d'occupation ont pris une part active,
dont il convient de leur savoir gré, à l'exploration archéologique de la
Tunisie. Si leurs travaux avaient été dirigés dès le début, la Tunisie
serait aujourd'hui une des régions les mieux étudiées du monde romain.
Malheureusement, le regretté savant qui avait fait de la Tunisie sa
province, M. Ch. Tissot, était trop occupé et d'une santé trop chance-
lante pour présider efficacement à ces recherches multiples que l'exem-
ple de ses remarquables travaux avait inspirées. Nous avons entretenu,
pendant près de deux ans, trente-cinq mille hommes en Tunisie; des
emplacements féconds en ruines, qui n'avaient jamais été visités qu'en
courant, ont été occupés par de fortes garnisons; il se présentait là une
occasion unique pour arracher au sol des documents épigraphiques qui
y dormiront encore sans doute pendant des siècles. On fouilla un peu
partout, mais sans direction; on copia des textes, mais on ne les es-
tampa point; on leva des plans, et ils demeurèrent inédits. Au Kef
(Sicca Veneria), les officiers constituèrent une Société archéologique
qui recueillit une collection d'antiquités considérable, destinée à former
le noyau du musée de Tunis; elle eut des séances, des procès-verbaux,
elle donna mille preuves de bonne volonté et d'intelligence. Mais les
moyens de publicité manquaient. M. Tissot, accabléde communications
bonnes et mauvaises, fit connaître quelques textes importants dans les
d'histoire et de littérature 25 3
comptes-rendus de PAcadémie et laissa le reste dans ses cartons. Le
Ministère de la Guerre, qui recevait les envojs des officiers, les trans-
mettait au Ministère de Flnstruction publique, qui les faisait parvenir à
l'Institut; mais les comptes-rendu de l'Académie ne peuvent donner
asile à toute la farrago des inscriptions d'importance secondaire, et ils
ne publient, sauf des exceptions très rares, ni cartes ni dessins. 11 en ré-
sulta que les découvertes faites en Tunisie restèrent inédites ou furent
dispersées dans un grand nombre de revues au lieu d'être réunies,
comme il eût fallu, dans une sorte d'Ephemeris epigraphica spéciale à
l'Atiique. L'Académie de Berlin envoya en Tunisie M. Schmidt, qui
recueillit plusieurs milliers d'inscriptions dont la plupart avaient été
copiées avant lui et publia le premier supplément au Corpus des ins-
criptions africaines, destiné à être suivi bientôt d'un recueil général des
textes découverts depuis Wilmanns. Une fois de plus, on laissa faire à
l'étranger ce qu'il eût été très facile de faire chez nous. Nos officiers et
nos missionnaires ont rassemblé les moellons : c'est un autre qui a con-
struit le monument.
M. Espérandieu, lieutenant au ly^ de ligne, a publié sous forme
d'articles, dans le Bulletin de V Académie d'Hippone^ puis réuni en
fascicules avec quelques additions, le résultat de ses recherches archéo-
logiques aux environs du Kef. Ces fascicules, qui n'ont pas de pagina-
tion continue, ne forment pas un livre, mais un recueil de textes, de
plans et de gravures plus commode à consulter que la collection d'une
revue. L'auteur ne s'est pas contenté de reproduire des documents iné-
dits: il a réimprimé des inscriptions qui se trouvent déjà dans le Corpus
et dans V Ephemeris^ après en avoir à son tour vérifié le texte. C'est là,
il faut bien le dire, de la peine perdue, d"autant plus que les copies de
M. E. n'ajoutent rien aux publications antérieures ^ A côté de nom-
breux textes déjà connus, nous trouvons quelques fragments nouveaux
qui paraissent généralement avoir été copiés avec soin. Mais l'intérêt du
recueil de M. E. réside surtout dans les descriptions de ruines et les
plans dont il les a accompagnés. Ce sont des croquis topographiques de
Lorbeuss (Laribus) Medeït^a (Althiburos), Khanguet el Kdim (Seguese)
et Zantour [Assuras]^ des descriptions, beaucoup trop succintes à notre
gré, des ruines de Laribus, Medeina, Uzappa, Igibba, Assuras, etc.
Les planches phototypiques sont intéressantes, mais elles avaient
toutes été publiées antérieurement dans le Bulletin des antiquités
africaines et n'apprennent rien à ceux qui sont au courant des
études archéologiques en Tunisie. M. E. ne semble pas avoir une idée
bien nette de ce que l'on demande à une monographie du genre de celle
qu'il a voulu écrire ; il eût mieux valu ne donner que des descriptions
et des dessins faits sur place et se dispenser de reproduire des documents
qui ont déjà été publiés par d'autres. Mais peut-on espérer qu'un mili-
I. On trouve des indications comme celles-ci (II, p. 7) : « Notre lecture a clé com-
plétée à l'aide de celle donnée par le Corpus, vol. VIII, n° 1827. »
2 54 REVUE CRITIQUE
taire, quelque intelligent qu'il soit, distingue par intuition ce qui pro-
fite à la science et les copies de copies dont elle n'a que faire? M. E.,
qui est un topographe fort habile, aurait rendu de réels services si ses
recherches avaient été dirigées. Nous manquons encore de levés précis
et à grande échelle pour la plupart des ruines de la Tunisie ; les monu-
ments figurés de ce pays, comme les bas-reliels si nombreux des stèles
funéraires, sont presque tous inédits. Un officier muni d'une planchette
et d'une chambre claire trouverait à chaque pas des sujets d'étude inté-
ressants. Le recueil de M. Espérandieu, qui témoigne de son zèle et de
sa curiosité scientifique, laisse regretter que ces qualités précieuses
n'aient pas donné tout ce qu'on pouvait attendre d'elles, faute d'avoir
été fécondées par de bons conseils '.
Salomon Reinach.
180. — KiNDLER VON Knobloch, das Golcleiio ESuch von Sti*assburg (le livre
d'or de Strasbourg^ Tome I. Vienne, ]885.
Tandis que Mulhouse a depuis des années son livre d'or, Strasbourg
attendait encore le sien. L'auteur de l'ouvrage, dont on vient de lire le
titre, s'est proposé de combler cette lacune dans la littérature historique
de notre province. Quiconque s'est occupé de notre passé, voit quel
rôle ont joué pendant le moyen âge les familles nobles strasbourgeoises,
tantôt hostiles aux bourgeois, tantôt leurs alliées pour la défense des
libertés publiques. On a tenté plusieurs fois de reconstituer les éléments
de leur histoire et de réunir leurs armoiries. L'ancienne bibliothèque
de Strasbourg avait possédé, outre des notes laissées par Sébastien Murg
de Bofzhein et par Silbermann, deux grands travaux généalogiques
manuscrits l'un par Luck, l'autre parReichardt. Depuis la destruction de
ces précieux volumes, on était réduit aux listes incomplètes et souvent
incorrectes que Bernhard Herzog a insérées dans sa chronique, et aux
Collectanea gencalogica^ également insuffisants, qui proviennent delà
collection Heitz ; quelques recueils, conservés dans des archives parti-
culières, étaient peu accessibles aux érudits. U Alsace noble de M. Er-
nest Lehr, quel qu'en soit le mérite, est trop chère et ne donne pas assez
de renseignements sur les origines et les destinées les plus anciennes de
nos familles de chevaliers et de patriciens. 11 faut donc savoir gré à
i.Au mois de mars 188b, la commission archéologique de Tunisie, instituée au
ministère de l'Instruction publique, a fait rédiger des Instructions pour la recherche
des antiquités qui ont été adressées aux officiers du corps d'occupation. En même
temps, le Bulletin du Comité des travaux Iiistoriques s'est ouvert aux communica-
tions adressées au Ministère de la Guerre par les officiers. Ces mesures sont excel-
lentes, mais elles auraient été autrement efficaces i! y a quatre ans, alors que l'effec-
tif de nos troupes en Tunisie était trois fois plus considérable qu'il ne l'est
aujourd'hui.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 25 5
M. Kindlerde Knobloch d'avoir entrepris son ouvrage. Pendant un sé-
jour de quelques années à Strasbourg, il a recherclié dans les différen-
tes archives de la ville tout ce qui concerne la noblesse et le patriciat
strasbourgeois. Il a classé ses résultats par ordre alphabétique, le seul
conforme à un sujet qui ne saurait pas prétendre à un caractère litté-
raire. On regrettera peut-être qu'il ait cru devoir s'abstenir de donner
des généalogies plus complètes; il se contente parfois d'indications un
peu trop sommaires; tel quel, toutefois, son livre est une contribution
fort utile à notre histoire locale. Nous ne lui ferons pas le reproche de
n'avoir pas mentionné pour chaque nom et chaque date qu'il cite les
sources d'où il lésa tirés ; s'il l'avait fait, son volume serait devenu deux
ou trois fois plus gros. De pareils travaux doivent être acceptés de con-
fiance ; quel intérêt l'auteur pouvait-il avoir à tromper ses lecteurs? II
ne s'est pas agi pour lui de dresser des généalogies de fantaisie, dans le
seul but de satisfaire la vanité de quelques gentilhommes de création ré-
cente; il a fait un ouvrage d'histoire sur des familles, dont la plupart sont
éteintes depuis longtemps; cette publication a exigé une patience, dont
ceux-là seuls se rendent compte qui se sont occupés de matières analo-
gues. Quand on songe qu'il a fallu parcourir des milliers de chartes, de
titres de propriété, de testaments, de descriptions de biens, rien que pour
y glaner des noms, on ne s'étonnera pas de rencontrer çà et là une er-
reur de détail. Nous ne chicanerons pas l'auteur sur ces quelques mépri-
ses, qu'il sera le premier à rectifier quand il fera une nouvelle édition.
Ajoutons en terminant que ce qui rehausse la valeur de sa publication, ce
sont les 23 planches donnant 276 armoiries, exactement dessinées d'a-
près les sceaux. Espérons que ce premier volume ne tardera pas à être
suivi du second.
S.
181. — F'ancan et la politique «le Rîelielieu, de 161 T t\ 16"2T, par
Léon Geley, agrégé de l'Université. Paris, L. Cerf, 1884, vu, 324 p. In-S. Prix :
6 fr.
L'ouvrage dont nous rendons compte a été publié après la mort de
son auteur, enlevé prématurément aux lettres et à ses amis. Malgré ses
imperfections, — bien naturelles quand on songe que M. Geley était déjà
atteint, quand il l'écrivait, du mal auquel il a succombé, — ce livre mérite
qu'on s'y arrête.
Qui donc est Fancan? Quel est ce personnage inconnu qui, pendant
dix ans exerça sur la politique de Richelieu une influence suffisante
pour obtenir les honneurs d'une aussi volumineuse monographie? C'est
là sans doute ce que se sont demandé la plupait des lecteurs sous les
yeux desquels est tombé l'ouvrage de M. Geley.
Disons tout d'abord que leur curiosité ne sera que très imparfaitement
256 REVUE CRITIQUE
satisfaite, si c'est l'existence même de Fancan qu'ils désirent con-
naître. Nous n'apprenons à peu près rien sur son compte, si ce n^est
qu'il fut chanoine de Saint-Germain-l'Auxerrois, et pendant longtemps
un des écrivains à gages du cardinal. Finalement brouillé avec son maî-
tre, sacrifié, dit-on, par lui à la cabale ultramontaine, il fut mis à la
Bastille en 1627 et y mourut sans doute Tannée-suivante. C'est là tout
ce que l'auteur nous en raconte et Ton nous accordera que ce n'est
guère. Il ne doit pas être impossible pourtant de retrouver quelque part
des renseignements sur la famille de Fancan, puisque son frère était in-
tendant de Richelieu, il ne doit pas être impossible davantage de re-
trouver au moins la date de la nomination de Fancan à son canonicat,
etc. Du moment qu'il lui consacrait un travail d'étendue pareille,
M. G. aurait aussi bien fait d'épuiser la matière. Mais sans doute le
côté politique de sa thèse l'intéressait seul et chaque auteur est maître
de son sujet. Ce sujet, le voici; c'est l'analyse et l'appréciation des di-
verses brochures écrites par Fancan sur la politique intérieure et exté-
rieure de la France, depuis l'assassinat du maréchal d'Ancre jusque vers
l'époque du siège de La Rochelle (1617-1627). Ici encore nous regret-
tons de devoir commencer par une restriction grave l'appréciation criti-
que de cette consciencieuse étude. M. G. nous parle successivement
d'une dizaine de pamphlets plus ou moins considérables de son héros,
depuis la Chronique des favoris et la France mourante jusqu'au Mot à
r oreille et la Voix publique; quand nous cherchons à nous rendre
compte des motifs scientifiques qu'il peut avoir pour les attribuer à
Fancan, nous constatons avec un certain étonnement que ce sont pres-
que toujours des impressions tout à fait subjectives, basées sur des «rap-
prochements d'idées assez fréquentes » des <? expressions identiques »,
etc. et que les témoignages directs &t précis des contemporains qui per-
mettraient de rapporter à Fancan l'honneur d'avoir rédigé ces factums
politiques font défaut dans la plupart des cas. En second lieu, l'auteur
n'a point examiné suffisamment non plus une autre question, celle de
savoir, étant admis même qu'il en soit l'auteur, jusqu'à quel point Fan-
can a exprimé des idées personnelles dans les brochures dont il s'agit,
où s'il a simplement été l'écho de Richelieu, le plumitif à gages du
cardinal, qui lui fournissait et le canevas du sujet et les idées politiques
à répandre dans le public. Et pourtant c'est de la solution de cette
question préliminaire que dépendra l'opinion du lecteur et surtout du
critique sur le personnage qui l'occupe, du moins en tant que l'indivi-
dualité même de Fancan l'intéresse ^
Nous serons toutefois plus à l'aise pour louer le fond même du travail.
L'auteur a bien compris l'intérêt que présente, au point de vue histori-
que, la littérature des pamphlets contemporains et l'opportunité, pour le
I. En tout état de cause, nous protestons contre l'enthousiasme de M. G. qui
trouve quelque part (p. 285) les tableaux de Fancan « vraiment incomparables >etle
met en parallèle avec « notre grand Michelet «.
d'histoire et de littérature 257
narrateur d'une époque, de se familiariser avec leur contenu. Peut-être
croit-il un peu trop facilement y trouver des faits inconnus et des détails
matériels nouveaux; il ne faudrait pas oublier que les menues anecdotes
qui nous paraissent souvent du neuf dans un écrit de ce genre, sont bien
souvent aussi mensongères qu'elles sont peu connues. Car enfin le propre
du pamphlétaire est de mélanger les vérités historiques, plus ou moins
travesties, aux fictions haineuses pour en écraser un adversaire. Mais
libelles et pamphlets sont une excellente source pour l'historien quand il
s'agit de retracer l'esprit général, le développement des idées politiques
à un moment précis de l'histoire. Leurs auteurs poursuivent toujours
un but, bon ou mauvais; ilsy restent donc, au moinsdans une certaine
mesure, sincères vis-à-vis d'eux-mêmes et du lecteur. Leurs productions
éphémères deviennent, en quelque sorte, la photographie des courants
politiques d'une génération, d'un groupe plus ou moins influent sur les
destinées du pays. C'est précisément un groupe de ce genre que le
volume de M. G. nous permet d'étudier de plus près, dans les idées
qu'il défend, sinon dans les personnalités qui le composent : le parti
patriote ou \e parti français. Au milieu des querelles intestines et des
dissensions religieuses qui paralysent alors la France, avant que la
main de fer de Richelieu ait courbé sous l'autorité royale les membres
de la famille régnante et les champions turbulents de la haute noblesse,
il y a, dès 1617, des hommes d'Etat et des politiciens qui songent à
reprendre la tradition de Henri IV. Ils parlent de refouler la puissance
de l'Autriche et de l'Espagne, d'empêcher le renouvellement des guerres
de religion en France, de fortifier le pouvoir du souverain en abattant les
conseillers prévaricateurs ou bornés delà couronne; ils veulent réveiller
enfin dans tous les esprits, chez les fils des anciens ligueurs comme
chez ceux des anciens huguenots, le sentiment d'une origine commune,
d'un égal amour pour la patrie française. M. G. nous a donné l'analyse
détaillée et de nombreux extraits des brochures et des opuscules qui
développèrent alors ces idées, d'une façon plus ou moins éloquente, plus
ou moins clandestine ', et dont quelques-uns au moins peuvent être
rapportés à l'influence directe de Richelieu. A ce point de vue plus
général, peu importe au fond que ce soit Fancan ou tel auteur anonyme,
guère plus inconnu que lui, auquel on doive attribuer la paternité de
ces pamphlets. Ils conservent un intérêt historique sérieux, en dehors
de la question d'origine, et nous ne pouvons que remercier l'auteur de
les avoir examinés de plus près. Nous ne saurions partager, il est vrai,
pour le moment du moins, son admiration pour Fancan, dont il fait
un « Père Joseph avant la lettre », car pour le faire, il faudrait que
I. Il est étonnant que M. G. n'ait pas du tout songé fi nous parler de l'endroit où
se publiaient ces brochures, de leurs éditeurs présumés, de toute la question biblio-
graphique, en un mot. Il ne cite pas même en entier le titre d'un seul de ces pam-
phlets, avec indication exacte du format, nombre des pages, etc. On peut demander
cela pourtant dans un travail d'allure scientifique.
258
REVUE CKITIQUE
nous soyions plus sûr tout d'abord de la part qu'on peut lui attribuer
dans cette littérature. Il faudrait aussi que l'homme, qui reste absolu-
ment caché derrière Técrivain, avant comme après le travail de M. G.,
acquît, par suite de recherches nouvelles, une physionomie propre, et
permettant sur son compte un jugement autre que téméraire. Mais ce
que nous apprenons à connaître de près par notre volume, c'est la situa-
tion des esprits dans la France d'alors '■ (ce en quoi l'auteur a rendu un
véritable service aux historiens futurs du règne de Louis XIII), c'est
l'analyse détaillée des manifestations de l'opinion publique française à
cette heure passablement trouble du xviie siècle, où les gouvernants et
la nation elle-même semblaient hésiter entre l'alliance des puissances
catholiques, du Saint-Siège et des Habsbourgs, et la reprise de la poli-
tique des Valois en Italie, de François I et de Henri IV en Allemagne.
Nous voudrions voir continuer les études commencées par M. Geley
dans cette direction. Les brochures de ce genre deviennent toujours plus
nombreuses à mesure que Richelieu s'engage plus avant dans la lutte
trentenaire; pourquoi d'autres, après M. Geley, n'élargiraient-ils pas le
cadre jusqu'aux traités de Westphalie, pour nous retracer ainsi le ta-
bleau complet de la presse politique avant la Fronde dont les innom-
brables pamphlets ouvrent une ère nouvelle? Il y aurait là une tâche,
longue et difficile, mais faite pour tenter des travailleurs de mérite et
de talent ^
R.
182. — G. Desnoiresterres. La Comédie ssstirique au XVlBie siècle.
Histoire de la Société française par l'allusion, la personnalité et la satire au
théâtre. Louis XV, Louis XVI, la Révolution. Paris, librairie académique (Emile
Perrin, 1884, in-8.
M. Desnoiresterres, qui prépare depuis longtemps un travail appro-
fondi sur le sujet complexe indiqué par le sous-titre de son livre, a
détaché de cet ensemble toute la partie consacrée à une époque qu'il
connaît à merveille et qui lui fournissait en outre les meilleurs argu-
ments à l'appui de sa thèse. Il a voulu montrer en effet comment, de la
mort de Louis XIV à la fin du Directoire, le théâtre a su, de tout temps
et en toutes circonstances, éludant les défenses les plus rigoureuses, ne
1. Un des côtés du moins de la situation des esprits; car il y eut aussi de nom-
breux pamphlets émanant du parti espagnol et ultramontain, et dont il faudrait par-
ler tout aussi longuement dans un travail d'ensemble.
2. Notons en passant quelques petites fautes d'impression et autres, qui déparent
le récit de M. Geley. P. 2i5 : Curasse pour Garasse; p. 228: Nidasbourg- pour Al-
kolsbourg ; Boetlen pour Bethlen; p. 283 : Be/Zz/em. — La locution qui paraît étonner
M. G. p. 233 « on vient nous accravater jusqu'aux portes de Paris », se rapporte
aux incursions de la cavalerie légère des Impériaux et Espagnols, formée de Croates,
appelés alors en France Cravates. — P. 286. Les batailles de Lutter et de Dessau
n'ont pas eu lieu à la même date, mais à près d'un an de distance.
d'histoirk et di<: LiTTÉuATURii: 259
laisser passer aucun événement sans lui emprunter un trait ou une
allusion que saisissait sans peine la malice des contemporains, et il faut
reconnaître que le xvni^ siècle, s'il n'est pas l'inventeur de cette revan-
che du silence ou de l'absence de la presse, a largement usé de cette
quasi-liberté. Les portes de Tabbaye de Saint-Denis s'étaient à peine
refermées sur le cercueil de Louis XIV que le Régent, donnant l'exemple,
faisait représenter aux Tuileries Athalie où abondaient les allusions
aux deuils réitérés dont avait été frappée l'ancienne cour et l'âge même
du petit Joas offrait une singulière conformité avec celui de Louii; XV.
L'Œdipe de Voltaire, joué deux ans plus tard, provoquait d'odieux
rapprochements entre l'inceste de Jocaste et les relations qui existaient,
prétendait-on, entre Philippe d'Orléans et ses filles. Ces deux exemples,
empruntés aux premières pages du livre de M. D. et qu'il ne tiendrait
qu'à nous de faire suivre des quelques centaines d'autres patiemment
colligés par Fauteur, sont suffisants, je pense, pour montrer quelles
ressources a pu fournir à M. D. un dépouillement minutieux des mé-
moires, correspondances et journaux du temps. « Dans l'histoire, a dit
Mérimée ', je n'aime que les anecdotes, et je préfère celles où j'ima-
gine trouver une peinture vraie des mœurs et des caractères à une épo-
que donnée ». A ce point de vue il eut été satisfait de la Comédie satiri-
que, car Tanecdote y corrobore toujours un fait historique et permet de
le mieux comprendre. Qu'il s'agisse des agiotages du système, des
querelles fastidieuses entre molinistes et jésuites, des luttes du coin du
roi et du coin de la reine dans l'affaire des bouffons italiens, des Philo-
sophes ou de l'Ecossaise, des Druides de Le Blanc de Guillet ou de la
lutte de l'opinion contre le parlement Maupeou, des divisions provo-
quées par Gluck et Piccini, du scandale du Mariage de Figaro, des
globes aérostatiques ou des baquets de Mesmer, de la prise delà Bastille
ou de la fuite de Varennes, de l'Ami des lois, de Lava, de l'Intérieur
des comités révolutionnaires , de Ducancel ou du Jugement dernier des
rois, de Sylvain Maréchal, M. D. montre d'un bout à l'autre de son
livre cette corrélation constante et l'appuie de citations topiques. C'est
la plus agréable promenade qu'on puisse faire a travers ce siècle et sous
la conduite du guide le mieux renseigné -. Les chapitres s'y succèdent
1. Chronique du règne de Charles IX.
2. M. D. n'a pas cependant et ne pouvait avoir la prétention de ne rien omettre sur
un sujet aussi riche et aussi varié. Je n'en cite la preuve suivante que parce qu'elle
a traita un écrivain sur lequel l'attention a été fréquemment ramenée depuis cinq ou
six ans et parce que le petit fait dont il s'agit a échappé à ses plus scrupuleux bio-
graphes.
Le continuateur anonyme et inconnu de VObservateur des spectacles de Cherier
(mort à Amsterdam le 2 juillet 1762) consacre dans son n° du 22 mars lyôS un
tt court éloge » à Marivaux et dresse un catalogue raisonné de ses pièces. La seconde
en date était VAmour et la Vérité, un acte en prose représenté au Théâtre-Italien
en 1720, « Elle ne se trouve point dans le théâtre de M. de Marivaux, ajoute l'au-
teur. Elle est pourtant de lui et il l'a avouée, mais l'ayant retirée lui-même des
mains des Comédiens, il l'a supprimée, de sorte qu'elle n'a jamais paru que maaus-
200 REVUE CRITIQUE
dans Tordre logique et chronologique, sans fatigue aucune pour le
lecteur, car l'auteur s'y est constamment abstenu des digressions qui
nuisent parfois à son grand travail sur Voltaire.
Nous n'aurons pas la cruauté d'insister sur les fautes typographiques
qu'un long errata ne corrige pas toutes. Quant aux sources, elles sont
scrupuleusement indiquées ', sauf une cependant qui n'est mentionnée
qu'une seule fois et que M. Desnoiresterres aurait pu plus souvent
mettre à profit; c'est l'excellente Histoire par le théâtre de Th. Muret
(Amyot, i865, 3 vol. in-i8); elle ne commence, il est vrai, qu'au
Mariage de Figaro, mais la partie révolutionnaire y est traitée avec
une ampleur et une sûreté de jugement que n'ont pas fait oublier les
travaux plus récents de MM. Jaufîret ^ et Welschinger ^.
Maurice Tourneux.
i83. — Grainleur et décadence de la Colombine. Seconde édition revue,
corrigée et considérablement augmentée. Paris, chez tous les marchands de
nouveautés, i883, b^ pages, in-8.
Les lecteurs de la Revue critique n'ont pas oublié l'article publié ici
même (n° du i8 mai de cette année) sur les vols commis récemment au
préjudice de la bibliothèque Colombine de Séville, et ils savent que les
révélations de notre collaborateur, M. H. Barrisse, ont fait grand bruit
dans LanderneaU; je veux dire dans les cercles littéraires et politiques
d'outre Pyrénées. Interpellations à la Chambre des députés et au Sénat,
répliques du ministre compétent, enquête ou commencement d'enquête,
articles et polémiques dans la presse de Madrid et des provinces, en un
mot beaucoup d'agitation, et pour résultat : rien. Après comme avant
les enquêteurs ignorent ou feignent dMgnorer l'origine et les auteurs de
ces déprédations, et personne ne nous a encore renseigné sur les inter-
médiaires qui ont transféré ces richesses bibliographiques sur le marché
de Paris, où elles se sont, comme on sait, si facilement écoulées. On
critc. Elle avait rapport à une anecdote du temps et la satire ne fut point si gazée
qu'on ne reconnijt les originaux qui tirent conseiller à l'auteur de la suppri-
mer s.
M. G. Larroumet, qui a pris pour thèse de doctorat Marivaux, sa vie et ses œu-
vres (Hachette, 1882, in-8o; voir \3, Revue critique, 2' série, t. XV, p. 106) et qui n'a
négligé aucune particularité touchant son personnage, a cité, d'après le Mercure,
un fragment de V Amour et la Vérité (p. Sj-SS). C'est un morceau « spirituel mais
d'un caractère bien mythologique et métaphysique )>, où il serait impossible de sai-
sir la moindre allusion.
1. Signalons cependant (p. 249) un léger lapsus: M. D. a confondu la Revue de
Lyon avec la Revue du Lyonnais : ce sont deux publications tout à fait distinctes et
c'est dans la seconde qu'a paru la chronique locale dont il cite un extrait.
2. Le Théâtre révolutionnaire (i~88-iygg), Furne, Jouvet et O", 1869, in-12.
3. Le Théâtre de la Révolution (i 789-1 799) avec documents inédits, Charavay
frères, 1881 , in-i8.
OHISTOIKE KT DK LITïEl'.Al UKh 20 [
ignore et même on nie : le chapitre de Séville, responsable au premier
chef, joue l'étonné et le scandalisé, et avec un aplomb superbe
oppose un démenti catégorique aux allégations de M. Harrisse. a. Ces
livres, nous ne les avons jamais vus », dit-il, ce qui peut être vrai, je
l'admets sans trop de peine, mais malheureusement ne prouve pas ce
qu'il fallait prouver. D'autres, plus circonspects, reconnaissent la pro-
venance du larcin, mais ne l'estiment pas si récent. « On a tant volé de
tout temps à la Colombine! Et qui nous dit que ces livres n'étaient pas
depuis de longues années recelés par quelque amateur du crû »? Sans
doute ceux-là ont raison en partie. On a beaucoup volé en effet à la
Colombine depuis le jour où le chapitre de Séville est entré en posses-
sion du legs splendide de Ferdinand Colomb, M. Harrisse l'a établi, et
je ne serais point surpris qu'un certain nombre des raretés accueillies
par nos brocanteurs eussent, il y a quelque vingt ans déjà, pris congé
des chanoines sévillans. Je me métie d'une bibliothèque méthodique-
ment explorée par Bartolomé José Gallardo, Phomme à la vaste lévite
et aux poches profondes, sans parler d''autres fureteurs bien connus
pour leurs pêches miraculeuses. Mais qu'on ait volé récemment encore,
c'est ce qui n'est pas moins sur et c'est ce que démontre avec sagacité
M. Harrisse dans cette édition augmentée de son travail. Il n'a pas
voulu laisser aux gardiens actuels de la Colombine la possibilité de re-
jeter toute la faute sur leurs prédécesseurs; il les prend en flagrant
délit d'incurie et d'ignorance, pour ne rien dire de plus.
Les plaquettes italiennes et françaises des recueils de Ferdinand
Colomb vendues à Paris, n'ayant pas été examinées ou décrites par les
visiteurs de la bibliothèque, il devient à peu près impossible de savoir
quand elles en sont sorties. Pour les manuscrits c'est autre chose.
Plusieurs missionnaires étrangers, Haenel, notre regretté Charles
Graux, MM. Fr. Michel, P. Ewald et Pio Rajna les ont dans ces der-
nières années tenus dans leurs mains et en ont pris des extraits qui four-
nissent tous les points de comparaison désirables. Sur les neuf manus-
crits acquis par notre Bibliothèque nationale, après que son directeur
en eût référé au chapitre de Séville, quia fait la sourde oreille et s'est
désintéressé, cinq sûrement étaient encore en place il n'y a guère et
n'ont été extraits du dépôt que pour être expédiés à Paris. Ceci est ac-
quis, que le chapitre maugrée ou non. Quant au reste, aux lourds
paquets de plaquettes gothiques et autres, il faut pour l'instant réserver
son opinion ; tout porte à croire cependant qu'un certain nombre au
moins ont passé à la même heure par la même porte que les manuscrits,
et que l'amateur qui a choisi les livres de main, aura su trier aussi les
livres de forme. Aux plaquettes rarissimes françaises énumérées dans
l'article de la Revue du i8 mai, M. Harrisse ajoute aujourd'hui une liste
non moins curieuse de plaquettes italiennes provenant de la Colombine
qui viennent de regagner leur pays d'origine. La France, on le voit,
n'a pas été la seule nation à profiter du coup de filet.
202 KKVUE CRI'HQUK
Une question se pose. A ne considérer que l'intérêt général, cioit-on
pleurer ce pillage? Nous n'avons pas après tout à nous montrer plus
royalistes que le roi, et puisque les Espagnols trouvent bon de laisser
filer leurs livres et se refusent même à les reprendre quand on les leur
oflre, je ne vois pas pourquoi nous nous attristerions outre mesure
d'un événement qui nous vaut de posséder des raretés inaccessibles jus-
qu'ici. D'ailleurs que faisaient ces livres et ces manuscrits à Séville?
Depuis que Ferdinand Colomb les a réunis, qui s'en est servi? La
Société des bibliophiles sévillans, par exemple, si bien placée pour met-
tre à profit rhériîage littéraire du fils du grand découvreur, n'en a rien
tiré du tout, et les recueils formés au prix de si intelligents efforts par
ce bibliophile émérite gisaient sur les rayons de la Colombine sans nulle
utilité : il a fallu des voleurs pour les remuer et secouer leur poussière.
Pour mon compte, je ne regrette qu'une chose, c'est que ces trésors
soient sortis subrepticement de la Colombine, dans de mauvaises con-
ditions, lavés, grattés et déchirés, alors que le chapitre, qui en fait le
cas qu'on sait, aurait pu les vendre au grand jour à son plus grand
profit et à la joie des honnêtes gens.
Ce qui par exemple dépasse l'imagination, ce sont les réflexions que
ces vols ont inspirés à certains publicistes espagnols. Au lieu de se mon-
trer coiUrits et de se frapper la poitrine, ils ont trouvé le moment bien
choisi pour déplorer... quoi? que la France recueille et conserve ce que
l'Espagne vilipende ou laisse perdre. J'ai sous les yeux un article inti-
tulé « Nos documents historiques dans les bibliothèques de France »
(La Epoca du 27 juin i885) et qui est une manière de requête adressée
au président du Conseil des ministres pour l'inviter à réclamer à la
France les manuscrits espagnols qu'elle possède. L'auteur de l'article
insiste particulièrement sur les manuscrits de la Bibliothèque nationale,
qu'il nomme liasses (legajos), et il en désigne, d'après le dernier catalo-
gue, un certain nombre, accusant Napoléon V^ de les avoir dérobés à
l'Espagne, quoique les deux tiers soient en France depuis l'époque
de Mazarin et de Colbert. Evidemment, ce journaliste n'a pas plus la
notion des choses dont il parle qu'il n'a le sentiment du ridicule. J'es-
père que ses compatriotes mieux informés ne marchanderont pas leur
reconnaissance à notre grande bibliothèque qui a sauvé, pour les
mettre libéralement à la disposition de tous, tant de monuments pré-
cieux de l'histoire littéraire de l'Espagne : témoin le fameux Cancio-
nero de Bacna, manuscrit de l'Escurial emporté par l'arabisant Conde,
vendu deux fois publiquement en Angleterre sans que le gouvernement
espagnol fit le moindre effort pour le récupérer, racheté enfin de son
bon argent par la France et gracieusement prêté par notre bibliothèque
au savant espagnol qui en fit la première édition. Cet exemple peut
suffire.
Aux esprits sérieux, à ceux de nos voisins, qui, sans tant criailler,
s'afHigent en contemplant le pillage périodique de leurs dépôts littéral-
o'mSTOil'.K KT OK J.lTTKlt A f CJKk 203
res, je dirai qu'ils ont un enseignement à tirer de cette lamentable
affaire. Pour garantir contre ies voleurs les livres d\tne bibliothèque,
il importe de prendre une série de mesures préventives, dont beaucoup,
hélas ! sont totalement négligées par ies bibliothécaires espagnols. Com-
bien de volumes restent à estampiller, à paginer, à relier et à cata-
loguer dans les plus grands dépôts d'Espagne! Et comment garder ou
récupérer, lorsqu'on les a perdus, des manuscrits ou des livres dont
l'identité ne saurait être établie, puisqu'ils n'ont pas d'état civil? Un
manuscrit surtout, dont une description suffisante ne figure pas dans
un catalogue imprimé court partout, mais en Espagne plus qu'ailleurs,
les plus grands risques : il appartient au premier larron qui saura le
dépecer et en efîacer les anciennes marques de provenance. Donc le
gouvernement espagnol devrait employer toutes ses ressources et l'acti-
vité de ses agents à inventorier sans trêve ni merci tout ce qui lui reste
encore de richesses bibliographiques. Il dispose d'un pouvoir réel et
étendu, il n'a pas, comme chez nous, à compter avec l'administration
municipale, il régente tous les dépôts de documents et de livres, sauf
quelques archives et bibliothèques ecclésiastiques qui ont jusqu^ici
échappé au droit commun. Qu'il use de son autorité, ou d'ici à peu
de temps son corps d'archivistes et de bibliothécaires n'aura plus rien à
conserver.
A. O.
VARIETES
Extraits de ta eoi'i'espontîîsïice inétiiïae d'iîsî ©ffîcîei" répiîlilîcaîn
I
Liberté Egalité
Fraternité Amitié
Aux Sables, ce i8 ventôse l'an 3^" de la Re'publique française
une et inciivisible.
Joseph Lchimas fils, an citoyen A.rmand fils.
Charrette donne beaucoup de peine pour l'attrapper. Dernière-
ment on lui a pris deux demoiselles dont Tune avait tout au plus i8 ans
d'une figure intéressante faite pour charmer Thomme le plus froid pos-
sible. L'autre n'est pas aussi jolie que la première. Cette première a
reçu un coup de sabre au côté de l'oreille et la 2^ en a reçu quatre sur
la tête. Je pense bien qu'elle ne sont point n , que les brigands les
auront f et r., ... de même que les nôtres, car elles paroissent avoir
264 REVUE CRITJQUE
diablement fait de service. Avec tout cela la plus jeune seroit encore
bonne pour passer un moment.
... Il me tarde d'aller au Bocage pour tacher de taper ou de rece-
voir.,.
II
Lamotte-Achard, le 3o frimaire, 4^ année républicaine.
Mon cher Armand,
En arrivant aux Sables je croyois d'y rester. Point du tout. Je reçois
l'ordre de me rendre ici pour rejoindre le géne'ral. Etant arrivé le len-
demain, je fus à une expédition. Nous avons pris du grain qui étoit aux
rebelles et autres articles. Le 26 au soir et le 27 nous avons fait des
marches de nuit pour arrêter plusieurs scélérats des brigands. Nous
avons marché dans des marais, de la boue et de la boue jusqu'aux ge-
noulx, dans des bois, dans des genêts, enfin jamais je n'ai vu de sem-
blables chemins. J'ai failli prendre mal à plusieurs reprises. Il en est
résulté de ces deux expéditions 14 ou 1 5 individus dont deux qui ont
subi la peine due à leur cruauté; 4 ont été conduit aux Sables et le reste
a été mis en liberté. Tu ne pourrois pas te faire l'idée de la manière
avec laquelle ils ne veulent point répondre aux différentes questions
que nous leur faisons, ils préfèrent la mort plutôt que de dire la vérité.
Jamais je n^ai vu d'hommes aussi fermes dans leur opinion que ces re-
belles ; ils reçoivent la mort avec une gaieté et un sang-froid inconce-
vables. J'ai été surpris lorsque je les ai vu fusiller, de voir qu'eux-mêmes
s'attachaient leurs mouchoirs. Dans ces expéditions de nuit j'entrois
avec l'adjudant-major qui commandoit le détachement, tous deux les
premiers dans les maisons pour faire les visites; nous avons couru di-
vers dangers. Un des rebelles nous menaçoit ; j'étois en même de le tuer
lorsque je su qu'il n'était point armé. Me rappelant le respect que
nous devons à la loi et qu'il étoit sous sa sauve-garde fit que je me retins.
Si je voulois te faire le détail de cette guerre, il me faudroit un volume
in-folio. Cependant je te dirai que nous ne pouvons nous écarter de
200 pas du cantonnement qu'on ne soit tué. Juge par là s'il faut avoir
de la prudence. 11 m'est arrivé souvent d'être atteint par des coups de
fusils tirés par ces scélérats sur la route. Heureusement qu'il n'ont pu y
réussir encore! A présent je me moque de la vie comme de rien depuis
que je suis ici d'après tous les risques que nous courons. Dans les diffé-
rentes visites que j'ai fait j'ai trouve de très jolies [filles] qui étoient au
lit. Les volontaires vouloient... Je m'y suis opposé et ayant fait des re-
présentations, ils les laissèrent. Elles me disoient qu'elles me laisse-
roient faire tout ce que je voudrois pourvu que je leur laisse la vie.
Voyant que c'étoit la peur qui leur faisoit dire cela, je les rassurai...
Tout autre que moi aurait profité de l'occasion : Je n'y pensois pas, je
ne pensois qu'à remplir ma mission... D'après des renseignements que
nous avons eu, demain je vais partir avec le général pour aller attaquer
I
d'histoire et de littérature 205
3oo brigands et aussitôt Texpédition faite, je t'en ferai le détail. Plu-
sieurs communes ont rendu leurs armes : de ce côté, aucuns ne l'ont
tait encore, étant les plus rebelles. Il y a un chef qui s'est rendu avec
ces communes dans la 3^ division. Plusieurs habitants égarés qui étoient
avec Charrette rentrent dans leurs foyers. Charrette va être bientôt seul.
J'espère que sous peu la paix, la tranquillité, Tunion, la concorde et la
fraternité seront établies dans cette contrée. L'IsIe Dieu a été évacuée
par les Anglais : le 28, à 9 heures du matin, ils se sont embarqués
pour l'Angleterre. Le pays que j'habite est si agréable que nous ne
pouvons pas sortir sans bottes ou sabots. Nous avons grand spectacle.
Ce spectacle est si effrayant qu'il révolte la nature. C'est 3 ou 400 de
nos frères d'armes qui ont été hachés par les ordres du scélérat
Charrette lors de l'amnistie. Ces braves défenseurs de la patrie sont sur
la route d'un de nos avant-postes. Le même sort nous attend à tous
ceux qui seroient pris par eux. Nous avons souvent du tragique : J'y
ai presque joué un rôle. Je t'invite, si tu peux rester chez toi, de le
faire. 11 vaut mieux aller voir jouer à Bordeaux la tragédie qu'ici. Reste
donc avec ton cher père. Je serois bien heureux si je pouvois être à ta
place. Nous sommes dans un château que nous avons retranché depuis
que nous y sommes; nous avons 6 à 700 hommes avec nous. Ce sont
les nuits que je trouve bien longues : nous sommes livrés à nous-même
et je ne me divertis que lorsque je suis en marche. Je voudrais y être
toujours... »
Adresse : Jh. Lehimas, fils aîné, secrétaire à l'adjudant général Car-
denau, attaché à la 4^ division de l'armée de POuest aux Sables d'O-
lonne.
III
A ia Batarderiayre près Niœil le Dolent, le 'iq nivôse,
4" année républicaine.
Mon amy, depuis mon arrivée dane ce pays je ne fais que courir dans
le Bocage. Il me tarde bien qu'en ce pays puisse régner de la tranquil-
lité pour que nous ayons le plaisir de nous reposer un peu. Charrette
est aux abois. 11 fait comme les chevaliers errants : Il exerce dans ce
moment le vrai brigandage. Il n'a avec [lui] que 6 ou 7 cavaliers. On
lui a tué il a y trois jours 3o ou 40 hommes cavaliers et fantassins. On
lui en égorge tous les jours encore. Hier, un poste de 12 hommes. Il se-
roit à désirer pour la République qu'il en fut [de même] du côté des
Chouans. Ceux-ci sont au nombre de 40,000 ou davantage depuis Nan-
tes jusqu'à Vannes et de celle-ci jusqu'à Rennes. J'espère encore qu'il
nous faudra aller chez les Chouans et peut-être que ceux-ci ne me man-
queront pas. Au reste je m'en f. .. si cela arrive. Depuis que je suis dans
cette contrée la vie me devient souvent insipide et toujours il faut être
dans les bois et broussailles et dans le marais. Tu es bien heureux d'ê-
tre dans le sein de ta famille à te reposer. Je désire que cela soit de très
longue durée. Ce qui me console, c'est que je combats pour le raffer-
missement de la République. Aussi peu m'importe quel accident qu'il
puisse ni'arriver, comme je t\ii dit en Fautre part : je suis prêt à at-
tendre le coup du sort. Ta demi brigade est bien faible : elle n'est
composée que de 458 hommes présens, officiers compris. Juge par là
des autres demi-brigades qui sont parties des Pyrénées! Si lu voyais
cette armée, tu ne reconnoitrois plus les vainqueurs de Commissarry,
d'Irun, de la Bidassoa, de Blanc Signor^ de Lycumberry, ete. L'insu-
bordination, l'indiscipline, l'appât du pillage, le viol et la dévastation
sont les objets qui les occupent. Aussi il arrive très souvent on en
égorge quelqu'un qui vont piller. Voilà, mon ami, les hommes avec
lesquels tu as fait la guerre... ^ »
IV
AliM^E DES CÔTES DE l' OCEAN. DIVISION DU SUD. -J." SUBDIVISION.
ÉTAT MAJOR GÉNÉRAL
Au Quar lier général à La Rochelle le 19 germinal Van 4° de la Ré-
publique une et indivisible. Jh. Lehimas fils aîné attaché à l'Etat-
majov de la 4= subdivision.
Au citoyen Armand fils.
Mon ami,
Tu seras sans doute surpris de recevoir de mes nouvelles de cette
ville; je suis ici momentanément. Je suis enfin venu pour des affaires
de service pressées. Le général de division devant envoyer une personne
de sa confiance, a eu la bonté de m'honorer de cette mission. Je suis
parti le 14 des Sables avec une chaloupe. Nous n'avons mis environ
que 4 heures et demie pour la traversée quoique la mer fut agitée. Il y
a 18 ou 19 lieues de notre pays. Juge s'il y a plaisir de voyager sur le
royaume de Neptune. Nous avons été chassés par deux corsaires anglais
pendant l'espace d'une heure : ils nous ont tiré plusieurs bordées. Les
boulets passaient par dessus notre pont sur lequel j'étois. Jamais je n'a-
vois été sur mer qu'alors. Ils nous ont fait à plusieurs reprises le signal
d'amener. Nous nous sommes f. .. d'eux et avons continué notre route.
Nous aurions plutôt préféré de nous faire couler bas que de nous ren-
dre. Heureusement que nous sommes arrivés à bon port!... Charrette a
été fusillé le 9 à Nantes; il est mort avec beaucoup de fermeté et a mon-
tré beaucoup de caractère. On l'a fait promener par les rues traînant
une chaîne avec un écriteau sur le dos. Je t'envoie ci-joint son juge-
ment ~. J"ai été le premier qui aye apporté à La Rochelle la nouvelle de
1. Le correspondant de Lehimas était « sous-lieutenanl des grenadiers dans l'ar-
mée occidentale. »
2. A la présente lettre est annexée une page format in-S» imprimée à La Rochelle,
chez Vincent Cappon et intitulée : Jugement rendu le g germinal, quatrième cnnée
républicaine, par le Conseil militaire, contre le nommé François Athanase Ciiar~
sa mort et le jugement. Celui-ci me lut demandé par les autorités civi-
les pour le faire imprimer et afficher. J'en ai plusieurs exemplaires.
Partout où je passai j'étois entouré et arrêté par diverses personnes pour
savoir les circonstances. Tu ne saurois croire la satisfaction qu'ont eu
les bons citoyens de cette cité. Je t'aurois envoyé piurôt le jugement s''il
n'avoir été chez l'imprimeur. Actuellement il n'y a plus de chef ni de
brigand; tout est dans l'ordre; tous ces scélérats se sont soumis au:: ioix
de la République et ont rendu les armes .. Quant à Stofflet il est mort
comme un lâche; il pleuroit et avoit demandé un confesseur... ^ »
Pour copie conforme aux autographes conservés parmi les papiers
de famille de M. E. Armand :
Ph. Tamizey de Lauroque.
D>
FRANCE. — Les fascicules 8-9 de la Gabelle archéolof;iqiie viennent de paraître.
Voici le sommaire, particulièrement rempli, des articles qui les composent. Paul
Monceaux : Fouilles et recherches arche'ologiques au sanctuaire des jeux isthmiques
(suite. Cf. 18S4.) — Saloinon Reinach. Enfant criophore, statuette en bronze du
cabinet des médailles (avec une planche). — Eug. Lefèvre-Pontalis. Croix en pierre
des Al*-' et xn" siècles dans le Nord de la France (planche). — A. Ramé. Explication
du bas-relief de Souillac. La légende de Théophile (planche). — E. Babelon. Sarco-
phage romain trouvé à Antioche 12 planches). — L. Courajod. Jacques Morel sculp-
teur bourguignon du xv= siècle (planche). — K. Thédenat et A. Héron de Ville-
fosse. Les trésors de vaisselle d'argent trouvés en Gaule. (Suite. Cf. 1884.) — Chro-
nique et bibliographie.
— AL Charles Henry, a publié dans les deux derniers numéros du Messager
Instorique russe un long article sur Casanova et Catherine II ,40 pp.). L'auteur y
résume une relation inédite de l'entrevue de Casanova avec l'impératrice, et montre
rette, chef de brigands de la Vendée. Revenons à Lehimas pour lui emprunter
cette révélation : « Je vais te faire part d'une partie de plaisir que nous aurions fait
hier ce fut i5 jours, si Charrette n'avait point été pris. Nous étions au nombre de
3o, le chef de l'Etat-major à notre tête. Nous devions nous déguiser en cos-
tume [d'j Anglais et fd'] émigrés, nous embarquer aux Sables et aller débar-
quer à deux lieues de Saint-Gilles. Dans ce moment les Anglais étaient en présence
sur nos côtes. Les paysans aussitôt qu'ils nous auraient aperçus, se seraient empres-
sés de nous indiquer où était le rassemblement de Charrette et alors nous l'aurions
pris. Tout l'Etat-major était de cette partie de plaisir. Notre projet aurait fort bien
réussi. »
I. Parmi les autres papiers qui m'ont été communiqués par M. E. Armand, je
trouve une lettre de son grand-oncie, M. Côme Armand, ancien oratorien, qui, écri-
vant de Béthune, le 26 juin de l'an 2 de la République, trace ce portrait du général
comte de Custine (Adam-Philippe), qui allait périr, un peu plus tard (28 août 1793)
sur réchafaud révolutionnaire : « Custines a passé ici il y a S jours. Il est petit et
gros. Il a l'œil vit, le visage bourgeonné; le sommet de la tète chauve. Il porte des
moustaches à faire peur. Il a la réputation d'habile général. L'armée où il nîet la
uiscipiine. l'idolâtre et a beaucoup de confiance en iiii. »
268 REVUE CRITIQUE d'hISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
qu'on a toute raison de croire véridique cette relation qui diffère en plus d'un point
de celle des Mémoires. Signalons, entre autres documents nouveaux, la reproduction
d'un remarquable portrait de Casanova par son frère, le seul qu'on connaisse de l'a-
venturier dans sa jeunesse.
ALLEMAGNE. — Volumes nouveaux parus ou à paraître, de la librairie Teubner :
1. H. ScHMiDT, Synonynnik der griechischen Sprache; IL 2" édition par M. H. Nis-
SEN, de la seconde partie de VAbriss der Qiiellenkunde der griechischen itnd rœm-
ischcn Gescliichte à" i\\-x\o\à Sch^fer (Rœmische Geschichte bis auf Jiistinian) ;\\\.
Polyaeni Strategicon libri octo, pp. E. Woelfflin, codicibus denuo collatis
iterum rec, excepta e codice Tacticorum Florentine addidit J. Melber.
BULGARIE. — La Société littéraire bulgare fait paraître à Sofia un recueil de Dis-
cours et conférences prononcés à l'occasion du millénaire de saint Méthode.
POLOGNE. — La librairie Gubrynowicz et Szmidt de Lemberg commence la pu-
blication d'une nouvelle édition des œuvres d'Adam Mickiewicz ; c'est la première
édition critique, où les œuvres soient classées par genres et par ordre chronologique.
Deux volumes ont déjà paru.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 25 septembre i885.
M. Bergaigne communique un examen critique d'un travail de M. le professeur
Ludwig, sur la date de quelques hymnes du Rigvéda. Pour jeter quelque lumière sur
la question si difficile de la chronologie du Rigvéda, M. Ludwig a cru pouvoir s'ai-
der de quelques passages où il lui a'semblé qu'étaient mentionnées des éclipses.
Selon lui, dans quatre passages de ce recueil d'hymnes, il est question de quatre
éclipses de soleil, qui ne peuvent être que des éclipses totales : il a cherché à re-
trouver ces éclipses dans les listes dressées par les astronomes et à en tirer des con-
clusions_ sur l'époque où les hymnes qui les mentionnent ont dû être composés. A
cette théorie, iM. Bergaigne objecte : qu'il n'est pas certain que les passages en ques-
tion mentionnent des éclipses; qu'en l'admettant, rien ne dit que'ces éclipses aient
telle ou telle éclipse en particulier. II n'y' a donc rien dans ces passages qui puisse
servir à éclaircir la chronologie du Rigvéda.
M. Léopold Delisle met sous les yeux des membres de l'Académie le fac-similé en
héliogravure d'un document qui vient d'être signalé à l'attention du comité des tra-
vaux historiques par l'archiviste des Pyrénées-Orientales, M. Brutails. C'est une bulle
originale du pape Serge IV, sur papyrus, de l'an loii, conservée à la bibliothèque
de Perpignan. On possède très peu de bulles aussi anciennes, liuit ou neuf en France,
au plus, pour les temps compris depuis l'origine de la papauté jusqu'au xi^ siècle.
Cela tient en partie à ce que la chancellerie pontificale a continué jusqu alors d'em-
ployer le papyrus, matière très peu résistante, tandis que dès l'époque mérovin-
gienne l'usage du parchemin avait prévalu dans les chancelleries royales.
M. Clermont-Ganneau communique deux inscriptions recueillies en Terre Sainte.
L'une est en français et date du temps des croisades : Ici cist (sic pour gist} Jaque
le saboniferj qui trei^asa al segunt jor de genvier en lan m ce Ivj . L'autre est en
arabe et remonte au premier siècle de l'hégire. C'est l'inscription d'une borne mil-
liaire, recueillie à El Kban, sur la route de Jérusalem à Damas, entre Jérusalem et Jé-
richo. On y lit : « Cette route est la des milles ie serviteur de Dieu Abd
el Melik, émir des croyants (que la miséricorde de Dieu soit sur lui- ! De Damas
jusqu'à ce mille, il y a loq milles.» Les caractères de cette inscription ressemblent
à ceux d'une autre inscription du sultan Abd et Melik, celle de la coupole delà
Sakhra, a Jérusalem : sur celle-ci on lit le nom du sultan Almamoun 81 3-833 de
notre ère), mais d'autres indications chronologiques avaient déjà fait juger que ce
nom avaient dû être substitué après coup à celui d'Abd el Melik.
environ. L'écriture de ces petits textes marque une transition entre les
lettres hébraïques carrées et l'écriture plus cursive dite de Raschi .
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
i.e I u'.\ ivif-rimerie Marchessau /ils, boulevard Saint- Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
No 42 — 19 octobre — 1885
Sommaire : Gerber, 184. Le langage comme art et Le langage et la récognition.
— 185. Fragments des Comiques attiques, II, p. p. Kock. — 186. Th. Reinach,
Histoire des Israélites. — 187. Guyaz, Histoire des institutions municipales de
Lyon avant 1780. — 188. Caillemer, Lettres de divers savants à l'abbé Nicaise, —
— Chronique. — Académie des Inscriptions.
184. — I>îe Spraclie a!» Kunet, von Gustav Gerber. Zweite neubearbeitete
Auflage. Berlin, i885, R. Gaertner. 2 vol. in-8, viii-56i et 526 pp.
— Dio Spraclie uncl tlas Ki'kennen, von Gustav Gerber. Berlin, i885,
R. Gaertner, in-8, vi-336 pp. L
La science, nous dit M. Gerber (III, p. i), peut envisager le langage
sous trois aspects différents : pris en lui-même, le langage est une œu-
vre humaine, une production artistique; il est, pour Tindividu, la
forme que revêt nécessairement toute représentation consciente; il est
enfin, pour l'espèce, la manifestation extérieure de cette conscience. A
ces trois points de vue, il relève respectivement de l'esthétique, de la
philosophie, de la philologie. C'est à une étude exclusivement esthétique
et philosophique que Fauteur nous convie, et il serait difficile de trou-
ver sur ce terrain un guide plus sûr. On peut cependant regretter que
le côté philologique, quand il lui est arrivé de l'envisager, n^apparaisse
pas assez dégagé de certaines entités surannées qui l'ont trop longtemps
obscurci : n^en déplaise à M. G. (I, p. 198), nous possédons aujour-
d'hui, pour Tanalyse linguistique, une autre méthode que celle du Cra-
tyîe, et, si la philologie est dès à présent ou doit être bientôt en mesure
de fournir aux spéculations des philosophes une base solide, c'est préci-
sément parce qu'elle a renoncé au symbolisme nuageux dont les enfan-
tillages de P. Nigidius (I, p. i58-) offrent peut-être le plus curieux
spécimen. Le grammairien romain, qui ne pouvait connaître le sanscrir
âvdm, vayam, ni le gothique vit, veis, est bien excusable d'avoir ensei-
gné que la nasale fnos) et la labiale (vus) sont respectivement les indices
naturels et nécessaires de la première et de la deuxième personne; mais
on s'étonne de voir son autorité invoquée dans un ouvrage d'aussi haute
|i valeur. Et de même, sans nier le rôle qu'a dû jouer l'onomatopée dans
la formation du langage (I, p. 154), on peut hésiter à la reconnaî-
tre dans la prétendue racine va « souffler » (III, p. 64); car lyest, bien
I. Bien que ces deux ouvrages soient distincts, on en désignera ici (brevitatis
:-iusa) les trois volumes rar 1er, chifiVes f, I! et TH.
i. Cf. Gell. X. 4.
Nouvelle série, XX. 42
270 REVUE CRITIQUE
plus que le v, la consonne soufflante; et à quoi se réduirait l'onomato-
pée, si la prononciation primitive était d'aventure wê {ip anglais), ce
qui semble le plus probable? Si des mots dont on connaît l'histoire,
tonnerre^ thunder, donner^ n'ont dMmitatif que l'apparence extérieure,
que dire de ces monosyllabes incertains dont les origines remontent à
un insondable passé '?
Le premier ouvrage débute par une remarquable introduction, qui
aboutit à une classification générale des arts (I, p. 32), pleine de vues
ingénieuses et en partie nouvelles. La corrélation [Arts optiques : — a.
Architecture. — b. Plastique. — c. Peinture. = Arts acoustiques : —
a. Musique. — b. Art du langage. — c. Poésie] n'a jamais peut-être
été développée avec plus de rigueur, et parfois de minutie. M. G. accuse
même une tendance, à mon avis fâcheuse, à séparer la parole humaine
du langage rudimentaire des animaux (I, p. 14, p. 116), dont elle n'est,
somme toute, qu'un développement infiniment perfectionné. Mais, tout
en exaltant la noblesse de cet art admirable, M. G ne s'en dissimule pas
les lacunes et les fait vivement ressortir (I, p. 52; IH, P- 54). A certains
égards on pourrait dire sans exagération que le langage est un mal né-
cessaire: rien ne saurait le rendre adéquat à la pensée, si analytique qu'il
devienne, et les erreurs auxquelles il donne naissance, les idola fori
(I, p. 276) comptent parmi les plus tenaces, parce qu'elles font partie in-
tégrante de notre héritage intellectuel, et qu'aucune conception ne nous
apparaît jamais que sous une forme parlée qui la déguise tout en l'ex-
primant-.
Appuyé sur sa classification des arts, l'auteur distingue dans le lan-
gage trois degrés esthétiques : Sprache als Kunst, art semi-conscient
de l'homme qui se peint à lui-même ses propres sensations en les ob-
jectivant ; Sprachkunst îm Dienste der Rede, art de l'individu qui se
sert du langage pour peindre ses impressions aux autres et les leur faire
partager; Sprachkunst enfin, art pleinement conscient de l'artiste qui
crée des œuvres indépendantes. Comme la sculpture se dégage peu à
peu de l'architecture (I, p. gS), ainsi, par degrés, la parole évolue en se
séparant de la musique et finit par acquérir une faculté d'expression et
une valeur esthétique qui lui appartiennent en propre; mais l'œuvre
d'art la plus parfaite est déjà en germe dans le premier cri que pousse
l'homme mis en présence de la nature, dans la première racine du lan-
gage humain, ainsi que le répète avec une certaine prédilection M. G.
(I, p. 107, p. 118, pass.), qui attache, comme on voit, une importance j
excessive à cette catégorie linguistique aussi commode que décevante : !
si le langage a débuté par des racines, n'oublions jamais que les trili-
tères sémitiques, les monosyllabes indo-européens ou autres, que nous I
décorons de ce nom, ne sauraient nous représenter ce stade primitif de
l'humanité.
1. Cf. M. Bréal, Mél. de Myth. et de Liiig., p. 400.
2. Cf. V. Egger. la Parole intérieure, p. 314 sq.
d'histoire et de littérature 271
La pensée de l'auteur n'est point neuve. Ce qui la rajeunit, c'est un
développement aussi substantiel qu'abondant. A tous les degrés du lan-
gage on voit les mêmes procédés se reproduire, plus ou moins conscients,
plus ou moins affinés. La démonstration se poursuit à travers les deux
volumes de l'ouvrage avec une richesse de détails qui parfois étonne :
les figures de rhétorique qui nous sont familières, analysées et métho-
diquement classées, passent successivement devant nos yeux, d'abord
comme expression vulgaire de la pensée, puis comme invention recher-
chée d'un art supérieur. Dans les unes la métaphore se dissimule, et il
faut toute la science de Pétymologiste pour la découvrir ; ce sont des
monnaies tellement usées qu'on n'en distingue plus l'empreinte, mais
connues et couramment acceptées dans les échanges. Les autres sont
comme des pièces neuves et frappées à petit nombre, orgueil des musées
et des cabinets d'amateurs.
Le plan d'ensemble de ce grand travail nous paraît irréprochable.
Dans le détail, indépendamment des inexactitudes linguistiques, sur
lesquelles il nous faudra revenir, nous signalerons à M. G. quelques
points douteux. — En énumérant les tropes naturels du langage, il eût
pu s'astreindre à déterminer avec plus de précision le sens originaire et
le sens dérivé de chaque mot : ainsi il est bien certain que [jJjç a signifié
« rat » avant de passer au sens de « muscle » ; mais il serait fort étrange
que ©ipuY^ eût désigné l'arrière-gorge avant de s'appliquer à une cavité
quelconque (I, p. 346); le contraire semble plus probable. — Même
sous le couvert de M. Pott (I, p. 368), il est peu naturel d'appeler trans-
normales (?) les langues américaines, sous prétexte qu'elles seraient in-
corporantes. L'incorporation ne caractérise qu'une infime minorité de
types américains, tels que le dacota, le nahuatl, et d'ailleurs se rencon-
tre aussi dans quelques idiomes purement agglutinants. Bien plus, le
phénomène que nous nommons flexion dans les langues sémitiques ou
indo-européennes remonte peut-être à un procédé d'incorporation très
ancien \ — Le néologisme, encore mal étudié, de telle ou telle tribu
sauvage de l'Afrique ou de '.'Océanie, où il suffit de quelques généra-
lions pour changer complètement le vocabulaire, ne devait pas être con-
fondu (I, p. 409) avec les créations analogiques qui enrichissent conti-
nuellement nos langues civilisées : là, c'est un mot qui en supplante un
autre, et la langue n'y gagne rien; chez nous, un mot nouveau vient
répondre à un nouveau besoin d'expression et s'ajoute au fonds ancien,
la plupart du temps sans le diminuer ". — Il importe de nettement
distinguer, en grec et ailleurs, les verbes composés, ou plutôt juxta-
posés, £7.7:i7:tw, et les verbes simples qui ne sont que des dérivés
de noms composés, v. g. àçpcvéto issu de à^pwv (I, p. 427). A pro-
prement parler, le grec ne connaît pas la composition verbale. — Si
1. C'est ou moins ce que j'ai essayé d'établir, Esq. Morpholog., I. Cf. F. de Saus-
sure, Mém. sur le système yirimitif des voyelles, p. 239.
2. Cf. A. Darmesteter, Création de mois nouveaux-
272 REVUE CRITIQUE
les anciens ont confondu sous Je nom d'ellipse (I, p. 469) la figure de
ce nom et la disparition sporadique ou régulière d'un phonème (ala =:
Yata, oÙM = çiXéw), cette singulière classification ne devrait figurer
dans un ouvrage moderne que sous le bénéfice d'une observation qui
en fît ressortir Tinanité. — Les énallages de cas et de temps (I, p. 5o5 et
519), dont il eût été facile de donner de plus nombreux exemples, tien-
nent surtout à ce que, dans la langue primitive, les fonctions des cas et
des temps étaient bien moins précises qu'elles ne le sont devenues dans
la suite : à mesure qu'on se rapproche des origines, ces phénomènes ap-
paraissent de plus en plus fréquents. — A propos des dialogues ou mor-
ceaux lyriques analogues au oopi o'£/.-ïavcÇ — copi o'e6av£ç d'Eschyle
(II, p. 8 et iSy), je rappelle qu'on en trouve d'admirables modèles dans
notre vieux Corneille, — On comprend difficilement que M. G. cite
comme n'ayant qu'une fois la rime suffisante une petite pièce française
qui est tout entière en rimes riches (II, p. 171). — Enfin, dans cette
IP partie, qui est toute littéraire et n'appelle par conséquent que très
peu d'observations techniques, on voudrait parfois que l'auteur se fût
imposé un goût plus sévère dans le choix des citations : ainsi, to sait
iipon the bosom ofthe air (II, p. 84) est une métaphore bien risquée, il
serait bon d'en faire la remarque, et les deux vers de Florian (II, p. 254)
sont franchement mauvais. Il faudrait aussi, dans une œuvre sérieuse,
éviter de prendre une simple boutade pour un document de poids et de
parler gravement des innombrables (!) exagérations qui caractérisent la
conversation française : parmi les hyperboles relevées dans ce passage
(II, p. 264 i. n.), il en est de fort ridicules, que Je déclare pour ma part
n'avoir jamais entendues, et les autres ont des équivalents dans le voca-
bulaire courant de toutes les langues.
Dans son autre ouvrage l'auteur étudie le langage en tant qu'instru-
ment de récognition (Erkennen), La récognition, dit-il fort justement
(III, p. 39), n'a rien à démêler avec ce qu'on nomme communément
vérité objective ou vérité subjective : c'est l'opération par laquelle l'es-
prit discerne, parmi les notions précédemment acquises, celle qui cor-
respond à un ordre déterminé de perceptions. Cette opération n'est
possible que grâce au langage, qui seul fixe en nous la notion de genre
et d'espèce (III, p. 49), et, à proprement parler, la récognition com-
mence avec la catégorie grammaticale du substantif (III, p. 72). Au
fond de toute proposition se cache notre moi (III, p. 85), il est vrai, et
tout jugement est d'abord subjectif; mais, grâce au langage, qui lui sert
de repère, l'esprit rattache la perception actuelle à un nombre indéfini
de perceptions antérieures auxquelles il la reconnaît identique; et,
comme aucune perception nettement consciente ne se produit qu'à
l'occasion d'une impulsion extérieure, il a par là même le droit d'affir-
mer l'identité des phénomènes qu'il reconnaît (III, p. 187). L'esprit
pousse plus avant encore dans cette voie : comme il a saisi le lien de
plusieurs perceptions, qu'il généralise en un jugement, ainsi il aperçoit
D HISTOIRE ET DE LITTERATUUK ^'J ■)
le lien qui unit plusieurs jugements et construit un raisonnement. Bref,
la technique tout entière du syllogisme n'est autre chose qu'un dévelop-
pement du langage en tant qu'instrument de récognition (11 1, p. 239).
C'est ridée capitale du livre, qui le rattache intimement à l'ouvrage
précédent : dans l'un, les formes artistiques les plus élevées du langage,
dans l'autre, ses formes techniques les plus abstruses, sont envisagées
comme procédant, par une lente évolution, de germes latents que con-
tient le parler le plus primitif de l'humanité.
Ce beau résultat n'est pas obtenu sans quelques exagérations de dé-
tail, qui d'ailleurs tiennent plus à la forme qu'au fond. Ainsi, sans
contester, dans ses grands traits, la théorie agglutinante, on peut penser
qu'il y a un véritable abus à reconstruire les agglutinations hypothéti-
ques de la langue indo-européenne, et à s'appuyer sur ces hypothèses
pour tracer la marche de l'esprit humain dans la formation du langage
(III, p. 67). Nous supposons que beaucoup de formes conjuguées (non
toutes) sont dues à l'agglutination d'éléments pronominaux; mais, quels
sont au juste ces éléments, nous l'ignorons presque toujours; ce que
nous savons fort bien, du moins, c'est qu'aucune langue indo-euro-
péenne ne nous offre trace d'une 2"^ personne du singulier qui puisse
remonter à l'agglutination dd-tva (donner-toi) ^ La genèse du pronom
ego étant un mystère, il n'y a pas de renseignements à y chercher sur la
formation du concept du moi humain (III, p. 148), et en général les
docum.ents linguistiques dont nous disposons sont beaucoup trop ré-
cents pour autoriser d'aussi lointaines spéculations. Il y a toutefois
une exception à faire en faveur des racines dites pronominales (a, sa.
ta., jra, etc.) : l'extrême simplicité de ces monosyllabes, le caractère
exceptionnel et nettement agglutinatif de leur déclinaison doivent, ce
semble, les faire reconnaître pour de précieux débris des plus anciennes
couches du langage (III, p. 290 et 322).
On a déjà pu voir que chez M. G. le linguiste n'est pas à la hauteur
du philosophe. Ses informations étymologiques et grammaticales, pui-
sées avec le zèle le plus louable dans divers ouvrages de premier ordre,
mais dont les résultats ont été contestés ou dépassés, n'offrent pas toutes
la même sûreté; quelques-unes même ont été visiblement transcrites
sans exactitude. Cette constatation nécessaire est à peine une critique;
car il est difficile d'exceller en plusieurs genres à la fois. Mais il importe
de mettre les lecteurs en garde contre des défauts qui tendent de plus
en plus à disparaître des ouvrages des linguistes et qu'il serait fâcheux
de voir renaître ailleurs. Ceux-ci me comprendront à demi-mot si je
dis que M. G., dès le début, fait venir Tr/v^ de ib.-.v:) (I, p. v), et qu'il
m^entionne sans la moindre protestation l'étrange opinion de Bopp sur
l'identité de l'augment et de Ta privatif (1, p. SSj). De là à parler du
guna comme d'un phénomène grammatical certain, bien mieux, à lui
I. Cf. Brugmann, -{um heutigen Stand der Spvadnvissenschaft (Strasbourg, i8!S5j,
p. 119.
274 REVUIC CUITIQUK
attribuer une valeur « symbolique » (I, p. 217), il n^y a qu'un pas, et
l'auteur le franchit, bien qu'il connaisse et reproduise ailleurs (I, p. 371)
l'enseignement de Bopp et de Grimm sur la nature purement mécani-
que des apophonies. Parmi les étymologies hasarde'es je relève encore
summiisz^* supimus (I, p. 307, bien plutôt * siip-viiisj ; ciconia rattaché
à. canere (I, p. 317), céxa à csCy.vuij.t, et lat. ûnus au skr. ûnas [lll^
p. 137). Parmi les erreurs trop manifestes (toutes dans le tome I") : le
barbarisme sanscrit gnami « engendrer » (p. 222); la racine sanscrite
darc (p. 339), lire darç; le cas sanscrit bharatitas comparé à çlpovTaç
(p. 372, bharantas équivaut à çépovTsç, l'accusatif est hharatas) ; le
français génuflexion donné comme un néologisme d'A. Dumas (p. 41 1),
alors qu'il se lit déjà dans Scarron ; :{ur syncopé de :^u der et ctcQa de
otcac^Oa (p. 421-422) — on sait que \ur est simplement \ur, ce dernier
mot représentant la forme enclitique de l'article germanique; quanta
*olûac6a, il n'a jamais existé ni pu exister '; — skr. bharami (p. 490),
lire bharami. Dire que la racine hébraïque est originairement et essen-
tiellement dépourvue de déterminants vocaliques (p. 2o3), n'est-ce pas
supposer que les premiers Sémites ont possédé un langage imprononça-
ble? Tout au contraire, la flexion sémitique n'est devenue ce que nous
la voyons qu'à la suite d'une longue évolution, dont les moments
successifs, et à plus forte raison,, le point de départ nous échappent. —
La traduction de Eiweiss par « jaune d'œuf » est une légère inadver-
tance (I, p. 492).
Quelques-unes de ces défectuosités pourraient être mises sur le compte
du compositeur et du correcteur, d'autant plus qu'ils en ont laissé
échapper beaucoup d'autres moins graves. En effet, si le texte de M. G.
est fort correct, les erreurs d'impression sont malheureusement assez
nombreuses là même où elles offrent le plus d'inconvénients, c'est-à-dire
dans les citations d'auteurs anglais, français, latins et grecs que l'auteur
a su semer à pleines mains. Je signale au courant de la plume : —
T. I" (p. 535) Lamartine. Narm.^YnQ Harm(onies) ; {p. 555) dliéroine
d'un grand parti elle en devint l'avanturière; (p. 56i) Tityre, dum
redeo — brevis est vita — pasce capellas; — T, II (p. 69) Loms de la
bonneyo/, lire loi; (p. i58) non satis est pulchra esse poemata, dulcis
sunto; (p. 164) è'ctoaaç w; l'casiv 'EAX-rivwvocci, lire scwcâ q... (Eur, Med.
476); (p. 196) la nature se révoltait en eux contre le vole du premier
prince du sang, lire vote;(^. 2 35) "E-atcîx tcv Ilp-.â'j.jv, lire npiâi;.cu;
(p. 260) thooth-^c\\Q, lire tooth; (p. 265) nec tingiieret aequore plantas;
(p. 266 i. n.) CQ.x\\. milles chandelles; (p. 299) invavisset^etc. Certaines
pages sont plus particulièrement maltraitées : ÎI, p. 457, il n'y a pas
moins de quatre fautes de ce genre en sept lignes; c'est beaucoup pour
Và/.piSv.x germanique.
Ai-je besoin d'ajouter que ces chicanes de détail n'ôtent rien à la va-
leur des considérations esthétiques et philosophiques qui font le rare
l. Cf. Q. Meycr, Griec'n, Gravnn,, g 41.8.
DHISIOIRK KX DE LITTÉRAÏURK 276
mérite et roriginalité des ouvrages de M. Gerber? Le devoir du critique
est de signaler les défaillances qu'il a cru découvrir; mais Tauteur se
tromperait, s'il voyait dans ces observations, peut-être trop minutieu-
ses, autre chose que le sympathique intérêt inspiré par un livre dont on
voudrait pouvoir effacer toutes les taches.
V. Henry.
i85. — Comicoruini Atticoruu» Fi-agmcnta edidit Theodorus Kock. Vol. IL
Novae Comœdia; Fragmenta. Pars I. Leipzig. Teubner, 1884, 58o p. in-8.
Après quatre ans, M. Kock nous donne le deuxième volume de son
recueil des Fragments des Comiques attiques. Nous avons rendu compte
ici même du premier volume de cette publication, qui contenait les
fragments de la Vieille Comédie; nous regrettions alors que M . K. n'eût
pas une nouvelle collation du fameux manuscrit d'Athénée qui se
trouve à la bibliothèque de Saint-Marc. Heureusement il a pu indiquer
dans ce second volume les leçons du manuscrit de Venise avec la plus
scrupuleuse exactitude, M. G. Kaibel, qui prépare lui-même une édi-
tion d'Athénée, ayant mis à sa disposition la collation qu'il en a faite.
Il est vrai que cette minutieuse exploration d'un manuscrit qui n'est
pas difficile à lire et qui avait déjà été examiné par Schweighiluser, sert
moins à améliorer le texte qu'à rassurer la conscience philologique de
l'éditeur.
Le présent volume renferme les fragments d'Antiphane, d'Anaxan-
dridés, d'Euboulos, d'Alexis, de Philémon, de Diphile et de quelques
autres poètes moins importants. M. K. les comprend, avec Ménandre,
Apollodore et les autres qui se trouveront dans le troisième volume,
sous le nom de Comédie Nouvelle. Il est vrai que la distinction de la
Comédie Moyenne n'a pas été imaginée avant l'époque de l'empereur
HaJrien, et qu'il est difficile de marquer exactement les caractères qui
séparent les phases diverses de la Comédie grecque. Si on fait abstrac-
tion de certaines différences matérielles et palpables, telles que la pré-
sence ou l'absence de la parabase et des autres chaïUs du chœur, les au-
tres différences, le caractère public ou privé, la satire personnelle et la
peinture générale des mœurs, la langue plus ou moins poétique, l'in-
trigue plus fantastique ou plus voisine de la réalité, ne se font sentir,
comme M. K. le fait observer avec raison, que peu à peu et par transi-
tions insensibles. Ces raisons suffi.sent-elles pour abandonner le nom de
Comédie Moyenne, qui est coinmoJe et auquel nous étioiis habitués?
Pourquoi ne réserverait-on pas le nom de Comédie Nouvelle à l'époque
où le genre de la comédie domestique et bourgeoise s'était définiiivemcnt
constitué, époque où les Athéniens, cessant de Jouer un rôle dans les
affaires du monde et devenus de plus en plus indifférents à la vie pu-
blique, ne songèrent plqs qu'à leur bien-être ner^.onnel et qu'à jouir do
276 REVUE CRITIQUE
la vie soit au gré de leurs passions, soit d'après les leçons d'une douce
et aimable philosophie? L'époque intermédiaire, indécise et flottante,
nous paraît très convenablement désignée par le nom de Comédie
Moyenne. Ce nom est relativement récent; qu'importe, s'il peut être
utile ou commode de le conserver?
Le présent volume se recommande par les mêmes qualités que le pré-
cédent. L'auteur connaît à fond la matière; cela se voit à l'excellent
commentaire dont il accompagne les textes. Je suis particulièrement
charmé de la partie explicative de ce commentaire. Rien n'est plus fas-
tidieux que les commentaires verbeux; M. K. est d'une concision exem-
plaire. Quelques mots d'interprétation, un rapprochement, une citation,
souvent un simple renvoi, lui suffisent pour éclairer un texte. Des frag-
ments, surtout des fragments de cette nature, ne se comprennent pas
facilement, et je crois qu'un lecteur intelligent trouvera dans la courte
annotation de M. K. tous les secours qu'il peut désirer, en tenant
compte de l'état fragmentaire et des lacunes de notre science.
Voici cependant quelques exemples de suppléments que Ton pourrait
ajouter aux notes explicatives. Dans V Enlèvement, ' K^r^clL,z^.ir^^^ d'Anti-
phane, quelqu'un, évidemment l'amant, dit (fr. 42) qu'il mènera dans
la maison un sanglier, un lion et un loup. Il y a là évidemment une al-
lusion à la fable d'Admète et d'Alceste. — Antiphane, fr. 190, i5 : AeT
Il v6\).{ù y,y.-a:/Xz\':y.'. touto, Tv7.'^%t.o\}.'z-q) r^y.zv) \\ twv i/O'Jwv. M. K. explique :
« Novam oportet piscium vendendorum rationem institui, ut publiée'
« certus eorum numerus viritim in singulas domos mittatur. » C'est
forcer le sens du terme r^x^dr^oixT/r^. Le poète dit qu'il faudrait faire es-
corter la marée de la barque des pêcheurs au marché, afin d'empêcher
certains gourmands de faire porter le poisson directement chez eux.
NuvSi MotTwv cuvrjp'ïray.sv || toùç à)aéaç, xal (6 ce Kock) Atc^eiTtov vr, Ai'a || a-
TcavTaç œ)a.rÀT.z\f.v) wç auTov çépsiv. — Alexis, fr. 234 : Les amoureux sont
les plus laborieux des hommes. Il faut qu'ils soient TC'.r,-:r/.o'jç, iiaixo'jç,
■:upo06j;.ou;, eÙTOpou; 1| èv loXç, àTOpoiç. Il y a lu une réminiscence de quel-
ques vers du premier Hippolyte d'Euripide, où Eros était appelé èv toÎç
à;;.r(y.avotaiv sÙTzcpwTaTo;. — Alexis, fr. 276 :
'HSûç y' 6 BpoiJ.iou r}]v àiéXeiav Aecêiou
ITo'.îov TGV oTvov £ÎaâY2'J<^^'' £v6âo£,
'0; àv £tç Ixépav Ar^sOY] 0' à7:o(jX£AAo)v 7:5Xtv
Kâv y.ûaOov, It^T) èvvpaswv t-};v cùslav.
Bpc[;.(GU est une excellente correction de l'éditeur, pour BpciJ.ioç. Il ne s'a-
git, ce me semble, que d'une loi proposée en riant par un convive dans
un joyeux banquet. Cette loi est imaginée à l'instar de la loi attique sur
les céréales. On sait, en ctTct, qu'il était interdit aux Athéniens d'im-
porter du blé dans un port étranger. Cf. Démosthène, Contre Plior-
viion, § 37; Contre Lacrite, § 3o; Lycurgue, § 27.
Le commentaire critique est aussi très complet. Aux anciennes cor-
rections, le nouvel éditeur en ajoute beaucoup d'autres soit évidentes,
d'histoire et de littérature 277
soit plausibles. Avec une réserve qu'on ne peut que louer, mais qui pa-
raît quelquefois excessive, il n'en admet qu'un très petit nombre dans le
texte. Donnons un choix des meilleures. Antiphane, fr. 33, 5. Dans la
description du costume d'un priilosophe de l'Académie, on lisait [isSata
tpa-éi^a. M. K. écrit (îata tî TcéÇa. — Id., fr. 74, i3 : 'O:;icro) tw yjXçi àîro-
cxpé']^avTa, p. xw '/stpî Troirjcav-îa. — Id., tr. 85, i: Tî cûv Ivécxai -îoTç cxûcpoi-
ctv, p. ôôoïctv. — Id., fr. 169, 2 : 'ATréXaScV, cù -irapsXacev, p. wjîrsp ïkocSz'K
Plaisanterie sur la fameuse querelle de mots au sujet de FHalonnèse. —
Id., fr. 247 :
Tb Y«P 'iTSTcaicsucOat, [j.ovov àv ti? tout' exy],
M"}] )va[x6avî'.v xàç àçîaç Ttp.ojpiaç,
'EXestv §£ ■âavTWç.
La conjecture de M. K. zùrfiiq èaxt méritait de figurer dans le texte. Je
propose d'écrire au premier vers : Toî) yàp TceTratoeucrôat [j.ovov âv t-.ç toui'
e'XTl- — -^^•> fr- 2 55 : Tb '■{Ttpa.q wiTisp cp\j.oq (pour (3a)[j(.6ç) àcxt xûv xaxûv.
Alexis, fr. 25, 2 : Aûy.siov, 'A-Aao-r; ;;.£'. av, 'Q'.BsTcv, cr-ciç, pour 'QiBsi'ou zuXaç.
— Id., fr. 116,4. Oi^ distingue parmi les parasites une espèce (y^voç) plus
relevée caxpiKaç McYac61^cuç(pour zapaai-ouç) -/.al cTpa-twiaç è7:'.çav£tç |j utuo-
/,piv5[j^£V0v £v (p. £u) TOiç piotç. — ■ /^., fr. 125, 7 : Ttjç à^iaç txTroâôJciv, pour
àYa7:ôaiv. — /il?., fr. 162, 4. Une pauvre femme chante sa misère en
anapestes plaintifs d'une tournure tragique. La famille se compose de
cinq personnes. Toûtojv ci Tp£Tç oia7:£(,vcu[X£v (pour o£t':r^oy[X£v), || Bûo B'aÙTOÏç
auY/,oivou[jL£v II [^.âi^r^ç ij.i7,paç. La correction auxciç est moins évidente. —
Id., fr. 167, 5. Il s'agit d'un vin vieux, coévxaç où/, s'/wv, y;cy; cazpcç, || zé-
t:wv (pour Xéywv), Y^pwv y^ oat[ji.ovio);;. — Id., fr. 23o, 4 : HoSaTrbç ô Bpc[;.toç,
Tp'jç;-/; ; — Gâstcç. — "Ovato (pour c[.(,otov). — /rf., fr. 279, 4. Après une
énumération de mets aphrodisiaques, xcjtwv àv xiç £upoi çàp[;.axa || èpôvxt
Ypabç (p. £Ta{paç) ëxcpa '/^prt^'.\).ù)-epa'., cependant on pourrait aussi écrire
èpwvTt y' a'<JXP^Ç- — ^^-f ^^- -85 : KoxûAaç TéxTapaç || œ^crc^â'^o.q l\}! aùxiTOu
(p. aj-ïou) arJ.aa.i \\ 'o^ouç. Les lexicographes citent la locution aùtir/;? olvoç
(vin du pays).
Philémon, fr. 76, 5. Il s'agit des produits de la Sicile : ^£6Yr( (pour
ax£UY)) [A£v ouv ■/.CiyjfixT.i' (pour xat y.TY;[j.ax') a)6i;,Y3v cp£p£iv. — Id., fr. 90, 9 :
Kai^à II Trpbç toTç y.ax,oTç toi? ouciv (pour y.axotç outoç) £T£pa auk''Ki^(v.,
Diphile, 17, 10 : ''kr.o'Çiay.q crAoupov yj >v£g(av, èo' ô || xapt£Ï Ti06[j.aXXov
(pour TzoKh |;.âXXov) -/^ [xup(vr,v 'Kpozv('/i7.ç,. — Ib., v. 1 2 : 'A'I'WÔiw 7:p6o£U(;cv
(pour fjcpofr; o£Ï^ov) ax-c' àv 7:apax'.6fjÇ. — 7^., fr. 5 5, 3. En voyant un sol-
dat chargé de toute sorte de meubles, quelqu'un dit : "Qcx' où «jxpaxtwxr//
àv xiç, àXX' ày.ap-^ (pour àAAà y.ai] y.'j/,Aov || èy, x-^ç aYOpaç opObv Paocï^siv utto-
Xd6ot. — Id., fr. 64, 3 : ïlpoQi\uov (p. Tupwxiaxov) oùy. àvO-rjpov. — Id., fr. 71 :
OEov àYopàï^£tv T^œnoL, [).-qoï £v d'h/sv/, |) £t [;,y] xopavtivouç (une espèce de gou-
jons) à^icuç Xixpatv ouoTv. La leçon y.fA(vvou<; est, en effet, absurde, quoi
qu'en aient dit de trop doctes interprètes.
278 REVUE CRITIQUE
Soumettons à l'éditeur deux ou trois observations sur les fragments
de Philémon. Dans le numéro 3i un esclave prouve à son maître que
personne au monde n'est absolument libre : le citoyen obéit à la loi, le
sujet au roi, le roi aux dieux, le dieu au destin; et il continue : Ilâvia
0' av (;y.37:rjÇ, oXwç || sTspwv '::£9U7.îv t^ttov', wv oï [xei'ilova. j| Tcûxoiç àvocY^rj
Tauxa oouXc'Jîtv àd. Sans doute, wv oé peut se dire pour xwv M', mais, sans
parler de la suite du raisonnement, le dernier vers reste ainsi plus
qu'obscur. Je crois qu'il faut changer la ponctuation, et lier m oï [/.ei^o^ia
(non [j,î(cva, comme voulait Halm), tcutcç T/7r{7:r, -cauta couAeùstv àti. La
proposition relative u)v oè [j.s(î^ova équivaut à ci oé tivwv ^.sii^cvi àaTiv, et
TOUTOiç se réfère à ces [j.siCova. « Or dès qu'il y a au-dessus d'un être un
être plus fort, c'est à ce dernier que le premier obéira de toute nécessité. »
— Id., fr. 104 : Ti 'Çf,^ 'oyçsXo; û [j/q 'cttc to i^f^v sioéva-.. La suite montre
qu'il s'agit de l'état d'ivresse, et la conjecture de M. K. w \j:r, 'gt'sti i^Gm'
cicÉva', (« i. e. qui, utpote ebrius, se vivere non amplius intellegit »)
donne un sens satisfaisant; mais la tournure laisse à désirer. J'aimerais
mieux q) [i-q 'axt tcîjt' st' sioévai. Il va sans dire que je regarde to !^f,v
comme une glose explicative. — /û?., fr. 1 18 : 0£cv v6iJ.iî^£ xai aéêoi», J^yjtei
G£ 1^.1^ • Il 7î>.£tov yàp cùoèv àXXo tou î^yjteiv e/s'-ç. M. K. propose ttovo^ y*?i °'^^'^''
aXXo, tÇ) !^y]T£Ïv £X£iç. J'avoue que l'indicatif présent me choque ici. Peut-
être : TuXéov Y^p ouSàv av aTib xou î^y)':£Tv l'/oiç.
Espérons qu'il sera donné à M. Kock de mener bientôt à bonne fin
une œuvre si bien commencée, en nous donnant le troisième et dernier
volume, qui ne sera pas le moins intéressant, puisqu'il doit contenir ce
qui reste de Ménandre.
Henri Weil.
186. — Histoire des Israélites depuis l'époque de leur dispersion jusqu'à
nos jours, par Théodore Reinach. Paris, Hachette (i885), xviii et 423 p. in-12.
Ce début d'un jeune écrivain dans la littérature historique a été ac-
cueilli de divers côtés avec une bienveillance, à laquelle la critique s'as*
socie volontiers. Cela soit dit sans oublier qu'il s'agit ici d'une compi-
lation, comme l'auteur l'indique tout le premier, en même temps qu'il
avoue avoir composé son livre avec quelque rapidité. Quant au public
qui est visé par M. Théodore Reinach, il résulte de certaines déclara-
tions de la préface qu'il s'agit avant tout des élèves des écoles Israélites;
mais il est visible que l'auteur ne s'est pas moins proposé d'offrir en
général à ses compatriotes — c'est les Français, non les Juifs que je veux
dire — un aperçu, vivement tracé, d'une histoire dont ils sont parfaite-
ment ignorants. A ce point de vue, nous pensons que cet essai atteindra
son but. S'il fallait y voir, au contraire, avant tout un manuel d'ins-
truction, nous avouons qu'il nous paraît assez insuffisant, non parce
qu'il y est parlé de trop peu de choses, mais parce qu'il a beaucoup plus
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE Syq
la façon d'un « discours » qu'il ne présente les faits avec la précision et
la rigueur, parfois la sécheresse, du livre d'enseignement. C'est donc le
second point de vue que je retiens de préférence.
M. R. se trouvait en présence d'une quantité énorme de faits qui se
répartissent sur une série très longue de siècles et sur un très grand
nombre d'états. Voici le classement qu'il en propose : ï, époque talmu-
dique et orientale; II, époque espagnole et française; III, les persécu-
tions; IV, la décadence; V, les temps niodernes (depuis lySo). La pre-
mière période est celle « où une race purement asiatique, sédentaire et
agricole se transforme en un peuple moitié européen, moitié oriental,
partout disséminé sans avoir de patrie nulle part. » Dans la seconde
période a le judaïsme occidental, désormais le plus important par le
nombre et les lumières, jouit d'une tolérance relative en pays musul-
man comme en pays chrétien. » Quant au.K persécutions, troisième
période, aussi variées dans leurs formes que dans leurs causes acciden-
telles, elles se ramènent toutes cependant à une origine commune, au
préjugé religieux, nourri par l'Église, favorisé par l'ignorance géné-
rale. » La quatrième période est celle de la stagnation et de la déca-
dence. Suivant l'ingénieuse expression de M. R., elle « récolte les fruits
semés par la persécution. » C'est avec Mendelssohn (ijSo) et la Révo-
lution française, que « s'ouvre une ère de justice, de réparation, de
relèvement moral et social, qui n'a pas encore abouti partout, mais qui
partout a commencé. « Nous n'avons ni à approuver, ni à critiquer ce
plan, qui laisse à l'auteur une très suffisante liberté d'exposition et de
groupement des faits particuliers.
Encore moins chicanerons-nous l'auteur pour avoir « laissé dans
l'ombre bien des noms et des écrits plus ou moins célèbres, qui avaient
leur place marquée dans un ouvrage d'érudition. « M. R. définit très
justement sa tâche dans les termes suivants : « Obligé... d'introduire
l'unité dans une histoire, qui se compose de la juxtaposition d'une foule
d'histoires locales, dont les liens ne sont pas toujours très visibles, j'ai
supprimé sans hésitation tout ce qui pouvait troubler l'esprit du lecteur
et nuire à l'impression d'ensemble qu'il s'agissait, avant tout, d'obte-
nir. » J'approuve ce propos; je crains seulement que l'auteur ne s'y soit
pas toujours conformé. Ainsi M. R. indique deux points capitaux, l'un,
« le rôle économique que les Juifs ont joué dans la société du moyen-
âge comme intermédiaires commerciaux entre l'Occident et l'Orient, »
l'autre, cette circonstance que les rabbins juifs a ont été le trait d'u-
nion entre la Grèce et les Arabes d'abord, ensuite entre le monde
musulman et le monde chrétien. » Eh bien ! ces deux points ont beau-
coup moins de relief dans le livre qu'il ne conviendrait; ils ne sont pas
suffisamment mis en lumière.
Une faute de composition bien singulière aussi, c'est le début du li-
vre : « Au lendemain de la prise de Béthar, la Palestine etc.. » Qu'est-
ce que Bélhar, à quelle date sommes-nous transportés? Moi, qui le
280 REVUK CRITIQUE
sais, je pense à ceux qui l'ignorent et que M. R. devrait se proposer
iivant tout de renseigner. Un rapide aperçu de l'état du judaïsme à la
fin du premier siècle de l'ère chrétienne était l'introduction indispensable
de ce livre: cette lacune est tellement sensible que nous ne doutons pas
que M. R. ne tienne à la faire disparaître dans une prochaine édition.
Je lui demande aussi de^ nous parler un peu plus longuement du Tal-
mud.
A côté de ces indications, qui visent quelques-uns des plus grands
événements touchés dans ce volume, j'indique à M. R. une série de dé-
tails à vérifier ou à corriger. — P. 64. A propos de la prétention de fa-
milles juives espagnoles de remonter à David ou à son époque, M. R.
écrit : « Quoiqu'il en soit de ces légendes, plus on moins mêlées de vé-
rité... y> Les mots que j'ai soulignés sont à effacer. — P. 65. M. R. es-
time que la différence entre le dogme chrétien orthodoxe et Tarianisme
était suffisante pour que les rois Wisigoths, qui se rattachaient à la se-
conde de ces vues, se sentissent disposés équitablement envers les Israé-
lites, ladite croyance se rapprochant davantage du monothéisme pur.
Cela fait penser à la classique, mais non moins suspecte, allégation
d'une inclination de Cyrus pour le judaïsme en raison d'une certaine
affinité de foi religieuse. A défaut de textes et de faits positifs, je me
méfie beaucoup de telles suppositions. — P. 162" 164. On nous
annonce un fragment de poésie Jrancaise d'un juif champenois au
xin** siècle « la plus ancienne de ce genre qui existe dans notre langue. »
Suit un morceau absolument moderne, que les élèves des écoles juives
ne vont pas manquer de prendre pour argent comptant; tandis qu'il
représente un esssai assez agréable, mais bien peu archaïque, de M. R.
— P. 187, note. Du mot « Marranes », par lequel on désigne les nou-
veaux convertis espagnols, il est donné par M. R. une étymologie
risquée qui rapproche ce nom de l'araméen Maran-atha; l'explication
est plus que suspecte, mais ce qui est absolument erroné, c'est de tra-
duire ces mots par « anathème sur toi », tandis qu'ils signifient : « Notre
Seigneur vient! » Par-dessus le marché M. R.a dit hébreu au lieu d'ara-
méen. La malencontreuse note est à biffer tout entière. — P. 21 3. A
propos de l'emploi fait par les protestants de FAncien-Testament,
M. R. écrit : <r C'était une sorte de consolation pour la race juive de
voir son passé ressuscité inspirer dans les controverses, guider sur le
champ de bataille et soutenir jusque dans la flamme des bûchers, toute
une légion de héros qui n'étaient pas nés dans son sein. » Est-ce là une
réflexion de l'auteur ou bien l'allégation de M. R. repose-t-elle sur des
faits précis? Il vaudrait la peine de le savoir et dans ce second cas, la
preuve de ce fait intéressant serait indispensable à fournir. — P. 222,
note. On ne saurait dire tout court que « Sefarad soit le nom biblique
de l'Espagne. » — P. 232. Y a-t-il jamais eu à Constantinople qua-
rante-quatre synagogues « ayant chacune leur administration et leur
rite distincts » pour trente mille âmes? — P. 3o5. A propos de l'atti-
o'histoirk kt de httératukk 281
tude de la société juive berlinoise du commencement du siècle, M. R.
parle « de Finfluence dissolvante d'un nouveau mysticime propagé par
les prédicateurs à la mode qui accommodaient l'Évangile au goût du
jour. » Si c'est de Schleiermacher et de ses émules qu'il s'agit, il faudrait
faire de sérieuses réserves. — P. 356. M. R. réédite à propos du fameux
cri Hep / Vétymologïe connue : ifierusalem est ^^erdita. Cette préten-
due étymologie n^en est pas une; il est clair que c'est un essai d'explica-
tion fait après coup. D'ailleurs ces trois mots latins ne peuvent signifier
que ceci : Jérusalem a été perdue, ce qui n'offre aucun sens. — P. 358.
A propos du nom du prédicateur de cour Stœcker, le grand chef de
V antisémitisme^ M. R. ne s'épargnera pas, dans une seconde édition,
la satisfaction de dire que de récents procès ont mis en pleine lumière
la moralité du dit personnage. — P. 362. Orthodoxie obscurante. Voilà
un néologisme bien inutile. — P. 374. M. R. parle des Samaritains
de Naplouse en termes d'un vague un peu inquiétant. Ils conservent,
dit-il, « un ancien exemplaire du Pentateuque, dont la version diffère
du texte reçu. >; On peut parler des Samaritains avec plus de précision.
— P. 379-380. Longue citation empruntée à la géographie d'Elisée
Reclus et qui contient des choses étranges : « D'après le témoignage
unanime (?) des Juifs de Kaï-fong, ils appartiennent à la tribu d'Aser
(??)... Les missionnaires en ont conclu que cette colonie se composait
de juifs immigrés dans le pays après la destruction de Jérusalem (lisez :
de Samarie). Il se seraient donc maintenus pendant 1800 années (à
partir de quelle date obtient-on 1800 ans?) etc.. » Tout cela ne saurait
subsister sous cette forme. — P. 38i. M. R. a généralement une bonne
langue, à la fois franche et souple, qui se plie aisément au ton des diffé-
rents sujets; aussi suis-je un peu choqué de cette phrase, écrite dans le
style du journalisme : « Chaque pays, comme chaque siècle, a les Juif s
qu'il mérite. » — P. 384. Les lois cérémonielles juives sont « étrangères
à Tessence même de la religion mosaïque. » Qu'est-ce que Vessence
d'une religion, sinon la manière dont chacun la conçoit et l'interprète,
y mettant au premier rang soit ceci, soit cela. Cela m'amène à indi-
quer, ce qui est à peine nécessaire, que l'esprit de ce volume est celui
du judaïsme libéral et philosophique.
Au résumé, M. Théodore Reinach, s'est lancé avec beaucoup de bra-
voure dans une entreprise fort épineuse et il s'en est tiré très honora-
blement. Un aperçu, à la fois suffisamment exact et vivant, de l'histoire
du judaïsme dans la dispersion manquait à nos bibliothèques; cette la-
cune est aujourd'hui comblée. Il est possible désormais au lecteur fran-
çais de s'orienter, au prix d'un mince effort, sur un terrain dont la con-
naissance est utile à une saine appréciation de l'évolution des sociétés
modernes.
M. Vernes.
2S2 REVUli CRITIQUE
iSy. — Blistoiro (Ics« instituai ionta munieipalei* de L.yon avant l'9@ï>,
par Marc Gvyaz, xvii-349 pages. Paris, Dcntu ; et Lyon, Georg, 1884.
En 1878, l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon
annonça qu'elle décernerait un prix de 1,000 francs à la meilleure étude
historique sur les institutions municipales de Lyon depuis les temps
anciens jusqu'à 1789. L'idée était excellente, mais elle trouva d'abord
peu d'écho : trois années se passèrent sans qu'aucun mémoire fût pré-
senté. La quatrième année il y eut un candidat, mais qui ne fut pas
jugé digne d'obtenir la récompense proposée. Enfin, en i883, sur le
rapport de M. Caillemer, doyen de la faculté de droit de Lyon, le prix
fut décerné à M. Marc Guyaz, et c'est le mémoire couronné que l'au-
teur, après l'avoir retouché, présente aujourd'hui au public.
Disons tout d'abord que, même après la publication de ce livre, l'ex-
cellente étude que M. Giry a consacrée à l'histoire municipale de Lyon,
dans la République française du 3 août 1877, conserve toute sa va-
leur : on y trouvera condensés en un petit nombre de pages vivement
écrites tous les faits essentiels de la vie municipale de Lyon aux diffé-
rentes époques de son histoire. L'ouvrage de M. Guyaz est naturelle-
ment plus développé, et, s'il ne fait pas oublier l'article de M. Giry, il
permet de le compléter. Ce n'est pas qu'en général l'auteur fasse œuvre
personnelle d'érudition. Quoiqu'il ait tiré par lui-même quelque parti
des pièces d'archives et qu'il cite fréquemment l'inventaire Chappe, il a
surtout le mérite de réunir et de présenter sous une forme claire et mé-
thodique les résultats obtenus par les travaux des érudits Lyonnais de-
puis le xvii° siècle jusqu'à nos jours. Il connaît les études récentes de M. Vi-
tal de Valons et les publications si importantes de M. M. -G. Guigne,
qui vient encore d'y ajouter un volume de 686 pages, grand in-4, conte-
nant plus de 5oo documents lyonnais antérieurs à i255 '. M. G. n'a
pu profiter de ce volume, qui vient seulement de paraître. Mais il
aurait pu tirer parti du premier volume des Registres consulaires de
Lyon, qui est sans doute postérieur à la rédaction de son mémoire,
mais qui est antérieur à la publication de son livre. II y aurait trouvé
des détails importants sur le fonctionnement du consulat lyonnais au
XV* siècle^ et il aurait vu que la nomination des maîtres des métiers par
les consuls, qu'il présente implicitement comme une innovation de la
fin du XV' siècle, était parfaitement régulière dès les premières années de
ce siècle. Elle remonte probablement beaucoup plus haut.
Parmi les différents chapitres dont se compose cette Histoire des ins-
1. Cartulaire Lyonnais, tome I, Lyon, association typographique Plan, j885.
Ne pas cont'onare avec le Cartulaire municipal d'Etienne de Villeneuve, publié
aussi par M. Guigue. La publication du Cartulaire Lyonnais a été entreprise sous
le patronage et aux frais de l'Académie de Lyon; on ne saurait trop féliciter ce
corps savant de sa décision, ni trop l'encouragera y persévérer.
2. Voyez Lyon au commencement du xi>' siècle, dans V Annuaire de la Faculté
des Lettres de Lyon, vol. II, fasc. 1, page 45.
I
D HlSTOlUK El DK LITTERATUIU'. 26>
titutîons municipales de Lyon, le moins solide est assurément celui qui
est consacré à la période romaine. Qu'on en juge par cette déclaration
de l'auteur (p. i6) : « Des inscriptions, trouvées sur les tombeaux et sur
les monuments, nous ont appris l'existence de certaines magistratures
et révélé les noms de quelques magistrats; ces renseignements épigra-
phiques sont les seuls matériaux mis à la disposition de l'historien.
Pour les éclairer et les comprendre, pour les lier entre eux et reconsti-
tuer ainsi le système municipal qui régnait, il y a dix-huit siècles, sur
sur les bords de nos deux rivières, il faut recourir à l'analogie, il faut
demander aux autres cités de l'Empire les détails de l'organisation de
toutes les villes romaines. Telle est la méthode que nous emploierons
dans ce chapitre. ?> Une pareille méthode était d'autant plus dangereuse
ici que plusieurs documents et le témoignage de Sénèque tendent à nous
faire croire que la ville de Lugdunum était soumise à un régime excep-
tionnel : (( Civitas opulenta, dit Sénèque, ornamentumque provincia-
rum, quibus et inserta erat et excepta. » On ne saurait donc sans témé-
rité appliquer à Lyon les renseignements que l'on possède sur les autres
municipalités romaines, et le lecteur averti devra se délier de toute cette
partie du livre.
M. G. est aujourd'hui conseiller municipal de Lyon ; il est donc l'un
des successeurs de ces consuls dont il raconte l'histoire. Il faut dire à
sa louange que ses opinions politiques, quelles qu'elles soient, n'ont
pas laissé de trace apparente dans ses récits ni dans les appréciations
qui les accompagnent. Un tel sujet aurait pu être un prétexte à décla-
mations faciles. M. G. a su éviter ce défaut, il a le sens de la différence
des temps et le respect de l'histoire. Il exprime parfois ses opinions éco-
nomiques, mais il le fait dans les termes les plus mesurés. En somme,
et sous réserve de ces remarques, auxquelles on pourrait joindre un
certain nombre de critiques de détail, il faut reconnaître que le con-
cours ouvert par l'Académie de Lyon a produit un bon livre de vul-
garisation.
L. Clédat.
l88. — a^ettres de divers savants ù l'al>!>é Claude I^Iîeaise;) publiées pour
l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, par E. Caillemer, doyen
de la Faculté de droit, correspondant de l'Institut, membre de l'Académie. Lyon,
i885, grand in-8 de XXXIX-29S p.
M. Caillemer, chargé, en sa qualité de Président du Comité d'ins-
pection des Bibliothèques municipales de Lyon, d'assister (novembre
1880), avec les membres de la famille de feu M. Mulsant, à un inven-
taire sommaire des livres et papiers, existant dans le cabinet de cet
ancien conservateur de la grande Bibliothèque, dite du Lycée, trouva
un carton, qui depuis longtemps n'avait pas été ouvert, et où dormait
en paix un volume in-40 très simplement relié, sur le dos duquel on
284 REVUE CRITIQUE
avait écrit : Lettres de Leibni^ et divers savants. Ces lettres, sauf une
exception, étaient toutes adressées à l'abbé Claude Nicaise, le célèbre
chanoine de la Sainte-Chappelle de Dijon, et elles avaient été réunies,
au xvine siècle, par un autre Bourguignon, plus célèbre encore, le pré-
sident Bouhier, lequel a dressé, propria manu^ la table des pièces que
contient le volume, et Ta classé, en 1787, sous la cote C. 140, parmi
les manuscrits de sa riche bibliothèque. Ce manuscrit fut donné à la
bibliothèque de Lyon, en octobre 18 35, par M. Prunelle, ancien maire
de cette ville, qui Pavait recueilli à Troyes en 1804 et qui, abusant de
la mission dont il avait été investi et trahissant la confiance mise en lui,
l'avait gardé, quand il aurait dû le déposer à la Bibliothèque nationale,
La ville de Lyon, s'inclinant devant les droits de TEtat précédemment
reconnus par elle ^, a rendu le manuscrit au grand dépôt de la rue Ri-
chelieu, mais quelques membres de l'Académie demandèrent qu'avant
la restitution, les lettres des correspondants de Nicaise fussent impri-
mées, et cette compagnie, adoptant leur proposition, eut la bonne idée
de confier à M. C. le rôle d'éditeur de cette correspondance.
Le savant critique déclare (p. 6) qu'il était peu préparé pour un rôle
pareil. Préparé ou non, il a rempli son devoir avec un zèle, un soin et
un succès que je ne puis vanter autant que je le voudrais, car il a dai-
gné parler de moi en plusieurs passages (et notamment p. 274, note 2)
d'une façon très bienveillante, très cordiale, qui m'a profondément tou-
ché, mais qui par cela même enchaîne ma liberté d'action. Heureuse-
ment qu'un excellent juge, qui porte dignement un nom de tous
vénéré, M. Victor Egger, a dit ici même-, du volume de Caillemer :
« Cette dernière publication peut être louée comme un modèle du genre,
pour la fidélité des transcriptions, la richesse et la précision du com-
mentaire. » Je n'ajouterai rien à un tel hommage; je me contenterai
d'indiquer les principales choses contenues dans un recueil qui l'em-
porte en intérêt et en importance sur la plupart des recueils de lettres
d'érudition que nous possédons.
M. C, dans une introduction sur Vabbé Nicaise et sa correspon-
dance^ fait fort bien connaître le très actif chanoine et ses relations lit-
téraires qui furent si nombreuses, qu'elles n'échappèrent pas à la raille-
rie ^. Voici l'appréciation fort sage et fort juste du biographe sur un
1. Voir la brochure de M. É. Caillemer jntitule'e : Les manuscrits Bouhier, Ni-
caise et Peiresc, de la Bibliothèque du Palais des Arts; Lyon, 1880, in-S" de
48 pages.
2. No du 8 juin i885, Variétés. Une lettre de Leibtii^, p. 457.
3. M. C. cite (p. vi-vii) une épitaphe burlesque de Nicaise, en 34 petits vers,
qu'il est tenté d'attribuer à Bernard de la Monnoye, l'ami du défunt, et qui est ex-
traite des Nonvelles de la République des Lettres d'avril 1702, épitaphe où le mau-
vais plaisant, couronnant par un trait piquant une énumération interminable, assure
qu'au décès de l'infatigable écrivain nul ne perd tant que la poste. Il cite encore une
phrase de Daniel Huet (lettre à Cuper) se moquant lui aussi de l'innocente manie
qu'avait Nicaise de correspondre avec l'univers entier, d'cire Iq facteur du Parnasse.
DHISTOIRK KT DK LITTÉRATUKR 285
homme qui eut plus de bonnes intentions que de mérite réel (p. vu) :
« Ce sont ces relations épistolaires avec la plupart des savants de l'Eu-
rope qui ont préservé de Toubli le nom de l'abbé Nicaise. La simplicité
de sa vie, la pureté de ses mœurs, son culte pour les belles-lettres, quel-
ques opuscules laborieusement composés, tout cela eût été insuffisant
pour perpétuer son souvenir. Mais, lié avec presque tous les hommes
éminents de la fin du xvn« siècle, utile à tous par la tâche qu'il s'était
imposée de donner aux uns des nouvelles des autres, toujours prêt à
encourager et à faciliter les travaux des érudits, il arriva au but qu'il
avait en vue : se voir couché dans les livres des savants avec éloge ; car
c^est une belle chose que d'être loué par ceux qui méritent de l'être :
LAUDARI A LAUDATIS. ))
Presque tous les détails fournis par M. C. sur la vie, les écrits et les
liaisons de Nicaise sont extraits d'une autobiographie que ce dernier
avait adressée à Tabbé Carrel, et qui parut, en octobre 1703, dans les
Nouvelles de la République des lettres. On remarque dans cette auto-
biographie, comme dans bon nombre d'épîtres du chanoine, force traits
de naïveté, de cette naïveté que l'évéque d'Avranches (lettre à Cuper,
du 4 février 1782) appelle candor et qui sont bien amusants. Parmi les
personnages qu'il vit de près soit en Italie, soit à Paris, on peut signa-
ler les cardinaux Antoine et François Barberini, le cardinal Bona, le
cardinal Albani (le futur Clément XI), Ezéchiel Spanheim, Isaac de la
Peyrère, Jean-Marie Suarès, le docte évéque de Vaison, Léo AUatius,
Luc Holstenius, Nicolas Poussin, Pierre de Cortone, Salvator Rosa,
Bellori, le cavalier Bernin, Tabbé de Rancé, « l'excellent M. Nicole »,
auprès duquel on apprenait « toujours beaucoup de choses », Baillet
« qui est un répertoire vivant », Huet, Racine, Bourdelot, sœur Louise
de la Miséricorde '.
M. C. s'occupe, dans les dernières pages de l'Introduction, de quel-
ques-uns des correspondants de Nicaise, notamment de Jacques de la
Cour, le futur successeur de l'abbé de Rancé à la Trappe^ dont il repro-
duit « une très belle lettre, « du 22 janvier 1693 (p. xxv-xxvii). d'après
le manuscrit 9363 du fonds français, de Jacob Spon, le docte archéolo-
gue lyonnais, de la correspondance duquel il donne divers extraits
(p. xxx-xxxni) ^
1. Voir p. 12, notes, de curieux détails sur une traduction en vers de la Glose
de Sainte-Thérèse par B. de la Monnoye, dont le manuscrit fut montré par Nicaise
à l'ancienne duchesse de la Vallière, laquelle accueillit fort bien le manuscrit du
poète bourguignon, qui, ainsi encouragé, crut devoir le lui dédier. M. C. a reproduit
l'épître dédicaioire inédite que la modestie de la carmélite refusa d'accepter. La
Monnoye tient une grande place dans le volume de M. C. On y voit une lettre de
ce spirituel écrivain à Nicaise (p. xx), du 3o octobre 1769, tirée du F. Fr. g35g,
f" 180, une autre lettre au même (p. xxiv), du 28 février 1688 (Ibid i° 190), un
fragment (p. i3S) d'une lettre du 8 novembre 1687 (Ibid. i° lyS), un autre frag-
ment d'une lettre sur la mort de Lantin (nogSGi, f» 109), etc.
2. Voir (p. xxix) une lettre inédite de Nicaise « A Monsieur Spon, docteur en
médecine, Lion -.:, écrite de Dijon le i""" janvier 1678, conservée à la Bibliothèque
c86
RfiVUK CKITIQUK
Toutes les pièces réunies dans le volume ne sont pas inédites, comme
M. C. ne manque pas de nous en avertir (p. xxxni). Les lettres de Gil-
bert Cuper ont été publiées, dès 1755, par un de ses neveux, qui avait
eu communication des originaux appartenant au président Bouhier.
Les lettres de Leibniz avaient déjà paru plusieurs fois, ainsi que M. V.
Egger l'a rappelé ■. Mais, selon la remarque de M. C. (p. xxxni), « une
publication nouvelle a encore son utilité. » Beyer avoue (lySS) qu'il a
souvent modifié le texte des lettres de son oncle Cuper. Les lettres de
Leibniz ont été défigurées par tous les éditeurs, y compris V. Cousin %
que C. J. Gerhardt, a scrupuleusement suivi, et c'est le cas de redire
avec M. V, Egger que M. C. apporte pour la première fois « un texte
correct et complet. »
Le recueil est formé de ']^ lettres (71 réunies, en 1787, par le prési-
dent Bouhier, 3 écrites par un savant religieux de l'ordre des Augus-
tins, Henri Noris, le futur cardinal, et dont les originaux étaient mêlés
à des pièces de tout genre et de toute origine dans le carton poudreux
où gisaient les 71 autographes, enfin 2 d'un auteur inconnu, datées de
Rome, et trouvées à Paris, n" 9362 du fonds français). Voici comment
se décompose le total que je viens d'indiquer : 3 lettres (latines) du Père
Noris, 12 de Leibniz, i du prieur Michel, 2 de Jean de Witt, « le fils
de l'illustre et infortuné grand-pensionnaire de Hollande », i de
l'orientaliste Antoine Galland, i d'un Saumaise, fils de Claude, i
du Père Guillaume Bonjour, de l'ordre des Augustins, 5 d'Ézéchiel
Spanheim, i (latine) de J. M. Suarez, archéologue qui fut cher à
Peiresc ', 4 de l'abbé de Gondi, premier ministre du grand duc de
de Lyon avec beaucoup d'autres lettres adressées à Jacob Spon et à son père Charles
Spon.
1. Article déjà cité, p. 457.
2. Le nouvel éditeur nous révèle (p. xxxiv) une plaisante méprise de Cousin qui,
dans un distique de Leibniz, a confondu le mot, scra^ tardive, avec le nom propre
Sara, ce qui n'est pas un lapsus, car une note du brillant écrivain rappelle que
« Sara était à la fois la sœur et l'épouse d'Abraham. » M. C. ajoute avec une douce
malice : « N'en déplaise au grave philosophe, Abraham et Sara n'ont rien à faire
ici. » A la page xxxv (note i) s'étalent sur deux colonnes parallèles, deux phrases
des lettres de Leibniz, les unes tirées du texte de l'édition Caillemer et les autres du
texte de l'éJition Cousin. Les diftérences entre les deux textes montrent combien
était défectueuse la copie d'après laquelle ont été faites les éditions antérieures.
M. V. Egger a cru qu'à la page 41 Leibniz a dû écrire, non pas nostre, mais vos^re
iUitstre ^f. Iliiet, et que, par conséquent. Cousin et Gerardt doivent avoir raison
contre M. C. Mais ce dernier a transcrit si fidèlement les lettres à Nicaise,il a com-
paré si attentivement les épreuves, non pas aux copies, mais aux originaux, réitérant
jusqu'à cinq ou six fois cette comparaison, que je suis persuadé que sa leçon est la
bonne: elle avait, du reste, été adoptée déjà par F. Z Collombet qui, en réimpri-
mant les lettres de Leibniz (i83o), se persuadait qu'elles n'avaient encore jamais vu
le jour. Le mot nostre d'ailleurs, sous la plume de Leibniz, s'explique parfaitement,
Huct étant très apprécié de l'illustre philosophe qui le traitait en bon confrère et en
bon ami.
;-.. U est souv-nt question de ce grand hommç daps ic recueil çie M- C. Vou'
d'histoikic i.r t)!-: LirTLKATiJUK 287
Toscane, 2 (latines) de Jacques Perizonius, i5 (latines) de Jean Georges
Grœvius, i de Thomassin de Mazaugues, 5 de Michel Bégon, i de
Henri Basnage de Beauval, 2 du Père Antoine Pagi, 6 d\ine personne
inconnue, i de Pierre Bayle, i (latine) de Joachim Ktihn, i d^ Augustin
Nicolas, maître des requêtes au parlement de Besançon, le premier qui
ait demandé l'abolition de la torture comme mode de preuve criminelle,
8 de Gilbert Cuper, i de Lelio Colista.
Signaler tout ce que ces diverses lettres renferment de particularités
dignes d'attention, ce serait vouloir donner à mon article d'immenses
proportions. Qu'il me suffise d'annoncer aux curieux qu'ils trouveront
là (soit dans le texte, soit dans les notes) des centaines d'indications sur
les hommes et les livres du xvii" siècle, notamment sur William Lloyd,
évêquede Saint-Asaph, les ouvrages du cardinal Noris, les contes de B.
delà Monnoye, Tarchéologue Orléanais Nicolas Thoinard, le numismate
Pierre Rainssant, le paradoxal Père Jean Hardouin, l'antiquaire Ra-
phaël Fabretti, les numismates André Morell, Marc Antoine Oudinet
et Jean Foy Vaillant, le président Cousin, les jésuites Fronton du Duc,
Jacques Sirmond et Godefroy Henschenius, le pamphlet monarchia
Solipsorum, les Origines de la langue française de Gilles Ménage,
Bernard, le commentateur de Josèphe, Henri Dodwell, le professeur
d'Oxford, le philologue Marc Meibom, Paul Pellisson, l'abbé J.-B.
Boisot, le conseiller J.-B. Lantin, le paysan dauphinois Jacques Aimar-
Ternay, l'homme à la baguette divinatoire, Adrien Baillet, le cistercien
Paul Pezzon, la querelle entre dom Mabillon et l'abbé de Rancé, le
géographe Baudrand, le Pétrone apocryphe de Belgrade, Casimir Ou-
din, François du Jou, Hugo Grotius, Samuel Bochart, Philibert de la
Mare, Christian Huygens Van Zuylichem, Camerarius, Antoine Ar-
nauld, Jacques Bernoulli, le théatin François Caffaro, Marquard Gu-
dius, le très original abbé Pierre Faydit, Louis Géraud de Cordemoy,
Vincent Placcius, Paul Colomiès, Daniel Huet, l'abbé Simon Foucher,
les orientalistes Jacques Golius, Abraham Hinckelmann, Louis Mar-
racci et Edward Pocock, les théologiens Celestino Sfondrati, William
Sherlock et John Norris, William Temple, Richard Bentley, Jean
Schilter, Jean Leutholf, Gilbert Burnet, Joachim Bouvet et ses ouvra-
ges sur la Chine, dont un, resté manuscrit, a disparu de la bibliothèque
de la ville de Lyon, le philosophe Sylvain Régis, le bibliothécaire du
Vatican Jérôme Casanatc, les critiques Crescimbeni et Fontanini, le
philologue J.-J. Hoffmann, Samuel Chapuzeau, Marc Vincent Coro-
nelli, Thomas Ittig, Amelot de la Houssaye, l'académicien Simon de
la Loubère, Hubert Languet, le Père Noël Alexandre, le P. Daniel.
PP- y-'» 77, 91, 177, 17S: 170, 180, 182, iS5, i(j6, 306, 230, 266. Leibniz dit
(p. yS) : « Je m'étonne qu'on ne parle ph;,s des lettres de Peiresk? » et fp. 77) ;
« N'aurons-nous pas bientost les lettres qu'on avoit écrites à M. Peiresk ■' « Je ferai
de mon mieux pour donner aux érudits, avant ia fin du xix° siècle, les deux collec-
tions que Leibniz deman.iait dans le; ■X:\\\ dcrs'iC'res années du xv;;"'.
288 KKVU.": CKITlQUh
le naturaliste Martin Lister, W. Wotton, le chanoine Fr. Dirois,
l'antiquaire Bellori, Thomas Crenius, Olatis Worm, l'intendant Nie
Joseph Foucault, Ch. César Baudelot de Dairval, une épitaphe de Se-
grais composée par Galland, le P. Daniel Papebroch, J. Gaspard
Gevaerts, Jean Tristan, sieur de Saint-Amand, l'académicien Eusèbe
Renaudot, l'orientaliste B. d'Herbelot, les deux abbés Bourdelot (l'un
Pierre Michon, l'autre Pierre Bonnet), l'abbé J.-B. Dubos, Dom Jean
Martianay, l'abbé Fr. de Camps, Antoine Maggliabecchi, Nie. Heinsius,
Antoine Van Dalen, Isaac Vossius, Ismaël Boulliaud, Nie. Rigault,
Henri de Valois, Antoine Ricciardi, L.-Th. Gronovius, le docteur
Pierre Petit, le professeur d'Orléans Guillaume Prousteau, Daniel
Georges Morhof, le président Denis Talon, Nie. Chorier, Josué Barnes,
Thomas Hyde, Jean Hudson, Nicolas Bergier ', Albert Rubens, Lilio
Gregorio Geraldi, Alph. Chacon, Charles Patin, Fr. Graverol, Ant,
Furetière, Poratorien Bernard Lamy, etc.
A l'Appendice, M. Caillemer a réuni (p. 265-273) sous ce titre : Les
correspondants de Nicaise, des indications, qui rendront de grands
services aux chercheurs, relatives aux lettres conservées à la Bibliothè-
que nationale et adressées à Nicaise par près de cent personnages presque
tous considérables, parmi lesquels on remarque : le cardinal Albani
(pape sous le nom de Clément XI), Jean Antsson d'Hauteroche, direc-
teur de l'imprimerie royale du Louvre, Robert Arnauld d'Andilly,
Antoine Arnauld, deux religieuses de la famille Arnauld (Catherine-
Agnès de Saint-Paul et Marie-Angélique de Sainte-Thérèse), Auzoult,
Adrien Baillet, les cardinaux Barbarigo et Barberini, P. Bayle, Bégon,
Bellori, Berruyer, l'abbé et le premier président Bignon, Boisot, abbé
de Saint-Vincent, à Besançon, le cardinal Bona, le grand Bossuet, le
président Bouhier, Bourdelot, Fr. de Camps, P. Fr. Chifïlet, Gilbert
Cuper, dom Claude Estiennot, Raphaël Fabretti, Félibien des Avaux,
Galland, dom Michel Germain, dom Armand François Gervaise, abbé
delà Trappe, J.-Fr. Paul de Gondi, cardinal de Retz, Graevius, Daniel
Huet, la maréchale d'Humières, l'archevêque d'Auch La Baume de
Suze, l'archevêque d'Aix Le Gueux de la Berchère, le Père de la Chaise,
I. Citons sur cet érudit une note rectificative (p. 168) : « Nicolas Bergier, né à
Reims en ibbj (Moréri dit ibbj), mort à Grignon (Seine-et-Oise), et non pas,
comme le disent plusieurs biographes, à Grignan, le i5 septembre 1623 ; il était,
en effet, l'hôte du président de Bellièvre, seigneur de Grignon. Son Histoire des
grands chemins de l'empire romain fut publiée en 1622 ». Puisque nous en sommes
aux rectifications, reproduisons une autre note dont il faudra tenir compte quand
on publiera enfin cette nouvelle édition de la partie française de VArt de vérifier les
dates que réclament tous les travailleurs (p. 157) : « Louis XIV venait de déclarer
la guerre aux I^rovinces-Unies. L'ordonnance contenant cette déclaration est datée
de Versailles, le 26 novembre 1688, et c'est sous cette date qu'elle est insérée dans
le Recueil général des anciennes lois françaises, t. XX, p. 65. Il faut donc, sans
hésitation, rejeter, comme erronées les dates données par M. Ludovic Lalanne
Dictionnaire historique, V» France : 16 novembre 1688) et par M. Dreyss (Chrono-
logie universelle i3 décembre 1688) ».
D^HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE 289
Ph. de La Mare, B. de la Monnoye, le cardinal Le Camus, Jean Le
Clerc, Le Roy, abbé de Hautefontaine, Longepierre, Dom Jean Mabil-
lon, G. Ménage, Noris, Oudinet, les deux Pagi, Charles Patin, Peri-
zonius, dom Paul Pezron, l'abbé de Rancé, Regnier-Desmarais, Riche-
let, Ézéchiel Spanheim, Spon, les deux évêques de Vaison, Joseph
Marie et Louis Alphonse Suarez, Thomassin-Mazaugues, Jean de
Witt.
Le précieux volume est complété par d'excellentes tables, la Table
alphabétique des noms de personnes citées dans les lettres à F abbé
Nicaise et dans les notes de Véditeur (p. 274-289) \ la Table alpha-
bétique des noms de lieux ou de peuples cités dans les lettres à l'abbé
Nicaise {"p. 290-294), enfin la Table par ordre chronologique des y 6
lettres adressées à l'abbé Nicaise (du 14 septembre 1666 au 10 jan-
vier 1700).
T, DE L.
CHRONIQUE
FRANCE. — Une seconde édition de la Mythologie de la Grèce antique, par M. P.
Decharme, vient de paraître à la librairie Garnier. Nous renvoyons nos lecteurs à
l'article qu'un de nos collaborateurs avait consacré à la première édition, et nous
contentons d'en rappeler la conclusion : « Ce livre renouvelle en France l'étude et
la connaissance de la mythologie; il est solide, au courant de la science, et de plus,
très agréable à lire, grâce à une élégante simplicité de style; enfin, il comble une
lacune et il est d'une utilité manifeste. » (N" du i3 mars 1880). M. Decharme nous
avertit, dans l'avant-propos, de quelques changements apportés à cette seconde édi-
tion : il a supprimé ou atténué plusieurs interprétations d'un caractère conjectural,
refondu entièrement le chapitre relatif à Hermès, fait subir des remaniements
moins importants à d'autres chapitres; ;< il est peu de pages enfin, surtout dans
les trois premiers livres, où il n'ait été fait quelques corrections de détail. »
— M. Victor MoRTET, archiviste-paléographe et bibliothécaire des facultés, a fait
tirer à part (Paris, Leroux. In 8°, i3 p.) une étude intitulée Une élection épiscopale
au xn^ siècle, Maurice de Sully, évêque de Paris, 1 160.
— La quatrième partie des Relations entre la France et la régence d'Alger au
xvii" siècle, de M. H. D. de Grammont, vient de paraître sous le titre Les consuls
lazaristes et le chevalier d'Arvieiix, 1646-1 6 go (Alger, Jourdan. In-S", i3j p.).
Elle est consacrée au consulat du Frère Barreau, membre laïque de la Congrégation,
homme « d'une bonté incorrigible » et « d'une charité désordonnée «, du Frère Du-
bourdieu, qui obtint de meilleurs résultats par sa patience et sa fermeté, du cheva-
lier d'Arvieux, qui gâta tout par ses emportements et ses menaces fanfaronnes,
du P. Le Vacher, qui sut inspirer une grande vénération aux Turcs par ses vertus,
I. Dans les notes qui accompagnent cette table, M. C. a corrigé quelques erreurs
de son commentaire, parfois d'après mes indications. Je n'ai pas de nouvelles ob-
servations à lui soumettre et je doute que les plus sévères critiques trouvent l'occa-
sion de lui en adresser plus que moi.
290 UKVUE CRlTIQUl!:
enfin à l'expédition du duc de Bcaufort contre Gigelli, La Goulelte et Cherchell,
aux deux bombardements d'Alger par Duquesne, qui n'eurent d'autres résultats que
« l'écrasement d'une centaine de masures, de deux ou trois mosquées, la mort d'un
millier d'habitants et l'incendie de trois vaisseaux corsaires », et « portèrent la po-
pulace aux plus violentes atrocités », au troisième bombardement dirigé par le ma-
réchal d'Estrces qui fut terrible, mais n'entraîna pas la capitulation de la ville.
— Blaye en 1S14. — M. le docteur Gélineau, vient de publier un curieux petit
volume intitulé : Histoire de Blaye pendant les dernières années de l'empire. Siège
de 18 14, imprimé par Tessier à Surgères (Charente-Inférieure) et qui est en vente
chez l'auteur, à Paris, rue d'Aumale, 1 5. In-S», de g3 pages. L'auteur a composé son
récit d'après des renseignements fournis par des témoins oculaires et d'après les do-
cuments des archives municipales de Blaye et de quelques collections particulières.
L'opuscule du docteur Gélineau contient des détails intéressants au point de vue
militaire et au point de vue anecdotique. Parmi ces derniers détails nous signalerons
ceux qui regardent l'instituteur Loigerot, qui faillit mourir d'une ode... rentrée,
ode composée au sujet de la future venue à Blaye de Napoléon I", lequel n'y vint
pas, instituteur auquel le maire de la ville, le comte Deluc de la Grange, adressait
ces pittoresques reproches, le 3i décembre 1812 : « Je me suis présenté, ce matin,
dans votre classe pour en faire l'examen et je ne vous ai point trouvé, non plus que
madame votre épouse. J'ai été étonné de voir dans une chambre i5 à 20 enfants
des deux sexes s'amusant ensemble et n'ayant d'autre surveillant que votre ser-
vante ». (Voir à V Appendice, p. 83, une piquante historiette dont le comte d'Artois
est le héros, historiette que suivent diverses pièces inédites tirées du dépôt du Mi-
nistère de la Guerre.) 'Voici une rectification dont il faut se souvenir (p. 87): « Il est
de tradition ù Blaye que cette place a été fortifiée par Vauban. C'est une erreur.
Les fortifications actuelles ont été commencées sous la direction de M. Le Jay, in-
génieur du roi. Nous en donnerons la preuve indiscutable dans notre ouvrage en
préparation : Le duc de Saint-Simon et Blaye pendant la Fronde. » L'ouvrage ainsi
annoncé n'est pas le seul que nous ayons à attendre du docteur Gélineau : il travaille
depuis quelque temps à V Histoire du siège de Blaye en 1 5g2-i 5g3, qui fera suite
à sa notice sur le siège de Blaye en i58o. — T. de L.
ALLE.MAGNE. — M. Philippe Strauch, professeur de littérature allemande à
l'Université de Tubingue, vient de publier dans le iv' fascicule de la Zeitschrift fur
deutsches Altcrtnm une bibliographie de toutes les publications scientifiques parues
en 1884 sur le domaine de la littérature allemande moderne. (Période comprise en-
tre les années 1624 et i832, d'Opitz à la mort de Goethe). M. Strauch s'est efforcé
d'être aussi complet que possible, et on doit lui savoir gré de s'être chargé d'une si
laborieuse entreprise ; aussi reproduisons-nous volontiers la prière qu'il adresse à
tous les amis de la littérature allemande; « j'ai trouvé, dit-il, chez plusieurs confrè-
res que je connaissais, un bienveillant appui, et j'espère qu'à l'avenir ce concours
sera encore plus actif, surtout de la part des auteurs d'articles publiés dans des re-
cueils difficilement accessibles ; je les prie donc de vouloir bien m'envoyer, dans
l'intérêt de la chose, des tirages à part ». Nous souhaitons que cet appel du vail-
lant bibliographe soit entendu; la Revue critique, que M. Strauch a citée plusieurs
fois dans le catalogue qu'il vient de rédiger, s'engage à collaborer — modestement —
à cette œuvre si importante et si utile.
BELGIQUE. — M. Paul Frédéricq, qui assistait au centenaire de l'Université
d'Edimbourg (avril 1884 , a saisi l'occasion qui lui offrait ce voyage en Ecosse pour
étudier l'enseignement supérieur de l'histoire dans la Grande-Bretagne. Ses obser-
vations ont paru sous le titre De l'enseignement supérieur de l'histoire en Ecosse et
d'histoire et de LITTERATURE 29 I
en Angleterre, notes et impressions de voyage, dans les livraisons du i5 juin et du
i5 août i885 de la « Revue internationale de l'enseignement «, et viennent d'être
tirées à part (Paris, Chamerot, i885. În-S", 48 p.). L'auteur conclut que l'ensei-
gnement supérieur de l'histoire est presque nul ou tout à fait sacrifié dans les Uni-
versités écossaises, et qu'il est un peu mieux partagé à Londres (quoique encore dans
une sorte de période rudimentaire); quant ù Cambridge et à Oxford, les étudiants,
selon M. Frédéricq, lisent beaucoup et font d'étonnants efforts de mémoire pour
répondre aux examens; mais on ne les familiarise pas suffisamment avec les docu-
ments originaux; ils n'ont pas de cours qui les préparent aux recherches vraiment
scientifiques, tels que la paléographie, la diplomatique, la chronologie.
ITALIE. — M. le professeur Alexandre d'ANcoNA, publie dans les fascicules xiv
et XV de la Nuova Antologia sous le titre de Torino e Parigi nel 1648 de très inté-
ressants articles, dans lesquels il résume la relation du voyage d'un ambassadeur
toscan. Cet ambassadeur, l'abbé Giovanni Rucellai, fut envoyé à Louis XIII à la suite
du protonotaire apostolique Lorenzo Corsi pour lui porter les condoléances du
grand duc au sujet de la mort de Marie deMédicis. La relation vient d'être publiée
à très petit nombre et sans être mise dans le commerce par MM. G. Temple-Lea-
der et G. Marcotte : elle complète utilement le jourual d'un voyage à Paris en ibôy-
i658 par deux gentilhommes hollandais publié par M. P. Faugère en 1862.
RUSSIE. — M. Antonovitch, professeur à l'Université de Kiev, vient de faire pa-
raître dans cette ville le premier volume de ses Monographies sur l'histoire de la
Russie occidentale. Ces travaux, jusqu'ici dispersés dans différents recueils, sont fort
intéressants pour l'histoire de cette région, histoire défigurée le plus souvent dans
les récits russes ou polonais.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 2 octobre 188^.
L'Académie décide qu'il y a lieu de pourvoir à la place de membre ordinaire
laissée vacante par la mort de M. Egger. L'examen des litres des candidats est fixé
au troisième vendredi du mois de janvier i88(j. C'est la date à laquelle a déjà été
fixé l'examen des titres des candidats pour la place laissée vacante par la mort de
M. Léon Renier.
M. Alexandre Bertrand commence la lecture d'un travail sur les âges de la pierre,
du bronze et du fer. C'est un article destiné à prendre place dans une grande En-
cyclopédie actuellement en préparation.
La distinction de trois époques dites âge de la pierre, âge du broni^e, âge du fer,
est due à Thomsen, conservateur du musée des antiquités du Nord, à Copenhague,
qui l'appliqua, entre i83o et i835, au classement des objets confiés à sa garde. Ce
principe de classement était justifié dans les limites où il l'appliqua, car il répon-
dait bien à la réalité : dans le Danemark et la péninsule Scandinave, en effet, l'exa-
men des objets antiques trouvés dans le sol permet de distinguer trois époques de
civilisation différentes antérieures à l'introduction du christianisme. Dans la pre-
mière période, les métaux étaient inconnus, les outils employés étaient faits de
pierre, les morts étaient inhumés sous des monuinents mégalithiques; dans la se-
conde et la troisième, les métaux étaient en usage et les morts étaient incinérés ;
mais, dans la seconde période, les seuls métaux connus étaient l'or et le bronze,
tandis que dans la troisième on rencontre le fer et l'argent.
Cette distinction, qui convenait parfaitement à la Scandinavie, parut commode aux
savants des autres pays, et ils s'empressèrent de l'adopter pour le classement de
leurs antiquités nationales, sans examiner si elle s'y prêtait aussi bien. M. Bertrand
proteste contre ce procédé, plus expéditif que scientifique, auxquels un grand nom-
bre de savants restent encore attaches aujourd'hui. Les trois âges de' l'antiquité
Scandinave ne se sont pas succédé avec cette régularité dans tous les pays. On peutdi
priori distinguer partout un âge antérieur et un âge postérieur à l'emploi des mé-
taux, et encore ceci comporte-t-il des exceptions, si par exemple dans une contrée
l'homme s'est établi tard et que les premiers colons aient apporté les métaux avec
eux ; c'est ainsi qu'en Allemagne et en Grèce il n'y a presque pas de trace d'un âge
292 REVUE CRITIQUE D HISTOIRE ET DE LITTERATURE
de la pierre. Mais il n'y a aucune raison pour que, parmi les métaux, le bronze ait
été partout employé plus tôt que le fer. Le bronze est un alliage de cuivre et d'é-
tain, et l'étain est un métal rare, que les populations primitives de bien des con-
trées n'ont pas dû avoir tout d'abord à leur disposition,
C'est sur les côtes de l'ouest et du nord de l'Europe, depuis le Portugal jusqu'à la
Scandinavie, qu'on trouve le plus de trace des civilisations de l'âge de la pierre,
ou plutôt des âges de la pierre, car il y en a eu plusieurs. M. Bertrand distingue
l'âge archéologique, celui de l'homme diluvien ou quaternaire, contemporain des
espèces animales aujourd'hui éteintes; l'âge des cavernes, qui nous a laissé de cu-
rieuses œuvres d'art sous la forme d'os de renne gravés ou sculptés; et l'âge néoli-
thique ou âge de la pierre polie, qui a construit dans le voisinage des côtes les mo-
numents mégalithiques et dans l'Europe centrale les cités lacustres. Dans notre
pays et dans le reste de l'ancienne Gaule, on rencontre à la fois des traces de ces
trois degrés de la civilisation, tandis qu'ailleurs, en Scandinavie par exemple, l'é-
poque néolithique est seule représentée et compose à elle seule 1' « âge de la
pierre » de Thomsen.
M. Bertrand commence ensuite l'exposé de ce qui concerne 1' « âge du bronze».
Cet âge, dit-il, n'a existé à proprement parler qu'en Scandinavie et en Irlande;
c'est une erreur d'en avoir introduit le nom dans l'étude des antiquités des autres
pays.
Ouvrages présentés : — par M. Barbier de Meynard : H. de Gramjiont, Relations
entre la France et la régence d'Alger au xvu*= siècle, 4*^ partie ; — par M. Sche-
fer, au nom de M. Riant : F. Savio, Studi storici siil marchese Guglielmo III di
Monferrato ed i suoi figli. Julien Havet.
Séance du g octobre 1885.
M. Alexandre Bertrand termine sa communication sur les âges de la pierre, du
bronze et du fer. Selon lui, l'àgedu bronze n'a pas existé en Gaule : il est vrai que le
bronze a été le premier métal introduit dans notre pays, mais les plus anciens ob-
jets de bronze qui y aient été recueillis ont été trouvés mêlés à des armes de pierre,
sous des monuments mégalithiques; l'âge du bronze ne se distingue donc pas de
l'âge de la pierre. Quant au fer, il paraît dans les divers pays à des époques très
différentes. En Afrique, dans l'Egypte notamment, il paraît aussitôt après la pierre,
plusieurs milliers d'années avant notre ère. En Danemark et en Irlande au contraire,
le fer n'a commencé à être employé que vers les premiers temps de l'ère chrétienne.
Chez nous, le fer se rencontre à partir du vu' siècle avant notre ère; en quelques
endroits, par exemple dans le département de la Lozère, on trouve le fer aussi bien
que le bronze dans les monuments mégalithiqnes. En Italie et sur les bords du Da-
nube, l'usage du fer est de quelques siècles plus ancien qu'en Gaule. En général, il
est impossible de déterminer une période précise, qui doive être appelée à propre-
ment parler 1' « âge du fer ».
M. d'Arbois de Jubainville fait une communication sur les données que fournit la
linguistique pour l'histoire ancienne des peuples celtiques.
Il > a, dit-il, une parenté intime entre le celtique et le latin. Elle doit probable-
ment s'expliquer par l'unité primitive des Celtes et des Italiotes, qui auront origi-
nairement formé une seule tribu. Les caractères de cette unité sont le passif et le
déponent en r, le futur en b, les noms verbaux en tio, le génitif en i des noms de
la seconde déclinaison, etc.
D'autre part, gramm.atiealement parlant, ajoute M. d'Arbois de Jubainville, il y a
entre les Celtes et les Germains un véritable abîme. Cependant le vocabulaire de
ces deux races offre un certain nombre de mots qui sont identiques. La plupart se
réfèrent à l'organisation sociale; des mots qui veulent dire roi, fonctionnaire, héri-
tage, serment, ordre, otage, dette, esclave, médecin, sont les mêmes dans les idiomes
des Celtes et des Germains et ne se retrouvent pas dans d'autres langues. On peut
faire la même observation pour un certain nombre de termes militaires, tels que
ceux qui signifient bataille, char de guerre, cheval de guerre, arme de jet, forte-
resse, etc.
Ces mots communs nous font remonter à une époque où les Gaulois étendaient
leur domination sur une partie de la Germanie, jusqu'au bassin de l'Oder et même
jusqu'au bassin de la Vistule, comme le prouvent des noms de ville conservés par
Ptolémée, Cette grande puissance de la race celtique remonte au iv° et au iu« siècle
avant notre ère.
Ouvrages présentés : — par M. Jourdain : Le marquis de Nadailhac, De l'affai-
blissement de la natalité en France; — par M. Delisle : i» Catalogue général des
manuscrits des bibliothèques des départements, tomo VI (contenant le catalogue des
mss. de Toulouse et de Nîmes, par Aug. Molinier); 2» Catalogue général des ma-
nuscrits des bibliothèques de France ': Paris, Arsenal (par Aug. Molinier); — par
Schlumberger : Dieulafoy, Fouilles de Susc, campagne 1884-1S85 (extrait de la
Revue archéologique). Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : EKNEST LEROUX.
[.i" Pu\-. itrnntnpri" dr Marche'iscw ^lU. boulevard Snivt-J.avrenî. 3.*.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 43 — 26 octobre — 1885
Sotîimoîre s i8g. La foi chrétienne et la propagation du christianisme à l'origine.
— 190. Benamozegh, Isracl et humanité. — igi. Schwickert, De la paix entre
la philosophie et la religion positive. — 192. Comparetti, BiicHELER et Zitelmann,
Da RESTE, Lewy, J. et Th. BaUxNack, La loi de Gortyne. — 193. Batz de Trin-
QUELLÉoN, Henri IV en fiascogne; Dussieux, Lettres intimes de Henri IV. —
194. H. de Catt, Mémoires et journaux, p. p. Koser. — Variétés : Une trouvaille
de l'Intermédiaire, le rôle de Laclos en 1792. — Thèses de M. Thirion : Des
cités fondées par les Grecs en Chersonèse et Etude sur le protestantisme à Metz
et dans le pays messin. — Chronique. — Académie des Inscriptions.
189. — t," foi chréliemne et la propagation du clifistianiSsme à l'orî-
ë>i>o; sans nom d'auteur, Paris. Fischbacher, vu et i33 p. in- 18, i885.
Réunion de trois articles ou dissertations intitulées : Attente de la
Parousie, — De la foi et de l organisation de l'Eglise primitive à
propos de la Aioa'/r,, — La divinité de Jésus et la démonologie chré-
tienne. « C'est dans le but de dissiper le préjugé qui veut faire du
christianisme quelque chose d'absolument exceptionnel et de miracu-
leux, que les articles réunis ici ont été écrits. » Ainsi s'exprime l'auteur
anonyme dans sa préface. Cet auteur est évidemment modeste, puis-
qu'il ne signe pas; nous ajouterons que ses intentions sont honnêtes.
C'est tout ce que nous pouvons dire de ces petits traités de polémique,
où, en somme, nous ne trouvons rien qui nous intéresse.
M. V.
190. — Israël et lnuanaîiisô, démonstration du cosmopolitisme dans les dogmes,
les lois, le culie, la vocation, l'histoire et l'idéal de l'hébraïsme. Introduction,
par Elie Benamozegh. Livourne, i885; 11 et yS p. in- 18.
Les personnes qui ont pris la peine de lire le titre ci-dessus en savent
lésormais aussi long que nous sur la valeur de l'opuscule que nous avons
ious les yeux. Sa seule originalité est qu'il est écrit dans une langue qui
l'a du français qu'une lointaine apparence et que les épreuves en ont été
:orrigées (?) par une personne qui possède sur notre orthographe des
lotions d'une extraordinaire fantaisie.
M. V.
Nouvelle série, XX. 43
294 REVUE CRlTiQUE _
If)l. — Zuni ri'îeden zi.vîsclien Plsiloeopliie «ncil |>ositivci> Religion,
Eine Recognoscirung auf dem Felde der Spéculation in drei Streifzûgen : a / von
jeder Philosophie inneihalb der Schranken der Menschen-Natur; b/ Kritik cines
neuesten Phiiosophems; c/ Idecn zu einer Systematik des menschlichen Gcistes,
von Prof. Dr. Schavickert, Bonn, s. d., 45 p. in-8.
Celte brochure contient la réfutation de différentes propositions phi-
losophiques émises par M. Funck-Brcntano dans un livre qui a paru à
Paris en 1 868 sous le titre de : Les sciences humaines.
M. V. \
192. — Domenico Comparetti. I^eggl anfielie délia cîttà di Gorlyna.
Firenze, Lœscher, i885, in-4. (Avec le fac-similé de l'inscription).
— F'ranz Buecheler u. Ernst Zitelmann. s>us Redit -von Gortyn. Frankfurt
am Main. Sauerlœnder, i885, in-12.
— R. Dareste. i.a loi de Gcrtyiio. Extrait du Bulletin de correspondance
archéologique d'Athènes, i885, in-12.
— H. Lewy. Aîtes stadtrecîit von Gortyn î»tsf Kreta. Berlin, Gaertner,
1885, iii-4.
— Johannes Baunack u. Theodor Baunack. B>îe Enscbrîft von Gortyii.
Leipzig, Hirzel, i885, in-12.
.. i
La grande inscription de Gortyne, trouvée en septembre 1884, esé 1
déjà célèbre parmi tous ceux qui s'intéressent à la langue et à l'histoire '
de la Grèce, ainsi que parmi ceux qui recherchent les origines du droit
et des institutions helléniques. C'est, sans aucun doute, l'une des plus
importantes, sinon la plus importante, des inscriptions grecques connues
jusqu'à ce jour, non pas seulement par sa longueur inusitée (elle a plus
de cinq cents lignes), mais par son archaïsme et par l'extrême intérêt du
contenu. Elle nous présente un fragment étendu d'un ancien code de
lois de la Crète. Ces lois de Minos que le conventionnel Hérault de Sé-
chellcs, selon une anecdote célèbre, allait demander à la Bibliothèque
nationale, on vient de les retrouver gravées sur le marbre, ou du moins
nous avons ici un spécimen des législations qui avaient valu de bonne
heure à la Crète une réputation légendaire.
L'heureux découvreur de Finscription est un élève de M. Comparetti,
M. Federico Halbherr, qui, durant un voyage épigraphique en Crète,
s'arréla à Gortyne, près d'une habitation déjà antérieurement désignée
à l'attention des archéologues par les fragments d'inscription archaïque
qu'en avaient rapportés en iSSy MM. Thénon et Perrot, en 1880
M. Haussoullier. Il est permis de croire que les découvertes de ces
savants ne furent pas étrangères à la direction qu'avait prise M. Halb-
herr. Un heureux hasard le mita même de trouver ce qui avait échappé
à ses devanciers. La maison en question est un moulin : le bief qui y
amenait l'eau venait d'être mis à sec, et des caractères apparaissaient sur
le mur dont le canal est garni. Inspection faite, c'était une inscription
d'histoire et de littérature 29D
en écriture boustrophédon, d'aspect entièrement semblable aux marbres
de Thénon et d'Haussoullier. La suite prouva que le tout appartenait à
un seul et même texte. M. Halbherr copia ce qu'il lui fut possible de
copier : mais le temps et les moyens de continuer ses recherches lui
ayant manqué, il transmit à un élève de l'Institut allemand d'Athènes,
M. Fabricius, qui lui-même parcourait l'île de Crète, le soin de conti-
nuer le travail. En poursuivant les fouilles au prix de toute sorte de dif-
ficultés, celui-ci mit à découvert jusqu'à douze colonnes de texte. Le
propriétaire s'opposant à tout déplacement des pierres, il fallut se con-
tenter de prendre une copie aussi exacte que possible. C'est cette grande
inscription qui parut simultanément à Florence et à Athènes, par les
soins de M. Comparetti, d'une part, par ceux de M. Fabricius de l'au-
tre. Tandis que Péditeur italien accompagnait son édition d'un com-
mentaire et, un peu plus tard, d''une traduction, l'éditeur allemand se
contenta de publier le texte. Mais bientôt après, une traduction et un
commentaire à la fois philologique et juridique furent publiés à Franc-
fort-sur-le-Mein par MM. Franz Bûcheler et Ernest Zitelmann. Dans
l'intervalle, une traduction française due à M. R. Dareste avait paru
dans le Bulletin de r Institut français d'Athènes. Malheureusement la
lenteur avec laquelle cq Bulletin se distribue est cause que la traduction
française a Pair de venir en troisième lieu, tandis qu'elle a été faite aus-
sitôt après la première publication du texte grec.
Il est intéressant de comparer ces travaux, dus à des savants tous émi-
nents soit dans l'étude du droit, soit dans les lettres et dans la philologie.
Ce grand monument du droit hellénique, qui présentait de sérieuses
difficultés, est déjà en majeure partie élucidé. C'est seulement sur un
petit nombre de passages particulièrement malaisés, soit à cause de la
langue, soit à cause d'allusions à des faits inconnus, ou simplement par
suite de lettres effacées, que la lumière reste à faire. Le commentaire et
la traduction de M. Comparetti constituent une œuvre qui fait le plus
grand honneur à ce savant : il a exécuté à lui seul le travail que les édi-
teurs allemands ont cru devoir répartir entre eux deux, M. Bûcheler
s'étant chargé de l'interprétation philologique, M. Zitelmann du com-
mentaire juridique. Il ne faut pas s'étonner après cela si, dans l'ouvrage
allemand, les leçons sont quelquefois plus correctes, les explications
plus abondantes et les rapprochements plus nourris. Un point où l'édi-
teur italien l'emporte sans contredit, c'est la clarté et l'élégance de la
traduction : la version allemande est singulièrement hérissée; pour la
comprendre, il est indispensable d'avoir sous les yeux le grec ^. De son
côté, le travail de M. Dareste est tel qu'on devait l'attendre du savant
I. Un' seul exemple. La loi (I, 3g), prévoyant le cas où un esclave dont la posses-
sion est contestée se réfugie dans le temple, emploie le verbe jusque-là inconnu
vacùîiv. La traduction allemande dit : Wenn abev tempelt der Sklave. C'est, en alle-
mand comme en grec, un a.r.aJç, sio'^jjivov. Mais comme le fait de cherctier un asile
dans un temple est plus rare en i885 que chez les anciens, nous avons ici l'expli-
cation obsciivi per obscuvius.
296 REVUE ClUTIQUE
historien des législations anciennes. Sur certains points, il a trouvé la
vérité qui a échappe à ses collègues. Ajoutons que sa traduction est écrite
dans la meilleure langue.
MM. Bucheler-Zitelmann supposent (p. 41) que le texte forme un
tout complet et que nous en possédons le commencement. On dirait
même qu'ils attachent quelque importance à cette circonstance toute
fortuite des douze colonnes de texte et qu'ils en rapprochent les douze
Tables des Déccmvirs romains (Das Gortyner Zjpulftafelgeset^ ist ein
gcschlossenes Ganses, kein Bruchstilck} . Cependant il nous semble que
ces colonnes, qui se font suite en coupant une phrase et quelquefois un
mot par le milieu, ne peuvent guère être assimilées aux tables romaines;
en outre, il paraît certain que nous n'avons pas le commencement. Il
serait étonnant que l'autorité dont émane ce code ainsi que la date à la-
quelle il a été promulgué ne fussent point indiquées. Une telle omis-
sion serait fort extraordinaire. Aussi sommes-nous porté à penser
qu'une partie de l'inscription manque. Il serait utile, pour peu qu'il y
eût moyen de faire entendre raison à l'intraitable propriétaire, de con-
tinuer les fouilles au même endroit : peut-être d'autres portions vien-
draient-elles à paraître. Pour ne citer qu'un seul point, toutes les lois
pénales relatives aux attentats contre la sûreté et contre la propriété des
citoyens manquent.
A la marge du texte sont placées, d'une autre écriture plus moderne,
des lettres telles que K, E, AA, KE, IZ, etc. Le système et la destination
de ces lettres n'ont pas encore été compris. 11 est difficile d'y voir des
numéros d'ordre : ce sont plutôt des numéros de référence, pour per-
mettre de se retrouver dans ce vaste ensemble, où les prescriptions se
suivent sans être divisées par titre ni chapitre.
Selon une conjecture très vraisemblable de M. Bûcheler, le mur de
forme arrondie qui porte cette inscription était la paroi intérieure du
00X2; où se rendait la justice à Gortyne ^ Au lieu de feuilleter son code,
comme fait le magistrat moderne, le juge se levait et allait le consulter
sur le mur. Certains passages font allusion à des lois antérieures qui
sont ou abrogées ou maintenues. Il est à supposer que ces lois étaient
également affichées au même endroit.
Malheureusement il est très difficile de fixer une date, même approxi-
mative, à cet important texte de loi. Des noms d'archontes (-/.ocixoî) sont
cités : mais comme ils ne sont point connus d'autre part, la question
ne s'en trouve pas avancée. Si l'on s'en rapportait seulement à l'aspect
du monument, à la forme des lettres (l't, par exemple, est figuré S et le 7:
est représenté C), au mode d'écriture allant alternativement de droite à
gauche et de gauche à droite, à l'absence des voyelles longues r^ et w et
des aspirées o et /, on serait tenté d'attribuer au texte une haute anti-
quité. Mais il faut songer d'autre part qu'il s'agit non d'Athènes, mais
I. Selon les calculs de M. Fabricius, le diamètre intérieur devait être de 33 mè-
tres.
d'histoire et de LITTERATURE 297
d'une île assez éloignée, non d'inscriptions d'un contenu vulgaire, mais
de textes de loi, et que la forme particulière de l'écriture s'explique ai-
sément par l'existence de lois antérieures, qui fournissaient un modèle
et en quelque sorte un type officiel. Les inscriptions cypriotes, qui nous
offrent peu de temps avant Alexandre du grec en caractères cunéifor-
mes, prouvent quelle était en certaines régions du monde antique, et
sous l'influence de certaines institutions particulières, la force de la
tradition et de l'habitude. Pour ces motifs, M. Comparetti ne craint
pas de rapprociier la dale : il propose de placer l'inscription entre l'an
660 et Tan 594. M. Biicheler, qui va encore beaucoup plus loin dans le
sens des temps modernes, serait porté à descendre jusqu'à Tannée 400,
date extrême. Il serait difficile, avec les éléments dont on dispose
actuellement, de résoudre ce problème : mais sans doute des fouilles
ultérieures en fourniront les moyens. On est frappé de la ressemblance
du style avec celui de la loi des XII Tables : c'est la même syntaxe,
la même manière de poser les questions. Les lois de Solon, qui ont
servi, selon la tradition, de modèle aux lois romaines, étaient, sans
doute, rédigées de la sorte ^
Ce que nous avons dit, quoique bien incomplet, suffit pour montrer
la haute valeur de cette découverte, qui sera une date dans l'histoire de
l'épigraphie. Nous terminerons par quelques remarques qui nous ont été
suggérées par la lecture du texte, et qui ont rapport les unes à la gram-
maire, les autres à l'interprétation.
I, 36. Tp'.Tpdc pour -rpixToc, par un fait de prononciation analogue à ce-
lui qui a donné en français perdrix pour perdix. Au sujet du p parasite
en Cretois, v. Journal de Kiihn, XVII, 432.
La loi prévoit ici le cas où le détenteur, nonobstant la condamnation,
n'aurait pas rendu l'homme injustement détenu. En ce cas, au bout
d'un an, l'amende pourra être portée au triple, mais non au-delà, c'est-
à-dire qu'elle ne pourra s'accroître indéfiniment.
I, 45. Au cas où l'esclave est réfugié dans un temple, et où le vaincu
a fait toutes les diligences pour l'en faire sortir, il serait injuste d'ap-
pliquer la pénalité ordinaire. C'est pourquoi la loi se contente, en ce
cas, de faire payer au bout de l'année au vaincu une fois la valeur de
l'esclave. Cette amende ne s'ajoute donc pas à la précédente, comme le
supposent Bucheler-Zitelmann.
II. 17. Comparetti lit : è7:i7:'/)pr,Tato'. r^vxrA-JjZT.oq "/.aos^TS « se poi al-
cuno attenti (alla pudicizia di) una libéra coU' aiuto di un cognato (di
lei) che la illuda. )> Bûcheler : imsépriTa'. cï-£v àzEuov-o; v.aoecTa « wenn
er die Freiin verfuhrt zur Begattung, indem (es) hurt ein Verwand-
ter ». Il ajoute cette note singulière : Heraus guckt bona conciliatrix,
I. ^oici encore une circonstance qui prouve que ce texte de loi n'était pas le
seul. Un fragment de code agricole, ou plutcjt pastoral, a été retrouvé au même
endroit : il y est parlé de bestiaux morts ou égarés. L'écriture et la diàposiiion sont
toujours les mêmes.
298 REVUE CRITIQUE
der Kuppelpelz. Dareste a reconnu le vrai sens : dcy.euovToç doit être pris
dans le sens de « garder ». V. He'sychius, s. v. àv.îùei ^ Il s'agit de l'en-
lèvement d'une jeune fille placée sous la garde d'un parent.
II, 36. Aï Séxa wovst dokôzcrMai. Biicheler suppose que ce dernier mot
est pour co'jXo)C7ac;ôat, et qu'il s'agit d'un homme réduit en esclavage.
Mais l'enchaînement des idées montre bien qu'il est question d'un piège
(c^Xw^a^Oa-.), comme l'ont reconnu Comparetti et Dareste. Il faut re-
marquer le changement de sujet : « s'il dit qu'on lui a dressé un piège. »
Cf. III, i5. oTt v.'b cr/.acr-ài; cp.oasi cjvsaciy.cra'. « au sujet duquel le juge
jurera qu'zV l'a détourné ».
II, 38. Dans l'énumération des différents cas d'adultère, on dislingue
les cas, non d'après la qualité de l'offenseur, mais d'après celle de l'of-
fensé.
III, 5. Le sens est, à ce que je crois, que la femme qui emporte avec
elle un objet qui ne lui appartient point, doit restituer non seulement
cet objet, mais la totalité. Cette prescription ne veut point dire qu'elle
sera dépouillée définitivement de tout son avoir, mais qu'elle doit le
laisser jusqu'à jugement.
Michel Bréal.
P. -S. — Cet article était déjà écrit et imprimé, quand deux autres
publications sont encore venues entre nos mains.
La première est due à M. Henri Lewy, et se place par la date avant
le travail de Bûcheler-Zitelmann. M. H. Lewy donne le texte, la tra-
duction et un certain nombre de notes. C'est une œuvre bonne à con-
sulter, venant d'un homme instruit, et présentant de judicieux rappro-
chements.
La seconde est due en collaboration à M. Jean et M. Théodore Bau-
nack. Elle est faite surtout au point de vue de la linguistique, pour la-
quelle l'inscription de Gortyne est une mine qui ne sera pas épuisée de
longtemps. MM. B. étudient d'abord le sandhi^ c'est-à-dire l'action que
les lettres finales et initiales des mots exercent les unes sur les autres :
ainsi l'on trouve HATEAAOEI pour -jraxYio oojy], c'est-à-dire Tuarî^p cw-/],
TIAAEI pour TiX >vvi, c'est-à-dire Ti; ).Y^. L'inscription est aussi très ins-
tructive pour une autre forme du sandhi : à quelques lignes de distance
on trouve le même mot écrit ib^-q et cïéYY), suivant que le mot précédent
finit par un ç (-^ oé -/.'àzoOâv/) -:'.;, Tsyav? [j.kv làv? h tSkk ... ïr). toi; utaGi
r,;;.sv) ou suivant qu'il finit par une voyelle (io ol -/.a [j/rjTtç yi c-uéva) . —
C'est ce qu'on a appelé les doublets syntactiques, dont nulle part on ne
peut voir de plus clairs spécimens.
MM. B. examinent ensuite une à une les diverses voyelles et con-
sonnes, en rapprochant les faits de même ordre déjà connus; puis les
I. 'AxsOol Tr,pôt, Ku-pioi. Une note de M. Dareste nous apprend que ce rappro-
chement est de M. Desrousseaux.
d'histoire et DF. LITTERATURE 299
différentes parties de la grammaire. Un index très complet permet de se
retrouver facilement dans ce volume.
Ajoutons que MM. B. ont cherché à rendre compte du système de
numérotation employé à la iTiarge de l'inscription.
Cet article est déjà trop long pour que nous entrions dans le détail.
Disons seulement en finissant qu'aucune des publications précédentes
ne devra être négligée par le lecteur qui voudra faire une étude sé-
rieuse de la loi de Gortyne. Pour ceux qui peuvent se contenter d'une
connaissance générale, le livre de Comparetti et la traduction de Dareste
suffiront \
M.B.
193. — îïenrî IV en Gascogne (S îî*S3-lî>&S>). Essai historique, par Ch. de
Batz-Trenquelléon, ouvrage orné d'un portrait à l'eau-forte et du fac-similé
d'une des lettres les plus célèbres de Henri IV. Paris, H. Oudin, i885. Grand
in-8de 338 p.
— Letti'es întînîes de Henri BV, avec une introduction et des notes, par
L. DussiEux, professeur honoraire à l'école militaire de Saint-Cyr. Deuxième
édition. Paris, Léopold Cerf, sans date fi885). Vol. in-i8 de 491 p. 3 fr. 5o.
M. Ch. de Batz-Trenquelléon n'est pas un savant et son livre n'est
pas fait avec des documents inédits. L'ancien rédacteur en chef de la
Giiienne est un aimable écrivain qui, rendant à Henri IV l'affection
que ce prince témoignait à un des ancêtres du brillant journaliste ", a
raconté, en s'aidant de livres généralement bien connus, l'histoire de ce
prince considéré comme roi de Navarre. Il nous apprend [Introduction^
p. 1-2) que dans les « mille volumes d'inégal renom que trois siècles
1. Il faut signaler encore, au point de vue grammatical, un intéressant article de
Meister, dans les Annales de Bezzenberger (tome X) et une comparaison avec les
forînules de droit italiques par Bùcheler dans le Rheinisdies Muséum (t. XL).
2. C'est à M. de Batz, gouverneur de la ville d'Eauze, que le roi de Navarre adres-
sait, le 12 mars i586, ce billet si charmant : « Mon Faucheur, mets des ailes à ta
meilleure bête, j'ai dit à Montespan de crever la sienne. Pourquoi? tu le sauras de
moi à Nérac. Hâte, cours, viens, vole; c'est l'ordre de ton maître et la prière de ton
ami ». Le 3i mai i58o, Henri avait écrit « A ma cousine Madame de Batz », après
la prise de Cahors : « Je ne me dépouillerai pas, combien que je sois tout sang et
poudre, sans vous bailler bonnes nouvelles, et de votre mari, lequel est tout sain et
sauf... Votre mari ne m'a pas quitté de la longueur de sa hallebarde. Et nous con-
duisoit bien Dieu par la main sur le bel et bon étroit chemin de sauveté, car force
des nôtres que fort je regrette sont tombés à côté de nous ». Le 2 novembre i5Sr,
il écrivait à son intrépide compagnon d'armes : « Je suis bien marry que vous ne
soyez encore restably de vostre blessure de Coutras, laquelle me fait véritablement
playe au cœur... » On comprend que M. de Batz-Trenquelléon ait « un culte pas-
sionné » pour le roi qui a si magnifiquement glorifié le blessé de Coutras. On com-
prend aussi qu'il ait choisi pour fac-similé une lettre où le roi de Navarre adresse
au catholique de Batz, dont il se dit le plus assuré et meilleur amy, ces mémorables
déclarations : a Ceux qui suivent tout droit leur conscience sont de ma religion et
|-pioy jesiiis 4e celé de tous çeus la quy son braves et bons ».
:>00 RKVUE CRITIQUE
ont consacrés à la gloire de Henri IV /^ il a vainement cherché rou-l
vrage « dont voici Tébauche ». Si, dit-il, on possède sur le roi de FranceiH
(i 589-1610) un livre presque définitif, celui de Poirson, « nous som-
mes condamnés à poursuivre le 7'oi de Navarre parmi d'épais in-
folios non lisibles pour tous, d'énormes compilations où se perdentjl
parfois ses traces, des Mémoires qui souvent racontent et jugent en sensM
divers, des lettres, caractéristiques et précieuses, mais dont le commen-
taire est un travail et la seule lecture, une étude ». Ce fut, ajoute-t-ilj
« de ces impressions personnelles que naquirent en nous, d'abord lel
regret de ne pas connaître un livre qui les épargnât au public, et ensuite]
la pensée d'essayer de l'écrire ».
M. de B. eut, en étudiant la première partie de la vie de Henri IV,
« la claire vision d'un fait considérable, peut-être soupçonné aupara-
vant, non indiqué toutefois, et que certainement pas un des historiens!!
ni des biographes de Henri IV n'a mis en lumière ». Ce fait, tel qu'il!
ressort de l'histoire des années antérieures à l'avènement de ce princel
au trône de France, le voici (p. 2-3) : « Quelque digne de l'admirationj
universelle que soit l'œuvre de Henri IV depuis iSSg jusqu'à sa mort,I
il n'en est presque rien de grand, presque rien d'heureux pour la France,!
que le roi de Navarre n'eût déjà manifestement voulu, projeté et entre-
pris. Avant de succéder à Henri III, il avait donné la mesure de soni
génie et laissé lire jusqu'au fond de son cœur. Capitaine, il portait eiif
lui les secrets de la victoire, depuis Cahors et Coutras; politique, iJ
arrivait au trôneavec la connaissance approfondie des hommes, des idées
et des besoins de son temps; pasteur dépeuples, il avait fait entendre,
le premier, au milieu des guerres civiles, ces mots sacrés de paix, de
tolérance, de pitié, oubliés dans la fièvre des compétitions et la barbarie^
des luttes. Henri de Bourbon était Henri IV avant que le flot des évé-
nements l'eût transporté de Gascogne en France, comme on disait auj
XVI* siècle [et encore au xvn'']. Quand il y fut, l'homme et l'œuvre s'ac-
complirent. Cette vérité, qui explique l'apparente incorrection de notre
titre, ne sera contestée, nous l'espérons, par aucun des lecteurs de
Hnri IV en Gascogne ».
La thèse soutenue par M. de B. est depuis longtemps la mienne, et je
retrouve dans de vieilles notes prises en lisant Scipion Du Pleix, cette
assertion dont le livre du nouveau biographe est le développement :
Henri IV sur le trône de France fut l'épanouissement du roi de Na-
varre.
L'ouvrage est un agréable résumé des récits contemporains et des
meilleurs travaux de notre temps ^ L'auteur s'est beaucoup servi des
I. Voir à V Appendice {\\° 1) la liste des principaux ouvrages consultés. On regrette
de n'y pas voir l'indication des belles études de M. de Ruble sur Jeanne d'Albret. Dans
les autres chapitres de l'Appendice (p. 295-33o), on trouve des citations tirées des |
ouvrages de M. Bascle de La Grèze, de Mézeray, de Féréfixe, de Mathieu, de d'Aubi-
gné, de Samazeuilh, de P. de l'Estoile, de Poeydavant, de Branlôme, de M. Léo
Drouyn, de Du Plessis-Mornay, d'Etienne Pasquier, surtout des lettres de Henri I\'.
û HISTOIUE KT DE UTlEilATVnR :)0I
lettres du roi de Navarre et il doit à ce recueil quelques-unes de ses plus
heureuses pages. J'aurais certaines re'serves à faire soit au sujet de deux
ou trois anecdotes trop complaisamment accueillies par Pauteur, soit au
sujet de quelques appréciations qui ne me semblent pas assez justitiées.
Mais, en somme, l'ouvrage fort bien fait à divers points de vue, et où
surtout les qualités d'exposition sont remarquables, comble une lacune
dans notre littérature historique et mérite d'obtenir quelque chose de la
popularité du roi « qui reçut tous les dons en partage et les mit au ser-
vice de son pays », de l'homme qui « eut la grandeur héroïque et l'in-
vincible charme ».
La première édition du recueil de M. L. Dussieux a été très goûtée.
On peut sûrement prédire à la seconde un succès non moins vif. Parmi
les sept mille lettres contenues dans la série des volumes in-4° publiés
par Berger de Xivrey et Guadet ', le choix a éré si bien fait ! Le recueil
tout entier répond si bien au programme ainsi tracé! (Introduction,
p. 1-2) : « 11 nous a semblé qu'il était bon de donner au public un
choix de lettres de Henri IV, assez nombreuses pour le faire connaître
sous tous ses aspects, sans dépasser toutefois une limite au-delà de la-
quelle le lecteur eût trouvé longueur et fatigue. Il fallait, en effet, ne
lui présenter que les lettres où l'homme se peint, où se trouvent ses
sentiments, où sa verve et son esprit brillent de tout leur éclat. Aux
billets intimes, légers ou galants, adressés aux amis et aux maîtresses, il
fallait aussi, sous peine de ne présenter qu'un Henri IV incomplet,
ajouter quelques lettres sérieuses, pour montrer le côté solide et élevé de
cette nature si bien douée et si variée. En procédant de cette façon, on
obtenait un double résultat; on avait d'abord un recueil de lettres qui
place incontestablement leur auteur parmi nos meilleurs écrivains, et en
même temps une autobiographie excellente, qui met en relief les prin-
cipaux traits de l'histoire et du caractère de ce roi, dont la France a
conservé le souvenir, surtout parce qu'il fut un grand patriote et un
homme d'esprit ».
M, D. vante fort (p. 4) c les merveilles littéraires » contenues dans la
correspondance complète de Henri IV, inconnues au plus grand nom-
bre, et c'est avec raison qu'il ajoute, confirmant tout ce qu'a dit à ce
sujet M. Yung dans sa remarquable thèse sur Henri IV écrivain
(i855) : « C'est pour en rendre la lecture facile, que nous publions ce
volume, certains que les gens de goût n'hésiteront pas plus que nous à
ajouter Henri IV à la liste de ces grands écrivains de sève purement
française : Rabelais, Régnier, Corneille, La Fontaine, Molière, M"^^ de
Sévigné, Saint-Simon, Voltaire, qui sont les vrais maîtres de la langue
et qui nous offrent les meilleurs modèles de l'esprit français, de la verve
et de ses libres allures. » ^
i.M. D. mentionne seulement (p. 2) « huit volumes publie's de 1S43 à 1S72 »; il
oublie qu'un supplément (t. IX) a paru en 1877.
2. Pourquoi M. D. a-t-il quelque peu gâté son Iniroduction par des expressions
302 REVUfî CRITIQUE
Le volume de M. D. est une des plus attrayantes et des plus instruc-
tives lectures que l'on puisse recommander. Je voudrais que tout, Jus-
qu"'aux plus petites choses, fut irréprochable dans un tel recueil et, en
vue des réimpressions prochaines, je vais indiquer, au risque de paraî-
tre trop minutieux, quelques taches à effacer.
Au sujet de Tépigramme sur la princesse de Condé (26 mai iSjS],
l'éditeur cite (p. 3j] le Journal de Lestoile [sic pour L'Estoile). A côté
de ce Journal, il aurait pu ciler les Historiettes de Tallemant des
Réaux(t. I, p. 14) où l'on trouve un récit assez différent et où le disti-
que improvisé par le roi de Navarre est reproduit avec une notable va-
riante. Pourquoi M. D. qui donne des indications biographiques sur
des personnages aussi connus que le connétable de Montmorency et le
duc de Sully, n'a-t-il rien dit sur le « gentilhomme de Nouailles, qui
avoit le bruit d'aimer et estre aimé de Madame la princesse de Condé » ?
Les notes géographiques manquent trop souvent de précision et ne sont
pas dignes d'un ancien professeur de Saint-Cyr. Ainsi (p. 45) il n^aurait
pas fallu se contenter de dire vaguement que Marsillargues est une
« petite ville, près d'Aigues-Mortes. » Marsillargues est bien plus près
de Lunel, son chef-lieu de canton (4 kilomètres), et même de Montpel-
lier, son chef-lieu d'arrondissement (28 kilomètres). Pourquoi, d'ail-
leurs, à propos d'une ville de l'Hérault, parler d'Aigues-Mortes, qui
appartient au département du Gard ? — A la p. 5 1 M. D. ne fournit sur
Navarreins que cette insuffisante indication : « Cette petite ville était
alors une importante place forte w. En cette même page l'éditeur, ren-
contrant le nom de Pemyrol, ne cherche pas à l'expliquer. C'est le nom
que portait la ville actuelle de Puymirol, chef-lieu de canton de l'arron-
dissement d'Agen. — Est-ce par inadvertance que M. D. a laissé (p. 54),
dans une note sur Marguerite au château d'Usson, un mot qui n'est pas
français, qui ne l'a jamais été, et une expression un peu trop vulgaire :
a pillageant la conlrée, faisant l'amour? — Bourg, « petite ville située
au Bec d'Ambès », est, en réalité, à 4 kilomètres du Bec d'Ambès.
Monheurt, « hameau situé près de Condom », est relativement fort loin
de Condom. C'est une commune du canton de Damazan, arrondisse-
ment de Nérac, à 28 kilomètres de cette dernière ville, laquelle est elle-
même à 20 kilomètres de Condom. Presque tout est à revoir, dans le
commentaire, au point de vue géographique. Je ne suppose pas qu'à
propos (p. 74) d'amiit pour aujourd'hui {ajiey en gascon), M. D. soit
autorisé à déclarer que si toute l'ancienne Aquitaine conserve cette
forme de langage, c'est parce que les anciens Ibères adoraient la lune.
Je ne vois (p. yS) aucune note sur M. de Le^ignan, lequel n'était autre
malencontreuses? Aimez-vous cette phase (p. 4).' « Notre langue commençait à se
remettre des tortures auxquelles l'avaient soumise Ronsard et la Pléiade. » Et celle-
ci (p. 4-5)? « Leur tentative avait échoué contre le roc inébranlable de l'instinct po-
pulaire. )) Le roc de l'instinct! Enfin que dire de celle métaphore (p. 5)"' « Ecrivain
ou orateur, Henri IV a sa base en lui-même ».
d'histoire et de littérature 3o3
que le baron Henri de Lusignan, capitaine de 5o hommes d'armes,
gouverneur de Puymirol, un des ctiefs du parti protestant dans l'A-
genais.
Passons à des observations plus graves. Je ne puis m'cmpècher, en
relisant (p. 85-86) les harangues du roi de Navarre avant la bataille de
Coutras , de penser à tous ces discours militaires que les historiens
de l'antiquité, Quinte-Gurce notamment, se plaisent à mettre sur les
lèvres infatigables de leurs héros. Henri IV, au moment du combat, a
pu dire, en chargeant l'ennemi, un mot entraînant : il n'a jamais dû
débiter les allocutions que lui attribue Baptiste Legrain \ Ce Legrain
avait soif de rhétorique et, comme tant d'autres, comme l'illustre prési-
dent de Thou lui-même, il a largement sacrifié à la manie des concio-
nes. J'aimerais mieux, en tout cas, la vive et naturelle exclamation du
vainqueur de Coutras s'adressant à ses cousins le prince de Condé et le
comte de Soissons % l'exclamation plus vive et plus naturelle encore
qui, dit-on, électrisa tous les gentilshommes qui l'entouraient ".
M. D. a eu le tort d'admettre dans son recueil (p. 86-88') une lettre
qui aurait été écrite par le roi de Navarre à Henri III, le 2i octobre
iSSj, le lendemain de la bataille de Coutras et que Berger de Xivrey,
dont la critique n'était pourtant pas bien rigoureuse, s'est cru obligé de
repousser (t. II, p. 3ii, note 5) comme « fort douteuse », et, tout au
moins, comme ayant subi « de notables altérations. » J'irai plus loin
que Berger de Xivrey et je dirai carrément qu'en face des dix ou douze
phrases suspectes de ce document, il est impossible de ne pas le considé-
rer comme apocryphe. Voici les seules et bien peu redoutables objections
présentées par M. D. (p. 86, note 3) : « La déclarer [cette lettre] non au-
thentique, quand Musset-Pathay afhrme qu'elle a été tirée des archives
de Navarre, et surtout quand l'abbé Brizard l'a publiée d'après les ma-
nuscrits de M. de la Roque_, l'un des gardes du corps de Henri IV, c'est
ce qui ne nous paraît pas soutenable. » Par malheur personne n'a jamais
vu l'original des archives de Navarre, et M. D. lui-même établit que le
texte de l'abbé Brizard n'est pas conforme au texte donné par Musset-
Patay, le premier étant a de beaucoup préférable ». Deux textes diffé-
rents quand l'original manque et semble bien avoir toujours manqué,
n'est-ce pas désespérant pour le défenseur du document dédaigné par
Berger de Xivrey ^1
1. Décade contenant la vie et gestes de Henry le Grand, 1614, in-f».
2. « Souvenez-vous que vous estes du sang des Bourbons! Et vive Dieu! je vous
feray voir que je suis vostre aine » (Pierre Mathieu).
3. « Ostez-vous devant moy, ne m'offusquez pas, car je veux paroistre » (Bran-
tôme). L'éminent historien des Princes de Condé pendant les xvi' et xvii" siècles a
reproduit, en l'abrégeant, (t. II, p. 172-173) la harangue de Legrain; il a reproduit
aussi la vibrante phrase rapportée par P. Mathieu, mais il a négligé les mots noble-
ment familiers conservés par Brantôme, mots qui sont si bien dans le genre
Henri IV et si ressemblants.
4. M. D. a, de son côté, corrigé quelques fautes de l'éditeur des Lettres missives.
304 REVUE CRITIQUE
Je n'aurais pas non plus voulu trouver dans le recueil de M. D.
(p. 242) une lettre dont il dit qu'elle a été évidemment arrangée et
allongée [j'ajoute dénaturée] par Sully quand il a rédigé ses Mémoires-
Pourquoi mettre sous nos yeux une lettre bâtarde, une lettre qui n'est,
en définitive, ni de Henri IV, ni de Sully? M. D. pouvait si bien re-
produire des lettres de Henri IV à Sully qui n'ont pas été exposées à
l'outrage d'un remaniement accompagné de lourdes et ennuyeuses am-
plifications? On conserve à la Bibliothèque nationale (fonds français,
vol. 4057) un recueil formé par Sully des lettres originales ou autogra-
phes qui lui furent adressées par le prince dont il s'intitulait avec fierté
leprincipal confident. M. D., pour une nouvelle édition, devrait d'au-
tant plus puiser à cette source si pure que, comme je l'ai jadis attenti-
vement vérifié, les textes de ces mêmes lettres imprimés par Berger de
Xivrey ne sont pas toujours d'une parfaite fidélité ^
Si M. D. a trop facilement admis en deux ou trois occasions des
documents indignes de figurer dans son livre, il a pris une éclatante
revanche en démontrant, presque le premier (p. 352-354) qu'une des
lettres les plus célèbres du recueil Berger de Xivrey est fausse et a été
fabriquée avec des phrases prises çà et là ^ Je veux parler de la préten-
due lettre du 3 septembre 1601 où l'on fait si singulièrem.ent exprimer
à Henri IV en un langage renouvelé de Montaigne et de l'abbé Brizard,
une ardente admiration pour Plutarque, lettre qui aurait été adressée à
Marie de Médicis, laquelle en vérité se souciait bien du philosophe de
Chéronée. Ce qui est piquant, c'est que le pauvre Berger de Xivrey a
célébré, dans une note qui déborde d'enthousiasme (t. V, p. 463), cette
« belle lettre », « ce morceau exquis w, et que son beau-frère et succes-
seur, Guadet (Henri IV et sa correspondance, t. IX, p. 5 1 3-5 14) in-
voque ce pastiche pour prouver qu' « à cinquante ans encore » le fils
de Jeanne d'Albret ne parlait « qu'avec exaltation et attendrissement »
des soins donnés à son éducation. Ce qui est non moins piquant, c'est
que d'éminents critiques ont cité l'éloge-mosaïque de Plutarque avec
une imperturbable confiance et en se pâmant d'admiration. J'espère,
notamment (p, 168) au sujet d'une lettre à la comtesse de Gramont. écrite vers le
25 mars 1592, et que Berger de Xivrey place en i5qi. M. D. constate que cette lettre
et la lettre suivante (à M. de Ravignan), qui traitent du même sujet, sont de la
même époque, c'est-à-dire de iSgz, vers le 20 mars. Voir encore (p. Sqg) une lettre
à la marquise de Verneuil placée à la fin de l'année 1604 par Berger et qui, selon
M. D., paraît devoir être datte du mois de février i6o5.
1. M. D. reproduit avec une robuste foi les chansons d'amour attribuées à Henri IV
(Charmante Gabrielle, p. 285; le cœur blessé, les yeux en larmes, p. Sog; viens
aurore, je t'implore, p. 098). Ces pièces ont été faites non par le roi, ma^s pour le
roi. J'aurais dû dire refaites, car air et refrain étaient déjà connus bien avant Ga-
brielle d'Estrées, la marquise de Verneuil et la comtesse de Moret.
2. Déjà, il est juste de le reconnaître, l'éveil avait été donné, la cloclne d'alarme
avait été sonnée dans V Intermédiaire des chercheurs et curieux du 10 décembre
1874 : on y avait dénoncé formellement cette « mystification autographique, contre
laquelle M. Berger de Xivrey n'était pas homme à se défendre ».
d'histoiue et de littérature 3o5
pour l'honneur de leur sagacité, que celte méprise disparaîtra de Tcdi-
tion définitive de leurs oeuvres.
M. de Boislisle a été chargé par le Comité des travaux historiques de
publier un nouveau supplément aux Lettres missives. Nous attendons
de cet habile éditeur qu'il discutera Tauthenticité des pièces abusive-
ment introduites dans le recueil Berger de Xivrey-Guadet, et que, non
content de rechercher pour le lo^ volume tous les diamants oubliés, il
écartera des volumes antérieurs le stras qu'ont crédulement accepté des
éditeurs qui étaient animés des meilleures intentions du monde,
mais auxquels manquait cette qualité souveraine que l'on appelle le
flair K
T. DE L.
194. — UnterlBciîtungeii mît Frîedrîcîa tleoi Grossen, Memoiren und
Tagebûcher, von Heinrich von Catt, herausgegeben von Reinhold Koser, mit
einer facsimilirten Tafel. Leipzig, Hirzel, 18^4.. In-8, xxxii et 504 p. S mark.
L'auteur de ces mémoires, Henri de Catt, né en Suisse, à Morgcs,
sur le lac de Genève, se trouvait en Hollande lorsqu'il rencontra Frédé-
ric. C^était en lySS; le roi de Prusse, venu de Wesel, voyageait in-
cognito et se donnait pour le premier maître de chapelle du roi de
Pologne; il s'entretint avec Catt sur un bateau entre Utrecht et Ams-
terdam et, quelque temps après, lui offrit la place de Tabbé de Prades,
son lecteur, qu'il avait envoyé dans une forteresse. Catt accepta; il ar-
riva le i3 mars ijbj à Breslau, et, après un voyage en Suisse, revint à
Griissau le 21 mars 1758 pour rester au service du roi jusqu'en 1780.
Il a donc vécu plus de vingt ans près de Frédéric il. Il fut son compa-
gnon de tous les jours dans les dernières campagnes de la guerre de
Sept Ans -.
1. Je n'ai rien dit des deux gravures jointes au volume de M. D. Voici com-
ment il en parle lui-même (p. 10) : « D'abord, une eau forte, œuvre de M. Boilvin,
dont le nom dispense de tout éloge, représente Henri IV d'après un tableau du
temps qui fait partie de la collection de portraits du Musée de Versailles. 11 nous
donne un Henri IV bien vivant, avec son air narquois, moins solennel que le type
consacré de Porbus, qui se trouve partout. La seconde planche est une héliogra-
rure représentant le masque du roi, tel qu'il a été moulé sur son beau et souriant
visage, en 1793, après la violation des tombeaux de Saint-Denis. Le dessin d'après
lequel l'héliogravure a été faite, est dû au crayon vigoureux et intelligent de ma-
dame Laure Lacombe, On sera frappé en comparant ces deux gravures, de la ressem-
blance du portrait avec le masque, le second attestant combien le premier est vrai ».
Le volume de M. de Batz-Trenquelléon est orné aussi d'un portrait que l'historien
nous présente en ces termes : « Le portrait placé au frontispice a été révélé dans les-
Châteaux historiques de la France. Il fait partie de la galerie du châte-au de Sully-
sur-Loire. Le roi de Navarre approche de la trentaine; l'œil est vif, Iz teint clair,
la bouche narquoise, la barbe terminée en pointe... »
2. Voir sur la rencontre de Catt et de Frédéric la lettre que publie M. Koser dans
l'appendice et sur sa disgrâce les p. ix-xii de l'introduction.
3o6 RliVUE CRITIQUE
Ses mémoires, mentionnés en 1789 par de la Veaux, en 1790 par
Denina, puis par Thiébault, par Buchholz, furent aciietés en i83i par
le gouvernement prussien et consultés par Preuss qui les cite quelque-
fois. M. Koser les publie aujourd'hui.
Mais ces mémoires sont de deux sortes : le Journal que Catt tenait
pendant la guerre et qui va, non sans de grandes interruptions, du
i3 mars 1757 au 14 août 1760 et \qs Mémoires proprement dits posté-
rieurs au journal. M. K. a parfaitement montré dans son introduction
la différence sensible entre les deux ouvrages. Catt prétend dans les
Mémoires (p. 1 17] qu'il écrivait chaque soir, en rentrant chez lui, ce
qu'il avait entendu et qu'il notait exactement les expressions dont s'é-
tait servi Frédéric. Il a menti; ses Mémoires furent rédigés, retou-
chés, polis à loisir vingt-quatre années après les événements; le jour-
nal de 1762 lui servit en 1786 de canevas ou de thème ^ Il voulut faire
un livre joli, intéressant; il donna carrière à Timagination, lorsque la
mémoire faisait défaut; en certains endroits de son Journal^ il ne lisait
qu'une phrase écrite à la hâte au sortir d'un entretien; il développa
cette phrase à sa façon et l'amplifia. 11 ne se tint pas, comme dans le
Journal^ à l'ordre chronologique des conversations ; il les mêla, les ar-
rangea, les disposa comme bon lui semblait. 11 recourut, lorsqu'il était
question des faits de guerre, à des ouvrages soit manuscrits, soit impri-
més que d'autres avaient composés après la campagne; ces sources
étrangères sont, comme le prouve M. K., l'homme du monde qui con-
naît le mieux le règne de Frédéric : 1° un journal français anonyme de
la campagne de 1758 ; 2" les papiers du général Fouqué pris et publiés
par les Autrichiens; 3" V Histoire de la guerre de Sept-Ans écrite par
le roi de Prusse; 4" la correspondance de Frédéric et du marquis d'Ar-
gens. Mais Catt avait du talent et du savoir-faire. Son œuvre, telle qu'il
la rédigea, se lit avec le plus vif intérêt; il avait attrapé le ton de Fré-
-déric; si les paroles qu'il prête au roi, ne sont pas toujours vraies, elles
sont toujours vraisemblables. M. K. marque finement ce point; les
mémoires de Catt, dit-il, donnent l'image fidèle de la conversation de
Frédéric, des formes qu'elle revêtait, du charme original qui les ani-
mait ; ce n'est pas sa conversation réelle, c'est le type de sa conversa-
tion, et incontestablement ce type a sa valeur. Catt fait dire au roi
beaucoup de choses qu'il n'a pas dites sur les lieux, mais rien qu'il
n'aurait pu dire, et pour créer ces causeries agréables et spirituelles, il
fallait vraiment un long commerce avec le roi, une observation péné-
trante, un don extraordinaire de reproduction (p. xxvir).
Il faut* donc en prendre son parti; on ne devra se servir des Mémoi-
res de Catt qu'avec une extrême prudence ; ce n'est pas le récit d'un
chroniqueur consciencieux et fidèle. Lisons-les comme une oeuvre d'art,
-et d'un art très habile, mais disons-nous bien qu'ils ne sont, comme
<;eux qu'un grand poète écrivait trente ans plus tard, qu'un mélange
X. Lts preuves données par M. Koser (p. xv et xvi) sont très concluantes.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 307
de fiction et de réalité, de vérité et de poésie. Si nous voulons connaître
à fond Frédéric, ayons recours au Journal. C'est là que circule, selon
le mot de Gœthe, le souffle immédiat de la vie ^ Ces notes, rapidement
crayonnées, courtes, hachées, mêlées de mots grecs ou latins que Catt
employait volontiers, pour dérouter les indiscrets, ces notes sont abso-
lument sincères. Le vrai Frédéric y respire et y vit; il nous semble le
voir tel que Catt le représente, mal vêtu, les bottes trouées, les man-
chettes déchirées, le visage ne formant qu'une ligne droite, lorsqu'on
le regarde de profil (p. 345); il nous semble l'entendre parlant tout
haut, sans rien dissimuler, et l'on croit assister à tous les mouvements
de son âme, car devant Catt, il dit tout ce qu'il pense, il se livre, il ne
cache ni ses projets, ni ses rêveries, ni ses joies, ni ses angoisses; il n'a
pris Catt que pour causer avec lui, par besoin d'épanchement, et parce
que le soir, après le combat ou les préparatifs de la future bataille, il
veut se distraire dans la compagnie d'un homme qu'il sait à la fois spi-
rituel et dévoué. D'ailleurs, l'auteur du Journal a plus de chaleur et
d'enthousiasme que celui des Mémoires ; il n'est pas encore assagi par
l'expérience, assombri par la disgrâce; il s'abandonne librement à ses
impressions. 11 avoue l'ascendant que Frédéric exerce sur lui ; il recon-
naît qu'il est sous le charme. Plus je vois ce prince, dit-il dès les pre-
miers jours, plus j'ai des raisons de l'aimer et de l'honorer. Il est véri-
tablement ravi. Un jour, Frédéric lui parle de ses infirmités et de sa
mort prochaine; ces idées, écrit Catt, m'affligèrent au point que je
n'étais plus à aucune des choses qu'il me dit ensuite. 11 croit inébranla-
blement à la victoire finale; « la façon dont il soutenait ses malheurs,
ses attentions pour ceux qui l'entouraient,, le peu de soin de lui et de sa
santé, ses inquiétudes, tout cela me semblait devoir mériler des suc-
cès. » Les doutes mêmes du roi ne détruisent pas la confiance de Catt :
■plus dubitat, ego spero. Il s'indigne contre les officiers qui b'âment la
stratégie de Frédéric.
Et il est vrai que le Frédéric que Catt nous décrit, force l'admira-
tion. Le jeune Suisse le montre bravant la mort comme un simple gre«
nadier, ralliant trois fois son infanterie et chargeant à la tête de ses
troupes, un étendard à la main. « Bon Dieu! qu'il a été exposé au feuj
On a tiré sur lui à cartouche. Dieu nous le conserve ! » Mais Frédéric
fait son métier; a quand tant de gens vont à la boucherie pour moi,
pourquoi ne voulez-vous pas que j'y aille aussi? » Il montre la
fermeté la plus tranquille, la constance la plus héroïque; il ne
change pas de visage lorsqu'il apprend que le général Goltz a pris les
bagages de l'armée; jamais le roi, dit Catt, n'est plus grand que dans
le malheur. Personne n'est plus vif ni plus agissant. Il lit vingt lettres
de suite en quelques minutes et dicte aussitôt la réponse, sans être obligé
de les relire.
Il est courtois, obligeant, sans hauteur et sans morgue. Il appelle un
I. Der unmittelbarste Lebenshauch.
3o8 REVUE CRITIQUE
laquais pour se faire donner sa tabatière ; un particulier, écrit Catt, m'au-
rait dit : donnez-moi ma tabatière. Lorsqu'il passe d'une chambre dans
une autre, il prend lui-même les bougies et ferme la fenêtre- Quelle
politesse, observe Catt ; je rapporte ce trait pour faire voir combien ce
roi ménage ceux qui sont sous lui. Il emprunte un livre et le rend avec
ces mots : voyez comme je suis exact, j'espère que vous m'en prêterez.
Un soir, le roi et son confident cherchent vainement le nom d'un
opéra; Catt se retire en disant qu'il est sûr, s'il ne le trouve pas, de
passer une nuit blanche; il se couchait lorsqu'un page se présente avec
une demi-feuille où Frédéric avait écrit le nom de Topera: Abdoloiiyme.
On voit que Frédéric n'était pas aussi dur, aussi insensible que le repré-
sentent certains historiens. La mort de sa sœur, la princesse de Bay-
reuth, lui cause le chagrin le plus violent. « Il était accablé; sa sœur
lui revenait toujours dans l'esprit. Il ne mangea rien... Le prince
Henri arriva... J'ai bien pleuré hier avec mon frère; tenez, mon cher,
ce n'est point la perte d'une bataille qui émeut un capitaine ou un
guerrier, mais la mort d'une sœur est irréparable, et quel plus doux
sentiment que l'amitié ! »
Au milieu des contrariétés et des soucis qui l'accablent de toutes
parts, il sait se distraire. Il fait des vers, et parfois d'assez bons. Il
montre à Catt ses productions, sans trop les louer, et s'entretient avec
lui de ses lectures. Il juge les écrivains français, leur caractère, leurs
œuvres ; il récite par cœur des tirades entières de Racine, son poète fa-
vori ; il lit et relit à haute voix Iphigénie et Phèdre^ Athalie où il
trouve toujours de nouvelles beautés, ou bien encore le troisième chant
de Lucrèce, « son bréviaire », les Tusculanes, Sénèque. Il apprécie les
généraux de son armée, les fonctionnaires de sa cour, les souverains
de l'époque. Il analyse les événements de la guerre, raconte les batailles
qu'il a livrées, Mollwitz, Hohenfriedberg, Kolin que firent perdre la
lenteur de Bevern et la mort de Keyserlingk, Lissa ou Leuthen, qu'il
gagna parce qu'il a suivit en plein ses idées », Zorndorf qui fut une ac-
tion d'effronterie (tenere, dit Catt, coram inimico sine pulvere et cum
tribus bataillons). Il cause morale, religion, métaphysique, disserte sur
Platon et Spinoza, discute l'immortalité de l'âme.
Mais ce qui surprend surtout, c'est que ce chercheur et ce gagneur de
batailles, cet infatigable combattant, le plus grand général des temps
modernes après Napoléon, ne fait la guerre qu'à son corps défendant.
Quand tout sera fini, dit Catt, il n'y a personne qui ne voulut être le
roi de Prusse. Ah! la belle gloire, répond-il, villes en cendres, villages
brûlés, habitants infortunés! N'en parlons plus! Les cheveux me dres-
sent sur la tète ! Il ne pense qu'à la paix et au repos qu'il goûtera dans
son cher Sans-Souci; « voyez comme j'ai été malheureux, traité dure-
ment par un père, enfermé trois mois seul dans une chambre ;je n'ai été
heureux qu'à Rheinsberg ; ah ! si cette paix vient, pourra-t-on me blâmer
de vivre un peu pour moi-même, de me retirer et de vivre tranquille? »
d'kistoirk et de littérature 3og
Mais Catt ne se borne pas dans son Journal à peindre au vif Frédé-
ric II. S'il restait presque chaque soir auprès du roi, il consacrait le
jour à observer l'armée où il vivait et les pays qu'il traversait. Il nous
raconte qu'il logea en Moravie, à Littau, chez un boulanger qui par-
lait latin; il décrit brièvement les usages nationaux des Wendes ; il
nous fait juger de l'attachement des Silésiens à leur nouveau maître :
a Un bourgeois de Hirschfeld alla porter des plaintes de ce que son voi-
sin avait huit soldats, et lui six : est-ce que je ne puis pas les nourrir
aussi bien que lui? » Il note avec soin les moindres détails de la vie des
camps ; les officiers se frisent et se parfument comme s'ils étaient à la
cour; les soldats composent et représentent une pièce satirique où l'on
voit le maréchal Daun berné par Arlequin ; le corps des vivandiers et
vivandières tait justice d'une femme qui a volé; après Zorndorf, le roi,
enchanté de son succès, félicite ses cavaliers, embrasse l'un, frappe
l'autre sur l'épaule ; les hussards des deux partis finissent par se traiter
cordialement, fraternisent les uns avec les autres et se quittent avec les
marques de la plus vive amitié « quand je serai prisonnier, pense à
moi ». Catt admire d'abord la discipline des troupes prussiennes; mais
peu à peu il remarque qu'elle se relâche, que le soldat pille, que l'on a
peine à contenir les vivandiers et les paknets (Packknechte ou goujats).
Il observe également que les ofîiciers se dégoûtent de la guerre, que
beaucoup d'entre eux mettent le prince Henri au-dessus de Frédéric,
que le vainqueur de Freyberg protège ceux que son frère disgracie, et
rebute ceux qu'il recommande ^
L'éditeur, M. PCoser, a fait sa tâche avec un soin admirable, et l'on
ne saurait croire tout ce qu'il a mis de patience et de conscience dans
cette publication. On retrouve dans l'introduction la justesse d'esprit
et la sagacité critique qu'il a montrées dans ses travaux précédents. Le
texte des Mémoires et du Journal est très correct ; M. Koser l'a fait suivre
et d'un index et d'un commentaire à la fois abondant et précis qui
donne les dates nécessaires, éclaire les faits, explique les allusions poli-
tiques ou littéraires ; le jeune archiviste semble connaître le xvn<= et le
xvme siècle français presque aussi bien que l'histoire de la Prusse sous
Frédéric. Il faut le remercier d'avoir si bien publié ces manuscrits de
Catt qui sont d'un si grand prix pour l'histoire et qui font mieux connaî-
tre le vieux Fritz, son caractère original, les qualités de son esprit et sa
force d'âme à l'époque la plus cruelle de sa vie ^
A. Chuquet.
1. Toutes ces citations sont tirées du Journal que, malgré tout, nous mettons
infiniment au-dessus des Mcnioii es.
2. Quelques observations en passant; il me semble qu'il faut lire; p. 7, 1. 8, «ainsi»
au lieu de« ainsi que n-, p. 76,1. 18, «bien assené »au lieu de ubien asséré»; p. i85,
1. 10, «amphibologiques «au lieu de « amphiboliques »; p.Sjg, 1. 24, « pondait » au
lieude «pendait »; p. 375,1.7, « ayant » au lieu de « avant >->; p. 38i, 1. 22, « que
ce n'était rien » au lieu de « que ce n'était bien »; p. 38'3, « il est assez persiflé par
p 10
REVUE CRITIQUE
VARIÉTÉS
dno t^ou^';Jtl!e tlo l'Iiitei'niéîStaîï'e» lo rôîo <lo BL,aclos en l'SOS.
V Intermédiaire publie àSiUS son numéro du 25 septembre 1 885, sous
la rubrique de «. trouvailles et curiosite's », deux lettres inédites de La-
clos qui ont fait, nous dit-on, le tour de la presse; mais elles sont
accompagnées d'un commentaire inexact^. L'Intermédiaire est une
excellente revue; son jeune et vaillant directeur, Ai. Faucou, lui donne
une très vive impulsion; toutefois on nous permettra de redresser
l'erreur qu'il a commise avant qu'elle ait le temps de se répandre.
V hitermédiaire cite d'abord un passage des Mémoires de Dumou-
riez : « Luckncr empêcha Kellermann d'effectuer sa jonction. Alors le
pouvoir exécutif se vit contraint de lui donner pour conseil Laclos, et
ensuite de le retirer tout à fait ». Luckner n'a pas empêché la jonction
de Kellermann. Il lui écrivit, il est vrai, le 14 septembre, de se porter
sur Bar-le-Duc qu'il croyait menacé, mais le i5, il lui mandait de se
rendre à Sainte-Menehould « à marches forcées » pour faire sa <t réu-
nion » avec Dumouriez.
U Intermédiaire ajoute : « Les lettres suivantes inédites jusqu'ici
montrent quel rôle actif Laclos joua à Tarmée du Rhin. » A l'armée du
Rhin? Mais Laclos était à Châlons et organisait, avec Luckner, le grand
rassemblement de fédérés; V Intermédiaire a voulu dire « à l'armée de
Châlons. »
« La première de ces lettres, dit V Intermédiaire^ ne laisse aucun
doute sur l'influence que les rapports de Laclos eurent dans la mesure
de révocation qui frappa le maréchal. » U Intermédiaire a raison.
« La seconde établit que la concentration des troupes, d'où résulta la
bataille de Valmy, est due à l'activité et à l'habileté stratégique de La-
clos, dont le nom a été trop oublié. » C'est contre cette assertion que
nous voulons protester -.
Voici la lettre; elle se trouve aux archives de la guerre (ce qu'oublie
de dire l'Intermédiaire) ; elle est datée du 19 septembre, à onze heures
du soir, et adressée au ministre Servan :
« La réunion est faite. Je reçois à 9 heures et demie du soir un courrier de M. Du-
mouriez. Il n'a pas été attaqué. Il a envoyé l'ordre à M. Valence qui arrivera de-
Monsieur Clément w, M. Koser ne sait ici de quel personnage il est question; ne
s'agirait-il pas du maréchal Daun que le pape Clément XIII persifle en lui offrant le
chapeau et le glaive bénits?
I. D'ailleurs le titre indiqué sur la couverture et en tête de cette « variété »,
trompe le lecteur : Documents inédits sur la bataille de Valmy! 11 n'est pas du tout
question de Valmy dans ces documents (communiqués à V Intermédiaire par
M. Henry Céard. le savant et sympathique bibliothécaire du musée Carnavalet).
« 2. Le 21 septembre, anniversaire de la bataille de Valmy — ajoute l'Intermé-
diaire — donne à ces lettres un caractère particulier d'actualité, » Valmy est du 20,
et non dy 21 septembre.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 3 1 I
main ou après. M. de Marre (lise^ M. de Sparre), qui a conduit la division que nous
avons jointe au corps de M. de Beurnonville, revient demain, et peut-cire suffira-t-ii
ici avec les deux maréchaux de camp qui y sont '. Je suis convenu avec le général
Labourdonnaye de ne pas l'attendre. Tout annonce que je partirai demain. J'espère
qu'enfin je dormirai cette nuit sur l'une et l'autre oreille. Il est fort pressant d'arrê-
ter un plan propi-e à terminer glorieusement la campagne. Cette idée hâte mon
voyage. Sur toutes choses des ell'ets de campements ici, et des munitions de tout
genre. Il faut encore à Dumouriez 20,000 hommes, en deux envois, s'il est possi-
ble. »
Où voit-on, dans cette lettre absolument insignifiante -, la moindre
trace de « la concentration des troupes d'où résulta Valmy? » Que
prouve-t-elle en faveur de ïactiviîé, de Vhabileté stratégique de La-
clos? La canonnade de Valmy se livre le lendemain, 20 septembre, et
décide de l'issue de la lutte; la veille, Laclos croit encore qu'il faut
arrêter un plan propre à terminer glorieusement la campagne.
Le vrai, c'est que Luckner, aidé de Laclos et de Labourdonnaye, or-
ganisa à Châlons sept bataillons de fédérés qui arrivèrent au camp de
Dumouriez le ig septembre. Ces sept bataillons formaient la « divi-
sion » que Sparre conduisait et que Luckner « avait jointe au corps de
Beurnonville. » Mais Beurnonville disait aux généraux de Châlons
qu'ils lui faisaient un « petit présent » et Dumouriez, sachant ce que va-
laient ces fédérés (voir ses Mémoires), ne les mit pas en ligne dans la
journée du 20 septembre.
On objectera que la jonction, ou, comme écrit Laclos, la « réunion »
était l'œuvre du militaire-littérateur; mais, de ce qu'il dit « la réunion
est faite 5î s'en suit-il qu'il l'ait faite? Trois armées ou corps d'armée
rejoignirent successivement Dumouriez; celui de Duval, celui de Beur-
nonville, celui deKellermann. Duval venait de Pont-sur-Sambre; Beur-
nonville, de Maulde (mais à la nouvelle de la prise de la Croix-aux-
Bois, il avait dû se rejeter sur Châlons); Kellermann, de Metz, Le
premier arriva le 10 septembre, les deux autres le 19, Les correspon-
dances du dépôt de la guerre prouvent que cette concentration s'opéra
sur les ordres du ministre Serv^an, et non du colonel Laclos. Ce fut Ser-
van qui appela Duval, qui appela Beurnonville, qui appela Kellermann,
qui jeta tout ce qu'il pouvait ramasser de troupes de ligne et de volon-
taires de 1791 au devant de la « colonne brunswickoise ». Laclos était
chargé de contresigner les ordres de Luckner et de surveiller le vieux
maréchal; c'était un Billaud-Varennes militaire ''; il fit des plans, il
1. C'est ce qui eut lieu, et l'Iiiienncdiaire, puisqu'il juge cette lettre si impor-
tante, aurait pu ajouter en note que de Sparre — et non de Marre — commanda à
Châlons avec les deux maréchaux de camp Du Hamel et Saint-Jenn; que Laclos re-
tourna à Paris avec Luckner; que Labourdonnaye alla prendre le commandement
des forces du Nord; que Valence resta à l'armée du Centre dont il commandait la
réserve.
2. J'avoue l'avoir lue il y a quelque temps, avant la publication de VIntermc~
diaire, et n'en avoir pris aucune copie.
:>. On sait que Bil!aud-Varcn:i.es était, comme Laclos, commissaire nu pouvoir
:)I2 REVUE CIUTIQUE
proposa plusieurs mouvements de retraite, il projeta — lui aussi — la
diversion de Custine sur Spire, Worms et Mayence, il montra une
grande activité, il dormit très peu; mais on ne lui doit pas la concen-
tration des troupes de Valmy et l'on ne peut employer, en parlant des
services qu'il rendit, le grand mot à'' habileté stratégique ^ Si Luckner
— et par suite Laclos — commandait le i5 septembre à Kellermann
d'aller au secours de Dumouriez -, Servan avait conseillé cette réunion
dès les premiers jours du mois, et c'était au ministre de la guerre, et
non pas au vieillard affublé du titre inutile de généralissime, qu'obéis-
sait Kellermann.
Les lecteurs de la Revue nous pardonneront d'avoir insisté sur ce
point. Mais il fallait montrer que le rôle de Laclos n'a pas eu Timpor-
tance qu'on lui attribue. La mode est encore aux réhabilitations, aux
Rettungen, commt disent les Allemands; Gassion a gagné les batailles
de Condé; tous les succès de Ferdinand de Brunswick sont dus à
Westphal; Carnot n'est plus l'organisateur de la victoire; c'est Servan,
c'est Lacuée, c'est Mathieu Dumas, et non Dumouriez, qui a deviné la
force des positions de l'Argonne; c'est le comité topographique qui a
fait les succès des armées de la Révolution ; tous les généraux sont des
Blucher et tous les chefs d'état-major des Gneisenau. O fureur de l'iné-
dit et de l'inconnu! N'exagérons rien, laissons à chacun sa part, et ne
croyons pas, comme on le répète déjà, comme me l'ont dit des amis qui
acceptaient de bonne foi l'assertion de V Intermédiaire, que Laclos soit
le véritable vainqueur de Valmy.
A. Ch.
THÈSES DE DOCTORAT ES LETTRES
Faculté des lettres de Paris
Soutenance de RI. Maurice Xhii-ion.
I. — De^Civitatibus, quœ a Grcecis in Chersonneso conditae fuerunt.
II. — Etude sur /e Protestantisme a Met^ et dans le pays Messin.
I
Le sujet choisi par M. Thirion demandait, à être traité avec précision et exacti-
tude. M. T. l'a traité avec élégance. L'indécision dans les détails apparaît jusque
exécutif, et qu'il vint à Châlons; il a, autant que Laclos, contribué à la révocation
de Luckner, comme le prouve une lettre qu'il écrivit à Danton.
1. Ce grand mot s'appliquerait tout au plus aux plans de retraite sur Paris et de
diversion dans l'Est.
2. Voilà l'argument le plus solide à l'appui de la thèse de V Intermédiaire qui ne
le cite pas.
d'histoire et dk littérature 3 I 3
dans la description géographique de la Chersonnèse, et M. Himiy en fait la
critique. Il y est question de fortifications, de murs, et l'on ne voit pas bien où l'au-
teur les place. Il n'indique pas assez nettement les raisons qui ont forcé les Grecs à
s'établir dans la région la plus dure, la plus stérile, la plus battue des vents, mais
où s'ouvraient tous les poris. M. T. a tort de rapporter une foule de récits ou d'at-
tributions légendaires, sans commentaires, comme s'il admettait l'iiistoire du pape
S. Clément, la présence à Kiev des portes de Kherson qu'on montre aussi à Sainte-
Sophie.
M. Bouché-Leclercq félicite M. T. de son style; mais la correction des épreuves n'a
pas éié soignée ; on n'a pas suivi de règles pour l'orthographe des mots latins et ce
qui est plus grave (parce qu'il s'agit ici de méthode), M. T. ne se rend pas un compte
bien net de ce que doit être dans un ouvrage de ce genre un index bibliographique.
Le sien n'est pas complet, il n'a cité que les auteurs dont il a tiré le plus de se-
cours. Son index implique donc un jugement; mais il a laissé passer bien des tra-
vaux importants. Autre point : d'après quel principe l'a-t-il ordonné.' Ce n'est pas
l'ordre chronologique. Il cite d'une façon incomplète. Il croit pouvoir ne rappeler que
le dernier article ou le dernier ouvrage des savants, comme s'il annulait les autres.
Cetie bibliographie insuffisante prouve que le sujet n'a pas été épuisé. — Pourquoi
n'avoir pas fait de cartes ; M. T. y a renoncé parce que l'emplacement de la plupart
des villes est contesté; c'est aggraver l'objection, la carte eût obligé l'auteur à dis-
cuter des problèmes qu'il a esquivés. — On ne sait jamais si M. T. fait la géogra-
phie de la Crimée ancienne ou de la Crimée moderne; tantôt il semble ne vouloir se
servir que des géographes anciens, il donne les mesures et les évaluations ancien-
nes; tantôt il adopte les hypothèses géologiques modernes. De là une description
agréable à lire, mais sans exactitude, et qui n'a pas dû coûter beaucoup de peine. Si
l'on passe à l'histoire, on retrouve le même dessin mou et flottant ; peu ou point de
chronologie, c'est plutôt un morceau littéraire qu'un morceau historique. M. T.
semble admettre sans aucune hésitation que les Cimmériens qui ont dévasté l'Asie-
Mineure, sont les mêmes que ceux d'Homère; mais que signifie ce mot dans la lan-
gue du poète? On a soutenu que c'étaient les âmes des morts. Le mot veut peut-
être dire seulement hommes du Nord et peut dès lors s'appliquer à différentes peu-
plades. Est-ce un nom indigène ou un nom grec i M. T. affirme de même sans
hésiter que Tauris est un nom indigène : il est fort possible qu'il soit grec; on re-
présentait Artémis ou la lune sous la forme d'une vache blanche, ou sous celle d'une
femme entraînée par un taureau; le culte d'une divinité analogue à Artémis a pu être
l'origine du nom grec de la Tauride. Ce ne sont là, il est vrai, que les préliminaires,
et c'est des villes grecques que M. T. a entendu s'occuper. Il passe très légèrement
sur les origines. Le dépouillement est consciencieux; mais en arrivant aux institu-
tions, nous retombons dans le vague. M. T. affirme qu'il n'y eut point de violences
démocratiques et pourtant il y eut des tyrannies ; comment s'établirent-elles r M. T.
croit que le gouvernement est resté aristocratique parce qu'il constate l'existence
d'un Sénat; c'est se contenter de peu. A Athènes aussi, les décrets furent toujours
rédigés au nom du peuple et du Sénat. Voici d'autres inexactitudes de détail : M. T.
appelle Hercule, numen proprie doriciim. L'origine du culte est phénicienne; or ce
sont les Ioniens qui ont succédé aux Phéniciens et Hercule a toujours pour compa-
gnon lolaos. Les Doriens Héraclides ont trouvé le culte établi. De même pour Ar-
témis dont le culte existe encore à Ephèse ; de ce que son culte a été introduit en
Chersonnèse par les Doriens, il ne s'ensuit pas qu'elle soit une divinité dorienne.
^ M. T. passe à côté d'une question intéressante, qu'a traitée Mommsen dans son his-
toire de la monnaie; le droit exceptionnel laissé aux rois du Bosphore de frapper
3r4 REVUE CRITIQUE
de la monnaie d'or. — Il parle d'un temple des Juifs (p. 84), sans se douter que les
Juifs n'ont qu'un temple, celui de Jérusalem, et de la diflérence entre le Temple et
une synagogue. — En résumé on trouve plus de chose sur les villes étudiées par
M. T., dans un article de Pauiy ou de Marquardt, et quand on voudra chercher
quelque chose sur ces villes, il faudra chercher autre part que dans la thèse; mais
cette thèse n'en reste pas moins un morceau fort agréable.
M. Perrot reproche à M. T. de n'avoir pas tiré parti d'un sujet qu'il lui avait con-
seillé, de l'avoir restreint, et de n'avoir pas fait l'histoire générale de toutes les vil-
les grecques fondées en pays scythe. Olbia et Borystliène étaient surtout intéres-
santes; M. T. est resté au seuil avec Panticapée et Kherson sur lesquelles nous ne
pouvons jeter qu'un coup d'œil indirect en consultant de rares documents athé-
niens. Il fallait citer le travail de Curtius die Hellenen in der Diaspora. On relève
aussi des erreurs de critique, on n'a pas le droit de conclure d'une épitaphe de lé-
gionnaire à la présence d'une garnison permanente dans une ville.
M. Rambaud signale de nouveau des lacunes considérables dans la bibliographie.
M. T. a ignoré tous les travaux russes, indispensables pour étudier le sujet. Un
texte ancien a été oublié, c'est un passage de Dion Chrysostôme relatif à Olbia,
mais qui fournit des détails sur le genre de vie des habitants de toutes ces villes.
M. CoUignon signale une inscription qui montre l'existence de relations religieu-
ses entre Delphes et Kherson iBuU. Corresp. Hell. VI, 21 5). Il y avait à Délos, dans
le sanctuaire, des offrandes de Kherson (Bull. YI, 3o). En général M. T. n'a pas
assez consulté les monuments figurés, peut-être par prudence; l'étude des vases
trouvés dans les tumuli de Kertch nous fait connaître l'époque où le commerce est
le plus actif avec Athènes, l'époque d'Alexandre. En somme, sur cette question, les
documents épigraphiques et archéologiques donnent plus que les textes.
II
La thèse française est, au jugement de M. Himly, un morceau d'histoire narrative,
qui, le sujet aidant, conquiert l'attention, mais qui manque de critique; c'est avant
tout un martyrologe; dans la bibliographie toutes les sources sont énumérées comme
si elles avaient la même valeur. Cette étude sur le protestantisme aurait pu avoir
une tenue plus sévère et plus intéressante; il fallait étudier les raisons qui tour a
tour ont fait avancer et reculer la Réforme; il fallait exposer le mécanisme adminis-
tratif de cette ville qui a failli devenir un Strasbourg. On peut en outre relever
quelques erreurs d'histoire générale : ce n'est pas en proposant ses qS thèses que
Luther se sépare de l'Eglise; le soulèvement des paysans n'est pas celui des ana-
baptistes : le traité de Cateau-Cambrésis ne concerne que la France et l'Espagne.
M. Rambaud constate que la thèse a l'aspect d'une chronique, d'un récit très sec
qui remonte très haut dans le passé, et descend fort loin vers le présent; qu'elle est
surtout composée à l'aide de deux sources : Meurisse pour la première partie, Elie
Benoît pour la seconde. — Il y a de nouveau des lacunes graves dans la bibliogra-
phie : rien sur les Vaudois et les Albigeois que M. T. ne distingue pas; il suffi-
sait de consulter la Bible Française au moyen âge de Samuel Berger ; les livres des
Vaudois et le psautier Lorrain dont la lecture fut interdite par Eudes de Vaudé-
niont, s'y trouvent. La bibliographie est incomplète encore sur les précurseurs de
la Réforme; on eût trouvé de précieux renseignements dans le Bulletin de la Société
d'histoire du protestantisme. — Elle est incomplète sur les Ancillon. Les portraits ne
sont pas vivants; il fallait animer le tableau; il fallait étudier les chansons. On ne
trouve presque rien dans la thèse sur l'organisation de l'église de Metz: M. T. a pour-
tant montré qu'elle se tint toujours à l'écart, indépendante des autres églises. Que
d'histoire et de littérature 3i5
devient la petite église, reste'e à Metz, réduite à493 membres, obligés de se déguiser
en soldats suisses quand ils veulent assister au culte .^ 11 fallait prendre la question
de la Révocation d'une manière plus large. A l'époque où fut donné l'édit de Nantes.
la France est en avance sur toute l'Europe ; à l'époque de la Révocation, elle recule
et se place derrière toutes les autres nations; pourquoi? — 11 eût été intéressant de
discuter la question au point de vue du droit (et justement un Messin, Ancillon,
l'a fait alors); la liberté était doublement garantie à Metz et par l'édit de Nantes et
par le traité de Westplialie. Cette révocation, c'est la violation d'un droit écrit; c'est
un procédé révolutionnaire appliqué par la monarchie au mépris des droits histo-
riques. En somme, la thèse a son utilité et son intérêt; mais incomplète, comme elle
est, elle laisse une impression un peu mêlée.
M. Larisse fait observer que non-seulement !a bibliographie est incomplète mais
qu'elle est mal classée. Elle est divisée en ouvrages et documents, comme si l'au-
teur n'admettait pas qu'un imprimé pût être un document. — De plus il faut dire
ce que valent les documents; qu'on n'embarrasse pas un livre d'un énorme appava-
tiis d'argumentation, c'est bien; mais ici il y a des pages entières non documentées;
il ne fallait pas reculer devant la nécessité d'un chapitre préliminaire de critique
des sources. L'introduction n'a rien de caractéristique; il fallait faire comprendre
dans quel milieu allait se produire la Réforme. — Pourquoi réussit-elle dans cer-
tains pays.'' quelles forces et quels intérêts combattent pour eller quelles forces et
quels intérêts combattent contre elle? — La République de Metz était un terrain
excellent, dans cette région intermédiaire où ont pu s'organiser les Cantons suisses
et les Provinces-Unies. — Il fallait exposer les conditions ethnographiques, qui faci-
litèrent le passage au calvinisme ; les relations politiques et commerciales de la Répu-
blique ; ses institutions politiques et sociales pour savoir d'où est partie la Réforme,
comment elle s'est répandue, où fut la résistance. — Au contraire, dans la thèse de
M. T., tout se passe dans un milieu abstrait, ou qui n'est déterminé que par le mot
Metz seulement. — Les faits petits et grands se succèdent dans un récit d'une froideur
générale, qui atteint parfois l'etTet. On aurait pu aussi montrer le profit qu'on peut
tirer pour l'histoire générale de l'exemple de Metz; c'est un reflet de l'histoire géné-
rale ; les deux partisse font successivement impériaux selon leurs intérêts; si les pro-
testants font entrer les Français, Condé s'arrange pour rendre les Trois-Évêchés. —
Par excès d'impartialité, M. T. plaide les circonstances atténuantes pour Louis XIV;
mais le désir d'unifier n'est pas une excuse pour le roi; nul n'est plus soumis que
les protestants. La Révocation est le couronnement des efforts patients et continus
du clergé français. -- En résumé, pour ce qui touche à l'histoiie générale, M. Thi-
rion ne domine pas son sujet ; pour ce qui est de l'histoire particulière, il manque
de méthode. C'est un travail fait un peu vite, où l'on sent encore trop les fiches
cousues ensemble.
CHRONIQUE
ALLEMAGNE. — Nous avens annoncé autrefois une édition en trois fascicules
des discours choisis de Mirabeau (Ausgcivœhlte Reden Mirabeau's. Berlin, Weid-
mann), par M. H. Fritsche, directeur de l'école Frédéric Guillaume à Stettin, Cette
publication, qui fait partie de la collection d'écrivains anglais et français dirigée par
M.M. Pfandheller et Lûcking, est destinée aux élèves des gymnases. Elle a eu du
3l6 RKVUE CRITIQUE D HISTOIRE ET DE LITlÉRAfCRE
succùs, car le premier fascicule de la deuxième édition vient de paraître; il contient
les discours de l'anne'e 1789. (In-So, i63 p. i , mark 5°.)
— La librairie Julius Springer, de Berlin (Monbijouplatz, 3) continue à publier,
sous le titre de Politische Geschichte der Gegemvart, sa collection d'Annuaires po-
litiques; le XVII'^ et le XVIII*' volumes, que nous n'avons pas encore annoncés, ont
paru, de même que les précédents, par les soins de W. Wilhelm Muller, professeur
à Tûbingue; le XVII= est consacré à l'année i883 (in-B», 268 p. 3 mark 60); le
XVllI"', à l'année 1884 (in-S°, 378 p. 4 mark 5o) : ces volumes rédigés avec soin et
sans partialité, sont précédés d'une table des matières très détaillée et suivis d'une
Chronique ou table chronologique des événements; ils seront très utiles, ne serait-
ce que comme mémento, à tous ceux qui étudient l'histoire contemporaine,
FRANCE. — Les manuscrits provençaux de la Méjanes. Tous ceux qui ont fréquenté
la magnifique bibliothèque d'Aix-en-Provence savent combien est empressée l'obli-
geance, combien est sûre l'érudition de M. F. Vidal. Le sous-bibliothécaire de la
Méjanes rend aujourd'hui un nouveau service aux travailleurs en publiant de claires
et excellentes notes sur les ouvrages en langue provençale ancienne et moderne que
possède cet établissement (Aix. Ach. Makaire, i885, grand in-S" de 16 p.) Les prin-
cipaux manuscrits mentionnés par le modeste et zélé collaborateur de Mistral dans
Lou Trésor doufelibrige sont : Lei planh de Sant-Esièvc (pièce chantée annuelle-
ment à Saint-Sauveur-d'Aix, le 26 décembre, sur l'air du Veni Creator), lei planh
de la bierge (paraphrase du Stabat Mater) Icscapitols de paix et status municipalx
de Tharascon, un traité d'arpentage composé par Arnault de Villeneuve et traduit
par Bertrand Boysset, de la ville d'Arles, un dictionnaire de botanique français-
provençal (xviii^ siècle), un dictionnaire provençal-français de la même époque par
Pierre Puget, religieux minime, les poésies modernes d'Estienne Blégiers, de Jean de
Cabanes, de Tronc de Codolet. — T. de L.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 16 octobre 188^.
L'Académie ayant à choisir un lecteur pour la séance publique annuelle, qui aura
lieu le i3 novembre, désigne M. Edmond Le Blant. Il lira son mémoire intitulé : le
Christianisme aux yeux des païens.
L'Académie nomme deux commissions chargées de lui proposer des questions à
mettre aux concours, dans l'ordre des études orientales et oans l'ordre des études
relatives au moyen âge. L'une de ces commissions est composée de MM. Renan,
Barbier de Meynard, Schefer et Bergaigne, l'autre de MM. Delisle, Hauréau, Jour-
dain et Luce.
L'Académie se forme en comité secret.
Ouvrages présentés : — par M. Delisle : G. du Fresne de Beaucourt, Histoire de
Charles VII, t. lll : le Réveil du roi {1435-1444); par M. Jules Girard : A.- J. Le-
TRONNE, Œuvres choisies, assemblées, etc., par E. Fagnan, 3" série, t. Il; — par
M. Maspero : Mémoires publiés par les membres de la mission archéologique fran-
çaise au Caire; — par M. Maury : Antonin Deuidour, l'Impératrice Théodora,
étude critique.
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le l'uy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE El DE LITTÉRATURE
No 44 — 2 novembre — 1885
Souimuii-e t igS. Lewy, Bucheler et Zitelmann, La loi de Gortyne. — iqG.
Paulin Paris, Etudes sur François P"", roi de France, sur sa vie privée et son
règne. — 197. De Martel, Les historiens fantaisistes, M. Thiers, II. La pacifi-
cation de l'ouest et la machine infernale. — Variétés : Les manuscrits de l'abbé
Nicaise. — Chronique. — Académie des Inscriptions.
195. — Heinrich Lewy. Altes stadti'eelit von Ooi-tjru auf Kreta, text,
ûbersetzung und anmerkungen nebst einem Wœrterverzeichniss. Berlin, Gaertner,
i885, in-4, 3z p.
— Franz Bùcheler und Ernst Zitelmann. D>as Rcclit von Goi-tyn (Rhei-
nisches Muséum, 40ter Band, ergaenzungsheft. Francfort), i883, in-8, 180 p.
M. Michel Bréal vient de signaler au.x; lecteurs de la Revue
l'importance exceptionnelle de la grande inscription boiistrophédon
découverte Pan dernier à Gortyne par Halbherr et Fabricius ^
Pour la première fois, on se trouve en présence d'un véritable Gode de
65o lignes, qui réglemente minutieusement, quoique dans un ordre très
confus, les principales matières du droit civil; çà et là, un mot jeté en
passant par le législateur crétois nous révèle quelques traits curieux de
l'état social et de la constitution politique de ces anciennes cités, si sem-
blables, à tant d'égards, aux peuples germaniques, au moment de l'in-
vasion : tel ce tarif pénal, dont les amendes varient en raison de la con-
dition du délinquant et de celle de la victime; telle encore cette institu-
tion des co-)ureurs, dont l'existence sur le sol grec était jusqu'à présent
inconnue. Quelle que soit la date que Ton assigne à ce monument ines-
timable — les évaluations varient entre 600 et 400 avant notre ère —
il reste vrai de dire, avec un de ses commentateurs, que la découverte de
la table de Gortyne a la même importance pour l'étude du droit grec
que celle des Commentaires de Gaïus au commencement de ce siècle
pour l'étude du droit romain.
I. Il m'est impossible d'être d'accord avec M. Bréal, quand il pense que le com-
mencement de l'inscription est perdu. Les importantes lacunes qu'on peut y signaler
ne prouvent rien, car notre loi nous avertit à plusieurs reprises qu'elle n'est pas
la première de son espèce et se réfère aux lois antérieures. En revanche, ce qui
est tout à fait décisif, c'est que la première des dispositions complémentaires (XI, 24)
se rapporte précisément à la première phrase de l'insciiption telle qu'elle nous est
parvenue. Tout au plus admettrais-je la disparition de la formule initiale et de
l'acte de promulgation ; mais ne peut-on pas s\ipposer que notre texte est la copie
d'un acte en force depuis longtemps? C'est, je crois, l'avis de M. Dareste.
Nouvelle série, XX. 44.
3l8 RKVUK cm IlQUt.
Quoique le texte de l'inscription de Gortyne ne soit pas particulière-
ment fruste, le déchiffrement et surtout l'interprétation offrent de sé-
rieuses difficultés : i'^ parce que l'humidité de la paroi sur laquelle est
gravée l'inscription n'a pas permis de prendre d'estampages; certaines
lectures restent donc douteuses; 2° parce que la pauvreté de Palphabet
employé, qui ne distingue ni les voyelles longues, ni les aspirées (sauf
le 0), ni les lettres doubles, autorise souvent des groupements multiples
des caractères; 3° à cause de notre ignorance du dialecte crétois, du lan-
gage parfois pénible et embarrassé du législateur, de la bizarrerie ou de
la nouveauté de plusieurs de ses dispositions. Ce n'est guère que par la
collaboration des savants compétents des divers pays — sinon, comme
le veut l'un d'eux, par les efforts successifs de plusieurs générations de
philologues et de jurisconsultes — qu'on peut espérer de tirer de la
table de Gortyne toute la lumière qu'elle peut et doit nous donner.
M. Bréal a rendu pleine justice ici même aux publications dont la
loi de Gortyne a fait l'objet en France et en Italie. Je demande la per-
mission de revenir en quelques mots sur deux publications allemandes
dont l'une est celle de M. Lewy, dont l'autre, celle de MM. Bûcheler
et Zitelmann, mérite d'être signalée tout particulièrement à l'attention
des jurisconsultes.
Venant après Fabricius, Comparetti et Dareste, MM. Lewy, Biicheler
et Zitelmann ont pu profiter des travaux de leurs devanciers, les corri-
ger les uns par les autres, et y ajouter le fruit de leurs recherches
personnelles. Les deux ouvrages ont été exécutés tout à fait in-
dépendamment; cette circonstance donne d'autant plus de prix aux
coïncidences de restitution qui ne sont pas rares. Ainsi, à la 2*^ colonne,
ligne 53, Lewy et Biicheler se sont rencontrés pour écrire yr^peùaioç (de
yyiptÙGiq), au lieu de zeleùcioQ (Comparetti), dans le sens nouveau de
a divorce ». De même III, 29, tous les deux lisent [^.otpav Tav.-rav. Dans
quelques cas, assez rares à la vérité, les lectures de M. Lewy nous pa-
raissent mériter la préférence. Ainsi, à propos de la femme colone di-
vorcée qui reprend son premier conjoint, Biicheler écrit (IV, 4) : at Ss
To) auTÔ) auTiv o-ut'ot xôJ (pour toO) TrpwTco èv'.auTw. Nous aimons beaucoup
mieux la division de M. Lewy : aî§è tw aÙTw auxtç czui'oito ■rpb tw èviauTw,
non seulement parce que la forme dorienne est Tcpatoç et non rptoToç,
comme il le fait observer, mais surtout parce que dans notre inscription
le verbe ctcuîsiv s'emploie constamment au moyen quand il s'agit de la
femme, et à l'actif en parlant de l'homme (par exemple VIII, 22 : aï
AsîovTo; cTT'Jiîv 0) £cor/,av [j.Y) Ast'ci c'^uiÉOat). Or ici c'est de la femme qu'il
s'agit. Quant à traduire avec M. Buchelcr : « Falls aber demselben
abermals er sic ehelicht im Laiif des ersteii Jahres » en prenant pour
sujet de la phrase le mot 7:âc7-aç « le maître », sous-entendu, c'est ne
faire rien de moins qu'un contre-sens : i» parce que cTûut'eiv signifie
K épouser » et non « marier »; 2° parce que MM. Biicheler et Zitel-
mann reconnaissent eux-mêmes (p. \ i3)que le consentement du maître
DHISTOIRK ET DP: LITTÉRATURE 3ig
n'est pas nécessaire pour le mariage de la colone^ à plus forte raison ne
peut-on pas dire « qu'il la marie » ^
Le travail de M. Lewy ne se recommande pas seulement par quel-
ques heureuses corrections de ce genre. Il faut signaler encore une dis-
position très claire du texte et de la traduction, placés en regard l'un de
l'autre et se correspondant ligne par ligne; un index qui nous a paru
complet et correct, puis la reproduction de deux courts fragments rela-
tifs au dommage causé par des animaux, fragments qui ont été décou-
verts au même endroit que la grande inscription et sont d'une date un
peu plus récente. M. Gomparetti les avait déjà édités; nous ne savons
pourquoi M Bûcheler les a omis. En revanche le commentaire propre-
ment dit de M. Lewy, placé sous forme de notes au bas des pages, nous
a fait l'effet d'un travail trop abrégé et un peu hâtif. Au lieu d'y relever,
avec une satisfaction qui n'est pas tout à fait exempte de pédantisme,
les contre-sens commis par ses devanciers, M. Lewy aurait peut-être
mieux fait d'y multiplier les rapprochements avec les textes de droit
grec et roinain, et d'approfondir davantage certaines parties de son
sujet. Ce n'est pas un grand crime, à propos de l'article qui, dans
le causa liberalis, tranche le doute en faveur de la liberté (I, 14), d'a-
voir oublié de citer un texte classique d'Aristote (Prob. xxix, 12, p. 95 i
a), mais une lecture un peu plus attentive de notre inscription même
aurait convaincu M. L. qu'il a fait fausse route en identifiant les mots
I ri^A(ù'> (pubes) et ûpo[xôùç (major xxv annis), qu'il n'y a aucune contra-
1 diction entre l'article de notre loi sur la peine de l'adultère, ou plutôt
sur le prix de la composition dû par le délinquant (u, 24) et le texte
I d'Elien (xii, 12) qui s'y rapporte, que Texplication qu'il a donnée
(note 36) de ce principe : « L'enrant naturel de la femme colone appar-
tient au maître du père de la colone » ne tient pas debout : au lieu d'y
chercher ce motif bizarre « que le législateur a voulu empêcher l'encou-
ragement donné par le maître à l'inconduite de sa servante en le pri-
vant du fruit de cette inconduite », il suffisait de remarquer que l'es-
clave femelle (ou plutôt la colone) est, comme la femme libre, sous la
i. Quant à la construction Tzpo xou iviauTîu, comparez C. [. G. II 2556, 1. 43 :
Uçh à;xspav oéxa , et dans notre inscription même IX, 29 : è'jr'.ixoX'^v auTw 7:00
xîù ev'.auTÛ (texte douteux).
' Voici encore quelques lectures de M. Lewy que nous signalerons comme préfé-
rables à celles de M. Bûcheler :
(II, 37 et 44, ooXwaaOôat (être victime d'un guet-apens;, et non couXo')'jaOOat 'être
réduit en esclavage).
IV, 16, Y] a'Jtbv [j:q oprj, al xz^'hir,, etc. La pierre porte opEtxi, al à-oOst'^, mais
cette forme optative de cciw paraît inadmissible ; elle doit résulter d'une erreur du
lapicide qui a écrit deux fois les lettres a'. (Comp. VIII, 10 : -ra'.Tra'.T:) . M. Desrous-
seaux veut bien nous dire qu'il se range à cette opinion. (Qu'il me soit permis de
dire à cette occasion que les inadvertances de ce genre sont assez ïréquentes dans
notre inscription. L'orthographe t'.ç, Tévav; pour tiç, Cléyav? rentre dans cette
.catégorie, et je ne puis voir qu'une simple coquille là où MM. Baunack et Bréal
Ivoient « une forme particulière du sandhi). »
320 REVUK CRITIQUE
garde de son père ou de ses frères: dès lors le législateur lui applique la
règle pat^t lis ventrem seqiiitiir. Cette différence essentielle avec le droit
romain est une preuve de plus de la condition toute particulière de la
classe des colons à Gortyne, qu'il faut bien se garder d'assimiler pure-
ment et simplement à des esclaves.
Peut-être a-t-il manqué à M. Lewy, pour l'exacte intelligence
de ce passage et de plusieurs autres, une éducation juridique et une
connaissance suffisante de la littérature du droit comparé. Ce sont
précisément ces qualités qui donnent une valeur hors ligne au com-
mentaire dont M. Zitelmann a fait suivre l'édition et la notice philolo-
gique de M. Bûcheler. L'auteur est professeur de droit romain à l'uni-
versité de Bonn; mais il paraît aussi familier avec le droit attique et
les travaux modernes sur le droit comparé des peuples primitifs qu'avec
les textes du Code et du Digeste. Il est, en outre, doué d'un sens juri-
dique très sûr et très fin, et si l'on peut reprocher quelque chose à ses
explications, à la fois abondantes et concises, c'est de pêcher parfois par
un excès de subtilité, ou de laisser au lecteur le choix entre un trop
grand nombre d'interprétations divergentes, de « systèmes », comme
disent les jurisconsultes. Malgré cette réserve, nous croyons que les 140
pages que M. Z. a consacrées au droit civil de Gortyne, étudié successi-
vement dans ses traits généraux et dans ses dispositions particulières,
sont une contribution de premier ordre à la connaissance, si peu avan-
cée encore, du droit grec; on pourra compléter ou rectifier ce travail
sur quelques points de détail, lorsque des inspirations heureuses ou des
découvertes inespérées auront achevé de combler toutes les lacunes du
texte : on ne le refera pas ^
I. Il serait hors de propos a'indiquer ici tous les points sur lesquels le commen-
taire de MM. B. et Z, ne m'a pas entièrement satisfait, \o\c\ seulement quelques
notes que j'ai transcrites en marge.
P. 14. Est-il bien exact que le verbe [j.oAsTv Utigavi, ait quelque chose à faire avec
le latin mulcia et surtout avec le héros crétois Molos r
P. 19 (11, 17 de l'inscription) ày.sûcvTOÇ zaBiSTCC (il s'agit de la séduction d'une
fille libre) : ày.îûovTCÇ pour àxcîicVTCÇ, dit Bûcheler, parce que de pareils délits
s'apprennent plutôt par ouï-dire que de visu. Mais alors qu'est-ce que ce [;,aÎTUÇ
dont il est question dans la même phrase i
7:pô00a i^.r, evcty.ov r,\j:r,'j.
P. 29 (VI, 5b), b èy.SlOspOTCv est un rébus. Je propose non sans hésitation
ci/.oOspi'rrwv, mot formé comme chA0c,zaT.6Tr,ç.
P. 164. « Quand l'adopté meurt sans descendants, les collatéraux de l'adoptant
reprennent sa fortune. » M. Zitelmann en conclut que, de même qu'à Athènes, l'a-
dopté ne peut pas lui-même adopter. Cette conclusion ne me paraît pas plus légi-
time que celle qu'on pourrait tirer de la disposition identique du Code civil fart.
35 1). Tout ce qui résulte du texte, c'est que les biens que l'adopté a recueillis dans
la succession de l'adoptant ne pourraient être transmis à son propre fils adoptif ;
mais il en serait autrement de ses acquêts personnels, et, selon toute probabilité,
des sacra.
È
1
d'histoire et rjic littkuaturk 32 i
Reste à parler des traductions mêmes qui sont ou devraient être la
pièce de résistance de nos deux publications. Malheureusement nous
avons peu de bien à en dire. M. Lewy nous prévient loyalement « que
sa traduction ne s'attache qu'à la fidélité littérale et qu'il a dédaigné
l'élégance »; de son côté, M. Biicheler « n'a voulu que serrer le
texte afin d^en faciliter l'intelligence aux non-philologues. » C'est parler
d'or; seulement M. Lewy, à force de dédaigner l'élégance, a sacrifié la
clarté et la correction, et M. Biicheler, sous prétexte de « faciliter l'in-
telligence », aboutit en réalité à une sorte de « petit nègre )) que
les (t philologues ))'eux-mémes ne parviendront à déchiffrer qu'en recou-
rant au texte grec placé en regard. Pour prouver que nous n'exagérons
pas, citons une phrase, une seule, de la version de M. Biicheler, qui
n^est pas parmi les plus bizarres. Il s'agit du mariage des filles épiclères
(Tra-uptoor/o'.) (vu, 35) « Wennaber der Rennbahniintheilhaftig der Ehe-
berechtigte enpachsen die enpachsene nichtwill ehelichen, so sa il bei
der Erbtochter stehen das gan:{e Vermogen iind die Frucht, bis er eheli-
cht. » (Le sens est : Si le parent qui a droit à la main de la fille épi-
clère est pubère, mais mineur, elle-même nubile, et qu'il refuse de
répouser, elle aura droit à toute la fortune et aux fruiis jusqu'à ce qu'il
l'épouse). Nous affirmons hardiment qu'un pareil galimatias, qui n'est
allemand en aucune langue, ne peut servir de rien ni aux philologues,
ni aux non-philologues. A tant que donner une traduction, il eût fallu
prendre pour modèle celle de M. Dareste qui, là oii il ne s'est pas
trompé sur le sens, concilie de la façon la plus heureuse l'exactitude et
la clarté. Ce sont là les deux qualités fondamentales, indispensables
dans la traduction d'un texte épigraphique difficile, et nous regrettons
sincèrement que MM. Lewy et Biicheler, qui nous ont donné de si ex-
cellentes choses, aient un peu défiguré leurs publications par ces décal-
ques informes, rébarbatifs et surtout inutiles.
Théodore Retnach.
iq6. — Étu<Ies sut* Fr-ançoîs premier, roi de France, sur sa vie privée et
son règne, par Paulin Paris, publiées d'après le manuscrit de l'auteur et accom-
pagnées d'une préface, par Gaston Paris, de l'Institut. Paris, Léon Techener,
iS85, 2 vol. in-8 de ix-25i et 072 p. Prix des deux volumes: 16 fr.
Je vais oublier, un moment, que Paulin Paris a été un de mes plus
vénérés maîtres et de mes meilleurs amis, que M. Gaston Paris est un
de mes confrères préférés, qu'il est, en outre, un des directeurs de cette
Revue. Je parlerai des Etudes sur François /" comme si le père et
le fils m'étaient aussi indifférents qu'ils me seront chers à jamais.
Racontons d'abord, d'après la Préface de M. G. P., l'histoire du li-
vre. L'analyse et l'appréciation viendront après.
En 1879, M, Léon Techener mit à la disposition de P. P. un manus-
322
RKVUli CRITIQUE
crit appelé par ce dernier Portefeuille de François I"'^ et que d'autres,
avant lui, avaient moins exactement désigné sous le titre de Poésies de
François /", car tous les vers n'y sont pas de ce prince. P. P. consacra,
dans le Bulletin du Bibliophile de janvier-février et de juillet 1880,
une notice étendue à ce recueil, dont il existe aU moins six exemplaires,
un notamment à la Bibliothèque nationale '. « Ce travail, dit M. G. P.
(p. i) lui remit en mémoire un projet qu'il avait eu bieil longtemps
auparavant, et auquel il se reprit avec Tardeur qu'il a toujours portée
dans toutes ses études, et qu'il avait gardée aussi vive dans l'âge le plus
avancé. L'amour de la vieille France, le sentiment reconnaissant des
gloires delà royauté, le mécontentement que lui causaient les jugements
tranchants et superficiels dont notre histoire est trop souvent l'objet,
la passion pour ce qui lui semblait être la vérité, l'animèrent dans l'exé-
cution de cette œuvre, qu'il n'abandonna pas depuis le jour où il l'avait
commencée jusqu'à celui où le mal fit tomber la plume de ses mains ».
Ceci est littéralement exact : P. P. mourut le i3 février 1881, et, l'a-
vant-veille de son décès, rassemblant toutes ses forces, il acheva la
traduction de l'importante dépêche de Marino Cavalli qui termine
l'ouvrage. « Ce fut assurément pour lui », ajoute M. G. P. (p, ii),
« une consolation de penser que le livre dans lequel il avait mis tant de
lui-même, et où il avait rendu à l'équité historique et à l'intelligence
de notre passé national un si éminent service, pourrait voir le jour après
sa ihort ».
Ce livre — l'auteur de la Préface l'a déjà dit — avait été conçu bien
longtemps avant d'être commencé. C'est en i832, après la lecture du
drame Le Roi s' amuse ^ que P. P., sous l'impression d'une indignation
généreuse, résolut d'opposer un travail sérieux et loyal à « cette carica-
ture passionnée d'un des règnes les plus brillants qu'ait vus la France ».
Interrogeant avec ardeur les livres et les manuscrits du xvi^ siècle, il
recueillit dès lors tout ce qui pouvait « mettre dans leur vrai jour
quelques-uns des traits de l'histoire de François \^^ qui lui semblaient
le plus cruellement travestis ». Puis d'autres travaux le détournèrent
et l'absorbèrent pendant près d'une cinquantaine d'années ^. La lecture
du manuscrit communiqué par M. Techener raviva, dit M. G. P.
(p. m), « son intérêt pour l'époque de François I" qui, en 1879, lui
1. F. Fr. 2372. C'est de ce manuscrit que Champollion tira en grande partie sa
publication de 1847 (Paris, in-40) : Poésies du roi François I", de Louise de Sa-
voie, duchesse d'Augouléme, de Marguerite, reine de Navarre, et correspondance
intime du Roi avec Diane de Poitiers et plusieurs autres dames de la cour.
Voir sur les diverses transcriptions connues de ces poésies les pages i32-i34 du
tome 1 des Etudes.
2. Voir rénumération de tous ces travaux dans les notices écrites par M. G. P.
pour la Ronlania (1882) et pour VHisloire littéraire de la France (en tête du
tome XXIX. iSS5). Voir encore la notice de M. H. Wallon publiée dans le tome II
de ses Éloges académiques (1882). J'avais devancé ces éminents critiques dans le
Bulletin du Bibliophile de mars-avril 188 1.
OHISTOlRli lit DE LITTÉRATURE 323
semblait-il, n'était guère mieux connue qu'en 1882. La lecture des cha-
pitres qui s^ rapportent dans VHistoire de France de Michelet ne fit
qu'augmenter son désir de combattre des assertions et des hypothèses
présentées avec tant d'audace, de malveillance et de maladive fantaisie;
il fouilla ses papiers, y retrouva ses anciens matériaux, y joignit quel-
ques nouvelles pièces, et tout d'un Jet, en quelques mois, il écrivit
l'ouvrage qui devait être le charme de ses derniers jours et qui ne sera
sans doute pas un des moindres titres de sa réputation littéraire ».
M. G, P. a revu avec un soin pieux le manuscrit de son père, colla-
tionnant toutes les citations, supprimant les légères négligences insé-
parables d'un travail auquel l'auteur n'a pu mettre la dernière main,
mais se gardant de modifier en quoi que ce soit la pensée et le langage
de l'historien.
L'ouvrage n'est point un tableau complet du règne de François P^ ;
c'est une série d'études divisées en neuf chapitres sur quelques points de
la vie privée et politique de ce prince. Ces points sont les suivants :
Enfance et éducation de François 7"^''; Premières amours de Fran-
çois I""^: François F" et Marie d'Ansrleterre ; Louise de Savoie et
Semblançay; Le Connétable de Bourbon; La duchesse d' Eta.mpes ;
Maladie et mort de François F*. Ajoutons-y une fort remarquable
introduction où l'auteur exprime (p. i-25) son jugement sur les princi-
paux écrivains d'autrefois qui ont été les détracteurs de celui que d'une
voix unanime ses contemporains avaient proclamé le Grand Roi, le
Restaurateur des lettres, des arts et des sciences, et auquel les historiens
étrangers avaient rendu le plus éclatant hommage. Ces écrivains aveu-
glément hostiles ' sont, d'abord, deux familiers de la maison de Mont-
pensier, deux apologistes à tout prix du connétable de Bourbon, Fran-
çois Beaucaire de Peguillon, lequel écrivit, quarante ans après la mort
de François I", les Reruni gallicarum commentaria, qui embrassent
l'histoire d'un siècle (1464-1562)'-, et un autre Bourbonnais, A^ntoine de
I. Voir (p. 1-2) de judicieuses considérations sur ia difficulté de reconnaître la
vérité historique au milieu des nuages accumule's autour d'elle par les passions re-
ligieuses et politiques du xvi= siècle.
■i. Reproduisons un vif et heureux passage sur le gros volume du protégé du Con-
nétable (p. 4-5) : « Dans le récit des deux règnes de Charles VIII et Louis XII, Beau-
caire s'est contenté de suivre Gaguin, Paul Emile et Paul Jove; mais, à compter de
François P'", il vole de ses propres ailes, et l'histoire dégénère aussitôt en factum.
L'avocat déclaré des Montpensier ne recule devant aucune invention, ne se défend
d'aucune invective : jamais la vérité ne fut sacritiée plus insolemment ù l'esprit de
parti» Toute la vie de François l*''" n'est plus partagée qu'entre les plaisirs de l'amour
et ceux de ia chasse; aucun souci des affaires publiques; la direction en est aban-
donnée à la plus coupable des mères, aux plus indignes des maîtresses- Le chance-
lier du Prat est le plus malfaisant des bipèdes, bipedum omnium nequissiiiius. Là se
trouve pour la première fois insinué, '.;n France, sous la réserve d'une conjecture,
que Louise de Savoie était devenue l'implacable ennemie du Connétable parce que
ce prince (à pjine âgé de treize ans) lui avait inspiré une passion qu'il n'avait pas
panagée. La fable de ces amours devait faire, après Beaucaire, bien du che-
min ».
324 KKVUK CIUTIQUK
Laval, capitaine du château de Moulins et intendant du duc Henri de
Montpensier, dont le livre intitulé : Desseins de professions nobles et
publiques^ a été imprimé à Paris en i6o5 et en 1612 '. De ces accusa-
teurs posthumes rapprochons le très suspect Brantôme, un obscur mé-
decin de la petite ville d'Uzerche en Limousin, nommé Guyon, sieur de
la Nauve, Tauteur de Diverses leçons^ enfin Varillas, le roi des men-
teurs -. P. P. a bien le droit, après cela, de résumer ainsi ce que l'on
doit penser de la valeur des témoignages invoqués contre François I"
(p. n) : « Tels ont été les garants assez peu recommandables, on en con-
viendra, de tout ce qu'on a complaisamment accumulé contre la mé-
moire de François I«^ Ce qui manquait dans Beaucaire, on l'a trouvé
dans Laval, dans Brantôme, dans le Limousin Guyon et dans Varillas.
Cependant personne n'avait pu découvrir, dans les documents contem-
porains, chroniques, journaux, lettres publiques ou privées, relations
diplomatiques, romans et poésies, une seule ligne à l'appui de tant d'al-
légations intéressées ou romanesques, pour la première fois hasardées un
demi-siècle ou plus d'un siècle après la mort de tous ceux dont elles
déshonoraient la mémoire )>.
Je tiens à citer encore quelques lignes où se déroulent à la fois l'éloge
de François I" et le programme de Pauteur (p. 19-20) : « Tout l'écha-
faudage de médisances et de calomnies que les défenseurs du connétable,
les conteurs et les romanciers ont dressé contre la mémoire de ce grand
roi, je me propose de le i-enverser. J'en ai découvert les fondements et
j'en ai reconnu la singulière fragilité. Ceux qui l'avaient dressé nous
ont dérobé Péclat d'une des grandes époques de notre histoire. Ils ont
masqué la véritable figure d'un roi loyal, éclairé, clément, spirituel,
type du caractère français; réformateur de la justice, fondateur du Ha-
vre, de Cherbourg, de Vitry-le-François, et, dans un autre ordre d'idées,
du collège de France; digne autant que Louis XIV de la reconnais-
sance des savants, des écrivains, des artistes, qu'il attirait en France
ou qu'il pensionnait à l'étranger. Je ne toucherai pas aux événements
généraux de son règne; je ne m'arrêterai pas sans nécessité sur les suc-
cès et les revers entremêlés d'une guerre pour ainsi dire incessante. Je
laisserai dans Tombre le Milanais pris et perdu, repris et reperdu ; les
1. Laval a ménagé le roi François plus que n'avait fait Beaucaire, mais aux dépens
de Louise de Savoie. Il a inséré dans son livre le Journal du sieur de Marillac,
secrétaire du Connétable, et il a joint aux allégations de ce chroniqueur à gages
(p. 8) « de prétendus on dit, qu'il a bien l'air de dire le premier et des révélations
qu'il a recueillies, vers 1600, de personnes de l'un et de l'autre sexe qu'il se garde
de nommer ».
2. Reconnaissons-le pourtant, dit P. P. (p. 11) : « Ce n'est pas dans une intention
intéressée que Varillas s'est permis, à cent cinquante ans de distance, de nous révéler
les anecdotes secrètes du règne de François I": c'est uniquement par mauvais goût
et par esprit romanesque; il a cru que la trop grande sévérité de l'histoire devait
être tempérée par d'agréables broderies, et il l'en a couverte
Pour orner son éclat et non pour le cacher. »
D^HISTOIRE ET DE LITXÉRATUIiE 323
frontières de France trois fois envahies de tous les côtés par les armées
combinées de l'Espagne et de l'Angleterre, de PAllemagne et des Pays-
Bas; armées trois fois refoulées au-delà des Pyrénées, de la Moselle et de
l'Escaut, grâce à la sagesse des plans tracés par le Roi, grâce à sa présence
au milieu des grands hommes de guerre que lui seul, et non sa mère
ou ses maîtresses, avait su distinguer ou former : les maréchaux de
Lautrec et de La Palice, le connétable Anne de Montmorency, le fa-
meux Louis de La Trémouille, François et Claude de Guise, Charles de
Vendôme, Guillaume et Martin Du Bellay, celui enfin qu'il avait choisi
pour être armé par lui chevalier le lendemain de Marignan, Bayard, le
chevalier sans peur et sans reproche. Non, je ne dirai rien de tout cela :
j'entends ne m'attacher qu^aux imputations calomnieuses et menson-
songères qui pèsent encore aujourd'luii sur la grande mémoire de Fran-
çois I'^'', et je ferai tous mes efforts pour n'être pas victorieusement dé-
menti. »
Les moyens de contrôle n'ont pas manqué au consciencieux autant
que sagace investigateur ; il s'est servi des graves et sincères mémoires
des deux frères Guillaume et Martin Du Bellay, des récits d*un historien
contemporain, « qui mériterait d^être consulté plus souvent et plus uti-
lement )), Arnoul le Ferron \ mort en i563, des livres d'illustres écri-
vains étrangers tels que François Guichardin, Paul Jove, Jean Sleidan,
de la Chronique du Roy François /"", mise au jour par M. G. Guiffrey,
du Journal d'un bourgeois de Paris, « dont nous devons la publica-
tion à un habile et savant critique, M. Ludovic Lalanne », du mémo-
rial trop concis de Louise de Savoie, des Mémoires de Fieuranges, de
Carioix, « des précieux commentaires de Biaise de Monluc », de {"His-
toire de notre temps de Guillaume Paradin, des innombrables lettres du
Roi, de sa mère, de ses maîtresses et de ses ministres conservées dans le
cabinet des manuscrits de la Bibliotiièque nationale; des procès de Sem-
blançayetdu connétable de Bourbon, de la correspondance de Corneille
Agrippa; des poésies diverses de Macrin, Nicolas Bourbon, Sainte-Mar-
the, Saint-GeIais,Marot,Joachim Du Bellay; des lettres, contes et poésies
de la reine de Navarre; des relations diverses des ambassadeurs; surtout
des pièces qui forment le Portefeuille de François I"', et où se trouvent,
auprès des vers du Roi, les épitres de Louise de Savoie, de Marguerite
d'Alençon, de Françoise de Foix et d'Anne d'Heilly, « les deux seules
femmes que François F'"" ait tendrement aimées », épitres « dont jusqu''à
I. Le véritable nom de ce conseiller au parlement de Bordeaux est Arnauld de
Ferron. J'ai beaucoup étudié l'ouvrage de ce voisin et il m'a paru des plus recom-
mandables. Je suis heureux de constater que P. P. ne le juge pas moins favorable-
ment que moi. Voici comment il en parie encore (p. ii) : « Sa continuation de
l'historien Paul Emile embrasse les règnes de Charles VIII, Louis XII et François l",
et forme une relation complète, impartiale et des plus judicieuses. Je n'ai pas sur-
pris une seule fois cet estimable auteur en délit de mauvaise foi ou d'appréciation
intéressée. Le Ferron a le cœur vraiment fiançais... » Ailleurs (p. 77) P. P. l'appelle
« l'excellent historien »; il le cite, du reste, en plus de vingt endroits.
320
REVUE CRITIQUE
présent les historiens n'ont tiré aucun parti et qui jettent un nouveau
jour, des plus favorables, sur le caractère, les qualités d'esprit et de
cœur du roi et de ses chères correspondantes. »
Le chapitre i^f est une complète et décisive réhabilitation de Louise
de Savoie qui, loin d'avoir dépravé son fils par l'éducation qu'elle lui
donna, fut une mère prudente et dévouée, une mère accomplie, et qui,
à cet égard comme en ce qui concerne le culte des beaux manuscrits \
se montra toujours digne de sa modeste et gracieuse devise : libris
et liberis, mes livres et mes enfants. P. P. prouve que si la mère fut
irréprochable, la femme a été indécemment calomniée, ce que Beau-
caire et Brantôme ont, de i58o à 1600, raconté de ses dispositions ga-
lantes étant démenti par tous les documents contemporains.
Le récit des premières amours de François I" (chapitre 11) est un char-
mant tableau de genre. Les délicates pages qui roulent sur les prin-
tanières amourettes du futur ami de tant de jolies femmes, sont au
nombre de celles qui justifient le mieux l'éloge fait par M. G. P. (p. viii)
de « la fraîcheur d'impression ^), du « naturel du style », de « la grâce
d'esprit », que l'on retrouve avec un joyeux étonnement dans un livre
écrit par un homme presque octogénaire. Signalons une des piquantes
rectifications de Tapologiste de François I". Répondant à ceux qui ont
aigrement reproché au gendre de Louis XII sa froideur conjugale, le
honteux abandon dans lequel 11 aurait laissé la princesse sa femme, il
s'exprime ainsi (p. 80) : « Claude aurait pu protester en montrant les
nombreux enfants qu'elle avait successivement et d'année en année
donnés au Roi. Mariée le i3 mai i5i4, à l'âge de quinze ans, elle les
avait eus en moins de neuf ans de mariage, dans l'ordre suivant... » A
la suite de l'énumération des sept enfants nés de i5i5 à i523 vient
cette plaisante remarque : « Voilà, on en conviendra, une épouse étran-
gement négligée. »
Dans le chapitre m, l'auteur établit à la fois finement et fortement que
François I", alors duc d'Angoulême, chargé par Louis XI 1 d'aller à la
rencontre de Marie d'Angleterre, n'a pas le moins du monde voulu
séduire en chemin la jeune fiancée de celui que Louise de Savoie appelle
pittoresquement le « fort antique et débile roi Louis Xil », et il conclut
ainsi (p. go) : « Voilà sur cet épisode historique la vérité, telle que nous
l'ont fait connaître les témoins les mieux informés, Fleuranges, Du
Bellay, Louise de Savoie. Que maintenant le lecteur décide s'il faut
préférer à ces trois relations ce qu'a raconté quatre-vingts ans plus tard
Brantôme, le moins scrupuleux des conteurs, dans le plus saugrenu de
ses livres ^ »
(. Voir (p. SS-Sg) de curieux détails sur les manuscrits exécutés à la demande Ac
Louise de Savoie, ou simplement recueillis par cette princesse, qui sont conservés à
la Bibliothèque nationale,
2. P. P. dit un peu plus loin (p. gs-qS) : « Autant un pareil trait était indigne de
l'histoire, autant il devait afFriander Varillas. 11 trouva le moyen d'y ajouter, çà et
là, quelques ornements. 11 n'est guère possible d'entasser plus d'inventions imper-
d'histoire et de littérature 327
Non moins attachants, non moins victorieux sont les chapitres sur
Louise de Savoie, le maréchal de Gié et l'évêque de Liège^ sur Af""" de
Chateaubriand, sur Louise de Savoie et Sernblancay . On n'osera plus
dire désormais que la mère de François P" abandonna le maréchal de
Gié accusé du crime de lèse-majesté; que, par sa conduite à l'égard
d'Erard de La Marck, évêque de Liège, elle fut une des causes de la
guerre qui, durant plus d'un demi-siècle, devait désoler TEurope en-
tière, que Semblançay fut Tinnocent objet de sa haine; enfin que M""^ de
Chateaubriant mourut victime des jalouses fureurs de son mari, Jean
de Montmorency-Laval '.
Le second volume se compose de trois chapitres seulement, mais un
de ces chapitres, consacré au connétable de Bourbon, en remplit plus
delà moitié (2o3 pages). C'est, comme l'a dit M. G. P. (p. viii) « un
morceau capital d'histoire sévère et documentaire ». L'écrivain qui, dans
d'autres chapitres, a prodigué des trésors de verve et d'esprit, se livre,
dans celui-ci, à la plus sérieuse, comme à la plus convaincante discus-
sion. Aux moqueuses et amusantes saillies succèdent les pressants et so-
lides arguments P.P. avait promis de parler du « lamentable épisode
du connétable de Bourbon >< comme s'il était « le premier des écrivains
postérieurs au règne de François I" qui eut à le raconter. » Il a tenu
son engagement, n'oubliant rien de ce qu'en ont dit les chroniques, les
relations, les lettres contemporaines, les documents diplomatiques, en
un mot toutes les sources d'instruction répandues dans les écrits de la
première moitié du xvi*^ siècle. » Il a ensuite rapproché ce que lui ont
appris les contemporains « de ce que les historiens et les critiques de la
fin du xvi« siècle et du xvii'' auront ajouté aux documents originaux. «
La notice sur le connétable de Bourbon est complète et vraiment faite
de main de maître. On y voit clairement que l'amour de Louise de Sa-
tinentes. Mais enfin, on peut admettre qu'un conteur grivois les ait débitées, qu'un
romancier les ait enjolivées : ce qui confond, c'est que des écrivains sérieux leur aient
accordé la foi qu'ils refusaient ."; des historiens tels que Du Bellay et Fleuranges. Et
ces deux témoins eussent-ils fait défaut, était-il encore permis de tenir compte de
pareilles sornettes.' »
I. Non-seulement ce prétendu Barbe-bleue ne tua pas sa trop légère femme, qui
mourut de mort naturelle ;iG octobre i^Sy), mais encore il ne la battit pas. Génin,
ne comprenant pas la vieille expression user de main mise, qui signifiait reprendre
son bien, a cru que cela voulait dire : mettre la main sur la figure de quelqu'un.
Cette méprise en a enfanté beaucoup d'autres qui n'ont fait que croître et embellir.
Voir notamment V Histoire de France de Michelet. P. P. n'a pas cité à propos de
M"" de Chateaubriant, un travail de son devancier Hévin, avocat de Rennes, qui a
soutenu que Françoise de Foix ne fut pas assassinée par son mari, et démonstration
beaucoup plus difficile, qu'elle ne fut point la maîtresse du roi. Ce travail, ou, pour
mieux dire, ce plaidoyer est mentionné dans une notice sur la comtesse de Chateau-
bria)it ps.1- Paul Lacroix, lequel regarde la vengeancede l'époux trahi commeau moins
probable [Curiosités de Vhistoire de France, 2= série, Paris, i858, p. i53). Voir, au
sujet de quelques autres omissions, les explications présentées par M. G. P.
(p. lu-iv).
328 REVUE ClllTIQUE
voie pour le connéuible est apocryphe et que cette princesse ne doit
porter aucune responsabilité en ce qui regarde le procès et lu défection
de Montpensier, duc de Bourbon, le plus effréné des ambitieux. P. P.
doit être à jamais loué d'avoir si bien rétabli une page d'histoire aussi
importante et aussi défigurée '.
Les deuK derniers chapitres (La duchesse d'Etampes et Maladie et
mon de François P') abondent en intéressantes et sûres rectifications.
P. P. démontre successivement que la part accordée à la duchesse
d'Etampes (Anne de Pisseleu, fille de Guillaume de Pisseleu, seigneur
d'Heilly, d'où le nom de M""^ d'Heilly qu'elle porta jusqu'à son ma-
riage) que la part, dis-je, accordée à la duchesse d'Etampes par les his-
loriographes et les romanciers, dans la conduite des affaires et dans la
(istribution des faveurs royales, est, à très peu d'exceptions près, de pure
invention; qu'elle ne trahit pas la France au profit de Charles-Quint,
d'abord dans la guerre de 1541, puis dans celle de 1S4.3 ; enfin qu'elle
n'a pas, vers la fin de sa vie, fait cause commune avec les Réformés ^.
1. « Comment s'est-il fait «, ajoute P. P. fp. itp], « que dans les trois siècles
suivants il ne se soit pas rencontré un seul écrivain, un seul critique, un seul his-
torien qui ait reconnu la source corrompue de cette apologie tardive [du connéta-
ble]? Gomment personne, que je sache, n'a-t-il remarqué que Le Ferron, vers i56o
[ailleurs, p. 76, P. P. dit en i556. J'ai sous les yeux la première édition : Arnoldi,
Ferroni Burdigalensis, regii consiliarii, de rébus gestis Gallorum libri IX. Pari-
siis, apiid Vascosaniim. M. D. L. petit in-S"], se demandait encore oi!i un étranger,
i3aarland [Adrien Van Baarland, historien tlamand, auteur de : Chronologia brevis
ab orbe condito ad annum 1532] avait pu trouver à la conspiration de Bourbon une
cause que n'avait soupçonnée aucun écrivain français, dont on ne découvrait le
moindre indice dans aucun document, chronique, journal, lettre publique ou pri-
vée, prose ou poésie sérieuse ou satirique?
2. P. P., racontant l'historiette du séduisant diamant que Charles-Quint aurait,
par une habile maladresse, laissé tomber devant la duchesse d'Etampes, pour avoir
l'occasion de le lui offrir, dit (p. 290) : « De ce récit de Dupleix {Histoire de France,
t. 111, 1627), dont nous ignorons la source, Varillas a tiré son parti ordinaire... »
Dupleix a dû prendre son récit dans le livre posthume de Florimond de Raymond,
La naissance, progre:^ et décadence de l'hérésie de ce siècle, i6o5, in-4°, p. 348).
Voir ce que j'ai déjà dit sur ce point dans le compte-rendu de l'ouvrage du baron
A. de Ruble sur le mariage de Jeanne d'Albret [Revue critique du i«"" septembre
1877, p. 122, note 1. C'est probablement une faute d'impression qui fait dire à
P. P. (t. II, p. 3i6) que F. de Raimond accusait, en 1602, la duchesse d'Etampes de
trop de tolérance à l'égard des hérétiques, car cet historien était mort le 17 novem-
bre 1601 {Essai sur la vie et les ouvrages de Florimond de Raymond, 1867,
p. 40). N'oublions pas de noter que P. P. corrige ainsi (p. 207) une erreur d'un de nos
plus précieux recueils : « Charles de Pisseleu, d'abord évêque de Mende, puis évêque
de Condom, mort en 1564, était l'oncle et non pas le frère d'Anne de Pisseleu,
comme tous l'ont répété, môme la Gallia Christiana » P. P. a reproduit (p. 416)
une lettre de la duchesse d'Etampes à Robert de Gontaud, successeur de Charles de
Pisseleu sur le siège de Condom. J'avais déjà inséré cette lettre, qui est du 5 janvier
i564, dans la Revue de Gasgogne [187g, t. XX, p. 238-240). J'avais rappelé, à cette
occasion, que M. Charles Paillard (Voyage dans les Pays-Bas et maladie d'Eléo-
nore d'Autriche, femme de François /"', Bruxelles 1879) avait pris le parti de la du-
chesse d'Etampes contre ceux qui l'accusaient d'avoir sacrifié son pays à Charles-
Quint.
[> H/STOîRK Ki U.L i.) 1 i KKA 1 uni". J-d)
C'est surtout Louis Guyon, sieur de la Nanche, déjà cité, qui fait les
frais du chapitre sur la maladie et la mort de François P^ De quel pé-
tillement d'épigrammes est accompagnée la discussion du fabuleux récit
du médecin d'Uzerche nous montrant François I^'" consumé par un mal
incurable, résultat indirect de la vengeance d'un mari trompé ' ! Et
avec quel juvénile entrain il s^escrime contre ceux qui ont développé
l'odieuse légende, notamment contre Mézeray qui le premier a mis en
avant la belle Ferronière!
Mes citations ont déjà loué le fond et la forme du livre de P. Paris
plus que ne le feraient les plus belles phrases du monde. J'y joindrai, en
les adoptant, les considérations présentées en ces termes par M. G. Paris
(p. vu) : « Ce sera un honneur pour mon père que d'avoir tracé à l'his-
toire, pour le règne de François Je'-, la voie dans laquelle elle doit mar-
cher, en ne tenant compte que des témoignages contemporains, et en
pesant la valeur de chacun d'eux. Les résultats si intéressants auxquels
il est arrivé pour la plupart des points qu'il a touchés, doivent, il me
semble, exciter le zèle et Tardeur de quelques jeunes amis des études
historiques. Combien en effet ces points sont peu de chose si on les
compare à l'ensemble du règne! Une véritable Histoire de Fran-
çois /er, où ce règne serait étudié sous tous ses aspects, à l'aide des piè-
ces authentiques et de tous les témoignages contemporains, français et
étrangers, soigneusement comparés et contrôlés, où il serait exposé avec
sympathie, peint avec la vérité humaine et pittoresque que tant de do-
cuments permettent d'atteindre, apprécié dans son incomparable im-
portance historique, sociale, religieuse, artistique et littéraire : quel
sujet plus magnihque et plus tentant pour un écrivain français animé du
double amour du pays et de la vérité? Espérons que cet écrivain ne se
fera pas trop attendre, et ne doutons pas qu'il ne considère comme son
premier devoir de remercier celui qui lui aura servi de précurseur ~. »
T. DE L.
1. Puisque nous en sommes aux médecins, disons que P. P. n'a pas connu une
plaquette du D"" Cullérier, chirurgien à l'iiôpital du Midi, intitulée : De quelle ma-
ladie est mort François /«i" (Paris, V. Masson, i856). Le D'' Cullérier est un allié
pour P. P. contre le D"" Guyon.
2. L'excellent conseil donné ici au sujet d'une Histoire de François 7^=", je vou-
drais bien le donner à quelqu'un de nos jeunes lecteurs, espoir de l'avenir, au sujet
d'une Histoire de Louis XI. Quel magnifique sujet à traiter, non moins neuf qu'im-
portant! Combien d'autres travaux il y aurait à demander aux jeunes! Je signale,
entre tous ces désirables travaux, un Art de vérifier les dates exclusivement appli-
qué à la France, avec les itinéraires de tous nos rois, avec l'indication de l'époque de
la naissance et de la mort de tous nos hommes célèbres, de l'année de publication de
tous nos livres dignes d'attention en quelque genre que ce soit, etc.
33o REVUE CRITIQUE
197. — I,es hii^toriens raiiiui&iste^. M. Thiers, Histoire du Consulat et de
l'Empire. Deuxième partie. La pacification de l'Ouest, la machine infernale du
3 nivôse an IX, d'après les documents ine'dits, par M. le comte de Martel. Paris,
Dentu, i885. ln-8, v et 430 p. 5 francs.
M. de Martel poursuit sa campagne impitoyable contre l'Histoire du
Consulat et de V Empire de M. Thiers. On ne peut que s''en féliciter,
car M. de M. rectifie quelques d'erreurs commises par 1' « historien
national y et nous apporte de nombreux documents inédits sur plus
d'une question obscure.
I. La pacification de l'Ouest. Aidé des dépêches d'Hédouvilie, de
Berthier, de Clarke, de Brune, de Dupont et des lettres de ^1""= Turpin
de Crissé, de d'Autichamp, de Chatillon, de Bourmont, de Frotté et de
l'abbé Bernier, M. de M. donne un résumé des négociations très com-
pliquées qui précédèrent la pacification de l'Ouest. Il insiste particuliè-
rement sur le rôle de Hyde de Neuville, qui travaillait à organiser con-
tre le premier consul un coup de main dirigé par le chevalier Joubert, et
qui était alors bien plus téméraire, bien plus imprudent et plus léger
que ne le soupçonne M. Thiers. Il montre que l'abbé Bernier exerçait
fort peu d'influence sur les chouans qui se défiaient de lui et le savaient
dévoré d'ambition, qu'il n'agit activement qu'à partir du mois de jan-
vier 1800, et que l'ex-curé de Saint-Laud n'avait pas l'importance que
lui assigne M. Thiers. Il prouve que le principal agent de la pacification
fut M™" Turpin de Crissé, dont M. Thiers ne semble même pas con-
naître le nom. 11 explique le caractère véritable de Georges Cadoudal
que M. Thiers n'a pas compris; c'était un paysan breton, audacieux
dans l'action, mais en même temps cauteleux et madré; ce n'était pas,
comme dit M. Thiers, un farouche soldat de la guerre civile; il ne re-
poussa pas les offres de Bonaparte, il parut un instant décidé à servir
dans les corps francs qu'organisait le premier consul.
II. La machine infernale. M. de M. éclaircit cet épisode d'après les
documents du Record Ojfice et des archives françaises; son opinion
sur cette affaire est aussi certaine que s'il l'avait instruite lui-même sur
des rapports écrits (p. 25 i). Mais ce n'est pas ici le lieu d'exposer les in-
trigues que nous raconte M. de M., intrigues^si étranges, dit-il, qu'il
serait impossible de les soupçonner, s'il n'existait pas encore des preu-
ves écrites de la main même de ceux qui y prirent part (p. 324). Con-
tentons-nous de signaler les principales inexactitudes de M. Thiers dans
le récit de l'affaire de la machine infernale, en abrégeant la démonstra-
tion de M. de Martel. Georges 1 regorgeait d'argent »; il n'en avait
pas. Georges n'avait que « deux agents » ; il en avait quatre, Limoë-
lan, Saint-Réjant, Lahaye Saint-Hilaire et Joyau. Fouché les « faisait
observer avec soin » ; il n'avait même pas leur signalement exact, a Ils
choisirent la rue Saint-Nicaise qui aboutissait du Carrousel à la rue
Richelieu »; la rue Nicaise, comme on la nommait, commençait au
Louvre et finissait rue Saint-Honoré. « Les grenadiers suivaient la voi-
D'HISTOIKK KT DE LITTÉRATUKK 33 I
ture au lieu de la précéder » ; ils la précédaient. « Elle arriva dans le
passage étroit de la rue Saint-Nicaise » ; elle était alors rue de Malte '.
(1 La violence de l'explosion avait fait disparaître presque tous les instru-
ments du forfait. Cependant il subsistait quelques vestiges de la char-
rette et du cheval. On rapprocha ces vestiges, on en composa un signa-
lement »; il eût été bien difficile de composer ce signalement, mais les
rapports assurent que la jument attelée à la charrette avait eu i'arrière-
train brûlé ou emporté, et que l'avant-train avait peu souffert. « Le
premier propriétaire du cheval le reconnut parfaitement et désigna un
marchand grainetier auquel il l'avait vendu »; non pas, le grainetier
Lambel et le maréchal-ferrant Legros reconnurent et la jument et la
charrette, Lambel avait acheté la jument cinq ans auparavant à un ma-
quignon dont il ne savait pas le nom, mais qui demeurait rue Bleue. « Ce
marchand grainetier, appelé, déclara qu^il avait revendu le cheval à deux
marchands forains » ; Lambel n'avait eu de rapport qu'avec Carbon et
lui avait vendu un boisseau de pois et un boisseau de lentilles qui fu-
rent trouvés chez la sœur de Carbon. « Fouché, croyant que les vrais
auteurs étaient des chouans, se hâta d'envoyer un émissaire auprès de
Georges, pour obtenir des informations sur Carbon, Saint-Réjant et
Limoëlan » ; mais Fouché n'apprit rien, Carbon ayant servi dans le
Maine, et non dans le Morbihan, et ce fut le général Girardon, qui
commandait en Maine-et-Loire, qui envoya les renseignements; Car-
bon, disait-il, avait demeuré rue et porte Martin, chez un marchand de
vins appelé Chevalier; on alla rue Saint-Martin et on trouva la sœur
de Carbon, et chez elle, un baril de poudre, des blouses bleues et les
deux boisseaux de pois et de lentilles. « Fouché apprit par les agents
envoyés près de Georges que Carbon avait des sœurs à Paris » ; on
vient de voir que Carbon n'avait qu'une sœur mariée à Paris, la femme
Vallon, et quant aux agents de Fouché, Georges les fit arrêter dès leur
arrivée dans le Morbihan. « La police s^ rendit et obtint de la plus
jeune sœur de Carbon la révélation du nouveau logement dans lequel
il était allé se cacher »; la femme Vallon déclara qu'elle n''avait pas vu
son frère depuis deux mois et qu'il était hors de Paris ; mais Carbon eut
l'imprudence de venir la voir dans la soirée du 8 janvier et de se faire
I. Il fallait, pour gagner la rue Richelieu (alors rue de la Loi), tourner d'abord à
gauche pour entrer du Carrousel dans la rue Nicaise, puis à droite, au milieu de la
rue Nicaise, pour prendre la rue de Malte qui débouchait sur la place du Palais-
Royal. Saint-Réjant plaça la machine infernale à peu de distance de la rue de Malte,
afin de pouvoir se réfugier dans cette rue où il n'aurait rien à craindre de l'explo-
sion. J'aurais aimé que M. de Martel, après avoir rectifié les erreurs de M. Thiers,
eût fait un récit succinct de toute l'affaire. Après tout, M. Thiers a raison de dire
que la voiture avait un peu dépassé la machine et qu'un des gardes à cheval (Du-
rand, dont M. de M. cite la déposition) avait vivement heurté Saint-Réjant ; M. de
M. traite de légende l'habileté du cocher qui dut un instant arrêter ses chevaux ; il
faut néanmoins que le cocher ait été a fort adroit » et qu'il ait conduit la voiture
« avec une extrême rapidité ».
3)2 R\CVVK CKITIQUK
porter du linge par ses nièces, rue Notre-Dame des Champs où il était
caché; ces jeunes filles, habilement interrogées, révélèrent son loge-
ment. « C'était chez les demoiselles de Cicé » ; non, chez M"" de Cicé.
a Limoëlan avait eu le temps de passer à l'étranger » ; il était encore à
Paris le 3 janvier et se réfugia d'abord dans le Morbihan. « Saint Ré-
jant n'avait eu que le temps et la force de changer de logement... un
agent de Georges, employé à le soigner, servit à indiquer sa demeure :
... on le trouva encore malade des suites de ses blessures »; Saint-
Réjant n'avait aucune blessure; il regagna son logement de la rue des
Prouvaires, puis alla le lendemain habiter dans la rue d'Aguesseau, re-
vint ensuite rue des Prouvaires, et après avoir couché dans des bateaux
de charbon, alla se faire prendre hôtel de Mayenne, rue du Four Saint-
Honoré, où il demeurait sous le nom de Sougé.
Comme dans notre précédent article \ nous regrettons que M. de M.
mette dans ses recherches une sorte d'animosité personnelle. Pour-
quoi comparer encore une fois M. Thiers et Fouché? Pourquoi
dire que le ministre de i832 et de 1834, que le chef du pouvoir exécu-
tif de 1871 fut l'imitateur plus ou moins habile de l'intrigant policier?
Pourquoi, puisque M. de M. connaît si bien le plus haut devoir de
l'histoire et recherche passionnément la vérité, pourquoi s'avise-t-il de
gâter son argumentation par un parallèle entre le conventionnel qui
devint ministre de Louis XVIII, après avoir mitraillé les royalistes de
Lyon, et Thomme qui « se fit élever au pouvoir suprême par les légiti-
mistes, après avoir employé les moyens les plus odieux contre la mère
du comte de Chambord » ? Pourquoi, en citant le portrait de Fouché
que renferme V Histoire du Consulat, a-t-il ajouté que ce portrait
était, pour les trois quarts, celui de M. Thiers « personnage intelligent,
rusé, ni bon, ni méchant, connaissant bien les hommes, surtout les
mauvais — parce qu'ils lui ressemblaient — , les méprisant sans distinc-
tion, — parce qu'il les jugeait d'après lui-même? »
Malgré ces réserves, on ne peut que louer la patience et la sagacité
critique de M. de Martel. Nous n'avons pas signalé tout ce que ren-
ferme son livre; nous avons oublié de mentionner les pages relatives à
l'affaire de Grandchamp, à celle des forges de Cossé, à l'arrestation de
M. de Frotté et à sa mort qui « fut un usage rigoureux et strict du
droit de la guerre », aux menées auxquelles se laissaient alors entraî-
ner des hommes comme Hyde de Neuville et Royer-Collard % au plan
formé par l'officier Rivoire, à l'agence de Dupéron et du comte de Coi-
gny, à Tenlèvement du sénateur Clément de Ris, à l'action des femmes
dans le parti royaliste, à la tentative d'assassinat dirigée contre
Louis XVIII à Dillingen, aux relations si curieuses, si caractéristiques
1. Revue critique, 1884, n" 5o, art. 2i3.
2. Royer-Coilard ctait alors l'agent le plus actif du Conseil royal organisé à Paris
par Louis XVIll et correspondait avec l'agence de Souabe.
D HISTOIKE KT I)K LiTl ICRATIJHK 333
pour l'époque, de Fouché et de Bourmont '. Si regrettables que soient
les attaques de M. de Martel contre M. Thiers et quoiqu'elles donnent
à son livre l'air et l'allure d'un pamphlet, il rend de grands services à
rhistoire. 11 suffit, pour bien connaître le traité d'Amiens, Taffaire de
la rade de l'île d'Aix, Texpédition de Walkeren, la pacification de
rOuest en 1799 et en 1800, l'épisode de la machine infernale, de recou-
rir aux deux volumes qui portent ce litre singulier « Les historiens
fantaisistes ».
Mais les vigoureuses attaques de M. de Martel ébranleront-elles
l'autorité de M. Thiers? En dépit de tout, V Histoire du Consulat et de
l'Empire reste une belle et grande œuvre d'ensemble, dont la valeur
n'est pas altérée par de légères erreurs de détail. Voilà les défauts, con •
clurons-nous encore avec Sainte-Beuve; mais il faut dire le bien ; Thiers
est l'esprit le plus net, le plus vif, le plus curieux, le plus agile, le plus
perpétuellement en fraîcheur, et comme en belle humeur de connaître
et de dire; quand il expose, il n'est pas seulement clair, il est lucide; il
a dans sa nature un courant de l'esprit léger et rapide de l'antique Mas-
silie ~.
A. Chuquet,
VARIETES
l^es manuscrits de l'abbé IVieuise.
Une publication récente de M. Caillemer ^ vient de ramener l'attention sur les
mss. de l'abbé Nicaise et en particulier sur sa volumineuse correspondance, où, si
l'on trouve peu de lettres de lui, il y a en revanche une quantité de lettres des
principaux savants du xv!!"" siècle.
Les mss. de Nicaise ont été, comme on sait, dispersés à l'époque du Directoire
quand des commissaires du gouvernement écrémèrent au profit de la Bibliothèque
nationale les bibliothèques des départements. Il est resté à la bibliothèque de Dijon
quelques épaves de cette vaste collection. Elles forment quatre cahiers (n» 406), conte-
nant des mss. et une douzaine ne lettres *. M. Caillemer paraît avoir ignoré l'exis-
tence de ces lettres : pour donner une idée de leur importance, en voici trois des
plus intéressantes. I.a première est de M. Bourdelot, médecin et ami de beaucoup
de gens d'esprit de l'époque. Elle lait allusion à la lettre écrite quelque temps aupa-
ravant par l'abbé de Rancé à. Nicaise au sujet de la mort d'Arnauld. On sait qu'il
s'y trouvait cette appréciation : a Enfin, voilà M. Arnauld mort. Après avoir
poussé sa carrière le plus loin qu'il a pu, il a fallu qu'elle se soit terminée. Quoi-
qu'on en dise, voilà bien des questions finies : son érudition et son autorité était
1. Lire p. 292 et ailleurs Wickham et non Wickam, Stockacii et non Stochack.
2. Causeries du lundi, XI, p. 481 et 5o5.
3. R, Caillemer, Lettres de divers savants à M. Vabbé Nicaise, extrait des Mém.
de l'Ac. de Lyon, 8, Lyon 18SS; cp. Revue critique, n» 43.
4. Parmi les mss. se trouve celui du Mémoire sur la Mi)ierva Arnalva dont la
Bibliothèque nationale a acquis récemment une copie. — Les lettres sont dans le
recueil n° 3.
JJ4 REVUE CRITIQUE
d'un grand poids pour le parti. Heureux qui n'en a point d'autre que celui de Jésus-
Christ et qui, mettant à part tout ce qui pourrait l'en séparer ou l'en distraire même
pour un moment, s'y attache avec tant de fermeté que rien ne soit capable de l'en
déprendre i. » Nicaisc communiqua ces réflexions à Bourdclot. Par lui, elles vinrent
aux oreilles des jansénistes, qui en furent très émus : l'abbé de Rancé eut à subir
une vraie tempête. Dans celte affaire, Bourdelot surtout était coupable. Il écrit la
lettre qu'on va lire pour se justifier et justifier les jansénistes auprès de l'abbé Ni-
caise. Les deux autres lettres sont de liayle : elles offrent un certain intérêt au point
de vue de la bibliographie. Aucune de ces lettres et des autres qui appartiennent au
ms. de Dijon n'est signée; ce n'est que par la comparaison avec d'autres pièces si-
gnées et à l'aide des indices qu'elles fournissent qu'on peut en fixer l'attribution.
C'est peut-être aussi le motif qui détermina les commissaires du Directoire à laisser
ces pièces dans une bibliothèque de département ~.
1 1 février qd.
Je vs aime et vs estime trop pour vs déguiser mes sentim'» sur
ce qui cause tant de bruit contre cette lettre de Mf Tabbé de la Tr(appe)
<^ © ^ ^ sur ces 4 principes : i . La violence et
l'opiniastreté des adversaires du DefFunct à déchirer sa réputation; 2.
son extraord'''^ mérite et surtout en ce qui fait un chrestien du premier
rang, grande charité, grande lumière, grande fidélité à Tune et àPautre ;
3. la grande réputation de l'Abbé jointe à un extraod'''^ mérite ; 4. la triste
et générale impression que le passage coinmuniqué a faite sur tous ceux
dontj'ay connaiss<=e ou contre cet abbé si justement célèbre dont la réputa-
tion est celle de sa profession (ce qui fait le pl^ grand nombre) ou contre
le Deffunct dont la réputation estencore plus généralement importante à
l'Église, qu'il a deffendue, ce qui fait le plus petit nombre mais le plus
actif, le plus uny et le plus à craindre. Sy le Deffunct avoit survescu il
n'auroit jamais escrit de ce style sur la perte qu'on auroit faite et que Je
prie Dieu de nous épargner. Il auroit escrit d'un style bien opposé. Il
n'y auroit point eu d'explication à fre (faire), et les adversaires de Tx-^bbé
n'en auroient tiré d'autre avantage que de dire à l'oreille que malgré
la Ire (lettre) au Maréchal * le DefFunct ne pouvoic oublier son ancienne
amitié. Le coup est sans remède sy on ne l'explique et sy l'explication
ne devient aussy publique que l'atteinte. Car je ne doute nuil' qu'on
n'ait fait usage de ce fragment pour confirmer dans la Personne Domi-
nante ^ l'impression qu'on y a jetée contre le Deffunct sur l'Eglize et
1. Lettre du 2 septembre 1694.
2. Sur les commissaires du gouvernement et sur la manière dont ils procédèrent
cf. l'introduction de M. Caillemer et le feuilleton du Journal de la Côte d'Or, 22 avril
i85i. — Dans les transcriptions l'orthographe de l'original a été conservée, sauf
pour l'usage des capitales, du j et do l'i, et quelquefois de la ponctuadon.
3. Le début, que nous supprimons, est relatif à la santé de l'abbé Nicaise : B. lui
donne quelques conseils.
4. Lettre de Rancé au maréchal de BcUefonds dans laquelle il déclare son aversion
pour le jansénisme.
5. M'^'de Maintenon.
d'hISTOIRI-; KT de r.nTÉRATURE 335
sur TEstat. Si j'avois eii l'hôneur d'être un peu plus conu de M'" Pabbé
que je ne le suis, j'aurois pris la liberté de l'avertir du mauvais effect de
ce passage et je croy qu'on feroit bien de luy dire sur le bruit, qui com-
mence à se répandre par les plaintes qu'il fait, d'une lettre que le
P. Q(uesnel) luy a escrite, qu'il auroit esté à souhaiter que comme le
P. Q(uesnel) n'avoit rien dit de sa Ire (lettre) et qui estoit un secret en-
tre le R. P. Abbé et luy, le P. A. (?) n'eust fait qu'à luy mesme des
plaintes de cette Ire. On dit que M. l'Abbé la trouve dure et injurieuse.
J'en suis fâché : car la dureté vraie ou prétendiie ne ramène personne.
Mais j'ay peine a le croire et quand cela seroiî M. l'Abbé a plus de vertu
qu'il n'en faut pour souffrir en silence une dureté qui seroit soutenue
par la vérité. Il faudroit avoir vue la lettre pour voir sy une personne
tierce égalem' bien disposée pour l'un et pour l'autre la trouveroit dure
et offensante, mais sy elle ne contenoit que des plaintes du mauvais
sens que les termes du passage présentent d'abord à l'esprit, ce que j'en ay
ouy dire dans le monde me persuaderoit qu'elle est vraye et juste au
moins pour le fonds. Car je ne vois pas deux avis sur le sens des termes.
Au reste comme j'ay esté le champion de M. rab.(bé) en beaucoup de
rencontres, je vous asseûre que je le suis encore en celle-cy. Mais ce
n'est qu'en passant. Comme je n'ay nul loisir, j'ai peu d'occasions. Car
on ne les trouve que dans la conversation. Mais autant que j'en ay
trouvé, j'ay pris à tâche de modérer ce que j'ay ouy dire d'outré sur
cela : et surtout j'ay soutenu que M. rAb(bé) n'a jamais crû que ce
passage deviendroit public ny qu'il feroit un effect si triste. D(ieu) ns
veuille donner la paix au dehors et au dedans. Vs m'avez escrit 2. fois
sur ce sujet : je n'ay pu me dispenser de vs répondre. Mais je vs prie,
Monsieur et mesme j'exige de vre amitié, de vre fidélité et de vre
discrétion que je ne sois ny cité ny nommé. Permis à vs de fre (faire)
l'usage de ce que vs trouvères de raisonnable en ce billet. Mais silence
sur la personne, car je hay fort les scènes, les discours et le bruit.
Le 18 mars 1697.
Je dois réponse, Monsieur, à plus d'une de vos lettres que j'ai reçues
depuis le commencement de cette année. Sans vous l'avoir écrit, j'ai
fait des vœux très ardens de nouvel an pour votre prospérité. Je vous
rens très humbles grâces de vos bons souhaits. M. Leers ' m'a protesté
qu'il est seur que depuis longtems vos exemplaires du Juniiis ^, de pic-
tura veterum ont été reçus par M. Anisson '; il s'étonne que vous ne
les aies pas encore, et il vous prie de les demander instamment ù
:. Libraire de Rotterdam. Bayle le dépeint comme « ennemi de tout ce qui sent
l6 libelle et le déchirement du prochain M. Leers est peut-être le seul huguenot
avec qui M. Arnaud ait voulu souffrir d'avoir quelque conversation, » Bayle à Minu-
toii, 5 déc. ibgo.
2. Junius ou du Jon, fils d'un ministre d'oiigine française
3. Libraire de l'abbé Nicaise à Paris.
336 KKVl.K CRITlQUIi
M. Anisson. Quand aux paquets précédens il croit qu'ils sont dans des
balles qui sont demeure'es à Dunkerque parce que celui qui les avoit
fait venir là n'a point encore trouvé les facilitez qu'il espéroit de les
faire passer jusques à Paris. Ce billet vous sera envoie par votre illus-
tre ami Monsieur Bourdelot à qui je me donne l'honneur d'écrire
touchant ce qu'on qu'on m'a raporté qu'on a fait croire à Monsieur le
Chancelier au désavantage de mon Dictionnaire.
Je ne réfute que ce qui intéresse la réputation de Tauteur par rapport
à rhonnéte homme chrétien, car quant au reste, il y a longtems que
j'ai cru et que j'ai écrit à mes amis qu'on ne sauroit trop mépriser ma
compilation, n'étant considérable ni par le choix des matières ni par
leur arrangement. Nos nouveautés litéraires sont assez stériles. M. de
Villemandy, ministre et autrefois professeur de philosophie à Saumur,
et qui présentement est principal du collège wallon à Leide vient de
publier un in-quarto intitulé Scepticismus debellatus. Il y donne histo-
riquement l'hvpothèse des pyrrhoniens anciens et modernes, et la réfute
le mieux qu'il peut; sa plaignant que Descartes et Gassendi et plusieurs
autres modernes ont plus avancé les affaires du scepticisme que retardé.
Vous savez qu'un professeur d'Utrecht nommé Leydecker publia une
histoire du Jansénisme il y a deux ans, où entre autres choses il insulta
l'Eglise romaine comme aiant condamné la doctrine antipélagienne en
condamnant Jansénius. 11 vient de paroître un livre françois contre lui
qui sert de quatrième tome à la tradition de l'Eglise romaine touchant
ces matières de la grâce par M, Germain. Ce 4"^ tome contient quelques
écrits de M. Arnaud qui n'avoient jamais paru, où il montre qu'Ale-
xandre VII par le sens de Jansénius n'a point entendu la doctrine en-
seignée par Jansénius. Il y a encore d'autres pièces insérées dans ce
volume, et l'on y parle du suff"rage que le cardinal Laurea donna sur
les matières dans une congrégation l'an 1693. M. Mayer docteur en
théol. de la confession d'Augsbourg, et pasteur de s. Jacques à Ham-
bourg m'a envoie un petit livre qu'il a fait imprimer à Amsterdam inti-
tulé defide Baronii et Bellarmini ipsis pontijiciis etc. ambigua Eclo-
gae. On y trouve une grande liste des éditions de Baronius, des abré-
gez, des versions, des critiques, des apologies, etc. avec un détail des
plaintes que plusieurs auteurs même religieux ont faites des annales de
ce Cardinal. Cela comme vous voies n'^est pas inutile à ceux qui estu-
dient Thistoire des livres. Vous saves que M. Graevius a été fait histo-
riographe du roi d'Anglet. et qu'il va travailler bientôt à composer en
latin la vie de ce monarque. On vient de m'envoier un traitté qui a
pour titre de luctu Graecorum. C'est un recueil des cérémonies funè-
bres pratiquées par les anciens grecs. Je me serviroi de la voie de Genève
pour vous envoler mon livre. Adieu, Monsieur, je suis entièrement
votre, etc.
Je ne vous parle point d'une lettre de controverse qui sert de réponse
à celle qu'un chanoine de ste Gudule à Brusselles écrivit à un Capucin
d'hISTOIHE et de LITTÉRATURK SSy
qui se fit protestant l'année passée, mais je vous aprens qu'il vient de
paroitreun assez bon livre latin contre Spinoza, L'auteur s'appelle Lens
et demeure à Dordrecht '.
S juin, 97.
Pour Monsieur F Abbé Nicaise.
Il m'est impossi'ole, Monsieur, de vous satisfaire et j'en suis bien fâ-
ché, au sujet des exemplaires du Junius Brutus, car M. Leers ~ m'a dit
qu'il ne se souvient plus de ce qu'il iit à cet égard. Il avoit tant d'affaires
à la tête pendant son séjour à Paris, que les circonstances de celle-là se
sont brouillées et confondues dans sa mémoire. Et peut-être aussi ne
veut-il pas contribuer à la conviction des petites fraudes que des gens
du même métier ont commises envers vous. Je ne croi pas que M. le
Clere en use comme on vous Ta écrit. Je sai bien que c'étoit l'intention
des libraires qui impriment le Moreri, mais il rejeta leur proposition,
et il m'écrivit là dessus une lettre fort honnête. Je croi vous avoir mandé
que j'ai vu un Gentilhomme AUeman que vous avies chargé de com-
plimens pour M. Basnage, et pour moi. Je vous suplie de faire tenir à
M. de la Monnoie ce petit billet. Je vous suis très obligé à l'un et à
l'autre du mémoire sur Lucrèce de Gonzague ^•
Nos nouveautés litéraires se réduisent à ceci. Un nommé Croes a
commencé un journal des scavans latin à Utrecht, à l'instigation de
M. Graevius : nous en avons vu le mois d'avril et de mai, et l'on y a
mis un mémoire qui vient sans doute de vous, et qui regarde l'histoire
du diocèse de Langres à laquelle M. Charles Chanoine de Dijon tra-
vaille. Vous verres dans ce journal un livre qui sera fort à votre gouf,
c'est le Thésaurus antiquitatum Graecarum publié à Leide in-fol. par
M. Gronovius. Il est tout plein des figures des dieux et des héros du
paganisme, avec une courte explication, quelquefois critique, et tou-
jours docte; si ce n'est que M. Gronovius n'a pas le don de sacrifier
aux grâces, ni de faire peu de cas des petites choses quand au fond elles
sont une érudition. Ce P- vol. doit être suivi de 4 autres. Le même
auteur vient de publier en grec et en latin Scylax et 2 ou 3 autres an-
ciens géographes avec les notes de quelques critiques qui avoient déjà
paru. Pour lui il s'est contenté de corriger le texte. Son collègue
M. Perizonius a sous la presse une édition d'Elien var. historiae qui
1. Il est question de ce billet dans une lettre de Bayle du 29 avril 1697 (B. N. f.
franc. 9359, n» 226) : « Votre dernière lettre, Monsieur, a été écrite avant que vous
aies reçu le billet que j'avois mis pour vous sous le couvert de l'illustre Monsieur
Bourdelot. »
2. Libraire de Rotterdam, éditeur du de Picturâ veterum de Junius (du Jon).
3. « Je vous suis le plus obligé du monde, Monsieur, de la bonté que vous avez
eue de me communiquer les belles, doctes curieuses et judicieuses Remarques de
M. de la Monnoie ». Bayle à Nicaise, 27 avril 1693. 11 est question du mémoire sur
Lucrèce de Gonzague, dans une lettre de Bayle à la Monnoye(le billet dont il est
ici question) publiée dans les Œuvres diverses de Bayle.
338 REVUE C«I1IQUI
surpassera celle du docte Kahnius. On prétend qu'après cela Gronovius
publiera toutes les œuvres d'Elien, c'est-à-dire outre la diverse histoire
l'histoire des Animaux et les Tactiques K Ainsi vous voies que Pétude
de la litérature et de la critique négligée en France et en Italie, a encore
ici de puissans apuis. Elle en a en Angleterre plus que jamais : il y
règne une espèce de fureur par raport à la langue grecque, et on y fait
de très doctes éditions des anciens poètes de cette langue. Le Pindare
avec les scoliastes va paroitre au i" jour in-fol. J'ai vu dans l'histoire
de Marseille de M. Ruffi ce qu'il dit des hommes illustres de cette ville-
là: j'ai trouvé cela si sec et si décharné qu'il me semble que cette partie
de rhistoire n'étoit pas son fort, et je voi bien par la négligence à bien
nommer les auteurs qu'il cite touchant Pythéas, etc. qu'il n'entendoit
guère l'antiquité.
M. Leti a fait un gros livre sur les loteries qui a été traduit d'Italien
en François % et qui vous divertira si l'idée qu'on m'en a donnée est
juste, car il ne se vend point encore chez les libraires; on attend que
l'auteur ait fait ses marchés particuliers dans les autres pays. Le petit
livre qui vient de paraître sous le titre de : Nouvelles lettres écrites
des Champs-Elisées avec les réponses est bien satirique. Madame de
Maintenon y est horriblement mal traitée, vous jugez bien sur qui re-
tombe le coup, et sans cette voie indirecte il y est assez attaqué par
d'autres endroits. C'est une licence qu'on devroit punir. M. Lister mé-
decin anglois a donné depuis peu une édition augmentée de ses octo
exercitationes médicinales.
On a imprimé à Goppenhagen un Conspectus scriptorinn chetniconmi
illustriorum. C'est un écrit posthume de Borrichius auquel on a joint sa
vie. Un jeune homme nommé Sicke vient de publier en arabe et en latin
l'Evangile de l'enfance de Jésus Christ. C'est un tissu de fables grossières.
Il y a joint des notes curieuses. Voici le titre d'un nouveau livre de
médecine; je vous en régale tant parce que votre curiosité est univer-
selle, que parce que cette lettre passera par les mains de votre illustre
ami M. Bourdelot. Mais j'ai lieu de croire que vous avez déjà vu l'ou-
vrage, étant imprimé à Genève. Quoiqu'il en soit il a pour titre : Mi"
chaelis Aloysii sinapii absiirda vera sive paradoxa medica quorum
pars I. theoremata quae hodie neoterici cum Galenicis intercedunt
proponit cum dissertatione de spirituum effluviis et animae communis
I. On sait que les Tactiques ne sont pas l'œuvre du même Elien mentionné en
même temps par Baj-le comme auteur des Histoires variées et de l'Histoire des ani-
maux.
2 Critique historique, politique, morale, économique et comique sur les loteries
anciennes et modernes, spirituelles et temporelles. « Vous admirerez la liberté avec
laquelle il parle de toutes choses jusqu'à se moquer des alliés de ce qu'avec tant
d'armées ils n'ont pu empêcher que la France n'entretint toujours ses troupes sur
les terres des ennemis, etc., mais il n'y a point de gens qu'il pousse à bout avec
plus d'acharnement pour ainsi dire que les théologiens et nommément les protes-
tans réfugiés en Hollande. » Bayle à Nicaise, 2-ig août 1697, BN. gSSg.
D'HISTOIKfc. Kl DK (.ITTKIIATUK ii SSp
transmîgratîojie hixta inodernos pythagoricos, -pars II. eadem conti-
nuât ciim dissertationc de falso titiilo sive falsa exîstentia morbi gal-
lici : III continet tractatum de vanitate, falsitate et incertitudinc
aphorismoriim Hippocratis. Je finis, Monsieur, par la protestation
sincère d^être tout à vous.
On peut juger d'après ces citations de l'intérêt du recueil que nous signalons. En
attendant que quelque homme courageux otlre aux amis du xvu*' siècle la corres-
pondance complète de l'abbé Nicaise, ne conviendrait-il pas de signaler les diffé-
rents dépôts où elle se trouve dispersée r II y a des lettres adressées à l'abbé Nicaise
non-seulement à Paris et à Dijon, mais à Troyes et dans d'autres bibliothèques.
L'utilité d'une telle recherche n'échappe à personne.
P. A. Lejay.
CHRONIQUE
FRANCE. — M. Eugène Mûpjtz a récemment publié (tirage à part du tome XLV
des « Mémoires de la Société nationale des antiquaires de France «), en collaboration
avec M. J. de Laurière, une étude sur Giiiliano da San Gallo et les moiiuments
antiques du midi de la France au xv" siècle. On trouvera dans le n° i du I<='^ volume
de r « American Journal of archaeology » un travail du même savant the lost mo-
saies of Ravenna.
HONGRIE. — La Revue philologique hongroise publie, dans sa livraison du mois
d'octobre, la traduction de la plupart des Etymologies de M, Bréal, parues dans
le Bulletin de la société de linguistique.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 20 octobre 188^.
Après délibération en comité lecret, l'Académie décide que les questions suivan-
tes seront mises an concours pour divers prix à décerner en iS8l) :
Prix Bordin : a Etudier l'histoire politique, religieuse et littéraire d'Edesse jus-
qu'à la première croisade. •»
Prix ordinaire : « Exposer méthodiquement la législation civile, politique et re-
ligieuse des capitulaires, etc. »
Le prix Brunet sera donné, en j 888, « au meilleur travail bibliogrnpbique, ma-
nuscrit ou imprimé depuis l'année i885, portant sur des ouvrages d'histoire et de
littérature du moyen âge '. ;,
M. Germain communique une étude sur les origines de la seigneurie de Mont-
pellier, dont il a été amené à s'occuper en préparant la publication d'un document
tiré des archives de Montpellier, le Liber instrumoitorum monorialium.
Les premiers possesseurs de Montpellier, les Guillienis, n'ont pas, dit-il, jeté
beaucoup d'éclat au début. Quoique installés dans leur tiet dès le règne de Hugues
Capet, ils s'effacent'jusqu'à la fin du xi^' siècle derrière leurs suzerains, les évêques
de Maguelone et les comtes de Melgueil. Ils sont redevables de leur premier lustre
à leur active participation aux croisades, à leur admirable habileté à tirer parti des
événements, et surtout à l'appui des papes, au puissant patronage d'Innocent II et
I. Le texte complet des questions proposées et ie programme des concours seront donnés a la
suite du compte-rendu de la séance publique annuelle du \'i novembre
o^^o
REVUE CRITIQUE D HISTOIRE ET DE LITTERATURE
d'Alexandre III particulièrement. Aussi Innocent III a-t-il trouvé en eux des auxi-
liaires très zélés dans sa lutte contre l'hérésie albigeoise.
L'influence espagnole à Montpellier se montre progressivement à partir de Guil-
lem V, qui, après s'être couvert de gloire à la première croisade, alla combattre en
II 14 les Sarrazinsde l'île de Majorque. Elle se manifeste davantage encore, lorsque
Guillem VI s'unit au comte de Barcelone Raimond-Bérenger III, pour faire avec lui
en commun la conquête de Tortose, qui lui resta dévolue. Elle triomphe complète-
ment en 12Û4, par l'avènement de Pierre 11 d'Aragon à la seigneurie de Montpellier.
M. Germain s'occupe ensuite du double mariage de Guillem. VIII avec Eudoxie
Comnène et avec Agnès de Castille. On voit dans cette atïaire une sorte de répéti-
tion de celle à laquelle donna lieu le divorce de Philippe-Auguste, mais le dénoue-
ment de celle-ci tut moins heureux. Innocent III se montra inflexible dans la dé-
fense des droits de la première épouse, et cela malgré les témoignages de ferme or-
thodoxie que lui prodiguait le seigneur de Montpellier en face de l'insurrection
albigeoise. C'est là, dit M. Germain, un des épisodes qui peignent le mieux le ca-
ractère du vaillant pontife : les Décrétaies lui doivent un de leurs canons les plus
rigides; et ce canon n'est pas demeuré à l'état de lettre morte, puisqu'il a motivé le
mouvement où a pris son essor la Commune de Montpellier.
M. Delisle communique un nouveau document qui vient s'ajouter à la liste des
témoignages contemporains sur Jeanne d'Arc. C'est un chapitre ajouté à la suite
d'une chronique universelle connue sous le nom de Breviarium historiale. Ce Bre-
Poi-
viarium, qui nous a été conserve par sept manuscrits et qui a ete imprime a ri
tiers en 1479, est l'œuvre d'un Français, qui l'écrivit à Rome à la hn de l'année
1428. Dans îa plupart des manuscrits et dans l'édition imprimée, le récit s'arrête à
cette date : seul, un manuscrit de Rome contient le chapitre relatif à Jeanne d'Arc,
qui vient d'être signalé par M. le comte Ugo Balzani, dans une communication faite
à la Società romana di storia patria, et dont le texte a été envoyé à M. Delisle par
M. Henry Stevenson. Ce morceau a été écrit par l'auteur même de la chronique, en
1429, quand on avait reçu à Rome la nouvelle de la délivrance d'Orléans et avant
qu'on eût appris le sacre du roi à Reims. 11 ne mentionne aucun fait nouveau, mais
il est intéressant par le ton ému qui y règne : il témoigne, par ce ton même, de la
vive impression d'étonnement et d'admiration que causa partout, parmi les contem-
porains, la nouvelle des premiers exploits de la Pucelle.
Le nom de l'auteur du Breviarium historiale et de ce chapitre additionnel n'est
pas connu, mais M. Delisle espère qu'il pourra être découvert; il fait appel, pour
cette recherche, aux membres de l'Ecole française de Rome. Des indications don-
nées par la chronique même, il résulte que celui qui l'a écrite était Français, qu'il
occupait une place dans la cour du pape Martin V, qu'il était à Rome en 1428 et en
1429, enfin qu'il s'était trouvé à Bologne, en même temps que le pape, en octobre
1414-
M. Homolle rend compte des dernières fouilles exécutées sous sa direction dans
l'île de Délos. 11 a continué et autant que possible achevé l'exploration du sanctuaire
apollinien. Il a déterminé le tracé de l'enceinte, l'emplacement des portes, le réseau
des voies qui y conduisaient ou qui en pariaient; il a fixé les noms de plusieurs
points du sanctuaire, découvert des monuments nouveaux, recueilli des fragments
intéressants pour l'histoire de l'art ou de la restauration des édifices, constaté l'exis-
tence d'une ville groupée au moyen âge autour des établissements religieux et mi-
litaires des hospitaliers de Saint-Jean. De plus, il a recueilli une cinquantaine de
fragments de sculpture de marbre, quelques terres cuites et des débris de bronze.^ Le
monument le plus curieux est un vase sculpté, signé d'Iphicartidès de Naxos; c'est
un nouveau témoignage de l'importance de l'école de Naxos, qui fut très florissante
du vu' au v° siècle avant notre ère. Les inscriptions, au nombre de 224 pièces ou
fragments, se divisent en comptes, décrets, inscriptions chorégiques, dédicaces, épi-
taphes, timbres amphoriques ; elles se répartissent sur la période comprise depuis
le V jusqu'au i""" siècle avant notre ère, et sont surtout abondantes au_ iu« et au 11^.
Quelques-unes ont jusqu'à 200 et 25o lignes, et il y en a une de près de 600 li-
gnes, disposées sur deux colonnes. Elles contiennent beaucoup de renseignenients
sur l'histoire de Délos, des Cyclades, de Rhodes et de tous les pays grecs, ainsi que
sur le commerce et l'économie politique des anciens.
Ouvrage présenté, de la part de l'auteur, par M. Jules Girard : P. Decharme, Aly-
thologie de la Grèce antique, 2'= édition .
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
'^f: Puv. ivnin-x-ii-erie de. Marchessou ùss. boulevard Saint-Laurevr:. 3.-£.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
NO 45 — 9 novembre — 1885
Sommaire s 198. Heisterbergk, Le jus italicum. — 199. Lechler, L'époque
apostolique et l'époque post-apostolique. — 200. Gœtz de Berlichingen p. p.
E. Lichtenberger; Annuaire de Gœthe de i885 p. p. L. Geiger; Schrœer,
Goethe et l'amour; DIintzeh, Gœthe à Weimar; Editions de Gœthe p. p. Schrœer,
Steiner, Dûntzer, Keck. — 201. Pajol, Les guerres sous Louis XV, vol. III. —
202. Lettre d'un capitaine de cuirassiers sur la campagne de Russie, p. p. Leher.
— Variétés : Voltaire et le cardinal Quirini, d'après des documents inédits. —
Chronique. — Académie des Inscriptions.
igS. — B. Heistersergk. Hfame lantî BegrîiT des jus Stalicuœ. Tûbingen,
Laupp, j88b, i volume in~S de 192 p.
La question du Jus Italicum a été souvent agitée depuis que J. Gode-
froy Ta traitée avec sa lucidité habituelle [ad C. Theod. lib. xiv, tit. i3).
Les deux points qu'il a établis sont aujourd'hui encore acceptés par la
plupart des auteurs : le Jus Italicum a pour conséquence Texemption
de rimpôt foncier et l'application des règles qui supposent la propriété
i quiritaire du sol. De nos jours, on s'est particulièrement préoccupé
d'une question qui prime toutes les autres. On a voulu savoir quelle
est la nature de ce droit, quand et comment il s'est formé. Les opinions
les plus divergentes ont été soutenues sans conduire à un résultat satis-
faisant. M. Heisterbergk vient de soumettre la question à un examen
approfondi. Son travail est divisé en deux parties : dans la première, il
montre sur quelles bases fragiles reposent les systèmes imaginés pour
expliquer le Jus Italicum; dans la seconde, il présente une hypothèse
nouvelle fondée principalement sur les fragments de Paul et d'Ulpien,
conservés au Digeste, au titre de Censibus.
La thèse de M. H. peut se résumer dans les deux propositions sui-
vantes : i" le Jus Italicum n'est pas une fiction par laquelle on aurait
étendu à des cités provinciales le droit commun des cités italiques; ce
droit commun n'existe pas; 2'^ \q Jus Italicum est identique au droit
des anciennes colonies de citoyens romains.
Sur le premier point, M. H. essaie de démontrer qu'il n'y a jamais
eu un droit spécialement établi pour l'Italie et qui ait placé le sol de ce
pays dans une situation juridique particulière. La loi que l'on invoque
en sens contraire n'a laissé aucune trace (p. 42). Si les terres d'Italie
sont, au temps de Gaius, susceptibles de la propriété quiritaire, c'est
que l'Etat, dans les derniers siècles de la République, avait aliéné en
masse celles qui lui appartenaient. Domitien avait fait cadeau aux pro-
priétaires voisins des parcelles qui restaient de Vager publicus. Il est
certain au surplus que la condition juridique des cités d'Italie fut loin
Nouvelle série, XX. 45
342 REVUE CRITIQUE
d'être uniforme : aucun lien n'existait entre elles. Dès lors, on ne peut
parler d'un droit commun à toutes les cités italiques.
Qu'est-ce donc que le Jus Italiciim? Cest le droit d'une colonie
italique, Italicae coloniae respublica, dit Ulpien (L. i § 2). 11 ne faut
pas en conclure que la concession du titre de colonie fasse acquérir par
cela seul le Jus Italicum. On peut en constituant une colonie procéder
de trois manières (p. 147) : i» exprimer qu^elle sera juris Italici et
qu'elle jouira de toutes les immunités d'impôts qui en résultent, (L. 8
§ 3, 6.) A ce point de vue, la dénomination de colonia imjnunis convient
aux colonies italiques (p. i55); 2° réserver l'obligation de payer l'im-
pôt (L. 8 § 5) ; 3° accorder simplement le titre de colonie sans ajouter
que la cité jouira du Jus Italicum. (L. 8 § 7.) Mais toute cité qui n'est
pas une colonie le devient ijjso facto dès qu'elle reçoit le Jus Italicum.
Il suit de là que les effets de ce droit ne sont pas toujours les mêmes.
Dans les provinces d'Orient auxquelles se réfèrent les fragments du
Digeste, presque toutes les cités étaient pérégrines. Le Jus Italicum
conférait : i" aux habitants, le droit de cité romaine, par suite l'exemp-
tion de l'impôt de capitation et la capacité d'acquérir la propriété quiri-
taire; 2° au sol, la possibilité d'appartenir à un particulier en pleine
propriété et par suite l'exemption de l'impôt foncier; 3" à la cité, la
constitution d'une colonie et par suite l'indépendance vis-à-vis du gou-
verneur de la province (p. i35). Dans les provinces d'Occident, le Jus
Italicum était concédé le plus souvent à des municipes, dont la consti-
tution était analogue à celle des colonies; il n'avait d'autre effet que de
rendre le sol susceptible de la propriété quiritaire et libre d'impôt. A
partir de Caracalla, les pérégrins acquirent avec la cité romaine la ca-
pacité d'être propriétaires quiritaires, peut-être aussi l'exemption de
l'impôt de capitation, remplacé par l'impôt sur les successions : dès
lors, le Jus Italicum devint un privilège du sol (p. 13/).
Mais quelles sont ces colonies Italiques auxquelles Ulpien fait allu-
sion ? Ce sont les colonies de citoyens romains par opposition aux co-
lonies militaires (p. 168). Dans les premières, c'était le peuple romain
qui s'établissait sur son propre sol: voilà pourquoi le sol comportait la
propriété quiritaire. (?) Dans les secondes, les vétérans s'établissaient sur
le terrain d'autrui, sur le terrain de l'empereur. Aussi le sol n'était-il
exempt d'impôt que si la colonie obtenait le Jus Italicum; si la remise
d'impôt eût été la règle, cette règle eût été ruineuse pour le trésor
(p. 173).
Le nom d'Italica colonia vient de ce que sous les premiers empe-
reurs, toutes les colonies de citoyens romains, fondées avant l'établisse-
ment des colonies militaires, se trouvaient en Italie (p. lyS). Avec le
temps, on assimila à ces colonies, soit des cités qui n'avaient que le
nom de colonies, soit des colonies militaires. Le plus souvent, les colo-
nies italiques furent des colonies de vétérans prétoriens. Mais lorsque
Sévère eut dissous les cohortes prétoriennes, il compléta son œuvre en
d'histoire et de littérature 343
accordant à des cités pérégrines un privilège qui d'abord avait été pres-
que toujours réservé aux prétoriens (p. 179).
Tels sont les points principaux de la thèse fort ingénieuse présentée
par M. Heisterbergk. Malgré le soin avec lequel elle a été construite,
elle présente des côtés faibles et ne donne pas la solution de toutes les
difficultés. Sans entrer dans les détails, nous nous bornerons à
quelques observations, La première partie de la démonstration de
M. H. ne nous paraît pas entièrement décisive. 11 n'est pas contestable
qu'il y a des cas assez nombreux où l'Italie est traitée autrement que
les provinces ; c'est ce qui donne une grande force à l'opinion com-
mune. M. H. aurait dû prouver que les différences que l'on peut rele-
ver n'ont pas toujours été établies à dessein et résultent plus souvent
qu'on ne pourrait le croire de circonstances fortuites. Il aurait ainsi
enlevé à ses adversaires un puissant argument d'analogie. A nos yeux,
la pensée d'accorder une faveur à l'Italie apparaît dans la loi Furia de
sponsoribus (Gaïus III, 121), dans la loi Fabia de plagiariis (coll. leg.
mosaic, XIV, 3, 4) et dans les constitutions de Marc-Aurèle, Sévère et
Caracalla sur les excuses de tutelle. Mais elle n'existe ni dans la règle
d'après laquelle l'adrogation ne peut se faire qu'à Rome, car cette règle
tient à la forme môme de Facte, ni dans la loi Atilia sur la tutelle dative
(UIp. XI, 18), car cette loi qui n'a été faite que pour Rome est anté-
rieure à la création des provinces. Pareillement la disposition de la loi
Julia de viaritandis ordinibiis sur la nomination d'un tuteur dotis causa
aux femmes dont le tuteur légitime est impubère (Ulp. XI, 20], paraît
rédigée en vue de Rome et non de Pltalie. En confiant cette nomination
au préteur urbain, on avait voulu faciliter Tapplication de la loi dans
les limites de la juridiction de ce préteur. Quant à la loi Julia de adulte^
riis, on n'aurait pas mis en question son application aux fonds provin-
ciaux, si la pensée du législateur avait été d'accorder un privilège aux
fonds italiques. Enfin, le chapitre de la loi Julia qui permettait d''échap"
per à l'emprisonnement pour dettes grâce à la cession de biens, contenait
sans doute une règle applicable à tous les tribunaux romains, jusqu'au
jour où elle fut étendue aux tribunaux pérégrins.
D'un autre côté, nous aurions souhaité que Pauteur se prononçât
nettement sur la question de savoir si la concession du Jus Italicum
entraîne l'application du droit romain, non-seulement pour le sol de la
cité, mais aussi pour les habitants. On peut, en ce sens, tirer argument
de rinscription d'un fragment de Gains, inséré au titre de censibus
(L. 7). La remarque en a déjà été faite; mais on n'a pas expliqué pour-
quoi Gains parle du Jus Italicum dans son commentaire sur les lois
Julia et Papia Poppaea. En voici, croyons-nous, la raison : les habi-
tants de la ville gratifiée du Jus Italicum acquéraient avec la cité ro-
maine la testamenti factio ; par suite, la disposition faite au profit d'un
cœlebs était caduque ou in causa caduci; elle profitait aux patres et à
défaut au trésor public, conformément aux lois caducaires. Au con-
344 REVUE CRITIQUE
traire faite au profit d'un pérégrin, la disposition eût été pro non
scripto et dévolue suivant les règles anciennes sur le droit d'accroisse-
ment. Pareillement nous sommes porté à croire qu'on appliquait aux
cites italiques la loi Fabia de plagiariis et la règle qui exemptait de la
tutelle et des charges civiles ceux qui avaient quatre enfants.
Quant au sol, la concession du Jus Italicum en faisait une res man^
cipi susceptible de mancipation et d'usucapion. Elle rendait applicable
la loi Julia sur le fonds dotal et peut-être aussi cette exceptio annalis
Italici contractus dont nous ne connaissons que le nom. Elle permet-
tait de faire usage, soit des interdits qui mettent en question le fond du
droit (L. 2 § 2. D. 43, i) comme les interdits de itinere actuque pri-
vato (reficiendo), de aqiia ex castello ducenda, soit de ceux gui veluti
proprietatîs causarn continent, comme les interdits de locis sacris et
religiosis. Nous en trouvons la preuve dans l'inscription de la loi
6 h. t. Ce fragment est emprunté au 25^ livre du Digeste de Celsus;
or nous possédons un autre fragment du même livre, et précisém.ent il a
trait à l'interdit de itinere. (L. 7. D. 48, 19.)
Edouard Cuq.
iqg. — Das apostolîscîie und das nacliapostoïîeclie Zeîtaltei' mit
Rûcksicht auf Unterschied und Einheit in Leben und Lehre, von G. V. Lechler,
dritte vollstœndig neu bearbeitete Auflage. Karisruhe et Leipzig, Reuther, i883,
XVI et 635 p. in-8.
Cet ouvrage est un des plus estimés qui aient été écrits sur la matière
au point de vue de la théologie protestante conservatrice. La clarté des
divisions, la simplicité de l'exposition en font une œuvre d'un mérite
durable et d'une réelle utilité. M. Lechler l'avait adressé sous sa pre-
mière forme (1848), comme œuvre de concours, à une fondation hollan-
daise qui avait voulu provoquer une réfutation scientifique des idées de
Baur sur les divisions doctrinales et autres au sein de l'église primitive ;
de là l'explication du titre qu'on a lu plus haut. Le fait est que l'œuvre
est faite à la hollandaise, avec une grande sobriété, sur un ton de bonne
foi paisible, de candeur solide, auquel on est immédiatement sensible.
Une seconde édition avait paru en 1857; celle-ci est absolument re-
mise à neuf et contient l'appréciation, en même temps qu'elle trahit la
connaissance, des plus récentes publications. Par dessus le marché,
chose étrange, l'auteur tient compte d'ouvrages écrits en français ! C'est
qu'il n'appartient pas à la jeune génération.
L'ouvrage se divise en deux livres : ïépoque apostolique et l'époque
post-apostolique. Voici les têtes de chapitre :
Première partie du livre I : Le christianisme primitif dans la vie,
section I : Les commencements du christianisme comme communauté
jusqu'à la destruction de Jérusalem (chap. i, les communauté judéo-
D'HISTOIRE ET DE LITTERATURE 345
chrétiennes; chap. ii, les pagano-chrétiens et les communautés mixtes;
chap. m, relation réciproque entre le cercle judéo-chrétien et le cercle
pagano-chrécien en général); section II: Judéo-chrétiens et pagano-
chrétiens à l'époque de la destruction de Jérusalem jusqu'à la fin du
siècle apostolique (chap. i, les judéo-chrétiens, chap. ii, les pagano-
chrétiens).
Deuxième partie du livre I : Les doctrines apostoliques, section i: La
doctrine aux premiers temps apostoliques; (chap. i, premier discours
apostoliques; chap. ii, Jacques); section II : doctrine de l'apôtre Paul
(chap. I, la prédication primitive de Tapôtre Paul; chap. ii, la doctrine
de l'apôtre Paul sous sa forme de pleine maturité; chap. m, la doctrine
des lettres pastorales) ; section III : la doctrine de l'épître aux Hébreux ;
section IV : la doctrine postérieure de l'apôtre Pierre; section V : la
doctrine de l'apôtre Jean; section VI : la doctrine de l'apôtre Paul
comparée à celle des autres apôtres.
Première partie du livre II : Les Judéo-chrétiens.
Deuxième partie du livre II : Les pagano-chrétiens, iQcûon I : la
vie chrétienne et ses règles; section II ; développement de la doctrine.
— Je signale dans cette dernière partie l'usage qui est fait du livre ré-
cemment découvert « la doctrine des douze apôtres. » — J'ai supprimé
l'indication d'un grand nombre de divisions secondaires, particulière-
ment en ce qui touche l'exposition de la doctrine de Tapôtre Paul,
à laquelle l'auteur, en raison du but spécial qu'il visait, devait donner
bien plus d'attention. Et cependant je remarque à son éloge qu'il a
su se maintenir dans des bornes très raisonnables et que les développe-
ments accordés à cette maîtresse-partie ne font en aucune façon tort au
reste.
Ce livre constitue donc dans sa nouvelle forme un manuel d'un em-
ploi commode, destiné à rendre de grands services à ceux qui voudront
en user.
M. Vernes.
200. — I. Gœthe, Gœtz von Berlichingen mit der eisernen Hand, ein Schauspiel,
texte allemand conforme à l'édition de 1787, avec une introduction et des notes
par Ernest Lichtenberger. Paris, Hachette, i8S5. ln-8, cxxxvn et 33i p.
II. Gœtîie-^atirïjueli, herausgegeben von Ludwig Geiger, sechster Band,
Frankfurt am Main, Literarische Anstalt, Rûtten und Loening, i883. In-8, ix et
464 p.
III. Goethe wîiiJ dîe Lieî>c, zwei Vortraege von K. J. Schroer. Heilbronn,
Henninger, 1884. In-8, xi et 78 p. i mark 5o.
IV. «iœtlios Biînti'îtt in Weimar mit Benutzung ungedruckter duellen, dar-
gesteilt von Heinrich Dûntzer. Leipzig, Ed. Wartig's Verlag (Ernst Hoppe), i8S3,
XVI et 224 p.
V. SaioîMon Êiirzels Verzeichnis einer Gcethe-Bibliothek mit Nachliôegen
346 REVUE CRITIQUE
und Fortsetzung hrsg. von Louis Hirzel. Leipzig, S. Hirzel, 1884. In-8, vi et
2i5 p. 3 mark.
VI. Deutsclio iVationalIitlci-atui-« historisch kritischc Ausgaben, Berlin
und Stuttgart, W. Bpemann. In-8. -i mark 5o le volume broché.
— OœtlioB Werke. Gœthes Dramen. Erster Band. xvi et 504 p.; Zweiter
Band, XXIX et 453 p., hrsg. von K. J. Scurger.
— Oo^tliei- Gerfîclite. Erster Band. xiv et 292 p. Zweiter Band. vu et
372 p., hrsg. von H. Dûntzer,
— Gfjcthes -^vei-ke. Faust, erster und zweiter Theil, hrsg. von H. Dûntzer.
In-8, xxxviii et 224 p. -f xxiv et 307 p.
— Gœthes ^Verke. Hermann und Dorothea, etc., 829 p., hrsg. von
H. Dûntzer.
— Gœthes '«Vorke/Naturwissenschaftliche Schriften. Erster Band. lxxxiv
et 472 p., hrsg. von Rudolf Steiner,
VIL Klassische cicutsche i>iehtuugen. L Gœthes Hermann und Doro-
thea, von K. H. Keck. Gotha, Perthes, i883. In-8, 117 p.
On nous permettra de donner place dans un même article à plusieurs
éditions de Goethe et à divers ouvrages relatifs au poète,
I. La nouvelle édition du G'6t\, que vient de publier M. Ernest
Lichtenberger, est la meilleure qui ait paru Jusqu'ici et en France et en
Allemagne. Elle renferme : 1° une carte de PAllemagne en iSig;
2° l'introduction ; 3° le texte ; 4° un appendice. La carte est bien faite
et rendra de grands services au lecteur du GiJtT^. L'introduction est
écrite avec beaucoup d'agrément et de charme; on y reconnaît l'auteur
de X étude sur les poésies lyriques de Gœthe. M. L, étudie d'abord les
rédactions successives du drame, puis la Biographie du chevalier à la
main de fer, l'action et les caractères ; il montre ensuite les différen-
ces essentielles entre le Gut:{ de 1773, l'esquisse de 1771 et l'adaptation
de 1804; il expose l'accueil enthousiaste que le public allemand fit au
G(tt\ et l'influence de cette pièce. Enfin, il donne, dans un chapitre
intitulé style et langue un tableau de toutes les formes dialectales et
populaires, des particularités de syntaxe et de grammaire. Le chapitre
consacré à l'influence du GiJt^ est peut-être trop sommaire et on relève
dans les pages sur le style et la langue de légères erreurs : par exemple,
à l'article suppression, M. L. prétend que an Hof et nach Hof
sont des formes dialectales ou populaires; ces formes sont, au con-
traire, d'un usage général, de même que bei Hof^ \u Hof; on dit er ist
beliebt bei Hof et Uhland écrit dans son « Schenk v. Limburg » Zur
Hanse ypeilt er selten, ^u Hofe kommt er nie. De même, on ne peut
dire que Hamster (p. 236), mis pour der Hamster, soit une forme dia-
lectale ou populaire; elle appartient au langage enfantin, c'est le petit
bohémien qui parle. Faut-il également ranger sous la rubrique « sup-
pression » an Kopf pour an den Kopf; on doit, ce me semble, mettre
cette expression à l'article précédent sur la « contraction ». Plus loin
(p. cxxni) M. L. range parmi les « contractions ou élisions » Strich,
qui serait dialectal et mis pour Streich; il nous paraît évident qu'il n'y
a là ni contraction ni élision; Strich et Streich sont deux mots diffé-
d'histoire et de littérature 347
rents ; Goethe écrivait Strich en 1787 et lui donnait le sens de « chasse,
course » ; il écrivit Streich en 1773, dans le sens de « coup w. Doit-on
pareillement mettre dans la même catégorie bis (pour bischen) ? ce bis
est encore une forme du langage enfantin. Trois lignes plus loin M. L.
inscrit encore sous la même rubrique Thurn, Thûrner rr: Thiinn,
Thunner; mais qu'a-t-on contracté ou élidé dans ce mot? La nasale
labiale s'est tout simplement, après l'r, changée en une nasale dentale.
— Mais cette introduction est très intéressante ; on y remarque de fines
appréciations, et Ton ne peut mieux caractériser Adelheid (pourquoi ne
pas dire Adélaïde?) que l'a fait M. L. « elle a appris de la Cléopâtre de
Shakspeare cette souplesse féline qui griffe en caressant, ces brusques
passages des menaces aux promesses, du mépris à l'amour, tout ce jeu
d'une psychologie raffinée auquel ne résistent pas les Weislingen et les
Antoine » (p. lxxi). — Le commentaire pèche peut-être par l'excès des
comparaisons du drame de 1773 avec l'esquisse de 1771 et l'adaptation
de 1804, et quelquefois par la subtilité. Un cavalier de Bamberg dit à
son compagnon, en parlant de Weislingen. Sagt ich dir nicht, er wiir
daher? (p. 6); M. L. écrit en note : « On peut hésiter entre trois sens
différents 1° ne te disais-je pas qu'il était venu ici, sous-ent. gekommen ;
lier marque le mouvement d'un point éloigné vers l'endroit où se
trouve la personne qui parle; 2° ne te disais-je pas qu'il passait par ici?
sous-ent. gereist ; lier marque le mouvement et la direction, sans fixer
le but; le cavalier disait simplement que Weislingen prendrait la route
qui passe à Schwarzenberg, et non celle où il l'attendait avec son com-
pagnon; 3° Ne te disais-je pas qu'il était par ici? lier... heriim? ne
marque pas un mouvement dans une direction déterminée; le cavalier
supposait Weislingen dans la contrée de Schwarzenberg ». Il faudrait
pourtant choisir entre ces trois explications qui, au fond, ne diffè-
rent guère. — De même, p. i3, note 3. M. L. donne encore trois sens
ou, comme il dit, nuances de sens; Gotz répond au moine Martin qui
fait l'éloge du vin juie ich ihntrinke, ist es wahr ; selon M. L., on peut
comprendre : i" pour qui en use comme moi, c'est vrai; 2° vous avez
raison, c'est bien ce que je ressens lorsque je le bois; 3° Gôtz, pendant
le discours du moine, vide un verre de vin, et le pose sur la table en
disant : je sens en le buvant que vous avez raison. Mais qui ne voit
que le premier sens se confond avec le second et qu'il est évidemment le
seul raisonnable, puisque le moine répond aussitôt Davon red ich auch^
Aber wir? A quoi bon citer la troisième interprétation que M. L.
avoue « subtile » ? — Enfin, voici d'autres observations qui pourront
être utiles à M. L. lorsqu'il publiera une seconde édition de son Gôt^.
P. 2, note 7 Vertrag du mit den Pjdffen! « Dans cette locution », dit
M. L., « le verbe vertragen est ordinairement réfléchi », et il cite deux
exemples de la Biographie du chevalier. Mais n'avons-nous pas à la li-
gne précédente ailes wllre vertragen? phrase qui, à l'actif serait, sie
haben ailes vertragen? — P. 26 « das Beste, le premier prix » ; ajouter
348 REVUE CRITIQUE
l'exemple suivant, de Hans Sachs (das Schlawcraffen-land, v. 56
« gewindt das best ». — P. 36, note 3 in tiefen Tliuni « in = im »,
dit M. L. ; jamais in ne remplace in deni. — P. 62, note 3, so stecken
eineni die Kerl am End in Sack... Sack, dit M. L , image empruntée à
une sorte de lutte où le vaincu est mis dans le sac. Quelle est cette « sorte
de lutte ? » Ich stecke dich in dett Sack ou in die Tasche est tout simple-
ment une expression méprisante dont se serttouthomme qui sent sa su-
périorité sur l'adversaire ; je te mets dans ma poche (remarquez d'ailleurs
que dans l'allemand du sud, Sack est synonyme de Tasche). Liebetraut
ne dit-il pas immédiatement « Der miisst' ein Kerl sein., der das Weinfass
von Fuld in den Sack schieben ri>ollte?Ccs\ comme s'il disait « jpelcJien
Sack, jvelche Tasche milsste er haben! « — P. 68, note 4, « Vorschub
thiin, c'est le premier coup de boule; (schieben., pousser la boule,- Ke-
gelschieben, jeu de quilles); ce premier coup décidant souvent la partie.
Vorschub thiin signifie, par extension, secourir. » J'ai consulté récem-
ment des Allemands qui jouaient aux quilles; aucun d'eux n'employait
dans ce sens l'expression Vorschub thun. Au sens propre, on dit ordi-
nairement Vorschub leisten, en parlant d'une voiture qu'on pousse en
avant, à laquelle on donne un coup de main ; Vorschub thun., c'est donc
heim Vorschieben eines Wagens helfen., comp. les expressions Vorspann
geben, leisten. Si Vorschub thun signifiait vraiment donner le premier
coup de boule, comment aurait-il pris le sens de « aider » ? Il devrait,
ce semble, signifier le contraire, et ich thiie dir Vorschub ne pourrait
guère exprimer d'autre idée que celle-ci ich habe einen Vortheil vor
dir, c'est-à-dire ich schade dir. — P. 69, note 3. Gôtz félicite sa sœur
d'avoir enchaîné Weislingen, diesen Paradiesvogel :{u fesseln, et il
ajoute Du bist nicht gan:{frei, Adelbert? Was fehlt dir? M. L. ob-
serve à ce propos i Rien dans l'attitude et les paroles de WeisHngen, ni
avant ni après ce passage, ne motive cette remarque de Gôtz : Dusiehst,
etc. » On ne peut imputer une pareille négligence au poète ; il est évi-
dent qu'au mot fesseln un nuage passe sur le front de Weislingen; il
est embarrassé; il se rappelle son inconstance. — P. 78, note 6. Franz
dit que Marie est liebreich und schiJn. Selon M. L., liebreich signifie ou
gracieuse ou encore à la fois gracieuse et belle, c'est-à-dire aimable; il
vaudrait mieux traduire par charitable, secourable, et en effet, elle s'est
occupée de Weislingen, et, comme ajoute Franz, d'un prisonnier, d'un
malade, e/nem Gefangenen und Kranken; ses yeux respirent la consola-
tion, in ihren Augen ist Trost. — P. 81, note 7, au refrain de la chan-
son de Liebetraut, Hejr ey 0 ! Popeyo! M. L. met en note <i Popeyo, cf.
r.ir.y.. » C'est bien peu, et en outre r.ir.y.^ croyons-nous, marque l'étonne-
ment, la frayeur, la douleur, tandis que Heio Popeio est le refrain con-
sacré de la nourrice qui berce l'enfant; comp. le « Kindervers » suivant :
Heiopopeio — Schlag's Gickelche todt, — 's legt mer kei Eier — Und
frisst mer mei Brod; les mots de la comtesse dans la Louise de Voss :
(fin du poème) : bald jyird... heimlich die Wicge bestellt, bald singen
d'histoire et de littkratuke 349
mr : Eyo Po^ero ! ; Texpression d'Abraham a Saiita-Glara (Judas der
Ertz-Schelm, edit. Bobertag, p. 64) « den hat manche Dama das aja
pupeja ^iigesungen ». — P. 86, note 2 « jpenn ïchilin nicht Jierbanne,
so sagt ; encore, dit M. L., un tour familier à Shakspeare, surtout
comme expression de vantardise. Mais ce tour de phrase est très usité
en allemand. — P. i35 « sich stellen, me placer (à côté, en face de),
supporter la comparaison»; le mot signifie simplement « se présenter »,
cp. p. igo; Sickingen sait se présenter devant les dames. — P. 142,
note 3, in rpillens, il ne suffisait pas de citer la Biographie de Gôtz,
il fallait expliquer juillens; — p. 144, manque une note à Entgeld et
p. 149 à das starkste Geweih...: — p. i53, note 4; dans la phrase
Ihr seid noch der Knoten von diesem Biindel Haselriithen, liJs't ihn
auf, M. L. ne sait si ihn se rapporte à Knoten ou à Biindel; mais il est
évident que ihn ne peut se rapporter qu'à Knoten qui est le mot décisif
de la phrase, on dit einen Knoten auflosen, mais dit-on ein Biindel
auflosen? — P. 200 gilnstige Aspecten, cp. Forster, vin, p. 264 et
280 unter giinstigern Aspecten. — P.2o3, nolt 2 innissmuthig, ch2iS,rm-^.
M. L. se demande si ce mot ne voudrait pas dire aussi « manquant de
courage, craintif»; mais, dit-il, comme cette acceptation de missmiithig
est tout à fait inusitée, le premier sens est préférable. Il était donc inutile
de donner le second. — P. 248, dans une édition aussi complète, les
mots de Weislingen :{eigt sich mir an méritaient une note; sich an\ei-
gen a ici le sens de sich geisterhaft ankilndigen; comp. Faust, W, 5,
V. 359 « Es eignet sich, es \eigt sich an, es warnt. ? — P. 25o, aux
mots Hoffniing ist bei den Lebenden voir notre édit. et ajouter le mot
de Méphisto [Faust. II, 568o der Lebende soll hoffen); — de même,
p. 263, liJse meine Seele min; M. L. pouvait rappeler le vers de Gœthe
« lijsest meine Seele gan:[ » (à la Lune). — Malgré ces remarques,
le commentaire de M. L. est très substantiel; il témoigne d'un pro-
fond labeur, de grandes recherches (voir par exemple la lettre du
bourgmestre de Fulda que M. L. n'a pas hésité à consulter sur un
point obscur; p. 62), d'une finesse, d'une sagacité d'interprétation qu'on
ne saurait trop louer : M. L. s'efforce de tout élucider, de tout expli-
quer, et il y réussit presque toujours. — L'appendice renferme quelques
scènes de l'esquisse et de l'adaptation, les passages relatifs à Got\ dans
les lettres de Gœthe de 1771 à 1774, les variantes de l'édition de 1773,
et de celle de 1828, les fautes d'impression de Tédition de 1787, et, ce
dont nous ne pouvons nous plaindre, sous le titre d'additions un pas-
sage de l'introduction de notre Got^ (qui a paru en même temps que
celui de M. L.) le portrait de Liebetraut, et un certain nombre de nos
notes. — Cette édition est la première d'une collection de classiques
allemands que la librairie Hachette entreprend d'ajouter à ses classi-
ques grecs et latins; elle l'inaugure dignement, et, comme l'a dit un
juge ordinairement sévère \ M. Lichtenberger a rempli sa tâche avec
I M. Edmond Scheier, Temps du 3 juillet.
35o REVUE CRITIQUE
la compétence et la conscience qu'on pouvait attendre de lui.
II. Le Gœthe-J ahrbuch de cette année renferme, sous les rubriques
ordinaires : I Nouvelles commiuiications, i° une poésie inédite de Gœ-
the; 2" dix-sept lettres du poète à divers correspondants (entre autres,
une lettre de Gœthe à Wieland à propos de Bôttiger et de la représen-
tation de VIon et la réponse de Wieland, ainsi qu'une lettre très affec-
tueuse du poète à sa belle-fille Ottilie); 3" une étude de M. Bernhard
Suphan sur Gœthe et le prince Auguste de Gotha ; ce prince était ami
de la France, il recevait la correspondance littéraire de Grimm, il ap-
prouve la Révolution, il est presque jacobin, il souhaite en 1792 la
victoire des patriotes « la rage et la folie de quelques milliers d'hommes
ne peuvent balancer à mes yeux Tintérét que je prends à vingt-cinq
millions » ; il annonce que les alliés n\u"riveront pas à Paris « sine
vulnere et cœde » et qu'ils « ont compté sans leur hôte » ; il s'indigne
des massacres de septembre, mais il ajoute que Louis XVI n'est pas
tout à fait innocent des événements; s'il a payé quelques milliers
d'hommes chez ses bien-aimés frères (allusion à la solde que Louis XVI
envoyait aux gardes du corps à Coblenz), il est assez coupable, il s'est
servi de l'argent du peuple, et contre le peuple. Ses jugements littéraires
sont curieux; il fait semblant d'attribuer à Kant le Biirgergeneral de
Gœthe; il nomme Kant « pater ineptiarum »; il essaie de lire la Criti-
que de la raison pure ou, comme il dit, impure et se casse la tête à la
lecture; « mieux vaudrait être enchaîné six ans sur une galère ». Cette
étude de M. Suphan abonde en détails intéressants ^ ; 4° un récit fait par
la comtesse Henriette d'Egloffstein et communiqué par le comte Ch. de
Beaulieu-Marconnay, de la cour d'amour de Gœthe; les statuts de cette
cour d'amour furent rédigés par le poète (hiver de 180 1 à 1802); elle de-
vait former sept couples bien assortis, jpohlassortirte, Gœthe et M°"
d'Egloffstein, Wolzogen et M»"^ Schiller, Schiller et M'"^ de Wolzogen,
Meyer et M"° de Gôchhausen, etc. M™° d'Egloffstein se plaint vivement
de la gêne et du pédantisme qui régnaient dans les réunions de la petite
société; elle avoue qu'on s'y ennuyait furieusement; bientôt survinrent
des intrigues, des cabales, des brouilles; ce fut alors qu'eut lieu la
grande querelle entre Kotzebue et celui que M""' d'Egloffstein appelle
le dictateur de Weimar; la cour d'amour fut dissoute; 5° Gœthe dans
le cercle d'Isaac Iselin, par M. J. Keller (jugements curieux sur Wer-
ther et informations nouvelles sur les relations de Gœthe avec Bodmer
et l'école suisse) ; 6" témoignages de contemporains de Gœthe et quel-
ques lettres à Gœthe, 1776- 1834 (la plupart tirés des papiers de B()tti-
ger, des lettres de Guschen et de Cotta; très dure appréciation du pein-
tre M aller par Wieland ; extraits de lettres de Knebel à Lavater; projet
de Gœthe, mentionné par Woltmann, de réunir en 1808 un congrès
des hommes les plus distingués de l'Allemagne pour a resserrer par
I. Il faut désormais attribuer à Auguste de Gotha une épigramme sur Don Car-
los que Schœll avait attribuée à Gœthe; tant mieux.
d'histoire et de littérature 3 5 1
tous les moyens les liens de la culture et de la littérature alleman-
des « ; lettres de Hnndeshagen à Gœthe sur ses fouilles, sur l'architec-
ture du moyen âge, sur les Nibelungen) ; 7" extraits des Fourierbiicher
de Weimar, 1775-1784, par M. Burkhard (fêtes, événements remar-
quables de la cour, jours où Gœthe a dîné au palais). — La deuxième
partie de l'Annuaire contient les articles de fonds ou Abhandlu7îgen.
Ce sont ; i" des souvenirs du vieux Weimar, par M. de Beaulieu-
Marconnay (Ottilie de Goethe, rédactrice du journal le Chaos et pré-
sentation de M. de Beaulieu-Marconnay à Gœthe, le 6 août i83i) ; 2° re-
marques sur le vers de Gœthe, par M. Victor Hehn ; il y a dans cet
article beaucoup d'observations importantes, mais aussi beaucoup de
sévérité injuste; l'auteur ne veut pas se souvenir assez que l'hexamètre
allemand n^était pas encore suffisamment assoupli lorsque Gœthe l'em-
ploya; il fait au poète des reproches immérités. Il le blâme, par exem-
ple, de dire ji'efin der Sa.iigling die /irankende ji^eckt ; il faut, selon
lui, Kranke au lieu de Krankende^ mais le poète parle d'une femme
récemment accouchée et en convalescence. 11 traite de cheville le mot
Salchen dans le vers tretet herein in den kinteren Raiim, das kiihlere
Sàlchen; mais Salchen vaut mieux que Saal, car il s'agit d'une chambre
réservée aux amis sur le derrière. 11 se moque de l'adverbe sorgsam
(sorgsam brachte die Mutter des klaren herrlichen Weines), mais ce
vin généreux, précieusement conservé, ce vin qui date de 83, ne faut-il
pas l'apporter sur la table avec précaution et sollicitude; 3° considéra-
tions sur le Faust de Gœthe, par M. W. Scherer; de nombreuses re-
marques pleines de finesse et de savoir sur l'introduction de l'œuvre,
sur les monologues de Gretchen, sur le premier monologue de Faust;
40 sur l'Elpénor de Gœthe, par M. G. EUinger; intéressante hypothèse,
mais assez peu soutenable; 5° sur le deutscher Parnass de Gœthe, par
M. Daniel Jacoby (à peu près les mêmes conclusions que M. E. Lich-
tenberger): 6'^ Gœthe et Goldsmith, par M. Siegmund Lévy: parallèle
qui prouve une lecture patiente des œuvres de Goldsmith, mais ne
prouve pas autre chose; c'est, comme on dit en oXlera^nà^ vom Z aim
gebrochen. — La troisième et la quatrième partie de l'annuaire sont
remplies par des mélanges où il y a beaucoup à prendre et à appren-
dre pour tous les « gœthéens » (parallèles entre le Faust et quelques
passages de Herder par Suphan ; autres parallèles par Schreyer ; Gœthe
et la théorie d'Aristote par Szanto; la poésie de Gœthe, Gejïinden, imi-
tée d'une pièce de vers de Pfeffel, die Nelke^ par Ellinger; le jugement
de Gœthe sur Gùnther très semblable à celui de Gottsched, par Seuf-
fert; Gœthe et Rehberg, par Scherer, etc., etc.), — par une chronique,
par une bibliographie aussi complète que précise ^ En tête du volume
est un beau portrait de Gœthe, peuit par le danois Darbes à Karlsbad,
I. N'oublions pas une innovation; sous la rubrique ans scltenen und vevgesse-
nen Biichern, le recueil publiera désormais des extraits des livres rares et oubliés
oiî il est question du poète et de ses oeuvres.
352 REVCE CRITIQUE
en 1787, pour le comte de Biûhl. On voit, par cette analyse, que ce
recueil lient toujours ce qu'il promettait ; grâce aux soins assidus du
directeur, M. Louis Geiger, et à la collaboration des meilleurs criti-
ques de l'Allemagne, le volume de i885 n'est pas inférieur aux volumes
précédents, et aujourd'hui que le Freies deutsches Hochstift de Franc-
fort prête son concours à ce beau recueil, que les archives de Gœthe à
Weimar sont enfin ouvertes, on peut compter que les volumes sui-
vants auront plus de prix encore ^
III. On est quelque peu désappointé en lisant le petit livre que
M. Schrôer nous donne sous le titre de Gœthe et l'amour. Il ren-
ferme deux conférences; Tune sur Stella, l'autre sur la liaison du
poète et de M^e de Willemer (Suleika). Dans ces deux études, d'ail-
leurs suivies de notes assez nombreuses, l'auteur montre que « l'idéa-
lisme de l'amour est un trait caractéristique de Gœthe, que Tamour Ta
toujours fait poète, jusque dans sa vieillesse, en lui donnant le pouvoir
de transformer la réalité en poésie » en un mot qu'il a toujours prati-
qué le précepte man miiss lieben um ^u dichten (p. 6). Il ne faut ce-
pendant pas aller trop loin ; après tout, comme tant d'autres, Gœthe
aimait aussi pou- aimer; lorsqu'il courtisait à Wetzlar la fiancée de
Kestner, songeait-il déjà à Werther ou se plaisait-il simplement dans
l'intimité de la belle Charlotte? M.Schruer nous dit que Gœthe « savait
ce qu'il voulait, qu'il cherchait passionném.ent l'expérience pour l'ex-
primer dans ses chants, l'expérience du vrai sentiment (p. 29) ; c'est
faire la part trop grande au poète et oublier l'homme; le poète ne ve-
nait qu'après l'homme ; Gœthe aima Lili, non pas pour chanter Lili,
mais parce que Lili lui plaisait ; cette passion fut orageuse et se dénoua
violemment ; Gœthe la mit en vers, il en célébra les péripéties et la rup-
ture ; mais s'était-il dit, lorsqu'elle naquit en lui, qu'il aurait là un beau
sujet de poésie? Non ; il aimait de toute son âme, sans arrière-pensée,
frank iind frei. De même, on disserte beaucoup sur Stella, et
M. Schroer prétend que le poète n'a pas eu l'idée de défendre ou de
combattre la monogamie, mais qu'il s'agissait pour lui du sentiment,
de V Empfindimg, qui devait devenir plus vif et plus profond dans un
monde affaibli et usé!! (p. 16). Croit-on que ce grand amoureux n'ait
jamais aimé en deux endroits à la fois et qu'il n'ait pas envié le cheva-
lier de la légende vivant gaiment entre sa châtelaine et sa Sarrazine?
Voltaire raconte que le landgrave de Hesse eut deux femmes; la land-
grave indulgente lui avait permis d'en avoir une seconde; cet exemple,
ajoute l'écrivain, n'a pas été suivi, la difficulté d'avoir deux femmes chez
soi étant plus grande que le dégoût d'en avoir une seule. Voilà le sujet de
Stella et la pensée de Gœthe. Le poète, a dit M. Mézières, a très nette-
ment exprimé dans Stella une théorie qu'il a mise en pratique toute sa
vie, la revendication de la liberté de l'homme dans ses rapports avec la
I. P. 409, quel est le « Biidaine » qui écrit dans la Revue bleue? Autant qu il
m'en souvienne, l'article sur « Werther journaliste » est signé : Arvède Barine.
d'histoire et de littékatuue 353
femme; c'est Pœuvre d'un amant qui ne se croit guère tenu à la cons-
tance.
IV. L'ouvrage de M. Dûntzer sur les débuts de Gœthe à Weimar
est, comme tous les travaux de Tauteur, un peu long et traînant, trop
farci de critiques dirigées contre Fielitz, Burkhardt, Loeper, trop
bourré de détails insignifiants et de citations de passages connus; la
période que M. D. étudie en plus de deux cenls pages ne comprend
guère que dix-huit mois, de décembre 1774 au 28 juin 1776, du jour
où Knebel présente le jeune poète à Charles-x^uguste jusqu'à l'entrée
de Gœthe au Conseil. Toutefois M. a consulté les Fow'ierbucher de la
cour, les comptes de Bertuch et autres documents inédits ou très peu
connus. Il publie une lettre de Frédéric Stolberg qui se réjouit de venir
à une cour où il y a tant de braves gens (p, 5.4) ; il insiste sur l'accueil
que fit au poète la société de Weimar, sur la passion naissante de Gœthe
pour Mme de Stein, sur l'apparition fugitive de Lenz et de Klinger, sur
la vie du poète dans son jardin et à la cour (Garîen-iind Hoflcben), sur
sa brouille avec Klopstock, etc. ; il reproduit à la fin de Touvrage, d'a-
près le manuscrit de M"^ de Stein, la petite pièce de Ryno ; p. 170,
lire Guibert et non « Guilbert. »
V. La nouvelle édition du Catalogue d'une bibliothèque de Gœthe,
publiée par M. Louis Hirzel, a reçu l'accueil qu'elle méritait; on ne
peut que louer l'éditeur et le remercier de mettre à la disposition du pu-
blic ce précieux recueil. Le savant libraire Salomon Hirzel avait
fait, comme on sait, une collection absolument complète de toutes les
éditions des œuvres de Gœthe, journaux, revues, brochures, livres, etc.,
(collection léguée à la Bibliothèque de l'Université qui la possède de-
puis 1877). Il en avait dressé et fait imprimer le catalogue à diverses
reprises, en 1848, en iS62,en 1874; mais ce catalogue, sans lequel on
ne peut étudier sérieusement l'œuvre de Gœthe, n'avait pas été mis dans
le commerce; il n'avait été donné qu'à des amis, et les exemplaires qui
apparaissaient de temps en temps dans les ventes, se vendaient à un prix
fort élevé. Le fils de Salomon, M. Henri Hirzel, le chef actuel de la
librairie de Leipzig, s'est décidé à publier le catalogue paternel; mais,
au lieu de réimprimer purement et simplement le catalogue de 1S74,
il l'a complété — en tenant compte des suppléments donnés depuis par
M. W. de Biedermann — et Ta poussé jusqu'à la fin de 188 3 ; on y voit
figurer, par exemple, les éditions de la collection Seuffert, le Gnt^ de
M. Baechtold, les poésies publiées par Loeper, et tous les Gœtheana si
nombreux publiés dans ces dernières années. (Pourquoi n'avoir pas cité
les éditions du Fragment de Faust de Holland et de Seuffert parues en
1882?) Il s'est adjoint, pour tenir le catalogue au courant, son parent,
M. Louis Hirzel, professeur à l'Université de Berne et auteur d'un re-
marquable travail sur Haller, dont il a été rendu compte ici-même. Les
deux Hirzel se sont efforcés de tout connaître et de tout indiquer; ils
n'ont même rien épargné pour devenir les possesseurs de tous les exem-
354 REVUE CRITIQUE
plaires de revues et d'ouvrages que la collection de l'Université de Leip-
zig n'avait pas encore; ils n'ont voulu citer que ce qu'ils avaient sous
les yeux et ne se sont fiés à personne pour rédiger les nouvelles fiches.
Grâce à cette collaboration et à ces recherches si exactes et si persévé-
rantes, le nouveau Catalogue, d'ailleurs très correctement imprimé, est
plus que jamais un livre indispensable à tous les Gœthe-Forscher
VI. La librairie Spemann, de Stuttgart, édite depuis bientôt deux ans
une collection sur laquelle nous reviendrons encore et qui porte le titre
de collection de la littérature nationale allemande (deutsche National-
Litteratur). Elle est dirigée par M. Kûrschner et mérite de grands élo-
ges, tant par l'élégance de l'impression que par le soin donné aux textes,
par ses copieuses introductions, par ses commentaires aussi instructifs
qu'abondants. A cette collection d' a éditions historiques et critiques »
iippartiennent les six volumes suivants.
I et 2. Les drames, dont deux volumes ont déjà paru (il y en aura
six). Ils sont publiés par M. Schrôer, qui les a divisés en douze groupes :
1° Bekenntnisse ; 2° Puppenspiele, Fastnachtsspiele, Satiren; 3° Sing--
spiele; 4" drames historiques en prose ; 5" drames en iambes; 6° frag-
ments de caractère antique ; 7° drames de la Révolution : 8° traductions ;
g° Festspiele ; 10° Theaterscenen; 11° Theaterreden; 12^ Masken:{uge.
Il eût peut-être mieux valu adopter l'ordre chronologique ; les divisions
fixées par M. Schroer sont bien nombreuses, et, quoi qu'il fasse, chacun
de ses six volumes n'aura pas un caractère propre et déterminé. Mais
les deux premiers tomes de cette collection des œuvres dramatiques de
Gœthe méritent d'être consultés et lus; le premier contient sous le titre
Bekenntnisse : « Le caprice de l'amant », « les complices », « Stella »,
« le frère et la sœur )> et sous la seconde rubrique désignée plus haut le
Pater Brey, Satyros, Hanswursts Hoch^eit, etc., ainsi que les satires
« Gutter, Helden und Wieland y^u der Triumph der Empfindsamkeit »,
die Vogel ; le second renferme les opérettes, Enpin und Elmire, Clau-
dine von Villa Bella, Lila, Jery und Biltely, etc. Les introductions de
M. Schroer sont très détaillées (origine de l'œuvre, sources, représenta-
tions, influence, rapports avec les événements de la vie de Gœthe)
et l'auteur a tiré profit de tous les travaux publiés dans ces derniers
temps sur chacune de ces pièces. Le second volume, consacré aux opé-
rettes, est précédé d'une longue étude sur Gœthe et la musique, et offre
au lecteur la reproduction d'une aquarelle de Kraus qui représente la
Pêcheuse dans le parc de Tiefurt '. M. Schrôer donne l'une après l'au-
tre les deux versions d'jE'ry/m et Elmire et de Claudine de Villa Bella ;
il signale dans les notes les variantes du manuscrit de Jery et Biitely
trouvé et publié par M. W. Arndt ; son commentaire est très varié; il
n'est pas aussi complet que celui du Faust qu'il a publié il y a quelque
temps chez les éditeurs Henninger de Heilbronn, mais il témoigne d'un
soin patient et il sera utile.
I. 87° et 88' volumes de la collection Spemann.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 3dj
3, 4, 5 et 6. M. Duntzer entreprend dans la même collection une
nouvelle édition des Poésies de Gœthe, du Faust, et des poèmes en
hexamètres K Nous nous bornerons à signaler ces quatre volumes oîi
M. Duntzer réédite presque toujours les observations qu'il a semées en
si grand nombre dans ses travaux précédents sur Goethe -. Ajoutons
toutefois qu'un seul volume contient la première et la seconde partie
du Faust et qu'on trouve dans un même tome Hermann et Dorothée,
VAchilléide, Le Juif errant, (assez singulièrement rangé parmi les poè-
mes épiques) et Reineke Fuchs. Les introductions de ce dernier volume
sont fort détaillées et M. D. y traite très amplement de la date de la
composition des poèmes, de leur genèse, de leurs éditions et traductions ;
il n'oublie pas de parler des épopées qui ne furent qu'à l'état de projets,
comme Guillaume Tell; à propos de VAchilléide, il cite Popinion de
Cholevius, de Hettner, de Bernays, etc. ; il regrette, et il a raison, que
Goethe n'ait pas terminé ce beau poème qui ne mérite pas le dédain de
la critique et que M. Scherer a si bien loué tout récemment ; il montre
que l'écrivain consulta à la bibliothèque de Weimar l'édition du de bello
Trojano du prétendu Dictys de Crète par Perizonius. Le commentaire
de VAchilléide est très savant et contient de nombreux rapprochements
avec V Iliade ; cûm dw Juif Errant renferme une quantité de remar-
ques sur la langue ; celui du Reineke Fuchs montre les changements
que fit Gœthe à l'original et à la traduction de Gottsched. Je me per-
mettrai deux remarques sur les notes de M. Diintzer : i" dans le
chant I^"" de Hermann et Dorothée, v. 56, il est question d'une voiture
faite à Landau-, tous les commentateurs sans exception et jusqu'au
Conversations lexicon répètent à ce propos que cette voiture prit ce
nom à l'occasion du siège de Landau en 1702 où se présenta l'empereur
Joseph I"; il faut dire en 1704 et observer que Joseph n'était alors que
roi des Romains (cp. Voltaire, Siècle de Louis XIV, XIX); 2° dans le
chant V, v. 100, à propos du beau vers « des princes fuient déguisés
et des rois vivent en exil » ; M. Duntzer remarque « das ist doch ûber-
trieben ». Et les électeurs ecclésiastiques, et le comte d'Artois, et Mon-
sieur qui prenait le titre de Roi depuis la mort de Louis XVII ! Que
M. D. se rappelle les vers de Herder dans l'ode à la Germanie : Hijfe
schiit^en dich nicht (ihre Magnaten fliehn)..., Inful und Mitra nicht ^.
6. M. Rud. Steiner s'est chargé de publier dans la même collection
les œuvres scientifiques de Gœthe et vient de donner le premier volume.
L'introduction qui comprend près de quatre-vingt pages, expose avec une
grande clarté la genèse de la Métamorphose des plantes^ et retrace les
1. Poésies, vols. 82 et 83; Faust, vol. gS; poèmes épiques, vol. 86 de la col-
lection.
2. Le commentaire des Poésies est incomplet et souvent bizarre; 1, p. 143. liebst
du midi noch so hoch und sehr ; M. Duntzer propose helir au lieu de selu\ et ce,
parce que Gœthe dit ailleurs die eivigen Gefûhle heben mien hoch und hehr !
3. P. 36, note, lire Psalm., 17, 8 et non 17, 38; p. 48, note, lire Turni, v, i^b-
et non 148.
356 RKVUE CRITIQUE
études anatomiques de Gœlhe, ses recherches sur Pexistence de l'os in-
termaxillaire supérieur, l'accueil que firent les savants à ses découvertes ;
selon M. Stciner, Gœthe est le Copernic et le Kepler du monde orga-
nique. Ce volume, que deux autres suivront, renferme, outre un index
très utile, tous les écrits du poète qui peuvent être rangés sous la rubri-
que iiber die Bildung luid Umbildung organisdier Naturen : la Méta-
morphose des plantes, Histoire de mes études de botanique, Essai d'une
ostéologie comparée. Dissertation sur Geoffroy Saint-Hilaire, etc. *.
VII. Signalons enfin une édition a Hermann et Dorothée par M. Keck;
elle fait partie d'une collection que publie la librairie Perthes de Go-
tha et qui renferme, outre le travail de M. Keck, une remarquable édi-
tion du Guillaume Tell de Schiller par M. Kallsen; M. Keck a repro-
duit à la fin du volume les jugements de Schlegel et de Humboldt; ses
notes sont bonnes, mais en trop petit nombre". Chant VI, v. io8;
pourquoi veut-il à tout prix que les maraudeurs qui attaquent la ferme
où vit Dorothée, soient des soldats français? (natûrlich franzôsische
Marodeurej. Le poète n'indique pas du tout la nationalité des pillards
et il est bien plus probable que ces oiseaux de proie appartiennent au
voisinage ; Goethe a plus d"'une fois introduit dans ses récits de ces
malandrins qui ne sont ni de Tun ni de l'autre parti et qui profitent
des troubles politiques pour se former en bande et attaquer les maisons
isolées (cp. Wanderjahre, i, 2 gefahrliche Rotten von verlaufenem Gesin-
del]\ chant V, v. 140, (sie denken immer das Let:{te] l'interpréta-
tion de das Lei:[te par novissimum est inadmissible; le poète veut dire
que les hommes poussent tout à l'extrême, qu'ils ne savent pas biaiser,
prendre des détours, « verspilten und umgehen, » comme fait la femme.
A. Chuquet.
201. — Les* gueri-es somb E^ouîa X"V, par le comte Pajol, général de division.
Tome III, 1740-1748. Italie, Flandre. Paris, Firmin-Didot, 1884. Ia-8, 6o5 p.
Le comte Pajol poursuit activement son histoire des guerres du rè-
gne de Louis XV. Ce troisième volume nous semble même supérieur
aux deux tomes précédents; l'auteur s'en tient strictement aux opéra-
tions militaires et laisse absolument de côté la diplomatie et la pure
politique. 11 traite dans la première partie des campagnes d'Italie (Coni,
Bassignano, Plaisance, invasion de la Provence, insurrection de Gênes,
affaire de PAssiette) et dans la seconde, des campagnes de Flandre (Fon-
îenoy, Rocoux, Lawfeld, Berg-op-Zoom, Maestricht). Le récit est tou-
jours aussi détaillé, aussi complet ; les marches des corps d'armée sont
indiquées avec la plus minutieuse exactitude. Mais le mouvement et la
j . 1 14« volume de la collection Spemann.
•2. « Mit kurzen Erklœrungen fur Schule und Haus », dit le sous titre de la col-
lection.
d'histoire et de littérature 357
vie font défaut. Çà et là quelques erreurs. OU l'auteur a-t-il lu que l'é-
lecteur de Bavière invoquait « les anciens droits consacrés dans le
xvi'^ siècle par l'empereur Ferdinand? » (p. 3 18). Pourquoi n'a-t-il pas
consulté le journal de Cliarles VII récemment publié par M. Heigel?
Pourquoi écrit-il Titssen au lieu de Ftissen et Brauii au lieu de
Browne, Wolfembutel et Wolfenbutel au lieu de Wolfenbûttel '? II
raconte la mort du chevalier de Belle-Isle qui agitait un drapeau au
pied des palissades et « tirait encore du bois avec ses dents » lorsqu'il
reçut le coup mortel, et rappelle à ce propos la mort de Cynégire
(p. 260); ne sait-il pas que ce dernier fait est invraisemblable? Cyné-
gire, dit Ernest Curtius (Hist. grecque, II, 25o) eut la main coupée au
moment oii il escaladait le bord d'un navire, et retomba dans la mer.
Mais il y a dans cet ouvrage tant de renseignements, tant de matériaux
utiles, qu'il vaut mieux louer le labeur infatigable de M. Pajol. Si son
récit de Fontenoy ne vaut pas celui de Voltaire, il nous apprend qu'un
capitaine du régiment de Touraine, du nom d'Isnard, indiqua le
moyen de prendre en écharpe la fameuse colonne anglo-hanovrienne
(p. 385). Le quatrième volume a paru ; le cinquième est presque
achevé ; le sixième sera consacré à l'organisation de l'armée et à ses rè-
glements et ordonnances de 171 5 à 1774; les cartes seront publiées
avec le cinquième volume.
C.
202. — 181 rS. E^etts'o d'un cnpitaisio de cuis>assîci*»i snv 1« onnipagiie
do Itussîe, publiée par M. J. A. Léher, professeur de philosophie au collège
d'Autun. Paris, Baranger, rue Lafayette, i32 et Poitiers, rue de La Regratterie,
3o. Petit in-8, VI-G2 p.
Cette lettre, datée de Hildesheim en 181 3 et adressée par le capi-
taine de cuirassiers, Jean Bréaut des Marlots, (hameau de la Nièvre), à
sa sœur Manette, est intéressante; M. Léher qui l'a découverte, la pu-
blie dans un petit opuscule de l'aspect le plus coquet ; il en a respecté
scrupuleusement le texte et il laisse à l'original toutes ses incorrec-
tions \ Le capitaine raconte qu'il assista à la bataille de la Moskovva
sous une pluie de boulets (p. 17-19). Il est entré à Moscou, et à la vue
de cette ville, il a éprouvé « un certain je ne sais quoi qu'il a ressenti
souvent et ne peut définir. C'était si loin de mon pays! Nous croyions
aussi que c'était le terme de nos maux » (p. 22-23). Il décrit Moscou,
le Kremlin, l'incendie, la retraite, la poursuite des Cosaques qu'il charge
1. Cp. encore Philippstat pour Philippstadt ; Konigscck pour Kœnigseck; Har-
rack pour Harrach ; M. Bviihl pour M. de Brûhl.
2. M. Léher nous dit dans sa préface qu'il « transcrit les noms propres tels qu'ils
sont, quitte à donner dans les notes une orthographe plus conforme à notre usage. »
Il fallait donc, p. 44, oi:i il est question du comte de « Lobeau » mettre une note
— que M. Léher a oubliée — sur le général Mouton, comte de Lobau.
358 REVUE CRITIQUE
avec une héroïque bravoure, les souffrances de l'armée (p. 46-47), l'ar-
rivée à Smolensk. Malheureusement la lettre, ou mieux le mémoire,
par suite de la perte d'un ou de plusieurs feuillets, s'arrête au passage
de la Bérézina.
VARIÉTÉS
Voltaire et le cardinal Quirini» d'après des documents Inédits.
Un livre qui résumerait les enquêtes de Pérudition non française sur
la prodigieuse activité de Voltaire ne saurait omettre Tltalie. Un lettré
pisan, M. Félix Tribolati, en deux brochures à peu près introuvables \
a étudié à la lumière de documents inédits (reproduits par M. Moland
dans son édition) les rapports de Voltaire avec le pape Lambertini (Be-
noit XIV), avec le cardinal Passionei, avec Goldoni, Métastase, Maffei,
François Algarotti, Casanova, Gamerra, Albergati, etc.; il a enregistré
les appréciations très diverses dont Voltaire a été l'objet au-delà des
Alpes comme ailleurs; enfin, il juge la prose italienne de notre compa-
triote non médiocre, parfois même excellente.
J'ai rencontré en 1882, à la Fundazione Quirini-Stampalia, à Ve-
nise, au cours d'une mission scientifique, quelques documents qui ne
seront pas inutiles à ce chapitre de Voltaire à l'étranger : le chevalier
Morbio signale d'autres pièces dans des collections plus ou moins ac-
cessibles et parfois dispersées. Si je puis publier les présentes pages, je
le dois à M. le professeur Antoine Favaro qui a su triompher de cer-
taines difficultés réglementaires et à l'excellent abbé Dom Leonardo
Perosa qui, avec une patience toute bénédictine, a pris la peine de co-
pier pour moi les précieux papiers.
Voltaire écrivit au cardinal Quirini quinze lettres dont quatorze sont
imprimées dans l'édition Moland et dont douze se trouvent autographes
ou copies authentiques à la bibliothèque Quirini-Stampalia.
Le 17 août 1745, il lui envoie son poème de Fontenoy avec de gra-
cieux compliments en italien, comme : « J'ai toujours dit que les Fran-
çais et les autres peuples doivent à Tltalie tous les arts et toutes les
sciences, etc. » Le cardinal traduisit en latin quelques vers du poème :
remercîments chaleureux du poète; il a lu cette version en revenant
de Fontainebleau avec la marquise du Châtelet « qui entend Virgile et
I. Vol/aire e l'Italia; Pisa, tipografia Ciii, 1860, 68 pp. 8°. — SulV epistolario
italiano dcl Voltaire accademico délia Crusca studio; Pisa, lipografia T. Nistii e
c. 1878, 49 pp. 8". — L'Ultnno Volume dclle Opère di Voltaire, Jettera al Sig.
Prof. C. F. Gabba 1862. Ci.— La Provincia di Pisa, o" du 3i oct, 1878 et Fanfulla,
délia Domenica, 4 sept. 1881.
d'histoire et de littérature 359
vous aussi bien que Newton. » (Lettre du 24 octobre et non du 25 oc-
tobre 1745 comme il est imprimé).
Le cardinal Quirini lui envoie la vie du cardinal Polus, préface d'un
volume de la correspondance de ce prélat : compliments hyperboliques
de l'historiographe de France; l'autographe offre ce titre après la signa-
ture et quelques variantes. Ainsi les éditions présentent : « Dica ella di
grazia quai arte quai incanto pone Ella in uso per condire con tanti
vezzi tanta e cosi varia dottrina e per adornarie di questa finitura di
composizione, in cui non appare l'arte, ma sopra tutto la facilita dello
i stile et la vera et soda eloquenza. » Il faut lire : « M.afanno tutto la
facilita élégante del stilo e la nuda e sola eloquenza. » L'imprimé pré-
sente deux lignes plus loin : « Ella da ad un tratto a questo célèbre
inglese ed a se stessa l'immortalita del mundo letterato » ; « l'immor-
talité du monde lettré » est un un non-sens; il faut lire avec l'autogra-
phe « dans le monde lettré » « nel mundo letterato. » (7 novem-
bre 1745).
Le cardinal lui envoie une lettre pastorale : nouveaux compliments;
variantes insignifiantes (3 février 1746). Le 11 avril et non le 12 avril
comme il est imprimé, nouveaux compliments. Le 8 mai avec variantes
insignifiantes, remercîments pour une traduction latine et italienne du
commencement de la Henriade : il vient d'être nommé membre de
l'Académie française.
Le I" juin 1746, il annonce au prélat qu'il vient d'être attaché à
I l'académie délia Crusca. De cette date au 3 janvier 1749 — date d'une
! lettre de remercîments pour l'honneur que lui fait le cardinal d'accepter
la dédicace de Sémiramis — sans doute nombre de lettres égarées. La
Bibliothèque Quirini n'en possède qu'une seule de cette série, celle
dans laquelle il demande l'autorisation de dédicace ;
I A Lunéville. à la cour du roi Stanislas,
■ Ce 28 septembre [1748].
Emmen\a,
Ho fatto rappre:{entari'. ' una tragedia nel giisto greco e benche i
Francesi sianomolto francesi, il gusto antico a rhiscito assai. Qiiesto
successo mi da la confidei^a di dedicar le la niia tragedia : ne do-
mando la licen^a a Vra Excellen:{a e le bacio iimilniente le sacre mani
che hanno scritto tante belle cose.
Di Vra-Emin\<^
Votre Eminence peut il devot"^^ ed iimiV^^o servitore
m' honorer de sa réponse Voltaire.
à Paris.
Le 16 février 1749, il envoie au cardinal le brouillon de sa dédicace
ou plutôt de la Dissertation sur la tragédie ancienne et moderne qui
précède Sémiramis dans toutes les éditions et lui demande des avis ;
j. Le 29 août 1748.
360 REVUE CRITIQUE
l'autographe ace post-scriptum : la siipplico di scrivennî sotto il pi-
glio di M. de la Reinière, fermier général des postes de France J'ai
retrouvé ce brouillon à la Bibliothèque Quirini et il faut que les criti-
ques du cardinal aient été assez nombreuses, car il diffère passablement
de la rédaction définitive : c'est un carnet de 26 feuillets dont 2 blancs,
in-4'', en papier de fil un peu fort : les 48 pages écrites portent des cor-
rections de la main de Voltaire. Une description de toutes les particula-
rités du manuscrit ne pourrait trouver place que dans une édition
critique de Voltaire. Voici seulement un passage qui n'a pas été
imprimé : il doit être placé avant les deux premiers paragraphes de la
première partie :
La nature de itotre langue très favorable à la déclamation ordinaire,
ne l'est point du tout à la musique. Nous avons des rimes brèves et des
rimes longues qui font un effet très mélodieux sur le théâtre où l'on
récite la tragédie et la comédie. Ces rimes brèves et longues sont ce
qui fait croire au public et même à la plupart des auteurs que nous
avons des vers de trei:[e syllabes et des vers de dou:{e syllabes : elles
s'y rencontrent, il est vrai, si on les compte. Mais elles n'y sont pas
pour l'oreille. Tous nos vei's de tragédie sont de dou:{e syllabes.
Qu'on récite, par exemple, les quatre premiers vers de la tragédie
que fay l'honneur de vous présenter :
Ouy, Mitrane, en secret l'ordre émané du trône.
Rappelle entre tes bras Ar:;ace à Babylone.
Que bénis soient les dieux dont mon cœur suit les loix
Je retrouve un amy dans le palais des rois!
Il ne faut pas croire que les deux premiers vers soient comptés pour
treize syllabes : trône et lone. forment chacun une seule syllabe : mais
elle est plus longue, plus sonore, plus soutenue que les deux suivantes
loix et rois. On doit mettre à prononcer ces finales longues le double
du temps qu'on met à prononcer les finales brèves, c'est à qiioy man-
quent tous les acteurs médiocres : c'est ce que les bons font sentir et
ce qui n'échappe jamais aux oreilles délicates. Je dis donc que ce mé-
lange de finales longues et brèves fait un effet admirable dans la dé'
clamation ordinaire, mais qu'il en fait un insuportable dans notre
musique; car dans notre déclamation les finales longues gloire, vic-
toire, descendre, entreprendre ne font jamais qu'une seule syllabe
qu'on prononce d'une manière soutenue et harmonieuse, sans trop faire
sentir la voyelle e qui les termine et voila pourquoi cet e est appelé
muet : c'est qiCil est contre les règles de la langue de le prononcer.
Notre musique en cela malheureusement contraire à la nature et au
génie de la langue exige que cet e qui revient de deux vers en deux
vers soit prononcé avec une uniformité fatigante et avec un son dur et
grossier ; on le prononce eu : on chante gloir eu, victoir eu, descendr
eu, au lieu de gloir, victoir, descendr. Cette répétition continuelle des
e muets qui ne doivent jamais être sentis dans le discours est un def-
d'histoike et de LITTÉRATUKK 36 I
faut radical et essentiel dans nos chants. Il n'est souffert che:;^ nous que
par l'usage qui rend tout tolérable et il révolte toutes les nations sans
exception.
L'Eminence a-t-elle jugé ce développement trop élémentaire ? Quoi-
qu'il soit, à la date du 2 3 avril 1749, nouveaux compliments sur des
vers composés par un jeune parent de Quirini auxquels le cardinal
aura sans doute touché un peu et citation de ces vers de Virgile (Enéide,
IV, 93) que Voltaire met dans la bouche de Didon :
Egregiam vero laudem et spolia ampla referiis,
Tiique puerque tuus.
L'imprimé dit : Junon : et il a raison cette fois.
Le 7 janvier 1752 (encore une lacune dans la correspondance) Vol-
taire envoie en tête d'un billet sur la mort d'un comte de Rotembourg
employé par le cardinal, ces vers bien connus, datés de ijbi dans
toutes les éditions :
Eh quoi? Vous voulez que je chante
Ce temple orné par vos bienfaits
Dont aujourd'hui Berlin se vante?
On lit également dans les éditions :
Cette haine dont sans scrupule
S'ijrme le dévot entêté
Et dont se raille l'incrédule.
Il faut lire s''armait et raillait : il est singulier qu'on ait corrigé l'au-
tographe en un sens qui ne pouvait que blesser le Cardinal et par con-
séquent bien invraisemblable sous la plume spirituelle de Voltaire. La
première édition de cette pièce est une plaquette de trois feuillets inti-
tulée : Epitre I DE I Monsieur de Voltaire | au Cardinal | de Quirini \
1752. J'en ai vu un exemplaire dans le tome II de la correspondance de
Quirini possédé autrefois par la Société des Bibliophiles français, au-
jourd'hui à la Bibliothèque nationale (ms. ital. 5 12, p. 37) : cette plaquette
imprimée parles soins de Quirini présente : s'armait, raillait. Je noterai
en terminant qu'une copie de la lettre de Voltaire avec cette date du
7 janvier 1752 accompagne un exemplaire de la même plaquette dans
un manuscrit de la Bibliothèque Quiriniana de Brescia.
Si menus que soient ces résultats, je ne les crois pas inutiles au point
de vue général. Une critique scientifique d'un écrivain ne pourra ja-
mais'consister qu'à étudier sa phrase ', à en noter les rythmes ordinaires,
à rapprocher ces rythmes artificiels du rythme naturel de son langage,
c'est-à-dire de ses lettres familières. Si cet écrivain écrit dans une langue
étrangère, on retrouvera sous cet habit exotique les directions ordinai-
res de sa pensée; elles y seront même plus sensibles ainsi qu'il arrive
pour les lettres italiennes de Voltaire. On sent combien les moindres
1. Voir l'Introduction à mes Principes d'Esthétique mathématique et expérimentale
(Revue contemporaine, 25 août 85).
302 REVUE CRITIQUE
billets et surtout les moindres billets écrits en langue étrangère sont
précieux à l'analyse de la pensée d'un écrivain de race.
Charles Henry.
P. S. Une gracieuse communication de M. Félix Tribolati me per-
met de compléter une page de l'Iconographie Voltairienne de M. Des-
noiresterres. Il ne s'agit plus du cardinal Angelo-Maria Quirini, mais
d'un sénateur vénitien du même nom qui visita Voltaire à Ferney en
1777. La relation italienne de cette visite se trouve dans un Journal de
voyage fait par S. E. M. Ange Quirini, dicté par le D^ Jérôme Fes-
tari son médecin et publié par Emmanuel Cicogna en i835 à Venise à
l'occasion du mariage d'une Quirini avec un Zeno. Ce sénateur fit faire
en 1773 un médaillon de bronze allié d'argent de 2 livres et 8 onces et
demie vénitiennes. Sur Tendroit : Voltaire en profil avec ces mots :
Mar. Fran. Arouet de Voltaire Venetils mdcclxxiii. Sur le revers une
femme à cheval, emblème de la Philosophie avec un caducée, foulant aux
pieds la Superstition sous la forme d'un dragon avec ces mots en exergue :
Exaequat Victoria coelo. D'après Festari, Tinventeur serait S, E. Ange
Quirini et l'exécuteur le célèbre Locatelli : Festari ajçute qu"'on a tiré
de ce médaillon une estampe avec quelques variantes à Venise en 1773 :
et que cette estampe fut présentée au partriache par le seigneur véni-
tien. Or, M. Desnoiresterres signale au-dessous et en dehors de l'estampe
Voltaire et le religieux une médaille avec son revers, représentant
saint Michel sur un cheval ailé, le bras armé du caducée et terrassant le
dragon : « en exergue : exequat Victoria coe/o; dans le bas au-dessus
du petit module : Locatellusfec. sur le revers, au milieu : Voltaire et
en exergue : omnia tanquam singula absolvet : a droite sur le cadre :
Joseph Lantescul. à la manière noire (H. o"' 45. L. o™ 29). » C'est évi-
demment Testampe tirée du médaillon du sénateur Ange Quirini et ce
médaillon n'a pas été, que je sache, cité en France.
CHRONIQUE
FRANCE. — Poésies inédites des troubadours du Périgord.— Je ne suis pas assez
compétent pour me permettre de parler ici, même en passant^ du recueil publié sous
ce titre par M. Camille Chabaneau (Paris, Maisonneuve, i885, in-S" de m-62 p.). Je
voudrais seulement reproduire dans cette Revue, que lisent tous les philologues, le
vœu exprimé en termes si pressants et si persuasifs par le savant professeur de
Montpellier (p. ii-iii) : « Cette liste [la liste des troubadours originaires du départe-
ment de la Dordogne] est, telle qu'elle est, la plus riche qu'on puisse dresser dans
un département de la langue d'oc, car elle comprend, outre plusieurs poètes dis-
tingués dans les rangs secondaires, comme Aimeric de Sarlat, Elias Cairel, Guilhem
de la Tour, quatre des plus illustres d'entre tous les troubadours, et dans ces qua-
o'histoire et de littérature 363
tre, les trois précisément qui sont cités par Dante comme les maîtres de l'art dans
chacune des grandes divisions de la poésie lyrique qu'il établit, à savoir : Arnaut
Daniel, Bertran de Born et Giraut de Borneil. Ce n'est pas un mince sujet de gloire
pour le Périgord que de compter au nombre de ses enfants des poètes ainsi placés
au sommet du Parnasse provençal par leur grand émule de Florence. Mais ces trou-
badours, qui jetèrent autrefois tant d'éclat sur notre province, nous les oublions
trop aujourd'hui. Soyons fiers, comme nous devons l'être, de Montaigne et de Fé-
nelon, de Bugeaud et de Daumesnil. Je salue avec respect et avec une émotion pa-
triotique les statues de ces hommes illustres; mais je souffre de ne pas voir à côté
d'elles un monument qui rappelle aux générations nouvelles des gloires bien plus
anciennes. Je voudrais qu'on érigeât sur une des places publiques de Périgueux une
statue à Bertran de Born, et que, sur les faces du piédestal, cinq bas-reliefs de mar-
bre ou de bronze reproduisissent l'image (l'image conventionnelle, telle que les
mss. nous la donnent, à défaut du portrait) d'autant d'autres troubadours, de façon
que chaque arrondissement de la Dordogne y fut représenté : Périgueux, par Giraut
de Borneil; Nontron, par Arnaut de Mareuil; Ribérac, par Arnaut Daniel; Sarlat,
par Elias Caire!, et Bergerac par Sail d'Escola ou Pierre de Bergerac. Un pareil mo-
nument, surtout si la Corrèze, s'associant à la Dordogne, y réclamait une place pour
ses propres troubadours, ferait de Périgueux la ville sainte de la langue d'oc, la
Mecque où tout bon provençaliste, comme tout bon félibre, voudrait aller, une fois
au moins dans sa vie, en pèlerinage. Puisse le vœu que j'exprime ici être entendu
de ceux qui ont le pouvoir de le réaliser, je veux dire des membres des divers corps
élus, conseils généraux, conseils d'arrondissement, conseils municipaux, sociétés sa-
vantes de la Dordogne et de la Corrèze. Une souscription publique dont ils pren-
draient l'initiative, et, au besoin, une loterie, qu'ils obtiendraient certainement l'au-
torisation d'organiser, produiraient sans doute la somme nécessaire à l'exécution du
monument que je rêve pour glorifier dignement, avec le pays qui leur donna le jour,
ces pères et ces premiers maîtres de la poésie lyrique des nations modernes. Puissé-
je ne pas mourir avant d'avoir vu, au milieu d'une députation, présidée par Frédéric
Mistral, de tous ceux qui, de Bordeaux à Nice, des Baléares à Clermont-Ferrand,
parlent notre langue; de tous ceux qui, dans le monde civilisé tout entier, en font
l'objet de leurs études, inaugurer ce monument! » — T. de L.
— Tahureaiipar M. Henri Chardon. — M. H. Chardon constate, dès les premiè-
res lignes de son élégante brochure (La vie de Tahuveau. Documents inédits sur
sa famille, son mariage et V Admirée. Paris, A. Picard; Mamers, Fleury et Dangin,
i885, grand in-S» de 76 p.), que le Maine « a fait bien peu jusqu'à ce jour, pour
mettre en relief une des plus attrayantes figures poétiques » du xvi° siècle, « celle
de Jacques Tahureau, un des vaillants, qui dès la première heure de la renaissance
poétique en France entra dans la brigade de Ronsard, et fut l'émule de Du Bellay,
de Baïf, d'Olivier de Magny et de Jean de la Péruse «. Il a réuni, d'après des docu-
ments conservés soit à Paris (Cabinet des titres), soit en province (cabinet de
M. l'abbé Esnault), de nombreux et curieux renseignements sur les Tahureau, qui
étaient Angevins d'origine, et dont la noblesse provient peut-être de la possession
de la terre noble de la Chevalerie située dans la paroisse de Jarzé; sur la mère du
poète, Marie Tiercelin, fille de Louis Tiercelin, lequel résigna son office de lieute-
nant du sénéchal du Maine à son gendre Jacques Tahureau, et parente du grand
Ronsard; sur la femme du poète, Marie Grené, « fille d'honorable homme Jean
Grené et de demoiselle Guillemette Barbât, sa veuve, demeurant dans la ville de la
Charité, au diocèse d'Auxerre ». Quant à Vamie de l'auteur des Mignardises, tant
célébrée par lui sous le nom de V Admirée, M. Chardon, qui a si heureusement de-
364 REVUE CRITIQUE d'hISTOIRE ET DE LITTERATURE
viné tant de difficiles énigmes, n'a pu nous la faire connaître : il a, du moins,
montre combien est contestable ce qui en a été écrit par ses devanciers, notamment
par MM. Prosper Blanchemain, de Clinchamp, B. Hauréau. Trois bonnes nouvelles,
en finissant : le sagace critique promet (p. 76) de s'occuper prochainement de Baïf,
de Joachim du Bellay et surtout de Robert Garnier, « la vraie gloire littéraire du
Maine, le précurseur de Corneille ». — T. de L.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 3o octobre 188 5.
M. Hauréau communique quelques passages d'une lettre de S. M. l'empereur du
Brésil, qui le charge de témoigner à l'Académie combien il a été sensible à la nou-
velle de la mort de M. Egger. L'empereur n'oubliera jamais, dit-il, ses savantes con-
férences à la Sorbonne et son aimable entretien.
M. Alexandre Bertrand présente à l'Académie deux haches de chloroménalite, dé-
couvertes à Quiberon, entre le Sémaphore et Saint-Julien. Ces deux haches sont
des plus belles et des plus grandes que l'on connaisse. Elles ont été trouvées à o'"20
seulement de profondeur, près d'une grande pierre inclinée qui avait sans doute
servi primitivement à recouvrir la cachette. L'une mesure o'^'i'6 de longueur, l'au-
tre o'"29. Elles appartiennent à M. Hardy, entrepreneur à Nantes, chargé de travaux
importants à Quiberon. J'ai cru, dit M. Bertrand, que ces deux beaux spécimens
de l'art, à l'époque où les haches de pierre étaient en honneur, étaient dignes d'être
présentés à l'Académie.
M. le docteur Hamy présente à l'Académie une carte marine de l'an 1449, œuvre
du cosmographe majorcain Gabriel de Vallsequa, qui jouissait au xv^ siècle d'une
réputation considérable. Une de ses cartes, datée de 1439, avait été payée i3o du-
cats d'or par Améric Vespuce. Ses œuvres sont devenues très rares; la carte de Ves-
puce, conservée à Palma, a même longtemps passé pour unique. M. Barozzi, à Ve-
nise, M. Hamy, à Paris, en ont dernièrement découvert deux autres, toutes deux de
144Q. Celle que possède M. Hamy et qu'il a mis sous les yeux de l'Académie, a ap-
partenu à un membre de la famille des Lauria, célèbres marins catalans, dont elle
porte les armes. La comparaison de cette pièce avec les parties similaires de l'atlas
catalan de la Bibliothèque nationale fait ressortir en faveur de Vallsequa une nota-
ble supériorité scientifique et fortifie la place que M. Hamy lui assigne entre les
meilleurs géographes de l'école catalane.
M. Heuzey lit un mémoire intitulé : Un gisement de diorite, à propos des statues
chaldéennes. On sait que les statues rapportées de Chaldée par M. de Sarzec sont
taillées dans une pierre dure appelée diorite. On a cru lire dans les inscriptions de
ces statues des phrases qui indiqueraient que cette pierre était exploitée et apportée
par mer, par des bateaux qui la recueillaient au pied des falaises : cette assertion a
paru invraisemblable à plusieurs personnes et a donné lieu de révoquer en doute
l'interprétation des textes épigraphiques, proposée par les assyriologues. Pendant un
récent séjour en Bretagne, M. Heuzey a eu l'occasion d'examiner des gisements de
diorite, en plusieurs points de la côte, et il a acquis la conviction que l'exploitation
de cette subsiance devait être souvent plus aisée du côté de la mer que du côté de la
terre. Le diorite présente une très grande résistance, il est fort difficile d'en détacher
des blocs considérables, même avec l'aide des meilleurs instruments; mais à l'ex-
trémité du gisement, du côté de la mer, l'action incessante des tîots est plus puis-
sante que le fer et sépare d'elle-même des fragments, que les bateaux n'ont qu'à re-
cueillir et à charger comme lest. Il n'y a donc aucune invraisemblance à admettre le
fait consigné dans les inscriptions chaldéennes.
Ouvrages présentés : — par M. le marquis d'Hervey de Saint-Denys : Henri Cor-
DiER, Bibliotheca Sinica. dictionnaire bibliographique des ouvrages relatifs à l'em-
pire chinois ; — par M. Delisle : L. Merlet : Catalogue des reliques et joyaux de
Notre-Dame de Chartres, publié et annoté.
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le i'iiy, imprimerie Marchessou fis, boulevard Saint-Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
No 46 — 16 novembre — 1885
gosumaire t 2o3. Droysex, Histoire de l'hellénisme. II. — 204. Eraclius, p. p.
Graef. — 2o5. De Lantenay, Mélanges de biographie et d'histoire. — 206. Peu-
KERT, Les Mémoires de Valory. — 207. Glaser, Lûbeck et Ratekau. — 208.
ScHLiTTER, Les rapports de l'Autriche et de l'Amérique I. — 209. De Hohen-
BÛHEL, Sur le Tyrol. — Variétés : Paul-Louis Courier et la tache d'encre du ma-
nuscrit de Longus. — Note de M. Jahn. — Académie des Inscriptions.
2o3. — Droysen. îaîstoire de l'Hellénîssne (Irad. Bouchd-Leclercq). Tome II,
in-8 de 783 p. Paris, Leroux, 1884.
Ce volume s'étend depuis la mort d'Alexandre jusqu'à l'année 277.
Il comprend l'histoire des Diadoques^ et il la poursuit jusqu'au mo-
ment où disparaissent tous les anciens compagnons du grand roi. C^est
répoque où l'on voit l'empire se démembrer définitivement pour faire
place à des royaumes indépendants. Si abondante que soit la masse des
faits recueillis par Droysen, il les domine sans peine. Il est en effet
conduit par une idée particulière qu^il exprime en ces termes : « C'est
le caractère des évolutions historiques que, pendant qu'on bataille pour
une foule d'autres questions, elles suivent tranquillement et sûrement
leur cours; celui-là seul qui les comprend et les aide de son concours,
fonde quelque chose de durable. Ainsi après la mort d'Alexandre, la
lutte pour l'unité de l'Empire semble absorber toutes les forces et dicter
il la conduite des partis. Mais ce qui est durable, c'est le principe de
l'hellénisme, qui, lorsque la fureur des combattants s'est apaisée, se
montre réalisé et assuré pour des siècles. C'est dans l'intérêt de ce prin-
cipe que la reconstitution de l'unité du grand empire occidento-oriental
devait se montrer impossible, afin que la fusion de l'élément occidental
avec les différents éléments des races orientales put se réaliser sous la
forme d''autant d'organismes hellénistiques » (P. 601). En un mot,
nous assistons ici à une décomposition politique d'où sortira avec le
temps une civilisation meilleure. Ce spectacle a bien son intérêt. On ne
saurait méconnaître pourtant Taridité d'un pareil sujet. Malgré les pré-
cautions prises par l'auteur pour éclairer la route, il n'est pas toujours
aisé de se retrouver au milieu des rivalités et des guerres qui remplissent
cette période. Droysen d'ailleurs raisonne et explique plutôt qu'il ne
peint, et son récit manque un peu de couleur et de vie. Lorsqu'il essaie
de dessiner quelque figure originale, comme celle de Démétrius, il y
réussit médiocrement. Il est exact et précis, mais toujours assez
terne.
Nouvelle séiie. XX. 46
366 REVUE CRITIQUE
La traduction est faite avec le même soin qui distinguait déjà les
volumes précédents. On y a joint en appendice un important travail de
Droysen sur les colonies d'Alexandre'et de ses successeurs. Le seul défaut
de cette étude est d'avoir un caractère trop exclusivement géographi-
que.
P. G.
204. — Eraelîus, deutsclies Gediciit des 'X.III. Jahrhunderts, hrsg. von
Harald Graef. Strassburg, Trûbner, 1884. In-B, 264 p. 5 mark. (Quellen und
Forschungcn zur Sprach = und Culturgcschichte dei" germanischen Vœlker,
5o«s Heft).
Le poème (XEraclius^ fort intéressant à tous égards, avait été publié
il y a quarante-trois ans par Massmann, mais sans beaucoup de critique,
et Haupt avait sévèrement jugé cette édition. Le texte que nous otïre
aujourd'hui M. Graef, est bien meilleur que celui de 1842. Dans son
introduction, le jeune germaniste étudie les deux manuscrits du poème;
il recherche la patrie de Fauteur, Fépoque où l'œuvre fut composée, ses *
rapports avec sa source française Eracle l'empereur de Gautier d'Arras. \
II prouve que le poète qui se nommait Otte. comme lui-même nous
rapprend (v. i36) vivait dans les premières années du xiu'' siècle, car
il imite parfois l'Enéide de Veldeke ainsi que VErec et VJwein de Hart-
mann. (Il aurait pu citer le jugement de Gervinus, II, 93, qui remar-
que fort bien que le ton mondain et gai du poète dans divers épisodes,
comme dans le récit de l'infidélité d'Athanais et de sa rencontre avec
Parides chez Morphêâ, « trahit déjà l'époque, le commencement du
xni^ siècle »). Il montre que ce poète, d'ailleurs savant pour l'épo-
que, observateur, favorable au clergé, devait être, non pas un ecclésias-
tique — il ne se serait pas permis les réflexions sur la nonne et l'abbé
v. 4012 et 4023 — mais, à en juger par ses pointes contre la cour, par
ses descriptions de toute sorte, un Fahretider ; qu'il était du centre de
l'empire, soit de la Hesse soit de la Wetteravie. Enfin, il fait voir que
les copistes des deux manuscrits appartenaient à la Haute Allemagne et
que le plus ancien manuscrit, celui de Vienne, est l'œuvre d'un Autri-
chien et le plus récent, celui de Munich, l'œuvre d'un Bavarois; il
analyse très bien la versification et le style du poème. M. Graef
donne le texte d'Eraclius d'après le manuscrit de Vienne, mais en
signalant au bas des pages les variantes du manuscrit de Munich. Cette
édition est faite avec grand soin ; mais peut-on s'empêcher de sourire,
en lisant dans l'introduction, sur les rapports du poème allemand avec
son modèle français, la phrase suivante (p. 49) : « Gautier's Eracles ist
ganz und gar das Werk eines feingebildeten, aber obej'flachlichen Fran-
zosen ; Otte's Eraclius ist von einem grilndlichen Deutschen geschrie-
ben »? Gœthe dit quelque part que le schibboleth, le « cri de guerre »
d'histoire et de littérature 367
entre Allemands et Français, est pain noir et pain blanc; à entendre
nos voisins, on serait tenté de croire que ce cri de guerre est, depuis le
moyen-âge, Oberjluchlichkeit d'une part et Griindlichkeit de l'autre. Il
est temps que cette plaisanterie cesse et que ce parallèle entre le Fran-
çais « superficiel » et le « protond « Allemand disparaisse des ouvrages
sérieux. D'ailleurs le jugement de M. Graef sur ce point est trop favo-
rable à Otte; que TAUemand ait çà et là modifié quelques traits, qu'il
ait ajouté par endroits de petits détails expressifs, il a néanmoins imité
et on n'est guère ^.< grûndlich » lorsqu'on copie; Téditeur avoue lui-
même qu'Otte se tient consciencieusement à son modèle et qu'il le tra-
duit souvent mot à mot; il est impossible d'attribuer, après un tel
aveu, à Fauteur iX'Eraclius^ une indépendance poétique (dichterische
SelbstO.ndigkeit).
A. Ghuquet.
2o5. — Mélanges de biograpStie et tî'iaîstoîres par Ant. de LantenaY,
membre correspondant des Académies de Metz et de Dijon. Bordeaux, Feret,
i8S5. Grand in-8 de 600 pages. Tiré à 5o exemplaires.
Le meilleur moyen de faire connaître le volume de M. de Lantenay,
c'est d'en énumérer les 35 chapitres. Quand on aura vu ainsi tout ce
que le savant critique a mis de choses excellentes dans son recueil, on
se dira que bien peu de Mélanges publiés soit autrefois, soit aujour-
d'hui, sont aussi précieux que les siens.
\. Les combats de Soulac et de Saint-Vivien racontés par des té-
moins occiilaires, 1617, Reproduction d'un document de la collection
de Peiresc, à Carpentras [Lettre de M. de Mullet, sieur de Volusan,
conseiller du Roi en la cour de parlement de Bourdeaux, intendant de
la justice et police ès-compagnies des gens de guerre envoyés au pais
de Médoc pour le service du llojy... cscript à Mons. le premier prési-
dent) et d'une plaquette de la Bibliothèque nationale [Heureux exploits
du sieur de Saincte- Croix d'Ornano, en Médoc, sur les rebelles;
avec la lettre dudit sieur de Saincte-Croix à Monsieur le premier
Président de Bourdeaux). Le très consciencieux éditeur a soin de rap-
peler ce qui précéda et amena les combats de 1622 et il a emprunté ses
explications au Mercure François « comme à l'auteur le plus ancien
et que les historiens postérieurs n'ont guère fait que résumer. » Disons,
à ce propos, une fois pour toutes, que les notes de M. de L. sont abon-
dantes, exactes, savoureuses, et signalons, dans ce premier chapitre, les
notes à la fois biographiques et bibliographiques consacrées à Marc
Antoine de Gourgues, premier président au parlement de Bordeaux,
(p. 2-3), à Pierre d'Ornano, fils et frère des maréchaux d'Ornano et
abbé — militaire et marié — de Sainte-Croix de Bordeaux (p. 3-4), à
Isaac de la Peyrère, le célèbre auteur des Préadamites (p. 10).
368
RKVUE CRITIQUE
II. Lancelot de Midlet, abbé de VerteuiL Les registres d'insinuations
conservés dans les archives de l'archevéclié de Bordeaux ont permis à
M. de L. d'établir que Lancelot de Mullet lut nommé abbé de Verteuil
(en Médoc) par le pape Clément VIII le 24 avril 1600, et qu'il prit
possession le 3o juin suivant ; qu'il était certainement mort le 3 juillet
1648; qu'il n'est par conséquent pas l'auteur du Jugement du curé
bourdelois pour servir à l Histoire des mouvements de Bordeaux,
ouvrage qui ne parut et ne put écre composé qu'en i65i, et dont l'ori-
gine « continuera longtemps encore à exercer la patience et la sagacité
des plus courageux et des plus habiles bibliographes. »
III. Etienne de Mullet de Volusan, doyen du chapitre Saint-André
de Bordeaux (avec de curieux détails sur le séjour à Bordeaux, en iSyi,
de saint François de Borgia, troisième général de la compagnie de Jé-
sus, et sur les fêtes religieuses et littéraires par lesquelles (1662) on cé-
lébra dans la même ville sa canonisation).
IV. Gilbert Grymaud, chanoine théologal de Saint- André de Bor-
deaux. — Précis renseignements, accompagnés de nombreuses rectifi-
cations, sur l'auteur de l'Oraison funèbre de feu Monseigneur le car-
dinal de Sourdis, Archevesque de Bordeaux et Primat d'Aquitaine
(1628, in-8° de 80 p.), et — sans parler d'un ouvrage de piété depuis
longtemps oublié (Bordeaux, i63o, in-12), — d'un gros traité sur la
Liturgie sacrée (Lyon, 1660, in-4'') que Zaccaria appelle egregium
opus, mot répété par le P. Hurter [Nomenclator litterariiis) et par
Dom Guéranger [Institutions liturgiques).
V. Hierome Lopcs, chanoine théologal de Saint-André de Bordeaux.
Notice qui complète, soit au point de vue biographique, soit au point
de vue bibliographique, celle qui a été mise par M. l'abbé Callen en
tête de la nouvelle édition de l'Eglise Métropolitaine et Primatiale
Saint-André de Bourdeaux. (1882-84, 2 vol. in-8°).
VI. Le Gallicanisme à l'université de Bordeaux. i663. Chapitre
important de l'histoire de l'université de Bordeaux, enrichi, comme
presque tous les morceaux du recueil, d'extraits de livres rares et de
citations de documents inédits.
VII. Rétablissement des cours dans la faculté de théologie de Bor-
deaux. — Rectification de l'erreur de plusieurs historiens de Bordeaux,
notamment de Dom Devienne qui ont cru que les cours de théologie,
suspendus dans l'université de cette ville, le 3 novembre 1660, à la suite
de la déclaration touchant l'orthodoxie des Lettres provinciales de
Pascal, traduites par Nicole, furent rétablis deux ans après, en l'année
1662. M. de L. s'appuie sur VArrest du Conseil d' Estât portant le
rétablissement de V exercice de la Faculté de Théologie en l'Université
de Bordeaux, qu'il nous présente en ces termes (p. 5g-6o) : « Impor-
tante par sa conclusion, cette pièce ne l'est pas moins par les considé-
rants qui la précèdent, car ils résument avec ordre et précision les dé-
marches faites et les pièces produites dans cet intéressant épisode de
d'histoike et de littérature 369
l'histoire de notre université. Aussi ce document, à la fois très rare et
très inconnu, m'a-t-il paru bon à conserver. Je reproduis fidèlement le
texte de l'édition originale imprimée, sans autres moditications qu'une
ponctuation un peu meilleure, et la!division en alinéas des membres
d'une phrase dont la longueur atteint les dimensions par trop respecta-
bles de quatre pages in-40. »
VIII. Jean Amelin^ un curé de la majestat Saint- André au xYii^siècle.
On trouvera de bien piquantes particularités dans cette étude sur Jean
Amelin et autour de lui. Ce curé de l'église cathédrale et métropolitaine
de Bordeaux est Fauteur des Eloges du Sainct-Sacrement et de la
Sainte Vierge^ dispose:^ en méditations pour tous les jeudys et same-
dis de l'année (Bordeaux, 1668, in- 12).
IX. Louis Bonnet, curé de Sainte-Eulalie de Bordeaux. i6o4-i65o.
Supplément très intéressant à la publication de M. Jules T)e\^\i(Un
curé bordelais; recueil de Ma^^arinades publiées sur Louis Bonnet^
curé de Sainte-Eulalie de Bordeaux, 1881, in-8°). Il y a là toutes
sortes d'indications nouvelles, et, par exemple, un extrait d'un manus-
crit de Montassier, secrétaire de l'archevêché de Bordeaux, sur une prédi-
cation séditieuse laite par le belliqueux abbé Bonnet, le i^'-' mai 164g,
« dans la grande nef de l'église Saint-André » et Pacte du décès du
« grand frondeur », comme l'appelait Lenet en ses Mémoires, acte
tiré des registres de la paroisse Sainte-Eulalie et daté du 20 décembre
]65o.
X. Les Lettres provinciales devant le parlement et Viiniversité de
Bordeaux {i 666). — Étude qui ne devra désormais être négligée par
aucun de ceux qui voudront sérieusement s'occuper de Pascal. Le point
d'histoire traité par M. de L. n'avait été jusqu'à ce jour, selon sa re-
marque (p. 86), abordé « que par des écrivains jansénistes, et des plus
ardents, par Nicole que les autres n'ont guère fait que copier en l'abré-
geant, par Dom Gerberon, par l'abbé Racine, et par Hermant dont les
Mémoires manuscrits m'ont fourni plusieurs détails qui ne sont pas
contenus dans les auteurs précédents. » M. de L. cite diverses pièces
que presque personne ne connaît, notamment, (p. gS) une Lettre d'un
théologien à un officier du parlement, etc., in-folio de 27 pages ainsi
daté : A Bourdeaux ce 22 juin 1660, dont le vaillant chercheur n'a
jamais rencontré qu'un seul exemplaire, et encore n^appartient-il à au-
cun de nos dépôts publics. Il analyse aussi un Traité de la Grâce resté
manuscrit que Lopez dicta en l'année 1672-1673 et il nous fait ainsi
connaître comme théologien ce docte théologal de Saint-André que Ton
connaissait seulement comme historien et comme orateur.
XI. Michel Girard^ abbé de Verteuil. Ce chapitre abonde en ren-
seignements nouveaux non-seulement sur Michel Girard, le précepteur
du duc de Candalle, Tauteur janséniste de trois opuscules publiés en
1667 et 1668, pour la défense du Nouveau-Testament de Mons, mais
encore sur deux membres célèbres de la famille Girard, Guillaume Gi-
3/0 REVUE CRITIQUE
rard, secrétaire et historien du duc d'Epernon ^, et Claude Girard, doc-
teur en théologie, archidiacre, officiai et vicaire général du diocèse
d'Angoulêmc, rintime ami de Guez de Balzac. On remarque (p, ii5)
une lettre inédite de Michel Girard, aspirant à l'évéchéde Bazas (i5 juin
1647), que j'ai eu le plaisir de communiquer à l'auteur et que ce der-
nier déclare être « dans son genre, un véritable bijou, »
XII. L'affaire du Surplis, 1609. « Ce fut une grosse affaire ! » dit
M. de L. (p. 123). « M. Ravenez (Histoire du cardinal François de
Sourdis, Bordeaux, 1867, in-8") lui consacre à peine douze lignes : il
se borne à résumer le peu qu'en dit Gaufreteau dans sa Chronique, y
ajoute une inexactitude et une ironie, et c'est tout! Probablement, il
n'en savait pas davantage, et pas plus sur ce point que sur les autres
démêlés du cardinal de Sourdis avec le chapitre Saint-André, il n'a
daigné consulter les Actes capitulaires. Ils lui eussent pourtant été très
utiles, soit pour compléter son histoire, soit pour être moins injuste
envers les chanoines de la cathédrale de Bordeaux, auxquels il adresse
souvent des reproches aussi immérités pour le fond que violents dans
la forme. On en aura une preuve dans l'affaire du Surplis que nous
allons raconter ». Le récit de M. de L. ne manque pas de traits plai-
sants et, pour ma part, j'y ai trouvé quelques grains de sel qui m'ont
rappelé ceux dont est saupoudré le Lutrin. '
XIV -. Etienne de Champflour, évêqiie de la Rochelle, avant son
épiscopat, 1646- 1703. Notice qui complète et rectifie celle de Tabbé
Braud (i883). M. de L. s'est servi de documents empruntés aux archi-
ves du séminaire de Saint-Sulpice. Il s'est aussi servi d'une notice
biographique sur le prélat envoyée, le 10 janvier 1703, de Clermont-
Ferrand à Gaignières et conservée à la Bibliothèque nationale (fonds
latin, n" 17028). M. de L. prouve contre Saint-Simon qu'Etienne de
Champfiour, « un des plus saints et des plus grands évéques de France
au xvni° siècle », n'était pas un homme de rien, l'ignorance et la gros-
sièreté même, sans esprit, sans service et sans aucune sorte de lumière.
Il adresse aussi (p. i68-i3o) diverses objections au Port-Royal de
Sainte-Beuve. Les indications bibliographiques (p. 178-179) sont d'une
remarquable abondance.
I. Il était lils de Pioire de Girard, bourgeois de la ville d'Angoulême, et de Va-
lentine de La Borie; il épousa, le 22 janvier i633, à Bordeaux, Marie de Baritault,
fille de Geoffroy de Baritault, conseiller au roi et magistrat présidial en la sénéchaus-
sée de Guyenne, et de Marie du Périer. (Indications à joindre à celles que j'ai eu
l'occasion de donner sur Guillaume Girard soit dans Tannotation des Lettres de
Balzac, 1873, soit dans l'annotation des Lettres de Chapelain (i88o-i883). Voir en-
core dans le volume de M. Amédée Callandrcau, notaire à Cognac, sur Ravaillac
(Paris, Alph Picard, 1884, in-S», p. 145-146) une note sur la famille Girard.
M. Callandrcau affirme, ce dont ne paraît pas entièrement convaincu M. de L. (p. 108).
que l'abbé de Verteuil était le frère de Guillaume et de Claude Girard. C'est ce que
j'avais déjà dit dès }Syj (Notes sur la vie et les ouvrages de Vabbc Jean-Jacques
Boileau, in-S'^, p. 116}.
2. Par une inadvertance de l'imprimerie; il n'y a pas de n° xiii.
D HISTOIRE KT DE LiriEUA.TURK 0-J \
XV. La Pompe funèbre de la reine de France, Marie-Thérèse d'Au-
triche dans l'église métropolitaine Saint-André de Bordeaux, le
2 septembre iOS3. (D'après ua ms. des Archives de rarchevcché, ms.
qui contient notamment la lettre dans laquelle Louis XIV, le I'' août
i683, annonça « aux prélats de France le premier chagrin que venait
de lui causer celle à laquelle il était uni depuis vingt-trois ans », et le
mandement (22 août) de l'archevêque Louis d'Anglure de Bourlemont
au sujet des détails de la cérémonie funèbre.) M. de L. a reproduit
(p. 190-191) un amusant passage du discours prononcé en l'honneur de
la reine de France, le l'ô septembre 168 3, à Bordeaux par le P. André
Billibier. discours pompeusement intitulé : Le Soleil de l'Europe
éclipsé dans la cour de France, et il a opposé (p. 192) au prétentieux
pathos de l'auteur, l'exorde, d'une si majestueuse simplicité, de l'Orai-
son funèbre de Marie-Thérèse d'Autriche par Bossuet ^
XVL La dignité de chantre dans l'ancien chapitre Saint- André.
Cette étude sur les droits et prérogatives du chantre est tirée en entier
des Actes capitulaires.
XVn. Pierre de Lurbe, vicaire général de Bordeaux. Si ce morceau
n'est pas, comme le précédent, exclusivement emprunté à des recueils
inédits, il est, du moins, rédigé d'après des imprimés du xvii° siècle
presque introuvables. L'abbé de Lurbe a laissé deux ouvrages, un ou-
vrage de piété, et un ouvrage de polémique. Voici le titre de ce der-
nier : Briefve réfutation de quelques points principaux du libelle
diffamatoire de Gilbert Primerose, soy disant pasteur de l'Eglise
reformée de Bordeaux, etc. (Simon Millanges, 16 14, in-8°j.
XVIII. Henri d'Arche, doyen du chapitre Saint- André de Bor-
deaux. Sujet traité avec prédilection par M, de L., Henri d'Arche
ayant été le digne vicaire général de l'archevêque de Bordeaux, Henri
de Béthune, sur lequel l'auteur des Mélanges prépare un livre destiné
à prendre rang parmi nos meilleures monographies.
XIX. Notes et documents pour servir à l'histoire du concile provin-
cial tenu à Bordeaux en 1624. Le concile provincial que tint à Bor-
deaux, en 1624, Tarchevêquo François de Sourdis a été déplorablement
négligé par l'historien du cardinal, M. Ravenez : à une assemblée dont
les décisions furent si considérables M. Ravenez a daiirné accorder à
peine quatre pages « où il mêle, à son ordinaire, l'erreur à la vérité ».
Les notes et documents de M. de L. comblent ces lacunes : elles se rap-
portent à trois points qui forment autant de paragraphes : I, Avant le
Concile; II. Pendant le Concile ; III. Après le Concile. On trouvera
là diverses lettres inédites du Métropolitain et des évêques de Périgueux
(François de la Beraudière), de Poitiers (Henri Louis Chasieigner de la
Rocheposay), de Saintes (Michel Raoul), de Sarlat (Louis de Salignac),
I. « Ne fut-ce » dit-il spirituellement, « que pour reposer nos yeux éblouis par
tant de lumières ». C'est dans ma bibliothèque, si je ne me trompe, que M. de L. a
trouvé le discours du P. Billibier, « ce chef-d'œuvre de Phébus ».
372 RKVIJR CRITIQUK
de Liîçon (Emery de Bragclongne) \ d'Agen (Claude Gelas), de Con-
dom (Antoine de Cous) -, d'Angoulême (Antoine de La Rochefoucauld).
On y trouvera encore une lettre de Tarchevêque d'Auch, Léonard de
Trappes, qui, sachant que le Cardinal allait tenir un Concile, lui écrivit
pour attirer son attention sur quelques points qu'il désirait y voir trai-
tés. Indiquons (p. 258) une fort instructive note bibliograghique sur le
chanoine théologal de Saintes, Elie Pitard, conseiller et aumônier de la
feu reine Marguerite, auteur de la Philosophie morale (Paris, 16 19) et
du crayon de la divinité (Paris, i635).
XX. Lettres inédites des PP. B. Jacqiiinot, F. Duduc, P. Coton,
etc. au P. L. Richeome, de la compagiiie de Jésus. (Lettres récemment
acquises par la bibliothèque de la ville de Bordeaux et qui proviennent,
avec beaucoup d'autres papiers précieux, de la collection de M. de La-
montaigne, conseiller au parlement de Bordeaux dans la seconde moi-
tié du xviri® siècle). La lettre du P. Jacquinot, du 24 mai i6ro, est
relative à Tassassinat du roi Henri IV. Les lettres du P. Fronton Du-
duc, un des plus savants hellénistes du xvii^ siècle, sont fort curieuses.
Ce très modéré et très sage religieux se plaint (p. 282) a du livre de
Mariana qui nous a excité une si grande tempeste ^, conjointement avec
V Amphitreatrum homeris » et il ajoute (p, 283) : « 11 fault donc faire
corriger tels libvres, aultrement nous ne serons jamais assurés chez
nous en France ». Dans la lettre (du 10 juin i6io) Fronton Duduc
parle ainsi du roi Henri IV : « C'est chose merveilleuse combien ce
prince est regretté par toute la France. Les paysans mesme [surtout] de
Gascogne déplorent son lamentable décès; et rien ne donna tant dans
l'ame du parricide pour luy faire recognoistre son crime, que lorsque
le peuple refusa déchanter Salve, Regina, avec son confesseur, et qu'il
recognut à la parole et visage de touts, qu'on Peust voulu veoir brusler
en enfer. Si ne fut-il pas possible de brusler ses membres divisés par les
chevaux, car le peuple les print et traisna par les rues, les portant à la
voyrie ». On lira encore avec intérêt les lettres du P. Coton, et celles du
P. Estiot, les unes et les autres entourées de notes opimes.
XXI. Journal du voyage que fit à Paris le cardinal de Sourdis en
1. Trop souvent appelé Aimei'ic de Bragelone.
2. M. de L. nous donne de ce prélat une lettre latine et une lettre française. On
conserve quelques-unes de ses allocutions dans les rei;istresde la municipalité de Con-
dom, et il a mis des vers latins en tête de plusieurs ouvrages de Scipion du Pleix,
son diocésain. Voir Trois poètes condomois du wi" siècle par M. Léonce Couturl;
(1877, in-80, p. 43).
?. Dans les Mémoires de l'Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de
Toulouse (tome VU de la 8"= série) vient de paraître (iSS5. p. 83-146) une étude
intitulée : Un publiciste de l'ordre des jésuites calomnié. Le Père Mariana par
M. A. DUiMERiL, doyen de la faculté des lettres de Toulouse. Le savant professeur
avait été précédé, dans la réhabilitation de l'auteur du Derege et institutione rcgis,
par un très libéral écrivain protestant, Hallani (Histoire de la littérature de l'Eu-
rope, trad, française, i83o, t. II, p. 143).
DHlSTOirJi: ET DK LITTÉRATUaB SjS
1608. Ce document, resté inédit jusqu'à ce jour, est aux archives de
l'archevêché de Bordeaux.
XXII. Le P. Jean Chcron de l'ordre des Carmes. Biographie compo-
sée à l'aide de l'article Joannes Cheron de la Bibliotheca Carmelitatia
du P. Cosme deVilliers (Orléans, 1752) et surtout (X'une.Notice inédite
sur le P. Cheron, de 3 pages in-4'', écrite sur les feuilles de garde d'un
recueil de Ga:{ettes et autres pièces du temps provenant de l'ancien cou-
vent des Carmes déchaussés de Saint-Louis de Bordeaux, et appartenant
aujourd'hui à la bibliothèque du grand séminaire de cette ville, sans
omettre divers documents des archives départementales de la Gironde.
XXIII. Les derniers jours d'un connétable. Il s'agit là de la fin de la
vie d^Henri, duc de Montmorencv, second fils d'Anne de Montmo-
rency, et, comme son père, maréchal et connétable de France, racon-
tée avec d'édifiants autant que minutieux détails dans un ouvrage ma-
nuscrit conservé aux archives miunicipales de Bordeaux et qui est une
histoire des capucins de la province de Toulouse et d'Aquitaine. Le ré-
dacteur anonyme a intitulé cela : Brie/ narré de l'heureux trépas de
M. de Monmorancy connétable de France, ensevely en notre couveiit
de Notre-Dame du Grau proche d'Agde.
XXIV. Notes inédites de Mercier, abbé de Saint-Léger. M. de L.
a eu la bonne fortune de découvrir, dans la Bibliothèque du séminaire
de Saint-Sulpice de Paris, un exemplaire de la Bibliothèque historique
de France., du P. Lelong (édition Fevret de Fontette, 5 vol. in-folio),
enrichi de plusieurs centaines de corrections et additions par le célèbre
bibliographe, Barthélemi Mercier, connu sous le nom d'abbé de Saint-
Léger. Il en a extrait les plus intéressantes, et c'est le dessus du panier
qu'il offre à ses lecteurs. Les notes de Mercier s'appliquent à la vie de
Malebranche par le P. André, aux Mémoires de Michel de Marolles,
abbé de Villeloin, à l'éloge du jésuite Berthier, à l'histoire de France du
P. Adrien Jourdan, à la vie du P. Vanière, à divers ouvrages de Nico-
las Le Fèvre, sieur de Lezeau, de M. de Saint-Laurent, de Catien de
Courtilz, du chancelier d'Aguesseau, au manuscrit des Vies des poètes
français par Guillaume Colletet, aux originaux des journaux de Pierre
de TEstoile, etc. N'oublions pas une charmante anecdote (académique)
sur Lévesque de la Ravalière (p. 356).
XXV. Pierre Milhard, abbé de Simorre et prieur de Sainte-Dode.
Excellents renseignements bibliographiques sur ce théologien gascon
qui « a laissé plusieurs écrits considérables » si peu connus.
XXVI. M. Labbe de Champgrand notice bibliographique. Edouard
Ferdinand Marie Labbe de Champgrand, né à Bourges, le 18 avril
i8i3, est mort dans cette ville le 18 janvier 1881. Ce modeste et savant
prêtre de Saint-Sulpice était un arrière-neveu du P. Philippe Labbe, de
la compagnie de Jésus, l'éditeur de la collection des conciles.
XXVII. Additions à l'ouvrage intitulé : vie, écrits et correspon-
dance de Laurent Josse Le Clerc. Depuis la publication de ce volume
374 REVUE CRITIQUE
en l'année 187S ^ on a découvert quelques manuscrits et quelques let-
tres de L. J. Le Clerc, qui avaient échappé aux recherches de l'auteur.
On trouve ici des extraits de ces manuscrits et de ces lettres, et (in ex-
tenso) une très curieuse lettre écrite à Le Clerc par le président Bouhier
(Dijon 17 mars 1725).
XXVIII. Sébastien Le Clerc^ graveur du roi. 16J/-1 y 14. Apres
s'être occupé du fils, M. de L. s'occupe du père et reproduit un
Abrégé de la vie de Sébastien Le Clerc trouvé par le R. P. Ingold, en
juin 18S4, parmi les manuscrits du séminaire de Sainl-Sulpice de Pa-
ris. Voici comment M. de L. nous présente (p. 404) cet abrégé : « Je
n'offre ici qu'un supplément [aux ouvrages que M. Meaume a consacrés
à l'illustre graveur], digne toutefois de l'attention des lecteurs, et par le
fond des choses, et par la Juste célébrité de l'homme éminent qui en fait
le sujet, et enfin par les qualités même du biographe : ce n'est pas seu-
lement un témoin éclairé qui rapporte fidèlement ce qu'il a vu et en-
tendu, c'est un fils qui parle de son père. »
XXIX. Henri de Sourdis et les réguliei's de Bordeaux 1643-1645.
Récit, d'après les documents des archives de Tarchevêché de Bordeaux,
d'une querelle très vive entre Tarchevêque H. de Sourdis et les religieux
de Bordeaux au sujet de certains privilèges concédés à leur ordre.
XXX. L'abbé Maudoux conjesseiir de Louis XV. Les éléments de
cette notice, tous inédits, ont été puisés dans la correspondance et les
mémoires de l'abbé Maudoux, conservés au séminaire de Saint-Sulpice
de Paris. La notice sur l'abbé Maudoux, remplie d''anecdotes relatives
à la cour et à la ville, et où figurent les personnages littéraires comme
les personnages politiques (l'académicien Ameilhon, l'abbé Bergier,
Bernardin de Saint-Pierre, comme Louis XV, Marie-Antoinette, le
comte d'Artois), est certainement une des plus attrayantes de tout le
recueil.
XXXL M. Largeteau, prêtre de Saint-Sulpice, directeur au Grand-
Séminaire de Bordeaux (mort le 4 janvier i8S5).
XXXI 1. Deux Bordelais curés de Paris au xvn'' siècle. (Pierre Cha-
pelas, curé de Saint-Jacques-de-la- Boucherie, de novembre 162 1 à
février i663, et Léonard Chapclas, curé de Saint-Germain-rAuxerrois
en janvier 1644 ^^ quatre ans plus tard, prébendier au chapitre de
Notre-Dame de Paris).
XXXI IL La relique de Saint-Romain honorée dans l'église Saint-
Romain la Virvée. [Dans le canton de FronsacJ. — Reproduction d'une
lettre inédite écrite par M. Dupré, curé de Saint-Romain-la-Virvée, le
g octobre 1769, et insérée dans un manuscrit de Dom Racine, bénédictin
de la congrégation de Saint-Maur au siècle dernier, manuscrit dont la
bibliothèque de Solcsmes possède une copie.
XXXIV. Les Bordelais séminaristes de Saitit-Sulpice, de i65i à
I. Voir le compte-rendu de cet ouvrage dans la Revue critique du 11 mai 1878,
p. 3og-3i3.
d'histoire et de littérature SyS
l'/S'j. Liste où Ton trouve quelques noms célèbres, tels que ceux de
Jacques de Secondât de Montesquieu, de René de Pontac, de Charles-
Auguste Lequien de La Neufville.
XXXV. Lettres et notes inédites de Mercier^ abbé de Saint-Léger.
Ces documents fort curieux ont été communiqués à M. de L. par un
homme « aussi modeste que savant, » M. H. Wilhem, Juge de paix à
Chartres. La lettre, du 12 décembre 1780, est adressée à Dom Déforis,
réditeur des œuvres de Bossuet; elle est écrite ab irato. Les notes se
rapportent à l'ouvrage de N. Th. Le Prince, publié en 1782 sous ce
titre : Essai historique sur la bibliothèque du roi. Il y règne ce que les
savants du xvi^ siècle appelaient mordacitas. Mercier a surtout la dent
cruelle pour les gardiens de la bibliothèque du roi, Capperonier « mort
d'indigestion, plein de forfanterie, fort au-dessous de sa place, » Pabbé
Barthélémy mort lui aussi des suites d'une indigestion qu'il gagna pour
avoir mangé trop de thon \ chez la duchesse de Choiseul -, l'abbé Bou-
dot, qui, selon le terrible appréciateur, « n'avait que des connaissances
fort superficielles, » le conseiller d'Etat Bignon qu'il écrase de ce
mot : « Il n'est pas prouvé que ce Bignon sût seulement lire », l'abbé
Sallier, « rude, dur, repoussant et très vain ».
XXXVI. Lettres inédites de divers. Ces lettres, dont plusieurs sont
de petites perles, couronnent admirablement le volume. En voici la sé-
duisante liste : saint François de Sales au duc de Nemours (4 mars
1621), saint Vincent de Paul à l'évéque d'Autun (3o octobre î653), le
P. Claude Texier, jésuite, au P. Jordain Forestier (2 juillet 1661), le
cardinal de Sourdis à Villeroi (21 septembre 1609), le même à
Louis XIII (6 juin 1621), le cardinal de Polignac au P. Bonin (2 octo-
bre 1741), Jean Besly, le grand historien du Poitou, à Dom Audebert
(25 avril i536], Le P. Fr. de La Vie à Dom Audebert (14 janvier 1637).
M§'" de Lussan, archevêque de Bordeaux, au chapitre de Saint-André
(14 février 1762), Jean d'Estrades, évêque de Comdom, à Dom d'Atti-
chy, évêque d'Autun (24 février i653) '\
La Table des principaux noms de personnes (p. 589-598) achève de
montrer toute la richesse des renseignements historiques et littéraires
réunis dans un volume qui n'a qu'un défaut ^. celui d'avoir été tiré à
1. M. de L. accompagne cette citation d'une spirituelle remarque (p. Syo) : « Ce
détail ne contredit nullement le dire des biographes, savoir, que l'abbé Barthélémy
mourut en lisant la quatrième épître du premier livre d'Horace. On peut même pen-
ser qu'il expira sur ce vers ;
Omnem crcde diem tibi diluxisse supremum.
2. L'abbé Mercier, etTaçant l'éloge donné par Le Prince au duc de Choiseul, consi-
déré comme protecteur des lettres, déclare que ce ministre « n'a jamais rien fait
pour les lettres qu'il n'aimait pas. »
3. Toutes ces lettres, moins une fcelle de Mgr de Lussan), proviennent du dépar-
tement des manuscrits de la Bibliotlièque nationale. La lettre de l'archevêque de
Bordeaux est tirée des archives départementales de la Gironde.
4. Ceci n'est pas une vaine formule. M. de L. qui a rectifié tant d'erreurs, prin-
cipalement dans le Gallia Chvistiana (voir par exemple, pp. 4, ig, 29, iSg), s'est
376
REVUE CRITIQUE
un trop petit nombre d'exemplaires et d'avoir trop mérité Tépigraphe
inscrite à son frontispice par un des plus modestes et des meilleurs tra-
vailleurs que Je connaisse : Contentus paucis lectoribus (Horat.,
Salir., I, X, 74).
T. DE L.
206. — I>ie Mcmoîren des Marquis von Valory, von Dr. Friedrich Peukert.
Berlin, Weber, 18S4. In-8, viii et 112 p. i mark 80.
L'auteur de ce volume, M. Peukert, a soumis les mémoires du mar-
quis de Valory, ambassadeur de France en Prusse de 1709 à 1750 et
en 1756, à une critique fort attentive. Ils ont été publiés sans aucun
soin en 1820 par le comte H, de Valory; c'est un pêle-mêle de mémoi-
res ou annales, d'observations, de lettres, de dépêches, où il est très
malaisé de se reconnaître; M. P. a su débrouiller ce chaos. Il fixe la
première rédaction des mémoires à 1742 et leur rédaction définitive
aux années 1750-1753, et il pense que le secrétaire Darget aida Va-
lory; quant aux Anecdotes, elles doivent avoir été rédigées dans l'hiver
de 1758-1759, et le Coup d'œil a sans doute pour auteur l'éditeur de
1820. M. P. signale en outre, dans les mémoires du marquis, nombre
d'erreurs soit graves soit légères. Il montre surtout, d'après les docu-
ments des archives de Berlin, que d'Argenson n'avait pas tort de dire
qu'ils étaient faits pour être montrés, du vivant de Valory, à des per-
sonnages intéressés. Selon le marquis, Maurice de Saxe a causé les in-
succès de la France de 1741 à 1745 ; selon lui, le maréchal de Belle-Isie
est un héros; lui-même enfin a su exercer une grande influence sur
Frédéric II. Il faut en rabattre désormais et conclure, avec M. P. et
son maître Droysen, que ces mémoires sont en général inexacts; le
livre de M. Peukert qui en est le commentaire perpétuel, servira à les
contrôler. Un tableau final rectifie les dates et les adresses des lettres
de Valory.
montré irréprochable. En cherchant bien, je ne trouve en ses 600 pages que cette
légère inexactitude : il attribue (p. 14) le tome I'^'" du Nobiliaire de Guyenne et de
Gascogne à M. J. de Bourrousse de Laftbrc. Ce tome l^"" (Bordeaux, iS56, appartient
à M. O'Giivy, qui est aussi l'auteur du tome II (Paris, i858). M. de Laflbre, conti-
nuateur de l'ouvrage, et qui par la science comme par la conscience est si fort au-
dessus de son devancier,
Qiiantiim lenta soient inter inhuma cuprcssi,
a donrrc le tome III (Paris, 1860) et le tome IV (Paris-Bordeaux, i883). C'est, du
reste, M. de Lalïore qui est l'auteur de la Généalogie de Botirran visée par M. de L.
en réalité la faute de ce dernier se réduit, par conséquent, à l'indication du n" i pour
le n" III.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE Ôyy
207. — JLùbeck und Ratekau im November 1S06, Gedenkblalt in Aufzeichn-
ungen von Augenzeugen. Lûbeck, Classer, 1884. In-8, 64 p. i mark.
Cette brochure renferme des documents de mince importance sur la
journée du 6 novembre 1806 où eut lieu la prise de Liibeck ; mais on
les lit avec un vif intérêt, parce qu'ils furent écrits sous la première
impression du moment par des témoins naïfs et sincères. Ce sont :
1° les souvenirs de l'huissier du conseil de Liibeck, Klûver, qui assista
à l'entrée de Bliicher dans la ville et entendit sa conversation avec les
magistrats et deux jours plus tard, servit de guide au maréchal Ber-
nadotte; 2° une lettre (19 nov.) d'un élève de la « prima » ou Prirnaner
nommé Knorr, sur les scènes de la journée que les Ltibeckois appelè-
rent depuis le noir vendredi; 3° une autre lettre du professeur Herr-
mann, datée du 20 novembre (mêmes détails sur la journée du 6); 4" le
journal de la fille du pasteur Schrôter de Ratekau qui retrace les évé-
nements arrivés dans ce village du 5 au 18 novembre 1806 (poursuite
des Prussiens, capitulation acceptée par Bliicher, garnison française,
etc.) ; 5° le journal de Pierre Wilcken, sénateur de Liibeck (curieux
renseignements sur l'entrée des Français et leur installation chez les
habitants ; le sénateur loge le colonel Davicourt « l'homme le plus poli
et le plus honnête », p. 59). M. Glaser, qui publie et édite cette bro-
chure, a fait précéder ces documents d'une petite étude sur la période
de 1801 à 1806 ; son Bilchlein devra être consulté par les futurs histo-
riens de la campagne de Prusse.
208, — ID>îe Bezieliungen Oesterreîclis z« AmerîUa, von Hanss Schlitter.
I Teil, die Eeziehungen Oesterreichs zu den Vereinigten Staaten, 1778-1787.
Innsbruck, Wagner, i8S5. In-8, xii et 296 p. 4 mark 40.
Livre vraiment trop long. Le premier chapitre (p. 1-40) est consacré
à « la médiation de l'Autriche et de la Russie dans la guerre des Bour-
bons avec l'Angleterre », ou guerre de l'indépendance américaine :
l'Autriche adhère à la neutralité armée le ig oct. 1780 et propose la
réunion d'un congrès à Vienne. Le deuxième chapitre (p. 41-144) traite
des « premières démarches pour la conclusion d'un traité d'amitié et de
commerce avec les Etats-Unis d'Amérique jusqu'à la résolution de
l'empereur, de signer le traité ». Suivent, p. 144-236, un grand nom-
bre de pièces justificatives. Tout cela aurait pu tenir en cent pages au
plus, et l'auteur de ce volume devra prendresur lui, puisqu'il veut trai-
ter ce sujet en plusieurs tomes et en faire la « tâche de sa vie », de don-
ner beaucoup moins de pièces diplomatiques et de ne dire que l'essen-
tiel. Il est plein de zèle etd'ardeur ; il sait chercher et trouver les docu-
ments; mais il doit apprendre à être moins savant et à rejeter sans pitié
les faits de minime importance. Qu'importe au lecteur, même au lecteur
378
REVUE CRITIQUE
autrichien, que Tofficial Gourlaiid se soit plaint de l'insuffisance de son
traitement et de la cherté des vivres à Philadelphie? A quoi bon repro-
duire la lettre de Beelcn-Bertholff à Belgiojoso et nous apprendre que
ce Gourland était marié et sa femme enceinte?
20g. — Beîti'sege zut* I^undc XErols vom Freiherrn Ludwig von Hohenbûhel,
genannt Heufler zu Razen, mit vier facsimiiirten Autographen. Innsbruck,
Wagner, i885. In-8, ix et 255 p. 2 mark.
Ce petit volume ne s^idresse guère qu'aux Tyroliens. C'est un recueil
d'études et d'articles sur l'histoire de Part et des mœurs du Tyrol, On
y trouve l'étymologie d'Eppan qui serait Tancien Appiamim (p. 8-26),
d'Igels qui serait l'ancien Ecclesia (p. 1 32-154). L^auteur nous décrit
la chapelle fondée à Maria Loreto prés de Hall par l'archiduchesse
Anne Catherine (p. 40), les usages de la petite ville de Hall, ses fêtes,
ses danses originales (p. 156-193), les portraits du duc Charles V de
Lorraine (p. 208-222). Il reproduit d'intéressants extraits de l'An-
nuaire des alpinistes de Trente (p. 92-îii). Ce livre sans prétention,
auquel M. de Hohenbuhël a joint un index, mérite d'être lu.
VARIETES
Paul-Louie Courier et la taclie tl'enci-e cîu
de Florence.
manuscrit de E^ongiis
Difrérentes pièces officielles, relatives à la fameuse tache d'encre du manuscrit de
Longus de Florence, qui sont conservées dans la collection Leber, à la bibliothèque de
la ville de Rouen, semblent être restées jusqu'ici inconnues, bien que le catalogue de
cette collection ait été publié il y a plus de quarante ans ^ . Le nom de P.-L. Courier,
le retentissement qu'eut autrefrois, grâce surtout à la Lettre à M. Re)iouard,]e débat
qui s'engagea à propos de la fameuse tache, feront peut-être trouver quelque intérêt à
la publication de ces nouveaux documents.
On connaît l'état du procès : l'acte d'accusation du bibliothécaire de la Laurentienne,
Del Furia, le témoignage de Renouard et la défense de Courier. Le 10 novembre 1809,
« une feuille de papier, placée par inadvertance dans le manuscrit, y était restée collée,
parce que cette feuille s'était trouvée fortement tachée d'encre en dessous ~. » Après un
article du Carrière Milancse, du 23 janvier 1810, Del Furia rétablissait les faits dans
sa note insérée au tome X de la CoUe^ione d'Opuscoli scientifici c Ictterarj (Florence,
1. Catalogue des livres imprimés, manuscrits, etc. de M. C. Leber (Paris, iSSg,
in-8o), t. III. no5852.
2. Notice sur une nouvelle édition de la traduction françoise de Longus, etc., par
A. A. Renouard (Paris, 5 juillet 1810, in-80, de i5 pp.), p. 6.
d'histoîre et de littérature 379
1809, in-S", p. 49-70) 1. Le 5 juillet iSio Renouard publiait sa Notice sur une
nouvelle édition de la traduction française de Longus, yar Amyot, et sur la décou-
verte d'un fragment grec de cet ouvrage, au moment même où allait commencer
l'action administrative.
Le 19 juillet en effet le bibliothécaire de la Laurentienne était interrogé sur les
circonstances dans lesquelles s'était produit l'accident. Del Furia, dans ses réponses,
ne fit que reproduire (moins les périodes de rhétorique) les termes de son récit, in-
séré dans la Colle:{ione d'Opiiscoli, à laquelle du reste il se réfère expressément :
ProcessO' Verbale.
Questo giorno diciannove del mese di Luglio dell' anno mille oîto-
cento dieci, si è presentato avanti di noi Francesco Gercignani, consi-
gliere di prefettura di dipartimento deir Arno, delegato dal signore
barone Giuseppe Faucher, prefetto dil medesimo dipartimento, il si-
gnore Francesco Del Furia, bibliotecario délia biblioteca Mediceo-Lau-
renziana, precedentemente invitato a venire alla Prefettura al quale
avendo domandato.
D. Corne si chiami ? — R. Jo mi chiamo Francesco Del Furia, bi-
bliotecario délia suddetta biblioteca.
D. Se si rammenti di un' avvenimento que si dice accaduto nella
detta biblioteca nel 10 novembre 1809 î* — ^' ^^ ^o perfetta memoria
essendo un fatto assai célèbre e straordinario.
D. In che consista questo fatto? — R. W fatto consiste in una macchia
d'inchiostro che fù fatta supra un' antico manoscritto greco che contiene
diverse opère fra le quali li Amori di Dafne et Cloe di Longo Sofista
mentre si copiava da un Francese, detto M. Courier, amico e compagno
di M. Renouard. I dettagli di quest' avvenimento ho creduto per rnio
discarico; e per sodisfare la curiosità dei Litterati di produrli con le
stempe nel giornale di Firenze intitolato : Gioniale di opuscoli scien-
tificie lîtterarj \ volume lo""", di cui le presento un' esemplare stam-
pato, dal quale puo rilevarsi lo stato circonstanziato e sincero dell' avve-
nimento. Soltanto debbo fareosservare chela macchia cadeprecisamente
sopra una pagina la quale contiene il supplemento alla famosa lacuna
che si trova nel primo libre di quest' autore in tuti i codici, ed edizioni
finquè pubhcate,e che veniva per mezzo del manuscrittoFiorentino in-
tieramente supplita.
D. Se abbia altro da soggiungere intorno a quest' avvenimento? —
R. Che il signore Courrier avendo recusato di rilasciarmi una copia che
noi aveva espressamente promessa del suo m.anoscritto tratto dall' ori-
ginale délia bibliotheca, ho tutto il fondamento di credere che la ditta
1. L'article de Del Furia est intitulé : Délia Scoperta, e subitanea perdita di una
Parte inedita del primo Libro de' Pastorali di l^ongo, fatta in un Codice ddVAbbarJa
Fiorentina, ora essistente nella Pnbblica Imp. Biblioteca Mediceo Lauren^iana. II
est daté du 5 février 1810, et en tête se trouve un fac-similé de la tache d'encre, sur
le fol. 23 v° du manuscrit.
2. Letitre de ce recueil est inexactement rapporté ici par par del Furia ; il faut lire,
comme on l'a vu, Colle:{ione di opuscoli, etc.
38o REVUE CRITIQUE
macchia fosse fatta maliziosamente per rimanere egli solo il proprietario
di quella parte dell' opéra che manca finquè in qualcunque altro luogo,
onde prego il signore Prefetto a volersi interessare perché la Biblioteca
non resti affatto priva di questa opéra essendo attualmente resa inintel-
ligibile quella pagina del manoscritto que si conserva nella Biblioteca
et che gli o portato perche possa osservare e verificare il mio dcposto.
Avendo quindi osservata la macchia délia quale si tratta divenuta di
colore giallostro per li sperimenti fatti per toglierla ma nel rimanente
conforme al modello annesso alla littera stampata qui unita, fù richiesto
il signore Del Furia di segnare insieme con me la présente dichiara-
zionc, conforme a fatto.
Jo. Francesco del Furia, F. Cercignani.
Bibliotecario.
Avendogli di più domandato se, allorche fu macchiato il manoscritto,
si trovava présente M. Renouard e se il medesimo ha avuto alcuna
parte a quest' avvenimento? — R. Allorche la macchia d'inchiostro di
cui si tratta è stata fatta, M. Renouard era assente, corne io ho rilevato
nell'annessa lettera stampata, e fù soltanto allorche torno di Livorno
che resesi di nuovo alla Biblioteca, gli feci osservare ciô che era acca-
duto, e lo interessai por avère dal suo compagno M. Courrier una co-
pia del manuscritto.
F. Cercignani. Fiancesco del Furia.
Les deux pièces suivantes se rapportent à la saisie de l'édition de Daphnis et
Chloé, dont la publication au mois d'avril précédent avait sans doute motivé l'en-
quête du conseiller Cercignani.
Florence, le 2 5 juillet iSio.
Le Directeur de la Police du Grand-Duché de Toscane, chevalier de
l'Empire, à Monsieur le Conseiller d'Etat, Directeur général de la
Librairie.
Monsieur le Conseiller d'État,
En exécution des ordres que vous m^avez transmis j'ai fait rechercher
et saisir chez le sieur Piatti les exemplaires de la traduction de Lon-
gus.
D'après le procès- verbal que je joins en original vous verrez qu'il en
a été imprimé 64 exemplaires, dont 27 ont été saisis et les Sy autres
ont été remis dans le temps au sieur Courier, qui paraît les avoir envoyés
en majeure partie à Paris.
Les 27 exemplaires saisis m'ont été remis et j'ai Thonneur de vous
en adresser un, n'ayant pas cru devoir charger le courier de la tota-
lité.
Quant au sieur Courier il y a plusieurs mois qu'il est parti pour
Rome, oïl je suppose qu'il est encore.
Recevez, etc.
Dubois.
oVjSIOlilK Kï UK LirrÉRAiORE 38 I
Processo- Verbale.
L'anno mille ottocento dieci, W ventiquattro del mese di Luglio, a
ore undici antimeridiane.
Noi Tommaso Vannini e Francesco Galassi, commissari di polizia
nella città di Firenze, iii esecuzione degli ordini comunicatici per
l'organo dcl Sig^ Maire di questa città suddetta in data di questo stesso
giorno tendent! a verificare « se presse il Sig'' Piatti, o presso tutti gli
a altri Librari e stampatori di Firenze esistessero alcuno dei sessanla
« esemplari délia traduzione di un fragmento del manoscritto greco
« De-Longo, » il cui teste esistente nella Biblioiheca Laurenziana era
statoritrovato grandemente alterato dopo esser passato perle mani di
un tal Sig'' Courrier, militare graduato, che nei primi mesi del corrente
anno trovavasi di passaggio in questa città. Ci siamo in primo luogo
trasferiti al magazzino di libreria del rammentato Sigr Piatti ove es-
sendo giunti, dopo di avergli significata la nostra qualità, e l'oggetto
délia nostra missione, ci ha esso in dirittura, e senza mistero alcuno
dichiarato « di avère impresse dal i5. febbrajo al i5 marzo delPanno
<i corrente n° 64 copie délia traduzione di cui si tratta per commissionc
« del sopra mentovato Sig'' Courrier, e di ritenerne tutt'ora n" 27 copie
« in magazzino a disposizione delPistesso Sig"" Courrier, che glie le las-
« ciô in deposito all'epoca délia sua partenza da Firenze ».
Avendo noi pertanto invitato detto Sig' Piatti ad esibirci le 27 copie
che sopra, ci ha il medesimo accompagnati nella stanza superiore del
suo magazzino ove sopra uno scafale ci ha additato un pacchetto di
libri nuovi coperti di carta bleu, quale sciolto, abbiamo trovato con-
tenere precisamente n'' 27 esemplari di un opuscolo intitolato « Daphnis
« et Chloé, traduction complète^ d'après le manuscript de VAbaye de
« Florence. — Imprimé à Florence, chez Piatti, 18 10 ».
Interrogato detto Sig"" Piatti onde rilevare quai esito abbiano avuto le
altre "ij copie che mancano a completare il numéro delle 64, asserta da
lui impresse? ha risposto di « averle consegnate tutte all'istesso Sig""
a Cowrr/er appena ne fu terminata l'impressione; che non sa précisa-
it mente qual'uso il Sig'' Courrier ne facesse, ma che suppone fossero
« da lui spedite nelki massima parte a Parigi per dispensarsi a vari
« letterati suoi amici ». Interrogato se presso di lui esista il manoscritto
francese che il Sig'' Courrier ha dovuto necessariamente consesnarcli
per servire di modello alla fattane impressione? ha risposto che « il detto
« manoscritto lo ha recevuto dal Sig"" Courrier in diverse epoche per
« esser tutto compilato a foglietti staccati, e que sono stati questi a detto
a committente restituitiTuno dopo l'altro, a misura che avevanoservito
« alla composizione del carattere »
Allora abbiamo raccolte le suddette 27 impressioni del citato opus-
colo, dichiarandone a detto Sig^ Piatti il séquestre, in coerenza delle
instruzioni ricevute, ed avvolte con cordiceila, vi abbiamo suH'estre-
mità apposli il sigillo di uno di noi, e quello del Sig' Piatti conformi
382 REVUE CRITIQUK
aile impronte riportate in margine. Ed abbiamo quindi délia opera-
zione che sopra disteso il présente Processo- Verbale del quale abbiamo
rilasciata copia al Sig"" Piatii suddetto e che è stato dal medesimo con
noi firmato dopo avergliene data lettura. E che verra da noi senza ritardo
trasmesso unitamente ai 27 citati esemplari sequestrati al Sig"" Maire
di questa città di Firenze perché ne dispongu corne di ragione.
Guglielmo Piatti. Galassi, Vannini,
Conimissario di polizia. Commissario.
Fatto e chiuso nel magazzino del Sig"" Guglielmo Piatti, stampatore
e libraro in Firenze, il giorno ed anno che dalFaltra parte, a ore una
pomeridiane.
Galassi. Vannini.
Le dossier de cette affaire est transmis au ministre de l'Intérieur. Montalivet ; la
lettre qu'il écrivit à ce sujet à Portalis, directeur de l'Imprimerie et de la librairie,
est curieuse à plus d'un titre :
Paris, le 14 août 18 10.
Le Ministre de l'Intérieur, comte de l'Empire, à Monsieur le comte
Portalis, directeur général de P Imprimerie et de la librairie.
Monsieur le Comte, j'ai reçu la lettre par laquelle vous nVannoncez
que soit par hasard, soit à dessein, le passage de Longus qui formoit
une lacune dans le premier livre de son Daphnis et Chloé, a été consi-
dérablement altéré sur le manuscrit grec qui se trouve à la bibliothè-
que de Saint Laurent de Florence, et me faites observer en même
tems que l'ordre public veut que l'auteur d'un dommage de ce genre
soit mulcté et tenu de le réparer.
L'auteur de cette espèce de délit n'étant pas connu je ne vois pas trop
quelles mesures on pourrait prendre. D'ailleurs vous observez qu'on
ignore si c'est par hazard, ou à desseiu, que le manuscrit a été inaculé.
Mais non seulement le passage couvert d'encre n'est point perdu,
mais il a été publié en Italie sur une copie qui avoit été faite par le sieur
Courier, et M. Petit-Radel, médecin, en a fait une traduction en vers
latins, que j'ai l'honneur de vous transmettre ci-joint '.
A l'égard des taches d'encre, il est possible de les enlever par un pro-
cédé qui est très connu. Il ne s'agira que de s'y prendre avec beaucoup
de précaution pour ne pas attaquer les caractères. En conséquence
j'écris aujourd'hui au conservateur de la Bibliothèque de Florence de
consulter un habile chimiste et de s'occuper avec lui de cette opération.
Dans tous les cas il sera facile de rétablir ce passage sur le manuscrit,
i. Lacune du texte de Lo'sgus, livre I" recouvrée à Florence en 1810, et com-
muniquée par M. CouRCiER (sic). ln-S° de 8 pages. C'est une traduction en vers la-
tins qui fait suite aux Longi Sophistœ paslovalia Lesbiaca... e textu graeco in lati-
num numeris heroïcis dcductum, de Petit-Radel (Paris, i8og, in-S").
d'histoire et DR LITTERATURE 383
puisqu'il est imprimé '. On m'assure que Monsieur Renouard, libraire
à Paris, en possède un exemplaire. Je crois donc, Monsieur le Comte,
qu'il ne faut pas donner suite à cette affaire et qu'il suffit pour le mo-
ment de s'occuper des moyens de réparer le dommage survenu au ma-
nuscrit.
Veuillez, etc.
MONTALIVET.
Il était convenu que l'affaire n'aurait pas de suite, « l'auteur de cette espèce de
délit n'étant pas connu » et que « dans tous les cas il serait facile de rétablir ce pas-
sage sur le manuscrit, puisqu'il était imprimé. » Mais sur ces entrefaites parut la
Lettre à AI. Renouard {20 septembre iSio); elle produisit l'effet qu'en attendait
Courier ". A la suite d'instructions venues de Paris une nouvelle enquête fut com-
mencée, Courier en a raconté les débuts dans son Avertissement du traducteur sur
la Lettre a M. Renouard, mais il ne semble pas qu'en cette occasion sa mémoire
lui ait toujours été fidèle. Satisfait de ses explications, le préfet de Rome, chargé de
cette enquête, répondit au directeur de la Librairie :
PRÉFECTURE Rome, le 26 septembre iSio.
DU
DÉPARTEMENT
DE ROME
Monsieur le Comte,
J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait Phonneur de m'écrire le
1'='' du courant en me demandant de prendre auprès de M. Courrier des
informations sur sa conduite, relativement à un manuscrit grec existant
dans la bibliothèque Saint-Laurent de Florence.
J'ai fait appeller M. Courrier auprès de moi; l'explication qu'il m^a
donnée me semble parfaitement le laver des inculpations qui ont pu lui
être faites. Je m'empresse de vous la transmettre.
En copiant un morceau inédit d'un manuscrit de Longus, il y fit une
tache d'encre, couvrant une vingtaine de mots. Lorsque cet accident
eut lieu, la copie étoit déjà faite, elle Tavoit été par lui conjointement
avec le bibliothécaire et revue sur le manuscrit par trois personnes, ce
qui la rendoit exacte et authentique autant que possible^. Le bibliothé-
caire dans la suite voulut que cette copie fût déposée entre ses mains;
M. Courrier s'y refusât (sic)., craignant l'abus qui pourroit en être fait ;
un avis inséré dans les journaux italiens par le même bibliothécaire
ayant prévenu le public de n'ajouter aucune foi à un suplément de
Longus, attendu la destruction de l'original. Il fit imprimer ce frag-
ment en trois langues, avec l'ouvrage entier revu sur les manuscrits de
1. C'est le Longi pastoraliinn fragmentum liactcnus ineditum "pnhWé par Courier,
avec la traduction latine d'Amati (Rome, Lino Contedini, 18 10, in-8°), tiré à 60 exem-
plaires.
2. Voyez V Avertissement du traducteur sur la Lettre à M. Renouard.
3. Comparez la Lettre à M. Renouard, p. 28G de l'édition de 1825.
384 REVUE CRITIQUE
Rome et de Florence, il en fut tiré cinquante exemplaires seulement,
destinés à être donnés aux bibliothèques publiques et aux savans '.
Tel est, Monsieur le Comte, Thistorique de la conduite de M. Cour-
rier. Les raisons sur lesquelles il appuyé son refus d'avoir voulu remet-
tre au bibliothécaire le manuscrit de son édition sont : que, ce particu-
lier paroissant vouloir l'accuser d'avoir copié inexactement Longus,
une pièce écrite en partie de sa main le forçoit à avouer l'authenticité
du texte, tandis qu'en étant possesseur, un seul mot altéré, rendoit tout
le reste suspect, que d'ailleurs cette copie est inutile à la bibliothèque,
où elle ne peut avoir aux yeux des savants l'autorité du manuscrit, ni
par conséquence en tenir lieu. Il n'a point envoyé d'exemplaires de son
édition attendu que cette bibliothèque ne contient que des manus-
crits ".
La conduite privée de M. Courrier est ici irréprochable. Sa seule
occupation est la culture des lettres. Il semble difficile qu'on puisse l'ac-
cuser de spéculation dans l'accident arrivé au manuscrit de Daphnis et
Chloé puisque du petit nombre d'exemplaires tirés de son ouvrage
vingt sont encore entre ses mains, les autres ayant été distribués gratui-
tement. D'ailleurs il n'est point présumable qu'il eût voulu se priver
du titre unique dont la comparaison pouvait prouver l'exactitude de son
travail, qui en établit seule le mérite. Je vous prie de vouloir bien me ré-
pondre pour me mettre à même de le tranquiliser sur les suites de cette
affaire.
J'ai l'honneur, etc.
TOURNON.
Monsieur le Comte Portails, conseiller d'Etat , Directeur général de
l'Imprimerie et librairie, Paris,
Il est bon de remarquer qu'on retrouve dans cette lettre, presque mot pour mot,
deux passages de la Lettre à M. Renouavd relatifs à la copie du passage de Longus
promise au bibliothécaire; la dernière phrase en est aussi à noter 3.
En même temps que sa traduction de Daphnis et Chloé paraissait à Florence, Cou-
rier avait fait imprimer à Rome le texte de la lacune comble'e par le manuscrit de
Florence et y avait joint une traduction latine; peu après il publiait le roman entier
de Longus, la lettre suivante du préfet de Rome nous donne encore quelque détails
à ce sujet :
1. AOrrOÏ nOIMENIKQN AOrOI TETTAPES. (A la fin 0 EN POMHI,
Ilapà A(vw Tto KcvTcBlVi'w, aw. '. Sur l'avant dernière page, on lit : « Cinquanta
due esemplari col numéro délia tiratura in /rente d'ogni esemplare. «
2. Voyez la reproduction presque textuelle de tout ce paragraphe dans la Lettre à
M. Renouard, édition de iS25, p. 3oy.
3. Comparez V Avertissement, edit. de iSzS, p. 274.
o'histoirk ht de littérature 385
PRÉFECTURE Rome, le 6 octobre 1810.
DU
D lî P A R T E JI E N T
DE ROME
Monsieur,
La lettre que vous m'avez fait rhonncur de m'e'ci-ire le 28'' septembre,
relativement a M. Courier s'est croisée avec celle que je vous adressai le
25 septembre, en réponse à la 1'''= que je reçus de vous sur cet objet. Je
m'en réfère à cette lettre pour tout ce qui concerne la personne de
M. Courier et l'événement de la tache du manuscrit de Longus,
Il est vrai, ainsi qu'on vous a informé, que M. Courier a fait impri-
mer à Rome le fragment retrouvé du poème de Daphnis et Chloé, avec
la traduction latine. Cet ouvrage n'a été tiré qu'à 60 exemplaires, qu'il
a distribués à ses amis; il a été imprimé par Lin Contadini ', et l'exem-
plaire ne porte pas la date, mais j'ai la certitude que cet opuscule a été
imprimé en mars ou en avril au plus tard, en ayant reçu à cette époque
deux exemplaires, dont j'ai l'honneur de vous transmettre un. Ainsi,
Monsieur le Comte, il n'y a point lieu à appliquer le décret du 5 février
qui n'a été publié ici, comme vous le savez, que dans le mois de mai ^.
Je suis informé que M. Courier a fait imprimer récemment à 5o exem-
plaires seulement le roman entier des amours de Daphnis et Chloé,
mais je n'ai pas encore pu acquérir la preuve que cet ouvrage, qui n'a
point été mis dans le commerce, et dont il n'existe que deux exemplai-
res à Rome, ait été imprimé dans cette ville ". L'impression de cette
édition de Longus a été faite avec luxe et entièrement aux frais de
Monsieur Courier; je pense que cette explication vous satisfera.
Veuillez, etc.
ToURNON.
Monsieur le Conseiller d'État, directeur général de la Librairie.
Les pièces suivantes nous donnent le dénouement de l'affaire; la dernière et la
plus curieuse se rapporte à la remise solennelle à Del Furia de la copie du passage
de Longus que Courier lui avait refusée dès le début et qui avait donné lieu à tant
de discussions :
1. On lit à la fin (p. i5) : ROMAE, — cb.bccc. x. Apud Liniim Contediniinn.
2. C'est le décret sur la librairie et l'imprimerie qui parut au Moniteur du 7 fé-
vrier 18 10.
3. Voyez plus haut, note 8, le texte, reproduit tout au long, de la souscription
de cette édition : Rome, Lino Contedini, 18 10.
586
REVUE CRITIQUE
CABIiNET
BU
JI I N I S T R E
Paris, le 8 décembre iSio.
Le Ministre de l'Intérieur à Monsieur le Comte Por-
tails, directeur général de la Librairie.
J'ai reçu, Monsieur le Comte, le rapport que vous m'avez fait Fhon-
neur de m'adresser le 3 de ce mois, relativement à l'altération d'un ma-
nuscrit de la Bibliothèque Lorenzanne de Florence, contenant un passai^e
inédit du roman grec de Longus, découvert par le S"" Courier et publié
par lui. Je ne saurais qu'approuver les mesures que vous avez prises et
que vous vous proposez de prendre envers le S"" Courrier pour consta»
ter l'authenticité du passage en question et en assurer la conservation.
Recevez, etc.
MONTALIVET.
Rome, le 23 janvier i8ii.
t^REFEGTURE
DU
DÉPARTEMENT
DE ROME
Monsieur,
D'après les ordres que vous m'avez transmis par la lettre que vous
m'avez fait l'honneur de m'adresser le 27 du mois dernier et que j'ai
communiquée à M. Courrier, ce dernier m'a remis la copie originale
qu'il a faite d'un passage inédit de Longus sur un manuscrit de la Bi-
bliothèque Lorenzane de Florence ainsi qu'un exemplaire de l'édition
de ce même passage faite en latin et en grec par le même savant '.Je
viens de transmettre ces pièces suivant vos instructions à M. le Préfet
de l'Arno afin qu'il en fasse le dépôt à la Bibliothèque de Saint-Lau-
rent, en observant les formalités que vous lui aurez sans doute indiquées
pour établir l'authenticité de cette copie précieuse.
Agréez, etc.
Tour NON.
M. le Directeur général de la Librairie.
Florence, le 11 février 181 1.
Le Préfet de l'Arno^ baron de l'Empire, officier de la Légion d'hon^
neiir, à Monsieur le Conseiller d'Etat, Directeur général de l Im-
primerie et de la librairie.
Monsieur le Conseiller d'Etat,
Conformément à vos ordres, M. le Préfet de Rome a reçu de
M. Courrier et m'a transmis :
I . Voyez note 6.
D''HISTOmE ET DE LITTERATURE 887
1° Copie du passage inédit de Daphnis et Chloé de Lungus (sic), qu'il
avait prise sur le manuscrit de la bibliothèque Lorenzana de Florence;
2» un exemplaire de l'édition que M. Courrier a fait faire de ce même
passage.
Le dépôt en a été fait à la bibliothèque Lorenzana, ainsi qu'il conste
(sic) du procès-verbal dont j"ai l'honneur de vous adresser une co-
pie.
Agréez, etc.
M. Fauchet.
Co^ie.
L'onze février mil huit cent onze, nous Jean-Raymond Derancy, chef
de division dans les bureaux de la Préfecture du département de l'Arno,
nous sommes rendus conformément à la délégation de M. le baron
Fauchet, Préfet de ce département et pour l'exécution des ordres de son
Excellence le Ministre de l'Intérieur, comte de l'Empire, à la bibliothè-
que Saint-Laurent à Florence, à l'effet d'y déposer la copie d'un frag-
ment de Lungus (sic), faite par M. Courrier sur un manuscrit de ladite
bibliothèque, afin d'établir l'authenticité du passage qui a été altéré et
qu'elle doit remplacer, ainsi qu'un exemplaire de l'édition que M. Cour-
rier a fait faire de ce même passage.
Ayant trouvé M. Del Furia, bibliothécaire de ladite bibliothèque
Saint-Laurent, dans le bureau qu'il occupe près de cet établissement,
nous lui avons remis la lettre que M. le Préfet lui a écrite le 9 du pré-
sent mois pour l'informer de notre mission et avons déposé dans ses
mains : i^ la copie d'un fragment de Lungus (sic), faite par M. Cour-
rier, contenant dix pages d'écriture cotées et paraphées par M. le baron
de Tournon, préfet du département de Rome, marquées à chaque feuille
des lettres A. B. T, et réunies au moyen d'un lacet de soie, scellée à
son extrémité d'un cachet en cire rouge portant l'empreinte sui-
vante :
OV AOKEIN
AAA EINAÏ OA
BIO:: GEAQ.
2" D'un exemplaire de ce même fragment imprime par les soins de
M. Courrier.
Ces pièces ayant été reçues par M. Del Furia pour être déposées à la
Bibliothèque dont la garde lui est confiée, il en a fourni son récépissé,
en signant avec nous le présent procès-verbal de dépôt.
Fait double à la Bibliothèque Saint-Laurent, à Florence, les jour,
mois et an susdits, et avons signé.
Pour copie conforme :
Le Préfet de l'Arno, baron de l'Empire, M. Fauchet.
H. Omont.
388
REVUE CRITIQUE D HISTOIRE ET DE LITTERATURE
NOTE DE M. JAHN
M. Albert Jahn, en réponse à l'article de M. Baudat sur sa Gregorii Palamae
Prosopopoeia (Rev. cvit., i885, II, p. 240), nous envoie une note où il fait observer
que le ms. d'Augsbourg, dont M. Baudat réclame une collation, n'existe pas; M. Jahn
renvoie à sa préface, p. ix et suiv., note. — Il insiste sur ce que l'intérêt de l'écrit
de Palamas est non seulement théologique (point indiqué par M. Baudat), mais aussi
philosophique.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séajtce du 7 novembre 188^.
M. Schlumberger lit un mémoire de M. Louis Blancard, archiviste des Bouches-
du-Rhône, sur la monnaie romaine au m" siècle de notre ère. On connaît le système
monétaire de l'empire romain à la fin du 11'^ siècle : il avait pour base le denier d'ar-
gent, argenteiis, qui valait 4 sesterces, ou 40 libelles, ou 80 migules, ou 160 téron-
ces, et Vaiireiis, qui valait 26 deniers ou 4,000 téronces. Caracalla modifia cette or-
ganisation par la création d'un nouveau denier d'argent, Vargenteus à tête radiée,
qui valait i fois 1/2 l'ancien denier ou petit argenteus. Ùaiireus subit une modifi-
cation correspondante et valut 2 5 argenteus nouveaux, ou 3j 1/2 petits argenteiiSy
i5o sesterces, i,3oo migules ou 6,000 téronces. La notation écrite des valeurs mo-
nétaires se modifia aussi : l'X traversé par une barre, qui avait servi d'abord à dési-
gner le denier d'argent, devint la marque d'une fraction inférieure ; M. Blancard s'at-
tache à établir qu'on obtient une traduction exacte des indications de valeur expri-
mées à l'aide de ce signe, en le rendant par « im sou », monnaie de compte
populaire de nos jours, ou o fr. o5.
M. Salomon Reinach communique une notice sur un témoignage de Suidas relatif
à Musonius Rufus. On ne connaissait jusqu'ici que par une citation de Suidas un
passage d'une lettre de l'empereur Julien, dit l'Apostat, qui dit en parlant de Muso-
nius Rufus, exilé par Néron à Gyaros, îlot aride et désert des Cyclades : â'TTijJ.éXsTO
(3ap(Sv. Suidas explique ces mots en tirant le second du substantif Çjâp'.ç, et traduit :
il s'occupa du soin des fortifications de l'île. M. Egger a proposé d'admettre plutôt
que fiapwv était ici le génitif pluriel de ^ctpcç, poids, et que Musonius avait exercé
les fonctions de vérificateur des poids et mesures. Une découverte récente rend ces
diverses conjectures inutiles. M. Papadopoulos Kérameus a trouvé dans un manus-
crit de Constantinople et a publié, dans le UaoâorrjiJ.a de la société : 6 £V Kwvc-
Tav-lvoUTro^El £X}v'^vty,bç çiXoAoYtv.àç Sù^Xc^oç, six lettres inédites de l'empereur
Julien, parmi lesquelles se trouve celle dont Suidas a cité un extrait. Au lieu des
deux mots qui ont donné lieu à ces explications diverses, le texte de M. Papadopou-
los porte : i~z\JÀXziO ryâowv, ce qui est évidemment la bonne leçon. L'empereur
loue Musonius de s'être occupé des intérêts de l'île où il était relégué. On lui attri-
bue, en ellet, la découverte d'une source qui existe encore et où s'abreuvent les trou-
peaux. Le pluriel Fuâpwv ne doit pas étonner, c'est la forme la plus usuelle sous
l'empire; on lit déjà dans Juvénal : brevibus Gyaris.
Ouvrages présentés : — par M, Alexandre : 1° Victor Gross, Supplément aux Pro-
iohclvètcs : la Tèite, un oppidum helvète; 2° L.-B. Morel, le Temple du Chdtclet
d'Andance (Ard'echeJ; — par M. Bergaigne, au nom de M. Barbier de Meynard ;
H. Sauvaire, Matériaux pour servir à l'Iiistoire de la numismatique et de la métro-
logie musulmanes ; — par M. P.-Ch. Robert : Ernest Babelon. Description histori-
que des vionnaies de la république romaine, 1. 1 ; — par M. Georges Perrot : Salomon
Reinach, Traité d'épigraphie grecque; — par M. Renan : i^ Joseph et Hartwig
Derenbovrg, Nouvelles études sur Vépigraphie du Yémen; 2° J.-F. Bladé, Mémoire
sur l'histoire religieuse de la Novempopulanie romaine; — par M. Le Blant : le Tal-
mud de Jérusalem, traduit par Moïse Schwab, tome VllI.
Julien Havet.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEKOU
'X.
Lf. Puy, imprungrie dp Marchessou fils, boulevard Sainî-Lûia ent, %S.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
No 47 _ 23 novembre — 1885
Sommuirc t 210. "Vie de Pythagore par Jambliquc, p. p. Nauck. — 2H. Mowat,
Remarques sur les inscriptions antiques de Paris. — 212. Réimpressions viennoi-
ses, i-vt et contributions à l'histoire de la littérature autrichienne, ii-iv. — 21 3.
Filon, Histoire de la littérature anglaise^ — 214. Lufft, La prise du Schœnzcl et
la campagne de 1793. — Lettre de M. Théodore Reinach. — Chronique. —Aca-
démie des Inscriptions. — Société nationale des Antiquaires de France. — Adden-
dum à l'art. i85.
210. — Jîsmbïîcliî de Vita ï»j-tIiagoiMco libei'. Ad fidem codicis florentini
recensuitA. Nauck. Accedit epimetrum de Pythagorœ aureo carminé. Pétersbourg,
1884. Prix : I R. f>o Kop. - 6 Marks = 7 fr. 5o.
Quelque intérêt que présente la Vie de Pythagore par Jamblique
pour l'histoire de la philosophie grecque, elle contient assez de légendes
niaises et de fables insipides pour rebuter la patience d'un lecteur, à
plus forte raison d'un éditeur. Aussi a-t-elle été rarement publiée et
doit-on savoir gré au savant qui emploie son érudition et sa sagacité
à la tâche ingrate de donner un te.Kte d'un tel auteur. M. Nauck peut
compter à bon droit parmi les premiers critiques de notre temps. Nul
ne conteste sa science, et si quelques-uns, surtout en Allemagne, ont
cru pouvoir adresser le reproche de témérité à ses travaux, particulière-
ment à ses éditions de Sophocle, c'est qu'ils ont oublié qu'il n'est pas
plus téméraire d'attribuer à Sophocle une phrase raisonnable qu'il pou-
vait écrire qu'une absurdité ou un non-sens qu'il n'a certainement pas
dits. M. N. a traité le texte de Jamblique de telle sorte que de long-
temps sans doute on n'aura point à y revenir. C'est à sa recension que
devront se reporter tous ceux qui voudront étudier cet auteur.
La Vie de Pythagore avait éié publiée quatre fois avant la présente
édition; par Johannes Arcerius Theodoretus en 1598, d'une manière
tout à fait fautive; par Kuster, en 1707 (Amsterdam), qui n'apporta à
l'édition d'Arcerius que fort peu d'améliorations, et selon Nauck fut
plus nuisible qu'utile à son auteur; par Kiessling (Leipzig, 181 5), dont
le travail a plus d'importance, sans être excellent; enfin, à Paris, chez
Didot, en i85o, par Westermann, qui laissa subsister beaucoup de fau-
tes grossières et ne profita même pas de tous les travaux antérieurs. Ce-
pendant, d'autres philologues avaient concouru, et plus utilement, à
l'établissement du texte. C'étaient surtout Rittershuys, dans son com-
;^entaire sur Porphyre, Obrecht, auteur d'une traduction latine de la
'Vie de Pythagore., parue en 1700, d'où M. N. a tiré d'excellentes cor-
Nouvelle série, XX. 47
SgO REVUE CRITIQUE
rections, Hiischig, dans la Zeitschrift fi'ir Alterthums-Wissenchaften,
i85i, Erwin Rohde, Rheinisches Muséum, tome XXXIV; enfin Co-
bet dans plusieurs de ses ouvrages s'est occupé du texte de l'ouvrage de
Jamblique.
M. Nauck dans ses Prolégomènes explique nettement Pusage qu'il a
fait de tous ces travaux ainsi que des manuscrits. Ces derniers sont assez
nombreux, mais les principaux sont les suivants : le Florentinus (Lau-
rentianus LXXXVI, 3), du xiv= siècle, au moins pour la partie qui con-
tient des œuvres de Jamblique; c'est le meilleur des manuscrits et peut-
être la source de tous ceux que nous avons. M. N. n'ose pourtant affir-
mer ce point. Cobet en avait donné une collation nouvelle dans ses
Collectanea critica; mais M. N. l'a de nouveau conféré lui-même et a
relevé quelques erreurs échappées au savant hollandais. Le Parisinus
20g3, du xv"^ siècle, collationné spécialement pour cette édition par
M. Alfred Jacob, est assez médiocre ; le Ci^ensis, du xvi^ siècle, en dé-
rive peut-être ; en tous cas, il est écrit négligemment et fourmille de
fautes. Avec ces ressources, on n'aurait qu'un livre illisible en bien des
endroits, si l'on n'avait recours assez fréquemment à la conjecture.
Cest ce qu'a fait M. N. : outre les corrections qu'il a empruntées à
d'autres auteurs, il en a lui-même proposé de nouvelles qui souvent
améliorent notablement le texte. Les plus certaines sont introduites dans
le corps de l'ouvrage. Les autres se trouvent dans les notes au bas des^^
pages. L'appareil critique est exempt du défaut, trop commun aujour-
d'hui, qui consiste à relever les plus petites particularités et les erreuri
les plus grossières des manuscrits. M. N. ne signale que les renseigne
ments qui peuvent avoir de l'intérêt pour établir la tradition du texte.
Il est naturellement impossible de relever toutes les corrections pro-
posées par M. Nauck. Toutes d'ailleurs ne sauraient avoir la même
évidence. Nous en citerons quelques-unes pour donner en quelque
sorte une idée de la manière de l'éditeur.
Page 98 de l'édition, chap, xxviii, § 134, Jamblique raconte que Py-
thagore avait le don d'ubiquité : "Exi [x'.ay.atTfj aùrï^ ''l'r'ifa £V ts MsTaTOV-
ToTç eza-éptoO'. baipcç auTwv ciaêsêaioDvTat cytlhi Hzœnsç. Tel est le texte
des manuscrits. Aù-ôv ne peut s'expliquer. Aussi Kiessling avait-il pro-
posé d'écrire oTJTou. Mais avec cette correction il manque un sujet à la
proposition infinitive. M. N. donne un texte bien plus satisfaisant en
écrivant aÙTov.
Page 125, chap. xxx, § 172, l'auteur compare deux formes de la jus-
tice, l'une qu'il appelle vo[;,G0cT'.y.6v, qui prévient le mal, l'autre nommée
ci7.ac;T'.y.cv, qui le punit : la première est supérieure à la seconde : 10 [xev
Yàp TY] icf.xpvAr\ zpccé'.cy.s y,ai voc/icavTa? OspaTcsûsi, 10 tï t'};v àp/jjV C'jcï vo^rstv,
àXXd TioppcoOsv lTL>.[Jsldiy.i vqq èv TQ'liùyr^ b^iziaq. Le sens n'est pas douteux,
mais la phrase ne se construit pas grammaticalement : vcssTv ne dépend
de rien. M. N. suppose l'omission très facile de AI devant N et écrit:
o'histoike kt de littérature 391
To Se Tïjv àpx,'')'' oùo' sa voccî'v, correction qui a tous les caractères de la
certitude.
Page i85, ch. xxxv, § 263, il s'agit d'exilés qu'on rappelle plusieurs
années après le décret de bannissement. 'E7:i-^zvo\>.ivb)v oï tioXXûv stôv -/.al
im Tcsp'c Tov à£(vap"/ov èv siépw yj.vouvw TeAî'JTYîcâvTwv, à'^oOavcvToç (ou plutôt
àTToôavovToç c£, comme le propose M. N.) xat Ai-riTOUç, oaTzep v^v '^jY^i^ov.-
xw-caTO? Twv c-at7tâvï(i)v eXeoç tiç xat [xsTavcia èvéTîsae xat toùç 'îrapaAct'::o-
[xévouç auTàiv '^êouA'/iG'/jaav y.a-aYeiv. On ne sait ce que c'est que les ban-
nis « qu'on laisse de côté. » Il est au contraire fort naturel qu'on men-
tionne ici la mort d'un grand nombre d'exilés : « Ceux qui restaient »
furent autorisés à rentrer. C'est le sens que donne la correction de
M. Nauck : TrepiXstTCo^'-évou^. On sait que les propositions r.s.pii et
zspt sont désignées dans les manuscrits par des abréviations à peu près
semblables.
Ces citations suffisent pour montrer la valeur de la très importante
recension de M. Nauck. Pour la discussion de chaque conjecture en
particulier, nous ne pouvons que renvoyer le lecteur à l'ouvrage même.
La Vie de Pythagore est suivie des scholies, en petit nombre, tirées
pour la plupart du Florentinus, d'une étude sur les Vers Dorés, déjà
publiée en 1873. Enfin des Index fort complets terminent ce livre im-
portant. M, Nauck préparc actuellement une seconde édition des trois
opuscules de Porphyre àé]k édités par lui en 1820 (Leipzig, Teubner,
8") : de Vita Pythagorœ, de Abstinentia, Epistola ad Marcellam,
auxquels il ajoutera le de Antro Nympharum, ce qui donnera à son tra-
vail un nouvel intérêt.
A, M. Desrousseaux.
211. — ESeiiîaa'Ciues sii:* les inscB*îï>tîosts antiques «le E^aj'îs» avec des
considérations nouvelles sur la mythologie gauloise, par Robert Mowat, i883,
in-8, de 100 p.
Le travail de M. Mowat a déjà fait son chemin dans le monde épi-
graphique, Les lecteurs du Bulletin en ont eu l'agréable primeur :
réunis aujourd'hui en un élégant volume, les articles parus il y a trois
ou quatre ans peuvent vivre d'une vie indépendante et glorieuse.
M. M. est un vaillant épigraphiste, comme il a été un vaillant soldat.
A côté des énergiques attaques que l'auteur dirige contre les opinions
« acceptées sans critique et routinièrement répétées », il a réuni avec un
soin merveilleux et une singulière exactitude tous les textes lapidaires
qu'il sait devoir écraser son adversaire. Aussi faut-il consulter ce
travail, non point seulement pour l'étude des inscriptions de Paris, mais
encore pour celle des monuments religieux de toute la Gaule.
Paris, à dire vrai, n'offre pas une riche moisson épigraphique. Une
soixantaine d'inscriptions tout au plus, voilà sa richesse en celte matière:
392 REVUE CUITIQUE
sur ces soixante, les dédicaces des autels trouvés sous Notre-Dame, Tépi-
taphed'uii vétéran de Menapis, une borne milliaire, ont seules une véri-
table importance. Mais M. M. a suppléé au petit nombre de textes par
la richesse du commentaire : l'étude qu'il nous donne des autels gaulois,
étude qui remplit la première moitié du travail, est extrêmement riche
en résultats nouveaux sur la mythologie gallo-romaine. En réunissant à
la fois les textes épigraphiques et les monuments figurés, l'auteur a pu
renouveler entièrement la question des rapports des divinités romaines avec
les dieux gaulois. Il identifie Cernunnos avec Dis pater ; Teiitatis est
pour lui Mars; Esus^ Silvain, Taranus, Jupiter. On pourra discuter ces
identifications : mais il est impossible de nier que le travail de M. M.
ne soit désormais le point de départ de toute nouvelle étude sur ce sujet,
et n'ait fait faire à la question des pas décisifs.
M. iVI. nous a donc rendu deux précieux services : il a renouvelé nos
connaissances sur la mythologie gallo-romaine ; il a donné le premier
un Corpus complet des inscriptions de Paris. Ce Corpus pourrait peut-
être se doubler, si les amis de Pantiquité voulaient se rappeler que
« des fouilles dirigées avec méthode sous le pavé de la place du Parvis
Notre-Dame feraient certainement découvrir de nouveaux et inestima-
bles monuments. » Cela coûterait moins, rapporterait plus peut-être
que les fameuses Arènes. Vraiment, le recueil de M. M. est si intéres-
sant pour nos origines que les archéologues et les édiles de la Capitale
devraient lui fournir les moyens d'en préparer la suite.
Il est un autre vœu qu'on ne peut s'empêcher de former. Le recueil
de M. M, est purement épigraphique et historique : il n'a pu donner
une reproduction des autels et des autres monuments antiques trouvés
à Paris. On aimerait une publication qui nous offrit la photographie,
la description, le commentaire de tous les débris gallo-romains qu'a li-
vrés le sol de notre glorieuse cité. Ce serait l'encyclopédie du Paris
romain. Le conseil municipal, — ce qui est du reste dans sa tradition, —
ferait œuvre de patriotisme et de science en ajoutant cette publication
aux beaux recueils parus déjà sous ses auspices, et en en confiant le
soin à M. Mowat '.
On ne peut parler de M. M. sans rappeler qull dirige depuis la mort
de Florian Vallentin, le Bulletin épigraphique de la Gaule-, et
1. Dans le I1I« volume de la Gaule romaine de M. Desjardins ont paru de magni-
fiques reproductions des autels gallo-romains. — A la biographie de l'inscription de
la p. 7, il faut ajouter : Garrucci, / segni dclle lapidi latine, p. 3o. Le père Garrucci
a lui-même copié l'inscription à Paris. — P. g3, l'inscription d'Arles se lit peut-
être : SILVAN////// I V7////////L-M ! MARTI ALIS ! SILVI (///m5) | SEVIr (notre
copie).
2. Nous regrettons seulement que M. Mowat n'ait point conservé le titre donné à
la Revue par son fondateur et l'ait intitulé simplement Bulletin épigraphique, sous
le prétexte que la Gaule n'y était plus seule représentée. Sans doute, le Bulletin pu-
blie des inscriptions de tous les pays; mais c'est surtout la Gaule qu'il est destiné à
nous faire connaître; puis, ce mot de Gaule révélait tout de suite la période de
l'histoire qu'il étudiait. D'ailleurs, déjà dès sa première année, dès ses premières
d'HISTOIRK et DR littératuiîk 89 3
qu'il le fait avec un zèle, une sûreté et une fermeté dignes de tout élou,c.
En empêchant la ruine de ce recueil, en en continuant, par ses articles,
le succès et les services, M. Mowat a su bien mériter de la science et a
continué de bien mériter de la patrie.
I. ikVîener IVeucîi-ucke.
1. Abraham a Sancta Clara, Auf, auf, ihr Christcn. In-o, xiv et i33 p.
i8S3. I mark 20 ou 60 kreuzer.
2. Prinzessin Pumphia von Joseph Kurz. In-8, vn et 5g p. 188?. 80 pfennigs
ou 40 kreuzer.
3. Der Hausball, eine Krzaehlung, v. V***, 1781. In-8, xii et 24 p., i8S3.
60 pfennigs ou 3o kreuzer.
4. Der auf den Parnass versetzte grûne Hut, von Chr. G. Klem.m, ijôy. In-N,
XVI et 63 p., i883. 80 pfennigs ou 40 kreuzer.
5. Samuel und Saul, von Wolfgang Scumeltzl, i55i. In-8, v et 44 p.
80 pfennigs ou 40 kreuzer.
6. Lustige Reisebeschreibung, von J. A. Stranmtzkv. In-8, xxxii et 64 p.
I mark 20 ou 60 kreuzer.
(A Vienne, chez l'éditeur Konegen, Opernring, 3).
II. TSf'îïi'fSige zvsi* GeseïiîeSite cîei* <!euî*eJioii lL,îïcrs»ïTi!" ««;<3 «ît s
fioâsitîgeii ILeîiena în Oestes-i-eicli herausgegeben von J. Minor, A. Sauer,
R. M. Werner.
2. Heft : Wiener Freunde, i784-!So8, Beitraege zur Jugendgeschichte der
deutsch-œsterreichischen Literatur, von Robert Keil, i883.In-8, vm et io5 p.
Prix : I florin 5o, 3 mark, 3 fr. -jb.
3. Heft : Wolfgang Schmeitzl, zur Geschichte der deutschen Literatur im
XVI. Jahrhundert, von Franz Spengler, i883. ln-8, vin et qb p. 3 fr. 76.
4. Heft : Die englischen Comœdianten zur Zeit Shakspeares in Oesterreich,
von Johannes Meissner. ln-8, via et 198 p.
(A Vienne, chez l'éditeur Cari Konegen.)
Deux nouvelles collections viennent de paraître à Vienne chez le
même éditeur, M. Konegen; la première, qui comprend des réimpres-
sions, est intitulée Wiener Neiidriicke ; la seconde, qui renferme des
travaux originaux, a pour titre : Beitruge ■{iir Geschichte der deutschen
Literatur und des geistigen Lebens in Œsterreich.
I. La collection des réimpressions viennoises est dirigée par M. Au-
guste Sauer. Elle a pour but de reproduire dans des éditions aussi
bonnes que possible et très peu coûteuses les oeuvres à la fois les plus
importantes et les plus rares qui ont paru en Autriche depuis la hn du
moyen âge jusqu'au commencement du xix" siècle; elle est consacrée
pages, le Bulletin épigraphique delà Gaule est sorti de ses limites géographiques; il
importait donc de se conformer toujours à la pensée et à l'idée du fondateur.
M. Renan a dit dans ses Souvenirs qu' « un littérateur qui se respecte doit n'écrire
que dans un seul journal, dans une seule revue, et n'avoir qu'un seul éditeur ».
On peut dire qu'une Revue qui se respecte (pour ne pas changer l'expression) ne
doit avoir qu'un titre, qu'un format, qu'une série. Cette triple unité est un garant
de durée, de force et de gloire.
3g4 RKVUK CUIMQOll
avant tout au développement du drame sur les scènes de Vienne dans le
dernier siècle; elle comprend, en outre, des œuvres écrites en dialecte
viennois ou traitant de l'histoire de la ville de Vienne.
1. Le premier volume est une réimpression, publiée par M. A. Sauer,
de l'œuvre d'Abraham à Santa dura., Aiif, aiif,.ihr Christen^ das ist eine
bewegliche Anfrischiing der christliclieii Waj^emuider den turkischen
Blutegel, etc. On sait Testime de Gœthe pour cet écrit et son mot sur
le Père Abraham qu'il jugeait après cette lecture « un magnifique origi-
nal. » On sait aussi que cet ouvrage fournit à Schiller la matière et le
modèle du discours du capucin dans le Camp de Wallenstein. M. Sauer
a reproduit le texte avec le plus grand soin d'après la première édition
de i683 (bibliothèque de l'Université de Vienne).
2. Le deuxième volume esf une comédie de Joseph Kurz ou Bernar-
don, (nom que lui valut le rôle de ce personnage comique). Cette pièce,
P7~in\essin Pwnphia, est, comme disait Kurz, une critique ou une pa-
rodie des tragédies que tant de troupes allemandes représentaient alors
très méchamment; elle eut un grand succès et resta longtemps au réper-
toire; Gervinus assure que les noms des principaux personnages vécu-
rent jusqu'à ces derniers temps dans la mémoire du peuple viennois-
Le texte a été reproduit d'après un exemplaire de la bibliothèque de la
ville de Vienne; cet exemplaire ne porte pas de date ; mais celui de la
bibliothèque grand-ducale de Weimar a été daté, à la main, du 14 fé-
vrier 1756.
3. Le troisième volume renferme un petit récit curieux, écrit avec
assez de verve et d'entrain, le Hausball. On n'en connaît pas l'auteur;
mais on sait qu'il parut en 1787 et qu'il raconte une histoire vraie qui
se passa cette année-là, pendant le carnaval. Gœthe le lut et le remania
sous le titre der Hausball, eine deutsche National geschichte et le pu-
blia dans les n°^ 6 et 9 du Journal manuscrit deTiefurten octobre 1781
(cp. le 5« vol. de l'édit, Hempel p. p. Loeper, p. 269-275). L'éditeur
compare, dans son introduction, l'œuvre viennoise et celle de Gœthe;
il montre, avec M. de Loeper, que l'avant-propos de Gœthe est un
hommage rendu par le poète à Joseph II; il fait voir que Gœthe, en abré-
geant les vingt-huit premières pages de l'original, leur a donné une al-
lure plus vive, qu'il a retranché les monologues, résumé brièvement
des scènes entières, supprimé les réminiscences pédantesqucs, ajouté ou
suppléé çà et là des mots expressifs, en un mot adouci ce qui était trop
crû et atténué les exagérations; cette comparaison des deux textes est
pleine d'intérêt et de profit.
4. On trouve dans le 4'= volume de la même collection une pièce de
Klemm, « le chapeau vert transporté sur le Parnasse ». Cette pièce qui
fut représentée pour la première fois le 26 février 1767 et accueillie par
de vifs applaudissements, n'est qu'une simple farce et fait à Klemm
très peu d'honneur. Elle était destinée à défendre le type du Hanswiirst
contre les attaques de Sonnenfels; mais la défense est faible et sans es-
d'hiSTOIUF- et DK LITTÉUATURE SqS
prit; les arguments de Klemm manquent de vigueur; il dit tout sim-
plement qu'on ne peut se passer du bouffon qui fait rire tout le monde
et il met dans la bouche d'Apollon, comme le montre M. Sauer, tout un
extrait du plaidoyer récent de Justus Môser (Harlequin oder Verthei-
dignng des Groteske-Komischen, iy6i). L'introduction de M. Sauer
est consacrée à la querelle du Hanswurst, à Panimosité des deux partis
qui s'étaient formés à Vienne, Fun ne voulant plus d'autres pièces que
des pièces écrites, régulières, sans bouffonneries ni obscénités, l'autre
attaché aux pièces improvisées où figurait le Hanswurst en costume de
paysan salzbourgeois et le chapeau vert sur la tête. M. Sauer raconte
comment Klemm, d'abord très hostile aux arlequinades, devint ensuite
le champion résolu du Hanswurst et plaida contre Sonnenfels la cause
du burlesque. Klemm fut vainqueur après la représentation du Griiner
Hut ; mais bientôt la fortune tourna; les auteurs Weiskern et Prehau-
sen moururent (1768 et 1769); les pièces improvisées furent défendues
et Sonnenfels devint censeur du théâtre (1770).
5. Ce cinquième volume contient une pièce de Wolfgang Schmeltzl,
Samuel et Saill, imprimée en i55i et reproduite d'après l'exemplaire
de la bibliothèque imipériale de Vienne; cette pièce appartient au Schiil-
dramaÇvoir plus bas le compte-rendu de l'ouvrage de l'éditeur, M. Spen-
gler, sur Wolfgang Schmeltzl).
6. La liistige Reisebeschreibung ans Sal\burg in verschiedene Lon-
der, de Joseph Antoine Stranitzky, est éditée par M. R. M. Werner
d'après un exemplaire sans date ni lieu d'impression (bibliothèqre royale
de Berlin). Mais M. W. a consulté les éditions postérieures. Il donne
dans son introduction nombre de détails intéressants sur l'œuvre de
Stranitzky qu'il regarde comme une satire des romans de voyages si
aimés au xvii« et au xvni" siècle; toute sa préface renferme d'ailleurs des
renseignements bibliographiques de grande importance, ainsi que de
précieuses indications sur la vie de Stranitzky et sur l'histoire du drame
qu'il a fondé. En outre, M. Werner a eu soin d'ajouter au texte, en se
servant surtout du dictionnaire de Schmeller, un glossaire des exprès
sions dialectales, des mots difficiles et des allusions obscures qu'on ren-
contre à la lecture du Voyage de Stranitzky (p. 45-54)^
II. — La seconde collection, annoncée en tête de ce compte-rendu, a
pour titre a Contributions à l'histoire de la littérature allemande et de
la vie iiUellectuelle en Autriche ». Les directeurs de cette collection sont
I. Les volumes suivants de la colleciion des 'Wiener Neudmcke seront : Abra-
ham à Santa Clara, Mercks Wicn ■ Brunner, Jacob iind seine Scc'ine : Collin, Licdcr
fur die œsterreichische La)idivchr ; Glciclie, der travestirte Aencas ; Hafner, Evaka-
thel und Schnudi. der Furcliisame, Mci^cvra die fûrditerliclie Hexe ; ^éxlnti, das
Neusonnta^skind^ die Bcl.igerung von Ypsilon, Aschenselilegel ; Schmeltzl, £)t7j;/ci!
iind Goliath, der verlorene Joîni ,* Sonnenfels, Briefe iiber die ivienerische Seliaii-
bûhne; Stcsckel, Susanna ; Stranitzky, 0//.7;-r7if;-/iii, West (Schreyvogel), das Sonn-
tagsblatt i<So7-i8o8'.
396 RKVUK CKITIQUK
au nombre de trois : MM. J. Minor, A. Sauer et R. M. Werncr; ils
veulent, selon les termes de leur programme, mettre en une plus vive
lumière le développement de la littérature allemande sur le sol autri-
chien, étudier toute la période qui s'étend entre le moyen âge et l'épo-
que contemporaine, et surtout le règne de Joseph II (die josephinische
Aufklorung) où le goût des choses de l'esprit se ranima en Autriche.
2. Le deuxième volume de cette collection renferme 44 lettres écrites
par des amis de Vieiîne et publiées par M. Robert Keil. Toutes ces let-
tres sont adressées au même personnage, Ch. Léonard Reinhold, élève
des jésuites et d'abord barnabite, puis professeur à léna et à Kiel, gendre
de Wieland et collaborateur du Mercure^ ami de Schiller et commen-
tateur de Kant. Les signataires sont au nombre de quatre : Ignace de
Born (trois lettres), Alxinger (quatorze lettres), Gottlieb Léon (onze
lettres), Haschka (seize lettres), tous quatre amis de Reinhold et mem-
bres comme lui, comme Blumauer, comme Denis, de Tassociation quasi
franc-maçonnique de la « Vraie Concorde » : Born, naturaliste, auteur
d'un livre très répandu sur les moines qui lui valut le surnom de Kut'
tenpeitscher ou « fouetteur des frocs » et le type du Sarastro de la
Flûte enchantée ; Alx'iuger, imitateur de Wieland; Léon, directeur de
l'Almanach des muses de Vienne; Haschka, faiseur d'odes patriotiques, '
le même qui fit l'hymne populaire dont Haydn composa la musique,;
Gott erhalte Fran:{ den Kaise7\ M. Keil a donné dans son introductioni
une foule de renseignements, dont plusieurs inédits, sur Reinhold et'
ses amis de Vienne. Les lettres qu'il publie sont pleines de détails inté-
ressants sur les œuvres de Reinhold, sur le Doolin von Maint\ et le
Bliomberis d'Alxinger, sur la littérature autrichienne de l'époque, sur
le goût du public, sur les œuvres qui paraissaient alors en Allemagne et
qu'on jugeait dans les cercles littéraires de Vienne plus ou moins favo-
rablement. Celles de Born, d^Alxinger, de Léon ont été écrites de 1784
à 1792. La correspondance de Haschka est peut-être la plus curieuse;
c'est un chaud patriote, un ennemi de la Prusse dont la politique n'est
que fourberie (Schurkensystem, p. 89), mais un plus grand ennemi de
Napoléon et de la France; il déplore avec chaleur les divisions de l'Al-
lemagne et loue la persévérance de l'Autriche, de la vieille, de la bonne,
de la loyale Autriche, qui continue ses armements contre le tyran du
monde (p. 100). M, Keil a joint à cet opuscule une table des noms pro-
pres '.
3. On n'a que très peu de détails sur la vie de Schmeltzl, auquel
M. Spengler consacre une monographie consciencieuse. L'auteur a du
moins le mérite d'avoir rassemblé tout ce qu'il était possible de savoir;
Schmeltzl — ou Schmiiltzl, comme il écrivait son nom, — naquit vers
I. Il aurait pu citer plusieurs passages de la correspondance de Forster (vu, 269-
277) qui vit, en allant à Vilna, les membres de cette docte et libérale société d'é-
crivains.
d'histoire et de littérature 397
i5ooà Kemnat dans le Haut-Palatinat ; il fut « cantor » à Amberg,
quitta femme et enfant pour se convertir au catliolicisme et entrer dans
le clergé, vint à Vienne vers 040 et obtint successivement une place de
musicien et de maître d'école au a Schottenstift », puis les fonctions
de curé à Saint-Lorenz au Steinfeld, enfin un bénéfice à Neunkirchen.
M. Sp. prouve que sa première pièce, comme l'avait dit Devrient, et
malgré les objections de Holstein, est la Komudia des verlornen Sohns
qui fut représentée en 040 devant la cour; c'est le premier drame sco-
laire en allemand qui parut en Autriche; mais, comme le démontre
M. Sp., il fut composé sousTinfluence d^Y Acolastus dn Zurichois Bin-
der. Judith 1 qui vint ensuite (1542), n'a, selon M. Sp,, d'autre modèle
que la Bible dont Schmeltzl ne voulut s'écarter à aucun prix ; on y re-
marque pourtant dans le prologue une comparaison entre Béthulie
assiégée par Holopherne et Vienne menacée par les Turcs, a Judith »
fut suivie des pièces suivantes : Aiissendung der ^wulf Boten (1542) ;
Hoch^eit ^u Cana (i543, imité du drame de Rebhun, mais raccourci
d'un tiers); der blindgeborene Sohn (i543), le plus mauvais drame de
l'auteur ; Z)av/rf und Goliath (i545), qui mérite la première place et
« abandonne le ton plat du prédicateur »; Samuel et Saiil (i55i) qui
ne marque aucun progrès. Schmeltzl a donc laissé sept drames, qui fu-
rent joués par ses élèves pendant une période de dix années (i54o-i5 5i);
un huitième, Siisanjia, s'est perdu. M. Sp. juge très impartialement son
héros, et on ne peut que reproduire sa conclusion : « Schmeltzl n'eut à
Vienne aucun prédécesseur. Récrivit en un temps où la vie intellec-
tuelle de l'Autriche entrait dans une nouvelle ère; il cessa d'écrire, lors-
que commença la nuit du jésuitisme. Ce furent les jésuites qui recueil-
lirent son héritage; le drame scolaire allemand qui est un produit
essentiellement protestant, disparaît de nouveau, et Schmeltz n'a pas de
successeur » (p. 73). On remarquera encore à la fin de cet excellent li-
vre les pages relatives aux poésies de Schmeltzl ; la plus connue et celle
qui sert le mieux à fixer les dates de la vie du poète, celle qui lui méri-
terait le surnom de Hans Sachs autrichien que lui donnait Denis, est la
Louange de Vienne {Ein Lobspruch der hochloeblichen rveitberuhmten
Stadt Wien, 1548); deux autres ont pour titre : der christlich und
gewaltig Ziig in das Hungerland (i556; Schmeltzl avait fait la cam-
pagne d'automne de cette année contre les Turcs en qualité d'aumô-
nier) et Ainneyt^ Lied,gemacht ^iiEhren dem Herrn Ferdinand Hert-
^ogen ■{H Oesterreich, als General Veldhduptman dises Zugs in Un-
gern. Cette dernière poésie se chantait sur le même air que le chant
composé à l'occasion de la prise de Dôle en 1479 ou, comme dit
Schmeltzl, sur la «Thulner melodey » -. On regrettera que M. Spengler
1. On n'en possède qu'une copie qui appartient à M. Weinhold (p. 40).
2. M. Spengler prétend que Schmeltzl ne pensait pas à Dôle, mais à Tulln sur
le Danube (p. 82) ; en tout cas, il ne faut pas dire que Dôle est sur la frontière
'< franzœsisch-niederlsendiscli d.
3gS REVUE CRITIQUE
n'ait pas écrit quelques pages sur la langue de Schmeltzl et sur son vo-
cabulaire poétique; mais son travail est très soigné et peut être regardé
comme une des études les plus remarquables que nous ayons sur l'his-
toire du drame au xvi^ siècle.
4. M. Meissner a tenté, non sans succès, de rassembler tout ce qu'on
sait jusqu'ici sur l'iiistoire des comédiens anglais en Autriche au temps
de Shakspeare. Il reproduit d'abord l'intéressant témoignage du médecin
Guarinoni (1610) sur les divertissements de l'esprit {Ergot:{lichkeiten
des Gemiiths) et sur les représentations des comédiens anglais en Alle-
magne (ainsi que sur les pièces des jésuites et celles qu'il vit jouer àPa-
doue). Il réfute les hypothèses de Schlager et de Devrient et montre
qu'il n'y avait pas, comme l'ont cru ses devanciers, des troupes de co-
médiens des Pays-Bas; elles venaient par les Pays-Bas, mais elles n'en
étaient pas originaires. 11 suit les comédiens anglais d'aussi près que
possible dans leurs pérégrinations ; il montre qu'ils appartenaient à trois
troupes principales, celle de Brunswick, dirigée par Sackville et que
protégea le duc Henri-Jules de Wolfenbûttel; celle de Brandebourg et
de Saxe qui joua à Berlin et à Dresde sous la direction de Spencer.
Stockfisch, celle du landgrave Maurice de Hesse dont Robert Browne
fut le premier régisseur. Cette dernière troupe qu'on trouve à Dresde
en 1626, avait poussé depuis 1607 jusqu'en Autriche; mais là, à ce
qu'il semble, elle se sépara; Browne, sévère protestant, était en 1619 et
en 1620 à Prague, à la cour de l'électeur palatin, le Winterkunig\
Johann Grûn ou John Green, son collègue et pendant quelque temps
co-directeur de la troupe, attaché au catholicisme, demeura en Autri-
che, joua à Prague et à Vienne en 1617 devant la cour impériale et
trouva dans les années 1 607-1 608 à Graz asile et protection. C'est sur
la troupe de Green que M. M. nous donne le plus de renseignements
nouveaux, d'après les documents des archives autrichiennes. Il publie,
par exemple, une lettre très intéressante et très originale de l'archidu-
chesse Madeleine sur les représentations du mois de février 1608 (p. jG-
82). Il donne le répertoire du théâtre de Graz et montre qu'en ce mois
de février 1608, Green joua le Faust et le Juif de Malte de Marlowe,
ainsi qu'une pièce intitulée Von einem Kihiig von Cjyern imd einem
HerTyOg von Venedig. Le manuscrit de cette dernière pièce existe en-
core ; il se trouve à la bibliothèque impériale de Vienne (cod. 1 8791 *)
sous le titre Dass n>ohl gesprochene Uhrtlheil eynes weiblichen Stu-
denten oder de7~ Jud von Venedig; il date vraisemblablement de la se-
conde moitié du xvii"^ siècle. Albert Cohn l'avait déjà signalé et Gênée,
dans son histoire des drames de Shakspeare en Allemagne, en avait
donné des extraits; M. M. le publie en son intégrité dans l'appendice
de son livre (p. 131-189). Cette Comœdia n'est en réalité qu'une farce
où Pickelharing, serviteur du prince de Chypre, joue le principal rôle
et débite à tout instant des obscénités ; mais on y trouve, surtout dans
les derniers actes, de nombreuses réminiscences du Ma7~chand de Ve-
nise. Nos lecteurs voient par ce simple exposé tout ce que le livre de
M. M. contient de neuf et d'important, il compte parmi les ouvrages
les plus utiles qui aient paru sur l'art dramatique en Allemagne; on y
voudrait parfois plus de clarté, mais il est indispensable à tous ceux
qu'intéresse Thistoire du théâtre i.
A. Chuquet.
2i3. — Augustin Filon. EEîsîoîs-e tJo Îîî lit Jéfu turc unglaîi^e» depuiG les
origines jusqu'à nos jours. Hachette, l'iS^, in-12.
L'Histoire de la littérature anglaise de M. Filon est l'œuvre d'un
agrégé de T Université; elle a été publiée par une maison qui a fait faire
d'immenses progrès à la librairie classique et dont le nom seul est une
recommandation ; elle fait partie de la collection que dirige M. Du-
ruy et qui compte tant d'excellents volumes ; enfin elle a été couronnée
par l'Académie française. Ce sont là les raisons qui nous obligent à
parler d'un livre à l'égard duquel nous aurions été enclins à observer
un silence bienveillant, en le considérant comme l'erreur d'un homme
de talent. Mais nous ne pouvons laisser les critiques anglais rendre le
public français et la science française solidaires des méprises de M. F.
et répéter avec TAthenacum du 14 janvier i885 : " Mr. Filon is a rash
and ignorant comoiler : he has read but few of the books of which he
treats, many he has not even seen ; and he trades in full securitv on the
superior ignorance of the public-and the French Academy."
M. F. appartient évidemment à cette école de littérateurs, aujour-
d'hui très réduite, qui se posent en adversaires de l'érudition, veulent
en éviter jusqu'à l'apparence, et établissent un véritable antagonisme entre
l'érudition et la littérature. Il a supprimé de son livre non seulement
I. Le i^^ volume de la collection de ces « Contributions à l'histoire de la littéra-
ture allemande en Autriche >> n'a pas encore paru ; il sera consacré à V Aïeule de
Grillparzer, à l'oiigine de cette tragédie, à l'accueil que lui firent les contemporains;
l'auteur du volume, M. Aug. Sauer, a eu en main le manuscrit original de V Aïeule
(Grillparzer' s AJmf rail, ilire Eiitstehungsgeschichte und Aitfnahme bei den Zeitge-
nossen, mit Benût^iing des ungedriickten Originahnanuscriptes). Les volumes sui-
vants seront : Der kleiiie Lucidarius (Seifried Helbing), avec un commentaire dé-
taillé par M. J. Seemùller, une Histoire du développement de la farce viennoise au
xviir^ siècle {Entivicklimgsgeschichte der Wiener Fosse im XVllI. Jahriiitndevt),
et une étude sur Michel Enk et Frédéric Hahn, par M. Aug. Sauer; un recueil de
Poésies inédites de Blumauer, par M. P. Hofmann de Wellenhof: un travail de
M. Ch. Glossy sur les brochures au temps de Joseph II (Die Flugschriften der Jo-
scphinischen Période) ; deux études de AL J. Minor, sur le Romantisme à Vienne
(Die Roniantik in Wien) et sur C. H. d'Ayrenhofl' et T. Ph. de Gebler (C . H. von
Ayreniioff iind T. Pli. von Gebler ^wei œsterreichische Dramatikcr des XVIII. Jahv-
hiinderts); trois publications de M. Richard Maria Werner : i» les textes d'opéras
viennois au xvu"- siècle (Wiener Opernte.xte des XVII . Jaliriiunderis, ein Beiirag
^ur Geschichte des Geschmackes in OesterreichJ ; 2° Nicolai et Vienne: 0° Jean Nes-
iroy.
^.00 RKVUE CRITIQUE
toute note, toute discussion sur des points de détail, mais toute indica-
tion bibliograpliique ou chronologique précise. Il trace des portraits
littéraires, il prononce des jugements, avec le dogmatisme de M. Ni-
sard. Mais en procédant de la sorte, M. F. ne s'est rendu compte ni de
la nature du livre qu'il écrivait, ni du sujet même qu'il traitait. M. Ni-
sard écrivait sur la littérature française pour les Français; il n'avait
pas pour but de leur enseigner ce que La Rochefoucauld, Corneille ou
Voltaire ont écrit, mais ce qu'il faut penser de Voltaire, de Corneille
et de La Rochefoucauld; il n'a pas voulu enseigner des faits, mais des
doctrines. Quoi qu'on pense de ces doctrines, on trouve un grand profit
et un singulier plaisir à connaître les pensées qu'inspire à un grand
écrivain du xix' siècle la lecture des grands écrivains des siècles anté-
rieurs. M. F., lui, écrivait une histoire de la littérature anglaise pour
des Français, qui pour la plupart ignorent les noms des auteurs et des
livres dont il avait à les entretenir. 11 écrivait de plus pour une collec-
tion de livres d'enseignement, destinés essentiellement à la jeunesse.
Négliger, comme il Ta fait, de fixer la chronologie exacte des hommes,
des œuvres et même des écoles littéraires, enfin négliger de donner les
titres exacts des ouvrages, l'indication des éditions les plus importantes,
et de mentionner les principaux travaux critiques ou biographiques
dont les écrivains anglais ont été l'objet, c'était manquer aux exigen-
ces essentielles du genre d'ouvrage qu'il avait entrepris.
Mais ce n'est pas tout. Pour avoir le droit de le prendre de haut avec
rérudition, et de mépriser les renvois et les notes, il faut ne parler que
de ce qu'on connaît très bien, de ce qu'on a étudié à fond et de première
main. Il faut être exact. On s'expose sans cela à s'entendre dire que la
méthode littéraire qu'on prise si fort n'est que l'art de parler agréable-
ment des choses qu'on ne connaît pas. Je n'ai garde de dire que M. F.
ne connaît pas la littérature anglaise, mais il aurait eu grand besoin de
l'étudier encore avant d'en écrire l'histoire, de l'étudier en érudit, en
critique, avant d'entreprendre d'en parler en lettré. Les nombreuses
erreurs, souvent fort graves, qu'il a commises sont d'autant plus re-
grettables que M. F. est un charmant écrivain, plein de vivacité et de
grâce, et que les pages brillantes et frappantes abondent dans son ou-
vrage.
Nous n'insisterons pas sur l'attribution à Corneille de vers de Théo-
phile, à Voltaire de vers de Racine, à M"'' de Sévigné d'une parole de
M""' de Staël. Ces lapsus ont déjà été corrigés par M. F. lui-même,
mais il y a d'autres erreurs bien plus graves et dont nous citerons seu-
lement quelques échantillons.
Tantôt M. F. fait d'un poème unique une collection de plusieurs
poésies courtes et variées, tantôt d'une collection de poésies courtes et
variées un poème unique. — P. 65, il écrit : « Ses chansons et ses bal-
lades forment un recueil appelé dans le dialecte des Lowlands King's
Quhair, le Cahier du roi. » Il s'agit ici de la principale œuvre de Jac-
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE AO I
ques I", roi d'Ecosse, écrite pendant sa captivité en Angleterre, entre
1405 et 1420. Ce n'est pas un recueil de chansons et de ballades, c'est
un poème en 179 stances de 7 vers, divisé en 6 chants, en Thonneur de
Lady Jane Beaufort, que le roi avait vue un jour, de la fenêtre de sa
prison, se promener dans un jardin voisin, et qu'il épousa en 1424. Ce
poème fut publié la première fois par Lord Woodhouselee, à Edim-
bourg, en 1783. 11 en a été fait depuis plusieurs éditions. — P. 212,
on lit : « Son poème est intitulé le Temple. » M. F. veut parler du
recueil de poésies sacrées de Georges Herbert, publié en 1 633, un an
après la mort de l'auteur, sous le titre de The Temple, or Sacred Poems
and Private Ejaculations. Il n'était pas nécessaire, pour ne pas se
tromper, de voir le livre même ; les manuels de littérature disent tou-
jours, en citant le Temple., — 'a collection of poems '.
Quelquefois M. F. attribue à un écrivain l'ouvrage d'un autre écri-
vain. — P. 217, en disant que « Waller n'a rien écrit qui vaille Taima-
ble ballade de sir Richard Lovelace sur le mariage de Roger Boyle avec
Lady Margaret Howard, » il fait allusion à la Ballad iipon a Wedding,
bien connue en Angleterre, et imprimée dans tous les recueils de mor-
ceaux choisis. Cette ballade est de Suckling, et non de Richard Love-
lace. — P. 359, il veut que Thomson soit l'auteur de The Art of Pre-
serving Health : « Thomson compose un poème sur la maladie. Il
est vrai qu'il sauve son malade. » Thomson n'a rien écrit de pareil,
c'est John Armstrong.
Des écrits en prose sont pris par M. F. pour des poèmes. — P. 89 :
c( Sidney avoue lui-même avoir composé ce poème en chassant. » Ce
poème, c'est VArcadia. Les traités les plus élémentaires de littérature
anglaise écrits en Angleterre mentionnent cet ouvrage, et toujours
comme prose romance. — P. 237, à propos du Complète Angler
d'Isaac Walton, écrit en prose, M. F. dit que l'auteur « rentré chez lui
compose avec les émotions de sa journée des vers aussi réguliers, aussi
tranquilles, aussi innocents que ces émotions elles-mêmes. »
Quand M. F. aborde les grands auteurs, comme Chaucer, Shakes-
peare, Milton, il commet de singulières méprises. — P. 241, il fait en-
trer le dernier à TUniversité d'Oxford et lui fait y prendre ses grades.
Milton a étudié à l'Université de Cambridge seulement et n'a pris de
grades que là. — P. i53, il prétend que la Cressida de Shakespeare
appartient à Chaucer. II y a un abîme entre les deux Cressida : celle de
Chancer a toutes les qualités qui gagnent à une femme non seulement
l'amour, mais encore le respect ; celle de Shakespeare est perverse dans
ses pensées et dans ses discours, étrangère à tout ce qui fait la modestie
chez une femme, indigne d'estime. — P. 54, parmi les poésies attri-
buées par M. F. à Chaucer plusieurs ne sont pas de lui. La Fleur et la
Feuille, par exemple, est du xve siècle, Chaucer était mort en 1400.
M. F. donne à tort et à travers les titres français, anglais, ou mixtes
des ouvrages qu'il cité, et il les estropie sans scrupule — P. 2 3o, The
402 KKVUK CRIIIQUK
Grâce Abounding pour Grâce Aboiindmg ; p. 279, le Dancing M aster
pour Je Gentleman Dancing Master. — Il veut souvent conserver
l'orthographe anglaise des noms propres, et alors il écrit, p. io3, Cooke
pour Coke; p. 198, Broome pour Brome-, p. 542, Goodwin pour
Gorfj/^//7. — Ailleurs on ne sait s'il écrit en français, en anglais ou en alle-
mand ; p. 365. de Foë pour Defoe; p. 577, Tufelsdruck pour Teiifels-
driick. —Ce qui est d'un pays, il le transporte dans un autre pays :
p. 87, il met le gongorisme en Italie au lieu de le laisser en Espagne.
Ces quelques exemples, qu'il serait aisé de multiplier, suffisent à
prouver que M. Filon ne s'est pas rendu compte des difficultés de la
tâche qu'il avait entreprise, ni de la manière dont on doit s'v préparer.
Pour écrire une bonne histoire de la littérature anglaise, M. Filon avait
ce que Tétude ne donne pas, le talent; il lui a manqué ce qu'il pouvait
acquérir avec du temps et de la volonté, des connaissances précises.
Son dédain pour l'érudition de la critique l'a amené non seulement à
commettre de grosses erreurs, ce qui serait facile à corriger dans une
seconde édition, mais à écrire une œuvre hâtive et superficielle qui
aurait besoin d'être refaite de fond en comble.
M. P.
214. — I>as Schaertzel Ijeî Edenltoben in der bayerischen Pfalz oder die
Erœffnung des Feldzuges am Mittelrhein im Jahre 1794, dargesteiit von August
LuFFT. Karisruhe, Braun, i885. In-8, viii et 72 p.
— I>ei- Kelclzuji wm Mîttelflu^în von Mitte August bia Ende December
lyg!-!, von August Lufft. Freiburg i. B. und Tùbingen, Mo.hr. 188 1. In-8, xv et
160 p.
Dans le premier de ces ouvrages. M, Lufft, aidé de tous les docu-
ments français et allemands et de la connaissance du terrain, raconte
aussi complètement que possible un épisode de la campagne de 1794,
la prise du poste du Schânzel par les divisions Desgranges et Siscé. On
ne saurait trop louer ce récit militaire, œuvre d"'un profane et, qui plus
est, d'un homme de quatre-vingt-trois ans (cp. la préface, p. 1). Nous
le recommandons à tous ceux qu'intéresse l'histoire de la Révolution.
Nous ne ferons qu'un seul reproche à M. Lufft. Il nous apprend (p. 45,
59, 63) — et nous l'en félicitons de tout cœur — que son parent, Au-
guste Charles Lufft, chef de la iSô'^ demi-brigade, prit une part active
à la prise du Schânzel et décida le succès. Mais il ajoute que le nom de
Lufft ne fut pas cité dans le rapport. « Ei nun ! es war kein National-
franzose, sondern nur ein deutscher Elsasser. » Nous protestons contre
cette conclusion injuste. La France, et surtout la France de la Révolu-
tion, n'a jamais été, comme semble l'insinuer M. L., une marâtre pour
les Alsaciens. Rewbell fut membre du Directoire; Kleber et Rapp de-
vinrent, généraux; Lefebvre, maréchal. N'étaient-ce pas des Alsaciens
qui commandaient la première armée de la Révolution et Pencoura-
geaient à tenir sur le tertre de Valmy contre le feu des Prussiens ; Kel-
d'hISTOIKK F.T DIC LITTÉKAIURK 40Î
lermann, général en chef; Schauenburg, chef de Fétat-major lie l'armée;
Lajolais (né à Wissembourg), premier aide-de-camp; Scherer, chef de
l'état-major de l'avant-garde ^ ? Si le chef de brigade Lufl^t ne fut pas
nommé dans le rapport, c'est, comme le dit plus loin M. L., qu'il avait
excité la jalousie de généraux médiocres'-.
La lecture de l'excellent travail de M. L. sur le SchanzePnous a fait
connaître une étude précédente du même auteur sur la campagne du
moyen-Rliin d'août à décembre l'jgS ; quoiqu'elle date de quatre années
déjà, nous n'hésitons pas à la mentionner et à la recommander avec les
mêmes éloges. Elle témoigne, elle aussi, de lectures étendues et de
grandes connaissances techniques; elle est à la fois claire et complète;
l'auteur y fait preuve d'impartialité autant que de savoir. M. Lufït
n'est pas d'ailleurs un inconnu pour les lecteurs de ce recueil; on a
parlé ici même d'un autre travail fort consciencieux qu'il avait publié
en 1882 sur les batailles de Fribourg d'août 1644 ('£)/e Schlachten bei
Freiburg. Condé iind Tiirenne gegen Mercy) et que M. Charvériat a
résumé dans les mémoires de l'académie de Lyon.
C.
LETTRE DE M. THEODORE REINACH
iM. Maurice Vernes, dans le compte-rendu très courtois qu'il a fait de mon
Histoire des Israélites (Revue du ig octobre), m'adresse, parmi quelques obser-
vations de détail dont je ferai mon profit, une petite critique à laquelle je
demande la permission de répondre. 11 s'agit de l'étymologie du mot Marranes,
nom des nouveaux convertis espagnols, que j'ai rapproché de l'araméen ':< hé-
breu n est un lapsus) Maran atha, en traduisant : « Anaihème sur toi. » M. Vernes
juge l'étymologie « plus que suspecte ;;, la traduction « absolument erronée » et
conclut que « la malencontreuse note est à bilfer tout entière. » Peut-être serait-il
d'un autre avis s'il avait lu la note de Gva.tiz iGeschiciite der Juden, VIH, 73, note 3 ;
2'^ éd.), à laquelle j'ai emprunté mon explication de ce mot difficile. On lit dans la
/^■- aux Corinthiens (lô. 22) : £{ t'.ç O'j o'.Aît... 'l"/;'joijv "/p'.STOV, r-.h) àvâOs[j.a,
1. Nous signalons volontiers ce fait que personne jusqu'ici n'a encore mentionné.
2. Je crois faire plaisir au vénérable érudit en lui communiquant un détail — qu'il
ignore peut-être — sur son glorieux parent, le français Auguste Luft't. Il éiait capi-
taine au 2^ bataillon de volontaires du Bas-Rhin lorsque le général Perrière, com-
mandant le camp de Huningue, le chargea de « se rendre à Bàle pour empêcher les
soldats que des affaires pourraient appeler dans cette ville, d'y donner lieu à aucune
plainte de la part du magistrat ou des citoyens de Bâle »..., de " surveiller l'exécu-
tion de la parfaite neutialité que le canton de Bâle et ses représentants ont promise
à la République française »,... Lufft était autorisé à « faire des représentations au
bourgmestre et conseil de Bâle sur tous les objets qui lui paraîtraient contrarier les
intérêts de la République française ou tendre à violer la neutralité » ; il avait ■< pleins
pouvoirs ». (12 nov. 1702, archives de la guerre).
3. Signalons encore dans l'appendice une description du Schaenzel et des environs
amsi qu'une carte détaillée des positions occupées par les Prussiens et les Français
dans la journée du i3 juillet 1794.
404 REVUE CRITIQUE
[Ji.apava0â. La version syrienne écrit xn^< 71)2 ce qui signifie en effet, comme le dit
M. Vernes, « le seigneur vient. » Mais Graetz suppose que [j.apavaOi est pour
[xaoaiJ.aOa, c'est-à-dire une corruption du néo-liébreu px mn72 (chaldéen riDiriQ^
qui signifie « tu es mis au ban», « anathème sur toi.? » Certainement le contexte
de la phrase est plus favorable à cette dernière explication, et jusqu'à nouvel ordre
je persiste à la préférer à l'étymologie vulgaire.
Théodore Reinach.
P.-S. — « Obscurant » (p. 362) est plutôt un archaïsme qu'un néologisme. —
« Chaque pays a les juifs qu'il mérite » (p. 38i) est une phrase de Bismarck fje ne
retrouve pas le passage) qui n'a l'air d'appartenir « au style du journalisme» que parce
qu'elle a été souvent citée par les journaux. — Pour la justification des 44 syna-
gogues de Constantinople au xvi' siècle, ayant chacune un rite distinct (il ne s'agit
bien entendu que de nuances) voir le journal d'Etienne Gerlach, p. i74,(Ap. Graetz,
op. cit. IX, 32, note i).
CHRONIQUE
FRANCE. — La librairie Klincksieck (ii, rue de Lille) vient de publier un très
important Catalogue de livres anciens et modernes neufs et d'occasion; ce catalogue
se compose de 11, 634 numéros.
— M. GASQ.UET, professeur à la Faculté des lettres de Clermont-Ferrand, vient de
publier (Hachette, 2 vols, in-12) un Précis des institutions politiques et sociales
de l'ancienne France. Voici les divisions de cet ouvrage : t. 1 (SyS pp.), le pouvoir
royal, l'administration centrale, l'administration provinciale, les Etats généraux,
les assemblées provinciales, la justice, les finances; t. II (354 PP-)» Je clergé, la no-
blesse, la bourgeoisie, les corporations ouvrières, les classes agricoles, plus une
bibliographie très abondante (pourquoi ne pas donner les dates de tous les ouvra-
ges .'). On voit par cette énumération des chapitres que l'auteur s'est astreint à l'or-
dre des matières, et non à l'ordre chronologique ; il n'a pas embrassé à la fois, soit
à la période de formation, soit à la période de complet épanouissement, ces institu-
tions politiques et sociales dont il a tracé une série de tableaux partiels. Si ce dé-
faut de composition en est un, nous avouons le préférer au défaut de composition
contraire, avec lequel les vues d'ensemble n'auraient pas laissé percevoir les détails
avec autant de netteté et de précision. L'ouvrage de M. G. a dû lui coûter un travail
considérable; il est fait avec soin, d'après les documents, et s'appuie sur une longue
série de citations. Il est certain que les spécialistes, qui se consacrent à l'étude des
finances, ou à l'étude des classes agricoles, ou à l'étude des institutions royales, etc.,
pourront signaler des inexactitudes de détail, pourront reprocher à M. G. tantôt de
n'avoir pas tranché les controverses pendantes, tantôt de les avoir tranchées d'une
manière imprudente. M. G. a pris soin de prévenir ces critiques, en expliquant la
nature de son livre. Pour nous, nous croyons que l'auteur a rendu un service signalé
aux candidats à la licence et à l'agrégation d'histoire, en vue desquels il a spéciale-
ment écrit; son livre ne sera pas inutile non plus pour les membres du corps en-
seignant, qui lui sauront gré d'avoir réuni des textes sur les institutions de notre
pays et d'en avoir exposé méthodiquement l'histoire. C'est à ces différents titres que
d'histoire et dk littéuature 4o5
l'on signale l'ouvrage de M. G., avec la confiance qu'il sera bien accueilli. — G. L-G.
La librairie Klincksieck publie sous le titre L'idéal de justice et de bon-
heur et la vie primitive des peuples du Nord dans la littérature grecque et latine.
(In-8°, IV et 114 pp.); ""S traduction de l'ouvrage, paru en 1875, de M. RIese, die
Idealisirung der Naturvcelker des Nordens in dcr griechischen und rœmischen Li-
teratur. La traduction, qui est bien faite, est l'œuvre de MiVI. Fernand Gâche, pro-
fesseur à Nîmes, et Sully Piquet, professeur au collège de Zvvolle. Les traducteurs
ont ajouté un certain nombre de remarques et de citations qui éclaircissent et com-
plètent le texte ; M. Riese lui-même leur a communiqué quelques notes qu'on
trouve à leur place sous la signature A. R. L'opuscule a été complètement rema-
nié; les passages grecs et latins ont été empruntés aux meilleures traductions fran-
çaises ou traduits sur les textes; les citations, vérifiées avec soin, renvoient aux
meilleures éditions classiques; elles ne sont pas, comme dans l'original, accumulées
dans le texte même; on les a rejetées au bas des pages; enfin le travail de M. Riese
a été complété par une division méthodique en chapitres et en paragraphes, par des
sommaires, par des tables de matières détaillées. La Revue critique a rendu compte
(1S75, 12 juin, n" 24, art. 114) de la publication de M. Riese, et nous ne pouvons
que nous associer au jugement que portait alors un de nos collaborateurs : « On ne
lira pas ce petit écrit sans être frappé de maint aperçu nouveau sur les auteurs les
plus connus, comme aussi d'informations très curieuses puisées à des sources moins
fréquentées... M. Riese croit que la Germanie de Tacite est un ouvrage sérieux de
géographie et d'ethnographie, mais il reconnaît en même temps que Tacite cherche
les causes de la force des Germains précisément dans le contraire de ce qui fait la
faiblesse de la Rome impériale, et qu'il se complaît à peindre un état de choses qui
lui paraît plus ou moins idéal. Il poursuit ce contraste entre la civilisation gréco-
romaine et les mœurs primitives des barbares à travers tous les âges de la littérature
ancienne, d'Homère à Tacite : ce sont d'abord des peuples plus ou moins fabuleux,
habitant l'extrême Occident, dont la justice et le bonheur sont célébrés par les poè-
tes grecs; plus tard, les mêmes traits, et d'autres plus nombreux, mais toujours
semblables, sont prêtés aux Hyperboréens, aux Scythes, et enfin, au i^^"^ siècle après
J.-C., surtout par les hommes de l'opposition stoïcienne, aux Germains. »
— M. Henri Jadart vient de consacrer une étude intéressante au traité de Ma-
billon sur les prisons des ordres religieux (D. Mabillon et la réforme des prisons,
étude historique et morale. Reims, Michaud ; Paris, Champion. ln-8°, 20 pp.). Il
montre l'origine et le but de ce traité; il prouve par la correspondance inédite de
l'érudit avec M. Marquette que l'ouvrage fut composé à l'occasion des égarements
du frère Denis, de 1692 à i6g5; Mabillon apprit avec douleur le traitement rigou-
reux dont le frère Denis était l'objet, mais, dit M. Jadart, la clarté du style, la sû-
reté des jugements, la précision des renseignements historiques, la fermeté des con-
clusions, toutes ces qualités donnent à la dissertation une valeur bien plus grande
que le choc d'une émotion passagère; on reconnaît dans ces pages miséricordieuses
l'âme tout entière de Mabillon, sa science et sa sagesse, son esprit de paix et de jus-
tice.
— Le neuvième et le dixième fascicule des Correspondants de Peiresc de M. Ta-
MizEY DE Larroque viennent de paraître. (Paris, Picard. In-8°, 02 pp.). Le neuvième
est consacré à Salomon A^ubi, rabbin de Carpentras. M. T. de L. s'esr aidé, pour
rédiger son introduction et son commentaire, d'un spécialiste, M. Jules Dukas, qui
a su utiliser de précieuses indications fournies par M. Steinschneider et qui a con-
sulté les manuscrits des sermons d'Azubi (appartenant à M. de Gunzburg). Le
dixième fascicule renferme des lettres inédites de Guillaume d'Abbatia à Peiresc
406 RKVUE CRIIlQLh
écrites de 1619 à i633. (In-S", 43 pp. Paris, Picard) ; ce personnage dont personne ne
s'était encore occupé, était avocat au parlement de Toulouse; sa correspondance ren-
ferme d'intéressants détails sur l'artiste Jean Chalette, sur le poète Maynard, sur la
peste qui ravagea le Languedoc, sur les querelles du nouvel archevêque de Tou-
louse, Charles de Montchal, avec le parlement et l'université. M. Tamizey de Lar-
roque accompagne ces lettres, comme toujours, de notes savantes et d'un appendice
qui contient d'autres documents curieux et inédits.
— Deux publications de M. Louis Paris relatives à Reims. — L'ancien bibliothé-
caire de Reims nous donne en même temps une étude sur une des chapelles de la
cathédrale et une étude sur le théâtre de cette ville (La chapelle du Saint-Laid dans
la cathédrale de Reims. Reims, F. Michaud, i885, in-S» de 107 p. — Le théâtre à
Reims depuis les Romains jusqu'à nos jours. Ouvrage illustré de gravures sur bois.
Reims, F. Michaud, i885, in-S" de 814 p.). Ces deux études sont fort bien faites et
elles auront de l'attrait pour bien d'autres que les Rémois. La première est déta-
chée d'un travail plus étendu, ayant primitivement pour titre : Histoire et descrip-
tion de l'intérieur de Notre-Dame de Reims, travail resté inédit dans certaines ar-
chives académiques, où quelques indiscrets monographes n'ont pas dédaigné d'y
prendre ce qui leur pouvait convenir, emprunt dont M. L. Paris dit avec une spi-
rituelle indulgence : « Péché tout véniel, s'il en fut jamais! » L'histoire de la Cha-
pelle du Saint-Laict (de 1212 à l'époque actuelle) est complète et l'on y trouvera
tous les détails désirables sur la reine Blanche et les rois Charles V et Charles VIII,
bienfaiteurs de la chapelle, sur l'incendie de 1481, sur l'architecte Colbert Lemoyne,
sur le poète-chanoine Guillaume Coquillart, sur l'archevêque Robert de Lenon-
court, etc. — La seconde étude n'est ni moins complète, ni moins intéressante. On
y reconnaît à chaque page la compétence du spécialiste auquel on doit, depuis près
d'un demi-siècle, les Toiles peintes et tapisseries de la ville de Reims, ou la mise en
scène du théâtre des confrères de la Passion (Reims, 1843). Parmi les chapitres les
plus curieux du volume, je citerai ceux qui sont relatifs au théâtre chez les Pères
Jésuites, à la comédie de salon (Maucroix, M"" de Navarre, Voltaire à Reims,
M'"' Desjardins), au théâtre pendant la Révolution et sous le Directoire. L'Appendice
ne contient pas moins d'une quarantaine de Pièces justificatives, inédites pour la
plupart (p. 24'3-3i2). Dans cet appendice où régnent une si grande richesse et une
si grande variété, les rapprochements piquants abondent, et, par exemple, je citerai
un madrigal quelque peu risqué, mais très agréablement tourné, sur une brillante
actrice de Paris, M"'' de Lorme, venue à Reims en 1768 (p. 256), qui est voisin du
fameux rapport adressé, en octobre 1793, par Riihl, à la Convention nationale sur
le bris de la sainte Ampoule (p. 271). — T. de L.
— Lettres inédites du roi Henri IV. — M. Eugène Halphen finira par nous don-
ner, dans ses exquises plaquettes qui Se succèdent d'année en année, presque autant
de lettres inédites du roi Henri IV que Berger de Xivrey et Guadet dans leurs gros
volumes. En voici deux douzaines qui viennent s'ajouter aux nombreuses centaines
que déjà nous devons à un des plus zélés et des plus habiles chercheurs que je con-
naisse {Lettres inédites du roi Henri IV à Monsieur de Villiers, ambassadeur à Ve-
nise, i5()(j, publiées d'après le manuscrit de la Bibliothèque nationale. Paris,
Jouaust; Champion, !883. In-S" de gg p. Tiré ù 72 exemplaires). Dans sa préface,
l'excellent éditeur constate que le recueil des lettres missives ne renferme aucune
lettre adressée à Antoine Séguier, seig-neur de Villiers, président à mortier au parle-
ment de Paris, envoyé ambassadeur à Venise en septembre iSgS (voir le grand
éloge que fait de lui Pierre de l'Estoile, édition Jouaust, t. III, p. 140). Lacune d'au-
tant plus regrettable, que Venise était un meilleur poste d'observation et que la
d'histoire kt de littkraturk 407
correspondance d'Henri IV avec un diplomate aussi éclaire, aussi diligent que le
sieur de Villiers, devait être plus importante. Fclicitons-nous donc de ce que
M. Halphen a mis la main sur le ms. iB.o'.îq du fonds français, registre d'ambas-
sade pour l'année iSqq. Tout en s'étonnant que cette correspondance ait jusqu'à ce
jour échappé aux curieux, M. Halphen appelle notre attention sur la recherche à
faire des lettres familières, qu'à côté des lettres officielles, Henri dut écrire à Villiers,
et il dit (p. 9) de ces lettres intimes qui dorment inutiles dans quelque dépôt : « Je
serais bien heureux si ma petite publication rappelait le nom trop oublié de Vil-
liers et donnait aux détenteurs de ces trésors l'idée de les offrir aux amateurs de
l'histoire ». Une rapide et nette analyse des 24 lettres d'Henri IV (p. 9-10) nous ap-
prend que s'il y est fort question de la Savoie, le roi entretient Villiers d'autres su-
jets très variés, de ses maladies, des causes de la piraterie, des affaires de la Hol-
lande, de l'Angleterre, de la Hongrie, de la nécessité de la guerre aux Turcs, des
dessins de Giulo Cesare, du voyage en Italie du futur duc de Rohan, du rétablisse-
ment du culte catholique en Béarn, des partis proposés à Marie de Médicis, de son
désir de l'épouser et de beaucoup d'autres affaires. On trouvera, du reste, à la Ta-
ble, le résumé du contenu de chaque lettre, résumé qui, comme tout ce que publie
M. Halphen, est fait avec un soin irréprochable. — T. de L.
P. -S. — Je proposerais de lire ainsi qu'on va le voir trois mots remplacés par des
points : « et feray comme [on dit] la guerre à l'œil » (p. 24). — De la bonne justice
que Sa Sainteté m'a [faict] sur la nullité de mon mariage » (p. 80). — « Car si cela
n'estoit point [prins] u'eulx en bonne part » :.p. 82).
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance publique annuelle du i3 novembre i885.
M. Ernest Desjardins, président, prononce un discours dans lequel, après avoir
rendu hommage à la mémoire des académiciens morts dans l'année, MM. Frédéric
Baudry, Léon Renier et Emile Egger, il annonce les prix décernés en i885,les sujets
de prix proposés, et rend compte des travaux des membres des écoles françaises
d'Athènes et de Rome.
M. Wallon, secrétaire perpétuel, lit une Notice historique sur la vie et les travaux
de M. Henri-Adrien Prévost de Longpérier, membre de V Académie.
M. Edmond Le Blant donne lecture de son mémoire intitulé : le Christianisme
aux yeux des païens.
JUGEMENT DES CONCOURS
Prix ordinaire. — L'Académie avait prorogé à l'année i885 le sujet suivant qu'elle
avait déjà proposé pour l'année i883 : « Faire l'énumération complète et sj'stéma-
tique des traductions hébraïques, qui ont été faites au moyen âge, d'ouvrages de
philosophie ou de science, grecs, arabes ou même latins. » Elle décerne le prix à
M. Moritz Steinschneider, auteur du mémoire portant comme épigraphe : Dies diem
docet. — L'Académie avait proposé pour l'année i885 la question suivante : « Etude
sur l'instruction des femmes au moyen âge, etc. « Un seul mémoire très insuffisant
ayant été déposé sur ce sujet, l'Académie n'a pas décerné le prix et elle proroge ce
concours pour l'année 1887 (voy. ci-après). — L'Académie avait encore proposé pour
l'année i885 le sujet suivant : « Exposer la méthode d'après laquelle doit être étudié,
préparé pour l'impression et commenté, un ancien obituaire, etc. » Aucun mémoire
n'ayant été déposé sur cette question, l'Académie la proroge h l'année iH.'-ly (voy.
ci-après).
Antiquités de la France. — L'Académie décerne trois médailles : la première à
M. Tanon, pour son Histoire des Justices des anciennes églises et communautés
monastiques de Paris (Paris, iS8Jî, in-8"); la djuxième à M. Léon Palustre, pour
son ouvrage : la Renaissance en Fra)ice {Varis, 1879-1881, gr. in-4"j; la troisième
à M. Buhot de Kersers, pour son Histoire et statistique monumentale du départe-
ment du Cher (Bourges, i883, in-4''). L'Académie accorde en outre six mentions
4o8
REVUK CRITIQUE
honorables : i" à M. Pellechet. pour son livre intitulé : Noies sur les livres liturgi-
ques des diocèses d'Autun, Chalou et Mâcon (Paris, Autun, i883, in8°j; 2» à
MM. Izarn et G. -A. Prévost, pour leur livre : le Compte des recettes et dépenses du
roi de Navarre en France et en Normandie de i36i à i3jo (Paris, i885, in-8°) ;
3° à M. Maurice Prou, pour son ouvrage : les Coutumes de Lorris et leur propaga-
tion aux xii' et xui' siècles (Paris, 1884, in-4'>); 4" à M. André Joubert, pour son
Etude sur la vie privée au xv** siècle en Anjou (Angers, 1884, in-80); 5° à M. Ger-
main Bapst, pour son livre intitulé : les Métaux dans V antiquité et au moyen âge :
l'Etain 'Paris, 18S4, in-8°y ; 6° à M. le D"" Le Paulmier, pour son livre : Ambroise
Paré, d'après de nouveaux documents découverts aux Archives nationales et des
papiers de famille (Paris, i885, in-8°).
Prix DE NUMISMATIQUE. — Le prix annuel de numismatique fondé par M. Allier de
Hauteroche, et destiné au meilleur ouvrage de numismatique ancienne, publié de-
puis le mois de janvier i883, est partagé cette année entre M. Percy Gardner, pour
son ouvrage intitulé : the Types of Greek coins, et M. Six, pour son mémoire sur
le Classement des séries cypriotes.
Prix fondé par le baron Gobert, pour le travail le plus savant et le plus profond
sur l'histoire de France et les études qui s'y rattachent. — Le premier prix est
décerné à M. Luchaire, pour ses Etudes sur les actes de Louis VII. (Paris, i885,
in-40). Le second prix est décerné à M. de Maulde, pour son livre intitulé : Pro-
cédures politiques du régne de Louis XII. (Pans, 1884, in-40).
Prix fondé par M. Bordin. — L'Académie avait prorogé à l'année i885 le sujet
suivant qu'elle avait déjà proposé pour i883 : « Etudier à l'aide des documents d'ar-
chives et de textes littéraires le dialecte parlé à Paiis et dans l'Ile-de-France jus-
qu'à l'avènement des Valois, etc. » Aucun mémoire n'ayant été déposé sur cette
question, l'Académie la retire du concours (Voy. ci-après). L'Académie avait pro-
posé pour l'année i885 la question suivante : « Etude critique sur les œuvres que
nous possédons de l'art étrusque, origines de cet art; influence qu'il a eue sur l'art
romain. » Deux mémoires ont été déposés sur cette question. L'Académie ne croit
pas qu'il y ait lieu de décerner tout ou partie du prix, mais l'un au moins des mé-
moires, le n° I, permettant d'espérer qu'avec plus de temps l'auteur pourrait offrir
à l'Académie un ouvrage savant et vraiment distingué, l'Académie proroge cette
question à l'année 1887 (voy. ci-après). L'Académie avait aussi proposé pour l'année
i885 le sujet suivant : « Examiner et apprécier les principaux textes épigraphiques,
soit latins, soit grecs, qui éclairent l'histoire des institutions municipales dans l'em-
pire romain, depuis la chute de la République jusqu'à la fin du règne de Septime
Sévère. » Elle décerne le prix à M. Loth, pour son mémoire ayant pour épigraphe :
« Les libertés nécessaires d'un peuple sont les libertés municipales. »
Prix Brunet. — L'Académie avait proposé pour le concours de i885 la question
suivante : « Relever sur le grand catalogue de bibliographie arabe intitulé Filirist
toutes les traductions d'ouvrages grecs en arabe, etc. » Un seul mémoire, insuffi-
sant, ayant été déposé sur ce sujet, l'Académie le remet au concours en le proro-
geant à l'année 1887 (voy. ci-après).
Prix .Stanislas Julien. — Par son testament olographe, en date du 26 octobre
1872, M. Stanislas Julien, membre de l'Institut, a légué à l'Académie des inscriptions
et belles-lettres une rente de quinze cents francs pour fonder un prix annuel en fa-
veur du meilleur ouvrage relatif à la Chine. L'Académie décerne le prix à M. de
Rosny, pour son Histoire des dynasties divines du Japon, traduite du chinois et du
japonais (Paris, 1884, in-8").
Prix Jean Revnaud. — M'"*" veuve Jean Reynaud, « voulant honorer la mémoire
de son mari et perpétuer son zèle pour tout ce qui touche aux gloires de la France »,
a, par un acte en date du 23 décembre 1878, fait donation à l'Institut d'une rente
de dix mille francs, destinée à fonder un prix annuel qui sera successivement dé-
cerné par chacune des cinq Académies. L'Académie décerne le prix à M. le capitaine
Aymonier, pour sa découverte des inscriptions sanscrites du Cambodge et la tra-
duction de la partie kmer de ces inscriptions.
Prix de La Grange. — M. le marquis de La Grange, membre de l'Académie, par
son testament en date du 3 août 1871, a légué à l'Académie des inscriptions et bel-
les-lettres une rente annuelle de mille francs destinée à fonder un prix en faveur de
la publication du texte d'un poème inédit des anciens poètes de la France ; à défaut
d'une œuvre inédite, le prix pourra être donné au meilleur travail sur un poète déjà
publié, mais appartenant aux anciens poètes. L'Académie décerne le prix à M. An-
toine Thomas, maître de conférences à la Faculté des lettres de Toulouse, pour sa
thèse, soutenue, en 1884, à la Faculté des lettres de Paris : Francesco da Barberino
et la poésie provençale en Italie.
ANNONCE DES CONCOURS
dont les termes expirent en x886, 1887 et 1888.
Prix ordinaire de l'Académie. — L'Académie rappelle qu'elle a proposé les ques-
tions suivantes : — 1° Pour l'année 1886 : « Faire d'après les textes et les monu-
ments figurés le tableau de l'éducation et de l'instruction que recevaient les jeunes
D HISTOIRE KT DK LITTEUATURK 409
Athéniens aux v° et iv" siècles av. J.-C. jusqu'à i'âge de dix-huit ans. Les concur-
rents sont invités à ne pas insister sur les exercices gymnastiques. » Les mémoires
devront être déposés au secrétariat de l'Institut le 3i décembre i883. — 2° Pour l'an-
née 1887 : « Etudier d'après les chroniques arabes et principalement celles de Ta-
bari, Maçoudi, etc., les causes politiques, religieuses et sociales qui ont déterminé
la chute de la dynastie des Omeyyades et l'avènement des Abassides. » Les mémoi-
res devront être déposés au secrétariat de l'Institut le 3i décembre 1886. — L'Aca-
démie rappelle en outre qu'elle a prorogé à l'année 1887 les questions suivantes
qu'elle avait proposées pour l'année 1884 • !• " Examen historique et critique de la
bibliothèque de Photius. » II. « Etude grammaticale et historique de la langue des
inscriptions latines, comparée avec celle des écrivains romains, depuis le temps des
guerres puniques jusqu'au temps des Antonins. » Les mémoires devront être dépo-
sés au secrétariat de l'Institut le 3i décembre 18S6. — L'Académie avait proposé
pour le concours de l'année i885 : I. « Etude sur l'instruction des feinnies au moyen
âge. Constater l'état de cette instruction dans la société religieuse et dans la société
civile en ce qui regarde la connaissance des lettres profanes et des genres divers de
littérature vulgaire. Apprécier sommairement le caractère et le mérite relatif des
écrits composés par les femmes, particulièrement du xi"^ au quinzième siècle. »
II. a Exposer la méthode d'après laquelle doit être étudié, préparé pour l'impression
et commenté un ancien obituaire. Appliquer les règles de la critique à l'étude d'un
obituaire rédigé en France avant le xiii'^ siècle. Montrer le parti qu'on peut tirer de
l'obituaire pris comme exemple, pour la chronologie, pour l'histoire des arts et des
lettres et pour la biographie des personnages dont le nom appartient à l'histoire ci-
vile ou à l'histoire ecclésiastique. » L'Académie proroge ces deux questions à l'an-
née 1887. Les mémoires devront être déposés au secrétariat de l'Institut le 3i dé-
cembre 1886. — L'Académie rappelle qu'elle a proposé pour l'année 1887 le sujet
suivant : « Etude sur les contributions demandées en France aux gens d'Eglise de-
puis Philippe-Auguste jusqu'à l'avènement de François 1-''. » Les mémoires devront
être déposés au secrétariat de l'Institut le il décembre 188G. — Chacun de ces prix
est de la valeur de deux mille francs.
Antiquités de la France. — Trois médailles de la valeur de cinq cents francs
chacune seront décernées aux meilleurs ouvrages manuscrits ou publiés dans le
cours des années 1884 et i885 sur les antiquités de la France, qui auront été dépo-
sés au secrétariat de l'Institut avant le i" janvier 1886. Les ouvrages de numismati-
que ne sont pas admis à ce concours.
Prix de nuaiismatique. — I, Le prix de numismatique fondé par M. Allier de
Hauteroche sera décerné, en iS86. au meilleur ouvrage de numismatique ancienne
qui aura été publié depuis le mois de janvier 1884. ^'^ concours est ouvert à tous les
ouvrages de numismatique ancienne. Le prix est de la valeur de quatre cents francs.
— II. Le prix biennal de numismatique fondé par madame V° Duchalais sera dé-
cerné, en 188Ô, au meilleur ouvrage de numismatique du moyen âge qui aura été
publié depuis le mois de janvier 1884. Le prix est de la valeur de huit cents francs.
— Les ouvrages devront être déposés au secrétariat de l'Institut, pour ces deux con-
cours, le3j décembre i885.
Prix FONDÉS PAR LE BARON GoBERT. — Pour l'année 1886, l'Académie s'occupera, à
dater Ji^_ i '''' janvier, de l'examen des ouvrages qui auront paru depuis le lei' jan-
vier i685, et qui pourront concourir aux prix annuels fondés par le baron Gobert.
En léguant à l'Académie des inscriptions et belles-lettres la moitié du capital prove-
nant de tous ses biens, après lacquittement des frais et des legs particuliers indi-
ques dans son testament, le fondateur a demandé : '< que les neufs dixièmes de l'in-
térêt de cette moitié fussent proposés en prix annuel pour le travail le plus savant et
le plus profond sur l'histoire de France et les études qui s'y rattachent, et l'autre
dixième pour celui dont le mérite en approchera le plus : déclarant vouloir, en outre,
que les ouvrages couronnés continuent à recevoir, chaque année, leur prix jusqu'à ce
qu un ouvrage meilleur le leur enlevé, et ajoutant qu'il ne pourra être présenté à ce
concours que des ouvrages nouveaux. » Tous les volumes d'un ouvrage en cours de
publication qui n'ont point encore été présentés au prix Gobert seront admis à con-
courir, si le dernier volume remplit toutes les conditions exigées par le programme
du concours. Sont admis à ce concours les ouvrages composés par des écrivains
étrangers a la France. Sont exclus de ce concours 'les ouvrages des membres ordi-
naires ou libres et des associés étrangers de l'Académie des inscriptions et belles-
Jettres.L Académie rappelle aux concurrents que, pour répondre aux intentions du
baron Gobert, qui a voulu récompenser les ouvrages les plus savants et les plus pro-
tonds sur l'histoire de France et les études qui s'y rattachent, ils doivent choisir des
sujets qui n'aient pas encore été suffisamment éclairés ou approfondis par la science,
telle serait une histoire de province où l'on s'attacherait à prendre pour modèle la
méthode et 1 érudition de dom Vaissète : l'Ile-de-France, la Picardie, etc , attendent
encore un travail savant et profond. L'érudition trouverait aussi une mine féconde à
exploiter si elle concentrait ses recherches sur un règne important : il n'est pas be-
soin de proposer ici d'autre exemple que la Vie de saint Louis, par Le Nain de Til-
iemont. Enhn un bon dictionnaire historique et critique de l'ancienne langue fran-
410
RKVUE CUITIQUE
çaise serait un ouvrage d'une haute utilité, s'il rappelait le monument élevé par Du
Gange dans son Glossaire delà latinité du moyen dge. Tout en donnant ces indica-
tions, l'Académie réserve expressément aux concurrents leur pleine et entière liberté.
Elle a voulu seulement appeler leur attention sur quelques-uns des sujets qui pour-
raient être mis en lumière par de sérieuses recherches; elle veut faire de mieux en
mieux comprendre que la haute récompense instituée par le baron Gobert est ré-
servée à ceux qui agrandissent le domaine de la science en pénétrant dans des voies
encore inexplorées. Six exemplaires de chacun des ouvrages présentés à ce concours
devront être déposés au secrétariat de l'Institut (délibération du 27 mars 1840) avant
le i«^'' janvier 1886, et ne seront pas rendus.
Prix Bordin. — M. Bordin, notaire, voulant contribuer aux progrès des lettres,
des sciences et des arts, a fondé par son testament des prix annuels qui sont décer-
nés par chacune des cinq Académies de l'Institut. — L'Académie rappelle qu'elle
a proposé : — 1° Pour l'année 1886 : I. « Etude critique sur les ouvrages en vers
et en prose, connus sous le titre de Ghronique de Normandie. » II. « Etudier la
numismatique de l'île de Crète. Dresser le catalogue des médailles. Expliquer les
titres principBUX et les motifs accessoires. Insister sur les rapports de la numisma-
tique Cretoise avec les autres monuments trouvés dans le pays, ainsi qu'avec les
types de l'art asiatique et de l'industrie primitive de la Grèce. » III. « Etudier d'a-
près les documents arabes et persans les sectes dualistes, Zendiks. Mazdéens, Daïsa-
nites, etc., telles qu'elles se montrent dans l'Orient musulman. Rechercher par
quels liens elles se rattachent soit au zoroastrisme, soit au gnoticismeet aux viei
les croyances populaires de l'Iran, n Les mémoires devront être déposés au secréti
riat de l'Institut le 3i décembre i885
posés au secreta-
2° Pour l'année 1887 : I. « Relever, à
l'aide de documents historiques et littéraires et des dénominations locales, les for-
mes vulgaires des noms des saints en langue d'oui et en langue d'oc; signaler la
plus ancienne apparition en France des noms latins auxquels correspondent ces
diverses formes. » II. « Examen critique de la géographie de Strabon. » Les con-
currents sont invités : 1° A résumer l'histoire de la constitution au texte de ces
ouvrage; 2° A caractériser la langue de Strabon par comparaison avec celle des
écrivains grecs ses contemporains, tels que Diodore de Sicile et Denys d'Halicar-
nasse ; i^k faire la part des notions recueillies par l'observation directe des lieux,
et de celles que le géographe a puisées dans les écrits de ses devanciers; 4° à expri-
mer des conclusions précises sur la critique dont il a fait preuve dans l'usage de cet
divers documents. » Les mémoires devront être déposés au secrétariat de l'Institut
le 3i décembre 1886. — L'Académie rappelle qu'elle a prorogé à l'année 18871e
sujet suivant, qu'elle avait d'abord proposé pour l'année 1884 -. « Etude sur la lan-
gue berbère au double point de vue de la grammaire et du dictionnaire de cette
langue ; — insister particulièrement sur la formation des racines et sur le méca-
nisme verbal ; — s'aider pour cette étude des inscriptions lybiques recueillies dans
ces dernières années ; — indiquer entin la place du berbère parmi les autres famil-
les de langue. » Les mémoires devront être déposés au secrétariat de l'Institut le
3i décembre 1886. — L'Académie avait proposé pour l'année i885 le sujet sui-
vant : « Etude critique sur les œuvres que nous possédons de l'art étrusque; origi-
nes de cet art; influence qu'il a eue sur l'art romain. » L'Académie n'a pas décerné
le prix. Elle proroge la question à l'année 1887. — Les mémoires devront êire dépo-
sés au secrétariat de l'institut le 3i décembre 1886. — L'Académie avait prorogé à
l'année i88d la question suivante, qu'elle avait u'abord proposée pour l'année i883 :
« Etudier à l'aide des documents d'archives et de textes littéraires le dialecte parlé
à Paris et dans l'Ile-de-France jusqu'à l'avènement des Valois. Comparer ce dia-
lecte, d'après les résultats obtenus, a la langue française littéraire, et rechercher jus-
qu'à quel point le dialecte parisien était considéré au moyen âge comme la langue
littéraire de la France. » Aucun mémoire n'ayant été déposé sur ce sujet, l'Académie
le retire du concours et le remplace par la question suivante qu'elle met au concours
pourl'année 1888 : « Exposer méthodiquement la législation politique, civile et reli-
gieuse des capitulaires. Les concurrents devront compléter cet exposé au moyen des
diplômes et des chartes de la période carlovingienne. Us devront en outre indiquer,
d'une part, ce que la législation des capitulaires a retenu du droit romain et du droit
mérovingien, et d'autre part ce qui s'est conservé du droit carlovingien dans les
plus anciennes coutumes, n Les mémoires devront être déposés au secrétariat de
ristitut le 3 I décembre 1887. — L'Académie propose en outre, pour l'année 1888,
le sujet suivant : « Etudier l'histoire politique, religieuse et littéraire d'Edesse jus-
qu'à la première croisade. » Les mémoires devront être déposés au secrétariat de
l'Institut le 3i décembre 1887. — Chacun de ces prix est de la valeur de trois mille
francs.
Prix Louis Fould. — Le prix fondé par M. Louis Fould, pour YHistoire des arts
du dessin jnsqu'au siècle de Périclès, sera décerué, s'il y a lieu, en 1887. L'auteur
de cette fondation, amateur distingué des arts de l'antiquité, a voulu engager les
savants à en éclairer l'histoire dans sa partie la plus l'eculée et la moins connue.
Il a mis à la disposition de l'Académie des inscriptions et belles-lettres une somme
de vingt mille francs, pour être donnée en prix à l'auteur ou aux auteurs de la
D HISTOIRE ET DE LITTERATUPE 4II
meilleure Histoire des arts du dessin : leur origine, leurs progrès, leur transmission
che:^ les différents peuples de l'antiquité jusqu'au siècle de Périclès. Par les arts du
dessin, il faut entendre la sculpture, la peinture, la gravure, l'architecture, ainsi que
les arts industriels dans leurs rapports avec les premiers. Les concurrents, tout en
s'appuyant sans cesse sur les textes, devront apporter le plus grand soin à l'examen
des œuvres d'arts de toute nature que les peuples de l'ancien monde nous ont lais-
sées, et s'efforcer d'en préciser les caractères et les détails, soit à l'aide de dessins,
de calques ou de photograpliies, soit par une description fidèle qui témoigne d'une
étude approfondie du style particulier à chaque nation et à chaque époque. Les
ouvrages envoyés au concouis seront jugés par une commission composée de cinq
membres : trois de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, un de celle des
sciences, un de celle des beaux-arts. Le jugement sera proclamé dans la séance pu-
blique annuelle de l'Académie des inscriptions et belles-lettres de l'année 1887. A
défaut d'ouvrages ayant rempli toutes les conditions du programme, il pourra être
accordé un accessit de la valeur des intérêts de la somme de vingt mille francs pen-
dant les trois années. Le concours sera ensuite prorogé, s'il y a lieu, par périodes
triennales. Tous les savants français et étrangers, excepté les membres régnicoles
de l'Institut, sont admis au concours.
Prix la Fons-Mélicocq. — Un prix triennal de dix-huit cents francs a été fondé
par M. de la Fons-Mélicocq, en faveur du meilleur ouvrage sur l'histoire et les an-
tiquités de la Picardie et de l'Ile-de-France (Paris non compris)- L'Académie décer-
nera ce prix, s'il y a lieu, en 1887; elle choisira entre les ouvrages manuscrits ou
imprimés en 1884, i885 et 1886, qui lui auront été adressés avant le 3i décem-
bre 1886.
Prix Brunet. — M. Brunet, par son testament en date du 14 novembre 1867, a
fondé un prix triennal de trois mille francs pour un ouvrage de bibliographie sa-
vante que l'Académie des inscriptions, qui en choisira elle-même le sujet, jugera
le plus digne de cette récompense. — L'Académie avait proposé pour le concours
de i885 la question suivante : « Relever sur le grand catalogue de bibliographie
arabe intitulé Fihrist toutes les traductions d'ouvrages grecs en arabe; critiquer ces
données bibliographiques d'après les documents imprimés et manuscrits. » Un seul
mémoire insuffisant ayant été adressé sur ce sujet, l'Académie le proroge à l'année
1887. Les ouvragesqui pourront être imprimés ou manuscrits, devront être déposés
au secrétariat de l'Institut le 3i décembre i886. — L'Académie, en 1888, décernera
ce^ prix « au meilleur travail bibliographique manuscrit ou publié depuis l'année
i8S5, portant sur des ouvrages d'histoire ou de littérature du moyen âge. » Les
ouvrages devront être déposes au secrétariat de l'Institut le 3i décembre 1887.
Prix Stanislas Julien. — Par son testament olographe, en date du 26 octobre
1872, M. Stanislas Julien, membre de l'Institut, a légué à l'Académie des inscriptions
et belles-lettres une renie de quinze cents francs pour fonder un prix annuel en
faveur du meilleur ouvrage relatif à la Chine. Les ouvrages devront être déposés, en
double exemplaire, au secrétariat de l'Institut, le 3i décembre i885.
Prix Delalande-Guérineau. — Madam.e Delalande, veuve Guérineau, par son
testament en date du 16 mars 1872, a légué à l'Académie des inscriptions et belles-
lettres une somme de vingt mille francs (réduite à dix mille cinq francs) dont les
intérêts doivent être donnés en prix tous les deux ans, au nom de Delalande-Guéri-
neau, à la personne qui aura composé l'ouvrage jugé le meilleur par l'Académie. Le
prix n'ayant pas été décerné en 1S84, l'Académie rappelle qu'elle décernera deux
prix en 1886 : 1° « Au meilleur ouvrage dans l'ordre des études au moyen âge » ;
2® « Au meilleur ouvrage dans l'ordre des études orientales ». Les ouvrages destinés
au concours devront être déposés, en double exemplaire, s'ils sont imprimés, au se-
crétariat de l'Institut, le 3i décembre i885.
Prix Jean Reynaud. — M'"'^ veuve Jean Reynaud, « voulant honorer la mémoire
de son mari et perpétuer son zèle pour tout ce qui touche aux gloires de la France »,
a, par un acte en date du 23 décembre 1878, fait donation à 'l'Institut d'une rente
de dix mille francs, destinée à fonder un prix annuel qui sera successivement dé-
cerné par chacune des cinq Académies. Ce prix sera décerné pour la troisième fois,
par l'Académie des inscriptions et belles-lettres, en i8go.
Prix de la Grange. — M. le marquis de La Grange, membre de l'Académie, par
son testament en date du 4 août 1871, a légué à l'Académie des inscriptions et bel-
les-lettres une rente annuelle de mille francs destinée à fonder un prix en faveur de
la publication du texte d'un poème inéait des anciens poètes de la France; à défaut
d'une œuvre inédite, le prix pourra être donné au meilleur travail sur un poète
déjà publié, mais appartenant aux anciens poètes. Ce prix sera décerné, s'il y a lieu,
en 1886.
Conditions générales des concours. — Les ouvrages envoyés aux différents con-
cours ouverts par l'Académie devront parvenir francs de port et brochés, au secré-
tariat de l'Institut, avant le i" janvier de l'année où le prix doit être décerné. Ceux
qui seront destinés aux concours pour lesquels les ouvrages imprimés ne sont point
admis devront être écrits en français ou en latin Ils porteront une épigraphe ou
devise, répétée dans un billet cacheté qui contiendra le nom de l'auteur. Les con-
.12
KEVUE CKITIQUK d'HISTUIHI!, HT DK LU TKRATURE
currents sont prévenus que tous ceux qui se feraient connaître seront exclus du
concours ; leur uttcntion la plus sérieuse est appelée sur celte disposition. L'Académie
ne rend oucun des ouvrages imprimés ou manuscrits qui ont été soumis à son exa-
men; les auteurs des manuscrits ont la liberté d'en faire prendre des copies au secré-
tariat de l'Institut.
DELIVRANCE DES BREVETS
d'archivistes paléographes.
En exécution de l'arrêté de M. le Ministre de l'instruction publique rendu en
i883, et statuant que les noms des élèves de l'Ecole des chartes, qui, à la fin de
leurs études, ont obtenu des brevets d'archiviste paléographe, devront être procla-
més dans la séance publique de l'Académie des inscriptions et belles-lettres qui
suivra leur promotion, l'Académie déclare que les élèves de l'Ecole des chartes qui
ont été nommés archivistes paléographes par décret du 25 lévrier i885, en vertu de
la liste dressée par le conseil de perfectionnement de cette école, sont : MM. Lan-
glois (Charles-Victor); Le Grand (Léon-Frédéric); Auvray (Louis-Henri-Lucien) i
Lefèvre-Pontalis (Eugène-Amédée) ; Funck-Brentano (Jacques-Ghrétien-François-
Séraphin) ; Dunoyer de Ségonzac (Jacques-Joseph-François-Gaston); Duvernoy
(Emile-Eugène); Perret (Paul-Michel); Stein 'Frédéric-Alexandre-Henri); Barroux
(Léon-Marius). Sont nommés archivistes paléographes hors rang : MM. Alaus(Marie-
Joseph-Etienne-Barthélemy-Paul) ; Gagé (Charles-Léonce-Gaston); Coville (Alexan-
dre-Alfred); Huet (Gédéon) ; Martin (Camille).
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du 4 novembre.
PRÉSIDENCE DE M. COURAJOD.
Lecture d'une lettre de M. Jadart annonçant que l'Académie de Reims se propose
de faire placer dans l'église Saint-Remy de cette ville une plaque portant une ins-
cription à la mémoire de dom Thierry Ruinart, dont le tombeau est dans l'arron-
dissemeni actuel de Reims. Elle a déjà rendu un pareil hommage à dom Mabillon
dans son village natal, et elle juge convenable d'associer dans un commun souve-
nir le maître et le disciple. Elle recevra avec reconnaissance les souscriptions des
personnes désireuses de s'associer à ce projet.
Lecture de deux lettres de M. de Laigue; la première donne des renseignements
sur la découverte d'une inscription romaine dans l'abbaye de Cantiguano, et sur
celle de mosaïques dans cette localité et à Lucques. Dans la deuxième lettre, M. de
Laigue revient sur une précédente communication (ii juin 1884) relative à un dicta
avec figures rouges sur fond noir. Il pense que le principal sujet représente Thétis
allant remettre à son fils Achille les armes forgées par Vulcain.
M. Héron de Villefosse présente avec éloges le Traité d'Epigraphie Grecque de
M. Salomon Reinach.
M. Brassan est élu associé correspondant à l'Hôpital-sous-Rochefort, (Loire).
M. Gaidoz lit une note sur des swastitras-fibules qu'il a vues au musée de Hom-
bourg-ès-Monts et qui proviennent du camp romain de Salburg; il signale aussi un
curieux objet en bronze du Musée de Carlsruhe, formé d'une croix équilatérale sus-
pendue à un croissant.
M. l'abbé Thédenat lit un mémoire de M. Berthelé sur l'église de Courcôme (Cha-
rente).
M. Courajod présente le moulage d'un remarquable buste de femme dont l'origi-
nal est inconnu, mais appartient au xv' siècle.
Le Secrétaire,
Signé : R. Mowat.
Addendum A l'article i85. — P. 277. Le fragment 247 d'Antiphane a besoin d'une
troisième correction que j'oubliais d'indiquer. Voici comment il faut l'écrire :
Toîi -fàp T£T:af.3cJ!:0a'. ;j,6vov àv xiç tout' I/y),
E'j"^6éç £7Ttv, wcTs (p. y,at 10) zm àoi7:r,\j.di:iùw
My) Xa[j.6av£iv làq àçiaç Tip.o)p(aç,
'EXesiv 0£ zœniùq.
On sait que 7.al et loç se confondent facilement.
H. W.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Puy, imprimerie Marchessoti fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE EF DE LITTÉRATURE
N» 48 — 30 novembre — 1885
«ommaîro s 2i5. Haussoullier, La vie municipale en Attique. — 216. Corpus
des écrivains ecclésiastiques latins, IX-XÎ, Extraits d'Augustin par Eugippius,
p. p. Knœll ; Sedulius, p. p. Huemer; Mamert, p. p. Engelbrecht. — 217. Œu-
vres d'Ewald de Kleist, p. p. Sauer; Waniek, Pyra et son influence, Litzjiann,
Liscow et Lettres d'Anne Marie de Hagedorn ; Perry, D'Opitz à Lessing ; Pentz-
HORN, Thomas Abbt; G.edertz, Le drame et la comédie en bas-allemand; Lettres
de Charles Auguste à Knebel et à Herder, p. p. Dûntzer. — 218. Godefroy,
Dictionnaire de l'ancienne langue française, G et H. — 219- De Montagnac, Lettres
d'un soldat. — Lettre de M. Duka. — Chronique. — Académie des Inscriptions.
— Société nationale des Antiquaires de France.
2i3. — Haussoullier. a^a vîe munietpale en ;%itiquc; essai sur l'organisation
des dèmes au quatrième siècle, in-8 de 23 i p. Paris, Thorin, 1884.
Ce qui diminue un peu l'intérêt du sujet étudié par M. Haussoullier,
c'est que, à part quelques traits, l'organisation des dèmes n'offre en
somme rien de bien original. Elle est calquée presque toute entière sur
celle de la cité, et elle ne contribue guère à éclairer son modèle. J'ajoute
que l'auteur a peut-être trop circonscrit l'objet de son travail. Non-
seulement il s''est interdit toute recherche topographique sur les dèmes
de l'Attique; mais encore il a réservé pour un ouvrage ultérieur des
questions qui certes eussent été ici à leur place, en particulier, les rela-
tions des dèmes entre eux et l'origine de ces circonscriptions.
Uouvrage de M. H. se lit avec plaisir; il est clair, méthodique, sage-
ment conduit, et conçu dans un esprit scientifique. En voici les princi-
pales divisions : i" Composition de l'assemblée du dème; 2° Affaires du
dème; 3° Le démarque; 4° Constitution religieuse du dème; 5» Conclu-
sion. Les documents de tout genre y sont mis à profit, aussi bien les
textes des orateurs ou des poètes comiques que les inscriptions, et
M. H. en général les interprète avec prudence. Il ne leur fait point dire
plus qu'ils ne disent, et il ne supplée pas à leur silence par des hypothè-
ses. Il ne craint pas d'ignorer quand il n'a pas de raisons suffisantes
d'affirmer, et il se résigne à être incomplet, quand pour cesser de l'ê-
tre il faudrait courir le risque de s'égarer.
Ces sortes de monographies, n'ayant pas pour but de démontrer une
thèse, ne donnent lieu qu'à des observations de détail. — Page 4 : « Des
20,000 citoyens d'Athènes, moins de 5, 000 ne sont pas propriétaires
fonciers. » Le second de ces chiffres nous est fourni par Denvs d'Hali-
carnasse pour l'époque de Lysias. Quant au nombre total des citoj^ens,
nous ignorons quel il était à ce moment-là; tout ce que nous savons,
Nouvelle série, XX. 48
414 REVUE CRITIQUE
c'est que vers 481 il y en avait 14,200, de vingt à soixante ans
(Tiiucyd. II, i3). Les autres renseignements manquent pour la plupart
de précision; car les auteurs ne nous disent pas à quelles catégories de
personnes ils étendent cette qualification. — P. 19- Je crois que M. H.
exagère l'importance du rôle des dèmes dans l'inscription des citoyens
sur le A-/);'.ap7acv YpaixiJ.aTstcv. Il est visible que c'était là une simple for-
malité. — P. 3o. Démosthène ne prétend pas [In Neœram p. 1 376)
que les nouveaux citoyens ne pouvaient « participer à aucune cérémonie
religieuse »; il emploie Texpression îspojcûv/]; [r/;B£[xtaç iJLSTac/stv, qui
s'applique seulement à la gestion des sacerdoces. — P. By-SS. Il eût
fallut ajouter quelques mots de plus sur la loi d\^ristophon ; M. H.
n'indique pas la raison véritable de l'amendement de Nicomènès (Cf. P.
Girard. Annuaire des études grecques i883 p. 190). — P. 60-62. N'é-
tait-il pas possible de caractériser avec plus de précision l'influence de
l'aristocratie dans les dèmes? Je doute que la vie municipale, comme
l'appelle M. H. d'un mot inexact, fût un apprentissage bien sérieux de
la vie politique. Beaucoup de riches démotes ne se résignaient-ils pas
souvent à n'être que les premiers dans leurs bourgs? Ne trouvaient-ils
pas là une sorte de compensation à la défiance dont ils étaient parfois
l'objet de la part du peuple athénien? — P. 63 et suiv. Il eût été bon
de noter que les dépenses des dèmes étaient réduites par l'habitude
qu^avaient les riches d'en prendre une partie à leur charge. — P. 79
et suiv. Toutes ces règles étaient empruntées aux institutions de la cité;
M. H. n'en fait pas la remarque. — P. 87. On a tort de parler ici d'ar-
bitrage; dans l'espèce, l'assemblée du dème juge comme un tribunal
administratif. — P. îo6. Il est inexact de soutenir que le démarque
jouait dans certains cas « le rôle d'un officier ministériel. » Le scoliaste
d'Aristophane, cité par M. H., dit précisément le contraire. — P. i83
et suiv. Le paragraphe consacré aux dèmes urbains paraît très insuffisant.
On ne voit pas, par exemple, la part d'autonomie qui leur était laissée.
— En quoi leurs autorités dépendaient-elles des pouvoirs de l'Etat athé-
nien? Avaient-elles les mêmes attributions qu'à la campagne? Existait-
il une ligne de démarcation bien nette et toujours respectée entre elles et
les autorités de la République? Ces diverses questions restent sans ré-
ponse.
Paul GuiRAUD.
216. — CorjjUB Sei-îpJoï'HiM ecclesiasitîeoj-Mïn latinorunc, editum consilio
et impensis Academiœ litierarum Caesareae Vindobonensis. Vol. IX. Eugippii
opéra. Pars I. Eugippii excerpta ex operibus S. Augustini, ex recensione Pii
Knœll (22 mark). — Vol. X. Sedulu opéra omnia, ex recensione lohannis Huemer
(9 mark). — Vol. XI. Claudiani Mamerti opéra, ex recensione Augusti Engel-
brecht (7 mark). — Vindobonœ, apud C. Geroldi filium, i883.
Le Corpus des écrivains ecclésiastiques latins, publié aux frais et par
les soins de l'Académie de Vienne, comprend déjà 11 volumes. Nous
ÙHISTOIRK ET DE LITTÉRATURE 4l5
avons transcrit les titres des trois derniers ; les précédents contiennent
les œuvres de Sulpice Sévère (éd. Halm), Minucius Félix et Firmicus
Maternus (Halm), Gyprien (Hartel), Arnobe adversusnationes (Reiflfer-
scheid), Orose (Zangemeister) , Ennodius (Hartel), Victor de Vite
(Petschenig), Salvien (Pauly). — Les savants qui se consacrent à la
tâche ingrate d'éditer ces textes méritent d'autant plus de reconnaissance
qu'ils sont moins enviables, ou — pour dire toute notre pensée — qu'ils
sont plus à plaindre. Ils peuvent du moins se consoler en s'assurant
qu'ils rendent un service considérable et que personne, d'ici à bien
longtemps sans doute, ne sera tenté de recommencer leur travail.
Toutes les éditions publiées jusqu'à présent dans cette collection sont
conçues sur un même modèle : des prolégomènes donnant le classe-
ment des manuscris et la bibliographie, un texte accompagné de notes
critiques, des index très copieux des noms propres, des notabilia
varia, des auteurs cités ou imités, etc. Aucune place n'est faite
à l'exégèse, ce que nous n'hésitons pas à regretter. Le Corpus de Vienne
ne s'adresse pas seulement à des latinistes, mais à des historiens, et quel
historien peut se flatter de n'être pas arrêté presque à chaque page
par l'obscurité de mauvais écrivains qui se servent trop souvent des
mots pour déguiser leur pensée, ou ce Je ne sais quoi de vague qui
leur en tient lieu ?
I. Eugippius écrit à Proba qu'il a composé un recueil d'extraits des
œuvres de saint Augustin afin de faciliter à un plus grand nombre de
personnes la lecture des écrits de ce divin auteur, parce qu''il est plus
aisé d'acquérir un seul manuscrit que d'en acheter un grand nombre.
Assurément, comme le remarque M. Knoell, le compilateur a vu juste
et son travail répondait à un besoin, car les manuscrits des Excerpta
sont tellement nombreux que l'éditeur a du se contenter de dépouiller
ceux qui sont antérieure- au x" siècle, en ne faisant d'exception que pour
celui de Verceil. Il a suivi de préférence le Vaticanus 3 3/5, du vii« siè-
cle, qu'il a lui-même collationné en 1877-78 ^ Les autres manuscrits
cités dans les notes critiques sont au nombre de 10, dont le plus ancien
est un Ambrosianus du vif siècle. Depuis l'invention de l'imprimerie,
\<i?. Excerpta ont été fort négligés; publiés à Bâle par Jean Hérold
Acropolita en 1543, réimprimés en 1543 à Venise, puis de nos jaurs
dans la Patrologie latine de Migne, ils n'avaient encore fait l'objet
d'aucun travail critique. M. Knoell rend hommage, dans ses Prolégo-
mènes, aux bienveillants procédés de M, Léopold Delisle, qui a misa
sa disposition les mss. de la Bibliothèque Nationale et les fragments des
Excerpta de la bibliothèque Jules Desnoyers -.
1. M. Knoell annonce (p. xxxii) qu'il se réserve d'expliquer ailleurs pourquoi il
a suivi de préférence ce ms. La grosseur du volume (' H9 et xxxn pages!) ne lui
permettait pas de traiter cette question avec tous les développements désirables.
2. Cf. L. Delisle, Notice sur un manuscrit méi-ovingicn contenant des fragments
d'Eugippius appartenant à M. Jules Desnoyers, Paris, 1S75 .
41 6 REVUK CRITIQUE
Un des index placés à la fin du volume (p. 1 124-1 149) est une con-
coi'dance des Excerpta avec Tédition complète de saint Augustin don-
née par les Bénédictins.
II. Sedulius a été l'objet, dans ces derniers temps, de plusieurs études
intéressantes. M. Boissier lui a consacré deux remarquables notices
dans le Journal des Savants du mois de septembre 1881 et dans la Re- \
vue de Philologie àt 1882 (p. 28-36). Ce dernier article est une com-
paraison très instructive entre le style du Carmen Paschale , où l'imita- ;
tion des poètes païens soutient encore la langue, et celui de V Opus Pas-
chale, paraphrase en prose du Carmen par Sedulius lui-même, où paraît 1
dans toute sa splendeur le galimatias triple qui était le beau langage de '
Tépoque. L'éditeur du Sedulius de Vienne, M. Huemer, a donné pré-
cédemment une dissertation De Sedulii vita et scriptis (1880). Le texte i
qu'il publie aujourd'hui a été établi à l'aide de nombreux manuscrits, dont
deux Bobienses du vn« siècle (à Milan et à Turin), deux du vni*', une
dizaine du ix% sept du x^ et quelques autres d'une époque postérieure
dont il a peu fait usage. Sedulius est un des auteurs que le moyen âge a
le plus goûtés ; il a été cité et imité par un grand nombre d'écrivains,
parmi lesquels il faut compter, au témoignage de Grégoire de Tours, le
roi Chilpéric. Avouons qu'aujourd'hui il faut du courage pour le lire,
et presque de l'héroïsme pour l'éditer.
M. Huemer, dans ses notes critiques, a signalé les passages des poè-
tes anciens que Sedulius a imités dans le Carmen. Ces indications sont
très utiles, et l'on comprend quelle somme de travail et de connaissan-
ces elles exigent de la part de l'éditeur. Mais pour être complet, en pa-
reille matière, il faudrait apprendre par cœur le Cai^men et relire alors
tous les poètes latins; c'est là une épreuve à laquelle personne, fort
heureusement, n'est tenu de se soumettre. Il était inévitable qu'un cer-
tain nombre d'imitations échappassent à M. Huemer : voici celles que
nous avons notées en lisant le Carmen ; I, i52; cf. Lucain, IV, 336. —
I, 182 ; cf. Lucain, I, 421. — I, 3 i5 ; cf. Lucain, IX, i63. — II, 225:
cf. Virg., Aen., XI, 708. — II, 290-2; cf. Lucain, VIII, 488. — UI,
254; cf. Virg., Georg.^ IV, 489; Lucain, V, 276. — IV, 48; cf. Hor,,
Odes^lN, 7, 2. — IV, 100; cf. Lucain, VIII, 8o5. — IV, 120; cf.
Juvénal, IV, 41. — IV, 170; cf. Lucain, IX, 574. — V, 21 ; cf. Virg.,
Aen., VîII, 186. — V, 96 ; cf. Lucain, II, 261. — V, 1 14; cf. Lucain,
VIII, 45. — V, 1 35; cf. Lucain, VIII, 8. — V, 247 ; cf. Lucain, V,
634. — V, 383 ; cf. Lucain, VIII, 614. — M. Huemer n'a signalé dans
le Carmen qu'un petit nombre d'imitations de la Pharsale ; comme on
le voit, elles y sont au contraire fort nombreuses. Par la facture de ses
vers, et en particulier par la recherche de la césure hephthémimère, Se-
dulius se rapproche de Lucain et de Claudien bien plus que d'Ovide ou
de Virgile.
A la suite de Y Opns Paschale. M. Huemer a réuni quelques pièces de
vers relatives au poème de Sedulius, un Carmen de incarnatione qu] est
1) HISTOIRE KT DK IJTrERATUHK ^ I y
un centon virgilien et des extraits du commentaire de Remigius sur le Car-
men. Ce commentaire contient quelques étymologies amusantes, comme
amiciis «.quasi animi custos vel aninii aeqiiiis, » — pedor v^ proprie di-
citiir faetor pedum », etc. Je remarque que V élyvaolos^it pagus de r.r^-fci,
admise par Vico qui la rapprochait de çpa-:pa = 9P^a? (!) et tout récem-
ment encore approuvée dans \a Revue Philosophique {sept. iSSS, p. 262),
se lit dans le docte commentaire du même Remigius (p. 322).
m. Le De statu animae de Claudien Mamert a été publié par
M. Engelbrecht d'après douze manuscrits, dont le plus ancien, le Pari-
sinus, 16, 340, est du ix* siècle. La dernière édition critique, ou soi-
disant telle, celle de Gaspar Barth, remonte à i655. Il était donc bien
temps que Ton consacrât quelques veilles à l'établissement d'un texte
qui nous a été transmis dans un assez triste état. L'éditeur remarque
que les manuscrits sont d'autant plus corrects qu'ils sont moins anciens,
le meilleur, à cet égard, étant de la fin du xii'' siècle [Lipsiensis, n» 286).
Ce manuscrit est d'ailleurs défiguré par de nombreuses interpolations.
M. E. reconnaît, dans ses prolégomènes (p. xv). qu'il a parfois
attribué trop d'importance aux leçons du Lipsiensis, qui a tout l'air
de devoir sa correction apparente aux retouches de quelque correcteur.
Cet aveu l'amène à discuter et à modifier après coup un certain nombre
de passages où il a été induit en erreur par le réviseur du Lipsiensis.
Dans l'index des écrivains païens cités par Claudien Mamert (p. 208),
on lit : poeta ignotus, p. 22, 2. A la page 22, 2, nous trouvons cette
phrase: Inludunt inperitos, quae maxima turba est. M. E. remarque en
note : hexametri clausula esse videntur, mais il place un double?? dans
le registre du commentaire réservé à l'indication des passages cités. Le
poeta ignotus est Virgile, qui a écrit dans V Enéide (VI, 611):
Aut qui diviiiis soli incubuere repertis,
Nec partent posuere suis, quae maxima turba est.
L'éditeur et ses collègues n'appartiennent pas à cette maxima turba :
ils ne se montrent avares ni de leur temps, ni de leur érudition, et nous
sommes heureux de leur en témoigner notre reconnaissance.
Salomon Reinach.
217. — I. i^-^vtild x'cn Kleists Wei'Ue, herausgegeben uiid mit Anmerkungen
bcgleitet von Dr. August Sauer. I Theil, Gedichte, Seneca, prosaische Schriften.
II Theil. Briefe von Kleist^ vi et jSG p. III Theil. Briefe an Kleist, xxiv et 383 p.
1881 et 1882. [Berlin, Gustav Hempel. (Nalionalbibliotelc, n^^ 8g, 97, 102, 106,
112, 118, 123, 12g, i33, 146).
2. Immanuel ï»yi'a und sein Einfluss auf die deutsche Literatur des
achtzehnten Jahrhunderts, mit Benutzung ungedruclcier Quellen, von Dr. Gustav
Wanieck, Professer am k. k. Staatsgymnasium in Bielitz. Leipzig, Breitkopf und
Hsertel, 1882. In-8, viii et 180 p. 4 mark 5o.
3. Clifistian L.udAvîg JLîscow in seiner literarischen Laufbahn, von Ber-
thold LiTzsiANN. Hamburg u. Leipzig, Voss, i883. In-8, xii et i55 p.
4i8
REVUE CRITIQUE
4. Briefe von iVnna Maria von Hageclorn an ihren jûngeren Sohn
Christian Ludwig, lySi-Sa, hrsg. von B. Litzmann. Hamburg u. Leipzig, Voss,
lS85. In-8, VI et loo p.
5. Krom Opitz t» L,cssing, a study of Pseudo-Classicism in literature, by
Thomas Sergeant Perry. Boston, Osgood and Co, i8S5. In-8, vi et 207 p.
6. Xliomas ^kbt, ein Beitrag zu seiner Biographie, von Edmund Pentzhorn.
Berlin, Loewenthal. 4, Grûn-Strasse, 1884. In-8, 102 p.
7. S>as niedei'dcutsclio Scliauspîel; Zunt Kulturleben Hamburge.
— 1. Das niederdeiiische Dvama von den Anfœngen bis :{ur Fran:{Osen:ieit, von
Karl Theodor Gaedertz. Berlin, A. Hoffmann et Comp., 1884. In-8, xvi et 253 p.
4 mark.
— IL Die plattdeutsche Komœdie im neiin:{ehnten Jahrhundert, von K. Th.
Gaedertz, 1884. In-8, xvi et 281 p. (même librairie à Berlin, Kronenstrasse, 17).
4 mark.
8. Briefe des Herzogs Eiarl A.ugu»t von SacI>sen-'^Veiniar-Eise«
naeh an Knebel und Herder, herausgegeben von Heinrich Dùntzer. Leipzig,
Ed. Wartig's Verlag. (Ernst Hoppe), 188?. In-8, xxiv et i5o p.
Nous réunissons dans un même article le compte-rendu de plusieurs
ouvrages relatifs à la littérature allemande du xviiie siècle.
I. — L'édition complète des œuvres d'Ewald deKleist quenousdonne^
M. Auguste Sauer, mérite d'être annoncée au premier rang, et il serai^
à souhaiter qu'on fît pour de plus grands écrivains ce qu'a fait le jeune
professeur de Lemberg pour l'auteur à\i Printemps. Peut-être quelque^
chercheurs trouveront-ils encore par hasard quelques billets de Kleist;!
mais tout ce qu'a publié le glorieux blessé de Kunersdorf, tout ce qu'il
a écrit à ses amis, tout ce que ses amis lui ont écrit, est rassemblé dans
les trois gros volumes dont nous rendons compte. Le premier renferme
une biographie du poète, précise, attachante, à laquelle on ne reprochera
que d'être trop courte et d'oublier Vauvenargues, qui a quelques points
de ressemblance avec Kleist. Cette étude est suivie d'une introduction
sur les manuscrits de Kleist et sur les « principes critiques v qu'a suivis
M. S. dans son édition. Viennent ensuite les « poésies » le Printemps,
Cissidès et Pachès, la tragédie de Sénèque et les petits écrits en prose.
Le texte est celui qui fut corrigé par Kleist et parut sous ses yeux ; mais
au bas des pages Féditeur a soin de citer les variantes que donnent les
manuscrits et les diverses éditions (notamment celle de Ramier) ainsi
que les passages parallèles de Brockes, des Alpes de Haller et des Sai-
sons de Thomson, les réminiscences voulues de ce poète peu original
mais gracieux qui se piquait de butiner partout et « d'aller à la chasse
aux images ». M. S. mêle également à son commentaire des remarques
sur la langue et la grammaire. Il a trouvé dix pièces de vers inconnues
jusqu'ici. Il les range toutes, autant que possible, et en se guidant d'a-
près la correspondance de Kleist, dans l'ordre chronologique. Le texte
du Printemps sous ses deux formes (première édition de 1749 comparée
avec le plus ancien manuscrit « Landlust » et remaniement de lySô)
est précédé d'une étude fort intéressante; M. S. n'exagère pas les méri-
tes de son poète; il montre les imitations nombreuses qu'il suscita et
o'histoikk kt de littékaioru 419
le succès qu'il obtint. — Le deuxième et le troisième volume contien-
nent, l'un les lettres de Kleist, l'autre les lettres à Kleist; M. S. en a
publié 455, (237 de plus que dans les éditions précédentes) et il a eu
entre les mains Toriginal de 366 d'entre elles-, la plupart sont conser-
vées dans les archives de Gleim à Halberstadt. M. S. les édite très cor-
rectement et dans leur intégrité, car, dans les éditions précédentes bon
nombre de passages avaient été retranchés ; il niet en tête de chacune le
lieu primitif d'impression, l'endroit où se trouve Poriginal, la date de
la réponse; il accompagne cette correspondance de notes brèves et ins-
tructives où Ton remarquera plus d'une fois des fragments inédits d'Uz,
de Gleim, de Krause, d'Ewald. Les lettres des amis de Kleist sont bien
moins intéressantes que celles de l'officier, elles ont moins de vie et de
fraîcheur, on sait la fadeur écœurante de Gleim, le « Damon » de Hal-
berstadt. Peut-être eùt-il mieux valu faire un choix, ne donner que
l'essentiel et l'indispensable; mais en ces matières la limite est difficile
à tenir; les uns veulent plus, les autres moins; le meilleur moyen de
contenter chacun est de donner tout. — Telle qu''elle est, cette publi-
cation est une des meilleures de la collection Hempel ; elle nous rend
le véritable Kleist ; elle nous le fait voir dans sa correspondance aimant,
mélancolique, sensible, parfois atteint du même mal que Gleim, de la
Schonseligkeit^ mais reprenant le dessus grâce à sa nature de soldat,
franc, ouvert, écrivant sans affectation ni raffinement; enfin elle nous
donne le texte authentique de ses œuvres qu'avait mutilées le ciseau
impitoyable et souvent maladroit de Ramier, Ajoutons qu'elle renferme
un index complet des trois volumes.
2. — Pyra est connu dans la littérature allemande par le pamphlet
qu'il publia confe Gottsched (Erweis dass die Gottschedianîsche Secte
den Geschmack verderbe] et par son Temple de la vraie poésie ; il était
soumis à Tinfluence du piétisme de Halle; admirateur passionné de
Milton qui avait, disait-il, conduit la poésie du Parnasse païen au Para-
dis et prédécesseur de Klopstock, il regardait la poésie sacrée et bibli-
que comme la seule véritable; enfin, de même que les Suisses, il était
hostile à la rime. C'est à ce Pyra que M. Waniek a consacré une mono-
graphie fort consciencieuse '. Il apporte des documents inédits de grande
importance, les lettres que renferme la riche collection de Gottsched et
les manuscrits de Pyra que contiennent les archives de Gleim à Hal-
berstadt. Il a consulté les journaux de l'époque qu'il est si rare de trou-
ver, même dans les grandes bibliothèques d'Allemagne, et une foule de
brochures ignorées. Grâce à ces secours divers, M. W. expose pour la
première fois avec force détails l'influence de l'éducation piétiste que
Pyra avait reçue à Bautzen et à Halle. Il montre l'action du jeune écri-
I. L'ouvrage est divisé ainsi : première p?.rtie : I. Haus iind Schiile. il. Studien-
jahre. lll.Wanderjahre. IV. Aiifenthalt in Berlin. Y. Ausgdbcn, litcrarischer Nach-
lass, Stimmen der Zeitgenossen, deuxième partie : I. Der formale Gesichispitnkt.
II. Die stofflichen Gesichtspiinkte. \\l. Aesthetik iind aesthetiche Kritik. IV. Gœthc.
420 REVUK CRITIQUE
vain sur les poètes qu'il connut à Halle, Gleim, Lange, etc. sur les pro-
fesseurs et critiques comme Baumgarten et Meier. Il analyse avec saga-
cité les théories poétiques de Pyra et met en lumière les divergences
d^opinion qui séparaient les Saxons et les Suisses; on suit avec intérêt
les progrès que fait peu à peu l'esprit de Pyra; on le voit d'abord ad-
mirer Gotlsched, puis le critiquer, puis l'attaquer violemment, se rap-
procher de Breitinger et de Bodmer, se mettre à l'école des critiques
français, de Boileau, de Dubos, étudier Aristote et frayer la voie à Les-
sing. En outre, M. W. découvre dans le Tempel der wahren Dicht-
kunst des réminiscences du poète latin Vida et surtout de Thomson
(Castle of Indolence). Il nous fait connaître un fragment de tragédie,
Atrée ; il prouve que Pyra, en traduisant Virgile et en excitant
Lange à traduire Horace, est le devancier de Ramier et de Voss; qu'il
rechercha de dessein prémédité l'allitération; qu'il a donné le branle à la
poésie anacréontique qui fut le Tummelplat^ de tous les jeunes talents,
qu'il a le premier fait des vers non rimes et tenté de rétablir les chœurs
des anciens; enfin il démontre que Klopstock connaissait les œuvres de
Pyra et que du Bibliotartarus, fragment d'un poème héroï-comique,
est sorti le Renommist de Zachariâ, etc. La critique doit se mêler aux
éloges; M. W. a le tort, assez naturel chez un biographe, d'attribuer à
Pyra un rôle trop considérable dans la littérature; il compare même le
« Temple de la vraie poésie » aux Geheinutisse de Gœthe et ne doute
nullement que l'allégorie de Pyra « ait agi sur la conception du plan
des Mystères » (p. 178) ; il oublie que cette « conception » était deve-
nue familière à la poésie et pour ainsi dire banale : cp. le Temple de la
renommée de Chaucer et de Pope et le Temple du goût de Voltaire ; ce
dernier ouvrage parut en 1 /Si, et il ne serait pas impossible que Pyra,
dont le « Temple de la vraie poésie » fut publié en lySy, eût voulu imi-
ter l'écrivain français ^ Malgré tout, l'étude de M. Waniek abonde
en détails intéressants et nouveaux; elle fait connaître non seulement
une figure attachante de la littérature allemande -, mais toute l'époque,
assez ignorée jusqu'ici, où vécut Pyra, l'école de Halle et les princi-
paux représentants de la critique littéraire qui commençait à naître ^
3. — M. Litzmann a composé sur Liscow une étude soignée et atten-
tive. Il montre que l'Epitre à Lange sur le piétisme appartient vérita-
blement à Liscow et date de lySo. Il place en 1726 les Remarques sur
le Droit naturel de Manzel. Il prouve que Boileau exerça sur Liscow
une influence plus considérable qu'on ne l'avait cru jusqu'ici. Il analyse
1. M, Sauer vient de prouver que Pyra imita Pope (The Temple of Famé).
2. Pyra (Immanuel Jacob et non Jacob Immanuelj se rendit en 1704 (et non en
1735) à l'Université de Halle; il vécut ensuite à Laublingen près de Lange, puis se
fit précepteur (successivement à Poplitz et à Heiligenthal) ; il revint à Laublingen
en 1741, fut nommé à la fin de 1742 professeur au Kœllnisches Gymnasium de
Berliner et mourut le 14 juillet 1744; il était né le 25 juillet 1715 à Cotibus.
3. P. 128, écrire Bouhours' au lieu de « Bouhor's ».
D HISTOIRE KT DE LITTEHATURK _i.2 I
les œuvres du satirique allemand et fait le portrait des personnages qui
furent l'objet de ses sarcasmes. Il donne une foule de renseignements
précieux sur Sivers « célébrité locale qui n'avait d'autre talent que la
réclame et prétendait à tout prix à la grandeur scientitique » (p. 38), sur
Philippi Taventurier (p. 4801), sur le parti de Gotisched et ses rela-
tions avec Liscow, sur le séjour de ce dernier à Dresde et son alliance
avec les ennemis du professeur de Leipzig. Il apprécie avec justesse
l'ouvrage le plus connu de Liscow von den elenden Scribenten; il a su
voir que cet écrit est un des meilleurs que Liscow ait composés, parce
qu'il s'abstient de toute moquerie personnelle et s'élève à des vues géné-
rales; ce n'est plus un simple pamphlet, c'est une satire pleine de goût
et de finesse. M. L. démontre, en outre, l'action de Liscow sur ses con-
temporains; le redoutable adversaire de Philippi et de Sivers eut bientôt,
surtout dans l'école de Gottsched, des imitateurs qui copièrent son style
et sa manière agressive; il suffit de lire les extraits que nous donne
M. L. des Neiifriinkische Zeitiingen et des journaux de Hambourg.
Voilà ce que contient le livre de M. L. Mais est-ce vraiment un livre?
Est-ce le travail d'ensemble qui manquait jusqu'ici sur Liscow? M. L.
a, de gaieté de cœur, renoncé à cette tâche qu'il lui était aisé d'entre-
prendre. Il veut, dit-il, poursuivre et retracer le développement littéraire
de Liscow en évitant de répéter ce qu'on connaît déjà. Mais combien de
ceux qui liront le travail de M. L., connaissent Liscow! Il fallait d'a-
bord nous exposer la vie de l'écrivain, nous donner des dates précises,
marquer en quelques traits son tempérament et son caractère, ses
opinions, le rôle qu'il devait jouer dans la littérature du temps. Une
fois l'existence de Liscow racontée dans tous ses détails, une fois le
personnage mis en pied, il fallait examiner l'une après l'autre, dans
des chapitres distincts, chacune de ses polémiques, en observant l'ordre
des temps. Il fallait s'exprimer avec plus de précision et de rigueur que
ne le fait l'auteur, sacrifier l'insignifiant et l'inutile, ne donner de tou-
tes ces misérables et pédantesques querelles que ce qu'il faut savoir.
M. L. arrivait ainsi, par un chemin facile, à la fin de son étude, et là,
il nous servait encore une conclusion où il aurait rappelé les jugements
de ses devanciers et prononcé lui-même en dernier ressort sur le mérite
de Liscow qu'il faut prendre garde, dit-il, de mettre-trop haut et qu'il
nomme fort bien un pamphlétiste satirique plutôt qu'un véritable
Satirendichter. M. L. n'a rien ou presque rien fait de tout cela; il a
composé quatre chapitres, assez longs, assez touffus, qui ne forment pas
un tout bien ordonné: i»Manzel et Lange; 2" Sivers et Philippi; 3*^ col-
laboration de Liscow aux journaux jusqu'en lySg; 4° rapports avec
Gottsched'. Néanmoins, on lui saura gré d'avoir tiré tant de détails
I. On pourrait lui reprocher aussi de n'avoir pas montré suffisamment les imita-
tions de Boileau dans les œuvres de Liscow; au moins, les exemples cités par M. L.
ne sont pas en assez grand nombre (p. 81). A notre avis, Swift est, plutôt que
Boileau, le modèle de Liscow; j'invoquerais surtout le témoignage de iMauvillon et
422 RtCVUK CKITIQUB
intéressants des papiers de Gottsched, de la collection de Lappenberg et
des journaux du temps; son livre complète sur bien des points les
travaux de Schmidt, de Helbig, de Lisch et de Classen.
4. — L'étude de M. Litzmann sur Liscow a été suivie d'une petite
publication intéressante dont il faut dire quelques mots. M. L. a trouvé
les lettres que la mère des deux Hagedorn (le poète et Pauteur des
Considérations sur la peintiirej adressait à son plus jeune fils Christian
Louis, lorsque ce dernier faisait ses études à Altdorf et à lena, en lySi
et en 1732. Ces lettres, au nombre de dix-sept, sont très touchantes; la
pauvre mère s'impose les plus grandes privations pour envoyer de
l'argent à son « petit Louis » ; elle lui donne les meilleurs conseils,
l'engage à ne pas régaler ses camarades (« andere mit nichtswiirdigem
teuren Toback und Bier zu tractiren »), à ne faire de dépenses que pour
sa propre et gentille personne (« fur deine artige Person und nutzen »),
à ne pas prodiguer les pourboires (« sei nicht zu libéral, trincgeld zu
geben »). Mais, tout en lui recommandant une stricte économie, elle le
prie de ne pas déroger, de se souvenir du nom qu'il porte, a sich seinem
Stande gemass zu conduisiren ». Ces lettres que M. Litzmann donne
telles quelles, avec leurs répétitions, leur tournure un peu lourde et
leur bizarre orthographe, méritaient l'impression; elles font mieux
connaître une des familles littéraires les plus célèbres de TAUemagne du
XYin*" siècle, et la brave femme qui les écrivait naïvement, intéresse le
lecteur par son naturel sain, par ses réflexions sensées, par son dé-
vouement maternel.
3. — Le livre de M. Perry, d'ailleurs imprimé avec luxe, rendra des
services au public anglo-américain ; allemands et français n'y trouveront
rien de très neuf, sauf les parallèles que fait l'auteur entre la littérature
allemande et la littérature anglaise, entre quelques passages du Spec-
tator et de VIrdisches Vergnugen de Brockes (p, 63). M. Perry
s'est contenté le plus souvent de reproduire ce que d'autres ont dit avant
lui. Ce qu'il raconte du Bund de Gottingue est bien insuffisant; il se
borne à traduire quatre lettres de Voss à Brûckner, et aucun de ses
lecteurs ne saura ce que fut cette réunion poétique, ce qu'étaient Bûr-
ger, les Stolberg, Hahn dont M. P. cite les noms sans autre indication.
En revanche, l'auteur insiste fort longuement sur Minna de Barnhelm
(p. 149-169) et ne dit presque rien des oeuvres de jeunesse de Lessing. Il
prétend que Gottsched se faisait aider dans ses traductions par sa femme
et ses enfants (children, p. 80). Enfin, M. Perry assure que Lessing
mourut « avant que la grande révolution littéraire eût éclaté (p. 201) »;
mais elle éclata du vivant de Lessing, et il fut un de ceux qui la pro-
d'Unzer qui connaissaient très bien la littérature de la France et de l'Angleterre « in
Liscow herrscht eine aechte swiftische Ader, und ob ich ihn gleich dem Englaender
nicht an die Seite seize, so gestehe ich doch, dass er mir vollkommen das Génie
und die Grundlage desselben zu haben scheint. » Ueber den Werth eimger Dichter.
Ï771, II, 21-22.
DHISTOIRE KT DK LITIKKATUUE _| 2 3
voquèrent; il meurt en 1781 et Gdt:^ est ue 1773, Werther et la Lenore
de Biirger, de 1774; les pièces de Lenz et de Klinger parurent à la
même époque, etc., etc. '.
6. — M. Pentzhorn a voulu composer une « biographie détaillée et
scientifique » de Thomas Abbt. C'est, en effet, une biographie, au pur
sens du mot ; ce n'est pas une étude critique, une appréciation com-
plète de l'œuvre laissée par l'historien allemand. M. P. a réuni tout ce
qu'il est possible de savoir sur la vie de Thomas Abbt, sur son enfance
à Ulm, sur ses années d'université (Halle), sur son enseignement à
Francfort sur TOder et à Rinteln, sur son séjour ù Berlin, sur son
voyage en Allemagne, en Suisse et en France ~, sur le rôle qu'il joua,
comme conseiller et « patronus scholarum » à Bûckeburg, près du
comte de Schaumburg-Lippe. Il analyse les écrits de Thomras Abbr, ses
dissertations et fragments historiques, ses articles dans les Litteratur-
hriefe et VAllgemeine deiitsche Bibliothek, ses meilleures œuvres, l'es-
sai « sur la mort pour la patrie » et l'essai « sur le mérite ». Il rappelle
les jugements des contemporains. 11 montre (p. 2 5], — ce qu'on n'a-
vait pas encore remarqué — que dans l'essai voni Todefilr das Vater-
laiid, Abbt s'est proposé pour modèle le livre de Zimmermann, vom
Nationalstol'{e; il cite plusieurs passages absolument identiques; il
rappelle un aveu qu'Abbt lui-même faisait à Zimmermann (cp. l'ou-
vrage de Bodemann sur le célèbre médecin, 1878, p. 29). Enfip. il pu-
blie quelques lettres inédites de Nicolai ainsi qu'une ode de Schubart,
d'ailleurs sans valeur aucune, au père de l'historien. Venons aux criti-
ques. M. P. parle en un endroit de la concision d'Abbt, de l'admiration
exclusive qu'il professait pour Salluste et Tacite (p. 56); il aurait pu
rappeler à ce propos Jean de Mûller^ historien lui aussi, et, comme
Abbt, visant à la brièveté; il aurait pu citer un passage des mémoires
de Gœthe qui prouve qu'à cette époque, qu'on doit à certains égards
nommer l'époque du laconisme, la plupart des écrivains tentaient de
se faire un style ferme et précis; Gœthe nomme Klopstock, Haller,
Ramier qui voulait enfermer dans ses strophes pompeuses beaucoup de
sens en peu de mots, Lessing, au style rapide et entraînant, « épigram-
matique dans ses fables et ses poésies, serré dans Minna de Barnhelm ».
etc. P. 42, M. P. remarque que Abbt avait, comme un grand nombre
de ses plus illustres contemporains, l'horreur du Gelehrtenstand et le
désir d'une position fixe; il fallait dire aussi que tous ces jeunes gens de
talent étaient tourmentés par le besoin de l'action, qu'ils eurent pour
idéal un Gotz ou un Charles Moor, que Herder songeait à devenir le
bienfaiteur de la Livonie, que Lenz rêvait de se faire soldat et de com-
mander une armée, que Klinger s'engageait et voulait combattre en
1. Le nom de Gcllert manque dans la table des noms propres.
2. Signalons p. 48, le récit d'une représentation théâtrale à Ferney; on jouait les
Femmes savantes ; Voltaire faisait Trissotin, cp. Abbt, Vcvmischic Werke. 1768,
VI, -5.
^24 KEVUK CRITIQUE
Amérique pour la cause de l'indépendance, etc. i. Mais ce que nous
reprocherons surtout à M. P., c'est d'avoir composé sa dissertation —
car c'est plutôt une dissertation qu'un livre — sans avoir pitié de son
lecteur; elle comprend i8i pages qui se suivent sans interruption et
sans temps d'arrêt; pas de chapitres; pas de divisions, lorsqu'il était si
aisé de trouver des titres comme « la jeunesse de Abbt », « l'essai sur la
mort pour la patrie m, « Fessai sur le mérite » ; « les Lettres sur la litté-
rature », « la Bibliothèque générale allemande »: il faut aller jusqu'au
bout du volume, ù la p. 90, pour trouver un simple tiret. D'ailleurs
M. Pentzhorn n'a même pas apprécié Abbt; il a laissé la parole à Her-
der et aux critiques de l'époque; on cherchera vainement dans sa con-
clusion un jugement d'ensemble sur les talents et le style de son au-
teur. M. Pentzhorn devra donc remanier son travail, lui donner une
meilleure ordonnance et de plus vastes proportions, y payer davantage
de sa personne; il a recueilli d'abondants matériaux; qu'il les dispose
et les mette en œuvre dans une nouvelle étude qu'il fera mieux que
tout autre et qui sera le dernier mot sur Thomas Abbt. Surtout qu'il
n'oublie pas de rechercher les sources dont Abbt s'est servi dans ses
fragments historiques; qu'il s'étende davantage sur les deux grands
journaux littéraires auxquels collabora le professeur de Rinteln; qu'il
examine l'influence que les voyages, les amitiés, le séjour de Berlin ont
tour à tour exercée sur son héros; qu'il consacre même un chapitre à la
critique littéraire de Thomas Abbt et à ses jugements sur ses contem-
porains, en recueillant les opinions éparses dans sa correspondance;
qu'il fasse enfin ce que ses compatriotes nomment un Zeit-iind Le-
bensbild-.
7. — L'ouvrage de M. Gaedertz, dont on connaît déjà une étude re-
marquable sur Rollenhagen, épuise à peu près le sujet. L'auteur a tout
consulté, jusqu'aux affiches et aux annonces, jusqu'aux cahiers des souf-
fleurs et aux rôles que copiaient les acteurs. Il nous donne une histoire
complète du théâtre bas-allemand. Le premier volume surtout est riche en
informations aussi curieuses qu'importantes. M. G. prouve dès le début
que le premier poète bas-allemand qu'on connaisse, Jean Koch ou Op-
sopaeus, a composé sa comédie d'Elie d'abord dans son dialecte, (i63o)
puis en latin (i633). Il établit par des arguments irréfutables que Jean
Rist, contemporain et rival de Koch est l'auteur de V Irenaromachia ; il
fait connaître une pièce assez bonne du même auteur, Persée^ que
Gervinus n'avait pu découvrir; il cite les Zj-pischenspieleloa intermèdes
bas-allemands que renferment ces deux pièces de Rist ainsi que sa meil-
leure œuvre, das friedejaiich^ende Tcutschland ; il expose l'influence
considérable que Rist exerça sur un auteur jusqu'à présent inconnu,
1. Cp. notre introduction de Gœl:{, p. lui.
2. Je ne serais pas étonné que Saint-Réal, dont on sait l'influence sur Scliiller,
ait été un des modèles que Abbt se proposait, et son Discours sur la valeur (1688)
pourrait être le précurseur des essais sur le mérite et la mort pour la patrie.
D HrSTOlK.S KT UK LUIÉKATUKK ^25
Erasme Pfeififer, secrétaire du duc de Brunswick Liinebourg (lequel mit
en rimes ï Irenaromachîa) , sur l'auteur anonyme du Ratio status^ sur
Scher, sur Rose, sur l'auteur de la Teweschen Hochtydt et du Tewesken
Kmdelbehr ; enfin il montre que les scènes composées par Rist offrent
d'utiles renseignements à l'historien, car elles représentent l'Allemagne
pendant la guerre de Trente-Ans et peignent au vif la haine entre le
peuple et le soldat, entre le paysan et le caporal. M, G. analyse avec la
même finesse et la même sagacité les éléments bas-allemands que ren-
ferment les opéras joués à Hambourg au xvii*^ et au xvm'^ siècle; il étu-
die successivement à ce point de vue le Kara Mustapha de Bostel (1686)
le Xerxes de Postel, Pyrame et Thisbé de Schrôder, Cléopâtre de
Feustking, le carnaval de Venise de Meister et Cuno, Henri l'Oiseleur
de Kanig, etc.; sur près de trois cents opéras qui furent représentés au
théâtre du Marché aux Oies, dix-sept sont, entièrement ou en partie,
écrits en bas-allemand (p. 169). Le dernier où se fit entendre Iq platt-
deiitsch, la a oole plattdûtsch Moodersprak » fut la Verkehrte Welt de
Pratorius. Mais les opéras furent remplacés par des comédies où lePlatt
hambourgeois revendiqua sa place (Ekhof ' dans le Grobian duBookes-
beutel, dans l'Henri du Potier d'étain de Holberg qui fut traduit en
bas-allemand dans l'année 1743, dans le Jiirge de V Héritier du village
de Marivaux que traduisit KrLiger, dans le Mathurin du Galant jardi-
nier de Dancourt traduit sous le titre Bas Blindekuhspiel , dans le Kias
àe l'Usurier gentilhomme', rôles d'Ilsabe et de Tobies dans GHick bes-
sert Thorheit de Schrôder; rôle du lieutenant et de son brosseur dans le
Hajis von Zanoiv de Brandes ; rôle de Sigefroi de Lindenberg dans la
pièce du même titre, jouée en 181 3, lorsque Davout commandait à
Hambourg). — Le second volume d,; M. G. est moins intéressant,
mais il témoigne d'un soin aussi attentif et scrupuleux que le premier.
M. G. y cite, avec de copieux extraits, toutes les pièces en bas-allemand
qui ont été représentées au xix*^ siècle. 11 nous présente les acteurs, les
directeurs, entre autres un Français, natif d'Agen et nommé Chéri
Maurice, les auteurs, Barm.ann, David, Volgemann, Gassmann et Krû-
ger qui mirent sur la scène les romans de Fritz Reuter, Inspector Brâ-
sig{« ut mine Stromtid ») et ut de Fran\osentid, enfin Fritz Reuter
lui-même qui donna une comédie en trois actes, die drei Langhllnse.
Le volume se termine par une étude sur Karl Schuitze et la comédie
en plat allemand du temps présent (p. 95-269). — En résumé, l'ouvrage
de M. Gaedertz lui fait grand honneur. On peut lui reprocher d'abuser
des analyses, surtout dans le second volume, et de louer outre me-
sure le théâtre dont il écrit l'histoire; il suffit, à ses yeux, d'employer le
plattdeutsch pour être simple, naïf, populaire; une œuvre composée
dans le dialecte de Hambourg et applaudie par le bon public de Ham-
bourg, lui paraît exquise de tous points et digne de passer à la posté-
I. Telle est la véritable orthographe du nom.
426 REVUK CRITIQUK
rite. Mais, s'il professe un enthousiasme exagéré pour des pièces en
somme peu remarquables, s'il se rend parfois la tâche trop aisée en se
bornant à de simples Refefate, si son livre ressemble par endroits à un
feuilleton théâtral, s'il se sert trop souvent des expressions vagues et
emphatiques qu'emploie le journalisme allemand, il a le mérite d'avoir
traité le premier un sujet fort intéressant, encore inexploré, et de Tavoir
traité à fond.
8. — Les lettres que renferme la correspondance du duc Charles Au-
guste de Weimar avec Knebel et Herder, publiée par M . Dûntzer, ne pa-
raissent pas pour la première fois. Les lettres à Knebel se trouvent
dans les papiers que ce dernier a laissés et qu'a édités Mundt; les lettres
à Knebel ont paru dans le Weimarisches Herder-Album de 1845;
mais AI, D. a revu les unes et les autres sur les originaux et en ajoute
quelques-unes. La publication a été laite avec goût et sur beau papier;
l'introduction, au style un peu long et lâché, se lit avec intérêt ; les
notes sont en grand nombre et on en tire profit; un index qui termine
le volume, rendra des services. Nous ne ferons que de légères critiques
à l'infatigable érudit; p. 5 écrire Vevey au lieu de Vevay ; p. 38 d'Ansse
au lieu de à'Aiisse; p. 16, balourdise au lieu de barloiidise ; p. 5i l'ex-
pression Chmnerische Nàchte vient peut-être du français, mais on dit
« ténèbres cimmériennes » et non cimmériques. On aurait souhaité que
M. Diintzer reproduisit également dans ce volume les lettres de Charles
Auguste à Einsiedel.
A. Chuquet.
218. — Les lettres G et II du [>îctïonnaÊi>c de l'ancienne langue
fi-ançaîse, par F. Godefroy. 5 fascicules. Prix : 25 fr. Paris, Vieweg.
3' Article.
M. Godefroy ne se met pas assez en garde contre un certain nombre
de mots restés dans la langue moderne. Quelques-uns ont eu des signi-
fications ou détournées ou métaphoriques qui ont échappé même à
Littré, et qu'il est nécessaire, je l'ai déjà dit, de signaler dans un dic-
tionnaire du vieux français. Gambader^ par exemple, a signifié enjam-
ber, franchir (nos dis gens de guerre gambadèrent par delà le Valis),
gascher, fouler le raisin, gale, cal, durillon, gemiine, adj. fém., native
(genuine noblesse, genuine qualité), gratteiire, ce que les poules grat-
tent, grappe, griffe, générosité, noblesse, haute naissance, grainissant,
fécond en grains. Sous le mot gole ou gueule, il fallait noter les locu-
tions suivantes : gueule baee, place publique, gueule d'un havre, entrée
d'un port, doubler sa gueule, redoubler ses aboiements. Gerbe baude,
devenu gerbaude dans le patois berrichon (voir Claudie par G. Sand),
D HISTOIRE ET DIO LITTERATURE 42"
méritait un article à part. Dans la lettre H on ne trouve pas herbe du
vent, anémone, harmoniser, v. n., faire entendre des sons harmonieux,
herbeux^ qui est de la nature de l'herbe, houlette^ {èlvo. de la confrérie
de la), de la confrérie des débauchés, par allusion à hole, houle, débau-
che, hure, sanglier, horaire, précoce (fruits horaires,) ete.
Il nous semble aussi que M. G. n'a pas suffisamment dépouillé les
auteurs du xvf siècle. Il y a parmi eux, comme partout, des retarda-
taires, et ce sont, pour la vieille langue, les plus intéressants à connaître.
C'est chez eux particulièrement que l'on rencontre un grand nombre de
termes qui sentent l'antiquité ou le patois des provinces. J'en citerai
quelques-uns : gasse, ivraie, gallon, cor, durillon, grisser, grincer,
gravail, gravier, gousseux, qui a le goût acre, grapette, petite grappe,
grinceur, grincement, gril, grillon, grésil lonner, piquer, graille, suc
visqueux de certaines plantes, gruynpher, grommeler, guerpeler, arra-
cher le poU, grelace, espèce de dragée, gouspilleur, gouspiller, verbe
qui est encore employé à la date de 1695, grimpeure, et grinipart, ge-
lon, glaçon, guirlandelle, greeinent, bien, convenablement, grenoiiil-
lau, grenoiiillard, gresleur, celui qui envoie la grêle, geleur, celui qui
glace, goutteron, bec d'un vase ou d'une aiguière, gaste-biens (ce mot
composé est bien vieux puisqu'il se trouve déjà dans le Rendus de
Moiliens), grisons, cheveux gris, gibray, mot rare que je ne comprends
pas : « poupées, petites espées, petites sonnettes, petits chevaux de gi-
bray et semblables choses. ». — A ces mots omis il faut encore ajouter :
gahoc, aqueduc, giguetter, fréquentatif de giguer, gentiliser, anoblir,
grabeleiir, éplucheur, hypercritique, gendrelle, sorte d'oiseau, gaffe,
clef d'arbalète, gruesque (des /eves gruesques?), glandager, ramasser
le gland, gorse (tertre et gorse estans entre un pré et une terre?),
garçaille, ^rappeler, grossateur (un ennemy commun de la patrie et
grossateiir publicq?), grisard, nom de je ne sais quel oiseau. La lettre
H fournit aussi beaucoup de vocables que je n'ai rencontrés qu'au
xvF siècle, mais qui ont bien l'air d'avoir une origine plus ancienne,
comme : hirunqv.c, halleboteur, houppée, houpe, haye, sorte de poisson,
harcc, d'où harcelé, hif, espèce de plâtre, holocaustement , harpie, har-
pon, hébétude, historialemcnt, haranguier, adj., (tonnel haranguierj,
ha:{^ardier, houpeten, hareclin, espèce de pâtisserie, hagis, clôture, houet,
hoyau, se hucher, se placer en haut, encore usité dans les patois, haïon-
ner, dresser un étal ou une échoppe sur le marché, hoidlebiche, coquil-
lage, difficile à définir, hersis, champ hersé, harpaillon, gueux, voleur,
ha:{ier, buisson, touffe de broussailles dont se sert encore un auteur
provincial au commencement du xviu^ siècle, havisseure, sécheresse,
harenguesse, saison où l'on pêche le hareng, etc.
D'autres mots plus anciens ont échappé à M. G., entre autres : gai-
liet, sonnette, gais, géant, garibel, insecte qui s'attaque à la vigne,
gantier, mesure pour les liquides, gardeau, sorte d'étoff'e, getoncel,
petit rejeton, gressoie, carrière de grès, de guingoys ou gingoys, de
428 REVUE CRITIQUE
coin, griecier, déchirer, gehinnement , torture, guiche, compartiment,
tiroir, gheulart, gueulard, grande marmite (on trouve aussi gueulard
=. gueule, gueulard de lyon), guerp ou jperp, cession, abandon, guer-
pison, grouilleur, gistju^, temps pendant lequel un malade ou un
blessé reste au lit, guiteau, gaine, étui; girofle, s. masc, vin épicé avec
des clous de girofle, gitaire^ poutre, ganteau, tronc pour les aumônes,
gayvete,^ couteau, géomètre, géométrie, glon'ficable, gitre, geter,
gachet, sorte de teinture, glainner ou mieux glanier, estomac du san-
glier, grésillons, caprices, fantaisies, gorguelet?, gratifier^ laine de
rebvit, se gober, se glorifier, gorder, gonfler, gaimon, épave de mer
(goémon.) ^/'azer, flatteur. J'ai noté aussiquelques vieux mots qui man-
quent à la lettre H, et dont la plupart sont d'une interprétation diflfi-
cile : hamecel, houticol, heurteux, houllart, hasphan, hennu, herniie:{,
haimee (n'a rien de commun pour le sens avec hamee ni hemée), hur-
lesoji, haii\in, haubar, hausseur.
Quelques articles sont incomplets. Ainsi garde-derriere est cité avec
le sens d'arrière-garde; il a encore celui d^arrière-pensée. Grappin outre
l'acception de menue paille signifie petit morceau de pierre, de caillou.
Grafer a été l'équivalent de agrafer, et graper ou grapper, de griffer.
A l'article garin manque la locution curieuse « un garin tout fait, un
vrai garin, » c'est-à-dire, un homme à éviter, dont il faut se garer.
Glaireux est expliqué par graveleux, quoiqu'il ait fréquemment le sens
de f< qui se plaît dans le sable, le gravier. » Gendre ou gejire a eu non-
seulement la valeur de « rejeton », mais de plus celle de « fils. » Have-
wenf = avidement, fait supposer hâve = avide, qui existe en effet;
M. G. s'est contenté pour cet adjectif des significations « sombre, mala-
dif, » déjà indiquées par Littré. Heaume, soldat couvert d'un heaume,
a été omis. J"'oubliais gréant interprété par t< agréable », et qui veut
dire « reconnaissant. »
Je n'ai à relever que quelques erreurs ou inadvertances. Une des plus
notables est godeau expliqué par « sorte de plante », dans cet exemple
où le sens saute aux yeux : «la taravelle, d'ucuns appellée fiche, et en
Anjou le godeau. » Planter en godeau, avec le godeau, est d'ailleurs une
locution qui n'est pas rare au xvi^ siècle. Hellir dans le passage tiré du
Rendus de Moiliens signifie se livrer à la débauche, et non pas « faire
du tapage », qui est une explication par trop vague. Au mot grappe,
M. G. renvoie à Crape (n" 2, je suppose), mais la forme grappe est
absente de cet article où crape d'ailleurs est peu nettement défini. Les
exemples pourtant ne manquaient pas : « pour les grappes qui sont
mules et galles aux talons. » Si gaufferie, comme je le crois, vient de
goffe ou gauffe, il ne peut guère signifier « jargon. » Enfin il n'est pas
exact de dire que les exemples de grole 4° au sens de savate, vieux sou-
lier, par extension patte, soient tous détruits : J'en ai un sous les yeux
(la grole d'un chien), et ce ne doit pas être le seul. M. G. s'est encore
mépris en expliquant gauleur par « celui qui abat des fruits, fait des
d'histoire et dk littératdru 42g
gaules. » Dans Texemple qu'il cite et ailleurs, ce mot signifie simple-
ment arpenteur : au bon vieux temps, on mesurait les terres avec des
gaules; c'était l'enfance de l'art.
Il est bien entendu que je ne fais pas ces articles pour amoindrir ou
dénigrer la valeur du Dictionnaire de M. Godetroy; je sais, Dieu merci,
apprécier tout ce qu'une pareille œuvre exige de travail opiniâtre, de
persévérante attention, de recherches incessantes. Ce n''est donc pas une
critique que je fais ici, ce sont de simples remarques qui, je crois, se-
ront profitables à l'auteur et à ceux qui s'intéressent à l'histoire du dé-
veloppement de notre langue. Tel qu'il est, le Dictionnaire de M. Go-
defroy lui fait le plus grand honneur, et il serait fâcheux que la
publication en fût interrompue.
A. Jacques
219. — De Montac.nac. Lettres a'un soldat, neuf années de campagne en
Afrique, correspondance inédite du colonel de Montagnac, publiée par son neveu.
Paris, Pion, i885, In-8, xxii et 5o2 p. 7 fr. 5o.
Lucien-François de Montagnac, né au château de Pourru-aux-Bois,
dans les Ardennes, le 17 mai i8o3, élève du collège de Sedan et de
l'école militaire de Saint-Cyr, sous-lieutenant au i"'' régiment (1821),
lieutenant en i832, chef de bataillon du Si'' (1841), puis lieutenant-
colonel au i5° léger (I845), était commandant supérieur du cercle de
Djemmaa-Ghazaouet lorsqu'il périt le 2 3 septembre 1845 dans un enga-
gement contre Abd-el-Kader. Il a fait sa carrière militaire en Afrique,
et c^est de là qu'il écrivait à ses parents de Sedan les lettres que publie
son neveu, M. Elizé de Montagnac. Cette correspondance nous fait
connaître un soldat, passionnément épris de son métier, loyal, intrépide,
instruit, doué de toutes les qualités qui font le véritable homme de
guerre; nul officier, disait le duc de Nemours, n'était ni plus brave ni
plus intelligent. Montagnac a le style alerte, plein de verve et d'en-
train; il fait de jolis portraits des officiers et des administrateurs qui
Teniourent ; il décrit de la façon la plus piquante les mœurs de la colo-
nie (p. 49-5 1); il expose impitoyablement les fautes qu'on a commises.
On ne pourra désormais composer une histoire sérieuse des premiers
temps de la conquête de l'Algérie sans consuher ces lettres sincères et
presque toujours impartiales. Il écrit le 20 janvier 1840 : « Je voudrais
vous raconter comment je fais la guerre, et je suis forcé de vous raconter
comment je ne la fais pas... Pas l'ombre d'un burnous! C'est égal,
grand déploiement de forces, dispositions stratégico-comiques, manœu-
vres savantes, sublimes et ridicules. De Pinfanterie groupée en masse,
de l'artillerie groupée en masse, de la cavalerie groupée en masse, et des
bêtes en masse, et des charlataneries en masse. Des masses, en veux-tu,
en voilà » (p. 69). Il montre qu'on s'y prend mal pour combattre l'é-
43o REVUE CRITIQUE
mir a ah! vous croyez que cet oiseau du désert va vous attendre pour
que vous lui mettiez un grain de sel sur la queue? Non, non, pas si
bètc. Vous courrez longtemps... « Sans cesse il se plaint qu'on batte la
campagne inutilement; il faudrait, selon lui, mobiliser quelques colon-
nes pour faire des razzias, brûler les récoltes, couper les communica-
tions avec le Maroc. Mais les généraux persistent dans leur système; le
maréchal Valée parcourt l'Algérie, sans combattre l'adversaire ; ce n'est
plus une armée expéditionnaire, c'est une armée projnenetise (p. io3) et
la guerre devient une simple escorte de convois. Heureusement il y a
un général » qui est tous les généraux de l'Afrique », Changarnier, le
factotum, l'homme universel et indispensable (p. i3o). Heureusement
on envoie Lamoricière dans la province d'Oran; voilà un « lapin » qui
fait de la bonne besogne, qui mène la chasse avec intelligence, qui
déniche les Arabes dans leurs repaires à vingt-cinq lieues à la ronde
(p. 141-142), qui va poursuivant, rasant les tribus, ramassant des
grains et des bestiaux, augmentant les approvisionnements! (p. 170).
Gloire à Lamoricière, s'écrie Montagnac, et gloire à Bugeaud! Ils ont
résolu le grand problème (p, 186). Mais c'est surtout Lamoricière qu'ad-
mire notre officier; il est supérieur à tous les autres, même à Bedeau,
« perruquier de première qualité » même à l'infatigable père Bugeaud;
c'est le Massinissa dont la main habile a réuni toutes les chances d'ave-
nir sur le théâtre d'Afrique (p. 203-209). Nous n'insisterons pas davan-
tage; on voit suffisamment tout ce que ce volume contient de curieux
et d'intéressant; citons encore quelques pages sur Mazagran (p. 74-73),
sur les silos (p. 188-189), sur la marche des colonnes dans la neige
(p. 214-215), sur le nouveau genre de lutte (p. 228), sur le bivouac dans
le désert (p. 261), sur les vieux généraux « fameuses reliques de l'Em-
pire » jaloux des jeunes capitaines et ne comprenant rien à la guerre
de flibustiers inaugurée par Lamoricière (p. 274-276), sur Négrier
(p. 284) et Cavaignac (p. 424), sur Horace Vernet (p. 469-472), et
remercions l'éditeur de cette correspondance d'avoir publié ces croquis
pris sur le vif, au cours des événements, par un des meilleurs et des plus
sympathiques soldats de l'armée française. Ces lettres sont de véritables
documents qui touchent à l'histoire, à ses grands comme à ses petits
côtés; en faisant la part des jugements portés du premier coup, on y
trouve une opinion exacte sur les hommes et les choses. L'éditeur a mis
en tête de l'ouvrage un beau portrait de Lucien de Montagnac ; les traits
du visage sont fortement accentués, la moustache épaisse, le front large,
le regard sévère; c'est bien l'homme qui se moque des « pantins mili-
taires » et qui voulait, comme il dit (p. 410), mener sans cesse la vie de
forban, tant que les ficelles qui agitaient sa nerveuse charpente ne se-
raient pas brisées.
C.
d'histoire et de littérature 43 1
Lettre de M. Duka.
M. Duka dont la Revue a récemment apprécié l'ouvrage sur la vie
et les œuvres de Csoma (n° 32^ 10 août i885) nous adresse les obser-
vations suivantes :
« I" Le portrait de Csoma est emprunté à la publication de FAcadé-
« mie des sciences de Hongrie; Toriginala dû être exécuté par M. Fran-
( cois Toldy, sur le dessin de M. Schoefft, vers 1840.
« 2° La panégyrique du baron Joseph Eôtvos où M. Duka a puisé
(1 ses renseignements sur les études de Csoma à Gôttingue, ne parle pas
(■■ de Blumenbach.
a 3° L'influence de Moorcroft sur Csoma a été plus grande qu'on ne
a Ta dit. Il prêta YAlphabetum Tibetanum de Giorgi à Csoma; il l'en-
« gagea vivement à composer une grammaire et un dictionnaire de la
« langue du Tibet pour le compte du gouvernement de Tlnde.
a 4" La rencontre de Csoma et de Jacquemont paraît à M. Duka un
« incident fâcheux qu'il valait mieux taire dans l'intérêt de Jacque-
« mont. Le voyageur français raconte que « Csoma vit à Kanum sous
<i le nom peu modeste de Sekundoeur Bègue, c'est-à-dire Alexandre le
« Grand ». Sekunder Beg était le nom que Csoma portait sur son passe-
« port délivré par le gouvernement de l'Inde et signifie simplement
<i Monsieur Alexandre, »
« 5'^ La liste des ouvrages de Csoma, donnée par M. Duka, est plus
'■ complète que la liste de l'Index du Journal de la Société asiatique du
Bengale. r>
CHRONIQUE
FRANCE. — La librairie Maisonneuve met en vente Trois comédies persa)ies Xra.-
duites du turc azéri par Mirza Dja'far, publiées avec glossaire et notes par C. Barbier
DE Me\:nard et S. Guyard (i vol. in-i 2). La Revue critique reviendra sur cette publica-
tion destinée à rendre de grands services pour l'étude de la langue courante et po-
pulaire.
— Un article de la Revue historique, signé Sejus et paru dans le tome XXIX de ce
recueil, vient de paraître à part, sous le titre ['Origine de Christophe Colomb; il ré-
fute victorieusement la thèse soutenue récemment par M. Peragallo, dans un gros
volume en italien, contre M. Harrisse et prouve par des arguments invincibles, tirés
des documents des archives, que Christophe Colomb appartenait à une famille d'obs-
curs plébéiens; que son père, tisserand de laine, vint s'établira Gênes vers 1439;
qu'il eut cinq enfants; que l'aîné, Christophe, reçut quelque instruction, qu'il ac-
compagna vraisemblablement son père à Savone en 1470; qu'il émigra vers 1473
en Portugal où il prit femme et vécut douze ou quatorze ans; voilà tout ce qu'on
432 REVUE CRITIQUE
sait sur les commencements du grand navigateur, et tels sont les seuls faits que doit
accepter l'historien sérieux.
— M. Henri Stein et Olivier de la Marche. — M, H. Stein, considérant que la vie
d'O. de la Marche est peu connue et que ses œuvres sont mal appréciées, a pris pour
tâche d'écrire cette vie et de commenter ces œuvres. Les principaux points de son
travail ont été sommairement indiqués dans une Etude biographique, littéraire et
bibliographique sur Olivier de la Marche, qui a paru au commencement de cette
année (Paris, Cerf, in-8»). Aujourd'hui M. Stein publie le Testament d'Olivier de la
Marche, chroniqueur et diplomate bourguignon., 8 octobre i5oi (Bruges, i885,
in-8° de i6 p.). C'est d'après deux copies conservées à la Bibliothèque nationale
(collection Bourgogne, no 99, et fonds français, n" 4332) que M. Stein publie cette
pièce intéressante, entourée d'excellents éclaircissements. Citons trois observations
du futur biographe du célèbre chroniqueur (pp. 2, 6, 8) ; « Olivier de la Marche
mourut peu de temps après [avoir dicté son testament], le i"^"" février i5o2. Plu-
sieurs auteurs ont étourdiment dit et redit, parce qu'ils se sont copiés les uns les
autres, que sa mort était survenue le i" février i5oi, comme s'il avait pu dicter
ses dernières volontés après son décès ; ils n'ont pas pris garde qu'alors, en Flandre
comme en France, janvier n'était pas le premier mois de l'année. » — « Il est permis
de conjecturer qu'il naquit là où il fut baptisé, et que par conséquent il naquit à
Villegaudin en Bourgogne, qui fut d'ailleurs le berceau de ses ancêtres à plusieurs
générations. Dès lors, si notre hypothèse est adoptée, tomberont toutes les supposi-
tions et affirmations faites à la légère depuis plus d'un siècle par La Croix du Maine
et Du Verdier [M. Stein veut parler de l'éditeur de la Bibliothèque françoise, Rigo-
LEY DE Juvigny], par V Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besançon
(séance du 28 janvier i836, p. 7) et par Kervyn de Lettenhove, Notice sur Georges
Chastellain, t. I de son édition des œuvres, p. 20. » — « Dans ses différents ouvrages,
tant en prose qu'en vers, Olivier de la Marche ne parle jamais de son fils légitime
Charles. Nous n'en connaissons l'existence que par la présente pièce testamentaire
et quelques documents antérieurs de peu d'importance; nous savons seulement qu'il
ne laissa point de postérité mâle et nous ignorons la date de son décès. MM. Beaune
et d'Arbaumont {La noblesse aux états de Bourgogne, Dijon, 1864, in-40, p. 23i)
ont commis une étrange faute en prenant ce Charles pour un neveu du chroniqueur,
lequel n'eut jamais de neveu qui ait porté ce nom. » — T. de L.
— Pierre de Nolhac. Jacques Amyot et le décret de Gratien (Rome, i885, grand
in-S» de i5 p.). — L'édition du décret de Gratien, préparée par une commission
que nomma Pie V en i566, fut publiée, après quinze ans de laborieuses études, à
Rome, en i582. M. Friedberg, dans les prolégomènes dont il a enrichi l'édition de
1879 (Leipzig, B. Tauchnitz), n'a pas cité le recueil conservé au Vatican sous le
n° 4913, qui contient une partie des papiers d'un des commissaires, le cardinal
François Alciat, parent de l'illustre jurisconsulte milanais. Ce prélat, l'un des plus
instruits du sacré collège, fut chargé en 1572 d'entrer en relation avec les savants
catholiques de toute l'Europe et d'obtenir d'eux tous les documents et renseigne-
ments qui pouvaient aider en quelque manière à l'édition projetée. Pour la France,
l'appel fut adressé, au nom du Pape au premier président du parlement de Paris,
et surtout à l'évêque d'Auxerre, grand aumônier de Charles IX, Jacques Amyot.
M. de Nolhac reproduit (p. 6) le bref expédié à Christophe de Thou et (p. 8-14)
trois lettres latines d'Amyot, les deux premières de la même date (7 mars i573),
l'une au pape, l'autre au cardinal, la troisième, qui est une réponse à de nouvelles
requêtes du cardinal, du i3 septembre de la même année. Ces lettres, à côté des-
quelles M. de Nolhac signale diverses lettres d'Antoine Mouchy (Democharès), de
d'histoire et de littérature 433
Jacques de Pamèle (Pamelius), chanoine de Bruges, d'Ambrogio Morales, historio-
graphe de Philippe II, de Fr. Richardot, évêque d'Arras, etc., prouvent que le tra-
ducteur de Plutarque fut le plus actif représentant de la France dans la grande et
mémorable publication de i582. — T. de L.
— Deux nouvelles brochures de M. André Joubert. — Le zèle de M. Joubert ne se
ralentit pas. Nous indiquions ici, l'autre jour, quatre brochures de lui. En voici deux
autres : Un mariage seigneurial sous Louis XV, 17 J7 (Nantes, V. Forest et E. Gri-
maud. 1885, grand in-8° de 20 p. Tiré à 100 exemplaires); Histoire de Saint-Denis
d'Anjou, xe-xviii^ siècle. (Laval, imprimerie Moreau, i885. Grand in-8'' de 88 p. Tiré
à 160 exemplaires). Le mariage dont s'occupe M. Joubert est celui de « messire Gas-
pard César Charles Lescalopier, chevalier, conseiller du Roi en ses conseils, maître
des requêtes ordinaire de son hôtel >^, et de « Anne Leclerc de Lesseville ». Le con-
trat de mariage du i5 septembre lyBy fut signé, au château de Charbonnières (en
Beauce, aujourd'hui dans l'arrondissement de Nogent-le-Rotrou), en présence d'une
foule de grands personnages dont la liste se déroule p. 8-11, liste qui, selon la re-
marque de l'auteur, « renferme une série de renseignements utiles et d'indications
précises sur les seigneurs de cette époque ». Mentionnons une autre liste fort inté-
ressante aussi (p. 12-20) : L Estât des meubles meublans, vaisselle d'or et d'argent
qui appartiennent à Monsieur Lescalopier fils, maistre des Requestes. — L'Histoire
de Saint-Denis d'Anjou, dont nous n'avons ici que la première partie, et qui est or-
née de sept gravures, se compose de onze chapitres intitulés : Aperçu topogravhique
sur le territoire de Saint-Denis d'Anjou; origine et formation de la chdtellenie au
moyen âge: les Anglais sont défaits à Saint-Denis d'Anjou par les seigneurs ange-
vins et manceaux ; privilèges et droits du chapitre, seigneur spirituel et temporel de
la châtellenie ; le logis des chanoines et ses dépendances; procès et condamnations de
divers criminels; création de deux foires et d'un marché par Louis XII; Histoire de
Saint-Denis d'Anjou au xvr siècle; au xvn"; au xvni"; la révolution et la chouanne-
rie, chapitre que l'auteur se réserve de compléter dans l'ouvrage spécial qu'il pré-
pare sur la chouannerie et les chouans dans le Haut-Anjou. — T. de L.
— Un château de Saintonge. — M. Denys de Aussy, propriétaire du château de
Crazannes, a consacré une très bonne notice à ce château et à ses anciens seigneurs,
les Montendre, les Vivone, les Poussard, les Rouhaud, les Daillon, les Acarie, les
Durfort de Civrac, etc. {Crazannes, i 312-1789. Pons, imprimerie de Noël Texier,
i885. Grand in-8° de 74 p. Publication de la Société des archives historiques de la
Saintonge et de l'Aunis). M. D. de Aussy, pour raconter les destinées de son ma-
noir, s'est appuyé sur des documents sérieux, comme on peut en juger facilement,
du reste, parles Pièces justificatives (pp. 37-74). II a pu ainsi redresser les erreurs
de l'historien de Cognac, Marvaud, de l'historien de la Saintonge, Massion, de Chau-
druc, l'archéologue qui décrivit si mal, dans le Bulletin monumental, le château qu'il
habitait et dont il avait ajouté le nom au sien, etc. On remarquera (p. 12) une note
où est clairement établie l'identité du célèbre calviniste du xvi= siècle, Romegoux,
lequel n'était autre que Guy Acarie, second tils de Jean Acarie, seigneur de Crazan-
nes, et de Catherine Goumard, dame de Roumegoux. — T. de L.
ALLEMAGNE. — Le 4° annuaire de la Société historique de Berlin (Jaliresbe-
richte der Geschichtswissenschaft im Auftrage der Hisiorischen Gesellschaft ^^u
Berlin), publié par MM. J. Hermann, J. Jastrow et Edm. Mever, a paru à la li-
brairie Mittler (Berlin. hi-S",:. 11 esc consacré aux publications de l'année 1S81 et
divisé en trois parties : l'antiquité, le moyen âge et les temps modernes. Dans la
partie relative à l'antiquité, les ouvrages concernant l'Egypte ont été analysés par
M. L. Stern; M. G. Rœsch s'est réservé r^55>"-2e et la Babylonie ; M. W. Lotz et
434 REVUE CRITIQUE
M. M. Steinschneider, l'histoire des Juifs, l'un jusqu'à la destruction de Jérusalem,
l'autre depuis cette époque jusqu'au temps présent; M. J. Klatt, l'Inde; M. Spiegel,
la Médie et la Perse. Deux collaborateurs de l'Annuaire traitent des livres et articles
sur la Grèce; M. E. Meyer, jusqu'à l'invasion dorienne et M. H. Zurborg (mort
depuis) jusqu'à l'époque d'Alexandre. M. E. Meyer apprécie les ouvrages qui traitent
des temps postérieurs à Alexandre, des colonies grecques, etc. L'histoire romaine
n'est pas représentée, les rédacteurs de l'Annuaire ne nous disent pas pourquoi.
M. O. Zœckler s'est chargé de l'histoire de l'Église. Sous le titre Allgetneines und
Paralipomcna, M. E. Meyer passe en revue les œuvres qui « considèrent l'antiquité
soit dans son ensemble, soit dans une direction particulière » (p. i33j, comme le
grand ouvrage de Ranke, l'histoire universelle de Weber, etc. Cette première partie
consacrée à l'antiquité renferme 164 pages. — Le nombre des collaborateurs est plus
considérable dans la seconde partie (Alittelalter) ; Jastrow, Antiquité germanique
jusqu'à la fin de la grande invasion, histoire de la constitution, et ouvrages généraux
sur le moyen âge; Handloike, l'empire franc sous les Mérovingiens; Hahn, l'époque
des Carolingiens; Ilwof, Conrad I et la maison de Saxe; Bresslau, Henri II et les
Saliques; Schum, Lothaire III et les Hohenstaufen jusqu'en 1208; J. Egger, l'Alle-
magne au XIII' siècle; Friedensbuug, L'empire allemand de 1273 à 1400; Huckert,
l'Allemagne au xv'= siècle; HollvEnder, l'Alsace-Lorraine; Hartfelder, le pays de
Bade; J. Hartmann, le Wurtemberg; Fr. Otto, le moyen Rhin; Mayerhofer, la
Bavière; Hoeniger, le Rhin inférieur; H. Hertzberg, la basse Allemagne; Ermisch,
Haute-Saxe, Thuringe et Hesse; Krones, les pays autrichiens; Krause, Schieswig-
Holstein, Hambourg, Lùbeck, Mecklenbourg et Poméranie; Berner, Brandebourg;
Gerstenberg, Silésie et Posen ; P. Wagner, l'Ordre Teutonique; Mettig, Livonie,
Eslhonie et Courlande; Hidber, Suisse; Koppmann, la Hanse; Tschackert, La pa-
pauté et l'église ; E. Hirsch, histoire byzantine; Vollers, l'Islam ; Cipolla, l'Italie;
A. Molinier, la France (remarquons que le travail de notre collaborateur n'a pas été
traduit en allemand; « wir durften dies — écrivent les rédacteurs de l'Annuaire —
bei dem allgemeinen Verstaendniss, dessen sich die franzœsische Sprache unbe-
streitbar erfreut, unbedenklich wagen »); Hj/erne, Suède; Schjceth, Norvège et Da-
nemark; HoRCiCKA, Bohême et Moravie; Kantecki, Pologne; Schwicker, Hongrie;
Densusianu, Roumanie; Wattenbach, Paléographie; Bresslau, Diplomatique. Cette
deuxième partie, très favorisée, comme on le voit, contient 386 pages. — La troi-
sième partie, Neue Zeit, est ainsi divisée : Dittrich, l'Allemagne de i5i9 à 1618;
E. Fischer, l'Allemagne de 1618 à lyiS; Koser, l'Allemagne de 1713 à 1786;
Bailleu, l'Allemagne de 1786 à i8i3 ; J. Hermann, Histoire de l'époque contempo-
raine, particulièrement de l'Allemagne, depuis i8i5; Berner, Prusse et Marche de
Brandebourg; P. Wagner, province de Prusse; Mettig, Livonie, Esthonie et Cour-
lande, etc. (mêmes collaborateurs que plus haut pour les états de l'Allemagne); il
n'y a malheureusement pas de compte-rendu des publications relatives à l'Autriche
moderne; mais M. Schwicker a traité de la Hongrie; M. D.endliker, de la Suisse
depuis le commencement du xvi'^ siècle; M. J. Hermann, de la France; M. Herrlich,
de l'Angleterre; MM. Hj/erne et Schjceth, l'un de la Suède, l'autre de la Norvège et
du Danemark; M. Morsolin, de l'Italie; M. de Kalkstein, des États-Unis et du
Canada; M. Klatt, des Indes; tout ce qui concerne les généralités de l'histoire mo-
derne et la « Culturgeschichte » est passé en revue par M. J. Hermann. Le volume se
termine par une liste des publications dont il rend compte. Il est tellement plein
d'informations de toute sorte, et rendra de tels services qu'il ne doit manquer dans
aucune bibliothèque de nos facultés. Souhaitons que le prochain volume n'ait plus,
comme celui-ci, deux lacunes fâcheuses (Rome ancienne et l'Autriche', et félicitons
d'histoire et de littérature 435
les trois directeurs de l'entreprise d'avoir su, malgré les retards inévitables, rassem-
bler sur l'histoire universelle, telle qu'elle a été étudiée en 1881, tant d'utiles ana-
lyses [III, p. 40, lire Hulin au lieu de x Gûlin n, p. i38, Vacherot au lieu de
« Vachenot », et p. 142 lung &\x lieu de « Jung ».]
— M. Henri Lisco a publié récemment une étude intitulée die Geschichtsphiloso-
phie Schellings 1792-1809 (Jena, Hossfeld. In-80, p. 63); ce travail, qui n'est pas, à
proprement parler, de la compétence de cette Revue, comprend quatre parties : 1° les
écrits de jeunesse, 1792-93; 2° les premiers essais philosopiiiques, 1795-96; 3° les
écrits qui fondent la philosophie de Schelling, 1797-99; 4° l'idéalisme transcenden-
tal, 1800.
— A la librairie Teubner, viennent de paraître les ouvrages suivants : 1° dans la
Bibliotheca scriptortim graccoriim et rovianorum Teitbneriana^ le deuxième fasci-
cule du Corpusciilum pocsis epicae graecae ludibundae (naturellement le premier
n'a pas encore paru). Il contient les fragments des sillographes avec double commen-
taire critique et explicatif et une longue introduction (83 pages) dans laquelle est
retracée toute l'histoire du genre. Ce volume est dû à M. C. Wachsmuth, qui s'oc-
cupe depuis longtemps du sujet; 2" dans la Bibliotheca scriptorum maedii aevi
Teiibneriatia, le Chvistus paiieiis, tragédie chrétienne (en centons) attribuée fausse-
ment à S. Grégoire de Nazianze. La préface donne quelques renseignements sur l'ap-
parat critique et le caractère de l'ouvrage ainsi qu'une liste des vers empruntés par
l'auteur. Pour l'attribution, l'éditeur (M. J.-G. Brarabs) renvoie à une dissertation
inaugurale qu'il a publiée en i883 à Eichstadt; 3» la 2« éd. de la Rhetorik der Grie-
chen it. Rœmer de M. R. Volkmann. Elle offre de grandes diftérences avec la pre-
mière éd. (publiée en 1872 à Berlin) et des additions considérables (eu tout 90 pp.)
portant surtout sur l'introduction, sur le paragraphe consacré au status des causes,
sur le chapitre des tropes, etc. — P. -A. L.
— M. Paul Bailleu a fait tirer à part l'étude qu'il avait récemment publiée dans
la te deutsche Rundschau » sur le prince Louis Ferdinand; le jeune érudit a su tra-
cer un très beau et très vivant portrait de ce prince prussien, ardent, impétueux,
doué de la plupart des qualités qui font le véritable homme de guerre; un grand
nombre de documents inédits tirés des archives de Berlin, de Vienne et de Paris sont
joints à ce travail qui fait revivre un des personnages les plus sympathiques de la
monarchie prussienne au temps de la Révolution et de l'Empire.
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 20 novembre iS85.
M. le baron Larrey, de l'Académie des sciences, adresse à l'Académie des inscrip-
tions et belles-lettres, en la priant d'en disposer comme elle le jugera convenable,
un manuscrit pâli sur teuilles de latanier et deux pièces officielles en cambodgien
moderne, le tout rapporté du Cambodge par M. le D' R. Deblenne, médecin de la
marine. Sur la proposition de M. Bergaigne, l'Académie décide que le manuscrit
pâli sera offert à la Bibliothèque nationale.
Après délibération en comité secret, l'Académie procède à l'élection de deux mem-
bres de la commission des inscriptions et médailles, en remplacement de MM. Léon
Renier et Emile Egger, décédés. MM. P.-Ch. Robert et Ernest Desjardins sont
élus.
M. Ravaisson annonce que le musée du Louvre vient d'entrer en possession d'une
collection de terres cuites qui lui a été attribuée par M. le ministre de l'instruction
publique. Ces terres cuites proviennent des fouilles faites à Myrina (Asie-Mineure),
par MM. Pottier, Salomon Reinach et Veyriès, de l'Ecole d'Athènes. Elles sont sor-
ties de terre sous les yeux même des explorateurs : l'authenticité en est donc indu-
bitable, et l'on pourra s'en servir pour établir les règles critiques d'après lesquelles
436 REVUE CRITIQUE d'hiSTOIRE ET DE LITTERATURE
doivent être appréciés les monuments analogues. Un catalogue descriptif, rédigé par
MM. Pottier et Reinach, est sous presse.
M. Ravaisson donne ensuite une seconde lecture de son mémoire sur les Vases re-
latifs à la légende tV Achille.
M. Schlumberger lit une note sur trois joyaux byzantins de sa collection, qui
portent les noms de plusieurs personnages historiques du ix« siècle, savoir :
i** une bague d'or, qui a appartenu au grand empereur Basile, fondateur de la dy-
nastie macédonienne, lorsqu'il n'était encore que grand chambellan (parakinomène)
de son prédécesseur Michel l'Ivrogne;
2o une autre bague d'or, trouvée près d'Antioche : elle a appartenu au patrice
Aétios, drongaire des vigiles sous le même Michel, martyrisé par les Sarrasms sur
les bords de l'Euphrate en 846;
3° un fragment d'un reliquaire d'or, qui a renfermé des reliques de saint Etienne
le Jeune, patrirche de Constantinople, fils de l'empereur Basile.
Ouvrages présentés : — par M. Barbier de Meynard : Trois Comédies, traduites
du dialecte turc azéri en persan par Mir^a Dja'far, et publiées, d'après les manus-
crits de Téhéran, avec un glossaire et des notes, par C. Barbier de Meynard et Sta-
nislas Guyard; — par M. Maury : J. Van den Gheyn, Essais de mythologie et de
philologie comparée; — par M. Paul Meyer : Tamizey de Larroque, les Correspon-
dants de Peiresc, X -. Guillaume d'Abbatia, capitoul de Toulouse ; — par M. Renan :
1° Fauriel, les Derniers Jours du consulat, publ. par Ludovic Lalanne ; 2" Manuel
M. DE Peralta, Cosia-Rica, Nicaragua y Panama en el siglo xvi, su historiay sus
limites ; — par M. Georges Perrot : i" Collection Camille Lécuyer, terres cuites an-
tiques trouvées en Grèce et en Asie-Mineure, b* livraison; 2° Bulletin de correspon-
dance hellénique, mai-novembre i885.
Julien Havet.
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du 1 1 novembre i885.
PRÉSIDENCE DE M. COURAJOD.
M. Em. Molinier présente un médaillon de bronze qu'il a trouvé en Italie et qui
reproduit exactement une cire colorée du xvi" siècle faisant partie des collections
Sauvageot, au Musée du Louvre. Grâce à ce médaillon, on peut déterminer l'attri-
bution du personnage qu'il représente; c'est Pietro Machiavelli, et non Francesco
Maria délia Rovere, duc d'Urbin, indûment indiqué pour le médaillon de cire par
le catalogue.
M. G. Rey lit un mémoire intitulé Note géographique sur Raphanée et Bayas;
ce sont deux localités dans la principauté d'Antioche dont il détermine l'identifica-
tion.
M. de Barthélémy communique une note de M. l'abbé de Cagny sur une stèle dé-
couverte près d'Amiens et représentant quatre figures féminines drapées de l'époque
romaine.
M. Demay présente, au nom de M. le comte de la Guère, une matrice de sceau
équestre en ivoire du xi<^ siècle; elle porte la légende sigillum Roberti de Tor.
M. l'abbé Thédenat signale d'après des renseignements fournis par M. l'abbé Bor-
des la découverte d'un trésor de 1,200 deniers romains de l'époque impériale à Ca-
zères (Haute-Garonne).
M. Nicard entretient la Compagnie de fouilles exécutées au lac de Neufchatel.
M. Héron de Villefosse communique, de la part de M. Pallu de Lessert, le texte
de fragments d'inscriptions funéraires qu'on vient de découvrir à Narbonne.
M. Eug. Mûntz annonce que lors d'un récent voyage en Toscane il a retrouvé,
grâce à des documents inédits communiqués par dom Basanini, le lieu de sépulture
du plus habile des peintres verriers du xvi*" siècle, Guillaume Marcillat, le maître
de Georges Vasari, Notre illustre compatriote, dont l'existence fut partagée entre la
France et l'Italie, est enterré sur une des plus hautes cimes des Apennins dans
VEreyno dépendant de l'antique couvent des Camaldules.
M. Courajod communique la photographie d'une figurine en bronze conservée
dans la collection royale des Antiques à Dresde; c'est une réduction de la statiie
équestre du Capitole connue sous le nom de Marc-Aurèle. Une inscription gravée
sur le piédestal de la figurine prouve qu'elle a été commandée par le pape Eu-
gène IV à Filarete et donnée par son auteur à Pierre de Médicis en 1465. La com-
paraison de cet objet avec un bas-relief de bronze de la collection d'Ambras à Vienne
(Autriche) permet d'attribuer avec certitude à Antonio Averulino ce bas-relief qui re-
présente un épisode de la vie d'Ulysse.
Le Secrétaire,
R. Mowaï.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEKOl-iX.
Le Puy, imprimerie dp Marchessou frts. boulevard Saitit-lMurent, a S.
REVUE CRITIQUE
^'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
No 49 — 7 décembre — 1885
SoKîinnîfe s 220. Schwickert. De l'importance de l'enseignement du grec, —
221. Salluste, Jugurtha, p. p. Lallier. — 222. Allard, Histoire des persécutions
pendant les deux premiers siècles d'après les documents archéologiques. — 22 3.
MiRON DE l'Espinay. Françoïs Miron et l'administration municipale de Paris sous
Henri IV. — 224. Weinitz, La bataille de Nœrdlingen. — 225. Littérature natio-
nale allemande, éditions historiques et critiques, p. p. Kûrschner. — Chroni-
que.— Académie des Inscriptions, — Société nationale des Antiquaires de France.
220. — D'' J. J. Schwickert. BJeber Bedeuttsng tineî \WePtîi cies grîechîscBien
iïj'iunasîal =:iiaît5 Jiœïiefii Untei-rîcîïtes fui" ESiltlung, '%% issenecliaft
untl "^■VeBtëosâttung (KuStiar). Trier, i885, 29 p. in-4.
Cet écrit est fulminé contre les ennemis du grec qui voudraient,
suivant Télégante expression de Pauteur, das Griechische :[iim Gym-
nasialfenster hinaiis schmeissen. Il a pour but de prémunir les Luxem-
bourgeois contre de pernicieux conseils venus de Belgique, où l'on
parle tout haut de supprimer le grec dans les gymnases. Cette hérésie
tient à deux causes : Putilitarisme grossier des Belges et la contagion
de la démocratie française qui, paraît-il, est fort hostile à l'étude du
grec. Parce que les « enfants du peuple » fréquentent nos lycées,
parce que notre presse « radicale et sociale-démocratique » réclame
même droits et même instruction pour tous, le grec est devenu odieux
chez nous aux « éléments des couches inférieures. » M. Schwickert, on
le voit, n'aime pas la démocratie ; mais il aime le grec, et il lui sera
beaucoup pardonné. 11 démontre successivement, parfois avec des ar-
guments fort sensés, que le grec est indispensable à l'étude du latin, à
la culture de l'esprit, à la civilisation générale, à l'intelligence du fran-
çais. Il pense même que le grec doit inspirer aux jeunes gens de saines
idées politiques, en les détournant du « monstre à mille têtes d'un ré-
publicanisme anarchique » ; car n'est-ce point Homère qui « a coulé
dans le bronze cette maxime de sagesse :
O'jy. àfaObç zo'Au/.otpavi'-f]* cîç -/stpavoç I^tw. »
A côté des démocrates, ce que M. S. déteste le plus, ce sont les « uti-
litariens » ; il en veut aussi à la littérature et à la philosophie modernes,
à Victor Hugo et à M. Dumas, aux k porno graphierende Zolanten »,
enfin, pour remonter plus haut, à Descartes « auquel l'étude exclusive
des mathématiques a fait perdre le bon sens. » Il est dommage qu'on
Nouvelle série, XX. 4g
438 RIÎVUR CRITIQUE
ne fasse guère le panégyrique de l'antiquité sans lui immoler les civi-
lisations postérieures.
M. S. n'est pas sobre d'exemples : il cite deux colonnes de mots
français qui lui paraissent, fort justement d'ailleurs, inintelligibles à
qui ne sait pas le grec. Il est moins heureux quand il énumère les
mots latins dont le grec doit révéler le sens. Ainsi uti signifie se servir,
avoir en main, prendre par l'anse, et dérive de eu;, oreille. Labriun est
l'organe de préhension et dérive de Aaêsîv. Cerberus est 7.r,p9cps;, le
fatum exitiale; sepelire vient de r.r^.cq. Ces Jolies choses, et quelques
autres, sont réunies à la p. 4. L'excellent Krûger, qui n'aimait pas la
grammaire comparée, disait que celui qui étudie la linguistique est
perdu pour le grec ^ M. Schwickert peut être bien tranquille de ce
côté : il restera helléniste.
Salomon Reinach.
221. — olEuvi-es do Sailîiste, texte latin publié avec un commentaire critique
et explicatif, etc., par R. Lallieu, Guerre de Jugurtha, in-8, p. xii-164. Paris,
Hachette, i883.
R. Lallier avait déjà publié, en i883, dans le format in-i6, une
édition classique des œuvres de Salluste qui fut accueillie avec faveur
par la critique française et étrangère. Elle se distinguait des autres livres
de la même collection en ce qu'elle était pourvue de notes beaucoup
plus abondantes, véritable commentaire perpétuel au lieu d'indications
brèves et rares ou de simples renvois. L'auteur n'avait donc que peu de
modifications à faire pour transformer le petit livre de classe en une
édition à l'usage des savants et des professeurs; la mort est venue l'in-
terrompre dans son travail, de sorte que le Jugurtha seul a pu être
achevé.
Les différences que le commentaire de cette grande édition présenté
avec celui de l'édition classique, sont de deux sortes : adjonction de
renseignements critiques, suppression des observations de grammaire
ou de sens, d'un caractère élémentaire. On préférerait que les indica-
tions critiques lussent mises à part, par exemple au-dessus des deux co-
lonnes de notes explicatives, dans toute la largeur de la page ; cela vau-
drait mieux pour la clarté ; la méthode adoptée peut se défendre en ce
que la discussion et le choix d'une leçon se trouvent souvent intime-
ment liés au sens du passage et provoquent alors des observations de lan-
gue, de style, de toute nature, qui rentrent dans l'explication. Quant aux
retranchements opérés par R. L. dans la partie exégétique, ils sont en
général faits judicieusement, mais un peu trop largement; ainsi, je ne
I . Wc7' sicJi eifrig mit linguistichen Studien befasst, ist fûv das Griechische ver-
loren (Griechische Grammatil-, E^nlog, p. 210).
d'histoire et de littérature 439
i^ois pas bien pourquoi avoir supprime III, 3 la note snvfugam, IV, 8
relie sur sustinent. Les additions sont rares ainsi que les modifications
ians la rédaction des anciennes notes ; il y en a pourtant quelques-unes,
peureuses et témoignant d'un travail consciencieux de révision (voy.
[II, 2 « on a pris souvent » au lieu de « on prend généralement » qui
2tait inexact ' ; XXXVI, 3 neqiie rétabli en tète de la phrase et consti-
tuant une meilleure rédaction; CXIV, 3 etc.; exemples d'additions :
III, 3 sur potentiae paucorum ; sur le sens de gratificari; IV, i sur
l'usage de ceteriim chez Salluste; IV, 6, sur la valeur des mots non
ceram illam neqiie figuram ; XXXVI, 2, sur ludificare etc.). Cet effort
patient vers la perfection s'est continué jusqu'au bout "*; le commen-
taire y a gagné pour la forme non moins que pour le fond . il est re-
marquablement facile à lire, pour ainsi dire limpide et calme.
L'introduction devait contenir trois chapitres : le premier seul est
publié, étant le seul terminé. Cest une comparaison du Catilina et du
Jugurtha; les autres parties avaient pour sujets une discussion sur la
vérité des récits et des descriptions dans le Jugurtha, et une étude sur
le même ouvrage considéré comme œuvre d'art. A dire vrai, les huit
pages de la première partie ne donnent pas trop à regretter ce qui man-
que : elles ne contiennent rien de neuf : c'est, en un style convenable,
le résumé de ce qui a déjà été dit par MM. Taine et Nisard '\ Une lacune
'jjen plus fâcheuse, c'est l'absence de toute indication sur les sources du
exte ; il est regrettable qu'on n'ait pas au moins mis en tête de l'édition
me liste des manuscrits.
Cette édition de Jugurtha, sans ajouter beaucoup a la réputation de
allier puisqu'elle ne diffère qu'assez peu de l'édition classique, occupera
m des meilleurs rangs dans la collection Hachette. Je terminerai par
ine observation typographique : les chiffres des paragraphes ne ressor-
ent pas bien et fatiguent l'attention ; au lieu de ces chiffres un peu
ijrêles, placés entre crochets, des chiffres gras seraient vus beaucoup
)lus vite; ou si l'on redoute trop de taches noires, au moins pourrait
m mettre les numéros dans la marge où l'œil les saisirait facilement. Ce
ont là des commodités qui ont leur importance pour les travailleurs, et
'intelligence même et le goiit apportés à cette grande collection par les
diîeurs, invitent aux critiques de détails qui. semble-t-il, pourraient la
eifectionner.
Frédéric Plessis.
1. Pour le sens de pareiiiis en cet endroit, L. renvoie à Caiilina, VI, 5; il aurait
u ajouter un autre passage de Catilina, LU, 3 indiqué par M. Constans.
2. Pourquoi, XXXI, 12, écrire eidem, nominatif pluriel, alors que XXVII, i, on écrit
Mm, et que deux mss. importants doiment justement cette leçons
3. Je signale en passant une faute d'impression p. vu : 77 (407 av. J.-G.) pour
07 (47 av. J.-C.)
440
REVUE CRITIQUE
22. — Paul Allard. Hlstoîi'O «lee perg^écutions pendant les deux pre- ï
inters siècles d'api'ès les documents afchéologîqiies. Paris (Lecofïre),
i883. In-8, XXXIX-461 pp.
Des qualités très sérieuses recommandent le livre de M. Allard, et
lui donnent le droit de tenir une place honorable parmi les ouvrages si
nombreux et aux tendances si opposées dans lesquels on agite la ques-
tion, toujours renaissante, des rapports de l'Etat romain et de l'Eglise
chrétienne pendant les premiers siècles. Au premier rang de ces quali-
tés on mettra une entière sincérité et une bonne foi complète. La pensée
évidente de l'auteur, qui se révèle jusque dans ses titres de chapitres, a
été de démontrer, contrairement à la thèse ancienne de Dodwell, que le
nombre des martyrs chrétiens a été considérable dans les deux premiers
siècles. Pour cela, il puise largement dans les Actes des martyrs, et
emprunte aux documents hagiographiques tout ce qu'ils peuvent don-
ner. La tentation bien naturelle serait de prendre ces Actes au pied de
la lettre. L'auteur sait heureusement que les Passiones sont des instru-
ments de travail qu'il ne faut manier quavec la plus grande prudence ;
il sait qu'il n'est permis de construire un système sur cette base que si
l'on a sondé le terrain avec soin, que si l'on a enlevé « plusieurs cou-
ches de matériaux sans valeur historique », que si l'on est arrivé ainsi
« jusqu'au tuf solide », souvent bien difficile à atteindre. Car il en est
plus d'un parmi ces Actes qui n^a pas une valeur historique plus grande
que le pieux roman de Fabiola. Presque partout M. A. a su se tenir
dans une très sage réserve à l'égard des Gesta mai^tyriim, et cette dis-
crétion est un gage de la sincérité avec laquelle le livre a été fait. Cette
sincérité se retrouve encore dans la façon dont Fauteur expose les opi-
nions de ses adversaires; il n"'en méconnaît, croyons-nous, aucune
d'importante, et il ne se dissimule pas les objections. On ne dit pas .
qu'il oppose toujours à ces objections des raisons décisives; mais il sait
au moins que les objections existent ; il résume toujours très fortement
et avec la plus grande loyauté les argumentations de ses adversaires ',
en particulier de l'auteur de VHistoire des persécutions de l'Eglise
jusqu'à la fin des Antonins, avec lequel surtout il est en contradiction.
Pour le remarquer en passant, les conclusions de M. A. concordent
plus souvent qu'on n'aurait pu s'y attendre avec celles de l'auteur des
Origines du christianisme. A cette bonne foi dans la discussion se joint
une très grande modération d'esprit. Pour faire triompher sa cause,
l'auteur ne croit pas nécessaire de méconnaître ce qu'il y a eu de vrai-
ment grand, de haut et de noble chez quelques empereurs, alors même
qu'ils n'ont pas toujours, comme quelques-uns des Antonins, réprimé
les fureurs populaires contre les chrétiens. Comme preuves de cette
modération de l'auteur et de sa largeur de vues, on signalera un très
I. Voyez:, par exemple, la discussion sur rauthenticité du rcscrit d'Hadrien à Mi-
nicius Fundanus^ p. 241 et suiv.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 44 1
beau portrait de Trajan (p. 140), un autre d'Hadrien (p- 197), dans
lesquels M. A. rend pleine justice à ces deux très grands empereurs.
Voilà pour les qualilés morales, si l'on peut dire, de cet ouvrage.
Quant à ses mérites mate'riels, ils consistent d'abord dans une connais-
sance approfondie de la question. Pourtant il faui faire ici quelques
réserves. L'auteur connaît très bien la littérature italienne et la litté-
rature française du sujet. Il est au courant de tous les travaux de M. de
Rossi, comme on est en droit de l'attendre d'un écrivain qui s''est déjà
fait connaître par un ouvrage sur Rome souterraine. En particulier, le
livre présent est un dépouillé très complet et très exact de tout ce que le
Bulleîino di archeologia cristiana peut fournir sur l'histoire du chris-
tianisme aux deux premiers siècles. De même pour la France : M. A.
cite et utilise les ouvrages de M. Renan, de M. Aube, de M. Le Blant,
pour ne nommer que les plus marquants. Seulement on pourra trouver
que la littérature allemande aurait pu être mise plus largement à con-
tribution, et qu'une simple mention à la fin du volume et dans une
note (p. 431) de l'ouvrage très important de Keim, Rom iind das Chris-
teiîthum, est loin d'être suffisante. Enfin, pour en finir avec ces considé-
rations générales, le livre de M. A. se recommande par la forme; il est
écrit avec souffle, avec chaleur, bien que sans déclamation ; il se laisse
lire jusqu'au bout avec un réel intérêt. Telle est Timpression d'ensem-
ble, en somme très favorable, qu'on reçoit de cette Histoire des pcrsé^
entions.
Voici à présent quelques observations, faites au fur et à mesure de la
lecture du livre.
On laisse de côté les questions de doctrine, comme la thèse si sou-
vent débattue de l'incompatibilité du christianisme et de l'Etat romain ;
M. A. est bien forcé d'y souscrire en partie, lorsqu'il reconnaît que
a l'éloignement des fonctions publiques, manifesté par un grand nom-
bre de chrétiens... eut surtout pour cause la difficulté où ils se trou-
vaient de remplir celles-ci sans faire un acte continuel d'apostasie »
(p. XXVI ; cf. p. 92). C'est une de ces questions à peu près insolubles,
mélangées d'un peu de passion rétrospective, dans laquelle, comme di-
rait Montaigne, » nous ne ne faisons que nous entregloser ». Nous
aimons mieux passer à des faits plus matériels et plus sûrement pal-
pables.
P. 43. M. A. discute le sens de la fameuse phrase de Tacite sur les
chrétiens à propos de l'incendie de Ronie sous Néron : odio generis
hiimani convicti. Nous lui signalerons la nouvelle lecture faite tout
récemment de ce passage, et destinée peut-être à apportc;r enfin la lu-
mière dans cette question peu claire : odio generis humani coniunct i
(Voy. Revue critique^ 1S84, II, p. 466).
P. 66. A propos de cet incendie, M. A. s'efforce de démontrer que
les chrétiens que Néron fit mettre à mort dans ses jaixliiis du Vatican
furent condamnés non comme incendiaires, mais comme chrétiens; il
I
44^ RliVUE ClUriQUE
prétend qu'à partir de ce jour, la profession de christianisme fat expres-
sément défendue par des édits impériaux. Ce système s'appuie surtout
sur le texte suivant de Sulpice Sévère, qu'il faut citer pour en fixer le
vrai sens : « Hoc initio in christianos sasviri cœptum; post ctiani datis
legibus rcligio vctabatur, palamque edictis propositis christianum esse
non liccbat. Tum Paulus et Petrus capilis damnati... » (Chron., II,
41). On pourrait faire remarquer avant tout, que Sulpice Sévère ne
doit pas à priori fournir des renseignements particuliers sur le christia-
nisme au temps de Néron, alors qu'il est postérieur à cette époque de
près de quatre siècles; mais en laissant de côté cette remarque, il est
hors de doute pour nous qu'il est impossible de donner au texte en
question un autre sens que celui-ci : a Tel fut le com.mencement des
persécutions contre les chrétiens; en outre, dans la suite, des lois furent
rendues qui interdisaient la religion, et, en vertu d'édits officiellement
rendus, il ne fut plus permis d'être chrétien (allusion évidente à la
législation des temps postérieurs, de l'époque de Trajan ou de Tépoque
de Dèce). A l'époque de Néron (c'est le sens de tum qui s'oppose à
post), Paul et Pierre condamnés à mort... »
Toujours dans la même question, la thèse de M. A. est qu'il y a eu
persécution générale dans tout l'empire sous le règne de Néron ; c'est
pour cela même qu'il s'efforce de prouver l'existence d'une mesure
collective prise dès cette époque contre les chrétiens, simplement à titre
de chrétiens. Cependant il est bien forcé de corriger ses affirmations
par des « peut-être ». « L'horrible comédie des jardins de Néron fut
peut-être imitée dans les colonies ou les municipes » (p. 60). Puis-
qu'on n'a pas d'autres arguments que ces suppositions, le mieux serait
de ne rien dire. «. Le midi de la Gaule, TEspagne... vireni peut-être
des martyrs » (p. 69). A ce compte-là, quel pays n'en aura vu? M. A.
reprend Targumentation très ingénieuse de M. de Rossi qui conclut à
l'existence d'une colonie chrétienne à Pompei ; rien de mieux. Mais,
quand on ajoute « que s'il y eut des chrétiens à Pompei pendant le rè-
gne de Néron, la persécution dut y faire des victimes » (p. 73), on
serait bien embarrassé de dire sur quoi se fonde cette hypothèse toute
gratuite.
11 parait encore bien téméraire de prétendre que sous l'expression si
commune dans la latinité, molitores novarum rerum, et qui s'applique
en général à tous les mécontents, à tous ceux qui font de l'opposition,
puisse se dissimuler l'imputation de christianisme (p. 1 1 1). Il s'agit du
passage où Suétone applique ces mots à quelques-unes des victimes de
Domiticn.
Au sujet de la fameuse correspondance entre Pline et Trajan sur les
chrétiens, l'opinion de M. A. est celle de M. Rossi, que ks chrétiens
ont toujours été condamnés comme chrétiens, et jamais comme coupa-
bles de délits de droit commun. On aurait voulu trouver à cette occa-
sion une critique approfondie du mémoire de M. Le ^lixni (Comptes-
d'histoire et de littékature 4^3
rendus de l'Acad. des Inscr., 1866), dans lequel est soutenue l'opinion
contraire. De même, à propos de la mort de saint Ignace que M. A.
place en 107, lors du grand triomphe dacique de Trajan (pp. 180 et
191), il n"'aurait pas été inutile de réfuter le système différent de de La
Berge dans son Essai sur Trajan^ p. 2o5.
M. A. fait tous ses efforts pour démontrer l'authenticité du rescrit d'Ha-
drien à Minicius Fundanus sur les chrétiens (pp. 241 et suiv.). Nous
serons de son avis; nous croirons encore comme lui que le rescrit
d'Antonin au concile d'Asie sur le même sujet est une pièce apocryphe
(p. 292).
Pour quelle raison révoquer le témoignage de saint Jérôme et ne pas
croire que le Quadratus qui présenta une A'jpologie à Hadrien vers i25
était évêque d'Athènes (p. 25 i)?
On peut mettre la première Apologie de saint Justin en iSg, ou plus
probablement vers i5o, comme le pense M. A.; mais la seconde,
qui est adressée au Sénat, est certainement postérieure à la mort
d'Antonin le Pieux; elle se place entre i6r et 166, et non vers 160
(p. 283).
M. A. place le célèbre martyre de saint Polycarpe en i55 (p. 297). Il
suit en cela les calculs de M. Waddington dans son Mémoire sur Aris-
tide et dans ses Fastes. M. A. semble ignorer que le système chronolo-
gique de M. Waddington pour ce point spécial a été très fortement
attaqué. Sans instituer une discussion d'ensemble, qui ne serait pas ici
à sa place, on se contentera d'indiquer la note 2 de la page 124 du
Lehrbuch der Patrologie iind Patristik de Nirschl (Mayence, 1881),
comme renfermant un résumé exact de la question. Nirschl fait varier
cette date de 157 à 168. Donc, si l'on adopte l'opinion de M, Wad-
dington, qui est très soutenable, il aurait au moins fallu la fortifier en
réfutant les objections qui lui ont été adressées. Quoi qu'il en soit, alors
même que le martyre de saint Polycarpe se placerait sous le régne d'An-
tonin et non sous le règne de Marc-Aurèle, nous ne voyons pas en quoi
le fait unique de la mort de cet illustre vieillard, à laquelle l'empereur
est resté entièrement étranger, expliquerait le titre du chapitre : la per-
sécution d'Antonin le Pieux; en quoi il justifierait cette aflfirmation
plusieurs fois répétée par M . A., que la persécution a été à l'état continu
pendant le milieu du deuxième siècle; en quoi il contredirait l'assertion
de Sulpice Sévère : « Imperanie Pio, pax ecclesiis fuit «. Qu'Antonin ait
été favorable aux chrétiens, ce serait peut-être beaucoup dire; cepen-
dant les personnes qui étudient avec quelque détail cette période de
rhistoire impériale, trouveront que ce jugement serait beaucoup plus
près de la vérité que celui de M. A., qui transforme A.ntonin le Pieux
en persécuteur du christianisme.
P. 323. Q. LoUius Urbicus éiait prcefec tus Urbi avant ib5\ il l'était
dès 143 (Borghesi, Œuv., V, p. 41 9,1.
Celle Histoire des persécutions s a\:ïête sous le règne de Commode,
444 REVUE CRmQUK
lorsque l'Église, après le rude assaut qu'elle a supporté sous le règne de
Marc-Aurèle et que M. A. raconte en détail, vient d'obtenir « une
sorte de suspension d'armes ». L'auteur fait espérer qu'il mènera un
Jour cette histoire « jusqu'à la victoire définitive de l'Église », c'est-à-
dire jusqu'à l'époque de Constantin. Si le prochain ouvrage ressemble
à celui-ci, M. Allard aura fourni à la cause du christianisme primitif
des armes qui ne seront pas à dédaigner'.
G. Lacour-Gayet.
223. — A. Mîpon tic ï'Espînay. François Miron et V Administration munici-
pale de Paris sons Henri IV, de 1604 à 1606. Paris, Pion et Nourrit, iibr.-
édit.; un vol. in-8 de m et 487 p. 7 fr. 5o.
Parmi les prévôts des marchands de Paris dont l'histoire a conservé
le nom, Tun des plus célèbres est François Miron; aussi personne ne
s'étonnera-t-ii de voir consacrée à ce magistrat une étude de l'impor-
tance du présent volume.
L'auteur s'est proposé un double but ; il a voulu écrire la vie de
François Miron: il a voulu étudier en même temps ce qu'avait été pen-
dant l'exercice de Miron, de 1604 à 1606, l'administration municipale
de Paris. Il a mieux réussi, reconnaissons-le, dans la deuxième partie
de son dessein que dans la première; et la biographie de Miron reste
encore à faire. Il est trop peu parlé, en effet, de François Miron dans ce
gros in-octavo; et dans maints endroits du livre, le personnage dont il
est le moins question est celui dont le nom figure, en titre courant, au
haut de chaque page. La matière ne manquait pourtant pas à l'écri-
vain; il y aurait eu certainement, dans les pièces qui ont passé sous ses
yeux, de curieux détails à relever sur le héros, sur ses ancêtres et ses
descendants, fameux, les uns et les autres, à divers titres, sur sa femme
Marie Brisson et la trop célèbre aventure de cette « épouse indigne »
avec le gentilhomme limousin M. de Saint-Georges.
Si la vie et le caractère du personnage restent, à peu de choses près,
dans l'ombre, l'importance de ses fonctions, la limite de ses attribu-
tions diverses sont mieux établies; et la vue du cadre dédommage
un peu de l'absence du portrait. M. M. de l'E. expose bien les
rapports du lieutenant civil (qui était à lu fois lieutenant civil et prévôt
des marchands) avec les corps de métiers et montre tour à tour ce qu'é-
taient à Paris, au début du xvii° siècle, le prévôt des marchands, les
échevins, l'administration municipale, le domaine et les finances de la
ville, le commerce et l'industrie. Il insiste à propos sur le chapitre des
I. Depuis que ces lignes ont été éciites, nous avons reçu la suite de l'ouvrage
de M. Allard : Histoire des yersécitîions pendant la première moitié du troisième
siècle, etc. La Revue critique en rendra compte prochainement.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 445
bâtiments et des constructions et s^étend comme il convient sur l'e'diti-
cation de Thôtel de ville, principal titre de Miron à notre souvenir '.
D'intéressants renseignements sont donnés çà et là sur la censure
sous Henri IV (p. 69) ; sur les expropriations à la même époque
(p. 266); sur l'éclairage de la voie publique, consistant surtout, sem-
ble-t-il, dans les lanternes que tous parisiens sortant de 9 a 10 heures
du soir devaient porter avec eux (p. 6y) ^ ; sur les diverses entrées de rois
ou de princes qui eurent lieu à Paris sous la prévôté de Miron et sur les
cadeaux de dragées, de confitures, de vin clairet et de flambeaux de cire
blanche qu^ faisait invariablement le corps de ville aux nouveaux arri-
vants (p. 290 et p. 294).
Après avoir reconnu le réel intérêt que présente l'étude de M. M. de
l'E. et rendu justice aux recherches qu'elle dénote, il reste à ajouter
qu'elle n'est pas sans offrir quelque prise à la critique.
On y remarque d'abord des citations beaucoup trop longues : elles
alourdissent le texte qu'elles tendent à rendre peu intelligible et
gagneraient à être, pour la plupart, résumées clairement. Ce sont
ensuite de trop nombreux hors d'œuvre : sur la mort d'Henri III
(p. 3i et suiv.), le sacre d'Henri IV à Saint-Denis et son entrée
à Paris (p. 3g et suiv.), le retour du Parlement à Paris (p. 46 et
suiv.), le rétablissement des Jésuites (p. 90 et suiv,), etc., etc. ; hors
d'œuvre où il n'est question ni de François Miron ni de son adminis-
tration. Quelques erreurs, quelques lapsus déparent encore ce livre :
page 139, note 2, le nom de Melon, l'économiste bien connu du
xviu" siècle, est écrit comme celui d'un écrivain de nos jours, M. Ma-
lon; page 140, note 2, l'auteur cite une ordonnance de Jean le Bon di-
sant que les chambrières qui servent en « hontillant » les vaches, reçoi-
vent pour salaire vingt sols « avec leur chauffement. » Or chauffement
ne se comprendrait guère ici et hontillant ne se comprend pas du tout :
c'est chaussement et hoiibillant qu'il faut lire ^. M. M. de l'E. cite
mainte pièce sans indiquer sa provenance, notamment la lettre
d'Henri IV, du 2 avril 1606, dont il est question à la p. 291, et parle
de telle ou telle institution sans se préoccuper des travaux récents qui
la concernent, des quarteniers et des cinquanteniers de Paris, par exem-
ple, sans citer les intéressantes recherches de M. Georges Picot •*. II
s'appuie enfin trop facilement sur des auteurs suspects, ou des pièces
fausses telles que les fameuses lettres d'Henri IV à son prévôt Miron.
On sait que ces lettres furent fabriquées sous Napoléon III et qu'el-
1 . Le Pont Neuf fut, on le sait, avant tout l'œuvre de Henri IV.
2. Passé 10 heures, il n'était plus permis de sortir de chez soi que pour affaires
urgentes.
3. V. D. Carpentier, glossaire des mois français de Du Gange v" houbiller, traire
une vache.
4. Mém. de la Soc. de VHist. de Paris, (Paris iSyS, t. 1, p. i3 2-i6ô.) Recherches
sur les quartiniers, cinquanteniers et dixainiers de la ville de Paris par M. Georges
Picot.
446 REVUE CRITIQUE
les reprochaient au souverain les grands travaux d'édilité qui boule-
versaient alors Paris, repoussaient les ouvriers aux extrémités de la
ville, dans des quartiers où l'entente leur serait facile en cas de troubles,
et menaçaient de faire augmenter le prix du pain et de la viande. Nous
n'avons pas à revenir sur ces lettres après la verte critique qu'elles ins-
pirèrent dans le temps à M. Berger de Xivrey et au lendemain de l'ex-
cellent article qu'elles ont récemment motivé ', à propos d'un compte-
rendu du livre que nous analysons ici.
Quelques documents figurent, à titre de pièces Justificatives, à la fin
de l'ouvrage; nous regrettons qu'ils n'aient pas été mieux choisis.
Quel besoin de nous donner toutes ces harangues funèbres, ces re-
grets, ces éloges oU l'emphase des mots le dispute à la banalité de la pen-
sée? Serons-nous bien renseignés sur Miron quand nous saurons qu'il
avait en partage, au dire de ses panégyristes, « la valeur, la prudence et
« la bonté de Périclès, l'équité d'Aristides, la constance de Phocion et
« le courage de César )> ou que son trépas, son départ d'ici-bas, ne peut
se comparer qu'au « départ de ceste belle Vierge, qui faschée des ini-
« quitez de la terre se relira dans le ciel, choisissant sa demeure entre
« les signes du Lyon et de la Balance » !
Quant à ceux de ces documents qui étaient inédits, l'auteur les a
généralement publiés avec soin. Nous avons pourtant, en collation-
nant quelques-unes de ces pièces sur l'original, constaté certains lap-
sus. Ici, par exemple, il y a « l'esgorgemcnt et curement d'esgouiz »
(p. 371, avant-dernière ligne) au lieu de « desgorgevient et curement
d'esgoutz » qui vaut mieux, d'ailleurs. C'est ici un mot changé : au lieu
de « veoir » que porte l'original, il y a « rendre visite » (p. 878, 1. 19) ;
mais l'auteur nous dira peut-être que le sens est le même? Ce sont en-
core des mots omis, comme à la page 378, ligne 27, où il convient de
lire, au lieu de « conseillers de Rosny, de Chasteauneuf », « chancellier
« de Rosny, de Messe, de Saulx, de Chasteauneuf. »
Mais nous nous montrons peut-être trop sévère en reprochant ces
petites taches à l'auteur : « Je ne suis, nous disait-il au début du livre,
'< ni écrivain, ni éruuit, mais je raconte de bonne foi ce que je suis
« mieux autorisé que beaucoup d'autres à connaître et à dire de Fran-
« cois Miron » (avant-propos, p. 11). Admettons, puisqu'il le veut, qu'il
ne soit pas un érudit. Allons même, puisqu'il l'exig'î, jusqu'à ne pas
vouloir voir en lui un écrivain, quoique son style ne soit certainement
pas banal et contienne même, parfois, quelques traits trop brillants \
1. V. dans le Bulletin Critique du i5 août i885 l'arlicle de M. A. Baudrillart.
2. Les politiques de la Ligue sont, avec notre auteur, de « pauvres voyants des
« temps obscurs, tristes médecins des maux désespérés » (p. i3); Miron est « plus
droit et plus adroit » (p. 27); grâce à lui, « l'eau fiue bientôt aux Halles » (p. 261).
Ciicrons-nous encore ces tirades sur les Jésuites « forts de l'incomparable force »...
que procure « le dégagement de tous liens pour s'enchaîner librement à Dieu »
(p. 90) ou sur les heureux serviteurs du pays « qui pourvus d'honneurs, n'ont pas
« perdu l'honneur, qui riches d'argent, n'ont pas appauvri leur considération »
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 447
Mais nous ne pouvons réellement partager Tavis de notre auteur lors-
qu'il se dit et se croit, « mieux autorisé que beaucoup d'autres, » à
parler de François Miron. C^est une erreur singulière, en effet, d'esti-
mer que les liens du sang soient un titre pour raconter la vie d^in per-
sonnage quelconque. Ils constituent plutôt un empêchement à le bien
faire, un pareil récit étant voué d'avance au soupçon de partialité ou
de prévention '. Sous la plume de M. Miron de PEspinay, l'ouvrage
intitulé (( François Miron et l'Administration municipale de Paris
« sous Henri IV » tourne partout au Panégyrique. Sous une autre
main, il se serait facilement rattache, sans doute, à la calme et impar-
tiale Histoire. Nous regrettons que Tauteur ne se soit pas détié davan-
tage des périls au milieu desquels il avait à marcher.
P. B.
224. — Eîes <lon Eaiego «îe Accîo y Gallrti't Sclïiîiïcî'isng dci* Scîilaclit
von IVoerdlingeiis aus dessen Viaje del Infante Cardenal don Fernando de
Austria ûbersetzt und mit Anmerkungen versehen von Franz Weinitz mit einem
Anhang und einer Karte. Strassburg, Trûbner, 1884. In-8, v et lob p.
Très intéressante et consciencieuse publication, qui renferme tout ce
qu'il est possible de trouver dans les documents imprimés ou inédits
sur cette bataille de Nurdlingen ou, comme nous disons, deNordlingue,
(5 et 6 septembre 1634) où les Impériaux battirent les Suédois et firent
Horn prisonnier : 1° la traduction allemande du 1 3^ chapitre du Voyage
du cardinal Infant (Viaje del Infante Cardenal don Fernando da Aus-
tria) par don Diego de Aedo y Gallart ; le i3° chapitre de ce Viaje —
traduit en français par Ghiflflet (i635) — est consacré à la description
de la bataille; 2° deux pages de M, Weinitz qui fait à son tour, à
grands traits, le tableau de cette affaire mémorable (p. 35-36); 3° des
lettres du roi Ferdinand III à Tempereur Ferdinand II et à l'électeur
de Mayence, deWalmerode et de Fischer à Schlick, une relation inédite
due à un conseiller bavarois, la relation de Horn; 4" le texte espagnol
(p. 37-28) .du récit de don Diego (p. 79-103) ; 5° une carte de Nôrdlin-
gen et des environs tirée de l'atlas du bureau topographique de l'état-
(Avant-propos, p. m), etc.? — Nous avons à reprocher aussi à M. M. de TE.
plus d'une allusion déplacée. Qu'ont à faire l'enterrement de M. Hérold, en
i88[ (p. 3i3), « l'œuvre admirable des cercles catholiques d'ouvriers » (p. 114»
note 2), la bulle encyclique du 29 juin 1881 sur l'origine du pouvoir (p. 43, note ),
le « dogme infaillible du libre-échange » (p. 197, note 3), etc., dans une étude sur
François Miron et sur l'administration de Paris sous Henri IV!
I. Tout le monde a lu la récente et très attachante biographie du marquis
de Clermont-Tonnerre (Un ministre de la Restauration, par Camille Rousset, vrai
modèle de portrait historique. Qui ne se rend compte de la diminution que subi-
rait le personnage, si sa vie eut été signée par le présent duc de Clermont-Ton-
nerre, ses mérites et ses vertus racontés par la main pieuse d'un fils? Qui n'eut
taxé d'exagération ce qui n'eût pourtant été, au fond, que la vérité?
448 REVUE CRITIQUE
major général bavarois. Cette simple énumération suffit pour faire ap-
précier le mérite de cet ouvrage où M. Weinitz a mis tous ses soitîs et
déployé beaucoup de savoir; son travail complète sur presque tous les
points les études de Fuchs (18G8J et de Fraas (1869) sur le même
sujet
C.
223. — Doutsclie IVationaI-LIttei:*atur>s Iiistorîscli kritischo iVui^gabeiis
unter Mitwirkung von Arnold, Balke, Bartsch, Bechstein, Behaghel, Birlingei',
Blûmner, Bobertag, Boxberger, Creizenach, Crûger, Dùntzer, Frey, Fulda, Geiger.
Hamel, Henrici, Koch, Lambel, Liliencron, Milchsack, Miner, Muncker, Nerrlich,
Oesterley, Palm, Piper, Sauer, Schrœer, Steiner, Stern, Vetter, Wendeler, ZoUing,
herausgegebcn von Joseph Kurschner. Stuttgart et Berlin, librairie Spemann.
Prix du volume broché : 2 mark 5o; du volume relié : 3 mark 5o.
Nous avons annoncé déjà f Revue critique, a° 45, art. 200) quelques
volumes, renfermant plusieurs œuvres de Gœthe, et appartenant à la
collection Spemann. Cette collection, dirigée par M. Ktirschner, a pour
titre « Littérature nationale allemande, édition historique et critique »,
et ce seul titre indique son but. Elle doit renfermer toutes les oeuvres
remarquables de la littérature allemande depuis ses origines jusqu'à nos
jours; elle est destinée au grand public, mais l'éditeur et le directeur
ont eu soin de confier la publication des volumes aux érudits les
plus compétents, et la collection mérite vraiment le nom dont on use et
abuse en ce moment, de scientifique (ivissenschaftlich) par la révision
scrupuleuse des textes, par les introductions qui accompagnent chaque
tome, par l'abondance et la variété du commentaire, par de bonnes ta-
bles des matières et d^utiles index. Ajoutez que les volumes — reliés, il
est vrai, car ils se cassent aisément, s'ils ne sont que brochés, — char-
ment le regard par la beauté du papier et de l'impression, et qu'ils sont
d'un prix peu élevé.
On nous permettra de faire connaître dans un article d'ensemble les
premiers volumes de cette collection; s'il fallait les analyser en détail
Tun après l'autre, les cinquante-deux numéros que la Revue critique
publie annuellement, ne suffiraient pas; il faut donc se borner et, en
faisant çà et là quelques observations, se contenter d'une rapide énu-
mération. Nous suivrons à peu près, dans cette brève appréciation, Tor-
dre chronologique.
C'est d'abord le poème de Kudrun, publié par M. Bartsch dans le
texte moyen-haut-allemand, avec une courte introduction et un glos-
saire '.
Le II" volume, sous le titre de Narrenbuch^ renferme quelques-unes
des œuvres de la littérature comique populaire de la fin du moyen âge
I. 6« volume de la collection.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 449
allemand, der Pfarrer vom Kalenberg, Peter Leu, Neithart Fiichs,
Salonwn iind Markolf, Bruder Raiisch; il est publié par M. Bobertag.
M. Bobertag publie pareillement un choix de l'œuvre la plus célè-
bre d'Abraham a Santa Clara, Judas der Ert\-Schelm i et montre
dans son introduction. Urée en grande partie des deux excellentes études
de Karajan et de W. Scherer, que ce Hanswurst de la chaire vaut mieux
que sa renommée; que, m.algré ses pointes, et ses jeux de mots,et les entor-
ses qu'il donne à la langue, il mérite d'être regardé, avec Grimmelshausen ,
comme Pécrivain le plus lisible et le plus intéressant de la seconde moi-
tié du xvii" siècle. Malheureusement, le commentaire n'est pas assez
abondant; il eût fallu se servir plus souvent du dictionnaire de Schmel-
1er, et certaines explications sont évidemment erronées, comme celle de
la p. 3 r, « mistatt eines Matthiesen einen Mattho heirathe »; M. Bo-
bertag écrit en note que mattho vient de l'espagnol matar-, il fallait dire
que c'est ici Titalien matto qui signifie fou (cp. p. i86, pa^a). P. 36,
c^est se tirer aisément d'affaire que de dire que la liste des femmes cé-
lèbres, dressée par Abraham, est « tellement inexacte et défectueuse
qu'on ne peut déterminer les noms les moins connus » ; en tout cas,
Margiiarita bel den Duhnen est évidemment la Marguerite de l'Union
de Calmar et Joanna bei den Lotharingicni, Jeanne d'Arc, « la bonne
Lorraine ». P. 52, auff Speyer einladet signifie, en effet, faire vomir,
mais il fallait remarquer le jeu de mots : « inviter à Spire » où siégeait
la chambre impériale. P. 66, das Maul viachen doit vouloir dire ici,
non pas « nach dem Maule reden «, mais faire la grimace. P. 74, Sch.
est, non pas un signe de mépris, mais l'abréviation de Schelm (cp. le
mot suivant « Titul »). P. 7g, burckene doit se rapporter à « Birke »,
front pâle comme le bouleau. P. 290, er hagt, au lieu de « er hackt »,
le mot ne signifierait-il pas « er behagt », il plaît, il cherche à plaire ?
P. 297, « n Trape'^iintischen Diseurs «, le sens, dit Téditeur, est « sehr
lange Reden »; il y a peut-être là un de ces jeux de mots familiers au
Père Abraham, et trape\untisch se rattache dans sa pensée à trapen
(traben) ; cp. hochtrabende Reden, comme on dirait aujourd'hui. P. 33 1,
girren ; puisqu'il s'agit du vin et que le mot est précédé de arbeiten, il
doit avoir le sens de « fermenter » et se rapprocher de geren, aujour-
d'hui gàhren, à moins qu'il ne signifie <i. siffler », mais en tout cas, on
ne peut le traduire par « unruhig werden ».
Le Simplicius Simplicissimus de Grimmelshausen, publié, comme
les tomes précédents, par M. Félix Bobertag, comprend deux volumes.
Une introduction intéressante est consacrée au roman allemand avant
Grimmelshausen, à la jeunesse de Fauteur, à ses différents écrits, aux
différentes éditions du Simplicissimus. Un troisième volume comprend
les écrits simpliciens (Simplicianische Schriften) ou œuvres de Grim-
melshausen, parues après le « Simplicissimus »: i^Trut^-Simplex oder
der Landsturt^erifi Courasche; 2° une partie du Springinsfeld ; 3" la
I. 40'-' volume de la collection.
45o REVUE CRITIQUE
première partie du Vogelnest ; 4° le Rathstubel Plutonis qui est réim-
primé pour la première fois ; 5° un extrait du Ratio status (discours du
favori Sabud) ; 6° quelqu'es chapitres du Schelmuffsky '.
C'est encore M. Bobertag qui publie dans la collection Spemann les
visions ou Gcsichte de Philander de Sittevvald, par Moscherosch -.
Nous relevons dans le commentaire les détails suivants : P. 25, tugent-
lichen ne peut signifier a heimlich »; il faut le traduire par un mot
comme « wacker, tuchtig, ordentlich, waidlich » ; cp. tûgen et le sens
que lui donne l'annotateur, p. 162. P. 33, à ville Jiiiffe, c'est aujour-
d'hui Villejuif. P. 71, lire Ponts-de-Cé au lieu de Pont de Ce. P. 89,
Les endroits cités par Moscherosch ne sont pas seulement près de Paris
et de Strasbouig; cp. Plaijipalais (Genève), le Saiissy ou le Saulcy
(Metz). P. 1 13, donner dessus ne signifie pas « Gewehr auf »; donner a
ici le sens de stossen (auf..,), herfallen (ûber..,), losgehen ". P. 120,
a estreillé », tout en mettant en note « durchgeprùgeit », il fallait rap-
peler le verbe striegeln qui vient de la même racine que « étriller ».
M. le baron Rochus de Liliencron réimprime pour la première fois
l'œuvre d'^gidius Albertinus, Liicifers Ki'migreich iind Seelengejaidt ^.
On sait qu'Albertinus, secrétaire du duc Maximilien de Bavière, est un
précurseur du Siniplicissimiis, qu'il traduisit la plupart des œuvres de
Guerava, qu'il fut polygraphe à la façon de Fischart et de Spangen-
berg, mais avec plus de pédantisme et de sombre humeur; Gervinus
croit respirer, en le lisant, l'air des cachots espagnols. M. de Liliencron
donne dans son introduction une bibliographie complète des œuvres
d'Albertinus et montre avec beaucoup de raison que le Liicifers See-
lengejaidt, outre l'intérêt historique qu'il offre aujourd'hui, est l'œuvre
d'un fougueux partisan de la Contre-réformation, qu'Albertinus re-
garde par exemple la femme comme le principal instrument du diable
sur la terre, qu'il envisage le mariage comme un mal nécessaire, qu'il
écrit, non pas l'allemand de Luther, mais Y Oberdeutsch et qu'en se
donnant pour un vrai Bavarois, il se sert toutefois d'une langue, non
pas grossière et rude, comme on l'a cru, mais presque toujours consé-
quente avec elle-même et revêtant à dessein une autre forme que celle
du protestantisme.
Hans Sachs est publié par M. Arnold en deux volumes, dont le pre-
mier renferme, outre une longue et importante préface sur le poète de
Nuremberg et la chronologie de ses œuvres, la Disputation pi'ischen
einem Chorherren und Sclmhmacher, les strophische Gedichte et les
einjache Spriche ; le second, un choix des Dramatische Spriche ou
r
1. 33», 34% 35e volumes de la collection.
2. 32* volume de la collection.
3. Moscherosch énumère ici les jurons qu'on profère à la guerre: bougre, foutre;
ce dernier mot est ainsi commenté « foutre, /o«dre. » 1
4. îG» volume de la collection.
d'histoike et de littérature 45 I
drames, sagement fait (d'après les textes de Keller et de Goetze), et ac-
compagné de notes fort utiles 1.
Un volume spécial, le Se*' de la collection, est consacré par M. H,
Oesterley à Simon Dach, à ses amis et à Jean Roling. Il renferme les
poésies, non seulement de Dach et de Ruling, mais de Robertin, d'Al-
bert, de Kaldenbach et d'Adersbach, de ceux qui formaient le cercle de
Kônigsberg, mais que Dach a tous dépassés et par le talent et par la fé-
condité de sa production.
M. H. Pahn reproduit le texte de plusieurs œuvres dramatiques
d'André Gryphius, les tragédies de Léo Armenhis et de Cardenio und
Celinde, la comédie de Peter Squen:[, V Horribilicribrifax et la geliebte
Dornrose ; on remarquera dans cette édition, outre la préface sur la vie
et l'œuvre du poète, les introductions qui précèdent chaque pièce ~.
On trouve dans le 37*^ volume de la collection le texte de cette Asia-
tische Banise d'Henri Anselme de Zigler, roman héroï-galant du
xvii<^ siècle qui charma si longtemps le public allemand et dont le prin-
cipal personnage, le tyran Chaumigrem, paraît sur le théâtre de ma-
rionnettes de Wilhelm Meister. Ce roman est réimprimé par les soins
de M. Bobertag qui a joint au volume quelques morceaux tirés d'autres
romans de la même époque, de la Diirchleuchtige Syrerinn Aramena
du duc Antoine Ulrich de Brunswick, de V Aj-minius und Thusnelda
de Lohenstein, du Satyrischer Roman de Kunold, de 1' « Ile de Fel-
senburg. »
Deux volumes, le SS' et le 3(^"', dûs à M. L. Fulda, ont pour titre
tt les adversaires de la seconde école silésienne ». En réalité, ces adver-
saires (Gegner) ne forment ni une école ni un groupe distinct; ils n''ont
pas reconnu les défauts de leurs devanciers et n'ont pas cherché soit à
les éviter, soit à les combattre systématiquement; mais leurs œuvres
contrastent avec celles des Lohenstein et des Hofmannswaldau, et Tun
d'eux, Giinther, est un poète dans le vrai sens du mot, plein de naturel,
passionné, chantant ses amours et ses repentirs dans une langue forte et
souple, M. Fulda nous donne dans le 38^ volume les poésies de ce gé-
nial Giinther auquel Gœthe a rendu dans Poésie et vérité un tardif,
mais éclatant hommage. Il les dispose, d'après les recherches de Kalbeck
et de Litzmann, dans l'ordre chronologique. Le 39" renferme, un peu
pêle-mêle, en près de six cents pages, des œuvres de Weise, de Brockes,
de Ganitz, de Neukirch, de Wernike. Une pièce de Weise, die base Ca-
îharina, paraît ici pour la première fois, d'après deux manuscrits de la
bibliothèque de Zittau. Les morceaux tirés de Ylrdisches VergnUgen
de Brockes sont choisis avec goût, et M. F. les a divisés habilement en
deux livres, dont le premier renferme les poésies les plus dignes d'être
lues, tandis que le second montre et fait suivre comme pas à pas la dé-
cadence du talent de Brockes qui devint peu à peu sec et absolument
1. 2o«î et 21'= volumes delà colleciion.
2. 29- volume de la coUection.
I
î
45 2 RKVUK CRITIQUE
insipide. Les introductions de M. Fulda sont des plus intéressantes et
des plus complètes; on ne peut que donner de grands éloges à ses étu-
des sur Gûnther, sur Weise, sur Brockes. Un mot nous a choqué dans
Je travail sur Gûnther, « hochbeanlagteste », qu^il faut laisser aux jour-
nalistes'.
Le 42* volume, publié par M. J. Criiger et intitulé « Gottsched et
Bodmer et Breitinger », contient, outre une longue et curieuse intro-
duction de cent pages serrées sur la fameuse querelle des Suisses et des
Saxons, quatre morceaux des Discourse der Mahlern, le sterbender
Cato de Gottsched, l'indigne parodie de Bodmer, un chapitre de la
Kritische Dichtkunst de Breitinger (du merveilleux et du vraisembla-
ble), la Radie der Schwester de Bodmer, premier remaniement des
Nibehingen en nouvel haut allemand, la traduction du cinquième chant
de l'Odyssée par le même Bodmer, enfin une comédie de M'"« Louise
Aldegonde Victorine Gottsched, le Testament, la meilleure de ses œu-
vres et qui annonce de loin, de bien loin, la Minna de Barnhelm de
Lessing.
M. A. Frey publie dans le 41^ volume (en deux parties) un choix :
1° de Gessner; 2° de Haller et de Salis. Le volume consacré à Gessner
renferme, comme d'autres volumes de la collection, une introduction et
un Register où l'on trouve les principales expressions de la langue si
lâche et si molle de l'auteur de la mort d'Abel. L'autre volume associe
assez singulièrement deux poètes qui n'ont guère d'autre trait commun
que d'être Suisses. Il eût fallu plutôt donner à Haller tout un volume
et mettre ensemble Salis et Matthisson. M. Frey a reproduit les princi-
paux poèmes de Haller et le premier livre à'Usong ; son introduction
est excellente et devait l'être, carie seul bon travail que nous possédons
sur Haller, outre la belle étude de Louis Hirzel, est précisément le li-
vre de M. Frey, paru en 1879 « Albrecht von Haller iind seine Bedeu-
tungfur die deiitsche Literatur ». Signalons aussi l'importante intro-
duction qui précède le choix des poésies de Salis. Mais faut-il croire,
avec M. Frey, que Salis n'ait pas imité ni même connu les vers de
Hôlty? (p. 208). Je suis persuadé au contraire que l'officier suisse a lu
les touchants poèmes du barde de la Leine, et qu'il s'en est inspiré.
Voici des exemples que M. Frey ne pourra récuser (je cite Salis d'après
son édition et Hulty d'après l'édition de Halm). P. 325, Salis, « Lied »,
V. 17-18 der rnildeste von iinscrs Schicksals Boten ...leitet uns; Holty,
« der Tod », v. i-3, Friedensbote, ipann fiihrst du mich ; id. Salis,
V. 4, « und immer triimmervoller wird der Strand » ; Hôlty, v. i5-i6,
« ivo Triimmer, thiirmende Triiminer das Ufer decken ». — P. Sog,
Salis, V. -j-'è.-.des Dorfes Kinder hiipfen achtlos au/ der Mûtter Grab ;
Holty, p. 5i, V. 65-66, 0 die guten Kinder ! sie durchhùp/ten oft den
Gartcn; — Salis, id., v. 5o, der Verwesung Spur ; Hulty, p. 53,
I. Pourquoi ne pas dire hochbegabtcste?
d'histoire et de littérature 453
V. 25-26, im Anne der Verwesiing ; — Salis, îd.^ v. 57-58, auf dcn
Grnbern iinsrer Vdter spriesst des Erdraiichs Purpurstrauss ; Holty,
p. 63, V. 29-30, grïm'' indessen, Straiich der Rosenblume, deinen Pur-
pur um sein Grab :{u streun; — Salis, p. 3 r i , v. i , Pfleglingin, comp.
dans Hôlty les mots comme Lieblingin; — Salis, id., v. 4, er:^ogen
auf der Flur; Hohy^ wenn ich mir ein Mcldchen wlilile, icii siich' es
auf der Schuferflur ; — Salis, zW., v. i5, ■{um Sit\e wohlt sie pralle
Wei\engarben; Holty, p. 60, v. 39, sass mit ihm auf einer Wai:{en-
garbe; — Salis, id., v, 45, bruittlich hold; Hôlty, p. 139, v. 2, hold
iind brautlicli; — Salis, p. 307, v. 59, am Kelch der Phantasieen;
Hôlty, p. 117, V. I, dein Kelch,... Phantasie; — dans le poème intitulé
a die Kinderzeit », Salis emprunte évidemment quelques traits à la
pièce de Hôlty « Minnehuldigung »; Salis, p, 276, v. 10, ihr blondes
Haar, ...vom Wiesenplan., woliiti wir Knaben kamen :{um Màdchen-
kreis; Hôlty, p. i5 3, v. 10 (freute mich), ihres blonden Lockenhaars
...^ gieng ein Alâdchen auf dem Plan. Non-seulement les expressions
(cp. Kiihlung rauschen), mais les sujets traités par Salis rappellent à
tout instant la muse de Hôlty; il chante, comme le poète de Gôttinguc,
Tenfance et ses plaisirs innocents, le chant du rossignol, la lune, les
charmes de la campagne et de la solitude; comme lui, il montre les
moissonneuses revenant des champs, la faux sur Tépaule et des fleurs
au chapeau; comme lui, il fait l'éloge des Landmadchen, etc. ; mais ce
n'est pas le lieu d'insister ici sur ces imitations dont il serait aisé de
multiplier le nombre ; il suffit de les avoir — pour la première fois,
croyons-nous, — signalées à l'attention.
Une des meilleures contributions à cette belle et vaste collection
Spemann est l'édition de Klopstock donnée par M. Richard Hamel.
Elle comprend trois volumes. Le premier renferme une introduction
de près de deux cents pages, mais excellente malgré sa longueur; c'est
une biographie complète de Klopstock et une appréciation presque tou-
jours impartiale de ses œuvres; s'il y a quelque exagération dans la
comparaison que M. H. institue entre Gœthe et Klopstock, si l'on sou-
rit en lisant (p. cxxviii) que « Klopstock est le roc solitaire, autour du-
quel Gœthe, cette mer du monde, vient déferler et s'étendre », on ne
peut que louer le savoir immense que déploie l'éditeur dans cette pré-
face, et tout ce qu'il dit de l'existence de Klopstock, de son génie, de
son caractère, de sa Frauenbedûrftigkeit, de la composition, des méri-
tes et des défauts de la Messiade, etc., est fort remarquable. Le texte
des sept premiers chants de l'épopée religieuse de Klopstock accompa-
gne, dans le premier volume, l'étude de M. Hamel ; pour les chants I,
H et m, l'éditeur donne en regard l'un de l'autre les deux textes de
1799 et de 1748. Le deuxième volume renferme le reste de l'épopée
ainsi qu'une table des matières qui sera fort utile. Tous les chants de la
Messiade sont accompagnés d'un commentaire disposé au bas des pa-
ges et rempli d'informations soit sur les passages correspondants de la
454 RKVUlî CUlTlQUh;
Bible soit sur la langue du poète. On trouve dans le troisième volume
un choix des odes, des hj'-mnes, des cpigrauimes, annoté avec le même
soin et la même conscience; mais il est tort regrettable qu'on ait laissé
de côté des odes remarquables comme Aganippe et Phiala, die Ross-
trappe, der jetiige A'?'ieg, etc., et il faudra toujours revenir aux éditions
précédentes. Un quatrième volume, également publié par M, Hamel
sous le litre Hennanns Schlacht iind das Bardenwesen des XV III.
JalirJwndçrts, contient le texte de la « Bataille d'Hermann », des poé-
sies du jésuite Denis (le barde Sined), VUgolino de Gerstenberg, quel-
ques-uns de ses poèmes, sa cantate àWriane à Naxos, le Skalde ainsi
que le Rhingulphs Gesang ào, Kretschmann. Ce quatrième volume est
terminé par un index des mots les plus intéressants qui appartiennent
au vocabulaire de Klospstock et des bardes. Faut-il ajouter que les intro-
ductions qu'on y lit sur le chauvinisme germanique du chantre d'Her-
mann, sur sa /^ej^z/^/f^z/e ^^.s /effre^, sur la vie de Denis, sur le rôle
que joua Gerstenberg dans le mouvement littéraire de l'époque, sont
aussi sérieusement composées que celles des volumes précédents ^?
Un volume spécial, le 73% est consacré aux « fabulistes, satiriques,
et philosophes populaires du xvme siècle ». M. J. Minor y donne des
fables de Lichtwer et de Pfefïel, des épigrammes du caustique Kastner,
des épitres de Gockingk et des passages de ses « chants de deux amants »,
le Phédon de Mendelssohn et de nombreux extraits de la Solitude {a ue-
ber die Einsamkeit ») de Zimmermann. Mais ce volume est surtout
précieux par les études que M. Minor a composées sur chacun de ces
cinq écrivains; nous signalons particulièrement les notices sur Lichtwer,
Gockingk et Kastner.
C'est encore M. J. Minor qui publie dans le 72»^ volume de la collec-
tion, sous le titre « les amis de jeunesse de Lessing » (Lessing Jugend-
freiinde), le Richard III de Weisse et die venuandelten Weiber oder
der Teufel ist las du même auteur, Olint iind Sophronia de Cronegk,
ainsi que la suite de la pièce composée par Roschmann, le Brutus de
Brawe, et deux œuvres de Nicolai, sa dissertation sur la tragédie et sa
parodie de Werther (Freuden Werthers des Mannes). On accueillera
avec une vive reconnaissance le texte, aujourd'hui peu accessible, de
la plupart des œuvres publiées dans ce volume et on lira avec autant
d'intérêt que de profit les notices de M. Minor sur Weisse, sur Cronegk
et Brawe, sur Nicolai. L'étude consacrée à ce dernier personnage qui
joua dans le mouvement littéraire du xvni^ siècle un rôle si important,
est le premier travail d'ensemble consacré à sa vie et à ses œuvres; on
y trouve d'utiles résumés et de copieux passages des écrits de Nicolai ;
les remarques que lit Lessing sur la dissertation vom Trauerspiele
n'ont pas été oubliées et annoncent la « Dramaturgie de Hambourg. »
Lessing, dont l'infatigable M. Boxberger entreprend la publication,
comprend jusqu'à présent six volumes : 1° les poésies, les fables et les
I. 46*, 47« et 48e volumes.
DHISlOiUJi lil 0& L!l lÉRATUl'.K 455
drames de Jeunesse, Le jeune savant et Les juîjs; 2° les chefs-d'œuvre
dramatiques; der Frcigeist, dcr Misogyn, Miss Sara Sampson et
Minna von Barnliebn; 3" Nathan der IVeise, Damon, die alte Jungfer;
4° le « dramatischer Nachiass » ou les projets de drames laissés par
l'auteur, les fragments de traductions, les remaniements de pièces anté-
rieures (volume des plus importants); 5" les comptes-rendus et articles
publiés dans les Kritische Nachrichten et la Berlinische Zeitung;
6° Das Neueste ans deni Reich des Wit:;^es, les Beitriige :{ur Historié
iind Aiifnahme des Theaters (dissertation sur Plaute, traduction des
Captifs, critique de la pièce i).
Wieland a pour éditeur M. PrOhle qui donne dans le 53^ volume de
la collection le texte de 1' « Histoire des Abdéritains » (Geschichte der
Abderiten) et dans le 52"^ , VOberon ainsi que divers récits et légendes
en vers, Geron der Adelige -, das Wintermùrchen, das Sommermlir-
chen oder des Maultiers Zawn, Hann iind Gulpenpeh, Pervonte, die
\] asserkiife, der Vogelsang, Gandalin et Schach Lola. Le commen-
taire de VObéron est très bref et devait l'être, vu la grosseur du volume
qui contient 5 38 pages; mais sufHsait-il de mettre en note que Schimpf
(I, v. 206) signifie Spiel? Ne fallait-il pas dire que Acqs (II, v. 686) est
aujourd'hui Dax; que ventre gris (II, 743) que M. Prohle traduit
simplement ^:i.v pot:[tausend^ rappelle le juron favori de Henri IV?
La période d'orage (Stiinner iind Dranger) est représentée par trois
volumes, le 78% le 80° et le 81^ de la collection. Ce dernier renferme
Golo imd Genoveva, la Situation ans Faiists Leben, le Faun, la SchaJ-
schiir^ le « château de Heidelberg » et quelques poésies du peintre Mûl-
1er ainsi qu'un certain nombre de pièces de vers de Schubart. Le 80"
contient le Hofmeister , die Soldaten et le Pandaemonium germani-
ciirn, le Tantalus, le Waldbriider et des poésies de Lenz ainsi que la
Kindermijrderin et le Pronietheiis, Deucalion itnd seine Recensenten
de Henri Léopold Wagner. On trouve dans le 79^ volume deux pièces
de Klinger, die Zwillinge et Stiirm iind Drang, son roman Fausts
Leben Thaten und H<Jllenfahrt et le Jv.lius von Tarent de Leisewitz.
Ces trois volumes ont été publiés par M. A. Sauer, dont Ton connaît
la compétence spéciale sur cette partie de la littérature allemande; aussi
est-il inutile d'ajouter que ses introductions sur le peintre Millier,
Schubart, Lenz, M. L. Wagner, Klinger et Leisewitz, sont dignes de
tous les éloges. On regrettera qu'il n'ait pu reproduire les « Remarques
sur le théâtre » de Lenz, des extraits de la Deutsche Chronik ou de
l'autobiographie de Schubart ou encore la Geschichte eines Deuischen
ue Klinger ; mais il fallait se borner et ne donner que le ilessus du pa-
nier; en tout cas, l'introduction du volume consacré à Klinger et à
1. 58", 59"^, 60e et bi*= volumes.
2. P. 265, V. io53, faut-il entendre « sicii enihiclt » dans le sens de « sicli auf-
hielt », comme le veut l'éditeur? Wieland veut dire que le chevalier — non pas
séjournait — mais se renfermait dans la solitude.
456 REVUE CRITIQUE
Leisewitz est le meilleur tableau d'ensemble qu'on ait encore sur la
période d'orage, et le jeune écrivain a marqué plus nettement et plus
complètement que ses devanciers le but, les moyens, les tendances de
cette grande révolution littéraire.
M. Sauer publie également, en deux volumes (n° 78) les poésies de
Biirger. L'introduction qui précède le premier tome, est d'un grand
prix et peut être regardée comme la meilleure notice qui ait encore
paru sur l'auteur de la Le/zore; l'auteur a consulté non-seulement les
biographies d'Althof et de Dôring, mais les travaux de Daniel et de Gô-
deke et il a tiré le meilleur parti de la correspondance publiée en quatre
volumes par Strodtmann (1874). Il n'a pu faire, à cause du manque
d'espace, de nombreuses remarques sur le style et la langue du poète.
Mais il s'est surtout efforcé, en s'aidant du dictionnaire de Grimm et du
lexique de Schambach, de mettre en relief dans son commentaire les
mots bas-allemands que Bûrger employait volontiers et qu'il nommait
si bien raiih, nervig iind knollig.
Les œuvres de Schiller sont publiées par M, Boxberger. Deux volu-
mes ont déjà paru, le 120^ et le 128° de la collection. Le premier renferme
les Brigands et Fiesco; le second Cabale et amour et don Carlos.
Boxberger a joint au texte de la première édition le texte des remanie-
ments scéniques, des Bûhnen-bearbeitungen ou Theater-Ausgaben. On
remarquera surtout le commentaire des Brigands où se trouvent l'ex-
plication de nombreux mots souabes, des rapprochements avec le
Siegwart de Miller, les pièces de Shakespeare, la Bible, etc. Les intro-
ductions sont tort intéressantes, particulièrement celle des Brigands et
celle de don Carlos où M. Boxberger a reproduit la traduction alle-
mande, parue en 1784, du don Carlos de Saint-Réal; ajoutons qu'il
donne encore le premier texte du don Carlos publié dans la Thalia.
La publication des œuvres de Jean Paul a été naturellement confiée
à M. Paul Nerrlich. Le premier volume, le seul qui ait encore paru 1
contient, outre une étude complète sur l'écrivain, les petits écrits,
Kleine Schriften, relatifs à la philosophie et à la religion, entre autres
l'essai « sur la sottise » et la « comparaison de l'athéisme et du fana-
tisme » et les satires et idylles^ au nombre de six, parmi lesquelles le
voyage du recteur Florian Fillbel au Fichtelberg et la vie du petit maî-
tre d'école Marie Wuz à Auenthal.
Nous entrons dans le xix" siècle. Le i 5o^ volume de la collection ren-
ferme les récits et œuvres mêlées (Er^ahlungen, vermischte Schriften)
de Henri de Kleist. 11 est publié par M. Théophile Zolling. On y trouve
les récits suivants: die Marquise von O...; Michael Kohlhaas ; die
Verlobung in Sanct Domingo; die heilige Càcilie ; der Findling ;
derZweikampf, ainsi qu'un recueil d'articles et d'études de H. deKleist
relatifs à la philosophie, à l'art, à la politique, etc. On remarquera dans
cette dernière partie du volume l'essai sur « l'art de trouver le chemin
I . I So" volume de la collection.
d'histoire et de littérature 457
du bonheur » qui est en grande partie inédit, les articles destinés par
Kleist à la Germania et surtout la lettre de cet officier de la région
rhénane qui veut, quoiqu'il combatte contre les Allemands, être cepen-
dant bon patriote; celle d'une demoiselle de la Marche qui épouse un
officier français, un Ventidius; celle du bourgmestre d'une forteresse à
un employé subalterne.
Le i5i'' volume, dont l'éditeur est M. J. Minor, s'occupe du Schick-
salsdrama et renferme les pièces les plus importantes de Zacharias
Werner, Martin Luther et ce Vingt-quatre février qui, selon le mot
de M^^ de Staël, transporte la destinée funeste de la famille des Atrides
chez des hommes du peuple, mais où Ton doit admirer moins le sujet
du dram.e que la couleur poétique et la gradation des motifs tirés des
passions; de Miillner, le Vingt neuf février et la Faute; de Houwald,
le Phare (« der Leuchtthurm i>). Les introductions sont telles qu'on
pouvait les attendre de M. Minor, aussi instructives qu'attachantes,
sobres, mais remplies de détails curieux et de vues ingénieuses; un vo-
cabulaire, placé à la fin du volume, en rehausse la valeur.
C'est encore M. Minor qui réimprime dans le 144" volume de la col-
lection un choix des œuvres de Tieck. Ce volume contient trois
écrits du romiantique; der gestiefelte Kater, Liebesgeschichte der
schvnen Magelone, Leben iind Tod der heiligen Genoveva. Il est
précédé d'une étude sur ce « maître du coloris pittoresque et de l'accent
musical, dont l'imaginaiion était plus décorative que créatrice et qui
avait, sinon la profondeur, du moins une finesse d'esprit inépuisa-
ble. »
Deux volumes (n" 142), sont consacrés à Hebel. Ils ont été publiés
par M. O. Behaghel. Le premier renferme une longue et très belle no-
tice sur Hebel, une bibliographie soignée et complète de ses œuvres, et le
texte des Poésies alemanni eues accompagné d'un glossaire ^ ; le second,
le Schat:{kustlein des rheinischen Hausfreundes. C'est un des meil-
leurs tomes de la collection.
Citons enfin l'amusante Jobsiade de Kortum, que M. Bobertag publie
dans le 140"^ volume de la collection Spcmann. Ce poème burlesque qui
décrit avec vérité la vie des Spiessbûrger et ào-s^ philistins'» d'autrefois,
des savants et des pédantesques théologiens de la vieille Allemagne, a
été reproduit avec toutes ses gravures originales. M. Bobertag donne en
tête du poème quelques extraits des imitateurs et successeurs de Kortum,
de Ratschky (Melchior Striegel), de PriUzel (Feldherrnrànke), de San-
der (H ans Sachs).
On voit que la collection Spemann mérite de nombreux lecteurs
et qu'elle ne doit manquer dans aucune de nos grandes bibliothèques.
Elle vaut surtout, à notre avis, par ses introductions. Le directeur,
M. Kûrschner, a su choisir ses collaborateurs. Il y a dans les études
I. Et d'une petite carte très nette « der Schauplatz von Hebels Gedichten und
Geschichten. »
458 REVUrC CRITIQUE
qui précèdent les volumes parus jusqu''ici, beaucoup de choses intéres-
santes et neuves. Les chapitres qui traitent de la bibliographie, sont
exacts et complets. Les commentaires sont inégaux, tantôt bons, tantôt
passables ; mais ils rendront tous ou presque tous d'importants services.
On regrettera que Féditcur procède trop souvent par extraits; mais on
ne doit pas oublier qu'il fait connaître des textes devenus rares et parfois
inédits. Enfin l'exécution est admirablement soignée; des portraits, des
fac-similés, les titres et les illustrations des éditions originales accom-
pagnent chaque volume; à tous égards, la collection Spemann est di-
gne des louanges que la presse allemande lui a décernées, dès son appa-
rition, et nous la recommandons de tout cœur à tous les amis de la
littérature allemande, mais en leur conseillant de n'acheter que des vo-
lumes reliés.
A. Chuquet.
CHRONIQUE
FRANCE. - M. Hartwig Derenbourg vient de publier chez Leclerc et Maison-
neuve un texte arabe de la plus haute importance : c'est la seconde partie de la
grammaire arabe connue sous le nom du Livre par excellence et que son auteur,
Sîbawaihi, un Persan, a composée vers 770 de notre ère. Le premier volume, qui a
paru en 1881, a été apprécié dans cette Revue par Stanislas Guyard ; il se rapporte
à la syntaxe. Cette fois, M. H. Derenbourg nous donne la théorie des formes et les
premiers chapitres de la phonétique. Un dernier fascicule contiendra la fin de la
phonétique et une introduction étendue.
— M. Gasté a commencé dans le n» 2 des Annales de la Faculté des lettres de
Cacn (Paris, Leroux) la publication et la correspondance de Huet, évêque d'Avran-
ches, et du P. Martin, gardien du couvent des Cordeliers de Caen, d'après les origi-
naux (Biblioth. Nat. n» 15192, fonds fr. n» 1016 bis S. F.). M. Gasté sera très
obligé aux personnes qui posséderaient des lettres du P. Martin à Huet ou de Huet
au P. Martin, de vouloir bien les lui communiquer.
— La deuxième édition des Etudes et souvenirs de M. le comte de Falloux vient
de paraître à la librairie Perrin (librairie académique Didier. In-B», 4i3 p.) et ren-
ferme les études et discours suivants : Olivier de Serres ; la Saint-Barthélémy' ;
Antoine Parmentier ; Madame de Pastoret ; la sœur Rosalie ; discours de réception
à V Académie française (1857); Le comte Jules de Rességuier ; Dix ans d'agriczd-
ture ; La musique, jS65 et iSOû ; L'agriculture et la politique, 1866; Discours
pour l'inauguration de la statue de Rotrou (1867); Discours sur les prix de vertu
(1867); Le comte de Quatrebarbes ; Discours sur la liberté religieuse; L'évéque
d'Orléans et l'abbé Lagrange.
— Les fascicules g- 10 de la Ga:^ette archéologique, publiée par les soins de
MM. DE WiTTE et DE Lasteyrie, viennent de paraître. Sept planches accompagnent
le texte dont voici la composition : Edmond Pottier, Lécythes à fond blanc et à
fond bistre du Cabinet des Médailles. Il s'agit de peintures, de scènes surtout funé-
d''histoîke et de littérature j^Sq
raires, dont quelques-unes remarquables. — A. Odobesco, Coupe d'argent de la
déesse Nana-Anat (i''^' article). — Louis de Laigue : Génie funèbre, marbre décou-
vert à Rome. — Georges Durand : Croix provenant du Paraclet, conservée à la ca-
thédrale d'Amiens. Remarquable pièce d'orfèvrerie du xuie siècle. —Ch. de Linas:
Le dyptique de saint Nicaisc au trésor de la cathédrale de Tournai, œuvre des pre-
mières années du xi« siècle. — H. Thédenat et A. Héron de Villefosse : Les tré-
sors de vaisselle d'argent trouvés en Gaule. Fin de ces notices importantes.
GRECE. — Vient de paraître chez Constantinides une Ms^â^'O 'EAAr,vr/,-}) Tp3!.\J-
[j.ixTiiy.ri vqç, 'Az-'.y.rit, -£'CoYpaçt/,% otaXé-ATOU U7:b Fôiop-fCou A. 7yqvdoyj (i«83),
dont les rpaiJ.ij.aTaat lia.py.Tr,priai'.ç d; vrjV àpydcnv ï}Xr^vv/:qv (xù-ot; IîaXrf(e-
VîCÎX:; i8y5) avaient été annoncés dans la Revue critique.
— Deux importantes publications ont commencé à paraître par livraisons : i^Une
Histoire grecque depuis les temps les plus reculés jusqu'au règne du roi Othon,
par Sp. P. Lambros chez l'éditeur Beck. Deux livraisons ont déjà paru. L'ouvrage
entier formera trois volumes in-S» de loo-i lo feuilles typographiques en tout. (Prix
de chaque livraison, i drachme); 2» une traduction grecque due à M. N. G. Politis
de l'ouvrage allemand de Falke VHellas, chez K.Wilberg. La traduction de M. Po-
litis, ornée des mêmes illustrations et dans le même format que l'original, s'im-
prime à Leipzig, chez Teubner. L'ouvrage entier sera publié en 25 livraisons, dont
la première vient de paraître (Prix de chaque livraison : dr. 1,70 pour l'étranger).
— On annonce chez Constantinides une nouvelle édition de V Histoire grecque de
M. Paparrigopoulos.
rURQ_UlE. — Le Sylloguc littéraire grec de Conslaniinople se prépare à célébrer
le vingt-cinquième anniversaire de sa fondation par un congrès scientifique devant
avoir lieu du 28 août au 7 septembre 1886, et auquel sont invités tous ceux qui s'in-
téressent aux lettres grecques. On sait que le syllogue est une société sérieuse ayant
pour but la culture des lettres et des sciences en Orient : il a publié plusieurs volu-
mes de mémoires dans lesquels on trouve beaucoup d'inscriptions grecques inédi-
dites, des travaux intéressants sur les dialectes populaires de la Grèce moderne, etc.
Nous engageons nos hellénistes à profiter de cette occasion pour aller faire un tour
en Orient et constater par eux-mêmes l'immense progrès accompli depuis une cin-
quantaine d'années. Toute demande se rapportant au Congrès doit être adressée au
docteur Héroclès Basiadès, président du comité d'organisation, ou à M. Télémaque
Carathéodory, secrétaire du Comité, au siège du syllogue, iS, rue Topchilar, Péra,
Constantinople.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 27 novembre iSS^.
:M. de
ravee sur
ques. c.est une epitaphe, dont le texte, très mutilé, offre des fragments mêlés de
prose et de vers. — M. Le Blant envoie, en outre, de la part du P.^dePeis, religieux
DainaDite, lempremtedu chaton d'un anneau d'or trouvé dans un sarcophage païen
ae la vigna Jacobini, sur la via Portuense. La figure qui y est gravée, a "excité quel-
que intérêt, parce qu'on a cru y reconnaître une de ces représentations connues, dans
1 artneoiogie chrétienne, sous le nom d'orantes. M. Le Blant y voit, au contraire,
une image purement païenne, celle de la déesse carthaginoise Tanit.
460
RKVUE CRITIQUE d'hISTOIKE ET DE LITTÉRATURE
M. Ravaisson termine la seconde lecture de son mémoire sur /es Monuments rela-
tifs à la légende d'Achille.
M. Bréal présente la première partie des Inscriptions sanscrites du Cambodge, re-
cueillies par M. Aymonier et publiées par M. Barth, avec le concours de MM. Ber-
gaigne et Senart, membres de l'Académie, dans la collection des Notices et Extraits
des manuscrits. Ces inscriptions apportent des éléments tout nouveatix à l'histoire
de l'Inde; c'est la première fois qu'on rencontre, dans un pays de civilisation in-
dienne, un grand nombre de documents datés avec précision.^ Les inscriptions les
plus anciennes sont du commencement du vu" siècle de notre ère, les plus récentes
de la fin du xi*. La région où elles ont été recueillies comprend le Cambodge actuel,
le Laos, une partie du royaume de Siam. On a un texte du vii« siècle où est cité le
Râmayana : un personnage institue des lectures publiques quotidiennes de ce poème,
ui doivent avoir lieu dans un sanctuaire, et y convie les fidèles. C'est la première
onnée certaine que l'on possède sur l'ancienneté du Râmayana. Cette publication de
premier ordre, qui fait le plus grand honneur à la science française, déterminera
sans doute une réaction contre un mouvement qui s'est prononcé dans ces derniers
temps, et qui tend à attribuer une date trop récente à la plupart des monuments de
la littérature et de la civilisation indienne.
L'Académie se forme en comité secret.
Ouvrages présentés : — par M. Desjardins, au nom de M. Miller : Journal de la
première expédition de la flotte grecque ; — par M. Georges Perrot : H. Sculiemann,
Tyrins ; — par M. Schefer : le Livre de Sîbawaihi, publié par Hartwig Deren-
BouRG, t. II, !'■« partie; — par M. Delisle : Jules Loiselkvr, V Université d'Orléans
pendant sa période de décadence.
Julien Havet.
3
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du 18 Jiovembre iS8^.
PRÉSIDENCE DE M. COURAJO0
Lecture d'une lettre d'un associé correspondant qui signale de nouveaux actes de
vandalisme commis au Kef (Tunisie) ; une intéressante inscription romaine qu'il
avait lui-même découverte vient d'être détruite par un entrepreneur de travaux pu-
blics ; les colonnes du temple situé entre les portes Cherfine et Bel-Ani n'ont pas
été respectées davantage; elles sont actuellement débitées en petits cubes. Cette
communication produit une visible impression sur les assistants; un membre rap-
.... . ..... :-.. ^
mentionnées par un seul mot dans le projet de loi; il est indispensable qu'une
clause formelle à cet effet y soit introduite.
M. Corroyer présente des statuettes en bois qui portent pour marque une main
frappée au fer rouge; il y voit un indice d'origine flamande.
iM. Ch. Robert lit une note sur un triens mérovingien inédit portant les légendes
VIGENIANA CIVI et ITVANINI NONIT, et fait observer que le nom de Vienne
en Dauphinéest toujours, sauf une exception, orthographié VIENNA, sans g.
_ M. Saglio fait circuler des photographies des verrières peintes de Guillaume Mar-
cillat (xvi« siècle) dont la vente aura lieu à Paris.
M. Mowat communique des lampes en terre cuite paraissant provenir de Syrie et
remonter au iv« siècle de notre ère; elles portent des inscriptions chrétiennes inou-
lées en relief, l'une IHGOÏ BOII10EI1, l'autre EVAOriA KVPïOr fs/c;.
Le Secrétaire,
R. MoWAT.
Err.vtum. — P. 412, 1. 20, en remontant : au lieu de swastitras-fibiiles lire swas-
tikas-flbulcs.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Fuv, imprimerie Marchessou Jils, boulevard Saint-Laurent, 2.
REVUE CRITIQUE
D'HISIOIRE El DE LITTÉRATURE
No 50 - 14 décembre — 1885
Sommaire t 226. Winkler, L'ouralo-altaïque et ses groupes. — 227. I. Mûller,
Manuel d'antiquité classique, II, 2. — 228. Les mystères d'York, p. p. L. T.
Smith. — 229. Mention, Le comte de Saint-Germain et ses réformes. — Aca-
démie des Inscriptions. — Société nationale des Antiquaires de France.
226. — Das Uralaltalscbo und seine Gruppen, von Heinrich Winkler.
Erste und Zweite Lieferung. Berlin, F. Dûmmler, i885. ln-8, 184. pp.
M. Winkler publie sous ce titre la première moitié d'un ouvrage di-
visé en quatre parties : i" le type ouralo-altaïque en général; 2° le
le groupe finnois; 3° les groupes samoyède, turc, tongouse et mongol;
4" le japonais. L'auteur nous promet à très bret délai la IIP livraison.
Quant à la IV®, qui sera de beaucoup la plus neuve et la plus intéres-
sante, nous devrons l'attendre quelque temps encore, heureux si M. W.
mène à bien sa difficile entreprise et réussit à faire entrer dans le cadre
des groupes ouralo-altaiques une langue jusqu'à présent rebelle à tout
essai de classification.
C'est bien une grammaire comparée, encore qu'il s'en défende dans
sa préface, que nous donne M. W., mais une grammaire réduite aux
proportions sommaires que comporte l'état actuel des connaissances
ouralo-altaïques, et d'où la recherche des racines a été systématique-
ment écartée. Sage réserve; car une étude méthodique de l'étymologie
ouralo-altaïque semble à peu près impossible, en tout cas prématurée.
Tout porte à croire que les langues de cette famille ont vécu, longtemps
encore après leur séparation du tronc commun, dans un état analogue à
celui des idiomes d'Afrique ou d'Océanie, où le vocabulaire se modifie,
comme on sait, d'une génération à l'autre avec une extrême facilité.
D'autre part, elles se sont trouvées de bonne heure en contact avec
diverses langues indo-européennes ou sémitiques, auxquelles chacune
d'elles a pu emprunter isolément une multitude de mots plus ou moins
déformés, jusqu'à des noms de nombre, si l'on en croit les apparen-
ces '. En présence d'un tel chaos, l'analyse attentive des formes gramma-
I. Le système finnois commun étant septiroal, il est difficile de ne pas soupçonner
une influence étrangère dans l'adoption du système décimal par chacune des lan-
gues du groupe finnois : dès lors, le magyar ti^ et le permien das « dix » (p. iio)
peuvent for bien avoir été pris, l'un au latin vulgaire des bords du Danube, l'autre
à quelque langue éranienne. Les rapprochements lexicologiques de M. Anderson
sont probants à cet égard pour le finnois, bien qu'il en ait tiré une conclusion abu-
sive. Inutile de rappeler les emprunts si nombreux du turc ottoman.
Nouvelle série, XX. 5o
462 REVUE CIUTIQUE
licales demeure l'unique ressource du linguiste. Néanmoins il serait
regrettable que cette proscription de l'étymologie l'amenât à négliger
complètement la recherche des lois phonétiques, à laquelle M. W. eût
pu sans inconvénient faire une part plus large et s'efforcer de donner
une forme plus précise. Je songe notamment aux équivalences un peu
vagues de la p. 72.
Mais on a déjà vu ' que l'auteur envisage plus volontiers dans la lan-
gue le côté psychologique que le côté matériel. Sur le terrain qu^il s'est
choisi on peut le suivre en toute confiance : son érudition est étendue,
sa méthode sûre, ses analyses fines et pénétrantes, et, si telles de ses
idées sont discutables (il s'en rend parfaitement compte lui-même), il
n'en est pas une qui ne mérite une discussion approfondie. Il dégage
avec netteté les traits essentiels et distinctifs de Pouralo-altaïsme, dé-
compose avec une minutieuse précision le mécanisme compliqué de ses
agglutinations (pp. 36, 52, 164, pass.), insiste avec raison sur le carac-
tère absolument nominal de sa conjugaison (p. i5o], caractère bien
connu sans doute, mais qu'on est toujours tenté d'oublier, tant il répu-
gne à nos habitudes et à notre tournure d'esprit, et justifie pleinement
enfin dans tout le cours de l'ouvrage Texcellente définition de la p. 5i,
où la syntaxe, la formation des mots, la composition et la flexion ou-
raloaltaïques nous apparaissent comme les modes d'un seul et même
procédé intellectuel. Là où il se sépare du maître es études finnoises,
M. Donner (pp. 90, 99, pass.), il défend ses opinions avec autant de
modération que de termeté, et une polémique ainsi conduite pour le
plus grand profit de la science fera également honneur aux deux ad-
versaires.
Je soumettrai maintenant à l'auteur quelques observations de détail.
— Dire que « s primitif devient s:{ magyar » (p. 62), c'est dire quMl ne
change pas, puisque 5{ magyar est simplement le signe graphique de la
spirante dentale sourde. — M. W. pense (pp. 2 et 63) que les sourdes
primitives ont pu se transformer en sonores à la fin des mots, parce
que, l'accent reposant toujours sur la première syllabe, les dernières
étaient prononcées avec une moindre énergie. Au contraire, on remar-
que dans un grand nombre de langues indo-européennes une tendance
incontestable à faire permuter en sourdes les sonores finales. Si ces
deux observations pouvaient être généralisées, elles constitueraient entre
les deux familles un critérium phonétique qui ne serait pas sans valeur.
— La réduplication turco-mongole {sap-sari^ tout jaune, bom-bo:{, tout
vide, etc., p. 47) ne se rapproche de la réduplication indo-européenne
que si l'on restitue celle-ci comme l'entendaient Bopp et Schleicher,
c'est-à dire en admettant la répétition au moins partielle de la syllabe
radicale, soit *vid-vaid-ta ou *vi-vaid-ta (tu as vu). Mais aujourd'hui
Ton tend à identifier la réduplication primitive avec celle qu'a conser-
I. Cf. H. Winkler, Uralaltaische Vœlker und Sprachen, et Rev. dit., nouv. sér.
t. XIX, pp. 3o3 sqq.
o'HISTOIRK tCT DI' r.IITKR ATUHB 403
vée ]a conjugaison grecque, et à y reconnaître ia simple répétition de la
consonne initiale toujours suivie dun e, so\x*we-n'oid-ta. Il n'y a donc
point parité. — L'explication du magyar nap-ja-i-m « mes jours »
(p. I 3o) par « jour-celui-plusieurs-mien ». où l'affixej^, ordinairement
possessif de 3*" personne, jouerait le rôle d'un simple déterminatif, ne
me satisfait pas entièrement. Ne serait-ce point ici un de ces cumuls
d'affixes dont les exemples abondent dans toutes les langues puissam-
ment agglutinantes? On sait combien l'homme primitif ou l'enfant est
porté à parler de lui-même ù la 3® personne; et, pour que napja « son
jour » puisse signifier « mon jour », il suffit que l'homme qui le pro-
nonce se frappe la poitrine. Au surplus, une locution du genre de
magam napja « personne-mienne jour-sien » (mon jour) n'a rien que
de conforme au génie de la langue magyare, et de là à magam napjai,
puis à napjaim tout court, la transition par voie d'analogie est aisément
concevable.
Je voudrais encore chercher à M. Winkler une petite querelle sur ses
transcriptions sanscrites. Je passe condamnation sur l'absence de types
à accent circonflexe, qui le force à remplacer une longue par deux brè-
ves et à écrire des mots aussi bizarres que abhuiit, babhuiiva^ et même
babhiiuvee {p. i6o) bien que le sanscrit n'ait pas d'e bref. Mais je ne
saurais digérer l'abominable dschitakrodha (p. 43), où quatre lettres
latines sont employées à rendre inexactement un seul signe sanscrit.
Le j est, si je ne me trompe, presque universellement admis comme
représentant de l'explosive palatale sonore.
L'impression est fort correcte. Je signale (p. i3i, I, 7) magy, tora,
lire tsora.
V. Henry.
227. — llandbucli dei" Kla^^îsclien Altcrf liuinswis,sensciiart, heraus-
gegeben von D"" Iwan Mulleu. Zweiter Haibband, 2. Hœlfte von Band II.
Nœrdlingen, Beck'sche Buchandlung, i883, 335 p. Grand in-8.
Nous avons annoncé il y a peu de temps {Revue du 5 oct. i883) le pre-
mier fascicule du second volume du Handbuch ; ce volume est aujour-
d'hui terminé et forme un grand in-8*^ de 624 p. Le second fascicule
contient la fin de la syntaxe latine par M. Schmalz, avec une exposi-
tion succincte de la stylistique, la lexicographie grecque et latine par
MM. Autenrieth et Heerdegen, la rhétorique des Grecs et des Romains
par M. Volkmann, la métrique et la musique par M. Gleditsch, enfin
des addenda et des corrigenda au volume tout entier.
1. La syntaxe de M. Schmalz est fort intéressante, plus concise et
plus complète à bien des égards que celle de M. Drager. Je ne vois pas
bien pourquoi certaines questions, comme celle du pronom réfléchi,
sont renvoyées à la stylistique, alors que l'usage des prépositions, par
464 RKVUE CRITIQUE
exemple, est étudié dans la syntaxe. Un bon paragraphe (p. 394 à 401)
est consacré à la corruption de la langue latine, aux grécismes, aux
archaïsmes et aux néologismes; un autre (p. 385 à Sgo) concerne Tor-
dre des mots. M. S. y cite la thèse de M. Weil, dans l'édition de 1844,
mais il ne paraît pas l'avoir lue, car il n'en a rien tiré, pas même la
distinction fondamentale entre l'ordre des mots et l'ordre syntaxique.
On pourrait contester çà et là quelques assertions, par exemple (p. 401)
que la manière d'écrire de Quinte Curce est so schvuiilstig iind ùber-
trieben als mijglich, et compléter des indications trop sommaires,
comme sur la confusion des degrés de comparaison (p. 374), où M. S.
aurait dû citer et utiliser l'intéressant travail de M. Ott (Neue Jahrbù-
cher, 1875, p. 787 et suiv.) De pareils sujets, que ne traitent point les
grammaires élémentaires, auraient pu être développés avec avantage
aux dépens de questions plus connues. Ces critiques de détail, que l'on
multiplierait sans peine , n'empêchent pas l'ensemble du chapitre
d'être excellent. Il n'est pas un latiniste qui ne puisse trouver à s'y ins-
truire.
II. La Lexicographie grecque de M. Autenrieth commence par un
bon résumé des travaux lexicographiques anciens; mais la partie rela-
tive aux travaux modernes laisse bien à désirer. Il n'est pas exact
(p. 422) que le Thésaurus d'Estienne-Didot s'arrête à la langue byzan-
tine (jedoch nicht bis aufdie Bjr:^antinerherab); la troisième édition
du dictionnaire des nom propres de Pape-Benseler ne méritait pas d'être
louée sans réserve, puisqu'elle n'atteste qu'un dépouillement très super-
ficiel des textes épigraphiques. Il est singulier de ne pas dire un mot des
deux travaux lexicographiques les plus importants de ces dernières an-
nées, le lexique de l'américain Sophocles et la SuvavwY"/] de M. Kouma-
noudis; les articles de M. Miller dans le Journal des Savants, où cet
helléniste a fait connaître tant de mots grecs inédits, ne devaient pas non
plus être passés sous silence. Parmi les lexiques spéciaux, à côté d'El-
lendt, de Bindseil, de Bétant et d'autres, il ne fallait pas omettre les
concordances homériques de Prendergast et de Dunbar. M. A. pouvait
laisser de côté, en tant qu'ouvrages scolaires, les dictionnaires de Liddle
et Scott, Alexandre et Chassang ; mais s'il avait jamais ouvert le dic-
tionnaire français-grec de Courtaud-Diverneresse, qui est une œuvre
d'érudition très considérable, il lui aurait fait l'honneur d'une mention
à côté du lexique allemand-grec de Pape-Sengebusch. L'auteur sait
bien que les inscriptions contiennent une foule de mots grecs manquant
aux dictionnaires et il insiste sur la nécessité de les recueillir (p. 420);
mais, parmi les ouvrages à dépouiller à cet effet, il cite « les monogra-
phies dialectales » (au lieu du recueil de MM. Collitz, Bechtel et Bezzen-
berger), et les Inschriften griechischer Bildhauer de M. Loewy, où l'on
chercherait vainement un mot nouveau, sans mentionner \e Bulletin de
Correspondance Hellénique et les Mittheilungen, où ces Xé^eiç à()-riaa6piaT0t
foisonnent. Plus encore que ses collaborateurs, M. A. connaît fort mal
i
d'histoire et de littérature 463
les travaux publiés en dehors de l'Allemagne. De même M. Heerdei^en,
dans son utile chapitre sur la Lexicographie latine^ cite le Thésaurus
de Quicherat d'après l'édition de iSSg (entièrement remaniée depuis),
et ne sait point que la collection des classiques latins de Lemaire con-
tient une série d'excellents index. Un travail colossal comme VOnomas-
ticon de V. de Vit méritait mieux qu'une sèche mention, à côté des
éloges un peu excessifs accordés au HandyuiJrterbuch de Georges
(p. 436).
III. M.Volkmann, qui vient de donner une nouvelle édition delaiv/ze-
torik der Griechen und Ruiner^ était tout désigné pour résumer avec
compétence un sujet qui lui est si familier. Je me demande seulement
si ce chapitre est bien à sa place dans un Handbuch qui, destiné surtout
aux érudits, ne devrait comprendre que les sciences en mouvement. Je ne
vois pas quelles découvertes on peut faire dans le domaine de la rhéto-
rique, où il s'agit seulement de bien exposer les opinions des anciens.
M. Volkmann a dû éprouver lui-même quelque scrupule à cet égard,
puisqu'il termine en recommandant, comme un sujet fécond de recher-
ches, l'étude parallèle du développement de la rhétorique et de l'in-
fluence de ses théories sur les écrivains. C'est là sans doute que l'intérêt
pourrait commencer, mais c'est là aussi que le chapitre s'arrête.
IV. La métrique de M. Gleditsch ne m'a pas semblé contenir de vues
nouvelles; elle ne donne que des notions insuffisantes sur la composi-
tion et l'exécution des chœurs dramatiques. 11 n'est question ni de la
responsio, ni du rôle du refrain, si heureusement mis en lumière par
M. Wecklein. La musique est traitée en 1 1 pages à titre d'appendice à la
métrique; c'est bien peu pour un sujet si considérable et surtout si dif-
ficile. Il aurait fallu au moins, comme l'a fait Freund dans le Trien-
nium, reproduire la notation musicale de l'hymne de Dionysios à Cal
liope. Dans la partie bibliographique, les travaux de M. Bourgault-
Ducoudray ne devaient pas être passés sous silence. Enfin, la courte page
consacrée aux instruments de musique est tout à fait insuffisante; on
n'y trouve pas une seule mention des monuments figurés qui représen-
tent les instruments des anciens, ni l'indication des quelques instru-
ments antiques qui nous sont parvenus, comme la lyre de Panticapée,
les flûtes d'Athènes, le flageolet d'Halicarnasse, etc.
Les addenda, principalement dus à MM. Brugmann et Stolz, renfer-
ment notamment d'utiles références à la loi de Gortyne, publiée posté-
rieurement à la première moitié de ce volume.
Salomon Reinach.
^}66 RKVUl!: CRITIQUE
22P. — York plnys. The plays performed by ihe crafts or mysteries of York on
the day of Corpus Chrisli in the i4ih, ibih and i6th centuries now first
printed from the unique manuscript in the library of lord Ashburnhani, edited
wiih introduction and glossary by Lucy Toulmin Smith; Oxford, at the Cla-
rendon press, i885, i vol. in-8 de lxxviii-557 pp., avec trois fac-similé de la
musique contenue dans le ms.
Miss Lucie Toulmin Smith, à qui Ton doit une édition entièrement
refondue de la Centurie ofprayse of Shakespeare du Docteur Ingleby,
une édition de Gorbodiic dont il a été rendu compte ici même ' et plu-
sieurs autres ouvrages, vient de publier le texte de la célèbre collection
des mystères d'York demeurés jusqu'à ce jour en manuscrit. Cette édi-
tion, depuis longtemps attendue, dont le texte a été collationné avec
beaucoup de soin et qui comprend un glossaire et une longue intro-
duction sur les représentations de drames religieux en Angleterre, com-
ble peut-être la plus grande lacune qui existât dans le trésor de la litté-
rature anglaise au xiv« siècle. Cette série de drames religieux est en
effet la plus considérable qui nous soit parvenue; les autres, et Ton
sait qu'en Angleterre leur nombre est fort restreint, présentent un en-
semble moins complet. La collection de Chester contient vingt-cinq
pièces seulement ; la collection Towneley, trente ; celle de Coventry
quarante-deux; celle qui nous occupe en compte quarante-huit, et son
importance numérique est loin d'être le seul titre qu'elle ait à notre
attention. L'existence et la valeur du ms. étaient depuis longtemps con-
nues, mais le vieux livre était célèbre à la façon des pommes du jardin
des Hespérides, fruits précieux qu'on ne trouvait pas dans le commerce
et qui passaient pour assez bien défendus contre les mains et les regards
curieux. Non moins bien gardées étaient jusqu'à ces derniers temps les
deux cent soixante -dix feuilles de parchemin, reliées en bois, sur les-
quelles, vers 1430, avaient été transcrites les pièces jouées à York, une
des villes anglaises qui eurent au moyen âge le plus de goût pour les
spectacles religieux. Le présent lord Ashburnhani a consenti à ouvrir
les portes de la retraite à Miss S., et depuis le mystérieux jardin est de-
venu, comme on sait, dans sa plus grande partie, jardin public.
Ces drames qui comprennent les principaux épisodes de l'Ancien et
du Nouveau Testament commencent avec la création du monde et ne
s'arrêtent qu'au jugement dernier. Ils furent composés dans le milieu
du XIV* siècle. Ils étaient représentés avec une grande solennité le jour
de la Fête-Dieu aux frais des diverses corporations ouvrières et, en
partie, par leurs membres. Chaque corporation avait sa pièce, son
« pageant ' y>^ pagina, expression qui désignait tantôt le drame lui-
même, tantôt les tréteaux ou théâtre mobile sur lesquels il était joué.
i. V. la Revue critique du 4 juin i883.
2. On écrivait ce mot pachent, paiaunt, pagende, pagyant^ pad^hand, padgion,
paidgion, padgin (p. xxxv). Miss S. aurait pu z]0[ixev pagond qui se rencontre assez
souvent (Ex. Ancient mysteries from the Digby, ms. I) et d'autres formes encore.
o'hiSIOIRK El Oh, LiTTÉRAÏUKK 467
Certains corps de métiers, mais non pas tous, avaient charge de repré-
senter un événement de l'Ecriture rappelant leur profession ; ainsi le
Déluge était attribué aux pécheurs et mariniers, l'édification de Parche
aux constructeurs de navires, Toffrande des mages aux orfèvres, les
noces de Cana aux marchands de vin. Comme des ordonnances fré-
quemment renouvelées défendaient à ceux-ci, déjà à cette époque, d'ad-
ditionner d'eau leurs boissons, il est probable que les spectateurs ne
voyaient pas sans amusement la puissante corporation des marchands
de vin, représenter publiquement un miracle qui lui était si familier.
La plupart des guilds d'York imposaient à leurs associés des paiements
annuels de deux à quatre francs pour les frais de la fête. Le montant
de diverses amendes était affecté au même objet : il fallait pourvoir aux
dépenses de costumes et accessoires, à la location d'un hangar pour y
conserver les tréteaux, etc.
Les curieux extraits des archives municipales d'York produits par
Miss S. montrent à quel point la ville entière s'intéressait au succès et
à l'éclat de la cérémonie. Un arrêté du conseil de la cité, du 3 avril
1476, prescrit que « chaque année, au temps du carême (assez long-
temps, comme on voit, avant la Fête-Dieu), quatre acteurs, des plus
habiles et des mieux renommés qui soient dans la ville, seront appelés
devant le maire. Ils seront chargés de rechercher, entendre et examiner
tous acteurs, pièces et théâtres dont peuvent disposer les différents corps
de métiers prenant part aux représentations de la Fête-Dieu. Ils admet-
tront et autoriseront les acteurs qui leur paraîtront pouvoir, grâce à
leur expérience et à leurs qualités physiques, faire honneur à la cité et
aux-dits métiers ; ils renverront et excluront rigoureusement toutes
personnes d'une habileté, d'une voix ou d'un physique insuffisants. »
11 appartenait à chaque association ouvrière de produire devant les exa-
minateurs des candidats convenables comme nombre et comme savoir,
et de fournir pour la pièce « de bons acteurs, bien habillés et parlant
clairement, » à peine de cent shillings d'amende. Une « proclamation »
criée par le crieur public, la veille de la fête, rappelait cette pénalité afin
que nul ne se négligeât. Le même acte défendait aux spectateurs de ve-
nir armés à la représentation, « à moins qu'ils ne fussent chevaliers ou
écuyers de conséquence, » et de troubler en quoi que ce soit le specta-
cle, interdisait de même aux acteurs de venir armés et leur enjoignait
de ne pas se faire attendre : le tout, « au nom du roi, du maire et des
shéritïs de la cité '. » On voit qu'il y avait là véritablement pour tous
affaire d'État.
Le plaisir de paraître sur les planches avec des habits de circonstance
et de faire métier d'acteur, ce plaisir auquel l'honnête tisserand Bottom
de Midsummer night's dream était si sensible, faisait souvent oublier
aux ouvriers leur profession principale. Ils devenaient acteurs errants;
I. P. XXXIV. Nous avons une copie de cette proclamation, de 141 5. Il n'y a pas
lieu de penser que le texte en ait été différent au xiv siècle.
468 REVUR CRITIQUE
du temps de Shakespeare et pendant tout le xvi« siècle, ils étaient,
dans ce cas, arrêtés comme vagabonds et condamnés à Tamende et
quelquefois au fouet. On a des exemples de patrons entraînant à leur
suite, et pendant des années, des apprentis qui leur avaient été confiés
pour s'instruire dans le métier plus recommandable de cordonnier ou
de tailleur. On voit de ces jeunes gens, emmenés pour jouer les rôles de
femmes, déposer, aux bout de trois ans, des plaintes devant le magis-
trat et obtenir la rupture de leur contrat d'apprentissage ^
Les différents endroits de la ville où devaient avoir lieu les représen-
tations étaient fixés d'avance et rappelés au public, au moyen d'une
proclamation, « pour la commodité des habitants et des étrangers ve-
nant à la fcte. » Au xiv* siècle, ces lieux étaient toujours les mêmes et
la liste nous en est parvenue (p. xxxii). On commençait devant les por-
tes du prieuré de la Sainte-Trinité, le prieuré où était déposé le registre
même renfermant le texte de toutes les pièces que Miss S. publie aujour-
d'hui. Puis on jouait « à la porte de Robert Harpham », puis « à la
porte de feu Jean Gyseburn », etc. On conçoit que Robert Harpham et
les héritiers de Gyseburn étaient singulièrement bien placés pour voir.
Commodément installés à leurs fenêtres, en dehors des coudoiements et
des bousculades, ils dominaient le pageant et avaient un sort de roi.
Ces privilégiés avaient beaucoup d'envieux et ceux-ci firent si bien qu'un
ordre de 1417 mit aux enchères pour lavenir la désignation des empla-
cements et prescrivit « que ceux-là auraient la pièce devant leur maison
qui paieraient le plus haut prix pour cette faveur. »
Le succès et la renommée des pièces d'York étaient si considérables
qu'elles furent des dernières à disparaître. Néanmoins, comme leurs
semblables des autres villes anglaises, elles n'eurent plus, après la Ré-
forme, qu'une existence précaire. Les convertis essayèrent de faire pas-
ser avec eux le vieux registre à la nouvelle croyance; les marges portent
en divers endroits des indications qui sont la trace de leurs efforts; mais
la tâche était difficile, il aurait fallu changer tout l'esprit du livre qui
était l'esprit d'une autre époque plus encore que celui d'une autre reli-
gion ; le moyen âge fini, les mystères n'étaient plus de saison. En iSyg,
les autorités de la ville, ne pouvant renoncer de bon cœur à des pièces
qui étaient pour les habitants une source de divertissement et de profit,
sinon toujours d'édification, ordonnèrent « que le livre serait porté à
Mylord archevêque et à M. le doyen de la cathédrale pour être cor-
rigé, si Mylord archevêque voulait bien. » Mylord archevêque paraît
s'être contenté d'interdire les représentations, car le registre est demeuré
tel quel et les drames de la Fête-Dieu semblent n'avoir plus été repré-
sentés à York après cette époque. i\
Le ms. subit depuis lors de grandes variations de fortune; il compta
parmi ses principaux propriétaires la famille Fairfax, Horace Walpole
I. Extraits des Quarter sessions records du Rev. J. C. Atkinson, dans YAcademy
du 12 septembre i885.
d'hISTOIRK KT t)ti LITTÉRATURE 469
qui Tacheta une guinée, enfin, de nos jours, la famille Ashbiirnham qui
le conserve encore aujourd'hui.
Dans le texte que Miss S. vient d'imprimer, on reconnaîtra tous les
traits caractéristiques des mystères anglais déjà publiés. Mais ces traits
y sont souvent mieux accusés que dans les autres collections. On ne
retrouvera pas sans amusement nos anciennes connaissances, le bouil-
lant Hérode, le fougueux Pilate, l'intraitable Pharaon. Jamais ils n'ont
été plus magnifiques, plus tapageurs, plus contents d'eux, ni plus van-
tards, Lucifer pousse des grognements épouvantables à faire peur aux
petits enfants et à faire rire les grandes personnes; il interrompt ses
« owte, owte! » pour s''écrier « qu'il fait chaud ici! » en effet, il est en
enfer (I) : et le public de se trémousser joyeusement à cette remarque si
judicieuse. Hérode est fier parce que Saturne, le soleil, la lune et tous
les astres lui obéissent ; il gouverne les nuages et lance le tonnerre
quand il en a envie (XVI). Il invoque Mahomet, à son ordinaire, jure
sans vergogne et reçoit les Mages fort mal : « Jésus sera roi ! dit-il à
ceux-ci^ de par tous les diables,... chiens que vous êtes!... » iXIV).
Pilate ne lui cède en rien et sa femm.e se montre digne d'un tel mari
par l'éloge qu'elle fait de sa propre personne, à commencer par les belles
robes, pour finir par « la couleur claire de sa peau » (XXX). Cela donne
à Pilate envie de l'embrasser et elle ne fait pas résistance : « nous ai-
mons toutes, nous autres dames, prétend-elle, être embrassées et cares-
sées. » Le « beadle » du tribunal, qui survient, trouve à redire à ces
gentillesses; il supplie Pilate de renvoyer sa femme dans ses apparte-
ments et celle-ci s'emporte aux dernières injures contre l'intrus (XXX).
Comme toujours, les hauts personnages savent employer avec à-propos
quelques expressions polies en français, telles que bewcher, a-dcipe,
bene-venew, qui leur servent à dire adieu, et à souhaiter la bienvenue
aux beaux sires de leur connaissance. Ils usent aussi de leur autorité
pour imposer silence à l'auditoire; c'était une de leurs fonctions tradi-
tionnelles et non la moins difficile de celles qui découlaient pour eux
du souverain pouvoir.
Les scènes comiques sont fort nombreuses dans cette collection. On
peut dire que les auteurs ne laissent point passer un seul incident ou
une seule situation prêtant au ridicule sans en bien marquer le côté
risible, si respectable du reste que puisse être l'événement ou le per-
sonnage. Saint Joseph exhale sa mauvaise humeur en termes aussi
impossibles à traduire que ceux dont la femme de Pilate fait usage en
sa fureur. Lorsque l'ange apparaît au saint pour lui expliquer le mys-
tère de l'incarnation, Joseph lui fait le plus mauvais accueil et se mon-
tre très mécontent qu'on le réveille (XIII). Caïphe de même, tiré de
son somme pendant la nuit, préférerait demeurer au lit, et il faut dis-
cuter longtemps à sa porte avant qu'il condescende à se montrer (XXIX).
Noé, recevant de Dieu l'ordre de construire l'arche, fait des observations
et s'écrie familièrement : « Ah! mon bon seigneur, je suis bien vieux ! »
^yo RKVUE curriQDE
Sa discussion avec sa femme qui ne veut pas entrer dans l'arche, scène
célèbre à laquelle Chaucer fait une piquante allusion dans son Conte du
meunier est tout à fait amusante'. La femme commence par ne pas
venir quand son mari l'appelle ; entrer dans l'arche! elle voulait juste-
ment se rendre à la ville ; elle ordonne même à ses enfants d'aller s'ha-
biller, sans se soucier autrement du Déluge. Noé lui fait observer qu'il
a déjà plu qnaranie jours et quarante nuits, que tous les animaux sont
dans l'arche et attendent, et que son projet de promenade est tort im-
prudent. La dame n'est aucunement pacifiée : pourquoi lui avoir fait
mystère de tout cela, n'avoir pas pris son avis? Voila cent ans que son
mari travaille à l'arche et elle n''en savait rien ! Il n'est guère agréable
de quitter la terre ferme pour vivre en bateau; dans tous les cas, il lui
faut Je temps de faire ses paquets et il faut aussi qu'elle emmène ses
cousines et ses bonnes amies pour avoir à qui parler. Noé qui, en cons-
truisant son arche, a déjà donné quelques preuves de son esprit persé-
vérant, ne perd pas patience ; il reçoit sans se plaindre les apostrophes,
les injures et même un soufflet; enfin tout le monde entre et la porte
de la nef se ferme. Les pasteurs de la nuit de Noël, enroués à force de
chanter, servent encore d'occasion à quelques scènes comiques, mais
nous n'avons rien de comparable à la comédie complète et si amusante
qui constitue la « Secunda Pastorum » des Towneley mysteries. En-
fin, pour ne pas parler de proverbes populaires fort nombreux et de
traits risibles épars dans bon nombre de pièces, tels que les remarques
sur la stupidité des hommes faites par Saint Jean prêchant dans le désert
(XXI) et le portrait de Saint Pierre par une servante goguenarde la
nuit du reniement (XXIX), il faut encore signaler plusieurs scènes
du rôle de Judas. Le personnage se faisait une figure hideuse et
satanique, mais, de même que le diable, il paraissait en épouvantai!
grotesque plutôt qu'en traître habile et pervers. Il est querellé et raillé
partout le monde ; le portier de Pilate lui trouve si mauvaise mine
qu'il ne veut pas lui ouvrir la porte ; il le traite de a hanged
harlott )) et emploie â son endroit mainte autre expression intradui-
sible, faite pour attirer sur lui la dérision populaire (XXVI).
Les mystères sont des tragi-comédies; le mélange des deux genres
sérieux et comique est complet dans ces étranges productions; le comi-
que y est, comme on voit, fort peu réservé; la part du tragique est belle
puisqu'il s'agit de mettre en scène le déluge universel, la mort de Jésus-
Christ, le jugement dernier, des sujets aussi vastes et aussi complexes
que celui du grand poème de Milton. Seulement, pour réussir dans le
tragique, il faut être un maître de l'art, ou bien avoir l'âme simple,
tendre et naïve : tel n'est pas le cas des auteurs des mystères d'York ;
ils ne sont pas de grands poètes et, d'autre part, ils sont trop clercs
pour se contenter de laisser parler leur cœur; ils visent à l'effet et
manquent le but. Ils croient rehausser les paroles de Jésus en y mêlant
j. Cf. Chcster plays, III; même scène encore dans les mystères de Coventry.
DKÎSTOIRK ET DE LITTÉRATURE 47 1
du latin, comme ils mêlaient du français à celles des grands de la terre.
Leur latin est pfeu compliqué; Jésus le traduit aussitôt ^ et les citations
qu'il fait ressemblent à celles de ce curé de village dont tous les dis-
cours avaient pour thème les mots : « Mortuus est — il est mort. »
L'mpression n'est vraiment grande que lorsque TEvangile est suivi
exactement. Elle est encore assez forte lorsque l'auteur fait contraster
le silence de Jésus chez Hérode avec les joyeusetés et les sottises débi-
tées à gorge déployée par ce personnage et ses compères (XXXI), le
mutisme du martyr est imposant; de même, un peu plus loin, ses pa-
roles graves et sentencieuses chez Pilate (XXXIIl). Les détails hideux
du supplice, les nerfs brisés, les veines déchirées sont présentés au spec-
tateur, comme d'ordinaire, avec un réalisme atroce ; la vue du sang, plus
que les beaux discours, émouvaient l'auditoire d'alors en faveur de la
victime.
Les accents touchants et tendres qu'on rencontre dans quelques au-
tres collections de mystères anglais ne sont pas ici très nombreux ni
très dignes de remarque. L'auteur tombe dans le défaut commun de
ses contemporains qui voulaient être tendres, il est mièvre : Chaucer
lui-même n'est pas exempt de ce défaut ; il y a de la mièvrerie dans ses
histoires de Griselidis et de Constance. Le sacrifice d'Abraham qui est
fort émouvant dans les Mystères de Chester contient ici aussi (X) quel-
ques traits de nature, bien présentés : Isaac consent, mais il tremble, il
n'est pas sûr, au dernier moment, de ne pas résister, il demande à être
lié. Mais en se prolongeant la scène cesse d'être tragique; il semble que
le poète l'ait fait durer aussi longtemps qu'il pouvait trouver dans sa
tête des discours d'une tendresse précieuse et rafïinée à prêter à ses per-
sonnages. Abraham et Isaac n'en finissent pas. Ce goût un peu morbide
du joli, qu'avaient ces mêmes hommes pour qui les détails sanglants de
la passion présentaient tant de charme, est commun, à cette époque, aux
artistes et aux littérateurs, il s'accentua davantage à mesure que le
moyen âge approcha de sa fin ; on reconnaît des âmes toute pareilles
chez ces habiles gens qui sculptaient aux portes des églises du xiv" siè-
cle des saintes au sourire trop gracieux et peignaient dans les psautiers
des fleurs à longues tiges trop grêles.
Quoi qu'il en soit, par ses défauts, autant que par ses qualités litté-
raires, cette collection si complète de mystères est d'une haute impor-
tance. Le soin avec lequel elle a été publiée et annotée fait honneur
au savoir et à la patience de Miss Smith et nous ne pouvons que la re-
mercier d'avoir rendu accessible à tous la plus belle série de ces compo-
sitions qui amusèrent si longtemps la vieille Angleterre et qui égayè-
rent en particulier, à deux cents ans de distance, deux grands génies,
Chaucer et Shakespeare.
J. J. Jussr;RAND
I. « La^ar veni foras. — Corne fro ihy monument » :XXIV). « QiioJ facis, fac
cicius. — That ihou schall do, do sone » (XXVil), etc.
472 REVUK CRITIQUK
229. — Léon Mention. L,e comte de Snlnt-Gei-muin et ma» réfornie»,
d'après les archives du dépôt de la guerre. Etude sur l'armée française à la fin
du xvm" siècle. Paris, Baudoin, 3o passage Dauphine, i885. In-8, xliv et Ssy p.
M. Mention retrace dans son Introduction les services du comte de
Saint-Germain à l'étranger et en France, la partqu^il prit à la guerre
de Sept Ans, son rôle à Corbach, ses démêlés avec le maréchal de Bro-
glie,les réformes qu'il fit en Danemark où il fui président du Directoire
de la guerre. Cette période danoise de la vie de Saint-Germain est peu
connue en France; M. M. la fait connaître surtout d'après l'ouvrage de
Vaupell (Den danske hœrs historié) .
Saint-Germain s'était retiré à Lauterbach lorsquMl fut nommé minis-
tre de la guerre (1775). Ici commence le premier chapitre de l'ouvrage
de M. Mention, L'auteur a recueilli la plupart des témoignages contem-
porains sur la nomination du comte au secrétariat d'État de la guerre.
Peut-être n'a-t-il pas indiqué suffisamment le motif principal qui dé-
cida Louis XVI et séduisit Topinion. Les compétitions étaient ardentes.
Quinze jours se passèrent avant qu'on nommât le successeur du maré-
chal du Muy (et non de Muy, comme dit M. M.). Pour tout concilier,
on prit Saint-Germain ^ D'ailleurs, en ce siècle de lumières et de
philosophie, il paraissait piquant et original d'aller chercher à la
charrue, selon le mot de Bachaumont, le futur réformateur des insti-
tutions militaires et, ajoutons-le, malgré l'opinion de M^'^ jg Lespi-
nasse, Saint-Germain n'était pas « arrivé là sans intrigue. » 11 ne s'oc-
cupait pas seulement de travaux agricoles dans sa solitude de Lauterbach
et il est bien probable qu'il songeait autant à un retour de fortune
qu'à la réforme de l'armée lorsqu'il adressait au ministre de la guerre
les « mémoires qui passaient sous les yeux du roi et de Maurepas »
(p. XLIX).
Quoi qu'il en soit, Saint-Germain entrait au ministère avec un pro-
gramme bien arrêté, que M. M. nous expose très clairement dans la
suite de son premier chapitre, avec « une sorte de décalogue » (p. 17),
et du 12 décembre 1775 au 2^ septembre 1777 il ne lança pas moins de
98 ordonnances, arrêts, règlements, déclarations qui forment un vérita-
ble code de législation militaire. M. M. nous montre que « la clef de voûte
de l'édifice nouveau » devait être un conseil supérieur de la guerre,
divisé en sept départements, présidé par le prince de Beauvau, com-
posé de Castries, Stainville, Rochambeau, Wurmser, Gribeauval; mais
Saint-Germain ajourna la création de ce collège suprême qui ne fut
organisé qu'en 1788.
Le deuxième chapitre du livre est consacré aux réformes que fit
Saint-Germain dans la maison militaire du roi. M. M. dit que cette
garde privilégiée n'était plus qu'une troupe de parade et d'antichambre
(p. 26) et qui coûtait fort cher. Il aurait pu ajouter qu'elle n'était nul-
I. Voir les lettres de M"" du DefFand.
OHISIOlHli; K.r DK t.in FH \TCKH 473
lement populaire, que depuis Dettingen elle avait perdu dans le public
son renom de bravoure, que le maréchal de Noailles s'était plaint très
vivement de son indiscipline et que Louis XV lui-même écrivait à ce
dernier. « Je ne suis pas moins fâché que vous de ce que vous me dites
de ma maison et surtout de celle à cheval ; trop de complaisance doit
en être la cause, tenons-nous le pour dit pour l'avenir. Je garderai le
secret que vous m'en demandez ; mais le tout est déjà public et peut-
être même plus enflé qu'il n'est, car vous savez qu'en ce pays Ton y
va fort vite, soit d'une façon, soit d'une autre. » (Pajol, Les guerres sous
Louis XV, II, p. 348). M. M. rappelle du reste à ce sujet les projets de
Saint-Simon (1717), quMl compare à ceux de Saint-Germain.
Après avoir exposé les réformes du ministre dans la maison du roi,
M. M. raconte dans son chapitre III la suppression de l'Ecole Royale
Militaire (1776) remplacée par de nouveaux collèges qui portaient le titre
d'Ecoles militaires; il montre ce qu'étaient ces écoles (on regrettera à
ce propos qu'il n'ait pas consulté les Mémoires de Vaublanc 0, nulle-
ment militaires, destinées à enseigner non la tactique, mais Porthogra-
phe (p. 70) ; il rappelle que Saint-Germain reprit Pinstitution des Ca-
dets-gentilshommes.
Le ive chapitre retrace d'autres réformes non moins importantes du
ministre : (gouvernements généraux ou particuliers des provinces,
états-majors de la cavalerie et des dragons, partage de la France mili-
taire en 16 divisions, extinction graduelle de la finance des emplois,
règles pour l'avancement, ainsi que pour le service obligatoire et régu-
lier des officiers de tout grade) ; ce chapitre est un des plus instruc-
tifs et des plus sérieusement faits du volume.
Le chapitre v traite du recrutement des troupes, des rengagements
et des hautes payes, de la répression du luxe des officiers, des règlements
contre l'indiscipline, Tinsubordination et la désertion, enfin de cette
punition des coups de plat de sabre qui occupe à peine quelques lignes
dans l'ordonnance du 25 mars 1776, qui a suscité tant de querelles et
d'assertions pour ou contre, qui reste enfin attachée au nom de
Saint-Germain , si bien attachée qu'elle fait trop souvent oublier
le reste de son œuvre (p. 116), M. M. fait voir que ce châtiment
n'était pas une innovation dans l'armée française, et qu'il avait été
demandé par un grand nombre d'officiers généraux. Il aurait pu
citer encore ce jugement de Mirabeau dans son livre De la monarchie
prussienne [lome IV, livre vn, p. 164, note i) : « Le préjugé que cette
espèce de punition humilie et dégrade les âmes n'est pas moins faux.
Le commentateur des mémoires du comte de Saint-Germain a très bien
observé qu'elle est infiniment préférable à l'usage de la prison, lequel
confond ensemble le scélérat et l'honnête homme, ne corrige point les
I. Tout le chapitre II de ces intéressants Mémoires est consacré à l'Ecole mili-
taire, et le premier à l'annexe de cette école, le collège de La Flèche où les futurs
élèves apprenaient le latin.
474
REVUK CRITIQUE
paresseux, et inflige une peine au bon sujet qu'on surcharge de servi-
ces ; que dans les temps les plus reculés de la monarchie française, et
notamment sous le régne de François I'^"', où le soldat était choisi avec
soin parmi l'élite et non comme aujourd'hui, pris dans le rebut de la
nation, les punitions étaient les coups de hallebarde et les verges, et
qu'on n'employait la prison que pour les criminels qui méritaient d'être
suppliciés; que le châtiment des coups a subsisté jusqu'à la mort de
MM. deTurenne et de Louvois; qu'il ne se perdit ensuite que parce
que tous les corps se relâchèrent sous leurs successeurs, quoique les
soldats qui dans ces temps de corruption, succédaient aux soldats de ces
légions toujours victorieuses, ne méritassent certainement pas les mêmes
ménagements ».
On trouvera dans le chapitre vide très intéressantes informations sur
l'uniformité établie par Saint-Germain dans la compositions des corps
d'inlanterie. Ce fut lui qui ordonna que tous les régiments seraient dé-
sormais à deux bataillons, (p. i32) qui créa les compagnies régulières
de chasseurs (p. i35), qui supprima les troupes irrégulières connues
sous le nom de légions (légions de Conlîans, de Soubise, etc.), qui paya
l'infanterie, la cavalerie, les dragons, les autres corps d'après un tarif
uniforme, qui supprima les régiments provinciaux (p. 142-156)'.
Le chapitre vu relatif à l'artillerie a déjà reçu de grands éloges. Re-
marquons toutefois que ce chapitre appartient plutôt à une biographie
de Gribeauval qu'à une étude sur Saint-Germain. Ce dernier n'eut
d'autre mérite que d'appeler Gribeauval à la direction de l'artillerie et
de lui donner plein pouvoir. « Je confesse, dit-il lui-même, que l'arran-
gement de l'artillerie est l'ouvrage de Gribeauval, je l'ai laissé maîLre de
donner à ce corps la constitution qu'il croirait la meilleure, et, si on
reproche quelque chose à l'ordonnance qui concerne ce corps, il faut
adresser ces reproches à cet officier général. » Il est vrai que Saint-Ger-
main pouvait ne pas choisir Gribeauval; mais Vallières venait de mou-
rir; le ministre aurait-il osé nommer Saint-Auban, et Gribeauval ne
réunissait- il pas, de son propre aveu, la pluralité des suffrages? M. M.
a consulté, pour rédiger ces pages (161 -176) les importants travaux
du général Favé (tome IV des Etudes sur le passé et V avenir de l'ar-
tillerie) et il a fort bien résumé, avec une brièveté et des connaissances
techniques très louables, l'œuvre d'un homme que la France devrait
honorer à l'égal de Vauban ; comme l'a dit M. Favé, si, pendant les
guerres de la Révolution — et même de l'Empire — l'artillerie fran-
çaise exerça sur le sort des batailles une influence nouvelle et décisive,
elle le doit surtout à Gribeauval.
Il faut porter le même jugement sur les huit pages de ce vn** chapitre
(pp. 178-185) relatives au génie; M. M. montre que Saint-Germain
réservait à ce corps un rôle considérable et voulait assigner aux offi-
I. Il est assez singulier que M. Mention cite à ce propos le Louis XVI de. Cape-
figue absolument inUigne de toute citation.
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 47 D
ciers de cette arme, exclusivement à tous les autres, les fonctions des
états-majors des arme'ss.
Le chapitre viii concerne la fameuse question de Tordre mince et
de l'ordre profond, des Guibertistes et des Mesnil-Durandistes ; c'était
peut-être le plus difficile du livre et Fauteur y fait preuve d'une grande
clarté et d'un ferme bon-sens; on adoptera sans réserve ses sages con-
clusions.
M. M. traite de l'intendance dans le chapitre ix ; il examine succes-
sivement les réformes de Saint-Germain dans l'administration mili-
taire : la gestion des masses réunies en une masse générale est confiée
dans chaque régiment à un conseil; l'uniforme est modifié; la régie est
substitué à l'entreprise; les commissaires des guerres deviennent de vé-
ritables officiers d'administration, etc.
Enfin (chap. x) le service de santé voit réduire quelques-uns de ses
abus; Tinstitution des retraites, celle des Invalides reçoivent de grandes
modifications (voir surtout Fordonnance du 17 juin 1776).
Telle est l'œuvre de Saint-Germain et M. M. l'expose dans le plus
grand détail, non-seulement d'après les mémoires authentiques du comte
(p. I i-i 1 1) et les Commentaires du baron de Wimpfen, mais encore et
surtout d'après la collection des ordonnances et les archives de la guerre.
On sait ce que devint Saint-Germain ; il avait pris comme adjoint le
prince de Montbarey qui convoitait sa place; il était impopulaire; il dut
se retirer en 1777 et mourut l'année suivante.
Il est curieux qu'on ne trouve nulle part dans ce livre le nom de
Dumouriez, qui, lui aussi, aventureux et ambitieux comme Saint-
Germain, rédigea mémoires sur mémoires et sortit soudain de l'obscu-
rité pour arriver d'emblée au ministère. Dumouriez parle de Saint-
Germain dans ses Mémoires ; il nous dit qu'il communiqua au comte
un projet sur la transformation possible d'Ambleteuse en un port
militaire, que Saint-Germain le fit venir à Paris et le nomma commis-
saire du roi avec le chevalier d'Oisy et M. de La Rozière pour « exami-
ner où et comment on pourrait former un port de guerre dans la Manche,
depuis Dunkerque jusqu'à la Seine ». D'Oisy mourut, mais La. Rozière
et Dumouriez parcoururent tout le litloral et se convainquirent, après
mûr examen, qu'il fallait établir un port et à Boulogne et a Cherbourg;
ce fut l'opinion qu'ils soutinrent à Versailles, au mois de septem-
bre 1776, dans le conseil des ministres, et Dumouriez ajoute que Saint-
Germain le nomma aide-maréchal des logis des côtes du Boulonnais,
« dont il voulait lui donner le commandement pour diriger les travaux
du port ». Ce fait ne devait pas être oublié dans une biographie de
Saint-Germain.
Le jugement que porte Dumouriez sur Saint Germain méritait
également d'être cité.» Il avait de grandes vues et une longue expérience,
dit le héros de l'Argonne, mais la résidence qu'il avait faite en Dane-
mark lui avait fait perdre l'habitude de la France, et surtout des
^ -j(i REVUE CRITIQLE.
Français. Il voulait réformer leur militaire comme il avait réformé
celui du Danemark. Tous ses plans ont été tronqués et morcelés. La
quantité à.ç. faiseurs dont il s'était entouré, a donné à ses ordonnances
un défaut de cohérence et d'ensemble qui les a rendues la plupart inu-
tiles, et plusieurs pernicieuses. Il avait eu les plus grandes obligations
au père de M. de Montbarey; lui-même lui avait rendu de grands
services, lorsque, renvoyé du Danemark, ayant essuyé une banqueroute,
il végétait en Alsace dans la misère et dans Toubli. Il appela auprès de
lui cet officier général, mais bientôt il en devint jaloux, et c^est ce qui
le perdit, et ouvrit à Montbarey la route pour lui succéder. M. de
Maurepas, qui était allié de la famille de Nesle, dont était M™" de
Montbarey, cédant au cri de toute la France contre M. de Saint-
Germain, fit nommer Montbarey pour son successeur. »
Cette appréciation de Dumouriez a quelque importance et on aurait
souhaité que M. M. tînt également compte, soit pour le contredire, soit
pour l'approuver, du passage suivant des Mémoires [II, 3, édit. Bar-
rière, p. 196) : « Saint-Germain a préparé la Révolution en anéantissant
les grenadiers à cheval, etc., de la maison du roi. Si ces troupes eussent
existé, les états généraux eussent pu opérer une réformation que tout le
monde désirait, sans que tout fût bouleversé »'. Peut-être aussi M. M,
pouvait-il dans son chapitre VIII, d'ailleurs si remarquable, joindre au
témoignage de Rochambeau celui de Dumouriez; ce dernier assistait à
ces manœuvres du camp de Vaussieux où l'on essaya, en les mettant
aux prises, les deux systèmes de Tordre profond et de l'ordre mince.
M. M. cite un jugement de Jomini; on aimera mieux ces paroles spiri-
tuelles de Dumouriez « Mesnil Durand défendait par de fortes raisons,
mais avec beaucoup d'àpreté, l'ordre profond; Guibert, avec plus
d'esprit que de solidité, l'ordre mince. Tous deux avaient tort, parce
qu'ils défendaient leur système exclusivement... Le maréchal de Broglie
demanda à Dumouriez de quel parti il était. Il lui répondit : je serai
toujours de Favis de celui que vous adopterez, selon les circonstances.
C'était décider la question pour et contre, comme elle doit l'être, ces
deux ordres sont bons, et ne doivent point s'exclure; c'est au génie du
général à les adopter selon les localités et les occasions. Le camp de
Vaussieux eut lieu ; le maréchal commanda l'ordre profond avec une
armée supérieure. Luckner commanda l'ordre mince avec moins de
troupes et le battit toujours, à la vérité en n'exécutant rien de ce dont
on convenait, mais saisissant à propos ses avantages; et le maréchal en
eut du chagrin : il eût bien mieux fait de prendre Jersey et Guerne-
sey ».
1. Se rappeler, à ce propos, le joli passage du prince de Ligne (oeuvres mêlées,
XII, p. 39) : « 11 n'y a personne qui n'ait écrit et arrangé à sa façon les causes de
la Révolution. Elle est arrivée, disent les dévots, parce qu'on avait lu l'Encyclo-
pédie: les chevaliers de Saint-Louis, parce que malicieusement M. de St-Germain
avait réformé la maison du roi ; etc. »
d'histoire et de littérature 477
Il nous semble pareillement que M. M. a fait trop bon marché des
critiques de Senac de Meilhan. Il ne suffit pas de dire que Meilhan
avait l'âme vindicative et qu'il se montre injuste. Après tout, Meilhan
ne fait que reproduire Topinion des contemporains. « Le comte de
Saint-Germain donna des projets sans les avoir médités, il les exécuta
avec précipitation; il fit des ordonnances et y laissa mettre des restric-
tions qui les anéantissaient; il prétendit faire des économies et augmenta
les dépenses. Il réduisait tout à des principes généraux ; il croyait avoir
des vues, et n'était que le servile traducteur de la nation allemande;
mais il ne connaissait pas la langue dans laquelle il traduisait. »
M. M. ne cite pas ces mots si justes de Meilhan. Voilà le reproche
que nous ferions surtout à Saint-Germain ; c'était un servile traducteur
de l'allemand — ou du prussien, et il ne connaissait plus le français. Ce
fut le défaut de ceux qui présidèrent aux destinées de l'armée pendant
les dernières années de la monarchie du xviii'^ siècle; ils méconnaissaient
le génie de la nation. On a beau dire que les coups de plat de sabre
n'avaient en somme rien de flétrissant; il ne fallait pas les rétablir
puisque Topinion les blâmait et que « l'opinion était déjà une puis-
sance » (p. 120), puisque le soldat français se croyait déshonoré par ce
genre de châtiment et, selon le mot célèbre, ne voulait connaître de l'é-
pée que le tranchant '. En réalité, comme son prédécesseur du Muy qui
appelait en France le baron de Pirch, et comme beaucoup de ses con-
temporains, Saint-Germain était engoué du système prussien. On ne sait
pas assez que, durant presque tout le règne de Louis XVI, l'armée fran-
çaise fut en proie à ce qu'on appelait les faiseurs. De là sa haine de
l'ancien régime et son enthousiasme pour la Révolution. Les témoigna-
ges abondent; c'est Miot de Mélito(I, p. 3) qui s'indigne de « ces essais
imprudents et si contraires au caractère national » ; c'est l'auteur de
I. Il fallait rappeler le trait de ce jeune homme, « d'une des premières familles
de la cour » qui demandait à Ségur de lui donner vingt coups de plat de sabre, pour
savoir positivement l'impression que ce châtiment pouvait produire sur un homme.
(Mém. ou Souvenirs, I, i3i-i36.} « Saint-Germain, dit encore Ségur (128-129), sou-
mit le soldat français à l'humiliante punition des coups de plat de sabre; on obéit
avec répugnance et incomplètement. Je me souviens même d'avoir vu à Lille des
grenadiers répandre au pied de leurs drapeaux des pleurs de rage, et le duc de La
Vauguyon, leur colonel, mêler ses larmes aux leurs. Ce mécontentement devint gé-
néral ; le ministre fut renversé par l'opinion publique qui devenait déjà une puis-
sance. » On lit de même dans les Mémoires d'Eickemeyer (1845, p. 66-67) : « Er
wurde entlassen, weil er zu viel Gutes auf einmal stiften wollte. Dass er den solda-
ten viereckige Hûte gab und hierdurch ihre Eitelkeit beleidigte, war unklug; aber
unrecht und unbesonnen handelte er, aïs er, dem franzœsischen Ehrgelùhl zuwi-
der, die Stockprûgel einfûhrte. » Citons encore ce passage de Moreau de Jonnès
(Aventures de guerre, etc., i858, 1, p. 7) : « J'ai vu sur le rempart de Rennes, der-
rière les Carmes, le vicomte de Mirabeau, colonel du régiment Je Touraine, prési-
der lui-même au supplice des militaires qu'il faisait passer par les verges; il les
suivait pas à pas et criait aux soldats : frappez fort, donnant des coups de plats a'é-
pée à ceux dont le cœur faiblissait dans ces barbares exécutions. »
47^ RKVUK CRITIQUK
VEssai sur la vie de Bouille qui remarque (II, p. 21) qu''on imitait |||
aveuglément les vainqueurs, modifiait sans mesure et dissolvait sans '
réflexion et sans prévoyance; c'est Dumouiiez (lîl, p. 192) qui déclare
qu'on « tourmentait les troupes par des changements multipliés d'exer-
cices ei de manœuvres »; c'est Ségur (Mém. ou souv., I, 128) qui
écrit que les « faiseurs tourmentaient les soldats par des détails minu-
tieux et les officiers par une sévérité plus dure que juste»-, c'est
Lafayette (Mém. III, 276) qui s'irrite de la faveur de Pirch, devenu
le « précepteur » de l'armée et affirme qu'on épuisait les troupes et
les tracassait mal à propos; c'est Mathieu Dumas qui, rédigeant avec
La Tour du Pin et Gouvernet, un mémoire au roi, dit dans le préam-
bule que « l'heure est enfin venue d'abjurer la trop longue erreur
d'une servile imitation du militaire des nations allemandes » (Souv. I,
447); c'est Latour-Foissac (mémoire inédit) qui assure qu'au début de
la Révolution, « les officiers provoquaient la défiance du soldat par
des propos, des procédés, des regrets exagérés vers cette discipline du
Nord qui avilissait autrefois les armées françaises ». Saint-Germain —
et M. M. n'insiste pas assez sur ce point — fut un des ministres de la
guerre que domina la Prussiomanie.
Au reste, M. M. a jugé très impartialement son héros; il reconnaît
chez Saint-Germain comme chez Turgot, la précipitation, le dédain des
difficultés pratiques; il l'accuse d'avoir voulu aller trop vite en beso-
gne; mais il observe que, comme toujours, le secrétaire d'état de la
guerre était aux prises avec le contrôleur-général et qu'on doit rejeter
sur la finance une grande partie des difficultés que rencontra l'œuvre de
Saint-Germain. 11 y avait encore un mot de Dumouriez à citer là-
dessus : a Saint-Germain était arrêté à tout moment par les privilèges
des corps, par les grandes charges et par les protections » (II, 3,
p. 196).
Peut-être M. M. n'a-t-il pas analysé suffisamment le caractère
du comte; il nous le peint « caustique et sombre, railleur et mélanco-
lique, prompt à l'abandon et à la défiance » ; il nous dit en note qu'on
l'appelait le Rousseau du militaire et nous renvoie à Grimoard pour
a les saillies nombreuses échappées à lu verve de Saint-Germain ». Il
eut fallu citer quelques-unes de ces paroles mordantes et de ces sorties
misanthropiques; il eût fallu rassembler tous les traits relatifs au
caractère de Saint-Germain et épars dans les mémoires contemporains,
en composer un portrait plein de vie et de relief. Senac de Meilhan a
tracé ce portrait; on pouvait le reproduire ou noter en passant ce qu'il a
de vrai et de faux, et, selon nous, il a plus de vrai que de faux. M. M.
ne semble pas avoir connu ce jugement que nous trouvons dans l'Essai
sur la vie du marquis de Bouille : « Le nom seul de Saint-Germain
rappelle l'effet funeste produit sur l'organisation militaire et sur l'esprit
des troupes par des réiormes incomplètes et par des mesures révoltantes,
conçues dans l'influence d'un talent incontestable, mais vieilli, et d'un
d'histoire kï dk littérature 479
caractère inquiet, soupçonneux, accessible aux réclamations intéressées
des gens puissants, tout en se plaisant à lancer les traits d'un esprit
caustique et en affichant les apparences delà simplicité et de la résolu-
tion. » Ce jugement est plus calme, plus modéré que celui de Meilhan,
qui avait sur le cœur la suppression de sa place d'intendant de l'armée;
mais, de même que l'auteur de ÏEssai, Meilhan signale chez Saint-
Germain « un degré de défiance qui ne peut s'allier avec un cœur géné-
reux, et même avec une certaine étendue d'esprit »; il dit que Saint-
Germain « affichait dans ses discours l'héroïsme, la vertu j>, qu'il
« écouta tous les gens qui s'empressent d'arracher la confiance d'un
ministre et trafiquent de leur accès », qu'il « faisait des changements
par inquiétude d'esprit «.
Mais M. M. a fort bien mis en lumière ce que l'œuvre de Saint-
Germain renfermait de bon et de durable; il montre que ce ministre
n'était pas un brouillon incapable ni un ambitieux vulgaire; qu'il reprit
les traditions de Louvois; qu'il s'efforça d'établir l'uniformité dans les
cadres et dans tous les services et de faire de l'armée « un corps homo-
gène et solide, capable de se suffire à lui-même, soumis dans toutes ses
parties aux règles de la hiérarchie, de la discipline, de la subordina-
tion ». Ce livre composé avec le soin le plus consciencieux et qui
témoigne de recherches étendues autant que d'une vive sagacité d'esprit,
est une des meilleures et des plus belles études que nous ayons sur l'or-
ganisation militaire de l'ancien régime. Bien connaître les réformes de
Saint-Germain, dit M. Mention (p. vu), c'est bien connaître en même
temps la constitution de l'armée française pendant les derniers jours de
la monarchie. Il suffira désormais de lire son livre pour connaître les
réformes de Saint-Germain et par suite l'armée de Louis XVI, l'armée
de la guerre d'Amérique qui sera la première armée de la Révolution
et arrêtera l'invasion de 1792.
A. Chuquet,
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 4 décembre iS85.
M. Alexandre Bertrand rappelle que, sur les tombes de le'gionnaires romains, qui
ont été trouvées jusqu'ici en Gaule, on voit généralement figurer une arme connue
sous le nom de para:çonium .-c'est un petit poignard à lame large et courte, que le
soldat portait dans un fourreau de métal attaché à la ceinture, au côté gauche. Les
images de cette arme, seules connues jusqu'ici, avaient permis d'en juger l'aspect gé-
néral, mais n'en faisaient pas connaître suffisamment les détails. M. Bertrand a dé-
couvert cette année en Bretagne un exemplaire assez bien conser\é de l'arme elle-
même, d'après lequel il a pu en faire exécuter une restitution complète, qu'il met
sous les yeux des membres de l'Académie.
M. Barbier de Meynard fait remarquer que le poignard présenté par M. Bertrand
est tout semblable à une arme en usage chez les Persans, et que ceux-ci portent éga-
lement attachée au côté gauche de la ceinture.
M. Bergaigne fait une communication importante sur les dernières inscriptions
recueillies dans l'Indo-Chme par M. Aymonier. Cette année, M. Aymonier avait en-
trepris l'exploration de l'Annam II s'est trouvé arrêté à Quinhou par les massacres
qui ensanglantaient le pays; mais il avait eu le temps déjà d'estamper une cinquan-
480 REVUE CIUTIQUK d'hTSTOIRE ET DE LITTERATURE
laine d'inscriptions dans les provinces de Binh Thuan, de Khanh Hoa, de Phu Yen
et de Binh Dinh. Ces provinces ont fait partie de l'ancien royaume de Tchampâ,
connu de Marco Polo sous le nom de Ciampa ou Cyamba. et qui s'étendait bien au
delà, jusqu'au Tonkin, d'où les Annamites sont descendus pour conquérir peu à peu
toute la côte orientale de l'Indo-Chine. Les inscriptions mettent hors de doute la ci-
vilisation indienne de Tchampâ et l'introduction dans ce royaume des dift'érents
cultes brahmaniques, principalement du çivaisme, ainsi que d'un bouddhisme pareil
au bouddhisme ancien du Cambodge. Elles sont rédigées, les unes en sanscrit, les
autres dans une forme ancienne de la langue tchame, encore parlée aujourd'hui dans
le Binh Chuan, et gravées dans un alphabet originaire de l'Inde du sud. Elles four-
nissent les noms d'une vingtaine de rois, tous terminés en -vaiman, et des dates
allant de 706 à i 338 de l'ère çaka (784 à 1436 de notre ère). Plusieurs d'entre elles,
non datées, sont gravées en 'caractères beaucoup plus archaïques, et peuvent re-
monter au vu* siècle de notre ère, ou même au delà. Les données historiques sont
plus précises que dans les inscriptions du Cambodge et ont une importance qui as-
sure aux inscriptions de Tchampâ une place à part dans l'épigraphie du moyen âge
indien. Le royaume de Tchampâ était souvent en lutte avec ses voisins de Java, du
Cambodge, de la Chine (avant l'émancipation des Annamites au x« siècle) et enfin
de l'Annam. Les inscriptions contiennent des renseignements précieux sur ces diffé-
rentes guerres, et particulièrement sur les expéditions maritimes des Javanais, qui
détruisirent un temple de Çiva dans la plaine de Phanrang en l'an 70g de l'ère çaka
(787 de notre ère). Elles prouvent que le nom d'Yvan, donné par les Tchams aux
Annamites, est bien le même que l'ancien nom de Yavana, donné primitivement
aux Grecs par les Hindous, ici transporté à d'autres ennemis venant également du
Nord-Ouest. Enfin, plusieurs monuments, datés de 1191 (1271) et des années sui-
vantes, portent le nom de Çrîjaj'asatyavarmadeva, répondant exactement à celui
du roi qui, d'après les annales chinoises, devint tributaire de Khoubilaï Khan en
^278, et qui fut connu de Marco Polo.
Ouvrages présentés : — par M. Siméon Luce : 1° Emile Travers, le Sceau de Loja
et la Sigillographie pittoresque , principalement en Espagne; 2° A. de la Borderie,
r Emigration bretonne en Armorique (extrait de la Revue celtique); 3" le même,
Frolssart et le début de la guerre ae Blois et de Monîfort en 1841 ; — par M. Sche-
fer : Emile Legrand, Bibliographie hellénique; — par M. Bergaigne : Etienne Ay-
MONiER, 1° Notes sur le Laos ; 2" Notes sur l'Annam, 1, le Binh Thuan; 3" ïEpi-
graphie kambodgienne {extrait des Excursions et Reconnaissances); — par M. Gaston
Pans : Ad. Tobler, le Vers français ancien et moderne, traduit sur la 2' édition al-
lemande par Karl Bkeul et Léopold Sudre.
Julien Havet.
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du 2^ novembre.
présidence de m. courajod
M. de Barthélémy communique, de la part de M. Danecourt, une note accompa-
gnant l'envoi d'une tuile laitière qui porte les lettres CL'BR- en relief, estampille
de la classis Britannica. Cette tuile a été trouvée, ainsi que d'autres spécimens
semblables, à Boulogne-sur-Mer, rue de la Porte-Gayolle, sur les bords de la Liane.
M. Mowat fait observer que l'intérêt de cette communication réside surtout dans le
fait de la découverte d'un certain nombre de tuiles dans un terrain déterminé; cette
circonstance tendrait à prouver que le quartier des équipages de la flotte romaine
était précisément à cet endroit.
M. Pallu de Lessert parle de son récent voyage en Algérie et des actes de vanda-
lisme dont il a été témoin. Il en fait remonter la responsabilité à l'Administration
qui laisse carte blanche aux entrepreneurs qu'elle emploie; la masse du public est
malheureusement indifférente au sort des antiquités ; il faudrait, par des écrits po-
pulaires et peu coûteux, développer le goût des études d'histoire locale.
M. Lecoy de la Marche présente quelques spécimens d'enluminure, et notamment
d'application de l'or en feuille sur le parchemin, spécimens qui lui ont été envoyés
par des artistes de province et exécutés d'après les recettes du « De Arle illumi-
nandi «, grâce à la divulgation qu'il en a faite.
M. Courajod compare, à l'aide de photographies et d'un moulage, un buste en
marbre du Musée du Louvre, provenant du château de Gaillon, avec une des sta-
tues d'apôtre du tombeau de Louis XII à Saint-Denis. 11 en conclut que l'auteur du
buste de Gaillon pourrait être l'un des membres de la famille italienne des Juste.
Le Secrétaire,
R. Mowat.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Pu\' :mj}r:msi-ie de Marchesxnu iîlx, boulevard Saint-Laurent, si.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N» 51 — 21 décembre — 1885
!goniinaîi-e s 2 3o. Latychew, Inscriptions grecques et latines du littoral du
Pont-Euxin. — 23i. Hersel. Les citations du Pseudo-Longin. — 232. Pauli,
Les inscriptions en nord-étrusque. — 233. Mûntz, Donatello. — 204. Corres-
pondance de Dobrowsky et de Kopitar, p. p. Jagic. — 235. Von ler Goltz, de
Rossbach à lena; Publications historiques du grand état-major allemand, i-vi;
York de Wartenbourg, Napoléon général, I. — Académie des Inscriptions. —
Société des Antiquaires de France.
23o. — Basile LArycHEW. ïusei-îptîoiies ^xtliciiii» o» se soptenti'îonalîs
Ponti Eiixîïsi gi-saeai et lutlEi:». Jussu et inipensis societatis archaeologicae
imperii russici. Vol. I, Petropoli, i885. In-4, vni-244 p.
La partie du Corpus inscriptioniim graecariim de Boeckh relative
à la Russie méridionale ne compte guère que 80 numéros. Aujourd'hui,
grâce à l'activité déployée depuis un demi siècle par les explorateurs
russes, le nombre de te:aes provenant de ces régions doit dépasser 5 00.
Plusieurs de ces inscriptions sont inédites, enfouies dans quelque mu-
sée provincial; d'autres ont été publiées, mais étaient naguère dissémi-
nées à travers une foule de recueils périodiques, de récits de voyages ou
de mémoires spéciaux, souvent rédigés en russe, c'est-à-dire inaccessi-
bles à la majorité des savants. Il devenait urgent, si l'on voulait enfin
tirer un parti sérieux de tous ces matériaux, de les réunir et de les
classer. C'est ce qu'a compris la société archéologique russe quand elle
a confié à MM. Pomialovsk et Sokoloff d'abord, puis à M. Basile
Latychew, jeune savant déjà très apprécié chez nous, le soin de rédiger
un recueil complet et commode, destiné à rendre aux études épigra-
phiques le même service que les Antiquités du Bosphore cimmérien
ont rendu aux études archéologiques.
Il faut féliciter M. Latychew de la manière dont il a entendu et exé-
cuté sa tâche. Le format choisi tient heureusement le milieu entre Fin-
folio, si peu maniable, et l'in-octavo, où les textes épigraphiques sont
trop à l'étroit. La typographie, sans viser au luxe, est correcte et claire,
le caractère adopté respecte les yeux du lecteur. L'ordre suivi est celui
qui est consacré pour toutes les publications de ce genre : en première
ligne l'ordre géographique; puis, pour chaque localité, le classement
par genres de documents, et dans chaque genre l'ordre chronologique,
autant qu'il est possible de le déterminer. Sous chaque itîscription
M. L. donne 1° l'histoire extérieure du document; 2" le texte en carac-
tères épigraphiques avec les principales variantes de lecture; 3" le texte en
Nouvelle série, XX. 5i
482 RKVUK CRITlQUIi
minuscules; 4° le commentaire exégétique; 5" pour les monuments les
plus importants, la traduction en russe. Un index de 17 pages, très pré-
cieux pour l'onomastique ', et deux fac-similés complètent le volume.
Toute cette disposition est irréprochable; cependant je ne vois pas très
bien l'utilité de la traduction russe, qui ne s'adresse évidemment qu'à un
nombre intime de lecteurs : il eût mieux valu la supprimer tout à fait
ou la remplacer par une traduction française. D'autre part le commen-
taire est parfois un peu maigre. M. L., par excès de discrétion, renvoie
volontiers aux travaux de ses devanciers, au lieu d'en extraire la
substance. Enfin je regrette l'absence de courtes notices, en tête de chaque
chapitre, résumant ce qu'on sait de l'histoire et de la topographie de
la localité. Les notices de Boeckh sont très remarquables, mais ne sont
plus tout à fait au courant de la science. Peut-être M. L. nous réserve-
t-il la surprise d'un ouvrage spécial sur ce sujet; il sera le bienvenu, car
le livre capital de Neumann (Die Hellenen im Skythenlande) en est
resté au premier volume, et la thèse latine de M. Thirion est loin
d'avoir épuisé la matière. Personne n'est mieux préparé à un travail
de ce genre que M. L., qui nous en a donné récemment un échantillon
dans son étude sur la constitution de Ghersonèse, publiée au Bulletin
de correspondance hellénique {[SS5, p. 265 et suiv.)
Même en se restreignant ainsi, l'auteur, je me hâte de l'ajouter, n'a
pas lait simplement œuvre de compilateur. Il a vérifié scrupuleusement
tous les textes sur les monuments originaux, quand il a pu les découvrir ;
ce travail, un peu ingrat, lui a fourni d'excellentes corrections, et lui a
permis d'en écarter de mauvaises -. S'il consulte volontiers ses devan-
ciers pour les « suppléments », il ne les suit pas servilement; plu-
sieurs de ses restitutions nouvelles sont très heureuses. Enfin un certain
nombre de textes, dont quelques-uns d'un grand intérêt, paraissent ici
pour la première fois. Je citerai notamment le n" 17, d'Olbia, qui com-
plète par de curieux traits le célèbre décret en l'honneur de Protogène,
— cette perle des inscriptions de la mer Noire, — et le n" 24, un des
rares décrets d'Olbia qui aient une date certaine.
Voici, maintenant, quelques observations de détail. P. i65 (Leucé).
L'inscription n° 171, donnée comme inédite, a été communiquée le
17 avril i885 par M. Egger à l'Académie des inscriptions, et publiée
dans le Bulletin de correspondance hellénique, p. 375. M. L. aurait pu
connaître au moins la communication faite à l'Académie, puisqu'il cite
dans son supplément des articles parus au mois d'avril. Le texte de
i.Lc nom Saumacos, que M. L. ne retrouve que sur une monnaie publiée par R.
Weil (p. 182) n'est peut-être qu'une variante orthographique de 2a)[J,a/0Ç, qui se
rencontre plusieurs fois à Olbia.
2. Ainsi dans linscription de Diophante (n» ]85) 1. 8, -.xHlJ.V/OÇ, h '/^ptiix rem-
place la fantastique localité Tp'Ji'a de Dittenberger. De même au no 242 (inscr. de
Scilur, une mauvaise lecture, que Boeckh avait donnée comme certaine, est justement
mise de côte.
i> HiSTOIRE ET DE Ll'iTERATURK
483
M. Egger est dailleurs fautif sur plusieurs points. — P. i8o (Cherso-
nèse). Le décret en Thonneur de Diophante, général de MithriJate, la
pièce la plus importante du recueil avec le décret d'Olbia, méritait
quelques développements, même après l'excellent commentaire de
M. Foucart (Bulletin de correspondance hellénique, 1881, p. 70). Pour
ne relever qu'un point, M. Foucart avait remarqué que Diophante est
appelé dans l'inscription fils d^Asclépiodore, tandis que Memnon lui
donne pour père Mitharos ^ Comment expliquer cette anomalie? M. F.
suppose, sans vraisemblance, qu'Asclépiodoreest la forme hellénique du
nom barbare Mitharos. M. L. n'admet pas cette explication : il aurait
pu au moins la mentionner. En revanche il aurait dû s'abstenir de repro-
duire la conjecture de Rumpf (Neue Jahrbiicher Jiir Philologie, iBBi,
p. 334) d'après laquelle M'.Oâpcu chez Memnon serait une faute pour
M'.O(paoi-ou) GTp(ar^Y)<^- Sans doute les manuscrits ont Mtôapto et la vul-
gate n'est qu'une correction de Scaliger; mais il suffit de se reporter au
texte de l'historien pour voir que Mithridate, étant le sujet de la phrase,
ne peut pas figurer comme complément dans une incidente' ! La vérité
est que le texte est corrompu, mais que ce n'est pas MiOipw qu'il faut
changer. Je lis Aiosav-o) os y.a\ (au lieu de 7(0) MtOâpco o'jvay.'.v 006; •/,. t. A.
Ce Mitharos, collègue de Diophante, et non son père, est sans doute le
même généralqu'Appien (Mith. 10] appelle MiOpaa;. (Le nom se retrouve
aussi sous la forme Mithrès à Comana et ailleurs : Bull. corr. helL,
i883, p. I 38). Cette correction me paraît d'autant plus certaine : i" que
Memnon ne donne jamais les noms patronymiques des généraux de
Mithridate; 2° qu'il a déjà mentionné Diophante antérieurement (p. 343,
Did.) et que c'est à cette occasion qu'il aurait dû indiquer le nom de
son Père, s'il l'avait voulu.
On voit qu'il faut chercher chicane à M. Latychew pour le trouver
en défaut. Je termine en espérant qu'il ne nous fera pas trop attendre
la suite de son excellente Dublication : il nous doit encore le 2^ volume
j
'inscriptions du Bosphore) et le 3" {varia supellex). C'est seulement
quand nous serons en possession de tous ces éléments d'information
que nous pourrons nous faire une idée exacte de ce vaillant petit monde
des colons grecs de l'Euxin, sentinelles perdues de la civilisation hellé-
nique dans les brumes de la Scythie, que Rome aurait négligé de re-
lever si son plus redoutable ennemi ne lui en avait pas donné l'exem-
ple.
Théodore Reinach.
1. Fr. hist. gv. Didot, III, p. 543.
2. Voici ce texte : M'.Op'.$âr/;ç C£ akAov ~t cTpatcv au/;/cv Trapscv.S'jâçe'û..,
484 Rfc.VUh CKllIQOfc
23l. — Qua In eStundis seriptoruni et paetarum locis uuctor libelli
TZiii iio'j; u»iUb sit l'Mtîone, par K. Hersel. Uerlin, 1884, in-8, 70 pages
(dissertation inaugurale).
Cette dissertation, malgré le caractère très spécial du sujet qui s'y
trouve traité, est de nature à intéresser plus de lecteurs qu'il ne semble
peut-être au premier abord. La question des citations dans le Pseudo-
Longin touche en effet à la question générale des citations dans les
rhéteurs et les grammairiens. Or tout le monde sait que le texte de ces
citations diffère souvent, dans une mesure plus ou moins notable, de
celui que donnent, pour les mêmes morceaux des grands écrivains, les
meilleurs de nos manuscrits. L'éditeur qui publie un texte classique a
presque toujours à se demander ce que valent ces variantes et quelle
en est l'autorité. Bien que la réponse ne doive pas être absolument la
même pour tous les auteurs de citations, une étude minutieuse faite
sur l'un d'eux ne peut manquer de fournir beaucoup de matériaux et
d'indications utiles pour toute autre du même genre. M. Hersel a étu-
dié le Pseudo-Longin, à ce point de vue, avec beaucoup de conscience,
de savoir et de justesse d'esprit. La conclusion qu'on tirera de son tra-
vail est que les causes d'inexactitude dans les citations étaient multiples
pour les rhéteurs et les grammairiens, et qu'on ne saurait se servir de
leurs reproductions des textes classiques qu'avec infiniment de réserve
et de prudence.
A. Cr.
232. — D' Cari Pauli. E>le ansclififtcn nortleti-uskiselaen AlpJiubets.
(Avec sept planches lithographiques). Leipzig, Barth, iS85. In-8, vin, i3i p.
L'intérêt principal de ce livre est dans les inscriptions euganéennes
d'Esté, publiées en fac-similé et en transcription. Un certain nombre
d'autres inscriptions inédites, dont plusieurs trouvées à Gurina, en
Carinthie, enrichissent ce recueil. L'auteur a réuni, en outre, toutes les
inscriptions en écriture « nord-étrusque » connues jusqu'à ce jour, par-
ticulièrement celles qui ont été classées et commentées autrefois par
Mommsen (Mémoires de la Société archéologique de Zurich^ i853).
Nous avons donc ici un recueil commode, qui ne pourra manquer
d'aller aux mains de tous ceux qui s'occupent d'épigraphie italique.
C'est seulement par l'écriture que se ressemblent les inscriptions
colligées dans ce volume, car elles se divisent, au point de vue de la
langue, en plusieurs catégories bien tranchées. Encore l'écriture des
tables de bronze trouvées à Este est-elle notablement différente des
autres. Il faudrait, pour le dire en passant, se garder d'attribuer aux
bronzes d'Esté une trop haute antiquité, d'après la forme parfois étrange j
des lettres. Sur l'une de ces tables, au milieu du texte euganéen, on!
trouve ces mo:s parfaitement lisi'oles : DEDIT LIBENS MERITO,
d'histoiriî et on r.irrÉUATunE 485
qui nous transportent en pleine époque romaine, et non la plus an-
cienne. La plupart de ces petits monuments épigraphiques se terminent
par des espèces d'alphabet, une même lettre étant répétée un grand
nombre de fois sur toute Pétendue d'une ligne. M. P. suppose que ces
tables servaient à apprendre à lire dans les écoles annexées aux temples.
Je doute que cette hypothèse trouve beaucoup d'accueil.
Au mot euganéen, M. P. préfère celui de vénète, lequel a, en effet,
l'avantage de désigner la population qui, au temps de l'époque romaine,
occupait cette région. Ce que nous pouvons lire jusqu'à présent de la
langue vénète se borne à une soixantaine de mots dont nous ignorons
le sens. M. P. croit reconnaître un génitif en -/z, -ah, -eh, -oh, dont il
rapproche les génitifs en -aihi, -eihi, -ihi^ -oihi du dialecte messapien.
Il n'est pas impossible, en effet, que nous trouvions aux deux bouts de
la Péninsule les tronçons d'une population que l'invasion latino-osque
a coupée par le milieu. Mais M. P. va plus loin, et se laissant glisser à
son tour sur la pente dangereuse de l'indo-germanisme, croit pouvoir
rattacher à la famille arienne le messapien et le vénète. Ici nous nous
séparons de lui, refusant absolument de reconnaître une langue indo-
européenne, soit dans les mots qu'il a déchiffrés sur les tables d'Esté, soit
dans ceux que M. Deecke a récemment extraits des inscriptions m.essa-
piennes. II semble que le piège de Tindo-germanisme menace de saisir
une nouvelle victime.
Où M. P. est sur un terrain plus solide, c'est quand il s'occupe des
inscriptions en caractère « nord-étrusque » qui recouvrent des mots
gaulois. Nos celtologues feront bien d'étudier cette partie de son tra-
vail, où ils trouveront de précieuses indications. En ce qui concerne
les dates qu'il assigne aux différentes espèces d'inscriptions, M. P. se
montre d'une modération rare en pareille matière : il les place entre
l'an 260 et l'an i5o av. J. C.
En résumé, l'auteur, qui défriche un sol vierge, a résolument abordé
quantité de problèmes difficiles; on peut le trouver hardi quelquefois,
mais sans cette hardiesse ii n'aurait pas fait son livre. Grâce à lui, nous
possédons aujourd'hui, sous un format commode, tout un nouveau
chapitre d'épigraphie, déjà utile à consulter et riche en promesses pour
l'avenir.
Michel Bréal.
233.— E>onatelîoe par Eugène Mûntz. Paris, J. Rouam. i885; gr. ip.-8 de ! 20 pp
Prix : 5 fr.
M. Muntz est infatiga'ole. Son livre sur la Renaissance en Italie et
en France est à peine paru qu'un nouveau volume sollicite l'attention
de la critique. Celui-ci n'a ni les mêmes proportions, ni la même por-
tée; il constitue cependant pour l'auteur un nouveau titre à la recon-
486 KKVUK CUIliyU!
naissance du public. C'est la première fois que paraît un livre aussi
complet sur la vie et l'œuvre de Donatello. Le texte clair, précis, résu-
mant et complétant les travaux antérieurs, est accompagné de 48 gra-
vures sur bois. J'aurais aimé voir mentionnée dans l'ouvrage, ne fût-ce
que pour en établir la non-authenticité, s'il y a lieu, la pierre tombale
du cardinal Angelo Acciaccoli à la chartreuse du Val d'Ema. A propos
des bas-reliefs destinés à la tribune des orgues du Dôme de Florence,
M. M. remarque avec raison (p. 5o) les fâcheux effets qu'ils produisent,
déposés, comme ils le sont, sur le sol, au musée de Bargello. Il aurait
pu annoncer qu'on s'occupe de rétablir la tribune dans la grande salle
du musée, ce qui permettra de bien jouir des bas-reliefs, de les juger à
distance et à leur véritable point. — Ce livre vient à son heure, à la
veille des fêtes du centenaire de Donatello. que doit donner, au mois
de mai prochain, la ville de Florence toujours jalouse de célébrer ses
gloires. Il a de plus l'honneur d'inaugurer une série de volumes, com-
prenant des biographies et des notices critiques sur les Artistes célèbres
de tous les temps. Des noms de valeur très diverse figurent sur la liste
des collaborateurs; la science n'est pas en droit de compter également
sur tous. On peut espérer malgré cela que la collection conservera une
unité de méthode qui assurera son succès. Il appartiendra à M. Miintz,
chargé de la direction, de maintenir le caractère sérieux et critique des
travaux. On doit engager Féditeur à donner moins de gravures et à les
donner meilleures; quelques-unes des illustrations du présent volume
interprètent trop infidèlement l'œuvre du maître florentin.
P. DE NOLHAC.
184. — Brîerweehseî z^vîsclien Doîivo-w<=.Uy «iieî fiîopîtïïî" (BJiOS-Sî^SS)
hcrausgegeben von V. Jagic. Un vol. grand in-8 de cvu-ysi pp. Berlin, i885,
Commissionsverlag der Weidmann'schen Buchhandlung.
Ce volume, bien que mis dans le commerce à Berlin, fait partie des
publications de TAcadémie des sciences de Saint-Pétersbourg. Il est im-
primé à Pétersbourg et il porte un second titre russe : Sources pour
l'histoire de la Philologie slave, Tome I. Nous ne pouvons que félici-
ter l'Académie d''entreprendre cette collection ; nous signalions ici même
l'an dernier à propos de la correspondance de Pogodine ', Tintérêt de
ces publications qui nous font pour ainsi dire assister à l'enfantement
des grandes œuvres par lesquelles le monde slave a été renouvelé dans
la première moitié du xix^ siècle. On sait quel rôle considérable Do-
browsky et Kopitar ont joué dans cette période de renaissance; à vrai
dire, ni Tun ni l'autre ne soupçonnait les résultats politiques que leurs
études préparaient. Ils n'étaient ou croyaient n'être que de purs philo-
I. Voir la Revue critique du 17 novembre 1884.
d'histoire RT de LITTÉRATURK 487
logLies; si l'on eût dit à Dobrowsky que la Bohême cinquante ans après
sa mort posséderait une université tchèque, un théâtre tchèque, une
majorité slave dans sa diète, on l'eût singulièrement étonné; si Ton
avait annoncé à Kopitar — originaire de Carniole — que la renais-
sance littéraire des Slaves méridionaux aboutirait au mouvement illy-
rien, à la prise d'armes de Jellacich contre les Magyars, il eût peut être
reculé devant ces conséquences peu prévues d'études qu'il croyait pure-
ment grammaticales. Ce qui caractérise cette correspondance, c'est
qu'elle est entièrement consacrée à la science pure; de 1808 à 1828,
pendant vingt années dont quelques-unes furent marquées par de gran-
des batailles, des démembrements, des traités de paix, des congrès à ja-
mais mémorables, le linguiste de Prague et celui de Vienne semblent
absolument indifférents à tous les bruits du dehors; les seules questions
qui les préoccupent, c'est la découverte du ms. de Freisingen, c'est de
savoir quand Dobrowsky publiera ses Institutiones lingiiœ slavicœ dia-
lecti veteris, c'est de fixer la patrie réelle de l'idiome slavon, c'est de
déterminer l'étymologie de tel ou tel mot difficile, c'est d'inventer un al-
phabet commun à tous les idiomes slaves. Je n'engage point les débu-
tants m re ^/iiiv/ca à lire ce volume; ils y trouveraient une foule de
solutions ou d'affirmations qui sont aujourd'hui sorties du domaine de
la science ou plutôt qui n'auraient jamais dû y entrer. Les méthodes
d'alors n'étaient point ce que sont celles d'aujourd'hui et plus que tout
autre science la slavistique a progressé depuis quatre-vingts ans. Ce qui
a plus d'intérêt pratique, ce sont les renseignements que ces lettres nous
fournissent sur la plupart des hommes qui ont colla'ooré à la renais-
sance slave, sur Appendini (très bien jugé par Kopitar) sur Bandtkie,
Vodnik, Vouk Karadjitch dont Kopitar seconda les débuts avec un zèle
des plus méritoires, sur Hanka dont il proclame la science et dont il
dévoile les falsifications, sur l'historien Engel, les académiciens russes
Kœppen, et l'enthousiaste Schichkov, qui pour être amiral, se croyait
slaviste ',sur l'écrivain serbe Obradovitch, sur le baron Zoïs ce généreux
Mécène des Slaves méridionaux, sur Schafarik, Palacky, Jungmann, les
Jeunes coryphées d'un mouvement plus historique que grammatical,
plus patriotique que théorique, qui déconcerte et agace singulièrement
le patriarche de Prague et le pacifique bibliothécaire de Vienne. Les ju-
gements des deux correspondants sont loin d'être infaillibles; la décou-
verte du rhinisme slavon par Vostokov, découverte qui a renouvelé l'é-
tude de la phonétique, est traitée par Dobrowsky de grille, (toquade).
A propos du Jeune Palacky qui travaille à son histoire de Bohême, il
cite avec dédain le vers classique : Partiiriunt montes. On sait aujour-
I. Dobrowsky est préoccupé de trouver pour les Slaves un alphabet universel.
Schichkov lui propose l'alphabet russe : « Auf die Einwendung dass selbst einige
Russen mit lateinischen Lettern zu schreiben Lust hatten war die Antwort : sol-
chen Leuien soll man die Kœpfe abschiagen i^durch den Henker N. B.; ! Diess
denationalisire ein Volk in der Folge (p. 366). » On sait l'attachement de M. de Bis-
marck pour l'alphabet allemand.
488 RRVUR CRITIQUE
d'hui si le jeune historien a tenu sa promesse; quand à Schafarik il
l'exécute en deux mots: ein iinseliger abschreiber und phrasendrechsler .
La postérité remet toute chose à sa place : On ne lit plus les Institua
tiones linguœ slavicœ; on consulte encore les Antiquités slaves.
Une correspondance aussi complexe et où les questions les plus déli-
cates sont abordées à chaque page, aurait besoin d'un commentaire per-
pétuel. Nul n'était plus en état de le donner que M. Jagic; mais dans
bien des cas les notes eussent été plus longues que le texte; la tâche de
réditeur eût été trop lourde; M. J. s'est borné à reproduire les lettres en
fac simile, avec leurs abréviations, leurs allusions parfois peu intelligi-
bles. Une introduction d'une centaine de pages, écrite en langue russe,
donne de nombreux détails sur la biographie et les travaux des savants
cités dans la Correspondance. Trois index accompagnent le volume :
l'un comprend les noms d'hommes, l'autre la liste des mots étudiés par
les correspondants (le plus souvent au point de vue étymologique), le
troisième enfin est un index reriim; il permet de se faire, à première
vue, une idée des questions scientifiques qui préoccupaient alors le
monde slave. L'ouvrage se termine par des fac simile de l'écriture de
Dobrowsky et de Kopitar. 11 est précédé d'un portrait de Dobrowsky;
nous ne savons si les travaux de M. Jagic lui permettront de poursui-
vre cette collection qui peut être considérable. En le félicitant de ce
nouveau service rendu à la science, nous remercions également M. M.
Miklosich et Paiera qui ont mis à sa disposition, l'un les originaux des
lettres de Dobrowsky, l'autre la copie de celles de Kopitar '.
L. Léger.
235. — I. Colmar Freilieri* von der Goltz (Major im Generalstabe), Rossbach
und lena, Studien ûber die Zustœnde und das geistige Leben in der preussischen
Avmee waehrend der Uebergangszeit von xviii. zum xix. Jalirhundert, mit zwei
Schlachtplaenen, i883. Berlin, Minier und Sohn (Kochstrassc, G9-70). In-8,
ix-3o8 p. et 55 p. d'appendice. Prix : 7 mark.
II. Ki-îegsgescliielitliclie Einzelsclirîften, herausgegeben vom Grossen
Generalstabe, Abtheiiung fur Kriegsgeschichte. Berlin, Mittler ; six fascicules
formant le premier volume; i^'^'fasc., 2° édition, i883. In-8, vnr et i2q p. avec
quatre cartes. 2 mark 5o; — 2® fasc, i883, iv et 129 p. avec une carte. 2 mark 5o;
— y- fasc, 1884, i56 p. 2 mark 5o; — 4' fasc, 1S84, iv et 07 p. avec un plan.
2 mark 25 ; — 5« fasc, 1884, i38 p. 2 mark; — 6'' fasc, i88b, 184 p.
III. ^Mpoleon aïs Fcldlici'r, von Graf York von Wartenburg, Hauptmann
aggregirtdem Generaktabe. i885. Erster Theil. Berlin, Mittler. In-8, iv et 348 p.
Nous réunissons en un seul article plusieurs volumes qui ont plu-
I. Une publication aussi complexe ne va pas sans quelques fautes d'impression. M. J.
en a relevé un certain nombre à la fin du volume. Je lui demande la permission d'en
signaler deux ou trois. P. 364 : Grcsci, écrit Kopitar, volunt novam typographiam
erigcre, item Arabia Arida, scrbica jam stat. On ne voit pas ce que l'Arabie aride
vient faire dans la phrase; lire item arabica, annena, serbica jam stat; P. 699, dans
la lettre serbe de Karadjitcii (dernier paragraphe, ligne, I,; lire putovao au lieu de
kupovao qui n'a pas de sens.
d'histoire et de LITTÉR.VTUKE 489
sieurs traits communs; ils sortent de la même librairie, de celle de
Mittler, le Dumaine de Berlin; ils traitent de Phistoire militaire de la
Prusse et de la France ; ils ont pour auteurs des officiers du grand
état-major général.
I. Le livre de M. von der Goltz, intitulé Rossbach et lena, est très
important et mérite un article détaillé. Disons d'abord tout ce qu'il ren-
ferme pour le critiquer ensuite, comme le mérite un ouvi^age de la plus
grande valeur. Il y a un demi siècle, dit M. v. d. G., entre Rossbach et
lena; comment la monarchie du grand Frédéric s'est-elle écroulée sou-
dainemant, en un seul jour? Il montre d'abord que la politique mal-
heureuse de la Prusse fut une des principales causes de la catastrophe ;
qu'on se battit en iSo6 comme par désespoir, dans les circonstances
les plus défavorables, sans attendre les secours de la Russie; il eût fallu
se battre en i8o5, lorsque l'enthousiasme régnait encore, et non une
année plus tard, lorsqu'on se défiait du commandement supérieur, lors-
qu'on sentait instinctivement que Fheure décisive était passée, lorsqu'on
se repentait d'avoir perdu Toccasion et mettait dans les préparatifs une
hâte fiévreuse et funeste, lorsque l'armée entrait en campagne avec une
« disposition maladive » (krankhafte Stimmung). M. v, d. G. insiste
aussi sur le manque de patriotisme; Parmée était, dit-il, soumise à
l'esprit du temps; la population ne fit même pas une résistance
passive, elle accueillit l'ennemi sans la moindre répugnance et les
lettrés retracèrent dans les journaux du temps les opérations militaires
de I806 avec le même flegme que s'il s'agissait des guerres de l'Angle-
terre dans les Indes. On avait perdu le sentiment national et l'amour
du pays; on attendait tout de TEtat, sans rien vouloir lui donner en
échange; la Prusse traitait Tarmée en marâtre, ne payait que très mal
les officiers, ne donnait pas d'avancement, accoutumait le soldat à la
vie bourgeoise. En outre, ajoute M. v. d. G., on avait une fausse idée
de la guerre; on la regardait comme un jeu où il s'agissait de déployer
plus ou moins d'art et de méthode, où il fallait combiner plutôt que
batailler, où il suffisait de s'avancer en échelons pour faire fuir l'ennemi ;
on ignorait de parti-pris l'emploi des tirailleurs en grandes bandes, etc.
Voilà à peu prés tout ce que nous expose M. v. d. G. avec force détails
curieux, et en nous citant une énorme quantité de documents qu'il a dé-
couverts dans les archives de Tétat-major général ou tirés des journaux et
des mémoires de Tépoque; ce qui mena la Prusse de Rossbach à lena,
conclut-il, ce fut, non pas Torgueil des gentilshom.mes, le jimkerlicher
£/eèermw?,mais la politiquequivoulutemployerla ruse sansla force, l'idée
raffinée d'un système de guerre désormais impuissant, l'action qu'exerça
sur l'armée l'esprit du temps, cet esprit de YAufklorung et de fausse hu-
manité dégénéré en égoïsme, la peur de perdre dans une guerre toutes les
ressources de l'Etat, la timidité du roi qui y voyait clair, plus clair que
ses conseillers, mais qui, par modestie, se subordonnait à leur jugement,
la crainte de déplaire au pays ou de le surcharger, l'économie mala-
490
REVUE CRITIQUE
droite, enfin une piété pour le passé qui s'attachait aux choses extérieu-
res, et non à Tessentiel. En somme, selon M. v. d. G., Tarmée prus-
sienne est à peu près innocente de la catastrophe ; elle se battit bien,
c'était encore l'armée de Frédéric; elle avait la même composition; on
l'admirait partout; ses défauts, et ils étaient en petit nombre, existaient
déjà au temps du grand roi (p. 94-182). Les chefs eux-mêmes ne méri-
taient pas tous les reproches qu'on leur fit ensuite; on les a critiqués
sans pitié; mais ils n'étaient pas aussi vieux qu'on l'a dit; avant la catas-
trophe, on les accablait d'éloges, et M. v. d. G. déclare que Parmée
de ce temps-là « avait des généraux expérimentés et des officiers d'état-
major habiles » (p. 30-49). D'ailleurs, jamais on n'avait tant travaillé
dans l'armée; jamais on n'avait préparé plus énergiquement autant de
réformes ni rédigé autant de mémoires instructifs; on avait créé un
conseil supérieur de la guerre, qui montra une « étonnante activité »
(p. iio), favorisé les écoles militaires, etc.; quand on parcourt, dit
M. V. d. G., les volumes d'actes jaunis de cette période, on s'écrie invo-
lontairement « comment est-il possible qu'une armée où l'on a remué
tant d'idées et fait tant d'efforts, ait été battue? » L'auteur, ébloui, aveu-
glé par la masse de documents dont il disposait, a donc voulu réhabiliter
l'armée prussienne. Il croit, assez naïvement, qu'on a « pensé et tra-
vaillé » (gedacht und gestrebt) de 1792 à 1806; on a pensé peut-être,
mais travaillé utilement, non. Qu'importe que Rûchel, Knesebeck,
Gneisenau et tant d'autres aient couché par écrit d'excellentes proposi-
tions et de beaux plans de réforme, si leurs manuscrits n'ont servi qu'à
s'empiler dans les archives de l'état-major d'où les tire aujourd'hui un
savant officier? Qu'importe qu'on ait organisé des commissions et ré-
digé rapports sur rapports, si ces commissions ont été impuissantes, si
ces rapports n'ont pas été suivis d'effet ? Qu'importe que le corps des
officiers ait été très instruit, qu'on ait enseigné la philosophie, l'histoire
et le style dans les écoles militaires, que Gneisenau ait chanté en vers
lessuperbes paradesde l'armée prussienne, que Scharnhorst, que Massen-
bach, PhuU aient fait à la société militaire de jolies conférences sur l'art
de la guerre, et composé de brillants panégyriques de Frédéric II, du
prince Henri, de Ferdinand de Brunswick, si ces hommes doués de
tant de qualités, ont faibli au jour de l'action et n'ont pu résister à la
stratégie de Napoléon? M. v. d. G. l'avoue lui-même (p. 3o2) ; tous ces
projets de réorganisation militaire pleins d'une « franchise philosophi-
que » et d' « un amour intrépide de la vérité », « n'aboutissaient, après
des détours infinis, qu'à cette conclusion, qu'au fond l'état actuel était
le meilleur, et l'armée prussienne, la première du monde » ; ils « éprou-
vaient toujours quelque part de la contradiction et n'avaient pas de
suite, ou bien n'étaient qu'à demi exécutés » (p. 143). M. v. d. G. ne
veut pas reconnaître que les troupes prussiennes n'étaient plus ce qu'el-
les étaient sous Frédéric II; il ne cite que les documents qui leur sont
favorables; il oublie de nous dire que dès 1789, le prince de Ligne écri-
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE 4g I
vait à Kaunilz que tout avait dégénéré en Prusse, et que dès 1792 Minu-
loli avoue la supériorité des tirailleurs français; il ne tient aucun compte
des témoignages de Toulongeon et de l'officier anonyme de 1786, de
l'émigré Dampmartin, de Mirabeau sur Fartillerie prussienne « infé-
rieure à celle des Saxons », etc. Il y a donc quelques exagérations dans
ce volume si plein de choses. Nous avons dit que M. v. der Goltz
prétend que les généraux de 1806 étaient relativement jeunes; maison
sourit en lisant quelques lignes plus loin que Brunswick avait 71 ans,
Winning 70, Kalkreuth, 69, Hohenlohe, 60 (p. 48-49). On ne trouve
que très peu d'erreurs: p. 44 Hohenlohe commandait, non pas Taile
gauche, mais l'avant-garde de l'armée et M. v. d. G. le confond avec
son cousin, Hohenlohe-Kirchberg, l'Autrichien; p. i35, Frédéric-Guil-
laume III connaissait Ruchel depuis 1792 (voir ses Réminiscences) et
l'avait vu en octobre au quartier général de Consenvoye. Mais n"'est-il
pas bizarre que l'auteur débute par un récit des deux batailles de
Rossbach et d'Iena? A quoi bon ce récit , puisqu'il n'est plus question
de Rossbach dans le courant du livre, puisque M. v, d. G. ne veut traiter
que de « Tétat et de la vie intellectuelle de Tarmée dans la période de
transition du xvin* au xix^ siècle. »? D'ailleurs, s'il racontait léna, il
devait raconter Auerstaedt, et il semble ignorer la bataille livrée par
Davout. Enfin il se répète souvent et se contredit par instants; son
ouvrage paraît rédigé un peu hâtivement ; au moins vaudrait-il mieux,
s'il était plus condensé; l'ordre et la lumière font parfois défaut; on a
peine à s'orienter dans ce livre touffu. Néanmoins M. v. d. G., quoique
soldat dans l'âme, est en même temps un écrivain; l'auteur de Gam-
betta et ses armées et du Peuple en armes s'exprime avec vivacité,
avec verve, souvent avec éclat; il a rassemblé dans cet ouvrage un grand
nombre de matériaux intéressants qu'on est aise d'y trouver et que d'au-
tres sauront un jour mettre en œuvre : Rossbach et lena est une véri-
table mine d'informations sur l'armée prussienne depuis la mort de Fré-
déric II jusqu'à 1806.
II. Les écrits d'histoire militaire (kriegsgeschichtliche Ein:{^elschrif-
ten) que publie la section historique du grand état-major général
allemand doivent former une collection considérable qui fait pendant à
celle des grandes œuvres d'ensemble, comme l'histoire de la guerre de
1870. « Ils seront consacrés surtout, dit la préface du premier fascicule,
à des épisodes de la dernière lutte, et donneront des renseignements sur
d'importantes questions, comme l'usage et les services des différentes
armes, la petite guerre, le service de sûreté, la fortification, la composi-
tion et l'entretien des armées. Ils publieront également les docu-
ments des archives de l'état-major ou des travaux composés sur ces
documents et destinés à enrichir nos idées sur la guerre, à rendre
possible un jugement plus profond et plus juste des événements et des
personnages. Leur principal but est d'exciter le goût de ces études
/
492 REVUE CRITIQUE
d'histoire militaire que notre armée a toujours pratiquées avec prédilec-
tion, et les travaux que nous enverront de leur propre mouvement les
officiers de Tarmée allemande, seront accueillis dans ces fascicules. »
1. Six fascicules ont paru depuis i883. Le premier contient : i° une
étude sur les préparatits de guerre et les plans d'opérations de la Prusse
en i8o5 (Die preussischen Kriegsvorbereitungen und Operationsplane
von iSo5, p. i-ioi); c'est le travail historique le plus remarquable de
la collection qu'il inaugure dignement. L'auteur expose les mesures qui
furent prises lorsque le corps de Bernadette eut, sur l'ordre de Napo-
léon, violé la neutralité prussienne en traversant le territoire d'Ansbach :
deux mobilisations successives, plan du duc de Brunswick, mouve-
ments des troupes, mémoires des généraux, conférences militaires, etc.
Pendant ce temps Haugwitz allait trouver Napoléon ; mais déjà Mack.
avait capitulé à Ulm et la bataille d'Austerlitz était gagnée ^; la Prusse
traita, et renvoya ses troupes (Demobilmachung, dit Fauteur). Cet
exposé est accompagné des tableaux des corps d'armée et de leurs posi-
tions respectives. Les conclusions sont importantes et méritent d'être
résumées (p. 5o-58) : la Prusse disposait environ de 200,000 hommes,
Hessois et Saxons compris; mais elle ne voulait consacrer à l'opération
décisive que 75,000, en mettre 25, 000 sur le flanc de cette grande
armée pour la couvrir, et laisser le reste en réserve ; ce plan de Brunswick
était très mauvais; le généralissime projetait de menacer les communi-
cations des Français et croyait contraindre l'adversaire à la retraite par
« la puissance de la manoeuvre » (expression de Massenbach); on com-
mettait en i8o5 les fautes qu'on devait commettre l'année suivante. —
2° Die Unternehmung des Détachements von Boltenstern im Loir-
Thale am 26 und 2-] De\emher i8jo (p. 103-129). Ce détachement
commandé par le lieutenant-colonel de Boltenstern, devait touiller la
vallée du Loir ; il fut entouré par les troupes du général de Jouffroy et
parvint à percer. On se tire presque toujours du danger, conclut l'au-
teur du travail, par le courage et la résolution -.
2. Le deuxième fascicule renferme : 1° des papiers du prince Auguste
de Prusse relatifs à l'histoire militaire (ans dem kriegsgeschichtlichen
Nachlasse des Prin-{en August von Preiissen, p. 1-104); ce sont des
notes ou des rapports de ce prince sur Auerstàdt (récit très intéressant
qui comprend non seulement la bataille, mais la retraite de l'armée et
la capitulation de Prenzlau), sur Gross-Gôrschen (2 mai 18 1 3), Bautzen,
Culm, Leipzig, sur le combat de Fromentières (14 juin 1814), sur les
batailles de Laon et de Paris, des relations du siège et de la prise de
Maubeuge, de Landrecies, de Philippeville, de Marienbourg, de Rocroy
et de Givet en i8i5, enfin des remarques sur la guerre de siège. Les
1. L'auteur raconte brièvement la campagne de Napoléon en trois chapitres, IV,
'VII et IX sous le titre « les derniers événements du théâtre de la guerre ».
2. Ce fascicule contient 4 cartes : i" les armées le 2b nov. et 2" à la fin de
déc. i«o5; 3" Perche, Beauce et Sologne; 4° combat de Montoire.
d'histoire et de littéhaturk 4q3
rapports du prince, dit Téditeur de ces documents, contiennent une
foule d'indications importantes; ils racontent les événements avec une
extraordinaire clarté, sans prétention, dans la langue simple du soldat;
ils témoignent de Théroïsme de ce prince et de ses aptitudes éminentes
au maniement des troupes ; — 2" la surprise de Fontenoy-sur-Moselle le
22 janvier 1871 (der Ueberfall von Fontenoy^ p. 107-209). On se
rappelle cet épisode de la dernière guerre; il est raconté avec le plus
grand détail d'après les archives de l'état-major prussien et les récits
français de MM. Rambaux et Ernouf. « Quoiqu'il n'ait pas causé, écrit
Fauteur (p. 107, 128-129) ^^ préjudice essentiel aux opérations et que
nos trains aient dû prendre pendant huit jours seulement une autre
voie, celle de Metz-Reims-Epernay, il mérite toute notre attention; les
préparatifs et le développement de l'entreprise jettent la lumière sur ce
qui se passe en général sur les derrières des armées en campagne;
d'ailleurs, avec le perfectionnement des moyens explosifs et la facilité de
leur transport, des succès semblables à celui de Fontenoy s'obtiendront
désormais plus facilement, et nous devons, nous aussi, songer à l'emploi
de pareils moyens ».
3. On trouve dans le troisième fascicule trois études : i" un plan de
mobilisation dans le Brandebourg en 1477 (ein Brandenburgischer
Mobilmachungsplan ans dem Jahre i4'/'j ^ p. i-36); c'est la reproduc-
tion, — avec une traduction qui nous semble trop peu littérale, — de
ce plan dressé par l'électeur Albert Achille de Brandebourg. Le plan, un
des documents les plus anciens et les plus importants qu'on possède sur
l'histoire militaire de la Prusse, a pour titre « Praeparatoria ■{um
Feld:{ug Kiirfiirst A Iberti ruider Hert^og Hansen von Sagan 7> ;
l'électeur v donne les instructions nécessaires oour mettre en marche
une armée qui devait combattre le duc de Sagan. L'éditeur a fait précé-
der ce texte qu'il imprime exactement tel qu'il est écrit, d'une introduc-
tion sur les préliminaires de cette guerre de 1477; il y ajoute des
éclaircissements sur quelques mots, comme Trabanten , Bafesen
(boucliers), tâglicher Krieg, Rennbanner, etc. — 2° Contributions à
l'histoire de la seconde o^utn'Q àtSÀlésio. (Beitrdge :{iir Geschichte des
:{ipeiten schlesischen Krieges, p. 37-124, avec une carte). On sait que
les Allemands nomment « seconde guerre de Silésie « la campagne de
1745 marquée par les noms de Hohenfriedberg, de Soor et de Kes-
selsdorf. Avant Hohenfriedberg, Frédéric II occupait la Silésie entre
Breslau et Neisse et gardait la défensive jusqu'au moment où l'armée
austro-saxonne passerait les niontagnes. Son avant-garde postée sur la
frontière, de la Lusace au comté de Glatz, était commandée par le
lieutenant-général Truchses§ (puis par Du Moulin) et l'avant-garde de
cette avant-i<arde car le colonel Winterfeldt, Ce Winterfeldt. homme
de main, à îa fois avisé et résolu, prudent et énergique, avait mission
d'informer directement le roi de ce qui se passait et de lui donner de sû-
res nouvelles de l'ennemi; il envoya de si bons avis et se conduisit lui-
(
l
494 RKVUK CRITIQUE
même si brillamment en repoussant le 22 mai Nadasky à Landeshut
qu'il fut nommé général- major. On nous donne dans ce fascicule les
lettres de Winterfeldt au roi de Prusse et deux relations qu'il rédigea
sur le combat de Landeshut. Frédéric ajoute parfois à la marge des
lettres de son lieutenant de brèves remarques qui prouvent en même
temps l'infatigable activité de son esprit, une infaillible sagacité et une
extrême confiance en Winterfeldt, Outre cette correspondance — qui
nous renseigne sur la manière de combattre des troupes légères de Fré-
déric, sur le service de sûreté, sur les reconnaissances, sur les raids de
l'époque, — l'éditeur publie encore une lettre et un rapport du général-
major de Rochow à Frédéric sur un combat livré à Mocker et à Dobers-
dorf le 4 mai 1745; il s'agissait de couvrir le transport d'un convoi. —
3° La marche de la 6^ division de cavalerie à travers la Sologne j^(^er
Zug der 0. Cavalleriedivision durch die Sologne vom 6-1 5 December
iSyo, p. 1 25-1 56). Après la cavalerie de Frédéric II, celle de Frédéric-
Charles. Ce troisième travail du fascicule nous retrace la marche de la
6'"- division de cavalerie commandée par le général de Schmidt et char-
gée, après la reprise d'Orléans, de poursuivre les Français et de leur faire
tout le mal possible; elle n'obtint pas de grands résultats, dit à peu près
Fauteur du travail ip. 141- 143), à cause des difficultés de terrain que
lui offrit la Sologne; elle occupa la ville de Vicrzon et dut y rester; elle
n'avait pas de bonnes armes à feu; il lui manquait le soutien de Tinfan-
terie et de l'artillerie; néanmoins elle eut « hardiesse, vigueur de réso-
lution et ténacité; la conduite des hussards qui poussèrent jusqu'à
Nouan, l'obstination des escadrons qui demeurèrent à Vierzon, les
courses habiles des colonnes volantes qui allaient au loin détruire les
chemins de fer, les marches audacieuses de la moindre patrouille, tout
cela se fit en un pays malaisé et par un temps très défavorable durant
l'espace d'une semaine et demie ; voilà la tâche qu'accomplit notre cava-
lerie, et avec Tarmement et la préparation qu'on lui donne aujourd'hui,
elle l'accomplira bien plus facilement encore » (p. 144).
4. — Le quatrième fascicule ne renferme qu'un seul travail signé par
son auteur, l'officier Deines; il est consacré à l'artillerie de siège devant
Paris en 1870 71 (die Tutigkeit der Belagerimgs-artillerie vor Paris
im Kriege iSjo-iS-] 1). C'est une étude minutieuse et bourrée de dé-
tails, un peu confuse, à ce qu'il nous semble, mais qui sera très utile
aux futurs historiens de la guerre franco-allemande. L'auteur montre
que l'artillerie de siège prussienne trouva d'abord de grands obstacles ;
on n'avait que des moyens insuffisants; on n"était pas préparé à cette
vaste opération, en tâtonna, on ne savait trop (comme l'indique le plan
proposé le ^o septembre par les chefs de l'artillerie, p. 37) quel point d'at-
taque on devait choisir ; ce ne fut qu'après des mois qu'on attaqua les
torts du sud et on ne put vaincre l'artillerie ennemie qu'avec peine et
non sans pertes considérables (p. 1 20). Cette étude technique qui donne
une haute idée du tir de l'artillerie prussienne, mais où on lit volon-
0 MisTOiU!: KT DK, l; f I KR.xTUKa 4g5
tiers réloge des défenseurs de Montrouge et de leur fermeté indompta-
ble, est accompagnée d'une superbe carte de Paris et des environs.
5. — Le cinquième fascicule contient : i" un travail sur les campa-
gnes des Brandebourgeois et des Polonais contre les Turcs de 1671 à
1688 [Brandenbiirgisch-Polnische Turkeniiirge von lôj 1-1688, p. i-
29); le Grand-Electeur devait, de parle traité du 6 novembre 1657 signé
à Bromberg, fournir au roi et à la république de Pologne, dans toutes les
guerres, un corps d'auxiliaires; l'auteur du travail raconte la part que les
troupes de l'Electeur prirent aux campagnes de 1674, de 168 3 et de 1684;
il n'a pu consulter que très peu de documents, mais il en dit assez pour
montrer la composition et Téquipement de ces corps d'auxiliaires; il
donne de sérieux renseignements sur les premières prouesses de l'armée
prussienne et en particulier du premier régiment de grenadiers; il montre
que les troupes du Grand-Electeur eurent beaucoup à souffrir en com-
battant sous le drapeau de la Pologne et que leur faiblesse numérique,
l'indiscipline, les prétentions et le mauvais vouloir de leurs alliés, le man-
que de solde, la difficulté des subsistances, leur causèrent des pertes con-
sidérables; 2" la première partie du Journal du général de cavalerie
comte de Nostitz (das Tagebucli des Gênerais der Cavalerie Grafen
von Nostit^^ 3o-i38); Nostitz fut aide du camp de Blucher qu'il sui-
vit pendant les campagnes de i8i3ài8i5; on publie d'abord sa biogra-
phie écrite par lui-même [Lebenslaiif, p. 31-44), puis son Journal des
guerres de 181 3 et de i8 14, où l'on trouve une foule de souvenirs per-
sonnels très curieux (cp. l'anecdote p. i3osur le large chapeau de dame
que Bliicher avait trouvé dans une maison de Fismes et dont il se
coiffa pendant quelques jours au grand étonnement de la population).
Les détails que donne Nostitz sur la surprise de Brienne (cp. 77) sur
les batailles de La Rothière, de Montmirail, de Champaubert, sur la
maladie de Blucher, sur le combat de Fère-Champenoise, sur la prise
de Paris, sont également très instructifs.
6. — La suite du Journal de Nostitz, consacrée à la campagne de
181 5, se trouve dans le sixième fascicule (p. 1-97). On y remarquera
une conversation de Nostitz avec Marmont qui lui indique un plan de
campagne (p. 5), le récit des événements qui précèdent Waterloo et de
cette bataille que les Allemands nomment la bataille de Belle-Alliance
oti « deux généraux de nation différente, à la tête de deux grandes ar-
mées indépendantes, tous deux en possession d'une gloire militaire in-
contestable, remplirent leur engagements réciproques avec une si cons-
ciencieuse fidélité )) (p. 45). Gà et là des anecdotes : colère du vieux
Blucher en apprenant Féchec de Sohr et de ses deux régiments de hus-
sards sur la route de Versailles (p. 62) ' ; soupe des soldats prussiens
jetant dans la marmite oii cuit une poule, du Champagne qu'ils pren-
nent pour de la mauvaise bière blanche (p. 64); mot de Blucher, por-
tant un toast au piquenique de Saint-Cloud et souhaitant, devant Met-
I. Lire Exelmans et non Exeï>nanu.
496 RKVUE CRITIQUE
ternich, Hardenberget Nesselrode, que les diplomates ne gâtent pas pour
la seconde fois ce qu'ont fait les armées (p. 70) ; opposition ouverte du
feld maréchal et du chef de l'état-major, général Grolman, aux plénipo-
tentiaires de la Prusse (p. 76-77); passage de la duchesse d'Angoulême
à Rambouillet (p. 81 ; elle refuse de voir Blucher et d'entrer dans une
maison « où règne le vandalisme ») ; séjour de Blucher à Chartres et à
Caen ; sa réponse au duc d'Aumont qui le prie d'arrêter Grouchy
« croyez- vous que Je veuille être le bourreau de voire roi, j'ai combattu
Grouchy tant qu'il avait l'épée à la main, mais aujourd'hui qu'il est
désarmé, je n'irai pas le surprendre et le faire prisonnier » (p. 86-87). —
Le sixième fascicule renferme, en outre, une étude fort attachante en ce
temps d'entreprises coloniales. « La Prusse sur la côte occidentale de
l'Afrique» (Brandeiû>urg-Preussen auf der Westkiiste von Afrika. 1 681-
1721, p. 99-184). Cette étude est divisée en trois chapitres : 1° Les en-
treprises maritimes des auîiées i68o-8i (un Hollandais, l'armateur
Raule qui dirige, à ses risques et comme entrepreneur, la marine du
Brandebourg, envoie deux vaisseaux sur la côte de Guinée, et le 16 mai
1681 le capitaine Blonck conclut un traité avec quelques chefs indigè-
nes qui reconnaissent le suzeraineté du Grand-Electeur et consentent
à la construction d'un fort; le Grand-Electeur brouillé avec l'Espagne
qui refuse de lui payer les subsides de la guerre contre la France, fait
armer par Raule une escadre qui s'empare de la frégate Carolus secun-
d us ; cotte frégate qu'il garde pour lui et qu'il nomme le Markgraf
von Brandenbiirg^ est le premier vaisseau de guerre de la Prusse, et, sou-
tenue de trois autres navires, elle lutte pendant deux heures, le 3o sep-
tembre 1681 à la hauteur du cap Saint Vincent, contre la flotte espa-
gnole); 2° la colonie et la forteresse de Gross Friedrichsburg, i68r-
1720 (le Grand-Electeur fonde en 1682, une « compagnie africaines)
qui s'établit à Emden et arme deux vaisseaux, le Chiirprint:{ et le
Morian dont l'équipage vient prendre possession du territoire concédé,
sur la Côte-d'Or, par le traité du 16 mai 1681 ; on ne trouve plus les
chefs indigènes qui ont péri à la guerre, mais leurs successeurs con-
sentent à un nouveau traité ; le 1" janvier 168 3, on arbore le drapeau
du Brandebourg sur le Mont Manfro; on y bâtit un fort, malgré les
protestations des Hollandais ; on disperse à coup de canon les nègres
d'Adom qui veulent empêcher les travaux. Plus tard (1684-16861 trois
autres forts ou redoutes s'élèvent sur les territoires d'Accada, (Doro-
theen-Schan\e), de Taccarary et de Taccrama (Sophie-Louise). Mais
tous ces établissements sont pris ou détruits par les Hollandais. Vaine-
ment le successeur du Grand-Electeur, Frédéric III, rétablit les forts de
Gross-Friedrichsburg, d'Accada et de Taccrama; la « Compagnie afri-
caine » fait de mauvaises affaires, la Prusse n'a pas de flotte, les secours
lont défaut, les Hollandais attaquent de nouveau les possessions prus-
siennes, que le traité du 22 nov. 1717 cède à la Compagnie des Indes
occidentales; 3° le château d'Arguin(ce château élevé dans l'île d'Ar-
d'histoire et de littérature 497
guin en 1686-87, subit le même sort que les autres établissements; as-
siégé en 1721 par 700 Français, il est abandonné par son commandant).
Cette étude sur les premières entreprises coloniales de la Prusse ren-
ferme, comme on voit, de curieux détails. L'auteur a eu soin de re-
produire tous les documents, privilèges, traités, rapports, etc., et y joint
une carte des possessions prussiennes ainsi que cinq fac-similés de leurs
plans datés de la fin du xvn" siècle ou du commencement du xyu!*".
III. On ne lira pas sans intérêt ni profit le premier volume de l'ou-
vrage que le capitaine comte York de Wartenburg consacre à Napoléon
général. Sans écrire, à proprement parler, une histoire des guerres de
Napole'on, l'auteur suit son héros pas à pas, ainsi que le font voir les
titres de ses treize chapitres (jeunesse, campagne d'Italie, Mantoue et
Wurmser, Mantoue et Alwintzy, campagne de 1797, Egypte, Syrie, Ma-
rengo, Ulm^ Austerlitz, lena, Eylau, Friedland). Mais ses récits des opé-
rations sont courts, substantiels, composés d'après les meilleures sour-
ces. M. Y. de W. les accompagne de réflexions, les unes personnelles et
suggérées par l'étude attentive des campagnes de Bonaparte, les autres
empruntées à la correspondance de Napoléon, aux travaux de Jomini,
aux souvenirs militaires des contemporains, aux mémoires de tous ceux
qui ont vu de près le grand capitaine. Chaque chapitre forme un petit
ensemble attachant et instructif. Le livre, traduit en français, serait,
croyons-nous, vivement goûté de notre public. Je relève au hasard quel-
ques jugements. L'auteur remarque que la guerre est non-seulement
une science, mais un drame passionné, que les grands généraux ont
parfois leurs heures de doute et de désespoir, que Napoléon était ner-
veux et facilement excitable, mais que les natures flegmatiques qui
restent impassibles au moment décisif, n'ont jamais rien fait de grand
(p. 57-58). Il est d'avis que Napoléon méritait d'être battu à Marengo
parce qu'il commit la même faute que Frédéric II à Kolin. Mais Fré-
déric fut vaincu; « il apprit à se modérer, à limiter son but; Napoléon
fut vainqueur et on aura peut-êire à chercher dans la victoire de Ma-
rengo la source des défaites qui renversèrent plus tard l'édifice de l'em-
pire napoléonien » (p. 174). A propos de la marche qui précéda la
capitulation d'Ulm, il observe que cette marche sur le flanc et les com-
munications de l'ennemi ne serait plus possible aujourd'hui; « il y aura
toujours en général, à cause des chemins de fer, une marche frontale
des deux adversaires » (p. 188). II montre, après Téchec de la division
Gazan et la pénible retraite de Mortier, que Napoléon n'avait pas « exa-
miné la situation avec sa clarté et sa rapidité ordinaires », que pendant
un instant il avait oublié d' « embrasser du regard tout l'échiquier », et que
cet instant avait suffi pour « perdre une pièce importante » ; mais il
ajoute: « l'échec fut réparé... il se renouvela en î8i3 et cette fois il eut
des conséquences plus funestes, parce que les troupes n'avaient nias la
même vigueur et le même élan. Un grand génie sait vaincre même avec
49^ RKVUK CRlMQUh
rinstrument le plus impartait, car à la guerre les hommes ne sont rien
et un homme est tout; mais cet homme est rare, il s'use par l'âge, il
meurt. De saines institutions militaires sont les meilleurs gages d'un
succès durable; où elles existent, il y aura toujours à la tête des trou-
pes, sinon des hommes remarquables, du moins des hommes habiles,
résolus, avides d'agir. On vit, en 1806, ce que devient une armée qui,
privée d'un génie, d'un chef, n'a pas d'institutions militaires. Aujour-
d'hui surtout où les armées sont si nombreuses, il importe que toutes
leurs parties soient également conduites avec habileté. En 181 3 les ma-
réchaux furent au-dessous de leur tâche et le plan de Napoléon échoua
parce qu'ils manquèrentde vigueur et de décision ^; Blûcher et Gneisenau
au contraire menèrent une brillante campagne et Bùlow répara par son
activité l'inaction de Bernadotte. De solides institutions militaires don-
neront toujours de tels chefs et ne se perdront pas, tant que le peuple
sera sain et que le service des armes sera, non un fardeau, mais un
honneur-/ (p. 220-221). Le chapitre sur léna est curieux; Tofficier
prussien y fait le plus vif éloge de Napoléon et de la 1 logique », de la
« force supérieure » de sa stratégie; il marchait, dit-il, pendant que les
Prussiens délibéraient. Le livre est d^ailleurs, d'un bout à l'autre,, un
juste panégyrique de Napoléon. Non pas que M. Y. de W. se dissimule
les défauts de son héros. Il le montre impérieux, absolu, (eine herrische,
wenn auch nicht immer eine Herrschernatur, p. 24) tourmenté par la
crainte de rencontrer autour de lui des rivaux qui peuvent éclipser sa
gloire, s'entourant volontiers d'hommes médiocres, aimant à choisir
comme instruments ceux qu'il connaît souples et dociles, et, lorsqu'il
se sert de talents vraiment supérieurs, sachant si bien arranger les cho-
ses que tout Thonneur revient à lui seul. Mais il admire sincèrement en
Napoléon le créateur d'une stratégie dont les principes vivent et durent
encore. 11 met en relief l'énergie incroyable et la hardiesse souveraine
que le vainqueur d'Austerlitz et d'Iéna déployait dans la belle époque
de sa vie, lorsque son imagination avait toute sa vivacité et tout son
teu, lorsque les revers n'ébranlaient pas encore sa confiance en lui-
même, lorsqu'il avait la certitude de tout vaincre et de tout surmonter.
Il montre qu'à cette fougue juvénile, à cette impétuosité foudroyante
Napoléon joignait en même temps le tact, l'adresse, la ténacité « le
vaincu a eu, lui aussi, des moments, des heures, des jours, où tout lui
souriait, mais il a laissé échapper l'occasion, et Napoléon ne la man-
quait pas » (p. 76). Il fait voir comment le célèbre stratégiste sait juger à
la fois sa propre situation et celle de l'adversaire, deviner à l'avance les
desseins du général qui s'oppose à lui, fixer et assigner, pour ainsi dire,
le champ de bataille; comment, jouant presque à coup sûr, il s'avance
résolument et marche droit au but, sans s'arrêter, sans perdre de temps,
I. Oudinot, Macdonald, Ney sont battus, dit M. York de Wartenbourg, et Davout
rcsic inactif; il a toit de reprocher à Davout cette inaction que lui imposaient et les
circonstances et les ordres de Napoléon.
D HISTOIRK ET DK LITTERATURE 499
sans se soucier de Papparente infériorité numérique de ses troupes; « il
juge avec clarté et il agit avec vigueur » (p. 58) ; il évite toujours la dé-
fensive et ne veut pas se soumettre à la loi qu^mposent les mouvements
de l'ennemi, il veut lui faire la loi (p. 65-66); il reconnaît toujours le
point décisif (p. 89), il cherche et livre la bataille qui décide tout, et
chercher la bataille est le signe caractéristique des grands généraux, de
Frédéric II et de Napoléon, c'est le signe d'une âme forte et pleine de
confiance en elle-même (p. 108).
Tous les travaux que nous venons d'analyser, témoignent de l'ardeur
studieuse des officiers prussiens. On peut assurer que nos vainqueurs
ne s'endorment pas sur leurs lauriers, « nicht in ihren Lorbeeren
einschlafen » comme disait la reine Louise en 1806. Ils étudient l'his-
toire militaire, qui, lorsqu'elle est accompagnée d'une saine critique,
est, selon le mot de Jomini, la véritable école de la guerre. Il faut, dit
M. York de Wartenburg, connaître et comprendre les campagnes du
passé : s'exercer à examiner ce qui a causé le succès ou la défaite, ce qui
est arrivé et ce qui aurait pu arriver; s'habituer ainsi à se représenter
clairement les événements nouveaux; dresser l'esorit â reconnaître le
vrai but; faire, par cet apprentissage, d'un don naturel faible et incon-
scient une force puissante et consciente (p. 66-67). ^'^ posent pour prin-
cipe qu'à la guerre il faut payer d'audace, aller de l'avant et toujours
attaquer. Ils sont plus que jamais attachés aux règles de Frédéric II;
ne lisent-ils pas dans le 3'= fascicule des publications de l'état-major
(p. 124) ce billet du vieux Fritz « souvenez-vous dans toutes les occa-
sions d'aller offensivement autant que cela peut-être praticable » ?
M. York de Wartenbourg recommande l'action vigoureuse, le thatkraf-
tiger Vorstoss (p. 83), la poussée en avant, violente, infatigable (hef-
tiges luid uncnnudliches Vordringen, p. io3; das Vorbrechen in
Masse, p. 104), la bataille décisive, V Entscheidungsschlacht . Telle est
aussi une des conclusions de l'ouvrage de M. von der Goltz : « parla
direction de tous les mouvements et avec une implacable constance hâ-
ter la grande décision des armes, die grosse Waffenentscheidung et
l'imposer à l'ennemi, » p. 224). Les officiers prussiens veulent être et se
proclament les élèves de Napoléon.
A. Chuquet.
500 RKVUE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du ii décembre i88^.
M. d'Arbois de Jubainville lit un mémoire intitulé : les Institutions judiciaires et
V Autorité judiciaire chéries Celtes. Les conclusions de ce travail sont ainsi formu-
lées par l'auteur :
« La compétence restreinte des tribunaux dans la Gaule indépendante avait pour
effet la prédominance du système de la clientèle. Les tribunaux n'imposaient leur
juridiction que dans les procès qui concernaient la sûreté de l'Etat. Quant aux pro-
cès qui concernaient les contestations entre les particuliers et les contestations entre
les peuples, ils étaient jugés par des arbitres ou tranchés par la force, quel qu'en
fût l'objet, s'agit-il de meurtre, d'un crime quelconque ou ae ce que nous appelons
une affaire civile. Tout homme et tout peuple faible était obligé de recourir à la
protection de plus fort que lui. De là, par exemple, le principat des Eduens et celui
des Arvernes. La conquête romaine n'a eu d'autre effet politique que de substituer
le principat des Romains à celui, soit des Arvernes, soit des Eduens. Son résultat,
au point de vue des contestations entre particuliers, a été de donner à tout deman-
deur le droit de contraindre son adversaire à comparaître devant un juge imposé
par la loi. De là, suppression de duel ou de la guerre privée. Ainsi, la conquête
romaine a produit en Gaule un grand progrès de Ta civilisation. »
Ouvrages présentés : — par M. Wallon : De imitatione Christi libri quatuor, novis
curis edidit, etc., P. E. Puyol; — par M. Siméon Luce ; Léopold Quénault, Notes
sur les mouvements lents du sol et de la mer; — par M Pavet de Courteille, au nom
de M. Derenbourg : Tamizey de Larroque, les Correspondants de Peiresc, IX :
Salomon A^ubi ; — par M. Schlumberger : F. de Mély, le Trésor de Chartres; —
par M. Hauréau : le marquis de Nadailuac, les Pipes et le Tabac; — par M. De-
lisle : Lucien Magne, l'CEiivre des peintres verriers;— par M. Charles Nisard :
Prosper Mignard, Traduction de l'évangile selon saint Mathieu en patois bourgui-
gnon;— par M. Renan : H. Schliemann, Ilios, ville et pays des Troycns, traduit
par M"'e Egger; — par M. Oppert : B. Netteler, Zusâmmenhang der alttesta-
mentlichen Zeitrechnung mit der Profan:[eitrechnung.
Julien Havet.
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du 2 décembre 188 5.
présidence de m. courajod
M. Rhoné fait hommage des publications de la Société siégeant au Caire, sous le
nom de Comité de conservation des monuments de l'art arabe.
M. Léopold Delisle est élu membre honoraire; la place vacante qu'il laisse dans
le cadre des membres résidants est déclarée ouverte.
M. Piet-Latauderie est élu associé correspondant à Niort (Deux-Sèvres).
La Société procède au vote pour le renouvellement annuel de son bureau, sont élus
pour l'année 188G : MM. Saglio, président; Héron de Viliefosse, premier vice-pré-
sident ; Longnon, deuxième vice-président; comte de Lasteyrie, secrétaire ; Corroyer,
secrétaire-adjoint ; Nicard, bibliothécaire-archiviste; Auber, trésorier.
M. de Viliefosse communique, au nom de M. Duvernoy, les photographies de deux
figurines de bronze trouvées à Mandeure, un Jupiter et une divinité féminine dra-
pée dont la tête manque.
Le même membre propose l'interprétation lunonibus pour la sigle inexpliquée
qui précède les mots SULEIS SUIS dans une inscription de Vidy conservée à Lau-
sanne conformément à la dédicace Sulens lunonibus d'une inscription de Marquise
(Pas-de-Calais), précédemment expliquée par lui dans les comptes-rendus de l'A-
cademie des Inscriptions et par M. Mowat dans le bulletin épigraphique.
Le Secrétaire :
R. MowAï.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Le Fuy, imprimerie Marcliessou fils, boulevard Saint-Laurent, 2.3.
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE El DE LITTÉRATURE
I II I I ■ «Il IBII^ I I
N" 52 - 28 décembre — 1885
Soniitiaii-e s 236. MoRATTi, Arménien et indoeuropéen. — 237. H. Hildebrand,
L'opinion d'Aristote sur le libre arbitre. — 238. Bogisic, De la forme dite Ino-
kostina de la famille rurale chez les Serbes et les Croates. — 23g. Douais, Les
frères prêcheurs en Gascogne au xin« et au xiv« siècle. — 240. Kluge, Diction-
naire étymologique de la langue allemande. — 241. De Mazade, Correspondance
du maréchal Davout. — Chronique. — Académie des Inscriptions. — Société des
Antiquaires de France.
236. — Armeno ed Indocui-opeo. Ricerche di Carlo Moratti. Fascicolo 1°.
A-B. Bergamo, Gaff'uri e Gatti, i885. In-8, 62 pp.
Cet ouvrage s'annonce comme un essai de vocabulaire étymologique
de la langue arménienne. L'auteur en publie le premier fascicule et se
propose d'y joindre dans la suite une Phonologie^ à laquelle il renvoie
souvent (pp. 10, 21, pass.) Il y établira, paraît-il, nn assez grand nom-
bre de lois nouvelles, sur la valeur desquelles il est impossible de se
prononcer dès à présent.
On ne peut qu'accueillir avec sympathie les tentatives, même hasar-
deuses, d'un chercheur qui s'engage sur un terrain presque inexploré.
L'arménien a déjà fourni sa quote-part des découvertes qui ont renouvelé
la linguistique indo-européenne; il en tient sans doute d'autres en réserve.
Européen par son vocalisme, asiatique par sa situation géographique, il
garde peut-être le secret d'une des grandes migrations aryennes. Mais,
plus une langue est ambiguë, isolée, corrompue par le temps et les
emprunts étrangers, plus la circonspection et la rigueur s'imposent à
l'étymologiste. On peut donc s^étonner que M. Moratti n'ait pas fait
précéder ses recherches d'un exposé complet et méthodique des princi-
pes phonétiques qui Fy ont guidé. Faute de ce fil conducteur, on se
trouve en présence d''une série de rapprochements, plus ou moins vrai-
semblables, dont la plupart se dérobent au contrôle sans entraîner la
conviction. A quoi reconnaît-on r<^ prothétique et celui qui fait par-
tie de la racine? Comment croire que alik'- (flots) se rattache à aiXoq
(p. 9), à moins d'avoir démontré la chute pure et simple de Vsip ini-
tial? mais voici que l'arménien répond à aDç par h'o-c- (p. 14), et à
skr. sniïtis, dont aucune langue européenne n'a conservé Tinitiale, par
a-limar (p. 9), où elle est représentée par une spirante. On pourrait
multiplier ces objections.
Ce n'est pas que M. M. ne soulève des problèmes phonétiques inté-
ressants : traitement des voyelles en syllabe ouverte et syllabe fermée
(pp. i2-i3); question des gutturales palatales en arménien (p. 14);
Nouvelle série, XX. 52
502 REVUE CRITIQUE
théorie des « diphthongues de métaihèse i>, fortement entachée de sym-
bolisme (pp. 34-35); théorie de la nasale proclitique et de la nasale en-
clitique, destinée à faire échec à celle des nasales sonantes (pp. 37 sq.).
11 a même une explication du guwa par préfixation d'un a à une racine
commençant par une voyelle (i, aller, a-i-mi^ je vais), étendue analo-
giquement aux autres racines (p. 27). Mais de toutes ces assertions iso-
lées il est malaisé de dégager un corps de doctrine. Ce que l'on voit de
plus clair, c'est que Fauteur ne souscrit point à la « mort du guwa»,
que la vrddhi est encore pour lui un phénomène indo-européen, et qu'il
tient pour non avenue la découverte de Vejo proethn.ique, à laquelle
pourtant l'arménien a largement contribué.
De là plus d'un rapprochement au moins douteux : àyr^^ =z egênus
(p. 7), déjà contesté par M. de Saussure; [j.aTs6w = metiio (p. 9), ni le
sens ni le vocalisme ne concordent; loquor = XaxsTv = skr. arcati
(p. 14), même observation; an-gii (convenable] expliqué par restitution
de * ana-veh, et ce dernier rattaché à la racine va5 (habiter, p. 18), la-
quelle contient un a (gr, asTu), tandis que l'arménien aurait une;
même observation en sens inverse pour bari (bon), rattaché sans plus
d'éclaircissement à çéptspoç (p. 36). Je relève enfin quelques erreurs
manifestes : aY^wp, coupé à-Y-'ôvwp et rapproché de yt^Bsw et de -/.tyîciç
(p. 6), est un composé verbal signifiant « qui conduit les hommes » ;
on ne voit pas pourquoi l'auteur se complaît dans les restitutions bar-
bares Ycaivo) (p. 19), cYSpéooç (p. 26), gyScvuij.'. (p. 32), alors que le [^ esta
lui tout seullereprésentant delà gutturale vélaire; si le suffixe latin -è/'O-
(p. 28) a un corrélatif arménien, au moins la racine bhii est-elle dans
les deux langues parfaitement étrangère à ce suffixe ; le skr. bhara, même
dans le sens d' « hymne », n'a rien de commun avec bravmii (p. 36).
La partie publiée, heureusement, ne comprend que les deux premiè-
res lettres de l'alphabet. Il est temps encore de continuer dans un es-
prit plus scientifique des recherches d'ailleurs méritoires et pleines d'in-
térêt.
V. Henry.
237. — Hugo HiLDEBRAND. Aii-îstoles StcIIuiig 5E«m Oelermînismus une!
indctei-miiiienius. Dissertation inaugurale pour la faculté ne philosophie de
l'université de Leipzig. Leipzig. Fork, 18S4. In-8, 61 p.
M. Hildebrand a eu l'idée d'étudier de plus près qu''on ne l'avait
encore fait, du moins en Allemagne ', l'opinion d'Aristote sur le libre
arbitre. La théorie d'Aristote est disséminée dans divers passages des
trois Morales et de la Rhétorique^ mais le morceau principal, le locus
classicus de la matière, ce sont les huit premiers chapitres du IIP livre
I. II ya une thcse de doctorat française sur ce sujet (en latin) par M. E. Maillet
(1877), dont je ne connais que le titre.
D HISTOIRK ET DE LITTERATURE D03
de l'Ethique à Nicomaque. C'est ce texte que M. H. suit pas à pas,
scrutant la valeur de chaque terme, creusant la pensée, cherchant à
retrouver le lien logique de Pargumentation, trop souvent dissimulé
sous une phraséologie qui, pour être concise, ne laisse pas d'être un peu
lâche. Voici les conclusions de cette analyse minutieuse : i" Aristote a
connu et parfaitement posé la question du libre arbitre ; 2° son système
est un « déterminisme psychologique » qui sauvegarde les intérêts de la
morale, et s'oppose nettement au fatalisme, avec son cortège habituel de
quiétisme et d'indifférence; 3" les mots £/.ouciov et àxcuatov, sur lesquels
roule presque tout le débat, sont employés par Aristote dans au moins
trois sens différents : un sens psychologique (suivant le degré de cons-
cience afférent à l'acte) — un sens moral (suivant le degré d'imputabilité)
— enfin, un sens métaphysique, qui n'apparaît que dans les textes
pseudo aristotéliques (Ethique à Eudème) et sur lequel j'avoue conseï ver
quelques doutes. Ce qu'il faut retenir, c'est qu'Aristote, s'adressant à un
public pour qui les deux termes sxoûtjiov et ây.ouctov signifiaient « de
gré » et « de force », évite d'appliquer le second à l'action déterminante
des motifs sur l'âme humaine.
Ces conclusions sont assez neuves; elles diffèrent sensiblement de
l'opinion courante, qu'on trouvera énoncée chez Zeller, Grant ou même
Schopenhauer; je les crois néanmoins, dans leur ensemble, fort exactes,
et le génie philosophique d'Aristote sort de cette analyse éclairci et, si
possible, grandi. 11 faut avouer cependant que le philosophe grec, si
préoccupé qu'il fût du côté moral de la question, ou peut-être parce
qu'il l'était, n'a pas mieux réussi que ses devanciers ou ses successeurs à
concilier le postulat de la liberté avec la vérité expérimentale du déter-
minisme. Le jugement moral, dans la pensée d'Aristote, le verdict de
blâme ou d'éloge, ne doit porter que sur les actes que nous accomplis-
sons en l'absence de toute contrainte extérieure, avec la conscience nette
du but auquel nous tendons. Fort bien ; mais ce but lui-même nous
apparaît tel ou tel suivant que notre caractère est conformé de telle ou
telle sorte : voluptueux, nous ramenons tout au plaisir des sens; cu-
rieux, à la science; charitables, au bien de nos semblables En dernière
analyse, c'est donc notre caractère qui est l'auteur de nos actes, mais
sommes-nous les auteurs de notre caractère? — Nous le sommes,
répond Aristote, car nous ne naissons pas avec un caractère tout formé.
Le caractère est la résultante d'un nombre infini d'actes isolés qui, à
force de se répéter, finissent par engendrer des habitudes bonnes ou
mauvaises. Sans doute, une fois ces habitudes contractées, il est impos-
sible de réagir contre elles, mais il dépendait de nous de ne pas les
contracter. L'apologue de Prodicus n'est donc pas exact : ce n'est pas à
un moment donné, à une heure solennelle de notre existence que nous
sommes appelés à choisir une fois pour toutes entre deux routes diver-
gentes. A chaque jour, à chaque heure de notre vie, ou du moins de
notre jeunesse, le problème se pose et nous le résolvons petit à petit,
sans y prendre garde.
504 REVUE CRiriQUB
Tout ce raisonnement serait irréprochable s'il ne cachait un cercle
vicieux. Car enfin, pendant la période même de formation du caractère,
si chaque fois, ou le plus souvent qu'une alternative morale se présente,
nous la tranchons dans le même sens, c'est apparemment que nous
obéissons déjà à une disposition innée, qui n'est pas encore un caractère,
si l'on veut, mais qui tend à le devenir, qui le deviendra forcément,
pourvu qu'aucun accident extérieur ne vienne en modifier le dévelop-
pement naturel. Peu importe qu'on place cette disposition dans la
volonté ou dans l'intelligence (çavxaaîa), c'est-à-dire « dans la ma-
nière de comprendre le but de la vie », comme le faisait Socrate; les
défauts d'intelligence ne sont pas moins innés que les défauts de carac-
tère, et si l'on prétend que nous sommes responsables des vices de notre
intellect parce qu'il dépend de nous de les corriger, Je réponds qu'il
faut encore avoir la force de le vouloir, et l'esprit de les reconnaître;
nous voilà derechef au rouet.
Je m'empresse de dire qu'Aristote a prévu l'objection (Morale à
Nicomaqiie, III, 7, ad fin.}. 11 ne la réfute pas, sans doute parce qu'il la
reconnaît irrélutable, mais il passe outre, et se contente de répéter à
nouveau « que nous sommes en quelque sorte coauteurs de notre ca-
ractère » (twv £^£(.ov cuvaiTiot 'Tiwç a'j-cot ècr[;.£v). On serait tenté de ne voir
dans cette conclusion qu'une défaite, mais M. H. a très bien compris
que si Aristote s'y arrête, c'est qu'il a atteint son but, un but tout
pratique et nullement métaphysique : il a prouvé, en serrant de près le
raisonnement de ses adversaires quiétistes, que les arguments qu'ils
présentent contre « la liberté du mal » s'appliquent avec tout autant
de force à « la liberté du bien », puisque, bonnes ou mauvaises, nos
actions découlent, en définitive, de la même source, « notre nous-
méme ». Cela lui suffit. Le fatalisme vulgaire est écarté; l'excuse banale
du vice a ce n'est pas ma faute » n'est plus recevable, dès lors que le
principe de mon action n'est pas une fatalité extérieure à moi-même,
mais le fond intime de mon être moral. Le législateur n'en demande
pas davantage pour punir, l'éducateur pour prévenir le mal.
Je devrais ajouter : le législateur païen, l'éducateur païen; car le
dogme chrétien, pour qui le châtiment du vice ne consiste pas seulement
dans une suppression temporelle, mais dans les peines éternelles de
l'autre vie, ne pourra se contenter d'une liberté qui n'est, au fond, que
l'asservissement de l'homme à son propre être. De là toute l'importance
qu'a prise le problème de la liberté transcendentale dans la philosophie
moderne, héritière, sans s'en douter, des inquiétudes de l'Église. Ce
sont des scrupules chrétiens qui ont suggéré à Kant l'idée raffinée (déjà
entrevue par les néo-platoniciens) de reculer la liberté dans le monde
des Noumènes; ce sont des scrupules chrétiens — si ennemi de la théo-
logie qu'il soit — auxquels obéit Schopenhauer quand il s'évertue à
répéter : « La liberté est dans Vcsse, non dans Voperari ». L'intelligence
lucide et laïque d'Aristote ne sentait pas le besoin, et n'aurait pas
compris l'utilité, de mettre un mystère à la place d'un problème.
d'histoire et de littérature 5o5
La dissertation de M. H. est pensée et fait penser. Peut-être manque-
t-elle un peu de cadre, d'horizon. Il eût été bon de rapprocher, fût-ce
dans une courte introduction, la pensée d'Aristote de celles de Socrate
et de Platon. On commence à comprendre le grand rôle qu'a joué la
polémique dans les ouvrages littéraires et philosophiques de la Grèce; la
polémique d'Aristote n'est jamais plus curieuse que lorsqu'il combat ses
adversaires sans les nommer; contre qui polémise-t-il dans ce chapitre
si remarquable de la Morale àNicomaque? Je le devine, mais c^était à
M. H. de nous le dire. Après tout, ce n^est pas un reproche bien grave
de regretter qu'un ouvrage ne soit pas plus long. Puisse M. Hilde-
brand n'en jamais mériter d'autre ^ !
Théodore Reinach.
238. — Oe ïa forme dite iiiokostina de la famille rurale chez les Serbes et les
Croates, par V. Bogisic. Paris, Thorin, 1884, i vol. in-8. (Extrait de la Revue
de droit international et de législation comparée).
Cet essai est consacré à l'étude d'une forme mal connue de la famille
slave, Vinokostina. On distingue ordinairement deux types de familles
slaves, villageois, la ^adniga et ïinokostina.
La ^ûdruga, forme depuis longtemps très étudiée et très discutée,
n'est autre chose que la communauté villageoise, composée de plusieurs
frères, cousins ou parents plus éloignés avec leurs femmes et leurs en-
fants : on lui oppose Vinokostina, famille simple, où il n'y a le plus
souvent que le mari, la femme et les enfants. M. Bogi^ic s'est proposé
d'approfondir les données courantes et, pour ainsi dire, officielles : il a
voulu remonter des livres et des lois jusqu'aux sources, c'est-à-dire
jusqu'au peuple, jusqu'au sentiment juridique populaire, seul témoin
irrécusable en pareille matière et il affirme, preuves en main : 1° qu'en-
tre ïinokosiina et la ■:{adruga on ne saurait constater aucune différence
essentielle; 2" que \'inckoi>tina s'éloigne profondément de la famille
urbaine.
Le trait commun caractéristique de la ^adruga et de Vinokostina^
trait bien éloigné des idées romaines arrivées jusqu'à nous dans les re-
cueils juridiques, c'est celui-ci : tout membre mâle et majeur de la
\adruga peut réclamer sa part du bien commun : tout fils adulte, sur-
tout s'il est marié, peut, dans Vinokostina, demander le partage des
biens, du vivant de son père.
Ainsi la collectivité est identique dans les deux formes de la famille
slave villageoise.
1. Oserai-je encore demander à M. H., qui est un débutant, de se souvenir du
conseil de son philosophe favori à l'un de ses disciples : « Sacrifie aux grâces.^ » Un
peu plus de points, un peu moins de virgules, un peu moins de grec dans le texte
allemand allégeraient beaucoup la tâche du lecteur. Je ne cite pas d'exemples :
sapienti sat.
5o6 RKVUK CRITIQUE
Les jurisconsultes et les législateurs ont méconnu cette vérité et se
sont efforcés, comme il arrive si souvent, de construire un système arti-
ficiel. Les réflexions de M. B. à ce sujet ne sauraient être trop méditées :
« Le nombre des fautes commises a été, écrit-il, d^autant plus grand
0 que l'activité littéraire et législative a eu plus de développement. En
« effet toute l'institution a été codifiée, recodifiée plusieurs fois; les dif-
« férentes parties en ont été remaniées, modifiées, mutilées même, de
« façon à les faire entrer, bon gré mal gré, dans des moules préparés
tt d'avance sur le papier, d'après des modèles empruntés. Quant à savoir
« si la vie s'accommoderait de ces bouleversements ou si elle réagirait
« contre les innovations avec la force de tout organisme vivant qui dé-
« fend sa propre existence, on semble s'être bien peu préoccupé de cette
« question. »
La monographie que je viens d'analyser, due à un savant dont la
compétence est irrécusable, mérite d'être recommandée à toute Pattention
des jurisconsultes et des historiens et aussi à celle des législateurs slaves...
ou autres. Si on s'avisait jamais, dans quelque pays excentrique, je ne
dirai pas de faire, mais de rédiger des lois d'après une méthode vraiment
scientifique, méthode que j'appellerais volontiers positive, Tétude de
M. B. pourrait être proposée comme un modèle achevé de préparation
législative. Le Monténégro nous donnera peut-être un jour cette sur-
prise; car précisément M. B, a été chargé de préparer un projet de code
civil pour cette principauté. J'aime à croire que le prince se gardera de
soumettre le code de M. B. à des réviseurs nourris de droit lomain,
qu'il consentira à respecter le vieux droit populaire et ses organismes
vivants et qu'en un mot il se fera, à la suite de M. Bogisic, le disciple
de ce quelqu'un qui ne se contente pas d'avoir plus d'esprit que Vol-
taire mais qui a aussi plus de droit que Tribonien: tout le monde.
Paul ViOLLET.
239. — Archives Iiistoriques de la dascogiic. Fascicule 7™". Les frères
prêcheurs en Gascogne au xiii' et au xiv'= siècle. Chapitres, couvents et notices.
Documents inédits, publiés pour la Société historique de Gascogne, par G. Douais,
chanoine honoraire de Montpellier, professeur à l'Institut catholique de Toulouse.
Première partie : Chapitres. Paris, Champion, Auch, Cocharaux, i885, in-8,
255 pages.
La publication de M. Tabbé Douais emprunte son intérêt au rôle
joué par Tordre de saint Dominique au xiu* siècle, comme restaurateur
des études ecclésiastiques. Les anciens ordres monastiques, à cette épo-
que en pleine décadence, furent utilement remplacés par le nouvel
institut. On sait quelle activité les disciples de saint Dominique ont
déployé dans toutes les branches de la science; s'ils n'ont ajouté que peu
de chose à la somme des connaissances de leur temps, par leur en-
d'HISTCMRE et de LITTERATURE :)0y
seignement, par leur prédication, ils ont augmenté dans de fortes pro-
portions le nombre des hommes instruits et contribué dans une grande
mesure au relèvement intellectuel du clergé chrétien. Voués à l'étude
et à la prédication, les dominicains, dans leurs chapitres généraux et par-
ticuliers, s'occupent avant tout de la préparation de maîtres instruits,
de prédicateurs éloquents et zélés. Aussi la publication partielle de ces
actes sera-t-elle accueillie avec reconnaissance, elle donne une idée de
l'intérêt qu'en présentera le recueil complet, qui doit figurer dans le
tome XXV des Historiens de Frajice.
C'est dans les manuscrits de Bernard Gui, conservés à la Bibliothèque
municipale de Toulouse, que M. D. a trouvé les textes qu'il publie.
Ces manuscrits renferment les chapitres réunis avant ce célèbre compila-
teur, ceux qui se sont tenus de son vivant, et bon nombre du xiv^ siè-
cle, ajoutés plus tard à la collection primitive. M. D. donne successive-
ment les actes de trois chapitres généraux tenus ù Bordeaux en 1277, en
1287 et en 1324; des chapitres provinciaux tenus dans la même ville et
dans divers autres couvents de la province de 1246 à i338. Un second
fascicule comprendra l'histoire des couvents de la même région rédigée
par Bernard Gui et continuée par divers écrivains anonymes et des no-
tices sur les frères prêcheurs originaires de cette partie de la France ou
y ayant enseigné au xni" et au xiv^ siècle. La majeure partie de ces tex-
tes était inédite ; des extraits peu étendus en avaient été donnés par
Martène, dans le tome VI de V Amplissima collectis.
Les chapitres généraux s'occupent avant tout de la discipline inté-
rieure de Tordre, de la révision des statuts; chaque amendement à ces
statuts, pour être valable, doit être adopté par trois chapitres successifs;
c'est ce qu'on appelle Yinchoatio, Vapprobatio et la confirmatio. Ils
adressent aux prieurs provinciaux des remontrances (admonitiones)^
décident la création des nouveaux couvents, règlent la liturgie des offices
propres à l'ordre ou adoptés par lui; c'est ainsi qu'en 1277, ^^ chapitre
de Bordeaux statue qu'à l'avenir on célébrera la fête de sainte Marthe ;
enfin ils fixent le lieu d'assemblée du prochain chapitre, nomment et
déplacent les prieurs conventuels. Deux des chapitres généraux publiés
par M. D. se terminent par une encyclique du maître de l'ordre, ne
renfermant guère que des exhortations morales et sur le texte desquelles
nous aurons bientôt à revenir.
Les chapitres provinciaux ont une compétence moins étendue ; mais
comme ils entrent beaucoup plus dans le détail, le texte en est beaucoup
plus intéressant pour nous. Dans ces chapitres, les frères veillent au
bon ordre des couvents de la province, distribuent les pénitences, re-
nouvellent et expliquent les décisions antérieures, rappellent les prieurs
et les frères au respect des constitutions. C'est donc toute l'histoire inté-
rieure de la province dominicaine de Gascogne que nous voyons se
dérouler sous nos yeux pendant près d'un siècle, de 1246 à i335 ; à lire
ces dispositions minutieuses et précises, on se rend compte des causes de
5o8 RKVUK CRITIQUE
la longue prospérité de Tordre; jamais ni les moines Clunisicns, ni
ceux de Cîteaux ne furent surveillés d'aussi près que les dominicains;
le plus léger écart est immédiatement puni, la fauve la plus légère châ-
tiée ; la discipline de Tordre paraît avoir été si sévère que seuls les meil-
leurs esprits purent s'y soumettre; tout caractère faible, tout sujet dé-
sobéissant devait fatalement succomber.
Les documents publiés par M. D. présentent donc un réel intérêt;
nous devons en terminant faire quelques réserves sur la manière dont
ils sont publiés. Nous connaissons les manuscrits employés par l'édi-
teur; ils ne sont pas toujours faciles à lire, et le texte n'en est pas tou-
jours assez pur ; mais le devoir d'un éditeur est de bien lire, et de corri-
ger les manuscrits employé par lui, en avertissant bien entendu le
lecteur, c'est ce que M. l'abbé D. n'a pas toujours fait avec assez de
soin. Presque à chaque page, on pourrait relever des incorrections, des
phrases obscures, des noms estropiés; il nous serait impossible de
dresser l'erratum de son volume. Nous signalerons quelques fautes à
l'appui de notre dire. P. 41, 1. 10, ut fastidica claiisalis rneditacionis
quiète; cela n'a aucun sens, il faut corriger ul fastidio claustralis ;
p. 54, 1. 20, fr. Urgerus de Saltellis ; est-ce exact? J'avais lu jadis
Berengarius de Saltellis ; je m'étais peut-être trompe, la chose est
bien possible, mais ce nom Urgerus me paraît singulier ; p. 60, 1. 9,
tamen, con\s,Qï tantujn;p. 67,1. ir, le manuscrit portait amovcat, M.D.
a tort de corvïger admoveat,qm donne le sens opposé au véritable ; p. 69,
1. 2, Castrenensem^ corr. Castrensem ou Caturcensem; p. 72, sixième
avant-dernière ligne, sine moris dispendio^ corr. sine more dispendio ;
p. 83, quatrième avant-dernière ligne, qiiare^ lisez quia; la faute se
répète souvent ; p. 89, deux fois Deodandum, il faut sans doute lire
Durandum; p. 90, Jhoelis, nom propre, corr. Joannes ; p. 91, 1. 5,
qum juvant, lisez quando ; p. 129, studium naturarium Carcassonen-
sium, il faut corriger naturalium et faire accorder le nom de lieu avec
studium^ la faute est constante ; p. 174, 1. 3, comité Edvenarum, c'est
sans doute Convenarum; l.io, comitatibus, lisez comunitatibus; la faute
se répète plus loin ; p. 167, § 8, 1. 11, Proherminias, corr. Péri her-
menias, titre du traité bien connu d'Aristote.
On pourra trouver que nous abusons des corrections; mais nous
avons voulu justifier notre critique de l'ouvrage de M. Tabbé Douais:
recueil de textes intéressants, mais édition souvent insuffisante et trop
rapidement faite.
A. MOLINIER.
240. — F. Kluge. E<yinoIogiscIics Wnertei-buoli dor deutsclicn Spi-a-
elle. Strasbourg, Tiûbncr, 1883-1884, PP- xxiv et 428.
Nous avons déjà eu l'occasion de parler d'une partie de cet ouvrage
(Revue critique du 14 août 1 882); nous y revenons maintenant, l'ou-
vrage étant complet.
OHISIOÏKK Hf DK LITTÉRATURE SOQ
Nous n'hésitons pas à dire que le « dictionnaire étymologique de la
langue allemande » rendra de grands services non seulement aux « ger-
manistes », mais à tous ceux qui s'occupent des langues indo-européen-
nes. L'auteur nous présente sous une forme attrayante les résultats de
la grammaire comparée, au besoin il les discute et propose une étymo-
logie nouvelle. Malheureusement rien ne vient nous orienter sur ce ca-
ractère double des érymologies présentées, puisque l'auteur a exclu par
principe toutes les citations. Nous le regrettons '.
Un autre point sur lequel on voudrait être renseigné est le choix des
mots expliqués dans le dictionnaire. Tout naturellement les composés
facilement reconnaissables sont omis, et à ce titre l'auteur aurait pu
supprimer les mots « Hiindsfott, NiessbraiLch » et " Schiedsrichter »,
mais pourquoi ne trouve-t-on pas des mots tels que « Barde, Hiichen,
Karnickel, Krenn, Sein/te »? D'un autre côté est-il vraiment néces-
cessaire de parler dans un dictionnaire allemand de « Onkel, Picknik,
Rodomontade »? Nous avons en vain cherché le principe qui préside à
Padmission de tel ou tel terme de la langue littéraire.
Les mots sont rangés d'après l'ordre alphabétique, mais pourquoi
l'auteur tantôt réunit-il les mots appartenant à la même famille sous un
en-téte [v./ullen, Furckt, meinen), tantôt les sépare-t-il (v. Fug\fi}gen,
Fuhre, fiihren)? Il est à supposer que celui qui consulte le dictionnaire
est assez au courant de la morphologie allemande pour savoir que par
exemple «.fliegen, Flug^ Flugel,Jliigge,Jlugs » forment une famille,
et M. Kluge se serait épargné nombre de renvois en avertissant le lec-
teur qu'il faut chercher tel ou terme sous tel ou tel en-tête.
L'auteur du dictionnaire est partisan de la théorie de Grassmann, et
il restitue par conséquent des formes préhistoriques telles que « bhergh »
(s. bergen), « gheldh » (s. gelten], « dhigh » (s. Teig), mais par ci, par
là des doutes lui viennent; il hésite entre « dhadh » et « dhat » (s. Ta-
del], met un point d'interrogation après « dhagli » (s. Tag] et s'écarte
tout à fait de Grassmann pour « biegen », quoique ce dernier mot soit
précisément une des preuves principales de la dite hypothèse, M. K. a
en outre introduit dans le dictionnaire sa théorie sur les aspirées sour-
des. Ce n'est pas ici le lieu de la discuter, mais à quoi bon identifier à
tout prix le goth. « haban » et le lat. « habere », si cette identifica.ion
nous oblige à séparer le v. norr. « hafa » (allem. haben) du v. norr.
« hefja » (allem. /z^ô^/z), tandis que la racine * kap{\di\.. capere) rend, on
ne peut mieux, compte de toutes les formes en question. Les deux der-
nières observations que nous venons de présenter s'appliquent à un
grand nombre de mots, et il est permis de se demander à quoi servent
les nombreuses restitutions théoriques, qui par dessus le marché se pré-
sentent assez souvent sous une forme double au choix du lecteur (v.
Fahrt, gleiten, halten, klage,kleiben, i Morgen^scheiden, schweigen,
etc.). L'homme du métier sait les construire lui-même, et aux autres,
I. Deux fois (s. Musteil et Sarg) M. Kluge nomme Lessing,
5 10 REVUE CUITIQUE
elles ne disent rien. Un dictionnaire même étymologique doit avant
tout nous apporter des faits, la discussion des possibilités ne lui appar-
tient pas, et sous ce rapport M. K. aurait peut-être mieux fait de sup-
primer des expressions telles que « il ne faut pas songer à cela, il est
étrange de ne pas trouver cette forme », expressions qui accentuent
trop, à notre sens, le caractère personnel du livre.
Passons maintenant à quelques détails. Ahorn. Ajoutez le û. javor\i,
le lith. jovaras. — BiJse. Le zend connaît nne racine bû^ d'où sont tirés
les noms des démons bûiti, bûidhi, bûshyâcta, et qui est peut être iden-
tique à celle qui a donné Tallemand boese. — Dïister. Le lat. tenebrae
est pour * tenjrae, * tensrae^ cf. consobrinus. — Elfenbein. Le gr. èXe-
çav- est identique au goth. idbandiis^ si. veliba<du. Si Ton part de la
dernière forme, il faut supposer que le grec iAscpavT a perdu un F au
commencement. La forme slave se décompose facilement en veli (grand)
et ba<du, dont, il est vrai, on ne sait que faire \ la forme collatérale veli
bla < du n'étant probablement rien autre chose qu"'une étymologie popu-
laire (bla<du, errant). — Euch. Le thème zend khshma semble prou-
ver que le scv. jtiS7iîa remonte à * juksma. D'après cette hypothèse, l'é-
lément *7w/c est identique au moyen-haut allem. iuch, dont il faut sé-
parer le doublet iiiwich. — Fasten m pal. si. postiti se < , (jeûner). —
Fell. Le caractère de la maladie nommée èpuiî-c^.ac étant de gagner de
proche en proche, il est probable que le second terme de ce composé
n'est pas TréXac, peau, mais ■7:éXac, proche. — Flasche. Le si. ploskva
rend l'origine italique du mot allemand douteuse. — Fliegen. La racine
pouvant êxre*pluk, et non seulement* plugli^ comme le veut M. K. qui
d'ailleurs sous vjolgen » nous laisse le choix entre * plgh et * plk, il
est permis de rappeler le pal. sl.pluku, foule (littéralement volée, com-
parez l'allm. Schwarm^ le v. norr. Jlokkr) et pluciti se, se ranger.
Fol gen et fliegen sont donc au fond identiques. Volk, comparez Ge-
folge^ suppose une racine " pulg. — Fragen. A quoi bon supposer une
racine préhistorique *^rs5A"? Les doublets * ^rA-, *^r5^, cf. vvka et
vrazc, rendent compte de toutes les formes. — Frat^e : /ressen (cf.
Fresse, visage) =: Wit:{ : wissen. — Gering. Le zend renj (être léger)
serait-il identique au second terme du composé allemand? — Graiipe.
Comparez le pal. si. kriipa (mie), serbe kriipa (grésil), krupan (gros). —
Haetscheln de hatschen (aller clopin dopant). — Haudern. Le serbe
kirija (louage) prouve une racine * kûr flouer). — Haupt. Le zend
kaofa (montagne) montre la diphthongue exigée par les formes germani-
ques. — Hemd. Depuis longtemps M. Delbrtick avait comparé le grec
<;o)[j.a-: pour * ^u)[j.a-, * cy.(o[j.aT. — Her:{. C'est le scr. srad, qui ré-
pond à y.xpota, etc. — Kat\e = zend gadhjva. — Kipfel. Ce mot n'a
rien à faire avec le mot kipfe (ranche), mais vient du grec y.uçéc. Les
chroniqueurs autrichiens qui nous décrivent les fêtes données à la cour
des ducs d'Autriche, où l'on pratiquait pendant quelque temps la cui-
1. (Persan banda, serviteur?)
d'hISTOIRK KT Ole LITTKRATUr:K SlI
sine byzantine, orthographient le mot en question « Chyphe ». Les
Viennois en faisant connaissance de la chose, lui conservaient son nom
étranger. — Kittel. D'après l'analogie de knittel à côté de kniittel, on
peut supposer un * kiittel dérivé de kutte. — Kleben. Compavez le serbe
glib [boue). — Knliiiel. Le serbe khivko (kluko, kliipko) a conservé le
groupe primitif kl. — Knie. L'exemple du slave kolêno^ qui réunit les ac-
ceptions de genou et de génération, prouve qu'il n'est pas nécessaire de
distinguer deux thèmes différents en allemand. Ajoutez le lat. ignaviis,
littéralement : sans jarrets. — Knoten r= lat. nodus. — Kopf. A-t-on le
droit de supposer la suppression d'un s initial, et de rattacher ce mot à
Schopfet au serbe kube (coupole)? — Krilmpel. Comparez le si. gre-
benxx (peigne) de grebsti greba< {granev). — Leiden. La locution carin-
thienne « lai lassen » (laisser aller) paraît confirmer l'hypothèse de M. K.
admettant une racine * lai (aller), — Ldffel. C'est au dialecte lusacien
qu'est dû le changement de Te de la forme moyen-haut allemande en ij en
allemand moderne. Comparez liJschen. — Losiing. Cet article est traité
un peu à la hâte. Il faut distinguer trois acceptions inhérentes chacune
à une autre racine : i° Fiente, verbe « lassen » ; comparez le français
laissées'^ 2° Recette, verbe « lijsen »; 3" mot d'ordre, verbe « losen y>
(écouter). — Mahd. L'a prothétique du grec àij.aw fait supposer un
groupe de consonnes au commencement de la racine. Un s suivi de vi
se serait conservé en germanique, mais il n'en est pas de même d'un h
suivi d'une nasale. Le slave possède, en effet, le mot kmet^ qui en Bos-
nie signifie « paysan sans biens-fonds ».Son sens primitif serait-il celui
de « faucheur » ? Je ne donne cette hypothèse, qui rattache le mot slave
auquel je ne connais pas d'étymologie satisfaisante, à la famille germa-
nique de malien, que sous toutes réserves. — Manch. La racine se re-
trouve en sanscrit sous la forme ;72a< h(croître). — Mensch. Encore de
nos jours on emploie le mot « Mensch » en Autriche dans le sens de
servante. — Met-{ger. Pourquoi pas de met^en^ met:{eln? — Milch.
Les lat. miilcere et mulgere, le pal. si. mlêko et le serbe mla:{ (la quan-
tité de lait qu'on obtient par une traite) font supposer une racine-
doublette ^ melk * melg. — Nachen. L'ancien-haut allem. snacga,
l'autrichien Schinakl{nact\\é] nous portent à croire que le mot Nachen
est apparenté à Schnaiie (v. ce mot). — Nest. Le slave gnê:[do rend
l'étymologie courante par ni et sad douteuse, et nous fait plutôt penser
à Knoten. D'ailleurs le sens de « nœud » convient on ne peut mieux à
un nid d'oiseaux attaché aux branches. — Pfanne. Ajoutez le pal. si.
pany, panica (poêle, plat). — Pluderhose. Le serht plnndre parle en fa-
veur de rapports entre Pluder et Plunder (v. ce mot). — Ran:{en.
L'autrichien ran^en, raun^^en, (faire entendre des sons plaintifs, comme
le font des enfants mécontents) remonte apparemment à raiinen (v, ce
mot). — Rat. Nous préférons distinguer deux motsa Rat » : i" Matière,
scr. rd, rai, lat. res, goth, * reds, comparez That et deds. Nous y rat-
tachons en outre le goth. garaids, v. bereit ; 2» conseil, scr, rddh, si.
5 12 REVUE CRITIQUE
raditi; comparez en outre le slave rad\^ (joyeux) au scr. ârâdhîta (sa-
tisfait), le slave radiÇà. cause de) au perse radiy, pehlvi rai, persan râ.
Le t de Rat, conseil, repose d'après cette hypothèse sur un dh, mais le
t de Rat, matière, sur un t indo-européen, qui naturellement a passé
par th. d. — Rucken, français roucouler. — Schade. La racine * skat
se retrouve dans le serbe ?>teta; sceta (dommage). — Scheusal. Ajoutez
\ç.s,ox\\. skohsl. — Schimniel. On dit encore en AulùchQ Schimpl. —
Schlosse. A quel dialecte est emprunté le slave 5/o^i^ ? — Seide. Ajoutez
le slave 5vz7«. — Seneschall. Le f du moyen-haut allemand seneschalt
est probablement dû à Pinfluence de schalten. — Sickern. Ajoutez le
serbe siga (stalactite). — Six. Peut-être pour * Sichts de sehen. —
Sklave. Le mot « slave », en paléoslave slovêninu, cf. slavjann, slovak,
slavenski, Dobroslavu, etc., vient du thème ' slav., et signifie « glo-
rieux »'. Les Grecs et les Italiens, ne supportant pas le groupe initial 5/,
l'ont changé en sel, de la sorte que le mot ethnique fut identique au
mot commun sclavus, qui lui-même vient de la racine *A:/m, * sklu, scr,
sr«, comparez pour le sens l'allem. Hoerig {sqvî] de hoeren. Des Ita-
liens le mot vint aux Allemands, car, si ceux-ci Tavaient pris
directement des Slaves., ils l'auraient changé en * Schlave. — Spannen.,
pal. si. pe < ti, p\na < . — Starke. Comparez le viennois « stier » (sans le
sou). — Tapfer. L'autrichien « gedeftet » (triste) de « dejten » (l'empor-
porter sur q.) nous montre comment le v. norr. dapr a pu prendre le
même sens. — Trappe, serbe « droplja ». — Treber., serbe vc drop » et
« trop » (marc de raisin). — Trecken, scr. « dhrag ». — Ver stand.
Ajoutez le serbe « stavljati se » (se rappeler) de la racine « sthâ «. —
\V ahns inn. A]oniQz le pal. si. vu;2U. (dehors). — ^^g- Pourquoi ne pas
rattacher ce mot à « ^ogern ». — Zuber. Il est curieux de trouver en
serbe le mot presque identique cabar. D'un autre côté, il y a lieu de
s'étonner que « \wibar » se change en « :{iibar », puisque les mots for-
més de la même manière tels que Zwilch., Zwirn restent tels quels.
Enfin en Autriche, le Zuber ne se distingue pas de la cuve, du baquet,
etc., par ses deux anses, mais par un trou au fond, fermé ordinairement
par un bâton, pour pouvoir le vider plus facilement. Tout cela nous
rend l'identification de \\vibar et "{ubar suspecte. — Zweifel. Le pal.
si. dvoiti se< , (douter), le serbe dvojba (doute) sont aussi tirés du nom
de nombre deux.
Toutes ces remarques n'empêchent pas que le Dictionnaire de
M. Kluge ne soit une oeuvre excellente qui témoigne d'un grand labeur
et d'un savoir étendu; elle doit être, nous le répétons, dans la biblio-
thèque de tous les linguistes et de tous les germanisants.
Jean Kirste.
'(
1. V. Raie, istorija Serbov I 3 2 ss.
d'histoirk kt dk littérature 5 I 3
241. — Correspondance du maréclial Davout 9 prince' d'Eckmûhl, ses
commandements, son ministère, i8oi-i8i5, avec introduction et notes, par
Cil. de Mazadk, de l'Académie française. Paris, Pion, i885. Quatre volumes in-8.
Tome I, LU et 470 p.; tome II, 552 p.; tome III, 56o p.; tome IV, 638 p.
Ces quatre volumes de lettres de Davout sont consacrés uniquement
à l'homme de guerre. Ils renferment les dépêches du maréchal, recueil-
lies dans les archives et classées par ordre de dates et de campagnes.
Le premier volume traite du camp de Bruges et des campagnes de
i8o5 et de 1806- 1807. On voit Davout, au camp de Bruges, — un des
six camps formés en i8o3 du Texel à Bayonne pour l'organisation de
Tarmée d'Angleterre — surveiller les côtes, rendre compte au premier
consul des moindres événements, appliquera tout, même aux moindres
détails de Texistence du soldat, la sollicitude la plus vive et la plus in-
cessante. Bientôt il est nommé maréchal de l'Empire et commande l'aile
droite de l'armée de l'Océan à Ambleteuse. Lorsqu'éclate la guerre con-
tre l'Autriche, il est mis à la tête du 3"= corps et on le voit, dans cette
fonction, déployer, comme précédemment, les plus rares qualités dePad-
ministrateur, veiller avec un soin attentif et infatigable à la santé des
troupes et à leur bien-être, organiser le service des ambulances, assurer
régulièrement les distributions. Les dépêches de Davout manquent du
20 octobre jusque vers la mi-novembre, c'est-à-dire pendant la marche
de la grande armée sur Vienne, mais M. de Mazade a suppléé à cette
correspondance égarée ou perdue par le journal des marches du 3^ corps
(p. 181-183) '. Après le passage de l'Inn et le sérieux combat de Ma-
riazell, Davout occupe Vienne avec deux divisions (24 nov.), se porte
sur la March et prend part à la bataille d'Austerlitz sur laquelle il en-
voie une série de rapports très détaillés et très intéressants. Après la paix
de Presbourg, Davout occupe la Souabe ; il se rend à Paris avec un
congé de vingt jours, mais de là, il ordonne à ses généraux et à ses co-
lonels de faire acheter des marmites en tôle battue (p. 265). De retour
à Bamberg le i" octobre, il passe la revue de son corps d'armée qu'il
trouve « dans un très bon état « ; on sait que treize jours plus tard, il
livrait et gagnait la bataille d'Auerstadt « très sanglante et disputée »
(p. 277); qu'il marchait ensuite sur l'Elbe, entrait à Berlin, poussait
sur rOder et arrivait à Varsovie le 3o novembre. Une nouvelle campa-
gne commençait, celle de Pologne, marquée parles combats de Czar-
nowo, de Nasielsk et de Golymin ; puis Farmée prenait ses quartiers
d'hiver; Davout occupait la presqu'île entre la Narew et le Bug, avec
Pultuskpour point d'appui ; le 7 février 1807, au bruit du canon d'Ey-
lau, il accourait par Serpallen avec ses trois glorieuses divisions, Priant,
Morand et Gudin qui, selon le inot de M. de M., (introd. p. xxn), for-
maient une petite armée dans lagrande Armée et une sorte d'être collectif
I. A remarquer aux pp. i85-igi, les mentions fréquentes du chef d'escadron Méda,
du 7' régiment des hussards. C'est celui qui tira le fameux coup de pistolet sur Ro-
bespierre. On le retrouve colonel II, 421 et 435.
5 14 RKVUK CXITIQUK
uni par la discipline, vigoureux, inexpugnable ; il serrait les Russes
d'un côté pendant que Ney les poussait de l'autre ; il avait pendant toute
la journée un rôle décisif (p. 41 5). Au mois de juin, c^était lui encore
qui, après Friedland, poursuivait Tennemi sur la Pregel, et, la paix si-
gnée, il recevait le commandement des troupes françaises qui devaient
rester dans le duché de Varsovie '.
Le deuxième volume est consacré au commandement de Davout en
Pologne (juillet 1807, sept. 1808) et à Erfurt ainsi qu'à la part qu'il
prit à la campagne de 1809. Le maréchal, dit M. de M., eut à contenir
les Polonais sans les décourager, à protéger le gouvernement sans trop
Taccabler de sa prépotence et à surveiller aussi l'Autriche en Galicie,
sauf à être accusé parfois de jeter trop vite le cri d'alarme (p. 4). Il fnt
ensuite commandant en chef de Varmée du Rhin et surveilla les arme-
mcments de l'Autriche. Il s'illustra de nouveau dans la guerre de 1809,
à la tête de son 3^ corps, eta par son audacieuse intrépidité dans sa mar-
che de flanc sur la rive droite du Danube, avec l'ennemi toujours sur
les bras, par trois jours de combats opiniâtres, prépara l'éclatante vic-
toire d'Eckmiilil » (introd. p. xxxi). Nous appellerons surtout l'atten-
tion du lecteur sur le dissentiment entre Davout et Berthier (p. 465 et
suiv.) et sur les dépêches du maréchal pendant les cinq jours de manœu-
vres et de combats qui précèdent la journée du 22 avrih
On ne trouvera pas dans le tome troisième les lettres du maréchal du-
rant les dernières semaines de mai où. eut lieu la bataille d'Essling; on
sait que Davout ne prie à ces événements qu'une part indirecte et que
la rupture du pont du grand bras du Danube l'empêcha de passer le
fleuve. Mais il opéra devant Presbourg et il était à Wagram, il occupa
Brûnn après la bataille et lorsque fut signé le traité de Vienne, ce fut
lui que Napoléon chargea, comme en i8o5, d'exécuter les conditions de
la paix, de délimiter, non sans de graves difficultés, la nouvelle frontière
(cp. p. 125, i35)etde se débrouiller comme il pourrait avec l'affaire
assez lente et laborieuse de l'évacuation. Nommé ensuite commandant
de l'armée d'Allemagne qui se transforma bientôt en corps d'observation
de l'Elbe, et gouverneur de Hambourg, Davout, écrit M. de M., « rem-
plit sa mission d'organisateur avec une habileté éprouvée qui répondait
aux vues de Napoléon et avec le succès que permettaient les circonstan-
ces. Le corps de l'Elbe restait la puissante ayant-garde de la grande
armée destinée à marcher sur le Niémen » (p. Soj, 3o8). Il commande
le i^f corps d'armée pendant la campagne de Russie, il livre seul la ba-
taille de Mohilev, il combat à Smolensk, il est blessé à la Moskowa avec
la plupart de ses généraux et ne cesse pas néanmoins de garder son
I. Signalons dans les dernières pages de ce premier volume les lettres de Davout
sur la maraude et sur les « brigandages » de quelques soldats ; le maréchal sut faire
à temps des exemples (p. 443), mais la population était très hostile; Davout rend
compte le lo mai 1807 que dix-huit cadavres de Français assassinés ont été décou-
verts dans un étang, près de Petersv/alde.
O'HISTOIKR 'fCT DR LITT?i;R ATUK B 5r5
commandement. Durant la retraite, il prend part au combat de Malo-
jaroslawetz et tient l'arrière-garde. Les dépêches, naturellement rares, de
cette période offrent peu d'intérêt'; mais une fois l'armée hors de Russie,
elles se succèdent en grand nombre et donnent d'importants renseigne-
ments sur rétat du ler corps à son arrivée à Thorn et sur la désorganisa-
tion des troupes (voir surtout les lettres au duc de Frioul et à Poniatows-
ki); Davout accuse Murât d'avoir perdu la tête après le départ de Napo-
léon « c'est pour n'avoir adopté aucun plan qu'il nous est arrivé autant
de mal (p. 470)... tout ce qui s'est passé depuis Smorgoni est-il l'effet
de la plus grande ineptie ou de la plus insigne malveillance? Il y aurait
eu bien des Français de conservés s'il était venu à la pensée de l'Empe-
reur l'heureuse idée de confier le commandement au vice-roi (le prince
Eugène, p. 483) ». 11 raconte à Duroc la scène violente qu'il eut à
Gumbinnen avec le roi de Naples, et l'on verra par ce récit l'exactitude
de l'Histoire de Ségur -.
Le quatrième volume est tlivisé en quatre parties : 1° campagne de
181 3, les opérations sur l'Elbe; 2" le siège de Hambourg; 3" les Gent-
Jours, le ministère de la guerre en 181 5 ; 4° le dernier commandement,
l'armée de la Loire. On y voit Davout, à peine échappé à la catastrophe
de Russie, « jouer un rôle particulier qui devient par degrés presque
indépendant » (p. 4), couvrir le Hanovre, marcher sur le Bas- Elbe,
reconquérir avec l'aide de Vandamme Hambourg un moment enlevé
par les alliés, et réorganiser son armée qui forme désormais le i S*' corps,
chargé de défendre la 32® division. Puis, tandis que Napoléon, vaincu
à Leipzig ', recule sur le Rhin, le maréchal, seul, livré à lui-même,
s'enferme dans Hambourg et s'y défend à outrance, durant cinq mois,
I. M. de Mazade soutient avec raison que Davout, comme on l'en accusait alors,
n'a pas abandonné le maréchal Ney (marche de Krasnoé sur Orcha) ; « il n'avait
fait qu'exécuter un ordre donné, et, fût-il resté à Krasnoé, il se serait perdu lui-
même sans rien pouvoir pour Ney... C'est la faute non de Davout, mais des circons-
tances, plus fortes que toutes les volontés, et aussi des dispositions malheureuses
prises par l'Empereur au départ de Smolensk » (p. 428). Ce qui est plus gvave,
c'est le témoignage de Ségur {Hist. de Napoléon et de la grande armée pendant
Vannée 181 J, IX, 11, p. iSb). « [Davout] ne se trouva plus l'homme de la circons-
tance; jeté hors de toutes ses idées arictées de régularité, d'ordre et de méthode, il
fut saisi de désespoir à la vue d'un désordre si général et jugeant avant les autres
tout perdu, il se sentit prêt à tout abandonner ». Il eut même la pensée du suicide
(lettre à la maréchale, î5 janvier i8i3, cp. .M'"'-" de Blocqueville, Le maréchal Da-
vout 111, 252). Cp. .Montégut, Davout, ib-j.
1. Ségur H, 433. « Un cri de Davout l'interrompit : Le roi de Prusse, l'empereur
d'Autriche sont princes par la grâce de Dieu, du temps et de l'habitude des peuples ;
mais vous, vous n'êtes roi que par la grâce de Napoléon et du sang français ; vous
ne pouvez l'être que par Napoléon et en restant uni à la P'rance. » Davout au duc de
Frioul (de Mazade, III, 484) : « J'ai observé au roi... qu'il n'était roi que par la
grâce de l'Empereur et le sang des Français, qu'il était en outre prince français, et
que son devoir lui prescrivait de ne point faire la paix avec les ennemis de l'Empe-
reur sans son agrément ».
3. P. 282. Leipzig est, non du 14 octobre, mais du 16 et du iS.
5 l6 REVDE CRITIQUE
sans se laisser déconcerter par les efforts des coalisés et par les événe-
ments qui se précipitent. La correspondance de Davout manque entiè-
rement pendant cette période; les communications étaient rompues.
Mais M. de M. a reproduit la partie essentielle du Mémoire sur le
siège et la défense de Hambourg qui fut écrit, sous les inspirations du
prince d'Eckmiihl, par son chef d'état-major. César de Laville, et pu-
blié après son retour en France (p. 288-349); il « suffit amplement à
venger le maréchal de toutes les accusations dont il était l'objet. » Après
le retour de l'île d'Elbe, Davout répondit à l'appel de Napoléon et
sortit de sa retraite de Savigny-sur-Orge pour prendre le ministère de
la guerre; il le prenait, selon l'expression de M. de M. (p. 352) par
dévouement et parce que seul il pouvait l'exercer avec autorité. Pen-
dant trois mois, ajoute l'historien, il suffit à tout par son énergique
activité, multipliant les ordres pour la pacification intérieure et prépa-
rant d'un autre côté les forces dont on avait besoin pour soutenir une
dernière lutte contre TEurope; dans cet immense travail, il ne laissait
pas d'être contrarié par ceux qui supportaient mal la rude indépendance
de son caractère, et Tempereur lui-même, plus ou moins circonvenu par
son entourage, n'était point sans avoir parfois ses mouvements d'hu-
meur contre son ministre de la guerre; mais à son départ pour le Nord,
il laissait le prince d'Eckmiihl avec les pouvoirs de ministre, de gou-
verneur de Paris, de commandant en chef des gardes nationales, des
levées en masse et des troupes de ligne qui se trouveraient dans la ville ;
c'était la plus grande marque de confiance (p. 353). Après Waterloo, le
maréchal voulut donner à Napoléon une dictature temporaire; puis,
lorsque la commission executive l'eut nommé généralissime, livrer ba-
taille sous les murs de Paris; enfin, quand il vit qu'on était plus dis-
posé à traiter qu'à combattre, faire intervenir le roi entre la France et
les alliés. Il n'eut d'autre pensée que de sauvegarder l'indépendance
nationale. C'est alors qu'il écrivit peut-être ses plus belles lettres;
« déployer de la vigueur et de la constance pour conserver à l'empereur
et à la patrie le point important qui vous est confié » (au gouverneur
de Lille, 56g)... « L^empereur renonce au rang suprême; si les ennemis
continuent une injuste guerre, opposez une inexpugnable barrière à
leurs efforts; une grande nation qui défend son indépendance ne peut
être subjuguée » (aux généraux, 570)... « Il faut être fidèles à ces aigles
qui sont toujours notre signe de ralliement, réveiller le beau sentiment
de patriotisme qui existait dans l'Aisne, exciter l'amour de la patrie
dans tous les cœurs » (à Soult, 572)... « Nous aurons au-delà de
100,000 hommes de troupes de ligne; l'ennemi y regardera à deux fois
et écoutera des propositions » (à Grouchy, 574).... « Il n'y a pas de
temps à perdre pour adopter ma proposition; nous devons proclamer
Louis XVIII, le prier de faire son entrée, sans les troupes étrangères
qui ne doivent jamais mettre le pied à Paris; Louis XVIII doit régner
avec Tappui de la nation » (p. 578); ... « on ne doit rien céder; il faut
D HISTOIRE ET DE LITTERATURE DI7
défendre l'Ecluse, le Rhône, la montagne de l'FIpine et des Echelles,
détruire le chemin du mont du Chat; c'est nous sauver, car. Napoléon
n^étant plus rien, ce sera prouver au monde et à la France qu'on veut
détruire notre patrie » (à Suchet, 079); ... « que chaque homme de
courage et de bonne volonté vienne dans nos redoutes; ils contribueront
à la défense des tortifications; l'honneur français n'a pas besoin d'être
stimulé» (à Masséna, 58 1); ... « les motifs de la guerre n'existent plus,
puisque l'empereur a abdiqué... Je fais la demande formelle de cesser
toute hostilité; ... si je me présente sur le champ de bataille, j'y porte-
rai la conviction de combattre pour la plus sainte des causes « (à Wel-
lington et à Bliicher, 582); ... « l'armée part ce soir, il est important
qu'on ne laisse rentrer aucun militaire dans Paris avant que les magis-
trats aient eu le temps de régler l'entrée des alliés » (à Masséna, 585).
Il avait fallu en finir, signer l'armistice du 3 juillet; Davout n'était
plus ministre, mais il commandait en chef l'armée qui devait se retirer
sur la Loire, mission douloureuse et difficile qu'il rem.plit pendant un
mois. Les lettres que publie M. de M. (6-3 1 juillet) sont l'histoire la
plus fidèle de cette période. « Il sut à la fois, dit l'éditeur (introd., xlviii),
défendre l'armée contre le gouvernement et la défendre contre elle-
même, contre la désorganisation, la maintenir dans l'obéissance et la
discipline, négocier sa soumission en ménageant son orgueil et ses
intérêts, la préserver des offenses de l'ennemi, concilier tous ses devoirs
avec le patriotisme et l'honneur... Il acceptait la monarchie nouvelle
car il avait horreur de la guerre civile devant l'ennemi. » Un des der-
niers documents de la publication est la proclamation à l'armée du
16 juillet (p. 604-605); Davout demande aux soldats le grand sacrifice
d'arborer la cocarde blanche; il les prie de tenir la même conduite que
lui, à Hambourg, l'année précédente, de conserver l'armée à l'Etat, de
défendre au nom de Louis XVIII la patrie malheureuse» on la sert
quel que soit le gouvernement qu'on ait, et une armée ne peut être dé-
libérante. » Nous aurions voulu que M. de M. eût rapproché ces der-
niers mots de la lettre que Davout écrivait en 1792 aux administrateurs
de l'Yonne (M^o de Blocqueville, I, 299) « vous ne verrez jamais au-
cune délibération de la part de vos frères qui savent combien les déli-
bérations des corps armés sont illicites ». Le lieutenant-colonel des
volontaires tenait au commencement de la grande guerre de la Révolu-
tion le même langage que le maréchal de France à la fin de la lutte.
M. de M. a joint aux lettres de Davout les lettres, les ordres, les ré-
ponses de Napoléon qui les éclairent. Il a relié l'ensemble par des notes
explicatives, complètes dans leur brièveté, qui orientent le lecteur et
lui permettent de suivre le cours des événements. Il a « tout respecté
dans le texte » (introd., p. li) ^ L'introduction est écrite avec chaleur
I. Peut-être eut-il mieux valu corriger l'ortliograplie des noms de personnes et
de lieux ou les donner, sous leur forme authentique, dans un Index général qui au-
rait été très utile. Il est à craindre que beaucoup de ceux qui consulteront l'ou-
5l8 REVUK CRITIQUE
et avec verve; en quelques pages, M. de M. a su retracer la vie mili-
taire de Davout et faire de ce grand homme de guerre un très ressem-
blant et très beau portrait. Le public français lui saura le plus grand
gré de la publication de cette correspotidance ; elle offre une quantité
de pièces qui forment une partie considérable des vraies sources de
l'histoire militaire du premier Empire, et fait revivre, selon le mot de
M. de Mazade, une des plus fières et des plus saisissantes images d'une
grande époque.
A. Chuquet.
CHRONIQUE
FRANCE. — Notre collaborateur M. Emile Legrand, répétiteur à TEcoIe spéciale
des langues orientales vivantes, vient de faire paraître à la librairie Ernest Leroux
une Bibliographie hellénique ou description raisonnée des livres publics en grec par
des Grecs aux w^ et xvi« siècles (2 vol. in-S"). M. L. y décrit avec détail plus de
trois cents ouvrages; il n'a pas cru devoir se borner à une aride nomenclature de
catalogue, mais il reproduit intégralement les préfaces ou autres pièces liminaires
pouvant jeter quelque lumière sur les conditions dans lesquelles a eu lieu l'impres-
sion du livre. On trouve, en outre, dans cette Bibliographie, des notices très éten-
dues et complètement nouvelles sur les écrivains grecs de l'époque, ce qui fait de
cette publication une véritable histoire littéraire de la Grèce aux xv« et xvt<= siècles.
Le second volume se termine par une série de lettres et de documents inédits. Nous
reviendrons prochainement sur cet important ouvrage.
— La Société de Vhistoire de Paris publiera dans son prochain volume de mé-
moires le Livre de raison inédit de M« Nicolas Varsoris, avocat au Parlement de
Paris, et mettra dans le commerce un certain nombre d'exemplaires du tirage à
part. Ce document, dont l'édition est due à M. G. Fagniez, se rapporte à une épo-
que dont on peut dire encore, malgré les publications de M. L. Lalanne et G. Guif-
frey, qu'elle compte peu d'ouvrages historiques originaux; il embrasse la période
de i5i5 à i53o. Il ne faut naturellement pas y chercher, pas plus que dans les
journaux domestiques du même genre, une composition réfléchie ; il ne taut pas non
plus en attendre les révélations, d'ailleurs toujours sujettes à caution, que fournis-
sent les mémoires des personnages qui ont joué un rôle important dans les événe-
ments, mais on y trouvera, à côté de détails biographiques sur le monde du Palais
où vivait l'auteur, le récit des faits dont il a été témoin ou qu'il a appris par la no-
toriété publique, et. ce qui est peut-être encore plus curieux, les impressions d'un
bourgeois, arrivé par sa profession à un rang intellectuel assez élevé, écho fidèle,
croyons-nous, des idées, des sentiments, des préjugés de la classe parlementaire.
vrage, n'écrivent, comme Davout, Weisenfels pour Weissenfels, Mollendorf pour
Mœllendorf, Woss pour Voss, etc. 11 fallait d'ailleurs donner aux noms une or-
thographe uniforme; on trouve à la fois Custrin et Cûstrin, Melnitz et Menitz, Lun-
dembourg et Lundenbourg, etc. Deux remarques sur l'introduction : p. u, Hoche
n'a pas « passé par les bataillons de volontaires » et p. v, le Messin Bouchotte n'est
pas le « compatriote » du Bourguignon Davout. L'éminent académicien nous par-
donnera de relever ces vétilles.
d'hîstoire et dk littératuuk 5iq
— Deux volumes paraissent en même temps sur le maréchal d'Ancre; l'un est de
M. F. PouY dont l'on connaît les recherches historiques et bibliographiques sur
l'imprimerie et la librairie, et a pour titre Co)tciiii, maréchal d^ Ancre, sou gouverne-
ment en Picardie ; l'autre est publié par M. Alfred Danicourt ei s'intitule une ré-
volte à Péronne sous le gouvernement du maréchal d'Ancre, l'an ib lù, avec des do-
cuments inédits (Paris, Ernest Leroux.)
— Ceux de nos lecteurs qui s'intéressent à l'histoire du xvii" siècle n'ont pas oublié
la discussion soulevée par la thèse française de M. Parmentier, en 1877. Cette thèse
était consacrée à un ouvrage historique manuscrit et anonyme, allant, dans le frag-
ment qui s'en était conservé, de 1634 a i638 (Bibl. nat. Fr. 3757) et que M. L. Ranke
avait présenté, en 1849, ^ l'Académie des sciences morales, comme un recueil « de
journaux et de mémoires tirés des papiers du P. Joseph (Fran:^cesische Geschichte
18Ô1, V, 108. L'auteur de la thèse contestait cette origine, qui ressort cependant clai-
rement de l'examen le plus superficiel, et s'efforçait d'établir, contre toute apparence,
que le ms. était un supplément des mémoires de Richelieu iParmentier, Etude sur
un supplément inédit des mémoires de Richelieu, Thorin, 1877). M. Fagniez, qui avait
combattu ces conclusions dans la Revue critique (n^^ du i5 janv. etdu i5fév. 1877.
Cf. la réponse de M. Parmentier dans le n" du i 3 sept, et une lettre de M. Vion dans
le n" du 1 1 oct. et aussi un art. de M. Hanotaux dans la Rev.Hist. VII, 411), vient,
au cours de ses recherches sur le P. Joseph, de découvrir le ms. complet et autogra-
phe^ dont la Bibl. nat. ne possède qu'une copie incomplète et inexacte. Ce ms., qui a
passé à l'étranger, commence en 1623 et comprend, par conséquent, onze années de
plus que le fragment précédemment connu. Il est anonyme, mais l'écriture permet
d'afhrmer qu'il est l'œuvre de Lepré-Balain, l'auteur de la biographie inédite du
P. Joseph qui est en la possession de M, Fagniez (Voy. La Missioyi du P. J. à Ratis-
bonneen i63o. Rev. Hist. XXVII et XXVlll). Les deux ouvrages renvoient l'un à
l'autre et celui doiU nous signalons la découverte, a été, comme la biographie, rédigé
à l'aide des papiers et des renseignements communiqués par le P. Ange de Mortagne,
compagnon et secrétaire habituel du célèbre capucin.
— Au programme de l'agrégation de grammaire est inscrit V Heautontimorumenos
de Térence, édition Wagner (avec notes en allemand), chez Teubner. Cette édition
est épuisée; le soin de la republicr a été confié à M. Fleckeisen, mais, ainsi que la
maison Teubner a bien voulu le répondre à la demande que nous lui adressions, on
ne peut prévoir à quel moment elle se retrouvera en librairie. En attendant, nous
signalons aux candidats l'édition donnée par Wagner avec notes en anglais. Cam-
bridge, chez Deighton, Bell and Co,
ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séance du 18 décembre 1885.
M. le marquis d'Hervey de Saint-Denys lit une Note sur la valeur réelle des termes
Annam et Annamites. L'usage européen actuel applique le nom d'Annam à toute la
partie de la péninsule indo-chinoise comprise à l'est de la grande chaîne de mon-
tagnes qui traverse cette péninsule, depuis la frontière chinoise au nord jusqu'au
Cambodge au sud. L'Annam ainsi entendu com.prend à la fois le Tonkin et la Co-
chinchine. Parfois aussi on en exclut le Tonkin et l'on applique ce nom à la Cochin-
chine seule. Dans l'un et l'autre cas, on donne au mot un sens arbitraire et contraire
à l'usage oriental. Le nom d'An-Ndm, du chinois An-nan ou Ngan-nan, a désigné
à l'origine un gouvernement militaire constitué par la Chine en l'an 75G de notre
520 REVUE CRITIQUE d'hISTOIRK ET DE LITTERATURE
ère, qui comprenait le territoire du Tonkin actuel. Plus tard ce territoire devint un
royaume soit indépendant, soit feudataire, qui conserva le même nom, mais sans
jamais s'étendre en dehors des mêmes limites. Au commencement du xv^ siècle, un
roi de cet état, Li, fond.iteur d'une dynastie nouvelle, réorganisa son royaume sur
le modèle de l'empire chinois : comme il y avait en Chine deux capitales, appelées
l'une « la capitale du Nord », Pé-king, l'autre u la capitale du Sud », Nan-kiug, il
en créa deux dans l'An-nâm, qu'il appela « la capitale de l'Ouest », Si-ki)ig, et la
capitale de l'Est, Tong-king : du nom de celte dernière ville est venu le norn actuel
ilu Tonkin. Le nom d'An-nâm se maintint néanmoins, pour désigner la même ré-
gion, jusqu'en lyyS. En cette année, Ghia-Long, roi du Tchen-tchin ou de la Co-
chinchine, conquit l'An-nâm ou Tonkin, et donna au royaume composé de l'An-
nâm et de la Cochinchine réunies le nom nouveau de Yoiie-nan. Mais les Européens
ne s'habituèrent pas à ce nom et trouvèrent plus commode d'appliquer à toute l'é-
tendue du nouvel état le nom déjà connu d'An-nâm. C'est une impropriété de lan-
gage dont il ne faudrait pas être dupe; si, dans un document quelconque, antérieur
a ce siècle, on rencontre le nom de Ngan-nan, An-nan ou An-ndm, il faut entendre
par là uniquement le Tonkin.
M. Alfred Croiset communique des Observations sur la constitution critique du
texte de Thucydide, à propos d'un manuscrit de la Bibliothèque nationale. Le ma-
nuscrit dont il s'agit est le Cisalpini.s de Bekker. L'objet du travail est de montrer
que la collation de bekker, assez bonne en général, n'a pourtant pas toute l'exacti-
tude et toute la minutie nécessaires pour fournir les éléments d'un classement ri-
goureux des manuscrits de Thucydide. L'auteur cite quelques exemples et discute à
ce propos l'emploi qu'on peut faire du manuscrit de l'aris pour la correction de
certains passages de l'écrivain grec.
M. Théodore Reinach commence une communication sur la Numismatique des
rois de Cappadoce.
Ouvrages présentés : — par M. Desjardins : Julien Sacaze, les Anciens Dieux des
Pyrénées, nomenclature et distribution géographique (extrait de la Revue de Com-
>m»g-<?5 d'octobre i885); — par M.Renan : Corpus inscriptionum semiticarumjasc. 111;
- par M. P.-Ch. Robert : Louis Blancard, i" Salaire et Prix des marchandises
dans l'empire romain d'après Védit de Dioclétien; 2° l'Aurcns romain se divisait en
6ooo au iii^ siècle avant J.-C; 3° le Sigle monétaire X barré du denier romain est le
monogramme du chiffre XVI; — par M. Léopold Delisle : Albert Babeau, les Ar-
tistes et tes Domestiques d'autrefois.
Julien Havet.
SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
Séance du g décembre iS85.
PRÉSIDENCE DE M. COURAJOD
M. Emile Molinier communique la photographie d'une plaquette de la Renais-
sance Italienne appartenant au Musée de Berlin et représentant Apollon et Marsyas;
c'est une imitation d'une cornaline ayant fait partie des collections des Médicis et
fort connue; mais aucun des exemplaires signalés jusqu'à présent ne porte l'inscrip-
tion qu'on lit sur celui de Berlin et qui donne le nom et les titres de Néron. Cette
plaquette peut donc être considériée comme l'empreinte exacte de la fameuse pierre
dite Cachet de Né>on, que Lorenzo Ghiberti monta en orfèvrerie.
M. de Barthélémy lit une lettre de M. Civelet qui donne quelques détails sur une
statuette de bronze représentant Jupiter armé du foudre et découverte au territoire
de Bcrru par M. Bosteaux, maire de Cernay-les-Reims. Le socle porte une inscrip-
tion gravée au burin D-IOVMAPASOLLIFIL-V'LM.
M. Héron de Villefosse, au nom de M. Maxe-Verly, communique la photographie
de cette statuette, et en outre une figurine minuscule de bronze représentant un
gladiateur, trouvée à Reims.
M. de Caix de Saint-Aymour lit une note sur un gobelet en éiain historié du
xiv» siècle. U présente aussi une sonnette du temps de' François I ornée d'une fleur
de lys et d'un médaillon entouré de la légende NICOLAS BYRET, avec une sala-
mandre au centre.
M. de Lasteyrie présente la photographie d'une statue qui orne la cathédrale de
Reirns, et dans laquelle M. le chanoine Cerf croit reconnaître les traits de Saint-
Louis. Cette attribution paraît incertaine à plusieurs membres.
M. le Président lit une notice de M. de Laigue sur la mosaïque de l'église de San
Frediano à Lucques, qu'il date du xu« siècle.
M. Lefort dit avoir examiné cette mosaïque qui lui paraît avoir été restaurée à
diverses époques, il croit qu'elle est de la tin du xiii» siècle.
Le Secrétaire,
R. MOWAT.
Le Propriétaire-Gérant : ERNEST LEROUX.
Lt Puy. jmpnmei'ie de Marchessou fils, boulevard Saint-lMurent, ai.
N° 27 Dix-neuvième année 6 juillet 1885
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUIîîL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. J. DAHMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Ckuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 23 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE I, A SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l.' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les commimications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Keviie : rue Bonaparte, 2S).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, et
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent nn compte-rendu.
ERNEST LEROUX. ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
QUATRIÈME CROISADE. La diversion sm-Zara
et Constantinople, par J. Tessier, professeur à la Faculté des Lettres
de Caen. In-8 7 5o
r r
ETUDES D'ARCHEOLOGIE ET DE
MYTHOLOGIE GAULOISES. Deuxstèiesde
Laraire, suivies d^un appendice et d'une note sur le signe symbolique
en S, Avec 19 planches, par Ed. Flouest, de la Société des Anti-
quaires. In-8, 19 planches hors texte 6 fr.
CONTES FRANÇAIS, recueillis par E. Henry Carnoy.
In-i8.. 5 fr.
Forme le tome VI II de la Collection de Contes et Chansons populaires.
LE SAINT-SIÈGE, LA POLOGNE ET
MOSCOU (1582-15S7), par le P. Pierling. In-i8, elzé-
vir 2 5o
Forme le tome VII de la Bibliothèque slave el\évirienne.
PÉRIODIQUES
The Acaclemy, n" 685, 20 juin i885 : Mrs. Orr, A handbook to ihe
Works ol Robert Browning. — Lansdell, Russion Central Asia, in-
cluding Kuldja, Bokhara, Kliiva and Merv, 2 vols. (Howorth).— Kali-
lah and Dimnah, or the fables of Bidpai, being an account of iheir
literary history, with an english translation of the later syriac version
of the same, and notes, by Keith-Falconer. (Utile et bien fait.) — San-
DERSON, Outlincs of the world's history, ancient, mediaeval and modem,
with speci:;i relation to the history of civilisation and the progress of
mankind. (Peacock : étrange composé de choses inutiles, de détails
instructifs et d'autres qui ne sont pas à leur place.) — The expulsion ot
Shelley from University Collège, Oxford (Dowden). — Shakspere and
lord Pembroke (Tyier). — The Merton professorship (Lang). — Mr.
Wharton's « Sappho » (Am. B. Edwards) — The « inhabitants of Mel-
bourne, 1695 » (Waters). — Is Olympus visible from Prevesa? (Hos-
kyns-Abrahall). — Clifford, The common sensé of the exact sciences.
— The Slavs and the Germains (Schuchardt). — Crowe and C.avalca-
SELLE. Life and works of Raphaël. 2 vols. (Middleton : ouvrage aux
mérites solides.) — Egypt Exploration Found, the Site of Goshen (Na-
ville).
The Atheuaeum, n" 3oo8, 20 juin i885 : Schley, The rescue of Greely.
(Le meilleur récit jusqu'à ce que Greely ait pris lui-même la parole et
publié son rapport.) — Platts, A dictionnary of Urdu, Classical
Hindi and English. (Offre une mine abondante d^informations et doit
être recommandé chaudement à tous les amis des études orientales.!
— Duka, Life and works of Alexander Gsoma de Koros. (Intéressant
récit de la vie et des travaux d'Alexandre Csoma de Kôrôs, l'infatigable
chercheur, et qu'accueilleront cordialement non-seulement les linguis-
tes et les philologues, mais tous ceux à qui sont chers le courage, la
persévérance et le dévouement à la science.) — Edwards, A commentary
of the first Epitle to the Corinthians. — Historical books. (Forty-fîfty
Report of the Deputy Keeper of the Public Records; Mason. History
of Norfolk; Cox, Greek statesmen; Sanderson, Outlines of the world's
history; H. de La Ferrière, (Trois amoureuses au xvi'' siècle : soigné.)
— The « Dictionary of national biography » (Leslie Stephen) — Inci-
dent n° 2 in the history of Trinity Collège, Cambridge (x\iry). — Victor
Hugo in Jersey (Harng). — The topography of Cornwall. — Shel-
leyana. (Roberts.) — Notes from Athens (Hirst). — Who was the en-
glish originator of the so-called « Baconian theory » (Elze).
Literarisches Centralblatt, n» 26, 20 juin i885 : Delff, Grundzûge der
Entwickelungsgeschichtc der Religion. — Saadia Al-fajûmis arabische
Psalmenubersetzung, nach einer Mûnchener Handschrift hrsg. und
ins Deutsche ûbertragen von Margulies, I. — Vorderg, Der Luther-
hof von Gastein. — Archives de l'Orient latin, tome II (même abon-
dance de travaux scientifiques et de documents que dans le premier
volume et non moins intéressants pour ceux qui s'occupent d'études
orientales et spécialement de l'histoire de la Palestine). — Pflugk-
Harttung, Iter italicum, II (recueil divers, « recht bunt », attaque con-
tre Kaltenbrunner, histoire de la maladie de l'auteur, liste de ses colla-
borateurs, glossaire latin du xni" siècle avec des remarques de Lôwe,
extraits de la collection des lettres de Lorsch, satire virulente de 1099
contre Urbain II et la curie romaine, etc., etc.) — Lamansky, Secrets
d'état de Venise, documents, extraits, notices et études servant ù éclair-
cir les rapports de la seigneurie avec les Grecs, les Slaves et la Porte
ottomane à la fin du xve et du xvi'= siècle (recueil très abondant et qui
contient une foule de documents curieux). — Knohtz, Amerikanische
Lebensbilder. — Colquhoun, Quer durch Chryse, Forschungsreise
durch die sildchinessischen Grenzliinder und Birma von Canton nach
Mandalay. — Ebers, Richard Lipsius, ein Lebensbild (intéressant et
vivant). — Stobaei antliologiae libriduo prieras qui inscribi soient phy-
sicae et ethicae, rec. Wachsmuth. I et II (« travail monumental x). —
Abel. Scholia vetera in Pindari Nemea et Ithsmia. II et III (bien
réussi). — Saalfeld, deutsch-lateinisches Handbûchlein der Eigenna-
men aus der alten, mittleren und neuen Géographie (erreurs accumu-
lées, à quoi sert ce livre? Tous les noms latins sont jetés pèle mêle et
arbitrairement; « ein Erzeugniss leidiger Biichemacheri »). — Alberti,
Bettina von Arnim, lySS-iHSg, ein Erinnerungsblatt zu ihrem hun-
dertsten Geburtstage. (On demande à l'auteur moins de phrases, plus de
clarté et de goût, des connaissances plus solides).
Deutsche Literaturzeitung', n° 25, 20 Juin i885 : Borghi, Leone XIII,
Arnoldo da Brescia; Francesco d'Assisi. (Kraus : trois petits écrits
remarquables de Thomme d'État italien.) ~ Rée, die Entstehung des
Gewissens. — Retchling, Oriwin Gratins, sein Leben und Wirken, eine
Ehrenrettung. (Voigt.j — Winkler, Uralteïische Vulker und Sprachen
[Tomaschek : matériaux énormes qui étouffent le lecteur; nuis exem-
ples abondants, puisés aux meilleures sources; résultats assurés; en
somme, livre instructif). — W. Meyer, Zur Geschichte des griechischen
und deslateinischen Hexameters. (Hiller : travail extrêmement intéres-
sant et riche en remarques aussi originales que fines et sagaces.) —
W. Meyer, Anfang und Ursprung der lateinischen und griechischen
rhytmischen Dichtung. (Seiler : excellent.) — Joseph, Konrads von
Wurzburg Klage der Kunst (Strobl : bien fait). — Fisch, Generalmajor
von Stille und Friedrich der Grosse (E. S. : titre bizarre; recueil de
correspondances, les unes connues, les autres peu connues; néanmoins,
quoique trop chargé, intéressant). — De La Fontaine, Œuvres, II,
p. 4. Régnier (très instructiO. — Frankfurter Chroniken und annalis-
îische Aufzeichnungen des Mittelalters bearb. von Froning. (Wyss.) —
Kagelmacher, Filippo Maria Visconti und Kunig Sigismund, 141 3-
1431, ein Beitrag zur Geschichte des XV. Jahrhunderts. (Kerler : bon
et soigné.) — O. Richter, Verfassungsgeschichte der Stadt Dresden, I.
(Ermisch : très belle et très méritoire publication.) — Le Bon, La
civilisation des Arabes (Woltî : ouvrage d'ensemble qui n'existait pas
encore et qui est digne de grands éloges). — Heisterbergk, Name und
Begrififdes jus italicum (Dambach : clairement pensé, bien écrit, agréa-
ble à lire malgré quelques longueurs).
Berliiier Philologische Wochenschrift, 20 juin i885, n" 25 : Eschyle, Fa-
bulae cum lectionibus et schoHis cod. Medicei et in Agamemnonem
cod. Florentini ab Hieron. Vitelli denuo CoUatis edid. N. Wecklein
(commencemeni: d'un compte rendu détaillé) — Elementary classics.
The rise of the athenian empire from Thucydides book I. Edited for
theuse of beginners. By F. H. Colson. — Thucydides, the fourth book,
edited with notes by G. E. Graves (compilation). — O. Zingerle, die
Quellen zum Alexander des Rudolf von Éms. Im Anhang : die Histo-
ria de preliis (G. Landgraf). — Anonymi de situ orbis libri duo, e codice
Leidensi nunc primum edidit M. Manitius (B. Fabricius; opuscule sans
valeur du ix" siècle). — H. Schenkl, Zur Geschichte des attischen Bur-
gerrechtes (Buermann). — K. L. Roth, Rômische Geschichte nach den
Quellen erzahlt, II Ausgabe von A. Westermayer (P. Brennecke : à re-
commander). — B. Heisterbergk, Name und Begriff des Jus Italicum
;M. Voigt : manqué et prolixe). — O. Aufleger, Verzeichniss griechis-
cher Miinzen welciie in galvanoplastischen Nachahmungen zu beziehen
sind ;'R. Weil : utile auxiliaire de l'enseignement historique). — Th.
ScHREiBiîR, Kulturhistoricher Bilderatlas. I. Alterthum, loo Tafeln
mil eiklarcndem Text. Lief. 1-4 (H. Diitschke : tant que le texte
n'aura pas paru, ces planches seront d'un usage très incomnaode. Les
reproductions sont en partie manquées). — A. de Bourmont, La fonda-
tion de l'université de Caen et son organisation au xv"^ siècle; la biblio-
ib.èque de l'université de Caen au xve siècle (G. Schepss).
Revue de l'Instruction publique (supérieure et moyenne) en Belgique, tome XXV III,
3'^ livraison; Société pour le progrès des études philologiques et histori-
ques, 25« séance tenue au conservatoire royal de Bruxelles, le 1 1 avril.
— WiLLEMs, L''organisation des flottes romaines. (A propos des « Re-
cherches nouvelles » que M. Ferrero vient de publier comme supplé-
ment à son ouvrage « L'Ordinamento deile armate romane»;rauteur fait
preuve d'une scrupuleuse précision et d'un tact judicieux.) — deBastin,
Sur l'emploi des négations en latin et en français. (Conclut que les
écrivains latins n'ont pas péché contre la logique'dans la construction
des phrases, citées en exemple par M. P. Thomas, 9^ livraison du
tome XXVI II). — P. Thomas, Réponse à l'article qui précède, (Répli-
que à M. de Bastin qui tente de justifier, au point de vue de la langue
et du génie de la langue latine, certaines phrases où M. P. Thomas
avait vu une faute de rédaction.} — O.mont, Catalogue des manuscrits
grecs de la Bibliothèque royale de Bruxelles (suite). — Comptes-ren-
dus : Warker, Déclinaisons et conjugaisons, Umlaut, Brechung,
Ablaut. (L'auteur possède à peine les rudiments de l'histoire delà langue
et son travail n'a pas les qualités qu'on doit exiger d'un livre destiné
aux élèves.) — Hins, Quelques réflexions sur le serment de Louis le
Germanique (extrait d'un mémoire sur 1' « Origine de la langue ro-
mane ï), couronné par l'Académie de Montauban; on trouverait dans
le Serment un jargon rriélangé de deux dialectes, écrit par un Germain,
qui, en dehors de sa langue, ne connaissait bien que le latin tel qu'on
l'enseignait de son temps.) — Juste, Les Pays-Bas sous Philippe II,
2 vols. (Lonchay : nouvelle édition d''un travail dont la fe édition parut
en i855, beaucoup de clarté et d'impartialité.) — Dakis, Histoire du
diocèse et de la principauté de Liège pendant le xvi° siècle (Louchay :
consciencieuses recherches, et riche en renseignements biographiques,
mais ce travail n'est pas détinitit, et marque trop souvent de précision).
— P. Terenti Afri Adelphoi, p. p. Plessis. (P. Thomas : aie caractère
d'une édition variorum et l'éditeur se défie un peu trop de lui-même;
mais travail très estimable, très recommandable, dont l'auteur fera hon-
neur à l'école philologique française.) — Stappers, Dictionnaire synop-
tique d'etymologie française. (Thil Lorrain : utile et facile à manier,
excellent ouvrage.) — Willems, Le sénat de la République, romaine, I
(de Geuleneer : réimpression avec additions et changements en appen-
dice; tables précieuses).
Le l'uy-, iutyrimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent. 2J>.
N* 28 Dix-neuvième année 13 juillet 1885
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. J. DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. ■— Départements, 22 fr. — Etranger, 25 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE I, A SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, KTC.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuqurt
I, Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, et
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
QUATRIÈME CROISADE. La diversion sur Zara
et Constantinople, par J. Tessier, professeur à la Faculté des Lettres
de Caen. In-8 7 5o
ÉTUDES D'ARCHÉOLOGIE ET DE
MYTHOLOGIE GAULOISES. Deuxstèiesde
Laraire, suivies d'un appendice et d'une note sur le signe symbolique
en S, Avec 19 planches, par Ed. Flouest, de la Société des Anti-
quaires. In-8, ig planches hors texte 6 fr.
CONTES FRANÇAIS, recueillis par E. Henry Carnoy.
In-i8 5 fr.
Forme le tome VIII de la Collection de Contes et Chansons populaires.
LE SAINT-SIÈGE, LA POLOGNE ET
MOSCOU (i582-i587), par le P. Pierling. In-i8, elzé-
vir 2 5o
Forme le tome VII de la Bibliothèque slave el^évirienne .
PÉRIODIQUES
The Academy, n" 686, 27 juin i885 : Lady Martin, On some of
Shakspeare's feniale characters. (Dowden : critique parfois juste, mais
qui ressemble trop souvent à une autobiographie.) — Stanley, Thie
Congo and the founding of its Free State, a siory of work and explora-
tion. 2 vols. (Keane. — The Holy Bible, containing the Old and New-
Testaments translated eut of the original tongues being the version
set forth A. D. 161 1 revised. (deuxième art.). — Chronicles of the reigns
ot Stephen, Henri II and Richard I, vol. I containing the first four
booksofthe « Historia rerum anglicarum » of William of Newburgh,
edited from mss. by Howlett. — Hungarian statistics. (Patterson). —
Shelleyana «Love's philosophy ». (James Darmesteter : La pièce adora-
ble de Shelley « Love's philosophy » est une imitation de la pièce de
Ronsard — edit. Blanchemain, II, p. 286 — qui est elle-même une
imitation d'Anacréon ; « toute cette pièce de Shelley est un admirable
exemple de Tidéalisation dans l'imitation, et je n'en connais d'aussi
bel exemple que le « Mazeppa » de Byron aboutissant au « Mazeppa »
de Hugo... L'étude de Ronsard et de nos poètes du xvf siècle, si fort à
la mode aujourd'hui parmi une partie des poètes anglais, comme elle
Tétait au temps de Spenser, remonte plus haut qu'on ne l'imagine. »)
— Sheiley's expulsion from University Collège, Oxford. (Saunders.) —
The Merton professorship. (Sweet et Thompson.) — The barons of
Criche. (Waters.) — Is Olympus visible from Prevesa. (Tozer.) —
Watkins, Gleanings from the natural history of the ancients. (Hough-
ton : intéressant.) — The new organ of the science of language (Sayce :
sur r« Internationale Zeitschrift fiir allgemeine Sprachwissenschaft »
que dirige M. Techmer et qui vient d'atteindre la première année de
son existence.) — « Arabian matriarchate. « (Tylor,) — Molmenti, II
Carpaccio e il Tiepolo, studi d'arte veneziana. (L. Villari.) — An an-
cient burying-ground at Voie (Hoskyns-Abrahall).
The Athenaeum, n" Soog, 27 juillet i885 : Matthew Arnold, Discourses
in America. — Warren, Paradise found, the cradle of the human race
at the North Pôle, a study of the prehistoric world ; M. Engel, Die
Paradiesfrage. (On pourrait dire aux deux auteurs le mot de Gellert
« Ihr singet beide nicht schon », vous chantez mal tous les deux. Les
deux livres seront sans doute catalogués par le futur bibliographe de la
littérature consacrée au jardin del'Eden, mais le problème, comme dit
M. Ebers, reste insoluble.) — Calendar of State Papers, domestic séries,
1 657-1658 preserved in Her Mejesty's Public Record Office, edited by
mrs. Green. — Hill, From home to home, autumn wanderings in
the North-West in the years 1881-84; Eliz. B. Custer, Boots and
saddles, or life in Dakota with General Custer. — M. Tulli Ciceronis
Academica, the text revised and explained by Reid. (commentaire qui
laisse peu à désirer.) — The « Cor Cordium ». (Bicknell.) — Job xix,
25-27. (Neubauer.) — The Pipe Roll Society — « The Wishing
Cap ». (W. Besant.) — Mr. Eyton's mss. and the Lincolnshire Survey.
(Vincent.) — Duck Lane. (Moore.) — Darics and Darkemonim. (Hyde
Clarke.) — Notes from Athens. (Lambros.)
Literarisches Centralblatt, n" 27, 27 juin i885 : Gloaz, spéculative
Théologie, 2. — Braasch, Comparative Darstellung des Religionsbe-
j.;riffes in Schleiermacher. — GoLDzmER, Die Zahiriten, ihr Lehrsystem
imd ihre Geschichte (très importante contribution à notre connaissance
du développement de la jurisprudence et de la théologie musulmanes).
— Neumann, Geschichte Roms wilhrend des VerfaJIes der Republik,
von SuUa's Tode bis zum Ausgang der catilinarischen Verschwôrung,
hrsg. von Faltin, 2 vols, (intéressant, complet, vivant). — Busch, Drei
Jahre englicher Vermittelungspolitik, 1 528-1 52 1. (Récit soigné et plein
de détails, grande admiration pour Wolsey ) — Wok.er, Aus den Pa-
pieren des Stetîani, 1703-1709 (sur un aventurier du xvin" siècle qui fut
ministre dans le Palatinat et intervint dans le conflit entre Tempereut
Joseph I" et le pape Clément XI). — Dehn: Deutschland und der Orient
in ihren wirthschaftlichen Beziehungen , 2. Zwischen Orient und
Occident. — Me. Lennan, the patriarchal theory. — Kohler, Sha-
kespeare von dem Forum der Jurisprudenz; Nachwort. — Papyrum
Berolinensem n» i63 musaei Aegyptiaci commentario critico adiecto
éd. Landwehr. — Châtelain, Paléographie des classiques latins, I :
Plante, Térence, Varron, Catulle; Il : Cicéron, Rhétorique et discours.
(Publication très utile, très instructive, excellemment exécutée, à laquelle
il faut souhaiter un heureux développement et le plus grand débit.) —
Q. Enni carminum reliquiae, accédant Cn. Naevi belli Poenici quae
supersunt, emend. et adnot. L. Mueller (remarquable). — Prosch,
Die Grammatik als Gegenstand des deutschen und philosophisch-pro-
padeutischen Unterrichts. (Livre contre lequel il faut se mette en garde.)
— Gaedertz, Fritz Keuter-Reliquien. (Détails intéressants et impor-
tants pour la biographie de l'auteur mecklembourgeois.) — Haller und
Salis-Seevvis, Auswahl, hrsg, v. Frey. (Bon.) — Hebbel's Tagebûcher,
hrsg. von Bamberg, I. (Publication de grand intérêt.) — Ferd. Hiller,
Erinnerungsblatter.
Deutsche Literaturzeitiing, n" 26, 27 juin i8S5 : Andréas Poachs hands-
chriftliche Sammlung ungedruckter Predigten Martin Luthers aus den
Jahren 1 528 bis 1546, zum ersten Mal hrsg von Buchwald. I, i. —
Ebbinghaus, Ueber das Gedâchtniss. — Lévy Bruhl, L'idée de respon-
sabilité. — Kern, Der Buddhismus und seine Geschichte in Indien,
ùbers, von H. Jacobi, III. (Oldenberg : « jeu d'imagination. ») — Aes-
chyli fabulae p. p. Wecklein, I et II. (Kaibel : travail énorme qui té-
moigne de la persévérance et du soin assidu de l'éditeur). — Mannhardt,
Mythologische Forschungen, hrsg. von Pazig, mit Vorrede von Mûl-
lenhoff u. Scherer. (Roediger : livre de haute valeur et qui renferme
des matériaux considérables.) — Schuchahdt, Slavo-deutsches und
Slavo-italienisches. (Briickner: l'auteur est novice sur le domaine slave,
mais sa méthode prudente et sa clarté méritent de grands éloges). —
WucLKER, Grundriss zur Geschichte der angelsâchsischen Literatur mît
einer Uebersicht der angelsâchsischen Sprachwissenschaft. (Warnhagen :
utile et même indispensable.) — Lambros, ''h-:op[7.à p.îAsr/jiJ.aTa (Schône :
études méritoires.) — Giesebrecht, Geschichte der deutschen Kaiserzeit
II. Blûle des Kaiserthums. (Bernheim : nouvelle édition à la hauteur
de la science.) — Quellen zur Geschichte der deutschen Kaiserpolitik
Oesterrreichs wahrend der franzôsischen Revolutionskriege, IV, 1793-
1797, hrsg. V. Zeissberg. (Philippson : précieux et fait avec grand soin.)
— v. Kloeden, Handbuch der Erdenkunde, IV. Asien u. Australien.
4e Aufl. — J. Weber, La situation musicale et Tinstruction publique
en France. — York von Wartenburg, Napoléon als Feldherr. (De-
chend : « une mine de science militaire. »)
Berliner Philologische Wochenschrift, n° 26, 27 juin i885 : Aeschyli fabu-
lae... edidit Wecklein (L. Schmidt : suite et fin de ce compte-rendu de
détail, très favorable malgré quelques réserves). — Pindar, The olym-
pian and pythian odes with introductory essay, notes and indexes by B.
GiLDERSLEEVE (L. Bomemaun : insuffisant et sans originalité). — J.
HàussNER, Cruquius und die Horazkritik (W. Kloucek : confirmation
éclatante des doutes élevés par Bergk et Keller sur la valeur des indica-
rions de Cruquius. Un second critique, H. Mewes, qui a écrit deux
dissertations en faveur de Cruquius, proteste contre la condamnation
de Huussner.) — F. Robiou et D. Delaunay, Les Institutions de TAn-
cienne Rome. I. Institutions politiques, militaires et religieuses (H.
Schiller : n'est pas au courant). — M. Wlassak, Kritische Studien zur
Théorie der Rechtsquellen im Zeitalter der klassischen Juristen (H.
Schiller : également intéressant pour le jurisconsulte et pour le philolo-
gue.)—G. Bloch, de decretis functorum magistratuum ornamentis et de
décréta adlectione in ordines functorum magistratuum (O, Hirschfeld :
< Travail original et important; on regrette que cette étude soignée
et utile ait dû revêtir la camisole de force du latin. ») -H. Hedydemann,
Terrakotten aus dem Museo nazionale zu Neapel ; Alexander der
Grosse und Dareios auf unteritalischen Vasenbildern; Vase Caputi
mit Theaterdarstellungen (H. Dûtschke : trois excellentes disserta-
tions.) — G. Becker, Catalogi bibliothecarum antiqui. I. Catalogi
saeculoXIII vetustiores. II. Catalogus catalogorum posterioris aetatis
(R. Béer : réunion de 340 catalogues embrassant une période de sept
siècles; travail méritoire, mais incomplet).
OXFORD
at the Clarendon Press.
CORPUS POETICUM BOREALE
THE POETRY
of the
OLD NORTHERN TONGUE
from the earliest times to the thirteenth century
edited
classified and translated
with
introduction , excursus and notes
by
Gudbrand Vigfusson, M. A.
and
F. York PowELL, M. A.
Vol. I. Eddie poetry ^cxxx a. 576 p.)
Vol. II. Court poetry 712 p.)
■i
f
e Fuy, imprbnerie Marchessou fîls, boulevard Saint-Laurent, 23.
N" 29 Dix-neuvième année 20 juillet 1885
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIE SOUS LA DIRECTION
DE MM. J. DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuqubt
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, zb fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE t.' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, KTC.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction ^ M. A. Chuquet
(Au biiieau de la Kevue : rue Bonaparte, 28),
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, et
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, EDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
TROIS NOUVELLES CHINOISES traduites
pour la première fois, par le marquis d'HERVEY-SAiNT-DENis, membre
de l'Institut. In-iB 2 5o
Tome XLV de la Bibliothèque orientale elzévirienne.
FÊTE NATIONALE DES HELLÈNES A
vjbrSLVh en 1884. Discours prononcé dans le Syllogue na-
tional hellénique, par Pierre Phaumacopoulos, docteur en droit.
Traduit en français, par Jean Alexandropoulos. In- 18, grec et fran-
çais 6 fr.
NOTES DE LEXICOGRAPHIE BERBÈRE
Ile partie: Le dialecte des Beni-Menacer, par René Basset. In-8. 4fr.
MONOGRAPHIE DE MÉQUINEZ, par o.
Houdas. In-8 2 ir.
périodiquê:s
The Academy, n" C87, 4 juillet i885 : Greek lays, idylls, legends, etc.,
a sélection from récent and contemporary poets, translated by Ed-
MONDs; Greek folk-songs from the Turkish provinces of Greece, iiteral
and metrical translation by Lucy M. F. Gaknett. (Tozer). — Sophus
Tromholt, Under the rays of ihe aurora borealis, in the land of the
Lapps aiîd Kvaens, edited by Suîwkrs (Temple). — The Holy Bible,
containing the Old and New Testaments translated out of the original
longues, being the version set forth A. D. 16 j i revised (3'' art. : Bail).
— PowELL a. Mackay, History or England, for the use of middle forms
of sciiools, I, from the earliest times to the deaih of Henry VII. (Brad-
ley.) — Plaidoyers de Charles Lachaud, p. p. Sangnier. — An English
Historical Review. (Cette Revue Historique anglaise paraîtra en 1886
chez Longmans, sous la direction de MM. Creighton et Dixie assistés
de M. Reginald Lane Poole et d'un comité de personnes compétentes].
— The barons of Criche. (Yeatman.) — « Outlines of the world's his-
tory » (Sanderson). — Certain prehisioric and ancient linear measures.
(Greg.) — « Arabian matriarchate « (Redhouse.) — Torquatus Genna-
dius. (Lindsay.) — H. Parker, The nature of the fine arts. (Monk-
house : n'est pas aussi satisfaisant qu'on le désirerait.)
The Athenaeum, n° 3oio, 4 juillet i885 : The journals of Major-Generai
C. G. Gordon at Kartoum, printed from the original rass., introduction
and notes by Hake. — W.ilford, Greater London, a narrative of its
history, its people and its places. 2 vols. - Sai.mon, A historical intro-
duction to the study of the Books of the New Testament. — Encyclo-
paedia Britannica, vol. XIX. Phy-Pro. (A remarquer Pindare par
Jebb; Platon par Campbell; Plante par Sellar ; Properce par Post-
gate; Porson par Luard; Le Pogge par Svmonds; poésie par Watt —
c'est l'article le plus important — ; Pilgrimagepar Littledale; Pologne
par Morfill; Portugal par Stephens et Briggs; Presbytérianisme par
Airy et Briggs ; le prêtre Jean par Yule ; Prométhée par Lang, — très
habilement fait et d'une façon intéressante — ; enfin le Provençal, sa
langue et sa littérature, par P. Meyer « an admirable account ».) —
Our library table. (Blades, Account of the German Morality. Play
entitleJ Depositio Cornuti Typographici ; 2" vol. du Folk-Lore Journal;
Perey et Maugras, La vie intime de Voltaire aux Délices et à Ferney;
il suffisait de publier simplement avec quelques notes tout ce que le
volume contient dMnédit.) — Public schools in i885. — Tyndale's Pen-
tateuch. — The Horiuzi palm-leaves (Beal). — The manufacture of
unique books (Stevens). — Linton, VV^ood eijgraving a manual of ins-
truction. — Notes from Athens (Lambros).
Literavisches Ceatralblatt, n'^ 28, 4 juillet i885 : Langen, Geschichte der
romischen Kirche von Léo I bis Nicolaus II, quellenmassig dargestellt.
(Très méritoire.! — L. Keller, die Reformation und die iilteren Re-
tormparteien. (Remarquable.) — Ebbinghaus, Ueber das Gedâchtniss. —
GuiRAUD et Lacour-Gayet, Histoire romaine ('x tout est sensé et repose
sur un fondement scientifique, et offre beaucoup de choses que l'auteur
allemand d'un manuel d'histoire romaine pourrait noter et imiter;...
prend parti sur les points controversés avec tact et habileté; figures bien-
venues; cartes qui ne sont pas mauvaises ».) — Frankfurter Chroniken
und annalistiche Aufzeichnungen des Mittelalters, bearb, von Froning.
~ Tesdorpk, der Romerzug Ludwig's des Baiern 1 327-1 33o. —
Grunhagen, Geschichte Schlesiens, Lielcr. 5-7.— Schwarz, ein deutsches
Indien und die Theilung der Erde. — Nordenskiôt-d, Studien und For-
schungen, veranlasst durch meine Reisen im hohen Norden, ein
popalâr-wissenschaftliches Supplément zu : die Umsegelung Asiens
und Europas auf der Vega, — Codex Theresianus und seine Umar-
beitungen, hrsg. von Harras Hitter von Harrasowsky, III. —
Aeschyli fabulae p. p. Wpxklein. I et II. (Édition ciitique indispensa-
ble.) — ScHOELL, Gesammelte Aufsatze zur classischen Liîeratur alter
und neuer Zeit. (Bon essais, recueil à joindre à la collection, précé-
demment parue, des études du même auieur sur Gœihe.) — Minot's
Lieder p. p. Scholle. (Edition soignée du vieux poète anglais, faite par
un homme compétent.) — Zusammenstellung der wissenswurdigsten
Erscheinungen auf dem Gebiete der schonen Literatur 1878-18^4. —
Ward, Catalogues of romances in the department ot manuscrits in the
British Muséum, vol I. •— Eug. Muntz, Les historiens et les critiques
de Raphaël, 1483- 188 3, essai bibliographique pour servir d'appendice à
Touvrage de Passavant. (Bibliographie excellente, rien n"a échappé à
Fauteur.) — Welcker, der Schadel Rafaels und die Rataelportriits.
Deutsche Literaturzeitung', n" 2'], 4 juillet i885 : Kolde, die Heiisarmee
(« The Salvation Army »] nach eigener Anschauung und nach ihren
Schriften. — Internationale Zeitschritt fur allgemeine Sprachwissen-
schaft. hrsg. von Techmer, I, i et 2. — Helbig, Das homerische Epos
aus den Denkmalern erleuterc, archiiologische Untersuchungen (Ro-
bert : livre intéressant, instructif, qui prendra sans doute une place
durable dans l'enseignement d'Homère). — Meusel, Lexicon Caesaria--
num, II et III (Prammer : toujours fait avec le même soin, la même
exactitude). — Von Pfister, Sagen und Aberglaube aus Hcssen und
Nassau (Rien de nouveau). — Lambeck, Lessings Ansich;en iiber das
Verhaltniss der Tragôdie zur Geschichte kritisch untersucht (Eigen-
brodt : très soigné et très profond). — Blumenthal, Thealralische Ein-
drûcke (Schlenther : « l'auteur a jeté toute sorte de choses dans ce petit
poi; mais rien n'est cuit, et la fumée seule monte »). — Bonnardot, Le
Psautier de Metz, texte du xiv^ siècle, édition critique publiée d'après
quatre manuscrits, I (Schwan). — Schlumberger, Sigillographie de l'em-
pire byzantin (Lambros : publication de grande valeur, la première pu-
blication spéciale et importante sur les sceaux byzantins). — De Ger-
BAix-SoNNAZ, Studi storici sul Contado di Savoia e Marchesato in Italia.
I, 2 (W. Bernhardi : très, peut-être trop détaillé). — Gerdes, Geschichte
der Konigin Maria Stuart,, I (Bresslau : audacieux plagiat du livre
d'Opitz [1879J sur le même sujet). — Aug. Stôber, neue Alsatia, Bei-
trâge zur Landeskunde, Geschichte, Sitten-und Rechtskunde des Elsas-
ses 1834-1884. — Retzius, Finnland. — Vasari, Vita di Donato seul-
tore tiorentino, hrsg. von C. Frey iH. Grimm). — Von Holst,
Verfassungsgeschichîe der Vereinigten Staaten von Amerika seit der
Administration Jacksons, III, vom Compromiss von i85o bis zurWahl
Buchanans (Gierke : suite de ce vaste et très louable travail). — Die
Constituierung der Gœthe-Gesellschaft in Weimar (Geiger : rapport fort
intéressant).
Berliner Philologische Wochenschrift, n" 27, 4 juillet i885. — J. Reimers,
Zur Entwicklung des dorischen Tempels (W. Dorpfeld discute, dans un
article étendu, les opinions de l'auteur, en rendant iîommage à son
savoir). — P. W. Forchhammer, Erklarungder llias iVv^. H. Roscher cite
des spécimens de la méthode de F. et de ses étymologies; Zsuç vient de
Çéo),_Ares de ott'pw, Pallas de TriÀXœ, Achille de a privatif et de ytCkoz,
signifiant celui qui n'apas delèvres, qui déborde.Toute. l'Iliade s'expli-
que par les inondations périodiques de la plaine de Troie, qu'Homère
contemplait de Genchrées). — Bruno Keil, Analecta Isonatea (J. Zvcha :
essai sur les oeuvres d'Isocrate, la tradition des manuscrits etc. Mérite
beaucoup d'éloges). — P. Terenti Afri Adelphoe, publié par F. Plessis
(Dziatzko : efforts louables pour mettre le lecteur en possession de
renseignements exacts: mais défaut d'indépendance dans le jugement;
les éditeurs récents sont cités comme des autorités alors même qu'ils ne
font que reproduireldes opinions plus anciennes). — Titi Livii liber II,
fur den Schulgebrauch erkUlrt von Th. Klett (-0- : trop de notes ex-
plicatives). — "E. Ballas, Die Phraséologie des Livius (-0- : utile). —
G. F. Hertzberg, Athen , historisch-topographisch dargestellt
(G. Locsckke : fait de seconde main, non au courant, le plan d'Athènes
est le plus mauvais qui existe).
Theologische Literaturzeitung, n° i3, 27 juin i885; Jacobsen, die Quellen
der Apostelgeschichte (Krûger : essai manqué). — Ritschl, Cyprian
von Karthago und die Verfassung der Kirche. (Zoepyfel : i" article).
— Thausing, Durer, Geschichte seines Lebens und seiner Kunst. (Rade :
ouvrage d'une méthode claire et sûre, d'une critique historique péné-
trante et qui a fait époque.) — Beck, Grundrisse des gemeinen Kir-
chenrechts nach Richter-Dove. (Kôhler.) — Baur, Das deutsche evan-
l^elische Pfarrhaus, seine Grûndung, seine Entfaltung und sein Bestand.
(Rade.)
OXFORD
CORPUS POETICUM BOREALE
THE POETRY
of the
OLD NORTHERN TONGUE
from the earliest times to the thirteenth century
edited
classified and translated
with
introduction , excursus and notes
by
Gudbrand Vigfusson, M. A.
and
F. York PowRLL, M. A.
Vol, I. Eddie poetry ^cxxx a. 5y6 p.)
Vol. II. Court poetry 712 p.)
'■<
at the Clarendon Press. i
Le J'uy, imprimerie Marchessou Jils, boulevard Saint-Laurent, 23.
H" 30 Dix-neiiviènie année 27 juillet 1885
REVUE CRITKT
D'HISTOIRE ET DE 11 T T E R A T U K E
KliCaKiL HlC:il;0^:AûA!KK PliBMii sous LA. DUUiCTiÛN
OK MM. J.DARMESTLTER, L. HAVET, G. MONOD, G. i'AUici
Sccrciaire de ia rédaction : M. A. Chvqjjih
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. •— Départements, 22 fr. — - litranger, 2i> \r,.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAISE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l'École des langues orientales vivantes, lt!
28, RUK BONAPAKTE, 28
Adresser les conimiinications concernant la rédaction à M. A. CHUQUiii
{Au buieau de la Revue : rue iionaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, et
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
TROIS NOUVELLES CHINOISES traduites
pour la première fois, ;iar le marquis d'HERVKv-SAiNT-DENis, membre
de l'Institut. In-i8 2 5o
Tome XLV de la Bibliothèque orientale elzévirienne.
FETE ^NATIONALE DES HELLÈNES A
VjhNLVb en 1884. Discours prononcé dans le Syllogue na-
tional hellénique, par Pierre Pharmacopoulos, docteur en droit.
Traduit en français, par Jean Alexandropoulos. In- 18, grec et fran-
çais ' 5 fr.
NOTES DE LEXICOGRAPHIE BERBÈRE
Ile partie: Le dialecte des Beni-Menacer, par René Basset. In-8. 4fr.
MONOGRAPHIE DE MÉQUÎNEZ, pa, o.
HouDAS. 'In-8 ..." 2 Ir.
HÉIUODIQUES
The Academy, n" 688, ii juillet i885 : The journals of Major-General
Gordon at Kartoum, prinred from the original mss, introd. and notes
by Hake (Burton : Tauteur de l'art, conclut en disant qu'il n'est pas sûr
de la mort de Gordon, tous les récits lui paraissent si divers, si louches
que la réapparition de l'héroïque Anglais ne le surprendrait pas; il ne
peut croire qu'un jour il ne serrera pas de nouveau les mains de Gordon
et ne félicitera pas de son salut quasi miraculeux l'homme qu'il a tou-
jours regardé comme l'àme même de l'Honneur). — D. Masson, Carlyle,
personnally and in his writings. (Wallace : récit sincère et important.)
— Salmon, a historical introduction to the study of the Books of the
New Testament. — Finch-Hatton, Advance Australiaîan account of
eight year's work. Wandering a. amusement in Queensland, New
South Walcs a. Victoria. ("Wickham.) — Collier, History of Ireland
for schools. (Knox : cette histoire est encore à écrire.) — Gaston Paris,
La poésie du moyen âge, leçons et lectures. (Saintsbury : joint le soin
du détail à la largeur des vues.) — Current literature (Marquis of Lorne,
Impérial fédération ; Tcheng-Ki-Kong, The Chinese painted by ihem-
selves; Robinson, Introduction to our earliest English literature, from
the earliest times to the Norman conquest : fait sans soin et à la hâte.)
— Orthography for native names of places (régies adoptées par la vSo-
ciété géographique royale). — Errors in Anglo-Saxon names (Steven-
son). — « Asasel » (b. Asher). — Edgren, A compendious Sanskrit
grammar. (Macdonell : pourra rendre des services aux commençants
à cause de sa brièveté; la seconde moitié du livre est généralement
bonne). — Rygh, Norske oldsager, ordnede og forklarede, II et III,
Antiquités norvégiennes arrangées et décrites, avec figures sur bois par
LiNDBERG (Stephe\is : ouvrage de valeur à recommander chaudement à
tous ceux qu'intéresse Tancienne Scandinavie).
The Athenaeum, n» 3oii, ii juillet i885 : Sir James Stephen, The
story of Nuncomar and the Impeachment of Sir Elijah Impey, 2 vols.
— Conrad, German universities for the last fifty years, translated by
HuTCHiNSON. (Œuvre laborieuse et méritoire sur un sujet de la plus
haute importance.) — Mrs. Pennell, Mary Wollstonecrat't Godwin.
(Assez bon ouvrage sur l'auteur de la « Vindication of the rights of
women », soigné, détaillé, mais manque de vie.) — The Lauderdale
Papers, edited by Airy, I. 1 63g- 1667; 11. 1667- 16^73. — Lansdell, Rus-
sian Central Asia, including Kuldja, Bokhara, Khiva and Merv, 2 vols.
(Très méritoire, très important et paraît au bon moment.) — Thcolo-
gical books (Young, Grammatical analysis of the Hebrew, Chaldce and
Greek Scriptures; The Book of Psalms in Hebrew; Randolph, Analy-
tical notes on the first and three last of the Minor Prophets [peu utile! ;
Beal, Non-Christian Religions Systems, Buddhism in China [très in-
téressant et instructif]; Schnapp, die Testamente der zwolf Patriarchen
[important] ; Sabatier, La Didachè, ou l'enseignem.ent des Douze
Apôtres [des erreurs sérieuses et des notes excellentes]. — The Carpa-
ihiote dialect. (Benz.) — Notes on Coleridge. (Gaine.) — « Beauty and
the Bcast » (Pearson). — The genealogy of John Harvard (Rendle). —
The Palestine Exploration Found. — Comyns Carr, Papers on art. —
Jahrbuch der koniglich Preussischen Sammlungen, vol. V. — Noies
from Athens. (Hirst.)
Literarisches Centralblatt, iv> 29, 11 juillet i885 : Schnapp, die Testa-
mente der zwolf Patriarchen untersucht. (On différera sur beaucoup de
points de détail, mais, en somme, Fauteur est et mène sur le droit che-
min.) — Der Codex Teplensis, enthaltend die Schrift des newen Bezeu-
ges, III; Haupt, die deutsche Bibeiûberàetzung der mittelalteriichcii
Waldenser in dem Codex Teplensis. (Les recherches de Haupt sont fai-
tes avec exactitude et netteté.) — Briefe Benedicts XIV an den Ganoni-
cus Peggi in Bologna 1727-58 nebst Diarium des Conclaves von 1740,
lirsg. V. Kraus. — Ohlenschlager, die rumischen Grenzlagerzu Passau,
Kûnzing, Wischelburg u. Straubing; Haupt, der romische Grenzwall
in Deutschland. [« Limes und kein Ende»; mais les deux travaux sont
très soignés et instructifs.) — Guhier Schreinsurivunden des XI L Jahr-
hunderts, p. p. Hoeniger, I, i. — Liv = Est = und Kurlàndisches
Urkundenbuch , begrûndet von Bunge , fortges. von Hildebrand,
VIII*^ vol. i_j.29-i-î-35. — Cavour's gedruckte u. ungedruckte Briefe,
gesammelt, erleutert u. mit einer Biographie versehen von Ghiala,
ûbers. von M. Bernardi, 3 vols.; Nie. Bianchi, La politique du comte
de Cavour de i852 à 1861, lettres inédites avec notes. — von Westarp,
ein Winter in den Alpen, 1881-82, Naturbilder vom Fusse des Wet-
tersteins — von Ihering, Scherz und jirnst in der Jurisprudenz, eine
Weihnachtsgabe fur das juristischc Publikum. (Attaques contre des œu-
vres aujourd'hui vieillies.) — Seitz, Grundlagen einer Geschichte der
rômischen possessio,die Rechtsverschiedenheit im antiken Rom und die
Entfaltung des doppelten rômischen Eigenthumes, possessio neben do-
minium, aus den verschiedenen positiven Rechtssystemen vor Justinian.
(Manque de soin et peut être regardé en grande partie comme manqué.)
— Kahn, Zur Geschichte des rômischen Frauen-Erbrechts. (Remarqua-
ble.)— Delitzsch, assyrische Lesestûcke nach den Originalien theils
revidirt, theils zum ersten Maie hrsg. nebst Paradigmen, Schriftafel,
Textanalyse u. kleinem Wôrterbuch. (Livre très utile et fondamental.)
— Bâcher, Die hebraisch-arabische Sprachvergleichung des Abulwalid
Mervân ibu Ganah. (Étude très profonde.) — Aeschyli Tragoediae, p, p.
Weil (édition qui offre un texte lisible et qui, venant de ce fin critique
d'Eschyle, sera la bienvenue.) — Lammert, Ucbungsbuch fur den Un-
terricht im Latcinischen, Sexta, Quinta. (Quelques changements à faire,
mais travail solide et méthodique.] — Schûrmann, Darstellung der Syn-
tax inCynewulf's Elene. (Louable.) — Druskowitz, Percy Bisshe Shel-
ley, (Écrit pour le grand public et renferme parfois du nouveau.) —
Loevy, Untersuchungen zur griechischen Kûnstlcrgeschichte. (Très
détaillé et instructif). — Denkmaler des XVII. Jahrhunderts aus der
Sobieski-Ausstellung in Krakau.
Deutsche Literaturzeitung, n° 28, 11 juillet i883; Bxç/itorjÇ, 'Ey.-/.XYjctacTi>tY5
ttîTopla, I. (Jûlicher : bon) — Selberg, der Begriff der christlichen
Kirche, I. — Gommer, System der Philosophie, III. — Krauss, Sitte
und Brauch der Stidslawen. (Bruckner : renferme une masse de ma-
tériaux importants). — Schmolling, Ueber den Gebrauch einiger pro-
nomina auf attischen Inschriften, IL (Keil : court et exact). — Bôhlau,
quaestiones de re vestiaria Graecorum. (Buchsenschiitz : utile). —
Gœthe und Gratin O'Donell, ungedruckte Briefe nebst dichterischen
Beilagen hrsg. V. R. M. Werner. (Geiger; publication très méritoire).
— Brinkmann, Syntax des franzôsischen und englischen in vergieichen-
der Darstellung, II, i. (Varnhagen ; suite, Tadjectif et le nom de
nombre, soigné et bien fait). — Ricken, Untersuchungen ûber die
metrische Technik Corneilles und ihr Verhaltnis zu den Regeln der
franz. Verskunst, I. Silbenzàhlung und Hiatus. (Koschvsùtz, observa-
tions détaillées et justes). — Judeich, Ciisar im Orient, 9 augusi 48
october 47 (Klebs; travail remarquable). — Archives de l'Orient latin,
tome II. (Wolff; suite de cette précieuse publication). — Alf. Huber,
Geschichte Oesterreichs, I.(Krones; fait avec un esprit scientifique et
un sérieux labeur). — R. de Dalmas, Les Japonais, leurs pays et leurs
mœurs, (plein de fraîcheur). — Dôrffel, Geschichte der Gewandhaus-
concerte zu Leipzig 25 nov. 1787-25 nov. 1881. (Bellermann ; nom-
breux matériaux). — Bonnhak, Geschichte des preussischen Verwal-
tungsrechts, II, bis zum Frieden von TilsiL. (Rosin; suite de cette
œuvre importante qui comptera encore un troisième volume). — L. v.
Stkin, Lehrbuch der Finanzwissenschaft, I. Die Finanzverfassung
Europas.
Berliuer Philologische Woclieiischrift, n" 28, 1 1 juillet i885 : Samuel John-
son, Oriental religions and their relation lo universai religion, with an
introduction byO. B. Frothingham. Pcrsia (Spiegel : Ouvrage posthume
d'une haute valeur, malgré des inexactitudes de détail. Les deux pre-
miers volumes traitaient des religions de l'Inde et de la Ghme : celui-ci
est consacré à la Perse et prétend montrer que la religion de ce pays est
« l'éveil de la volonté personnelle » que l'Inde et la Chine n'ont pas
connu). — A. Fuehrer, die Sprache und die Entwickelung der grie-
chischen Lyrik (R. Meisîer : l'idée principale du livre est inadmissible).
— Xénophon, i'Ana'Dase, p. p. A. Cuvillieu (Matthias : texte arriéré,
commentaire clair et précis). — W, Mangelsdork, zu Xenophons Bericht
ûber die Schlacht bei Kunaxa (W. Vollbrecht : très intéressant). —
M. TuLUi CiCERONis Autobiographia, ex Tullii scriptis collegit, proemio,
notis illustravit S. Martjni (L. Guriitt : travail de dilettante, animé
d'une hostilité passionnée contre les historiens allemands, en particulier
Mommsen, et d'une extrême partialité pour Cicéron). « Um so ver-
schwenderischeres Lob wird dem Werke des Boissier gespendet. Cicéron
et ses amis, Paris, 1879, einem licbenswurdigen, aber oberflachlichen
Bûche. )) <^Le critique lui-même aurait pu s'épargner le reproche
d' « Oberfliichlichkeit » en n'attribuant pas à 1S79 un livre qui date de
iS65>. — Cornelh Taciti opéra, recensuit Ioannes Miiller, I (A.
Eussner : très bon). — E. Wôlfflin, Archiv fur lateinische Lexicogra-
phie und Grammatik, I Jahrg., 4 Heft (H. Ronsch). — D. J. Nagu-
ZEVVSK.I, O populjarisazii swjedjenii po klassitscheskoi drewnosti (H.
Haupt : écrit inîéressiuit sur « la vulgarisation dans le domaine de l'an-
tiquité classique en Russie »). — H. Seeger^ Realgymnasium oder
Oberrealschule (P. Hellwig).
Gœttiugische gelerhte Anzeigen, n"* i3 et 14, i et 10 juillet i885 : von
Amuîa, Nordgermanisches Obligationenrecht, I. Altschwedisches Obli-
gationenrecht (Brinz). — Baron, Geschichte des romischen Rechts, I.
Institutionen und Civilprocess. (Lotmar : non-seulement enrichit, mais
augmente véritablement la littérature juridique.) — Nachrichten n" 5,
Konigliche Gcsellschaft der Wissenschaften ; séance du 6 juin i885 :
Kielhorn, Der Grammatiker Pàmni. — Wachsmuth, Einige antiqua-
rische Bemerkungen zu dem Codex des Privatrechts von Gortyn.
Thsologische Literaturzeitung , n» 14, u juillet i885 ; Ed. Meyer,
Geschichte des Alterthums, I. (Guthe; i»-'' volume de l'œuvre; histoire
de l'Orient jusque à la fondation de l'empire des Perses, intéressant,
renferme de nouveaux matériaux; l'auteur sait les langues orientales;
son style est clair et agréable). — O. Ritschl, Cyprian von Carthago
und die Verfassung der Kirche. {2" art. de Zoeptïel : utile, méthode'et
résultatsqui donnent satisfaction au critique). — L. Keller; die Refor-
mation und die alteren Reformparteien. (Tschackert; réhabilitation
des anabaptistes, faite avec grand soin, mais arbitrairement et sans
méthode objective). — PlUmacher, der Pessimismus in Vergangenheit
u. Gegenwart, Geschichtiiches und Kritisches; Weckesser, der em-
pnische Pcssmiismus in seinem metaphysischen Zusammenhange im
bystem von Eduard von Hartmann.
Le Fuy, imprimerie Marchessou Jils, boulevard Saint-Laurent, 23.
N" 31 Dix-neuvième année 3 août 1885
REVUE CfUTlClUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIE SOUS l A DÎKECT;ON
DE MM. J. DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARÎS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuqukt
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 tr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 2'> tr
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
lib:iaire de la société asiatique
D g 1/ É C C !. E DES LANGUES ORIENTALES V i V A Iv T E S , li T C.
2^, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la réda^ction à M. A. Ghuqukt
C Au bureau de la Kevue : nie lionapaste, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, et
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent iin compte-rendu.
KKNEST LEROUX, EDITEUR, RUE BONAPARTE, 2S.
TROIS NOUVELLES. CHINOISES traduites
pour la première fois, par le marquis d'HERvr.y-SAiMT-DENis, membre
de l'Institut. In-j,8 2 5o
Tome XLV de la Bibliothèque orientale elzévirienne.
FÊTE NATIONALE DES HELLÈNES A
VjCiNtVjb en 1884. Discours prononcé dans le Syllogue na-
tional hellénique, par Pierre Pharmacopoulos, docteur en droit.
Traduit en français, par Jean Alexandropoulos. In- 18, grec et fran-
çais 5 fr.
NOTES DE LEXICOGRAPHIE BERBERE
Ile partie: Le dialecte des Beni-Menacer, par René Basset. In-8. 4fr.
MONOGRAPHIE DE MÉQUINEZ, par o.
HouDAS. In-8 2 fr.
PÉRIODIQUES
The Academy, n" 689, 18 juillet i885: Matthew Arnold, Discourses in
America. (Lewin : trois discours « Numbers », « Literature and
Science », « Emerson. ») — Boulger, Central Asian questions, essays
on Afghanistan, China and Central Asia. (Vambéry : plein d'informa-
tions intéressantes.) — History of the Irish confédération and the war
in Ireland, vol. III, 1643-1644, p. p. Gilbert. — Blades, An account
of the German morality-play entitled <f Depositio Cornuti Typogra-
phici ». — The Visigoths in Spain : F. Dahn, Die Kônige der Ger-
manen, 2" édition. (Hodgkin : traité des lois et des institutions des Wisi-
goths pendant les trois siècles de leur domination dans le sud de la Gaule
et en Espagne; additions peu nombreuses, mais instructives.) — Dr.
W. Veitch (not. nécrol.) — Correspotidence « Sumorsaetan », etc.
(Freeman). — Prehistoric measures (Pétrie.) — « Asasel » (Bail). —
Q. Enni Carminum reliquiae, accedunt En. Naeui belli puunici quae
supersunt, emendauit et adnotauit Luc. Mueller. (Ellis ) — Philology
notes (Hausknecht, edit. de Floris and Blaunchefleur; H. D. Mueller,
Sprachgeschichtliche Studien). — Palestine Exploration Found, annual
meeting, 24 juin. — Medallic illustrations of the history of Great Bri-
tain, compiled by the late Edward Hawkins, edited by Franks and Grue-
BER. (Oman).
The Athenaeum, n" 3oi2, 18 juillet i885 : Dictionary of National Bio-
graphy, edited by Leslie Stephen, vol. III, Baker- Beadon. (Tous les
collaborateurs du recueil ne savent pas malheureusement écrire, comme
le directeur, à la fois avec brièveté et clarté.) — Hutton, Literary land-
marks of London,(tres louable.) — G. Curtius, Zur Kritik der neuesten
Sprachforschung (Critique sobre et souvent convaincante,) — Ordnance
Gazetteer of Scotland, edited by Groome, 3 vols. (Ouvrage d'un mérite
littéraire exceptionnel, où Tauteur a déployé un soin et un savoir
également exceptionnels.) — The Genealogist new séries, edited by
Selby,vo1. I. — Incident n" 2 in the history of Trinity Collège, Cam-
bridge. (Venables.) — The life of Mary Wollstonecrafc. (El. R. Pen-
nell). — The archives of the principality of Monaco (Pitman). — Ré-
cent additions to the library of the British Muséum. — The ancien-
palm-leaves of Horiuzi (Max Millier). — Dutuit, Manuel de Tamateur
des estampes, introduction générale, 1'''' partie ; planches xylographi-
ques. — Fourth century ivories (W. M.) — Récent excavations at Rome
(Hirste).
Literarisches Centralblatt, no 3o, 18 juillet i885 : Clermont-Ganneau,
Mission en Palestine et en Phénicie entreprise en 1881. (Beaucoupde
choses inédites et intéressantes.) — P. Schmidt, der erste Thessaloni-
cherbriefneu erkliirt, nebst einem Excurs ûber den zweiten gleichna-
migen Briel. — Zitzlaff, D. Johannes Bugenhagen, Pomeranus. —
Bloch, Les origines du sénat romain. (Livre savant et soigné qui témoi-
gne d'un bout à l'autre d'une très grande pénétration, soutient ou
combat \Villems, traite avec détail quelques questions importantes.) —
QuiDDE, die Entstchung des Kurfurstencollegiums, eine verfassungsge-
schichtliche Untersuchung. (Ce n'est qu'une hypothèse, il est vrai, bien
étudiée.)— Luchaire, Etudes sur les actes de Louis VII. (Trésor très
important pour Thistoire intérieure de la France.) — Quellen zur Ge-
•schichte der deutschen Kaiserpolitik Oesterreichs wahrend der franz.
Revolutionskriege. 1 790-1 801, hrsg. v. Zeissberg — Petersen, Aus
Transkaukasien. — Fritsch, Sudafrika bis zum Zambesi, I. — Levy-
Brùhl, L'idée de la responsabilité. — Riess, Geschichte des Wahlrechts
zum englischen Parlamcnt im Mittelalter là la fois intéressant et im-
portant). — Rettich, Die vôlker =z und staatsrechtiichen Verhalnissc
des Bodensees historisch und juristich untersucht. — Dahn, volker-
rechtliche u. staatsrechtiiche Studien. — Fallon, a Dictionary of Hin-
dustani Proverbs, I-III, A-Ran, (Vaste et consciencieux recueil.) —
Perles, Beitràge zur Geschiclite der hebraischen und aramilischen
Studien (plein d'intérêt). — Beovvulf, hrsg. v. Holder, II (bon et ren-
ferme du nouveau, grâce surtout à Kluge). — Varnhagen, Longfellow's
Taies of a Wayside Inn und ihie Quellen, nebst Nachweisen und Un-
tersuchungen ûber die vom Dichter bearbeiteten Stoffe. (Travail fort
instructif.) — Von Pfister, Sagen und Aberglaube aus Hessen und
Nassau. (Sera le bienvenu, mais écrit dans une langue qui manque de
naturel.) — Dumont et Chaplain, les Céramiques de la Grèce propre,
vases peints et terres cuites, I, 2 : vases peints. (Recherches faites avec
une grande clarté, avec méthode et soin, et qu'on suit avec un vif in-
térêt.
Deutsche Literaturzeitung-, n" 29, 18 juillet i885 : L. Keller, die Refor-
mation und die alteren Reformparteien in ihrem Zusammenhange
dargestellt. (Muller : ouvrage de tendance et qui manque de méthode,
s'occupe surtout des anabaptistes auxquels il attribue un rôle exclusif.)
— CoLiNET, La Théodicée de la Bhagavadgît étudiée en elle-même et
dans ses origines. (Garbe : fait habilement, mais diffus.) — B. Erdmann,
Reflexionen Kants zur Kritischen Philosophie II, Zur Kritik der rei-
nen Vernunft. (Simmel.) — Doughty, Documents épigraphiques re-
cueillis dans le nord de l'Arabie; Phil. Berger, Nouvelles inscriptions
nabatéennes de Medaïn Sabih. (Landauer.) — J. Bernays, Gesammelte
Abhandlungen, hrsg. von Usener, 2 vols. (Hitz : essais durables et
instructifs). — Noreen, Altislandische und altnordische Grammatik
unter Berûcksichtigung des Nordischen (Hoffory : quelques défauts
assez graves, mais petit ouvrage utile qui renferme beaucoup de détails
importants). — Friedrich Hebbels Tagebûcher, p. p. Bamberg, I. (Liz-
mann : va de i835 à 1843.) — Morgan, der Shakespeare-Mythus,
Wiliam Shakespeare und die Autorschaft der Shakespeare-Dramen,
autor. deutsche Bearbeitung von. Mûi.ler-Mylius. (Zupitza : l'auteur
du compte-rendu n'examine que la façon dont le traducteur a rempli sa
tâche, et fort mal.) — Foerster, Li Sermon Saint Bernart, aelteste fran-
zôsische Uebersetzung der lateinischen Predigten Bernhards von Clair-
vaux. (Edition complète et soignée.) — Pôhlmann, die Uebervolkerung der
antiken Grossstadte ini Zusammenhang mit der Gesammtentwickelung
stadtischer Civilisation entwickelt. (Gumplovvicz : offre plus que ne
dit le titre,, riche mine pour l'historien de la civilisation, très instructif
pour le sociologue, très digne d'attention pour les politiques et les ad-
ministrateurs.) — Neymarck, Turgot et ses doctrines, 2 vols. (Natorp :
beaucoup d'inédit.) — Horric de Beaucaire, Une mésalliance dans la
maison de Brunswick, 1665-1725, Eléonore Desmier d'Olbreuse, du-
chesse de Zell. (Zimmermann : biographie attachante, pleine de rensei-
gnements nouveaux tirés des archives de France et d'Allemagne, habile
exposition et recherches réfléchies.) — Hann von Hochstetter u. Po-
KONNY, Unser Wissen von der Erde, I. — Langl, Griechische Gôtter-
und Heldengestalten, nach antiken Bildwerken gezeichnet u. erleutert,
mit Einleitung von Lutzow, i''^ livraison. (Furtwilngler : essai manqué,
où il y a peu de bon et plus de faux encore.) — Stôlzel, Cari Gottlieb
Svarez, ein Zeitbild aus der zweiten Hâlfte des XII. Jahrhunderts.
CRosin : très intéressante biographie de Fauteur du code prussien.) —
Beissel, Geldwert und Arbeitslohn im Mittelalter. (Lamprecht : con-
sciencieux.) — von Bagensky, Geschichte des kônigl preuss. 4 Garde-
Regiments zu Fuss 1860-1884.
Berliner Philologische Wochenschrift, n° 29 et ?o. 18 juillet i885 !'n° dou-
ble) : E. Kroker. Giebt es ein Portriit des Aischylos? (essaie de prouver
qu'un portrait d'homme chauve, conservé au musée du Capitole, repré-
sente Eschyle, et non Phidias, comme l'a cru Bernouilli). — E. Buchholz,
Vindiciae carminum Homericorum. Vol. I (R. Volkmann : Sans au-
cune valeur, crédule, superstitieux). — W. C. Jebb, Die Reden des
Thucydides, autorisierte Uebersetzung von J. Imelmann (A. Busse : in-
génieux et solide). — Theophanis Chronographia, recens. G. de Boor,
vol. II (Wiischke : excellent à touségardsj. — H. Ebeling, Schulwôr-
terbuch zu Ciisar, 3. Aufl. bearbeitet von A. Draeger (R. Schneider :
n'est guère en progrès sur la 2* édition, qui est très fautive). — A. Cohn,
Quibus ex fontibus S. Aurelii Victoris et libri de Gaesaribus et epito-
mes undecim priora capita fluxcrint. Accedunt variae lectiones codicis
Bodleiani adhuc ignoti (A. Ghambalu ; l'hypothèse d'après laquelle
Tauteur de TEpitome aurait eu pour source un exemplaire annoté de J
Suétone est inadmissible; la découverte du ms. d'Oxford est très inté- ,'
ressante pour le texte du de Gaesaribus). — F. Gape Witehouse, Mœris
the wonder of the world (G. Ebers). — Gl. Perroud, De Syrticis empo-
riis (D. : trop d'hypothèses, matériaux incomplets^ — G. Wolff und
Otto Dahm, Der romische Grenzvvall bei Hanau mit den Kastellen zu
Ruckingen und Markôbel (O. Keller). — Avtgvicu Moix^Eppâ-cou r.pci.^{\j.ai-
Tî(a 7:tp\ r.po'(x\v.oiiaç otopeSç xatà rà pio[;.aïy.bv /.ai toiwç xaxà 10 puî^avxiaxbv
S(y.a'.Gv (J. Télfy : bon travail, couronné par la Faculté de Droit d'Athè-
nes, sur la donatio ante nuptias dans le droit romain et byzantin). —
KojvsTavTivou KcvTOU YXo)!jCi/,at Trapaf/îp'/i^î'.ç àvaYOïJ.îvat elq tyjv viav £7v//r)viy.Y]v
YAôjcsav (Télty : réunion d'excellents articles destinés à fixer l'orthogra-
phe du grec moderne et à substituer aux termes barbares des mots bien
formés), — Z-. Ko'j[j.avo'jor,ç, ^^uvaYio^ï) Xé^^iov àO-rjcauptixiov èv toïç £XXy;vi-
xoïç Xîqcy.or- (Telty : précieuse collection de mots grecs qui manquent
dans les dictionnaires, recueillis dans les inscriptions et dans la littéra-
ture byzantine. Il est regrettable que Pauteur n'ait pas cru devoir don-
ner la traduction des mots dont il a dressé la liste).
Gœttingische gelehrte Anzeigeu, n" i5, 20 juillet i885 : Andréas Poachs
handschritiliche Sammlung ungedruckter Predigten Luthers 1 528-1 546,
aus dem Originale zum ersten Maie hrsg. v. Buchwald, I. i528-i53o,
2. (Rawerau.i — Beard, die Reformation des XVI. Jahrhunderts in
ihrem Verhaltniss zum modernen Denken und Wissen, uebersetzt von
Halverscheid (Kattenbusch : bon, louable, mais l'auteur n'a pas suffi-
samment compris le problème qu'il avait à traiter). — H. Schmidt, Die
Kirche, ihre biblische Idée und die Formen ihrer geschichtlichen
Erscheinung in ihrem Unterschiede von Sekte und Hiirese. — Spitzen,
1° Thomas a Kempis als Schrijver der Nalvolging van Ghristus; 2" Ma-
lezing op mijn Thomas a Kempis, etc. ; 3° Les hoUandismes de l'Imi-
tation de J.-C. et trois anciennes versions du livre; 4° Nouvelle défense
de Thomas à Kempis spécialement en réponse au P. Denifle. (Schulze :
démonstration en faveur de Thomas entièrement réussie.) — Knauer,
Grindlinien zur aristotelisch — thomitischen Psychologie (Eucken :
digne d'attention et sérieux).
Le /m-, imf'nmerie AJ.J'cliessou Jiis, boulevard Sainl-Laurent, 2'i.
%
N° 32 Dix-neuvième année 10 août 1885
REVUE CRITIQI
D'HISTOIRE ET DE L il T E R A T U R E
RECUKIL HEBDOMADAIRE PUBLIE SOUS LA DiRECTION
DE MM. J. DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A, Chuqukt
Prix cVaiionnemeat :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr,. — Etranger, 25 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE I, A SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, liTC.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. CnuQUE-r
( Au bureau de la Revue : rue l:5onaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont -priés d'etivqyer directement, ei
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
TROIS NOUVELLES CHINOISES traduites
pour la première fois, par le marquis d'HERVEV-SAiMT- Denis, membre
de l'Institut. In-i8 2 5o
Tome XLV de la Bibliothèque orientale elzévirienne.
FÊTE NATIONALE DES HELLÈNES A
VJcJtiNr, V II en 1884. Discours prononcé dans le Syllogue na-
tional hellénique, par Pierre Pharmacopoulos, docteur en droit.
Traduit en français, par Jean Alexandropoulos. In- 18, grec et fran-
çais 5 fr.
NOTES DE LEXICOGRAPHIE BERBÈRE
Ile partie: Le dialecte des Beni-Menacer, par René Basset, ln-8. 4fr.
MONOGRAPHIE DE MÉQUINEZ, par o.
HouDAS. In-8 2 fr.
PÉRIODIQUES
The Academy, n» 6go, 25 juillet i885 : Law, The history of Hampton
Court Palace in Tudor times. (Robinson : intéressant et détaillé.) —
Barnett Smith, Vicior Hugo, bis life and work (Marzials). — Wellhau-
SEN, Prolegomena to the history of Israël, translated by Black a. Men-
ziES (Driver : bonne traduction de cette œuvre importante). — Scott
(Shway Yoe), France and Tongking, a narrative of the campaign of
1884 and the occupation of Further India. (Terrien de la Couperie :
récit animé et impartial). — Mrs. Pennell, Mary Wollstonecraft God-
win (Noble : manque de relief et de vie). — Duka, Life and works of
Alexander Csoma de Korôs (Palterson : œuvre méritoire, intéressante,
qui retrace exactement la vie et les œuvres de Csoma). — School books
(The Evagoras of Isocrates, p. p. Clarke ; The Jugurtha of Sallust, p.
p. Brooke; Easy sélections from Thucydides, p. p. Moore, etc.). —
The proposed Teaching University for London. — « Defnsaete »
(Kerslake). — Early English Inventions (Ordish). — Bosanquet,
Knowledge and reality a criticism of Bradleys^s « principles of logic »
(Sully). — Ancient units of linear measure, II. — Blanche Roosevelt,
Life and réminiscences of Gustave Doré (Am. B. Edwards). — A cen-
turial stone at Chester (Williams).
Tlie Athenaeum, n» 3oi3, 25 juillet i885 : Archibald Forbes, Souvenirs
of some continents. — Coupland, The spirit of Gœthe's Faust (bon
guide pour les lecteurs anglais). — Mrs. Lynn Linton, The autobio-
graphy of Christopher Kirkland, 3 vols. — A. E. Ewald, Studies re- ^
studied, historical sketches from original sources (recueil d'essais et
d'articles sur quelques épisodes de l'histoire d'Angleterre). — General
Gordon's private diary of his exploits in China, amplified by Mossman.
— Monsignor George F. Dillon, The Virgin Mother of Good Counsel,
a history of the ancient sanctuary of our lady of Good Counsel in Ge-
nazzano. — Philological books (Edgren, A compendious Sanskrit
grammar, with a brief sketch of scenic Prâkrit ; Tien, Manual of collo-
quial Arabie; A catalogue of Pâli, Sinhalese, and Sanskrit manuscripts
in the Temple Libraries of Ceylon ; Grierson, Seven Grammars of the
Dialects and Subdialects of the Dihari language, etc.). — Charles Dic-
kens and the Garrick club (Johnson). — The bishop of Bugden (Vena-
blés). — Trojan, khita and cypriote (Hyde Clarke). — The life of Mary
Wollstonecraft Godwin (Ingram). — « The King's Tragedy » (Lucy
Madox Rossetti). — The Greely expédition (Greely). — Marquis de
Nadaillac, Prehistoric America, translated by d'Anvers, edited by Dali. j
(compilation pure et simple). — The Survey of India. — Ashton, En- 1
glish caricature and satire on Napoléon I (intéressant). — The Lincoln
Diocesan Architectural Society. — Notes from Athens (Lambros).
Literarisches Centralblatt, n° 3i, 25 juillet i885 : Schanz, Commentât
liber dus Evangelium des heiligen Johannes. I, 1-6. — Hintze, das
Kônigreich ^yilhelm's von Holland, eingeleitet von WEizsàcKER (mé-
thode sûre, jugement calme et réfléchi, style clair, en un mot œuvre
remarquable). — Von Ottenthal, die Bullenregister Martin's V und
Eugen IV. (Sérieusement fait.) — Erinnerungen an Friedrich von
Ucchtritz und seine Zeit in Briefen von ihm und an ihn, mit einem
Vorwort von H. von Sybel. (Lettres assez importantes.) — Ad. Béer,
Geschichte des Welthandels im XIX. Jahrhundert. II, i et 2. — Von
Eye, die Deutschen in Brasilien. (Intéressant pour ceux qui s'intéres-
sent aux émigrations allemandes.) -— Wilken, das Matriarchat (das
Mutterrccht) bei den alten Arabern, autoris. Uebersetzung aus dem
hollandischen. (Intéressant.) — Handbuch der Architektur, p. p. Durm,
Ende, Ed. ScHMiTT U. H. Wagner. IV, 3. — Bechtel, thasische îns-
chriften ionischen Dialekts im Louvre. (Soigné ) — Comicorum atti-
corum fragmenta, p. p. Kocic, II, i. (Suite de cette œuvre méritoire.)
— Eutropii breviarium ab urbe condita, p. p.Wagener. (Très bonne
édition.) — Stappers, Dictionnaire synoptique d'étymologie française,
donnant la dérivation des mois usuels classés sous leur racine commune
et en divers groupes : latin, grec, langues germaniques, etc. (en général,
peu utile). — Rist (Johann), Dichtungen hrsg. v. Goedeke, u. Goetze.
— Perry, From Opitz to Lessing. (Sera utile aux compatriotes de l'au-
teur.)
Deutsche Litteraturzeitung, n» 3o, 25 juillet i885 : Martini Lutheri Exe-
getica opéra latina curavit. J. Linke, tomes XXIV et XXV. (Kolde.) —
Martin Luthers reformationshistorische deutsche Schriften, nach den
àltesten Ausgaben kritisch aufs neue bearbeitet von Enders. III,
2" Aufll. — Specht, Geschichte des Unterrichtswesens in Deutschland
von den àltesten Zeiten bis zur Mitte des XIII Jahrhunderts. (Kauf-
mann : laisse beaucoup à désirer, mais c'est le commencement bienvenu
d'une œuvre qui doit combler une lacune sensible; on y trouvera maint
détail instructif et maint secours.) — Hialmar Edgren, A compendious
Sanskrit grammar with a brief sketch of scenic Prâkrit. (Quelques méri-
tes dans l'arrangement des matières et l'exposition ; mais est basé essen-
tiellement sur la grammaire de Whitney, répète les fautes isolées qui s'y
trouvent, et reste bien loin en arrière de Tœuvre de son devancier pour
l'exactitude des détails et la correction de l'impression; contient une
fois moins et coûte tout autant.) — Platonis Meno et Eutyphro, incerti
scriptoris Theages, Erasiae Hipparchus, rec. Fritzsche. (Schanz : cette
édition est complètement sans valeur; l'éditeur, disciple de Wohlrab, a
perdu sa peine et « battu de la paille vide ».) — Arnold, De Graecis flo-
rum et arborum amantissimis. (Renner : rien de nouveau et une grande
diffusion.) — Hepp, Schillers Leben und Dichten; Weltrich, Friedrich
Schiller, Geschichte seines Lebens und Charakteristik seiner Werke, I
Liefer. (Brahm : l'ouvrage de M. Hepp, commis de Plnstitut biblio-
graphique de Leipzig, n'est qu'une compilation en style de commer-
çant; le premier fascicule du livre de M. Weltrich est bien supérieur au
livre de M. Hepp par l'indépendance du savoir et la connaissance du
sujet, mais il y a trop de digressions, et l'auteur devra analyser avec
plus de précision, connaître plus exactement les œuvres des contempo-
rains de Schiller, juger avec plus de pénétration et de brièveté.) — Pak-
scHER, Zur Kritik und Geschichte des franzôsischen Rolandsliedes.
(Koschwitz : œuvre d'un débutant qui enfonce parfois des portes ouver-
tes, mais écrit avec fraîcheur et agrément.) — Ch. Tissot, Fastes de la
province romaine d'Afrique, p. p. Salomon Reinach. (J. Schmidt : ce
livre sera, comme le pensent et l'auteur et l'éditeur, en état de rendre
des services; il sera la base de travaux ultérieurs; l'esquisse biographi-
que, écrite avec une pieuse chaleur et l'intelligence des mérites de Tis-
sot, sera accueillie avec une sincère reconnaissance.) — Giessener Stu-
dien auf dem Gebiete der Geschichte, III. Beitràge zur neueren
Geschichte, von W. Oncken. (R. Koser : écrit de polémique en trois
chapitres i» « sur le siècle de Frédéric le Grand » — dirigé contre Koser ;
2<* « une lettre prétendue du baron de Stein » — dirigé contre Max
Lehmann; 3» « la question de Marie Stuart •» — dirigé contre Bresslau.)
— Babeau, Les voyageurs en France depuis la Renaissance jusqu'à la
Révolution (A. Stern : attachant et instructif) — Ch. Tissot, Géogra-
phie comparée de la province romaine d'Afrique, tome I. Géographie
physique. Géographie historique. Chorographie. (J. Schmidt : ouvrage
qui fera époque; le sujet tout entier est traité d'après les règles de la mé-
thode scientifique pour la première fois.) — Bitter, Die Reform der
Opcr durch Gluck, und R. Wagners Kunstwerk der Zukunft. (Beller-
mann.) — Boutmy, Études de droit constitutionnel (Laband : sujet très
bien étudié, avec une compétence parfaite; une foule d'ingénieuses re-
marques ; exposition pleine de goût. — (Grandeau, La production agri-
cole en France, son présent et son avenir. — Catalogue of ancient ma-
nuscripts in the British Muséum. (Wattenbach).
Theologische Litteraturzeitung, n° i5, 25 juillet i885 : W. Schv^'artz,
Indogermanischer Volksglaube, ein Beitrag zur Religionsgeschichte
der Ùrzeit (von Bradke: trop hardi et va trop loin). — Aug. Vogel, Nach,
Kanaam, Tagebuch einerReisc durch Aegypten, Palastina u. Griechen-
land, (Guthe : journal court, en général exact), — Obser, Wilfrid der
aeltere, Bischot von York, ein Beitrag zur angelsàchsischen Geschichte
des Vil. Jahrhunderts. (Loot's : du soin, des résultats, mais Fauteur
ne connaît pas l'époque à vécut son héros). — Uhlhorn, Die christliche
Liebesthatigkeit, das Mittelalter. II. (Weizsacker : savant, clair et
agréable). — Herni. Haupt, Die deutsche Bibelûbersetzung der mit-
telalterlichen Waldenser in dem Codex Teplensis und der ersten
gedruckten deutschen Bibel nachgewiesen, mit Beitragen zur Kenntniss
der ramanischen Bibelûbersetzung und Dogmengeschichte der Walden-
ser. (Harnack : petit écrit plein de choses et qui mérite l'attention). —
GoTTscHicK, Luther als Katechet. (Besser : important). — Alb. Ritschl,
Geschichte des Pietismus, II : in der lutherischen Kirche des XVII,
u. XVIII, Jahrhunderts, (Weizsacker : soigné, sagace, impartial, à
remarquer les portraits de Spener et de Francke).
OXFORD
at the Clarendon Press.
i
CORPUS POETICUM BOREALE
THE POETRY
of the
OLD NORTHERN TONGUE
from the earliest times to the thirteenth century
edited
classified and translated
with ,"j
introduction , excursus and notes .1
by
Gudbrand Vigfusson, M. A.
and
F. York PowELL, M. A.
Vol. I. Eddie poetry (cxxx a. 576 p.)
Vol. II. Court poetry 712 p.)
Le Puy, imprimerie Marchessou Jils, boulevard Saint-Laurent, 23.
N" 33 Dix-neuvième année 17 août 4885
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
BECUKIL HKBDOMADAIRK PUBf.lÉ SOUS LA DÎH?:CT(ON
DE MM. J.DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. C>-'t:Qt.;KT
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 2b tr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
* .
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau tie l.^ Kevue : iiic Bonaparte, 28),
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, et
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu..
KRNEST LEROUX. EDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
TROIS NOUVELLES CHINOISES traduites
pour la première fois, par le marquis d'HERVEv-SAiMT-Dr:Nis, membre
de TInstitut. Li-iS 2 5o
Tome XLV de la Bibliothèque orientale elzévirienne.
FÊTE ^NATIONALE DES HELLÈNES A
v_r L IN L, V C en 1884. Discours prononcé dans le Syllogue na-
tional hellénique, par Pierre Pharmacopoulos, docteur en droit.
Traduit en français, par Jean Alexandropoulos. In- 18, grec et fran-
çais 5 fr.
NOTES DE LEXICOGRAPHIE BERBERE
Ile partie: Le dialecte des Beni-Menacer, par René Basset. In-8. 4fr.
MONOGRAPHIE DE MÉQ.U1NEZ, par o.
HouDAS. in-8 2 ir.
PÉRIODIQUES
The Academy, n" 691, i*""" août i885 : The pairiarchal theory, based
on ttie papers of thc late John Ferguson Me Lennan, edited a. comple-
ted bv Donald Me Lennan (TylorJ. — The Song Celestial or Bhaga-
vad-Gîtà (froni the Mahabharata), translaied from ihe Sanskrit Text by
Edwin Arnold. (Blaikie). — Major Ben C. Truman, The Field of Ho-
nor, being [which it is not] a complète and comprehensive history of
duelling in ail countries, including the judicial duel of Europe, the
private duel of the civilised world, and speciric description of ail the
noted hostile meetings in Europe and America (Burton : singulier livre,
mal disposé, qui range le Cid parmi les « noted duellists » et prétend
que la guillotine fonctionnait au temps de Richelieu, innombrables
errreurs;. — The Iliad of Homer, done into English verse by Way
(Morshead). — Lady Verney, Peasant Properties and oiher selected
essays (Ed. Simcox). — Current theology (Peahson, The Prophecy of
Joël, its unity, its aim a the âge of ils composition; Aug. Kôhler,
Lehrbucli der biblischen Geschichte Alten Testaments. II, i, etc.). —
In Memoriam \V. S. W. Vaux, Esq., late secretary to the Royal Asia-
tic Society (vers arabes de Hahid Anthony Salmoné, traduits par Cu-
nynghame). — Anglo-Saxon names (Stevenson). — « Defnsaetas » (Da- iî
vidson). — Récent work in assyriology (Bezold), — Endowment of
nesearch in .America by Prof. Tyndall. — Rud. Merkel (F. Polie : not.
nécrol.). — Early granité churches in Denmark. Sallinglands kirker, I
-[Eglises danoises en granit, surtout à la campagne, i'''^ série : les églises
du pays de Sallingland, publié par les soins du ministère royal des cul-
tes]. — Roman centutial stone at Chester (Watkin).
The Athenaeum, n" 3014. 1" août i885 : Finch -Hatton, Advance Aus-
tralia! — D. Webster, The angler and the loop-rod. — J. Lewis, The
Reformation settlement (ouvrage qui sera très utile à consulter). —
Shelley, a poem, with other writings relating to Shelley, by the late
James Thomson, to which is added an essay on the poems of William
Blake, by the same authbr. — Commander W. Bainbridge-Hoff,
Exemples, conclusions and maxims of modem naval tactics. — Vau-
dois Literature : Ed. Montet, Histoire littéraire des Vaudois du Pié-
mont d'après les manuscrits originaux; H. Haupt, Die deulsche Bibel.
— uebersetzung der mittelalterlichen Waldenser in dem Codex Te-
plensis und der ersten gedruckren deutschen Bioel nachgewiesen. —
Historical books (Morris Fuller, the life, times and writings of Tho-
mas FuUer; Andrew Ross, Old Scotish Régiment Colours; Ella S. Ar-
MiTAGE, Highways of history, the connexion between England a.
Scotland; Molmenti, La dogaressa di Venezia; Weise, The discoveries
of America to the year i325. — The life of Mary Wollstonecraft.
(Elis. R. Pennell), — « Literary landmarks of London ». — An un-
known édition of Kimchi's Hebrew Grammar (Ginsburg).— Lockhart's
Lile of Scott. — An incident in the history of Trinity Collège, Cam-
bridge. — Mr. Quaritch's new Geographical Catalogue (Major). —
Bowes, Japanese enamels, with illustrations from the exemples in the
Bowes Collection. - H. Montagne, The copper, tin and bronze coi-
nage and patterns for coins of England from Eiizabeth to Victoria. —
The Royal Archaeological Institute at Derby.
Literarisches Centralblatt, n" 32, i" août i885 : Eugippii excerpta ex
operibus S. Augusti, rec. et commentario critico instruxit Knoell
(« vehiculum frumento onustum », et, en effet c'est du bon grain et qui
soutient l'épreuve). — Marie Sydow, Dr. Adolf Sydow, ein Lebensbild.
— vSchubert, Gescliichte der Kunige von Lydien. (Malgré quelques fau-
tes et lacunes, production très remarquable qui chasse de l'histûire beau-
coup de fables et d'anecdotes douteuses,)— TESsuiR, quatrième cro]sade,
]a diversion sur Zara et Constantinopie (arrive à un autre résultat que
le comte Riant et s'attache à la théorie des causes fortuites, et nou à
celle de la préméditation ; les déductions de l'auteur méritent l'atten-
tion, et son ouvrai^e est écrit avec autant de soin que de clarté.) — Leop.
von Ranke, Weltgeschichte V. Die arabische Weltherrschaft und das
Pvcich Karl's des Grossen, i u. 2. (Ce neuvième volume de cette œuvre
remarquable inspire la plus haute admiration; l'auteur embrasse du
regard les horizons les plus vastes et on sent pourtant qu'il a péiiétré
dans les plus subtils détails.) — Rich. Lepsius, die oberrheinische Tief-
ebene und ihre Randgebirge. — Philodemi de musica librorum quae
exstant, éd. Kemke. (Fait avec une extrême .'^agacité et un brillant suc-
cès.) — Analecta Oxoniensia, texts, documents and extracts chiefiy honi
manuscripts in the Bodieian and other Oxford libraries, classical séries,
vol. I, part. V, collated a. edited by Rob. Ellis. — W. Foerster, Li
sermon saint Bernard, aelteste Iranzôsische Uebersetzung der lateinis-
chen Predigten Bernhards von Clairvaux. (Publication d'un document
de très haute importance.) — Ferd. Schultz, die Tonkunse nach Ur-
sprung und Umfang ihrer Wirkung. — Zabel, Grat Adolf Friedrich
von Schack. — Heiden, Muller u. Langsdorff, die Yerwerthung der
stadtischen Fitcalien.
Deutsche LiLsraturzeituug', n" 3i, \" août i883 : Mor. Fngel, die Lr»sung
der Paradies trage. (Wellhauscn : avec de pareils leviers, pour soulever
l'histoire de ses gonds, c. a. d. avec la géographie physique, l'étymolo-
gie et l'ignorance, l'auteur pouvait tout aussi bien démontrer que le
Nouveau Dresde était le paradis.) — Tcj [xa/.ap'.oj'xtcj OssBcopTjTCJ 5.-',7-
y.îTTOu K'jpsj à-'.^TOAa't cusiv cîcjcatv TsvrrjV.cv-a iv. r.7.-[j:.X'/.o~J yv.'pT(o6.-^0'j
Tsu'/o'j; vDv ttoCj-ov TJTTO'.ç £7.5'.oci/cva'. C-b ^x/.y.ùJ.bTitz, (Lambros : 49 lettres
inédites de 'fheodoret) — Liov, die Philosophie des Reclus, ûbersetzt von
1)1 Martino. — Meinong, iiber philosophische Wissenchaft und ihre
Propadeutik. — Hartmann von Aue, Der arme Heinrich und zwei
jiingere Prosalegendcn verwandten Inhalts, von W. Wackernagel, hrsg.
V. ToiscHER (E. Martin : une des meilleures éditions de la poésie alle-
mande du moyen âge). — Hausen, die Kampfschilderungen bei Hartmann
von Aue und Wirnt von Gravenberg. (Niedner : bon travail.) — Lubin,
Dante spiegato con Dante e polemiche Dantesciie. (Kôrting : livre de
grande valeur et d'un vif intérêt.) — Michaelis, Estenographia portu-
gueza. — HoFER, Der Feldzug des Germanicus im Jahre 16. (Klebs :
méritoire.) — Alfred Ritter von Arneth, Graf Philipp Cobenzl und
seine Memoiren. (Wolf : rien de nouveau et de surprenant, mais beau-
coup de choses intéressantes qui rendent ce volume précieux pour l'his-
torien.) — Kkauske, die Entwickelung der stiindigen Diplomatie vom
XV. Jahrhundert bis zu den Bcschlûssen von i8i5 und i8i8(Dam-
bach : offre une lecture attachante et renferme une grande foule de
matériaux). — Brehm, das Inka-Reich, Beitrcige zur Staats rr: und
Sittengeschichte des Kaiserlums Tahuantinsuyu, nach den altcsten
spanischen Quellen bearbeitet. ('Von Tschudi ; compilation sans criti-
que et qui fourmille d'erreurs.) — Kolberg, nach Ecuador, Reisebilder.
— LuDviG, Lionardo da Vinci, das Buch von der Alalerei, neues Mate-
riai aus den Originalmanuscripten, gesichtet.
Altpreussiscbe Mouatsschrift, hrsg. von Reicke u. Wickert i8S5. 111 u.
IV Heft, avril-juin. (Konigsberg, Beyer). O. van Bauen, der Zorn Frie-
drichs des Grossen ûber Ostpreussen (Frédéric s'irritait, non sans rai-
son, de la conduite de la piovince occupée par les Russes de 1758
à 1763 , et qui donna de nombreux témoignages d'attachement à
lenvahisscur.) — Fkischbikr, Ziir volkstiimlichen Natutkunde, Bei-
triige aus Ost -zz und Westprcussen. — Bkckhkrrn, Einige Bemerkiin-
gen uber das Ordenshaus Balga und seine Umgebung. — Kritiken iind
Rcferate : Veckknstedt, Die Mythen, Sagen und Legenden der Zamai-
ten iBezzenberger : on ne pourra faire un usage scientifique de la plus
granvie pariie au livret — Die Bau = und Knnstdenkmiiler der Pro-
vins Westpreussen, Hett II. Der Landkreis Danzig. — Mittheilungen
and Anhang : Lohmkykr, Verzeichnis der in den Programmen der ho-
heren Lehransralten Osrpreussens enthaltenen Abhandlungen zur Ges-
chichte von Ost=uiid Wesrpreussen. — Leop. Jacoby, Der Teufel im
Flachs, Pootisch dargestellt. — Altpreussische Bibliographie, 1884.
Berliner Philologische Wochenschrift, n" 3i-32, i"" août i885 (n" double) :
J. Rf,im!':rs, Die Lehmt'unde in Griechenland und der dorische Stil.
{L'auteur de cet article de tonds, répondant à une critique de Dôrpfeld
dans la Phil. Woch. 188.1, n" 27, étudie surtout la construction du toit
et de l'entablement dans les édifices grecs primitifs en briques crues et
en bois). — K. A. Ed. NiiiMEVER, Ueber die Gleichnisse bei Quintus
Smyrnaeus (R. Petersen : il y a, dans Quintus, une grande comparai-
son par 40 vers, dans T Iliade une par -j-j seulement). — Sophocles
Tragodien zum Schalgebrauch mit erkiarenden Anmerkungen versehen
von^N. Weckleîn (H. Millier : excellente édition ; le critique examine
quelques passages d'Antigone). — Sophocles, Kunig Oedipus, fur den
Schulgebrauch erkUlrt von G. Kern. Sophocles, Tragodien, erklârt von
G. ScHMELZER. Baud I Kônig Oedipus. Sophoclis tragoediae, scholarum
in usum éd. Jos Kral. Bd. I. Aiax (H. Millier trouve à louer dans tous
ces travaux). — M. Schmidt, Zweiter textkritischer Beitrag zu den Tra-
chinierinnen, extr. du Bull, de l'Acad. de St. Pétersbourg (Wecklein :
hypothèses téméraires, corrections inutiles), — L. V. Schuoder, Pytha-
goras und die Inder (F. Lortzing : tout en reconnaissant des analogies
frappantes entre les doctrines des Hindous et celles de Pythagore, le
critique refuse d'admettre les conclusions de l'auteur). — Paulus Sho-
REV, de Platonis idearum doctrina atque mentis humanae notionibus
commentatio (P. v. Gizycki « iiberaus selbstbewusster Ton ?>). —
A. Harpk, die Ethik des Protagoras und deren zwiefache Morable-
grûndung (A.. Krohn : bon). — R. Thamin, Un problème moral dans
Pantiquité. Étude sur la casuistique stoïcienne (M. Heinze : écrit avec
savoir, facile à lire, ce livre prouve que le Portique n'est pas défavora-
blement jugé en France et qu'on sait en comprendre les mérites).^ —
J. Denis, De la philosophie d'Origène (Th. Ziegler : intéressant, bien
que l'auteur ignore les travaux allemands). — T. Macci Plauti Mostel-
laria. With notes critical and exegetical and an introduction by E. A.
SoNNENSCHEiN (O, Scyfïert : défectueux). — R. C. Kukula.Dc Cruquii co-
dice vetustissimo (G. Faltin : favorable à Cruquius). — Le orazioni |
Catilinari di M. Tullio Gicerone, Commentate da A. Pasdera (F. Mi\l- <|
le'r : bonne compilation). — Tixi Livii ab urbe condita liber I. Fur 1
diu Schulgebrauch erklilrt von Max Hevnacher (-b- : le commentaire
sUjiprime le travail de l'écolier). — G. Pietrogrande, Iscrizioni Ro- .;.'
mane del Museo di Este (K. Zangemeister : iccueil utile, même après ;
le Corpusj. — W. Mannhardt, Mythologische Forschungen, aus dcm
Nachlasse herausgegeben von H. Patzig, mit Vorreden von K. MiiL-
LENHOFE und W. ScHERER (K. Bruchmanu : remarquable). — E. Siecke,
Beitraege zur genaueren Erkenntniss der Mondgottheitbei den Griechen |
(K. Bruchmann : travail solide). — J. Ilberg^ Erinnerungen an das |
Leben und Wirken von F. Th. Hugo Ilberg (H. Peter).
Le /'u>-, imprimerie Marcnessou /ils, boulevard Saint- Lnurenl, 23.
N" 34 Dix-neuvième année 24 août 1885
REVUE CRITiQlJE
D ' M 1 S T O I R E ET DE LITTÉRATURE
HKCUKIL HKBDOMADASKK Pl!nî.!2 SOUS I.A nîKKCTFJN
OK MM. J. DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Ghîjqukt
Prix d'abonnernent :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, zb îr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE '
DE l'École des langues orientales vivantes, ktc.
28, RUE BONAPARTK, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Gîî'jq'jkt
1 Au bureau de 1^ Kevus : rue Bonaparte, 28 ),
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, ei
non par covmnissionnaire, les Livres dont ils désirent luicomvtc-rciidu
ERNEST LEROUX. EDITEUR, RUE BONAPARTE, 28
TROIS înOUVELLES. CHINOISES tr.d„i.=s
pour la première fois, par le marquis d'HERViîY-SAiNx-DENis, membre
de rinstitut. In-18 2 5o
Tome XLV de la Bibliothèque orientale elzévirienne.
FÊTE NATIONALE DES HELLÈNES A
VjE,iNjl!,VC en 1884. Discours prononcé dans le Syllogue na-
tional hellénique, par Pierre Pharmacopoulos, docteur en droit.
Traduit en français, par Jean A.lexandropoulos. In- 18, grec et fran-
çais , 5 fr.
>
NOTES DE LEXICOGRAPHIE BERBÈRE
11*^ partie: Le dialecte cies Beni-Mcnacer, par René Has^et. In-8. 4fr.
MONOGRAPHIE DE MÉQUINEZ, par o.
Houdas. In-8 , ' 2 Ir.
PEK10Dl()UtS
The Academy, n» 692, 8 août i885 : York Plays, the plays performed
by the Crutts or Mvsteries of York on the day of Corpus Christi, now
hrst priiued from the unique Ms. in the library of Lord Ashburnham,
edited with introd. a. glossary, by Lucy Toulmin Smith. (Dowden :
publication remarquable.) — Schley a. Soley, The rescue of Greely.
— BoNAR, Malthus and his work. — Marquis de Nadaillac, Prehisto-
rica America, translated by D'Anvers, edited by Dall. (Keane : ou-
vrage d'ensemble assez méritoire.) — Mason, The history of Norfolk,
IV. — The Rev. H. T. Ellacombe (not. nécrol.) — The proposed Tea-
ching University for London. — A « close time » for authors. (Skeat.)
— Odhr Edda, Lôdh Ledda, Stôdh Stedda. (Vigfusson.) — « Defnsae-
tas » (Kerslake). — The date of Dante's death. (Krebs.) — Steingass,
fhestudent's Arabic-English dictionacy.(Lyall.) — The American Phi-
lological Association. — Gerspach, L'art de la verrerie. — M. Maspe-
ro's report on his latest excavations in Egypi. — Egypt Exploration
Fund. — Berna of Siena. (Mercer.)
The Athenaeiim, n" 3oi5, 8 août i885 : Narratives of Scottish Catholics
under iMary Stuart and James VI, now tirst printed from the original
manuscripts in the secret archives of the Vatican and other collections,
edited by Forbf:s-Leith (très intéressant). — Suakin, i885, being a
sketch ot the campaign of this year, by an ofïicer who was there. — The
North Riding Record Society, vol. IL Quarter Session Records, edited
by Atkinson. — Martineau, Types of echical theory, 2 vols. — Boulay
DE LA Meurthe, Lc Directoire et l'expédition d'Egypte, étude sur les
tentatives du Directoire pour communiquer avec Bonaparte; le secourir
et le ramener (attachant, solide et fait avec une méthode excellente). — ■
The Horiuzi palm-leaves (Beal). — Stanley Lane-Poole, The coins ot
the Turks in the British Muséum. — The Royal Archaeological histi-
tute at Derby.
Literarisclies Ceatralblatt, n» 33, 8 août i885 ; Thegreek liturgies chiefly
from original authorities, edited for the syndics of the University Press by
SwAiNSON, etc. — WiTz, Ulrich Zwingli, Vortrage. — Antoniades, Kaiser
Licinius, eine histor. Untersuchung nach den besten alten u. neueren
Quellen. (Travail difhcile entrepris avec zèle et soin.) — Kreisel, Adoli
von der Mark, Bischof von Munster 1 357-1 363 u. Erzbischof von
Coin 1 363-1 364. (Soigné.) — Heigel, Quellen und Abhandlungen zur
neueren Geschichte Bayerns. (Huit études sur la Bavière au xvii« siècle.)
— HoHKNBÛHEL, Beitrage zur Kunde Tirols. — Stintzing, Geschichte der
deutschen Rechtswissenschaft, IL — Ln-:sEGANG, die Sondergemeinden
Kolns, Beitrag zu einer Rechts = und Verfassungsgeschichte der Stadt.
— Ballas, die Phraséologie des Livius nach Materialien geordnet.
(Fait avec ordre et assez de soin.) — Sabbadini, Guarino Veronese e il
suo epistolario edito e inedito. — GRaFRNBERG, Beitrage zur franzosis-
chen Syntax des XVI. Jahrhunderts (Sans être complet, est fait avec
exactitude.) — Spinelli biogralia Goldoniana. ||
Deutsche Litteratiirzeitung, n" 32, 8 août i885 : Roth, die Einfûhrung
der Reformation in Nûrnberg i3 17-1528. (Kolde : très recommanda-
ble.) — Gerber, die Sprache aïs Kunst, I. (Simmel : ouvrage extrême-
ment méritoire et remarquable.) — Bf.rsu, die Gutîuralen u. ihre
Verbindung mit v im lateinischen. (Thurneysen : éclaire un point assez
obscur.) — Rist, Dichtungen, p. p. Goedeke u. Goetze. — Fontane,
Scherenberg u. das literarische Berlin, 1840- 1860. (Nerrlich : exact et
intéressant.) — Brummer, Le.xicon der deutschen Dichter u. Prosaisten
^
des XIX. Jahrhunderts. î, A-L. (W. Bernhardi : très précieux, très bien
tait, plein de détails, sera aussi indispensable pour le xix" siècle que
Jôrdens et Goedeke pour des époques antérieures.) — Schmitz, Portu-
iesische Grammatik mit Beriicksichtigung des gesellschaftlichen Ver
kehrs. (Zunker : l'auteur de celte grammaire portugaise ne sait pas le
portugais et tâtonne cà et là, sans voir clair.) — Hertzberg, Athen
historisch-typographisch dargestellt. (LoUing : court, complet, bien
réussi, malgré quelques erreurs légères et des taches de style.) — Docu-
ments inédits relatifs à l'histoire de la Grèce au moyen-âge, VI, p. p.
Sathas (Lambros : un des volumes les plus intéressants de la collec-
tion). — Urkundenbuch des Bistums Gulm, p. p. Woelky. II (Perl-
bach). — Fr. Masson, Le cardinal de Bernis depuis son ministère^ijSS-
1794, la suppression des Jésuites, le schisme constitutionnel. (Koser :
livre plein de détails.) — Kikpert, Karte des Congo-Beckens. (Ermann.)
— Sauzay, Haydn, Mozart, Beethoven, étude sur le quatuor. (Kabisch :
fait sans soin.) — Roger de Beauvoir, Nos généraux 1871- 1884
(Lange : actualité intéressante).
Gœtting'ische gelehrte anzeigen, n° 16, i août i885 : Stoll, Zur Ethno-
graphie der Republik Guatemala. (Gerland : des critiques de toute
sorte à faire, mais livre d'une valeur réelle et qui contient de nom-
breux et précieux matériaux). — Mythologische Forschungen aus dem
Nachlasse Mannhardts, hrsg. von ''Patzig, mit Vorreden von Mûl-
LENHOFF u. ScHERER. (Laistner : Ouvrage plein d'aperçus profonds).
— ViRCHOW, Ueber allé Schadel von Assos und Cypern. (Krause) —
Heller, Geschichte der Physik von Aristote les bisauf die neueste Zeit.
II : von Descartes bis Robert Mayer. (Lasswitz : utile) — Heigel,
Quellen und Abhandkingen zur neueren Geschichte Bayerns. (Tupetz:
9 essais qui, pour la plupart « éclairent la funeste politique des al-
liances indignes et l'on pourrait dire traîtresses que la Bavière a nouées
pour son malheur et celui de l'Allemagne avec les ennemis de TEm-
pire. «)
Revue de l'Iustruction publique supérieure et moyenne, en Belgique, tom.eXXVIII,
4'' livraison : Hegener. De renseignement de la religion dans les athénées.
— Comptes-rendus : Gili.et, Des procédés à em.ployer dans les athénées,
collèges et écoles moyennes de garçons et de filles pour assurer et hâter
les progrès de la rédaction française (travail logique et bien pensé). —
J. Martha, Manuel d'archéologie étrusque et romaine (de Ceuleneer :
fait avec talent, presque toujours au courant des principaux travaux
publiés sur la matière, bon livre que quelques changements de détail
rendront excellent). — Mathys, Nederlandsche Spraakieer (Vercouliie :
quelques imperfections, mais instrument maniable). — Le dialecte de
Tournai au moven âge : Schwake, Versuch einer Darstellung der
Mundart von Tourna/ im Mittelalter; d'Herbo.mez, Mémoires de la
société historique et littéraire de Tournai, tome XVII, Chartes françai-
ses du Tournaisis, 1207-1292, étude philologique sur les chartes fran-
çaises du Tournaisis; Schiller, Etude lexicologique sur les poésies de
Gillon le Muisit (Wilmotîe). — Varia : manifestation Nypels.
Theologische Litteraturzeitung. n" 16, S avril t885 : Schlottmann, Wider
Kliefpth und Luthardt, in Sachen der Lutherbibel. — Kahnis. Ueber
das Verhaltniss der alten Philosophie zum Chrisîenthum. — Krûger,
Monophysitische Streitigkeiten im Zusammenhange mit der Reichs-
politik. (Môller : œuvre soignée et qui témoigne d'une bonne méthode)
— Otte, Handbuch der kirchlichen Kunst-Archiiologie des deutschen
Mittelalters, 5^ aufi. in Verbindung mit dem Verfasser bearb. von
Wernicke, 2 vols. (Pohl : nouvelle édition- de cet indispensable ma-
nuel) — Analecta Franciscana sive chronica aliaque varia documenta
ad historiam Fratruni Minorum spectantia, édita a patribus coUegii
S. Bonaventuroe adjuvantibus aliis patribus ejusdem ordinis. I. —
Sam. Berger. La Bible française au moyen-âge; Bonnardot, Le Psau-
tierde Metz, L (Birch Hirchfeld : l'ouvrage de Sam. Berger est excellent,
« trefflich ^) — Luther's siimmtliche Werke, 25 u. 26 vol. p. p. En-
DERS, 2« aufl. — Sachsse Ursprung und Wesen des Pietismus. (Weiz-
siicker : n'est pas superflu, malgré le travail de Ritschl). — Notiz uber
die Anfange des Munchsthums in Syrien (Ryssel).
OXFORD
at the Clarendon Press.
CORPUS POETÎCUM BOREALE
THE POETRY
of the
OLD NORTHERN TONGUE
from the earliest times to the thirteenth century
edited
classified and translated
with
introduction , excursus and noies
bv
Gudbrand Vigfusson, M. A.
and
F. York PowKLL, M. A.
VoL L Eddie poetry [cxxx a. 5 76 p.)
Vol. IL Court poetry yi2 p.)
Le i'uy, imprimerie AJarcliessou /Us, boulevard Saint- Laurent, 33.
N" 35 Dix-neuvième année 31 août 1885
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
• KECUEÎL HKI^nOr.îADAÎKK PVaiAÛ SOUS LA DJRIîCT.'ON
OE MM. J. DARMESTETER, L. ÎIAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuqîjkt
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 2!? ir.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
L I 3 R A I iJ E D !•: l. A SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l' f: G O L E DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, K 7 C.
2S, RVE nONAPAUTE, 28
Adresset les commimicatioyis coticernant la 7'édactîon à M. A. Chuqukî
(Au bureau cie la Kevue : rue Bonaparte, i8),
MM. les éditeurs de Vétranger sont priés d'envoyer directement, ei
non ^ar coiuViissionnairc, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
ERNEST LEiU)UX, EDl'lEUR, RUE BONAPARTE, 28.
TROIS NOUVELLES. CHINOISES traduites
pour la piemière tois.piir le marquis d'HERVEY-SAiMx- Denis, membre
de l'Institut, In- 18 2 5o
Tome XLV de la Bibliothèque orientale elzévirienne.
FÊTE ,NAT10NALE DES HELLÈNES A
vjr iH' rS -C V C en 1884. Discours prononcé dans le Syllogue na-
tional hellénique, par Pierre Phaumacopoulos, docteur en droit.
Traduit en français, par Jean Alexandropoulos. In- 18, grec et fran-
çais ......' 5 ff.
NOTFS DE LEXICOGRAPHIE BERBÈRE
Ii<-' partie: Le dialecte ues Beni-Menacer, par René Basset. In-8. 4fr.
MONOGRAPHIE DE MÉQUÎNEZ, par o.
HouDAS. î n-8. , 2 fr.
PÉRIODIQUES
The Academy, n» ôgS, i5 août i885 : Studia Biblica, essays in biblical
archaeological and criticism and kindred subjects, by members of the
University of Oxford. (Salmon : recueil de dix études, qui sera le bien-
venu.] — Markham, Life of Robert Fairfax of Steeton, 1 666-1 275
(Courtney). — Numantia, a tragedy, by Miguel de Cervantes Saave-
dra, translated from the Spanish by Gibson. (W. Webster.) — Corres-
pondance : sketch of a conversation between Coleridge and Kenyon. —
« The Thousand Nights and a Night » (Burton). — « Arabian matriar-
chate » (Tylor). — <i The patriarchal theory » (Mackennan). — a Dun-
saetas » (Boult). — Tedaldi's sonnet on the death of Dante. (Cheyne).
— Sir Philip Francis and .x Junii.is » (M' Carlie). — Roscher, Ausiûhr-
iiches Lexicon der griechischen und rumischen Mythologie, i-6. (Isaac
Taylor : très utile et souvent très ingénieux, beaucoup d'excellentes
choses, mais ne tient compte exclusivement que des travaux des mytho-
logues allemands). — Early inscriptions in Arabia (sur le travail de
M. Ph. Bergkr, l'Arabie avant Mahomet d'après les inscriptions). —
Algebraical signs for the terms <t Umlaut » and a Ablaut » in etymo-
logy (Skeat : exemple, on pourrait écrire « anglo-saxon dôm ^= English
doom^... déman = English deem » ; ce qu'il faudrait lire «The Anglo-
Saxon dôm^ which is the modem English doom, produces by vowel-
mutation the verb déman, which is the modem English deem. ») — A
« Saura-yantra » (Bûhler). — J. P. Richter, Notes an Vasari's Lives.
(Monkhouse). — - M. Maspero's report on his latest excavations in
Egypt. (rEgypte n'est pas épuisée; elle renferme de quoi occuper vingt
générations de travailleurs et ce qu'elle nous a livré jusqu'à ce jour
n''est que peu de chose à côté de ce qu'elle nous cache encore.) — Roman
milestones in Northumberland, (Watkin.)
The Athenaeum, n" 3oi6, i5 août i885 : Essays and miscellaneous
writings of Vere Henry, Lord Hobart, with a biographical sketch, edi- a
tcd by Mary, Lady Hobart. — York Powell, History of England to 7
the death of Henry VIII. (Petit volume qui est plus qu^un livre scolaire.)
— Nixon, The complète story of the Transvaal, from the « Great
Trek » to the convention of London; Greswell, Our South African j
Empire. — Roberts, The pontifical decrees against the doctrine of the a
earth's movement. - Brugsch, Religion und Mythologie der alten ~
Aegypter, nach den Denkmalern bearbeitet, I. (On regrettera que l'au-
teur n'ait tenu aucun compte des résultats naguère obtenus par Renouf
et d'autres égyptologues). — Ware a. Maun, The life and times of Co-
lonel Fred. Burnaby. — Tilley, The literature oftheFrench Renais-
sance, an introductory essay (témoigne de solides lectures personnelles,
mais ne traite guère le sujet). — The battle of Brunnanburh. (Wey-
mouth.) — The earldom of Mar. — « The reformation Settlement » —
The « editio princeps » of Qimchi's Grammar. (Schiller-Szinessy.) —
The Roman Village Community. (Gomme.) — Lord Houghton. —
Butler, The ancient Coptic churches of Egypt, 2 vols. — Westminster
Abbey. — The British Muséum Catalogue of Oriental coins (Stanley
Lane-Poole.) — The little mosque of ^Santa Sophia (Freshfield). —
Notes from Aihens. (Lambros.)
Literarisches Centralblatt, n" 34, i5 août i885 : Wellh.\usen, Skizzen
und Vorarbeiten, I Heft, Abriss der Geschichte Israel's und Juda's; IL
Lieder der Hudhailiten, arabisch und deutsch. — Teaching of the
iwehve apostles, the oldest church manual, called the A-.Br/.-}] twv oojor/.a
à-osTÎ/.wv, p. p. Schaff. — RiTSCHL, Cypriau von Carthago und die
Vertassung der Kirche (fait avec beaucoup de sérieux et de pénétration).
t
— Reese, die staatsrechtiiche Stellung der Bischofe Burgunds [und Ita-
liens unter Kaiser Friedrich I. (Travail de valeur.) — Wittelsbacher
Briefe aus den Jahren i 590-1610, p. p, Stieve. I. — Lotheissen, Zur
Sittengeschichte Frankreichs, Bilder und Historien. (Recueil d'études
attachantes.] — Zoller, dasTogoland und die Sklavenkiiste. — Haltrich,
Zur Volkskunde der siebenbiirger Sachsen. — Les manuscrits arabes de
l'Escurial décrits par H. Derenbourg, tome I. (L'auteur a mérité la
reconnaissance de tous les arabisants en se soumettant à cette tâche
difficile et en la menant à bout, comme il fallait s'y attendre, d\ine
manière qui répond tout à fait à l'état actuel de la science ; son travail
tient le milieu entre un catalogue raisonné et un inventaire sommaire;
il ne pouvait mieux faire; sa publication s'ajoute de la façon la plus
digne aux volumes déjà parus de la grande collection de TEcole des
langues orientales vivantes; « er hat 'VortrefHiches geleistet »). —
no/vÎT-fj;, 'h c-/;;j.o-iv.bv 3.z[j.7. t.zç,\ toO vs/.ooj àot'koo^. (Très détaillé, réfuta-
tion complète et convaincante des opinions soutenues par Wollner et
Psichari.) — Morandi, Antologia délia nostra critica letteraria moderna.
(Idée originale et louable.) — G. Voss, das jûngste Gericht in der bil-
denden Kunst des frûhen Mittelalters. (Bon travail.) — A. Weber,
Leben und Werke des Bildhauers Dili Riemenschneider. — von Wurz-
BACH, Rembrandt-Galleiie.
Deutsche Litteraturzeitiing-, n» 33, i5 août iSS5 : Bruchstiicke der sahi-
dischen Bibelûbersetzung, p, p. Lemm. • — ■ Tsckackert. Evangelische
Polemik gegen die rOmische Kirche. — Matzat, Methodik des geogra-
phischen Unterrichts. — HofmannWellknhoff, Alois Biumauer. (Wer-
ner ; fait avec grand soin.) — Gredt, Sagenschatz des Luxemburger
Landes. (E. H. iVleyer.) — Koritz, lieber das 5 vor Consonant im Fran-
zôsischen. (Fait avec exactitude et jugement.) — S. S. (Stampa^, Ales-
sandro Manzoni, la sua famiglia, i suoi amici. ("W^iese : écrit avec em-
phase et attache trop d^importance à de menus détails.) — Reese, Die
staatsrechtiiche Stellung der Bischofe Burgunds und Italiens unter
Kaiser Friedrich 1. (Bernheim: sera le bienvenu.) — Henrard, Henri IV
et la princesse de Condé 1609-1618. (Schott : étude intéressante.) —
Heinze, Dresden im siebenjahrigen Kriege. (Sec, quoique soigné.) —
Benndorf u. Niemann, Reisen in Lykien und Karien, mit einer Karte
von KiEPERT, (Wolters : publication qui aura une place considérable
non-seulement au point de vue scientihque, mais par la vivacité de
l'exposition et le goût qui règne dans l'ensemble comme dans les détails.)
— The patriarchal theory based on the papers of the late John Ferguson
Me Lennan, éd. a compl. by Donald Me Lennan. fGerland : remarqua-
ble.) — De 'Vriks en Bredius, Catalogus der Schildcrijen in heh Mu-
séum Kunstliefde te Utrecht met medewerkung von S. Muller. —
KoHN, Zur Geschichte des rômischen Frauen-Erbrechts.
Berliner Philclogische Wochenscbrift, n° 33, i5 août i885. — E. Schmidt,
Parellel-Homer oder Index aller homerischen Iterati in lexicalischer
Anordnung (G. Rothe : il y a dans Homère 1804 vers répétés, qui re-
viennent 4,730 fois. Le recueil de ces itérati a été fait avec soin). —
I. ScHMiDT, Ulixes Posthomericus (Wecklein : étude intéressante sur
le développement du type littéraire d'Ulysse). — Aristophanes,
Werke. I. Die Wolken. Die Froesche. Uebers. mit Einleitung und
Anmerkungen von J. Maelhy (H. Liibke : traduction plus littérale
encore que celle de Droysen). — Th. Gomperz, Zu Philodemus'
Bûchern von der Musik ;H. Laudwehr : intéressant pour le texte
de Philodème). — M. Tvllio Cicérone, Settanta iettere scelte coni-
mentate da A. Conradi (L. Gurlitt : au niveau de la science). —
QuiNTO CuRzio RuKO, La Storia di Alessandro il grande, da Eur. Coc-
chia(E. Krah : édition scolaire, à laquelle on reproche de n'avoir pas
profité du commentaire de Dosson ; soignée d'ailleurs). — R. Reitzen-
STEiN,Cfb scriptorum rei rusticae qui intercedunt inter Catonem et Colu-
mellam libris deperditis (W. GemoU; très bonne étude avec recueil des
fragments des agronomes perdus). — G. Ruelens, La première édition
de la Table de Peutinger iG. Frick). — E. Théron, Etude sur les reli-
gions anciennes (F. Justi : point de vue orthodoxe, connaissances
superficielles). — G. Rawlinson, Egypt and Babylon. From scrip-
ture and profane sources (F, Justi : très instructif, mais d'une critique
insuffisante). — J. Psichari, Essai de phonétique néo-grecque. Futur
composé du grec moderne (G. Meyer : « fein und durchaus metho-
disch »). — rsop^ic'j IN. \x-'Çi^dy.-q MîAérr, è-l r?,^ via; £XX-/;vt"/.r(Ç y; ^a^avs;
Toy èXÉYXO'j Toy 'i^EucaxTiy.iciJ.ou (G. Meyer : réponse de Ghatzidakis à Ber-
nardakis qui avait attaqué le dernier livre de Kontos en l'accusant de
« pseudatticisme »). — J. Lattmann und H. D. Mueller, Kurz-
gefasste lateinische Grommatik, 5^ Auflage, Les mêmes, Lateinische
Formenlehre und Hauptregeln der Syntax. J. Lattmann, Lateinischer
Uebungsbuch mit stilistischen Regeln und einem grammatischen Re-
petitorium fur Quarta, 6'^ éd. (P. Harre.) — Extraits des Breslauer Uni-
versitatsschriften de 1884.
OXFORD
at the Clarendon Press.
CORPUS POETICUM BOREALE
THE POETRY
of the
OLD NORTHERN TONGUE
from the earliest times to the thirteenth century
edited
classified and translated
with
introduction , excursus and notes
by
Gudbrand Vigfusson, M. A.
and
F. York Powell, M. A.
Vol. L Eddie poetry ^cxxx a. Syô p.)
Vol. IL Gourt poetry 712 p.)
I
U Fuy. imprwierie AJarchessou pis, boulevard Saini-Laweni, 23.
N° 36 Dix-neuvième année 7 septembre 1885
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
KEC'JKIL HKliDOMADAIRIi PUBLIÉ SOUS LA DiKHCTlON
0'..; MM. J.DAKMESTKTER, L. HAVET, G. MONOD, G. PAHLS
Secrétaire de la re'daction : M. A. Chuqukt
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 Tr. — Etranger, 23 i'r.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE I. A SOCIÉTK ASIATIQUE
DU l' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28).
AIM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, et
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
OUVRAGES TERMINÉS
JOHANNIS BURCHARDI DIARIUM
JOURNAL DE BURCHARD, maitre des cérémonies de la chapelle
pontificale sous Innocent III, Alexandre VI, Pie III et Jules II.
Publié, d'après les manuscrits de Paris, de Rome et de Florence, par
M. Thuasne.
Tome III et dernier , 20 fr.
L'ouvrage complet en 3 volumes. , 60 fr.
OEUVRES CHOISIES DE A.-J. LETRONNE
MEMBRE DE l'jNSTITUT
Assemblées, mises en ordre et augmentées d'un index, par E. FAGNAN
188 1-83, 6 beaux volumes in-8, ornés d'un portrait inédit, par Paul
Delaroche, de dessins, de planches hors texte, etc 72 fr.
T""*" série. Egypte ancienne, 2 beaux volumes in-8, illustrés.... 25 fr.
2'- série. Géographie et cosmographie. 2 vol. in-8, illustrés. ... 25 fr.
3° série. Archéologie et philologie. 2 vol. in-8, illustrés 25 fr.
PÉRIODIQUES
The Academy, n» 694, 22 août i885 : The works of Thomas Middle-
ton.edited by Bullen, I-IV (Minto) — Ritchiic, To Canada with Emi-
grants; Rowobotham, A Trip to Prairie Land (Brown). — Dorling,
Memoirs of Dora Greenwell. — Briefe d2s Grafen Mercy-Argenteau an
Starhemberg, p, p. Thurheim (Gardiner : recueil de documents intéres-
sants). — Lord Houghton (nos. nécrol.). — W. J. Thoms (not. né-
crol.). — Thoreau's wild wood philosophy. — Lord Houghton and
Keats (S, L. Lee). — The Egyptian « Nefer » and the Siamese « Saw
Tai » (Ellis). — Roscher's Lexicon of Greek and Roman mythology
(Cox). — « Arabian matriarchate » (Redhouse). — a Offprint » (Skeat :
propose ce mot, au lieu de « deprint », «exprint » pour rendre « tirage
à part b). — Intercourse of China with Eastern Turkestan (Kingsmili). :
— The history of Shah Isma'il I and Shah Tahmâsp L (Churchill), —
LuKis, The prehistoric stone monuments of the British Isles; Cornwall
(Bradley). — The Newcastle Society of Antiquaries. — Art in Louvain
(A. Evans). — Greek inscription from Egypt (Sayce). — The Site of
Ferentum or Forentum (Hoskyns-Abrahall). ':
The Athenaeum, n° 3o 1 7, 22 août 1 885 : Bémont, Simon de Montfort, comte
de Leicester. (Excellent ouvrage, fait avec beaucoup de soin et de savoir
d'après des documents dont quelques-uns sont inédits et importants.) —
Col. Malleson, Ambushes and surprises. (Etude dont les hommes de
guerre tireront grand profit.) — Corpus scriptorum ecclesiasticorum
latinorum, X, Sedulii opéra omnia, ex recens. Huemer ; XI, Claudiani
Mamerti opéra ex rec. Engelbrecht. — Dowell, A history of taxations „
and taxes in England from the earliest times to the présent day ; Hall, ;
The history of the Custom Revenue in England from the earliest times
to the year 1827; Chester, Chronicles ofthe Customs department. —
Edgar, Old church life in Scotland. — a Beauty and the Beast » (Pear-
son). — Mediaeval history of Greece. — Prof. G. Curtius (not. nécrol.
sur l'éminent philologue et professeur George Curtius, né à Lubeck en
1820, mort à Hermsdorf près de Warmbrunn en Silésie le 12 août de
cette année; sans avoir la puissance de Bopp et la finesse de Benfey, il
était sans conteste le premier successeur de ces deux patriarches de la
philologie; il était par excelleece « mens sana »). — The battle of
Brunnanburh (Cann-Hughe; Malden; Hodgkin,. — W. J. Thoms
(not. nécrol.), — Watkins, Gleanings from the natural history of the
ancients (agréable à lire, mais n'est pas fait avec soin). — Médaille il-
lustrations of the history of Great Britain and Ireland to the death of
George II,compiled by the late Edward Hawkins a. edited by Franks
a. Grueber. — The British Archaeological Association. — Prof. Wor-
saae (Le célèbre archéologue danois est mort le 1 5 août; il était né à Vejle
le 14 mars 1821.)
Literarisches Centralblalt, n" 35, 22 août 1886 : Kolde, die Heilsarmee
(the Salvation Army). — Bibliotheca Rabbinica, p. p, Wûnsche, 33 u.
34 Liefer. Der Midrasch Mischle; Der Midrasch Bemid bar rabba. —
Schmelzer, eine Vertheidigung Plato's. (Il est plus que douteux que "
l'auteur amène un changement dans l'exposition, connue jusqu'ici, de
l'Etat décrit par Platon). — Kagelmacher, Filippo Maria Visconti u.
Konig Sigismund 1433- 143 1. (Beaucoup de soin.) — Egelhaaf, deuts-
cheGeschichtc im Zeitalter der Reformation, (Clair, habilement fait, trop
de polémique contre Jansen.) — Hans, die Canalisirung der Maas, hrsg.
V, DûsiNG. — BucHHOLZ, Vindiciac carminum Homcricorum, I. (L'auteur
veut sauver Homère du « vandalisme » de Wolf et de Lachmann; il au-
rait mieux fait de ne pas donner son livre à l'impression; il faut, à moins
d'être obligé d'en rendre compte, passer devant « oculis irretortis »,)
— Thurneysen, Keltoromanisches, die keltoromanischen Etymologien
imetymologischen Worterbuch von Diez. (Ouvrage remarquable, quoi-
que les résultats positifs ne paraissent pas considérables.) — Vauquelin de
la Fresnaye. L'art poétique, texte conforme à l'édition de i6o5, p. p. Pel-
LissiER (édition très recommandable et pourvue de tout un « apparatus i>
utile). — Brinkmann, Syntax des Franzôsischen und Englischen in ver-
gleichender Darstellung. II, i. (Mêmes qualités et mêmes défauts que
dans le premier volume; abondance étonnante d'exemples.) — Fisch,
General von Stille und Friedrich der Grosse contra Lessing. (Beaucoup de
détails intéressants, mais il est impossible d'admettre les conclusions de
Tauteur.) — Reimers, Zur Entwickelung des dorischen Tempels. (Juge-
ment original et grande clarté). — Weber, Die musikalische Lage und
der Volksunterricht in Frankreich, deutsch von Ramann. — Halvorsen,
Norsk Forfatter-Lexicon 1814-1880, I. (Fait avec le soin le plus cons-
ciencieux.)
Deutsche Litteratiirzeitung, n° .^4, 22 août i885 : A. Ritschl, Geschichte
des Pietismus, I. in der refoimirten Kirche; II. in der lutherischen
Kirche des XVII. u. XVIII. Jahrhunderts. (Nippold : l'auteur s'est
placé à un point de vue dogmatique qui entraîne des erreurs, instructif
néanmoins.) — Sachse, Ursprungund Wesen des Pietismus. (Nippold :
précis, clair et impartial.) — J. Seemuller, die Sprachvorstellungen als
Gegenstand des deutschen Unterrichts; et znr Methodik des deutschen
Unterrichts in der fiinften Gymnasialclasse. — Das tironische Psalte-
rium der Wolfenbutteler Bibliothek, mit einer Einleitung u. Uebertra-
gung des tironischen Texts von Oskar Lehmann. (Schmitz : publication
qui fait grand honneur à Lehmann et à Tlnstitut sténographique de
Dresde.) — Goethe, von Berlichingen, p. p. A. Chuquet. (Erich
Schmidt : « Introduction détaillée oti l'éditeur montre une sûre con-
naissance de la littérature du sujet, notes abondantes et instructives »,
eine ausgezeichnete Leistung... \Yir bitten den trefiiichen Interpreten
inimer mehr deutsche Schriften in seiner Weise fur Frankreich zu
erobern.) — Meisner, Goethe als Jurist. (Kônig : bon, sans rien de
très nouveau.) — Mushacke, Geschichtliche Entwickelung der Mund-
art von Montpellier [travail aussi excellent que celui de Gurlich sur le
Poitou). — Seeck, Die Kalendertafel der Pontihces. (Niese : croit que la
chronologie de Matzat est exacte dans l'essentiel et fait époque, mais
cherche à redresser quelques résultats ou à mieux les démontrer; beau-
coup d'hypothèses; on regrettera que l'auteur ait consacré tant de
sagacité à une tâche aussi ingrate.) — Stevens, History of Gustavus
Adolphus. (Gindely : malgré les recherches de Wittich, ne décharge
pas Tilly des cruautés de Magdebourg et prétend connaître un traité en
onze articles relatif au second commandement de Waldstein; mais très
solide, très détaillé_, très exact et impartial.) — Gam. Rousset, Un
ministre de la Restauration, le marquis de Clermont-Tonnerre. (Ku-
gler : livre bien écrit et qui intéresse.) — Protokolle des Verfassungs-
Ausschusses im osterreichischen Reichstage, 1848-184Q, hrsg. u. einge-
leitet von An t. Springer (Koser). — Elisée Reclus, Nouvelle géographie
universelle, X. L'Afrique septentrionale, i : Bassin du Nil, Soudan
égyptien, Ethiopie, Russie, Egypte. (Tomaschek : l'auteur sait choisir
parmi d'abondants matériaux et tient le juste milieu entre un exposé
savant et un précis superficiel, beaucoup de finesse dans la caractéristi-
que des différentes provinces.) — Chorgesànge zum Preis der h. Elisa-
beth aus mittelalterlichen Antiphonarien hrsg. von Ernst Ranke. II. —
Fundbericht aus Italien (Rossbach).
Berliner Phiiologische Woclienschrift, 22 août iS85, n" 34 : G. Gûnther,
Grundzûge der tragischen Kunst. Aus dem Drama der Griechcn ent-
wickelt (Wecklein : ouvrage très remarquable, qui est comme une philo-
sophie du drame antique). — Sophokles' Tragœdien ûbersetzt von G.
Wendt (F. Kern : la meilleure traduction en vers de Sophocle). —
Calpurnh kt Nemesuni Bucolica. Recensuit H. Schenkl (L. Muller :
travail de commençant mais qui ne manque pas de mérite. Le critique
présente un certain nombre d'observations et de conjectures personnel-
les). — CicERO, Ausgewahlte Briefe, erklart von F. Hokmann, und G.
Andresen (K. Schirmer). — Lud. Carrionis im A. Gellii noctium atti-
carum libros commentarios qui exstant castigationum et notarum spé-
cimen ex éd. princ. a Martino Hertzio depromptum (Gs : on n'a im-
primé, en i585, que 120 pages du commentaire de L. Carrio sur
Aulu-Gelle, et ces feuilles sont devenues tellement rares qu'on n'en
connait que deux exemplaires, l'un à la Bibliothèque nationale de Paris,
l'autre à la bibliothèque de Tuniversité de Breslau. Elles contiennent
les variantes du ms. Buslidianus qui est perdu et beaucoup de remar-
ques intéressantes). — P. v. Bradke, Dyâus Asura, Ahura Mazdâ und
die Asuras (F. Spigel). — Schnorbush und Scherer, Griechische Spra-
chlehre fur Gymnasien (E. Bachof : 4" édition améliorée d'un bon ou-
vrage d'enseignement). — Jacob Bernay"s Gesammelte Abhandlungen,
herausgegeben von H. Usener (P. v. Gizycki : publication accueillie
avec reconnaissance), — Breslauer Universitatschriften aus dem Jahre
i884(L. Cohn : analyse de H. Meuss, de àr.ayiù-(ri<; actione apud Athe-
nienses; L. Skovvronski, de auctoris Heerenii et Olympiodori Alexan-
dri scholiis; B. Baier, de Planti fabularum recensionibus Ambrosiana
et Palatina; G. Schneege, de relatione historica quae intercédât inter
Thucydidem et Herodotum). :::=
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28^
^lliom^ m LYON
TROISIÈME ANNÉE. — FASC. I HISTOIRE ET GÉOGRAPHIE
Le numéro, 5 fr, — Abonnement annuel, 10 i'r.
Sommc.ire : lienseignements généraux et programmes des cours. — G. Bloch. Remarques u
propos de la carrière d'Afraiiius Burrus, pl-éfet du Prétoire, d'après une inscription récem-
ment découverte. — E. Belot, correspondant de l'Institut. De la révolution économique et
monétaire qui eut lieu à Rome au milieu du ui« siècle avant l'ère chrétienne, et de la
classification générale de la société romaine avant et après la première guerre punique. —
L. Clédat. Ija chronique de Salimbène.
ANNALES DE LA FACULTÉ DES LETTRES DE BORDEAUX
Rédigées parles professeurs des B'acultés des Lettres de Bordeaux et de Toulouse.
N° I. Abonnement, 10 fr.
Sommaire : C. Molinier. La question de l'ensevelissement du comte de Toulouse Raimond V
en Terre Sainte. — A. Duméril. Commines et ses mémoires. — Victor Mortet. Une élection
épiscopalc au xiie siècle.
JOURNAL ASIATIQUE
N» Mai-Juin (Abonnement, zb fr.)
Sotmnnirc : Etude sur les inscriptions de Piyadasi (M. Senart). — Bibliographie ottomane
(M. Cl. Huart). — Le mariage par achat dans l'Inde-aryennc (M. Feer). — Matériaux pour
servir à l'histoire de la numismatique et de la métrologie musulmanes (M, Sauvaire). —
Nouvelles et mélanges.
REVUE ARCHÉOLOGIQUE
N° Juillet-Août (Abonnement, 20 fr.)
<.' i'uy, nnprimirte Marckessou /Us, boulevard Sain:- l.^ïurc-nt, 23.
N° 37 Dix-neuvième année 14 septembre 1885
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBMÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. J. DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuqdet
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 23 '.r.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE I. A SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les commiinicatiotts concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Kevue : nie Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont -priés d'envoyer directement, et
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 2S.
LA RÉVOLUTION ÉCONOMIQUE ET MONÉ-
TAIRE qui eut lieu à Rome au milieu du m^ siècle avant l'ère
chrétienne, et de la classification générale de la Société romaine
avant et après la première guerre punique, par E. Belot, corres-
pondant de l'Institut. In-8 4 fr.
LE GALET INSCRIT D'ANTIBES. Offrande phallique à
Aphrodite. Etude d'archéologie religieuse gréco-orientale, par H.
Bazin, agrégé de l'Université. In-4, avec 2 planches 2 5o
ÉTUDES SUR LA VIE DE SÉNÈQUE, par Hochart.
In-8. 6 fr.
LA PERSÉCUTION DES CHRÉTIENS SOUS
NÉRON, par Hochart. In-8 6 fr.
UNE ÉLECTION ÉPISCOPALE au xn^ siècle. Maurice
de Sully, évêque de Paris, 1160, par Victor Mortet. In-8... i 5o
PÉRIODIQUES
The Academy, n° 695, 29 avril i885 : Some books on Shakespeare
(MouLTON, Shakespeare as a dramatic artist; Norris, The portraits Of
Shakespeare; Halliwell-Philipps, Outh'nes of the life of Shakespeare).
— Stepniak, Russia under the Tzars, translated by Westall. (Hodgetts :
impartial, à remarquer surtout les chapitres sur l'instruction de la
presse.) — Tilley, The Renaissance in France, an introductory study.
(Herford ; soigné, mais peu original et peu attachant.) — Ewald, Stu-
dies re-studicd, historical sketches, from original sources (Purcell. —
Pfleiderer, Lectures on the influence of the apostie Paul on the deve-
lopment of christianity, Hibbert Lectures, transi, by Fr, Smith (Drum-
niond : beaucoup de choses très intéressantes et de grande valeur). —
Foreign literature . Moireau, La marine française sous Louis XVI :
utile; Die Lais der Marie de France, p. p. Warnke: Masi, Le fiabe di
Carlo Gozzi; Kiene, William Forrest's Leben und Werke; Marlowe's
Tamburlaine, p. p. Wagner; Polett, Dizionario Dantesco, A-C. —
M. Renan in Brittany (discours du 18 août à Quimper, au dîner celti-
que; reproduit en français). — Prim'er or primer (EUis). — Impress of
the shape of a métal type of 1487 (Watson). — The myth of Andro-
meda (Axon : sur une légende des Maldives, racontée par Ibn Batuta).
— The Phainomena or a Heavenly Display » of Aratos, done into
English verse, by Rob. Brown jun. (Sayce). — « Irish lexicography »
(W. Stokes). — BuLLOCH, George Jamesone, the Scottish Vandyke.
(Gray.) — Prof. Worsaae. [Worsaae est mort le i5 août; il était né le
14 mars 1821 à Vejle; on connaît ses ouvrages, Danmarks Oldtiden »
[1843]; « Les Danois et les Norvégiens en Angleterre, en Ecosse et en
Irlande » [i85i, en danoise! )852 en anglais]; ci Den danske Erobring
af Englandog Normandie! » [i863], etc.). — Stone circles. (Ridgeway.)
— Greek inscription from Egypt. (Nicholson.)
The Athenaeum, n° 3oi8, 29 août i885 : Noble, The Russian revolt,
ils cause, condition and prospects. (Livre bien informé, écrit avec mo-
dération, et qui ajoute considérablement à tout ce que nous savons du
nihilisme.) — Register of the University of Oxford, I. 1449-63, i5o5-
71, edit. by Boase. — Farquharson, School hygiène and diseases inci-
dental to school life. — Antiquarian publications. — Ancestral tenden-
cies of Richard III (Malden), — The Reian basin of Lake Moeris
(Whitehouse ; avec deux petites cartes). — Nichols, Notizie dei rostri
del foro romano e dei monumenti contigui (a résolu quelques-unes des
difficultés qui rendaient Tétude des rostres si ardue pour les archéolo-
gues). — The British Archaeological Association. — Drama, Drury
Lane theater in the reign of James I. (Greenstreet.)
Literarisches Centralblatt, n° 36, 29 août i885 : Lechler, das apostol.
u. nachapostol. Zeitalter, 3« Aufl. — Jostes, die Waldenser u. die vor-
lutherische Bibelûbersetzung, eine Kritik der neuesten Hypothèse. —
Zeller (Ed.), Vortriige u. Âbhandlungen, 3^ Sammlung. — Gelzer,
Sexius Julius Africanus u. die byzantinische Chronographie. 2 Theil,
1 Ablh : die Nachfolger des Julius Africanus. (Etudes qui renferment
de nouveaux et importants détails.) — Huber, Geschichte Oesterreichs,
IL (Même clarté, même savoir, même habileté que dans le premier
volume; va de 1278 à 1437.) — Amelung, Revaler Alterthûmer. (Fait
connaître des monuments peu connus jusqu'ici.) — Matzat, Methodik
des geographischen Unterrichts. — Penck, die Eiszeit in den Pyrenâen. —
Wegener, Untersuchungen ûber die Grundfragen des Sprachlebens.
(2 études : « Aus dem Leben der Sprache » et « Wie verstehen wir
uie Sprache »; pourrait être plus concis, mais de bonnes remarques
et de profondes réflexions). — Loewy, Inschriften grîechischer Bild-
hauer, mit Facsimiles (publication très soignée et très utile). — Die
Gedichte des Catullus, hrsg. u. erklart von Riese. (Edition qui sera le
meilleur auxiliaire pour Tétude du poète; elle conservera toujours
cette importance, même malgré les commentaires « savants » de
l'avenir). — Butsch, Ludwig Hohenwang, kein Ulmer, sondern ein
Augsburger Buchdrucker. (Complète excellemment les résultats trouvés
ou devinés par Ilgenstein; on ne peut douter des conclusions de l'au-
teur, quoiqu'il reste des questions à résoudre encore )
Deutsche LitteraturzeitiiDg', n° 35, 29 août i885 : Luthers Werke, kri-
lische Gesammtausgabe, II. — Freudenthal, Die durch Averroes erhal-
tenen Fragmente Alexanders zur Metaphysik des Aristoteles untersucht
u. iibersetzt, mit Beilragen zur Erleuterung des arabischen Textes von
S. FRàNKEL (Susemhil : travail distingué). — Râjaçekhara, Praca/zda-
pâ«<^ava, ein Drama, zum ersten Maie hrsg. von Capeller (Weber :
beau petit travail soigné), — Below, De hiatu Plautino, quaestionum
prima pars qua agitur de hiatu qui fit in thesi (Léo : recueil, fait avec
soin et beaucoup de peine). — Floris and Blauncheflur, mittelenglis-
ches Gedicht ausdemXIlI. Jahrhundert nebst literarischer Untersu-
chung und einem Abriss ûber die Verbreitung der Sage in der euro-
pâischen Literatur, hrsg. v. Hausknecht (Breul : bon travail, texte
reproduit d'après quatre manuscrits, recherches claires et détaillées).
— La vie de saint Alexis, poème du xi<' siècle, texte critique p. p.
G, Paris (Koschwitz : nouvelle et excellente édition du poème, beau-
coup d'émendations faites avec tact et finesse). — Schmitz, Der englische
Investiturstreit (Liebermann : étude importante). — Grûnhagen, Ge-
schichte Schlesiens, I, bis zum Eintritt der habsburgischen Herrschaft,
1527 (Gerstenberg : travail remarquable qui manquait jusqu'ici et rem-
placera le livre élémentaire de Morgenbesser). — Schlitter, Die Bezie-
hungen Oesterreichs zu Amerika, I. 1778-87 (Holst : diffus). — Von
N0RDENSKIÔLD, Studien und Forschungen (Gerland). — Von Urlichs,
Beitrage zur Kanstgeschichte (Hirschfeld : onze essais qui commencent
par Dédale et finissent à Cornélius, intéressant). — Sohm, Istituzioni
di diritto romano, trad. p. di Martino. — Revue coloniale internatio-
nale, fondée par l'association coloniale néerlandaise à Amsterdam, p.
p. Kan, van der Lith et Titta, red. de la bibliographie mensuelle
RoGGE. I, I (Hûbbe-Schleiden).
Berliner Philologische Wochenschrift, 29 août i885, nf>35 : Herodoti His-
toriae, ad recensionem suam recognovit H. Stein (K. Abicht: à certains
égards, c'est un pas en arrière, surtout en ce qui concerne le rétablisse-
ment des formes dialectales). — Q. Horatu opéra. Scholarum in usum
ediderunt O. Keller et I. Haeussner (W. Mewes : excellents index,
utiles indications des modèles grecs imités par Horace, mais les éditeurs
ont tort de répéter absolument le témoignage des mss, Blandiniens). —
M. Fabii QuiNTiLiANi Declamatioues. Rec. C, Ritter (Morawski : fait
avec une certaine précipitation.) — Kubicki, Das Schaltjahr in der gr.
Rechnungsurkunde CI. A. I, 273 (A. Mommsen : difficile à lire). —
E. Châtelain, Paléographie des classiques latins, 2^ livraison (Watten-
bach : excellent). — J. Tetlow, a progressive séries ol inductive iessons
in latin (P. Dettweiler). = Dissertations de l'Université d'Iéna en 1884
(F. Sigismund : Juvenalis et Persii fragmenta Bobiensia édita a G.
Goetz ; de Statu Silvis emendandis disputatio G. Goetz ; Demetrius
Basiliades, AtopSwTtxà elç xà àpyaXa. de, xcv A 0 u 7. '. a v 0 h oyôXicc ; C. Cars-
TENS, de accusativi usu Euripideo ; F. Fischer, de patriarcharum Cons-
tantinopolitanorum catalogis; M. Paul, De unus nominis numeralis
apud priscos scriptores usu; E. Schmidt, de Ciceronis commentario de
consulatu graece scripto a Plutarcho in vita Ciceronis expresse; Pana-
GiOTis TzÉiNOS, Ta àvay.p se VTS'. a yaosc-xC)^ è^STa'ÇcjJLîva zcppo) r7,ç tôjv
oc7.(iJ.o)v c'jvr,0£(a; àTré/sjstv).
Wochenschrift fiir klassische Philologie, n" 32, 5 août iS85 : G. Busch, De
bibliothecariis Alexandiinis qui feruntur primis (Knaack : étude re-
marquable, prouve que Callimaque et Apollonius n'ont jamais été bi-
bliothécaires). — H. Panofsky, Quaestionum de historiae Herodoteae
fontibus pars prima (GemoU : ne réussit pas à prouver que Hérodote
aurait presque tout puisé dans des livres; mais beaucoup de justes et
tines remarques). — M. Tulli Ciceronis ad M. Brutum Orator. Rec.
F. Hekrdegen (Rubner : grand progrès dans la critique du texte). —
J. Stadelmann, De quantitate vocalium latinas voces terminantium
(Schweizer-Sidler : fait avec soin et méthode).
— N'^ 33, 12 août i885 : E. Maas, Analecia Eratosthenica [Philol.
Untersuch., hrsg. v. A, Kiessling und U. v. Wilamowitz-MoellendortJ
(Frick : prouve qu'Eratosthène n'est pas l'auteur des Catastérismes;
beaucoup à reprendre dans le reste du travail). — G. H. Opsimathes,
rvû[.».a'. sive thésaurus sententiarum et apophthegmatum ex scriptoribus
graecis,, praecipue poetis (Heller : très instructif, mais mal ordonné et
trop inexact dans les citations). — G. Meissner, De iambico apud Te-
rentium septenario (Draheim : sans valeur). — Cornelii Taciti libres
qui supersunt G. Halm quartum recognovit. Tomus posterior Historias
et libres minores coniinens (Zernial : bon, travail consciencieux).
— N» 34, 19 août : Sophoclis Electra. Ed. G. H. MûLLERet Sophokles ^
Electra. Fur den Schulgebrauch erkl. von G. H. Mûller (Kopp : édi-
tion recommandable). — W. Mangelsdorf, Zu Xenophons Bericht
ûber die Schlacht bel Kunaxa (Matthias : exposition soignée et sagace).
— P. Terenti Afri comoediae. Rec. G. Dziatzko (Schlee : texte soigneu-
sement revu, critique sobre et judicieuse). — Discours de Gicéron con-
tre Verres. Seconde action, livre V, p. p. E, Thomas (Nohl : bon, le
texte marque un progrès énorme pour la France; les notes du commen-
taire sont un modèle par leur brièveté, leur clarté et leur abondance).
— L. Bolle, Amor und Psyché. Lateinisches Lesebuch fur Sexta
(Althaus : manqué, en contradiction avec les règles d'une saine péda-
gogie).
UNIVERSITÉ DE STRASBOURG
PRIX FONDÉ PAI! FEU M. LAMEY
La question suivante a été mise au concours, le 1" mai 1885, pour le prix Lamey.
Retracer les caractères dislinclif's et l'histoire du style grotesque, tel qu'il est re-
présenté itrincipalement par Rabelais et par Fischarl. En rechercher les origines
dans la i)oésie macaroniquc, et tout spécialement dans celle des Italiens et en
suivre les dernières productions au commencement du xvii' siècle. Touchant Fis-
charl, il est expressément recommandé de ne pas s'en tenir exclusivement à celles
de ses oeuvres qu'il a tirées directement de Rabelais. Insister autant que possible
sur les rapports de cette tendance littéraire avec tout le mouvement intellectuel et
moral du xvi'' siècle. Le prix est de la valeur de 2,400 Marks Les travaux devront
être remis avant le 1" janvier 1889. Le résultat du concours sera proclamé le
l*' mai 1890. Le concours est ouvert à tous les candidats, sans acception d'âge ni
de nationalité. Les travaux pourront être écrits au choix, en allemand, en français
ou en latin. Ils devront être déposés au secrétariat du sénat et porter chacun
une devise. Défense est faite au candidat de se désigner. Cha(iue mémoire sera ac-
rtant à
entraîne
)uvert
_ __ . auront été
écartés pour un vice de forme.
Le Fuy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint- Laurent, 23.
N° 38 Dix-neuvième année 21 septembre 1885
REVUE CR
D'HISTOIRE ET DE l. ï 1' F E RATURE
RECUEIL HKBDOMADAIRK PlJBF.îÉ SOUS LA DIRECTION
d:-: mm. j. darmesteter, l. havet, g. monod, g. paris
Secrétaire .ie la rédaction : M. A. Chuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, zb k.
PARIS
E Pv N E S T LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE I. A SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l'École des langues orientales vivantes, etc.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
( Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 58).
MM. les éditeurs de V étranger sont priés d'envoyer directement, et
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
OUVRAGE TERMINÉ
CURTIUS — DROYSEN
HISTOIRE GRECQUE
8 VOLUMES IN-8 ET ATLAS
I à V. HISTOIRE GRECQUE JUSQU'A ALEXANDRE, par Ernest Curtius.
VI à VIII. HISTOIRE D'ALEXANDRE ET DE SES SUCCESSEURS, par
J.-G. Droysen.
ATLAS DE L'HISTOIRE GRECQUE, par A. Bouché-Leclercq.
HISTOiRE GRECQ.UE
Par ERNEST CURTIUS
Traduite en français sous la direction de M. A. Bouché-Leclercq. 5 vol. in-8. 3-j 5o
ATLAS POUR L'HISTOIRE GRECQUE
Par A. BOUCHÉ-LECLERCQ.
25 cartes coloriées, plans de villes et de batailles, listes généalogiques, olympiades,
tableaux chronologiques, métrologiques, etc. Un volume in-8 du même format
que les volumes de I'Histoire grecque 12 fr.
HISTOIRE DE L'HELLÉNISME
Par J.-G. DROYSEN
Traduite de l'allemand sous la direction de M. A. Bouché-Leclercq, 3 forts
volumes in-8 3o fr.
Tome I. — Histoire d'Alexandre le Grand.
Tome II et III. — Les successeurs d'Alexandre.
Le tome III et dernier vient de paraître.
PÉRIODIQUES
ïhe Academy, n^ 696, 6 septembre i885 : Glanvill, Scepsis scientifica
or Confest ignorance the way of science, p. p. Owen. — Lord Hobart,
Essays and miscellaneoLis writings, 2 vols. (Minchin : articles qui
ne méritaient guère d'être réimprimés.) — Laing, Modem science and
modem thought. — Rose Elisabeth Gleveland, George Eliot's poctry
and other studies. (Noble : la sœur du président Gleveland est une
femme intelligente et instruite, mais ses études ne sont que de TEmer-
son délayé.) — Sir Thomas Baker, Memorials of a dissenting chapel,
its Foundation and worthies, being a sketch of the rise of Non confor-
mity in Manchester and of the érection of the chapel in Gross-street. —
Some scotch books. (Edgar, Old church life in Scotland ; Memoirs of
James Begg, by Th. Smith; Ross, Aberdour and Inchcolme, being his-
torical notices of the parish and monastery ; G. Smith, Writings by the
way; I. H. Anderson, Inverness before railways.) — The proposed
University for London (Pearson). — The « memorie inutili » of Garlo
Gozzi (Westbourne). — Prim'er or primer (Wharton et Ward). — A
visit to Syracuse (Hoskyns-Abrahall). — « Ofîprints » or « afterprints »
(Muir). — India from China (Terrien de La Gouperie) — A new ver-
sion of Asoka's rockedicts (Bûhler).
The Athenaeiim, n» Soip, 5 septembre i885 : Letters and papers, fo-
reign and domestic, of the reign of Henry VIII, arranged and catalo-
gued by J. Gairdner, VIII. — Pascal : the Thoughts ot Biaise Pascal,
translated from the text of Molinier by G. Kegan Paul; Pascal, lettres
écrites à un provincial, p. p. Derome, I; Encyclopaedia britannica, art.
Pascal, vol. XVIII, by Saintsbury. — J. Ten Doornkat Koolman,
Wôrterbuch der ostfriesischen Sprache, 3 vols. — The political memo-
randa of Francis, fifth duke of Leeds, now first printed from the origi-
nal manuscripts in the British Muséum, edited by Oscar Browning (pu-
blication d'une valeur historique considérable, relative à la dernière
moitié du xvm" siècle). — Alex. Stewart, Twixt ben Nevis and Glen-
coe. — Books on America. — The archaeological societies. — The
Ghichester registers (Swainson). — Kalisch (not. nécrol. sur cet hebraï-
sant, mort le 2 3 août). — John Baskett, King^s printer (Round). —
Perrot et Ghippiez, Histoire de Part dans Pantiquité, III. Phénicie-
Ghypre et trad. angl. par Armstrong (exposé admirable des travaux an-
térieurs, aussi clair et bien ordonné que heureux dans l'expression). —
The church of Ashburne.
Literarisches Ceutralblatt, n° 3j, 5 septembre i885 : Bestmann, Die ka-
tholische Sitte der alten Kirche in ihrer geschichtlichen Entvvickelung,
2. — Laas, idealistiche und positivische Erkenntnisstheorie. — Altes
Stadtrecht von Gortyn auf Greta. nach der von Halbherr und Fabricius
aufgefundenen Inschrift, Text, Uebersetzung und Anmerkungen nebst
einem Worterverzeichniss von Lewy (travail qui a surtout pour but de
faciliter la connaissance de l'inscription aux lecteurs qui n'ont pas une
culture philologique; a été dépassé par l'étude, parue depuis, de Biiche-
ler et de Zitelmann). — Mommsen, die Oertlichkeit der Varusschlacht
(Varus était à Minden, il recula vers Osnabriick, fit un détour vers
Aliso et succomba ; il faut chercher le champ de bataille dans le terri-
toire entre Ems, Weser et Lippe; or on a trouvé une foule de pièces
d'or et d'argent de l'époque dAuguste à Biirenau et dans le pays du
« Venner Moor a ; la forêt de Teutoburg n'est donc pas l'Osning qui
limite au nord la plaine de Munster, mais la chaîne de montagnes qui
s'étend parallèlement au nord et commence à la porta Westphalica pour
finir à la Hase sous des noms divers, Wiehengebirge, Sûntel, « cette
solution est la seule juste »). — Oncken, Beitrage zur neueren Ge-
schichte. I. Zum Zeitalter Fiiedrichs des Grossen ; il, ein angeblicher
Brief des Fieiherrn von Stein; III, zur Maria Stuart-Frage (polémique
contre Koser et Max Lehmann). — Stoll, Zur Ethnographie der Re-
publik Guatemala (Il valait mieux intituler le livre « zur Linguistik »).
— CzoERNiG, die ethnologischen Kûstenverhaltnisse des ôsterreichischen
Kûstenlandes (nombreux renseignements et bonne carte). — Steub,
Bilder aus Griechenland (ce n'est pas le meilleur livre de Tauteur, beau-
coup de choses vieillies ou peu intéressantes). — Rich. Freund, das lu-
bische eheliche Gûterrecht in âltester Zeit (n'est pas réussi). — Plûss,
Vergil und die epische Kunst (Pauteur aime son poète, mais il le met
au dessus d'Homère et ne voit pas ses faiblesses; son livre ressemble à
une conférence improvisée; il est extraordinairement diffus et offre
beaucoup d'inégalités ; il offrira néanmoins de nombreux maténaux à
l'interprétation de TEnéide). — Claudiani Mamerti opéra, rec. Engel-
BRECHT (travail difficile fait avec le soin le plus louable). — Boltz, die
Kyklopen, ein historisches Volk (les Cyclopes seraient les Sicules; l'au-
teur n'a pas lu les mythologues modernes; son livre a valu quelques
heures de gaieté à son critique). — Kuhnert, Statue und Ort in ihrem
Verhâltniss bei den Griechen (soigné, écrit avec bon sens, très ins-
tructif).
Deutsche Litteraturzeitimg, n° 36, 5 septembre i885 : O, Ritschl, Cy-
prian von Carthago und die Verfassung der Kirche (Bôhringer). —
M. Carrière, Aesthetik. (W. Scherer : livre distingué, plein d'obser-
vations sûres et fécondes; 3^ édition). — Rosenthal, Vier apokryphische
Bûcher aus der Zeit und Schule R. Akibas. (Steinschneider : clair, cor-
rect^ méritait d'être publié.) — von Bradke, Dyaûs Asura, Ahura
Mâzda und die Asuras. (Kaegi : travail important pour l'interprétation
du Véda et l'histoire de la religion, indo-germanique.) — 'AptcTOTeXouç
TCôpl TOiYjTaYJç, p. p. Vahlen, 3e édit. (Susemihl : quoi qu'on puisse cri-
tiquer dans cette publication, on ne peut nier sa valeur extrême.) —
K. Engel, Zusam.menstellung der Faust-Schriften vom XVI Jahrhun-
dert bis Mitte 1884, 2^ édit. (R. M. Werner : soigné, utile, intéressant).
■ — Orthographia gallica, aeltester Tractât ueber franzôsische Aussprache
und Orthographie, p. p. Stûrzinger. (Morf : travail qui a été fait avec
la plus grande conscience et une excellente méthode.) — Seeliger, das
deutsche Hofmeisteramt im spiiteren Mittelalter. (Wenck : petit écrit
plein de choses et très recommandable.) — von Zwiedineck-Sûdenhorst,
die Politik der Republik Venedig wahrend des dreissigjahrigen Krieges.
II. Die Befreiung des Veltlin und der Mantuaner Erbfolgekrieg. (Gin-
dely : répond au premier volume par l'étendue des recherches, par l'im-
partialité et la sagacité du jugement.) — Bratuschek, die Erziehung
Friedrichs des Grossen (Vv^'iegand : comble une lacune dans la littéra-
ture « frédéricienne ») — Roches, Trente-deux ans à travers l'Islam
1832-64, ï^i Mission à la Mecque, Bugeaud en Afrique, (J. Schmidt.)
— Neumann und Partsch, Physikalische Géographie von Griechenland
mit besonderer Rûcksicht auf das Altertum. (Lolling : sera très utile.)
— Steub, Bilder aus Griechenland (études, les unes vieillies, les autres
plus récentes et superficielles, à recommander aux amis des lectures fa*
ciles) — F. Hoffmann, Kritische Studien im rômichen Rechte. (Regels-
berger : six études critiques qui témoignent d'un esprit large, d'une
grande lecture et d'un jugement indépendant.) — Mitteilungen des
K. K. Kriegsarchivs. Wien, II, III.
Berliner Philologische Wochenschrift, 5 septembre i885, n° 36 : G. Schnei-
der, Die Platonische Metaphysik auf Grundder im Philebus gegebenen
Prinzipien in ihren wesentlichen Zûgen dargestellt (P. v. Gizycki). —
G. Cozza Luzi, Délia geografia di Strabone. Frammenti scoperti in
membrano palimpseste (Deilefseiî : fragments d'un palimpseste grec de
Grotla-Ferrata, contenant des parties des livres 8, lo et 17 de Strabon).
— GiLLiscHEWSKi, Scidac Horatianae (W. Mewes : critique des correc-
tions proposées par Lehrs et Ribbeck à Hor. Epist. I, xiv). — Ciceros,
Rede ûber das imperium des Cn. Pompeius. Fur den Schulgebrauch
erkliirt von A. Deueuling (P. Dettweiler : « ganz unbrauchbar »). —
C. IuLii Caesaris, Commentarii de bello gallico, in usum scholarum rec.
M. GiLTBAUER (R. Schneider). — M. Giltbauer, Philologische Streifziige
(R. Schneider : contient des recherches sur le texte du Bellum Gallicum,
qu'il croit rempli d'interpolations). — S. Peine, De ornamentis trium-
phalibus (E. Kroker : bon travail). — H. Brunnhofer, Ueber den Ursitz
der Indogermanen (F. Spiegel : depuis Tabandon de l'ancienne théorie
qui plaçait la demeure primitive des Indo-européens sur le plateau de
Pamir, *on a essayé de prouver qu'ils étaient originaires du nord de
l'Europe; O. Peschel, F. Mûller et Brunnhofer se décident pour l'Ar-
ménie. Le critique considère cette théorie comme plausible. En termi-
nant, il demande qu'on substitue à l'expression injuste d' « Indo-ger-
mains » celle d' « Indo-celtes »). — F. A. Specht, Geschichte des tJn-
terrichtswesens in Deutschland von ein àltesten Zeiten bis zur Mitte
des dreizehnten Jahrhunderts ( C. Nohle : très intéressant). — Berliner
Universitats-schriften aus dem Jahre 1884 (E. Curtius, Athen und
Eleusis; P. Jahn, Quaestiones de scholiis Laurentianis inSophoclem;
F. Spiro, de Euripidis Phoenissis; C. Wernicke, dePausaniaeperiegetae
studiis Herodoteis; M. Eichner, Annotationes ad Lucretii Epicuri in-
terpretis de Animae natura doctrinam).
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
REVUE B'MSÏRIOLOGIE ET D'iRCBÉOlOGIE ORIBmiE
TOME I. — N» 2
Sommaire : E. Renan. Les inscriptions araméennes de Teima. — J. Oppert. La langue des
Elamites. — J. et H. Derenbourg. Nouvelles études sur l'épigraphie du Yénien. — Ledrain.
Etude sur quelques objets sémitiques. — J. Oppert. L'inscription du Saros. — Ledrain.
Quelques inscriptions palmyréniennes. — Rapport de M. Pognon. — Bibliographie.
Abonnement : 30 francs.
REVUE DE L'EXTRÊME ORIENT
TOME III. — N« 1
Sommaire : C. Imbault-Huart. Un épisode des relations diplomatiques de la Chine avec le
Népal en 1842. — H. Corpier. Documents pour servir à l'Histoire ecclésiastique de l'Extrême
Orient. — Voyages de P. Poivre en Cochinchine. — La relation des guerres de Pondichéry
en 175L — Bons d'Antt. Les grands Voyageurs au .Japon. — Chronique.
Abonnement : 30 francs.
ARCHIVES DE LA SOCIÉTÉ AMÉRICAINE
Tome III. Fasc. 2. In-8 : 3 fr. 50
R. SiMÉo.N. Discours d'ouvei-ture. — A. Castaing. Les Systèmes religieux dans l'antiquité
péruvienne. — L. de Rosny. Interprétation des caractères hiératiques de l'Amérique cen-
trale. — Actes de la Société.
Tome III, Fasc. 3. In-8 : 3 fr.
A. Castaing. Les Systèmes religieux dans l'antiquité péruvienne. — Rémi Siméon. La langue
mexicaine et son histoire. — Actes de la Société.
EIW DISTRIBUXIOIV î
CATALOGUE DE LA BIBLIOTHÈQUE
De feu M. Ed. DULAURIER, membre de l'Institul,
dont la vente aura lieu les 12, 13, 14 novembre. (Envoi franco sur demande).
Le Ihiy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
ii" 39 Dix-neuvième année 28 septembre 1885
REVUE CRITIQUE
0' H S SX G [RE HT DE 1 11" T É R A T U K E
RKCUhlL !lKli:;OMADA:r!K flJUr.!ï2 sous 1 ,V DS:îKCTiO^^
Dii MM. J.DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PAKIS
Secrétaire ue la rédaction : M. A. Chuqubt
Prix d'abonnement ;
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 2f> fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, É D i T E U R
L ! r. :i A I ;i E r>E la société asiatique
a t.'iicoi.Li aies langues orientales vivantes, t-TC.
28 , IlUK BONAPARTE, 20
Adresser les coinimmications concernant la rédaction à M. A. Ghuqukt
(Au bureau de la Revue : vue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, et
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
NOUVELLES ÉTUDES SUR L'ÉPIGRA-
r
PHIE DU YEMEN, par Josepti et Hartwig Deren-
BOURG. In-4, 4 planches 7 5o
Ce mémoire contient le catalogue des monuments Sabéens et
Himyarites du Musée du Louvre.
COURS DE LANGUE DÉMOTIQUE A
L'ÉCOLE DU LOUVRE, par Eug. Revillout. Un
poème satirique composé à l'occasion de la maladie du poète-musi-
cien, Héraut d'insurrection, Horuta. Premier fascicule. Texte avec
2 planches en héliogravure 12 fr.
Deuxième fascicule. Commentaire autographié, pages i à 88. 8 fr.
SAINT-CYRILLE ET SAINT-MÉTHODE
Première lutte des Allemands contre les Slaves, avec un essai sur les
destinées du Slagol et un mémoire sur l'alphabet, la langue et le
rite des apôtres slaves au ix" siècle, par Adolphe d'Avril, ancien
ministre plénipotentiaire. In- 18 elzévir 5 fr.
PÉRIODIQUES
Berliner Philologische Wochenschrift, 12 septembre i885, n" 3y : Emil Ur-
BAN, Vorbemerkungen zu einer Hoiazmetrik (W, Mewes : des observa-
tions fines). — O. Ti'isELMANN, Quaestiones chronologicae Horatianae
(E. Rosenberg : étude sur la chronologie du 4*^ livre des odes). — Anec-
DOTA oxoNiENSiA Classical séries. Vol. I. Part V. Harleian ms. 2610
collated and edited by R. Ellis (H. Magnus : ce volume contient la
collation d'un ms. des Métamorphoses dOvide, I-III, 622, 24 épigram-
mes latines, la plupart inédites, et des gloses de basse époque sur Si-
doine Apollinaire). — Cicéron, Discours contre Verres, livre V de Sup-
pliciis, publié par E. Thomas (P. Dettweiler : « Hôchst beachtenswerte
Arbeit... wertvoUe Ausgabe»), — C. Neumann undJ. Partch, Physika-
lische Géographie von Griechenland mit besonderer Rûcksicht auf das
Alterthum (R. Weil : ouvrage très utile, qui comble une lacune). —
G. Lupi, nuovi studii sulle antiche terme pisane (E. Kroker : l'auteur
ne connaît pas assez les résultats des fouilles de Pompéi, mais son étude
est riche en détails nouveaux). — J. F. Cerquand, Copia, étude de my-
thologie romaine (R. Peters ne trouve qu'à blâmer dans cet essai). —
Q. EssER, Beitragezur gallo-keltischen Namenskunde (R.Thurneysen :
étymologies risquées). — L. Havet, Eloquence et philologie (E, Heitz :
intéressant comme signe de la transformation que subit en France la
méthode du haut enseignement). — Berliner Universitatschriften aus
demJahre 1884: E. Krause. Quibus temporibus quoque ordine Vir-
gilius eclogas scripserit ; G. Wartenberg, Quaestiones Ovidianae;
E, Trampe, de Lucani arte metrica.
Gœttingisclie gelehrte Anzeigen, n° ly, i5 août i885 : Windelband, Bei-
trâge zur Lehre vom negativen Urteil (Schuppe). — J. Keller, der
Ursprung der Vernunft (Erdmann). — Th. Dufour, Giordano Bruno
à Genève, 1579 (Sigwart : informations aussi importantes qu'intéres-
santes).
Nachrichten von der kœnigliclieii Gesellschaft derWissenschaften, n° 6, 22 juil-
let i885 : H. Wagner, Patrokles am Kara Bugas? Methodische Be-
denken. — Bechtel, Ueber die urgermanische Verschàrfung von j
und ji/.
Theologische Literaturzeitung, n" 17, 22 août i885 : Schegg, Das Hohe
Lied Salomo's von der heiligen Liebe fur einen grosseren Leserkreis
dramatisch bcarbeitet und erklart. (Ryssel). — Salmon, A historical in-
troduction to the study of the books ofthe New Testament (Holtz-
mann). — Burk, Geschichte der christlichen Kirche bis zu ihrer Pfîan-
zung auf deutschem Boden. (Bornemann : malgré ses défauts, mérite
d'être lu par le grand public.) — Roth, die Einfûhrungder Reformation
in Nûrnberg, i5i7-i5i8 (Tschackert : travail très soigné, montre les
efforts prudents du conseil pour introduire la Réforme à Nuremberg
ainsi que ceu.K d'Osiander). — M. B. Lindau, Lucas Cranach (Tscha-
ckert; montre dans Maitre Lucas à la fois le personnage important dans
rhistoire de l'Eglise et le peintre de la Renaissance évangélique alle-
mande.) — Creighton, A history of the Papacy during the period of
the Reformation (Benrath : la tâche que s''est donnée l'auteur, a été
heureusement exécutée). — Samuel Gobât, evangelischer Bischof von
Jérusalem, sein Lcben und Wirken meist nach seinen eigenen Aufzei-
chnungen. (Basscrmann). — Hoelemann, Letzte Bibelstudien. (Lober),
— N° 18, 5 septembre i885 : Kônig, Falsche Extrême in der
neucren Kritik des Alten Testaments (Kautzch). — Aube, L'église
et l'état dans la seconde moitié du in^ siècle (Harnack : on n'apprend
rien de beaucoup de choses qui devraient être rangées sous le
titre « l'Eglise et l'Etat »; l'auteur examine à peine le changement
des dispositions de l'Eglise, la nouvelle appréciation de l'Etat, les pro-
grés de l'organisation, etc.; les matières mêmes dont il traite, sont à
peine épuisées et on ne trouve que de faibles traces d'un savoir réel,
critico-exégétique ; néanmoins, à cause des actes des martyrs auxquels
on a si rarement touché depuis Ruinart, le livre mérite d'être consulté). —
Gelzer, Sextus Julius Africanus und die byzantinische Chronographie.
II, I, die Nachfolger des Julius Africanus (Harnack : travail d'un soin
infatigable et d'une saine critique, riche en résultats). — Willaflora,
Vita di San Carlo Borromeo, secondo la verila storica (Benrath : des
légèretés, des indications fausses, des jugements insoutenables). —
ZiMMER, Kônigsberger Kirchenliederdichter und Kirchencomponisten
(Schlosseri. — Steitz, Geschichte der von Antwerpen nach Frankfurt
am Main verpflanzten niederlélndischen Gemeinde Augsburger Con-
fession (Scott). — WiTTE, das Leben Tholucks, I, 1799-1826 (Meier :
vastes matériaux mis en œuvre avec beaucoup de soin).
■Wochenschrift iûr klassische Philologie, n° 35, 26 août : H. Blûmner,
1° Technologie und Terminologie der Gewerbe und Kiinste bei den
Griechen und Rômern, vol. II et III; 2° Das Kunstgewerbe im Alter-
tum, i" partie (Das Wissen der Gegenwart, vol. XXX) (Schmidt : !« li-
vre excellent, soin et savoir étonnants, 2° résumé populaire du premier,
habilement fait). — Leyde, De Apollonii Sophistae Lexico Homerico
(Kopp : satisfaisant). — O. Crusius, Analecta critica ad paroemiogra-
phos Graecos (Br. : bon, examine les qualités des différentes collections
de proverbes et leurs relations entre elles). — Cicero, Ausgew^âhlte
Briefe, erklàrt von Fr. Hofmann, 2ter Band, bearb. von G. Andresen
(Lehmann : édition bien soignée, corrigée en beaucoup d'endroits). —
A. V, Bamberg, Griech. Schulgrammatik, i7^édii. (H. H.). — W. Pôkel,
K. W. Kriigers Lebensabriss (A. M. : biographie intéressante, à recom-
mander à tous les amis du savant grammairien).
— N" 36, 2 septembre : Ad. Reuter, De Promethei, Septem.
Persarum Aeschyli fabularum codicibus recentioribus (Wecklein :
les mss. plus récents n'ont pas la valeur que leur attribue l'auteur),
— G. ScHMiD, Euripidea. De lone (Gloël : quelques conjectures
méritent d'être examinées, d'autres sont inutiles). — Platonis Lâches.
In us. schol. rec. Mich. Gitlbauer (Schanz : recension très arbi-
traire ; on a éliminé sans indication un grand nombre de mots,
des parties de phrases, des phrases entières). — Ciceros Rede ûber das
Imp. des Gn. Pompeius. Fur den Schulgebr. erkl. v. Deuerling (Mos-
bach : recommandable). — Ciceronis Laelius. Fur den Schulgebr. erkl.
V. A. Strelitz (Lehmann ; remarques de détail). — Sbornick praci filo-
logickj^ch vy danj^ na oslavx dvacetipêtiletého jubilea prof. J. Kvicaly,
Recueil de travaux philologiques, p. à Tocc. du 25^ anniversaire du
prof. Kvicala.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
AKIAIRE DE LA FACULTÉ DES LETTRES DE LÏOJI
TROISIÈME ANNÉE. — FASC. I HISTOIRE ET GÉOGRAPHIE
Le numéro, 5 fr. — Abonnement annuel, lo fr.
Sommaire: Renseignenieuts généraux et programmes des cours. — G. Bloeh. Remarques à
propos de la carrière d'Al'ranius Burrus, prôfet du Prétoire, d'après une inscription récem-
ment découverte — E. Belot, correspondant de l'Institut. De la révolution économique et
monétaire qui eut lieu à Rome au milieu du ni« siècle avant l'ère chrétienne, et de la
classification générale de la société romaine avant et après la première guerre punique. —
L. Clédat. La "chronique de Salimbène.
ANNALES DE LA FACULTÉ DES LETTRES DE BORDEAUX
Rédigées parles professeurs des Facultés des Lettres de Bordeaux et de Toulouse.
N" I. Abonnement, 10 fr.
Sommaire : C. Molinier. La question de l'ensevelissement du comte de Toulouse Raimond V
en Terre Sainte. — A. Duméril. Commiues et ses mémoires. — Victor Mortet. Une élection
épiscopale au xiie siècle.
JOURNAL ASIATIQUE
N° Mai-Juin (Abonnement, 20 fr.)
Sominaire : Etude sur les inscriptions de Piyadasi (M. Senart). — Bibliographie ottomane
(M. Cl. Huart). — Le mariage par achat dans l'Inde-aryenne {M. Feer). — Matériaux pour
servir à l'histoire de la numismatique et de la métrologie musulmanes (M, Sauvaire). —
Nouvelles et mélanges.
REVUE ARCHÉOLOGIQUE
N" Juillet-Août (Abonnement, 23 fr.)
Drouin. Les monnaies à légendes en pehlvi. — E. Muntz. Les monuments antiques de Rome
à l'époque de la Renaissance. — Deloche, de l'Institut. Anneaux et cachets mérovingiens. —
Fouilles de Suse (1884-1885), par M. E. Dieulafoy, directeur de la Mission. — Un camée du
musée de Florence, par M. Menant. — Chronique d'Orient, par Salomon Reinach. — Nou-
velles et mélantres. — Bibliogi'aphie.
REVUE D'ISSÎRIOLÔGIE ET D'UU
TOME L — N° 2
Somraoire : E. Renan. Les inscriptions araméennes de Teima. — J. Oppert. La langue des
Elamites. — J. et H. Derenboueg. Nouvelles études sur l'épigraphie du Yémeu. — Ledrain.
Etude sur quelques objets sémitiques. — J. OppiiRT. L'inscription du Saros. — Ledrain.
Quelques inscriptions palmyréniennes. — Rapport de M. Pognon. — Bibliographie.
Abonnement: 30 francs.
REVUE DE L'EXTRÊME ORIENT
TOME m. — N° 1
Sommaire : C. Imbault-Huart. Un épisode des relations diplomatiques de la Chine avec le
Népal en 1842. — H. Cordier. Documents pour servir à l'Histoire ecclésiasticjue de l'Extrême
Orient. — "Voyages de P. Poivke en Cochinchine. — La relation des guerres de Pondichéry
en 1751. — Bons d'Anty. Les grands Voyageurs au Japon. — Chronique.
Abonnement : 30 francs.
ARCHIVES DE LA SOCIÉTÉ AMÉRICAINE
Tome III. Fasc. 2. In-8 : 3 fr. 50
11. SiMÉoN. Discours d'ouverture. — A. Castaing. Les Systèmes religieux dans l'antiquité
péruvienne. — L. de Rosny. Interprétation des caractères hiératiques de l'Amérique cen-
trale. — Actes de la Société.
Tome III, Fasc. 3. In-8 : 3 fr.
A. Castaing. Les Systèmes religieux dans l'antiquité péruvienne. — Rémi Siméon. La langue
mexicaine et son histoire. — Actes de la Société.
CATALOGUE DE LA BIBLIOTHÈQUE
De feu M. Ed. DULAURIER, membre de Tlnslitut,
dont la Vftnle aura lieu les 12, 13, 14 novembre. (Envoi franco sur demande).
mil^Juyuiiii
Le Puy, imprnmerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
" 40 , Dix-neuvième annés 5 octobre 1885
— . ■ Il ■■ m inmkMM^wm, ti
REVUE CRITÏOUI
■-«
D ' ii I S T O ï R E ET DE L I T T E R A T U R E
RKCUEÎL HKBDOMADAIRK PfB).!;-: SOUS LA CÎRF.CTÎON
OK iMM. J. DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARiS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Cîiuqhkt
Prix d'abonnement :
Un an, Pans, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 2i> Ir.
PARIS
ERNEST LERO'UX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DK LA SOCIÉTK ASIATIQUE
DE i.' ECO LE DES LANGUES ORIENTALES V I V A K T C S , K T C.
28, RUK BONAPARTE, 28
Adresser les conummications concernant la rédaction à M. A. Chuquët
(Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sort priés d'envoyer directernenî, e:
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, EDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
MADHAV A ET M ALATÎ, drame en dix actes et un prologue
de Bhavabhouti, traduit du sanscrit et du pracrit, par G. Strehly,
avec une préface, par A. Bergaigne, de Tlnstitut. In-i8,elzévir. 2 5o
LE DÉNOUEMENT DE L'HISTOIRE DE RAMA
Outtara Rama Charita, drame de Bhavabhouti, traduit du sanscrit
avec une introduction sur la vie et les oeuvres de ce poète, par
F. Nève. In-8 7 5o
LES ÉPOQUES LITTÉRAIRES DE LINDE- Études
sur la poésie sanscrite, par F. Nève. I n-8 > 9 fr.
BRAHMAKARMA, ou rites sacrés des Brahmanes, traduit du
sanscrit en français, par A. Bourquin. In-4. .....,.,, 7 5o
L'INFANTICIDE EN CHINE, par c. de Kaulez, in-s. i 25
PÉRIODIQUES
The Acadeniy, n° 697, 12 septembre i885 : Calendar of letters from
the Mayor and Corporation of the City of London circa iBSo-iSjoen-
rolled and preserved among the archives of the corporation af the Guild-
hali, edited with an introduction by Sharpe. — Hunter, Bits of old
China. — Hozier, Turenne. (O' Connor Morris : trop chargé de détails,
manque de jugement et de savoir faire). — Current littérature (Count
Paul Vasili, The world of London; Ransome, Our colonies and India,
how we got them, and why we keep them; Ware a. Mann, The lite
times of Colonel Fred. Burnaby.) — A translation : the battle of Mal-
don (Hickey). — The « memoirs of Dora Greenwell » (W. Dorling). —
«t The most beautified Ophelia » (Tyler). — Sitting Dharna (W. Sto-
kes). — Stone circles (W. Webster). — Si-Yu-Ki or Buddhist Records
of the Western World, translated from the Chinese of Hiuen Tsiang
(A. D. 629) by Samuel Beal, 2 vols. (Rhys-Davids). — Ancient units
of linear measure, III. (Greg) — Two german books on Greek sculpture :
Gypsabgiisseantiker Bildwerke, Bausteine zur Geschichteder griechisch-
rômischen Plastik von Cari Friederichs, neu bearbeitet von P. Wol-
ters; Loewy, Inschriften griechischer Bildhauer. (Murray : le livre de
Loewy est très estimable et fort utile.) — The exploration of Caerleon
and Caerwent.
— N° 698, 19 sept i885 : Coupland, The spirit of Gœthe's Faust
(Lysler : très utile, malgré son méchant style). — Stumm, Russia in cen-
tral Asia; Boulger, Central Asian questions; Vambéry, The coming
struggle for India; Rodenbough, Afghanistan and the Anglo-Russian
dispute. — GiLLOw, A literary and biographical history or biographical
dictionary of the English Catholics from the breach with Rome in i334
to the présent Time. I. — Sarcey, Souvenirs de jeunesse. — Literature
of ancestral worship in China (Edkins). — The London Association of
Schoolmistresses (Em. Davies). — « The most beautified Ophelia »
(Birch et Ward) — « Primer » (Littledale). — Vov populi, vox Dei.
(Beal). — Babylonian astronomy (Forlong). — The memoirs of Dora
Grenwell (noble). — Some books on French philology (Schôtensack,
Etymol. Untersuchungen aut dem Gebiet der franz. Sprache ; Stap-
PERs, Dict. synopt. d'etymologie française). — An irish-icelandic paral-
lel (Sweet), — Corrections in the translation of the « Sutta Nipâta »
(R. Morris).
The Athenaeum, n» 3o20, 12 septembre i885 : Sir Lyon Ployfair,
Adress delivered at the Aberdeen Meeting of the British Association
for the advancement of science, 9 sept. 188 5. — King a. Watts, The
municipal Records of Bath, 1189-1604. — RtiBiGER, Encyclopœdia of
theology, translated with additions to the history and literature. by
John Macphkrson. — The Chichester registers. — East Frisian. (Hyde
Clarke.) — The late Mr. Dilke (Sidney Colvin). — The origin of
Zz[j.irq (Neubauer). — The site of the battle of Brunnanburh (Hugh
Norris). — The Brirish Association. — The exhibition of the Society
of Medalists. — Dr. Tristram on Durham cathedral. — Helena Faucit,
lady Martin, On some of Shakspeare's female characters.
— N" 3o2i, 19 sept. j885 : Markham, Life of Robert Fairtax of
Steeton, vice-admiral, alderman and member for York, 1666-1725. —
^A/AUTERs, Le Congo au point de vue économique; Wauwermans, Li-
béria, histoire de la fondation d'un état nègre libre. — Studia biblica,
essays by members of the University of Oxford. — Hozier, Turenne
(consciencieux et fatigant). — Works on local history. — The Society
of Ant-quaries (Gomme). — Mrs Leigh (Jeaffreson : lettres de Mrs Leigh
à Hodgson). — British Association. — Gilbert, Landscape in art be-
fore Claude and Salvator.
Literarisches Centralblatt, n" 38. 12 septembre i885 : Rosenthal, Vier
ap okryphische Biicher aus der Zeii und Schule R. Akib'as. Assumptio
MUrsi, das vierte Buch Esra, die Apokalypse Baruch, das Buch l'obi
(travail très recommandable). — Hallewi, das Buch al-Chazari, ueber-
setzt von Hirschfeld. — G. Biedermann, Philosophie der Geschichte
(sujet difficile et traité superficiellement). — Klopp, der Falle des Hau-
ses Stuart und die Succession des Hauses Hannover in Gross Britan-
nien und Irland im Zusammenhange der europaischen Angelegenhei-
ten von 1660 bis 1714. IX-XI. (Trois volumes nouveaux allant de la
grande alliance du 7 sept. 1701 aux années 1704-1705, beaucoup d'im-
portants matériaux mis en œuvre sans justesse, récit d'une monotonie
fatigante et d'une grande diffusion, toujours « tendenziôs »). — Laufer,
die Werder'schen Weinberge, zur Kenntniss des markischen Bodens. —
Heisterbergk, Name und Begriff des Jus Italicum. (Résultats clairs et
logiques, attachant et convaincant). — Stephani in librum Aiistotelis
de interpretatione commentarium edidit Hayduck. (Un inédit d'après
un manuscrit de Paris du x*^ siècle). — Platonis Meno et Eutyphro. in-
certi scriptoris Theages, Erastae, Hipparchus rec. Fritzsche. (Très bon
travail, prolégomènes nouveaux). — Theophanis chronographia rec. de
Boor, II. Theophanis vitas, Anastasii bibliothecarii historiam triperti-
tam, dissertationem de codicibus operis Theophanei, indices continens.
(Fin de ce travail, œuvre d'un plus grand soin et d'un labeur infatigable
appliqué à un sujet assez ingrat). — Camoens, sammtliche Gedichte, zum
ersten Maie von Storck. VI, Dramatische Dichtungen. (Voilà tout Ca-
moens en une traduction allemande qui rend les couleurs variées
de l'original, tout son esprit, toutes ses images et ses jeux de mots avec
justesse et habileté, en gardant la rime et sans faire violence au génie
de l'allemand ; notes très importantes.) — Herzog (Ernest), Geschichte
und System der rômischen Staatsverfassung, I. Kônigszeit und Repu-
blik. (Compendium qui donne l'état de la question; livre d'étude et de
lecture; ne marque pas un progrès essentiel, remplace pourtant en
de nombreux endroits les opinions précédentes par de nouvelles; en
somme, clair, pratique ; vient au-devant des besoins de l'étudiant et fera
son chemin, malgré de brillants concurrents), — Haussegger, die Mu-
sik als Ausdruck (œuvre de polémique, bien des remarques bonnes et
fines).
— N° 39, 19 septembre i885 : Druffel, Monumenta Tridentina,
III, juin-déc. 1545. — Likowski, Geschichte des allgemeinen Verfalls
der unierten ruthenischen Kirche im XVIII u. XIX Jahrhundert ûbers.
V. Tloczynski. I, das XVIII, Jahrhundert (documents jusqu'ici incon-
nus, mais livre extrêmement partial). — Hawkins, medallic illustra-
tions of the history of Great Britain and Ireland to the death of
George II, éd. by Franics a, Grueber I et II. — Wolf, Aus der Revo-
lutionszeit in Oesterreich-Ungarn, 1848-49. (Beaucoup de choses con-
nues, quelques-unes nouvelles). — Sommerbrodt, Afrika auf Ebstorfer
Welkarte. — Kiepert, politische Wandkarte von Afrika. — Reinisch,
die Quarasprache in Abessinien, I. (Méritoire). — Aristotelis de arte
poetica liber, tertiis curis recogn. Vahlen. (Le critique n'approuve ni
les principes de V. ni sa façon de les appliquer). — Supplementum
Aristotelicum, I, i, exceptorum Constantini de natura animalium libri
duo, Aristophanis historiae animalium epitome, aliorumque eclogis, éd.
Lameros. (Edition très recommandable faite avec grand soin). — Das
Tironische Psalterium der Wolfenbiitteler Bibliothek, pp. Lehmann.
(Travail de grand prix et fort instructif). — Montet, Histoire littéraire
des Vaudois du Piémont. (N'a pas réussi à faire un tableau d'ensemble,
mais la publication a de l'intérêt et de la valeur). — E. H. Meyer, In-
dogermanische Mythen, I, Gandharven-Centauren. (Savoir étendu, ma-
tériaux abondants, points de vue nombreux et variés, essaie de concilier
Kuhn et Mannhardt;.
Deutsche Literaturzeitiin?, n» Bj, 12 septembre j8S5 : Schnapp, die Tes-
tamente der zvvolf Patriarchen untersucht. (Nowack.) — Schieler,
Magister Johannes Nider aus dem Orden der Prediger-Brûder (très sa-
tistaisant). — Enrico Soulier, Eraclito Efesio, studio critico, saggi di
filosofia ante-socratica. (Wellmann : bon travail.) — Volkmann von
VoLKMAR, Lehrbuch der Psychologie vom Standpunkt des Realismus
u. nach genetischer Méthode. II. — Loth, Vocabulaire vieux-breton
avec commentaire contenant toutes les gloses en vieux-breton gallois,
comique, armoricain, connues, précédées d'une introd. sur la phonéti-
que du vieux-breton. (Zimmer : le critique dont nous connaissons Thu-
meur, prétend que l'auteur ne possède que des connaissances insuffi-
santes dans les langues celtiques et que son travail est digne de Técole
de M. d'Arbois.) — Menge et Pi;euss, Lexicon Caesarianum, I. (Geor-
ges : clair et complet.) — York Plays, p. p. L. T. Smith. (Zupitza : il
reste à faire pour la critique et l'explication des textes.) — Gr-^fenberg,
Beitriige zur tranzosischen Syntax des XVI Jahrhunderts. (E. Weber :
de l'incertitude, mais travail méritoire.) — Haask, Zur Syntax Robert
Garniers (Tauteur a rempli sa tâche). — Herzog (Ernst), Geschichte
und System der rômischen Staatsverfassung, I. Kônigzeit und Republik.
(Klebs : exposé original et étendu; oriente sur toutes les questions;
aura sa place à côté des autres ouvrages sur le même sujet. — Machat-
schek, Geschichte der Bischofe des Hochstifts Meissen. — Hallwich,
Johann Aldringer. (Brohm : éclaire encore d\ine nouvelle lumière
l'histoire de Wallenstein, récit animé.) — Kiepert, Wandkarte des
rômischen Reichs, neun Bltltter. (Hohn : 2*= édition très utile.) — Ben-
del, die Deutschen in Bohmen, Milhren und Schlesien, II. — Perrot
et Chipiez, Histoire de l'art dans Tantiquité. III. Phénicie, Chypre.
(Eb. Schrader : on trouve dans ce volume d'énormes matériaux ordon-
nés et mis en œuvre pour la première fois d'après les principes scienti-
fiques; bien des observations fines et frappantes dans la conclusion ) —
Adler, Die Geschichte der ersten socialpolitischen xArbeiterbewegung in
Deutschland. (Des exagérations, mais du talent.) — Le général Bour-
baki par un de ses anciens officiers d'ordonnance (Dechend : élève le
général aux dépens d'aufrui; intéressant, mais partial).
Berliner Philologische 'Wochenschrift, 19 septembre i885, n° 38: Paul,
zur Erklarung von Caesar, Bell. Gall. III, 26 (propose « devectis » au
lieu de « eductis »). — M. Tullii Ciceronis Tusculanarum libri V, ftir
den Schulgebrauch erkliirt von L. W. Hasper (Sorof :ne rend pas inu-
tiles les éditions antérieures). — A. Wiedemann, Aegyptische Geschichte
(G. Steindorfif : livre de références indispensable). — C. F. Watson,
Darius the Médian identified, or the true chronology of the ancient
Monarchies recovered (J. Krall : essaye de prouver l'authenticité des li-
vres de Daniel et d'Esther, et pour cela crée un système qui fera l'éton-
nement de tous les lecteurs compétents). — J, Simon, Une Académie
sous le directoire (L. Zéliqzon). — Berliner UNiVERsnàTsscHRiFTEN
AUS DEM Jahre 1884 (P. Kerckhoff, Duac quaestiones Papinianae [sur
Stacej : R. Reitzenstein, De scriptorum rei rusticae, qui intercedunt
inter Catonem et Columellam, libris deperditis; P. Kaiser, de fontibus
Vellei Paterculi; O. Binde, De Taciti dialogo quaestiones selectae;
C. BoTTiCHER, De aliiterationis apud Romanos vi et usu; A. de Molm,
De ara apud Graecos; E. Eisenbeck, Observationes in monetam grae-
cam; P. Cauer, De fabulis graecis ad Romam conditam pertinentibus;
R. Maschke, De Magistratum Romanorum jure jurando; B. Pick, De
senatusconsultis Romanorum).
Le i^uv. i>nvrimt>ie Marchessou fils, bouievard Saini-L.aure>ii, 23.
N" 41 Dix-neuvième année 12 octobre 1885
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. J. DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Pans, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 2î> fr
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE I. A SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l'École des langues orientales vivanteiî, etc.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, et
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28
OUVRAGES TERMINÉS
JOHANNIS BURCHARDI DIARIUM
JOURNAL DE BURCHARD, maître des cérémonies de la chapelle
pontificale sous Innocent III, Alexandre VI, Pie III et Jules IL
Publié, d'après les manuscrits de Paris, de Rome et de Florence, par
M. Thuasne.
Tome III et dernier 20 fr.
L'ouvrage complet en 3 volumes . . , „ 60 f r.
OEUVRES CHOISIES DE A.-J. LETRONNE
MEMBRE DE l'JNSTITUT
Assemblées, mises en ordre et augmentées d'un index, par E. FAGNAN
1881-83, 6 beaux volumes in-8, ornés d'un portrait inédit, par Paul
Delaroche, de dessins, de planches hors texte, etc 72 fr.
!'■'' série. Egypte ancienne, 2 beaux volumes in-8, illustrés.... 25 fr.
2-' série. Géographie et cosmographie. 2 vol. in-8, illustrés 25 fr.
3" série. Archéologie et philologie. 2 vol. in-8, illustrés.. 25 fr.
PÉRIODIQUES
The Academy, n°6gg, 26 septembre i885 : Hodgkin, Italy and his in-
vaders, 476-553, III et IV. (Boase : un peu ditfus, mais très utile.) —
The Engiish and Scottish popular ballads edited by Child. III. — The
Berkeley manuscripts, a description of the Hundred of Berkeley and of
its inhabitants, by John Smith, of Nibley. III, edited by Sir John Ma-
CLEAN. — Mrs. Mawr, Analogous proverbs inten languages. (Bradley :
remarquable surtout par les proverbes roumains, la préface est datée de
Bukarest.) — O' Shea's Guide to Spain and Portugal, edited by Lomas,
y édition (W. Webster). — H. Haupt, Die deutsche Bibeliibersetzung
der mittelalterlichen Waldenser in dem Codex Teplensis nachgewiesen.
(Pearson.) — Correspondence : Curiosities of officiai scholarship
(W. Stokes). — « The most beautified Ophelia » (Tyler) — « The To-
wer of glass (Hall). — Maag, De Ibidis Ovidianas codicibus (EUis :
soigné et très méritoire). — Finn, Persian for travellers (Wilson : c'est
plutôt un « Eiiglish-Persian vocabulary » qui n'est pas sans défauts). —
The « Si-Yu-Ki » (Beal). — The etymology of « Pavecchati » and
« Anuppavecchati » (Morris). — Fine Art : some minor Aegyptological
literature, Erman, Aegypten und aegyptisches Leben im Alterthum ;
LiEBLEiN, Egyptian religion, et Gammelaegyptisk religion, et Ueber
altaegyptische Religion; Dillmann, Ueber Pithom, Hero, Klysma nach
Naville; et Gedachtnissrede auf Karl Richard Lepsius; Ebers, Richard
Lepsius, ein Lebensbild, et 'Antichità sarde et loro provenienza (Am.
B. Edwards). — Discovery of a Saxon chapel at Deerhurst (Middleton).
— The proposed excavation of Caerleon and Caerwent (Watkin).
The Athenaeum, n° 3o22, 26 septembre i885 : Moff.\t, Faithful la-
bour, the lives of Robert and Mary Moffat. — Steele, sélections from
the Tatler, Spectator and Guardian, edited, with introduction and
notes, by Austin Dobson (petit volume d'une grande valeur; il ren-
ferme le meilleur de l'œuvre de Steele, et les morceaux sont disposés
dans Tordre le plus convenable). — W. Dorling, Memoirs of Dora
Greenwell. — On the Parish Books of St. Margaret-Lothbury, St.
Christopher-le-Stocks, and St, Bartholomew-by-the-Exchange in the
City of London, by Freshfield ; The Register. Book of the Parish of
St. Christopher-le-Stocks, I-lII. — Accomptes of the Churchwardens of
the Parysche of St. Christofer's. — Mrs Orr, A handbook to the
Works of Robert Browning. — The Ingénions Gentleman of Don
Quixote of La Mancha, by Cervantes, a translation with introduction
and notes, by Ormsby, 4 vols. ; Numantia, a. tragedy, by Cervantes,
translated with introduction and notes by Gibson (bonnes traductions).
— Robinson, Introduction to our Early Engiish Literature (ne peut
être recommandé, tel qu'il est). — Soppitt, A short account of the
Kachcha Naga Tribe, with the sutline grammar, vocabulary and illus-
trative sentences; Euting, Epigraphische Miscellen. — Principal Shairp.
— The Library Association. — Mrs. Leigh (Forman). — The origin
of Semele tSayce). — The international literary and artistic congress, I.
— E. Paris, Le musée de marine du Louvre.
Literarisches Centralblatt, n° 40, 26 septembre i885 : Glocl, Hollands
kirchliches Leben, eine Studienreise (attachant). — Ch, Tissot, Fastes
de la province romaine d'Afrique, p. p. Salomon Reinach (le travail de
Tissot est un modèle; l'introduction de Reinach est bien intéressante
et écrite avec chaleur). — ScHâPER (D.), die Hanse und ihre Handelspo-
litik, Vortrag. — Gunther, Der Harz in geschichts = cultur = und
Landschaftsbildern geschildert. — Fr. Hoffmann, Kritische Studien im
rômischen Rechte (6 études). — Del Vecchio^ Le seconde nozze del
superstite. — Curh, die Entstehung der Sprache durch Na-
chahmung des Schalles (G. v. d. G. : livre soigné et raisonnable). —
Krebs, Die Prapositionsadverbien in der spilteren historischen Gracitiit
(beaucoup de bonnes choses, parfois de l'exagération). — Clédat,
grammaire élémentaire de la vieille langue française (on ne peut don-
ner à l'auteur que de minces éloges, sans toutefois rendre un témoi-
gnage défavorable de son savoir, car il est érudit et il sait souvent être
clair; mais la tâche était trop difficile). — Hess, Johann Caspar Schwei-
zer (curieux livre sur cet aventurier,. — Fontane, Scherenberg und das
literarische Berlin von 1840- 1860 (intéressant).
Deutsche Litteraturzeitiing, n° 38, 19 sept. jS85 : Reusch, der Index der
verbotenen Bûcher. II, i et 2 (K.'Muller : très curieux). — Dura, Life
a. Works of Csoma de Kôros. — Calpurnii et Nemesiani Bucolica, rec.
ScHENKL (Léo). — Bernhardt, Kurzgefasste gothische Grammatik
(Wilmanns : concis, plus utile pour les conférences que pour l'étude
personnelle). — Frankl, Zur Biographie Lenaus (Jacoby : 2= édit. qui
donne du nouveau^. — Rendus de Moiliens, Li Romans de Carité et
Miserere, pp. van Hamel. I et II (Tobler : travail où se sont associés
courage, persévérance, talent et savoir; satisfait et réjouit à tous égards).
— KuBiCKi, das Schaltjahr in der jgrossen Rechnungs-Urkunde G. I.
A. I, 273 (Unger : une foule d'assertions singulières). — Th. Mommsen,
die Oertlichkeit der Varus-Schlacht (Velke : les monnaies trouvées à
Barenau appartenaient à Farmée de Varus qui aurait été écrasée dans le
Venner Moor : pensée très heureuse et féconde dont la justesse est éle-
vée au dessus de tous les doutes par les arguments de l'auteur). — Elie
Berger, Les Regisîres d'Innocent IV, IV-VI (Ewald : suite de cette
consciencieuse publication, introduction remarquable). — Aîirox de
l'Espinav, François Miron et l'administration municipale de Paris sous
Henri IV (von der Ropp : nombreux documents, «■ le texte qui les ac-
compagne est presque toujours très ennuyeux; nianque de toute direc-
tion historique: la critique des sources est pour Fauteur une idée in-
connue >.i. — Von CzoERNiG. die alten Volker Oberitaliens. (Nissen :
mauvais.) — Ilg, Messerschmidts Leben u. Verke. — Jansen, J.-J,
Rousseau als Botaniker (important).
— No 39, 26 septembre i885 : H. A. W. Meyer, Kriiisch exegetis-
cher Comm.entar tiber das neue Testament. 1,2; Marcus und Lucas,
7- Aufl. p. p. Weiss. — DuLK, Der Irrgang des Lebens Jesu in geschi-
chtlicher Auffassung dargestellt. II, der Messiasgang u. die Erhebung
ans Kreuz. — Wineler, das Uraltaische und seine Gruppen. I et II.
(Grube : travail très remarquable.) — Ciceros Rede fur Sex. Roscius
aus Ameria, p. p. Landgraf (Eberhard : travail qui devra éîre étudié
avec zèle par les étudiants et les jeunes professeurs). — Nissen, Forsog
til en middehiedertvsk Syntax. — Moulton, Shakspeare as a dramatic
ardst (von Vv'eilen : clair et instructif). — Schilling, Spanische Gram-
matik et Praktische Anleitung zum mûndlichen u. schriitlichen Ver-
kehr im Spanischen (Zunker : en somme, deux livres recommandables).
— A. de GuBERNATis, Storia universale délia letteratura, XIII-XVIII
(Cette œuvre gigantesque est terminée, grâce à Finfatigable activité de
l'auteur et de Féditeur; petits défauts et grands mérites ; il manque un
index). — Das alteste Stadtbuch der Stadt-Garz auf der Insel Rûgen
hrsg. von G. v. Rosen. — C. Coignet, Fin de la vieille France. Fran-
çois I, portraits et récits du xvi^ siècle (Kugler : de très intéressantes des-
criptions qui peuvent être comparées à certains égards aux « Tableaux
du passé allemand » de G. Freytag). — A. Sorel, FEurope et la Révo-
lution française (A. Stern : une des œuvres historiques les plus impor-
tantes de notre époque; elle rappelle Tocqueville par la hauteur des
vues; grand savoir, clarté lumineuse, parallèles ingénieux; cp. Revue
critique, n» 24, art. 104). — Stielkr, Culturbilder aus Baiern. — Fr.
Kayser, Aegypten einst und jetzt (Erman ; écrit au point de vue stric-
tement catholique).
Berllner Philologische Wochenschrift, n« Sg, 26 septembre i885. [M. Thie-
mann quitte la rédaction, qui reste confiée à MM. Belger et Seyffertj.
— EuRiPiDES, Iphigenie in Taurien, Textausgabe fiir Schulen von Chr.
ZiEGLER (Peters : regrette l'absence de notes qui, selon l'éditeur, ne doi-
vent pas accompagner les éditions destinées aux explications en classe).
— Orphica, recensuit Eug. Abel. Accedunt Procli hymni, hymni ma-
gici, hymnus in Isim aliaque eiusmodi Carmina (A." Ludwich : progrès
sensible sur l'admirable édition d'Hermann; pour Phymne à Isis, l'é-
diteur n'a pas connu la publication de Le Bas dans le Voyage archéolo-
gique). — J. DE Gregorio, De Isocratis vita, scriptis et discipulis
(Buermann : mauvais latin, rien de nouveau). — T. L. Heath, Dio-
phantos of Alexandria, a study in the history of Greek algebra (M. Can-
tor : de bonnes choses). — Horatu Carmina selecia, scholarum in usum
ad, M. Petschenig (W. Mewes : bon). — E. Karbaum, De auctoritate
ac fide grammaticorum latinorum in constituenda lectione Ciceronis
orationum in Verrem (K. E. Georges ; utile). — G. Neumann, Ge-
schichie Roms wahrend des Verfalls des Republik. 2. Band. Von Sullas
Tod bis zum Ausgang des Gatilinarischen Verschworung. Aus Neu-
manns Nachlass herausgegeben von G. Faltin (H. Schiller : plus faible
que le premier volume). — E. Marcks, Die Ueberlieferung des Bun-
desgenossenkrieges gi-89 v. Chr. (H. Schiller : bon). — M. Eùa^Ys-
X(g-/;ç, 'Ïc7-:cpta if;; 6£0)piaç xy]? 7V(jI)G£0)ç (L. Stein). — O. OcciONi,
Storia délia letteratura latina ad uso dei licei (Peters : bien conçu et
agréable à lire). — D. Pezzi, La grecità non ionica nelle iscrizioni piu an-
tiche (W. Larleld : indispensable à qui s'occupe de dialectologie grec-
que). — L. CoMENciNi, Studi di sintassi greca in relazione alla sintassi
latina ed italiana (H. Ziemer). — G. Meyer, Essays und Studien zur
Sprachgeschichte und Volkskunde (B. Delbrûck : intéressant).— L. von
Stein, Die innere Verwaltung. Zweites Hauptgebiet : das Bildungswe-
sen ; dritter Teil, i Heft. Die Zeit bis zum XIX Jahrhundert
(G. Schepss : d'une haute valeur).
Goettingische gelehrte Anzeigen, n° 18, i sept. i885 : Em. Bourgeois, Le
capitulaire de Kiersy-sur-Oise (Dûmmler : intéressant, clair et sagace).
— GuNDLACH, Ein Dictator aus der Kanzlei Heinrichs IV, ein Beitrag
zur Diplomatik des salischen Herrscherhauses mit Excursen ûber den
Verfasser der Vita Heinrici IV u. des Carmen de bello Saxonico (Stein-
dorff : très long art. sur ce livre plein de détails et de preuves convain-
cantes). — Hallwjch, Heinrich Matthias Thurn aïs Zeuge im Process
Wallenstein (Lenz : Wallenstein est né le 24 septembre, mais le factum
de Thurn, que cite Hallwich, ne prouve rien et l'auteur a publié lui-
même une série d'actes qui sont en complète contradiction avec ses as-
sertions). — BoRKOwsKY, Die englische Friedensvermittlung im Jahre
1745 (Heigel : l'auteur recherche si le roi d'Angleterre a tenu les enga-
gements de la convention de Hanovre du 26 avril 1745 et tenté sincè-
rement un accommodement pacifique entre la Prusse et TAutriche; il a
confirmé et étendu les résultats de Droysen, et il constate que le souve-
rain constitutionnel d'Angleterre avait son secret durai dans la politi-
que étrangère aussi bien que le roi absolu de France).
Le l'uy, imprimerie Marchessou /ils, boulevard Saint-Laurent, 23.
N" 42 Dix-neuvième année 19 octobre 1885
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIE SOUS LA DIRECTION
DE MM. J. DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Pans, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 23 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE I. A SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l'École des langues orientales vivantes, k
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de ia Uevue : nie Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, et
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28
BIBLIOGRAPHIE HELLÉNIQUE oudcscrip-
tion raisonnée des ouvrages publiés en grec par des Grecs aux
xv^ et XVI*' siècles, pa»- Emile Legrand. 2 beaux volumes, grand
in-8 60 tr.
CHRONIQUE DE MORÉE aux x,,,- « x,v. sièdes,
publiée et traduite pour la première fois, par A.. Morel-Fatio.
In-8 12 fr,
ITINERA HIEROSOLYMITANA « descn-
ptiones Terrae Sanctae Bellis sacris anteriora. Tome II, fasc. I. 12 fr.
CATALOGUE DES LIVRES ORIENTAUX
Formant la bibliothèque
De feu M. Edouard DULAURIER
Dont la vente aura lieu les 12, i3, 14 novembre.
PÉRIODIQUES
The Academy, n° 700, 3 oct. i885 : King a. Watts, The municipal
records of Bath, 1 189-1604. — Lyall, Translations ot'ancient Arabian
poetry, chiefly pre-islamic (Burton: « n'est pas destiné aux spécialistes »
et Fauteur peut faire mieux). — Lovett, Norwegian pictures drawn
vvith pen and pencil. — Innés, History of the Bengal European Régi-
ment. — Davidson, The logic of définition. — Récent theology (Brad-
LEY, Lectures on Ecclesiastes ; Vaughan, St PauTs Epistle to the Phi-
lippians; Baron, The Greek origin of the Apostle's creed, etc.). —
« The Arabian Nights' entertainments » (Symonds). — Clovesho
(Hall). — The text of the ancient laws of Ireland (Norman Moore). —
German translations of the Bible before Luther (Hutchison). — « The
Tower of Glass » (Hoban). — Macklin''s « love à la mode » (Sar-
geaunt). — Philological books (E. Mûller, A simplified grammar of
the Pâli language : très bon petit livre; Prâtimoksha sutra ou le traité
d'émancipation selon la version tibétaine, avec notes et extraits du
Dulva (Vinaya), translated by Rockhill; Seshagiri Sastri, Notes on
Aryan and Dravidian philology). — The Galatian « Imbrecton » (Whit-
ley Stokes). — Halsey, Raphaël Morghen's engraved works (Middle-
ton). — Egypt Exploration Fund : the Naukratis Exhibition (E. A.
Gardner).
The Athenaeum, n° 3o23, 3 oct. i885 : Lyall, Translations of ancient
Arabian poetry, chiefly pre-islamic. — Pfleiderer, Lectures on the in-
fluence of the apostle Paul on the development of christianity. — Wliere
Chineses drive, English student life at Peking, by a student interpré-
ter. — Sir John Maclean, An historical and genealogical memoir of the
family of Poyntz. — Schoolbooks (grand éloge d'une édition de l'Iphi-
génieen Tauride, par M. Paley). — French literature (Comte d'HAUS-
sonville. Ma jeunesse, 1814-1830; Jules Simon, Thiers, Guizot, Ré-
musat; Bikelas, de Nicopolis à Olympie; de Pimodan, La réunion de
Toul à la France). — The site of the battle of Brunanburh (Davidson
et Murphy). — Mrs Leigh (JeafFreson et Timmins). — The internatio-
nal literary and artistic congress. — Hull, Mount Seir, Sinai and
Western Palestine. — White, architecture and public buildings, their
relation to school, academy and state in: Paris and London. — Notes
from Athens (Lambros).
Literarisches Centralblatt, n° 41, 3 oct. 188 5 : Das Neue Testament
griechisch, mit kurzem Commentar nach de Wette, IL die Briefe und
die Apocalypse. — Reusch, der Index der verbotenen Biicher, ein Bei-
trag zur Kirchen-und Literaturgeschichte, II, i et 2 — Freudenthal,
Die durch Averroes erhaltenen Fragmente Alexander"s zur Metaphysik
des Aristoteles untersucht und ûbersetzt, mit Beitragen zur Erlaute-
rung des arabischen Textes von S. EnaNKEL. (Recherches difficiles et
menées avec sagacité.) — Holzapfel, Romische Chronologie. (L'hypo-
thèse fondamentale du livre ne tient pas; détails contestables.) — Seeck,
die Kalendertafel der Pontifices. (Résultats manques, mais dans la foule
des fausses hypothèses de bonnes remarques.) — Wimmer, Historische
Landskunde — Bastl\n, der Papua des dunkeln Inselreichs im Lichte
psychologischer Forschung. — Beal, Si-Yu-Ki, Buddhist records of
the western world, translated from the Chinese of Huien Tsiang. (D'une
telle main, un tel livre n'a pas besoin de recommandation.) — C. E.
ScHMiDT, Parallel-Homer oder Index aller homerischen Iterati. (Utile.)
— _G. Meyer, Essays und Studien zur Sprachgeschichte und Volkskunde.
(Livre infiniment instructif et attachant.) — Autolyci de sphaera quae
movetur liber, p. p. Hultsch, (Edition très remarquable.) — Meureb,
franzôsisches Lesebuch. (Doit être amélioré sur quelques points.)
Deutsche Litteraturzeitung , n^ 40, 3 octobre i885 : Pawlicki, der
Ursprung des Christenthums. — Voelter, die Entstehung der Apoca-
lypse. — Harms, Metaphysik. — Denifle, Die Universitaten des Mit-
telalters bis 1400, I Band die Entstehung der Universitaten des Mittel-
alters. (Paulsen : ouvrage très méritoire composé après les études les
plus étendues, d'après une foule de documents inédits tirés surtout des
archives romaines.) — Brugmann, Zum heutigen Stand der Sprachwis-
senschaft. (F. Hartmann.) — Zielinski, die Gliederung der attischen
Kômodie (Blass : beaucoup de choses bonnes et neuves). — M. Porci
Catonis de cultura liber, M. Terenti Varronis Rerum rusticarum libri
très ex rec Keil. I, 2. (Jordan : travail excellent.) — Wober, die
Reichersberger Fehde und das Nibelungenlied, eine genealogische Stu-
die. (Wilmanns : étrange.) — Marlowes Werke, historisch-kritische
Ausgabe von Breymann u. Wagner, I, Tamburlaine, hrsg. von A.
Wagner. (Tanger : publication très soignée et très recommandable.) —
Gaston Paris, La poésie au moyen âge, leçons et lectures. (Tobler : à
remarquer surtout l'étude sur a la chanson de Roland »; l'excellente
caractéristique du « pèlerinage de Charlemagne », le travail sur l'ange
et l'ermite »; livre d'un homme « qui ne s'élève à des considérations
d'ensemble qu'après avoir dominé le détail par un travail conscien-
cieux ».j — G. WoLFF u. O. Dahm, der rômische Grenzwall bei Hanau
mit den Castellen zu Rockingen u. Markôbel; H. Haupt, der rômische
Grenzwall in Deutschland. — Quidde, Studien zur deutschen^ Verfas-
sungs rr und Wirthschaftsgeschichte, I. zur Geschichte des rheinischen
Landfriedenbundes von 1254. (Lamprecht.) — G. Droysen, Bernhard
von Weimar. 2 vols. (E. Fischer : travail de neuf ans, d'après les docu-
ments imprimés et manuscrits; « digne monument élevé à un des plus
nobles fils de l'Allemagne, travail qui rend enfin justice à l'Alexandre
saxon ».) — Peschel, Physische Erdkunde, hrsg. v. Leipoldt nach den
hinterlassenen Manuscripten. 2^ Aufl. — Die grossherzogliche badische
Altertumersammiung in Karlsruhe, antike Bronzen. — Gordon's
private diary of his exploits in China, amplif. by S. Mossmann.
Berliner Philologische Wochenschrift, n° 40, 3 octobre 188 5 : Homeri,
Odysseae epitome, in usum scholarum edidit Aug. Scheindler(R. Pepp-
mûller : suppressions arbitraires). — Sophokles' Elektra, tûr den
Schulgebrauch erklart von Gerh. Heinr. Mûller (Wecklein : prête à
la critique). — B. H. Kennedy, Studia Sophoclea II (F. Haverfield :
critique de l'édition d'Œdipe Roi par Jebb). — Ausgewahlte Komôdien
des P. Terentius Afer, erklart von K. Dziatzko. I Bândchen : Phor-
mio. 2* verilnderte Auflage (A. G. Engelbrecht : bon). — Die Meta-
morphosen des P. Ovidius Naso. Fur den Schulgebrauch erklart von
H. Magnus, I u. II. Bandcheu (A. Zingerle : soigné et intéressant). —
The thirteenth book of the Métamorphoses of Ovid, with introduction
and notes by Charles Haines Keene (R. Ehwald : sans aucune valeur).
— C. Trjantafiltis, Marco Caleno e l'iscrizione greca che si trova in
Rovigno d'istria (W. Larfeld : il s'agit d'une inscription relative à
Marcus Calpurnius Bibulus, dont l'intelligence est rendue difficile par
des erreurs de gravure. Larfeld lit : 'A rS/dç Mipy.ov KaA[TCupvisv] Fatu
uîcv B66Xo(v) Tcv rJ.-p[M}iC(. -at). sùep^sT^av], "Ep[).y.'., 'Hpay.Asî). — E. Na-
geotte. Histoire de la littérature latine (J. Peters : bien écrit, spirituel
et au courant). — CM. Zauder, De relatione pronominali ea quae est
per « quod » et « id quod » (K. Venediger : travail de statistique mi-
nutieux). — E. Heitz, Zur Geschichte der alten Strassburger Universi-
tât (C. Nohle : histoire de l'université de Strasbourg de 162 1 à 1793).
LIBRAIRIE HACHETTE ET C'^
BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79, A PARIS.
PUBLICATIONS NOUVELLES
RÉDIGÉES CONFORMÉMENT AUX PROGRAMMES DE r885.
CICERON
DE SUPPLIGIIS
(classe de troisième)
Texte latin publié avec une introduction, des notes, un appendice
critique, historique et grammatical,
des gravures d'après les monuments et deux cartes,
Par M. E. THOMAS
Professeur à la Faculté des Lettres de Douai.
I volume petit in-i6, cartonné. i fr. 5o
LUCIEN
LE SONGE OU LE COQ
(classe de troisième)
Texte grec publié avec une introduction et des notes,
Par M. A. DESROUSSEAUX
Agrégé de l'Université.
i volume petit in-j6, cartonné i fr.
VOLTAIRE
CHOIX DE LETTRES
(classe de seconde)
Publié avec une introduction et des notes,
Par M. L. BRUNEL
Professeur au L}xée Saint-Louis.
I volume petit in-i6, cartonné 2 fr. 25
DESCARTES
PRINCIPES DE L\ PillLOSOPHIE
(classe de philosophie)
Publiés avec une introduction et des notes,
Par M. T. V. CHARPENTIER
Professeur au Lycée Louis-le-Grand.
I volume petit in-i6, cartonné i fr. 5o
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23.
N" 43 Dix-neuvième année 26 octobre 1885
1
D'HISTOIRE ET DE LITTERATURE
BECUIilL HiiBDOMAOAIRE PUBLIÉ SOUS LA DiKECTICN
DK MM. J.DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G, PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Ghuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Pans, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 23 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE î.' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Ghuquet
(j\u bureau de la llevue : rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, et
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
BIBLIOGRAPHIE HELLÉNIQUE oudescrip.
tion raisonnée des ouvrages publiés en grec par des Grecs aux
xvc et xvi*^ siècles, par Emile Legrand. 2 beaux volumes, grand
în-8 60 fr.
CHRONIQUE DE MORÉE aux x,,,- et x.V siècles,
publiée et traduite pour la première fois, par A. Morel-Fatio.
In-8 12 fr.
ITINERA HIEROSOLYMITANA et descn-
ptionesTerrœ Sanctse Bellis sacris anteriora.Tome II, fasc. L 12 fr.
CATALOGUE DES LIVRES ORIENTAUX
Formant la bibliothèque
De feu M. Edouard DULAURIER
Dont la vente aura lieu les 12, i 3, 14 novembre.
PÉRIODIQUES
The Academy, n" 701, 10 octobre i885 : Theod. Mommsen, ROmische
Geschichie, V : die Provinzen von Caesar bis Diocletiaii (Richards :
premier article) . — Sélections from Steele, edited with introd. a. notes
by DoBsoN (Dow). — Moffat, The lives ot Robert and Mary Moffat.
— Immortality aclericalsymposium on. what are ihe foundations of the
beliet in the immortality of man. — Classical schoolbooks (Andocides, de
Mysicriis, edit by Hickie. The Œdipus Tyrannus, p. p. Jebb; Euripi-
des, Iphigenia in Tauris, 0. p. Jerram; The Andromache of Euripides,
p. p. Paley; Euripides, Bacchae, p. p. Sandys; Corn. Taciti Annalium
libri I-IV, p. p. Furneaux) — The text of the ancient laws of Ireland
(O' Grady) — German translations of the Bible before Luther (Pearson)
— Clovesho (Kerslake, Lyall et Redhouse). — O' Shea's « guide to
Spain » (W. Webster). — Works of Thomas Hill Green, edit. by
Nettleship. I, philosophical works (Alexander). — Babylonian and
oldChinese measures (Terrien de Lacouperie). — The Etruscan words an
the Orvieto cup. (Hoskyns-Abrahall). — Pâli grammars and handbooks
(Williams et Norgate). — Art books (Chesneau, The English school of
painting, translated by Etherington; Eug. Mûntz, Donatello [travail
excellent, aussi remarquable par les recherches étendues que par l'ex-
position brillante] ; von Oechelhaeuser, Dûrer's Apokalyptische Rei-
ter).
The Athenaeum, n° 3024, 10 octobre : i885 Hodgkin. Italy and her in-
vaders, vols. III and IV (n^est pas d'un grand historien; mais Thabi-
leté, l'imagination, le style attrayant font de cet ouvrage une addition
excellente à la littérature moderne). — G. Paris, La poésie du moyen-
âge, leçons et lectures (livre très attachant et par son savoir solide, et
par la clarté de la pensée, et par l'agrément et l'éclat du style). — Legge,
The unpopular king, the life and times of Richard III, 2 vols, (essai de
réhabilitation qui ne peut réussir). — Sweet, First Middle English Pri-
mere. — Du Cane, the English Citizen, the punishment and prévention
of crime. — The Court Leet Records of the Manor of Manchester, from
the year i552 to the year 1686 and from the year 1 73 1 to the year 1846,
L — NicoLSON, Memoirs of Adam Black. — The new educational en-
dowments act for Ireland — « Beauty and the Beast » (J. Pearson). —
The archaeological discovery at Ratisbon. — Notes frome Rome (Lan-
ciani).
Literarisches Centralblatt, n° 42, 10 oct. i885 : M. Engel, die Lôsung
der Paradiesfrage. (L'Eden serait l'oasis de Ruhbe dans le désert de
Harra; beaucoup de peine, de lecture, même d'érudition, mais Pénigme
n'est pas résolue.) — Schaff, History of the Christian church, vol. IV,
mediaeval chrislianity from Gregory I to Gregory VII, 590-1073. —
RoLANDO, délie ère principali come fondamento de lacronologia storica.
(Rien de nouveau.) — Neumann u. Partsch, physikalische Géographie
von Griechenland (très bon, imprégné de l'esprit de Ritter). — Aspelin,
Antiquités du nord finno-ougrien, V, Page du fer, antiquités des pro-
vinces baliiques. (5*^ livraison, pp. 023-399, aussi excellente que les
livraisons précédentes.) — Weber, Allgemeine Weltgeschichte, 2*^ aufl.
VII u. VIII, Geschichte des Mitteialters, III. — Heinze, Dresden im
siebenjilhrigen Kriege. (Ecrit sous forme de journal, des détails curieux.)
— ToMASCHEK, zur historischeu Topographie von Persien, II, die Wege
durch die persische Wuste. — Von Kremer, ueber meine Sammlung
orientalischer Handschriften. (Collection précieuse.) — Dvorak, Ueber
die Fremdwurter ini Korân. (Beaucoup de soin, de bonnes connaissan-
ces en arabe, mais ne donne à la science qu'un mince profit, très peu
de nouveau.) — Esser, Bcitrage zur gallo-keltischen Namenskunde
(intéressant et méritoire). — Rûbezahl, seine Begrûndung in der deut-
schen Mythe, seine Idée und die ursprunglichen Riibezahlmarchen.
(Publié par 1' « oesterreichisclier Riesengebirgs-Verein ».) — Denkmii-
1er desclassisclien Altertliums zur Erlauterung des Lebens der Griechen
und Rômer in Religion, Kunst und Sitte, lexicalisch bearbeitet von
Arnold^ Blummeru. anderen, hrsg. von Baumeister, 3-17. — Wieseler,
Ueber einige beachtungswerthe geschnittene Steine des IV. Jahriiun-
derts, I. Drei Cameen mit Triumphdarstellungen, II. Zwei Cameen
und zwei Intaglien mit der Darstellung rômischer Herrscher. —
ScHLETTERER, Vorgeschiclite und erste Versuche der franzosischen Oper.
(Assez bon.)
Deutsche Litteraturzeitung, n0 4i, 10 oct. i885 : Langen, Geschichte der
romischen Kirche von Léo I bis Nicolaus I. (K. Miiller.) — Bechtel
Thasische Inschrii'ten ionisclien Dialects im Louvre (Dittenberger). —
Pfaff, De diversis manibus quibus Ciceronis de republica libri in co-
dice Vaticano correcti sunt. (Eberhard : très soigné, quoique les résul-
tats ne répondent pas à la peine extrême qu'a prise l'auteur.) — Diefen-
BACH u. E. WuLCKER, Hoch = uud Niederdcutschcs Wôrterbuch der
mittleren und neueren Zeit. (M. Heyne : le travail de Diefenbach va de
A à E, il est fait sans méthode ; celui de Wiilcker qui va de F au reste du
volume est très utile.) — Kreiten_, Voltaire, ein Charakterbild, 2^ verm.
Aufl. (Mahrenholtz : livre vulgaire et nullement scientifique.) — Perey
et Maugras, La vie intime de Voltaire aux Délices et à Ferney, 1754-
1778. (Mahrenholtz : livre attachant et destiné au grand public.) —
Borée, Heinrich VIII von England und die Curie 1 528-1 529 (Lieber-
mann : quelques détails intéressants.) — Gesprache Friedrichs des Gros-
sen mit H. de Catt und dem Marchese Lucchesini, kritisch festges-
tellte Auswahl in deutscher Uebersetzung hrsg. von Bischoff. (Wie-
gand : d'un très grand prix.) — Zeitschrift der historischen Gesellschaft
tûr die Provinz Posen, red. von Endrulat. I, i. — Allgemeines histo-
ches Portratwerk, eine Sammlung von Portrâts der beriihmtesten Per-
sonen allar Vôlker und Stânde seit i3oo mit biographischen Daten,
unter Leitung W. von Seidlitz. I IV, 1-40. — Bastian, der Papua des
dunkeln Inselreichs im Lichte psychologischer Forschung. — de Vec-
CHio, Le seconde nozze del conjuge superstite. — Tôlners Handlungs-
buch von i345-i35o, hrsg. von Koppmann. — Baldamus, die Erschei-
nungen der deutschen Litteratur auf dem Gebiete der protestantischen
Théologie 1880- 1884.
Gœttingisclie gelerMe Anze^gen, n» 19, i5 sept. i885 : Kalilah and Dim-
nah or the fables of Bidpai, with an English translation of the later
Syriac version a. notes by Keith-Falconer (Nôldeke : traduction fidèle
qui attrape le ton de l'original, travail d^un maître). — Regnaud, La
rhétorique sanscrite exposée dans son développement historique et ses
rapports avec la rhétorique classique, suivie des textes inédits du Bhâ-
ratîya, vi et vu, et de la Rasataranginî de Bhânudatta (Pischel : des
critiques à faire, mais Fauteur a rempli sa tâche avec érudition et saga-
cité). — Inschriften griechischer Bildauer hrsg. von Loewy (Hirschfeld:
matériaux importants et nombreux rassemblés avec soin, distribués avec
réflexion, appréciés sainement et en détail; rend un grand service à
rhistoire et à l'épigraphie).
— N" 20, I" oct. 188 5 : Philippi, Zur Geschichte der Reichs-
kanzlei unter den letzten Staufern Friedrich II, Heinrich VII u.
Konrad IV. (Winkelmann : ce travail est le fruit d'une foule d'obser-
vations particulières ; c'est, en somme, une diplomatique de l'épo-
que.)— Mûller-Friedberg, Lebensbild eines schweizerischen Staats-
mannes I755'i836, bearbeit von Dierauer. (Meyer von Knonau :
travail très méritoire.) — Puhlmann, die Uebervôlkerung der antiken
Grossstiidte im Zusammenhang mit der Gesammtentwicklung stiidtis-
clier Civilisation. (Joliii : excellent livre). — Miscellanea postuma del
Dott. Rabb. Mose Lattks, fasciculo I, terzo supplemento al Lessico
Talmudico. (Kaufmann.)
Revue de l'Instriictiou publique (supérieurs et moyenne) en Belgique,
tome XXVI II, 5'= livraison : De Ceuleneer, Correspondance de Berlin,
Le musée des postes, les dernières acquisitions du Musée des antiques.
— GoBLET d'Alviella, Cours d'histoire des religions. — Delbœuf, Le
parfait grec, sa signification et son emploi. — Comptes-rendus:
Roersch et Thomas, Eléments de grammaire grecque (livre qu'il faut
signaler à l'attention du corps enseignant et que la revue soumettra
plus tard à une critique détaillée). — L. Leroy, Géographie générale de
la Belgique (Thil-Lorrain : bon manuel où les faits géographiques sont
classés méthodiquement avec une remarquable exactitude; contient une
foule de renseignements utiles qu'on chercherait vainement dans les ma-
nuels classiques dont on se sert généralement). — Varia, programme
de concours pour 1887, académie royale (i» quelle fut l'attitude des
souverains des Pays-Bas à Tégard du pays de Liège au xvi'^ siècle. —
2» Quelle a été en Flandre, avant Pavénement de Guy de Dampierre,
l'influence politique des grandes villes, et de quelle manière s'est-elle
exercée? — 3" Faire l'histoire de la littérature française en Belgique de
1800 à i83o. — 4° On demande sur Jean Van Boendale un travail
analogue à celui de Te Vinkel sur Maerlant. Huit cents francs pour la
deuxième et la troisième question; six cents francs pour les deux au-
tres. — Concours de 1888 : Tableau des institutions civiles et politiques
de la Belgique pendant la période qui s'étend depuis le couronnement
de Pépin le Bref jusqu''à la confirmation de Thérédité des fiefs par Hu-
gues Capet en France et par Conrad le Salique en Allemagne.
Wochenschrift fur klassische Philologie, n" 37, 9 septembre i885 : R. Ellis,
Anecdota Oxoniensia. Texts, Documents and Extracts, chiefly from
Mss. in the Bodleian and other Oxford Libraries. Classical Séries, vol. I,
part. V(Hubner). — J. Klinkenberg, Euripidea I. Ion tractatur (Glocl :
bon; questions scéniques; questions de topographie athénienne, le pro-
logue de rion, détails). — A. Baar, Lucianea, et A. Thimme, Quaest.
Lucian. cap. IV(Joost: deux études détaillées et remarquables). — Joa.
MûLLER, Cornelii Taciti opéra rec, vol. I (Pfitzner : excellent, le texte
d'après l'édition de Halm, la « vulgatissima », « neque tamen in ea
[Halmiana auctoritate] acquiescendum esse existimavi »).
— N° 38, 16 septembre i885 : H. Heydemann, Vase Gaputi mit
TheaterdarstcUungen (Trendelenburg). — Carl. Ed. Schmidt, Parallel-
Homer oder Index aller homerischen Iterati inlexikalischer Anordnung
(R. D. : travail laborieux et très utile, quelquefois trop mécanique).
Sophokles' Tragoedien, erkl. von G. Schmelzer. I. Konig Ocdipus
(B. Kûbler : ouvrage manqué ; où est le public qui goûtera ce commen-
taire esthétique?). — Herodoti historiae. Ad rec. suam recogn. H. Stein.
LU (Bachof : excellent; tout ce qui a été écrit sur Hérodote depuis
quinze ans a été mis à profit avec beaucoup de soin et de jugement). —
Theophanis chronographia rec. G. de Boor. Vol. II (Kirsch : savant et
sagace). — Terenti Adelphoe p. p. Fr. Plessis (Schlee : commentaire
distingué par la sobriété du jugement et la précision des règles de gram-
maire ou de prosodie). — M. Heynacher. Lehrplan der latein. StUistik
fur die Klassen. Sexta bis Sekunda (Priimers : essai digne d'attention,
mais peu réussi).
Le Puy, imprimerie Marchessou /ils, boulevard Saint- Laurent, 2 3.
N° 44 Dix-neuvième année 2 novembre 1885
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RKCUEIL HICBOOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIKI'XTION
DK MM. J.DARMESTtTER, L. HAVET, G. MONOD, G. PAHIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuqukt
Prix d'abonnement :
Un an, Pans, 20 fr. — Départements, 22 tr. — Etranger, 2b it.
PARIS
ERNESr LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
Dii l'École des langues orientales vivantes, etc.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuqukt
(Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, et
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
BIBLIOGRAPHIE HELLÉNIQUE oudescrip-
tion raisonnée des ouvrages publiés en grec par des Grecs aux
xve et xvi<= siècles, par Emile Legrand. 2 beaux volumes, grand
in-8 60 tr.
CHRONIQUE DE MORÉE aux x.n« et xiv^ siècles,
publiée et traduite pour la première fois, par A. Morel-Fatio.
In-8 12 fr.
ITINERA HIEROSOLYMITANA et désert-
ptiones Terras Sanctœ Bellis sacris anteriora.Tome II, fasc. I. 12 fr.
CATALOGUE DES LIVRES ORIENTAUX
Formant la bibliothèque
De feu M. Edouard DULAURIER
Dont la vente aura lieu les 12, i 3, 14 novembre.
PÉRIODIQUES
The Academy, n" 702, 17 octobre 188 5 : Tulloch, Movements of reli-
gious thought in Briiain during the nineteenth century. (Simcox : si-
non impartial,, du moins modéré.) — The Ingénions Gentleman Don
Quixote otTa Mancha, by Miguel de Cervantes Saavedra, a translation
by Ormsby, IV ;\\"ebster). — Col. Malleson, Ambushes and surprises
(W. G^Connor Morris : se lit avec un réel intérêt). — A trigonomical
survey of the island of Cyprus, executed and published by command
of Sir R. Riddulph, under the direction of Capt. Kitchener. Scale of
one inch to a mile. On fifteen sheets, with a gênerai map on a reduced
scale. — Two books for elcctors : The Radical Programm ; The Parlia-
mentary History of England from i832, by J. Raven. — Correspon-
dence : Cairn-burial (Whitley Stokes), — Knives attached to ancient
title-deeds (Greenwell). — The text of the ancient laws of Ireland
(O'Grady). — A Galloway nursery taie (A. Lang). — German transla-
tions of the Bible before Luther (Hutchison). — « The Arâbian nights »
(Peacock). — The Epistles of Horace, edited with notes by Wilkins
(Nettleship : bonne édition scolaire). — Del Mar, a history of money
in ancient countries (Oman : l'auteur parle de ce qu'il ne sait pas). —
The terra-cottas of Naukratis (Am. C Edwards). — The antiquities of
the isle ot Man.
The Athenaeum, n^ 3o25, 19 octobre i885 : W. M. Thackeray, Miscel-
laneous essays, sketches and reviews. — R. B. O'Brien, Fiftv years of
concessions to Ireland i83i-i88i, vol. II (livre écrit avec beaucoup
de soin et de savoir). — Swallow, De Nova Villa or the house of Nevill
in sunshine and in shade. — Taoist texts, ethical, political and spécu-
lative, by Balfour. — Dictionary of national biography, edited by Lcs-
lie Stephen, vol. IV. Beal-Biber. — The new educational endowments
act for Ireland. — An anglo-teulonico-israelite document (JacobsJ. —
The Fayoum papyri in the Bodleian Library (Nicholson). — On the
locality of the « Mons Badonicus » (Airy). — Récent American ar-
chaeology.
Literarisches Centralblatt, n" 43, 17 octobre i885 : Schlatter, der
Glaube in Neuen Testament. — Krause, Vorlesungen uber angewandte
Philosophie der Geschichte. — Maassen, Geschichte der Pfarreien des
Dekanates Hersel. — Neustadt, Ungarns Verfall beim Beginn des XVI.
Jahrhunderts (esquisse) — Gerdes, Geschichte der Konigin Marie Stuart,
I, bis zum Beginn ihrer Gefangenschaft in England (démonstration
difficile à suivre, mais exposée avec une certitude trop triomphante). —
M™*^ de Janzé, Erinnerungen an Berryer, autoris. Uebersetzung von
Baronin von Koenneritz (à quoi bon cette traduction? la causerie de
M"'' de Janzé n'a de charme qu'en français). — Ruprecht, die Wohnun-
gen der arbeitenden Classen in London. — Vlenck, das Kônigliche
statistische Bureau in Berlin. — Nogleira, O L'un Kunbi, dialecto do
interior de Mossamedes, alto Cunene. — Hesiodi quae feruntur omnia
p. p. Rzach (bon texte, et très soigné). — Die angelsachsischen Prosa-
bearbeitungen der Benedictinerregel, p. p. A. Schruer, I (bon). — Leo,
Shakspeare notes (recueil de notes dispersées, qui sera le bienvenu). —
Hebels W^erke, p. p. Behaghel (édition très louable).
Deutsche Litteratiirzeitung, n» 42, 17 octobre iS85 : Rinn, Zum Gedàcht-
niss Bugenhagens. — Lipsius, Philosophie und Religion. — Whatelys
Grundlagen der Rhetorik, von G. Hildebrand. (Bassermann). — Rei-
NiscH, die Quarasprache in Abessinien. (Dillmann : très sagace et lumi-
neux.) — Krebs, Die Prapositionsadverbien in der spàteren historischen
Gràcitat. I u. II. (Dittenberger : très exact et très profondément étu-
dié.)— H. Kleist, Die Phraséologie des Nepos und Casar nach Ver-
ben geordnet, voUstandige Umarbeitung von Wichert, das Wichtigste
aus der Phraséologie bei Nepos und César. (H. J. Muller : modifie le
livre de Wichert, à son avantage; « acribie » remarquable.) — K. A.
Hahns Mittelhochdeutsche Grammatik neu ausgearb. von Fr. Pfeif-
FER, 4" Ausgabe. (Kossinna : on reste aux commencements de Grimm,
peu au courant, inutile et même nuisible.) — Octavian, zvvei mittelen-
glische Bearbeitungen der Sage, von G. Sarrazin. (Lûdtke : très bonne
contribution à notre connaissance de la langue et de la littérature du
moyen-âge anglais.) — Leo, Shakspeare. — Noten. (Hausknecht: recueil
de conjectures et interprétations, dont beaucoup sont ingénieuses et
remarquables.) — Scheffler, Die franzosische Volksdichtung und
Sage. 2 vols. (Bischoff : ouvrage méritoire.) — Marquardt u. Momm-
sen, Handbuch der rômischen Altertûmer, V et VI ; rôm. Staatsverwal-
tung, II, p. p. Dessau u. Domaszewski ; III, p. p. Wissowa. — Baum-
GARTEN, Geschichte Karls V. (Brieger : première partie d'une excellente
oeuvre d"'ensemble.) — Pyl, Geschichte der Greifswalder Kirchen und
Klôster sowie ihrer Denkmàler, nebst einer Einleitung zum Ursprunge
der Stadt Greifswald. (Krause.) — Joest, um Afrika. — Imhoof-Blumer,
Portrâtkôpfe auf antiken Mûnzen hellenischer und hellenisierter Vôl-
ker. (Kekulé : très utile et très bien fait.)
Berliner Philologische Wochenschrift, lo octobre i885, n" 41 : Sophoclis
tragoediae ex recens. Guil. Dindorfii. Ed. VI cur. S. Mekler, (pre-
mière partie d'un compte-rendu détaillé, dirigé contre Topinion de Ûin-
dorf et de Mekler qui attribuent une autorité exclusive au Laurentia-
nus. Quelques corrections de l'éditeur sont excellentes, d'autres inutiles).
— Lucien, Dialogues des Morts disposés progressivement et annotés
par Ed. Tournier. Deuxième éd., revue, corrigée et complétée avec la
collaboration de A. M. Desrousseaux (A. Baar : trop d'athéthèses témé-
raires « à la Cobet », notes grammaticales contestables; mais quelques
corrections sont plausibles et l'ensemble est soigné). — Demetrius Basi-
liades, A'.cpfiw-'.y.à. elz xx àf/jurj. si; tcv Acjy.'.avcv cy^cAta (A. Baar : très
bonnes remarques présentées dans un style qui rappelle celui de Lucien).
— R. BoBRiK, Horaz. Entdeckungen und Forschungen. Erster Teil
(W. Mewes : cherche à prouver que nous possédons les poèmes d'Ho-
race tels qu'ils ont été réunis après sa mort dans une édition d'ensemble,
où les différentes pièces étaient disposées d'après des raisons de métri-
que, mais que cette édition même nous est parvenue modifiée en plu-
sieurs points de son ordonnance primitive. Le critique paraît très scep-
tique, mais reconnaît l'intérêt de ce gros volume). — K. Baedeker,
Aegypten. Handbuch fur Reisende. Erster Teil : Unteràgypten und
die Sinaihalbinsel (O. Puchstein : nouvelle édition revue par Schwein-
furth et Spitta, mérite les plus grands éloges). — A. Tschaikowskj, le
Turkestan et ses fleuves d'après la Bible et d'après Hérodote (H. Haupt :
opuscule écrit en russe, avec une naïveté enfantine). — E. A. Her-
renschneider, Argentovaria-Horburg (H. Crohn : compte-rendu de
fouilles exécutées à Horbourg près Colmar, qui ont fait découvrir un
castrum et de nombreuses antiquités. L'emplacement est peut-être
identique à celui d'Argentovaria de la carte de Peutinger).
— N° 42 , 17 octobre i885 : Sophoclis Tragœdiae ex recens.
Guif. Dindorfii. Ed. VI cur. S. Mekler (H. Mûller : fin du compte-
rendu commencé dans le n° jDrécédent). — Fr. Blass^, De Phae-
THONTis Euripideae fragmeutis Claromontanis . Accedit tabella
pholithographica. Ad. Bangert , de fabula Phaethontea (Wec-
klein : bonnes études). — G. Iulii Caesaris Commentarii de bello
gallico. Fur den Schulgebrauch erklart von K. Menge (R. Schneider :
intéressant et soigné). — Die Historien des Tacitus, drittes, viertes und
funftes Buch. Fiir den Schulgebrauch erklart von J. Prammer(G. Helm-
reich : bon). — Samuel Brandt, der St. Galler Palimpsest der Divinae
Institutiones des Lactantius (H. Ronsch : description très soignée
d'un manuscrit du V siècle, dont Tétude doit servir de base à l'édition
de Lactance dans le Corpus de Vienne). — E. Th. Schulze, De Q. Au-
relii Symmachc vocabulorum formationibus ad sermonem vulgarem per-
tinentibus (K. E. Georges : méritoire). — E. Sommerbrodt, Afrika auf
der Ebstorfer Weltkarte (D. Detlefsen : judicieuse édition d'une partie
de cette carte, qui date de l'époque des Croisades). — H. Kiepert, At-
las antiquus, 8. neu revidierte Auflage. Imperii Romani tabula geogra-
phica in usum scholarum descripta (H. Peter : excellentes cartes). —
W. SiEGLiN, Karte der Entwickelung der rômischen Reiches (H. Peter :
tirage à part de la traduction allemande de l'Histoire des Romains de
Duruy). — Panagiotes Kastromenos, The Monuments of Athens.
Translated by Agnes Smith (Hermann Kaupt : recommandable [!],
bien traduit [!]). — Ph. Weber, Entwicklungsgeschichte der Absi-
chtssiltze. II. Abteilung : Die attische Prosa und Schlussergebnisse
(Vogrinz : plein de résultats nouveaux, que le critique refuse de faire
connaître, pour ne point dispenser les hellénistes de lire Toriginal). —
A. VoN Bamberg, griechische Schulgrammatik. II. Syntax der attis»
chen Prosa. Mor. Seyfferts Hauptregeln der griechischen Syntax.
Bearb. von A. Von Bamberg. 17 Auflage (W. Nitsche). — Fr. Holz-
weissig, Lateinische Schulgrammatik (Sorgenfrey : de bonnes innova-
tions).
Theologische Literaturzeitung, n° 19, 19 sept. i885 : Colinet, La théo-
dicée de la Bhagavadgita (Bradke : méritoire). — Preiswerk, Gram-
maire hébraïque, 4." édit. — Swainson, The Greek liturgies chiefly from
original authorities. — A. Ritschl, die christliche Lehre von der
Rechtfertigung und Versôhnung. III. 2e édit. (Bilsinger). — Theolo-
gische Studien aus Wurtemberg, p. p. Hermann u. p. Zeller.
Wochenschrift fïir klassische Philologie, 23 sept. i885, n" 89 : A. Bangert,
De fabula Phaëthontea (Knaack : peu de valeur). — J. Kappeiyne,
Beschouwingen over de comitia (Soltau : bon, jugement indépendant,
beaucoup de soin, convaincant dans tous les points principaux), —
G. HiNRicHS, Herr Dr. Sittl und die homerischen Aeolismen (Dahms :
H. combat avec succès l'hypothèse de S. et défend la sienne; il prouve
la possibilité de l'existence d'une épopée éolienne avant l'école io-
nienne). — N. Wecklein, Die Tragôdien des Sophokles zum Schulgebr.
VII. Biindchen : Die Trachinierinnen (Schubert : édition très utile et
par son commentaire et par un nombre d'émendations du texte). —
Jo. Ilberg, Studia Pseudippocratea (Zacher : étude soigneuse et sagace,
mais développements souvent mal présentés; l'auteur démontre l'in-
fluence que la philosophie et surtout la sophistique ont exercée surla
littérature médicale des v'= et iv« siècle av. J,-C.). — E. Koch, Grie-
chische Schulgrammatik. 11'^ Aufl. (H.).
— I" octobre i885, n" 40 : Neumann und Partsch, Physikalische
Géographie von Griechenland mit besonderer Riicksicht auf das Alter-
tum (Stûrenburg : excellent; ouvrage scientifique avant tout, mais qui
poursuit le but de trouver dans la nature du pays l'une des causes de la
grandeur de l'antiquité hellénique). — H. Flach, Geschichte der grie-
chischen Lyrik (Schroeder : très peu de valeur), — Lud. Lange, De vi-
ginti quattuor annorum cyclo intercalari commentatio (Soltau).
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint- Laurent, 23.
N* 45 Dix-neuvième année 9 novembre 1885
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. J, DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Pans, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 25 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Kevue : rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, et
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
TRAITÉ D'ÉPIGRAPHIE GRECQUE
Par SALOMON REINACH
Ancien membre de l'Ecole française d'Athènes,
Précédé d'un ESSAI SUR LES INSCRIPTIONS GRECQUES
Par C. T. Newton, conservateur du Musée Britannique.
Un fort volume in-8 20 fr.
HISTOIRE INTÉRIEURE DE ROME
Jusqu'à la bataille d'Actium,
Tirée des Rœmische Alterthûmer de L. Lange,
Par A. Berthelot et Didier.
Tome premier, un beau volume in-8 lo fr.
ARCHIVES DE LA SOCIÉTÉ AMÉRICAINE DE
FRANCE- Nouvelle série. Tome 1 25 fr.
Tome II 20 fr.
Tome III, fasc. i, 2, 3, 4. à 3 fr.
PÉRIODIQUES
The Academy, n" 704, 24 octobre i885 : Edmundson, Milton and Von-
del, a cuiiosity of literature (Gosse). — Dalton, Life and times of Ge-
neral Sir Edward Cecil, Viscount Wimbledon (Gardner). — Memoirs
of Adam Black, edited by Nicolson. — « The Badminton Library »,
Hunting, by the Duke of Beaufort and Mowbray Morris (Watkins).
— MoMMSEN, Romische Geschichte, V, die Provinzen von Càsar bis
Diocletian (2'' art., Richards : livre qu'aucun autre savant n'aurait pu
écrire). — The text of the ancient laws of Ireland (Mackinnon et Kuno
Meyer). — « Aditi » (A. Lang). — John Harvard's autograph (Disney).
— The new way up the Jungfrau (Coolidge). — M. T. Ciceronis ad
Brutuni Orator, edit. by Sandys; M. T, Ciceronis Orator, rec. Stangl
(Wilkins). — Indo-Chinese Philology. — An Index lo Oriental jour-
nals (Corletti). — The date of Kumâradâsa (Peterson). — Loftie, Las-
sons in the art of illuminating. — The terra-cottas of Naukratis, II
(Am. B. Edw^ards). — A head from Naukratis (Tomkins).
The Athenaeum, n» 3o26, 24 octobre i885 : The Greville Memoirs
(second part), a journal of the reign of Queen Victoria from 1837 to
i852, by the late Ch. C. F. Greville. 2 vols. — The oldest Church
Manual, called the Teaching of the twelve Apostles, c'.Ba/,r, twv ciocsy.a
àTroGTCAtov, the Didache and kindred documents in the original, with
translations and facsimiles of the Jérusalem manuscript, by Schaff. —
Welford, History of Newcastle and Gateshead, vol. II, sixteenth cen-
tury. — Kalilah and Dimnah or the fables of Bidpai, being an account
of their literary history, w^ith an English translation of the later Syriac
version of the same and notes by Keith-Falconer (excellente publica-
tion), — Literary remains of G. S, Calverley, with a memoir by
Sendall ; Calverley, Verses and flyleaves, — Pope's Dunciad 1728
(Sollyj. — The genealogy of John Harvard (Rendle), — The battle of
Mons Badonicus (Sayce, Acworth et Lynn), — The new educational
endowments act for Ireland. — « The unpopular king. »
Literarisches Centralblatt, n" 44, 24 octobre i885 : Pawlicki, der Ur-
sprung des Christenthums, — Sax, die Bischofe und Reichsfiirsten von
Eichstadt (745-1806). — Oberti Giphanii ad Wilhelmum Landgravium
Hassiae epistolae XXXVII, 1 571- 1577, p. p. Mollat. — Protokolle
des Verfassungs-Ausschusses im ôsterreichischen Reichstage 1848-
1849, hrsg. u. eingel. von Ant. Springer. (Publication de très grande
importance.) — [Fischhof], die Sprachenrechte in den Staaten gemisch-
ter Nationalitilt. (Suggestif, mais n'atteindra pas son noble but.) —
Th. Reinach, de l'état de siège, étude historique et juridique. (La pre-
mière partie renferme une très bonne étude d'ensemble; la seconde est
plus importante.) — Stroll, die staatssocialische Bewegung in Deuts-
chland, eine historisch-kritische Darstellung. (Dessein louable, mais
style emphatique et des inexactitudes.) — Triibner's collection ofsim-
plified grammars, XII E. Mûller, a simplified grammar of the Pâli
language; XIII Edgren, Acompendious Sanskrit grammar with a brief
sketch of scenic Prakrit. (Deux bons livres,) — Thimme, quaestionum
Lucianearum capita quatuor. (Petit livre instructif, renfermant quatre
essai.) — Scheffler, die franzôsische Volksdichtung und Sage, II. (Plus
a belletristisch » que scientifique.) — Turner, die englische Sprache
(très peu louable et ne servira à personne.)— VASARi,Vita di Donato seul-
tore fiorentino, p. p. C, Frey (Edition faite d'après des principes qu'on
ne peut qu'approuver),
Deutscho Litteraturzeitung, n° 45, 24 oct. i885 : Fr, Stôber, Zur Kritik
derVita S. Joannis Reomaënsis. — Socin, Arabische Grammatik, Para-
digmen, Litteratur, Chrestomathieund Glossar (J. Barth : mérite d'être
répandu). — G. E. Schmidt, Parallel-Homer oder Index aller homeris-
chen Iterati in lexicalischer Anordnung. (Hinrichs : travail de dix
années qui n'est pas inutile.) — Flavi Vegeti Renati Epitome rei mili-
taris, rec. G. Lang. (GeinoU : 2" édition améliorée.) — Firlimini und
andere Guriosa, hrsg. v. L. Geiger. (Seuffert.) — Sammlung beliebter
spanischer Lust = und Schauspiele zur VervoUkommnung und Un-
terhaltung im Spanischen, hrsg. u. mit deutschen Anmerkungen ver-
sehen von Aquenza. I-III. (Zuncker : très recommandable.) — Schirr-
MACHER , Johann Albrecht 1 , Herzog von Mecklenburg , 2 Teile.
(Kluckhohn : beaucoup de détails nouveaux, mais l'auteur ne met pas
l'important et Tessentiel suffisamment en relief.) — Flathe, das Zeital-
ter der Restauration und Révolution i8i5-i85i. (Horawitz : très
réussi.) — J. Wimmer, Historische Landschaftskunde. (Partsch.) — Wa-
GNON, La sculpture antique, origines, description, classification des mo-
numents de TEgypte et de la Grèce. (Furtwangler : planches mauvaises,
livre instructif pour le grand public.)
Altpreussische Monatsschrift, i885, V et Vie fascicules : Aus Kant's
Brietwechsel, Vortrag, gehalten an Kant's Geburtstag den 22 april
1883 in der Kant-Gesellschaft zu Kônigsberg von Rudolf Reicke, nebst
einem Anhang enthaltend Briefe von Jac. Sigism. Beck an Kant und
von Kant an Beck. — Rogge, Michael Burckhardt, der Nehrungspfar-
rer und seine Gemeinde, ein Sittenbild aus der zweiten Hillfte des
XVII. Jahrhunderts. — Beckherrn, der Schlossberg bei Jesziorken
(avec un croquis). — Kritiken und Rejerate : Bergau, die Bau = und
Kunstdenkmâler der Provinz Westpreussen. — Alterthumsgesellschatt
Prussia in Kônigsberg 1884. Mittheilungen und Anhang: Hohlbaum,
Zur Rechtsgeschichte, Notiz aus dem Kulner Stadtarchiv. — Univer-
sitatschroniiv i885. — Lyceum Hosianum in Braunsberg i885. —
Altpreussische Bibliographie 1884 (Nachtrag und Fortsetzung). —
Preisausschreiben des Evangelischen Vereins ftir geistliche und Kir-
chenmusik der Provinzen Ost=: und Westpreussen (« eine inallgemein
verstandlicher Form gehaltene wissenschaftliche Untersuchung der
Geschichte und der Bedeutung der preussischen Tonschule »]. — Bitte
(M. Reicke, bibliothécaire de l'Université de Kônigsberg, et M. Sinte-
nis, professeur à Dorpat, préparent depuis longtemps une édition de
la Gorrespondance de Kant; ils prient tous ceux qui possèdent des let-
tres du philosophe ou de ses correspondants, de les envoyer directement
à M. Reicke ou à la librairie Voss, de Hambourg et de Leipzig; « la
plus petite notice sera la bienvenue, aussi bien que des lettres des con-
temporains de Kant, où il est fait mention du philosophe, car elles
peuvent éclairer d'autres passages obscurs jusqu'ici de la correspon-
dance, permettre de fixer la chronologie des lettres, le nom de celui qui
les envoyait ou les recevait »).
Theologische Literalurzeitimg, n° 20, 3 octobre i885 : Bibliotheca Sama-
ritana, I, die Samaritanische Pentateuch-Version, die Genesis, in der
hebrilischen Quadratschrift unter Benutzung der Barberinischen Tri-
glotte hrsg. V. Heidenheim (Kautzsch). — Hatch, An introductory lec-
ture on the study of ecclesiastical history. — Lungen, Geschichte der
rômischen Kirche von Léo I bis Nicolaus I, quellenmussig dargestellt.
(Krûger : devraêtre lu, contient d'abondants matériaux, mais ne forme pas
un réel ensemble; la mise en œuvre des documents est imparfaite.) —
NiTzscK, Geschichte des deutschen Volkes bis zum Augsburger Reli-
gionsfrieden, hrsg. v. MAXTHai, III, vom Tode Heinrichs VI bis zum
Augsb. Religionsfrieden. (K. Muller : écrit dans l'esprit de Niebuhr;
des hypothèses trop hardies; mais de grandes vues et une excellente mé-
thode ; livre fécond.)
PUBLICATIONS DE TRUBNER AND CO. A LONDRES
TRÛBNER & GOS LIST
VIENT DE PARAITRE
2 vols, demy 8vo, cloth. price 36s.
GENERAL PRINCIPLES OF
THE STRUCTURE OF
LANGUAGE.
By .lA.MKS BYRNE, M. A.,
Dean of Clonfert, e.\-Fellow of Trinity Collège,
Dublin,
Demy 8vo, cloth, with Maps, Diagrams, &.C.,
prii-e £5 2s.
THE HISTORY OF CHOLERA IN
INDIA, FROM 1862 TO 1881.
Being a Descriptive and Statistical Account
of the Disease.
Together with Original Observations on the
Causes and Nature of Choiera.
By Deputy-Surgeon-Oeneral H. AV. BP^LLEW,
Sanitary Comniissioner, Punjaub.
Impérial 8vo, half-roan, gilt edges. price £3 3s.
FLOWERING PLANTS AND
FERNS OF THE RIVIERA
And Neighbouring Mountains.
Drawn and Described l>y C, BICKNELL.
With 8? Full-page Coloured Plates, containing
Illustrations of 350 Spécimens.
Crown Svo, cloth, price 7s 6d.
GHRISTIANITY EEFORE
CHRIST ;
Or, Prototypes ol'Our Faith and Culture.
By CHARLES J. STONE, F. R, S. L.,
F. R. Hist. S.,
Authorof "Cradle-Land of Arts and Creeds"
Crown Svo, cloth, price 6s.
MïLTON AND VONDEL :
A Curiosity of Literature.
By GEORGE EDMUNDSON, M. A.,
Late Fellow and Tutor of Brazenose Collège,
Oxford, Vicar of Northolt, Middlesex.
Crown Svo. cloth, price 6s.
WHERE THE BATTLE "WAS
FOUGHT :
A Novel.
Bv CHARI-ES ECiBERT CRADDOCK,
Anthor of "In the Tennessee Mountains."
English Copyright Edition.
Vol. III., post Svo, completinû- the Work.
AN ACCOUNT OF
THE POLYNESIAN RACE :
Us Origln and Migrations,
AND TUE ANCIENT lUSTORY OF THE
HAWAUAN PEOPLE TO THE TIMES OF
KAMEHAMEIIA I.
Vol. III. COMPAR.\TiVE VOCABULARY OF
THE POLYNESIAN AND INDO-
EUROPEAN LANGCAGES.
By ABRAHAM FORNANDER,
Circuit .ludge of the Island of Maui, II. I., K. C.
of the Royal Order of Kalakaua.
With a Pr-îfaoe by Prof. W. D. ALEXANDER,
of Punahou Collège, Ilonolulu.
SOUS PRESSE
2 vols., 4to.
THE LITERATURE OF EGYPT
AND THE SOUDAN.
By H. H. Prince IBRAHI.M HILMY,
Dedicated to his Father, the Khédive Ismail.
EGYPT EXPLORATION FUND.
Second Meinoir, 72 pp., 4to, with 19 plates and
Plans, price, 25s.
T A N I S ,
Part I., 18S3-4.
By W. M. FLINDERS PETRIE.
Author of "Pyramids and Temples" of Gizeh.
NEW EDITION of the IMPERIAL GAZETEER
of INDIA.
Published by Command of the Secretary of
State for India.
12 vols., demy Svo, half-morocco.
THE IMPERIAL GAZETEER
OF INDIA.
By the Hon. W.W. HUNTER, C. S. I., C. I. E.,
l.L. D.,
Meinber of the Governer-Generars Council;
Director-General of Statistics to the
Government of India.
To Subscribers, £2I2s 6d, the Set of 12 vols.
Demy Svo.
DICTIONARY OF THE KONGO
LANGUAGE.
As Spoken at San Salvador, the Old
Capital of Congo.
In Two Parts-ENGLISH-KOXGO and KONGO-
ENGLISH.
By the Rev. W. IIOLMAN BENTLEY,
Baptist Missionary Society.
With an Introduction by R. N. CUST.
Also, uniforni with the above.
A GRAMMAR OF THE KONGO
LANGUAGE.
With an APPENDIX of TALES,
PROVERBS, &c.
By the SAME AUTHOR.
TRUBNER' S ORIENTAL SERIES.
2 vols, post Svo.
MISCELLANEOUS ESSAYS
ON SUBJECTS CONNECTED VvITH THE
MALAY PENINSULA AND THE
INDIAN ACHIPELAGO.
Reprinted from '-Dalrymple's Oriental Reper-
tory," "Asiatick Researohes,'' and ''The
Journal of the Asiatic Society of Bengal."
Edited by R. ROST, Ph. D., &c.,
Librarian to the India Office.
London : TRUBNER and CO., Ludgate Hi!l.
Le Puij, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, là.
N* 46 Dix-neuvième année 16 novembre 1885
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. J. DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Pans, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 23 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE I, A SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE L* ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concerjiant la rédaction àlA. k. Chuquet
(Au bureau de \a Kevue : rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de Vétranger sont priés d'envoyer directement, et
non far commissionnaire, les livres dont ils désirent U7i compte-rendu.
ERNEST LEROUX, EDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
TRAITÉ D'ÉPIGRAPHIE GRECQUE
Par SALOMON REINACH
Ancien membre de l'Ecole française d'Athènes,
Précédé d'un ESSAI SUR LES INSCRIPTIONS GRECQUES
Par C. T. Newton, conservateur du Musée Britannique.
Un fort volume in-8 20 iv .
HISTOIRE INTÉRIEURE DE ROME
Jusqu'à la bataille d'Actium,
Tirée des Rœmische Alterthiimer de L. Lange,
Par A. Berthelot et Didier.
Tome premier, un beau volume in-8 10 fr.
ARCHIVES DE LA SOCIÉTÉ AMÉRICAINE DE
FRANCE- Nouvelle série. Tome 1 25 fr.
Tome II 20 fr.
Tome III, fasc. I, 2, 3,4.3 3 fr.
PÉRIODIQUES
The Academy, n° 704, 3i oct- i885 : Mark Pattison, Sermons
(i" art.) — The Greville-Memoirs, part II, 1837-1852. (Hamilton : a
signaler, entre autres choses, des jugements sur lord Palmerston, sur
Macaulay, sur Wellington, etc.) — Annandale, A concise dictionary
of the English language, literary, scientihc, etymological and pronoun-
cing (Bradley : bon.) — Where Chineses drive, English student lite at
Peking, by a student interpréter. — Molloy, Royalty restored or Lon-
don under Charles II. (Peacock.) — The proposed teaching University
tor London — The text of the ancicnt laws of Ireland (Rhys.) — He-
rodotus redivivus. (Am. B. Edwards.) — German translations of the
Bible before Luther. (Pearson.) — « Milton and Vondel ». (Edmund-
son.) — The Aristotelian society (Hodgson.) — Heath, Diophantos of
Alexandria, a study in the history of Greek algebra. (Mackay.) — The
derivatio of latin « fortassis » (Wharton : serait une ancienne deuxième
personne du singulier du subjonctif du vevhe/ortare, formé de fortis
comme firmare de Jirmus et signifierait primitivement « you would
assert. ») — Sebastiano del Piombo in a new light. (Bradley.)
The Athcuaeum, n" 8027, 3i oct. i885 : Sir Henry Sumner Maine,
Popular government, four essays, — Rye, Popular county historiés, a
history of Norfolk. — Blaze de Bury, Alexandre Dumas, sa vie, son
temps, son oeuvre (bon livre qui rend justice à Dumas). — Prinsep,
Record of services of the Honourable East India Company's civil ser-
vants in the Madras Presidency from 1741 to i858. — ■ Calendar of
letters trom the mayor and corporation of the city of London i35o-
1370, p. p. Sharpe. — The battle of Mons Badonicus (Sayce.) — The
« dictionary of national biography » (liste des noms , de Gollins à
Coppe.) — Crowe a. Cavalcaselle, Raphaël, his life and works, vol. II
(premier article.)
Literarisches Centralblatt, n0 45, 3i oct. i885 : Hase, Kirchengeschicte
auf der Grundlage akadem. Vorlesungen, I. Alte Kirchengeschichte.
(Ouvrage d'un des vieux maîtres de la science historique, d'un des
« Lehrer der Nation m.) — Ebrard, Christian Ernst von Brandenburg-
Bayreuth. Die Aufnahme reformieter Flûchtlingsgemeinden in ein lu-
therisches Land 1686-17 12. (Contribution précieuse à l'histoire de
l'église et à la « Culturgeschichte ».) — Jahresberichte der Geschi-
chtswissenschaft, IV" Jahrgang. (Cp. une des prochaines notes de notre
Chronique.) — H. Lorenz, die Jahrbticher von Hersfeld nach ihren
Ableitungen u. Quellen untersucht u. wiederhergestellt. — Henrard,
Henri IV et la princesse de Condé. 1609-1610 d'après des documents
inédits. (On devra, après avoir lu ce livre, attribuer une plus grande
importance politique à la passion du roi pour la princesse, mais en
somme le jugement de Ranke restera.) — Nau, Maria Stuart von der
Ermordung Riccio's bis zur Flucht nach England i 566- 1 568, Aufzei-
chnungen ihres Sekretdrs, nach der franz. Original-Ausgabe des P. J.
Stevenson libers, u. erlilut. von Cardauns. — Max Lehmann, Preussen
und die Katholische Kirche seit 1640, Teil V, 1775- 1786, — Disseln-
KOTTER, Beitrage zur Kritik der Histoire de mon temps Friedrichs des
Grossen. eingeleitet von Maurenerecher. (Bon travail.) — GôRLACH,Furst
Bismarck, eine Lebensbeschreibung bis auf die neueste Zeit fortgesetzt
von Egelhaak. — Loersch, der Ingelheimer Oberhof. — Q. Horatius
Flaccus, Oden und Epoden, erklart von Kiessling (très remarquable).
— Piauti fabularumdepcrditarum fragmenta collegit Fr. Winter. (Utile
et méritoire, témoigne d'un grand soin.) — Schuchardt. Slawo-Deut-
sches u. Slawo-Italienisches. (De fines remarques et considérations.) —
Druskowitz, Drei englischc Dichterinnen. (Traite de Jeanne Baillie,
d'Elisabeth Browning et de George Eliot; profonde connaissance des
choses et bon jugement.) — Rubens, antike Charakterkupl'e, einc
Sammlung von 12 Bildnissen nach antiken Biisten gezeichnet, in Kupfer
gestochen. — Langl, Griechische Gdtter zz: und Heldcngestalîen, nach
antiken Bidwerken gezeichnet u. erliLutert, mit kunstgeschichllicher
Einleit. voii v. Lutzow. — Schmeding, die classische Bildung in der
Gegenwart. (Charge à fond contre la « culture classique ».)
Deutsche Litteraturzeitiing', n" 44, 3i oct. i885 : Familien-Bibel des
Neuen Testaments. II, 1-4, die Paulus-Briele iibersetzt u. erklart von
ZiTTEL (Holtzmann : méritoiie) — Likowski, Geschichte des allmahli-
chen Verfalls der Unierten Katholischen Kirche im XVIII. u. XIX
Jahrhundert, ùbers.v. Tlocznsyki (Nippold : recommandablc). — Th.
Funck-Brentano, Les principes de la découverte. (VVeber). — Bobrhv,
Horaz, Entdeckungen und Forschungen, I (Schenkl : découvertes qui
ne trouveront guère de croyants). — Niklas, Johann Andréas Schmel-
1ers Leben u. Wirken; Schmeller, die Ephesier, Drama in drei Acten,
p. p. Niklas (E. Martin). — Stappers, Dictionnaire synoptique d'ety-
mologie trançaise (Ulrich : fait avec grand soin, mais ne rendra de bons
services qu'à celui qui sait déjà). — Janssen, Geschichte des deutschen
Volkes seit deni Ausgange des Mittelalters, IV. i5 55-i58o (Kluckhohn :
fait un tableau affreux du développement du protestantisme et repré-
sente comme funestes les effets de la « révolution politico-ecclésiasti-
que » dans toutes les directions; ouvrage très favorable aux jésuites). —
LoTHEissEN, Zur Sittengeschichte Frankreichs (L. Geiger : études bien
écrites, faites d'après les sources, et attachantes). — Thomson, Durch
Massai-Land; G. A. Fischer, das Massai-Land. — Das St. Johannis-
kloster in Hamburg, Grundrisse und Abbildungen mit erleutcrndem
Text von Gaedechens, Gensler u. Koppmann. — Barthélémy Saint-
HiLAiRE, Traités des parties des animaux et de la marche des animaux,
d'Aristote, trad. en français pour la première fois (O. Schmidt ; il y a
bien peu de chose dans l'introduction et les notes; il y circule un air
antédiluvien ; les remarques sont pour la plupart naïves et plates).
Beiiiner Philologische V/ochenschrift, 24 octobre i885, n° 48 : Platos aus-
gewahlte Dialoge erklart von G. Schmelzer. I^"" Band. Der Staat.
(A. Krahn : utile commentaire.) — H. Was, Platos Politeia. Een kri-
tisch-esthetisch onderzoek (G. Dannehl : Platon n'est utopiste que dans
les Lois, il est poète dans la Politique). — Supplementum Aristotelicum
editum consilio et auctoritate academiae Borussicae. Vol. I. Pars I,
Exgerptorum Constantini de natura animalium libri duo. Aristophanis
historiae animalium epitome. Subjunctis Aeliani Timothei aliorumque
eclogis éd. Spyridion P. Lambros (Susemihl : excellente publication, où
l'on trouve pour la première fois le second livre des Excerpta sur l'histoire
des animaux rédigés pour Constantin Porphyrogénète, d'après un ms. du
xiv^ siècle découvert au mont Athos par Lambros). — Servh gramma-
tici commentarii. Vol. I. II. Rec. G. Thilo (G. Goetz : grand service
rendu aux lettres latines). — G. Egelhaaf, Grundztige der Geschichte.
Erster Teil : das Alterthum (H. Peter : bon précis). — E. von Stern,
Geschichte der spartanischen und thebanischen Hégémonie vom Ku-
nigsfrieden bis zur Schlacht bei Mantineia (G. Hertzberg : remarqua-
ble). — M. Zoller, Romische Staats-und Rechtsalterthiimer (M. Voigt
recommande ce manuel, tout en faisant quelques réserves). — K. J.
Seitz, Grundlagen einer Geschichte der rômischen Possessio (Max
Conrat). — Adolf Schmidt, Chronologische Fragmente. Der attische
Doppelkalender. Jahrb. f. klass. Phil. i88o. Heft 10 (A. Mommsen :
hypothèses non démontrées). — R. Westphal, Griechische Rhythmik
(R. Klotz : y- édition de la Metrik de Ross'oach et Westphal). —
L. Muller, Metrik der Griechen und Rômer. 2 Ausgabe (R. Klotz :
bon). — G, Grumbach et A. Waltz, Prosodie et métrique latines. 4.
édit. (R. Klotz : soigné et plus complet que les précis allemands du
même genre).
Gœttingische gelehrte Anzeigen, n" 21, i5 oct. i885 : Max Rôdiger, Kri-
tische Bemerkungen zu den Nibelungen (Wilmanns : important). —
Redolfi, die Lautverhiiltnisse des bergellischen Dialects (Morf). — The
American Journal of Philology, I, i. (Blumner : entreprise qu'il faut
saluer avec joie, d'autant que les Américains ont pris récemment une
part active aux fouilles archéologiques et obtenu de précieux résultats.)
— Heisterbergk, Nameund Begrifîdes Jus Italicum. (Deecke : fait avec
soin, méthode et succès, cp. Revue critique, n» 45, art. 198.)
Theologische Literaturzeitung, n" 21, 17 octobre i885 : Pearson, The
prophecy of Joël, its unity, its aim and the âge of its composition.
(Smend.) — Glock, Die Gesetzesfrage im Leben Jesu und in der Lehre
des Paulus (Weiss). — Mommsen, Romische Geschichte, V Band, die
Provinzen von Casar bis Diocletian. (Loofs : très clair, très instructif,
beaucoup de chapitres importants pour l'histoire de l'Eglise.) — Linke,
Te Deum laudamus, die lateinischen Hymnen der alten Kirche ver-
deutscht I Band : die Hymnen des Hilarius und Ambrosius. (Brandes :
travail prétentieux et absolument sans valeur.) — Salmon, The Cross-
References in the « Philosophumena ». — Merz, die Bildwerke an der
Erzthûre des Augsburger Doms. — Chrp. Hoffmann, Mein Weg nach
Jérusalem, Erinnerungen aus meinem Leben, 2 Th., Erinnerungen des
Mannesalters.
Zeitschrift fur katholische Théologie, IX, Band, IV Heft, i«r octobre 188 5 :
Grisar, das romische Sacramentar und die liturgischen Reformen im
VI. Jahrhundert. — Flunk, Die moderne Pentateuchkritik auf ihren
wissenschaftlichen Gehalt geprûft, mit besonderer Beziehung auf den
Schoptungs ■=. und den Sintliutbericht. — Limbourg, Vom Wesen des
natûrlichen und des iibernatiirlichen Habitus. — Fr. Schmid, Die neues-
ten Controversen ûber die Inspiration. — Comptes-rendus : Lehmkuhl,
Theologia moralis, 2^ édit. (Biederlack). — Heiner, Die kirchlichen
Ccnsuren (Biederlack). — Rothe, Traité du droit naturel, tome î (Costa-
Rossetti). — ScHiNDLER, Der heilige Wolfgang in seinem Leben und
Wirken (Kobler.) — Markovic, Le parrochie Francescane in Dalmazia.
— Bemerkungen und Nachrichten : Ausdem unedirten Testamente des
Cardinals von Kollonitsch, Fûrstprimas von Ungarn (J. Maurer). —
Exegetisch-kritische Nachlese zu den alttestamentlichen Dichtungen
(Bickell). — Analecten, besonders aus auslandischen Zeitschriften. —
Fortsetzungen und neue Auflagen fruher besprochener Werke. — Gene-
ralregister aller bisher erschienenen Jahrgilnge. — Literarischer Anzeiger.
Wochenschrift fiir klassische Philologie, 7 oct. i885, n° 41 : E. Herzog,
Geschichte und System der rômischen Staatsverfassung, vol. I (Sol-
tau : produit bien réussi de beaucoup d'années d'études, manuel excel-
lent pour les étudiants; très utile, même après Mommsen; indépen-
dant, argumentation soignée, polémique bienveillante et qui examine
tout). — W. Kopp, Geschichte der rômischen Litteratur fur hoherc
Lehranstalten und zum Selbstudium. 5^'' Aufl., umgearb. von F. G.
Hubert (Hûbner : auteur et éditeur ne sont pas à la hauteur de leur
tâche, beaucoup d'inexactitudes dans les faits et de négligences dans la
forme). — E. Lûbbert, Commentatio de priscae cuiusdam epiniciorum
tormae apud Pindarum vestigiis, et, De Pindaro nomorum Terpandri
imitatore; K. Franke, De hymni in Cererem Homerici compositione
dictione aetate (Crusius). — G. Brinker, De Theocriti vita carminibus-
que subditiciis (Hiller : dissertation faite avec application et soin ; utile
et digne d'examen en plusieurs points).
Le Fuy, imprimerie Marchessnu /ils, boulevard Saini- Laurant , 23.
N" 47 Dix-neuvième année 23 novembre 1885
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE L 11 T É R A T U lŒ
RKCUEIL Mfc:til,OMADAlHE PUBLIE SOUS LA DIRECTION
DE MM. J.DARMESTLTER, L. HAVET, G. MONOD, G. PAivSS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquki
Prix d'abonneœent :
Un an, Pans, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, i'j fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28 , RUE BONAPARTE, 28
Adresser les conwmnications conceriiant la rédaction à M. A. Chuquet
'Au bureau de la l<evue : rue Bonaparte, ;8),
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, et
non par conunissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-rendu.
a
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 2S
TRAITÉ D'EPIGRAPHIE GRECQUE
Par SALOMON REINACH
Ancien membre de l'Ecole française d'Athènes,
Précédé d'un ESSAI SUR LES INSCRIPTIONS GRECQUES
Par C. T. Newton, conservateur du Musée Britannique.
Un fort volume in-8 20 fr.
HISTOIRE INTÉRIEURE DE ROME
Jusqu'à la bataille d'Actium,
Tirée des Rœmische AlterthUmer de L. Lange,
Par A. Berthelot et Didier.
Tome premier, un beau volume in-8 10 fr.
ARCHIVES DE LA SOCIÉTÉ AMÉRICAINE DE
FRANCE- Nouvelle série. Tome 1 2 5 fr.
Tome II 20 fr.
Tome III, fasc. I, 2, 3, 4. à 3 fr.
PÉRIODIQUES
The Academy, n" 705, 7 nov. i885 : Sir Summer Maine, Popular go-
vernment (Benn). — The Journal of Mary Frampton, 1779-1846, p. p.
H. G. MuNDY. — Tenuant, Sardinia and his resources. — Coleridgc's
ms. notes on Malthus (Bonar). — University Collège and the Univer-
sity of London (Lankester). — John Harvard's autograph (Shuckburgh).
— « Milton and Vondel » (Mac Ibraith). — Louis Agassiz, his life and
correspondence, p. p. Elis. C. Agassiz. 2 vols. — Archduke Rainers
collection of papyri (Bûhler). — Fundations of the campanile of St.
Mark of Venice (Middleton). — Roman inscriptions at Whitley Castle
and Souih Shields (Watkin).
The Athenaeum, n" 3028, 7 nov. i885 : The Journal of Mary Framp-
ton 1779-1846, p. p. H. G. MuNDY. — Brackenbury, The River Co-
lumn, a narrative of the advance of the River Column of the Nile ex-
peditionary force and its return down the rapids. — Edmundson,
Milton and Vondel, a curiosity of literature (Livre ingénieux, mais
accuser Milton de plagiat ! Le seul mérite de l'ouvrage, c'est peut-être
de faire mieux connaître Vondel). — H. Krafft, Souvenirs de notre
tour du monde. — The dictionary of national biography (liste des fu-
turs articles, de Coppinger à Craven). — Notes from Rome (Lanciani).
Literarisches Centralblatt, n" 46, 7 nov. i885 : Lieblein, Ueber altagyp-
tische Religion. (La principale partie de Fouvrage n'a pas une valeur
scientifique.) — Glock, die Gesetzesfrage im Leben Jesu u. in der Lehre
des Paulus. (Intéressant, chaud, mais peu creusé.) — Steitz, Geschichte
der von Anlwerpen nach Frankfurt a. M. verpflanzlen niederlandischen
Gemeinde augsburgischer Confession. (Très méritoire.) — Featherman,
A social history of the races of mankind. (N'a pas rassemblé assez de
matériaux et trouvera peu de lecteurs.) — Bippen, Aus Bremens Vorzeit,
Aufsiitze. — Kostler, die Ungarnschlacht auf dem Lechfelde am 10
August 955 u. die Folgen der Ungarnkriege iiberhaupt. (Semble avoir
travaillé plutôt d'après les ouvrages modernes que sur les sources pro-
prement dites.) — Bémont, Simon de Montfort, comte de Leicester, sa
vie, son rôle politique en France et en Angleterre (beaucoup de docu-
ments nouveaux, travail méritoire). — Nitzsch, Geschichte des deutschen
Volkes vom Tode Heinrichs VI bis zum Augsburger Religionsfrieden,
p. p. MATTHài. (Ce n'est qu'un « torso » inachevé, mais que d'idées
fécondes!) — Bleibtreu, Napoléon bei Leipzig, eine Studie. (N'a pas
une valeur scientifique et militaire.) — York von Wartenburg, Napo-
léon als Feldherr, I. (Bon livre; cp. un prochain article de la Revue
critique.) — Kriegsgeschichtliche Einzelschriften, hrsg. vom Grossen
Generalstabe, VI. (Voir encore un prochain numéro de notre Revue où
il sera rendu compte de tous les fascicules de cette importante collec-
tion.) — Toeppen, Hundert Tage in Paraguay, Reise in's Innere. —
Jos. et Hartwig Derenbourg, Nouvelles études sur Tépigraphie du
Yémen. (Belle publication qu'on ne saurait assez estimer et dont il faut
savoir le plus grand gré aux deux éditeurs qui ont voulu rendre acces-
sibles à tous ces précieux matériaux, sans attendre l'apparition du Cor-
pus inscriptionum semiticarum.) — Euclidis Elementa, p. p. Heibkrg,
vol. IV, libros XI-XVI 1 1 continens. (Suite de cette laborieuse et heureuse
entreprise.) — Meusel, Lexicon Caesarianum, fasc. I-lII. (Merguet ne
consulte que Nipperdey; Meusel est plus complet et son travail est un
modèle, une étude pleine de soin et de labeur, complète et en laquelle
on peut avoir toute confiance.) — Réponse de M. Holzapfel et réplique
de M. Matzat.
Deutsche Litteraturzeitung, n°45, 7 nov. i885 : Ebrard, Christian Ernst
von Brandenburg-Bayreuth, die Aufnahme rcformierter Fliichtlingsge-
meinden in ein luthereisches Land 1686-17 12, eine kircliengeschichtli-
che Studie. — R. Lehmann, Vorlcsungen ûber Hilfsmittel und Metliode
des geographischen Unterrichts. — W. Bâcher, Leben und Werke des
Abulwalîd Merwân Ibn Ganâh (R. Jona) und die Quellen seiner
Sclirifterklarung (Steinschneider : bonne étude). — Aristotelis Ars rhe-
torica, cum nova codicis Ac et vetustae translationis coUatione éd. Ad.
Roemer (Heitz : travail très méritoire et fait d'une façon remarquable).
— M. Tulli Ciceronis scripta quae manserunt omnia, rec. C. F. W.
MuELLER. I, 1 continens libros ad C. Herennium et de inventione,
Memorabilia vitae Ciceronis per annos digesta praescripta sunt, rec.
Gui. Friedrich. P. 11, vol. II continens orationes pro Tullio de harus-
picum responso, rec. C. F. G. Mueller (Stangl). — Stamms Ulfilas
oder die uns erhaltenen Denkmiiler der gotischen Sprache, 8° Aufl. p.
p. Heyne (Seemiiller : beaucoup de bons changements). — KNOop,Volks-
sagen, Erziihlungen, Aberglauben, Gebrauche und Miirchen aus dem
ôstlichen Hinterpommern (E. H. Meyer : contribution peu importante,
mais dont il faut savoir gré à Pauteur). -- Andréas, a legend of St.
Andrew, edited with critical notes and a glossary by Baskervill (Zu-
pitza). — Waltemath, die frankischen Elemente in der franzosischen
Sprache (Feit : en général, détaillé et fait avec grand soin). — Gelzer,
Sextus Julius Africanus u. die byzantinische Chronographie, II, i : die
Nachfolger des Julius Africanus (Schune : suite de cette savante publi-
cation). — Philippi, Zur Geschichte der Reichskanzlei unter den letz-
ten Staufern Friedrich II, Heinrich Vil und Konrad IV (Bresslau : une
foule de remarques importantes). — A. Stern, Abhandlungcn und
Aktenstucke zur Geschichte der preussischen Reformzeit 1807-15
(O. Lorenz : mérite l'attention des historiens). — S. Gunther, Lehr-
buch der Geophysik und physikalischen Géographie (Partsch). — Feld-
zuge des Prinzen Eugen von Savoyen, hrsg. von der Abteilung fur
Kriegsgeschichte des k. k. Kriegsarchivs. IX, X.
Berliner Philologische Wochenschrift, 3i octobre i885, n" 44 : G. Grae-
BER, die Attraklion des Relativums bei Xenophon (W. VoUbrecht). —
Iosephus Lezius, De Plutarchi in Galba et Othone fontibus (H. Schil-
ler : Tacite a été une des sources de Plutarque). — G. Thiaucourt, De
Iohannis Stobaei eclogis earumque fontibus (F. Lortzing : n'est qu'un
compte-rendu des derniers travaux allemands, que l'auteur s'abstient
souvent de mentionner; le latin est très mauvais.) — Q. Horatius
Flaccus, Satiren und Episteln, fiir den Schulgebrauch erklart von
G. T. A. Krûger. Elire Auflage , besorgt von Gustav Krûger
(W. Mevves : très soigné). — Flavi Vegeli Renati epitoma rei milita-
ris, recensait Carolus Lang. Editio altéra (H. Laudwehr : édition sé-
rieusement revue). — W. Kopp, Geschichte der rumischen Literatur fur
hôhere Lehranstalten und zum Seibststudium. Fûnfte Auflage von
F. G. Hubert (P. Brennecke : bon). — E. Lowy, Inschriften griechis-
cher Bildhauer mit Facsimiles (E. Kuhnert donne à ce bel ouvrage
les éloges qu'il mérite). — Koniglighe Museen zu Berlin, Beschreibung
des Vasensammlung, von Ad. Furtwungler (R. Wcil : excellent). —
Altitalische Studien, herausgegeben von C. Pauli. Viertes Heft
(W. Deecke : études sur le chant des Arvales, dont Pauli propose une
nouvelle lecture, et sur la méthode de déchiffrement des inscriptions
étrusques; Deecke maintient son opinion sur la parenté de l'étrusque
avec les dialectes italiques).
Gœttingische gelehrte Auzcigen, n" 22, i''i'nov. 1855 : von Pininski, der
Thatbestand des Sachbesitzerwerbs nach gemeinem Rechl; Strohal,
Succession in den Besiiz nach romischem u. deutschem Recht. (Re-
gelsberger.) — Stoerk, Zur Methodik des offentlichen Rechts (Brie). —
Rupp, der Beweis im Strafvcrfahren (v. Liszt). — Weisbach, die
Serbocroaten der adriatischen Kustenlander, anthropologische Studie.
(Krause.)
Wochenschrift fiir klassische Philologie, 14 octobre i885, n" 42 : A. Bau-
MEisTEK, Denkmdier desklassischen Altertums. Lief. 8-20 (Weizsacker :
grands mérites, quelques lacunes). — E. Siecke, Beitrâge zur genaueren
Érkenntnis der Mondgottheit bei den Griechen (Zinzow : manqué; la
plupart des mythes grecs ne seraient autre chose qu'une symbolique
naturelle de la lune). — E. Schneider, Quaestionum Hippocratearum
spécimen (Kaute : travail soigné, recherches très détaillées de gram-
maire). — Catulli Veronensis Liber. Rec. et interpr. est Aem. Baehrens
(K. P. Schulze : méritoire, mais trop d'assurance et d'arbitraire). —
F. AscHERsoN, Deutscher Universitiits-Kalender (Xp : complet ; guide
sûr).
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
MJ.IIRË IIË LA FACULTÉ DES LETTRES BE LÏON
TROISIÈME ANNÉE. — FAbC. 1 HISTOIRE ET GliûGRAPHIE
Le numéro, 5 fr, — Abonnement annuel, lo fr.
Sommaire: Renseignemeuts généraux et programmes des cours. — G. Bloch. Remarques à
propos de la carrière d'Afranius Burrus, préfet du Prétoire, d'après une inscription récem-
ment découverte. — E. Belot, correspondant de l'Institut. De la révolution économique et
monétaire qui eut lieu à Rome au milieu du m' siècle avant l'ère chrétienne, et de la
classification générale de la société romaine avant et après la première guerre punique. —
L. Clôdat. La chronique de Salimbène.
ANNALES DE LA FACULTÉ DES LETTRES DE BORDEAUX
Rédigées par les professeurs des Facultés des Lettres de Bordeaux et de Toulouse.
N» I. Abonnement, lo fr.
Sommaire : C. Molinier. La question de l'ensevelissement du comte de Toulouse Raimond "V
eu Terre Sainte. — A. Duméril. Commines et ses mémoires. — Victor Mortel. Une élection
épiscopale au xiie siècle.
JOURNAL ASIATIQUE
N" Mai-Juin (Abonnement, 25 fr.)
Sommaire : Etude sur les inscriptions de Piyadasi (M. Senart). — Bibliographie ottomane
(M. Cl. lluart). — Le mariage par achat dans l'Inde-aryenne (M. Feer). — Matériaux pour
servir à l'histoire de la numismatique et de la métrologie musulmanes (M. Sauvaire). —
Nouvelles et mélanges.
REVUE ARCHÉOLOGIQUE
No Juillet-Août (Abonnement, 25 fr.)
Drouin. Les monnaies à légendes en pehlvi. — E. Muntz. Les monuments antiques de Rome
à l'époque de la Renaissance. — Deloche, de l'Institut. Anneaux et cachets mérovingiens. —
Fouilles de Suse (1884-1885), par M. E. Dieulafoy, directeur de la Mission. — Un camée du
musée de Florence, par M. Menant. — Chronique d'Orient, par Salomon Reinach. — Nou-
velles et mélanges. — Bibliographie.
."> J/HT.-- L.jr/
N" 48 Dix-neuvième année 30 novembre 1885
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. J.DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Ghuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Pans, 20 tr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 23 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE I.A SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l'École des la iN gués orientales vivantes, c tc.
28, Rl'E BONAPARTE. 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, et
non par commissionnaire, les livres dont ils désirent un compte-re^idu.
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28
NOUVELLES PUBLICATIONS
DE M. Et. AYMONIER
Notes sur le Laos, in-S „ 7 5o
Notes sur l'Annam, I. Le Binh Thuân, in-8,. 5 »
Lettre sur son voyage au Binh Thuân, in-8 i »
L^'épigraphie Kambodjienne, in-8 2 5o
LE BERCEAU DE L'HUMANITÉ
(Plateau de Pamir), par l'abbé P. BOURDAIS,
In-8 3 5o
FLORE DE LA BIBLE, parrabbéP.B0URDAlS,in-8. 3 «
LASIE OCCIDENTALE, dans les inscriptions assyriennes,
par le P. A. DELATTRE. In-8 ". 7 5o
PÉRIODIQUES
The Academy, n" 706, 14 nov. i885 : Mark Pattison, Sermons.
(2* art.) — Leyland, The Brontë Family, with spécial référence to Pa-
trick Branwell Brontë. 2 vols. (Noble : détails intéressants.) — Innés,
The Chersonese with the Gilding ofî. (Keane.) — O' Brien, Ffty years-
of concessions to Ireland, vol. II. (Fagan.) — Current literature
(Grant Allen, Charles Darwin; Brackenbury, The River Column;
Lyne, New Guinea). — Shakspere's « wondrous strange snow »
(Furniwall). — The text of the ancient laws of Ireland. (O' Grady.) —
« Catchpoll » in old English (Zupitza). — Ellis, Anecdota Oxoniensia,
« classical Séries », vol. I, part. 5 (Sonnenschein : « a valuable and
interesting volume »), — Hoernle a. Grierson, A comparative dictio-
nary of the Bihari language (Bowring). — Sebastiano del Piombo in a
new light. II. (Bradley.)
The Athenaeum, n» 3029, 14 nov. i885 : The life of the late gênerai
Chesney, by his wife and doughter, edited by Stanley Lane-Poole. —
Wellhausen, Prolegomena to the history of Israël, with a reprint of
the article « Israël » from the Encyclopaedia Britannica, translated
from the german by Black und Menzies, with a préface by Robertson
Smith; Edersheim, Prophecy and history in relation to the Messiah, the
Warburton lectures for 1880-1884, with an appendix on the arrange-
ment, analysis and récent criticism of the Pentateuch. — J. Hilton,
Chronograms continued and conclued. — Molloy, Royalty restored or
London under Charles 11,2 vols. (Compilation qui ne mérite guère que
d'être lue en voyage ; encore le lecteur instruit n^y trouve-t-il rien ou
presque rien à apprendre.) — The « Dictionary of national biography «
[liste des futurs articles de Crawford à Cyveillawg). — Crowe a. Caval-
caselle, Raphaël, his life and Works. II. (2" art. sur cette publication
remarquable.)
Literarisches Centralblatt, n^ 47, 14 novembre i885 ; Gesenius, hebraïs-
che Grammatik, vôllig umgearb, u. hrsg. vom Kautzsch. — Schwebel,
die Herren und Grafen von Schewerin, Blatter aus der preussischen
Geschichte (ne fait que délayer en phrases de roman le consciencieux
ouvrage de GoUmert). — Schubert, urkundliche Geschichte der Stadt
Steinau an der Oder. (Chronique.) — Loesche, Ernst Moritz Arndt,
der deutsche Reichsherold. (Esquisse.) — Baron de La Belle-Croix,
EnthûUungen und Erinnerungen eines franzôsischen Generalstabsofti-
ciers aus den Unglûckstagen von Metz und Sedan, aus den hinterlasse-
nen Papieren. (3*^ édition ! ouvrage qui plait au public, mais qui ne
peut prétendre à une critique sérieuse.) — A. Stern, Abhandlungen
und Actensiiicke zur Geschichte der preussischen Reformzeit 1807-
181 5. (Neuf essais de très grand prix.) — Gûnther, Lehrbuch der Geo-
physik und physikalischen Géographie. 2 vols. (Très commode et très
utile.) — H. Dernburg, Pandekten, I. — Zwei Abhandlungen aus dem
roniischen Rechte Herrn Ad. von Scheurl zum Sojahrigen Doctor-
jubililum ûberreicht : Brinz, die Freigelassenen der lex Aelia Sentia u.
das Berliner Fragment von den Dediticiern : Holder, das Wesen der
Correalobligation. (Deux bons travaux.) — Schefer, Chrestomathie
persane à Tusage des élèves de l'Ecole spéciale des langues orientales
vivantes, II. (Textes tirés en grande partie de la superbe collection de
manuscrits de Téditeur, commentaire détaillé, ouvrage qui contribuera
<f in hervorragender Weise » à développer la connaissance de la langue
et de la littérature persanes.) — The merry devil of Edmonton, p. p.
Warnke u. Proescholdt. (Edition critique très soignée.) — Shakspeare,
Much ado about nothing, p. p. Loyd, London. (A recommander; veut
prouver que la prose du Shakspeare n'est le plus souvent que des vers
iambiques de six pieds).
Deutsche Litteratiirzeitung', n° 46, 14 novembre i885 : Glock, die Ge-
setzesfrage im Leben Jesu u. in der Lehre des Paulus. — Lumby, The
Acts of the Apostles, with maps, notes and introduction. — Sully,
Outlines of philosophy. — Vor=: und frûhreformatorische Schulordnun-
gen und Schulvertrage in deutscher und niederUlndischer Sprache, hrs.
von Joh. MûLLER, 1, Schulordnungen aus den Jahren 1296-1505.
(Paulsen : commencement d'un recueil soigné et méritoire.) — Turge-
NEv, Erste Sammlung seiner Briefe 1840-1883, hrsg. von dem Verein
zur Unterstutzung hilfsbediirftiger Schriftsteller und Gelehrter (en
russe). — Demosthenis Orationes ex recens G. Dindorff, vol. I, orat.
I-XIX, 4e édit. p. p. Blass. (B. Keil : travail critique étonnant, fait avec
une sage modération, donnant un texte de Démosttiène qui est bien
plus proche du texte réel que les textes des éditions antérieures et qui
restera le fondement de toutes les recherches critiques dont Demosthène
sera l'objet.) — Ohnesorge, Der Anonymus Valesii de Constantino.
(Schone : trop détaillé, mais réussi, beaucoup de soin et de clarté.) —
BoDEMANN, Von uud iiber Albrecht von Haller ungedruckte Briefe und
Gedichte Hallers sowie ungedruckte Briefe und Notizen uber denselben
(Hirzel : rien d'essentiellement nouveau pour la biographie de Haller,
mais fort méritoire). — Koeppel, Laurents de Premierfait und John
Lydgates Bearbeitungen von Boccaccio's « de casibus virorum illus-
trium » (Reimann : beaucoup de sagacité et grand soin). — Hasse, Kô-
nig Wilhelm von HoUand 1247-1256, I (Hintze: n'est consacré qu'aux
trois mois de Tannée du couronnement, 1247, tableau détaillé qui ren-
termedes choses neuvesetinstructives).— Hintze, dasKônigtumWilhelms
von Hollànd. (Wenck : très estimable contribution à l'histoire de l'em-
pire du xni* siècle.) — Wolf, aus der Revolutionszeit in Oesterreich-Un-
garn. (Horawitz : constamment amusant et instructif, par suite digne
d'être lu, comme tout ce que fait l'auteur.) — Trolle, Das italienische
Volkstum und seine Abhangigkeit von den Naturbedingungen. (Puhl-
mann : bon travail.) — Loewy, Inschriften griechischer Bildhauer
mit Facsimiles. (Michaelis : œuvre d^n chercheur sagace, réfléchi,
indépendant, àqui nMmpose aucune autorité; excellent.) — Jolly, Outli-
nes of an history of the Hindu law of partition, inheritance and adop-
tion, as contained in the original Sanskrit treatises. [Dargun : ins-
tructif.)
Berliner Philologische Wochenschrift, 7 novembre i885, n° 45 : J. A. Hei-
kel, De participiorum i-pud Herodotum usu (Weber). — Paul Uhle,
De prooemiorum collectionis quae Demosthenis nomine feruntur ^W.
Nitsche : examine ces morceaux au point de vue grammatical et conclut
à leur authenticité). — H. Deiter, De Ciceronis codicibus Vossianis
Lxxxiv et Lxxxvi denuo excussis (P. Schwenke). — F. Aly, zur Quel-
lenkritik des iilteren Plinius(D. Detlefson). — K. Heraeus, Lateinische
Schulgrammatik (H. Ziemer : livre qui a besoin d''être remanié pour
pénétrer dans les classes). — Kurzgefasster Plan der Monumenta Ger-
MANiAE Paedagogica, herausgcgebeu von K. Kehrbach (Sss : plan d'une
utile collection qui a pour but de réunir les principaux ouvrages de pé-
dagogie).
Vient de paraître à la librairie EDUARD TREWENDT à Breslau.
Encyklopaedie der Naturwissensehaften .
VollsLrndig in unnefxhr 24 Bwnden. Subscriplionspreis pro Band brosch. 15 Mark,
eleg. in Halbfranz gebd. 17 Mark 40 Pf. Mit vielen llluslrationem.
Band XVII : Handwœrterbuch der Chemie. III. Band. Hei-ausgegeben
von Prof. Dr. Ladenburg. Brosch. 16 Mk. Hlbfrz. gebd. 18 Mk. 40 Pf.
Von der »Encyklopaedie'< sind ferner folgende 13 Bsende bereils erschienen :
Bd. I. Handbuch der Botanik. I. Band. Herausgegeben von Prof. Dr. Schenk.
Brosch. 20 Mk. HlblVz. gbd. 22 Mk. 40 Pf.
II. Handbuch der Botanik. II. Band. Herausgegeben von Prof. Dr. Schenk.
Brosch. 20 Mk. Hlblrz. gbd. 20 Mk. 40 Pf.
III. Handbuch der Botanik. III. Band. 1. Hœlfte. Herausgegeben von Prof.
Dr. IScHENK. Brosch. 12 Mk. Hlbfrz. gbd. 14 Mk. 40 Pf
IVu.V. Handbuch der Mathematik. 2 Bœnde. Herausgegeben von Geh.
Schulrat Dr. Schlœmilgh. Brosch. 39 Mk. Hlbfrz. gbd'. 43 Mk. 80 Pf.
VI. Handwœrterbuch der Zoologie, Anthropologie u. Ethnologie.
1. Band. Herausgegeben von Prof. Dr. Gustav J.eger. Brosch. 15 Mk-
Hlbfrz. gbd. 17 Mk. 40 Pf.
VII. Handwœrterbuch der Zoologie, Anthropologie u. Ethnologie.
H. Band. Herauso;egeben von Prof. Dr. G. J.eger u. Dr. A. Reichexow.
Brosch. 15 Mk. Hlbfrz gbd. 17 Mk. 40 Pf.
VTII. Handwœrterbuch der Zoologie, Anthropologie u. Ethnologie.
111. Band. Herausgegeben von Dr. A. Reichenow. Brosch. 16 Mk. Hlbfrz.
gbd. 18 Mk. 40 Pf.
XI. Handwœrterbuch der Minéralogie, G-eologie u. Palseontologie.
I. Band. Herausgegeben von Prof. Dr. Kenngott. Brosch. 15 Mk. Hlbfrz.
gbd. 17 Mk. 40 Pf.
XII. Handwœrterbuch der Minéralogie, Géologie u. Palaeontologie.
II. Band. Herausgegeben von Prof. Dr. Kenxgott. Brosch. 15 Mk. Hlbfrz.
gbd. 17 Mk. 40 Pf.
XIV. Handwœrterbuch der Pharmakognosie des Pflanzenreichs. Heraus-
gegeben von Prof. Dr. Wittstein. Brosch. 21 Mk. Hlbfrz. gbd. 23. Mk. 40 Pf.
XV. Handwœrterbuch der Chemie. l. Band. Herausgegeben von Prof.
Dr. Ladenburg. Brosch. 18 Mk. Hlbfrz. gbd. 20 Mk. 40 Pf.
XVI. Hand"wœrterbuch der Chemie. II. Band. Herausgegeben von Prof.
Dr. Ladenburg. Brosch. 16 Mk. Hlbfrz. gbd. 18 Mk. 40 Pf.
Im Erscheinen sind folgende Bœnde begriffen :
m. Handbuch der Botanik. III. Band. 2. Hœlfle (Schluss).
IX. Handwœrterbuch der Zoologie, Anthropologie u. Ethnologie. IV.
Band.
XIII. Handwœrterbuch der Minéralogie, G-eologie u. Palaeontologie.
III. Band. (Schluss.)
Zu den bei den einzelnen Bœnden notirten, theilweise erhœhten Preisen verden
die Bœnde auch einzeln verkauft.
ÏO^ On peut se procurer V Encyclopédie che^ tous les libraires.
Vient de paraître chez GSORG REIMER à Berlin.
NABATAEISCHE INSCHRIFTEN
\us
AR ABIEN
VON
JULIUS EUTING
HERAUSGEGEBEN MIT UNTERSTUETZUNG DER KOEMGLICH
PUBUb-SISCHEN AKADEMIE DER WISSENSCHAFTEiN
MIT 29 LICHTDRUCKTAFELN
PRIX : 30 FRANCS.
En vente chez HAAR & STEINERT. (C. HAAR, successeur.)
9, rue Jacob, à Paris.
A. QUANTIN. Imprimeur-Editeur, à Paris.
BIBLIOTHÈQUE DE L'ENSEIGNEMENT DES BEAUX-ARTS
Le Meuble, tome II (xviis xvm«et xix" siè-
cles), par M. de Champeaux, inspeeteur
des Beaux-.\rts à la Préfecture de la Seine.
Prix : liroi'hé. 3 fr. 50.
hk Composition- décor.vtive, par M. Henri
Mayeux, architecte du Gouvernement,
professeur d'art décoratif dans les Ecoles
de la Ville de Paris —Prix, broché: 3 Ir. 50
l.e /'uy. i»:fn-imi7 ie Marchessou fils, boulevard Saini-Laweni. 2.?.
N" 49 Dix-neuvième année 7 décembre 1885
REVUE CRITIQUE
D ' F. ï S T O I R E ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. J. DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuqukt
Prix d'abonnement ;
Un an, Pans, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 2b \i\
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l'École des langues orientales vivantes, etc.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Ckuquet
(Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28).
MM. les éditeurs de l'étranger sont priés d'envoyer directement, et
}ion par commissiojinaire, les livres dont ils désirent iincompîe-rend'n
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, RUE BONAPARTE, 28.
RECUEIL DE VOYAGES ET DE DOCUMENTS
Pour servir à l'histoire de la géographie, depuis le xiir jusqu'à
la fin du xvi° siècle.
PUBLIÉ sous la DIRECTION DE MM. Ch. SCHEFER, DE l'InSTITUT
ET H. CORDIER.
Tome V
LE VOYAGE ET ITINÉRAIRE D'OUTREMER
Fait par frère Jean Thenaud. Publié parCh. Schefer, de l'Institut. 25 fr.
Tomes VI, VII
CHRISTOPHE COLOMB
Son origine, sa vie, ses voyages, sa famille et ses descendants,
d'après des documents inédits tirés des archives de Gènes, de
Savone, de Séville et de Madrid. Par Henry Harrisse, 100 fr.
PÉRIODIQUES
The Academy, n° 707, 21 nov. i885 : « The Apostlic Fathers »,
part II, St Ignatius, St Polycarp, revised texts with introductions,
notes, dissertations a. translations, by Lightfoot. (i'^'' art.) — Major
Knollys, English life in China. — Notes and news (M. Boos travaille
à une « Geschichteder Stadt Worms »). — Manor Court Rolls. — The
text of the ancient laws of Ireland. (Windisch.) — Cartwright's
a Admonition » (Tipping). — « Milton and Vondel » (Edmundson).
— « The Brontë Family » (Leyland). — Bréal et Bailly. Dictionnaire
étymologique latin. (Wharton : excellent livre qui rendra de très grands
services.) — Schliemann, Tyrins. (Mahaffy : i^r art. sur ce quatrième
grand volume de Tmfatigable travailleur).
The Athenaeum, n° 3o3o, 21 nov. i885 : Gosse, From Shakspeare to
Pope, an inquiry into the causes and phenomena of the rise of classical
poetry in England. (Livre qu'il faut relire et consulter souvent, beau-
coup de détails jusqu'ici négligés et mis en lumière, « abounds with
suggestions ».) — Die Scheïbaniade, an Uzbek Epie Poem in seventy-
six cantos, by prince Muhammad Sâlid of Khwâzrim, the original
text, with german translation, introduction and notes by Vambéry. —
Pears, The fall of Consianlinople, being the story of the fourth cru-
sade. (Livre remarquable par sa clarté, quoiqu'on ne partage pas les
conclusions de l'auteur.) — Lincolnshire Manor customs. (Peacock.)
Oriental mss. in the British Muséum. — Dr. Edersheim on prophecy
and history (Edersheim). — The Byron quarto. — Literary gossip
(publication prochaine delà correspondance de Gœthe et deCarlyle-,
d'une « History of the German language » par Strong et Kuno Meyer).
— Notes from Athens (Lambros).
Literarisches Centralblatt, n° 48, 21 novembre i885 : Walter, die Spra-
che der revidirten Lutherbibel. — Inscriptiones urbis Romae latinae,
colleg. He.xzen et de Rossr, edid. Bormann, Huelsen, Henzen, pars V,
inscriptiones falso urbi Romae attributas comprehendens. — Urkun-
denbuch des Hochstifts Halberstadt und seiner Bischôfe, hrsg. von
Gust. ScHMiDT, II, 1 236-1 3o3. — Steinmann, die Grabstatten der Fûrs-
ten des Welfenhauses von Gertrudis, der Mutter Heinrichs des Lowen
bis auf Herzog Wilhelm von Braunschweig. — Wûstenfeld, Jemen
im XI (XVII). Jahrhundert, die Kriege der Tiirken, die arabischen
Imâme und die Gelehrten, mit einem geographischen Anhange. (Puisé
dans les biographies de Michibbi et complète ce que nous savons sur le
sujet en beaucoup de points essentiels.) — Prellwitz, De dialecto thes-
salica; Collitz, die Verwandtschaftsverhaltnisse der griechischen Dia-
lecte mit besonderer Rucksicht auf die thessalischeMundart. (Deux bons
travaux.) — Kukula, De Cruquii codice vetustissimo. (Fait avec une
méthode parfaitement correcte et une grande clarté de jugement, résul-
tats très vraisemblables.) — M. Porci Catonis de agricultura liber,
M. Terenti Varronis rerum rusticarum libri très, p. p. Keil, I, 2.
(Toujours très bon.) — Adams, a brief handbook of american authors.
(En 200 pages, 1,000 noms d'écrivains américains; sera utile.) — Wetz,
die Anfiinge des ernsten biirgerlichen Dramas des XVIII Jahrhunderts,
das riihrende Drama u. biirgerlicheTrauerspiel bis zu Diderot, der Fa-
milien-roman des Marivaux und Richardson u. dramatische Théorie
Diderots. I. Allgemeiner Theil, das riihrende Drama der Franzosen.
(La culture de l'auteur n'est pas assez mûre, ni son goût assez fin pour
aborder un sujet aussi difficile; parfois de jolies remarques néanmoins.)
— BoDEMANN, von und uber Albrecht von Haller, ungedruckte Briefe.
u. Gedichte. (Tiré des manuscrits de Zimmermann, soigné.) — Stud-
wiczKA. Vermuthungen zur griechischen Kunst. (Quatre essais qui ne
contiennent que des hypothèses.) — A. Springer, die Genesisbilder in
der Kunst des friihen Mittelalters mit besond. Rûcksicht auf den Ash-
burnham-Pentateuch. (Nouvelle et précieuse contribution au sujet.) —
Catalogi bibliothecarum antiqui, coll. G. Becker. (Œuvre de grand
mérite.)
Deutsche Literaturzeitung', n"47, 21 nov. i885 : Blumenau, Gott und
der Mensch. — Schoel, Herbarts philosophische Lehre von der Reli-
gion quellenmâssig dargestellt (Windelband). — Lewy, Altes Stadtrecht
von Gortyn; Bucheler und Zitelmann, das Recht von Gortyn ; J. Bau-
NACK u. Th. Baunack, die Inschrift von Gortyn (Hinrichs : Lewy donne
une courte édition d'ensemble; Bucheler et Zitelmann ont dépassé le
travail de Lewy, mais leur traduction est trop littérale; l'étude des
deux Baunack est surtout grammaticale ; en somme, chacun des com-
mentateurs a contribué, pour sa part, avec un loyal effort, à l'explica-
tion de l'inscription et mérite notre gratitude). — Ph. Weber, Entwic-
kelungsgeschichte der Absichtssâtze, IL die attische Prosa und Schluss-
ergebnisse (Dittenberger : soigné et méritoire). — Denk, die Verwechs-
lung der deutschen Sprache (Seemûller : de justes détails). — Saurazin,
Victor Hugos Lyrik und ihr Entwickliingsgang (programme, bien fait
et très recommandable). — Otto von Guerikes Sammlung lateinischer,
franzôsischer, italienischer und deutscher Sinnspriiche, p. p. Paulsiek
(Reimann : publication utile d'un texte ir.édit). — E. Hildebrand, Wal-
lenstein och hans tôrbindelse med Svenkarsne; E. Hildebrand, Wal-
lenstein u. seine Verbindungen mit Schweden; Gaedeke, Wallensteins
Verhandiung mit den Schweden u. Sachsen, i63i-i634 (G. Droysen :
les documents suédois confirment la véracité de la relation de Raschin;
en i63i, Wallenstein négociait avec Gustave; en i633, il négociait
avec Oxenstiern, et Bubna joua le rôle principal dans ces pourparlers ;
mais Wallenstein ne voulait pas se venger de l'empereur; il ne désirait
ni le renverser ni accepter la couronne de Bohême ; il ne devint traître
que lorsqu'il commença à voir qu'il allait être outragé). — Von Brug-
GEN, Wie Russland eùropaisch wurde, Studien zur Gulturgeschichte
(Meyer v. Waldeck : travail qui n'est pas scientifique, mais où il y a
beaucoup de science, de pénétration et de jugement politique). — Har-
RissE, Grandeur et décadence de la Colombine (petit écrit, inspiré par
une juste indignation; il est malheureusement douteux qu'il mette
fin au scandale).
Berliner Philologische Wochenschrift, 14 novembre i885, n° 46 : F. Bu-
cheler und E. Zitelmann, das Recht von Gortyn. H. Lewy, Altes
Stadtrecht von Gortyn. J. et Th. Baunack, Die InschriTt von Gortyn.
(R. Meister donne la préférence au i" et au 3" de ces travaux). — F.
Bechtel, Thasische Inschriften ionischen Dialekts im Louvre (W.
Larfeld : spécimen du recueil des inscriptions dialectales de l'Ionie pré-
paré par Bechtel pour le recueil de CoUitzj. — Euclidis elementa. Edi-
dit et latine interpretatus est J. L. Heiberg. Vol. IV. (F. Hultsch : ex-
cellente édition). — M. Klussmann, Conjectanea ad Tertulliani libros
ad Nationes (H. Kônsch). — Jahresberichte der Geschichtsv\-issenschaft,
herausgegeben von L Hermann, J. Jastrow, Edm. Meyer. IV Jahrgang.
1881 (G. J. Schneider : utile, mais paraît avec quelque retard). — A.
Hauvette-Besnault, De archonte rege. Le même. Les Stratèges athé-
niens (J. H. Lipsius : travaux utiles et solides; méthode prudente et
recherches personnelles). — F. Kahn, Zur Geschichte des rômischen
Frauen-Erbrechts (M. Conrat : bon). — J. Worcester, Corresponden-
ces of the Bible. The Animais. (O. Keller : écrit pour des Swédenbor-
giens, et non pour des philologues), — R. Nadrowski, Der Lautwandei
besonders im Griechisch und Latein (H, Ziemer : donne comme nou-
velles des explications qui ne le sont pas).
Librairie de TArt, J. ROUAM, Éditeur, 29, cité d'Antin, Paris,
BIBLIOTHÈQUE INTERNATIONALE DE L'ART
PUBLIEE SODS LA DIKECTION DE
M. EUGENE MUNTZ
VIENNENT DE PARAITRE
LE STYLE LOUIS XIV
CHARLES LE BRUN Décorateur
Ses OEuvres, son Influence, ses Collabo-
rateurs et son Temps.
Par A. GENEVAY
Magnifique volume in-4, illustré de plus
de 100 gravures.
Prix : broché 25 fr.
— Relié 30 fr.
— 25 exempl. sur Hollande. 50 fr.
GBIBERTl ET M ÉCOLE
PAR
CHARLES PERKINS
Directeur du Musée de Boston, Corres-
pondant de l'Institut de France.
Magnifique volume in-4, orné de 37 gra-
vures et d'une planche en héliogravure.
Prix : broché 20 fr.
— Relié 25 fr.
— 25 exempl. sur Hollande. 40 fr.
SOUVENIRS D'UN COLLECTIONNEUR
LA CHINE inconnue;
La Chine des Potiches. — La Chine des Bibelots. — La Chine des
Bouquins. — La Chine des Poissons. — La Chine des Viveurs
l*ar MAURICE JAMETEt.
Élève diplômé de l'École des Langues orientales vivantes. Lauréat de l'Institut de
France, OfQcier d'Académie, Attaché à la rédaction du « Courrier de l'Art ».
Un volume in-8 de 25o pages, — Prix, broché 3 fr.
Il a été tiré de cet ouvrage 25 exempl. sur Hollande, au prix de. 10 fr.
Le Pur. imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint- Laurent, ai.
N" 50 Dix-neuvième année 14 décembre 1885
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE L îl T E R A T U R E
RECUÎÎIL HÎCBDOMADAIRK PUEf.!!-: SOUS LA DIUECTÎON
DE MM. J. DARMESTETER, L. MAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la rédaction : M. A. Chuquet
Prix d'abonnement :
Un an. Parîs , 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 25 fr.
PARIS
E P. N E S T LEROUX, ÉDITEUR
LIERAI lîE Dr: I.A SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE :.'kc;OS.E des ï, an g U lis O li 1 E N T A L E S VIVANTES, f. T C.
28, TiVK EONAPARTK, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bineau de \a Kevue : nie Bonaparte, 28).
ICUNEST EICHOUX. Ei)J2"EUn, RUE BONAPARTE, 28.
LIVRES NOUVEAUX POUR ÉTRENNES
LA
LÉGENDE DE MONTFORT LA CANE
Texte par le Baron Ludovic DE VAUX
Illustrations en couleur, par Paul Chardin.
Un volume de luxe, in-4 carré, illustré en chromotypographie,
vignettes et camaïeux. , ». 25 tr.
Le même ouvrage, sur japon impérial 100 fr.
CONTES RUSSES
Texte et illustrations, par L. S I C H L E R
Un magnifique volume gr. in-4, ''^^'^^ '^'"'^ couverture en chromotypo-
graphie, et plus de 200 dessins ou planches représentant des scènes,
des costumes, des ornements russes 2 5 fr.
Le même ouvrage sur fort vélin de Hollande... 40 fr.
CENT PROVERBES JAPONAIS
ParF.STEENACKERSetUÉDATOKUNOSUKÉ
Un beau volume in-4, l'ichement illustré à la japonaise en noir et en
couleurs, fort papier teinté ... 25 fr.
PÉRIODIQUES
The Academy, n» 708, 28 novembre i885 : A new English dictionary
on historical principles, founded mainly on the materials collected by
the Philological Society, cdited by J. A. H. Murray. Part II, and-bat-
ten. (Bradley : même soin, même abondance de matériaux que dans
le volume précédent, même valeur de l'œuvre.) — Edm. Gosse,
From Pope to Shakspeare (Dow : livre qui désappointe; du goût, du ju-
gement, de l'éclat, un style aisé, de nouveaux et intéressants détails,
mais l'ouvrage a gardé l'allure de conférences; il renferme des répéti-
tions).— OvERTON, Life in the English church, 1660-1714. (Court-
ney : livre plein d'informations qu'on lira avec plaisir et profit.) —
RoDRiGUEs, "The Panama Canal, its history, its political aspects and
financial difficulties. (Brown.) — Murdoch, A history of constitutional
reform ; Heaton, The three triumphs of Parliament, a history, i83o-85.
(Leach). — Notes and news (M. Dorpfeld aurait découvert à Athènes
entre le Parthenon et TErechtheion des restes d'un palais préhistorique
semblables à ceux qu'on a trouvés à Hissartik et à Tirvnthe). — The
proposed University of London (Pearson). — Dr Morris édition of
« Chaucer's prologue », etc. (Furnivall). — The Yorkshire « dales »
(Isaac Taylor). — A curious pronominal from (Zupitza). — « A » his-
torical sketch or « an » historical sketch ? (Baumgartner). — Byrne, Ge-
neral principles of the structure of language, 2 vols; Noire, Logos,
Ursprung und Wesen der Begriffe. (Sayce : insiste surtout sur l'ouvrage
de Byrrîe qui est plein de bon sens et de remarques suggestives.) — Se-
bastiano del Piombo in a new light. III. (Bradley.) — The Tirynthian
Bull (Rob. Brown, jun.).
The Athenaeimi, n» 3o3i, 28 novembre î885 : Leslie Stephen, Life of
Henry Fawcett. — Overton, Life in the English church, i66o-;7i4.
— Greek Folk-Songs from the Turkish provinces of Greece, literal and
metrical translation by Lucy M. J, Garnett, classified, revised a. edi-
ted with an historical introduction by Glenniet. (<f An honest pièce of
work », à recommander à tous ceux qui désirent connaître la poésie po-
pulaire des Grecs.) — Cotterill, Suggested reforms in public schools.
— Balfour, The Cyclopaedia of India and of Eastern and Southern
Asia, commercial, industrial and scientific. (Monument d'une érudition
vaste et patiente; vademecumdu publiciste, du fonctionnaire anglo-in-
dien ; œuvre dont on ne saurait trop louer la « magnitude and utility »).
— Nebo in Canaan (Neubauer). — Two Russian writers (mort de Ka-
lachof et de Karnovich ; Kalachof, directeur des archives, fondateur de
l'Institut archéologique deS.-Petersbourg, auteur de nombreux travaux
sur l'histoire et les institutions de la Russie; Karnovich, mort le même
jour que Kalachof, le6 nov., auteur de « L'ordre des chevaliers de Malte»,
« Personnages remarquables et énigmatiquesdu xvni" siècle », etc.). —
Benchers of the Inner Temple in Lamb's day. — Notes from Rome
(Lanciani). — The Red Bull playhouse in the reign of James I.
(Greenstreet.)
^ Literarisches Centralblatt, n" 49, 28 nov, i885 : 7. Barth, Beitrage zur
Erkiarung des Jesaia. (Recommandable.) — Pearson, The prophecy of
Joël, its unity, its aim and the âge of its composition. (Fait avec grand
soin.) — ■ Savio, studi storici sul marchese Gugiielmo III di Monferatto
edi suoi tigli. (Travail très soigné qui renferme beaucoup de choses
nouvelles.) — Quidde, Studien zur Geschichte des rheinischen Land-
triedensbundes von 1254. (Beaucoup de remarques utiles.) — Holzherr,
Geschichte der Reichsfreiherren von Ehingen bei Rottenburg. — Hor-
ric de Braucaire, Une mésalliance dans la maison de Brunsvvick, i665-
1725, Eléonore Dcsmier d'Ûlbreuse, duchesse de Zell. (Récit complet,
impartial, fidèle à la vérité historique et attachant.) — Kiepert, physi-
kalische Wandkarten, Afrika. — Socin, Arabische Graminatik, Para-
digmen, LiteraCur, Ghrestomathic u. Glossar. (Très bon.) — Raich,
Shakspeare's Stellung zur katholischen Religion. (Ne prouve rien;
Rtimelin seul a raison de dire que Shakspeare était un chrétien sans
confession.) — Buchholz, die Homerische Gotterlchrc, auf Grundlage
der homerischen Dichtungen dargcsteilt. (L^auteur ne tient aucun
compte des travaux récents.) — Wossidlo, Volksthûmliches aus
Mecklenburg, I, Beitriige zum Thier := und Pflanzenbuch ; Thierge-
sprache, Rathsel, Legendenu. Redensarten aus dem Volksmunde gesam-
melt. — Knoop, Volkssagen, Erzahlungen, Aberglauben, Gebrauche
und Miirchen aus dem ostlichen Hinterpommern. (Complète fort bien
le livre de Temme, « die Volkssagen von Pommern und Rûgen ».) —
l he american Journal of Archaeology, I, i. (Promet beaucoup.)
Deutsche Literattirzeitung-, n" 48, 28 novembre i885 : Barth, Beitrage
zur Erklilrung, des Jesaia (Nowack : court et instructif). — Nourris-
son, Pascal, physicien et philosophe (Natorp : peu de points de vue nou-
veaux, mais quelques faits historiques qui n'étaient pas connus ou l'é-
taient inexactement). — Hoernle a. Grierson, A comparative dictio-
nary of the Bihari language, I, a-agmânî (A. Weber : commencement
d'une publication pleine de zèle et de soin ; chaque mot est traité dans
le plus grand détail; on craint presque que l'œuvre, ainsi poursuivie,
ne puisse aboutir). — Roquette, de Xenophontis vita. (Dittenberger :
dissertation soignée et féconde en résultats; cp. un prochain art. de la
Revue critique.) — Autolyci de sphaera quae movetur liber. De orti-
bus et occasibus libri duo, p. p. Hultsch (Curtze : bien fait et intéres-
sant). — A. Gellii Noctium Atticarum libri XX, p. p. Hertz, vol. II.
(H. J. Millier : œuvre du savoir le plus solide aujourd'hui terminée; la
plus grande « accuratesse »). — G. Hauff, Christian Friedrich Daniel
Schubart in seinem Leben und seinen Werken. (A. Sauer : très bon.)
— Karl Rieger, Verhaltnis zur franzosischen Révolution. (Minor :
assez bon.) — H. HiiFFER, Erinnerungen an Schiller mit bisher unge-
druckten Briefen von Herder, Schiller u. Gœthe. (D. Jacoby : contri-
butions très attachantes.) — Wetz, die Anfiinge der ernsten btirgerlichen
Dichtung des XVIII. Jahrhunderts, I. (A. S. : important, mais semble
trop long.) — Acta imperii inedita seculi XIII et XIV, Urkunden u.
Briefe zur Geschichte des Kaiserreichs u. des Konigreichs Sicilien in
den Jahren 1 198-1400, hrsg. von E. Winkelmann, I u. II. (Wenck :
publication du plus haut prix). — Kindler von Knobloch, Das Goldene
Buch von Strassburg, I (Schulte : travail qui comptera parmi les plus
méritoires sur le domaine de l'histoire d'Alsace). — Jahrbuch fiir Ge-
schichte, Sprache u. Literatur Elsass-Lothringens I. (Hollaender: aura
le premier rang parmi les publications semblables qui paraissent en
Alsace.) — Jaworkij, Reise der russischen Gesandtschaft in Afghanistan
u. Buchara 1878-79. — FuRTwaNGLER, Beschreibung der Vasensamm-
lung im Antiquarium, I. (Winter).
Bsrliner Philologische Woclienschrift. n° 47, 21 novembre i885; A. Hei-
MER, Studia Pindarica (L. Bornemann : à lire). — Hor.4tii Flacci
Epistulae, edited with notes by A. S. Wilkins (W. Mewes : bon livre
déclasse). — Cornelii taciti Germania erklârt von K.Tucking. Sechste
verbesserte Auflage (A. Eussner : utile). — H. Lavoix, Histoire de la
musique (E. v. Stockhausen : recommandable comme précis). — Die
GYPSABGUssE ANTiKER BiLDWERKE iui kgl , Museum zu Berlin. Von
C. Friederichs. Neu bearbeitet von P. Wolters (E. Kroker, en louant
cet excellent livre, présente quelques utiles remarques de détail). —
Griechische grammatik, bearbeitet von K. Brugmann (K. Bruchmann :
il s^igit de la grammaire grecque qui fait partie du Handbuch d'Iwan
Mûller ; le crinque n'a pas trouvé le livre facile à lire).
Gœttingische gelehrte Anzeigen, n° 23, i5 nov. i885 : Kurschat, Littau-
isch-deutsches Worterbuch ( Bezzenberger : très long article de la
page go5 à la page 948. Kurschat est mort depuis la publication de son
ouvrage; on a beaucoup de critiques à lui faire et quelques excuses
qu'on puisse donner en sa faveur, son oeuvre est insuffisante, elle est
même relativement au-dessous de celle de Nesselmann qui a paru
trente-deux ans auparavant, et qui est encore indispensable, surtout au
point de vue philologique).
Theologische Literaturzeitung, n° 23, 14 nov. i885 : Zôckler, Handbuch
der theologischen Wissenschaft, V. (Nestlé). — H. A. W, Meyer, Kri-
tischexegetischer Commentar liber das Neue Testament, I, 2, p. p.
Weiss. — Charteris, The New Testament scriptures, their claims, his-
tory and authority (Lemme). — Eugippii Opéra, I p. p. Knoell (Lip-
sius : fait avec grand soin). — V. Salis, Agrippa d'Aubigné, eine
Huguenottengestalt ; Ochsenbein, Ein Fluchtling der St. Bartholo-
mausnacht (Schott : deux petits écrits intéressants; le second est consa-
cré à Jean de Léry). — Glocl, HoUands kirchliches Leben (Achelis :
très instructif). — Rud. v. Scherer, Handbuch des Kirchenrechts, I, i
(K, Kôhler). — Clûver, die Bendersche Lutherrede und ihre Gegner
(Kattenbusch). — Stûven, Darstellung und Kritik der Grundsiitze des
Materialismus (Reischle).
Wochenschrift fur klassische Philologie, 21 octobre i885, n° 43 : H. Weil,
Eschyle, Prométhée enchaîné (Oberdich : discussion de quelques ques-
tions de détail). — H. Merguet, Lexicon zu den Schriften Caesars,
2"= Lief , et H. Meusel, Lexicon Caesarianum. Fasc. H, III. (Kleist :
le travail de Merguet, qui s'appuie seulement sur le texte de Nipperdey,
n'est ni solide ni complet; celui de Meusel, fruit de longues et sérieuses
études, est fort recommandable.) — P. Hofer, der Feldzug des Germa-
nicus im Jahre 16 n. Chr. (G. A. : étude bien ordonnée et brillante,
mais nullement convaincante.) — H, Schliemann, Vortrag liber die
neuesten Ausgrabungen in Tiryns (Bûrchner).
— 28 octobre i885 : no 44 : E. S. Calvo, Estudios filologicos
(Gruppe : n'est pas sans originalité, mais manque de méthode ; excessi-
vement audacieux et arbitraire). — P. Hirsch, Phrygiae de nominibus
oppidorum (Schmidt : la liste des villes est utile, le latin exécrable,
l'impression fort incorrecte). — Libellus Historico-Criticus, in quo,
quomodo ultimis a. Chr. saeculis Judaismus cum Paganisme coaluerit,
Philonis ihesophiae ratione sub finem habita, expos. P. V. Schmidt
(Otto : travail soigné et savant, l'auteur regarde à tort le « philonisme »
comme une fusion du judaïsme et du paganisme). — Euripides' Iphige-
nie in Taurien. Textausg. fur Schulen von Chr. Ziegler (Sitzler : très
recommandable). — Grosse, liber Isokrates'Trapezitikos (Keil : essai
profond et fort utile, combat l'authenticité du 17° discours d'I.).
— L. Englmanns Grammatik der latein. Sprache, 12^ Aufl., bearb. von
Welzhofer. — Verzeichniss aller Programme der bayerischen Lyzeen
etc. von J. G. Zeiss. III. Abteilung : Die Schuljahre 1873-1874 bis
1883-1884.
Le fuy, imprimerie AJ arc): es s ou /lis, boulevard Saint- Laurent, ■/'■i.
N" 51 Dix-neuvième année 21 décembre 1885
"revue CRITiQUE
0' HISTOIRE ET DE LIT TER A J U R E
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. J. DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARIS
Secrétaire de la re'daction : M. A. Gkuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Pans, 20 fr. — Départements, 22 fr, — Etranger, 25 fr.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
Adresser les communications concernant la rédaction à M. A. Chuquet
t Au bureau de la Revue : rue Bonaparte, 28),
LIVRES NOUVEAUX POUR ÉTRENNES
LA
LÉGENDE DE MONTFORT LA CANE
Texte par le Baron Ludovic DE VAUX
Illustrations en couleur, par Paul Chardin.
Un volume de luxe, in-4 carré, illustré en chromotypographie,
vignettes et camaïeux v e . 2 5 fr.
20 exemplaires sur fort vélin de Hollande à la cuve 5o fr.
10 exemplaires sur japon impérial 100 fr.
CONTES RUSSES
Texte et illustrations, par L. SICHLER
Un magnifique volume gr. in-4, ^'^^'^ ^^^^ couverture en chromotypo-
graphie, et plus de 200 dessins ou planches représentant des scènes,
des costumes, des ornements russes 2 5 fr.
Le même ouvrage sur fort vélin de Hollande 40 fr.
CENT PROVERBES JAPONAIS
ParF.STEENACKERSetUÉDATOKUNOSUKÉ
Un beau volume in-4, richement illustré à la japonaise en noir et en
couleurs, fort papier teinté 25 fr.
PÉRIODIQUES
The Academy, n° 709, 5 décembre i885 : The Apostolic Fathers, part.
II, S. Ignatius, S. Polycarp, revised texts, with introductions, notes,
dissertations a translations by Lightfoot (Salmon : 2" art.). — Higgin-
sON, A larger liistory of the United States of America to the close of
Président Jackson's administration (Doyle : de sérieuses qualités, mais
manque de proportions). — Greswell, Our South African Empire
(Worsfold). — Jeans, England^s Supremacy, its sources, économies and
dangers (Tipping). — Notes and news (annonce un livre sur Shaftes-
bury par M. Traill; un art. sur Walter Scott dans 1' « Encyclopaedia
britannica », par M. Minto ; une nouvelle collection, la « National Li-
brary » de Cassell, dirigée par M. Morley, et composée de volumes à
trois pence [le « Warren Hastings » de Macaulay, le « Complète An-
gler » d'Isaac Walton, le « Man of feeling » de Mackenzie, le « Childe
Harold » de Byron et l'autobiographie de Franklin] ; un ouvrage de
M. Meiklejohn « The English language »). — Correspondence : « With
the king at Oxford » (Church). — On the te.xt of the Senchas Mar
(Whitley Stokes). — « A » historical sketch or « an » historical sketch
(R. Martineau). — Dr Morris's édition of « Chaucer's Prologue, etc. »
(Lendrum). — Revue egyptologique, 2^ année, 1881-1882, 3° année,
1883-4-5 (Am. B. Edv^ards).
The Athenaeum, n° 3o32, 5 déc. i885 : Spécimens of English prose
style, selected and annotated, with an introductory préface, by
G. Saintsbury. — Dalton, Life a. times of gênerai Sir Edward Cecil,
Viscount Wimbledon, i6o5-i638. 2 vols. — The Byron quarto of 1806
and its variantes. — Charles Lamb and the old benchers of the Inner
Temple (Ainger). — Literary gossip (M. Gôschen prépare, dit-on, une
biographie de son grand-père qui publia les œuvres de Gœthe, de Schil-
ler et de Wieland; la ville de Dessau va célébrer le centième anniver-
saire de la mort de Moïse Mendelssohn). — Eug. Muntz, Donatello
(L'auteur du compte-rendu critique quelques conclusions ou idées gé-
nérales de l'auteur, et loue son labeur assidu, l'art avec lequel il ar-
range ses matériaux biographiques et expose la suite de l'œuvre de
Donatello, l'enthousiasme qu'il a pour son sujet et qu'il communique
au lecteur). — The <i Eumenides » at Cambridge.
Literarisches Centralblatl, no 5o, 5 décembre i885 : Schiffer, das Buch
Kohelet, L — Rabier, Leçons de philosophie, I, Psychologie (clair et
élégamment exposé). — Ré'e, die Entstehung des Gewissens. — Miscel-
lanea di storia italiana, XXIV. — Urkundenbuch der Vogte von
Weida, Géra und Plauen, I, ii22-i356, p. p. B. Schmidt. — Roos-
CHûTZ, Owen, seine Geschichte und seine Dcnkwûrdigkeiten. (Travail
sur une petite ville du Wurtemberg.) — Wlassak, Kritische Studien
zur Théorie der Rcchtsquellen im Zeitalter der classischen Juristen. —
Paradigmen der arabischen Schriftsprache, hrsg. von der Lehranstalt
fur orientalische Sprachen in Wien. (Publication intéressante de l'E-
cole des langues orientales vivantes de Vienne.) ~ Merguet, Lexicon
zu den Schriften Casar und seiner Fortsetzer, II u. III Liefer. (Livrai-
sons qui seront les bienvenues.) — Maeellini, Délie rime di Benvenuto
Cellini (travail méritoire, .'^tyle attachant ) — Schipper, William Dun-
bar, sein Leben und seine Gedichte in Analysen und ausgewilhlten
Uebersetzungen nebst einem Abriss der altschottischen Poésie (travail
qui offre non seulement une histoire de Dunbar, mais une vue d'ensem-
ble sur toute la littérature écossaise des anciens temps; ce travail est
tort bien fait; c'est le modèle d'une étude scientifique exposée néan-
moins avec assez d'habileté pour qu'elle plaise au grand public).
LIBRAIRIE HACHETTE ET C'% BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79, PARIS
NOUVELLES PUBLICATIONS ILLUSTRÉES
\
LE CANTIQUE DES CANTKJUES
Traduit de l'hébreu par E. kei^aw, de l'Académie française,
ET ACCOMPAGNÉ DE 25 EAUX-FORTES D'ED. BÉDOUIN ET D'ÉM. BOILVIN
D'après les dessins de BIDA
Un volume de 15 feuilles grand in-folio, imprimé sur papier vélin du Marais et
renfermé dans un carton : Prix : 100 francs.
Il a été tiré : 50 exemplaires sur papier du Marais-, 50 exemplaires sur papier
du Japon et 10 exemplaires sur papier de Chine. Tous ces exemplaires sont numé-
rotés; le prix de chacun de ces exemplaires, renfermé dans un carton, est de200fr.
LE SIXIÈME RÉCIT
DES TEMPS MÉROVINGIENS
UN FASCICULE DE NEUF FEUILLES GRAND IN-FOLIO
TIRÉ A 210 EXEMPLAIRES ET CONTENANT 6 GRANDS DESSINS DE JEAN-PAUL LAURENS
Reproduits par le procédé de MM. Goupil et Cie
Il a été tiré de ce fascicule : 120 exemplaires sur papier de Hollande ; 50 exem-
plaires sur papier Whatmann; 10 exemplaires sur papier de Chine; 30 exemplaires
sur papier du Japon. Tous ces exemplaires sont numérotés.
Prix de chaque exemplaire renfermé dans un carton : sur papier de Hollande,
75 fr.; sur papier Whatmann, 80 fr.; sur papier de Chine, 100 fr. ; sur papier du
Japon, 120 fr.
RAPHAËL
SA VIE, SON ŒUVRE ET SON TEMPS
I»ai' EîUGÈKE SSÏJRIXZ:
Conservateur de l'École des Beaux-Arts.
(Ouvrage couronné par V Académie française)
NOUVELLE ÉDITION ENTIÈREMENT REFONDUE
CONTENANT SîO PLANCHES riRÉES A PART ET 1 S^ie REPRODUCTIONS DE TABLEAUX OU
FaG-SIMiLÉS de DESSINS INSÉRÉS DANS LE TEXTE
Broché, 2 5 fr. ; relié, 33 fr.
LA TERRE A VOL D'OISEAU
i»ai- oxÉsiaïE «E«;;n[j©
UN MAGNIFIQUE VOLUME GRAND !N-8 JÉSUS
CONTENANT 500 GRAVURES SUR BOIS ET 10 CARTES
Broché, 20 fr. ; cartonné richement avec fers spéciaux, tranches dorées, 25 fr.
DAVID COPPERFIELD
ROMAN TRADUIT DE L'ANGLAIS AVEC L'AUTORISATION DE L'AUTEUR
UN MAGNIFIQUE VOLUME GRAND l\'-8
Illustré de 70 gravures d'après Barnard et Tonneau.
Broché, 6 fr. 50; cartonnage tranches rouges, 8 fr.
LIBRAIRIE HACHETTE ET C'% BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79, PARIS
NOUVELLES PUBLICATIONS ILLUSTRÉES
NOUVELLE COLLECTION IN-8
A L'USAGE DE LA JEUNESSE
Chaque volume broché, Sî fr. Cartonné en percaline à biseaux, tranches dorées, 8 fv
HISTOIRE D'UN BERRICHON
PAR J. GIRARDIN
UN VOLUME ILLUSTRÉ DE 112 GRAVURES
O'après XOFiVlVI
HERVE PLEMEUR
PAR m^^ COLOMB
UN VOLUME ILLUSTRÉ DE 112 GRAVURES
D'après E. ZIER
LES MAISONS DES BETES
PAR M"^^ GUSTAVE DEMOULIN
UN VOLUME ILLUSTRÉ DE 70 GRAVURES
NOTRE-DAME GUESCLIN
I.A JACQUERIE — DELHI ET CAWNPORE
SCÈNES HISTORIQUES
PAR iVl'"^ DE WiTT, née CUIZOT
UN VOLUME ILLUSTRÉ DE 70 GRAVURES
O'après E. ZIEÏt et XOFAIVI
Format in- 16
BIBLIOTHÈQUE DES MERVEILLES
Publiée sous la direction de M. EDOUARD CHARTON
Chaque volume broelâé : S fi-. ^îî e.
CARTONNÉ EN PERCALINE BLEUE, TRANCHES ROUGES, 3 FR. 50 C.
V Œuf chez les plantes et chez les animaux,
par E. Capus. 1 vol. illustré de 143 gravures.
Le monde des atomes, par "\V. de Fonvielle.
1 volume illustré de 40 gravures.
La parole, par P. Laffitte. 1 \'olume illustré
de 24 gravures.
La navigation aérienne, par G. TissanJier.
1 volume illustré de 98 gravures.
BIBLIOTHEQUE ROSE ILLUSTREE
Cliaque volume broché s S fr. %Sî e.
LE CARTONNAGE EN PERCALINE ROUGE, TRANCHES DORÉES, SE PAYE EN SUS, 1 FR. 25 C.
La tour du Preux, par Mlle E. Carpentier,
1 volume illustré de 59 gravures.
' gra\
L'enfant des Alpes, par Mme A. Cazin. 1 vo-
lume illustré de 33 gravures.
Gildas l'intraitable , par Mlle Z. Fleuriot.
1 volume illustré de 56 gravures.
Une 2)elite nièce d'Amérique, par Mlle de Mar-
tignat. 1 volume illustré de 43 gravures.
Les deux tantes, par Mme de Stolz. 1 volume
illustré de 43 gravures.
BIBLIOTHEQUE DES PETITS ENFANTS
DE 4 à 8 ANS
Chaque volume format iii-K», brochet 9 fr. Î82î c.
TRANCHES DOREES , 3 FR. 50 C.
CARTONNE EN PERCALINE BLEUE ,
Plaisirs et aventures, par Mme Chéron do la
Bruyère. 1 volume illustré de 38 gravures.
LMns notre classe, par J. Girardin. 1 volume
illustré de 26 gravures.
Les amis de Bevthe, par André Surville.
1 volume illusti'é de 30 gravures.
Petite, par Mme de Witt, née Guizot. 1 vo-
lume illustré de 56 gravures.
Grcenaxvay (Miss Kale) : Pour les enfants sages. Tuxle et dessins de Kate
Greenaway, interprétation de J. Girardin. 1 volume petit in-8, contenant de
nombreuses planches en couleurs. Cartonné 8 fr. »
— Almanach illustré pour 1886 1 fr. 25
— Alphabet illustré » fr. 75
Le Puy, imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint- Laurent, 23.
N" 52 Dix-neuvième année 28 décembre 1885
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PDEI.IÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. J. DARMESTETER, L. HAVET, G. MONOD, G. PARÎS
Secrétaire lie la rédaciion : M. A. Chuquet
Prix d'abonnement :
Un an, Pans, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, 23 ir.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE l.' ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
Ad)€sse> les communiccxlions concernant la rédaction à M. A. Chuquet
(Au bureau de l<i Keviie : rue Bonaparte, 28).
LIVRES NOUVEAUX POUR ÉTRENNES
LA
LÉGENDE DE MONTFORT LA CANE
Texte par le Baron Ludovic DE VAUX
Illustrations en couleur, par Paul Chardin.
Un volume de luxe, in-4 carré, illustré en chromotypographie,
vignettes et camaïeux 25 fr.
'O'
20 exemplaires sur fort vélin de Hollande à la cuve 5o fr.
10 exemplaires sur japon impérial 100 fr.
CONTES RUSSES
Texte et illustrations, par L. S I G H L E R
Un magnifique volume gr. in-4, ^'^^^ ""^ couverture en ehromotypo-
graphie, et plus de 200 dessins ou planches représentant des scènes,
des costumes, des ornements russes 2 5 Ir.
Le même ouvrage sur fort vélin de Hollande.. 40 fr.
CENT PROVERBES JAPONAIS
ParF.STEENACKERSeiUÉDATOKUNOSUKÉ
Un beau volume in-4, richement illustré à la japonaise en noir et en
couleurs, fort papier teinté , 25 fr.
PÉRIODIQUES
The Academy, n" iio, !2 àéc. i885 : Leslie Siephen, Life of Henry
Fawcelt (Macdonell). — William Lloyd Garrison, ; 805-1879, the
story of his life, told by his children. I a. II. — Capt. R. G. Temple,
The legends of ihe Panjâb (Ralston). — Tvvo new literary societies
(Fondation de deux nouvelles sociétés, la société Shelley, par MM. Fur-
nivall, Rossetti, Todhunter, etc., et la société anglaise de Gœthe, fon-
dée par MM. Blackie, Dowden et Leeley). — « With the king at Ox-
ford » (S. R. Gardiner). — Thomas Heywood and Italian novelists
(Symonds). — An Anglo-Saxon missal ta Worcester (Warren). — The
Russian novelist Dostojewsky (H. Schtitz Wilson). — Leist, Graeco-
itali.-xhe Rechtsgeschichte (Hager).
The Athenaeum, n° 3o33, 12 décembre i885 : Kebbel, A history of
torysm, from the accession of Mr. Pitt to power in 1783 to the death
of Lord Beaconsfield in 1881 (intéressant). — The Apostolic Fathers,
part II, S. Ignatius, S. Polycarp, revised texts, with introductions,
notes, dissertations and translations, by Lightfoot. 3 vols. — Mrs.
Innés, The Chersonese with the Gilding Off. — Memoirs of Mary,
queen of England, 1 689-1 693, with letters, edited by Doebner. —
Keats at Guy's Hospital (Rendle). — The Byron quarto (Edgcumbe).
— Greek folk-songs and the science of folk-lore (Glennie).
Literarisches Centralblatl, n" 5i, 12 déc. i885 : Bruddensieg, Johann
Wiclif und seine Zeit. (Petit écrit d'une grande clarté.) — Lotze,
Kleine Schriften. — H. Droysen, Untersuchungen ûber Alexander des
Grossen Heerwesen u. Kriegfiihrung. (Travail très instructif et indis-
pensable.) — Culturhistorischer Bilderatlas, I, Alterthum, bearb. von
Th. ScHREiBER (à recommander de la façon la plus pressante à tous les
amis de Pantiquité et à tous les philologues), — Richter u. Kohl, An-
nalen des frankischen Reiches im Zeitalter der Karolinger. I, von der
Thronbesteigung Pippin's bis zum Tode Karls des Grossen. (Sera très
utile.] — KuGLER, Albert von Aachen (recherches détaillées et pénétran-
tes sur cet auteur d'une « Historia Hierosolymitana »). — Preger, die
Politik des Papstes Johann XXII in Bezugauf Italien und Deutschland.
(Travail très recommandable.) — Gesprache Friedrichs des Grossen mit
H. de Catt und dem Marchese Lucchesini, kritisch festgestellte
Auswahl, in deutscher Uebersetzung hrsg. von Fr. Bischoff. (Choix
bien fait.) — Schnurer, Falkenberge. — IbnGinnii de flexione libellus,
arabice nunc primum edidit in latinura sermonem transtulit notis illus-
travit HoBERG. — Aristoteiis ars rhetorica, p. p. Roemer (édition qui sera
le point de départ de tous les travaux critiques sur l'ouvrage). — Ho-
CHART, Etudes sur la vie de Sénèque. (Même ouvrage que « Sénèque et
la mort d'Agrippine », signé Dacbert; même jugement à porter; on
regrette toujours le manque de sens historique et de culture philologi-
que.) — Menge u. Preuss, Lexicon Caesarianum, i . (Tient le milieu
entre la méthode de Meusel et celle de Merguet, remarquable surtout
par sa concision.) — Incerli auctoris liber de origine gentis romanae,
p. p. Sepp. — Brandt, der St. Galler Palimpsest derdiuinae institutiones
des Lactaniius. — Wustenfeld, die Gelehrîen-Familie Muhibbi in
Damascus und ihre Zeitgenossen im XI (XVII) Jahrhundert. (Très im-
portant et d'un fort grand prix pour l'histoire de la littérature arabe.) —
P. ZiMMERMANN, der jûngste Kampf um die Burg Dankwarderode in
Braunschweig.
LIBRAIRIE HACHETTE ET G'", BOULEVARD SA1NT-GERMAIN,79, PARIS
IwuvniErinjmjcJndN^
Format grand in-^o
OPELLE GEOfiRAPfllE «NIVERSEUIî
LA TERRE ET LES HOMMES
PAR ELISÉE RECLUS
TOME XI. — L'AFRIQUE bEPTENTRIOMALE
Deuxième partie
"TRI POL-ITAI NE — TUNISIE— AL-GÉRIE ET MAROC
UN MAGNlFiQUK VOLUME iN-8" JKSUS
Contenant 5 cartes en couleurs 200 cartes insérées dans le texte et 85 gravures sur bois.
Broché : 30 fr. ; relié richement, avec fers spéciaux, tranches dorées, S'y fr.
GÉOGUAPIIli: DE L'EUROPE
Goinplèle en 5 volumes.
Tome i" : l'euroi^e mékho.
Tome H : la. fkawjck.
Tome ilt ; i.'î!:uiat>ï»Si oiii^xis.
TOMK iV : t.'KBJ3ÈOî"-Eî KïtT K.-O.
Tome V : l'kïj Bsos*K scAMOi-
géographie: dk i.'asîe
Gomplète en 4 volumes
Tome VI : l'asie riusse. i Tome VIII : R.'aRJOE ett b.'briï>o-ch
Tome VH : l'asie omieivxable. | Tome IX : l'asie AiwxÉBîaEURE
GÉOGRAPHIE DE L'ÂFUIQUE
ToMiiX : LAFRIQUE SEPTENTRIONALE
Ife ParUe : Bassin du Nil : Soudan égyptien, Ethiopie, Nubie, Egypte
contenant 3 caries en couleurs, lU cartes dans le texte et 56 gravures sur bois.
Prix de chaque volume, à l'exception du volume X : broché, 30 fr. ; relié, îS'î fr.
Prix du volume X : broché, so fr. ; relié, S'î' fr.
Oîivi'age oouigiiet.
LES CHRONIQUEURS DE L'HISTOIRE DE FRANCE
DEPUIS LES ORIGINES JUSQU'AU XVP SIÈCLE
texte abrégé, GOOIIDONNÉ ET TRADUIT
Par Madame de WITT, née GUIZOT
QUATRIÈME ET DERNIÈRE SÉRIE
LES CHRONIQUEURS DE MONSTRELET A COMMINES
LN SlAGNiFlQIJE VOL. lN-80 JÉSLS
Contenant S planches en chromolithographie, 46 grandes planches tirées en noir,
et 313 gravures intercalées dans le texte
Broché, s» fr; relié richement, avec fers spéciaux, tranches dorées, -40 fr.
En vente i'*^ série : Les Chruuiqueurs ac Grégoire de Tours à Guillaume de Tyr.
'i'' série : Les Gliroiuqueurs de Siujer à froissart.
o" série ; Les Glirontqueurs de Froissart à Monstrelet-
C;liia«îue volume se vend «séparénient :
Broché, s** fr. ; relié richement, tranches dorées, -SO fr-
LE MONDE PHYSIQUE
Par Amédée GUILLEMIN
CINQ i'dAGNIFiQUES VOLUMES GRAND ]N-8« JESUS
Contenant 31 planches encouL, 64 planclies en noir et 204<? grav. dans le texte.
Tome 1er : la Pesanteur el la gravilalion universelle. — Le Son. 1 vol. avec t! planches en
couleurs, 23 planches en noir en 445 gravures dans le texte, 25 francs.
Tome II : la Lumière. 1 vol. avec 13 planches en couleurs, 13 planches en noir et 353 gra-
vures dans le texte, 20 francs.
Tome m : le Maynélisme et l'Eleclricitê. 1 vol. avec 5 planches en couleurs, 20 planches en
noir et 577 gravures dans le texte, 30 francs.
Tome IV ; la Chaleur. 1 vol. avec 1 planche en couleurs, S planches en noir et 3i4 gravures
dans le texte, 20 francs.
Tome V : la Météorologie, La Physique moléculaire. 1 vol. avec 9 planches en couleurs,
20 planches en noir et 313 gravures dans le texte, 30 francs.
La reliure de chaque volume, tranches dorées, se paye en sus 7 francs.
LIBRAIRIE HACHETTE ET C'\ BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79, PARIS
NOUVELLES PUBLICATIONS ILLUSTRÉES
FORMAT IN-40
LE TOUR DU MONDE
NOUVEAU JOURNAL DES VOYAGES
Publié sous la dii-ection de M. Édouai-tl CH/1lE%TOX
ET TKÈS RICHEMENT ILLUSTRÉ PAR NOS PLUS CÉLÈBRES ARTISTES
ANNÉE 1885
Elle contient les voyages
De M. G. RÉvoiL, chez les Benadirs, les Comalis et les Bayouns; de M"^ Dieu-
LAFOY, en Perso; de M. Charles Grad, en Alsace; de M. E. Guimet, dans l'Inde;
du D' Deschamps, aux îles Willis; de MM. Gagnât el Baladin, en Tunisie; de
M. Camille Lemonnier, en Belgique; du D' Hyades, au cap Horn; du D' Neis,
dans le Haut-Laos ; de M. Thomson, au pays des Massai ; de M. Aylic Marin, en
Océanie.
Est illustrée de 500 gravures sur bois , et renferme 25 cartes ou plans.
PRIX DE l'année 1885, BROCHÉE EN UN OU DEUX VOLUMES, 25 FR.
Le cartonnage en percaline se paye en sus : en un vol., 3 fr. ; en deux vol. 4 fr.
La demi-reliure chagr., tranches dorées: en un vol., 6 fr. ; en deux vol., 10 tY.
La demi-reliure chagrin, tranches rouges semées d'or : en un volume, 7 fr. ;
en deux volumes, 12 fr.
LES VINGT-SIX PREMIÈRES ANNÉES SONT EN VENTE
Les années 1870 et 1871 ne foriiienl ensemble qu'un seul volume, la collection
comprend actuellement 25 vol., qui contiennent 350 voyages, environ 14,500 gra-
vures et 470 cartes ou pla7is, et se vendent chacun le même pnx que Vannée
ci-dessus annoncée.
Une table analytique et alphabétique des 25 volumes est en préparation.
FORMAT GRAND IX-S"
LE JOURNAL DE LA JEUNESSE
nouveau' RECUEIL HEBDOMADAIRE ILLUSTRÉ
ANNÉE 1885
Les treize premières années de ce nouveau recueil forment vingt-six magnifiques
volumes grand iu-8 et sont une des lectures les plus attrayantes que l'on puisse
mettre entre les mains de la jeimesse. Elles contiennent des nouvelles, des contes,
des biographies, des récits d'aventures et des voyages, des causeries sur 1 histoire
naturelle, la géographie, l'astronomie, les arts et l'industrie, etc.
'• Illusts-êe de Tj^OO gi>avui*es sui- boi»
PRIX DE CHAQUE ANNÉE, BROCHÉE EN DEUX VOLUMES, 20 FR.
Chaque semestre formant un volume se vend séparément 10 fr.
Le cartonnage en perçai, rouge, tranches dorées, se paye en sus, par vol., 3 fr.
MON JOURNAL
Recueil mensuel
f'OUR LES ENFANTS DE CINQ A DIX ANS
Publié sous la direction de Mme Pauline KERGOMARD et de M. Charles DEFODON
4." ANNÉE (1884-1885)
Un vol. in-8, illustré de nombreuses gravures sur bois. Cartonné 2 fr. 50.
Le ruy. imprimerie Marchessou fils, boulevard Saint- Laurent, 2 3.
■::^-'^i
r
-m:' '■
-J
Revue critique d'histoire et
de littérature
PLEASE DO NOT REMOVE
CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET
UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY
•»
i: ^^'
^>^: i
RçîL.
'^%M^
>:m
^mm
v^ >.
i^ ■■■ r v.' --^'i'-^ v'"-'-
-"■ ,^-.
IkÂ