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Full text of "Revue critique d'histoire et de littérature"

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REVUE   CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


DIX-NEUVIEME  ANNEE 
I 
(Nouvelle    Se'ric.    —    Tome    XIX)- 


REVUE  CRITIQUE 


D'HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE 


PUBLIEE    SOUS    LA    DIRECTION    DE 


MM.    J.  DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.   MONOD,  G.   PARIS 


Secrétaire  de  Ja  Rédaction  :  M.  A.  Chuqukt 


DIX-NEUVIÈME  ANNÉE 


PRtMlEU    SEMESTRE 


Nouvelle    Série.    —   Tome   XIX 


PARIS 

ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE    DE    LA    SOCIÉlÉ    ASIATIQUE 
Il  ^       1.  '  K  C  O  L  E     P  E  S     LANGUES     ORIENTALES     VIVANTES,      ETC. 

28,    RUE    BONAPARTE,    28 

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ANNEE     1885 


TABLE    DU    PREMIER   SEMESTRE 


ARTICLES 


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TABLE  ALPHABETIQUE 

art.  pages 

Achéenne  (ligue) 75  341 

Albanaises  (études),  par  G.  Meyer 21  yS 

Amiel,  Juste-Lipse  (P.  de  Nolhac) 62  296 

Ancjre  (le  monument  d') 102  46 

Antinous,  par  I^ietuichscn.  (Sal.  Reinach.) 81  357 

Armengaud,  Choix  des  Métamorphoses  d'Ovide.  ;F.  Plessis.l.  53  264 

Arndt  (W),  Edit.  de  Grégoire  de  Tours 34  161 

Athènes  cis-A  topographie 7c)  347 

—  et  ses  monuments 89  405 

A2//^^Ge//c  et  les  notes  de  Carrion 76  343 

^z/?z«;z  (^le  diocèse  d')  et  ses  livres  liturgiques 18        66 

Aventinus,  Œuvres,  III-V.  p.  p.  Riezler.  (A.  Stem.).  ...  61  295 

Avesta  [Y],  traduit  par  M.  Kavasji.  (J.  Darmesteter.) 64  3oi 

Barberino  (Francesco  de) 87  382 

Baum  et  CuNiTz,  Histoire  ecclésiastique  des  églises  réformées, 

II.  :E    B.) ' 25  no 

Bender,  Histoire  de  la  littérature  romaine,  trad.  par  Vesse- 

REAU,  avec  introd.  et  notes  par  Plessis.  (Th.  Reinach.).  .  90  406 
Béreau,  Œuvres  poétiques,  p.  p.  Hovyn  de  Tronchère  et 

GuYET.  (A.  Delboulle.) 74  329 

Berger  (Elie),  Les  registres  d'Innocent  IV.  il.  L.) 39  aor 

Berger  (Ernest),    Stylistique    latine,    trad.   par   G.\che   et 

Piquet, revuepar  Bonnet.  (F.  Antoine.) 81  367 

Biberstein-Kazimirski  (de),  Dialogues  français-persans.   (.1. 

I^-) 52  261 

Biedermann,  Dogmatique  chrétienne.  (M.  V.) 12  52 

Bladk,  Epigraphiç  antique  de  la  Gascogne.   .  , 73  328 


VI  TABLE    DES    MATIERES 

nrt.  pages 

Bloch,  De  l'octroi  des  insignes  des  magistratures  romaines. 

(C.  Jullian.) ^ 82  Syi 

BoisLisLE  (de),  Mémoires  de  Saint-Simon,  IV 1 1 1  5oy 

BoNNARDOT,  Le  Psautier  de  Metz,  I.  (A.  Darmesteter.).  ...  35  174 

Bordeaux  et  ses  Salons  au  xviii"  siècle 96  435 

Bossuet,  Sermons,  p.  p.  Choussy.  (Rebelliand.) 41  208 

Bréal  et  Bailly,  Dictionnaire  étymologique  latin.  (L.  Per- 

son.) 5o  248 

Brives-Cazes,  Passages  des  princesses  royales  françaises  et 

espagnoles  en  Guyenne.  (T.  de  L.) io3  464 

Broglie  (duc  de),  Frédéric  II  et  Louis  XV.  (Albert  Sorel.).  19  69 

Bruns,  Études  sur  Lucrèce.  (Max  Bonnet.) 23  loi 

BuDÉ  (de),  Vie  de  Guillaume  Budé.  (P.  de  Nolhac.) 62  296 

Budé  (Guillaume)  et  sa  vie 62  296 

Bugge  et  ses  études  sur  la  mythologie  noroise 54  269 

Carrion,  ses  notes  sur  Aulu-Gelle 76  343 

Céramiques  (les)  de  la  Grèce 5  16 

Choussy,  Edit.  des  sermons  de  Bossuet 41  208 

Christophe  Colomb  et  sa  première  relation 78  344 

Clairin,  Trad.  de  la  grammaire  grecque  de  G.  Curtius.  .  .  46  224 
Clédat,  Grammaire  élémentaire  de  la  vieille  langue  fran- 
çaise. (C.  Chabanneau.) 46  227 

Communay,   Le  comte  de  Toulouse  et  la  bataille  de  Velez- 

Malaga.  (T.  de  L.) 95  432 

Contades  (comte  de),  Souvenirs,  Coblenz  et  Quiberon.  (A. 

Chuquet.) 88  38; 

CosNAC  (de),  Les  richesses  du  palais  Mazarin.  (H.  de  Cur- 

zon.) i3  53 

Courdaveaux,  Les  prétentions  politiques  de  l'Eglise.  (M. 

V.) 27  ii3 

Curtius  (G.),  Grammaire  grecque,  trad.  par  Clairin.  (Des- 

rousseaux.) 45  224 

—  Critique  delà  nouvelle  linguistique.  (P.  Regnaud.).  .  .  .  108  5oi 

Delaitre,  Edit.  de  la  Vie  d'Alexandre  de  Plutarque 36  181 

Deltour,  Histoire  de  la  littérature  grecque.  (Paul  Girard.).  loi  461 

Denis,  De  la  philosophie  d'Origéne.  (M.  N.) 11  49 

Dietrichson,  Antinous.  (Sal.  Reinach.) 81  357 

Dieulafoy,   L'art  antique  de  la  Perse,   II   et   III.  (James 

Darmesteter.) io5  481 

Dosabhai,  Histoire  des  Parsis.  (James  Darmesteter.) 56  281 

Dou:{e  Tables  (les) 33  141 

Dumont  et  Chaplain.  les  Céramiques  de  la  Grèce  propre,  IL 

(M.  Collignon.) 5  16 

Duruy  (V.),  Histoire  des  Romains,  VI  et  VII 93  424 

Enders,  Correspondance  de  Luther,  1 40  206 


TABLK    DES    MATIKUES  Vil 

;irt.        rages 


Eschyle,  p   p   Wecklein.  (H.  Weil.) 72     323 

Favé,  L'empire  des  Francs,  1,  les  Francs  avant  le  rèt;ne  de 

Clovis.  (Julien  Havet.) 58     289 

Feurière,  Paganisme  des  Hébreux.  (M.Vernes.) i  i 

Flint,  Vico.  (Ch.  J.) 42     21 3 

Fourneaux,  Edit.  des  quatre  premiers  livres  des  Aimales  de 

Tacite 98     442 

FouRNEL,  Etudes  sur  la  littérature  française  au  xwn"  siècle. 

(G.  Larroumet.) 69     3i  r 

FouRNiER,  Etudes  sur  la  vie  et  les  œuvres  de  Molière,  p.  p. 

P.  Lacroix  et  Vitu.  (G.  Larroumet.) 69     3i  [ 

François  de  Sales  (saint)  et  son  ouvrage,  l'Etendard  de  la 

Sainte  Croix 2  2 

Francs  (les)  avant  Clovis 58     289 

Frédéric  II  et  Louis  XV,  par  le  duc  de  Broglie.  (A.  Sorel.)        19       69 

Friedlaender,  Edition  de  Martial i5        61 

Gamelyn  (le  conte  de) 84     378 

Gay,  Glossaire  archéologique  du  movcn  âge  et  de  la  Renais- 
sance, III.  (H.  de  Curzon.) 59     291 

Ga:[ette  archéologique,  1884.  (H.  deCurzon.) 29      122 

GoNSE,  L'art  japonais.  (A.) 3  6 

Grafe,  La  doctrine  de  la  Loi  cliez  l'apôtre  Paul.  (M.  Ver- 

nes.) 17       64 

Grégoire  de  Tours,  Histoire  ecclésiastique  des  Francs,  p. 

p.  Arndt  et  Krusch.  (Max  Bonnet.) 34     itn 

Guillaume  le  Taciturne 99     442 

HAUssLErrER,  Le  pasteur  d'Hcrmas.  (P.  Batitïol.) 86     38 1 

Hébreux,  leur  paganisme i  i 

Heine  (Henri),  ses  relations  avec  Oeimold  et  le  plus  ancien 

manuscrit  de  son  «  Ecole  romantique  « 'jo     314 

Heinemann  (de),  Les  manuscrits  de  la  bibliothèque  de  Wol- 

fenhiittel.  (Em.  Châtelain.) 10       47 

Heriz,  Les  notes  de  Carrion  sur  Aulu-Gelie 76     343 

Hoi.LDKu,  les  Institutes.  (E.  C  ) 7-     343 

Hovyn  m-.  Tranchère  et  Guvet,  l^ilit.  des  œuvres  poétiques 

de  Béreau 74     309 

HiJKFER,  La  République  lie  Naples; 

—  Max-François,  électeur  île  Cologne; 

—  Henri  Heine  et  Detmold  ; 

—  Le  plus  ancien  manuscrit  de  1'  «  École  romantique  «  lic 

Heine.  (A.  Chuquet.) 70     3r4 

Ingold,  Archives  de  l'évéché  de  Luçon.  (T.  de  L.; (j-j     3o8 

Innocent  IV,  ses  registres 3(^     201 

Institutes  (les),-  par  Hoelder.  (E.  C) 77     343 

Japon  (le)  et  son  art 3         G 


VIII  TABLE    DES    MATIERES 

art.  pages 

Jordan,  Troisième  édition  de  la  mythologie  romaine  de  Prel- 

^^^ 97  441 

Juste-Lipse,  par  Amiel.  (P,  de  Nolhac.) 62  296 

Kalilah  et  Dimnah  (le  livre  de) 4  21 

Kastromenos,    Les    monuments    d'Athènes,   trad.    par   A. 

Smith.  (Sal.  Reinach.). 89  405 

Kavasji,  Trad.  du  Vendidad  et  du  Khordeh  Avesta.  (J,  Dar- 

mester.) 64  3oi 

Klatt,  Etude  chronologique  sur  l'histoire  de  la  ligue  ar- 

chéenne.  (Marcel  Dubois.) y5  3|i 

KoHLER  (J.),   Shakspeare  devant  le  forum  de  la  jurispru- 
dence. (P.  Viollet.) 5i  25  I 

KoLLiGS,  Guillaume  le  Taciturne.  (R  ) 99  442 

Krusch,  Edit,  de  Grégoire  de  Tours 34  161 

La  Blanchère  (de),  Terracine.  (G.  J.) 65  3o2 

Lafaye,  Les  concours  de  poésie  et  d'éloquence  chez  les  an- 
ciens. (Lacour-Gayet.) 9  46 

La  Fontaine,  Œuvres,  II,  p.  p.  H.  Régnier.  (T.  de  L.).  .  .  ri.  509 

Lange,  Tableau  de  la  littérature  allemande.  (A.  Chuquet.).  38  18G 

Larroumet,  Edition  des  Précieuses  ridicules 3i  i33 

Lefebvre  Saint-Ogan,  Essai  sur  l'intiuence  française.  (Gh. 

J.) .' 6  3o 

Lefèvre-Pontalis  (Ant),  Vingt  années  de  république  par- 
lementaire au  xviiie  siècle.  Jean  de  Witt.  (Ammann  ).  .  .  3j  182 

Le  Muisit  et  ses  poésies 60  293 

LoEscHKE,  Dissertations  sur  l'histoire  de  l'art  grec  et  la  to- 
pographie d"Athènes.   (Sal.  Reinach.) 79  347 

—  Post-Scriptum 367 

Lucun  (évêché  de),  ses  archives 6-/  3 08 

Lucrèce  (études  sur) 23  loi 

Luther,  Sa  correspondance,  p.  p.  Enders,  1 40  206 

Maine  (Sumner),  Etudes  sur  l'ancien  droit  de  la  coutume 

primitive.  (P.  Viollet.) 5i  25i 

Malabari,  Le  Gujarat.  (Silvain  Lévi.) 71  321 

Marionneau,  Les  Salons  bordelais  au  xviii"  siècle.  (M.  Tour- 

neux.) 96  435 

Martial,  p.  p.  Friedlaender i5  61 

Meyer  (G.),  Etudes  albanaises,  I  et  II.  (V.  Henry.) 21  73 

—  ,  Essais  de  linguistique  et  de  folklore.  (V.  Henry.).  ...  92  421 
Molière,   Les  Précieuses  ridicules,   p.  p.  Larroumet.   (W^. 

Mangold.) 3i  i33 

Mommsen,  Le  monument  d'Ancyre 102  463 

Montaigne  (Extraits  des  essais  de),  par  Voizard.  (A.  Del- 

boulle.) 91  410 

MoRiN,  Essais  de  critique  religieuse 27  1 13 


TABLE    DES    MATIERES  IX 

art.  pages 

MossMANN,  Cartulaire  de  Mulhouse,  I  et  II.  (R.) 94  427 

Mulhouse  (Cartulaire  de) 94  427 

Origène,  sa  philosophie 11  49 

Ortolan,  Histoire  delà  législation  romaine.  (E.  Cuq.).  ...  8  41 
Ovide,   Choix  des   Métamorphoses,  p.   p.   Armengaud.  (F. 

Plessis.) 53  264 

Palais  Mayarin  (les  richesses  du) i3  53 

Parfouku,   Catalogue  des    incunables    de   la   bibliothèque 

d'Auch   (T.  de  L.) 26  III 

Parsis  (Histoire  des) 56  281 

Pasteur  d'Hermas  (le) 86  38 1 

Paul  (l'apôtre)  et  sa  doctrine  de  la  loi 17  64 

Pellechet,   Notes  sur  les    livres  liturgiques    des  diocèses 

d'Autun.  (Em.  Picot.) i8  66 

—  Erratum 140 

Perez  Gomez,  Choix  de  poésies  d'un  chansonnier  inédit  du 

xve  siècle.  (A.  Morel-Fatio.) 107  491 

Perse  (la)  et  son  art  antique io5  481 

Picot,  Catalogue  des  livres  de  James  de  Rothschild.  (T.  de 

L.) 100  443 

Pigeon,  L'Allemagne  de  M.  de  Bismarck.  (A.  C.) 63  298 

Pillehotte  (Jean)  et  sa  famille 47  2  32 

P/«^are  (Observations  sur) 7  41 

Plp;ssis,  Introduction  et  notes  à  l'histoire  de  la  littérature 

romaine  de  Bender 90  406 

Plutarque,  Vie  d'Alexandre,  p.  p.  Delaitre  et  Ruelle.  (A. 

Jacob.) 36  181 

Post,  Les  fondements  du  droit.  (P.  VioUet.) 5i  25i 

Pottier,  Les  terres  cuites  dans  les  tombeaux  des  Grecs.  (J. 

Martha.) 16  62 

Preller,  Mythologie  romaine,  p.  p.  Jordan 97  441 

Psautier  de  Met\  (le),  p.  p.  Bonnardot 35  174 

Quicherat  (J.),  Mélanges  d'archéologie  et  d'histoire.  (H.  de 

Curzon.) 83  375 

Quichua[\di  langue) 44  221 

Régnier  (H.),  Œuvres  de  La  Fontaine,  11 i  1 1  509 

Reinisch,  Travaux  sur  les  langues  africaines.  (J.  Halévy.).  49  241 

Riezler,  Œuvres  d'Avenlinus,  III.  (A.  Stern.) 61  295 

Ritter,  Un  ouvrage  de  saint  François  de  Sales.  (T.  de  L.).  2  2 

Ronca,  La  Secchia  rapita  de  Tassoni.  (T.  de  L.) 20  71 

RoNCHAUD  (de),  La  tapisserie  dans  l'antiquité.  (J.  Martha.).  109  5o6 
Rosenthal,  Contributions  a  Phistoire  du  droit  municipal 

allemand.  (R.) 1 10  5o8 

Rothschild  (James  de),  Catalogue  de  îes  livres.  (T.  de  L.).   .  100  443 
RuELENs,  La  première  relation  de  Christophe  Colomb.  (T. 


X  VADLK    DKS    MATIKKES 

art.  p.iges 

du  L.) -8  3^4 

Ruelle,  Edit.  de  la  vie  d^Alexandre  de  Plutarque 36  i8r 

Saint-Simon,  Mémoires,  IV,  p.  p.  de  Boislisle.  (T.  de  L.).  i  i  t  Sog 
Sanders,  Dictionnaire  complémentaire  de  la  langue  alle- 
mande. (A.  Baucr.) 43  2\j 

—  dictionnaire  allemand.  (A.  B.) 85  37g 

5/zrt/f5/'e<jre  devant  le  forum  de  la  jurisprudence 5i  23 1 

ScHi.FER,  Le  voyage  d'Outremer  de  Jean  Thénaut  (E.  Picot,)  55  272 
Scheler,  Etude  lexicologique  sur  les  poésies  de  Gillion  Le 

Muisit.  (A.  Delboulle.) 60  293 

ScHLUMBERGER,  Sigillographie   de  l'empire  byzanlin.   (Sal. 

Reinach.) 3o  129 

ScHMiDT  (J.),  Additions  au  volume  VIII  du   Corpus.  (R. 

Gagnât.) 28  121 

ScHWiCKERT,  Observations  sur  Pindare.  (A.  Groiset  )    .  .  .  .  7  41 

Sénat  (le)  romain 57  285 

Silius  Italiens 14  6r 

Skeat,  Le  conte  de  Gamelyn.  (J.  J.  Jusserand  ) 84  378 

SoREL,  l'Europe  et  la  Révolution  française,    l,Ics  mœurs 

politiques  et  les  traditions.  (A.  Ghuquet.) 104  -j65 

Stephens,  Les  études  de  Bugge  sur  la  mythologie  noroise. 

(E.  Beauvois.) 54  269 

Tacite,  Annales,  I-IV,  p.  p.  Fourneaux.  (J.  G.) 98  442 

—  Annales,  I-VI,  p.  p.  Jacob.  (J.  Gantrelle.) 106  488 

Taine,  Le  gouvernement  révolutionnaire.  (A.  Sorcl  ).  .  .  .  22  81 

Tapisserie  (la)  dans   l'antiquité 109  5o6 

Tassoni,  La  Secchia  rapita 20  yi 

Terracine,  par  de  La  Blanchère.  (G.  J.) 65  3o2 

7"/z<?'naz<rf  (Jean)  et  son  voyage  d'Outremer.  (E.  Picot.).  ...  55  272 
Thibaut,  Dictionnaire  français-allemand  et  allemand-iran- 

çais.  (A.  B.) 32  i35 

Thomas  (A  ),  Francesco  de  Barberino  et  la   littérature  pro- 
vençale en  Italie.  (Gh.  J.) 87  382 

Thureau-Dangin,  Histoire  de  la  monarchie  d:::  Juillet,  1  et 

IL  (A.  Sorel.) 48  234 

Thurneysen,  L'accentuation  de  l'ancien  verbe  irlandais.  (Al. 

d'Arbois  de  Jubainville.) 24  102 

TscHUDi,  Organisme  delà  langue  quichua.  (V.  Henry.).  .  .  94  221 

Van  Veen,  sur  Silius  Ilaiicus 14  6r 

Vele:{-Malaga  (la  bataille  de) 95  432 

Vessereau,  Trad.  de  l'histoire  de  la  littéiature  romaine  de 

Bender 90  406 

Vico,  étude  par  Flint  (Gh.  J.) 42  21  3 

Vienne  tX  son  université 68  Sog 

ViNGTRiNiER,  Jean  Pillcliotte  et  sa  famille.  (T.  de  L.).  ...  47  232 


TACLI-:    DKS    MATIÈRKS  XI 

art  pii^îî"* 

VoiGT,  Les  Douze  Tables.  (E.  Cuq.) ,  •  .  .  33  141 

VoizARD,  Édition  d'extraits  des  Essais  de  Montaigne 91  410 

Wecklein,  Édition  critique  d'Eschyle.  (H.  Wcil.) 72  323 

WiLLEMS,  Le  sénat  de  la  re'publique  romaine,  IL  (C  J.)-  •  i/  285 

WiNKLER,  Peuples  et  langues  ouralo-altaïques.  (V.  Henry.)  66  3o3 

Witt  (Jean  de) 3;  182 

WiTTE  (de)  et  de  Lastevrie,  Gazette  archéologique,   1884. 

(H.  de  Curzon.) 29  122 

WoLK,  Sur  l'histoire  de  l'université  de  V'ienne.  (Ch.  J.)-  •  •  68  3oq 

Wolfenbiittel  (manuscrits  de  la  bibliothèque  de] 10  47 

Wright,  Le  livre  de  Kaiiluh  et  Dimnah.  (Rubens  Duval.).  4  2: 

ZiMMER,  Études  celtiques,  IL  (IL  d'Aibois  de  Jubainville  ).  24  102 


TABLE  PAR  ORDRE  DE  MATIERES 


Langues  et  littératures  oricntcles. 

Biberstein-Kazimu^ski  (de).  Dialogues   [\\\  çais-peisans.  fj. 

D.) 32  261 

DosABHAi,  Histoire  des  Parsis.  (James  Darmesteter.) 56  281 

Kavasji,  Trad  du  Vendidah  et  du  Khordeh  Avcsia.  (J    Dar- 
mesteter.)   6j.  3oi 

Malabari,  Le  Gujarat.  (Silvain  Lévi.) 71  32  i 

Reinisch,  Travaux  sur  les  langues  africaines.  'J.  Halévy.;.  .  49  241 

Wright,  Le  livre  de  Kalilah  et   Dimnah.  (Rubciis  Duval  ).  421 


Langue  et  littaiature  grecques. 

CuRTius  (G.),  Grammaire  grecque,  trad.  par  Cl\irin.   (Des- 

rousseaux.) 40  224 

Deltour,  Histoire  de  la  littérature  grecque-  (Paul  Girard  ).  loi  461 

Eschyle,  p.  p.  Wecklein.  (H.  Wcil.) 72  323 

Lafave,  Les  concours  de  poésie  et  d'élo  |uc;.ce  chez  les  an- 
ciens. (Lacour  Gayet.) 9  46 

Plutarque,   Vie  d'Alexandre,   p.    p.    Dia.AiTRi-:  et    Rukli.k. 

(A.  Jacob.) 36  181 

ScHwicKERT,  Observations  sur  Pindare.  (A.  Croisct.) 7  41 


Xn  TABLE    DES    MATIERES 

art.         pages 


Langue  et  littérature  latines. 

Amiel,  Juste-Lipse.  (P.  cie  Nolhac.) 62  2q6 

Bender,  Histoire  de  la  littérature  romaine  trad.  par  Vesse- 

REAU,  avec  introd.  et  notes  par  Plessis.  (Th.  Reinach.).  .  90  406 
Berger,  Stylistique  latine,  trad.  par  Gâche  et   Piquet,  re- 
vue par  Bonnet.  (F.  Antoine.) 81  367 

Bréal  et  Bailly,  Dictionnaire  étymologique  latin.  (L.  Per- 

son.) 5o  248 

Bruns,  Études  sur  Lucrèce.  (Max  Bonnet.) 23  loi 

Budé  (de),  Vie  de  Guillaume  Budé.  (P.  de  Nolhac.) 62  296 

Grégoire  de  Tours,  Histoire  ecclésiastique  des  Francs,  p. 

p.  Arndt  et  Krusch.  (Max  Bonnet.) 34  161 

Hertz,  Les  notes  de  Carrion  sur  Aulu-Gelle 76  343 

Martial,  p.  p.  Friedlaender i5  61 

Ovide,  Choix  des  Métamorphoses,   p.   p.  Armengaud.   (F. 

Plessis.) 53  264 

Preller,  Mythologie  romaine,  p.  p.  Jordan 97  441 

Tacite.  Annales,  I-IV,  p.  p.  Fourneaux.  (J.  G.) 98  442 

—  Annales,  1-VI,  p.  p.  Jacob.  (J.  Gantrelle.) 106  488 

Van  Veen,  sur  Silius  Italicus 14  61 


Archéologie,  épi  graphie  et  beaux-arts. 

Bladé,  Epigraphie  antique  de  la  Gascogne 73  328 

CosNAC  (de),  Les  richesses  du  palais  Mazarin.  (H.  de  Curzon.)  1 3  53 

DiETRiCHsoN,  Antinous.  (Sal.  Reinach.) 81  357 

DiEULAFOY,  L'art  antique  de  la  Perse,  II  et  III.  (James  Dar- 

mesteter.) io5  481 

DuMONT  et  Chaplain,  les  Céramiques  de  la  Grèce  propre,  I. 

(M    CoUignon.) 5  16 

Ga'^ette  archéologique,  1884.  (H.  de  Curzon.) 29  122 

Gay,  Glossaire  archéologique  du   moyen  âge  et  de  la  Re- 
naissance, III.  (H.  de  Curzon.) 59  291 

GoNSE,  L'an  japonais.  (A.) 3  6 

Kastromenos,  Les  monuments  d'Athènes,  trad.  par  E.  Smith. 

(Sal.  Reinach.) 89  405 

La  Blanchère  (de),  Terracine.  (C.  J.) 65  3o2 

Loeschke,  Dissertations  sur  l'histoire  de  Part  grec  et  la  to- 
pographie d'Athènes.  (Sa!    Reinach.) 79  347 

Marionneau,  Les  Salons  bordelais  au  xvni'^ siècle.  (M.  Tour- 

neux.) 96  435 


TABLE    DKS    MATIERES  XII  l 

art.      pages 

MoMMSEN,  Le  monument  d'Ancyre 102     463 

PoTTJER,  Les  terres  cuites  dans  les  tombeaux  des  Grecs.  (J. 

Mertha.) 16       62 

QuiCHERAT,   Mélanges  d'archéologie   et  d'histoire.   (H.    de 

Curzon.) 83     3-jb 

RoNCHAUD  (de),  La  tapisserie  dans  l'antiquité.  (J.  Martha.)-  109  5o6 
ScHLUMBERGER,  Sigillographie  de  Tempire  byzantin.    (Sal. 

Reinach.) 3o     129 

ScHMiDT  (J.),  Additions  au  volume  VIII  du   Corpus.  (R. 

Gagnât.) 28     121 


Histoires  grecque  et  romaine. 

Bloch,  De  Poctroi  des  insignes  des  magistratures  romaines. 

(G.  Jullian.) 82  Sji 

Duruy(V.),  Histoire  des  Romains,  VI  et  Vil 93  424 

Klatt,   Étude    chronologique    sur    l'histoire   de    la    ligue 

achéenne.  (Marcel  Dubois.) y 5  341 

WiLLEMs,  Le  sénat  de  la  république  romaine,  II.  (C  J.).  .  5j  285 


Histoire  du  moyeu  âge. 

Aveutinus,  Œuvres,  UI-V,  p.  p.   Riezler.  (A.  Stern.).  ...  61  295 

Berger  (Elle),  Les  registres  d'Innocent  IV.  (L   L.) 39  201 

Favé,  L'empire  des  Francs.  I,  Les  Francs  avant  le  règne  de 

Glovis.  (Julien  Havet.) 58  289 

MossMANN,  Gartulaire  de  Mulhouse,  I  et  II.  (R.) 94  427 

RosENTHAL,  Gontribu tioiis  à  l'histoire  du  droit   municipal 

allemand.  (R.) 1 10  5o8 

ScHEFER,  Le  voyage  d'Outremer  de  Jean  Thénaud.  (L.  Pi- 
cot.)   55  272 


Histoire  moderne. 

Baum  et  GuNiTZ,  Histoire  ecclésiastique  des  églises  réfor- 
mées, IL  (E.  B.) 25     110 

Brives-Gazes,  Passages  de  princesses  royales  françaises  et 

espagnoles  en  Guyenne.  IT.  de  L.) io3     464 

Brogue  (duc  de),  Frédéric  II  et  Louis  XV.  (Albert  Sorel.).        19       6g 

G0.MMUNAY,  Le  comte  de  Toulouse  et  la  bataille  de  Velez-Ma- 

laga.  (T.  de  L.) 95     432 


XIV  TABLK    DES    MATIÈRES 

art.  pages 

Contades  (comte  de),  Souvenirs,  Coblenz  et  Quiberon.  (A. 

Chuquet  ) 88  38; 

HuFFER,   La  république  de  Naples.  (A.  Chuquet.) 70  Siq 

—  Max- François,  électeur  de  Cologne.  (A.  Chuquet.).  ...  70  3 14 

Ingold,  Archives  de  l'évêché  de  Luçon.  (T.  de  L.) 67  3o8 

KoLLiGS,  Guillaume  le  Taciturne.  (R.) gg  442 

Lefebvre  Saint-Ogan,   Essai  sur  l'inHuence  française.  (Ch. 

J.) -. ^ 6  3o 

Lefèvre-Pontalis,  Vingt  années  de  république  parlemen- 
taire au  win^  siècle,  Jean  de  Witt.  (Ammann.) 37  182 

Luther,  sa  corresporidance,  p.  p.  Enders,  1 40  206 

Pigeon,  L'Allemagne  de  M.  de  Bismarck.  (A.  C.) 63  298 

RuELENs,  La  première  relation   de  Christophe  Colomb.  (T. 

de  L.) 78  344 

SoREL,  l'Europe  et  la  Révolution  française,   I,  les  mœurs 

politiques  et  les  traditions.  (A.  Chuquet.) 104  465 

Taine,  Le  gouvernement  révolutionnaire.  (A.  Sorel.).   ...  22  Si 
Thureau-Dangin,  Histoire  de  la  monarchie  de  Juillet,  I  et 

IL  (A.  Sorel.) 48  234 

WoLF,  Sur  l'histoire  de  l'université  de  Vienne.  (Ch.  J.).  .   .  68  Sog 


Littérature  française. 

Béreau,  Œuvres  poétiques,  p.  p.  Hovyn  de  Tranchèue  et 

GuYËT.  (A.  Delboulle.) 74  329 

Bonnet,  Sermons,  p.  p.  Choussv.  (Rebellian.) 41  208 

FouRNEL,  Etude  sur  la  littérature  française  au  xvni"  siècle, 

(G.  Larroumet.) 69  3i  i 

FouRNiER,  Elude  sur  la  vie  et  les  œuvres  de  Molière,  p.  p. 

P.  Lacroix  et  Vitu,  (G.  Larroumet.) 6g  3i  i 

La  Fontaine,  Œuvres,  II,  p.  p.  H.  Régnier.  (T.  de  L.).  .   .  1  1 1  5og 
Molière,  Les  Précieuses  ridicules,  p.  p.  Larroumet.  (\V. 

Mangold.) 3i  i33 

Montaigne  (Exinùis  des  Essais  de),  par  Voizard.  (A.  Del- 
boulle)   91  410 

Ritter,  Un  ouvrage  de  saint  François  de  Sales.  (T.  de  L.).  2  2 

Saint-Simon,  Mémoires,  IV,  p.  p.  de  Boislisi-k,  (T.  de  L  ).  1 1  1  Sog 

Vingtrinier,  Jean  Pillehotte  et  sa  famille.  (T.  de  L.) 47  232 


Linguistique  et  folklore. 

Curtius  (G.),  Critique  de  la  nouvelle   linguistique.  (P.  Re- 
gnaud.) , 108     5oi 


TABLE    DES    MATIERES  XV 

art.  pages 

Meyer(G.),  Essais  de  linguistique  et  de  Iblklore.  (V.Henry.)        92  421 

_.  ,  Études  albanaises,  I  et  II.  (V.  Henry.) 21  73 

fscHUDi,  Organisme  de  la  langue  quichua.  (V.  Henry.).  .  .        44  221 

WiNKLER,  Peuples  et  langues  ouralo-altaiques.  (V.  Henry.).       66  3o3 


Littérature  celtique. 

Thurneysen,   L'accentuation   de   Pancien   verbe   irlandais. 

(H.  d'Arbois  de  Jubainville.) 24     102 

ZiMMER,  Études  celtiques,  II.  (H.  d'Arbois  de  Jubainville.).        24     104 


Langues  et  littératures  germaniques. 

HuFFER,  Henri  Heine  et  Detmold.(A.  Chuquet.) 70     814 

—  Le  plus  ancien  manuscrit  de  1'  «  École  romantique  »  de 

Heine.  (A.  Chuquet,) 70  314 

Lange,  Tableau  de  la  littérature  allemande.  (A.  Chuquet,).  38  186 
Sanders,    Dictionnaire  complémentaire  de  la  langue  alle- 
mande. (A.  Bauer.) 4^  217 

—  Dictionnaire  allemand.  (A.  B  ) 85  379 

Skeat,  Le  conte  de  Gamelyn.  (J.  J.  Jusserand.) 84  378 

Stephens,  Les  études  de  Bugge  sur  la  mythologie  noroise. 

(E.  Beauvois.) 54     269 

Thibaut,  Dictionnaire  français-allemand  et  allemand- fran- 
çais. (A.  B.) 32     i35 


Langues  romanes. 

BoNNAUDOT,  Le  Psautier  de  Metz.  I.  (A.  Darmestctcr.).  ...        35      174 

Clkdat.  Grammaire  élémentaire  de  la  vieille  langue  tran- 

çaise.  (C.  Chabanneau.) 46     227 

ScHELER,  Étude  lexicologique  sur  les  poésies  de  Gillion  Le 

Muisit.  (A.  Delboulle.) 60     293 

Thomas  (A.),  Francesco  de  Barberino  et  la  littérature  pro- 
vençale en  Italie.  (Ch.  J.) 87     382 


Littérature  espagnole. 

Perez-Gomez,  Choix  de  poésies  d'un  chansonnier  inédit  du 
xvc  siècle.  (A,  Morcl-Fatio.) 107     491 


XVI  TABLE    DES    MATIERES 

art         pages 


Littérature  italienne. 

Flint,  Vico.  (Ch.  J.) > .        42     21 3 

RoNCA,  La  Secchia  rapita  de  Tassoni.  (Ch,  J  ). 20       71 


Histoire  des  religions  et  théologie. 

BiEDERMANN,  Dogmatique  chrétienne.  (M.  T.) 12  52 

CouRDAVEAUX,  Lcs  prétentions  politiques  de  l'église.  (M.  V.).  27  1 1 3 

Denis,  De  la  philosophie  d'Origène,  (M.  N.),  ........  11  49 

Ferrière,  Paganisme  des  Hébreux.  (M.  Vernes.) i  i 

Grafe,  La  doctrine  de  la  loi  chez  l'apôtre  Paul.  (M.  Vernes.)  17  64 

Haussleiter,  Le  pasteur  d'Hermas.  (P.  Batiffol.) 86  38 1 

MoRiN,  Essais  de  critique  religieuse.  [M.  V.) 27  1 13 


Droit. 

Hoelder,  Les  Institutes.  (E.  C.) 77  343 

KoHLER  (J.),  Shakspeare  devant  le  forum  de  la  jurispru- 
dence. (P.  Viollet.) 5i  25i 

Maine  (Sumner),  Etudes  sur  l'ancien  droit  et  la  coutume 

primitive.  (P.  Viollet.) 5i  25  i 

Ortolan,  Histoire  de  la  législation  romaine.  (E.  Cuq.),   .  .  8  41 

Post,  Les  fondements  du  droit.  (P.  Viollet.) 5i  25 1 

Voigt,  Les  Douze  Tables.  (E.  Cuq.) 33  141 


Bibliographie. 

Hkinemann  (de),  Les  manuscrits  delà  bibliothèque  de  Wol- 

fenbuttel.  (Em.  Châtelain.) 10       47 

Parfouru,  Catalogue  des  incunables  de  la  bibliothèque 
d'Auch.  (T.  de  L.) 26     m 

Pellechet,   Notes   sur  les   livres   liturgiques   des   diocèses 

d'Autun.  (Em.  Picot.) 18       66 

Rothschild  (James  de).  Catalogue  de  ses  livres.   (T.  de  L.),       100     443 


TABLE    DES    MATIl'.RES  XVri 


VARIETES 

Cleumont-Ganneau,  Notes  d'archéologie  orienlale,  XIX, 
L'inscription  nabatéenne  de  D'meîr  et  l'ère  des  Séleucides 
dite  ère  des  Romains 88 

—  XX  et  XXI  :  nouvelles  observc>tions  sur  Tinscription  na- 
batéenne de  D'meîr;  les  noms  propres  nabatéens  pseudo- 
théophores 173 

—  XXII,  Une  nouvelle  inscription  relative  à  Baal-Marcod.  495 

Egger  (V.),  Une  lettre  de  Leibniz 456 

Gazier,  L'abbé  de  Prades,  Voltaire  et   Frédéric  II,  d'après 

des  documents  inédits,  dont  une  lettre  de  Voltaire 146 

H.,  Grandeur  et  décadence  de  la  Colombine 388 

—  Encore  un  mot  sur  la  Colombine 459 

J'ussERAND,  Lettre  inédite  du  comte  de  Broglie  à  propos  de 

la  publication  de  la  Henriadc 33 1 

T.  DE  L.  et  CoMMUNAY,  Isaac  de  la  Peyrère  et  sa  famille.  .  .  i36 


CORRESPONDANCE 

LivET,  Lettre  à  M.  Gazier  sur  rexcommunication  des  co- 
médiens   193 

Reinach  (Sal.),  réponse  à  M.  Rouire 55 

RouiRE,  Lettre  à  M.  Salomon  Reinach 35 

—  Réponse  à  In  '<  critique  »  de  M.  Salomon  Reinach.  ...  114 


THESES    DE    DOCTORAT    ES-LETTRES 

Bémont,  Sur  la  condamnation  de  Jean  Sans  Terre  en  1202 
et  Simon  de  Montfort,  sa  vie,  son  rôle  politique  en  France 
et  en  Angleterre 92 

BouRCHENiN,  Tanneguy  Lefebvre  et  Étude  sur  les  académies 

protestantes  en  France  au  xvi"  et  au  xvn'=  siècle 41 3 

Dubois,  L'ilc  de  Cos  et  Les  ligues  étolienne  et  achéenne,  .  32 

Hauvette-Besnault,  L'archonte-roi  et  les  stratèges  athé- 
niens   275 

Lévy-Brûhl,  Le  Dieu  de  Sénèque  et  l'idée  de  responsabi- 
lité   I  5  5 

Monin,  L'unité  de  la  religion  homérique  dans  Plliade  et 
Essai  sur  l'histoire  administrative  du  Languedoc  pendant 
rintendance  de  Basville.  ..,...,,...,. 335 


XVIII  TABLE     DES    MATIERES 

Pages 

CHRONIQUE 

Altpreussische  Monatsschrift 438 

Annuaire  de  la  Faculté  des  lettres  de  Lyon,  II  et  III, 

2^  année 317 

Beauvois,  Le  fontaine  de  Jouvence  et  le  Jourdain  dans  les 

traditions  des  Antilles  et  de  la  Floride 59 

Bonnet  (Max),  Edit.  du  Liber  de  miraculis  beati  Andreae 

apostoli 218 

BoRNEMANN,  Le  monachisme 257 

Boucher  de  Molandon,  Jacques  d'Arc,  père  de  la  Pucelle.   .  517 

BouLAY  de  la   Meurthe,  Le  Directoire  et  l'expédition  d'É- 

gypte 459 

Bréal,  Discours  prononcé  sur  la  tombe  de  M.  Léon  Renier.  497 

Bréal  et  Bailly,  Dictionnaire  étymologique  latin 119 

Briquet,  La  légende  paléographique  du  papier  de  coton.  .  .  78 

Bulgare  (société  littéraire) 39 

Caillemer,  Trois  lettres  inédites  de  Mazarin.  .........  353 

Càlvary  (la  maison),  de  Berlin 519 

Capré,  Le  véritable  Messager  Boiteux  de  Berne  et  de  Vevey.  79 
Clermont-Ganneau,  Les  fraudes  archéologiques  en   Pales- 
tine   iG 

—  Matériaux  inédits  pour  servir  à  l'histoire  des  croisades.  .  197 

—  Recueil  d'archéologie  orientale,  I^^'  fascicule 478 

CoMPARETTi,  Le  Musée  italien  d'antiquité  classique 259 

Crâne  et  Brun,  Lectures  françaises  sur  la  Révolution.  ...  18 
Derenbourg  (H.),  Ouverture  du  cours  d'arabe  à  l'école  des 

Hautes  études 198 

De  Vit,  Mémoire  sur  la  façon  de  lire  dans  les  monuments 
épigraphiques  l'abréviation  des  deux  lettres  qui  signifient 
libertus  et  liberta 

DiETRicH,  Les  poésies  de  Jacques   Richard 

Dombart,  Études  sur  Commodien 

Drapeyron,   Les  Carlovingiens  en   Limousin 

Dumont  (Prix) 

Du  RiEU,  Travaux  bibliographiques  sur  l'histoire  de  Hol- 
lande  

Eggermont,  Le  Japon 

Encyclopédie  de  V histoire  moderne,  2r'  et  22'-'  livraisons.  . 

Faculté  des  lettres  de  Poitiers,  son  Bulletin 

Page,  Deux  lettres  de  Mascaron  à  M"«  de  Scudéry 

—  Notes  sur  un  pontificat  de  Clément  VI. 

—  Le  tombeau  du  cardinal  de  Tulle 

Faguet,  M"'e  de  Maintenon  institutrice 


354 

317 

218 

198 

59,  i58 

39 

256 

218 

198 

354 

517 

517 

353 

TABLE    DES    MATIERES  XIX 

pages 

Flammermont,  Etude  sur  les  jésuites  et  les  parlements  au 
xviii*^  siècle  ; 

—  Des  facilités  de  travail  assurées  en  Allemagne  aux  pro- 
fesseurs; 

—  Négociations  secrètes  de  Louis  XVI  et  du  baron  de  Bre- 

teuil 23q 

Fraenkel,  Etudes  sur  l'histoire  romaine 38 

Gaidoz  et  Sébillot,  Bibliographie  des  traditions  et  de  la  lit- 
térature populaire  de  la  France,  l'Auvergne  et  le  Vclay.  .  299 
Galiffe,  Notices  généalogiques  sur  les  familles  genevoises, 

V \  .  .  .\ .' 78 

Giry,  Recueil  de  textes  pour  servira  l'étude  et  à  renseigne- 
ment de  l'histoire 99 

Grammont  (de),  Les  Illustres  captifs  du  Père  Dan i38 

—  La  course,  l'esclavage  et  la  Rédemption  à  Alger 459 

Hartmann,  Edit.  de  morceaux  choisis  de  Victor  Hugo.  .  .   .  299 

Henry  (Ch.).  Les  manuscrits  de  Léonard  de  Vinci yS 

—  Le  livre  de  l'avenir 5  18 

—  Pierre  de  Carcavv 418 

Herder,  p.  p.  Suphan,  VII 218 

Hochart,  Etudes  sui  i:i  vie  de  Sénèque 98 

HovYN  DE  Tranchèrk,  Lcs  dcssous  de  l'histoire 257 

Hyvernat,  Actes  des  martyrs  de  l'Egypte 5  16 

Jadart,  Louis  XIII  et  Richelieu  à  Reims; 

—  Nicolas  Dumont,  curé  de  Villers-devant-le-Thour.  ...  3i7 

Jannettaz,  Etude  sur  Semo  Sanctus  Fidius 17 

Jugurtha,  p.  p.   Lallier 197 

Jullian,  Causes  et  caractère  de  la  guerre  civile  qui  suivit  la 

mort  de  Néron 197 

Ka:{an,  Mémoires  de  l'Université 19 

Kkid,  Edit.  des  Académiques  de  Cicéron 219 

Kochanowski,  son  troisième  jubilé  centenaire 19 

Lambros,  Hissais  historiques 120 

—  Excerpta  Constantini  de  natura  animalium ,  .  439 

Lavisse,  Questions  d'enseignement  national 58 

Le  Blanc,  Variétés  historiques  et  biographiques 5  16 

Leclercq,  Voyage  au   Mexique  de  New-York  à  Vcra  Cruz 

par  terre 459 

Léger  (L.),  Le  monde  slave  au  xix'' siècle .4.02 

LiEsviLLE  (de),  not.  nécrol 178 

LiNDENBERG,  Berlin,  Esquisses  et  tableaux 438 

Lucrèce,  le  V""  livre,  p.  p.  Benoist  et  Lantoine 17 

Meissner,  Phraséologie  latine 98 

Miller  (Vsevolod),  Etudes  ossètes 77 

Montégut,  Écrivains  modernes  de  l'Angleterre 460 


.,::  Table  des  matières 

pages 

MoNVAL,  Le  Moiiériste 487 

Morel-Fatio,  La  comédie  espagnole  au  xviii"  siècle 18 

MoRFiLL,  Grammaire  polonaise 3g 

MoÛY  (de),  Discours  sur  l'histoire  de  France 478 

MûNTz,  L'esthétique,  l'archéologie  et  l'histoire  de  l'art.  .  ,  ,  198 

MuRRAY  MiTCHELL,  La  religiou  hindoue.  .  .  , 179 

NouLETj  Le  passotens  mundi 417 

—  Jean  charron  de  Lacarry 417 

Papa,  Notes  sur  le  V^  volume  de  l'Histoire  de  la  littérature 

italienne  de  M.  Bartoli 258 

Paris  (G.),  Discours  sur  la  tombe  de  Frédéric  Baudry.  .  .  36 

—  La  poésie  du  moyen  âge 40 1 

Pauli,  Travaux  sur  l'étrusque Sg 

PiERLiNG,  Le  Saint-Siège,  la  Pologne  et  Moscou.    ....  219 

Pigeonneau,  Histoire  du  commerce  de  la  France,  1 98 

Prarond,  Cinq  plaquettes  sur  l'histoire  d'Abbeville 279 

Qiiincey  (de),  Confessions  d'un  fumeur  d'opium,  p.  p.  Gar- 

nett o 439 

Revue  félibréenne 18 

Sacaze,  Quelques  faux  dieux  des  Pyrénées 218 

Sal\bourg  tx.  son  université  catholique 59 

Sathas,  Documents  relatifs  à  l'histoire  de  la  Grèce,  V 5g 

Saurel,  Recherches  sur  l'emplacetTient  d'Aeria 17 

Schreiber,  Découvertes  faites  dans  les  archives  et  les  biblio- 
thèques romaines Sig 

Société  des  anciens  textes  français,  tome  VH. 197 

SoMMERARD  (Edm.  du),  uot.  uécrol 179 

Suphan,  Gœthe  et  le  prince  Auguste  de  Gotha 418 

Tamizey  de  L.arroque,  Le  cardinal  Bichi 76 

—  Lettres  du  comte  de  Cominges.  1657-1659 5oo 

Terzetti  (M™*^),  La  Grèce  ancienne  et   moderne  considérée 

sous  l'aspect  religieux 37 

Tholin,  Doléances  du  tiers-état  d'Agenais 402 

Thomas  (Em.),  De  suppliciis 119 

Tiele,  Manuel  de  l'histoire  des  religions,  trad.  par  M.  Ver- 

nes,  2*^  édition 353 

UsENER,  Recueil  des  articles  et  mémoire  de  J.  Bernays.  .  .  419 

Vandalisme  (Un  cas  de)  à  l'église  de  Brou 38 

Veloudo  (Jean),  bibliotlîécaire  de  la  Marciane  de  Venise.   .  -j" 

VuY,  L'origine  de  la  commune  de  Genève 239 

WiLLEMs,  Appendice  au  sénat  de  la  république  romaine.  .  .  418 


TADLE    PES    MAT1ERK5  XSI 


PÉRIODIQUES 

ANALYSÉS     SUR     LA     C  O  U  V  E  R  T  ij  S  L 


ANGLAIS 


Acaderny  [ï]  du  i3  décembre  1884  au  i3  juin  i885. 
Athenaemn  (!')  du  29  novembre  1S84  au  i3  juin  188 5. 


ALLEMANDS 

Altpreussische  Monalschrift,  I  et  II,  janvier-mars  i885,  n"  19. 
Archiv fur  slaipische  Philologie,  tomeVlII,  i  et  2,  n"' 2  et  19. 
Deutsche  Literatur:{^eitung,  du  29  novembre  1884  au  j3  juin  i885. 
GiJttingische  gelehrte  An^eigen,  du    10  décembre    1884  au    i5   juin 

i885. 
Literarisches  Centraîblait,  du  29  novembre  1884  au  i3  juin  i885. 
Philologische  Wochenschrift,  du  2  mai  au  i3  juin  i885. 
Theologische    Literatur:{eitung,   du    i3  décembre    1884    au    i3    juin 

i885. 
Zeitschrift  fïir  katholische   Théologie,   IX  vol.,    i"  et  2"  fascicules, 

n«=  7  et  18. 
Zeitschrift  fiïr  neufran^ijsische  Sprache  und  Literatur,  i883  et   1884, 

n°=^  6  et  21. 

BELGES 

Revue  de  V instruction  publique  supérieure  et  moyenne  en  Belgique, 
tome  XXVI H,  2"  livraison,  n"  18. 


COMPTES  RENDUS    DES    SOCIETES    SAVANTES 

Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres,  séances  du  1 9  décembre 

1884  au  '9  i""^  "885  (Julien  Havet). 
■Société  des  antiquaires  de  France,  séances  du   10  décembre   1884  au 

10  juin  i885. 


LE    PUV,    IMPRIMERIE    MARCHKSSOU    FILS,    BOUMCVARD    SAINT-LAURENT,     2:). 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


N»  1  —  5  janvier  ^  1885 

Soniniaii-«^  :  i.  Ferrière,  Paganisme  des  Hébreux  jusqu'à  la  captivité  de  Baby- 
lone. —  2.  RiTTER,  Recherches  sur  un  ouvrage  de  S.  François  de  Sales.  —  3.  Gonse, 
L'art  japonais.  —  Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions.  —  Société  des  Anti- 
quaires de  France. 


I.    —    Emile    Ferrière.    Paganisme    ties   Hél>i*cux    Jusqu'à    la    cai>tivltô 

«le  Baljylone.  Paris,  Félix  Alcan,   1884,  in-r2,  42S  p. 

On  voudrait,  en  présence  d'œuvres  de  cette  nature,  se  borner  à  ren- 
dre hommage  aux  intentions  de  Técrivain,  en  indiquant  discrètement 
par  là  que  Toeuvre  n'y  répond  pas;  mais  ce  serait  s'acquitter  trop  com- 
modément des  obligations  de  la  critique. 

Comme  l'indique  une  note  autographiéc  jointe  à  l'exemplaire  qui  m'a 
été  adressé,  M.  Ferrière,  «  bien  connu  par  ses  travaux  sur  la  théorie  de 
l'Evolution  »,  s'est  proposé  de  «  prouver  par  des  laits,  conformément  à 
la  méthode  expérimentale,  que  le  monothéisme  primordial  des  Hébreux 
est  une  fiction,  que  le  peuple  d'Israël  a  partagé  toutes  les  pratiques  du 
paganisme  chananéen  jusqu'à  la  captivité  de  Babylone.  »  Je  vois  aussi 
dans  la  préface  que,  s'il  en  était  autrement,  le  judaïsme  aurait  commis 
cette  incongruité  de  manquer  à  «  la  loi  d'Évolution  ».  Or,  comme  la 
«  loi  d'Evolution  »  doit  être  respectée,  il  est  essentiel  d'établir  que  les 
Hébreux  ont  été  aussi  païens  que  les  païens  eux-mêmes.  Soit;  va  pour 
la  «  loi  d'Evolution  ».  Quiconque  suit  d'ailleurs  les  études  d'histoire  re- 
ligieuse antique,  sait  parfaitement  aujourd'hui  que  le  monothéisme  hé- 
breu n'est  pas  de  date  très  ancienne  et  que  la  prétention  de  concevoir  le 
développement  ihéologique  des  Israélites  en  dehors  des  conceptions  et 
usages  communs  aux  peuples  de  l'Asie  occidentale,  est  abandonnée  en 
bonne  science  '. 

Que  M.  F.,  s'emparant  des  bons  travaux  qui  ont  été  récemment  pu- 
bliés, en  expose  les  résultats  sous  une  forme  accessible  à  tous,  je  ne  sau- 
rais l'en  blâmer,  y  mêlât-il  des  considérations  philosophiques,  qui  me 
semblent  n'avoir  point  ici  grand'chose  à  faire.  Malheureusement  l'au- 
teur, auquel  on  voit  bien  vite  qu'il  manque  la  préparation  nécessaire, 
a  consulté  au  même  titre  des  ouvrages  bons,  médiocres  et  mauvais,  et  il 
en  est  résulté  une  compilation  peu  propre  à  atteindre  le   but  proposé. 

I.  C'ebl  plutôt  sur  le  terrain  de  l'Egypte  que  la  thèse  du  monothéisme  primitif 
continue  de  se  couvrir  d'arguments  assez  spécieux,  et  là  il  s'agit  de  dates  beaucoup 
plus  anciennes  et  de  documents  d"uue  bien  autre  authenticité. 

Nouvelle  série.  XIX.  i 


2  REVlîg    CRITIQOK 

Une  première  partie  traite  du  classement  chronologique  des  livres 
de  l'Ancien  Testament  :  cela  appartenait  à  l'Introduction.  La  seconde 
partie  est  consacrée  à  la  religioji  générale  des  Sémites.  Gela  aussi  eût 
été  mieux  à  sa  place  dans  l'Introduction.  L'auteur  débute  par  des  consi- 
dérations générales  sur  les  philosophies  et  les  religions,  dont  la  raison 
m'échappe;  puis  il  nous  donne,  sous  le  titre  de  théologie  générale  des 
Sémites,  des  choses  bien  étranges  sur  le  dieu  spirituel  et  le  Dieu  con- 
cret. Félicitez-vous  d'apprendre  que  le  système  théologique  chal- 
déen  comprend  trois  éléments  essentiels  .  i°  Un  Dieu  absolu.,  «  expres- 
sion abstraite  de  l'univers  indéterminé  »  ;  2°  une  triade  abstraite  uni- 
verselle, «  qui  représente  symboliquement  le  résultat  de  l'observation 
de  l'univers  considéré  dans  son  ensemble,  à  savoir,  la  matière  et  la 
double  loi  de  ses  évolutions  ï>;  3"  une  triade  concrète  particulière.  — 
Je  ne  sais  où  M,  F.  a  puisé  ces  contes  à  dormir  debout. 

La  troisième  partie  intitulée,  le  Dieu  national  des  Hébreux,  précé- 
dée de  pareilles  rêveries,  nous  en  fournit  de  nouveaux  exemples.  On 
y  apprend  que  le  tétragramme  sacré  IHVH  peut  avoir  tiois  prononcia- 
tions :  lehovah,  lahveh  et  lahouh.  La  vraie  appellation,  est  lahouh; 
mais  lahouii  n'est  à  son  tour  qu'une  des  deux  énergies,  la  masculine, 
du  dieu  Hou,  ayant  sa  contre-partie  dans  l'énergie  léminine,  Thavath, 
«  la  mère  divine  )>.  Se  rappeler  que  le  dieu  Hou  n'est  de  son  côté  que  la 
troisième  personne  de  la  triade  ou  trinité  abstraite  universelle  déjà 
nommée. 

Dans  sa  quatrième  et  dernière  partie,  le  culte  sémitique  che\  les  Hé- 
breux,  M.  F.  est  forcé  de  se  tenir  plus  près  des  faits;  c'est  là  son  sujet 
même,  et  il  y  accumule  les  observations  de  détail  avec  un  luxe  un  peu 
inquiétant.  Je  voudrais  pouvoir  dire  que  ces  pages,  qui  témoignent 
d'un  sincère  etîort,  sont  de  nature  à  être  consultées  avec  fruit,  mais 
réellement  je  ne  le  saurais.  Le  sens  critique,  la  connaissance  de  la  po- 
sition générale  des  questions,  leur  font  trop  défaut. 

Je  regrette  de  porter  un  jugement  aussi  sévère  sur  une  oeuvre  qui  a 
des  allures  de  franchise  et  a  exigé  des  recherches  sérieuses.  Mais  pour- 
quoi donc  tant  de  nos  compatriotes  croient-ils  qu'il  est  permis  d'écrire 
sur  les  matières  religieuses  sans  une  préparation,  dont  cette  branche  de 
la  recherche  se   passe  peut-être    plus  difficilement  encore    que  telle 

autre? 

M.  Vernes. 


2.    —    iîSecl»ei»cïies   sui*    ïsu  ouvrage    tle   S.  Ft'ançois   de  Sales   (l'éten- 

dai'cl  de  la  SaSeite-Croix),  par  Eugène  Ritter,  professeur  à  l'Université  de 
Genève.  Genève,  librairie  H.  Georg,  1884,  in-S  de  23  p.  (Extrait  du  Bulletin  de 
l'Institut  national  Genevois,  tome  XXVI). 

M.  Ritter  constate  (p.  2)  que  «  dans  le  pays  savoyard  et  romand,  qui 
s'étend  de  l'île  Saint- Pierre  aux  Gharmettes  »,  les  écrits  de  deux  théo- 


iiHiSrOlRK    El    DE    LITTEUAÏURE 


logiens,  Calvin  et  saint  François  de  Sales,  s'imposent  avant  tout  à  l'at- 
tention de  celui  qui  étudie  le  passé  littéraire  de  ces  contrées.  Il  constate 
encore  (p,  3)  que,  si  «  la  science  protestante  a  donné  des  œuvres  de 
Calvin  une  édition  qui  lait  honneur  à  MM.  Reuss,  Cunitz  et  Baum,  la 
science  catholique,  de  qui  saint  François  de  Sales  attendait  l'accom- 
plissement du  même  devoir  pieux,  n'a  pas  encore  fait  tout  ce  qu'on  est 
en  droit  de  lui  demander  à  cet  égard  ».  L'excellent  critique  rappelle 
ensuite  que  l'évêque  de  Genève,  dans  une  carrière  de  plus  de  trente  ans, 
depuis  la  fin  de  ses  études  à  Puniversité  de  Padoue  où  il  fut  reçu  doc- 
teur le  5  septembre  i5gi,  jusqu'à  sa  mort  (28  décembre  1622),  tout 
entier  à  ses  devoirs  ecclésiastiques,  publia  seulement,  à  côté  de  quel- 
ques courts  morceaux  et  de  certains  écrits  de  circonstances,  trois  ouvra- 
ges  importants  :  X Etendard  de  la  sainte  Croix,  \ Introduction  à  la 
vie  dévote  et  le  Traité  de  l'amour  de  Dieu.  Il  donne  divers  détails 
sur  le  premier  de  ces  livres,  le  texte  des  éditions  courantes  lui  parais- 
sant différer  du  texte  de  la  première  édition,  laquelle,  suivant  lui,  serait 
de  l'an  1600  {Défense  de  Vestentard  de  la  sainte  Croix  de  notre  Sau- 
veur Jésus-Christ.  Lyon,  J.  Piilehotte  ,  in-8"),  mais  qui,  suivant  le 
Manuel  du  libraire,  serait  de  097  (Annecy,  petit  in-8°)  '.  U Eten- 
dard se  place  dans  une  série  d'écrits  de  controverse,  que  M.  R.  (p.  4) 
décrit  ainsi  : 

«  loDeux  feuilles  volantes  —  deux  placards,  comme  on  disait  alors 
—  répandues  parmi  les  catholiques  par  un  des  leurs,  à  l'occasion  de 
Toraison  des  Quarante  Heures,  célébrée  au  village  d'Annemasse,  dans  les 
premiers  jours  de  septembre  1597.  Elles  portaient  pour  titre,  l'une  : 
De  la  vertu  de  la  Croix,  et  l'autre  :  Comment  la  Croix  doit  être  hono- 
rée. On  n'en  connaît  point  d'exemplaire,  et  on  n'en  peut  parler  que 
d'après  les  ouvrages  suivants  : 

2»  Un  écrit  du  pasteur  genevois  Antoine  de  la  Faye,  publié  sans  nom 
d'auteur,  quelques  semaines  après  ces  placards,  en  vue  de  les  combat- 
tre :  Brief  traitté  de  la  vertu  de  la  Croix  et  de  la  manière  de  l'ho- 
norer, s.  1.,  1597,  63  p.  8°.  L'exemplaire  qu'en  possède  la  Bibliothèque 
de  Berne  est  peut-être  le  seul  qui  ait  été  conservé.  Dans  l'Etendard  de 
la  sainte  Croix.,  saint  François  cite  le  Traitté  de  la  Faye  à  plus  de 
soixante  reprises,  et  en  transcrit  une  grande  partie; 

3"  L'Etendard  de  la  sainte  Croix.,  que  chacun  peut  lire  dans  les 
Œuvres  de  saint  François  de  Sales. 

4»  Réplique  chrestienne  à  la  response  de  M.  F.  de  Sales,  se  disant 
evesque  de  Genève,  sur  le  Traité  de  la  vertu  et  adoration  de  la  Croix, 
par  Antoine  de  la  Faye,  ministre  de  la  parole  de  Dieu  en  l'Église  de 
Genève.   De   1  imprimeiie  de  lacob  Stœr.  M.DC.IIII.  8  feuillets  non 

I.  Quoi  qu'en  dise  M.  R.  (p,  4;,  Brunet  ne  mentionne  pasTédilion  de  Lyon  (1600); 
il  ne  paraît  pas  avoir  connu  ctite  édition  et  ne  cite  (tome  V,  col.  72)  que  l'édition 
d'Annecy  (i5g7)  et  celle  de  Paris  (i6i3)  publiée  chez  Rigaud  sous  ce  titre:  Pantlio- 
logie,  Qu  Trésor  précieux  de  la  sainte  Croix  (petit  in-S"). 


4  REVUK    CRITIQUE 

paginés  et  240  p.  8°.  Cet  ouvrage  se  trouve  à  la  Bibliothèque  de  Ge- 
nève; je  ne  sache  pas  qu'on  le  rencontre  ailleurs.  » 

De  ces  écrits  et  de  divers  autres  documents,  M.  R.  a  tiré  quelques 
citations  qui  jettent  du  jour  sur  l'histoire  de  la  controverse.  La  première 
série  de  ses  extraits  se  rapporte  au  point  de  départ  de  toute  Taffaire  :  la 
restauration  de  la  croix  Philiberte,  pendant  l'oraison  des  Quarante 
Heures  qui  eut  lieu  à  Annemasse,  du  dimanche  matin  7  septembre 
1597  jusqu'au  mardi  matin  9,  et  les  placards  qui  furent  distribués  à 
cette  occasion  (p.  5-io).  Viennent  ensuite  (p.  11-16)  des  fragments  du 
Brief  traitté  de  la  Croix,  qui  devrait  être  reproduit  tout  entier  dans 
une  bonne  édition  des  œuvres  de  saint  François  de  Sales.  En  troisième 
lieu,  M.  R.  cherche  (p.  16-18)  à  déterminer  Tépoque  où  a  paru  VEten- 
dard  de  la  sainte  Croix.  Sans  s'arrêter  à  la  date  indiquée  par  Brunet, 
date  qui  lui  semble  provenir  de  quelque  malentendu  (le  point  est  à  vé- 
rifier par  les  bibliographes,  notamment  par  ceux  de  la  Savoie),  il  assure 
que  la  première  édition  de  l'Etendard,  imprimée  à  Lyon  avec  la  date 
de  1600,  ne  circula  dans  le  public  qu'en  161 3,  comme  le  texte  de  la 
Réplique  de  la  Faye  l'indique  nettement  '.  Enfin,  conférant  l'ouvrage 
de  saint  François  avec  celui  de  son  contradicteur,  il  a  tracé  quelques 
lignes  du  commentaire  que  devra  donner,  un  jour  ,  de  VEtendard 
«  Tannotateur  savant  et  soigneux  que  saint  François  de  Sales  finira 
bien,  sans  doute,  par  trouver  parmi  ses  coreligionnaires.  »  La  plus  con- 
sidérable des  remarques  de  M.  R.  est  celle  qui  touche  aux  emprunts  qui 
auraient  été  faits  par  le  futur  évêque  de  Genève  aux  traités  sur  la  Croix 
du  cardinal  Bellarmin  et  du  jésuite  Gretser,  emprunts  dont  il  faudrait 
mesurer  exactement  l'étendue.  Alors,  dit  très  bien  M.  R.  (p.  i)  «  les 
morceaux  de  ce  traité  de  controverse  qui  constituent  la  part  person- 
nelle de  l'enfant  de  la  Savoie  se  détacheront  du  reste  du  livre  avec  plus 
de  clarté  qu'aujourd^hui,  où  nous  ne  pouvons  les  distinguer  qu'au 
jugé.  » 

Ce  n'est  pas  seulement  de  VEtendard  de  la  sainte  Croix  que  s'oc- 
cupe M.  R.  dans  sa  curieuse  brochure  :  il  déclare  (p.  3,  note  i)  que  les 
éditions  successives  de  V Introduction  à  la  vie  dévote  donneraient  lieu  à 
un  intéressant  relevé  des  variantes  qu^elles  doivent  offrir,  car,  continue- 
t-il,  saint  François  de  Sales,  dans  une  lettre  à  M.  Deshayes,  de  la  fin  de 
1610,  dit  qu'il  a  ajouté  à  la  seconde  édition  beaucoup  de  petites  cho- 
settes,  suivant  les  désirs  que  plusieurs  dignes  juges  m'ont  témoigné 
d'en  avoir,  et  toujours  regardant  les  gens  qui  vivent  en  la  presse  du 

I.  Voici  ce  texte  :  A  la  partin,  M.  F.  de  Sales  a  fait  réponse  au  Brief  traitté  de 
la  Croix.  Ce  traitté,  bâti  soudain  et  opposé  à  deux  placards  volants,  touchant  la 
vertu  et  honneur  de  la  Croix,  fut  mis  en  lumière  à  Genève,  l'an  mil  cinq  cent  no- 
nante  et  sept.  Dès  adonc,  on  n'en  a  point  parlé.  A  présent  j^la  Répliqua  est  datée  du 
12  septembre  i6o3]  seulement  s'est  éveillé  le  dit  de  Sales,  et  s'est  tellement  escar- 
mouche à  rencontre,  que  pour  combattre  quatre  petites  feuilles,  if  a  dressé  un  livre 
de  'Ô26  grandes  pages.  Aussi  y  a-t-  il  employé  environ  sept  années.  » 


d'histoire  et  de  littérature  5 

monde.  Et  dans  une  lettre  de  1616  adressée  à  la  mère  Favre,  l'aimable 
écrivain  parle  d'une  nouvelle  réimpression  de  son  Introduction,  en  vue 
de  laquelle  il  la  prie  de  lui  apporter  divers  papiers,  pour  l'aider  à  faire 
quelques  additions  à  ce  livre.  Mais  en  tenant  compte,  dans  une  édition 
critique,  des  changements  introduits  par  l'auteur  lui-même,  il  faudrait 
aussi  noter  les  changements  introduits  par  les  éditeurs  successifs.  Au- 
cun livre  peut-être,  sous  prétexte  de  rajeunissement  et  d'épuration,  n'a 
été  plus  crueWsmcnt  malttané  que  l'Introduction  à  la  vie  dévote.  J'ai 
sous  les  yeux  deux  éditions,  une  hdèle  (Bordeaux,  G.  de  la  Court,  16Î2), 
l'autre  de  ce  temps-ci  et  très  infidèle.  On  lit  dans  l'édition  de  i652, 
(chapitre  xx,  p.  lyS)  ce  pittoresque  passage  :  «  il  n'y  a  pas  de  l'appa- 
rence qu'ils  veuillent  vous  détourner  de  cet  exercice,  qui  ne  leur  appor- 
tera aucune  commodité,  sinon  qu'ils  fussent  d'un  esprit  extrêmement 
coquilleux  '  et  déraisonnable  ».  L'éditeur,  notre  contemporain,  a  trans- 
formé (ab  uno  disce  omnes  crimine)  cet  esprit  coquilleux  en  une 
humeur  fâcheuse!  Je  ne  parle  pas  des  pudiques  changements  opérés 
dans  les  pages  écrites  par  la  main  d'un  saint,  changements  qui  font 
penser  à  ces  feuilles  de  vigne  qui  dernièrement,  au  musée  du  Louvre, 
avaient  été  appelées  à  voiler  d'une  façon  si  malencontreuse  les  chastes 
nudités  des  chefs-d'œuvre  de  la  sculpture  antique.  Tout  cela  est  déplo- 
rable, et  c'est  le  cas  de  répéter  le  mot  d'un  grand  admirateur  de  la  pu- 
reté des  textes  qui  s'écriait  avec  une  touchante  ferveur  :  Mon  Dieu  ! 
préservez-moi  de  mes  pires  ennemis,  les  mauvais  éditeurs  -  ! 

Une  des  parties  des  œuvres  de  saint  François  de  Sales  qu'il  serait  le 
plus  important  de  reconstituer,  et  dont  M.  R.  ne  s'est  pas  occupé,  c'est 
le  recueil  de  ses  délicieuses  lettres.  Je  disais,  il  y  a  déjà  quelques  années  : 
«  Il  reste  à  trouver  encore  quelques-unes  de  ces  pages  que  l'auteur  de 
ï Introduction  à  la  vie  dévote  écrivait  d'une  plume  si  facile  et  si  char- 
mante, et  ce  serait  bien  mériter  à  la  fois  des  admirateurs  du  grand  évê- 
que  de  Genève  et  des  amis  de  notre  vieille  langue,  que  de  rechercher 
avec  sollicitude  tout  ce  qui  manque  aux  diverses  éditions  de  sa  corres- 
pondance »  ".  M.  Jules  Vuy,  ancien  président  de  la  cour  de  cassation 
du  canton  de  Genève,  vice-président  de  l'Institut  genevois,  voulut  bien 


1.  Coquilleux  n'est  ni  dans  Richelet,  ni  dans  Trévoux.  Je  signale  ce  mot  aux  sa- 
vants philologues  qui  lisent  la  Revue  critique. 

2.  M.  R.  appelle  l'attention  des  chercheurs  (p.  10)  sur  un  ouvrage  de  la  jeunesse 
de  saint  François  de  Sales  qui,  selon  C.-A.  de  Sales,  fut  mis  au  jour  par  son  oncle 
avant  la  mort  de  Claude  de  Gravier,  évêque  de  Genève  (17  septembre  1602).  C'est  à 
propos  du  Rituel  des  sacrements  que  le  biographe  de  saint  François  rapporte  ceci  : 
«  Enfin,  il  ajusta  une  forme  de  proposer  au  peuple  les  points  principaux  de  la  reli- 
gion chrétienne,  tous  les  jours  de  dimanche,  qu'il  avait  déjà  mise  en  lumière  par  le 
commandement  de  son  prédécesseur,  mais  qu'il  corrigea  de  plusieurs  fautes  que  les 
imprimeurs  y  avaient  commises  ».  II  était  dans  la  destinée  de  saint  François  de  Sa- 
les d'être  la  victime  des  imprimeurs  et  encore  plus  des  arrangeurs  ! 

3.  Revue  des  Qjtestions  historiques  du  i""  janvier  1S76,  p.  241  :  Trois  Icitres  iné- 
dites de  saint  François  de  Sales. 


O  REVUE    CRITIQUE 

reproduire  mon  cippel  dans  ÏAvant-projfos  de  la  Philothée  de  saint 
François  de  Sales  \  et  ajouter  qu'il  y  avait  répondu  de  son  mieux  en 
publiant  en  ce  volume  douze  lettres  inédites  du  saint  ami  de  M™"  de 
Charmoisy.  Puisse-t-il,  après  avoir  en  partie  exaucé  mon  vœu,  exaucer 
entièrement  celui  de  M.  Eugène  Ritter  et  attacher  son  nom  à  une 
édition  critique  et  vraiment  complète  des  œuvres  de  saint  François  de 
Sales! 

T.  DE  L. 


3.  —  Louis  GoNSE  :   î^'Art  Jiipoisjaîs,    2   vol.    in-4,  vol.  I,   pp.   iv,  3o8;    vol.    II, 
369.   Paris,  A.  Quantin,  i883. 

Le  japonisme  est  à  la  mode;  cela  se  conçoit  :  il  y  a  vingt-cinq  ans  à 
peine  que  Tart  authentique  du  Japon  s'est  tait  connaître  et  l'Occident 
est  encore  dans  l'enivrement  de  la  découverte.  Pendant  trois  siècles  les 
Hollandais,  qui  avaient  le  monopole  du  commerce  japonais,  inondaient 
PEurope  de  produits  courants,  admirés  de  confiance,  ou  d'articles  fa- 
briqués expressément  en  vue  du  goût  européen,  aussi  contraires  que 
possible  au  goût  et  aux  traditions  du  pays  et  que  nos  collectionneurs  se 
disputaient  âprement  sous  le  nom  de  vieux  japon  :  c'est  la  foi  qui  sauve. 
C'est  en  1867,  à  l'exposition  de  Paris,  que  le  vrai  japon  fit  son  appari- 
tion, avec  une  collection  incomparable  d'antiques,  qui,  offerte  à  Paris 
et  à  Londres  et  refusée  par  les  deux  métropoles,  se  dispersa  dans  vingt 
collections.  L'année  suivante,  1868,  éclatait  la  grande  révolution  qui,  à 
la  façon  européenne,  débuta  par  le  vandalisme  :  les  grands  seigneurs 
féodaux  ruinés,  les  temples  dépouillés,  envoyèrent  leurs  trésors  enrichir 
à  vil  prix  les  marchands  et  de  là  les  collectionneurs  d'Occident.  Un 
moment  vint  où  l'on  put  croire  que  le  Japon  serait  le  seul  pays  où  l'art 
japonais  serait  introuvable.  Depuis,  une  réaction  s'est  produite.  Les 
Japonais  ont  appris  ou  rappris  des  Européens  le  prix  de  leurs  chefs- 
d'œuvre;  ils  ont  veillé  avec  un  soin  religieux,  mêlé  de  repentir,  sur  les 
débris  de  leur  gloire  artistique,  et  non  seulement  ils  les  défendent  contre 
les  attaques  du  dehors,  mais  ils  prennent  l'offensive,  rachètent  en  Eu- 
rope, réparent  peu  à  peu  leurs  pertes,  et  le  métier  de  collectionneur  est 
une  fantaisie  qui  n'est  plus  permise  à  présent  qu'aux  millionnaires. 

A  mesure  qu'affluaient  les  spécimens  de  cet  art,  si  neuf  pour  l'Eu- 
rope dans  sa  simplicité,  sa  grâce,  sa  perfection  de  mise  en  œuvre,  les 
livres  sur  l'art  japonais  se  multipliaient.  C'étaient,  comme  on  pouvait 
s'y  attendre,  des  séries  de  points  d'exclamation,  avec  la  conclusion  at- 

I.  Seconde  partie,   187g,  p.   xxv.  M.   R.  (p.  23)   apprécie  fort  bien  cet  ouvrage 
«  M.  Jules  Vuy,  dit-il,  a  publié  sur  l'auteur  de  Vlntroduction  à  la  vie  déi>ote  des  re- 
cherches remarquables,  et  trop  peu  remarquées  chez  nous  :  La  Pitilotliée  de  sain^ 
François  de  Sales,  2   vol.  1878  et  1879;  mais  ce   n'est  qu'un  premier  pas  :   il  faut 
poursuivre  jusqu'au  bout  ». 


D  HISTOIRE    ET    D!C    LlTTi' RATURE 


tendue:  Faites-vous  Japonais!  Et  nos  artistes  de  se  faire  Japonais.  Nous 
n'avons  pas  ici  à  prendre  parti  entre  japonistes  et  antijaponistes  : 
sans  entrer  dans  le  vif  de  la  question,  conlentons-nous  de  constater  que 
cet  art  n'aurait  que  des  admirateurs  s'il  ne  s'était  avisé  de  rendre  la 
personne  iuimaine  :  par  malheur  il  l'a  fait,  et  i'hommechez  lui  n'a  guère 
qu'une  attitude,  celle  de  la  grimace  et  de  la  contorsion.  Est-ce  volonté 
ou  nécessité?  A-t-ii  fait  l'homme  laid,  du  moins  pour  Tœil  européen, 
parce  que  Thomme  qu'il  voit  est  tel  pour  l'œil  européen,  de  sorte  qu'il 
y  aurait  nécessairement  entre  les  deux  arts  une  antipathie  de  race  et 
physiologique,  partant  invincible?  Cependant,  si  on  examine  des  pho- 
tographies de  types  japonais,  on  rencontre  plus  d'une  fois  des  spécimens 
qui  répondent  de  bien  près  à  noire  idée  de  la  beauté.  Serait-ce  que  l'ar- 
tiste, à  la  façon  de  nos  naturalistes,  a  pense  que  la  beauté  est  une  ex- 
ception à  laquelle  un  art  qui  se  respecte  n'a  pas  le  droit  de  s'arrêter  :  la 
laideur,  étant  la  règle,  tait  seule  loi  pour  i'idéal.  Ou  faut-il  avec 
M.  Bousquet  supposer,  en  désespoir  de  cause,  que  les  Japonais  ont  lu 
Solger  et  la  théorie  de  l'ironie  dans  l'art  :  «  Le  but  de  l'art  est  de  révé- 
ler le  néant  des  choses  finies,  des  créatures  contingentes,  en  présence  de 
l'absolu,  et  de  faire  ressortir  l'ironie  divine  '.  »  Mais  si  de  la  représen- 
tation humaine,  on  passe  à  celle  de  l'animal,  de  la  plante,  de  la  fleur, 
des  détails  de  paysage  ;  si  de  la  peinture  on  passe  aux  arts  intérieurs, 
ciselure,  laque,  céramique,  l'impression  change  du  tout  au  tout  et  l'on 
n'est  plus  loin  de  partager  les  enthousiasmes  des  dilettanti  les  plus 
expansifs. 

Dans  la  littérature  déjà  abondante  relative  à  l'art  du  Japon,  le  livre 
dont  nous  voulons  entretenir  les  lecteurs  de  la  Revue  occupe  une  place 
à  part  et  ouvre  une  direction  nouvelle.  Admirateur,  mais  de  sang-froid, 
des  artistes  japonais,  qu'il  considère  comme  «  les  premiers  décorateurs 
du  monde  »,  convaincu  que  Tétude  de  leurs  œuvres  peut  ranimer  et 
renouveler,  non  pas  le  grand  art  qui  n'a  rien  à  gagner  à  se  faire  japo- 
nais, mais  le  sens  de  la  décoration  qui  tend  ù  se  perdre,  M.  Gonse  avait 
organisé  il  y  a  deux  ans  la  iameuse  exposition  de  ia  rue  De  .^e/.e,  qui 
avait  groupé  les  quatre  ou  cinq  plus  belles  collections  de  Paris  :  les 
visiteurs  de  cette  exposition  retrouveront  dans  ce  livre  les  plus  beaux 
spécimens  quMls  ont  admiiés  il  y  a  deux  ans.  Mais  le  caractère  qui  fait 
pour  nous  la  "aleur  principale  de  ce  grand  ouvrage  et  par  lequel  il  ren- 
tre dans  le  cadre  tie  la  Revue  critique,  c'est  que  ce  n'est  pas  un  exposé 
de  thèse,  c'est  un  exposé  historique.  M.  G.  a  pensé  qu'il  était  temps  de 
sortir  des  discussions  théoriques  et  oiseuses  et  de  tenter  une  histoire  de 
l'art  japonais. 

Une  première  question  vous  vient  aussitôt  aux  lèvres  :  une  pareille 
histoire  est  elle  possible?  Cet  art  est  si  loin  de  nous  que  tout  nous  en 
paraît  sur  le  même  plan,  et  Tidée  ne  nous  vient  même  pas  que  tous  ces 


I.  Le  Jdfon  de  nos  jours,  II,  169, 


8  REVUE    CîliTIQUE 

noms  exotiques,  qui  ont  la  même  valeur  négative  devant  notre  igno- 
rance, puissent  jamais  se  localiser  dans  le  temps  et  que  les  noms  de 
Kanaoka  et  Hokusai  aient  un  sens  historique  et  artistique  aussi  précis 
que  les  noms  de  Cim.abué  et  Gustave  Doré.  Oui,  cette  histoire  est  pos- 
sible et  pour  deux  raisons  :  i»  parce  que  les  Japonais  eux-mêmes  la 
connaissent  et  en  ont  la  tradition  ;  2°  parce  qu'il  existe  un  grand  nom- 
bre d''œuvres  anciennes  et  datées  ;  de  sorte  que  nous  avons  en  main  les 
deux  éléments  nécessaires  et  suffisants  de  toute  histoire  complète  :  une 
tradition  suivie  pour  en  dresser  le  cadre  et  des  monuments  réels  pour 
contrôler  la  tradition  et  remplir  les  cadres  qu'elle  a  dressés. 

Les  histoires  japonaises  de  la  peinture  abondent  :  plusieurs  remon- 
tent au  siècle  dernier  ;  la  plus  célèbre,  le  Tanyu  Ringoiia  remonte  au 
xvjie  siècle  :  c'est  l'œuvre  du  plus  grand  peintre  de  ce  siècle,  Tanyu 
(1 601-1674),  lequel,  étant  aussi  un  grand  coniiaisseur  de  peintures  an- 
ciennes, a  réuni  dans  son  recueil  toutes  les  œuvres  de  vieux  maîtres 
qu'il  a  pu  rencontrer.  Les  annales  historiques  et  les  œuvres  purement 
littéraires  fournissent  aussi  une  masse  de  renseignements  épars,  mais 
non  moins  précieux,  dont  la  série  se  suit  sans  interruption  depuis  le 
texte  le  plus  ancien  du  Japon,  le  Ko-^i-ki  (vers  700),  jusqu'aux  voya- 
geurs européens  des  derniers  siècles.  Au  témoignage  littéraire  joignez 
celui  des  œuvres  mêmes  :  presque  toutes  les  œuvres  d'art  sont  signées, 
et  par  suite  plus  ou  moins  datées,  car  un  nom  est  le  plus  souvent  une 
date.  Ce  témoignage  réel  peut  se  suivre  presque  aussi  loin  que  le  té- 
moignage écrit,  grâce  aux  trésors  des  temples  nationaux,  dépôt  des 
chefs-d'œuvre  les  plus  antiques  et  les  plus  révérés  :  le  plus  précieux  de 
ces  trésors  est  celui  du  temple  de  Todaïji,  à  Nara,  l'ancienne  capitale 
des  empereurs;  à  l'abri  du  sanctuaire,  les  reliques  de  l'art  ont  traversé 
dix  siècles;  on  les  exhumait  à  la  tin  de  chaque  cycle  pour  constater  leur 
présence  et  leur  état  de  conservation  :  puis  on  les  laissait  se  rendormir 
un  nouveau  sommeil  de  soixante  ans.  La  dernière  visite  a  eu  lieu  en 
1875  :  elle  fut  faite  cette  fois  avec  des  préoccupations  d'archéologue. 

Manuels,  témoignages  historiques  et  littéraires,  inscriptions  funérai- 
res, signatures  d'œuvres,  inventaires,  toutes  ces  données  réunies  par  un 
critique  japonais,  M.  Wakaï,  lui  ont  fourni  les  matériaux  d'une  histoire 
complète  de  l'art  japonais,  encore  inédite,  mais  que  M.  G.  a  eue  en 
mains.  M.  G.  ne  connaît  point  le  japonais  :  mais  il  avait  l'assistance 
d'un  lettré  intelligent,  M.  Tadamasa  Hayashi,  grâce  à  qui  il  a  pu  ex- 
traire des  textes  tous  les  renseignements  qui  lui  étaient  nécessaires,  lire 
les  signatures  des  œuvres  d'art,  et  armé  de  cette  clef  il  n'a  eu  qu'à 
passer  en  revue  la  masse  des  matériaux  contenus  dans  les  princi- 
pales  collections    publiques  et  privées  '  de   France    et    d'Europe   et 

I.  Paris  n'a  que  des  collections  privées  (collections  Gonse,  Bing,  Burty,  Monte- 
fiore,  Cahen,  Camondo,  etc.);  il  aura  bientôt  deux  collections  publiques,  l'une 
bientôt,  espérons-le,  celle  que  M.  Guimet  offre  à  l'Etat  (qui  hésite!);  l'autre,  le  plus 
tard  possible,  espérons-le,  celle  que  M.  Cernuschi  a  léguée  à  la   ville  de   Paris.  Le 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  9 

qui  se  sont  laissé  sans  peine  classer  d'après  les  temps  et    les  écoles. 

L'ouvrage  s'ouvre  par  une  large  introduction  donnant  l'esquisse  de 
l'histoire  politique  du  Japon  d'après  les  travaux  les  plus  récents,  de  ses 
mythologies,  de  son  ethnologie,  de  sa  géographie.  Le  milieu  ainsi  re- 
connu. Fauteur  passe  à  l'étude  directe  des  arts  :  la  peinture  occupe  tout 
le  reste  du  premier  volume  :  c'est  la  partie  traitée  avec  le  plus  de  déve- 
loppement, parce  qu'en  tait  la  peinture  est  le  cœur  même  de  l'art  japo- 
nais :  tous  les  arts  inférieurs  en  sont  pénétrés  et  inspirés  :  ciseleurs,  la- 
queurs,  tisseurs,  céramistes  ont  été  peintres  eux-mêmes  ou  ne  font  que 
transporter  le  dessin  des  maîtres  sur  le  métal,  le  bois,  la  soie,  l'argile; 
la  ciselure  en  particulier,  par  le  jeu  harmonieux  des  alliages,  «  est  de- 
venue peu  à  peu  la  plus  riche  des  palettes  »  (II,  i55).  Le  second  volume 
est  consacré  à  l'architecture,  la  sculpture,  la  ciselure,  aux  laques,  aux 
tissus,  à  la  céramique  et  la  gravure;  pour  la  céramique  M.  G.  a  laissé 
la  parole  au  plus  habile  connaisseur  de  la  matière,  M.  Bing,  qui  en  ex- 
pose l'histoire  avec  une  précision  et  une  netteté  toute  scientifique.  Il 
nous  est  impossible  de  suivre  M.  G.  à  travers  toutes  les  écoles  où  il 
nous  conduit  ni  d^apprécier  la  valeur  critique  des  œuvres  qu'il  nous 
fait  connaître  :  cette  tâche  a  d'ailleurs  été  remplie  par  les  critiques  d'art 
avec  une  compétence  que  nous  n'avons  pas,  et  nous  i-enverrons  en  parti- 
culier le  lecteur  à  un  article  de  M.  Ary  Renan,  d^un  esprit  historique 
très  sûr,  semé  d'aperçus  ingénieux  et  d'observations  délicates  et  où  une 
sympathie  profonde  pour  l'art  oriental  n'altère  pas  le  sentiment  très  net 
des  nécessités  de  l'art  moderne  ^  J'essayerai  uniquement  de  mettre  en 
lumière  les  points  par  lesquels  l'histoire  de  l'art  japonais  se  rattache  à 
l'histoire  générale  de  l'art.  L'histoire  complète  d'un  art,  quel  qu'il  soit, 
fût-il  isolé  et  sans  point  de  contact  avec  le  reste  du  monde,  a  toujours 
sa  valeur  scientifique  et  vaut  la  peine  d'être  étudiée  pour  elle-même  : 
mais  l'art  japonais  a  cet  intérêt  capital  pour  l'historien  que  c'est  le 
représentant  de  deux  arts,  à  peine  connus,  lun  faute  de  documents 
accessibles  aux  Européens,  l'autre  faute  de  docnments,  à  savoir  l'art 
chinois  et  l'art  indien;  de  plus  il  a  peut-être  eu  des  points  de  contact 
historiques  avec  l'art  persan,  de  sorte  que  par  trois  côtés  il  rentre  dans 
l'histoire  générale.  Examinons  rapidement  ces  trois  points,  en  suivant 
les  données  de  M.  G.,  que  nous  compléterons  à  l'aide  de  quelques 
documents  parus  depuis. 


Musée  de  Berlin  a  la  collection  Gierke;  Leyden  les  collections  formées  par  M.  de 
Siebold;  mais  c'est  le  British  Muséum  qui  possède  la  collection  à  la  fois  la  plus 
riche  et  la  plus  scientitiquement  formée  d'Europe,  celle  du  D""  Anderson  qui,  au 
cours  d'un  long  séjour  au  Japon,  l'a  formée  en  se  plaçant  spécialement  au  point  de 
vue  historique;  il  en  imprime  à  présent  le  catalogue:  rangée  par  date  et  par  écoles, 
elle  fera  à  elle  seule  une  histoire  de  l'art  japonais.  —  Les  Etats-Unis  possèdent  la 
collection  la  plus  nombreuse  de  kakémonos  (peintures  rouléesj;  celle  de  M.  Fe- 
noUosa  (5ooo  pièces). 

1.  Nouvelle  Revue,  1884,  '5  août  i"  septembre. 


10  REVUE    CRITIQUE 

La  civilisation  du  Japon,  comme  on  sait,  est  la  civilisation  chinoise  : 
mais  si  l'on  en  croit  la  tradition  indigène,  ce  n'est  point  directement  de 
la  Chine  que  le  Japon  a  reçu  d'abord  cette  civilisation,  mais  médiate- 
ment  de  la  Corée,  qui,  conquise  au  iii'^  siècle  par  Zingou,  la  grande  impé- 
ratrice semi-légendaire,  envoya  bientôt  à  ses  conquérants,  avec  le  lettré 
Wa-nin,  les  lettres  et  les  sciences  de  la  Chine.  11  ne  faut  pas  oublier 
qu'à  cette  époque  ancienne,  la  Corée,  aujourd'hui  si  arriérée,  était  le 
foyer  et  l'asile  de  la  civilisation  chinoise,  qui  menaçait  de  s'éteindre 
dans  les  guerres  civiles  où  périt  la  dynastie  des  Han.  Si  l'incertitude  de 
la  chronologie  japonaise  pour  les  périodes  anciennes  —  une  chronologie 
sérieuse  ne  commence  qu'avec  Tintroduction  du  calendrier  chinois,  au 
vii^  siècle  —  ne  permet  point  d'accepter  de  confiance  les  dates  refaites 
des  annales  indigènes,  il  n'y  a  ceoendant  aucune  raison  de  mettre  en 
doute  l'authenticité  même  d'une  tradition,  confirmée  à  la  fois  et  par  ce 
qu'on  sait  de  la  Corée  de  ce  temps  et  par  la  suite  des  annales^  qui  mon- 
tre un  courant  ininterrompu  d'échanges  intellectuels  allant  de  la  grande 
presqu'île  aux  îles  de  l'archipel  voisin.  La  peinture  est-elle  aussi  venue 
de  la  Corée?  Cela  est  probable  :  car  la  tradition  distingue  expressément 
entfe  le  style  coréen  [Korai  tpe)  et  le  style  chinois  [Kara  wé)  ^  ;  or  cette 
distinction  ne  peut  guère  avoir  qu'une  signification  historique  ;  car,  à 
supposer  même  qu'il  y  eût  une  peinture  coréenne  indépendante  et  ayant 
son  cachet  propre,  il  est  peu  vraisemblable  que  le  Japon,  dominé  comme 
il  le  fut  par  le  génie  chinois,  eût  jamais  passé  de  la  Chine  à  la  Corée,  s'il 
avait  débuté  par  l'éducation  chinoise  directe.  Le  D'' Anderson  qui  nous 
fait  connaître  cette  distinction  se  déclare  incapable  de  préciser  les  carac- 
tères du  style  coréen,  et  les  rares  spécimens  de  peinture  coréenne  qu'il  a 
pu  voir  sont  de  la  pure  peinture  chinoise.  Le  Korai  we  des  auteurs  japo- 
nais pourrait  donc  bien  n'être  autre  chose  que  le  style  chinois,  connu 
d'abord  par  l'intermédiaire  de  la  Corée;  plus  tard,  connu  directement,  il 
prit  le  nom  de  Kara  we^  sans  qu'il  y  eût  changement  de  fond. 

Les  rapports  avec  la  Chine  commencent  selon  les  annales  chinoises 
en  b-j  de  notre  ère,  selon  les  annales  japonaises  au  m*  siècle  sous  la 
reine  Zingou.  Au  ve  siècle,  sous  l'empereur  Yu-riak,  paraît  un  peintre 
chinois,  dont  la  famille  fournit  des  peintres  à  la  cour  durant  cinq  ^ini- 

I.  Nous  empruntons  ce  détail  à  un  remarquable  article  du  D'  Anderson  qui  semble 
avoir  échappé  à  l'attention  de  M.  Gonse  et  qui  a  paru  en  187Q  à  Yokohama  dans 
les  Transactions  de  la  Société  asiatique  du  Japon.  Nous  profitons  de  l'occasion  pour 
appeler  l'attention  sur  les  travaux  de  celte  société,  trop  peu  connus  en  France  et  qui 
sont  l'expression  la  plus  avancée  et  la  plus  haute  des  études  japonaises.  jMalgré  les 
vagaries  de  quelques-uns  des  écrivains,  ces  travaux  présentent  pour  la  plupart 
(Satow,  Chamberlain,  Anderson)  une  sûreté  de  méthode,  une  netteté  et  une  exacti- 
tude à  laquelle  il  faut  le  dire,  la  philologie  anglaise  ne  nous  a  pas  toujours  habitués 
sur  d'autres  domaines.  —  M.  Anderson  a  donné  d'une  façon  plus  sèche  la  substance 
de  cet  article  dans  la  préface  du  Guide  au  Japon  de  M.  Satow  (a'  éd.  i883j.  11  im- 
prime une  histoire  générale  de  la  peinture  japonaise  dont  cet  article  donne  d'avance 
une  très  haute  idée. 


û  MISTOÎHE    KT    DE    LITTERATURE  I  { 


valions;  il  y  a  donc  eu  concurremment  au  Japon  des  peintres  de  Corée 
et  des  peintres  de  Chine  :  mais  de  ces  périodes  anciennes,  il  n'est  rien 
resté  que  des  noms,  de  sorte  qu'il  est  impossible  de  savoir  s'il  y  avait  une 
différence  aiitre  que  celle  d'origine  entre  le  Kara  we  et  le  Korai  \ve. 

Un  fait  qui  ferait  penser,  il  est  vrai,  qu'il  y  avait  plus  que  cela,  qu'il 
y  avait  une  différence  de  fond,  une  différence  artistique  réelle,  c'est  que 
M.  G.,  qui  ne  semble  pas  connaître  l'existence  de  cerie  distinction 
du  Korai  we  et  du  Kara  we,  est  arrivé  par  des  raisons  purement  esthé- 
tiques à  une  distinction  absolument  identique.  Il  reconnaît  dans  l'art 
japonais  un  élément  irréductible  au  génie  chinois,  qui  serait  ce  fonds 
coréen,  lequel  fonds  serait  aryen,  la  Corée  étant  primitivement  iiiJo-eu- 
ropéenne.  Mais  sur  cette  question,  l'exposition  de  M.  G.  manque  un 
peu  de  sa  netteté  habituelle  et  il  semble  qu'il  y  ait  quelque  confusion 
dans  les  faits  qu'il  met  en  œuvre.  Il  v  a  certainement,  comme  nous  le 
verrons  tout  à  l'heure,  un  élément  indo-européen  dans  l'art  japonais  : 
mais  c'est  un  élément  parfaitement  défini,  qui  n'est  ni  japonais-,  ni 
coréen,  et  que  les  Japonais  ont  parfaitement  reconnu  :  c'est  l'élément 
indien  ou  bouddhique,  venu  de  l'Inde  par  l'intermédiaire  de  la  Chine 
avec  la  religion  du  Bouddha  (vu''  siècle)  et  qui  lui-même  csi  un  reflet 
lointain  de  l'art  grec,  apporté  dans  la  vallée  de  l'Indus  par  les  suc- 
cesseurs d'Alexandre  :  c'est  ce  que  les  Japonais  appellent  Buisii  we, 
l'art  bouddhique.  Mais  avant  tout  apport  chinois  et  indo-européen,  y 
a-t-il  un  élément  autre,  soit  japonais,  soit  coréen?  Je  crois  que  faire 
des  Japonais  primitifs  un  peuple  indo-européen,  est  une  hypothèse 
contre  laquelle,  à  tout  le  moins  dans  l'état  de  nos  connais-ances.  tout 
proteste.  Je  ne  sais  si  les  ethnologistes  admettraient  la  possibilité  d'une 
parenté  entre  les  deux  races;  mais  entre  les  deux  civilisations,  sous 
leur  forme  la  plus  ancienne,  —  ce  qui  est  le  point  important  —  ni  l'his- 
torien ni  le  philologue  ne  trouve  jusqu'ici  aucun  indice  de  parente  la 
plus  lointaine  '.  Sur  les  Coréens  anciens,  nous  savons  moins  encore 
que  sur  les  Japonais,  et  de  ce  qu'on  en  sait  ne  se  dégage  pas  la  moin- 
dre trace  d'aryanisme.  La  question  reste  donc  entière  et,  en  l'absence 
de  monuments  anciens  de  l'art  coréen,  la  solution  ne  pourra  guère 
venir  que  des  textes. 


I.  M.  Ashlon,  auteur  d'une  excellente  grammaire  japonaise,  a  publié  un  mémoire 
pour  montrer  l'affinité  du  japonais  avec  les  langues  aryennes  (Traiisuciions,  1874, 
2'23-23i\  Ce  mémoire  est  la  meilleure  réfutation  de  la  thèse  qu'il  soutient,  il  serait 
nécessaire  que  la  philologie  japonaise  fût  abordée  par  quelque  travailleur  formé  aux 
méthodes  de  la  philologie  aryenne  ou  sémitique.  On  ne  verrait  peut-être  plus  des 
savants  de  la  valeur  du  Rev.  Edkins  proposer  aux  Japonais  de  perfectionner  leur 
langue  en  y  introduisant  quelques  prépositions  anglaises,  l'article  «  qui  est  si  com- 
mode »,  le  relatif,  etc.  et  de  changer  la  syntaxe  du  verbe  :  le  Japonais  dit  ilic 
slicphcrd  ihc  Jlock  leads  au  lieu  de  dire,  com.me  on  doit:  the  shcplierd  Icads  thc 
flock  :  «  Or,  une  loi  si  incommode,  observe  M.  Edkins,  est  pour  l'esprit  qui  s'y  rési- 
gne une  preuve  décisive  d'infériorité  intellectuelle  n.  [Trausactions,  1874,  96-110). 


12  REVUE    CRITIQUE 

Au  vi^  siècle  paraît  le  bouddhisme.  Il  vient  également  de  Corée  (du 
royaume  de  Koudara),  apporté  par  une  ambassade  composée  de  bonzes; 
après  de  longues  résistances  nationales,  le  bouddhisme,  protégé  par 
l'Açoka  japonais,  le  prince  Umayadono  Oci,  triomphe  (fin  du  vi^  siè- 
cle) :  durant  les  deux  siècles  suivants  le  Japon  va  chercher  en  Chine,  à 
la  source,  renseignement  bouddhique  :  il  en  rapporte  l'art  bouddhique, 
le  Butsu  we,  c'est-à-dire,  l'art  indien  transporté  en  Chine. 

M.  G.  pense,  avec  grande  raison  semble-t-il,  d'après  le  caractère  des 
peintures  anciennes,  que  la  première  part  dans  le  développement  de 
l'art  japonais  revient  à  l'art  bouddhique  :  on  conçoit  d'ailleurs  aisé- 
ment que  le  bouddhisme,  avec  ses  larges  besoins  d'adoration  et  d'ido- 
lâtrie, ait  dû  être  au  Japon,  comme  il  l'a  été  partout  ailleurs,  un  pro- 
moteur incomparable  :  Part  vit  d'idoles,  et  le  culte  nouveau  avec  ses 
innombrables  pagodes  à  peupler,  avec  ses  légions  de  Bouddhas  et  de 
Rakans  (arhan),  avait  bien  d'autres  exigences  que  le  luxe  ou  le  dilettan- 
tisme de  Souméras  à  demi-barbares  et  qui  commençaient  à  peine  à 
s'éveiller  aux  curiosités  d'un  art  encore  désintéressé.  Il  suit  de  là  que 
le  premier  développement  et  le  plus  considérable  de  l'art  du  Japon  est 
indien,  sous  pavillon  chinois  sans  doute,  mais  indien  de  fond  :  le  boud- 
dhisme transporta  de  Chine  au  Japon  le  type  semi-aryen  de  Çakya 
Mouni,  consacré  et  conservé  par  un  hiératisme  immuable,  et  qui 
contraste  étrangement  au  milieu  des  types  mongols  et  mongolisants 
de  l'art  laïque.  Les  siècles  passent  sans  l'altérer  sur  ce  type  traditionnel, 
copié  de  génération  en  génération  :  ce  grand  Bouddha  de  Meguro, 
perle  gigantesque  du  musée  Cernuschi,  qui  semble  pris  de  quelque 
temple  d'Ellora,  vient  d'un  faubourg  de  Kioto  et  n'a  pas  un  siècle 
d'existence.  De  là  une  conséquence  importante  pour  l'histoire  de  l'art 
indien  :  c'est  que  cet  art,  si  mutilé,  presque  sans  documents  pour  la 
peinture,  revit  pour  nous  au  Japon.  Il  y  a  quelques  années,  la  décou- 
verte de  manuscrits  sanscrits  au  Japon,  montrait  tout  ce  que  les 
temples  bouddhiques  du  Nippon  peuvent  réserver  de  surprises  et  per- 
mettre d'espérances  aux  sanscritistes  désappointés  des  vides  de  la  littéra- 
ture bouddhique  de  l'Inde  :  mais  ce  qui  n'est  là  qu'une  espérance  est  ici 
une  réalité.  En  mettant  les  choses  au  mieux,  le  plus  heureux  fureteur 
d'inédit  ne  trouvera  au  Japon  qu'à  glaner,  car  il  est  clair  que  la  masse 
littéraire  est  en  Inde  :  pour  l'art,  au  contraire,  elle  est  au  Japon  :  l'art 
archaïque  de  l'Inde,  disparu  de  l'Inde,  est  resté  là.  Il  est  bien  vrai  qu'on 
le  retrouverait  aussi  bien  en  Chine,  puisque  c'est  de  là  que  le  Japon  l'a 
reçu  :  mais  la  Chine  est  fermée  et  le  Japon  est  ouvert.  Si  maintenant 
l'on  songe  que  cet  art  indien  n'est  en  Inde  qu'un  dépôt  de  la  civilisation 
hellénique,  une  lointaine  et  vague  parenté  s'établit  des  Cyclades  aux  îles 
du  Soleil  Levant,  le  Bouddha  de  Meguro  prend  place,  —  humblement, 
comme  il  convient  à  un  ascète,  —  aux  côtés  de  Zeus  Olympien,  et  à 
travers  l'Inde  et  la  Chine  c'est  un  rayon  du  génie  grec,  qui  vient,  deux 
fois  réfracté,  éclairer  la  pauvre  cellule  de  Sesshiu  ou  de  Mintshio. 


d'histoire  et  de  littérature  i3 

A  côté  des  éléments  chinois  et  indien,   M.  G.  croit  reconnaître  un 
troisième  élément,  que  les  Japonais  eux-mêmes  n'ont  pas  reconnu,  Télé- 
ment  persan.  Il  en  retrouve  la  trace  dans  certaines   formes  de  décor, 
certains  détails  de  l'ornementation,  dans  le  dessin  de  l'école  de  Tosa, 
dans  le  rendu  des  draperies  et  des  extrémités  (I,   198).  Il  le  retrouve 
encore  dans  les  arabesques  des  étoffes  du  xV  siècle  et  leurs  rinceaux  à 
base  florale  (II,  226)  ;  dans  la  ciselure  et  la  broderie  des  gardes  d'épée 
(II,  iSg).  Or  cet  élément  persan  paraît  non  seulement  au  xvi^  siècle, 
époque  où  l'arrivée  des  Portugais  met  Ormuz  et  Bouchir  en  relations 
avec  TExtrême  Orient  ',  mais  dans  les  siècles  précédents,  où  l'intermé- 
diaire européen  nu  pas  encore  paru  dans  les  mers  d'Orient.  La  réalité 
de  cet  élément  persan  dans  l'art  du   Japon  est  une  question  sur  la- 
quelle le  critique  d'art  est  seul  compétent,   en  l'absence  de  documents 
historiques.  Il  est  bien  vrai  que  le  silence  des  Japonais  à  cet  égard  est 
un  fait  grave  :  ils  n'ont  aucun    faux  amour-propre  national,  et  s'ils 
avaient  eu  la  conscience  d'un  élément  persan  dans  leur  art,  ils  n'auraient 
sans  doute  pas  plus  hésité  à  l'avouer  qu'ils  ne  l'ont  fait  pour  les  élé- 
ments coréen,  chinois,  indien.  Ce  silence  prouve  à  tout  le  moins  qu'il 
n'y  a  pas  eu  d'école,  au  sens  strict  du  mot  :   mais  je  m'empresse  de 
dire  que  ceci   n'exclut  nullement  la   possibilité  de  ces  mille  contacts 
indirects,  de  ces   accidents  de  commerce   ou  autres,  qui  pour   passer 
inaperçus  n'en  ont  pas   moins   une  influence  d'autant  plus  protonde 
qu'elle  est  presque  inconsciente.  Or,  l'histoire  semble  établir  la  possibi- 
lité et  la  réalité  de  ces  contacts  indirects  entre  la  Perse   et  le  Japon. 
M.   de   Longpérier,  que  l'archéologie  est  toujours   sûre  de  trouver   le 
premier  là  où  il  y  a  une  voie  nouvelle  à  ouvrir,  un  nouvel    échange 
artistique  à  reconnaître,  avait  il  y  a  une  dizaine  d'années  signalé  dans 
le  trésor  de  Hau-riô-zi  la  présence  d'une  aiguière  sassanide  ^.  Gomment 
ces  vases  sassanides  ont-ils  trouvé  le  chemin  de  Nara?  Est-ce  par  la 
Chine,  ou  sont-ils  venus  directement  de  la  Perse  par  le  commerce  mari- 
time? Des  textes  arabes,   depuis  longtemps  connus,  mais  nouvellement 
interprétés  par  M.  de  Goeje  \  viennent  d'établir  que  les  marins  persans 
et  arabes  des    premiers  siècles  de   l'hégire  connaissaient  le  Japon  et  y 
abordaient  peut-être:  c'est  le  pays  de  Wa- Ktyak ^  des  voyageurs  arabes: 
bien  plus,  les  marins  japonais  de  cette  époque  s'aventuraient  sur  les  mers 
et  les  Arabes  nous  ont  conservé  le  souvenir  d'une  expédition  commerciale 

1.  Ce  qui  nous  empêche  de  mentionner  pour  la  thèse  de  M.  Gonse  les  bols  à  dé- 
cor persan  de  Goroshitshi  (xvi»  siècle),  reproduit  par  M.  Bing  ;  II,  265).  —  Est-il 
bien  sîir  que  le  meilleur  fer  ancien  fût  connu  sous  le  nom  de  «  fer  de  Perse  » 
(11,  iSg)?  L'expression  que  M.  Gonse  traduit  ainsi,  Nartban,  désigne  littéralement 
«  les  régions  du  sud  ». 

2.  Œuvres,  I,  294-30G. 

3.  Annales  de  l'Extrême  Orient,  V,  66-80  (i8S2-:8S3). 

4.  Littéralement  «  pays  de  wa  »  :  wa  est  le  nom  sinico-japonais  à\i  yamato,  du 
Japon  :  le  mot  signifie  littéralement  «  paisible  »  et  s'oppose  à  i,  «  grossier,  bar- 
bare, étranger  »  (Metchnikoff,  l'Empire  japonais,  2o3). 


14  RK-VUH    CRiTlQUK 

des  Japonais  sur  les  côtes  de  l'Afrique  orientale  en  l'an  334  ^^^  l'hégire 
(945  de  notre  ère).  De  pareilles  aventures  laissent  soupçonner  des  rap- 
ports avec  l'étranger  bien  plus  fréquents  qu'on  ne  serait  tenté  de  l'ima- 
giner, d'après  l'idée  qu'on  se  fait  du  Japon  fermé  des  derniers  siècles. 

Peut-être  cependant  cette  question  des  rapports  de  Part  persan  et  de 
Part  japonais,  examinée  de  plus  près,  pourrait-elle  se  retourner  et  se 
poser  dans  de  nouveaux  termes.  L'on  sait  que  Fart  persan  du  xvii«  siècle 
est  profondément  imprégné  de  Part  chinois  '  :  mais  ces  emprunts 
du  xvii^  siècle  ne  sont  que  le  retour  à  une  vieille  tradition  ou  n'en  sont 
que  la  continuation  :  la  réputation  de  la  peinture  chinoise  en  Perse 
domine  tout  le  moyen  âge.  a  Pour  ce  qui  regarde  la  peinture,  écrit  le 
a  grand  voyageur  Ibnn  Batoutah,  vers  i356,  aucune  nation,  soit  chré- 
«  tienne  ou  autre,  ne  peut  rivaliser  avec  les  Chinois  :  ils  ont  pour  cet 
«  art  un  talent  extraordinaire  »  (IV,  262).  Il  y  a  un  récit  curieux  dans 
Djelaleddin  d'un  sultan  devant  qui  concourent  des  peintres  chinois 
et  des  peintres  grecs  :  les  Byzantins  gagnent  le  prix  :  ce  récit  qui  pour 
Tauteur^  un  mystique,  n'est  qu^in  cadre  allégorique,  est  pour  nous 
un  document  artistique  de  premier  ordre  :  il  ressort  du  récit  même 
de  Djelaleddin  que  la  peinture  chinoise,  avec  ses  débauches  de  couleur, 
était  plus  populaire  que  la  peinture  sobre  et  «  sans  couleur  »  de  leurs 
mystiques  concurrents  ^  Djelaleddin  est  mort  en  1262;  c'est  l'époque 
de  la  dynastie  mongole  qui,  on  le  sait,  a  amené  avec  elle  en  Perse  des 
artistes  chinois;  mais  deux  siècles  plus  tôt,  dans  Firdousi,  l'art  de  la 
Chine  est  déjà  l'idéal  de  Fart  :  une  beauté  sans  pareille  est  une  «  pein- 
ture chinoise  ».  Trois  siècles-  plus  tôt,  en  gbô,  Masoudi  rend  le  même 
hom^mage  enthousiaste  au  génie  sans  rival  des  peintres  chinois  (I,  323). 
Enfin,  selon  une  légende  de  date  incertaine,  mais  plus  ancienne  que 
Firdousi  et  peut-être  antérieure  à  la  chute  de  Sassanides,  le  fondateur 
de  manichéisme  est  «  un  peintre  venu  de  Chine,  un  peintre  tel  qu'on 
ne  verra  jamais  le  pareil  »,  qui  a  séduit  le  peuple  avec  les  images  d'un 
livre  peint  par  lui,  VArtang.  Tous  ces  faits  sans  doute  ne  suffisent 
pas  pour  établir  que  l'art  persan  est  d'origine  chinoise  :  mais  ils  prou- 
vent que  la  Perse  du  moyen  âge  a  connu  et  admiré  l'art  chinois, 
qu'elle  a  reconnu  sa  supériorité  et  il  est  par  suite  bien  probable  qu'elle 
s'en  est  inspirée.  C'est  aux  critiques  d'art  à  apprécier  sur  les  monu- 
mients  la  valeur  de  ces  indications  purement  historiques  :  au  cas  où  elles 
se  vérifieraient,  ce  qu'on  appelle  l'élément  persan  dans  l'art  japonais 
ne  serait  peut  être  plus  autre  chose  qu'un  élém.ent  chinois,  passé  éga- 
lement en  Perse  et  au  Japon  ;  ou  à  tout  le  moins,  y  aurait-il  lieu  de  distin- 


1.  Sur  les  rapports  de  l'art  persan  et  de  l'art  chinois,  voir  l'article  cité  plus  haut 
de  M.  Ary  Renan,  pp.  48  sq.  du  tirage  à  part. 

2.  Tholuck,  Soiifismiis,  90.  Mirabilem  Sinensis  jpicturae  niiorem  miramqiie  colo- 
rum  elegantiam...  Graeci  qui  adhuc  non  coloribiis  domum  exornaie  sed  absiergcre 
potius  colores  omnes  laboraverant...  Le  Chinois  représente  l'homme  vulgaire,  livré 
aux  passions,  etc.,  le  Gr^'c  représente  le  mystique,  dont  le  cceur  est  purifié. 


0  HISTOIRE    Kl     ÛK    t.!!  TElî.'iT  URR  ID 

guer  entre  une  influence  persane  proprement  dite  et  indépendante  et 
une  influence  pseudo-persane,  celle-ci  continue  et  ancienne  puisqu'elle 
n'est  autre  chose  que  l'influence  chinoise,  celle  là  accidentelle  et  spora- 
dique. 

Le  lecteur  voit  quelles  questions  intéressantes  pour  Thistoire  même  de 
nos  civilisations  aryennes  soulève  un  livre  qui,  au  premier  abord,  sem- 
blerait fait  pour  les  seuls  dilettanti.  S'il  est  vrai  que  le  Japon  est  à 
présent  «  un  membre  de  la  famille  indo-européenne'  »,  il  n'est  pas 
moins  vrai  que  dans  le  passé,  grâce  à  ces  entrelacements  obscurs  qui 
relient  les  nations  les  plus  étrangères  en  dépit  de  leur  isolement  appa- 
rent, nul  des  problèmes  de  son  histoire  ne  peut  se  résoudre  sur  place,  et 
ce  n'est  pas  seulement  le  sinologue,  mais  c'est  le  sanscritiste,  c'est  l'irani- 
sant  qui  doivent  fournir  leur  part  de  données  pour  la  solution.  Ainsi  se 
vérifie  ce  mot  de  M.  de  Longpérier  qui,  il  y  a  dix  ans,  semblait  téméraire 
et  qui  à  présent  semble  prophétique  :  «  L'introductiondes  documents  chi- 
nois et  japonais  dans  nos  études  n'aura  pas  uniquement  pour  effet  la 
classification  des  monuments  de  l'Extrême  Orient  suivant  la  méthode 
critique  et  européenne,  ce  qui  serait  fort  désirable;  elle  nous  fournira 
encore  une  nouvelle  ressource  pour  l'intelligence  plus  complète  de  nos 
antiquités  -.  » 

Je  neveux  point  quitter  le  livre  de  M.  Gonse  sans  résumer  au  moins 
d'une  façon  très  sommaire  l'histoire  des  écoles  de  peinture.  Jusqu'au 
xv«  siècle  un  seul  centre,  Kioto,  la  capitale  des  Mikados,  qui  fondent 
l'emploi  de  Wedokoro,  peintre  lauréat.  Le  premier  Wedokoro  qui  ait 
laissé  un  nom  et  des  œuvres  est  Kanaoka,  le  Cimabué  du  Japon  (seconde 
moitié  du  ix'^  siècle),  dont  l'école,  surtout  religieuse  et  chinoise  dans 
ses  sujets,  se  transforme  au  xi*^  siècle,  sous  le  nom  de  Yamato  riii, 
-ï  école  nationale  »,  et  prend  ses  motifs  dans  les  scènes  de  cour  et  le 
monde;  au  xni''  siècle,  le  Yamato  riu  prend  le  nom  d'école  de  Tosa 
[Tosa  riii  ^]  sous  lequel  elle  a  subsisté  jusqu'à  nos  jours.  Ces  trois  écoles, 
qui  n'en  sont  qu'une,  se  perpétuent  et  se  recrutent  par  hérédité  et  adop- 
tion. Au  xv^  siècle  renaissance  de  l'influence  chinoise,  amenée  par  le 
peintre  chinois  Jo-setsu.  favorisée  par  les  Shiogouns  et  qui  s'établit  dans 
leurs  capitales,  d'abord  Kamakoura,  puis  Yedo  :  de  là  sort  l'école  des 
Kano,  rivale  heureuse  de  celle  de  Tosa,  celle-ci  plus  distinguée  de  forme, 
plus  soigneuse  du  détail,  celle-là  plus  large  et  plus  libre  de  manière; 
l'une  procédant  par  enluminure,  l'autre  par  blanc  et  noir;  toutes  deux 
d'ailleurs  aristocratiques;  le  peintre  ne  travaille  que  pour  la  cour  et  les 
grands  seigneurs,  ne  représente  que  des  grands  seigneurs  ou  des  dieux, 
est  lui-même  un  grand  seigneur,  souvent  un  prince.  Au  xvu*  siècle 
paraît  l'école    vulgaire   :  Maïahei,  le    premier,  représente  des  gens  du 


1 .  Elisée  Reclus. 

2.  Œuvres,  I,  3o6. 

3.  De  la  province  de  ce  nom  dont  le  chc-f  de   l'ccole  était  alors  gouverneur. 


î6  REVUE    CRITIQUE 

peuple,  des  courtisanes;  cette  école,  mépriséedes artistes,  devient  prépon- 
dérante de  nos  joursavec  Hokusai  dont  quelques-uns  font  le  plus  grand 
artiste  du  Japon.  Au  milieu  du  xvni^  siècle,  nouveau  retour  du  genre 
chinois,  avec  un  Chinois  établi  à  Nagasaki,  Namping  (1720I,  dont  les 
œuvres,  connues  des  Hollandais,  ont  passé  longtemps  pour  spécimen 
de  l'art  japonais  pur. 

Je  prends  à  regret  congé  de  ce  beau  livre  qui  pose  tant  de  questions 
neuves  et  intéresse  tant  de  branches  de  la  science  qui  ne  croyaient  pas 
avoir  jamais  à  s'occuper  du  Japon.  Sans  doute  les  progrès  des  études 
japonaises,  l'étude  surtout  du  point  de  comparaison  décisif,  l'art  chi- 
nois, dont  l'histoire  et  les  périodes  sont  encore  presque  inconnues,  ap- 
porteront bien  des  éléments  nouveaux,  résoudront  ou  modifieront  bien 
des  questions  :  l'histoire  ici  commence  à  peine  :  mais  M.  Gonse  aura 
l'honneur  d'avoir  le  premier  embrassé  l'ensemble  de  l'art  Japonais  et  son 
livre,  par  le  goût  et  le  tact  portés  dans  le  choix  des  spécimens,  comme 
par  la  merveille  de  l'exécution  S  restera  à  la  fois  un  document  indis- 
pensable pour  Tétude  de  l'art,  parce  qu'il  contient  la  fleur  des  collec- 
tions françaises,  et  un  monument  de  la  littérature  d'art  contempo- 
raine. 

A 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  M.  Clermont-Ganneau  vient  de  faire  paraître  à  la  librairie  Leroux 
un  volume  intitulé  :  Les  fraudes  archéologiques  en  Palestine,  suivies  de  quelques 
monuments  phéniciens  apocryphes  (357  p.  in-8<',  avec  32  gravures).  L'auteur  com- 
mence par  rappeler,  dans  son  premier  chapitre,  le  nombre  extrêmement  restreint  de 
monuments  appartenant  avec  certitude  au  vieux  passé  juif  de  la  Palestine,  et  il  les 
passe  en  revue;  on  ne  connaît  jusqu'ici  que  sept  inscriptions  antérieures  à  la  prise 
de  Jérusalem  par  Titus;  six  sont  dues  aux  recherches  de  l'auteur  :  la  stèle  de  Mésa, 
la  stèle  du  Temple,  les  textes  de  Gezer,  trois  inscriptions  hébréo-phéniciennes 
gravées  sur  le  rocher  à  Sehvân;  la  septième  est  l'inscription  de  l'aqueduc  de  Siloé. 
Cette  pénurie  épigraphique  qui,  jusqu'à  nouvel  ordre,  demeure  la  caractéristique  de 
la  Terre  sainte,  était  faite  pour  tenter  les  faussaires  qui  se  sont  mis  depuis  une 
quinzaine  d'années  à  travailler  avec  une  activité  extraordinaire  pour  répondre  aux 
desiderata  de  la  science.  L'auteur  a  eu  l'occasion  de  les  voir  à  l'œuvre,  sur  le  terrain, 
pendant  de  longues  années,  et  il  a  réussi  plus  d'une  fois  à  démasquer  leurs  fraudes 
répétées.  Dans  un  deuxième  chapitre  il  signale  les  plus  saillantes  de  ces  entreprises  : 
la  fausse  stèle  du  Temple,  la  fausse  inscription  de  Selwân,  le  sceau  du  roi  David; 

I.  Les  collaborateurs  graphiques  de  M.  Gonse  ont  nom  Guérard,  Lefèvre,  Desjar- 
din, etc.  et  l'éditeur  a  nom  Quantin.  Mille  gravures,  64  planches  hors  texte  (eaux- 
fortes,  héliogravures,  grisailles  or,  chromolithogi^aphies,  aquarelles  typographiques, 
le  tout  représentant  3oo  objets).  Il  sera  difficile  de  faire  aussi  bien;  mieux, 
impossible. 


û  HlSrOJRK    El     Dt    LITTEKATURE  I7 

le  Sarcophage  de  Samson,  la  lampe  de  Barcochebas,  la  tête  de  la  statue  de  l'empereur 
Hadrien,  etc.  Dans  les  deux  chapitres  suivants  il  raconte  avec  des  détails  nouveaux 
et  des  documents  inédits  à  l'appui,  l'histoire  mémorable  des  poteries  moabites  de 
Berlin  et  du  prétendu  manuscrit  original  de  la  Bible,  offert  au  British  Muséum  par 
Shapira.  Le  cinquième  et  dernier  chapitre  est  consacré  à  l'étude  de  divers  monu- 
ments phéniciens  déclarés  apocryphes  par  l'auteur  et  appartenant  aux  Musées  de 
Vienne,  Londres  et  Paris.  A  ceux  qui  pourraient  être  tentés  de  croire  que  c'est  se 
donner  beaucoup  de  mal  pour  peu  de  chose,  on  peut  répondre  par  les  paroles  que 
M.  Renan  prononçait  en  i S76 (rapport  annuel,  Joz<rH<j/  asiatique,  juillet  1876,  p.  87)  : 
«  Les  faussaires  menacent  de  causer  bientôt  tant  d'embarras  aux  études  d'épigraphie 
et  d'archéologie  orientales,  qu'il  faut  placer  au  nombre  des  plus  signalés  services 
celui  de  démasquer  ces  sortes  de  fabrications.  » 

—  La  librairie  Hachette  vient  de  publier  l'ouvrage  suivant  :  u  Lucrèce,  de  la  na- 
ture des  choses,  V'  livre,  analyse  littéraire  par  M.  Patin,  texte  latin  publié  d'a- 
près les  travaux  les  plus  récents  de  la  philologie  avec  un  commentaire  critique  et 
explicatif,  un  avertissement  et  un  préambule  par  E.  Benoist  et  Lantoine.  »  M.  Be- 
noist  avait  déjà  expliqué  publiquement  des  fragments  du  V'  livre  de  Lucrèce  (v.  I- 
lll  et  678-1435^  et  la  plupart  de  ses  notes  avaieat  été  publiées;  il  les  réimprime 
aujourd'hui,  en  y  introduisant  un  certain  nombre  de  changements,  de  corrections 
et  d'additions;  M.  Lantoine,  qui  avait,  lui  aussi,  expliqué  plusieurs  parties  du 
V'  livre  de  Lucrèce,  ajoute  ses  notes  à  celles  de  M.  Benoist,  et  il  est  le  principal  au- 
teur de  l'inlerprétatioii  des  vers  110-677.  Nous  avons,  lit-on  dans  la  préface,  moins 
la  prétention  de  donner  une  édition  de  Lucrèce  que  d'essayer  de  rendre  service  aux 
étudiants.  Nous  avons  laissé  à  cette  publication  la  physionomie  du  cours,  avec  ses 
digressions  quelqufois  un  peu  longues,  et  ses  indications  quelquefois  écourtées. 
Nous  avons  pris  pour  base  le  texte  de  Bernays,  patce  qu'il  est  en  général  bon  et  le 
plus  accessible  aux  étudiants.  Mais,  en  dehors  de  ce  qui  nous  revient  dans  le  pré- 
sent volume,  le  lecteur  trouvera  dès  le  début  un  morceau  étendu  et  de  haute  valeur 
qui  ne  nous  appartient  pas  :  l'analyse  du  livre  V  de  Lucrèce,  par  M.  Patin.  M.  Be- 
noist a  trouvé  cette  analyse  dans  les  papiers  de  son  prédécesseur,  et  il  lui  a  paru 
que  «  la  publication  de  ce  travail  non  seulement  ne  pouvait  compromettre  la  réputa- 
tion de  son  auteur,  mais  qu'elle  serait  bien  accueillie  de  tous  ceux  qui  s'intéressent 
aux  éludes  latines,  et  qu'elle  prolongerait  utilement  l'influence  exercée  par  lui  ». 
C'est  sous  le  patronage  posthume  de  M.  Patin  que  MM.  Benoist  et  Lantoine  offrent 
aux  étudiants  ce  V°  livre  ne  Lucrèce,  «  cette  oeuvre  de  haute  philosophie  et  de  poé- 
sie admirable  »;  nous  reviendrons  sur  leur  publication. 

—  M.  l'abbé  Ferdinand  S.\urel,  chanoine  honoraire  de  Montpellier,  vient  de  pu- 
blier à  la  librairie  Alph.  Picard  (82,  rue  Bonaparte)  des  recherches  sur  l'emplace- 
ment d'Aeria:  un  de  nos  collaborateurs  rendra  compte  de  cet  ouvrage  précédé  d'une 
lettre  de  M.  Tamizey  de  Larroque,  qui  n'hésite  pas  à  reconnaître,  avec  M.  l'abbé 
Saurel,  «  sur  le  sommet  d'ua  des  contreforts  du  mont  Ventoux,  l'endroit  où  s'éle- 
vait la  ville  gallo-romaine,  jusqu'à  présent  perdue  pour  tous  les  antiquaires.  Le  li- 
vre, qui  compte  i38  pages,  renferme  trois  parties  :  i"  les  textes;  2°  les  attribu- 
tions diverses;  3»  Vattribuiion  nouvelle  (Aeria  serait  sur  la  montagne  de  Venteron, 
vulgairement  appellée  Clairier,  entre  les  sommets  de  Bel-Air  et  d'Arfuyen,  à  envi- 
ron 2,5oo  mètres  S.  O.  de  Maiaucène,  sur  la  limite  qui  sépare  le  territoire  de  cette 
commune  de  celui  de  Barroux). 

—  M.  Ernest  Jannettaz  a  fait  paraître  u  la  librairie  Vieweg  (in-S^,  32  p.,  i  fr. 
So)  une  Etude  sur  Sema  Sancus  Fidius,  dieu  sabin  représentant  le  feu  sur  l'étymo- 
logic  d'Hercide.  L'identité  de  Sancus  et  d'Hercule,  attestée  par  les  anciens,  a  con- 


l8  KÎÏVUf-     CHiiîQL'E 

duit  l'auteur  à  rechercher  en  même  temps  l'étymologie  du  nom  de  ce  dernier  dieu, 
dont  il  examine  le  caractère  primitif  en  déterminant  les  sens  attachés  à  ses  appella- 
tions diverses.  Selon  lui,  Hercule  n'est  pas  seulement  le  soleil,  mais  le  feu  en  géné- 
ral, et  le  culte  qui  précéda  la  mythologie  étrusque  et  grecque,  en  Italie  comme  en 
Grèce,  était  celui  du  ïqo.  purificateur .  M.  J.  croit  à  l'existence  d'une  religion  anté- 
rieure communément  répandue,  fondée  sur  l'unité  des  forces  de  la  nature,  mais  qui 
s'est  déformée  parce  qu'elle  permettait  de  changer  ces  forces  infinies  en  autant  de 
divinités  nouvelles  :  point  de  vue  dont  quelques  savants  paraissent  aujourd'hui 
s'écarter,  en  admettant  qu'au  moins  chez  les  Italiens,  les  premiers  dieux  étaient  de 
petites  divinités  champêtres,  nées  de  besoins  locaux.  M.  J.  réunit  à  la  fin  de  son 
travail  les  traits  du  dieu  de  feu;  non  pas  que  chaque  peuple  eût  conservé  l'image 
complète  de  ce  dieu,  mais  à  travers  les  lacunes  on  distingue  les  restes  d'une  an- 
cienne croyance,  telle  qu'on  peut  l'admettre  par  une  comparaison  avec  les  Védas.  Il 
s'est  beaucoup  appuyé,  en  effet,  sur  le  livre  de  M.  Bergaigne  la  Religion  védique 
d'après  les  hymnes  du  Rig-Véda,  qui  confirme  lui-même,  sur  beaucoup  de  point, 
le  livre  de  Kuhn  Die  Herabkunft  des  Feuers  und  des  Goeitertrankes.  Hercule  et 
Sancus  sont,  aux  yeux  de  M,  Jannettaz,  les  représentants  grec  et  latin  du  principe 
igné  mêlé  partout  au  grand  corps  de  l'univers  qu'il  anime,  et  d'où  descendent  égale- 
mer.t  les  hommes. 

—  M.  Alfred  Morel-Fatio,  suppléant  de  M.  Paul  Meyer,  au  Collège  de  France,  a 
fait  paraître  sa  leçon  d'ouverture,  du  4  décembre  1884,  sur  la  comédie  espagnole  du 
xviu'-  siècle.  (In-S",  40  p.  Viev/eg),  en  y  ajoutant  quelques  notes.  11  examine  à  quelles 
conditions  se  forme  un  théâtre  cirez  une  nation,  montre  que  l'Espagne,  comme  la 
France,  a  eu  au  xvii'  siècle  un  véritable  théâtre  et  détermine  les  causes  de  la  déca- 
dence de  la  comedia. 

—  Nous  venons  de  recevoir  le  prospectus  d'une  Revue  félibréenne,  paraissant  le 
i5  et  le  3o  de  chaque  mois  sous  la  direction  de  M.  Paul  Mariéton,  «  C'est,  »  nous 
dit  le  prospectus,  «  une  suite  et  le  complément  des  publications  félibréennes  qui  ont 
«  fait  le  grand  succès  de  la  Revue  Lyonnaise  pendant  trois  années.  Nous  prétendons 
«  l'élever  aujourd'hui  (le  succès  ou  le  complément.')  à  une  existence  indépendante.  » 
Sur  la  liste  des  collaborateurs  qui,  selon  le  même  prospectus,  «  en  dira  plus  long  que 
tous  les  préambules.  »  Cette  liste,  est  en  effet,  longue  et  brillante.  On  y  voit  figurer, 
outre  tous  les  félibres  de  notre  époque  qui  ont  acquis  quelque  renom,  un  choix  de 
philologues  spécialement  voués  à  l'étude  des  langues  romanes,  entre  autres  MM.  As- 
coli,  de  Milan,  Fœrster,  de  Bonn,  Suchier,  de  Halle.  M.  Paul  Meyer,  qui  y  figure 
aussi,  nous  prie  de  déclarer  qu'il  n'a  jamais  autorisé  M.  Paul  Mariéton  à  le  compter 
au  nombre  de  ses  collaborateurs. 

ÉTATS-UNIS.  —  Nous  recevons  de  New-York  un  petit  livre  de  classe  qui  n'est 
pas  s^ns  intérêt  :  c'est  un  livre  de  lectures  françaises  sur  la  Révolution,  servant  à 
double  fin  :  les  auteurs,  MM.  Crâne  et  Brun,  de  Corneli  University,  ont  pensé  que 
le  meilleur  moyen  d'attacher  leurs  élèves  de  français  aux  textes  qu'ils  ont  à  étudier 
est  de  prendre  des  textes  historiques  susceptibles  d'intéresser  un  Américain  :  or  la 
Révolution  est  à  peu  près  la  seule  période  de  l'histoire  de  France  qui  soit  dans  ce 
cas.  Ils  n'ont  pas  seulement  choisi  dans  les  historiens,  Thiers,  Louis  Blanc,  Miche- 
let,  Mignet,  Duruy,  mais  dans  les  journaux  et  les  mémoires  contemporains  :  le  Pré- 
sident de  l'Université,  M.  A.-D.  White,  possède  la  plus  riche  collection  américaine 
de  documents  originaux  de  la  période  révolutionnaire  et  les  a  mis  à  la  disposition 
des  deux  auteurs.  Ils  n'ont  pas  non  plus  dédaigné  le  roman  :  l'ouvrage,  qui  se  ferme 
avec  deux  morceaux  de  Mignet  et  de  Thiers  sur  le  9  thermidor,  s'ouvre  avec  un  ex- 
trait d'Erckmann-Chatrian  sur  la   France  avant  i'j8r),et   c'est  également    d'après 


d'histoire    et    de    LnTKKAlL'UE  IQ 

l'Histoire  d'un  paysan  qu'ils  racontent  le  serment  du  Jeu  de  paume.  Les  extraits 
des  contemporains  auraient  pu  parfois  être  plus  typiques  :  la  tribune  n'est  pas  rc- 
Drésent'Je,  et  il  nous  semble  pourtant  que  dans  un  livre  de  lectures  françaises  un 
discours  de  Mirabeau  ou  de  Vergniaud  a  plus  de  valeur  qu'une  page  de  Marat  ou  du 
Père  Duchêne  :  c'est  sacrifier  à  la  curiosité  historique  non  seulement  l'intérêt  lit- 
téraire, qui  devait  être  l'objet  essentiel  des  auteurs,  mais  même  Tintérét  historique 
véritable.  Le  texte  est  imprimé  avec  une  correction  remarquable  (abstraction  faite  de 
l'éternelle  confusion  des  accents,  le  test  le  plus  sûr  auquel  se  reconnaît  l'Anglo-amé- 
ricain  .  Les  notes,  généralement  exactes,  ne  sont  pas  très  pondérées  :  est-ce  le  lieu 
de  donner  une  demi-page  aux  mythes  de  Philoraèle  :/  Tel  quel,  ce  livre  marque  un 
effort  sérieux  et  original  et  qui  mérite  d'être  reconnu  (Tablciiix  de  la  Révolution 
française,  an  Historical  French  Reader,  by  T.-F.  Crâne  and  S.  Brun  ;  New-York, 
and  London,  Putnam's  Sons,  1884;  xin-3ii  pp.  in-ia".) 

POLOGNE.  —  On  a  célébré  récemment  à  Varsovie  et  à  Cracovie  le  troisième  ju- 
bilé centenaire  de  la  mort  de  Jean  Kochanowski,  le  fondateur  de  la  poésie  polonaise. 
A  cette  occasion,  un  comité  de  savants  a  entrepris  une   édition  monumentale   des 
œuvres  polonaises  et  latines  de   Kochanowski.  Elles   formeront   cinq    volumes  in-, 
quarto. 

RUSSIE.  —  Nous  recevons  la  collection  des  Mémoires  de  V  Uiiii'ersité  de  Ka^ait 
de  1S80  à  i883.  Les  travaux  qu'ils  renferment  rendent  bon  témoignage  de  l'acti- 
vité intellectuelle  de  cet  établissement.  Signalons  particulièrement  :  le  recueil  de 
Chants  lithuaniens  de  M.  Antoine  Jouchkevitch,  l'étude  de  i\l.  S.n-egirkv  sur  la  Vie 
et  les  Œuvres  du  slavistc  Dobrousky,  de  nombreuses  études  sur  l'ethnographie  et 
l'archéologie  du  Volga,  et  le  travail  de  M.  Kolmatchevsky  sur  V Epopée  des  ani- 
maux en  Occident  et  clie^  les  Slaves,  etc..  L.  L. 


ACADEMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET   BELLES- l.ETTRES 


Séance  du    2  cj  décembre  1884. 

M.  le  secrétaire  perpétuel  donne  lecture  d'un  décret  ^ar  lequel  M.  le  Président  de 
la  Republique  a  approuvé  l'élection  de  M.  de  Boislisle.  en  qualité  de  membre  libre 
de  l'Académie,  en  remplacement  de  M.  Tissot.  M.  de  Boislisle  est  introduit  et  prend 
place. 

L'Académie  se  forme  en  comité  secret. 

La  séance  étant  redevenue  publique,  \L  Ravaisson  lit  une  notice  étendue  sur  une 
statuette  de  bronze,  de  Lysippe.  dont  ce  sculpteur  avait  fait  présent  à  Alexandre  le 
Grand.  Cette  statue,  destinée  à  figurer  sur  la  table  du  prince,  comme  l'image  d'un 
génie  tutélaire,  représentait  Hercule,  assis,  une  coupe  à  la  main,  la  létc  levée  vers  le 
ciel.  Elle  a  été  décrite  avec  déiail  par  Marnai  et  par  Stace  M.  Ravaisson,  en  se  ser- 
vant de  leurs  descriptions,  a  retrouvé  plusieurs  reproductions  plus  ou  moins  muti- 
lées de  l'œuvre  de  Lysippe,  dont  deux  étaient  jusqu'à  présent  uans  les  magasins  du 
musée  du  Louvre.  Ces  reproductions,  tout  à  fait  conformes  entre  elles,  lui  fournis- 
sent le  moyen  de  caractériser,  avec  plus  de  précision  qu'on  n'avait  encore  pu  le  faire, 
le  style  et  le  faire  du  dernier  des  grands  sculpteurs  grecs. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  .M.  Duruy  :  BonapaÙte  (le  prince  Roland),  les  Habi- 
tants de  Surinam  à  l'exposition  coloniale  d'Amsterdam  ;  —  par  M.  Renan  :  Cler- 
mont-Gannkau,  les  Fraudes  archéologiques  en  Palestine;  —  par  M.  Bréal  :  Annuaire 
de  la  faculté  des  lettres  de  Lyon,  i«  année,  fasc.  2;  —  par  .M.  Dclisie  :  Archives 
de  l'abbaye  de  Cluny.  Inventaire  général  [de  lOBi];  publié  par  Annand  Benêt  et 
J.-L.  Ba/in. 

Julien  Havet. 

Séance  du   2G  décembre  1884. 

-M.  le  secrétaire  perpétuel  donne  lecture  d'un  décret  du  Président  de  la  République, 
par   lequel  est  approuvée  l'élection  de  M.  Schlumberger,  en  qualité  de  membre  or- 


20  REVUE    CRITIQUE    D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE 

dinaire,  en  remplacement  de  M.  Albert  Dumont.  M.   Schlumberger  est  introduit  et 
prend  place. 

Dans  la  suite  de  la  séance,  M.  le  secrétaire  perpétuel  reçoit  et  communique  a  l'A- 
cadémie un  second  décret,  par  lequel  le  Président  de  la  République  approuve  l'élec- 
tion de  M.  Benoist,  en  qualité  de  membre  ordinaire,  en  remplacement  de  M.  Adol- 
phe Régnier. 

L'Académie  décide  qu'il  y  a  lieu  de  pourvoir  à  la  place  de  membre  ordinaire  lais- 
sée vacante  par  la  mort  de  M.  L.  Quicherat.  L'exposition  des  titres  des  candidats  est 
fixée  au  23  janvier  iS85. 

L,'Académie  se  forme  en  comité  secret. 

La  séance  étant  redevenue  publique,  il  est  procédé  à  l'élection  de  deux  correspon- 
dants français,  en  remplacement  de  M.  d'Arbois  de  Jubainville,  élu  membre  de  l'A- 
cadémie, et  de  M.  Mantellier,  décédé.  Sont  élus  M  Louis  Blancard,  archiviste  des 
Bouches-du-Rhône,  et  M.  le  marquis  de  JNadailhac. 

Sont  élus  membres  de  la  commission  du  prix  Gobert,  pour  i885,  MM.  Charles 
Jourdain.  d'Arbois  de  Jubainville,  de  Boislisle  et  Schlumberger. 

M.  Weil  lit  une  notice  rédigée  par  M.  Miller,  sur  plusieurs  inscriptions  grecques 
recueillies  en  Egypte  par  M.  Maspero.  Ces  inscriptions  sont  au  nombre  de  quatorze. 
La  plus  intéressante  est  un  décret  de  la  corporation  des  artisies  dionysiaques  de 
Ptolémaïs,  en  l'honneur  de  Lysimaque,  fils  de  Ptolémée  Par  de  nombreux  rappro- 
chements historiques,  M.  Miller  établit  que  ce  texte  épigraphique  doit  être  des  der- 
nières années  de  Ptolémée  Philadelphe,  qui  régna  de  285  à  247  avant  notre  ère,  ou 
des  premières  d'Evergète,  son  fils  (247-222).  Il  fait  voir  comment  le  culte  des  Ptolé- 
mées  a  été  rattaché  à  celui  du  dieu  Bacchus,  que  la  famille  des  Lagides  comptait  au 
nombre  de  ses  ancêtres.  L'énuméraiion  des  membres  de  l'association  dionysiaque 
ofïre  un  ensemble  complet  de  poètes,  de  musiciens,  d'acteurs,  de  costumiers,  de 
proxènes,  enfin  d'amis  des  artistes.  Parmi  les  autres  inscriptions,  on  peut  signaler 
une  épitaphe  métrique  en  mauvais  état,  que  M.  Weil  a  essayé  de  restituer. 

Ouvrage  présenté,  de  la  part  du  traducteur,  par  M.  d'Hervey  de  Saint-Denys  :  les 
Poètes  de  l'Annani  :  Kim  Vdn  Kiéu  tdn  truy,  publié  et  traduit  par  Abel  des 
Michels. 

Julien   Havet. 

SOCIÉTÉ  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANGE 


Séance  du  10    décembra  1884. 

PRÉSIDENCE    DE    .M.     GUILLAUME 

La  Société  reçoit  de  nouvelles  adhésions  à  sa  circulaire  pour  la  conservations  des 
monuments  historiques  dans  les  colonies  et  possessions  françaises. 

Ce  sont  celles  des  sociétés  suivantes  : 

Société  littéraire,  artistique  et  archéologique  de  la  Vendée. 

Société  des  archives  historiques  de  la  Guonde  ; 

Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts  de  Lyon; 

Société  de  la  Diana  ; 

Société  des  sciences,  arts  et  belles-lettres  du  Tarn. 

Académie  des  sciences  et  lettres  de  Montpellier  ; 

Société  historique  et  archéologique  du  Gâtinais  ; 

Société  historique  et  archéologique  du  Périgord; 

Société  de  statistique,  sciences  et  lettres  des  Deux-Sèvres; 

Société  littéraire,  historique  et  archéologique  de  Lyon  ; 

Société  historique  et  archéologique  au  Maine; 

Société  académique  de  Cherbourg  ; 

Société  historique  et  archéologique  de  Langres; 

Société  d'encouragement  des  études  grecques  ; 

Société  archéologique  du  Midi  de  la  France; 

Société  d'histoire  de  Paris  et  de  TIle-de-France. 

M.  Ramé  fait  l'examen  critique  de  l'ouvrage  publié  sous  le  titre  de  VHypogé  mar- 
tyrum  de  Poitiers  et  dans  lequel  le  P.  C.  de  la  Croix  voudrait  reconnaître  un  sanc- 
tuaire du  vi"  siècle  érigé  à  soixante-douze  martyrs  poitevins  inconnus  jusqu'ici. 
M.  Ramé  ne  voit  autre  chose  dans  le  souterrain  si  heureusement  découvert  par  le 
P.  de  la  Croix  que  le  tombeau  d'un  abbé  Mollebaude  dont  le  nom  seul  est  connu 
et  dont  la  date  est  ignorée.  Mais  les  termes  de  comparaison  tournis  par  la  Memoria 
Venerandi  à  Clermont  et  surtout  par  le  sacramentaire  de  Gellone  permettent  d'attri- 
buer le  monument  au  viii*  siècle;  ce  qui  le  rend  précieux  malgré  son  extrême  barba- 
rie, à  raison  du  petit  nombre  d'œuvres  de  celte  époque  parvenues  jusqu'à  nous. 

Le  Secrétaire, 
Signé  :  H.  Gaidoz. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERMEST  LEROUX. 


Le  Puy,  imprimerie  de  Marchessou  fus.  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


N"  2  —  12  janvier  -  1885 

^ontmaîi-e  :  4.  Le  livre  de  Kalilah  et  Dimnah,  p.  p.  Wright.  —  3.  Dumont  et 
Chapi.ain,  Les  Céramiques  de  la  Grèce  propre,  IL  —  6.  Lefebvre  Saint-Ouan, 
Essai  sur  l'influence  française.  —  Thèses  de  doctorat  :  Dubois,  De  l'île  de  Cos  et 
Les  lignes  etolienne  et  achéenne.  —  Correspondance  :  Lettre  de  M.  Rouire. 
—  Société  des  Antiquaires  de  France. 


4.  —  Xlie  stook  of  Kniii.-ili  nncl  oininah,  translated  from  arabic  into  syriac, 
edited  by  W.  Wkight,  LL.  D.,  professer  of  arabic  in  the  university  of  Cambridge. 
Oxford,  at  the  Clarendon  press;  London,  Trubner,  1:^84,  in-8,  lxxxi  et  406  p. 

M.  Wright  termine  la  préface  de  ce  livre  en  disant  :  «  Parmi  les 
orientalistes  vivants,  il  y  en  a  quatre  dont  les  noms  sont  attache's  d'une 
manière  inséparable  au  livre  de  Kalîlah  -  wa  -  Dimmah ,  ce  sont 
MM.  Ignazio  Guidi  de  Rome,  Gustav  Bickell  d'Innsbruck,  Theodor 
Noeldeke  de  Strasbourg  et  Joseph  Derenbourg  de  Paris.  »  Par  cette 
publication,  qui  témoigne  de  nouveau  de  la  scrupuleuse  exactitude  et 
des  connaissances  étendues  de  l'auteur,  l'Angleterre  se  trouve  digne- 
ment  représentée  dans  cette  académie  de  savants  où  M.  W.  avait  un 
droit  de  cité  acquis  par  les  nombreu.x  services  qu'il  a  rendus  à  la 
science. 

L'ancienne  version  syriaque  de  ce  célèbre  livre  de  contes,  publiée  par 
M.  Bickell,  avait  été  faite  sur  un  texte  pehlevî  au  vi''  siècle  de  notre  ère. 
M.  W.,  dans  sa  préface,  estime  que  cette  version  avait  dû  tomber  dcWis 
l'oubli  et  que,  vers  le  x'^  ou  le  xi*"  siècle,  une  nouvelle  traduction  syria- 
que aurait  été  faite  sur  la  version  arabe  d'Ibn-el-Moqaflfa',  pour  com- 
bler le  vide  que  cet  oubli  avait  produit.  Cependant,  l'examen  du  livre 
joint  à  quelques  considérations  extérieures  nous  porte  à  croire  que  cette 
nouvelle  version  doit  son  origine  à  d'autres  causes.  Le  texte  publié  par 
M.  Bickell  paraît  avoir  toujours  joui  de  Testime  des  Syriens.  C'est  de 
lui  qu'il  est  question  dans  le  lexique  de  Bar-Bahiul,  du  x''  siècle,  q'ii 
mentionne,  à  deux  reprises,  sous  la  lettre  qof,  le  livre  de  Qalilag- 
v^damnag.  C'est  également  lui  qu'Lbed-Jesu  cite  dans  son  Catalogue 
de  la  fin  du  xm*^  siècle,  tandis  que  la  version  faite  sur  l'arabe  est  passée 
sous  silence.  Le  passage  qui  commence  à  la  fin  de  la  page  401  du  texte 
et  que  M.  W.  a  traduit  dans  sa  préface,  indique  que  la  nouvelle 
traduction  avait  un  but  religieux  :  faire  de  ce  livre  de  fables  un 
livre  d'édification  pieuse,  en  le  ramenant  à  la  morale  de  la  religion 
chrétienne.  Kalilah  -  et  -  Dimmah  est  un  recueil  de  préceptes  philo- 
sophiques mis  en  action  par  des  animaux,  mais,  dans  les  textes  an- 
Nouvelle  série,  XIX.  :; 


2  2  RP:VUE    CRITIQUK 

ciens,  la  morale  ne  répond  pas  toujours  aux  principes  d'une  saine  phi- 
losophie; ainsi  Fhistoire  de  Kalîlah  et  Dirnnah,  celle-là  même  qui  a 
fourni  ie  titre  du  livre,  fait  ressortir  la  dangereuse  puissance  de  l'homme 
intelligent  dénué  de  tout  senthnent  moral,  mais  elle  laisse  Dimnah 
jouir  du  succès  de  sa  dénonciation  calomnieuse.  La  version  d"'Ibn-el- 
Moe|affa',  avec  un  juste  sentiment  de  ce  que  le  dénouement  a  de  cho- 
quant, ajoute  au  drame  un  nouvel  acte  où  la  fourbe  de  Dimnah  est  dé- 
couverte et  punie,  grâce  à  Tintervenlion  de  la  mère  du  Lion  qui  joue  ici 
Je  même  rôle  que  dans  l'histoire  du  Lion  et  du  Chacal.  Le  caractère  reli- 
gieux de  cette  révision  se  manifeste  par  une  double  tendance  :  d'un 
côté,  le  peu  de  souci  de  l'auteur  pour  la  mise  en  scène,  l'écourtement 
du  récit  et  Tomission  de  motifs  importants;  de  l'autre,  les  développe- 
ments outre  mesure  des  sentences  morales,  les  théories  à  perte  de  vue 
sur  les  châtiments  dus  aux  crimes  et  les  récompenses  réservées  aux  bon- 
nes œuvres.  Ces  longueurs  sont  parfois  fastidieuses;  ainsi  la  mère  du 
lion  expose  pendant  près  de  douze  pages  les  laisons  qui  lui  interdisent 
de  révéler  le  nom  du  tigre,  le  dénonciateur  de  Dimnah.  Il  semble  qu'il 
existe  entre  Tancienne  et  la  nouvelle  version  syriaque  la  même  diffé- 
rence caractéristique  qu'entre  la  version  hébra'ique  attribuée  à  Joël  et  la 
version  hébraïque  de  Jacob  ben  Slléazar  qui  a  été  retravaillée  selon 
l'esprit  biblique,  ainsi  qu'il  résulte  des  nombreuses  notes  que  M.  J.  De- 
renbourg  a  jointes  à  son  édition  ;  comparer  au  surplus  l'importante 
étude  que  M.  Noeldeke  a  consacrée  à  l'étude  de  la  version  publiée  par 
M.  W.  dans  les  Gœtting.  Gelehrte  An\eigen,  1884,  p.  673-674. 

Le  texte  arabe  que  traduisait  l'auteur  de  cette  version  était  bien  moins 
écourté  que  le  texte  publié  par  Sylvestre  de  Sacy;  parfois  il  se  rapproche 
du  codex  V.  de  Guidi,  souvent  aussi  de  la  version  de  Jean  de  Capoue, 
dans  quelques  cas,  il  est  plus  proche  voisin  de  l'ancienne  version  syria- 
que. Nous  nous  référons  à  ce  sujet  à  l'étude  comparative  des  différentes 
versions  de  Kalîlah  et  Dimnah  entreprise  par  M.  J.  Derenbourg  dans 
le  second  volume  de  son  édition  des  versions  hébraïques  et  qui  ne  tar- 
dera pas  à  paraître.  Cette  étude,  qui  demande  autant  de  patience  que  de 
connaissances  variées,  facilitera  le  classement  des  divers  manuscrits  de  la 
version  arabe  et  de  l'édition  critique  encore  à  faire  de  cette  version; 
elle  sera  le  complément  nécessaire  des  savants  travaux  de  Benfey  et  de 
M.  Guidi. 

Les  omissions  ou  altérations  portant  sur  le  fond  même  du  livre  ne 
sont  pas  rares,  comme  nous  l'avons  dit,  en  voici  quelques  exemples  : 
p.  89,  l'histoire  du  pélican  qui  se  débarrasse  du  serpent  en  le  livrant  à 
à  un  ichneumon,  m.anque,  comme  dans  de  Sacy,  quoiqu'elle  se  trouve 
dans  Guidi,  p.  87,  dans  Bickell,  p.  3o,  et  dans  Jacob  ben  Eléazar, 
p.  3  56.  —  P.  137,  i3,  le  nom  de  l'animal  qui  entend  la  conversation  de 
Kalîlah  et  Dimnah  n'est  pas  donné.  —  P.  176,  les  motifs  que  le  cor- 
beau expose  à  la  souris  pour  justifier  son  déplacement,  sont  mai  présen- 
tés, comp.  Bickcll,  p.  38,  Guidi,  p.  49.  —  P.  177,  l'histoire  du  dervi- 


DHISTOIIÎK    Eï    DE    LîîTKRATURE  2j 

che  et  de  la  souris  n'est  pas  mieux  contée  :  la  souris  entre  dans  un  pa- 
nier fermé,  au  lieu  d'atteindre,  en  sautant,  le  panier  accroché  au  mur. — 
P.  207,  dans  la  fable  des  lapins  écrasés  par  les  éléphants,  il  n'est  pas 
question  des  terriers  qui  sont  une  des  causes  de  l'accident.  —  De 
même,  p.  14,  1.  24,  la  figure  du  peintre  et  des  images  murales  ne  se 
comprend  qu'en  se  reportant  au  texte  du  Bickell,  p.  4,  1.  i3.  — 
P.  219,  14,  il  est  également  difficile  de  saisir  dans  Tétat  actuel  du  texte 
cette  autre  figure  de  l'her'oe  qui  s^incline  au  souffle  du  vent  et  suit  la 
direction  qu'il  lui  imprime.  —  P.  282,  4,  cette  phrase  :  «  un  piince,  en 
cas  de  danger,  revêt  des  vêtements  de  femme  »,  est  un  reste  bien  affaibli 
des  mythes  dont  l'ancienne  version  a  gardé  le  souvenir,  Bickell  76  iili. 
—  P.  257,  12,  il  n'est  pas  dit  pourquoi  le  lion  va  se  laver  avant  de 
manger  les  oreilles  et  le  cœur  de  Fane;  en  revanche,  avec  un  sentiment 
tout  chrétien,  la  nouvelle  version  ajoute,  p.  258^/z,  que  le  singe  par- 
donna à  la  tortue  son  crime  de  lèse-amitié  et  lui  promit  le  même  iiita- 
cheraent  qu'auparavant.  —  P.  33o,  3,  il  n'est  pas  mentionné  que  le 
dévot  parlait  hébreu  et  que  son  hôte  chercha  en  vain  pendant  plusieurs 
jours  à  apprendre  cette  langue;  cette  lacune  rend  le  passage  obscur.  — 
P.  334,  on  ne  voit  pas  quel  intérêt  les  interprètes  des  songes  avaient  à 
la  perte  du  roi;  les  autres  versions  nous  apprennent  que  ces  interprètes 
étaient  des  Brahmanes  désireux  de  venger  leurs  frères  que  le  roi  avait 
fait  périr  au  nombre  de  douze  mille. 

D'autres  lacunes,  et  en  plus  grand  nombre,  ont  été  signalées  dans  les 
notes  par  M.  W.  Quoiqu''il  soit  difficile  de  faire  la  part  des  omissions 
qui  incombent  au  traducteur  et  de  celles  qui  restent  à  la  charge  de  son 
auteur,  on  peut  cependant  affirmer  qu'une  grande  partie  est  due  au  peu 
d'intérêt  que  le  premier  attachait  à  l'intrigue  de  ces  petits  drames.  D'au- 
tres obscurités  s'expliquent  comme  des  contre-seiis  ;  M.  W.  en  a  relevé 
plusieurs;  en  voici  encore  d'autres  :  p.  5  3,  i3;  le  dicton  :  il  vaut  mi^ux 
dormir  avec  des  serpents  au  chevet  et  du  feu  aux  pieds  que  de  négliger 
un  ennemi  qui  conjure  votre  perte,  est  inintelligible  parce  que  le  traduc- 
teur a  sans  doute  rendu  par  net^'hane  l'arabe  an  yuhanmahiï,  de  Sacy 
109,  II,  —  P.  377,  5  ;  b'^schâmônd...  aukif^  b''ge:{rd  semble  eue  une  mau- 
vaise traduction  de  t^'amîna  bihara^a,  de  Sacy,  62,  2.  Parmi  les  arabis- 
mes',  on  rangera  ^c/n.T^a  nombril,  p.  399,  1 5  et  16;  ^^m  dans  le  sens 
de  malgré,  p.  203,  23;  247,  18,  comp.  Barheb.,Chr.  sj^r.  441^  gel  la  v" 
pour  elld  se  trouve  aussi  dans  Barheb.  Chr.  syr.  p.  428,  2.  On  remar- 
quera que  le  mot  ''el'^t^'d  objet,  p.  42-25,  a  également  ce  sens  dans 
Barheb.  Chr.  syr.  257.  i5;  442,  7  et  14.  L'original  arabe  se  trahit 
aussi  au  style  fortement  imagé  qui  rappelle  le  genre  d'Ibn  'Arabschah 
dans  son  Fakihat-al-Khiilafd,  mais  qui  n'est  guère  dans  le  goût 
de  la  littérature  syriaque.  Du  reste,  le  texte  se  lit  d'une  manière 
aisée,  malgré  la  grande  quantité  d'erreurs  et  de  lacunes  qu'il  renferme. 
Cette  version  ne  nous  est  parvenue  que  dans  un  manuscrit  unique 
que  M,  W.  a  reproduit  avec  la  plus  grande  exactitude,  en  lui  conservant 


24  RKVUh    CKITIQUB 

sa  physionomie  intacte.  Des  notes,  au  bas  des  pages,  signalent  une  par- 
tie des  incorrections  du  texte  dont  le  plus  grand  nombre  est  relevé  dans 
la  liste  des  additions  qui  ne  comprend  pas  moins  de  quarante-deux 
colonnes.  Les  notes  de  cette  liste  sont  dues  autant  à  M.  W.  lui-même 
qu'à  MM.  Noeldeke,  Payne-Smith  et  Keith-Falconer,  auxquels  M.  W. 
communiquait  les  épreuves  du  texte.  Depuis,  M.  Noeldeke  a  proposé 
de  nouvelles  corrections  dans  la  recension  mentionnée  plus  haut,  mais 
la  grande  majorité  des  notes  appartient  à  M.  Keith-Falconer  qui,  pré- 
parant une  traduction  anglaise,  a  étudié  le  texte  d'une  manière  appro- 
fondie. Ses  conjectures  témoignent  d'une  rare  sagacité  et  d'une  con- 
naissance parfaite  de  la  langue  syriaque;  la  plupart  sont  très  réussies  et 
rencontreront  une  approbation  unanime,  mais  celles  qui  s"'appliquent 
aux  passages  suivants  ne  sont  pas  nécessaires  ou  sont  même  inadmis- 
sibles :  i6,  22;  i7ien  aikâ  est  à  sa  place,  comp.  44,  23,  —  32,  18,  même 
observation  pour  qalîldyU  «  vite  »  formé  de  qalîlâ  «  léger,  rapide.  — 
i32,  26,  m^nâh  est  exact,  ft  la  mort  est  bien  plus  douce  qu'eux  »,  de 
même,  p.  j56,  21,  lire  :  taè''  yd^e  v^schapir  m^nâh  men  hayye  «  (la 
mort)  est  bien  plus  belle  et  beaucoup  plus  douce  qu'une  vie...  »,  — 
i57,  6,  hâb^Hâ  hrita  «  le  bonheur  futur  »  est  correct.  —  186,  7,  il 
suffit  de  corriger  v^baks^nây^it^^â  en  v'baks'^nâyût^'d  «  et  (qui  tombe) 
dans  un  pays  étranger  dont  il  ne  connaît  pas  les  habitants».  —  209,  14, 
nischâ  est  exact,  il  a  le  sens  de  «  naturel,  volonté  instinctive  »,  comp, 
220,  I  -,  3ii,  8;  375,  20;  377,  14;  405,  7.  —  23g,  i5;  bnaibût^' 
qaddâk''  «  grâce  à  ton  bonheur  »  n'a  rien  d'anormal.  —  247,  12;  m?/'^ 
l^kafnd  «  mourir  de  faim  »  est  correct,  Luc  i5,  17;  on  ne  dit  pas 
mii^^  b^kafnd.  —  268,  7,  la  tournure  hddê  Id  îtefi)h  d"  «  ceci  n'est  pas 
le  propre  de  »  est  usuelle,  ainsi  que  la  locution  it^  l"  a  il  appartient  à  », 
p.  288,  19;  voy.  notre  Traité  de  gram.  syr.  §§  317"  et  340.  —  35  i, 
9,  l'itr'and  «  rétribution  »  vaut  peut-être  mieux  que  la  correction 
pulhdiid. 

On  serait  porté  à  croire  que  le  texte  est  sorti  de  l'examen  de  ces  sa- 
vants distingués  pur  comme  l'or  passé  au  creuset,  pour  nous  servir 
d'une  figure  familière  à  notre  auteur.  Cependant  il  reste  encore  bien 
des  passages  douteux  et  nous  demandons,  en  terminant  cette  recen- 
sion, de  proposer  aussi  quelques  hypothèses  :  24,  8,  lire  a(i)k^  au  lieu 
de  elld.  —  35,  1 1,  d^ld  au  lieu  de  la  «  sans  qu'il  en  perde  une  seule  ». 
—  49,  4,  v'^hdne  au  lieu  de  v^hd:{e,  comp.  52,  2.  —  82,  10,  vab^'hdfid 
'ammak^^  «  et  à  ton  peuple  ».  —  84,  7;  on  s'attendrait  à  lire  Yid^a^t^d 
au  lieu  de  ^itf'rd.  —  86,2,  r^mhilt^'d  au  lieu  de  r^mlsd.  —  102,  9, 
sch^mi''  II.  —  110,  5-6,  d^ydyd  leh  Kinût^'d.  —  142,  9,  peut-être 
deqqat  schûschdn  «  de  la  poudre  de  lys  ».  —  i55,  3,  l^Jiiqd  au  lieu  de 
[''hîqûth,  comp.  i3o,  17.  —  i55,  4,  dalherdj^e  au  lieu  de  dalhnne.  — 
i5  5,  7,  au  lieu  de  tW^gemid  «  bouclier  »  on  s'attendait  à  trouver  un 
mot  signitiant  carquois.  —  168,  11,  lire  peut-être  sîrat^  q''d^'dld  au 
lieu  dQ  vi''sid^^td,  comp.  196,   14.  —  169,5,  d^mef'b'^nefijn  au  lieu  de 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  2D 

met^b^''e(i)n.  —  175,  8,  supprimer  le  dâlat  de  d^hubbeh  «  quoique  éloi- 
gné par  hasard  de  son  ami,   son  amitié  demeure  fixée  dans  son  âme  y>. 
—  188,    II,  il  ne  pariùt   pas  nécessaire  de  supposer  une  omission,  le 
sens  est  :  «  quand  même  il  posséderait  tous  les    biens  de  ce  monde,  il 
n"'y  trouverait  rien  de  plus  que  ce  que  nous  avons  dit  (de  la  nourriture, 
des  vêlements,   une   demeure],  à  moins  de  les  mettre  en  réserve  pour 
jouir  de  leur  vue.  comme  en  jouissent  ceux  qui  les  contemplent  >), 
comp.  Bickell,  44,    19;  191,  22.  —  'al  au  lieu  de  am  :  «  à  quoi  servent 
rintelligence  et  la  science  contre  le  décret  d'en  haut?  »  comp.  Bickell, 
47,  4-5.   —  200,  7,  le  point  devrait  être  après  qalil.  —  202,  Jiote  2,  le 
mot  douteux  semble  être  &ase,  comp.  364,  2.  — 206,  2,  en  admettant 
une  transposition   de  mots,  on  obtient  un   sens   satisfaisant  :  v'^j'dhcm 
harbdl^d  v^telânit^'d,    lait  j'aqir  sch''md  d^leh  nanne  bdleh  «    et  il 
aime  les  ruines  et  l'ombre,  il  n'y  a  personne  d'honorable  qui  fasse  at- 
tention à  lui.  »  —  20  1,  note  7,  l'addition  du  vav  ne  semble  pas  juste, 
le  sens  est  :  «  de  même  l'aloès...  parce  qu'il  procure  la  santé  aux  mala- 
des... »  —  282,  9,  ajouter  s''iar  après  mcn  «   excepté  celui...  «  comp. 
Bickell,  77,  5.  —  248,  7,  detid  «  que  moi  »  au  lieu  de  dellit  —  233,  6, 
la  note   2  ne  parait  pas  juste,  hdi  se  rapporte  à  fejndschiit^^dk^' ;  à   la 
ligne  suivante,   lire  v^mas^rd.   —  363,  9,    lire   'ud^'rdnd   au    lieu    de 
surddd,    de    même   p.    279,  4,    au   lieu   de  srud^'td.  —  274,    iiote  2, 
mekhiltd  d''had  piand  «  nourriture  d'une  bouchée  »  paraît  avoir  le  sens 
de  nourriture  exquise,  dont  on  ne  fait  qu'une  bouchée,  comp.  la  tour- 
nure contraire,  p.  395,  4;    si  ce  sens  était  accepté,  on   devrait  lire  de 
même,  p.  44,  6,    au  lieu  de  melî^'idtd  d''bar2'ib^'e  qui  ne  donne  pas  un 
sens  satisfaisant.  —  274,  4,  lire  l{e)ndsch  elld,  le  premier  alef  â'elld 
ayant  été  joint  à  tort  à  Ifejndsch.  —  277,    17,  lire  :   clld  kad^^  h*è''zs, 
le  sens  est  :  «  l'éléphant  qui  ne  peut  être  dompté  que  lorsqu'il  est  serré 
de  près  par  des   éléphants   domestiques  »,  comp.    Bickell  83,    12.  — 
278,  5,  mad^'r^k^'în  dU  lieu  de  mad^'r'k^'d.  —  282,  22,  d''t^'amdn  «  qu'il 
voie  où  il  lui  est  possible  de  s'installer  ù  son  travail  ».  —  284,  note  8, 
les  mots  omis  semblent  être  rdg^'e:^  ^^lau(hi)  :   «  si   le  roi,   parce  que 
celui-ci  a  commis  quelque  faute...  se  fâche  contre  lui...  »  —  298,  24, 
V^ld  afn/t  fnîh  au  lieu  de  Vldtetfjî'ih.  —  3o2,  4,  lire  haiisdb^'d  au  lieu 
de  kiilndsch,   «  lorsque  le  roi  entendit  ce  que  disait  ce  vieillard  qui  frap- 
pait à  la  porte  ilu  tombeau...  »  —  3o5,  i  5- 16,  ce  passage  peut  être  cor- 
rect :  «  ces  (services)  ne  méritent  pas  de  reconnaissance  de  ta  part  envers 
moi.  —  3o6,  i5,  donne  également  un  sens  :   u  et  ton  intelligence  était 
si  faible  que,   par  suite  du  dommage  causé  par  un  vil  insecte...  »  — 
307,    12,  d^gârsd:   «  par  suite  de   Tenvie  d'une  vipère.  »  —  3o8,  9, 
d'e/zt  :{ab^'nan  «   maudit    est   notre    temps.   »    —    38/,    11,   aikan    Id 
Ifejndsch  dsya  «  comment  (une  grande  récompense  ne  serait-elle  pas 
nayée)  à  un  médecin...  »  (e)ndsch  indique  que  dsya  est  pris  danû  un 
sjns  indéterminé,   comme   gab^'rd  dans  gab^'rd    malkd  «    un   roi    », 
p.  354,  3.  —  389,  5,  supprimer  le  dâlat  devant  nfmhîn^  «  je  reconnus 


26  REVUE    CRITIQUE 

que,  par  désœuvrés  fructueuses,  ils  apaisent...  »  —  890,  3-4,  d^b^a'^lâh 
Vlîmd,  au  lieu  de  dadimâ  ba'ldh.  —  896,  9,  le  mot  omis  est  sans 
doute  re^^'^f'^aw  passion  ». 

Quoique  la  version  ait  été  faite  à  une  époque  où  le  syriaque  était  une 
langue  morte,  elle  renferme  cependant  un  certain  nombre  de  mots  et  de 
sens  nouveaux.  On  saura  gré  à  M.Wright  de  la  peine  qu"'il  a  prise  de  re- 
cueillir ces  mots  et  ces  sens  dans  le  glossaire  qu'il  a  joint  à  son  édition 
pour  faciliter  la  lecture  du  texte. 

Rubens  Duval. 


5.  —  A.  DuMONT  et  J.  Chaplain.  Les  t;éii-aasî<|Uf b  d»  la  Gi-sife  projtfe  s 
Vases  peints  et  terres  cuites.  Première  partie  :  Vases  peints.  2^  fascicule.  Paris, 
Firmin  Didot,  i883  1. 

L'ouvrage  dont  les  deux  premiers  fascicules  ont  paru  sous  ce  titre,  ne 
sera  pas  terminé  par  la  main  qui  Pavait  commencé.  On  pouvait  espérer 
que  cette  publication,  entreprise  par  M.  Albert  Dumont,  de  concert 
avec  M.  J.  Chaplain,  dans  toute  la  force  de  l'âge  et  du  talent,  serait  con- 
duite par  lui  à  bonne  fin,  et  marquerait  seulement  v.nt  étape  d'une  vie 
scientifique  déjà  si  bien  remplie.  La  mort  de  M.  D.  laisse  Toeuvre  ina- 
chevée. Nous  devons  nous  borner  ici  à  la  signaler  aux  lecteurs  de  la 
Revue.  Il  ne  nous  appartient  pas  de  rappeler,  dans  le  cadre  étroit  d'un 
article  bibliographique,  les  autres  travaux  de  M.  D.,  ni  de  parler  des 
services  qu'il  avait  rendus  à  l'enseignement  supérieur,  dans  des  fonc- 
tions où  il  dépensait  sans  compter  son  activité  et  son  énergie.  Il  nous 
sera  au  moins  permis  de  dire  quel  deuil  a  été  pour  ses  élèves  d'Athènes 
la  mort  de  leur  ancien  directeur.  Tous  gardent  un  profond  souvenir  de 
son  dévouement  absolu  à  la  prospérité  de  l'École  d'Athènes,  de  sa  bonté 
charmante  et  des  rares  qualités  qui  faisaient  de  lui  le  maître  le  plus  aimé 
et  le  plus  écouté. 

M.  D.  se  proposait  de  consacrer  un  volume  complet  aux  peintures 
céramiques  de  la  Grèce;  il  avait  depuis  longtemps  conçu  le  plan  de  cet 
ouvrage,  pour  lequel  il  n'avait  pas  cessé  de  réunir  des  matériaux  pen- 
dant qu'il  dirigeait  l'École  d'Athènes.  Revenu  en  France,  il  y  donnait 
les  courts  moments  de  loisir  que  lui  laissaient  ses  lourdes  occupations. 
C'était,  comme  il  aimait  à  le  dire,  son  œuvre  de  prédilection,  et  il  était 
heureux  quand  les  travaux  d'un  de  ses  élèves  venaient  éclairer  quelque 
point  de  l'histoire  de  la  peinture  céramique  en  Grèce  ^ .  11  s'était  tracé 
pour  programme  d'étudier  aux  sources  mêmes,  d'après  les  monuments 
de  provenance  grecque,  les  développements  de  l'art  de  la  céramique,  en 


1.  Voir   le   compte  rendu  du  premier  fascicule  dans  le  numéro  du  27  mars   1882 
de  la  Revue  critique. 

2.  Par  exemple  la  thèse  si  justement  remarquée  de  M.  E.   Potlier  sur  les  Lécyilies 
blancs  attiques  à  représentations  funéraires  (i883i. 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  27 

reproduisant  un  choix  de  peintures  empruntées  surtout  aux  collections 
athe'niennes;  on  sait  à  quel  point  le  talent  si  pur  et  si  élégant  de  M.  Gha- 
plain  l'avait  heureusement  servi  pour  cette  partie  de  la  publication.  Dans 
la  pensée  de  l'auteur,  la  période  des  origines  devait  être  la  plus  dévelop- 
pée; c'est,  en  effet,  aux  débuts  de  l'histoire  de  la  céramique  grecque  que  se 
posent  les  problèmes  les  plus  complexes,  ceux  qui  devaient  le  plus  vive- 
ment solliciter  l'attention  d'un  esprit  sagace  et  pénétrant. 

Le  premier  fascicule  traitait  de  la  période  antérieure  au  x^  siècle  : 
c'est  celle  qui  est  représentée  par  les  céramiques  d'Hissarlik,  de  Santo- 
rin,  d'Ialysos,  de  Mycènes  et  de  Spata.  M.  D,  montrait  que  le  progrès 
continu  des  formes  et  des  principes  décoratifs  permet  de  conclure  à  l'u- 
nité de  la  civilisation  qui  s'est  développée  dans  le  bassin  oriental  de  la 
Méditerranée,  avant  les  événements  historiques  qu'on  désigne  sous  le 
nom  de  guerre  de  Troie  et  de  retour  des  Héraclides.  Le  rapprochement 
des  faits  archéologiques  et  des  légendes  grecques,  aussi  bien  que  le  té- 
moignage des  documents  orientaux  permet  d'entrevoir  les  caractères  de 
cette  civilisation  moilié  indigène  et  moitié  asiatique,  qui  connaît 
rOrient,  mais  dont  l'industrie  n'imite  pas  encore  le  style  décoratif 
phénicien,  tel  que  les  monuments  nous  le  montrent  vers  le  x*  siècle. 
C'est  la  période  suivante  que  l'auteur  étudie  dans  le  second  fascicule. 

I.  Style  géométrique.  Type  des  îles.  —  M.  D.  comprend  sous  ce  titre 
toute  une  série  de  vases  dont  les  spécimens  les  plus  importants  ont  été 
trouvés  à  Milo  et  à  Santorin,  mais  qu'on  rencontre  |aussi  dans  d'autres 
parties  du  monde  grec;  il  a  soin  de  faire  remarquer  que  ces  mots,  type 
des  lies,  ne  désignent  pas  une  provenance  particulière.  Ces  vases  sont 
caractérisés  par  une  ornementation  linéaire,  dont  les  éléments  ont  déjà 
été  observés  à  Mycènes,  mais  qui  se  présente  avec  une  telle  richesse  et 
une  telle  variété  qu'on  est  en  droit  d'y  reconnaître  une  véritable  renais- 
sance du  style  géométrique.  Si  cette  classe  de  vases  est  encore  peu  nom- 
breuse, elle  n'en  donne  pas  moins  lieu  à  la  discussion  d'un  problème 
fort  compliqué  :  c'est  la  question  de  l'origine  de  ce  style  géométrique, 
dont  on  trouve  des  exemples  hors  des  pays  grecs,  en  Italie,  en  Alle- 
magne, en  Hongrie,  en  Suède  et  aussi  en  France.  On  sait  que  ces  faits 
ont  servi  de  point  de  départ  à  diverses  théories,  dont  la  plus  caractérisée 
est  celle  qui  attribue  à  ce  style  une  origine  aryenne  :  ce  serait  la  plus 
ancienne  forme  d'ornementation  adoptée  par  les  ancêtres  de  notre  race. 
M.  D.  discute  cette  théorie  en  se  limitant  à  Tétude  des  céramiques 
grecques,  et  il  n'a  pas  de  peine  à  prouver  qu'elle  ne  se  concilie  pas  avec 
les  faits.  Si  le  style  géométrique  succède  en  Grèce,  comme  on  Ta  vu,  à 
l'ornementation  florale  et  marine  d'Ialysos  et  de  Mycènes,  il  n'est  plus  le 
style  primitif;  il  marque  au  contraire  une  période  de  développement,  et 
c'est  ailleurs  qu'il  faut  en  chercher  l'origine.  Pour  M.  D.,  cette  origine 
pourrait  être  asiatique,  et  même  phénicienne;  si  de  nouvelles  observa- 
lions  viennent  s'ajouter  à  celles  qu'il  a  déjà  réunies,  ce  qui  n'est 
encore  qu'une   hypothèse   vraisemblable   deviendra   une   certitude.  En 


28  RlîVUE    CRITIQUE 

attendant,   la  voie  est   nettement  tracée   pour   les  recherches  à   venir. 

II.  Type  d'Athènes  et  de  Phalère.  —  Avec  les  vases  de  cette  série,  le 
style  géométrique  atteint  son  plein  développement.  En  outre,  on  y  voit 
apparaître  un  élément  nouveau  :  c'est  la  figure  humaine  traitée  d'une 
manière  encore  enfantine,  mais  avec  un  sentiment  qui  est  purement 
grec.  Les  scènes  figurées,  telles  que  les  funérailles,  le  choros,  les  com- 
bats en  mer,  sont  empruntées  à  la  vie  hellénique,  et  témoignent  d"'une 
originalité  qui  n'est  pas  douteuse.  M.  Hirschfeld  avait  déjà  signalé  les 
analogies  que  plusieurs  de  ces  scènes  présentent  avec  les  descriptions  des 
poèmes  homériques.  [Annali  delV  Instituto  di  Corr.  Arcli.  1872). 
M.  Helbig  y  revient  à  son  tour  dans  un  livre  récent  sur  l'épopée  homé- 
rique '.  Ce  sont  là  des  indices  précieux  pour  résoudre  une  question  que 
M.  D.  ajournait  à  la  suite  de  son  ouvrage,  celle  de  la  date  relative  des 
vases  du  type  d'Athènes.  M,  Helbig  estime  qu'ils  sont  postérieurs  à 
l'épopée  homérique,  et  fait  remarquer  que  les  vaisseaux  figurés  sur  ces 
vases  semblent  procéder  du  type  phénicien  tel  qu'il  est  connu  par  les 
monuments  du  vm^  siècle-,  ils  sont  armés  d'éperons,  tandis  que  les  na- 
vires homériques  sont  de  simples  bâtiments  de  transport.  M.  D.  fait  la 
même  remarque  (p.  98)  et  constate  également  que  la  décoration  géomé- 
trique des  vases  du  type  d'Athènes  se  retrouve  sur  des  objets  en  métal 
qu'on  peut  attribuer  au  vii^  siècle.  Il  ajoute  :  «  11  est  naturel  de  suppo- 
ser que  le  style  d'Athènes  a  été  florissant  au  vii'=  siècle  »  (p.  104).  La 
question  de  chronologie  n'en  reste  pas  moins  fort  obscure,  et  la  diffi- 
culté est  grande,  surtout  si  l'on  est  conduit  à  admettre  la  persistance  de 
ces  formes  décoratives  à  côté  d'un  style  différent,  d'origine  asiatique,  et 
qui  paraît  avoir  été  connu  des  Grecs  dès  le  xi^  siècle  ;  c'est  le  style  qui 
est  étudié  dans  le  chapitre  suivant.  M.  D.  n'annonçait  ses  conclusions 
qu'avec  une  extrême  réserve,  en  montrant  à  quel  point  il  faut  tenir 
cornpte  de  la  durée  variable  du  style  géométrique  dans  les  diverses  ré- 
gions de  la  Grèce  et  de  l'Italie. 

III.  Influence  orientale.  —  On  sait  que  des  objets  offrant  les  mêmes 
motifs  de  décoration  et  les  mêmes  scènes  figurées  ont  été  trouvés  dans 
des  parties  du  monde  ancien  très  éloignées  les  unes  des  autres  :  dans  la 
vallée  du  Tigre  et  de  LEuphrate,  sur  les  bords  du  golfe  Persique,  en 
Asie  Mineure,  à  Chypre,  en  Grèce,  en  Italie.  Ce  style  est  caractérisé 
par  des  éléments  très  particuliers,  dont  les  principaux  sont  la  tresse,  la 
palmette  dite  phénicienne,  l'arbre  sacré,  les  guirlandes  de  fleurs  et  de 
boutons,  la  rosace,  et  un  certain  nombre  d'animaux,  comme  les  lions, 
les  tigres,  les  taureaux,  les  sphinx,  les  griff"ons,  etc.  Il  était  permis  de 
croire  que  la  présence  de  ces  éléments  sur  des  objets  de  provenance  très 
différente  s'expliquait  par  l'influence  d'une  même  industrie,  ou  par  les 
imitations  auxquelles  elle  avait  donné  lieu.  Le  doute  n'est  plus  possible 
après  la  démonstration  que  fait  M.  D.,  en  s'appuyant  sur  les  catalogues 

I.  Das  Homerische  Epos,  aus  dcn  Denkmœlern  erlœutert.  Leipzig,  B.  G.  Teubner. 
188-1. 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATL'RB  29 

les  plus  précis.  Nous  ne  saurions  analyser  par  le  menu  ce  chapitre,  où 
l'examen  des  monuments  figurés  occupe  une  large  place;  mais  nous 
crovons  que,  dans  les  travaux  de  M.  D.,  peu  de  pages  donnent  une  idée 
plus  complète  de  la  sûreté  de  sa  méthode,  et  montrent  mieux  comment, 
dans  son  esprit,  l'étude  minutieuse  du  détail  n'avait  de  valeur  que  si 
elle  se  rattachait  à  des  vues  d'ensemble.  Ses  conclusions  sont  les  sui- 
vantes. Ce  style  peut  être  appelé  phénicien,  car  à  en  juger  par  les  cou- 
pes de  métal  trouvées  en  Orient  et  en  Italie,  ce  sont  les  Phéniciens  qui 
ont  combiné  des  éléments  décoratiis  empruntés  à  TEgypte  et  à  TAssy- 
rie  ;  il  a  été  répandu  dans  tout  le  monde  ancien  aux  environs  du  x"^  et 
du  xi<=  siècle.  Les  Grecs  l'ont  connu,  mais  les  potiers  grecs  n'y  ont  fait 
d'emprunts  que  pour  la  partie  décorative,  réservant  toute  leur  indépen- 
dance pour  le  choix  des  scènes  figurées  qui  sont  venues  s'encadrer  dans 
ces  motifs  orientaux.  Enfin  ce  style,  après  avoir  prévalu  en  Grèce  pen- 
dant plusieurs  siècles,  disparaît  quand  le  génie  de  la  race  répudie  toute 


imitation  étrangère. 


Poussant  plus  loin  l'analyse,  M.  D.  détermine  les  périodes  de  style 
oriental,  et  reconnaît  :  i"  une  période  très  ancienne,  où  dominent  les 
influences  égyptiennes,  avant  le  x°  siècle;  2°  une  période  assyrienne, 
caractérisée  par  la  surcharge  des  ornements  et  par  la  lourdeur  des  pro- 
positions; 3"  un  style  d'origine  persique,  qui  est  celui  du  palais  de  Per- 
sépolis  et  qui,  à  une  date  incertaine,  succède  à  Fornementation  assy- 
rienne connue  par  les  objets  trouvés  à  Nimroud.  C'est  au  cours  de  la 
troisième  période  que  le  génie  grec  commence  à  produire  des  oeuvres 
originales. 

La  civilisation  grecque  décrite  dans  l'épopée  homérique  correspond  à 
la  période  assyrienne.  Sur  ce  point  les  conclusions  de  M.  D.  sont  les 
mêmes  que  celles  de  M.  Helbig,  dans  l'ouvrage  étendu  où  ce  savant 
commente  par  le  témoignage  des  monuments  figurés  les  descriptions 
homériques.  M.  D.  consacre  quelques  pages  seulement  à  cette  question; 
mais  il  y  marque  avec  une  netteté  parfaite  le  caractère  de  la  civilisation 
grecque  aux  environs  du  ix''  siècle.  L'industrie  nationale  est  peu  avan- 
cée ;  les  objets  de  prix  signalés  par  Homère  sont  fictifs,  ou  bien  sont  des 
produits  étrangers  apportés  par  les  Phéniciens.  Nous  voudrions  pouvoir 
citer  les  passages  où  M.  D.  décrit  le  rôle  de  ces  marchands  phéniciens 
et  la  nature  de  leur  commerce,  ceux  où  il  montre  les  qualités  maîtresses 
de  Tesprit  grec  apparaissant  déjà  dans  l'épopée  et  annonçant  Tessor 
prochain  delà  plastique.  Ces  pages  sont  du  goût  le  plus  fin  et  le  plus 
personnel;  on  y  retrouve  l'écrivain  qui,  dans  les  travaux  de  l'érudition 
la  plus  sévère,  savait  faire  la  part  du  sentiment  et  de  l'analyse  des  idées 
morales. 

Les  conclusions  qui  terminent  cette  étude  sont  fort  réservées  sur  bien 
des  points;  au  moins  pour  l'histoire  naguère  obscure  de  la  civilisation 
primitive  de  la  Grèce,  l'ouvrage  si  tristement  interrompu  donne  avec 
une  grande  sûreté  l'état  actuel  de  la  science.  L'auteur  est  resté  fidèle  au 


3o  RKVUK    CRITIQOK 

programme  qu'il  s'était  tracé  :  a  II  s'agit  moins  d'exposer  une  opinion, 
que  de  montrer  comment  elle  s'est  formée,  et  par  suite  de  faire  passer  le 
lecteur  par  les  rapprocliements  qui  donnent,  croyons-nous,  à  nos  con- 
clusions une  complète  rigueur  scientifique  »  (page  2).  Mais  dans  ce  li- 
vre, comme  dans  les  autres  écrits  de  M.  D.,  il  y  a  plus  que  des  résultats 
constituant  un  accroissement  de  nos  connaissances;  il  y  a  une  méthode, 
et  un  véritable  enseignement  donné  par  un  esprit  qui  savait  le  prix  de 
la  vérité  scientifique.  Nous  souhaitons  que  cet  enseignement  soit  re- 
cueilli; rien  ne  pourra  mieux  servir  les  intérêts  des  hautes  études  qui 
étaient  si  chers  à  M.  Albert  Dumont,  et  auxquels  on  peut  dire  qu'il  a 
sacrifié  sa  vie. 

Max.    COLLIGNON. 


ô.    —    E=:ssai    sut-    S'îiîtÏTxenee    fj-ançaise,   par    Lefebvre    Saint-Ogan.     Paris 
librairie  Léopold  Cerf,  1884,  in-12,  x,  232  p.  Prix  :  3  fr.  5o. 

11  était  difficile  de  choisir  un  sujet  plus  attrayant  et  plus  beau  que 
celui  qu'a  traité  M.  Lefebvre  Saint-Ogan  dans  le  livre  dont  on  vient  de 
lire  le  titre  ;  on  sait  quelle  influence  considérable  la  France,  surtout  à 
deux  époques  de  son  développement  historique,  au  xii*  et  au  xiii^ siècle, 
ainsi  qu'au  xvn^  et  au  xvni°,  a  exercée  à  l'étranger,  mais  on  n'avait 
point  encore  songé,  que  je  sache,  à  faire  l'histoire  de  cette  influence  ; 
M.  L.  S.-O.  a  été  plus  hardi  ou  mieux  inspiré,  et  il  a  entrepris,  sinon 
d'en  retracer  le  tableau  complet,  du  moins  de  la  suivre  et  d'en  saisir  les 
principaux  traits  depuis  les  premiers  temps  où  elle  s'est  fait  sentir  jus- 
qu'à nos  jours.  Dans  les  treize  chapitres  qui  composent  son  livre  il  a 
groupé,  sous  autant  de  chefs  différents,  les  faits  qui  lui  paraissent  ex- 
pliquer ou  prouver  l'influence  de  la  civilisation  française  sur  les  na- 
tions voisines;  et  si  parfois  ces  faits  sont  un  peu  étrangers  au  sujet,  la 
plupart  montrent,  de  la  manière  la  plus  incontestable,  combien  a  été 
grande  l'action  que  la  France  a  exercée  sur  presque  toutes  les  contrées 
de  PEurope  moderne. 

Je  ne  veux  pas  dire  par  là  que  M.  L.-S.  ait  épuisé  la  question,  ni  qu'il 
en  ait  indiqué  tous  les  points  de  vue  ou  éclairé  tous  les  aspects;  on 
sent  trop  souvent  que  le  terrain  se  dérobe  sous  ses  pas;  il  est  trop  peu 
versé  aussi  dans  l'étude  des  littératures  étrangères  pour  ne  pas  s'être 
trompé  plus  d'une  fois  dans  les  jugements  qu'il  porte  sur  elles  et  sur  leur 
histoire.  Comment,  par  exemple,  a-t-il  pu  écrire,  p.  247,  «  que  la  litté- 
rature allemande  n'eut  pas  d'autre  origine  que  le  dépit  de  Gœthe  »  (de 
n'être  pas  arrivé  à  parler  correctement  français)  comme  si  le  dévelop- 
pement littéraire  dont  Gœthe  fut  le  couronnement  et  l'expression  la 
plus  haute  n'avait  pas  commencé  un  demi-siècle  avant  ses  premiers  dé- 
buts? On  voit  d'après  cela  ce  qu'il  faut  penser  de  cette  autre  affirmation 
qu'on  s'étonne  de  rencontrer  dans  un  livre  aussi  sérieux  que  celui  de 


d'histoirk  kt  dk  i.rrrÉRATOUK  3i 

M.  L.  S.-O.  :  «  Les  littérateurs  de  Leipzig,  de  Gœttingue,  etc.,  écrivi- 
rent en  allemand  à  défaut  de  pouvoir  le  faire  en  français.  »  On  ne  porte 
de  pareils  jugements  que  quand  on  connaît  seulement  de  seconde  main 
les  écrivains  qu'on  prétend  apprécier.  Encore  si  M.  L.  S.-O.  choisissait 
avec  plus  de  soin  ses  autorités;  mais  se  référer  à  MM.  J.  Scherr  et  A.  Bou- 
geault,  c'était  s'exposer  volontairement  à  commettre  plus  d'une  erreur. 

Puisque  je  suis  en  train  de  critiquer,  il  est  un  reproche  qu'il  faut  que 
j^adresse  encore  à  M.  L.  S.-O.  au  sujet  de  la  négligence  qu'il  met  dans 
ses  citations.  De  quelle  utilité  peuvent  bien  être  des  notes  comme  celle-ci  : 
Sainte-Beuve,  Port-Royal;  Thuani  Historia;  et  cette  autre,  p.  i6o, 
qui  semble  vraiment  une  niche  faite  au  lecteur  :  Manuscrits  du  Britîsh 
Muséum.  De  telles  indications  ont  bien  Tair  encore  d'être  faites  de 
seconde  main,  et  on  peut  craindre  que  les  citations  auxquelles  elles  se 
rapportent  n'aient  point  été  contrôlées;  c'est  le  cas  au  moins  pour 
«  l'empire  français  »  (créé  par  les  réfugiés),  «  expression  de  Herder, 
Adrastea  »,  dit  la  note  2  de  la  page  166;  cette  expression  n'est  point 
dans  Herder,  elle  est  de  moi  et  c'est  en  modifiant  une  phrase  de  PAdras- 
tée  que  j'ai  cru  pouvoir  m'en  servir  '.  Mais  je  ne  veux  point  insister 
davantage  sur  ces  faits  secondaires. 

Je  n'ai  point  la  prétention  de  passer  en  revue  les  treize  chapitres  que 
comprend  Tessai  de  M.  Lefebvre  Saint-Ogan;  s'il  en  est  quelques-uns, 
comme  «  les  Origines  »,  «  les  Rois  »,  «  le  Caractère  national  »,  de  trop 
insignifiants  et  de  trop  dénués  de  faits,  d''autres,  comme  «  les  arts  et  la 
langue  »,  «  Louis  XIV  et  l'Europe  »,  «  le  xviii"  siècle  »,  «  TEuropc 
française  »,  sont  riches  d'aperçus  ingénieux  et,  s'ils  ne  doivent  rien 
apprendre  de  bien  nouveau  aux  lecteurs  quelque  peu  au  courant 
des  questions  littéraires  S  ils  ne  pourront  manquer  d'être  utiles  à 
ceux  qui  ne  font  point  de  ces  questions  l'objet  de  leur  étude  habi- 
tuelle. C'est  à  eux  évidemment  que  s'adresse  surtout  VEssai  sur  l'ùi- 
fluence  française^  et  comme  il  est  éciit  avec  goût  et  dans  un  style  aisé 
et  facile,  on  peut  leur  en  recommander  la  lecture;  ils  seront  sûrs  d'y 

trouver  à  la  fois  plaisir  et  profit. 

Ch.  J. 

i.  M.  L.  S.-O.  n'a  pas  tiré  davantage  des  Briefe  :;u  Defœrderung  der  Hiimanitœt. 
de  Herder,  la  phrase  :  «  Chaque  petite  cour  d'Allemagne  est  devenue  un  Versail- 
les »;  je  crois  qu'il  l'a  trouvée,  comme  l'expression  de  «  l'empire  français»  dans 
mon  étude  sur  Herder  et  la  Renaissance  littéraire  en  Alleniag)ie  au  xviii-  siècle, 
p.  33;  mais  si  cette  phrase  ou  une  autre  semblable  y  est  mise  entre  parenthèse, 
elle  n'est  point  donnée  comme  empruntée  à  Herder;  la  note  que  M.  L.  S.-O.  me  pa- 
raît avoir  copiée  se  rapporte  à  un  autre  passage. 

2.  On  est  surpris,  par  exemple,  que  M.  L.  S.-O.  apprécie  si  mal,  p.  239  et  sui- 
vantes, ou  connaisse  si  peu  l'influence  que  la  littérature  anglaise  exerça  sur  la  nôtre 
au  siècle  dernier,  mais  comment  n'a-t-il  même  pas  soupçonné  l'iniluencc  de  l'Alle- 
magne sur  la  France  à  cette  époque  r 


32  REVUE    CRITIQUE 

THÈSES  DE  DOCTORAT  ES  LETTRES 

Faculté  des  lettres    de  Paris 
(3  novembre  1884). 


I.  De  Co  Insula.  par  Marcel  Dubois.  —  Berger-Levrault,  1884,  in-80,  69  p.,  3  canes. 
H.  Les  Ligues  Etolicnne  et  Achéenne.  —  Leur  histoire  et  leurs  institutions  ;  nature  et 

durée  de  leur  antagonisme,  par  Marcel  Dubois.  — Paris,  Ern.  Thorin,  1884, 

in-8",  239  p.,  2  cartes. 

I 

M.  le  Doyen  se  plaint  de  la  déception  que  le  titre,  les  cartes  et  les  plans  lui  ont 
fait  éprouver.  Géographe,  il  avait  espéré  une  thèse  de  géographie.  De  fait,  !e  titre 
est  un  pej  vague,  M.  Dubois  «  a  rapporté  de  Grèce  la  prudence  ».  De  Co  Insula 
n'engage  à  rien.  En  réalité  il  n'y  a  pas  là  de  thèse  ;  mais  une  collection  de  notes 
intéressantes,  qui  du  reste  ne  se  tiennent  pas.  On  cherche  en  vain  le  plan,  «  la  cons- 
truction magistrale  »,  car,  par  une  égale  prudence,  l'auteur  a  négligé  de  donner  une 
table.  En  feuilletant  le  livre  on  trouve  bien  deux  parties  et  des  chapitres;  mais  il 
n'y  a  d'autre  ordre  que  celui  des  numéros  des  37  inscriptions.  Le  médecin  Xénophon 
s'étale  à  travers  dix  pages,  et  Zeus  est  réduit  à  cinq  lignes.  —  Ce  sont  des  fouilles? 
il  fallait  le  dire  et  «  arborer  son  pavillon  ».  Le  lecteur  est  prévenu,  dès  l'introduc- 
tion, répond  M.  D.,  que  le  titre  est  un  faux  titre.  En  adoptant  un  plan  plus  vaste 
l'auteur  se  serait  condamné  à  répéter  ce  qu'ont  écrit  ses  devanciers,  à  reproduire 
beaucoup  d'inscriptions  qui  n'apprennent  que  peu  de  chose,  —  comme  toujours, 
fait  observer  M.  Himly.  —  Quant  à  l'ordre  des  inscriptions  il  n'est  pas  si  arbitraire; 
la  première  partie  concerne  non  l'a  géographie,  mais  la  topographie  de  l'île.  La  se- 
conde concerne  la  religion  et  est  destinée  surtout  à  montrer  la  différence  entre  le 
culte  public,  le  culte  des  tribus,  et  le  culte  privé.  M.  D.  croit  avoir  démontré  la  divi- 
sion du  peuple  en  trois  tribus  doriennes,  et  comment  ce  culte  des  tribus  qui  était 
à  l'origine  un  culte  public,  a  peu  à  peu  dégénéré  en  un  pur  formalisme;  aussi  a-t-il 
cité  ces  inscriptions  non  au  hasard,  mais  en  classant  d'abord  celles  qui  accordent 
encore  une  certaine  importance  au  culte  des  tribus,  au  v"^  siècle;  puis  à  l'époque 
macédonienne,  il  n'y  a  plus  que  form.alisme;  ce  culte  ne  réunit  plus  que  des  sor- 
tes de  confréries  privées,  et  l'Etat  n'y  intervient  plus  que  par  mesure  de  police,  par 
méfiance  de  ces  confréries,  et  pour'*1eur  imposer  la  nécessité  de  faire  approuver  leurs 
décrets.  Néanmoins  M.  Himly  insiste,  M.  D.  eût  dû  intituler  sa  thèse  Variae  ques- 
tioncs,  car  bien  des  gens  ne  \ont  pas  chercher  dans  l'introduction  les  intentions  de 
l'auteur.  M.  D.  répond  qu'il  n'écrit  pas  pour  ceux-là. 

M.  CoUignon  estime  que  M.  D.  s'est  fort  bien  défendu  contre  M.  le  Doyen.  La 
qualité  dominante  de  cette  thèse,  c'est  la  bonne  foi.  M.  D.  n'a  rien  voulu  prendre 
à  ses  devanciers;  mais  il  a  poussé  cette  réserve  à  l'excès  sans  penser  que  tous  ses 
lecteurs  n'avaient  pas  lu  Rayet  et  les  Allemands.  11  y  eût  certainement  eu  avantage 
à  indiquer  l'état  de  la  question,  surtout  relativement  aux  cultes;  et  si  l'auteur  avait 
fait  de  ces  inscriptions  un  Corpus,  qu'il  eût  rejeté  à  la  fin,  il  aurait  ainsi  échappé  au 
reproche  d'avoir  simplement  numéroté  ses  inscriptions.  Passant  à  l'examen  des  deux 
parties  delà  thèse  M.  Collignon  constate  les  résultats  obtenus;  M.  D.  a  fixé  ou  recti- 
fié l'cmplaceinent  de  plusieurs  dêmes,  et  proposé  une  conjecture  fort  plausible  pour 
la  situation  de  l'Asclépieion  :  M.  Rayet  plaçait  cet  édifice  fort  loin  de  la  ville  à  cause 
de  la  découverte  d'un  chapiteau  dorique;  mais  on  sait  que  le  leiTiple  était  dans  le 


d'histoire  et  de  littérature  33 

faubourg  :  M.  D.  a  déterminé  l'emplacement  des  murs  ;  le  site  v^roposé  par  M.  Rayet 
serait  à  3  kilomètres  de  la  ville.  D'autre  part  sans  avoir  fait  des  fouilles  concluantes 
M.  D.  a  constaté  dans  un  jardin  une  terrasse  inexplicable  soutenue  par  deux  murs 
avec  des  colonnes  à  chapiteaux;  dans  le  jardin  on  trouve  des  inscriptions,  des  orne- 
ments, des  fosses,  des  objets  d'art  au  dire  du  propriétaire  qui  se  garde  bien  de  les 
montrer, —  et  un  décret  dont  il  est  dit  qu'il  sera  placé  dans  l'Asclépieion.  M.  Rayet 
n'a  pour  lui  que  son  chapiteau  qui  a  du  reste  disparu  pour  devenir  de  la  chaux.  — 
M.  Collignon  demande  un  certain  nombre  de  renseignements  au  candidat.  Mais  les 
souvenirs  de  M.  D.  ne  sont  pas  assez  nets  pour  lui  permettre  de  rien  décider;  le 
métier  d'archéologue  n'est  pas  facile  en  ce  pays:  il  est  défendu  d'écrire,  de  par  l'au- 
torité turque;  il  faut  dessiner  dans  sa  poche:  les  paysans  se  méfient  des  archéolo- 
gues et  ne  montrent  ce  qu'ils  cachent  qu'aux  voyageurs  qui  peuvent  bien  payer.  — 
Pourtant  M.  D.  croit  pouvoir  affirmer,  qu'il  n'y  a  pas  de  relation  entre  le  nom  de 
Cos  (venu  des  Cariens)  et  le  type  monétaire  du  crabe;  il  ne  croit  pas  non  plus  qu'il  y 
ait  eu  une  école  locale  de  sculpture  avant  le  iv«  siècle  ;  enfin  il  n'y  a  rien  à  tirer  pour 
l'histoire  de  l'archéologie  des  récits  fabuleux  que  font  les  paysans.  —  La  deuxième 
partie  appartient  complètement  à  M.  Dubois.  11  a  relevé  toutes  les  formules  qui  per- 
mettent d'établir  la  filiation  des  personnes.  L'importance  attachée  à  l'origine  de  la 
mère  ne  tient  pas,  à  son  avis,  et  quoi  qu'en  pense  M.  Rayet,  à  la  persistance  du  culte 
carien,  mais  à  ce  fait  que  le  père  étant  évidemment  autorisé  au  culte  depuis  plu- 
sieurs générations,  il  faut  déterminer  si  la  mère  est  née  aussi  d'une  famille  autori- 
sée à  ce  même  culte.  —  Malheureusement  M.  D.  toujours  poursuivi  par  les  mêmes 
scrupules,  et  ne  voulant  rien  emprunter  à  ses  devanciers  n'adonné  qu'une  liste  in- 
complète des  cultes;  au  moins  aurait-il  fallu  indiquer  que  cette  omission  était  vo- 
lontaire. Il  eût  pourtant  été  intéressant  de  signaler  l'Aphrote  de  Cos,  dont  tout  le 
monde  sait  l'histoire,  et  Zeus  Ikesios;  et  d'indiquer  que  la  plupart  de  ces  cultes 
venaient  d'Asie  Mineure.  —  Enfin  M.  D.  a  laissé  quelques  petites  lacunes  ;  il  a  signalé 
un  fait  qui  tranche  la  question  du  médecin  public;  mais  il  aurait  pu  indiquer  des 
fait  analogues  dans  d'autres  régions,  la  plaque  de  bronze  publiée  par  M.  Bréal.  —  A 
propos  des  prêtres,  il  eût  été  intéressant  de  rapprocher  le  Monarchos  de  l'Archonte- 
Roi  d'Athènes,  en  signalant  cette  différence  qu'à  Kos  le  Monarchos  est  éponyme.  — 
Enfin  une  question  reste  sans  solution  :  que  sont  les  TTcssTaTX'.? 

M.  Fustel,  qui  se  réserve  de  discuter  la  thèse  française,  remercie  M.  D.  d'avoir 
dédié  ses  deux  thèses  à  l'Ecole  Normale  et  fait  remarquer  qu'on  n'y  devient  pas 
historien  ni  archéologue,  mais  qu'on  y  apprend  à  le  devenir. 

M.  Pigeonneau,  «  à  titre  de  profane  »,  reproche  à  M.  D.  de  renvoyer  sans  cesse  au 
Bulletin  de  correspondance  hellénique  et  de  ne  pas  traduire  les  inscriptions.  La  Fa- 
culté a  droit  à  l'intégrité  du  travail;  il  est  ennuyeux  d'ouvrir  vingt-cinq  volumes 
pour  en  lire  un;  elle  a  droit  aussi  d'exiger  que  le  candidat  s'explique  c<  pour  pou- 
voir le  chicaner  ». 

M.  P.  Girard  interroge  M.  D.  sur  la  dilTérence  qui  existait  entre  les  .\sclépiades  et 
les  médecins  publics.  M.  D.  suppose  que  l'exercice  de  la  médecine  était  d'abord  aux 
mains  des  prêtres;  que,  par  suite  de  leurs  doubles  fonctions,  ils  devinrent  de  mé- 
diocres médecins,  et  qu'on  eut  alors  recours  aux  médecins  publics. 

II 

M.  D.  a  étudié  dans  sa  thèse  française  l'histoire  des  ligues  Achéenne  et  Etolienne; 
il  s'est  efforcé  de  démontrer  que  ces  deux  confédérations  ne  présentaient  pas,  en 
somme,  des  caractères   si   opposés,  et  que  la  ligue  Etolienne  ne  fut  pas  toujours  la 


3,1  KEVUE    CKITIQUK 

ligue  démocratique,  ni  la  ligue  achéenne  la  ligue  aristocratique  par  excellence.  L'ou- 
vrage est  construit  avec  une  extrême  rigueur.  Pourtant  M.  Himly  trouve  à  redire  à 
une  des  grandes  divisions  introduites  dans  le  livre,  intitulée  les  Révolutions.  — 
M.  D.  se  défend  en  disant  qu'il  a  fait  dans  la  première  partie  l'histoire  de  la  forma- 
tion territoriale  des  deux  ligues,  dans  la  troisième  partie  l'exposé  de  leurs  institu- 
tions; qu'il  lui  fallait  bien  auparavant  faire  l'historique  de  ces  institutions.  — 
M.  Himly  lui  reproche  aussi  d'avoir  exagéré  l'opinion  de  ses  adversaires,  de  s'en 
être  tenu  au  «  style  lapidaire  »  et  de  n'avoir  pas  plus  «  sacrifié  aux  Grâces  ».  —  Les 
cartes  que  M.  D.  a  jointes  à  son  livre  provoquent  aussi  quelques  observations  de 
M.  Himly  qui  les  trouve  bien  insuffisantes  et  qui  estime  que  l'on  doit  soigner  dans 
un  livre,  plus  que  toute  autre  chose,  la  préface,  la  table  des  matières  et  les  cartes. 
11  n'a,  en  revanche,  que  des  éloges  à  accorder  à  M.  D.  pour  son  habitude  de  résu- 
mer chaque  Dhapitre  en  des  conclusions  «  qui  dispensent  le  lecteur  de  lire  le  cha- 
pitre ».  11  le  félicite  aussi  d'avoir  substitué  à  une  sèche  énumération  bibliographique 
une  appréciation  critique  dans  laquelle  «  il  a  dit  son  fait  à  rinsolence  britannique 
de  M.  Freeman  ».  Il  trouve  que  M.  D.  a  été  bien  sévère  en  s'interdisant  tout  rap- 
prochetneiit  avec  les  organisations  politiques  modernes;  comparaison  n'est  pas  rai- 
son, sans  doute,  et  la  comparaison  avec  les  Etats-Unis  est  boiteuse,  mais  les  analo- 
gies sont  bien  plus  nombreuses  avec  les  Gantons  Suisses,  surtout  dans  leur  ancienne 
organisation. 

M.  Fustel  félicite  l'auteur  d'avoir  choisi  un  sujet  difficile.  L'étude  d'un  état  grec 
est  toujours  difïicile;  la  difficulté  est  doublée  quand  il  s'agit  d'une  confédération.  — 
Gette  étude  a  été  rendue  possible  par  les  travaux  de  la  nouvelle  école  d'Athènes; 
mais  il  reste  encore  bien  des  doutes.  —  Dans  la  constitution  achéenne,  la  (jOuA*/j 
était-elle  bien  ie  principal  pouvoir  fédéral'  Le  principal  pouvoir  était-il  populaire 
ou  aristocratique  '  M.  D.  parle  d'-une  assemblée  du  peuple,  est-il  sûr  de  son  exis- 
tence' M.  D.  pense  que  le  Sénat  est  bien  le  véritable  pouvoir;  l'Assemblée  n'eût  pu 
gouverner  à  l'époque  du  Congrès,  car  Poiybe  nous  dit  que  cliaque  cité  a  dans  le 
congrès  un  pouvoir  égal,  et  envoie  des  députations  au  congrès.  L'Assemblée  eût 
rendu  inutile  le  sénat  fédéral.  —  Mais  Poiybe  dit-il  la  chose  bien  nettement.'' M.  D. 
n'interprète-t-il  pas  aussi  d'une  façon  un  peu  large  le  témoignage  de  Tite-Live? 
Dire  que  deux  peuples  se  retirèrent,  ce  n'est  pas  dire  formellement  qu'on  votait  par 
peuple  ;  d'autre  part,  Tite-Live  parle  d'un  ambassadeur  qui  réunit  non  seulement 
les  Achéens,  mais  tous  les  peuples  grecs,  ce  n'est  donc  pas  proprement  un  congrès. 
—  Mais,  répond  M.  D.,  les  princes  étrangers  peuvent-ils  ainsi  convoquer  la  ligue 
sans  le  concours  des  magistrats  (sauf  Philippe  en  218,  qui  agit  à  son  gré  et  en  vé- 
ritable maître)?  et  sur  la  demande  de  M.  Fustel,  s'il  distingue  l'Assemblée  du  Sénat, 
il  explique  que  l'Assemblée  n'est  constituée  que  par  les  assistants,  mais  que  c'est  la 
fiouAY]  qui  tranche  tout.— Pourtant  M.  Fustel  rappelle  des  textes  où  les  deux  choses  ne 
sont  point  distinguées.  Poiybe  (XXIX)  racontant  l'assemblée  de  Sicyone,  indique  qu'il 
y  eut  réunion  de  la  ^ouX*/)  mais  aussi  de  tous  les  citoyens.  Plutarque  (  Vie  de  Cléomène, 
1,  zb)  nous  montre  la  [3ouX-/j  réunie  à  Regium  ;  Aratus  monte  à  la  tribune  (fi'^lJ.a, 
tribune  populaire),  puis  la  aùvoBoç  est  dissoute.  —Dans  le  récit  que  fait  Tite-Live  de 
l'assemblée  de  Sicyone  (XXXIÎ, 22)  M.  D.  fait  de  l'Assemblée  un  jour  une  Pou)//),  le  len- 
demain une  assemblée  générale  (v.  p.  121).  Il  est  à  noter  pourtant  que  l'historien 
emploie  toujours  les  mots  concilium,  concio,  convenius,  jamais  celui  de  senatus.  — 
Poiybe  (XXIII)  mentionne  la  proposition  que  fait  Eumène,  de  120  talents  pour  in- 
demniser les  [iou)^£UTa'.  \  la  proposition  se  fait,  semble-t--il,  devant  la  PouXy)  ;  mais 
le  revenu  serait  bien   gro^  pour   une   simple   (ÎouAy;.  —  Enfin,  Poiybe  emploie  tou- 


D  HISTOIRE    ET    DK    LITTERATURE  DD 

jours  le  mot  z'yc/ù.Ti'CÇ  pour  le  sénat  romain,  et  autre  part  il  parle  successivement 
de  [3o'JAî'JTr,p'.OV  puis  de  TrXr^Oc^  (p.  127).  M.  D.  explique  que  dans  la  circonstance 
dont  il  s'agit,  le  c6vo5oç  est  le  congrès  tout  entier;  la  ^ovXii  est  hésitante,  on  dis- 
cute ;  le  peuple  est  là  présent  mais  ne  sait  rien  de  ce  qui  se  passe.  Il  avoue  du  reste 
ne  pas  savoir  comment  elle  peut  être  nommée.  —  Si  l'on  passe  à  la  ligue  Etolienne 
les  difficultés  sont  plus  grandes  encore.  —  Les  réunions  ont  lieu,  suivant  M.  D.,  dans 
toutes  les  principales  villes;  M.  Fustel  se  refuse  à  en  voir  hors  d'Etoiie,  et  écarte  les 
différentes  villes  citées;  à  Héraclée  (v.  p.  192,  n.  4)  ne  serait-ce  pas  Flamininus  qui 
convoque  l'assemblée;  à  Hypata,  Tite-Live  ne  parle  que  d'une  assemblée  des  Apo- 
clètes;  à  Stratos  c'est  la  réunion  de  l'armée  etolienne,  qui  se  prépare  à  marcher  sur 
Ambracie;  ii  nie  que  l'inscription  de  Péréa  (p.  226)  permette  d'inférer  que  chaque 
ville  fournissait  un  nombre  proportionnel  de  sénateurs.  Pour  ce  qui  concerne  les 
droits  respectifs  des  difïérentes  cités  de  la  ligue,  on  sait  que  Polybe  parle  de  gu[J(,7:o- 
XlTîta  ;  mais,  fait  remarquer  M.  D.,  on  trouve  aussi  les  termes  cuVTaTtO[J.£VY]  xôX'.ç 
et  cu[J.[J.X'/ix '^  quels  sont  donc  les  membres  de  la  ligue  égaux  aux  Etoliens  ?  M.  D. 
n'affirme  pas  pour  les  Béotiens;  Tite-Live  exclut  les  Acharnanes  ;  on  trouve  dans 
beaucoup  de  villes  un  stratège  établi  par  les  Etoliens,  et  dont  Polybe  dit  (XV,  2'i)  : 
TTpOîSTWTOÇ  TÔJv  7.C'.vûv.  Y  a-t-il  eu  à  la  tête  de  la  ligue  des  stratèges  qui  ne  fussent 
pas  Etoliens  (Stratos  a  été  autrefois  en  Etoliej?  Il  y  a  en  Achaie  des  stratèges  qui 
ne  sont  pas  Achéens;  M.  D.  fait  observer  que  Polybe  a  pu  donner  des  listes  plus 
complètes  et  plus  précises  des  stratèges  achéens  et  des  stratèges  etoliens.  Il  reste 
néanmoins  deux  doutes.  Y  a-t-il  eu  des  assemblées  fédérales  hors  d'Etolie?  Y  a-t-il 
eu  des  stratèges  qui  ne  fussent  pas  Etoliens?  Cela  seul  suffirait  à  constituer  une 
diflérence  essentielle  entre  les  deux  ligues.  Enfin,  M.  Fustel,  tout  en  approuvant  la 
conclusion  de  l'auteur,  fait  commencer  l'affaiblissement  de  l'esprit  municipal  à  la 
guerre  du  Péloponnèse. 

M.  Pigeonneau  reproche  à  M.  D.  d'avoir  exagéré  l'importance  des  séditions  d'Achaie 
antérieures  à  la  révolution  de  148;  d'avoir  fait  en  Etolie  la  révolution  démagogi- 
que plus  démagogique  qu'elle  ne  le  fut,  et  de  n'avoir  pas  assez  montré  que  la  lutte 
entre  les  partis  s'engagea  beaucoup  moins  sur  la  question  sociale  que  sur  une 
question  politique  extérieure. 

M.  Dubois  a  obtenu  le  grade  de  docteur  à  l'unimimité. 


CORRESPONDANCE 


l>ctti'c  «le    .^J.  ÏSoiEÎa'c 

Paris,  g  décembre  i8>>4. 
Monsieur  le  Secrétaire  de  la  Rédaction, 

J'ai  l'honneur  de  faire  appel  à  votre  impariialité  et  vous  prie  de  vouloir  bien  insé- 
rer la  note  ci-jointe. 

La  Revue  critique  contient  dans  son  numéro  du  10  novembre  1884  une  analyse  du 
livre  de  M.  Tissot,  Géographie  comparée  de  la  province  d'Afrique,  par  M.  Salomon 


36  REVUE    CRITIQUE 

Reinach.  Son  auteur  a  mclc  mon  nom  à  cette  étude  et  jeté  en  passant  une  apprécia- 
tion des  plus  dédaigneuses  sur  mes  travaux  antérieurs. 

D'après  lui,  ma  thèse  ne  serait  qu'un  paradoxe  géographique;  —  d'après  lui  tou- 
jours, «  deux  Académies  réunies  auraient  entendu  patiemment  exposer  des  erreurs 
aussi  énormes  sans  qu'une  seule  voix  se  soit  élevée  pour  les  réfuter.  » 

Je  n'ai  pas  à  constater  si  M.  Salomon  Reinach  est  bien  fondé  à  se  croire,  à  lui  seul, 
plus  de  science  que  deux  Académies  réunies.  Je  me  bornerai  ici  à  exprimer  un  éton- 
nemeiit  et  un  regret  ;  un  étonnement,  parce  que  M.  Salomon  Reinach  assistait  à  la 
séance  du  29  août,  où  j'eus  l'honneur  de  lire  à  l'Académie  des  inscriptions  un  deu- 
xième mémoire  sur  la  Ciéographie  comparée  des  Syrtes  et  du  Triton,  et,  par  consé- 
quent, qu'il  faisait  partie  lui-m.ême  de  ceux  qui  ont  entendu  des  erreurs  aussi  énor- 
mes ;  un  regret,  parce  qu'il  n'a  pas  fait  entendre  la  moindre  protestation  '. 

Bien  plus,  dans  un  autre  passage  de  la  même  étude,  M.  Salomon  Reinach  se  refuse 
à  engager  la  discussion.  «  Nous  ne  pouvons  entrer  ici,  dit-il,  dans  la  discussion  du 
système  de  M.  Rouire,  qui  place  le  Triton  près  de  Haramamet.  Le  pourrions-nous, 
que  nous  ne  le  ferions  pas,  puisqu'un  tel  système  dénote  de  la  part  de  ceux  qui  l'ont 
soutenu  et  accepté  une  ignorance  absolue  des  textes  sans  lesquels  une  discussion  sé- 
rieuse est  impossible.  » 

Je  ne  ferai  pas  remarquer  que  l'appréciation  de  M.  Reinach  est  peu  charitable,  je 
ferai  observer  seulement  qu'elle  est  peu  scientifique. 

Prochainement,  j'aurai  l'honneur  de  lire  un  quatrième  mémoire  à  l'Académie  des 
inscriptions.  Ce  jour-là,  je  donne  rendez-vous  à  M.  Reinach'-  et  l'on  verra  alors  quel 
est  celui  de  nous  deux  qui  connaît  le  mieux  les  textes,  quel  est  celui  qui  a  le  meilleur 
sens  critique,  quel  est  celui  enfin  qu'on  peut  considérer  comme  un  géographe. 

.^près  avoir  émis  avec  une  pareille  assurance  de  pareilles  appréciations,  M.  Salo- 
mon Reinach  ne  peut  éviter  le  débat:  son  honneur  est  engagé  et  l'intérêt  de  la  vé- 
rité exige  impérieusement  une   discussic-n  à  fond. 

Le  vaincu  d'ailleui s  aura  toujours  le  mérite  et  la  satisfaction  d'avoir  contribué  à 
répandre  ce  qui  est  le  vrai. 

RouiRE. 


CHRONIQUE 


FRANCE.— Les  obsèques  de  M.  Frédéric  Baudry,  membre  de  l'Institut,  administra- 
teur de  la  bibliothèque  IMazarine,  ont  eu  lieu  aujourd'hui  à  midi,  en  l'église  Saint- 
Germain-des-Prés,  au  milieu  d'une  affluence  nombreuse.  Les  cordons  du  poêle 
étaient  tenus  par  M.  Wallon,  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  des  Inscriptions  et 
Belles-Lettres;  M.  Gaston  Paris,  vice-président  de  l'Académie;  M.  Alfred  Franklin, 
administrateur  adjoint  de  la  bibliothèque  Mazarine,  et  M.  G,  Patinot,  directeur 
du  Journal  des  Débats. 

L'inhumation  a  eu  lieu  au  cimetière  Montparnasse.  M.  Gaston  Paris  a  prononcé 


1.  Je  ferai  remarquer  à  M.  Rouire  que  si  j'avais  fait  entendre  la  moindre  protestation,  j'aurais 
été  à  juste  titre  expulsé  de  la  salle,  les  personnes  étrangères  à  l'Institut  n'ayant  pas  le  droit  d'y 
prendre  la  parole  sans  en  ctre  priées.  —  S.  R. 

2.  Je  rappelle  que  l'Institut  n'est  pas  un  club  et  je  regrette  de  ne  pouvoir  accepter  le  rendez- 
vous    —  S.  R. 


DHIS'IUlîîb.    Kl     0I-:    LITTÉKATURh  Sy 

les  paroles  suivantes,  que  nous  reproduisons,  en  rappelant  que  M,    Baudry  fut  un 
des  premiers  collaborateurs  de  la  Revue  critique. 

o  Messieurs, 

«  La  famille  de  M.  Baudry.  se  conformant  aux  intentions  souvent  exprimées  par 
lui,  a  désiré  qu'aucun  discours  ne  fût  prononcé  à  ses  obsèques.  Nous  devons  nous 
incliner  devant  ce  vœu.  Mais  l'Académie  ne  peut  se  résoudre  à  quitter  cette  tombe 
sans  adresser  au  moins  un  adieu  à  celui  qu'elle  perd  avec  un  si  profond  regret. 
Permettez-moi  d'ajouter,  puisque  le  sort  m'a  désigné  pour  représenter  aujourd'hui 
notre  compagnie,  que  je  m'y  résoudrais  moins  que  personne,  ayant  eu  le  bonheur 
d'être  au  nombre  des  amis  particuliers  de  Frédéric  Baudry,  et  sentant  plus  vive- 
ment la  grandeur  de  la  perte  que  nous  venons  de  faire.  M.  Baudry  ne  possédait  pas 
seulement  un  savoir  d'une  rare  étendue  et  d'une  grande  sûreté;  c'était  avant  tout  un 
esprit  philosophique,  qui  rattachait  tous  les  objets  de  son  étude  à  une  pensée  géné- 
rale très  large  et  très  souple.  Il  joignait  dans  une  proportion  excellente  la  plus  grande 
liberté  de  l'espri;  à  la  plus  sage  circonspection.  Toute  nouveauté  l'intéressait,  au- 
cune ne  l'effrayait,  mais  aucune  ne  l'entraînait.  Il  fut  un  des  premiers  à  propager  en 
France  le  grand  mouvement  scientifique  de  l'.Mlemagne  ;  mais,  en  nous  versant  ce 
vin  fort  et  parfois  un  peu  trouble,  il  ne  s'en  laissa  jamais  enivrer  et  sut  souvent  le 
clarifier  en  le  passant  au  filtre  de  l'esprit  le  plus  net  et  le  plus  français.  Ceux  qui 
ont  abordé,  il  y  a  vingt-cinq  a.^s,  avec  des  idées  alors  nouvelles,  la  carrière  philolo- 
gique n'oublieront  jamais  quel  appui,  quelle  direction  et  quel  charme  ils  ont  trou- 
vés dans  le  commerce  de  Frédéric  Baudry.  C'était  un  esprit  ouvert  à  tout  et  un 
cœur  ouvert  à  tous.  Sa  conversation,  toujours  nourrie  de  faits  tt  d'idées,  était  en 
même  temps  animée  par  la  bonne  humeur  la  plus  naturelle  et  la  plus  franche;  la 
cordialité  éclatait  dans  son  regard,  dans  son  accueil,  dans  ses  encouragements.  L'A- 
cadémie, en  le  nommant,  s'était  assuré  un  concours  extrêmement  précieux  :  dans 
les  corps  scientifiques,  où  la  plupart  des  membres  sont  nécessairement  des  spécia- 
listes, rien  n'est  plus  important  que  la  présence  de  ces  esprits  libres  et  variés,  qui 
joignent  à  une  culture  générale  très  étendue  la  possession  d'une  forte  méthode  et 
l'habitude  de  l'appliquer  à  toutes  choses.  Nous  avons  peu  joui  de  ces  rares  qualités 
de  notre  ami.  Une  maladie  impitoyable,  terreur  de  tous  ceux  qui  vivent  par  la 
pensée,  le  frappa  bientôt  après  son  entrée  au  milieu  de  nous.  Grâce  à  ses  précises 
connaissances  médicales,  il  en  suivit  le  progrès  fatal  avec  une  perspicacité  cruelle  et 
courageuse,  jusqu'au  jour  où  la  conscience  elle-même  s'éteignit  dans  cette  intelli- 
gence longtemps  si  active.  Sa  maladie  nous  avait  consternés;  sa  mort  nous  apparut 
presque  comme  une  grâce.  Au  nom  de  l'Académie  des  Inscriptions  et  Billes-Let- 
tres, j'adresse  à  notre  cher  et  regretté  confrère  l'adieu  le  plus  profondément 
ému  ». 

—  La  Bibliothèque  grecque  el^éviricnne  vient  de  s'enrichir  d'un  troisième 
volume  intitulé  :  La  Grèce  ancienne  et  mo.ieme  considérée  sous  l'aspect  reli- 
gieux, par  M™"  Adélaïde  Terzetti,  veuve  du  poète  zaniiote  qui  administra  long- 
temps la  bibliothèque  de  la  chambre  grecque  des  députés.  C'est  un  tableau  coloré 
dans  lequel  l'auteur  a  fait  entrer  tous  les  grands  événements  historiques.  Dès  la 
première  ligne,  le  lecteur  peut  voir  le  rôle  et  le  rang  attribués  à  la  religion  dans  les 
destinées  de  l'hellénisme,  a  On  se  demande  comment  le  temps  qui  a  fermé  l'abîme 
sur  tant  de  peuples  célèbres,  n'a  eu  sur  la  Grèce  qu'une  puissance  partielle;  à  quel 
titre  a-t-il  donc  pactisé  avec  elle?  A  quel  titrer  Personne  ne  l'ignore,  mais  on  aime 
à  se  le  demander  pour  le  plaisir  d'y  répondre,  C'est  l'humanité  tout  entière  qui,  re- 


:)0  lîSCVUK    CRITIQUE 

levant  la  tête  au  seul  nom  de  la  Grèce,  se  glorifie  en  elle.  »  Et  plus  loin  :  «  Je  m'en- 
tretiendrai avec  vous  d-j  la  Grèce,  chers  lecteurs  et  lectrices,  simplement  comme  le 
voyageur  qui,  surpris  et  charmé  par  un  tableau  splendide  de  la  nature,  fait   part  à 
ceux  qui  l'entourent  des   sensations  qu'il  éprouve...  De   tous  les  aspects  sous   les- 
qu:;Is  ce  beau  et  varié  tableau  peut  s'offrir  à  vos  yeux,  nous  nous  attacherons  parti- 
culièrement à  celui  de  la  religion,  parce  que  c'est  l'élément  qui  domine  ici  tous  les 
autres  et  a  maintenu  ensuite  sous  diverses  formes,  à  travers  la  série  des  siècles, 
l'existence  de  la  nation.  »  Le  style  de  ces  «  considérations  »  a,  comme  on  en  jugera 
par  ces  extraits,  quelque  chose  du  lyrisme  que  comportait  l'histoire  générale  à  la  fin 
du  siècle  dernier.  Et  cependant  Ce  livre  est  d'une  lecture  facile  et  agréable.  On  sent 
que  l'auteur  connaît  bien  les  faits  dont  il  tire  une  moralité  en  vue  de  sa  thèse,  mais 
qu'il  a  surtout  médité  sur  ces  faits  et  puisé  ses  conclusions  dans  son  propre  fonds. 
Il  prend  la  Grèce  «  à  son  berceau  ».  La  Grèce,  dit-il,  prend  naissance  dans  la  poé- 
sie. —  La  première  partie  de  l'œuvre  s'occupe  de  la  Grèce  dans  ses  rapports  avec  la 
mythologie;  la  seconde  nous  introduit  dans  ia  Grèce  christianisée;  la  troisième  et 
dernière  commence  avec  l'arrivée  des  Turcs  sur  les  territoires  helléniques.  Ici,  bien 
des  faits  connus  sont  exposés  et  mis  en  lumière  d'une  façon  originale  et  pittoresque 
qui  leur  donne  l'apparence  de  la  nouveauté,  et  presque  totijours  on  est  obligé  de  se 
rendre  au  raisonnement  et  à  l'opinion  de  l'auteur.  En  un  mot,  la  lecture  de  ce  petit 
livre  couronnerait  non  sans  fruit  ni  sans  charme  l'étude  souvent  aride  de  l'histoire 
grecque  moderne  et  ancienne. 

—  Le  dernier  numéro  du  Bulletin  Monumental  (t.  L,  n"  7)  contient  sous  le  titre  : 
«  Un  cas  de  vandalisme  à  l'église  de  Brou  »  et  signée  H.  G.  une  curieuse  note  sur 
une  mutilation  singulière  dont  ont  été  victimes  les  anges  du  célèbre  mausolée  de  cette 
église.  L'auteur  de  cet  article  aurait  pu  rappeler  qu'au  moyen  âge  on  discutait  la 
question  de  savoir  si  les  anges  étaient  mâles  ou  femelles  :  ceux  de  Brou  étaient  mâ- 
les au  XVI'  siècle,  mais  ce  sexe  a  cessé  de  plaire  aux  gens  du  pays  et  aujourd'hui  on 
en  a  fait  des  anges  presque   neutres. 

—  Le  10  janvier  a  paru  le  premier  numéro  de  la  revue  :  V Horii^on.  Elle  est  bi- 
mensuelle et  M.  Marueau  auteur  de  Slaves  et  Teutons  en  est  le  directeur.  Le  but 
de  ce  nouveau  périodique  est  l'étude  et  la  défense  des  intérêts  français  à  l'étranger 
et  dans  les  colonies;  la  France  hors  de  France. 

—  Il  vient  de  se  fonder  à  Paris  une  société  sous  le  nom  à' Académie  de  saint  Tho- 
mas pour  l'étude  de  la  philosophie  ei  spécialement  de  la  philosophie  scoiastique. 
L'ancienne  revue  de  M.  Bonetty  les  Annales  de  philosophie  chrétienne,  doit  publier 
les  mémoires  de  cette  société.  A  en  juger  par  les  travaux  annoncés,  on  s'occupera 
surtout  de  questions  mixtes  de  pliilosophie  et  de  physiologie. 

—  M.  Louis  Lkger  vient  d'être  élu  membre  correspondant  de  l'Académie  des 
sciences  de  Saint-Pétersbourg. 

ALLEMAGNE.  —  Le  professeur  A.  Fr;enkel  vient  de  commencer  une  série  d'é- 
tudes sur  l'histoire  romaine.  Le  premier  cahier  traite  de  la  date  d'entrée  en  charge 
des  consuls  de  SSy  à  532  de  R.  et  du  rapport  du  calendrier  romain  avec  le  calen- 
drier julien  de  440  à  552  de  R.  (A.  Frœnkel,  Studien  :{ur  Rœmische  Geschichle, 
Heft  I,  1884;  Breslau,  Kern.  In-8",  i36  pp.)  Ce  travail  est  surtout  dirigé  contre 
Unger,  die  rœmische  Stadtœra,  Munich,  187g  et  contre  Matzat,  rœmische  Chrono- 
lop^ie.  Berlin,  i883.  Les  conclusions  de  M.  F.  sont  les  suivantes  :  de  387  à  433  de 
R.  la  date  d'entrée  en  charge  des  consuls  varie  presque  chaque  année  ;  de  434  à 
462,  elle  est  fixée  aux  ides  de  juin  (cf.  p.  i35  et  le  tableau  p.  49)  ;  un  interrègne 
d'une  durée  qu'il  est  impossible  de  fixer  sépare  chaque  magistrature;  vraisemblable- 
ment depuis  le  lemps  de  la  seconde  guerre  samnit;,  certainement  depuis  l'invasion 


D  HISTOIRE    ET    Dli    LITTERATURE  .->9 

de  Pyrrhus,  jusqu'à  la  fin  de  la  seconde  guerre  punique,  le  calendrier  romain  est  en 
avance  d'environ  deux  mois  sur  le  calendrier  julien.  M.  F.  conteste  l'autorité  de 
Tite-Live  et  se  fonde  surtout  sur  Diodore  et  Poly'oe. 

—  Le  3«  cahier  des  Altitalische  studien  de  M.  C.  Pauli  vient  de  paraître.  Il  con- 
tient les  études  suivantes  :  i"  Les  inscriptions  étrusques  du  musée  àe  Leide,  par 
C.  Pauli,  pp.  1-63  :  établissement  du  texte,  classification  des  inscriptions,  commen- 
taire; 2°  La  formation  du  pluriel  en  étrusqtte,  par  H.  Schaefer,  pp.  65-io3  ;  3°  L'in- 
scription étrusque  de  la  tablette  de  plomb  de  Magliano,  par  C.  Pauli,  pp.  io5-i37  ; 
4°  Sur  les  formes  ombriennes  et  osques  esuf,  essuf,  par  O.  A.  Danielsson,  pp.  iSg- 
i86;  5°  Mélanges  :  Anciennes  formes  de  duel  en  latin  (ce  sont  les  noms  en  -u, 
comme  cornu,  genu,  auxquels  il  faudrait  rattacher  certains  noms  en  -us,  comme 
manus  et  sexus),&x.  sur  Vosque  eitua,  par  O.  A.  Danielsson,  pp.  187-199.  Le  cahier 
est  accompagne  d'une  planche  reproduisant  l'inscription  de  l'Apollon  de  la  Biblio- 
thèque nationale  de  Paris  et  quelques  inscriptions  du  musée  de  Leide.  Le  troisième 
article,  sur  la  tablette  de  Magliano,  est  un  article  de  polémique,  dans  lequel  M.  Pauli 
montre  que  par  la  méthode  de  Deecks  on  peut  donner  trois  traductions  différentes 
de  la  célèbre  inscription  :  M.  Pauli  a  le  goût  des  réfutations  per  absurdum  (cf.  le 
2«  fasc.  et  Revue  crit.,  1884,  n"  7,  p.  i23). 

BULGARIE.  —  La  Revue  de  la  Société  littéraire  bulgare  à  Sofia  publie,  dans  son 
dernier  numéro,  le  compte  rendu  de  la  séance  solennelle  récemment  tenue  par  la 
Société.  Dans  cette  séance  ont  été  proclamés  membres  d'honneur  :  MM.  Miklosich, 
Kanitz,  Léger.  Leskien  et  Hattala.  .M.  Constantin  Jirecek  continue  dans  cette  li- 
vraison ses  études  sur  la  contrée  du  Rhodope.  Les  travaux  de  M.  Jirecek  sont  dé- 
sormais indispensables  à  tous  ceux  qui  s'occupent  de  Thisioire  et  de  reiiinographie 
de  la  Péninsule  balkanique. 

GRANDE-BRETAGNE.  —  La  collection  des  grammaires  simplifiées  de  fcu  Trûb- 
ner  vient  de  s'augmenter  d'une  Grammaire  polonaise,  par  M.  Morfill,  qui  se  pro- 
pose de  publier  sur  le  même  plan  la  grammaire  des  autres  langues  slaves.  Assuré- 
ment on  ne  saurait,  dans  un  cadre  aussi  restreint  (63  pages),  donner  le  moyen 
d'étudier  à  fond  un  idiome  aussi  complexe  que  le  polonais.  Le  résumé  de  M.  Mor- 
fill est  surtout  fait  pour  les  personnes  qui  veulent  avoir  une  idée  du  mécanisme 
général  des  langues;  il  est  d'ailleurs  fait  avec  beaucoup  de  soin. 

HOLLANDE.  —  Quel  est  l'homme  s'occupant  de  recherches  historiques  qui  n'ait 
gémi  sur  la  difficulté  qu'il  y  a  à  connaître  ne  fût-ce  même  que  l'existence  des  docu- 
ments isolés  et  des  études  de  détail  disséminés  dans  les  revues  et  les  dissertations  t 
Appréciateurs  entendus  de  la  valeur  du  temps  et  amis  des  recherches  exactes,  les 
Hollandais  ont  su  créer  d'excellents  répertoires  pour  les  travaux  de  ce  genre  relatifs 
à  leur  histoire  nationale.  Le  Repertorium  der  Verhandelingen  en  Bijdragen  betref- 
fendc  de  Geschiedenis  des  Vaderlands  in  Mengehverken  en  Tijdschriflcn  (Leiden, 
SieenhofF,  i863.  In-S",  xi  et  400  p.)  enregistre  dans  un  ordre  des  matières  pratique 
le  contenu  des  revues  et  volumes  de  mélanges  publiés  jusqu'en  i8ûo;  un  premier 
supplément  (/iî/if.,  1872,  xv  et  271  p.)  poursuit  cette  énumération  jusqu'en  1870; 
un  second  supplément  (Leiden,  Brill,  1884,  xiii  et  172  p.),  2  tl.  ,  dû  aux  soins  de 
W.  N.  DU  RiEU,  va  jusqu'en  1880.  Le  même  bibliographe  a  complété  ce  répertoire 
par  un  catalogue  des  dissertations,  thèses  et  discours  académiques  relatifs  à  l'histoire 
nationale  publiés  jusqu'en  i865.  (Register  van  academische  Dissertatien  en  Oratien 
betreffende  de  Geschiedenis  des  Vaderlands.  Leiden,  Steenhoff,  1866,  gr,  in-8",  iv  et 
104  p.),  qu'il  vient  de  continuer  jusqu'en  1880  par  un  premier  supplément.  (Lei- 
den, Brill,  1884,  vin  et  47  p.,  0,40  fi.).  Les  cinq  parties  de  ce  double  répertoire  se 
vendent,  prises  ensemble    au  prix  de  7,5o  fl.  —   Quelques    érudits    hollandais   pu- 


40  REVUE    CRITIQUE    D  HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

blient,  sous  le  titre  général  de  Werken  der  Marnix-Vereenging,  des  documents 
relatifs  à  l'histoire  des  églises  réformées  des  Pays-Bas  au  xvi'  siècle;  depuis  1870 
neuf  volumes  et  un  premier  fascicule  du  dixième  ont  paru  déjà  par  les  soins  de 
A.  KuYPER,  H.-Q.  Janssen  et  J.-J.  van  Toorenenbergen;  ce  dernier  vient  de  faire 
paraître  un  second  fascicule  du  dixième  volume,  contenant  cinquante  et  une  lettres 
de  Jean  Taffin  de  1574  à  lôgi,  vingt  de  J.  Kuchlinus  de  i  679  à  i586,  neuf  de  J.  Seu 
de  1575  à  1596,  etc.  Tous  ces  documents,  la  plupart  en  latin  et  tirés  des  archives 
ecclésiastiques  de  Delft,  servent  à  préciser  l'histoire  des  églises  de  Hollande  à  la  fin 
du  xvi"  sicclQ  (Série  III.  Deel  F,  2' Stuk.  —  Bricven  uit  oïiderscheidene  kerkelijke 
Archieven    Utrecht,  Kemink,  1884,  gr.  in-8'',  p.  i35-32i.) 


SOCIETE  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE 


Séance  du  ij  décembre  1884. 

PRÉSIDENCE    DE    M.     GUILLAUME 

M.  le  Président  annonce  que  deux  membres  de  la  Société,  MM,  de  Boislisle  et 
Schlumberger,  viennent  d'être  élus,  le  premier  membre  libre,  le  second,  membre 
titulaire  de  l'Académie  des  Inscriptions. 

De  nouvelles  adhésions  arrivent  à  la  Société  pour  sa  pétition  en  vue  de  la  conser- 
vation des  monuments  historiques  dans  les  colonies  et  possessions  françaises 

Ce  sont  celles  des  sociétés  suivantes  :  Académie  des  sciences  etc.  de  Dijon  ;  Société 
du  Borda  à  Dax  ;  Société  archéologique  d'IUe-et-Vilaine  ;  Société  de  géographie  et 
d'archéologie  de  la  province  d'Oran;  Société  bibliographique;  Société  archéologique 
d'AvesnesiNord)  ;  Commission  archéologique  de  Narbonne;  Commission  des  anti- 
quités de  la  Côte-d'Or. 

A  propos  de  l'inscription  de  Sainte-Enimie,  M.  Mowat  cite  un  exemple  du  mot 
aula  au  xi"  siècle. 

M.  Mowat  dépose  l'estampage  de  briques  prétendues  antiques  du  Musée  de  Ven- 
dôme, il  en  constate  la  fausseté  et  les  rapproche  des  briques  de  Neuvy-sur-Barangon. 
MM.  de  Villefosse,  Bertrand  ,et  Gaidoz  font  remarquer  que  ces  falsifications  ne 
trompent  plus  aucun  archéologue. 

M.  Bertrand  lit  une  note  de  M.  Nicaise  sur  une  nouvelle  sépulture  gauloise  décou- 
verle  à  l'Epine  (Marne). 

M.  Gaidoz  présente  de  la  part  de  M.  L.  Morel  un  fragment  de  lampe  en  terre  rouge 
représentant  un  buste  du  Soleil,  radié  et  enfermé  dans  un  cercle  que  M.  Morel  sup- 
pose figurer  une  roue.  A  ce  propos  M.  de  Villefosse  déclare  que  ce  type  est  commun. 

M.  Gaidoz  lit  ensuite  une  note  sur  un  nouvel  exemplaire  du  dieu  gaulois,  assis 
les  jambes  croisées  et  découvertes. 

M.  Flouest  présente  le  dessin  de  divers  objets  en  fer  et  notamment  un  hipposan- 
dale. MM.  Mowat  et  Nicard  pensent  que  les  hipposandales  n'ont  pu  servir  que  passa- 
gèrement et  pour  des  chevaux  malades. 

M.  Héron  de  Villefosse  lit  au  nom  de  M.  Berthelé  un  mémoire  sur  l'église  de 
Gourge,  près  Parthenay.  Le  chœur  de  cette  église  remonte  aux  dix  dernières  années 
du  ix"  siècle;  il  fait  partie  d'une  catégorie  d'édifices  dont  les  spécimens  sont  excessi- 
vement rares  en  France.  M.  de  Lasteyrie  conteste  cette  attribution. 

M.  Héron  de  Villefosse  communique  ensuite,  de  la  part  de  M.  Guigue,  une  inscrip- 
tion découverte  dans  le  Rhône,  qui  mentionne  pour  la  première  fois  la  corporation 
des  négociants  transalpins  et  cisalpins.  Le  personnage  auquel  l'inscription  a  été 
élevée,  et  qui  fut  préfet  de  cette  corporation,  est  originaire  de  Trêves. 

M.  Héron  de  Villefosse  lit  enfin  une  lettre  de  M.  Rochetin,  contenant  d'importantes 
remarques  sur  le  texte  et  le  sens  d'une  inscription  celtique  en  caractères  grecs,  dé- 
couverte à  la  source  du  Groseau  (Vaucluse).  M,  Mowat  rapproche  de  ce  nom  celui 
du  Nimphe  Grisclec. 

M.  Miintz  communique  la  p'notographie  d'un  plan  inédit  de  la  ville  de  Rome, 
inséré  dans  le  livre  d'heures  du  duc  de  Berry,  qui  appartient  à  monseigneur  le  duc 
dAumale.  Ce  plan  est  antérieur  à  141 5,  et  M.  Mùntz  en  fait  valoir  l'intérêt  pour 
l'histoire  de  la  ville  de  Rome. 

Le  Secrétaire, 
Signé  :  H,  Gaidoz. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 

L«  i'uy.  iviynynaie  <ie  Marchessou  fih,  boulevard  Saint- Laurent,  2j, 


REVUE    CRiTIc.UE 

D'HISTOIRE    Er    DE    LITTERATURE 


N»  3  —  19  janvier  -  1885 

i^omiiiaire  s  7.  ScHWicKERT,  Observations  sur  Pindare.  —  S.  Ortolan,  Histoire 
de  ]a  législation  romaine,  12^  édit.,  p.  p.  Labbé.  —  g.  Lafaye,  Les  concours  de 
poésie  et  d'éloquence  chez  les  anciens.  —  10.  De  Heinemann,  Les  manuscrits  de 
îa  bibliothèque  de  Woifenbûttel.  —  11.  Denis,  De  la  philosophie  d'Origène.  — 
12.  BiEDERMAN.N',  Dogmatique  chrétienne.  —  i3.  De  Cosnac,  Les  richesses  du 
palais  Mazarin.  —  Correspondance  :  Réponse  de  M.  S.  Reinach  à  ^L  Rouire.  — 
Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions.  —  Société  des  Antiquaires  de  France. 


7.  —  Jos.  ScHWiCKERT,  2^i*itisch-exegetiselie    Ki'«ei*tei'ungeis    zu    IPîudor. 

su  pages  in-4  (à  deux  colonnes);  Trêves,  1S84. 

Les  observations  critiques  ou  explicatives  contenues  dans  ce  fascicule 
sont  toutes  relatives  à  la  iv^  et  à  la  V^  Olympique.  L'auteur  en  a  déjà 
publié  d'autres,  car  la  brochure  porte  en  tête  le  chiffre  lî,  mais  je  ne 
les  ai  pas  lues.  Celles-ci  renferment  de  bonnes  choses,  à  côté  de  quel- 
ques-unes aussi  qui  sont  contestables.  Je  citerai  parmi  les  premières  la 
correction  uyievra  g'  eï  7'.v'  l\6cç,  àposi,  au  lieu  de  uYi'ev-ra  0'  eï  ti;  oacov  àpo£i 
(Olymp.  V,  23).  qui  me  paraît  excellente.  En  revanche,  je  ne  puis  ad- 
meitre,  au  v.  10  de  la  même  ode,  la  correction  àv.ov.  [J.t-'  aAso;  pour 
àstos».  ;j,èv  àXc^ç,  ni  dans  Tode  précédente,  v.  9,  l'explication  de  ^l'aûixioç 
'(àp  T'/.ct  iyidr/  (5  xû;j.oç)  par  l'équivalence  oyéwv  =:  ir.'  l/iwt  ;  je  considère 
oxàuv  comme  un  i^énitif  de  cause.  Quoi  qu'il  en  soit,  les  observations  de 
M.  Schwickert  provoquent  à  réfléchir  sur  certaines  iiifïicultés  réelles  du 
texte,  et  on  ne  les  lira  pas  saiis  profit. 

Allred  Croiset. 


8.  —  J.  Ortolan.  Hîstoîi-e  tle  la  léglslttiîon  i'o::i«îne,  depuis  son  origine 
jusqu'à  la  législation  moderne  et  généralisation  du  droit  romain.  —  Explication 
historique  des  Instituts  de  l'empereur  Justinien,  avec  le  texte,  la  traduction  en 
regard  et  les  explications  sous  chaque  paragraphe.  i2«  édition,  augmentée 
d'appendices  et  mise  au  courant  de  l'état  actuel  de  l'enseignement  du  droit  Romain, 
par  J.  E.  Labbé.   Paris,  Pion,  1883-1884,  3  vol.  in-8  de  820,  768  et  949  p. 

Nous  n'avons  pas  à  faire  ici  l'éloge  d'un  ouvrage  qui,  depuis  plus 
d'un  demi-siècle,  jouit  de  la  faveur  du  public.  Nous  voulons  simple- 
ment rappeler  dans  quel  esprit  il  a  été  conçu,  puis  faire  connaître  les 
additions  importantes  qu'on  a  introduites  dans  la  nouvelle  édition. 

La  pensée  dominante  du  livre  de  M.  Ortolan,  c''est  d'expliquer  le 
Nouvelle  série,  XIX.  " 


42  RliVUK    CRITIQUE 

droit  romain  historiquement.  A  première  vue,  il  semble  que  la  méthode 
historique  s"'impose  pour  l'étude  d'une  législation  morte,  et  qu'on  ne 
peut  faire  un  mérite  à  un  auteur  de  s'en  être  inspiré.  Rien  ne  serait 
moins  justifié.  Certes,  on  trouverait  difficilement  aujourd'hui  des 
partisans  de  la  méthode  exégétique  ou  de  la  méthode  dialectique 
telles  qu'on  les  appliquait  au  moyen  âge  ;  en  général  on  s'accorde 
à  reconnaître  que  le  droit  romain  doit  être  étudié  historiquement.  Il 
n'est  guère  d'ouvrage  dont  la  préface  ne  contienne  une  déclaration 
en  ce  sens;  mais  il  en  est  peu  où  l'on  prenne  à  tâche  de  s'y  conformer. 
Beaucoup  d'auteurs  se  contentent  d'indiquer  la  division  de  l'histoire 
du  droit  romain  en  quatre  périodes  et  de  montrer  les  différences  qui 
séparent  le  droit  classique  du  droit  de  Justinien.  A  cela  près,  leur 
manière  d'interpréter  les  lois  romaines  ressemble  fort  à  celle  des  glossa- 
teurs  ou  des  bartolistes.  Reconstituer  l'espèce  prévue  par  un  texte,  déga- 
ger une  règle  des  solutions  données  dans  des  cas  analogues,  telle  est 
leur  préoccupation.  Quant  aux  considérations  historiques  ou  économi- 
ques qui  ont  pu  agir  sur  l'esprit  du  législateur  ou  sur  la  jurisprudence, 
tout  en  reconnaissant  leur  utilité  en  théorie,  ils  se  donnent  en  pra- 
tique  très  peu  de  peine  pour  les  rechercher. 

Comment  s'est  produit  cet  abandon  partiel  de  la  méthode  historique? 
Par  suite  d'un  préjugé  d'après  lequel  le  droit  classique  mériterait  seul 
d'être  étudié.  Séduits  par  l'élégance  des  décisions  des  jurisconsultes  de 
cette  époque,  certains  commentateurs  en  sont  arrivés  à  envisager  le 
droit  romain  comme  une  œuvre  de  pure  abstraction,  comme  le  produit 
de  la  pensée  des  jurisconsultes.  A  vrai  dire,  ce  qu'ils  goûtent  dans  le 
droit  classique,  c'est  bien  moins  l'ensemble  des  principes  qui  étaient 
alors  en  vigueur,  —  il  serait  difficile  de  méconnaître  qu'ils  ciaient 
susceptibles  d'amélioration  —  que  la  méthode  suivie  par  la  jurispru- 
dence pour  traiter  les  questions  de  droit,  pour  construire  les  théories 
juridiques. 

Nous  n'entendons  pas  contester  l'intérêt  de  l'étude  du  droit  romain 
comme  méthode  scientifique,  mais  est-il  besoin  de  démontrer  qu'on  ne 
peut  bien  faire  comprendre  cette  m.éthode,  si  l'on  ne  fait  préalablement 
connaître  l'état  de  chaque  institution  au  moment  où  elle  a  été  en  quel- 
que sorte  façonnée  par  la  main  des  jurisconsultes?  Cela  est  évident  pour 
un  livre  destiné  à  l'enseignement.  L'étude  historique  des  institutions 
offre  aussi  l'avantage  de  laisser  une  trace  durable  dans  l'esprit  :  elle 
développe  le  sens  critique  et  permet  d'apprécier  les  conditions  que  doit 
remplir  une  loi  pour  atteindre  le  but  qui  lui  est  assigné.  Elle  n'est  pas 
moins  importante  pour  qui  veut  se  rendre  compte  des  causes  si  variées 
qui  ont  influé  sur  la  formation  du  droit  classique. 

On  vante  souvent  le  sens  pratique  des  jurisconsultes  romains  : 
il  n'y  a  pas  à  s'en  étonner.  On  est  tenté  de  se  les  représenter 
comme  ayant  fait  de  la  science  du  droit  l'occupation  de  toute 
leur  vie.    Ce  fut  sans  doute  le  cas    de  plusieurs    d'entre   eux.    Mais 


D  HISTOIRE    ET    iiE    LITTERATURE  ^.3 

beaucoup  d'autres,  et  parmi  eux  .oi  pins  illustrei,  Julien,  Marcelius, 
Papinien,  Paul,  Ulpien,  Modeslin.  furent  des  hommes  d'état,  des  gou- 
verneurs de  provinces,  des  coramaiidanis  de  corps  d'armée  qui,  o'béis- 
sant  à  des  considérations  d'ordre  politique  ou  administratif,  clierchè- 
rent  à  étendre  la  sphère  d'application  du  droit  romain,  tantôt  en 
montrant  sa  supériorité  par  rapport  au  droit  pérégrin,  taniôc  en  em- 
pruntant aux  nations  étrangères  tout  ce  qu'il  y  avait  de  bon  dans 
leurs  institutions  juridiques.  Pourquoi  donc  ne  pas  rendre  i\  cha- 
cun ce  qui  lui  appartient?  Notre  estime  pour  les  jurisconsultes 
classiques  ne  sera  pas  diminuée  parce  que  nous  aurons  déterminé  ks 
limites  de  leur  action.  Avons-nous  moins  d'admiration  pour  les  chefs- 
d'œuvre  de  l'art  grec,  depuis  que  nous  connaissons  ses  origines  étran- 
gères ? 

Il  est  donc  utile  de  rechercher  dans  quelle  mesure  le  droit  péré- 
grin a  réagi  sur  le  droit  romain  \  comment  grâce  aux  efforts  des  plébéiens, 
puis  des  pérégrins,  le  droit  romain  a  perdu  son  caractère  exclusif  pour 
devenir  accessible  à  tous.  Pour  cela  il  ne  faut  pas  craindre  de  remonter 
jusqu'aux  Douze  Tables.  On  dira  peut  être  :  que  nous  importe  ie 
droit  barbare  et  grossier  des  temps  primitifs?  Laissons  aux  érudits  le 
soin  d'en  recueillir  les  vestiges!  Mais  c'est  là  une  prétention  qui  ne  ré- 
siste pas  à  Texamen.  Qui  voudrait  aujourd'hui  soutenir  qu'il  n'y  a  pas 
intérêt  à  rapprocher  notre  code  civil  du  droit  antérieur?  On  ne  peut 
pas  davantage  scinder  l'étude  du  droit  romain,  séparer  le  droit  classique 
de  l'ancien  droit.  Ce  sont  les  jurisconsultes  eux-mêmes  qui  le  déclarent 
par  leurs  allusions  fréquentes  aux  opinions  des  Veteres  et  a  quod per 
manus  traditum  est. 

Hâtons-nous  de  dire  que,  depuis  quelques  années,  sous  l'influence  de 
M.  Ihering  en  Allemagne,  de  M.  Sumner  Maine  en  Angleterre,  on 
commence  à  mieux  se  rendre  compte  des  exigences  de  la  méthode  iiis- 
torique.  Le  droit  romain  ne  s'étudie  plus  seulement  en  lui-même 
comme  un  modèle  idéal  de  législation.  On  veut  surtout  déterminer 
comment  et  pour  quelles  causes  il  a  atteint  ce  degré  de  perfection; 
on  veut  le  suivre  dans  ses  différentes  évolutions.  C'est  précisément  la 
tâche  que  s'était  imposée  M.  O.  et  qu'il  a  accomplie  dans  la  mesure 
où  le  permettait  l'état  des  connaissances  en  1827.  Depuis  cette  époque, 
des  textes  importants  pour  le  droit  public  et  pour  le  droit  privé  ont  été 
découverts;  de  nombreux  travaux  ont  été  publiés,  soit  en  France,  soit  à 
l'étranger;  il  était  nécessaire  d'en  tenir  compte.  Les  éditeurs  l'ont  si  bien 


i.M.  R.  Dareste  vient  de  donner  deux  exemples  remarquables  de  la  réaction 
exercée  par  le  droit  provincial  sur  le  droit  romain.  lia  établi  que  la  donatio  ante 
nuptias  a  son  origine  dans  la  Kketoiiba  du  droit  des  Juifs  {J.  des  Savants,  185)4, 
p.  37S),  et  que  la  syngrapha,  empruntée  au  droit  grec,  n'était  pas  seulement  un 
mode  de  preuve,  mais  un  titre  dont  l'exécution  pouvait  être  demandée,  sans  juge- 
ment à  l'échéance  du  terme,  par  tout  porteur  se  présentant  au  nom  du  créancier 
originaire  {Bull,  de  corresp.  hellénique,  1884,  p.  302). 


44  REviiir.    c.KliJQu!- 

compris  que,  dès  la  ncLivième  édition,  ils  ont  confié  à  M.  Bonnier,  et 
après  sa  mort  à  M.  Labbé,  le  soin  de  combler  les  lacunes  les  plus  nota- 
bles de  l'œuvre  de  M.  Ortolan.  Le  texte  a  été  scrupuleusement  res- 
pecté; c"est  dans  des  appendices,  insérés  à  la  fin  de  chacun  des  trois  vo- 
lumes, que  Ton  a  exposé  quelques-unes  des  principales  doctrines  émises 
pendant  ces  dernières  années. 

Le  nombre  des  appendices,   très  limité  dans  les  précédentes  éditions, 
s^élève  maintenant  à  trente-quatre  :  neuf  sont  dus  à  M.  Bonnier,  vingt- 
quatre  à  M.  Labbé.   Ils  sont  précédés  d'un  travail  inédit  de  M.  O.  sur 
la  formation  de  la  nation  française.  L'auteur  avait  essayé  de  déterminer 
les  éléments  dont  elle  s'est  composée  et  de  mesurer  la  proportion  de 
chacun  d'eux  dans  Tensemble.   Nous  sommes  assez   embarrassé  pour 
faire  la  critique   d'une    œuvre    inachevée  que    M.   O.    n^a  pas   livrée 
lui-même  à  la  publicité.  Nous  sommes  cependant  obligé  de  dire  qu'elle 
n'est  pas  en  rapport  avec  l'état  actuel  de  la  science.  Sans  parler  de  la 
classification  des  races,  qui  est  faite  d'après  Amédée  Thierry,  le  calcul 
auquel  s'est  livré  M.   O.  repose  sur  l'existence  de  97  nations  ou  tribus 
gauloises,  parmi  lesquelles  79  auraient  été  dans  les  trois  provinces  :  on 
sait  aujourd'hui  qu'il  y  en  avait,  au  plus,  64.  A  chacune  de  ces  97  na- 
tions, il  attribue  une  population  moyenne  de  1 25, 000  âmes;  il  se  fonde 
sur  un  passage  de  Diodore  de  Sicile  d'après  lequel  le  chiffre  de  la  po- 
pulation aurait  varié  entre  5 0,000  et  200,000  âmes.  Avec  une  donnée  aussi 
élastique  on  comprendi'a  sans  peine  qu'on  ne  puisse  rien  préciser.  Les 
auteurs  anciens  se  préoccupaient  si  peu  des  questions  de  statistique  que 
nous  ne  savons  même  pas  quel  était  exactement  ie  nombre  des  habitants 
de  Rome.  D'autre  part,  M.  O.  admet  la  présence  à  Lyon,  depuis  Galba 
jusqu'à  Alexandre  Sévère,  d'une  légion  de  7,000  hommes  :  h  Italica. 
Or,  il  est  démontré  qu'il  n'y  avait  à  cette  époque  en  Gaule  qu'un  corps 
de  1,200  hommes  qui  suffisait  à  maintenir  l'ordre;   puis  ce  n'était  pas 
la  I^  Italica^  mais  la  i  S*"  cohorte  urbaine,  qui  tenait  garnison  à  Lyon. 
A  partir  de  Septimie  Sévère,  on  trouve  dans  cette  ville  des  détachements 
des  légions  campées  en  Germanie,  mais  non  de  la  /^  Italica,  qui  était 
alors  dans  la  Mésie  inférieure. 

Nous  n'insisterons  pas  davantage  sur  ce  premier  appendice,  et  nous 
appellerons  plus  volontiers  l'attention  sur  les  deux  introductions  ma- 
gistrales placées  par  M.  Labbé  en  tête  des  premier  et  deuxième  volu- 
mes, et  sur  les  additions  qu'il  a  faites  à  la  douzième  édition.  Elles  sont 
la  preuve  du  changement  qui  commence  à  s'opérer  dans  notre  haut  en- 
seignement quant  à  la  manière  d'exposer  le  droit  romain.  Nous  sommes 
dans  une  période  de  transition.  Souvent  encore  on  étudie  les  théories  des 
jurisconsultes  classiques  sans  s'inquiéter  des  causes  qui  ont  influé  sur 
leur  formation;  mais  par.fois  on  essaye  de  remonter  plus  haut,  de  re- 
trouver les  phases  diverses  par  lesquelles  ont  passé  les  institutions  juri- 
diques des  Romains,  avant  de  recevoir  à  l'époque  classique  leur  forme 
définitive. 


o'hiSTOIRK    et    de    LITïKUATUitK  ^S 

Parmi  les  appendices,  signés  par  M.  Labbé,  nous  citerons  ceux  qui 
traitent  de  V aiictoritas  patriim,  des  comices  centuriates,  des  fidéicommis 
et  des  codicilles,  de  la  famille  civile  et  de  la  famille  naturelle,  de  l'hypo- 
thèque, de  la  dot,  de  rinofficiosité,  de  la  représentation  dans  les  actes 
juridiques,  du  concubinat.  Sur  ce  dernier  point,  le  savant  auteur  adopte 
l'opinion  de  MM.  Peilat,  Bonnier  et  Gide,  d'après  lesquels  les  enfants 
nés  du  concubinat  n^avaient,  à  l'époque  classique,  aucune  relation  lé- 
gale de  parenté  avec  leur  père.  Cette  opinion,  qui  résout  par  une  dis- 
tinction entre  le  croit  des  empereurs  païens  et  celui  des  empereurs 
chrétiens  une  question  très  controversée,   nous  paraît  la  plus  exacte. 

Quant  à  la  date  de  la  loi  Jiinia  Norbana,  nous  avons  plus  de  peine  à 
nous  rallier  à  la  manière  de  voir  de  M.  Labbé.  Sous  le  nom  de  lex 
Jiinia  Norbana  on  désignerait  deux  lois  distinctes,  l'une  de  728,  Tautre 
de  729,  de  même  que  sous  le  nom  de  lex  Julia  et  Papia  on  désigne  les 
deux  lois  caducaircs.  Cette  hypothèse  est  ingénieuse,  mais  il  y  a,  à  notre 
avis,  une  raison  décisive  pour  l'écarter  ;  il  faudrait  modifier  le  nom  delà 
loi  qui  devrait  s'appeler  lex  Jiinia  et  Norbana.  La  solution  de  la  ques- 
tion doit  se  déduire,  croyons-nous,  des  règles  observées  par  les  Romains 
pour  la  formation  du  nom  des  lois.  On  l'emprunte  toujours  au  gentili- 
cium  duconsul  ou  des  consuls  qui  l'ont  proposée.  C'est  pour  cela  que  la 
date  671  ne  saurait  être  admise,  aucun  des  consuls  de  cette  année  n'ayant 
porté  le  gentilicium  Norbanus.  Est-ce  à  dire  qu'il  faille  se  prononcer 
poiii'  772  ?  Oui,  si  le  véritable  nom  de  la  loi  est  Jiinia  Norbana,  comme 
cela  résulte  d'un  passage  des  Institutes  (I,  5,  3)  et  de  la  paraphrase  de 
Théophile.  Mais  il  y  a  une  raison  de  douter  :  dans  tous  les  autres  textes 
de  Justinien,  et,  ce  qui  est  plus  grave,  dans  tous  ceux  qui  remontent  à 
l'époque  classique,  notamment  dans  les  commentaires  de  Gains;  la  loi 
est  appelée  Jiinia,  tout  simplement.  Si  cette  dénomination  est  exacte, 
la  loi  serait  de  729,  date  du  consulat  de  M.  Junius  Silanus. 

Dans  quelques  autres  dissertations,  M.  Labbé  présente  certaines 
théories,  telles  qu'elles  apparaissent  à  l'époque  impériale.  Bien  qu'il  ait 
soin  de  nous  avertir  qu'il  écarte  volontairement  le  droit  antérieur, 
nous  craignons  que  les  étudiants,  qui  n'ont  pas  le  temps  de  consulter 
les  ouvrages  spéciaux,  n'aient  une  idée  imparfaite  de  ces  théories.  Ils 
regretteront  que  réminent  professeur  se  soit  placé  à  un  point  de  vue 
trop  exclusif,  et  qu'il  n'ait  pas  jugé  utile  de  retracer,  dans  un  de  ces 
tableaux  d'ensernble  où  il  excelle,  les  traits  qui,  dans  l'ancien  droit, 
donnent  au  mariage  et  à  l'usucapion,  par  exemple,  une  physionomie 
particulière. 

Nous  n'hésitons  pas  à  dite  néanmoins  que,  tel  qu'il  est,  l'ouviage  de 
M.  O.  peut  rendre  de  très  utiles  services  à  ceux  qui  abordent  l'étude  du 
droit  romain.  Il  est  excellent  surtout  par  l'esprit  dans  lequel  il-  est 
conçu.  Les  éditeurs  ont  fait  de  louables  effoits  pour  le  mettre  au 
courant  de  l'état  actuel  de  l'enseignement;  mais  il  reste  beaucoup  à 
faire.   S'il   nous  étal:  permis  d'exprimer  un  voeu,    nous  :-ouhaitericns 


46  KliVUK    CRITIQUH 

que,  dans  la  prochaine  édition,  le  nombre  des  appendices  soit  encore 
augmenté.  Nous  voudrions  aussi  qu'une  place  plus  large  fût  accordée 
aux  travaux  publiés  à  l'étranger.  Il  y  aurait  grand  intérêt  à  en  tirer 
parti,  surtout  pour  l'histoire  de  la  législation  romaine  et  pour  tout  ce 
qui  touche  à  l'organisation  judiciaire  et  à  la  procédure.  Ce  qui  consti- 
tue, à  nos  yeux,  la  valeur  de  cette  12^  édition,  c^est  que  M.  Labbé  a 
voulu,  par  son  exemple,  accentuer  le  mouvement  qui  nous  porte  de 
plus  en  plus  vers  l'étude  historique  du  droit  romain. 

Edouara  Cuq. 


g.    —    G.    Lafaie,     aie    poetarum      et     oratorum      oes'taïaiîiîîbus    apud 
veteres  (thèse  de  docto'.atj.  Paris,  Thorin,  iS83,  in-8,  120  pp.,  i  planche. 

Le  nouveau  musée  du  Capitole  à  Rome,  ouvert  depuis  quelques  an- 
nées dans  le  palais  des  Conservateurs,  renferme  un  monument  funéraire 
d'un  intérêt  assez  singulier.  Il  s'agit  d'un  petit  cippe  de  marbre,  de  la 
forme  la  plus  ordinaire  d'ailleurs,  couronné  d'un  fronton,  et  portant 
dans  les  angles  des  antéfixes  :  au  milieu,  dans  une  niche,  un  enfant  vêtu 
de  la  toge  se  tient  debout;  sa  main  gauche  porte  un  vohtmen  en  partie 
déroulé.  Cet  attribut  et  la  couronne  de  laurier,  sculptée  sur  le  fronton, 
donnent  à  penser  qu'il  s'agit  d'un  jeune  poète.  C'est  un  poète,  en  effet, 
si  l'on  peut  donner  ce  noni  à  un  enfant  «  de  onze  ans,  cinq  mois,  douze 
jours  »,  sorti  vainqueur  d'un  concours  avec  cinquante-deux  poètes  grecs 
en  improvisant  quarante  trois  vers  sur  ce  sujet  singulièrement  poé- 
tique :  a  Reproches  de  Jupiter  au  Soleil  pour  avoir  confié  son  char  à 
Phaéton  ».  Les  parents  du  jeune  Q.  Sulpicius  Maximus  ont  voulu 
prendre  la  postérité  à  témoin  du  génie  de  leur  fils,  et  ils  ont  fait  graver 
sur  le  monument  les  quarante-trois  vers  du  concours,  plus  deux  épi- 
grammes  en  grec  sur  le  petit  prodige. 

Lorsque  ce  tombeau  eut  été  découvert,  dans  les  travaux  faits  à  la 
porta  Salaria  en  1871,  M.  C.  L.  Visconti  en  fit  l'objet  d'une  intéres- 
sante description  (Il  sefolchro  del  fancîullo  Quinto  Siilpicio  Mas- 
simo...,  Rome,  1871).  C'est  ce  même  monument,  dont  M.  Lafaye 
donne  une  reproduction  par  l'héliogravure,  qui  a  été  l'occasion  de  son 
étude.  Pris  en  iui-mêm.e,  le  simple  commentaire  de  ces  inscriptions  eût 
été  trop  maigre  pour  donner  lieu  à  une  thèse;  M.  L,  a  agrandi  le  sujet, 
en  traitant  d'une  façon  générale,  à  propos  de  ce  monument,  des  con- 
cours poétiques  et  oratoires  dans  l'antiquité.  La  thèse,  qui  comprend 
une  centaine  de  pages  d'une  impression  serrée,  se  divise  en  douze  cha- 
pitres et  un  appendice  bibliographique  très  étendu.  Quatre  chapitres 
sont  consacrés  à  la  Grèce,  les  autres  au  monde  romain.  La  partie  grec- 
que, peut-être  accessoire,  a  été  assez  rapidement  traitée;  on  dira  ici  sim- 
plement quelques  mots  de  la  partie  romaine. 


O  HJSTOIKK    iil    ÛE     LlITERATURfc.  ^J 

Les  concours  de  poésie  ont-ils  existé  à  Rome  avant  Auguste?  M.  L. 
soutient  la  négative,  d'accorJ  avec  Mommsen  et  contre  Topinion  de 
Riischl.  C'est  l'empire,  avec  Auguste,  avec  Néron,  surtout  avec  Domi- 
tien,  le  fondateur  de  ïagon  capitolinus  (c'est  à  ce  concours,  en  94,  qu'a 
été  couronné  notre  jeune  lauréat),  qui  créa  cette  singulière  institution. 
Une  fois  qu'elle  fut  établie,  Tesprit  conservateur  des  Romains  et  la  va- 
nité de  quelques  versificateurs  aux  abois  la  firent  subsister;  mais  on 
peut  croire  sans  peine  que  ces  joutes  littéraires  furent  sans  influence  sur 
la  littérature.  Ce  n'étaient  pas  les  improvisations  d'un  enfant  de  onze 
ans  qui  pouvaient  témoigner  grandement  des  progrès  de  la  poésie.  Les 
concours  d'éloquence  n'ont  pas  rendu  de  plus  signalés  services,  pas 
plus  à  Rome  qu'à  Lyon  où  ils  avaient  aussi  leur  célébrité.  On  put  plus 
tard  supprimer  les  uns  et  les  autres  sans  que  les  lettres  latines  eussent  à 
en  souffrir. 

Les  questions  qu'aborde  M.  L.  sont  très  nombreuses  :  discussions  de 
détail,  petits  faits  d'érudition,  recherches  chronologiques,  etc.  On  sent 
que  l'auteur  s'est  efforcé  de  donner  à  cette  étude  littéraire  la  précision 
d'un  mémoire  d'archéologie.  Aussi  peut  on  s'étonner  que  M.  L.  se  soit 
contenté  de  faire  reproduire  le  monument  de  Sulpicius,  sans  en  avoir 
donné  en  même  temps  la  transcription  et  la  lecture;  il  v  a  là  un  petit 
désappointement  pour  ses  lecteurs,  qui  ont  sous  les  yeux  un  texte  par 
trop  hiéroglyphique.  Malgré  cette  lacune,  malgré  quelques  renvois  çà 
et  là  douteux,  on  pensera,  comme  un  des  juges  de  M.  Lafave,  que  son 
élude,  en  ce  qui  regarde  les  concours  poétiques  et  oratoires,  établis 
sous  l'empire  à  Rome  et  dans  le  monde  romain,  demeure  «  un  bon 
chapitre   d'histoire  littéraire  )>. 

G.  Lacour-Gayet. 


10.  —  Oî*^  IIiiiulAelii-ifton  <lei'    Eici-zojkIIcIicii    Itilttiotlick    zu     Wolfen- 

biiitel,  beschrieben  von  Dr.  Otto  von  Hei.nkmann,  herzogl.  Oberbibliothekar. 
Erstc  Abtheiking.  Die  Helmsicdtcr  Handschriftcn.  I.  Mit  eincr  Ansicht  der  alten 
Bibliothek  in  Lichldruck  und  zchn  Tafeln  schriftproben  in  Stein-  und  Farbcn- 
driick.  Wolfenbûttel  (Zwissler),  1884,  xn-38o  pp.  gr.   in-8.  P:ix  :  18  fr.  75. 

La  bibliothèque  ducale  de  Wolfenbûttel  est  une  des  plus  riches  d2 
l'Allemagne  en  manuscrits  précieux  ;  son  origine  ne  remonte  qu'à  la 
fin  du  xv!*"  siècle,  mais  elle  s'est  rapidement  accrue,  grâce  au  zèle  éclairé 
des  ducs  de  Brunswick.  Le  plus  ancien  fonds  comprend  les  manuscrits 
d'Helmstasdt  (classis  Helmstadiensis),  c'est-à-dire  les  mss.  prêtés,  puis 
donnés  à  l'Université  d'Helmstnedt  et  rendus,  après  bien  des  péripéties,  à 
Wolfenbûttel  en  18 17.  Un  autre  (classis  Augustœa)  est  formé  des  mss. 
réunis  par  le  duc  Auguste,  mort  en  1666,  qui  avait  déjà  rassemblé 
20o3  volumes  en  1 661.  Le  fonds  de  Wissembourg  (classis  Wissenbiir- 
gensis),  ainsi  nommé  parce  qu'un   grand   nombre  des  mss    qui  y  sont 


^8  RKVu:-;  criiîquk 

rangés  proviennent  du  célèbre  couvent  alsacien,  fut  acheté  à  Prague  en 
1689,  à  la  demande  du  bibliothécaire  Kaspar  Adam  Stenger.  Une  au- 
tre catégorie,  bien  célèbre  par  ses  mss.  des  classiques  latins  (classis  Gu- 
diana),  fut  acquise  en  1710,  sur  les  instances  de  Leibniz;  elle  comprend 
468  volumes,  dont  1 14  grecs,  rassemblés  surtout  dans  des  voyages  en 
Italie  par  le  conseiller  d'Eiat  danois  Marquard  Gude.  En  lySS,  le  duc 
Charles  l^'  léguait  à  la  bibliothèque  ducale  les  deux  tiers  de  la  biblio- 
thèque de  son  château  de  Blankenburg.  ce  qui  ajouta,  outre  les  impri- 
més, 328  mss.  (classis  Blankenburgetisis) .  Mais  les  dons  et  les  acqui- 
sitions ne  cessaient  pas;  en  1782  le  bibliothécaire  E.  Theodor  Langer 
dut  dresser  l'inventaire  de  ces  nouveaux  volumes  qu'on  appelle  les  Ex- 
travaganten.  Enfin,  depuis  la  mort  de  Langer,  la  bibliothèque  a  acheté 
plus  de  i5oo  mss.  qui  restèrent  empilés  sans  ordre  jusqu'à  ce  que  le 
bibliothécaire  actuel,  iVI.  Otto  von  Heinemann,  les  eût  classés  dans  une 
nouvelle  série  qui  forme  la  classis  des  nova  manuscripta. 

Grâce  aux  soins  de  M.  v.  H.,  la  bibliothèque  ducale  aura  bientôt  un 
catalogue  digne  d'elle,  et  que  les  travailleurs  pourront  consulter  en  toute 
confiance.  Dans  un  but  fort  louable,  M.  v.  H.  a  respecté  la  division 
des  anciens  fonds  où  Ion  trouve  confondus  des  mss.  orientaux,  grecs, 
latins  et  allemands.  Il  s'est  borné,  pour  le  fonds  d'Helmstasdt  dont  540 
mss.  sont  catalogués  dans  ce  premier  volume,  à  changer  les  numéros 
pour  éviter  certaines  confusions,  mais  il  a  toujours  imprimé  en  tête  de 
Tarticle  l'ancien  numéro,  de  sorte  que  l'on  reconnaît  fort  aisément  un 
ms.  cité  avec  sa  cote  dans  une  publication  antérieure. 

Le  catalogue  est  dressé  suivant  toutes  les  exigences  de  la  critique  mo- 
derne. La  description  du  contenu  de  chaque  ms.  est  précédée  de  l'indi- 
cation de  la  matière  (parchemin  ou  papier),  des  dimensions  (en  milli- 
mètre) et  du  nombre  des  feuillets;  elle  est  suivie  de  renseignements  sur 
la  provenance  et  Thistoire  du  volume,  enfin  sur  sa  reliure.  La  descrip- 
tion même  occupe  une  étendue  proportionnée  à  l'importance  du  manu- 
scrit; on  y  voit  mentionnés  les  travaux  dont  le  ms.  a  été  l'objet  '  ;  les 
souscriptions  des  copistes,  quand  il  s'en  trouve,  sont  transcrites  en  en- 
tier; les  miniatures,  les  ornements  et  les  simples  initiales  sont  énu- 
mérés  à  leur  place.  Enfin,  pour  permettre  aux  lecteurs  d'apprécier 
eux-mêmes  quelques-uns  des  plus  beaux  mss.,  M.  v.  H.  a  joint  à  son 
premier  volume  dix  fac-similés;  quand  le  ms.  est  d'un  format  trop  grand, 
c'est  une  demi-page  ou  un  fragment  de  page.  On  peut  ainsi  contempler 
en  reproduction  les  mss.  Helmst.  48  (auj.  48),  du  xn°  siècle,  contenant 
la  première  décade  de  Tite-Live  ;  Helmst.  65  (auj.  80)  une  miniature 
avec  fond  en  or  empruntée  à  un  évangéliaire  de  l'an  1 194;  Helmst.  y 5  , 
(auj.  95),  S.  Jean  Chrysostoiue  en   onciale  grecque  du  vi'^  s.,   suivant 

i.A  propos  du  ms.  3o4  (auj.  338),  on  aurait  pu  mentionner  les  diffe'rents  pro- 
grammes publiés  à  Hannovre  par  Wrampelmeyer,  sous  le  titre  :  Codex  Wolfenbut- 
telaniis,  n»  2o5,  olim  Helmst.  n°  304,  primum  ad  complures,  quas  continet,  Cicero- 
nis  orationes  coilatus,  Partes  I-IV,  1872-1S78. 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  49 

Tischendorf  ;  Helmst.  i8o  (auj.  207),  coUectio  tiipartita,  commence- 
ment du  xiii^  s.  ;  Helmst.  254  (auJ.  287),  lettres  du  pape  Léon  III  à 
Charlemagne,  écriture  du  ix'^s.  ;  Helmst.  426  (auJ.  461),  une  page  d'un 
superbe  évangéliaire  du  x"  s.  ;  Helmst.  454  (auj,  488),  un  fragment  ca- 
nonique, copié  au  x^  s.  ;  Helmst.  455  (auj.  489),  Bède  le  Vénérable  sur 
S.  Marc,  x^  s.  ;  Helmst.  ^96^  (auj.  533),  capitulaire  de  Charlemagne  de 
l'an  789,  en  écriture  saxonne  du  vni^  ou  ix*"  s.  ;  Helmst.  499  (auj.  5  38), 
Claudien,  copié  au  xni^  s. 

Les  historiens,  les  philologues  et  les  paléographes  trouveront  une 
fouie  de  renseignements  dans  cette  belle  publication.  Espérons  que 
M.  von  Heinemann  la  mènera  promptement  à  bonne  fin;  il  ne  nous 
restera  plus  qu'à  souhaiter  un  bibliothécaire  aussi  compétent  et  aussi 
zélé  à  toutes  les  bibliothèques  de  France  ou  d'Allemagne  dont  on  ignore 
encore  aujourd'hui  les  richesses. 

Emile  Châtelain. 


II.  —  »e  la  philosophie  d'Origène,  par  M.  J.  Denis,  professeur  à  la  Faculté 
des  Lettres  de  Caen.  Mémoire  couronné  par  l'Institut  (académie  des  sciences 
morales  et  politiques}.  Paris,  imprimé  par  aiitorisanon  du  gouvernement  à 
l'Imprimerie  nationale,   18^4.  Grand  in-S.  de  vu  et  jdo  pp. 

Quiconque  aura  désormais  dans  notre  pays  à  parler  d'Origène  trou- 
vera dans  ce  bel  ouvrage  un  guide  sûr  et  exact.  M.  J.  Denis  n'a  traite 
des  conceptions  diverses  d'Origène  que  d'après  ses  propres  écrits  qu'il  a 
toujours  cherché  à  ramener  au  texte  original,  quand  il  avait  affaire  à  la 
traduction  latine  de  Rutin  du  De  principiis,  ou  à  des  citations  latines 
faites  par  d'autres  écrivains  latins.  En  somme,  c'est  un  livre  fait  avec 
une  conscience  scientifique  irréprochable  et  avec  une  compétence  par- 
faite pour  ce  qui  est  des  questions  philosophiques  proprement  dites. 

Il  me  serait  impossible  de  faire  une  analyse  d'un  ouvrage  aussi  con- 
sidérab'.e  ;  je  dois  me  borner  à  donner  une  idée  générale  de  la  distribu- 
tion des  matières. 

M.  J.  D.  commence  son  livre  par  une  introduction  générale  présen- 
tant un  tableau  de  l'état  des  esprits  par  rapport  aux  idées  religieuses,  du 
temps  d'Origène  et  en  Egypte,  sa  patrie,  pour  préparer  en  quelque  sorte 
son  lecteur  aux  conceptions  souvent  profondes  et  plus  souvent  encore 
extraordinaires,  qu'il  fera  plus  d'une  fois  passer  sous  ses  yeux.  Le  se- 
cond chapitre  est  consacré  à  la  méthode  d'Origène,  et  aboutit  à  cette 
conclusion  que  cet  écrivain  ecclésiastique  n'avait  aucune  méthode,  et 
que  son  procédé  le  plus  ordinaire  fut  l'interprétation  allégorique  des 
passages  qu'il  empruntait  aux  Saintes  Ecritures  et  qu'il  tenait  du  juif 
Philon.  Ce  qui  est  plus  important,  c'est  que  la  dernière  partie  de  ce 
second  chapitre  nous  apprend  par  avance  à  quelles  sources  Origène  a 
réellement  puisé  les  principes  de  sa  doctrine.  En  premier  lieu,  Origène 


50  REVUE    CRITIQUE 

prend  pour  point  de  départ  la  prédication  évangélique;  mais  en  l'ac- 
ceptant, il  l'éclairé  et  la  développe,  tant  par  la  comparaison  des  textes 
de  TEcriture,  que  par  le  raisonnement.  En  second  lieu,  s'étant  formé 
certaines  idées  particulières  en  s'attachant  à  des  textes  qui  avaient  frappé 
son  esprit  enthousiaste,  et  les  acceptant  cette  fois  à  la  lettre  et  d'une 
manière  absolue,  il  les  prenait  pour  des  principes  accordés,  en  dehors  et 
au-dessus  de  toute  contestation.  M.  J.  D  en  indique  quelques-uns,  pour 
faire  comprendre  quel  usage  plus  ou  moins  erroné  il  en  a  fait,  pour  in- 
sister sur  certaines  doctrines  que  l'Eglise  a  condamnées  comme  héréti- 
ques. En  troisième  lieu,  Origène  avait  entre  les  mains,  en  outre  des 
écrits  de  Philon,  certains  apocryphes,  où  les  traditions  juives  étaient 
singulièrement  mêlées  d'idées  orientales,  qu'on  a  pris  souvent  pour  du 
platonisme.  Ce  fut  là  qu'il  prit  sa  doctrine  de  la  préexistence  des  âmes 
plutôt  que  de  certains  passages  du  philosophe  athénien.  En  quatrième 
lieu,  pour  entendre  Origène,  il  faut  se  reporter  sans  cesse  aux  hérésies 
de  son  temps.  On  voit  alors  que  plusieurs  des  plus  aventureuses  de  ses 
conceptions  ne  sont  que  de  légères  modifications  du  gnosticisme,  qu'il 
avait  beaucoup  étudié  pour  le  combattre.  Cinquièmement  enfin,  quoi- 
que Origène  ail  emprunté  tel  trait  à  Platon,  tel  autre  aux  stoïciens,  ces 
idées  d'emprunt  n'ont  pas  été  les  forces  vives,  les  causes  efficientes 
de  sa  doctrine.  M.  J.D.  ne  croit  pas  qu'il  ait  puisé  dans  la  science 
hellénique  aucun  de  ses  principes  essentiels.  Ce  qu'il  a  pensé,  il  l'aurait 
pensé  sans  connaître  en  eux-mêmes  les  stoïciens  ni  Platon. 

Dans  le  troisième  chapitre,  il  est  question  de  la  théorie  d'Origène  sur 
Dieu  et  ses  vertus  ou  hypostases  dans  lesquelles  sa  substance  se  déve- 
loppe et  se  traduit,  et  dans  le  quatrième  M.  J.  D.  montre  que  Dieu  tel 
qu'il  le  conçoit  est  décidément  un  Dieu  Créateur  dans  le  sens  le  plus 
strict  du  mot.  A  ces  notions  générales  qui  sont  en  général  communes  à 
tous  les  chrétiens  de  son  temps,  Origène  ajoute  des  doctrines  qui  lui 
sont  propres.  M.  J.  D.  les  expose  dans  les  trois  chapitres  suivants.  C'est 
d'abord  l'opinion  que  toutes  les  âmes  ont  été  créées  en  même  temps  et 
*  égales  entre  elles.  C'est  ensuite  une  théorie  du  péché  originel  qui  ne 
ressemble  en  rien  à  celle  que  l'Eglise  enseignait.  De  ces  âmes,  une  partie 
est  restée  unie  à  Dieu  et  n'a  point  péché;  elles  forment  la  hiérarchie 
céleste;  toutes  les  autres  faisant  un  mauvais  usage  de  la  liberté  morale 
que  Dieu  avait  accordée  à  toutes,  se  détournèrent  du  bien,  et  devinrent 
des  hommes  et  des  démons,  selon  le  degré  de  leur  déchéance.  Ces  âmes 
tombées  dans  le  péché  seront-elles  définitivement  perdues?  Origène  ne 
peut  le  croire;  quelque  grande  que  soit  leur  faute,  elles  n'en  restent  pas 
moins  les  enfants  de  Dieu  ;  elles  seront  punies  comme  elles  le  méritent, 
mais  ces  punitions  les  amèneront  peu  à  peu  à  se  réhabiUter  ;  plus  leur 
chute  est  profonde,  et  plus  il  leur  faudra  de  temps  pour  en  faire  péni- 
tence. Un  nombre  considérable  d'existences  différentes  leur  est  accordé 
pour  reconnaître  leur  crime  et  s'en  repentir;  elles  passeront  dans  des 
mondes  meilleurs  à  mesure  qu'elles  feront  plus  d'efforts  pour  se  réha- 


d'histoire    et    de    r.lTTÉRATURB  5  l 

biliter,  mondes  que  Dieu  créera  exprès  pour  les  recevoir,  de  sorte  qu'en 
définitive  le  salut  sera  universel,  et  qu'il  y  aura  un  rétablissement  final. 
Combien  devait  paraître  erronée  une  pareille  doctrine  à  une  Eglise  qui 
parlait  sans  cesse  du  petit  nombre  des  élus  et  des  peines  éternelles  ré- 
servées à  la  multitude  des  pécheurs  ! 

M.  J.  D  ,  après  avoir  exposé  la  doctrine  d'Origène,  a  cru  devoir  re- 
chercher ce  qu'elle  devint  après  lui.  Nous  ne  pouvons  pas  le  suivre  dans 
ces  intéressantes  et  curieuses  recherches;  il  nous  suffit  d'en  donner  une 
idée  générale.  Les  chapitres  viir,  ix  et  x  sont  consacrés  à  ce  sujet.  De  son 
vivant,  Origène  avait  eu  de  nombreux  admirateurs^  mais  aussi  des 
adversaires  acharnés  ;  il  s'était  même  vu  dégrader  de  la  prêtrise.  Après 
sa  mort,  l'opposition  fut  plus  active  encore,  et  le  nombre  de  ses  imita- 
teurs baissa  continuellement.  Son  nom  devint  de  plus  en  plus  suspect 
en  Orient,  et  fut  enfin  anathématisé  en  5  53,  au  second  Concile  général 
de  Constantinople.  Ce  qui  n'empêcha  pas  cependant  la  doctrine  du  ré- 
tablissement final,  souvenir  plus  ou  moins  conscient  de  l'Origénisme,  de 
reparaître  presque  jusqu'à  la  fin  dans  la  théologie  philosophique  des 
Grecs. 

Dans  rOccident,  Origène,  bien  moins  connu  que  dans  TOrient,  fut 
complètement  effacé  par  le  triomphe  de  la  doctrine  augustinienne. 
M.  J.  D.  ne  cite  que  Jean  Scot,  qui  le  mentionne  assez  fréquemment, 
mais  qui  ne  semble  pas  avoir  connu  ses  écrits.  Depuis  que  le  cilicien 
Théodore  de  Tarse  avait  apporté  la  culture  hellénique  à  la  Grande- 
Bretagne,  cette  culture  ne  s'y  était  jamais  perdue,  ou  du  moins  s'y 
était  conservée  dans  quelques  lieux  retirés,  tels  que  Tîlc  de  Hi  et  l'île 
des  Saints.  C'est  dans  un  de  ces  refuges  de  la  science  antique  que  s'était 
formé  Jean  Scot  Erigene  (J.  Denis,  La  philosophie  d'Origène,  p.  5  5o 
et  suiv.).  Mais  le  nom  de  l'auteur  du  De  divisione  naturœ  fut  suspect 
à  l'Eglise  romaine  et  n'exerça  quelque  action  que  sur  des  sectaires  tou- 
jours condamnés  en  France  et  en  Italie. 

Dans  le  chapitre  onzième  dans  lequel  M.  J.  D.  met  en  présence  Ori- 
gène d'un  côté  et  Leibnitz  et  Jean  Reynaud  de  l'autre,  comparaison  que 
je  ne  puis  qu'indiquer,  mais  qui  ne  peut  manquer  d'offrir  un  puissant 
intérêt  au  lecteur,  nous  trouvons  le  jugement  que  l'historien  de  la  phi- 
losophie porte  sur  les  principes  origéniques.  Tout  en  reconnaissant 
qu'ils  peuvent  agir  avec  quelque  puissance  sur  le  sentiment  religieux,  il 
les  tient  dangereux  pour  la  philosophie.  11  les  accuse  d'ouvrir  un  champ 
illimité  à  l'imagination  et  de  solliciter  l'esprit  à  se  lancer  dans  le  pays 
séduisant  des  rêves  et  des  chimères.  Le  système  d'Origène  aussi  bien  que 
celui  de  M.  J.  Reynaud  qui  n'en  est  en  réalité  qu'une  forme  moderne, 
n'ont  pas  un  tel  degré  de  probabilité  qu'on  ne  puisse  les  rejeter  sans 
déraison,  et  ne  peuvent  être  considérés  que  comme  des  romans  philoso- 
phiques. 

Le  problème  qui  a  obsédé  l'esprit  d'Origène  comme  celui  de  J.  Rey- 
naud, c'est,  ainsi  que  le  fait  observer  M.  J.  D.,  le  problème  de  l'autre 


52  REVUE    CRITIQUE 

vie,  sur  lequel  la  raison  n'a  rien  à  dire.  Elle  enseigne  sans  doute  que 
l'on  peut  raisonnablement  espérer  que  la  vie  ne  finit  pas  au  cercueil,  et 
sur  quels  fondements  métaphysiques  ou  moraux  repose  cette  espé- 
rance :  mais  elle  ignore  ce  qu'est  la  vie  d'outre  tombe,  où  et  dans  quelles 
conditions  elle  s'accomplira.  L'imagination  seule  peut  répondre  à  de  pa- 
reilles questions.  Il  serait  puéril  de  craindre  de  toucher  et  de  se  plaire  à 
ces  rêveries  de  l'imagination,  à  la  condition  toutefois  de  ne  pas  s'y 
attarder. 

Dans  un  appendice  qui  forme  le  douzième  chapitre,  M.  J.  Denis 
examine  «  les  Philosophumènes  »,  prouve  qu'on  ne  saurait  les  attribuer 
à  Origène.  11  faut  espérer  que  la  question  est  décidément  résolue. 

Cet  ouvrage  aussi  remarquable  par  sa  science  que  par  le  grand  nom- 
bre de  questions  importantes  qui  y  sont  traitées  ou  auxquelles  il  est  tou- 
ché, aurait  besoin  d'une  table  analytique  des  matières,  et  même  très 
étendue  et  très  détaillée.  Il  est  Impossible,  après  l'avoir  lu  avec  soin,  de 
ne  pas  éprouver  le  besoin  de  revenir  sur  tels  ou  tels  points;  comment 
les  retrouver,  sans  de  longues  recherches,  si  on  n'a  pas  sous  la  main  une 
table  de  ce  genre  ? 


12.  —  Cliristllclie  Dogmatik,  von  Dr.  A.  E,  Biedermann,  Professor  der  Théo- 
logie in  Zurich.  —  In  zwei  Baenden.  Erster  Band  :  Der  principielle  Theil.  Zweite, 
erweiterte  Auflage.  Un  vol.  in-8,  de  xvi  et  382  pages.  Berlin,  Georg  Reimer,  1884. 

Nous  sommes  heureux  de  signaler  la  nouvelle  édition  de  Pœuvre  bien 
connue  de  l'éminent  théologien  suisse,  parue  il  y  a  une  quinzaine  d'an- 
nées sous  sa  première  forme.  M.  Biedermann,  qui  passe  pour  représen- 
ter, et  qui  représente  en  effet  avec  une  autorité  incontestable,  le  point 
de  vue  de  la  fraction  la  plus  avancée  du  protestantisme  libéral  ou  indé- 
pendant, avait  tenté  de  donner  à  ses  théories  la  forme  de  Texposition 
didactique  et  avait  vu  son  traité  accueilli  avec  un  empressement  bien 
naturel.  Dans  la  courte  préface  mise  en  tête  du  présent  volume,  seul 
paru  jusqu'à  présent,  qui  traite  des  Principes,  l'auteur  indique  que  la 
principale  modification  apportée  à  son  œuvre  consiste  dans  les  déve- 
loppements nouveaux  donnés  à  sa  théorie  de  la  connaissance,  qu'il 
n'avait  point  exposée  expressément  dans  sa  première  édition  et  qui  a 
donné  lieu  à  des  méprises.  Il  en  a  fait  ici  un  livre  à  part  sous  le  titre  de 
Die  erkenntnisstheoretische  Grundlage,  dont  voici  les  principales  di- 
visions :  1°  Der  Griindsat^  des  reinen  Realismus  ;  2"  Der  psychologis- 
che  Gang  des  Erkenntnissprocesses  ;  Z''  Die  Metaphjrsik.  Suit  un  se- 
cond  livre,  qui  traite  de  Pessence  de  la  religion  et  un  troisième,  consacré 
au  principe  de  la  dogmatique  chrétienne. 

Cette  œuvre  de  haute  portée,  résumé  d'un  long  enseignement  et  de 

méditations  approfondies,  n'a  besoin  que  d'être  signalée  pour  obtenir 

raitention  qu'elle  mérite. 

M.  V. 


D  HISÏOIRFC    l.T    DK    LITTERATL'KK  53 

l3.  —  tes  ISîeliesses  du  F»aïai*  SSazafSn,  par  le  comte  de  Cosnac  (Gabriei- 
Jules).  Correspondance  inédite  de  M.  de  Bordeaux,  ambassadeur  en  Angleterre; 
état  inédit  des  tableaux  et  des  tapisseries  de  Charles  I'",  mis  en  vente  au  palais 
de  Somerset,  en  i65o;  inventaire  inédit  dressé  après  la  mort  du  cardinal  Mazarin, 
en  1661.  Paris,  Renouard,  1S84.  i   vol.  gr.  in-  8  de  v-430  pages. 

M.  de  Bordeaux,  qui  a  joué  un  cerrain  rôle  dans  l'histoire  diploma- 
tique du  ministère  de  Mazarin,  est  un  personnage  en  lui-même  fort  peu 
intéressant.  Fils  d'un  intendant  de  l'armée  de  Turenne,  intendant  lui- 
même  en  Picardie,  encore  tout  jeune  et  inconnu,  il  fut  choisi  par  le 
cardinal  comme  une  créature  dévouée,  pour  servir  à  la  fois  ses  desseins 
politiques  et  ses  goûts  artistiques.  Vers  i6|9,  Mazarin  Tenvoya  auprès 
de  Gromwell,  d'abord  en  qualité  de  ministre  de  France  et  plus  tard 
comme  ambassadeur.  La  position  était  assez  difficile;  si  M.  de  Bor- 
deaux sut  s'en  tirer  assez  bien,  c'est  surtout  grâce  aux  ménagements  du 
protecteur  qui,  sous  une  lenteur  calculée  et  des  retards  toujours  renou- 
velés, cachait  un  vif  désir  de  s'allier  la  France  pour  mieux  empêcher  une 
restauration,  mais  aux  meilleures  conditions  possibles;  c"est  aussi  un 
peu  par  ses  facultés  briliantes  et  la  perspicacité  de  son  jeu.  11  faut  voir 
en  lui  un  homme  à  succès,  ue  mœurs  légères  et  souvent  peu  dignes,  mais 
qui  s'en  faisait  un  moyen  diplomatique  de  réussir.  Il  resta  sept  ans  à  son 
poste,  intrigant,  dépensier,  corrupteur,  «  employant  au  besoin  la  per- 
fidie ».  Grâce  à  de  l'esprit  et  de  riiabileté,  il  sut  s'insinuer  jusqu'à  un 
certain  point  dans  i'e.sprit  de  Cromwell,  et  obtenir  au  moins  l'important 
résultat  de  sa  neutralité  vis-à-vis  des  deux  partis  qui  divisaient  alors  la 
France.  Quant  au  traité,  il  ne  fut  signé  qu'en  i655  :  Cromwell  était 
d'autant  moins  pressé  de  conclure,  que  ses  prétentions  s'accroissaient 
avec  sa  puissance.  Quelques  années  après,  en  1660,  Charles  II  mon- 
tait sur  le  trône  :  M.  de  Bordeaux,  désormais  rebuté,  dut  rentrer  en 
France  assez  piteusement  et  non  sans  quelques  mésaventures;  il  ne 
tarda  pas  à  y  mourir. 

L'histoire  de  ce  héros  de  roman  a  cependant  un  côté  qui  peut  aujour- 
d'hui encore  nous  intéresser  et  que  l'on  n'avait  jamais  bien  fait  ressortir 
jusqu'ici  :  Le  diplomate  était  greffé  d'un  collectionneur  et  d'un  amateur 
éclairé.  Mazarin  le  savait  bien.  Il  Tavait  envoyé  en  Angleterre,  en 
grande  partie  pour  mettre  la  main  sur  tout  ce  qui  pouvait  enrichir  ses 
galeries  et  sa  maison  :  tableaux,  œuvres  d'art,  tapis  cries,  chevau:;, 
hiens,  et,  avant  tout,  les  débris  lie  la  splendide  collection  de  Charles  I"; 
et  il  ne  se  gênait  pas  pour  puiser  dans  les  acquisitions  personnelles  de 
son  commissaire,  quand  celui-ci  se  permettait  d'avoir  fait  une  trouvaille 
heureuse  et  avait  l'imprudence  de  ne  pas  la  cacher. 

Ainsi  se  forma  cette  galerie  sans  rivale  que  Mazarin  entourait  de  tant 
de  soins  jaloux  et  dont  il  avait  tant  de  peine  à  se  séparer.  Inventaire  en 
tut  dressé  après  sa  mort  en  1 66 1,  et  le  roi  en  racheta  aux  héritiers,  à  prix 
forts,  la  meilleure  partie,  qui  constitua  dès  lors  le  noyau  principal  des 
musées  de  TÉtat. 


c 


54  ftKVLlC    CRITIQUE 

Le  livre  de  M.  de  Cosnac  est  le  développement,  nous  dit-il,  d'un  cha- 
pitre de  son  ouvrage  Souvenirs  du  règne  de  Louis  XIV.  îl  est  intéres- 
sant, bien  écrit,  consciencieusement  fait;  mais  il  me  paraît  à  la  fois  trop 
chargé  de  matières  et  mal  distribué.  Il  y  a  deux  choses  dans  le  volume  : 
une  publication  de  documents  inédits,  et  une  étude  sur  le  cardinal 
Mazarin  comme  collectionneur  et  sur  la  formation  de  ses  galeries. 
Or,  Tune  est  trop  développée  au  détriment  de  l'autre,  et  en  même 
temps  elle  la  commente  d'une  façon  trop  générale  et  qui  ne  l'éclair- 
cit  pas  suffisamment.  Je  m'explique  :  d'abord,  les  deux  premiers 
chapitres  sont  de  purs  hors-d'œuvre.  Comme  les  collections  dont  il  s'a- 
git étaient  remplies  de  richesses  artistiques  de  toutes  sortes,  l'auteur  juge 
nécessaire  et  «  plus  attrayant  »  de  donner  un  exposé  historique  des  arts 
qui  concourent  à  les  former  :  de  là  trois  dissertations,  sur  la  peinture 
et  la  sculpture  depuis  les  Égyptiens  et  les  Assyriens,  et  sur  la  tapisserie 
(p.  27-53).  Vient  ensuite  (p.  55-ii2),  sous  le  titre,  Ayiercu  sur  quel- 
ques peintres  célèbres,  une  série  de  quatorze  notices  succinctes.  Prises 
à  part,  ces  études,  bien  qu'un  peu  courtes,  ne  manquent  pas  d'intérêt; 
mais  y  avait-il  bien  lieu  de  les  donner  ici,  surtout  au  début  du  livre? 
Tout  cela  aurait  dû  être  mis  en  note,  avec  moins  de  commentaires  et 
plus  de  précision,  et  servir  à  éclaircir  V Inventaire  même,  qui  en  avait 
besoin. 

Les  chapitres  suivants,  in,  iv  et  v,  et  le  vue,  constituent  l'histoire 
même  des  collections  de  Mazarin,  la  mission  de  M.  de  Bordeaux,  ses 
trouvailles,  les  achats  du  cardinal,  et  nous  conduisent  jusqu'à  sa  mort. 
Cette  partie  est  la  plus  développée  :  elle  est  longuement  étudiée  et  con- 
tient des  détails  curieux  et  nouveaux;  mais  elle  gagnerait  à  être  un  peu 
condensée,  d'autant  plus  qu'elle  n'est  en  somme  qu'une  introduction  à 
la  Correspondance  de  M.  de  Bordeaux  (ch.  vi,  p.  169-240),  publiée 
ici  à  peu  près  intégralement  ".  Reste  l'Inventaire  de  1661  ^  (ch.  vin, 
p.  276-411).  C'est  sans  contredit  la  partie  la  plus  intéressante  du  vo- 
lume, et  qui  devait  être  la  plus  soignée.  Malheureusement,  nous  n'a- 
vons guère  que  le  texte  et  nous  regrettons  souvent  un  commentaire 
perpétuel.  M  de  Cosnac  a  bien  mis  en  note  quelques  dates  succinctes, 
mais  ce  n'est  pas  assez  :  c'est  là  qu'il  aurait  dû  placer  toutes  les  explica- 
tions historiques  ou  artistiques  qu'il  a  réunies  sur  les  principales  pièces 
énumérées.  Le  plan  qu'il  a  suivi  dans  son  ouvrage,  dit-il  (p.  v),  «  a 
consisté  à  remettre  en  quelque  sorte  un  livret-guide  entre  les  mains  du 
visiteur  rétrospectif  des  richesses  du  palais  Mazarin.  w  L'idée  est  excel- 

1.  Elle  est  tirée  des  Archives  du  ministère  des  affaires  étrangères. 

2.  Il  fait  partie  des  Mélanges  Colbert  de  la  Bibliothèque  nationale.  iM.  de  C.  n'a 
publié  ici  que  les  articles  concernant  les  tableaux  (n"'  869-1 367);  les  plats  de  faïence 
(i368-i385);  statues  (r386-i5oC0  ;  figurines  modernes  de  diverses  matières  (iDoy- 
i633);  tapisseries  rehaussées  d'or,  tapisseries  de  laine  et  soie,  tentures  de  broderies, 
etc.  fi6Qo-i7o8),  Il  a,  avec  quelque  raison,  laissé  de  côté  le  mobilier  et  la  biblio- 
thèque. 


d'histoire    et    Dîi    LITTÉRATURE  55 

lente,  mais  le  livret-guide  n'est  pas  commode,  car  ce  que  j'y  cherche 
surtout,  l'historique  de  telle  ou  telle  oeuvre  d'art  que  je  connais,  je  ne 
le  retrouve  pas.  Pourquoi  ne  pas  suivre  l'exemple  des  excellents  cata- 
logues du  Louvre,  et  au  besoin  sacrifier  un  peu  les  sept  premiers  chapi- 
tres au  dernier,  le  seul  qui  ait  vraiment  motivé  la  publication?  Com- 
bien des  articles  énumérés  dans  V Inventaire  eussent  fourni  matière  à 
d'intéressantes  études,  et  combien  sont  insignifiants,  tels  quels,  dans 
la  sèche  énonciation  du  notaire-priseur! 

Ajoutez  qu'il  n'y  a  pas  même  une  table  des  artistes  nommés.  Je  me 
trompe  :  il  y  en  a  bien  une,  alphabétique  (p.  423),  mais  de  quel  usage 
peut-elle  être,  puisqu'il  n'y  a  aucun  renvoi  aux  numéros  de  Vlnven- 
taire?  De  même,  l'auteur  a  voulu  enrichir  son  volume  en  faisant  repro- 
duire un  certain  nombre  de  tableaux  et  de  tapisseries;  mais  il  oublie  de 
dire,  ce  qui  eût  été  facile  en  deux  lignes,  si  tel  tableau  est  bien  de  la 
galerie  Mazarine,  à  quel  numéro  de  linventaire  il  se  rapporte  et  ce 
qu'il  est  devenu. 

Ce  manque  de  méthode  et  de  précision  fait  tort  à  un  ouvrage  intéres- 
sant, je  le  répète,  soigneusement  écrit,  et  qui  pourra  rendre  de  réels  ser- 
vices. L'auteur  l'a  édité  avec  un  luxe  et  une  sollicitude  dont  il  faut 
le  remercier.  L'illustration  comporte  quarante  figures  sur  bois,  dont 
quatorze  portraits  :  elles  ont  été  tirées  de  l'Histoire  des  peintres  de 
Ch.  Blanc,  ce  qui  n'est  pas  beaucoup  dire.  En  revanche,  il  y  a  un  bon 
portrait  du  cardinal  et  cinq  photogravures  d'après  de  précieuses  tapis- 
series de  Simon  Vouét,  de  Raphaël  et  de  Jules  Romain  '. 

H.  de  CURZON. 


C  O  R  R  ï^  S  P  O  N  D  A  N  C  E 


Réponse  de   IM.  H.  itelnach  à  11.  Rouire  ^. 

M.  Rouire  m'invite  à  entrer  dans  l'examen  du  mémoire  qu'il  a  lu  le  29  août  der- 
nier à  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres.  Le  fascicule  des  Comptes-Ren- 
dus pour  le  mois  d'août  n'ayant  pas  encore  paru,  je  me  réfère  au  résumé  publié 
dans  la  Revue  archéologique,  1SS4,  II,  p.  1773.  Qu'il  me  suffise  de  rappeler  ici 
quelques  textes. 


1.  Le  Sacrifice  d^ Abraham,  la  Prédication  de  Saint  Paul,  la  Guérison  du  Pos- 
sédé, Saint  Paul  à  Paphos,  le  Repas  de  Scipion  che:[  Syphax. 

2.  Voir  le  numéro  précédent  de  la  Revue. 

3.  J'ai  également  sous  les  yeux  le  mémoire  imprimé  par  M.  Rouire  dans  les  Comptes-Rendus  de 
janvier-mars  1884,  p.  37-48  L'auteur  prétend  y  donner  le  texte  et  la  traduction  des  passages  clas- 
siques relatifs  au  Triton.  Il  est  bien  regrettable  que  de  pareilles  choses  aient  été  imprimées  à  l'Im- 
primerie nationale,  sous  le  patronage  de  Tlnstitut  Voici  quelques  échantillons  : 


56  KKVUb    CHlTIQUfe 

On  lit  dans  Ptolémée  (éd.  Nobbe),  IV,  3,  ii,  p.  237,  sous  le  titre  Sup-reo)?  |J.iy.oaç 
Géfftç,  l£s  noms  des  villes  suivantes  énumérées  dans  l'ordi'e  suivant  et  accompagnés 
de  leurs  coordonnées  géographiques  qu'il  est  inutile  de  reproduire  :  0éa'.va'.,  Ma- 
•/.6[j-aoa,  Tpi'-tovoç  r.OT:ci.\}.oi)  £/.6oXa(,  Kâr/ri  yj  Tay-dcT:'/],  Fixôlç  v;  FiBt;. 

Or,  Oéatva'.  (Thenae)  est  identifiée  u'une  manière  certaine  à  Henchir  Tina,  au  sud 
de  Sfax;  liai:'/]  (Tacape)  est  non  moins  certainement  Gabès  ;  ri7_6(ç  (Gighthis)  est 
non  moins  certainement  Henchir  Sidi  Salem  Bou  Ghrara,  vis-à-vis  de  Djerba.  Donc, 
les  TpiTf-Ovoç  ZS7ai;,OU  i'AÎoXyJ.  —  embouchure  de  l'oued  Gabès,  qui,  dans  l'opinion 
de  Ptolémée,  communiquait  avec  les  chtout  —  sont  placées  entre  Sfax  et  Gabès,  et 
non  pas  au-dessus  d'Adrumète,  à  120  kilomètres  plus  au  nord. 

On  lit  dans  le  même  Ptolémée,  IV,  3,  34,  p.  24?,  sous  le  titre  MîTa^u  0£  Ba^- 
paoa  zoTaixou  y.at  lou  TpiTWVo?  ■JïO':a[xoî;  uzb  [j.èv  Kap/'/jcdva,  une  liste  de  villes 
parmi  lesquelles  K(Xt;,a  (Gz7);z^,  près  de  Sufetula);  cette  ville  est  nommée  après 
Sassura,  située  au  sud  du  lac  Kelbiah,  et  suivie  de  cinq  autres  noms  de  lieux  qui 
nous  conduisent  bien  au  sud  de  l'oued  Merg-el-Lil.  A  u':-b  i;Av  Kao'/TfiSva  corres- 
respond  Lcrb  os  'ÂopouirrjTOV  TrôXlv  (p.  244);  dans  cette  seconde  liste  de  villes,  entre 
Adrumète  et  le  Triton,  se  trouve  Kd'bx  (Gafsa),  qui  est  déjà  dans  la  région  des 
Chtout.  Je  regrette  de  dire  que  M.  Rouire,  en  citant  ces  textes  [Comptes  7-endus, 
1884,  p.  44),  les  a  tacitement  corrigés.  Il  identifie  Ojô'.vaet  Oy-ixva,  bien  que  ces 
villes  aient  des  coordonnées  différentes;  il  cite,  dans  la  seconde  liste,  Thysdrus  après 
Ouktina.  alors  que  les  noms  de  ces  deux  villes  n'appartiennent  même  pas  au  même 
paragraphe  et  sont   séparés  par  quaior^^e  autres  noms.  Mais  il  y  a  dans  son  raison- 

Texte  de  Scylax.  Traduction  de  M.  Rouire. 

KaTà  TaÙTTiV   (v/îcrov   Ksp/tvtTlv)  0a-  E"  ^^'^^  '•^    Cercinna   se    trouve  Thapsus... 

(ioç...   'ATOOeGâ-iou  [v.al  AéWsoK]  IV-;  ^'  Thapsus  l'on  va  à  la  petite  Leptis  et  à 

aivpac  rsicj  y.al    'ABpuir/JTCC  i^Tt    vSk-  ^^^'■■'"""  *")^^  au-dessus  de  ces  villes  (!!)  un 

,           V          •>     r    r   v-  '            '             >  arand  golfe  s'enfonce  dans  les  terres  ;  dans  ce 

Ttoc  y-sYa;  £ic(j),  £v  0)  Ti  L'jp-ic -n  ij.r/pa      ^        "    ,       .    „  .    .        ,,    ,    „,, 

"  '     '  ,     '         '         ,    '      -    '  i    /-i  fleuve  est  la  petite  Syrte,  ainsi  appelée  de  l  île 

'        "'-         '  '        '  de  Cercinna  {\\) 

Texte  d'Hérodote.  Traduction  de  M.  Rcuire. 

AwTOçâYtOV  OÏ  r.xpx  GâAaciaaV  r/OV-  Au-dessous  des  Lotophages  (!!)  et  en  rcmon- 

^       Mv/'u^C  '  '  ''^"^  '^  '"^'"  ^^  trouvent  les  Machlyes.  —  La 

traduction  exacte  est  celle-ci  :  «  Les  Machlyes 
confinent  le  long  de  la  mer  aux  Lotophages.  » 

M.  Rouire  pense  qu'I^OVTat  signifie  o«  frozii-^?,  et  que  AtOTOoaYfOV  signifie  so!i5  les  Lotopha- 
ges. \ .&  Revue  critique  ne  s'adresse  pas  à  ceux  qui  ignorent  le  rudiment. 

P.  41  du  même  travail,  une  erreur  plus  grave.  M.  R.  cile  le  texte  de  Wéla  ;  Hadrumetum,  Lep- 
tis, Clupea,  Macomades,  Thenae,  Neapolis  Iiinc  ad  Syrtim  adjacent  Traduction  de  M.  R.  -. 
«•  Hadrumète,  Leptis,  Clupée,  Macomades,  Tltapsus  et  Neapolis  sont  adjacentes  à  la  Syrte»,  Tra- 
duire Thenae,  dont  la  mention  est  désagréable  à  M.  Rcuire,  par  Thapsus,  c'est  se  moquer  du 
monde;  en  outre,  Mêla  vient  de  parler  de  Carthage,  et  hinc  ad  Syrtim  adjacent  signifie  :  «  De  là 
jusqu'à  la  Syrte,  on  rencontre,  sur  le  même  rivage,  etc.  «  Traduire  hinc  ad  Syrtiin  adjacent  par 
sont  adjacentes  à  la  Syrte,  c'est  prouver  qu'on  ne  comprend  pas  le  latin  mieux  que  le  grec.  Voici 
la  conclusion  de  M.  Rouire  :  «  Les  villes  mentionnées  par  Poniponius  comme  attenantes  à  la  Syrte 
sont,  dans  leur  ensemble  \\\],a.\xtàïit  de  villes  situées  sur  le  golfe  d'Hammamet  »  .Macomades  et 
Thapsus  ne  sont  guère  qu'à  120  et  lio  kilomètres  de  la  pointe  méridionale  du  golfe  d'Hammamet. 

Comme  l'a  déjà  fait  remarquer  M.  de  la  Blanchère,  M.  Tissot  était  au  lit  et  mourant  lorsque 
M.  Rouire  a  lu  son  mémoire  à  ['.■académie.  Cela  explique  qu'on  ait  donné  l'imprimatur  à  un  tra- 
vail qu'il  faudrait  pouvoir  faire  disparaître  des  Comptes  rendus. 


d'histoire  et  de  httératurk  57 

nement  une  erreur  plus  grave,  qui  trahit  une  ignorance  complète  de  la  langue 
grecque.  Voici  les  textes  :  g  34  :  Mi'OiÇJ  cï  BaYpioa  r.O'XU.O^  "/.al  tgD  ïpi-wvoç 
T.o-:oi.\).OJ  Ozb  ij.lv  K«p/;r,osva  (suivent  vingt  noms;,  g  Sy  :  'j-b  cï  'ÂopO'j;ro-;cv  zc/s'.v 
(suivent  vingt-sept  noms).  Il  est  clair  qu'uzb  Bà  'Âopc6[rr(TOV  ainsi  opposé  à  U7:c 
li.£V  Kap7;ri05va,  signifie  :  MsTa^ù  o£  Ba^pâBa  ■û;oi:a[;.ou  /.ai  Toli  Tpi-tovoç  ^!;Ta[;,ou 
UTîb  'AcoO'J[vVf,-:ov  '.  Or,  voici  ce  qu'écrit  imperturbablement  M.  Rouire  (p.  40)  : 
«  Cette  nomenclature  (g§  34-37)  achevée,  Piolémée  continue  en  nous  donnant  la 
liste  des  villes  situées  après  le  fleuve  Triton,  toujours  en  descendant  vers  le  sud,  et 
il  commence  par  Adrumète.  d  De  la  part  d'un  philologue  de  profession,  on  verrait 
là  une  confusion  volontaire  qui  mériterait  d'être  jugée  très  sévèrement  -. 

Pline  l'Ancien  (éd.  Littré),  V,  4,  p.  212.  place  le  lac  Triton  non  loin  des  autels  de 
Pliilènes,  et  en  deçà  de  la  peûte  Syrte,  tout  en  convenant  que  beaucoup  d'auteurs  ie 
mettent  entre  les  deux  Syrtes.  Dans  la  première  hypothèse,  le  lac  ne  peut  être  que  le 
Ghott  el  Djerid  3;  dans  la  seconde,  il  est  en  pleine  Tripolitaine,  là  où  le  place  éga- 
lement la  table  de  Peutinger  éd.  Mannert,  Segment  VUr.  Le  Triton  de  M.  Rouire 
n'est  guère  qu'à  400  kilomètres  delà. 

Mêla  sera-t-il  plus  complaisant?  Au  chap.  vu  de  son  iivre  I  (éd.  Baudet,  p.  27) 
il  décrit  l'Afrique  en  commençant  par  Hippone,  Rusicadeet  Thabraca,  en  continuant 
par  le  Bagrada,  Utique,  Carthage,  Adrumète,  Leptis,  etc.,  c'est-à-dire  en  suivant 
la  côte  de  l'ouest  à  l'est.  Puis  il  parle  de  la  petite  Syrte,  celle  qui  commence  au 
dessous  de  Thenae  (au  sud  de  Sfax)  et  ajoute  :  «  Super  hune  fsinum)  ingens  palus 
amnem  Tritona  recipit.  »  Suivant  une  ingénieuse  découverte  de  M.  Rouire,  super 
/n/HC  signifie  à  i3o  kilomètres  ;7/m5 /î^w/.  Mêla,  si  méthodique  d'ordinaire,  se  rend 
coupable  d'un  saut  bien  périlleux;  mais  pourquoi  lit-on  à  la  phrase  suivante  :  Ultra 
est  Oea  oppidum,  et  Cinyps  f.uvius...  twn  Leptis  altéra,  localités  qui  sont  toutes 
situées  en  Tripolitaine?  Que  .M.  Rouire  lise  le  xin' chapitre  du  h^  livre  de  Mêla,  où 
il  est  question  de  la  Cilicie  :  «  Non  longe  hinc  Corycos  oppidum  portu  saloque 
incingitur...  Supr.a.  specus  est,  r.omine  Corycius.  Or,  i'antre  Lorycien  est  à  deux 
heures  el  demie  de  marche  de  Corycus  ^  dans  l'intérieur  des  terres.  M.  Rouire  n'a 
donc  pas  tout  à  fait  raison  d'écrire,  dans  le  compte  rendu  de  son  travail  qu'il  a 
communiqué  aux  journaux  {Revue  archéologique,  1884,  il,  p.  178,  d'après  le  Temps 
et  le  Journal  officiel)  :  «  Le  passage  que  cite  M.  Rouire  avait  été  jusqu'ici  déclaré 
inexplicable  par  tous  les  commentateurs  (.') .  Pour  la  première  fois,  M.  Rouire  en 
donne  la  clef  et  en  fait  ressortir  la  grande  importance  à  l'appui  de  sa  thèse,  w  11  faut 
un  peu  de  patience  pour  lire  de  pareilles  choses,  et  beaucoup  de  confiance  naïve 
pour  les  écrire. 

Laissons  de  côté  Strabon  et  Lucain,  qui  rejettent  îe  lac  Triton  en  Cyrénaïque,  et 
Diodore,  qui  le  met  au  Maroc.  Venons-en  au  texte  de  Scylax,  que  M.  Rouire  invoque 
à  son  appui.  Scylax  (éd.  Mûller,   t.  1,  p.   88)  parle  de  la  petite  Syrte,  qu'il   appelle 


1.  Le  Bagradas  de  Ptolcmce  cojle  du  sud  au  nord.  Ni  Cartilage  ni  Adrumète  ne  sont  sur  le  Ba- 
gradas.  Ce  sont  simplement  les  points  de  départ  de  lignes  fictives  que  Ptolémée  descend  du  nord  au 
sud  de  manière  à  cnumérer  les  villes  comprises  entre  le  Bagradas  et  le  bassin  des  Chtont. 

2.  Le  paragraphe  suivant,  §  41,  commence  par  ces  mots  :  i^îTaçÙ  oï  TÛJV  060  -.6pTîO)V 
ZÔKl'.Z  3cToî.  Il  correspond  donc  au  §  34. 

3.  Les  autels  des  Philènes  sont  appelés  par  Ptolémée  (IV,  3,  m)  gotov  XcsO'.y.T/Ç  et  placés  dans 
la  grande  Syrte.  Le  texte  de  Pline  citra  nmiorem  Syrtim  n'est  pas  clair  ;  comme  il  ajoute  ultra 
Cyrenaica  provincia.  [est],  il  semble  qu'il  place  le  Triton  près  de  la  grande  Syrte.  Il  y  a  sans  doute 
une  corruption  ou  une  lacune  dans  ce  passage. 

4.  Bidletiii  de  Correspondance  hellénique,  1880,  p.  i33. 


58  REVUE    CRITIQUE 

Cercinitis,   d'après   les    îles   Kerkennah,  situées    vis-à-vis  de   Sfax.    'Ev  TauTV]  xfj 

SùpTiot  èvéar/)*/.£v  '?)  v^7o;  Tp(xo)voç  ■/.cf.Xouixérr,  /.at  7:oTa[;-cç  Tpi'xwv.  Le  texte 
du  passage  est  notoirement  altéré,  et  s'il  prouvait  contre  l'opinion  reçue,  on  pour- 
rait répondre  par  le  principe  de  critique  corritptis  locis  nihil  probaiur.  Mais  Scylax 
dit  fort  clairement  que  le  fleuve  Triton  se  jetait  dans  la  petite  Syrte  ;  or.  le  Triton 
de  M.  Rouire  se  déverse  dans  ie  golfe  d'Hammamet.  M.  Rouire  avait  essayé  autre- 
fois de  se  tirer  d'affaire  en  affirmant  que  la  petite  Syrte  est  le  golfe  d'Hammamet, 
et  non  le  golfe  de  Gabès  ;  ayant  renoncé  à  soutenir  cette  énormité,  il  ne  peut  plus 
invoquer  en  sa  faveur  le  témoignage  de  Scylax. 

Enfin,  last  but  not  least,  voici  le  témoignage  d'Hérodote  (IV,  178)  :  «  Après  les 
Nasamons,  qui  habitent  près  de  la  grande  Syrte,  on  trouve,  en  se  dirigeant  vers  l'oc- 
cident, les  Makes  et  les  Gindanes...  Le  cap  situé  en  avant  du  pays  qu'occupe  cette 
dernière  peuplade  est  habité  par  les  Lotophages...  Les  Machlyes  confinent  le  long  de 
la  mer  aux  Lotophages...  qui  s'étendent  jusqu'à  un  grand  fleuve  qu'on  appelle  Triton 
et  qui  se  jette  dans  le  grand  lac  Tritonide.  »  Tout  le  monde  sait  que  les  Lotophages 
d'Homère  habitaient  au  sud  de  Gabès,  sur  la  côte  opposée  à  l'île  de  Djerba;  or,  le 
Triton  de  M.  Rouire  est  à  3oo  kilomètres  de  ià,  dans  un  pays  oii  ne  mûrit  pas  le 
lotos. 

Satis  stiperqite.  Je  demande  pardon  à  la  Revue  d'avoir  dû  sacrifier  quelques-unes 
de  ses  pages  à  la  réfutation  d'un  paradoxe  qui  n'a  pas  même  le  mérite  d'être  spé- 
cieux. 

Salomon  Reinack. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  Le  volume  que  M.  Ernest  L.vvisse  vient  de  publier  à  la  librairie 
Colin  (In-S",  xxx  et  338  p.)  sous  ie  titre  :  Q.uesiions  d'enseignement  national,  ren- 
ferme les  chapitres  suivants  :  L'enseignement  historique  en  Sorbonne  et  l'éducation 
nationale.  —  Cours  publics  et  cours  fermés  à  la  Faculté  des  lettres  de  Paris.  -  Les 
étudiants  à  la  Faculté  des  lettres  de  Paris.  —  L'enseignement  et  les  examens.  — 
Allocutions  aux  étudiants  de  la  Faculté  des  lettres  de  Paris  (3i  octobre  1882, 
6  novembre  i8S3,  4  novembre  1884),  —  Discussion  d'une  thèse  de  philosophie 
(thèse  de  M.  Marion)  et  à  ce  propos  du  déterminisme  historique  et  géographique.  — 
Discussion  d'une  leçon  d'histoire  (sur  les  quatre  premiers  Capétiens).  —  L'ensei- 
gnement de  l'histoire  à  l'école  primaire.  —  Universités  allemandes  et  universités 
françaises.  —  Charles  Graux  (biographie  de  notre  regretté  directeur,  qui  a  paru  en 
tête  des  Mélanges  Graux;  l'exemple  de  Graux,  dit  M.  Lavisse,  montre  mieux  que 
toutes  les  théories  ce  que  doivent  être  et  un  étudiant  et  un  professeur  d'enseigne- 
ment supérieur).  Un  de  nos  collaborateurs  reviendra  plus  longuement  sur  ce  vo- 
lume, dont  les  chapitres  ont  été  écrits  au  cours  des  discussions  récentes  sur  la 
réforme  de  l'enseignement.  Ajoutons,  en  attendant,  que  dans  V Avant-propos  M.  La- 
visse montre  le  lien  qui  unit  ces  divers  chapitres  et  en  présente  les  idées  généra- 
les. Cet  avant-propos  se  termine  par  un  hommage  à  la  mémoire  d'Albert  Dumont  : 
«  Toutes  ces  idées,  dit  l'auteur,  Dumont  les  avait.  Il  voulait  faire  et  faisait  une  œuvre 
nationale.,,  et  c'est  pourquoi,  le  jour  de  ses  funérailles,  lorsque  j'ai  vu,  au  sortir  de 


D  HISTOIRE    ai    DU    LITTERATURK  D  O 

l'église,  le  drapeau  s'incliner  devant  son  cercueil,  j'ai  pense  que  cette  rccov..- 
pense,  la  plus  haute  que  puisse  recevoir  un  citoyen,  Albert  Dumoni.  la  méri- 
tait, n 

—  La  dernière  Revue  orientale  publiée  par  notre  collaborateur  M.  Clermont- 
Ganneau,  dans  le  n"  du  3o  décembre  1884  du  Journal  officiel,  contient  le  compte 
rendu  de  la  Clivestomathie  élémentaire  de  l'arabe  littéral,  par  MM.  H.  Derenbourg 
et  Spiro;  de  la  nouvelle  édition  de  la  Grammaire  i.ébraïque  de  Preiswerk;  des  An- 
cient  empires  of  Vne  East,  par  M.  Sayce;  de  The  empire  of  the  Hittites,  par  M.  W. 
Wright;  de  Religion  und  Mythologie  der  alten  Aegypî^r,  par  H.  Brngsch. 

—  M.  Eug.  Beauvois  a  fait  tirer  à  part  (du  Muséon,  juillet  1^84)  une  étude  sur  la 
fontaine  de  Jouvence  et  le  Jourdain  dans  les  traditions  des  Antilles  et  de  la  Floride; 
il  y  montre  que  les  Gaels  cherciaaient  la  fontaine  de  Jouvence  fort  loin  à  l'ouest  de 
l'Europe;  or  les  Lucayens  et  les  Floridiens,  dont  le  pays  répondait  quelque  peu  à 
cette  donnée,  y  signalaient  une  source  et  une  rivière  dont  les  eaux  avaient  i.i-e  vertu 
merveilleuse  et  régénératrice.  «  Pour  que  les  croyances  des  premiers  eussent  ainsi 
leur  contre-partie  dans  les  circonstances  locales  ou  les  traditions  des  i  uircs,  il 
fallait  que  les  Celtes  précolombiens  eussent  réellement  visité  le  Nouveau-Monde  et 
que  les  navigateurs  de  leur  race  eussent  imposé  leur  n":anière  de  voir  aux  indigènes 
par  un  contact  prolongé.  » 

—  Des  amis,  élèves  et  collègues  du  regretté  Albert  Dumont  ont  conçu  la  pensée 
d'honorer  et  de  perpétuer  sa  mémoire  par  la  fondation  d'un  ou  plusieurs  prix  des- 
tinés aux  élèves  de  l'enseignement  supérieur  :  Prix  Albert  Dumont.  Un  comité  a  été 
formé  sous  la  présidence  de  M.  G.  Perrot,  directeur  de  TEcole  Normale  supérieure. 
Nous  ne  doutons  pas  que  ce  projet  ne  rencontre  de  vives  sympathies  et  de  nom- 
breuses adhésions.  Les  souscriptions  devront  être  remises  à  M.  Lantoine,  trésorier 
du  Comité,  au  secrétariat  de  la  Faculté  des  lettres  à  Paris. 

AUTRICHE.  —  Les  bruits  relatifs  à  la  fondation  d'une  Université  catholiqu.-  à 
Salzbourg  se  confirment.  Il  paraîtrait  que  des  sommes  importantes  sont  rassemblées 
et  qu'un  comité  est  constitué.  Il  ne  s'agit  pas  de  créer  d'un  seul  coup  l'Université. 
On  compte  organiser  successivement  chaque  faculté  au  fur  et  à  mesure  de  !a  con- 
stitution des  ressources  pécuniaires.  De  cette  manière  il  serait  possible  d'ouvrir  ici  à 
peu  de  temps  les  cours  de  la  faculté  «  d'histoire  et  de  philosophie  «  par  laquelle  on 
veut  commencer. 

GRÈCE.  —  .M.  Constantin  Sathas  vient  de  faire  paraître  (à  Paris,  à  'Venise  et  à 
Leipzig)  le  tome  V  de  ses  Mvr,[X£Ta  T'^;  îsTCSi'a;  £7,),r,viy.Y;;  ou  Documents  relatifs 
à  l'histoire  de  la  Grèce  (i  vol.  in-4'^).  Ce  recueil  renferme,  dans  les  quatre  volumes 
précédents,  des  dépêches  reçues  et  envoyées  par  la  chancellerie  vénitienne  concer- 
nant les  possessions  grecques  de  la  République  et  conservées  dans  les  archives  de 
'Venise.  Le  nouveau  volume  se  compose  de  pièces  de  la  même  nature,  mais  déposées 
dans  les  archives  de  diverses  villes  d'Italie.  On  sait  que  cette  publication  est  pour- 
suivie par  M.  Sathas  sous  les  auspices  de  la  Chambre  des  députés  de  Grèce. 


ACADEMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET   BELLES-LETTRES 


Séance  du  g  janvier   188 5. 

M.  Ernest  Desjardins,  président,  prononce  une  allocution  dans  laquelle  il  rend 
hommage  à  la  mémoire  de  M.  Frédéric  Baudry  et  rappelle  les  travaux  variés  par  les- 
quels il  s'est  fait  connaître. 


6o  REVUE    CRITJQUE    d'hISTOIRE    ET   DE    LITTÉRATURE 

Les  coiiimissions  annuelles  de  l'Acadcmie  sont  ainsi  composées  pour  l'an- 
ne'e  i885  : 

Commission  des  travaux  littéraires:  MM.  Ravaisson,  Egger,  Renan,  Maury,  De- 
lisle,  Miller,  Hauréau.  deRozière; 

Commission  des  aniiquités  de  la  France  :  MM.  Renier,  Maury,  Delisle,  Hauréau, 
Desnoyers,  de  Rozière,  Alexandre,  Bertrand.  Schlumberger; 

Commission  des  écoles  françaises  d'Athènes  et  de  Rome  :  MM.  Ravaisson,  Egger, 
Léon  Renier,  Delisle,  Miller,  Jules  Girard,  Heuzey,  Georges  Perrot; 

Commission  du  nord  de  l'Afrique  :  MM.  Renan,  Léon  Renier,  Pavet  de  Courteille, 
Duruy,  Georges  Perrot,  Barbier  de  Mcynard,  Schefer,  Maspero; 

Commission  administrative  :  MM.  Jourdain,  Deloche. 

Sont  aussi  membres  de  toutes  ces  commissions,  les  membres  du  bureau  de  l'Aca- 
démie :  MM.  Ernest  Desjardins,  président,  Gaston  Paris,  vice-président,  et  Wallon, 
secrétaire  perpétuel. 

M.  Gaston  Paris  est  élu  nTjmbre  de  la  commission  du  prix  Volney,  en  remplace- 
ment de  M.  Adolphe  Régnier. 

L'Académie,  après  délibération  en  comité  secret,  procède  à  l'élection  d'un  corres- 
pondant étranger,  en  remplacement  de  M.  Lepsius.  M.  Domenico  Comparetti  est  élu. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Delisle  :  i»  Fouknier  (Paul),  le  Royaume  d'Arles 
et  de  Vienne  sous  les  premiers  empereurs  de  la  maison  de  Souabe;  i"  Beaurfpaire 
(Eug.  de).  Variétés  archéologiques  tx  Promenade  de  la  Société  française  d'arcliéo- 
logie  dans  la  ville  de  Caen;  3"  Mémoires  de  (sic)  Eustaclie  Fiemond.  notaire  royal 
delpliinal  delà  ville  de  Saint-Antoine  en  Dauphiné,  publié-  par  A.  Brun  Durand; 
par  M.  Alexandre  Bertrand  :  Adam  (Lucien),  la  Langue  des  Esquimaux  ;  les  Idiomes 
négro-aryen  et  maléo-arycn;  les  Langues  américaines;  les  Langues  ouralo-altai- 
ques  ;  Du  parler  des  Iwmmes  et  du  parler  des  femmes  en  langue  caraïbe  ;  Du  genre 
dans  les  diverses  langues;  —  Par  M.  Georges  Perrot  :  Tissox  (Ch.),  Géographie 
comparée  de  la  province  romaine  d'Afrique,  lome  I"^r, 

Julien   Havet. 

SOCIETE  NATiONALE  DES  AiNTiQUAlRES  Y^E  FRANCE 

Séance  du  24  décembre  1884. 

PRÉSIDENCE    DE   M.   GUILLAUME 

La  Société  reçoit  de  nouvelles  adhésions  à  la  pétition  pour  la  conservation  des  mo- 
numents historiques  dans  les'colonies  et  possessions  frai^çaises.  Ce  sont  celles  des 
sociétés  suivantes  :  Société  historique  littéraire,  etc.,  du  Cher;  Société  académique 
Franco-hispano-portugaise  de  Toulouse;  Société  savoisienne  d'histoire  et  d'archéo- 
logie; Société  d'agriculture,  industrie,  etc.,  de  la  Lozère;  Société  des  archives  histo- 
riques de  la  Saintonge  et  de  l'Aunis;  commission  des  antiquités  de  la  ville  de 
Castres. 

M.  Palustre  fait  connaître  un  monument  funéraire  de  la  famille  d'Alesso  retrouvé 
au  château  d'Ussé  (Indre-et-Loire  .  11  communique  ensuite  les  photographies  de  re- 
marquables objets  d'orfèvrerie  ancienne  faisant  partie  du  trésor  de  la  cathédrale  de 
Trêves. 

M  Courajod  lit  un  mémoire  intitulé  Germain  Pilon  et  les  monuments  de  la  cha- 
pelle de  Birague  à  Sainte-Catherine  du  Val  des  Ecoliers,  dans  lequel  il  démontre, 
à  l'aide  de  gravures  et  de  dessins  anciens,  que  deux  écussons  de  marbre  blanc  d'un 
goût  charmant  et  d'une  très  belle  opération,  entrés  récemment  au  Louvre,  pro- 
viennent du  célèbre  tombeau  de  Valentine  Baibiani,  femme  du  chancelier  de  Birague. 

M.  Héron  de  Villefosse  annonce  à  la  cor.ipagnie  que  le  R.  P.  de  la  Croix 
vient  de  commencer  des  fouilles  à  Antigny  (Vienne)  dans  un  ancien  cimetière  mé- 
rovingien et  que  ces  fouilles  qui  promettent  d'être  très  frucmeuses  ont  donné  déjà 
des  résultats  importants;  il  présente  l'estampage  d'une  inscription  romaine  qui  avait 
été  employée  pour  faire  un  sarcophage  et  qui  renferme  des  noms  gaulois  intéres- 
sants. Une  note  de  M  Ernault  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Poitiers,  accom- 
pagne l'envoi  du  P.  de  la  Croix.  Plusieurs  inscriptions  funéraires  mérovingiennes 
ont  été  découvertes;  l'une  contient  une  formule  nouvelle  relative  au  respect  dû  à  la 
sépulture. 

M.  Héron  de  Villefosse  présente  ensuite  de  la  part  de  M.  Loustau  divers  objets 
trouvés  à  Orléansville  (Algérie).  Une  matrice  de  sceau  en  terre  cuite  portant  trois 
noms  romains  et  un  charmant  petit  médaillon  en  pâte  de  verre  muni  d'une  belière; 
on  y  voit  deux  têtes  romaines,  un  homme  et  une  femme  de  l'époque  d'Antonius, 
mais  qu'il  est  impossible  d'identitier  d'une  manière  plus  précise. 

M.  Flouest  donne  de  nouveaux  détails  sur  l'idéogramme  en  forme  d'S  dont  il  a 
déjà  parlé  précédemment.  Le  Secrétaire, 

Signé  :  H.  Gaidoz. 
Le  Propriéta ire-Géra nt  :  E R iN  tiST  ; .  E Kl)  U  X . 

Le  Pity,  irr^rimerie  de  Marchessou  fils,  boulevard  Saint- Laurent,  3.?, 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET   DE    LITTÉRATURE 

N<>  4  —  26  janvier  ~  1885 


r.omjMaîve  s  14.  Van  Veen,  sur  Silius  îtalicus.  —  i5.  Friedlaender,  Maniai.— 
16.  PoTTiER,  Les  terres  cuites  dans  les  tombeaux  des  Grecs.  —  17.  Grafe, 
La  doctrine  de  la  Loi  chez  l'apôtre  Paul.  —  18.  Pellechet,  Notes  sur  les  livres 
liturgiques  des  diocèses  d'Autun.  —  19.  Duc  de  Broglie,  Frédéric  II  et  Louis  XV. 
—  20.  RoNCA,  La  Secchia  Rapita  de  Tassoni.  —  21.  G.  Meyeu,  Etudes  alba- 
naises, I  et  IL  —  Chronique.    —  Académie  des  Inscriptions. 


14.  —  J.  S.  van  Veen.  QHaestîones  Siliunse.  104  pages,  in-8.  Leyde,   1884. 

Les  trois  premiers  chapitres  de  cette  dissertation  sont  destinés  à  prou- 
ver une  fois  de  plus  que  la  matière  du  poème  de  Silius  Italicus,  et  spé- 
ciaiement  des  chants  VII  et  VIII.  est  empruntée  à  Tite-Live,  avec 
quelques  exceotions  en  faveur  de  Poiybe,  mais  que  Silius  a  voulu  être 
poète  et  non  historien.  Le  chapitre  iv  discute  le  texte  de  plusieurs  vers 
tires  de  presque  tous  les  chants  du  poème.  En  appendice,  29  thèses  qui 
renferment  des  conjectures  sur  différents  auteurs  grecs  et  latins. 


i5.  —    Mai-tîa!s    BucSi    de:*    !gcli»u@ipiele.    Mit    Anmerkungen    von  Ludwig 
FRtEDLiENnER,  Profcssor  in  Kœnigsberg.  Kœnigsberg.  1884.  22  pages,  in-4. 

S'il  est  un  savant  qui  soit  désigné  pour  faire  une  édition  de  Martial 
avec  commentaire  explicatif,  c'est  M.  Friedlasnder,  l'auteur  des  Mœurs 
romaines.  Aussi  faut-il  espérer  que  la  brochure  dont  on  vient  de  lire  le 
titre  n'est  qu'un  spécimen.  Le  plan  en  est  fort  bien  conçu.  Dans  une 
courte  introduction,  M.  F.  lixe  l'époque  de  la  composition  de  ce  livre 
d'épigrammes,  en  apprécie  la  valeur  littéraire,  et  rend  compte  de  la  tra- 
dition du  texte.  Le  texte,  revu  d'après  des  collations  nouvelles  des  prin- 
cipaux mss.,  est  accompagné  d'une  quadruple  série  de  nores  :  i"  les 
variantes  entre  le  nouveau  texte  et  celui  de  Schneidewin  ;  2"  les  variantes 
des  mss.,  les  conjectures,  etc.  ;  3"  les  réminiscences  chez  Martial  et  les 
imitations  de  Martial  chez  d'autres  poètes;  4"  le  commentaire  explicatif. 
On  peut  se  demander  si  la  première  série  est  bien  nécessaire  en  présence 
de  la  seconde.  Celle-ci  paraît  fort  soignée.  La  troisième,  due  à  M.  E. 
Wagner,  ne  manque  certes  pas  d'intérêt.  Mais  c'est  la  quatrième  qui 
appelle  principalement  Tattention,  et  qui  est  aussi  la  plus  développée. 
Les  observations  de  grammaire  et  de  métrique  n'v  font  pas  défaut, 
mais,  comme  de  juste,  laissent  la  plus  grande  place  à  l'explication  des 
Nouvelle  série.  XIX.  4 


62  KEVUE    CKlilQUi!. 

faits.  Et   ici,  l'extrêiîie   concision  ne  fera  pas  méconnaître  au  lecteur 
attentif  la  richesse  des  informations  et  le  bonheur  des  rapprochements. 


l6. — Quain  ob  c»usatii  Grneeî  in  sepulcriâ  iigSÎEia  ssgilla  deposuecint 

(thèse  latine),  par  M.  E.  Pottieu.    Paris,  Thorin,   i883,  in-S,    124  pages  et  une 
planche  en  héliogravure. 

Les  lecteurs  de  la  Revue  ont  sans  doute  entendu  parler  des  terres  cui- 
tes de  Myrina.  Ces  terres  cuites  proviennent  d'une  nécropole  d'Asie- 
Mineure  fouillée  dans  ces  dernières  années  par  plusieurs  membres  de 
l'Ecole  française  d'Athènes,  MM.  Pottier,  S.  Reinach  et  Veyries.  La 
moisson  a  été  abondante  et  les  gens  curieux  des  choses  antiques  pour- 
ront admirer  prochainement  dans  les  vitrines  du  Louvre  quelques  spé- 
cimens de  cette  fabrique  dont  le  style  rappelle  souvent  celui  de  Tanagre 
et  qui  d'ailleurs  paraît  avoir  eu  à  sa  disposition  plusieurs  moules  tana- 
gréens. 

Après  avoir  fait  connaître  au  public  dans  une  série  d'excellents  arti- 
cles '  les  résultats  des  fouilles  de  iMyrina,  M,  P.  a  eu  Tidée  de  présenter 
sous  une  forme  méthodique  les  observations  qu'il  avait  eu  l'occasion  de 
faire  sur  Tusage  et  le  sens  des  figurines  en  terre  cuite.  Ce  travail  a  été 
proposé  à  la  Faculté  de  Paris  comme  thèse  de  doctorat.  Il  se  compose  de 
deux  parties.  La  première,  sur  laquelle  j'insisterai  peu,  n'est  que  l'ex- 
position de  toutes  les  interprétations  données  jusqu'à  ce  jour.  M.  P.  ne 
les  accepte  pas,  mais  il  ne  les  condamne  pas  non  plus  entièrement  :  les 
examinant  chacune  à  leur  tour,  il  montre  en  quoi,  selon  lui,  elles  ne  sont 
pas  justes,  en  quoi  elles  sont  vraies,  ce  qu'il  faut  en  rejeter,  ce  quMl  faut 
en  retenir. 

Dans  la  seconde  partie,  M.  P.  reprend  la  question  tout  entière.  Il 
commence  par  rassembler  et  commenter  les  textes  anciens  relatifs  aux 
terres  cuites,  puis  les  témoignages  fournis  par  les  monuments  figurés, 
enfin  les  données  qui  résultent  des  fouilles  et  en  particulier  des  fouilles 
de  Myrina.  De  l'ensemble  de  ces  observations,  il  tire  les  conclusions 
suivantes  : 

1°  Les  terres  cuites  n'avaient  pas  par  elles-mêmes  une  signification  fu- 
néraire. Elles  étaient  fabriquées  sans  destination  bien  définie.  Les  coro- 
plastes,  travaillant  à  leur  fantaisie,  offraient  dans  leurs  boutiques  un 
assortiment  varié  de  figurines  dont  l'acheteur  pouvait  faire  tel  usage  qui 
lui  plaisait,  qui  pouvaient  à  son  gré  être  employées  comme  cadeaux  ou 
être  consacrées  comme  ex-voto  soit  aux  divinités  domestiques,  soit  à  tel 
ou  tel  dieu  d'un  sanctuaire  public,  soit  aux  mânes  des  morts; 

2°  Les  terres  cuites  trouvées  dans  les  tombeaux  ne   sont   pas  autre 
chose  que  le  témoignage  de  la  piété  des  vivants  à  l'égard  des  morts.  Les 

I.  Bulletin  de  corresp.  hellénique,  1882,  p.  388  et  ddj;  i883,  p.  81,  204,  493. 


d'histoire  et  dk  L'.rriiK.vTUUE  63 

morts  sont  dans  une  certaine  mesure  des  divinités.  De  même  que  dans 
les  temples  on  consacre  des  statuettes,  des  coupes,  des  plats,  mille  objets 
de  tout  genre,  précieux  ou  non,  de  même  on  dépose  dans  les  tombeaux 
des  vases  et  des  figures  en  terre  cuite.  Ce.  sont  des  ex-voto  de  part  et 
d'autre,  qui  n'ont  par  eux-mêmes  aucune  signification  sacrée  ou  funé- 
raire et  qui  ne  prennent  une  valeur  religieuse  que  par  le  fait  seul  d'a- 
voir été  consacrés. 

La   théorie    est   spécieuse  ;   elle   est    développée   avec    une    richesse 
d'arguments  et  de  remarques  ingénieuses  qui  font  grand  honneur  à  la 
science  et  au  talent   de  M.  Pottier.   Mais   j'avoue   que  je  ne  suis  pas 
convaincu.  M.    P.  a  raison  de  refuser  aux   terres  cuites  un  sens  fu- 
néraire.  Mais  il  va  trop  loin  lorsqu'il  prétend   qu'elles  étaient  fabri- 
quées sans  destination  précise.  Du  moment  que  les  coroplastes  avaient 
pour  un  certain  nombre  d'objets  déterminés  •■ne  clientèle  assurée,  ils 
devaient  naturellement  faire  des  figurines  d'un  caractère  spécial  appro- 
prié aux  besoins  de  cette  clien»èle.  On  voulait  des  ex-voto  pour  les  tem- 
ples :  ils  fabriquaient  donc  des  ex  voto  pour  les  temples.  L'examen  des 
terres  cuites  trouvées  à  Tégée  et  qui,  sauf  de  très  rares  exceptions,  ont 
toutes  un  caractère  évidemment  religieux  et  votif  ne  laisse  aucun  doute 
sur  ce  point.  Si   l'usage  avait  été  d'offrir  des  ex-voto  pour  les  morts, 
pourquoi  n'auraient-ils  pas  fabriqué  aussi  des  ex-voto  pour  les  morts? 
M.  P.  en  ciie  bien  quelques-uns.  Mais  ils  sont  très  peu  nombreux,  alors 
que  l'on  compte  par  milliers  les  figurines  jusqu'ici  découvertes  dans  les 
tombeaux  et  qui  représentent  ce  qu'on   pourrait  appeler  des  sujets  de 
fantaisie.  Si  la  thèse  de  M.  P.  était  vraie,  nous  devrions  avoir  nos  mu- 
sées remplis  de  figurines  à  sujets  funéraires.  Il  ne  faut  pas  oublier  que 
les  coroplastes  étaient  des  ouvriers  préoccupés  avant  tout  d'aller  vite  en  be- 
sogne et  de  simplifier  à  l'extrême  les  procédés  d'exécution.  Dès  qu'ils 
étaient  sûrs  d'une  clientèle  déterminée,  dès  qu'ils  voyaient  qu'un  genre 
de  figurines  était  souvent  demandé,  ils  créaient  un  type  qu'ils  reprodui- 
saient à  l'infini.  Si  l'usage  ou  plutôt  la  formalité  d'offrir  des  ex-voto 
aux  morts  avait  existe  au  même  titre  que  celui  des  ex  voto  aux  dieux 
dans  les  temples,  on  peut  être  certain  que  les  coroplastes  auraient  ima- 
giné des  types  d'ex-voto  funéraires  comme  ils  ont  imaginé  des  types 
d'ex-voto  religieux.   Us  ne  se  seraient  pas  donné  la  peine  de  s'ingénier 
à  faire  du  nouveau,  à  tirer  des  moules  qu'ils  avaient  en   petit  nombre 
tant  de  figures  variées,  à  combiner  des  motifs  plus  ou  moins  piquants, 
en  un  mot  à  créer  à  force  d'adresse  tout  ce  petit  monde  de  statuettes  fI 
évidemment  destinées  à  amuser  les  regards  des  vivants.  A  quoi  bon  une 
pareille  dépense  d'imagination  et  de  dextérité  s'il  se  fût  agi  simplement 
d'offrir  un  assortiment  d'ex-voto  populaires  à  la  piété  plus  ou  moins 
indifférente  de  ceux  qui,  se  rendant  à  des  funérailles,  voulaient  avoir 
une  terre  cuite  à  jeter  sur  la  tombe? 

La  théorie  de  M.  P.  s'accorde  mal  avec  ce  que  nous  savons  des  mœurs 
funéraires  de  l'antiquité.  L'usage,  du  moins  à  l'origine,  semble  avoir  été 


6x  RliVlU:    CKiTlQUK 

d'ensevelir  avec  ie  dénint  tout  ce  qui  lui  avait  appartenu,  ses  esclaves, 
ses  captifs,  son  cheval,  son  mobilier,  ses  armes,  ses  bijoux.  Avec  le 
temps  l'usage  perdit  de  sa  rigueur,  mais  ne  disparut  pas  entièremeiît. 
On  n'enferma  plus  avec  le  mort  tout  ce  qu'il  avait  possédé,  mais  quel- 
ques souvenirs  de  son  ménage  passé,  des  vases,  un  miroir,  une  boîte  à 
fard,  un  Jouet,  un  bijou,  ou  même  de  simples  reproductions,  sans  va- 
leur et  sans  ronsisiance,  de  ses  bijoux.  M.  P.  constate  lui-même  cet 
usaae  (p.  86'.  Nest-il  nas  naturel  de  considérer  les  terres  cuites  comme 
des  souvenirs  analogues  que  le  défunt  emportait  de  sa  maison  dans  son 
tombeau? 

Le  problème  de  rinterprétation  des  terres  cuites  est  si  complexe  qu'il 
est  diliicile  d'arriver  à  une  solution  qui  s'impose.  Remercions  pourtant 
M.  Potticr  d'avoir  à  son  tour  tenté  l'entreprise.  Remercions-le  su;  tout 
de  nous  avoir  do;":né  un  petit  volume  aussi  intéressant,  aussi  plein  de 
faits  nouveaux  et  d'observations  pénétrantes.  Ce  travail  ne  sera  pas 
moins  goûté  par  le  public  savant  qu'il  l'a  été  comm^  thèse  pai-  la 
Faculté  des  L-cttres. 

.îules  Martha. 


Ten,  von  Lie.  Dr.  Eduard  Grafe.  Brochure    in-8,  de   20  p.   Freibuig  i.  B.  und 
Tûbingen,  1884.  J.  C.  B.  Mohr    Paul  Siebeck).  Prix  :  40  pf. 

On  sait  l'importance  de  la  doctrine  de  la  Loi  dans  le  système  de 
Papôtre  Paul.  Fauteur  exalté  de  la  tradition  Juive  dans  les  temps  qui 
précédèrent  la  crise  connue  sous  le  nom  de  Conversion,  il  en  devient, 
par  un  curieux  revirement,  l'adversaire  le  plus  résolu,  du  jour  où  il  a 
reconnu  le  Christ  ou  Messie  dan.s  la  personne  de  Jésus  de  Nazareth  ré- 
cemment mis  à  mort.  Et  chose  bien  plus  étraîige!  c'est  maintenant  aux 
disciples  authentiques  de  Jésus,  à  ses  apôtres  qu'il  se  trouve  avoir  af- 
faire, prétendant  qu'ils  ont  conservé  à  la  loi  mosaïque  une  valeur  qui 
a  cessé  de  lui  appartenir  par  le  double  fait  de  la  mort  et  de  la  résurrec- 
tion du  Christ. 

Ces  circonstances  diverses  sont  aujourd'hui  bien  éttiblies;  encore  faut- 
il  les  définir  avec  la  précision  que  permettent  les  textes  authentiques  à 
nous  parvenus,  autrement  dit  les  quatre  grandes  épîtres  pauliniennes 
aux  Galates,  Corinthiens  et  Romains.  M.  Grafe,  dans  la  présente  dis- 
sertation, qui  est  un  écrit  àliabilitaîion  à  l'enseignement  dans  la  fa- 
culté de  théologie  de  Berlin,  s'est  attaché  à  élucider  l'idée  de  Loi  en  la 
dégageant  des  éléments  qui  empêchent  de  la  saisir  dans  sa  simplicité. 
Après  avoir  écarté  l'opinion  que  le  mot  v6[;,cç  ait  une  portée  différente 
selon  qu'il  est,  ou  non,  accompagné  de  l'article, —  opinion  qu'ont,  ré- 
cemment encore,  soutenue  Voikmar  et  Holsten,  pour  établir  que  l'apô- 
tre ne  distingue  point  entre  les  portions  rituelles  et  les  portions  morales 


de  la  loi  traditionnelle,  l'écrivain  expose  la  signinoaiion  qiii  convient 
au  mot  et  le  but  assigné  à  la  loi  par  les  documents  ci-dessus  indiqués. 
«  Le  juif  et,  en  un  certain  sens,  le  judéo-chrétien  lui  aussi,  prétendait 
que  ia  loi  avait  pour  objet  de  justiiier  Thomme  devant  Dieu  par  Tac- 
complissement  des  œuvres  de  la  loi;  »  Paul  assure  directement  le  con- 
traire et  nie  la  possibilité  d'une  justification  quelconque  par  le  moyen 
de  la  loi.  II  est  très  curieux  de  voir  l'intrépide  logicien  se  débattre  clans 
la  sorte  d'impasse  où  l'a  jeté  une  antithèse  forcée.  M.  Grafc  expose  avec 
clarté  et  dans  un  ordre  aisé  à  suivre,  les  différents  éléments  du  raisonne- 
ment de  l'apôtre,  déclare  avec  beaucoup  de  sens  que,  selon  les  circon- 
stances, il  ne  faut  pas  s'étonner  de  voir  celui-ci  atténuer  ou,  au  con- 
traire, exagérer  l'expression  de  sa  pensée,  et  il  termine  par  des  considé- 
rations qui  montrent  une  vue  saine  et  dégagée  des  choses.  «  Cette  doc- 
trine Je  ia  loi,  propre  à  Paul,  dit-il,  ne  pouvait  paraître  évidcnie  par 
soi  à  ses  adversaires  judéo-chrétiens  :  cela  se  comprend  parfaitement. 
On  peut  même  penser  que  les  vues  les  plus  justes  sur  la  position  histo- 
rique de  la  loi  se  trouvaient  dans  le  camp  des  contradicteurs  de  l'apô- 
tre. C'est  ainsi,  par  exemple,  que  la  conscience  juive  était  fondée  à  ne 
pas  voir  entre  la  loi  (mosaïque)  et  la  promesse  (faite  à  Abraham)  le  con- 
traste qu'il  y  marquait.  L'aDÔrre  se  mettait  dans  une  situation  sca- 
breuse, en  essayant  de  ruiner  la  loi  par  la  loi  elle-même.  11  était  im- 
possible de  n'être  pas  sensible  à  la  contradiction  d'une  attitude  qui,  du 
même  coup,  nicùntenait  l'autorité  divine  de  l'Ancien  Testament  et  sa- 
crifiait son  sens  historique.  Les  déclarations  de  l'Ecriture  étaient  con- 
stamment alléguées  comme  preuves,  et  en  même  temps  ce  qui  constituait 
le  caracicre  religieux  et  national  particulier  de  celle-ci,  était  condamné. 
—  Il  n'en  reste  pas  moins  que,  par  son  exégèse  allégorico-spirituelle, 
Paul  dépasse  de  beaucoup  ses  contemporains.  Par  son  assertion  fonda- 
mentale de  la  substitution  de  la  foi  à  la  loi  comme  moyen  de  salut, 
l'apôtre  représente  le  noyau  même  du  chiistianisme,  et  c'est  précisé- 
ment par  sa  doctrine  de  la  loi  qu'il  est  devenu  le  plus  grand  des  apôtres, 
le  plus  puissant  fauteur  du  christianisme.  » 

Nous  n'avons  rien  trouvé  de  tout  à  fait  nouveau  dans  cette  dissertation, 
mais  nous  sommes  heureux  d'y  louer  des  qualités  de  justesse,  de  simpli- 
cité, de  bonne  exposition,  dont  les  écrivains  théologiques  de  l'Allemagne 

prenrient  généralement  trop  peu  de  souci. 

M.  'Vernes. 


66  RKVUE    CitriIQUE 

i8.  —  Motes  sur  les  Sivs^es  lîtMi-gîques  tles  diocèses  tl'Auttin,  i;:haIon 
et  Alacon,  avec  un  choix  de  leçons,  d'hymnes  et  de  proses  composées  en 
l'nonneur  de  quelques  saints  spécialement  honorés  dans  ces  diocèses.  Par 
M.  Pellechet,  Paris,  H.  Champion  ;  Autun,  Dejussieu  père  et  fils,  i883.  Gr.  in-S 
de  xij  et  537  PP-»  plus  i   f. 

Malgré  son  titre  modeste,  l'ouvrage  de  M.  Pellechet,  est  un  des  livres 
de  bibliographie  les  plus  extraordinaires  que  nous  ayons  jamais  eus 
entre  les  mains.  L'auteur,  qui  a  sans  doute  poursuivi  ses  recherches 
pendant  de  longues  années,  a  réuni  sur  Tancienne  liturgie  des  trois  dio- 
cèses aujourd'hui  administrés  par  Févêque  de  Langres  des  renseigne- 
ments qui  nous  surprennent  par  leur  étendue  et  leur  variété.  Il  a  lui- 
même  tout  vu,  tout  lu,  tout  recueilli;  il  semble  qu'aucune  bibliothèque 
ne  soit  restée  en  dehors  de  ses  investigations. 

Les  Notes  de  M.  P.  sont  divisées  en  deux  parties;  la  première  con- 
tient une  description  minutieuse  de  226  ouvrages  manuscrits  ou  im- 
primés :  bréviaires,  cérémoniaux,  diurnaux,  graduels,  heures,  missels, 
etc.  ;  la  seconde  est  consacrée  aux  analectes  liturgiques.  Ce  qui  rehausse 
singulièrement  l'intérêt  de  l'ouvrage,  ce  sont  les  renseignements  que 
l'auteur  y  a  fait  entrer  sur  tous  les  personnages  qui  y  sont  cités  à  un 
titre  quelconque.  Ces  notices  révèlent  une  patience  et  une  érudition 
singulières. 

Un  livre  tel  que  celui  dont  nous  parlons  ne  saurait  être  analysé;  c'est 
une  mine  précieuse  de  documents  dont  profiteront  également  ceux  qu'in- 
téresse l'ancienne  liturgie  française,  ceux  qui  étudient  l'histoire  ecclé- 
siastique et  ceux  qui  aiment  la  bibliographie  en  général.  Nous  n'au- 
rions qu'un  reproche  à  faire  à  M.  P.,  c'est  d'avoir  suivi  une  seule  et 
même  méthode  pour  la  description  des  manuscrits,  des  incunables  et  des 
imprimés  postérieurs  au  xv*"  siècle;  mais  il  confesse  lui-même  son  er- 
reur avec  une  bonne  grâce  qui  nous  dispense  d'insister  sur  ce  point. 

Nous  nous  contenterons  de  quelques  observations  de  détail,  qui 
prouveront  à  l'auteur  que  nous  avons  véritablement  lu  son  livre. 

P.  36.  —  Le  Breviarum  Cabillonense  ne  peut  appartenir  au  xv^  siè- 
cle, puisqu'il  sort  des  presses  d'Henri  Estienne,  qui  ne  commença 
d'exercer  qu'en  002;  il  ne  doit  pas  être  antérieur  à  i5o6  ou  i5o8. 
Le  Pierre  Le  Goux,  qui  fit  imprimer  ce  bréviaire  est  probablement 
celui  qui  traduisit  en  vers  français  le  Psautier  que  composa  le  glorieux 
saint  Hierosme  a  l'honneur  de  la  glorieuse  vierge  Marie  (Paris,  An- 
toine Verard,  s.  d.,  in-4.)  '. 

P.  70.  —  Jehan  Higman  exerçait  encore  en  i5oo,  année  où  nous  lui 
voyons  imprimer  un  Missale  Carnotense  (Biblioth.  nat.,  Inv.  B.  1753. 
Rés.). 

P.    72,    ~    Le   poème   français    placé    en   tête    des    Horae    Cabil- 

lonenses  : 

Du  hault  rocher  de  vraye  éternité, 

I.  Voy.  Du  Verdier,  éd.  Rigoley  de  Juvigny,  III,  282. 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURH  (jj 

se  trouve  avec  le  nom  de  «  maistre  Charles  Morel  »  au  fol.  14,  v°,  d'un 
ms.  quia  iiguré  en  1881  à  la  vente  delà  collection  F.  Didot  (Cat., 
n°  27);  il  se  trouve  également,  sans  nom  d'auieur  cette  fois,  à  la  fin  d'un 
ouvrage  de  Martial  d'' Auvergne,  les  Mattines,  en  Jrancoys,  nouvelle- 
ment faittes  sur  la  généalogie  et  vie  Nostre  Dame  (s.  1.  n.  d.,  mais 
Lyon,  vers  1490,  in-4.  goth.). 

P.  84.  —  Les  Instructions  des  cure\  et  vicaires  pour  faire  le  prosne 
doivent  être  celles  de  Gerson,  souvent  jointes  aux  éditions  des  Statuta 
synodalia.  Qï.  Revue  critique,  1881,  î,  214. 

P.  87.  —  Le  Manuale  curatorum  Eduense  compte  en  réalité  1 18  ff. 
et  non  117,  parce  qu'il  y  a  deux  ff.  cotés  ici.  La  notice  De compoto  qui 
est  chiffrée  120  est  bien  le  8°  des  ff.  liminaires;  mais  il  est  possible 
qu'elle  ait  été  composée  pour  figurer  à  la  fin  d'un  autre  volume,  conte- 
nant i20  ff.,  qu'il  y  aurait  lieu  de  rechercher. 

P.  143.  —  M.  P.  n'a  pu  se  procurer  de  renseignements  précis  sur 
une  édition  des  Officia  propria  Matisconensia  publiée  en  1601 .  On  en 
trouverait  peut-être  dans  les  Ordonnances  générales  faictes  par  Mgr 
le  reverendissime  evesqiie  de  Mascon  pour  le  règlement  de  son  diocèse 
(Lyon,  Pillehotte,  1602,  in-8)  ^  Il  est  probable  que  les  Officia  furent 
de  même  imprimés  à  Lyon. 

P.  i5o.  —  Le  Catalogue  de  la  Bibliothèque  municipale  de  Bor- 
deaux (Jurisp.  2686)  cite  le  Recueil  des  Ordonnances  sinodales  du 
diocèse  de  Chalon  à  la  date  de  1700.  —  Ajoutons  que  le  libraire  lyon- 
nais Jean  Certe  exerçait  dès  l'année  1672.  A  cette  date  il  publia  V Ex- 
plication des  cérémonies  de  la  grande  messe  de  paroisse,  selon  l'usage 
romain^  de  J.-J.  Olier,  in- 12  (même  catalogue,  Théol.  1748). 

P.  227.  —  M.  P.  nous  donne  une  foule  d'indications  précieuses  sur 
le  culte  de  saint  Lazare  en  France  et  spécialement  à  Autun.  Il  eût  été 
curieux,  ce  nous  semble,  de  dire  quelques  mots,  sinon  des  innombra- 
bles drames  religieux  dans  lesquels  figure  le  personnage  ressuscité  par 
le  Christ,  au  moins  du  mystère  représenté  à  Autun,  en  i5i6,  avec  un 
luxe  extraordinaire.  Barthélemi  de  Chasseneuz  nous  a  donné  une  cu- 
rieuse description  du  théâtre  construit  à  cette  occasion  dans  la  cité 
éduenne  '';  le  même  auteur  nous  a  conservé  ^  une  hymne  composée 
alors  par  Pierre  Turrel  ^  Voici  le  commencement  de  ce  second  passage, 
qui  eût  été  à  sa  place  dans  les  analectes  liturgiques  : 

I.  Biblioth.  munie.  d'Amiens,  Th.  1914. 
■2..Calalof;usGloriaemundi,éi.(^ç.'LYon,  Georges Regnauit,  1546,  in-fol.,  fol.  233  d. 

3.  Ibid.,  fol.  296  b. 

4.  Sur  Pierre  Turrel,  voy.  La  Croix  du  .Maine,  éd.  Rigoley  de  Juvigny,  II,  327; 
Du  Verdier,  III,  347.  —  Aux  ouvrages  cités  par  les  deux  bibliographes  on  peut 
ajouter  :  1°  La  grant  Pvonostication  avec  Valmcmacli,  bien  au  long  calculée  pour 
l'an  mil  ccccc  et  xxiij,  pièce  imprimée  par  Pierre  Grangier  à  Dijon,  in-4,  ^t  dont 
la  Bibliothèque  nationale  ne  possède  que  le  titre  (Rés.  p.  V  1661;  2°  une  autre 
pronostication  :  C'est  ce  que  sera  par  les  influences  célestes,  présent  l'an  mil 
ccccc.  xxxiii,  etc.,  dont  on  trouvera  la  description  dans  le  Supplément  au  Manuel 
du  libraire,  II,  8t5. 


68  KKVîJ!i    CK!I!Qi;h 

«  Suut  et  ibi  [Heduae]  reliquiae  sanctorum,  praecipue  corpus  sancti 
Lazari,  ad  quem  recurrunt  plures  morbo  gravati  et  sanantur,  faciesque 
peregrinis  devotis  ostenditur.  Cujus  zoilogia  (prout  ab  Heduis  anno 
Domiiii  i5i6  in  amplissimo  theatio  per  varias  personas  ]usa  fuit  in 
mense  Augusto),  carminé  saphico  adonioque  aedita  a  Petro  Turrello 
Heduensi,  viro  undequaquam  literatissimo,  sequitur  : 

«Reihores  Gallamj^taceant  ad  aram, 
Naviget  quo  vult  Ararim  Sedunus, 
Nec  virens  sacra  druydes  célébrant 

UHce  viscum. 
«  Sed  suum  pairem  recolet  beatum 
Coelicis  toto  modulis  in  orbe 
Lazarum  tristi  phaeretro  ievatum 

Hedua  felix.  » 

L'iiymne  est  composée  de  33  strophes  ;  à  la  suite  viennent  5  disti- 
ques rappelant  les  diverses  fêtes  de  saint  Lazare  célébrées  dans  l'église 
d'Autun  : 

1  Hinc  sequuntur  La:{aralia  qiiae  in  praedicta  ecclesia  cele- 
brantur  : 

«  Haec  tibi  sacra  tuliî  ceiebranda  Sydonius  héros, 
Augusludune  qui  f'ovet  aedis  opes. 

Resurrectio. 

«  Divus  ab  Elyseis  revocatur  Lazarus  oris, 
Aurea  dum  verno  vellera  sole  tepent. 

Passio. 

«  Lazarus  extrema  truncatus  morte  quiescit, 
Cum  sacer  Erigonis  sydera  Phaebus  agit. 

Revelatio. 
«  Vult  quoque  Lazarias  celebrandum  Humbertus  ad  aedes 
Cum  nocuam  clarus  lustrât  Apollo  Ncpam. 

Translaiio. 

«  Denique  thuricremas  jubct  ire  Gerardus  ad  aras 
Frigida  brunalis  dum  struit  Egla  nives. 

Finis.  >i 

Barthéiemi  de  Chasseneuz  fait  suivre  ces  deux  pièces  d'assez  longs 
détails  sur  les  églises  d'Autun. 

P.  283.  —  Aux  renseignements  très  complets  et  très  curieux  que 
M.  P.  nous  donne  sur  le  culte  de  saint  Léger  en  France  et  en  Suisse, 
on  peut  ajouter  la  mention  d'un  mystère  français  Joué  à  Béthune  en 
i5i9  ',  et  celle  d'une  tragédie  allemande  représentée  à  Lucerne  en 
1606  ". 


1.  La  Fons  de   Mélico;q,    ap.   Giiampollio  i-Kigeac,    Documents  historiques,   IV, 
329. 

2.  Tragtxdie  voin  iicilis^en  Lcodegar,   ms.   à  la   Bibliotlicque  municipale  de   Lu- 
cerne,  n»   284.  Voy.  le   P.  Gail  Moiel  dans  le  GeschiclUsfreund,  XVII,  I25;XX1II, 


d'histoire    et    de    f.ITTÉRATUUH  69 

On  pourrait  citer  de  même  un  cerlain  nombre  d'ouvrages  dramati- 
ques ayant  pour  objet  la  vie  de  la  Madeleine,  celle  de  sainte  Marthe, 
de  saint  Symphorien  et  de  saint  Vincent. 

P.  40Î.  —  Un  ms.  des  Annales  Provinciae  est  conservé  à  la  Biblio- 
thèque Méjanes,  à  Aix  (n"  5o6). 

La  table  des  matières  qui  termine  les  Notes  de  M.  Pellechet,  bien  que 
déjà  fort  copieuse,  gagnerait  à  être  encore  augmentée.  On  pourrait  y 
ajouter  bien  des  noms  que  l'auteur  cite  en  passant,  par  exemple  les 
suivants  :  Balard  (Amédée),  177;  Boucher  (Guill.\  177;  Chasauk 
(Jehan  de),  52;  (Philibert  de),  52;  Clic  (Philippe),  177;  Dignot  (Nico- 
las),  52,  etc. 

Emile  Picot. 


ig.  _  Frédéric  II  et  Louis  XV,  d'après  des  documents  nouveaux,  1742-1744, 
par  M.  le  duc  de  Broglie.  Paris,  Calmann  Lévy,  i885,  2  vol.   in-S,  418,'- 443  p. 

Ces  deux  volumes,  bien  que  publiés  sous  un  titre  particulier,  sont  la 
continuation  immédiate  des  belles  études  dont  la  première  partie,  FreWe- 
rie II  et  Marie-Thérèse,  avait  eu  un  si  juste  retentissement.  En  réalité, 
c'est  une  Histoire  de  la  guerre  de  succession  d'Autriche  que  compose 
M.  le  duc  de  Broglie;    à  la  façon  dont  le  récit  s'ancte  et  dont  l'iulc- 
rêt  demeure  suspendu,   à  la  fin  du  dernier  volume   paru,  nous  avons 
lieu  d'espérer  que  la  suite  ne  se  fera  pas  trop  attendre.  C'est  l'histoire 
d'une  des  périodes  les  plus  intéressantes  du  xviii<'  siècle,  et  c'est  de  l'his- 
toire puisée  directement  aux  sources,  très  étudiée   dans  le  détail,  très 
liée   dans   l'ensemble,   très    littéraire   enfin,  comme  doit    l'ccre  l'his- 
toire pour  accomplir  son  rôle  et  marquer  les  grandes  époques  dans  la 
mémoire  des  hommes.  Je  ne  puis  que  répéter,  à  propos  de  ces  deux 
volumes,   ce  que  j'ai  dit  des  précédents.   Il  semble  même  qu'avec  le 
progrès  des  événements,  Tailure  du  récit  s'en  va  toujours  plus  vive  et 
plus  dégagée.  On  ne  peut  écrire  mieux  sur  un  temps  où  l'on  écrivait  si 
bien,   ni  parler  plus  spirituellement  de  gens  qui  avaient  tant  d'esprit. 
L'auteur,  qui  est    fort    expert  en  cette  escrime,  n'avait   jamais   livré 
d'assaut  plus  redoutable  que  celui  dans  lequel  il  affronte  le  maître  des 
maîtres  :  je  veux  parler  du  chapitre  consacré  à  la  Mission  de  Voltaire 
à  Berlin  [II,  p.  i).  Voltaire  fut  médiocre  en  cette  aventure,  et  le  grand 
railleur  se  trouve  ici  réduit  à  la  parade.  11  fut  dupe,  et  il  le  fut  surtout  de 
sa  vanité.  M.  le  duc  de  B.  est  impitoyable  pour  lui.  Je  ne  répondrais  pas 
qu'il  n'y  ait  apporté  une  complaisance  particulière,  qu'il  n'ait  été  bien  aise 
de  se  venger  du  philosophe  aux  dépens  de  l'agent  improvisé,  et  qu'il  ne 
mêle  à  l'inimitié  naturelle  du  croyant  pour  le  sceptique  le  dédain  du 
grand  seigneur  diplomate  pour  l'homme  de  lettres  qui  se  fourvoie  dans 
les  négociations  et  n'y  réussit  point.  Le  persifleur  est  ici  persiflé,  comme 
il  en  usait  lui-même   avec  ses  adversaires,  c'est  à-dire  sans  pitié.  Les 


yO  REVUH.    CUITIQUK 

coups  portent,  l'histoire  ne  peut  que  donner  raison  à  la  critique.  M.  le 
duc  de  B.  a  complété  son  récit  par  un  appendice  (II,  p.  401),  qui  con- 
tient, à  titre  de  preuves,  les  parties  inédites  de  la  correspondance  politi- 
que de  Voltaire.  C'est  un  ragoût  pour  les  curieux,  mais  les  curieux 
avisés  trouveront  peut-être  encore  un  peu  de  malice  dans  cette  publi- 
cation. 

Frédéric  et  Marie-Thérèse  n'occupent  plus,  comme  dans  les  précé- 
dents volumes,  le  devant  de  la  scène.  L'action  se  déplaceet  s'arrête  long- 
temps en  France.  Les  tableaux  sont  plus  variés  :  on  passe  de  Tarmée  à 
la  cour,  les  batailles  et  les  intrigues  de  palais  varient  Texposé  des  négo- 
ciations. Frédéric  est  étudié  avec  la  même  antipathie  clairvoyante, 
Marie-Thérèse  avec  la  même  sympathie  respectueuse;  mais,  bien  que  ce 
ne  soit  qu'une  nuance,  il  me  semble  que,  dans  ces  volumes,  M.  le 
duc  de  B.,  tout  en  demeurant  justement  sévère  pour  Frédéric  et  un  peu 
arbitrairement  indulgent  pour  Marie-Thérèse,  met  plus  volontiers  en 
lumière  chez  Frédéric  la  profondeur  des  desseins  et  l'habileté  supérieure 
de  l'exécution,  chez  Marie-Thérèse  l'âpreté  du  sang  autrichien  et  les 
arrière-pensées  de  calcul.  (Cf.  par  exemple  I,  p.  248.)  Il  y  avait  là,  pour 
un  écrivain  aussi  consommé,  de  beaux  motifs  de  contraste  et  d'opposi- 
tions de  couleur,  entre  la  chancellerie  militaire  de  Frédéric,  l'oratoire 
diplomatique  de  Marie -Thérèse  et  le  licencieux  harem  où  Louis  XV 
commençait  de  ruiner,  avec  la  royauté,  la  fortune  de  la  France.  L'auteur 
ne  pouvait  se  dispenser  d'entr'ouvrir  au  moins  et  de  résumer  en  quel- 
ques traits  cette  chronique  cynique.  Ul'a  fait  avec  une  entière  liberté 
d'esprit,  et  dans  la  mesure  juste  qui  convenait  à  son  sujet.  (Cf.  I, 
p.  2o3.)  La  politique  s'est  trouvée,  en  effet,  mêlée  et  très  intimement  à 
l'histoire  des  multiples  incestes  de  main  gauche  qui  firent  entrer,  comme 
on  disait  en  style  noble,  «  au  lit  du  Roi  )^  les  trois  soeurs  de  Nesle.  Cette 
méchante  pièce,  où  Richelieu  joua  les  valets  complaisants  et  que  M.  le 
duc  de  B.  appelle  finement  la  comédie  du  Roi  malgré  lui,  est  racontée 
avec  entrain  (I,  p.  2i3);  les  suites  en  sont  tour  à  tour  plaisantes  et 
lugubres,  pleines  d'opprobre  et  pleines  de  ridicule.  Le  voyage  de  Metz, 
le  faux  départ  pour  la  guerre,  la  maladie,  la  confession,  la  pénitence  du 
roi,  les  restrictions  mentales,  les  espérances  de  la  favorite  et  de  ses  amis, 
rémotion  si  touchante  du  public  et  de  l'armée,  leur  indignation  après 
la  palinodie,  toute  cette  histoire,  qui  tient  du  roman,  est  exposée  en 
traits  rapides,  entremêlés  de  réflexions  qui,  pour  être  sobres,  n'en  por- 
tent pas  moins,  partant,  comme  elles  le  font,  d'un  sentiment  très  élevé. 
(Voir  par  ex.  II,  p.  Sgi-SgS.)  Le  lecteur,  j'en  suis  sûr  comme  l'auteur 
lui-même,  s'arrêtera  plus  volontiers  aux  nobles  et  consolants  tableaux 
que  présente  Tarmée  française.  C'est  une  belle  page  de  nos  annales  mi- 
litaires que  celle  delà  retraite  de  Prague  (I  ch.  I)  ;  on  ne  peut  lire, 
sans  s'associer  à  la  pensée  qu'elles  expriment,  ces  lignes  qui  forment, 
sur  cet  épisode,  la  conclusion  de  M.  le  duc  de  Broglie  (I,  p.  iSg)  :  «  Si 
parmi  ceux  qui  jetteront  les  yeux  sur  ces  pages,  il  est  des  combattants 


d'histoire    et    DR    LITTÉRATURE  JI 

de  nos  dernières  guerres  qui  aient  subi  le  supplice  d'un  siège  soutenu 
sans  espérance  et  terminé  par  une  capitulation  sans  conditions,  s'il  en 
est  qui  aient  été  traînés  captifs  et  désarmés  sur  les  rives  glacées  de  PElbe 
ou  de  l'Oder,  ceux-là,  j'en  suis  sûr,  estimeront  heureuse  l'armée  qui 
avait  trouvé  un  général  décidé  à  la  soustraire,  n'importe  au  prix  de 
quels  hasards,  à  ces  dernières  insultes  de  la  fortune.  En  mémoire  de  ce 
qu'ils  ont  souffert,  ils  accorderont  à  la  résolution  virile  qui  sauva,  ce 
jour-là,  l'honneur  des  armes  françaises,  un  retour  de  justice  et  de  re- 
connaissance. )i  Le  tome  I  prend  les  événements  au  mois  de  juil- 
let 1742,  le  tome  II  s'arrête  à  l'été  de  1744- 

Albert  Sorel. 


20.  —  Umberto  Ronca.  La    Seccliîa    Rapîta  d'Alessaitdi'o  Xassoni.  Studio 
critico.  Caltanisetta.  1884,  in- 12,  i54  pages.  Prix  :  2  fr.  5o. 

La  Secchia  Rapita,  suivant  le  mot  de  Carducci,  que  M.  Umberto 
Ronca  a  pris  pour  épigraphe  de  son  livre,  «  ferme  le  cycle  des  épopées 
en  Italie,  »  en  même  temps  qu'elle  inaugure  une  ère  nouvelle  pour  la 
littérature  nationale;  on  comprend  l'intérêt  et  l'attrait  que  présente  une 
oeuvre  de  cette  importance;  objet  déjà,  de  la  part  de  M.  Carducci,  d'une 
étude  pleine  d'aperçus  ingénieux,  elle  a  tenté  à  son  tour  M.  U.  R.  et, 
dans  l'essai  dont  on  vient  de  lire  le  titre,  il  s'est  efforcé  de  iaire  encore 
mieux  connaître  et  apprécier  ce  poème  original  et  singulier. 

Après  avoir  caractérisé  par  quelques-unes  de  ses  œuvres  Tassoni, 
cette  «  figure  aux  traits  fortement  marqués  »,  et  essayé  de  fixer  la  date 
encore  incertaine  de  la  composition  de  la  Secchia  Rapita,  —  il  prouve 
que  déjà,  en  1612,  les  six  premiers  chants  étaient  achevés,  et  que  les 
deux  suivants  et  derniers  le  furent  entre  1617  et  1618,  —  M.  U.  R. 
étudie  en  lui-même  ce  poème  étrange,  où  se  mêlent  et  se  confondent 
les  traditions  payennes  et  chrétiennes,  les  souvenirs  de  l'histoire  natio- 
nale et  les  réminiscences  de  l'épopée  chevaleresque,  mais  aussi  où  aucune 
de  ces  grandes  choses  n'est  prise  au  sérieux  et  où  une  ironie  moqueuse 
et  impitoyable  s'attache  à  les  rabaisser  au  niveau  de  la  vie  commune. 
Monde  des  héros  et  des  dieux,  rien  n'a  trouvé  grâce,  en  effet,  devant 
Tassoni,  et  s'il  a  recours  aux  légendes  de  l'ancienne  poésie,  ce  n'est 
pour  lui  qu'une  matière  à  exercer  sa  verve  comique. 

Cette  ironie  que  l'auteur  de  la  Secchia  Rapita  a  répandue  sur  toute 
son  œuvre,  avait  depuis  longtemps  déjà  fait  son  apparition  dans  la  litté- 
rature italienne;  elle  éclate  dans  les  poèmes  du  Puici,  du  Boiardo,  de 
l'Arioste,  signe  manifeste  du  doute  qui  régnait  alors  dans  les  âmes,  des 
incertitudes  et  du  malaise  d'une  époque  de  transition.  L'épopée  héroï- 
que se  survivait  à  elle-même  parce  que  rien  ne  subsistait  de  ce  qui  en 
avait  fait  l'inspiration  ou  en  avait  été  la  raison  d'être,  et  que  la  foi 
manquait  en  ces  souvenirs  glorieux  d'un  passé  maintenant  incompris  ; 


72  REVUE    CKITIQUB 

de  là  la  faiblesse  des  poèmes  chevaleresques  composés  à  la  fin  du  xv«  ou 
pendant  la  première  moitié  du  xvi°  siècle.  Le  Tasse  le  comprit  bien, 
puisque,  après  son  Renaud,  il  renonça  aux  légendes  héroïques  qu'il 
avait  entrepris  d'abord  de  mettre  en  œuvre,  pour  aborder  un  sujet  his- 
torique; la  Jérusalem  Délivrée  marque  ainsi  une  transformation  nou- 
velle de  l'épopée  italienne,  mais  elle  en  fut  en  même  temps  le  dernier 
épanouissement  et  la  fin.  Tassoni,  dans  laSecchia  Rapita,  vint  rappeler 
aux  poètes  qui,  comme  Chiabrera.  voulurent  marcher  sur  les  traces  du 
Tasse,  que  le  temps  de  l'épopée  était  passé. 

On  comprend  sans  peine  que  cette  œuvre  qui  réagissait  ainsi  contre 
des  tendances  toujours  vivaces,  qui  heurtait  des  traditions  poétiques 
aussi  anciennes  que  respectées,  dut  étonner  les  contemporains  et  qu'elle 
a  pu  être  l'objet  de  jugements  bien  divers  de  la  part  de  la  postérité.  Née 
à  une  époque  de  troubles  intérieurs  dont  Tassoni  avait  été  le  témoin 
attristé,  on  a  cru  y  voir  la  satire  des  divisions  intestines  qui  avaient 
causé  la  rusne  de  ritalie;  M.  U,  R.  accorde  bien  que  Tassoni  a  voulu 
faire  la  satire  des  discordes  de  sa  patrie,  mais  il  l'a  lait,  dit-il,  non  pour 
amener  ses  compatriotes  à  faire  un  retour  sur  eux-mêmes,  mais  seule- 
ment pour  les  faire  rire  et  les  divertir;  la  Secchia  Rapita  aurait  eu  ainsi 
un  caractère  purement  négatif  et,  au  lieu  de  donner  une  vie  nouvelle  à 
la  poésie  déchue,  elle  en  aurait  rendu  impossible  le  relèvement.  Soit  : 
mais  comment  prétendre  après  cela  que  Tassoni  a  montré  aux  poètes 
contemporains  «  comment  il  fallait  traiter  avec  vraisemblance  et  une 
dignité  vraiment  héroïque  un  sujet  grave  et  important  »?  L'auteur  de 
la  Secchia  Rapita  se  louait  avec  une  complaisance  marquée  d'avoir  fait 
un  poème  d'un  genre  nouveau;  M.  U.  R.,  qui  le  rappelle  et  en  recon- 
naît la  vérité,  s'est  attaché  à  marquer  ce  qui  distingue  l'œuvre  de  Tas- 
soni de  celle  des  autres  poètes  de  son  époque;  ce  qui  surprend,  c'est 
qu'il  n'ait  point  songé  à  le  comparer  à  ses  imitateurs  étrangers,  Boileau 
et  Pope.  Malgré  ce  qu'il  y  a  parfois  de  froide  rhétorique  dans  son 
poème,  Tassoni  leur  est  évidemment  supérieur  par  l'heureux  emploi 
des  traditions  poétiques  et  par  la  peinture  des  caractères.  Le  Culagna  de 
la  Secchia  Rapita  entre  autres,  que  M.  U.  R.  rapproche  avec  raison  de 
l'Astolfo  du  Pulci,  du  Boiardo  et  de  Y Orlandino  de  l'Arétin,  est  une  des 
figures  les  plus  originales  de  la  poésie  italienne  moderne,  et  rien  ne 
saurait  lui  être  comparé  dans  le  Lutrin  ou  Y  Enlèvement  de  la  boucle  de 
cheveux.  C'est  par  des  créations  semblables  que  la  Secchia  Rapita  «  mar- 
que, comme  le  dit  M.  U.  R.,  un  progrès  de  l'esprit  italien,  et  qu'elle 
témoigne  d'un  sentiment  plus  vrai  de  la  réalité  j). 

Je  termine  par  cette  citation  l'examen  de  l'essai  de  M.  Umberto 
Ronca;  si  on  peut  lui  reprocher  quelques  longueurs,  on  doit  recon- 
naître aussi  qu'il  a  étudié  avec  amour  son  sujet,  et  qu'il  en  a  examiné 
avec  soin  toutes  les  faces  :  il  ne  restera  après  lui  que  bien  peu  de  choses 
à  dire  sur  un  poème  qui  fait  époque  dans  l'histoire  de  la  littérature  ita- 
lienne et  qui  a  inspiré  à  Boileau  un  de  ses  chefs-d'œuvre,         Ch.  J, 


i)  !<  ibiOiKfc,     m     ÙiL    LU  iEH.MVïic 


21.  —  Albanesîselie  Stuilîen,  von  Gustav  Meyer.  —  I.  Die  Pluralbildungen 
der  Albanesischen  Nomina,  in-8,  io8  pp.  —  II.  Die  Albanesischen  Zahlwœrter, 
in-S,  82  pp.  —  Wien,  G.  Gerold,  18S3-84. 

Ces  deux  intéressantes  monographies  inaugurent  une  série  d''études 
où  pour  la  première  fois  les  principes  phonétiques  de  l'école  néo-gram- 
maticale seront  appliqués  à  la  solution  du  problème  albanais.  D'impor- 
tants résultats  sont  acquis  dès  à  présent  :  on  sait  à  n'en  pas  douter  que 
l'albanais  appartient  à  la  branche  européenne  de  la  famille  indo- 
germanique; d'incontestables  affinités  permettent  en  outre  de  le  rattacher, 
au  moins  provisoirement,  au  rameau  septentrional,  et  la  vieille  hypo- 
thèse de  la  descendance  pélasgique  (?)  des  Albanais  n'est  plus  guère  sou- 
tenable  aujourd'hui,  si  Ton  ne  veut  voir  dans  les  Pélasges  les  ancêtres 
communs  des  Slaves  et  des  Germains.  Maisaucune  des  langues  de  notre 
famille,  sans  en  excepter  celle  des  Tsiganes,  ni  même  peut-être  ces 
idiomes  éteints  de  TAsie  Mineure  dont  il  ne  nous  reste  que  d'informes 
fragments  épigrapi:iiques,  n'est  plus  difficile  à  classer  que  la  langue  al- 
banaise, et  l'on  s'en  convaincra  en  lisant  les  longues  listes  de  mots 
d'emprunt  que  M.  Gustav  Meyer  a  dressées  dans  la  première  de  ses 
Etudes.  Latin,  italien  ou  roumain,  turc,  grec,  serbe  ou  bulgare,  l'alba- 
nais a  pris  de  toutes  mains  :  son  le.Kiqueet  même  sa  grammaire  ressem- 
blent à  un  travail  de  marqueterie,  et,  à  ciiaque  corrélation  qu'on  décou- 
vre, se  pose  la  question  de  savoirs!  l'on  a  affaire  à  une  affinité  primitive 
ou  à  un  emprunt  récent. 

Cette  question,  M.  G.  M.  la  résout  très  souvent  avec  bonheur;  mais 
i'étymologie  pure  n'occupe  dans  son  œuvre  qu'une  place  accessoire. 
Sa  première  Etude  est  surtout  morphologique  :  il  y  analyse  les  diverses 
désinences  plurales,  soit  indigènes,  soit  exotiques,  qu'admet  la  gram- 
maire albanaise,  et  montre  par  de  nombreux  exemples  comment  ces 
désinences  s'affixent  indistinctement  aux  noms,  exotiques  ou  indigènes, 
préalablement  classés  selon  la  finale  du  thème.  Il  résulte  de  cet  examen 
très  minutieux  que  l'albanais  possède  jusqu'à  dix  formations  plurales 
d'origine  différente  (I,  p.  go  sq.),  parmi  lesquelles  on  remarque  un  plu- 
riel pcriphonique  tout  à  fait  analogue  à  celui  de  l'allemand  moderne. 

Le  titre  de  la  seconde  Etude  la  rattacherait  également  à  la  morpho- 
logie; pourtant  ici  c'est  la  phonétique  qui  lient  k  premier  rang.  Le 
temps  est  loin  où  Von  croyait  avoir  à  peu  près  tout  lait  pour  l'étude 
des  noms  de  nombre  indo-européens,  quand  on  les  avait  proprement 
disposés  en  colonnes  où  figurait  même  le  polynésien  rua  en  regard  du 
latin  duo.  Dans  le  mémoire  de  M.  G.  M.  la  comparaison  des'  noms  de 
nombre  euLrc  eux  ùisparait  en  quelque  sorte  derrière  l'étude  appro- 
fondie des  équivalences  phonétiques  que  cette  comparaison  l'amène  à  dé- 
couvrir :  traitement  de  la  gutturale  palatale  (p.  yb  sq.),  par  lequel  l'alba- 
nais se  rapproche  du  slave;  traitement  de  la  nasale  sonante  indo-euro- 
péenne fp.  25)  ;  permutation  de  l'explosive  dentale  en  spirante  [th  anglais 
doux,  p.  28  sq.);   nasalisation  des  voyelles,  spéciale  ou  dialecte  guègue, 


74  RKVL'E    CRITIQUE 

et  particulièrement  fréquente  dans  celui  de  Scutari  (p.  53  sq.).  C'est  là 
le  côté  original  et  vraiment  fécond  des  recherches  du  savant  helléniste; 
car  sur  l'origine  des  numéraux  albanais  nous  apprenons  en  somme  assez 
peu  de  chose.  On  sait  combien  présentent  d'obscurités  ceux  des  langues 
indo-européennes  même  les  mieux  connues,  à  plus  forte  raison  ceux 
d'une  langue  toute  moderne,  de  plusieurs  desquels  on  ne  saurait  dire 
au  juste  s'ils  appartiennent  au  fonds  indo-européen  primitif  ou  s'ils  sont 
empruntés  à  quelque  idiome  voisin.  Ne  le  regrettons  pas  trop  :  l'ex- 
plication de  telle  ou  telle  forme  énigmatique  isolée  n'offre  guère  qu'un 
intérêt  de  curiosité;  elle  est  prématurée  d'ailleurs,  tant  que  les  carac- 
tères généraux  du  langage  n'ont  pas  été  déterminés.  M.  G.  M.  a  donc 
bien  fait  d'ajourner  la  solution  d'un  grand  nombre  de  questions,  qui 
se  résoudront  d'elles-mêmes  le  jour  où  sera  mieux  connue  la  phoné- 
tique albanaise  dont  il  s'est  appliqué  à  asseoir  les  fondements. 

Quelques  erreurs  d'impression  qui  s'étaient  glissées  dans  la  première 
Etude  ont  été  relevées  à  la  fin  de  la  seconde  :  dans  les  mots  oisk 
(p.  19),  orom  (p.  37),  drwnén  (p.  52)  et  oikûV  (p.  67),  l'initiale  est  une 
spirante  interdentale,  et  non  un  s'mple  d.  C'est  là  la  seule  correction 
importante  au  point  de  vue  phonétique. 

Nous  imiterons  la  réserve  de  l'auteur  en  ne  nous  appesantissant  pas 
sur  les  observations  de  détail. 

I,  p.  25  :  ah  =  gr.  ri-/6).  M.  G.  M.  avoue  que  l'a  albanais  rend  cette 
étymologie  fort  douteuse.  Elle  paraît  même  tout  à  fait  invraisemblable  à 
qui  songe  que  Ï-q  du  grec  moderne  est  un  i.  Si  donc  le  mot  n'appartient 
pas  au  fonds  albanais  primitif,  il  n'a  pu  être  emprunté  qu'à  un  dialecte 
grec  011  l'a  long  s'était  maintenu.  Sans  doute  il  n'y  a  point  jusqu'à  pré- 
sent d'exemples  certains  d'emprunts  de  l'albanais  au  grec  ancien;  mais 
de  pareils  emprunts  n'en  demeurent  pas  moins  possibles  et  même  pro- 
bables. Sait-on  d'ailleurs  jusqu'à  quelle  époque,  peut-être  peu  distante 
de  la  nôtre,  les  dialectes  non  ioniens  de  la  Thessalie  septentrionale 
ont  pu  sporadiquement  survivre  à  l'invasion  de  la  y.otvïi? 

1,  p.  2-'  :  argdt  =  èp-j'ccTY]?  suggère  une  réflexion  analogue  en  nous 
reportant  aux  dialectes  grecs  (éléen,  locrien),  où  l'e  se  nuançait  en  a 
sous  l'influence  d'un  p  subséquent  '. 

I,  p.  52  :  drapen=^  opir.T/o-K  V.  infra,  II,  p.  35. 

I,  p.  6r  :  né?'  (homme)  donné  sans  preuves  comme  mot  albanais;  en 
présence  de  l'extrême  rareté  des  représentants  européens  de  Farien  nar- 
(on  sait  que  M.  Bréal  conteste  l'ombrien  nerf)^  on  pourrait  également 
conjecturer  un  emprunt  du  grec.  Toutefois  les  faits  recueillis  IL  p.  18- 
19,  semblent  confirmer  l'opinion  de  M.  Gustav  Meyer. 

II,  p.  9.  —  Aux  cas  d'emprunt  de  numéraux  réunis  par  M.  G.  M.  on 
peut  ajouter  les  faits  suivants  :  dans  la  langue  ottomxane  les  numé- 
raux arabes  ou   persans  sont  presque  tous  usités  concurremment  avec 

I.  Cf,  Havet,  Mém.  Soc.  ling.,  Il,  p.  167  sq.  —  avgatis  spricht  man   auch  heute 
z.  B.  in  Epirus  und  in  Lokris  (Krumbacher,  K,  Z.  xxvn,  p.  5 19  i.  n.). 


d'hiSToire  et  d:-;   littér-.tl;r!-.  j5 

les  numéraux  turcs,  les  fractions  s'expriment  jusqu'aux  dixièmes  par 
par  des  formules  dont  le  numérateur  est  turc  et  le  dénominateur  arabe, 
et  le  persan  cjorek  {1/4)  est  d'un  emploi  vulgaire,  surtout  dans  le  sens 
de  t  un  quart  d'heure   » 

II,  p.  28.  —  M.  G.  M.  montre  fort  bien  !a  scission  du  d  indo-euro- 
péen en  explosive  [d)  et  spirante  (B)  albanaises;  mais  il  ne  paraît  pas 
prendre  souci  de  savoir  en  vertu  de  quelle  loi  cette  scission  s'est  opérée. 
D'après  les  exemples  cités  il  semble  que  la  permutation  en  spirante  se 
produise  surtout  à  la  médiale. 

II,  p.  35.  —Si  Va  de  drapen  i^faux)  exclut  Fliypothèse  d'un  emprunt 
hellénique,  il  ne  s'oppose  pas  moins  au  rapprochement  imméaiat  du 
gr.  cpé-avov  avec  Talbanais  drapen  ou  drapi  envisagé  comme  légitime  ; 
en  effet  l'albanais  reproduit  ordinairement  avec  la  plus  grande  fidélité 
l'e  européen.  Il  faut  donc,  ou  bien  qne  drapen  ait  été  emprunté  à  un 
dialecte  où  le  p  nuançait  Yt  en  y.  et  à  une  époque  où  le  0  grec  était  en- 
core une  explosive;  ou  mieux  encore,  puisque  l'albanais  répond  para 
à  l'o  sud-europée:i,  drapen  procéderait,  comme  le  veut  M.  Gustav 
Meyer.  de  l'indo-européen,  mais  correspondrait  phonétiquement  à  un 
type  grec  à  racine  fléchie  *op57:avcv  (cf.  spYavov,  r.ôr.ciMcv  et  autres].  Ce 
n'est  pas  à  dire,  bien  entendu,  que  ce  type  fictif  ait  jamais  existé. 

V.  Henrv. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  Par  un  décret  du  10  janvier,  rendu  sur  la  demande  du  Collège  de 
PVance,  M.  Barbier  de  .Meynard  passe  de  la  chaire  de  langue  persane  à  la  chaire  de 
langue  arabe,  djvcnue  vacante  par  le  décès  de  M.  Guyard. 

—  M.  Hartwig  Derenbourg,  professeur  d'arabe  à  l'Ecole  des  langues  orientales  vi- 
vantes, est  nommé  maître  de  conférences  d'arabe  à  l'i^cole  des  Hautes-Etudes,  en 
remplacement  de  M.  Guyard. 

—  M.  Eugène  Mùntz,  nommé  suppléant  de  M.  Taine  dans  la  chaire  d'esthétique 
de  l'Ecole  des  Beaux-Arts,  a  fait  son  premier  cours,  le  17  janvier,  à  deux  heures  et 
demie. 

—  MM.  Joseph  et  Hartwig  Derenbourg  ont  fait  tirer  à  part  le  premier  fascicule 
de  la  deuxième  série  de  leurs  Etudes  sur  Vêpigraphie  du  Ycmen  (12  p..  extrait  du 
«  Journal  Asiatique  »);  on  y  trouve  une  appréciation  des  résultats  obtenus  par 
M.  Ed.  Glaser  qui  vient  de  s'arrêter  à  Paris,  après  avoir  terminé  le  voyage  qu'il  avait 
entrepris  sous  les  auspices  de  la  commission  du  Corpus  inscriptionum  semiticarum 

—  M.  Charles  Henrv,  dans  deux  articles  intitulés  :  «  Les  manuscrits  de  Léonard 
de  Vinci;  son  enseignement  géométrique  d'après  les  manuscrits  A,  B  et  D  de  V In- 
stitut (Revue  de  l'Enseignement  secondaire  et  supérieur,  i''''  et  i5  janvier  i885\  com. 
mence  par  retracer  l'histoire  des  manuscrits  du  grand  penseur  et  par  résumer  ses 
principales  découvertes  scientifiques  ;  il  étudie  ensuite  particulièrement  les  deux 
premiers  volumes  de  la  publication  de  M.  Charles  Ravaisson-Mollien  et  parvient  aux 


^6  Ria'ui';  CKiïiQUK 

conciusioiis  suivantes  :  i"  Lc'onara  a  connu  l'augmcp. talion  de  poids  résultant  de  la 
calcinaîion  du  plomb  et  il  a  attribué  ce  fait  avant  Rey  et  Lavoisicr  à  une  hxaiion 
d'une  partie  de  l'air;  2"  Léonard  a  eu  de  la  force  une  conception  philosophique  en 
tous  points  semblable  à  celle  de  Leibniz;  3°  Léonard  a  eu  une  idée  très  précise  du 
principe  de  la  moindre  action  qui  devait  jouer  un  si  grand  rôle  dans  la  science  aux 
xvii"  et  xvm'=  siècles;  4°  Léonard  a  enseigné  pour  la  construction  des  polygones  plu- 
sieurs élégants  procédés  qui  lui  sont  très  probablement  personnels.  M.  Charles  Henry, 
qui  est  parvenu  à  lire  ou  à  interpréter  des  passages  encore  obscurs  du  ms.  B,  nous 
promet  une  adaptation  trançaise  avec  notice  de  la  récente  publication  de  M.  J.-P. 
Richter;  en  attendant,  il  rend  pleine  justice  au  travail  de  M.  Ch.  Ravaisson-iVloUien 
et  conclut  en  ces  termes  :  «  Le  monument  qu'il  élève  à  Léonard  est  une  de  ces 
grandes  œuvres  d'érudition  qui  honorent  le  siècle  et  le  pays.  Alors  seulement  que 
la  publication  du  dernier  manuscrit  sera  achevée,  on  pourra  écrire  sur  l'homme,  le 
plus  complexe  des  hommes,  le  livre  définitif.  »  Rien  ne  saurait  remplacer  en  effet 
une  publication  intégrale  et  photographique  des  manuscrits. 

—  M.  T.\MiZEY  DE  Larhociue  vient  de  placer  le  cardinal  Biclii  dans  la  galerie  où 
il  a  réuni  déjà  plusieurs  des  correspondants  de  Peiresc  et  compte  en  réunir  encore 
une  trentaine,  tous  hommes  d'élite,  grands  érudits  et  amis  de  l'illustre  conseiller 
au  parlement  de  Provence.  {Le  cardinal  BicJii,  évêqiie  de  Carpenlras,  lettres  iné- 
dites écrites  à  Peiresc,  i632-i03'j ,  suivies  de  diverses  lettres  adressées  au  même 
savant,  relatives  au  comtat  Venaissin  et  à  la  principauté  d'Oranges,  publiées  avec 
avertissements,  notes  et  appendice.  Marseille,  Lebon  ;  Paris,  Picard.  In-8°,  xxxii  et 
55  p.,  extrait  de  la  Revue  de  Marseille  et  de  Provence,  et  tiré  à  120  exemplaires.) 
M.  T.  de  L.  reproduit  d'abord  une  courte  notice  sur  Bichi,  tirée  d'un  manuscrit 
de  la  bibliothèque  d'Inguimbert,  l'Histoire  du  comté  Venaissin  et  de  la  ville  d'Avi- 
gnon, par  Fornéry;  puis,  à  la  suite  de  cette  notice,  il  donne  quelques  extraits  de 
divers  autres  recueils  qui  la  complètent  sur  différents  points.  Viennent  ensuite  les 
lettres  adressées  à  Peiresc  par  Bichi;  elles  n'ont  rien  de  très  remarquable;  ce  sont 
celles,  non  d'un  homme  d'état,  mais  d'un  homme  du  monde,  aimable  et  spirituel; 
elles  ne  contiennent,  selon  le  mot  de  Peiresc,  que  des  chosettes,  il  est  vrai,  expri- 
mées avec  agrément.  Ces  lettres  sont  suivies,  comme  l'indique  le  titre,  de  quatorze 
autres  lettres  rangées  suivant  l'ordre  alphabétique  des  noms  des  signataires  et  d'une 
description,  adressée  à  Peiresc,  d'une  remarquable  grotte  du  mont  Ventoux,  des- 
cription que  le  grand  érudit  a  améliorée  par  des  corrections  et  des  observations 
autographes.  Ce  recueil  est  le  septième  de  la  série  des  Correspondants  de  Peiresc, 
commencée  il  y  a  quelques  années  par  M.  Tamizey  de  Larroque,  et  nous  ne  nous 
doutons  pas  que  l'infatigable  chercheur  ne  l'achève  prochainement. 

—  On  remarquera  dans  le  fascicule  de  janvier  de  la  Revue  indépendante  (pp.  206- 
223)  une  suite  de  notes  fort  intéressantes  sur  le  marquis  de  Sade  ;  l'auteur  anonyme 
de  cet  article  instructif  y  a  enregistre,  comme  il  dit,  quelques  documents  rencontrés 
au  hasard  d'autres  recherches  et  quelques  réflexions  de  simple  bon  sens  »  ;  citons 
seulement  le  résumé  d'une  relation  adressée  en  1777  à  Vergennes  par  la  présidente 
de  Montreuil,  les  renseignements  tirés  des  Origines  féodales  dans  les  Alpes  occi- 
dentales de  M.  Léon  Menabrea,  un  certain  nombre  de  lettres  de  de  Sade  passées  en 
vente,  etc. 

—  L.3.  Nouvelle  Collection  illustrée  (a  un  franc  le  volume)  que  publie  la  librairie 
Léopold  Cerf,  vient  de  s'augmenter  d'un  volume  nouveau  intitulé  Tableau  de  la 
littérature  alicinande,  par  M.  Albert  L.-vngi;,  professeur  au  lycée  Louis-le-Grand  et 
maître  de  conférences  à  la  Sorbonne. 

—  La  Société  de  géographie  vient  de  décerner  le  prix  Joniard,  pour  i885,  à  M.  Er- 


nest  L.erùU'^,  éditeur.  Cette  récompense  est  motivée  par  la  publication  du  Recueil 
de  voyages  et  de  documents  pour  servir  à  l'histoire  ae  la  géographie  depuis  le  xiii« 
jusqu'à  la  fin  du  xvie  siècle,  dont  la  collection  comprend  actuellement  sept  volumes, 
publiés  par  MM.  Ch.  Schefer,  de  l'Institut,  Henri  Harrisse  et  H.  Cordier. 

—  L'éditeur  de  la  Revue,  pour  répondre  au  désir  d'un  giand  nombre  de  collabo- 
rateurs et  d'abonnés,  a  l'intention  de  publier  une  table  générale  de  la  Revue  criti- 
que depuis  son  origine  jusqu'à  la  fin  de  1S84.  L'impression  commep.cera  dès  que 
deux  cents  souscripteurs  auront  envoyé  leur  adiiésion.  Le  prix  de  souscription  est 
de  lo  fr. 

BELGIQUE.  —  L'université  de  Bruxelles  vient  de  fonder  une  chaire  d'histoire 
des  religions  :  M.  Goblet  d'Ai.vieli.a  a  ouvert  ce  cours  avec  une  leçon  sur  les 
Préjugés  qui  entravant  Véiuie  scientifique  des  religior.s  (Bruxelles,  librairie  Mu- 
quardt,  i883,  brocii.  in-S"). 

ITALIE.  —  M.  Jean  Veloudo,  bibliothécaire  en  chef  de  la  Marciane  de  Venise, 
vient  de  prendre  sa  retraite,  après  quarante-trois  ans  de  services  Les  érudits  de 
tous  les  pays,  et  particulièrement  les  nombreux  amis  qu'il  possède  en  France,  en 
Angleterre,  en  Russie  et  en  Grèce,  ne  pourront  manquer  de  regretter  une  détermi- 
nation qui  les  prive  du  concours  d'un  tel  savant.  Aucun  a'eux  n'oubliera  son  bien- 
veillant empressement  et  son  urbanité.  Ce  que  chacun  se  rappellera  surtout, 
c'est  l'érudition  aussi  variée  que  solide  qu'il  joignait  à  la  profonde  connaissance  des 
trésors  de  cette  magnihque  bibliothèque  qu'il  a  adminisirée  durant  tant  d'années. 
S'il  nous  était  permis  de  former  un  vœu.  ce  serait  que  M.  Jean  Veloudo  fit  impri- 
mer prochainement  ses  travaux  sur  l'histoire  littéraire  de  la  Grèce  moderne,  fruit 
des  recherches  qu'il  a  faites  pendant  près  d'un  demi-siècle  dans  les  bibliothèques  et 
les  archives  de  Venise.  La  publication  d'une  oeuvre  tant  désirée  ferait  le  plus  grand 
honneur  à  M.  Veloudo,  et  accroîtrait  encore,  s'il  est  possible,  la  reconnaissance  que 
lui  doit  le  monde  savant.  —  E.  L. 

RUSSIE. —  M.  Vsevolod  Miller  a  fait  paraître,  il  y  a  deux  ans,  un  volume  intitulé 
Eludes  ossétes.  Première  partie.  Textes  ossctes. —  Seconde  partie.  Recherches  (Mos- 
cou, 1882);  p.  ;ii,  1G2  ;  vil,  3oi,  in-8°.  «  OsetniskieStiouciu,  I.  Osetniskie  Tekstu,II. 
Izslêdovani3'a.  »)  «  Les  Ossèies  » —  lisons-nous  dans  la  i^réface, —  «  présentent  un 
intérêt  considérable  au  linguiste  et  à  l'ethnographe  :  le  premier  '  trouvera  dans  leur 
langue  des  traits  incontestables  delà  famille  iranienne,  le  second  s'intéressera  à  eux 
comme  à  un  peuple  de  notre  race  indo-européenne,  —  peuple  qui,  jusqu'à  nos  jours, 
a  conservé  son  individualité  et  l'antique  caractère  de  sa  vie  dans  les  montagnes  du 
Caucase  et  parmi  des  peuples  d'origine  différente.»  L'auteur,  après  deux  ans  d'étude 
de  la  langue  ossète,  a  entrepris  un  voyage  en  Ossétie  pendant  Tété  de  1880,  pour  étu- 
dier de  plus  près  les  dialectes,  et  pour  recueillir  de  la  bouche  des  indigènes  des 
textes  de  récits  et  de  chansons  populaires.  La  première  partie  de  l'ouvrage  contient 
ces  te:;tes  accompagnés  d'une  traduction  russe;  la  plus  grande  partie  est  publiée 
pour  la  première  fois.  Ce  sont  :  1"  des  récits  épiques  concernant  les  «  nartes  », 
c'est-à-dire  les  héros  populaires  ;  2"  des  fables  et  des  contes,  et  3",  des  chants.  La 
seconde  partie  renferme  la  grammaire  détaillée  de  la  langue  ossète,  dont  les  deux 
dialectes  —  iron  et  digore,  —  sont  traités  ensemble  et  comparés  aux  autres  langues 
iranienes  et  au  sanscrit.  L'auteur  cherche  toujours  à  ramener  les  sons  et  les  formes 
ossètes  aux  sons  et  aux  formes  de  la  langue  iranienne  mère.  Outre  la  grammaire. 
Cette  seconde  partie  contient  une  é;ude  sur  les  croyances  religieuses  des  Ossètes 
(chap.  vu). 


i.Eu  particutier  i'iianisant. 


7^  REVUE    CRITIQUE 

—  M.  V.  Stasov  commence  à  Saint-Pétersbourg  la  publication  d'un  grand  ou- 
vrage en  français  et  en  russe  sur  l'Ornement  slave  et  oriental  d'après  les  manuscrits 
ancie)is  et  modernes. 

—  M.  BosLAEV,  dont  on  connaît  les  belles  études  sur  rart  russe,  vient  de  publier 
à  Moscou  une  Apocalypse  ilkistre'e  d'après  les  manuscrits  russes  du  xvi'  au 
XIX'  siècle. 

—  M.  Brandt  commence  à  Moscou  une  traduction  russe  de  la  Grammaire  com- 
parée des  langues  slaves  de  Miklosich. 

—  M.  VosKRESENSKY  publie  dans  cette  même  ville  uneChrestomathie  générale  des 
langues  slaves. 

—  La  correspondance  inédite  d'Ivan  Tourguenev  vient  de  paraître  à  Pétersbourg. 

—  M.  Skabalanovitch.  a  publié  à  Pétersbourg  une  étude  sur  l'empire  et  l'église 
de  Byzance  au  xi=  siècle.  Dans  la  Revue  de  lecture  chrétienne  il  a  donné  également 
une  intéressante  étude  sur  la  science  et  l'école  à  Byzance  au  xi''  siècle. 

SUISSE.  —  De  i83o  à  i836  feu  J.  A.  Galiffe  publiait  à  Genève  trois  volumes  des 
Notices  généalogiques  sur  les  familles  genevoises  depuis  tes  premiers  temps  jusqu'à 
nos  jours,  fruit  de  longues  recherches  qui  lui  valurent  plus  d'un  reproche,  mais  aussi 
plus  d'un  témoignage  de  reconnaissante  approbation.  Son  fils,  le  professeur  J.  B.  G. 
Galiffe,  continua  cet  ouvrage  par  un   IV°  volume  qui    parut  en   trois  livraisons,   de 
1857  à  1866.  Soutenu  actuellement  par  d'actifs  collaborateurs,  le  professeur  Ritter, 
(dont  la  Revue,  i883,  p.  79,  a  signalé  un  mémoire  sur  les  recherches  généalogiques  à 
Genève),  le   sous-archiviste   Ls.   Dufour-Vernes  et  Ferd.   Reverdin,  il   publie  un 
tome  V  (Genève,  Jullien,  1884.  8",  XVI  et  610  pp.),  et  fait  espérer  soit  de  nouveaux 
volumes,  soit  la  réimpression  promise  depuis  longtemps  du  tome  II,  complètement 
épuisé.  Nous  ne  pouvons  détailler  le  contenu  si  riche  du   volume  actuel  ;  mention- 
nons du  moins  son   intérêt  international,  vu   la    proportion  considérable   et   plus 
grande  qu'en  aucune  autre  ville  d'Europe,  de  familles  étrangères  réfugiées  à  Genève. 
La  France  est  représentée  dans  ce  volume  par  l'Auvergne,  le  Barrois,  le  Bourbonnais, 
la  Champagne,  le  Dauphiné,  la  principauté  de  Bombes,  le  Gatinais,  le  pays  de  Gex, 
le  Languedoc,  le  Lyonnais,  le  Soissonais,  sans  compter  la  Savoie;  l'Allemagne,  par 
la  Bavière,  Francfort,  la  Hesse,  le  Wurtemberg.  M.  Galiffe,  qui  publiait  en   io8i  un 
ouvrage  spécial  sur  le  refuge  italien  à    Genève,   a  relevé  quelques  généalogies   de 
cette  provenance,  de  même  que  M.  Dufour. 

—  Dans  une  intéressante  brochure  intitulée  la  légende  paléographique  du  pa- 
pier de  coton  (Genève,  Schuchardt.  In-8°,  18  p.,  extrait  du  «Journal  de  Genève  ^)  du 
29  octobre  1884),  M.  G.  M.  Briquet  met  en  doute  l'existence  du  papier  de  coton  et 
pense  que  ce  terme  a  été  pris  dans  l'origine  pour  désigner  une  apparence  extérieure 
et  non  pas  une  composition  chimique  du  papier.  Il  n'ose  affirmer  d'une  manière 
absolue  qu'il  n'y  a  jamais  eu  de  papier  de  coton,  mais  il  a  pu  se  procurer  des  spéci- 
mens d'un  certain  nombre  de  documents  qu'on  croyait  écrits  sur  du  papier  de  coton; 
il  les  a  analysés  au  microscope  et,  en  remontant  aussi  haut  qu'il  lui  était  possible, 
il  n'a  trouvé  que  du  papier  ordinaire,  du  papier  de  chiffe  bien  caractérisé.  Les  re- 
cherches de  M.  Briquet  démontrent,  en  somme,  qu'on  ne  doit  plus  employer  le 
terme  de  papier  de  coton  et  qu'il  faut  se  borner  aux  seules  dénominations  de  papy- 
rus, de  parchemin  et  de  papier;  0:1  a  eu  tort  d'attacher  un  sens  littéral  au  mot  de 
coton.  C'est  comme  si  on  voulait,  de  nos  jours,  prendre  à  la  lettre  le  mot  de  papier 
de  soie  :  «  coton  »  ou  «  soie  »  désignent,  non  pas  la  matière  qui  compose  le  papier, 
mais  une  de  ses  qualités  extérieures,  un  papier  cotonneux  ou  un  papier  soyeux. 
Comme  le  remarque  M.  Briquet,  bien  des  points  obscurs  s'expliqueront  d'eux-mêmes, 
si  l'on  renonce  à  la  légende  du  papier  de  coton  :  le  passage  de  Pierre  le  Vénérable, 


d'histoire  et  de  littérature  yq 

parlant  vers  121 1  de  y^p'iqt  ex  rasuris  veterum  pannoritm  compacti,  deviendra  par- 
faitement clair;  le  jpevgamino  de  panno  employé  en  Espagne  aux  xii?  et  xiii»  siècles 
sera  tout  simplement  du  papier  àQ  pannosses  ou  àe  pattes,  c'est-à-dire  de  chiffe;  les 
expressions  chartis  papyri  et  chartis  bombycinis  que  Frédéric  II  emploie  indiffé- 
remment en  i23i  et  caria  bombacis  vel  papyri,  employées  en  iSiy  dans  un  traité 
entre  Venise  et  Milan,  resteront  ce  qu'elles  sont  naiurellement  dans  les  textes.  «  Je 
conclus,  dit  M.  Briquet,  à  l'antiquité  très  grande  du  papier  de  chiffe  et  je  mets  en 
doute  l'existence  du  papier  de  coton.  » 

—  Depuis  quelques  années,  on  s'est  beaucoup  occupé  des  almanachs;  de  nom- 
breuses et  intéressantes  publications  historiques  et  bibliographiques  ont  paru  sur  ce 
sujet  en  France  (Nisard,  Pouy,  Socard,  Welschinger,  etc.),  en  Belgique  et  en  Suède. 
Le  Vé'itable  Messager  Boiteux  de  Berne  et  de  Vevey  vient  d'avoir  son  historien, 
M.  Jules  Capré  (Vevey,  Lœrstcher,  1884,  i'^  volume,  petit  in-40  de  i58  pages). 
L'auteur  étudie  l'histoire  et  les  origines  du  Messager  Boiteux.  Ce  recueil  remonic 
à  177  ans  —  âge  déjà  respectable  ;  —  mais,  comme  on  le  voit  par  le  catalogue  qu'il 
a  dressé  à  la  fin  de  son  volume,  dès  i5o8  la  ville  de  Ziirich  avait  son  Almanach  ou 
calendrier  et  plusieurs  autres  villes  de  Suisse  ont  publié  des  almanachs  depuis  cette 
époque.  La  couverture  du  Messager  Boiteux,  on  le  sait,  est  ornée  d'une  gravure 
sur  bois  qui  représente  un  messager  invalide,  présentant  un  pli  cacheté  à  trois  au- 
tres personnages  ;  au  milieu  d'eux  est  un  enfant  qui  pleure.  M.  Capré  croit  que  cette 
gravure  rappelle  l'incendie  du  Palatinaî  de  1674.  II  y  a,  en  effet,  dans  le  fond  du 
tableau  une  ville  fortifiée,  livrée  aux  flammes  et  entourée  de  combattants  ;  d'ailleurs, 
le  premier  Messager  parut  deux  ans  après  ces  ravages  du  Palatinat  qui  avaient  ex- 
cité la  «  vigoureuse  haine  des  Allemands  pour  la  France  ».  Il  se  pourrait  donc  que 
l'éditeur  de  V Almanach  ait  cru  fiapper  les  imaginations  et  assurer  le  débit  de  son 
recueil  en  représentant  les  horreurs  ordonnées  par  Louvois.  M.  Capré  s'imagine 
même  que  le  pli  présenté  par  le  Messager  n'est  autre  que  le  cartel  envoyé  à  Tu- 
renne  par  l'Electeur  palatin.  Cette  hypothèse  nous  paraît  peu  vraisemblable.  Il  est 
également  à  regretter  que  M.  Capré  n'ait  pu  découvrir  si  An;oine  Souci,  l'ancien 
éditeur  du  Messager,  est  un  nom  réel  ou  un  pseudonyme.  Mais  on  trouve  dans  ce 
livre,  outre  des  renseignements  intéressants,  de  nombreux  fac-similés  qui  repré- 
sentent soit  les  illustrations  du  Messager  Boiteux  depuis  son  origine,  soit  les  gra- 
vures de  divers  calendriers  et  almanachs  du  xm"  au  xiv«  siècle  :  aussi  l'histoire  du 
Messager  Boiteux,  de  M.  Capré.  aura-t-elle  une  place  importante  parmi  les  ouvrages 
déjà  publiés  sur  les  almanachs. 


ACADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET   BELLES-LETTRES 


Séance  du  16  janviei'  188 5. 

Les  commissions  chargées  d'examiner  les  ouvrages  envoyés  au  concours  pour  les 
divers  prix  sont  ainsi  composées  : 

Prix  ordinaire  :  «  Faire  i'énumération  complète  et  systématique  des  traductions 
hébraïques  qui  ont  été  faites  au  moyen  âge  d'ouvrages  de  philosophie  ou  de  science, 
grecs,  arabes  ou  même  latins.  »  MM.  Renan,  Derenbourg,  Schefer,  Weil. 

Prix  ordinaire  :  «  Etude  sur  l'instruction  des  femmes  au  moyen  âge,  etc.  »  MM.  De- 
lisle,  Jourdain,  Hauréau,  Paul  Meyer. 

_Prix  Allier  de  Hauteroche  (numismatique  ancienne).  MM.  P.-Ch.  Robert,  de  Vo- 
gue, Georges  Perrot,  Schlumberger. 


So  RKVUE    CRITIQUE    d'hISTOIRE    KT    DE    LIT  1KRA7  URE 


Prix  Bordin  :  «  Etude  critique  sur  les  œuvres  que  nous  possédons  de  l'art  étrusque, 
etc.  »  MM.  Duruy,  Heuzey,  Georges  Perrot,  Bréal. 

Prix  Bordin  :  «  Examiner  et  apprécier  les  principaux  textes  épigraphiques,  soit 
latins,  soit  grecs,  qui  éclairent  l'histoire  des  institutions  municipales  dans  l'empire 
romain,  depuis  la  chute  de  la  république  jusqu'à  la  fin  du  règne  de  Septime  Sévère.  » 
MM.  Egger,  Léon  Renier,  de  Rozière,  Duruy. 

Prix  Brunet  :  «  Relever  sur  le  grand  catalogue  de  bibliographie  arabe  intitulé 
Fi!ii-s£  toutes  les  traductions  d'ouvrages  grecs  en  arabe,  etc.»  MM,  Renan,  Deren- 
bourg,  Barbier  de  Meynard,  Schefer. 

î^rix  Stanislas  Julien  -pour  le  meilleur  ouvrage  relatif  à  la  Chine).  MM.  Maury, 
Pavei  de  CourteiUe,  (i'Hcrvey  de  Saint-Denys.  Oppert. 

Prix  La  Grange  (pour  la  publication  du  texte  d'un  poème  inédit  des  anciens  poètes 
de  la  France).  M.M.  Delisle,  Siméon  Luce,  Paul  Meyer,  d'Arbois  de  Jubainville. 

M.  le  comte  de  Lasteyrie  communique  la  photographie  d'une  croix-reliquaire  d'or- 
fèvrerie, à  double  traverse,  ornée  de  tiligranes,  de  cabochons,  de  perles  et  de  pierres 
gravées,  conservée  aujourd'hui  dans  Teglise  de  Gorre  (Haute-Vienne).  Cette  croix 
provient  du  trésor  de  l'abbaye  de  Grandmont,  au  diocèse  de  Limoges,  supprimée 
au  siècle  dernier.  On  la  trouve  mentionnée  sur  les  divers  inventaires  du  trésor  de 
l'abbaye  depuis  le  xv"  siècle.  M.  de  Lasteyrie  pense  qu'il  faut  attribuer  ce  travail  à 
l'orfèvrerie  limousine  de  moyen  âge.  Il  s'écarte  en  cela  d'une  opinion  généralement 
reçue  parmi  les  archéologues,  qui  veut  qu'il  n'ait  été  fait  de  croix  à  double  traverse 
qu'en  Orient.  11  est  vrai  que  l'usage  de  ces  croix  a  commencé  en  Orient,  où  elles 
ont  toujours  été  employées  à  renfermer  une  même  espèce  de  reliques,  les  fragments 
du  bois  de  la  Vraie  Croix.  Mais  quelques-uns  de  ces  reliquaires  byzantins  ont  été 
apportés  en  Occident  par  les  croisés,  et  les  orfèvres  de  nos  pays  les  ont  imités,  en 
les  employant  au  même  usage  :  les  reliquaires  en  forme  de  croix  à  double  traverse 
renferment  toujours  des  fragments  de  bois  considérés  comme  provenant  de  la  Vraie 
Croix.  M.  de  Lasteyrie  cite  des  croix  de  celte  forme  qu'on  ne  peut  attribuer  qu'à  des 
orfèvres  de  l'Occident  :  celle  de  Clairmarais,  oîi  l'on  voit  des  nielles  de  style  go- 
thique et  des  légendes  latines;  celle  d'Aubazine,  où  il  a  déclriffré  lui-même  les  noms 
de  saint  Grégoire  et  de  saint  Martin,  en  latin.  La  croix  de  Gorre  étant  conseivée 
depuis  le  moyen  âge  dans  une  abbaye  du  Limousin,  pays  renommé  de  tout  temps 
pour  son  orfèvrerie,  il  est  naturel  de  l'attribuer  aux  artisans  de  ce  pays. 

Mais,  si  la  croix  même  ne  vient  pas  de  l'Orient,  plusieurs  des  pierres  dont  elle  est 
ornée  en  viennent.  M.  de  Lasteyrie  signale  notamment  deux  pierres  gravées  qui  ap- 
partiennent évidemment  à  l'art  sassanide.  L'une,  de  travail  assez  barbare,  repré- 
sente un  lion  dévorant  un  taureau  ou  une  airtilope,  et  au-dessous  un  chien  poursui- 
vant un  lièvre.  L'autre  est  une  fort  belle  améthyste,  un  chef-d'œuvre  de  la  glyptique 
orientale.  On  y  voit  un  cavalier  combattant  des  lions.  Le  chasseur  est  vêtu  d'un 
costume  très  ajusté  et  sa  tête  est  surrnontée  d'une  aigrette;  le  cheval  porte  aussi  une 
aigrette  et  une  housse  à  la  persane.  Cette  pierre  paraît  être  du  vi"-'  siècle  de  notre  ère 
ou  environ. 

M.  Georges  Perrot  annonce  qu'il  a  reçu  des  nouvelles  des  travaux  que  poursuit 
M.  Maspero  en  Egypte.  On  s'occupe  activement  du  déblaiement  du  temple  de  Louq- 
sor.  Un  grand  nombre  d'indigènes  qui  avaient  établi  leurs  habitations  sur  les  ruines 
du  temple  ont  été  expropriés.  On  espère  qu'une  grande  partie  de  l'édifice  pourra 
être  mis  à  découvert  dès  cette  année. 

M.  Schlumberger  fait  connaître  la  liste  des  ouvrages  envoyés  cette  année  au  con- 
cours pour  le  prix  Gobert  : 
Hanotaux    Gabriel),  Origines  de  rinstitation  des  intendants  de  province  ; 
Touflet  (G  ),  Onomastique  de  la  Gaule  sceliaiie,  etc.; 

Luchaire  ;  A.),  Histoire  des  i)istitutions  mnnarcliiques  de  l.i  France  sous  les  premiers 
Capétiens  et  Etudes  sur  les  actes  de  Louis  VII ; 

Maulde  (R.  de),  Jeanne  de  France,  duchesse  d'Orléans  et  de  Berny,  et  Procédures 
politiques  du  règne  de  Louis  XII ; 

Godefroy,  Dictionnaire  de  V ancienne  langue,  fraiicaisc,  suite  ; 
Giry  (A.),  les  Etablissements  de  Rouen,  t.  Il; 
Bruel  (A.),  Recueil  des  chartes  de  l'abbaye  de  Cluny,  t.  III. 

M.  Désiré  Gharnay  commence  la  lecture  d'un  inémoire  sur  la  civilisation  toltèque. 
Ouvr.iges  présentés,  de  la  part  des  auteurs  ou  éditeurs  :  —  par  M.  Gaston  Paris  : 
Lettere  ai  P.  Ciiampollion  ad  Ippoliio  Roseilini  ed  a  Leopoldo  II  di  Toscana,  per 
cura  del  prof.  E.  Teza  (extrait  des  Atti  dcl  R.  Istituto  venuto  di  science,  lettere  ed 
arti;  —  par  M.  Oppert  :  Révillout  (Eugène),  Un  poème  satirique  composé  à  l'occa- 
sion de  la  maladie  du  poète-musicien,  iiéraui  d'insurrection,  Hor-ut'a  ('Âpu(j)6"^ç) 
(papyrus  de  \'ienne};  —  par  M.  Weil  :  Aescayli  Tragoedia,  edidit  Henricus  Weil 
(dans  la  Bibliotheca  scriptorum  Graccorum  et  Romanorum  Teubneriana)  :  —  par 
M. "Delisle  :  i"^  Bengesco  (Georges),  Bibliographie  des  œuvres  de  Voltaire,  t.  IJ  ; 
2°  Picot  (Emile),  Catalogue  des  livres  composant  la  bibliothèque  de  feu  M.  le  baron 
James  de  Rothschild,  t.  L 

Julien  Havet. 
Le  Propriétaire-Gérant  :   K  RM  EST  ^iîKOUX. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET   DE    LITTÉRATURE 

N»  5  —  2  février  ~  1885 


Sommaire  s  22.  Taine  ,  Le  gouvernement  révoluiionnaire.  —  ^'ariétés  : 
Clermont-Ganneau,  Notes  d'archéologie  orientale  XIX.  L'inscription  nabatéenne 
de  D'meîr  et  l'ère  des  Séleucides  dite  ère  des  Romains.  —  Thèses  de  doctorat  : 
BÉMONT,  sur  la  condamnation  de  Jean  sans  Terre  en  1202  et  Simon  de  Montlort, 
sa  vie,  son  rôle  politique  en  France  et  en  Angleterre.  —  Chronique.  —  Acadé- 
mie des  Inscriptions.  —  Société  des  Antiquaires  de  France.  —  Société  asiatique. 


22.  —  ff.es  oi'îgînes  «le  la  Fi-anee  conti'inpor-aîne,  la  Révolution,  t.  III,  le 
gouvernement  révolutionnaire,  par  H.  Taine,  Paris,  in-8,  iv,  646  p>  Hachette, 
i«85. 

Pour  tous  ceux  qui  se  sont  rendu  compte  de  l'idée  inaîtrcsse  de 
M.  Taine  dans  ses  études  sur  les  Origines  de  la  France  contemporaine , 
qui  ont  suivi  l'évolution  de  sa  pensée,  qui  connaissent  les  procédés  de. 
son  esprit  et  la  rigidité  de  sa  méthode,  ce  volume  devait  être  la  partie 
la  plus  saillante  de  son  éclatant  et  puissant  ouvrage.  Il  l'est  en  etfet,  et 
par  la  place  qu'il  occupe  dans  l'ensemble  de  l'œuvre,  et  par  sa  valeur 
propre,  par  son  caractère  exclusif,  Taccumulation  des  preuves,  la 
vigueur  de  la  discussion,  qui  en  font  la  plus  formidable  monographie 
qui  ait  été  composée  sur  le  Jacobinisme  et  la  Terreur.  Je  n'insiste 
pas  sur  la  forme  :  elle  n'a  jamais  été  plus  colorée  et  plus  précise 
en  même  temps.  L'image,  si  périlleuse  aux  savants,  devient  entre 
les  mains  de  ce  minutieux  investigateur  le  plus  efficace  des  procédés 
de  démonstration.  Ce  sont  des  «  projections  »  lumineuses  comme  celles 
qu'emploient  les  physiciens  dans  leurs  grandes  expériences  publiques. 
Mais  ce  qui  importe  ici,  c'est  moins  l'œuvre  littéraire  que  Tœuvrc  his- 
torique, et  quelque  plaisir  que  Ton  ait  à  s'attacher  à  la  première,  il  faut 
arriver  tout  de  suite  à  la  seconde. 

Quant  au  fond  de  l'ouvrage  et,  pour  parler  précisément,  quant 
à  l'idée  maîtresse,  je  m'en  suis,  je  crois,  suffisamment  expliqué  dans 
les  notices  consacrées  aux  premiers  volumes,  pour  qu'il  ne  soit  pas 
nécessaire  d'y  revenir  aujourd'hui  ^  Selon  M.  T.  la  Révolution 
française  procède  de  trois  causes  principales  :  la  désorganisation  de 
l'ancien  régime,  les  doctrines  philosophiques,  la  misère  du  peuple. 
Il  a  écrit,  pour  le  démontrer,  un  volume,  L'Ancien  Régime,  qui 
est  une  œuvre  de  littérature  et  de  critique  absolument  supérieure.  Plus 
tard,  il  a  ajouté  à  ces  causes  premières,  mais  seulement  par  voie  de 
digression,  à  litre  de  motif  subsidiaire  et  presque   d'accident  :  la  peur 

I.  Voir  la  Revue  critique  du  20  juillet  iSySet  du  S  août  1881. 

Nouvelle  S'jrie,  XIX,  5 


82  KKVUK    GRITIQUK 

de  la  contre-révolution,  Phorreur  des  émigrés,  la  haine  des  étrangers, 
le  sentiment  passionné,  fanatique  même,  d'une  mission  supérieure  à 
remplir  dans  l'humanité.  (La  Révolution^  II,  475-480.)  Ces  mobiles 
qui,  pour  la  plupart  des  historiens,  sont  les  mobiles  essentiels  et  décisifs 
de  la  Révolution,  ont  été  analysés  par  M.  T.  en  termes  admirables-, 
mais  tout  admirable  qu'il  est,  ce  passage  n'est  qu'cpisodique  dans  son 
ouvrage,  et  cette  idée  indiquée,  M.  T.  n'y  revient  plus.  Il  estime  que 
son  sujet,  tel  qu'il  Ta  conçu,  ne  le  comporte  pas.  Il  ne  fait  pas  Thistoire 
du  code  civil,  ni  celle  du  gouvernement  représentatif,  ni  celle  de  la  dé- 
fense nationale,  ni  celle  de  la  conquête  militaire  et  morale  de  l'Europe 
par  les  Français.  Il  néglige,  et  systématiquement,  le  côté  mystique  et 
religieux  de  la  Révolution,  que  Joseph  de  Maistre  avait  si  bien  dis- 
cerné et  sur  lequel  Quinet  a  ouvert  de  si  profonds  aperçus;  il  néglige 
aussi  cette  légende  historique  dont  M.  Renan  a  dit  qu'elle  était  «  l'épo- 
pée française  par  excellence  ».  Il  ne  se  demande  pas  pourquoi  et  com- 
ment la  France  a  vécu  à  travers  toutes  ces  vicissitudes  :  il  considère 
qu'elle  est  rongée  par  un  mal  profond,  il  en  recherche  les  causes,  il  en 
détermine  la  marche  et  en  dénonce  le  danger.  Dans  cette  histoire  com- 
plexe et  pleine  d'imprévu,  où  la  force  prodigieuse  des  événements  a 
toujours  emporté  les  hommes,  constamment  médiocres  et  inférieurs  à 
la  tâche,  depuis  la  mort  de  Mirabeau,  il  isole  une  série  de  faits  et  d'i- 
dées, qui  sont  ceux  dont  il  entend  faire  l'histoire,  dégager  le  caractère 
et  formuler  la  loi   d'évolution. 

Le  procédé  est  celui  de  tous  les  historiens  philosophes  et  de  tous  les 
historiens  de  la  philosophie.  Il  est  parfaitement  justifiable  en  soi  ; 
mais  il  comporte  trop  aisément  la  synthèse,  et  il  s'y  prête  d'autant  plus 
docilement  que  le  penseur  qui  l'emploie  est  un  espi  it  plus  indépendant, 
plus  original  et  de  plus  haute  volée.  Je  crois  que  c'a  été,  dans  une  cer- 
taine mesure,  le  cas  de  M.  Taine.  Rapprochant  des  lambeaux  d'idées, 
des  fragments  décousus  de  phrases,  improvisées  souvent  au  hasard  de  la 
discussion,  lancées,  à  titre  de  formule  banale  ou  de  rhétorique  convenue 
pour  décevoir  la  foule  des  badauds;  rassemblant  des  actes,  inspirés  le 
plus  souvent  par  la  passion,  la  routine  ou  la  nécessité,  motivés  après, 
à  grand  effort  de  sophismes,  selon  la  doctrine  courante,  M.  T.  leur 
prête  la  suite,  la  cohésion  et  la  logique  de  sa  propre  pensée;  recom- 
posant, recréant,  pour  ainsi  dire,  ce  monde  incohérent  dans  sa  puissante 
cervelle,  il  montre  des  desseins  profonds  dans  ce  qui  n'a  été,  la  plupart  du 
temps,  pour  les  contemporains,  que  des  expédients  grossiers.  Ce  terrible 
adversaire  procède  ici,  en  partie,  à  la  manière  des  apologistes  :  il  gran- 
dit les  hommes  et  les  doctrines.  11  leur  donne,  pour  les  renverser  de 
plus  haut  et  avec  plus  de  fracas,  une  élévation  et  une  consistance  qui 
dépassent  celles  qu'ils  ont  eues  dans  la  réalité. 

Ces  réflexions  s'appliquent  surtout  au  chapitre  I"  du  livre  II  du  pré- 
sent volume  :  Le  programme  jacobin.  Cet  exposé,  précis  et  lumineux, 
me  paraît  pécher  par  la  précision  et  par  la  couleur.  Les  originaux  n'ont 


d'histoire    RT    de    LlTTÉnATURE  83 

jamais  agi  avec  cette  suite,  pensé  avec  cette  méthode,  parlé  surtout  et 
écrit  avec  ce  talent.  La  Révolution,  entre  leurs  mains,  n'a  jamais  eu  cet 
aspect  «  de  définition  qui  se  développe,  de  théorème  qui  marche  », 
comme  disait  autrefois  un  philosophe  ami  de  M.  Taine  '.  La  Révolution 
vivante  a  présenté  une  série  de  phénomènes  qui  ont  leur  raison  d'être, 
leur  enchaînement,  leur  loi,  cela  est  certain  ;  mais  qui  ont  été,  dans  cet 
enchaînement  même,  infiniment  plus  confus,  complexes  et  désordonnés 
qu'ils  ne  le  paraissent  ici. 

M.  T.,  du  reste,  ne  le  conteste  pas.  Il  suffit  de  tenir  compte  de  ses 
notes  pour  atténuer  l'excessive  concentration  de  ses  tableaux.  Ces  notes 
sont  comme  des  fourrés  épais    et  profonds   qui   bordent   les  grandes 
allées  et  en  corrigent  la  trop  savante  régularité.    S'il  n'était  pas   un 
chercheur  aussi  consciencieux,  M.  T.   est  un  artiste   trop  consommé, 
trop  amoureux  de  la  vie  et  de  ses  formes  animées,  pour  s'absorber  long- 
temps dans  les  abstractions.    Il  a   beau    vouloir    tendre  sa  pensée,    et 
reconstituer   avec   les   restes    des    cerveaux    de  tant    de    jacobins,    le 
cerveau   idéal   du    jacobin    type,  la    vie    le    ressaisit,   le    mouvement 
de  la   rue    l'attire    à  la  fenêtre,    il   voit  passer    un  jacobin    réel   et   il 
le  décrit.   Son  livre  est  semé   de  traits    de   détail  qui  rompent    l'har- 
monie  un    peu   artificielle  de  l'ensemble,    et   ramènent  tout    à    coup 
l'homme  vivant  et  agissant  au  milieu  de  cette  galerie  de  grandes  pein- 
tures. C'est  ainsi  qu'il  nous  montre  les  terroristes  poussés  par  ce  triple 
motif  :  réaliser  leur  utopie,  sauver  la  Révolution  et  sauver  leurs  person- 
nes;  n'ayant,  pour  y  réussir,  d'autre  ressource  que  de  se  maintenir  au 
pouvoir  et  d'exterminer  leurs  ennemis,  et  arrivant  à  la  Terreur,  moins 
par  raisonnement  que  par  impuissance.  La  doctrine  est  ici  subsidiaire  : 
c'est  le  fanatisme  et  la  peur  qui  font  agir  les  gens,  les  prétextes  vien- 
dront après  coup.  (Cf.  p.  i56-i58.)  Au  fond,  d'ailleurs,  leur  doctrine  est 
incohérente,  incertaine,   et  la  société  future,  qu'ils    prétendent  fonder 
sur   leurs  échafauds,   n'est  qu'un  rêve  très  vague,   une  hallucination 
pour  les  uns,  une  fantasmagorie  de   mots,  de  phrases  et  de  métaphores 
pour  les  autres.  «  Ces  divers  plans  inachevés  flottent  encore  dans  un 
brouillard  lointain  »  (p.  io5).  Ce  qui  domine  en  eux,  c'est  le   fanatisme, 
et,  bien  qu'il  parle  un  jargon  particulier,  leur  fanatisme  est,  au  fond, 
celui  de  tous  les  temps.  C'est  par  là  qu'ils  agissent.  Le  jargon  par  soi- 
même  et  les  abstractions  qu'il  recouvre  ne  feraient   ni  mouvoir    un 
homme  ni  circuler  un  écu.  M.  T.  le  dit  très  bien,  à  propos  des  giron- 
dins (p.  3i)  :«  On  a  beau  croire  aux  abstractions  du  Contrai  social,  on 
ne  se  remue  pas  aisément  pour  un  but  artificiel.  »«  Il  est  probable,  dit-il 
ailleurs  (p.  482,   note),  que  les   motifs  désintéressés,  l'amour  du  pro- 
chain, de  l'humanité,  de  la  patrie  n'entrent  pas  pour  un  centième  dans 
le  total  de  la   force  qui  produit  les  actions  humaines.  Encore  faut-il 
noter  que  lorsqu'ils  agissent,  c'est  au  moyen  d'un  alliage,  par  l'adjonc- 

I.  Les  philosophes  français,  ch.  xiv  :  de  la  méthode.  Paris,  1860,  p.  358. 


8_}.  REv-jK  r.iuriQui- 

tion  de  motifs  de  moindre  aloi,  qui  sont  le  désir  de  la  gloire,  le  besoin 
de  s'admirer  soi-même,  la  crainte  dn  châtiment...  »  C'est  par  cet  al- 
liage, précisément,  beaucoup  plus  que  par  la  propre  efficace  de  la  doc- 
trine jacobine,  que  la  Révolution,  et  par  la  Kévolution,  les  jacobins, 
entrainèrent  les  Français  à  leur  suite  et  les  soumirent  pour  un  temps. 
Les  intérêts  personnels  et  les  passions  nationales,  les  nécessités  du  mo- 
ment et  la  poussée  des  traditions  héréditaires,  demeurent  en  cette  his- 
toire, comme  en  toute  autre,  les  grands  moteurs  de  l'humanité. 

M.  T.  compare  (p.  60)  les  jacobins  à  tous  les  fameux  conquérants, 
preneurs  de  terres  et  subjugueurs  d'hommes,  aux  Spartiates  en  Grèce, 
aux  Normands  en  Angleterre,  aux  Anglais  en  Irlande  :  les  Spartiates 
ont  fourni  des  exemples  au  Contrat  social^  mais  ils  ne  s'en  doutaient 
guère;  les  Normands  de  Guillaume  étaient  dépourvus  de  toute  préten- 
tion sur  le  chapitre  des  idées  pures  ;  les  Anglais,  sous  ce  rapport,  sont 
leurs  dignes  successeurs.  L'intérêt,  la  passion,  le  fanatisme  ont  tout 
fait.  La  comparaison  est  juste;  mais  elle  diminue  l'importance  particu- 
lière du  phénomène  jacobin,  et  surtout  de  la  doctrine.  M.  T.  compare 
ailleurs  les  jacobins  aux  illustres  tyrans,  à  Philippe  II,  à  Pierre  le 
Grand,  à  Cromwell  :  ceux-là,  dit-il,  ont  poursuivi  avec  des  moyens 
plus  puissants  des  objets  plus  accessibles  (p.  149);  ils  ont  prétendu 
assujettir  mais  non  réformer  Thomme  (p.  i5i);  c'est  cette  prétention 
disproportionnée  qui  a  fait  la  faiblesse  de  l'entreprise  jacobine  (p.  i52); 
elle  avait  contre  elle  la  force  des  choses,  le  sens  commun  (p.  i52). 

On  peut  ajouter  la  force  même  de  la  Révolution,  car  si  la  Révolution  est 
devenue  jacobine,  et  par  les  derniers  jacobins,  socialiste  et  agraire,  elle 
était  partie  d'un  point  de  départ  bien  opposé  :  elle  avait  été  faite  par  les 
propriétaires  pour  la  propriété.  Si  g3  portait  Babeuf,  89  portait  le 
Code  civil.  Le  système  de  la  Terreur  se  ruinait  nécessairement  par  son 
propre  principe  :  les  terroristes  étaient  conduits  à  détruire  l'œuvre  po- 
pulaire de  la  Révolution  sous  prétexte  de  la  défendre,  et  à  s'exterminer 
les  uns  les  autres,  sous  prétexte  de  s'épurer.  Le  jour  où  ils  se  furent 
anéantis  de  leurs  propres  mains,  l'esprit  public  se  retourna  contre  eux 
avec  une  implacable  violence,  et  ce  qu'il  y  eut  d'extrême  dans  les  réac- 
tions prouve  justement  ce  qu'il  y  avait  eu  de  paradoxal  dans  leur  entre- 
prise. Si  jamais  deux  idées  se  sont  dégagées  clairement  d'une  histoire, 
celles-ci  se  dégagent  de  l'histoire  de  la  Révolution  :  l'horreur  successive 
des  émigrés  et  des  terroristes;  les  terroristes  gouvernèrent  par  l'hor- 
reur des  émigrés;  Bonaparte  gouverna  par  l'horreur  des  terroristes. 
Tout  compte  fait,  la  Terreur,  en  tant  que  système  de  gouvernement, 
apparaît  comme  un  témoignage  colossalement  atroce  de  l'ineptie  des 
terroristes.  L'histoire,  à  toutes  les  époques,  a  décrit  les  horreurs  d'une 
place  assiégée,  affamée,  où  les  chefs  de  la  populace  se  sont  emparés 
du  pouvoir.  La  France  a  été  cette  place-là  pendant  près  de  deux  années, 
et  la  place  aurait  été  prise,  elle  aurait  succombé,  sous  l'assaut  des  enne- 
mis, à  la  famine,  à  l'anarchie,  si  elle  n'avait  eu  que  les  anarchistes  pour 


DHISlOlKk    KT    UK    1.1 11  iLr Al  t'KE  85 

kl  déronJie.  Ce  qui  la  sauva,  ce  ne  furont  ni  leurs  actes  féroces  et  stupi- 
des,  ni  leurs  doctrines  absurdes,  ce  fut  le  courage  des  habitants,  leur 
patriotisme  et  le  dévouement  des  chefs  intelligents  que  les  terroristes 
n'avaient  pas  séquestrés,  proscrits  ou  guillotinés. 

C'est  ce  que  M.  T.  montre  fort  bien  à  propos  des  hommes 
d'affaires  du  comité,  Carnot,  Prieur,  Jean-Bon  (p.  233  et  suiv.).  II 
faudrait  ajouter  d'autres  républicains  pour  lesquels  M.  T.  est  bien 
sévère,  Dubois-Crancé  et  Merlin  de  Thionville  par  exemple,  puis  tous 
les  collaborateurs  de  la  grande  œuvre  de  la  défense.  Quant  aux  hotnmes 
d'Etat,  à  part  Danton,  pour  lequel  d'ailleurs,  dans  un  large  portrait, 
M.  T.  se  montre  juste,  presque  admiratif  même,  au  moins  entre  les 
lignes,  ces  chefs  de  la  Terreur  m.éritent  trop  les  terribles  arrêts 
qu'il  porte  sur  leurs  personnes  et  sur  leurs  actes.  Des  exécuteurs 
et  des  séides,  on  peut  dire  avec  M.  T.  (p.  340  et  376,  note  )  :  «  Ce 
serait  faire  trop  d'honneur  à  de  telles  gens  que  de  leur  supposer 
des  convictions  et  des  principes;  ils  n'ont  que  des  haines,  surtout 
des  appétits.  »  Les  meneurs,  les  pontifes,  avaient  sans  doute  des 
doctrines,  et  pour  Robespierre,  on  peut  ajouter  des  convictions;  Ro- 
bespierre (M.  T.  ne  l'a  peut-être  pas  assez  montré),  était,  avant  tout  et 
par-dessus  tout,  un  fanatique  ;  mais  le  lien  entre  les  doctrines  et  les  ac- 
tes m'échappe  en  général,  et  je  suis  porté  à  tempérer  la  trop  grande 
unité  de  vues,  de  caractère  et  de  conduite  que  leur  attribue  M.  T.,  par 
les  aveux  qu'ils  font  eux-mêmes  sur  le  terrible  décousu  de  leur  œuvre 
(p.  241)  :  «  Il  y  avait,  disait  Prieur  de  la  Côte-d'Or,  des  journées  telle- 
ment difficiles  qu'on  ne  voyait  aucun  moyen  de  dominer  les  circonstan- 
ces; ceux  qu'elles  menaçaient  le  plus  personnellement  abandonnaient 
leur  sort  aux  chances  de  l'imprévu.  »  Les  intentions  profondes,  le  sys- 
tème et  les  principes  ont  été  de  Paprès-coup,  la  plupart  du  temps,  du 
discours,  de  la  justification  et  de  l'apologie. 

S'il  fallait  conclure  sur  la  Terreur  et  les  terroristes,  je  conclurais  vo- 
lontiers, avec  une  phrase  de  M.  T.,  mais  un  peu  contre  sa  théorie,  qu'il 
reste  d'eux  jugés  à  distance,  et  dans  l'ensemble,  précisément  ce  qui  en 
restait  sous  le  Directoire  :  «  Le  mince  et  fragile  vernis  de  grandes  phra- 
ses, sous  lequel  jadis  ils  se  sont  dissimulé  à  eux-mêmes  Tégoïsme  et  la 
perversité  de  leurs  convoitises  intimes,  s'écaille  et  tombe  à  terre  » 
(p.  585).  En  résumé,  ils  se  sont  bornés,  et  M.  T.  le  dit  encore  très  bien, 
à  copier  grossièremeiit  et  à  exagérer  démesurément  tous  les  procédés  les 
plus  arbitraires,  les  plus  violents,  les  plus  abusifs  de  l'ancien  pouvoir 
absolu  dans  ses  plus  mauvais  jours  (p.  63  à  68).  Us  ont  excédé,  ils 
n'ont  point  innové.  Ceci  me  conduit  à  présenter  quelques  reflexions  sur 
un  des  chapitres  principaux  du  livre  de  M.  T.  :  le  ch.  n  du  livre  II  : 
La  conception  de  l'Etat. 

C'est  un  des  plus  beaux  morceaux  qu'ait  écrits  M.  Taine.  Cet  exposé 
magistral  des  droits  de  l'état  et  de  leurs  limites,  cette  protestation  élo- 
quente de  rhommc  libre  contre  le  Léviathan  moderne,  ce  bon  sens  en- 


86  REVUIl    CKlIlQUfc. 

flaiiimé,  celte  revendication  vchcmcnte  de  la  liberté  individuelle  mar- 
quent, même  dans  une  œuvre  qui  contient  tant  de  pages  d\in  si 
surprenant  éclat.  Cependant  11  ne  faut  point  qu'il  y  ait  de  méprise  sur 
le  sens  des  mots  et  sur  le  fond  des  choses.  Je  suis  sûr  qu'il  ne  peut  y  en 
avoir  dans  la  pensée  de  M.Taine;  mais  tous  ceux  qui  le  lisent  ne  s'inspi- 
rent pas  de  la  sincérité  de  sa  pensée  et  de  la  scrupuleuse  probité  de  son 
style.  Ce  qui  suit  répond,  non  au  texte  de  M.  T.,  mais  au  commentaire 
que  quelques-uns  en  ont  tiré,  et  qui  implique  un  gros  malentendu. 

M.  T.  oppose  la  conception  de  TEtat  jacobin,  telle  qu'elle  résulte  de 
ses  notes  sur  la  Révolution,  à  la  conception  de  l'Etat  moderne,  telle 
qu'elle  résulte,  en  particulier,  de  ses  notes  sur  l'Angleterre,  et  il  conclut 
que,  comparé  au  gouvernement  libre  et  libéral,  qui  est  le  type  du  gou- 
vernement moderne,  l'Etat  jacobin  est  un  Etat  rétrograde.  Ce  système  de 
gouvernement,  en  effet,  remonte  à  l'antiquité,  au  temps  où  la  cité  possé- 
dait des  esclaves  et  où  les  citoyens  se  jugeaient  nés  pour  commander  aux 
peuples  d'alentour.  Je  ne  le  contesterai  point;  mais  il  ne  faut  pas  s'em- 
parer arbitrairement  de  cette  pensée  et  la  retourner  sur  elle-même;  il  ne 
faut  pas  conclure  de  là  que  l'Etat  jacobin,  rétrograde  par  rapport  à  la 
conception  deTEtat  moderne,  Tétait  par  rapporta  la  conception  de  l'Etat 
de  l'ancien  régime  auquel  il  a  succédé  et  dont  il  procède,  au  moins  à  titre 
de  déviation.  Il  ne  faut  pas  croire  enfin  que,  pour  répugner  au  despo- 
tisme jacobin,  l'homme  moderne  se  soumettrait  aisément  au  despotisme 
de  Tancien  régime.  Il  est  bien  sûr  que  Ton  vivait  plus  doucement  sous 
Louis  XV  que  sous  Robespierre  ;  mais  il  ne  s'agit  pas  d'opposer  des 
excès  atroces  à  un  régime  régulier,  il  s'agit  de  comparer  deux  concep- 
tions normales  de  l'Etat.  M.  T.  lui-même,  qui  se  montre  si  rebelle  au 
joug  des  majorités  (p.  i3o,  i35),  me  paraît  aller  un  peu  loin  lorsqu'il 
allègue,  à  titre  de  circonstance  atténuante,  pour  Philippe  II  et 
Louis  XIV  «  qu'ils  ne  violentaient  que  les  dissidents,  environ  un  quin- 
zième ou  un  vingtième  de  leurs  sujets  ».  Si  ce  n'est  qu'une  question  de 
chiffres,  ce  n'est  plus  une  question  de  principes,  et  l'on  peut  entrer  en 
comptes,  même  avec  l'Etat  jacobin.  Le  fait  est  que  Louis  XIV  et 
Philippe  II  n'avaient  aucune  prétention  à  la  liberté  de  conscience,  et 
que  la  grande  différence  entre  eux  et  les  jacobins,  c'est  que  ceux-ci 
violentaient   la  conscience  en  prétendant  l'affranchir. 

La  conscience  chrétienne,  telle  que  la  définit  M.  T.  en  termes  sai- 
sissants (chrétienne,  sans  aucun  doute,  mais  bien  plus  calviniste  que 
catholique  et,  au  moins,  légèrement  empreinte  de  jansénisme),  ne  s'ac- 
commode point  de  l'irréligion  d'Etat  ;  mais  elle  ne  s'accommode  pas 
davantage  de  la  religion  d'Etat  :  or,  la  religion  d'Etat,  c'est  le  fond 
même  de  l'ancien  régime.  Je  ne  citerai  pas  les  protestants  français 
au  temps  de  Louis  XIV  ;  je  ne  parlerai  ni  des  tutelles  forcées^ 
ni  des  catéchismes  obligatoires ,  ni  des  enfants  soustraits  à  leur 
famille  pour  être  élevés  par  l'Etat  dans  la  religion  de  l'Etat.  Allons 
en   Angleterre  et  considérons    la  situation    des    catholiques   pendant 


d'histoire  et  de  littérature  87 

la  première  moitié  du  xviite  siècle  :  elle  est  épouvantable.  La  loi 
de  1700  offrait  une  récompense  de  100  livres  à  quiconque  découvri- 
rait un  prêtre  catholique  dans  Texercice  de  son  ministère;  elle  rendait 
tout  catholique  incapable  d'hériter  ou  d'acheter  des  terres;  sur  son  re- 
fus d'abjurer,  l'héritage  passait  aux  parents  protestants;  il  lui  était 
même  interdit  d'envoyer  ses  enfants  à  l'étranger  pour  les  faire  élever 
dans  sa  foi.  Vers  la  tin  du  siècle,  par  le  progrès  des  mœurs,  de  la  tolé- 
rance, des  lumières,  comme  on  disait,  cette  situation  s'adoucissait  en 
fait,  et  tendait  même  à  s'adoucir  en  droit  ;  mais  ce  progrès  ne  procédait 
pas  de  la  conception  de  l'Etat  de  l'ancien  régime,  il  procédait  au  con- 
traire d'une  idée  toute  moderne  qui  tendait  à  s'y  substituer. 

M.  T.  nous  peint  le  seigneur  féodal,  jaloux  de  son  droit  et  gar- 
dien de  son  honneur;  il  a  raison  de  dire  que,  grâce  à  cette  noble 
tradition,  qui  est  la  grande  œuvre  du  moyen  âge,  «  tout  homme 
de  cœur,  le  bourgeois,  le  paysan,  l'ouvrier  a  son  honneur,  comme  le 
noble  (p.  128.)  »  Mais  il  ne  faut  pas  oublier  que,  du  temps  de  l'ancien 
régime,  en  Angleterre  aussi  bien  qu'en  France  et  jusqu'à  la  veille  de  la 
Révolution,  le  noble  qui  pensait  autrement  que  le  roi  en  matière  de 
conscience,  qui  voulait,  selon  la  belle  expression  de  M.  T.,  refuser 
à  des  hommes,  fussent-ils  le  roi  et  ses  ministres,  «  le  droit  de  lui 
imposer  des  remords  n  (p.  127)  n'avait  à  choisir  qu'entre  ces  deux  extré- 
mités, l'écrasement  par  l'Etat  ou  l'émigration.  II  ne  faut  pas  oublier 
que  si  ces  belles  et  précieuses  idées  de  liberté  civile,  de  liberté  po- 
litique, de  liberté  de  conscience  ont  prévalu  en  France  et  sur  le  conti- 
nent, c'est  par  l'œuvre  de  la  Révolution  française  ;  elle  les  a  reniées, 
un  moment,  elle  a  déchiré  sa  grande  charte  et  répudié  ses  premiers  ti- 
tres, mais  la  France  les  a  revendiqués  et  patiemment  reconquis.  Il  ne 
faut  pas  oublier  enfin  que  si  l'Etat  jacobin,  brutale  adaptation  de  l'ancien 
absolutisme  royal  aux  doctrines  de  Rousseau,  est  sorti  de  la  Conven- 
tion, au  milieu  de  l'anarchie,  de  la  guerre  civile  et  de  la  guerre  étran- 
gère, la  conception  de  l'Etat  moderne,  du  gouvernement  libre  et  du 
régime  libéral  est  sortie  des  premières  délibérations  de  la  Constituante. 
M.T.  avaitélé  naguère  bien  sévère  pour  cette  mémorable  assemblée 
(La  Révolution^  I,  p.  154);  il  rend  aujourd'hui  plus  de  justice  uses 
intentions,  à  ses  actes  et  aux  hommes  de  cœur,  aux  «  honnêtes  gens  » 
qui  y  formèrent  la  majorité  (p.  421).  En  définitive,  l'Etat  moderne,  tel 
qu'il  est  ici  décrit,  repose  sur  quelques  maximes,  d'un  style  médiocre 
peut-être,  médiocrement  encadrées,  je  le  reconnais,  mais  qui  n'en 
sont  pas  moins  le  fondement  de  toutes  nos  libertés  et  de  tous  nos  droits. 
'(  Le  but  de  toute  association  politique  '  est  la  conservation  des  droits 
naturels  et  imprescriptibles  de  l'homme  :  ces  droits  sont  la  liberté,  la 
propriété,  la  sûreté  et  la  résistance  à  l'oppression...   La  loi  n'a  le  droit 


I.  Comparez,  p.  i33.  ce  passage  :  «  L'Eiat  me  donne  la  se'curité...  Je  lui  dois  les 
moyens  de  l'entretenir.  Il  y  a  donc  entre  lui  et  moi,  sinon  un  contrat  exprès,  du 
moins  un  engagement  tacite...  » 


88  RKVU!'-    CRITIQUE 

de  défendre  que  les  actions  nuisibles  à  la  société...  Nul  ne  doit  être 
inquiété  pour  ses  opinions,  mémo  religieuses...  »  Ce  sont  les  articles  2, 
5  et  10  de  la  Déclaration  des  droits  qui  forme  le  préambule  de  la 
constitution  de  179 1  et  représente  le  testament  politique  de  la  Consti- 
tuante. Analysez  la  théorie  de  TEtat  moderne  que  développe  si  magni- 
tiquement  M.  Taine,  et  vous  n'y  trouverez  pas  autre  chose  que  Tappli- 
cation  raisonnée  de  ces  principes.  Son  livre  est  un  terrible  réquisitoire 
contre  le  jacobinisme,  contre  le  despotisme  communiste  surtout  et 
Tanarchisme;  on  n'y  trouve,  en  vérité,  rien  qui  fasse  regretter  ni  la 
chute  de  l'ancien  régime,  ni  le  succès  final  de  ce  qu'on  a  nommé  d'un 
nom  devenu  banal  (mais  qu'y  a-t-il  de  plus  banal  que  l'évidence?)  les 
principes  de  1789. 

Albert  Sorel. 


VARIÉTÉS 


l\Iotes    tl'ai-cltéologîe    oi'Iciitale. 

XIX 

L'inscription  nabatéenne  de  D'meir,  et  l'ère  des  Séleucides, 

dite  ère  des  Romains. 

L'épigraphie  nabatéenne  est  favorisée  depuis  quelque  temps.  A  peine 
MM.  Renan  et  Berger  avaient-ils  fait  connaître  les  quarante  et  un  textes 
ou  fragments  de  textes  découverts  à  Medâïn  Sâleh  par  MM.  Doughty  et 
Huber,  que  voici  deux  nouvelles  inscriptions  du  même  genre  qui  font 
leur  apparition.  Celles-ci  proviennent,  non  plus  de  l'Arabie,  mais, 
comme  les  premiers  dont  les  savants  ont  eu  à  s'occuper,  de  la  Syrie. 
M.  Sachau  vient  de  les  publier  dans  le  dernier  cahier  du  Journal  de  la 
Société  orientale  allemande  '. 

L'une  a  été  recueillie,  il  y  a  déjà  bon  nombre  d'années,  par  le  D*"  R. 
Kiepert,  à  Beit  Râs  (l'ancienne  Capitolias),  dans  le  djebel  'Adjloûn. 
De  celle-ci,  qui  est  courte  et  incomplète,  il  n'y  a  rien  à  dire  de  particu- 
lier. 

L'autre,  au  contraire,  trouvée  au  printemps  dernier  par  le  D^  B. 
Moritz,  est  très  importante  à  plusieurs  égards  et  mérite  qu'on  s'y  ar- 
rête. 

Elle  provient  du  village  de  D'meîr  ou  Maqsoura,  localité  de  la  Da- 
mascène  qui  a  fourni  à  M.  Waddington  '  quelques  textes  grecs   sans 

1.  ZDMG,  p.  535  et  suiv.  —  Je  suppose  que  le  tirage  à  part  anticipe'  que  M.  Sa- 
chau a  bien  voulu  m'envoyer  est  un  extrait  du  IVe  cahier  de  Tanne'e  1884. 

2.  Inscriptions  grecques  et  latines  de  la  Syrie,  n"'  2562  g,  h,  i,  l. 


d'HISTOIRK    KT    de    LiTTÉRATURE  89 

s:;rand  intérêt,  —  ?aut  un  —copiés  par  Vidua.  On  a  proposé  de  recon- 
naître dans  D'meir  YAdviedera,  station  de  la  voie  romaine  de  Damas  à 
Palmyre,  marquée  sur  la  table  de  Peutinger  à  26  railles  de  Damas. 

L'inscription  est  gravée  sur  une  sorte  de  cippe  ou  autel  hexagonal, 
haut  de  i»",  14.  Chacune  des  six  faces  se  divise  en  trois  parties  :  en  haut 
un  buste  humain  en  bas-relief;  au-dessous  une  moulure  saillante;  plus 
bas  un  champ  rectangulaire.  Au-dessous  de  chaque  buste,  sur  la  plate- 
bande  de  la  moulure,  figuraient  de  courtes  épigraphes  donnant  le  nom 
du  personnage,-  quatre  seulement  sont  suffisamment  conservées  pour 
être  lues,  au  moins  en  partie  : 

I" '. 

2<>  Hdni'-. 

3"  Adramou,  fils  de  M? 

4"  Neqidou,fils  de  M? 

En  dehors  de  ces  épigraphes,  qui  sont  de  simples  légendes,  le  texte 
principal  occupe  le  registre  inférieur  de  quatre  des  faces  contiguës. 

M.  Sachau  a  lait  preuve  d'une  grande  habileté  dans  le  déchiffrement 
de  ce  texte  assez  mutilé.  Il  le  constitue  ainsi  : 

«  Ceci  est  la  [stèle]  '  qu'a  élevée  Hdni'  V affranchi  de  Gadlo  (ou 
'<  Garlo),  fille  de  Hdni'-Gadra,  mère  de  Adramou  le  stratège  et  de 

«  Neqîdou  le '^^fil^  de  Ahdmalkou  le  stratège.  Dans  le  mois  de 

«  lyar,   de  l'an  410  selon  le  comput  romain,    correspondant   à  l  an 
«  24  du  roi  Dabel.  » 

Tout  d'abord  quelques  remarques  de  détail. 

Je  n'insiste  pas  sur  la  transcription  un  peu  arbitraire  du  nom  Hâni\ 
que  M.  Sachau,  entraîné  par  l'analogie  de  l'arabe,  croit  devoir  substi- 
tuer à  la  forme  écrite  réellement  Handou  (^SJ^).  Il  m^est  impossible 
sur  le  fac-similé  àt  voir  le  nom  lu  par  lui  Cadrât,  =  FaopâO-^  ;  ce 
nom  se  terminait  en  ...gadat  ou  ...garât.  Les  mots  i"in  12,  affrancJii, 
sont  à  rapprocher  de  l'expression  palmyrénicnne  "in  r»2,  affranchie,  dans 
l'inscription  bilingue  découverte  à  South  Shields,  en  Angleterre  K 

Le  texte,  tel  qu'il  est  établi  par  M.  Sachau,  ne  se  construit  pas  dans 
son  ensemble,  et  le  savant  orientaliste  reconnaît  lui-même  la  difficulté 
de  rattacher  les  uns  aux  autres  ces  divers  personnages.  Cela  vient  d'une 
erreur  matérielle  qu'il  a  commise  en  englobant  à  tort,  dans  le  texte 
principal  le  nom  de  Hàni'  qui,  en  réalité,  appartient  au  registre  supé- 


I.  La  lecture  ..."TTJ"...  que  M.  Sachau  propose,  d'ailleurs,  avec  hésitation,  doit  être 
sûrement  écartée;  la  ligature  beth  daleth  (ou  rcch)  ne  se  fait  jamais  ainsi  dans  notre 
inscription  :  la  première  lettre  du  complexe  doit  être  un  noun,  peut  être  un  lanicd, 
un  phé  ou  un  kaph. 

ï.  Alesgeda,  Tcsi\\.\xé  tn  partie  ;  le  mot  se  rencontre  plusieurs  fois  dans  les  in- 
scripiions  nabatéennes. 

3.  Palmyrénicnne  et  latine;  publié  par  M.  Wright  dans  les  Transactions  0/  the 
Society  of  biblical  arcliaeology  VI,  436.  —  Je  crois  qu'il  faut  voir  la  même  ex- 
pression, désignant  un  affranchi,  dans  l'inscription  de  Palmyre  n°  -jb  (de  Vogué, 
Syrie  centrale). 


go  REVUK    CRITIQUh 

rieur  et  est  simplement  l'épigraphe  du  buste  sculpté  au-dessus.  Il  a 
fait  une  erreur  d'aiguillage  en  passant  d'un  registre  à  l'autre,  et  toute 
la  phrase  a  déraillé.  Si,  du  texte  où  il  figure  indûment  on  retire  ce 
nom  en  le  restituant  à  sa  vraie  place,  toute  Téconomie  en  est  changée, 
et  le  sens  devient  d'une  clarté  à  peu  près  parfaite  : 

Hdni\  V  affranchi  de  Gadlo,  fille  de'...?  ...garât,  mère  de  Adra- 

mou  le  stratège.,  etc..  Du  même  coup  disparaît  l'hypothèse  d'après  la- 
quelle l'affranchi  Hàni'  aurait  pris  le  nom  du  père  de  sa  maîtresse.  Le 
buste  inscrit  au  nom  de  Hâni'  est  celui  de  l'affranchi  lui-même  et  non 
pas  de  son  patron  imaginaire. 

Les  mots  laissés  en  blanc  par  M.  Sachau  après  Neqidou  le me 

semblent  cependant  aisés  à  expliquer.  La  lecture  kd"t:3  h'J  "ra  est  certaine 
d'après  \e  fac-similé.  M.  Sachau  est,  néanmoins,  tenté  de  lire  S'qtû  Sy[2]"[':i 
et  d'y  voir  un  titre  semblable  à  celui  du  be'el  te'em,  ou  gouverneur 
ds  Samarie  sous  les  Achéménides  ^\  ce  titre  ferait  le  pendant  de  celui  de 
stratège  donné  à  Adramou,  frère  de  Neqîdou  :  ce  serait  quelque  chose 
comme  un  expraejecto,  analogue  au  ex  centurione,  ex  consule,  etc.,  des 
Romains.  Ce  qui  le  fait  hésiter,  c'est  Tépoque  tardive  où  ces  expressions 
apparaissent  en  latin.  La  vérité  est  que  le  noim  final  de  la  préposition 
min  est  évidente,  qu'il  n'y  a  pas  de  traces  du  beth  qui  serait  nécessaire 
pour  arriver  au  mot  be'el,  enfin  que  les  mots  en  question  doivent  signi- 
fier tout  simplement,  d'après  le  lexique  araméen  :  par  ordre,  sur  l'ordre 
de,  /.axà  izpia^cf.'dJ.a.. 

Le  principal  intérêt  de  cette  inscription  consiste  dans  la  double  date 
qui  y  est  exprimée  à  la  fin.  Les  chiffres  qu'obtient  M.  Sachau,  par  d'in- 
génieuses comparaisons,  sont  des  plus  acceptables.  L'an  24  du  roi  Dabel, 
déjà  connu  par  d'autres  inscriptions,  correspond  à  l'an  99  de  notre  ère, 
d'après  les  bases  chronologiques  établies  par  M.  de  "Vogué,  et  à  l'an  410 
de  TèredesSéleucides.  Il  est  donc  évident  que  l'ère  dont  l'année  410,  aux 
termes  mêmes  de  notre  texte,  concorde  avec  l'an  24  de  Dabel  ne  peut 
être  autre  chose  que  l'ère  des  Séleucides. 

L'emploi  de  l'ère  des  Séleucides  n'a  rien  de  surprenant;  on  la  rencon- 
tre sur  des  centaines  de  monuments  grecs  de  Syrie,  et  aussi  dans  les 
inscriptions  palmyréniennes.  Seule,  la  dénomination  donnée  ici  à  cette 
ère  présente  des  difficultés.  L'ère  des  Séleucides  qualifiée  d'ère  romaine 
par  des  Nabatéens,  à  l'époque  de  Trajan,  voilà  qui  est  fait  pour  trou- 
bler toutes  les  notions  historiques  reçues.  Je  dois  avouer  que  j'ai  long- 
temps répugné  à  admettre  la  traduction  de  M.  Sachau  et  cherché  à  lui 
substituer  diverses  combinaisons  plus  ou  moins  plausibles,  Après  mûr 
examen,  je  n'hésite  pas  à  m'y  rallier,  en  y  introduisant  toutefois  une 
modification  qui  n'est  pas,  comme  on  va  le  voir,  sans  importance  et 
surtout  sans  conséquence. 


1.  Ici  est  le  nom  [Hàni',]  à  supprimer. 

2.  Esdras,  IV,  8,  9,  17. 


DHISTOIKE    KT    DE    LITTRRATURR  QI 

M.  Sachau  lit  Ntaini  XJ^i^z^  beminyana  rhomiya,  et  traduit  :  «  dans 
(selon)  le  comput  romain  »;  il  considère  les  deux  mots  comme  étant, 
le  premier  un  substantif,  le  second  un  adjectif,  tous  deux  à  l'état  em- 
phatique caractérisé  par  Va  final.  Je  propose  de  lire  :  N•*2^1"'S'  "("':'2n  bc- 
minyan  arhomaya^  «  selon  le  comput  des  Romains  ».  Comme  on  le 
voit,  je  coupe  les  mots  autrement,  en  prenant  Valeph  emphatique,  indû- 
ment attribué  comme  final  à  minyan,  pour  en  faire  Valeph  initial  de 
arhomaya;  sur  ce  point  la  paléographie  de  l'inscription  me  donne 
matériellement  raison.  Si  Valeph  appartenait  à  minjan,  il  serait  lié  au 
noun  qui  termine  ce  mot,  comme  il  est  lié  au  noiin  dans  le  nom  Ha- 
naou  (Hâni'J.  Or,  il  n'en  est  rien;  au  contraire,  la  queue  du  Jîoiin  se  pro- 
longe sensiblement  au-dessous  de  la  ligne  ainsi  qu'il  convient  à  un 
un  noun  final.  Quant  à  la  forme,  bizarre  comme  phonétique,  de  arlio- 
maya,  transcription  de  'Po);;.aîo'.,  avec  un  a  prosthétique,  je  peux  la  jus- 
tifier de  la  façon  la  plus  opportune  par  une  leçon  des  Recognitiones  de 
Clément  Romain  ',  qui  la  donne  lettre  pour  lettre. 

Nous  n'avons  donc  plus  affaire  à  un  adjectif  à  l'état  emphatique, 
mais  à  un  substantif  pluriel  construit  au  génitif  avec  minyan  :  «  selon 
le  comput  des  Romains  ». 

Cette  modification  de  la  traduction  de  M.  Sachau  paraît  d'abord  peu 
de  chose.  Elle  va  nous  permettre,  cependant,  d'atténuer  sinon  de  faire 
disparaître  entièrement  certaines  difficultés  historiques. 

Il  ne  s'agit  plus  maintenant  d'une  ère  réellement  romaine,  qualifica- 
tion qu'on  pourrait  seulement  comprendre  pour  l'ère  ZyrZ'/i'  conditœ,  ou 
pour  l'ère  actiaque,  ou  encore  pour  l'ère  de  Pompée  qui  ont  été,  nous  le 
savons  par  les  monuments,  usitées  en  Syrie-  ;  il  s'agit  d'une  ère  employée 
par  ceux  que  les  Nabatéens,  au  premier  siècle  de  notre  ère,  appelaient  des 
Romains.  Certes  les  Nabatéens  connaissaient  parfaitement  bien  à  cette 
époque  les  Romains,  qui  leur  avaient  fait  depuis  longtemps  sentir  leur 
puissance,  et  qui,  quelques  années  plus  tard,  allaient  porter  le  dernier 
coup  à  leur  autonomie  ^  Ils  devaient  bien  savoir  que  l'ère  des  Séleucides 
n'était  à  aucun  litre  une  ère  romaine  ;  que  les  Romains  avaient  un  tout 
autre  mode  de  comput.  lU  le  savaient  si  bien  qu'une  inscription  naba- 
téenne  de  Hébràn  '  est  datée,  de  la  façon  la  plus  correcte,  du  mois  de 
Tichri,  de  l'an  7  de  Claude  César,  c'est  à  dire  de  l'an  47  de  notre  ère, 
une  cinquantaine  d'années  avant  l'inscription  de  D'meîr. 

L'ère  des  Séleucides,  qui  est  par  excellence  l'ère  de  la  Syrie,  est  très 
rarement   dénommée  sur  les  monuments  où  elle  est  employée.  Nous 

1.  Voyez  le  Thésaurus  Syriacus  ;  s.  v.  Un  autre  manuMjn'i  plus  récent  donne  la 
forme  ordinaire  rhomaya. 

2.  Surtout  l'ère  de  Pompée,  pour  toute  cette  région  de  la  Syrie,  et  principalement 
dans  les  villes  de  la  Décapole. 

■3.  L'ère  de  Bostra  commence  en  io5  J.-C,   lors  delà  destruction,   par  (Cornélius 
Palma,  du  royaume  nabatéen  qui  forme  la  province  d'Arabie. 
4.  De  Vogué,  Syrie  Centrale.  Inscriptions,  p.  100. 


92  RKVllK    CRITIQUE 

savons  que  les  Phéniciens  l'appelaient  lère  de  ÏAdon  Melakim  •  ;  les 
Juifs,  Vère  des  contrats  (minyan  chetaroth) ;  les  Syriens  hellénisants, 
Vère  des  Grecs,  ou  Vère  d'Alexandre,  etc.  Qu'est-ce  qui  a  pu  conduire 
les  Nabatéens  à  lui  donner  le  nom,  si  peu  justifiable  en  apparence,  d'ère 
des  Romains?  Sq  ne  vois  qu'une  réponse  à  cette  question.  Les  Naba- 
téens qualifiaient  de  Romains^  non  pas  les  Romains  eux-mêmes,  mais 
les  populations  syriennes  hellénisantes  qui  se  rallièrent  de  bonne  heure 
aux  Romains,  et  qui  faisaient  constamment  usage  de  l'ère  des  Séleuci- 
des.  Tel  était  le  cas,  par  exemple,  des  Palmyréniens,  dont  toutes  les 
inscriptions  sont  datées  de  cette  ère.  Tel  était  aussi  le  cas  des  Damascé- 
niens  dont  nous  avons  des  monnaies  impériales  grecques  datées  de  l'ère 
desSéleucides  et  frappées  au  nom  d'Auguste,  de  Tibère,  de  Néron  et  de 
Domiiien  ^  La  situation  politique  de  Damas  est  particulièrement  à  con- 
sidérer ici,  car  c'est  au  territoire  de  Damas  qu'il  convient  de  rattacher  la 
localité  de  D'meir  d'où  provient  notre  inscription.  Or,  les  Romains  et 
les  Nabatéens  se  trouvaient  certainement  en  contact  à  Damas  depuis 
l'intervention  du  légat  de  Pompée,  Aemilius  Scaurus,  premier  gouver- 
neur de  Syrie.  Nous  savons  que  Damas  dépendait  des  Romains  et  rece- 
vait une  garnison  romaine^;  nous  savons,  d'autre  part,  qu'en  Sg  de 
notre  ère,  la  ville  était  au  pouvoir  d'un  ethnarque  nabatéen,  Aretas  \ 
Il  faut  donc,  je  crois,  dans  l'inscription  de  D'meir  entendre  par  Romains, 
non  pas  les  Romains  eux-mêmes,  m.ais  leurs  partisans,  les  Syriens 
hellénisants  qui  faisaient  usage  de  l'ère  dite  des  Séleucides,  tandis  que 
les  Nabatéens  continuaient,  et  ont  continué  jusqu'à  la  fin,  à  dater  leurs 
monuments  du  règne  de  leurs  rois  nationaux. 

Clermont-Ganneau. 


THÈSES  DE  DOCTORAT  ES  LETTRES 

Faculté  des  lettres    de   Paris 

(3  décembre  1884}. 


Soutenance  de  ai.  d»arles  Béniont. 

1.  De  Johanne.  cognomine  sine  terra,  Luietiae  Parisiorum  anno  120J  condemnato. 

—  C.  Bémont.  —  Alph,  Picard,  1884;  in-8";  68  p. 
//.  Simott  de  Monfort,  comte  de  Leicester;  sa  vie  (i  20  .'-1265).  —  Son  rôle  politique 


1.  C'est-à-dire,  comme  je  l'ai  montré,  du  y.ûptoç  [iaciAsicov  (Seigneur  des  basi- 
lies)  (cf   mes  Etudes  d'arciiéologie  orientale,  p.  53  et  84). 

2.  Voir  de  Saulcy,  Numismatique  de  la  Palestine,  p.  35  et  5g. 

3.  S.  Jérôme  in  Isai,  17.  Josèphe,  Antiq.  J,  XIV,  Il  :  7. 

4.  Actes  des  apôtres,  IX  :  19  et  bg;  Epitres  aux  Corinth.,  XI,  :  32 


O  HlsrOlKK    KT    Di-.    LITTÉk/VlUtlh  q3 

en  France  et  en   Angleterre.  —   Charles  Bémont.  —  Alph.   Picaid,  1S84; 

in-{>'*;  3S3  p. 

I 

M.  Bémont  a  démontré  dans  sa  thèse  latine  que,  contrairement  à  l'opinion  uni- 
versellement reçue,  Jean  sans  Terre  ne  fut  point  condamné  pour  le  meurtre  d'Ar- 
thur, ce  meurtre  ayant  eu  lieu  un  an  après  la  condamnation  pour  défaut  de  ser- 
vice. L'origine  de  la  légende,  est  un  mensonge  solennel  de  Louis  de  France  en 
1216. 

La  thèse  de  M.  B.  présente  aux  yeux  de  M.  Himly  le  mérite  d'être   une  véritable 
thèse,  d'être  bien    circonscrite,   presque  trop,    et  de  fournir  la  matière,  suivant  la 
tradition  de  l'Ecole  des  chartes,  d'un   certain  nombre  de  positions.   Elle  est  bien 
divisée:  les  deux  premiers  chapitres  comprennent  la  partie  critique;  ce  qui  suit  est 
plutôt  la   façon   dont  iM.    B.   personnellement  envisage  les  choses.    Pourquoi   donc 
n'avoir  pas   donné  le  signe  matériel  de  cette  rigueur,   une  table?  Sans  entrer  dans 
l'examen  critique  de  la  thèse,  on  ne  peut  se  défendre,  en  la  lisant,  de  quelques  ré- 
flexions. Ainsi  voilà  un  fait,  une  série  de  faits  (les  relations  de  Philippe  et  de  Jean) 
qui  se  passent  au  grand  jour;  il  y  a  eu  jugement,  exécution,  une    exécution  d'une 
importance  capitale  pour  l'Angleterre;   et  après   quinze    ans  à  peine,  on  peut,  sans 
soulever  une  protestation,  dénaturer  ces  faits.  C'est  là  un  argument  sérieux  à  l'ap- 
pui du   scepticisme  historique,   c'est  un  avertissement   de  se  métier  des  textes,  et 
surtout  des  textes   officiels.   M.  B.  a  du  reste  dissipé  tous  les  doutes,   pourtant   il 
faut  bien  reconnaître  que  Louis  de  France  a  eu  pour  complice  de  son  mensonge  la 
Chrétienté  tout  entière;  on   savait   la  mort  d'Arthur,  on   savait  que  l'exécution  du 
jugement  contre  Jean  avait  suivi  cette  mort,  on  supposait  tout  naturellement  que  le 
jugement  lui-même  était  postérieur  et  avait  porté  sur  cette  accusation.  Louis  n'avait 
plus  besoin  que  «  d'une  légère  sollicitation  de  texte».  11  est  certain  que  le  cas  de  Jean 
fut  rendu  bien  plus  mauvais  par  la  mort  de  son  neveu.  M.  B.  parle  de  loi  féodale;  mais 
on  sait  ce  que  valait  cette  loi  ;  bien  d'autres  fois  les  rois  d'Angleterre  ou  d'autre  vas- 
saux avaient  refusé  le  service;  bien  des  fois  aussi   ils  avaient  été  condamnés;  mais 
il  n'en  était  rien  résulté;  ce  qui  importe  ce  ne  sont  pas  les  arguments   ni  les  con- 
sidérants «  Frédéric  II  en  a  trouvé,  et  les  juges  de  Berlin  en  trouveront  pour  con- 
hsquer  le  Brunswick  »;  c'est  la  sanction.  Et  la  conscience  politique,   à  défaut  d'un 
tribunal,  condamne  si   bien  Jean,  que  cet  homme  si  actif,   M.   B.  le  fait  lui-même 
observer,  est  réduit  dès  lors  à  l'impuissance;  il  abandonne  la   Normandie,  il  laisse 
Rouen  à  ses  propres  forces.  Quant  à  la  mort  d'Arthur  et  à  sa  date,  sur  la  demande 
de  M.  Himly,  M.  B.  explique  qu'il  parvient  à  la  conjecturer  à  l'aide  des  itinéraires 
de  Jean;  il  ne  considère  du  reste  l'attribution  du  3  avril  i2o3  que  comme    probable. 
Pour  la  mort  elle-même  elle  est  incontestable;  Jean  avait  trop  d'intérêt  à  montrer 
son  neveu  s'il  eût  encore  été  vivant.  (Ces  exhibitions  de  prisonniers  seront  fréquen- 
tes durant  la  guerre  des  Deux  Roses.)  Et  Raoul  de  Coggeshall  nous  affirme  qu'Ar- 
thur fut  tué  sous  les  yeux  de  Jean.  Quant  à  la  scène   fameuse  représentant  le  roi 
d'Angleterre,  en  barque,  plongeant  lui-même  le  fer  dans  la  gorge  de  son  neveu,  c'est 
une  légende  qu'on  regrette  de  retrouver  dans  un  livre  aussi   sérieux  que  celui  de 
M.  L.uchaire.    Voici,    du   reste,  comment  M.    B.  essaie  de  reconstituer   la  série  des 
événements.  Une   première   fois   Jean    ordonna    à    Hubert    du    Bourg,    gouverneur 
de  Falaise,  que  le    jeune  homme  oculis  et  fçenitalibus  privarctur.   Hubert  refusa, 
redoutant  les  représailles  du  roi  de  France;    mais  à  cause  des  mouvements  de  Bre- 
tagne on  fit  courir  le  bruit  de  la  mort  d'Arthur.  Celte  rumeur  n'eut  d'autre  résultat 
que  de  provoquer  un  soulèvement  des  gentilshommes  bretons  et  c'est  à  ce  moment 
que  M.  B.  place  cette  curieuse  assemblée  de  Vannes  dont  nous  ignorons  la  date.  On 


q^  REVUE    CRITIQUE 

fait  alors  dcmentir  la  mort  d'Arthur,  et  c'est  en  120J  seulement  qu'on  le  fait  trans- 
fe'rer  de  Falaise  à  Rouen,  oia  il  meurt. 

M.  Fustel  de  Coulanges  félicite  beaucoup  M.  B.  du  choix  de  sa  thèse;  car  il  y  a 
double  mérite  et  double  utilité  à  corriger  une  erreur.  M.  Fustel  accepte  pleinement 
les  conclusions  de  la  partie  critique;  Jean  n'a  pas  été  condamné  en  1204  pour  le 
meurtre  d'Arthur.  11  sera  plus  réservé  relativement  à  la  partie  affirmative.  Il  se  refuse 
à  admettre  que  le  mariage  d'Isabelle  d'AngouIême  ait  été  la  cause  de  la  condamna- 
tion en  1202.  M.  B.  explique  que  le  mariage  en  lui-même  n'est  pas  le  griet 
reproché  au  roi  Jean,  Il  n'y  a  pas  eu  d'enlèvement,  il  est  vrai,  puisque  Isabelle  a 
été  rappelée  par  son  père;  mais  il  y  avait  eu  des  fiançailles,  qui,  si  jeune  que  tût  le 
jeune  Hugues,  constituaient  pourtant  un  engagement  solennel.  De  graves  intérêts 
étaient  en  jeu  ;  ce  mariage  devait  éteindre  l'ancienne  rivalité  des  Lusignan,  comtes 
de  la  Marche,  et  de  la  maison  d'AngouIême.  S'il  faut  en  croire  un  contemporain, 
Philippe-Auguste  lui-même  poussa  Jean  à  épouser  Isabelle,  espérant  ainsi  em- 
brouiller les  choses.  Hugues  IX  lésé  se  plaint  à  Philippe,  suzerain  d'Hugues;  Jean 
réclame  l'affaire,  donne  un  jour,  vient  à  Chinon  avec  un  appareil  militaire  inquié- 
tant :  Hugues,  devant  ce  déploiement  de  force,  refuse  de  comparaître  si  Jean  ne  lui 
promet  non  justice,  mais  bonne  justice.  Jean  refuse  de  s'engager.  Hugues  s'adresse 
au  suzerain  de  Jean,  Philippe-Auguste,  accusant  le  roi  d'Angleterre  en  défaute  de 
droit.  Philippe  cite  Jean  ;  celui-ci  refuse  de  comparaître  et  est  condamné  pour  défaut 
de  service.  M.  Fustel  refusant  de  voir  dans  cette  chicane  et  dans  celte  procédure 
autre  chose  que  le  mariage,  ne  veut  pas  admettre  qu'il  y  ait  là  matière  à  une  con- 
damnation si  grave,  et  il  examine  tous  les  autres  griefs  que  Philippe  pouvait  avoir 
contre  Jean,  et  en  particulier  la  question  de  Bretagne  et  la  question  de  l'hom- 
mage de  Jean.  M.  B.  fait  observer  qu'en  1200  Philippe  avait  renoncé  à  sa  su- 
zeraineté sur  la  Bretagne;  et  pour  ce  qui  est  de  l'hommage,  Jean  était  venu  à  Pa- 
ris, et  Philippe  s'était  bien  gardé  de  le  lui  demander.  Tous  ces  griefs  du  reste,  au- 
raient pu  être  reprochés  à  Jean  s'il  avait  comparu,  et  M.  B.  les  indique  p.  57;  mais 
son  absence  ne  laissait  place  qu'à  la  condamnation  pour  refus  de  service.  Mais 
M.  Fustel  ne  veut  pas  admettre  un  procès  dont  parle  Guillaume  Lebreton  mais 
dont  Rigor  ne  dit  mot;  il  y  a  au  contraire  une  ligne  de  Rigor  qui  parle  d'hom- 
mage, et  c'est  sur  la  foi  de  cette  ligne  qu'il  fallait  conclure;  parceque,  pour  M.  Fus- 
tel, l'hommage  c'est  là  la  question  de  droit  féodal.  Pour  ce  qui  est  de  la  mort  d'Ar- 
thur, certains  historiens  disent  qu'il  est  mort  de  chagrin.  M.  B.  explique  que  c'est 
précisément  une  allusion  au  faux  bruit  que  fit  d'abord  courir  Hubert.  Quant  à 
l'assemblée  de  Vannes,  M.  Fustel  se  déclare  encore  plus  sceptique  que  M.  B.  Du 
reste,  M.  B.  croit  seulement  cette  assemblée  possible,  parce  qu'il  n'y  a  pas  lieu  de 
suspecter  la  bonne  foi  de  D.  Lobineau,  et  que,  d'autre  part,  l'exactitude  des  noms 
cités  permet  de  ne  pas  révoquer  absolument  en  doute  le  document  édité  par  le 
savant  bénédictin.  Après  quelques  autres  observations  de  détails,  sur  le  droit  que 
pouvait  avoir  le  sire  de  Craon  de  se  faire  homme  du  roi  de  France  après  la  mort 
d'Arthur  (p.  io\  sur  le  sens  exact  de  consuetiido  regni  Fvanciae  (coutume  de  la 
cour  de  France,  ou  coutume  de  l'Ile-de-France?  (p.  33)  et  sur  quelques  termes 
latins  du  moyen  âge  (P.  5i,  p.  6.),  M.  Fustel  conclut  en  regrettant  que  M.  B.  n'ait 
pas  insisté  sur  les  véritables  causes  de  la  lutte  et  surtout  sur  le  procès,  et  qu'il 
n'ait  pas  cherché  à  interpréter  le  droit  féodal.  11  y  avait  là,  au  dire  de  M.  Fustel, 
matière  à  un  chapitre  que  M.  B.  aurait  tiré  du  texte  de  Rigor.  Du  moins  M.  B. 
a  appliqué  une  excellente  méthode  :  ne  croire  que  ce  qui  est  démontré- 

M.  Rambaud  se  contente  de  faire  observer  que  l'attitude  prise  par  M.  B.  est  excel- 
lente  et  très  légitime  :  n'admettre  que  les  faits  prouvés  sans  déclarer  impossibles 


dhistoikf:  et  de  littérature  QD 

les  faits  pour  lesquels  nous  n'avons  pas  de  preuves.  C'est  là  la  réserve  que  garde 
M.  B.  sur  l'assemblée  de  Vannes  et  la  cour  des  Pairs.  On  a,  en  eflet.  attribué  à  cette 
époque  l'origine  de  la  cour  des  Pairs  comme  celle  des  États  généraux  de  Bretagne. 
Il  est  certain  que,  si  l'on  pouvait  connaître  la  composition  de  la  cour  des  Pairs,  on 
s'expliquerait  mieux  la  résistance  de  Jean,  au  cas  où  cette  cour  n'eût  réuni  que  de 
petits  compagnons.  Par  malheur  nous  ne  sommes  pas  fixés;  nous  avons  des  listes 
de  I2IO,  de  1214,  nous  voyons  posé  le  principe  de  l'entrée  des  grands  officiers  à  la 
cour;  est-ce  la  cour  du  Roi  ou  la  cour  des  Pairs.'  Le  langage  n'est  pas  plus  fixé 
que  les  institutions.  Et  cette  pauvreté  de  renseignements  autorise  pleinement  l'atti- 
tude expectante  de  M.  B. 

M.  Pigeonneau,  ne  pouvant  se  résoudre  à  croire  «  Louis  de  France  aussi  noir,  et 
la  chancellerie  romaine  aussi  bêle  »  que  les  représente  M.  B.,  propose  une  conjecture. 
11  admet  que  Jean  fut  condamné  en  1202  pour  défaut  de  service;  mais  pourquoi  ne 
l'aurait-il  pas  été  plus  tard.^  Le  silence  des  bulles  ne  prouve  rien,  car  le  pape  a  pu 
vouloir  ne  rien  savoir-,  il  a  même  écrit  aux  évêques  que  c'était  aftaire  de  droit  féodal, 
qui  ne  le  regardait  pas.  Or,  si  l'on  suit  attentivement  les  faits,  on  constate  que  Jean  est 
condamné  comme  comte  d'Anjou  et  de  Poitou  et  duc  d'Aquitaine;  et  cela  est  si  vrai 
qu'il  excipe  de  son  titre  de  duc  de  Normandie  et  de  son  droit  de  ne  comparaître  que 
niier  utrasque fines;  donc  c'était  l'Anjou  et  l'Aquitaine  et  non  la  Normandie  qu'il 
fallait  saisir;  aussi  cette  conquête  paraît-elle  injuste  à  bien  des  gens;  Math. -Paris 
dit  non  justiciaiiter  sed  violenter;  c'est  ainsi  que  M.  Pigeonneau  interprète  ce  pas- 
sage; Louis  IX  lui-même  avait  encore  quelques  scrupules.  Or,  s'il  faut  en  croire 
Math.-Paris,  en  1204  Jean  voulut  s'accommoder,  offrit  de  comparaître  pour  discuter 
la  question  de  Normandie;  jour  fut  pris,  mais  craignant  qu'on  ne  lui  reprochât  le 
meurtre  d'Arthur,  le  duc  de  Normandie,  cette  fois,  fit  défaut;  Arthur  était  mort,  et 
Jean  put  de  ce  coup  être  condamné  à  mort  et  dépouillé  de  la  Normandie.  Telle  est 
la  conjecture  de  M.  Pigeonneau.  M.  B.  répond  qu'elle  est  toute  gratuite,  qu'elle  ne 
repose  sur  aucun  texte  et  qu'on  peut  aussi  bien  supposer  encore  deux  ou  trois  juge- 
ments; que  ce  second  jugement  serait  un  doublet  inutile  du  premier;  qu'il  ne  faut 
pas  s'étonner  de  la  crédulité  du  pape,  toujours  renseigné  par  un  légat  qui  arrive  après 
les  événements  accomplis;  qu'on  oublie  vite  les  détails  d'un  procès,  et  qu'aujour- 
d'hui même  les  arrêts  des  conseils  de  guerre  de  1871  sont  loin  de  nos  mémoires; 
qu'il  ne  faut  pas  demander  au  jugement  de  1202  trop  de  rigueur  juridique,  que  c'est 
évidemment  un  traquenard;  et  que  du  reste,  à  juger  rigoureusement,  la  sentence  est 
légale  ;  car  Jean  sans  Terre  ayant,  pour  refuser  de  comparaître,  allégué  l'union  en  sa 
personne  du  duc  d'Aquitaine  et  du  duc  de  Normandie,  Philippe  était  fondé  à  con- 
fondre dans  la  répression  le  duc  de  Normandie  et  le  duc  d'Aquitaine.  La  conjecture, 
outre  qu'elle  ne  s'appuie  sur  aucun  témoignage  précis,  est  donc  parfaitement  super- 
flue. 

11 

Dans  sa  thèse  française  M.  B.  a  étudié  le  rôle  joué  en  Angleterre  sous  Henri  III 
par  Simon  de  Monifort. 

Bien  que  le  litre  et  le  cadre  de  cet  ouvrage  soient  ceux  d'une  biographie,  M.  Himiy 
reconnaît  que  c'est  mieux  qu'une  biographie,  puisque  c'est  une  étude  sur  l'organi- 
sation politique  de  l'Angleterre;  mais  il  y  a  là  précisément  une  sorte  de  discordance 
entre  les  deux  parties  du  sujet,  qu'on  peut  désirer  voir  disparaître.  A  ne  considérer 
que  la  partie  biographique.  M.  Himly  regrette  que  M.  B.  n'ait  pas  cru  devoir  faire 
un  portrait  de  son  héros,  ou  pour  préciser  la  question,  si,  comme  l'assure  M.  B,,  les 
documents  ne  fournissaient  pas  les  traits  d'un  portrait,  qu'il  n'ait  pas  dit  au  moins 


f)0  KKVUH     CKfn',>Ut 

si  Simon  de  Montiort  était  un  ambitieux  ou  un  patriote.  M.  B.  répond  que  les 
hommes  ne  sont  pas  tout  d'une  pièce,  et  que,  pour  le  comte  de  Leicester,  il  faut 
distinguer  les  époques;  il  commence  à  ne  plus  être  un  pur  ambitieux  dès  qu'il 
peut  se  considérer  comme  un  réformateur  des  institutions  anglaises,  et  surtout 
à  partir  de  1260.  Cette  distinction  ne  satisfait  pas  M,  Himly,  qui  estime  que  Mont- 
fort  n'a  jamais  été  patriote  qu'à  condition  d'être  le  maître. 

M.  Pigeonneau,  non  plus,  n'est  pas  convaincu;  il  ne  croit  pas  à  la  seconde  manière 
de  Siinon  de  Montfort,  qui  n'a  jamais  été  qu'un  ambitieux.  Sans  le  contester  d'une 
façon  absolue,  M.  B.  fait  pourtant  remarquer  que  Simon  a  été  lié  avec  les  person- 
nages les  plus  honorables  d'Angleterre  ;  il  conclut  fort  sagement  en  ajoutant  qu'a- 
près tout,  c'est  là  une  question  de  sentiment,  et  partant,  insoluble.  Après  une  série 
de  questions  de  détail,  sur  les  bordarii  (p.  70)  sur  le  droit  ou  le  devoir  de  siéger  au 
Parlement  (p.  loG),  sur  la  distinction  très  nette  entre  la  loi  et  les  arrêts  et  ordon- 
nances (p.  109),  M.  Pigeonneau  se  demande  quelle  fut  en  somme  la  part  du  comte  de 
Leicester  dans  l'organisation  de  l'Angleterre.  M.  B.  montre  lui-même  que  Simon 
n'est  pas  l'inventeur  des  statuts  d'Oxford,  et  que  cette  constitution  ne  répond  point 
à  l'idéal  du  comte;  bien  qu'il  ait  eu  une  part  prépondérante  aux  événements  de  1264 
et  de  1265,  il  n'a  pas  inventé  l'appel  au  Parlement  des  chevaliers  et  des  bourgeois, 
dont  le  rôle  ne  fut  du  reste  que  d'enregistrer  et  de  former,  selon  l'expression  de 
M.  B.,  un  grand  jury  national  d'enquête.  D'autre  part  on  ne  trouve  pas  trace  d'enthou- 
siasme pour  ces  réformes  :1e  clergé  seul  semble  y  tenir,  et  aussi  la  haute  noblesse.  La 
petite  noblesse  qui  vient  enregistrer  est  fort  indifférente;  les  bourgeois  sont  presque 
hostiles,  car  Simon  les  maltraite  fort  ;  à  Londres,  il  s'appuie  sur  la  basse  population, 
fait  remarquer  M.  B.,  contre  les  riches  bourgeois;  peut-être  y  a-t-il  dans  cette 
ville  une  sorte  de  mouvement  social;  mais  il  n'a  d'auxiliaires  que  des  mercenaires, 
les  Gallois,  et  ses  fils,  auxiliares  fort  compromettants.  Aussi  les  Anglais  l'abandonnent- 
ils  bien  vite.  En  somme  il  ne  fut  pas  un  inventeur,  il  a  seulement,  l'expression  est  de 
M.  B.  «  créé  un  précédent  »  ;  mais  c'est  un  chef  de  parti  maladroit,  et  dont  la  plus 
grande  gloire  est  peut-être  d'être  mort  à  Evesham. 

M.  Fustel,  tout  en  disant  à  M.  B.  tout  le  bien  qu'il  pense  de  sa  thèse,  le  félicite 
particulièrement  d'avoir  bien  compris  que  le  comte  de  IMontfort  était  Anglais  ; 
aussi  ne  fut-il  pas  repoussé  comme  un  étranger.  La  patrie  était  alors  là  où  on 
avait  son  fief  ou  le  plus  grand  nombre  de  ses  fiefs;  il  n'y  avait  pas  encore  de  natio- 
nalité; la  patrie  du  comte  de  Leicester,  c'est  l'aristocratie  anglaise.  M.  B.  croit  pour- 
tant que  le  sentiment  de  la  nationalité  anglaise  s'éveillait  déjà;  la  situation  d'un 
baron  anglais  n'est  pas  celle  d'un  baron  français;  il  a,  pour  tous  ses  fiefs,  affaire 
dans  bien  des  cours;  sa  vie  est  moins  renfermée.  M.  Fustel  regrette  que  M.  B.  n'ait 
pas  fait  l'histoire  et  la  critique  de  la  légende  de  Simon  de  Monfort. 

M.  Rambaud  demande  à  M.  B.  (à  propos  des  grands  officiers,  dont  les  charges 
sont  plus  tôt  démembrées  en  France  qu'en  Angleterre,  où  elles  le  sont  pourtant 
bien  que  purement  honorifiques)  si,  d'une  façon  générale,  il  auraitcraint  de  comparer 
la  France  à  l'Angleterre.  C'est  à  ce  moment  qu'il  y  a  le  plus  d'analogies  entre  les 
deux  monarchies;  on  peut  même  se  demander,  dit  M.  B,,  s'il  n'y  a  pas  eu 
imitation  directe,  d'un  pays  à  l'autre,  quand  on  étudie  la  formation  du  Parlement 
et  celle  des  Etats  généraux.  Les  Etats  n'ont  pas  pris  tout  d'un  coup,  sous 
Philippe  IV,  comme  on  le  croit  généralement,  leur  forme  définitive;  il  y  a  eu,  en 
France  aussi,  une  série  de  tâtonnements;  on  a  d'abord  convoqué  les  bourgeois  de 
certaines  villes,  pour  approuver  telle  ou  telle  disposition;  c'est  ce  qu'on  a  fait 
en  Angleterre.  Q^uel  est  le  rôle  des  bourgeois  en  i2i3  au  Parlement:^  et  même  siégè- 
rent-ils^ M.   B.  reconnaît  avec  une  parfaite  bonne  foi  qu'il  est  bien  possible  que  les 


0  HISTOilîE    KT    DK    LirïEUAJUKH  97 

quatuor  discreti  homines  ds  i2i3  ne  désignent  pas  les  communes;  dans  ce  cas 
Simon  aurait  bien  le  premier  invité  les  communes;  il  est  vrai  que  même 
à  cette  époque  elles  ne  jouent  guère  que  le  rôle  de  témoins.  Quant  au  caractère  du 
comte,  Simon  ne  serait-il  pas,  avant  tout,  un  homme  de  l'Eglise,  suggère  M.  Ram- 
baud?  Il  a  reçu  une  éducation  cléricale;  il  n'a  jamais  été  complètement  abandonné 
de  l'Eglise;  quand  la  papauté  se  tourne  contre  lui,  l'Eglise  anglaise  lui  reste,  en 
général,  fidèle.  Une  fois  mort,  il  devient  saint,  il  fait  des  miracles;  et  cette  sancti- 
fication n'est  pas  populaire;  c'est  l'œuvre  d'un  parti  restreint.  Il  fait  21 5  miracles, 
mais  dans  un  seul  lieu;  mieux  vaudrait  le  quart  dans  cinquante  lieux  diftérents. 
Les  poésies  composées  en  son  honneur  ne  sont  pas  populaires;  on  le  compare  à 
Thomas  Becket;  il  y  a  là  une  fabrication  évidente  de  légende;  un  couvent  fait  des 
miracles;  d'autres  fabriquent  des  hymnes.  —  En  terminant,  M.  Rambaud  félicite 
M.  B.  de  la  rigueur  logique  de  sa  thèse,  qui  à  côté  d'un  style  élégant,  d'un  récit 
animé,  présente  en  même  temps  l'intérêt  d'un  problème  de  mathématiques  rigou- 
reusement résolu. 

M.  Lavisse  fait  ressortir  le  contraste  qui  existe  entre  les  deux  thèses;  il  remercie 
M.  B.  d'avoir  donné  en  5o  pages  un  excellent  résumé  de  la  situation  constitution- 
nelle et  administrative  de  l'Angleterre.  Connaissant  si  bien  la  constitution  anglaise, 
M.  B.  n'aurait-il  pu  donner  l'explication  d'un  fait  singulier.  Comment  tant  de  revire- 
ments en  ces  quelques  années?  et  comment,  malgré  cette  mobilité  excessive,  les  idées 
de  Simon  finissent-elles  par  triompher:'  Pourquoi  la  France  qui  a  été  vers  la  même 
époque  si  près  des  institutions  parlementaires  ne  les  a-t-elle  pas  obtenues  quand 
l'Angleterre  aussi  bouleversée  les  a  conquises.  Ce  n'est  pas  seulement  à  cause  de  la 
légèreté  des  seigneurs  français,  mais  parce  qu'en  Angleterre  existait  ce  fonds  d'ins- 
titutions que  M.  B.  a  si  bien  analysé.  C'est  qu'en  outre  il  est  des  circonstances  his- 
toriques dont  il  faut  tenir  compte.  La  féodalité  anglaise  est  très  différente  de  la 
féodalité  française;  l'Angleterre  est  petite,  et  ces  hommes  apportent  dans  la  Uute  un 
nombre  d'idées  très  restreint:  pas  de  charges  illicites,  pas  d'étrangers  (instinct  in- 
sulaire) ;  et  s'ils  veulent  être  les  ministres  du  roi,  c'est  parce  qu'ils  en  sont  tout  près; 
c'est  une  idée  qui  ne  viendrait  pas  à  un  grand  feudataire  français. 

M.  Larroumet  voudrait  qu'à  propos  de  l'administration  de  Montfort  en  Gascogne, 
M.  B.  eût  fouillé  les  archives  de  Bordeaux,  Cahors,  Agen,  Gourdon,  etc.,  et  de  tout 
le  Midi;  il  voudrait  que  M.  B.  eût  consacré  un  chapitre  à  la  géographie  de  la  Gas- 
gogne;  il  extrait  des  archives  de  Gourdon  une  pièce  sans  date  qui  pourrait  bien  se 
rapporter  à  l'époque  de  l'administration  du  comte;  M.  Himly  révèle  à  M.  B.  que 
M.  Larroumet  est  de  Gourdon. 

M.  Bémont  a  obtenu  l'unanimité. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  Dans  la  séance  du  i8  janvier  dernier  l'assemblée  des  professeurs  du 
Collège  de  France  a  présenté  pour  la  chaire  vacante  de  langues  et  littératures  slaves 
M.  Louis  Léger  en  première  ligne,  M.  Dozon  en  seconde  ligne.  Elle  a  ensuite  dé- 
claré qu'il  y  avait  lieu  de  changer  le  titre  delà  «  Chaire  d'éloquence  latine  »  en  Chaire 
de  philologie  latine,  celui  de  la  «  Chaire  de  poésie  latine  »  en  Chaire  d'histoire  de 
la  littérature  latine,  et  celui  de  la  «  Chaire  de  langue  persane  »  en  Chaire  de  langues 
et  littératures  delà  Perse. 


gS  RKVUE    CRITIQUE 

—  La  Revue  scientifique  du  17  janvier  contient  un  intéressant  article  de  M.  Ber- 
TiiELOT  sur  des  papy  fus  alchimiques  de  Leyde  qui  confirment  la  thèse,  soutenue 
par  l'éminent  chimiste,  de  l'origine  égyptienne  de  l'alchimie,  de  ses  procédés  et  de 
ses  symboles. 

—  Le  Vill'  volume  de  la  «  Nouvelle  Collection  à  l'usage  des  classes  »  que  publie  la 
librairie  Klincksieck  est  une  traduction  de  la  Phraséologie  latine  de  C.  Meissner, 
d'après  la  quatrième  édition,  par  M.  Charles  Pascal,  professeur  agrégé  de  gram- 
maire au  lycée  de  Laval  (in-S",  xix  et  386  p,  3  fr.  5o).  «  On  aurait  tort  —  dit  le 
traducteur  dans  sa  préface,  —  de  voir  dans  cette  phraséologie  quelque  chose  de 
semblable  au  «  cahier  d'expressions  »  qui  avait  la  prétention  d'apprendre  à  écrire 
élégamment.  Le  caractère  de  ce  livre,  c'est  la  recherche  de  la  propriété  des  mots, 
beaucoup  plus  que  celle  de  l'élégance.  Une  bonne  phraséologie  doit  avoir  but  de 
nous  apprendre  à  écrire  d'une  manière  simple  et  exacte,  en  nous  fournissant  les  ex- 
pressions vraies,  naturelles,  ordinaires,  employées  dans  l'usage  commun  de  la  lan- 
gue latine.  Tel  est  le  mérite  du  livre  de  M.  Meissner;  les  expressions  qui  le  compo- 
sent ont  été  recueillies  avec  le  plus  grand  soin,  presque  exclusivement  dans  les  œu- 
vres de  Ciccron,  de  César,  de  Salluste,  de  Tite-Live  :  pour  aider  les  recherches,  les 
expressions  ont  été  rangées  en  dix-sept  catégories  principales  (Monde  et  Nature, 
Espace  et  Temps,  le  Corps  humain.  Sciences  et  Arts,  Art  de  parler  et  d'écrire.  Vie  do- 
mestique, VEtat,  Droit  et  Justice,  la  Marine,  la  Guerre,  etc.),  subdivisées  en  groupes 
particuliers».  M.  Pascal  a  fait  quelques  changements  notables;  il  indique  presque 
toujours  le  passage  d'où  chaque  phrase  est  tirée;  il  a  ajouté  des  notes  et  des  remar- 
ques nouvelles  (et,  par  exemple,  dans  le  chapitre  xiii  :  Commerce  et  Agriculture,  un 
article  entier  intitulé  :  «  Taux  de  l'intérêt  »)  ;  il  a  refait,  en  la  complétant,  la  Table 
latine  et  composé  une  Table  française.  Cette  phraséologie  rendra  de  grands  servi- 
ces aux  étudiants  et  aux  élèves  de  l'Université,  auxquels  elle  épargnera  de  pénibles 
recherches  à  travers  les  colonnes  du  dictionnaire. 

—  La  librairie  Leroux  vient  de  publier  des  Etudes  sur  la  vie  de  Sénéque,  par 
M.  P.  HocHART  (in-8^  vn  et  285  p.,  6  francs).  Ces  Etudes  ont,  en  réalité,  paru  déjà 
sous  un  autre  titre;  c'est  le  travail  qui  a  été  publié,  l'an  dernier,  en  Hollande,  sous  le 
nom  de  Dacbert  et  qui  était  intitulé  Sénéque  et  la  mort  d'Agrippine ;  notre  recueil  en 
a  rendu  compte.  L'auteur  avait  craint,  dit-il,  le  ridicule  qui  s'attache  toujours  à 
l'insuccès;  enhardi  aujourd'hui  par  «  la  flatteuse  bienveillance  avec  laquelle  des  maî- 
tres éminents  et  des  savants  distingués  ont  bien  voulu  juger  son  ouvrage  »,  il  le  pu- 
blie dans  son  pays,  en  le  signant,  non  plus  d'un  pseudonyme,  mais  de  son  véritable 
nom. 

—  La  première  partie  d'une  Histoire  du  commerce  de  la  France,  par  M.  H.  Pi- 
geonneau, vient  de  paraître  à  la  librairie  Cerf  (in-8",  viii  et  468  p.  7  fr.  5o).  Elle  va 
depuis  les  origines  jusqu'à  la  fin  du  xv'  siècle,  et  comprend  trois  livres  A.  Le  com- 
merce de  la  Gaule.  IL  Le  commerce  de  la  France  au  moyen  âge.  111.  Période  de 
transition  entre  le  moyen  dge  et  les  temps  modernes.  Un  appendice  renferme  cinq 
notices  ou  documents  ••  (les  naviculaires  gallo-romains;  les  divers  sens  du  mot  Sa- 
xons dans  les  chartes  mérovingiennes  et  carolingiennes  relatives  à  la  foire  de  Saint- 
Denis;  un  péage  au  xi^  siècle;  chartes  concédant  à  des  seigneurs  le  droit  d'avoir 
des  Lombards  sur  leurs  terres;  compte  de  voyage  d'une  des  galées  de  France  en 
1470).  Nous  reviendrons  plus  longuement  sur  ce  volume,  où  l'auteur  a  su  réunir  «  les 
éléments  épars  de  connaissances  historiques  qui  méritent  d'entrer  dans  le  domaine 
commun  ».  Il  sera  suivi  de  Jeux  autres  volumes  :  le  deuxième,  commençant  au  dé- 
but de  la  révolution  économique  qui  inaugure  les  temps  modernes,  se  terminera 
avec  le  xvu<^  siècle;  le  troisième  s'arrêtera  à  l'ancien  régime. 


d'hISTOIRIC    KT    DK    l.lTTéRAÏORK  99 

—  M.  GiRY  publie  chez  Picard  une  brochure  qui  a  pour  titre  Recueil  de  textes 
pour  servira  Vétiideetà  l'enseignement  de  Vhistoire,  et  pour  sous-titre  Documents 
sur  les  relations  de  V autorité  royale  avec  les  villes  en  France  de  iiSo  à  13S4. 
Elle  contient  les  ordonnances  générales  de  Saint-Louis  et  de  Philippe  le  Bel,  quel- 
ques chartes  de  communes,  de  franchises  et  de  pariages,  les  chapitres  de  Beaumanoir 
relatifs  à  l'administration  des  villes,  et  quelques  comptes  municipaux  du  xiii'^  siècle. 
M.  Giry  donne,  en  manière  de  préface,  une  bibliographie  du  sujet. 

ALLEMAGNE.  —  La  librairie  Teubner  doit  faire  paraître  prochainement  : 
i"  Lexicon  Aristophaneum,  par  MM.  Otto  Kaehler  et  Ottomar  Bachmann;  2"  la 
deuxième  partie  du  Commentaire  de  Catulle  (Commentarius  in  Catulluin),  par  E. 
Baehrens  ;  3"  d'une  édition  Ae.?,  Epigrammes  de  Martial,  par  Walthcr  Gilbert 
(bibliothèque  Teubner);  4°  une  deuxième  édition  de  la  Metrik  der  Griechen  und 
Rœmer,  par  Lucien  Mûller;  5"  une  édition  des  Femmes  savantes  de  Molière,  par 
M.  G.  Th.  LïoN. 


ACADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET   BELLES-LETTRES 


Séance  du  2  3  janvier  iSSj^. 

M.  le  Secrétaire  perpétuel  donne  lecture  des  lettres  des  quatre  candidats  à  la  place 
de  membre  ordinaire,  laissée  vacante  par  la  mort  de  M.  Louis  Quicherat  :MM.  Léon 
Gautier,  Abcl  Bergaigne,  Auguste  Longnon  et  Héron  de  Villefosse. 

M.  le  Ministre  de  l'instruction  publique  invite  par  lettres  l'Académie  à  présenter 
deux  candidats  pour  la  chaire  de  langues  et  littératures  slaves,  qui  est  vacante  au 
Collège  de  France.  La  question  est  mise  à  l'ordre  du  jour  de  la  prochaine  séance. 

M.  le  Secrétaire  perpétuel  donne  lecture  de  son  rapport  semestriel  sur  les  travaux 
de  l'Académie. 

M.  Gaston  Paris  communique  un  passage  d'une  lettre  écrite  de  Louqsor,  le  b  jan- 
vier, à  M.  Miller,  par  M.  Maspero.  On  n'a  trouvé,  dans  ces  derniers  temps,  que  peu 
d'inscriptions  grecques;  mais  on  doit  signaler  une  découverte  dont  l'importance  ne 
peut  être  exactement  appréciée  pour  le  moment  :  c'est  celle  d'un  manuscrit  copte, 
d'une  trentaine  de  feuillets,  formés  chacun  par  la  réunion  de  deux  fragments  de  pa- 
pyrus collés  l'un  sur  l'autre.  M.  Maspero  a  constaté  que  le  papyrus  employé  à  for- 
mer ces  feuillets  poite  un  texte  écrit  en  grec,  et  il  a  cru  déchillrer  quelques  frag- 
ments de  poésies  en  siyle  homérique.  Pour  s'assurei'  du  contenu  exact  de  ce  palimp- 
seste, il  faudra  décoller  soigneusement  chaque  feuillet;  M.  Maspero  ne  pourra 
s'occuper  de  ce  travail  qu'à  son  retour  au  Caire;  il  ne  le  fera  commencer,  du  resie, 
qu'après  avoir  pris  une  photographie  complète  du  manuscrit  dans  son  état  actuel. 
A  Louqsor,  le  déblaiement  est  commencé,  cent  cinquante  ouvriers  y  travaillent.  La 
partie  méridionale  sera  déblayée  jusqu'au  sol  d'ici  à  deux  mois;  on  ne  peut  s'occu- 
per pour  le  moment  des  autres  parties  du  temple,  occupées  par  une  mosquée  et 
d'autres  édifices  dont  l'expropriation  s'obtiendrait  difticilement.  Le  voisinage  du 
Nil  inspire  de  sérieuses  inquiétudes  :  le  tleu\e  emporte  parfois  des  parties  considé- 
rables de  ses  rives,  et  Louqsor  tout  entier  pourrait  un  jour  périr  dans  un  accident 
de  ce  genre.  C'est  une  raison  de  plus  de  hâter  le  déblaiement,  ahn  de  savoir  au 
moins  exactement  ce  que  contiennent  ces  ruines  qu'on  n'est  pas  sûr  de  conserver. 

L'Académie  se  forme  en  comité  secret  pour  examiner  les  titres  des  candidats  au 
fauteuil  de  M.  Quicherat. 

Julien  Havet. 


lOO  RK.VUE    CRITIQUE    D^HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE 

SOCIÉTÉ  ^NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANGE 


Séance  du  7  janvier. 

(Il  n'y  a  pas  eu  de  séance  le  3i  décembre.) 

PRÉSIDENCE   DE    M.  GUILLAUME    ET    DE   M.  COURAJOD 

M.  Guillaume,  président  sortant,  prononce  le  discours  d'usage  dans  lequel  il  ré- 
sume les  travaux  de  la  Société  pendant  l'année  écoulée,  rend  un  dernier  hommage 
aux  membres  et  aux  associés  correspondants  décédés  el  rappelle  les  noms  de  ceux 
qui  ont  été  nouvellement  admis. 

On  procède  à  l'élection  de  deux  membres  résidents;  après  cinq  épreuves  succes- 
sives, aucun  des  candidats  n'ayant  obtenu  la  majorité  requise,  le  scrutin  de  ballottage 
est  ajourné  à  la  première  séance  du  mois  suivant. 


Séance    du    14  janvier. 

PRÉSIDENCE   DE   M.  COURAJOD 

Lecture  est  donnée  de  nouvelles  lettres  d'adhésion  au  pétitionnement  institué  pour 
]a  conservation  des  monuments  antiques  :  la  Société  d'études  scientifiques  d'Angers, 
la  Société  des  lettres,  sciences  et  arts  de  l'Aveyron,  la  Société  d'émulation  d'Abbe- 
ville,  la  Société  des  antiquaires  du  Centre,  la  Société  historique  et  archéologique  de 
Pontoise  et  du  Vexin. 

M.  Daiguzon  est  élu  associé  correspondant  à  Châteauroux  (Indre). 

M.  Palustre  présente  des  photographies  de  belles  miniatures  de  manuscrits  du 
xvi**  siècle,  provenant  de  la  cathédrale  de  Mirepoix  et  appartenant  aujourd'hui  à  la  So- 
ciété archéologique  de  Toulouse.  Elles  paraissent  devoir  être  attribuées  à  Antoine 
Nyort,  qui  travailla  pour  Philippe  de  Léris,  évêque  de  Mirepoix.  Il  donne  ensuite  des 
détails  sur  un  ancien  calendrier  orné  de  sujets  empruntés  aux  événements  ordinaires 
delà  vie  humaine  dans  leur  ordre  chronologique.  Il  termine  en  taisant  connaître  le 
déchiffrement  qu'il  propose  pour  une  devise  gravée  sur  un  verre  historié  du  xvi*  siècle 
conservé  au  musée  de  Poitiers  ;  Vous  sçave^  bien  que  j'escapte  tout. 

M.  de  Lasieyrie  lit  une  notice  sur  la  net'  de  l'église  de  Saint-Ouen. 

M.  Ramé  communique  une  photographie  de  l'inscription  sur  plaque  de  plomb  trou- 
vée en  1875  dans  le  tombeau  de  Guillaume  de  Ros  à  Fécamp. 

M.  C.  Port  présente  un  vase  de  bronze  en  forrne  de  petite  marmite,  à  trois  pieds  et 
avec  anse  mobile  en  fer,  découvert  au  milieu  d'autres  objets  antiques  près  de  l'ancien 
bourg  de  Vivy,  entre  La  Flèche  et  Saumur. 

M.  Maxe  Werly  communique  le  dessin  d'une  molette  en  terre  cuite  avec  monture  en 
bronze  destinée  à  mouler  en  relief  la  frise  d'oves  qui  caractérise  les  vases  rouges 
pseudo-saniens  de  grand  modèle.  L'original  fait  partie  de  la  collection  d'antiquités  de 
M.  Bellon,  à  Saint-Nicolas  près  Arras. 

Le  Secrétaire, 
Signé  :  R.  Mowat. 


SOCIÉTÉ   ASIATIQUE 


Séance  de  janvier 

SOUS  LA  PRÉSIDENCE  DE  M.  ERNEST  RENAN 

Le  président  annonce  la  remise  à  la  Société  du  legs  Sanguinetti  (10,000  fr.)  :  la 
Société  décidera  à  la  prochaine  séance  quel  est  l'emploi  de  ce  legs  qui  peut  le  mieux 
répondre  aux  intentions  et  honorer  la  mémoire  du  généreux  donateur. 

M.  Clermont-Ganneau  présente  un  certain  nombre  d'observations  sur  une  ins- 
cription nabatéenne  récemment  publiée  et  commentée  par  M.  Sachau  et  qui  est 
datée  à  la  fois  de  l'ère  des  Séleucides,  désignée,  semble-t-il,  sous  le  nom  d'ère  ro- 
maine, et  des  années  du  roi  régnant  Ûabel.  11  présente  aussi  une  empreinte  d'un 
sceau  israélite  d'un  fonctionnaire  de  l'époque  royale. 

M.  Jaiîjes  Darmesteter  fait  une  lecture  sur  la  légende  juive  de  la  flèche  sanglante 
de  Ncmrod  (Nemrod  lance  contre  les  cieux  une  Hèche  qui  retombe  rouge  de  sang, 
et  il  croit  avoir  tué  les  dieux).  Celte  légende  est  venue  aux  Juifs  par  les  Arabes,  à 
ceux-ci  par  les  Persans  qui  l'appliquaient  au  roi  Kei  Kaous,  qu'ils  identifient  à 
Nemrod;  les  Persans  enfin  la  tiennent  des  Chinois,  chez  qui  elle  paraît  des  le  w  siè- 
cle avant  notre  ère  sous  une  forme  qui  prouve  que  la  Chine  en  est  le  lieu  d'origine. 

M.  llalévy  propose  une  nouvelle  interprétation  du  mot  mûma,  nom  de  la  forme 
féminine  deci  chaos  «dans  la  cosmologie  babylonienne  et  où  il  reconnaît  une  réduction 
de  umu-umu,  la  grand'mère. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEFvOL'X. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    Er    DE    LITTERATURE 


N°  6  —  9  février  -  1885 


^omniaii-e  î  23.  Bruns.  Etudes  sur  Lucrèce.  —  24.  Thurneysen,  L'accentuation 
de  l'ancien  verbe  irlandais;  Zimmer,  Etudes  celtiques,  IL  —  25.  Histoire  ecclé- 
siastique des  Eglises  réformées,  p.  p.  Baum  et  Cumtz,  IL  —  26.  P.iRFouRU,  Ca- 
talogue des  incunables  de  la  bibliothèque  d'Auch.  —  27.  Courdaveaux,  Sur  quoi 
reposent  les  prétentions  politiques  de  l'Eglise;  Morin,  Essai  de  critique  reli- 
gieuse. —  Correspondance  :  Réponse  de  M.  Rouire.  —  Chronique.  —  Académie 
des  Inscriptions. 


23.  —  Ivo  Bruns.  Luci-ez-studîeii.  Fribourg   en    Brisgau.  J.  C.  B.  Mohr,   1884. 
80  pages,  in-8.  Prix  :  2  fr.  5o. 

Le  poème  de  Lucrèce,  d'après  M.  Bruns,  était  primitivement  destiné 
à  Memmius  seul,  et  c'est  à  lui  seul  que  le  poète  s'adresse  au  début. 
Mais  insensiblement  son  but  se  déplace.  Ce  n'est  plus  un  manuel  de 
philosophie  qu'il  compose  à  Tnsage  particulier  de  son  ami,  c'est  un 
exposé  du  système,  destiné  à  le  faire  connaître  aux  gens  du  monde  et  à 
les  y  convertir  par  la  douce  persuasion  des  beaux  vers.  On  se  deman- 
dera si  ces  deux  destinations  s'excluent.  Qu'est-ce  qui  prouve  que 
Memmius  fût  déjà  initié  à  Tépicurisme  quand  Lucrèce  voulut  lui  dé- 
dier son  poème?  Il  n'est  pas  croyable,  d'un  autre  côté,  que  pour  être 
mis  sous  son  patronage,  ce  poème  diit  être  en  quelque  sorte  séquestré. 
Memmius  n'est  que  le  premier  et  le  plus  important  des  adhérents  que 
Lucrèce  se  propose  de  gagner  à  l'épicurisme  ;  il  n'est  pas  le  seul.  Mais 
n'insistons  pas;  cette  première  observation  n'est  pas  indispensable  à  la 
démonstration  que  M.  B.  poursuit. 

Du  moment  que  Lucrèce  se  décidait  à  écrire  en  vue  du  grand  public 
et  pour  la  propagande  épicurienne,  il  a  dû  changer  de  méthode.  11  a  dû 
renoncer,  en  particulier,  à  commencer  par  la  canonique  ou  logique 
d'Epicure,  ce  qui  était  le  véritable  ordre  didactique  et  scientifique,  mais 
ne  pouvait  convenir  à  une  oeuvre  de  vulgarisation.  Cette  canonique, 
en  effet,  est  la  partie  du  système  la  plus  abstraite  et  la  plus  ardue.  Mais 
une  fois  exclue  de  sa  vraie  place,  elle  n'en  pouvait  trouver  d'autre.  Elle 
est  donc  éliminée  entièrement;  quelques  propositions  seulement,  celles 
qu'il  était  le  plus  facile  de  rendre  en  langage  populaire,  reparaissent 
incidemment  au  1.  IV.  Néanmoins,  en  un  endroit,  Lucrèce  touche  à 
ces  questions  comme  il  aurait  pu  le  faire  en  présence  de  lecteurs  déjà 
initiés;  c'est  au  1.  I,  dans  les  vers  428  à  425.  il  faut  croire  que  ces  vers 
ont  été  écrits  à  un  moment  où  l'idée  de  Lucrèce  sur  le  but  à  poursuivre 
dans  son  poème  n''était  pas  parfaitement  arrêtée.  Cette  supposition  est 
confirmée  par  une  troisième  observation,  c'est  nue. à  cet  endroit-là  entre 

Nouvelle  séiic,  XIX.  ô 


102  REVUB    CKlTlQUk 

autres,  Lucrèce  paraît  s'attacher  étroitement  à  un  texte  d'Epicure,  tiré 
non  pas  de  la  lettre  à  Hérodote  mais  d'un  abrégé  semblable,  moins 
sommaire,  mais  en  tous  cas  destiné  aussi  à  l'école,  et  non  aux  ignorants. 
Enfin,  dans  les  vers  qui  précèdent  (I,  i  à  897)  on  ne  trouve  pas  non 
plus  cet  ordre  strictement  progressif  qui  convenait  à  une  oeuvre  de  pro- 
pagande. Des  termes  techniques  sont  employés  avant  d'avoir  été  expli- 
qués, la  démonstration  du  vide  est  anticipée,  puis  répétée  à  peu  d'inter- 
valle. M.  B.  en  conclut  que  ce  morceau  a  été  composé  à  un  moment 
où  Lucrèce  voulait  parler  en  épicurien  à  des  épicuriens,  et  non  en  ini- 
tiateur, en  apôtre,  à  des  Romains  encore  étrangers  à  sa  doctrine.  A  partir 
du  v.  418,  son  but  et  son  plan  sont  arrêtés,  mais  il  s'oublie  encore  une 
fois  dans  les  vers  428  à  425,  qui  supposent  la  canonique  en  tête  de  l'ou- 
vrage, et  qui  sont  pour  nous  la  preuve  que  le  livre  I,  aussi  bien  que  les 
autres,  est  inachevé  ;  car  Lucrèce,  en  y  mettant  la  dernière  main,  aurait 
fait  disparaître  une  semblable  inconséquence. 

Ce  dernier  résultat  nous  paraît  acquis.  Les  autres  inductions  de 
M.  B.  sont  moins  sûres.  11  est  toujours  périlleux  de  tant  préciser  en 
pareille  matière.  Les  incohérences,  les  contradictions  que  M.  B.  décou- 
vre ont  pu  avoir  des  causes  diverses.  Avant  le  vers  418  aussi  bien  qu'a- 
près, lorsque  Lucrèce  suppose  chez  ses  lecteurs  des  connaissances  qu'il 
ne  leur  a  pas  encore  données,  cela  peut  être  un  simple  oubli,  une  dis- 
traction du  philosophe  qui  se  laisse  entraîner  par  son  sujet.  On  ne  peut 
guère  admettre  qu'il  ait  composé  les  vers  i  à  097  du  1.  I  dans  l'idée  de 
les  faire  précéder  de  toute  la  canonique  :  ils  sont  faits  évidemment  pour 
former  le  début  d'une  exposition.  Mais  ceux-là  mêmes  qui  n'accepteront 
pas  toutes  les  conclusions  de  M.  Bruns  feront  leur  profit  de  la  rigou- 
reuse analyse  par  laquelle  il  y  est  arrivé,  et  rendront  hommage  à  son 
attentive  et  pénétrante  critique. 

Max  Bonnet. 


24.  —  S^'accentïiatîon   tSe   l'ajîcîei»    -verbe  irlandais?  par    R.   Thurneysen. 
Paris,  mai  1884,  extrait  de  la  Revue  Celtique.  Brochure  in-8. 

—  Keltîselje  ^tiitEien  von  Keinrich  Zimmer.   Zweites  Heft.  Ueber  altirische 
Betonung  und  Verskunst.  Berlin,  Weidmann,  1884,  brochure  in-8. 

La  loi  fondamentale  de  l'accent  irlandais  est  donnée  par  le  Rév.  Ulick 
J.  Bourke  dans  les  termes  suivants  :  en  irlandais,  l'accent  primaire  est 
sur  la  première  syllabe  '. 

Ce  que  cet  auteur  appelle  l'accent  primaire  est  l'accent  principal  ;  il 
s'oppose  à  l'accent  secondaire  qui  peut  se  rencontrer  dans  les  mots  de 
trois  syllabes  et  au-dessus. 

i.  As  a  gênerai  rule,  the  primary  accent  in  Irish  is  on  the  first  syllable  :  The  col- 
lège irish  g  rammar.  Third  édition,  Dublin,  i865,  page  229. 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  100 

L'objet  que  se  proposent  les  auteurs  des  deux  brochures  dont  nous 
allons  rendre  compte  est  :  i"  d'établir  que  cette  règle  existait  déjà  en 
ancien  irlandais,  c^est-à-dire  dans  l'irlandais  des  manuscrits  du  neu- 
vième siècle  et  de  la  tin  du  huitième;  2"  de  montrer  les  effets  qu'à  cette 
date  Taccent  produisait.  Les  résultats  auxquels  ils  arrivent  l'un  et  l'autre 
offrent  une  grande  analogie;  les  preuves  qu'ils  donnent  à  l'appui  de  leur 
doctrine  sont  souvent  les  mêmes.  Cependant  ils  ont  travaillé  chacun  d'une 
manière  indépendante.  M.  Thurneysen,  aujourd'hui  professeur  à  Jéna, 
terminait  son  savant  mémoire  en  décembre  1882,  et  l'envoyait  au  direc- 
teur de  la  Revue  celtique,  que  des  difficultés  matérielles  ont  empêché  de 
le  faire  imprimer  jusqu'à  une  date  toute  récente;  on  sait  que  la  publi- 
cation de  la  Revue  celtique  a  été  suspendue  pendant  environ  un  an. 
M.  Zimmer  qui,  dans  l'intérêt  de  ses  futurs  biographes,  aime  à  placer 
dans  ses  écrits  des  matériaux  à  leur  usage,  raconte  dans  sa  préface  qu'il 
a  consacré  sept  années  de  sa  vie  à  l'étude  de  l'accent  irlandais,  tantôt 
devant  sa  table  de  travail,  tantôt  dans  ses  promenades,  tantôt  y  appli- 
quant tous  les  efforts  de  son  esprit,  tantôt  y  donnant  une  attention 
moins  soutenue,  parce  que  d'autres  recherches  occupaient  chez  lui  la 
première  place.  Deux  fois,  nous  dit-il,  d'abord  en  1878  à  Berlin,  ensuite 
dans  l'été  de  1881,  c'est-à-dire  depuis  son  arrivée  à  Greifswald,  il  a 
consigné  par  écrit  ses  idées  sur  ce  sujet  sans  arriver  à  se  satisfaire,  et 
chaque  fois  il  a  jeté  son  mémoire  au  feu.  Enhn,  il  s'est  remis  à  la  tâche 
à  une  date  qui  sera  désormais  célèbre  dans  l'histoire  delà  grammaire,  le 
Il  décembre  i883,  et,  travaillant  douze  heures  par  jour,  de  quatre 
heures  du  soir  à  quatre  heures  du  matin,  pendant  six  semaines,  il  a 
terminé  le  20  janvier  1 884  un  mémoire  où  tout  ce  qu'il  y  a  d'important 
et  de  vrai  avait  été  découvert  un  an  plus  tôt  par  M.  Thurneysen. 

Quand  il  s'agit  des  noms,  on  applique  sans  difficulté  en  vieil  irlandais 
la  loi  de  Taccent  irlandais  moderne  telle  que  l'a  formulée  le  Rév.  Ulick 
J.  Bourke  :  la  syllabe  initiale  accentuée  est  la  première  du  mot,  sans 
distinction  entre  celui  qui  est  composé  et  celui  qui  ne  l'est  pas.  Mais 
quand  on  passe  au  verbe,  où  la  racine  est  si  souvent  précédée  de  préfixes, 
la  faculté  de  la  tmèse,  c'est-à-dire  la  possibilité  d'insérer  un  pronom 
infixe  après  le  premier  terme  du  verbe  composé  nous  oblige  à  faire  une 
question  :  ou  est  l'initiale  du  verbe  composé?  Est-ce  le  premier  terme, 
est-ce  au  contraire  la  syllabe  qui  suit  le  pronom  infixe,  ou  qui  suivrait 
le  pronom  infixe  s'il  y  en  avait  un  ?  En  allemand,  on  distingue  les 
préfixes  en  deux  catégories  :  les  uns,  inséparables  et  atones;  les  autres, 
séparables  et  qui  portent  l'accent  principal  du  mot,  «  hochton  »,  le 
«  primary  accent  »  du  Rév.  J.  Bourke;  verderben  est  accentué  sur  la 
racine,  parce  que  la  particule  ver  est  inséparable  ;  aufmachen  porte 
l'accent  sur  auf  parce  que  la  particule  aiif  est  séparable.  Ainsi,  en 
allemand,  la  question  de  savoir  si  l'on  peut  détacher  le  préfixe  du  verbe 
doit  être  résolue  avant  qu'on  puisse  fixer  la  place  de  l'accent.  Il  en  est 
de  même  en  vieil  irlandais,  mais  la  réponse  à  la  question  n'est  pas  la 


I04  REVUE    CRITIQUE 

même  dans  les  deux  langues.  Tandis  qu'en  allemand  certaines  parti- 
cules se  détachent  du  verbe  et  que  d'autres  lui  sont  unies  par  une 
soudure  qu'on  ne  peut  briser,  en  vieil  irlandais  les  préfixes  peuvent  se 
séparer  du  verbe  en  certains  cas,  ne  le  peuvent  pas  dans  d'autres,  et 
pour  savoir  en  faire  la  distinction  il  faut  recourir  à  la  syntaxe. 

La  loi  fondamentale  en  cette  matière  a  été  entrevue  par  Zeuss,  il  y  a 
déjà  plus  de  trente  ans.  On  sait  en  effet  que  c'est  en  i85  3  que  cet  auteur 
a  publié  la  première  édition  de  la  Grammatica  Celtica.  Or,  à  la  page  33 
de  cet  ouvrage,  il  fait  observer  que  dans  les  propositions  négatives, 
comme  ni  fo-dlat  (non  discernunt),  ni  fo-dmat  (non  tolérant),  il  est 
tombé  après  le  d  un  a,  Va  des  racines  dal  et  dam,  qui  persiste  dans  les 
propositions  affirmatives  :  fo-dalet  (ils  distinguent),  fo-daimet  (ils  sup- 
portent); en  breton  de  F'rance  :  goti-^anvont.  Les  propositions  affirma- 
tives admettent  l'intercalation  du  pronom  infixe  après  le  premier  terme 
du  verbe  composé.  Zeuss  en  cite  à  la  même  page  un  exemple  :  fo-T-dali 
(il  LE  distribue)  ;  t  que  nous  traduisons  par  le  est  un  pronom  infixe  de 
la  troisième  personne  du  singulier.  L'intercalation  ou  la  possibilité 
de  l'intercalation  du  pronom  infixe  après  le  premier  terme  des  verbes 
composés  dans  les  propositions  afiirmatives  rend  initiale  la  syllabe 
suivante,  qui,  par  conséquent,  est  accentuée  et  conserve  sa  voyelle. 
Celte  voyelle,  au  contraire,  tombe  dans  les  propositions  négatives. 
En  effet,  dans  celles  ci,  l'ordre  du  discours  est  le  suivant  :  d''abord  la 
négation,  ensuite  le  pronom,  en  dernier  lieu  le  verbe  :  nach-m-ro-gba 
(qu^il  ne  nous  prenne  pas);  ro-gba  =^  ro-gaba,  troisième  pers.  du  sing, 
du  subjonctif  de  gabim  (je  prends),  comparez  le  latin  [gjhabeo;  m  est 
le  pronom  infixe  du  pluriel  de  la  première  personne,  comparez  le  latin 
710S.  Le  préfixe  ro  est  initial,  puisque  le  pronom  infixe  le  précède.  Etant 
initial,  il  porte  l'accent,  de  là  résulte  la  chute  de  la  voyelle  dans  la  syl- 
labe suivante  :  ro-gba  =  ro-gaba^  cf.  Grammatica  Celtica,  première 
édition,  pp.  333,  335  '. 

Le  même  phénomène  se  produit  après  les  conjonctions  composées 
d^une  préposition  et  d'un  débris  de  pronom  relatif.  Ainsi,  dans  co-jî  ro- 
cliJ'a  (qu'il  aime)  pour  co-n-ro-cara^,  Taccent  placé  sur  ro  a  fait 
tomber  la  voyelle  de  la  syllabe  posttonique  ca,  Taccent  frappe  ro 
parce  que  ro  est  l'initiale  du  composé  ro-chra.  Dans  les  deux  groupes 
syntactiques  nach-\^-rogba  {<\\x"i\.nQ.  nous  prenne  pas),  co-N-rochra  (afin 
Qu'il  aime),  les  deux  pronoms  in  (nous)  et  [n  (que)  se  trouvent  après 
le  premier  élément,  négation  dans  le  premier  cas,  préposition  dans  le 
second  ;  une  initiale  accentuée  les  suit  ;  en  définitive,  l'ordre  est  le  même 


1.  Voyez  d'ailleurs  ce  que  dit  de  l'accent  irlandais  M.  E.  Windisch,  Kur;[ge- 
fassie  irische  Grammatik,  p.  ii3,  §  25  g.,  et  dans  les  divers  passages  du  même 
livre  auxquels  ce  paragraphe  renvoie. 

2.  La  question  de  savoir  quelle  est  ici  le  thème  du  pronom  relatif  n'est  pas 
résolue.  Voyez  Thurneysen,  Revue  celtique,  t.  VI,  p.  i34;  cf.  Zimmer,  Keliische 
Studien,  II,  p.  54-35. 


d'histoire  et  de  littérature  io5 

que  dans  la  proposition  affirmative /o-T-ia/f  (il  le  distingue],  où  l'ac- 
cent frappe  la  syllabe  da  de  dalî,  et  suit  immédiatement  rélément  pro- 
nominal. La  découverte  de  MM.  Th.  et  Z.  a  consisté  d'abord  à  établir 
que  l'action  de  l'accent  est  la  cause  qui  a  produit  dans  con-rochra, 
ni-fodlat,  nach-in-rogba  les  chutes  de  voyelles  observées  par  Zeuss, 
ensuite  à  montrer  par  de  nombreux  exemples  l'influence  exercée  par 
cet  accent  sur  les  prépositions  préfixes  et  à  nous  donner  la  formule  des 
lois  selon  lesquelles  cette  influence  s'exerce. 

Outre  l'accent  de  l'initiale,  le  vieil  irlandais  en  avait  un  autre,  sui- 
vant moi,  le  plus  ancien  des  deux,  et  cet  accent  portait  sur  la  finale. 
L'existence  de  cet  accent  s'établit  par  la  chute  de  la  posttonique  et  de  la 
prétonique  primitives.  On  pourrait  en  réunir  de  nombreux  exemples. 
Nous  comptons  traiter  ce  sujet  ailleurs;  nous  nous  bornerons  à  citer  : 

ecsamhis  (diversité)  =  * dn-com-samaljâstus ; 

sulbairichte  (bien  dit)  =  ' sû-labaracitîon  ; 

tursitnech  (arrosé)  =  *dôare-ex-semtinicos. 
Mais,  c'est  un  point  que  M.  Th.  laisse  de  côté  dans  son  savant  mémoire, 
et  sur  lequel  M.  Z.  ne  se  prononce  pas  très  clairement  ;  d'une  part,  M.  Z. 
repousse  ma  thèse  avec  indignation  (p.  2  et  suiv.  de  sa  brochure), 
et,  d'autre  part,  il  paraît  l'accepter  quand,  aux  pages  57,  144  et  J45,  il 
oppose  à  l'accent  nouveau  placé  sur  l'initiale  l'accent  ancien  porté  par 
la  finale,  accent  qui,  suivant  lui,  déjà  dans  l'irlandais  du  ix°  siècle, 
n'est  qu''un  accent  secondaire,  «  nebenton  «  (p.  i35). 

J'arrive  maintenant  à  quelques  questions  soulevées  par  M.  Z.,  sur 
lesquelles  je  n'ai  pas  eu  à  me  prononcer  jusqu'ici,  et  dont  M.  Th.  n'a 
pas  cru  devoir  s'occuper.  La  première  est  de  savoir  comment  les  Irlan- 
dais ont  traité  les  mots  latins  qui  ont  pénétré  dans  leur  langue.  M.  Z. 
n'a  pas  le  moindre  soupçon  des  difficultés  que  présente  ce  sujet.  Ainsi, 
suivant  lui,  le  vieil  irlandais  idol,  idal  vient  du  bas  latin  idolum  qui 
aurait  eu  sa  seconde  syllabe  do  longue  et  accentuée  (p.  9).  Or,  le  bas 
latin  idolum  avait  la  syllabe  do  brève  et  atone;  elle  était  brève  en  dépit 
de  la  quantité  grecque.  Ainsi  Prudence  a  écrit  : 

Quosque  viros  non  ira  ffemens,  non  idola  bello 

Cedere  compulerant  :  ' 

Silvosi  illuviem  poneret  idoli ^ 

Idola  convaluit  fallendi  trina  potesias...  2 
Idola  protero  sub  pedibus '» 

En  d'autres  termes,  le  mot  el'owXov,  étant  proparoxyton  en  grec,  est  resté 

proparoxyton  en  latin,  d'où  l'abréviation  de  sa  seconde  syllabe  qui  est 

tombée  dans  le  vieux  français  idle  -.  Ainsi,  quoi  qu'en  dise  M.  Z.,  le 

I.  Psychomachia,  v.  37g,  38o;  Migne;  Patrologia  latina,  t.  LX,  col.  3i. 
2   Contre  Symmaque,  liv.  I,  préf.,v.  72;  Migne;  ibid.,  colonne  116. 

3.  Contre  Symmaque,  liv.  II,  v.  48;  Migne;  fZ'fii.,  colonne  184. 

4.  Hymne  en  l'honneur  de  sainte  Eulalie,  v.  74;  Migne;  ibid..,  col.  345. 

5.  Gaston  Paris.  Etude  sur  le  rôle  de   l'accent  latin  dans  la  langue  française, 
page  41. 


I06  RKVUE    CRITIQUE 

vieil  irlandais  idol  du  manuscrit  de  Wurzbourg  (ix''  siècle)  est  à  tort 
cité  par  cet  aimable  savant  comme  preuve  que  dans  les  mots  d'origine 
latine  toutes  les  voyelles,  sauf  la  voyelle  de  la  première  syllabe,  perdent 
en  irlandais  leur  quantité;  l'ode  la  syllabe  dol  est  bref  en  irlandais 
comme  en  latin.  D'autre  part,  on  n'aurait  pas  besoin  de  chercher  beau- 
coup pour  trouver  des  exemples  de  mots  d'origine  latine  où  des  syllabes 
autres  que  Tinitiale  ont  conservé  en  vieil  irlandais  la  quantité  primitive. 
Quatre  de  ces  mots  ont  été  introduits  en  Irlande  par  les  missionnaires 
bretons  qui  ont  évangélisé  cette  île  au  v  siècle,  et  ils  portent  la  trace  de 
la  prononciation  bretonne.  On  sait  que  les  Bretons,  à  cette  époque, 
prononçaient  ô  l'a  long  du  latin;  trois  des  mots  dont  il  s'agit  sont  des 
substantifs  abstraits  en  -tas,  -tâtis,  et,  comme  tous  les  autres  mots 
analogues,  paraissent  provenir  d'un  thème  bas  latin  en  tdti.  L'un  est 
humaldôit  (humilité),  manuscrit  de  Wurzbourg,  folio  6  d,  S  d  ;  chez 
Zimmer,  Glossae  Hibernicae,  p.  41,  5\\  umaldôit^  même  manuscrit, 
folio  i3a;  chez  Zimmer,  fè/rf.,  p.  82;  homaldôit.  même  manuscrit, 
tolio  27  a; chez  Zimmer,  ibid.,  p.  164.  Les  œuvres  complètes  de  M.  Z. 
sont  déjà  tellement  considérables  que  le  secours  de  la  mémoire  d''amis 
comme  moi  lui  est  nécessaire  pour  s^en  rappeler  le  contenu. 

Un  autre  mot  également  intéressant  est  le  substantif  trinôit^  ou  mieux 
trindôit^  génitif  trmôite,  tj  induite  (trinité)  ;  il  vient  du  thème  bas 
latin  trinitâti,  prononcé  à  la  façon  bretonne  trinitôti,  et  que  les  Irlan- 
dais ont  considéré  comme  un  thème  en  i.  Les  exem.ples  qui  nous  offrent 
sur  l'u  l'apex  caractéristique  de  la  longue  ont  été  réunis  par  M .  Windisch , 
Irische  Texte,  p.  849,  colonne  i,  et  l'un  d'eux  appartient  à  Thymne  de 
Fiacc  en  Phonneur  de  saint  Patrice;  or,  M.  Z.  a  fait  de  cette  hymne 
une  étude  spéciale  dans  la  brochure  dont  nous  rendons  compte;  et, 
reproduisant  fidèlement  le  manuscrit,  il  a  deux  fois,  à  la  page  i65, 
noté  dans  le  génitif  trînôite  ïo  long  qui  contredit  formellement  sa 
théorie,  puisque  cet  o,  bien  qu'atone,  conserve  sa  quantité.  Je  citerai 
encore  cardait  (charité),  représentant  le  thème  bas  latin  caritâti^  pro- 
noncé caritôti  par  les  Bretons  >  ;  puis  altôir  -  (autel),  représentant  le 
latin  altâre,  prononcé  par  les  Bretons  altère  ;  je  laisse  de  côté  les  mots  de 
fabrication  savante  comme  spiritâlde,  spirtâlde^  preceptuir,  senatôir, 
lundir,  etc. 

Mais  j'en  ai  assez  dit  pour  pouvoir  affirmer  qu'il  n^est  pas  prouvé 
que,  comme  M.  Z.  le  prétend,  tous  les  mots  irlandais  d'origine  latine 
aient  perdu  la  quantité  des  voyelles  de  toutes  les  syllabes  autres  que 
l'initiale. 

Suivant  lui,  au  contraire,  dans  les  mots  irlandais  d'origine  latine, 
l'initiale  conserve  toujours  sa  qualité  et  sa  quantité.  Sa  démonstration 
ne  me  semble  pas  toujours  péremptoire;  seib  (faba),  srogel  (flagelliim) 
(^Grammatica  Celtica,  2^  édition,  p.  80),  ne  me  paraissent  pas  avoir  très 

1.  Aiwa  Choluimb  Chilli,  chez  Whitley  Stokes,  Goideîica,  1'  édition,  p.  166. 

2.  Manuscrit  de  Wurzbourg,  f"  5  b,  chez  Zimmer,  Glossae  Hibernicae,  p.  29. 


d'hiSTOIHK    El     DK    r.lTTÉRATURE  107 

fidèlement  conservé  la  qualité  de  la  voyelle  contenue  dans  la  syllabe 
initiale  du  mot  latin.  J'en  dirai  autant  de  descipiil  (discipulus),  manu- 
scrit de  Wurzbourg,  i"  \o  a ,  chez  Zimmer,  Glossae  Hibernicae,p.  82. 
M.  Z.  ne  cite  pas  ces  mots,  et  ceux  qu'il  allègue  à  l'appui  de  sa  doctrine 
laissent  le  doute  planer  sur  elle;  l'un  des  plus  intéressants  est  montât^ 
venant,  suivant  lui,  du  latin  monasteriiim.  Montar,  qui  nous  offre  les 
variantes  muntar^  miinter,  muinter  et  mointer,  veut  dire  «  famille  »  et 
non  «  monastère  »,  et  une  des  preuves  les  plus  caractéristiques  est 
l'existence  du  composé  cêt-muinter,  qui  désigne  une  certaine  catégorie 
de  femmes,  non  pas  des  religieuses,  comme  on  pourrait  le  supposer  si 
le  second  terme  venait  du  latin  nionasterium,  mais  des  femmes  mariées; 
cêt-muinter  est  un  terme  de  droit  dont  la  valeur  peut  être  comparée  à 
celle  du  latin  materfamilias.  M.  Z.  a  étudié  en  grammairien  le  com- 
posé cêt-muinter  dans  le  premier  cahier  de  ses  Keltische  Studien, 
page  ii3;  l'étude  juridique  de  ce  mot  reste  à  faire.  Quant  à  la  forme 
vieille  irlandaise  du  bas  latin  monasteriiim,  elle  est  parfaitement  connue 
de  ceux  qui  ont  lu,  avec  plus  d'attention  que  lui,  ses  savants  ouvrages. 
On  trouve  le  génitif  pluriel  :  inna  monistre  glosant  le  latin  cenobioricm 
dans  le  Bèdede  Carlsruhe,  f"  Sg  c;chez  Z.,  Glossae  Hibernicae,  p.  248. 
Le  manuscrit  est  du  ix"'  siècle:  monistre  (cf.  le  bas  latin  monistiriiim  ^) 
conserve  l'o  de  la  syllabe  initiale  du  latin  monasteriiim ;  mais,  dès  le 
xi<=  siècle,  cet  o  était  changé  en  a,  comme  le  prouve  le  génitif  singulier 
manestrech  de  la  chronique  de  Marianus  Scotus,chez  Z.,  ibid.,  p.  274; 
et  cet  a  persiste  dans  les  documents  postérieurs.  11  n'est  pas  prouvé  du 
tout  que,  au  ix«  siècle,  cette  prononciation  n'existât  pas  collatéralement 
avec  celle  qui  maintenait  To  latin  ;  car,  à  côté  du  monistre  qui  se  lit 
dans  le  Bède  de  Carlsruhe,  nous  trouvons  dans  le  livre  d'Armagh  le 
datif  pluriel  manchuib  de  manach,  moine,  identique  au  latin  monachus. 
Dans  ce  mot,  contrairement  à  la  règle  posée  par  M.  Z.,  la  voyelle  de  la 
syllabe  atone  conserve  sa  qualité,  et  la  voyelle  de  l'initiale  tonique  perd 
sa  qualité  pour  s'assimiler  à  la  voyelle  atone.  Or,  le  livre  d'Armagh 
date  du  ix«  siècle,  comme  le  Bède  de  Carlsruhe  :  manistrech  (monas- 
terii)  est  le  pendant  de  manach  {monachus^. 

Quant  à  la  quantité  de  l'initiale,  il  n'est  pas  démontré  qu'elle  soit 
partout  maintenue  ;  il  n'est  pas  prouvé  'que  Ye  depennit  ^  {poenitentia), 
de  enair  [januarii]  "  soit  long. 

Nous  ne  sommes  pas  davantage  convaincu  de  l'exactitude  des  doctri- 
nes soutenues  par  M.  Z.  dans  la  seconde  partie  de  son  mémoire,  où  il 
traite  de    la    versification    irlandaise.    Nous  admettons   avec   lui   que 

1.  Voyez  sur  ce  mot  Schuchardt,  Vokalismus  des  Vidgaerlateins,  t.  I,  p.  234, 
t.  III,  p.    io5. 

2.  Manuscrit  de  Wurzbourg,  f»  9  c,  22  c,  24  a,  26  b,  chez  Z.,  Glossae  Hibernicae, 
p.  55,  i35,  145,  160;  manuscrit  de  Cambrai,  f"  38  a;  cliez  Z.,  ibid.^  p.  2<6;  par- 
tout sans  apex  sur  Ve. 

3.  Felire  Oengusso.  Janvier,  strophe  i,  v.  4;  strophe  3i,  v.  4;  épilogue,  v.  8; 
édition  donnée  par  M.  Whitley  Stokes,  pages  xxvi,  xxx,  CLXXXviii. 


io8  kkvue  CKiriQUfc, 

Télévation  de  la  voix  sur  certaines  syllabes  doit  avoir  été  un  élément 
important  de  cette  versification  ;  seulement,  M.  Z.  ne  nous  paraît  pas 
avoir  démontré  que  cette  élévation  de  la  voix  portât  sur  les  syllabes 
qu'il  désigne,  et  notamment  que,  systématiquement,  on  baissât  la  voix 
sur  la  rime  finale. 

La  pièce  que  M.  Z.  donne  comme  type  de  la  versification  irlandaise 
est  l'hymne  en  l'honneur  de  saint  Patrice  attribuée  à  Fiacc  qui  aurait 
été,  dit-on,  un  disciple  du  célèbre  apôtre  de  l'Irlande.  Elle  se  compose 
de  soixante-huit  vers  rimant  deux  à  deux.  La  rime  est  double,  c^est- 
à-direque,  dans  chaque  couple,  non  seulement  les  deux  finales  riment 
ensemble,  mais  aussi  les  deux  pénultièmes. 

Genair  Patraicc  in  Nemthur,  —  is  ed  atfet  hi  scelaib,  — 
maccan  se  m-bliadan  deac,  intan  dobreth  fo  deraib  '. 

Suivant  M.  Z.,  la  voix  s'élève  sur  les  avant-dernières  syllabes  sce  et 
de  de  chacun  de  ces  deux  vers,  et  elle  baisse  sur  la  dernière.  Seulement, 
il  y  a  dans  la  pièce  deux  couples  de  vers  où  la  rime  de  la  pénultième 
fait  défaut;  ce  sont  les  vers  53,  54,  61,  62. 

Anais  Tassach  di-a-es.  in  tan  dobf.rt  comman  dô, 
asbert  mo-n-icfed  Patraicc;  briaihar  Tassaig  nir  bu  gô  2. 
Clerich  herenn  dollotur  d'airi  Patraicc  as  cecii  sêt, 
son  in  cetail  fo-s-ro-laich.  contuil  cach  uadib  for  sêt  3. 

Si  dans  ces  deux  distiques,  on  met  l'élévation  de  la  voix  sur  les  pénul- 
tièmes, les  quatre  vers  deviennent  faux. 

D'ailleurs,  M.  Z.  donne  à  cette  pièce  une  importance  exagérée  en  lui 
attribuant  une  antiquité  inadmissible.  Fiacc,  auteur  de  cette  composi- 
tion aurait,  dit-on,  été  ordonné  évéque  par  saint  Patrice;  mais  on  a 
depuis  longtemps  fait  observer  que  cette  tradition  doit  être  rejetée.  En 
effet,  saint  Patrice  paraît  être  venu  évangéliser  l'Irlande  la  quatrième 
année  du  règne  de  Loégairé  Mac  Neill,  roi  suprême  d'Irlande,  c'est- 
à-dire  en  482  ^  Or,  l'hymne  attribué  à  Fiacc  fait  allusion  à  l'abandon  de 
Tara,  capitale  de  l'Irlande,  par  les  souverains  de  ce  pays;  et  cet  aban- 
don n'a  eu  lieu  que  vers  le  milieu  du  siècle  suivant;  la  dernière  fête  de 
Tara  est  placée  à  une  date  qui  n'est  pas  la  même  dans  toutes  les  chroni- 
ques, mais  qui  est  au  plus  tôt  544,  au  plus  tard  569  '\  De  482  à  544,  il  y  a 
cent  douze  ans.  Un  contemporain  de  la  première  date  ne  peut  avoir 
survécu  à  la  seconde.  M.  Z.  se  tire  de  cette  difiiculté  en  supposant  une 

1.  Patrice  naquit  à  Nemthur,  voilà  ce  qu'on  raconte  dans  les  histoires,  c'était  un 
jeune  homme  de  seize  ans,  quand  tout  en  larmes  il  fut  emmené. 

2.  Tassach  resta  derrière  lui,  quand  il  lui  eut  donné  la  communion,  il  dit  que  Pa- 
trice s'en  irait  bientôt;  la  parole  de  Tassach  ne  fut  pas  fausse. 

'^.  Pour  garder  Patrice,  les  clercs  d'Irlande  vinrent  par  tous  les  chemins;  le  bruit 
du  chant  des  anges  les  renversa,  et  chacun  d'eux  s'endormit  sur  la  route. 

4.  Chronicum  Scotorum,  édition  Hennessy,  p.  20-23. 

5.  Voir  sur  ce  point  les  indications  réunies  par  O'Donovan  dans  l'édition  des  An- 
nales des  quatre  maîtres  qu'il  a  donnée  à  Dublin  en  i85i.  Tome  I,  p.  191. 


D''HlSTOrRK    KT    Ol,    LlTTÉRATUHlî  I  O9 

interpolation,  et  pour  rendre  sa  thèse  plus  vraisemblable  il  soutient 
que,  sur  les  trente-quatre  distiques  dont  l'hymne  se  compose,  dix-neut 
sont  des  additions  postérieures  à  l'hymne  que  Fiacc  aurait  composée  du 
temps  de  saint  Patrice.  Quel  est  le  principal  critérium  pour  distinguer 
ces  additions  de  la  rédaction  primitive?  Il  est  bien  simple.  Les  chrétiens 
irlandais  du  v^  siècle  ne  croyaient  pas  aux  miracles;  cette  croyance  ne 
s'est  introduite  en  Irlande  que  postérieurement;  donc  les  passages  où  il 
est  question  de  miracles  sont  l'œuvre  de  l'interpolateur  qui,  en  outre, 
parle  de  Tara,  de  son  temps  changée  en  désert,  après  avoir  été  si  long- 
temps la  capitale  des  rois  païens  d'Irlande.  Par  une  contradiction  sin- 
gulière, M.  Z.  laisse  à  Fiacc  la  responsabilité  des  vers  dans  lesquels  on 
voit  Patrice,  jeune  encore,  quitter  sous  la  conduite  d'un  ange  l'Irlande 
où  il  était  captif  et  aller  en  Gaule  se  préparer  à  son  futur  apostolat  sous 
la  direction  du  célèbre  évêque  d'Auxerre,  saint  Germain.  L'ange,  au 
moment  de  quitter  l'Irlande  avec  son  jeune  compagnon,  frappa  le  roc 
du  pied,  et,  ajoute  le  poète  irlandais,  de  ce  pied  on  trouve  encore  sur  la 
pierre  la  trace  qui  ne  s'efface  pas.  Suivant  M.  Z.,  ce  passage  n'est  pas 
interpolé;  Fiacc  aurait  admis  ce  miracle.  Pourquoi  dès  lors  n'aurait-il 
pas  inséré  dans  son  poème  le  récit  des  autres?  Pourquoi,  par  exemple, 
n'aurait-il  pas  dit  que  des  prophéties  avaient  annoncé  la  mission  de 
saint  Patrice  et  la  conversion  des  Irlandais.  Mais  M.  Z.  attribuant,  pour 
Ja  défense  de  son  système,  une  grande  importance  à  l'hymne  de  Fiacc, 
veut  en  exagérer  l'antiquité;  et,  pour  rendre  vraisemblable  l'interpola- 
tion du  passage  relatif  à  Tara,  il  lui  faut,  à  tout  prix,  d'autres  interpo- 
lations. Il  appelle  cela  de  la  critique  supérieure;  il  prouve  par  là  qu'on 
peut  être  grammairien  sans  avoir  encore  définitivement  pris  place  parmi 
les  maîtres  de  la  critique  historique. 

Continuant  ses  études  historico-grammaticales,  M.  Z.  se  demande  à 
quelle  date  les  Irlandais  ont  mis  l'accent  sur  la  syllabe  initiale  des 
mots.  C'est,  dit-il,  au  ive  et  au  v^  siècle.  C'est  à  cette  époque  que  le 
christianisme  s'introduisit  en  Irlande,  et  avec  lui  la  connaissance  de  la 
littérature  gréco-romaine.  C'est  alors  que  «  la  pensée  concentrée  et  ren 
«  forcée  jusqu'à  la  plus  haute  intensité  changea  radicalement  le  langage, 
«  qui  est  la  forme  de  la  pensée  ».  Les  Irlandais  qui  jusque-là  vivaient 
dans  un  cercle  d'idées  fort  restreint,  eurent  à  méditer  sur  tant  de  sujets 
nouveaux,  trouvèrent  tant  de  choses  à  se  dire,  qu'il  fallut  donner  à  leur 
organe  vocal  plus  d'énergie  en  plaçant  l'accent  sur  l'initiale,  atone  jus- 
que-là, et  gagner  du  temps  en  abrégeant  les  mots  par  la  chute  des  post- 
toniques. C'est  dans  l'histoire  du  chritianisme  et  de  la  civilisation  un 
fait  curieux  dont  la  découverte  appartient  à  M.  Z.  et  qui  est,  sans  au- 
cun doute,  destiné  à  illustrer  son  nom,  en  ouvrant  à  l'étude  un  champ 
tout  à  fait  inexploré  jusqu'à  nos  jours. 

Je  ne  puis  terminer  sans  dire  un  mot  des  attaques  personnelles  que 
dans  ce  mémoire  M.  Z.  dirige  contre  moi.  Je  rappellerai  que  dans  la 
Revue  critique  du  7  novembre  sSSr,  j'ai  inséré  un  compte  rendu  de  la 


I  lO  REVUE    CRITIQUE 

première  livraison  des  Etudes  celtiques  de  M.  Z.  Dans  ce  compte  rendu 
je  jugeais,  avec  sévérité  peut-être,  mais  avec  une  sévérité  que  Je  crois 
légitime,  les  injustes  appréciations  formulées  par  M.  Z,  sur  les  travaux 
considérables  par  lesquels  M.  Windisch  s'est  acquis  tant  de  droits  à  la 
reconnaissance  des  celtistes'.  Il  paraît  que  j'ai  frappé  juste  -,  car  au  bout 
de  deux  ans  la  plaie  n'était  pas  encore  guérie;  le  Mémoire  de  M.  Z.  en 
contient  plusieurs  fois  le  témoignage  indiscutable.  Ai-je  manqué  de 
charité?  Non,  car  M.  Zimmer,  tout  blessé  qu'il  est,  se  porte  encore  fort 
bien,  et,  dès  qu'on  l'entend  donner  la  riposte  à  un  contradicteur,  on 
constate  que  les  inoffensifs  éclats  de  sa  voix  irritée  n^ont  rien  perdu  de 
leur  juvénile  verdeur. 

H.  d'Arbois  de  Jubainville. 


2  5.  —  fiflistoii'e  eeeSésîasîîque   des  aigliscs  i-éfoi'tsîées  au  j'Oyaunie   de 

Fi-ance.  Edition  nouvelle  avec  commentaire,  notice  bibliographique  et  table 
des  faits  et  des  noms  propres,  par  feu  G.  Baum  et  par  Ed.  Cunitz.  Tome  deu- 
xième, Paris.  Fischbacher,  1884. 

La  Société  de  l'histoire  du  Protestantisme  français  poursuit  ses  belles 
et  utiles  publications  des  Classiques  du  Protestantisme  (xvi^,  xvii"  et 
xviii°  siècles).  Voici  le  second  volume  attendu  d'un  des  plus  importants 
monuments  du  xvi"  siècle,  V Histoire  Ecclésiastique  de  Théodore  de 
Bèze.  Ce  second  volume  commence  au  massacre  de  Vassy,  il  contient 
les  livres  VI  à  IX  de  l'œuvre  totale.  Les  éditeurs,  à  quelques  corrections 
près,  ont  scrupuleusement  reproduit  Torthographe  et  presque  les  dispo- 
sitions typographiques  de  la  grande  édition  d'Anvers  (Genève),  chez 
Jean  Remy,  i58o.  Ce  qu'on  ne  saurait  trop  louer  dans  la  nouvelle, 
c'est  l'abondance  des  notes  et  des  rapprochements  instructifs.  Tous  les 
mémoires  ont  été  mis  à  contribution  pour  éclairer,  justifier,  rectifier  le 
texte  de  Théodore  de  Bèze.  Grespin,  les  Mémoires  de  Condé,  de  Mou- 
lue, l'Histoire  de  de  Thou,  les  Additions  de  Le  Laboureur,  etc.,  for- 
ment le  commentaire  perpétuel  et  vivant  de  l'œuvre  elle-même.  Ajoutons 
que  la  présente  édition  est  d'une  netteté  irréprochable  et  imprimée  sur 
papier  de  luxe.  M.  G.  Baum,  mort  trop  tôt,  et  M.  Ed.  Cunitz  ont 
rendu  par  cette  belle  publication  un  service  réel  aux  amateurs  de  notre 
histoire  du  xvi°  siècle  :  il  est  juste  aussi  de  rendre  ce  qui  lui  revient  à 
M.  Jules  Bonnet,  commissaire  délégué  pour  le  présent  ouvrage,  et  dont 

I.  M.  Windisch  vient  de  faire  paraître,  avec  la  collaboration  savante  de 
M.  Whitley  Stokes,  un  volume  nouveau  dont  nous  rendrons  prochainement 
compte  :  Irische  Texte,  seconde  série,  première  livraison,  Leipzig,  Hirzel,  1884, 
in-8,  216  pages.  La  publication  du  tome  I""  de  ce  recueil  :  Irische  Texte,  Wœrter- 
buch,  1880,  in-8,  886  pages  a  été  dans  l'ordre  des  études  celtiques  un  véritable 
événement.  La  suite  de  ce  remarquable  ouvrage  nous  paraît  en  tout  point  digne  de 
la  première  partie. 


D  HISTOIUK    KT    DK    LITTERATURE  I  I  I 


le  zèle  érudit  a  tant  fait  déjà  pour  cette  réimpression  des  Monuments 
historiques  du  Protestantisme  français. 

E.  n. 


26.  —  Catalogue  des  iiicnnalile»  do  la  bililiotlièque  tS'i^wcEt,  précédé 
d'une  notice  historique,  par  Paul  Parfouru,  archiviste  du  Gers,  correspondant 
du  ministère  de  l'Instruction  publique.  Auch,  imprimerie  Cocharaux  irères, 
grand  in-8  de  20  p. 

La  brochure  de  M.  Parfouru  se  divise  en  deux  parties  également  in- 
téressantes, l'historique  de  la  bibliotiièque  (p.  1-12),  le  catalogue  des 
incunables  (p.  12-20). 

L'archiviste  du  Gers  rappelle,  dès  les  premières  lignes  de  sa  notice, 
que  la  création  d'une  bibliothèque  publique  à  Auch,  comme  dans 
presque  tous  les  autres  chefs-lieux  de  département,  date  de  la  Révolution, 
et  fut  formée,  comme  ailleurs,  des  bibliotiièqnes  des  établissements  reli- 
gieux de  la  ville  et  du  district,  qu'un  décret  de  l'Assemblée  nationale 
venait  de  supprimer.  D'après  les  inventaires  dressés  en  avril  1790  (Ar- 
chives départementales,  série  L),  le  couvent  des  Capucins  fournit 
900  volumes,  celui  des  Cordeliers  800,  celui  des  Jacobins  400,  etc.  A 
côté  de  la  bibliothèque  des  Cordeliers  existait  une  seconde  bibliothèque, 
distincte  de  la  première.  C'était  celle  qui  avait  été  donnée  à  ces  reli- 
gieux par  l'abbé  Louis  Daignan  du  Sendat,  chanoine  de  Sainte-Marie 
et  vicaire  général  de  l'archevêque  d'Auch,  à  la  condition  que  ses  livres, 
ses  manuscrits,  ses  monnaies  antiques  fussent  mis  à  la  disposiiion  du 
public  le  mardi  et  le  jeudi  de  chaque  semaine  ^  En  1791,  les  livres  et 
manuscrits  confisqués  furent  transportés  au  collège  d'Auch,  et  se  fon- 
dirent dans  la  bibliothèque  déjà  importante  dont  les  Jésuites  avaient 
doté  cet  établissement.  M.  P.  nous  fournit  divers  détails  sur  les  biblio- 
thécaires successifs  de  la  ville  d'Auch,  sur  le  catalogue  rédigé  par  un 
d'entre  eux,  M.  Pierre  Sentetz,  et  continué  au  jour  le  jour  par 
MM.  Groiset,  Prévost,  Boubée,  catalogue  qui  comprend  aujourd'hui 
plus  de  7,000  ouvrages,  sur  quelques-uns  des  plus  curieux  de  ces  ou- 
vrages, parmi  lesquels  on  remarque  le  premier  livre  imprimé  à  Auch 
{Breviarium  metropolitaneum  ad  usuin  insignis  ecclesie  Bcate  Marie 
Auxis,  i535),  sur  les  80  manuscrits  conservés  dans  la  bibliothèque, 
dont  le  plus  ancien  et  le  plus  digne  d'attention  est  une  Bible  du  xni«  siè- 
cle in-folio  sur  parchemin  ornée  de  miniatures  et  qui  a  été  l'objet,  en 
1862,  d'un  travail  spécial  dû  à  feu  l'archiviste  A.  Tarbouriech. 


I.  Testament  du  12  décembre  1762.  L'abbé  Daignan  du  Sendat  mourut  le  17  mars 
1764.  Il  a  laissé  des  mémoires  inédits  sur  l'hibloire  ecclésiastique  et  civile  du  dio- 
cèse a'Auch,  avec  pièces  justiticatives,  qu'un  remarquable  critique,  M.  Léonce  Cou- 
ture, a  jadis  appelé  «  recueil  précieux  »  {Rappurt  sur  les  manuscril',  de  la  Biblio- 
thèque d'Auch,  1870). 


I  I  2  KiiVUH    CKiXÎQUK 

Passons  au  Catalogue  des  incunables .  Si  l'on  prend  pour  point  d'ar- 
rêt l'année  i  f-oo,  Auch  en  possède  19.  M.  P.  consacre  à  chacun  de  ces 
vénérables  volumes  une  notice  claire,  précise,  minutieusement  exacte. 
Le  plus  ancien  des  incunables  d'Auch  porte  la  date  de  1473  :  c'est  un 
in-folio  intitulé  Compilatio  decretalium.  Comme  le  remarque  M.  P., 
VsLniQux  an  Manuel  du  libraire  ?,'occu\)(t  [i.  II,  col.  173  i)  d'une  édi- 
tion des  Décrètales  de  la  même  année,  mais  imprimée  à  Mayence  par 
P.  Sclioifîer,  et  il  ne  semble  pas  avoir  eu  connaissance  de  celle-ci,  sortie 
neuf  mois  auparavant  des  presses  de  Vindelin,  imprimeur  à  Spire.  Le 
second  en  date  des  incunables  d'Auch  (Cronica  summorum pontijicum) 
est  un  in-quarto  de  Tannée  1477  (Turin,  J.  Fabri).  A  la  suite  de  cette 
très  rare  édition  on  a  relié  Historia  troyana  Daretis  Frigii  (sans  date 
ni  lieu)  :  Brunet  en  mentionne  (t.  II,  col.  52 1)  plusieurs  éditions  diffé- 
rentes de  cette  dernière.  Négligeons  les  n°*  3,  4,  5,  7,  8,  9,  etc.,  qui 
figurent  dans  le  Manuel^  mais  signalons  comme  moins  connus  les 
n"^  6,  10,  II,  12  19  :  Incipit  quadragesimale  de  floribus  sapientie 
peroptimum,  recueil  de  45  sermons  ou  carême  d'Ambroise  Spicra,  de 
Trévise  (Venise,  1485,  in-4'')  ;  Publii  Ovidii  Nasonis  fastorum  li- 
bri  VI.  Petit  in-folio  sans  lieu  ni  date  (à  Venise  vers  1496,  comme  nous 
l'apprend  une  lettre  de  Bartholomœus  Merula,  sans  doute  l'auteur  des 
commentaires);  M.  T.  Ciceronis  rhetoricorum  Libri  (1497,  in-4"); 
Reverendissimi  ac  eximii  sacre  théologie  doctoris  fratris  Gulielmi 
Paraldi,  episcopi  Lugdunensis...  summa  aiirea  de  virtutibus  et  vitiis 
(Venise,  1497,  in-8^)  ;  Bartholomœus  de  Sancto  CoJicordio  Pisanus. 
Summa  casuum  conscientiœ  (sans  lieu  ni  date,  in-4").  A  propos  du 
n"  i3  (Juvenalis  familiare  commentum^  cum  Anto'nii  Mancinelli  viri 
eruditissimi  explanatione .  Lyon,  1498,  in-4°),  M.  P.  relève  une  pe- 
tite erreur  commise  par  Brunet  (t.  111,  col.  629)  au  sujet  du  nom  du 
libraire  lyonnais  écrit  Reynald  et  qu'il  fallait  écrire  Gaynard.  Em- 
pruntons, en  finissant,  à  Texcellent  opuscule  de  M.  'Parfouru  une  note 
sur  le  n°  18  (Spéculum  hystoriale  fratris  Vincentii  Belvacensis  Or- 
dinis  sancti  Dominici.,  in-folio)  :  «  Ce  bel  incunable  que  nous  plaçons 
à  la  fin  de  notre  catalogue,  faute  de  date,  est  certainement  un  des  plus 
anciens  que  possède  la  bibliothèque  d'Auch,  comme  l'indiquent  la  beauté 
des  caractères,  l'absence  de  chiffres  et  de  signatures  et  les  initiales  à  la 
main.  Brunet  décrit  minutieusement  la  première  édition  de  cette  volu- 
mineuse compilation  (1473);  des  différences  notables  ne  permettent  pas 
d'identifier  notre  volume  avec  cette  édition;  mais  il  a  dû  être  imprimé 
peu  d'années  après  cette  date.  Sur  le  feuillet  de  garde  on  lit  la  note  ma- 
nuscrite suivante  :  Charlotte  Le  Feure.,  fille  de  Guillaume  Le  Feiire, 
seiille  héritière  de  feu  maistre  Jehan  Le  Feure,  son  frère.,  qui  trespa 
(sic)  le  neuf"^'^  jour  de  jung,  l'an  i524  et  fonda  une  messe  tous  les 
dimanches  au  matin  à  Feucherolles  de  Nostre-Dame,  et  laquelle  est 
innumée  devant  l'ostel  de  Nostre-Dame  en  l'église  Saincte- Geneviève 
de  Feucherolles.  »  S'agit-il  là  de  Feucherolles,  dans  le  canton  de  Marly- 
le-Roi,  à  16  kilomètres  de  Versailles?  T.  de  L. 


0  HISTOIRE    Kl     DK    LITTERATUKK  II  J 

2y.  —  Sui*  quoi   reposent  les  prétention»    politiques    «le   l'Eglise,    par 

V.  CouRDAVEAUX,  profcsscur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Douai.  Un  vol.  in-i8,  de 
i3o  p.  Paris,  Ch.  Bayle,   1884. 

Essais  de  critique  religieuse,  par  A. -S.  MoRiN  (Miron).  Un  vol.  gr.  in-8, 
de  416  p.  Paris.  F.  Alcan,  i885. 

Les  hasards  de  la  publicité  ont  amené  simultanément  sur  notre  table 
deux  ouvrages  de  polémique  philosophique  et  historique  contre  le  ca- 
tholicisme. Us  ne  rentrent  guère  dans  le  cadre  de  cette  Revue,  dont  les 
rédacteurs  ont  pour  propos  de  faire  ressortir,  dans  les  livres  soumis  à 
leur  examen,  les  faits  ou  idées  propres  à  compléter  et  à  préciser  notre 
connaissance  d'une  époque,  d''une  œuvre,  d'un  homme,  d'un  épisode. 
Or  les  traités  d'apologie  ou  de  polémique  ne  comportent  en  général 
ni  faits  ni  idées  nouveaux. 

Uopuscule  de  M.  Courdaveaux  ne  saurait  modifier  notre  façon  de 
voir,  en  quelque  sympathique  estime  que  nous  tenions  sa  personne, 
quelque  cas  que  nous  fassions  de  la  sobriété  et  de  la  précision  de  son 
attaque,  de  la  simplicité  de  son  pian,  de  sa  connaissance  des  Pères  de 
l'Église.  Il  nous  faut  cependant  lui  signaler  des  points  plus  faibles. 
L'exposé  prétendu  de  la  religion  de  Zoroastre,  2000  ans  avant  l'ère 
chrétienne  (p.  39  ss.)  ne  répond  absolument  pas  à  Tétat  de  nos  connais- 
sances sur  Pancienne  religion  des  Perses.  Il  est  parlé  d'Esdras  et  de  la 
prétendue  réfection  par  lui  des  livres  auparavant  existant  de  la  Bible 
(p.  71  ss.)  en  des  termes  qui  ne  conviennent  guère  davantage  à  la  posi- 
tion actuelle  des  questions. 

Mais  pourquoi  donc  faire  de  la  polémique  quand  on  peut  employer 
beaucoup  mieux  son  temps  et  son  talent?  Qu'il  eût  mieux  valu  s'en 
prendre  à  tel  sujet,  que  M.  C.  n'a  fait  qu'effleurer,  par  exemple  «  la 
Morale  et  les  Religions  )),et  présenter  un  historique  précis  des  relations 
qui  ont  existé  dès  l'antiquité  entre  Tune  et  les  autres!  Par  là  on  retra- 
çait un  intéressant  chapitre  de  l'histoire  des  idées  et  des  mœurs  et  Ton 
réfutait  indirectement  la  prétention  que  peut  avoir  telle  ou  telle  reli- 
gion d'inféoder  la  cause  de  la  morale  à  celle  de  son  dogme  et  de  sa  hié- 
rarchie. C'est  là  la  seule  polémique  qui  nous  semble  désormais  conve- 
nir à  une  société,  où  la  liberté  de  penser  et  d'écrire  est  définitivement 
assurée  '. 

Si  le  petit  volume,  d'allures  rapides,  de  M.  Courdaveaux  nous  a  mis 
dans  l'obligation  de  déclarer  que  le  meilleur  livre  de  polémique  est  celui 
qui  ne  fait  pas  de  polémique,  que  dire  des  élucubrations  de  M.  Morin 
ou  Miron?  On  réserve  généralement  le  nom  d'  «  Essais  »  à  des  écrits 
d'une  certaine  étendue;  ici  nous  ne  rencontrons  pas  moins  de  cin- 
quante-six morceaux,  de  dimensions  forcément  restreintes.  Dans  la 
distribution  et  la  suite  de  ces  morceaux,  aucun  ordre  à  noter.  Tous  les 
lieux  communs   de    la    polémique    anticatholique  ou    antichrétienne 

I.  Ceux  qui  font  de  la  polémique  s'imaginent  toujours  que  leur  propagande  sera 
fructueuse.  Comme  ils  se  trompent! 


I  i4  REVUK    CRITIQUE 

y  sont  confondus  dans  un  pêle-mêle  qui  n'a  rien  d'attrayant.  Pour 
comble  de  malheur,  l'auteur,  qui  est  d'ailleurs  consciencieux,  est  aussi 
dépourvu  d'esprit  que  d'originalité.  Dans  cette  égale  médiocrité  du  fond 
et  de  la  forme,  à  quoi  se  prendre? 

M.  Vernes. 


CORRESPONDANCE 


Xiépouso  à  la  «  CfSIXaQIOE:  »  du   AI.  Salomon  I^einacli. 

Je  me  vois  obligé,  moi  aussi,  de  demander  pardon  à  la  Revue  du  sacrifice  que  je 
lui  impose  en  lui  empruntant  quelques-unes  de  ses  pages,  la  critique  de  M.  Rei- 
nach  me  me  paraissant,  et  dans  le  fond  et  dans  la  forme,  ni  scientifique,  ni  même 
impartiale. 

J'aborde  tout  d'abord  la  série  des  objections  avancées  par  lui.  Je  les  reprends  une 
à  une.  Le  lecteur  sera  juge  de  ce  qui  en  restera  après. 

i"  M.  Reinach  parle  du  texte  de  Ptolémée  (édition  Nobbe,  IV,  3,  II,  page  237) 
26pTcO)ç  [X'.y,pàç    Oéctç  et  croit  m'apprendre  qu'il  existe  '. 

J'ai  cependant  non  seulement  cité  ce  texte,  mais  aussi  répondu  à  l'objection  qu'il 
soulève  (Comptes  rendus  de  l'Académie  des  Inscriptions,  i''  trimestre).  Je  n'y  re- 
viens pas.  Première  inexactitude^. 

2°  Au  sujet  du  passage  de  Ptolémée  (IV,  3,  34,  page  243),  où  il  est  question  des 
villes  situées  au  nord  du  Triton,  passage  que  le  premier  f  ai  cilé  en  France^,  j'ai  moi- 
même  soulevé  l'objection  tirée  de  l'emplacement  de  la  localité  de  Sassura  (Comptes 
Rendus  de  l'Académie  des  Inscriptions,  i"  trimestre.)  Quant  à  Gilma,  cette  ville 
ville  est  bien  au  nord  de  l'artère  maîtresse  de  la  Tunisie  centrale,  artère  dont  la 
source  est  près  de  Tébessa,  et  l'embouchure  dans  le  golfe  de  Hammamet.  J'ai 
suffisamment  insisté  sur  ce  point  dans  la  Nouvelle  Revue  et  le  Bulletin  de  la  Société 
de  géographie  pour  me  croire  dispensé  d'y  revenir.  Sur  ce  passage  de  Ptolémée, 
M.  Reinach  ne  m'apprend  rien  que  je  ne  sache,  et  que  je  ne  lui  ai  même  appris. 
Deuxième  inexactitude. 

Quant  aux  cinq  autres  villes  qui  nous  conduisent  bien  au-dessous  du  bassin  hy- 
drographique du  Bagla  et  de  la  Tunisie  centrale  ^,  je  prierai  M.  Salomon  Reinach 
d'avoir  l'obligeance  de  m'indiquer  leur  synonymie  moderne  et  les  preuves  certaines 
sur  lesquelles  il  base  leur  synonymie.  Serait-il  prouvé  d'ailleurs  que  ces  cinq  villes 
ont  été  mises  par  Ptolémée  au  midi  de  l'artère  maîtresse  de  la  Tunisie  centrale, 
que  cela  ne  constituerait  pas  une  objection  pouvant  entrer  en  ligne  de  compte 
contre  la  thèse  de  l'identification  du  bassin  hydrographique  de  la  Tunisie  centrale 
et  de  l'ancien  fleuve  Triton. 

3°  Au  sujet  de  la  situation  de  Gafsa.  Que  Gafsa  soit  dans  la  région  des  chotts,  je 
le  sais  bien,  puisque  j'ai  passé  six  mois  dans  cette  oasis.  Je  n'ai  donc  pas  besoin  de 
la  leçon  que  me  donne  M.  Reinach.  Mais  la  situation  de  Gafsa  dans  la  région  des 

1.  Je  n'ai  rien  écrit  de  semblable.  —  S.  R. 

2.  Répondre  à  une  objection  et  l'écarter  sont  deux.  M.  Rouire  n'a  rien  écarté  du  tout.  —  S.  R. 

3.  M.  Rouire  est  le  premier,  en  effet,  qui  ait  commis  un  contre-sens  sur  ce  passage.  —  S.  R. 

4.  Ce  qui  est  vrai  de  Sassura  l'est,  a  fortiori,  des  villes  .suivantes.  —  S.  R. 


uHlSTOlKk.    KT.     Dk    LITTÉRATURE  Il5 

chotts  n'empêche  pas,  au  contraire,  que  cette  ville  soit  située  au-dessous  du  bassin 
hydrographique  du  Bagla,  sous  la  ville  de  Sousa,  c'est-à-dire  qu'elle  corresponde,  par 
conséquent,  à  l'emplacement  de  la  ville  de  J^^^f^;^,  indiquée  par  Ptolémée  au-dessous 
du  Triton  et  d'Hadrumète.  M.  Reinach,  sur  ce  point,  me  paraît  avoir  eu  une  asso- 
ciation d'idées  que  je  ne  m'explique  pas'. 

4°  Je  n'ai  nullement  identifié  Oûô'.va  et  OÙTixva,  j'ai  cité  la  première  de  ces  loca- 
lités à  sa  place  et  la  seconde  aussi  (Comptes  rendus  de  l'Académie  des  Inscriptions. 
i^r  trimestre}.  Ces  deux  villes  n'ont  pas  les  mêmes  coordonnées,  l'une  était  au  nord, 
c'était  l'Utina  actuelle,  l'autre  au  midi.  L'appellation  latine  Utina  qui  accompagne 
0'JT(/.va  a  été  simplement  empruntée  par  moi  à  la  traduction  latine  de  Ptolémée 
qui  accompagne  les  éditions  anciennes  du  géographe  grec  imprimées  à  Amsterdam^. 
Si  quelqu'un  corrige  ici  quelque  chose,  c'est  'oien  M.  Reinach  qui,  par  son  inter- 
prétation, corrige  ma  pensée  et  me  prête  une  confusion  que  je  n'ai  jamais  faite. 

5°  Thysdrus  et  Outicna  font  partie  de  la  même  liste  des  villes  situées  au-dessous 
d'Hadrumète.  Si  je  n'ai  point  cité  les  quatorze  autres  noms  qui  séparent  ces  deux 
villes,  c'est  que  j'ai  jugé  cette  citation  inutile  au  point  de  vue  de  la  thèse  que  j'ai 
soutenue. 

6°  Au  sujet  du  sens  général  du  passage  de  Ptolémée,  M.  Reinach  n'a  pas  le  droit 
d'ajouter  -/.al  tcO  TpiTWVCç  7:0Ta;xcj  ^. 

TTrcOc  Aopo'JiJ/^TOV  est  bien  opposé  à  Otîc  [JLSV  Kap)(Yjo6va,  mais  cette  opposi- 
tion n'entraîne  pas  du  tout  l'interpolation  que  M.  Salomon  Reinach  introduit 
dans  le  texte.  Le  texte  doit  être  lu  tel  qu'il  nous  a  été  donné  par  Ptolémée;  il  n'y 
a  pas  de  phrase  sous-entendue.  L'observation  de  M.  Salomon  Reinach  prouve  qu'il 
n'a  pas  compris  le  sens  général  de  ce  passage,  parce  qu'il  n'a  pas  consulté  la  carte 
de  Tunisie,  et  aussi  parce  que  l'importance,  au  point  de  vue  de  la  géographie  an- 
cienne, des  découvertes  géographiques  faites  récemment  lui  a  échappé.  Son  inter- 
polation aurait  pour  effet  de  laisser  supposer  que  Ptolémée,  dans  sa  nomenclature, 
a  omis  tout  le  grand  bassin  hydrographique  du  Bagla,  l'analogue  de  celui  de  la 
Msdjerdah.  Au  point  de  vue  géographique,  un  tel  oubli  de  la  part  du  géographe  grec 
constituerait  une  énormité^.  J'ajoute  en  outre,  qu'au  point  de  vue  hydrographique 
et  topographique,  il  n'est  pas  soutenable  que  Ptolémée  ait  désigné  sous  le  nom 
de  Triton,  les  trois  bassins  hydrographiques  des  Chtout. 

7°  Au  sujet  du  texte  de  Pline  (édit.  Littré,  V,  4,  page  212)  je  suis  obligé  de  dire, 
à  M.  Reinach  qu'il  n'a  pas  su  comprendre  la  signification  du  mot  citra.  Je  l'engage 
fort  à  lire  sur  ce  point  les  Comptes  rendus  de  l'Académie  des  Inscriptions,  3"  tri- 
mestre; il  y  verra  que  le  texte  de  Pline  est  fort  clair,  quoiqu'il  en  dise.  Sur  ce 
point  particulier,  l'erreur  de  M.  Reinach  provient  de  ce  qu'il  n'a  pas  tenu  compte 
des  deux  significations  de  citra  ^. 

8°  Au  sujet  du  texte  de  Mêla,  même  recommandation  à  M.  Reinach.  Qu'il  lise  les 
Comptes  rendus  de  l'Académie  des  Inscriptions,  3"  lv\m(mT&  {Géographie  comparée 
des  Syrtes  et  du  lac  Triton).  Je  suis  encore  obligé  de  dire  à  M.  Reinach  qu'il  n'a 
pas  su  comprendre  la  signification  du  mot  super.  Super  a  deux  significations,  l'une 
verticale,  l'autre  horizontale.  A  la  signification  verticale  (celle  qui  doit  être  adoptée) 

1.  Je  ne  comprends  pas.  —  S.  R. 

2.  C'est  cet  emprunt  qui  constitue  la  confusion.  —  S.  R. 

3.  Lire  ce  passage.  S.  R. 

4.  Ptolémée  a  été  bien  mal  inspiré  en   mentionnant  seulement  le  Bagradas  !  —  S.  R. 

5.  M.  Rouirea  négligé,  dans  l'interprétation  qu'il  a  proposée  de  ce  passage,  les  mots  ab  his{Phi- 
laenorum  aris)  non  procul  —  qui  suffisent  à  le  convaincre  d'erreur.  —  S.   R. 


Il6  REVUK    CRITIQUE 

correspond  l'emplacement  du  lac  Kelbiah.  Pour  ce  passage,  comme  pour  celui  de 
Pline,  l'erreur  de  M.  Reinach  provient  de  ce  qu'il  n'a  pas  tenu  compte  des  deux 
significations  du  mot  super,  et  de  ce  qu'il  n'a  pas  lu  non  plus  la  carte  i. 

9"  Au  sujet  du  texte  de  Scylax,  je  suis  toujours  obligé  de  dire  à  M.  Reinach  qu'il 
n'a  pas  plus  compris  ce  passage  que  celui  de  Ptolémée,  de  Pline  et  de  Mêla.  Ici  son 
erreur  est  d'autant  plus  inexplicable,  que  j'ai  signalé,  il  y  a  bien  longtemps,  la 
confusion  soulevée  par  quelques-uns  à  propos  du  mot  Syrte,  confusion  dans  la- 
quelle, un  instant,  je  suis  tombé,  il  est  vrai,  à  la  suite  des  autres,  mais  que  j'ai 
presque  immédiatement  dissipée.  La  petite  Syrte  de  Scylax  n'est  pas  la  petite  Syrte 
de  Mêla  et  des  auteurs  latins  {Revue  de  Géographie  de  Paris,  i"  janvier  1884, 
Bulletin  de  la  Société  de  Géographie  de  Constantine,  i^^  nov.  i883.  Comptes 
rendus  de  l'Académie  des  Inscriptions^  3'  trimestre.  Géographie  comparée  des  Syrtes 
et  du  Triton). 

Bien  longtemps  avant  moi.  M.  Pomel  avait  eu  d'ailleurs  la  sagacité  de  signaler 
cette  particularité  et  de  montrer  l'erreur  de  quelques  commentateurs.  «  Scylax,  di- 
sait-il, est  le  premier  géographe  qui  parie  de  la  petite  Syrte.  Toutefois  il  ne  la 
place  pas  dans  le  golfe  de  Gabès,  mais  bien,  au  moins  en  partie,  dans  le  golfe  situé 
entre  Thapsus  (cap  Dimas)  et  Adrymète  (Souze),  et  c'est  là  qu'il  indique  le  lac,  le 
fleuve  et  l'île  Triton.  »  [Revue  scientifique,  1877,  sept.,  2c  série)  2. 

10"  Au  sujet  du  passage  d'Hérodote,  IV,  p.  178,  M.  Sal.  Reinach  confond  le  pays 
des  Machlyes  avec  celui  des  Lotopha^o'es. 

Les  deux  phrases  controversées  sont  celles-ci  : 

AwTOçocYwv  0£  xapà  OaXacaav  eyov-ai  Ma/Xusç.  KaTY;y.ou(;i  o\  ïr\  '::0Ta[j,6v 
[xé^av  TO)  ouvo[J,a  Tpîxwv  koiX...  Ce  qui  veut  dire  mot  à  mot  :  le  long  de  la  mer  et 
voisins  du  pays  des  Lotophages  sont  les  Machlyes.  Ceux-ci  s'étendent  ^  jusqu'au 
grand  fleuve  Triton;  et  non  :  les  Machlyes  confinent  le  long  de  la  mer  aux  Loto- 
phages   qui  s'étendent  jusqu'à  un  grand  fleuve  qu'on  appelle  Triton.  Hérodote  ne 

dit  pas  que  les  Lotophages  seuls  s'étendaient  jusqu'au  fleuve  Triton.  Après  avoir 
parlé  des  Lotophages,  il  parle  aussi  des  Machlyes.  Par  sa  traduction,  M.  Salomon 
Reinach  commet  un  contre-sens  géographique.  Il  supprime  le  pays  des  Machlyes 
intermédiaire  au  pays  des  Lotophages  et  au  Triton  (voir  comptes  rendus  de  l'Aca- 
démie des  sciences,  16  juin   1884J. 

11°  M.  Reinach  prend  enfin  à  parti  ma  traduction  du  texte  de  Scylax,  probable- 
ment parce  que  je  n'ai  point  traduit  ce  texte  mot  à  mot.  J'ai  dû  adopter  une  traduction 
claire,  explicite,  précise,  qui  rendît,  en  même  temps  que  la  signification  littérale,  la 
signification  générale  du  g  1 10.  Ce  paragraphe,  je  ne  pouvais  le  citer  en  entier,  étant 
donné  le  peu  d'espace  dont  je  disposais  et  l'accumulation  de  textes  nouveaux  et  de 
preuves  topographiques  et  géographiques  que  j'étais  obligé  d'entasser  dans  ce  court 
espace.  Je  défie  M.  Salomon  Reinach,  malgré  ses  points  d'exclamation,  de  prouver 
que  ma  traduction  viole  le  sens  général  du  g  iio  ^.  Je  le  défie  de  même  de  prouver 
que  j'aie  eu  tort  de  traduire  7:apàOa)vaciaavdu  texte  d'Hérodote  par:  en  remontant 
la  mer.  Ici  encore,  j'ai  combiné  le  sens  local,  Hérodote  décrivant  les  peuples  de 
Libye  de  l'est  à  l'ouest. 

1.  J'ai  montré  à  M.  Rouire  que  super  signifie  «  dans  l'intérieur  des  terres  »  Le  passage  de  Mêla 
ne  laisse   rien  subsister  de    son   paradoxe.  —  S.  R. 

2.  Ici,  du  moins,   M.  Rouire  n'a  pas  la  priorité  dans  l'erreur.  —  S.  R. 

3.  J'aurais  dû  écrire  :  ils  s'étendent.  Voisins  du  golfe  de  Djerba  habité  par  les  Lotophages,  les 
Machlyes  habitent  bien  les  environs  du  Chott  el  Djerid,  et  non  à  3oo  kilomètres  plus  au  nord. 
—  S.  R. 

4    Cette  traduction  est  un  tissu  de  contre -sens,  comme  je  l'ai  montré.  —  S.  R. 


d'histoire  et  de  littérature  I  1  7 

J'en  ai  fini  avec  les  objections  proprement  dites.  Je  passe  aux  erreurs  d'impres- 
sion :  un  •/,  dans  le  mot  [x'.7,pa  aurait  été  remplacé  par  un  y^\au-dessous  mis  pour 
au-dessus;  Thenœ  traduit  pour  Thapsus  et  un  lambeau  de  phrase  de  Mêla  mal 
rendu.  Tout  ceci  a  peu  de  rapport  avec  le  Triton;  en  relevant  ces  erreurs,  M.  Rei- 
nach  laisse  voir  son  parti  pris.  Je  répondrai  d'une  manière  générale  que  les  fautes 
d'impression  sont  erreurs  communes,  qu'elles  ne  sont  point  la  faute  des  auteurs  et 
surtout  de  la  mienne,  car  je  n'ai  pu,  par  suite  de  circonstances  particulières,  revoir 
ma  dernière  épreuve;  à  un  point  de  vue  plus  particulier,  j'ajouterai  que,  dans  le 
tirage  supplémentaire  que  j'ai  fait  faire,  le  mot  [xiy.pa  est  écrit  par  un  x  et  qu'il  y 
a  bien  imprimé  le  mot  au-dessus.  Pour  ce  qui  est  du  lambeau  de  phrase  de  Mêla,  je 
prie  M.  Reinach  de  se  reporter  au  Compte  rendu  de  l'Académie,  3«  trimestre.  Si- 
tuation géographique  comparée  des  Syrtes  et  du  lac  Triton  :  il  y  verra  que  je  n'a- 
vais pas  besoin  de  sa  leçon.  Veut-il  se  reporter  aussi  aux  Comptes  rendus  de  la 
Société  de  géographie,  no^  18  et  19,  année  1884? 

Pareil  accident  peut  d'ailleurs  arriver  à  tout  le  monde,  y  compris  à  M.  Reinach 
lui-même.  C'est  ainsi  qu'il  écrit,  dans  la  Revue  critique  du  19  janvier  i885, 
M/X'JSC  pour  Ma/AUEÇ,  Oukiina  pour  Outicna,  et  que,  chose  plus  grave,  il  confond, 
à  son  tour,  Thenœ  avec  Thapsus.  Il  nous  dit  que  Thapsus  est  situé  à  120  kil.  de  la 
pointe  méridionale  du  golfe  de  Hammamet!  Mais  ce  n'est  pas  Thapsus,  c'est 
Thenœ  qui  est  à  120  kil.  de  la  pointe  méridionale  du  golfe  de  Hammamet. 
Thapsus  (cap  Dimas)  est,  au  contraire,  sur  cette  pointe  méridionale.  Je  veux  bien 
croire  que  M.  Reinach  n'a  pas  commis  une  aussi  curieuse  erreur  géographique, 
qu'on  a  écrit  pour  lui  Thapsus  au  lieu  de  Thenœ,  mais  enfin,  voyez-vous,  mon- 
sieur Reinach,  vous  n'avez  pas  de  chance  avec  ce  mot  de  Thenœ,  ou  celui  de 
Thapsus,  comme  vous  voudrez.  Vous  avez  voulu  être  méchant,  et  vous  voilà  puni, 
puni  par  là  même  où  vous  avez  péché.  Juste  retour  des  choses  d'ici-bas  2. 

Et  maintenant  quelques  mots  au  sujet  de  la  manière  dont  M,  Reinach  a  mené 
cette  polémique.  Au  lieu  de  lui  donner  l'ampleur  et  la  gravité  scientifique  que  le 
sujet  comporte,  ce  à  quoi  je  l'avais  convié  d'ailleurs,  M.  Reinach  a  imprimé  à 
cette  discussion  un  caractère  mesquin  que  je  laisse  au  grand  public  le  soin  d'appré- 
cier. Au  lieu  de  discuter  à  fond  et  sans  parti  pris  cette  question  capitale  de  géogra- 
phie comparée,  il  l'a  prise  par  les  petits  côtés,  cherchant  à  trouver  en  faute  non  la 
thèse,  mais  l'homme;  de  là  ces  quantités  d'appréciations  personnelles  assez  singu- 
lières faites  sur  mon  compte.  Comme  j'ai  l'oubli  des  injures  facile  et  que  je  n'en  ai 
jamais  voulu  à  M.  Reinach,  je  vais  lui  donner  un  conseil. 

En  laissant  de  côté  ce  qui  est  du  domaine  des  inexactitudes  qui,  je  veux  bien  le 
croire,  ont  été  de  sa  part  involontaires,  les  erreurs  de  géographie,  les  fausses  inter- 
prétations qu'il  a  commises,  proviennent  de  ce  que,  en  lisant  les  textes,  il  ne  jette 
pas  les  yeux  sur  une  carte  de  géographie  3.  Pour  traiter  une  question  de  géographie 
comparée  ardue  comme  celle  du  Triton,  il  faut  non-seulement  connaître  le  grec, 
mais  aussi  les  textes  dans  leur  ensemble,  mais  aussi  la  topographie,  la  géologie  et  la 
géographie  de  la  région  avoisinant  le  lac  Kelbiah.  M.  Reinach  «  s'est  hypnotisé  » 
sur  quelques  textes.  Il  ne  les  a  pas  compris  et,  comme  toujours,  il  met  son  ignorance 
sur  le  compte  des  auteurs. 


!.  A  deux  reprises.  —  S.  R. 

2.  J'avoue   cette  faute  d'impression.  Aucun  lecteur  sérieux  ne  s'y  est  trompé    — S.  R. 

3.  .Merci.  Le  conseil  est  bon  et  part  d'un  naturel  charitable.  —  S.  R. 


I  l8  KKVUE    CRITIQUE 

Qu'on  me  permette  encore  d'ajouter  quelques  mots  relatifs  non  plus  à  la  question 
du  Triton,  mais  à  des  ajfifirmations  et  à  des  appréciations  de  M.  Reinach. 

M.  Reinach  s'est  oublié  quand  il  a  imprimé  la  phrase  suivante  : 

M.  Tissot  était  au  lit  et  mourant  lorsque  M.  Rouire  a  lu  son  mémoire  à  l'Acadé- 
mie. Cela  explique  qu'on  ait  donné  ï  imprimatur  à  ce  travail,  etc 

M.  Tissot  n'était  ni  au  lit,  ni  mourant,  quand  j'ai  lu  mon  premier  mémoire  à  l'Ins- 
titut. Il  était  si  peu  au  lit  et  si  peu  mourant  qu'un  mois  auparavant,  le  26  décem- 
bre i883,  et  aussi  l'avant-veille  du  jour  où  je  devais  avoir  l'honneur  de  lire  devant 
l'Académie  des  Inscriptions  mon  premier  mémoire,  j'eus  avec  lui  une  longue  entre- 
vue —  où  la  question  du  Triton  fût  traitée  à  fond  '.  Depuis  M.  Tissot  a  été  vu  à 
l'Institut,  j'ai  eu  l'honneur  de  causer  avec  lui  :  nous  nous  sommes  serré  la  main. 
M.  Reinach  en  demande-t-il  davantage?  Mon  mémoire  a  été  lu  le  18  janvier,  et  le 
décès  de  M.  Tissot  est  survenu  le  3  juillet  1884. 

Quant  à  la  valeur  de  ma  thèse  en  elle-même,  je  ne  tiens  nullement  à  la  faire  ressor- 
tir. D'autres  l'ont  fait  déjà,  d'autres  le  feront,  car  cette  découverte  sera  féconde  en 
découvertes  ultérieures^,  mais  M.  Reinach  m'oblige  à  lui  rappeler  que,  le  premier 
parmi  les  archéologues,  soit  en  France,  soit  ailleurs,  j'ai  cité  : 

1°  Le  passage  de  Scylax  relatif  à  l'emplacement  de  la  mer  de  Triton  (ce  passage, 
bien  que  faisant  corps  avec  la  description  que  le  portulan  grec  donne  de  cette  mer 
n'avait  été  cité  ni  par  Shaw,  ni  par  iMannert,  ni  par  M.  Tissot,  ni  par  M.  Roudaire); 

2°  Le  passage  de  Ptolémée  relatif  à  la  situation  géographique  comparée  de 
rO'JcaXsTOV  opoç  et  du  Aibç  opoç  ; 

3°  Le  passage  de  Ptolémée  relatif  à  la  situation  du  même  OùciÀSTOV  opoç  par 
rapport  à  la  Libye  déserte  ; 

4°  Le  passage  de  Ptolémée  relatif  aux  villes  placées  entre  le  Bagradas  et  le  Triton, 
et  au  midi  du  Triton. 

5"  La  concordance  des  données  d'Hérodote  et  de  Ptolémée  relatives  à  la  nature 
des  pays  avoisinant  le  Triton. 

De  même  pour  les  dimensions  de  la  mer  de  Triton  et  du  lac  Triton,  j'ai  le  pre- 
mier fait  ressortir  : 

6°  La  concordance  des  données  de  Scylax  avec  les  données  topographiques  de  la 
région  du  nord  de  Sousa; 

70  La  concordance  des  données  d'Hérodote  au  sujet  des  dimensions  du  lac  Triton 
avec  le  périmètre  du  lac  Kelbiah. 

Et  de  même,  au  sujet  de  la  situation  géographique  comparée  des  Syrtes  et  du  lac 
Triton,  j'ai  le  premier  : 

8"  Donné  une  interprétation  rationnelle  du  mot  super,  de  Mêla  ; 

90  Du  mot  citra,  de  Pline  3. 

Pour  ce  qui  est  des  données  géographiques  ou  topographiques  nouvelles  que  j'ai 
fait  connaître,  je  laisse  aux  géographes  le  soin  d'en  apprécier  la  valeur.  Qu'il  me 
suffise  de  dire  ici  que  l'ensemble  de  ces  études  m'a  coûté,  à  l'heure  actuelle,  quatre 
années  d'un    travail  presque    continu. 

C'est,  avec  la  révélation  d'un  pays  nouveau,  la  Tunisie  centrale,  un  redressement 
complet  de  la  géographie  comparée  ancienne,  et,  ce  redressement  sera  fécond,  je  le 
répète,  en  découvertes  ultérieures.   Ainsi  posée  et  obtenue,  la  solution  de  l'énigme 

1.  M   Tissot,  quoique  fort  malade,  ne  fut  pas  du  tout  convaincu  par  M.  Rouire.  —  S.  R. 

2.  A  en  juger  par  las  prémisses,  ces  découvertes  n'auront  pas  la  vie  longue.  —  S.  R. 

3.  M.  Rouire  ne  devrait  pas  se  vanter  d'avoir,  pour  la  première  fois,  mal  interprété  un  aussi 
grand  nombre  de  textes,  —  S.  R. 


d'histoire  kt  dk  ijttératurk  119 

tritonienne  vaut  bien  la  question  du  rôle  joué  par  les  chiens  dans  le  culte  d'Escu- 
lape.  L'histoire  en  jugera  probablement  ainsi',  et  il  faut  dès  maintenant  en  pren- 
dre son  parti.  Monsieur  Reinach. 

ROUIRE. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  La  librairie  Klincksieck  vient  de  faire  paraître  les  Fastes  de  la 
provmce  romaine  d'Afrique,  par  Charles  Tissot,  ambassadeur  de  France,  membre 
de  l'Institut,  publiés  d'après  le  manuscrit  original  et  précédés  d'une  notice  biogra- 
phique sur  l'auteur  par  M.  Salomon  Reinach. 

—  M.  R.  Cagnat  a  fait  paraître  la  leçon  d'ouverture  du  cours  d'épigraphie  latine 
qu'il  professe  à  la  Faculté  des  lettres  de  Douai  (année  1884-1885)  ;  l'auteur  y  montre 
V  utilité  de  V  épi  graphie  latine  pour  rétablissement  de  certains  textes:  W  cite  deux 
erreurs  que  renferment  les  manuscrits  et  que  l'étude  des  inscriptions  permet  de  cor- 
riger. (Tacite,  Hcst.  IV,  68,  et  Ptolémée,  II,  8,  p.  142  de  l'édition  Wilberg.) 

—  La  librairie  Hachete  publie  le  Discours  de  Cicéron  contre  Verres,  seconde  ac- 
tion, livre  V,  De  suppliciis,  texte  latin,  à  l'usage  des  professeurs,  avec  un  commen- 
taire critique  et  explicatif,  une  introduction  et  un  index,  par  M.  Emile  Thomas, 
professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Douai  (un  vol.  in-8°,  4  fr.)  Le  même  éditeur 
a  déjà  publié  dans  la  même  collection  le  Pro  Archia  de  Cicéron  ;  le  De  Signis  est 
en  préparation. 

—  On  annonce  la  publication  très  prochaine  du  Dictionnaire  étymologique  latin 
de  MM.  Bréal  et  Bailly.  «  En  dépit  des  apparences,  disent  les  auteurs  dans  leur 
Préface,  l'étymologie  n'est  pas  l'objet  principal  que  nous  avons  en  vue.  Sans  aucun 
doute,  il  est  utile  de  savoir  à  quelle  origine  appartient  tel  ou  tel  mot,  et  de  pouvoir 
placer  à  côté  de  chaque  racine  les  vocables  qu'elle  a  produits.  Nous  en  fournissons 
les  moyens  à  nos  lecteurs,  quoique  nous  ayons  évité  de  réunir  sous  un  seul  chef 
d'article  des  termes  trop  nombreux  et  de  parenté  trop  éloignée.  Mais  il  est  un  autre 
point  qui  n'a  pas  moins  d'importance  :  c'est  de  retracer  l'histoire  du  mot  et  de  dis- 
poser la  série  des  sens  dans  l'ordre  véritable;  nous  nous  y  sommes  appliqués 
avec  un  soin  particulier.  Un  vocabulaire  étymologique  qui  se  contenterait  d'indi- 
quer la  racine  sans  autre  accompagnement  serait  à  peu  près  aussi  instructif  qu'un 
dictionnaire  de  b/ographie  qui  se  bornerait  à  fournir  le  nom  et  la  date  des  person- 
nages. Avant  tout,  nous  demandons  à  connaître  leur  vie  et  leur  caractère,  ainsi  que, 
la  part  qu'ils  ont  prise  aux  év^.nements  de  leur  temps.  S'il  fallait  sacrifier  quelque 
chose,  on  aimerait  mieux  ne  rien  savoir  des  commencements.  L'essentiel  est  ce  que 
Littré  appelle  la  filière  et  Vhistorique.  Nous  avons  tâché  de  donné,  à  cet  égard,  en 
restant  dans  les  bornes  que  nous  nous  étions  tracées,  ce  qui  était  nécessaire.  Une 
de  nos  préoccupations  a  été  de  montrer,  toutes  les  fois  que  cela  était  possible,  à  quel 
ordre  de  notions,  à  quelle  face  de  la  vie  du  peuple  romain,  à  quelle  portion  de  la 
culture  antique  appartenait  primitivement  chaque  terme.  Les  divers  emplois  du 
mot  s'en  trouvent  toujours  éclaircis.  La  religion,  le  droit,  l'agriculture,  la  guerre,  la 
marine,  les  métiers  manuels  ont  donné  naissance  à  quantité  d'expressions  qui,  après 


1   L'histoire  a  autre  chose  à  faire  qne  d'enregistrer  des  bévues,  soutenues,  je  dois  le  reconnaître 

avec  une  téuacitc  digne  d'une  meilleure  cause.  —  S.  R. 


I20  RtVUR    CRITIQUE    DH:ST01Kt.    ET    DE    LITTERATUHK 

avoir  été  usitées  dans  un  sens  restreint,  sont  entrées  ensuite  dans  la  langue  géné- 
rale. On  observe  de  la  sorte  ce  qui  a  été  improprement  appelé  la  vie  du  langage, 
mais  ce  qui  est  en  réalité  la  vie  de  la  nation  avec  sa  variété  et  ses  constrastes,  em- 
preinte dans  la  langue.  »  Les  auteurs  ont  attaché  un  soin  particulier  au  choix  des 
exemples  et  emprunté  nombre  de  passages  à  Virgile,  parce  que,  de  tous  les  écrivains 
latins,  il  est  celui  qui  s'applique  le  plus  à  employer  les  mots  en  leur  acception  propre 
et  leur  sens  primitif.»  Nous  reviendrons  du  reste  plus  longuement  sur  cet  ouvrage, 
dès  qu'il  aura  paru. 

GRÈGE.— M.  Spiridion  P.  Lambros  vient  de  faire  paraître  un  recueil  de  onze  opus- 
cules ('Icxopixà  {Ji£XcTY;[Ji.aTa,  Athènes,  1884;  y; '-224  p.  in-8).  Les  sujets  qu'il  traite 
sont  bien  divers;  pourtant,  comme  le  fait  remarquer  l'auteur,  ils  ont  pour  lien  une 
pensée  patriotique,  l'étude  du  passé  de  la  Grèce,  de  ses  gloires  lointaines  et  de  ses 
longs  malheurs.  L'ordre  suivi  dans  l'impression  est  celui  de  l'histoire;  le  volume 
commence  par  un  article  sur  les  habitants  préhistoriques  du  sol  grec  et  se  termine 
par  un  travail  sur  la  domination  vénitienne  au  xviiie  siècle.  Entre  ces  deux  termes 
extrêmes  M.  Lambros  étudie  successivement  un  établissement  des  Phéniciens,  un 
épisode  des  guerres  médiques,  la  prise  d'Athènes  par  les  Hérules Dans  le  qua- 
trième de  ses  opuscules,  le  savant  auteur  rétablit  d'après  Constantin  Porphyrogénète 
trois  fragments  des  Indica  de  Ctésias,  imparfaitement  connus  par  Photius  et  par 
Elien.  Daus  le  sixième,  il  fait  connaître  deux  nouveaux  mss.  delà  Chronique  de  Mo- 
nembasie,  conservés  au  mont  Athos.  L'objet  du  septième  est  un  poème  en  80  trimè- 
tres  paroxytons  sur  le  second  siège  de  Constantinople  par  les  Arabes  (vu"  s.),  publié 
d'après  un  ms.  de  la  Bodléienne.  Le  neuvième  opuscule  contient  un  autre  poème,  en 
cent  vers  imités  d'Homère,  relatif  à  Georges  Maniacès  (vies.),  d'après  un  ms.  de 
Vienne  et  un  du  Vatican.  On  voit  que  la  nouvelle  publication  intéresse  l'histoire  lit- 
téraire aussi  bien  que  l'histoire  politique  de  tous  les  temps. 


ACADEMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET   BELLES-LETTRES 


Séance  du  3o  janvier  i885. 

M.  Clermont-Ganneau  présente  le  moulage  d'une  stèle  découverte  par  lui,  il  y  a 
une  quinzaine  d'années,  auprès  de  Jérusalem.  C'est  une  des  stèles  dont  parle  Flavius 
Josèphe,  sur  lesquelles  était  gravée,  soit  en  grec,  soit  en  latin,  la  loi  qui  interdisait 
aux  païens  l'accès  des  enceintes  du  temple  d'Hérode  le  Grand.  Celle-ci  porte  le  texte 
de  cette  loi  en  grec.  Quand  M.  Clermont-Ganneau  la  découvrit,  il  ne  put,  comme  il  le 
désirait,  l'acquérir  pour  les  collections  nationales.  Bientôt  après,  le  monument  dis- 
parut, et  longtemps  on  ne  sut  ce  qu'il  était  devenu.  Enfin,  on  apprit  qu'il  avait  été 
saisi  par  l'autorité  ottomane  et  qu'il  était  conservé  dans  les  caves  du  musée  impérial, 
de  Tchinili-Kieuchk,  à  Constantinople.  Par  l'entremise  de  M.  Sorlin-Dorigny 
M.  Clermont-Ganneau  a  pu  en  faire  exécuter  un  moulage  complet,  qu'il  met  aujour- 
d'hui sous  les  yeux  des  membres  de  l'Académie  et  qu'il  se  propose  d'offrir  au  musée 
du  Louvre. 

L'Académie  se  forme  en  comité  secret. 

La  séance  étant  redevenue  publique,  l'Académie  procède  à  la  désignation  de  deux 
candidats  à  la  chaire  de  langues  et  littératures  slaves  au  Collège  de  France.  M.  Louis 
Léger  est  présenté  en  première  ligne,  M.  Dozon  en  seconde  ligne. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Alexandre  Bertrand  :  Vouga  (E.),  les  Helvètes  à  la 
Tène  (Neuchàtel.  in-4'';;  —  par  M.  Barbier  de  Meynard  :  Halevy  (Joseph),  Aperçu 
grammatical  de  l'allographie  assyro-babvlonienne  (Leide,  in-8°);  —  par  M.  de 
Rozière  :  Tamizey  de  Larroque  (Philippe),  Les  correspondants  de  Peiresc,  VIII  : 
le  cardinal  Biclii,  etc.;  —  par  M.  Delisle  :  Rossi  (G.-B.  de),  la  Biblioteca  délia  sede 
apostolica  ed  i  cataloghi  dei  suai  manoseritti  ; —  par  M.  Deloche  :  Revue  numisma- 
tique, 3^  série,  vol.  II. 

Julien  Havet. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 

Le  Puv.  inw-njcrie  de  Marchessou  fils,  boulevard  Saini- Laurent,  23. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET   DE    LITTÉRATURE 

^^_ ,_^.    Il     ^M    ^m    ■!      I  I    f  I        ■      -  n   ■      -  I — r»— . 

No  7  —  16  février  —  1885 


Sommaire  î  28.  Schmidt,  Additions  au  vol.  VIII  du  Corpus.  —  29.  Gazette 
archéologique,  p.  p.  de  Witte  et  de  Lasteyrie,  année  18S4.  —  3o.  Schlumberger, 
Sigillographie  de  l'empire  byzantin.  —  3i.  Molière,  les  Précieuses  ridicules, 
p.  p.  Larroumet.  —  32.  Thibaut,  Dictionnaire  français-allemand  et  allemand- 
français.  —  Variétés  :  T.  de  L.  et  Communay,  Isaac  de  la  Peyrère  et  sa  famille.  — 
Chronique.  —  Académie   des  Inscriptions.  —  Société  des  Antiquaires  de  France. 


28.  —    Joh.   Schmidt.  i«.dclitaiuenta  ad  Corpoi-is   Vol.  VIIB.  (Extrait  de  l'E- 
phemeris  Epigraphica,  tome  V,  p.  265-65 1). 

On  sait  combien  le  nombre  des  inscriptions  latines  d'Afrique  s'est 
augmenté  depuis  trois  ans;  aussi  à  peine  le  huitième  volume  du  Corpus 
était-il  paru  qu'il  devenait  nécessaire  d'y  publier  un  complément.  L'a- 
cadémie de  Berlin  l'a  compris  et  à  chargé  de  ce  soin  M.  Schmidt.  Mais 
comme  il  faut  un  long  temps  pour  copier,  vérifier  et  imprimer  quatre 
mille  inscriptions,  —  c'est  à  peu  près  là  le  chiffre  des  découvertes  nou- 
velles, —  M.  S,  s'est  contenté,  pour  le  moment,  de  réunir  les  plus  impor- 
tantes dans  VEphemeris  epigraphica^  sauf  à  les  reprendre  ensuite  pour 
les  unir  aux  autres  et  nous  donner  un  véritable  Supplément.  Ce  recueil 
est  donc  du  plus  haut  intérêt;  aucun  des  textes  qu'il  contient  n'est  sans 
valeur  et  beaucoup  sont  précieux.  Je  signalerai  :  1°  les  inscriptions 
renfermant  des  ethniques  nouveaux.  II  a  été  découvert  ces  derniers  temps 
en  Afrique  et  identifié  plus  de  vingt-cinq  villes  anciennes,  parmi  les- 
quelles les  deux  Zama  dont  il  a  été  question  à  l'Académie;  M.  S.  croit 
même  avoir  retrouvé  Naraggara  qu'il  place  à  l'hcnchir  «  Ksiba-Mau  », 
mais  par  une  simple  conjecture;  2"  les  épitaphes  des  esclaves  et  affran- 
chis de  Tempereur  provenant  des  deux  cimetières  de  Carthage  déblayés 
par  le  P.  Delattre  :  elles  nous  révèlent  l'organisation  des  bureaux  et  de 
l'administration  centrale  à  Carthage;  3^  toutes  les  inscriptions  gravées 
sur  les  blocs  de  marbre,  dans  la  carrière  de  Chemtou,  curieux  complé- 
ment au  travail  du  P.  Bruzza,  Iscri^ioni  dei  marmi  gre{:{i ;  4°  le  rè- 
glement de  collège  funéraire  que  j'ai  rapporté  au  Louvre  ;  5°  la  grande 
inscription  de  Timgad  relative  aux  honoraires  en  nature  et  en  ar- 
gent dus  aux  officiales  du  Consularis  sous  Julien,  qui  a  fourni  à 
M.  Mommsen  le  sujet  d'un  article  inséré  dans  le  même  volume  de 
V Ephemeris  \  ce  document  est  aussi  important  que  l'inscription  ana- 
logue de  Ptolémaïs  publiée  autrefois  par  M.  Waddington  (Inscriptions 
de  Syrie)  1906  [a]  ;  6°  la  liste  des  centurions  de  Lambèse  connue  déjà 
par  les  articles  de  M,  Desjardins  et  de  M.  Mommsen  ;  7°  linscription 
en  vers  de  Macteur,  écrite  en  onciaies  «  ut  codicis  antiquissimi  pagin  ae, 
Nouvelle  série.  XIX.  ^ 


122  KKVUK    CHiiîQUK 

dit  M.  s.,   hic  lapis  vices  facere  possit  »  etc.  J'en  passe  et  des  plus  inté- 
ressantes. 

M.  S.  a  apporté  à  l'établissement  des  textes  épigraphiqueslesoin  minu- 
tieux qui  est  indispensable  pour  une  semblable  besogne  :  non  seulement 
il  a  revu  lui-même,  dans  son  voyage  en  Afrique,  la  plupart  des  origi- 
naux, mais  il  a  vérifié,  après  nous,  sur  nos  estampages,  l'exactitude  de 
nos  copies  :  son  travail  peut  donc  être  regardé  comme  à  peu  près  défi- 
nitif. Ce  n'est  pas  que  l'on  ne  puisse  relever  des  taches  dans  le  livre.  Je 
ne  parle  pas  ici  de  certaines  lectures  différentes  des  nôtres  et  où,  je  crois, 
la  vérité  est  de  notre  côté  :  quand  on  a  été  soi-même  en  présence  d^une 
inscription  souvent  presque  effacée  qu'il  s'agit  de  copier,  quelque  soleil, 
quelque  pluie,  ou  quelque  vent  qu'il  fasse,  on  sait  trop  combien  les 
erreurs  de  détail  sont  difficiles  à  éviter  ;  mon  observation  porte  surtout  sur 
la  bibliographie.  Tantôt  l'auteur  attribue  à  un  seulla  publication  d'un 
texte  qui  a  été  donné  par  deux  personnes  (n''  1221),  tantôt  il  regarde 
comme  éditeur  d'une  inscription  le  président  d'une  Société  dans  le  bul- 
letin de  laquelle  elle  a  été  publiée  (n°s  547,  548),  tantôt  il  reproduit 
une  copie  imparfaite  alors  qu'elle  a  été  complétée  dans  une  autre  publi- 
cation par  un  second  explorateur  (n»  32o)  :  ce  sont  là  des  inexactitudes 
qui  disparaîtront  dans  le    Supplément  définitif  que  donnera  M.  S. 

Il  y  aurait  aussi  des  rectifications  à  faire  dans  la  carte  de  M.  Kiepert 
qui  termine  le  volume;  nous  en  sommes  peut-être  un  peu  responsables 
pour  n'avoir  pas  donné  des  renseignements  suffisamment  précis  dans 
nos  publications.  Ainsi  la  voie  de  Ghemtou  à  Tabarka  ne  passe  nulle- 
ment par  Bulla  Regia  :  elle  se  dirige  vers  le  nord-ouest  en  quittant 
Ghemtou;  on  la  rencontre  à  Aïn-Ksira  (3"  milHaire),  et  à  Aïn-Gaga 
(8^  milliaire);  enfin  elle  va  rejoindre  un  peu  au-delà  de  ce  point,  la 
route  de  Souk-el-Arba  à  Fernana.  L'henchir  Dekir  était,  sinon  sur 
cette  voie,  du  moins  tout  auprès.  Quant  à  Aïn  Zaga,  il  faut  placer 
cette  ruine  en  plein  nord  de  Souk-el-Khmis  entre  Tabarka  et  Béja, 

J'ajoute  que  nous  avons  tous  été  traités  par  M.  Schmidt  avec  une 
courtoisie  parfaite  à  laquelle  aucun  de  nous  ne  peut  rester  insen- 
sible. 

R.  Gagnât. 


2Q.  —  Gazett»  arcïtéologStjHe.  Kîecejieîî  dt^  monuments    poui>  sei""vîi-    à 

la  eonnnîssance  et  à  l'tsîsîoÎD'e  «o  î'îts't  tlasîs  l'awîîtsijîîé  et  Bo  moyen 

âge,  fondé  par  J.  de  Witte  et  Fr.  Lenormant,  publié  par  les  soins  de  J.  de 
WiTTE,  membre  de  l'Institut  et  Robert  de  Lasteyrie,  professeur  d'archéologie 
à  l'école  des  Chartes.  Neuvième  année,  1884.  Paris,  A.  Lévy.  i  vol.  gr.  in-4,  de 
402  pages  et  5o  planches  tirées  à  pan. 

Nous  avons  promis  de  rendre  un  compte  détaillé  de  la  belle  publica- 
tion bimensuelle  de  MM.  de  Witte  et  de  Lasteyrie.  Nous  ne  craignons  pas 


d'histoire    et    de    LITTËRATUÏ4E  123 

de  la  recommander  ainsi  aux  érudits  et  à  tous  les  amateurs  éclairés  de 
l'archéologie.  Depuis  les  monuments  de  la  civilisation  chaldéenne  jus- 
qu'aux chefs  d'œuvre  de  la  Renaissance,  ils  y  trouveront  selon  leurs 
goûts  de  quoi  se  satisfaire.  Le  volume  comprend  trente-deux  articles  : 
dix-sept  sont  relatifs  à  des  sujets  de  l'antiquité,  quinze  à  des  sujets  mo- 
dernes. Tous  offrent  de  l'intérêt,  mais  nous  ne  pouvons  nous  arrêter 
qu'aux  plus  importants.  Pour  plus  de  commodité  nous  les  avons  grou- 
pés en  deux  classes  pour  les  examiner  successivement.  Une  chronique 
et  une  a'oondante  bibliographie  terminent  les  fascicules;  une  table  ana- 
lytique, le  volume  entier.  jO  planches,  presque  toutes  en  photogra- 
vure, achèvent  de  placer  la  Galette  archéologique  à  un  rang  qu'aucune 
Revue  française  ne  dépasse. 

I.  Archéologie  antique.  —  Rayet  (O.)  —  Thésée  et  le  Minotaure.  — 
La  fuite  de  Dédale.  —  Peinture  d'tin  skyphos  trouvé  en  Grèce  ;  pages 
1-6;  planches  1-2.  —  Cette  pièce  découverte  en  1876  appartient  aujour- 
d'hui à  l'auteur.  L'origine  tanagréenne  qu'on  lui  attribue  est  très  dou- 
teuse, car  il  faut  se  délier  beaucoup  du  dire  des  marchands  du  pays.  Le 
skyphos  est  peut-être  simplement  athénien.  M.  R.  le  fait  remonter 
jusqu'au  milieu  du  vii^  siècle;  aussi  les  peintures  que  reproduit  la  plan- 
che sont-elles  fort  barbares  :  mais  l'une  d'elles,  la  fuite  de  Dédale,  est 
une  scène  tout  à  fait  unique. 

MowAT  (Robert).  —  Buste  de  Mercure  en  broji^e,  entouré  des  divini- 
tés du  Capitole;  p.  7-1 5;  pi.  3.  —  Appartient  au  Cabinet  des  Anti- 
ques; on  croit  qu'il  provient  d'Orange.  Mercure  est  coiffé  du  pétase.  Le 
buste  est  encadré  par  deux  cornes  d'abondance  en  sautoir,  masquées  par 
deux  feuilles  d'acanthe  :  au-dessus  apparaissent  deux  petits  bustes  de 
Minerve  et  de  Junon.  Sur  la  croisée  des  cornes  est  le  petit  buste  de  Ju- 
piter. L'ornement  le  plus  original  consiste  en  sept  chaînettes  munies 
chacune  d'une  clochette.  Suétone  rapporte  (Aug.  91)  qu'Auguste  fit 
garnir  de  clochettes  le  faîte  du  temple  de  Jupiter  Tonnant.  C'est  peut- 
être  dans  cette  anecdote  qu'il  faut  chercher  la  raison  du  fait,  et  aussi 
dans  le  respect  religieux  observé  vis-à-vis  des  actes  d'Auguste  accomplis 
en  quahté  de  grand  pontife.  Le  buste  de  Mercure  est  d'une  finesse  char- 
mante. 

Marmier  (G.)  -  Les  routes  de  VAmanus:  p.  43-5 o.  —  Rectifications 
et  identifications  de  diverses  villes  et  routes,  à  propos  surtout  des  mou- 
vements des  opérations  d'Alexandre  et  Darius  avant  et  après  la  bataille 
d'Issus.  Une  petite  carte  explique  le  texte. 

Berger  fPh.)  —  Stèles  trouvées  à  Hadrumète ;  p.  5i-56  et  82-87  ; 
pi.  7  et  12.  ~  Trouvées  en  1867  dans  des  fouilles  à  Sousse,  et  rappor- 
tées par  l'abbé  Trihidez,  aumônier  du  corps  expéditionnaire  en  Tunisie. 
Une  seule  présente  un  vrai  bas-relief,  d'une  richesse  décorative  harmo- 
nieuse. Elle  est  remarquable  comme  figurant  un  portique  de  deux 
cariatides  qui  supportent  une  large  frise.  Le  style  des  colonnes  rappelle 
certains  types  égyptiens  qui  ne  sont,  suivant  M.  Perrot,  que  l'imitation 


1  24  REVUE    CRITIQUE 

d'une  architecture  légère  où  le  métal  jouait  le  rôle  principal.  M.  E 
pense  qu'il  faut  voir  dans  la  figure  de  déesse  reproduite  sur  ces  stèU 
le  type  traditionnel  de  Tanit,  la  déesse  lunaire  de  Carthage.  Les  autrt 
stèles,  dénuées  d'intérêt  artistique,  sont  pourtant  des  plus  précieuses  e 
ce  qu'elles  font  toucher  au  fond  même  de  la  religion  carthaginoise,  ne 
tamment  avec  le  symbole  de  la  triade. 

Perrot  (G.)  —  Statuette  en  bronze  de  la  Comagène;  p.  77-79  ;  pi  n 
—  Acquise  à  Marach  en  1881,  dans  l'ancienne  Comagène.  Le  mouve 
ment  et  la  hgure  de  ce  petit  bronze  de  1 1  centimètres  sont  très  curieus 
L'hauteur  le  rattache,  malgré  le  lieu  de  sa  découverte,  à  la  série  des  ou 
vrages  où  l'on  peut  reconnaître  l'empreinte  du  premier  art  phénicier 
nourri  à  l'école  de  l'art  égyptien  et  de  l'arl  assyrien. 

Reinach  (S.)  —  Deux  têtes  archaïques  du  Musée  de  Constantinople 
p.  88-90;  pi.  j3.  —  L'une  est  de  la  belle  époque  de  Part  grec,  ma: 
conservant  par  tradition  des  traces  d'archaïsme  :  elle  appartient  à  1 
troisième  phase  de  l'art  chypriote  et  présente  un  caractère  individu( 
marqué.  Elle  provient  des  fouilles  de  M.  de  Gesnola  à  Chypre.  L'auti 
tête,  plus  difficile  à  déterminer,  plus  primitive,  provient  peut-être  de  1 
côte  asiatique. 

LiNAS  (Ch.  de).  —  Gourde  antique  en  bronze  émaillé;  p.  1 3 3- 14c 
pi.  18-19.  —  Cette  curieuse  pièce,  trouvée  en  1866  à  Pinguente  (Istrii 
est  conservée  à  Vienne,  à  l'Antiken  Cabinet.  La  planche  la  reprodu 
avec  les  vives  couleurs  qu'éteint  un  peu  aujourd'hui  la  patine  verte  d 
bronze.  L'auteur  ajoute  quelques  développements  sur  l'importation  d 
rémaillerie  champlevée  en  Europe. 

Heuzey  (L.)  —  La  stèle  des  vautours.  —  Etude  d'archéologie  cha 
déenne:p.  164-180  et  193-203;  pi.  24,  26.  —  Les  trois  débris  dont 
s'agit  fontpartie  des  découvertes  de  Tello  par  M.  deSarzec.  Ce  sont  les  re 
tes  précieux  d'un  art  chaldéen  archaïque  où  l'on  trouve  les  noms  de  deu 
nouveaux  rois  de  Tello.  L'auteur  donne  une  description  approfondi 
de  ces  fragments  qui  portent  encore  d'assez  longues  descriptions  i 
quelques  figures  d'un  caractère  intéressant,  des  scènes  de  funérailles.  0 
remarque  surtout  au  revers  du  second  fragment  la  partie  supérieu: 
d'une  grande  tête  coiffée  d'un  bizarre  bonnet,  très  probablement  ur 
tête  de  déesse  :  c'est  un  morceau  unique  en  son  genre  et  d'un  intér 
exceptionel.  —  La  stèle  devait  être  cintrée  *. 

Thédenat(H.)  et  Héron  de  Villefosse  (A.)  —  Les  trésors  de  vai: 
selle  d'argent  trouvés  en  Gaule;  p.  231-240;  261-272;  332-:547 
pi.  35-37.  —  Le  premier  chapitre  de  ce  considérable  travail  présente  u 
«  aperçu  historique  du  luxe  de  l'argenterie  chez  les  Romains  »  et  c 
développement  de  la  richesse  romaine  :  une  masse  imposante  de  cit 
tions  et  de  textes  permet  de  consulter  sans  peine  tous  les  auteurs  ai 

I.  11  y  a  une  erreur  dans  le  tirage  de  la  seconde  planche  (26).  Le  fragment  B  t 
indiqué  C,  et  réciproquement. 


d'histoire  et  de  littérature  125 

ciens  sur  la  matière.  Une  liste  sommaire,  par  noms  de  pays,  indique 
ensuite  les  principales  trouvailles  d'argenterie  romaine  faites  en  dehors 
de  la  Gaule.  —  Le  second  chapitre  traite  «  des  différentes  espèces  de 
vaisselle  d'argent  chez  les  Romains  »,  et  le  troisième,  «  des  principaux 
trésors  trouvés  en  Gaule  ».  C'est  un  catalogue  clair  et  précis,  renforcé 
de  textes  à  l'appui,  des  inscriptions  originales,  et  au  besoin  de  quelques 
curieuses  figures.  —  Les  trois  planches  reproduisent  de  remarquables 
pièces  du  trésor  de  Montcornet  (Aisne). 

Witte  (J.  de).  — L.  Munatiiis Plancus  et  le  génie  de  la  ville  de  Lyon; 
p.  257-260;  pi.  34.  —  Description  d'un  petit  médaillon  de  terre  cuite 
trouvé  dans  les  environs  d'Orange  et  sur  lequel  se  voient  deux  figures  : 
le  génie  d'une  ville,  nu  et  couronné  de  tours,  tenant  un  sceptre  et  une 
corne  d'abondance.  En  face,  un  personnage  romain,  nu  tête,  en  toge  et 
en  bottines,  présentant  deux  épés  et  tenant  un  rouleau.  L\iuteur  y 
pense  pouvoir  reconnaître  le  fondateur  de  la  colonie  romaine  de  Lug- 
dunum. 

Monceaux  (P.) .  —Fouilles  et  recherches  archéologiques  au  sanctuaire 
desjeux  isthmigues;p.  273-285,  354-363;  pi.  38.  —  L'auteur  résume  ici 
les  principaux  résultats  des  fouilles  par  lui  dirigées  il  y  a  un  an  dans  la 
région  des  jeux  isthmiques.  L'acropole,  Tenceinte  de  Poséidon  et  de 
Palémon,  est  restituée  à  nos  yeux  par  plusieurs  plans  nouveaux  avec 
de  nombreuses  recherches  topographiques.  Les  caractères  architectu- 
raux et  les  données  historiques  permettraient  de  l'attribuer,  avec  la  porte 
triomphale,  au  temps  d'Auguste,  et  comme  l'œuvre  des  colons  romains 
qui  relevèrent  Corinthe.  Cette  porte,  du  N.  E.,  est  la  seule  bien  con- 
servée, mais  elle  est  exclusivement  romaine.  L'entrée  principale  était 
flanquée  de  deux  petites  portes  latérales  :  dès  le  me  siècle,  à  Tépoque  des 
incursions  des  barbares,  deux  tours  byzantines  fortifièrent  la  grande  en 
bouchant  les  petites.  Puis  on  finit  par  ensevelir  aussi  la  grande  sous  des 
décombres. 

Babelon(E.).  —  Terres  cuites  grecques  delà  collection  de  M.  Bellon; 
p.  325-33 1  ;  pi.  43.  — A  propos  de  trois  charmantes  figurines,  —  de  Ta- 
nagra  sans  doute,  mais  dans  tout  Tarticle  il  n'y  a  pas  un  mot  relatif  aux 
terres  cuites  reproduites,  ~  l'auteur  résume  les  théories  diverses  émi- 
ses au  projet  des  statuettes  trouvées  dans  les  tombeaux  grecs,  et  examine 
en  particulier  la  thèse  récente  de  M.  E.  Pottier  «  quam  ob  causam 
Graeci  in  sepulchris  figlina  sigilla  deposuerint,  »  dont  il  admet  la 
conclusion  éclectique  :  les  figurines  auraient  été  apportées  par  les  pa- 
rents et  amis  du  défunt,  achetées  d'ailleurs  par  avance  pour  cette  occa- 
sion, ou  pour  toute  autre,  dans  l'étalage  varié  du  coroplaste  qui  répon- 
dait à  tous  les  goûts  comme  à  tous  les  usages. 

WiTTE  (J.  de).  L'expiation  on  la  purification  de  Thésée  :  p.  352-3  ; 
pi.  44-46.  —  Superbe  composition  reproduite  en  rouge  et  noir  d'après 
une  grande  hvdrie. 

II.  Archéologie  du  rnoren  âge  et  de  la  Renaissance.  —  Satriano 


120  REVUE    CHiTIQ'Jb 

(Gaetano  Filangierî,  prince  de).  -^Antique  onde  la  Renaissance?  - 
La  tête  de  cheval  colossale  du  musée  de  Naples;  p.  i5-2o;  pi.  4.  - 
L'auteur  voudrait  voir,  avec  Vasari,  dans  cet  admirable  morceau,  i'œuvi 
du  xv^  siècle  florentin  et  en  particulier  de  Donaîelîo  :  il  la  rapproch 
comme  exemple,  de  la  statue  équestre  d'Erasmo  da  Narni  dit  Guattc 
melata,  en  1444.  Elle  fut  envoyée  de  Florence  au  comte  de  Maddalo 
par  Laurent  de  Médicis.  C'est  depuis  Winckelmann  qu'elle  passe  poi 
antique. 

Durand  (G.).  —  Portail  de  Véglise  de  Dompierre  (Vosges)  ;  p.  20-2, 
pi.  5.  —  Du  milieu  du  xii^  siècle;  richement  sculpté. 

MoLiNiER  (E.).  —  Deux  plaques  d'ivoire  au  musée  du  Louvre;  p.  3: 
42;  pi.  6.  — A  peu  près  les  plus  anciens  ivoires  du  moyen-âges 
Louvre;  ceux-ci  proviennent  d'une  reliure. 

Lasteyrie  (R.  de).  —  Miniatures  inédites  de  Vhortus  deliciaru 
(xii®  siècle);  p.  57-64;  pi.  8-10. —  Ce  ms.  de  l'abbesse  Herrade  ( 
Landsberg  était  un  des  joyaux  de  la  bibliothèque  de  Strasbourg  :  il  a  é 
détruit  avec  elle  à  Pémotion  générale  du  monde  savant.  Les  planch 
reproduites  sont  celles  que  le  comte  de  Bastard  avait  déjà  fait  faire  poi 
son  Recueil  de  peinture  des  mss.  Elles  peuvent  compter  parmi  les  ph 
curieuses  de  l'ouvrage  :  c'est  l'arbre  généalogique  du  Christ,  le  crucifi 
ment,  et  l'Eglise  chrétienne. 

CouRAJOD  (L.).  —  Une  sculpture  en  bois,  peinte  et  dorée,  de  lapr 
mière  moitié  du  xii*  siècle;  p.  91-97,  129-132;  pi.  14.  —  11  s'agit  d'i 
Christ  en  croix,  un  peu  moins  grand  que  nature,  provenant  sans  dou 
d'une  poutre  de  gloire  et  appartenant  à  l'auteur.  C'est  une  pièce  fo 
rare  pour  la  taille  et  d'une  grande  finesse  d'exécution.  L'œuvre  est  pleii 
de  caractère  et  remarquable  eu  égard  à  l'époque;  mais  je  ne  puis  pa 
tager  entièrement  l'admiration  de  M.  C.  qui  s'élève  à  bon  droit  cont 
le  dénigrement  de  parti  pris  et  injuste  de  tant  de  critiques,  mais  e 
entraîné  par  là  même  un  peu  loin  dans  le  sens  opposé,  quand  il  dév 
loppe  la  valeur  esthétique,  l'élégance,  et  la  beauté  sereine  de  la  statu 
Les  pieds  et  le  bras  gauche  sont  une  restauration  moderne. 

MuNTz  (E.).  —  La  statue  du  pape  Urbain  V  au  musée  d'Avigno 
p.  98-104;  pi.   i5.  —  Ce  portrait  d'un  des  papes  d'Avignon  qui  o 
montré  pour  les  arts  le  goût  le  plus  éclairé  est  malheureusement  ti 
mutilé.  L'auteur  donne  d'intéressants  détails  sur  l'iconographie  de 
pape  et  publie  son  inscription  tombale. 

Héron  de  Villefosse  (A.).  —  Feuille  de  diptyque  consulaire  consi\ 
vée  au  musée  du  Louvre:  p.  117-128;  pi.  16-17.  —  L'auteur,  sui^r 
son  habitude,  épuise  la  question.  On  ne  connaît  que  vingt-huit  de  1 
diptyques  :  il  nous  tient  au  courant  des  caractères  intéressants  de  toi 
Ici  c'est  une  feuille  d'ivoire  sculptée  sur  les  deux  faces  qui  ne  sonti 
de  la  même  main,  ni  de  la  même  époque.  On  peut  attribuer  l'une  îi 
première  moitié  du  vi<'  siècle  :  c'est  la  page  qui  porte  le  bu.<te  du  coni 
(Areobindus?)  L'autre,  où  M.   H.   de  V.  croit  reconnaître   un  tra^i 


o'HÎSTOIRfc    ST   DE    I.tTTKRATURE  127 

italien  des  premières  années  du  xve  siècle,  est  d'une  grande  finesse  et 
délicatement  exécutée  :  c'est  une  sorte  de  bestiaire  encadré  dans  une  très 
riche  bordure, 

Delisle  (L.).  — Le  sacramentaire  d'Autiin;  p.  i53-i63;  pi.  2o-23. 

—  C'est  un  des  plus  curieux  mss,  de  l'époque  carolingienne;  très  impor- 
tant pour  deux  raisons  principales  :  l'exécution  du  milieu  du  ix*  siècle 
probablement,  et  la  ressemblance  avec  la  Bible  de  Charles  le  Chauve. 

—  Il  est  conservé  au  séminaire  d'Autun.  —  L'auteur  en  donne  une  des- 
cription savante,  minutieuse  et  complète  au  point  de  vue  de  la  peinture 
et  de  la  paléographie.  Le  ms.  offre  des  exemples  de  toutes  les  écritures 
des  livres  de  luxe  de  l'époque.  —  Quatre  belles  planches  reproduisent 
quelques-uns  des  principaux  spécimens.  La  pi.  22  notamment  présente 
une  bordure  de  feuillages  ornementaux  qui  est  véritablement  char- 
mante. 

Saint-Paul  (Anthyme).  —  Notre-Dame  d'Etampes;  p.  21 1-223; 
pi.  29-31.  —  Etude  soignée  non  seulement  de  ce  monument,  de  la 
seconde  moitié  du  xii^  siècle  et  de  la  première  du  xiii'',  mais  en  général 
des  divers  édifices  anciens  de  la  ville,  plus  l'église  de  Morigny,  située  à 
quelques  kilomètres.  —  L'auteur  appelle  à  juste  titre  Tattention  et  la 
curiosité  des  visiteurs  sur  une  ville  qui  présente  «  un  aperçu  presque 
complet  du  progrès  de  l'art  de  bâtir  dans  le  domaine  royal  depuis  Ro- 
bert le  Pieux  jusqu'à  Philippe-Auguste,  m  II  a  raison  de  fixer  la  con- 
struction de  la  Tour  Guinette  au  règne  de  Louis  VI,  quand  la  tradition 
en  fait  honneur  à  Robert  et  les  archéologues  à  Louis  VII  le  Jeune. 
Quant  au  clocher,  où  l'on  peut  bien  hésiter  un  peu,  je  le  rangerais 
franchement  dans  le  style  roman  pur,  et  parmi  les  dates  proposées  par 
l'auteur  j'accepte  plutôt  la  dernière,  1 140.  —  Comparez  surtout  avec 
le  clocher  de  la  Trinité  de  Vendôme,  de  la  première  moitié  du  xii*'  siè- 
cle, et  avec  le  clocher  vieux  de  Chartres,  qui  ne  dépasse  pas  1 170.  —  A 
propos  de  ce  charmant  clocher  de  Notre-Dame,  avec  ses  (juatre  étages  et 
ses  élégants  clochetons  à  jour,  à  peu  près  la  seule  partie  remarquable  de 
Téglise,  dont  le  plan  est  bizarre  et  froid,  M.  Saint- Paul  aurait  pu  citer 
la  cloche  de  1401,  donnée  par  le  duc  Jean  de  Berry,  avec  son  inscrip- 
tion. C'est  une  des  plus  vieilles  cloches  de  France. 

RuPRiCH-RoBERT.  —  Le  chapiteau  normand  aux  xi"  et  xn^  siècles  ; 
p.  286-299;  pi.  39.  —  Cette  étude  est  détachée  du  grand  ouvrage  de 
Tauteur  sur  Tarchitecturc  normande  auxxi"^  et  xn^  siècles  en  Noriiiandie 
et  en  Angleterre,  en  cours  de  publication.  —  La  théorie  originale 
qu'expose  ici  M,  R.-R.  est  illustrée  de  trente-trois  figures  à  Tappui.  Sa 
conclusion  est  celle-ci  :  on  peut  constater  à  l'époque  romane  deux  cou- 
rants, l'un  d'Orient  vers  l'Occident,  l'autre  du  Nord  au  Sud  :  1°  le  cha- 
piteau du  xi''  siècle  a  conservé  de  l'art  antique  précédemment  importé 
les  volutes  et  les  feuilles  de  la  corbeille,  et  pris  son  évasement  en  en- 
corbellement et  son  tailloir  à  l'art  byzantin  ;  2°  le  chapiteau  normand  du 
XTi^  siècle  a  pris  sa  forme  dite  cubique  à  la  Scandinavie,  sans  en  adopter 


I  28  REVUE    CRITIQUE 

rornemenlation,  et  a  emprunté  comme  le  précédent  sou  encorbellement 
et  son  tailloir  à  l'art  byzantin  ;  il  devient  ensuite  godronné.  Enfin  ce 
chapiteau  est  une  conception  originale  et  toute  spéciale  au  génie  de  la 
race  des  Normands.  —  Tout  cela  me  semble  bien  exclusif;  les  transfor- 
mations dans  des  membres  aussi  constamment  employés  de  la  construc- 
tion ne  se  font  pas  avec  cette  rigueur  mathématique.  L'observation 
que  l'on  trouve  des  chapiteaux  cubiques  de  bois  dès  l'an  looo  en  Scan- 
dinavie est  très  curieuse.  Mais  il  ne  s'ensuit  pas  :  i°  que  là  soit  l'origine 
exclusive  du  type  cubique,  sous  prétexte  qu'il  est  «  la  conséquence  ab- 
solument logique  de  Temploi  du  bois  »  ;  2°  que  ce  même  type  soit  venu 
«  se  reproduire  en  pierre  et  s'acclimater  »  au  Rhin,  en  Allemagne,  dans 
l'Est  de  la  France,  à  Marmoutier,  puis  jusqu'en  Italie,  à  Pavie,  à  Flo- 
rence, à  San  Miniato  ;  sous  prétexte  «  qu'on  ne  peut  nier  qu'il  existe 
un  degré  de  parenté  bien  plus  sensible  entre  tous  ces  chapiteaux  et  ceux 
de  la  Norwège,  qu'entre  eux  et  ceux  de  la  Syrie  et  de  Byzance.  1^  — 
Franchement  la  forme  cubique  n'a  rien  de  si  extraordinaire  en  soi 
qu'on  ne  Tait  pu  inventer  partout  ailleurs  qu'en  Norvège.  Passe  encore 
pour  l'Angleterre  et  la  Normandie,  où  l'influence  du  Nord  peut  s'ad- 
mettre parfaitement.  —  La  planche  reproduit  cinq  colonnes  de  la  crypte. 
de  Canterbury. 

Lasteyrie  (R,  de).  —  Vierge  en  ivoire  de  la  collection  Bligny ; 
p.  3oo-3o2  ;  pi.  40-41.  — Cette  remarquable  statuette  de  Vierge  et 
l'enfant,  assise,  est  très-probablement  un  travail  français  du  temps  de 
Philippe-le-Bel.  La  pose  et  les  draperies  sont  élégantes  et  fines,  mais 
les  figures  déjà  un  peu  maniérées. 

Lasteyrie  (R.  de).  —  Vierge  en  bois  sculpté  provenant  de  Saint- 
Martin  des  Champs  (xii^  siècle);  p.  317-324;  pi.  42.  —  Cette  statue  de 
i"45  de  haut  fut  recueillie  en  1792  au  musée  des  Petits- Augustins,  dit 
des  Monuments  français,  par  Al.  Lenoir.  Lors  de  la  dispersion  du  mu- 
sée, elle  fut  portée  directement  à  Saint-Denis  où  elle  est  encore,  sur  une 
courte  colonne  à  l'entrée  du  chœur,  à  droite.  Sa  conservation  est  re- 
remarquable, ce  qui  est  précieux  pour  l'étude  de  ce  rare  morceau  du 
xif  siècle  roman.  Plus  intéressante  à  ce  point  de  vue  que  la  vierge  de 
la  collection  Bligny,  celle-ci  est  beaucoup  moins  belle  et  élevée  comme 
art  :  elle  est  franchement  archaïque,  bien  qu'avec  plus  de  vie  et  de  na- 
turel que  dans  beaucoup  des  sculptures  qui  nous  restent  de  l'école  ro- 
mane. Ceci  est  dit  surtout  pour  l'entant  Jésus,  dont  le  visage  a  une 
certaine  grâce.  La  Vierge  est  encore  moins  un  type  de  beauté,  et  l'on  a 
quelque  peine  à  trouver  dans  sa  figure  cette  «  noblesse,  cette  beauté 
sévère  et  régulière  qui  en  fait  un  morceau  du  plus  grand  style  »  et  que 
l'auteur  signale  avec  admiration.  —  C'est  peut-être  aussi  la  faute  de  la 
photographie  qui  a  plongé  dans  une  ombre  très  prononcée  les  trois 
quarts  du  visage  et  qui  surtout  épaissit  son  dégagement  sur  le  cou.  — 
La  Vierge  est  assise  dans  un  fauteuil  massif,  suivant  un  usage  alors 
constant,  qui  avait  le  tort  d'exagérer  encore  la  maigreur  et  la  raideur 


D  HlSTOliUC    Kl     lit.    Ll  ITERAI  UKli  J  30 


du  personnage.  —  Malgré  ces  défauts  qu'on  ne  peut  essayer  de  nier,  il 
V  a  sans  doute  dans  le  type  présenté  ici  un  progrès  réel,  une  tendance 
caractéristique  d'étude  de  la  nature,  qui  lui  assure  un  rang  distingué 
dans  la  sculpture  du  milieu  du  xn'^  siècle. 

MoLiNiER  (E.).  —  Quelques  calices  en  filigrane  de  fabrication  hon- 
groise-, p.  348-351;  pi.  47-4S. —  La  planche  reproduit  cinq  calices, 
tous  de  la  lin  du  xv  ou  du  commencement  du  xvi''  siècle,  et  des  plus 
remarquables.  Il  est  surtout  curieux  d'y  constater  les  types  d'un  genre 
d'orfèvrerie  qui  est  une  industrie  nationale  chez  les  Magyars,  l'orfèvre- 
rie en  filisrane.  Les  oièces  données  ici  sont  d'une  finesse  d'exécution 
et  d'une  délicatesse  e:ctrémcs.  La  forme  du  reste  est  à  peu  près  la  même 
qu'en  France. 

MoLiNiKR  (E.)  —  Une  œuvre  inédite  de  Liica  délia  Robbia.  Le  taber 
nacle  en  marbre  de  l'église  de  Peretola  près  de  Florence;  p.  364-370; 
pi.  49-5o.  —  C'est  là  une  de  ces  sculptures  du  grand  artiste  dont  on 
avait  complètement  perdu  la  trace.  Exécuté  de  1441  à  1443  pour  l'hô- 
pital de  Santa  Maria  Nuova  à  Florence,  comme  on  le  voit  dans  des 
comptes  publiés  ici,  le  tabernacle  dont  il  est  question  n'a  été  retrouvé 
que  depuis  peu  de  temps.  Il  mesure  2'"  54  de  haut  sur  i'"  o5  de  large. 
On  ne  peut  avoir  eu  la  main  plus  heureuse  :  le  monument  est  tout  à 
fait  remarquable.  Le  bas-relief  du  tympan,  au-dessus  des  deux  grandes 
figures,  est  en  particulier  une  œuvre  du  sentiment  le  plus  élevé.  L'en- 
cadrement architectural  est  également  dans  d'excellentes  proportions. 
—  L'auteur  a  ajouté  comme  élément  de  comparaison  une  seconde  plan- 
che reproduisant  le  tombeau  de  Benozzo  Federighi,  évéque  de  Ficsole, 
qui  se  trouve  dans  Téglise  de  S.   Francesco  di  Paola,  près  de   Florence. 

H.  DE  Clrzon. 


3o. —  SlsSlïoj^rapJiîo  «le  l'Euipirt»  I>yzniiiln,  par  Gustave  ScHLCMUtiiUiEU, 
avec  iioo  dessins  par  L.  Dardcl.  Public  sous  le  patronnage  de  la  Société  de 
l'Orient  latin.  Paris,  Ernest   Leroux,   18S4,  in-4,  vii-749  P^S^s 

La  magnifique  publication  dont  nous  venons  de  transcrire  le  titre  est  un 
monument  élevé  à  une  science  nouvelle  dont  on  était  bien  loin,  il  y  a 
dix  ans,  de  soupçonner  l'importance  et  l'étendue.  Le  quatrième  volume 
du  Corpus  inscript ionuni  graecariwi,  édité  par  M,  Kirchhoff,  ne  con- 
tient que  70  sceaux  byzantins  (n°^  8986-9056),  imparfaitement  repro- 
duits et  déchiffrés.  Depuis  l'achèvement  du  Corpus,  on  a  publié  en- 
viron deux  cents  plombs  byzantins  dans  difl'ércnts  recueils;  celui  de 
M.  Schlumberger  en  contient  près  de  trois  mille.  Ainsi  le  nombre  des 
documents  de  ce  genre  se  trouve  décuplé  par  le  labeur  d'un  seul  homme. 
Mais  la  comparaison  des  chiffres  ne  donne  encore  qu'une  idée  impar- 
faite de  l'importance  du  progrès  réalisé.  Dans  les  publications  précé 
dentés,  les  légendes  des  sceaux  étaient  transcrites  plus  ou  moins  correc- 


I  :)0  KKVUh    CKITlQl-'i- 

tement,  mais  les  fac-similés  étaient  médiocres  ou  faisaient  complètement 
défaut.  M.  S.,  grâce  à  l'habile  crayon  de  M.  Dardel,  a  pu  faire  graver 
très  exactement  plus  de  mille  sceaux,  et  les  lectures  qu'il  en  a  données, 
résultat  d'une  pratique  de  cinq  ans,  doivent  être  considérées  comme 
définitives  dans  l'immense  majorité  des  cas.  Ceux  qui  réussiront  plus 
tard  à  corriger  quelques-unes  de  ses  transcriptions  ne  le  feront  qu'en 
s'inspirant  de  son  exemple  et  des  règles  qu'il  a  été  le  premier  à  formuler. 
Il  est  regrettable  que  M.  S.  n'ait  pu  joindre  à  son  volume,  comm.e  l'a 
fait  par  exemple  M.  Carapanos  en  publiant  les  plaques  de  plomb  de 
Dodone,  quelques  planches  en  héliogravure  destinées  à  donner  une  idée 
des  difficultés  souvent  décourageantes  que  présente  le  déchiffrement  des 
sceaux.  Le  lecteur,  à  l'aspect  des  dessins  de  M.  Dardel,  qui  sont  déjà  une 
interprétation  rendue  possible  par  le  déchiffrement  des  sceaux,  peut  se 
faire  illusion  sur  Paspect  de  ces  petits  monuments  où  toutes  les  lettres, 
au  premier  abord,  semblent  identiques  entre  elles,  où  la  multiplication 
des  sigles  et  des  abréviations  se  joint  à  l'usure  de  la  surface  métallique 
pour  soumettre  la  patience  de  l'archéologue  à  une  rude  épreuve.  Tous 
ceux  qui  s'intéressent  au  moyen  âge  byzantin  comprendront  l'utilité  de 
ia  publication  de  M.  S.,  mais  ceux-là  seuls  qui  ont  manié  des  sceaux  et 
les  ont  rejelés  un  à  un  comme  indéchiffrables  en  apprécieront  tout  le 
mérite. 

Il  y  a  une  dizaine  d'années,  des  travaux  de  voirie  exécutés  à  Gon- 
stantinople,  notamment  aux  abords  du  Séraskiérat  et  sur  le  tracé  du 
chemin  de  fer  d'Andrinople,  mirent  au  jour  plusieurs  milliers  de  sceaux 
qui,  d'abord  jetés  dans  le  Bosphore  avec  les  terres  de  déblais,  furent 
bientôt  remarqués  et  recueillis  par  les  marchands.  M.  Mordtmann,  qui 
est  depuis  longtemps  comme  le  consul  de  Tarchéologie  allemande  à 
Gonstantinople,  en  recueillit  une  importante  collection,  dont  il  a  géné- 
reusement permis  à  M.  S.  de  tirer  parti.  En  1879,  M.  S.  se  rendit  lui- 
même  sur  les  lieux  et  réussit  à  se  former  une  collection  personnelle  qui 
est  incontestablement  la  plus  riche  de  l'Europe.  Depuis,  M.  Sorlin- 
Dorigny  à  Gonstantinople,  M.  Lambros  à  Athènes,  les  musées  d'Athè- 
nes, de  Berlin  et  de  Londres  ont  acquis  un  certain  nombre  de  sceaux 
qui  figurent  égalemenf,  pour  la  plupart,  dans  la  publication  de 
M.  Schlumberger.  La  Sigiîlog7'aphie  de  l'Empire  by:[antin  est  donc 
un  véritable  Corpus,  où  l'on  trouvera,  à  côté  d'un  très  grand  nombre 
de  monuments  inédits,  la  reproduction  de  tous  ceux  qui  étaient  connus 
jusqu'à  présent.  M.  S.  a  pourtant  renoncé  à  publier  plusieurs  centaines 
de  sceaux,  appartenant  à  sa  collection  ou  à  des  collections  étrangères, 
parce  que  la  lecture  de  leurs  légendes  ne  lui  paraissait  pas  assez  cer- 
taine. Le  présent  volume  sera  donc  suivi  de  suppléments,  dont  les  élé- 
ments sont  entre  les  mains  de  M.  S.,  mais  qu'il  a  sagement  différé  de 
taire  connaître  jusqu'à  ce  qu'il  pût  les  interpréter  d'une  manière  com- 
plète. 

Dans  une  science  aussi  neuve  que  celle  des  plombs  byzantins,  il  ne 


O'HISTOIKfc:    ET    Di:    HTTÉRATUKE  l3l 

suffisait  pas  de  publier  des  fac-similés  et  des  transcriptions,  en  laissant 
au  lecteur  le  soin  de  tirer  des  règles  des  matériaux  accumulés  qu'on  lui 
offrait.  M.  S.  l'a  compris,  et  il  a  consacré  93  pages  de  son  livre  à  des 
considérations  générales  qui  seront,  pour  la  Sigillographie  byzantine,  ce 
que  les  Elementa  de  Franz  ont  été  pour  lépigraphie  grecque  il  y  a  un 
demi-siècle.  Les  questions  relatives  à  la  fabrication  des  sceaux,  aux  re- 
présentations figurées  qu'ils  portent,  à  la  classification  des  légendes, 
aux  abréviations  et  aux  sigles,  sont  traitées  avec  détail  et  éclairées  par 
de  nombreux  exemples.  Nous  regrettons  seulement,  dans  ces  prolégo- 
mènes si  bien  conçus,  l'absence  d'un  tableau  des  variations  orthogra- 
phiques;  comme  un  grand  nombre  de  sceaux  peuvent  être  datés,  on 
aurait  là  des  témoignages  intéressants  pour  l'histoire  de  la  prononcia- 
tion byzantine. 

Les  représentations  figurées  des  sceaux  sont  d'une  grande  importance 
pour  l'histoire  de  l'art,  en  particulier  pour  l'iconographie  religieuse;  les 
effigies  de  la  Vierge,  du  Christ  et  des  saints  affectent,  suivant  les  épo- 
ques, des  aspects  très  différents,  qui  permettent  de  remonter  aux  types 
graphiques  ou  plastiques  dont  les  graveurs  des  plombs  se  sont  inspirés. 
Mais  le  grand  intérêt  des  sceaux  réside  dans  leurs  légendes,  qui  en  font 
de  véritables  documents  historiques  et  comme  une  illustration  perpé- 
tuelle aux  ouvrages  où  Codinus  et  le  Porphyrogénète  ont  minutieuse- 
ment énuméré  les  fonctions  de  la  hiérarchie  byzantine.  11  n'est  guère 
de  fonctionnaire,  militaire,  civil  ou  religieux,  deouis  le  Basileus  jus- 
qu'aux higoumènes  et  aux  moines,  dont  on  ne  possède  des  sceaux,  et 
ces  monuments  font  même  connaître  quelques  dignités  ou  fonctions 
dont  les  historiens  n'ont  pas  conservé  le  souvenir.  Les  sceaux  géogra- 
phiques forment  aussi  une  série  très  nombreuse,  féconde  en  renseigne- 
ments sur  les  noms  des  éparchies,  des  thèmes,  des  villes,  des  évéchés, 
des  monastères,  des  églises;  on  pourrait,  à  l'aide  des  indications  qu'ils 
fournissent,  et  que  M.  S.  a  relevées  avec  grand  soin,  commenter  pas  à 
pas  le  livre  des  Thèmes  de  Constantin  Porphyrogénète.  Les  plombs  de 
Constantinople,  que  M.  S.  propose  d'appeler  topographiques ^  forment 
une  classe  à  part  et  déjà  considérable;  ce  sont  les  sceaux  des  fonction- 
naires du  palais,  des  églises,  des  couvents,  des  hôpitaux  de  la  capitale, 
sur  lesquels  sont  inscrits  les  noms  de  ces  monuments.  Enfin,  un  très 
grand  nombre  de  sceaux  se  rapportent  soit  à  des  personnages  histori- 
ques, soit  aux  membres  des  grandes  familles  byzantines,  tant  de  Con- 
stantinople que  des  provinces. 

Les  légendes,  au  point  de  vue  de  la  forme,  se  divisent  en  trois  classes. 
Dans  les  neuf  dixièmes  des  cas,  la  formule  est  une  invocation  :  K'jp-.e 
(OîCToy.s)  ^oy;Oî'.  -m  gG>  Bo6).(i)  tw  Cctv.  (y.cupâTwp'.,  cTpaTr^vÇ),  ;j.ova/o>,  etc.) 
Plus  rarement,  c'est  le  sceau  qui  déclare  lui-même  le  nom  de  son  pro- 
priétaire :  la  plupart  des  légendes  de  cette  classe  se  composent  d'un  ou 
deux  trimètres  iambiques  :  Toj  riaTC'.y.îcj  BipBa  toj  Hcs'.aîvou  |  Ac^cov 
c';j.(  7.aeI;,  ÔETTâ/.wv  z-^x-r{-(i-yj.  (Sigillogr.  by{.  p.  54).  C^s  deux  types 


l32  REVUE    CRITIQUE 

présentent  naturellement  beaucoup  de  variétés.  Souvent  encore,  on  ne 
trouve  que  rindication  du  prénom,  du  nom  et  de  la  fonction  du  titu- 
laire, généralement  au  génitif,  avec  l'ellipse  de  cypà^c.q.  Enfin,  un  cer- 
tain nombre  de  légendes  ne  rentrent  dans  aucune  des  précédentes  séries 
ou  se  composent  uniquement  de  monogrammes  dont  le  déchiffrement 
est  très  dffïicile. 

M.  S.  a  classé  les  sceaux  recueillis  par  lui  en  cinq  grandes  divisions  : 
1°  série  géographique  ;  sceau  de  fonctionnaires  de  thèmes  et  de  titu- 
laires de  sièges  ecclésiastiques;  2°  l'armée;  sceaux  de  fonctionnaires 
et  d''officiers  militaires;  3°  le  clergé;  sceaux  de  membres  du  clergé  ci 
de  religieux;  4°  titres,  fonctions,  dignités  ;  sceaux  impériaux,  sceaux 
princiers,  sceaux  de  fonctionnaires,  titulaires  et  dignitaires  d"ordre  civil; 
5°  les  familles  byzantines;  sceaux  dits  patronymiques,  portant  des 
noms  de  familles  byzantines.  Chacune  de  ces  classes  contient  un  grand 
nombre  de  subdivisions  entre  lesquelles  on  pourra  répartir,  à  l'avenir, 
tous  les  sceaux  encore  inédits  ou  qui  restent  à  exhumer.  Si  le  Corpus 
définitif  n'existe  pas  encore,  du  moins  M.  S.  nous  en  a  donné  le  cadre 
et  en  a  réuni  les  éléments  les  plus  importants.  Aussi  la  sigillographie 
byzantine,  dont  le  nom  paraissait  à  peine  il  y  a  cinq  ans,  est-elle  aujour- 
d'hui une  science  établie  sur  des  bases  solides,  le  chapitre  le  mieux  connu 
peut-être  de  Tarchéologie  grecque  du  moyen  âge.  L'honneur  en  revient 
presque  entièrement  à  M.  S.,  qui  doit  s^estimer  récompensé  de  son  travail. 

L'impression  qui  résulte  de  ces  documents  sillographiques  n'est  guère 
favorable,  il  faut  l'avouer,  à  la  civilisation  complexe  et  formaliste  de 
Byzance,  où  la  multiplicité  des  rouages  tenait  lieu  de  la  chaleur  et  de  la 
vie.  M.  S.,  comme  tous  les  byzantinistes,  a  cru  nécessaire,  à  plusieurs 
reprises,  d'accuser  Tinjustice  des  savants  modernes  à  l'égard  du  moyen 
âge  byzantin.  En  vérité,  la  réhabilitation  ou  la  condamnation  d'une 
époque  sont  affaire  d'appréciation  personnelle,  mais  l'histoire  n'a  pas 
le  droit  d'être  dédaigneuse,  parce  qu'elle  aie  devoir  de  connaître  et  non 
celui  de  juger.  Il  faut  savoir  gré  aux  savants  qui  abordent  courageu- 
sement l'étude  d'une  époque  où  il  n'y  a  de  beauté  ni  dans  la  littérature 
ni  dans  l'art.  Le  service  qu'ils  rendent  est  d'autant  plus  appréciable  que 
l'on  eût  trouvé  moins  d'hommes  disposés  à  se  charger  de  leur  tâche. 
Mais,  tout  en  comptant  que  M.  Schlumberger  continuera  l'œuvre  qu'il 
a  si  bien  commencée,  nous  voulons  espérer  pour  lui  comme  pour  nous 
qu'il  fera  paraître  un  jour  sur  un  terrain  moins  ingrat  ses  rares  qua- 
lités de  finesse  et  de  pénétration. 

L'exécution  matérielle  du  livre  est  très  soignée  et  très  élégante;  on 
peut  regretter  seulement  que  le  papier  soit  trop  fort,  ce  qui  rend  le  vo- 
lume un  peu  lourd  et  difficile  à  manier.  Nous  réunissons  en  note  quel- 
ques observations  de  détail  que  nous  a  suggérées  une  première  lecture  et 
dont  l'auteur  pourra  tirer  parti  dans  le  supplément  qu'il  nous  promet  '. 

Salomon  Reinach. 

1.  M.  S.  indique  quelquefois,  u'après  MM.  Frœhner  ou  Mordtmann,  que  les  lé- 
gendes des  sceaux  sont  en  vers  :  il  aurait   i'alhi   signaler  ce   détail  partout  on  ne  le 


OHISIOIRK   KT    DE    Ll  ÏTER  ATUHh  l33 

3i.  —  Molière,  Les  Précieuses  ridicules,  nouvelle  édition  conforme  à  l'édi- 
tion originale  avec  les  variantes, une  notice  sur  la  pièce,  le  sommaire  de  Voltaire, 
un  appendice  et  un  commentaire  historique,  philologique  et  littéraire,  par  Gus- 
tave Larroumet,  docteur  es  lettres,  lauréat  de  l'Académie  française,  professeur  de 
rhétorique  au  lycée  Henri  IV.  Paris,  Garnier  frères,  1884.  In-8,  217  pages,  vi, 
avec  un  fac-similé  héliog.  de  la  carte  de  Tendre. 

Cette  nouvelle  édition  destinée  aux  candidats  à  la  licence  reproduit, 
sauf  quelques  changements  purements  typographiques,  le  texte  de  l'é- 
dition princeps  et  jusqu'à  la  ponctuation  dramatique  de  l'auteur.  Elle 
n'indique  d'autres  variantes  que  celles  qui  ont  quelque  intérêt  et  ren- 
ferme d'utiles  remarques  grammaticales  tirées,  pour  la  plupart,  des 
grammaires  de  Vaugelas  et  de  M.  Chassang.  M.  Larroumet  fait  de  très 
bonnes  observations  sur  la  langue  des  Précieuses  et  cite  les  expressions 
relevées  par  Somaize,  Son  commentaire  surpasse  en  abondance  toutes 
les  éditions  que  nous  connaissons;  d'un  bout  à  l'autre  il  témoigne  d'une 
lecture  étendue,  d'un  soin  consciencieux,  d'une  critique  Judicieuse 
et  fine. 

On  retrouve  les  mêmes  qualités  dans  la  notice  historique  qui  sert 
d'introduction.  Après  avoir  recueifli  les  documents  relatifs  aux  pre- 
mières représentations  de  la  pièce  de  Molière,  M,  Larroumet  fait  l'his- 
toire de  la  société  précieuse,  en  rappelle  les  dates  et  les  faits  principaux. 
Quoique  rapide,  cette  histoire  est  très  complète  et  écrite  sans  parti  pris. 
L'auteur  a  tiré  grand  profit  des  travaux  de  ses  prédécesseurs  et  a  habi- 
lement réuni  «  les  résultats  les  plus  nets  des  travaux  accumulés  en 
grand  nombre  par  la  critique  historique  et  littéraire  »  ;  mais  il  n'a  pas 

signaler  nulle  part.  La  légende  du  n"  55  (p.  5i)  se  compose  de  trimètres  iambiques; 
il  en  est  de  même  des  nos  58  (même  page),  2  et  6  (p.  52),  7  (p.  53),  i3  (p.  54),  etc. 
Les  mots  cxé^rotç,  ^Xéiro),  ttÉXo)  appartiennent  exclusivement  à  des  légendes  ver- 
sifiées. —  P.  5b,  note  i.  'ATîOT'Jvy^avEiv  ty;ç  èXTTÎOO?  signifie  «  être  frustré  dans 
son  espérance»  et  non  «  mourir  ».  Le  sens  est  probablement  :  «  Théotokos,  celui 
qui  met  son  espoir  en  toi  ne  sera  pas  trompé.  »  —  P.  108,  M.  S.  admet,  d'après 
M.  Rambaud,  que  le  thème  du  Strymon  ne  s'étendait  pas  jusqu'à  la  mer.  Je  crois 
le  contraire  prouvé  par  une  inscription  de  Cavalla  (Christopolis),  que  j'ai  publiée 
dans  le  Bulletin  de  Correspondance  Hellénique,  VI,  p.  268.  Ce  texte  rappelle  la  re- 
construction des  murs  de  Cavalla.  l'une  des  places  forte  de  la  mer  Egée,  par  Basile 
Cladon,  stretégète  du  Strymon,  en  926  ap.  J.-C.  Ce  petit  thème  était  un  comman- 
dement militaire  qui  paraît  avoir  été  placé  sous  les  ordres  d'un  stratégète.  —  P.  197. 
Ce  n'est  pas  la  première  fois,  comme  le  croit  M.  S.,  que  l'on  trouve  le  nom  de  THel- 
lespont  sur  un  monument  épigraphique  ;  v,  C.  L  G.  2374,  6855  rf  B;  C.  LA.  I, 
37,  87.  L'auteur  a  peut-être  voulu  écrire  sur  un  document  sigillographique,  auquel 
cas  la  remarque  ne  méritait  pas  d'être  faite.  —  P.  55g.  Le  titre  ot  ïrX  Twv  ozwv  pa- 
raît être  synonyme  de  celui  d' Ituct:-:?;?  (p.  5x3).  —  P.  575.  Le  7:povoY]rr;ç  se  ren- 
contre déjà  dans  une  inscription  d'Um  ez  Zeitun  en  Palestine,  datant  du  commen- 
cement de  l'époque  byzantine  (C.  I.  G.  45qi). 

P.  (j.lÀxe.  publié.  —  P.  10.  Ce  n'est  que  par  hyberbole  que  l'on  peut  parler  de 
centaines  de  mille  d'anses  d'amphores  avec  noms  de  potiers.  —  P.  3o.  Lire  d  et  non 
oh!  —  P.  146,  n'=  2,  lire  0lX0v6[X0V* 


I  34  REVUK   CRITIQUE 

négligé  de  consulter  les  œuvres  des  contemporains  et  est  toujours  re- 
monté aux  sources. 

La  grande  question,  c'est  le  but  que  se  proposait  Molière  en  écrivant 
sa  pièce.  On  connaît  la  théorie  de  Rœderer  et  de  Victor  Cousin,  nou- 
vellement reprise  et  défendue  avec  beaucoup  d''érudition  par  M.  Livet 
dans  sa  nouvelle  édition  des  Précieuses  ridicules  (Paris,  Dupont,  1884). 
Nous  accordons  volontiers  à  M.  Livet  que  Molière  ne  pouvait  s'em- 
pêcher de  donner  quelquefois  dans  le  «  style  précieux  »  (opposé  par 
M.  Livet  au  langage  précieux),  qu'il  y  avait  des  Précieuses  qui  n'é- 
taient pas  ridicules  et  qu'on  ne  trouve  pas  dans  les  lettres  de  Balzac,  de 
de  Voiture,  de  Sarrazin,  etc.,  «  une  langue  semblable  au  sot  langage  de 
Cathos  et  de  Madeion  »,  enfin  que  M'^"  de  Scudéry  elle-même  sait  fort 
bien  reconnaître  la  Précieuse  véritable  et  ridicule  en  traçant  les  por- 
traits de  Sapho  et  de  Damophile.  Mais  toutes  les  explications  de  M.  Li- 
vet ne  pourront  nous  persuader  que  Molière  se  soit  allié  à  M"«  de  Scudéry 
«  pour  toucher  du  doigt  le  ridicule  d'un  savoir  affecté  »  (p.  xix)  ;  qu'il 
ait  sciemment  propagé  la  langue  nouvelle  des  Précieuses  (p.  xl)  ;  que 
les  Précieuses  ridicules  n'aient  été  que  des  bourgeoises  (p.  vu),  enfin 
que  le  poète  ait  seulement  voulu  se  moquer  de  «  pecques  provinciales  ». 
Le  Grand  Cyrus  et  la  Carte  de  Tendre  ne  figurent  pas  en  vain  dans 
la  pièce  de  Molière;  il  est  évident  que  le  grand  comique  a  voulu  tout 
simplement  se  moquer  de  la  Reine  de  Tendre,  de  Sapho-Scudéry. 

Aussi  M.  Larroumet  a-t-il  raison  de  dire  que  la  thèse  de  M.  Livet 
n'est  guère  acceptable.  «  Molière  visait  nettement  M"^  de  Scudéry  et  son 
cercle  (p.  34),  «  où  M.  Livet  voit  une  question  de  catégories  sociales, 
(p.  74),  nous  voyons  surtout  une  question  de  dates  et  d'époques  diffé- 
rentes. » 

Mais  nous  nous  étonnons  que  M.  Larroumet  se  rallie  aux  défenseurs 
de  la  société  précieuse,  «  qui  afïirment  que  la  pièce  ne  visait  pas  l'hôtel 
de  Rambouillet  lui-même  >:■  (p.  32).  Voilà  une  thèse  qu'il  serait,  à  notre 
avis,  difficile  de  prouver,  et  les  preuves  alléguées  par  M.  Larroumet  ne 
nous  paraissent  guère  concluantes.  «  D'abord  on  n'attaque  que  ce  qui 
existe,  et  en  lôSg  l'hôtel  de  Rambouillet  proprement  dit  n'existait 
plus  »  (p.  32).  Nous  comprenons  la  distinction,  mais  elle  est  bien  sub- 
tile; car  on  lit  à  la  page  suivante  (p.  33)  ce  mot  bien  connu  de  Ménage 
que  «  tout  le  cabinet  de  l'hôtel  de  Rambouillet  »  assistait  à  la  première 
représentation.  Il  faut  donc  qu'il  ait  encore  existé.  Que  Molière  n'ait 
pas  visé  la  marquise  elle  même,  soit;  mais  peut-on  dire  avec  M.  Lar- 
roumet que  ".  ce  qui  est  hors  de  doute,  c'est  la  faveur  avec  laquelle 
M™"  de  Rambouillet  et  ses  amis  accueillirent  la  mordante  satire  » 
(p.  34)?  Ce  qui,  selon  nous,  est  hors  de  doute,  c'est  que  «  les  sottises 
qui  viennent  d'être  critiquées  si  finement  »  —  pour  employer  les  pro- 
pres paroles  de  Ménage  —  ne  sont  autres  que  les  sottises  de  Rambouil- 
let, et  en  cela  nous  partageons  l'opinion  de  Despois. 

Voilà  les  légères  critiques  que  nous  suggère  le  premier  chapitre  de 


d'hISTOIRK    et    DR    LITTÉRATURE  î35 

rintroduction  de  M.  Larroumet  ;  mais  les  autres  chapitres  ne  sont  ni  moins 
intéressants,  ni  moins  complets.  Le  deuxième  est  consacré  à  Somaize  et 
aux  attaques  antérieurement  dirigées  contre  les  précieux  (Sorel,  d'Aubi- 
gné,  Scarron,  dWubignac,  Saint-Evremond,  Gnappuzeau,  et  surtout  de 
Pure  et  son  roman).  Le  troisième,  Les  Précieuses  ridicules  au  théâtre, 
nous  fait  connaître  les  acteurs  et  actrices  qui  jouèrent  avec  succès  les 
rôles  delà  pièce.  Nous  approuvons  M.  Larroumet  de  blâmer  (p-  65-67) 
les  suppressions  traditionnelles  qui  nuisent,  en  effet,  à  l'intelligence  du 
texte  et  on  ne  peut  que  louer  ses  remarques  au  sujet  des  costumes 
(p.  67-68).  Le  quatrième  et  dernier  chapitre.  Bibliographie  des  Pré- 
cieuses ridicules,  donne  une  liste  raisonnée  àts  orincioales  éditions  de 
la  pièce.  En  somme  on  ne  saurait  assez  recommander  cette  excellente 
édition  à  tous  les  érudits. 

W.  Mangold. 


32.  —  Dîctîonnaîi'e  fr^ançaîs-alleîsisinci  et  «ISemand-françaîs,  par  M.  A. 

Thibaut.  104^  édition,  revue  et  corrigée.  Un  volume  in-4,  994  pp. —  Brunswick, 
Westermann,  1884.  Prix,  relié:  10  fr. 

La  première  édition  de  ce  livre  a  paru  il  y  a  un  siècle;  il  a  subi  dans 
ses  éditions  subséquentes  des  transformations  continuelles  et  importan- 
tes, et  a  pu  se  maintenir  ainsi  avantageusement  à  côté  des  autres  dic- 
tionnaires. Cette  nouvelle  édition  donne  Porthographe  la  plus  récente 
de  l'Académie,  ainsi  que  la  nouvelle  orthographe  officielle  pour  l'alle- 
mand. De  plus,  elle  est  augmentée  et  sensiblement  améliorée.  Ainsi, 
parmi  tous  les  dictionnaires,  il  est  à  notre  connaissance  le  seul  qui 
donne  pour  le  mot  bonde  franchement  la  signification  actuelle  de 
«  Zapfen  »,  à  côté  de  l'ancienne,  qui  était  «  trou  de  bonde  ».  En 
revanche,  il  oublie  encore,  comme  tous  ses  confrères,  le  verbe  écoper 
(herausschnpfen,  herausschaufeln) ,  quoiqu'il  donne  comme  eux  le 
substantif  correspondant  écope.  Encore  comme  tous  les  autres,  il 
oublie  le  mot  très  usité  plumier^  appelé  Federschachtel  dans  le  sud, 
et  Federkasten  dans  le  nord  de  l'Allemagne  :  c'est  la  «  boite  »,  par 
opposition  à  a  Fétui  »,  appelé  Federrohr  :  ce  mot  manque  dans  la 
deuxième  partie,  ainsi  que  Kiel/eder  (antonyme  de  Stahlfeder),  tous 
deux  très  usités.  Spundloch  est  rendu  par  les  deux  deux  mots  bondon, 
bonde  :  il  faut  les  remplacer  par  «  trou  de  bonde  ».  Federdecke  se  dit 
édredon,  et  non  plumeau,  ni  plumon  :  ce  dernier  est  un  provincialisme 
de  l'est,  qui  devrait  enfin  disparaître  des  dictionnaires.  A  côté  de  la 
forme  voussoyer,  il  fallait  citer  vousvoyer,  plus  usitée  et  correspondant 
phonétiquement  mieux  à  tutoyer. 

L'exécution  typographique  est  admirable  et  !e  prix  d'un  bon  marché 
inouï. 

A.  B. 


l35  RKVUK    CRITIQUE 

VARIÉTÉS 


Isaac  de  la  Peyi-ère  et  sa  famille. 

Quand  Je  publiai  Quelques  lettres  inédites  d'Isaac  de  la  Peyrère  à 
Boulliau  (no  2  des  Plaquettes  gontaudaises,  Paris  et  Bordeaux,  1878), 
je  trouvai  bien  peu  de  renseignements  sur  l'auteur  des  Préadamites  et 
sur  sa  famille  dans  nos  divers  recueils  biographiques,  même  dans  la 
France  protestante.  Aussi,  en  terminant  ma  notice  sur  l'écrivain  bor- 
delais, exprimai-je  le  vœu  qu'un  autre  chercheur,  ^/î« /zewreziA:,  5znoK 
plus  \élé,  mît  la  main  sur  des  documents  qui  vinssent  compléter  cette 
notice.  Le  chercheur  que  j'appelais,  j'ai  Thonneur  de  le  présenter  aux 
lecteurs  de  la  Revue  critique  :  c'est  M.  A,  Communay,  celui-là  même 
qui  m'avait  fourni  la  petite  chanson  du  xvi^  siècle  imprimée  ici,  et  qui, 
continuant  ses  recherches  dans  les  registres  des  notaires  bordelais  conser- 
vés aux  Archives  départementales  de  la  Gironde,  a  pu  reconstituer, 
pour  le  plus  grand  profit  des  biographes  futurs,  et  notamment  du 
nouvel  et  si  vaillant  éditeur  de  la  France  protestante,  le  tableau  com- 
plet de  la  famille  d'Isaac,  tableau  comprenant  :  1°  son  père,  Bernard  ; 
2"  sa  mère,  Marthe  de  Malet;  3°  sa  femme,  Suzanne  de  Petit;  4°  ses 
trois  frères,  Abraham  ',  Jean,  Joseph;  5°  ses  quatre  sœurs,  Marthe., 
Anne,  Marie  et  Jeanne.  Après  avoir  adressé  à  l'excellent  travailleur 
toutes  mes  félicitations,  tous  mes  remerciements  et  tous  mes  vœux,  je 
reproduis  le  résumé  de  ses  intrépides  déchiffrements. 

Ph.  Tamizey  de  Larroque. 

Notes  généalogiques  sur  les  Lapeyrère. 

M.  M'^  Bernard  de  Lapeyrère,  d'abord  secrétaire  du  maréchal  de  Ma- 
tignon, fut  pourvu  vers  1600  d'une  charge  de  conseiller  du  roi,  contrô- 
leur triennal  et  provincial  de  l'extraordinaire  des  guerres  en  Guyenne. 
Bernard  fit  son  testament  olographe  le  29  décembre  i63o  (Grenier, 
notaire  à  Bordeaux)  et  mourut  en  cette  ville  au  mois  d'août  1642  ^  — 
De  son  mariage  avec  demoiselle  Marthe  de  Malet  ^,  contracié  le  19  jan- 
vier 1595  (Sonet,  notaire  à  Bordeaux)  il  eut  neuf  enfants; 

1°  Izaac  de  Lapeyrère,  avocat  au  parlement  de  Bordeaux,  qui  le 
10  novembre  1624  (Brandalas,  notaire  à  Montauban)  épousa  demoiselle 


1.  Quelques  biographes,  et,  parmi  eux,  les  auteurs  du  Dictionnaire  dit  de  Moréri 
avaient  cru  pouvoir  affirmer  que  le  jurisconsulte  Abraham  de  la  Peyrère  était  seule- 
ment ^i.i/-eHif  du  bibliothécaire  du  prince  de  Condé. 

2.  11  était  fils  de  Jacques  de  Lapeyrère  et  de  demoiselle  Daliès. 

3.  Fille  d'un  trésorier  général  des  hnances  de  la  maison  de  Navarre.  Dans  son 
testament  B.  de  Lapeyrère  déclare  que  sa  femme  et  lui  professent  la  religion  ré- 
formée. 


d'histoire    E'I    OU.    t.IirÉKAIUKB  1  37 

Suzanne  de  Petit,  laquelle  lui  porta  en  dot  le  fief  de  Clairac  '.  C'est 
seulement  à  partir  de  1647,  que  Izaac,  né  en  iSgô,  est  qualifié  gentil- 
homme ordinaire  du  prince  de  Condé  ; 

30  Jacob  de  Lapeyrère,  conseiller  du  roi  et  contrôleur  des  guerres  en 
Guyenne,  mort,  sans  alliance,  à  Bordeaux,  en  1646,  après  avoir  insti- 
tué son  frère  Abraham  pour  héritier  de  tous  ses  biens; 

3°  Abraham  de  Lapeyrère,  avocat  au  parlement  de  Bordeaux,  né  dans 
cette  ville,  en  iSgS,  mort  sans  enfant  de  demoiselle  Marguerite  Daris- 
con  %  le  1 1  avril  1680.  Il  est  Fauteur  des  Décisions  sommaires  du 
Parlement  de  Bordeaux  ; 

4°  Jean  de  Lapeyrère,  avocat  au  parlement  de  Bordeaux,  marié  à 
Jeanne  de  Borcas; 

5°  Joseph  de  Lapeyrère,  qui  fut  également  conseiller  du  roi  et  contrô- 
leur des  guerres  en  Guyenne  et  depuis  capitaine  d'une  compagnie  de 
gens  de  pied  au  régiment  du  cardinal  Mazarin; 

6''  Marthe,  femme  de  François  Joly,  seigneur  de  Saint-Eugène,  con- 
seiller secrétaire  du  roi  ; 

7°  Anne,  alliée  à  M.  M®  Jean  de  Mazelières,  avocat  au  parlement  de 
Bordeaux; 

8°  Marie,  morte  sans  alliance; 

9°  Jeanne,  mariée  à  Etienne  de  Maniald,  aussi  avocat  au  parlement 
de  Bordeaux  3. 

A.    COMMUNAY. 

1.  Izaac  est,  dans  son  contrat  de  mariage,  qualifié  docteur  et  avocat  en  la  cour  du 
parlement  de  Bordeaux. 

2.  Marguerite  Dariscon  appartenait  à  une  vieille  famille  gontaudaise.  Dans  la  pre- 
mière moitié  du  xvm"=  siècle,  «  noble  Jean-Pierre  Dariscon,  écuyer  »  épousa  Mar- 
guerite Tamizey,  laquelle  était  sœur  d'Antoine  Tamizey  sieur  de  Larroque,  bisaïeul 
de  celui  qui  écrit  cette  note.  (T.  de  L.) 

3.  En  février  et  avril  1643,  Izaac  de  Lapeyière  était  à  Bordeaux  où  il  assista  et 
signa  aux  contrats  de  mariage  de  ses  sœurs  Anne  et  Jeanne.  Le  12  juin  1644,  il  fit 
donation  à  son  frère  Jean  de  la  métairie  appelée  du  Coudroy,  sise  en  la  paroisse 
de  Martillac,  mais  spécifia  que  cette  maison  avait  été  pillée  et  incendiée  lors  des 
guerres  de  Bordeaulx  et  que  les  meubles  et  bestiaux  avaient  été  enlevés.  Le  4  avril 
167(5,  Jean  de  Lapeyrère  se  présenta  devant  Cazenove,  notaire  à  Bordeaux,  et  dé- 
clara que  son  frère  aîné  Izaac  était  décédé  à  Aubervilliers  le  3o  janvier  précédent, 
dans  une  des  chambres  du  couvent  des  Révérends  Père  de  l'Oratoire;  que,  quoique 
institué  héritier  général  de  son  frère,  suivant  un  testament  souscrit  le  23  avril  1676 
devant  Lebeur,  tabellion  dudit  Aubervilliers,  il  ne  consent  à  accepter  cet  héritage 
que  sous  bénéfice  d'inventaire,  Izaac  étant  mort  chargé  de  beaucoup  de  deUes  consi- 
dérables. En  conséquence  il  requiert  ledit  notaire  de  retenir  acte  de  sa  protestation 
et  lui  remet  l'inventaire  dressé  par  le  R.  P.  Supérieur  dudit  Oratoire,  des  meubles, 
argent  et  autrc:i  effets  trouvés  dans  ladite  chambre  mortuaire. 


REVUE    CRITIQUE 

CHRONIQUE 


FRANCE.  — M.  Bahbier  de  Meynard,  qui,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  annoncé, 
a  quitté  la  chaire  de  persan  au  Collège  de  France  pour  celle  d'arabe,  a  fait  lundi  2  fé- 
vrier sa  leçon  d'ouverture.  Après  un  hommage  ému  à  la  mémoire  de  son  prédéces- 
seur dans  cette  chaire,  qui  avait  été  son  élève,  M.  Guyard,  il  a  exposé  à  grands 
traits  l'histoire  des  éléments  étrangers  dans  la  civilisation  des  Arabes,  leur  religion 
et  leur  philosophie. 

—  M.  Salomon  Rein.\ch  a  fait  paraître  à  la  librairie  Klincksiec!;  (in-8°,  86  p.,  avec 
portrait),  uns  Notice  biographique  sttr  Charles-Joseph  Tissât  ;  on  Wra  avec  le  plus 
vif  intérêt  cette  biographie  d'un  des  hommes  les  plus  éminents  de  notre  époque,  un 
des  meilleurs  serviteurs  de  son  pa3's,  dit  M.  S.  Reinach,  et  le  maître  de  l'archéolo- 
gie africaine. 

—  Nous  avons  dit  dans  notre  analyse  delà  brochure  de  M.  Tajiiziîy  de  Larroque 
sur  le  cardinal  Bichi  que  ce  fascicule  était  le  Vile  des  Correspondants  de  Peiresc; 
c'est  en  réalité  leYIII  ;  les  sept  premiers  fascicules  sont  les  suivants:  I.  Dubernard. 
II.  César  Nostradamiis.  III.  J.  Bouchard.  IV.  Joseph  Gaultier^  prieur  de  la  Valette. 
V.  Claude  de  Saumaise.  VI.  Baltha^ar  de  Vias.  VII.  Gabriel  de  Laiibespine,  évêque 
d'Orléans. 

—  M.  Charles  JoRET,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  d'Aix,  membre  de  la  So- 
ciété des  Antiquaires  de  Normandie,  a  fait  tirer  à  part  (Léopold  Cerf,  in-8°,  3i  p., 
I  fr.  5o),  la  conférence  qu'il  a  faite  au  cercle  Saint-Simon  le  25  octobre  1884  sur  la 
Crise  agricole  en  Normandie. 

—  M.  Clermont-Ganneau,  directeur  adjoint  à  l'Ecole  pratique  des  Hautes-Etudes, 
fait,  à  partir  du  14  février,  en  dehors  de  sa  conférence  d'archéologie  orientale  du 
lundi,  une  seconde  conférence  spécialement  consacrée  à  l'archéologie  juive,  les  sa- 
medis à  trois  heures  et  demie. 

—  La  Bibliothèque  Mazarine possède  un  manuscrit  du  P.  Dan  (i 580-1649),  supérieur 
de  l'Ordre  de  la  T.  S.  Trinité  pour  la  rédemption  des  Captifs.  Ce  manuscrit  porte 
pour  titre  :  Les  Illustres  Captifs,  et  renferme  de  très  curieux  et  très  instructifs 
récits  sur  l'histoire  de  l'esclavage  en  Alger;  si  le  style  est  diffus,  si  les  naïvetés  ne 
font  pas  défaut,  les  documents  abondent,  et  ils  sont  d'autant  plus  importants  que 
le  P.  Dan  était  très  bien  renseigné;  il  avait  séjourné  quelque  temps  à  Alger;  il  avait 
soigneusement  recueilli  les  informations  que  lui  adressaient  les  religieux  de  son  or- 
dre envoyés  sur  les  côtes  de  Barbarie  pour  racheter  les  prisonniers.  Malheureuse- 
ment la  lecture  de  ce  manuscrit  est  fort  difficile;  le  P.  Dan  écrit  terriblement  mal; 
il  ignore  absolument  la  ponctuation,  il  accumule  les  fautes  d'orthographe  et  les 
abréviations.  M.  H.  D.  de  Grammont  vient  de  donner  une  description  complète  de 
ce  manuscrit,  grâce  à  laquelle  on  aura  une  idée  exacte  du  iravail  du  P.  Dan;  il  re- 
produit les  titres  des  six  livres  des  Illustres  Captifs  et  de  leurs  nombreux  chapitres 
(le  Trinitaire  traite  successivement  des  chrétiens  pris  en  guerre,  de  ceux  qui  furent 
pris  en  mer,  des  captifs  qui  furent  miraculeusement  délivrés  ou  se  sauvèrent  a  par 
industrie  »,  des  chrétiens  qui  sont  morts  en  captivité,  des  renégats  qui  se  sont  re- 
pentis et  «  reconciliés  à  la  religion  chrétienne  »,  des  femmes  qui  ont  été  captives). 
A  la  suite  de  cette  minutieuse  description  qui  facilitera  les  recherches  de  tous  ceux 
qui  s'occupent  des  études  algériennes,  un  collaborateur  de  M.  H.  D.  de  Grammont, 
M.  L.  PiESSE,  a  transcrit  quelques-uns  Jes  chapitres  du  manuscrit  du  P.  Dan  qui  se 
rapportent  le  plus  directement  à  l'histoire  des  Pays  Earbaresqucs  :  ce  sont  les  cha- 


D  HISTOIRE    El    DE    LIXIKKA  i  URSi  î  Sq 

pitres  concernant  Pierre  Gilles,  bibliothécaire  de  François  l";  Melchior  Guillandin, 
professeur  de  médecine  à  l'Université  de  Padoue  ;  Caraciol,  évéque  de  Catane;  le 
jésuite  Sébastien  del  Campo;  Haëdo,  l'abbé  de  Fromesta  et  auteur  de  la  Topogra- 
phie d'Alger:  Guillaume  Maran,  docteur  de  l'Université  de  Toulouse;  Mascarenas, 
gouverneur  de  Mazagan;  Antoine  de  Govea  ;  Jean  le  Voisin;  Claude  Sisteron  ;  Do- 
minique de  Gourgue,  «  capitaine  de  grande  réputation»;  le  capucin  Machaire; 
Charles  du  Laurier,  seigneur  de  l'Espine,  né  «  en  cette  belle  province  des  Gaules  qui 
se  pique  bien  fort  de  vaillance,  je  veux  dire  la  Gu)enne  ».  Le  seul  exposé  de  ces 
noms  suffit  à  montrer  que  M.  Piesse  a  su  faire  un  h^rureux  choix  parmi  les  «  per- 
sonnes notables  »  dont  le  P.  Dan  a  retracé  les  aventures,  ei  on  ne  peut  que  lui  sa- 
voir le  plus  grand  gré,  ainsi  qu'à  M.  H.  D.  de  Grammont.  d'avoir  fait  connaître  en 
détail  le  précieux  manuscrit  du  Trinitaire  et  d'en  avoir  tiré  les  notices  les  plus  inté- 
ressantes. Le  volume  est  intitulé  Les  Illustres  Captifs,  manuscrit  du  P.  Dan,  analysé 
par  MM.  L.  Piesse  et  H.  D.  de  Grammont;  il  a  paru  à  Alger,  chez  Jourdan.  (In-8", 
83  p.). 

—  Un  concours  littéraire  avait  été  ouvert  l'an  passé  entre  les  étudiants  de  la  Fa- 
culté des  lettres  de  Poitiers  ;  le  sujet  du  concours  était  le  suivant  :  exposer  et  discu- 
ter, en  s'appuyant  sur  les  textes  et  les  témoignages  originaux,  les  causes  sociales, 
politiques  et  littéraires  qui  ont  empêché  à  Rome  le  développem^^nt  d'un  théâtre  na- 
tional. Deux  mémoires  ont  été  couronnés  :  l'un,  de  M.  Vessereau,  boursier  d'agré- 
gation, l'autre,  de  M.  Ey.mard,  étudiant  libre. 


ACADEMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET   BELLES-LETTRES 


Séance  du  6  février  iSS^. 

L'Académie  procède  à  l'élection  d'un  membre  ordinaire  en  remplacement  de 
M.  Louis  Quicherat.  Deux  tours  de  scrutin  ont  lieu  et  donnent  le  résultat  suivant  : 

1^'"  tour.  a"*  tour. 

MM.  Abel  Bergai^no                                                        ii  27 

Léon  Gautier                                                              8  3 

Héron  de  Villefosse.                                               7  a 

Auguste  Longnon                                                   b  » 

32  32 

M.  Bergaigne  est  élu.  L'élection  sera  soumise  i\  l'approbation  de  M.  le  président 
de  la  République. 

L'Académie  décide  qu'il  y  a  lieu  de  pourvoir  à  la  place  de  membre  libre  laissée 
vacante  par  la  mort  de  M.  Frédéric  Baudry.  L'examen  des  titres  des  candidats  est 
fixé  au  27  février. 

L'Académie  procède  au  renouvellement  de  la  commission  des  impressions.  Sont 
élus  membres  de  cette  commission  MM.  Delisle,  Miller,  Hauréau,  Jules  Girard  et 
Barbier  de  Meynard. 

M.  Desjardins  communique  une  note  qui  lui  a  été  transmise  par  M.  Ch.  Joyant, 
ingénieur  en  chct  à  la  compagnie  du  chemin  de  fer  de  l'Est,  sur  un  groupe  romain 
trouvé  dans  les  travaux  du  chemin  de  fer,  près  de  Naix  (N'asium',  entre  les  stations 
de  Ménaucourt  et  de  Tréveray.  Ce  groupe  se  compose  d'une  figure  de  divinité  fémi- 
nine, assise,  vêiue  d'une  longue  tunique  qui  descend  jusqu'aux  pieds,  avec  des 
m^anches  courtes  et  une  ceinture,  et  de  deux  enfants  debout  à  ses  côtés,  également 
vêtus  de  tuniques.  Les  têtes  des  enfants  sont  cassées  La  déesse  tient  des  fruits  dans 
son  giron  ;  un  petit  chien  est  placé  entre  ses  pieds.  M.  Desjardins  reconnaît  dans 
cette  figure  la  déesse  Nelialennia,  dont  il  a  parlé  dans  sa  Géographie  de  la  Gaule  à 
l  époque  romaine,  t.  I,  p.  396. 

M.  Barbier  de  Meynard  dépose,  de  la  part  de  M.  Spiro,  professeur  au  collège 
Sadi.ki,  à  Tunis,   une   collection    de  vingt-deux   estampages   d'inscriptions   phéni- 


140  REVUE    CRITIQUE    D  HTSTOIRE    ET    DE    LITTERATURE 

ciennes.  M.  Spiro  a  joint  à  son  envoi  un  mémoire  dans  lequel  il  a  donné  la  tran- 
scription hébraïque  et  la  traduction  des  inscriptions. 

M.  P.-Charles  Robert  présente  à  l'Académie,  de  la  part  de  M.  Maxe-Werly,  une 
bague  d'or,  octogone,  de  petit  diamètre,  trouvée,  dit-on,  dans  un  de  nos  départe- 
ments de  l'Est.  Cette  bague  est  de  l'époque  romaine,  mais  elle  porte  une  inscription 
eaùloise,  ainsi  conçue  : 

ADIA  I  NTVN  I  NENl  |  EXVE  |  RTIN  |  INAP  |  PISET  |  V 
M.  Maxe-Werly  rapproche  le  mot  adiantvnneni,  qui  occupe  les  troi  spremières  faces, 
à'Adietiianus,  inscrit  sur  une  monnaie  gauloise,  et  d'Adiantuniius,  dérivé  lui-même 
d'Adiaiito.  dont  le  datii,  Adiantoni,  se  retrouve,  si  l'on  s'en  rapporte  à  Creuly,  sur 
une  stèle  découverte  à  Aoste.  Il  remarque  en  outre  que,  sur  la  quatrième  face,  les 
lettres  qui  suivent  ex  semblent  être  liées;  on  aurait  donc  Exuterti  ou  même  Exu- 
nerti,  qui  se  rapprocherait  d'Esunerlus,  donné  par  un  monument  trouvé  dans  les 
environs  de  Genève  lOrelli,  298).  Il  reconnaît  toutefois  que  ex  pour  es  ne  serait  pas 
très  correct  et  que  I'n  serait  retournée.  Il  admettrait  alors  ex  vertini,  à  rapprocher 
du  nom  connu  Vertico.  11  ne  fait  aucune  hypothèse  sur  le  sens  des  lettres  suivantes; 
toutefois,  si  setv  ne  se  trouvait  pas  réuni  dans  divers  textes  au  nom  connu  Bogios 
ou  Bokios,  il  serait  disposé  à  trouver  dans  la  finale  de  l'inscription  un  verbe  à  la 
troisième  personne  du  singulier  du  prétérit,  comme  iewii,  kaniitii.  Mais  il  reconnaît 
qu'il  faudrait  alors  un  nominatif,  qui  paraît  ne  pas  se  trouver  dans  le  texte. 

M.  d'Arbois  de  Jubainville  propose  d'expliquer  l'inscription  ainsi  :  adiantvnneni, 
datif  d'Adiantunnena,  nom  de  femme  (la  bague  paraît  trop  petite  pour  avoir  appar- 
tenu à  un  homme)  ;  exvertinappi,  génitif  d'un  nom  d'homme,  qui  serait  celui  du 
père  d'Adiantunnena;  setv,  nom  du  donateur,  au  nominatif.  «  Setu  (a  donné  cette 
bague)  à  Adianiunnena,  (fille)  d'Exvertinappius.  »  On  trouve  dans  Exvertinappius 
le  préfixe  ex  et  la  racine  vert;  Setu  serait  le  nominatif  singulier  d'un  nom  propre 
gaulois  qui  fait  Setunos  au  génitif  et  qu'on  latiniserait  en  écrivant  Seto,  Seioiiis 
(comp.  le  nom  gaulois  Seiubogius.) 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Desjardins  :  Tissot  (Charles),  Fastes  de  la  province 
romaine  d'Afrique;  —  par  M.  Deloche  :  Nevnarck  (Alfred),  Turgot  et  ses  doctrines  ; 

—  par  M.  Oppert   :  Pognon   (Henri),  Inscription  de  Nerou-Nerar,  roi  d'Assj-rie; 

—  par  M.  P.-Ch.  Robert  :  Evans  (John),  a  Gold  Solidus  of  Louis  le  Débonnaire 
(extrait  du  Numismaiic  Chronicle,  1884). 

Julien  Havet. 

SOCIÉTÉ  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE 


Séance  du  21  janvier  188 5. 

présidence  DE  M.COURAJOD 

Lecture  est  donnée  de  deux  lettres  par  lesquelles  la  Société  libre  d'agriculture  des 
sciences,  des  arts  et  des  belles-lettres  du  département  de  TEure,  et  la  Société  algé- 
rienne déclarent  adhérer  au  vœu  formulé  par  la  Société  des  Antiquaires  de  Frairce 
pour  la  conservation  des  monuments  anciens. 

M.  Berthelet  est  élu  membre  correspondant  à  Arlay  (Jura). 

M.  Mowat  donne  suite  à  sa  précédente  communication  sur  les  groupes  statuaires 
qui  représentent  un  cavalier  romain  foulant  aux  pieds  de  son  cheval  un  ennemi  ter- 
rassé; il  signale,  dans  les  papiers  de  Pereyse,  conservés  à  la  Bibliothèque  nationale, 
un  passage  concernant  une  mosaïque  de  Riez,  dans  laquelle  le  même  sujet  se  trou- 
vait figuré  et  accompagné  de  deux  vers  hexamètres  léonins  relatifs  au  baptême  de 
Constantin. 

M.  Mûntz  dit  qu'il  est  question  du  même  monument  dans  une  autre  lettre  de  Pey- 
rese,  celte-ci  publiée  dans  les  Annales  encyclopédiques  de  Millin, 

M.  l'abbé  Thedenat  fait  quelques  observations  relatives  aux  milliaires  de  Constan- 
tine,  sur  lesquelles  la  mention  de  Maximien  Hercule  a  été  martelée.  Il  constate  que 
la  restitution  M.  Aurelii  Valerii  Maximiani  nepoti,  proposée  il  y  a  quelques  années 
par  M.  Allmer,  et  dans  son  travail  récent  par  M.  Révillat,  pour  rétablir  les  lignes 
martelées  est  pleinement  confirmée  par  les  milliaires  de  Cabasse  (Var)  et  par  un  au- 
tre milliairedu  musée  de  Vienne  (Isère),  sous  le  martelage  desquels  on  retrouve  des 
restes  de  l'inscription  primitive.  Il  donne  un  texte  rectifié  de  ces  deux  milliaires  et 
termine  en  adhérant  à  l'opinion  de  M.  Alliner,  qui  croit  que  l'ordre  de  marteler  fut 
donné  par  Constantin,  au  plus  tard  en  l'an  3 10. 

Le  Secrétaire, 
Signé  :  R,  Mowat. 

Erratum,  p.  66,  1.  10  (art.  de  M.  E.  Picot),  «  des  trois  diocèses  aujourd'hui  ad- 
ministrés par  l'évêque  de  Langres  »,  lisez  d'Autun. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 

ï,e  Puv.  imprimerie  de  Marchessou  fils^  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N»  8  —  23  février  -  1885 


Sommaire  s  33.  Voigt,  Les  Douze  Tables.  —  Variétés  :  Gazier,  L'abbé  de 
Prades,  Voltaire  et  Frédéric  II,  d'après  des  documents  inédits,  dont  une  lettre 
de  Voltaire.  —  Thèses  de  doctorat  :  Lévy-Brûhl,  Le  Dieu  de  Sénèque  et  l'idée 
de  responsabilité.  —  Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions.  —  Société  des 
Antiquaires  de  France. 


33.  —  Moritz  Voigt.  Oie  XH  Xafeln.  Geschichte  und  system  des  civil-und 
criminal-rechtes,  wie  -processes  der  XII  Tafeln  nebst  deren  fragmenten.  Leipzig, 
Liebeskind,  i883.  i  vol,  in-8  de  859  et  843  p. 

Les  deux  volumes,  consacrés  par  M.  Voigt  à  la  loi  des  Douze  Tables, 
contiennent,  le  premier,  l'histoire  et  les  principes  généraux  de  la  loi;  le 
second,  l'exposé  du  droit  civil  et  du  droit  criminel  aux  premiers  siècles 
de  la  République.  C'est  la  première  partie  dMne  histoire  générale  du 
droit  privé  des  Romains.  A  ce  seul  titre,  Touvrage  de  M.  V.  mérite 
d'être  accueilli  favorablement. 

Malgré  les  nombreux  travaux  dont  le  droit  romain  a  été  l'objet  de- 
puis le  moyen  âge,  l'histoire  de  ce  droit  reste  encore  à  écrire.  On  l'a 
beaucoup  étudié  au  point  de  vue  pratique  en  vue  d'y  trouver  des  précé- 
dents à  notre  droit  actuel.  On  n'a  même  pas  hésité,  comme  cela  est  ar- 
rivé à  Dumoulin,  à  couvrir  de  l'autorité  des  jurisconsultes  romains  des 
théories  modernes,  à  leur  prêter  des  décisions  qu'ils  n"'ont  jamais  don- 
nées, à  corriger  les  textes  quand  ils  ne  se  pliaient  pas  à  l'interprétation 
que  Ton  jugeait  plusconforme  aux  besoins  nouveaux  de  l'étatsocial.  On 
s'est  moins  préoccupé  d'étudier  le  droit  romain  dans  son  développe- 
ment historique.  L'exemple  donné  par  Cujasa  trouvé  peu  d'imitateurs. 

De  nos  jours  cependant,  le  courant  général  qui  porte  les  esprits  vers 
la  critique  historique  ne  pouvait  manquer  de  se  faire  sentir  dans  l'étude 
du  droit  romain.  En  présence  de  cette  législation  si  vantée,  le  scepti- 
cisme contemporain  veut  faire  la  part  de  ce  qui  revient  aux  Romains 
et  de  ce  qui  est  d'origine  étrangère.  Cette  analyse  a  pour  préli- 
minaire indispensable  la  reconstitution  du  droit  national  des  Romains 
tel  qu'il  résulte  des  Douze  Tables  et  de  la  jurisprudence  qui  les  a  inter- 
prétées. A  cette  condition  seulement,  on  pourra  discerner  les  éléments 
nouveaux  qui  se  sont  introduits  dans  le  droit  classique  et  reconnaître 
comment  ils  ont  réagi  sur  les  éléments  primitifs.  L'étude  du  droit  des 
Douze  Tables  a  donc  une  importance  capitale  pour  qui  veut  com- 
prendre et  apprécier  à  sa  juste  valeur  le  droit  classique.  On  ne  s'éton- 
nera pas  que  M.  V.  y  ait  consacré  deux  gros  volumes. 

Les  difficultés  à  surmonter,  pour  mener  à  bonne  fin  cette  étude,  sont 
Nouvelle  série,  XIX.  8 


142  REVUE    CRITIQUE 

nombreuses.  Nous  ne  connaissons  les  dispositions  des  Douze  Tables 
que  par  les  citations  ou  par  les  allusions  des  auteurs  anciens.  Est-ce 
suffisant  pour  reconstituer  la  loi  dans  son  ensemble,  et  pour  détermi- 
ner l'ordre  des  matières?  M.  V.  estime  que  nous  possédons  à  peu 
près  complètement  la  loi  décemvirale.  Elle  était  peu  étendue  puisque 
Cicéron  l'appelle  libellus,  et  il  n'est  guère  croyable  que  quelques  dispo- 
sitions importantes  nous  aient  échappé,  étant  donné  le  zèle  patriotique 
que  les  Romains  mettaient  à  les  citer.  Dans  Tappendice  placé  à  la  fin 
du  premier  volume,  M.  V.  a  réuni  les  fragments  qui  nous  ont  été  con- 
servés. Grâce  à  la  différence  des  caractères  typographiques,  on  peut,  à 
première  vue,  distinguer  :  a)  les  fragments  dont  Tauthenticité  est  cer- 
taine; {i)  ceux  que  l'auteur  a  restitués;  y)  ceux  dont  le  contenu  seul  est 
donné  par  les  textes,  ou  â)  restitué  par  l'auteur. 

On  ne  peut,  comme  on  le  voit,  se  flatter  d'avoir  le  texte  original. 
Déjà  à  l'époque  antique,  il  avait  subi  bien  des  modifications  soit  quant 
à  la  forme,  soit  quant  à  Torthographe  des  mots.  Il  reste  néanmoins 
beaucoup  d'expressions  archaïques  et  de  particularités  intéressantes 
pour  l'histoire  de  la  langue  latine.  On  trouvera  dans  le  livre  de  M.  V. 
des  indications  utiles,  même  après  les  travaux  de  J.  Godefroy,  de  Ditlv- 
sen  et  de  Schoell,  et  en  attendant  que  M.  Michel  Bréal  livre  à  la  pu- 
blicité, comme  nous  nous  plaisons  à  Tespérer,  le  cours  qu'il  vient  de 
professer  au  Collège  de  France  sur  les  plus  anciens  textes  des  lois  ro- 
maines. 

C'est  par  les  efforts  réunis  des  philologues  et  des  jurisconsultes  qu'on 
réussira  à  donner  un  texte  satisfaisant.  11  ne  suffit  pas  de  rassembler 
tous  les  documents  qui  de  près  ou  de  loin  ont  trait  aux  Douze  Tables  : 
il  faut  encore  assigner  une  place  convenable  aux  mots  isolés  que  parfois 
on  rencontre.  Ainsi  certains  auteurs  mettent  les  mots  endoque  plorato 
à  la  suite  de  la  disposition  relative  au  meurtre  du  voleur  de  nuit  ou  du 
voleur  de  jour  qui  agit  à  main  armée.  M.  V.  les  rattache  à  la  disposi- 
tion relative  au  vol  manifeste.  Le  sens  est  très  différent  :  ïimploratio 
serait  requise  pour  donner  au  vol  le  caractère  de  vol  manifeste,  au  lieu 
de  servir  à  constater  l'état  de  légitime  défense.  De  même  Dirksen  et 
Schoell  séparent  les  fragments  relatifs  au  maliim  cannen  incantare  et 
■àxifr liges excanîare:  M.V.  les  rapproche.  lien  conclut  que  Vincantatio 
mali  canninis  n'était  punie  que  si  les  sortilèges  tendaient  à  nuire  aux 
fruits  de  la  terre,  et  non  aux  hommes  ou  aux  animaux.  D'un  autre 
côté,  M.  V.  sépare  les  dispositions  qui  concernent  ïoccentatio  (diffa- 
mation) et  Vincantatio.  Peut-être  étaient-elles  réunies;  cela  explique- 
rait comment  Horace  a  pu  confondre  malum  et  famosum  carmen 
(Sat.  Il,  I,  82;  Ed.  il,  I,  i52). 

Pour  la  distribution  des  matières,  M.  V.  reproduisant  les  conclusions 
d'un  de  ses  travaux  antérieurs,  s'écarte  de  celle  qui  avait  été  jusqu'ici 
acceptée.  Les  modifications  qu'il  propose  ne  portent  ni  sur  les  deux 
premières   ni  sur  les    trois  dernières  tables   pour   lesquelles   on  a  des 


D  HISTOIRE  Kï    Dr.    LITTKRATUKS  I43 

renseignements  positifs.  L'ordre  des  tables  3  à  9  avait  été  jusqu'ici 
en  grande  partie  fixé  à  l'aide  des  fragments  du  commentaire  de 
Gaius  sur  les  Douze  Tables.  Pithou  et  J.  Godefroy  avaient  remar- 
qué que,  dans  ce  commentaire,  l'ordre  des  matières  était  précisé- 
ment celui  de  la  loi;  et  comme  l'ouvrage  était  divisé  en  six  livres,  ils  en 
avaient  conclu  que  chacun  contenait  Texplication  de  deux  tables  et 
que  les  matières  qui  faisaient  Tobjet  de  ces  deux  tables  devaient  avoir 
entre  elles  un  certain  rapport.  L'idée  était  contestable  ;  en  tout  cas  il 
restait  encore  un  champ  bien  vaste  pour  les  conjectures.  M.  V.  l'a 
restreint  d'une  manière  sensible. 

Il  a  fait  observer  que,  dans  les  ouvrages  de  plusieurs  jurisconsultes, 
certaines  matières  sont  traitées  dans  un  ordre  uniforme.  Ces  ouvrages 
sont  :  les  trois  livres  de  droit  civil  de  Sabinus,  les  commentaires  de 
Pomponius,  de  Paul  et  d'Ulpien  sur  Sabinus,  les posteriores  de  Labcon, 
le  livre  de  Javolenus  ex  posterioribiis Labeonis,  les  réponses  d'Urseius 
Ferox,  de  Julien  sur  Urseius  Ferox,  de  Minicius  Natalis,  de  Julien 
ex  Minicio.  L'ordre  suivi  dans  ces  écrits  n'est  rien  moins  que  logique, 
mais  il  est  le  même  que  celui  des  Tripertita  de  Sex.  ^lius.  Or,  nous 
savons  par  le  témoignage  de  Pomponius  que  la  première  partie  des 
Tripe7'tita  se  rapportait  au.t  Douze  Tables.  Pour  connaître  Tordre  des 
dispositions  de  la  loi,  il  suffit  alors  d'examiner  les  questions  traitées 
dans  la  première  partie  des  ouvrages  précités.  Voici  cet  ordre  d'après 
M.  Voigt  : 

1'%  II«,  II1«  Tables:  i.  in  jus  votatio  ;  2.  jurisdictio  ;  3.  legis  actio 
sacramenti  ;  ^.jiidicium  :  5.  leg-.  a.  per  manus  injectionem. 

IVe.  I.  Testament,  hérédité  ab  intestat,  créances  et  dettes  héréditai- 
res; 2.  puissance  paternelle;  3.  de  liberis  hominibus  {de  iisii  miilieris, 
de  statu  liberis,  de  patroni  Jraude  clienti  facta). 

Ve.  i.Nexum,  mancipation  ;  2.  servitudes  eivia  vicinalis.  3.  Usuca- 
pion,  usureceptio.  4.  Eviction.  5.  Action  résultant  de  la  lex  mancipii. 
6.  A.  fidiiciae.  7.  A.  nuncupatae  pecuniae.  8.  A.  vadimonii  de- 
serti\  a.depensi.  9.  A.  familiae  erciscundae. 

VI.  I.  Divorce.  2.  Tutelle.  3.  A.  tutelae,  rationibus  distrahendis, 
postulatio  suspecti.  4.  Curatelle. 

VIL  Délits  privés. 

VII L  Actions  quasi  délictuelles.  Sodalitates. 

IX.  Compétence  en  matière  criminelle,  et  procédure  dans  les  co- 
mices. 

X.  Règlements  sur  les  sépultures. 

XI.  I.  Provocatio.  2.  Empêchements  à  mariage  entre  patriciens  et 
plébéiens.  3.  Interkalatio.  4.  Pignoris  capio. 

XÏI.  I.  Action  noxale.  2.  Dedicatio  rei  controversiosae.  3  Arbi- 
trium  rei  aestimandae. 

Bien  que  le  droit  grec  ait  été  connu  des  décemvirs,  il  n'a  exercé  sur 
leur  œuvre  qu'une  influence  très  secondaire.  La  loi  des  Douze  Tables 


144  RKVUl*:    CRITIQUE 

est  romaine  soit  quant  au  fond,  soit  surtout  quant  à  la  procédure.  A 
la  différence  des  lois  antérieures,  elle  se  présente,  non  pas  comme  l'ex- 
pression de  la  volonté  des  dieux,  mais  comme  une  conception  purement 
humaine.  Les  décemvirs  ont  cherché  à  établir  Tégalité  des  patriciens  et 
des  plébéiens  quant  au  droit  privé,  sinon  quant  au  droit  public  et  au 
droit  sacré.  Ils  ont  amélioré  la  condition  économique  de  la  plèbe  en 
fixant  le  taux  maximum  de  Tintérét,  en  adoucissant  les  voies  d'exécu- 
tion contre  les  débiteurs  insolvables.  C'étaient  là  des  innovations.  Mais 
la  partie  principale  de  la  loi  peut  être  considérée  comme  une  codifica- 
tion du  droit  coutumier.  Toutefois  M.  V.  pense  qu'on  a  laissé  de  côté 
un  certain  nombre  de  règles  qui  étaient  admises  sans  contestation,  telles 
que  ks  règles  sur  l'acquisition  des  fruits  par  le  propriétaire,  sur  les 
droits  du  maître  ou  du  patron,  sur  la  situation  des  enfants  issus  de  jus- 
tes noces,  sur  les  restrictions  à  la  faculté  de  tester.  Quant  aux  lois 
royales,  on  n'eut  pas  à  s'en  occuper  :  elles  faisaient  partie  du  droit  écrit 
et  continuèrent  à  subsister  à  côté  des  Douze  Tables. 

L'étude  de  la  loi  décemvirale  ne  suffit  donc  pas  pour  nous  faire  con- 
naître l'état  du  droit  civil  et  du  droit  criminel  dans  les  premiers  siècles 
de  la  République.  D'autre  part,  à  côté  des  règles  imposées  par  la  puis- 
sance publique  (jus),  il  y  en  avait  qui  résultaient  des  lois  divines  ou  re- 
ligieuses (fasj,  des  bojii  moines,  des  mores  gentis  ou  familiae.  11  y 
avait  là  un  ensemble  de  dispositions  auxquelles  les  citoyens  étaient  as- 
sujettis, et  dont  il  faut  tenir  compte  pour  ne  pas  s'étonner  de  certaines  i 
lacunes  de  la  législation.  Les  boni  mores  notamment  ont  eu  à  Rome 
une  influence  telle  qu'on  n'en  trouverait  pas  un  autre  exemple  dans 
l'histoire  des  nations  civilisées.  Les  devoirs  imposés  par  les  boni  mores 
étaient  sanctionnés  d'une  manière  si  efficace  que  le  droit  n'avait  pas  à 
intervenir.  Même  après  les  Douze  Tables,  on  rencontre  des  institutions 
qui  n'eurent  pendant  longtemps  une  sanction  que  dans  les  boni  mores  : 
tels  furent  les  fidéicommis. 

Nous  n'essayerons  pas  de  suivre  M.  V.  dans  les  développements  qu'il 
a  donnés  sur  tous  ces  points.  Aussi  bien  la  plupart  des  idées  contenues 
dans  son  livre  ont  déjà  été  émises  soit  dans  les  travaux  de  MM.  Fustel 
de  Coulanges,  Ihering  et  Sumner-Maine,  soit  dans  ceux  de  l'auteur 
lui-même.  Mais  M.  V.  les  a  vérifiées  dans  les  moindres  détails;  il  a 
produit  à  l'appui  tous  les  textes  qui  peuvent  servir  à  les  confirmer.  Rien 
n'échappe  à  son  œil  exercé.  Qu'il  s'agisse  de  décrire  les  formes  si  com- 
pliquées des  actes  juridiques  ou  de  classer  les  peines  sacrées  et  les  peines 
profanes,  les  neuf  délits  criminels  ou  les  cinquante-deux  actions  men- 
tionnées dans  les  Douze  Tables  ;  qu'il  faille  retrouver,  à  travers  les  in- 
terpolations d'i  Tribonien,  les  applications  si  variées  de  la  lex  mancipii 
ou  injure  cessionis,  rien  ne  peut  lasser  sa  patience.  On  est  vraiment 
étonné  de  la  somme  de  travail  condensée  dans  ces  deux  volumes  qui  ne 
comprennent  pas  moins  de  1,700  pages. 

Ce  n'est  pas  à  dire  que  nous  acceptions  toutes  les  hypothèses  émises 


d'histoire  et  de  littérature  I  P 

par  l'auteur,  et  que  nous  approuvions  sans  réserves  la  méthode  qu'il  a 
suivie.  On  peut  lui  reprocher  d'avoir  visé  à  la  précision  dans  des  cas 
où  l'état  de  nos  connaissances  ne  permet  pas  d'y  atteindre.  Puis 
nous  sommes  avertis  par  le  sous-titre  du  livre  que  nous  avons 
affaire  plutôt  à  un  système  qu'à  une  étude  historique.  L'auteur  nous 
présente  une  construction  logique  de  l'ancien  droit  tel  qu'il  le  com- 
prend. Mais  la  méthode  déductive  doit  être  employée  avec  une  grande 
discrétion  dans  les  sciences  historiques;  elle  est  dangereuse  et  conduit  à 
des  résultats  difficiles  à  admettre.  En  voici  la  preuve.  Partant  de  cette 
idée  que,  dans  tous  les  cas  où  la  vindicatio  est  donnée,  il  existe  un  droit 
réel,  M.  V.  considère  la  liberté,  c'est-à-dire  la  qualité  d'homme  sui  ju- 
rw  comme  un  droit  réel  que  nous  aurions  sur  notre  personne.  Du  reste, 
ce  droit  n'aurait  pas  d'objet,  car  l'idée  que  le  sujet  d'un  droit  pourrait 
en  même  temps  en  être  l'objet  est  étrangère  au  très  ancien  droit  ro- 
main. 

M.  V.  soutient  également  que  la  distinction  des  res  mancipi  et  îiec 
mancipi  n'est  pas  antérieure  au  vn"  siècle  de  Rome.  Il  ne  croit  pas 
que  l'ancien  droit  ait  connu  une  classe  de  choses  qui  auraient  pu  être 
acquises  par  un  mode  non  solennel.  C'est  en  vain  qu'on  lui  objecte  la 
forme  antique  de  l'expression  nec  mancipi  et  le  témoignage  de  Gains. 
C'est  en  vain  qu'on  lui  demande  pourquoi  on  aurait  enlevé  aux  femmes 
en  tutelle  le  droit  d'aliéner  leurs  res  mancipi  à  une  époque  où  la  tu- 
telle des  femmes  tombait  en  désuétude  et  provoquait  les  railleries  de 
Cicéron  :  il  reconnaît  que  ce  serait  une  innovation  en  opposition  avec 
l'esprit  du  temps,  mais  il  ne  recule  pas  devant  la  conséquence  de  son 
opinion. 

De  même  que  M.  V.  exagère,  à  notre  avis,  la  portée  primitive  de  la 
mancipation,  de  même  il  attribue  une  signification  trop  étendue, 
croyons-nous,  à  la  disposition  des  Douze  Tables  sur  la  faculté  de  lé- 
guer. D'après  lui,  le  testateur  aurait  toute  liberté  pour  disposer  de  son 
patrimoine,  mais  non  pour  régler  le  sort  des  personnes  placées  sous  sa 
puissance  :  il  ne  pourrait  que  leur  nommer  un  tuteur.  Il  nous  paraît 
excessif  de  donner  au  mot  pecunia  le  sens  de  patrimoine.  Nous  ne 
croyons  pas  qu'au  temps  des  Douze  Tables  pecunia  fût  synonyme  de 
Jamilia.  Pecunia  désigne  à  cette  époque  les  res  nec  mancipi.  De  ces 
choses  seulement  le  testateur  peut  disposer  sans  recourir  au  testament 
calatis  comitiis.  Ce  sont  los  interprètes  qui  ont  imaginé  la  familiae 
emtio  et  permis  de  disposer  à  cause  de  mort  des  res  mancipi,  en  dehors 
des  comices.  Nous  estimons  plus  conforme  aux  principes  rigoureux  de 
la  méthode  historique  de  distinguer  ici  l'œuvre  des  décemvirs  de  celle 
des  interprètes.  A  plus  forte  raison,  hésiterons-nous  à  suivre  notre  au- 
teur lorsqu'il  décrit  l'organisation  des  gentes  à  l'aide  de  documents  ap- 
partenant aux  premiers  siècles  de  l'empire. 

Nous  avons  plus  de  réserves  à  faire  quant  à  la   forme  de  l'ouvrage. 
Le  procédé  suivi  par  M.  Voigt  dans  son  exposé  du  droit  ancien  nous 


146  RKVUK    CitlTiQUK 

paraît  défectueux.  Les  notions  générales  sont  dans  le  premier  volume, 
les  détails  dans  le  second,  de  sorte  que  pour  saisir  les  conséquences  de 
ce  qui  est  dit  dans  le  premier  volume  il  faut  se  reporter  au  second. 
Ajouterons-nous  que  le  style  manque  d^aisance,  que  les  distinctions 
sont  poussées  jusqu'à  la  minutie,  que  parfois  il  faut  faire  un  effort 
pour  suivre  la  pensée  de  l'auteur  ?  Nous  voudrions  aussi  ne  pas  avoir 
à  relever  certaines  personnalités  qui  devraient  être  soigneusement 
exclues  d'une  oeuvre  scientifique.  Quant  à  la  bibliographie,  elle  est  loin 
d'être  complète.  En  ce  qui  concerne  les  livres  publiés  en  France,  on 
s'étonne  de  voir  citées  de  simples  thèses  de  doctorat  en  droit,  alors  que 
les  travaux  de  notre  regretté  collègue  P.  Gide  sur  la  condition  privée 
de  la  femme  et  de  M.  Bouché-Leclercq  sur  les  Pontifes  de  l'ancienne 
Rome   ne  sont  pas  même  mentionnés. 

Nous  n'insisterons  pas  sur  ces  critiques  qui  ne  nous  empêchent  pas 
de  rendre  hommage  à  la  science  profonde  de  Fauteur.  Nul  plus  que  lui 
n'était  en  mesure  de  nous  donner  une  histoire  du  droit  des  Douze  Ta- 
bles. Il  s'y  était  préparé  de  longue  date  par  ses  travaux  sur  les  lois  roya- 
les, sur  le  jus  naturale  et  par  de  nombreux  mémoires  publiés  dans 
divers  recueils.  Nous  souhaitons  que  Téminent  professeur  couronne 
sa  laborieuse  carrière  en  nous  donnant  une  histoire  complète  du  droit 
privé  des  Romains. 

Edouard  Cuq. 


VARIÉTÉS 


IL'abbé  de   I»racîe«»  Voltuîre  et    Frédéric  II,  «ti'sipfè»    de»   doeunientw 
inédits,  dont  une  letti'e  de  VoltiJc-e. 

La  Revue  politique  et  littéraire  du  1 1  octobre  1884  a  publié  sous  la 
signature  de  M.  Francisque  Bouillier  un  article  fort  intéressant  inti- 
tulé :  Une  thèse  en  Sorhonne  au  xvni"  siècle  ;  l'abbé  de  Prades.  M.  B. 
a  très  bien  vu  que  l'affaire  de  Tabbé  de  Prades  (1751-1754)  a  une 
grande  importance  au  point  de  vue  de  Thistoire  des  idées  en  France,  et 
il  a  tiré  des  documents  imprimés  tout  ce  que  Ton  en  pouvait  tirer.  Mais 
il  en  existe  d'autres  que  M.  B.  ne  pouvait  pas  connaître,  et  je  demande 
la  permission  de  reprendre  en  quelques  mots  le  récit  de  cette  curieuse 
affaire  à  laquelle  ont  été  mêlés  la  Sorbonne,  le  Parlement,  plusieurs 
évêques  de  France,  Voltaire,  Frédéric  II,  Pévêque  de  Breslau,  le  cardi- 
nal de  Tencin  et  le  pape  Benoît  XIV;  Tintervention  de  Louis  XV  est 
la  seule  qui  manque  pour  transformer  en  affaire  d'état  cette  soutenance 
d'une  thèse  latine  présentée  à  la  Sorbonne  par  un  simple  bachelier  en 
théologie. 

L'abbé  de  Prades   jeune  ecclésiastique  du  diocèse  de  Montauban,  avait 


/ 


d'histoirk  et  0E  littérature  147 

soutenu  en  Sorbonne,  le  18  novembre  lySi,  une  thèse  de  licence,  une 
Quœstio  theologica,  comme  on  disait  alors,  dans  laquelle  se  trouvait, 
entres  autres  hardiesses,  la  proposition  suivante  :  «  Toutes  les  guérisons 
«  opérées  par  J.-C,  si  vous  les  séparez  des  prophéties,  qui  y  répandent 
«  quelque  chose  de  divin,  sont  des  miracles  équivoques,  attendu  qu'elles 
«  ressemblent  par  quelques  endroits  aux  guérisons  faites  par  Escu- 
«  lape  ■.  »  Chose  étrange,  et  qui  montre  bien  à  quel  degré  d'avilisse- 
ment les  querelles  du  jansénisme  et  l'exclusion  des  docteurs  appelants 
avaient  tait  descendre  la  Sorbonne,  la  thèse  avait  été  approuvée  par  les 
syndic,  président  et  grand  maître  de  la  Faculté;  la  soutenance  publique 
avait  même  été  pour  le  candidat  un  véritable  triomphe;  il  était  question 
de  le  recevoir  licencié  avec  une  mention  très  honorable  en  lui  assignant 
la  première  place  parmi  ses  concurrents. 

Mais  bientôt  on  vit  s'élever  dans  le  public  des  réclamations  très  vi- 
ves ;  la  Sorbonne  s'émut,  d'autant  plus  que  le  Parlement  se  disposait  à 
prendre  connaissance  de  Taffaire,  et  «  le  sieur  de  Prades  fut  suspendu 
de  tout  acte  de  licence.  »  La  thèse  fut  examinée  à  nouveau  par  146  doc- 
teurs durant  onze  assemblées  extraordinaires;  on  refusa  d'entendre 
l'auteur  de  la  thèse  qui  demandait  à  se  défendre,  et  la  Faculté  fulmina 
I  une  censure  contre  cet  ouvrage  de  ténèbres  qui  lui  faisait  horreur  :  «  hor- 
ruit  sacra  Facultas...  »  La  sacrée  Faculté  parlait  avec  une  singulière 
naïveté  de  cette  thèse  a  dont  la  texture  artificieuse  et  subtile  détournait 
«  l'attention  des  lecteurs  par  la  difficulté  de  saisir  son  vrai  sens,  thèse 
«  composée  de  phrases  captieuses,  poétiques,  et  hérissée  de  métaphores 
«  dans  lesquelles,  sous  le  masque  de  la  vérité,  s'est  caché  le  poison  de 
«  l'erreur,  etc.  »  Ce  n'était  plus  une  proposition,  c'était  dix  que  la  Sor- 
bonne relevait  et  condamnait  en  leur  appliquant  les  épithètes  usitées  en 
pareille  circonstance.  L'archevêque  de  Paris,  le  fameux  Christophe  de 
Beaumont,  lança  le  29  janvier  1752  un  mandement  contre  la  thèse; 
l'évéque  de  Montauban  imita  cet  exemple  le  20  février,  et  enjoignit  à 
l'abbé  de  Prades  de  se  rendre  immédiatement  dans  son  séminaire  «  pour 
y  reprendre  les  sentiments  du  christianisme  et  l'esprit  de  son  état  ». 
Enfin  l'évéque  d'Auxerre,  le  janséniste  Caylus,  composa  pour  réfuter 
le  bachelier  incriminé  un  mandement  de  90  pages  in-4'',  tout  un  vo- 
lume pour  une  thèse  de  quelques  pages. 

Le  Parlement  se  joignit  au  clergé,  et  rendit  le  1 1  février  1732  un  ar- 
rêté dont  les  conséquences  pouvaient  être  giaves;  il  décrétait  que  l'abbé 
de  Prades  serait  appréhendé  au  corps  et  amené  es  prisons  de  la  Concier- 
gerie pour  répondre  sur  les  faits  de  scandale  que  contenait  sa  thèse.  Le 
scandale  consistait  à  avoir  soutenu  que  «  tous  les  hommes,  nés  avec  le 
«  même  droit,  sont  réduits  à  se  soumettre  ii  un  droit  barbare  et  détesta- 


I.  «  Omncs  morborum  curationes  a  Christo  peractas,  si  seorsim  sumantur  a  pro- 
phetiis,  quœ  in  eas  aliquid  divini  refundunt.  œquivoca  sunt  miracula,  utpote  illa- 
lum  haberent  vuhum  et  habitum  in  aliquibus  curationes  ab  ^sculapio  factae.  » 


I  ^8  REVUE    CRITIQUE 

«  ble  d'inégcilité  et  de  subordination  ;  »  le  Parlement  voulait  réprimer 
d'une  manière  exemplaire  de  tels  excès  de  parole. 

L'abbé  de  Prades  devenait  donc  un  hérétique  et  un  criminel  d'Etat, 
et  pourquoi  ?  parce  qu'il  était  lié  avec  les  auteurs  de  l'Encyclopédie;  on 
disait  même  que  la  thèse  avait  été  composée  dans  leurs  bureaux;  on 
insinuait  que  Diderot  en  était  l'auteur.  11  est  certain  que  Tabbé  de  Pra- 
des et  l'abbé  Yvon  collaboraient  pour  la  partie  théologique  à  l'œuvre  de 
d"'Alembert  et  Diderot  ;  il  n'est  pas  prouvé  que  les  encyclopédistes  aient 
eu  connaissance  de  la  thèse,  et  surtout  que  Diderot  y  ait  mis  la  main. 
L'abbé  de  Prades  songeait  à  se  frayer  le  chemin  des  dignités  ecclésias- 
tiques, et  il  ne  croyait  pas  faire  tant  de  bruit. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  jugea  prudent  de  ne  pas  obtempérer  aux  injonc- 
tions de  révéque  de  Montauban  et  du  Parlement;  il  s'enfuit  en  Hol- 
lande avec  Tabbé  Yvon.  Dès  qu'il  se  vit  en  sûreté  sur  la  terre  hospita- 
lière qui  avait  jadis  accueilli  Arnauld  et  Quesnel,  Bayle  et  Jurieu, 
l'abbé  de  Prades  reprit  confiance;  il  songea  sérieusement  à  se  tirer 
d'affaire  et  à  se  défendre;  il  commença  à  écrire  sa  fameuse  Apologie. 
C'est  alors  que  l'abbé  de  Prades  eut  recours  à  ses  collaborateurs  de 
l'Encyclopédie.  Naturellement  il  était  en  relations  avec  d'Alembert  ; 
l'illustre  géomètre,  qui  alors  ne  connaissait  Voltaire  que  de  nom,  écrivit 
à  M™e  Denis,  nièce  du  grand  homme,  en  la  priant  d'intéresser  son  oncle 
à  cette  aftaire.  Chambellan  de  Frédéric  II,  Voltaire  était  encore  auprès 
de  «  son  héros  m;  il  imagina  de  faire  venir  l'abbé  de  Prades  à  la  cour 
de  Prusse,  et  son  ami  le  marquis  d'Argens  se  joignit  à  lui  pour  mener 
à  bien  cette  singulière  entreprise,  Frédéric  était  alors  en  Silésie  et  l'on 
ne  pouvait  rien  faire  avant  son  retour;  toutefois  le  marquis  d'Argens 
écrivit  à  l'abbé  de  Prades  les  deux  lettres  que  voici  '  : 

I 

a  A  Potsdam,  le  24  juin  lyDa. 

«  Le  roi  m'a  remis,  Monsieur,  la  lettre  que  vous  m'avez  écrite,  et  m'a 
ordonné  de  vous  répondre  que  vous  trouverez  toujours  un  asile  dans 
ses  états  contre  la  persécution  de  vos  ennemis.  D'ailleurs,  vous  ne  devez 
espérer  aucune  pension;  ainsi,  Monsieur,  prenez  là-dessus  vos  mesures. 
C'est  ce  que  Sa  Majesté  m'a  ordonné  de  vous  dire  expressément;  mais 
lorsqu'il  viendra  à  vaquer  quelque  bénéfice  en  Silésie  ou  quelque 
pension  sur  des  bénéfices,  Sa  Majesté  se  fera  un  plaisir  de  vous  en 
gratifier.  Quant  au  temps  où  cela  vous  sera  accordé,  il  peut  être  prochain, 
il  peut  être  aussi  éloigné  de  plusieurs  mois,  et  même  d'une  année, 
puisqu'il  faut  attendre  une  place  vacante. 

a  Jusqu'ici,  Monsieur,  je  vous  ai  écrit  comme  un   homme  qui  agit 

i.  Je  les  tianscris,  ainsi  que  la  lettre  de  Voltaire  qui  va  suivre,  d'après  une  copie 
du  temps  insérée  par  un  janséniste  du  xviiie  siècle  au  tome  LX\'I  d'un  important 
recueil  de  pièces. 


û  HISrOIRK    ET    DK    LITXEU  A  i  (JRii  «49 

par  l'ordre  du  roi  son  maître;  actuellement  je  vous  parlerai  comme  un 
homme  de  lettres,  ennemi  de  la  superstition,  qui  s'intéresse  au  sort  d"un 
philosophe  qui  est  la  victime  de  cette  même  superstition.  Si  vos  affaires 
pécuniaires  vous  permettent  de  venir  à  Berlin,  vous  ferez  fort  bien  de- 
vons y  rendre,  parce  que  les  princes  ont  besoin  de  voir  les  gens  pour 
s'en  ressouvenir.  Vous  courrez  risque  d'attendre  plus  longtemps  la 
pension  du  bénéfice,  si  vous  ne  venez  à  Berlin  qu'après  l'avoir  obtenue, 
que  si  vous  vous  y  rendez  actuellement.  Vous  y  trouverez  M.  de  Vol- 
taire et  moi  disposés  à  vous  rendre  tous  les  services  qui  dépendront  de 
nous,  et  vous  y  attendrez  avec  agrément  les  bienfaits  du  roi.  D'un  autre 
côté,  si  l'état  de  vos  affaires  est  dérangé  au  point  de  ne  pouvoir  pas  vous 
soutenir  ici  pendant  quelques  mois  avec  une  certaine  décence,  vous 
ferez  peut-être  aussi  bien  de  différer  de  quelque  temps  votre  voyage. 
Vous  mécrirez  une  lettre  dans  laquelle  vous  me  marquerez  votre 
sensibilité  pour  les  bontés  du  roi,  et  vous  me  direz  de  l'assurer  que  vous 
attendrez  avec  grand  plaisir  la  pension  sur  le  bénéfice.  Vous  ajouterez 
que  vous  allez  écrire  en  France  pour  régler  vos  affaires,  et  que  vous  vous 
rendrez  ensuite  le  plus  tôt  qu'il  vous  sera  possible  à  Berlin.  Pendant  cet 
intervalle,  le  temps  s'écoulera;  la  pension  vous  sera  donnée,  ou  prête  à 
vous  être  donnée,  et  vous  ne  serez  pas  sur  vos  crochets  dans  une  ville 
où  l'on  vit  assez  chèrement. 

<c  Pardonnez-moi;  Monsieur,  si  j'entre  avec  vous  dans  ce  détail;  mais 
comme  les  malheurs  que  les  fanatiques  et  les  prêtres  m'ont  fait  essuyer 
autrefois  m'ont  appris  à  connaître  ceux  où  peuvent  se  trouver  les 
personnes  qui  ont  été  persécutées  par  les  mêmes  ennemis,  j'ai  cru, 
comme  votre  confrère  en  philosophie  et  en  infortune,  devoir  vous  parler 
à  cœur  ouvert, 

<f  Le  roi  n'a  rien  répondu  sur  l'article  de  M.  l'abbé  Yvon;  mais 
lorsque  vous  serez  ici,  il  ne  sera  pas  difficile  de  lui  faire  obtenir  le  même 
parti  qu'à  vous.  11  devrait  écrire  une  lettre  au  roi;  cela  serait  en 
place. 

«  Je  suis  avec  une  respectueuse  considération,  Monsieur,  etc. 

«  Le  marquis  d'AfiOENs.  » 

II 

[Jaillet;'  1732]. 

«  J'ai  montré,  Monsieur,  votre  lettre  au  roi,  et  je  l'ai  accompagnée  de 
de  tout  le  bien  que  mes  amis  de  Paris  m'ont  écrit  de  vous.  Sa  Majesté 
m'a  ordonné  de  vous  dire  qu'elle  serait  charmée  de  vous  voir.  Venez 
donc  tout  de  suite  à  Potsdam  descendre  chez  moi.  Nous  avons  pourvu, 
M.  de  Voltaire  et  moi,  à  vous  trouver  un  logement  qui  ne  vous  coûtera 
rien;  vous  n'aurez  pas  besoin  même  de  manger  à  l'auberge,  et  peu  de- 
jours  après  votre  arrivée  vous  aurez  votre  pension.  Il  est  même  question 
d'un  poste  auprès  du  roi,  utile  et  très  gracieux.  Lorsque  vous  serez  ici. 
je  vous  dirai  tout  cela.  En  attendant,  soyez  persuadé  que  votre  cicrnière 


I  5o  revuiî:  critique 

lettre  vous  a  gagné  toute  mon  estime,  et  que  vous  verrez  en  arrivant 
ici  que  j'ai  travaillé  à  vous  donner  des  marques  de  cette  même  estime. 
M.  de  Voltaire  vous  écrit  par  ce  courrier,  et  si,  en  attendant  que  vos 
affaires  soient  arrangées  en  France,  vous  avez  besoin  d'argent  pour  votre 
voyage,  il  vous  envoie  une  lettre  pour  en  prendre.  Je  vous  prie  de  faire 
mes  compliments  à  M.  Yvon.  Vous  verrez,  puisque  vous  le  voulez, 
quand  vous  serez  ici,  de  quoi  il  est  question,  et  je  ne  doute  pas  que 
nous  ne  réussissions.  Partez,  je  vous  prie,  ma  lettre  reçue,  parle  chariot 
de  poste,  et  donnez-moi  des  nouvelles  de  votre  départ  ». 

Voltaire  joignit  ses  instances  à  celles  de  d'Argens  et  adressa  de  Pots- 
dam  à  Fabbé  de  Prades  une  lettre  bien  curieuse  que  Ton  s'étonne  de  ne 
pas  trouver  dans  sa  correspondance.  Il  en  est  en  eff'et  question  dans  un 
ouvrage  imprimé  qui  parut  l'année  suivante  et  qui  a  pour  titre  Lettres 
flamandes.  L'abbé  Duhamel,  auteur  de  ces  Lettres,  cite  les  premières 
lignes  de  la  lettre  de  Voltaire  et  lui  assigne  la  date  du  i8  juillet  1752;  la 
voici  tout  entière,  elle  donne  sur  l'installation  de  Voltaire  à  Potsdam  des 
renseignements  qui  ne  se  trouvent  pas  ailleurs. 

[18  juillet?   J572] 

«  Je  peux,  Monsieur,  m'expliquer  avec  vous  en  liberté,  et  répondre  à 
la  confiance  que  vous  avez  bien  voulu  me  témoigner.  Vous  savez  com- 
bien les  ennemis  de  la  raison  abusent  des  armes  de  la  religion  pour  se 
déchaîner  contre  les  philosophes  et  contre  ceux  qui  leur  rendent  service. 
D'autres,  qui  prétendent  au  nom  de  philosophes,  le  sont  rarement,  et 
on  a  vu  des  personnes  qui  devraient  le  plus  appuyer,  en  qualité  de  com- 
patriotes, un  homme  à  la  vérité  fort  au-dessous  de  vous,  le  persécuter  ' 
de  toutes  façons.  Mais  enfin  un  homme  de  lettres  se  défend  par  des 
écrits  publics  d'avoir  eu  la  moindre  part  à  son  établissement  auprès  du 
roi  de  Prusse  [?]  -.  En  un  mot  vous  ne  pouviez  faire  une  démarche  plus 
prudente  que  de  vous  adresser  directement  à  un  roi  humain,  sage,  plein 
de  talents,  et  qui  est  au-dessus  des  préjugés.  Le  roi,  comme  vous  savez, 
reçut  favorablement  votre  lettre;  il  promit  qu'il  vous  donnerait  le  pre- 
mier bénéfice  vacant  en  Silésie.  Il  chargea  M.  le  marquis  d'Argens  de 
vous  en  assurer.  Il  paraît  par  votre  réponse  à  M.  d'Argens  que  vous  êtes 
dans  la  disposition  de  venir  dans  les  états  de  Sa  Majesté,  d'y  travailler 
à  des  ouvrages  de  votre  ressort,  et  d'y  attendre  ses  bontés. 

«  Tout  ce  que  M.  Dalembert  et  d'autres  personnes  de  mérite  ont 
mandé  de  vous,  Monsieur,  a  redoublé,  dans  le  marquis  d'Argens  et  moi, 
le  désir  de  vous  servir  et  de  vous  posséder  ici.  Tout  me  fait  espérer  que 
le  roi,  connaissant  votre  mérite,  pourra  non  seulement  avancer  bientôt 
le  temps  des  grâces  qu'il  vous  desiine,  et  les  augmenter,  mais  même 
vous  placer  auprès  de  lui  d'une  façon  très  agréable.  Vous  ferez  donc 
très  bien  de  vous  rendre  incessamment  sur  les  lieux;  mais  voici  des  dé- 


1.  Allusion  à  Maupertuis. 

2.  Il  est  à  présumer  que  cette  phrase  a  été  dénaturée  par  le  copiste. 


L)  HISIOIKE     Kl      Uf.     LITTEKAlUKh  l5l 

tails  dont  l'intérêt  que  nous  prenons  à  vous  nous  oblige  à  vous  ins- 
truire. 

<i  Le  roi  n'est  presque  jamais  à  Berlin  ;  il  habite  le  palais  Potsdam  ;  il 
embellit  cette  ville  tous  les  jours  par  de  nouveaux  édifices;  mais  les 
maisons  commodes  sont  jusqu'ici  en  petit  nombre.  Je  suis  logé  dans  le 
palais  avec  deux  jeunes  gens  de  mérite  qui  travaillent  avec  moi.  Sa 
Majesté  a  permis  en  considération  de  ma  mauvaise  santé  que  je  dinasse 
dans  ma  chambre;  j'y  soupe  même  quelquefois.  On  me  sert  un  repas 
pour  moi  seul  qui  peut  suffire  pour  nous  trois;  j'ai  un  petit  apparte- 
ment dans  la  ville  où  il  n'y  a  précisément  que  le  nécessaire  :  un  lit  de 
toile  peinte,  deux  fauteuils,  deux  tables;  un  petit  entresol  très  vilain, 
une  chambre  pour  une  cuisinière  qui  nous  fait  à  manger  quand  le  roi 
n'est  pas  à  Potsdam.  Je  ne  vais  presque  plus  à  Berlin.  Le  marquis 
d'Argens  et  moi  nous  passons  toute  Tannée  ici,  excepté  six  semaines  de 
l'hiver,  seul  temps  oti  le  roi  s'établit  dans  sa  capitale. 

((  Tout  ce  menu  détail  exposé,  voyez,  Monsieur,  si  vous  voulez  me 
faire  la  grâce  d'accepter,  je  ne  dis  pas  l'appartement,  je  dis  le  bouge  que 
j'ai  à  Potsdam.  Il  est  fort  près  du  château,  et  c'est  la  seule  raison  qui 
m'a  déterminé  à  prendre  ce  logement,  qu'on  ne  peut  habiter  que  par 
excès  de  philosophie,  et  qui  est  la  plus  vilaine  chose  du  monde.  Ma 
cuisinière  vous  ferait  du  bouillon,  si  vous  aviez  le  malheur  de  tomber 
malade.  Nous  dînerions  ensemble  avec  les  deux  amis  que  j'ai  auprès  de 
moi,  et  il  ne  m'en  coûterait  que  très  peu  de  chose  pour  ajouter  à  ce  que 
la  table  du  roi  me  fournit.  Vous  seriez  par  là  délivré  d'un  loyer  qui  ne 
laisse  pas  d'être  cher,  et  de  la  nécessité  de  chercher  votre  dîner  dans  des 
auberges  allemandes. 

((  Je  vous  demande  bien  pardon  d'entrer  dans  ces  détails;  mais  j'au- 
rais peut-être  plus  de  pardons  à  vous  demander  si  je  n'y  entrais  pas.  Il 
est  très  essentiel  que  vous  soyez  promptement  dans  ce  lieu,  que  Sa  Ma- 
jesté habite,  afin  qu'elle  voie  que  vous  n'êtes  venu  que  pour  elle;  et  sur- 
tout afin  que  les  occasions  de  faire  connaître  votre  mérite  puissent  se 
présenter  au  plus  tôt.  Vous  pouvez  être  sûr  que  le  marquis  d'Argens  et 
moi  nous  saisirons  ces  occasions.  Il  faut  que  vous  soyez  assuré  d'un  lo- 
gement et  des  choses  nécessaires  à  la  vie  en  attendant  que  le  roi  vous 
place,  et  que  vous  ayez  le  temps  de  vous  reconnaître. 

«  Au  reste,  Monsieur,  n'ayez  aucun  scrupule  d'accepter  les  misères 
que  je  vous  propose.  Passons,  vous  et  moi,  par-dessus  la  honte  que  j'ai 
de  vous  offrir  si  peu.  Agissons  en  philosophes,  comme  si  nous  nous 
étions  déjà  connus  il  y  a  longtemps.  Si  votre  ami  ^  veut  venir  avec  vous 
il  pourrait  loger  dans  le  petit  entresol  qui  est  auprès  de  votre  chambre. 
C'est  un  endroit  où  il  n'est  guère  possible  de  mettre  une  tapisserie  ;  il 
n'y  a  point  de  lit;  j'en  chercherai  un.  Encore  une  fois,  c'est  un  loge- 
ment bien  étroit  et  bien  vilain;  mais  c'est  au  moins  chez  des  Français, 


1.  L'abbé  Yvon. 


I  52  KlîVUE    CRITIQUE 

et  VOUS  et  votre  ami  y  aurez  des  secours.  Enfin  nous  vivrions  tous  en- 
semble. 

«  Vous  pourriez  y  apporter  les  livres  que  vous  avez,  et  je  pourrais 
vous  faire  prêter  par  la  voie  de  Leipzig  ceux  dont  vous  auriez  besoin.  Il 
y  a  dans  Leipzig  des  libraires  dont  vous  pourriez  être  content.  Enfin, 
Monsieur,  si  l'état  présent  de  vos  affaires  et  de  celles  de  votre  ami  vous 
oblige  à  une  prudente  économie  dans  un  pays  étranger,  surtout  après 
les  frais  du  voyage,  n'hésiîez  pas  à  daigner  accepter,  vous  et  lui,  ces 
offres  indignes  de  vous  deux  que  je  prends  la  liberté  de  vous  faire  en 
rougissant,  mais  avec  des  sentiments  qui  doivent  m'attirer  de  vous  de 
la  confiance  et  de  la  bonté.  Nous  ne  nous  gênerions  point  du  tout;  une 
telle  vie  est  convenable  à  des  gens  qui  aiment  la  retraite  et  le  travail,  et 
je  présume  que  ces  deux  goûts  sont  en  vous.  Le  séjour  de  Potsdam 
n'est  fait  uniquement  que  pour  des  guerriers  ou  des  philosophes.  Toute 
superfluité  en  est  bannie.  La  plus  grande  simplicité  en  habits  est  re- 
commandée. Les  gens  de  guerre  n'y  portent  jamais  que  leur  uniforme. 
Le  roi  donne  l'exemple;  un  habit  uni  est  tout  ce  qu'il  faut  pour  un 
homme  de  lettres.  Le  roi  n'aime  pas  le  noir,  et  comme  il  y  a  très  grande 
apparence  que  vous  approcherez  de  sa  personne,  je  vous  conseille  un 
habit  gris  tout  simple.  La  poste  part  pour  la  France  et  arrive  deux  fois 
la  semaine.  Les  foires  de  Leipzig  sont  commodes  pour  le  débit  des  li- 
vres. Il  y  a  d'ailleurs  des  voitures  publiques  qui  vont  journellement 
aux  frontières  de  France.  Prenez  sur  tout  cela  votre  résolution,  Mon- 
sieur, sans  aucun  scrupule.  Faites-moi  en  philosophe  le  plaisir  que  je 
vous  demande  instamment.  Je  crois  qu'il  n'y  a  pas  de  temps  à  perdre, 
soit  que  le  roi  vous  donne  un  bénéfice,  soit  qu'il  vous  destine  un  em- 
ploi auprès  de  lui,  saisissez  cette  occasion. 

«  Encore  une  fois  il  faut  que  vous  ayez  un  gîte  assuré  dans  une  ville 
toute  guerrière  où  Ton  ne  parle  qu'allemand.  Regardez  ma  lettre  comme 
celle  d'un  camarade  qui  vous  parlerait  uniment  à  cœur  ouvert,  sans 
aucun  de  ces  vains  compliments  qui  sont  le  fard  de  la  société.  Mandez- 
nous  votre  résolution,  le  jour  de  votre  départ,  et  disposez  de  moi  comme 
d'un  ami. 

«  C'est  avec  ces  sentiments  dus  à  la  philosophie,  au  malheur  et  au 
mérite  que  je  suis  très  véritablement,  etc. 

«  Voltaire.  » 

L'ab'oé  de  Prades  et  son  ami  l'abbé  Yvon  acceptèrent  avec  empresse- 
ment les  offres  qui  leur  étaient  faites  de  la  sorte;  on  en  jugera  par  les 
deux  lettres  suivantes,  signalées  comme  la  précédente  dans  l'ouvrage 
de  Duhamel  et  provenant  évidemment  de  quelque  janséniste  libéral 
dont  je  n'ai  pu  trouver  le  nom;  les  abbés  de  Prades  de  tous  les  temps 
ont  toujours  trouvé  des  protecteurs  et  des  amis  de  cette  espèce. 


d'hISIOIRK    ht    D\<    LirriÔRATURK  oi 

«  De  Paris,  12  août  1752. 

«  Nos  amis  '  m'ont  envoyé  deux  lettres  qu'ils  ont  reçues  de  Prusse  : 
une  de  M.  le  marquis  d'Argens,  l'autre  de  Voltaire.  Je  ne  sais  pourquoi 
on  s'est  attaché  à  décrier  ce  dernier  du  côté  du  cœur;  s'il  m'était  permis 
de  faire  imprimer  la  lettre  que  j'ai  entre  les  mains,  ce  serait  une  réponse 
bien  éloquente  à  toutes  les  invectives  qu'on  a  faites  contre  ce  grand 
homme.  En  vérité,  le  père  le  plus  tendre  n'agirait  pas  mieux  pour  son 
fils.  En  conséquence  de  ces  deux  lettres,  l'abbé  de  Prades  est  parti  en 
poste  pour  Potsdam;  les  voitures  les  plus  courtes  ne  l'étaient  pas  assez 
pour  répondre  à  l'empressement  que  Voltaire  et  M.  le  marquis  d'Argens 
ont  de  l'embrasser,  et  au  désir  que  le  roi  a  de  le  voir.  L'abbé  Yvon  le 
suivra  dans  huitaine.  Voltaire  leur  donne  un  logement,  et  il  les  fera 
manger  avec  lui  jusqu'à  ce  qu'ils  soient  placés,  ce  qui  ne  tardera  pas. 
M.  d'Al[embert],  dont  le  nom  et  l'amitié  leur  ont  été  très  utiles,  va 
écrire  au  roi  et  à  Voltaire  pour  les  remercier  tous  les  deux,  au  nom  des 
philosophes  français  et  au  nom  de  l'humanité  même,  de  ce  qu'ils  font 
en  faveur  de  deux  jeunes  gens  de  mérite,  malheureux  et  injustement 
persécutés  par  la  cabale  des  dévots.  C'est  quelque  chose  de  bien  singu- 
lier qu'il  n'aient  reçu  de  secours  que  de  ceux  qui  n'ont  pas  trop  de 
religion,  et  que  les  zélateurs  de  la  loi  aient  voulu  les  livrer  à  l'exécuteur. 
Serait-ce  que  la  religion  rend  le  cœur  dur?  Je  ne  saurais  le  croire;  la 
religion  nous  ordonne  de  regarder  tous  les  hommes  comme  nos  frères, 
et  de  faire  du  bien  même  à  nos  ennemis.  D'ailleurs,  je  sens  bien  que  la 
religion  n'a  pas  endurci  mon  âme;  je  vous  avoue  que  ce  contraste  me 
frappe  bien  vivement  ». 

«  16  août,  1752. 

«  Ce  que  vous  me  dites  de  M'i<=  de  T.  m'a  fait  plaisir;  on  trouve  si 
peu  de  personnes  qui  soient  sensibles  au  malheur  des  hommes  qu'on  est 
toujours  charmé  de  voir  ces  marques  de  sensibilité!  Elles  prouvent 
assurément  la  bonté  de  son  cœur;  mais  vous  pouvez  la  rassurer  sur  le 
péril  où  la  religion  de  notre  ami  est  exposée.  J'avoue  qu'il  est  grand; 
d'autant  plus,  comme  je  vous  le  marquais  dans  ma  dernière  lettre,  que 
ce  sont  les  dévots  qui  ont  causé  tous  ces  malheurs,  et  que  ce  sont  les 
déistes  qui  l'en  ont  tiré.  En  voilà  plus  qu'il  n'en  faut  pour  tourner  la 
cervelle  d'un  homme  ;  cependant,  je  ne  crains  rien  pour  lui  de  ce  côté- 
là,  et  je  l'ai  toujours  vu  si  convaincu  de  la  divinité  de  la  religion  chré- 
tienne qu'il  n'est  pas  en  son  pouvoir  de  se  persuader  qu'elle  est  fausse. 
D'ailleurs,  vous  verrez  dans  la  lettre  du  marquis  d'Argens  que  Je  vous 
envoie  que  la  lettre  que  l'abbé  lui  a  écrite  lui  a  gagné  toute  l'estime  du 
chambellan.  Or  l'abbé  m'a  marqué  qu'il  ne  s'était  attiré  cette  estime 
que  parce  qu'il  avait  mandé  au  marquis  qu'il  n'était  disposé  à  profiter 
des   laveurs  du  roi  que  supposé  que  Sa  Majesté   ne  lui  donnât  aucun 


I.  I.cs  abbcs  de  Pra.ies  et  Yvon. 


l54  REVUK    CRITIQUE 

emploi  qui  fût  incompatible  avec  la  religion  catholique,  qu'il  veut 
toujours  professer;  et  qu'il  ne  demandait  un  asile  dans  ses  états  que 
pour  pouvoir  achever  son  grand  ouvrage  sur  la  religion,  afin  de  prouver 
à  toute  l'Europe  combien  la  Faculté  de  théologie  s'est  méprise  en  l'ac- 
cusant d'impiété.  Il  a  mandé  la  même  chose  à  Voltaire  qui  ne  l'a  pas 
trouvé  mauvais;  au  contraire,  il  lui  promet  de  lui  faire  prêter  tous  les 
livres  dont  il  aura  besoin  pour  cela.  Ne  montrez  ces  lettres  qu'à  M'''^  de 
T.  et  recommandez-lui  le  secret;  il  n'est  pas  bon  qu'on  sache  en  Faculté 
qu'il  est  protégé  par  ces  deux  hommes.  Les  docteurs  auraient  encore 
plus  de  raison  qu'elle  d'en  être  scandalisés  ». 

Quelques  jours  plus  tard,  c'est-à-dire  le  i8  ou  le  19  du  même  mois 
d'août  1752,  Voltaire  avait  vu  «  Monsieur  »  de  Prades,  qu'il  ne  voulait 
plus,  disait-il,  nommer  abbé.  «  Naïf,  gai,  instruit  et  capable  de  s'instruire 
«  en  peu  de  temps,  intrépide  dans  la  philosophie,  dans  la  probité  et  dans 
«  le  mépris  pour  les  fanatiques  et  les  fripons,  »  tel  il  avait  paru  dès  la 
première  entrevue.  C'était  «.  le  plus  drôle  d'hérésiarque  qui  eût  jamais 
«  été  excommunié.  Je  crois,  ajoutait  Voltaire,  qu'il  sera  lecteur  du  roi 
de  Prusse,  et  qu'il  succédera  dans  ce  grave  poste  au  grave  La  Mettrie  '» . 
On  verra  tout  à  l'heure  quelles  lectures  le  bachelier  de  Sorbonne  faisait 
au  monarque  protestant,  et  l'on  jugera  si  l'emploi  de  lecteur  qu'il 
conserva  plusieurs  années  était  compatible  avec  les  sentiments  de  religion 
que  M.  Bouillier  prête  à  l'abbé  de  Prades.  Frédéric  était  toujours  en 
Silésie;  Arius  de  Prades,  devenu  frère  Gaillard,  employa  son  temps  à 
faire  plus  ample  connaissance  avec  Voltaire;  si  l'on  en  croit  ce  dernier 
ils  formèrent  ensemble  «  de  beaux  projets  pour  l'avenir  de  la  raison 
humaine  ».  C'est  à  Potsdam,  chez  Voltaire,  que  l'abbé  termina  et  publia 
son  Apologie  dans  laquelle,  au  dire  du  philosophe,  il  était  «  misérable- 
ment obligé  de  soutenir  ce  qu'il  ne  croyait  pas  ». 

Frédéric  revint  de  Silésie  en  novembre,  et  l'abbé  fut  nommé  lecteur 
de  Sa  Majesté.  Le  roi  se  donna  même  le  plaisir  de  le  faire  archidiacre  et 
chanoine  dans  le  diocèse  de  Breslau.  Mais  l'affaire  souffVit  bien  des  dif- 
ficultés en  raison  de  la  censure  de  Sorbonne,  des  trois  mandements 
d'évêque  et  de  la  bulle  du  pape  contre  de  Prades.  La  publication  de 
V Apologie  avait  encore  aggravé  la  situation.  On  trouva  moyen  de  tout 
arranger.  L'évéque  de  Breslau  écrivit  à  Benoit  XIV  qui  chargea  le 
cardinal  de  Tencin  de  réconcilier  l'abbé  de  Prades  avec  la  Sorbonne; 
l'abbé  signa  le  6  avril  1754  une  rétraction,  il  fut  rétabli  dans  ses  droits 
de  bachelier  et  reçut  même  de  d'Argenson  l'autorisation  de  revenir  à  Pa- 
ris. Mais  il  était  lecteur  du  roi  de  Prusse  et  chanoine  de  Glogau,  il 
aima  mieux  rester  auprès  de  son  nouveau  protecteur,  et,  par  un  singu- 
lier retour  des  choses  d'ici-bas,  le  lecteur,  devenu  secrétaire  particulier, 
dut  tout  d'abord  exercer  ses  fonctions  contre  Voltaire  lui-même.  C'est 
le  26  novembre  au  plus  tard   que  Frédéric  écrivit  la  fameuse  lettre 

I.  Corr;spondance  de  Voltaire,  eoit.  L.  Moland. 


D  HISTOIRK    ET    DE    LITTERATURE  IDD 

«  Votre  effronterie  m'étone  (sic),  etc.  »  et  Ton  sait  le  reste.  Voltaire 
quitta  la  Prusse  en  i/SS,  et  ce  fut  Tabbé  de  Prades  qui  lui  écrivit  alors, 
sous  la  dictée  du  roi,  quelques  lettres  assez  dures  En  Juin  lySS, 
M'"''  Denis,  de  concert  avec  Voltaire,  adressait  à  Tabbé  une  supplique  des 
plus  humbles,  faisant  appel  à  «  sa  justice  et  à  sa  bonté  ».  Plus  tard 
encore  de  Prades  écrivit  à  Voltaire  au  nom  de  Frédéric;  nous  le  voyons 
même,  en  octobre  ijSS,  demander  au  nom  du  roi  le  seizième  chant  de 
la  Pucelle.  11  était  chargé  certainement  de  lire  et  de  commenter  cet  ou- 
vrage, et  il  avait  écrit  au  pape,  l'année  précédente,  qu'il  passerait  sa  vie 
à  pleurer  ses  fautes. 

Le  reste  de  cette  existence  un  moment  si  tourmentée  n'appartient  pas 
à  Thistoire;  l'abbé  de  Prades  cessa  d'être  lecteur  du  roi,  sans  doute 
parce  que  Frédéric,  après  avoir,  suivant  son  expression,  4  pressé  les 
oranges»,  se  plaisait  à  «  rejeter  lesécorces  ».  Il  fut,  paraît-il,  incarcéré  à 
Magdebourg  pour  cause  d'indiscrétions  et  de  correspondances  suspectes; 

il  mourut  à  Glogau  en  1782. 

A.  Gazier. 


THÈSES     DE     DOCTORAT     ES     LETTRES 

Faculté  des  lettres    de   Paris 
(19  décembre  1884). 


Soutenance  de  M.  Lévsr-Brûlil. 

I.  Thèse  latine  :  Quid  de  Deo  Seneca  senserit.  In-8.  Hachette  et  C'«,  1884.  65  p. 

II.  Thèse  française  :  L'idée  de  responsabilité.  In-8.  Hachette  et  C'*",  1884.  25 1   p. 

I 

Le  sujet  de  la  thèse  latine  ne  plaît  pas  à  M.  VVaddington  :  cependant  il  est  hono- 
rable et  légitime.  A  vrai  dire,  il  est  plus  littéraire  que  philosophique.  Sénèque  n'est 
pas  un  grand  philosophe;  le  jugement  de  Ritter  est  sévère,  mais  a  du  vrai.  Sénèque 
n'est  original  que  comme  écrivain.  D'ailleurs,  M.  Lévy  s'est  réduit  à  ne  parler  que 
du  Dieu  de  Sénèque,  et  encore  il  n'a  pas  su  être  complet.  Beaucoup  d'écrits  de  Sé- 
nèque ne  sont  pas  cités.  M.  L.  répond  qu'ils  ne  contenaient  aucun  texte  se  rappor- 
tant au  sujet.  Seulement  ce  que  M.  L.  a  cité,  tout  le  monde  le  connaît.  M.  L.  a 
comparé  Sénèque  à  deux  moralistes  :  Epictète  et  Marc-Aurèle;  mais  il  ne  l'a  com- 
paré à  aucun  philosophe,  il  ne  l'a  pas  rapproché  de  ses  devanciers.  Il  eût  été  plus 
intéressant  d'étudier  par  exemple  le  maître  de  Sénèque,  Quintus  Sextius,  ou  Mu- 
cius  Musonius  Rufus,  qui  enseignait  sous  Caligula,  ou  Claudius  PoUion.  L'auteur  du 
ITepi  Osôiv,  Cornutus,  était  particulièrement  digne  d'intérêt.  M.  L.  répond  qu'il  l'a  lu, 
mais  qu'il  n'a  pas  trouvé  dans  son  livre  une  théorie  des  dieux;  ce  n'est  qu'une  sorte 
d'Epitome  historiœ  sacrœ.  Si  M.  L.  voulait  étudier  la  théologie  de  Sénèque,  du  moins 
devait-il  le  comparer  à  Cicéron  :  tous  deux  au  fond  appartiennent  à  la  même  école. 
M.  L.  a  cherché  seulement  à  déterminer  avec  quel  accent  Sénèque  parlait  des  ques- 


I  56  RKVUK    CHITIQUK 

tions  religieuses;  sa  tournure  d'esprit  est  intéressante  dans  le  milieu  où  il  a  vécu. 
M.  Waddington  lui  fait  remarquer  qu'il  n'a  rien  dit  de  ce  milieu.  Sénèque  a  inté- 
ressé M.  L.  à  cause  de  son  imagination,  de  l'ouverture,  de  la  diversité  de  son  esprit. 
Les  textes  que  M.  L.  cite  pour  prouver  que  Sénèque  est  un  grand  penseur  philo- 
sophique se  trouvent  dans  Platon,  dans  Socrate.  Même  comme  moraliste,  Sénèque 
est  contestable.  Ses  conceptions  philosophiques,  quand  elles  lui  sont  personnelles 
sont  misérables;  il  n'est  pas  même  sérieusement  panthéiste.  Pourquoi  M.  L.  sem- 
ble-t-il  connaître  si  mal  les  prédécesseurs  de  Sénèque?  Comment  a-t-il  pu  dire  qu'à 
l'époque  où  vivait  Zenon,  la  vie  que  l'on  menait  à  Athènes  était  tranquille  et  calmer 
D'après  M.  L.  un  changement  s'est  fait  dans  la  conception  de  Dieu  en  passant  des 
premiers  stoiciens  à  Sénèque;  peu  à  peu  les  attributs  moraux  prédominent  sur  les 
attributs  métaphysiques.  La  doctrine  stoïcienne  est  restée  la  même,  maison  n'insiste 
plus  sur  les  mêmes  points.  Sénèque  ne  dit  qu'en  passant  :  Deus  est  votimdus.  Ce 
qu'il  y  a  de  meilleur  dans  la  thèse  de  M.  L.,  c'est  son  chapitre  sur  la  dilTérence  des 
mots  Deus  el  di  dans  Sénèque.  Mais  là-même,  Cicéron  a  précédé  Sénèque;  il  est 
bien  plus  ferme  que  lui  sur  l'existence  de  Dieu,  sur  ses  attributs,  sa  raison.  Le 
deuxième  livre  du  De  legibiis  fait  prévoir  Fénelon.  Les  belles  pages  où  Sénèque 
séparent  la  religion  de  la  superstition  sont  presque  empruntées  à  Cicéron.  M.  L. 
répond  que,  pour  lui,  Cicéron  n'est  pas  un  philosophe;  c'est  une  source.  Il  est  dif- 
ficile de  lui  attribuer  quelque  chose  de  ce  qui  est  dans  ses  livres.  Cependant,  ré- 
pond M.  Waddington,  il  croyait  plus  à  la  philosophie  que  Sénèque.  Ce  qu'il  fallait 
rechercher,  c'est  de  quelle  manière  Sénèque  était  stoïcien.  Cicéron  lui  aussi  était 
un  académicien  d'une  sorte  particulière.  La  fusion  entre  les  doctrines  s'était  déjà 
faite  en  Grèce  avant  leur  arrivée  à  Rome.  Cicéron  est  un  platonicien  stoïcisant, 
Sénèque  est  plus  éclectique  encore  que  Cicéron  :  non  seulement  son  stoïcisme  est 
mêlé  de  platonisme,  mais  il  emprunte  même  à  l'épicurisme  quelques-unes  de  ses 
doctrines.  Tout  ce  mouvement  a  abouti  à  l'école  néo-platonicienne  d'Alexandrie. 

La  thèse  de  M.  L.  est  si  mince,  dit  M.  Janet,  qu'il  n'y  a  pas  matière  à  discus- 
sion. Sur  la  question  spéciale  dont  s'occupe  M.  L.  les  littérateurs  en  ont  dit  plus 
que  lui.  M.  Martha  a  admirablement  parlé  de  cet  accent  personnel  avec  lequel  Sénè- 
que traite  les  questions  religieuses.  M.  Havet  a  porté  sur  cette  philosophie  un  ju- 
gement très  juste  et  qui  restera.  La  thèse  de  M.  Aubertin  est  une  étude  détaillée  de 
la  métaphysique  religievise  de  Sénèque.  M.  L.  parle  des  Questions  naturelles,  mais 
ce  qu'il  y  avait  à  dire  a  été  dit  par  M.  Crouslé.  Aussi  M.  Janet  n'était-il  pas  pressé 
de  savoir  quelque  chose  de  plus  sur  la  théologie  de  Sénèque.  M.  L.  avoue  qu'il  n'a 
rien  trouvé  de  bien  nouveau,  mais  si  la  pensée  de  Sénèque  est  vague,  et  s'il  n'a 
point  réussi  à  la  préciser,  il  croit  avoir  du  moins  montré  combien  sa  foi  était  vive. 
Puis  il  a  mis,  pense-t-il,  en  lumière  un  point  intéressant  :  malgré  l'envahissement 
des  idées  orientales,  Sénèque  croit  à  la  fixité  des  lois  naturelles,  à  la  non-interven- 
tion des  dieux. 

M.  Joly  pense  que,  si  le  stoïcisme  s'est  lentement  transformé  depuis  le  premier 
stoïcien  jusqu'à  Sénèque,  cette  transformation  a  eu  lieu  en  sens  inverse  de  celle 
qu'a  cru  apercevoir  M.  L.  La  personnalité  morale  de  Dieu  est  plus  nette,  plus 
forte,  chez  les  premiers  stoïciens  que  dans  Sénèque.  Cela  tient  peut-être  au  voisi- 
nage du  platonisme,  au  polythéisme,  qui  au  moment  où  le  stoïcisme  est  né  était 
encore  vivant.  Ce  passage  de  l'hymne  de  Cléanthe  :  «  Rien  ne  se  fait  sans  Dieu, 
hormis  les  crimes  des  méchants  »,  dont  le  sens  est  fixé  par  un  texte  du  De  fato,  éta- 
blit que  Cléanthe  croyait  à  un  Dieu  moral.  Les  doctrines  stoïciennes  ne  s'accordent 
point  au  fond  avec  la  croyance  à  la  personnalité  de  Dieu,  mais  les  premiers  stoï- 
ciens s'en  apercevaient  moins.  La  finalité  est  bien  plus  immanente  au  monde  chez 


D  HISTOIKK    ET    DE    LITTÉRATURE  iSy 

Sénèque  que  dans  Ghrysippe  el  Zenon.  M.  L.  répond  qu'il  ne  comprend  pas  com- 
ment Sénèque  pourrait  aimer  Dieu,  s'il  le  confond  avec  la  nécessité.  Mais  Epictète, 
qui  est  plus  religieux  que  Sénèque,  croit  fermement  que  Dieu  est  identique  à  cette 
nécessité  qui  régit  le  monde. 

D'après  M.  L.  Carrau,  Sénèque  est  un  éclectique  qui  n'a  aucune  doctrine  parti- 
culière. Il  a  paru  en  Allemagne  sur  la  théologie  de  Sénèque  un  assez  grand  nombre 
de  monographies.  M.  L.  aurait  dû  les  mettre  à  profit.  M.  Carrau  n'est  pas  certain 
que  Sénèque  ait  distingué  nettement  entre  Dieu  et  les  dieux;  pas  plus  chez  lui  que 
chez  les  autres  stoïciens  la  notion  de  l'immatérialité  n'est  nette.  Il  faut  se  souvenir 
que  pour  les  stoïciens  la  vertu  est  matérielle  ;  seuls  le  temps,  l'espace,  le  vide  et 
l'affirmation  sont  spirituels.  Sénèque  implore  tour  a  tour  Deiim  et  deos.  On  trouve 
dans  une  phrase  :  Deus  nudus  est,  nihil  habet.  Dans  une  autre  :  dii  midi  siint,  nihil 
habentes.  M.  L.  avoue  que  la  distinction  est  difficile  à  faire  entre  les  cas  où  Sénèque 
se  sert  du  mot  Deus,  et  ceux  où  il  se  sert  du  mot  dii.  Souvent  c'est  l'euphonie  qui 
le  décide.  M.  L.  admire  surtout  chez  Sénèque  la  liberté  de  l'esprit  :  pourquoi  ne 
dit-il  rien  de  Panetius,  esprit  bien  plus  libre,  plus  dégagé  des  superstitions  de  son 
temps;  pourquoi  louer  Sénèque  de  ses  opinions  sur  la  superstition  i  Platon  dans  la 
République  et  l'Eutyphron  avait  tout  dit  à  ce  sujet. 

M.  C.  Manha  juge  la  thèse  de  M.  L.  agréable,  élégante,  mais  peu  profonde.  En 
quelques  passages,  M.  L.  semble  avoir  lu  Sénèque  très  vite  et  l'avoir  mal  compris. 
Il  méconnaît  cet  héroïsme,  cet  optimisme  volontaire  qui  sont  le  vrai  caractère  de  la 
philosophie  stoïcienne. 

Pour  M.  Marion  la  vraie  thèse  consistait  à  déterminer  ce  que  Sénèque  a  ajouté  ou 
enlevé  aux  doctrines  de  ses  prédécesseurs.  En  fait,  il  a  ajouté  peu  de  choses,  mais  il 
en  a  enlevé  beaucoup.  11  a  mis  à  la  place  d'un  panthéisme  sincère,  un  anthropomor- 
phisme assez  plat.  Comme  écrivain  même,  Sénèque  a  été  abandonné  dans  l'anti- 
quité :  on  connaît  le  jugement  d'Aulu-Gelle.  Quant  au  chap.  iv,  il  n'avait  que  faire 
dans  la  thèse,  à  moins  que  M.  L.  ne  voulut  montrer  combien  Epictète  et  Marc-Au- 
rèle  sont  supérieurs  à  Sénèque. 

II 

M.  Caro  tient  i\l.  L.  en  grande  estime;  c'est  un  dialecticien  fin  et  délicat.  M.  L. 
voudrait  préserver  de  toute  atteinte  les  doctrines  morales,  mais  il  est  douteux  qu'il 
y  soit  parvenu.  Sa  thèse  est  très  intéressante  comme  symptôme  du  mouvement 
philosophique  actuel.  11  y  a  vingt  ans,  la  métaphysique  était  seule  atteinte  :  devant 
le  devoir,  la  critique  s'arrêtait.  Depuis  lors,  elle  s'est  attaquée  au  devoir  même.  Pour 
Kant  le  devoir  était  la  seule  certitude;  pour  M.  Renouvier,  il  est  devenu  un  objet  de 
foi;  pour  M.  Fouillée,  un  objet  de  doute;  pour  M."Guyau,  un  objet  de  risque.  En 
somme,  d'après  M.  L.,  l'idée  de  la  responsabilité  objective  n'enferme  pas  d'éléments 
moraux;  l'idée  de  la  responsabilité  subjective  ne  tient  pas.  il  cherche  à  reconstruire 
la  responsabilité  qu'il  vient  de  jeter  à  bas,  mais  il  ne  croit  pas  lui-même  à  sa  re- 
construction, et  termine  sa  thèse  par  un  acte  de  foi. 

M.  Janet  loue  la  manière  précise  dont  M.  L.  a  posé  la  question,  mais  il  relève 
l'erreur  grave  qu'il  commet  à  propos  de  l'école  spiritualiste  française.  11  n'est  pas 
vrai  qu'elle  ait  voulu  rester  au  point  de  vue  dogmatique  de  Leibnitz  et  de  Descar- 
tes. Il  confond  les  époques.  De  1812  à  i836,  l'école  spiritualiste  est  une  école  de 
rénovation,  cette  philosophie  a  voulu  être  la  philosophie  du  xix<=  siècle.  C'est  au 
point  de  vue  de  Kant  et  non  à  celui  de  Descartes  que  se  place  Maine  de  Biran  :  sa 
psychologie  n'est  pas  une  psychologie  dogmatique.  Joutïroy  passait  pour  sceptique; 
il  a  dit  que  la  raison  est  indémontrable  :  comme  les  Ecossais,  il  a  cru  que  la  philo- 


l58  REVUE    CRITIQUE 

Sophie  pouvait  être  fondée  sur  l'expérience  iniime.  Jusqu'en  1840,  M.  Cousin  n'est 
pas  cartésien.  Dans  sa  philosopiiie  personnelle,  il  n'y  a  pas  un  mot  sur  la  distinc- 
tion de  l'âme  et  du  corps  :  sur  onze  leçons  il  ne  consacre  que  dix  pages  à  Descartes, 
Malebranche  et  Spinoza.  C'est  par  Maine  de  Biran,  Royer-Collard  et  Cousin  que 
Hume  a  été  introduit  en  France.  Si  M.  L.  ne  comprend  pas  Maine  de  Biran  dans 
l'école  spiritualiste,  il  commet  alors  une  erreur   formelle. 

La  définition  de  la  philosophie  que  M.  L.  a  mise  à  la  première  ligne  de  sa  thèse 
choque  M.  Waddincton.  Pour  lui  la  philosophie  est  une  véritable  science,  elle  a  ses 
certitudes  :  pour  l'oublier,  il  faut  oublier  le  passé,  perdre  le  sentiment  de  la  tradi- 
tion. 

M.  Gebhart  trouve  qu'historiquement  la  théorie  de  M.  L.  sur  le  droit  de  punir 
n'est  pas  exacte.  M.  L.  semble  croire  qu'au  moyen  âge  c'était  la  conscience  même 
du  criminel  que  l'on  jugeait  :  il  se  trompe,  on  ne  tenait  compte  que  du  dommage 
causé.  Les  erreurs  du  vieux  code  pénal  viennent  de  ce  qu'on  ne  s'attachait  qu'à  la 
valeur  de  la  personne  lésée:  Dieu,  l'Eglise,  le  roi,  l'Etat.  Les  crimes,  fussent-ils  mi- 
nimes, s'ils  atteignaient  une  personne  de  haute  valeur,  étaient  sévèrement  châ- 
tiés. Il  y  a  quelque  cinquante  ans  la  fabrication  de  la  fausse  monnaie  était  encore 
punie  de  mort  en  France,  parce  que  c'était  un  crime  envers  l'Etat.  Dans  le  code  pé- 
nal de  Grégoire  XVI  (i833)  le  libelle  attaquant  l'Eglise,  les  lois  de  l'Etat,  ou  le 
Souverain  Pontife,  est  puni  de  mort,  même  si  l'on  a  dit  la  vérité. 

M.  Joly  fait  remarquer  que  AL  L.  mêle  un  peu  son  idéal  de  la  pénalité  sociale 
à  ce  qui  se  passe  dans  la  réalité.  En  fait  la  société  fait  entrer  dans  ses  juge- 
ments un  élément  moral  :  elle  est  frappée  de  l'inquiétude  des  jurés  et  des  juges 
dans  certaines  causes,  il  lui  semble  alors  que  la  responsabilité  se  déplace  et  porte  en 
partie  sur  elle. 

D'après  M.  L.  Carrau,  la  position  où  M.  Lévy  veut  se  tenir  à  la  fin  de  sa  thèse  est 
bien  difficile  à  garder  :  il  veut  maintenir  la  place  de  l'absolu  sans  maintenir  l'absolu 
lui-même.  D'ailleurs  la  conclusion  tout  entière  est  un  brillant  hors-d'œuvre. 

Deux  questions  dominent  la  thèse  deM.L..  sa  théorie  de  la  responsabilité  sociale 
et  son  analyse  du  remords:  c'est  sur  ces  deux  points  qu'il  a  rencontré  chez  ses 
juges  de  vives  contradictions. 


CHRONIQUE 


FRANCE. —  Nous  avons  récemment  annoncé  que  les  amis,  élèves  et  collaborateurs 
d'Albert  Dumont  avaient  eu,  au  jour  de  ses  funérailles,  la  pensée  d'honorer  et  de  per- 
pétuer sa  mémoire.  Un  comité  s'est  formé;  il  a  pour  président  M.  G.  Perrot,  pour 
secrétaire  M. T.  Homolle;  il  a  pris  les  résolutions  suivantes:  i"  une  souscription  est 
ouverte  pour  constituer  un  fonds  qui  sera  appelé  fondation  Albert  Dumont;  2"  le 
produit  de  la  souscription  sera  einployé  à  l'achat  d'un  titre  de  rente  française  qui 
sera  remis  en  dépôt  au  Ministère  de  l'Instruction  publique,  à  charge  de  toucher  et 
distribuer  annuellement  les  arrérages  en  prix;  3°  le  prix  sera  donné  au  premier 
agrégé  d'histoire  ;  4°  il  consistera  eu  livres,  dont  le  c'noix  sera  laissé  au  lauréat; 
5"  si  l'importance  des  sommes  recueillies  le  permet,  d'autres  prix  pourront  être 
fondés.  Un  comité  formé  de  représentants  des  Facultés  de  Paris  et  de  la  province  en 
déterminera  l'attribution.  :Les  souscriptions  devront  être  adressées  à  M.  Lantoine, 
secrétaire  de  la  Faculté  des  lettres  de  Paris,  à  la  Sorbonne.) 


d'histoire  et  de  littérature  i59 

ACADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET   BELLES-LETTRES 


Séance  du  i3  février. 

L'Académie  reçoit  l'ampliation  d'un  décret  du  président  de  la  République,  qui 
porte  approbation  de  l'élection  de  M.  Ber^aigne  à  la  place  de  membre  ordinaire 
laissée  vacante  parla  mort  de   M.  Louis  Quicherat.  M.  Bergaigne  est   introduit    et 

prend  place.  ,      .    ,       .  ,  ,. 

M.  le  Ministre  de  l'instruction  publique  invite  l'Académie  a  présenter  deux  candi- 
dats pour  [la  chaire  de  diplomatique,  actuellement  vacante  a  l'Ecole  des  ciiartes.  La 
question  est  mise  à  l'ordre  du  jour  de  la  séance  du  20  lévrier. 

Une  lettre  de  M.  Le  Blant,  directeur  de  l'Ecole  française  de  Rome,  contient  diver- 
ses nouvelles  archéologiques.  L'une  des  petites  cloches  de  Sainie-Marie-Majeure  s'e- 
tant  brisée,  on  a  eu  l'occasion  de  l'examiner  de  près  et  on  y  a  remarque  une  in- 
scription du  xiu°  siècle,  en  deux  lignes,  ainsi  conçue  : 

AD  HOMOREM  DE!  ET  BEATE  MARIE  VIRGINIS  ISTA  CAJIPANA  lACTA  F  VIT  PER  ALFANVM. 
P0ST.M0DVM   IN   ANNO     DO.MINI   MCCLXXXIX  RENOVaTA. 

EST  PER  DOMINVM  PANDVLFVM  DE  SABELLO  PRO  REDEMPTIONE  ANIME  SVE.  GVIDOCTVS  PI- 
SANVS   ET    ANDREAS    EIVS  FILl  VS  ME  FECERVNT . 

Alfanus,  mentionné  dans  la  première  partie  de  ce  texte,  fut  camerlingue  du  pape 
Galixte  11  (1U9-1124J;  il  restaura  l'église  de  Sainte-Marie  in  Cosmedin  et  y  tut  en- 
terré (Forcella,  Iscri:iioni  délie  chiese  ai  Roma.  1\',  n»'  74?,  744,  745).  Panoolphe 
Savelli,  dont  il  est  question  ensuite,  fut  sénateur  de  Rome  en  iii7g  et  mourut  en 
i3o6  (Forcella,  I,  n"  423);  son  frère  Jacques  fut  pape,  de  128^  à  1287,  sous  le  nom 
d'Honorius  IV.  . 

Dans  la  catacombe  de  Domitille,  M.  de  Rossi  a  relevé  un  grand  nombre  de  g)\:j/Tti, 
tracés  par  d'anciens  pèlerins,  près  de  l'hypogée  où  se  trouve  l'épitaphe  antique  d'un 
chrétien  nommé  Ampliaiiis.  La  présence  de  ces  inscriptions  prouve  que  ce^point  de 
la  catacombe  contenait  des  sépultures  particulièrement  vcnérée^.  Le  nom  d'Amplia- 
t  us  fait  pensera  un  passage  d'une  épître  de  saint  Paul  (Rom.,  xvi,  2. 

A  Palestrina,  M.  Maruc'chi  a  découvert  un  cadran  solaire  antique,  qui  pourrait 
bien  être  celui  que  mentionne  Varron  (De  lins;ua  latina.  VI,  4)  :  u  Meridies  eo  quod 
médius  dies.  In  hoc  loco  D  antiqui,  non  R,  dixerunt,  ut  Prseneste  incisum  in  sola- 
rio  vidi.  »  Le  cadran  solaire  trouvé  par  M.  Marrucchi  est  gravé  sur  le  mur  d'un  très 
ancien  édifice,  bâti  en  opiis  quadraium,  qui  forme  le  soubassement  de  la  cathédrale 
de  Saint-Agathon.  E11  ôtant  un  enduit  moderne  qui  couvrait  ce  mur,  on  a  mis  à 
découvert  quatre  rainures  obliques,  de  o'"2  3  de  largeur  chacune,  disposées  en  éven- 
tail, deux  à  droite  et  deux  à  gauche,  et  surmontées  chacune  d'une  tige  métallique. 
On  a  calculé  que  la  direction  de  ces  rainures  répond  a  celle  de  l'ombre  des  tiges  à 
la  3*,  à  la  4=,  à  la  8'  et  à  la  9<^  heure,  selon  le  compte  des  anciens;  grâce  à  la  lar- 
geur donnée  à  chaque  rainure,  l'ombre  devait  y  passer  à  la  même  heure  dans  toutes 
les  saisons  de  Tannée.  On  suppose  qu'une  rainure  analogue,  dirigée  verticalement, 
devait  être  placée  au  milieu,  pour  marquer  la  sixième  heure  ou  midi,  et  qu'elle  aura 
disparu  dans  les  remaniements  qu'a  subis  l'éditice  depuis  l'antiquité. 

M.  Ravaisson  commence  la  seconde  lecture  de  son  mémoire  intitulé  :  l'Hercule 
èz'.^pxr.i'Ç'.oc,  de  Lysippe. 

M.  Désiré  Charnay  continue  ses  communications  sur  l'histoire  de  la  civilisation 
toitèque  en  Amérique.  Il  s'attache,  avant  tout,  à  établir  l'existence  du  peuple  toltè- 
que,  que  plusieurs  historiens  modernes  ont  niée,  et  il  retrace  dans  ses  traits  essen- 
tiels l'histoire  de  ce  peuple.  Elle  ne  commence  qu'au  vue  ou  au  viu^  siècle,  car  pour 
les  temps  antérieurs  on  n'a  que  des  traditions  peu  dignes  de  foi.  A  cette  époque, 
les  Toltecs  s'établissent  à  Tula  et  en  l'ont  la  capitale  de  leur  empire.  Des  témoignages 
et  des  monuments  divers  permettent  d'apprécier  leur  civilisation,  qui  paraît  avoir 
été  très  avancée.  On  trouve  chez  eux,  dit  M.  Charnay,  ;  en  industrie,  les  produits 
les  plus  divers  :  le  travail  des  métaux  poussé  jusqu'à  la  perfection  dans  les  instru- 
ments agricoles,  les  armes,  les  bijoux  et  les  statues  ;  en  morale  comme  en  religion, 
les  idées  les  plus  pures  et  les  conceptions  les  plus  élevées:  en  astronomie,  la  science 
assez  avancée  pour  amener  la  création  d'un  système  chronologique  des  plus  simples 
et  des  plus  ingénieux;  en  architecture,  des  instincts  des  plus  remarquables,  qui  fe- 
ront du  Toltec  un  être  à  part,  un  grand  bâtisseur  de  palais  et  de  temples,  aont  il 
transportera  plus  tard  le  modèle  dans  l'Amérique  centrale.  »  L'empire  toitèque  dura 
près  de  quatre  siècles  ;  il  s'étendait  d'un  océan  à  l'autre,  sur  un  espace  de  plus  de 
mille  lieues  de  circuit;  il  était  arrivé  à  un  tel  degré  de  prospérité  que  la  terre  était 
cultivée  jusque  sur  les  plus  hautes  montagnes.  Une  longue  période  de  guerre,  de  fa- 
mine et  de  peste  mit  fin  à  cette  prospérité  et  amena  l'abandon  du  pays.  Le  peuple 
toitèque  émigra  le  long  des  côtes  du  golfe  et  de  celles  du  Pacifique,  et  alla  peupler 
et  civiliser  le  Teibasco,  le  Chiapas,  le  Yucatan  et  le  Guatemala.  La  suite  des  com- 
munications de  M.  Charnay  sera  consacrée  à  l'étude  de  la  civilisation  toitèque  dans 
ces  divers  pays. 


l60  REVUE    CRITIQUE    d'hISTOIRE   ET    DE    LITTERATURE 

—  Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Gaston  Paris  :  Des  Robert  (Ferdinand),  Deux 
Codex  manuscrits  de  Vabbaye  de  Gor:{e;  —  par  M.  Oppert  :  i"  C[olomb]  (le  P.  A.), 
mariste.  Notes  f^rammaticales  sur  la  langue  de  Lifu  (Loyaltys)  ;  2°  le  même,  Essai 
de  grammaire  de  la  langue  de  Viti  ;  3°  histoire  sainte,  traduite  en  langue  de  l'île 
d'Uvea  (archipel  des  Wallis),  par  le  même. 

Julien  Havet. 

Séance  du  2   janvier  i885  '. 

L'Académie  reçoit  l'ampliaiion  d'un  décret  par  lequel  est  approuvée  l'élection  de 
M.  Benoist  à  la  place  d'académicien  ordinaire  laissée  vacante  par  la  mort  de  M.  Ad. 
Régnier.  M.  Benoist  est  introduit  et  prend  place. 

L'Académie  procède  au  renouvellement  annuel  du  bureau.  M.  Ernest  Desjardins. 
vice-président  sortant,  est  élu  président,  en  remplacement  de  M.  Georges  Perret, 
M.  Gaston  Paris  est  élu  vice-président. 

MM.  Perrot  et  Desjardins  prononcent  chacun  une  courte  allocution.  M.  Desjardins 
annonce  la  mort  de  M.  Frédéric  Baudry,  membre  libre  de  l'Académie.  La  séance 
est  levée  en  signe  de  deuil. 

SOCIETE  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE 


Séance  du  28  janvier  188^. 

PRÉSIDENCE  DE  M.  COURAJOD 

L'Académie  de  Nîmes  et  la  Société  des  sciences  historiques  et  naturelles  de  Sé- 
mur  envoient  des  lettres  d'adhésion  au  vœu  formulé  par  la  Société  des  Antiquaires 
de  France  pour  la  conservation  des  monuments  anciens. 

M.  de  Barthélémy  communique,  au  nom  de  M.  l'abbé  Julien  Laferrière,  l'estam- 
page d'une  inscription  commémorant  la  destruction  de  l'abbaye  de  Mardion  en  1677. 

M.  de  Villet'osse  présente  plusieurs  objets  faisant  partie  des  collections  léguées  au 
Louvre  par  feu  le  baron  Davillier,  notamment  deux  ivoires  antiques  représentant 
l'un  une  bacchanale  d'Amour,  l'autre  une  tête  de  Mercure;  des  bagues  en  or  avec 
sujets  mythologiques,  des  bagues  avec  monogrammes  mérovingiens.  11  communi- 
que, de  la  part  de  M.  Guigue,  le  frottis  noir  d'une  inscription  romaine  trouvée  dans 
le  Rhône,  à  Lyon,  relative  à  une  Viennoise. 

Il  communique  enfin,  de  la  part  du  R.  P.  de  la  Croix,  des  détails  sur  les  fouilles 
du  cimetière  mérovingien  d'Antigny. 

M.  Guillaume  annonce  que  la  porte  Tournisienne,  à  à  Valenciennes,  vient  d'être 
classée  parmi  les  monuments  historiques.  Il  lit  ensuite  une  lettre  de  M.  Caliiaux 
rendant  compte  des  fouilles  exécutées  à  Valenciennes. 

M.  Mowat  présente  l'estampage  et  la  photographie  d'une  stèle  romaine  découverte 
le  8  janvier  à  South  Shields  (Angleterre).  C'est  l'épitaphe  d'un  jeune  Maure  affran- 
chi, d'un  cavalier  de  Vala  I^  Asturum  ;  l'inscription  est  surmontée  d'un  beau  bas- 
relief  représentant  le  sujet  connu  sous  le  nom  de  Repas  funèbre. 

M.  Schlumberger  présente  une  tête  de  bronze  creuse  portant  une  coiffure  cylin- 
drique basse  dont  le  pourtour  et  le  fond  sont  percés  de  trous  circulaires.  Elle  offre 
quelque  analogie  avec  une  tête  chypriote  que  M.  de  Villefosse  communique  en 
même  temps.  Le  Secrétaire, 

Signé  :  R.  Mowat. 

Séance  du  4  février  188 5. 

PRÉSIDENCE  DE  M.  COURAJOD 

M.  Michelant,  membre  résident,  est  élu  membre  honoraire;  M.  Germain  Bapst  est 
élu  membre  résident,  en  remplacement  de  M.  Albert  Dumont,  décédé;  M.  Emile  Mo- 
linier,  membre  résident,  en  remplacement  de  M.  Ernest  Renan,  promu  à  l'honora- 
riat.  M.  le  marquis  Ripert-Monclar  est  élu  associé  correspondant.  M.  Eugène  Mûntz 
communique  la  première  partie  d'un  travail  intitulé  La  légende  de  Charlemagne 
dans  rart  du  moyen  âge.  Il  signale  de  nombreux  monuments  inédits  conservés  en 
France,  en  Italie,  en  Allemagne,  dans  les  Pays-Bas  et  en  Espagne. 

M.  de  Laurière  communique,  d'après  un  estampage  envoyé  de  Rome  par  M.  l'abbé 
Le  Loiret,  la  copie  d'une  inscription  étrusque  sur  le  ventre  d'un  vase  en  forme  de 
coq  ;  elle  se  compose  de  trois  mots  :  Larile:;ili  mimulu  mlaph  qu'il  faut  peut-être  lire 
à  rebours.  Le  Secrétaire, 

R.    MoWAT. 

I.  Par  suite  de  la  perte  d'un  envoi  de  copie  adressée  à  l'imprimerie,  le  compte  rendu  de  cette  séance 
n'a  pu  être  inséré  en  son  lieu. 

Le  Propriétaire-Gérant  :   EPxNEST  LEROUX.    _ 

Le  Puy,  Tmvrimerie  de  Marchi>ssou   f'ils.  oaulevard  S (jint- Laurent.  2s>. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    El    DE    LITTÉRATURE 


N»  9  —  2  mars  -  1885 

!Soiîîmîi5a>c  :  34.  GrJgoire  de  Tours,  Histoire  des  Francs,  p.  p.  Arndt  et  Kru-ch. 
—  33.  Le  Psautier  de  Metz,  p.  p.  Bonnardot,  I.  —  Variéics  :  Clermont-Ganneau, 
Notes  d'archéologie  orientale,  XX  et  XXI  :  nouvelles  observations  sur  l'inscrip- 
tion nabatéenne  de  D'meir;  les  noms  propres  nabatéens  pseudo-théophores.  — 
Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions.  —  Société  des  Antiquaires  de  France. 


34.  —  Gt-egorîî  T8!r«iiiens5s  opern.  Ediderunt  W.  Arndt  et  Br.  Kruscm. 
Pars  I.  Historia  Francorum  'Monumenta  Germaniae  historica.  Scriplorcs  reruni 
merowingicariim.  T.  I  pars  I).  4^0  pages,  in-4.  Hannoverae  (Hahn),  1884. 

Parmi  ies  volumes  déjà  nombreux  des  historiens  publiés  dans  la  col- 
lection des  Monumenta  Gcrvianiae,  il  n'en  est  guère  qui  aient  été  at- 
tendus aussi  impatieinment  que  celui-ci  ;  il  n"'en  est  aucun  qui  intéresse 
aussi  directement  la  l'rance.  Nous  sommes  heureux  d^annoncer  que  la 
nouvelle  édition  de  Grégoire  de  Tours  a  paru,  et  de  la  recommander  à 
tous  ceux  qui  s'occupent  de  l'étude  de  nos  origines.  Ce  premier  volume 
renferme  l'Histoire  des  Francs  ;  le  deuxième,  qui  doit  paraître  prochaine- 
ment, contiendra  les  livres  des  miracles  et  les  autres  petits  écrits.  Il  ne 
sera  plus  permis  désormais  d'étudier  ni  de  citer  l'Histoire  des  Francs 
d'après  les  anciennes  éditions,  tant  on  peut  voir  aujourd'hui  qu'elles 
s'écartaient  du  texte  authentique,  tant  la  nouvelle  édition,  au  con- 
traire, s'en  est  rapprochée. 

Dans  une  substantielle  introduction,  M.  Arndt  résume,  précise  et 
complète  ce  que  ses  devanciers  ont  dit  de  la  vie  et  des  œuvres  de  Gré- 
goire; il  traite  ensuite  des  sources  du  texte  de  l'Histoire  des  Francs.  La 
partie  biographique  de  cette  introduction  nous  a  paru  complète  et  fort 
intéressante,  les  jugements  prudents  et  fermes  '.  A  propos  des  œuvres 
de  Grégoire,  nous  avons  des  réserves  à  faire  sur  la  Vie  de  saint  André, 
que  M.  A.  ne  croit  pas  authentique;  mais  nous  aurons  Toccasion  de 
traiter  ailleurs  cette  question. 

Si  cette  étude  biographique  est  pleine  d'intérêt,  c'est  cependant  la 
constitution  du  texte   qui  fait  la  véritable   nouveauté   de  l'œuvre  de 

I.  Ainsi,  par  exemple,  on  nomme  fréquemment,  parmi  les  lectures  de  Grégoire, 
Aulu-Gelle  et  le  traité  de  grammaire  de  Pline,  parce  qu'ils  sont  cités  dans  le  pro- 
logue de  la  Vie  des  Pères.  M.  A.  fait  observer  avec  raison  que  rien  ne  prouve  qu'il 
y  ait  là  des  citations  directes.  En  revanche,  quand  M.  A.  dit  que  Grégoire  ne  paraît 
avoir  lu  de  Salluste  que  les  premiers  chapitres  du  Catilina  ,  il  va  peut-être  trop 
loin.  11  est  difficile  de  ne  pas  admettre  une  réminiscence  du  Jugurtha  (41,  9)  au 
1.  IV,  12,  p.  149,  26,  in  Cautino  autetn  nihil  sancti,   nihil  pensi  fuit.  A  moins  que 

égoire  n'ait  pris  cette  phrase  dans  un  imitateur  de  Salluste. 

Nouvelle  série,  XIX.  9 


l6i  RKVIIK    CRIlriQUk 

M.  A.  et  son  importance  cupitale.  Sans  méconnaître,  en  effet,  les  méri- 
tes éminents  de  D.  Ruinart,  ni  ceux  de  D.  Bouquet,  on  a  de  la  peine  à 
croire,  en  comparant  leurs  éditions  à  celle  de  M.  A.,  qu'ils  aient  eu  à 
leur  disposition  presque  les  mêmes  manuscrits.  C'est  que,  suivant 
l'habitude  de  leur  temps  (auquel  on  pourrait  croire  que  Guadet  et  Ta- 
raiinc  aussi  ont  vécu,  tant  ils  ont  peu  songé  à  en  renouveler  la  méthode 
critique),  ils  ont  pris  pour  base  de  leurs  recensions  la  vulgate,  et  se 
sont  contentés  de  puiser,  dans  les  mss.  de  premier  ordre  qu'ils  consul- 
taient, les  morceaux  jusque-là  inédits  et  certaines  leçons  particulière- 
ment intéressantes.  M.  A.,  est-il  besoin  de  le  dire?  a  procédé  tout  autre- 
ment. Pour  lui,  le  point  de  départ,  ce  sont  les  mss.  les  plus  anciens  et 
les  meilleurs;  quant  aux  travaux  de  ses  prédécesseurs,  si  nous  avions 
un  reproche  à  lui  faire,  ce  serait  plutôt  de  les  avoir  trop  mis  de  côté  '. 
Il  résulte  de  ce  retour  aux  sources,  préparé  depuis  de  longues  années 
par  Pertz,  Bethmann  et  autres,  accompli  par  M.  A-,  une  trans- 
formation du  texte,  qui,  sans  doute,  ne  touche  pas  d'une  manière  nota- 
ble aux  faits  rapportés  par  Grégoire,  mais  qui  donne  à  son  œuvre  une 
tout  autre  physionomie.  La  langue  à  demi  barbare  dans  laquelle  il  a 
écrit,  a  repris  la  place  de  ce  latin  presque  classique  dans  lequel  nous 
étions  habitués  à  le  lire. 

Il  existe  une  trentaine  de  mss.  de  Y  Histoire  des  Francs,  qui  ont  été 
tous  examinés  avec  soin  en  vue  de  cette  nouvelle  édition,  et  dont  les 
plus  importants  ont  été  collationnés,  en  entier,  quelques-uns  même  à 
deux  fois.  M.  A.  les  divise  en  quatre  groupes  désignés  par  les  lettres 
A,  B,  G,  D.  Le  groupe  A,  n'a  guère  qu'un  représentant,  le  seul  ms. 
presque  complet  de  l'Histoire  des  Francs,  le  n"  273  du  Mont-Cassin. 
Cinq  mss.  forment  le  groupe  B  ;  ce  sont  les  mss.  de  Cambrai  (Bi),  de 
Bruxelles  (B2),  de  Leyde  (B4),  de  Bcauvais  (B3),  et  de  Corbie  {B5),  ces 
deux  derniers  appartenant  aujourd'hui  à  la  Bibliothèque  nationale  de 
Paris.  Ces  mss.  B  sont  les  plus  anciens  de  tous  (vii«=  et  vui'^  siècles)  et  les 
plus  intéressants,  en  ce  sens  que  c'est  par  eux  principalement  qu'on  a 

I.  Même  des  corrections  déjà  anciennes,  et  passe'es  à  l'état  de  vulgate,  sont  men- 
tionnées par  corrcxi,  sc7-ipsi,  etc.  (p.  66,  23;  217,  44). —  III,  16,  p.  3oo,  20  on  n'ap- 
prend pas  de  qui  est  l'émendation  adoptée.  —  Vil,  27,  p.  307,  10.  Childebertiim 
(après  nepotem  dus)  est  attribué  à  Ruinart,  mais  ce  mot  se  trouve  déjà  dans  D4 
(qui  a  d'autres  conjectures  plus  probables  que  celle-là  :  I,  3i,  p.  49,  14,  miiiistcrio ; 
IX,  10,  p.  367,  7,  iiidicatus,  etc.).  Il  n'est  pas  rare  aussi  que  les  collations  de  M.  A. 
soient  en  contradiction  avec  celles  de  ses  prédécesseurs  (par  exemple,  p.  64,  40,  avec 
Ruinart;  223,  3i,  avec  Guadet;  etc.).  Naturellement,  c'est  M.  A.  qu'on  croira  de 
prétcrcncc.  Néanmoins,  un  signe  conventionnel  quelconque,  avertissant  les  lecteurs 
que  ces  contradictions  sont  bien  des  rectifications,  les  rassurerait.  Car  il  va 
sans  dire  que  dans  ces  centaines  de  mille  variantes,  il  a  dû  se  glisser  des  erreurs 
par-ci  par-là,  ne  fût-ce  qu'à  l'impression.  Plnlin,  il  serait  non  seulement  intéres- 
sant, mais  utile,  de  connaître  les  corrections  tentées  par  les  anciens  éditeurs  sur  bien 
des  passages.  Pour  ne  citer  qu'un  seul  exemple,  II,  2,  p.  Gi,  20,  l'émendation  évi- 
dente UH^ume  n'est  pas  même  mentionnée,  et  l'on  reste  en  présence  d'un  texte 
inintelligible. 


d'histoirk  kt  dk  f.i ttkraturb  i63 

pu  retrouver  la  langue  et  jusqu'à  Torthographe  originale.  Par  la  lettre 
C,  M.  A.  désigne  le  ms.  de  Heidelberg  et  sept  autres  qui  lui  res- 
semblent. D,  enfin,  est  la  marque  commune  de  tous  les  autres  mss.  Le 
seul  caractère  distinctif  de  ce  groupe,  que  mentionne  M.  A.,  c'est  l'omis- 
sion de  la  préface  Decedcnte,  etc.;  il  aurait  pu  ajouter  l'absence  du 
ch.  33  du  1.  IV,  et  un  grand  nombre  de  leçons  '. 

L.e  classement  de  M.  A.  constitue  un  notable  progrès  sur  cehii 
qu'avait  tenté  Pertz  autrefois  \  Cependant,  il  ne  nous  paraît  encore  ni 
tout  à  fait  exact  ni  propre  à  donner  une  juste  idée  de  la  valeur  et  de 
Tautorité  relative  de  chaque  famille.  Ainsi,  par  exemple,  M.  A.  fait  des 
trois  fragments  de  Leyde,  de  Rome  et  de  Copenhague  un  membre  de  la 
famille  A.  Or,  la  collation  qu'il  en  donne  prouve  que  le  ms.  auquel  ces 
fragments  appartenaient  était  de  la  famille  D,  et  plus  particulièrement 
apparenté  au  ms.  D5,  dont  il  partage  des  leçons  tout  à  fait  caractéris- 
tiques ■'.  M.  A.  le  nomme  A2,  parce  que,  dit-il,  il  contenait  des  chapitres 
du  1.  V,  que  Ai  seul  renferme.  Mais  aucun  chapitre  du  1.  V  ne  man- 
que à  D.  —  Al  lui-même,  que  M.  A.  qualifie  de  codex  magni pretii, 
n'a  de  qualité  bien  saillante  que  celle  d'être  complet  ^  et  de  former  à 
lui  seul  un  rameau  de  l'arbre  généalogique.  11  est  d'ailleurs  criblé  de 
fautes,  surtout  dans  les  derniers  livres;  mots  omis,  mots  mal  rendus, 
et,  ce  qui  est  le  pire  des  vices  pour  un  manuscrit,  mots  altérés  sous  pré- 
texte de  corrections  ■'.  —  D,  en  revanche,  qui  a  tous  les  dédains  de 
M.  A.,  ne  les  mérite  que  si,  avec  M.  A.,  on  prend  un  seul  membre  de 
la  famille  pour  représentant  de  toute  la  famille.  Si,  au  contraire,  on 
essaye  de  reconstruire  par  la  pensée  le  ms.  qui  a  été  la  source  commune 
de  tous  ces  mss.  D  (M.  A.  en  énumère  14,  mais  deux  ou  trois  suffisent 
partout  où  A,  B,  C  existent),  on  trouve  qu'il  n'était  point  si  mauvais. 
il  sort  d'ailleurs  de   la  même  branche  que  Ai,  comme  le   prouvent 


1.  Il  est  vrai  que  D.  Bouquet  ne  dit  pas  si  la  préface  était  dans  Di  (nous  ne  con- 
naissons ce  ms.  que  par  lui),  et  que  M.  A.  ne  donne  aucun  détail  sur  quelques  au- 
tres mss.  Mais  presque  tout  ce  que  D.  Bouquet  rapporte  de  Di  se  retrouve  dans  D4 
ou  D5;  une  grande  lacune  {IV,  3o  et  suiv.)  est  commune  à  D3,  4,  5;  une  autre 
(IV,  25)  à  D2,  3,  4,  5,  S,  9,  12  ;  une  leçon  très  caractéristique  (Vllt,  3o,  p.  344,  43)  se 
trouve  dans  Dr,  4,  5,  12;  etc.  11  paraît  bien  probable  que  tous  les  mss.  D  découlent 
d'une  même  source. 

2.  Archiv  f.  celt.  d.  Geschiclitskimde,  V,  p.  5i  à  53;  comp.  G.  Monod,  Etiules 
critique'--,  etc.,  p.  5o. 

3.  Excepté  V,  43,  p.  256,  21,  sanctnm  eius  (qui  est  d'ailleurs  la  leçon  de  Ruinart, 
c'est-à-dire,  probablement,  de  quelque  ms.  D),  et  des  détails  d'orthographe,  il  n'y  a 
pas  de  rencontre  entre  A  i  et  A2,  qui  n'en  soit  une  aussi  entre  A2  et  D4  ou  D5.  Au 
contraire,  Ai  et  A2,  se  séparent  souvent,  et  A2,  D5,  s'accordent  p.  237,  47  et 
31  ;  p.  383,  4<S,  [sigiberto  D4);  384,  8  (comneiUia);  36;  42  {esse};  oSg,  3i;  3qo. 
35,  etc.  P.  388,    5i,    note  g,  il  faut  sans  doute  lire  A2.  D5. 

4.  bes  lacunes  (X,  3  à  5  et  i3)  ne  proviennent  pas  d'omission  volontaire,  mais  de 
la  perte  de  feuillets,  soit  d'Aï  même,  soit  de  son  modèle. 

5.  Voyez  p.  3i,  29;  32,43;  33,  3y,  33,  41;  34,  .^-j;  et  ainsi  de  suite,  à  chaque 
page. 


l6|  r:;v'jk   ckiîiquk 

leur  nccord  presque  constant  et  ceitaines  leçons  caractéristiques  ". 
Les  rapports  qui  existent  entre  B  et  C,  sont  plus  difficiles  à  établir. 
Non  pas  pour  les  livres  I  à  VI.  Ici  chaque  page  abonde  en  preuves 
que  C  "  ou  son  modèle  a  été  copié  sur  l'original  de  B  i  et  2,  tandis  que 
B3,  4,  5  forment  un  second  groupe  B.  Quant  aux  chapitres  que  C 
rcnfernic,  tandis  qu'ils  manquent  aux  autres  mss.  B,  la  sjule  explica- 
tion possible  est  celle  que  donne  M.  A.,  c^est  qu''ils  ont  été  ajoutés  dans 
C  ',  d'après  un  ms.  autre  que  B  '''.  Mais  la  difficulté  est  plus  grande 
dans  les  1.  VII  ù  X.  Ici,  B3,  4,  5  nous  abandonnent,  et  Bi,  2  d'une 
part,  C  de  Pautre,  semblent  intervertir  leurs  rôles  :  Bt  et  2  sont  beau- 
coup plus  complets  que  (3,  qui,  vers  la  fin,  omet  plus  de  chapitres  qu'il 
n'en  conserve.  On  a  de  la  peine  a  comprendre  une  telle  indifférence  de 
la  part  d'un  copiste  qui,  dans  les  premiers  livres,  prenait  la  peine  de 
compléter  son  modèle  en  recourant  à  un  second  exemplaire.  Cependant, 
la  parenté  entre  le  texte  de  C  et  celui  de  B,  malgré  d'innombrables 
variantes,  est  si  étroite  ■',  qu'on  ne   peut  douter  que  C  tout  entier   ne 

I  1,47,  p.  35,  II,  uocitûucre. . .  itoluerunt.  —  1!,  28,  p.  8q,  41,  uests  mncunina 
(Al,  D4),  pour  uestein  Chruna. —  VU,  33,  p.  3  [3.  lô,  omission  d'une  phrasj. 
—  Vil!,  i5,  p.  333,  2Ô,  Cfosiliirn.  —  Vlll,  3;,  p.  347.  5,  nos  omis.  —  V'III,  42, 
p.  334,  1,  lacune,  mal  dissimulée  par  D.  —  X,   19,  p.  43i,  43,  atque;  etc. 

2.  Au  lieu  de  G,  il  faudrait  dire  Ci,  que  M.  A.  nous  fait  seul  connaîire;  mais 
M.  A.  elle  au  moins  un  cas  (p.  72,  i5j  de  leçon  fautive  commune  à  tous  les  mss. 
B  et  C  'p.  29,  4g).  Une  difficulté  très  sérieuse  s'élève  cependant  au  1.  IV,  ch.  20, 
p.  iGo,  34.  M.  A.  constate  ici  l'omission  d'une  quarantaine  de  lignes  à  la  fois  dans 
les  mss.  C2,  3,  4,  et  dans  D2,  3,  4,  3,  8,  9,  12.  Une  lacune  non  motivée  par  un 
homéotéleute,  et  commune  à  certains  mss.  de  deux  familles,  non  à  tous,  cela  ne  se 
conçoit  pas  aisément.  Il  faut  croire  que  C  2,  3,  4,  qui  sont  écrits  de  diflerentes  mains 
chacun,  descendent,  en  partie  seulement  de  C,  et  en  partie,  notamment  dans  le  1.  IV. 
de  mss.  D,  qui  avaient  la  lacune. 

3.  Cette  hypothèse  n'a  rien  d'invraisemblable.  Il  ne  faut  pas  croire  que  les  copis- 
tes, dans  certaines  maisons  pai  ticulièrement  lettrées,  ne  sussent,  dès  les  premiers 
siècles  du  moyen  âge,  s'entourer  de  plusieurs  exemplaires  d'un  livre.  On  peut  en 
ciier  mainte  preuve.  Il  suffit  d'en  donner  quelques-unes,  tirées  de  l'édition  même 
dont  nous  parlons.  Dans  C4,  plusieurs  fois  (par  exemple  II,  3i  et  32),  le  texte  de 
Grégoire  est  remplacé  par  celui  des  Gesta  Francnrum.  Ailleurs  (VI,  6,  p.  23  1,  24  et 
VU,  32,  p.  3i2,  261,  des  noms  propres,  passés  sous  silence  par  Grégoire,  ont  été 
ajoutés  par  les  copistes.  Ailleurs  encore  (II,  Soi  on  a  inséré  après  coup  des  feuillets 
où  sont  écrits  les  chapitres  manquants.  Comp.  aussi  p.  102,  43,  etc.  C  lui-même,  si 
l'an;iotaiion  de  M.  A.  est  exacte,  aurait  comblé  même  de  petites  lacunes,  comme 
p.  iu5,  41 -,  2o5,  39;  220,  27;  241'),  38;  267,  37;  2S4,  42,  etc.  —  Quant  à  l'opinion 
autrefois  émise  par  M.  G.  Monod  (Etudes  critiques,  p.  46  et  47)  et  combattue  par 
M.  A.  (préface  p.  18,  suiv.},  elle  est  inconciliable  avec  la  filiation  aujourd'hui  évi- 
dente des  mss.,  et  en  particulier  avec  l'existence  d'un  archétype  unique.  M.  Monod 
a,  sans  doute,  abandonné  déjà  son  hypothèse,  d'ailleurs  très  ingénieuse. 

4.  Ces  chapitres  étant  courts  et  peu  nombreux,  on  n'y  trouve  pas  de  preuves  tout 
à  fait  décisives  de  la  provenance  du  texte.  Mais  d'une  manière  générale,  il  y  a  ac- 
cord entre  A  et  D  contre  C  (voyez,  par  exemple  p.  47,  27  ;  28;  32,  etc  ),  ce  qui  ferait 
supposer  que  la  source  où  l'on  a  puisé  n'est  ni  A  ni  D. 

5.  Voyez,  outre  l'accord  général,  p.  3o4,  41  w);  3i3,  33  0)  ;  33o,  37  0);  332, 
44  v);  343,  43  w)  ;  346,  33  «);  373,  41  w);  376,  3o  g);  29  c);  377,  ^bt);  378,  41 
V);  379,  48  C])  391,  33  b);  33  /;. 


r> 


o'HiSrOIRK    KJ    DH.    LIT  IKR.V  î  UKh  l65 

iérive  des  mêmes  sources  que  Br  et  2.  G  n'est  donc  qu'un  raineati  de 
,  (ians  la  seconde  partie  aussi  bien  que  dans  la  première  ',  et  il  est  re- 
grettable que  M.  A.  ait  donné  à  ce  groupe  de  mss.  une  désignation  qui 
paraît  assigner  à  son  témoignage  la  valeur  d'une  troisième  branche  de 
la  tradition. 

En  même  temps  que  B3,  4,  5  nous  abandonnent,  Bi  et  2  chan- 
gent de  nature.  Dans  tous  les  deux,  les  livres  I  à  VI  seuls  sont  de  pre- 
mière main;  les  livres  suivants  ont  été  ajoutés  après  coup,  par  vme 
main  du  vin''  siècle  au  ms.  de  Cambrai  (Bi),  par  différentes  mains 
au  ras.  de  Bruxelles  (B2).  Où  les  copistes  qui  ont  fait  ces  supplé- 
ments ont  ils  pris  leur  texte?  C'est  ce  que  nous  ne  saurons  probablement 
jamais.  Tout  ce  que  nous  pouvons  constater,  c'e^t  que  ce  texte  est 
ditïérent  de  A  et  D,  indépendant  de  leur  source  commune,  et  que,  par 
conséquent,  dans  les  i.  VII  à  X  aussi  bien  que  dans  la  première  partie, 
B,  C,  forment  ensemble  une  des  branches  de  la  tradition,  et  A,  D,  l'au- 
tre. Ci  parait  être  écrit  d'une  même  main,  mais  C,  j'entends  le  ms. 
dont  Cl,  C2,  etc.,  sont  des  copies,  a  pu  être  forme  de  la  même  manière 
que  B[  et  B2. 

Voici,  pour  nous  résumer,  comment  on  peut  (igurer  la  tia-iition  du 
texte  des  1.  I  à  VI  : 

a  (archétype) 


Ai 


Di     D2      D3    etc 


Bi     B2       c 


B3    B4     B5 


Cl     C2    C3    etc. 


1.  On  ne  doit  pas  dissimuler,  cependant,  que  C,  se  rapproche  souvent  aussi  de 
Ai,  ou  de  certains  mss.  D,  d'une  façon  étonnante,  au  point  qu'on  peut  le  soupçon- 
ner (non  pas  Ci,  mais  C)  d'avoir  été  retouché  à  plusieurs  reprises  (voyez  p.  3oo, 
46  k);  3ii,  35  u);  3i3,  29  a);  3i5,46/);  333,  3(3  0);  344,  43  a);  365,  32  11);  566, 
29  il);  385,  3i  e);  410,45  k)  m);  5o  a);  412,  27  //);  417,  3q  p);  etc.).  Dans  ce  cas, 
(.  perdrait  encore  bien  plus  de  l'autorité  qu'on  lui  a  attribuée  jusqu'ici,  puisqu'il  ne 
pourrait  même  pas  servir  de  contrôle  à  Bi  et  z.  Un  pourrait  alors  admettre  que  C 
aurait  été  copié  sur  un  ms.  B  auquel  manquaient  tous  les  chapitres  omis  par  B 
dinslesl.  1  à  VI,  et  par  C,  dans  les  1.  VU  à  X.  En  même  temps  qu'on  aurait  corricé  C 
d'après  un  second  ms.  on  l'aurait  complété  d'après  ce  même  ms.  ;  mais  le  zèle  du 
correcteur  se  serait  ralenti  peu  à  peu  ;  de  là  la  fréquence  relative  de  ces  suppié- 
meius  dans  les  premiers  livres,  et  leur  rareté  dans  les  derniers. 


l66  KEVUK    CR(T1QUK 

Et  celle  des  livres  VII  à  X  : 

a  (archétype) 


C'i  C3  etc. 


Quel  est,  demaïuiera-t-on,  cet  archétype  que  nous  plaçons  au  sommet 
de  notre  arbre  généalogique?  Serait-ce  l'original  de  la  main  de  Grégoire 
ou  du  secrétaire  écrivant  sous  sa  dictée?  Non,  un  grand  nombre  de 
fautes  de  copie  évidentes,  qui  déparaient  déjà  cet  archétype,  le  prou- 
vent clairement  ".  Mais  l'âge  même  des  mss.B  fait  penser  que  le  point  de 
départ  des  deux  branches  X  et  B,  doit  être  cherché  bien  près  de  la  sou- 
che. 

Quel  usage  M.  A.  a-t-il  fait  de  ces  matériaux  réunis  avec  tant  de 
soin?  Ses  déclarations  à  ce  sujet  ne  sont  pas  très  explicites,  et  en  obser- 
vant attentivement  les  procédés  de  l'éditeur  dans  le  livre  même,  on  est 
amené  à  penser,  ce  qui  n'est  pas  bien  étonnant,  qu^il  y  a  eu  quelques 
tâtonnements,  quelques  incertitudes.  Voici  les  principes  énoncés  dans 
la  préface  p.  29  :  Dans  les  l.  I  à  VI,  adopter  le  texte  de  Bi  et  2,  sauf  à 

I.  I,  cap.  33  p.  32,  3^  Qjdriaco  pour  Qidrino ;  comp.  I,  33  p.  3o,  24  et  1,  3ô, 
p.  3i,  8.  —  I,  10,  p.  40,  17  omission  des  mots  omnes  mare  transierunt  (i  Cor. 
10,  i),  que  Grégoire  n'a  pu  laisser  de  côté,  puisque  c'est  sur  ces  mots  que  porte  sa 
remarque  (1.  i3,  transilus  illc  inaris).  —  I,  12,  p.  40,  3o,  Boo:^  ne  pouvait  manquer, 
puisque  Grégoire  veut  énumérer  quatorze  générations;  quelques  mss.  ont  rétabli  ce 
mot  d'après  la  Bible.  —  II,  2,  p.  61,  20,  sanguine  (ou  angitinc?)  pour  unguine, 
émendation  évidente,  due  soit  à  un  copiste  (D4  en  a  tenté  une  autre,  inguine), 
soit  aux  anciens  éditeurs;  le  mot  unguen  se  retrouve  gl.  m.  5r,  p.  782  R.  et  s. 
Mart.  III,  18,  p.  1091  R.  ;  la  même  faute  de  copie  se  voit  dans  les  mss.  de  Catulle 
66,  91.  —  II,  3,  p.  66,  3,  ter  pour  teter,  qui,  grâce  à  une  émendation  ancienne,  se 
trouve  déjà  dans  D4.  —  H,  g,  p.  74,  i3,  imperatorisque  pour  imper atisque. —  II,  25, 
p.  87,  14,  Germaniae   pour  Aquitaniae  (v.  Longnon,  Géogr.  de  la  Gaule,   p.  190). 

—  V,  33,  p.  225,  II,  Flauarisque  pour  Elauarisqiie  (Longnon  p.  161).  — V,  43, 
p.  234,  21,  iunior  pour  m/«or  (Ruinart  .■•);  sans  doute,  quelquefois  iuniov  se  rappro- 
che beaucoup  du  sens  de  minor,  par  exemple,  gl.  conf.  43,  p.  93 1  R.  et  peut-être/?. 
F.  IX,  6,  p.  361,  II  ;  mais  ici,  dans  un  syllogisme,  il  faut  le  même  terme  dans  la 
prémisse  que  dans  la  conclusion,  1.  22;  comp.  aussi  p.  34,  2;  16;  233,  i;  i3;  371, 
6  et  surtout  247,  18.  —  VU,  16,  p.  3oo,  20,   egressus  coepit  pour  aegre  suscepit. 

—  VU,  35,  p.  3i3,  2\,  se  mota  seditione  pour  mola  seditione  (comp.  p,  323, 
14;  34f,  i3;  348,  19;  5.  lui.  10,  p.  837  R.;  probablement  le  copiste  avait  com- 
mencé à  écrire  seditione  avant  mota);  etc.,  etc. 


d'histoire  et  de  littékature  167 

corriger  certaines  fautes;  rapporter  toutes  les  variantes  de  Ar,  B3,  4,  5, 
Ci.  Dans  les  1.  VII  à  X,  suivre  l'accord  de  Ai,  Ci,  D5,  saut  pour 
l'orthographe,  qui  sera  empruntée  à  Bi,  2.  Enfin,  dans  les  parties  qui 
manquent  aux  mss.  B,  s'en  tenir  à  Ai  et  Ci,  en  donnant  quelquefois 
(interdtim)  les  variantes  de  D5.  Enfin,  dans  les  derniers  chapitres,  ajou- 
ter les  leçons  Di  i  et  D12. 

Remarquons  d'abord  que  M.  A.  tient  plus  qu'il  ne  promet.  Outre  les 
mss.  qu'on  vient  de  nommer,  il  donne  la  collation  de  quelques  mss. 
qui  ne  renferment  que  des  morceaux  choisis  '.    Les  uns  sont  intéies- 
sants  surtout  au  point  de  vue  de  l'orthographe;  les  autres  sont  presque 
indispensables  pour  le  texte  de  Timportant  chapitre  final  (X,  3i).En  re- 
vanche, il  est  bien  regrettable  qu'on  ait  fait  aux  mss.  D  une  part  si  exi- 
guë. On  aimerait  à  connaître  mieux  les  mss.  G  aussi,  mais,  d'après  ce 
qui  vient  d'en  être  dit,   il  est  probable  qu'ils  n'auraient  qu'une  utilité 
assez  restreinte  pour  l'établissement  du  texte.  Au  contraire,  des  centai- 
nes de  leçons  adoptées  par  M.  A.  n'obtiennent  toute  leur  certitude  ou 
leur  probabilité  que   par  le  témoignage  de  D  ^;  beaucoup  d'autres,    re- 
jetées par  M.  A.,  ne  l'auraient  pas  été,  s'il  avait  accordé  à  D  l'attention 
qu'il    mérite   ''.   Mais   ceci    nous  oblige   à  examiner  de   plus   près    les 
principes  mêmes  de  M.  Arndt. 

1.  Un  ms.  de  Berlin  et  un  autre  de  L.aon,  qui  lui  ressemble  beaucoup  (,3  i  et  2)  ; 
celui  de  Paris  lat.  141 5  (V,  43);  enfin  trois  autres  mss.  pour  le  cli.  3i  du  1.  X. 
M.  A.  déclare  les  mss.  ji  proches  parents  de  B2.  Il  ne  peut  s'agir,  cependant  de  B2 
dans  les  1.  I  à  VI,  puisque  ,3  a  le  ch.  I,  47,  qui  manque  dans  B,  C,  et  qu'au  ch.  VI,  29, 
il  ne  s'accorde  avecB,  C,  ni  sur  les  leçons  les  plus  importantes,  ni  sur  les  omissions: 
deux  lacunes  de  toute  la  famille  B,  C,  ne  sont  pas  dans  ,5.  Pour  les  1.  Vil  à  X,  c'est 
autre  chose;  on  peut  citer  au  moins  une  rencontre  vraiment  signifîcaiive  ;  p.  435, 
37,  le  nombre  XVII  au  lieu  de  XVI.  Mais  il  y  a  aussi  des  ressemblances  frappantes 
avec  A.  Il  n'est  pas  impossible  que  le  texte  de  ,3  soit  tiré  d'un  ms.  différent  de  A,  D, 
de  la  même  famille  que  la  source  de  B,  pour  les  I.  VII  à  X;  il  se  peut  aussi  que  ji 
soit  pour  nous  le  seul  représentant  d'une  famille  éteinte  ;  son  peu  d'étendue  ne  per- 
met pas  d'en  juger  avec  certitude. 

2.  Quelques  exemples  seulement.  —  [,  2S,  p.  47,  i  scisinas  (scema///  D  4).  —  11,  32, 
p.  q3,  20,  poposcevit  (poposceret  D4).  —  III,  9,  p.  i  iG,  17  adiiiic.  Ici  et  dans  plu- 
sieurs des  passages  suivants,  les  crochets  doivent  tomber,  le  témoignage  de  A,  D, 
équivalant  à  celui  de  B,  C,  et  le  sens  exigeant  les  mots  omis  par  ces  derniers  mss. 
Ou  bien,  si  l'on  pense  qu'une  lacune  de  l'archétype  a  pu  être  comblée  par  conjec- 
ture, il  faudrait  frapper  de  la  même  marque  de  défiance  les  mots  omis  par  A,  D,  qui 
se  lisent  dans  B,  C.  —  III,  10,  p.  117,  7  ad.  —  111,  i5,  p.  124,  22.  framea.  —  IV, 
3o,  p.  i65,  16  autem.  —  IV,  Sg,  p.  173,  6  cecidit  et  mortiius  est  ;  D4  manque, 
mais  je  conclus  du  silence  de  Dom  Bouquet,  que  Di,  etc.,  portaient  cette  leçon,  qui 
est  d'ailleurs  conforme  à  l'usage  de  Grégoire;  cecidit  et  m.  est  se  lit  au  moins  douze 
fois  dans  Y  Histoire  des  Francs,  six  fois  dans  la  seule  Vie  de  saint  André,  etc.  — 
V,  18,  p.  210,  21  Marlinum.  Ici  M.  A.  lui-même  invoque  le  témoignage  de  D.  — 
V,  24,  p.  220,  5  quoque.  —  V,  40,  p.  235,  9  dignum.  —  VI,  3,  p.  246,  14  de  pace. 
—  VI,  6,  p.  249,  28  ius.  —  VU,  27,  p.  3o7,  25  e/.  —  VIll,  10  p.  33 1,  4.  lamentaret 
(D4);  etc.  Enfin,  tous  les  passages  où  la  leçon  de  B  est  contredite  par  Ai  et  confir- 
mée par  D. 

3.  Dans  tous  les  passages  qui  suivent,  je  m'appuie  sur  Ai,  D4  à  moins  de  men- 
tion contraire,  et  à  part  l'orthographe.— I,  6,  p.  30,  25  Nebroih;  comp.  curs.  stell.  4, 


1  68  RKVUE    CKITIQUK 

IJ  en  est  un,  d'abord,  qu'il  faut  pleinement  approuver,  c'est  la  distinc- 
tion qu'il  établit  entre  le  texte  proprement  dit,  les  mots  du  texte,  d'une 
part,  et  d'autre  part  la  manière  d'écrire  ces  mots,  c'est-à-dire  l'orlhoj^ra- 
phe  et,  dans  une  certaine  mesure,  la  grammaire.  On  peut  être  divisé 
sur  la  question  de  savoir  si  le  latin  de  Grégoire  était  aussi  barbare  en 
réalité  qu'il  l'est  dans  l'édition  de  M.  Arndt.  M.  Waitz,  dans  la  préface 
qu'il  a  mise  en  tète  du  volume,  paraît  en  douter.  J'inclinerais  plutôt 
du  côté  de  M.  A.,  et  j'aurai  l'occasion  ailleurs  de  développer  ce  point  de 
vue  '.  Mais  quelque  parti  qu'on  prenne,  tout  le  monde  sera  d'accord 
pour  reconnaître  que  le  latin  de  Grégoire  devait  êire  plus  barbare  qu'il 
ne  le  paraît  dans  les  éditions  anciennes,  et  dans  les  mss.  postérieurs  au 

—  I,  14,  p.  41,  16  appellabatur.  — I,  21,  p.  44,  g  liberatur. —  1,  48,  p.  53,  Z'j  jprae- 
iermittamiis.  —  II,  prol.  p.  58,  zopvaestit.  —  II,  2  p.  61,  20  substantiae  esseniiae- 
qiie,  digno  aqitas  unguine  {suv  ce  dernier  mot,  voir  plus  haut;  la  nouvelle  édition 
a  singulièrement  défiguré  cette  phrase;.  —  II,  g,  p.  74,  q  conmonet.  —  II,  g. 
p.  75,  II  Alanoriim  (B  a  mis  par  mégarde,  à  la  place  de  ce  nom  peu  connu,  celui  des 
Alamans,  qui  l'était  beaucoup).  —  II,  g,  p.  77,  3  amnes  (=  amnim.  —  II,  27,  p.  88, 
c^  retentationem.  —  II,  3i,p.  g2,  18  ibi.  — II,  32,  p.  g3,  23  ref;no  (comp.  <î4,  ii  : 
Godégisèle  considère  que  son  but  est  atteint,  bien  que  Gondebaud  soit  à  Avignon). — 
H,  34,  p.  g7,  3  melues  (Ai,  Di  ^=.  me  lui  s  D4).  —  II,  37,  p.  102,  j  palrata  (comp. 
X,  3,  p.  411,  i).  — 111,  18,  p,  128,  20  talon  se  îantamquc;  comp.  VI,  g,  p.  254,  37; 
uit.  pair.  17,  I,  p.  1233  R.  ;  gl.  conf.  42,  p.  g2g,  R.  ;  g8,  p.  g7g  R— IV,  18,  p.  i55, 
17  iussissit.  —  V,  I  [,  p.  200,  2  legali  (la  loi  et  les  prophètes;  David  est  compris  dans 
ces  derniers).—  V,  17,  p.  207,  24  caelebrauimus.  —  V.  18,  p.  3i3,  i  iienirem 
r=.uenerim  Aï,  D4';.  —  V,  18,  p.  2i5,  24  quod  ei  iam.  — V,  2g,  p.  223,  7  delegatur. 

—  VI,  33,  p.  275,  2  habititr.  —  VI,  40,  p.  281,  7  una,  una.  —  VII,  14,  p.  ^gg,  27 
putvefactas  astulas.  —  VII,  44,  p.  32 1,  2g  apostolicis  iAi,D5;  apostoloriim  D4, 
interpolation  très  naturelle);  Grégoire  dit  aposioUci  acius  dans  mir.  Andr.  prol., 
etc.  —  VII,  47,  p.  323,  24  quoniam  ipsorum  est  regnum  caelonan;  Grégoire  a  con- 
fondu deux  béatitudes  (Matth.  5,  3  etg),Bc  a  rétabli  l'une  d'après  la  Bible;  comp. 
I,  12,  p.  41,  3i  ;  V,  6,  p.  ig8,  46,  etc.  —  Vill,  7,  p.  33o,  i  ad  aeclesiam.  —  IX,  22, 
p.  38o,  18  plaga  iialde  m.  (plaga  ualida  m.  D4)  ;  1.  20  interitii  grauata;  h.\  a 
déplacé  ualde.  —  IX,  33,  p.  3go,  11  ingreditur ;  etc. 

I.  Voici,  en  deux  mots,  mon  opinion  sur  cette  question  fort  délicate,  je  le  recon- 
nais, et  que  je  n'ai  pas  la  prétention  de  trancher.  Sur  un  certain  nombre  de  points, 
nous  avons  des  indices  suffisants  pour  établir  la  manière  d'écrire  de  Grégoire  lui- 
même.  A  en  juger  par  ces  mots-là,  par  les  propres  déclarations  de  l'auteur  et  par 
diverses  considérations  d'une  nature  plus  générale,  il  est  permis  de  croire  que  Gré- 
goire, en  écrivant  ou  en  dictant,  faisait  autant  de  solécismes  et  de  barbarismes  que 
nous  en  trouvons  en  moyenne  dans  les  mss.  B,  et  que  lui-même  ou  son  secrétaire 
faisaient  autant  de  fautes  d'orthographe.  Mais  comme  cette  orthographe  et  cette 
grammaire  admettaient  indifféremment  plusieurs  manières  d'écrire  un  même  mot 
et  de  construire  une  même  phrase,  comme  cette  grammaire  et  cette  orthographe  si 
élastiques  étaient  aussi  celles  de  l'époque  et  des  plus  anciens  copistes,  ceux-ci  ont 
rendu  avec  une  g-ande  liberté  e  par  /,  o  par  u,  des  accusatifs  par  des  ablatifs,  etc., 
et  il  n'est  pas  possible  d'établir  dans  chaque  cas  particulier  comment  Grégoire  a 
écrit.  II  faut  se  contenter  de  remonter  aussi  près  que  possible  de  l'archétype.  Mais 
le  latin  de  l'archétype  doit  présenter  à  peu  de  chose  près  l'apparence  qu'avait  le  la- 
lin  de  Grégoire  lui-même.  Je  ne  puis  donc,  pour  ma  part,  qu'approuver  M.  A.,  qui 
n'a  voulu  ni  dépouiller  de  leur  physionomie  authentique,  ou  peu  s'en  faut,  les  clia- 
pitr^s  conservés  dans  les  mss.  anciens,  ni  essayer  de  conformer  à  ce  type  les  pages 
qui  ne  nous  ont  été  transmises  qu'après  avoir  été  modernisées  au  ix''  siècle. 


d'histoire  kt  Dr-;  littérature  169 

ix^  siècle.  On  est  donc  forcé  d'admettre  que  ces  derniers  inss.  ont  été  cor- 
rigés d'après  les  régies  de  la  grammaire  classique.  C'est  d'ailleurs  ce  qui 
ressort  avec  évidence  de  la  comparaison  des  mss.  anciens  avec  les  mss. 
récents,  et  de  mille  traces  de  cette  opération  encore  visibles  dans  ceux-ci. 
Mais  beaucoup  de  ces  mss.  dont  l'orthographe  est  falsifiée  n'en  sont  pas 
moins  dignes  de  confiance  à  d'autres  égards,  et  il  est  parfaitement  légi- 
time d'établir  sur  des  bases  différentes  le  texte  même  et  l'orthographe. 
En  cette  dernière  matière,  il  faut  s'attacher  surtout  aux  mss.  anciens  ; 
on  ne  peut  pas  toujours  procéder  méthodiquement,  contrôler  les  témoi- 
gnages les  uns  par  les  autres  et  mesurer  l'autorité  relative  des  mss.  à 
leur  degré  de  parenté  '.  Au  contraire,  on  peut  appliquer  cette  méthode 
au  texte  même  avec  une  grande  précision.  Et  c'est  ici  que  nous  devons 
avouer  que  les  principes  de  M.  A.  ne  nous  satisfont  pas  entièrement. 
On  doit  se  demander,  en  effet,  sur  quoi  repose  cette  préférence  presque 
exclusive  accordée  à  Bi  et  2  dans  les   livres    1  à  VI  •  ;   pourquoi  c'est 

1.  Je  ne  veux  pas  dire  qu'on  soit  livré  à  l'arbitraire.  Mais  la  méthode  est  moins 
simple  et  moins  sûre;  il  faut  se  fier  beaucoup  plus  à  une  seule  famille  de  mss.,  ou 
à  un  seul  ms.,  quelquefois  même  à  des  preuves  indirectes.  —  11,  9,  p.  yS,  3  l'ac- 
cord de  Ai,  B2,  Ci,  B3,  5  contre  Bi,  D4,  devrait  faire  admettre  adcomodus  par 
un  seul  m.  —  Le  génitif  en  i  pour  ii,  fréquent  surtout  dans  les  1.  I  à  VI,  est  suffi- 
samment attesté,  bien  que  faiblement.  Vil,   3i,  p.  3ii,  5  (Sergi)  et  IX,  20,  p.  "ijb, 

16  (  Vico  luli).  —  III,  5,  p.  112,  î3  subilum  Ci  et  X,  4,  p.  412,  25  subito  B2  :  il 
faut  lire  peut-être  supitttm  (:=  sopiium)  et  supito.  —  A  propos  d'orthographe,  quel- 
ques observations  encore.  —  H,  2,  p.  61,  17  on  écrirait  mieu.x  adhoc  (=^  adhuc),  et 
V,  II,  p.  200,  24  forasmovancum,  comme  p.  qS,  2  iiitra)nuraneum,  p.  3o3,  7  iii- 
framiiranea.  —  V,  34,  p.  227,  i3  etsi.  —  VIll,  3i,  p.  34G,  12  antefaiias,  comme 
p.  100,  6.  —  Frustra  {=.frusta),  que  M.  A.  admet  à  partir  de  V,  44,  p.  237,  zi 
(comp.  42},  est  attesté  déjà,  111,  i5,  p.  I25,  4,  même  par  D4,  et  V,  5,  p.  197,  même 
par  D5.  —  Le  ch.  IX,  12,  n'étant  fondé  que  sur  B2  et  D5,  on  se  demande  pour- 
quoi p.  368.  21.  on  n'écrirait  pas  avec  DbVabrinsi,  ce  qui  est  presque  régulier  dans 
les  1.  I  à  VI.  —  M.  A.  imprime  souvent  coena,  obscoenus,  moeror,  etc.,  et  cou- 
ramment, dans  la  seconde  partie,  oracio,  viiiicia,  etc.,  sans  variantes.  Pourtant 
même  à  supposer  que  co^«ci  etc.,  se  lise  quelquefois  dans  certains  mss.,  on  peut  être 
sûr  que  ce  n'est  pas  dans  tous;  et  si  Bi  et  2  donnent  souvent  ci  pour  ii  dans 
les  1.  VU  à  X,  ce  n'est  pas  sur  ce  point  qu'il  eût  fallu  les  suivre;  on  sait  trop  bien 
par  les  I.  I  à  VI,  que  celte  faute  était  assez  rare  dans  Tarchétype.  D'ailleurs  M.  A. 
ne  s'astreint  pas  absolument  à  conserver  l'orthographe  de  B,  même  quand  elle  est 
conforme  à  B  dans  la  première  partie;  voy.  336,  5i  tenturii  ;  337,  'i6  finissitque  ; 
3 17,  26  orbis  ,  etc. 

2.  Bi  et  2  sont  des  mss.  fort  remarquables,  sans  doute,  mais  nullement  infail- 
libles. Ils  ont  beaucoup  de  fautes  de  copie  et,  ce  qui  est  plus  propre  à  ébranler  la 
confiance,  des  interpolations.  On  en  jugera  par  quelques  exemples.  —  I,  24,  p.  43, 

17  liberauit  pour  librauit.  leçon  absolument  certaine,  grâce  à  l'accord  de  At,  65, 
C3,  7,  D4  et  au  texte  de  Rufin  (Euseb.  hist.  eccl.  I.  8,  14),  à  qui  Grégoire  em- 
prunte son  récit;  ce  texte  porte:  eleuauit  in  semet  ipsum  dexteram  ictumque  li- 
brauit: comp.  en  outre  h,  F.  p.  101,4  {libcrarel  B2);  25o,  25  (liberaret  Bi); 
267,  24;  273,  16;  277,  i;  209,  25;  3x0,  i;  3i9,  i6;  382,  23  (liberauit  Ci,  D5); 
390,  23  (liberauit  B2)  ;  439,  7  [liberatae  D5).  —  II,  i3,  p.  81,  9  seditio  pour  con- 
lisio,  [cousilio  dans  l'archétype,  que  B5  seul  a  bien  corrigé;  D4  porte  contentio). 
—  II,  28,  p.  go,  4  mittit  pour  dirigit  (Ai,  B4,  5,  D4).  —  II,  33,  p.  96,  6  uerberibus 
pour  urijls  (d'abord  changé   par  erreur  en  iierbis.  que  présentent  B3,  4,  et  dont  Bc, 


\JO  RIîVUK    CRlTfQUF. 

rnccorJ  de  A.  C,  D,  plutôt  que  de  A,  B,  D,  qui  fera  loi  dans  les  livres 
suivants;  pour  quel  moiif,  dans  les  chapitres  qui  manquent  à  B,  D  sera 
seulement  entendu,  et  Ci  écouté,  quand  pourtant  M.  A.  croit  ces  cha- 
pitres de  C  empruntés  à  un  ms.  A,  en  sorte  que  Ai  et  Ci  représent,^- 
raient  une  seule  et  même  famille. 

On  a  vu  que  tous  nos  mss.  remontent  à  deux  copies  (X  et  B,  ou  X  et  Y 
pour  les  1.  VII  ù  X)  d'un  exemplaire  fort  ancien  (a).  Chacune  de  ces 
copies  est  représentée  pour  nous  par  deux  groupes  de  mss.  (Ai,  et  Di 
à  12  =:  X;  Bi,  2,  Cl  à  8,  et  B3.  4,  5  rr  B)  issus  de  copies  au  second 
degré  (A  et  D  issus  de  X  ;  Bc  et  Bb  issus  de  B).  Dans  l'immense  majorité 
des  cas,  l'accord  de  trois  de  ces  groupes  contre  un  nous  fera  connaître  la 
leçon  de  a;  car  il  est  plus  probable  qu^un  copiste  (A,  par  exemple,  ou 
Bc)  se  sera  trompé,  que  si  deux  (D  et  B  dans  le  premier  cas,  Bb  et  X 
dans  le  second)  avaient  fait  la  même  faute  au  même  endroit.  Certaines 
erreurs,  cependant,  sont  si  faciles  à  commettre,  ou  si  habituelles  aux 
copistes,  certaines  altérations  volontairessont  si  séduisantes,  que,  quand 
il  s'agit  de  ces  fautes-là,  on  ne  peut  pas  se  fier  au  même  raisonnement. 
Souvent  on  écoutera  une  des  quatre  voix  plutôt  que  trois  '  ;  parfois 
aussi,  il  faut  l'avouer,  on  restera  perplexe  ^  C'est  ce  qui  pourra  arriver 
encore  lorsque  A,  D  d'une  part  et  Bc,  Bb  de  l'autre,  ou  bien  ailleurs 
A  et  D  seuls,  se  tiendront  la  balance,  et  que  le  sens  ne  fera  pas  distin- 
guer avec  certitude  la  leçon  préférable  ^.  Mais  cette  situation  ne  se  pré- 
sentera pas  souvent;  et  alors  même  il  restera  une  ressource,  utile  dans  la 
plupart  des  cas  :  comparer  des  passages  analogues,  s'enquérir  de  la  tour- 
nure préférée  par  l'écrivain. 

a  fait  uerberibus  ;  urbis  est  dans  A,  D,  et  retrouvé  par  conjecture  dans  B5).  —  il,  38, 
p.  102,  9  consolatione  pour  consolato  {=  consiilatu) .  —  VIII,  20,  p.  338,  44  Euua 
pour  ceii  iiirwn:  etc.  Je  ne  cite  aucun  exemple  de  simples  fautes  de  copie,  parce 
qu'on  en  trouvera  à  chaque  page  dans  les  notes  de  M.  Arndt. 

1.  I,  q.  p.  38,  i5  ligans  Ci,  3,  D4,  legcns  les  autres;  c'est  legans  {^  ligans  ; 
comp.  Genèse  37,  7),  que  la  majorité  des  copistes  a  mal  compris  et  mal  coirigé.  — 
II,  3,  p.  64,  28  ablata  dolore  (Bi,  2,  Ci,  seuls)  est  confirmé  par  s.  Mart.  III, 
02,  p.  ioq7  R.  ablaia  omni  dolore  (mss.  de  Paris  2204  et  22o5).  —  VII,  18,  p.  337, 
6  pacatum  populum  a  été  corrigé  d'après  la  grammaire  par  B  et  D. 

2.  II,  23,  p.  87,  ()  hidus  temporis  \^ï,  2,  Ci,  pour  Indus  tempore  :  est-ce  lutins 
qui  a  entraîné  le  copiste  à  mettre  un  second  génitif?  est-ce  la  confusion  de  is  et  e 
qui  remonte  jusqu'à  Grégoire  lui-même  ?  (comp.  p.  1 13,  9  et  i36,  3i  tune  tempore  ; 
123,  I  opere;-iC)6,  23  latere).  —  111,  i5,  p.  i23,  2  manducare  B,  C,  mandi  Ai,  Dj, 
4;  etc. 

3.  II,  5,  p.  66,  18  et  p.  67,  4  dci  B,  C,  domini  A,  D.  —  VI,  35,  p.  273,  6  oc- 
ciimbere  lecto  B,  C,  o.  leto  A,  D  :  à  première  vue,  lecto  paraît  inadmissible;  mais 
comp.  gl.  m.  71,  p.  801,  R.;  s.  Mart.  III,  44,  p.  iio3R.,  lectulo  0.,  à  côté  de  h.  F. 
Vil,  22,  p.  3o4,  27  laeto  subcumbere;  enfin  uil.  pair.  8,  7,  p.  1190,  R.  laeto  o. 
Paris.  2204,  le///io  0.  Paris.  2203.  —  En  certains  cas,  on  adoptera  la  leçon  d'une  des 
deux  branches,  sans  trop  se  demander  si  cette  leçon  est  duc  à  la  tradition  ou  si  elle 
a  été  retrouvée  par  conjecture  :  V,  28,  p.  222,  21  discripiionum  ;  V,  12,  p.  257,  5 
ciuiiates  ;  etc.  —  Ailleurs,  il  faudra  bien  se  faire  une  règle,  ci  alors  B,  C  l'emporiera 
sur  A,  D,  parce  qu'il  y  a  moins  d'intermédiaires  entre  B,  C  et  a,  et  D  sur  A,  parce 
qu'on  a  plusieurs  témoignages  sur  D  et  un  seul  sur  A. 


D  HISTOIRR    KT    DI^.    LITTKRATURE  171 

On  doit  comprendre  maintenant  Tintérêt  qu^il  y  aurait  à  connaître 
plus  complètement  la  leçon  de  D,  même  là  où  B  existe.  Dira-t-on  qu'une 
collation  de  plus  eût  pris  bien  de  la  place  dans  un  livre  déjà  si  chargé 
de  notes  critiques?  Personne  ne  voudra  faire  cette  objection,  si,  en  con- 
sultant D,  on  obtient  un  texte  plus  pur  et  plus  sûr.  Et  puis,  il  y  avait 
un  moyen  de  gagner  beaucoup  de  place,  c'était  de  citer  les  leçons  de  D, 
c'est-à-dire  les  leçons  communes  à  plusieurs  mss.  D,  sinon  à  tous,  au 
lieu  de  celles  de  D5  seul.  En  Joignant  à  D5  le  seul  D4,  je  m-e  suis 
convaincu  que  des  centaines  de  variantes  tirées  de  D5  par  M.  A.  pour- 
raient être  retranchées  sans  inconvénient,  et  au  plus  grand  profit  de  la 
simplicité  et  de  la  clarté  des  notes.  Toutes  les  fois,  en  effet,  que  D4  se 
trouve  d'accord  avec  A,  B,  C,  contre  D5,  il  est  évident  que  c'est  D4,  et 
non  D5,  qui  a  conservé  la  leçon  de  D;  comment,  en  efl'et,  D4  aurait-il 
connu  la  leçon  de  X,  s'il  ne  l'eût  trouvée  dans  D?  Or,  si  D  portait  la 
même  leçon  que  A,  B,  C,  adoptée  aussi  dans  le  texte,  il  n'y  avait  pas 
lieu  de  rien  dire  en  note  d'aucun  ms.  D. 

Voilà  pour  les  livres  I  à  VI.  Dans  la  seconde  partie,  pourquoi  serait-ce 
l'accord  de  A,  C,  D,  qui  devrait  l'emporter  toujours?  Celui  de  A,  B,  D, 
est  pour  le  moins  aussi  digne  de  foi  ;  car  la  nature  incertaine  de  C  fait 
que  B  est  pour  nous  le  seul  représentant  tout  à  fait  sûr  de  Y  ;  et  B,  C 
valent  autant  que  A,  D.  Aussi,  M.  A.  n'a  pas  pu  appliquer  d'une  ma- 
nière conséquente  le  principe  énoncé  dans  la  préface.  Il  a  dû  adopter  des 
leçons  de  A,  B,  D,  de  A,  D,  et  même  de  B  tout  seul  K  Enfin,  il  accorde 
à  B  une  importance  vraiment  excessive,  en  plaçant  entre  crochets  tous 
les  mots  que  les  mss.  B  ont  omis.  On  aurait  évité  ces  hésitations  et  ces 
inconséquences  en  prenant  pour  règle  l'ordre  généalogique  des  mss. 
tel  qu'il  a  été  esquissé  plus  haut. 

Il  faut  ajouter  un  mot  enfin  sur  les  chapitres  qui  ne  se  lisent  que 
dans  A  et  D.  Ici,  on  est  obligé  de  choisir  entre  A  et  D,  en  se  fondant 
sur  le  sens,  quand  il  offre  des  motifs  de  choix,  sur  l'observation  du  vo- 
cabulaire et  de  la  grammaire  de  Grégoire,  quand  le  sens  est  indifférent  -. 
Mais  c'est  ici,  où  D  possède  non  plus  seulement  un  quart  de  l'autorité 
totale  de  la  tradition,  mais  une  moitié,  qu'il  apparaît  surtout  clairement 
combien  il  importerait  de  connaître,  au  lieu  d'un  représentant  de  D, 
avec  tous  les  écarts  qui  lui  sont  particuliers,  le  ms.  D  même,  recons- 

1.  A  tort,  selon  nous,  VIII,  i3,  p.  333,  8,  où  la  place  même  de  )ion  trahit  l'inter- 
polation (peut-être  faut-il  lire  nitllitm  aliiim)  ;  X,  g,  p.  416,  i^fueris  me  :  pourquoi 
suivre  B  ici  plutôt  qu'à  la  ligne  i5  ^  Mais  souvent  B  seul  a  gardé  la  leçon  véritable  : 
VIII,  i5,  p.  333,  26  Eposiwn;  VIII,  18,  p.  337,  i^  citra;  VIII,  19,  p.  33;,  3o  in 
terra;  IX,  35,  p.  Sgi,  (3  infilicem;  etc. 

2.  II,  16,  p.  82,  ig,  le  texte  de  D  in  altttm  infra  capsum  iisque  cameram  (d'après 
D4  et  Ruinart  :  M.  A.  ajoute  id  est,  probablement  par  erreur)  est  bien  préférable  à 
celui  de  Ai,  dont  on  adoptera  cependant  les  ablatifs  alto  et  capso.  —  VI,  36,  p.  276, 
35  aliquem  est  faux;  les  complices  du  meutrier  savent  ce  qu'il  fait  et  tandem  prouve 
que  scientem  se  rapporte  à  l'évêque.  Lisez  donc  avec  D5  aliquid  ;  comp.  )nir.  Andr. 
18  lit  nihil  de  Iiis  aiiquid  doleret;  Fortunat,  X,  2,  i  nihil  est  in  aliquo  aliquid 
magis  qiiod  cniciet. 


I  7-  KKVUE    CRITIQUE 

truit  par  la  méthode  indiquée  plus  haut,  ou,  en  d'autres  termes,  les  le- 
çons communes  à  plusieurs  mss.  D  '.  Ces  leçons-là  seules  méritent  d'ê- 
tre mises  en  regard  de  celles  de  A,  pour  lequel,  par  la  force  des  cho- 
ses, nous  devons  au  contraire  nous  contenter  du  seul  représentant 
existant,  A  i  -. 

On  voit  que  nous  ne  donnons  pas  TéJition  de  M.  A.  pour  définitive, 
compliment  banal,  qui  ne  peut  faire  plaisir  qu'à  ceux  qui  ne  savent  pas 
ce  que  c'est  que  faire  une  édition.  Mais  grâce  à  ses  soins,  nous  avons 
en  mains  presque  tous  les  matériaux  nécessaires  pour  retrouver  le 
texte  authentique  de  Grégoire  ;  ce  texte,  il  l'a  lui-même  rétabli  dans  la 
plupart  des  cas,  et  la  critique  n'a  désormais  qu'à  marcher  dans  la  voie 
ouverte  par  lui.  Cet  article  est  trop  long  déjà  pour  que  nous  essayions 
de  proposer  et  de  justifier  quelques-unes  des  émendations  désormais 
possibles  ^.  Signalons  un  point  seulement  sur  lequel  l'attention  pourra 
se  porter  avec  fruit,  et  qui  est  autant  affaire  d'interprétation  que  de 
critique,  je  veux  dire,  la  ponctuation.  Il  existe  un  nombre  considéra- 
ble de  passages  où  la  ponctuation  eût  pu  être  corrigée  déjà  dans  la 
vulgate,  et  d'autres  où  elle  doit  Tétre  pour  se  conformer  au  texte  nou- 
veau "*. 


1.  En  considérant  D5  comme  équivalent  de  D,  il  est  arrivé  à  M.  A.  d'introduire 
dans  le  texte  (entre  crochets,  il  est  vrai)  un  mot  qui  ne  méritait  même  pas  d'être 
mentionné  en  note,  autem  V,  5.  p.  ig5,  19.  Ce  mot  manque  dans  Ai,  dans  D4,  et, 
selon  toute  probabilité,  puisque  Ruinart,  D.  Bouquet  et  Guadet  ne  l'ont  pas  admis, 
dans  les  autres  mss.  D.  C'est  donc  une  pure  fantaisie  de  D5.  —  V,  49,  p.  241,  25 
me  (D5),  doit  céder  la  place  à  nam  (Ai,  D4;.  —  IX,  12,  p.  36g,  i3  cordis  dolore 
n'a  d'autre  autorité,  dans  la  nouvelle  édition,  que  D5.  Or,  D4  porte  dolore  cordis. 
—  Toute  la  page  377  repose  sur  B,  C  seuls,  à  cause  de  lacunes  de  Ai  et  D5.  Jus- 
tement dans  cette  page,  D4  porte  une  trace  d'orthographe  ancienne  (leodes)  et  une 
leçon  qui  est  au  moins  spécieuse  (1.  ib  absohitus). 

2.  Le  ch.  II,  I,  qui  manquait  primitivement  à  D5,  a  été  ajouté  après  coup  à  ce 
ms.,  d'après  un  ms.  A.  De  même  selon  toute  probabilité  les  ch.  IV,  32,  34,  35  à  Di. 
Peut-être  aussi  le  ms.  de  Paris  145 1  appartient-il  à  la  famille  A.  Mais  il  ne 
paraît  pas  qu'il  s'en  soit  conservé  d'autres  traces.  Voir  plus  haut  ce  qui  a  été  dit 
de  A2. 

3.  I,  II,  p.  40,  23  probantiir  rédsimQ  un  complément  tel  que  tribulationibiis,  par 
exemple.  —  I,  25,  p.  46,  2  argumenttim  me  paraît  dénué  de  sens;  faut-il  lire  ar  ■ 
gutum?  ou  argutissimum?  —  I,  47,  p.  5^1,  8  pour  nunquid,  lisez,  en  changeant  un 
petit  trait,  nunquam.  —  I,  48,  p.  56,  18  uiiiebant  se  comprendrait  mieux  que  uide- 
bantiir.  — III,  18,  p.  128,  8  pour  incestatur,  lisez  incentor  (Di2).ou  peut-être /H5ff- 
ccitur  (—  instigator).  —  VIII,  3o,  p.  345,  9  pour  depcndat  lisez  desccndat  (comp. 
mir.  Andr.  i  ne  descendat  ira  dei  super  ciuitatem  hanc);  etc. 

4.  11,  32,  p.  95,  6  mettez  une  virgule  entre  consilium  et  licet  (h  cause  de  l'ordre 
des  mots).  —  m,  prol.  p.  109,  6  point  et  virgule  après  confitemur  ;  1.  7  sancti  confi- 
tcmur,  et  triniim,  etc.  —  111,  i3,  p.  120,  8  si  ita  est,  hoiie  pessumdatus  numquam 
eregeris.  —  III,  i5,  p.  I23,  23,  point  et  virgule  après  potii  ;  virgule  après  dw5.  — 
IV,  16,  p.  i54,  3  virgule  après  retenere.  —  IV,  36,  p.  170,  24  virgule  après  sancti - 
tatis.—  V,  39,  p.  232,  24  nobis  obtenentibus  ad  régi  (=^  ab  rege),  abire  permisit 
(comp.  p.  367,  7  liber  abirei)  ;  comment  le  malheureux  irait-il  trouver  le  roi,  qui  l'a- 
vait probablement  fait  livrera  la  reine?  —  V,  40,   p.  233.  r   transporter  la  virgule 


D'HISTOIKK    KT    DK    I.lTTÉKATUlîK  1  7  :) 

L'interprétation,  pour  laquelle  on  trouve  de  précieux  secours  chez 
Ruinarr,  n'a  pas  été  négligée  par  M.  Arndt.  Identitkation  des  noms  de 
lieux,  faite  le  plus  souvent  d'après  M.  Longnon  ',  renvoi  aux  sources 
de  Grégoire  -  et  parfois  à  des  récits  parallèles,  explication  de  certains 
mots  rares  ^,  éclaircissements  sur  les  faits  ni:;ntionnés,  tout  cela  trouve 
sa  place  dans  une  seconde  série  de  notes  placées  au  bas  des  pages,  et 
dont  les  lecteurs,  même  les  plus  versés  dans  ces  questions,  sauront  gré  à 
l'éditeur. 

La  disposition  matérielle  du  volume  est  celle  de  toute  la  nouvelle  col- 
lection in-4°,  beau  papier,  impression  très  nette  "*  et  généralement  cor- 


après  siiam  et  VU,  29,  p.  ?io,  26  après  regionem  :  comp.  IV,  3q,  p.  ijS,  (o.  — 
VI,  3,  p.  246,  Il  pactioiiem,  subscriptis  ea.  qiiaelociUifuerant,Jinnaucnmt;  comp. 
VI,  i5,  p.  258.  25;  VII,  6,  p.  293,  28.  —  IX,  3,  p.  36o,  5   «  sic  enim  U-actaitit  qui 

me  misit,  quia  ««  cognouit ueiberitin-  >:p  ».  —   IX.  2?,  p.  ?8o.   25,  virgule  après 

esiis;  etc.  —Corrigez  encore  d'après  la  traduction  de  M.  Giesebrecht,  p.  45,  14;  48, 
3;  96,  16;  II 5,  8;  iSj,  6;   160,  6;  216,  22;  388,  12  ;  398,  16;  442,  34,  etc. 

1.  VI,  4,  p.  247,4  un   renvoi  à  Longnon,  Géogr.  de  la  Gaule  (p.  421),  serait  utile; 
de  même  pour  quelques  autres  noms  de  villes  peu  connus. 

2.  I,  10,  p.  39,  I  comp.  Prudence,  Psych.  655;  c.  Symm.  11,494.—  II,  i3,  p.  So, 
52.  Les  mots  uel  mine  Pegasium  Pctrocoris  (p.  81,  3),  placés  à  la  fin  de  l'énumé- 
ration,  font  penser  que  c'est  Paulin  de  Périgueux  qui  parle;  dans  ce  cas,  on  doit 
conclure  de  nunc,  que  Pégase  vivait  dans  la  seconde  moitié  du  V  siècle,  et  non  au 
commencement,  comme  le  pensent  les  auteurs  du  Gailia  Clirisiiana  (II,  p.  1450,  D  . 
—  Il,  2g,  p.  go,  10  et  II,  3i.  p.  92.  9,  comp.  Sulp.  Sev.  uit.  Mart.  14.  7.  —  IV,  46, 
p.  182,  3,  comp.  Virg.  En.  Il,  2Ô5.  —  V,  35,  p.  228,  3,  le  mot  caractéristique,  sus- 
piria,  n'est  pas  dans  Virgile,  En.  I,  Syi  ;  il  faut  croire  que  Grégoire  a  emprunté  sa 
phrase  au  langage  poétique  courant,  dans  lequel  nous  la  trouvons  pour  la  première 
fois  chez  Ovide,  met.  II,  753.  —V,  35,  p.  228,  49.  Giégoire  devait  connaître  la 
mort  d'Hérode  et  sa  féroce  vengeance  anticipée  par  Rufin  'Euseb.  Hist.  Eccl.,  I, 
8,  1 3),  plutôt  que  par  Josèphe  ;  comp.  p.  45,  i5.  —VI,  36,  p.  276,  27  Virg.  i>i/f.  i, 
16.  —  VI,  40,  p.  280,  8,  le  grec  est  inutile,  la  Vulgate  aussi  povX.t  secundum  carnem. 
On  voit  combien  les  citations  de  Grégoire  sont  peu  sûres,  puisqu'ici  il  invente  le  mot 
sur  lequel  porte  son  raisonnement  !  —  VI,  40,  p.  280,  i3.  Vulgate  :  facerem  saluas, 
et  un  peu  plus  loin,  lucri  facerem. 

3.  Sur  ce  point,  il  était  difficile  que  le  choix  ne  fût  pas  un  peu  arbitraire.  Tel 
mot,  en  effet,  qui  se  trouve  dans  tous  les  dictionnaires  (p.  36i,  5i\  est  expliqué  : 
d'autres,  qui  manquent  même  dans  le  dictionnaire  de  M.  Georges,  ne  le  sont  pas 
{uohicrum  ou  uoluclum,  metatum,  etc.);  tel  enfin  qui  avait  paru  déjà,  p.  86,  32; 
102,  II  ou  i5o,   12,  n'est  expliqué  qu'à  la  page  i23  ou  3i5. 

4.  Déparée  malheureusement  par  les  renvois  aux  notes  faits  au  moyen  de  lettres. 
Ce  système,  si  peu  agréable  à  l'oeil,  est,  en  outre,  fort  incommode;  sur  les  pages  où 
les  notes  sont  nombreuses,  toutes  les  lettres  de  l'alphabet  reviennent  jusqu'à  trois  et 
même  quatre  fois,  de  sorte  que,  en  cherchant  une  note  m),  par  exemple,  on  erre  in- 
certain entre  quatre  notes  désignées  par  cette  lettre.  —  11  est  bien  regrettable  aussi 
qu'on  n'ait  pas  rappelé  en  marge  les  anciens  numéros  des  chapitres,  et  même  les 
pages  de  l'édition  Ruinart.  Celle-ci  restera  indispensable,  à  côté  de  la  nouvelle  édi- 
tion, pour  vérifier  les  citations  faites  n'importe  où,  jusqu'à  ce  jour!  —  Enfin,  cn;re 
le  texte  et  les  notes,  on  trouve  l'indication  des  mss.  qui  contiennent  chaque  chapitre. 
11  eût  été  plus  utile  d'en  donner  le  tableau  dans  la  préface  ou  à  la  î\n  du  volume,  et 
d'indiquer  à  la  place  dont  nous  parlons,  comme  c'est  l'usage,  les  mss.  qui  sont  d'ac- 
cord avec  le  texte,  à  moins  de  mention  contraire  dans  les  notes. 


174  KKVIJK    CKITigUK 

recte  \  A  la  fin  quatre  planches  de  fac-similés  des  principaux  mss..  l'un 
photolithographic,  les  autres  faits  à  la  main  très  habilement. 

Max  Bonnet. 


33.  —  Lo  ï»8autîer  «le  Metz,  texte  du  xiv'=  siècle,  édition  critique,  publiée 
d'après  quatre  manuscrits,  par  François  Bonnardot.  Tome  I,  texte  iinégral,  un 
vol.  petit  in-8,  de  464  pages.  Paris,  Vieweg,  1884  (sur  la  couverture,  i885). 
Tome  III  de  la  Bibliothèque  française  du  moyen  df^e. 

En  1881,  paraissait  dans  la  collection  d'anciens  textes  français  que 
dirige  M.  Fœrster,  une  édition  du  Psautier  Lorrain  due  aux  soins  d'un 
jeune  romaniste,  mort  depuis,  Friedrich  Apfelstedt  -.  C'est  une  seconde 
édition  de  ce  texte  que  donne  aujourd'hui  M.  François  Bonnardot,  et 
cette  seconde  édition  ne  fait  pas  double  emploi  avec  la  première;  car  elle 
repose  non  seulement  sur  le  ms.  de  la  Bibliothèque  Mazarine,  mais 
sur  d'autres  mss.  et  fragments  dont  le  premier  éditeur  avait  ignoré 
l'existence  (Bibl.  nation.  ;  f.  fr,  9272;  British  Muséum  Harléien  4327-, 
Bibl.  d^Epinal). 

Ce  premier  volume  ne  donne  que  le  texte  de  la  Mazarine,  et,  courant 
au-dessous,  les  variantes  du  ms.  Harléien  et  la  leçon  complète  du  ms. 
de  la  Bibl.  Nat.  La  description  des  mss.,  la  discussion  des  variantes  et  de 
la  méthode,  Tétude  historique,  littéraire  et  gramrnaticale,  les  appendices 
et  le  glossaire  sont  réservés  pour  une  deuxième  partie  actuellement 
sous  presse.  Nous  ne  pouvons  donc  en  ce  moment  qu'annoncer  cette 
publication,  nous  réservant  de  l'apprécier  quand  nous  aurons  entre  les 
mains  l'œuvre  tout  entière. 

Notons  ici  quelques  observations.  Le  texte  courant  dans  l'édition 
Bonnardot  et  Tédition  Apfelstedt  est  celui  de  la  Mazarine.  Nous  avons 
coUationné  pour  les  dix  premiers  poèmes  les  deux  éditions  et  nous  avons 
noté  quelques  divergences  :  IV,  p.  :  Bonnardot  :  (vous  qui  dittes  et 
parlei\  en  vos  cuers  secrètement... ;  Apfelstedt  :  dute:{.  —  Vil,  2,  B.  : 
que...  li  lyons  d'enfer  ne  ravisse  mon  avmepour  li  tueir...;  A.  :  anrme. 
VII,  5,  B.  :  retourner  en  pourre  et  en  poucieire;  A.  :  pourieire.  — 
VIÏ,  II,  B  :  qui  salve  les  droiturieirs  de  cuer ;  A  :  droituriers.  -  Ces 
divergences  sont-elles  voulues? 

A.   Darmesteter. 

P.  S.  —  Je  profite  de  l'occasion  qui  m'est  donnée  ici  pour  revenir 
sur  un  ouvrage  de  la  collection   Fœrster,  dont  j'ai  parlé  dans  un  nu- 

1.  Il  est  probable  que  l'erraia  du  second  volume  nous  éclairera  sur  certains  pas- 
sages où  l'on  peut  se  demander  s'il  y  a  faute  d'impression  ou  si  le  texte  reçu  a  été 
changé  d'après  les  mss. 

2.  Lolhringer  Psalicr  (Bibl.  Mazarine,  n"  798),  altfran^oesische  Uebevset:{ung 
des  XIV  Jahrhunderts,  zuni  ersten  Mal  herausgegeben,  von  Friedrich  Apfelstedt, 
Heilbronn  1881.  —  Voir  la  Revue  critique  àc  l'année  i88'3,  t.  I,  p.  408. 


n  HlSrOIKH    KT     DE     L!TyKR.\rUHK  IjS 

méro  précédent,  V Orthographia  gallica,  publiée  par  M.  Sturzinger  (voir 
Revue  critique,  1884,  n°  35,  p.  iSy).  M.  S.,  dans  une  lettre  privée, 
réclame  contre  une  ou  deux  de  mes  assertions,  et  je  lui  donne  volontiers 
acte  de  sa  courtoise  réclamation.  Je  disais  que  dans  la  constitution  de  son 
texte  il  avait  réuni  «  les  divers  mss.  connus,  publiés,  analysés  ou  sim- 
plement indiqués,  qui  contiennent  les  documents  sur  la  langue  fran- 
çaise «  ;  j'aurais  dû  dire  que  la  plupart  de  ces  documents  (les  deux  tiers) 
n'avaient  pas  encore  été  signalés  ou  reconnus.  Je  regrettais  qu'il  n'eût 
pas  souligné  le  vocabulaire  de  Gautier  de  Biblesworth  et  la  grammaire 
hébraïque  française  que  j'ai  publiée.  Il  me  répond  que  ces  textes  n'in- 
téressaient qu'indirectement  son  sujet,  qui  était  la  grammaire  française 
et  la  grammaire  française  en  Angleterre  au  moyen  âge.  Ici,  qu'il  me 
permette  de  persévérer  dans  mon  appréciation  et  de  croire  qu'il  aurait 
pu  agrandir  quelque  peu  le  sujet  de  l'étude  qui  sert  d'introduction  à 
son  Orthographia  gallica  ;  il  Taurait  rendue  plus  intéressante,  en 
embrassant  Tensemblc  de  la  littérature  grammaticale. 


VARIETES 


IVotCÉà    «i'uroliêologie     ui^ieutale. 

XX 

Nouvelles  observations  sur  l'inscription  nabatéenne  de  D'meir  ' . 

Le  nom  de  Gadlou,  la  maîtresse  de  Taffranchi  Hanâou,  qui  a  élevé 
la  stèle,  peut  être  rapproché  du  nom  d'homme  palmyrénien  Gadilat 
(de  Vogué,  n»  m);  celui  du  père  (et  non  de  la  mère)  de  Gadlou,  qui 
est  peut-être  à  restituer  en  [Blagrat,  du  nom  Bi^pa-cç,  figurant  dans 
deux  inscriptions  de  D'meir  même  \ 

Adramou  le  stratège  et  son  frère  Neqidou,  fils  de  Gadlou,  sem- 
blei-.t,  d'après  le  grand  texte,  avoir  eu  pour  père  Abdmalkou  le  stra- 
tège. Leurs  noms  se  trouvent  répétés  au-dessous  de  deux  des  bustes 
sculptés  en  haut  de  la  stèle;  là  ils  sont  accompagnés  chacun  du  mot  bar, 
hls,  suivi  d'une  lettre.  M.  Sachau  prend  cette  lettre  pour  un  AT,  et  sup- 
pose qu'elle  appartient  à  un  nom  disparu  accidentellement  dans  les  deux 
épigraphes  :  Malkou,  abrégé  de  Abdmalkou.  Une  pareille  abréviation 
est  de  la  plus  haute  invraisemblance  ;  de  plus,  il  n>  a  pas  trace  de 
fruste  dans  \q  fac-similé;  enfin  la  lettre  prise  pour  Af  semble  bien  plu- 
tôt être  un  hé  nabatéen  avec  sa  forme  finale.  Je  propose  de  lue  m2,  son 
fils.  Les  bustes  se  succéderaient  ainsi  avec  leurs  épigraphes  : 


1.  Cf.  Revue  critique,  2  février  i885,  p.  88  et  suiv. 

2.  Waddington  n°  25Ô2,  h  et  i. 


\--f)  RKVUK    CRITIQUK 

Hcindoii  ■'  Adramou,  son  fils  —  Neqidou,  son  fils. 

Cette  disposition  me  paraît  lormellement  JListitiée  par  une  insciiption 
paimyréniennc  '  et  par  les  légendes  des  monnaies  nabatéennes  représen- 
tant la  tête  du  roi  associée  à  celle  de  la  reine,  sa  mère  ou  sa  sœur. 

11  en  résulterait  que  Hanâou  aurait  été  non  seulement  l'affranchi  mais 
le  mari  de  sa  maîtresse  Gadlou.  L''antiquité  nous  a  conservé  des 
documents  explicites,  bien  que  rares,  sur  la  réalité  de  ce  genre  d'u- 
nion. L'objection  qu'on  pourrait  tirer  du  silence  gardé  par  Tinscri- 
ption  sur  l'existence  de  ce  lien  entre  Gadlou  et  Hanàou  peut  être 
levée  par  Tinscription  palmvrénienne  et  latine  de  South  Shields  où 
Regina,  liberta  et  conjux  de  Baratès  d'après  la  partie  latine,  est  simple- 
ment dite  affranchie  de  Baratès  dans  la  partie  palmyrénienne.  Il  s'en 
suivrait  que  Adramou  et  Neqidou  seraient  indiquées  peut  être  comme 
iils  par  adoption  -  de  Abdmalkou  le  stratège. 

En  ce  qui  concerne  la  date  410  de  l'ère  des  Séleucides  et  Texpression  : 
selon  le  comput  des  Romains,  j'ajouterai  quelques  mots  à  ce  que  j'ai 
dit.  Il  est  probable  que  cette  expression  a  trait  à  la  giande  moditication 
introduite  par  les  Romains  dans  le  calendrier  svro-macédonien  pour 
l'adapter  au  calendrier  julien  de  César  régularisé  par  Auguste;  l'année 
lunaire,  avec  mois  intercalaire,  jusque  alors  en  usage  en  Syrie,  fut, 
comme  on  l'admet  généralement,  convertie  par  les  Romains  en  une 
année  solaire  Hxe'^.  L'expression  bcmuryan arhomaya,  signifierait  donc: 
selon  la  manière  de  compter  des  Romains  ;  comme  nous  disons,  vieux 
style,  QX.  nouveau  style  ;  et  ne  serait  pas  proprement  la  dénomination 
de  Vère  des  Séleucides,  mais  la  déHnition  de  la  manière  nouvelle  de 
la  calculer.  La  formule  serait  en  conséquence  à  concevoir  comme 
équivalant  à  :  dans  le  mois  de  Yar  de  l'an  410  (des  Séleucides]  cal- 
culé selon  le  calendrier  des  Romains. 

En  un  mot,  si  l'on  n'avait  pas  voulu  spécifier  expressément  ce  mode 
spécial  de  comput,  il  est  à  supposer  que  Ton  aurait  mis  l'an  410,  tout 
court,  ce  qui  aurait  signifié,  comme  dans  toutes  les  inscriptions  grecques 
de  Syrie  et  comme  dans  les  inscriptions  palmyréniennes,  Van  410  des 
Séleucides,  sans  qu'il  fût  besoin  de  nommer  cette  ère. 

XXI 

Les  noms  propres  nabatéens  pseudo-ihéophorcs 

Les  inscriptions  n.ibatéenncs  nous  ont  révélé  Texistence  d'une  catc- 


1.  De  Vogué,  n°  33^. 

2.  Min  al  iaama?  [.'on  pourrait  pci!t-être  soiii^er  aux  dérives  trùs  nombreux  de 
la  racine  taam  ayant  l'acception  de  grejjfc,  greffer? 

3.  Ideier,  Handbuch  der  mathcmat.  und  tcclin.  Chronologie  I.  433.  Je  n'ai  pas 
besoin  d'insister  sur  l'imporiance  de  notre  document  qui, ainsi  interprété,  introduit 
dans  ce  grave  problème  chronologique  si  discuté  un  élément  a"une  valeur  ca|ilale. 


D  iMStOÎH;-;    El     UK     LSI  IF.lt  \T  [i!!K  I77 

gorie  de  noms  propres  d'hommes  assez  singuliers,  ayant  les  apparences 
de  noms  théophores  :  Abdinalkou,  Abdobodat.  Abdhartat  '. 

D'après  Fusage  constant  des  langues  sémitiques,  ces  noms,  semblables 
à  ceux  de  Abdbaal,  «  serviteur  de  Baal  »,  Abdastoret,  «  serviteur  d'As- 
tarté  »,  etc.,  devraient  être  considérés  comme  formés  du  mot  Abd, 
i(  esclave,  serviteur  »  en  combinaison  avec  des  noms  de  dieux  :  Malkoii, 
Obodat,  Hartat.  Or  Malkou,  Obodat,  Hartat,  ne  sont  pas  des  noms 
de  dieux  mais  des  noms  d'hommes. 

Comment  expliquer  cette  anomalie? 

Malkou,  Obodat  et  Hartat  présentent  tous  trois  cette  particularité 
d'avoir  été  portés  par  des  rois  de  la  dynastie  nabatéenne. 

J'en  conclus  que  c'est  à  litre  de  noms  royaux  qu'ils  ont  dû  être  utili- 
sés comme  éléments  divins  dans  la  composition  de  ces  noms  pseudo- 
ihéophores. 

Cette  théorie  implique  l'existence  d'un  véritable  culte  rendu  aux  rois 
nabatécns,  conformément  à  l'usage  ptolémaïque.  ils  devaient  recevoir, 
sinon  de  leur  vivant,  tout  au  moins  après  leur  mort  les  honneurs  défi- 
nitifs de  Tapothéose,  ainsi  que  l'indiquent  un  passage  d'Uranius  '  et  le 
protocole  même  qui,  dans  les  inscriptioi.s,  leur  est  commun  avec  les 
dieux  nabatéens  [Marana^  «  lîotre  Seigneur.  »)  Rien  d'extraordinaire 
dès  lors  si  les  noms  de  ces  monarques  passés  à  l'état  des  dieux  ont 
fourni  leur  contingent  aux  combinaisons  ordinaires  de  l'onomastique 
théophore. 

Il  est  frappant  de  voir  que  ces  noms  étaient  portés  de  préférence  par 
les  artistes  qui  ont  exécuté  les  remarquables  monuments  funéraire^  de  la 
nécropole  de  Medâïn  Sâleh.  Il  y  a  peut-être  là  une  indication  sur  Torigine 
et  la  condition  première  de  ces  artistes  :  esclaves  affranchis  (à  la  mort  du 
roi?)  et  constatant,  par  l'adoption  même  de  leurs  noms  caractéristiques 
l'affranchissement  qui,  selon  la  conception  antique  si  nettement  for- 
mulée dans  les  inscriptions  de  Delphes,  les  avait  fait  passer  du  service 
d'un  maître  réel  à  celui  d'un  maître  idéal  et  divin  ^.  Si  ces  artistes 
étaient  originairement  des  esclaves,  il  y  a  bien  des  chances  pour  qu'ils 
fussent  en  même  temps  des  étrangers.  Ainsi  s'expliquerait  le  fait  singu- 
lier signalé  par  M.  Renan,  que  dans  la  liste  des  artistes  nabatéens  l'on 
ne  trouve  aucun  nom  grec  caractérisé,  bien  que  le  style  de  ces  monu- 
ments nabatéens  trahisse  une  profonde  influence  hellénique. 

Clermont-Ganneau, 


1.  J'ai  proposé  de  corriger  ainsi  le  nom  lu  inexactement  Abdhodeinat  dans  la 
34"  inscription  de  Medâïn  Sâlch.  Cette  correction  a  été  justitiée  par  un  nouvel  exa- 
men de  l'estampage. 

2.  Fraf^m.  Iiist.  gr.,  IV,  p.  525,  23. 

3.  Cf.  les  observations  que  j"ai  présentées  autrefois  ici  même  sur  ce  sujet  à  pro- 
pos des  noms  théophores  grecs  X  -\-  cojpoç  ,  correspondant  aux  noms  théophores 
sémitiques  Abd  -|-  -V. 


'  rS  REVUE    CRITfQUR 

CHRONIQUE 


FRANCE.  —  M.  Louis  Lecer  a  .éic  nommé  professeur  de  langues  et  littératures 
slaves  au  Collège  de  France. 

—  La  nouvelle  Revue  coloniale  dont  nous  avions  précédemment  annoncé  la  pu- 
blication vient  de  faire  paraître  son  premier  numéro  sous  le  titre  de  Revue  française. 
C'est  surtout  une  revue  d'informations.  Elle  se  propose  en  même  temps  de  susciter 
des  vocations  pour  la  colonisation.  On  s'abonne  à  la  librairie  Ghaix,  rue  Bergère. 

—  Le  Dictionnaire  étymologique  latin  de  MM.  Michel  Bréal  et  Amable  Bailly 
vient  de  paraître  à  la  librairie  Hachette.  (In-S",  viii  et  463  p.);  nous  publierons  très 
prochainement  un  compte  rendu  de  cet  important  ouvrage. 

—  Le  iff  février  est  mort  à  Paris  M.  Alfred-Robert  Frigoult  de  Liesville,  conser- 
vateur du  musée   et  des  collections  historiques  de  la  ville.  Né  à  Caen  le  4  juin  i836 
et   élève  du  collège  de  Pontlevoy,  M.  de  Liesville  vint  fort  jeune  à  Paris  et.  maître 
d'une  fortune  indépendante,  consacra  tout  son  temps  et  toutes  ses  ressources  à  ras- 
sembler des  collections  très  diverses.  L'étude  de  la  céramique  et  de  l'imagerie  popu- 
laires l'amena  peu  à  peu  à  rechercher   ce  qui  pouvait  subsister  des  emblèmes,  des 
armes,  des  meubles  et  des  ustensiles  de  la  période  révolutionnaire;  après  vingt  ans 
d'investigations   patientes   et    de   voyages   dans  toutes  les  régions   de  la  France,   il 
avait  réuni  un  véritable  musée  qu'il  serait  impossible  de  refaire  aujourd'hui  à  n'im- 
porte quel  prix.  Oiîert  à  l'État,  en   pur  don,  cette  collection,  qu'il   fut   un  moment 
question  d'exiler  à  Versailles,  fut  enfin  agréée  par  la  ville  de  Paris,  et  M.  de  Liesville 
prit  officiellement  le  titre  de  conservateur,  le  i<^i"  juin  l88i.  Ces  fonctions  ne  furent 
nullement  pour  lui  une  sinécure  :  en  quelques  mois  il  parvint  à  installer  l'ensemble 
de  ses    richesses  dans   l'espace  restreint    dont  disposait  l'administration  de  l'hôtel 
Carnavalet.  11    nous   serait   impossible  de  les  énumérer  ici,  mais  une    notice,    rédi- 
gée par  M.Jules  Cousin  et  distribuée  gratuitement  à  tous  les  visiteurs,  les  fait  con- 
naître et  remplace  provisoirement  le  catalogue   méthodique  qui  sera  dressé   lorsque 
les  nouvelles  galeries  seront  construites.  M.  de  Liesville  avait  en  même  temps  donné 
à  la  ville  une  bibliothèque  spéciale  de  plus   de  4,000  volumes,  plaquettes   et  jour- 
naux   et  une  collection  d'estampes,  encore  plus  nombreuse,  toutes  deux  relatives  à 
l'histoire  de  France  de  1789  à  1871.  II  ne  cessait  point  d'accroître,  par  d'intelligen- 
tes et  heureuses  acquisitions,    ce  premier  fonds  si    précieux  :   c'est  grâce  a  lui,  par 
exemple,  que  la  ville  est  entrée  en  possession  de  divers  portraits  originaux   de  con- 
ventionnels, provenant  des  familles  Saint-Albin  et  Jubinal  et  de  l'intéressante  série 
des  vues  de  Paris  par  Raguenet  qui  a  longtemps  décoré  l'antichambre  des  bains  de 
la  Samaritaine.  Outre  diverses    brochures  sur  l'agriculture  et  sur  l'histoire    natu- 
ri;lle,  M.  de  Liesville  avait  publié  à    petit  nombre  un  Recueil  de  bois  ayant  trait  à 
rimagerie  populaire,  aux  cartes,  aux  papiers,  etc.  (Caen  et  Paris,  1868,  in-tolio), 
une  série  de   brochures   annuelles  sur   les  Artistes  normands  aux  salons  de  1874... 
1878,  enfin  une  Histoire  numismatique  de  la  Révolution  de  février  qu'il  laisse  mal- 
heureusement inachevée  :  dix  livraisons  (texte  et  planches)  ont  paru  chez  H.  Cham- 
pion, il  devait  yen  avoir  vingt-cinq.  11  avait,  en   outre,  amassé  des  notes  pour  une 
biographie  d'Augustin  Dupré,   le  graveur    en   médailles   de  la   Révolution,   dont   il 
possède  l'œuvre  en  épreuves  exceptionnelles,  auxquelles  il  avait  pu  joindre  la  plu- 
part des  coins  et  des  cires.  Il  est  impossible  de  clore  cette  notice  déjà  longue  et  pour- 
tant bien  imparfaite  sans  rappeler  les  qualités  à  la  fois  aimables  et  solides  de  M.   de 
Liesville,  et  cette  douceur,  contrastant  avec   des  formes  athlétiques,  qui  l'avait   fait 


Û  HtSrOSRK    KT    DE    LITTEKAlURK  179 

surnommer  par  un  de  ses  amis  «le  bon  géant».  Tous  ceux  qui  l'ont  approché,  qui 
ont  profité  de  son  savoir  et  apprécié  la  bienveillance  dont  il  enveloppait  sa  finesse 
garderont  de  lui  le  souvenir  le  plus  sympathique  et  le  plus  ému.  —  M.  Tx. 

—  Presque  en  même  temps  que  M.  de  Liesville,  le  5;février,  M.  Edmond  du  Som- 
merard,  conservateur  du  musée  de  Cluny  et  membre  libre  de  l'institut,  était  enlevé 
à  l'œuvre  à  laquelle  il  aura  eu.  comme  son  père,  la  gloire  d'attacher  son  nom.  Nous 
ne  referons  pas  ici  sa  notice,  que  les  journaux  ont  copiée  à  l'envi  dans  le  Diction- 
naire universel  des  contemporains,  mais  nous  rappellerons,  avec  le  Temps,  sa  patrio- 
tique conduite  en  1871,  à  l'Exposition  de  Londres,  et  en  1873  à  celle  de  Vienne.  En 
dehors  de  ce  rôle  très  actif,  et  qui  lui  avait  valu  parmi  les  artistes  une  légitime  po- 
pularité, M.  Du  Sommerard  consacrait  tout  son  temps  au  musée  qu'il  n'avait  cessé 
d'enrichir.  M.  H.  de  Curzon  a  rendu  compte  ici  même  (Revue  critique  du  iq  mai 
1884,  art  io3)  de  la  plus  récente  édition  du  Catalogue  que  M.  Du  Sommerard  avait, 
de  1880  à  i883,  accru  de  près  de  3,ooo  numéros.  Dans  ce  nombre  figuraient  les 
belles  tapisseries  de  Boussac,  dites  de  la  dame  à  la  Licorne,  les  chaussures  recueil- 
lies par  Jules  Jacquemart,  et  les  voitures  installées  au  rez-de-chaussée.  M.  E.  Du 
Sommerard  était  l'exécuteur  testamentaire  et  le  propriétaire  des  œuvres  de  Prosper 
Mérimée,  dont  son  père  avait  été  l'intime  ami.  —  M.  Tx. 

—  M.  Clermont-Ganneau  nous  prie  de  faire  remarquer  que  le  n°  37  de  ses  In- 
scriptions inédites  du  Hauran.  publiées  dans  la  Revue  archéologique  (novembre- 
décembre),  figure  déjà  au  Corpus  inscriptionum  graecarum  sous  le  n"  4660.  La  co- 
pie qu'il  en  donne  présente  d'ailleurs  quelques  variantes. 

BOHÊME.  —  A  l'occasion  du  25""=  anniversaire  de  l'enseignement  de  M.  Jean 
KviczALAjles  philologues  tchèques  ont  fait  paraître  un  volume  de  Mélanges  entiè- 
rement consacrés  à  la  philologie  classique.  Ce  volume  renferme  des  études  sur  la 
mythologie  comparée,  sur  Platon,  Démosthènes,  Euripide,  Tacite,  sur  la  religion 
védique,  etc.  Il  est  entièrement  rédigé  en  langue  tchèque. 

GRANDE-BRETAGNE.  —  Le  rév.  J.  Murray  Mitchell,  ancien  secrétaire  des  mis- 
sions orientales  du  Free  Church  d'Ecosse,  vient  de  publier  dans  la  collection  des 
Présent  Day  Tracts  (Londres,  56  Paternoster  Row;  un  court  exposé,  très  clair  et 
fait  d'après  de  bonnes  sources  de  la  religion  hindoue  CThe  Hindu  religion,  a  sketch 
and  a  contrast).  Il  expose  tour  à  tour  le  système  védique,  auquel  il  accorde  une 
antiquité  trop  haute,  mais  où  il  voit,  avec  M.  Banh,  une  œuvre  sacerdotale;  le  brah- 
manisme et  la  philosophie  religieuse;  l'hindouisme  et  son  absorption  «  omnivore  » 
de  tous  les  systèmes  avec  lesquels  il  a  été  en  contact,  enfin  le  mouvement  de  Brahma 
Scimaj.  Les  préoccupations  religieuses  de  l'auteur  ne  nuisent  ni  à  la  clarté  ni  à 
l'exactitude  de  l'exposition. 

ITALIE.  —  M.  Paul  Fasre,  membre  de  l'Ecole  française  de  Rome,  achève  la 
préparation  d'une  édition  critique  du  livre  censier  de  l'Eglise  romaine,  connu  sous 
le  nom  de  Liber  censuum  Cencii  Camerarii.  Le  texte,  dont  une  bonne  partie  est 
encore,  inédite,  sera  accompagné  de  notes  et  précédé  d'une  longue  introduction.  Le 
premier  fascicule  paraîtra  très  prochainement  à  la  librairie  Thorin. 

SLAVES  MÉRIDIONAUX.— L'académie  d'Agram  vient  de  publier  le  sixième  fasci- 
cule du  grand  dictionnaire  serbo-croate  rédigé  par  M.  Budman.mi.  11  va  de  Dali  à  Do. 

—  Le  volume  5g  du  Glosnik  de  Belgrade  renferme  un  dictionnaire  des  mots 
turcs  et  orientaux  compris  dans  la  langue  serbe.  C'est  un  utile  supplément  aux  vo- 
cabulaires existants. 

—  Sous  ce  titre  Medjudnevnitsa  (les  vacances)  M.  Militchevich  publie  un  nou- 
veau volume  de  lettres  sur  la  Serbie.  Elles  renferment  de  nombreux  éléments  pour 
l'ethnographie  des  pays  serbes. 


l8o  niCVUK    CRITIQUK    DKI.srUÎÎ'.E    KT    DR    1,111  KRATURE 

ACADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET   BELLES-LETTRES 


Séance  du  20  février  188 5. 

M.  Le  Blant,  directeur  de  l'Ecole  française  de  Rome,  annonce  par  lettre  la  décou- 
verte d'une  statue  de  bronze,  de  2'"3o  de  hauteur,  trouvée  auprès  de  la  via  Na^io- 
nale.  Klle  représente  un  homme  nu.  Sur  le  visasse,  entièrement  lisse,  est  tigurée 
une  barbe  gravée  au  burin. 

L'Académie  procède  à  la  désignation  de  deux  candidats  pour  la  chaire  de  diplo- 
matique vacante  à  l'Ecole  des  chartes.  M.  Arthur  Giry,  secrétaire  de  la  même  école, 
est  présenté  en  première  ligne.  M.  Elie  Berger,  archiviste  aux  Archives  nationales, 
est  présenté  en  seconde  ligne. 

h\.  Ravaisson  continue  la  seconde  lecture  de  son  mémoire  sur  Vlleicule  STriTca- 
T.ïÇioç  de  Lysippe. 

M.  Hauréau  commence  la  seconde  lecture  de  son  Mémoire  sur  la  vie  et  sur  quel- 
ques ouvrages  d'Alain  de  Lille. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Barbier  de  Meynard  :  i»  les  Illustres  Captifs, 
manuscrit  du  P.  L)an,  analysé  par  V.  Fiesse  et  H.-D.  de  Grammont;  1°  Sauvaire, 
Arah  Metrology,  V  :  Ej-Zalirdivy,  iranslated  and  annotated  (extrait  du  Journal  of 
îlie  Royal  Asiatic  Society);  —  par  M.  Egger  :  1°  Favé  (général),  l'Empire  des 
Francs  depuis  sa  fondation  jusqu'à  son  démembrement,  \,  les  Francs  avant  le  régne 
de  Clovis ;  2'  Garcia  Ayuso  (F.),  l'Etude  de  la  philoloiiie  dc.ns  ses  rapports  avec  le 
sanscrit,  traduit  par  J.  de  Castro;  3°  Stéphanos  (Clon),  la  Grèce  au  point  de  vue 
naturel,  ethnologique,  antliropologique.  démof^rapluque  et  médical  (extrait  du  Dic- 
tionnaire encyclopédique  des  sciences  médicales  du  D'  Deciiambre);  —  par  M.  C^harles 
Nisard  :  r"  (Leader  (G.-Temple,]  Un  Mercante  fioreniino  e  la  sua  famiglia  nel  se- 
colo  XV ;  -i"  Libro  dei  nobili  veneti,  ora  per  la  prima  volta  messo  in  luce  da  G.  Temple 
Leader;  3"  f/n'  Ambasciata.  diario  dell'  abate  G.  Fr.  Ruccellai,  pubblicaio  da 
G.  Temple  Leader  e  G.  Marcotti  ;  —  par  M.  de  Boislisle  :  Jal  (A.\  Abraham  du 
Quesne  et  la  marine  de  son  temps,  tables  analytiques  et  alphabétiques;  —  par 
M.  Bréal  :  Bladé  J  .-F.],  Epigrapkie  antique  de  la  Gascogne  ;  —  par  M.  Scheler  : 
Derenbourg  (Hartwigi  et  Spino  (lean),  Chrestomathie  élémentaire  de  V arabe  littéral, 
avec  un  glossaire. 

Julien  Havet. 


SOCIETE  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE 


Séance   du   11   février  188 5. 

présidknce  de  m.  courajod 

M.  de  Ripert-Monclar  attire  l'attention  des  archéologues  sur  des  bas-reiiefs  repré- 
sentant un  amoncellement  de  têtes  coupées  comparables  aux  monuments  d'Entre- 
mont  iBouches-du-Rhône)  publiés  par  Rourd  et  découverts  dans  la  même  localité 
en  1882.  Ils  ont  été  recueillis  par  M.  d'Aubergue,  à  Aix. 

M.  Mowat  fait  remarquer  que  ces  bas-rehefs  oflVent  de  curieux  rapprochements  à 
faire  avec  ceux  du  même  genre  qui  sont  conservés  au  Musée  de  Cluny  et  au  iMusée 
Carnavalet. 

M.  de  Marsy  présente  une  petite  affique  en  argent  du  xvi^  siècle,  portant  une  lé- 
gende allemande  en  caractères  gothiques,  Mein  ..  und  dein  ..  est  ein  ..  ;  un  cœur 
après  chacun  des  mots  mein,  dein,  ein. 

M.  de  Rougé  lit  un  rapport  sur  le  mémoire  de  M.  Robiou,  relatif  au  syncrétisme 
gréco-égypiien. 

M.  de  Viilefosse  communique  des  observations  sur  une  inscription  de  Bourges 
dans  laquelle  les  dénominations  de  Caligula  olfrent  des  particularités  explicables  par 
un  passage  de  Dion  Cassius  (lix,  3). 

i\L  Mowat  lit,  au  nom  de  M.  Jadart.  une  notice  sur  l'ancienne  abbaye  de  Saint- 
Remy,  aujourd'huy  l'Hôtel-Dieu  de  Reims. 

Le  Secrétaire, 
R.  Mowat. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 


L(f  ^''uy-,  nni'VJwe.rie  de  .Marci:^.isoti  tlls.  bouieyariî  Samt-Laiii-eiil,  sJi. 


REVUE    CRITIQUE 
D'HISTOIRE   ET    DE    LITTÉRATURE 


]>jo  10  —  9  mars  —  1885 


Somu>aii-e  :  36.  Plutarque.  Vie  d'Alexandre,  p.  p.  Delaitre,  p.  p.  Ruelle.— 
37.  Ant.  Lefèvue  Pontai.is,  Vingt  années  de  république  parlementaire  au  xyu^ 
siècle,  Jean  de  Witt,  grand  pensionnaire  de  Hollande.  —  38.  Lange.  Tableau  de 
la  littérature  allemande.  —  Correspondance  :  Lettre  de  M.  Livet.  —  Chronique. 
—  Société  des   Antiquaires  de  France. 


36.  _  ï»î«taf<iue.  Vie  <î»Alexan<ïre-  Nouvelle  édition  publiée  avec  une 
notice  sur  Plutarque.  un  commentaire  grammatical  et  philologique,  un  lexique 
des  noms  historiques,  géographiques  et  mythologiques,  par  Ch,-R.  Delaitre. 
Paris,  Garnier  frères,  in-12,  s.  d. 

Vie  <i'A!exajidi-«  pai-  r»lutaB'q«e.  Nouvelle  édition,  texte  grec  revu  sur 
les  dernières  recensions  avec  des  sommaires,  des  notes  grammaticales  et  litté- 
raires, un  lexique  historique  et  géographique  et  une  carte,  par  Ch.  Emile 
Ruelle.  Paris,  Paul  Dupont,  i883,  in-12. 

M.  Delaitre  nous  prévient  dans  sa  préface  que  son  édition  n'a  aucune 
prétention  à  Térudition  ni  à  l'originalité  philologique.  Le  texte  est  géné- 
ralement celui  de  Doehner,  dans  la  collection  Didot;  çà  et  là  quelques 
corrections  de  Sintenis,  Bekker,  Reiske  ont  été  adoptées.  Il  est  regret- 
table que  M.  D.  n'ait  pas  connu  les  Symbolae  criticae  et  palaeogra- 
phicae  de  M.  Bernardakis  (Leipzig,  1879,  8")  il  y  aurait  trouvé  pour  le 
lociis  desperatus  du  ch.  lxxv  une  ingénieuse  conjecture  qui,  si  elle  n'est 
pas  acceptable  de  tout  point,  vaut  cependant  la  peine  d^étre  citée.  Cette 
édition  étant  destinée  à  des  élèves  encore  peu  avancés  dans  l'étude  du 
grec,  M.  D.  a  donné  aux  notes  explicatives  un  développement  très  con- 
sidérable; on  pourrait  dire  qu'il  a  péché  par  excès,  mais  il  était  obligé 
de  se  contormer  au  plan  général  de  la  collection  M.  Delaitre  a  voulu 
rendre  aux  élèves  le  service  (en  est-ce  un?)  de  condenser  pour  eux  en  un 
petit  volume  tous  les  renseignements  dont  ils  peuvent  avoir  besoin 
pour  expliquer  la  Vie  d'Alexandre.  A  la  fin  on  trouve  un  vocabulaire 
historique  et  géographique,  plus  une  carte.  En  somme  beaucoup  de 
clarté,  de  conscience,  de  précision,  telles  sont  les  qualités  que  l'on  re- 
marque dans  ia  plupart  des  notes  de  ce  petit  livre. 

M.  Ruelle,  pour  ne  pas  «  supprimer  entièrement  le  travail  de  l'élève 
et  la  tâche  du  professeur  »,  s'est  montré  très  sobre  de  notes.  Quelques- 
unes  manquant  un  peu  de  justesse  comme  celle  de  la  p.  11  ou  de  clarté 
comme  la  note  i  delà  p.  19.  On  trouve  aussi  chez  M.  Ruelle  la  men- 
tion d'un  certain  nombre  de  variantes;  nous  n'en  voyons  guère  l'utilité. 
la  discussion  des  variantes  ne  pouvant  être  introduite  dans  les  classes. 
Le  texte  est  suivi  d'un  vocabulaire  historique  et  géographique  dans  le- 

Nouvelle  série.  XIX.  10 


l82  KKVIJK    CRlTIQUli 

quel,  malgré  tout  le  soin  et  toute  l'attention  de  l'auteur,  quelques  er- 
reurs se  sont  glissées.  Ainsi,  p.  142,  il  n^est  pas  exact  de  dire  qu'Anti- 
clide  n'est  cité  que  par  Plutarque;  il  l'est  encore  par  A.thénée  IX, 
384  D;  par  Strabon  V,  p.  221  ;  par  Diogène  Laerte  VIII,  II  ;  par  les 
scholiastes  d'Aristophane  (ad  Niibes  144)  et  d'Apollonius  de  Rhodes  I, 
1298,  etc.  P.  i63,  â  propos  de  Ptolémée,  M.  Ruelle  s'appuyant  sur  le 
témoignage  d'Arrien  (Expéd.  d'Alex.  VI,  11)  dit  que  ce  générai  a  été 
surnommé  Soter  pour  avoir  sauvé  la  vie  à  Alexandre  chez  les  Oxydra- 
ques.  Or  précisément  Arrien  révoque  en  doute  cettre  tradition  en  pre- 
nant à  témoin  Ptolémée  lui-même,  qui,  de  son  propre  aveu,  n'assistait 
pas  à  la  bataille. 

Alf.  Jacob. 


3'-.  —  Vingt  années  de  ïiépwlïlSqne  parlemejstaîfe  au.  «lix-eeptiènic 
eièclc  «Sean  de  V^/'itt,  gi'untS  pensioniiaîre  de  I^oiSande,  par  Antonin 
Lefèvre  PoNTALis,  avec  un  portrait  d'après  Netscher.  Paris,  librairie  Pion,  1884, 
2  vol.  in-8. 

Il  y  a  longtemps  qu'aurait  dû  paraître  le  compte  rendu  de  cet  ouvrage, 
publié  par  M.  Antonin  Lefèvre  Ponîaiis  au  printemps  dernier;  ce 
retard  du  moins  me  permet,  en  annonçant  ce  livre,  d'enregistrer  en 
même  temps  la  belle  récompense  que  T'Académie  française  vient  à  juste 
titre  de  lui  accorder  :  dans  les  concours  de  l'année  1884,  elle  lui  a 
«  décerné  le  prix  Halphen  en  son  entier  et  sans  partage  ». 

L'ouvrage  de  M.  L.  P-  vient  comblera  propos  une  lacune  regrettable 
de  notre  littérature  historique,    i^es  historiens   hollandais,  allemands, 
anglais,  ont  accumulé  les   travaux  sur  la  vie  de  Jean  de  Witt  et  sur 
l'histoire  de  la  Hollande  à  l'époque  où  il  dirigeait  ses  destinées;  en 
France,  en  dehors  des  histoires  générales,  nous  étions  réduits  à  la  tra- 
duction  d'un  ouvrage  hollandais  ,  la   Biographie  des  frères  de  Witt, 
■composé  au  commencement  du  xvni"  siècle  par  Van  der  Hoeven   :  ou- 
vrage estimable  et  consciencieux,  mais  vieilli  et  composé  d'ailleurs  sans 
grand  souci  des  sources  originales.  Cependant  les  vingt  années  pendant 
lesquelles  Jean  de  Witt  a  été  Grand  Pensionnaire  de  Hollande,  de  i652- 
à  1672,  constituent  la  période  qui  est  certainemer.t  la  plus  intéressante 
de  l'histoire  des  Pays-Bas,  au  point  de  vue  des  Hollandais  eux-mêmes 
comme  au  point  de  vue  plus  vaste  de  l'histoire  générale.  En  i652,  la 
République  était  dans  une  situation  des  plus  délicates;  une   guerre  rui-j 
neuse  contre  l'Angleterre,  des  désastres  sur  mei,  la  mort  du  grand  ami- 
ral  Tromp,   une  administration  désorganisée,    le  commerce  paralyséJ 
telles  étaient  les  difficultés  au   milieu  desquelles  elle  se  dcbatïait;  quel- 
ques annéees  plus  tard,  le  gouvernement  avsit  été  raffermi,  la  paix  glo- 
rieusement conclue,   le  commerce  florissait  de  nouveau,  et  la  Hollande! 
était  devenue  l'arbitre  de  la  paix  européenne  :  sa  mciiation  obligeait 


L>  HiSiOlRK   Kr     ùh    Li!  IKKATURK  l83 

le  Danemark  et  la  Suède  à  poser  les  armes,  et  arrêtait  les  conqucLes  de 
Louis  XIV.  ITautie  paît,  Jean  de  Witt,  à  qui  étaient  dus  ces  beaux 
résultats,  était  lui-même  un  grand  homme  de  bien  en  même  temps 
qu'un  grand  homme  d^Etat,  patriote  désintéressé ,  républicain  incor- 
ruptible, doué  des  plus  rares  vertus  publiques  et  privées,  un  des  plus 
nobles  esprits  qui  aient  paru  dans  les  temps  modernes. 

Aussi  devons-nous  être  reconnaissants  à  M.  Ant.  L.  P.  d'avoir  éclairé 
d'une  vive  lumière  ce  personnage  et  les  événements  auxquels  il  a  été 
mêlé;  son  livre  est  sans  contredit  le  meilleur  qui  existe  actuellement  sur 
ce  sujet,  c'est  assurément  le  plus  complet.  Pendant  une  dizaine  dam- 
nées, avec  une  infatigable  et  intelligente  persévérance,  il  a  compulsé 
tous  les  ouvrages  publiés  à  l'étranger  sur  les  questions  qui  l'intéressaient 
et  les  innombrables  documents  manuscrits  mis  à  sa  disposition  :  d'une 
part,  la  Vie  des  frères  J.  et  C.  de  Witt  par  Van  der  Hoeven,  Jean  de 
Witt  et  son  temps  par  Simons,  VHistoire  de  V administration  de 
J.  de  Witt  par  Geddes,  et  de  trè<;  nombreux  ouvrages  des  érudits  hol- 
landais que  Ton  trouve  cites  à  chaque  page  de  ces  volumes  ;  d'autre 
part,  la  correspondance  publique  et  privée  de  J.  de  Witt  conservée  aux 
archives  de  la  Haye,  la  collection  précieuse  des  papiers  de  la  famille  de 
Witi  communiquée  parles  descendants  actuels  du  Grand  Pensionnaire, 
les  dépôts  publics  de  Londres  et  de  Paris,  les  archives  de  Chantilly^,  etc. 
Peu  de  livres  s'appuient  sur  une  érudition  aussi  sûre  et  aussi  complète. 

Je  ferais  même  à  M,  L.  P.  le  reproche  de  nous  avoir  trop  libérale- 
ment communiqué  les  richesses  de  son  érudition  :  son  livre  aurait  ga- 
gné, je  crois,  à  être  quelque  peu  allégé.  Le  style  est  toujours  ferme,  élé- 
gant, coloré;  les  différents  récits,  pris  isolément,  sont  animés  et  atta- 
chants ;  mais,  au  milieu  de  la  multiplicité  des  détails  et  des  incidents,  les 
idées  d^ensembie  ne  se  détachent  pas  toujours  assez  nettement,  et  il  ar- 
rive que  l'intérêt  général  languisse  :  il  y  a  trop  d'événements  particu- 
liers consciencieusement  racontés  et  mis  tous  sur  le  même  plan. 
M.  L.  P.  a  donné  deux  titres  à  son  ouvrage,  et  il  semble  qu'en  eiïet  il 
ait  voulu  traiter  simultanément  deux  sujets  différents,  l'histoire  générale 
de  la  Hollande  au  milieu  du  xvn^  siècle,  et  la  biographie  particulière  de 
Jean  de  Witt;  ces  deux  sujets  s'entrecroisent  d'un  bout  à  l'autre  des 
deux  volumes,  se  disputent  l'intérêt,  et  se  nuisent  souvent.  Je  ne  citerai 
qu'un  exemple  de  cet  inconvénient  :  dans  la  seconde  moitié  du  chap.  xi, 
après  avoir  lu  un  exposé  irès  net  et  très  intéressant  de  la  situation  di- 
plomatique, économique  et  militaire  des  Pays-Bas  à  la  veille  de  la 
guerre  de  Hollande,  quand  mon  attention  est  tout  entière  aux  prépara- 
tifs de  cette  grande  lutte  qui  va  mettre  en  jeu  les  destinées  de  l'Europe, 
je  rencontre  tout  à  coup  un  tableau  intime  de  la  famille  de  Jean  de 
Witt,  des  détails  sur  sa  demeure,  sur  ses  relations  privées  avec  son  on- 
cle, ses  belles-sœurs,  ses  cousines,  sur  les  soins  donnés  à  l'éducation  de 
ses  filles  et  de  ses  fils,  erc;  et  c'est  ?eulenient  après  quinze  grandes  pages 
remplies  par  ces  renseignements  domestiques  que  nous   revenons  aux 


1  84  REVUE    CRITIQUE 

préliminaires  de   la  lutte  contre  Louis  XIV  :  il  faut  avouer  que  nous 
avions  eu  tout  le  loisir  de  les  perdre  de  vue. 

Ce  qui  domine  d^un  bout  à  Tautre  le  livre  de  M.  L.  P.  et  lui  donne, 
en  dépit  des  observations  précédentes,  une  unité  réelle,  c'est  le  patrio- 
tisme républicain  de  Jean  de  Witt.  Pendant  vingt  ans,  le  Grand  Pension- 
naire a  mis  tout  son  génie  et  toute  son  opiniâtreté  à  défendre  au-dehors 
les  intérêts  et  l'indépendance  de  sa  patrie  contre  l'Angleterre  et  contre 
la  France,  à  défendre  ù  l'intérieur  la  liberté  politique  de  ses  concitoyens 
contre  l'ambition  de  la  maison  d'Orange,  qui,  après  avoir  au  xvi*^  siècle 
délivré  les  Pays-Bas  de  la  domination  espagnole,  voulait  au  xvii^  les  assu- 
jettir à  sa  propre  domination.  Relations  avec  PAngleterre,  relations 
avec  la  France,  lutte  contre  le  parti  orangiste,  voilà  les  trois  grandes 
questions  qui  remplissent  les  Vingt  années  de  République  parlemen- 
taire. 

Dans  l'histoire  des  relations  de  la  Hollande  avec  l'Angleterre, 
M.  L.  P.  élucide  parfaitement  la  politique  de  Jean  de  Witt  :  au  début, 
le  Grand  Pensionnaire  trouva  son  pays  engagé  dans  une  lutte  malheu- 
reuse contre  Ciomwell  ;  il  comprit  nettement  que  la  prolongation  de 
cette  guerre  ne  pouvait  être  que  fatale  à  la  République,  et,  malgré  la 
passion  patriotique  qui  entraînait  et  aveuglait  un  grand  nombre  de  ses 
compatriotes,  il  sut  faire  partager  ses  convictions,  et  signa  en  1654  la 
paix  de  Westminster.  Mais  s'il  tenait  à  l'alliance  anglaise,  il  n'enten-  À 
dait  lui  sacrifier  ni  le  point  d'honneur,  ni  Tambition  coloniale,  ni  les 
intérêts  commerciaux  :  quand  Charles  II  méconnut  les  droits  légitimes 
des  Hollandais,  ce  même  Jean  de  Witt,  qui  avait  presque  imposé  la 
paix  de  Westminster,  fut  le  plus  ardent  à  demander  une  rupture  nou- 
velle, et  ce  fut  son  éloquence  patriotique  qui  triompha  des  États  géné- 
raux; la  guerre  une  fois  déclarée,  sans  se  laisser  abattre  par  les  revers 
du  début,  il  la  soutint  énergiquement  jusqu'à  ce  que  la  Hollande  fût 
récompensée  de  ses  efforts  par  la  paix  glorieuse  de  Bréda  (1667).  l 

L'exposé  des  relations  de  la  Hollande  avec  la  France  est  particulière- 
ment  clair  et  méthodique;  je  noterai  seulement  que  M.  L.  P.  attribue 
trop  exclusivement  à  des  motifs  de  ressentiments  personnels  la  malen- 
contreuse  guerre  de  Hollande  (t.   II,  p.  106  et  sq,,  p.    255,  etc.).   En 
réalité,  à  y  regarder  de  près,  et  en  dépit  des  préjugés,  cette  affaire  de  la 
guerre  de  Hollande,  au  moins  tant  que  de  Lionne  la  dirigea,  se  rattache 
étroitement  au  plan  général  de  la  politique  française  au  xv!!*"  siècle,  à  la 
question  capitale  de  la  conquête  des  Pays-Bas  espagnols  préparée  de- 
puis un  demi-siècle.  C'est  une  singulière  illusion  que  de  se  représenter 
Louis  XIV  comme  abandonnant,  vers  1670,  \a.  politique  d'intérêts  pour 
la  politique  de  principes,  comme  oubliant  tout  d'un  coup  le  but  profi- 
table poursuivi  jusqu'alors  si  patiemment,  pour  se  faire  le  champion  du 
catholicisme  et  de  la  royauté  contre  les  Hollandais  protestants  et  répu- 
blicains. Sans  doute  Louis  XIV  avait  été  piqué  au  vif,  il   le  dit  lui- 
même,  par  l'insolence  de  ce  petit  peuple,  qui  naguère  client  des  rois  de 


DHISTOIRK    KT    Oli    LITTKRATURE  loD 


France  voulait  maintenant  limiter  leurs  conquêtes;  mais  la  guerre  qu'il 
lui  déclara  n'a  pas  été  uniquement  une  guerre  de  médailles,  encore 
moins  une  guerre  de  principes.  Louvois  et  Turenne  estimaient  que, 
pour  conquérir  la  Belgique,  il  fallait  tout  d'abord  abattre  la  Hollande; 
et  depuis  l'expérience  faite  en  1667,  penaant  la  guerre  de  Dévolution, 
leur  opinion  était  partagée  par  de  Lionne.  Et,  en  effet,  peu  s'en  fallut 
que  cette  guerre  de  Hollande  ne  fût  à  la  fois  courte  et  triomphante  pour 
la  France  :  il  aurait  été  seulement  nécessaire  que  Louis  XIV,  enivré  par 
les  succès  du  début,  ne  perdît  pas  de  vue  les  idées  politiques  qui  lui 
avaient  mis  les  armes  à  la  main.  Le  Rhin  fut  franchi  le  i  2  juin  1672  ; 
dix  jours  plus  tard,  le  22  juin,  des  envoyés  de  Jean  de  Witt  se  présen- 
tèrent au  camp  du  roi,  offrant  de  céder  Maëstricht,  les  places  du  Rhin, 
et  le  Pays  de  généralité  compris  entre  la  Meuse  inférieure  et  la  Belgique. 
Ces  propositions  donnaient  à  la  France  tous  les  avantages  sérieux 
qu'elle  pouvait  espérer  de  cette  guerre  :  par  la  conquête  du  Pays  de 
généralité,  la  Belgique  aurait  été  en  quelque  sorte  incorporée  d'avance, 
comme  était  la  Lorraine  depuis  la  conquête  de  l'Alsace.  Malheureuse- 
ment Louis  XIV,  poussé  par  Louvois,  oublia  alors  le  plan  primitif,  et 
de  Lionne,  mort  en  1671,  n'était  plus  là  pour  le  lui  rappeler, 

La  partie  la  plus  neuve,  peut-être,  du  livre  de  M.  L.  P.,  celle  qui  me 
paraît  la  plus  intéressante,  c'est  celle  qui  raconte  les  efforts  de  Jean  de 
Witt  pour  fonder  et  rendre  durable  dans  son  pays  un  gouvernement 
libre;  je  noterai  particulièrement,  à  la  tin  du  chap.  i,  un  tableau 
excellent  delà  constitution  delà  république  des  Pays-Bas  vers  i65o, 
et,  à  la  fin  du  chap.  n,  l'indication  précise  et  complète  des  attributions 
du  Grand  Pensionnaire.  La  république  des  Provinces-Unies,  association 
de  sept  provinces  se  gouvernant  chacune  par  leurs  assemblées,  ne  pou- 
vait se  passer  d'un  pouvoir  central;  ce  pouvoir  avait  été  exercé  primiti- 
vement par  les  stathouders,  les  princes  d'Orange,  qui  avaient  été  ses 
libérateurs  sans  devenir  ses  maîtres.  Au  milieu  du  xvn'=  siècle,  Guil- 
laume Il  d'Orange  avait  essayé,  par  un  coup  d'État  et  en  s'appuyant 
sur  la  force  militaire,  de  changer  cette  situation  et  d'usurper  le  pouvoir 
souverain  ;  sa  mort  prématurée  et  la  longue  minorité  de  son  fils  pos- 
thume, Guillaume  III,  avaient  pour  longtemps  condamné  sa  maison  à 
l'impuissance  :  c'est  dans  ces  circonstances  que  Jean  de  Witt  devint 
Grand  Pensionnaire.  Dès  l'enfance,  il  avait  reçu  de  son  père,  bourgmes- 
tre de  Dordrecht,  Pexemple  du  patriotisme,  du  courage  et  de  Tincorrup- 
tibilité  républicaine,  et  appris  la  haine  du  parti  orangiste  et  de  la  faction 
militaire;  aussi  toute  sa  politique  intérieure  tendit  à  l'abolition  du 
stathoudérat  et  à  la  ruine  de  la  puissance  de  la  maison  d'Orange. 

M.  L.  P.  nous  le  montre  suivant  une  double  voie  pour  arriver  à  ce 
résultat  :  d'une  part,  il  s'attaqua  directement  au  parti  orangiste,  puis- 
sant encore  en  Zélande  et  dans  les  provinces  d'Over-Yssel  et  de  Gronin- 
gue,  et  il  crut  Tavoir  ruiné  à  jamais  quand  l'assemblée  générale  des 
Etats  eut  adopté  en  1667   la  résolution  connue   sous  le  nom  d'Edit 


I  86  REVIJF    CRlTIQCî^ 

perpétuel,  qui  abolissait  le  stathoiidérat  et  en  interdisait  pour  toujour:; 
le  rétablissement.  D'autre  part,  il  s'efforça  de  gagner  le  jeune  Guil- 
laume m  lui-même  à  ses  vues  patriotiques  et  désintéressées;  chargé  par 
les  États  de  surveiller  Téducation  du  jeune  prince,  il  se  donna  à  cette 
tâche  avec  un  zèle  admirable,  poussé  par  l'espérance  de  mériter  sa  con- 
fiance, d'éveiller  en  son  âme  Pamour  désintéressé  de  sa  patrie,  d'étein- 
dre en  lui  toute  ambition  personnelle  :  un  jour  alors  viendrait  où  l'on 
pourrait  utiliser  pour  le  grand  profit  de  la  Hollande  les  rares  qualités 
qu'il  avait  vues  poindre  dans  son  esprit. 

L'avenir  lui  réservait  une  double  et  terrible  désillusion  :  dans  des 
pages  dramatiques,  où  Pémotion  naît  de  la  précision  même  des  détails, 
M.  L.  P.  nous  montre  comment  le  parti  orangiste  profita  habilement  de 
l'invasion  imprévue  de  la  Hollande  par  Louis  XIV  pour  relever  la  tête  ; 
Guillaume  III,  qui  longtemps  avait  dissimulé  sous  un  masque  impé- 
nétrable ses  espérances  et  ses  projets,  tourna  l'émotion  populaire  contre 
les  républicains  qui  étaient  alors  au  pouvoir;  l'édit  perpétuel  fut 
abrogé,  le  stathoudérat  rétabli,  et  comme  le  nouveau  stathouder  ne  se 
sentait  pas  affermi  au  pouvoir  tant  qu'il  n'aurait  pas  détruit  jusqu'à  la 
racine  l'influence  si  longtemps  exercée  par  le  chef  habile  et  honnête  du 
parti  républicain,  des  assassins  soudoyés  massacrèrent  à  La  Haye  Jean 
de  Witt  et  son  frère  Corneille  au  milieu  d'une  émeute.  Le  prince  d'O- 
range, il  est  vrai,  n'intervint  pas  lui-même  directement  dans  cette  tra- 
gédie, mais  ses  partisans,  ses  amis,  en  furent  les  instigateurs  ;  il  ne  fit 
rien  pour  prévenir  la  catastrophe,  ni  pour  punir  les  coupables,  et  le 
récit  de  M.  L.  P.  prouve  jusqu'à  l'évidence  sa  complicité,  au  moins 
morale,  dans  l'assassinat  du  grand  patriote  républicain. 

Faut-il  ajouter  que  çà  et  là,  notamment  dans  la  Préface  et  vers  la  fin 
du  second  volume,  quelques  phrases  ont  le  tort  de  sembler  inspirées  par 
les  événements  contemporains  plutôt  que  par  ceux  du  xvii^  siècle? 
M.  Lefèvre  Ponlalis  n'a  pas  pu  entièrement  nous  faire  oublier  qu'il  est, 
non  un  historien  de  profession,  mais  un  homme  politique  mêlé  à  notre 
histoire  contemporaine;  du  moins,  s'il  n'a  pas  toujours  résisté  à  la 
tentation  de  tirer  des  événements  qu'il  raconte  une  leçon  à  notre  adresse, 
il  est  impossible  de  contester  l'impartialité  vraie  du  récit.  Cette  oeuvre 
considérable  d'érudition  est  aussi  une  oeuvre  de  conscience. 

A.  Ammann, 


38.  —  X«l>lcB«  de  la  lîttécatui*e  nllemnncle,  par  Albert  Lange,  professeur 
au  lycée  Louis-le-Grand,  maître  de  conférences  à  la  Sorbonne.  Paris,  Léopold 
Cerf.  (Nouvelle  collection  illustrée  à  i  fr.  le  vol).  Petit  in-8,   i68  p. 

Ce  manuel,  sans  prétention  aucune,  est  divisé  en  neuf  chapitres  : 
I.  Les  origines;  II.  Le  premier  âge  classique;  III.  Fin  du  moyen  âge 
et  Réforme  ;  IV.  Période  d'anarchie  ;  V.  L'époque  classique  (on  aurait 


d'histoiri-;  !:t  de  littérature  187 

plutôt  attendu  «  Le  deuxième  âge  classique  »);  VI.  Lessing  et  Her- 
der;^\\.  Gœthe  ■  VIII.  Schiller;  ï^.  Les  temps  modernes. 

Ces  divisions  sont  nettes  et  tranchées;  peut-être  aurait-il  mieux  valu 
intituler  le  dernier  chapitre  l'époque  contemporaine,  et  le  titre  du 
IV'  chapitre  période  d'anarchie  ne  nous  paraît  pas  très  heureux;  car 
r  «  anarchie  »  dure  encore,  ce  nous  semble,  pendant  la  première  moitié' 
du  XVIII'  siècle,  et  la  période  que  M.  Lange  a  nommée  la  période  d'orage 
et  de  combat  (la  Sturm-  iind  Drangperiode],  est  certainement  une  épo- 
que d''anarchie  littéraire. 

Quoi  qu'il  en  soit,  l'ouvrage  est  clairement  distribué;  il  offre  un 
coup  d'œil  d'ensemble,  une  Uebersicht  sur  la  littérature  allemande  de- 
puis la  Version  d'Ulfilas  et  le  poème  de  Hildebrand  Jusqu'à  Freytag  et 
Geibel.  Les  idées  originales,  les  aperçus  brillants  sont  rares,  ou  plutôt 
il  n'y  en  a  pas;  mais  on  ne  peut  guère  exiger  d'un  livre  élémentaire  ce 
qu'on  réclame  d'une  histoire  de  la  littérature  en  un  ou  plusieurs  volu- 
mes. Les  analvses  sont  nombreuses,  et  il  faut  en  remercier  M.  L., 
dans  l'intérêt  du  grand  public  ou  mieux  du  public  ignorant;  elles 
sont  naturellement  courtes,  et  apprennent  ce  qu'il  faut  savoir. 

Mais  çà  et  là  quelques  négligences  de  forme  :  «  Schiller  nous  le 
montre...  refusant  de  saluer  le  chapeau  que  le  bailli  Gessler  a  fait 
arborer  sur  une  pique  et  tirant  une  pomme  de  dessus  la  tête  de  son 
fils  Walther  »  (p.  i38).  «  La  pièce  se  termine  par  la  prise  des  châteaux- 
forts  enlevés  par  ie  peuple  soulevé.  »  (p.  i5g.] 

Parfois  aussi  des  erreurs,  des  obscurités,  des  lacunes;  nous  citons 
celles  que  nous  avons  remarquées  en  feuilletant  rapidement  ce  petit 
livre. 

P.  i5.  «  Le  Ludipigslied  célèbre  la  victoire  de  Louis  III  d'Outre- 
mer »;  M.  L.  confond  Louis  III,  fils  de  Louis  le  Bègue,  et  Louis  IV, 
fils  de  Charles  le  Simple;  c'est  Louis  IV,  et  non  Louis  lîl,  qui  reçut 
le  surnom  d'Outremer. 

P.  25.  Pourquoi  écrire  toujours  le  nom  du  roi  burgonde  Gunter  au 
lieu  de  Gunther  (d'autant  que  M.  L.  écrit  Walther  et  non  «  Walter  »)? 

P.  3o.  M  Bodmer  rappela  en  ijSy  l'attention  de  ses  contemporains 
sur  ce  poème  national  (les  Nibelungen);  Mylier  le  publia  en  1782.  » 
On  croirait,  en  lisant  cette  phrase,  que  Bodmer  n'a  pas  publié  les  Ni- 
belungen; on  sait  pourtant  qu'il  en  fit  paraître  la  seconde  partie 
(Chrimhilden  Rache  und  die  Klage),  et  M.  L.  dit  lui-même  plus  loin, 
p.  75,  que  Bodmer  «  donna  une  édition  des  Nibelungen.  » 

Ibid.  «  Il  a  été  traduit  en  français  par  M  O.  de  Laveleye  »;  lisez 
Emile  de  Laveleye  et  ajoutez  la  date  1861. 

P.  40.  <  La  modération  de  Freidank.  »  Il  faut  traduire  Bescheiden- 
heit  par  «  discernement,  intelligence,  sagesse,  »  et  non  par  «  modé- 
ration ». 

P.  4:.  Dans  l'analyse  de  VIsengrines  not  M.  L.  cite  le  roi  Brevel,  au 
lieu  de  Vrevel  [ou  Frevel);   aurait-il   pris  le  V  allemand  pour  un  B? 


l88  KKVUK    CUITIQUK 

Il  ajoute,  entre  parenthèse,  «  noble  »  ;  il  a  sans  doute  voulu  dire  que  le 
Vrevel  allemand  n'est  autre  que  Noble  ou  le  lion;  mais  le  lecteur  croira 
que  Vrevel  signifie  noble,  tandis  que  ce  mot  était  alors  synonyme  de 
muthig  et  de  kulm. 

P.  55.  Brant  est  né  en  1457,  et  non  en  1458. 

P.  58.  Murner  est  mort  en  1 537,  et  non  en  i53o. 

P.  66,  pas  un  mot  de  Giinther,  pas  même  son  nom;  M.  L.  sait  pour- 
tant que  Gœthe  lui  consacre  une  page  entière  dans  Poésie  et  Vérité  cl 
qu'il  le  nomme  «  un  poète  dans  le  plein  sens  du  mot  ». 

P.  77.  On  ne  peut  prononcer  le  nom  de  Rabener  sans  citer  celui  de 
Liscow  ;  mais  on  cherchera  vainement  dans  le  livre  de  M.  L.  le  nom  de 
l'adversaire  de  Sievers  et  de  Philippi. 

P.  75.  a  Gottsched  s'enfuit  à  Leipzig  pour  ne  pas  être  incorporé  de 
force  dans  Tarmée  du  grand  Electeur  »  Gottsched  s'enfuit  en  1724,  et 
le  grand  Electeur  —  dont  M.  L.  parle  p.  67  a  propos  d'Opitz  —  était 
mort  au  siècle  précédent,  trente-six  années  auparavant,  en  1688;  le 
prince  qui  régnait  en  Prusse  était  le  roi  sergent,  Frédéric-Guil- 
laume l''^ 

P.  78.  a  Pfeffel,  1736-1809  »,  et  c'est  tout  ce  que  dit  M.  L.  sur  le 
gracieux  fabuliste,  l'auteur  de  la  Pipe  turque  ;  Pfeffel  méritait  davan- 
tage; d'autant  qu'il  est  français  (né  à  Colmar;  directeur  d'une  école 
militaire,  qu'il  avait  fondée  dans  sa  ville  natale;  nommé  en  i8o3  par 
Napoléon  président  du  consistoire  évangélique). 

P.  85.  «  Klopstock  dans  sa  vieillesse,  fit  une  part  importante  dans 
ses  œuvres  à  la  mythologie  septentrionale»;  c'est  en  1767  que  l'ode 
meine  Freunde  fut  remaniée  sous  le  titre  de  Wingolf;  Klopstock  avait 
alors  40  ans  ;  il  est  donc  inexact  de  parler  ici  de  sa  vieillesse. 

P.  86.  M.  L.  nomme  parmi  les  collaborateurs  de  \^ Almanach  Cra- 
mer, qui  ne  méritait  guère  d'être  cité;  il  aurait  dû,  en  tout  cas,  donner 
son  prénom,  pour  le  distinguer  d'un  autre  Cramer,  père  de  celui-là, 
collaborateur  àesBremer  Beitriige  et  mentionné  p.  77.  H  aurait  dû,  en 
nommant  Miller,  ajouter  Vauteur  du  Siegwart.  II  aurait  dû  enfin 
nommer  Leisewiiz,  l'auteur  de  Jules  de  Tarente. 

Ibid.  «  Gessner  que  ses  idylles  firent  surnommer  le  Théocrite  alle- 
mand »  ;  ce  fade  et  insipide  auteur  n"est  pas  jugé  assez  sévèrement. 

P.  87.  La  société  de  Goettingue  n'a  jamais  pris  le  nom  de  Hain- 
bund ;  ce  nom  a  été  forgé  postérieurement  (par  Voss,  en  1804):  le  nom 
que  se  donnaient  les  jeunes  admirateurs  de  Klopstock  était  le  Bund  ou 
le  Haiti,  terme  favori  de  Klopstock  qui  oppose  volontiers  la  forêt  ger- 
maine à  la  colline  grecque,  Hiigel. 

Ibid.  «  Les  jeunes  écrivains  allèrent  prendre  Klopstock  dans  une 
voiture  à  huit  chevaux.  »  Je  ne  sais  où  M.  L.  a  trouvé  ce  dernier 
détail;  il  n'est  question  dans  la  lettre  de  Voss  que  d'un  simple 
Wagen. 

P.  88.  M.  L.  parle  de  deux  mariages  de  Burger  (Molly  et  sa  sœur); 


a  HISTOIRK    tiJ     DE     UTTEhATUllh  189 

pourquoi  n'a-t-il  rien  dit  du  troisième  et  si   malheureux  mariage  avec 
Elise  Hahn? 

Ibid.  M.  L.  a  jugé  bon  de  reproduire  une  grïivure  qui  représente  «  le 
tombeau  de  Klopstock  à  Ottensen»;  il  fallait  mettre  une  note  et  rappeler 
le  beau  poème  de  Rûckert,  die  Gràber  ^u  Ottensen,  rappeler  que  Char- 
les-Ferdinand de  Brunswick,  le  vaincu  d'Iéna,  est,  lui  aussi,  enseveli 
«  zu  Ottensen,  an  der  Mauer  der  Kirch'  »,  rappeler  que  Klopstock  re- 
pose à  côté  de  sa  Meta  et  de  son  enfant,  «  mit  seiner  Gattiu  lieget  und 
ihrem  Sohne  dort » 

Ibid.  Qu'est-ce  que  le  chasseur  magique  de  Biirger?  M.  L.  a  voulu 
dire  sans  doute  «  le  chasseur  sauvage  »  (der  wilde  Jager). 

Ibid.  Lenore  est  «  la  première  pièce  (de  Burger)  qui  parut  dans  l'Al- 
manach  »  :  elle  fut  publiée  dans  TAlmanach  des  Muses  de  1774;  or 
Biirger  avait  collaboré  auxalmanachs  de  1771,  de  1772  (sous  la  lettre  u), 
et  de  1773. 

P.  89.  «  Voici  sa  chanson  (de  Holty)  sur  le  vin  du  Rhin,  dont  le 
début  rappelle  Alfred  de  Musset.  »  Où  M.  L.  prend-il  cette  chanson  sur 
le  vin  du  Rhin?  Cette  pièce  de  vers,  tendre  et  mélancolique,  a  pour 
titre,  non  pas  «  le  vin  du  Rhin  »,  mais  Vermâchtniss  ou  «  Testament  »; 
elle  ne  se  compose  que  de  deux  strophes,  toutes  deux  très  touchantes. 
Pour  s'en  convaincre,  que  M.  L.  ouvre  l'édition  de  Halm  à  la  p.  109. 

P.  90.  Ce  ne  furent  pas  «  les  membres  du  Bund  qui  procurèrent  à 
Voss  les  moyens  de  gagner  sa  vie  ».  Le  Bund  n'était  pas  fondé  lorsque 
Voss  se  rendit  à  Goettingue,  et  son  seul  patron,  celui  qui  lui  pro- 
cura des  leçons,  qui  se  fit  son  protecteur  et  son  «  père  »,  fut  le  généreux 
Boie. 

P.  99.  «  Mylius,  un  de  ses  parents...  »;  il  vaudrait  mieux  dire  :  un 
de  ses  amis;  voir  le  i"  vol.  du  Lessing  de  Danzel-Guhrauer,  I, 
pp.  i5-i6. 

P.  100.  «  Lessing  fut  nommé  bibliothécaire  à  Wolfenbûttel  où  il  se 
maria  (1777)  »■  H  fallait  dire  «  à  Wolfenbûttel  où  il  vécut  désormais, 
après  s'être  marié  »  ;  Lessing,  en  effet,  se  maria  à  Hambourg  où  demeu- 
rait sa  fiancée,  Eva  Kônig,  et  ce  lut  en  1776,  et  non  en  1777. 

P.  102.  Le  Marinelli  deVEmilia  Galotti  n'est  pas  le  «  ministre  »  du 
duc  de  Gonzague;  il  est  son  chambellan  (Kammerherr),  et  le  mot  delà 
jeune  fille  «  ehe  der  Sturm  sie  entblattert  »  doit  être  traduit  par  «  avant 
que  l'orage  Tait  eff^euiilée  »  et  non  pas  «  avant  que  Torage  l'eût  flé- 
trie ». 

P.  I  12.  «  Reinhold  Lenz  (1750-1792)  ».  On  sait,  depuis  le  travail  de 
Falck,  que  Lenz  avait  pour  prénoms  Jacob  Michael  Reinhold,  que 
son  Rufname  était  Jacob  et  non  Reinhold,  qu'il  est  né  le  1 2  janvier  1 75 1 . 

P.  1 15.  Il  n'est  plus  permis  de  dire  Thorane;  le  vrai  nom  du  comte 
était  Thorane  ou  Thorenc. 

Ibid.  Les  ministres  des  réfugiés  protestants  se  faisaient  entendre, 
non  pas  à  Francfort,  mais  en  dehors  de  la  ville,  à  Bockenheim. 


igO  REVUE    CRITIQUE 

Ibid.  Goethe  «  cite  particulièrement  Gellert  et  Gottsched  parmi  les 
maîtres  les  plus  célèbres  de  Leipzig  »,  mais  il  n'a  pas  suivi  leurs  cours 
très  assidûment. 

P.  1 16,  Tédileur  de  la  Chronique  de  Goetz  se  nomme  Steigerwald  et 
non  Steigenwald,  et  c'est  en  1771,  et  non  en  1772,  que  Goethe  composa 
«  sous  la  plus  ancienne  forme  qui  nous  en  soit  parvenue  le  premier  de 
ses  grands  ouvrages  ». 

P.  117.  Il  n'est  pas  tout-à-fait  exact  de  dire  que  que  Goetz  «  suc- 
combe à  ses  blessures  »  ;  und  mehr  als  das  ailes,  die  Finsterniss  seiner 
Seele,  dit  Elisabeth  :  le  chevalier  meurt,  en  proie  au  découragement  et 
au  désespoir;  il  ne  survit  pas  à  la  liberté  perdue. 

Ibid.  Marie  est  la  sœur  de  Goetz,  et  non  sa  belle-sœur. 
P.  122.  En  plaçant  la  Campagne  de  France  entre  les  «  Epigrammes 
vénitiennes  »  et  Reineke  Fuchs,  M.  L.  fait  croire  à  ses  lecteurs  que 
Gocihe  publia  cet  ouvrage  immédiatement  après  l'expédition  ;  or,  on  sait 
que  ce  récit  ne  fut  composé  qu'en  1820  et  1 821  ;  il  fallait  en  parler  après 
Poésie  et  Vérité. 

P.  123.  Une  expression  inexacte  s'est  glissée  dans  l'analyse  de  i/er- 
manji  et  Dorothée;  M.  L.  dit  que  le  jeune  homme  porte  des  secours  à 
des  émigrés;  le  lecteur  croira  naturellement  quMl  s'agit  de  Français; 
or,  les  fugitifs  sont  des  Allemands  de  la  rive  gauche  du  Rhin. 

P.  125.  Pourquoi  nommer  Tamante  d'Edouard  Odile,  au  lieu  de  lui 
conserver  le  nom  d'Ottilie  qu'ont  gardé  tous  les  critiques  français? 
M.  L.  n'a-t-il  pas  cité  (p.  i63)  Ottilie  Wildermuth? 

P.  134.  Il  serait  temps  de  faire  disparaître  de  Thistoire  littéraire 
l'ineptie  attribuée  par  M.  L.  à  la  Convention.  D'abord,  ce  n'est  pas  la 
Convention  qui  conféra  à  Schiller  le  titre  de  citoyen  français  ;  ce  fut 
l'Assemblée  législative  qui,  dans  sa  séance  du  26  août  1792,  déféra  ce 
titre  à  Klopstock  et  à  Schiller  [Moniteur  du  28  août).  Croit-on  d'ail- 
leurs que  Guadet  qui  proposa  le  décret  au  nom  de  la  commission 
extraordinaire,  que  Vergniaud  et  Lasource  qui  l'appuyèrent,  ignoraient 
le  nom  de  Schiller?  Si  le  nom  du  grand  poète  fut  défiguré  et  prit  la 
forme  de  Gille,  ce  fut  l'erreur,  non  pas  d'une  assemblée  française,  mais 
d'un  scribe  obscur  de  ministère,  et  le  nom  de  Schiller  est  inscrit  en 
toutes  lettres,  sans  faute  aucune,  dans  les  colonnes  du  Moniteur  ;  c'est 
l'essentiel. 

P.  143.  «  Henri  de  Kleist  dont  les  drames  sont  les  meilleurs  qui 
aient  été  composés  depuis  Schiller,  ...  Werner,  qui  fut  le  créateur  des 
tragédies  du  destin...  »,  et  M.  L.  ne  donne  pas  de  titre  d'un  seul  de  ces 
drames,  d'une  seule  de  ces  tragédies!  Pas  une  date  dans  cette  page,  où 
on  trouve  les  noms  de  La  Motte  Fouqué,  de  Clément  Brentano, 
d'Achim  d'Arnim  [et  Bettina?),  d'Eichendorf,  de  Hôlderlin,  de  Kleist, 
de  Werner,  de  Chamisso;  tout  au  plus  si  M.  L.  nous  dit  que  Chamisso 
est  «  né  en  France  »,  et  il  ne  dit  pas  un  mot  du  château  de  Boncourt, 
de  Salas  y  Gome^  et  de  Matteo  Fa l cône. 


d'histoire  et  de  litticrature  191 

p.  146.  M.  L.  ne  voit  dans  Platen  que  Pauteur  de  la  Fourchette  fa- 
tale et  de  Y  Œdipe  romantique  ;  il  aurait  dû  dire,  au  moins  en  passant, 
que  les  odes  de  Platen  ont  une  perfection  de  forme  merveilleuse. 

P.  149.  Pourquoi  ne  pas  donner  les  dates  de  la  naissance  et  de  la  mort 
de  Grillparzer,  de  Zedlitz,  de  Lenau,  d'Anastase  Grun?  Pourquoi  ne 
pas  donner  les  titres  des  drames  de  Grillparzer  et  des  principales  œuvres 
de  Lenau?  «  Lenau,  dit  M.  L.,  était  un  poète  d'un  grand  talent,  mais 
malade  d'esprit;  les  doutes  qui  le  torturaient,  le  poussèrent  à  la  mélan- 
colie »  et  c'est  tout.  Franchement,  c'est  un  peu  sec.  Et  Savonarole,  et 
les  A  Ibigeois,  et  Faust  !  ^ 

P.  i5o.  «  Les  écrivains  de  la  Jeune  Allemagne  raillèrent  Klopstock 
et  le  Tugendbund  »;  Heine,  Gutzkow,  etc.,  ne  se  souciaient  guère  de 
Klopstock  mort  en  i8o3  et  déjà  bien  démodé. 

P.  ibi.  M.  L.  parle  des  drames  de  Gutzkow,  et  il  cite  Richard  Sa- 
vage, Die  Schule  der  Reichen  et  Zopf  und  Sdiwert  ;  on  s'eion- 
nera  qu'il  ait  oublié  Uriel  Acosta  et  das  Urbild  des  Tartuffe. 

P.  i55.  Freiligrath  ne  vécut  pas  seulement  de  traductions;  il  fut 
commis,  aux  appointements  de  200  livres  sterling,  dans  une  grande 
maison  de  commerce,  la  maison  Oxlord;  puis  dans  une  succursale  de  la 
banque  de  Suisse.  Le  fait  est  remarquable,  et  nous  l'avons  déjà  dit  dans 
cette  revue;  Freiligrath  aima  mieux  faire  le  métier  de  commis  que 
d'éparpiller  et  de  gâter  son  talent;  il  acceptait  la  servitude  du  comptoir 
pendant  le  jour  pour  donner  le  soir  a  la  muse  sa  pleine  liberté. 

P.  iSy.  a  Les  œuvres  de  Charlotte  Birch-Pfeitïer  forment  22  volu- 
mes ».  Les  œuvres  dramatiques,  complètes,  parues  de  iS63  à  i88o 
forment  23  volumes;  les  «  nouvelles  et  récits  »,  parus  de  1862  à  i865, 
3  autres  volumes. 

Ibid.  «  Holtei,  1 798-1 880  m;  il  fallait  dire  Gh.  de  Holtei,  né  en  1797 
(le  24  janvier.) 

Ibid.  A  côté  de  Holtei  et  de  Benedix  ne  fallait-il  pas  citer  Ferdinand 
Raimund,  le  génial  Viennois,  Fauteur  du  Verschtyender  et  du  Bauer 
als  Millionlir? 

P.  i58.  Les  Journalistes  de  G.  Freytag  ont  paru  en  1854,  et  non  en 
i85?. 

Ibid.  Le  titre  d'un  des  romans  historiques  de  Freytag  a  été  traduit 
par  M.  L.  «  les  frères  de  la  maison  d'Allemagne.  i>  (Die  Bruder  vom 
deutschen  Hause)  !  Il  s'agit  de  l'Ordre  Teutonique  (der  deutichc  Orden 
ou  das  deutsche  Haus)  -. 


1.  Que  M.  Lange  ne  dise  pas  que,  s'il  tenait  compte  de  nos  remarques,  il  aurait 
trop  grossi  son  volume;  nous  ne  lui  demundons  que  des  titres,  des  dates,  et  une 
ou  deux  lignes  de  plus  pour  Gùnther,  Liscow,  Ptetfel,  Leisewitz,  etc.  :  lu  tout 
trois  ou  quatres  pages;  cela  nous  mènerait  à  170  pages,  au  lieu  de  106.  Les  p.  iS3 
et  1G6  sur  le  dédain  de  la  France  pour  l'Allemagne  et  la  «  peine»  qu'a  prise  l'au- 
teur, sont-elles  d'ailleurs  bien  utiles.^ 

2.  Charlotte  était-elle  fille  d'un  intendant  de  «  la  maison  d'Allemagne  »  ? 


]g2  REVUK    CUITIQUE 

Ibid.  M.  L.  oublie  de  citer,  après  les  Geschtvister,  la  sixième  partie 
des  «  Aïeux  »  de  Freytag  «  Ans  einer  kleinen  Stadt  »  (1880). 

P.  160.  Pourquoi  ne  pas  citer  les  titres  des  «  beaux  travaux  »  de  Nie- 
buhr,  Mommsen  et  Curiius? 

Id.  «  L'Histoire  au  siècle  de  la  Réforme  »,  de  Ranke;  il  fallait  dire 
«  Histoire  de  V Allemagne  »  (deutsche  Geschichte). 

Id.  «  Les  Annales  prussiennes  à  partir  de  1866,  de  de  Treitschke  »  ; 
M.  L.  a  pris  une  revue  pour  un  livre  d'histoire;  il  aura  lu  dans  quel- 
que manuel  «  Preussische  Jahrbûcher  seit  1866  »,  etc.;  il  n'a  pas  vu 
qu'il  s'agissait  du  recueil  mensuel  Preussische  Jahrbiicher  que  Trei- 
tschke dirige  depuis  1806.  S'il  fallait  ciier  un  ouvrage  du  brillant  po- 
lémiste, c'était  sa  deutsche  Geschichte  im  neun\ehnten  Jahrhundert . 

Id.  U Histoire  de  la  littérature  allemande  de  Vilmar  est  citée  à  côté 
de  celle  de  Gervinus.  à  côté  de  Ranke  et  de  Mommsen.  Il  fallait  citer 
plutôt  celle  de  W.  Scherer,  celle  de  Hettner. 

Ibid.  U  fallait  avec  les  hisioriens  énumérer  les  philosophes.  M.  L.  ne 
cite  même  pas  Schelling,  Schopenhauer  et  Edouard  de  Hartmann!  Il 
ne  cite  pas  Zeiler,  Visclier,  Carrière,  David  Strauss!  Il  ne  cite  pas  Mohl, 
Blunlschli  et  Gneist,  Yirchow  et  Helmholtz!  Mais  n"a-t-il  pas  oublié 
parmi  les  historiens  Dahlmann,  Waitz.  Sybel,  Duncker,  Gregorovius, 
Reumont,  Biedermann,  Justi,  Burckhardt;à  côté  des  Grimm,  Lach- 
mann  et  Diez,  Bopp,  Schleicher,  Max  Millier,  Steinthal,  Otfried  Mill- 
ier? Et  Karl  Hillebrand  que  connaissent  bien  des  Français,  ne  méritait- 
il  pas  une  ligne  au  moins?  ^ 

P.  161.  On  saura  gré  à  M.  L.  d'avoir  consacré  une  demi-page  aux 
romans  de  M.  Ebers;  mais  il  aurait  fallu  :  1°  donner  la  date  de  la  nais- 
sance de  régyptologue  (i"^""  mars  iSSy);  2"  placer /e^  Sœurs  après  Homo 
swn.,  en  1880  et  non  en  1879-,  3"  chev  der  Kaiser  (1881)  et  die  Frau 
Burgemeisterin  (18S2). 

P.  162.  «  Les  histoires  villageoises  de  Bitzius  »  ;  il  fallait  ajouter  qu'Al- 
bert Bitzius  —  d'ailleurs  Suisse  de  naissance  —  a  signé  toutes  ses  œu- 
vres du  nom  de  Jérémie  Gotthelf. 

P.  i63.  M.  Lange  oublie  justement  parmi  les  œuvres  de  Fritz  Reuter 
celle  qui  nous  intéresse  ic  plus,  ut  de  Fran^osentid,  traduite  en  1880 
par  M.  Zeys  sous  le  titre  iin  l'année  18 13. 

Ibid.  Lire  Marie  de  Nathusius  et  non  «  Marie  Nathusius  ». 

P.  164.  Annette  de  Droste-Htilshofî  est  morte,  non  en  1887,  mais  en 
en  1848  (le  24  mai)  et  Jordan  est  né  en  1819  (le  8  février)  et  non  en 
1829. 


I.  Il  faut  bien  se  dire  que  la  plupart  de  ceux  qui  lisent  l'histoire  a'une  littératu;  j 
étrangère  courent  aussitôt  aux  dernières  pages  et  veulent  connaître  surtout  \~ 
mouvement  contemporain.  C'est  ce  qu'a  justement  senti  M.  Jean  Fieury  (voir  la 
dernière  partie,  si  intéressante,  si  instructive  pour  les  étrangers,  de  son  Histoire 
élémentaire  de  la  littérature  française). 


n  HISTOIRE    ET    DK    LITTEit  ATURF,  \  q  :> 

P.  i65.  Nicolas  Becker,  l'auteur  du  Rhin  allemand  est  né,  non  en 
1809,  mais  en  i8io(le  i5  janvier). 

Ibid.  L'auteur  de  la  Wacht  avi  Rheinse  nomme  Max  Schneckenbur- 
ger  et  non  Maurice  Scheckenburger,  et  il  eût  fallu  citer  le  nom  du  com- 
positeur de  ce  chant  national,  Cari  Wilhelm.  Pourquoi  ne  pas  ajouter 
que  le  Rhin  allemand  et  la  Faction  sur  le  Rhin  datent  tous  deux  de 
1840  ■? 

Nous  pensons  que  cette  suiie  d'observations  sera  utile  à  M.  L., 
qu'il  en  fera  son  profit  pour  une  seconde  édition,  qu'il  nous  saura 
gré  d'appeler  son  attention  sur  ses  lacunes  et  ses  fautes.  Nous  ne  nions 
pas  au  reste  la  peine  qu'il  a  prise  et  le  difficile  travail  de  condensation 
qu'impose  la  rédaction  d'un  manuel  qui  doit  contenir  tant  de  choses 
en  si  peu  de  pages.  Ce  tableau  sommaire,  comme  le  nomme  M.  Lange, 
est  assez  terne;  il  faut  y  faire  en  maint  endroit  des  corrections  et  des 
retouches;  malgré  tout,  il  contribuera  selon  l'expression  de  l'auteur,  à 
mieux  faire  connaître  un  peuple  et  un  pays  dont  la  connaissance 
importe  à  tant  d'égards  (p.  166). 

A.  Chuquet. 


CORRESPONDANCE 


ÏLiettre      de      M.      B>îvet. 

Je  reçois  aujourd'hui  seulement  communication  d'un  article  de  la  Revue  critique 
d'histoire  et  de  littérature,  où  M.  Gazier  conteste  les  conclusions  d'une  note  que  j'ai 
publiée  dans  le  Temps  du  20  octobre  dernier,  pour  prouver  que  «  les  comédiens  ne 
sont  pas  excommuniés  ». 

Je  remercie  M.  Gazier  d'avoir  donné  son  attention  à  mon  article;  je  ne  le  remer- 
cie pas  moins  de  la  courtoisie  de  sa  discussion  :  c'est  un  honneur  et  un  plaisir 
d'avoir  un  contradicteur  tel  que  lui. 

Les  objections  de  M.  Gazier,  pour  être  présentées  en  excellents  termes,  n'en  sont 
pas  moins  formelles. 

M.  Gazier  laisse  de  côté,  pour  aller  droit  au  but,  dit-il,  les  raisonnements  plus  ou 
moins  spécieux  que  j'ai  accumulés. —  11  dit  spécieux;  je  à\s  probants  :  ni  lui  ni 
moi  ne  pouvons  décider  entre  nous  :  nos  lecteurs  seront  nos  juges. 

I.  Les  fautes  d'impression  sont  nombreuses  :  p.  38  Pey  pour  Pcj  et  fur  pour 
fiir;  p.  40  Striker  pour  Stricker-,  p.  41  Ubelloch  pour  Uebelloch ;  p.  70  Judi- 
tenkirch  pour  Judithenkirch ;  p.  77  Zackariae  pour  Zacliariœ;  p.  100  Tauentzien 
pour  Taucu:iien;  p.  ni  Museus  pour  Mus'aus;  p.  i38  Atlinghausen  pour  Atting- 
hausen  ;  p.  141  Atheneum  pour  Aikencieum  ;  p.  146  Lutzow  pour  Lût:^ù)v ; 
p.  107  bemoste  pour  beniooste  ;  p.  160  Hœuser  pour  Haeusser ;  Treitsckke  pour 
Trefi^c'/z/ce;  Hedwig  pour  Hedivige ;  Sculûngtn. 'poMV  S'àckingen;  p.  i63  Fany  pour 
Fanny  et  Otilie  pour  Citilie;  p.    164  Hûhishoft  pour  Hùlshoff,  etc. 


194  RKVUh    CHlilQOE 

M.  Gazier  n'est  pas  surpris  que  les  comédiens  aient  pu  se  confesser  et  faire  bapti- 
ser leurs  enfants;  soit,  ce  sont  là  deux  actes  entre  plusieurs  autres  que  j'ai  notés. 
Mais  du  mariage  des  comédiens  entre  eux  devant  l'église,  mais  des  comédiens  accep- 
tés comme  parrains,  mais  des  comédiens  admis  à  la  communion  pascale,  que  dit- 
il?  Rien.  Peut-il  se  refuser  à  y  voir  trois  fois  pour  une  '  la  preuve  qu'ils  n'étaient 
pas  excommuniés?  Or  ce  sont  des  faits  incontestés  que  Molière,  par  exemple,  s'est 
régulièrement  et  religieusement  marié,  qu'il  a  été  plusieurs  fois  parrain,  que  sa 
femme  a  été  plusieurs  fois  marraine,  et  qu'il  a  communié  à  Pâques  de  1672. 

M.  Gazier  me  reproche  de  n'avoir  pas  consulté  les  rituels  publiés  «  dans  tous  les 
diocèses  »,  et  en  particulier  le  rituel  de  Paris.  Il  est  vrai  que  je  n'ai  pas  dit  dans  mon 
article  tout  ce  que  je  pouvais  dire,  les  raisons  que  j'avais  données  mayant  paru 
suffisantes.  Mais  je  connais  le  rituel  de  Paris,  et  j'en  connais  assez  d'autres  pour 
savoir  que  M.  Gazier  s'est  trop  avancé  en  présentant  tous  les  rituels  comme  portant 
des  dispositions  identiques  dans  la  question  qui  nous  occupe;  trop  avancé  aussi  en 
disant  qu'il  s'est  trouvé  un  rituel  où  les  comédiens  sont  privés  du  viatique  comme 
excommuniés  :  les  rituels  les  plus  sévères,  —  et  notamment  le  rituel  de  Paris,  — 
leur  retirent  cette  faveur  en  qualité  de  pécheurs  publics,  ce  qui  est  bien  différent,  le 
pécheur  public  étant  simplement  un  pécheur  comme  M.  Gazier  ou  moi,  mais  dont 
les  péchés  sont  notoires  sans  qu'il  les  confesse,  tandis  que  les  miens  et  ceux  de 
M.  Gazier  ne  seront  connus  du  prêtre  que  si  lui  et  moi  les  confessons  :  lui  et  moi, 
à  priori,  sommes  supposés  sans  péché  :  le  pécheur  public  est  reconnu  avoir  péché, 
mais  n'est  pas  excommunié  pour  cela. 

Que  dit  en  effet  le  Rituel  de  Paris?  «  On  se  gardera  surtout  de  conférer  le  Viati- 
que à  ceux  qui  sont  indignes  avec  scandale  d'autrui,  tels  sont  les  usuriers  publics, 
les  concubinaires,  les  comédiens,  les  criminels  notoires,  les  (malades)  excommuniés 
nominativement  et  nominativement  dénoncés.  »  —  Les  usuriers,  les  comédiens,  les 
criminels  notoires  forment  une  catégorie,  la  catégorie  des  indignes  pour  cause  de 
scandale  public,  et  les  excommuniés  nominativement  en  forment  une  autre.  —  Dans 
la  première  rentreront  aussi,  s'ils  refusent  de  renoncer  à  leurs  péchés,  tous  les  pé- 
cheurs non  publics,  les  adultères,  les  voleurs,  etc.,  dont  le  péché  ne  sera  connu  que 
par  leur  confession,  au  lieu  de  l'être  par  la  notoriété  publique;  mais  seront-ils  pour 
cela  excommuniés?  Nullement. 

En  matière  si  délicate,  c'est  peu  de  chose  que  l'opinion  d'un  laïc.  Un  théologien 
compétent  qui  se  rangera  du  côté  de  M.  Gazier  ou  du  mien  sera  d'un  poids  décisif 
dans  la  balance,  et,  pour  moi,  je  déclare  que  si  le  cardinal  Gousset,  dont  l'autorité  est 
acceptée  par  toute  l'Eglise  de  France,  a  traité  la  question,  je  me  soumettrai  à  sa  dé- 
cision. M.  Gazier  veut-il  accepter  cet  arbitrage?  — Je  ne  puis  croire  à  son  refus. 

Ouvrons  donc  la  Théologie  morale.  J'ai  entre  les  mains  la  treizième  édition,  pu- 
bliée en  i865,  2  vol.  in-8°  :  c'est  là  que  pourront  être  contrôlées  mes  citations. 

T.  I,  p.  2(i3.  —  «  Le  spectacle  par  lui-même  n'est  point  mauvais  ;  on  ne  peut  donc 
le  condamner  d'une  manière  absolue;  mais  il  est  plus  ou  moins  dangereux  suivant 
les  circonstances  et  l'objet  des  pièces  qu'on  y  joue;  on  ne  peut  donc  approuver  ceux 
qui  ont  l'habitude  de  le  fréquenter;  on  doit  même  l'interdire  à  toutes  les  person- 
nes jjowr  lesquelles  il  devient  une  occasion  prochaine  dépêché  mortel  1^,  et  non  aux 
autres,  bien  entendu. 

«  Le  spectacle  n'étant  point  mauvais  de  sa  nature,  la  profession  des  acteurs  et  des 
actrices,  quoique  généralement  dangereuse  pour  le  salut,  ne  doit  pas  être  regardée 

I.  M.  L.  fait  erreur  ici,  j'ai  dit  en  propres  termes  que  les  cures  «  consentaient  ù  marier  les  co- 
médiens. »  —  A.  G. 


d'HISTOIU:'.    et    de    LiTTKRAT!.mfc  IQS 

comme  une  profession  absolument  mauvaise  ».  Mgr  Gousset  cite,  à  l'appui  de  cette 
déclaration,  un  grand  nombre  de  textes  :  S.  Thomas,  S.  Antoine,  S.  Alph.  de  Li- 
guori,  et  S.  François  de  Sales  ;  il  ajoute  : 

M  On  voit  que  ces  Saints  Docteurs  ne  croyaient  point  que  les  acteurs,  les  comédiens 
fussent  excommuniés.  Et  effet^  il  n'existe  aucune  loi  générale  qui  proscrive  cette 
profession  sous  peine  tf  excommunicaii on .  » 

On  a  invoqué,  pour  soutenir  la  thùse  de  l'excommunication  des  comédiens, 
un  canon  du  Concile  d'Arles  tenu  en  314.  Mais  qui  oserait  dire  que  les  théâtres  de 
cette  époque  étaient  comparables  aux  théâtres  modernes  ?  Mgr  Gousset,  après  avoir 
cité  ce  canon,  ne  lui  donne  d'autre  importance  que  celle  d'un  règlement  particulier, 
et  fait  précisément  la  distinction  que  nous  venons  de  faire  entre  les  spectacles  de 
cette  époque  et  les  spectacles  établis  en  France  au  moyen  âge,  avec  les  confrères  de 
la  Passion,  et  dans  les  temps  modernes  depuis  Jodelle, 

Au  tome  II  du  même  ouvrage,  p.  02,  Mgr  Gousset  reprend  la  question  et  se  de- 
mande «  si  on  doit  refuser  les  sacrements  aux  comédiens  qui  les  demandent  publi- 
quement ?  »  —  Suit  une  double  réponse,  au  point  de  vue  du  fait,  au  point  de  vue  de 
l'histoire. 

Après  avoir  séparé  les  comédiens  proprement  dits,  c'est  à  dire  «  les  acteurs  ou 
actrices  qui  jouent  des  rôles  tant  dans  le  comique  que  dans  le  tragique  »,  des  bate- 
leurs, danseurs  de  corde,  «  en  un  mot  des  histrions  »,  le  savant  cardinal  est  d'avis 
que  les  sacrements  doivent  être  refusés  à  ces  derniers,  «  à  moins  qu'ils  n'aient  re- 
noncé ou  ne  déclarent  publiquement  renoncer  à  une  profession  justement  flétrie  par 
l'opinion  publique  »...  —  «  Mais  en  est-il  de  même  de  tous  les  comédiens?  Est-on  tenu 
de  les  éloigner  des  sacrements  par  cela  seul  qu'ils  sont  comédiens  ?  Nous  ne  le  pen- 
sons pas  :  le  Rituel  romain  ne  les  exclut  pas  des  sacrements,  et  on  les  y  admet  géné- 
ralement partout  ailleurs  qu'en  France  ».  —  Suit  la  liste  d'un  certain  nombre  de 
diocèses  dont  les  rituels  ne  sont  pas  moins  favorables  que  le  Rituel  romain  à  l'admis- 
sion des  comédiens  aux  sacrements  :  et  ceci  répond  à  l'asseriion  de  M.  Gazier  ap- 
pelant à  son  aide  tous  les  rituels  '. 

Si  un  certain  nombre  de  diocèses  admettent  les  comédiens,  d'autres  les  repoussent 
donc":  Oui,  «  mais  ceux  de  nos  rituels  qui  les  excluent  ne  les  excluent  pas  pour 
cause  d'excommunication  ;  ils  les  excluent  uniquement  comme  pécheurs  publics  ou 
comme  infâmes.  D'ailleurs  le  droit  public  n'excommunie  point  les  comédiens  ». 

Nous  n'avons  pas  dit  autre  chose. 

Reste  la  question  de  la  sépulture  des  comédiens,  en  général,  et  de  Molière  en  par- 
ticulier. 

Dans  les  diocèses  où  les  comédiens  étaient  considérés  comme  des  pécheurs  publics, 
c'est-à-dire  comme  des  pécheurs  dont  le  péché  était  connu  sans  qu'ils  s'en  confes- 
sassent et  par  la  seule  notoriété  de  leur  profession,  si  le  comédien  mourait  sans 
s'être  réconcilié,  —  je  crois  qui  c'est  le  terme  théologique,  —  il  était  dans  le  cas  de 
tout  autre  pécheur  public  qui  mourait  sans  absolution.  Mais,  dans  ces  diocèses 
mêmes,  s'il  se  confessait  et  se  mettait  dans  les  conditions  voulues  pour  recevoir 
l'absolution,  pécheur  public  ou  pécheur  privé,  comédien  ou  adultère,  son  péché  lui 
était  remis;  il  avait  droit  à  la  sépulture  ecclésiastique,  et  même  à  la  sépulture  dans 
les  églises,  comme  nous  l'avons  vu  pour  un  grand  nombre  d'acteurs  dont  nous  avons 
cité  les  noms. 

Nous  arrivons  à  Molière.  II  esi  évident  que  Molière,  frappé  dans  les  circonstances 
que  l'on  sait,  ne  pouvait,  au  point  de  vue  des  règlements  ecclésiastiques,  être  con- 


1.  Tous  ceux  des  xvii<-  et  xvjue  siècles;  e!  tous  ceux  de  France,  bien  entendu. 


sidéré  autrement  que  comme  un  pécheur,  —  puisqu'il  était  comédien,  —  et  un  pé- 
cheur non  réconcilié,  puisqu'il  était  mort  sans  confession. 

Une  enquête,  que  l'on  aurait  peut-être  faite,  mais  aussi  que  peut-être  on  n'aurait 
pas  faite  sans  l'intervention  du  roi,  apprit  que  Molière,  si  le  temps  lui  avait  manqué 
pour  se  confesser,  en  avait  du  moins  manifesté  l'intention;  on  put  se  rappeler  que, 
Tannée  précédente,  il  avait  communié  dans  son  ancienne  paroisse,  ce  qui  témoignait 
de  ses  sentiments,  et  la  sépulture  ecclésiastique  lui  fut  accordée. 

L'enterrement  dut  se  faire  le  soir  et  sans  grande  pompe  :  il  est  hors  de  doute 
que,  si  Molière  avait  pu  être  formellement  absous,  après  confession,  sa  dépouille 
mortelle  aurait  reçu  les  mêmes  honneurs  que  celle  des  autres  comédiens  que  nous 
avons  nommés.  Son  cas  n'était  pas  absolument  le  même,  et  la  différence  dans  les 
manifestations  des  derniers  moments  explique  la  différence  des  cérémonies  qui  sui- 
virent :  à  moins  qu'on  ne  veuille  voir  dans  la  réserve  du  clergé  une  mesure  de  pru- 
dence en  présence  de  l'exaspération  de  la  foule.  —  Si,  à  huit  heures  du  soir,  au  mois 
de  février,  la  veuve  du  grand  poète  eut  à  calmer,  à  beaux  deniers  comptants,  l'effer- 
vescence de  cinq  à  six  mille  personnes,  combien  plus  terrible  encore  n'aurait  pas 
été,  à  dix  heures  du  matin,  l'explosion  populaire  contre  le  mécréant  que  «  le  doigt 
de  Dieu  »  venait  de  frapper  d'une  manière  si  soudaine  et  si  terrible.' 

Je  ne  prends  ici  la  défense  ni  du  clergé  ni  du  populaire,  dont  l'intolérance,  plus 
superstitieuse  que  sainement  religieuse,  s'entretenait  et  s'exaltait  réciproquement;  je 
suis  même  fort  à  l'aise  pour  dire  hautement  que  les  évêques  de  certains  diocèses 
avaient  tort  de  considérer  les  comédiens  comme  pécheurs  publics,  puisque  ces  évê- 
ques étaient  en  désaccord  avec  beaucoup  de  leurs  collègues  dont  la  charité  leur  faisait 
un  devoir  d'imiter  la  tolérance,  et  avec  le  rituel  romain  qui  a  fini  par  avoir  raison 
de  ces  divergences  dans  l'épiscopat  et  qui  seul  aujourd'hui  est  adopté  dans  tous  nos 
diocèses. 

Ce  que  j'ai  voulu,  c'est  éclaircir,  sans  parti  pris,  sans  opinion  préconçue,  un  point 
d'histoire.  Surtout  à  l'époque  de  la  mort  de  Molière,  il  y  a  assez  et  de  plus  grandes 
fautes  à  relever  contre  l'intolérance  du  clergé,  —  les  protestants  en  savent  quelque 
chose,  —  sans  lui  intenter  encore,  sur  ce  point  spécial,  un  procès  mal  justifié  : 
avant  de  chercher  à  lui  faire  pièce,  il  faut  savoir  rendre  hommage  à  la  vérité. 

Cll.-L.    LlVET. 


La  réponse  qu'on  vient  de  lire  ^'adressant  aux  lecteurs  de  la  Revue,  juges  naturels 
deces  sortes  de  controverses,  jecrois  ne  devoir  l'accompagner  d'aucun  commentaire-, 
je  rapjiellerai  seulement  que  j'ai  parlé  des  xva^  et  xvuie  siècles,  et  non  pas  du  nôtre, 
qui  a  vu  tant  de  changements  apportés  par  l'Eglise  dans  la  discipline  et  ailleurs. 
En  conséquence,  l'autorité  d'un  cardinal  qui  écrit  en  i865  me  paraît  nulle  pour  ce 
qui  concerne  l'année  lôyS;  j'en  crois  plus  volontiers  le  prélat  qui  écrivait  en  1694  : 
«  L'Eglise  condamne  les  comédiens  et  croit  par  là  défendre  assez  la  comédie;  la  dé- 
i(  cision  en  est  précise  dans  les  Rituels,  la  pratique  en  est  constante;  on  prive  des 
u  sacrements,  et  à  la  vie  et  à  la  mort,  ceux  qui  jouent  la  comédie,  s'ils  ne  renon- 
«  cent  à  leur  art;  on  les  passe  à  la  sainte  table  comme  des  pécheurs  publics;  on  les 
tt  exclut  des  ordres  sacrés  comme  des  personnes  infâmes;  par  une  suite  infaillible, 
«  la  sépulture  ecclésiastique  leur  est  déniée.  »  (Bossuet,  Maximes  et  réf.exions  sur 
la  comédie,  XL) 

Qu'il  y  ait  opposition  absolue  entre  Bossuet,  qui  ne  fut  jamus  cardinal,  et 
M^"'  Gousset,  je  n'en  disconviens  pas,  mais,  comme  dit  le  poète  : 

Ce  ne  sont  uas  li  mes  affaires. 


d'HISTOIUK    et    du    LITTÉKATUHK  I  97 

J'ajouterai  aussi  que,  n'écrivant  pas  pour  des  théologiens,  j'ai  employé  l'expression 
à' excommunié  sans  lui  donner  son  véritable  sens  théologique;  j'ai  appelé  et  j'appelle 
encore  ainsi  tous  ceux  que  l'Eglise  prive  des  sacrements  et  de  la  sépulture  ecclé- 
siastique, mais  j'accorde  volontiers  qu'ils  ne  sont  pas  nominatim  cxcommiimcati, 
comme  feu  le  bon  roi  Robert,  et  qu'on  peut,  en  conscience,  souper  avec  eux. 

A.  Gazier. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  La  Société  des  anciens  textes  français  vient  de  mettre  en  distribu- 
tion deux  nouveaux  volumes  :  le  t.  VII  des  Miracles  de  Nostre  Dame,  qui  termine 
cette  précieuse  collection  de  drames  religieux  du  xiv'  siècle,  et  \t  Dit  àt  la  Panthère 
d'amours,  par  Nicolas  de  Margival,  poème  allégorique  des  dernières  années  du 
XIII*  siècle  ou  des  premières  années  du  xiv"  dont  l'auteur  est  connu  par  un  autre 
opuscule.  L'éditeur,  M.  H.-A.  Todd,a  fait  usage  des  deux  mss.  connus,  l'un  à  Paris, 
l'autre  (venant  de  l'abbaye  de  Sair.t-Germain-des-Prés)  à  Saint-Pétersbourg.  La  So- 
ciété publiera  prochainement  le  t.  II  de  la  Chronique  du  Mont  Saint-Miciicl  (éditeur  : 
M.  S.  Luce)  et  le  recueil  des  anciennes  versions  de  l'évangile  de  Nicodème  (éditeurs  : 
MM.  G.  Paris  et  A.  Bos)  qui  est  sous  presse  depuis  bien  des  années. 

—  M.  Clermont-Ganneau  vient  de  faire  paraître  un  cinquième  fascicule 
de  ses  Matériaux  inédits  pour  servir  à  l'Histoire  des  Croisades  (Leroux,  gr. 
in-8",  trois  planches  héliographiques).  Ce  fascicule,  extrait  des  Archives  de  l'Orient 
latin  (tome  II),  contient  un  nouveau  groupe  de  monuments  des  Croisés  recueillis 
en  Terre-Sainte  par  M.  Clermont-Ganneau  au  cours  de  la  mission  de  1881  :  sept 
inscriptions  et  un  fragment  de  bas-relief  d'un  fort  beau  style  représentant  l'entrée 
triomphale  de  Jésus  monté  sur  l'ânesse.  Trois  des  originaux  ont  été  rapportés  par 
lui  au  Louvre;  dans  le  nombre,  la  pierre  tombale  de  sire  Gautier  Meinne-Bœuf  et 
de  sa  femme,  Mme  Alemanne  avec  les  armoiries  du  chevaher  et  l'épitaphe,  en  fran- 
çais, des  défunts,  datée  de  l'an  1278.  Les  quatre  premiers  fascicules  des  Matériaux 
inédits  pour  servir  à  l'histoire  des  Croisades  sont  :  I.  Inscriptions  médiévales  de 
Palestine;  —  II.  La  présentation  du  Christ  au  Temple  (d'après  un  chapiteau  pro- 
venant de  Jérusalem)  ;  —  III.  La  Pierre  de  Bethphagé,  fresques  et  inscriptions  des 
Croisés;  —  IV.   Une  inscription  arabe  de  Bosra  relative  aux  Croisades. 

—  La  librairie  Hachette  vient  de  publier,  dans  sa  collection  d'éditions  savantes,  le 
Jugurtha  de  Salluste  {Œuvres  de  Salluste,  texte  latin  publié  d'après  les  travaux 
les  plus  récents,  avec  un  commentaire  critique  et  explicatif,  et  une  introduction. 
Guerre  de  Jugurtlta,  xi  et  164  pp.)  L'auteur  de  cette  édition,  Roger  Lallier,  colla- 
borateur de  notre  revue,  est  mort  le  2q  juillet  1884,  avant  d'avoir  vu  paraître  son 
œuvre;  il  avait  achevé  le  commentaire  et  travaillait  à  l'introduction  ;  on  ne  publie 
de  cette  introduction  que  le  premier  chapitre  (comparaison  des  deux  livres  histo- 
riques qu'on  a  conservés  de  Sallustej,  mais  ce  chapitre  forme  un  ensemble.  Lallier, 
lisons-nous  dans  l'avant-propos,  laisse  à  tous  ceux  qui  l'ont  connu  le  souvenir  d'un 
professeur  solide  et  sérieux,  d'un  lettré  délicat,  d'un  latiniste  distingué,  et  cette  édi- 
tion ajoutera  aux  regrets  qu'a  causés  sa  perte. 

—  M.  Cam.  Jullian  publie  la   première  leçon,  faite  le   2  décembre  1884,  de  son 


I  9S  RKVUK    CRITIQUE 

cours  d'histoire  et  d'antiquités  latines  à  la  Faculté  des  lettres  de  Bordeaux;  elle  a 
pour  titre  Causes  et  caraclère  de  la  guerre  civile  qui  suivit  la  mort  de  Néron  (Bor- 
deaux, Chollet.  In-8°,  02  p.).  Elle  est  fort  instructive  et  on  lit  avec  le  plus  vif  intérêt 
ces  pages  où  l'auteur  recherche  le  caractère  de  la  lutte  engagée  après  Néron,  démêle 
les  divers  éléments  qui  sont  en  conflit,  expose  clairement  les  causes  qui  entraînèrent 
les  armées  et  les  provinces  à  s'entredéchirer  sans  relâche  pendant  deux  années. 

—  M.  Ludovic  Drapeyron  a  publié  une  brochure  (Paris,  Thorin,  in-S",  2g  p.) 
intitulée  Les  Carlovingiens  en  Limousin,  transmission  des  institutions  féodales  à  la 
partie  ouest  du  massif  central.  L'auteur  s'est  proposé  de  montrer  le  lien  de  l'histoire 
du  Limousin  et  de  l'histoire  générale  de  la  France  durant  l'époque  carlovingienne. 
Son  étude  comprend  trois  parties  :  dans  la  première,  le  Limousin  est  le  principal 
théâtre  de  la  lutte  de  Waïftre  et  de  Pépin  le  Bref;  dans  la  seconde,  au  milieu  des 
querelles  des  descendants  de  Charlemagne  et  des  invasions  normandes,  le  Limousin 
prend,  comme  le  reste  de  la  France,  un  autre  aspect  ;  «  c'est  le  moyen  âge  religieux 
qui  s'annonce  très  distinctement;  n  dans  la  troisième,  le  Limousin  s'organise  poli- 
tiquement, et,  s'il  doit  reconnaître  l'autorité  d'un  suzerain,  il  a  ses  vicomtes  "néré- 
ditaires,  ses  seigneurs,  ses  évêques  et  ses  abbés;  on  est  en  pleine  féodalité. 

—  On  trouvera  dans  le  n»  7  du  Courrier  de  l'art  (i3  février  i885)  une  partie  de 
la  leçon  par  laquelle  M.  Eugène  Muntz  a  ouvert  son  coursa  l'Ecole  des  beaux-arts; 
cette  leçon  avait  pour  titre  resthélique,  l'archéologie  et  l'histoire  de  l'art;  M.Mûntz 
y  définit  l'esprit  de  l'enseignement  auquel  on  doit  aujourd'hui  de  voir  l'histoire  de 
l'art  renouvelée  et  renaissante;  l'esthétique  qu'il  recommande,  est  celle  qui  demande 
à  l'artiste,  avec  les  connaissances  techniques  les  plus  complètes,  tout  ce  qui  en- 
flamme et  tout  ce  qui  élève;  les  premiers  cours  de  M.  Mûntz  seront  consacrés  à 
l'histoire  de  l'Ecole  florentine. 

—  Le  n"  6  dû  V  Université  (5  février  i8S5)  renferme  également  une  partie  de  l'allo- 
cution prononcée  par  M.  Hartv/ig  Derenbourg  à  l'ouverture  de  son  cours  d'arabe  à 
l'Ecole  des  hautes-études  ;  le  professeur  y  donne  le  programme  de  son  enseignement: 
«.  A  l'Ecole  des  langues  orientales  nous  continuerons  à  former  des  traducteurs  et 
interprètes,  des  consuls;  ici  nous  aspirons  à  former  des  philologues...  A  l'Ecole  des 
langues  orientales,  depuis  tantôt  dix  ans,  j'expose  la  grammaire  arabe,  mais  je  me 
garde  bien  d'introduire  les  élèves  dans  le  laboratoire  où  les  résultats  que  je  leur 
présente  ont  été  obtenus. Une  telle  réserve  serait  déplacée  à  l'école  des  hautes-études: 
nous  discuterons  librement  la  valeur  des  procédés  mis  en  œuvre,  nous  examinerons 
le  plus  ou  moins  de  solidité  des  matériaux  accumulés,  nous  chercherons  à  dégager 
les  formations  anciennes  des  éléments  plus  modernes,  nous  étudierons  la  phonétique, 
la  morphologie,  la  syntaxe,  le  vocabulaire  de  l'arabe.  »  M.  Derenbourg  explique  le 
livre  de  Sibawaihi. 

—  M.  Frédéric  Plessis  a  fait  tirer  à  part  (extrait  du  Bulletin  mensuel  de  la  Faculté 
des  lettres  de  Caen),  sous  le  titre  Un  chapitre  de  métrique  latine,  une  étude  sur 
le  pentamètre  dactytique.  (Caen,  Le  Blanc-Hardel,  in-S",  «2  p.) 

—  Nous  receTons  la  première  leçon  du  cours  complémentaire  de  langue  française 
dont  M.  Edouard  Bourciez  est  chargé  à  la  Faculté  des  lettres  de  Bordeaux;  elle  est 
intitulée  la  syntaxe  de  V ancien  français  ;  \q  professeur  veut,  pendant  l'année  1884- 
i885,  «  tracer  la  syntaxe  de  notre  vieille  langue,  montrer  sa  formation  lente  et  étu- 
dier le  degré  de  perfection  relative  qu'elle  a  atteint  pendant  le  xn"  et  le  xiu^  siècle  ». 
(Bordeaux,  Chollet,  in-S".  28  p.) 

—  Les  quatre  fascicules  de  novembre  et  décembre  1884  et  de  janvier  et  de  février 
i885  du  Bulletin  mensuel  de  la  Faculté  des  lettres  de  Poitiers  renfermant,  outre  la 
chronique,   une  revue   bibliographique  où  nous  remarquons  des  comptes   rendus 


d'histoire  Kl   DE  lutékatuuî.  199 

de  M.  Arren  sur  l'Essai  de  xM.  Chaignet  sur  la  psychologie  d'Arislole  (nov.  et 
déc.  1884^,  de  M.  Fr.  Plessis  sur  la  nouvelle  traduction  d'Euripide  par  Leconte 
de  Lisie  (déc.  1884),  de  M.  Aulard  sur  l'influence  du  concile  de  Trente  sur  la 
littérature  et  les  beaux-arts  chez  les  peuples  catholiques,  de  M.  Dejob  (déc.  1884), 
de  M.  HiLD  sur  l'édition  des  Adelphes  de  M.  Plessis  (janv.)  et  la  phraséologie  latine 
de  Meissner  (févr.j,  de  M.  Bénard  sur  la  grammaire  élémentaire  delà  vieille  langue 
française  par  M.  Clédat,  et  l'étude  de  M.  Jannettaz  Semo  Sanctus  Fidiiis;  2°  sous 
la  rubrique  Cours,  conférences,  études  diverses,  les  art.  suivants  :  Flammkrjiont, 
Négociations  secrètes  de  Louis  XVI  et  du  baron  de  Breteuil  avec  la  cour  de  Berlin 
(d'après  les  <i  Secretissima  sur  les  affaires  de  France  »,  des  archives  de  Berlin  ;  ; 
30  Ernault,  Eiymologie  du  nom  de  Poitiers  (déc.  1884);  Ducros.  Le  Laocoon  de 
Leasing  et  la  critique  contemporaine,  et  Genevrav,  Le  portrait  au  xvii^  siècle  (fév.); 
4°  des  Variétés  :  Ernault,  l'ancien  nom  des  Poitevins  (janv.)  et  l'Inscription  de  Ma- 
laiicène  (févr.l 

ALLEMAGNE.  —  Vient  de  paraître  :  le  cinquième  volume  de  V Histoire  univer- 
selle de  Ranke,  sous  le  titre  :  Die  arabische  Wcltherrschaft  und  das  Rcich  Karls 
des  Grossen.  Première  partie  (Leipzig,  Duncker  und  i4umbloî). 

—  La  Société  pour  la  littérature  allemande  /Allgemeiner  Vercin  fur  dcuische  Li- 
teratur)  a  publié  une  troisième  édition  des  u  Vortraege  und  Aufsœt^e  n  de  M.  H.  de 
Sybel  et  un  ouvrage  couronné  de  M.  Engei.haaf  sur  l'histoire  ue  l'Allemagne  au 
temps  de  la  Réforme  (Deutsche  Geschichtc  im  Zeitalter  der  Rcfonuaiicn). 

—  La  douzième  et  dernière  livraison  (année  1884)  de  la  revue  dirigée  par  H.  von 
ZwiEDENECK-SûDENHORST  :  Zeitsclvift  fûr  aligemeine  Geschichtc,  Kultur-  Liieralur- 
und  Kunstgeschichte  (Stuttgart,  Cotta)  renferme  des  articles  sur  la  poste  en  Russie 
au  xvu"  et  au  xviue  siècle  (par  M.  Brlickner),  sur  G.  F.  Hœndel  et  l'opéra  à  la  cour 
de  Halle  sous  le  duc  Auguste  (par  M.  Opel)  et  sur  bir  Phitip  Francis,  le  prétendu 
auteur  des  lettres  de  Junius  (par  M.  Mûller). 

—  La  collection  Oncken  (Aligemeine  Geschichte  in  Ein:;eldarsiclliingcn,  Berlin, 
Grote)  est  parvenue  aux  quatre-vingt-onzième  et  quatre-vingt-douzième  livraisons, 
qui  contiennent  :  Russland,  Polen  und  Livland  bis  in  s  XVII  Jahrhundert,  par  Th. 
Schiemann. 

—  La  collection  des  «  Gcschichtschreiber  der  deuischen  Vor^^eit  «,  publiée  par 
Pertz,  Grimm,  Lachmann,  Ranke,  Ritter,  et  continuée  par  M.  Wattenback  (Leipzig, 
Duncker),  vient  d'arri\er  à  sa  soixante-treizième  livraison  :  La  guerre  des  Vandales 
par  Procope  (Procop,  Vandalenkrieg),  traduite  par  M.  D.  Goste. 

—  M.  H.  Homberger  publie  une  brochure  sur  le  regretté  K.  Hillebrand  CEin 
Nachriif,  Berlin,  Meidinger). 

—  M.  SuPHAN  a  fait  paraître  le  VIP  volume  de  son  édition  des  Œuvres  complètes 
de  H cr der  à  !a  librairie  Weidmann,  à  Berlin. 

—  Le  4  janvier,  le  centième  anniversaire  de  Jacob  Grimm  a  été  solennellement 
célébré  à  l'Académie  royale  de  Berlin.  Parmi  les  ouvrages  qui  ont  paru  à  cette  occa- 
sion on  nous  signale  J.  und  W.  Grimm,  Dahlmann  und  Gervinits  (VIII,  5i'3  p. 
8«),  par  M.  Ippei.  (Berlin,  Dûmmler);  Schœnbach,  Die  Brûder  Grimm,  ein  Gedenk- 
blatt:;um  4  Janiiar  iSS5  , Berlin,  Dûmmler.  60  p.  8»);  Die  Lieder  der  alten  Edda, 
deutsch  durch  die  Brûder  Grimm,  nouvelle  édition  par  .1.  Hofforv. 

—  La  livraison  la  plus  récemment  parue  du  Deutschcs  Wœrterbuch  de  Grimm 
(IVe  vol.,  fe  partie,  11,  G)  contient  la  suite  de  la  lettre  G,  par  M.  Rud.  Hildebrand, 
et  va  du  mot  Geliist  au  mot  Gemût. 

—  Beaucoup  d'ouvrages  et  de  brochures  nouvellement  publiés  en  Allemagne  s'oc- 
cupent de  la  littérature  française.  La  librairie  Maske  à  Oppeln,  qui  s'en  fait  une  spé- 


200  Rtvufc;  CRU  :Quii  d  histoihk  i;t  du  littérature 

cialité,  donne  au  public  une  édition  critique  de  la  Satyre  Ménippée.  avec  introduc- 
tion, etc.,  par  M.  Frank,  et  le  premier  volume  d'une  Biographie  de  Voltaire,  par 
M.  Mahrexuoltz  (Voltaire' s  Lebcr.  :ind  Wcrke.  Voltaire  in  seineni  Vater lande, 
iGgy-iySo.  VIII,  255  p.  8").  Un  autre  ouvrage  sur  Voltaire  paraît  en  même  temps 
à  Fribourg,  en  Brisgau,  Voltaire,  ein  Ciiarakterbild,  par  M.  Kreiten.  M.  Herting 
publie  une  étude  sur  la  versification  de  Jodelle  (Kiel,  Lipsius,  52  p.  8°);  M.  Rickek, 
des  Recherches  sur  la  versification  de  Corneille  (Untersuchungen  iïber  die  metrische 
Technik  Corneille's  iind  iiir  Verhceliniss  :^ii  dcn  Regchi  der  franzœsischen  Vers- 
kunst.  (ire  partie,  67  p.  8°,  Berlin,  Weidmann).  M.  Scola  traite  dans  une  brochure 
de  35  p.  (Pilsen'  des  rapports  du  Menteur  de  Corneille  et  du  Biigiardo  de  Goldoni 
avec  la  Verdad  sospechosa  d'Alarcon.  M.  Tiior  Sundby  commence  une  conscien- 
cieuse étude  sur  Pascal,  sa  lutte  contre  les  jésuites  et  sa  défense  du  christianisme 
dans  la  Zeitschrift  fur  neufran^œsische  Sprache  und  Litteratur  de  Kœrting  und 
Koschwitz  (VI,  5),  et  l'un  des  éditeurs  de  cette  revue,  M.  G.  Kœrting,  publiera 
prochainement  le  troisième  et  dernier  volume  de  son  Encyclopœdie  und  Méthodo- 
logie der  Romanischen  Philologie  mit  besonderer  Berûcksichtigung  des  Fran^^œsis- 
chen  und  Italienischen  (Heilbronn,  Henninger). 

—  La  librairie  Veit,  de  Leipzig,  annonce  un  Grundriss  :;w  Geschichte  der  fran:{œ- 
sischen  Litteratur,  par  M.  K.  Vollmœller,  et  un  Grundriss  der  deutschen  Literatur- 
geschichte,  par  Al.  Ph.  Strauch. 


SOCIETE  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANGE 


Séance  du  18  févriei-  iS85. 

PRÉSIDENCE  DE  M.    COURAJOD 

M.  Rayet  présente  le  moulage  en  plâtre  d'une  pierre  gravée  portant  la  signature 
d'Aspasios  et  représentant  le  buste  d'Athéné  Parthénos. 

M.  de  Lasteyrie  communique  des  photographies  qu'il  a  reçues  de  M.  Delort,  pro- 
fesseur à  Auxerre,  et  qui  représentent  des  bijoux  recueillis  dans  des  sépultures 
burgondes  découvertes  à  Auxerre;  des  fibules,  des  boucles  d'oreilles  d'un  modèle 
particulier,  une  pierre  antique  sur  laquelle  on  voit  un  personnage,  vraisemblable- 
ment Silène  armé  d'un  thyrse. 

M.  l'abbé  Thédenat  présente  un  fragment  de  vase  de  bronze,  découvert  par  M.  Bul- 
liot  au  Mont  Beuvray.  On  y  reconnaît  des  traces  de  lettres  burinées,  d'une  lecture 
difficile. 

M.  Mowat  communique  de  la  part  de  M.  Taillebois  :  i»  l'empreinte  d'un  fragment 
de  poterie  pseudo-samienne,  orné  de  sujets  en  relief  avec  une  inscription;  2°  l'em- 
preinte d'un  jeton  trouvé  entre  Pau  et  Lescat,  pesant  2  k.  i5o  gr.  et  représentant 
un  buste  dans  lequel  M.  Taillebois  croit  reconnaître  Mithra.  M.  Saglio  doute  de 
cette  attribution. 

M.  de  Villefosse  présente  l'estampage  d'une  inscription  découverte  par  M.  Letaille 
à  Makteur  (Tunisie)  et  faisant  connaître  le  nom  d'un  cinquième  évêque  de  Mactaries 
Germanus. 

M.  Roman  communique  le  texte  d'une  inscription  gravée  sur  le  tympan  de  la 
porte  de  l'église  de  Ville-Vieille  en  Quevras.  détruite  en  i574  pendant  les  guerres  de 
religion.  Elle  contient  un  passage,  MISSAQUE  SEPULTA,  qui  donne  lieu  à  des 
observations. 

M.  l'abbé  Duchesne  produit  une  liste  des  évêques  francs  qui  assistèrent  au  concile 
romain  de  769.  Cette  liste,  plus  correcte  que  celles  qui  avaient  été  publiées  jusqu'ici, 
permet  de  reconnaître  que  l'évêque  Bernwult,  de  Wurzbourg,  était  déjà  en  fonction 
au  temps  du  concile,  et  par  conséquent  que  la  vie  de  saint  Boniface,  par  Willibald, 
dédiée  à  son  prédécesseur  Megingoz,  a  été  écrite  avant  769,  moins  de  quinze  ans  après 
la  mort  du  célèbre  missionnaire. 

Le  Secrétaire, 
E.  Mowat. 

Le  Propriétaire-Gérant  :   ERNEST  LEROUX. 

Le  P'uv.  tmvfitiierii^  <i<>  h'îarcnt^saou  rils.  onuie.vara  Saini-Lauveni.  i5. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET   DE   LITTÉRATURE 


N»  11  —  16  mars  —  1885 

Soniuiaire  s  3g.  Elie  Berger,  Les  Registres  d'Innocent  IV.  —  40.  Correspon- 
dance de  Luther,  p.  p.  Enders,  1.  —  41.  Sermons  de  Bossuet,  p.  p.  Choussy.  — 
42.  Flint,  Vico.  —  43.  Sanders,  Dictionnaire  complémentaire  de  la  langue 
allemande.  —  Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions.  —  Société  des  Anti- 
quaires de  France. 


39.  —   Le*    Registres    trinnocent    IV.   (Par    M.  E.    Berger).  Tome  I,    chez 
Thorin.  Paris,  1884. 

Le  premier  volume  des  registres  d'Innocent  IV  comprend  les  bulles 
des  cinq  premières  années  de  son  pontificat  (1243-1248).  Le  talent  de 
l'auteur  de  cette  publication,  les  événements  auxquels  est  resté  attaché 
le  nom  du  pape  dont  il  a  transcrit  les  actes,  donnent  un  vif  intérêt  à  un 
recueil  où  Ton  suit,  au  jour  le  Jour,  pendant  cinq  ans,  l'histoire 
de  l'Europe.  Ce  recueil  lui-même,  nous  l'avons  presque  tout  entier.  A 
part  celui  de  la  septième  année,  les  registres  d'Innocent  IV  nous  sont 
tous  parvenus.  La  Bibliothèque  nationale  possède  le  sixième,  les  autres 
se  trouvent  au  Vatican  et  forment  aujourd'hui  trois  volumes  qui  portent 
les  n'^  21,  22  et  2  3  dans  la  collection  générale  des  Registres. 

M.  E.  Berger  a  tiré  le  meilleur  parti  de  ces  documents  originaux,  II 
les  a  publiés  tels  qu'ils  se  sont  présentés  à  lui.  sans  y  mettre  un  ordre 
chronologique  qu'ils  ne  lui  donnaient  pas.  On  sait,  en  effet,  qu^à  part  une 
classe  assez  peu  nombreuse  de  documents,  les  pièces  émanées  de  la  curie 
n^étaient  pas  enregistrées  d'office.  Les  intéressés  devaient  demander  eux- 
mêmes  l'insertion  et  les  lettres  étaient  transcrites  suivant  Tordre  dans  le- 
quel on  les  apportait  au  bureau  du  Registre.  Entre  deux  lettres  qui  se 
suivent  sur  le  registre,  l'écart  chronologique  est  souvent  considérable.  De 
plus,  quand  la  chancellerie  faisait  plusieurs  expéditions  d'un  même  acte, 
le  premier  seul  était  intégralement  transcrit,  les  autres  étaient  représen- 
tés par  la  formule  «  in  eumdem  modum  »  ;  or,  il  pouvait  se  faire  que  la 
date  de  ces  pièces  identiques  fût  différente.  Etablir  dans  de  pareils  cas 
une  ordre  chronologique  eût  été  une  innovation  fort  incommode.  M.  B. 
y  a  sagement  renoncé.  Il  a  préféré,  en  érudit  scrupuleux,  garder  l'ordre  du 
registre.  Une  table  chronologique  placée  à  la  tin  du  dernier  volume  en 
fera  disparaître  les  inconvénients. 

Tous  les  documents  transcrits  sur  le  Registre  n'ont   pas  été   publiés 

in  extenso.  De  très  nombreuses  lettres  d'Innocent  IV  nous  étaient  déjà 

connues.  Parmi  ces  dernières,  la  plupart  sont  signalées  dans  le  recueil  de 

Potthast.  Quelques-unes  ont  été  plus  récemment  publiées  par  M.  Hau- 

Nouvelle  série.  XIX.  11 


202  RKVUK    CRITIQL'H 

reau.  M.  E.  B.  n"a  pas  voulu  encombrer  son  recueil  de  textes  déjà  con- 
nus. Il  s'est  borné  à  les  rappeler  par  une  courte  analyse,  la  mention  de 
l'adresse,  des  premiers  mots  et  de  la  date.  II  a  voulu  donner  une  grande 
place  à  l'inédit;  mais,  là  encore,  il  s'est  restreint.  Tous  ces  documents 
en  effet  sont  de  valeur  bien  inégale.  Beaucoup  d'actes  gracieux  sont  con- 
çus dans  des  termes  identiques  ;  ils  ont  été  seulement  mentionnés  dans 
le  Recueil.  En  revanche,  M.  E.  B.  a  donné  de  longs  extraits  ou  une 
copie  intégrale  des  lettres  relatives  aux  affaires  de  l'Eglise  ou  aux  événe- 
ments politiques. 

Nous  n'insisterons  pas  sur  Plntroduction  très  intéressante  que  M.  B. 
a  mise  en  tête  de  son  recueil.  C'est  une  étude  très  précise  sur  la  diploma- 
tique d'Innocent  IV  et  qui  complète  heureusement  la  série  des  travaux 
publiés  récemment  en  Allemagne  sur  les  actes  pontificaux  du  xii''  et  du 
xin^  siècle.  Une  des  parties  les  plus  importantes  de  celte  étude  porte 
sur  les  règles  nouvelles  établies  dans  la  chancellerie  romaine  par  les  pre- 
miers successeurs  d'Innocent  III.  Les  changements  diplomatiques  ont 
beaucoup  plus  porté  sur  Tordre  même  des  transcriptions  que  sur  la 
forme  des  actes  transcrits.  Entre  les  actes  d'Innocent  III  et  les  actes 
d'Innocent  IV  les  différences  sont  tout  extérieures.  Le  format  des  regis- 
tres est  devenu  plus  haut  et  plus  large,  l'écriture  plus  élégante,  les  mi- 
niatures elles-mêmes  ne  présentent  plus  les  mêmes  caractères;  en  réalité, 
la  rédaction  des  actes  pontificaux  n'a  pas  changé.  Les  distinctions  que 
M.  Léopold  Deiisle  avait  établies  dans  les  lettres  d'Innocent  III  se  re- 
t.iouvent  dans  les  lettres  d'Innocent  IV.  Les  actes  pontificaux  sont  tou- 
jours divisés  en  privilèges  et  en  lettres.  Toutefois  le  privilège  déjà  très 
rare  sous  Innocent  III  Test  devenu  beaucoup  plus  sous  Innocent  IV.  La 
lettre  ou  petite  bulle  avec  ses  formes  distinctes,  lettre  gracieuse  ou  man- 
dement, lettre  close  ou  lettre  patente,  est  devenue  depuis  le  xuf  siè- 
cle d'un  usage  général.  Jusqu'au  xv'=  siècle,  elle  fut  employée  par  les  pa- 
pes dans  leurs  rapports  avec  la  chrétienté. 

M.  E.  B.  a  signalé  quelques  actes  d'Innocent  IV  qui  restent  en  de- 
hors des  formes  ordinaires.  Ce  sont  d'abord  des  documents  relatifs  à  des 
confirmations  ou  à  des  concessions  de  fiefs  faites  en  Sicile  par  le  Saint- 
Siège.  Les  condamnations  solennelles  portées  contre  Frédéric  II  ou  ses 
partisans  rappellent  également  en  plus  d'un  point  les  Privilèges.  La  date 
de  ces  pièces  est  plus  complète  que  celle  des  lettres  ordinaires,  la  formule 
initiale,  moins  brève  et  plus  solennelle.  La  collection  de  copies  faite  au 
concile  de  Lyon  et  connue  sous  le  nom  de  Rouleaux  de  Cluny  nou.' 
présente  des  actes  ayant  le  même  caractère.  Ces  documents  d'ailleurj 
sont  rares  et  leur  forme  solennelle  s'explique  surtout  par  les  circonstan 
ces  particulières  où  ils  furent  composés. 

En  définitive,  les  actes  d'Innocent  IV  n'offrent  pas  de  caractères  pa- 
léographiques  bien  nouveaux.  Mais  sur  Tordre  même  des  Registres  le 
innovations  de  la  chancellerie  ont  été  beaucoup  plus  graves.  ] 

Sous  Innocent  IIÏ,  à  part  le  «  Registrum  super   negotio  Romani  Im, 


I 


I 


d'histoiri;:  et  de  littérature  20 3 

perii  »,  tous  les  actes  pontificaux  sont  confondus  dans  une  même  série. 
Les  divisions  du  Registre  se  font  par  les  années  du  pape,  non  par  l'im- 
portance des  pièces.  Dans  une  même  année,  nous  trouvons  à  côté  de 
dispenses  pour  les  mariages  ou  les  ordinations,  d'indulgences,  de  privi- 
lèges liturgiques,  des  bulles  importantes  pour  l'histoire  religieuse  et  po- 
litique de  l'époque.  Sous  Grégoire  IX  déjà,  la  curie  romaine  avait  réuni 
dans  des  appendices  particuliers  les  actes  relatifs  au>:  affaires  de  France, 
à  la  lutte  contre  Frédéric  II,  à  la  convocation  du  Concile.  Cette  division, 
qui  n'avait  rien  de  régulier,  devint  d'un  usage  constant  sous  Inno- 
cent IV.  Ce  fut  le  chancelier  Marin  en  1244  qui  la  fixa.  Les  actes  d^un 
intérêt  général,  enregistrés  d'office,  furent  réunis  dans  un  cahier  spécial 
ajouté  au  Registre.  Dès  ce  moment,  une  distinction  s''établit  entre  les 
actes  pontificaux.  Les  moins  Importants  prirent  le  nom  de  lettres  con"!- 
munes,  les  autres,  celui  de  lettres  curiales.  Cette  dernière  classe  de  docu- 
ments comprit  les  bulles  relatives  aux  affaires  générales  de  PEglise,  aux 
ordrci  religieux,  aux  affaires  politiques.  Elle  forma  un  recueil  spécial 
annexé  chaque  année  au  recueil  ordinaire. 

Une  deuxième  distinction  s'établit  un  peu  plus  tard  entre  les  actes 
pontificaux.  Un  grand  nombre  de  pièces  insérées  dans  le  recueil  des 
lettres  communes  se  rapportaient  surtout  à  des  collations  de  bénéfices 
ou  de  prébendes.  On  mit  à  part,  dès  les  dernières  années  d'Innocent  ÎV, 
un  certain  nombre  de  ces  documents.  M.  E,  B  signale  à  la  fin  des  années 
8,  9,  10,  II,  12,  des  cahiers  spéciaux  qui  contiennent  ces  actes  gracieux 
du  Saint-Siège.  Cette  nouvelle  division  connue,  mais  un  peu  plus  tard, 
sous  le  nom  de  Bénéficia,  fut,  conirpe  la  précédente,  maintenue  par  les 
successeurs  d'innocent  IV:  on  la  retrouve  sous  Alexandre  IV. Toutefois 
le  classement  des  actes  pontificaux  comme  les  taxes  de  la  chancellerie 
et  le  format  des  lettres  ne  fut  bien  établi  que  sous  le  pontificat  de 
Jean  XXII. 

II 

Tous  les  documents  contenus  dans  le  tome  I  des  Registres  sont  d'un 
intérêt  fort  différent.  Les  analyser  serait  chose  impossible,  nous  indi- 
querons fort  brièvement  les  sujets  auxquels  ils  se  rapportent.  En  général, 
les  lettres  communes  s'appliquent  à  des  actes  gracieux  (indulgences,  in- 
duits, provisions  etc.),  ou  à  des  mandements.  Quelques-unes  ont  trait  à 
des  élections  épiscopales  et  à  Tadministration  intérieure  de  l'Eglise; 
d'autres,  mais  en  plus  petit  nombre,  aux  aff"aires  politiques  et  religieuses 
du  temps.  Les  curiales  se  rapportent  surtout  à  la  lutte  contre  Frédé- 
ric ILau'c  relations  avec  les  princes  chrétiens  et  infidèles;  au  gouver- 
nement du  domaine  temporel,  aux  légations,  à  la  répression  des  héré- 
sies, à  la  Croisade.  Nous  trouvons  également  dans  les  curiales  de  la  troi- 
sième et  de  la  quatrième  année  des  lettres  relatives  à  la  réforme  des  mo- 
nastères, dans  celle  de  la  cinquième,  une  bulle  très  curieuse  sur  la  falsi- 
fication des  lettres  apostoliques  (4086). 


204  RKVUE   CRITIQUR 

Les  documents  politiques  contenus  dans  le  Registre  sont  assurément 
les  plus  importants.  Ils  nous  donnent  d'abord  de  précieux  détails  sur  la 
lutte  de  Frédéric  II  contre  Innocent  IV  et  sur  la  situation  de  l'Allema- 
gne, de  la  Suisse  et  df^  l'Italie,  de  1243  à  1247.  ^^  signale  également  les 
Lettres   relatives  aux  affaires  d'Orient,  de  Pologne,   de   Russie    et  de 
Prusse.    En  Orient,  grâce  aux  croisades  et  à  la  chute  de  l'Empire  grec, 
les  papes  depuis  Innocent  III,  cherchèrent  sans  cesse  à  étendre  leur  in- 
fluence.  Innocent   IV   lui-même  travaille  encore  à  prolonger  la  lente 
agonie  de  l'Empire  latin  et  à  réunir  les  Eglises  séparées.  Plusieurs  let- 
tres du  Registre  concernent  les  missions  de  ses  légats  André  et  frère  Lau- 
rent en  Arménie  et  en  Asie  Mineure,  confèrent  des  privilèges  aux  Eglises 
d'Orient  et  ordonnent  des  levées  de  subsides  en  faveur  de  l'Empereur  de 
Constantinople.  Au  Nord,  les  efforts  du   Saint-Siège   furent  plus  heu- 
reux. Depuis  Innocent   III  la  conquête  chrétienne  avançait  toujours 
vers  la  Baltique.  En  1244,  le  Pape  avait  créé  un  légat  avec  le  titre  d'ar- 
chevêque de  Prusse,  Livonie  et  Esthonie.  Il  soumit  à  sa  juridiction  les 
évéchés  créés  dans  ces  provinces  par  Grégoire  IX.  En  1247,  ^^  moment 
des  troubles  de  Pologne,  il  envoya  dans  ce  pays  Jacques,  archidiacre  de 
Liège.    Plusieurs  bulles  se  rapportent  à  cette  importante  mission  qui 
pacifia  la  Pologne  et  amena,  en  1249,  l'organisation  religieuse  et  politi- 
que de  la  Prusse.    D'autres   bulles  enfin  nous  renseignent  sur  les  rap- 
ports d'Innocent   IV  et  du  prince  russe  de  Gallicie,  Daniel,  qui,  pour 
lutter  contre   les  Tartares,  se  rapprocha  de  la  cour  de  Rome.  Le  pape 
créa  des  évêques  dans  ses  états,   reçut   la  soumission  des   autres  et  la 
réunion  des  deux  églises  fut  un  instant  accomplie. 

Un  grand  nombre  de  lettres  sont  relatives  à  la  croisade  de  Saint- 
Louis.  Beaucoup  sont  inédites  et  les  renseignements  qu'elles  nous  don- 
nent sur  les  préparatifs  de  l'expédition  offrent  un  grand  intérêt.  On  les 
trouvera  surtout  dans  le   Registre  de  la  cinquième  année.  Elles  nous 
montrent  les  efforts  du  Pape  pour  faire  réussir  la  croisade.  Levée  de  dé- 
cimes en  faveur  du  roi,  dons  aux  seigneurs  qui  prennent  la  croix,  pres- 
sants appels  en  Hollande,  en  Angleterre,  en  Norvège,   Innocent  IV  met 
tout  en  œuvre.   La  croisade  partit,  le  plus  grand  nombre  des  croisés  ne 
partit  pas.  A  vrai  dire,   nous  trouvons  dans  les  lettres  mêmes  du  Pape 
Pexplication  de  cet  insuccès.   Presques  toutes  sont  des  refus  d'exemp- 
tions. Les  évêques,  les  clercs  comme  les  seigneurs  se  rachètent  de  leut 
vœu  ;   quelques-uns,  comme  l'archevêque  de  Narbonne  et  ses  suffra-; 
gants.,  refusent  de  payer  les  décimes.  L'esprit  de  la  croisade  s'en  va.  Ellcl 
n^est  plus  qu'une  guerre   féodale,  qu'une  chevauchée  de  chevaliers  con-| 
duite   par   le  plus  grand  des  rois  chevaliers.  Sans  le  savoir,  la  papaut(: 
elle-même  a  contribué  à  son  insuccès.  Si  nous  voyons  le  Pape  refuseil 
des  exemptions  en  France,  il  en  accorde  sur  le  Rhin,  en   Allemagne,  e' 
à  quelles  conditions?  C'est  que  les  croisés  s'armeront  contre  Frédéric  II  ^ 
Bien  plus,  le  Pape  qui  a  excité  les  croisés  de   Hollande  à  partir  pouij 
l'Orient,  les  autorise  à  marcher  contre  l'Empereur.  Leur  choix  ne  fui 


o'HISTOIKE    et    de    HTTl^RATURE  205 

pas  douteux.  C'est  qu'à  ce  moment  la  chute  de  Frédéric  II  est  la  grande 
préoccupation  d'Innocent  IV,  celle  qui  se  trouve  dans  toutes  les  lettres 
de  son  Registre. 

J'insisterai  en  terminant,  sur  les  bulles  relatives  à  l'administration  et 
au  gouvernement  de  l'Eglise.  Ce  sont  les  moins  étudiées  jusqu'ici  et  ce- 
pendant, pour  l'histoire  des  institutions  ecclésiastiques,  leur  importance 
est  grande.  Presque  toutes  se  rapportent  à  des  collations  de  bénéfices. 
Certes,  avec  ces  seuls  documents,  il  serait  facile  de  faire  l'histoire  de  la 
propriété  ecclésiastique  et,  par  là,  du  pouvoir  pontitical  au  xiii^  siècle.  La 
politique  des  papes  envers  l'Église  fut  en  effet,  depuis  Grégoire  VII  sur- 
tout,   ce  qu'était  la  politique  de  nos  rois  envers  la  féodalité.  Les  uns  et 
les  autres  s'affermirent  par  des  conquêtes  territoriales,  la  Royauté,  en 
rattachant  directement  des  terres  ou  des  seigneurs  à  la  Couronne,  le 
Saint-Siège  en  étendant  ses  droits  de  collation  sur  les  terres  d'Eglise  et 
en  disposant  des  bénéfices  avec  les  dignités.  Engagés  depuis  le  xi*^  siècle 
dans  une  lutte  sans  merci  contre  le  patronat  seigneurial  et  les  investitu- 
res laïques,  les  papes  se  virent,  par  la  force  même  des  choses,  obligés 
d'intervenir  dans  les  collations  des  bénéfices  et  des  prébendes.  Ils  retirè- 
rent peu  à  peu  aux  laïques  le  droit  de  présentation,  puis,  pour  assurer 
contre  eux  l'indépendance  des  clercs,   ils  cherchèrent  à  se  Tattribuer. 
C'est  au  nom  de  la  liberté  de  l'Eglise  qu'ils  commencèrent  à  l'asservir. 
Déjà   nous  voyons  Innocent  II,  Adrien  IV,  Alexandre  III  recommander 
des  candidats.  Depuis  Célestin  III,  l'investiture  pontificale   devint  obli- 
gatoire pour  tout  nouveau  titulaire  sous  peine  des  censures  ecclésiasti- 
ques. Au  xnie  siècle,  dans  beaucoup  de  bénéfices,  le  Saint-Siège  nomme 
directement  ;  dans  tous,  il  a  le  droit  de  faire  pourvoir  ceux  qu'il  désigne. 
Aussi,  le  nombre  des  mandements  laissés  par  Innocent  III  est-il  déjà 
considérable.  Ceux  d'Innocent  IV  sont  plus  nombreux  encore;  ils  for- 
ment la  majeure  partie  de  son  Registre.  Il  ne  faut  pas  oublier  en  effet 
que  la  Papauté,  dans  sa  lutte  contre  Frédéric  II,  tira  une  grande  force 
des  droits  que  l'Eglise  lui  avait  reconnus  sur  les  bénéfices.  Presque  tou- 
tes les  provisions  signalées  dans  le  Registre  sont  faites  sur  le  Rhin,  en 
Allemagne,  en  Suisse,  en  Italie,  et  le  Pape  les  accorde  à  ses  partisans  ou 
sur  la  demande  de  ses  partisans. 

Ce  pouvoir  si  grand  du  Saint-Siège  lui  permit  d'intervenir  sans  cesse 
dans  les  élections  des  évêqucs  ou  l'administration  des  diocèses.  Déjà  In- 
nocent III  avait  déclaré  que,  si  les  chapitres  n'avaientpas  élu  un  candi- 
dat dans  un  temps  déterminé,  le  Pape  pourrait  désigner  le  titulaire. 
Innocent  IV  nomme  directement  à  un  très  grand  nombre  d'évèchés  va- 
cants. Nous  le  voyons  placer  des  moines  dans  les  évéchés.  En  1244,  il 
nomme  à  Plaisance  un  de  ses  chapelains,  à  Bologne,  son  vice-chance- 
lier Ricanati,  à  Assise,  en  1247,  un  de  ses  chapelains.  En  1246,  au  plus 
fort  de  la  lutte  contie  Frédéric  II,  il  mande  à  son  légat  en  Allemagne 
de  conférer  un  évêché  au  neveu  de  l'archevêque  de  Mayence,  son  dévoué 
partisan.  Enfin  une  constitution  de  1249  établit  qu'aucune  provision  en 


206  REVUE    CRITIQUK 

peut    se   faire   en    Allemagne   sans  la    permission   expresse   du    Pape. 

Sans  doute,  ces  prétentions  de  la  Curie  romaine  ne  furent  pas  accep- 
tées de  tous.  Déjà  se  font  entendre  bien  des  protestations  dont  le  Regis- 
tre d'Innocent  IV  nous  a  gardé  le  souvenir.  Je  signale,  par  exemple,  les 
bulles  3735-3764  sur  la  constitution  des  chanoines  de  Milan  et  de  Man- 
toue,  les  bulles  3o7r-332i  et  beaucoup  d'autres  dans  lesquelles  le  Pape 
supprime  en  faveur  d'une  église  ou  d'un  monastère  l'abus  des  expectati- 
ves. Un  grand  nombre  d'évéques,  de  chapitres,  d'abbés  font  reconnaître 
par  le  Pape  les  privilèges  de  leurs  églises  et  leur  droit  de  collation.  Au 
concile  de  Lyon  en  1245,  nous  voyons  les  évêques  anglais  protester  au 
nom  de  l'église  d'Angleterre  contre  l'intervention  oppressive  de  la  Pa- 
pauté dans  les  provisions  ecclésiastiques.  G'JS  mesures  restèrent  isolées. 
Les  papes  signaient  les  privilèges  et  ne  les  respectaient  pas  toujours  :  on 
en  a  la  preuve  dans  le  nombre  même  d'induits  que  se  fait  donner  une 
même  église.  L'abus  des  collations  pontificales  ira  en  grandissant,  de- 
puis Innocent  IV  jusqu'au  jour  où  ces  désordres  provoqueront  la  grande 
réaction  des  conciles  du  xV^  siècle. 

J'ai  tenu  à  insister  sur  la  nature  de  ces  documents  :  ils  peuvent  deve- 
nir le  sujet  d'études  curieuses  et  nouvelles  :  à  ce  point  de  vue,  la  publi- 
cation de  M.  E.  Berger  ne  saurait  mériter  trop  d'éloges.  L'histoire  du 
Saint-Siège  est  dans  les  archives  du  Vatican.  La  collection  est  assez  ri- 
che pour  que  les  membres  de  notre  Ecole  de  Rome  ne  se  lassent  pas  d'y 
puiser  et  d'en  tirer  d'intéressantes  publications  et  d'utiles  études. 

I.  L. 


40.  —  Dr.  Martin  Luther's  ïïs-ïef'weclsseï.  Bearbeitei  und  Jmit  Eilseuterungen 
versehen  von  E.  L.  Enders.  Erster  Band.  Briefe  vom  Jahre  1607  bis  Mœrz  iSicj. 
Frankfurt  am  Main,  Schriften-Niederlage  des  Evangelischen  Vereins,  1884.  Pet. 
in-8,  XIV  et  494  p. 


Il  faudra  attendre  encore  bien  des  années  jusqu'à  ce  que  la  magistrale 
édition  critique  de  Luther,  dirigée  par  Knaake,  et  dont  le  premier 
volume  a  paru  en  i883  [Dr.  Martin  Luthers  Werke.  Kritische  Ge- 
sammtausgabe.  Band  I.  Weimar,  Bohlau,  i883,  gr.  8°,  xxiv  et  710  p., 
18  mark),  nous  donne,  après  toutes  les  œuvres  se  su'ivant  par  ordre 
chronologique,  la  correspondance  qui  doit  la  terminer.  En  outre,  son 
prix  élevé  n'en  permettra  pas  l'accès  à  chacun,  plus  d'une  bibliothèque 
publique  même  devant  y  regarder  à  deux  fois  avant  de  souscrire  à  une 
publication  qui  comptera  environ  trente-cinq  volumes,  à  20  ou  25  fr. 
chacun,  et  dont  aucun  ne  se  vendra  séparément.  Aussi  est-il  heureux 
que  l'on  puisse  recourir  à  l'édition  dite  d'Erlangen  et  Francfort,  com- 
mencée dès  1826  par  Irmischer,  etc.,  et  dont  quelques  parties  impor- 
tantes, les  sermons  et  les  écrits  relatifs  à  l'histoire  de  la  réformation 
ont  paru  ces  dernières  années  en  seconde  édition  très  améliorée,  grâce 


d'hisioirk  ht  dk  littkuaturk  207 

aux  soins  de  Enders.  Une  brochure  publiée  Tannée  dernière,  à  l'occa- 
sion du  quatre-centième  anniversaire  de  la  naissance  de  Luther,  par 
l'éditeur  actuel  de  cette  édition,  joint  à  l'examen  de  toutes  les  éditions 
antérieures  des  œuvres  complètes  du  réformateur  la  description  détaillée 
de  celle  dont  nous  parlons  et  l'indication  du  contenu  de  chaque  volume. 
[Die  Erlangen-Frankfiirter  Gesammtausgabe  von  Dr.  Martin  Luther's 
Werken  im  Jubeljahr.Yv3in\dml  a.  M.,  Schriftenniederlage  des  Evangel. 
Vereins,  i883.  8°,  xvi  et  48  p.,  o,5o  M.)  —  Cette  édition  se  divise  en 
deux  séries  :  Tune,  comprenant  les  œuvres  allemandes,  est  achevée  en 
e-j  volumes  petit  in-octavo  (1826-57;  t.    I-XX  reproduits  en  sec.  éd. 
1862-81  ;  de  même  en  i883  les  t.  XXIV  et  XXV,  que  le  t.  XXVI  doit 
suivre  prochainement);   Tautre,   les  œuvres  latines,   n'est  pas  encore 
terminée;  33  volumes  en  ont  paru,  de  1829  à  18/3;  une  douzaine  de 
volumes  est  encore  attendue.  Il  manquait  entre  autres  à  cette  série  les 
lettres  latines,  comme  contre-partie  des  lettres  allemandes,  qui   sont 
publiées  depuis  1 85 3-54  et  forment  quatre  volumes  (LUI  à  LVI)  de  la 
première  série.  Ces  quatre  volumes  renferment  885  lettres  (sans  compter 
les  n°=  employés  à  double  eu  à  triple),  dont   i3i   non  comprises  dans 
l'éditien  de  Wette.  —  Préparant  depuis  des  années  la  publication  des 
lettres  latines,  M.  Enders  a  été  amené  à  élargir  peu  à   peu  son  plan 
d'une  manière  très  heureuse  :  d'une  part,  en  accompagnant  les  lettres  de 
nombreuses  notes  fort   utiles  et  de  renvois  aux  principaux  ouvrages 
récents  sur  Luther  et  son  époque;  d'autre  part,  en  joignant  aux  lettres 
de  Luther  celles  de  ses  correspondants  et  même  d'autres  lettres  contem- 
poraines qui  ne  lui  sont  pas  adressées,  mais  le  touchent  de  près;  enfin 
en  enregistrant  à  leur  date,  par  des  sommaires  annotés,  les  lettres  alle- 
mandes publiées  dans  les  quatre  volumes  dont  nous  avons  parlé,  et  en 
imprimant  au  milieu  des  lettres  latines  les  lettres  allemandes  retrouvées 
depuis.  Comme  les  lettres  allemandes  se  vendent  à  part  (les  4  volumes 
ensemble  pour  8  mark),  aussi  bien  que  la  nouvelle  publication,  qui  doit 
former  six  volumes  (au  prix  de  3  mark  le  volume  pour  les  souscrip- 
teurs), on  peut  espérer  d'avoir  bientôt,  et  à  un  prix  très  modique,  une 
édition  complète  de  la  correspondance  de   Luther,  mise  au  niveau  des 
recherches  des  cinquante  dernières  années.  Et  réellement,  cela  était  né- 
cessaire :   depuis  la  publication  des  lettres  de  Luther  par  de  Wette 
(Berlin,   1825-28,  5   vol.   8»,  renfermant   2324  lettres),  publication  si 
utile  à  son  moment  tout  en  laissant  beaucoup  à  désirer  sous  le  rapport 
de  l'exactitude  et  par  la  rareté  des  notes,  Seidemann  y  avait  joint  un 
sixième  volume  (Berlin,  i858),  et  les  vingt-cinq  dernières  années  avaient 
fourni  un  contingent  considérable  de  suppléments;  les  uns,  réunis  en 
volume  par  le  même  Seidemann  {Liitherbriefe .  Dresden,  1859),  par 
Burkhardt  {Luther's Briefwechsel.  Leipzig,  1866.  8°,  x  et  524  p.),  par 
Kolde  [Analecta Lutherana.  Gotha,  i883.  8»,  xviet479  p.);  les  autres, 
sous  forme  de  contributions  de  détail,  mais  fort  nombreuses,  dispersées 
dans  des  revues,  dissertations  et  livres  de  toute  sorte,  en   particulier. 


208  REVUE    CRirtQUK 

d'importantes  trouvailles  dues  à  Charles  et  Guillaume  Krafft;  en  un 
mot  c'est  un  labyrinthe  dans  lequel  les  plus  compétents  mêmes  ne  se 
retrouvent  plus.  —  Grâce  à  M.  Enders  ce  chaos  va  se  débrouiller;  il 
s"'est  tenu  au  courant  de  tout  ce  qui  a  été  publié  depuis  un  demi-siècle 
et  peut  promettre  déjà  à  Theure  qu'il  est  une  augmentation  de  trois  à 
quatre  cents  pièces  sur  les  recueils  réunis  de  de  Wette,  Seidemann  et 
Burkhardt.  Il  a  revu  sur  les  originaux,  ou,  à  leur  défaut,  sur  les  copies 
les  plus  authentiques,  la  plupart  des  lettres;  il  indique  pour  chacune 
d'elles  l'endroit  où  elle  se  trouve  en  manuscrit,  ainsi  que  les  ouvrages 
dans  lesquels  elle  a  déjà  été  imprimée  ;  il  marque  les  variantes,  s'il  y  a 
lieu,  et  enfin  il  les  annote  brièvement  mais  d'une  manière  très  pratique. 
Le  premier  volume  contient  les  lettres  de  1 507  à  mars  1 5  19,  en  168  nu- 
méros, y  compris  les  numéros  de  renvoi  aux  lettres  allemandes,  dont 
quelques-unes  sont  reproduites  plus  correctement.  Nous  espérons  que 
les  volumes  suivants  paraîtront  à  bref  délai.  B. 


41.  —  Fae-simlle  du  sermon  sur  le  Jugement   dernier   de  Bossuet Fac-similé 

de  deux  plans  de  sermons  de....  saint  Vincent  de  Paul  et  saint  François  de  Sales... 
précédés  d'une  étude  sur  ce  sermon,  et  sur  un  exorde  que  les  éditeurs  placent 
à  la  suite  de  ce  sermon,  par  J,  E.  Choussv.  Société  générale  de  librairie  catho- 
lique, V.  Palmé,   Paris  et  Bruxelles,  1884.  Pet.  in-4. 

Les  éditions  de  Bossuet  donnent  trois  sermons  pour  le  premier  di- 
manche de  l'Avent  :  deux  d'entre  eux  seulement  se  trouvent  en  manus- 
crit à  la  Bibliothèque  nationale.  L'original  autographe  de  celui  de  ces 
trois  sermons  qu'on  appelle  communément  le  sermon  sur  le  Jugement 
dernier  et  qu'on  range  le  second  dans  les  édi-tions  (édition  des  Bénédic- 
tins, t,  IV,  p.  134  sqq.;  édition  de  Versailles,  t.  XI,  p.  179;  édition 
Lâchât,  t.  VIII,  p.  117)  fait  partie  d^une  collection  particulière.  Le  pos- 
sesseur de  ce  précieux  manuscrit,  M.  J.  Choussy,  vient  d'avoir  Theu- 
reuse  idée  d'en  publier  un  fac-similé.  S' 

Cette  publication  est  intéressante  à  plusieurs  égards.  Tout  d'abord 
elle  nous  permet  de  faire  au  texte  même  du  discours  de  Bossuet  plusieurs 
modifications  dont  quelques-unes  ne  manquent  pas  d'importance.  En 
collationnant  avec  l'original  publié  par  M.  C  le  texte  donné  par  dom 
Déforis,  et  reproduit,  d'après  lui,  par  les  éditeurs  suivants,  il  est  aisé  de 
constater  queles  Bénédictins,  malgré  leur  admirable  clairvoyance  et  leur 
exactitude  habituelle,  ont  laissé  échapper  un  certain  nombre  d'erreurs. 

Nous  ne  relèverons  pas  ici  de  nombreuses  variantes  (nous  en  avons 
compté  une  trentaine),  négligées  par  Deforis  sans  qu'on  en  voie  bien  la 
raison,  puisqu'il  en  imprimait  un  grand  nombre  d'autres,  ni  plus  ni 
moins  intéressantes.  Ces  variantes,  une  édition  critique  devrait  les  re- 
produire au  complet  ;  on  tiendrait  compte,  pour  les  déterminer  avec  le 
plus  de  certitude  possible,  des  règles  de  lecture  établies  d'une  façon  si 


L>  HISTOtRK    KT    DR    LITTÉRATURh  2O9 

raisonnable  et  si  précise  par  M.  Gandar  dans  la  préface  de   son  édition 
de  Sermons  choisis  de  la  jeunesse  de  Bossuet  (i  867.) 

Nous  nous  bornerons  à  signaler  les  principales  corrections  au  texte, 
et  les  plus  certaines,  que  l'autographe  de  M.  G.   nous   donne  lieu  de 

faire. 

Déf.  (nous  désignons  ainsi  l'édition  des  Bénédictins),  t.  IV,  p.  i35  : 
à  ce  dernier  jugement  qui  nous  est  proposé  dans  notre  Evangile.  — 
Fac-similé  G.,  p.  3  :  ces  trois  derniers  mots,  dans  notre  Evangile,  ne 
sont  point  dans  le  manuscrit  autographe. 

Déf.,  p.  i37  :  à  droite  et  à  gauche.  —  Fac-similé  G.,  p.  10  :  à  droit, 
qu'il  faut  conserver  dans  le  texte;  cette  orthographe  était  alors  correcte. 
(Voir  le  dictionnaire  de  Richelet  et  un  autre  exemple  dans  le  sermon  de 
Bossuet  sur  la  Vigilance,  publié  dans  le  Choix  de  sermons,  de  M.  Ga- 

zier,  p.  33o.) 

Déf.,  p.  iSq  :  Si  accommodants,  si  souples  et  si  adroits.  —  Fac- 
similé  G.,  p.  i3  :  Si  accommodans  et  si  souples  et  si  adroits.  Peut-être 
même  faut-il  lire  seulement  :  Si  accommodans  et  si  souples,  ou  plutôt 
si  accommodans  et  si  adroits,  et  rejeter  dans  les  variantes  l'un  de  ces 
trois  adjectifs. 

Déf.,  p.  189  :  Sur  votre  face  confuse.  — Fac-similé  G.,  p.  14  :  con- 
fuse est  souligné,  ce  qui  le  plus  souvent,  chez  Bossuet,  signifie  supprimé 
ou  à  supprimer.  C'est  du  reste  la  règle  que  Déforis  applique  presque 
toujours  en  pareil  cas. 

Déf.,  p.  139  ;  Ainsi  viendront  rougir  devant  Jésus-Ghrist  tous  ces 
trompeurs  vainement  fardés;  ils  viendront,  dis-je,  rougir,  non  seule- 
ment de  leur  crime  caché...  —  Fac-similé  G.,  p.  14  :  devant  Jésus-Christ 
tous,  trois  mots  soulignés,  de  même  qu'à  la  ligne  suivante  le  mot  pu- 
blics que  Déforis  supprime  avec  raison,  et  de  même  aussi  que  le  mem- 
bre de  phrase  :  2'/^  viendront.,  dis-je,  rougir.  Le  texte  doit  donc  être 
restitué  ainsi  qu'il  suit  :  Ainsi  viendront  rougir  ces  hommes  vainement 
fardés,  non  seulement  de  leur  crime  caché,  etc. 

Déf.,  p.  139:  pour  la  faire  servir  de  prétexte,  de  montre  et  de  parade. 
Gette  accumulation  de  substantifs  à  peu  près  synonymes  n'est  guère 
dans  les  habitudes  de  Bossuet.  Aussi  bien  voyons-nous  en  examinant 
de  près  le  fac-similé  G.,  p.  14,  qu'il  a  écrit  d'abord  prétexte,  puis  au- 
dessus  couverture  qu'il  barre,  puis  au-dessous  montre  (monstre),  et, 
encore  au-dessous /j'ari^iie,  sans  relier  ces  mots  entre  eux  par  la  parti- 
cule de,  que  Déforis  ajoute  gratuitement.  G'est  ici  qu'il  y  a  lieu,  comme 
le  recommande  M.  Gandar,  «  de  donner  la  préférence  à  l'expression 
qui  s'est  trouvée  la  dernière  sous  la  plume  de  l'orateur  '.  »  La  leçon  la 
plus  probable  est  donc:  a  pour  la  faire  servir  de  parade.  » 

Déf.,  p.  189  :  Et  vous,  soyez  aussi  confus  et  portez  votre  ignominie. 
—  Fac-similé  G.,  p.  14  :  Soye:{  confus,  6  pécheurs,  et  porte^  votre  igno- 


I.  Avertissement  de  l'édition  déjà  citée,  p.  xv. 


2  10  RKVL'K    CHITIQOh; 

minie.  —  BossueL  ayant  traduit  lui-même  la  citation  de  l'Ecriture,  il 
est  inutile  de  substituer  à  la  sienne  une  autre  traduction,  fût-elle  même 
plus  exacte. 

Déf.,  p.  141  :  et  celui  que  vous  découvriez  de  loin  tout  entier,  vous 
le  perdez  tout  à  coup.  —  Fac-similé  C,  p.  17  :  et  lui  que  vous  décou- 
vrie:{  de  loin,  etc. 

Déf.,  p.  i4r  :  toutes  ses  menées.  —  Le  fac-similé  C,  p.  17,  nous 
montre  ce  mot  fortement  souligné.  11  est  donc  probable  que  Bossuet 
n'en  était  pas  satisfait.  Menées  se  trouve  pourtant  dans  les  diction- 
naires du  xvn"  siècle,  avec  le  sens  que  Bossuet  lui  donne  ici, 
d'intrigues  clandestines  et  de  conspirations  criminelles.  Il  est  vrai  de 
dire,  d'autre  part,  que  nous  rencontrons  rarement  ce  mot  dans  les  clas- 
siques du  xvn''  siècle  ;  une  fois  dans  Malherbe,  deux  fois  dans  La  Ro- 
chefoucauld, et  pas  du  tout  dans  Corneille,  du  moins  d'après  les  Lexi- 
ques de  ces  auteurs. 

Déf.,  p.  141  :  Ils  se  cachent,  s'ils  peuvent,  comme  fit  Adam,  et  s'ils 
ne  peuvent  pas,  etc.  — Le  fac-similé  C,  p.  18,  ne  nous  autorise  pas 
à  supprimer,  apvè?,  Adam,  les  mots  suivants  :  dans  le  plus  épais  de  la 
/oref,  mots  que  Déforis  a  cru  pouvoir  retrancher,  sans  doute  parce  qu'ils 
se  retrouvent  deux  lignes  plus  bas. 

Déf..  p.  141  :  Et  s'ils  ne  peuvent  pas  se  cacher.  —  Fac-similé  C, 
p.  i8  :  ef  s'ils  ne  peuvent  se  cacher. 

Déf.,  p.  142  :  Et  adorent  le  vain  fantôme.  —  Fac-similé  C,  p.  19  : 
et  adorent  eux-mêmes  le  vaînfantôme. 

Déf.,  p.  142  :  le  vain  fantôme  qu'ils  ont  supposé  pour  tromper  le 
monde,  —  Le  mot  supposé  est  souligné  comme  tout  à  l'heure  menées. 
sans  que  Bossuet,  ici  encore,  mette  rien  à  la  place.  —  L'emploi  de  sup- 
poser dans  son  sens  étymologique  (mettre  à  la  place  de)  est  rare  au 
xvii^  siècle.  (On  en  cite  deux  exemples:  La  Fontaine,  Fables,  X,  i, 
vers  74,  et  Corneille,  avertissement  de  Rodogiine.) 

Déf.,  143  :  Plusieurs  s'éveilleront,  —  Fac-similé  C,  p.  22  :  Quel- 
ques uns  s'éveilleront. 

Déf.,  p.  143  :  Ceux  qui  s'étaient  appuyés  sur  des  conseils  accommo- 
dants et  sur  des  condescendances  flatteuses.  — Fac-similé  C,  p.  22  : 
tous  ces  mots,  depuis  qui  jusqu  î\ /latteuses ,  sont  soulignés,  c'est-à-dire 
qu'ils  sont  probablement  à  supprimer,  — Notons  du  reste  qu'un  peu 
plus  loin  (fac-similé,  p.  23),  Bossuet  trace  en  marge  des  dix  dernières 
lignes  du  paragraphe  un  trait  vertical,  signe  dont  il  marque  souvent  les 
développements  qu'il  se  propose  d'abréger. 

Déf.,  p.  143  :  S'éveilleront  tout  à  coup  à  leur  honte.  —  Fac-similé 
C,  p.  22-2  3  :  tout  à  coup.,  souligné,  doit  disparaître  du  texte  ;  il  n'est 
pas  d'ailleurs  dans  le  latin  que  Bossuet  traduit. 

Déf.,  p.  144  :  Comme  dit  Julien  Pomère.  —  Fac-similé  C,  p.  26  : 
comme  dit  Prosper  l'Africain.  —  La  pensée  que  cite  Bossuet,  est  en 
effet  de  Julien  Pomère,  mais  il  convient,  en  pareil  cas,  de  laisser  subsis- 


I>  HlSIOI!5K    KT     DK    r.l  T  T 1'!!  A  TOM  i- 


ter  le  texte  et  de  ne  corriger  Terreur  que  par  une  note.  Ajoutons  qu^uns 
indication  marginale  de  Bossuet,  qu£  Déforis  a  tort  de  reproduire 
seulement  en  abrégé,  nous  montre  d'où  vient  cette  inexactitude.  Cette 
indication  est  ainsi  conçue  :  ap.  Jon.  Aurel.  de  inst.  laie.  lib.  3,c.  ij . 
Sipieileg.  tom.  /. ,  c'est-à-dire,  apud  Jonam  Aiirelitviensem,  de  insti- 
tiitione  laicali,  lib.  J,  cap.  ly,  dans  le  tome  I*"»"  du  Spicilègc  de  dom 
Luc  d'Achery.  C'est  en  effet  à  Prosper  que  Jonas  d'Orléans  attribue  le 
De  vita  contemplativa  cité  par  Bossuet,  mais  à  tort  :  ce  traité  est  de 
Julien  Pomère,  comme  l'avait  démontré  depuis  longtemps  déjà  le  P. 
Sirmond.  Bossuet  ne  s'est  plus  rappelé  qu'à  la  page  ii  du  tome  I""  de 
son  Spicilège,  dom  Luc  d'Achery  avertit  par  une  note  de  l'erreur  de 
Jonas  d'Orléans  et  nomme  le  véritable  auteur,  Julien  Pomère. 

C'est  probablement  aussi  par  inadvertance  que  Bossuet  appelle  le 
Prosper  qu'il  cite  «  Prosper  V  Africain  ».  C'est  à  Prosper  l'Aquitain  qu'on 
attribuait  le  Traité  de  la  Vie  contemplative.  —  On  sait,  du  reste,  que 
les  différents  auteurs  chrétiens  qui  ont  porté  le  nom  de  Prosper  ont  pu 
être  souvent  confondus. 

Déf..  p.  145  :  Tous,  disait-il,  seront  confus.  —  Fac-similé  C.,  p.  27  : 
Tous  seront  confus,  dit-il. 

Déf..  p.  146  :  Que  Dieu  et  ses  serviteurs.  —  Fac-similé  C.,  p.  29  : 
Qiie  lui  et  ses  serviteurs. 

Déf.,  p.  146  :  qu'il  leur  insultera.  Le  fac-similé  C,  p.  29,  nous 
montre  ces  trois  mots  soulignés.  Le  scrupule  de  Bossuet  a  pu  porter 
ici,  soit  sur  l'emploi  du  mot  insulter,  soit  sur  la  nature  de  son  complé- 
ment. Si  Bossuet,  en  i665,  a  hésité  devant  insulter,  comme  devant  un 
néologisme,  on  peut  trouver  qu'il  poussait  dans  ce  cas  le  purisme  un 
peu  loin.  En  1647,  Vaugelas  avertissait  sans  doute  que  ce  mot  était 
«  fort  nouveau  »,  mais  déjà  cependant  il  déclarait  qu'étant  «  excellent 
pour  exprimer  ce  qu'il  signifie  »  il  passerait  u  d'ici  à  quelques  années 
pour  un  nom  de  la  vieille  marque.  »  En  1687,  Thomas  Corneille  cons- 
tate qu'insulter  est  «  généralement  reçu,  »  et  Furetière,  Richelet,  l'Aca- 
démie l'admettent,  sans  observation,  dans  leurs  dictionnaires.  — Quant 
au  complément,  direct  ou  indirect,  du  verbe  insulter,  si  c'est  cette 
question  qui  a  embarrassé  Bossuet,  l'incertitude  sur  ce  point  était  plus 
justifiée,  comme  nous  pouvons  le  voir,  par  les  Dictionnaires  du  temps 
et  par  Icii  Remarques  nouvelles  du  P.  Bouhours  (1691);  les  cas  où  il 
faut  user  de  l'accusatif  ou  du  datif  n'étaient  point  très  nettement  dis- 


tmgues. 


Déf.,  p.  146  :  cette  juste  et  inévitable  insulte.  —  Fac-similé  C,  p.  3o  ; 
ce  juste  et  inévitable  insulte.  Cf.  ibid.,  p.  3i  :  un  insulte  public; 
p.  02  :  les  insultes  sanglants.  —  Le  L;cnre  de  ce  mot  était  alors  dou- 
teux :  le  père  Bouhours,  l'Académie,  Boileau  le  faisaient  masculin; 
Ménage,  Thomas  Corneille,  Richelet,  féminin. 

Déf.,  p.  146  :  ...  S'ils  ne  la  faisaient  jouir,  dit  Tertullien  (en  parlant 
de  l'intempérance  des  pécheurs)  de  toute  la   lumière  du  jour  et  de  tout 


2  I  2  RKVUl!    CRITIQUK 

le  témoignage  du  ciel  :  delicta  vestra  et  loco  omni  et  luce  omni  et 
universa  cœli  conscientia  frinintiir.  —  Tout  ce  passage  est  très  nette- 
ment effacé  dans  le  ms,  comme  le  montre  le  fac-similé  C,  p.  3o.  Les 
Bénédictins  le  trouvaient  sans  doute  digne  d'être  conservé,  mais  il  faut 
se  résigner  à  sacrifier  ce  que  Bossuet  a  évidemment  rejeté  lui-même. 

Déf.,  p.  147  :  A  qui  la  pudeur  même  semble  une  faiblesse  indigne 
d^euK. —  L'aspect  du  ms  (fac-similé  C,  p.  3i)  paraît  indiquer  qu'il 
faudrait  supprimer  indigne  d'eux  qui,  en  effet,  n'est  pas  très  nécessaire 
3iTp^t?,  faiblesse. 

Déf.,  p.  148  :  O  mes  frères,  que  la  teinture  de  cette  honte.  —  Fac- 
similé  C,  p.  33  :  le  mot  teinture  est  souligné.  Bossuet  hésite  à  rem- 
ployer dans  son  sens  technique  et  familier.  On  ne  trouverait  probable- 
ment pas  d'autre  exemple  de  cette  hardiesse  que  dans  un  vers  du  Cid 
(III,  se.  4). 

Déf.,  p.  148  :  A  Votre  Majesté.  Comme  le  fait  justement  remarquer 
M.  C,  le  ms  porte  (fac-similé,  p.  34),  sous  une  forme  abrégée  :  à  Vos 
Majestés. 

En  même  temps  qu'elle  nous  fournit  ces  corrections  au  texte  du  dis- 
cours, la  publication  de  M.  C.  rectifie  encore  une  erreur  commise,  on 
ne  sait  comment,  par  les  premiers  éditeurs,  sur  la  date  de  ce  sermon  : 
ils  l'ont  daté  de  1669,  or  i665  est  très  lisible  sur  la  page  d'enveloppe 
(fac-similé  C.,  p.  i.)  Cette  rectification  nous  amène  à  changer  dès  lors 
tout  Tordre  des  sermons  de  Bossuet  pour  le  premier  dimanche  de 
l'Avent.  Admettant,  sur  la  foi  de  dom  Déforis,  que  le  sermon  sur  le 
}ngQ\T\Qnx  Atvmtv  (Tune  videbunt)  éla.\X.  de  1669,  on  en  avait  conclu, 
d'après  le  nombre  des  Avents  prêches  par  Bossuet  à  Paris,  que  le  ser- 
mon (pour  le  même  dimanche)  dont  le  texte  est  Hora  est  jam  nos  de 
somno  surgere  et  qu'on  intitule  quelquefois  sermon  sur  la  Vigilance, 
—  était  de  i665.  C'est  le  contraire  qui  est  vrai.  11  ne  peut  y  avoir  de 
doute  sur  la  date  du  ms  C,  et,  au  besoin,  la  comparaison,  pour  l'écri- 
ture, du  fac-similé  que  nous  avons  sous  les  yeux  avec  les  sermons  de 
1669  et  de  i665  conservés  à  la  Bibliothèque  nationale,  confirmerait 
l'exactitude  de  la  date  de  i665.  —  Voilà  donc  encore  un  exemple  prou- 
vant combien  il  sera  hasardeux  d'affirmer  quoi  que  ce  soit  sur  l'histoire 
du  développement  oratoire  de  Bossuet,  ou  sur  l'histoire  de  sa  langue, 
tant  qu'on  n'aura  point  une  édition  critique  de  tous  les  sermons. 

Au  fac-similé  du  sermon  sur  le  Jugement  dernier,  M.  C.  a  joint  : 
i"  une  page  de  textes  de  l'Ecriture,  relatifs  à  l'ensemble  du  discours 
et  accompagnés  d'essais  de  traduction  ;  cet  appendice  au  sermon,  qui 
permet  de  saisir  sur  le  vif  le  procédé  intime  du  travail  de  Bossuet,  avait 
été  omis  par  les  Bénédictins  et  ne  figure  pas,  par  conséquent,  dans  les 
éditions  subséquentes; 

2"  Un  exorde  isolé,  que  les  éditeurs  rangent  à  la  suite  du  sermon 
Tune  videbunt. 

Cet  exorde,  selon  M.   C,  n'appartient  pas  à  Bossuet;  tout  le  lui 


d'histoire  et  de  littérature  2|3 

prouve,  l'écriture,  le  style,  la  terminaison  insolite  d'un  nom  propre 
[Philippiis  au  lieu  Je  Philippe),  la  présence  de  corrections  interlinéaires 
de  la  main  de  Bossuet  tandis  que  le  texte  du  fragment  n'est  pas  écrit 
par  lui,  et  enfin  ce  fait  qu'aucun  éditeur  de  Bossuet  n'a  pu  rattacher  à 
un  corps  de  sermon  ce  morceau  isolé.  M.  C.  suppose  donc  que  Ton  se 
trouve  ici  en  présence  d'un  fragment  composé  et  écrit  par  une  autre 
personne,  qui  l'aurait  envoyé  à  Bossuet  pour  le  revoir.  (Introduction, 
p.  vi-xv.) 

L'hypothèse  de  M.  C.  est  ingénieuse,  mais  les  raisons  dont  il  Pappuie 
ne  nous  paraissent  pas  décisives.  Le  style,  d'abord,  n'est  pas  tellement 
différent  de  celui  de  Bossuet;  —  Torthographe  latine  du  mot  Philippiis 
ne  nous  étonnerait  guère  dans  un  écrit  qui  pourrait  être  de  la  jeunesse 
de  Bossuet,  et  d'une  époque  où,  conservant  assez  souvent  aux  noms 
propres  leur  forme  ancienne,  il  écrivait  par  exemple  Tertullian.  D'au- 
tre part,  si  cet  exorde  n'a  pu  être  relié  encore  à  aucun  sermon,  c'est 
peut-être  qu'il  appartenait,  soit  à  un  sermon  perdu,  soit  à  un  sermon 
dont  le  reste  ne  fut  point  écrit.  Pour  ce  qui  est  enfin  de  l'écriture,  il 
ne  paraît  pas  en  effet  que  ce  soit  celle  de  Bossuet,  mais  quand  on  en  se- 
rait parfaitement  sûr,  ne  pourrait-on  pas  supposer  avec  vraisemblance 
que  nous  avons  ici  la  rédaction  d'un  exorde  de  Bossuet,  faite  soit  de 
mémoire  par  un  de  ses  auditeurs,  soit  par  un  de  ses  amis  sous  sa  dictée, 
et  qui,  ensuite,  aurait  été  soumise  à  ses  corrections?  —  Il  faudrait, 
à  notre  avis,  plus  de  preuves  que  M.  C.  n'en  donne  pour  retrancher 
définitivement  cette  page  des  éditions.  Au  reste,  il  n'y  a  pas  grand  in- 
convénient à  l'y  laisser  ;  si  elle  n'appartient  point  à  Bossuet,  elle  n'est 
pas  toutefois  de  nature  à  déparer  le  recueil  où,  selon  M.  C,  elle  se  se- 
rait indûment  glissée. 

M.  C.  nous  donne  encore  dans  la  même  brochure  deux  autres  fac- 
similés  intéressants,  empruntés  également  à  sa  collection.  Ce  sont  deux 
plans  de  sermons,  autographes,  de  saint  Vincent  de  Paul  et  de  saint 
François  de  Sales.  Il  existe  fort  peu,  comme  on  sait,  de  manuscrits  de 
ces  deux  saints,  du  premier  surtout.  Le  plan  de  saint  Vincent  de 
Paul  que  M.  Choussy  publie  porte  la  date  de  1645.  Celui  de  saint 
François  de  Sales  n'est  pas  daté;  il  est  rédigé  tout  en  latin. 

A.  Rébelliau. 


42.  —  Vico  by  Robert  Flint,  professer  in  the  Univeisity  ci"  Edinburgh,  cor- 
responding  member  of  the  Institute  of  Fiance,  etc.  W.  Blackwood  and  sons. 
Edinb.  and  London,  1884,  in-12,  202  p. 

Ce  petit  volume,  signé  d'un  nom  bien  connu  chez  nous,  est  le  neu- 
vième d'une  collection  de  biographies  des  philosophes  les  plus  célèbres, 
qui  mérite  d'être  aussi  bien  accueillie  en  France,  qu'elle  l'a  été  en  An- 
gleterre. C'a  été  une  heureuse  idée  de  mettre  à  la  portée  du  grand  pu- 


214  REVUE   CRITIQUE 

blic  l'histoire  des  principaux  penseurs  qui  ont  honoré  l'humanité;  par 
là  cette  entreprise  mériterait  déjà  d'être  encouragée,  elle  ne  le  mérite  pas 
moins  par  le  soin  et  l'î  talent  avec  lesquels  elle  a  été  mise  à  exécution, 
et  le  volume  que  j'annonce  est  bien  fait  pour  en  assurer  et  en  accroître 
le  succès. 

Il  était  difficile  d'étudier  avec  plus  de  finesse  la  nature  complexe  et 
énigmatique  de  Vico  que  ne  l'a  fait  son  nouveau  biographe;  après 
l'avoir  montré  d'abord  se  formant  surtout  par  des  études  solitaires, 
M.  Flint  le  suit  ensuite  dans  sa  carrière  de  professeur  et  d'écrivain;  avec 
lui  nous  assistons  sans  peine  à  l'évolution  lente,  mais  sûre,  de  la 
pensée  de  Vico;  nous  voyons  comment  ses  théories  ingénieuses  et  har- 
dies apparaissent  en  germe  et  se  forment  peu  à  peu,  dans  les  Discours 
académiques,  qu'il  prononça  de  1699  à  1708.  A  cette  dernière  date, 
Vico  avait  quarante  ans;  son  esprit  avait  acquis  toute  sa  maturité,  et 
son  système  philosophique  pouvait  être  considéré  comme  arrêté  dans 
quelques-uns  de  ses  traits  principaux.  A  l'aide  des  écrits  qu'il  avait 
jusque-là  publiés,  M.  F.  s'efforce  de  montrer  ce  que  fut  la  métaphy- 
sique du  célèbre  penseur;  il  l'étudié  à  un  double  point  de  vue,  au  point 
de  vue  de  sa  théorie  de  la  connaissance  et  à  celui  de  sa  psychologie  et  de 
sa  cosmologie. 

C'était  une  tâche  ardue  que  de  mettre  en  lumière  l'idée  mère  qui  se 
trouve  au  fond  de  la  théorie  que  Vico  s'est  faite  de  la  connaissance; 
M.  F.  l'a  dégagée  avec  autant  de  bonheur  que  d'habileté  des  nuages  qui 
l'obscurcissaient,  et  on  ne  peut  que  lui  donner  raison  quand  il  fait  voir 
qu'après  tout  le  seul  critérium  de  la  vérité  que  reconnût  Vico,  c'était  la 
convertibilité  de  celle-ci  en  fait.  La  psychologie  de  l'illustre  napolitain 
était  peu  connue;  M.  F.  aura  eu  le  mérite  d'en  retrouver  les  points 
principaux  et  les  traits  distinctifs.  Mais  ce  n'est  pas  par  ses  théories  de 
philosophie  spééulative,  mais  pour  avoir  le  premier  appliqué  la  philoso- 
phie à  l'étude  de  l'histoire  que  Vico  est  et  restera  célèbre;  désertant  le 
domaine  de  la  pure  métaphysique,  on  le  voit  peu  à  peu  se  tourner  vers 
les  recherches  historiques.  C'est  par  l'étude  des  lois  qu'il  les  aborda.  Il 
s'était  bien  vite  aperçu  que  pour  en  comprendre  la  nature,  il  fallait  re- 
monter aux  causes  qui  les  ont  rendues  nécessaires,  aux  circonstances  au 
milieu  desquelles  elles  ont  pris  naissance;  il  n'y  avait  qu'un  pas  à  faire 
pour  étudier  l'histoire  même  des  peuples  dont  il  voulait  connaître  et 
comparer  les  diverses  législations.  Mais  de  ce  point  de  vue  particulier  ce 
sont  moins  les  faits,  on  le  comprend,  que  les  causes  des  faits  qui  le 
préoccupent  ;  c'est  en  cherchant  à  pénétrer  ces  causes  cachées  qu'il  jeta 
les  fondements  de  la  philosophie  de  l'histoire,  de  la  «  Science  nou- 
velle »,  comme  il  l'appelle. 

Dans  son  livre  De  constantia  jurisprudentis  {iy2i),  il  trouve  comme 
la  première  esquisse  de  cette  science  moins  nouvelle  toutefois  qu'il  ne 
le  pensait;  il  avait  eu,  en  effet,  pour  précurseur  dans  cette  voie  Machia- 
vel, Campanella,  Bodin,  Grotius,  Bossuet  même,  sans  parler  de  Platon 


d'histoire  et  de  littérature  21  5 

et  d^Aristote;  mais  quelle  que  soit  la  profondeur  des  recherches  ou  des 
études  qu'ont  pu  faire  ces  penseurs  célèbres  dans  le  domaine  historique, 
aucun  n'avait  tenté  d'ériger  —  ce  que  Vico  le  premier  devait  faire,  — 
l'histoire  en  une  science  particulière  et  philosophique.  L'originalité  de 
son  esprit  pénétrant  et  critique  se  manifeste  en  entier  dès  ce  premier 
ouvrage  qui  jette  une  lumière  toute  nouvelle  sur  les  anciens  temps  de 
Rome  ;  le  premier  il  soupçonna,  ce  que  personne  n'avait  encore  en- 
trevu, qu'il  fallait  en  chercher,  sous  le  mythe  qui  les  enveloppe,  l'histoire 
réelle,  dont  celle  des  temps  postérieurs  n'est  que  le  développement  con- 
séquent et  nécessaire.  Par  là  il  devançait  Nie'ouhr  ;  par  sa  «  découverte 
du  véritable  Homère  »,  il  devait  aussi  devancer  Wolf  ;  tout  ce  qu'a  dit 
des  poèmes  homériques  le  savant  critique  se  trouve  en  germe  dans  les 
notes  que  Vico,  en  1722,  donna  comme  appendice  à  son  traité  de  «  la 
Loi  ». 

Dans  ces  divers  écrits,  Vico  n'avait  fait  en  quelque  sorte  qu'essayer 
ses  forces;  il  donna  toute  sa  mesure  dans  les  Principes  d'une  science 
nouvelle,  publiés  une  première  fois  en  1725,  une  seconde,  mais  singu- 
lièrement modifiés  dans  le  fond  et  dans  la  forme,  en  1730.  M.  F.  a  étu- 
dié avec  un  soin  tout  particulier  ce  Magnum  Opus  de  Vico,  si  difficile  à 
saisir  dans  son  immense  variété;  il  s'est  attaché  à  en  mettre  en  lumière 
les  idées  mères  et  les  principaux  résultats,  et  je  ne  dirai  pas  l'analyse,  il 
n'a  pas  essayé  d'en  faire  une,  mais  le  résumé  exact  et  substantiel  qu'il 
en  donne  en  fait  admirablement  connaître  toute  l'originalité  et  la  portée. 
Ce  qui  distingue  avant  tout  la  «  Science  nouvelle  »,  c'est  l'alliance 
étroite  que  Vico  établit  entre  la  philosophie  et  la  philologie,  et  par  cette 
dernière  il  entend,  non  l'étude  des  mots,  mais  encore  et  surtout,  comme 
A.Bœckh  un  siècle  plus  tard,  celle  des  faits;  la  philologie  pour  lui  com- 
prend ainsi  à  la  fois  la  connaissance  de  la  langue  et  des  actions  des  peu- 
ples/'/a  cogniTjone  délie  lingue  e  de'  Jatti  de'  popolij.  C'était  une  ré- 
volution dans  l'élude  du  passé,  révolution  féconde,  qui  n'a  porté  tous 
ses  fruits  que  de  nos  jours.  A  ce  rôle  inconnu  encore  de  la  philologie 
se  joint  celui  de  la  critique,  et  là  encore  Vico  apparaît  en  novateur; 
sans  doute  Bayle  avait,  quelques  années  auparavant,  ouvert  à  la  cri- 
tique une  voie  nouvelle,  mais  il  ne  l'avait  guèie  appliquée  qu'à  des  faits 
isolés  ou  à  des  questions  particulières;  Vico  l'éleva  à  la  hauteur  d'une 
science,  en  lui  donnant  une  base  vraiment  philosophique;  avec  lui,  elle 
ne  se  borne  plus  à  l'examen  ou  à  la  discussion  des  faits,  elle  étudie  sur- 
tout et  recherche  les  causes  qui  les  dominent  ou  les  produisent. 

Ainsi  préparé  et  armé,  Vico  pouvait  entreprendre  d'expliquer,  ce  qui 
est  comme  la  pensée  fondamentale  de  son  œuvre,  la  marche  et  le  déve- 
loppement mystérieux  de  l'humanité;  l'unité  qui  y  préside  vient,  d'après 
lui,  de  ce  que,  dans  son  ensemble,  l'histoire  du  genre  humain  tout  entier 
n'est  que  la  réalisation,  dans  le  domaine  des  faits,  d'un  plan  conçu  par 
la  pensée  divine.  L'homme,  toutefois,  n'est  pas  pour  cela  un  agent  in- 
conscient d'une  volonté  supérieure;  ses  aptitudes  particulières,  ses  pas- 


2l6  REVUE    CRITIQUE 

sions,  cil  un  mot  sa  nature  tout  entière,  influent  sur  la  marche  des  évé- 
nements; de  là  la  nécessité  pour  l'historien  philosophe  de  connaître  et 
d'étudier  la  nature  humaine  ;  là  philosophie  de  l'histoire  doit  être  avant 
tout  une  psychologie  de  l'homme  et  des  peuples;  elle  doit  en  suivre  les 
idées  et  leurs  manifestations  diverses  dans  le  domaine  complexe  de  la 
législation,  de  la  science,  de  l'art,  de  la  religion,  manifestations  sembla- 
bles, sous  leurs  différences  apparentes ,  chez  les  différentes  nations. 
L'identité  de  la  nature  des  différents  peuples  est,  en  effet,  comme  le 
symbole  de  la  science  nouvelle;  c^est  cette  croyance  qui  a  fait  admettre 
à  Vico  que  la  civilisation  suivait  partout  la  même  marche,  et  que  toutes 
les  nations  formaient  comme  un  tout,  un  système  complexe  dont  l'en- 
semble constitue  l'humanité,  et  dont  l'histoire,  qui  n"'est  autre  que  celle 
de  l'homme  lui-même,  est  par  suite  une  et  identique. 

La  fantaisie  occupe  une  place  considérable  dans  l'explication  que  Vico 
a  voulu  donner  des  origines  de  la  civilisation  et  de  la  religion,  et,  à  côté 
de  vues  ingénieuses,  sa  théorie  mythologique  renferme  bien  des  asser- 
tions aventureuses  et  hasardées;  mais  on  y  entrevoit  déjà  quelques-unes 
des  idées  de  la  critique  moderne  sur  la  formation  des  mythes.  De  même 
qu'il  avait  emprunté  aux  anciens  quelques-uns  des  principes  qui  lui 
ont  servi  à  établir  son  système  des  origines  de  la  religion,  il  a  trouvé 
dans  Hérodote  l'idée  première  des  trois  âges,  celui  des  dieux,  des  héros 
et  des  hommes,  qui  se  succèdent,  d'après  lui,  chez  les  différents  peuples. 
L'histoire  de  l'âge  des  dieux,  à  une  époque  où  l'on  ne  soupçonnait  au- 
cun des  faits  mis  en  évidence  par  la  science  moderne,  ne  pouvait  être 
qu'un  tableau  souvent  fantaisiste  d'un  état  de  choses  mystérieux  et  à 
peine  entrevu;  mais  dans  la  peinture  de  l'âge  héroïque,  dont  les  poè- 
mes homériques  ont  donné  les  principaux  traits,  Vico  a  montré  une 
originalité  singulière.  L'âge  des  hommes  est  celui  où  la  civilisation 
atteint,  dans  chaque  ordre  de  l'activité  humaine,  son  plus  haut  point  de 
perfection,  pour  de  là,  Vico  le  pensait  après  Machiavel  et  Campa- 
nella,  déchoir  et  revenir  à  son  point  de  départ;  l'humanité  parcourrait 
ainsi  un  cercle  complet.  Est-elle  condamnée  à  repasser  éternellement  par 
les  mêmes  phases?  11  n'est  guère  probable  que  Vico  pût  l'admettre. Mais 
je  n''examine  point  cette  question,  que  M.  F.  résout  négativement,  et  je 
termine  ici  cette  analyse  trop  longue  déjà  ue  la  «  Science  nouvelle  »  : 
le  sujet  est  si  curieux  qu'on  me  pardonnera  de  m'y  être  tant  attardé. 
Que  de  points  cependant  j'ai  laissés  dans  l'ombre!  On  les  trouvera  mis 
en  lumière  dans  le  livre  de  M.  Flint,  dans  cette  étude  aussi  attrayante 
par  la  clarté  du  style  que  par  le  talent  de  l'exposition,  et  où,  malgré  son 
petit  volume,  rien  n'a  été  omis  d'essentiel  dece  qu'on  peut  désirer  savoir 
sur  Vico. 

Ch.  J. 


D^HISTOIRE    El    OK    LITTÉRATUKE  217 


43.  —  Ei'guenzungswœi'tei-bucli  dei*  deutsclieii  Spi-aclie,  von  Dr.  Daniel 

Sanders.    Berlin,     1879- 1884.    Un    vol.    in-4    de    6g i  pages   sur  trois    colonnes. 
Prix  :  5o  marks. 

Le  dictionnaire  complémentaire  est  enfin  aclievé!  Plusieurs  fois  déjà 
nous  avons  eu  l'occasion  d'entretenir  nos  lecteurs  de  ce  volume,  ainsi 
que  des  volumes  précédents;  nous  n'avons  donc  pas  à  revenir  sur  les 
mérites  de  cet  ouvrage,  où  M.  Sanders  a  réussi  à  condenser  des  matériaux 
immenses  dans  l'espace  relativement  restreint  de  quatre  volumes.  Nous 
devons  ici  quelques  excuses  à  Fauteur  :  dans  nos  précédents  articles 
nous  avions  cité  un  certain  nombre  de  mots  manquants;  mais  il  nous 
a  montré  que  plusieurs  de  ces  mots  se  trouvent  bel  et  bien  dans  son 
dictionnaire.  Notre  reproche  n'était  donc  pas  entièrement  fondé;  mais 
n'y  a-t-il  pas  une  circonstance  atténuante  en  notre  faveur?  On  sait 
avec  quelle  difficulté  souvent  on  parvient  à  se  retrouver  dans  le  grand 
répertoire  de  M.  S.;  cette  opinion  est  tellement  générale  que  nous 
nous  permettons  d'émettre  ici  un  vœu,  auquel  s'associeront  certaine- 
ment tous  les  intéressés  :  que  M.  S.  couronne  son  œuvre  en  publiant 
un  index  alphabétique  complet  des  mots  du  dictionnaire,  avec  des 
renvois  aux  deux  volumes  de  Synonymes  allemands.  Et,  comme  un 
dictionnaire  n'est  jamais  complet,  il  pourra  joindre  à  cet  index  un 
appendice  d'additions,  appendice  qui  pourra  être  renouvelé  et  augmenté 
de  temps  en  temps.  Espérons  que  M.  Sanders  nous  promettra  cet  index 
dans  le  nouveau  livre  qu'il  va  faire  paraître  sous  le  titre  «  L'atelier  dhin 
lexicographe^^,  qui  sera  lui-même  un  premier  complément  de  son  grand 
ouvrage. 

Alfred  Bauer. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  Le  Collège  de  France  a  présenté  à  la  chaire  de  philologie  latine  en 
première  ligne  M.  Louis  Havet,  en  seconde  ligne  M.  Châtelain  ;  à  la  chaire  de 
langues  et  littératures  de  \o  Perse,  en  première  ligne  M.  James  Darmesteter,  en 
seconde  ligne  M.  Clément  Huart. 

—  La.  Revue  politique  et  littéraire  du  7  mars  publie  une  conférence  faite  à  l'As- 
sociation scientifique  par  M.  J.  Darmesteter  sur  le  Mahdi  depuis  les  origines  de 
l'Islam  jusqu'à  nos  jours. 

—  Voici  deux  tirages  à  part  concernant  i'épigraphie  :  le  premier  du  Bulletin  épi- 
graphique  :  Observations  phonétiques  et  orthograpliiques  sur  les  inscriptions  sépul- 
crales de  Rome,  par  M.  Edouard  Bourciez  ;  c'est  le  relevé  méthodique  et  explicatif 
des  faits  grammaticaux  à  signaler  dans  les  inscriptions  du  Corpus,  t.  VI,  3926- 
10228.  En  attendant  la  publication  de  VLidex  de  ce  tome  VI,  qui  ne  paraîtra  pas  de 
si  tôt,  cette  étude  rendra  les  plus    grands  services  aux  philologues  ;  —  de  la  Revue 


2  l8  REVUK    CRITIQUE 

de  Comminges  (excellente  revue  d'histoire  locale,  que  nous  sommes  heureux  de  re- 
commander à  nos  lecteurs)  :  Qjidques  faux  dieux  des  Pyrénées,  lecture  faite  à  l'A- 
cadémie des  Inscriptions  et  Belles-Letires,  le  25  avril  1884,  par  M.  Julien  Sacaze; 
c'est  une  élude  à  la  fois  sérieuse  et  agréable  à  lire,  où  l'auteur,  en  rectifiant  certai- 
nes lectures  des  inscriptions  pyrénéennes,  supprime  à  coup  sûr  plus  d'un  dieu  du 
panthéon  ibérique. 

—  Nous  recevons  de  notre  collaborateur  Max  Bonnet  une  excellente  édition  du 
Liber  de  miraculis  beaii  Andreae  apostoli,  de  Grégoire  de  Tours;  c'est  l'écrit  qu'il 
promettait  tout  dernièrement  dans  la  Revue  critique  (n°  du  2  mars,  p.  161).  Nous  ne 
pouvons  que  saluer  brièvement  l'apparition  de  cette  plaquette  de  26  pages  in-40; 
c'est  un  tirage  à  part  des  Monumenta  Germaniae  (Scripiores  rerum  merowingica- 
ricm,  t.  I,  2"  partie). 

ALLEMAGNE.  —  L'infatigable  éditeur  des  œuvres  complètes  de  Herder,  M.  B.  Su- 
PHAN,  vient  de  publier  un  nouveau  volume,  le  Vile,  des  œuvres  du  grand  écrivain. 
Ce  volume,  qui  renferme  les  ouvrages  théologiques  les  plus  importants  écrits  par 
Herder  pendant  son  séjour  à  Buckeburg,  s'ouvre  par  la  quatrième  partie  de  VAelteste 
Urkunde  des  Menschengeschîechts  et  se  continue  par  les  lettres  aux  Prédicateurs, 
dont  la  première  et  la  seconde  partie  sont  de  lyyS^  et  la  troisième,  les  Provinciales, 
de  1774;  puis  viennent  l'écrit  intitulé  ./ejîz,  essai  d'exégèse  de  l'évangile  du  grand 
apôtre,  les  Commentaires  du  Nouveau  Testament  tirés  d'une  source  orientale  nouvel- 
lement découverte,  enfin  les  Lettres  de  deux  frères  de  Jésus  comprises  dans  notre 
canon.  Une  longue  introduction  (i-liv),  mise  en  tête  du  volume,  fait  l'iiistorique 
des  ouvrages  qu'il  contient  et,  en  nous  renseignant  sur  leur  composition  et  leur 
publication,  leur  rend  pour  nous  quelque  chose  de  l'attrait  qu'ils  eurent  pour  les 
contemporains.  Q.uant  au  texte,  comme  toujours,  il  est  établi  avec  le  plus  grand 
soin;  et  des  notes  discrètes,  mais  suffisantes,  en  facilitent  l'intelligence  et  invitent 
à  lire  ces  ouvrages  bien  vieillis  sans  doute,  mais  qui  font  époque  dans  la  vie  de 
Herder  et  ont  pour  nous  encore  un  intérêt  historique  véritable  et  quelque  chose  de 
plus.  —  Ch.  J. 

—  M.  B.  DoMBART  vient  de  publier  à  part  des  Commodian- Studien  (extrait  des 
Sit:{ungsber.  der  philol.-hist.  Classe  der  Kais.  Académie  der  Wissenschaften  de 
Vienne.  Gerold,  1884.  92  pp.  8°).  Ce  sont  des  études  critiques  sur  les  sources  du 
texte  de  Commodien.  Dans  une  première  section  consacrée  aux  Instructiones,  M.  D. 
étudie  les  mss.  que  nous  en  possédons  :  cod.  Leidensis  \,  le  Parisinus  B  et  le 
Cheltenhamcnsis  C.  M.Dombart  distingue  dans  le  ms.  B  le  texte  B',  les  additions  faites 
sur  la  ligne  B^,  enfin  la  seconde  main  B^  qui  est  due  à  des  corrections  de  Rigault, 
le  premier  éditeur.  G  est  très  important  :  il  est  parent  de  B'.  L'Andecavensis,  ms. 
perdu  et  dont  quelques  savants  nous  ont  laissé  des  leçons,  appartenait  à  une  autre 
famille.  Dans  la  seconde  partie  du  mémoire,  M.  D.  prouve  l'utilité  de  la  collation 
du  ms.  unique  du  Carmen  Apologeticum  (cod.  Mediomontanus),  faite  dernièrement 
par  MM.  Sedlmayer  et  Knœll.  L'éd.  princeps,  donnée  par  dom  Pitra,  avait  été  trop 
rapidem.ent  préparée,  de  l'aveu  même  de  son  auteur.  —  L. 

—  L'Encyclopcedie  der  neueren  Geschichte  dirigée  d'abord  par  M.  Herbst,  puis 
par  M.  ScHULZE,  publie  ses  21'^  et  22=  livraisons  (Gotha,  Perthes);  on  y  trouvera  la 
suite  de  la  lettre  K  et  le  commencement  de  la  lettre  L  ;  on  y  remarquera  l 'article  sur 
Catherine  II,  par  M.  Herrmann,  sur  les  combats  du  Caucase  (Kaukasuskœmpfe) ,  sur 
Kaunitz,  sur  les  états  de  l'Église  (KirclienstaatJ,  Cologne  (Kœln),  Kolowrat,  Kœ- 
niggrsetz,  Kœnigsmark,  Copernic  {Kopernikus).,  Kosciuszko,  Kossuth,  Kray,  la  guerre 
de  1870-71  (Krieg  von  iSjo-ji ,  excellent  résumé),  la  guerre  de  Crimée  [Krim- 
krieg),  la  Courlande  (Kurland),  Jacques  Laffitte,  etc.  Quelques  remarques  en  pas- 


0  HISTOIKK    El    DK    LMTÉRATURK  31  Q 

sant  :  p.  47,  il  eût  fallu  citer  sur  Kellermann  la  notice  de  Botidoux,  composée  sous 
les  yeux  mêmes  du  maréchal;  p.  8o  {Koblen^),  «  die  feige  Flucht  der  Emigraiucn«, 
les  émigrés  méritent-ils  vraiment  ce  repçoche  de  lâcheté  et  que  pouvaient-ils  faire:'; 
p.  102  (Kopenhagen),  on  a  oublié  de  mentionner  le  débarquement  de  Charles  XII 
en  1700;  p.  108  [KorfuI,  le  général  français  qui  défendit  Corfou  se  nommait  Don- 
;(elot  et  non  «  Donzot  »;  p.  117  (Kray),  lire  Marchiennes  et  non  «  Macchienne  >>; 
p.  120  (Kricg  von  iSjo-yi)  Bu^ancy  et  non  «  Busanzy  »  ;  p.  149,  écrire  Grenelle 
et  Grenoble,  et  non  «  Grenelle  »  et  «  Grenoble  »;  M.  Laboulaye  était-il  «  Besitzer 
ciner  Schriftgiesserei  »  ou  possesseur  d'une  fonderie  de  caractères,  il  n'était  que 
simple  fondeur  de  caractères;  il  eût  fallu  donner  la  date  des  Propos  de  Labienus, 
i865  et  ajouter  qu'ils  furent  réimprimés  avec  quelques  pages  de  préface  en  1870; 
p.  i5o,  la  notice  suivante  sur  le  député  et  ministre  Labourdonnaye  est  bien  insufti- 
sante  «  député  qui  sous  les  Bourbons  se  fit  remarquer  par  son  ultraroyalisme  «  ; 
p.  i54,  la  notice  sur  Lafayette  est  également  bien  sèche;  et  il  faut  observer  que  le 
«  chevalier  de  la  Révolution  »  fut  arrêté  le  ig  août,  et  non  le  14  (le  nom  du  château 
où  il  est  né  est  Chavaniac  et  non  «  Chavagnac  »);  p.  iSg  Lagny,  il  aurait  fallu  rap- 
peler non  seulement  que  cette  ville  fut  un  dépôt  important  pendant  la  guerre  franco- 
allemande,  mais  encore  qu'Alexandre  Farnèse  la  prit  dans  la  nuit  du  4  au  5  sep- 
tembre iSgo.  Manquent  Théodore  ^oenier  et  Kot^ebue  qui  appartiennent  à  l'his- 
toire, le  premier  par  sa  mort  devant  l'ennemi,  le  second  par  son  rôle  politique  et 
l'assassinat  de  Sand,  ainsi  que  Lacépède,  La  (Jhalotais  et  Lacbrdaire.  —  A.  G. 

—  On  lira  avec  intérêt  une  histoire  des  premiers  temps  de  l'opéra  français  (Vor- 
geschichte  und  erste  Versuche  der  fran:[œsischen  OperJ,  par  M.  H.  M.  Schletterer, 
qui  vient  de  paraître  à  Berlin. 

—  Nous  apprenons  la  mort  de  M.  Lhardy,  ancien  directeur  du  collège  français 
de  Berlin  et  auteur  d'une  édition  d'Hérodote. 

GRANDE-BRF.TAGNE.  —  La  librairie  Macmillan  à  Londres  vient  de  faire  paraî- 
tre une  édition  des  Académiques  de  Cicéron  (M.  Tiilli  Ciceronis  Academica,  thetext 
revised  a.  explaned  by  J.  5.  Keid,  M.  L.  i885,  8,  x-37i  pp.).  L'introduction,  qui 
est  fort  importante  (i-83),  comprend  les  chapitres  suivants  :  1°  Cicéron  littérateur 
et  philosophe;  ■2.°  Opinions  philosophiques  deC,  p.  10;  3°  But  poursuivi  par  C.  dans 
la  composition  de  ses  œuvres  philosophiques  et  leur  caractère,  p.  20;  4°  Histoire  et 
contenu  des  deux  éditions  des  Académiques,  p.  28  (circonstances  de  leur  composition  ; 
le  dialogue  perdu  intitulé  Catulus ;  le  Lucullus;  la  seconde  édition);  5»  Sources 
grecques  des  Académiques,  p.  5i;  6»  De  la  discussion  philosophique  contenue  dans 
les  Académiques,  p.  53  ;  7"  Du  texte  des  Académiques,  p.  63  ;  8°  Orthographe  de  la 
présente  édition,  p.  72;  g»  Analyse  des  deux  ouvrages,  p.  76;  10"  Lettre  d'envoi  à 
Varron,  p.  83.  —  Les  notes  de  cette  édition  comprennent  un  choix  de  variantes  des 
rass.  et  un  commentaire  développé  distinct  des  notes  critiques.  Enfin,  trois  index 
complètent  la  publication  :  index  général,  index  des  mots  grecs,  index  des  auteurs 
cités.  —  L. 

RUSSIE.  —  Dans  la  bibliothèque  slave  elzévirienne  (Paris,  Leroux)  le  P.  Pxer- 
LiNG  continue  ses  études  sur  les  rapports  de  la  Pologne,  du  pape  et  de  la  Russie  au 
xvi"  siècle.  Le  nouveau  volume  (Le  Saint-Siège,  la  Pologne  et  Moscou)  étudie  le 
rôle  du  jésuite  Possevino  de  ibSa  à  1387.  D'après  M.  Pierling,  les  papes,  en  s'ef- 
forçant  de  soumettre  la  Moscovie  à  la  Pologne,  n'avaient  d'autre  but  que  de  grouper 
toutes  les  forces  du  monde  slave  contre  le  Croissant.  Nous  souhaitons  vivement 
que  les  études  dispersées  dans  un  certain  nombre  de  plaquettes  ou  brochures  soient 
prochainement  réunies  par  l'auteur  en  un  ensemble  définitif.  —  L.  L. 

—  M.   Nil  Popov  commence  (à  Moscou)  une  histoiie   de   la   Société  d'histoire  et 


220  RhVUK    CRITIQUE    D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE 

d'antiquités   russes   de   cette  ville.  Le   premier   volume    paru  va  de  1804  à  1812. 
—  On  annonce  la  mort  du  comte  Ouvarov,  président  de  la  Société  archéologique 
de  Moscou,  fondateur  des   congrès   archéologiques   russes.  L'un   des   ouvrages  du 
comte  Ouvarov,  Mera  et  les  Meriens,  a  été  traduit  en  français  sous  sa  direction. 


ACADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET   BELLES-LETTRES 


Séance  du  2j  Jévrier  i885. 
L'Académie  se  forme  en  comité  secret  pour  examiner  les  titres  des  candidats  à  la 
place  de  membre  libre,  laissée  vacante  par  la   mort   de  M.  Baudry.  Ces    candidats 
sont  au  nombre  de  sept  :   MM.  Benlœw,  Castan,  de    Mas  Latrie,  Menant,  de  Ponton 
d'Amécourt,  C.  Port  et  Saglio.  Julien  Havet. 

Séance  du  6  mars  188 5. 
L'Académie  procède  à  l'élection  d'un  membre  libre,  en  remplacement  de  M.  Fré- 
déric Baudry,    décédé.   MM.  Benlœw    et    Castan  ayant   fait  connaître  leur   désiste- 
ment, le  nombre  des  candidats  est  réduit  à  cinq.  Deux  tours  de  scrutin  ont  lieu  et 
donnent  le  résultat  suivant  : 

ler  tour.  2e  tour. 

M.  de  Mas  Latrie 1 5  voix.  23  voix. 

M.  Célestin  Port 8    —  2     — 

M.  Joachim  Menant 7    —  6    — 

M.  Saglio ...  6     —  7     — 

M.  de  Ponton  d'Amécourt 2     —  »    — 

38  voix.  38  voix. 

M.  de  Mas  Latrie  est  élu.  L'élection  sera  soumise  à  l'approbation  de  M.  le  pré- 
sident de  la  République. 

MM.  Hauréau  et  Schefer  sont  élus  membres  de  la  commission  chargée  de  vérifier 
l'état  des  publications  de  l'Académie. 

M.  Ravaisson  continue  la  seconde  lecture  de  son  mémoire  sur  V Hercule  ÈTrtTpa- 
TréJ^'-OÇ  de  Lysippe. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Schlumberger  :  Mordtmann  (A.),  Constantinople 
au  moyeyi  âge  (plan  dressé  pour  la  Société  de  l'Orient  latin);  —  par  M.  Bergaigne  ; 
Charencey  (H.  de),  Une  légende  cosmogonique  ;  De  lafo>ine  des  mots  dans  la  langue 
maya;  la  Tida  Votanide:  Textes  en  langue  tarasque;  —  par  M.  P.-Ch.  Robert  : 
Caron,  les  Monnaies  féodales  françaises,  dernier  fascicule;  —  par  M.  Georges 
Perrot  :  Burckhardt  (J.),  le  Cicérone,  guide  de  Vart  antique  et  de  l'art  moderne  en 
Italie,  traduit  par  Aug.  Gérard  :  première  partie,  A'-t  ancien;  —  par  M.  Renan  : 
Clermont-Ganneau,  Matériaux  inédits  pour  servir  à  l'histoire  des  croisades,  5<^  fas- 
cicule. Julien  Havet. 

SOCIÉTÉ  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE 


Séance  du  25  février  188 5. 

présidence  de  m.  courajod 

Une  commission  est  nommée  pour  examiner  les  réponses  faites  par  les  diverses 
Sociétés  savantes  de  France  à  l'appel  que  la  Société  leur  a  adressé  pour  la  conserva- 
tion des  monuments  de  France  et  d'Algérie. 

MM.  Mûntz  et  de  Laurière  communiquent  une  série  de  reproductions  de  dessins 
exécutés  au  xv^  siècle  par  l'architecte  San-Gallo,  d'après  des  monuments  antiques. 
On  peut  reconnaître  dans  ces  dessins  des  croquis  de  l'arc  et  du  théâtre  d'Orange, 
et  d'un  monument  romain  qui  exista  à  Aix  en  Provence,  jusqu'à  la  fin  du  siècle 
dernier. 

M.  l'abbé  Bernard  communique  le  texte  de  l'épitaphe  de  Sinibaldi  de  Lavan,  neveu 
du  pape  Innocent  W ,  enterré  dans  le  couvent  des  Jacobins  de  Paris. 

M.  l'abbé  Thédenat  rend  compte  des  fouilles  récemment  exécutées  à  Pioule,  près 
le  Luc  (Var),  par  M.  Aube,  et  qui  ont  amené  la  découverte  de  sources  thermales  et 
d'un  assez  grand  nombre  de  débris  antiques,  poteries,  tibules  émaillées,  etc. 

M.  Charles  Read  communique  un  beau  médaillon  en  bronze  émaillé,  représentant 
le  roi  Louis  XI 1.  MM.  Courajod  et  Miintz  le  rapprochent  de  diverses  pièces  analogues. 

Le  Secrétaire. 
Signé  :  R.  de  Lastetrie. 

Le  Propriétaire-Gérant  :   KKNEST  LEHv)UX._ 

Le  Puy,  imprimerie  de  XJarch.esscu  ^i-'s.  ooulevard  Saint-Laurent,  2-?. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET   DE    LITTÉRATURE 


N»  12  —  23  mars  -  1885 


is^omuiaii'e  s  44.  Tschudi,  Organisme  de  la  langue  quichua.  —  45.  Curtius, 
Grammaire  grecque,  trad.  par  Clairin.  —  46.  Clédat,  Grammaire  élémentaire 
de  ia  vieille  langue  française.  —  47.  Vingtrinier,  Jean  Pillehotte  et  sa  famille.  — 
48.  Tsiureau-Dangin,  Histoire  de  la  monarchie  de  Juillet,  I  et  H.  —  Chronique, 
—  Académie  des  Inscriptions.  —  Société  des  Antiquaires  de  France. 


44.    —  orguitismus  tlei-  Khetsua-Spraclie,  von  J.  J.  von  TscHUDi.   Leipzig, 
F.  A.  Broclihaus,  1884.  In-8,  xvi-536  pp. 

L'auteur  de  ce  livre  est  déjà  connu  du  monde  savant  par  ses  études 
de  lingustique  et  d'ethnographie  américaines,  et  notamment  par  une 
monographie  très  exacte  et  très  complète  de  la  langue  quichua,  qui  re- 
monte à  plus  de  vingt  ans  \  C'est  cette  même  langue  qu^il  a  cru  devoir 
soumettre,  dans  toutes  ses  particularités  phonétiques,  grammaticales  et 
syntaxiques,  à  un  nouvel  et  minutieux  examen,  et  certes  on  ne  saurait 
méconnaître  l'opportunité  d'un  pareil  travail,  après  les  fantaisies  lin- 
guistiques qui  se  sont  exercées  sur  elle  dans  ces  dernières  années.  On 
sait,  en  effet,  qu'un  éminent  professeur  de  Buenos-Ayres,  M.  V.  F.  Lo* 
pez,  a  dépensé  beaucoup  de  savoir  et  de  talent  à  démontrer  Torigine 
aryenne  de  la  langue  des  Incas  \  Ce  qu'on  sait  moins,  c'est  que  cette 
thèse  étrange  n'a  point  rencontré  partout  l'accueil  qu'elle  méritait. 
L'hypothèse  aryo-quichua  a  trouvé  çà  et  là  des  partisans  en  Amérique, 
et  il  nous  a  été  donné  de  feuilleter  quelques  mémoires  où  le  livre  de 
M.  Lopez  était  cité  comme  une  autorité.  Celui  de  M.  de  Tschudi  clora- 
t-il  enfin  le  débat  ?  On  voudrait  pouvoir  l'espérer  ;  mais  l'erreur  est  tenace 
et,  détruite  sous  une  forme,  elle  reparaît  sous  une  autre.  Il  y  a  de  par 
le  monde  des  polyglottes  qui  rattacheraient  Talgonquin  au  lantenioys 
de  Panurge,  plutôt  que  de  reconnaître  simplement  dans  les  idiomes 
américains  un  ensemble  de  catégories  linguistiques  isolées. 

M.  de  T.,  en  tous  cas,  fait  bonne  justice  de  ces  préjugés  d'un  autre  âge. 
S'il  incline  à  croire  que  l'espèce  humaine  est  issue  d'un  seul  couple,  et 
que  par  conséquent  le  continent  américain  s'est  peuplé  par  voie  d'im- 
migration (p.  4),  il  s'empresse  d'ajouter  qu'il  serait  chimérique  de  vou- 
loir retrouver  dans  la  langue  quelque  trace  de  cette  unité  d'origine, 
puisque  les  langues  américaines  elles-mêmes  se  ramènent  à  un  assez 
grand  nombre  de  types  jusqu'à  présent  irréductibles  entre  eux,  et  que, 


1.  J.  J.  v.  Tschudi,  die  Kechiia-Spraclie.  Wien,  i8,53.  —  In-S",  2  Bnd. 

2.  V.  F.   Lopez,  les  Races  aryennes   du  Pérou.  Paris,  Vicvveg,   1871.  —  In-8", 
I  vol. 

Nouvelle  série,  XIX.  12 


222  REVl!l?    CRJTIQUh 

à  l'époque  lointaine  où  s'est  effectuée  la  séparation  des  races,  leur  maté- 
riel linguistique  ou  même  phonétique, encore  embryonnaire,  se  mainte- 
nait dans  un  état  de  simplicité  et  de  pauvreté  que  nous  aurions  peine  à 
imaginer  (p.  i5).  Ainsi  se  trouve  tracée  de  main  de  maître  la  ligne  de 
démarcation  nécessaire  entre  la  linguistique  et  Panthropologie,  deux 
sciences  qui  se  prêtent  un  mutuel  appui,  mais  que  beaucoup  sont 
malheureusement  trop  enclins  à  confondre  en  une  seule. 

A  la  suite  de  ces  considérations  générales,  l'auteur  distingue,  dans 
l'Amérique  du  Sud,  trois  domaines  linguistiques  principaux  :  i"  pam- 
péen  (avec  ses  enclaves,  langues  du  Chaco,  chiquito,  moxa,  etc.);  2°  in- 
terandin..(quichua);  3"  tupi-guarani,  du  pied  des  Cordillères  à  l'océan 
Atlantique  (p.  27).  Puis  il  nous  fait  longuement  connaître,  dans  toutes 
les  particularités  de  sa  civilisation  et  de  sa  religion  disparues,  le 
groupe  ando-péruvien  (p.  Si  sq.);  et  une  étude  historique,  aussi  con- 
sciencieuse que  sympathique  pour  la  race  opprimée,  l'amène  à  une 
triste  conclusion,  qu'on  ne  peut  s'empêcher  de  citer  en  la  déplorant 
avec  lui  (p.  63)  :  «  L'amélioration  du  sort  de  l'indigène  péruvien,  je  la 
croyais  encore  possible  il  y  a  quarante  ans;  aujourd'hui  je  dois  con- 
damner absolument  cette  illusion.  Il  périra  fatalement  par  les  maladies 
contagieuses,  par  Tivrognerie,  par  la  paresse  obstinée  et  stupide.  Les 
races  métisses  seules  se  conserveront  ;  à  elles  appartient  l'avenir  du 
pays,  y^ 

L'étude  des  divers  dialectes  du  quichua  (p.  68  sq.)  amène  naturelle- 
ment M.  de  T.  à  la  délicate  question  de  l'affinité  présumée  du  quichua 
et  de  l'aymara,  et  ce  n'est  pas  sans  quelque  surprise  qu'on  le  voit  se 
prononcer  ouvertement  pour  la  négative  (p.  77).  Il  semble,  en  effet,  que 
toute  solution  du  problème  soit  jusqu'à  présent  prématurée  :  si  le  qui- 
chua, grâce  surtout  à  M.  de  T.,  est  aujourd'hui  bien  connu,  l'aymara 
l'est  beaucoup  moins,  et  en  tout  cas  la  grammaire  comparée  des  deux 
idiomes  est  encore  à  faire.  La  plupart  des  spécimens  comparatifs  qu'il 
offre  sont  incontestablement  de  nature  à  étayer  sa  négation,  et  pourtant, 
d'autre  part,  la  quasi-identité  de  certains  noms  de  nombre,  l'indice  lo- 
catif, qch.-pi,  aym. -îiipi,  l'indice  plural,  qch.-kii-iia,  aym. -?îa-ku,  qui 
paraît  bien  contenir  dans  les  deux  langues  les  mêmes  affixes  soudés  en 
ordre  inverse,  d'autres  faits  encore  ramènent  les  plus  défiants  à  l'hy- 
pothèse d'une  affinité  obscure  admise  par  M.  Fr.  Muller  '. 

L'introduction  se  termine  par  une  bibliographie  fp.  93i25),  très 
complète  et  très  instructive,  de  tous  les  ouvrages  publiés  sur  la  langue 
et  la  littérature  péruviennes,  depuis  la  Grammaire  de  S.  Thomas  jus- 
qu'aux plus  récents  travaux  de  M.  L.  Adam.  Peut-être  cette  revue  cri- 
tique se  serait-elle  accrue  d'un  article  intéressant,  s'il  avait  plu  au  Con- 
grès de  Bruxelles  de  publier  ses  annales  en  temps  utile. 
L'ouvrage  comprend  les  divisions  suivantes  : 

I.  Gnmdriss  der  Sprachwissenschaft,  I,  p.  89. 


O^MISTOIRK    Kl    DK    LITTK«ATURK  2  2:» 

Ire  partie  :  Phonétique  (p.  126-181).  C'est,  croyons-nous,  la  pre- 
mière fois  que  les  sons  et  les  articulations  d'une  langue  américaine  sont 
analysés  et  étudiés  en  détail  conformément  aux  principes  rigoureux  de 
la  phonétique  physiologique  de  M.  Brticke. 

Il"  partie  :  Morphologie  (p.  182-312),  divisée  en  quatre  chapitres  :  le 
pronom,  le  verbe,  le  nom  et  les  particules.  On  voit  que  l'auteur  a  rompu 
résolument  avec  l'ordre  suranné  que  les  habitudes  de  la  grammaire 
classique  ont  imposées  durant  de  longues  années  aux  grammaires  de  tou- 
tes les  langues,  si  rebelle  qu'y  parût  leur  structure  agglutinante.  Il 
prend  soin  d'ailleurs  de  nous  avertir  du  caractère  artificiel  de  ces  caté- 
gories grammaticales  :  le  verbe  quichua,  nous  dit-il  expressément 
(p.  190),  n'est  point  un  verbe,  mais  un  thème  nominal  auquel  s'affixent 
les  indices  de  relation  possessive;  il  implique  une  notion  attributive,  et 
non  prédicative.  Cette  dernière  distinction  n'est-elle  pas  entachée  de 
quelque  subtilité?  et  sommes-nous  bien  sûrs  de  toujours  saisir  avec 
précision  la  nuance  vague  et  toute  subjective  qui  sépare  le  prédicat  de 
l'attribut? 

IIP  partie  :  Lexiologie  (p.  3  i  3-352),  ou  formation,  à  l'aide  d'affixes, 
des  noms,  des  verbes  et  des  adverbes.  Le  quichua,  comme  la  plupart 
des  idiomes  américains,  possède  à  cet  égard  une  prodigieuse  puissance 
agglutinaîive,  en  sorte  que  les  mots  de  huit  ou  dix  syllabes  n'y  sont 
point  rares,  par  exemple,  d^iprès  Tauteur,  kamkunakikil'aykitsiytaymi 
«  vous-mêmes  exclusivement.  » 

IV''  partie  :  Syntaxe  (p.  353-5 17).  M.  de  T.  étudie  successivement,  au 
point  de  vue  syntaxique,  le  nom,  le  pronom,  le  verbe,  les  adverbes  et 
les  conjonctions,  puis  l'ordre  des  mots  dans  la  proposition.  Viennent 
ensuite  trois   documents   quichuas,   datés   de    trois   siècles    différents 
(i56o,  1646  et  1S74!.  qui  permettent  de  suivre  les  variations,  surtout 
syntaxiques,  qu'a  subies  la  langue  depuis  la  destruction  de  l'empire 
des  Incas.  Enfin  l'ouvrage  se  termine  par  un  rapide  aperçu  du  chin- 
chaysuyu,  le  plus  important  des  dialectes  du  quichua,  et  par  un  très 
court  appendice,  où  M.  de  T.  revient  sur  un  certain  nombre  de  points 
controversés  entre  lui  et  M.   Pacheco-Zegarra.  Ce  dernier,  Péruvien  de 
naissance,  a  composé  un  Alphabet  phonétique  de  la  langue  quichua  '  et 
publié,  dans  la  transcription,  malheureusement  beaucoup  trop  compli- 
quée, dont  il  est  l'inventeur,  le  texte  du  célèbre  drame  dCOllanta,  avec 
traduction  et  commentaire  =.  Il  ne  nous  appartient  pas,  dans  cette  brève 
analyse,  de  nous  prononcer  sur  les  questions  multiples  qui  sont  agitées 
entre  M.  de  Tschudi  et  son  ardent  contradicteur.  Bornons-nous  à  consta- 
ter qne  les  observations  de  M.   Pacheco-Zegarra  n'auraient  probable- 
ment rien  perdu  à  se  présenter  sous  une  forme  plus  modérée.  C'est  faire 


1.  Congrès  des  Américanisies  de  Nancy  (Paris  et  Nancy,  1875)  t.  II,  p.  3oi  sq. 
■2.  OllaïUay,  texte  original  suivi  d'un  vocabulaire,  etc.  Paris,  Maisonneuve.  1878. 


224  RtVUh.    CKiriQUJi 

trop  d'honneur  à  une  opinion  quelconque  que  de  s'exposer,  pour  la  dé- 
lendre,  à  blesser  un  honnéie  homme. 

V.   Henry. 


45.  —  Gi-î«inin:»îre  grecque  claesique,  par  le  D'  George  Curtius,  traduite  de 
l'allemand  sur  la  quinzième  édition,  par  P.  Clairin,  professeur  au  lycée  Louis-le- 
Grand,  docteur  es  lettres.  Paris,  Vieweg,  1884,  ^^  vol.   in-8,  xu-436  p.  '. 

On  peut  se  demander  s'il  était  bien  opportun  de  traduire  en  français 
la  grammaire  de  Curtius,  si  répandue  dans  les  gymnases  allemands.  En 
général,  il  semble  qu'on  ne  doive  emprunter  à  l'étranger  que  les  livres 
qui  nous  manquent  réellement,  dont  l'absence  crée  une  lacune  dans 
notre  enseignement.  La  traduction  que  nous  donne  M.  Clairin  ne  fera- 
t-elle  double  emploi  avec  aucun  des  livres  français  déjà  existants? 

M.  C,  pour  prouver  la  nécessité  de  son  œuvre,  cite  le  passage  sui- 
vant, écrit  par  Charles  Thurot  à  propos  de  l'apparition  de  la  grammaire 
de  Curtius  ^  :  «  La  rédaction  de  cette  grammaire  me  paraît  très  bonne, 
simple,  claire,  courte,  telle  qu'il  convient  à  un  livre  d'enseignement.  Il 
ne  serait  pas  difficile  de  traduire  ce  livre  en  français,  et  je  crois  que  ce 
serait  rendre  service  aux  études.  »  Mais  depuis  j868  la  situation  a 
changé  :  la  place  donnée  par  le  savant  allemand  aux  résultats  de  la 
grammaire  comparée  dans  l'exposition  de  la  morphologie  grecque  pa- 
raissait alors  une  nouveauté.  Aujourd'hui  les  grammaires  de  M.  Chas- 
sang  et  de  M.  Bailly  ont  donné  à  la  méthode  comparative  une  place 
aussi  grande,  plus  grande  même  que  celle  de  Curtius.  Sans  discuter  la 
question  de  savoir  si  la  linguistique  doit  ou  non  entrer  dans  l'enseigne- 
ment des  langues  classiques,  il  est  permis  de  croire  que  les  deux  ou- 
vrages cités  plus  haut  suffisent  amplement,  même  à  ceux  qui  tiennent 
pour  l'affirmative. 

Ajoutons  que  M.  C.  voudrait  introduire  la  grammaire  de  Curtius 
dans  les  lycées.  Souhaitons  qu'un  tel  désir  puisse  se  réaliser  bientôt; 
pour  le  moment,  étant  donné  le  niveau  des  études  grecques  dans  l'en- 
seignement secondaire,  on  peut  le  trouver  un  peu  ambitieux. 

Pourtant,  s'il  ne  nous  paraît  ni  utile  ni  facile  de  mettre  ce  livre  entre 
les  mains  des  élèves  des  lycées  (sauf  peut-être  exceptionnellement  dans 
les  classes  supérieures),  la  traduction  en  sera  commode  du  moins  pour 
les  professeurs  et  les  étudiants  des  Facultés  peu  familiers  avec  la  langue 
allemande.  L'éloge  de  l'ouvrage  n'est  plus  à  faire;  on  en  a  souvent  re- 
marqué la  bonne  disposition,  la  lucidité. 

Malheureusement  quelques  taches  le  déparent.  Par  exemple,  Curtius 

1.  Nous  devons  à  l'obligeance  de  M.  Riemann  quelques-unes  des  indications  con- 
tenues dans  le  présent  article. 

2.  Revue  de  l'Instruction  publique,   12   et  19  nov.   1868.  —  Annuaire  de  l'Asso- 
ciation pour  l'encouragement  des  études  grecques,  186g,  pp.  42-64.  ! 


r)\iiSIOIKK    Kl     :jk    i.ni  F1<AI  Ul-K  225 

se  trouve  être  un  des  détenseurs  de  doctrines  linguistiques  qu'il  a  émises 
parmi  les  premiers,  mais  qui  sont  aujourd'iiui  piusou  moins  contestées; 
ainsi  la  théorie  des  voyelles  de  liaison  ou  celle  de  Torigine  pronominale 
des  désinences  verbales.  Si  même  nous  ne  voulons  pas  sortir  du  domaine 
de  la  grammaire  purement  grecque,  nous  aurons  des  réserves  à  faire  en 
ce  qui  concerne  tant  les  formes  que  la  syntaxe.  Les  formes  atliques  ne 
sont  pas  assez  nettement  distinguées  des  formes  du  dialecte  commun  ; 
assez  souvent  même  elles  se  trouvent  rejetées  dans  des  notes  ou  des  re- 
marques (voy.  §  214.  Rem.  i,  toj,  tw,  pour  t'.v:ç,  t'.v!.  —  Î^3i4,  "ficav,  «ils 
allaient  »,  donné  comme  une  forme  poétique.  —  |^  235,  -/jjcov  donné 
comme  forme  rare).  Des  formes  qui  sont,  au  point  de  vue  de  la 
langue  attique,  presque  des  barbarismes  se  trouvent  dans  les  paradigmes 
(l'impératif  parfait  actif,  conjugué  tout  au  long,  bien  qu'on  n'en  ren- 
contre que  quelques  formes  isolées,  et  encore  seulement  chez  des  écri- 
vains postérieurs  à  l'époque  attique,  §  272;  stîO-^ç,  è^îO-/;,  au  lieu  de  è-i- 
Gîiç,  ÈTiôî'.,  donnés  en  note,  §  3o5). 

Nous  nous  bornons  à  ces  exemples,  en  nous  contentant  de  renvoyer 
le  lecteur  à  un  article  de  M.  O.  Riemann  sur  la  même  publication  {Re- 
vue de  renseignement  secondaire  et  de  l'enseignement  supérieur,  1884, 
pp.  85o-85i). 

La  syntaxe,  très  élémentaire  d'ailleurs  et  bien  moins  complére  que 
celles  de  KrCiger,  de  Madvig  ou  même  de  Koch,  a  une  réputation  de  net- 
teté et  de  clarté,  méritée  la  plupart  du  temps;  cependant  elle  contient 
parfois  des  remarques  rédigées  avec  une  certaine  négligence,  d'autres 
tout  à  fait  erronées. 

Relevons  en  passant,  p.  225,  §  362,  une  petite  inexactitude  dans  la 
traduction  d'un  des  exemples  :  6  Ilatwv  y.al  b  'lAAÛpioç  7.7).  à-Awç  cl~ot.  ::âv- 
T£ç  -î^o'.ov  av  èXsùôspct  stsv  est  traduit  :  «  le  Péonien  et  l'Illyrien  et,  en  gé- 
néral, toutes  ces  peuplades  aimeraient  beaucoup  à  être  libres.  «  Il  faut 
évidemment  ^<  aimeraient  beaucoup  mieux  ctie  libres.  » 

P.  295,  §  493.  L'exemple  ol  Utkz-yrn^z'.z'.  l'/J.-;-.-/  \yv)  yzi-iz^)  ï[j.zv>xv, 
eTïî'.-caok  s^pixov-s  i-  -bv  nâvop[j.o7,  z^v/ztp  àvTjvâvcvTs  se  rapporte  à  la  pre- 
mière partie  du  paragraphe,  oij  il  est  question  de  Taoriste  correspondant 
au  plus-que-parfait  français,  et  non  à  la  seconde,  où  il  est  question  de 
remploi  de  l'aoriste  dans  les  propositions  de  temps.  Il  v  a  là  un  défaut 
de  clarté,  et  l'auteur  a  eu  tort  de  réunir  dans  un  même  paragraphe  deux 
questions  tout  à  fait  différentes.  —  P.  3o8,  ^51",  £uv,  formule  de  tran- 
sition, est  donnée  comme  une  forme  d'optatif;  il  n'en  est  rien:  c'est  une 
interjection,  peut-être  parente  de  eIol,  en  tout  cas  distincte  de  la  forme 
verbale'.  —  P.  3i5,§  525.  Les  verbes  qui  signifient  croire,  penser  ne  se 
construisent  pas  avec  5t'.,  mais  avec  o)ç(ou  plutôt  avec  Tin  fini  tif).—  P.  323, 
§§  539  et  540.  La  distinction  faite  entre  les  propositions  conditionnelles 
à  l'aoriste  et  celles  qui   sont  au  plus-que-parfait  n'est  pas  claire.  «  Le 


I.  Voyez  G.  Uhlig,  dans  les  Neue  Jahrbûchcr,   18S0,  p.  789  s 


qq. 


226  REVUE    CRITIQUE 

verbe  est  à  l'indicatif  aoriste,  si  l'on  admet  qu'une  chose  n'a  pas  eu 

lieu  dans  le  passé Le  verbe  est  au  plus-que-parfait,  si  l'on  indique 

une  condition  qui  n'a  pas  été  accomplie.  »  x\vec  cette  explication,  il 
me  semble  impossible  de  se  rendre  un  compte  exact  de  la  différence  entre 
l'aoriste  et  le  plus-que-parfait.  Il  faudrait  dire  que  l'aoriste  marque  en 
pareil  cas  un  fait  qui  aurait  eu  lieu  dans  le  passé,  le  plus-que-parfait 
une  action  qui  actuellement  serait  terminée  '.  —  P.  33o,  §  552,  Rem. 
La  construction  oIgO'  o  cpà^cv  est  peut-être  qualifiée  à  tort  de  poétique^. 
—  P.  393,  j5  637,  2.  Donc  ne  semble  pas  une  traduction  suffisante  de 
ouv^  qui  s'emploie  dans  des  cas  où  il  n'y  a  pas  conséquence,  mais,  au 
contraire,  opposition  («  quoi  qu'il  en  soit  »);  voyez  à  ce  propos  l'ar- 
ticle de  Y.  dans  la  Revue  de  Philologie,  VU,  p.  i36  \ 

M.  G.  a  cru,  et  avec  raison,  selon  moi,  devoir  ajouter  quelques  notes 
au  texte  de  Curtius,  soit  pour  compléter  ses  indications,  soit  pour  relever 
ses  erreurs.  Il  est  à  regretter  qu'il  n'ait  pas,  de  temps  à  autre,  cité  les 
Erlœiiterungen  :[U  meiner  griechischen  Grammatik,  où  Curtius  apporte 
souvent  des  preuves  à  l'appui  de  ses  assertions,  ou  développe  les  théories 
dont  il  ne  donne  que  les  résultats  dans  la  grammaire.  Il  y  aurait  eu 
grand  profit  pour  les  lecteurs. 

Des  notes  rectificatives  auraient  été  utiles  en  plus  d'un  endroit  :  ainsi, 
p.  5,  §  i3,  Curtius  écrit  ïlôppoç  en  faisant  remarquer  que  «  beaucoup 
écrivent  le  double  p  sans  aucun  esprit  :  IIûppcç.  »  Il  fallait  dire  en  note 
que  cette  orthographe  est  bien  préférable  à  l'autre.  —  P.  26,  à  propos 
de  l'allongement,  M.  C.  dit  en  note  :  «  La  voyelle  suivie  de  deux  con- 
sonnes forme  une  syllabe  longue  par  position  ou  plutôt  par  convention 
(Oéss'.)-  »  Oi")  Ch.  Thurot  a  fait  remarquer  jusrement  [Rev.  de  Phil.^  IV, 
p.  97)  que  le  mot  convention  n''est  pas  plus  juste  que  le  mot  posi- 
tion ^ 

P.  223.  M.  c.  explique  en  note  la  tournure oî  ïlépaa'.  xbv  Kupov  eîXovTO 
^ac'.Xéa  en  faisant  de  elÀovTO  ^a^i/ia  une  seule  expression,  construite 
comme  un  verbe  transitif  :  il  crée  pour  le  faire  comprendre  un  verbe 
actif,  (ias'.Acûo)  (!)  =:  ci  Ilép^at  tov  KDpcv  ?è6ac{A£uaav.  Est-il  prudent  (mal- 
gré le  point  d'interrogation,  dont  on  ne  saisit  pas  d'abord  la  valeur)  de 
mettre  sous  les  yeux  des  élèves  un  tel  barbarisme,  surtout  en  l'accen- 
tuant, après  avoir  dit  (p.  32,  note)  que  les  formes  inusitées  sont  données 


1.  Cf.  Règles  fondamentales  de  la  syntaxe  grecque,  par  Mor.  Seyffert  et  A.  von 
Bamberg,  trad.  Cucuel,  p.  124,  note  i. 

2.  Cette  construction,  dit  Krùger  (Syntaxe,  2'  partie,  §  54,  4,  A.  2),  est  rare  chez 
Sophocle,  plus  fréquente  chez  Euripide  et  chez  Aristophane;  il  en  conclut  sans  doute 
avec  raison  que  ce  devait  être  plutôt  une  façon  de  parler  de  la  langue  familière. 

3.  L'article  ouv  est  bien  mieux  fait  dans  Koch  (g  i3i,  69).  Ainsi  Curtius  ne  men- 
tionne pas  l'emploi  particulier  qui  fait  que  [j.£v  CJV  correspond  souvent,  dans  l'usage, 
au  latin  inimo  (=  «  au  contraire  »,  dans  une  réponse),  et  c'  oûvau  latin  ce?-/e(=  ce 
qu'il  y  a  de  sûr,  c'est  que ). 

4.  [Le  terme  juste  serait  :  longue  par  aitribiifion.  —  Réd.] 


0  HISTOIKE   Kl     DK    LITTKr? ATUK.K  227 

sans  accent  et  en  caractères  espacés?—  P.  236,  ^§  396-397,  le  texte 
donne  des  listes  de  verbes,  transitifs  en  grec,  qui  sont  intransitifs  dans 
d'autres  langues.  Il  eût  été  bon  de  faire  remarquer  aux  élèves  que  la 
plupart  correspondent  à  des  verbes  intransitifs  en  allemand,  et  qu'un 
certain  nombre  n'auraient  pas  eu  besoin  d'être  signalés  dans  une  gram- 
maire écrite  pour  des  Français.— P.  289  et  suiv.  A  propos  de  la  théorie 
de  la  signification  des  temps,  M.  C.  donne  avec  raison  des  extraits  d'un 
mémoire  de  Ch.  Thurot,  qui  combat  lopinion  de  Curtius  ',  Mais  il 
aurait  peut-être  pu  se  dispenser  de  le  faire  pour  la  partie  qui  concerne 
le  parfait;  car  Thurot,  tout  en  contredisant  Curtius,  est  au  fond  d'ac- 
cord avec  lui  ". 

En  somme,  nous  avons  ici  plutôt  un  regret  qu'un  reproche  à  adresser 
à  M.  C.  :  son  travail  sur  Le  génitif  latin  et  la  préposition  de  a  montré 
qu'il  était  capable  d'excellentes  recherches  de  gramrnaire.  Peut-être 
aurait-il  dû  ajouter  à  sa  traduction  un  peu  plus  de  remarques  person- 
nelles. 

Le  livre  est  imprimé  avec  une  grande  netteté.  Mais,  malgré  VErrata 
assez  considérable,  il  reste  encore  quelques  fautes  d'impression  (ainsi 
p.  1 18,  §  274,  Dial.,  sali  pour  sali). 

Tout  en  regrettant  queM.Ciairin  n'ait  pas  choisi,  pour  l'introduireen 
France,  une  autre  grammaire  plus  utile  ou  plus  nouvelle,  nous  devons 
Je  remercier  d'avoir  contribué,  pour  sa  part,  au  progrès  des  études  clas- 
siques. 

A.  M.  Desrousseaux. 


46.  —  Orsiiianîsîaîre    éléiMentaîre    «Je    ïa    -vieille    lungue    fftiiïçîiîae,    par 

L.  Clédat,  professeur  de  langue  et  de  littérature  françaises  du  moyen-âge  à  la 
faculté  des  lettres  de  Lyon,  ancien  élève  de  l'école  des  Chartes,  ancien  membre 
de  l'école  française  de  Rome.  Paris,  Garnier  frères,  i885.  Gr.  in-i8,  vm-35i  pp. 

La  grammaire  de  M.  Léon  Clédat  mérite  le  meilleur  accueil  de  tous 
ceux  qui  désirent  voir  se  répandre  la  connaissance  de  notre  ancienne 
langue.  Elle  arrive  tout  à  fait  à  propos  pour  aider,  dans  leur  tâche 

1.  Mémoires  de  la  Société  de  liuguixtique  de  Paris,  t.  I,  i86g,  pp.  111-125.  — 
Pour  la  question  de  la  différence  de  sens  entre  les  modes  de  l'aoriste  et  ceux  du 
présent,  Thurot  a  peut-être  éle  aussi  excessif  en  la  niant  que  Curiius  en  l'affir- 
mant sans  restriction;  Aladvig  paraît  être  dans  le  vrai,  en  admettant  que  la  diffé- 
rence de  sens  est  très  réelle  et  visible  en  un  grand  nombre  de  passages,  mais  que 
souvent  aussi  on  la  néglige.  Cf.  l'article  publié  sur  cette  question  par  M.  Riemann 
dans  \(t%  Mélanges  Graux,  p.  585  sqq. 

2.  Dire,  comme  Curtius,  que  le  parfait  marque  qu'une  action  est  actuellement 
terminée  ou  bien,  comme  Thurot,  qu'il  exprime  le  résultat  présent  d'une  action 
passée,  cela  revient  à  peu  près  au  même.  Au  contraire,  dans  la  syntaxe  de  Madvig, 
g  1 1 1,  il  y  a  une  négHgence  grave  de  rédaction  :  d'après  ce  qui  est  dit  à  cet  endroit, 
on  pourrait  croire  que  i-j  parfait  grec  doit  être  rangé  parmi  les  temps  du  passé;  or 
la  règle  de  la  concordance  des  temps  prouve  bien  le  contraire. 


228  RKVUK     CKiriQUk 

nouvelle,  les  professeurs  de  nos  lycées  et  de  nos  collèges,  chargés 
depuis  quelque  temps  d'expliquer  des  textes  qui  leur  étaient,  en  géné- 
ral, peu  familiers.  Elle  ne  sera  pas  moins  bien  venue  des  élèves  eux- 
mêmes,  qui  pourront  y  apprendre,  sans  trop  de  peine,  tout  ce  qui  leur 
est  nécessaire  —  le  vocabulaire  excepté  —  pour  aborder  de  plain  pied 
une  littérature  qu'il  sera  bientôt,  nous  l'espérons,  honteux  d'ignorer  à 
tout  Français  quelque  peu  lettré. 

Tout  en  souhaitant  vivement,  avec  M.  C,  que  les  bons  élèves  des 
écoles  primaires  viennent  puiser  en  grand  nombre  à  la  source  d'in- 
struction qu'il  a  voulu  aussi  leur  ouvrir,  j'avoue  ne  pas  partager  plei- 
nement l'espoir  qu'il  exprime  à  ce  sujet.  Mais  son  livre  ne  dût-il  servir 
qu'aux  professeurs  et  aux  élèves  de  l'enseignement  secondaire,  aux 
étudiants  des  facultés  et,  en  dehors  du  monde  universitaire,  aux  sim- 
ples curieux,  il  rendrait  encore  ainsi  assez  de  services  pour  que  l'auteur 
n'eût  qu'à  se  féliciter  de  l'avoir  écrit. 

La  grammaire  de  M.  C,  comme  son  titre  l'indique,  est  une  «  gram- 
maire élémentaire  ».  Elle  a,  constatons-le  tout  d'abord,  les  qualités 
essentielles  d'un  livre  de  ce  genre  :  clarté,  simplicité,  netteté.  L'auteur 
n'est  pas,  d'ailleurs,  un  simple  vulgarisateur  des  travaux  d'autrui.  Son 
livre  offre  aussi  le  résultat,  souvent  heureux,  de  ses  recherches  person- 
nelles; mais  il  n'y  a  place  ni  pour  la  discussion  des  points  controversés, 
ni  pour  les  longs  développements.  L'ouvrage  est,  sauf  quelques  réserves, 
bien  ordonné;  et  si  on  y  peut  relever  plusieurs  omissions,  on  n'y  remar- 
que aucune  lacune  trop  considérable,  le  but  et  le  plan  de  l'auteur  étant 
donnés.  La  syntaxe,  en  général  trop  négligée,  a  été  traitée  ici  avec  un 
détail  suffisant  ^  Je  reprocherais  seulement  à  cette  partie  de  l'ouvrage 
d'affecter  trop  la  forme  d'un  recueil  de  faits,  bien  classés,  il  est  vrai, 
mais  sans  idées  générales  qui  les  relient.  Tout  élémentaire  que  soit  et 
que  veuille  rester  la  grammaire  de  M.  C,  l'auteur  pouvait,  sans  dépas- 
ser la  portée  intellectuelle  des  lecteurs  pour  lesquels  il  écrivait,  —  et 
cette  observation  s'applique  également,  à  des  degrés  divers,  aux  autres 
parties  du  livre,  —  indiquer  les  grandes  lois  qui  gouvernent  notre  lan- 
gue et  les  progrès  que  d'âge  en  âge  elle  réalise,  conformément  à  ces 
lois. 

C'est  dans  l'Introduction,  où  il  traite  sommairement  de  l'origine 
de  la  langue,  que  M.  C.  donne  toutes  les  notions  que  renferme 
son  livre  sur  la  formation  des  mots.  Je  regrette  qu'il  ne  se  soit  pas 
étendu  davantage  sur  ce  sujet,  auquel  il  aurait  dû  consacrer  une  section 
tout  entière.  La  formation  des  mots  est  une  des  parties  les  plus  impor- 
tantes et  les  plus  neuves  encore,  malgré  les  remarquables  travaux  de 
M.  Darmesteter,  de  notre  grammaire,  et  celle  de  toutes  où  se  manifeste 
peut-être  le  plus  sensiblement  le  génie  de  la  langue. 

M.  C,  préoccupé,  trop  préoccupé  peut-être,  de  se  mettre  à  la  portée 


I .  Signalons,  en  particulier  le  chapitre  des  prépositions. 


d'hiSTOÎRR    et    DÀ    LITTERATURE  2  2() 

des  lecteurs  qui  ignorent  les  éléments  de  la  langue  latine,  a  rejeté  la 
phonétique  à  la  fin  de  son  ouvrage,  en  manière  d'appendice.  La  place 
que,  normalement,  il  aurait  dû  donner  à  cette  partie  nécessaire  de  toute 
grammaire  est  occupée  par  un  chapitre  sur  l'orthographe,  où  se  pro- 
duit, presque  à  chaque  paragraphe,  une  confusion,  peut-être  inévitable, 
entre  la  figuration  des  sons  et  les  sons  eux-mêmes,  et  où  les  phénomè- 
nes étudiés  sont  autant,  par  conséquent,  du  domaine  de  la  phonétique 
que  de  celui  de  la  graphie.  Par  exemple,  ce  n'est  pas,  sûrement,  par 
suite  du  simple  changement  du  signe  d'un  son  resté  fixe  que  chapel  est 
devenu  chapeau  (p.  21).  M.  G.  le  sait  tort  bien  ;  mais  le  lecteur  peut  s'y 

tromper. 

Après  rintroduction,  Fauteur  traite  successivement  des  diverses  par- 
ties du  discours,  en  commençant  par  le  substantif.  L'article  prend  place 
dans  le  chapitre  des  adjectifs  démonstratifs.  Je  ne  puis  suivre  pas  à  pas 
M.  G.  dans  son  exposition,  pour  marquer  sur  chaque  détail,  soit  mon 
assentiment,  soit  mes  réserves.  Je  dois  me  borner  à  quelques  remarques 
rapides. 

P,  36,  à  propos  des  noms  comme  Evain,  M.  G.  aurait  dû  noter  la 
variante  ien  (Marien,  Ayen)^  et  en  expliquer  la  cause.  Peut-être  aussi 
aurait-il  bien  fait  de  dire  que  tout  le  monde  n'est  pas  d'accord  pour  at- 
tribuer à  cette  flexion  ain  (ien)  une  origine  germanique. 

P.  43,  note.  On  a  des  exemples  de  pluriel  neutre  plus  probants  que 
celui  qui  est  ici  allégué;  ainsi  dans  Erec  et  Enide  (6617)  :  deux  paire 
riment  avec  apaire  (appareat). 

P.  58.  C'est  par  une  méprise  évidente  que  M.  G.  range  les  noms 
ethniques  comme  danois,  anglais^  parmi  ceux  qui,  à  l'origine,  étaient  des 
deux  genres.  Ges  noms  ont  toujours,  en  français,  pris  un  e  au  féminin. 
67.  J'entends  autrement  que  M.  G.  le  vers  du  Roland  qu'il  cite  ici. 
Le  sujet  de  cumencet  est,  pour  moi,  non  pas  le  conseil,  mais  il,  sous 
entendu,  représentant  Guenes.  Par  conséquent  je  n'admets  pas  plus 
d'article  neutre  le  que  de  nom  neutre  conseil,  ce  qui  n'est  d'ailleurs  pas 
admissible. 

69.  Le  cel  du  roman  à'Eneas  cité  ici  (je  n'ai  pas  ce  texte  sous  la 
main)  ne  serait-il  pas,  plutôt  qu'un  pronom  neutre,  sel  =z  si  le? 

70.  On  ne  saurait  admettre  l'influence  régressive  de  Ve  final  que 
M.  G,  suppose  ici.  La  véritable  source  de  il  comme  de  //  (suj.  sing.  de 
l'art.)  est  sans  doute  z7//c  que  IM.  G.  indique  également  et  qu'il  avait 
déjà  proposé  ailleurs. 

83.  L'f  final  dont  parle,  ici  et  ailleurs,  M.  G.  est  1'/  long,  ce  qu'il  ne 
dit  nulle  part,  et  ce  qu'il  fallait  dire  expressément,  car  1'/  bref  ne  produit 
pas  les  mêmes  effets. 

II  5.  M,  G.  traite  du  participe  passé  avant  le  prétérit,  ce  qui  pour 
toute  une  catégorie  de  vérités,  est  un  inconvénient,  à  cause  de  l'in- 
fluence analogique  exercée  par  la  forme  du  prétérit  sur  celle  du  parti- 
cipe. 


2  30  REVUE    CRITIQUE 

J2I.  Il  eût  été  bon  de  dire  que  ri  est  une  forme  relativement  récente. 
L'ancienne  langue  disait  ris. 

125.  M.  G.,  au  sujet  de  l'^  des  formes  de  la  i''*'  pers.  de  Tind.  présent, 
et,  plus  loin,  de  celle  de  l'imparfait  et  du  parfait  (je  vends^je  vendais, 
je  vendis)  exprime  une  opinion  que,  pour  l'avoir  adoptée  moi-même  au- 
trefois, je  ne  me  crois  pas  obligé  de  défendre.  C'est  celle  qui  explique 
ces  formes  par  une  influence  analogique  de  la  2"  personne.  Je  ne  la 
crois  plus  fondée.  La  question  d'ailleurs  est  complexe,  et  ce  n'est  pas 
ici  le  lieu  de  la  traiter  en  détail. 

128.  Il  eût  été  bon  de  faire  remarquer  c\nç,  gemiscunt  ni  getniscam  ne 
pouvaient  donner  les  formes  françaises  correspondantes.  C'était  le  cas 
d'insister  sur  le  caractère  original  de  notre  conjugaison  en  ir. 

145.  Dans  tenuion  n'a  plus  affaire  à  un  m  atone,  mais  à  un  u  consonne, 
qui  tombe,  comme  dans  tva,  sva,  qvi.,  battvere,  mortva,  etc.,  etc. 

i52.  Le  rapprochement  des  formes  fr.  en  asse.,  isse,  iisse  et  des  for- 
mes provençales  correspondantes  en  a  permet  de  supposer  l'assimila- 
tion de  l'imparfait  au  présent  du  subjonctif,  quant  à  la  flexion  pure- 
ment personnelle. 

i53.  M.  C.  donne  ici  un  procédé  tout  mécanique  pour  trouver  la 
forme  du  plus-que-parfait  archaïque.  A  quoi  bon,  puisque  c'est  une 
forme  morte  depuis  si  longtemps?  Il  eût  été  plus  simple  et  plus  expédi- 
tif  de  citer  quelques-uns  des  rares  exemples  qu'on  en  connaît,  en  les 
rapprochant  des  formes  latines  correspondantes. 

i65.  M.  C  n'a  pas  remarqué  que  plusieurs  des  substantifs  qu'il  note 
comme  ayant  changé  de  genre  en  passant  de  l'ancienne  langue  à  la 
nouvelle  se  sont  seulement  réduits  de  deux  à  un  seul.  Les  substantifs 
dérivés  de  noms  neutres,  de  participes,  les  substantifs  verbaux  allaient 
souvent  par  couples,  et  les  deux  genres  avaient  fréquemment,  grâce  aux 
lois  phoniques,  une  forme  identique.  Tel  était  le  cas  d'un  grand  nom- 
bre de  ceux  que  cite  M.  Clédat  :  miracle,  exemple.  Joiidre^  dette,  re- 
proche, rencontre.  Pour  voile.,  la  forme  masculine  correcte  est  vo//,  qu'on 
trouve  en  effet. 

179.  Il  ne  faudrait  pas  confondre,  comme  le  fait  ici,  et  déjà  plus  haut, 
p.  74,  M.  C,  li  féminin,  résidu  de  liei,  avec  //  masc.-fém.  =  illi. 

184.  M.  C.  aurait  dû  noter  l'emploi  si  fréquent  de  qxii  au  sens  de  si 
on  {==  si  qiiis),  emploi  conservé  encore  dans  quelques  locutions  (par 
exemple  :  il  pleut  comme  qui  la  jette),  et  celui  de  qui,  que  fquis,  quid) 
distributif  :  ils  erraient  qui  cà,  qui  là. 

188.  Chacun  no.  ^t\jLi  être  quisque  iinus,  Il  est  probable  que  cescun 
a  été  modifié  en  chascun,  sous  l'influence  de  chaduti,  chaiin. 

201.  M.  C.  n'aurait  pas  dû  omettre  de  signaler  l'emploi  de  l'infinitif 
au  sens  passif,  dans  des  phrases  telles  que  :  ja  n'eussent  regart  de 
prendre  (=  crainte  d'être  pris.) 

257.  Il  est  singulier  que,  parmi  lés  particules  d'affirmation,  M.  C 
ait  précisément  oublié  oui.  Signalons  aussi,  pour  la  négation,  l'omis- 


d'histoirk  kt  dk  littérature  23  I 

sion  de  naie  et  de  nenil.  Uemploi  de  pas,  point,  mie,  etc.,  au  positif  n'a 
pas  non  plus  été  noté. 

258.  «  Le  substantif  e^^o/r  était  employé  adverbialement.  »  Etait-ce 
bien  le  substantif  ?  Je  crois  plutôt  que  c'était  le  verbe,  à  la  prem.  pers. 
sing.  de  l'ind.  prés.  Vt\Qm^\Q  c'né  (espoir  c' estait  uns  Assacis)  st  tradui- 
rait par  suite,  littéralement  :  c'était,  je  pense,  un  Assassin. 

279.  Je  ne  puis  admettre  que  dans  il  i  ont  uns  oriloges,  si  telle  est 
bien  en  effet  la  leçon  du  ms.,  uns  oriloges  soit  sujet;  uns  est  ici,  comme 
si  souvent  ailleurs,  non  le  cas-sujet  singulier,  mais  lecas  régime  pluriel 
de  l'article  indéfini. 

3o6.M.  C.  tire  je  puis  dtpoteo.  Cest  je  pense  une  en-^in,  puis=poc- 
sum.potsum.  Cf.  le  provençal  pose,  à  côté  de  pois.  Puissant  ne  vient 
pas  davantage  de  poteantem. 

3i  r.  M.  C.  oublie  ici  que  au  atone,  en  initiale  peut  aussi  se  réduire  à 
a  :  aoust;ailr,  eiir;  escouter.  Peut-être  est  ce  une  réduction  pareille,  à 
la  tonique,  qui  a  produit  anc  a  côté  de  OJique  (adunquam  ?) 

3i3.  Courage  est  corati(c)um,  non  corat{i)cum.  On  ne  peut  admet- 
tre le  changement  de  c  en  g  doux  devant  u. 

32  3.  Il  n'est  pas  tout  à  fait  exact  de  dire  que  v  se  change  en  g  dans 
gué,  guêpe  et  autres  mots  pareils.  Le  cas  n'est  pas  le  même  que  celui 
de  fois,  brebis,  cités  au  même  endroit.  Dans  vaduni,  vespa,  Vu  consonne 
initial  a  appelé  devant  lui  un  g  qui  a  fini  par  le  supplanter,  en  tant  que 
son.  Il  n'y  a  pas,  comme  dans  vicem  devenu  fois,  une  mutation  pro- 
prement dite.  —  Il  n^est  pas  non  plus  exact  de  dire,  comme  le  lait 
M.  C,  dans  la  même  page,  que  la  labiale  de  sapiani,  apiuni  soit  •  tom- 
bée »,  puisque  le  ch  des  formes  françaises  sache,  ache^  est  le  résultat  de 
l'union  dn  p  et  de  Vi.  Si  lep  tombait  tout  de  bon,  le  résultat  serait  au- 
tre. Cf.  aie  de  habeam, 

32g.  L'/  mouillée  ne  se  vocalise  pas  en  u.  Partout  où  nous  voyons  le 
latin  lius  ou  dus  aboutir  à  us  (miens,  viens)  nous  trouvons  comme 
intermédiaire  une  forme  en  /  sèche,  suivie  de  :[  (non  5,  du  moins  dans 
le  principe).  —  Le  cas  de  vieux  me  parait  plus  complexe  qu'il  ne  semble 
à  M.  Clédat.  Que  vieux  soit,  au  singulier,  l'ancien  cas  sujet,  il  n'y  a  pas 
de  doute.  Mais  le  maintien  exceptionnel  de  cette  forme  doit  s'expliquer 
par  une  confusion  avec  vie-{  (vêtus)  qui  était  intégral. 

Des  notions  générales  sur  la  versification  française  du  moyen  âge, 
notions  qu'on  souhaiterai',  un  peu  plus  développées,  et  où  la  question 
des  origines  tant  de  la  rime  que  des  mètres  n'est  pas  abordée,  terminent 
la  grammaire  de  M.  Clédat. 

Les  menues  remarques  qui  précèdent  ne  sont  pas  les  seules  que 
suggérerait  un  examen  minutieux  de  l'ouvrage  dont  je  rends  compte  et 
que  je  pourrais  présenter  moi-même.  Mais  si  nombreux  que  puissent 
être  les  points  sur  lesquels  mon  sentiment  diffère  de  celui  de  Tauteur, 
je  tiens  à  redire  en  terminant  que  M.  Clédat  a  fait,  en  composant  sa 
grammaire,  une  œuvre  vraiment  méritoire,  et  qui  contribuera  efficace- 


2:)  2  KKVIIK    CitrUQUK 

ment,  je  Tespèie,  à  hâter  le  moment  où  tout  le  monde,  en  France,  liia 
la  Chanson  de  Roland  aussi  couramment  que  le  Cid. 

C,  Chabaneau. 


47.  —  IiU!>:>iiiicufs    B^yonnnis.  «lean   I^'lllelioilc  et,  *=•«  riiinillc?   par  Aimé 
ViNGTRiNiER.   Lyon,  imprimerie  Pitrat  aîné,  i88b.  Grand  in-8  de  23  p. 

En  travaillant  à  l'annotation  des  lettres  inédites  de  Peiresc  aux  frères 
Dupuy,  j'ai  rencontré  le  nom  de  Pillehotte  et,  après  avoir  vainement 
cherché,  dans  nos  principaux  recueils,  des  renseignements  sur  ce  per- 
sonnage, j'ai  interrogé  sur  son  compte  celui,  de  tous  mes  savants  cor- 
respondants et  amis,  qui  me  paraissait  pouvoir  le  mieux  me  répondre, 
soit  en  sa  qualité  d''ancien  imprimeur  lyonnais,  soit  en  sa  qualiic  de  ré- 
dacteur du  Catalogue  de  la  bibliothèque  lyonnaise  de  M.  Coste,  soit 
enfin  en  sa  qualité  de  conservateur  de  la  bibliothèque  de  la  villede  Lyon. 
Mon  espoir  n'a  pas  été  déçu  ;  de  ma  question  à  M.  A.Vingtrinier  est  sorti 
—  j'en  suis  justement  fier  —  le  travail  dont  je  vais  dire  quelques  mots. 

M.  A.  constate  tout  d'abord  que  non  seulement  son  confrère  du 
xvi*^  siècle  est  totalement  oublié,  mais  qu'encore  le  peu  que  les  écrivains 
lyonnais  nous  ont  laissé  sur  lui,  en  passant  et  comme  par  grâce,  est 
entaché  de  méprises  et  d'erreurs.  C'est  avec  une  piquante  verve  que  le 
nouveau  biographe  apprécie  (p.  5-6)  le  rôle  presque  toujours  négatif  q\ 
toujours  imparfait  joué  par  chacun  de  ses  devanciers  :  «.  Pernetti,  qui, 
comme  Vapereau,  de  nos  jours,  a  fait  connaître  tant  de  médiocrités 
politiques  ou  littéraires,  Pernetti  ne  ditpas  un  mot  de  lui.  MM.  Breghot 
du  Lut  et  Péricaud,  dans  leurs  Lyonnais  dignes  de  mémoire,  ne  lui 
accordent  qu'un  fils  et  nous  sommes  porté  à  croire  qu'il  en  eut  plusieurs. 
M.  Achard  avance  qu'il  en  eut  deux,  portant  tous  dtny.,  ensemble  et  à 
la  fois,  le  prénom  de  leur  père,  ce  qui  eût  fait  trois  .Jean  Pillehotte  au 
même  foyer  et  à  la  même  table.  MM.  Révérend  du  Mesnil,  Guigne  et 
Steyert  sont  d'une  concision  désolante.  Ils  citent  des  prénoms  à  la  suite 
les  uns  des  autres  sans  prévenir  s'ils  veulent  parler  du  père,  du  uh,  de 
l'oncie  ou  du  neveu.  Quant  à  M.  Monfalcon,  aussi  bref,  aussi  concis 
que  ses  confrères,  il  l'emporte  sur  eux  en  erreurs  '.   » 

C'est  au  prix  d'innombrables  recherches  que  M.  A.  a  réuni  les  détails 
les  plus  nouveaux  et  les  plus  fidèles  :  i»  sur  Jean  Pillehotte,  impri- 
meur et  libraire  des  Ligueurs  et  lui-même  un  des  meneurs  les  plus 
influents  de  la   Ligue  lyonnaise,  lequel  exerça  dans  la  rue  Mercière 


I.  L'auteur  de  l'Histoii-c  vionumentale  de  Lyon  a  confondu  le  père  ei  le  lils  et 
même  le  petit-fils.  M.  V.,  après  avoir  signalé  autour  de  ce  quiproquo  diverses  au- 
tres inexactitudes,  arrive  à  cette  conclusion  trop  justiticc  :  «  On  voit  si  Ton  doit 
consulter  avec  prudence  cette  Histoire  monumentale  imprimée  aux  trais  de  la  ville 
de  Lyon.  » 


O  HISTOIKK     KT    DK     LlîTÉUATURK  233 

de  1574  à  161  2,  époque  de  sa  mort  '  et  gagna  une  infimense  fortune; 
2°  sur  Jean  II,  son  fils  et  son  successeur,  qui  fut  échevin  en  1643  et 
1644,  et  auquel  sa  femme,  Anne  FJachier,  apporta  en  dot  le  château  de  la 
Pape,  situé  au  bord  du  Rhône,  au  nord  de  Lyon  et  à  peu  de  distance  de 
cette  ville  ';  3°  enfin  sur  Jacques,  fils  du  précédent,  seigneur  de  la  Pape, 
baron  de  Gourdan,  conseiller  garde  des  sceaux  en  la  sénéchaussée  et 
siège  présidial  de  Lyon,  maître  des  requêtes  au  Parlement  de  Dombes, 
qui  fit,  en  i652,  Tachât  de  la  terre  de  Messimy  et  dont  la  fille  unique, 
Marie-Anne,  eut  pour  époux  (1674)  Charles  de  Gambis,  marquis  d'Or- 
san. 

Je  suis  heureux  de  pouvoir  ajouter  à  toutes  ces  indications  si  précises 
une  indication  qui  les  complète.  Jean  Pillehotte  I"  eut  une  sœur, 
nommée  Marie,  qui  fut  mariée  avec  un  docte  humaniste,  d'origine 
écossaise,  Alexandre  Scot,  l'auteur  de  Universa  grammatica  grœca 
(Lyon,  1594,  in-8"de  plus  de  mille  pages),  l'éditeur  et  le  commentateur 
des  discours  de  Gicéron  (Lyon,  i588-i589,  2  vol.  in-12),  etc.  L'exis- 
tence de  la  sœur  et  du  beau-frère  de  Jean  I"  Pillehotte  m'a  été  révélée 
par  le  testament  inédit  de  Thumaniste,  que  m'a  gracieusement  commu- 
niqué M.  le  marquis  de  Seguins,  propriétaire  du  château  du  Rocan, 
près  de  Garpentras,  château  qui  avait  appartenu  audit  humaniste  ''. 

On  pense  bien  qu'un  bibliographe  tel  que  M.  Vingtrinier  n'a  pas 
négligé  d'énumérer  les  plus  importantes  ou  les  plus  rares  des  publica- 
tions auxquelles   Pillehotte  attacha  son    nom  (p.    10-12  et  20-24).  Je 

I.  La  date  de  la  mort  de  Pillehotte  1er  a  été  communiquée  à  M.  V.  par  un  érudit 
de  Lyon,  M.  Morel  de  Voleine.  Pilleliotte  avait  épousé  Antoinette  Jove,  tille  de 
Michel  Jove,  libraire,  qui  testa  le  3o  avril  iSyg.  En  cette  année  même  le  nom  du 
beau-père  et  celui  du  gendre  figurent  réunis  sur  le  frontispice  d'une  pièce  intitu- 
lée :  Réconciliation  faicte  par  la  Royne  mère  du  Roy,  entre  les  gens  du  clergé,  de 
la  noblesse  et  du  tiers  Estât  du  pays  du  Dauvliiné  (Lyon,  par  M.  love  et  J.  Pil- 
lehotte, in-8°). 

2.  Jean  II  Pillehotte  mourut  en  i65oet  fut  inhumé  dans  l'église  des  Grands-Au- 
gustins.  U.  V.  a  reproduit  son  épitaphe  (p.  i3).  Jean  [ei'  Pillehotte  avait  été  inhumé 
aux  Célestins. 

0.  Comme  Alexandre  Scot  a  été  non  moins  abandonné  des  biographes  que  Jean 
Pillehotte,  comme  il  a  même  été  oublié  dans  l'ouvrage  spécial  de  x\L  Francisque  Mi- 
chel {Les  Ecossais  en  France,  etc.),  comme  il  n'a  obtenu  qu'une  simple  mention 
dans  la  Notice  sur  Ch.  Fabrot  de  feu  M.  Charles  Giraud,  qui  le  qualifie  (p.  154) 
jurisconsulte  de  Carpcntras,  enfin  comme  l'article  qui  lui  a  été  consacré  par  le 
D''  Barjavel  dans  le  Dictionnaire  historique,  biographique  et  bibliographique  du  dé- 
partement de  Vauclusc  (t.  I!,  p.  Sgy-SgS)  est  déplorablement  insuffisant,  j'em- 
prunterai au  précieux  document,  conservé  dans  les  archives  du  château  du  Rocan, 
quelques  particularités  inconnues  :  Le  testateur  (3o  juin  16161  déclare  qu'il  veut  être 
enterré  dans  l'église  des  Franciscains  de  l'Observance  à  Carnentras;  il  rappelle  qu'il 
est  né  «  au  château  de  Kinindmouth,  dans  la  province  d'Aberdeen;  il  salue  la  mé- 
moire de  Georges  Scot,  son  père,  et  de  Marguerite  Fraser,  sa  mère;  il  nomme  ses 
enfants,  sa  femme  (Marie  Pillehotte),  son  beau-frère,  Jean  Pillehotte,  imprimeur- 
libraire  à  Lyon,  etc.  «  Noble  Alexandre  Scot,  docteur  es  droits  ».  comme  il  est  ap- 
pelé dans  un  cadastre  de  Garpentras,  de  la  fin  du  xvie  siècle,  fut  pendant  quelques 
années  directeur  du  collège  de  cette  ville  (avant  1600). 


234  REVU!'.    CRITIQUK 

voudrais  que,  dans  une  nouvelle  édition,  cette  curieuse  liste  fût  encore 
plus  développée  et  que  Ton  y  fît  entrer  autant  que  possible  tous  les 
livres  ou  livrets  sortis  des  presses  de  Pillehotte  '.  Et  cette  nouvelle 
édition  n'est  pas  douteuse,  car  sans  parler  des  diverses  qualités  d'un 
travail  que  je  n'ose  louer  autant  qu'il  le  mérite,  son  origine  entravant 
ma  liberté  d'appréciation,  la  dédicace  de  Félégante  plaquette  à  un  de 
nos  plus  sympathiques  et  de  nos  plus  charmants  poètes  lui  portera  bon- 
heur. Voici  cette  dédicace  :  k  A  M.  Joséphin  Soulary  hommage  de 
son  ami  tout  à  lui  ». 

T.    DE   L. 


48.  —    HÎBtoine    de    la    Kuonarchîe  «3e  eSïzillet*    par    Paul  Thureau-Dangin. 

Paris,  Pion,  1884.  In-8,  T.  I,  vu,  458.  T.  11,  438  pages. 

M.  Thureau-Dangin  entreprend  d'écrire  une  histoire  complète  de  la 
France  sous  le  règne  de  Louis-Philippe.  Ces  deux  premiers  volumes 
s'arrêtent  au  mois  de  février  i836.  M.  Th.-D,  a  fait  ses  preuves  avec 
éclat.  Il  s'est  montré,  notamment  dans  son  livre  Royalistes  et  Républi- 
cains, écrivain  brillant  et  critique  plein  d''indépendance.  Les  mêmes 
qualités  se  retrouvent  dans  l'Histoire  de  la  monarchie  de  Juillet,  et  si, 
du  premier  coup,  au  courant  de  la  première  lecture,  on  ne  les  apprécie 
peut-être  pas  aussi  aisément,  c'est  la  faute  du  sujet,  bien  plus  que  celle  de 
y diUXQnr.  Royalistes  et  Républicains  forment  une  série  d'essais:  M,  Th.-D. 
ne  s'arrête  qu'aux  côtés  saillants  de  l'histoire;  il  procède  constamment 
par  oppositions  entre  les  extrêmes.  Il  se  place  très  haut  pour  voir  et 
pour  juger  :  le  lecteur  s"'élève  volontiers  avec  lui  sur  ces  hauteurs  et  y 
respire  à  l'aise.  Dans  l'Histoire  de  la  monarchie  de  Juillet,  qui  est  une 
œuvre  suivie,  il  faut  en  venir  à  l'entre-deux  des  choses,  et  marcher  dans 
la  plaine;  on  a  plus  de  difficultés  à  trouver  les  beaux  points  de  vue. 
M.  Th.-D.  avait  opposé,  avec  une  grande  force  de  relief,  aux  fautes  des 
républicains  ruinant  la  république,  les  fautes  des  royalistes  ruinant  la 
monarchie.  On  pouvait  croire  que  les  modérés,  du  centre  gauche  au 
centre  droit,  les  libéraux,  les  constitutionnels  gardaient  le  secret  du 
sens  commun  et  que,  s'ils  arrivaient  au  gouvernement,  on  aurait  la  rare 
satisfaction  de  voir  des  actes  sages  d'accord  avec  des  principes  raison- 
nables. Je  sais  bien  que  dans  un  autre  écrit,  bien   piquant,  mordant 

I.  Le  Catalogue  de  la  Bibliothèque  nationale.  Histoire  de  France  (t.  I)  serait 
utilement  consulté.  J'y  ai  relevé,  pour  la  période  comprise  entre  les  années  i588- 
i5ci3,  une  quarantaine  de  mentions.  Voir  articles  3i2,  6o5,  676,  67g,  695,  7o3, 
75 1  (règne  de  Henri  111),  et  articles  qo,  q8,  iii,  ii3,  118,  I23,  126,  i35,  164,  176, 
177,  178,  182,  2o3,  210,  212,  244,  246,  249,  ^Si,  252,  269,  291,  296,  3i5,  335, 
341,  346,  359,  362,  410,  419,  445,  479  ('règne  de  Henri  IV).  On  trouverait  encore 
l'indication  de  plusieurs  éditions  imprimées  par  Pillehotte  dans  la  Bibliothèque  des 
écrivains  de  la  Compagnie  de  Jésus  par  les  PP.  de  Backer  et  C.  Sommeuvogel 
(3  vol.  in-fo,  18Ô9-1876). 


d'HISTOIRK    et    DK    t.ITTÉR\Tt.!Kh  235 

même  par  endroits,  le  Parti  libéral  sous  la  Restauration,  M.  Th,-D. 
nous  avait  mis  en  garde  contre  ces  espérances.  Il  ne  nous  laissait  guère 
d'illusions,  même  sur  Royer-GoUard.  Un  livre  plus  récent,  beaucoup 
moins  critique,  beaucoup  plus  exclusif  et  plus  passionné,  livre  de 
discussion,  on  dirait  volontiers  de  polémique,  l'Eglise  et  l'Etat  sous  la 
monarchie  de  Juillet,  nous  avait  préparés  à  des  jugements  rigoureux  sur 
l'œuvre  de  i83o  et  sur  ses  conséquences.  Cette  attente  n'a  pas  été  trom- 
pée. V Histoire  de  la  monarchie  de  Juillet  est  sévère  pour  cette  monar- 
chie. C'est,  non  pour  la  forme  qui  est  pleine  d'attrait,  et  pour  l'exposi- 
tion qui  est  constamment  intéressante,  mais  pour  le  fond  des  idées  et 
pour  les  conclusions,  une  œuvre  morose  et  attristée.  La  tristesse  s'y 
traduit  en  traits  éloquents,  le  chagrin  en  ironie  amère  :  le  talent  de 
l'auteur  n'en  souffre  point,  bien  au  contraire;  je  ne  puis  en  dire  autant 
des  actes  qu'il  juge  et  des  personnages  qu'il  prend  à  partie. 

Cette  couleur  sombre  répandue  sur  l'ouvrage  tient  beaucoup,  je  crois, 
au  point  de  vue  où  M,  Th.-D.  s'est  placé.  C'est  un  point  de  vue  très 
élevé,  trop  élevé  même  :  il  dépasse  notre  atmosphère.  C'est  à  vrai  dire 
un  idéal.  M.  Th.-D.  conçoit  un  gouvernement  très  pur,  très  conserva- 
teur, très  catholique,  très  éclairé,  en  même  temps,  et  moderne  et  sincè- 
rement libéral.  Cet  arc-en-ciel  politique  s'est-il  jamais  vu,  dans  la  réa- 
lité, autrement  que  par  échappées,  entre  les  nuages  et  les  orages,  comme 
ce  ministère  Martignac  qui  semble  n'être  né  que  pour  démontrer  sa 
propre  impossibilité?  Considérés  de  si  haut,  les  hommes  se  rapetis- 
sent singulièrement,  et  tout  paraît  mesquin  dans  le  fouillis  où  ils 
se  meuvent.  C'est  l'impression  que  l'on  garde  après  avoir  lu  ces  deux 
volumes.  Choses  et  gens,  actes  et  institutions,  la  révolution,  les  cham- 
bres, les  ministres,  la  charte,  le  roi  lui-même,  tout  s'y  amoindrit  et  s'y 
obscurcit  d'autant  plus  qu'une  seule  grande  figure,  un  seul  caractère 
supérieur,  s'en  détache  avec  plus  d'ampleur,  dans  une  plus  grande  lu- 
mière, écrasant  tout  alentour  :  Casimir  Périer. 

Si  mon  impression  est  juste,  il  y  a  là  un  défaut  de  proportions.  Ca- 
simir Périer  n'est  pas  trop  grandi;  mais,  à  part  Guizot  et  le  duc  de  Bro- 
glie,  qui  sont  étudiés  avec  sympathie  et  équité,  à  part  Latîitte  qui  n'est 
pas  trop  sévèrement  condamné,  les  autres  personnages  sont  trop  dimi- 
nués. Il  ne  faut  point  monter  en  ballon  pour  mesurer  les  hommes.  En 
eux-mêmes  et  par  rapport  à  l'archétype  de  l'homme  d'Etat  idéal,  les 
gouvernants  de  i83o  à  i836  peuvent  sembler  médiocres;  comparés  à  la 
moyenne  des  ministres  de  tous  les  temps,  i!s  restent  parmi  les  plus  es- 
timables et  les  plus  distingués.  Il  importe  d'ailleurs  de  s'entendre  sur 
les  mots.  Au  fond,  Périer  lui-même  n'est  pas  encore  pour  M.  Th.-D. 
un  véritable  homme  d'Etat.  «  Homme  d'une  crise  plutôt  que  d'un  sys- 
tème, plus  apte  à  l'action  qu'à  l'étude  et  à  la  méditation...  il  voulait 
raffermir  l'Etat  ébrr.nlé,  sans  se  piquer  d'apporter  une  doctrine  nou- 
velle... Sa  conception  de  l'ordre  était  évidemment  un  peu  terre  à  terre 
et  matérialiste;  le  dégoût  qu'il  éprouvait  pour  l'anarchie  était  moins 


236  revup:  ciutique 

celui  d'un  philosophe  que  celui  d'un  homme  d'affaires,  et  il  se  montrait 
plus  soucieux  d'assurer  la  paix  de  la  rue,  la  réussite  du  commerce,  le 
fonctionnement  de  la  machine  administrative  que  de  restaurer  dans  les 
âmes  Tordre  moral  si  gravement  troublé.   Après  tout,  il  répondait  au 
besoin  premier  du  moment...  »  (I,  p.   36/. )  «  ...  Comparée  à  ce  que 
doit  être  la  politique  d'une  époque  régulière,  elle  (la  politique  de  Périer) 
présente  encore  de  graves  lacunes.  »  (II,  p.  67.  Faiblesses  de  la  Politi- 
que de  Périer).  —  M.  Th.-D.  cite  avec  quelque  complaisance  cette 
boutade  de  Royer-Collard  :  «  Il  était  ignorant  et  brutal;  ces  deux  ver- 
tus ont  sauvé  la  France.  »  Toute  la  doctrine  de  Royer-Collard  n'aurait 
pas  maîtrisé  les  émeutes,  rétabli  l'ordre  dans  les  rues  et  rendu  la  conriance 
aux  fonctionnaires  qui  devaient  agir,  aux  gardes  nationaux  qui  devaient 
risquer  leur  vie.  A  chacun  son  rôle  :  Royer-Collard  rendait  des  oracles, 
Périer  rendit  des  services,  c'est  l'affaire  des  hommes  d'Etat.   En  réalité 
«  cette  politique  d'une  époque  régulière  )\  l'avait-on  jamais  connue,  au 
moins  depuis  le  commencement  de  ce  siècle?  La  Restauration  ne  laissa 
pas  de  s'occuper  de  la  doctrine  et   de  Tordre  moral,  mais  elle  le  fit  de 
telle  façon  que  la  machine  se  détraqua  et  que  le  désordre  reparut  aussi 
profond  que  jamais.  Quant  à  la  monarchie  de  Juillet,  bien  que  l'étude 
de  M.  Th.-D.,  s'arrête  à  i836,  il  nous  annonce  que  les  temps  héroïques 
sont  déjà  terminés.  «  On  allait  bientôt  s'en  rendre  compte,  au  spectacle 
de  la  longue  crise  qui  devait  se  prolonger  de  18 36  à  1840  :  triste  pé- 
riode de  décomposition  parlementaire  et  d'instabilité  ministérielle,  qui 
aboutira  au-dedans  au  démoralisant  scandale  de  la  coalition,  au  dehors 
à  la   périlleuse  mésaventure  de   1840.  »  (II,  p.  480.)  — Cependant,  à 
la  fin  de  cette  première  partie,  M.  Th.-D.  mesurant  le  chemin   par- 
couru, négligeant  le  détail  qui  est  confus  et  troublé,  ne  voyant  plus  que 
l'ensemble,  écrit  une  page  excellente,  qui   corrige  l'excès  de  ses  juge- 
ments. «  Considérons  les  grands  résultats  d'ensemble,  sans  nous  arrêter 
aux  petites  misères  de  détail,  conséquences  nécessaires  de  tout  gouver- 
nement  humain,  pas  plus  nombreuses,  mais  seulement  plus   en   vue 
avec  le  régime  parlementaire.  »   En  i83o  tout  s'écroule,  tout  est  me- 
nacé, la  société  comme  l'Etat  et  le  gouvernement.  «  Six  ans  s'écoulent, 
et  au  dedans,  la  révolution  est  contenue,  les  émeutes  écrasées...  la  sé- 
curité publique  rétablie;  le  gouvernement  a  reconquis  sa  force  maté- 
rielle et  une  partie  de  son  autorité  morale;  le  crédit  public  est  restauré, 
le  commerce  et  l'industrie  jouissent  d'une  prospérité  sans  précédent;  la 
religion  même  a  retrouvé,  auprès  de  la  société  moderne,  une  popularité 
qu'elle  n'avait  pas  connue  depuis  longtemps;  au  dehors,  la  paix  est  assu- 
rée, des  avantages  considérables,  comme  la  constitution  de  la  Belgique 
ont  été  obtenus...  Et  cette  victoire  sur  la   Révolution  a  été  remportée 
sans  qu'il  en  ait  rien  coûté  à  la  liberté,  sans  un  acte  arbitraire,  sans  une 
heure  de  dictature.  »  (II,  p.  430.) 

M.  Th.-D.  ne  s'est  pas  renfermé  dans  la  seule  histoire  politique  et 
parlementaire.  La  politique  extérieure  est  traitée  par  lui  avec  un  soin 


d'histoire  et  de  littérature  237 

particulier  :  je  ne  trouve  qu''à  louer  dans  cette  partie  essentielle  de  son 
ouvrage.  Il  sait  tout  ce  qu'on  peut  savoir  aujourd'hui,  il  l'expose  en 
termes  excellents  et  il  juge  avec  autant  de  pénétration  que  d'équité. 

Il  va  plus  loin  encore,  et  je  ne  saurais  trop  le  féliciter  de  l'avoir  tenté. 
Il  veut  composer  une  histoire  totale  :  la  reUgion,  la  littérature,  les 
sciences  sociales,  l'état  de  la  société  et  des  mœurs  occupent  dans 
ces  deux  volumes  une  place  considérable.  (T.  I,  1.  I,  ch.  viii  :  le 
Saint-Simonisme ;  ch.  ix,  le  Journal  l'Avenir;  ch.  x,  la  Révolution  de 
i83o  et  la  littérature. }Cqs  chapitres  qui  sont  parmi  les  plus  attachants 
du  livre,  sont  empreints  de  la  même  humeur  sombre,  de  la  même  sévé- 
rité altière  que  les  chapitres  politiques.  J'y  retrouve  le  même  penchant  à 
rattacher  à  la  révolution  de  i83o  des  événements  qui  en  sont  la  suite 
bien  plutôt  que  la  conséquence,  et  qui,  en  réalité,  procèdent  non  de 
cette  révolution,  mais  des  causes  plus  profondes  dont  cette  révolution 
même  est  sortie.  Elle  a  manifesté  ces  causes,  elle  ne  les  a  pas  créées. 
M.  Th.-D.  déclare,  il  est  vrai,  en  maint  endroit,  qu'il  s'en  prend  moins 
à  la  révolution  particulière  et  contingente  de  i83o,  qu'au  «  mal  révolu- 
tionnaire »  en  soi-même.  Sans  discuter  sur  le  caractère  et  la  définition 
du  «  mal  révolutionnaire  »,  je  crois  que  M.  T.-D.  en  exagère  les 
effets  dans  l'époque  qu'il  étudie. 

Cela  est  surtout  sensible  dans  le  chapitre  consacré  à  la  littérature. 
II  commence  par  cette  phrase  de  M.  de  Rémusat  :  «  Après  i83o,  il  ne 
s'est  guère  développé  que  les  semences  jetées  en  terre  durant  la  Restau- 
ration ».  J'en  conclus  deux  choses  :  c'est  qu'à  juger  par  la  récolte,  la 
semence  était  bonne,  et  que  s'il  y  a  eu  de  mauvaises  herbes,  elles  ont 
été  semées  en  même  temps  que  les  autres.  M.  Th.-D.  pense  que  l'orage 
de  juillet  a  tué  beaucoup  de  bons  germes  et  qu'il  a  développé  outre 
mesure  tous  les  mauvais.  Je  ne  conteste  ni  l'action  de  l'orage,  ni  celle 
de  l'inondation  qui  l'a  suivi  et  des  fièvres  qu'elle  a  engendrées;  mais 
je  discute  le  degré,  la  mesure  et  les  nuances.  Est-il  juste,  par  exemple, 
d'attribuer  au  «  mal  révolutionnaire  n  la  «  décadence  »  poétique  de 
Lamartine  des  Harmonies  (iS2Ç)]  à  la  Chute  d'un  ange  (i838)  en  pas- 
sant par  Jocelyn  (i835)?  Est-ce  le  développement  naturel  de  son  génie, 
comme  l'avait  si  bien  deviné  Sainte-Beuve,  ou  comme  le  croit  M.  Th.-D., 
l'avènement  de  Louis-Philippe  qui  conduit  Victor-Hugo  à  écrire  les 
Chants  du  crépuscule  ((835)  après  les  Feuilles  d'automne  (i83i)?  Je 
ne  découvre,  je  l'avoue,  que  les  effets  d'une  évolution  purement  litté- 
raire entre  Hernani  (i83o)  et  Ruy-Blas  (i838).  Il  me  semble  enfin  que 
toute  la  critique  que  fait  M.  Th.-D.  de  l'œuvre  de  nos  deux  grands 
poètes  après  i83o,  s'appliquerait  à  l'œuvre  de  Chateaubriand  sous  le 
Consulat,  l'Empire  et  la  Restauration,  ce  qui  diminue  sensiblement 
l'influence  absolue  des  «  trois  glorieuses  journées  »  sur  la  littérature. 

M.  Th.-D.  est  très  sévère  pour  le  théâtre.  Il  s'approprie  et  souligne  cet 
arrêt  du  duc  de  Broglie,  en  i835  .  «  Qui  est-ce  qui  ose  entrer  dans  une 
salle  de  spectacle,  quand  il  ne  connaît  la  pièce  que  de  nom!...  Le  théâ- 


238  REVUE    CRITIQUE 

tre  est  devenu  une  école  de  débauche,  une  école  de  crime  ».  (I,  p.  3 12.) 
Le  théâtre  n'a  guère  changé,  si  j'en  juge  parles  jugements  qu^on  en  porte. 
Sous  PEmpire,  on  attribuait  volontiers  cette  corruption  du  théâtre  au 
despotisme;  il  paraît  que  sous  Louis-Philippe,  elle  venait  de  la  liberté. 
«  Le  théâtre  n'était  pas  le  seul  grand  coupable.  Précisément  à  cette  épo- 
que, il  est  un  genre  qui  commence  à  prendre,  dans  notre  littérature,  une 
importance  dont  l'exagération  est  peut-être  à  elle  seule  un  signe  de  déca- 
dence :  c'est  le  roman.  »  (I,  p.  314.)  George-Sand  mène  au  socialisme  de 
1848  (I,  p.  319),  Balzac  fait  pire,  il  conduit  à  la  commune  de  1871.  (I, 
p  33o.).  Cest  «  une  sorte  d'abaissement  général,  et,  si  nous  osons  dire, 
d'enlaidissement  qui  résulte  de  la  révolution  de  i83o  ».  (I,  p.  35  5.) 
9  Chacun  avait  alors  comme  le  sentiment  d'une  décadence,  on  dirait 
presque  d'une  banqueroute  intellectuelle.  »  (I,  p.  35  2.)  Pensons  un 
peu  à  nous-mêmes,  qui  vivons  de  l'héritage  de  ces  banquerou- 
tiers, pensons  à  leurs  prédécesseurs  qui  sans  doute  n'avaient  fait  encore 
que  faillite,  et  rentrons  dans  la  mesure.  M.  Th.-D.  s'en  écarte  ici 
comme  dans  la  politique,  pour  le  prendre  de  trop  haut  et  se  placer  dans 
l'absolu.  Ce  n'est  point  qu'il  n'en  sorte  par  instants,  et  un  peu  inopiné- 
ment, par  des  traits  qui  visent  le  temps  présent.  Ce  sont  là  de  petites 
taches  en  une  oeuvre  aussi  grave  et  aussi  élevée  :  elle  est  au-dessus  des 
allusions.  Ces  entrefilets  de  polémique  accrochés  à  certains  chapitres 
étonnent  et  déroutent  le  lecteur. 

Albert  Sorel. 

P.  S.  —  J'avais  tcrminécet  article  lorsque  j'ai  lu  le  tome  VIII  et  dernier 
des  Mémoires  deMetternich  '.  La  présomption  de  ce  fameux  pontife  de 
la  monarchie  pure  s'y  étale  avec  une  ampleur  et  un  aplomb  faits  pour 
déconcerter  les  historiens  qui  tiennent  quelque  compte  de  la  chronologie. 
Larigueurdestt  principes  ?  de  Metternich  se  déclare  dans  toute  sa  majesté  ; 
on  n'a  jamais  parlé  des  faits  avec  plus  de  désinvolture,  ni  traité  l'expé- 
rience d'un  ton  plus  impertinent.  Il  n'y  a  aucun  rapprochement  à  faire 
entre  ce  monument  de  la  suffisance  aveuglée  de  soi-même,  et  une  œuvre, 
comme  celle  de  M,  Th.-D.,  qui  pèche  surtout  par  l'excès  de  la  critique. 
Toutefois,  quelques  lignes  que  je  trouve  dans  ce  tome  VIII  des  Mémoires 
de  Metternich,  me  paraissent  très  propres  à  faire  ressortir  ce  qu'il 
y  a  justement  d'excessif  dans  les  études  de  M.  Th.-D.  Jugeant  la 
France  au  mois  d'avril  1859,  c'est-à-dire  à  l'apogée  du  second  Empire, 
Metternich  écrit  ceci  (p.  624)  :  «  Huit  banqueroutes,  que  des  systèmes 
de  gouvernement  fondés  sur  des  théories  privées  de  toute  saine  pratique 
ont  imposées  à  la  France,  et  qui  composent  en  toute  vérité  son  histoire 
pendant  les  dernières  soixante-dix  années,  marquent-elles  la  fin  de  la 
détestable  situation  dans  laquelle  se  trouve  placé  le  second  empire  sous 

I.  Paris,  Pion.  18S4.  i  vol.  722  pages  avec  tables  analytiques  des  tomes  III 
à  VIII. 


d'histoire  kt  de  littérature  239 

le  troisième  Napoléon  ?»  —  Suit  la  pièce  à  l'appui,  c'est  une  note  au- 
tographe du  prince,  ainsi  conçu j  :  «  Liste  des  banqueroutes  qui  ont  eu 
lieu  en  France  dans  le  cours  des  dernières  soixante-dix  années  : 
i"  Entre  les  aimées  ijSç-ijpi  :  banqueroute  de  la  réforme  des  abus... 
et  celle  du  programme  d'une  royauté  constitutionnelle.  —  2"  Entre  les 
années  i'jQi-i'jg4.  Celle  de  la  république  une  et  indivisible  et  de  la 
Terreur.  —  3°  Entre  les  années  1795-1799-  Celle  de  la  république 
directoriale.  —  4"  Entre  les  années  1799-1804.  Celle  de  la  république 
consulaire.  —  5°  Entre  les  années  18,04-1814.,  banqueroute  de  l'em- 
pire. —  6°  Entre  les  années  i8i4-i83o.  Celle  de  la  royauté  légitime 
restaurée.  —  7°  Entre  les  années  1830-1848.  Celle  de  la  royauté  par- 
lementaire. —  8"  Entre  les  années  1848-1851 .  Banqueroute  de  la  répu- 
blique modérée.  »  Cet  arrêt  doit  nous  apaiser  un  peu  dans  nos  accès  de 
pessimisme  national,  car,  au  demeurant,  la  France  n'est  pas  morte,  et 
paradoxe  pour  paradoxe,  celui  de  sa  vie  a  sur  celui  de  sa  mort  l'avantage 
de  Tévidence.  Voici,  du  reste,  de  quoi  rabattre,  par  contre-coup,  la  con- 
fiance de  ceux  qui,  en  France  ou  au  dehors,  altriouent,  a  priori,  toutes 
ces  «  banqueroutes  »  à  la  Révolution  française  et  à  la  liberté.  C'est 
une  neuvième  banqueroute,  qui,  celle-là,  n'e.-t  impiitable  ni  à  la  Révo- 
lution ni  à  la  liberté,  c'est  la  banqueroute  de  iMeuernich  lui-même  : 
savez-vous  à  quoi  il  l'attribue?  Lisez  page  3oi,  et  méditez  :  «  La  diplo- 
matie est  le  seul  ressort  sur  lequel  J'aie  pu  exercer  quelque  influence, 
malgré  la  réputation  que  j'avais  de  tout  gouverner  dans  un  paj's  oii 
c'était  précisément  le  gouvernement  qui  manquait.  »!  —  Qu'entendait- 
il,  grand  Dieu!  par  un  gouvernement? 

A.  S. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  M.  P.  Batiffol  vient  de  publier  une  Note  sur  un  Evangeliairc  de 
Saint-G ail, contribution  à  l'histoire  deVItala  (Champion.  In-S",  8  p.). 

—  M.  H.  DE  CuRZON  a  fait  tirer  à  part  une  Notice  sur  l'église prieitrale  de  Saint- 
Germain-des-Fossés  (Allier),  dont  il  fixe  la  date  de  la  construction  à  la  tin  du 
xi"=  siècle-  cette  église,  outre  Tintérêt  que  présente  ses  difiérenies  voûtes,  a  le  mérite 
d'être  parfaitement  une  et  intacte  dans  toutes  ses  parties. 

—  M.  Jules  Flammermont  a  fait  paraître  :  i"  une  étude  sur  les  jésuites  et  les  par- 
lements au  xvme  siècle  (conférence  faite  cà  Poitiers  le  7  février  i885  à  la  Ligue  de 
l'enseignement.  Picard.  In-S",  22  p.);  2°  une  brochure  mmulct  Des  facilités  de 
travail  assurées  en  Allemagne  aux  professeurs  des  universités  de  province  (il  suffit 
d'en  reproduire  la  conclusion  :  «  Q.uand  les  professeurs  des  facultés  de  province 
posséderont  les  facilités  de  travail  dont  jouissent  les  professeurs  des  universités  alle- 
mandes, quand  ils  auront  comme  eux  cinq  mois  de  vacances  par  an,  quand  les 
grandes  bibliothèques  et  les  archives  de  Paris  leur  prêteront  les  livres,  les  manus- 


240  REVUE    CRITIQUE   DHISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

crits,  les  registres  et  les  documents  dont  ils  auront  besoin,  alors  seulement  on  aura 
le  droit  de  les  accuser,  s'ils  ne  produisent  pas  plus  de  travaux  scientifiques  qu'ils 
ne  le  font  aujourd'hui  que  le  temps  et  les  moyens  de  travail  leur  font  absolument 
défaut  n)  ;  3»  Négociations  secrètes  de  Louis  X  VI  et  du  baron  de  Breteuil  avec  la  cour 
de  Berlin,  décembre  ij  gi-juillet  iyg2,  lettres  et  documents  authentiques  ;  nous  re- 
viendrons probablement  sur  ce  dernier  ouvrage  très  utile  à  tous  ceux  qui  étudient 
l'histoire  des  origines  de  la  première  coalition. 


ACADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET   BELLES-LETTRES 


Séance  du  i3  mars  i885. 

L'Académie  reçoit  l'ampliation  d'un  décret  du  président  de  la  République,  portant 
approbation  de  'l'élection  de  M.  de  Mas  Latrie  à  la  place  de  membre  libre  laissée 
vacante  par  la  mort  de  M.  Baudry.  M.  de   Mas  Latrie  est  introduit  et  prend  place. 

M.  le  Ministre  de  l'Instruction  publique  invite  par  lettres  l'Académie  à  présenter 
des  candidats  pour  les  chaires  de  philologie  latine  et  de  langues  et  littératures  de 
la  Perse,  actuellement  vacantes  au  Collège  de  France.  L'assemblée  des  professeurs  du 
Collège  de  France  a  présenté,  pour  la  chaire^ d'éloquence  latine,  en  première  ligne, 
M.  Louis  Havet,  et  et  en  seconde  ligne,  M.  Emile  Châtelain;  pour  la  chaire  de  lan- 
gues et  littératures  de  la  Perse,  en  première  ligne,  M.  James  Darmesteter,  et,  en 
conde  ligne,  M.  Clément  Huart.  La  question  est  mise  à  l'ordre  du  jour  de  la  pre- 
chaine  séance. 

M.  Ravaisson  termine  la  seconde  lecture  de  son  mémoire  sur  VHercule  ÈTTiTpa- 
"Tzi'Ç'.O^  de  Lvsippc.  Puis  il  communique  une  notice  sur  un  vase  grec  qui  a  fait  par- 
tie de  la  collection  Campana  et  qui  appartient  aujourd'hui  au  musée  du  Louvre.  Ce 
vase  est  décoré  de  deux  tableaux  qui  ont  étc  expliqués  jusqu'à  présent  comme  re- 
présentant l'un  la  colère  d'Achille,  qu'Ulysse  et  Diomède  s'etïbrcent  de  calmer,  l'au- 
tre la  Mort  et  le  Sommeil  transportant  le  corps  de  Memnon.  Selon  M.  Ravaisson, 
Achille,  dan.,  le  premier  de  ces  tableaux,  est  habillé  en  femme;  dans  le  second, 
c'est  encore  lui  que  portent  le  Sommeil  et  la  Mort  :  il  pense  donc  que  le  tableau 
représente  Achille  à  Scyros,  au  moment  où,  cédant  aux  exhortations  d'Ulysse  et  de 
Diomède,  il  va  les  suivre  à  Troie,  et  le  second  le  même  héros  transporté,  après  sa 
mort,  au  séjour  éternel.  Ces  deux  tableaux,  dit-il,  offrent  un  exemple  frappant  de  la 
pensée  qu'il  a  souvent  signalée  comme  présidant  à  la  décoration  des  monuments 
funéraires,  et  en  particulier  des  vases  qu'on  déposait  auprès  des  morts,  celle  de  la 
vertu  héroïque  récompensée  par  la  félicité  éternelle  et  couronnée  par  l'apothéose. 

L'Académie  se  forme  en  comité  secret. 

Ouvrages  présentés:  —  par  M.  Desjardins  :  Mariette  (Auguste),  Identification 
des  dieux  d'Hérodote  avec  les  dieux  égyptiens  l'extrait  de  la  Revue  archéologique)  ; 
—  par  M.  Ravaisson:  Uzielli,  Ricerche  intorno  a  Lionardo  da  Vinci,  seconda  série 
(Rome,  1884)  ;  —  par  M.  Bergaigne  :  Henry  CVictor),  Trente  Stances  du  Bhdminî- 
Vildsa,  accompagnées  de  fragments  du  commentaire  de  Manirdma  ; —  par  M.  Sé- 
nart  :  Colinet,  la  Théologie  de  la  Bhagavad-Gîtâ;  —  par  M.  Bréal  :  Bréal  (Mi- 
chel) et  Batlly  (Anatole):  Dictionnaire  d'étymologie  latine  ;  par  M.  Delisle:  i"  Cail- 
LEMER,  Lettres  Je  divers  savants  à  l'abbé  Cl.  Nicaise;  2"  Anonyme  de  Cordoue, 
chronique  rimée  des  derniers  rois  de  Tolède,  etc.,  publiée  par  le  P.  J.  Tailhan. 

Julien  Havet. 

SOCIÉTÉ  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANGE 


Séance  du  4  mars  188 5. 

PRÉSIDENCE  DE    M.   L.    COURAJOD 

M.  Léon  Palustre  adresse  une  note  sur  une  inscription  qui  se  lit  sur  un  chapiteau 
du  xii«  siècle  dans  l'église  de  ChâtilJon-sur-Indre  et  qui  donne  le  nom  d'un  sculp- 
teur inconnu  jusqu'ici.  Elle  est  ainsi  conçue  :  Petrus  Janitor  capitellum  istudfecit 
primum. 

M.  l'abbé  Thédenat  fait  circuler  une  inscription  sur  plaque  de  bronze,  trouvée  à 
Rome  et  faisant  partie  de  la  collection  de  M.  Dutuit.  Ce  bronze  a  été  érigé  en  l'an 
198  par  le  peuple  des  vici  de  la  onzième  Région  en  l'honneur  deP.  Septimus  Géta, 
récemment  élevé  à  la  dignité  de  César. 

Le  Secrétaire, 
Signé  :  R.  de  Lasteyrie. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX^ 

Le  Puv,  imprimerie  de  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET    DE    LITTÉRATURE 


No  13  —  30  mars  —  1885 


Sommaire  î  4Q.  Reinisch,  Travaux  sur  les  langues  africaines.  —  5o.  Bréai,  et 
Bailly,  Dictionnaire  étymologique  latin.  —  5i.  Sumner  Maine,  Ktudes  sur 
l'ancien  droit  et  la  coutume  primitive;  J.  Kohlur,  Shakspeare  devant  le  forum 
de  la  jurispriidence;  Post,  Les  fondements  du  droit.  —  Chronique.  —  Académie 
des  Inscriptions.  —  Société  des  Antiquaires  de  France. 


49.  —  Quelques  ttuvaux  de  M.  Léo  Eîetnîsclj   sui-  les  Ir.Eîgucs  africai- 


nes : 


1°  Die  Kunama  Sprache  in  Nordost-Âfrika,  Leip/ig,   1881. 

2"  Die  Saliosprache,  Vienne,   1878. 

3»  Die  Sprache  dcv  Irob-Saho,  in  Abessinien,  Vienne,  1878. 

4"  Dit'  Bilin-Spraclie,  in  nord-ost  Afrika,Vitnne,  1882. 

5"  Die  Chamir sprache,  in  Abessinien,  I  et  II,  Vienne,  1884, 

La  philologie  africaine  doit  à  la  plume  féconde  du  célèbre  égyptolo- 
gue  et  voyageur  M.  Léo  Reinisch,  membre  correspondant  de  TAcadé- 
mie  impériale  de  Vienne,  une  riche  série  de  travaux  remarquables  qui 
laissent  loin  derrière  eux  tout  ce  qui  a  paru  jusque-là  sur  ce  domaine 
si  peu  accessible.  Observateur  scrupuleux  et  travailleur  infatigable, 
M.  L.  R,  a  profité  de  son  séjour  réitéré  en  Afrique  pour  recueillir  de 
nombreux  documents  dans  les  langues  les  plus  diverses  du  Soudan  égyp- 
tien et  de  l'Abyssinie.  Les  œuvres  grammaticales  que  M.  R.  a  écrites 
sur  les  langues  soudaniennes  me  sont  très  imparfaitement  connues;  je 
signalerai  surtout  une  excellente  grammaire  barea  et  une  grammaire 
noûba  qui  conserve  toute  sa  valeur,  ù  côté  de  la  grammaire  monumen- 
tale de  M.  Lepsius.  Les  travaux  énumérés  ci-dessus  se  rapportent  au 
contraire  à  des  idiomes  qui  se  parlent  dans  des  contrées  contiguës  à 
l'Abyssinie,  ou  formant  partie  du  royaume  des  Négous.  Le  premier  de 
ces  cinq  idiomes,  le  kounama,  appartient  d'après  le  jugement  de  M.  R. 
à  la  famille  noûbâ  ou  nilotique;  les  quatre  autres  se  rangent  avec  certi- 
tude dans  la  famille  qu'on  est  habitué  à  appeler  chamitique,  dont  le 
type  le  plus  ancien,  sinon  le  plus  parfait,  est  l'égyptien  des  vieux  mo- 
numents pharaoniques,  avec  son  descendant  direct,  le  copte.  De  grandes 
autorités,  et  M.  R.  en  est  sans  conteste  l'une  des  plus  compétentes,  opi- 
nent pour  la  connexité  primitive  des  langues  chamitiques  avec  les  lan- 
gues sémitiques.  Pendant  longtemps,  j'avais  moi-même  caressé  cette 
idée;  les  recherches  ultérieures  m'ont  cependant  obligé  à  y  renoncer. 
Je  reparlerai  plus  loin  de  cette  question  importante.  Pour  le  moment, 
il  suffit  de  savoir  que  tous  les  cinq  idiomes  dont  M.  R.  nous  donne 
les  grammaires  étaient  naguère  fort  peu  connus  et  que  l'auteur  a 
Nouvelle  série.  XIX.  i3 


2^2  HKVCi     CKillv^L'K 

bien  mérité  de  la  science  de  les  avoir  rendus  accessibles  à  Tinvestigation 
philologique. 

Voici  d'abord  quelques  observations  succinctes  sur  ces  peuples  : 
Les  Kounarna  sont  appelés  Bd:{d  par  les  Tigré  du  Barka  et  Schan- 
gallâ  par  les  Abyssins.  Ils  habitent  le  plateau  situé  au  nord  des  pro- 
vinces abyssiniennes  Adyabo  et  Walqaïth,  des  deux  côtés  du  Mareb 
ou  Gasch.  C'est  la  nation  la  plus  cgalitaire  du  monde  :  il  n'y  a  ni  chefs 
ni  sujets.  Le  clan  (lâga)  laisse  la  commune  dans  l'indépendance  la  plus 
absolue,  et  la  commune  ne  connaît  d'autre  autorité  que  celle  de  l'assem- 
blée que  tout  homme  marié  a  le  droit  de  convoquer.  A  cette  occasion, 
le  débat  est  engagé  par  les  membres  les  plus  jeunes  et  terminé  par  les 
vieillards  qui  imposent  leur  décision  par  la  seule  menace  de  maudire  le 
récalcitrant.  Cette  absence  totale  de  gouvernement  convient  très  bien 
au  caractère  paisible  des  Kounama,  qui  sont  de  bons  agriculteurs  mais 
dépourvus  de  tout  sentiment  d'intérêt  commun.  Aussi  sont-ils  conti- 
nuellement les  victimes  des  gouvernements  égyptien  et  abyssinien,  qui 
font  des  razzia  annuelles  dans  le  pays  afin  de  lever  le  tribut  et  d'y  faire 
des  esclaves.  Les  idées  religieuses  des  Kounama  sont  des  plus  maigres  : 
elles  se  bornent  à  la  croyance  vague  d'un  séjour  des  morts  et  à  la 
croyance  à  la  puissance  du  Maître  de  la  pluie  [àula  manna],  sorte  de  ma 
gicien  dont  la  fonction  consiste  à  faire  descendre  du  ciel  une  pluie  abon- 
dante pour  les  récoltes  et  qui  est  impitoyablement  massacré  s'il  échoue. 
L'idée  de  Dieu  y  existe  à  peine  et  le  mot  pour  «  Dieu  5)  (anna)  semble 
emprunté  à  l'arabe  allah.  La  vie  de  famille  est  assez  relâchée,  le  kou- 
nama étant  peu  porté  à  la  jalousie;  les  enfants  légitimes  ou  non,  appar- 
tiennent à  la  commune  et  le  droit  des  successions  est  du  côté  maternel. 
La  race  est  d'ailleurs  assez  laide;  le  type  nègre  prédomine  surtout  chez 
les  Dika,  voisins  de  l'Abyssinie.  La  plus  belle  création  du  peuple  kou- 
nama est  sa  langue,  une  des  plus  harmonieuses  du  monde.  Pendant 
mon  séjour  à  Tendere,  en  pays  kounama,  et  ayant  encore  les  oreilles 
toutes  pleines  des  sons  rauques  et  gutturaux  des  idiomes  abyssiniens, 
la  langue  de  ce  peuple  faisait  sur  moi  l'effet  d'une  musique  délicieuse 
et  je  ne  pouvais  m'en  rassasier.  Malheureusement  je  ne  me  suis  arrêté 
chez  lui  que  peu  de  jours  et  les  quelques  notes  que  j'y  ai  prises  ont  été 
publiées  dans  une  Revue  peu  répandue  et  sont  par  conséquent  demeu- 
rées inconnues  à  M.  Reinisch. 

Les  habitudes  si  foncièrement  sédentaires  et  agricoles  des  Kounama 
ont  fait  suggérer  l'idée  que  ce  peuple  a  été  rejeté  malgré  lui  sur  le  pla- 
teau aride  qu'il  habite  actuellement  et  qui  convient  plus  à  la  vie  de 
pasteur  qu'à  l'agriculture.  Le  fait  que  plusieurs  mots  kounama,  parmi 
lesquels  quelques-uns  relatifs  à  l'agriculture  et  à  l'organisation  commu- 
nales sont  empruntés  à  l'agau  de  Lasta,  semble  confirmer  une  rumeur 
assez  vague  recueillie  par  IMunzinger,  suivant  laquelle  les  Kounama 
auraient  primitivement  habité  l'intérieur  de  l'Abyssinie  et  auraient  été 
les  Axumitains  présémitiques.  En  attendant  sa  publication  sur  la  con- 


d'histoire    Kl    DE    LITTÉRATURE  243 

nexion  du  kounama  avec  le  noûbâ,  je  prends  la  liberté  de  soumettre  au 
savant  auteur  certaines  considérations  qui  me  semblent  témoigner  en 
faveur  d'une  parenté  très  intime  entre  le  kounama  et  les  langues  cha- 
mitiques. 

Des  cinq  numéraux  fondamentaux  du  système  quinaire  des  Kou- 
nama, trois  sont  d'une  clarté  parfaite  :  élla  «  un  »  signifie  «  pointe  »; 
bdre  «  deux  »,  est  «  répétition  »  ;  kûssume  «  cinq  »  est  la  contraction  de 
konsii-me,  mot  à  mot  «  main  ou  doigts  indiquant  »  (p.  78-9).  Ce  sont 
donc  des  mots  indigènes;  or,  ces  termes  non  seulement  reviennent  dans 
les  numéraux  chamitiques,  mais  ils  servent  même  à  les  expliquer.  Ainsi, 
en  saho,  kôn  «  cinq  »  est  tout  à  fait  identique  au  mot  correspondant  du 
kounama  ;  elel  «  premier  »  reçoit  son  explication  par  le  kounama  elle 
«  un  »•,  bahâr  «  huit  w  semble  n'être  qu'une  forme  développée  de  k. 
bare  «  deux  »  en  sous-entendant  le  nombre  4,  Il  y  a  plus,  le  saho  adôh 
«  trois  »  est  plus  usé  que  le  kounama  saddé,  ayant  perdu  le  s  initial, 
ainsi  que  le  prouve  le  numéral  sa^-:{am  «  trente  »,  contracté  de  sad-tam 
a  trois-dix  ».  En  un  mot,  la  parenté  entre  les  noms  de  nombre  kounama 
et  saho  est  hors  de  doute,  n'est-ce  pas  une  preuve  que  ces  deux  peuples 
sont  rattachés  l'un  à  l'autre  par  un  lien  plus  étroit  que  celui  d'un  simple 


voisinage? 


Ce  sentiment  est  encore  corroboré  par  des  comparaisons  grammati- 
cales d'un  caractère  plus  intime.  Ainsi,  la  désinence  du  cas  objectif  5f 
est  commune  au  kounama  et  à  l'agaou  ;  le  verbe  koumana  da  «  dire, 
faire  »  explique  la  désinence  causative  d  du  bilîn;  la  postposition  locale 
kounama  là  se  rapproche  visiblement  de  la  postposition  agaou  li  «  avec  ». 
Je  pourrais  augmenter  considérablement  le  nombre  de  ces  rapproche- 
ments, mais  ceux  qui  précèdent  suffisent  peur  indiquer  la  nature  des 
énigmes  auxquelles  l'origine  des  Kounama  donne  lieu. 

Le  peuple  saho,  composé  de  sept  tribus  principales,  ayant  chacune 
plusieurs  subdivisions,  est  beaucoup  plus  connu,  à  cause  de  la  région 
maritime  qu'il  habite  et  qui  est  située  presque  en  face  de  l'île  de  Mas- 
soua.  Son  origine  n'a  non  plus  rien  d'obscur,  car  il  appartient  sans  au- 
cun doute  possible  à  la  nation  des  Dankali  ou  Danâkil,  nation  qui  dans 
la  haute  antiquité  a  été  étroitement  unie  aux  Galla  du  sud  de  l'Abyssi- 
nie.  C'est,  à  ce  que  je  crois,  la  race  autochtone  du  littoral  abyssinien. 
On  est  tout  d'abord  tenté  de  supposer  que  la  séparation  entre  les  Saho 
et  les  Danâkil  a  été  effectuée  par  l'invasion  des  Sémites.  Ceux-ci,  ayant 
poussé  les  Saho  vers  le  nord,  auraient  occupé  le  territoire  intermé- 
diaire et  auraient  rendu  désormais  impossible  la  jonction  des  tribus 
détachées  à  leurs  congénères  méridionaux.  La  grande  affinité  qui  existe 
encore  aujourd'hui  entre  les  langues  des  deux  branches  de  la  nation 
Dankali,  milite  cependant  en  faveur  de  la  tradition  populaire  qui  place 
l'immigration  des  Saho  à  quatorze  générations  avant  l'époque  actuelle. 
Ajoutons  en  passant,  que  l'arrivée  des  Abyssins  sémitiques  en  Afrique  ne 
date  pas  de  très  loin,  Plusieurs  indices  conduisent  à  ce  résultat.  Aaoulis, 


244  RKVUK    CRITiQL'E 

la  plus  ancienne  fondation  sémitique  sur  la  côte  africaine  (du  gucez  dajpal 
«  contrée  »,  pi.  adiudlj,  n'est  pas  connue  de  Strabon,  et  la  fable  elle- 
même  qui  fait  fonder  Adoulis  par  des  esclaves  échappes  à  la  servitude 
et  qui  repose  sur  une  étymologie  grecque  (à-  oouXsi'a),  ne  la  fait  remonter 
qu'à  Pépoque  ptolémaïque.  Cette  considération  seule  suffit  déjà  pour 
nous  rendre  méHant  à  Tégard  des  identifications  que  certains  égyptolo- 
gues  ont  proposées  pour  les  noms  de  lieu  du  littoral  érythréen  mention- 
nés dans  les  monuments  de  Toutmcs  III  et  des  Ramessides,  monuments 
dans  lesquels  ils  croient  trouver  les  noms  d'Adoulis  et  d'Axum  ! 

Les  Irob,  divisés  en  deux  grandes  familles,  habitent  le  versant  sud- 
ouest  de  la  province  de  Hamasien,  en  Abyssinie.  Ils  sont  chrétiens, 
parlent  un  dialecte  du  saho  et  prétendent  tirer  leur  origine  de  négociants 
romains,  d'où,  disent-ils,  leur  nom  /roè  (=/ro?n).  Il  paraît  plus  pro- 
bable que  cette  dénomination  ne  soit  qu'une  variante  du  nom  national 
des  Galla,  oroma,  qui  signifie  «  hommes  ».  Ils  jouissent  d'une  indé- 
pendance complète  vis-à-vis  de  l'Abyssinie,  et  la  seule  obligation  que 
le  chef  fraddntej  des  Irob  doit  accomplir  envers  le  Negous  consiste  à 
lui  envoyer  annuellement  à  titre  d'hommage  une  vache  grasse  et  un 
pot  de  miel. 

Sous  le  nom  de  Bilîn,  Fauteur  désigne  les  tribus  de  race  agaou  qui 
habitent  le  pays  de  Bogos,  plateau  montagneux  arrosé  par  l'Anseba  et 
situé  au  nord  de  la  province  abyssinienne,  Dembélas.  L'émigration 
partit  de  l'intérieur  de  l'Abyssinie  sous  la  conduite  d'un  chef  nommé 
Gebre-Ther^ê,  originaire  du  Lasta.  Les  Bilîn  comptent  quatorze  géné- 
rations depuis  Gebrc-Ther^é.  Les  autres  Agaou,  qui  paraissent  avoir 
formé  la  population  principale  de  TAbyssinie  avant  l'arrivée  des  Sémites, 
se  donnent  eux-mêmes  le  nom  de  Kham  ou  Khamir,  surtout  dans  la 
Lasta  et  le  Wâg. 

Voilà  les  peuples  sur  les  langues  desquels  M.  R.  donne  les  renseigne- 
ments les  plus  complets.  La  difficulté  d'une  entreprise  aussi  vaste  n'a  pas 
besoin  d'être  relevée,  mais  elle  ne  pourra  être  appréciée  à  sa  juste  valeur 
que  par  ceux  qui  ont  eux-mêmes  fait  des  tentatives  analogues.  Pendant 
mon  séjour  au  Bogos  et  en  Abyssinie,  la  transcription  exacte  des  mots 
agaou  me  causait  une  peine  extraordinaire,  à  tel  point  que  j'ai  fini  par 
prendre  cette  langue  en  grippe  et  à  ne  me  servir  dans  mes  relations  avec 
les  Falascha,  que  de  la  langue  amharique.  Aussi  ai-je  du  me  borner  à 
des  notices  rapides  et  très  imparfaites".  Toutes  ces  lacunes  sont  heureu- 
sement comblées  par  les  études  de  M.  Reinisch.  Les  critiques  les  plus 
difficiles  y  trouveront  à  peine  quelque  vétille  à  reprendre.  Pour  ne  pas 
oublier  entièrement  le  métier,  je  ferai  les  observations  suivantes  sur  le 
mode  de  transcription  adopté  par  le  savant  auteur. 

Si  l'on  fait  abstraction  des  textes  Kounama,  M.  R.  choisit  pour  tous 
les  autres  textes  la  transcription  éthiopienne,  en  parlant  de  cette  hypo- 

I.  Essai  sur  la  langue  agaou,  le  dialecte  des  Falacha.  Paris,  187?. 


d'mISîOJHË    Kl     DK     LITTi-^RATtJRE  245 

thèse  que  les  langues  saho  et  agaou  appartiennent  à  la  famille  sé- 
mitique. Il  aurait  été  plus  simple  de  prendre  pour  base  la  trans- 
cription latine  seule,  qui  rendait  inutile  le  soulignement  des  voyelles 
(5.,  p.  J4-i5)qui  agace  la  vue  et  complique  la  phonologie,  surtout 
a  propos  de  la  prononciation  du  schewa  mobile  [B.,  p.  18-19).  ^c  ca- 
ractère guëëz  ne  sera  d'ailleurs  jamais  accepté  par  les  Saho  et  les  Bilîn, 
qui  sont  musulmans.  Quant  aux  Chamir,  qui  sont  chrétiens,  si  jamais  ils 
voulaient  créer  une  littérature  nationale,  ils  ne  pourraient  se  servir  de 
l'alphabet  éthiopien  qu'après  lui  avoir  fait  subir  de  nombreuses  moditi- 
cations.  Les  Irob-Saho  seuls,  également  chrétiens,  peuvent  s'en  servir 
tel  quel,  à  cause  de  la  simplicité  relative  de  leur  langue;  mais  pour 
TEuropéen,  la  référence  constante  àPorthographe  éthiopienne  est  des  plus 
fatigantes  et  s'exécute  au  plus  grand  détriment  de  l'étymologie. 

Passons  eniin  à  signaler  certaines  particularités  de  ces  langues. 

Les  pronoms  personnels  kounama  ont  trois  nombres  :  singulier,  duel 
et  pluriel  ;  le  duel  se  distingue  du  pluriel  par  la  longueur  des  voyelles. 
Ainsi  :  a  «  mon  «,  e  «  ton  »  i  «  son  »;  âme  <c  nous,  nos  deux  »,  ême 
«  vous,  vos  deux  »,  îme  «  eux,  leurs  deux  »  ;  âme  «  nous,  notre,  nos  )>, 
éme  «  vous,  votre,  vos  »,  ime  «  eux,  leur,  leurs  ».  —  Les  suffixes  rela- 
tifs-?7Z<^  et  -j'â,  reviennent  en  saho  sous  une  forme  presque  identique  : 
-m  ou  -mi  et  j^d.  —  Le  suffixe  de  Taoriste,  ke,  rappelle  le  préfixe 
haoussa  du  parfait,  A"a,  —  La  formation  d'un  nom  verbal  par  la  termi- 
naison a  est  aussi  usitée  en  saho.  en  agaou  et  en  haoussa.  —  Une  forme 
remarquable  est  le  suffixe  de  privation,  -itta,  qui  coïncide  avec  le  pré- 
fixe négatif  égyptien  at.  —  Au  suffixe  négatif  du  ïutur -uni,  on  compare 
avec  vraisemblance  le  préfixe  galla  en;  celui  de  Taoriste,  -mmi,  a  toute 
chance  d'être  le  même  que  le  préfixe  saho,  jua.  —  La  particule  énde 
«  comme  »  est  empruntée  à  l'amharique.  —  Les  curieuses  formules  de 
serment  :  eb-i-a  «  apud  ejus(scil.  patris  mei)  penem!  »  et  dendir  (ou 
sin]  -i-a-lâ  «  apud  ejus  (scil.  matris  meae)  vulvam  !  »  est  l'écho  d'un 
usage  qui  était  aussi  connu  des  Hébreux  (Genèse,  xxiv,  2).  —  Le  dicton 
«  Répands  les  réaux  par  terre,  car  de  nouveaux  réaux  y  apparaîtront 
{riyâne-si  Idga-ta  ut  uni,  Kûla-lâ  riydnai  tâmmdi  agunk'  o-ld-na-md) 
réfléchit  notre  adage  populaire  :  «  L'argent  attire  l'argent  »  qui  a  été  si 
bien  exploité  par  la  toute  récente  sorcière  de  Villepoint. 

J'ai  déjà  parlé  plus  haut  des  nonTs  de  nombre  saho.  Le  préfixe  m  qui 
forme  les  ordinaux  de  2-5  est  sans  doute  identique  au  relatif  postpositif 
m;  son  équivalent  yâ  forme  les  autres  ordinaux  sans  changer  de  place; 
sarâ  1  second  »  signifie  au  propre  «  (celui  de)  derrière  ».  —  Le  pronom 
indéfini;^///  «  l'un  »  explique  le  numéral  agaou /a  «un  »,  dont  la  forme 
pleine  wdl  apparaît  dans  wâl-ta  «  six  »,  au  propre  «  un  et  (cinq)  ».  — 
La  division  des  verbes  en  deux  classes  selon  que  leurs  désinences  de  déri- 
vation sont  des  préfixes  ou  des  suffixes  est  aussi  le  trait  caractéristique 
des  langues  bedja  et  agaou.  Le  galla  et  le  haoussa  préfèrent  les  formes 
postpositives,  tandis  que  les  langues  du  nord,  l'égyptien  et  le  berbère. 


246  RËVUK    CKITIQUK 

n'ont  que  des  préformantes.  Ces  désinences  sont  presque  les  mêmes 
dans  toutes  ces  langues  :  s,  sJi  marque  le  causatif,  t,  le  réfléchi  ;  ;72,  jî  le 
passif,  et  elles  peuvent  encore  se  combiner  l'une  avec  l'autre  pour  for- 
mer des  voix  verbales  analogues  aux  formes  sémitiques  ishtaf'al  et 
tanfa'al.  Tous  les  idiomes  chamitiques  possèdent  en  outre  une  voix 
énergique,  formée  par  le  redoublement  d'une  ou  de  deux  lettres  de  la 
racine,  comme  le  piél  ou  pilpél  des  langues  sémitiques.  —  Ce  qui  frappe 
dans  lesaho,  c'est  le  grand  nombre  de  racines  verbales,  pour  la  plupart 
monosyllabiques,  qui  expriment  l'idée  d'existence  et  de  devenir  ;  ainsi 
rt,  ne,  ki  signifient  «  être  »,  //  «  avoir  »,  ke  «  devenir  ».  Le  dernier  de 
ces  verbes  paraît  se  cacher  dans  la  désinence  de  l'aoriste  kounama  dont 
j'ai  parlé  précédemment.  —  Au  verbe  auxiliaire  négatif  jvay  a  man- 
quer, ne  pas  trouver  »  on  est  tenté  de  comparer  la  négation  haoussa 
ba-baet  Pégyptien^zf;  l'auxiliaire  du  potientiel  digh^righ, szmhlQ  ne  pas 
différer  de  dag^  lag  «  savoir  »,  en  agaou,  areq.  —  Le  suffixe  individua- 
lisant des  noms  saho,  ta^  to  doit  être  identifié  avec  le  suffixe  indéfini  ti 
«  un  »  mentionné  ci-dessus;  !e  numéral  galla  tôko  «  un  »  consiste  peut- 
être  en  cette  racine,  augmentée  d'un  suffixe.  —  Le  saho,  comme  toutes 
les  autres  langues  chamitiques,  possède  une  sorte  de  pluriel  brisé,  mais 
la  faculté  d'indiquer  le  pluriel  par  le  préfixe  a  (a-lah  «  chèvres  »  de 
lah;  a-riih  «  esprits  »  de  ruh)  lui  est  particulière. 

A  propos  des  idiomes  agaou,  il  est  curieux  de  voir  que  le  bilîn  est 
beaucoup  plus  intact  que  Tidiome  de  la  majorité  de  la  race,  le  khamir. 
C'est  un  phénomène  parallèle  à  la  corruption  du  guëëz  en  A'oyssinie  et 
à  sa  conservation  relative  chez  les  Tigré  nomades  du  Mensa.  En  fait  de 
phonétique,  il  importe  de  signaler  que  le  khamir  n'emploie  pas  les 
sons  aleph  eVain  que  possède  le  bilîn,  l^ait  d'où  il  ressort  que  ces  sons 
ont  été  empruntés  aux  idiomes  simitiques.  La  même  conclusion  doit 
être  tirée  au  sujet  des  sons  thet,  çade,  chade  employée  en  khamîr  et  que 
le  bilîn  transforme  enty  et  sch.  Remarquons  en  passant  que  M.  R. 
traite  de  la  phonologie  agaou  avec  un  soin  des  plus  consciencieux  : 
celle  du  bilîn  occupe  dix  pages;  celle  du  khamir  trente-six;  cette 
dernière,  à  cause  de  son  extrême  complication  et  difficulté,  résume 
un  travail  considérable  et  mérite  notre  reconnaissance  spéciale.  Non 
moins  méritoire  est  le  traitement  aussi  minutieux  que  méthodique  du 
verbe  agaou  dans  les  deux  dialectes:  M.  R.  a  su  introduire  dans  cette 
partie  du  discours  si  compliquée  toute  la  lumière  désirable.  Parmi  tant 
de  singularités  que  présente  ce  verbe  agaou,  la  plus  étrange  est  l'emprunt 
de  la  négation  éthiopico-amharique  al,  ala  (|  65)  et  des  suffixes  régimes 
tigré  :  -le,  il  le  «  à  moi,  me  »,  kâ,  -ilkâ  «  à  toi,  te,  »,  -kî  ilkî  «  à  toi,  te 
fém.  »,  -lu,  illû  «  à  lui,  le  »,  -là,  -illâ  «  à  elle,  la  »,  -na,  ilnâ  «^  à  nous, 
nous  »,  -kiim,  -ilkum  «  à  vous,  vous  »,  -lom,  -illom  «  à  eux,  eux  v, 
-/en,  -illen  «  à  elles,  elles  »  (§  76).  C'est  là  un  exemple  frappant  du 
passage  de  flexions  sémitiques  dans  les  langues  africaines,  car  je  ne 
pense  pas  qu'on  puisse  soutenir  avec  quelque  vraisemblance  que  ces 


D'iJiSTOIRE    ET    DE    MT'IKI'.VÎIIRE  247 

désinences  soient  primitives  en  bilîn;  et  la  circonstance  qu'elles  font 
défaut  au  khamîr  montre  bien  que  l'emprunt  est  très  récent.  L'em- 
prunt par  les  Sémites  de  particules  africaines  parait  aussi  être  un  fait; 
de  ce  nombre  je  me  contenterai  de  citer  les  désinences  d'abstraction 
nat,  «a  en  guëëz  qui  semblent  venir  de  l'agaou.  Devant  des  phénomènes 
de  cette  nature,  on  arrive  à  se  demander  si  les  formatives  personnelles  du 
verbe  chamitique,  presque  identiques  à  celles  du  verbe  sémitique,  ne 
viennent  pas  de  cette  dernière  source,  ou  tout  au  moins  d'une  source 
commune  et  préhistorique.  Mais,  la  supposition  que  les  idiomes  des 
Chamites  forment  une  subdivision  des  langues  sémitiques,  n'est  accepta- 
ble qu^à  la  condition  qu^on  puisse  prouver  que,  en  dehors  de  ces  parti- 
cules, il  y  ait  encore  un  grand  nombre  d'autres  racines  communes,  ou 
réductibles  à  des  types  communs;  or,  jusqu'à  ce  jour,  le  lien  linguis- 
tique entre  les  racines  chamitiques  et  les  racines  sémitiques,  non  seule- 
ment est  introuvable,  mais  ces  racines  semblent  séparées  par  des  traits 
caractéristiques  les  plus  opposés  :  bilittéralité  d'une  part,  trilittéralité 
de  l'autre.  Du  reste,  plus  on  étudie  les  langues  chamitiques,  plus  on 
s'aperçoit  qu'elles  reposent  sur  une  base  différente  de  celle  du  génie  sé- 
mitique. Ainsi  les  formatives  des  voix  verbales  chamitiques  sont  de  vraies 
racines  employées  dans  plusieurs  de  ces  langues  : 

i)  Formative  réfléchie  /,  de  ta  «  être  ensemble  »  :  k.  te  «  et,  avec  », 
b.  di  «  avec  »,  ta  (dans  jval-ta,  etc.). 

2)  Formative  causaîive  5,  ag.  is  ch,  kham.  is  «  faire.  » 

3)  Formative  passive  n,  s.  ne  «  être.  » 

Peut-on  expliquer  de  la  même  manière  les  formatives  sémitiques 
homophones  du  hitpaël,  du  saphel  et  du  niphal?  Personne  n'osera  l'en- 
treprendre dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances  sémitologiques'.  C'est 
assez  dire  combien  la  question  relative  à  la  parenté  des  deux  familles 
linguistiques  dont  il  s'agit  commande  encore  de  la  réserve  et  de  la  mé- 
ditation. 

Il  ne  me  reste  qu'à  remercier  iM.  R.  des  nouveaux  horizons  qu'il 
vient  d'ouvrir  à  la  philologie  africaine.  Ses  grammaires,  qu'il  a  su 
rendre  pratiques  et  presque  attrayantes  par  des  vocabulaires  et  des 
textes  originaux,  seront  désormais  les  guides  indispensables  de  tous  ceux 
qui  voudront  connaître  à  fond  cette  mystérieuses  race  chamitique  "  qui 
a  créé  le  sphinx  et  érigé  les  pyramides.  C'est  là  un  progrès  immense  qui 
se  place  dignement  à  côté  des  plus  belles  conquêtes  de  la  linguistique 
moderne  et  nous  en  félicitons  de  grand  cœur  M.  Léo  Reinisch. 

J.  Halkvy. 


1.  Je  compte  traiter  prochainement  la  quesiion  relative  aux  pronoms  sémito- 
chamitiques. 

2.  Les  travaux  de  M.  R.  serviront  encore,  peut-être,  à  un  autre  genre  d'études  au~ 
quelle  savant  auteur  n'a  certainement  pas  pense'.  Je  veux  parier  des  études  accadien- 
nesou  sumériennes.  Il  est  probable  que  quelques  accadistes,  en  quête  de  comparaisons 
philologiques  pour  le  soi-disant  idiome   de  la   Babylonie  présémitique,  trouveront 


248  REVUE    CRITIQUE 

3o.  —  Dictioiinstirc  et vonologiqiie  intiii,  par  Michel  Bréai,,  professeur  au 
collège  de  France,  et  Anatole  Baii.ly,  professeur  au  lyciie  d'Orléans.  Paris, 
Hachette,  i885,  in-8,  vin-463  pp. 

Le  grand  mérite  de  ce  Dictionnaire  étymologique  —  on  pourrait  bien 
ajouter  :  et  historique,  —  c'est  qu'il  détermine  avec  précision  le  sens 
primitif  des  mots,  ainsi  que  les  images  et  les  métaphores  auxquelles  le 
langage  a  eu  recours.  Cette  connaissance  des  origines  et  des  usages  per- 
met à  l'humaniste  de  fixer  la  signification  exacte  d'expressions  comme 
argutum  caput,  hostem  affare  superbum,  laetas  segetes,  récidiva  Per- 
gama,  spoute  mea,  rappelées  dans  la  préface,  ou  d'autres  mots  étudiés 
à  leur  rang,  tels  que  aptus,  arbitcr,  coliis  clementer  assurgens,  conside- 
rare,  igitiir,   interpres,  paenitet,  praviis,  propitiiis,    ratio,    seduhis, 

splendida  bilis,  etc Quand  le  Portique  et  l'École  cie  Chrysippe  (grex 

Chrysippi)  décernent  un  brevet  de  folie  à  certaines  catégories  d'indivi- 
dus —  insanum  autumat  {Hor.,  Sat.  II,  3,  43),  —  on  comprend,  par 
l'étymologie,  la  force  de  ce  verbe  emprunté  à  la  langue  sacerdotale. 
L'étymologie  réveille  dans  les  mots  abstraits  des  miages  éteintes  :  per- 
contari  nous  otïre  celle  d'un  coup  de  sonde;  sollers  désigne  un  artiste 
consommé  qui  possède  à  fond  tout  son  art  (soins,  solidus) ;  l'attelage  de 
Neptune  (curruque  volans  dat  lora  secundo]  apparaît  dans  son  mouve- 
ment rapide  qui  suit  (sequiturj  l'impulsion  communiquée  par  le  maître. 
Mille  autres  idées  sensibles  pourront  être  évoquées  de  la  sorte,  avec  des 
mots  comme  examen,  praerogativa,  reciprocus,  respondeo,  scrupulus, 
sublimis,  subtilis,  supplex,  sincerus  (sine  cera),  temeritas  (la  confiance 
aveugle,  cf.  tenebrae],  vindex, 

Nec  deus  intersit  nisi  dignus  vindice  nodus... 

Qu'il  nous  soit  permis  maintenant  d'exprimer  quelques  critiques. 
L'ouvrage,  nous  disent  les  auteurs,  s'adresse  particulièrement  aux  pro- 
fesseurs. Les  maîtres  de  la  jeunesse  profiteront,  sans  aucun  doute,  d'une 
foule  de  notions  linguistiques  et  grammaticales  très  heureusement  ré- 
sumées, comme  Test,  à  la  page  98^  la  théorie  du  rhotacisme,  ou  bien,  à 
l'article  dare,  la  classification  des  composés  de  ce  verbe,  distingués  soi- 
gneusement d'après  leur  double  origine  '.  Nous  serons  encore  très  heu- 
reux de  trouver  de  nombreux  renvois  à  une  grande  quantité  de  mo- 
nographies et  d'études  spéciales,  aux  Mémoires  de  la  Société  de 
linguistique  notamrnent  '-.  Mais,  d'autre  part,  certaines  explications 

un  beau  jour  que  les  Accadiens  ou  Sumériens  étaient  des  Kounama,  des  Saho  ou 
des  Agaou,  au  lieu  d'être  des  Turcs,  des  Mongols  ou  des  Finnois,  comme  ils  l'ont 
cru  jusqu'aujourd'hui.  Tandis  que  la  théorie  touranicnne  a  été  construite  sur  la  com- 
paraison de  seize  mots,  la  nouvelle  théorie  chamiJque  aura  pour  elle  l'autorité  de 
plusieurs  dizaines  qui  se  présen;eront  à  la  première  réquisition.  Je  nj'étonne  qu'une 
semblable  bonne  fortune  n'ait  encore  tenté  personne.  ' 

1.  Sujet  de  la  thèse  lat:ne  de  M.  J.  Darmesteter. 

2.  D'autres  références  étaient  désirabies  :  au  mot  incoluve  ou  inchuave,  l'étymo- 
logie mentionnée  par  les  grammairiens  anciens  (voir  Forcellini);  aux  mots  septen- 


D'HISTOrRii;    ET    DE    LITTERATURE  249 

sont  si  concises  que  l'intelligence  de  quelques  passages  en  devient  diffi- 
cile. L'article  sur  lympha  est  obscur  ;  l'étymologie  de  littera  (du  grec 
o'.cOéoa)  est  incompréhensible  à  qui  n'a  pas  présente  à  l'esprit  la  séance 
de  l'Académie  des  Inscriptions  du  9  mai  1884;  or  cette  référence,  ni 
aucune  autre,  n'est  indiquée  dans  le  Dictionnaire  à  propos  de  ce  rap- 
prochement entre  littera  et  oisOépx.  Même  observation  pour  l'hypothèse 
si  curieuse  relative  à  l'origine  du  mot  praevaricator  ;  on  ne  comprendra 
cette  conjecture  que  si  on  a  lu  une  certaine  page  des  Annales  de  la  Fa- 
culté de  Bordeaux. 

Ce  qui  frappe,  en  second  lieu,  c'est  le  nombre  relativement  considé- 
rable des  mots  qui  restent  sans  explication,  c'est-à-dire  dont  l'origine 
n'est  point  mentionnée.  Sans  doute  l'état  de  la  science  et  la  prudence 
de  MM.  Bréal  et  Bailly  justitient  ces  réserves.  Les  deux  auteurs  se  sont 
dit  peut-être  que  si  tout  le  corps  enseignant  s'assimilait  déjà  ce  que 
renferme  leur  volume,  un  progrès  important  serait  accompli.  Ont-ils 
craint  que  certains  d'entre  nous  ne  fussent  attirés  plutôt  par  les  hypo- 
thèses et  les  rapprochements  séduisants,  et  se  dispensassent  d'enseigner 
le  certain  et  le  nécessaire  pour  n'apprendre  que  les  choses  douteuses"^ 
Nous  pensons  toutefois  que  MM.  Bréal  et  Bailly  ont  dû  s'imposer  assez 
souvent  des  sacrifices  pénibles,  et  ce  qui  le  prouve,  c'est  qu'en  plus  d'un 
endroit  ils  ne  se  sont  point  interdit  de  simples  conjectures  (imago  et 
aemulus.Jebris  et  febriiarius,  facetus  et  la  racine  ça,  fortis  et  hortari, 
cohors  QX.  hortiis;  ira,  la  colère,  et  hira,  le  boyau;  vultus  et  volo ;  les 
Messapiens  et  aqiia ;  costae  ctsino;  suus  et  siiesco;  miles  et  mille-,  Nep- 
tunus  et  nebula.vectigal  et  veho).  Alors  Tpo\iï<\\ioi  passer  sous  silence 
d'autres  hypothèses  tout  aussi  plausibles  sur  des  mots  comme  aeger, 
amphora,  Jistiila,  mare,  tribus,  crinis,  postis,  torus.  tristis... ?  Tacitt 
parle  {Hist.,  II,  42)  des  Othoniens  qui  s'avancent  catervis  et  ciineis. 
On  aimerait  à  apprendre  dans  le  Dictionnaire  étymologique,  malgré  les 
réserves  que  Tun  des  deux  auteurs  a  pu  faire  à  ce  sujet  (Mém.  de  la 
Soc.  de  linguistique,  III,  409)  que  caterva  pourrait  bien  être  dérivé  de 
quattiior,  et  qu'il  s'agit  ici,  à  proprement  parler,  d'une  formation  en 
bataillons  carrés,  analogue  à  ïagmen  quadratum  K 

Quelques  hésitations  sont  également  visibles  dans  le  groupement  des 
mots  :  un  article  unique  aurait  dû,  ce  nous  semble,  réunir  sous  la  même 
rubrique,  et  avec  toute  la  série  de  leurs  dérivés,  si  nombreux  qu'ils  puis- 
sent être,  judex  et  jubeo ;  firmus^Jretus  et  frenum  (et  peut-être  forma); 
tranquillus  et  liquidus;  lino  et  obliviscor  ;  aptus  et  amentum  ;  pilum  er 
pistor;  confestirn,  festinus  et  manijestus ;  cor  et  credo;  abdomen  et 
abdo;  limen,  sublimis  tlobliquiis;  dorsiim  ei  prosa  oratio.  On  eût  aimé 

iriones,  tero  ou  Stella^  les  savantes  dissertations  de  Varron,  de  Max  Mûiler  et  de 
M.  G.  Paris  {le  Petit  Poucet  et  la  Grande  Ourse).  Lire  aussi  un  important  article 
des  Studien  de  Curtius,  qui  ouvre  bien  des  horizons,  de  produciione  syllabarivu 
suppletiora  Ungiiae  latinae. 

I.  On  a  proposé  de  même  d'expliquer  par  le  nombre  quatre  le  français  caserne 


230  REVUf    CRITIQUK 

à  parcourir  tout  d'une  traite  les  dérivés  de  sino  (astus,  crista,  exta, 
instar,  juxta,  praesto).  Du  reste,  la  méthode  du  groupement  est  rigou- 
goureusement  appliquée  dans  d'autres  articles  du  dictionnaire  :  c'est 
ainsi  que  se  trouvent  réunis  sous  le  même  chef  iter,  indutiae^praetor, 
seditio,  subitus  ;  ebrius  et  sobriiis;  amictus  et  jacio;  ciincti,  cunctator, 
conjux,  jumeiitiim  et  qiiadriga,  marchant  sous  leur  chef  de  û\eJungo; 
decrepitus  et  crepo;  sunio  et  emo;  detrimentum  et  tero;  sodalîs  et 

edo J'en  passe  et  des  meilleurs.  On  les  trouvera,  soit  à  leur  rang 

alphabétique,  dans  le  corps  du  Dictionnaire,  soit  à  l'Index  qui  renferme 
1 124  mots  qu'on  ne  devra  pas  chercher  au  rang  alphabétique  dans  le 
Dictionnaire  lui-même.  Un  second  Index,  composé  de  674  mots  grecs, 
n'est  point  non  plus  à  dédaigner  :  -/CO'.irrj-:Y;p'.ov  renverra  au  mot  sepelire 
et  à  la  séduisante  étymologie  proposée  par  M.  J.  Darmesteter.  Je  re- 
grette l'absence  d'àviv-/.-/]  qui  eût  été  bien  à  sa  place  à  côté  de  angulus  et 
de  angor. 

Et  maintenant  faisons  des  vœux  pour  qu'une  seconde  édition  nous 
donne  bientôt  ce  précieux  ouvrage  à  tout  le  moins  augmenté  du 
double  '. 

Léonce  Person. 


I.  La  destination  scolaire  du  Dictionnaire  étymologique  nous  engage  à  exprimer 
encore  un  autre  désir.  Ce  livre  sera  lu,  extrait,  invoqué  par  de  jeunes  professeurs 
qui  n'auront  pas  tous  étudié  les  méthodes  de  la  linguistique,  et  qui  pourront  n'être 
pas  en  état  de  discerner  toujours  le  certain,  le  probable,  le  possible.  La  seconde  édi- 
tion leur  rendrait  plus  de  services  encore,  si  l'épuration  des  matériaux  y  était  plus 
rigoureuse,  l'exposition  des  principes  plus  appuyée,  le  choix  des  hypothèses  plus 
sévère.  Au  lieu  de  mettre  à  l'article  Qitatuor  :  «  L'orthographe  qiiattuor  est  an- 
cienne »,  ne  serait-il  pas  plus  net  de  faire  de  Quattuor  la  tête  d'article  et  d'écrire  : 
«  L'orthographe  par  un  seul  t  est  fautive?  »  La  dissertation  sur  le  changement  d's 
en  r  entre  deux  voyelles  (ait.  Flos)  est  un  morceau  remarquable  de  quatre-vingts 
lignes,  capable  non  seulement  de  bien  renseigner  le  lecteur  sur  un  point  spécial, 
mais  aussi  de  faire  concevoir  clairement  l'ampleur  et  la  précision  des  lois  phonéti- 
ques, et  d'initier  de  jeunes  esprits  à  l'intelligence  de  la  vie  du  langage  :  combien  ce 
morceau  gagnerait  à  la  suppression  de  deux  petites  phrases  sur  le  rhotacisme  sup- 
posé de  Carmen  pour  casinen  ou  de  majores  pour  majonses!  A  supposer,  ce  qui  est 
douteux,  qu'il  y  ait  jamais  eu  un  casmen  et  un  majonses,  ces  formes  n'auraient,  en 
tout  cas,  rien  à  démêler  avec  le  rhotacisme  entre  voyelles.  Costae  est  expliqué  par 
con-sitae  très  ingénieusement,  mais  avec  un  judicieux  «  peut-être  ».  Nous  préfére- 
rions ou  bien  une  indication  expresse  de  la  difficulté  (consitae  aurait  dû  avoir  l'o 
long,  tandis  que  costa  a  l'o  bref),  ou  bien  le  sacrifice  de  cette  jolie  hypothèse.  — 
[Réd.] 


d'histoirk  et  de  littérature  25  I 

5j_ [_  Etudes  8UI'  l'ancien  di-olt  et  la  coutume  primitive,  par  sir  Henry 

SuMNER  Maine.  Traduit  de  l'anglais  avec  l'autorisation  de  l'auteur.  Paris,  Thorin, 
1884,  1  vol.  in-8. 

II.  ShaUespeai'e  voi-  den»  Forum  <ier  Jurisprudensr:  von  D'  Jos. 
KoHLER.  Wûrzburg,  1884.  i  vol.  in-8.  (2  livraisons  et  i   supplément). 

lîl.  Bausteîne  f<ïr  eîue  allgemeîno  ReclitsA^'iseenncliart  auf 
-verf^leiciiend-etlinologisclier  Basis  von  Dr.  Alb.  Herm  Post,  t.  Il,  Olden- 
burg,    18S1,    I  vol.  in-8. 

Die  Cii-undlagen  des  rteclits  und  dîe  d-undy.û^ie  seinei-  Entwiclte- 
lungBgescliiclite    von  Alb.  Herm.   Post,  Oldenburg,   1884,   i    vol.  in-8. 

I.  Sir  Henry  Sumner  Maine.  Etudes  sur  l'ancien  droit.  —  Le  nou- 
vel ouvrage  de  Téminent  jurisconsulte  et  philosophe  anglais  sera  lu  avec 
le  même  intérêt  que  les  précédents.  L'auteur  s'y  montre  comme  tou- 
jours profond,  ingénieux,  sagace.  Je  lui  adresserai  toutefois  des  critiques 
plus  graves  et  plus  nombreuses  que  précédemment.  Il  n'est  pas  possible 
de  laisser  passer  sans  protestation  certaines  assertions  ou  certains  aper- 
çus qui  pourraient  compromettre  aux  yeux  des  esprits  prévenus  une 
science  toujours  suspecte  à  quelques  savants  timorés,  bien  que  déjà  en 
pleine  floraison. 

Le  plan  de  l'ouvrage  est  peut-être  un  peu  flottant  :  toutefois  Tidée 
inspiratrice  s'en  dégage  facilement.  Cette  idée,  encore  contestée  en 
France,  bien  que  nos  anciens  l'aient  déjà  mise  en  lumière,  je  me  plais 
à  la  redire,  à  la  formuler  encore  une  fois  :  les  diversités  sociales  et  juri- 
diques des  peuples  couvrent  une  profonde  et  merveilleuse  unité.  Le 
droit  ressemble  à  un  immense  enchevêtrement  de  rameaux  touffus  issus 
d'un  tronc  unique. 

L'Inde  ancienne  et,  pour  certains  rapprochements,  Tlnde  moderne, 
l'Angleterre  et  la  France  au  moyen  âge,  enfin  les  pays  slaves  contem- 
porains, tels  sont  les  temps  et  les  lieux  à  travers  lesquels  sir  Henry 
Sumner  Maine  nous  promène  aujourd'hui.  Grand  voyage  assurément, 
bien  qu'il  ne  représente  qu'une  petite  partie  du  trajet  qu'autorise  la 
méthode  comparative  universelle  de  sir  Henry  Sumner  Maine. 

Je  ne  puis  analyser  tous  les  chapitres  de  l'ouvrage  :  j'indiquerai  seule- 
ment les  sujets  traités  :  les  lois  sacrées  de  l'Inde  (exposé  fort  utile,  avec 
quelques  indications  bibliographiques  précises)  ;  la  religion  et  le  droit 
(je  signalerai  ici  notamment  les  vues  de  l'auteur  sur  la  conception  suc- 
cessive des  purgatoires  indiens);  le  culte  des  ancêtres;  la  succession  au 
trône  et  la  Loi  Salique;  la  royauté  primitive  et  l'administration  de  la 
justice  civile;  les  théories  de  la  société  primitive  (l'auteur  défend  son 
système  de  formation  patriarcale  contre  les  théories  différentes  de  Mac 
Lennan  et  de  Morgan);  les  communautés  domestiques  de  l'Europe 
orientale  ;  la  décadence  de  la  propriété  féodale  en  France  en  Angle- 
terre; classification  des  biens;  classification  des  règles  légales. 

J'ai  indiqué  en  peu  de  mots  la  haute  valeur  de  cet  ouvrage  ;  il  me 
faudra  nécessairement  un  peu  plus  de  place  pour  quelques  critiques  de 
détail  : 


252  REVUE    CRITIQUE 

—  Le  ch.  IV,  Le  culte  des  ancêtres  et  l'hérédité,  contient  quelques  pa- 
ges très  importantes  sur  Tadoption  dans  Tlnde,  à  Rome  et  à  Athènes. 
L'auteur,  après  avoir  fait  observer  que  l'adoption  au  sens  technique  du 
mot  n'existe  pas  en  Angleterre  (p.  i33),  ajoute  :  «  Mais  dans  le  Code 
«  civil  français  et  dans  les  autres  codes  du  continent  fondés  sur  ces 

«  principes,  l'adoption  survit  en  tant  qu'institution  légale Notre  fa- 

«  miliarité  avec  l'adoption  pendant  une  si  longue  période  historique 
«  nous  aveugle  sur  ce  fait  qu'elle  est  au  nombre  des  fictions  les  plus 
«  excessives.  »  Ces  observations  supposent  la  continuité  du  régime  de 
l'adoption  dans  le  droit  français;  or  l'adoption,  très  rare  pendant  le 
moyen  âge  français,  était  tombée  en  désuétude  dans  les  derniers  siècles 
de  l'ancien  régime.  Elle  a  été  créée  de  toutes  pièces  et  artificiellement 
pendant  la  période  révolutionnaire  :  nous  l'avons  empruntée  au  droit 
romain  et  au  droit  prussien  qui  avait  lui-même  reçu  avec  quelque  ar- 
rangement l'adoption  romaine.  Il  ne  faut  donc  pas  parler  de  notre 
a  familiarité  avec  l'adoption  pendant  une  longue  période  historique  ». 

—  A  la  p.  144,  Sir  H.  S.  M.  combat  l'opinion  de  ceux  qui  croient 
apercevoir  dans  un  usage  grec  que  Je  vais  rappeler  à  l'instant  un  souve- 
nir des  temps  éloignés  où  les  peuples  ne  comptaient  la  parenté  que  par 
les  femmes.  Voici  l'usage  en  question  :  à  Athènes,  un  frère  et  une  sœur 
de  père  pouvaient  se  marier  entre  eux.  Issus  de  la  même  mère,  ils  ne 
pouvaient  contracter  mariage  ^  Je  crois  toujours  entrevoir  ici  une  sur- 
vivance de  l'antique  parenté  par  les  femmes.  Pourquoi  sir  H.  S.  M. 
ne  consent-il  pas  à  l'y  apercevoir?  Parce  qu'il  croit  que  le  mariage  était 
prohibé  seulement  entre  frère  et  sœur  utérins  au  sens  moderne,  c'est- 
à-dire  issus  de  la  même  mère,  mais  de  pères  différents  :  une  sœur  utérine 
n'ayant  pas  de  droits  sur  les  biens  du  père  de  son  frère,  un  pareil  mariage 
eût  été,  pense-t-il,  sans  but,  car  le  but  du  mariage  entre  frère  et  sœur  est 
d'épargner  au  frère  la  charge  de  doter  sa  sœur  sur  les  biens  paternels. 
—  Ce  raisonnement  de  sir  H.  S.  M.  tombe,  car  la  loi  athénienne  in- 
terdit le  mariage  entre  frère  et  sœur  issus  du  même  père,  dès  lors  qu'ils 
sont  issus  de  la  même  mère  :  entre  frère  et  sœur  issus  du  même  père  le 
but  pratique  en  question  existe  incontestablement.  Cependant  le  ma- 
riage est  interdit;  il  faut  donc  chercher  ailleurs  une  explication.  Et  ici 
la  théorie  que  combat  sir  H.  S.  M.  se  présente  assez  naturellement.  Un 
passage  de  Manou  (xi,  58)  donne  une  grande  force  à  cette  théorie. 

—  Le  ch.  V,  La  succession  au  trône  et  la  Loi  Salique  soulève  de  gra- 
ves objections.  Sir  H.  S.  M.  y  examine  les  prétentions  d'Edouard  III  à 
la  couronne  de  France  :  on  sait  que  ce  prince  prétendait  à  la  couronne 
de  France  du  chef  de  sa  mère  et  que  Philippe  de  Valois  son  adversaire 
soutenait  que  les  femmes  n'héritant  pas  de  la  couronne  de  France  ne 


I.  Cf.  Caillcmer,  Le  droit  de  succession  légitime  à  Athènes,  p.  37;  Cornélius 
Nepos,  De  vita  excel.  imperat.,  prtrfatio.  Sir  H.  Sumner  Maine  parle  expressé- 
ment des  Athéniens  et  ne  fait  pas  intervenir  Sparte,  ce  qui  compliquerait  la  ques- 
tion. 


d'histoire    Kl    DK    LITTÉRATURK  253 

pouvaient  transmettre  le  moindre  droit  à  cette  couronne.  Sir  H.  S.  M. 
estime  que  les  prétentions  d'Edouard  III  se  présentèrent  aux  contem- 
porains sous  un  jour  moins  défavorable  que  nous  ne  le  supposons  et 
qu'elles  eurent  quelque  chose  de  plausible  parce  que  les  esprits  en 
France  et  en  Angleterre  ne  devaient  pas  être  absolument  étrangers  à 
une  notion  juridique  formellement  inscrite  dans  la  législation  hindoue 
et  qui,  pour  Tlnde,  se  peut  formuler  ainsi  :  «  Malgré  la  préférence  accor- 
dée aux  héritiers  mâles,  la  famille  peut  se  continuer  par  une  fille  lorsque 
«  les  fils  font  défaut.  »  En  ce  cas,  le  vieux  droit  hindou  exige  que  la  fille 
<(  soit  désignée  et  chargée  de  donner  un  fils  à  son  père.  Transportons  ces 
notions  hindoues  dans  le  moyen  âge  français  et  nous  nous  apercevrons 
que  ce  fils  donné  par  la  fille  à  son.  père,  c'est  précisément  Edouard  III. 
Ainsi  une  vieille  idée  populaire  qui  s'est  épanouie  dans  l'Inde  aurait  été 
charriée  jusqu'au  moyen  âge  par  les  races  germaniques  et  se  révélerait 
à  nous  par  les  débats  célèbres  d'où  est  née  la  guerre  de  Cent  ans. 

Ce  rapprochement  me  paraît,  je  l'avoue,  tout  à' fait  arbitraire.  A  quoi 
bon  aller  chercher  l'Inde  et  creuser  à  de  telles  profondeurs,  lorsque, 
d'une  part,  tous  les  intermédiaires  font  défaut  et  qu'on  a  d'ailleurs  sous 
la  main  l'explication  la  plus  naturelle,  une  explication  qui,  pour  ainsi 
dire,  s'impose  d'elle-même?  Le  levier  juridique  d'Edouard  III  \  c'est 
tout  simplement  le  droit  romain  de  Justinien.  Le  droit  romain,  à  cette 
époque,  est  en  progrès  :  il  bat  en  brèche  les  institutions  coutumières  et 
françaises.  Pourquoi  ne  servirait-il  pas  les  intérêts  du  roi  d'Angleterre? 
Quant  au  vieux  droit  hindou,  il  n'a  rien  à  faire  ici.  Les  40  pages  con- 
sacrées à  ce  rapprochement  me  paraissent  donc  inutiles  :  j'y  relève,  en 
outre,  des  erreurs  matérielles  :  Sir  Henry  Sumner  Maine  suppose  -  que 
la  Loi  Salique  fut  invoquée  au  xiv"  siècle  lors  du  débat  entre  Philippe 
de  Valois  et  Edouard  III.  Il  n'en  est  rien  :  aucun  texte  contemporain 
ne  mentionne  la  Loi  Salique. 

Je  pourrais  grossir  cette  liste  d'observations  :  je  m'en  tiens  aux  plus 
importantes.  L'auteur  travaille,  ce  semble,  un  peu  trop  en  grand  sei- 
gneur, se  fiant  à  ses  souvenirs  et  à  ses  impressions,  ne  soumettant  pas 
ses  vues  à  un  contrôle  bien  sévère  et,  quant  au  style,  ne  prenant  pas 
toujours  le  temps  d'être  court.  11  est  vrai  que  la  rigueur  et  la  brièveté 
enlèveraient  peut-être  à  cette  prose  abondante  et  féconde  quelque  chose 
de  ses  qualités  nutritives.  Le  labeur  manque  donc  un  peu  \  mais  que  de 
labeurs  je  donnerais  pour  de  telles  «  oisivetés  m  ! 

Si  l'on  met  à  part  le  premier  chapitre  intitulé  Les  lois  sacrées  de 
l'Inde,  la  bibliographie  est  presque  nulle.  Une  fois  pourtant,  l'auteur 
paraît  avoir  iait  un  elfort  en  ce  sens  ;  mais  cet  effort  n'a  pas  été  heureux  : 
il  s'agit  des    célèbres  Cahiers  de   1789  :  «   La   seule   collection  com- 

1.  Edouard  III  est  lils  d'Isabelle  de  France,  sœur  de  Charles  ie  Bel.  Il  est  le  neveu 
du  roi  défunt.  Philippe  VI  n'est  que  le  cousin  de  Charles  le  Bel  ;  Edouard  111  pou- 
vait donc  invoquer  contre  Philippe  VI  la  novelle  n8,  c.  3. 

2.  P.  iq3. 


2  54  REVUK   CRITIQUE 

a  pléte,  à  ma  connaissance,  écrit-il,  est  celle  dont  la  publication  fut  en- 
«  treprise,  il  y  a  plusieurs  années,  par  Prudhomme  et  Laurent  de  Mé-  t 

«  zière  ;    »    ainsi    la  grande   collection   de   Mavidal   et  Laurent    (sans  a 

parler  de  diverses  publications  locales  fort  curieuses  des  petits  Cahiers) 
n"est  pas  parvenue  jusqu'au  savant  anglais  :  il  en  est  resté  à  une  petite 
publication  de  178g. 

La  traduction  est  exacte,  autant  que  j'en  ai  pu  juger,  n'ayant  eu  que 
fort  peu  de  temps  l'original  anglais  entre  les  mains  :  la  préface  du  tra- 
ducteur français,  les  appendices  et  les  notes  qu'il  a  ajoutés  sont  utiles 
et  parfois  importants  :  le  traducteur  possède  toutes  les  qualités  de  pré- 
cision désirables  ;  il  se  livre,  en  outre,  pour  son  propre  compte,  à  quel- 
ques réflexions  élevées  et  justes  :  il  donne,  çà  et  là,  des  indications  bi- 
bliographiques précieuses,  mais  il  connaît  mieux  les  publications 
étrangères  que  les  publications  françaises  '.  Le  beau  livre  de  M.  Fustel 
de  Coulangcs  intitulé  La  cité  antique  est  le  seul  ouvrage  français  tou- 
chant à  ces  études  d''archéologie  et  de  paléontologie  juridique  qui  soit 
parvenu  jusqu'à  lui,  en  sorte  que,  par  une  étrange  ironie,  M.  Fustel, 
le  savant  éminent  qui,  après  avoir  apporté  à  l'édifice  de  la  science  so- 
ciale comparée,  un  monument  considérable,  a  contesté  plus  tard  non 
seulement  Fexistence  de  cette  science,  mais  même  la  légitimité  des  re- 
cherches qui  Pont  pour  objet,  se  trouve  aux  yeux  du  traducteur  ano- 
nyme, représenter  seul  parmi  nous  ce  vaste  domaine  scientifique.  Le 
traducteur  ignore  d'ailleurs  ce  que  j'appellerai  la  rétractation  de  M.  Fus- 
tel de  Coulanges  :  le  mal  n'est  pas  grand  assurément;  car  cette  rétracta-  *"  ' 
tion  court  des  risques  sérieux  de  n'être  pas  acceptée  par  le  monde  sa- 
vant et  de  rester  non  avenue.  La  Cité  antique  lui  fera  un  tort  durable. 

Je  reprocherai  plus  sérieusement  au  traducteur  de  paraître  ignorer 
les  auteurs  français,  surtout  les  anciens  qui  ont  ouvert  la  voie  à  ces 
belles  recherches  :  il  ne  cite  ni  Goguet,  qu'on  pourrait  appeler  le  fon- 
dateur ^  de  cette  science,  ni  Kœnigswarter,  ni  Ch.  Giraud,  ni  Giraud- 
Teulon,  ni  Emile  de  Laveleye,  ni  Dareste.  Ces  savants,  français  de  na- 
tion ou  au  moins  de  langue  n'ont-ils  pas  aussi  des  titres  considérables 
qui  auraient  pu  rendre  leur  traducteur  moins  dur  pour  la  science  fran- 
çaise? J'ose  enfin  lui  demander  pour  moi-même  une  petite  place  dans  ses 
lectures  françaises  vraiment  trop  négligées. 

H.  Kohler,  Shakespeare  vor  dem  Forum  der  Jurispruden{.  —  Un 
moment  étonnés  et  comme  surpris  du  magnifique  développement  de  la 

I.P.  XV.  \ 

2.  Dans  une  histoire  complète  de  ia  sociologie,  il  faudrait  accorder  une  place  im- 
portante à  des  savants  bien  antérieurs  à  Goguet  :  Loccenius,  au  xvii'  siècle,  doit  être 
compte  parmi  les  précurseurs  les  plus  considérables  :  il  a  écrit  notamment  dans  ses 
Antiquitates  Siieo-Gothicœ  un  chapitre  qui  est  digne  d'un  bout  à  l'autre  de  la  science 
moderne  :  De  ritu  prisco  Sueogothoriim  invesiigandi  rem  furtivam  in  aliéna  domo. 
Confertur  cum  simili  Grœcorimi,  Romanovum,  Germanoriim  et  Norvegorinn  ritu 
(liv.  II,  ch.  x}. 


o'KîSTOIKK    et    Dh    LITTÉRATUKK  25  5 

sociologie  historique,  science  qui  s'est,  on  peut  le  dire,  épanouie  en 
Angleterre,  les  Allemands  se  jettent  depuis  quelques  années  avec  ar- 
deur vers  ces  recherches  fécondes,  appelées  à  renouveler  le  domaine  de 
l'histoire  du  droit  et  des  institutions.  Les  ouvrages  du  D''  Post,  dont  je 
parlerai  à  l'instant,  occupent  parmi  les  travaux  des  dernières  années 
une  place  très  distinguée.  Les  études  à  la  fois  si  solides  et  si  brillantes 
du  D''  Kohlcr  sont  incontestablement  au  premier  rang. 

Le  D""  Kohier  a  été  frappé  de  quelques  notions  juridiques  mises  en 
œuvre  par  Shakespeare,  il  a  voulu  en  scruter  la  valeur  et  la  profondeur; 
et,  tout  en  nous  offrant  le  résultat  de  recherches  étendues  et  originales 
sur  la  vindicte  privée  ',  sur  le  droit  du  créancier  dans  les  temps  primi- 
tifs et  à  ce  propos  sur  le  sens  et  la  valeur  d'un  passage  célèbre  des  Dou-{e 
Tables  %  sur  la  cession  de  biens,  etc.,  il  nous  a  montré  en  Shakespeare 
le  génie  inconscient  de  l'histoire  intime  du  droit.  Cette  découverte  ne 
me  surprend  pas  :  le  droit  que  nous  appelons  le  droit  primitif  et  que 
nous  ovposons  trop  légèrement  au  droit  moderne  n'est  après  tout  qu'une 
des  manifestations  du  génie  humain,  merveilleusement  et  admirable- 
ment un.  On  nous  parle,  par  exemple,  du  formalisme  des  droits  primi- 
tifs ;  mais  ne  sommes-nous  pas  écrasés  sous  un  gigantesque  formalisme 
mille  fois  plus  pesant  et  non  moins  enfantin  que  le  formalisme  des  an- 
ciens Romains  ou  des  Francs  de  la  Loi  Salique?  Pourquoi  Shakespeare, 
aidé  par  une  certaine  tradition  populaire  et  juridique,  n'aurait-il  pas, 
avec  le  secours  de  son  puissant  génie,  retrouvé  des  traits  anciens? 

Le  D""  Kohier  a  traité  ailleurs,  avec  la  même  abondance  et  la  même 
supériorité,  l'histoire  de  la  femme  et  dn  jus  primae  nociw,  l'histoire  des 
ordalies  et  de  l'adoption  ■''. 

III.  Post,  Bausîeine,  t.  II;  Grundlagen,  i  vol.  —  Dans  le  temps 
même  où  la  légitimité  de  ces  vastes  recherches  d'archéologie  juridique  et 
sociale  comparée  était  contestée  en  France  par  un  savant  éminent,  les 
Allemands  s'occupaient  tranquillement  de  condenser  et  de  résumer  les 

I .  A  propos  à'Hamlct. 

1.  A  propos  du  Marc'nayid  de  Vcn:sc.  Ce  passage  célèbre  des  Doi!:{e  Tables  : 
Si  plus  minusve  seciienint.  se  fraude  eslo  (Tabula  III,  in  fine)  est  vivement  éclairé 
par  le  droit  Scandinave  et  vient  définitivement  justifier  les  prétentions  du  juif  Sliy- 
lockqui,  comme  on  sait,  tient  dans  la  pièce  de  Shakespeare  à  obtenir,  à  défaut  de 
paiement  en  espèces,  une  livre  de  la  chair  de  son  débiteur.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  pi- 
quant, c'est  que  ce  fragment  des  Doit^e  Tables  paraît  contenir  un  adoucissement  ju- 
ridique en  faveur  du  créancier  qui  primitivement  était,  semble-t-il,  obligé  de  s'en 
tenirà  une  portion  rigoureusement  précise  du  corps  du  créancier,  de  telle  sorte  qu'une 
petite  erreur  du  couteau  pouvait  entraîner  des  conséquences  terribles.  La  clémente 
Loi  des  Dou^e  Tables  abroge  ce  compte  de  boucherie  par  trop  rigoureux  :  Si  plus 
minusve  secueriint,  se  fraude  esto.  (Kohier,  Sitahespeare  pp.  3o  à  33.) 

3.  Zeitschrift  fiir  vergleichende  Rechtswissenschaft,  t.  V.  Il  faut  citer  encore  du 
Dr  Kohier  Gesammelie  Abhandliingen  aus  dem  gemeinen  und  fran^œsiscJien  Civil- 
?'ec/z<,  Mannheim.  i883,  i  vol.;  des  études  de  droit  comparé  très  importantes  dans 
Kritische  Vierteljarscbrift  fiir  Gesef^gebung  und  Rechtswissenschaft,  Neue  Folge, 
t.  IV  et  dans  Zeiischrifi  fiir  vergleichende  Rechtswissenchaft,  t.  III. 


2  56  RKVLK    CRITIQUE 

résultats  acquis.  Tel  est  le  caractère  général  de  l'ouvrage  du  D'"  Post. 
Baiisteine  fiir  eine  allgemeine  Rechtswissenschaft  aiif  vergleichend- 
etJmologischer  Basis.  Le  t.  Il  publié  en  1881  est  consacré  aux  origi- 
nes sociales,  à  la  formation  des  familles  et  des  tribus,  aux  origines  de 
l'esclavage,  de  la  noblesse,  des  castes,  à  celles  de  la  royauté  et  du  ré- 
gime féodal;  à  l'histoire  de  la  propriété,  à  Fhistoire  des  impôts  dans  les 
temps  primitifs.  L'auteur  admet  la  propriété  collective  '  à  l'origine  des 
sociétés  et  il  voit  clairement  les  conséquences  philosophiques  et  histo- 
riques de  ce  grand  fait. 

Il  faut  signaler  à  la  fin  du  t.  II  les  pages  remarquables  et  empreintes 
d'un  sentiment  de  modestie  qui  plait  intiniment,  dans  lesquelles  l'auteur 
esquisse  les  conditions  nouvelles  d'une  philosophie  du  droit  qui  pren- 
drait pour  base  la  connaissance  des  droits  et  des  usages  de  tous  les  peu- 
ples. 

Un  second  ouvrage  du  D'  Post,  Die  Grundlagen^  répond  aux  mêmes 
préoccupations  :  on  y  trouvera  notamment  des  pages  importantes  sur 
l'histoire  de  la  propriété,  sur  celle  du  droit  criminel,  des  recherches  ori- 
ginales et  abondantes  sur  l'histoire  de  la  femme.  (Les  conclusions  de 
M.  Schmidt  sur  le  jus  primae  noctis  y  sont  visées  et  victorieusement 
combattues.) 

Le  D'  Post  n'a  pas  l'abondance  et  l'originalité  de  sir  Henry  Sumner 
Maine;  mais  les  aperçus  originaux  et  profonds  ne  lui  manquent  certai- 
nement pas  :  ses  travaux  sont  plus  achevés,  plus  reposants  que  ceux  de 
l'auteur  anglais  :  ce  sont  d'excellents  guides. 

Je  regrette  de  n'avoir  pu  donner  qu'une  idée  bien  rapide  et  nécessai- 
rement incomplète  de  quelques-unes  des  récentes  publications  consa- 
crées au  droit  comparé  historique,  cette  science  féconde  qui  ne  saurait 
être  négligée  parmi  nous,  car  c'est  en  France  qu'elle  est  née. 

Paul    ViOLLET. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  M.  Eggermont,  premier  secrétaire  de  la  légation  de  Belgique  à  Paris, 
vient  de  publier  à  la  librairie  Delagrave  un  petit  volume  intitulé  :  Le  Japon,  liistoire 
et  religion.  C'est  un  résumé  exact  et  très  clair,  et  fait  avec  beaucoup  d'intelligence 

I.  L'école  allemande  moderne  va  trop  loin  dans  cette  direction,  elle  tend  à  refu- 
ser aux  peuples  primitifs  toute  espèce  de  propriété  privée  :  il  y  a  là,  à  mon  sens, 
une  exagération  (voyez  notamment  Post,  Die  Griindlagen,  p.  322).  La  minime  im- 
portance de  la  propriété  privée  à  l'origine  des  sociétés  (je  songe  surtout  à  certains 
objets  mobiliers)  ne  doit  pas  nous  empêcher  d'en  reconnaître  l'existence.  Un  senti- 
timenl  comme  celui  de  la  propriété  privée  n'est  pas  un  produit  de  la  civilisation; 
c'est  un  sentiment  humain. 


D  H!S:0!Ki.   KJ     UK    LlTfKKAltJKh  2D7 

des  derniers  travaux  sur  le  sujet.  Il  est  regrettable  que  Tauteur  ne  donne  pas  la 
moindre  indieauon  bibliograpiiique  :  le  lecteur  à  qui  ce  petit  livre  inspirerait  le  dé- 
sir d'en  savoir  plus  peut  croire  que  l'ouvrage  de  M.  Eggermont  est  le  seul  existant 
sur  la  matière.  Le  style  est  trop  souvent  celui  du  journalisme  et  parfois  d'une  struc- 
ture étrange,  qui  étonnerait  même  dans  le  journalisme.  (P.  i5,  on  s'expliquera  mal, 
comment  l'infortunée  Izanami  ait  pu  se  réfugier  dans  l'empire  des  Ombres;  p.  i3, 
cette  uliieme  expérience  avait  déterminé  la  féconde  Izanami;  à  la  page  8i  on  voit 
l'astre  éclatant  des  Minamots  sombrer  comme  un  météore  pour  céder  la  place  à  d'au- 
tres). 

MM.  Feret,  libraires-éditeurs  a  Bordeaux,  mettent   en  souscription  un  ouvrage 

qui  nous  promet  les  plus  piquantes  révélations:  Les  dessous  de  Fhisioirc,  curiosilés 
judiciaires,  administratives,  politiques  et  littéraires  recueillies  et  annotées  par 
J.  HovYN  UK  Tranchkre,  ancien  député  de  la  Gironde  {z  vol.  grand  in-8°,  d'environ 
jpo  p.,  imprimés  en  caractères  elzéviriens,  sur  beau  papier  vélin).  C'est  de  la  Biblio- 
thèque impériale  de  Saint-Pétersbourg,  si  riclie  en  dossiers  d'autographes  relatifs  à 
l'histoire  politique  et  littéraire  de  la  France,  que  M.  Hovyn  de  Tranchère  a  extrait 
les  documents  qui  forment  la  matière  des  deux  volumes  annoncés.  La  plupart  sont 
inédits;  quant  aux  autres,  ils  sont  devenus  tellement  rares,  qu'on  peut  les  considé- 
rer comme  presque  inédits.  Parmi  les  plus  appétissants  morceaux  du  recueil  on  dis- 
tin'^uera  :  une  histoire  de  Marie  Stuart  écrite  au  xvi^  siècle,  une  relation  du  procès 
et  de  la  mort  de  la  reine  d'Ecosse,  écrite  à  la  même  époque.  le  rarissime  récit  des 
Amours  de  Henri  IV,  une  relation  du  procès  et  supplice  de  F'rançois  Ravaillac,  unj 
relation  du  procès  et  de  la  mort  du  maréchal  de  Biron  (relations  du  temps',  une 
correspondance  avec  le  chancelier  Séguier  relative  aux  luttes  du  parlement  de  Bor- 
deaux avec  les  deux  ducs  d'Epernon  (i 633- 1669),  une  relation  de  la  prise  du  château 
de  Vayres  par  les  Epernonistes  et  du  siège  de  Libournepar  les  Bordelais  ((649),  une 
autre  relation  du  temps  que  l'on  peut  intituler  :  la  fin  de  la  Fronde  à  Bordeaux, 
une  notice  par  le  Père  Surin  sur  la  possession  des  Ursuiines  de  Loudun  (i(j33).  un 
pamphlet  presque  introuvable  du  wn"  siècle  :  La  Dieudade  ou  caractères  satyriques 
de  la  cour  de  Louis  XIV,  les  papiers  de  la  Bastille,  enfin  une  réimpression  des 
Mémoires  de  Latiide  d'après  le  manuscrit  autographe  du  célèbre  prisonnier.  Tous 
les  curieux  sauront  gré  à  M.  Hovyn  de  Tranchère  d'avoir,  selon  sa  pittoresque  ex- 
pression, rapatrié  ces  intéressants  dessous  de  notre  histoire  nationale.  —  T.  de  L. 

ALLEMAGNE.  —  La  librairie  Oskar  Frankj  de  Vienne,  entreprend  de  publier  une 
nouvelle  revue  de  critique,  intitulée  Allgemeine  Oesterreichische  Litcratu)-^citunff, 
(.<  qui  doit  être  pour  l'Autriche  et  l'Allemagne  ce  que  sont  les  feuilles  allemandes 
pour  VAllemap^ne  et  FAutriclie  ».  Le  pretnier  numéro  doit  paraître  à  la  fin  de  mars. 
Dans  la  liste  des  rédacteurs  nous  trouvons  les  noms  de  MM.  George  Bûhler,  Kara- 
BACEK.  Frédéric  Mûlleu,  H.  Mûller,  iMussafia,  Reinisch,  etc.  Ces  noms  suffisent 
pour  bien  faire  augurer  de  la  nouvelle  publication 

—  M.  F.  W.  B.  BoRNEMANiN,  licencié  en  théologie,  a  publié  une  tlièsc  sur  la  ques- 
tion suivante  :  In  investiganda  monachatus  origine  quibus  de  causis  ratio  habenda 
sit  Origenis  (Gottingae,  Vandenhœck  et  Ruprecht,  iS85.  in-8",  80  p.  dont  38  de 
notes  et  de  références).  Cette  thèse  est  dirigée  contre  Weingarten.  (Ueber  den  Urs- 
prung  des  Mœnchtums  im  nachconslaniinischen  Zcitallcr.  iSj-j  ,  qui  rattache  l'ori- 
gine du  monachisme  aux  reclus  du  culte  de  Sérapis.  M  B.  montre  dans  la  première 
partie  de  sa  thèse  que  l'institution  elle-même  est  très  complexe  et  a  pris  des  formes 
variées  ;  en  conséquence,  l'origine  n'en  est  pas  une:  la  pratique  des  conseils  évan- 
géliques,  la  pénitence,  la  répugnance  pour  la  vie  du  «  siècle  >>,  l'attrait  du  merveil- 
leux, les  pratiques  des  sectes  philosophiques  contemporaines,   l'état  précaire  de  la 


258  RiiVlîIi    CRITIQUE 

société  d'alors,  ia  préoccupation  de  la  fin  prochaine  du  monde,  telles  sont  quelques- 
unes  des  causes  de  la  naissance  et  du  développement  du  monachisme  (pp.  lo-ii), 
La  méthode  à  suivre  dans  la  question  est  de  faire  la  critique  des  sources  de  l'an 
3oo  à  l'an  5oo  et  de  comparer  les  données  ainsi  obtenues  avec  les  renseignements 
que  les  écrivains  ecclésiastiques  des  premiers  siècles  nous  fournissent  sur  l'ascéti- 
que chrétienne.  Dans  la  seconde  partie  de  la  thèse,  M.  B.  applique  cette  méthode  à 
la  vie  et  aux  écrits  d'Origcne.  Il  nous  montre  Origène  se  livrant  à  tous  les  exerci- 
ces de  ia  vie  monastique,  (d'après  Eusèbe,  Hist.  ecciés.,  VI,  3  et  Grégoire  le  thau- 
maturge, Panegyrica  Gr-atio,  ap.  Orig.  opp.  éd.  Lommatzsch,  t.  XXV);  ensuite  il 
passe  en  revue  chacun  de  ces  exercices  et  prouve  qu'Origèneles  recommandait  dans 
ses  écrits  et  dans  ses  exhortations.  —  M.  B.  conclut  que  la  vie  monastique  a  pris 
naissance,  quand  l'Eglise  ayant  fait  la  paix  avec  l'Etat  et  assuré  sa  domination  sur 
la  société,  l'ascétisme  des  premiers  temps  cessa  d'être  possible  au  plus  grand  nom- 
bre. Ce  travail  excellent,  qui  renouvelle  et  élargit  la  question,  manque  un  peu  de 
clarté  dans  la  disposition  de  hi  première  partie  :  les  objections  à  la  théorie  de  Wcin- 
garten  sont  confondues  avec  les  considérations  générales  et  avec  l'e.xposé  de  la  mé- 
thode. —  Signalons  sur  la  même  question  un  travail  de  M.  Lucius  publié  dans  la 
Zeitsdir.  f.  Kirdiengcsch.  M.  L.  prouve  que  Rufin,  Pailadius  et  Sozomène  ont 
puisé,  pour  leurs  biographies  monastiques,  à  une  source  unique  rédigée  en  Egypte 
à  la  fin  du  iv^  s.  —  P.  A.  L. 

GRÈCE.  —  On  a  trouvé  entre  l'Acropole  et  le  temple  de  Jupiter  Olympien  à 
Athènes  une  inscription  du  v^  s.  a.  C.  qui  nous  fait  connaître  l'existence  d'un  tem- 
ple du  roi  Codrus  dans  cette  ville. 

ITALIE.  —  Il  a  paru  récemment  à  Florence  des  Notes  de  M.  Pasquale  Papa 
sur  le  cinquième  volume  de  l'histoire  de  la  liitéraiure  itcdienne  du  prof.  Adoifo  Bar- 
îoli;  l'auteur,  disciple  du  savant  professeur  florentin,  passe  d'abord  en  revue  les 
principaux  points  de  la  vie  de  Dante,  que  M.  A.  Bartoli  a  discutés  dans  son  dernier 
volume  de  l'histoire  de  la  littérature  italienne,  tels  que  la  noblesse  de  la  maison  de 
l'Alighieri,  la  date  de  sa  naissance,  son  mariage,  ses  différents  séjours  pendant  son 
exil,  son  voyage  prétendu  à  Paris,  etc.;  après  cet  examen,  qui  a  pour  but  de  prouver 
que  le  livre  de  M.  A.  Bartoli  est  <i  le  résultat  d'une  étude  attentive  de  tout  ce  qu'on 
a  écrit  jusqu'ici  sur  Dante  »;  M.  P.  Papa  s'attaque  à  M.  Gaetano  Amalfi,  qui  lui  a 
prétendu  que  «  le  cinquième  volume  de  l'histoire  de  M.  A,  Bartoli  n'est  qu'un  pla- 
giat depuis  le  premier  jusqu'au  dernier  mot  ?>.  M.  G.  Amalfi  est  un  disciple  de 
M.  Imbriani,  de  Nnples,  comme  M.  P.  Papa  l'est  de  IVl.  Bartoli,  de  Florence; 
M.  Imbriani  a  écrit  sur  Dante  et  M.  Bartoli  s'est  rencontré  avec  lui  sur  certains 
points,  sur  d'autres  il  est  d'un  avis  tout  différent;  mais  il  ne  l'a  pas  cité  ou  du 
moins  il  ne  l'a  pas  placé  à  côté  de  MM.  Giuseppe  Todcschini  et  Isidoro  del  Lungo, 
les  seuls  auteurs,  d'après  M.  A.  Bartoli,  «  d'études  originales  et  importantes  nou- 
velles sur  la  vie  de  l'Alighieri  ».  De  là  le  mécontentement  de  M.  Imbriani  d'abord 
et  ensuite  de  M.  Amalfi;  celui-ci  a  voulu  venger  son  maître  d'un  dédain  immérité, 
en  essayant  de  rabaisser  sottement  M.  A.  Bartoli. Tout  cela  paraît  déjà  assez  étrange; 
mais  que  M.  P.  Papa  écrive  à  son  tour  un  pamphlet  grossier  contre  M.  Amalfi, 
c'est  ce  que  je  ne  puis  compreridre;  les  pédants  du  xvi<^  siècle  avaient  de  ces  que- 
relles; peut-être,  en  s'attaquant,  s'accusaient-ils  eux-mêmes  aussi  de  «  méchanceté 
asinaire  »,  asinina  irisii:{ia;  M.  P.  Papa,  grâce  aux  progrès  de  la  science,  a  trouvé 
moyen  de  renchérir  sur  eux;  il  parle  quelque  part  d'un  «  Rabagas  littéraire  »,  ce 
qui  est  déjà  assez  beau,  mais  ce  qui  est  plus  fort  et  entièrement  nouveau,  c'est  de 
dire  que  «  i'Amalfi  offrirait  au  docteur  Koch  le  plus  beau  cas  d'infection  par 
le   bacille  en  virgule  ».  On  ne  a^'ra  guère  tenté  après  cela  de  lire  M.  Amalfi,  et  j'ai 


d'histoire    El    DE    LrrTKUATUHE  2^9 

presque  regret  aussi  d'avoir  lu  M.  P.  Papa.  Mais  de  quelles  mœurs  scolastiques  cela 
nous  donne-t-il  l'exemple  et  que  nous  voilà  loin  de  l'ancienne  urbanité  italienne  si 

connue!  —  Cil.  J. 

—  M.  D.  CoMPARETTi,  fait  paraître  depuis  les  derniers  mois  de  1884  un  nouveau 
périodique  consacré  à  l'antiquité  classique  :  le  Museo  italiano  di  antichità  classica. 
Florence,  Loescher,  1884).  La  première  livraison  contient  les  articles  suivants  : 
1°  Spicilegio  floventino,  de  G.  Vitelli  :  série  de  notices  intéressantes  sur  plusieurs 
mss.  de  la  Laurentienne  (pp.  i-55)  ;  2«  Les  Colonies  militaires  établies  en  Italie 
par  le  second  Triumvirat  et  par  Auguste,  par  Ettore  Pais;  3°  Fragments  de  l'E- 
thique d'Epicure,  (pp.  67-88),  seconde  publication  complétée  et  annotée  d'un  ms. 
d'Herculanum,  par  Comparetti;  4°  Diverses  notices  archéologiques  (pp.  89-1 12)  par 
Luigi  A.  Milani,  sur  les  frontons  d'un  temple  toscan  trouvés  à  Luni  et  sur  la  collec- 
tion de  bijoux  antiques  réunie  sur  le  territoire  de  Luni  parle  marquis  A.  Remedi  ; 
b<>Dela  langue  vulgaire  che^  Aristophane,  ^2,v  G.  ?>m\  (pp.  n3-i3o).  —  On  annonce 
pour  la  prochaine  livraison  du  Museo  la  publication  de  l'importante  inscription 
trouvée  àGortyne  par  M.  F.  Halbherr  :  on  sait  qu'elle  contient  en  600  lignes  tout  un 
recueil  des  lois  de  cette  cité  et  qu'elle  remonte  au  moins  au  vi"^  s.  a.  G. 

SUISSE.  —  M.  Jules  Vuy  vient  de  publier  le  discours  qu'il  avait  prononcé  le 
2  mai  1884  dans  la  séance  annuelle  et  publique  de  l'Institut  national  genevois  sur 
VOrigine  de  la  commune  de  Genève.  Il  montre  que  cette  origine  est  beaucoup 
plus  ancienne  qu'on  ne  le  pense,  que  J.-J.  Rousseau  a  vu  juste  à  cet  égard  et  que 
la  commune  de  Genève  est  bien  antérieure  au  xiir  siècle. 


ACADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET   BELLES-LETTRES 


Séance  du.  20  mars  looj. 

L'Académie  procède  aux  scrutins  pour  la  présentation  des  candidats  aux  deux 
chaires  vacantes  au  Collège  de  France.  Sont  présentés  :  pour  la  ciiaire  de  phUologie 
latine,  en  première  ligne  M.  Louis  Havet,  en  seconde  ligne  M.  Emile  Châtelain  ; 
pour  la  chaire  de  langues  et  littératures  de  la  Perse,  en  première  ligne  M.  James 
Darmesteter,  en  seconde  ligne  M.  Clément  Huart. 

M,  Julien  Havet  communique  une  notice  sur  l'emploi  de  la  formule  rex  Franco- 
rum  vir  inluster,  dans  les  diplômes  royaux.  On  lit  dans  les  traités  de  diplomatie 
que  les  souverains  mérovingiens  ajoutaient  à  leur  titre  de  roi  celui  de  vir  inluster 
(pouv  ilhisii-is);  qu'ils  avaient  emprunté  ce  titre  aux  grands  dignitaires  de  l'empire 
romain,  et  ils  entendaient,  en  le  prenant,  rappeler  la  dignité  consulaire  jadis  confé- 
rée à  Clovis  par  l'empereur  Anastase.  Dans  les  éditions  des  diplômes  mérovingiens, 
qui  ont  été  données  à  plusieurs  reprises  depuis  un  siècle,  on  lit  en  effet  en  tète  de 
la  plupart  des  actes  :  N.  rex  Francorum  vir  inluster.  Mais,  si  l'on  se  reporte  aux 
originaux,  on  trouve,  au  lieu  de  ces  deux  mots,  une  abréviation  :  v.inl.  Il_  n'y  a  pas 
un  seul  acte  royal  original  et  authentique,  de  l'époque  mérovingienne,  où  l'on  lise 
en  toutes  lettres  vir  inluster  ;  mais  il  y  en  a  un  assez  bon  nombre  où  l'on  lit  ex- 
pressément j^/r/s  inlustribus.  formule  d'adresse  par  laquelle  le  roi  désignait  les 
fonctionnaires  chargés  de  l'exécution  du  diplôme.  L'analogie  commande  de  lire  ainsi 
l'abréviation  v.  inl.;  il  serait  étrange  que  les  rois  mérovingiens  eussent  pris  pour 
eux  le  même  titre  qu'ils  donnaient  aux  fonctionnaires  leurs  subordonnés,  et  d'ail- 
leurs le  titre  de  vir  inluster  ou  illuslris,  qui  appartenait  sous  l'empire  à  un  grand 
nombre  de  fonctionnaires  divers,  était  au-dessous  de  la  dignité  d'un  roi.  Les  édi- 
teurs des  diplômes  se  sont  donc  trompés,  quand  ils  ont  lu  dans  les  actes  mérovin- 
giens va- z;i/z<5^^;,  et  il  faut  rétablir  uniformément  dans  tous  ces  textes  viris  inlus- 
tribus. 

Il  y  a  eu  un  temps  où  le  titre  de  vir  inluster  a  été  associé  à  celui  des  rois,  rnais 
ce  n'est  pas  sous  la  première  race,  c'est  au  commencement  de  la  seconde.  Les  maires 
'du  palais,  sous  les  Mérovingiens,  portaient,  en  qualité  de  fonctionnaires,  le  titre 
de  vir  inluster  ;  l'accroissement  de  la  puissance  des  maires  du  palais,  à  la  fin  de  la 
première  race,  accrut  l'importance  de  ce  titre,  qui  devint  peu  à  peu  le  monopole  de 


200  RKVUE    CRITIQUE    d'hISTOIUE    ET    DE    LITTERATURE 

CCS  hauts  fonctionnaires.  Quand  Pcpin  devint  roi,  il  ne  renonça  pas  à  cette  qualifi- 
cation honorifique,  qui  avait  été  l'expression  de  son  rang  quasi-royal.  A  partir  de 
son  avènement,  on  trouve  dans  les  diplômes,  en  toutes  lettres,  rex  Francoitnn  vir 
zi(/î(5/er.  Après  lui,  Carloman  et  Gharlemagnc  tirent  usage  de  la  même  formule; 
mais  Cliarjemagne  l'abandonna  au  bout  de  quelques  années  de  règne  pour  rempla- 
cer le  titre  de  vir  inliister  par  celui  <.\ii  patficiiis  Roynanorum.  Le  tilre  de  rex  Fran- 
conim  vir  inlustcr  est  donc  carlovingien  et  non  mérovingien  ;  il  renferme  une  allu- 
sion, non  à  la  dignité  consulaire  conférée  à  Clovis  par  l'empereur  de  Constantino- 
ple,  mais  à  la  dignité  de  maire  du  palais,  revêtue  par  Pépin  le  Bref  avant  son 
avènement  à  la  couronne. 

M.  Philippe  Berger  lit  une  note  de  M.  de  Vogué  sur  une  stèle  nabatéenne  récem- 
ment découverte,  sur  laquelle  on  voit  des  bustes  sculptés  et  plusieurs  inscriptions. 
M.  de  Vogué  examine  et  rectifie  sur  plusieurs  points  l'explication  que  des  savants 
allemands  ont  donnée  de  ces  inscriptions.  Ceriains  mots,  qui  se  voient  au-dessous 
des  bustes,  ont  été  expliqués  comme  faisant  corps  avec  le  texte  principal;  il  faut 
les  lire  à  part  et  y  reconnaître  ies  noms  des  personnages  représentés  dans  les  sculp- 
tures. L'inscription  principale  se  traduit  ainsi  : 

«  Ceci  est  la  stèle  qu  a  érigée  Hanâou,  Taffranchi  de  Gadilou,  fille  de  Begralh, 
mère  d'Adramou  le  stratège  et  de  Nequdou  le...,  fils  d'Abdmalikou  le  stratège,  dans 
le  mois  d'iqar  de  l'année  410  suivant  le  comput  des  Romains,  qui  est  l'année  24  de 
Dabêl  le  roi.  » 

Selon  M.  de  Vogué,  le  terme  de  comput  des  Romains  désigne  l'ère  des  Séleuci- 
des.  Le  monument  est  de  l'an  gg  de  notre  ère.  Le  synchronisme  de  l'an  410  des 
Séleucides  avec  l'an  24  de  Dabêl  confirme  les  conclusions  auxquelles  M.  de  Vogiié 
était  arrivé  antérieurement  sur  la  chronologie  des  rois  nabatéens. 

M.  Paul  Meyer  commence  une  communication  sur  deux  ouvrages  français  du 
moyen  âge,  qui  nous  ont  été  conservés  par  un  grand  nombre  de  manuscrits,  mais 
qui  ont  été  peu  étudiés  jusqu'ici.  L'un  est  une  histoire  générale  de  l'antiquité,  l'au- 
tre une  histoire  de  Jules  César.  Ils  ne  portent  pas  de  nom  d'auteur.  On  les  a  crus 
composés  l'un  et  l'autre  au  xiv'^  siècle,  et  M.  Meyer  a  longteinps  partagé  cette  opi- 
nion; ses  dernières  recherches  l'ont  amené  à  reconnaître  qu'il  faut  reculer  cette 
date  d'un  siècle.  Dans  l'ouvrage  sur  l'histoire  de  l'antiquité,  l'auteur  anonyme  nomme 
son  seigneur,  le  châtelain  de  Lille,  Roger  :  or  le  seul  seigneur  auquel  cette  désigna- 
tion puisse  convenir  est  mort  en  i23o  Comme,  d'autre  part,  il  est  fait  mention  de 
la  mort  de  Philippe-Auguste,  qui  régna  de  1180  à  1223,  on  voit  que  cet  ouvrage 
doit  avoir  été  écrit  ou  au  moins  commencé,  entre  121'i  et  1230. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Desjardins  :  Lasteyrie  (R.  de).  Notice  sur  une 
croix  du  xni'"  siècle  conservée  à  Gorre  (Haute- Vienne)  (extrait  du  Bulletin  archéo- 
logique du  Comité  des  travaux  historiques  et  scientifiques)  ;  —  par  M.  de  Boislisle  : 
Chamillart  (Michel),  contrôleur  général  des  finances,  etc.,  Correspondance  et  pa- 
piers inédits,  publiés  par  l'abbé  C  Esnault  ;  —  par  M.  G.  Perrot  :  i"  Lenormant 
(François),  Histoire  ancienne  de  l'Orient,  t.  IV  ;  2"  Guhl  et  Koner,  La  vie  antique, 
traduit  par  O.  Riemann;  —  par  M.Bergaigne  :  Reynaud  (P.),  la  Rhétorique  sanscrite; 
—  par  M.  Delisle,  de  la  part  de  M.  Riant  :  Archives  de  l'Orient  latin,  t.  11. 

Julien  Havet. 


SOCIÉTÉ  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE 


Séance  du  11  mars. 

présidence  de  m.  l.  courajod 

La  Société  française  d'archéologie  à  Caen  et  la  Société  d'érnulation  de  Montbéliard 
envoient  leur  adhésion  aux  démarches  faites  par  la  Société  pour  obtenir  des  pouvoirs 
publics   des  mesures  législatives  pour  la  conservation  des  monuments  et  antiquités. 

M.  l'abbé  Thédenat  communique  le  texte  d'une  inscription  votive  a  Mercure  ré- 
cemment découverte  à  (Uiarleville,  et  d'une  autre  iiiscripiion  trouvée  à  Reims. 

M.  Courajod  communique  une  petite  figure  en  terre  de  pipe  représentant  Sainte- 
Barbe  et  qui  vient  d'être  donnée  au  musée  du  Louvre  par  M.  Henri  Havard. 

M.  Guillaume  lit  une  note  sur  la  découverte  d'une  médaille  à  l'effigie  d'Hélène, 
mère  de  Constantin,  qui  vient  n'être  faite  à  \'alenciennes. 

M.  Héron  de  Villefosse  communique,  de  la  pari  de  M.  Berthelé,  le  texte  d'une 
inscription  récemment  découverte  à  Aulnay  (Charente-Inféiieurej  et  relative  à  un 
soldat  de  la  xive  Légion. 

Le   Secrétaire, 
R.  DE  Lasteyrie. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  EHNEiST  LKKOL'X 

Le  PuY,  imprimerie  de  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


EVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


]>î''  14  -6  avril    -  1885 


^oinitsitire  î  52.  De  Biberstein-Kazimirski,  Dialogues  français-persans.  —  53. 
Choix  des  Métamorphoses  d'Ovide,  p.  p.  Armengaud. —  54.  Stephens,  Les  é...  les 
de  Bugge  sur  la  mythologie  noroise.  —  55.  Le  Voyage  d'outremer  de  Jean 
Thénaud,  p.  p.  Schefer.  —  Thèses  de  M.  Hauvette-Besnault  :  L'archonte-roi 
et    Les   stratèges   athéniens.  —  Clironique,  —  Académie  des  Inscriptions. 


5  1.  —  Siiîslogaît's  irrssjiç:its-jîe3-^;!.;)s,  précédés  d'un  précis  de  la  grammaire 
persane  et  suivis  d'un  vocabulaire  français-persan,  par  A.  ur-:  Bibehst.kin  Kazi.mih'Ki, 
I   vol.  in-.S,    II  18  pages.  Paris,  Klincksieck,   i883. 

Les  ouvrages  destinés  à  l'étude  pratique  du  peisan  îv.oderne,  consi- 
déré comme  langue  vivante,  se  sont  beaucoup  multipliés  durant  les  dix 
dernières  années ';  mais  aucun  de  ces  ouvrages  ne  peut  se  comparer 
pour  l'éteiidue  et  la  richesse  des  informations  avec  le  vaste  ensemble  que 
M.  de  Biberstein  Kazimirski  vient  de  mettre  à  la  disposition  des  amis 
de  la  langue  persane.  Le  service  de  premier  ordre  que  M.  de  B.  av  ùt 
déjà  rendu  à  la  littérature  arabe  par  son  beau  Dictionnaire,  le  plus 
grand  et  le  plus  heureux  effort  de  la  philologie  arabe  jusqu'au  Diction- 
naire de  Lane,  il  vient  à  présent,  un  quart  de  siècle  plus  tard,  le  rendre, 
sous  une  forme  différente,  à  la  plus  arabisée  des  langues  aryennes.  L'âge 
n'a  point  de  prise  sur  l'infatigable  travailleur. 

Le  volume  un  peu  massif  dont  nous  voulons  donner  une  idée  se 
compose  de  trois  parties  :  1  un  précis  de  grammaire  persane,  qui  oc- 
cupe les  cent  vingt-six  premières  pages;  2"  des  dialogues  français-persans 
(pages  127-498);  3"  un  lexique  français-persan,  qui  occupe  le  reste  du 
volume  et  qui  forme  la  partie  la  plus  considérable  de  Touvrage  (499- 
II 18).  L'ouvrage  a  été  primitivement  composé  pour  les  dialogues  et 
doit  sa  naissance  à  des  circonstances  que  Fauteur  nous  fait  connaître 
dans  sa  préface.  Il  y  a  quelques  années,  il  causait  à  Paris  avec  un  mé- 
decin persan,  formé  à  Paris,  Mirza  Mohammed  de  Kirmanchah,  Je 
rinsuffisance  des  ressources  offertes  aux  Persans  et  aux  Français  pour 
étudier  la  langue  les  uns  des  autres.  M.  de  B.  proposa  à  son  ami  de  no- 
ter au  fur  et  à  mesure  les  conversations  qu'ils  tenaient,  ce  qu'ils  firent, 
écrivant  le  français  et  le  persan   alternativement  sous  la  dictée  l'un  de 


I.  Wahrmund,  Pr^iktisches  Handbuch  der  mii-peysischeii  Spvac'ne,  Giessen,   1^73; 

Mirza  Mohammed  Ibrahim  et  Fleischer,  Grammatik  der  pe>-xisc!ien  Spraclie,  1^"  Auf- 

lage,  Leipzig.    1873  ;    les  deux   dictionnaires    persan-anglais  et  [anglais-persan   de 

Palmer,  1876,  i883  ;  Stanislas  Guyard,  Ma)utel  de  la  IcDii^ue  persane  vulifaire,  i8!So. 

Nouvelle  série.  X1.K.  14 


202  REVUK    CRITIQUE 

l'autre  Ainsi  commença  un  premier  noyau  de  dialogues,  qui  se  développa 
ensuite  au  cours  de  conversations  tenues  avec  d'autres  Persans.  Les 
dialogues  achevés,  M.  de  B.  mit  en  tête  un  précis  de  grammaire  à  Tu- 
sage  des  Français  et  à  la  suite  un  vocabulaire  complet  de  plus  de  vingt 
mille  mots,  pour  la  rédaction  duquel  il  a  eu  également  des  conseils  in- 
digènes, entre  autres  ceux  du  général  Kerim  Khan,  attaché  militaire  de 
la  légation  de  Perse  à  Paris.  On  voit  que,  tout  au  long  de  son  travail, 
M.  de  B.,  malgré  sa  longue  et  profonde  connaissance  du  persan,  a  tou- 
jours remonté  à  la  source  vivante.  De  là  la  sûreté  et  la  nouveauté  d^in- 
nombrables  informations  que  l'on  rencontrerait  difficilement  ailleurs. 
Il  n'est  pas  aisé  de  donner  un  résumé  d'un  ouvrage  de  ce  genre  que  l'on 
n'apprécie  bien  que  dans  Tusage  de  chaque  jour  que  l'on  en  fait.  Quel- 
ques indications  donneront  cependant  une  idée  du  genre  de  nouveauté 
que  Ton  y  trouve. 

Le  précis  de  grammaire,  dont  M.  de  B.  parle  avec  une  modestie  qui 
ne  lui  rend  pas  suffisante  justice,  est  surtout  intéressant  par  Pattention 
spéciale  que  l'auteur  a  prêtée  à  l'élément  arabe.  On  sait  que  récemment 
une  école  s'est  formée  qui  essaie  de  débarrasser  le  persan  de  ses  éléments 
arabes  et  de  faire  remonter  à  la  langue  le  courant  de  l'histoire.  C'est  une 
tentative  aussi  absolument  condamnée  d'avance  que  celle  des  Roumains 
d'exclure  les  éléments  slaves  de  leur  langue  ou  que  le  serait  une  tenta- 
tive anglaise  de  revenir  au  pur  saxon  :  on  peut  chasser  les  étrangers 
introduits  par  la  mode,  et  le  plus  souvent  d'ailleurs  ils  partent  d'eux- 
mêmes,  se  sentant  mal  vus  et  mal  à  Taise;  mais  on  ne  peut  chasser  les 
mots  qui  sont  entrés  avec  des  idées  et  des  faits  étrangers,  car  Tun  em- 
porte Tautre.  Un  des  innombrables  fils  de  Feth  Ali  Shah  a  essayé,  il  y 
a  quelques  années,  d'écrire  une  histoire  de  la  Perse  dans  le  style  de 
Firdousi  '  :  elle  est  tout  bonnement  illisible.  Le  persan  moderne  doit  en 
prendre  son  parti  et  faire  sa  part  à  l'arabe,  s'il  veut  continuer  à  expri 
mer  les  idées  des  Persans  d'aujourd'hui  '.  C'est  ce  que  M.  de  B.  a  fait 
mieux  ressortir  qu'aucun  de  ses  devanciers,  et  il  ne  manque  pas  une 
occasion  de  distinguer  les  deux  éléments  et  de  délimiter  leur  champ 
d'action.  Je  mentionnerai  en  particulier  ses  excellentes  remarques  sur 
les  changements  de  sens  des  mots  arabes  employés  en  persan  (p.  26), 
sur  les  verbes  composés  hybrides  :  M.  de  B.  fait  remarquer,  ce  que  les 
grammaires  ordinaires  ne  signalent  point,  que  je  sache,  que  kerden, 
nemoudetijfermouden  sont  d'ordinaire  précédés  du  nom  d'action  arabe, 
tandis  que  sakhten,  guerdiden,  guechten,  guerdaniden,  chouden  et  bou- 
den  sont    précédés   d'un  adjectif   ou    d'un  participe  arabe   ou  persan 

1.  Nâmé-î  Khosvevdn  (voir  la  Zeitschrift  der  Deutschen  Murgcnl.  Gesdls.  xxvin, 
bo6. 

2.  L'ascendant  de  l'arabe  est  tel  que  même  des  idées,  pour  lesquelles  la  vieille 
langue  avait  un  mot  parfaitement  adapté,  ne  peuvent  plus  s'exprimer  que  par  le  vo- 
cable sémitique.  Un  médecin,  observe  M.  de  B.,  ne  pourrait,  sans  ridicule,  êtie  un 
pesechk,  c'est  un  tabib;  s'excuser,  c'est  o^v  âvorden  ;  pou:{ech  Cwovden  ferait  éclater 
l'auditoire  (p.  65). 


D  HISIOIHK    Kl      1)K     I.DT  Kit  A  I  U I'.  h  203 

(pp.  67  seq.).  Signalons  surtout  un  chapitre  précieux  sur  les  Locutions 
arabes  employées  en  persan  {^^.  1 04-11 3)  et  en  particulier  sur  le  pluriel 
brisé  appliqué  aux  mots  persans.  On  aurait  désiré  peut-être  plus 
d^exemples  et  d'éclaircissements  pour  les  pluriels  en  at  ;  il  aurait  été 
bon  aussi  de  mentionner  les  pluriels  en  djat  (formés  des  thèmes  en  h  sur 
l'analogie  des  pluriels  en  g-an  :  type  nevechtedjat).  Le  précis  termine 
par  une  série  d'appendices  utiles  ou  curieux  :  noms  des  jours,  des  mois 
lunaires  et  solaires,  des  cycles;  des  mesures  de  distance  et  de  longueur; 
des  poids  et  des  monnaies;  liste  des  déterminatifs  génériques;  liste  des 
mots  qui  désignent  les  voix  et  les  bruits  de  l'homme,  des  divers  ani- 
maux, des  objets  inanimés  ;  enfin  des  exercices  sur  la  lecture  de  mots 
équivoques,  dont  le  son  et  le  sens  varient  avec  les  points  diacritiques, 
et  sur  les  jeux  de  mots  :  ces  minuties,  qui  font  sourire  le  lettré  d'Occi- 
dent, sont  malheureusement,  on  le  sait,  d'une  importance  capitale  pour 
Tétude  de  la  littérature  moderne  de  la  Perse  qui  trop  souvent  touine 
autour  des  jambages  d'une  lettre  ou  des  homophonies  par  à  peu  près. 
Le  lecteur  qui  veut  s'édifier  là-dessus  n'a  qu'à  parcourir  la  Rhétorique 
des  nations  musulmanes,  de  Garcin  de  Tassy. 

Les  dialogues  étant  de  vrais  dialogues  tenus  entre  interlocuteurs  réels 
—  nous  avons  dit  plus  haut  comment,  —  ont  ce  double  avantage  d'ê- 
tre pensés  au  français  et  pensés  au  persan,  ce  qui  n''est  pas  le  cas 
ordinaire  des  dialogues  écrits  par  la  même  personne,  si  bien  naturalisée 
qu^elle  soit.  11  suit  de  là  que  le  persan  est  généralement  l'équivalent  du 
français,  non  la  traduction,  chose  excellente,  puisqu'elle  permet  ainsi 
à  l'étudiant,  quMl  soit  français  ou  persan,  d'entrer  plus  profondément 
dans  l'esprit  des  deux  langues.  Quelques  exemples  donneront  une  idée 
de  la  méthode  de  l'auteur  et  du  bonheur  des  idiotismes  : 

Rien  ne  lui  réussit,  il  se  noierait  dans  son  crachat,  traduit  en  persan  : 
E\  beskè  bed  bekht  est  Jaloudè  dendadnechra  michekened  (eguer  Lila 
bekhored  tchouden  ber  mi  aïed  (p.  i36),  littéralement  :  malheureux 
comme  il  est,  à  manger  du  faloudè  (sorte  de  marmelade  de  pommes),  il 
se  casserait  les  dents;  ou  bien  :  s'il  achetait  de  Tor,  Tor  se  changerait 
en  scorie. 

A  bon  chat,  bon  rat  :  chagalébichèi  Maienderanra  neguired  djô:{  se- 
gué Ma:^enderani  (p.  134)  :  pour  prendre  un  chacal  du  Mazendéran,  il 
faut  un  chien  du  Mazendéran. 

Je  ne  m'en  soucie  pas,  je  n'y  tiens  pas  :  der  bendé  on  nistem.pechmech 
midanem{-p-  129),  littéralement  :  je  n'y  suis  pas  attaché,  je  l'estime  un 
brin  de  laine  (Jlocci  facio). 

Ces  dialogues  sont  de  véritables  conversations;  ils  ne  sont  donc  pas 
destinés  au  touriste  qui  aborde  en  Perse  sans  connaître  la  langue  et  cher- 
che dans  son  guide  tout  d'abord  les  noms  des  objets  de  première  néces- 
sité et  le  minimum  de  phrases  toutes  faites  qui  sont  le  fond  universel  de 
la  langue  du  voyageur.  Les  Dialogues  de  M. de  B.  s'adressent  au  voya- 
geur qui  veut  faire  un  séjour  prolongé  en  Perse,  qui  a  déjà  une  idée  de 


264  KKViJK  (.umyui, 

la  langue  et  vent  se  former  à  la  pensée  et  à  la  vie  persane.  Aussi  tous  ces 
dialogues  sont  ils  persans  par  le  fond  autant  que  par  la  forme  :  c'est  sur 
la  Perse  qu'ils  portent  ou  sur  la  Perse  comparée  à  la  France.  Voici 
quelques-uns  des  sujets  :  des  langues  française  et  persane  (p.  j63),  mar- 
ché, emplettes,  poids  et  mesures  (265),  du  logement  et  des  domestiques 
(3oi),  maison  persane  (873),  l'armée  (407),  mariage  et  noces  (425),  tein- 
ture des  cheveux  ei  toilette  des  femmes  (435),  enterrement  et  funérailles 
(460),  un  procès  Cil  Perse  (4o5).  La  conversation  est  vive,  pittoresque; 
rinterlocuteur  persan  est  généralement  satirique  et  amer.  Signalons  en 
particulier  un  chapitre  de  croquis  et  portraits  (346)  :  les  deux  amis,  de 
leur  fenêtre,  voient  défiler  dans  la  rue  et  présentent  au  lecteur,  généra- 
lement avec  peu  de  charité,  le  Cottin,  le  Tartuffe,  rPîarpagon,  le  Miles 
Gloriosus,  le  Dorante  de  la  société  persane,  Jusqu'J  la  scène  du  Lavoir 
-qui  est  évoquée  devant  nous,  tout  cela  en  style  populaire  et  vivant. 

Le  lexique,  avec  ses  vingt  mille  mots  et  phrases,  dépasse  de  bien  loin 
tout  ce  qu'on  a  dans  ce  genre.  Le  seul  regret  que  je  me  permettrai 
d'exprimer,  c'est  que  les  divers  sens  des  mots  ne  sont  pas  assez 
nettement  ou  ne  sont  absolument  pas  séparés,  ce  qui  peut  exposer 
à  des  méprises.  Voir,  par  exemple,  le  mot  accorder,  traduit  mian  khes- 
min  ashti  kerden  ;  er\ani  dashten;  sa\ra  kouk  kerden,  sans  que  rien 
avertisse  que.  dans  le  premier  cas,  il  s'agit  d'adversaires  que  Ton  met 
d'accord,  dans  le  second  d'une  faveur  qu'on  accorde,  dans  ie  troisième 
d'un  instrument  qu'on  met  d'accord. 

Ajoutons  encore  deux  desiderata  :  x"  une  table  des  matières  de  la 
grammaire  et  des  dialogues  permettant  de  se  retrouver  plus  aisément 
dans  leurs  richesses;  2^  un  lexique  persan -français  des  dialogues,  ce  qui 
permettrait  de  retrouver  le  sens  précis  des  phrases  persanes  qui  rendent 
le  français  par  équivalent  et  qui  ne  sont  pas  toujours  expliquées  dans 
l'aj^^endice  destiné  à  cet  objet  (pp.  489  sq.).  A  défaut  de  ce  lexique,  qin 
serait  tout  un  livre  et  aurait  augmenté  d'un  tiers  la  masse  déjà  peu  ma- 
niable du  livre,  on  désirerait  au  moins  un  index  des  mots  qui  ne  se 
trouvent  pas  dans  les  dictionnaires  en  usage  :  la  lexicographie  trouve- 
rait là  un  butin  asseii  riche  encore  à  glaner.  Terminons  en  remerciant, 
au  nom  de  tous  ceux  qui  s'intéressent  au  persan,  le  vaillant  et  infatiga- 
ble vétéran  de  qui  nous  avons  tous  tant  à  apprendre,  et  souhaitons-lui, 
po':r  le  plus  grand  progrès  de  nos  études,  d'atteindre  les  années  ik 
Saadi  :  il  s:iura  bien  les  remplir  de  belles  et  vaillantes  œuvres. 

J.   1). 


3M.  —  OjviDi-:.  ezîiolx  «Jos    aaôtsEJssorpttoses,    texic    latin  public    avec  des   notes 
en  françai?.,  etc..  par  L    Armeng.aud.  Paris,  18^4  (coll.  Hachette,  iii-i6). 

On  aurait  mauvaise  grâce,  devant  la  modestie  avec  laquelle  M.  Ar- 
mengaud  présente  son  édition  (préf.  p.    i),  à  méconnaître  les  qualités 


d'histoiuil  et  dk  littérature  265 

honorables  qui  la  recommandent  et  à  lui  reprocher  trop  sévèremeni  des 
défauts  qui  ne  Pempêcheront  pas,  somme  toute,  d'être  utile  aux  élèves 
de  l'enseignement  secondaire.  C'est  un  travail  fait  avec  soin  par  un 
professeur  instruit  ;  il  est  regrettable  que,  faute  de  renseignements  es- 
sentiels et  de  réflexion  critique  plus  approfondie,  cette  édition  ne  cons- 
titue pas  un  progrès  bien  sensible  sur  celle  de  Fr.  Dûbner,  déjà  vieille 
d'une  trentaine  d'années. 

A  commencer  par  le  texte,  M.  A.  ne  nous  donne  pas  le  premier  î.xte 
venu,  selon  une  mode  heureusement  passée;  lia  établi  le  sien  avec  cons- 
cience, s'attachant  parmi  les  éditeurs  en  renom  à  celui  qui  lui  a  paru 
le  plus  sûr,  contrôlant  son  modèle  dans  les  passages  douteux  et  cessant 
de  le  suivre  s'il  le  juge  dans  l'erreur.  Bien  qu'il  soit  préférable  de  ne 
se  fier  spécialement  à  aucun  éditeur,  la  méthode  choisie  par  M.  A.  est 
acceptable;  il  s'agit  de  savoir  comment  elle  est  appliquée.  M.  A.  a  pris 
pour  guide  Riese;  sans  doute,  le  texte  de  Riese  est  plus  sage  que  celui 
de  Merkel:  mais,  publié  e'.i  1872,  il  a  déjà  vieilli.  M.  Magnus  le  disait 
récemment,  et  c'est  l'opinion  de  M.  Riese  lui  même,  puisqu'il  a  modi- 
hé,  depuis,  un  assez  grand  nombre  de  ses  leçons,  dans  un  article  du 
Jahresberichte  de  Bursian  (année  1881). 

Il  a  paru,  dès  la  fin  de  l'année  i883,  une  édition  des  Métamor- 
phoses dont  M.  A.  semble  ignorer  l'existence  ou  dont  il  ne  tient  nul 
compte  '  :  elle  est  pourtant  l'œuvre  d'un  homme  qui  a  prouvé,  par  des 
travaux  antérieurs  %  sa  grande  familiarité  avec  Ovide,  M.  Ant.  Zin- 
gerle.  M.  A.  eût  bien  fait  de  prendre  pour  base  de  son  texte  l'édition  de 
Zingerle  plutôt  que  celle  de  Riese. 

Ce  n'est  pas  tout.  Sans  exiger  que  l'auteur  d'une  petite  édition  cjui 
s'annonce  sans  aucune  prétention  savanle,  connaisse  jusqu'aux  moindres 
brochures  sur  la  matière,  on  est  en  droit  de  demander  qu'il  n'ignore 
pas  les  travaux  importants,  ceux  qui,  justes  ou  non  dans  leurs  conclu 
sions,  ont  eu  un  cerlain  retentissement  et  peuvent  avoir  des  consé- 
quences sérieuses  pour  l'établissement  du  texte.  Or.  en  ouvrant  l'édition 
de  Zingerle,  M.  A.  aurait  vu,  dès  la  première  page,  que  l'autorité  du 
Marcianus  a  été  fortement  attaquée,  ces  derniers  temps,  par  M.  Hell- 
muth;  que  lefragrnentiim  Britannicum  doit  être  compté  pour  quelque 
chose,  etc.  il  eût  été  amené  à  réviser  la  liste  des  mss.  qu'il  donne  p.  vu, 
en  les  classant  et  en  les  évciluant  d'une  inanière  trop  absolue.  M.  A.  a 
eu  tort  également  de  négliger  la  brochure  écrite  en  i856  par  Dûbner, 
Commentaire  critique  sur  le  texte  officiel  du  choix  des  Métam.,  la- 
quelle, bien  que  conçue  en  vue  d'une  polémique  spéciale,  demeure  frap- 
pée à  la  bonne  marque,  comme  tout  ce  que  faisait  le  savant  philologue. 


1 .  P.  Ovidi  Nasonis  Metamovphoseon  Ubri  XV  scholarnm  in  usiim  edidit  Anto- 
nius  Zingerle  (collect.  J.  Kvicala  et  C.  Schenkl.) 

2.  Ovidius  iind  sein  Verhœltniss  ^u  den  Vorgœngern  iind  Gleich^eitîgen  Rcemis- 
chen  Dichtern,  von  Ant.  Zingerle  (Innsbruck,  1869-1871). 


206  REVUE    CRITIQUE 

j'arrive  au  détail,  et  je  constate,  par  quelques  exemples,  les  suites  de 
CCS  négligences. 

P.  12,  V.  46  (I,  307)  detiir,  leçon  du  Laurentianus,  adoptée  par  Mer- 
kel,  Dûbner,  Zingerle,  vaut  mieux  que  possit  (cf.  Verg.  Aen.   III,  7); 

—  p.  i3,  V.  28  (1,  340)  même  observation  pour  receptiis,  non  reces- 
sus ;  —  p.  26,  V.  62  (II,  .128)  c^était  ici  le  cas  de  garder  la  leçon  du 
Marcianus,  volantes  {cî.  i53  volucres)  et  de  laisser  à  Merkel  comme  à 
Ricse  la  correction  de  Heinsius  volentes  (cf.  Comment,  crit.  de  Dûbn. 
p.  40  suiv.);  — p.  3o,  V.  6  (II,  21 3)  terras  avec  le  Laurent.,  non  gén- 
ies avec  le  Marc;  —  p.  32,  v.  7  (II,  278)  si  M.  A.  avait  connu  l'édi- 
tion de  Zingerle,  il  y  aurait  trouvé  une  bonne  conjecture  de  C.  Schenkl, 
raucaque,  pour  sacraque  des  rnss.  qui,  ici,  ne  présente  pas  un  sens  ac- 
ceptable; —  p.  41,  V.  23  (III,  2Ç))media,  leçon  du  Bernensis,  attestée 
par  Priscien  et  que  Riese  a  été  sur  sur  le  point  d'adopter  (cf.  sa  préf. 
p.  xiii),  a  été  préféré  avec  raison  par  Zing.  à  medio,  retenu  par  M.  A.  ; 

—  p.  44,  V.  41  (III,  90)  M.  A.  écrit  conjectiim  in  gutture  ferruni; 
mais  le  rapprochement  avec  les  v.  244-245  du  livre  vu  cultrosque  in 
guttura  velleris  atri  Conicit  ne  me  permet  pas  de  douter  qu'il  ne  faille 
écrire  ici  guttura  avec  Bentley  et  Zing.;  —  p-6i,  more,  vu,  v.  i 
(IV,  662)  au  lieu  de  aeterno,  Zing.  écrit  Tyrrheno,  déjà  soupçonné 
par  Heinsius,  approuvé  par  L.  Mûller  et  par  Riese  (dans  son  article  du 
Jahr.  de  Burs.,  précité);  —  p.  83,  v.  25  (VI,  27)  baculo  quoqiie  ; 
la  correction  baculo  quos,  proposée  par  Riese  dans  ce  même  article 
dont  M.  A.,  évidemment,  n'a  pas  pris  connaissance,  ne  peut  guère  être 
repoussée;  —  p.  84,  more.  11,  v.  i  (VI,  53)  constituunt,  bien  plus  satis- 
faisant que  consistunt ;  —  p.  88,  v.  56  (VI,  201)  ite,  satis,  properate, 
sacri  est,  conjecture  de  Haupt  suivi  par  Riese,  ne  vaut  pas  infectis 
properate  sacris  de  Birt  [Symb  ad  hist.  hexam.  p.  i5,  en  note)  '  ;  — 
p.  99,  V,  29.  (VII,  223.)  Threces;  c'est  certis,  qu'il  faut,  sans  aucun 
doute  écrire  avec  Madvig,  Dûbn.,  Zing  ;  le  Laurent,  donne  cretis,  le 
Marc,  crêtes  d'une  première  main,  et  cretis,  d'une  seconde;  —  p.  108, 
V.  43  (VII,  657)  quod  —  reservet ;  le  Marc,  donne  reservent;  écrivez 
avec  Merkel  et  Diibn.  fcf.  son  Comment,  crit.  p.  37)  qui  —  reservent'., 

—  p.  128,  v.  1 10  (VIII,  709)  Thyneius;  il  vaut  mieux  lire  Thym- 
breius,  conjecure  de  Korn  ;  —  p.  137,  v.  40  (IX.  'j,\)reclusi  Merk. 
Zing.,  non  reduxi;  —  p.  i5i,  v.  24  (XI,  27)  vatemque  petunt]  vatem 
repetunt  Korn,  Zing.  ;  —  p.  i5  3,  v.  41  (XI,  S3)  porrectaque  ;  le  Marc. 
a  longos  quoque ;  Riese  écrit  lignosa que  dans  son  édition;  mais  il  a, 
depuis,  approuvé  l'heureuse  correction  de  Korn,  Zing  ,  frondosaque ;  — 

—  p.  j57,  V.  19  (XI,  180)  celare  cupit,  turpique  pudore;  voy.  Dubn. 
Comment,  crit.  crit.  p.  38  celât,  turpique  onerata pudore, avec  Merk.; 

—  p.  171,  V.  23  (XII,  2'i)servat,  des  mss.,  est  bien  suspect;  \e  super at 
de  Merk.  doit  être  préféré;  — p.   175,  v.  38  (XII,  i2>2)  recepto ;  h'xen 

1.  Dûbner  et  Madvig  écr'wQnt  propere,  en  modifiant  le  reste  du  vers  différemment; 
mais  le  mot  propere  ne  se  trouve  nulle  part  ailleurs  chez  Ovide. 


D  HISrOIRK     KT     l>K    LITTÉRATURK  267 

que  rAnplonianus  soit  un  mauvais  ms.,  sa  leçon  rejecto,  rapprociiée 
de  retecto  du  Marc.  {v'«  main),  est  la  plus  vraisemblable;  —  p.  i85, 
V,  77  (XIII,  199)  commiinis]  communem,  Bentl.  Zing;  —  p.  199,  v,  3i 
(XIII,  717)  inpia;  le  Marc,  donne  inita  qui  soutient  la  conjecture  de 
Heinsius,  invita,  Zing.;  —  p.  202,  v.  9  (XIV,  \^b)lapisve,  mss.  infé- 
rieurs; M.  A.  eût  gagné  à  suivre  cette  fois  Riese,  ictusve. 

Si.  M.  A.  avait  connu  la  brochure  de  Diibn.,  il  aurait,  ce  me  sem- 
ble, pris  garde  à  la  nécessité  de  modifier  les  vers  qui  commencei.t  la 
p.  63  de  son  édition  (IV,  695,  suiv.);  un  retranchement  ayant  été  opéré 
pour  a  expurger  »  le  texte,  le  passage  en  question  devient  à  peu  près 
inintelligible  :  l'introduction  du  vers,  à  moitié  refait  par  Diibn.,  Hanc 
ego  si  peterem,  Perseus  Danae  et  Jove  natus  est  si  utile  qu'on  peut 
Faccepter  (voy.  Comment,  crit.  p.  5i). 

Venons  aux  notes  placées  au  bas  des  pages.  La  question  de  savoir  si 
la  méthode  dans  laquelle  elles  sont  conçues,  au  point  de  vue  de  leur 
nature  et  de  leur  étendue,  est  la  meilleure,  ne  tombe  pas  sous  notre 
examen,  puisque  le  livre  de  M.  A.  fait  partie  d'une  collection,  d'ail- 
leurs remarquablement  dirigée,  et  que  Tauteur  a  dû  se  soumettre  aux 
conditions  prescrites.  Les  notes  de  M.  A.  sont  en  général  exactes  et 
claires,  convenablement  rédigées;  toutefois,  dans  un  commentaire  aussi 
restreint,  alors  que  tant  de  difficultés  sont  passées  sous  silence  et  lais- 
sées soit  à  Texplication  du  professeur,  soit  à  la  préparation  des  élèves,  il 
faudrait  éviter  les  observations  inutiles,  et  j'en  trouve  plus  d'un  exemple. 

P.  175,  en  voici  trois  de  suite,  dont  je  ne  vois  pas  du  tout  Tintérét  : 
—  «  Capulo,  la  garde  de  son  épée  »;  un  lexique  suffit  pour  laire  con- 
naître ce  sens,  qui  n'est  pas  douteux  dans  le  v.  Ter  quater  ara  viri 
capulo  et  cava  tempera  puisât.  —  «  Cedenti  est  le  complément  d'/«i-- 
tat  »;  Cedentique  sequens  instat,  il  n'y  a  pas,  que  je  sache,  d'équivo- 
gue  possible  ;  pourquoi  ne  pas  dire  aussi  qu'au  v.  suivant  a/fowzVo  est 
le  complément  de  negat,  et  deux  vers  plus  bas/erenti,  celui  de  obsti- 
tit?  Voici  Texplication  de  cette  note;  M.  A.  l'a  prise  chez  Dûbn.  : 
«  Cedenti  se  joint  à  instat  »;  Mais  Dûbn.  avait  ses  raisons  pour  insis- 
ter sur  le  passage  ;  il  s'insurgeait,  fort  à  propos,  contre  le  texte  pres- 
crit par  le  Conseil  impérial  de  l'Instruction  publique,  lequel  à  ce  pas- 
sage donnait  cedentem.  Si  M.  A.  avait  lu  le  Comment,  crit.,  il  aurait 
trouvé  p.  39  l'explication  de  la  note  de  Dûbn.,  et  il  s'en  serait  épargné 
la  répétition,  cedentem  étant  aujourd'hui  abandonné.  —  «  Tene- 
brae,  les  ténèbres  flottent  devant  ses  yeux  «,  Ante  oculos  natant  tene- 
brae;  en  vérité,  ces  ténèbres  n'avaient  besoin  d'aucun  éclaircissement. 

P.  189,  est-il  utile  de  dire  que  accusasse .^  damnasse  sont  des  formes 
syncopées  de  accusavisse,  damnavisse,  surtout  lorsque,  p.  144,  M.  A. 
s'est  déjà  cru  obligé  d'avertir  que  «  tentasse  est  une  syncope  de  tenta- 
visse  »?  De  même,  p.  2o5,  vitasset  pour  vitavisset,  etc. 

Dans  un  autre  ordre  d'idées,  je  lis  p.  67,  à  ces  mots  Corniger  Am- 
mon,  une  note  qui  me  parait  donner   trop  ou   trop  peu  :  «   Corniger, 


208  KKVUK     CKITiQUh 

épiihètc  ici  rigoureusement  juste,  car  le  dieu  était  adoré  sous  la  forme 
d'un  bélier.  »  Combien  y  a-t-il  d'élèves  sachant  que  les  dieux  des  fleu- 
ves étaient  fréquemment  représentés  avec  des  cornes  de  taureau?  11  est 
pourtant  nécessaire  de  le  savoir  pour  comprendre  la  note,  d'ailleurs 
exacte  et  sensée,  de  M.  A.  ;  il  valait  mieux  ou  ne  rien  mettre  ou  mettre 
trois  ou  quatre  lignes  de  plus. 

Dans  les  Remarques  de  grammaire  et  de  prosodie,  je  rencontre  plu- 
sie  ;rs  fois  cette  formule  :  «  Ovide  a  employé  le  premier,  Ovide  a  éié  le 
premier  à  user  de,  etc.,  »  (p.  xvn  par  exemple]  Qu'en  savons-nous? 
Les  œuvres  de  tant  de  poètes  romains  sont  perdues!  Il  vaudrait  mieux 
dire  ;  «  Ovide,  le  premier,  à  notre  connaissance,  emploie,  etc.  »  On  se 
mettrait  mieux  à  l'abri  du  reproche.  On  gagnerait  aussi  à  faire  disparaître 
l'expression  fausse  de  licence  poétique  (p.  xix,  xx).  Dans  un  traité  de  ver- 
sification française,  qui  a  paru  il  y  a  quelques  années  et  qui  n'a  d'ailleurs 
rien  de  scientifique,  un  chapitre  est  excellent,  et,  vu  sa  brièveté,  je  me 
permets  de  le  citer  en  entier  :  «  Licences  poétiques.  Il  n'y  en  a  pas  ». 
Voilà  la  vérité  :  il  n'y  a  pas  de  licence  poétique,  du  moins  chez  les  bons 
poètes;  ce  que  l'on  nomme  ainsi  improprement,  ce  sont  des  particula- 
rités venant  soit  de  la  recherche  de  certains  effets,  soit  d'emprunts  à  une 
métrique  étrangère,  soit  des  usages  d'une  doctrine,  d'une  école  qui  n'ont 
pas  prévalu. 

L'orthographe  suivie  par  M.  A.  est  celle  qu'ont  adoptée  MM.  Be- 
noist  et  Riemann  ;  M.  A.  ne  pouvait  prendre  de  meilleurs  guiJes,  plus 
compétents  et  plus  sages.  Je  crois  pourtant,  en  m'autorisant  de  l'opi- 
nion exprimée  justement  par  M.  Benoist  dans  sa  préface  de  Virgile, 
que,  à  mesure  qu'on  avance,  on  pourrait  oser  davantage.  Y  aurait-il 
tant  de  mal  à  écrire  quotiens  et  Grajus?  On  répondra  que  des  éditions 
scolaires  sont  faites  pour  de  jeunes  élèves,  non  pour  des  savants  : 
mais  plus  les  élèves  sont  jeunes,  moins  l'habitude  d'une  orthographe 
vicieuse  leur  sera  ancienne,  moins  les  nouveautés  légitimes  les  étonne- 
ront; d'ailleurs,  le  professseur  est  là  pour  les  leur  expliquer.  Il  y  au- 
rait beaucoup  moins  d'inconvénient  à  écrire  umor  ou  conicit,  comme 
on  doit  le  faire,  qu'à  mettre  dans  deux  vers  qui  se  suivent  ciim,  puis 
qiium  (voy.  p.  174  de  l'édit.  de  M.  A.,  more.  V,  v.  14  et  j5);  ce  n'est 
là  qu'une  étourderie,  mais  elle  est  de  nature  à  dérouter  les  élèves. 

Malgré  toutes  ces  restrictions ,  le  Choix  des  Métamorphoses  de 
M.  A.  n'en  demeure  pas  moins  un  livre  estimable  par  les  notes  prises 
dans  leur  ensemble,  par  les  Remarques  de  grammaire  et  de  prosodie 
données  d'après  de  bons  guides  et  dans  une  juste  mesure,  par  l'/;zc/^.v 
des  noms  propres  qui  manque  à  l'édition  de  Dûbner,  par  des  qualités  de 
conscience,  de  jugement,  de  connaissances  classiques,  qui  s'imposent  à 
la  critique  et  qui  lui  font  un  devoir  de  discuter  longuement  et  sérieuse- 
ment ce  petit  volume.  On  peut  le  juger  avec  plus  ou  moins  de  sévérité: 
on  n'aurait  pas  le  droit  de  le  laisser  passer  inaperçu. 

Frédéric  Plessis 


d'histoire  et  de  littérature  269 

34.  —  professof  S.  Uuggc's^  »tudBes  on  nortlicrn  niytliolo^v  by  pro- 
fcssor  George  Stepiiens,  dans  Mémoires  de  la  Société  royale  des  Antiquaires  du 
Nord,  nouv.  série,  1882-83.  Copenhague,  in-8,  librairie  de  Gyidendal,  imprimerie 
de  Thiele,  p.  289-414;  et  1884,  p.  i-55,  avec  fig.  dans  le  texte. 

l»rof.  ^.  Bugges  ^tiidici-  ovei'  noi-<Iisk  llSyllsolegjk-,  trad.  danoise  du 
mémoire  précédent,  revue  par  l'auteur, dans  Aarbœger  for  nordisk  Oldkyiidiglied 
og  Historié  udgivne  af  det  K.  nordiske  Oldskrift-Selskab.  Copenh.,  in-8,  même 
librairie,  ann.  i8S3,  liv.  3  014,  p.  2i5-263  et  xvii-xxv  table  alphab.);  ann. 
1884,  liv.  1-47,  avec  fig.  dans  le  texte. 

Lorsque  lun  des  plus  célèbres  professeurs  à  l'Université  de  Christia- 
nia, M.  Sophus  Bugge,  eut  publié  le  premier  fascicule  dç,  sqs  Etudes 
sur  l'origine  des  traditions  héroïques  et  mythiques  des  Septentrio- 
naux ',  où  il  soutenait  que  la  mythologie  Scandinave  s'était  formée,  aux 
IX*'  et  x^  siècles,  de  la  combinaison  de  vieux  éléments  germaniques  avec 
des  réminiscences  gréco-romaines  et  des  croyances  chrétiennes,  cette 
thèse  originale  et  soutenue  avec  beaucoup  d'érudition  fut  vivement 
critiquée  par  MM.  G.  Stephens  et  Gisli  Brynjulfsson,  tous  deux  profes- 
seur à  l'Université  de  Copenhague  et,  s'il  est  permis  de  se  citer  soi- 
même  après  ces  maîtres,  par  l'auteur  de  la  présente  notice  '.  Les  leçons 
de  M.  Brynjulfsson  n'ont  pas  été  publiées;  celles  de  M.  S.,  qui  l'ont  été 
de  1882  à  1884,  en  anglais  et  en  danois,  étant  trois  fois  plus  volumi- 
neuses que  la  partie  correspondante  de  Touvrage  critiqué,  peuvent  être 
considérées  comme  un  travail  indépendant,  bien  qu'elles  afFecteni  la 
forme  d'une  simple  notice.  Elles  ont  d'autant  plus  d'autorité  que  le 
professeur  Stephens,  Anglais  de  naissance,  mais  Scandinave  par  adop- 
tion, est  un  des  nordistes  les  plus  éminents.  Sa  connaissance  approfon- 
die du  vieux  norrain  et  de  l'anglo-saxon;  ses  études  circonstanciées  sur 
les  mythes  et  les  traditions  populaires,  ses  recherches  sur  les  inscrip- 
tions runiques  qu'il  a  publiées  en  trois  magnifiques  in-f",  lui  ont  été 
d'un  grand  secours  dans  Texamen  critique  des  théories  de  M.  Bugge. 
Il  y  a  un  fait  curieux  à  noter  dans  l'antogonisme  de  ces  deux  savants  : 
c'est  la  liberté  d'esprit  avec  laquelle  ils  traitent  des  sujets  dont  les  ultra- 
patriotes des  siècles  passés  (les  antiquaires  chauvins,  si  l'on  osait  appli- 
quer cette  épithète  aux  Rudbeck  et  aux  Gœransson)  auraient  fait  des 
questions  nationales  :  tandis  que  le  Norvégien  Bugge  tire  des  Iles  Bri- 
tanniques, sinon  l'origine,  du  inoins  la  dernière  forme  des  mythes  eddaï- 
ques,  l'Anglais  Stephens  fait  remontera  la  Scandinavie  les  mythes  de  son 
pays.  Il  ne  veut  pas  admettre,  avec  son  adversaire,  que  des  relations 
passagères  et  le  plus  souvent  hostiles  aient  suffi  aux  premiers  Vikings 
ou  à  leurs  descendants  pour  s'assimiler  les  croyances  des  Anglo-Saxons, 


1.  Stiidier  over  de  nordiske  Giide-og  Heltesagns  Oprindelse.  Christiania,  1881. 
80  p.  in-80. 

2.  Bulletin  critique  de  la  mythologie  Scandinave  dans  Revue  de  l'histoire  des 
religions  publiée  sous  la  direction  de  M.  Maurice  Vernes,  t.  IV.  n^  4,  juillet-août 
1881,  p.   54-74. 


270  RKVlIk    CRITIQUE 

des  Bretons  et  des  Gaëls;  lorsqu'il  trouve  des  ressemblances  entre  les 
mythologies  des  pays  situés  sur  les  rives  opposées  de  la  mer  du  Nord, 
il  les  attribue  à  l'affinité  des  Anglo-Saxons  avec  les  Scandinaves;  de 
sorte  qu'en  remontant  à  trois  ou  quatre  siècles  avant  les  expéditions  des 
corsaires  du  Nord  (vni'^-x'^  siècles),  il  a  l'espace  de  temps  nécessaire 
pour  que  les  croyances  différentes  se  soient  fondues  ensemble  et,  après 
avoir  été  pour  ainsi  dire  digérées,  aient  pu  retourner  sous  une  nou- 
velle forme  en  Scandinavie  et  s'y  répandre  d'un  bout  à  l'autre,  ainsi 
que  dans  les  colonies  éloignées. 

Un  exemple  fera  mieux  comprendre  ce  bre(  exposé  de  sa  thèse,  pour 
ne  pas  dire  de  son  hypothèse.  Cherchant  d'où  peut  venir  Pidée  du  satan 
enchaîné,  qui  ne  se  trouve  ni  dans  les  livres  canoniques  ni  dans  les 
écrits  des  anciens  Pères,  mais  qui  fut  pourtant  répandue  au  moyen  âge 
dans  le  monde  catholique  et  auquel  il  est  fait  allusion  pour  la  première 
f»is  dans  l'Evangile  apocryphe  de  Nicodémie  (v^  ou  vi»^  siècle),  le  pro- 
fesseur Stephens  incline  à  croire  que  «  ce  trait  a  pu  être  emprunté  au 
mythe  septentrional  de  Baldr,  car  au  vi"  siècle  on  connaissait  depuis 
longtemps  les  armes,  les  mœurs  et  les  idées  des  Goths,  aussi  bien  dans 
rOrient  que  dans  l'Occident;  et  les  hérétiques  et  compilateurs  grecs  re- 
cueillaient des  idées  de  tous  les  coins  du  monde.  Tout  ce  que  nous 
pouvons  dire,  c'est  que  le  diable  lié  est  en  Occident  une  idée  peu  répan- 
due et  hétérodoxe,  jusqu'à  ce  qu^elle  paraisse  de  bonne  heure  et  pleine- 
ment développée  en  Angleterre,  où  nous  savons  que  les  Anglo-Scandi- 
naves s'étaient  établis  en  très]  grand  nombre.  Cette  circonstance  rend 
vraisemblable  que  la  Scandinavie  gothique  est  le  lieu  où  cette  idée  à 
commencé  à  prendre  racine  et  d'où  elle  s'est  propagée  dans  les  pays 
occidentaux  '  ».  Il  est  propable,  en  efîet,  que  les  Goths  du  Danube, 
leurs  descendants  les  Visigoths  et  les  Ostrogolhs,  ainsi  que  les  nombreux 
peL:ples  sortis  de  la  Scandinavie,  cette  officina  nationum  et  vagind 
gentium  ,  selon  l'énergique  expression  de  Jornandès,  ont  porté  dans 
l'empire  romain  beaucoup  de  leurs  superstitions  ;  mais  quelles  étaient 
celles-ci?  On  peut  le  conjecturer,  non  l'affirmer  avec  certitude.  En  outre, 
l'idée  d'enchaîner  le  génie  malfaisant  et  déchu  est  tellement  naturelle 
que,  si  la  plupart  des  premiers  chrétiens  l'ont  supposé  libre  en  sa  qua- 
lité de  tentateur,  quelques  autres  ont  pu  le  concevoir  captif,  sans  avoir 
besoin  d'emprunter  cette  idée  à  la  mythologie  scando-gothique.  UApo 
caîypse  lait  allusion  aux  liens  qui  retiennent  Tancien  serpent  (xx,  i, 
2,  7)  et  le  pape  saint  Grégoire  emploie  l'expression  Ugatus  en  parlant 
de  Satan,  de  sorte  que,  selon  la  thèse  de  M.  Bugge,  le  dieu  Loké, 
enchaîné  pour  ses  méfaits ,  pourrait  bien  être  une  imitation  de 
Lucifer. 

Mais  si  l'on  peut  discuter  à  qui  appartient  la  priorité  de  cette  concep- 
tion, il  faut  donner  raison  à  M.  St.  quand  il  signale  des  représentation^' 


I.  Mém.  1882-83,  p.  338-9;  —  Aarbtrger,  i883,  p.  273-4. 


D'HISTOIRE    KT    DK    LITTERAÏUKE  27  I 


chrétiennes  du  mythe  Scandinave  de  Loké.  Jamais  les  poètes,  les  artistes 
et  même  les  théologiens  les  plus  orthodoxes,  ne  se  sont  fait  faute  d'em- 
prunter à  la  mythologie  les  uns  des  motifs  de  décoration,  les  autres  des 
leçons  ou  des  exemples  à  ne  pas  imiter.  Il  suffisait  pour  les  derniers  de 
dégrader  les  anciens  dieux  et  de  les  transformer  en  démons.  C'est  ce 
qu'il  li'a  même  pas  été  besoin  de  faire  pour  Loké,  qui  passait  pour 
un  mauvais  génie  dès  le  temps  de  la  gentilité.  II  n'est  donc  pas 
étonnant  que  ce  nom  ait  été  employé  par  les  Scandinaves  évan- 
gélisés  comme  un  synonyme  de  Satan.  Nous  mêmes,  quinze  siècles 
après  le  concile  de  Nicée,  ne  nous  servons-nous  pas  journellement 
de  métaphores  empruntées  à  la  fable  et  ne  représentons  nous  pas 
les  vices  et  les  vertus  sous  les  noms  et  avec  les  attributs  de  Vénus, 
de  Mars,  de  Minerve  ?  Un  peuple  en  devenant  chrétien  ne  re- 
nonce pas  du  même  coup  aux  images  auxquelles  il  avait  eu  recours 
jusqu'alors  pour  exprimer  ses  idées.  11  n'y  avait  donc  rien  de  choquant 
à  figurer  Loké  sur  des  monuments  chrétiens,  pourvu  qu'on  ne  lui  don- 
nât pas  le  beau  rôle.  C'est  lui  évidemment  que  l'on  voit  dans  un  mé- 
daillon de  la  croix  de  Gosforth  en  Cumberland.  II  est  lié  par  le  cou, 
par  les  pieds,  par  les  mains;  une  femme,  sans  doute  la  fidèle  Sigyne, 
dont  on  reconnaît  le  sexe  à  sa  longue  tresse  de  cheveux,  se  tient  age- 
nouillée près  de  lui,  tendant  une  coupe  pour  recevoir  le  venin  qui  dis- 
tille de  la  bouche  du  serpent  placé  au-dessus  du  captif.  Voilà  une  vraie 
découverte  archéologique,  d'autant  plus  précieuse  que  l'on  possède  fort 
peu  de  scènes  et  même  de  figures  isolées  de  l'ancienne  mythologie  sep- 
tentrionale traitées  par  des  artistes  contemporains.  —  Il  n'est  pas  aussi 
bien  prouvé  que  l'arbre  Yggdrasil  soit  sculpté  sur  une  autre  croix  du 
Cumberland,  celle  de  Dearham;  ce  que  notre  auteur  regarde  comme  un 
tronc  avec  deux  branches  pourrait  bien  être  une  queue  de  poisson  avec 
les  nageoires  caudales;  il  est  fâcheux  que  le  reste  de  la  figure  soit  en- 
ioncé  en  terre  et  peut-êrre  brisé;  si  le  reste  est  conservé  et  qu'on  y 
distingue  l'image  d'un  poisson,  on  n'en  sera  pas  surpris  puisque  les 
lettres  composant  le  mot  r//)6;  forment  l'acrostiche  des  noms  et  des 
titres  du  Christ. 

Avec  sa  perspicacité  habituelle,  M.  St.  a  découvert  sur  un  fragment 
d'une  autre  croix  de  Gosforth  l'illustration  d'un  des  plus  célèbres  épi- 
sodes de  la  mythologie  edda'ique  :  c'est  le  dieu  Thor  en  barque  et  pé- 
chant le  serpent  Jœrmungand  qui  entoure  la  terre;  d'une  main  il  tient 
le  marteau  avec  lequel  il  veut  briser  la  tête  du  monstre,  de  l'autre,  la 
ligne  au  bout  de  laquelle  est  fixée,  en  guise  d'appât,  une  tête  de  bœuf; 
le  géant  Hymi,  debout  dans  la  même  barque,  est  tout  prêt  à  couper  la 
ligne  avec  sa  hache,  si  le  serpent  mord  à  l'hameçon.  On  se  demandera 
pourquoi  un  tel  motif  de  décoration  a  été  choisi  pour  une  croix.  Voici 
la  réponse  de  M.  Stephens  :  «  Le  maître  chrétien  enseigne  à  ses  compa- 
triotes non  convertis  qu'ils  doivent  renoncer  à  leurs  erreurs,  le  puissant 
dieu   Thor    lui-même    n'ayant    pas  réussi    à   anéantir    Jœrmungand, 


272  REVUE    CRITIQUE 

tandis  que  le  Christ  a  réellement  brisé  la  tête  du  serpent  '  ».  — 
M.  K-G.  Brœndsted  proposait  une  explication  plus  subtile-  :  l'idée  de 
cette  pèche  singulière  aurait  été  empruntée  par  les  Scandinaves  aux 
rêveries  de  quelques  commentateurs  du  moyen  âge,  d'après  lesquels 
Dieu  le  Père  aurait  tendu  une  ligne  dans  le  grand  Océan  pour  prendre 
le  Léviathan  ou  Behemoth,  qui  correspond  à  Jœrmungand;  l'humanité 
du  Christ  en  formait  l'appât,  tandis  que  sa  divinité  servait  d'hameçon; 
le  démon,  en  avalant  avec  avidité  le  corps  du  crucifié,  resta  suspendu 
au  crochet.  Il  y  a  là  en  effet  certains  traits  d'analogies  naturelles  entre  les 
deux  scènes,  mais  beaucoup  plus  de  différences  essentielles;  il  est  donc 
fort  douteux  que  la  mythologie  eddaïque  se  soit  inspirée  à  cet  égard  des 
allégories  du  mysticisme  chrétien. 

On  pourrait  multiplier  les  exemples  de  rapprochements  ingénieux  et 
d'explications  originales  qui  remplissent  le  mémoire  de  M.  Stephens; 
quand  même  on  n'en  accepterait  pas  toutes  les  conclusions,  il  faudra  à 
l'avenir  en  tenir  grand  compte  dans  l'étude  de  la  symbolique  et  des  arts 
pendant  les  premiers  siècles  du  moyen  âge,  surtout  chez  les  peuples  du 
Nord.  Les  recherches  du  laborieux  savant  ont,  quoiqu'on  en  puisse 
dire,  agrandi  notre  horizon  et  ouvert  des  voies  nouvelles  où  nous  sou- 
haitons qu'il  nous  guide  longtemps  encore. 

E.  Beauvgis. 


55.  —  Le  Voyage  tl'outi'emei"  (Egypte,  Mont  Sinay,  Palestine)  de  Jean  Tlie- 
naud,  gardien  du  couvent  des  Cordeiiers  d'Angoulême  ;  suivi  de  la  Relation  de 
l'Ambassade  de  Domenico  Trevisan  auprès  du  Soudan  d'Egypte,  i5i2;  publié  et 
annoté  par  Ch.  Schefer,  membre  de  l'Institut.  Paris,  Ernest  Leroux,  m  dccc  xlxxiv 
[sic  pour  1884].  Gr.  in-8  de  2  ff.  xc  et  297  pp.,  plus  3  figg. 

Les  deux  relations  que  M.  Schefer  a  réunies  dans  le  même  voluine 
ont  entre  elles  un  lien  des  plus  étroits.  En  1509  ou  i5io,  le  soudan 
d'Egypte,  Qansou  Ghoury,  croyant  avoir  à  se  plaindre  des  Vénitiens, 
se  rapprocha  de  Louis  XII  qui  était  en  guerre  avec  eux,  et  chargea 
un  marchand  ragusain  de  porter  au  roi  de  France  des  lettres  con- 
çues dans  le  sens  le  plus  amical.  11  accordait  aux  Français  la  liberté  du 
commerce  dans  les  ports  de  l'Egypte  et  de  la  Syrie,  et  promettait  de  ne 
pas  inquiéter  les  pèlerins  qui  viendraient  visiter  la  Palestine.  Louis  XII, 
pour  répondre  à  ces  ouvertures,  résolut  d'envoyer  un  ambassadeur  en 
Egypte,  et,  après  avoir  songé  à  son  roi  d'armes.  Guillebert  Chauveau, 
dit  Montjoye,  porta  son  choix  sur  André  Le  Roy,  qui  avait  précédem- 


1.  Mém.   1884,  p.  35;  —  Aavbœger,  1884,  P-  38. 

2.  Dans  Une   allégorie  chi-étienne  et  un  mythe  païen,  mémoire  analysé  dans  le 
Bulletin  de  la  mythologie  Scandinave  déyà  cité,  p.  80-82. 


t! 


D^HlStUSKfi     Kl      1>H,     LI  »Tr,B/\l"l-'UK  2^3 

ment  rempli  avec  succès  plu?ieurs  missions  diplomatiques.  I.cs  Véni- 
tiens furent  bientôt  informés  que  Ton  équipait  à  Narbonne  un  grand 
navire  qui  devait  conduire  à  Alexandrie  une  ambassade  française;  ils 
ne  voulurent  pas  rester  en  arrière,  et  choisirent  pour  les  représenter  en 
Egypte  un  membre  d'une  des  plus  illustres  familles  de  la  République,  Do- 
menicoTrevisan.  Celui-ci  devait  s'efforcer  de  contrebalancer  l'influence 
de  Louis  XII  auprès  du  soudan  et  de  rétablir  les  affaires  des  Vénitiens. 

André  Le  Roy  lit  voile  d'Aiguesmortes  le  14  novembre  1  5  r  i .  Il  était 
accompagné  d'une  nombreuse  suite  dont  faisait  partie  frère  Jehan  Thé- 
naud,  gardien  du  couvent  des  cordeliers  d'Angoulême.  Louise  de  Savoie 
et  son  lib,  le  duc  d'Angoulême,  qui  protégeaient  ce  religieux,  l'avaient 
chargé  de  se  rendre  à  Jérusalem,  afin  de  prier  pour  eux  dans  les  sanc- 
tuaires des  Saints  Lieux;  ils  lui  avaient  recommandé  de  recueillir  des 
renseignements  sur  la  puissance  des  Persans,  dont  les  conquêtes  exci- 
taient l'atterition  de  la  chrétienté,  et  de  pousser  jusqu'aux  Indes,  s'il  le 
pouvait.  Thénaud,  qui  avait  quitté  Angoulême  le  2  juillet  ,  avait 
rencontré  l'ambassadeur  à  Valence;  il  l'accompagna  jusqu'à  Savone, 
oi^i  il  débarqua,  «  délibérant  passer  l'y  ver  en  Italie  ».  L'attitude  hostile 
de  la  population  lui  Ht  abandonner  son  projet,  et  il  continua  isolément 
son  voyage  en  faisant  le  long  des  côtes  diverses  escales.  A  Castellamare, 
il  prit  passage  sur  un  navire  ragusain,  qui  le  conduisit  à  Alexandrie. 
Il  y  arriva  le  29  février  i5i2,  presqu'en  même  temps  que  la  nef  Z,a 
Normande  que  montait  André  Le  Roy.  Il  suivit  au  Caire  l'envoyé  du 
roi  et  resta  près  de  lui  jusqu'au  milieu  du  mois  de  juin;  mais,  quand  il 
vit  que  les  négociations  traînaient  en  longueur,  il  se  sépara  de  l'ambas- 
sadeur, visita  le  monastère  de  Sainte-Catherine,  situé  au  pied  du  mont 
Sinaï,  revint  au  Caire,  puis  repartit  pour  Jérusalem,  où  il  eut  des 
démêlés  avec  les  Géorgiens,  qui  le  décidèrent  à  retourner  en  Egypte. 
Ses  ressources  étaient  éptiisées  ;  il  se  souciait  peu  d'ailleurs  de  s'ex- 
poser à  de  nouvelles  fatigues  et  à  de  nouveaux  dangers;  aussi  prit-il 
le  parti  de  ne  s'occuper  ni  de  la  Perse  ni  des  Indes.  Il  gagna  Damiette, 
où  il  s'embarqua  vers  la  tin  d'octobre.  Il  prit  terre  à  Villefranche,  près 
de  Nice,  le  2  mars  i5i3,  et  arriva  à  Amboise,  où  était  Louise  de 
Savoie,  le  3i  du  même  mois.  Nous  ignorons  quand  André  Le  Roy 
rentra  en  France. 

La  mission  vénitienne  avait  été  conduite  avec  beaucoup  plus  de  dili- 
gence et  d'habileté.  Dominique  Trevisan,  parti  de  Venise  le  23  janvier 
i5i2,  était  à  Alexandrie  le  17  avril;  il  se  rembarquait  à  Damiette  le 
7  août  et  était  de  retour  à  Venise  le  2  3  novembre.  Quelques  semaines 
avaient  suiïi  pour  mener  les  négociations  à  bonne  fin. 

La  relation  de  Jehan  Thénaud  contient  une  foule  de  détails  du  plus 
haut  intérêt,  non  seulement  sur  l'Egypte,  mais  sur  l'Italie,  les  iles  et  la 
Palestine  ;  elle  est  pour  la  plus  grande  partie  originale.  L'introduction 
et  le  commentaire  qu'y  a  joints  M.  Sch.  ne  contribuent  pas  peu  a  en 


274  RKVUK    CKHIQOK 

augmenter  la  valeur.  Nul  n'était  plus  à  même  que  le  savant  directeur  de 
l'Ecole  des  Langues  orientales  d'élucider  toutes  les  difficultés  du  texte, 
à  l'aide  des  auteurs  occidentaux,  aussi  bien  que  des  auteurs  arabes. 
Les  renseignements  qu'il  nous  donne  sont  si  abondants  et  si  variés 
qu'il  serait  difficile  d'y  faire  une  seule  addition.  M.  Sch.  connaît  non 
seulement  les  auteurs,  en  vers  et  en  prose,  mais  il  n'est  pas  une  carte, 
pas  un  tableau,  pas  une  miniature  qu'il  ne  mentionne  à  propos.  Notre 
amour  pour  la  bibliographie  nous  aurait  fait  seulement  désirer  que  la 
liste  des  ouvrages  de  Thénaud  fût  dressée  avec  un  peu  plus  de  préci- 
sion '.  La  note  relative  à  Prégent  de  Bidoulx  (p.  9)  eût  pu  également 
être  plus  complète  -. 

M.  Sch.  a  cru  devoir  traduire  en  français  le  principal  document  re- 
latif à  l'ambassade  vénitienne  :  la  relation  de  Zaccaria  Pagani,  dont 
le  texte  original  a  été  publié  en  1875  par  M.  le  commandeur  N.  Ba- 
rozzi,  et  dont  il  possède  lui-même  un  manuscrit  ^.  Il  y  a  joint  le  texte 
italien  des  instructions  données  à  Trevisan,  instructions  dont  l'origi- 
nal, supérieurement  calligraphié,  fait  également  partie  de  sa  bibliothè- 
que, et  divers  autres  appendices.  Quant  aux  lettres  de  Marcantonio 
Trevisan,  fils  de  Domenico,  qui  accompagnait  son  père  en  Egypte, 
M.  Sch.  se  contente  de  nous  renvoyer  aux  Diarii  de  Marino  Sanuto  '. 


1.  Voici  cette  liste  en  abrégé  : 

I"  La  Margarite  de  France,  ou  Civoniqiic  abrégée  des  roys  qui  ont  régné  es 
Gaules...  i5oS. 

Un  ms.  de  cet  ouvrage  était,  en  lyyD,  entre  les  mains  de  l'abbé  Mercier  de 
Saint-Léger.  Voy.  Lelong.  Biblioth.  histor.,  IV,  358. 

2"  La  Lignée  de  Saturne.,  i5i3. 

Cet  ouvrage,  que  M.  Sch.  ne  cite  que  d'après  Labbe  (Nova  Bibliotheca  historica. 
i653,  in-4,  353),  existe  en  ms.  à  la  Bibliothèque  nationale  fr.  .:o8i).  Un  fragment 
se  retrouve  sous  le  n"  i358. 

3°  Les  Triomphes  des   Vertus,  i5i8. 

Biblioth.  nat.,  mss.  fr.  4.1.3  (fe  partie),  144  {2^  partie^. 

.l"  Poème  sur  la  Cabale,  v.   i52o. 

Biblioth.  nat  ,  ms.  fr.  882. 

5'  Le  Voyage  d'outremer. 

La  rédaction  de  ce  voyage  est  postérieure  à  l'année  i523,  puisqu'il  y  est  fait  men- 
tion de  la  prise  de  Rhodes  par  Soliman. 

Thénaud  nous  apprend  lui-même  dans  sa  relation  qu'il  avait  fait  un  travail  sur 
Aythonius  et  traduit  en  français  les  Epîtres  de  saint  Paul.  Voy.  l'édition  Schefer, 
1 1/\,  126. 

2.  Voy.,  sur  ce  célèbre  marin,  Jal.  Marie-la-Cordelière  (Paris,  1845,  in-8)  et 
Montaiglon,  Recueil  de  Poésies  françaises,  VI,  97. 

3.  La  seule  observation  que  nous  ayons  à  faire  sur  cette  traduction  porte  sur  le 
mot  haspersegi  (p.  210).  Il  faut  lire  naspersegi  (des  brugnons). 

4.  M.  Sch.  ne  nous  dit  pas  si  Marcantonio  est  le  même  personnage  que  le  doge 
mort  en  i534.  Les  documents  auxquels  il  renvoie  permettraient  de  répondre  facile- 
ment à  cette  question. 

Quant  a  Domenico,  M.  Scii.  énumère  (p.  lxv)  ses  nombreuses  missions  diploma- 
tiques; nous  n'avons  rien  à  ajouter  à  sa  note;  mais    nous,    relèverons   ici   un  détail 


d'HISTOIRH     KT     1)K     LI  irKKAïXIHfe  l'/b 

En  résume,  le  présent  volume  est  un  des  ouvrages  que  liront  avec  le 
plus  de  plaisir  et  de  profit  tous  ceux  qui  s'intéressent  à  Thistoire  et  à  la 
géographie  de  l'Orient.  Il  occupera  un  des  premiers  rangs  dans  l'excel- 
lente collection  publiée  par  MM.  Schefer  et  Cordier  '. 

Emile  Picot. 


THÈSES    DE    DOCTORAT    ES  LETTRES 

Faculté  des  lettres  de  Paris 
(8  janvier  i883). 


Suuteiiaiiee  fie  AI.  l^.  Hauvette>llesn<iult. 

I.  De  Archonte  Rege.  —  Ain.  Hauvette-Besnault.   Thoiin,    1884,   in-S".  v-124  pp, 

II.  Les   Stratèges  athéniens,    par  Am.  Hauvutie-Besnault,  ancien  élève  de    l'Ecole 

Normale  supéneuie,  ancien  membre  de   l'Ecole  française  d'Athènes,  pro- 
fesseur au  collège  Stanislas.  Thorin,  1884,  in-80,  vu- 190  pp. 

I 

M.  Hauvette-Besnault  a  fait  de  ses  deux  thèses  deux  contributions  à  l'histoire  de 
la  constitution  athénienne.  La  thèse  latine,  qui  est  consacre'e  à  l'étude  de  l'Archonte- 
Roi,  se  recommande  par  trois  qualités,  aux  yeux  de  M.  Himly  :  l'érudition,  la  sa- 
gacité et  la  prudence;  la  méthode  de  M.  H.-B.  est  rigoureuse;  un  bon  index  en  fait 
foi  à  la  fin  du  livre;  sa  thèse  est  bien  divisée  :  i"  origine  des  fonctions  du  Çty.zO.Z'JC,', 
2°  rôle  religieux;  3°  rôle  judiciaire  de  ce  magistrat.  On  regrette  peut-être  l'absence 
d'une  bibliographie  du  sujet;  c'est  que  M.  H.-B.  n'aurait  eu  à  indiquer  que  des 
manuels. 

A  quelle  époque  apparaît  cette  magistrature?  Il  est  assez  difficile  de  le  détermi- 
ner. M.  H.-B.  croit  pouvoir  assimiler  son  ^c/.aù.tùq  aux  ^actXîTç  mentionnés  dans 
un  décret  de  Dracon,  malgré  la  théorie  de  Curtius  qui  considère  ces  [5a7t/.îiç 
comme  les  neuf  magistrats  annuels  de  la  République.  A  partir  de  Solon,  on  se  rend 
de  l'institution  un  compte  un  peu  plus  exact;  on  voit  le  '^cf.aù^tùç  présider  les  trois 
tribunaux  de  l'Aréopage,  des  Ephètes  et  du  Frytanée,  sans  doute  en  vertu  de  son 
caractère  religieux,  car  ce  sont  les  attributions  sacrées,  qu'il  a  héritées  du  roi  ; 
^aaiXcUÇ  est   le   seul  nom  qu'il    porte;  le    nom  d'archonte    ne  désigne  exactement 

qui  se  trouve  à  la  fin  d'une  pièce  intitulée  :  Epistola  magnifici  equilis  aitrati 
Hermolai,  Barbari  artium  et  utriusque  juris  docioris  ac  poetae  laureati,  legati  ve- 
neti  ad  Fredericum  imperatorem  et  Maximilianitm  regem  Romanorinn,  principes 
invictissimos  (s.  1.  n.  d.  [1486J,  in-4).  Cette  lettre  se  termine  par  la  mention  sui- 
vante, que  nous  regrettons  de  ne  pas  avoir  connue  lorsque  nous  avons  parlé  des 
équités  aitrati  (voy.  Revue  critique,  188-1,  I,  3i2)  :  «  Idibus  Augusti  [148Ô]  Hermo- 
laus  Barbarus  a  rege  Romanorum  Maximiliano,  Federici  Cesaris  patris  sui  jussu. 
eques  auratus  Brugis  creatus  est  et  aurea  veste  donatus,  una  cum  praestanti  coUega 
suo  Dominico  Trivisano.  »  Voy.  Cigogna,  Saggio  di  Bibliogr.vene^,   n"   iiyS. 

I  Relevons  en  terminant  deux  fautes  d'impression  omises  dans  les  errata  ; 
p.  XLvii,  Simon  Goulard,  Senonois,  lis.  Senlisien;  p.  ii,  la  Mermandc,  lis.  la 
Normande, 


276  «KVIIH     CRITIQtJh 

que  le  premier  des  neuf  magistrats  et  le  nom  d'archonte-roi  est  tout  à  fait  impropre. 
Relativement  au  rôle  et  aux  fonctions  de  ce  magistrat,  M.  Himly  regrette  que 
M.  H.-B.  n'ait  pas  développé  l'analogie  du  pxîtXî'jç  et  du  rex  sacvificulus.  Il  re- 
grette aussi  que  M.  H.-B.  ait  cru  devoir  prendre  à  parti  M.  Renan.  M.  Renan 
a  comparé  le  (3a!Jt}vc6^  et  les  procès  d'impiété  au  Grand-Inquisiteur  et  aux  procès 
d'hérésie.  Sans  méconnaître  la  différence  essentielle  qui  sépare  le  dogme  catholique 
fixé  par  un  Credo,  et  la  religion  vague  et  mystérieuse  des  Grecs,  M.  Himly  persiste 
à  voir  une  analogie  dans  le  procédé  qui  consiste  des  deux  parts  à  mettre  la  religion 
au  service  de  la  politique.  Mais  s'il  y  a  analogie  dans  le  résultat,  répond  M.  H.-B.. 
le  rôle  du  Roi  est  tout  à  fait  différent  de  celui  du  Grand-Inquisiteur  ;  car  il  n'a,  en 
réalité,  aucune  compétence  religieuse. 

iM.  Collignon  revient  sur  la  question  de  l'origine  du  [iaG'.AS'jç  ;  '1  a  peine  à  ad- 
mettre que,  dans  le  décret  de  Dracon,  [SaîiAôtç  ait  pu  désigner  la  série  des  archon- 
tes-rois. Sur  cette  question  se  greffe  la  discussion  relative  à  l'apparition  des  déno- 
minations spéciales  pour  les  neuf  archontes.  Si  l'on  admet  la  correction  de  Kœhler 
pour  l'inscription  de  Dracon,  on  conclura,  avec  M.  H.-B  ,  qu'en  624  le  [îas'.Xsj; 
avait  déjà  assumé  des  fonctions  spéciales;  et.  par  analogie,  on  conjecturera  que  les 
autres  magistrats  s'étaient  partagé  le  reste  des  attributions;  comme  cette  division 
des  pouvoirs  a  dû  nécessairement  coïncider  avec  une  grave  réforme  et  que  nous  sa- 
vons pertinemment  que  Solon  n'a  pas  touché  aux  archontes,  on  est  peut-être  auto- 
risé à  penser  que  le  partage  des  attributions  est  contemporain  de  la  formation  d'un 
collège.  Le  chapitre  de  la  thèse  relatif  aux  attributions  religieuses  est  très  intéres- 
sant; M.  H.-B.  a  scientifiquement  démontré  que  ce  rôle  religieux  était  des  plus 
effacés.  Pourquoi  n'avoir  pas  complété  la  démonstration  en  groupant  autour  du 
PacrfAeù;  le  personnel  dont  on  l'entourait  pour  suppléer  à  son  insuffisance.'  ses 
parhêdres  et  ses  parasites:  C'est  que  les  parhèdres  ne  sont  pas  particuliers  au 
(iaîiXcûç,  et  que  chaque  archonte  (chacun  des  trois  premiers  du  moins)  en  a  deux; 
quant  aux  parasites,  M.  H.-B.  n'a  pu  déterminer  leurs  fonctions.  11  reste  encore  à 
se  demander  quel  était  décidément  le  rôle  du  [3aaiA£Ûç  ;  M.  H.-B.  a  montré  son  ef- 
facement, et  cependant  l'on  désirerait  préciser  cette  insignifiance.  A-t-il  des  fonc- 
tions liturgiques.'  Non,  répond  M.  H.-B,  ;  si  Platon  parle  des  cérémonies  aux- 
quelles il  prend  part,  c'est  que  le  ^acri/auç  y  assiste  comme  magistrat;  mais  il 
n'oflficie  pas;  peut-être  fait-il  deux  sacrifices,  dans  l'Eieusimum  d'Athènes  et 
dans  celui  d  Kleusis;  mais  aux  Panathénées,  il  s'efface;  ce  sont  les  ispot  qui  jouent 
le  rôle  actif;  le  ["iacJlXc'Jç;  est  là  avec  ses  huit  collègues,  mais  si  bien  confondu  avec 
eux  que,  dans  les  représentations  figurées,  rien  ne  le  distingue  dans  le  groupe  des 
Neuf.  Quant  aux  attributions  judiciaires,  M.  H.B.  a  bien  fait,  suivant  M.  Colli- 
gnon, de  ne  pas  se  laisser  séduire  par  l'analogie  du  saint  Office;  Albert  Dumont  a 
démontré,  dans  son  Ephébie  attique,  l'absence  de  toute  théologie  à  Athènes;  dans 
les  procès  politiques,  il  n'y  a  jamais  de  dogme  en  question;  et  cela  suffit  à  fausser 
la  comparaison.  Dans  les  procès  criminels  relatifs  aux  alliés,  le  [ja^tAîiiç  était-il 
compétentr  Dans  le  discours  d'Antiphon  sur  le  meurtre  d'Herodes,  l'accusé  parle 
aux  Héliastes;  qui  préside?  La  condition  des  alliés  varie  beaucoup,  explique 
M.  H.-B.,  mais  quand  ils  sont  justiciables  des  tribunaux  athéniens,  et  qu'il  s'agit 
d'une  cause  de  meurtre,  le  jias'.Asijç  préside,  quel  que  soit  le  tribunal;  il  préside 
toujours  en  cas  de  meurtre;  c'est  la  plus  claire  de  ces  attributions.  C'est  peu  de 
chose  et  l'on  peut  conclure  avec  M.  H.-B.,  per  se  ipsum  rex  niJiil  est;  sitôt  qu'on 
cherche  à  préciser  quoi  que  ce  soit  qui  s'y  rapporte,  on  se  heurte  aux  conjectures 
comme  M.  H.-B.  qui  a  cru  pouvoir  fixer  l'emplacement  d'un  (iaa'.Xsicv  dont  l'exis- 
tence reste  douteuse. 


2'"J 


OHISTOIRK    Kl     DK     rjTTKR  aTI[J«K  277 

M.  Geffroy  insiste  sur  la  comparaison  du  fiaatXîùç  et  du  Rex  sacrificuhts  ;  ce  pa- 
rallèle eût  peut-être  été  suggestif.  Le  Rex  occupe  à  Rome  un  rang  bien  plus  élevé 
que  le  PactASUÇ  à  Athènes;  et  pourtant  son  caractère  religieux  est  moindre, 
mais  il  a  des  attributions  plus  précises.  Il  lient  un  rang  supérieur  au  Pontifex 
Maximits.an  Flamen  Dialis;û  exerce  des  fonctions  inférieures.  11  ne  peut  exercer 
d'autre  magistrature;  il  ne  peut  paraître  assister  aux  actes  politiques;  il  immole  la 
victime  avant  l'ouverture  des  Comices,  et  s'enfuit  à  toutes  jambes.  Il  reste  en  charge 
toute  sa  vie.  et  demeure  ainsi  éloigné  des  magistratures.  Le  [iaî'.Xsûç  est-il  plus 
libre  vis-à-vis  de  la  tradition?  Il  est  soumis  à  bien  des  obligations,  de  même  que 
sa  femme;  car  il  doit  être  marié,  c'est  une  condition  de  la  dokimasie.  Quelle  est 
l'origine  de  ce  sacerdoce  de  la  regina  ou  de  la  ^aaiXtaca?  On  ne  voit  guère  le 
rôle  de.  la  femme  du  roi  dans  Homère,  ou  près  de  Romulus  ;  si  l'on  rapproche  ce 
fait  de  la  persistance  des  Codrides  à  Ephèse  (Strabon,  xiv,  i,  3)  avec  les  insignes 
royaux,  sans  attributions  politiques,  et  de  la  séparation  des  pouvoirs  religieux, 
tandis  qu'à  Athènes  tous  ces  pouvoirs  sont  transportés  en  bloc  avec  les  autres  au 
collège  des  Archontes;  si  l'on  se  souvient  que  nous  trouvons  dans  Tacite  la  preuve 
que  certains  anciens  pensaient  que  la  royauté  primitive  n'était  pas  une  chose 
religieuse,  il  est  permis  de  se  demander  si  l'autorité  du  (îaciXîùç  est  une  survi- 
vance du  pouvoir  royal  ou  du  pouvoir  patriarcal. 

M.  Fustel  de  Coulanges,  prenant  la  parole  après  M.  Jules  Girard,  regrette  que 
M.  H.-B.  ait  intitulé  sa  thèse  De  Archonte  Rege,  puisqu'il  n'existe  en  réalité  qu'un 
archonte,  et  que  le  Collège  tout  entier  est  appelé  par  les  Grecs  et  £VV£a,  et  se  montre 
sceptique  au  sujet  d'une  correction  faite  à  Pollux,  qui  ne  pouvait  pas  ne  pas  avoir 
de  bons  textes;  i!  n'est  pas  bien  convaincu  que  les  inscriptions  grecques  donnent 
TOÛTOÇ  pour  TC'JTCUC  et  croit  qu'on  psut  aussi  bien  conjecturer  TCUTGtç.  11  revient 
à  la  question  des  procès  d'impiété,  félicite  M.  H.-B.  de  s'être  gardé  d'une  compa- 
raison fausse;  mais  estime  que  l'auteur  a  peut-être  un  peu  trop  atténué  les  senti- 
ments religieux  des  Athéniens;  ces  procès  sont-ils  bien  des  procès  politiques;  les 
accusateurs  de  Socrate  n'étaient-ils  pas  sincères?  Il  ne  faut  pas  oublier  qu'il  s'agit 
ici  d'une  génération  dévote,  de  la  génération  qui  a  fait  les  procès  des  Arginuses  et 
des  Hermès. 

M.  Croiset  revient  sur  l'impossibilité,  au  point  de  vue  philologique,  d'expliquer, 
dans  le  décret  de  Dracon,  j^asiAstç  par  la  série  des  archontes-rois. 

II 

La  seconde  thèse  de  M.  H.-B.,  les  Stratèges  Athéniens,  a  été  composée  avec  la 
même  rigueur  que  la  thèse  latine;  cette  rigueur  parfois  trop  archéologique, 
d'après  M.  Himly,  fait  le  grand  mérite  de  la  thèse,  comme  u  le  sentiment  de  la 
mesure  »  en  fait  l'originalité.  La  thèse  est  divisée  en  trois  parties  :  Origine  des 
stratèges.  — Les  stratèges  au  V  et  au  iv^  siècle.  —  Les  stratèges  depuis  la  conquête 
macédonienne  jusqu'à  l'envahissement  de  l'empire  romain. 

M.  Jules  Girard  demande  quelques  éclaircissements  sur  la  stratégie  de  Périclès. 
M.  H.-B.  estime  qu'elle  ne  se  distingue  pas  constitutionnellement  de  tout  autre 
stratèges.  On  avait  à  tort  conjecturé  que  Périclès  restait  à  Athènes,  tandis  que  les 
autres  stratèges  étaient  en  expédition.  Le  manuscrit  de  Wilamowitz-Moellendorf 
démontre  que  tous  les  stratèges  pouvaient  à  la  fois  quitter  Athènes.  La  conjecture 
de  Droysen,  qui  attribue  à  Périclès  une  présidence  du  collège  des  stratèges,  ne 
précise  même  pas  l'existence  de  cette  présidence.  Le  mot  auTOy.pitwp,  employé  par 
Plutarque,  n'est  rien  moins  qu'un  titre  officiel.  Il   reste  pourtant  à  rendre  compte 


27'*>  KKVUK    CKlTlQUh 

ues  rapports  de  Périclès  avec  l'assemblée;  il  interdit  pendant  le  siège  aux  citoyens 
de  s'assembler.  Est-ce  à  titre  de  générai  en  chef  et  en  vertu  d'une  soi  te  d'état  de 
siéger  M.  J.  Girard  termine  en  reprochant  à  M.  H.-B.  son  indulgence  pour  l'insti- 
tution des  stratèges.  C'est,  avant  tout,  une  institution  militaire,  destinée  à  défendre 
le  pays;  or,  elle  n'a  pu  remplir  cette  mission;  donc,  c'était  une  mauvaise  institu- 
tion. M.  H.-B.,  au  contraire,  ne  considère  pas  les  stratèges  comme  investis  seule- 
ment de  fonctions  militaires,  mais  comme  ayant  exercé  une  grande  influence  sur  le 
développement  de  la  démocratie  athénienne,  et  il  constate  que  la  période  la  plus 
brillante  de  l'histoire  de  la  stratégie  coïncide  avec  l'époque  la  plus  glorieuse  de  l'his- 
toire d'Athènes. 

M.  Perrot  explique  l'influence  de  Périclès  par  la  constitution  d'une  sorte  de  mi- 
nistère, guidé  par  ses  inspirations.  Les  décrets  étaient  rendus  sur  l'initiative  des 
rhéteurs;  les  rhéteurs  étaient  ses  amis  ;  mais  de  plus,  pour  entrer  dans  les  détails 
de  l'exécution,  il  fallait  s'adresser  à  un  homme  déjà  au  courant  des  précédents. 
Seul  restant  chaque  année  du  collège  précédent,  il  était  seul  à  savoir,  seul  à  diriger. 
M.  Perrot  apprécie  que,  quels  que  fussent  les  défauts  de  la  stratégie,  elle  offrait  du 
moins  cet  avantage  de  corriger  le  vice  essentiel  de  la  constitution  athénienne,  le  ti- 
rage au  sort. 

M.  Gebhart  fait  ressortir  la  morale  qu'on  peut  tirer  de  cette  étude  La  ruine  d'A- 
thènes est  due  à  l'instabilité  du  commandement,  à  l'indiscipline,  à  la  faiblesse  de  ce 
gouvernement  dont  tous  les  gouvernés  faisaient  partie.  La  démocratie  à  outrance 
de  l'armée  nationale,  et  les  condottieri  athéniens,  dont  M.  H.-B,  ne  parle  pas  en- 
core assez,  sont  en  somme  un  progrès  dans  l'organisation  militaire  d'Athènes.  Au 
reste,  les  Grecs  avaient-ils  un  tempérament  militaire?  M.  Gebhart  égaie  la  discus- 
sion sur  ce  point,  par  le  récit  de  ses  souvenirs  personnels  sur  les  révolutions  en 
Grèce. 

A  ces  souvenirs  un  peu  modernes,  M.  Bouché-Leclercq  compare  des  anecdotes  ti- 
rées des  anciens  et  emprunte  aux  Stvatagemj.tica  les  preuves  de  la  lâcheté  des  sol- 
dats d'iphicrate.  Il  insiste  sur  la  loi  historique  persistante  à  .Athènes  qui  fait  tom- 
ber le  pouvoir  effectif  des  mains  des  magistrats  affaiblis  à  des  personnages  d'un 
rang  moins  élevé  dans  l'Etat.  Des  archontes  réduits  à  l'impuissance,  il  passe  aux 
stratèges  qui  ne  sont  primitivement  que  des  généraux;  à  peine  les  stratèges  sont- 
ils  devenus  les  vrais  magistrats  de  la  République,  qu'ils  sont  déconsidérés.  L'un 
d'eux,  le  stratège  "Ez'.  Ta  C7:Aa,  n'est  plus  qu'un  instructeur  militaire,  et  tout  le 
pouvoir  est  exercé  par  les  rhéteurs.  Si  la  Macédoine  avait  tardé,  que  serait-il  ad- 
venu des  rhéteurs; 

M.  Croiset  fournit  une  explication  plausible  de  l'interdiction  de  l'assemblée  par 
Périclès;  il  fait  remarquer  que  tous  ces  événements  se  succèdent  dans  un  laps  de 
temps  assez  court;  l'invasion  de  l'Attique  dure  trente  et  quelques  jours;  si  la 
/'Jpia  E"/,xX'/]i7(a  a  été  tenue  aussitôt  avant  le  siège,  on  peut  supposer  que  Périclès 
a  seulement  retardé  de  quelques  jours  l'assemblée  suivante  :  et  ce  retard  a  été  d'au- 
tant moins  considérable  que,  dans  les  derniers  jours  du  siège,  il  permit  quelques 
sorties;  et  son  inaction  était  le  principal  grief  qu'on  eiît  à  relever  contre  lui. 

M.  J.  Martha  fait  observer  qu'une  liste  des  stratèges  connus,  avec  leurs  dates,  eût 
fourni  un  appendice  utile.  M.  H.-B.  a  fait  ce  travail  ;  mais  le  produire,  c'est  en  mon- 
trer toutes  les  lacunes. 

.\1.  Haiivette-Besnault  a  obtenu  l'unanimité. 


d'histoirk  et  dk  littérature  279 

CHRONIQUE 


FRANCE.  —  Cinq  plaquettes  de  M.  E.  Prarond.  —  Le  savant  historien  d'Abbe- 
ville  a  voulu  rendre  mémorable  son  passage  à  la  mairie  de  celte  ville  en  publiant, 
dans  l'année  même  de  son  consulat,  cinq  pièces  imprimées  avec  luxe  dans  le  format 
in-4°  et  qui  toutes  ont  un  intérêt  abbe\illois.  En  voici  Ténumération  :  —  1.  Jacobi 
Sanson  aliter  R.  P.  Ignatii  Josephi  de  Jesu  Maria  carmina  quce  ex  libris  Reve- 
rendi  Patris  eruit  F .  Prarond,  Scriptoris  historici  jEmulator  indignus.{Ambiani, 
typis  Delattre-Lenoel,  1 1  p.  Tiré  à  100  exemplaires.)  Les  petites  pièces  de  vers  latins 
du  bon  Père  en  l'honneur  d'Abbeville,  de  deux  de  ses  maires  du  xvii'  siècle,  etc., 
sont  précédées  de  cette  dédicace  de  l'éditeur  :  «  Mon  Révérend  Père,  l'indifférence  en 
matière  d'histoire  de  nos  concitoyens  —  des  vieux  temps  —  a  laissé  se  perdre  pres- 
que en  totalité  les  exemplaires  de  votre  Histoire  ecclésiastique  de  V Archidiaconé 
de  Ponthieu  ei  de  votre  Histoire  chronologique  des  Maieurs  d'Abbeville.  De  ces  deux 
livres  j'extrais  simplement  aujourd'hui  votre  œuvre  poétique  et  latine,  trop  discrète 
à  mon  gré,  et  je  vous  présente  ces  minces  feuilles  en  expiation  pour  nos  compatrio- 
tes. •»  M.  PraronJ  a  fait  suivre  sa  petite  épître  de  huit  vers  latins  adressés  au  Ré- 
vérend capucin,  ad  patrem  discalceatum.  Est-ce  parce  que  les  vers  latins  sont 
nujourd'hui  bannis  et  ont  tout  l'attrait  du  fruit  défendu.'  —  IL  Abbatisvilla  a  peste 
servata  nova  editio  e  recensione  et  curis  E.  Praro.nd,  ynajoris  tirbis.  {Ibid.  unutn  e 
centum  exemplaribus,  14  p.'  Ce  poème  anonyme  a  été  imprimé  pour  la  première 
fois  à  Abbeville  chez  Jean  Musnier  en  1674.  L'éditeur,  dans  une  préface  latine  qu'ac- 
compagnent huit  vers  latins  non  moins  bien  tournés  que  les  précédents,  apprend  à 
son  lecteur  (Lectori),  qu'il  ne  subsiste  qu'un  seul  exemplaire  de  l'édition  originale, 
lequel  est  conservé  dans  la  bibliothèque  d'Abbeville.  Citons  le  dernier  vers  du  huitain 
adressé  au  poète  inconnu  :  Cui  bene  venit  ave,  cui  beyie  dix it  amen.  —  111.  Qjtalis 
anno  MDCXLHI  Abbatisvilla  stabat.  Hanc  e perrara  Claudii  Kiveti  de  Mont  Devis 
regice  majestatis  Geograpîn  Tabula  excerpit  civibusque  suis  offert  descriptioncm 
E.  Prarond,  viajoris  iiupcr  munere  functus.  (Ibid.  2b  p.  Tiré  à  cent  exemplaires). 
La  description  d'.Abbeville  par  Claude  Rivet  de  Mont  Devis  est  précédée  d'une  étude 
(en  langue  française)  de  l'éditeur  sur  le  plan  de  sa  ville  natale  et  sur  la  légende  tri- 
lingue qui  l'accompagne  (latine,  française,  allemande).  Dans  ses  dernières  remarques 
(p.  23-25),  M.  Prarond  déclare  que  '<  Claude  Rivet  et  son  plan  sont  encore  des 
énigmes  défendues  par  de  nombreux  mystères  ;  »  il  énumère  les  divers  petits  pro- 
blèmes à  résoudre  et  il  convie  à  celte  tâche  les  chercheurs  et  les  curieux,  —  IV.  Ja- 
cobi  Francisci  Buquet  Regalis  sancti  Wulfranni  ecclesice  canonici  opéra  quce  su- 
persunt  edidit  cum  notis  E.  Prarond,  Abb.ivillœi  Athenœi  prœses  ex  iionore,  major 
urbis.  {Ibid.,  vi,  44  p.  Tiré  à  cent  exemplaires.)  Reproduction  d'un  manuscrit  acheté 
en  1872  par  M.  Prarond  et  intitulé  :  Inscriptions  pour  la  cour  de  France  avec  deux 
paraphrases  sur  le  psaume  cent  trente-sixième  01  vers  latins  et  français  présentées  à 
Son  Altesse  Royale  Monseigneur  le  duc  d'Orléans  Régent  du  Royaume  par  M.  Bu- 
Q.UET,  chanoine  de  l'église  royale  de  saint  Yulfran  d\'ibbeville.  L'éditeur  adresse 
un  quatrain  à  l'abbé  Buquet,  raconte  sa  paisible  vie,  apprécie  ses  vers  bien  faibles 
hélas!  (tous  ses  distiques  paraissent  longs)  et  met  presque  sous  chaque  pièce  une 
piquante  note  assaisonnée  de  ce  sel  dont  Buquet,  à  propos  de  M""^  de  Nantes,  parle 
ainsi  :  Cecropiis  salibus  tu  quoque  Pallas  eris.  —  V.  Les  œuvres  de  Jciian  Barba- 
fust  qui  fut  maire  d'Abbeville  en  l'an  1 524,  publiées  pour  la  première  fois  par 
E.  pRARo.sD.  son  successeur  en  l'Echevinage  en  Van  18S4.   [Ibid.,  iv,  28  v.  Tiré  ù 


iSo  KhvuK  CKinyuK  u  histoikk  kï  dk  i.n  t  i.raturk 

loo  exemplaires.  On  chercherait  vainemeiu  le  nom  de  Barbatust  dans  notre  grande 
Histoire  liilévaire  de  la  France.  Ce  prétendu  poète  du  xiii'' siècle  appartient  en  réa- 
lité au  xix«.  Barbafust  n'est  autre  que  M.  E.  Prarond.  En  dénonçant  le  coupable,  je 
demande  sa  grâce,  car  rarement  pastiche  fut  plus  ingénieux,  plus  spirituel  et  mérita 
mieux  de  désarmer  et  de  faire  sourire  les  plus  implacables  critiques.  Je  n'hésite  pas 
à  mettre  le  tour  de  force  de  M.  Prarond  bien  au-dessus  de  celui  de  la  trop  fameuse 
Clotilde  de  Surville.  —  T.  de  L. 


ACADEMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET   BELLES-LETTRES 


Séance  du  27  7nars  iSS5. 

M.  Paul  Meyer  continue  sa  communication  sur  deux  ouvrages  historiques  français 
du  moyen  âge,  dont  l'un  est  une  histoire  de  l'antiquité  et  l'autre  une  histoire  de 
JulesCésar.  L'histoire  de  l'antiquité  a  été  écrite,  comme  M.  Meyer  l'a  prouvé  à  la 
dernière  séance,  avant  i23o,  et  dédiée  au  châtelain  de  Lille  Roger.  C'est  un  ouvrage 
à  demi  populaire,  destiné  a  être  lu  ou  récité  devant  des  auditoires  composés  d'hom- 
mes médiocrement  instruits;  on  possède  un  autre  échantillon  du  même  genre  litté- 
raire dans  les  Récits  d'un  ménestrel  de  Reims,  publié  par  M.  de  Wailly  en  1876. 
L'auteur  a  débarrassé  son  récit  des  détails  qui  lui  ont  paru  trop  obscurs  ou  trop 
peu  intéressants  ;  il  a  intercalé,  de  temps  à  autre,  des  réflexions  morales,  en  vers, 
tirées  des  événements  racontés  dans  l'histoire.  Mais,  dans  la  plupart  des  manuscrits, 
on  a  supprinié  ces  vers,  ce  qui  a  changé  notablement  le  caractère  de  l'ouvrage.  Une 
autre  modihcation  grave  a  été  faite  vers  le  temps  de  Charles  V  :  on  a  supprimé 
toute  la  parti^e  du  livre  qui  concerne  l'histoire  sainte,  et  l'on  a  substitué  au  récit  de 
la  guerre  de  Troie,  traduit  de  l'ouvrage  connu  sous  le  nom  de  Darès,  un  récit  beau- 
coup plus  développé,  tiré  en  majeure  partie  du  poème  français  de  Benoît  de  Sainte- 
More,  avec  quelques  additions  originales  qui  témoignent  que  l'auteur  de  ce  rema- 
niement avait  visité  la  Grèce. 

M.  Héron  de  Villefosse  adresse  à  l'Académie  une  lettre  dans  laquelle  il  justifie, 
au  moyen  d'une  inscription  nouvellement  découverte,  la  lecture  adoptée  dans  un 
passage  du  dernier  volume  des  oeuvres  de  Borghesi,  publiées  par  l'Académie. 

M.  Delaunay  lit,  au  nom  de  M.  Deloche,  une  notice  sur  un  poids  de  cuivre  con- 
servé au  nmsée  royal  d'antiquités  de  Bruxelles.  Ce  poids  est  en  forme  de  disque, 
de  o"'047  de  diamètre  et  o"'oig  de  hauteur.  La  face  supérieure  est  ornée  de  grénetis 
et  de  points  diversement  disposés.  La  tranche  porte  la  légende  :  RODULFUS  NE- 
GOTIENS.  Plusieurs  archéologues  et  épigraphistes,  consultés  par  M.  Deloche,  se 
sont  accordés  avec  lui  pour  fixer  la  date  de  ce  petit  monument  au  x-^  siècle  de  notre 
ère.  Il  pèse  exactement  327  gr.  10,  ce  qui  se  rapproche  beaucoup  du  chilTre  de 
327  gr.  3bi,  fixé  par  Letronne  pour  la  livre  romaine.  11  y  a  donc  là  un  argument 
en  faveur  de  l'évaluation  de  Letronne.  D'autre  part,  c'est  une  raison  de  plus  de 
rejeter  une  hypothèse  sans  fondement  de  Benjamin  Guérard,  qui  voulait  qu'en  779 
Charlemagne  eût  élevé  d'un  quart  l'étalon  légal  de  la  livre  pesant,  conservé  intact 
pendant  toute  la  durée  de  l'antiquité  et  du  inoyen  âge. 

M.  P.-Ch.  Robert  rappelle  à  l'Académie  qu  elle  a,  l'an  dernier,  sur  sa  proposition, 
signalé  au  ministre  de  l'instruction  publique,  la  nécessité  d'arrêter  par  une  loi  la 
destruction  des  monuments  antiques  et  des  inscriptions  qui  abondent  dans  nos  pos- 
sessions d'Afrique.  11  vient  d'être  informé  par  M.  Julien  Poinssot,  leprésentant  à 
Paris  des  sociétés  archéologiques  d'Oran  et  de  Constaniine,  que  les  ruines  de  Se- 
riana,  à  8  kilomètres  de  cette  dernière  ville,  viennent  à  leur  tour  d'être  mises  en  exploi- 
tation régulière.  Beaucoup  d'inscriptions,  dont  plusieurs  à  ce  qu'on  croit,  n'avaient 
pas  encore  été  copiées,  ont  disparu  ;  un  fortin  byzantin  a  seul  résisté  par  sa  masse. 
Parmi  les  pierres  détruites,  M.  Poinssot  signale  un  texte  publié  par  M.  Léon  Re- 
nier, puis  relevé  de  nouveau  par  Willmanns,  et  reproduit  dans  le  t.  VIII  du  Corpus 
inscriptioniim  latinarimi.  Ce  texte  mentionnait  la  patrie  d'un  vétéran  qui  se  dit 
DOMO  LAMIGO;  il  avait,  par  conséquent,  dit  M.  Robert,  un  intérêt  ethnique  réel. 
Des  protestations  ont  eu  lieu,  mais  on  a  considéré  les  ruines  de  Seriana  comme 
n'ayant  pas  d'importance.  On  envisage  trop  souvent,  en  effet,  les  antiquités  de  notre 
terre  d'Afrique  au  point  de  vue  exclusif  de  l'art.  Or,  s'il  convient,  ajoute  M.  Ro  :ert, 
de  ne  conserver  en  France  que  les  églises  romanes  ou  gothiques  d'un  certain  mérite 
architectural,  il  ne  faut  pas  oublier  que  dans  notre'  colonie  l'inscription  la  plus 
modeste  a  parfois  un  intérêt  capital  au  point  de  vue  de  l'histoire,  de  la  géographie 
et  de  la  connaissance  des  races  diverses  qui  vivaient  dans  cette  partie  du  monde 
romain  ou  qui  peuplaient  la  legio  III  Aiigiista  et  ses  cohortes  auxiliaires. 

Ouvrage  présenté  par  M.  Gaston  Paris  :  Paius  (Paulin),  Etudes  sur  François  I", 
sa  vie  privée  et  son  règne.  Julien  Havet. 

Le  Propriétaire-Gérant  :   K.HNEST  i.EKOi-JX. 


i*nv7'itynirii'  de   Mi>'  ri;a^fni   /;7v,  lutuinv^'-'-l    Si3!iil  ■  i.-7ii>'en' 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET   DE    LITTÉRATURE 


N»  15  —  13  avril  —  1885 


fBommaire  :  56  Dosabhai,  Histoire  des  Parsis.  —  b-j.  Willems,  Le  sénat  de  la 
République  romaine,  II.  —  58.  Favé,  L'empire  des  Francs,  I,  les  Francs  avant 
le  règne  de  Clovis.  —  5q.  Gav,  Glossaire  archéologique  du  moyen-âge  et  de  la 
Renaissance,  III.  —  6o.  Scheler,  Etude  lexicologique  sur  les  poésies  de  Gillion 
Le  Muisit.  —  6i.  Aventinus,  œuvres,  p.  p.  Riezler,  iii-v.  —  Ô2.  De  Budé,  Vie  de 
Guillaume  Budé;  Amiel,  Juste-Lipse.  —  63.  Pigeon,  L'Allemagne  de  M.  de  Bis- 
marck. —  Chronique.  —  Société  des  Antiquaires  de  France. 


3(3.  _  Hi»toi-y  ortlie  Pai-eis,  including  their  manners,  cus'.oms,  religion,  aud 
présent  position  by  Dosabhai  Framji  Karaka,  G.  S.  I.  vol.  I,  xxxin-3'32  pages; 
Vol.  Il,  vni-35o,  in-8.  Londres.  Macmillan,  1884. 

Ces  deux  grands  volumes,  magnifiques  d'exécution,  sont  la  refonte 
complète  d'un  livre  publié  par  Tauteur  il  y  a  plus  dVin  quart  de  siècle  ', 

Il  ne  s'agit  pas  ici  d'une  nouvelle  édition,  mais  d'une  œuvre 
presque  originale  :  car,  malgré  l'identité  générale  du  plan  et  les 
pages  nombreuses  qui  ont  passé  du  premier  livre  dans  le  second,  les  dé- 
veloppements nouveaux  sont  si  nombreux  et  si  étendus  que  l'œuvre  pri- 
mitive s'y  trouve  comme  perdue.  Il  est  inutile  de  faire  ici  la  comparai- 
son entre  les  deux  ouvrages,  et  nous  analyserons  la  nouvelle  édition  en 
elle-même,  sans  distinguer  entre  les  parties  récentes  et  les  parties  an- 
ciennes. 

L'auteur  est  un  des  représentants  les  plus  parfaits  du  Parsi  anglisé  : 
magistrat  supérieur  à  Bombay,  ancien  président  du  conseil  municipal, 
ancien  membre  du  conseil  législatif  de  Bombay,  ancien  sheritf,  il  avait 
été  élevé  à  VElphinstone  Institution,  le  grand  foyer  de  l'éducation  an- 
glaise parmi  les  indigènes  de  Bombay,  et  avait  fait  ses  débuts  en  donnant 
une  preuve  éclatante  de  loyalism  pendant  la  grande  insurrection  par  la 
publication  d'un  appel  en  guzerati  et  en  marathi  %  adressé  à  ses  compa- 
triotes en  faveur  de  la  domination  anglaise  dont  il  comparait  les  bienfaits 
à  Toppression  et  à  la  misère  de  Tlnde  sous  les  anciens  Rajas.  M.  Dosabhai 
a  depuis  fait  sa  carrière  dans  Tadministration  :  c'est  un  magistrat,  ce  n'est 
pas  un  savant.  De  là  les  défauts,  les  lacunes  et  de  là  les  qualités  de  l'ou- 
vrage dont  nous  avons  à  parler.  11  a  essayé  de  faire  une  encyclopédie  de 
l'histoire  des  Parsis  :  pour  une  grande  partie  de  sa  tâche,  il  était  absolu- 


1.  Sous  le  titre  suivant  :  The  Parsees  :  their  hisioiy,  manners,  ciisioms  and  reli- 
gion by  Dosabhay  Framjee,  London,  Smith,  Eder  and  C%  i  vol.  in-12,  286  p.  i838. 

2.  The  Cornpany's  Raj  contrasted  ii'ith  Us  predccessors. 

Nouvelle  série,  XIX.  i5 


282  RKVUK    CIUTIQUK 

mont  incompétent;  pour  une  autre,  par  sa  connaissance   pratique  du 
présent,  il  était  le  meilleur  guide  qui  pût  se  trouver. 

Dans  le  premier  volume,  M.  D.  étudie  tour  à  tour  l'histoire  ancienne 
des  Parsis,  avant  et  depuis  la  conquête  arabe,  décrit  leur  situation  en 
Perse,  s'étend  sur  leur  histoire  en  Inde,  où  ils  forment  depuis  longtemps 
la  partie  la  plus  vivace  et  la  plus  avancée  de  la  race,  fait  connaître  leurs 
moeurs,  leurs  coutumes,  leur  gouvernement  intérieur  et  leurs  lois,  leur 
éducation.  Dans  le  second  volume,  il  nous  fait  connaître  les  familles  les 
plus  distinguées  du  Guzerat  et  de  Bombay,  leurs  worthies,  fait  ensuite 
le  tableau  de  la  religion  des  Parsis  et  termine  par  celui  de  leurs  progrès 
et  de  leur  position  présente. 

La  partie  historique  est  faible;  pour  les  périodes  anciennes,  elle  est 
nulle.  L'auteur  résume  l'histoire  ancienne  d'après  le  Shah  Nameh  com- 
biné avec  le  Ûesatir  et  autres  sources  qui  n'ont  pas  même  la  valeur  de 
document  populaire  :  il  compte  sept  dynasties,  des  origines  à  la  conquête 
arabe  :  Mahabadiens,  Peshdadiens,  Kéanides,  première  dynastie  mède. 
Assyriens,  seconde  dynastie  mède,  Achéménides,   Parthes,  Sassanides 
(p.  5).  Il  ne  semble  pas  bien  convaincu  que  les  Grecs  aient  été  vain- 
queurs à  Marathon  '.  Le  terrain  devient  plus  sûr  avec  la  conquête  arabe, 
où  l'auteur  a  pour  guide  le  Kissahi  Sanjan.  Arrivé  à  la  période  con- 
tem.poraine,  le  récit  devient  tout  à  fait  neuf.  Nous  trouvons  là,  en  par- 
ticulier, l'histoire  des  longs  efforts  faits  depuis  une  vingtaine  d'années 
par  les  Parsis  de  l'Inde  pour  relever  la  condition  de  leurs  frères  de  Perse 
et  qui  n'ont  abouti  que  tout  récemment,  par  la  suppression  de  laja^ia. 
La  ja^ia,  comme  on  sait,  est  la  capitation  à  laquelle  sont  soumis  en  pays 
musulman  les  infidèles  :  c'est  à  la  fois  un  impôt  infamant,  car  c'est  le 
signe  de  la  position  inférieure  de  Pinfidèle,  et  un  instrument  d'oppres- 
sion, car  la  perception  en  est  confiée  à  des  agents  sans  contrôle  qui, 
malgré  le  chiffre  peu  élevé  de  la  ja^ia  (845   tomans)  savent  la  rendre 
singulièrement  productive  à  leur  profit.  La  campagne  commencée  en 
1857  par  la  Société  pour  l'amélioration  du  sort  des  Zoroastriens  de  Perse 
(The  Persian  Zoroastrian  amélioration  JundJ  n'a.  abouti  qu'en  août 
1882,  date  du  firman  de  Sa  Majesté  Nasaredin  Shah,  qui,  en  considéra- 
tion des  bienfaits  dont  la  Providence  a  bien  voulu  le  combler,  et  en 
vertu  du  devoir  qui  lui  incombe  de  veiller  au  bonheur  de  ses  sujets,  sans 
distinction  de  tribu,  de  race,  de  communauté,  de  credo,  et  de  les  rafraî- 
chir tous  également  des  eauK  de  sa  faveur,  exempte  du  tribut  annuel  les 
Zoroastriens,  résidant  à  Yezdetau  Kerman,  «  descendantS/de  l'ancienne 
population  et  des  nobles  de  Perse  ». 

Les  chapitres  relatifs  à  la  religion  sont  de  seconde  main  et  sans  cri- 
tique. L'auteur  ne  connaît  pas  le  pehlvi  ni,  semble-t-il,  le  zend  et  est 
très  inégalement  au  courant  des  travaux  des  vingt  dernières  années.  Il 
est  très  préoccupé  de  prouver  que  le  mazdéisme  est  une  religion  mono- 

1.  «  The  famous  baitle  of  Marathon  is  alleged  to   hâve  resulted  in  a  viciory  for 
the  Greeks  »  (p.  H). 


d'histoire  f.t  df,  littérature  283 

théiste  et  cite  péle-méie  à  l'appui  de  cette  thèse  le  Desatir,  Firdousi, 
Gibbon,  le  Dabistan,  Malcolm.  Pope,  Niebuhr  et  jusqu'au  bon  Rollin 
qu'on  ne  s'attendciit  guère  à  voir  en  cette  affaire  '.  Mais  ces  chapitres 
mêmes  contiennent  des  renseignements  neufs  et  intéressants  sur  la  lit- 
térature guzeratie  contemporaine  relative  à  TAvesta,  sur  les  madressas, 
les  destours  du  jour  et  sur  les  cérémonies  d'initiation  à  la  prêtrise,  le 
Navar  et  le  Maratab  (II,  227  seq.). 

Dans  la  description  des  mœurs  et  des  usages,  le  lecteur  trouvera  nom- 
bre de  détails  saisis  sur  le  vif  et  qu'il  chercherait  sans  succès  ailleurs 
(I,  80  seq,).  C'est  là  une  des  parties  les  meilleures  et  les  plus  riches  de 
l'ouvrage.  Je  ne  puis  tout  analyser  :  Je  choisis  au  hasard.  Rites  de  la 
naissance  :  la  destinée  de  l'enfant  est  fixée  la  sixième  nuit;  on  met  près 
du  lit  ae  la  mère  une  feuille  de  papier  blanc,  une  plume  et  de  l'encre 
pour  que  l'ange  de  la  destinée  y  écrive  le  sort  de  l'enfant  :  le  lendemain 
matin,  les  parents  recueillent  précieusement  le  papier  blanc,  couvert 
d'une  écriture  invisible  aux  hom.mes,  et  «  le  livre  de  la  destinée  est 
scellé  ».  On  voit  avec  plaisir,  par  le  témoignage  de  M.  D.,  que  les  abo- 
minables prescriptions  du  Vendidad  relatives  aux  femmes  en  couches 
tombent  en  désuétude.  L'auteur  décrit  tout  au  long  les  cérémonies  du 
mariage  et  de  Tenterrement,  donne  le  plan  des  Dakhmas  ou  tours  du 
silence  ei  donne  à  l'appui  des  usages  funéraires  des  Parsis,  si  répu- 
gnants au  goût  européen,  des  raisons  ingénieuses,  utiles  à  citer  par 
ce  temps  de  crémation.  On  sait  que  les  Parsis  exposent  les  morts 
sur  le  sommet  des  Dakhmas  pour  être  dévorés  par  les  oiseaux  de 
proie.  M.  Nasarvangi  Beramji,  secrétaire  du  Panchayet  parsi,  disait  à 
ce  sujet  à  M.  Monier  Williams  :  «  Nus  nous  sommes  venus  dans  le 
monde,  nus  nous  devons  le  laisser.  Mais  les  parties  périssables  de  notre 
corps  doivent  être  dispersées  aussi  rapidement  que  possible,  de  sorte  que 
ni  la  Terre  Mère  ni  les  êtres  qu'elle  nourrit  n'en  soient  souillés  au 
moindre  degré.  Notre  Prophète  a  été  le  premier  des  hygiénistes  ..  Dieu 
envoie  les  vautours,  et  de  fait  ces  oiseaux  font  leur  besogne  d'une  ma- 
nière bien  plus  expéditiveque  les  millions  d'insectes  auxquels  vous  con- 
f.ez  vos  cadavres...  Dans  nos  cinq  tours  reposent  les  restes  de  tous  les 
Parsis  qui  ont  vécu  à  Bombay  d'irant  les  deux  cents  dernières  années. 
Nous  formons  un  corps  uni  dans  la  vie  et  nous  sommes  unis  dans  la 
mort  )).  M.  Monier  Williams  fut  ébranlé  et  bien  près  de  se  convertir  : 
«  Si  l'exposition  des  dépouilles  mortelles  aux  assauts  de  vers  innom- 
brables n'a  point  de  terreurs  pour  nous,  dit-il,  c'est  seulement  parce  que 
les  survivants  ne  voient  point  l'armée  assaillante  », 

Un  passage  intéressant  et  caractéristique  de  l'esprit  national  sur  l'es- 
prit militaire  chez  les  Parsis.  L'armée  ne  compte  pas  un  seul  Parsi.  L'on 
jcroit  généralement  aux  Indes  que  l'horreur  des  Parsis  pour  les  armes 
tient  à  leur  culte  :  tirer  le  fusil  est  profaner  le  feu  qu'ils  adorent.  M.  D. 

1.  On  tiouvera,  !1,  \j/,,  un  poMrait  colorié  de  Zoroastre  qui  semble  avoir  été  un 
on  bel  homme. 


284  RKVCE    CRITIQUE 

n'a  pas  de  peine  à  montrer  qu'il  n'en  est  rien  :  un  des  meilleurs  tireurs 
de  l'Inde  est  un  Parsi,  M.  Dorabji  Padamji;  les  Parsis  brillent  au  pre- 
mier rang  dans  les  corps  de  volontaires  levés  en  cas  à'emergency,  et 
M.  D.  cite  avec  fierté  un  coreligionnaire  qui  vient  de  recevoir  un  brevet 
de  lieutenant  dans  le  corps  volontaire  de  Quetta,  Khan  Saheb  Dinsha 
Dosabhai  Khambata.  La  véritable  raison  du  peu  d'empressement  mili- 
taire des  Parsis,  c'est  que  le  métier  est  trop  mal  payé  :  le  soldat  indigène 
gagne  sept  roupies  ou  quatorze  shillings  par  mois,  tandis  qu'un  Parsi,  | 
dans  le  métier  le  plus  humble,  gagne  aisément  le  double,  comme  cuisi-  ' 
nier  ou  comme  domestique.  —  Signalons  encore  l'histoire  de  la  division 
des  deux  sectes,  les  Shehanshais  et  les  Kadmis ;  l'histoire  de  la  grandeur 
ei  de  la  décadence  du  Panchayet,  sorte  de  parlement  de  la  communauté 
parsie,  et  l'histoire  législative  des  dernières  années  qui  ont  mis  les  tra- 
ditions parsies  en  accord  plus  parfait  avec  les  principes  du  droit  an- 
glais '. 

Une  partie  absolument  neuve  et  d'un  intérêt  considérable  pour  les 
Parsis,  c'est  l'histoire  des  grandes  familles,  formant  comme  le  livre  d'or 
du  parsisme.  Un  des  premiers  noms  est  celui  de  Merji  Rana,  le  premier 
grand-prétre  de  la  communauté,  nommé  en  1579,  qui  eut  l'honneur  de 
représenter  le  zoroastrisme  dans  les  conférences  théologiques  tenues 
devant  l'empereur  Akbar  qu'il  faillit  convertir  et  qu'en  tout  cas  il  im- 
prégna fortement  de  l'esprit  du  parsisme.  Il  est  regrettable  que  M.  D. 
n'ait  pas  fait  entrer  dans  ce  cadre  les  très  nombreux  docteurs  dont  les 
noms  et  la  date  nous  sont  connus  par  les  Rivaets  pehlvis  et  persans  et 
par  les  colophons  des  manuscrits  :  il  aurait  été  possible  ainsi  de  rest  ituer 
l'histoire  de  la  tradition  et  des  écoles  de  Perse  et  d'Inde  dans  leur  dé- 
veloppement et  dans  leurs  rapports;  l'étude  des  traductions  guzeraties, 
dont  quelques-unes  très  anciennes,  aurait  aussi  fourni  des  données  in- 
téressantes sur  le  mouvement  parsi  en  Inde  dans  les  derniers  siècles.  Le 
Parsi  trouvera  ici  l'origine  de  bien  des  noms  populaires  aujourd'hui  '  : 
les  Sorabji,  les  Modi,  les  Kama,  les  Wadia,  les  Wikaji,  que  domine,  du 
haut  de  sa  baronie  et  de  ses  millions,  sir  Jamshedji  Jijibhai,  un  des 
hommes  qui  ont  le  mieux  enseigné  comment  on  peut  faire  sa  fortune  et 
comment  on  doit  l'employer.  On  lira  avec  intérêt  une  lettre  de  Jamshedji 
écrite  en  1799  comme  prisonnier  de  guerre  des  Français,  à  bord  du 
BrunsiPick,  vaisseau  anglais  capturé  par  nos  croiseurs  dans  les  mers  de 
Chine,  et  une  lettre  du  baron  Haussmann,  préfet  de  la  Seine,  au  lord 
maire  de  Londres  le  priant,  cinquante-sept  ans  plus  tard,  de  trans- 
mettre ses  remerciements  à  sir  Jamshedji,  pour  une  souscription  de 
5oo  livres  envoyée  par  lui  aux  inondés  de  i856. 

1.  Quatre  appendices  contenant  le  Parsi  Chattels  Real  Act  (iSSy),  le  Parsi  Mar- 
riage  and  Divorce  Act  {iHGb),  \q  Parsi  Succession  Act  (i 863)  et  le  brevet  de  baronie 
de  Jamshedji  Jijibhai. 

2.  Signalons,  I,  i(33,  un  tableau  très  utile  de  ronomastique  parsie,  avec  distinction 
de  l'origine  hindoue  ou  parsie. 


d'histoire  et  de  littérature  285 

L'ouvrage  termine  par  des  protestations  de  loyalisme  parsi,  dont  la 
sincérité  ne  sera  douteuse  pour  personne,  et  par  la  traduction  guzeratie 
de  rhymne  national,  qui,  chanté  par  un  chœur  d'enfants  parsis,  ac- 
cueillit dans  l'automne  de  i883  le  duc  et  la  duchesse  de  Connaught, 
débarquant  à  Bombay.  Ces  malheureuses  traductions  de  l'hymne  natio- 
nal dans  les  divers  dialectes  de  l'Inde  ont  fait  couler  beaucoup  d'encre 
et  ridée,  il  faut  l'avouer,  n'était  pas  heureuse.  Le  premier  vers,  en  par- 
ticulier, de  la  plupart  de  ces  rapsodies  est  gros  de  scandale.  Le  texie  de 
M.  D.  porte  Raksh  Dev  Tun  Mah-Rani,  God  save  our  Empress  Queen  ; 
i  littéralement  «  O  Dev,  garde  la  Maha-Rani  ».  Les  lecteurs  de  la  Revue 
'  critique  nous  permettront  de  donner  ici  les  observations  que  présentait 
un  spirituel  critique  de  VIndian  Spectator  du  8  avril  i8S3,  à  propos, 
I  non  pas  de  cette  traduction,  mais  d'une  autre  analogue,  de  M.  Kabraji  : 
Rakhsha  Deva  Kripala  Kaiser,  «  Save  God  Gracions  Queen  ».  Le  cri- 
tique anonyme  (M.  Behramji  Malabari?)  observe  que  d'abord  raksha 
n'est  pas  guzerati  :  «  C'est  du  sanscrit  tout  chaud,  tout  bouillant  «  (a 
red-hot  radical  sanskrit)  que  les  Rishis  seuls  et  leurs  suivants  pourront 
prononcer;  le  peuple  ne  peut  pas  souffrir  «  ce  sanscrilisme  sibilant  », 
il  n'en  veut  ^pd^s.Vms  rakhsha  suggère  un  homonyme  terrible,  ra/c^/za^a, 
démon.  Que  sera-ce  avec  Deva?  Pour  un  Hindou,  Deva  n'est  pas  Dieu, 
c'est  un  dieu,  c'est-à-dire  fort  peu  de  chose;  c'est  le  dieu  d'une  rivière, 
d'un  arbre,  d'une  pierre,  c'est  une  idole;  l'employer  ici  est  une  carica- 
ture. Mais,  pour  un  Parsi  ou  un  Musulman,  Z)era  signifie  <Ye?H0/7,  ^/aè/e, 
de  sorte  que  nos  pauvres  petits  Parsis  sont  allés  saluer  la  famille  royale 

en  criant  cet  abominable  blasphème  :  Que  le  D sauve  la  reine  !  Un 

loyalisme  mal  éclairé  est  parfois  chose  bien  dangereuse.  Terminons 
cette  analyse  où  la  part  de  la  critique  aurait  pu  être  plus  grande  encore 
en  déclarant  que  celle  de  l'éloge  aurait  pu  l'être  également  sans  peine  et 
que  ce  livre,  avec  tous  ses  défauts,  contient  assez  de  choses  neuves  et 
instructives  pour  être  indispensable  à  tous  ceux  qui  voudront  s'occuper 
sérieusement  de  l'histoire  du  parsismc  des  derniers  siècles  et  de  nos 
jours. 

James  Darmestkter. 


57.  —  I>e    Sénîit    tle    la     Itépukiicjuc    «•«inalne,  par    P.  WiLLEMS.    Tome  II, 
Les  attributions  du  Sénat,  i883.  Louvain,  Peeters,  in-8,  de  784  p. 

Le  second  volume  du  beau  travail  de  M.  Wiilems  présente  les  mêmes 
qualités  que  le  précédent.  J'ose  presque  dire  qu'il  les  possède  à  un  de- 
gré supérieur.  Jamais  peut-être  un  écrivain  moderne  n'a  dépouillé  les 
auteurs  anciens  et  catalogué  leurs  textes  avec  une  aussi  grande  atten- 
tion, un  soin  aussi  minutieux.  Il  est  difficile  de  croire  que  quelque 
chose  ait  échappé  à  l'auteur,  et  qu'il  manque  une  date,  un  nom  ou  un 


286  REVUE    CRITIQUE  ' 

fait  à  celte  statistique  historique  du  sénat  romain.  En  outre,  les  maté- 
riaux amassés  pour  faire  ce  travail  ont  été  disposés  avec  ordre,  méthode 
et  clarté  :  même  malgré  l'absence  d'un  index  des  noms  et  des  choses,  et 
avec  le  seul  secours  de  la  table  des  matières,  il  est  aisé  d".  retrouver  les 
passages  que  l'on  cherche.  Puis,  M.  W.  a  su  se  tenir,  presque  partout, 
à  égale  distance  entre  la  sèche  nomenclature  des  textes  et  les  hasards  de 
l'hypothèse  :  tout  le  monde  n'a  pas  son  tempérament,  mais  il  est  permis 
à  ceux  qui  sont  le  plus  éloignés  de  sa  sagesse  delà  constater  et  de  Ten 
féliciter. 

Voilà  donc  les  trois  qualités  maîtresses  de  son  livre  :  il  est  complet, 
il  est  méthodique,  il  est  conforme  à  la  vérité  que  donnent  les  textes.  On 
peut  en  ajouter  une  quatrième,  qu'on  chercherait  vainement  dans  le 
premier  volume  :  il  se  lit  avec  un  certain  intérêt,  il  est,  je  ne  dis  pas 
plus  vivant,  mais  moins  sec  et  moins  aride;  il  n'est  pas  encombré  de 
tableaux  et  de  listes.  Il  est  vrai  que  dans  le  tome  premier,  relatif  à  la 
composition  du  sénat,  il  fallait  dresser  surtout  de  bonnes  nomenclatu- 
res; dans  celui-ci,  qui  traite  des  pouvoirs  du  conseil,  on  avait  à  montrer 
son  rôle,  son  activité,  son  action  au  dehors  :  l'ouvrage  se  ressentait  na- 
turellement du  sujet  traité.  Mais  l'auteur  a  si  bien  compris  la  nécessité 
d'animer  son  livre  par  quelque  récit  qu'il  y  a  ajouté  un  dernier  chapitre 
purement  historique,  les  pouvoirs  et  le  rôle  du  sénat  pendant  la 
dernière  période  de  la  République  (4g-2g  av.  J.-C).  Ce  récit  des 
transformations  subies  par  les  lois  romaines  dans  cette  période  de 
guerres  civiles  est  bien  fait  et  d'une  netteté  extrême  :  tout  en  faisant  les 
plus  expresses  réserves  sur  la  manière  dont  est  exposée  en  particulier  la 
fin  de  l'année  44,  réserves  qui  nous  sont  entièrement  personnelles,  on 
ne  peut  s'empêcher  de  reconnaître  la  supériorité  de  ce  chapitre  sur  la 
partie  correspondante  du  livre  de  Lange. 

Le  reste  de  l'ouvrage  comprend  les  divisions  suivantes  :  Le  sénat 
pendant  l'interrègne;  —  Rapports  du  sénat  avec  les  comices  ;  —  Le 
sénat,  conseil  du  pouvoir  administratif  et  exécutif;  — Départements  de 
l'intérieur  et  de  la  justice  ;  —  Départements  des  finances  et  des  tra- 
vaux publics  ;  —  Département  de  la  guerre;  —  Administration  de 
l Italie  et  des  provinces. 

Les  différentes  attributions  du  sénat  peuvent  être  groupées  sous  deux 
rubriques  :  le  consilium,  Vauctoritas.  «  Uauctoritas  est  exercée  par  le 
sénat  vis-à-vis  du  peuple.  Le  sénat,  en  donnant  la  sanction  de  son 
autorité  aux  décisions  du  peuple,  en  achève  le  caractère  légal  et  obliga- 
toire. A  l'égard  des  magistrats  qui  dirigent  l'administration  de  l'Etat, 
le  sénat  est  un  corps  consultatif,  consilium C'était  un  principe  ad- 
mis par  le  peuple  romain  que  toute  mesure  importante,  soit  dans  le 
sphère  privée,  soit  dans  la  sphère  administrative,  devait  être  discutée, 
avant  l'exécution,  dans  un  conseil  de  parents,  d'amis,  ou  d'hommes 
compétents.  Conformément  au  même  principe,  il  importail  que  les 
magistrats  du  peuple  romain,  chargés  de  l'administration  de  Tctat,  fus- 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  2 07 

sent  entourés  d'un  conseil  public  auquel  ils  pussent  soumettre,  avant 
Texécution,  les  mesures  administratives  ou  politiques  générales.  Ce 
conseil,  c'était  le  sénat.  »  Voilà  des  paroles  excellentes  et  on  ne  saurait 
mieux  caractériser  le  double  rôle  joué  par  le  sénat.  Mais  ces  deux 
formules,  consilium  et  auctoritas,  rendent-elles  exactement  compte  de 
la  place  occupée  dans  l'état  par  le  conseil  suprême  de  la  République?  Je 
ne  le  pense  pas.  Quelque  extension  qu'on  leur  donne,  elles  ne  suffisent 
pas  à  expliquer  au  Juste  le  pouvoir  du  sénat.  M.  W.  Ta  implicitement 
reconnu  lui-même,  en  ne  les  faisant  intervenir  que  dans  le  second  livre 
du  présent  volume,  en  laissant  en  dehors  du  consilium  et  de  Vauctori- 
tas  '  les  attributions  du  sénat  pendant  l'interrègne.  C'est  précisément 
sur  ces  dernières  attributions  qu'on  aurait  voulu  que  l'auteur  insistât. 
S'il  leur  donne  dans  son  livre  leur  vraie  place,  la  première,  il  ne  les 
traite  pas  avec  l'ampleur  désirable  :  il  ne  recherche  pas  quel  en  était  le 
principe,  en  quelque  sorte  le  fondement  légal.  Pourquoi,  en  l'absence 
de  toute  magistrature  curule  ,  est-ce  au  sénat  que  revient  l'autorité? 
pourquoi  est-ce  lui  qui  désigne  les  interrois?  quel  est  au  juste  le  sens 
politique  de  cette  phrase  :  auspicia  ad  patres  redeunt?  De  même,  il 
me  semble  que  M.  W.  eût  pu  expliquer  en  tête  de  son  livre  la  formule 
connue  :  senatiis  populusque  romamis. 

Ce  qu'il  dit  des  relations  du  sénat  avec  les  peuples  étrangers  est  très 
exact,  très  complet,  et  une  des  parties  les  plus  utiles  de  ce  livre.  Peut- 
être  eût-il  convenu  d'annoncer,  dès  le  commencement  de  ce  volume, 
que  le  sénat  était,  à  l'étranger,  le  représentant  du  peuple  romain.  Il  y  a 
là  un  fait  d'une  importance  générale,  et  pour  ainsi  dire  plus  constitu- 
tionnelle qu'administrative  :  il  ne  fallait  pas  le  reléguer  dans  le  «  dépar- 
tement des  affaires  étrangères  ». 

Nous  dirons  de  même,  en  ce  qui  concerne  le  gouvernement  de  l'Italie  : 
les  détails  de  l'administration  sont  à  leur  place  dans  le  corps  du  volume, 
mais  cette  souveraineté  du  sénat  sur  les  allié?  pouvait  être  signalée  au 
début  :  il  fallait  montrer  dès  lors  le  sénat  exerçant  la  suprématie  sur  la 
ligue  italienne  au  nom  du  peuple  romain. 

Ces  différents  faits  expliquent  évidemment  pourquoi,  vue  de  Tétran- 
ger,  la  constitution  de  Rome  paraissait  éminemment  aristocratique; 
pourquoi  le  sénat  semblait,  au  yeux  du  monde,  le  chef  de  l'état  et  le 
détenteur  de  l'autorité  supiême.  Remarquons,  par  exemple,  dans  l'or- 
ganisation de  l'Italie,  que  c'est  le  sénat  qui  juge  au  criminel  tous  les 
alliés  :  les  crimes  de  trahison,  dit  Polybe,  d'empoisonnement,  de  meur- 
tre, les  contestations  entre  les  villes,  sont  du  ressort  immédiat  du  sénat. 
Dans  la  ligue  athénienne,  au  contraire,  «  la  justice  ordinaire  était,  pour 


I.  Signalons  en  passant  une  récente  étude  de  M.  le  sénateur  Pantaleoni,  Délia 
auctoritas  patrum  nelV  aiitica  Roma,  1884.  Turin,  Lœscher,  in-8,  étude  ex- 
traite de  la  Rivista  di  Filologia  et  spécialement  dirigée  contre  le  système  de 
M.  Willems. 


288  RKVUK    CRiriQUK 

les  alliés  d'Athènes,  celle  du  jury  athénien  '  ».  Ce  sont  les  héliastesqui 
jouent  à  Athènes  le  même  rôle  que  le  sénat  à  Rome.  J'ai  peur  que  dans 
le  livre  de  M.  W.,  où  il  n'est  question,  même  à  chaque  page,  que  du 
sénat,  la  constitution  de  Rome  n'apparaisse  trop  peu  aristocratique. 

En  résumé,  il  manque  à  ce  livre  un  chapitre  d'introduction  qui 
aurait  fixé  la  place  du  sénat  dans  l'état  romain,  son  rôle  vis-à-vis  du 
peuple  souverain,  le  principe  de  son  autorité  -.  Il  importait  de  savoir 
dès  le  début  que  le  sénat  est  la  délégation  permanente  du  peuple  ro- 
main; de  deviner  que,  lorsque  Tibère  transférera  au  sénat  Tautorité 
des  comices,  il  n'accomplira  pas  une  révolution  inouïe,  mais  que  sa 
mesure  est  parfaitement  conforme  à  l'esprit  du  droit  public  de  Rome 
aussi  bien  que  de  celui  des  autres  villes  d'Italie  :  l'idée,  émise  ainsi  en 
tète  du  livre,  aurait  servi  de  conclusion  à  l'ouvrage.  Car  la  vraie  fin 
du  sénat  de  la  république,  ce  n'est  pas,  comme  l'insinue  M.  W.,  la 
fondation  du  principal  en  l'an  27,  c'est  la  législation  de  Tibère.  En 
somme,  peut-être  le  livre  de  M.  W.  manque-t-il  d'une  idée  générale 
qu'on  retrouverait  dans  tous  les  chapitres,  qui  les  enchaînerait,  qui 
formerait  l'unité  de  l'ouvrage.  Dans  l'état  actuel,  il  ressemble  à  une 
machine  fort  bien  faite,  un  peu  compliquée,  dont  on  aperçoit  les  in- 
nombrables ressorts,  dont  on  suit  les  moindres  mouvements,  mais 
sans  savoir  d'où  vient  l'impulsion  première. 

Nous  avons  tenu  à  insister  sur  cette  critique,  parce  que  c'est  la  seule 
que  Ton  puisse  faire  au  travail  de  M.  W.  Nous  n'entrerons  pas  dans 
l'étude  du  détail.  Aussi  bien,  pour  analyser  dignement  son  livre, 
faudrait- il  l'étonnante  science  de  l'auteur  lui-même.  Puis,  il  touche  à 
tant  de  faits,  il  aborde  tant  de  questions  ^^,  il  en  résout  si  heureusement 


1.  Voyez  le  travail  de  M.  Guiraud  De  la  condition  des  alliés  dans  la  première 
confédération  athénienne  {Ann.  de  la  Fac.  de  Bord.,  i883),  p.  2o3.  —  Il  me  paraît, 
d'autre  part,  que  M.  W.  a  amoindri  la  part  de  souveraineté  laissée  à  Rome  dans  la 
ligue  italienne  :  il  incline  à  croire  que  cette  juridiction  du  sénat  mentionnée  par 
Polybe  ne  s'exerce  que  dans  des  cas  extraordinaires.  Je  ne  le  pense  pas  :  Polybe 
n'aurait  pas  insisté  là-dessus,  et  son  texte  est  aussi  net  que  possible.  Evidemment, 
la  condition  des  alliés  de  Rome  différait  peu  de  celle  des  alliés  d'Athènes,  et  les 
mêmes  principes  semblent  avoir  été  admis  dans  l'une  et  l'autre  confédération. 

2.  Dans  ce  chapitre,  M.  W.  aurait  pu  insérer  tout  ce  qu'il  dit  sur  les  séances  du 
sénat  et  sur  les  sénatus-consultes,  qu'il  relègue  dans  son  chapitre  sur  les  rapports 
du  sénat  avec  les  magistrats. 

3.  Voyez,  par  exemple,  le  chapitre  sur  Vinterregniim;  celui  sur  la  patruin  auctori- 
tas  est  le  plus  original  de  l'œuvre.  Contre  Niebuhr,  qui  fait  de  la  patrimi  auctoritas 
l'apanage  des  patriciens  réunis  en  comices  curiates;  contre  Lange  (seconde  manière) 
qui  la  donne  aux  patres  faïuilias  gentiuin  patriciantm;  contre  Huschke  et  Momm- 
sen,  qui  la  réservent  aux  patriciens  membres  du  sénat,  M.  Willems  conclut  après 
une  longue  et  intéressante  discussion  :  «  La  patriim  auctoritas  n'était  donc  pas  l'a- 
itribution  des  sénateurs  patriciens;  elle  appartenait  au  sénat.  Ce  système  était  généra- 
lement reçu  avant  Niebuhr;  et,  après  la  critique  que  nous  avons  faite  des  hypothè- 
ses par  lesquelles  on  a  voulu  le  remplacer,  nous  sommes  obligé  de  reconnaître 
qu'il  est  le  seul  qui  se  concilie  avec  la  tradition.  » 


t 


d'histoire  et  de  littérature  289 

un  si  grand  nombre,  que  le  choix  est  difficile.  Je  tiens  seulement  à 
marquer  l'importance  capitale  de  cet  ouvrage  pour  quiconque  s'occupe 
des  institutions  de  la  république.  Dans  son  genre,  c'est  un  véritable 
traité  de  la  constitution  romaine.  M.  W.  est  amené  par  la  force  des 
choses  à  étudier  l'organisation  des  comices,  des  finances,  des  provinces  : 
il  donne  sur  toutes  ces  branches  du  gouvernement  une  foule  de  textes, 
il  est  plus  complet  peut-être  sur  ces  points  que  les  traités  d'antiquités 
romaines  les  plus  autorisés.  Signalons  en  particulier  son  chapitre  des 
revenus  de  Rome  et  du  budget  de  l'état,  et  son  étude  des  provinces  ro- 
maines et  des  relations  internationales,  questions  presque  toujours  écour- 
tées  dans  les  manuels.  Le  livre  deM.W.  est  peut-être,  après  le  traité  de 
MM.  Mommsen  et  Marquardt,  l'ouvrage  moderne  qui  a  rendu  le  plus 
de  services  à  la  science  des  institutions  romaines.  Nous  sommes  pres- 
que honteux  de  venir  parmi  les  derniers  rendre  à  M.  Willems  ce  sincère 

hommage. 

C.  J. 


58.  —  Général  Favé.  L'Empire  de*  Francs,  depuis  sa  fondation  jusqu'à  son 
démembrement.  Livre  !".  Les  Francs  avant  le  règne  de  Clovis.  Amiens,  typ. 
DeJattre-Lenoel,  1884.  In-S",  8r  p.  Extrait  de  la  Revue  de  la  Société  des  éludes 
historiques. 

Ce  fascicule  comprend  trois  parties  :  dans  la  première  sont  repro- 
duits les  principaux  passages  de  la  Germanie  de  Tacite,  d'après  la  tra- 
duction de  J.-L.  Burnouf;  la  seconde  est  une  traduction  française  du 
plus  ancien  texte  de  la  loi  salique;  la  troisième  contient  diverses  con- 
sidérations inspirées  à  l'auteur  par  Tétude  et  la  comparaison  de  ces  textes. 
«  Une  pensée,  dit  le  général  Favé,  m'a  sans  cesse  préoccupé  dans  le 
cours  de  ce  long  travail,  celle  d'aller  droit  aux  documents  originaux 
qui  sont  seuls  capables  de  nous  éclairer  sur  les  institutions  sociales, 
politiques  et  militaires  de  nos  ancêtres.  J'ai  voulu  recevoir  l'impression 
directe  de  ces  témoignages  sur  un  esprit  dégagé  de  toute  opinion  pré- 
conçue. Au  risque  de  m'égarer  en  marchant  sans  guide  sur  un  terrain 
souvent  exploré.  Je  n'ai  pas  résisté  au  désir  d'y  faire  de  nouvelles  décou- 
vertes en  m'avancant  hors  des  sentiers  battus.  » 

Parmi  les  conclusions  de  Tauteur,  la  plus  nouvelle  et  celle  sur 
laquelle  il  insiste  le  plus  est  ainsi  formulée  :  «  Les  dissemblances  entre 
les  Francs  et  les  Germains  sont  assez  caractéristiques  pour  qu'on  puisse 
affirmer  sans  hésitation  que  les  Francs  ne  sont  point  les  descendants  des 
Germains  que  Tacite  a  connus  (p,  70).  »  Cette  proposition  serait  im- 
portante, si  elle  était  bien  établie;  mais  jusqu'ici  la  démonstration  n'en 
est  pas  faite  d'une  façon  péremptoire. 

On  saura  gré  au  général  Favé  d'avoir  traduit  en  français  la  loi  salique. 
Ce  n'est  p;!s  que  cette  loi  n'ait  jamais  été  n-.ise  en  français,  comme  il  pa- 


290  REVU  F.    CRITIQUE 

raît  le  croire;  mais  la  traduction  publiée  en  1828  par  J.-F.-A.  Peyré  '  est 
aujourd'hui  à  peu  près  oubliée  et  l'on  a  rarement  occasion  de  la  ren- 
contrer. La  traduction  nouvelle  est,  sinon  absolument  irréprociiable  % 
du  moins  généralement  exacte  et  rend  avec  fidélité  Timpression  que  laisse 
la  lecture  du  texte.  La  loi  salique  n'intéresse  pas  seulement  les  histo- 
riens du  droit;  c'est  un  document  précieux  pour  quiconque  veut  se 
rendre  compte  de  l'état  des  mœurs  et  de  la  société  au  commencement 
de  la  période  mérovingienne.  Ce  n'est  qu'après  avoir  lu  les  prescri- 
ptions minutieuses  de  la  loi  sur  le  vol  des  animaux  domestiques,  sur  les 
récoltes,  sur  les  moulins,  etc.,  que  l'on  comprend  bien  à  quel  point  le 
peuple  franc,  établi  en  Gaule,  était  un  peuple  agricole  et  séden- 
taire ;  et  aucun  récit  ne  peut  faire  sentir  l'insécurité  et  la  barbarie  de 
cette  époque  aussi  vivement  que  certaines  dispositions  légales,  celles  ci 
par  exemple  : 

«  XXVIIl.  Des  louages.  —  Celui  qui  loue  criminellement  ^  un 
homme  pour  un  meurtre  devra,  le  fait  étant  prouvé,  être  condamné  à 
payer  25oo  deniers  qui  font  63  solidi. 

«  2.  Celui  qui  s'est  engagé  à  tuer  un  homme  devra,  le  fait  étant 
prouvé,  être  condamné  à  payer  25oo  deniers  qui  font  63  solidi. 

«  3.  Si  le  prix  de  louage  a  été  transmis  par  un  tiers,  homme  libre, 
que  celui  qui  a  donné,  celui  qui  a  reçu  et  celui  qui  a  porté  soient  con- 
damnés à  payer  chacun  63  solidi.  »  (Favé,  p.  33.) 

«  XLL  Des  homicides  de  personnes  libres.  —  8.  Celui  qui  aura 
trouvé  sur  la  voie  publique  un  homme  mutilé,  sans  pieds  ni  mains, 
laissé  dans  cet  état  par  ses  ennemis,  et  qui  l'aura  achevé,  doit  être  con- 

1.  Loi  des  Francs,  contenant  la  loi  salique  et  la  loi  vipuaire ;  suivant  le  texte  de 
Dutillet,  revu  avec  soin,  et  éclairci  par  la  ponctuation,  avec  la  traduction  en  regard  et 
des  notes,  par  .M.  J.-F.-A.  Peyré;  précédé  d'une  préface  par  M.  Isambert.  Paris, 
impr.  Firmin  Didot,  1828.   In-S",  xvi-427  p. 

2.  I,  4,  p.  20  :  «  Car  si  l'assigné  est  occupé  d'un  service  public,  il  ne  peut  pas 
obéir  à  l'assignation.  »  Lisez  :  «  Or,  si  celui  qu'on  veut  assigner  est  occupé  au  ser- 
vice du  roi,  on  ne  peut  l'assigner.  »  —  II,  12,  p.  21  :  «  Celui  qui  aura  volé  un 
porc  châtré  et  engraissé.  ))  Le  sens  est  plus  probablement  :  «  destiné  au  sacrifice  » 
(maiale  votivo ;  variante  :  maialem  sacrivum).  Ce  trait  est  important;  il  témoigne 
que  la  loi  salique  a  été  écrite  pour  un  peuple  païen.  —  X,  2,  p.  25  :  «  Si  un  esclave, 
homme  ou  femme,  a  emporté  des  objets  appartenant  à  son  maître,  etc.  »  Lisez  : 
«  Si  l'esclave  volé,  en  suivant  le  voleur  libre,  a  emporté,  etc.  »  —  XXIV,  4,  p.  3o  : 
«  Celui  qui  aura  tué  un  enfant  dans  le  ventre  de  sa  mère  avant  qu'il  ait  un  nom.  » 
Lisez  :  «  ou  avant  qu'il  ait  un  nom.  »  Le  mot  aut,  omis  dans  le  manuscrit  qui  nous 
a  conservé  le  texte  le  plus  ancien,  doit  être  rétabli  d'après  les  autres  manuscrits; 
il  est  indispensable  pour  le  sens.  —  XXXVIII,  4,  p.  Sy  :  «  Si  le  troupeau  est  plus 
petit  et  ne  dépasse  pas  sept  têtes.  »  C'est  plutôt  :  «  Si  le  troupeau  est  plus  petit, 
mais  non  au-dessous  de  sept  têtes.  » 

3.  Je  substitue  ce  mot  à  ceux-ci  :  «  en  fraude  »,  par  lesquels  le  général  Favé  tra- 
duit in  fiirtiim.  —  L'équivalent  des  mots  «  pour  un  meurtre  »  ne  se  trouve  pas 
dans  le  plus  ancien  texte,  mais  le  traducteur  supplée  ces  mots  avec  toute  apparence 
de  raison,  tant  d'après  le  paragraphe  suivant  que  d'après  les  autres  rédactions,  qui 
ajoutent  ici-même  :  ut  hominem  interficiat. 


d'histoire  rt  dk  LrrTÉRATURK  291 

damné  à  payer  4000  deniers  qui  font  100  solidi.  »  (Favé,  p.  40.) 
On  peut  recommander  l'opuscule  du  général  Favé  aux  personnes 
qui,  sans  avoir  le  temps  de  se  livrer  à  l'étude  directe  des  lois  barba- 
res, voudraient  s'instruire  autrement  que  par  la  lecture  des  historiens 
sur  l'état  de  notre  pays  pendant  les  premiers  temps  de  la  domination 
franque. 

Julien  Havet, 


5n.  —  Gloetsnire  archéologique  du    moyen    âge  vl   «le  la    renaissance, 

par  Victor  Gay,  ancien   architecte  du    gouvernement,    etc.    Paris,  librairie    de  la 
Société  bibliographiqne,  1884,  in-4,  SM'ascicule  :  Cliape-Coutelier. 

La  lecture  du  troisième  fascicule  du  Glossaire  de  M.  Victor  Gay  ne 
suggère  pas  d^observations  générales  différentes  de  celles  que  Ton  peut 
faire  sur  les  deux  premiers.  Je  n'ai  donc  rien  à  ajouter,  dans  cet  ordre 
d'idées,  au  compte  rendu  que  j'ai  fait  de  ceux-ci,  et  auquel  je  renvoie  '. 
Mais  il  sera  peut-être  utile  de  présenter  ici  quelques  notes  sur  le  détail 
de  la  nouvelle  publication. 

Je  saisis  d'abord  cette  occasion  de  répéter  les  éloges  que  j'ai  déjà  faits 
au  sujet  de  la  richesse  d'informations  de  l'auteur  et  de  la  netteté  avec 
laquelle  il  classe  ses  textes,  On  pourra  toujours  dire  qu'il  n'y  en  a  pas 
assez  sur  un  sujet  donné,  et  trop  sur  un  autre  :  de  telles  inégalités  sont 
inévitables  et  il  serait  imprudent  de  prétendre  contenter  toutes  les 
curiosités.  Mais  ces  sortes  de  répertoires  sont  tellement  utiles,  et  il  est  si 
rare  d'en  trouver  de  bien  faits,  que  nous  devons  rendre  grâce  à  M.  G. 
d'avoir  entrepris  celui-ci.  Il  était  aisé  du  reste  de  prédire  son  succès  : 
selon  la  formule  consacrée,  c'est  un  livre  que  l'étranger  nous  envie,  et 
l'on  me  dit  que  l'Allemagne  en  fait  venir  paquets  sur  paquets.  Raison 
de  plus  pour  ne  pas  craindre  de  signaler  à  l'auteur  les  lacunes  que  l'on 
aimerait  à  voir  remplies,  ce  qui  lui  sera  facile  de  faire  dans  un  Supplé- 
ment. 

C'est  toujours  le  domaine  des  étoffes  et  du  costume  qui  est  étudié  le 
plus  à  fond  et  qui  présente  les  plus  précieux  matériau.K.  Il  faudrait 
beaucoup  citer  pour  indiquer  les  articles  importants;  notons  seulement 
les  mots  :  chape,  chapel  et  chapeaux,  chaperon,  chausses,  chemise, 
coiffe,  collet,  corset,  cote,  et  surtout  costume.  Dans  ceux  de  ces  articles 
qui  sont  le  plus  développés  les  textes  sont  rangés  selon  les  diverses 
acceptions  du  terme,  et  aussi  les  provenances  :  par  exemple,  dans  les 
mots  chapel,  qui  comporte  10  colonnes,  et  costume,  qui  en  comporte 
22.  Je  regrette  seulement  que  l'auteur  évite  parfois  de  donner  une 
définition  nette  et  précise  et  laisse  un  peu  trop  parler  les  textes  eux- 
mêmes.  Il  est  vrai  qu'il  n'en  est,  pour  ainsi  dire,  que  l'introducteur,  et 


I.  Voy.  année  1884,  nouvelle  série,  t.  XVII,  p.  3G6-3Gc). 


292  RKVOK    CRITIQUE 

qu'il  doit  s'effacer  devant,  sans  trop  insister  :  à  d'autres  le  soin  de 
coordonner  les  faits,  de  les  discuter  et  d'en  tirer  les  conclusions. 

D'autres  termes,  à  côté  de  ceux-ci,  présentent  un  intérêt  qu'il  est  bon 
de  signaler  spécialement  :  char  et  chariot,  châsse,  chevaux,  ciboire, 
cierge,  cire,  clou,  coffre,  collier,  cor,  couleurs,  coulevrine,  coupe, 
couronne,  couteau.  Mais  je  ne  puis  m'empécher  de  constater  encore  que 
l'auteur  ne  semble  pas  s'être  tracé  un  plan  assez  rigoureux  et  bien  déli- 
mité en  commençant  son  dictionnaire.  Je  trouve  maintenant  des  termes 
héraldiques,  et  jusqu'à  présent  rien  ne  présageait  l'introduction  du 
blason  dans  le  Glossaire.  Je  demande  également  ce  que  vient  faire  ici 
l'article  sur  la  courante,  et  le  morceau  tiré  des  Suites  de  Haendel  qui 
l'accompagne?  Quand  j'aurai  admis  que  la  pièce  est  charmante  et  bien 
choisie,  sera-t-elle  plus  à  sa  place,  surtout  ainsi  isolée?  et  pourquoi  n'ai- 
je  pas  trouvé  l'explication,  illustrée  d'exemples,  de  mots  comme  alle- 
mande, canon,  chanson,  contre,  contrepoint,  contretaille,  qui  ont 
aussi  bien  leurs  droits  d'ancienneté? 

J'insisterai  encore  sur  un  point  :  dans  un  dictionnaire  comme  celui- 
ci,  il  ne  saurait  y  avoir  trop  de  renvois.  Les  termes  techniques,  les 
simples  mots  usuels  se  sont  quelquefois  écrits  si  différemment,  qu'il  est 
toujours  commode  de  trouver  inscrites  les  différentes  orthographes.  Que 
l'auteur  choisisse  celle  qu'il  jugera  la  meilleure,  mais  qu"il  y  renvoie  : 
M.  G.  le  fait  ici  trop  rarement.  Je  serais  aise  de  savoir  si  charpe  sera 
renvoyé  à  serpe;  christ,  à  croix;  cloisonné,  à  émail;  et  je  voudrais 
trouver  par  exemple  chenevas,  claquet  et  claquette,  chjrboille,  cou- 
louere.  componné,  chartes,  à  côté  de  canevas,  cliquette,  ciboire,  couloir, 
copponné,  cartes.  A  l'article  chaussures,  M.  G.  renvoie  pour  les  détails 
aux  termes  divers,  mais  il  ne  les  énumère  pas,  ce  qui  aurait  permis  d'y 
recourir  plus  facilement,  et  en  aurait  donné  en  outre  un  tableau  géné- 
ral. 

Les  indications  de  sources  sont  aussi  brèves  que  possible,  et  cela  se 
comprend;  mais  il  est  malheureux  qu'il  faille  attendre  la  table  de  renvoi 
que  l'auteur  a  promise,  pour  qu'elles  puissent  être  vraiment  utiles  : 
encore  ne  sont-elles  pas  des  plus  précises.  Peut-être  M.  Gay  eût-il  pu 
désigner  au  moins  par  des  initiales,  faciles  à  expliquer  dans  la  Table 
des  abréviations  qu'il  imprime  au  verso  de  la  couverture,  si  tel  ou  tel 
inventaire  cité  est  édité,  ou  se  trouve,  manuscrit,  dans  tel  ou  tel  dépôt 
d'archives  ou  bibliothèque  publique. 

Je  termine  par  la  liste  de  quelques  omissions  notées  en  passant  : 

Costume,  armes,  étoffes  :  chapelière  (de  chevaux),  chareté  (ou  cache- 
let,  masque),  clinquant,  clos  (du  casque  et  du  bouclier),  coirier  (collet 
de  cuir),  colère^,  colletin,  conche  et  cop.que,  confalon  ou  confanon, 
coter  et,  cotillon,  coudières,  coule. 

Outils  :  cheville,  claveure,  coignée  et  coignouoir,  coin,  coupelle, 
Courbet. 

Meubles    et    ustensiles    :  chartre,   chariot    (berceau),    cliauffecière, 


d'histoirk  et  dk  ijttkkatlihk  2g 3 

chauffedoux,  civière,  clou  (gouvernail),  coispel  (gobelet),  coissines  ou 
coussines  (sachet),  console,  corme. 

Orfèvrerie  :  claire-voie,  cloisonné. 

Pierres,  métaux,  etc.  :  cheline,  chelonite,  chrysolite,  chrysoprase, 
cinabre,  cinnamone,  cipolin,  coliandre,  colophane. 

Enfin,  puisque  Tauteur  admet  quelques-uns  des  termes  de  blason  et 
de  mœurs,  usages  et  professions,  on  a  droit  de  réclamer  les  mots  :  chape, 
chaussé,  chevron,  clarine,  contourné,  coquerelle,  cotice,  etc.  ;  et  char- 
pentier, chasse,  chiromancie,  chirurgie,  confréries,  corporation,  etc. 

H.   DE  GURZON. 


t)0.  —  Etude  lexloologîquf   s^mi-  les    I»oé&>cs  tie    «^isUioii  I>e   SSmîsîï,  par 

A.  ScHELER,   i«6  p.  Bruxelles,  Hayez,  1884.  Prix  :  '3  fr. 

Cette  étude  lexicologique  sur  les  poésies  de  Gillion  Le  Muisit,  avec 
préface,  glossaire,  corrections,  était  absolument  nécessaire.  Il  y  a  long- 
temps qu'on  n'avait  vu  un  texte  si  défiguré,  si  maltraité  de  toutes  ma- 
nières. M.  Scheler  a  bien  raison  de  dire  que  son  glossaire  ne  sera  pas 
considéré  comme  une  doublure  de  celui  qui  a  été  fait  par  M.  Kervyn  de 
Lettenhove.  En  outre,  grâce  au  grand  nombre  de  corrections  données 
par  M.  S.,  on  pourra  lire  le  texte  sans  être  arrêté  à  chaque  page  par  des 
vers  faux,  des  non-sens,  des  barbarismes,  et  autres  «  adinventions  », 
comme  eût  dit  Li  Muisis,  du  copiste  et  de  l'éditeur.  Il  reste  bien  en- 
core quelques  passages  inexpliqués,  quelques  énigmes  peut-être  insolu- 
bles, mais  la  lumière  est  faite  en  beaucoup  d"endroits,  et  M.  Sch.  mé- 
rite vraiment  pour  ce  travail  la  reconnaissance  de  tous  ceux  qui 
s'intéressent  à  l'étude  de  notre  ancienne  langue.  On  pourra  contester 
quelques-unes  de  ses  explications  et  conjectures,  mais  il  sera  difficile  de 
nier  qu'elles  ne  soient  toutes  ingénieuses,  et  la  plupart  déduites  avec 
une  grande  justesse.  J'en  citerai  un  petit  nombre  seulement  qui  me 
paraissent  ou  hasardées  ou  douteuses. 

Aventet,  p.  16.  —  Je  ne  crois  pas  que  ce  mot  soit  à  remplacer  par 
arentet  =  doté,  doué.  On  a  le  verbe  avanter,  aventer  =  louer,  qui 
offre  pour  cet  endroit  un  sens  très  satisfaisant.  —  Chascoute,  p.  28.  — 
M.  S.  met  en  doute  le  sens  de  «  bourrade,  poussée  »,  que  j'ai  donné  à 
ce  mot,  en  m'appuyant  sur  un  passage  de  Ruiebeuf.  Dans  le  fableau 
di'Aloiil  [Fabl.  i,  278,  édit.  Montaiglon  et  Raynaud)  je  le  trouve  sous  la 
forme  cacoute  (sacoutej  avec  la  signification  bien  claire  de  «  mauvais 
coup.  »  —  Fourmes,  p.  71. —  L'explication  par  le  latin  formosus  est 
inadmissible;  on  HMXà'xi  eu formeus ,  comme/umeus  de/umosus.,  etc.; 
c'est  format  us.  Yvretongne,  p.  8f.  —  Ici  M.  S.  préférerait  ivrecongne 
par  analogie  avec  iracundia;  ivretongne  cependant  n'est  pas  rare  sur- 
tout dans  les  textes  picards  et  wallons;  je  citerai  seulement  cet  exem- 


2  94  RKVUK    CRITIQUE 

pie  :  «  Mais  ciaus  ki  par  ignorance  u  par  négligence,  parj^vretoigne, 
luxure,  sunt  lait  u  aveugle,  chiaus  blame-on.  »  [Li  Ars  d'Amour,  i, 
319,  Petit.)  —  Mite,  p.  93.  —  «  Dans  abbés,  vous  ares  et  nos  wans  et 
nos  mites,  »  mite  =  mitaine,  dit  M.  Scheler.  Ce  mot  que  dans  ce  pas- 
sage j'avaisinconsidérémentexpliquéici  par  petite  pièce  demonnaie,  signi- 
fie autre  chose  que  mitaine,  comme  semble  bien  le  prouver  cet  exemple  : 
«  Hz  (les  Anglais)  ne  se  sçavoient  armer...  fort  que  de  grans  haubers  et 
de  grans  baligans  armoyez  de  leurs  armes,  et  de  mites  de  toiles  coston- 
nées,  et  pardessus  ung  grand  chapel  de  fer  ou  cuir  bouilli,  n  (Jeh.  Le 
Bel,  Chron.,  i,  154,  Polain.)  —  Fourkeure^  p.  71.  — La  leçon  sor» 
heure  n'aurait  pas  lenergie  defourkeiire,  verbe  qui  exprime  l'idée  de 
courir  sur  quelqu'un  sans  qu'il  s'y  attende:  cfr.  le  dén\éJbrcourse, 
ap.  Godefroy.  Sorre,  p.  1 15.  —  Vient  du  latin  solvere  qui  a  entre  au- 
tres sens  ceux  de  délier,  d'ouvrir;  de  là  sorre  peut  passer  à  la  significa- 
tion de  pénétrer,  scruter  '.  La  correction  forre  =.  fouir,  creuser,  ne 
s'impose  point;  cette  forme  d'infinitif  a-t-elle  été  jamais  employée? 
Dans  Job  et  Saint-Alexis  on  trouve  foir  et  enjodir.  —  Desointes, 
p.  43.  —  Au  lieu  de  «  à  Conroi  desointes  »,  il  faut  lire  à  «  Couroies 
desjointes,  »  cela  ne  fait  pas  de  doute  et  offre  un  sens  très  clair.  — Avo- 
lentet,  p.  17  : 

Leurs  estas  par  raison  eus  a  volentet, 
Dou  sourplus  retenir  soient  destalentet. 

Le  premier  vers  étant  trop  court  d'une  syllabe,  et  ne  signifiant  rien, 
M.  S.  corrige  ainsi  :  «  Leurs  estas  par  raison  tenir  avolentet,  etc.  » 
A  la  place  de  tenir,  je  mettrais  aient,  au  subjonctif.  —  Tenir  crès, 
p.  35.  —  Signifie  «  tenir  serré  ?  ;  crès  est  une  forme  apocopée  de 
crespe  (voir  Godefroy  sub  V  Crespe,.  Interpréter  «  mal  emboukiet  », 
p.  49,  par  insoumis,  qui  se  laisse  aller  à  ses  passions,  et  le  rapprocher 
du  grec  o6crT0[j.oç,  me  paraît  forcé,  c'est  simplement  la  forme  picarde  de 
la  locution  française  très  populaire  «  mal  embouché  ». 

Je  laisse  à  de  plus  habiles  à  expliquer  d'autres  obscura  qui  ont  arrêté 
M.  Scheler  si  versé  pourtant  dans  notre  vieille  langue. 

A.  Delboulle. 


[i.  Arguer  et  sorre  poser  et  résoudre  des  arguments;  c'est  une  locution  scolasti- 
que;  seulemem  ici  elle  est  prise  activement;  arguer  et  sorre  les  pecheors,  leur  po- 
ser et  leur  donner  des  solutions    —  RéJ.] 


I 


D  HISTOIRE    KT    DE    MTTERATURE  tqS 

5l.  —  Joliniincs   Xui'niaîr's  genannt  Avcntînus  siemiustiche  V^erke. 

Auf  Veranlassung  seiner  Majestaet  des  Kœnigs  von  Bayera  herausgegeben  von  der 
K.  Akademie  der  Wissenschaften.  Dritter  Band.  Muenchen,  Christian  Kaiser,  i883, 
1884,699  p.  Vierter  Band,  Zvs^eite  Haîlfte  i883,  p.  581-1184.  Fuenfter  Band, 
erste  Haelfte,  1884,  6û3  p. 

Nous  remplissons  avec  plaisir  la  tâche  de  rendre  compte  biièvement 
des  derniers  volumes  des  œuvres  d'Aventinus.  Abstraction  faite  du 
glossaire  des  écrits  allemands  qui  manque  encore,  l'édition  complète  des 
écrits  de  l'Hérodote  bavarois,  entreprise  avec  tant  de  soin,  a  mainte- 
nant atteint  sa  fin.  La  deuxième  partie  du  quatrième  volume  et  la 
première  partie  du  cinquième  contiennent  les  livres  Il-VlII  de  la 
Bayerische  Chronik,  publiée  avec  la  même  diligence  que  le  premier. 
On  a  pour  la  première  fois  un  texte  complet  et  authentique  de  cet  ou- 
vrage qui,  par  son  style  populaire  et  vigoureux,  est  un  monument 
littéraire  des  plus  admirables  de  Tépoque  de  la  Réforme.  Il  est  très 
regrettable  qu'Aventinus  n'ait  pas  achevé  sa  Chronique  allemande 
qu'il  avait  conçue  dans  le  même  esprit. 

Le  troisième  volume  contient  les  livres  V-VII  des  Annales  ducum 
Bojariae.  C'est  à  M.  Sigmund  Riezler  qu'est  due  l'édition  critique  de 
ces  Annales.  Il  y  a  joint  une  dissertation  consacrée  surtout  à  l'ouvrage 
qu'il  publie,  mais  qui  est  de  la  plus  haute  valeur  pour  Tappréciation 
générale  de  l'historien  bavarois.  M.  Riezler,  après  avoir  traité  de  l'ori - 
gine  et  des  différents  manuscrits  des  Annales^  fait  la  revue  des  travaux 
historiques  d'Aventinus.  Il  met  en  lumière  l'étendue  de  ses  études, 
l'im.portance  de  ses  trouvailles,  la  valeur  des  éditions  de  sources  histo- 
riques qu'il  a  entreprises,  les  côtés  forts  et  faibles  de  sa  critique.  Le  pre- 
mier, il  entreprend  de  démontrer  aussi  complètement  que  possible 
quels  étaient  les  divers  documents  historiques  où  Aventinus  a  puisé 
pour  la  composition  de  ses  Annales.  M.  Riezler  ne  se  fait  pas  d'illu- 
sion à  ce  sujet  :  il  reste  encore  beaucoup  de  doutes  à  éclaircir,  beaucoup 
de  questions  à  résoudre,  mais  il  sera  sans  doute  permis  d'énoncer  quel- 
ques conjectures  comme  M.  Riezler  l'a  fait  par  exemple  en  parlant  de 
Frethulphus  et  de  Schritovinus,  antiquissimi  Bojorum  historiographi. 
Il  les  identifie  par  une  argumentation  fort  ingénieuse  avec  Ulrich 
Fuetrer  on  Filrtrer,  poète,  peintre  et  chroniqueur  bavarois  du  xv^  siè- 
cle et  Schreitwein,  son  contemporain,  auteur  d'un  catalogus  archiepis- 
coporum  et  episcoporum  Laureacensis  et  Pataviensîs  ecclesiarum,  etc. 
Aventinus  aurait  dû  désigner  ces  deux  auteurs  «  antiquissimorum  tem- 
poriim  Bojorum  historiographi  »  au  lieu  de  antiquissimi  Bojorum  his- 
toriographi. Nous  relevons  aussi  ce  que  dit  M.  Riezler  des  Annales 
patrii  ou  Bojorum,  des  inscriptions  latines  dont  Aventinus  a  eu  con- 
naissance, des  Annales  Fuerstenfeldenses  et  nous  n'oublierons  pas  de 
mentionner  la  table  consciencieusement  rédigée  des  volumes  1  et  II  des 
Annales. 

Alfred  Stern. 


2gD  RKVDfc     CRlTIQUfc 

62.  —  Vie  do  Giiillnumc  Buclc,  fondateur  du  collette  de  France  (1467-1340), 
par  Eugène  de  Budé.   Paris,  E.  Perrin,   18S4,  in-12  de  'ioi  pages. 

—  Emile  Amiel.    Un    publiciate  «lu    "XV!"   Bièclc.   Jiu!>te-I>îp^e.   Paris, 
A.  Lemerre,  1884,  in-iS,  de  33o  pages. 

On  vient  d'écrire  en  France  la  biographie  de  deux  illustres  savants 
du  xvie  siècle,  Guillaume  Budé  et  Juste-Lipse;  il  est  fâcheux  que  ni 
Tun  ni  l'autre  de  ces  grands  hommes  n'ait  rencontré  un  historien  digne 
de  lui.  Je  ne  peux  insister  beaucoup  sur  le  petit  livre  de  M.  Eug.  de 
Budé.  On  louera  ailleurs,  et  avec  justice,  les  sentiments  généreux  de 
l'auteur,  le  point  de  vue  large  et  élevé  de  son  travail,  la  piété  filiale 
qui  Ta  porté  à  rappeler  le  savoir  et  le  noble  caractère  d'un  érudit  dont 
on  peut  être  fier  de  porter  le  nom;  mais  il  est  utile  de  mettre  en  garde 
le  public  savant  contre  l'œuvre  d'un  homme  du  monde,  qui  n'apporte 
rien  à  l'histoire  littéraire  de  la  Renaissance.  A  part  quelques  pages  sur 
la  vie  privée  et  la  famille  du  grand  helléniste  (notamment  chap.  vni), 
je  ne  vois  pas  bien  ce  que  le  livre  ajoute  à  la  thèse,  estimable  d'ailleurs, 
de  M.  Rebitté  sur  le  restaurateur  des  études  grecques  en  France  (Paris, 
1846),  Cette  biographie  de  Budé  est  trop  incomplète  pour  être  bien 
utile.  11  semble  que  M.  de  B.  aurait  élevé  un  monument  plus  solide  à 
la  gloire  de  son  illustre  ancêtre  en  donnant  une  réimpression  ou  une 
traduction  de  ses  lettres  grecques  et  latines;  un  travail  de  ce  genre  ferait 
honneur  à  qui  aurait  le  courage  de  l'entreprendre.  Si  M.  de  B.  devait 
s'en  charger,  comme  le  principal  mérite  de  l'œuvre  consisterait  dans  des 
éclaircissements  nombreux  et  des  identifications  précises,  je  lui  conseil- 
lerais de  faire  plus  ample  connaissance  avec  le  personnel  littéraire  du 
XVI"  siècle.  Les  noms  propres  dans  son  livre  sont  trop  souvent  défigu- 
rés :  p.  5  I ,  les  deux  bibliographes  La  Croix  du  Maine  et  Antoine  du 
Verdier  sont  transformés  en  Lacroix,  Dumaine  et  Duverdier  ;  il  est 
question,  p.  284,  de /ra  Giacondo  ;  p.  216,  Léger  Du  Chesne,  par 
une  malencontreuse  virgule,  se  trouve  désigner  deux  personnages,  etc. 
On  me  dispensera  de  m'étendre  sur  un  ouvrage  qui  ne  cite  presque 
jamais  les  sources  contemporaines  et  qui  ne  permet  même  pas  au  lec- 
teur de  se  reporter  aux  passages  grecs  et  latins  traduits  dans  le  texte. 

Le  Juste-Lipse  de  M.  E.  Amiel  mérite  peut-être  davantage  de  retenir 
l'attention;  mais  on  reconnaît  vite  que  ce  n'est  aussi  qu'un  livre  d'ama- 
mateur,  sans  méthode  bien  nette  et  sans  utilité  pour  la  science.  En 
mettant  un  peu  partout  les  aperçus  généraux  et  les  lieux  communs  sur 
la  Renaissance,  l'auteur  a  fait  de  son  travail  quelque  chose  d'agréable 
et  d'instructif  pour  le  gros  public.  Les  érudits  que  le  titre  du  livre 
pourrait  tenter  n'ont  absolument  rien  à  y  prendre;  la  nature  du  travail 
historique  et  ses  exigences  sont  absolument  étrangères  à  M.  Amiel.  On 
n'a,  pour  s'en  convaincre,  qu'à  regarder  la  façon  dont  il  conçoit  ses 
renvois  au  bas  des  pages.  L'édition  à  laquelle  ils  se  rapportent  n'est 
jamais  indiquée,  même  quand  ce  serait  absolument  nécessaire.  Le 
même  ouvrage  est  cité  de  plusieurs  manières  difiércntes  à  deux  pages  de 


Il 


I 


d'hISTOIRK    et     0[<     LirrF.RATUKK  2Q7 

distance  (ex.  :  DeThou,  pp.  3i,   32).  Pour  un  passage  assez  important 
de  Chateaubriand  qu'on  aimerait  à  retrouver,  on  est  renvoyé  à  :  Et. 
Hist.  La  Revue  des  Deux  Mondes  est  appelée  la  Revue  tout  court  :  il 
n'y  a  qu'à    la  R.    des  Deux    Mondes  qu'un  tel    renvoi    suffise.  Les 
textes  anciens  sont  presque  tous  de  seconde  main  :  ayant  à  citer  un  mot 
connu  de  Plutarque,  M.  A.  le  prend  dans  une  phrase  de  M.  de   Pres- 
sensé  et  c'est  à  celle-ci  qu'il  renvoie.  Il  est  pourtant  facile  de  citer 
Plutarque;  on  ne  demande  pas  à  M.  A.  de  le  faire  en  grec;  on  le  prie- 
rait plutôt  de  s'en  abstenir,  tant  son  imprimeur  défigure  singulièrement 
cette  langue  (pp.  140,  180,  i83,  etc.)'  —  L'ouvrage  a  deux  parties  et 
la  première  est  trop  évidemment  écrite  pour  accompagner  la  seconde. 
Dans  celle-ci  M.  A.  analyse  la  Politique  du  savant  philologue,  en  la 
rapprochant  des  idées  de  son  temps  et  de  celles  du  nôtre.  Ce  travail  est 
clair  et  intéressant,  bien  qu'il  y  ait  à  la  fin  trente  pages  sur  la  séparation 
de  l'Eglise  et  de  l'Etat,  les  biens  de  mainmorte  et  le  décret  du  2  no- 
vembre 1789,  qui  nous  mènent  extrêmement  loin  de  Juste-Lipse.  Ces 
considérations  financières  et  religieuses  pourraient  être  excellentes  dans 
le  Temps  ou  dans  les  Débats;  elles  sont  évidemment  ici  hors  de  propos. 
La  première  moitié  du  livre,  mieux  composée,  comprend  la  biographie 
de  Juste-Lipse.  L'auteur  ne  s'y  montre  point  au  courant  des  travaux 
récents  sur  le  xvi^  siècle.  On  peut  lui  reprocher  aussi  d'avoir  étudié  le 
publiciste  sans  presque  parler  du  savant.  C'était  son  droit;  mais  en 
s'occupant  d'un  homme  qui  est  resté  illustre  surtout  comme  philologue 
il  convenait  de  n'être  pas  tout  à  fait  étranger  aux  hommes  et  aux  œu- 
vres de  la  philologie.  M.  A.  ignore  le  monde  littéraire  des  Pays-Bas  au 
milieu  duquel  se  meut  son  héros.  P.  57,  la  Constance  de  Lipse,  dit-il, 
«  est  un  dialogue  à  Liège  entre  l'auteur  et  un  certain  Charles  Lange, 
«  le  meilleur  et  le  plus  savant  homme  de  la  «  Belgique  »,  personnage 
pj-obablement  supposé,  qui  nous  est  du  moins  inconnu.  »  Charles  Lange 
est,  en  effet,  suivant  le  mot  de  Lipse,   un  des  plus  savants  humanistes 
de  son  temps  et  l'un  des  plus  illustres  de  son  pays;  il  n'était  pas  per- 
mis à  l'historien  d'un  de  ses  amis  d'émettre  de  pareils  doutes  sur  son 
existence.  Pour  la  biographie  même  de  Juste-Lipse,  M.  A.  est  encore 
fort  incomplet  sur  des  points  importants;  il  ne  fait  aucune  allusion  aux 
travaux  de  Lipse  dans  l'imprimerie  de   Plantin;   p.    82,  il  cherche  à 
prouver  que  Juste-Lipse  avait    été    quelque  temps  hors    de    l'Eglise 
romaine;    au   lieu  de  s'en   tenir   à  ce  qu'on   a  déjà  dit  vingt    fois   et 
qui  ne  prouve  qu'à  demi,  il  était  très  simple  de  rappeler  les  discours 
luthériens  prononcés  par  Lipse  à  l'université  d'iéna  et  dont  l'authen- 
ticité a  été  mise  en  lumière  par  M.  Karl  Halm  [d.  Rev.  crit.,   1884, 
I,  p.  65).  Si  M.  A.,  avant  de  se  mettre  à  l'œuvre,  avait  pris  la  peine  de 
faire  la  bibliographie  de  son  sujet,  il  se  fût  évité  bien  àts  lacunes  de 

I.  Les  titres  des  recueils  de  Lipse  sont  transcrits  d'une  manière  bizarre  :  M.  A. 
mentionne  «  les  Variarum  lectionum  »  (p.  2(S),  «  les  Antiquas  Icciiones  »  (p.  41  15  on 
attend  les  EpistoUcis  quaestionibus ! 


298  RKVUK    CRITIQOR 

ce  genre  et  eût  donné  quelque  valeur  à  la  partie  biographique  de  son 
travail. 

Malgré  les  nobles  intentions  et  le  zèle  louable  des  auteurs  dont  je 
viens  de  parler,  il  reste,  on  le  voit,  deux  livres  à  faire  :  Tun  sur 
Guillaume  Budé,  l'autre  sur  Juste-Lipse. 

P.    DE    NOLHAC. 


63.  —  I.*Alloinagne  de  M.  <le  Blennarck,  par  Amédée  Pigeon.  Paris,  nouvelle 
librairie  parisienne,  E.  Giraud  et  O'',  éditeurs,  18,  rue  Drouot.  In-S,  499  p. 
7  i'r.  5o. 

On  sera  quelque  peu  désappointé  en  lisant  ce  gros  volume;  Fauteur 
sait  l'allemand,  il  a  visité  quelques  parties  de  l'Allemagne,  recueilli  de 
ditférents  côtés  des  anecdotes  et  des  descriptions  ;  mais,  quoi  qu'en  dise 
une  note  delà  librairie,  on  ne  peut  comparer  ce  livre  à  la  Monarchie 
prussienne  de  Mirabeau.  M.  Pigeon  s'est  rendu  la  besogne  trop  facile 
en  se  bornant  à  nous  donner  des  notes  prises  au  jour  le  jour.  L'année 
i883  et  Vannée  1884  en  Allemagne  qui  forment  la  dernière  parue  de 
l'ouvrage  (p.  288-399),  ne  sont  qu'une  collection  de  correspondances 
qui  ont,  croyons-nous,  paru  dans  \q  Figaro  et  ne  méritaient  pas  l'hon- 
neur de  la  réimpression. 

Le  livre  est  ainsi  divisé  :  I.  La  politique  de  M.  dé  Bismarck;  II. 
La  cour  d'Allemagne  ;  III.  Berlin;  IV.  La  province  allemande  [on 
plutôt  la  province  du  Rhin,  car  M.  P.  ne  parle  que  de  Bonn,  de  Colo- 
gne et  de  Coblenz).  Un  appendice  renferme  l'analyse  d'une  tragédie 
allemande  [Sedan,  par  Henri  Hart)  et  une  traduction  des  souvenirs  de 
M.  Bitter  sur  la  révolution  de  1848  à  Berlin;  il  contient  aussi  un 
chapitre  intitulé  Les  écrivains  allemands,  le  roman  allemand,  le  ro- 
man naturaliste,  opiîtion  des  romanciers  allemands  sur  nos  roman- 
ciers, mais  ce  chapitre  ne  se  compose  que  de  cinq  pages  et  ne  contient 
rien  ou  presque  rien. 

Le  style  de  M.  P.  est  aisé  et  naturel  ;  on  trouve  çà  et  là  des  réflexions 
vives,  d'intéressants  aperçus,  des  traits  spirituels,  çà  et  là  aussi  des  fau- 
tes comme  «  Kalkrusth  «  pour  Kalkreuth  (p.  408).  Ce  livre  devrait  être 
allégé  de  la  moitié  ';  mais  par  le  soin  et  la  conscience,  par  l'exactitude 
de  l'observation,  il  est  bien  supérieur  aux  élucubrations  de  Victor  Tissot 
et,  s'il  ne  rappelle  ni  Mirabeau,  ni  M™*"  de  Staël,  ni  Henri  Heine  par  la 
minutie  des  détails  et  la  profondeur  des  vues,  s'il  ne  donne  pas  des  in- 
formations aussi  précises,  aussi  saisissantes  que  la  Galerie  des  caractè- 
res prussiens  —  qui  a  paru,  soit  dit  en  passant,  non  pas  au  siècle  der- 
nier, mais  au  commencement  de  ce  siècle,  —  il  mérite  d'être  lu,  et  nous 


1 


I.  On  subit  par  deux  fois  (p..  398-399  et  p.  456-457)  un    portrait  de   Gœben  et 
M.  Pigeon  oublie  de  dire  qu'il  fut  opposé  à  Faidlierbe. 


D  HISTOIRE    KT    DE    LITTERATURE  2QQ 

souhaitons  à  nos  correspondants  de  journaux  et  à  nos  chroniqueurs  de 
1  étranger  le  sérieux,  le  souci  de  bien  observer  et  de  bien  dire,  la  connais- 
sance de  la  langue  allemande  qu'on  remarque  dans  le  livre  de  M.  Pigeon. 

A.  C. 


CHRONIQUE 


FRANCE.—  MM.  Gaidoz  et  Sébillot  viennent  de  publier  un  nouveau  cliapitre  de 
leur  Bibliographie  des  traditions  et  de  la  littérature  populaire  de  la  France.  Il  est 
consacré  à  l'Auvergne  et  au  Velay  et  il  vient  de  paraître  dans  la  Revue  d'Auvergne  de 
Clermont-Ferrand  (n»  de  janvier-février  i885,  pp.  3i-65).  Il  comprend  les  divisions 
suivantes  :  1.  Généralités;  —  II.  Patois;  —  III.  Traditions,  moeurs  et  usages;  — 
IV.  Mœurs  épulaires  et  cuisine;  —  V.  Contes;  —  VI.  Chansons;  —  VII.  Noéls;  — 
VIII.  Devinettes,  formulettes,  proverbes;  —  IX.  Danses  et  musique;  —  X.  Théâtre 
patois;  —  XI.  Costumes;  —  XII.  Dessins  et  estampes;  —  XIÎI.  Imprimerie  et  ima- 
gerie populaires,  almanachs;  —  XIV.  Art  populaire  (faïences,  chaudronnerie  et  bois 
sculptés).  —  Le  directeur  de  la  Revue,  M.  Vimont,  a  fait  précéder  la  Bibliographie 
de  MM.  Gaidoz  et  Sébillot  d'un  article  intitulé  Folk-Lore  où  il  a  expliqué  le  mot  et 
la  chose  à  ses  lecteurs  auvergnats,  les  engageant  à  se  mettre  à  l'œuvre  pour  recueil- 
lir les  légendes  et  les  traditions  de  l'Auvergne.  Nous  félicitons  M.  Vimont  de  cette 
initiative  qui,  si  elle  est  couronnée  de  succès,  ne  peut  qu'élargir  le  cercle  de  ses  lec- 
teurs et  la  faire  apprécier  en  dehors  même  de  l'Auvergne  et  du  Velay. 

—  Nous  apprenons  en  même  temps  que  MM.  Gaidoz  et  Sébillot  se  préparent  à 
publier  une  autre  section  de  leur  Bibliographie  consacrée  aux  Français  d'outre  mer, 
en  comprenant  sous  ce  titre  les  colonies  françaises  actuelles  et  celles  que  la  France 
a  perdues,  mais  qui  sont  restées  françaises  de  langue  comme  le  Canada  et  l'Ile  de 
France  (Maurice).  Cette  section  va  paraître  prochainement  dans  la  Revue  de  linguis- 
tique. 

ALLEMAGNE.  —  Nous  recevons  delà  librairie  Trûbner,  de  Leipzig,  une  édition 
de  morceaux  choisis  de  Victor  Hugo,  par  M.  K.  A.  Martin  Hartmann  {Victor  Hugo, 
eine  chronologisch  geordnete  Auswahl  seiner  Gedichte  mit  Einleitung  und  Anmer- 
kungen,  1884,  In-8°,  3  fascicules,  vui  et  92  p.,  ii5  p.,  128  p.  Prix  des  trois  fasci- 
cules :  4  mark  20).  L'éditeur  dit  dans  sa  préface  que  «  le  monde  entier  de  la  vie  et 
de  la  pensée  humaines  trouve  son  expression  dans  la  poésie  de  Hugo  »,  que  l'auteur 
des  Feuilles  d'automne  et  de  la  Légende  des  siècles  est  «  le  Paganini  de  la  poésie 
française  »,  que  lui-même  «  comme  Allemand,  regrette  et  déplore  quelques  assertions 
de  Hugo  en  1870  »,  mais  qu'il  ne  donne  dans  son  recueil  que  très  peu  de  poésies  po- 
litiques et  «  aucune  ligne  qui  puisse  blesser  le  patriotisme  germanique  ».  Le  choix 
des  poésies  a  éié  fait  avec  goût;  elles  sont,  autant  que  possible,  rangées  par  ordre 
chronologique;  le  texte  est  celui  de  l'édition  définitive  des  œuvres  complètes.  L'in- 
troduction n'est  qu'une  simple  esquisse,  mais  où  l'on  trouve  tout  ce  qu'il  faut  con- 
naître. A  la  fin  du  troisième  fascicule,  en  appendice,  est  une  liste  assez  longue  des 
études  critiques  qui  ont  paru  sur  Hugo.  Le  commentaire  est  sobre,  un  peu  sec, 
presque  toujours  historique,  et  ne  fait  pas,  ce  nous  semble,  une  assez  large  part  à 
la  langue  du  poète;  mais  il  est  presque  partout   intéressant   et  rédigé  avec  soin  et 


3oO  RKVUK    CRrTIQUR    d'hISTOIRE    KT    DR    LITTÉRATURE 

savoir;  il  serait  même  meilieLir,  avoue  l'éditeur,  si  le  dictionnaire  de  Larousse, 
«  l'œuvre  encyclopédique  la  plus  importante  qui  soit  »,  se  trouvait  à  Leipzig.  En 
attendant  que  M.  Hartmann  puisse  le  découvrir,  nous  le  prierons  de  corriger  quel- 
ques fautes  légères  que  nous  avons  notées  dans  le  commentaire  du  troisième  fasci- 
cule (rien  ne  nous  a  choqué  dans  la  rapide  lecture  des  deux  premiers)  :  p.  22,  il  ne 
suffisait  pas  de  dire  que  Chaix-d'Est-Ange  était  un  avocat  qui  avait  de  la  réputation 
depuis  le  commencement  de  Juillet  et  défendait  le  ministère  dans  le  procès  de  le 
Roi  s'amuse  ;  mais  il  était  bonapartiste  prononcé,  et  Hugo  associe  son  nom  à  celui 
de  Troplong;  p.  74.  il  fallait  dire  tout  simplement  que  le  nom  de  Brissac,  mêlé  à 
ceux  de  Turenne  et  de  Luxembourg,  n'est  là  que  pour  la  rime;  p.  82,  M.  Hartmann 
juge  obscur  le  vers  «  Puis  la  brume  où  du  Harz  on  entendait  le  cor  »  {Le  cimetière 
d'Eylaii  ,  et  il  a  raison  ;  il  faut  comprendre  sans  doute  :  une  de  ces  brumes  comme 
celles  qui  couvrent  le  Harz  lorsqti'y  passe  le  chasseur  légendaire  sonnant  du  cor; 
p.  86,  pourquoi  ne  pas  rappeler  au  mot  dtre  l'ancien  haut-allemand  astrih,  aujour- 
d'hui Estrich?  p.  106,  à  propos  du  «  groupe  altier  des  batailles  »  (Sedan),  il  fal- 
lait dire  que  Châlons  est  une  allusion  à  la  victoire  des  Francs  sur  Attila  et  que  Ra- 
venne  rappelle  le  triomphe  de  Gaston  de  Foix  (et  non  de  Louis  XII,  ce  chiffre  XII  a 
été  oublié).  M.  Hartmann  ne  sait  ce  que  vient  faire  «  Arezzo  la  cruelle  »  en  cette 
affaire,  c'est  évidemment  une  erreur  de  Hugo  qui  a  voulu  parler  de  la  défaite  de 
Conradin  par  Charles  d'Anjou  à  Tagliacozzo;  «  la  cruelle  »  nous  fait  souvenir  des 
vengeances  exercées  par  l'Angevin  après  sa  victoire.  Ajoutons  que  Jemmapes  date  de 
1792,  et  non  de  1793,  et  que  Tours  est  mis  pour  Poitiers,  les  Francs  ayant  marché 
contre  les  Arabes  lorsque  ces  derniers  menaçaient  la  basilique  de  Saint-Martin  ; 
quelques  historiens  disent  d'ailleurs  que  la  bataille  s'est  livrée  entre  Tours  et  Poi- 
tiers. —  A    C. 


SOCIETE  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE 


Séance  du  18  mars. 

PRÉSIDENCE  DE    M.   COURAJOD 

M.  d'Arbois  de  Jubainville  présente  des  observations  sur  le  nom  gaulois  Liluc- 
cus  dans  lequel  il  reconnaît  un  thème  litu  «  fête  »  comparable  à  lugu  dans  Lugudu- 
num.  Il  pense  que  lugu  donne  le  nom  indigène  du  Mercure  gaulois  et  que  le  nom 
des  dieux  Lugoves  n'en  est  que  la  forme  plurielle. 

M.  Gaidoz  combat  cette  hypothèse  de  la  pluralité  appliquée  à  Mercure,  bien  que 
l'on  connaisse  des  dieux  Mars  collectivement  désignés  dans  une  inscription.  Par 
suite,  il  conteste  que  L^g- soit  le  nom  proprement' dit  du  Mercure  gaulois  :  pour 
lui,  le  mot  lugoves  est  un  simple  appellatit  générique  comme  Matres,  Genii.elc. 
Les  divers  cultes  locaux  de  Mercure  s'adressaient  à  un  seul  et  même  dieu.  De  même, 
personne  ne  croit  qu'il  y  ait  plusieurs  Vierges  Maries,  bien  qu'il  y  aie  une  N.-D. 
de  Lourdes,  une  N.-D.  de  la  Salette,  une  N.-D.  de  Loretie,  etc. 

M.  Engel  donne  lecture  d'une  notice  sur  des  objets  en  bronze,  fibules,  torques, 
poignards,  découverts  il  y  a  une  quarantaine  d'années  dans  les  grottes  de  Saint-An- 
toine, près  Ajaccio,  et  appartenant  à  M.  Peraldi. 

M.  Mowat  fait  remarquer  que  la  récente  création  du  Camel-Corps  anglais,  des- 
tiné à  opérer  dans  le  Soudan,  est  une  innovation  imitée  de  l'armée  romaine  d'O- 
rient. Par  une  curieuse  coïncidence,  il  y  avait  précisément  en  Haute-Egypte,  à  Thè- 
bes,  une  troupe  créée  par  Dioclétien  et  pourvue  du  même  genre  de  monture,  VAla 
prima  Valeria  dromedariorum.  M.  Waddington  a  vu  à  Rimet-el-Lohf,  en  Syrie,  la 
tombe  d'un  vétéran  de  ce  corps  nommé  Julius  Candidus.  A  Admatha,  en  Palestine, 
il  y  avait  aussi  une  Ala  Antana  dromedariorum. 

Le  Secrétaire, 

MoWAT. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEKO]JX^_^ 

l.e  f'uv.  ri^rrimerie  de  AJn>  rhessou  tlla.  boulevard  Saiytt- Laurent,  2  î 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET   DE    LITTÉRATURE 


No  16  —  20  avril  —  1885 

Soniniaii-e  :  64.  Le  Vendidad  et  le  Khordeh  Avesta,  trad.  par  Kavasji.  —  65.  De 
La  Blanchère,  Terracine.  —  66.  Winkler,  Peuples  et  langues  ouralo-altaïques. 
—  67.  Archives  de  l'évêché  de  Luçon,  p.  p.  Ingold.  —  68.  Wolf,  Sur  l'Histoire 
de  l'Université  de  Vienne.  —  69.  Fournel,  Etudes  sur  la  littérature  française  au 
xviii'  siècle;  Fournier,  Etude  sur  la  vie  et  les  œuvres  de  Molière,  p.  p.  P.  Lacroix 
et  ViTU.  —  70.  HûFFER,  La  République  de  Naples;  Max-François  électeur  de 
Cologne;  Henri  Heine  et  Detmold  ;  Le  plus  ancien  manuscrit  de  1'  «  Ecole  Ro- 
mantique ))  de  Heine.  —  Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions.  —  Société 
des  Antiquaires  de  France. 


6^^.  _  Vendidad  translated  into  Gujerati  from  the  original  Zend  text,  with 
critical  aud  explanatory  notes,  by  Kavasji  Edalji  Kanga,  second  édition,  Bombay, 
the  era  of  Yezdezard,  i253,  the  year  of  Christ,  1884,  i  vol.  in-8,  262  pages. 

—  Biltordelï  Avesta,  transliterated  and  translated  into  Gujerati  with 
copious  explanatory  notes  by  Kavasji  Edalji  Kanga,  Head-Master,  MooUa  Feeroz 
Madresa,  Bombay,   1880,  i  vol.  in-12,  270  pages. 

M.   Kavasji  Edalji  Kanga,  directeur  du  Collège    MooUa  Feeroz  à 
Bombay,  est  un  des  hommes  qui  ont  fait  le  plus  pour  vulgariser  parmi 
ses  coreligionnaires  les  résultats  des  études  européennes  sur  V Avesta. 
11  avait  publié  il  y  a  dix  ans  une  traduction  guzeratie  du  Vendidad,  avec 
texte,   traduction  littérale,  —  chaque  mot  zend  et  chaque  mot  guzerali 
correspondant  ayant  leur  numéro  d'ordre,  —  et  commentaire  gramma- 
tical donnant  l'analyse  et  Pétymologie  des  mots  importants.  L'ouvrage 
avait    reçu  le  prix   offert    par    M.    Kharshedji  Kama  de   Bombay    et 
avait  été   publié  aux  frais  de  la  «  Société  de  recherches  sur  la  religion 
zoroastriennes  »  (Zarthoshti  Dharmni  Khôl  Karnari  Mandli  ').  L'ou- 
vrage a  eu  assez  de  succès  pour  qu'une  seconde  édition  soit  devenue 
nécessaire.   M.   K.   a  profité  de  l'occasion  pour  utiliser  les  nouvelles 
traductions  parues  dans  lesdix  dernières  années  et  ildonnedans  les  passa- 
ges importants  les  opinions  des  divers  traducteurs,  quand  elles  diffèrent. 
Le  commentaire  grammatical  a  été  supprimé  et  les  notes  sont  purement 
explicatives.  Telle  quelle,  Fœuvre  nouvelle  peut  se  définir  une  traduc- 
tion européenne  en  guzerati. 

Les  savants  européens  doivent  être  reconnaissants  à  M.  K.  de  faire 
connaître  et  apprécier  leurs  travaux  parmi  les  Parsis.  Cependant  si  j'osais 
donner  un  conseil  à  nos  confrères  de  Bombay,  je  leur  recommanderais 

1.  Dosabhai  Framji,  History  of  the  Parsis,  II,  232.  —  M.  Kavasji  a  aussi 
publié  une  traduction  anglaise  de  la  Relation  du  Voyage  aux  Indes  d'Anqueiil  Du 
Perron. 

Nouvelle  série,  XIX.  16 


302  REVOii    CltrriQOE 

de  moins  s'inquiéter  de  ce  que  nous  pouvons  écrire  et  de  continuer  à 
travailler  surtout  d'après  les  données  indigènes,  ou  du  moins,  sans  | 
dédaigner  ni  ignorer  ce  qu'il  peut  y  avoir  de  solide  dans  les  travaux 
européens,  de  suivre  avant  tout  la  tradition.  Ils  ont  infiniment  plus  à 
nous  enseigner  que  nous  à  eux  :  nous  pouvons  leur  donner  des  traduc- 
tions plausibles  et  raisonnables,  appuyées  sur  de  brillantes  étymologies 
sanscrites  et  autres  toiles  d'araignées  :  eux  peuvent  nous  donner  des 
faits.  Aussi  tout  leur  effort  devrait-il  porter  vers  le  débrouillement  de 
la  tradition,  vers  la  publication  et  la  traduction  des  trésors  enfouis  dans 
la  littérature  pehlvie:  ils  peuvent  rendre  là  des  services  inappréciables  et 
préparer  ainsi  les  matériaux  de  la  traduction  définitive  de  ÏAvesta. 

La  traduction  de  Khordeh  Avesta  est  la  troisième  de  ce  genre  publiée 
en  Inde.  La  première,  qui  date  d''une  soixantaine  d'années,  est  due  au 
Destour  Framji  Sorabji  Meherji  Rânâ;  elle  a  été  suivie  rapidement  de  | 
celle  du  Destour  Edalji  Dorabji  Sanjânâ,  souvent  réimprimée  depuis  et 
qui  fait  autorité  chez  les  Parses.  M.  Kavasjî  en  donnne  une  troisième 
qui  représente  la  tradition  européenne.  Cette  traduction  comprend 
YAshem  vohii,  le  Yathâ  ahu  vairyô,  les  cinq  Nyaj^ish^  les  cinq  Gâhs, 
le  Vispa  hiimata,  le  Isiâmsitâyishn,  le  Patet  Pashemâm,  les  Nirangs^ 
les  Vâjs,  les  Namaskâr ,  les  Yashts  de  Horma\d,  Ardîbehesht,  Srush, 
Hum,  Vanant,  Behrâm,  et  le  Doâ  tandiirusfî .  Le  commentaire  donne 
toutes  les  explications  nécessaires  sur  le  sens  des  mots  techniques,  donne  / 
les  passages  zends  parallèles  et  parfois  !a  traduction  pehlvie.  Le 
traducteur  ne  s'astreint  pas  toujours  à  suivre  les  traductions  européen- 
nes et  donne  souvent  des  suggestions  personnelles,  dignes  d'être  prises 
en  considération.  Voir  en  particulier  le  Bahram  Yasht  {\ayôtemô,  tra- 
duit 5^^/^/»  ^^anoycïîe/z?;2a«t/,  le  plus  victorieux;  de  ^i  vaincre;  et  les 
autres  aTra^    X£YÔf.£va). 

De  pareils  travaux  font  honneur  à  leur  auteur  et  montrent  tout  ce 
qu'il  y  a  de  sérieux  et  de  sève  intellectuelle  dans  la  petite  communauté 
parsie.  On  peut  faire  quelques  réserves  sur  la  méthode,  mais  sans  pou- 
voir s'empêcher  d'admirer  la  bonne  foi  et  l'amour  sincère  de  la  science 
qui  amènent  de  si  loin  des  disciples  à  la  science  européenne.  Pour 
rendre  pleine  justice  à  ces  efforts,  qu'on  jette  les  yeux  sur  leurs  voisins 
Musulmans  et  Hindous:  quand  aura-t-on  en  guzerati  une  traduction 
des  Védas  ou  du  Coran  faite  d'après  les  recherches  de  lOccident  ? 

James  Daumesteter. 


65.  —    t'erracîne,  par    M.  R.  de   l,v  Blanchère.    iS83.   Paris,  Thorin,    in-8,  de 
218  p.  et  7  planches. 

11  y  a  deux  parties  à  distinguer  dans  ce  livre,  l'histoire  et  la  topogra- 
phie de  Terracine.  Apprécier  la  seconde  nous  serait  difficile  :  il  faudrait, 
pour  en  faire  la  critique,  avoir  eu,  comme  Taulcur,  le  courage  ue  s'en- 


D  HISTOIRE    hl     DK    Ll  i TÉKaTUK!!.  3o3 

fermer  trois  ans  dans  une  des  villes  les  moins  gaies,  dans  un  des  pays  les 
plus  malsains  de  l'Italie.  Nous  devons  nous  borner  à  dire  que  les  cartes, 
dues  à  M.  de  la  Blanchère  lui-même,  sont  claires  et  bien  venues,  et 
qu'elles  ont  été  dressées  avec  autant  de  soin  que  de  compétence.  —  L'his- 
toire de  Terracine  est  plus  abordable  :  mais,  si  on  en  détache  les  in- 
scriptions, qui  absorbent  plus  d'une  page,  elle  est  bien  courte,  bien  peu 
riche  en  faits  intéressants.  Les  seules  questions  qui  pouvaient  concerner 
rhistoire  générale,  comme  l'organisation  de  la  colonie  primitive,  les 
rapports  des  colons  avec  les  anciens  habitants,  ont  été  sommairement 
traitées,  sans  qu^on  puisse  en  vouloir  trop  à  l'auteur  :  il  a  tenu  à  ne  pas 
sortir  des  limites  de  son  sujet,  quelque  étroites  qu'il  se  les  fût  tracées. 
Il  est  certain,  en  tout  cas,  quMl  a  tout  dit  ce  qu'il  y  avait  à  dire  sur 
Terracine,  —  au  moins  jusqu'en  1882,  —  qu'il  l'a  bien  dit,  et  que  cer- 
tains chapitres  de  l'histoire  d'une  ville  qui  nous  intéresse  fort  peu,  sont 
fort  intéressants.  Nous  avons  cherché  des  lacunes  ou  des  omissions  : 
nous  avons  été  heureux  de  n''en  point  trouver.  Les  résultats  les  plus  im- 
portants de  l'œuvre  terracinaise  de  M.  de  la  31.  n'apparaissent  malheu- 
reusement pas  dans  sa  thèse  :  ce  sont  la  découverte  de  nouvelles  inscrip- 
tions et  le  redressement  d'anciennes  lectures.  M.  de  la  Bl.  cite,  en  effet, 
les  inscriptions  de  Terracine  d'après  le  Corpus  :  il  importe  de  rappeler 
que  le  Corpus  en  doit  beaucoup  à  l'auteur  de  ce  livre.  Pour  se  rendre 
compte  des  services  rendus  par  lui  au  recueil  général  des  inscriptions 
latines,  il  suffit  de  comparer  l'inscription  633 1  du  Corpus,  t.  X.  à 
rinscription  8397,  ^1*-^^  ^'^"^  deux  copies  différentes  du  même  texte,  l'une 
antérieure,  l'autre  postérieure  au  séjour  de  M.  de  la  Bl.  M.  Mommsen 
a  dit  avec  raison  de  ce  dernier  :  Is  vlr  doctus,  cui  rerum  Terracinen- 
sium  vetusta  :nemoria  quantum  debeat,  multij'ariam  hae paginae  emin- 
liant.  Nous  sommes  pleinement  de  l'avis  de  M.  Mommsen  :  cette  étude 
est  une  résurrection  de  Terracine  antique,  une  histoire  locale  excellente 
à  tous  égards.  C'est,  dit  l'auteur,  «  l'histoire  de  Terracine,  et  de  Terra- 
cine seulement,  faite  à  Terracine  comme  l'eût  faite  un  Terracinais  pour 
être  lue  là  «.  La  chute  de  la  phrase  n'est  pas  heureuse,  mais  on  ne  sau- 
rait parier  de  ce  livre  en  termes  plus  exacts  que  ne  Ta  fait  M.  de  la 
Blanchère  lui-même. 

C.  J. 


56.  —    aji'alalt-»îscïie    Vœîkea-  uiid    fc^praeiieiî,  von    Dr.  Hcinricii  Winkleu. 
Berlin,  Dûmmler,  1884,  in-8,  480  pp. 

On  classe  généralement  en  cinq  groupes,  finnois,  samoyède,  turc, 
mongol  et  tongouse,  les  idiomes  très  divers  qu'on  est  convenu  de  rat- 
tacher à  la  grande  famille  ouralo-altaïque.  A  la  suite  d'une  étude  con- 
çue et  conduite  dans  le  véritable  esprit  de  la  linguistique  contempo- 


304  REVUh    CHlTIQUfc, 

raine,  M.  H.  Winkler  croit  pouvoir  en  ajouter  un  sixième,  le  japonais, 
et  proposer  une  nouvelle  division  de  la  famille  tout  entière.  Avant  de 
discuter  ses  conclusions  il  convient  de  reconnaître  que  jamais  peut-être 
un  recoin  du  domaine  grammatical  de  l'ouralo-altaïsme  n'avait  été 
exploré  avec  un  soin  plus  méthodique  et  plus  minutieux. 

L'ouvrage  se  divise  en  deux  parties,  anthropologique  et  linguistique. 
La  première  est  de  beaucoup  la  plus  courte  :  M.  W.  se  borne  à  colliger 
les  mensurations  crâniennes  obtenues  d'un  bout  à  l'autre  de  la  famille 
ouralo-altaïque,  et  à  constater  que  les  résultats  qui  s'en  dégagent  ne 
sont  pas  incompatibles  avec  l'hypothèse  de  l'unité  primitive.  L'auteur 
ne  méconnaît  pas  d'ailleurs  (p.  9]  le  caractère  tout  relatif  de  Tindice 
céphalique,  dont  on  a  parfois  exagéré  la  valeur.  Aujourd'ui  que  Fan- 
thropologie  arrivé  de  plus  en  plus  à  cette  conclusion  «  qu'il  n'y  a  point 
de  races  pures  »,  l'objet  de  cette  science  sera  beaucoup  moins  de  recher- 
cher l'unité  ancestrale  d'une  race  donnée,  que  de  concilier  l'unité  de 
langue  avec  les  infinies  variétés  de  type  qui  résultent  d'hybridations 
successives. 

La  seconde  partie  comprend  à  son  tour  deux  divisions.  Disons  à  ce 
propos  que  l'on  souhaiterait  plus  de  netteté  dans  la  distribution  des 
matières  ;  le  plan  de  l'ouvrage  n'est  pas  assez  apparent,  et,  faute  de 
repères  matériels,  on  a  parfois  peine  à  suivre  le  développement  de  la 
pensée.  Le  sommaire  placé  en  tête  n'est  pas  toujours  un  fil  d'Ariane 
suffisant,  et  en  tout  cas  il  vaudrait  mieux  n'avoir  pas  à  s'y  reporter. 

M.  W.  parcourt  d'abord  rapidement  son  terrain  :  parmi  les  langues 
dont  le  caractère  ouralo-altaïque  a  été  à  tort  contesté,  il  nomme  sans 
hésitation  le  japonais  (p.  65),  avec  réserve  le  coréen  et  l'aïno  (p.  yS), 
puis  consacre  quelques  pages  excellentes  (pp.  75  sqq.)  à  la  réfutation 
des  rapprochements  hnno-indo-européens  de  M.  Anderson,  rapproche- 
ments, on  le  sait,  presque  exclusivement  lexicographiques,  et  par  cela 
même  des  plus  suspects.  Sous  le  litre  Turanismus  (pp.  1 1 1  sqq.)  il  se 
livre  ensuite  au  travail  inverse,  et  élimine  successivement  toutes  les 
langues  que  la  malheureuse  hypothèse  touranisante  a  tenté  de  rattacher 
à  l'ouralo-altaïsme,  langues  hyperboréennes  de  l'Asie  et  de  l'Amérique, 
langues  dravidiennes,  chinois,  birman,  tibétain  et  autres.  Sur  le  bas- 
que (p.  i55)  il  évite  de  se  prononcer  et  ne  paraît  même  pas  fort  éloigné 
d'admettre  une  affinité  très  ancienne.  Le  tableau  qu'il  a  tracé  pourra 
dans  l'avenir  recevoir  encore  plus  d'une  modification  importante.  Ce 
qui  demeure  acquis,  c'est  que  le  touranisme  a  fait  son  temps.  Je  ferais 
pour  ma  part  une  réserve  en  ce  qui  concerne  l'eskimo  et  l'aléoute. 
M.  L.  Adam,  qui  les  sépare  nettement  des  langues  américaines  ',  sem- 
ble bien  disposé,  lui  aussi,  à  y  reconnaître  un  type  linguistique  isolé. 
Pourtant  les  affixes  du  duel  et  du  pluriel  sont  ceux  de  l'ouralo- 
altaïsme  ;  la  préfixation  y  est  également  inconnue  :  ce  sont  là  des  carac- 

I .  En  quoi   la    l.vigue    esquimaude   diffère-t-elle  grammaiicallement  des   autres 
langues  de  l'Amérique  du  Nord?  Copenhague,  Thiele,  1884. 


D'HiSrOIRK    HT    OP.    LMTKKAlUUk  ?o5 

tères  communs  assez  graves  pour  qu'on  puisse  sans  inconvénient  laisser 
provisoirement  la  question  ouverte. 

11  est  vrai  que  ces  langues  ne  répondent  pas  au  critérium  absolu 
d'ouralo-altaïsme  admis  par  M.  W.,  et.dont  l'intéressant  développe- 
ment occupe  toute  la  seconde  division  de  sa  seconde  partie  (pp.  171- 
480).  Précisons  donc,  à  l'aide  d'extraits  aussi  succincts  que  possiJ^le, 
le  point  de  vue  auquel  il  se  place,  le  caractère  commun  et  dlstinctif 
qa'il  assigne  à  toute  la  famille. 

«  Les  cas  indo-européens  ne  paraissent  plus  contenir  aucune  rela- 
tion  matérielle   ou  locale...   La  formation  casuelle,  à  l'époque  où  les 
peuples    indo-européens  entrent    dans  Thistoire,   est  arrêtée  dans  ses 
traits  essentiels,  de  telle  sorte  qu'on  y   reconnaît,  bien  caractérises,  un 
nominatif,  un  génitif,  un  accusatif,  un  datif,  dont  la  signification  n'a 
rien  de    local,  et  qui  au  contraire  expriment  des  relations   purement 
intellectuelles,  en  opposition  la  plupart  du  temps  avec  les  relations  lo- 
cales. »  (P.  171.)  Il  en  faut  dire  autant  même  du  cas  appelé  locatif,  qui 
«  n'est  originairement,  ni  le  cas   du  séjour,    ni  celui  de  la  direction, 
mais  indifféremment  celui  du  but  atteint  ou  à  atteindre.  »  (P.  i85,)  Au 
contraire,  à  l'esprit  des  races  ouralo-altaïques  toute  relation  se  présente 
d'abord  sous  la  forme  matérielle  et  locale  :   aussi  loin  qu'on  remonte 
dans  le  passé  de  leurs  idiomes,  on  n'y  aperçoit  qu'un  suffixe  essentielle- 
ment inessif,  qui,  par  extension  successive,  a  revêtu  le  sens  illatif,  puis 
la  fonction  de  datif,  celle  d'mstrumental,  d'autres  encore;  bref,  «  les 
langues  ouralo-altaïques  marquent  toute  action,  unie  à  un  lieu  déter- 
miné par  un  rapport,  soit  de  séjour,  soit  de  tendance,  à  l'aide  d'un  suf- 
fixe de  signification  purement  locale  joint  à  Tobjet  de  l'action,  v.  g. 
ville-lieii-habiter-rnoi^   et  de  même    ville-lieii-aller-moi,  et  de   même, 
alors  qu'il  s'agit  d'une  relation   tout  intellectuelle,  père-lieu-donner- 
moi  (je  donne  au  père)  :  d'où  la  conception  toute  locale  du  rapport  que 
nous  exprimons  par   le  datif.  »  (P.  60.)    0  Cette  donnée  fondamentale, 
commune  à  toutes  les  langues  ouralo-altaïques,  conservée  encore  de 
nos  jours  par  le  groupe  mongol,  s'est  altérée  dans  les  autres,  sinon  en 
principe,  du  moins  en   fait,   en   ce  sens    que   ceux-ci  ont  peu   à  peu 
adopté,  outre  l'exposant  vague  du  locatif  primitif,  un  certain  nombre 
d'autres  indices  plus   précis,  tels  que  intérieur^  milieu,  proche,   con- 
trée (?),  etc._,  ce  qui  a  amené  le  développement  graduel  de  véritables 
adessifs,  inessifs,  allatifs,  etc.  :  à  l'unique  cas  exprimant  l'idée  brute  de 
localité  se  substituèrent  ainsi  diverses  formations  que  d'ailleurs  l'analyse 
ramène   aisément  à  la    même  idée    fondamentale...    D'après  le    mode 
d'emploi  de  ces  éléments  auxiliaires,  on  peut  diviser  la  famille  entière 
en  deux    grands    groupes    :   turco-mongol  ;    finno-samoyède-tongouse- 
japonais.  «  (P.  478-9.) 

La  netteté  de  ces  conclusions  ne  laisse  rien  à  désirer;  mais  il  nous 
reste,  avouons-le,  quelques  doutes  sur  la  valeur  absolue  du  principe 
qui  les  justifie. 


3o6  KEVUE    CRITIQUE 

I"  On  se  demandera  d'abord  si  la  distinction  des  cas  indo-européens 
était  aussi  tranchée,  la  signilicalion  intime  de  ces  cas  aussi  purement 
intellectuelle  que  le  voudrait  la  théorie.  Le  sanscrit  a  confondu  pres- 
que partout  le  génitif  et  l'ablatif;  l'ablatif  et  l'instrumental  y  apparais- 
sent côte  à  côte  avec  la  même  fonction  '  ;  le  grec  et  le  latin  ont  presque 
entièrement  confondu  le  datif  et  le  locatif,  et  en  sanscrit  même  la  limite 
des  deux  cas  est  bien  flottante,  car  on  dira  indifféremment  dive  dive  et 
dyavi  dyavi{àe.  jour  en  jour),  et  les  verbes  qui  signitient  donner  veu- 
lent leur  régime  indirect  au  datif,  au  locatif  ou  au  génitif.  M.  W.  proteste 
contre  les  conséquences  qu'on  voudrait  tirer  de  ces  confusions  :  elles 
sont,  dit-il  (p.  i86),  très  postérieures;  il  n'en  reste  pas  moins  que,  si  elles 
ont  pu  se  produire,  la  distinction  originaire  devait  déjà  être  assez  va- 
gue. Peut-il  en  être  autrement?  la  fonction  ne  préexiste  pas  à  l'organe, 
c'est  l'organe  qui  s'adapte  à  la  fonction.  Le  sens  des  catégories  gramma- 
ticales va  se  spécialisant  de  plus  en  plus  :  c'est  Toeuvre  des  siècles,  de 
l'esprit  d'abstraction  qui  se  développe,  du  besoin  toujours  croissant  de 
clarté  et  de  précision.  A  ce  point  de  vue,  l'école  de  Schleicher  a  raison 
d'étudier  la  forme  en  elle-même,  indépendamment  de  la  fonction  que  le 
hasard  l'a  appelée  a  remplir  :  la  forme  est  Télément  matériel  et  visible 
des  langues;  la  fonction,  un  insaisissable  Protée. 

2°  Les  cas  primitifs  s'usant  à  la  longue,  on  recourt  à  des  substituts 
périphrastiques,  et  dans  cette  période  toutes  les  langues  du  monde 
emploient  au  besoin  les  procédés  artificiels  créés  par  l'ouralo-al- 
taïsme.  Il  exprimera,  par  exemple,  la  possession  par  une  tournure  in- 
diquant que  Pobjet  possédé  est  che\  le  possesseur  (p.  208)  ;  mais,  sans 
parler  du  latin,  qui  use  dans  ce  cas  du  datif,  censé  inconnu  à  i'ouralo- 
altaïsme.  n'est-ce  pas  ainsi  que  le  rapport  de  possession  est  conçu  dans 
la  langue  russe  :  u  vas  H  mqy  caftan?  avez-vous  mon  habit?  litt.  mon 
habit  (est-il)  chez  vous?  Ou  bien  encore,  les  langues  ouralo-altaïques 
confondent  l'illatif,  le  datif,  la  relation  possessive  et  l'instrumental  sous 
l'étiquette  commune  du  locatif:  mais  le  français  ne  les  distingue  pas 
davantage  dans  les  locutions,  je  demeure  à  Paris^  je  vais  à  Paris,  je 
donne  à  mon  père,  la  fille  à  Jérôme,  graver  à  la  pointe  sèche,  etc.  Et 
que  dire  de  la  tournure  périphrastique  des  dialectes  alamans,  qui 
pourtant  n'ont  point  perdu  le  génitif,  em  Péter  si  hûs  (à  Pierre  sa 
maison),  la  m.  de  P.,  sinon  qu'on  la  retrouve  dans  nombre  de  lan- 
gues qui  n'ont  pas  dépassé  la  phase  de  l'agglutination?  Ce  sont  là, 
dirons-nous  volontiers  avec  M.  W.  (p.  i83),  individuelle  schn/ankung- 
en;  mais,  à  moins  d'embrasser  à  l'aide  de  documents  écrits  toute  l'é- 
volution historique  d'un  langage,  on  ne  saurait  se  flatter  de  faire  exac- 
tement le  départ  des  éléments  primitifs  et  des  variations  hystérogènes. 

3"  Dans  la  famille  qu'étudie  M.  W.  pareilles  fluctuations  se  rencon- 
trent. Le  yakoute  et   le  turc  sont  étroitement  apparentés;  pourtant  le 

I.  Yad   ukta;72  . . . .  ajânatâ    machimanajn    taveraam     maya   pramàdât    praîfayena 
vâpi    (Bhagavad-Gîtâ,  XI,  41.) 


d'histoire   et   DK    LITTÉHATURI-:  3o7 

turc  (p.  397)  distingue  un  illatif-allatif-datif  et  un  locatif-essif;  le  ya- 
koute  ignore  cette  distinction.  Cest,  dit  l'auteur  (p.  399)  le  yakoute  qui 
présente  l'archétype  du  groupe;  le  turc  a  développé  son  datif  postérieu- 
rement. Mais  on  pourrait  également  supposer  que  l'idiome  primitif 
avait  deux  cas,  que  le  yakoute  en  a  perdu  un,  et  l'exemple  de  la  famille 
indo-européenne  autorise  cette  conjecture.  Ce  n'est  pas  ainsi,  dira-t-on, 
que  procède  rouralo-altaïsme  :  les  langues  dont  l'histoire  nous  est 
connue,  magyar,  Japonais,  nous  montrent  les  cas  se  muhipliant  et  se 
spécialisant  de  siècle  en  siècle;  et  M.  W.  accumule  les  documents  les 
plus  probants.  Il  reste  à  savoir  jusqu'à  quel  point  un  fait  prouvé  pour 
le  magyar  et  le  japonais  peut  être  tenu  constant  pour  le  turco-yakoute. 

40  A  propos  de  rharmonie  vocalique  M.  W.  paraît  quelque  part 
(p.  92  i.  n.)  se  défier  du  critérium  psychologique.  Aucun,  en  effet,  n'est 
plus  décevant.  Les  peuples  mis  en  contact  par  le  commerce  ou  la  con- 
quête ne  s'empruntent  guère  de  formes  grammaticales;  les  mots,  les 
tournures  et  les  idées  sont  au  contraire  la  monnaie  courante  de  leurs 
échanges.  C'est  pourquoi,  malgré  l'intérêt  et  la  haute  portée  des  recher- 
ches de  l'école  psychologique,  rien  ne  vaudra  jamais,  pour  la  classifica- 
tion des  langues  ,  la  morphologie  pure  appuyée  sur  une  rigoureuse 
phonétique.  M.  W.,  sans  méconnaître  les  services  rendus  à  la  science 
par  l'école  néo-grammaticale,  s'effraie  de  ses  tendances  trop  exclusive- 
ment phonétiques  (p.  176  i.  n.);  mais  n'aurait-il  pas  lui-même  un  peu 
trop  fortement  réagi  dans  le  sens  opposé? 

Ces  réserves  faites  sur  la  portée  du  principe  admis  par  l'auteur,  on 
ne  peut  que  louer  la  persévérance,  la  sagacité  et  la  sévère  logique  avec 
lesquelles  il  en  a  poursuivi  l'application  dans  toutes  les  langues  de  la 
famille  ouralo-altaïque.  Si  la  théorie,  dans  son  ensemble,  provoque 
quelques  défiances,  les  détails  de  l'œuvre  sont  si  clairs  et  si  concordants 
qu'ils  emportent  presque  la  conviction.  Les  exemples  colligés,  les 
monographies  et  articles  de  revues  lus  et  coUationnés  représentent  une 
somme  de  travail  vraiment  imposante.  Enfin  ies  travaux  antérieurs 
sont  toujours  appréciés  avec  une  parfaite  équité  et  une  rare  courtoisie, 
alors  même  que  M.  W.  y  relève  des  erreurs. 

L'exécution  matérielle  laisse  quelque  peu  à  désirer.  Des  fautes  d'im- 
pression assez  nombreuses  déparent  surtout  la  première  partie,  et  no- 
tamment les  citations  françaises  (p.  16,  coînts  pour  coins  ;  p.  3o, 
progmatisme  pour  prognathisme,  etc.).  Il  y  aurait  mauvaise  grâce  à 
insister  sur  des  défectuosités  dont  l'auteur  s'accuse  lui-même  (pp.  171 
et  480),  sans  toutefois  publier  d'errata.  Dans  les  citations  ouralo-altaï- 
ques  M.  Winkler  reproduit  la  transcription  des  ouvrages  auxquels  il  les 
emprunte;  outre  que  cette  transcription  est  peu  méthodique,  il  en 
résulte  dans  le  cours  de  l'ouvrage  de  fâcheuses  bigarrures  graphiques, 
qui  n'offrent  d'ailleurs  aucun  inconvénient  grave,  puisque  la  phonéti- 
que n'y  tient  aucune  place.  L'-q  souligné  rz:  n  guttural  est  un  signe 
conventionnel  auquel  on  a  peine  à  s'accoutumer. 

V.  Henry. 


3o8  REVUE    CRITIQUE 

67.  —  Ai-ehives»  <ïe  E'ôvt'-cliê  «lo  i^iioo»,  publiées  par  le  P.  Ingolp,  prêtre  de 
l'Oratoire.  Paris,  Poussiclgue  trcres,   i883,  in-8  <ie  118  p. 

Le  P.  Ingold,  ayant  été  chargé  du  classement  des  livres  et  des  papiers 
conservés  dans  le  palais  episcopal  de  Luçon,  a  fait  de  nombreuses  trou- 
vailles. Le  fascicule  oîi  il  vient  de  les  consigner  sera  suivi  de  plusieurs 
autres  qui,  je  Tespère,  ne  seront  pas  moins  intéressants  et  auxquels 
j'aime  à  souhaiter  d'avance  la  bienvenue.  Ce  fascicule  est  formé  de  dix 
morceaux  intitulés  :  La  Révocation  de  l'édit  de  Nantes  dans  le  dio- 
cèse de  Luçon  ;  Barri  lion  et  l'abbé  de  Rancé  ;  Polémique  :  répojise 
à  M.  le  chanoine  du  Tressay  ;  les  Lazaristes  dans  le  diocèse  de  Luçon 
(1°  à  Luçon;  2°  à  Fontenay)  ;  Barillon  et  ses  Métropolitains  ;  Barillon 
et  les  cardinaux  ses  contemporains  ;  l'Oratoire  à  Luçon  (i"  Richelieu 
et  l'Oratoire;  2°  Barrillon  et  rOratoire)\  Lettres  de  Barillon-,  les 
missionnaires  oratoriens  aux  Essarts  ;  La  cabane  de  la  Bonne-Mort. 

Parmi  lesdocuments  inédits  insérés  dans  ces  dix  chapitres,  on  remar- 
que six  lettres  du  célèbre  confesseur  de  Louis  |XIV,  le  P.  de  La  Chaise, 
adressées,  comme  les  suivantes,  à  l'évéque  de  Luçon,  Henri  de  Barril- 
lon, que  le  savant  bibliothécaire  de  l'Oratoire  défend  victorieusement 
contre  l'accusation  de  Jansénisme  dont  le  prélat  a  été  l'objet  de  la  part 
de  M.  l'abbé  du  Tressay,  auteur  de  Y  Histoire  des  moines  et  des  évêques 
de  Luçon  (1869);  une  lettre  du  cardinal  Etienne  Le  Camus,  évêque  de 
Grenoble,  intime  ami  de  Barrillon  ;  vingt-deux  lettres  de  l'abbé  de 
Rancé,  qui  avait  donné  au  futur  évêque  de  Luçon  cet  éloge  :  <s,  le  plus 
vertueux  et  le  plus  savant  ecclésiastique  qui  soit  en  France;  »  une  lettre 
de  Henri  de  Béthune,  archevêque  de  Bordeaux,  et  une  autre  de  Louis 
de  Bourlemont,  archevêque  de  la  même  ville;  deux  lettres  du  cardinal 
de  Bouillon,  cinq  du  cardinal  de  Forbin-Janson,  deux  du  cardinal 
d'Estrées,  le  correspondant  de  Jean  Chapelain,  deux  du  cardinal  de 
Coislin,  évêque  dOrléans,  dont  je  publierai  prochainement  un  récit 
auto-biographique  qui  me  paraît  aussi  piquant  qu'instructif.  Mention- 
nons encore,  dans  le  petit  et  si  riche  volume  du  P.  Ingold,  un  contrat 
passé  le  14  décembre  1616,  entre  le  futur  cardinal  de  Richelieu  et  le 
futur  cardinal  de  Bérulle,  au  sujet  de  l'établissement  d'une  maison  de 
rOra'ioire,  à  Luçon,  document  tiré  des  Archives  nationales,  une  lettre 
du  fondateur  de  l'Oratoire,  également  tirée  des  Archives  nationales,  des 
lettres  de  divers  oratoriens  (le  P.  Louis  du  Laurens,  le  P.  de  Monchy,  le 
P,  Juanet,  le  P.  Dorigny);  six  lettres  de  Barillon,  «  dont  l'importance 
est  capitale  pour  l'histoire  de  ce  prélat,  »  comme  le  remarque  fort  bien 
l'éditeur  (p.  99). 

Le  recueil  du  P.  Ingold  a  le  grand  mérite  de  compléter  divers  ouvra- 
ges bien  connus  des  curieux,  tels  que  le  volume  spécial  de  M.  Chante- 
lauze  sur  le  P.  de  La  Chaise,  l'Histoire  de  l'abbé  de  Rancé  par 
M.  l'abbé  Dubois  et  surtout  les  Confessions  de  Ms^  de  Barillon  ou  vie 
écrite  par  lui-même,  confessions  publiées  en  1882,  d'après  \e  Manuscrit 
autographe,  dans  la  Revue  de  Bretagne  et  de  "Vendée. 

T.  DE  L. 


1 


d'histoire  kt  uk  dttkkatukk  309 

58.  Zut-    Cescllicîite    tlei*    Wiener    BJniversitaet,  von  G.  WoLK.  Wicn, 

iHS'i.  Alfred  Hœlder,  K.  K.  Hof  und  Universiiaets-Buchhaendler,  iv,  242   p. 

Depuis  les  travaux  de  Kink  et  d'Aschbach,  pour  ne  citer  que  ceux- 
là,  rhistoire  de  l'université  de  Vienne  n'est  plus  à  faire;  aussi,  loin 
d'entreprendre  une  œuvre  peut-être  inutile,  M.  G.  Wolf  s'est-il  borné 
avec  raison  à  "  combler  les  lacunes  »  de  ses  devanciers,  de  ceux  du 
moins  qui  ont  suivi  jusqu'après  1848  les  destinées  de  la  célèbre  école  \ 
à  compléter  et,  à  l'occasion,  à  rectifier  ce  qu'ils  ont  dit  de  son  histoire 
depuis  le  milieu  du  siècle  dernier.  Ferdinand  I"  avait,  presque  dès  les 
premières  années  de  son  règne,  essayé  de  relever  l'université  de  Vienne 
de  sa  décadence,  et  le  règlement  de  i5  54,  auquel  il  a  attaché  son  nom, 
inaugura  pour  elle  le  régime  sous  lequel  elle  a  subsisté  jusqu'après  l'a- 
vènement de  Marie-Thérèse.  A  cette  époque  le  besoin  de  réformes  se  fit 
sentir  de  nouveau;  réclamées  par  le  a  consistoire  «  ou  conseil  de  l'uni- 
versité dès  175  I,  elles  furent  essayées  sous  Marie-Thérèse  d'abord,  puis 
sous  Joseph  II  son  successeur.  Cest  par  l'examen  de  ces  tentatives  de 
régénération  que  commence  le  livre  de  M.  G.  W.  ;  puis  après  avoir 
passé  rapidement  sur  la  période  qui  va  de  1790  à  1848,  il  suit  pas  à  pas 
le  travail  nouveau  de  restauration  qui  fut  entrepris  au  lendemain  de  la 
Révolution  de  février  pour  les  universités,  comme  pour  tant  d'autres 
institutions  autrichiennes,  et  il  en  étudie  les  péripéties  diverses  jusqu'à 
l'époque  actuelle. 

Malgré  son  caractère  fragmentaire,  l'ouvrage  de  M.  G.  W.  présente 
un  véritable  intérêt,  pour  ceux  surtout  qui  s'intéressent  aux  questions 
d'enseignement  supérieur.  Rien  de  plus  curieux  que  de  suivre  la  lutte 
engagée  dans  la  catholique  Autriche  entre  l'esprit  clérical  et  l'esprit 
laïque,  que  d'assister  à  la  victoire  de  ce  dernier  et  à  l'établissement  pro- 
gressif, sous  un  gouvernement  si  longtemps  absolu,  de  la  liberté  la  plus 
complète,  dans  les  universités,  pour  les  maîtres,  comme  pour  les  élèves. 
Que  nous  sommes  loin  en  France  d'un  pareil  état  de  choses,  et  pour- 
quoi faut-il  que  nous  en  soyons  encore  à  réclamer  et  à  désirer  l'indé- 
pendance et  l'autonomie  de  l'enseignement  supérieur  comme  on  les  a 
en  Autriche? 

Les  conflits  entre  l'autorité  spirituelle  et  l'autorité  temporelle  signa- 
lent surtout  l'histoire  de  l'université  de  Vienne  sous  le  règne  de  Marie- 
Thérèse;  malgré  sa  piété  sincère,  l'impératrice  comprit  qu'il  y  allait  de 
l'avenir  de  l'enseignement  de  le  soutenir  contre  les  empiétements  du 
clergé;  la  suppression  du  serment  religieux  par  Joseph  II  annonce  le 
triomphe  prochain  de  l'esprit  laïque  et  inaugure  les  nombreuses  modi- 
fications que  le  souverain  réformateur  s'efforça  d'apporter  à  l'organisa- 
tion des  universités  de  son  empire;  s'il  fut  mal  inspiré,  en  voulant  en 
réduire  le  nombre  à  trois,  on  ne  peut  disconvenir  qu'il  rendit  de 
grands  services  â  la  cause  de  l'enseignement  supérieur  ;  la  substitution 

I .  Aschbach  finit  avec  l'époque  de  l'humanisme. 


3lÔ  REVUE    CRITIQUE 

de  l'allemand  au  latin  dans  les  cours,  le  développement  donné  aux  étu- 
des de  médecine,  la  suppression  des  directeurs  institués  par  Marie- 
Thérèse-,  sur  le  conseil  de  Van  Swieten,  comme  représentants  de  l'état, 
et  leurs  attributions  rendues  aux  doyens  élus  à  tour  de  rôle  par  les  pro- 
fesseurs des  diverses  facultés,  voilà  quelques-unes  des  mesures  qui 
marquent  le  règne  de  Joseph  dans  l'histoire  des  universités  autrichien- 
nes, mesures  dont  la  dernière  entre  autres  fut  rapportée,  il  est  vrai, 
après  sa  mort,  mais  seulement  pour  un  temps. 

M.  G.  W.  s'est  à  peine  occupé  de  la  période  qui  va  de  la  mort  de 
Joseph  II  à  la  révolution  de  1848,  période  de  décadence  nouvelle  pour 
Tuniversité  de  Vienne,  la  faculté  de  médecine  peut-être  exceptée.  A  la 
vérité  on  ne  trouve  guère  qu'une  seule  mesure  utile  à  signaler  pendant 
ce  long  espace  de  temps  :  la  suppression  des  cours  dictés.  Il  en  est  tout 
autrement  à  partir  de  1848.  Un  souffle  de  liberté  s'y  fait  alors  sentir 
partout;  l'époque  des  réformes  commence;  dès  le  lendemain  de  la  Ré- 
volution un  projet  de  règlement  réclame  l'élection  du  recteur,  proclame 
la  liberté  complète  des  professeurs  et  des  élèves,  et  n'admet  d'autre  au- 
torité académique  que  les  délégués  du  corps  enseignant.  On  reconnaît 
là  l'influence  allemande.  On  la  retrouve  aussi  dans  cette  protestation 
contre  l'ingérence  de  l'état  et  de  l'administration  centrale,  laquelle  «  ne 
peut  que  rabaisser  les  universités  au  rang  de  vulgaires  écoles  et  arrêter 
le  libre  essor  et  le  développement  de  la  science  ;  »  elle  n'apparaît  pas 
moins  dans  la  volonté  de  ne  confier  la  direction  des  études  qu'à  des 
membres  de  l'université  distingués  par  leurs  longs  services  dans  l'en- 
seignement, leur  caractère  et  leur  valeur  scientifiques.  Ce  qu'il  ne  faut 
pas  moins  approuver,  c'est  la  résolution  bien  arrêtée  de  ne  chercher  le 
relèvement  des  études  que  dans  les  leçons  de  maîtres  habiles  et  éprouvés 
qu'on  appelle  de  tous  les  lieux  où  ils  se  sont  fait  connaître,  c'est  la  sage 
lenteur  avec  laquelle  on  élargit  les  enseignements  qui  existent  déjà  et 
on  en  crée  de  nouveaux;  aussi  n'a-t-il  pas  fallu  moins  de  vingt-cinq 
ans  pour  que  l'université  de  Vienne  arrivât  à  son  développement  com- 
plet. 

Ce  développement  fut  contrarié,  il  est  vrai,  par  la  réaction  de  18 56 
signalée  par  l'établissement  du  concordat;  mais  si  la  liberté  d'enseigne- 
ment fut  alors  menacée,  les  créations  nouvelles  furent  à  peine  arrêtées; 
c'est  à  cette  époque,  en  effet,  que  remonte  l'extension  donnée  aux  études 
d'économie  politique  et  de  médecine.  D'ailleurs  la  réaction  ne  fut  pas 
de  longue  durée;  au  lendemain  de  Solferino  l'Autriche  entra,  on  le  sait, 
d'une  manière  définitive  dans  la  voie  du  libéralisme,  et  l'esprit  nouveau 
qui  pénétrera  dès  lors  toutes  ses  institutions  se  fait  sentir  d'abord  dans 
la  vie  universitaire.  A  partir  de  ce  moment  les  libertés  de  l'enseigne- 
ment supérieur  sont  à  jamais  fondées  en  Autriche,  les  réformes  de  1848 
définitivement  consacrées,  l'indépendance  des  universités  assurée  par 
l'établissement  d'un  sénat  académique  composé  du  recteur  élu,  des 
quatre  doyens  et  des  délégués  des  professeurs;  en  même  temps  la  sup- 


d'histoire  et  du  littérature  3ii 

pression  de  la  charge  de  chancelier  en  achevait  la  sécularisation  ^ 
L'influence  de  ces  mesures  fécondes  et  bienfaisantes  ne  s'est  pas  fait 
attendre;  l'université  de  Vienne  compte  aujourd'hui  5ooo  étudiants  et 
la  vie  des  autres  universités  de  Tempire  ne  s'est  pas  moins  développée; 
la  liberté  a  là,  comme  toujours,  porté  ses  fruits.  Tel  est  le  spectacle  au- 
quel nous  fait  assister  M.  Wolt.  Si  Ton  peut  reprocher  à  son  livre  de 
n'être  qu'une  suite  de  contributions  pour  servir  à  l'histoire  de  l'univer- 
sité de  Vienne,  ces  contributions  sont  trop  précieuses  en  renseignements 
utiles  pour  qu'on  ne  doive  pas  le  remercier  de  nous  les  avoir  données 
et  qu'on  ne  lui  pardonne  pas  ce  que  son  travail  peut  avoir  de  défectueux 
au  point  de  vue  de  la  composition  et  de  la  (orme. 

Ch.  J. 


5q,  EtutBes   su-.-  la    îittérîiïuro   f:-aiîeîiî*e    :»«    tîîx-i^epîième    siècle. 

Victor  FouRNEL.  De  Malherbe   à    Bossuct,  études  littéraires    et  morales.  Paris, 
Firmin  Didot,   i885,  in-12  de  3o6  p.  p. 
—  Edouard  Fournier.  Etudes  sur  la  vie  et  les  œuvres  deMolière,  revues  etmisc^i 
en  ordre  par  M.  Paul  Lacroix  et    précédées  d'une  préface   par  M.  Auguste  Vitu. 
Paris,  Laplace  et  Sanchez,  ii)83,  in-12  de  xiv  et  4G4  p.  p. 

On  aurait  quelque  peine  à  trouver  deux  écrivains  qui  se  ressemblent: 
moins  par  le  tour  d'esprit  et  la  méthode  que  MM.  Victor  Fournel  et 
Edouard  Fournier.  Tous  deux,  cependant,  ont  poursuivi  le  même  genre 
d'études,  et  la  plus  grosse  part  du  dernier  ouvrage  de  M.  Fournel  est 
consacrée  à  Molière,  comme  le  livre  posthume  de  M.  Fournier.  Ce  sont 
deux  mo/fer/5fe5,  pour  leur  donner  le  litre  dont  les  fervents  du  grand 
comique  se  parent  volontiers  depuis  une  dizaine  d'années.  L'histoire 
du  vieux  Paris,  de  notre  ancien  théâtre,  la  biographie  littéraire  ont  éié 
aussi  pour  eux  l'objet  de  travaux  importants. 

Mais  c'est  tout  ce  qu'ils  offrent  de  commun.  Edouard  Fournier  ap- 
partenait à  la  famille  des  aventureux;  c'était  un  romantique  de  l'érudi- 
tion. Fécond  en  hypothèses,  il  introduisait  à  chaque  instant  l'imagina- 
tion dans  un  ordre  d'études  où  elle  est  plus  dangereuse  qu'utile.  Un  fait 
n'avait  guère  de  valeur  à  ses  yeux  que  s'il  pouvait  l'interpréter  et  cî;  tirer 
un  peu  plus  qu'il  ne  contenait.  Poète  avec  cela,  il  taisait  de  la  poésie 
érudite,  et  de  l'érudition  poétique,  au  grand  dommage  de  son  érudition 
comme  de  sa  poésie;  feuilletoniste,  i!  mettait  de  la  science  dans  le 
feuilleton  et  du  feuilleton  dans  la  science,  mélange  bizarre;  enfin,  il 
était  obligé  de  travailler  vite.  Et  pourtant,  ses  recherches  et  ses  conjec- 
tures ont  rendu  de  grands  services;  les  documents  qu'il  a  exhumés,  les 
livres  inconnus  qu'il  a  signalés,  la  part  de  vérité  neuve  qui  se  mêle  à  la 
plupart  de  ses  erreurs  font  qu'il  est  difficile   de  ne  pas  recourir  à  iui 

I.  Il  faut  ajouter  à  ces  mesures  libérales   ce   qui  a  été   fait   de  1870  à    1874  pour 
relever  et  améliorer  le  rang  et  la  situation  matérielle  des  professeurs. 


JI2  REVUK    CRITIQUK 

lorsqu'on  aborde  à  son  tour  les  sujets  dont  il  s'est  occupé.  M.  Fournel, 
au  contraire,  esc  un  classique  et  un  prudent;  il  donne  peu  à  Thypo- 
thèse,  et,  rare  me'rite,  ne  surfait  pas  l'objet  de  ses  études.  Lorsqu'il 
remet  en  lumière  un  auteur  de  second  ordre  ou  s'attache  à  retrouver 
en  histoire  des  traces  effacées,  il  sous-entend  que  ces  figures  ou  ces  faits 
accessoires  n'ont  d'autre  valeur  que  de  servir  à  mieux  comprendre  les 
grands  auteurs  et  les  grandes  époques.  Il  est  plus  qu'un  simple  érudit 
et  se  pique  d'écrire,  mais  il  ne  prétend  pas  faire  des  vieux  livres  et  des 
vieux  papiers  une  source  d'inspiration.  Ecrivain  périodique,  lui  aussi, 
mais  prenant  son  temps,  il  compose  ses  articles  avec  le  même  soin  que 
s'il  écrivait  un  livre. 

Je  dois  dire,  cependant,  que  De  Malherbe  à  Bossuet  est  plutôt  un 
recueil  d'articles  qu'un  livre.  Le  titre,  d'abord,  promet  plus  qu'il  ne  tient. 
On  s'attend  à  une  étude  sur  la  première  moitié  du  xvii^  siècle,  et  il  se 
trouve  que,  sauf  Malherbe,  Voiture  et  Balzac,  qui  prennent  un  chapitre 
et  demi  sur  les  onze  dont  se  compose  le  volume,  c'est  le  vrai  siècle  de 
Louis  XIV,  de  1660  à  1700,  qui  fait  l'objet  de  tout  le  reste.  L'unité 
manque  aussi,  car  la  chronologie  donne  à  peine  un  lien  factice  à  un 
groupement  arbitraire  de  noms.  Si  l'on  devine  chez  M.  Fournel  des  idées 
arrêtées  sur  le  développement  de  notre  littérature  et  la  hiérarchie  de  nos 
écrivains  entre  la  Fronde  et  la  Régence,  elles  ne  se  montrent  guère  dans 
l'enchaînement  des  chapitres.  A  vrai  dire,  vu  l'objet  de  chacun,  elles  ne 
pouvaient  guère  se  montrer;  il  faut  franchir  de  larges  fossés  pour  passer 
de  Balzac  à  Molière,  de  Molière  au  cardinal  de  Retz,  de  la  Bruyère  à 
M""'  Deshoulières,  de  M"°  Deshoulières  à  Bossuet. 

M.  Fournel  ne  nous  donne  donc  pas  une  étude  sur  une  période  de  la 
littérature  française,  mais  un  recueil  d'études  très  exactes  et  d'un  jugement 
très  sain  sur  quelques  écrivains  pris  isolément.  Il  y  a  lieu  de  signaler  sur- 
tout les  deux  chapitres  où  figure  Molière.  M .  Fournel  a  consacré  une  bonne 
part  de  sa  vie  aux  études  d'histoire  dramatique  dont  Molière  est  le  centre  ; 
nul  n'est  donc  plus  autorisé  que  lui  à  signaler  les  dangers  de  l'engoue- 
ment et  de  la  passion  exclusive  en  cet  ordre  de  recherches,  comme  aussi 
de  railler  la  superstition  puérile  de  quelques  dévots  d'un  cuite  dont  il 
est  lui-même  un  fidèle  éclairé.  Certains  moliéristes,  en  effet,  sont  trop 
portés  à  tout  ignorer  au  profit  du  seul  Molière.  Or,  par  cela  seul  que 
Molière  est,  avec  la  Fontaine,  le  plus  parfait  représentant  de  l'es- 
prit français,  le  plus  sûr  moyen  de  le  comprendre  est  de  le  rattacher 
étroitertient  à  ce  qui  l'entoure,  de  le  voir  toujours  à  son  rang  dans  la 
littérature  et  l'histoire  générales.  C'est  la  méthode  qu'ont  suivie  les  mo- 
liéristes dont  les  travaux  ont  mérité  de  rester  comme  un  modèle;  ainsi 
Bazin.  Par  la  comparaison,  elle  permet  le  contrôle,  et,  par  la  notion  de 
l'ensemble,  elle  empêche  de  méconnaître  la  perspective. 

Cette  méthode  est  rarement  celle  d'Edouard  Fournier.  D'abord, 
Fournier,  une  fois  entré  dans  un  sujet,  ne  voyait  que  ce  sujet  et  s'y 
enfermait  étroitement.  En  outre,  il  se  suffisait  à  lui-même  et  tenait  peu 


d'histoire  et  de  littérature  3i3 

de  compte  de  ce  que  d'autres  avaient  pu  dire  avant  lui.  Enfin,  il  n'avait 
pas  le  temps,  une  fois  sa  tâche  accomplie,  de  revenir  en  arrière  pour  l'a- 
méliorer. Souvent  il  s'est  trompé  sur  Molière  et  à  propos  de  Molière  ;  ra- 
rement il  a  signalé  et  corrigé  lui-même  ses  erreurs.  Etait-ce  faux  amour- 
propre?  Peut-être.  Un  judicieux  érudit,  M.  Jules  Cousin,  disait  dans 
l'excellente  notice  qu'il  lui  a  consacrée  :  «  Satisfait  et  content  de  lui, 
sans  exagération  ni  fausse  honte,  il  acceptait  volontiers  et  accentuait  au 
besoin  les  compliments  qu'il  savait  mériter.  »  On  devine,  sous  Patté- 
nualion  amicale  des  termes,  une  plénitude  de  soi-même  qui  n'empêchait 
ni  la  conscience,  ni  la  sûreté  de  l'information,  mais  qui  la  rendait  for- 
cément incomplète.  Fournier  en  restait  trop  à  ce  Roman  de  Molière, 
qu'il  avait  publié  en  i863.  Or,  cette  même  année,  son  livre  fut  boule- 
versé, presque  anéanti  par  les  admirables  Recherches  sur  Molière  de 
Eudore  Soulié.  Le  coup  était  rude;  il  se  tira  d'affaire  en  écrivant  d'un  air 
dégagé  qu'il  aurait  «  à  réparer  plus  d'une  brèche,  et  plus  d'une  hypo- 
thèse à  remettre  sur  pied  ou  à  supprimer  tout  à  fait  »,  mais  que,  somme 
toute,  «  son  petit  volume  n'était  pas  le  plus  malheureux  ;  que  les  certi- 
tudes notariées  apportées  par  M.  Soulié  lui  étaient  plus  indulgentes  que 
rigoureuses;  qu'il  avait  parfois  deviné  ce  qu'elles  assurent;  qu'il  fau- 
drait, de  ci  de  là,  le  récrépir  et  le  replâtrer  un  peu,  tandis  qu'il  en  était 
d'autres  qui  devraient  être  refaits  de  fond  en  comble  ».  Et  il  ne  se  privait 
pas  de  faire  la  leçon  à  M.  Soulié,  en  un  sujet  où  M,  Soulié  devenait  une 
autorité  suprême. 

Je  ne  crois  pas,  cependant,  qu'il  eût  publié  lui-même  sans  refonte 
préalable  le  volume  qui  vient  de  paraître  sous  son  nom.  En  effet,  s'il  ne 
citait  guère  autrui,  du  moins  était-il  au  courant  des  résultats  essentiels 
de  l'érudition  «  molicresque  »  en  ces  dernières  années.  Or,  parmi  tous 
ces  articles  réunis  dans  un  ordre  assez  factice  par  M.  Paul  Lacroix,  il 
n'y  a  presque  pas  une  page  qui  n'eût  exigé  des  corrections.  Et,  cepen- 
dant, l'éditeur  n'y  a  pas  joint  une  seule  note.  Tel  quel,  ce  volume  est 
donc  un  nid  d'erreurs,  où  s'accumulent  les  hypothèses  démenties  parla 
découvcrre  de  faits  positifs,  les  déductions  hasardées,  les  dates  inexac- 
tes. A  la  rigueur,  des  moliéristes  très  informés  peuvent  trouver  quelque 
profit  à  le  parcourir  ;  encore  feront-ils  bien  d'en  user  avec  prudence  ; 
mais  Dieu  garde  un  homme  qui  ne  serait  pas  du  métier  d'y  chercher 
des  renseignements  ! 

Le  défaut  capital  du  livre  est  corrigé,  dans  la  mesure  du  possible,  par 
la  préface  dont  M.  Auguste  Vitu  l'a  fait  précéder.  M.  Vitu  donne  à  en- 
tendre qu'il  V  a  beaucoup  d'arriéré  et  de  controuvé  dans  cette  érudition 
et  cette  critique  ;  puis,  s'atta.juant  aux  cinq  ou  six  thèses  principales 
soutenues  par  Fournier,  il  les  ruine  complètement,  sans  trop  dire  contre 
qui  il  argumente  ;  c'est  là  un  procédé  piquant  et  de  bon  goût.  Mais  eût- 
il  consenti  à  se  charger  lui-même  du  travail  d'éditeur  dont  M.  Paul 
Lacroix  n'avait  pas  craint  d'assumer  la  responsabilité?  Le  mal  était  fait; 
il  l'a  réparé  de  son  mieux.  Quant  à  M,  Paul  Lacroix,  malgré  sa  rare 


3  14  RKVUK    CRITIQUE 

puissance  de  travail,  son  flair,  l'étendue  de  ses  connaissances^  le  bon 
bibliophile  était  peut-être  de  tous  les  érudits  français  le  plus  dénué  de 
critique.  Doyen  des  moliéristes,  il  faisait  à  la  fois  leur  désespoir  et 
leur  joie,  par  les  erreurs  qu'il  mettait  en  circulation  avec  une  activité 
infatigable,  par  toutes  les  sources  d'information  qu'il  découvrait  et 
signalait.  11  n'a  pas  même  soupçonné  qu'il  rendait  un  assez  mauvais 
service  à  la  mémoire  d'Ed.  Fournier.  Tout  ce  que  l'on  peut  dire  de  l'un 
et  de  l'autre,  de  l'éditeur  et  de  l'édité,  à  propos  du  livre  doublement  pos- 
thume où  leurs  deux  noms  se  trouvent  réunis,  c'est  qu'ils  valent  beau- 
coup mieux  que  ce  livre. 

Gustave  Larroumf.t. 


yo.  —  Hermann  Hûffer,  i.    oie    ]^eapolît«nîscI»o    RepMblîU   des   .lalires 

l'y»».  Leipzig,  Brockhaus,  18S4.  In-8,   iio  pages. 

2.  îigaximîlîRn  F"i"aniz,  Kurfûrst  von  Kœln,  1756-1801.  Leipzig,  Duncker 
und  Humblot.   i885.  In-8,  14  p. 

3.  Meîni-icia  Pleine  «nd  Joliann  Hermanii  Detmold,  mit  bisher 
ungedruckten  Briefen  H.  Heine's.  Berlin.  Paetel  i885  (tiré  à  part  de  la  «  deutsche 
Rundschau  »,  mars  i885,  pp.  427-458). 

4.  s>as  aîîteste  Manuseript  von  H.  Heine's  «  Romantischer  Schule  »,  id., 
avril  i885,  pp.  139-143. 

Nous  réunissons  en  un  même  article  quatre  livres  et  brochures  que 
vient  de  publier  successivement  Téminent  professeur  de  l'Université  de 
Bonn,  M.  Hermann  Hûffer,  et  où  l'on  trouve  tout  ce  qui  distingue 
l'auteur  du  Congrès  de  Rastatt  et  de  sur  la  vie  de  Henri  Heine  (Cp. 
Revue  critique^  1878,  n°  38)  :  recherches  minutieuses  et  profondes, 
heureuses  trouvailles  d'inédit,  finesse,  sagacité,  qualités  qui  rendent 
M.  H.  également  apte  à  traiter  les  sujets  historiques  et  les  sujets  litté- 
raires, à  développer  les  causes  de  la  deuxième  coalition  et  à  retracer  les 
débuts  de  Lombard  '  et  la  carrière  finissante  de  Lucchesini  '  comme  à 
raconter  la  vie  accidentée  du  poète  de  Dûsseldorf  et  à  mettre  en  relief 
dans  la  Campagne  de  France  les  mérites  de  Goethe  \ 

I.  Dans  le  premier  ouvrage,  M.  H.  expose  l'histoire  delà  République 
proclamée  à  Naples  le  22  janvier  1799  et  qu'on  a  nommée  la  république 
parthenopéenne.  Il  a  consulté  tous  les  ouvrages  sur  la  matière,  le  Fabri- 
lio  Ruffo  de  Helfert  et  de  Sacchinelli,  le  recueil  de  CoUetta  (Proclami  e 
san^ioni  délia  republica  Napoletana),  l'ouvrage  de  Malaspina  (Occupa- 
lione  dei  Francesi  del  regno  di  Napoli  deW  anno  lygg)  et  celui  de 
Cuoco  (Saggio  storico  sulla  rivolu\ione  di  Napoli),  la  correspondance 


1.  Cp.  Les  lettres  de  Lombard  à  sa  femme  publiées  dans  la  deutsche  Revue 

2.  Cp.  Ziveineue  QiteUen  7^urGeschichte  Friedrich  Wilhelms  III,  ausdem  Nach- 
lass  Lombards  und  Lucchesinis. 

3.  Cp.  l'étude  de  M.  Hûffer  dans  le  IV^  volume  àw  Gœlhc  Jahrliich. 


D  HISTOIRK    KT   DK    LITTERATURE  3  I  3 

de  Marie  Caroline  et  de  Ruffo  éditée  par  Maresca  et  IcsBorboni  a  Napoli 
de  notre  Alexandre  Dumas  qui  a  donné,  avec  beaucoup  de  fautes,  un 
grand  nombre  de  pièces  importantes,  les  «  Dépêches  et  lettres  »  de 
Nelson  publiées  en  1845  par  Nicolas,  etc.  Il  fait  justice,  en  passant,  du 
livre  de  Saint-Albin  sur  Champiormet  qui  «  est  si  plein  d'erreurs  qu'on 
ne  peut  lui  emprunter  avec  ^précaution  que  quelques  menus  détails  » 
(p.  26,  note  i).  Le  récit  est  bref,  mais  animé,  vivant,  en  de  nombreux 
endroits  dramatique.  On  remarquera,  par  exemple,  les  pages  consacrées 
à  la  prise  d'armes  de  Boccheciampe  et  de  Cesari  (d'après  une  relation 
de  Durante,  aide-de-camp  de  Cesari),  à  l'expédition  de  Ruffo,  enfin  à 
la  fameuse  violation  de  la  capitulation.  C'est  principalement  sur  ce 
dernier  point  qu'insiste  M.  H.,  et  il  le  fait  avec  une  grande  vigueur; 
selon  lui,  et  ses  lumineuses  conclusions  s'imposent  au  lecteur,  la  cour 
de  Naples,  en  retenant  les  chefs  du  soulèvement,  en  les  traduisant  de- 
vant des  juges  impitoyables,  en  faisant  exécuter  le  jugement  sans  misé- 
ricorde, a  montré  qu'elle  avait  perdu  tout  sentiment  du  droit  (p.  io5). 
Mais  le  seul  ou  le  grand  coupable  n'est  ni  Nelson,  ni  le  roi,  ni  la 
reine,  ni  Acton,  ni  les  Hamiltons  ;  tous  ont  leur  part  de  blâme  (aile, 
jeder  in  seiner  Weise,  sind  dabei  betheiligt,  p.  106;...  so  trifft  jeden 
der  Betheiligten  sein  Mass  von  Tadel,  p.  110). 

2.  La  longue  notice  de  M.  H.  sur  Maximilien  François,  archiduc 
d'Autriche  et  électeur  de  Cologne,  est  pleine  de  détails  intéressants  tirés 
des  principaux  ouvrages  sur  la  Révolution  et  sur  l'histoire  des  provin- 
ces rhénanes;  M.  H.  a  puisé  également,  pour  la  composer,  aux  archi- 
ves de  Prusse,  d'Autriche  et  de  l'ordre  teutonique  (à  '*/ienne);  il  conclut 
que  Maximilien  Joseph  fut,  non  pas  un  grand  homme,  mais  un  prince 
actif,  perspicace,  doué  de  bonnes  intentions  qui  clôt  dignement  la  lon- 
gue suite  des  électeurs  de  Cologne  (p.  14).  Cette  notice  a  paru  dans 
VAllgemeine  deiitsche  Biographie  ;  on  peut  souhaiter  que  tous  les  arti- 
cles de  ce  recueil  soient  aussi  étendus  que  celui  de  M.  H.  et  composés 
avec  autant  de  soin  et  de  conscience. 

3.  M.  H.  a  fait  un  attachant  récit  des  relations  de  Henri  Heine  et  de 
Detmold;  ce  dernier  est  à  peine  mentionné  dans  la  biographie  de 
Strodtmann;  M.  H.  nous  retrace  sa  vie  et  publie  quatorze  lettres  iné- 
dites qu'il  reçut  du  poète.  La  plupart  de  ces  lettres  sont  datées  de 
Paris  et  intéresseront  vivement  le  lecteur  français;  il  y  est  question  de 
la  femme  de  Heine,  Mathilde  Mirât,  des  rancunes  de  l'écrivain  contre 
Menzel,  d'un  séjour  qu'il  fit  à  Granville  et  où  Mathilde,  son  «  atra 
cura  »  s'amusait  à  chercher  sur  la  plage  les  jolis  coquillages  (p.  436),  de 
projets  littéraires  qu'il  roulait  dans  son  esprit  comme  celui  d'une  An- 
thologie ou  d'un  journal  allemand  qu'il  aurait  rédigé  à  Paris  et  fait 
imprimer  à  Kehl,  de  ses  continuels  besoins  d'argent,  de  la  colère  qu'il 
éprouva  lorsqu'il  apprit  que  son  oncle,  le  millionnaire  Salomon  Heine, 
avait  laissé  un  testament  qui  le  privait  de  sa  pension  annuelle,  du  pro- 
cès qu'il  voulait  dans  sa  fuicur  intenter  à  Charles  Heine  et  qu'il  était 


3l6  RKVlJh.    CKingUK 

sûr  de  perdre,  de  sa  rupture  avec  le  libraire  Campe,  etc.  Ces  lettres  de 
Heine,  dit  fort  bien  M.  H.,  éclairent  d'une  lumière  plus  vive  des  traits 
essentiels  de  son  caractère  et  des  événements  décisifs  de  sa  vie, 

4.  M.  H.  a  trouvé  dans  les  papiers  de  Detmold  un  manuscrit  qui  est 
tout  entier  de  la  main  de  Heine;  c'est  un  fragment  de  l'Ecole  romanti- 
que qui,  comme  on  sait,  parut  d'abord  en  français  dans  {'Europe  litté- 
raire (i833),  puis  en  allemand  sous  le  titre  Zur  Geschichte  der  Jieiie- 
ren  schonen  Literatur  in  Deutschland  (même  année)  et  trois  ans  plus 
tard  sous  le  titre  qu'il  a  conservé  Die  romantische  Schule.  Le  manus- 
crit de  Detmold  est  évidemment  le  premier  brouillon  de  l'ouvrage,  qui 
fut  donc  écrit  primitivement  en  allemand,  et  non,  comme  Tavait  cru 
Strodtmann,  en  français.  Il  offre  le  plus  curieux  intérêt  par  les  nom- 
breux passages  que  Heine  supprima  à  l'impression;  M.  H.  les  reproduit; 
il  est  toujours  important,  dit-il,  de  savoir  non-seulement  ce  qu'a  dit 
un  grand  écrivain,  mais  ce  qu'il  a  pensé  et  ne  voulait  pas  dire  publique- 
ment. Nous  renvoyons,  pour  ces  passages,  à  l'article  même  de  M.  H.  : 
on  y  remarquera  quelques  lignes  sur  Gottfried  de  Strasbourg,  l'asser- 
tion suivante  sur  Lessing,  qu'  «  il  fut  peut  être  le  plus  grand  homme 
que  l'Allemagne  ait  produit  »,  une  longue  tirade  sur  Zacharias  Werner, 
etc.  Citons  aussi  cette  réflexion  sur  lena  que  la  censure  aurait  évidem- 
ment retranchée  :  «  Il  fallait  supporter  ces  épreuves  avec  une  chrétienne 
résignation  et  les  Prussiens  surtout  se  soumirent  à  Thumilité  chré- 
tienne; après  avoir  tourné  le  dos  aux  Français,  ils  se  jetèrent  dans  les 
bras  de  la  religion;  lorsqu'on  a  perdu  une  pareille  bataille  il  n'y  a  pas 
en  effet  de  meilleure  religion  que  le  christianisme  »  et  plus  loin  sur 
Napoléon  et  le  grand  mouvement  de  i8i3  :  «  Lorsque  nos  princes  ap- 
prirent que  ce  fléau  de  Dieu  avait  été  très  affaibli  par  la  campagne  de 
Russie,  ils  ne  purent  voir  plus  longtemps  avec  une  patience  chrétienne 
que  nous  étions  les  esclaves  de  tyrans  étrangers  et  ils  nous  ordonnèrent 
de  devenir  patriotes.  Comme  on  le  conçoit,  nous  obéîmes  à  cet  ordre 
et  éveillâmes  dans  notre  cœur  l'enthousiasme  du  patriotisme.  »  Un  pas- 
sage presque  incrovable  est  celui-ci  :  «  Chez  les  meilleurs  de  ceux  qu'on 
nommait  alors  les  patriotes,  le  patriotisme  n'était  qu'un  attachement 
animal  à  l'Allemagne,  tel  que  l'âne  par  exemple  s'attache  à  son  écurie; 
il  est  vrai  qu'un  âne,  si  passionnément  enthousiaste  qu'il  fût  de  la  man- 
geoire de  son  maître,  finirait  cependant  par  se  décider  à  manger  dans 
une  crèche  étrangère;  un  âne  ne  sacrifierait  passes  biens  et  son  sang 
pour  recevoir  les  coups  d'un  bâton  allemand,  au  lieu  d'un  bâton  fran- 
çais; il  n'y  a  pas  de  semblables  ânes.  »  Ces  citations  suffisent  à  montrer 
tout  l'intérêt  du  manuscrit  de  ÏEcoIe  romantique  que  M.  Hûffer  a 
trouvé  dans  les  papiers  de  Detmold. 

A.   Chuquet. 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  :>  l  ' 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  Les  fascicules  II  et  III  de  la  deuxième  année  de  VAivniaire  de  la  Fa- 
culté des  lettres  de  Lyon  contiennent  les  articles  suivants  :  fascicule  II,  Regnaud, 
Stances  sanskrites  inédites,  d'après  un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  nationale 
(p.  -201)  et  Etudes  phonétiques  et  morphologiques  (p.  223);  Clédat,  La  flexion  dans 
la  traduction  française  des  sermons  de  saint  Bernard  (p.  243)  ;  Brunot,  Le  valet 
de  deux  maîtres,  comédie  inédite  attribuée  à  La  Fontaine  (p.  284,  M.  B.  analyse 
cette  comédie  dont  il  possède  le  manuscrit,  l'analyse  en  détail,  prouve  que  l'écri- 
ture ne  ressemble  en  rien  à  celle  de  La  Fontaine  et  que  le  manuscrit  doit  dater  du 
commencement  du  xviu'  siècle,  dégage  en  un  mot  la  responsabilité  du  fabuliste  ;  la 
pièce  paraîtra  d'ailleurs  prochainement  dans  une  édition  du  Théâtre  de  la  Fontaine 
que  M.  B.  publie  chez  Charavay);  Fontaine,  J.  J.  Rousseau,  ses  idées  sur  l'éduca- 
tion avant  VEmile  (p.  339-360);  fascicule  III;  Ferraz,  Etude  sur  la  philosophie  de 
la  littérature  (deuxième  article,  p.  362);  A.  Bertrand,  La  psychologie  extérieure 
(p.  4o3);  Regnaud,  Mélanges  (p.  423-435).  Rappelons  encore  que  l'-dnHwafre  paraît 
en  trois  fascicules,  au  prix  de   10  francs  par  an,  à  la  librairie  Leroux. 

—  M.  Henri  Jadart,  secrétaire  général  de  l'Académie  de  Reims,  vient  de  publier  : 
1°  Louis  XIII et  Richelieu  à  Reims,  du  i3  au  26  juillet  1641,  notice  avec  documents 
inédits  extraits  des  archives  de  Reims.  (Reims.  Michaud.  In-8°,  81  p.);  c'est  après 
la  bataille  de  la  Marfée  que  le  roi  et  le  cardinal  se  rendirent  à  Reims,  alors  «  assu- 
jettie aux  princes  lorrains  dont  elle  était  depuis  un  siècle  comme  le  fief  patrimo- 
nial »;  Richelieu  y  vint  établir  un  gouverneur  pour  le  roi  et  un  major  pour  la  place, 
assurer  la  déchéance  définitive  des  Guise  du  siège  métropolitain,  enfin  par  ses 
négociations  rendre  la  paix  à  la  frontière  de  Sedan  et  à  la  Champagne.  Les  chroni- 
queurs rémois  ont  noté  les  détails  de  sa  visite,  et  M.  J.  les  reproduit  à  son  tour, 
d'après  les  conclusions  du  Conseil  de  ville  et  les  mémoires  de  René  Bourgeois  et  de 
Coquault  ;  il  a  soin  d'ailleurs  de  donner  en  appendice  les  documents  contemporains 
qui  relatent  les  circonstances  de  cette  mémorable  quinzaine;  2°  Nicolas  Dumont, 
curé  de  Villers-devant-le  Tliour  (Ardennes),  (Arcis-sur-Aube,  Frémont.  In-S",  35  p.) 
M.  Jadart  raconte  la  vie  de  ce  curé  qui  fut  activement  mêlé  aux  événements  de  178g, 
qui  fut  élu  dans  les  bailliages  de  Reims  et  de  Vitry-le-François  comme  député  de 
l'odre  du  clergé  aux  Etats-Généraux,  qui  donna  son  adhésion  à  la  constitution  civile 
du  clergé,  redevint  curé  de  sa  paroisse  ;iprès  la  Constituante  et  fut  investi  par  le 
suffrage  populaire  des  fonctions  d'officier  public,  c'est-à-dire  de  rédacteur  des  actes 
de  l'état  civil,  jusqu'à  ce  qu'en  1 794  l'exercice  du  culte  fut  interdit;  Dumont  se  retira 
à  Reims  et  y  mourut  en  1S06.  Il  reste  de  lui  un  curieux  document  qu'a  reproduit 
M.  Jadart  :  c'est  une  réponse  à  un  questionnaire  adressé  en  1774  par  l'archevêché, 
de  Reims  à  tous  les  curés  du  diocèse  ;  elle  renferme  des  traits  qui  peignent  à  la  fois 
son  caractère  indépendant  et  l'état  véritable  de  sa  paroisse  à  cette  époque;  elle  fait 
connaître  beaucoup  de  détails  sur  ce  qu:  concerne  les  écoles,  les  seigneurs,  les  édi- 
fices publics.  —  A.  C. 

—  M.  Auguste  DiETRicH  a  fait  tout  récemment  paraître  à  la  librairie  Charpentier 
(in-8°,  Lxxxiv  et  210  p.l,  les  Poésies  de  ce  Jacques  Richard,  né  en  1841  et  mort  en 
1861,  qui  fut  un  instant  célèbre  dans  le  monde  des  écoles  par  ses  stances  sur  Jé- 
rôme, On  se  souvient  de  cet  épisode  :  la  matière  de  vers  latins  du  concours  général 
de  1860  avait  pour  titre  ad  Hieronymum  principem  ;  Jacques  Richard  composa  une 
pièce  en  vers  français  qu'il  dédia  à  son  ami  Ernest  Duvergier  de  Hauranne  et   qui 


3r8  REVUK    CIUTIQUK 

courut  de  lycée  en  lycée.  M.  Dietrich  a  reproduit  le  texte  de  cette  pièce  et  des  autres 
poèmes,  La  mort  de  Calon,  Barra,  Spartacus,  etc.,  de  Jacques  Richard;  son  intro- 
duction «  remet  en  pleine  lumière  cette  noble  et  sympathique  figure  ». 


ACADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET   BELLES-LETTRES 


Erratum.  —  P.  259,  séance  de  l'Académie  des  inscriptions  (20  mars),  deuxième 
alinéa,  ligne  2,  au  lieu  de  diplomatie,  lire  diplomatique. 

Séa7îce  du  i"  avril  /(.Vc^J. 

Une  lettre  de  M.  Le  Blant,  directeur  de  l'école  française  de  Rome,  contient  diverses 
nouvelles  archéologiques.  On  continue  de  découvrir  de  beaux  sarcophages  sculptés 
dans  la  partie  des  terrains  de  la  villa  Bonaparte  qui  répond  à  la  région  appelée  par 
Pline  conditorium  hortorum  Sallusiianorum.  A  Cività  Lavinia,  on  a  trouvé  deux 
curieuses  petites  figurines  de  terre  cuite,  de  0^20  et  o'^^iô  de  hauteur,  qui  représen- 
tent chacune  un  corps  humain,  sans  tête,  sans  bras  et  sans  jambes,  à  la  hauteur  de 
la  poitrine  est  une  large  ouverture,  et  l'on  voit  les  poumons  et  le  cœur  grossièrement 
figurés.  On  pense  que  ce  sont  des  ex-votos.  Près  de  la  basilique  de  Sainte-Agnès, 
on  a  mis  au  jour  une  inscription   grecque   qui    se  lit  ainsi  :  STZtvO'/jpoç  Tuavéoç 

è-i-câçtoç  ûv  xaTéOrjXcV  auTw  6  ^pvhi[j.zvoc,  xal  xb  l'î:i-^poi.[).\).c(.  ly^âpa^e. 

M.  Castan,  correspondant  de  l'Académie  à  Besançon,  lit  un  mémoire  intitulé  :  le 
Capitale  de  Carthage;  c'est  un  chapitre  détaché  d'un  travail  d'ensemble  sur  les  ca- 
pitules de  l'empire  romain,  dont  l'auteur  a  été  amené  à  s'occuper  à  l'occasion  du 
capitule  antique  de  Besançon.  La  colonie  romaine  de  Carthage  fut  fondée  par  Au- 
guste, en  l'an  i3  ou  14  avant  notre  ère;  une  première  tentative  de  fondation  d'une 
colonie,  dirigée  par  Gaius  Gracchus,  n'avait  pas  eu  de  suite.  Comme  beaucoup 
d'autres  colonies  romaines,  celle-ci  eut  un  capitole,  c'est-à-dire  un  temple  réunissant 
sous  un  même  toit  trois  sanctuaires  dédiés  à  Jupiter,  à  Junon  et  à  Minerve.  Ce 
capitole  est  mentionné  expressément  dans  une  inscription  de  l'époque  impériale, 
dans  un  passage  de  Tertullien,  dans  une  constitution  impériale  de  l'an  42g.  M.  Cas- 
tan le  reconnaît  aussi  dans  le  temple  de  Juno  Caelestis,  dont  parle  une  description 
due  à  un  Africain  du  iv=  siècle  de  notre  ère;  en  effet,  des  trois  sanctuaires  réunis 
dans  le  capitole,  celui  de  Junon  devait  être  le  principal  aux  yeux  de  la  population 
carthaginoise,  pour  qui  cette  déesse  représentait  la  grande  divinité  tutélaire  indi- 
gène, Baal-Tanit.  Or,  le  texte  qui  parle  du  temple  de  Junon  prouve  qu'il  était  situé 
sur  l'acropole  de  Byrsa  :  c'était  donc  là  l'emplacement  du  capitole  de  Carthage.  Il 
est  vrai  que  d'autres  textes  mentionnent  au  même  endroit  un  sanctuaire  d'Esculape; 
mais  la  colline  de  Byrsa  est  assez  grande  pour  que  plusieurs  temples  y  aient  pu 
trouver  place.  Les  débris  de  l'époque  romaine  qu'on  y  a  trouvés  paraissent  être  les 
restes  du  capitole.  La  chapelle  qui  y  a  été  construite  par  la  France  occupe  proba- 
blement la  place  du  sanctuaire  de  Juno  Caelestis,  et  non,  comme  on  l'a  cru,  celle 
du  temple  d'Esculape. 

M.  Louis  Havet  lit  un  travail  sur  le  classement  et  la  valeur  critique  des  manus- 
crits de  Nonius  Marcellus,  grammairien  latin  de  la  fin  du  iii<=  siècle.  L'obscurité  dont 
cette  question  est  restée  entourée  vient  de  ce  qu'on  a  méconnu  l'hétérogénéité  de 
certains  recueils  et  l'origine  complexe  de  certaines  des  principales  copies.  Ainsi, 
trois  des  manuscrits  les  plus  importants  sont  conservés  respectivement  au  musée 
britannique  de  Londres,  à  la  bibliothèque  nationale  de  Paris  et  à  la  bibliothèque  de 
Leyde.  Or,  M.  Louis  Havet  établit  que  le  manuscrit  de  Londres  est  un  recueil  fac- 
tice de  deux  copies  partielles,  celui  de  Paris  un  recueil  factice  de  trois  copies  par- 
tielles; la  copie  de  Leyde  est  la  fusion  de  deux  textes  de  famille  différente.  La  pre- 
mière des  deux  copies  partielles  de  Londres  représente  troix  textes  :  l'un  est  celui 
de  la  seconde  main,  les  deux  autres  sont  fondus  dans  le  texte  de  la  première  main. 
Par  suite  de  ces  complications,  un  fait  bizarre  se  présente  :  la  première  main  de  la 
copie  partielle  de  Londres,  toujours  fautive  quand  son  témoignage  concorde  avec 
celui  de  la  copie  de  Leyde,  est  d'ordinaire  très  digne  de  foi  quand  elle  témoigne 
seule.  La  valeur  critique  de  chaque  copie  se  déduit  de  la  place  qu'on  est  amené  à 
lui  assigner  dans  un  tableau  généalogique,  dressé  d'après  l'examen  des  variantes,  et 
qui  doit  comprendre,  non-seulement  les  copies  subsistantes,  mais  aussi  les  manus- 
crits perdus  dont  on  démontre  qu'elles  dérivent.  Pour  la  première  partie  de  l'ou- 
vrage de  Nonius  (les  140  premières  pages  de  l'édition  de  Josias  Mercier),  il  subsiste 
six  copies  de  date  carolingienne,  celles  de   Paris,   de  Leyde,  de   Wolfenbûttel,   de 


d'histoire    et    de    LITTÉRATUUK  3ig 

Florence,  et  les  deux  mains  successives  de  la  copie  de  Londres;  l'existence  de  dix 
manuscrits  perdus  s'établit  avec  certitude,  celle  de  deux  autres  avec  vraisemblance; 
en  somme,  le  tableau  généalogique  contient  dix-huit  articles.  Dans  ce  classement, 
les  manuscrits  de  basse  date  sont  provisoirement  laissés  en  dehors,  ainsi  que  les 
manuscrits  d'extraits.  v    ,     ^,  ,     „ 

Ouvrage  présenté  par  M.  Gaston  Paris  :  Rœhrich  (Edouard),  la  Chanson  de  Ro- 
land, traduction  nouvelle  à  l'usage  des  écoles. 

Julien  Havet. 


Séance  du  i  o  avril  1 88S . 

Une  lettre  de  M.  Le  Blant,  directeur  de  l'école  française  de  Rome,  annonce  la  dé- 
couverte de  plusieurs  sépultures  très  anciennes  dans  un  terrain  appartenant^  à 
M.  Spithœver,  auprès  de  l'enceinte  de  ServiusTullius.  Les  cadavres,  non  incinérés, 
étaient  placés  entre  des  fragments  de  grands  vases  de  terre. 

M.  Duruy  annonce  qu'un  certain  nombre  de  membres  des  diverses  sociétés  savan- 
tes des  départements  réunies  à  Paris  pour  le  congrès  de  la  Sorbonne.^ainsi  que  de 
la  Société  des  amis  des  monuments  parisiens,  ont  visité,  le  matin  même,  avec  les 
délégués  de  l'Académie,  les  restes  des  arènes  de  la  rue  Monge.  Une  pétition  a  été 
adressée  séance  tenante  au  conseil  municipal  pour  demander  qu'on  ne  se  borne  pas 
à  conserver  l'emplacement  exact  des  arènes  et  qu'on  ménage  autour  des  ruines  un 
espace  libre  d'une  étendue  suffisante. 

M.  Pavet  de  Courteille  lit  une  note  de  M.  Egger  sur  une  inscription  grecque  qui 
vient  d'être  trouvée  dans  l'île  des  Serpents  ou  "Phidonisi.  l'ancienne  Leucé^,  en  face 
des  bouches  du  Danube.  Cette  inscription,  malheureusement  très  mutilée,  était  gra- 
vée à  ce  qu'il  semble,  sur  la  base  d'une  statue.  Quarante  à  cinquante  mots  ont  pu 
être  déchiflrés.  On  y  reconnaît  le  texte  d'un  décret  rendu  par  les  citoyens  de  la  ville 
voisine  d'Olbia  ou  Olbiopolis,  située  sur  le  continent,  pour  honorer  un  personnage, 
celui  sans  doute  que  représentait  la  statue.  On  doit  présumer  que  celui  à  qui  était 
rendu  cet  honneur  était  originaire  de  Leucé.  11  faudrait  en  conclure  que  cette  île, 
inhabitée  aujourd'hui,  a  pu  avoir  à  une  époque  ancienne  une  population  d'une  cer- 
taine importance. 

M.  Paul  Meyer,  continuant  sa  communication  sur  deux  ouvrages  historiques 
français  dr.  xiu'  siècle,  entretient  l'Académie  du  second  de  ces  ouvrages,  qui  con- 
tient une  histoire  de  Jules  César.  L'auteur  paraît  avoir  eu  l'intention  d'y  raconter 
la  vie  des  douze  Césars,  mais  il  n'a  pu  achever  son  œuvre.  Ses  sources  principales 
ont  été  Salluste,  César,  Suétone  et  Lucain.  Cet  ouvrage  se  recommande,  au  point  de 
vue  littéraire,  par  plusieurs  qualités  assez  rares  chez  les  écrivains  du  moyen  âge. 
L'auteur  montre  un  sentiment  poétique  qui  manquait  à  beaucoup  de  ses  contempo- 
rains. Il  rend  assez  heureusement  plusieurs  des  passages  de  Lucain  qu'il  imite,  et 
ajoute  parfois  de  son  chef  quelques  détails  pittoresques.  D'ailleurs,  il  cherche  à  la 
fois  à  être  en  général  exact  dans  ses  récits  et  à  les  présenter  sous  une  forme  facile- 
ment accessible  au  public  de  son  temps.  11  remplace  les  noms  des  lieux  et  des  peu- 
ples anciens  par  des  équivalents  français,  dont  la  détermination  a  dû  quelquefois 
lui  coûter  un  certain  travail. Il  dit,  d'après  César,  que  la  Fi-ance  (c'est-à-dire  la  Gaule), 
est  partagée  en  trois  peuples,  les  Belges,  les  Celtes  et  les  Poitevins  ou  Aquitains. 
11  traduit  in  vico  Veragrorum  qui  appellaiur  Octodiirus  par  :  «  en  Chablais,  là  où 
saint  Maurice  gît  en  terre  »,  ce  qui  est  bien  près  de  la  vérité,  car  on  admet  qu'Oc- 
todurus  est  Martigny,  en  Valais,  non  loin  de  Saint-Maurice.  On  sait  que  Jules  Qui- 
cherat  a  soutenu,  par  des  arguments  fondés  sur  l'examen  attentif  du  texte  de  César, 
que  le  lieu  de  la  bataille  entre  Labiénus  et  Camulogène,  auprès  de  Paris,  doit  être 
cherché  du  côté  d'Athis  :  l'auteur  du  xiii^  siècle  dit  qu'elle  fut  livrée  à  Juvisy,  ce 
qui  revient  à  peu  près  au  même;  lui  et  Quicherat  sont  donc  arrivés  chacun  de  leur 
côté,  et  sans  doute  par  des  raisonnements  semblables,  à  un  même  résultat.  11  men- 
tionne les  arènes  romaines  de  Paris,  mais,  comme  Grégoire  de  Tours,  il  en  attribue 
la  construction  à  Chilpéric  P'',  petit-fils  de  Clovis;  des  termes  dont  il  se  sert,  il  ré- 
sulte que  ces  arènes  n'ont  été  détruites  qu'au  moment  de  la  construction  du  mur 
d'enceinte  de  Philippe-Auguste,  en  12  ii.  Pour  donner  de  la  vie  à  son  récit,  l'auteur 
fait  parfois  des  rapprochements  entre  le  temps  dont  il  parle  et  celui  où  il  a  vécu  : 
il  compai-e  Jules  César,  que  Sylia,  selon  Suétone,  appelait  «  mal  ceint  »,  maie  per- 
cinctuni  pueriim,  à  Philippe-Auguste,  qu'on  aurait  pu  à  bon  droit,  selon  lui,  sur- 
nommer H  le  mal  peigné  »,  mais  qui  n'avait  pas  moins  d'intelligence  que  César;  s'il 
était  moins  lettré  que  le  dictateur  romain,  il  avait  sur  lui  une  supérioéité  morale, 
c'est  qu'il  était  «  sans  malice  ».I1  est  regrettable  que  l'auteur  de  cet  ouvrage  remar- 
quable ne  nous  ait  pas  fait  connaître  son  nom.  Quand  à  l'époque  où  il  a  écrit,  elle 
peut  être  déterminée  avec  assez  de  précision  :  c'est  après  la  mort  de  Philippe-Au- 
guste, en  1223,  et  avant  la  rédaction  du  Trésor  de  Brunetto  Latini,  en  1266.  En 
effet,  plusieurs  passages  de  Tacite,  que  Brunetto  cite  en  français  et  qu'on  croyait 
traduits  directement  par  lui  du  latin,  sont  simplement  erhpruntés  à  l'ouvrage  dont 


320  REVUE    CRITIQUE    d'hISTOIRE    ET    DE    LIITÉRATURE 

parle  M.  Meyer.  Cet  ouvrage  eut  d'ailleurs  un  grand  succès  au  moyen  âge,  tant  en 
France  qu'à  l'étranger.  On  le  trouve  dans  une  trentaine  de  manuscrits;  Charles  V 
en  avait  plusisurs  exemplaire^  dans  sa  bibliothèque;  il  fut  imprimé  en  1490  ;  enfin, 
on  en  connaît  jusqu'à  trois  iL^^Juctions  italiennes,  dont  l'une  se  rencontre  dans  un 
manuscrit  daté  de  l'an  i3i4. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Deloche  :  Drapeyron  (Ludovic),  Institutions  géo- 
graphiques nécessaires;  —  par  M.  Bréal  :  Revnaud  (Paul).  De  primigenia  vocis 
kshatriya  vz;— par  M.Georges  Perrot  :  1°  Wagnon  (Adrien),  Traité  cC archéologie  com- 
parée :  la  sculpture  antique  ;  origines,  description,  classification  des  monuments  de 
l Egypte  et  de  la  Grèce  ,-  2"  Dieulafoy  Marcel),  l'Art  antique  de  la  Perse,  'i'  partie, 
la  Sculpture  persépolitaine;  —  par  M.  Delisle  :  i"  Henry  (Charles),  Pierre  de  Car- 
cavy  (extrait  du  Bulletino  di  bibliografia  c  di  storia  délie  scien^^e  matemaiiche  e  fi- 
sichej ;  2"  Bibliographie  des  travaux  histori^jUes  et  archéologiques  publiés  par  les 
sociétés  savantes  de  la  France  [par  Robert  de  Lasteyrie],  i"  livraison. 

Julien  Havet. 


SOCIÉTÉ  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANGE 


Séance  du  25  mars  i885. 

PRÉSIDENCE   DE    M.   COURAJOD. 

M.  Saglio  lit  une  note  dans  laquelle  il  résume  les  passages  d'auteurs  anciens  et 
signale  quelques  monuments  relatifs  à  l'emploi  des  chameaux  comme  monture  de 
combat. 

M.  le  président  communique,  de  la  part  de  M.  Gaidoz,  l'ouvrage  du  général  Car- 
buccia  sur  le  régiment  de  dromadaires  organisé  en  Egypte  par  le  général  Bonaparte 
en  1798. 

M.  de  Laigue  envoie  en  communication  les  photographies  de  deux  sujets  en  bronze, 
une  femme  et  un  homme,  provenant  de  fouilles  exécutées  en  1706  dans  la  com- 
mune Cereçara,  province  de  Milan,  et  appartenant  à  M.  le  d'  Martin,  médecin  du 
consulat  de  Livourne. 

M.  de  Barthélémy  présente,  au  nom  de  MM.  Richard  et  de  la  Brosse^  un  coffret 
d'ivoire  paraissant  être  de  fabrication  persane  du  xia*  ou  du  xiv"  siècle  et  ayant 
contenu  de  longue  date  des  reliques  de  saint  Tugdual,  évêque  de  Treguier.  Ce  cof- 
fret appartient  au  président  du  conseil  de  fabrique  de  l'église  de  la  Trinité  à  Laval. 

M.  de  Marsy  annonce  que  M.  de  Laurière,  en  ce  moment  à  Aix,  a  découvert  dans 
la  bibliothèque  de  cette  ville  la  preuve  que  le  dessin  de  San  Gallo,  communiqué  par 
lui  dans  une  précédente  séance,  s'applique  à  Aix;  le  mot  Tempio  qui  y  figure  dé- 
signe l'église  des  Templiers. 

M.  l'abbé  Thedenat  présente,  de  la  part  de  M.  l'abbé  Gères,  des  objets  antiques 
trouvés  à  Grosfessenque  près  de  Rodez  (Aveyron),  entre  autres  des  terres  cuites  eri 
forme  de  bobèches  ainsi  qu'une  petite  lamelle  se  terminant  en  fil  de  bronze  replié 
en  nœud  coulant  et  portant  une  estampille  imprimée  en  relief. 

M.  le  baron  de  GeymuUer  présente  un  recueil  de  dessins  d'architecture  d'Antonio 
da  San  Gallo  l'ancien  et  de  son  neveu  Francesco. 

M.  de  Boislisle  présente,  de  la  part  de  M.  le  marquis  de  Nicolay,  deux  statuettes 
de  bronze  représentant  Henri  IV  et  Marie  de  Médicis  avec  les  attributs  de  Jupiter 
Tonnant  et  de  Junon.  Il  rappelle  qu'une  commande  de  ce  genre  est  mentionnée 
dans  la  correspondance  du  cardinal  de  Richelieu  qui,  en  outre,  avait  fait  exécuter 
deux  grandes  statues  de  ces  mêmes  personnages  en  dieux  de  l'antiquité  pour  orner 
le  portail  de  Limours. 

M.  Courajod  développe  les  motifs  pour  lesquels  il  croit  que  ces  statuettes  étaient 
destinées  à  décorer  des  chenets  de  dimensions  colossales,  probablement  pour  la  che- 
minée de  la  chambre  du  roi  au  Louvre  ou  dans  quelque  château  royal.  11  les  com- 
pare à  certains  petits  bustes  de  Henri  IV  et  de  Marie  de  Médicis  dont  il  existe  plu- 
sieurs variantes  au  Musée  du  Louvre  et  qui  ne  sont  que  des  copies  ou  des  imitations 
des  statuettes  appartenant  à  M.  de  Nicolay. 

Le  Secrétaire, 

MOWAT. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX.. 


Lé  Puy.  imprivierii'  de  Marchessou  uls.  boulevard  Saint-Laurent.  3.Î. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    El'    DE    LITTÉRATURE 


N»  17  —  27  avril  -  1885 


SojiîBJiiMii'e  ï  71.  Malabari,  Le  Gujarat.  —  72.  Eschyle,  p.  p.  Wecklein.  —  73. 
Bladé,  Epigraphie  antique  de  la  Gascogne.  —  74.  Œuvres  poétiques  de  Béreau, 
p.  p.  HovvN  DE  Tranchère  et  GuYHT.  —  Variétés  :  Lettre  du  comte  de  Broglie 
sur  la  publication  de  la  Henriade.  —  Thèses  de  M.  Monin  :  L'unité  de  la  reli- 
gion homérique  dans  l'Iliade  et  Essai  sur  l'histoire  administrative  du  Languedoc 
pendant  l'intendance  de  Basviile.  —  Académie  des  Inscriptions.  —  Société  des 
Antiquaires  de  France. 


71.  —  Gujarat  antî  tl)e  Gujaratls  î  pictures  of  men  and  manners  takcn  from 
life;  second  édition  by  Behramji  M.  Malabari;  Bombay,  Education  Society's 
Press  1884. 

Ce  livre  est  la  seconde  édition  d'un  ouvrage  paru  en  1882  à  Bombay. 
L'édition  nouvelle  est  augmentée  de  plusieurs  chapitres  et  ornée  de 
gravures  indigènes  dont  le  stvje  étrange  relève  encore  la  saveur  du  livre. 
M.  Behramji  iVIaiabari,  quoique  très  jeune  encore,  a  déjà  fait  preuve 
d'une  heureuse  fécondité  d'esprit  :  journaliste  et  poète,  réformateur 
religieux  et  social,  il  manie  tour  à  tour  avec  la  même  aisance  Tanglais 
et  les  dialectes  indigènes.  M.  James  Darmesteter  a,  dans  un  numéro 
antérieur  (5  février  i883),  apprécié  les  premiers  fruits  de  cette  activité 
intellectuelle.  Le  succès  de  Gujarat  and  the  Gw/ar^fw s'explique  par  des 
mérites  de  toute  sorte.  C'est  le  récit  d'une  simple  excursion  ;  mais  si 
M.  B.  M.  a  vu  peu  de  pays,  il  a  bien  vu  et  il  a  réfléchi  sur  ce  qu'il  a 
vu.  Parti  le  î3  mars  1878  de  Surate,  M.  B.  M.  arrive,  dès  les  premiers 
jours  d^avril,  à  Ahmedabad  :  les  étapes  du  voyage  sont  Brosch,  Paroda 
et  Billimora.  La  région  n'est  pas  d'un  pittoresque  rare;  mais  M.  B.  M. 
est  moins  curieux  d'observer  la  nature  que  les  hommes.  Ce  n'est  point 
qu'il  ne  donne,  avec  la  précision  d'un  guide,  l'historique  et  la  topogra- 
phie de  ces  villes  '.  Mais  ce  qui  l'arrête  et  le  préoccupe,  c'est  la  recher- 
che des  causes  qui  ont  amené  leur  décadence,  et  des  mesures  qui  peu- 
vent y  remédier.  Le  salut,  il  ne  l'attend  point  du  gouvernement  an- 
glais, mal  informé  par  ses  agents  indigènes  ou  européens,  et  riche  en 
promesses  autant  qu'avare  en  effets.  Aux  Indiens  seuls  de  régénérer 
l'Inde;  mais  que  de  progrès  à  accomplir!  que  de  travers  à  dépouiller! 
que  de  vices  à  rejeter  !  L'auteur  se  met  en  campagne  pour  voir  et  signa- 
ler le  mal,  mais  il  sait  habilement  déguiser  la  leçon  ou  la  satire  et  la 
rendre  aimable,  grâce  aux   ressources  d'un  esprit  humoristique    à  la 


1.  Pour  les  détails  de  statistique  et  d'érudition,  nous  no'.;.;  contenterons  avec 
M.  B  M.  de  renvoyer  aux  Mémon-es  xur  l'Orient,  de  Forbes,  i8i3,  4  vol.  4",  et  au 
Bombay  GayCiteer,  de  J.-M.  Campbell. 

Nouvtil-.;  série,  XIX.  jy 


322  REVUE   CUITIQUK 

façon  de  Swift  et  de  Sterne.  A  chacune  de  ses  haltes,  l'auteur  passe  en 
revue  les  célébrités  locales,  les  grands  hommes  de  petite  ville,  les  uns 
dignes  de  leur  réputation,  les  autres  et  ies  plus  nombreux  parvenus  à 
force  de  bassesse  et  de  servilité,  toujours  empressés  à  approuver  «  ce 
qui  tombe  des  lèvres  du  sahib.  » 

M.  B.  M.  examine  ensuite  les  trois  religions  qui  fleurissent  côte  à 
côte  en  ce  simple  district  :  l'Hindouisme  d''abord,  ou  plutôt  la  secte  des 
Maharajas  dont  il  flétrit  les  pratiques  ridicules  et  scandaleuses;  puis  les 
Mahométans  et  enfin  les  Parsis.  C'est  ici  le  cœur  de  l'ouvrage.  M.  B. 
M.  souffre  de  voir  la  décadence  morale  de  ses  coreligionnaires,  alors 
que  leur  doctrine  pure  et  leurs  vertus  anciennes  devraient  ks  proposer 
à  l'imitation  de  l'Inde.  Il  rêve  de  les  régénérer,  et  par  eux  le  peuple 
tout  entier.  11  voudrait  un  culte  plus  spirituel,  moins  encombré  de 
cérémonies  toutes  matérielles,  le  plus  souvent  mal  comprises  et  mal 
observées.  Il  résume  ainsi  lui-même  les  remèdes  qu'il  propose  :  «  Il 
nous  faut  un  Fonds  national  (pour  les  charités),  un  Conseil  national 
(pour  les  affaires  de  la  communauté),  une  Église  nationale  (pour  les 
questions  religieuses).  »  Après  ces  groupements  leligieux,  viennent  les 
castes  subdivisées  elles-mêmes  à  l'infini,  hostiles  les  unes  aux  autres  et 
dont  le  maintien  assure  la  perte  de  l'Inde. 

Des  plaies  religieuses,  M.  B.  M.  passe  à  la  société;  il  fait  défiler  sous 
nos  yeux  une  galerie  de  portraits  tracés  de  main  de  maître.  Les  uns  sont 
odieux  comme  le  Marvari,  Fusurier  indien,  le  fléau  des  pauvres  gens, 
que  l'auteur  prend  au  berceau  pour  le  suivre  jusqu'à  la  tombe  sous  ses 
multiples  apparences,  avec  la  conscience  d'un  biographe  et  la  finesse 
d'un  moraliste.  Les  autres  sont  simplement  plaisants ,  comme  le 
Hajaam,  barbier  de  village  qui  cumule  autant  d'emplois  que  ses  con- 
frères d'Occident;  le  Vaquil,  avocat,  homme  d'affaires,  politique  et 
plumitif.  De  l'avocat  au  tribunal  il  n'y  a  qu'un  pas.  M.  B.  M.  nous 
introduit  aux  diverses  cours  de  justice,  dont  il  esquisse  la  physionomie 
avec  la  plume  d'Henri  Monnier.  Suivent  quelques  chapitres  sur  les  men- 
diants et  les  médecins  indigènes,  à  qui  il  oppose  les  missionnaires,  «  ces 
médecins  de  l'âme  »,  les  premiers  maîtres  de  M.  B.  M.,  qui  leur  a  voué 
une  éternelle  reconnaissance  et  qui  célèbre  hautement  leur  dévouement 
et  leurs  bienfaits. 

L'auteur  étudie  ensuite  la  vie  domestique,  dont  il  décrit  les  phases 
successives  :  enfance,  mariage,  mort.  Deux  points  arrêtent  spécialement 
son  attention  :  les  mariages  entre  enfants  à  naître  conclus  d'avance  par 
les  parents,  unions  dont  il  fait  ressortir  les  funestes  effets  dans  le  récit  in- 
titulé :  Idylle  Aryenne;  d'autre  part,  l'état  de  la  veuve  condamnée  par 
le  préjugé,  en  dépit  de  toute  considération,  à  ne  jamais  renouer  de  liens 
conjugaux.  Au  nom  de  Phygiène  physique  et  morale  il  proteste  contre 
cette  coutume  et  en  appelle  au  gouvernement  anglais  pour  la  com- 
battre ^ 

I.  L'auteur  a  depuis  coniinué  cette  campagne  àdinsVIndian  Spectalor. 


d'histoire    et    Dli    LirrÉRATURE  32  3 

L'ouvrage  se  termine  par  de  brèves  notices  sur  les  jeux,  les  divertis- 
sements, les  arts  et  l'industrie  au  Gujarat,  et  par  une  description  dé- 
taillée des  grandes  fêtes  indigènes  -  :  le  Divali,  le  Baleva  et  le  carnaval 
du  mois  Sravana  pour  les  Hindous;  le  Muktâd  parsi  et  le  Mohaiâm  des 
Mahométans  ;  enfin  le  Holi,  sorte  de  bacchanales  effrénées  où  les  Vaisli- 
navas  et  toutes  les  basses  castes  se  livrent  à  de  scandaleuses  orgies. 
Il  serait  regrettable  de  passer  sous  silence  l'hymne  exalté  que  M.  B.  M. 
adresse  à  Vâlmîki,  le  plus  glorieux  poète  du  plus  beau  des  langages, 
l'inimitable  auteur  du  Râmâyana,  supérieur  même  à  ces  deux  géants 
httéraires  :  Homère  et  Ferdousi.  Cet  enthousiasme,  à  coup  sûr  excessif, 
s'explique  aisément  par  la  passion  maîtresse  de  M.  B.  M.  :  le  désir  de 
ressusciter  la  nationalité  indienne  par  une  restauration  littéraire  et  par 
un  relèvement  moral  :  Toeuvre  de  Vâlmîki,  par  les  mérites  du  poème  et 
la  pureté  des  caractères,  peut  contribuer  mieux  que  toute  autre  au  suc- 
cès de  cette  glorieuse  entreprise, 

Sylvain  Lévi. 


72.  —  .-Esehj'lî  Tabulac  cura  lectionibus  et  scholiis  codicis  Medicei  et  in  Aga- 
memnonem  codicis  Florentini  ab  Hieronymo  Vitelli  denuo  collatis  edidit  N. 
Wecklein.  2  vol.  in-8,  xvi,  471  p.  et  3i6  p.  Berlin,  S.  Calvary,  i885. 

M.  N.  Wecklein,  qui  s'était  fait  avantageusement  connaître  dès  1872 
par  ses  Stiidien  \u  Aeschyliis^  ouvrage  dont  nous  avons  rendu  compte 
dans  ctliQRevue  (1872, 1,  p.  260),  et  qui  n'a  cessédepuis  de  s'occuper  des 
tragiques  grecs,  nous  donne  aujourd'hui  une  édition  critique  d'Eschyle 
en  deux  volumes.  Le  premier  volume,  qui  est  la  partie  principale  de 
l'ouvrage  (le  second  ne  formant  qu'un  Appendix)^  tsl  conçu,  et  disposé 
d'après  le  même  plan  que  l'Eschyle  d'A.  Kirchhoff  (1880).  En  effet, 
l'éditeur  n'admet  dans  le  texte  que  les  conjectures  qui  lui  semblent  abso- 
lument sûres  ;  il  place  sous  le  texte,  d'abord  les  scholies  du  Mediceus, 
puis  la  leçon  du  manuscrit  toutes  les  fois  qu'il  s'en  éloigne,  et  les 
conjectures  qu'il  juge  très  probables.  Comme  Kirchhoff,  il  pense  que 
tous  les  manuscrits  dérivent  du  manuscrit  de  la  Laurentienne,  qui  est, 
sans  contredit,  le  meilleur  et  le  plus  ancien.  J'ai  exposé  ailleurs  les  rai- 
sons qui  me  font  pencher  vers  l'opinion,  qui  était  autrefois  aussi  celle 
de  M.  W.  lui-même,  à  savoir  que  les  manuscrits  des  trois  premières 
pièces,  Prométhée,  Sept,  Perses,  proviennent  d^un  manuscrit  très  sem- 
blable au  Mediceus,  mais  non  du  Mediceus  même. 

Voici  maintenant  par  où  la  nouvelle  édition  diffère  de  celle  de  Kir- 
chhoff. M.  Vitelli,  dont  le  nom  figure  à  bon  droit  sur  le  titre  de  l'ou- 
vrage, a  collationné  de  nouveau  le  meilleur  manuscrit  avec  l'expérience 
et  la  conscience  qu'il  porte  dans  ces  sortes  de  travaux.  Le  Mediceus 
avait  déjà  été  exploré  plusieurs  fois  ;  R.  Merkel  avait  donné  une  repro- 

I.  Voir  à  ce  sujet  les  Essais  de  Wilain  (éd.  Rast,  1862)  p.   151-24'). 


024-  RP:VUK    CUITIQUK 

duction  minutieuse  de  la  première  main  du  manuscrit,  ligne  par  ligne 
et  page  par  page. Tous  ces  travaux  au  lieu  d'apporter  la  lumière  avaient 
au  contraire  jeté  du  doute  sur  les  leçons  qu'il  faut  attribuer  aux  diffé- 
rentes mains  du  manuscrit  :  on  peut  croire  que  la  collation  de  M.  Vi- 
telli  est  définitive.  Sans  doute  la  constitution  du  texte  ne  se  trouve  pas 
sensiblement  modifiée  par  la  nouvelle  collation;  nous  apprenons,  par 
exemple,  qu'au  v.  21  des  Pe7'ses  la  première  main  de  M.  porte  'ApTa- 
çéprr,q\  tous  les  éditeurs  n'en  écriront  pas  moins  'Ap-raçpév/;?  avec  le 
réviseur  et  les  scholies  ;  mais  c'est  quelque  chose  que  de  savoir  exacte- 
ment à  quoi  s'en  tenir.  Les  résultats  de  la  nouvelle  collation  sont  peut- 
être  plus  considérables  pour  les  scholies  que  pour  le  texte.  L'importante 
observation  des  grammairiens  alexandrins  au  sujet  de  Perses^  v.  2  i  : 
a  1J.SV  Twv  ovc;j.aT(i)v  icj-cpr^ijcv,  Ta  ûe  'ztKeiià^  ezAacjsv  se  trouve  deja,  nous 
l'apprenons  maintenant,  dans  le  plus  ancien  manuscrit.  Dans  les  Sup- 
pliantes, i3,  le  manuscrit  perte:  O-rrèp  tgutwv  Xcv'.Lqj.svoç,  non  utt-ctcûtwv 
qu'on  avait  corrigé  en  u^rb  'ttsttwv.  Ib.,  3oi  :  ty;  (non  -(fi)  "^^^  Ipo'jq  fs.-ent. 
dcXy.S).  Jb.,  5o5  :  àvd  toj  'âou,  non  àvTt  zoïi.  Ib.,  53/  :  aÙTÛv  (non  aùrr/;) 
TYjV  ijêpiv,  iè.,  893  :  r^j'a^ov,  non  r^-;a-(tv.  Choëph.  54  :  y.aT'  cù-yj,  non 
o.\i-m.  Dans  la  plupart  de  ces  exemples,  comme  dans  d'autres  que  l'on 
pourrait  ajouter,  la  vraie  leçon  avait  été  trouvée  par  conjecture,  mais  il 
est  intéressant  de  savoir  que  le  manuscrit  confirme  ces  rectifications. 

Pour  ce  qui  est  de  la  constitution  du  texte,  le  nouvel  éditeur  y  a 
peut-être  admis  un  peu  plus  de  corrections  que  Kirchhoff",  mais,  d'un 
autre  côté,  il  a  poussé  le  respect  pour  le  meilleur  manuscrit  jusqu'à 
reproduire  la  division  des  vers  lyriques  qui  s''y  trouve.  Il  ne  s'est  écarté 
de  cette  fidélité  que  lorsque  la  strophe  et  l'antistrophe  n^y  offrent  pas 
les  mêmes  cola;  dans  ce  cas,  il  a  opté  pour  la  division  qui  lui  semblait 
préférable.  C'est  là  peut-être  une  petite  inconséquence,  puisque  il  avait 
renoncé  sur  ce  point  à  son  propre  jugement.  Pour  ce  qui  est  des  conjec- 
tures citées  en  note,  M.  W.  a  été  un  peu  moins  avare  que  Kirchhoff. 
A  notre  gré,  il  aurait  dû  être  plus  large  encore,  mais  c'est  là  une  ques- 
tion de  choix  et  de  mesure  qu'il  est  difficile  de  discuter  :  tôt  capita,  tôt 
sensiis. 

Je  ferai  maintenant  quelques  observations  sur  les  Perses,  les  Sept  et 
les  Suppliantes,  les  trois  pièces  que  j'ai  examinées  plus  attentivement. 
"Voici  d'abord  quelques  corrections  que  je  trouve  bonnes  ou  tout  au  moins 
remarquables.  Perses,  483:  vawvcsTaYot  ne  convient  guère  au  commence- 
ment d'un  discours.  M.  "W.  s'est  rencontré  avec  moi  pour  la  conjecture 
-caYco/si.  —  Ib.,  999  :  Gxoaaîvstç  pour  \jr.z]}.'.\virt':7.v.z,  qui  n'entre  pas  dans 
la  mesure  du  vers;  au  v.  1861  du  Prométhée,  le  scholiaste  explique 
■Âpocjaivîi  par  \j7:z\}x\).rriZ'AV.. —  îb..  1019  :  T(  c'cj*/,  'é)v()))\£v,  [J.r;'  aKcf.at, 
risojav  ;  M  porte  ;x$-fâXaTs;  Tcditeur  a  mis  dans  le  texte  cette  conjecture 
admissible,  .sans  doute,  mais  qui  nous  paraît  d'autant  moins  certaine 
que-Tî  n'est  probablement  qu'un  lapsus  pour  Ta,  leçon  du  scholiaste  et 
des  autres  manuscrits.  —  Sept,  .3o  :  7:6 Aa;  TrupYwiJ.aTOîv  M.  ■nû/'-wv  r.-jp-(ôi- 


d'histoire  et  de  UTTÉRATUUE  32  5 

aa-ca  rec.  W.  propose  xôXswç  T,\)p'^ù>]xot,xix.  —  Ib.,  498  :  èv  y^p^'.oi.  ccpc;  pour 
xûyqq.  —  Ib.,  5  5^:  roûcâ'  oXé^etav  ï[j.T^xq  pour  èv  ^(x.  — Ib.,  618  :  tôv 
£CCO[ji,ov  OY)  Tov  T.'jXixiq  'èç'  £6o6[xat<;  pour  t6vo  èf  éêSoixatç  TcùXatç.—  /^.  schol. 
sur  874  :  3'.à  twv  •rrXîUpwv  autwv  •/,aO£(/,x::r/  pour  aJTwv  •/.xOrjy.xa'.v.  —  /è., 
882  :  <Co''J>'  o'./^scppov.  TusTixco;  ce  supplément  rétablit  le  texte  de  la  ma- 
nière la  plus  heureuse  :  les  frères  ennemis  ont  été  unis  dans  la  même 
mort.  —  Suppliantes,  260  :  W.  n^a  pas  adopté  la  correction  de  Words- 
worth  T.xaT/  alav,  -qqcC  àvvb;  ipyzvT.'.  2-p'j[j,wv,  qui  est  devenue  en  quelque 
sorte  la  vulgate  des  dernières  éditions.  En  effet,  elle  est  sujette  à  caution  : 
le  manuscrit  porte  oiac^Yo;;  faut-il  écrire  avec  W.  3'.'  1x77.0;?  J'avoue  que 
cette  conjecture  ne  me  satisfait  pas  trop  non  plus.  — ■  /&.,  SSq  :  l'éditeur 
a  mis  dans  le  texte  vaûovô'  (véovO'  M)  oi;.'./vOv.  Au  vers  5i  2,  il  s'est  contenté 
de  proposer  en  note  vauc-c^p'  (vaù-i-^v  M)  àvovxaç.  J'aime  mieux  cette  ré- 
serve; voyez  à  ce  sujet  les  observations  de  Dindorf  dans  son  Lex.  Aesch. 
s.  V.  vtùiù.  —  Ib.,  726  :  Trpwpa...  ctay.o;  sjO'jVT-i^po;  uîtoctou  vîwç  àyav  v.aXdq 
•/.Aûcusa  ^Xwccrav  où  ©(Xr^v.  C'est  la  correction  d'un  anonyme  pour  twj.  av 
où  oO.-q.  —  Ib.,  796  :  la  correction  iv  opy.âva'.;,  pour  iv  Gxpydw.q,  peut 
s'autoriser,  jusqu'à  un  certain  point,  d'une  glose  d'Hesychios.  Cepen- 
dant, la  leçon  généralement  adoptée  èv  àp-râvaiç  me  semble  tout  aussi 
probable.  —  Ib.,  879  :  G\iazx\d[xiùq  'oXo'.o  U  àXîppuTOv  àXso;;  la  conjecture 
SuïzaXxîj.o);  cxXeûo'j  est  très  satisfaisante.  —  L'examen  attentif  des  autres 
pièces  fournirait  sans  doute  bon  nombre  d'autres  exemples  à  ajouter  à 
cette  liste.  Citons  au  hasard  :  Agamemnon,  940  :  oapèwv  tô  (pour  çOeî- 
povTa)  ■jrXouTov  àpYupwvrjTOuç  6'  uçâç.  —  Ib.,  952  :  '6X60;  (pour  oTv.o;)  B'  hizip- 
yv.  Twvoî  aùv  ôeoïç,  ava^,  £/-'■''• 

Il  est  d'autres  endroits  où  je  ne  puis  partager  le  sentiment  de  l'éditeur. 
On  lit  dans  les  Perses,  220  : 

E'i  v.  çXaijpov  cîosç,  (d-zy!)  xôJvB'  à-OTpo'::-}^v  TîXîrv, 
Ta  V  àyi^'  èy.TîX*?]  -(v/ia^ai  zoi  -:$  y.al  -rèy.vo'.;  créOsv. 

Jamais  je  ne  consentirai  à  remplacer  tx  0'  dcYaOâ  par  t7.  0'  stspa.  Les 
Grecs  se  servent  de  cette  tournure  par  euphémisme  pour  tx  zx-ax.  tx  ào'.y.x, 
mais  ils  ont  l'habituae  de  désigner  le  bien  directement  sans  périphrase. 
—  Ib.,  295  :  la  leçon  to  [j.-qxt  Xéçx-.  [j:i]-.'  èpwTYÎsx'.  rJ-Oq  me  paraît  suscep- 
tible d'une  interprétation  satisfaisante.  La  conjecture  to  [r/jTs  çwvsTv  est 
inutile.  —  /&.,  352  :  W.  propose  ::pa)-:ov  [j.lv  yj/si  yiXxoo;  'EXXr,vcov  ■::âpa. 
Que  devient  alors  le  membre  de  phrase  [j.oX— r;obv  •/]ùç;-^[r(jC7£v?  —  Ib.,  891 , 
on  lit  :  y.xi  tx;  (XYX'-xXcu;  èy.pxt'jvE  [xesxxto'j;  (toXî'.;)  ;  W.  conjecture  y.xi 
v/îp'.-OTpô^o'j;  èypxT'Jvî  [xs'ây.TO'jç.  Passe  pour  la  première  de  ces  deux  épi- 
thètes  qu'Athénée  cite  comme  se  trouvant  dans  les  Perses,  mais  [j.zTxy,- 
Touç,  dont  àvy^taXou;  aurait  été  l'interprétation,  est  un  mot  nouveau  qui 
m'inspire  peu  de  confiance.  —  Je  ne  voudrais  pas  non  plus  écrire  au 
V.  903  èy.pxTuv'  £-:épai;  aptib  pour  èy.pâ-'jvsv  GO£T£pa'.;  op£7iv.  Darius  sub- 
jugue ces  pays  par  le  bras  d'autrui,  mais  par  sa  volonté  et  son  intelli- 
gence à  lui.  —  Sept,  [49  :  la  conjecture  "Oy^a  âopl;  TcùXa;  (pour  ^rpo 


326  REVUE   CRITIQUE 

TcXsco;)  pouvait  être  reléguée  dans  les  oubliettes  de  l'Appendice.  —  Ib., 
après  V.  177  :  aÙTOi  0'  uç'  aû-tov  IvooOsv  ■:rop9o6iJ,î0a,  W.  ne  donne  pas  le 
vers  omis  dans  M.,  et  cela  est  conforme  à  son  opinion  sur  la  filiation 
des  manuscrits;  il  croit  cependant  à  une  lacune  et  il  propose  de  la  com- 
bler au  moyen  des  vers  182,  i83  :  ij.éAsi  ^âp  àvopi  /.ta.,  transposition  qui 
nous  semble  peu  heureuse.  —  Ib.,  322  :  0Ka\).zX^a.\  qj.sây.ow  -.^m-^iç.-j:)  opcc70v 
serait  plus  qu'obscur,  —  Ib.,  407  :  la  conjecture  Tp£[j,w  0'  alixa-ïTiçipouç 
CTÔvouç  (pour  [xopcuç)  br.iç)  (pîXwv  cXciJivwv  loécOat  est  bien  étrange,  et  n  a 
qu'un  faible  appui  dans  une  scholie  obscure,  peut-être  altérée.  —  Ib., 
469  :  Je  ne  comprends  pas  xotci  oi  m<:-zQ]}svt  [lr^zi)yo\h%K].  —  Ib.,  692  :  vuv 
OTS  cot  TiapécTaxsv  èTrotoocvov  (pour  i%ti  oaifjiwv)  est  de  ces  conjectures  très 
ingénieuses  qu'on  ne  saurait  admettre,  et  tout  d'abord  on  se  demande 
quel  est  le  sujet  du  verbe.  —  Ib..,  758  :  iW  àvopwv  ^àp  xoccvo'  èOaûiJ.aaav 
oOvsto'.  (pour  Oîoi  y,ai),  ^uvé^iio'.,  xtX.  Les  étrangers  me  paraissent  tout  à 
fait  déplacés  parmi  ceux  qui  admiraient  le  libérateur  de  Thèbes;  encore 
s'ils  se  trouvaient  après  les  habitants,  mais  on  est  étonné  de  les  voir 
mentionnés  en  premier  lieu.  ■ —  Suppliantes,  107  :  l'éditeur  met  dans 
le  texte  -î^ij-ev'  (pour  -/^[xsvov)  àvo)  çppcv/3[j.a  tcwç  aùîiOsv  è^éTrpa^sv  qj.^raç  écpivwv 
à©'  à^vwv.  Je  ne  suis  pas  sûr  de  comprendre  son  intention.  Faut-il  tirer 
de  oa'.[xov(o)v  un  sujet  neutre  li  oai[j.cvta  rj[j,£va  àvw  et  prendre  op6vT([xa  dans 
le  sens  très  insolite  de  «  volonté  xi?  Je  doute  fort  de  la  leçon  oaqxovtwv  et 
je  ne  pense  pas  qu'Eschyle  ait  employé  ce  dérivé  pour  catjj.cvwv.  Ou 
bien  rjixeva  doit-il  signifier  «  les  résolutions  arrêtées  »  comme  les  Latins 
disent  sedet  ^nnno?  Ces  deux  explications  me  semblent  également  inad- 
missibles. —  Ib.,  405  :  cl  7:06  -il  xai  [j-r^  toÎov  lû/ct.  M.  W.  propose  eï  7:06 
Tt  OocTspov  ibyo\  :  je  ne  me  rends  pas  compte  de  l'article  renfermé  dans 
Oâ'spov.  —  Ib.,  525  :  oCkV  o'jt'.  oapcv  r^oXo'  (pour  "/pfvsv]  £p-/;[j.a)a£i  7:a-rjp.  Le 
singulier  r.xloy.  serait  de  mise  si  la  pensée  était  générale,  mais  le  futur 
£pr,[j.u)!7£t  s'applique  à  Danaos  en  particulier  et  à  ses  filles,  Tratoaç.  —  Ib., 
job  :  çuXâcGOi  -i  a.x\\).[a.ç,  v.^Àq  zb  oyjix'.ov,  to  -kxôXv^  xpaxuvEU  M.  W.  propose 
«puXâacoi  B'£u  T'iTaicc  TtiJ.aç,  ce  qui  impliquerait  le  vœu  de  voir  conserver 
les  honneurs  des  hommes  du  peuple  :  c'est  là  le  sens  qu'Eschyle  attache 
au  mot  Ivr^z,  plus  haut,  au  vers  247;  or,  le  chœur  d'Eschyle  n'émet  cer- 
tainement pas  un  pareil  vœu.  —  Ib.,  792  :  l'éditeur  recommande  la 
conjecture  de  Schuetz  :  àcpuy.Tov  o'cij7.£t'  av  ■kÉaoi  /.axcv  (pour  y.éap)  ;  c'est 
là  une  singulière  distraction  :  le  chœur  peut  dire  que  le  mal  ne  saurait 
plus  être  évité,  mais  il  ne  peut  dire  le  contraire.  —  /è.,  81 1  :  la  conjec- 
ture to -^àp  Oav£tv  èXeuOEpoî  TOI  çiXaiây.xwv  y.ay.ôW  insère  la  particule  toi  à 
une  place  peu  convenable.  —  Ib.,  ioi3  :  la  conjecture  àwpa  xwXuouaa 
■7rpoua£7v£tv  Ipov  introduit  une  pensée  tout  à  fait  inutile;  le  vers  est  gâté, 
et  personne  jusqu'ici  n'a  trouvé  une  correction  plausible. 

Le  second  volume,  intitulé  Appendix  conjecturas  viroriim  docto- 
rum  minus  certas  continens,  est  le  fruit  d'un  travail  prodigieux;  M.  W. 
y  était  préparé  par  ses  rapports  annuels  (Jahresberichte)  dans  le  Philo- 
logus  et  dans  la  Revue  de  Bursian,  mais  il  a  dû  explorer  un  grand  nom- 


d'histoire  kt  de  LirrÉRATURE  327 

bre  de  livres  et  de  brochures  de  toute  espèce,  dont  les  auteurs  ont 
accidentellement  émis  quelques  conjectures  sur  le  texte  d'Eschyle.  Il 
est  vrai  que  la  plupart  des  lecteurs  n'oseront  affronter  cette  farrago, 
mais  tous  ceux  qui,  à  Tavenir,  voudront  exercer  leur  critique  sur  ce 
texte,  seront  obligés  de  recourir  à  un  travail  dont  on  ne  saurait  être  assez 
reconnaissant  à  l'auteur.  Grâce  à  M.  W.,  nous  voilà  débarrassés  une 
bonne  fois  de  tant  de  trouvailles  qui  n'ont  rien  de  nouveau,  et  ceux  qui 
proposent  des  corrections  anciennes  ne  pourront  plus  invoquer  leur 
ignorance.  M.  W.  énumère  les  éditions  en  tête  de  chaque  pièce,  mais 
un  grand  nombre  des  conjectures  qu'il  donne  sont  tirées  d'ailleurs.  Je 
comprends  qu'il  eût  été  long  d'indiquer  exactement  pour  chaque  con- 
jecture l'endroit  où  elle  se  trouve  et  Tannée  où  elle  a  été  publiée;  ce- 
pendant, en  ajoutant  quelques  pages  à  son  livre,  l'auteur  aurait  pu  nous 
donner  la  liste  par  ordre  chronologique  de  tous  les  écrits  qu'il  a  com- 
pulsés avec  tant  de  soin  :  cela  lui  était  facile,  et  le  lecteur  lui  en  aurait 
su  gré.  Je  regrette  un  autre  oubli;  M.  W.  déclare  lui-même  :  «  Gons- 
«  titui  probabilia  improbabilia  appendici  ut  Orco  omnia  recondenti 
«  committere.  »  On  se  perd  dans  cette  masse  confuse  où  les  «  impro- 
babilia »  dominent  décidément.  J'aurais  voulu  que  l'auteur  attirât  l'at- 
tention sur  les  meilleures  conjectures  par  quelque  moyen  typogra- 
phique, par  exemple  en  espaçant  les  caractères.  Enfin  je  crains  qu'il 
n'ait  enterré  quelques  vivants  dans  cette  fosse  commune,  je  veux  dire 
dire  qu'il  n'y  ait  jeté  quelques  corrections  qui  méritaient  l'honneur  du 
premier  volume,  peut-être  même  du  texte.  La  séparation  de  ce  qui  re- 
vient aux  deux  volumes  n'est  pas  toujours  faite  d'une  manière  consé- 
quente. Si  M.  W.  remarque  à  propos  d'Agamemnon,  1625  :  «  Scriben- 
«dum  videtur  yuvy)  c6,»et  n'indique  que  dans  le  second  volume  que  c'est 
là  une  correction  de  G.  Hermann,  il  n'y  a  là  qu'une  distraction.  Mais, 
Siippl.y  814,  il  met  en  note  :  «  Fort,  y)  tîv'  à[j.vj-{x::  ^cpov  »,  sans  ajouter 
que  ce  qu'il  y  a  d'essentiel  dans  cette  conjecture,  le  mot  à\xc^\jyi,  vient  de 
Hermann.  On  peut  trouver  cela,  il  est  vrai,  dans  l'Appendice,  mais  qui 
aura  la  patience  de  l'y  chercher?  —  Agam.,  io83  : 

'H[^.£v  y.\éoq  cou  [;.avi;r/.ôv  7:ezijij\)À'toi, 

La  note  porte:  «  Fort,  twv  TîpivTrpoî/'/iTa;  ».  Que  l'on  supplée  tôv  irplv  ou 
to6to)7,  n'importe  (et  cependant  je  tiens  toujours  pour  to'jto)v),  pourvu 
que  l'on  écarte  le  second  r,\).vf  et  se  rendre  compte  de  ce  que  le  chœur 
doit  dire  en  cet  endroit.  Je  pourrais  citer  un  grand  nombre  d'oublis 
du  même  genre,  qui  n'ont  sans  doute  rien  de  bien  grave,  mais 
que  je  relève  parce  que  l'auteur  a  mis  d'ailleurs  une  attention  scrupu- 
leuse à  donner  à  chacun  ce  qui  lui  revient.  En  effet,  on  trouve  chez  lui 
des  notes  comme  celles-ci  :  y.'.p'Ar^Jr,aq  (ydp-A-qldrqq  Wellauer)  à-^Sévoç 
(Hermann),  ou  bien  :  Opovotç  Pauw  (ôpcvo-.a'.  Sophianus). 

On  le  voit,  cette  édition,  fruit  du  travail  combiné  de  deux  savants  de 


328  hEVUi:    CRITIQUE 

grand  mérite,  MM.  Vitelli  et  Wecklein,  fournit  une  base  large  et  solide 
à  tous  ceux  qui  voudront  désormais  s'occuper  d'Eschyle  :  elle  rend  un 
immense  service  à  tous  les  philologues  qui  se  proposeront  de  travailler 
dans  cette  direction  ou  de  se  rendre  compte  du  travail  d'autrui,  et  elle 
devra  trouver  place  dans  la  bibliothèque  des  hellénistes  qui  ne  se  con- 
tentent pas  du  plaisir  de  lire  les  grands  poètes,  mais  veulent  connaître 
l'origine  et  la  légitimité  des  textes  les  plus  répandus. 

Henri  Weil. 


73.  —  Kpîg'.-Mphîe  antique  «le  la    Gascogne,    par    M.    Jean-François  Bladk, 
correspondant  de  l'Institut,  i883.  Bordeaux,  ChoUet,  in-8  de  xvi-222  p. 

Les  inscriptions  de  la  Gascogne  sont  parmi  les  plus  intéressantes  de 
la  Gallia  comata  :  elles  nous  permettent  de  constater  que  les  Aquitains, 
de  tous  les  peuples  de  la  Gaule,  ont  été  le  plus  vite  et  le  plus  complè- 
tement gagnés  par  la  civilisation  romaine.  En  réunissant  ces  textes 
dispersés  dans  une  multitude  de  revues  locales  et  de  brochures  introu- 
vables, M.  Bladé  a  rendu  service  aussi  bien  à  l'histoire  qu'à  l'épigra- 
phie.  Son  travail  a  été  fait  avec  soin  et  conscience  :  il  suffit  de  jeter  un 
coup  d'œil  sur  la  bibliographie  pour  montrer  qu'il  a  tout  dépouillé. 
Les  inscriptions  sont  classées  par  civitates,  ce  qui  est  le  seul  classement 
rationnel.  Les  civitates  qui  ont  fourni  des  inscriptions  à  ce  recueil  sont 
celles  de  la  Novempopulanie,  PAquitaine  primitive  :  la  civitas  Eliisa- 
tium  (Eauze),  Ausciorum  (Auch),  Aquensium  (Dax),  Lectoratium  (Lec- 
toure),  la  civitas  Tiirba  (Tarbes),  la  civitas  Elloronensium  (Oloron); 
M.  B.  a  négligé  à  dessein  les  inscriptions  de  la  civitas  Consorannorum 
(le  Conserans)  et  de  la  civitas  Convenarum  (le  Comminges)  qui  entreront 
dans  ïEpigraphie  des  Pyrénées  de  M.  Julien  Lacaze;  les  civitates 
Boatiiim,  Benarnensiiim^  Vasatica,  Aturensiiim  n'ont  malheureuse- 
ment rien  donné.  L'auteur  a  ajouté  à  son  travail  qui  a  pour  objectif  la 
Gascogne  plus  que  la  Novempopulanie  les  inscriptions  des  Nitiobriges 
(Agen) 

L'ordre  des  différentes  parties  de  cette  étude,  la  lecture  exacte  et  sin- 
cère des  inscriptions,  les  traductions  qui  en  sont  données,  font  du 
travail  de  M.  B.  un  recueil  épigraphique  précieux  à  plus  d'un 
égard.  Remercions  en  particulier  l'auteur  du  soin  qu'il  a  pris  à  dé- 
pouiller les  manuscrits  de  Baumesnil  et  d'avoir  fait  bonne  et  décisive 
justice  de  ses  misérables  inventions.  Au  moins,  après  le  livre  de  M.  B., 
n'aurons-nous  pas  à  attendre  des  publications  étrangères  pour  «  net- 
toyer l'épigraphie  aquitaine  »,  une  des  plus  encombrées  de  faussaires 
qui  ait  existé.  M.  B.  a  donc  fait,  en  écrivant  cet  ouvrage,  non  pas  seu- 
lement oeuvre  d'épigraphiste,  mais  aussi  œuvre  de  patriote  '. 

I.  Au  sujet  de  la  fameuse  inscription  d'Hasparren  et  du  vers  : 
Pro  novem  optinuit  popiiUs  sejungere  Gallos, 


d'histoire    et    V)K    LITTKf'.ATCrîE  329 

-  ,_  CtSiîîVfes  noctîqnies  tîe    «BsiCtîMc»    Eïêii-eaïis    E'oîlevîaî,    avec  préface, 

notes  et   glossaire,  par  J.  Hovyn    de   Tranchére    et    il.  Guyet.  Paris,    Jouaust, 
iS83.  Prix  :   II   f. 

On  ne  sait  presque  rien  sur  Jacques  Béreau,  pas  même  les  dates  cer- 
taines de  sa  naissance  et  de  sa  mort.  Il  est  cependant  probable  qu'il 
naquit  aux  environs  de  ib3o  et  qu'il  survécut  peu  à  Timpression  de  ses 
œuvres  qu'il  publia  en  i  565,  à  Poitiers.  Ce  qui  est  bien  certain,  puisque 
nous  tenons  de  lui-même  ce  renseignement,  c'est  que,  jeune  encore,  il 
se  rendit  dans  cette  ville  pour  y  étudier  le  droit,  à  la  prière  de  ses  pa- 
rents et  amis  qui  le  sollicitaient  «  a  eslire  pour  principal  labeur  et  oc- 
cupation restude  de  la  jurisprudence  ».  Mais  l'amour  de  la  maison 
paternelle  et  le  regret  de  ses  belles  campagnes  le  rappelèrent  bientôt  à 
Burbure  où  le  «  petit  Loy  »  prend  sa  source,  et  lui  firent  sans  doute 
négliger,  puis  oublier  tout  à  lait  «  les  lois  césariennes  w,  car  on  le  voit 
dépenser  tout  son  temps  «  à  lire  les  poètes  grecz  :;t  latins  »,  à  faire  des 
vers  à  leur  imitation.  On  rencontre,  en  effet,  à  chaque  page  des  dix 
églogues  qu'il  a  composées,  des  réminiscences  et  des  traductions  de 
Virgile;  les  Bucoliques,  les  Géorgiques  surtout,  «  le  plus  acomply  ou- 
vrage de  poésie  »,  disait  Montaigne,  étaient  sou  livre  de  chevet.  Mais 
son  imitation  est  loin  d'être  un  esclavage;  voyez  plutôt  ce  qu'il  fait  de 
ce  seul  vers  de  Virgile,  «  Alba  ligust7'a  cadwit^  vaccinia  nigra  legun- 
tur  »  : 

Vray  est  Phillis,  que  le  peuple  commun 

Dit  que  tu  as  un  petit  le  teint  brun  ; 

Mais  ne  sçait-il  les  plus  belles  fleurettes 

Par  les  jardins  estre  toutes  brunettes? 

Voilà  ce  qui  s'appelle  démarquer  gentiment  le  linge  d'autrui  pour  se 
l'approprier.  Si,  comme  son  poète  favori  Virgile,  il  fait  l'éloge  de  la  vie 
des  champs,  il  nous  transporte  au  beau  milieu  du  pays  qu'il  habite.  Ce 
n'est  plus  le  rude  paysan  Sabin  que  nous  avons  sous  les  yeux,  mais  «  le 
bon  Villageois  »  du  Bocage  qui  tantôt  dans  son  jardin  plante  pour  son 
usage  sauges  et  «  lizobiers  »,  tantôt  s'amuse  à  enter 

Dedans  ses  sauvagcaux  un  poignant  ciiateignier. 
Un  poirier,  un  pommier,  un  guindoux,  un  prunier. 

Il  décrit  la  chasse  et  la  pêche  en  homme  qui  en  connaît  toutes  les  ru- 
ses et  en  savoure  tous  les  plaisirs;  il  raconte  comment  on  prend  le  bro- 


M.  Mommsen  écrit  deux  lettres  à  M.  Eladé;  dans  la  i«,  p.  79,  il  interprète  ut  Galli 
se  jungercnt  novcm  populis,  «  Vérus  obtint  de  l'empereur,  en  faveur  de  la  Novem- 
populanie,  que  le  diocèse  des  Gaules  y  fut  adjoint  »  ;  —  il  accepte,  dans  la  s''*, 
p.  211.  l'ancienne  interprétation,  '.it  imperator  a  novcm  populis  Gallos  sejungerct, 
M  Verus  obtint  de  la  cour  de  Rome,  en  faveur  de  la  Novempopulanie,  qu'elle  fut 
séparée  des  Gaulois  ».  Cette  dernière  explication,  qui  est  le  seul  légitime,  a  reçu 
droit  de  cité  dans  le  tome  V,  récemment  paru,  p.  88,  de  la  Rœmische  Geschichîe 
de  M.  Mommsen,  qui  traduit  ainsi  le  vers  : 

Wirkle  dem  Nemtgau  ans  vom  ihm  ^u  scheiden  die  G.v.ler. 


33o  REVUE    CRITIQUE 

cher,  le  dard  ou  le  barbeau,  et  ne  nous  laisse  pas  ignorer  que  de  son 
temps,  comme  aujourdMiui  encore,  les  braconniers  vendéens  prenaient 
avec  «  l'araigne  »  perdrix,  merles  et  mauvis.  Ses  bergers,  qu'il  appelle 
«  Perot  et  Jaquet  ■>•>,  n'en  déplaise  à  Boileau,  fredonnent  sur  leurs  pi- 
peaux, quand  ils  se  disputent  le  prix  du  chant,  des  vers  qui  ne  sont  pas 
plus  «  gothiques  «  que  ceux  de  Ronsard  : 

Si  quelquefois,  assise  à  l'ombre  d'un  buisson, 
Ma  bergère  est  chantant,  la  gentille  allouctte. 
Ravie  incontinent,  devient  toute  muette, 
Et  se  taist  pour  oyr  sa  divine  chanson. 

Il  a  traduit  quelquefois  tel  passage  de  Virgile  ou  d'Ovide  avec  un  rare 
bonheur  d'expression,  avec  un  sentiment  exquis  de  l'harmonie  : 

Heureux  fleuves  de  laict  et  de  miel  couleront, 
Et  les  chesnes  encor  le  roux  miel  sueroni. 

Je  ne  crois  pas  que  le  vers  d'Ovide  «Flavaque  de  viridi stillabant  ilice 
niella  »,  ou  celui  de  Virgile  «  Et  durœ  quercus siidabunt  roscida  mella  », 
ait  jamais  été  mieux  rendu.  Laissant  de  côté  la  paraphrase  un  peu  en- 
fantine de  Marot,  «  Et  le  doux  miel,  dont  lors  chascun  goustoit,  |  Des 
arbres  vertz  tout  jaulne  degqutoit  »,  je  trouve  que  le  vers  de  Ronsard 
lui-même,  «  Le  miel  distillera  de  l'ecorce  des  chesnes  «,  n'est  pas  à  com- 
parer avec  celui  de  Jacques  Béreau  qui  ferait  envie  à  nos  meilleurs 
poètes  modernes. 

Il  serait  aisé  de  recueillir,  dans  nos  poètes  du  xvi''  siècle,  bien  des 
passages  comme  celui-ci,  et  utile  d'en  enrichir  nos  éditions  classiques 
de  Virgile,  d'Horace,  d'Ovide.  Nos  élèves  trouveraient  maintes  fois 
d'admirables  leçons  de  traduction  dans  cette  langue  pleine  de  sève  et 
de  verdeur,  et  qui,  par  cela  même,  plaît  davantage  à  la  jeunesse. 

Jacques  Béreau  aime  les  mots  qui  sentent  le  terroir  natal,  et,  comme 
s'il  eût  connu  la  recommandation  que  Ronsard  faisait  à  ses  contempo- 
rains, il  ne  laisse  pas  perdre  «  ces  vocables  qui  sentent  le  vieux,  mais  le 
libre  et  le  françois  ».  Ces  mots  comme  areau,  charrue,  chapiiser,  tail- 
ler du  bois,  reciene,  rassasié,  (recie  =  repas,  est  encore  usité  dans 
le  Poitou),  arbrere,  bouquet  d'arbres,  guindoiix ,  sorte  de  cerisier, 
terme  qu'on  a  vu  plus  haut  et  qui  manque  en  ce  sens  dans  GoJefroy, 
donnent  à  sa  langue  une  saveur  originale. 

Outre  les  Eglogues,  ce  volume  contient  encore  quelques  odes,  des 
chansons,  deux  imitations  d'Ovide,  «  le  Ravissement  d'Hyllas,  l'his- 
toire d'Hyppomene  et  d'Atalante  »,  une  assez  longue  complainte  sur  les 
guerres  civiles  qui  déchirent  la  France,  et,  au  xvi"  siècle  cela  est  inévita- 
ble, une  trentaine  de  sonnets  qui  ne  valent  ni  plus  ni  moins  que  tous 
ceux  des  poètes  de  ce  temps.  Du  Bellay  excepté.  En  somme,  Jacques 
Béreau  n'a  pas  eu  la  chance  des  Claude  Buttet,  des  Jean  Doublet,  quoi- 
qu'il ne  leur  soit  pas  inférieur  :  son  nom  ne  brille  pas  dans  les  vers  de 
Ronsard,  et  dans  «  cette  flotte  de  poètes  que  produisit  le  règne  de  Henri 
deuxième  »,  et  que  passe  en  revue  Est.  Pasquier,  il  n'est  pas  nommé 


d'histoire  et  de  littérature  33 I 

davantage.  L'élégant  éditeur  Jouaust,  en  réimprimant  pour  les  biblio- 
philes le  vieux  poète  poitevin,  a  réparé  l'injustice  du  sort. 

A.  Deleouelic. 


VARIÉTÉS 


Uiîf    îetli-4.'    inédite   <lu  comte  «5«'    Eîfogïîe,    îsmliassadocf    <io    S't-niice 
à   Londres,  sui*  In  puîjlioîat ion  de  lu  Henri;«!Î<-. 

Lorsque  Voltaire,  après  sa  seconde  Bastille,  dut  quitter  La  France 
pour  se  réfugier  en  Angleterre  (1726":,  il  y  retrouva  son  ami,  lord  Bo- 
iingbroke,  Tancien  ministre  de  la  reine  Anne,  avec  qui  il  s'était  lié, 
pendant  le  temps  d'exil  que  l'homme  d'état  philosophe  avait  dû  passer 
dans  notre  pays.  Il  reçut  de  lui  le  meilleur  accueil.  Bolingbroke  qui 
était  «  amy  zélé,  dangereux  ennemy  '  »,  s'empressa  d'introduire  Vol- 
taire, 'banni  à  son  tour,  dans  la  haute  société  anglaise,  et,  ce  qui  ne  fut 
pas  moins  précieux  à  notre  compatriote,  dans  la  société  littéraire  de 
Londres.  Voltaire  connut  ainsi  Svvilt,  Pope,  Gay  et  beaucoup  d'autres. 

Un  fait  qui  n'a  jamais  été  relevé  est  celui-ci  :  l'exilé,  qui  se  disait 
justement  à  son  départ  «  très  bien  recommandé  dans  ce  pays-là  %  » 
s'était  muni,  avant  de  passer  la  Manche,  de  lettres  pour  l'ambassadeur 
de  France.  Elles  lui  avaient  été  données  par  le  comte  de  Morville,  mi- 
nistre des  affaires  étrangères  et  membi-e  de  Tacadémie  ;  celui-là  même  à 
qui  Voltaire  annonçait  un  peu  plus  tard  une  prochaine  visite  de  Swift; 
(toutefois  l'auteur  de  Gulliver  ne  mit  jamais  son  projet  de  voyage  à  exé- 
cution). M.  de  Morville  avait  même  prié  Tenvoyé  du  roi  à  Londres 
de  présenter  Voltaire  aux  ministres  de  la  cour  britannique,  si  bien  que 
notre  compatriote  se  trouva  dans  peu  de  temps  au  mieux  avec  tout  le 
monde,  avec  les  tories  grâce  à  Bolingbroke  et  avec  les  whigs  grâce  aux 
lettres  de  M.  de  Morville,  Walpole  en  particulier  lui  fut  tout  à  fait 
favorable. 

Cette  recommandation  adressée  à  un  ambassadeur  en  faveur  d'un 
banni  n'avait  rien  d'extraordinaire.  Il  n'y  avait  pas  plus  de  honte  à 
cette  époque  d'être  exilé  que  d'être  «  embastillé  »,  et  il  n'était  pas  rare 
de  voir  des  relations  cordiales  et  presque  intimes  s'établir  entre  les 
proscrits  et  le  représentant  du  roi  très  chrétien.  Chassé  de  France  pour 
une  injure  qu'il  dut  expier  pendant  tout  le  reste  de  sa  vie,  Saint  Evre- 
mont  avait  été  reçu  dans  la  familiarité  de  l'ambassadeur  de  son  pays,  et 
celui-ci  ne  manquait  jamais  de  donner  de  ses  nouvelles  à  Louis  XIV  et 
même  de  dire  au  souverain  tout  le  bien  possible  de  l'auteur  de  la  Lettre 

1.  Portrait  de  Bolingbroke  dans  une  note  du  duc  d'Aumont,  ambassadeur  de 
France  à  Londres,  lo  août  1712.  Archives  des  Affaires  étrangères;  Angleterre,  t.  242. 

2,  L.  à  Thiérot.  12  août  1726. 


332  RI',  vu  H.  ch!tiq;;e 


au  marquis  de  Créquy.  Le  chevalier  de  Grammont  n'était  pas  moins 
bien  reçu  du  même  comte  de  Cominges,  qui  poussait  la  bienveillance 
jusqu''àlui  adresser  de  temps  en  temps  des  remontrances  sur  son  incon- 
duite  et  de  paternels  conseils  pour  le  détourner  d'épouser  l'incompara- 
ble mais  peu  fortunée  mademoiselle  de  Hamilton. 

Voltaire  parait  ne  s'être  prévalu  de  ses  lettres  pour  l'ambassadeur 
même,  lequel  était  alors  le  comte  de  Broglie  (depuis  maréchal  et  duc), 
que  dans  une  seule  circonstance.  11  s'agissait  de  la  publication  d'une 
édition  définitive  de  la  Henriade.  Ce  poème  avait  été  déjà  imprimé  à 
cinq  reprises  sur  le  continent;  mais  ces  éditions,  dont  trois  étaient  ^a- 
ife<?5  de  Genève  et  deux  dWmsterdam  {1723-1724),  présentaient  toutes 
des  lacunes.  Voltaire  avait  revu  son  œuvre  et,  depuis  plusieurs  années,  il 
éîait  préoccupé  de  donner  au  public  un  teste  complet  qui  paraîtrait 
«  in-4°,  en  beau  papier,  belle  marge,  beau  caractère  '.  » 

L'occasion  maintenant  était  bonne  %  et  l'auteur  avait  un  double  inté- 
rêt littéraire  et  pécuniaire  à  la  saisir.  Une  mode,  qui  existait  aussi  en 
France',  s'était  éta'olieen  Angleterre  depuis  une  trentaine  d'années  ;  on 
publiait  par  souscription  les  ouvrages  de  Tesprit  un  peu  importants. 
Chez  nos  voisins,  les  auteurs  en  vogue  recueillaient  ainsi  des  sommes  que 
le  produit  des  romans  les  plus  goûtés  de  nos  jours  et  tirés  à  cent  édi- 
tions égale  à  peine.  C'était  une  révolution  complète  dans  les  usages  bri- 
tanniques. Naguère  encore,  le  Paradis  perdu,  qui  cependant  avait  été 
publié  avec  grand  succès,-  bien  que  Voltaire  ait  assuré  le  contraire,  avait 
rapporté  en  tout  dix-huit  livres  sterling  tant  à  Milton  qu'à  sa  veuve. 
Depuis,  pour  sa  traduction  de  Virgile  publiée  par  souscription  en  1697, 
Dryden  avait  reçu  douze  cents  livres  ;  Pope  pour  sa  traduction  de 
l'Iliade  et  de  ï Odyssée  avait  touché  près  de  neuf  mille  livres;  Prior, 
pour  un  volume  de  poésies,  quatre  mille  livres;  Gay  allait  en  gagner 
mille  par  la  publication  d'une  seule  comédie,  Polly  qui,  il  est  vrai, 
avait  été  interdite  à  la  scène. 

Voltaire,  pressé  par  des  besoins  d'argent  d'autant  plus  criants  qu'il 
était  privé  de  ses  pensions  et  que,  dès  son  arrivée  à  Londres,  la  faillite 
du  juif  d'Acûsia  lui  avait  fait  perdre  vingt  mille  francs,  voulut  profiter 
de  cet  engouement  pour  les  choses  de  l'esprit  et  réaliser  une  idée  qu'il 
avait  eue  déjà  avant  son  exil  ''.  11  annonça  donc  une  belle  édition  in-4° 
de  la  Henriade^  avec  gravures,  et  se  mit  en  devoir  de  recueillir  des  sous- 
criptions; elles  étaient  d'une  guinée  par  exemplaire.  Une  curieuse  lettre 

1.  L.  à  Thicriot,  i7  oct.  1725. 

2.  Voltaire  avait  eu  soin  de  préparer  le  terrain  en  publiant  à  Londres,  peu  avant, 
pour  se  faire  mieux  connaître,  deux  essais  en  anglais  :  Ayi  essay  iipon  the  civil 
ivars  of  France  extracted  from  ciirious  mss.  and  also  iipon  the  epick  poetry  of  the 
european  nations  from  Homer  doivn  to  Milton,  by  M.  de  Voltaire,  Londres,  1727,  8°. 

3.  Elle  avait  été  importée  d'Angleterre  dans  notre  pays  :  «  Tout  le  monde  sait, 
écrit  l'abbé  Prévost,  dans  son  Pour  et  Contre,  que  c'est  à  Londres  que  la  méthode 
des  souscriptions  a  pris  naissance.  »  Le  Pour  et  Contre,  nombre  VI. 

4.  L.  à  Tiiicriot,   17-22. 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  0  0  :> 

qu'il  adressa  dans  ce  temps  à  Swift  et  qui  figure  à  su  correspondance 
générale  montre  qu'il  mit,  comme  il  était  légitime,  ses  amis  littéraires 
à  contribution  ;  il  prie  Swift  «  de  faire  usage  de  [son]  crédit  en  Irlande 
pour  procurer  quelques  souscripteurs  à  la  Henriade,  qui  est  achevée  et 
qui,  faute  d'un  peu  d'aide,  n'a  pas  encore  paru  ",  » 

Il  fit  appel  aussi  à  ses  amis  politiques;  Walpole  prit  en  mains  ses 
intérêts  avec  beaucoup  d'ardeur  et  Bolingbroke  s'occupa  de  même  très 
efficacement  de  ce  poème,  dont  il  avait  été  «  intiniraent  satisfait  »  lors- 
que Voltaire  lui  en  avait  apporté  la  première  ébauche,  à  son  château  de 
la  Source  en  Touraine  (1722). 

Enfin  Voltaire  s'était  recommandé  au  représentant  de  la  France  et 
l'avait  prié  de  lui  trouver,  à  son  tour,  des  souscripteurs.  L'ambassadeur 
qui,  avant  de  venir  négocier  à  Londres,  s'était  beaucoup  plus  occupé  de 
guerre  que  de  littérature,  fut  assez  embarrassé,  car  il  ne  savait  pas  trop 
si  le  poème  en  question  était  de  tout  point  recommandable.  Il  en  référa 
au  Ministre  des  Afïaires  étrangères  de  France  et  lui  demanda,  sur  l'œu- 
vre de  Voltaire,  des  explications  et  éclaircissements,  par  la  lettre  suivante 
qui  figure  dans  sa  correspondance  officielle  et  qui  est  demeurée  jusqu'à 

ce  jour  inédite. 

«  A  liondres,  le  3  mars  1727. 
«  Monsieur, 

a  Le  S.  de  Voltaire,  que  vous  m'auez  fait  l'honneur  de  me  recom- 
mander et  pour  lequel  vous  m'auez  addressé  des  lettres  de  recommanda- 
tion pour  les  ministres  de  cette  cour,  est  prêt  à  faire  jmprimer  à  Londres, 
par  souscriptions,  son  poème  de  la  Ligue.  Il  me  sollicite  de  lui  procurer 
des  souscriuants  et  M.  de  Walpole  s'employe  de  son  côté  tout  de  son 
mieux  pour  tacher  de  luy  en  faire  auoir  le  plus  grand  nombre  qu'il  sera 
possible  ;  je  serois  très  aise  de  luy  faire  plaisir,  mais  comme  je  n'ay 
point  veu  cet  ouurage  et  que  je  ne  sais  point  si  les  additions  et  sous- 
tractions qu'il  dit  auoir  fait  à  celui  qu'il  a  donné  au  puplic  à  Paris,  ni 
les  planches  grauées  qu'il  en  a  fait  venir  pour  l'enrichir  seront  ap- 
prouuées  de  la  Cour,  je  luy  ay  dit  que  je  ne  pouuois  m'en  mesler  qu'au- 
tant que  vous  l'auriez  pour  agréable.  Je  crains  toujours  que  des  auteurs 
françois  ne  veuillent  faire  vn  mauuais  vsage  de  la  liberté  qu'ils  ont  dans 
vn  pais  comme  celuy-cy  d'écrire  tout  ce  qui  leur  vient  dans  l'jmagina- 
tion  sur  la  Religion,  le  Pape,  le  Gouuernement  ou  les  personnes  qui  le 
composent.  Ce  sont  des  licences  que  les  poètes  particulièrement  se 
croyent  toujours  en  droit  de  se  donner  sans  s'embarrasser  de  prophaner 
ce  qu'il  y  a  de  plus  sacré.  Et  s'il  se  trouuoit  quelque  chose  de  pareil 
dans  ce  poème,  jj  ne  voudiois  pas  être  dans  le  cas  d'essuyer  le  reproche 
que  j'y  aurois  souscrit  et  engagé  des  gens  à  y  souscrire.  Je  vous  supplie 
très  humblement,  Monsieur,  de  vouloir  bien  me  mander  la  conduite 
que  je  dois  tenir  à  ce  sujet;  je  me  conformeroy  à  ce  que  vous  me  feres 
l'honneur  de  me  prescrire. 

I.  14  déc.   T727. 


334  nEVtlK    CRITIQUE 

tt  J'ay  ccluy  d'être,  auec  vn  très  sincère  et  très  parfait  attachement, 
Monsieur,  votre  très  liumbe  et  très  obéissant  seruiteur. 

«  Broglie  '.  » 

Cette  grande  circonspection  du  capitaine  diplomate  n'était  que  trop 
Justifiée.  Dans  aucun  temps,  les  produits  de  la  presse  n'avaient  été  sur- 
veillés en  France  d'un  esprit  plus  jaloux.  Voltaire  le  savait  bien,  qui 
s'était  déjà  vu  refuser  le  privilège  pour  cette  même  Henriade  et  avait 
dû  en  faire  transporter  secrètement  les  exemplaires  de  Rouen  à  Paris  : 
«  L'esprit  de  petitesse  et  de  minutie,  écrivait-il  peu  après,  est  venu  au 
point  que  Ton  ne  peut  plus  imprimer  que  des  livres  insipides.  Les  bons 
auteurs  du  siècle  de  Louis  XIV  n'obtiendraient  pas  de  privilège.  Boileau 
et  La  Bruyère  ne  seraient  que  persécutés.  Il  faut  donc  vivre  pour  soi 
et  pour  ses  amis  et  se  bien  donner  garde  de  penser  tout  haut,  ou  bien 
aller  penser  en  Angleterre  ou  en  Hollande  -.  »  L'épopée,  comme  Ta 
observé  M.  Desnoiresterres,  avait  été  Jugée  «  janséniste  »  et  «  semi-péla- 
gienne  »  ;  l'éloge  de  l'hérétique  Elisabeth  et  du  chef  huguenot  Coligny 
avait  révolté  aussi  les  âmes  pieuses.  Quant  aux  gravures  du  nouveau 
texte,  s'il  n'y  avait  rien  à  dire  à  celles  qui  représentaient,  par  exemple, 
«  Henri  IV  au  naturel,  sur  un  trône  de  nuages,  tenant  Louis  XV  entre 
ses  bras  '  »,  etc.,  il  n'en  était  pas  de  même  de  plusieurs  autres  ou  l'au- 
teur semblait  avoir  pris  plaisir  à  ne  faire  paraître  les  moines  que  dans 
des  rôles  d'assassins.  Le  comte  de  Broglie  s'abstint  donc  de  souscrire  au 
poème;  son  nom  ne  figure  pas  sur  la  liste,  et  la  Henriade  expédiée  en 
France  à  l'adresse  d'un  certain  nombre  de  souscripteurs  de  notre  pays 
fut  saisie  au  débarqué  par  l'autorité. 

On  sait  que  la  souscription  n'en  réussit  pas  moins  bien  en  Angleterre. 
A  côté  du  nom  de  plusieurs  collègues  du  comte  de  Broglie  dans  le 
corps  diplomatique  étranger,  on  voit  figurer  dans  le  tableau  placé  en 
tête  du  volume  le  nom  d'une  foule  d'honorables  et  de  très  hono- 
rables lords,  comtes,  ducs  et  duchesses,  enrôlés  évidemment  par  Bo- 
lingbroke,  Walpole  et  les  autres  puissants  amis  de  Voltaire.  Beaucoup 
de  gens  de  lettres  ont  place  aussi  dans  ce  brillant  cortège,  notamment 
Swift,  Tickell,  Cibber,  Berkeley,  lady  Marie  Wortley  Montagu,  Con- 
greve,  etc.  Il  est  curieux  de  constater  que  Swift  dut  s'employer  de  son 
côté  avec  beaucoup  de  zèle  pour  notre  compatriote.  Le  nombre  des 
hauts  fonctionnaires  irlandais  compris  dans  la  liste  en  est  la  preuve;  on 
y  trouve  le  lord  primat,  le  lord  lieutenant,  le  lord  chancelier,  l'un  des 
lords  chiej  justice,  le  lord  chief  baron  de  l'échiquier,  etc.  d'Irlande. 
Enfin,  le  roi  George  et  la  reine  Caroline,  «  the  virtuous  consort,  avait 
écrit  Voltaire  dans  sa  dédicace,  of  a  King  who,  among  so  many  crowned 
heads  enjoys,  almost  alone,  the  inestimable   honour  of  ruling  a  free 

1.  Archives  des  Affaires  étrangères,  Angleterre,  Correspondance  officielle,  t.  358. 

2.  L.  à  M.  de  F'ormont,  1734. 

3.  L.  à  Thiériot,  11  sept.  1722. 


D'uiSTOlRIi    KT    DK    LIlTÉRATUUF, 


135 


nation,  »  patronnèrent  hautement  l'œuvre  du  proscrit.  Elle  eut  trois 
éditions  en  trois  semaines  et  les  sommes  que  recueillit  alors  Voltaire 
furent  le  premier  commencement  sérieux  de  sa  richesse,  c'est-à-dirc  de 
son   indépendance. 


.T.    J.     JUSSEKAND. 


THÈSES  DE  DOCTORAT  ES  LETTRES 

Faculté  dks  lettres  de  Paris 


Soutenance  de  K3.  Kloniii. 

I.  De  unitate  relifiionis  homericae  in  Iliade.  H.  Monin.  Hachette,  1884,  in-8.  yS  pp. 

li.  Essai  sur  Vliistoire  administrative  du  Languedoc  pendant  f Intendance  de  Bas- 
ville  (16^0-1  jig).  H.  Monin,  ancien  élève  de  l'Ecole  normaje  supérieure, 
professeur  au  lycée  de  Montpellier.  Hachette,  1884,  in-8.  400  pp. 

1 

M.  Monin  a  cru  découvrir  dans  VIliade  les  traces  d'une  conception  jusqu'ici  né- 
gligée par  les  historiens  de  la  religion  grecque.  11  pense  qu'à  une  certaine  époque 
du  développement  de  cette  religion,  a  dû  se  former,  comme  chez  les  Latins,  la 
conception  du  numen.  C'est  là  ce  qu'il  a  entrepris  de  démontrer  dans  sa  thèse, 

M.  Himly  ne  prend  la  parole  que  pour  demander  à  M.  M.  son  opinion  sur  la  ques- 
tion de  l'existence  d'Homère,  question  que  M.  M.  avait  écartée,  pour  ne  s'occuper 
que  de  Y  Iliade  telle  qu'elle  est. 

M.  Croiset  s'attaque  à  la  thèse  elle-même.  Les  idées  qu'elle  renferme  sont  telle- 
ment subtiles  et  délicates,  qu'au  premier  abord  on  ne  comprend  pas  bien;  au  second 
on  croit  bien  comprendre  ;  puis  la  construction  et  l'enchaînement  des  idées  sont  si 
ingénieux,  mais  si  subtils,  qu'on  oublie  de  nouveau.  On  se  demande  si  l'idée  que 
s'est  faite  M.  M.  de  la  religion  homérique  est  tout  à  fait  nette.  Le  titre  de  la  thèse 
n'est  pas  bien  clair.  Qu'est-ce  que  l'unité  de  la  religion  homériquei'  Est-il  néces- 
saire de  l'admettre  à  priori?  M.  l\.  étudie  aussitôt  la  nature  de  cette  unité  sans  se 
demander  si  elle  existe.  —  Voici  comment  s'explique  M.  Monin.  S'il  y  a  eu  unité 
d'action  (primordiale  ou  finale)  il  est  nécessaire  que  les  Dieux,  acteurs  principaux, 
aient  une  existence  conforme  à  un  principe  qui  n'est  ni  métaphysique  ni  réfléchi, 
mais  issu  de  la  conception  du  divin.  Au  premier  abord,  ce  principe  unique  n'ap- 
paraît pas.  On  trouve  dans  le  Panthéon  grec  des  divinités  naturalistes,  des  mortels 
déifiés  par  apothéose  (l'anthropomorphisme  ne  s'explique  complètement  que  par  le 
naturalisme  et  l'apothéose),  et,  déjà  dans  Homère,  des  personnifications  d'abstrac- 
tions. —  Mais,  si  diverses  que  soient  ces  origines,  est-il  possible  qu'il  y  ait  une 
unité  historique  ou  littéraire,  sans  un  point  central  religieux.  Or,  on  ne  peut 
faire  de  l'une  de  ces  catégories  le  centre  ou  l'origine  des  autres.  —  C'est  ici  que 
M.  M.  introduit  son  hypothèse;  dans  le  numen,  conception  généralement  attribuéeaux 
Latins,  «dans  cette  force  précise,  sans  forme  précise,  »  il  trouve  l'unité  qui  lui  man- 
que. Comme  on  le  voit,  c'est  ici  le  résultat  d'un  effort  de  réflexion  personnelle  très 
tenace;  car,  chez  ses  devanciers,  AL  M.  n"a  pu  trouver  qu'une  note  très  brève  et 
très  vague  de  Schœmann,  où  celui-ci  parle  du  numen  divinum  qui,  chez  Homère, 


336  REVUE    CRITIQUE 

apparaît  SOUS  forme  humaine.  —  Tout  cela  est  très  condensé,  très  difficile  à  saisir; 
et  M.  Croiset   résume  très  heureusement  la  théorie;  les  dieux  sont   issus  de   trois 
sources  :  forces  matérielles,  forces  morales,  idées  générales  ou  forces  intellectuelles, 
pour  devenir  des  divinités  anihropomorphiques.  Dans  chacun  de  ces  cas,  entre  le 
point  de   départ   et  le  point  d'arrivée,  il  existe  un  intermédiaire,  le  numen.  Donc 
l'unité  n'existe  ni  au  point  de  départ,  ni  au  point  d'arrivée;  elle  est  dans  le  procédé 
d'évolution;  c'est  une  unité  subjective,  avoue  lui-même  M.  Monin.  Mais  si  M.  M.  a 
voulu   seulement  démontrer  qu'ils  ont  toujours   passé   par   la  force,  ce   n'est  pas 
montrer  grand  chose.  Il  est  presque  évident  que  l'esprit  passe  de  l'indéterminé  au 
déterminé.  Heureusement  M.  M.  ne  s'est  pas  borné  là  ;  cette  grande  application,  cette 
intensité  de  réflexion  n'est  pas  restée  vaine;  et  dans  les  détails  il  a  fait  une  toule 
d'observations  intéressantes;  en  cherchant  à  suivre  l'effacement   du  numen    devant 
le  Dieu,  à  déterminer  dans  quels  dieux  cette  notion  avait  disparu,  chez  quels  dieux 
elle  avait  subsisté,  il  a  été  très  utile;  mais  ce  n'est  pas  là  ce  qu'annonce  le  titre.  — 
Pourtant,  même  sur  ce  point,  M.  M.  a  tout   naturellement  été  poursuivi  de  l'idée 
fixe  du  numen.  II  interprète  (pp.  i3-i4)  la  langue  des  Dieux  dont  parle  Homère,  et 
le  double  vocabulaire  usité  pour  certains  objets  (Xanthe  et  Scamandre,    par  exem- 
ple) par  cette  hypothèse  ;  qu'un  des  mots   désigne  l'objet  et   l'autre  le  numen  de 
l'objet.  Toute  cette   explication   ne  peut  s'appliquer   qu'à  deux  exemples  sur  six. 
M.  Croiset  explique  plus  simplement  et  plus  finement  que  la  langue  des  Dieux  est 
composée  des  restes  de  vieilles  formules   religieuses,   tombées  en   désuétude;  et, 
remarquant  que    ces   mots   sont  ou    des  épithèies,    ou   des    périphrases,   toujours 
plus  claires  que  la  langue  des  hommes,  il  en  conclut  que  la  langue  des  dieux,  bien 
qu'oubliée,  est  relativement  moderne,  et  que  celle  qu'on  n'oublie    pas  et  qui  reste 
toujours  en  usage  est  au  contraire  la  langue  usuelle  qui  remonte  plus  haut.  —  De 
même   (p.    i5)   lorsqu'il    s'agit  d'expliquer  pourquoi,   dans   l'esprit  des   Grecs,   les 
hommes  vont  en  déclinant,  les  dieux  en  grandissant,  M.  M.  l'explique  par  un  pro- 
grès intime  du  sens  religieux.  Il  distingue  d'une  part  la  force  divine,  idée  simple 
analogue  à  l'idée  de  cause,  et,  d'autre  part,  l'expression  de  cette  force.  Si  l'expres- 
sion était  fixe,  le  sentiment  religieux  irait  se  blasant;  il  s'exalte  par  les  transfor- 
mations de   l'expression;  et  les  dieux  grandissent  à  mesure  que  l'esprit  distingue 
mieux  le    numen  et   l'expression.    M.  Croiset  fournit   encore  une  explication   plus 
simple.  Ouranos  et  Chronos  n'ont  pas  d'existence  religieuse  bien  déterminée  avant 
Zeus,  Zeus  est  le  premier  dieu;  il  a  ses  racines  dans  le  passé  le  plus  lointain;  mais 
on  s'est  dit  qu'il  devait  avoir  un  père  et  on  lui  a  fait  une  généalogie.  Or,  Zeus  seul 
vivait  dans   l'âme   religieuse,  on  supposait  ses  ancêtres  chassés  ou  détrônés.  Pour 
les  hommes,  au  contraire,  on  partait  de  la  réalité  misérable  comparée  aux  triom- 
phantes légendes  du  passé.  Enfin  (p.  36),  M.  M.  retrouve  encore  le   numen  dans 
l'expression  O'.ovévrjç  et  les  expressions  du  même  genre  si  souvent  appliquées  aux 
personnages  de  Ylliade. 

M.  J.  Girard  corrige  la  thèse  et  présente  un  grand  nombre  d'observations  de 
détail.  Il  ajoute  que  ce  qui  l'a  toujours  frappé,  c'est  cette  force  de  l'esprit  grec,  qui 
arrive  à  faire  un  ensemble  harmonieux  d'idées  puisées  à  toutes  les  sources.  M.  M,  a 
beau  vouloir  les  disloquer,  tout  cela  se  tient.  Une  analyse  comme  celle  de  M.  M.,  qui 
exclut  les  éléments  principaux,  n'avancera  pas  beaucoup  l'intelligence  d'Homère. 
M.  J.  Girard  sait  gréa  un  historien  d'avoir  lu  Homère,  il  regrette  qu'il  l'ait  mal  lu. 
M.  Bouché-Leclercq  ne  peut  déterminer,  après  avoir  lu  la  thèse,  à  quelle  école 
appartient  M.  Monin.  Il  semble  être  de  ceux  qui  croient  à  un  monothéisme  religieux 
originaire,  désagrégé  par  «  des  maladies  du  langage  »,  pour  former  le  polythéisme 
d'où,  par  éliminations  successives,  on  aboutit  au  monothéisme  métaphysique.  —  De 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  SSj 

plus,  l'hégélianismc  de  Naegelsbach  a  déteint  sur  M,  M.;  pour  lui,  Tide'e  de  Dieu 
sïï  précise,  s'agrandit  de  plus  en  plus.  —  M.  Bouché-Leclerc  pense  d'une  façon  in- 
verse. Toutes  les  religions  grecques  sont  des  apports;  mais  ces  cultes,  arrivés  à 
l'état  colossal,  informe,  se  sont,  sous  la  main  des  Grecs  affinés,  limités,  rétrécis; 
Zeus  même  se  réduit  à  des  proportions  humaines.  La  Grèce  est  un  atelier  rationa- 
liste où  se  fondent  les  religions  pour  être  réduites  aux  éléments  philosophiques. 
Sauf  les  petites  divinités  naturalistes,  m^al  personnifiées,  sauf  aussi  Zcus  trop  grand 
pour  être  complètement  réduit,  les  autres  dieux  sont  si  déterminés  qu'on  pourrait 
à  volonté  allonger  leurs  légendes,  et  dire,  sans  risquer  d'erreur,  ce  qu  ils  feraient 
dans  telle  circonstance.  En  somme,  la  religion  d'Homère,  est-ce  une  religion  qui  gran- 
dit ou  qui  tomber  M.  M.,  pour  introduire  de  force  son  ninnen  issu  de  la  réfiexion 
philosophique,  a  trop  de  foi  aux  étymologies.  Un  savant  allemand  n'a-t-il  pas  ainsi 
démontré  que  la  mythologie  grecque  est  une  ars  coquinciria  ;  un  autre  a  vu  dans 
l'Iliade  un  traité  d'astronomie.  M.  M.  abuse  aussi  des  expressions  poétiques  pour 
conclure  au  nitmen;  dans  les  délibérations  d'un  homme  avec  lui-même,  de  l'expres- 
sion O'j[xot,  il  tire  la  présence  du  numeii,  L'homme  discuterait  donc  avec  son  nii- 
men;  mais,  dans  ce  cas,  on  place  généralement  l'homme  entre  deux  conseillers. 

Pour  ce  qui  est  du  progrès  des  dieux,  il  ne  faut  pas  oublier  que  le  développement 
s'est  fait  sur  plusieurs  points  d'abord;  quand  on  a  fait  l'unification,  on  s'est  trouvé 
embarrassé  en  face  des  dieux  des  Pélasges;  Hésiode  explique  que  le  Zeus  Pélasgi- 
que  c'est  le  ciel;  c'est  peut-être  là  l'origine  d'Ouranos.  Chronos  fut  introduit  par  les 
Phéniciens.  En  résumé,  la  thèse  repose  sur  une  pointe  d'aiguille.  11  est  difficile  de 
démontrer  la  nécessité  de  la  conception  du  numen.  Les  Grecs  (c'est  leur  originalité) 
ont  été  fidèles  à  l'anthropomorphisme  qu'ils  se  sont  fait.  La  légende  se  développe 
du  type  humain  conçu,  sans  qu'il  soit  besoin  de  nous  rebattre  les  oreilles  des 
tonnerres  et  du  fracas  des  mythologues.  La  thèse  révèle  des  qualités  très  sérieuses, 
mais  ce  sont  celles  de  l'auteur  et  non  de  la  thèse.  L'effort  a  dépassé  le  but. 

II 

Le  titre  de  la  thèse  annonce  beaucoup  plus  qu'elle  ne  tient;  le  nom  de  Basville 
n'est  qu'une  date;  toutes  les  questions  intéressantes,  pour  peu  qu'elles  soient  pas- 
sionnantes, sont  écartées,  et  la  Faculté  veut  des  jugements  sur  les  choses  qui  pas- 
sionnent; il  ne  reste  que  le  fatras  administratif,  telle  est  l'opinion  de  M.  Himly  sur 
la  thèse.  —  Encore  n'est-ce  pas  de  toute  l'administration  qu'il  s'agit,  iM.  M.  n'étudie 
que  la  question  financière;  dans  cette  avalanche  de  détails  pas  une  idée  générale 
n'apparaît;  on  ne  se  fait  pas  une  idée  claire  de  ce  qui  se  passait  en  Languedoc,  de 
ce  que  c'était  que  le  Languedoc;  quelques  brèves  notions  de  géographie  sont  semées 
çà  et  là  'pp.  285-389).  ^^-  ^-  "^  ^'^^^  "£'1  <^'r<i  qu'on  puisse  trouver  ailleurs;  mais 
on  écrit  un  livre  pour  être  lu,  et  le  livre  de  M.  M.  est  illisible;  une  thèse  n'est  pas 
un  assemblage  de  documents.  —  Pourquoi,  si  l'on  ne  prend  l'administration  de 
Basville  que  comme  fournissant  deux  dates,  choisir  ces  deux  dates;  elles  n'ont  rien 
de  caractéristique;  il  eût  fallu  dire  au  moins  où  en  était  l'administration  lorsque 
Basville  est  arrivé.  —  Quant  à  la  date  de  son  départ,  on  ne  sait  si  c'est  17 18  ou  17 19. 
Il  faut  reconnaître  à  cette  thèse  le  mérite  d'un  long  et  minutieux  travail  ;  à  l'auteur 
celui  de  la  perspicacité  dans  les  détails;  il  a  vu  des  choses  qui  n'a\aient  pas  encore 
été  vues,  peut-être  parce  qu'elles  n'existaient  pas. 

M.  B.  Zeller,  à  la  première  lecture  de  la  thèse,  avait  demandé  que  Casville  y 
joiiùt  un  plus  grand  rôle;  M.  M.  s'est  contenté  de  juxtaposer  une  biographie  qui  ne 
lient  en  rien  à  ia  thèse,  il  n'y  a  donc  aucune  unité  dans  cette  étude  :  iCS5  et  1718 
(!a  kcvucatioi/  ci  le  Système  de  Lr.wj  ne  rcpréscnient  rien   au  point  ae  vi;e  du  Lan- 


338  RKVUt    CKllIQOK 

gueJoc.  Il  eut  fallu  montrer  comment  l'administration  est  devenue  désordonnée  à  la 
fin  du  règne  de  Louis  XIV.  Au  reste,  il  ne  s'agit  pas  ici  d'administration  mais 
purement  de  finances.  C'est  que,  répond  M.  M.,  au  xvn'>  siècle  l'administration  n'est 
qu'une  exploitation  dépendant  du  Contrôle  général.  Bref,  répond  M.  Zeiler,  il  ne 
resterait  du  titre  que  le  mot  Essai. 

Il  y  a  contradiction  entre  le  mot  Languedoc  et  le  mot  intendance;  il  n'est  pas 
question  du  Parlement  de  Toulouse.  Les  documents  mêmes  sont-ils  complets  r 
M.  M.  a  vu  aux  Archives  nationales  la  plupart  des  documents  du  Greffe  des  Etats, 
le  règlement  intérieur  des  Etats  ressemble  à  tous  les  autres;  mais  il  y  a  encore  les 
documents  réunis  par  les  soins  des  Etats  et,  après  la  mort  de  D.  Vaissète,  par  son 
continuateur  ;  il  existe  un  recueil  de  cérémonial  et  harangues;  M.  M.  mentionne 
sans  plus,  un  tarif  par  diocèse;  il  en  existe  plusieurs  aux  Archives.  —  Quant  à  la 
division  du  livre,  c'est  la  reproduction  de  la  table  des  matières,  sans  justifier 
celle-ci.  Les  titres  des  chapitres  ne  correspondent  pas  non  plus  à  leur  contenu.  — 
M.  M.  répond  que  sa  division  de  l'administration  financière  est  celle  de  l'époque; 
il  n'y  avait  pas  d'impôt  théoriquement  conçu,  pas  de  conception  générale  qui  per- 
mît de  faire  rentrer  les  impôts  dans  une  classification  moderne.  Il  divise  donc 
en  Impositions  et  en  Fermes  et  en  Dépenses  Extraordinaires;  les  impositions  directes 
en  ordinaires  et  certaines,  et  en  incertaines  et  arbitraires,  c'est-à-dire,  explique 
M.  Zeiler,  qu'il  distingue  la  manière  dont  les  impôts  sont  perçus  avant  de  dire  ce 
que  sont  ces  impôts.  C'est,  répond  M.  M.,  ce  qui  intéresse  le  plus  les  peuples;  et 
s'il  appelle  les  appointements  impositions,  c'est  qu'ainsi  les  appellent  les  comptes. 
M.  Zeiler  passe  ensuite  en  revue  les  titres  des  chapitres,  et  s'efforce  de  démontrer  à 
M.  M.  qu'il  n'a  pas  suivi  un  ordre  rigoureux.  —  M.  M.  a  terminé  par  une  conclu- 
sion générale,  de  haute  métaphysique  qui  ne  ressort  en  rien  de  la  thèse,  où  il  est 
question  pour  la  première  fois  sérieusement  des  Etats,  et  de  la  nécessité  de  la  Ré- 
volution, et  dont  le  dernier  mot  est  «  le  provincialisme  ne  pouvait  plus  rien  faire 
de  national  ».  —  Bref,  du  jugement  de  M.  Zeiler,  ce  travail  n'est  ni  une  thèse  car 
il  ne  renferme  pas  de  positions,  ni  un  livre  car  il  n'est  pas  coordonné. 

M.  Lavisse  adresse  d'une  façon  générale  les  mêmes  reproches  au  candidat;  il  n'a 
pas  fait  le  portrait  de  Basville;  ses  transitions  sont  des  bonds;  il  écrit  trop  souvent 
le  mot  «  philosophe  «;  il  a  tort  de  citer  le  professeur  Charcot  et  de  mettre  en  note 
le  mot  névrose  ;  on  ose,  à  Paris,  juger  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes;  on  ne  trouve 
pas  Basville  dans  l'introduction,  ni  le  Languedoc  dans  le  corps  de  l'ouvrage;  les 
Etats,  les  personnages,  la  vie  provinciale  sont  semés  çà  et  là.  Il  aurait  dû  classer  les 
faits  et  les  personnages  autour  de  Basville  ou  du  Languedoc,  et  se  tenir  dans  la 
zone  intermédiaire  des  idées  générales,  au  lieu  de  se  noyer  dans  le  concret  pout 
faire  ensuite  des  pointes  inexplicables  dans  l'abstrait. 

M.  Bouché-Leclercq ,  déclare  qu'il  a  été  moins  frappé  du  désordre  du  livre,  l'ayant 
commencé  par  la  fin. 

M.  Pigeonneau  le  définit,  un  portefeuille  bourré  de  notes  qu'on  lui  aurait  versé 
sur  la  tête.  M.  M.  lui  a  pourtant  montré  Basville  sous  un  nouveau  jour:  persécuteur 
à  son  corps  défendant,  administrateur  intelligent  qui  s'est  créé  le  moins  d'embarras 
possible. 

M.  Larroumet  signale  plusieurs  détails  négligés, par  Ivl.  Monin,  qui  répond  qu'on 
les  connaît  en  gros.  On  sait  aussi,  réplique  M.  Larroumet,  qu'on  a  toujours  payé 
des  impôts. 


d'histoirk  et  de  littérature  339 

ACADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET   BELLES-LETTRES 


Séance  du  18  avril  188 5. 

M.  Bergaigne  rend  compte  d'une  nouvelle  série  d'inscriptions,  recueillies  au  Cam- 
bodge par  M.  Aymonier,  dont  les  estampages  lui  sont  parvenus  récemment.  Les 
prcc'edentes  recherches  de  M.  Aymonier  avaient  permis  d'établir  plusieurs  points 
importants:  i»  tandis  que  la  seule  religion  aujourd'hui  pratiquée  au  Cambodge  est 
le  bouddhisme,  les  inscriptions  prouvent  que  les  divers  cultes  brahmaniques  y 
étaient  jadis  très  répandus;  2°  la  langue  sacrée  du  Cambodge  était  autrefois  le  sans- 
crit, et  non  comme  aujourd'hui  le  pâli;  3° à  l'aide  des  inscriptions,  on  peut  dresser  la 
liste  chronologique  des  rois  du  Cambodge,  au  moins  depuis  le  vi'  siècle  de  notre 
ère  jusqu'au  xu^,  et  hxer  les  dates  précises  de  chaque  règne;  4°  ces  mêmes  textes 
fournissent  des  données  certaines  pour  déterminer  les  dates  des  monuments  si  im- 
portants de  l'architecture  khmère,  conservés  â  Angkor  et  ailleurs.  Le  nouvel  envoi 
de  M.  Aymonier  présente  un  intérêt  d'un  autre  genre.  Ses  l'echerches  se  sont  éten- 
dues sur  des  régions  qu'il  n'avait  pas  exploitées  encore,  le  cours  supérieur  du 
Mékong  et  le  cours  inférieur  du  Ménam,  au  nord  et  à  l'ouest  des  limites  actuelles 
du  Cambodge.  Il  résulte  des  nouveaux  textes  recueillis  par  lui  que  la  domination 
cambodgienne  s'est  étendue,  autrefois  et  durant  plusieurs  siècles,  au  nord  jusqu'au 
i5"  degré  de  latitude,  à  Bassak,  Sourén,  Korat,  etc.,  dans  le  pays  de  Siam  et  le 
Laos  siamois,  à  l'ouest  jusqu'à  Bangkok  et  aux  environs.  Quelques  inscriptions  prê- 
tent à  des  rapprochements.  Une  d'entre  elles,  relevée  dans  la  province  de  Bassak, 
mentionne  un  roi  Mahendravarman,  qu'on  sait  avoir  été  le  prédécesseur  d'Içanavar- 
man,  qui  régnait  en  626;  elle  dit  que  Mahendravarman,  avant  son  avènement,  por- 
tait le  nom  de  Citrasena.  Or,  les  annales  chinoises  rapportent  qu'en  616  et  617  la 
Chine  reçut  des  ambassadeurs  envoyés  par  un  roi  du  Tchin-la,  appelé  Chi-to-se- 
na.  On  admettait  jusqu'ici,  mais  avec  quelque  doute,  que  le  Tchin-la  des  Chinois 
était  le  Cambodge;  cette  identification  devient  maintenant  certaine,  et  de  plus  on 
voit  que  la  chronologie  chinoise  et  la  chronologie  cambodgienne  se  confirment  ici 
mutuellement.  Un  autre  monument,  trouvé  aux  environs  de  Bangkok,  aux  confins 
de  l'ancien  Cambodge  et  de  Siam,  porte  une  date  qui  répond  à  peu  près  à  l'an 
i36o  de  notre  ère  et  cite  deux  rois,  nommés,  l'un  Râma,  l'autre  Sûryavamça  et  dit 
qu'il  régnait  en  même  temps  que  Râma,  roi  de  Siam.  Beaucoup  d'inscriptions  se 
rapportent  au  règne  de  Jayavarman  VII,  de  1162  à  ii8G  de  notre  ère  :  elles  prou- 
vent qu'à  cette  époque  le  Cambodge,  loin  d'être  déjà  en  décadence,  comme  quel- 
ques indices  l'avaient  fait  supposer,  était  à  l'apogée  de  sa  puissance  et  à  l'époque  la 
plus  brillante  de  sa  civilisation, 

M.  Delaunay  lit,  au  nom  de  M.  Félix  Robiou,  une  Noie  sur  une  double  date 
égypîo-macédonienne  contenue  dans  une  stèle  récemment  acquise  par  le  musée  ae 
Bouldq,  La  stèle  en  question  contient  une  nouvelle  édition  du  décret  de  Memphis, 
dit  de  Rosette,  postérieure  de  quatorze  ans  à  la  première.  Elle  porte  une  date  ainsi 
conçue  :  «  L'an  23,  mois  Gorpiaios,  jour  24^,  correspondant  au  mois  des  Egyptiens 
Pharmouthi,  24"^  jour.  »  Quelques-uns  des  éléments  de  cette  date  semblent  contre- 
dire les  théories  émises  autrefois  par  M.  Robiou  sur  certains  détails  de  la  chrono- 
logie égyptienne.  M.  Robiou  s'attache  à  établir  que  cette  contradiction  apparente 
est  due  à  une  erreur  du  lapicide,  et  qu'ainsi  le  nouveau  texte  n'ébranle  en  rien  son 
système. 

M.  Gasati-commence  une  communication  sur  la  numismatique  étrusque.  Il  étudie 
successivement  les  monnaies  des  différentes  villes  étrusques  :  Netathri,  Volterra, 
Pupluna,  Populonia,  Hat,  Adria,  Tla,  Telamon,  Vatl,  Vetulonia,  Ka,  Camars  ou 
Chiusi,  Tutere,ToiS\,  Ikuvin,  Gnbh'xo,  etc.,  et  il  s'efforce  de  déterminer  l'attribution 
de  diverses  monnaies  qualifiées  incertaines.  Il  insiste  particulièrement  sur  une  mon- 
naie qui  n'a  été  considérée  comme  inconnue,  selon  lui,  que  par  une  erreur  de  lec- 
ture :  au  lieu  de  Peithesa,  qu'on  a  lu  sur  cette  monnaie,  il  faut  lire  Peiresa,  qui  est 
sans  doute  la  forme  étrusque  de  Perusia,  Pérouse.  Dans  une  prochaine  lecture, 
M.  Casati  doit  étudier  les  monnaies  d'or  et  d'argent  et  établir  le  rapport  de  ces 
monnaies  avec  celles  de  bronze. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Egger  :  Houssaye  (Henry),  la  Loi  agraire  à  Sparte 
(extrait  dfe  V  Annuaire  de  l'Association  pour  l'encouragement  des  études  grecques  en 
France)  ;  —  par  M.  Oppert  :  Haerdtl  {^Ed.  von),  Astronomische  Beitrœge  ^ur  assy- 
rischen  Chronologie. 

Julien  Ha  VET. 


340  RKVUK    CRITIQUE    D  HliiTOlUb    Kl    Dt    LIITICUATURE 

SOCIÉTÉ  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE 


Séances  des  /"  et  8  avril  iSS'^. 

PRÉSIDENCE    DE    M.   COURAJOD. 

La  Société  archéologique  de  l'Orléanais  adresse  une  lettre  d'adhésion  au  vœu  for- 
mulé par  la  Société  des  antiquaires  de  France  pour  la  préservation  des  monuments 
anciens. 

Election  d'un  membre  résidant  en  remplacement  de  M.  Mich-jlant  pnssé  dans  la 
classe  des  membres  honoraires.  Les  candidats  sont  M.M.  Collignon  et  Lecoy  de  la 
Marche. 

Après  cinq  tours  de  scrutin  aucun  des  candidats  n'ayant  obtenu  la  majorité  règle- 
mentaue  des  deux  tiers  des  sulîrages  exprimés,  le  scrutin  de  ballottage  est  ajourné 
à  la  première  séance  du  mois  suivant,  6  mai. 

M.  Palustre  présente  une  suite  de  photojjraphies  des  bas-reliefs  en  marbre  blanc 
disposés  extérieurement  autour  de  l'abside  dans  l'église  de  Saint-Paul-Ies-Dax  ;  peut- 
être  proviennent  ils  de  l'ancienne  église  bàiie  dans  le  couranidu  x''  siècle.  Les  sujets 
sont  tirés  de  la  Passion,  sauf  un  seul  qui  reproduit  des  animaux  fantastiques  décrits 
dans  les  anciens  bestiaires;  ces  bas-reliels  sont  comparables  à  ceux  de  Saint-Sernin 
de  Toulouse. 

M.  Julliot  annonce  que  le  trésor  de  la  cathédrale  de  Sens  s'est  enrichi  d'une  col- 
lection d'ornements  pontilîcaux  de  diverses  époques  donnés  par  la  famille  Auguste 
de  Bastard  ;  il  en  fait  circuler  de  très  beaux  dessins  coloriés  de  son  exécution.  On  y 
remarque  une  chasuble  attribuée  à  saint  Ebon,  évéque  de  Sens,  et  une  mitre  ornée 
de  sujets  représentant  le  martyre  de  saint  Etienne  et  celui  de  saint  Thomas  de  Can- 
torbérv. 

M.  Roman  communique  la  copie  d'une  lettre  de  Crozat  relative  à  la  collection  d'an- 
tiquités du  cardinal  de  Richelieu.  Cette  lettre  se  trou\e  aux  archives  du  Ministère 
des  allaires  étrangères. 

M.  Pilloy  présente  un  choix  d'objets  retirés  de  sépultures  franques  à  Homblières 
(Aisne). 

M.  Buhot  de  Kersers  présente  une  plaque  de  bronze  trouvée  à  la  Croix-Moult-Joie 
près  Bourges;  cet  objet  anciennement  émaillé  est  orné  d'un  sujet  représentant  une 
femme  agenouillée;  au  dessus,  en  minuscules  gothiques  du  xiv«  siècle,  la  devise 
Espéra  on  Deo. 

M.  de  Geymùller  dit  que  le  volume  de  Giuliano  da  San  Gallo  à  la  bibliothèque 
Barberlne  a  subi  un  remargement  qui  a  agrandi  son  format.  San  Gallo  ayant  des- 
siné dans  ce  volume  depuis  l'année  1463  jusqu'en  i5i4,  les  dessins  de  sa  jeunesse 
sont  d'une  main  plus  légère  que  les  suivants  et  ont  pu  être  attribués  à  son  rils 
Francesco  qui  a  ajouté  des  annotations  manuscrites  au  volume. 

M.  Mûntz  ajoute  que,  grâce  à  l'obligeance  de  M.  de  Geymùller,  il  peut  fixer  la  date 
d'un  des  voyages  de  Giuliano  en  France;  au  mois  d'avril  1496  le  célèbre  architecte 
italien  quitta  Avignon  pour  se  rendre  à  Grasse  en  passant  par  Arles.  Saint-Maximin 
et  Draguignan. 

M.  Nicard  demande  si  quelqu'un  de  ses  contrères  peut  indiquer  dans  quel  dépôt 
se  trouve  le  manuscrit  de  Dolomieu  relatif  à  l'emploi  du  marbre  par  les  statuaires 
anciens. 

Le  Secrétaire, 

.MOWAT. 


Et'ï'atum.  N"  du    i3   avril,  p.    2qo.  Chroniq.ue,  i*-  paragr.    au    lieu  de  Fr,:'.nçais 
d'Outre-.Mer  —  lire  Fmuces  d'Ouire'-Mer. 


Le  Propriétaire-Gérant  :  KRNKST  LEROUX. 


.'  Puy.  i-»ir''nnerie  dr  Ma^chcssoti  'f.'.î,  houit^varà  SaiiU~[,ni 


REVUE    CRITIQUE 

'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


N»  18  —  4  mai  —  1885 


^oin>instii>e  s  73.  Klatt,  Etude  chronologique  sur  l'histoire  de  la   ligue  achéenne, 

—  76.  Hertz.  Les  notes  de  Carrion  sur  Aulu-Gelle.  —  77.  Hoelder,  Les  Insiitutes. 

—  78.  RuELENS,  La   première  relation   de  Christophe  Colomb.  —  7g.  Loeschke, 
Dissertations  sur  l'histoire  de  l'art  grec  et  la  topographie  d'Athènes. —  Chronique. 

—  Académie  des  Inscriptions.  —  Société  des  Antiquaires  de  France. 


75.  —  M.  Klatt.  CIn'onoBogîsehe  Beltrasge  xur  GescliScl«te  «îes*  Acliails- 

elieu  Eîutidesn.  R.   Gaertner,  Berlin,  i883. 

Cet  opuscule  complète  en  quelques  points  le  savant  ouvrage  publié 
en  1877  par  M.  Klatt.  C'est  une  étude  essentiellement  chronologique, 
une  discussion  serrée  et  précise  de  quelques  dates  proposées  par  divers 
historiens  de  la  ligue  achéenne,  par  Unger  en  particulier. 

L'auteur  avoue  son  dessein  de  travailler,  cette  fois,  d'une  manière 
toute  négative  à  Fhistoire  achéenne.  On  ne  saurait  trop  l'en  féliciter 
s'il  entend  seulement  porter  son  attention  sur  la  chronologie.  Quicon- 
que a  étudié  de  près  cette  époque  sait  qu'il  est  difficile  de  fixer  exacte- 
ment les  dates,  même  les  plus  importantes,  par  exemple  celle  de  la 
bataille  de  Seliasie.  Et,  par  conséquent,  le  premier  souci  qu'on 
doive  apporter  à  l'examen  chronologique  des  faits  rapportés  par  les 
textes  anciens  est  une  réserve  extrême  et  un  scepticisme  minutieux. 

M.  K.  n'y  a  point  manqué.  De  la  chronologie  des  guerres  du  roi 
Agis,  il  laisse  subsister  peu  de  chose  ;  sa  discussion  des  témoignages  de 
Pausanias  et  de  Plularque,  des  opinions  de  Preiss,  de  Reuss,  de  Schô- 
mann,  montre  bien  qu'il  est  impossible  d'indiquer  autre  chose  que  des 
probabilités  à  ce  sujet. 

L'article  II  de  son  opuscule  (Entrée  en  charge  des  stratèges  depuis 
216]  est  une  critique  très  particulière  d'un  ouvrage  de  G.  F.  Unger 
(Das  Strategenjahr  der  Achuer,  Abhandl.  d.  Munchener  Akad.  1879). 
L'auteur  rappelle  combien  il  est  malaisé  d'établir  une  chronologie 
scientifique  de  la  succession  des  stratèges  achéens.  Déjà  A.  Mommsen 
(Philologus,  XXIV,  B.,  p.  17  à  19),  avait  signalé  la  difficulté  de  ce 
problème.  Le  stratège  désigné  entrait  sans  doute  en  charge  peu  de 
temps  après  sa  proclamation;  au  moins  à  Tépoque  d'Aratus,  il  y  avait 
un  intervalle  entre  l'élection  du  nouveau  stratège  et  la  remise  du  pouvoir 
faite  par  son  prédécesseur  '.  Il  est  impossible  de  savoir  s'il  survint  dans 
la  suite  quelque  changement  à  cet  égard;  mais,  à  coup  sûr,  la  date 
même  de  l'entrée  en  charge  fut  une  fois  modifiée.  En  effet,  vers  219- 

I.  Plutarque,  Aratits,  38. 

Nouvelle  série.  XIX.  18 


34-  RKVIJK     CRITIQUE 

2  1 8,  l'année  achéennc  commençait  avant  l'été;  et  Tentrée  en  charge  du 
stratège  coïncidait  avec  le  commencement  de  Tannée.  Plus  tard,  l'entrée 
en  charge  du  stratège  n'a  plus  lieu  en  mai,  mais  à  un  autre  moment  de 
l'année.  Au  second  siècle  avant  notre  ère,  le  commencement  de  la  stra- 
tégie achéenne  dut  se  présenter  en  automne,  peut-être  vers  le  mois 
d'octobre.  En  tout  cas,  on  ne  saurait  proposer  une  date  précise,  et 
M.  K.  le  montre  par  plusieurs  exemples.  La  chronologie  d'une  liste  des 
stratèges  achéens,  même  sans  l'indication  des  mois,  reste  encore  bien 
incertaine,  malgré  les  travaux  de  Merleker,  de  MM.  Freeman,  Unger 
et  Klatt,  et  un  récit  de  l'histoire  achéenne  ne  peut  prétendre  qu'à  une 
exactitude  approximative.  Il  serait  également  téméraire  de  vouloir  dis- 
tinguer les  congrès  réguliers  de  la  Ligue  achéenne  des  assemblées  ex- 
traordinaires, de  manière  à  en  dresser  la  liste  chronologique;  le  principe 
même  de  cette  distinction  nous  est  bien  connu;  mais  M.  K.  n'a  pas 
de  peine  à  montrer  qu'on  s'est  souvent  trompé  dans  les  applications. 
Encore  une  fois,  rien  n'est  plus  louable  que  cette  méthode  critique; 
on  savait  déjà,  et  pourtant  on  ne  pouvait  trop  répéter  combien  la  chro- 
nologie d'une  histoire  de  la  Ligue  achéenne  et  de  toute  Thistoire  grec- 
que, au  m*  et  au  u"  siècle,  est  sujette  à  caution. 

Mais  cette  histoire  purement  formelle  et  mathématique  n'est  pas  tout, 
fort  heureusement.  M.  K.  remarque,  dans  son  introduction,  que  la 
chronologie  scientifique  ne  consiste  pas  seulement  en  de  petits  calculs.  La 
critique  des  sources,  la  recherche  du  lien  rationnel  des  faits  sont  aussi 
des  éléments  importants  de  la  même  science.  L'étude  du  témoignage  de 
Polybe,  contenue  dans  l'opuscule  de  M.  K,,  nous  paraît  pleine  de 
modération  et  de  sens,  mais  un  peu  écourtée;  après  les  longues  dis- 
cussions de  Tittmann,  Diumann  et  Lucas,  il  convenait  peut-ê[re  de 
traiter  plus  largement  cette  question;  cependant  nous  n'oublions 
pas  c|ue  Pauteur  a  voulu  seulement  composer  un  «  programme  ». 

Mais  M.  K.  pousse  le  scepticisme  un  peu  loin  lorsqu'il  déclare  im- 
possible toute  étude  scientifique  de  la  constitution  achéenne.  A  coup 
sûr  le  livre  de  Polybe,  et  les  inscriptions  découvertes  jusqu'à  ce  jour, 
ne  nous  renseignent  point  complètement;  l'examen  comparé  des  textes 
et  des  monuments  épigraphiques  nous  permet,  néanmoins,  de  détermi- 
ner d'une  manière  générale  le  caractère  de  la  fédération  achéenne,  les 
rapports  des  peuples  et  des  villes  entre  eux  et  avec  le  pouvoir  central, 
les  attributions  des  assemblées  plénières  ou  locales,  les  fonctions  des 
plus  importants  magistrats.  Nous  ignorons  la  date  précise  de  Pentrée  en 
charge  des  stratèges;  nous  avons  quelque  peine  à  discerner  la  nature  de 
chacune  des  assemblées  mentionnées  par  Polybe;  nous  ne  savons  exac- 
tement à  quels  intervalles  se  succèdent  les  stratégies  d'Aratus  et  de 
Philopœmen.  Ces  lacunes  sont  très  regrettables  ;  nous  espérons  avec 
M  K.,  que  des  découvertes  épigraphiques  contribueront  un  jour  ou 
l'autre  à  en  diminuer  retendue.  Mais  l'examen  minutieux  des  écrivains 
classiques  pourra  mettre  aussi  en  lumière   plus  d'un  fait  nouveau  : 


D^HISTOiriK    ET    DK    LITTERATURE  34'3 

M.  Klatt  l'a  prouve  par  son  exemple.  Et  dès  maintenant  nous  estimons 
que  la  constitution  de  la  Ligue  achéenne  est  connue  dans  ses  traits  les 
plus  généraux,  témoins  le  petit  livre  de  Wahner  ',  si  net  et  précis,  et 
l'opuscule  plus  récent  de  M.  Wcinert  ". 

Marcel  Dubois. 


76.  —  Ssïtîes.  seîioîai'Mm  in  univcrsiiate  litterarum  Vraiislaviensi  per  aesialem 
anni  m  dccc  lxxxv  a  die  XV  mensis  aprilis  habendarum.  Praemissum  est  [p.  S-iy] 
Lud.  Garrionis  in  A.  Geilii  Noctium  Atticarum  libres  commentarios  qui  cxstanf 
castigationum  et  nolaium  spccimen  ex  éd.  princ.  a  Marlino  Hertz  dcproinplum. 
ln-4. 

Les  notes  de  Carrion  sur  Aulu-Gelle  (i585)  sont  à  peu  près  introuva- 
bles; il  en  existe  un  exemplaire  à  la  Bibliothèque  nationale,  un  aurre  à 
l'université  de  Breslau.  Encore  ne  sont-elles  qu'un  fragment  de  ce 
quelles  devraient  être  ;  leur  étendue  est  de  120  p.  in-8,  et  elles  ne  s'ap- 
pliquent qu'aux  vingt-cinq  premiers  chapitres  de  l'auteur  latin. 
M.  Hertz  a  pensé  que  le  public  érudit  serait  bien  aise  de  s'en  faire  une 
idée  non-seulement  par  les  extraits  qu'il  a  insérés  dans  son  apparat 
d'Aulu-Gelle,  mais  par  la  reproduction  in-extenso  d'un  morceau  de 
quelque  longueur  ;  son  programme  donne  la  copie  exacte  des  3o  pre- 
mières pages  de  Toriginal,  c'est-à-dire  le  commentaire  des  trois  pre- 
miers chapitres;  des  références  ajoutées  entre  crochets  facilitent  la  lecture. 
L'utilité  des  notes  de  Carrion  était  avant  tout  qu'elles  renseignaient  sur 
les  principales  leçons  des  mss.  Comme  sa  publication  atteint  lâge  de 
trois  siècles  cette  année  même,  entre  l'apparition  du  premier  volume  de 
l'édition  Hertz  et  du  second,  il  n'est  pas  sans  intérêt  de  mesurer  les 
progrès  faits  en  trois  cents  ans  par  l'outillage  de  l'érudition,  c'est-à-dire 
récart  entre  cet  apparat  rudimentaire,  quoique  bien  précieux  en  son 
temps,  et  l'apparat  richissime  de  notre  savant  contemporain. 


77.  —  Eduard  Hœlder.  5nsti3iii«.îonciî  «îes  rœniîsclion  Eieehls.  Freiburg 
i.  B.  und  Tûbingen,  J.G.  B.  Mohr.  Zvveite  erweilerte  Autiage,  i883.  i  vol.  in-8 
de  368  p. 

Les  manuels  de  droit  Romain,  publiés  en  Allemagne  à  l'usage  des 
étudiants,  se  divisent  en  deux  catégories,  comme  les  cours  des  profes- 
seurs :  les  uns  sont  consacrés  aux  Institutes,  les  autres  aux  Pandectes. 
Les  premiers  donnent  ordinairement  un  aperçu  du  droit  privé  des  Ro- 


1.  Wahiier,    De   Acliœorum  fœdcris   origine  a;que  insliiiiiis,    Berlin    et   Gio^au 
(i854). 

2.  Wcinert.,  Z)('c  Achceiscke  Bundesvcrfassinig,  Demmin,  1881  (programme). 


^44  RKVIJK    CRITIQUE 

mains  dans  son  développement  historique;  les  seconds  considèrent  ce 
droit  comme  une  partie  intégrante  du  droit  en  vigueur,  et  s'attachent 
de  préférence  aux  règles  qui  ont  encore  aujourd'hui  un  caractère  prati- 
que; ils  en  montrent  les  transformations  jusque  dans  le  droit  moderne. 

Pour  nous  qui  avons  un  code  civil  et  qui,  dans  l'étude  du  droit  Ro- 
main, n'avons  à  nous  préoccuper  que  du  point  de  vue  scientifique,  ce 
sont  principalement  les  livres  sur  les  Instituies  qui  peuvent  nous  inté- 
resser. Celui  de  Holder  se  distingue  des  livres  analogues  en  ce  qu'il 
se  borne  à  peu  près  exclusivement  à  un  exposé  systématique  de  la  lé- 
gislation Romaine,  envisagée  au  moment  où  elle  a  atteint  son  entier 
développement.  L'auteur  procède  par  voie  d'affirmation  et  se  contente 
de  transcrire  quelques  fragments  du  Digeste  pour  éclairer  chacune  de 
ses  propositions. 

Nous  croyons  volontiers  que  ce  manuel,  grâce  à  la  distribution  judi- 
cieuse des  matières  et  aux  renseignements  substantiels  qu'il  contient, 
peut  avoir  son  utilité  comme  introduction  à  l'étude  du  droit  allemand. 
Mais  en  substituant  des  classifications  modernes  à  celles  des  anciens, 
l'auteur  n'a  peut-être  pas  trouvé  la  meilleure  manière  de  présenter,  sous 
leur  jour  véritable,  les  institutions  juridiques  des  Romains. 

E.  C. 


y8.  —  B^n  pi-eniîèi-e  i-elalîon  «le  Clîi-istoplje  Colonîl»  (ï-'îîîîî).  Lettre  sur 
une  édition  de  L'  «  Epislola  Christofori  Colom  »,  appartenant  à  la  bibliothèque 
royale  de  Bruxelles,  par  Cli.  Ruelens,  conservateur  de  la  section  des  manuscrits, 
avec  reproduction  en  fac-similé.  Bruxelles,  Institut  national  de  géographie,  i883. 
In-8  de  5o  p.  Tiré  à  loo  exemplaires,  12  sur  papier  bristol,  38  sur  papier  vélin, 
5o  sur  papier  ordinaire. 

Le  travail  de  M.  Ruelens,  adressé  (i"  janvier    i885)àM.  John  Ni- 
colas Brown,  fils  de  Pamateur  américain  si  zélé  qui  a  formé  la  prodi- 
gieuse collection  dont  le  catalogue  a  paru,  de  1870  à  1882,  sous  le  titre 
de  Bibliotheca  Avie^'icana^  en  quatre  volumes  grand  in-8'',  est  consacré 
à  une  petite  plaquette  de  quatre  feuillets,  contenant  la  première  lettre 
de  Christophe  Colomb,  en  une  édition  qui  n'est  mentionnée  par  aucun 
bibliographe  américaniste.  Comme  il  s'agit  d'une  pièce  unique,  le  sa- 
vant conservateur  de  manuscrits  de  la  Bibliothèque  royale  de  Bruxelles 
annonce  (p.  8)  qu'il  en  parlera  un  peu  longuement.  Après  avoir  rappelé 
en  quelques  mots  l'origine  de  a  ce  vaste  arsenal  littéraire,  »  il  retrace 
avec  une  verve  piquante  l'histoire  du  petit  livre,  «  histoire  qui  ressem- 
ble beaucoup  à  un   roman.  »  Ce  petit  livre,  on   le  trouve  cité  pour  la 
première  fois,  dit-il  (p.   14),  dans  l'ouvrage  mmuXé  :  Documents  pour 
servir  à  l'histoire   des  bibliothèques  en  Belgique,   par  Aug.   Voisin, 
conservateur  de  la   bibliothèque  de  l'université  de  Gand,  etc.  (Gand, 
1840). 


DHISTOrUE    ET    DK    LITTÉR  VIURK  345 

M.  R.,  après  avoir  reproduit  la  description  de  son  ancien  confrère, 
ajoute  (p.  i5):  «Je  ne  puis  m'empècher  ici  de  vous  faire  remarquer 
l'ctiange  manière  de  procéder  de  M.  Voisin  :  il  est  bibliothécaire  et  bi- 
bliographe, il  compose  un  ouvrage  spécial  sur  les  collections  de  son 
pays,  il  habite  à  une  heure  de  chemin  de  fer  de  Bruxelles,  et,  pour  dé- 
crire le  plus  riche  dépôt  de  son  pays,  il  se  contente  de  renseignements 
donnés  de  seconde   main;  il  les  formule  dans  un  langage  des  moins 
scientifiques,  au  lieu  de  se  donner  la  peine  d'y  venir  jeter  lui-même  un 
simple  coup-d'œil.  »  M.  R.  n'a  pas  tort  de  croire  qu'en   Amérique,  et 
même  ailleurs,  «  on  qualifierait  sévèrement  un  semblable  mépris  de  la 
précision.  »  Dans  un  recueil  où  Xa,  précision  a  toujours  été  en  si  grand 
honneur,  on  aimera  certainement  à  trouver  quelques  autres  citations 
tirées  des  pages  où  M.  R.  se  moque  si  spirituellement  du  sansgéne  de 
ses  devanciers  :  «  Et  pourtant,  »  continue-t-il  (p.  i5-i6),  ce  n^est  rien 
encore.  Dans  la  même  année    1840,  mais  postérieurement  au  livre  de 
M.    Voisin,  parut  le  tome  I'-"''  de  V Histoire  des   bibliothèques  publiques 
de  Belgique^  par  P.  Namur,  conservateur  adjoint  à  la  Bibliothèque 
royale  de  Belgique  (Bruxelles,  1840)...  »  M.  R.  emprunte  à  ce  livre  un 
passage  sur  la  fameuse  plaquette  et  ajoute  ensuite  :  «  Nous   sommes 
maintenant  en  présence  de  renseignements  plus  précis;  tout  y  est  :  les 
titres  in  extenso,  des  notes,  des  renvois  à  des  manuels  bibliographiques. 
On  doit  croire,  d'ailleurs,  que  M.  Namur,  habitant  Bruxelles,  dirigeant 
en  sous-ordre  le  premier  dépôt   du   pays,  n'a   rien   avancé  à   la  légère, 
qu'il  a  décrit  de  visu  les  ouvrages  dont  il  parle,  ouvrages  qui  étaient  à 
la  disposition  du  public  et  se  trouvaient  à  deux  pas,  dans  un  local  atte- 
nant à  la  Bibliothèque  royale  elle-même.  C'eût  été  une  façon  d'agir  par 
trop  correcte.  »  Et  M.  R.  d'établir  que  M.   Namur  avait  pris  à  M.  Voi- 
sin la  substance  de  ses  renseignements  de  seconde  main  et  y  avait  joint 
des  titres  pris  au  hasard  dans  les  manuels,  sans  daigner  mettre  les  pieds 
dans  la  salle  où  l'on  gardait  la  Isttre  de  Christophe  Colomb  '. 

Voi.là  déjà  deux  blibliographes  qui  semblent  avoir  été  fatalement 
voués  à  Tà-peu  près,  à  la  fantaisie.  M.  R.  va  dessiner  d'une  plume  aussi 
malicieuse  qu'habile,  le  portrait  d'un  autre  bibliographe  belge  qui  fut 
encore  moins  consciencieux  que  MM.  Voisin  et  Namur.  Voici  ce  por- 
trait qui  est  d'un  bout  à  l'autre  un  trop  joli  morceau  pour  que  je  ne  le 
reproduise  pas  tout  entier  (p.  18-20)  :  «  La  comédie  blibliographique 
n'est  pas  terminée...  il  y  a  encore  un  acte,  et  celui-ci  nous  apporte  ce 
qu'en  Europe  nous  appelons  aujourd'hui  un  cotnble.  Nous  avons  vu 
tout  à  l'heure  que  la  bibliothèque  royale  a  été  créée  en  1837.  Elle  eut 
pour  son  premier  conservateur  en  chef,  M.  de  Reiffenberg,  l'homme  le 
plus  connu  et,  à  certains  égards,  le  plus  remarquable  de  Belgique  en  ce 
moment-là.  Il  était  doué  de  prodigieuses  facultés  :  ancien  officier,  il 
était  devenu  professeur  de  philosophie  aux  universités  de   Louvain  et 


I.  On  a  prétendu  que  M.  Namur  avait  classé  le  roman  d'Indiana  parmi   les    aiia. 
Ce  que  raconte  de  lui  M.  R.  rend  tout  vraisemblable. 


346  REVUIi    CRITIQUli 

de  Liège,  il  composait  des  mémoires  en  latin,  des  romans  et  des  tragé- 
dies en  français,  publiait  des  volumes  de  documents  historiques,  diri- 
geait des  revues  d'érudition,  lançait  dans  une  foule  de  recueils  d'in- 
nombrables articles  toujours  curieux,  se  tenant  au  courant  de  tout, 
écrivant  de  onmi  re  scibili  avec  autant  d'aplomb  que  d'esprit,  en  un 
mot,  un  homme  de  grande  valeur,  doue  d'un  talent  extraordinaire 
d'assimilation  encyclopédique,  ayant  avec  cela  à  sa  disposition  une 
plume  élégante,  rapide,  infatigable.  Son  nom  doit  être  connu  en  Amé- 
rique, car  il  était  membre  d'une  centaine  de  sociétés  savantes  et  se  pré- 
valait volontiers  de  ses  relations  universelles.  Pourtant,  malgré  tous 
ses  mérites,  il  a  manqué  de  la  plus  haute  qualité  du  savant,  de  celle 
dont  je  ne  cesse  de  prononcer  le  nom.  il  a  manqué  de  précision^  c'est- 
à-dire  qu'il  n'a  jamais  produit  un  livre  qui  fût  le  fruit  de  longues  et 
patientes  recherches,  qui  accusât  l'accumulation  lente  de  notions  mi- 
nutieusement recueillies,  exactement  rapportées,  et  lorsqu'un  mémoire, 
çà  et  là,  fait  exception  dans  la  masse,  on  peut  se  douter  que  l'homme 
s'est  aidé  de  quelque  travail  d'autrui,  de  quelque  collaboration  inédite. 
Il  eut  même  à  subir,  sur  ce  point,  de  cruels  et  mortifiants  reproches. 
Ce  n'est  pas  de  sa  faute  s'il  agissait  ainsi;  il  était  affligé  d'une  névrose  : 
celle  de  produire  et  de  reproduire  sans  cesse  '...  »  Ne  nous  étonnons 
pas  trop,  après  cela,  de  voir  (p.  21)  M.  de  Reiffenberg  venir  «  à  la 
queue  leu  leu  de  ses  confrères  nous  répéter  la  même  chose.  » 

M.  R.  cherche  à  montrer,  dans  les  dernières  pages  de  sa  brochure, 
que  VEpistola  de  la  Bibliothèque  royale  de  Bruxelles  a  vu  le  jour  peu 
de  temps  après  l'édition  princeps  de  Rome  (1493),  à  Anvers  chez 
Thierry  Martens  d'Alost,  qui  fut  le  premier  imprimeur  de  la  Belgique. 
Il  me  semble  que  les  arguments  sont  excellents  et  ne  peuvent  qu'être 
victorieux.  En  tout  cas,  puisqu'à  propos  de  ÏEpistoIa,  il  a  été  si  sou- 
vent parlé  de  précision^  je  dirai  que  cette  vertu  maîtresse  du  bibliogra- 
phe brille  du  plus  vif  éclat  dans  la  discussion  à  laquelle  se  livre 
M.  Ruelens. 

T.  DE  L. 


1.  Un  jour  (.ju'étant  dans  le  beau  cabinet  de  notre  ancien  et  si  savant  collabora- 
teur, Charles  Defrémery,  je  l'avais  interrogé  sur  un  problème  bibliographique,  mon 
excellent  ami  feuilleta  plusieurs  de  ses  recueils.  N'y  trouvant  pas  la  solution  que  je 
lui  demandais,  il  médit  :  D'où  vous  vient  l'indication? —  De  M.  de  Reiffenberg,  ré- 
pondis-je  avec  assurance.  —  Alors,  répliqu;'.-t-il  en  souriant,  je  ne  cherche  plus.  — 
Cette  anecdote  me  paraît  compléter  le  chapitre  que  l'on  vient  de  lire.  Ai-je  besoin 
de  rappeler  que  notre  cher  Defrémery  était  tout  l'opposé  de  M.  de  Reiffenberg,  je 
veux  dire  la  précision  même  dans  l'érudition  .•' 


I 


d'histoire    et    DK    LlTTÉUATUUlî  347 

-q.  _  G.    Lœschke,    Verniutungcn    xur    gi-iccliîselioii    Kuns.tge«^clii<'^(e 

unti  xui*  Xopoëi-î«t>hie  Athens.  Programme  de  l'Université  de  Dorpat,  1884, 

2+  P- 


Cet  opuscule  de  M.  Loeschke  contient  trois  dissertations  archéologi- 
ques fort  intéressantes,  écrites  avec  cette  originalité  de  vues  et  cette  sû- 
reté de  savoir  dont  le  jeune  professeur  de  Dorpat  a  déjà  donné  beaucoup 
de  preuves.  Comme  elles  risqueraient  de  passer  inaperçues  dans  le 
fatras  de  la  Programmen-Literatiir,  nous  nous  proposons  de  les  analyser 
ici  avec  quelque  détail. 

I.  Le  fronton  occidental  du  Parthénon  '.  —  La  partie  gauche  et  la 
partie  centrale  de  ce  fronton  ont  été  expliquées  d'une  manière  satisfai- 
sante par  E.  Petersen  -  et  C.  Robert '^  M.  L.  s'occupe  des  figures  placées 
à  droite,  qui  font  partie  du  cortège  de  Poséidon.  On  sait  que  le  fronton 
occidental  du  Parthénon  a  péri  presque  tout  entier;  nous  le  connaissons 
principalement  par  trois  dessins,  ceux  de  Carrey '*  (1674),  de  l'Anonyme 
de  Nointel  ^  (vers  1674)  et  de  Dalton  *' (1  749).  Michaëlis  attribue  le 
plus  d'autorité  aux  dessins  de  Carrey  et  de  Dalton;  mais  ces  derniers, 
comme  le  montre  M.  L.,  sont  absolument  sans  valeur,  ayant  été  «  con- 
taminés »  par  le  dessinateur  avec  des  fragments  de  la  balustrade  du  tem- 
ple de  la  Victoire  Aptère.  Ceci  prouve  que  certains  fragments  de  la  ba- 
lustrade, notamment  les  planches  II  D  et  IV  O  de  la  publication  de 
Kekulé,  étaient  encore  visibles  en  1749,  alors  que  l'on  admet  générale- 
ment, d'après  Ross,  que  toutes  ces  sculptures  ont  été  encastrées  dans  des 
murs  récents  dès  1687. 

Le  milieu  de  la  partie  droite  du  fronton  est  occupé  par  une  femme 
assise,  portant  sur  ses  genoux  une  figuie  entièrement  nue  ;  à  droite  de 
cette  dernière  est  un  enfant  marchant  de  face,  puis  une  seconde  femme 
assise,  à  droite  de  laquelle  on  aperçoit,  sur  le  dessin  tle  Carrey,  la  partie 
supérieure  du  torse  d'un  autre  enfant.  On  s'accorde  à  reconnaître  dans 
ces  deux  groupes  Leucoîhée  et  Palémon  (à  gauche  du  spectateur)  et 
Aphrodite  avec  Eros  sur  les  genoux  de  Thalatta.  O.  Miiiler,  WclcUer  et 
Robert  n'admettent  pas  que  la  figure  drapée  représente  Thaîatta  ;  ce 
serait  Dioné,  et  Phidias  aurait  eu  dans  l'esprit  le  vers  d'Homère  [Iliade, 
!  E,  370)  :  'H  o'èv  Yû'jvaji  tcXt.zz  A'.wvr;;  oV  'Aopooirr).  M.  L.  considère  toutes 
ces  explications  comme  inacceptables,  parce  qu'elles  supposent  sans  la 
justifier  une  chose  tout  à  fait  anormale,  à  savoir  la  représentation  de  la 
nudité  féminine  dans  une  œuvre  du  grand  art  attique  au  v«  siècle.  Long- 

1.  Le  lecteur  est  prié  de  se  reporter  à  la  planche  publiée  dans  Overbeck,  Gcschichte 
dcr  Griechisdicn  Plastik,  t.  I,  p.  2q3  de  la  3^  édition. 

2.  Die  Kunst  des  Pheidias,  p.   iSi  et  suiv. 

3.  Hennés,  XVI,  p.  60  et  suiv. 

4.  Reproduit  dans  Laborde,  Le  Parthénon,  pi.  ix,  et   Miciiaeiis,  der  P.vthenon, 

pi.    VII,    2. 

3.  Michaëlis,  der  Parihenon,  VII,  3. 
(3.  Miciiaëlis,  ibid.,  Uilfst.ifd  i. 


348  RKVOK    CRITIQUK 

temps  après,  lorsque  Praxitèle  sculpta  l'Aphrodite  de  Cnide,  il  crut  en- 
core devoir  Justifier  la  nudité  de  la  déesse  par  l'idée  du  bain  symbolisée 
par  un  vase.  L'hypothèse  suivant  laquelle  Aphrodite  est  représentée  ici 
au  moment  de  sa  naissance,  sortant  du  sein  de  Thalatta,  se  heurte  à 
cette  difficulté  que  la  figure  drapée  vue  de  profil  n'oflre  en  aucune  ma- 
nière les  caractères  d'une  divinité  marine.  Si  donc  la  figure  drapée  n'est 
pas  Thalatta,  la  figure  nue  ne  peut  être  Aphrodite;  et  si  ce  n'est  pas 
Aphrodite  Anadyomène,  il  faut  nécessairement  en  conclure  que  ce  n'est 
pas  une  femme. 

L'enfant  à  droite  de  la  prétendue  Aphrodite  n'est  pas  davantage  Eros. 
C'est  un  tout  jeune  enfant,  alors  que  sur  la  frise  il  est  représenté  comme 
un  adolescent,  {j.-Skkic^rfizz.  Michaëlis  a  pensé  qu'il  devait  être  ailé,  parce 
que  sa  position  presque  flottante  ne  s'expliquerait  pas  autrement.  M.  L. 
objecte  que  le  dessin  de  l'Anonyme  montre  que  la  prétendue  Leucothée 
maintient  Tenfant  à  l'aide  de  son  bras  gauche  passé  derrière  lui.  Nous 
ajouterons  que  sur  le  dessin  original  de  Carrey,  que  nous  avons  consulté 
au  Cabinet  des  Estampes,  le  bras  gauche  de  la  Leucothée  est  indiqué  plus 
complètement  que  dans  la  mauvaise  reproduction  donnée  par  Overbeck  : 
il  est  évident  que  M.  L.  a  raison. 

Revenons  cà  la  figure  nue.  Si  l'on  considère  la  reproduction  du  dessin 
de  Carrey  telle  queTont  publiée,  entre  autres,  Overbeck  et  M^s  Mitchell, 
on  ne  doutera  pas  que  ce  soit  une  figure  de  femme  :  les  seins  et  les  han- 
ches ne  laissent  aucune  incertitude  à  cet  égard.  Par  contre,  dans  le  dessin       \ 
de  FAnonyme,  les  formes  sont  évidemment  masculines,  et  Visconti  avait       ^J 
déjà  soutenu  que  cette  figure  ne  pouvait  être  que  celle  d'un  homme.  M.L.        "' 
remarque  que,  dans  le  fac-similé  publié  par  Laborde,  les  formes  du  corps 
sont  «  pleines,  mais  non  pas  féminines».  Nous  n'avons  pas  éprouvé  une 
médiocre  surprise  en  comparant  la  planche  d'Overbeck  au  dessin  origi- 
nal de  Carrey  ^;  il  était  difficile  d'être  plus  inexact  là  où  l'exactitude  la 
plus  absolue  était  de  rigueur.  Le  prétendu  Palémon  est  méconnaissable 
sur  la  gravure;  sur  le  dessin,  il  est  vu  de  face,  et  ce  que  le  graveur  a  pris 
pour  rattache  inférieure  de  son  bras  n'est  que  l'indication  un  peu  exa- 
gérée du  pectoral  de  droite.  Le  bras  gauche  de  la  Leucothée  n'est  repro- 
duit qu'à  moitié.  L'Eros  est  beaucoup  trop  grand  :  le  somm.et  de  sa  tète 
ne  doit  pas  dépasser  l'horizontale  de  la  bouche  d'Aphrodite.  La  Jambe 
gauche  de  l'Eros,  très  visible  sur  le  dessin,  fait  complètement  déiaut. 
Enfin,  la  tête  de  la  prétendue  Aphrodite  ne  regarde  pas  à  droite,  mais 
presque  de  face,  et  les  seins  de  ce  personnage,  ainsi  que  la  forme  si- 
nueuse de  ses  hanches  et  de  ses  cuisses,  sont  de  pures  inventions  du  plus 
maladroit  des  graveurs.  Dans  le  dessin  de  Carrey,  les  pectoraux  sont 
incontestablement  virils;  le  galbe  du  torse  et  des  jambes  ne  laisse  pas 
plus  de  doute  que  la  poitrine  sur  le  sexe  masculin  du  personnage.  Je 

I.  Le  volume  des  dessins  de  Carrey  fait  partie  de  la  Réserve  du  Cabinet  des  Es- 
tampes, n"  616.  Le  deuxième  feuillet  de  l'album,  repré.sentant  le  fronton  occidental, 
est  malheureusement  fort  effacé. 


D'HîSTOfRK    KT    DK    MTTÉRATUKK  34g 

suis  heureux  de  pouvoir  affirmer  à  M.  L.  que  ses  pressentiments  étaient 
pleinement  justifiés  :  ni  Carrey  ni  l'Anonyme  n'ont  dessiné  une  figure 
de  femme,  et  la  bévue  doit  être  uniquement  imputée  aux  auteurs  des 
reproductions  postérieures.  Nous  avons  là  un  exemple  curieux  d'une  de 
ces  altérations  subjectives  auxquelles  les  dessins  n'échappent  pas  plus 
que  les  textes  dès  qu'ils  sont  livrés  à  l'arbitraire  des  copistes. 

La  représentation  d'une  femme  nue  est  bien  moins  blessante  aux  yeux 
des  modernes  que  celle  d'un  jeune  homme  nu  assis  sur  les  genoux  d'une 
femme  :  c'était  tout  le  contraire  pour  les  Grecs  du  temps  de  Phidias,  La 
chose  s'explique  trop  aisément  pour  qu'il  soit  besoin  d'y  insister.  M.  L. 
a  eu  ridée  ingénieuse  de  rappeler  le  tableau  d'Aristophon,  frère  ou  ne- 
veu de  Polygnote,  où  l'on  voyait  Alcibiade  sur  les  genoux  de  la  divinité 
de  Némée  '.  Or,  il  paraît  certain  que  les  deux  femmes  du  groupe  orien- 
tal du  Parthénon  ont  été  inspirées  à  Phidias  par  le  groupe  de  Polygnote 
représentant  Chloris  sur  les  genoux  de  Thyra  ^;  il  n'est  donc  pas  dérai- 
sonnable de  supposer  que  le  groupe  hardi  et  gracieux  du  fronton  occi- 
dental ait  servi  à  son  tour  de  modèle  au  fils  ou  au  neveu  du  grand  pein- 
tre de  Thasos. 

Reste  à  trouver  des  dénominations  satisfaisantes  pour  la  prétendue 
Aphrodite  et  les  figures  qui  l'entourent.  Ici,  nous  entrons  avec  M.  L. 
dans  le  domaine  de  l'hypothèse;  mais  son  hypothèse  a  jusqu'à  présent 
sur  toutes  les  autres  l'avantage  d'être  seule  compatible  avec  le  texte  des 
dessinateurs  anciens.  L'Aphrodite  serait  Héraclès  jeune,  assis  sur  les 
genoux  de  Mélite,  nymphe  éponyme  du  dème  attique  de  ce  nom.  Mé- 
lite,  au  témoignage  du  scholiaste  d'Aristophane  [Grenouilles,  v.  5oi) 
aurait  été  aimée  d'Héraclès  :  Ms/ar^ç  vij[;,o'^ç,-^  ^^'h'^  o  'HpiaxAv;;;.  Le  culte 
d'Héraclès  à  Mélite  paraît  dériver  du  culte  béotien  d'Héraclès  Melon  ; 
or,  les  monnaies  de  Béotie  '■'  prouvent  que  dans  ce  pays  le  dieu  était  re- 
présenté sous  les  traits  d'un  adolescent,  comme  sur  le  fronton  du  Par- 
thénon. La  draperie  indiquée  par  les  dessinateurs  entre  les  jambes  du 
personnage  assis  est  sans  doute  une  partie  de  la  peau  de  lion.  La  figure 
assise  à  droite  d'Héraclès  serait  la  déesse  des  Thesmophories,  adorée  avec 
lui  à  Mélite,  et  que  l'inscription  d'un  fauteuil  du  théâtre  de  Dionysos  à 
Athènes  "*  appelle  A-i^[j/ri--/;p  Koupo-poçoç  'A'/aïa.  Les  deux  enfants  de  part 
et  d'autre  de  la  Koupc-pcso;  sont  les  fils  d'Héraclès  et  de  Mélite.  Ainsi,  à 
la  famille  de  Cécrops,  que  Petersen  a  reconnue  dans  la  partie  gauche  du 
fronton,  répond,  dans  la  partie  droite,  la  famille  d'Héraclès. 

«  Nous  ne  savions  pas  encore,  dit  M.  L.,  quelle  idée  l'on  se  faisait, 
dans  le  cercle  de  Périclès,  des  commencements  d'Athènes,  des  plus  an- 
ciennes divinités  qu'on  y  avait  adorées,  des  quartiers  les  plus  ancienne- 


1.  Atliénée,  XII,  5J>4D;  Pausanias,  I,  22,6;  Plutarquc,  Alcibiade,  XW.Cï.Oxav- 
beck,  Schriftquellcn,  p.  2i5,  et  Brumi,  Gesch.  der  Kûnstler,  II,  p.  i3. 

2.  'Ava7,Ey.Ai.[Asvr]  XXiopiç  è-i  ty;ç  0u(aç  -(c^ta.'zv)  (Paus.,  X,  29,  3). 

3.  Head.  Types  of  Greck  coins,  pi.  m,  4'3. 

4.  Corpus  inscriptionum  atticanim,  III,  HyS. 


35o  REVUE    CRITIQUE 

ment  peuplés  de  la  ville.  Voici  maintenant  Phidias  lui-même  qui  nous 
montre  la  région  entre  l'ilissus  et  le  Céphise  au  temps  oii  Cécrops  ré- 
gnait et  où  Athéna  n'était  pas  encore  maîtresse  d'Athènes  ».  La  prospé- 
rité de  Mélitc  commença  à  décliner  dès  le  v"  siècle,  mais  Phidias  savait 
que  ses  habitations  creusées  dans  le  roc  étaient  aussi  anciennes,  plus 
anciennes  peut-être  que  le  premier  établissement  sur  TAcropole  '.  Thu- 
cydide le  premier  paraît  avoir  révoqué  cette  opinion  en  doute,  et  M.  L. 
considère  sa  digression  sur  les  quartiers  primitifs  d'Athènes  comme 
une  polémique  contre  la  manière  de  voir  qui  prévalait  à  l'époque  de  Pé- 
riclès. 

II.  La  date  de  la  Nike  de  Paeonios  selon  Paiisanias.  —  Schubring  a 
établi  (Archaeol.  Zeitung,  1877,  p.  Sg  et  suiv.)  que  la  Niké  de  Paeo- 
nios a  été  élevée  par  les  Messéniens  et  ceux  de  Naupacte  à  la  suite  de  la 
victoire  de  Sphactérie  et  du  pillage  de  la  Laconie  en  420.  Pourquoi 
donc  Pausanias  a-t-il  placé  l'exécution  de  cette  statue  trente  ans  plus 
tôt?  M.  L.  croit  en  trouver  la  raison  dans  la  dédicace  même  de  la  Niké 
(Inscript,  antiqiiissimae^  n"  848)  :  Ilaiwvioç  l-cW^zt  MEvcaTo:;  y.at  Tà/.po)T/ip'.a 
TTO'.wv  £-1  Tcv  vabv  âvi/.a.  Or,  Urlichs,  Furtwaengler  et  Purgold  ont  prouvé  ~ 
que  le  temple  d'Olympie  a  été  achevé  vers  450,  précisément  à  l'époque 
où  Pausanias  et  sa  source  placent  de  préférence  l'exécution  de  la  Niké. 
La  date  de  Texécution  des  acrotères  étant  établie  par  Thistoire  du  tem- 
ple, on  en  conclut  que  celle  de  la  statue  était  contemporaine.  Il  se 
trouvait  précisément  qu'en  455  les  Messéniens  et  ceux  de  Naupacte 
avaient  conquis  la  ville  d'Oiniadai  :  on  rattacha  donc  à  celte  victoire 
sans  importance  l'exécution  de  la  Niké. 

Il  pourrait  paraître  étrange  que  Paeonios,  sculptant  la  Niké  en  420, 
se  fût  encore  vanté  dans  la  dédicace  d'une  œuvre  de  jeunesse  achevée 
trente  ans  plus  tôt.  Mais  Purgold  et  Furtwaengler  ^  ont  précisément  dé- 
montré que  les  acrotères  de  Paeonios,  vues  par  Pausanias,  n'ont  été 
placées  sur  le  fronton  du  temple  d'Olympie  qu'assez  longtemps  après 
son  achèvement.  A  l'origine,  l'acrotère  du  milieu  était  la  phiale  en  or 
des  Spartiates  avec  le  Gorgoneion  ;  c'est  vers  420,  à  la  même  époque  où 
Pausanias  sculpta  la  Niké,  qu'elle  fut  sinon  remplacée,  du  moins  relé- 
guée au  second  pian  par  la  Niké  en  or  de  Paeonios.  En  somme,  tandis 
que  la  source  de  Pausanias  date  la  Niké  des  Messéniens  d'après  la  date 

1.  Eschyle  le  savait  aussi,  témoin  ces  vers  qu'il  met  dans  la  bouche  de  Prométhée 
(ripoix.,  V.  43o)  : 

Bo[xo'jç  T:pcc£(Xouç  fl^jav,  où  ^uXcup^iocv  • 
xa-wp'j/cç  0'  eva'.ov,  wax'  à-rjuupoi 
IJ.'jp[rr(/,sç,  àvxpiov  h  [xu/oîç  àvr/XtOiç. 

2.  Urlichs,  Bcmerkiatgen  ûbev  den  olympischcn  Tcmpel,  Wùrzbourg,  1877; 
Furt\vitng\eT,  Arcli.  Zeitung,  1879,  p.  4401  i5i;  Purgold,  ibid.,  1882,  p.  17g  sqq. 

3.  Hist.  pliilologische  Auf scelle fiir  Ernst  Curtiiis,  1884,  p.  362. 


d'histoire    et    de    LlTTKKATUiîfc  35  I 

présumée  des  acrotères,  nous  devons,  avec  M.  L.,  dater  les  acrotères 
d'après  la  date  certaine  de  la  Niké  de  Paeonios. 

III.  Basileia. —  M.  L. admet  avec  Wachsmuth  '  contre  Wilamowitz  - 
que  le  boiileutérion  à" Kihtncs  éia.\l  construit  sur  le  terrain  du  sanctuaire 
de  la  Mère  des  dieux.  11  voudrait  prouver,  par  un  témoignage  nouveau, 
qu'il  en  était  ainsi  dès  le  v^  siècle. 

K.  Lange,  dans  sa  thèse  d'habilitation  ',  a  essayé  d'identifier  l'empla- 
cement de  la  palestre  de  Taureas  dont  Platon  dit,  au  commencement 
du  Charmide,  qu'elle  était  située  y.aTavûr/.pù  -coD  ty^;  Ba(:t).'.7.-?)ç  îspou.  Lange 
se  fonde  sur  l'hypothèse,  repoussée  par  M.  L.,  que  la  BactXiy.r,  serait  le 
Portique  Royal  :  ce  portique  ne  s'est  jamais  appelé  que  BacrîAs'.oç  c-oâ. 
Mais  que  signifient  les  mois  de  Platon  :  y.aTavTtxpù  toD  xr,; BasiAty.-?];  t^pou? 
M.  L.  propose  de  corriger  :  /.a-av-tzp'j  toD  rr^ç  BaatXstaç  icpoî).  Reste  à 
déterminer  ce  qu'était  la  BaaiXsta.  Suivant  Diodore,  Ouranos  et  Titaia- 
Gé  eurent  deux  filles,  Basileia  et  Rhea,  aussi  nommée  Pandore.  Basileia 
était  l'aînée  et  se  distinguait  par  sa  cwspocûv^  de  ses  frères  les  Titans.  Le 
soin  maternel  qu'elle  prenait  de  ceux-ci  lui  fit  donner  le  surnom  de 
MiviA-^  [).r-.r^Çi.  Plus  tard,  elle  épousa  Hypérion,  et  eut  de  lui  Helios  et 
Séléné.  Le  culte  de  Basileia  dans  l'île  de  Théra  est  attestée  par  une  ins- 
cription 0ea(O  BaîtXsîafi)  ''E7:[['>.]oj/pc,  xal  [n]s[pJt[x]ap(aTa  "/apicTsTov  ■*.  De 
même  que  la  Mère  des  Dieux  en  Asie-Mineure  paraît  souvent  comme 
protectrice  des  tombeaux  ^,  Basileia  est  ici  la  divinité  tutélaire  d'un 
héroon  en  sa  qualité  de  Me^ciA-/)  [J-'^^Tr^p. 

Le  culte  de  Basileia  étant  mis  hors  de  doute  par  cette  inscription, 
M.  L.  se  demande  si  dans  les  Oiseaux  d'Aristophane  Basileia  n'est  pas 
autre  chose  qu'une  fiction  du  poète.  «  Qui  est  Basileia?  »  interroge  Pci- 
thetairos  (v.  1 337).  Et  Prométhée  répond  :  «  C'est  une  très  belle  jeune  fille 
qui  dispense  la  foudre  de  Zeus  et  toutes  choses,  la  prudence,  les  bonnes 
lois,  la  sagesse  (t/;v  (70)çpoc;6v/;v) ,  les  arsenaux,  la  calomnie,  le  colacrète  et 
le  triobole.  »  Or,  toute  cette  plaisanterie  s'explique  si  Basileia  est  iden- 
tique à  la  Mère  des  Dieux,  protectrice  du  Bouleutérion,  où  sont 
conservées  comme  dans  un  trésor  «  la  prudence,  les  bonnes  lois,  la  sa- 
gesse »,  L'autel  de  rE'Jvo[xta  était  probablement  au  même  endroit,  et  la 
(jwçporjv'/]  de  Basileia  est  à  deux  reprises  vantée  par  Diodore.  Aristophane 
avait  de  bonnes  raisons  pour  écrire  que  la  calomnnie,  Xcocpta,  habitait 
aussi  le  Bouleutérion.  «  je  n'ai  pas  oublié,  dit-il  dans  les  Achaniiens 


i.  atadt  Athen.  I,  p.  ito. 
'.i.  Aits  KydathcH,  p.  2o5. 

3.  Die  Kœnipçslialle  in  Athcn,  Leipzig,  iS"4. 

4.  Sur  ic  mur  d'une  iiiclie  dans  un  petit  héroon  décrit  par  L,.  Ross  [Monumenti, 
III,  26,  9;  Annali,  XIll,  p.  20)  et  par  F.  Lenormant  {Gazelle  ardiéolugiquc,  i883, 
pi.  xxxvii). 

5.  Furtwaengler,  Collection  Sabouroff,  pi.  cxxxvii.  Je  rappellerai  les //croa  archaï- 
ques avec  l'image  de  Cybèle  que  j'ai  découverts  dans  la  nécropole  de  Cymé;  ils 
m'ont  été  volés  par  le  gouvernement  turc  et  sont  malheureusement  encore  inédits 
{Catalo'juedu  musée  impérial  de  Con:i!antiiiople,  1882,  n'^  47  b,  c,  d). 


352  KKVUh     CKITIQOh 

(v.  379),  comment  Cléon  m'a  traité  à  cause  de  ma  comédie  de  l'an 
passé  :  il  m'a  traîné  dans  le  Bouleatérion,  il  a  vomi  mille  calomnies 
contre  moi  :  j"'ai  failli  périr  dans  ce  bourbier  de  mensonges.  »  On  sait 
d'ailleurs  qu'à  Tépoque  d'Aristophane  le  soin  des  arsenaux  maritimes 
incombait  à  la  Boulé.  Quant  à  la  mention  des  colacrètes,  on  peut  l'ex- 
pliquer par  l'hypothèse  que  la  caisse  de  ces  magistrats  ,  à  Pépoque 
d'Aristophane,  était  déposée  au  Métroon.  Les  clefs  du  temple  où  étaient 
conservés  les  fonds  publics  (tcD  îepoîi  àv  10  là.  or^xccia  7pr,[j.a-:a),  confiées  à 
la  garde  de  Tépistate  des  prytanes,  sont  peut-être  celles  du  trésor  des 
colacrètes  et  des  apodectes  dans  le  Métroon. 

Si  donc,  dans  le  passage  cité  d'Aristophane,  tout  ce  que  Promélhée 
dit  de  Basileia  est  vrai  de  la  Mère  des  Dieux  du  Métroon  d'Athènes,  il 
est  légitime  de  conclure  que  dès  le  v^  siècle  le  Bouleutérion  était  placé 
sous  la  protection  de  cette  déesse,  qui  portait  aussi  à  Athènes  le  nom  de 
Basileia.  Rien  n'empêcherait  dès  lors  d'écrire  au  début  du  Charmide 
y.a-avT'.xp'j  tou  ty];  Bacùsiaç  îspoD,  et  la  Palestre  de  Taureas  devrait  par 
suite  être  placée  au  sud-est  du  marché,  là  ou  Lange  suppose  que  se 
trouvait  FEleusinion. 

Peu  de  temps  après  Platon,  le  nom  de  Basileia  tomba  dans  l'oubli. 
D'après  Pausanias,  (I,  8,  4),  une  statue  de  Pindarc  s'élevait  «  non  loin  » 
des  Tyrannicides,  c'est-à-dire,  comme  ce  dernier  groupe,  vis-à-vis  de 
Métroon.  Mais  une  lettre  attribuée  à  Eschine(IV,  3)  place  cette  statue 
^po  vqç  PaGfAîiou  Gi:ôa.ç,.  Il  faudrait  donc  que  le  Métroon  et  le  Portique 
eussent  été  contigus,  à  Pangle  sud-ouest  du  marché.  Or,  E.  Curtius  a 
montré  que  les  Tyrannicides  doivent  être  placés  ailleurs.  M.  L.  résout 
la  difficulté  en  admettant  que  le  texte  consulté  par  Tépistolographe  por- 
tait -Kpb  100  tepou  T%  BacriXei'aç,  d'accord  avec  l'indication  de  Pausanias; 
Fauteur  de  la  lettre,  ne  con)prenant  plus  le  sens  de  Bas'.Xeîa,  crut  qu'il 
s'agissait  de  la  c-oà  [îaffîXsto;. 

A  la  fête  des  Anthestéries,  la  «  reine  »  d'Athènes,  l'épouse  de  Tar- 
chonte  Basileus,  était  solennellement  mariée  à  Dionysos  '.  Cette  Basi'- 
Aivva'tient  lieu  incontestablement  d'une  divinité  chlhonienne  qui  s'unit 
à  Dionysos  au  retour  du  printemps.  Mais  de  quelle  divinité  s'agit- il  ? 
Ne  serait-ce  pas  de  BaaiXs'.a,  dont  la  Bac;iXivva,à  cause  de  son  nom  même, 
était  particulièrement  apte  à  jouer  le  rôle?  Pindare,  dans  les  Isthmiques 
(VII,  3),  invoque  Dionysos  comme  le  Tlapcopoç  -/aXxcxpc-cou  Aa[xa-:£poç, 
c'est-à-dire  de  la  ixî^âAYj  irrjr/jp,  et  les  monuments  montrent  assez  l'al- 
liance du  culte  dionysiaque  avec  celui  de  la  Mère  des  Dieux  -.  «  Si  l'on 
peut  identifier  Basileia  avec  la  divinité  des  Anthestéries,  conclut  M.  L., 
l'on  s'expliquera  facilement  pourquoi  le  conseil  gouvernant  d'Athènes 
était  placé  sous  sa  protection,  et  le  dénouement  un  peu  imprévu  et 

I.  Pseudo-Demosth.,  in  Neaer.,  75.  Cf.  maintenant,  sur  la  BaaiXtwa,  Hauvette- 
Besnault,  De  archoyite  rege,  1884,  p.  3o  et  63.  L'auteur  na  pu  connaître  le  pro- 
giamnie  de  M.  Loeschke,  publié  presque  en  même  temps  que  sa  thèse. 

■.:.  Cf.  Funwaenglcr,  Collection  Sabouroff,  pi.  cxxxvi. 


D'HisTomr:  f.t  dr  littérature  33  3 

«  opcrnhaft  »  des  Oiseaux  se  justifiera  comme  une  glorification  indi- 
recte de  l'épouse  mystique  de  Dionysos.  » 

Nous  avons  rendu  compte  assez  longuement  de  cet  opuscule;  cette 
insistance  nous  dispense  de  tout  éloge.  Le  meilleur  hommage  que  Ton 
puisse  rendre  à  des  travaux  aussi  remarquables,  c'est  de  faire  connaître 
le  mieux  possible  ce  qu'ils  renferment. 

Salomon  Reinach. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  La  librairie  Leroux  a  mis  en  vente  la  seconde  édition  du  Manuel 
de  l'histoire  des  religions  de  C.  P.  Tiele,  professeur  à  l'Université  de  Leyde,  traduit 
du  hollandais  par  Maurice  Vernes.  Cette  édition  diffère  considérablement  de  la  pré- 
cédente. L'auteur  ne  s'est  pas  borné  à  la  revoir  attentivement  en  vue  d'une  réimpres- 
sion et  à  y  modifier  un  grand  nombre  de  détails;  il  en  a  remanié  à  fond  certains 
chapitres,  entre  autres  ceux  qui  concernent  l'ancienne  religion  chaldéenne,  dite 
accadienne,  et  l'hindouisme.  Notons  aussi  les  changements  apportés  dans  l'exposé 
du  mazdéisme,  de  la  mythologie  slave,  etc.  Bref,  l'ouvrage  a  été  mis  au  point  en 
tenant  compte  des  travaux  considérables  accomplis  sur  plusieurs  domaines  de 
l'histoire  religieuse  depuis  1876,  date  de  l'édition  hollandaise.  Une  amélioration, 
peut-être  plus  importante  encore,  consiste  dans  l'addition  de  notices  bibliographi- 
ques étendues,  qu'on  trouvera  placées  en  tête  des  différentes  divisions  du  livre  et 
qui  contiennent  une  sorte  d'histoire  critique  de  la  marche  des  éludes  religieuses 
depuis  le  commencement  de  ce  siècle. 

—  Trois  lettres  inéditas  du  cardinal  Ma:^arin.  —  M.  E.  Caillemer  vient  de  publier 
(Mémoires  de  V Académie  de  Lyon)  trois  lettres  de  Mazarin,  qu'il  a  trouvées  dans 
un  recueil  de  pièces  manuscrites  appartenant  à  la  Bibhothèque  de  cette  ville.  Une 
de  ces  lettres  (21  février  1643;  a  été  seulement  analysée  par  M.  Chéruel  (t.  11, 
p.  G42)  d'après  une  copie  conservée  à  Paris;  les  deux  autres  (4  et  lO  juin  1O44)  ne 
sont  pas  même,  comme  le  remarque  notre  collaborateur,  mentionnées  dans  le  ré- 
pertoire de  la  correspondance  du  cardinal  dont  le  tome  III  a  paru  tout  récemment. 
Les  trois  documents  sont  adressés  au  cardinal  Alphonse  de  Richelieu,  archevêque 
de  Lyon.  On  savait  déjà  qu'il  existait  d'étroites  relations  entre  Mazarin  et  le  frère 
aîné  de  son  «  illustre  patron  w,  relations  arrosées,  du  côté  du  cardinal  de  Lyon, 
par  «  de  bonnes  quantités  de  son  vin  de  la  Charité  »  qu'il  expédiait  au  ministre 
d'Anne  d'Autriche.  Les  nouvelles  lettres  montrent  la  haute  estime  de  Mazarin  pour 
l'ancien  Chartreux.  On  y  trouve  diverses  choses  intéressantes  pour  l'histoire  géné- 
rale et  qui  sont  très  bien  mises  en   lumière   dans  les  notes  du   savant   éditeur.  — 

T.  DE  L. 

—  La  librairie  H.  Lecène  et  H.  Oudin,  vient  de  faire  paraître  un  volume  sur 
Madame  de  Maintenon,  institutrice,  par  Emile  F"aguet.  (260  p.,  i  fr.  5o  c).  Ce  vo- 
lume contient  une  introduction  où  M.  F.  étudie  dans  Madame  de  Maintenon  la  femme, 
l'institutrice,  l'écrivain.  Il  résume  à  la  suite  les  appréciations  de  la  critique  moderne. 
Vient  ensuite  le  texte  des  Extraits,  des  lettres,  avis,  entretiens,  conversations  et 
proverbes  de  Madame  de  Maintenon  sur  l'éducation.  Enfin  M.  F.  a  donné  des  notes 


:>b^  KKVUK    CHITIQUR 

explicatives  et  do  nombreux  éclaircissements  où  il  fait  enlrer  la  substance  du  Traité 
de  l'Education  des  filles  de  Fe'nelon  dont  Madame  de  Maintenon  s'est  inspirée. 
Cette  nouvelle  édition  est  précédée  d'un  portrait,  d'après  Mignard  (musée  de  Ver- 
sailles), représentant  Madame  de  Maintenon  avec  son  élève  Mademoiselle  de  Blois. 
—  Deux  lettres  de  Mascaron  à  iU"«  de  Scudéry.  —  Ces  deux  lettres  insérées  par 
M.  René  Fage  dans  l'élégante  brochure  qui  sort  des  presses  de  Mazcyrie  (Tulle, 
i885,  in-8o  de  22  p.),  proviennent  d'un  lot  d'autographes  récemment  acheté  par  le 
fameux  collectionneur  de  Londres,  M.  Alfred  Morrison.  fvlascaron,  nommé  évêque 
de  Tulle,  avait,  en  quittant  Paris,  promis  à  M"e  de  Scudéry  de  lui  donner  des  nou- 
velles de  son  voyage  et  de  lui  tracer  le  tableau  de  sa  ville  épiscopale.  La  lettre  du 
23  juin  1672  répond  à  ce  double  engagement.  La  seconde  lettre,  écrite  de  Tulle  le 
12  octobre  1674,  a  été  citée  par  son  ancien  possesseur,  M.  Monmerqué  (avec  la  date 
inexacte  de  16  j 2)  dans  l'article  sur  Madeleine  de  Scudéry  de  la  Biographie  univer- 
selle. U  y  est  question  de  Cyrus,  de  Clélie  et  d'Ibrahim,  ouvrages  qui  ont  toujours 
pour  le  bon  évêque.  «  le  charme  de  la  nouveauté  »  et  où  il  «  trouve  tant  de  choses 
propres  pour  reformer  le  monde  que  vous  serez,  ajoute-t-il,  très  souvent  [citée  dans 
mes  sermons]  à  costé  de  saint  Augustin  et  de  saint  Bernard  ».  Mascaron,  dans  la 
même  lettre,  annonce  à  son  amie  l'envoi  de  «  six  paires  de  gants  de  fil  ».  M.  R.  Fage, 
auteur  d'une  excellente  notice  sur  le  Point  de  Tulle  (1882),  pouvait  mieux  que 
personne  nous  expliquer  qu'il  s'agit,  à  n'en  pas  douter,  de  gants  en  dentelle,  montés 
et  brodés  par  les  filles  du  pays,  et  il  rappelle  que  le  docte  Baluze  faisait,  à  la  même 
époque,  des  cadeaux  de  ce  genre  aux  dames  de  son  entourage.  Au  moment  même 
où  l'on  achevait  d'imprimer  la  brochure  de  M.  Fage,  paraissait  dans  le  Correspon- 
dant (25  novembre  1884)  toute  la  correspondance  de  Mascaron  avec  M'"  de  Scudéry. 
Le  mérite  des  deux  concurrents  permet  de  dire  que  ce  qui  abonde  ne  vicie  pas.  — 

T.   DE  L. 

ITALIE.  —  M.  V.  De  Vit,  bien  connu  dans  la  science  par  sa  refonte  du  Lexicon 
de  Forcellini  et  par  son  Totius  latinitatis  Onomasticon,  en  cours  de  publication,  a 
fait,  le  2  I  décembre  dernier,  devant  l'Académie  des  sciences  de  Turin,  la  lecture  d'un 
mémoire  sur  la  façon  dont  il  faut  lire  dans  les  monuments  épigraphiques  l'abrévia- 
tion d'usage  si  fréquent,  D'L  (Délia  lettiaa  dellc  leitere  singolari  3-L  nci  monu- 
menti  epigrafici,  Turin,  Loescher,  1884,  8°,  21  p.^  Le  sens  de  ces  deux  lettres  n'est 
pas  douteux;  tout  le  monde  reconnaît  qu'elles  signifient  le  libertus  ou  la  liberla 
d'une  femme.  Où  il  y  a  désaccord  entre  lesépigraphistes,  c'est  pour  savoir  si  D'L  si- 
gnifient simplement  Caiae  libertus  {liberta)  ou  si  le  0  renversé  tient  lieu  du  gentî- 
licium  de  la  patronne,  de  telle  manière  que  l'inscription  suivante  sosia'd-l  équivau- 
drait à  sosiA.*sosiAE'  Liberta.  Cette  dernière  opinion  a  été  introduite  dans  l'épigra- 
phie  latine  par  Cavedoni,  en  1842  ;  elle  a  été  adoptée,  entre  autres,  par  M.  Henzen. 
C'est  en  faveur  de  l'ancienne  opinion  que  M.  De- Vit  a  composé  son  mémoire.  U 
pose  en  principe  que  tout  sigle  doit  être  lu  et  interprété  par  un  mot  dont  la  pre- 
mière lettre  soit  la  lettre  même  du  sigle,  ou  la  première,  si  le  sigle  se  compose  de 
plus  d'une  lettre.  Il  vérifie  cette  règle  sur  une  série  d'exemples.  Par  suite,  sa  con- 
clusion est  que  les  lettres  qL  ne  sauraient  avoir  une  autre  interprétation  que  celle 
qui  a  été  pendant  longtemps  en  usage,  c'est-à-dire  Caiae  libertus  (liberta).  Un  exa- 
men attentif  de  toutes  les  inscriptions  qui  ont  été  citées  en  faveur  de  l'autre  système 
de  lecture  conduit  l'éminent  érudit  à  la  même  conclusion.  —  G.  L-G. 


d'hISTOIKK    Kl     bK    LITTKKATOKE  355 

ACADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET   BELLES-LETTRES 


Séance  du  24  avril  i8S5. 

Une  lettre  de  M.  Le  Blant,  directeur  de  l'école  française  de  Rome,  fait  connaître 
diverses  nouvelles  archéologiques.  D'après  une  communication  de  M.  Stevenson  à 
l'Acaaémie  d'archéologie  chrétienne,  M.  Le  Blant  donne  des  détails  sur  la  découverte 
d'une  habitation  du  iv"-'  siècle  de  notre  ère,  via  dello  Statido.  On  a  trouvé  deux 
chambres.  Tune  triangulaire,  l'autre  carrée,  celle-ci  ornée  de  stucs  avec  des  médail- 
lons, probablement  les  portraits  des  principaux  philosophes,  d'après  cette  inscription 
"rav'ée  sous  l'un  d'entre  eux  :  Apolonius  Thyaneus.  Au-dessous  sont  deux  chambres 
souterraines.  L'une  est  une  salle  de  bains;  on  y  a  trouvé  une  tuile  qui  porte  celte 
inscription  :  Cvispiniane  vivas  ctim  omnibus  tuis.  L'autre  paraît  avoir  été  un  lieu 
consacré  au  cuhe  de  Mithra.  On  y  voit  une  table  de  marbre,  avec  l'image  bien  con- 
nue du  jeune  homme  égorgeant  un  taureau,  des  lampes  à  ornements  perles,  une 
règle  de  bois  percée  de  trous  pour  placer  des  cierges,  etc.  Tous  ces  objets  sont  en 
place;  le  sanctuaire  paraît  avoir  été  fermé  et  abandonné  brusquement,  sans  doute 
dans  l'a  crainte  d'une  persécution  chrétienne.  On  a  remarqué  la  même  particularité, 
dit  M.  Le  Blant,  au  Mithrceiim  d'Ostie,  et  aussi,  ajoute  M.  Renan,  dans  un  autre 
Mithrceum  trouvé  il  y  a  quatre  ans  à  Saïda.  —  Dans  la  catacombe  de  Sainte  Pris- 
cille,  M.  de  Rossi  a  commencé  des  fouilles  qui  ont  mis  au  jour  plusieurs  épitaphes 
primitives,  masquées  par  un  mur  antique.  —  A  Pompéi,  on  a  trouvé  un  nouvelle 
trace  de  la  présence  d'une  population  chrétienne  ou  juive  :  M.  Mau  a  communique 
une  inscription    grossièrement    tracée  où   l'on    lit  les   noms  de  Sodome   et  de  Go- 

L'Académie  procède  à  l'élection  d'une  commission  chargée  d  examiner  la  question 
de  l'attribution  du  prix  Jean  Reynaud,  que  l'Institut  doit  décerner  cette  année  sur 
la  proposition  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres.  Cette  commission  est 
composée  des  membres  du  bureau  de  l'Académie,  MM.  Ernest  Desjardins,  président; 
Gaston  Paris,  vice-président;  Wallon  secrétaire  perpétuel  ;  et  de  MM.  Delisle,  Re- 
nan, Hauréau,  Georges  Perrot,  Bréal  et  d'Arbois  de  Jubainville. 

M.  Sénart  commence  une  communication  sur  les  inscriptions  du  roi  Piyadasi.  Les 
textes  épigraphiqucs,  aujourd'hui  réunis  en  assez  grand  nombre,  offrent  une  série 
d'édits  d'un  roi  indien  nommé  Piyadasi,  depuis  la  i3e  jusqu'à  la  27"  année  de  son 
règne.  Lassen  a  montré  que  ce  roi  est  le  même  qui  est  mentionné  dans  les  chroni- 
ques singhalaises  sous  le  nom  d'Açoka.  Il  résulte  à  la  lois  des  inscriptions  et  des 
chroniques  qu'il  embrassa  la  religio'n  boudhique  dans  la  ge  année  de  son  règne,  et 
qu'à  partir  de  la  ii«  il  ht  preuve,  pour  cette  foi  nouvelle,  d'une  grande  ferveur, 
qu'il  conserva  jusqu'à  la  ftn  de  sa  vie.  Il  était  petit-flls  d'un  roi  Tchandragoupta, 
dans  lequel  on  reconnaît  aisément  le  Sandrocottos  des  Grecs,  contemporain  de  Sé- 
leucus  Nicator  (hn  du  iv''  et  commencement  du  iii^  siècle  avant  notre  ère).  Dans  un 
de  ses  édits,  Açoka  Piyadasi  donne  les  noms  de  plusieurs  rois  grecs  ses  contempo- 
rains :  Antioclius  de  Syrie,  Ptolémée  d'Egypte,  Antigone  de  Macédoine,  Alexandre 
d'Épire,  etc.  Ces  noms  fixent  la  date  de  l'édit  où  on  les  trouve  aux  années  270  à 
268  avant  notre  ère  :  or  cet  édit  est  de  la  iS"^  année  du  règne  d'Açoka  ;  son  avène- 
ment eut  donc  lieu  en  273  ou  environ. 

M.  P. -Charles  Robert,  en  offrant  à  l'Académie  une  brochure  dans  laquelle  il  a 
réuni  la  description  de  plusieurs  médaillons  contorniates  relatifs  au  culte  de  Cybèle 
et  d'Atys,  donne  quelques  détails  sur  ces  monuments.  Il  rappelle  que  les  objets  con- 
nus sous  le  nom  de  contorniates  sont  des  tessères  du  iv^  ou  du  v«  siècle,  relatives 
aux  représentations  hippiques  ou  théâtrales  qui  accompagnaient  les  fêtes  de  diver- 
ses divinités;  on  y  voit  représentés,  non  ces  divinités  elles-mêmes,  mais  les  acteurs 
qui  en  en  jouaient  le  rôle  sur  le  théâtre.  Les  médaillons,  dont  M.  Robert  entretient 
l'Académie,  montrent: 

Le  premier,  Atys  dans  les  bols  de  laPhrygie;  c'est  le  prologue  de  son  histoire  ; 

Le  second,  Cybèle  rencontrant  Atys  et  posant  la  main  sur  l'épaule  du  berger,  en 
signe  d'adoption  ; 

Le  troisième  un  pin,  arbre  au  pied  duquel  Atys,  qui  avait  violé  son  vœu  de  chas- 
teté, avait  trouvé  la  mort,  et  dont  l'exposition  le  22  mars,  à  Rome,  dans  le  temple 
de  Cybèle,  était  le  signal  des  pleurs  et  du  deuil  ; 

Le  quatrième  rappelle  l'expiation  sanglante  à  laquelle  des  fanatiques  se  soumet- 
taient, le  24  mars,  à  l'exemple  d'Atys  ; 

Le  cinquième  représente  Atys  ressuscité,  le  pin  mystique,  et  Cybèle  sur  un  trône 
soutenu  par  des  lions.  C'est  le  commencement  des  têtes. 

Entin,  le  27tmar3,  Atys  et  Cybèle  se  montraient  sur  un  char  traîné  par  des  lions  et 
une  immense  procession  se  déroulait  sur  leurs  pas.  C'est  le  triomphe  de  Cybèle  et 
d'Atys,  traînés  par  des  lions,  qui  forme  le  dernier  sujet.  Des  signes  du  zodiaciue, 
imprimés  dans  le  champ,  semblent  indiquer  l'époque  où  avaient  lieu  jadis  les  fêtes 


356  RKVUE    CRITIQUE    DHISTOIKE    KT    DK    LITTÉRATURE 

de  la  grande  déesse  ou  bien  celle  des  représentations  et  des  pompes  qui  en  rappe- 
laient le  souvenir. 

M.  Gasati,  continue  sa  communication  sur  la  numismatique  étrusque.  Il  passe  à 
l'examen  des  inscriptions  des  monnaies  d'argent  et  d"or. 

Les  monnaies  d'argent  étrusques  sont  beaucoup  moins  nombreuses  que  les  mon- 
naies de  bronze. 

Les  inscriptions  qu'elles  portent  ne  permettent  de  fixer  que  deux  attributions  cer- 
taines, l'une  à  la  ville  de  Populonia,  l'autre  à  la  ville  de  Fœsulae  (Fiesole).  Les  piè- 
ces de  Populonia  présentent  une  particularité  unique,  elles  sont  à  revers  lisse. 
iVl.  Casati  en  fait  passer  plusieurs  sous  les  yeux  des  membres  de  l'Académie;  elles 
portent  la  marque  de  leur  valeur  et  correspondent  au  denier  romain. 

Les  monnaies  d'or  étrusques  sont  très  rares.  Les  unes  appartiennent  à  Populonia  ; 
il  en  existe  cinq  ou  six  spécimens.  Les  autres  appartiennent,  d'après  M.  Casati,  à  la 
ville  de  Vulsinii;  elles  portent  l'inscription  Velsu;  \l  en  existe  deux  exemplaires. 
M.  Casati  attribue  la  même  provenance  à  une  pièce  du  Musée  britannique,  qui 
porte,  selon  lui,  l'inscription  Velsnani;  il  établit  en  terminant  le  rapport  qui  existait 
entre  la  valeur  des  monnaies  d'or  et  celles  des  monnaies  d'argent. 

M.  Salonion  Reinach  commence  une  communication  sur  les  fouilles  exécutées 
par  lui  et  M.  Ernest  Babelon,  en  1884,  à  Bou-Ghrara  (Gighthis)  et  à  Ziân  (Tunisiej. 

Ouvrages  présentés:  —  par  l'auteur  (voy.  ci-dessus)  :  Robert  (P.-Ch),  les  Phases 
du  my^the  de  Cybèle  et  d'Arty s  rappelées  par  les  inédaillons  contorniaies  ("extrait  de 
la  Revue  numismatique)  ; —  par  M,  Gaston  Paris  :  //  Romans  de  carité  et  Miserere 
du  Renclut  de  Moiliens,  poèmes  du  xii^  siècle,  édition  critique  par  A. -G.  Van  Ha- 
MEL  (fasc.  (3i  et  62  de  la  Bibliotlièque  de  Fécole  pratique  des  hautes  études,  section 
des  sciences  historiques  et  philologiques). 

Julien  Havet. 


SOCIETE  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANGE 


Séance  du  /j  avril  iSS5. 

PRÉSIDENCE   DE  MM.    COUKAJOD    ET   SaGI.10. 

M.  Gréau  conteste  que  la  plaque  de  bronze  portant  l'inscription  espéra  en  Deo  et 
communiquée  dans  la  séance  précédente  ait  jamais  été  émaillée;  il  n'y  voit  qu'un 
travail  de  burin  sur  un  fond  doré  ;  l'objet  n'en  est  pas  moins  très  intéressant. 

M.  de  Boislisie  lit  un  travail  sur  la  grande  fonte  des  objets  d'orfèvrerie  en  1690; 
elle  a  eu  pour  conséquence  de  développer  l'industrie  de  la  faïence  à  Moustiers  et  à 
Marseille.  M  Nicard  dit  que  c'est  aux  époques  les  plus  tristes  de  notre  histoire 
qu'on  a  fabriqué  le  plus  d'argenterie,  pendant  la  guerre  de  Cent  Ans,  par  exemple. 

M.  Bapst  annonce  que  M.  le  baron  Pichon  a  recueilli  des  notes  sur  toutes  les  fontes 
exécutées  à  l'hôtel  de  la  Monnaie  et  rappelle  que,  suivant  l'opinion  de  M.  Darcel, 
l'argenterie  tenait  lieu  de  numéraire  au  moyen  âge. 

M.  l'abbé  Beurlier  présente  des  observations  sur  une  inscription  publiée  récem- 
ment par  M.  Glermont-Ganneau  et  relative  à  un  cames  primi  ordinis  d'Arabie.  11  la 
rapproche  d'un  passage  de  la  Notitia  Dignitatum  et  conclut  que  l'annotation  et  dux 
et  cornes  rei  militaj  is  se  rapporte  à  l'Arabie,  et  non  à  l'Isaurie,  comme  le  prétend 
Boecking. 

M.  Courajod  lit  un  mémoire  sur  le  buste  de  Jean  de  Bologne  conservé  au  Musée 
du  Louvre;  il  démontre  qu'il  a  été  sculpté  par  Pietro  Tacca,  attribution  qui  a  été 
dernièrement  contestée  par  M.  Abel  Desjardins. 

Le  Secrétaire, 

MOWAT. 


Rectification.  —  Dans  mon  article  sur  M.  Scheler.  (Etude  lexicologique  sur  les 
Poésies  de  Gillion  Le  Muisit,  Rev.  crit.  du  i3  avril,  i885),  j'ai  dit  que  ce  savant 
expliquait  a  fourmes  »  par  ufo)-mosus  »,  et  j'en  ai  tiré  cette  conclusion  qu'il  déri- 
vait de  «formosus  y>/ourmés.  C'est  une  inadvertance  que  je  le  prie  de  me  pardonner. 
Voici  l'article  de  l'Etude  de  M.  Scheler  :«  Fourme— faitis,  lat.,  formosus.  beau  », 
c'est-à-dire  que  u  fourmes  »,  a  la  valeur  du  latin  a  formosus  >,  mais  n'en  dérive 
point.  —  A.  Deleouile. 

Erratum.  —  Académie  des  Inscriptions,  p.  Sig,  avant  dernière  ligne,  lire  Salluste 
et  non  Tacite. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 
Le.  Pur.  imvrimerie  de  Marchessou  fils,  boulevard  Saint- Laurent.  2.». 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


H»  19  —  11  mai  —  1885 


Soinniicii'c  :  8o.  DiETRicasoN,  Antinous.  —  8i.  Berger,  Stylistique  latine,  t;aJ. 
par  Gâche  et  Piquet,  revue  par  Bonnet.  —  82.  Bloch,  De  roctroi  des  insignes  des 
magistratures  romaines.  —  83.  J.  Quichehat,  Mélanges  d'archéologie  et  d'his- 
toire. —  84..  Le  conte  de  Gamelyn,  p.  p.  Skeat.  —  85.  Sanders,  Dictionnaire 
allemand.   —  Académie   des  Inscriptions. 


81.  —  L.  Dietricuson,  Antinoos.  Eine  Kunstarcha;ologische  Untersuchung. 
Universitsetsprogramm  fur  das  1*''-'  Semester  1884.  Christiania,  Aschehoug, 
1884,   in-8,  xui  et  357  p.  Avec  une  photogravure  et  18  planches  gravées. 

En  1808,  alors  que  la  conquête  avait  réuni  au  musée  Napoléon  la 
plupart  des  chefs-d'œuvre  de  la  sculpture  antique,  Levezow  publia  sa 
monographie  Uebei'  den  Antinoos,  oh  il  décrivit  quarante-huit  œuvres 
d^art,  dont  di.x:  statues  et  dix-huit  bustes,  représentant  le  jeune  Bithy- 
nien.  Ce  travail,  d'ailleurs  fort  incomplet,  devint  bientôt  d'un  usa!?,e 
difficile,  lorsque  la  plupart  des  statues  d'Antinoiis  eurent  repris 
leurs  places  primitives  dans  les  collections  de  l'Europe.  Cependant  le 
sujet,  quelque  séduisant  qu'il  fût,  n'avait  tenté  personne  depuis  Leve- 
zow ',  soit  parce  que  l'art  romain  est  tiès  négligé  de  notre  temps,  soit  à 
cause  delà  signification  fâcheuse  attachée  au  nom  d'Antinous.  M.  Die- 
trichson  a  touché  une  première  fois  aux  questions  délicates  que  ce  nom 
soulève  dans  une  étude  sur  le  type  plastique  du  Christ,  écrite  en  da- 
nois et  que  je  n'ai  point  lue  -.  Désireux,  de  refaire  la  monogiaphie  su- 
rannée de  Levezow,  et  ne  trouvant  pas  les  ressources  nécessaires  dans 
les  musées  ni  dans  les  bibliothèques  du  Nord,  il  obtint  une  mission  de 
son  gouvernement  et  visita,  de  1880  à  1881,  Paris,  Berlin,  Dresde, 
Munich,  Venise,  Turin,  Florence,  Rome,  Naples,  la  Grèce  et  l'Egypte. 
Il  avait  déjà  étudié  auparavant  les  collections  de  Saint-Pétersbourg, 
Stockholm  et  Londres.  En  1881,  il  passa  cinq  mois  à  Rome  et  put  ras- 
sembler ses  matériaux  littéraires  à  la  Bibliothèque  de  l'Institut  archéo- 
logique. Le  volume  dont  nous  avons  transcrit  le  titre   n'est  donc  pas 

1.  Parmi  les  ouvrages  où  il  est  effleuré,  on  peut  citer  Gregorovius,  Hadrian  iiiid 
seine  Zcit,  2"  éd.,  i883;  Stahr,  Torso,  i855,  p.  381-402;  O.  MûUer,  Ilandbuch, 
l  io3;  Overbeck,  Geschiclite  der  Plastik,  i.  11,  p.  444  et  suiv.;  Lûbke,  Gcschichte 
der  Plastik,  t.  I,  p.  32 1  ;  Brunn,  art.  Antinoos  dans  la  2''  éd.  de  la  Realencydopae- 
die  àe.  Pauly,  t.  1,  p.  ii25;  Vinet,  art.  Antinous  dans  le  Dictionnaire  de  Darem- 
bcrg  et  Saglio.  Ce  dernier  travail  est  des  plus  médiocres. 

2.  Christus  billedct,  Studier  over  den  typiske  Christus  fremstillings  Oprindelse, 
Udinkliiigog  Oflosuinf(.  Copenhague,  1880.  On  annonce  une  édition  allemande  ae 
Cet  ouvrage. 

Nouvelle  séiie,  XIX.  ki 


358  RnVUF.    CUITIQUR 

Tœuvre  d'un  Jour  :    il   nous  a  paru  mériter  d'être  examiné  avec  at- 
tention. 

Les  divisions  du  sujet  étaient  nettement  indiquées  :  d'une  part,  Anti- 
nous dans  rhistoire  et  dans  la  légende;  de  l'autre,  Antinous  dans  l'art. 
Comme  pièces  justificatives  à  l'appui  de  cette  double  étude,  M.  D.  a 
réuni  tous  les  textes  anciens,  tant  littéraires  qu'épigraphiques,  où  il  a 
trouvé  la  mention  d'Antinous;  il  a  donné  un  catalogue  descriptif  des  œu- 
vres d'art  où  on  a  cru  le  reconnaître,  enfin  publié  1 8  planches  contenant 
54  figures,  dont  i5  inédites  ou  qu'il  a  crues  telles.  Tout  en  remerciant 
M.  D.  d'avoir  ainsi  misses  matériaux  à  la  disposition  de  ses  lecteurs, 
nous  ne  pouvons  porter  qu'un  jugement  sévère  sur  les  planches  qui 
accompagnent  son  ouvrage;  elles  ne  serviront  guère  qu'à  identifier  les 
statues  et  ne  donnent  pas  la  moindre  idée  de  leur  caractère  ni  de  leur 
style. 

Le  point  de  vue  de  l'auteur  est  nettement  indiqué  dès  le  début  :  «  S'il 
est  commode,  dans  l'usage  journalier,  d'opposer  le  classicisme  antique 
et  le  romantisme  du  moyen  âge,  il  ne  faut  pas  oublier  que  raniiquiié  a 
eu  elle  aussi  son  romantisme,  qui  a  commencé  à  Rome  longtemps  avant 
Julien.  »  Ce  romantisme  se  personnifie  dans  l'empereur  Hadrien,  qui 
aurait  mérité,  mieux  encore  que  Julien,  d'être  appelé  par  Strauss  «  un 
romantique  sur  le  trô.ne  des  Césars  ».  La  touchante  figure  d'Antinous, 
avec  sa  beauté,  sa  mélancolie,  sa  mort  mystérieuse,  son  apothéose,  mar- 
quent comme  la  première  apparition  du  «  sentimentalisme  romantique  » 
dans  l'art  antique  à  la  veille  de  disparaître. 

Le  portrait  que  M.  D.  a  tracé  de  «  l'empereur  romantique  »  est  juste 
dans  son  ensemble,  mais  les  traits  en  sont  un  peu  forcés.  C'est  surtout 
lorsque  l'on  cherche  le  présent  dans  le  passé  que  le  précepte  glisse\, 
n'appiiye\pas  est  bon  à  suivre.  Toute  exagération  d'un  sentiment  vrai 
provluit  l'effet  d'un  anachronisme  paradoxal.  Nous  regrettons  que  M.  D. 
n'ait  pas  connu  les  pages  exquises  que  M.  Boissier  a  consacrées  à  Ha- 
drien ^;  il  y  aurait  trouvé  le  modèle  d'une  simplicité  et  d'une  discrétion 
qui  lui  font  défaut.  Comme  il  écrit  dans  une  langue  qui  n'est  pas  la 
sienne,  son  style  n'est  pas  exempt  de  boursouflure,  et  l'abus  du  jargon 
philosophique  à  la  mode  ne  contribue  pas  à  le  rendre  plus  agréable.  Pour 
M.  D.,  le  trait  fondamental  du  caractère  d'Hadrien  serait  «  une  mélanco- 
lie profonde  alliée  à  une  contemplation  ironique  des  choses  humaines  ». 
Il  fait  ressortir  avec  raison  le  goût  d'Hadrien  pour  les  beautés  de  la  na- 
ture. Cet  empereur  qui  étonne  son  entourage  en  escaladant  l'Etna  pour 
jouir  d'un  beau  lever  de  soleil  est  certainement,  à  bien  des  égards,  une 
figure  moderne  dans  la  société  antique.  Mais  il  n'est  pas  isolé  dans  son 
siècle  :  les  contradictions  et  les  disparates  de  sa  nature  correspondent  à 
ceux  de  la  société  romaine  d'alors,  qui  se  résument  en  lui  et  y  trouvent 
leur  expression  la  plus  haute.  Si  l'on  a  pu  lui  attribuer  avec  raison  des 
^oùts  romantiques,  il  était  d'autre  part  classique  et  même  pédant,  épris 

1.  i^ohsicr,  Promenades  aicliéologiqnes,  p.  i84-i9(j. 


d'histoire  et  de  littérature  359 

des  merveilles  de  Part  de  la  Grèce  au  point  d'en  réunir  comme  une 
image  en  raccourci  dans  sa  villa  de  Tibur,  écrivant  des  vers  plus  que 
maniérés  et  préférant  le  rude  Ennius  à  Virgile.  Trois  figures  de  l'Orient 
romain,  dont  M.  D.  a  mis  les  physionomies  en  relief,  Apollonius  de 
Tyane,  Peregrinus  Proteus  et  Alexandre  d'Abonoteichos,  reflètent  les 
tendances  religieuses  de  la  société  d'alors.  Cette  société  avait  des  dieux 
innombrables,  mais  ne  laissait  pas  de  chercher  un  dieu  unique.  Ses 
aspirations  vers  le  monothéisme  se  marquent  parla  facilité  avec  laquelle 
elle  identifie  entre  eux  les  dieux  les  plus  différents.  L'esprit  naturelle- 
ment inquiet  d'Hadrien  était  agité  par  les  mêmes  problèmes  et  les  mê- 
mes doutes.  D'obscures  légendes,  qui  se  répandaient  de  plus  en  plus, 
avaient  trait  à  un  homme-dieu  qui  s'était  offert  en  sacrifice  pour  les 
hommes.  Hadrien,  suivant  M.  D.,  crut  découvrir  ce  dieu  dans  l'esclave 
Bilhynien  qui  s'était  sacrifié  pour  lui,  et  tenta  d'imposer  au  monde  le 
culte  du  favori  qu'il  pleurait. 

Toute  cette  introduction  de  M.  D.  n'est  pas  du  remplissage  :  elle  fait 
comprendre  la  légende  d'Antinolis  et  préserve  de  jugements  peu  équita- 
bles, c'est-à-dire,  dans  l'espèce,  de  grossières  erreurs.  Pour  la  plupart 
des  critiques  modernes,  comme  pour  Bayle  et  Levezow,  Antinous  est 
un  vulgaire  mignon;  on  voudrait  effacer  ce  nom  de  l'histoire  d'Hadrien 
comme  personnifiant  les  honteuses  faiblesses  d'un  grand  homme. 
«  Tandis  qu'Hadrien  remontait  le  Nil,  dit  M.  Duruy  ',  Antinous  s'y 
noya  par  accident,  ou  en  se  dévouant  pour  son  maître,  un  dieu  ayant 
déclaré  ce  sacrifice  nécessaire  au  salut  de  l'empereur.  Si  la  dernière  ver- 
sion est  vraie,  ce  dieu  voulait  des  mœurs  honnêtes  :  l'affection  d'Hadrien 
était  un  scandale,  sa  douleur  fut  une  honte.  »  Cela  est  bientôt  dit,  et  la 
sentence  n'est  pas  longue.  L'histoire  a  le  droit  d'exiger  qu'on  la  motive. 
Nous  sommes  reconnaissant  à  M.  D.  d'avoir  étudié  minutieusement  les 
pièces  du  procès,  et  d'avoir  pu,  à  l'honneur  de  l'humanité,  conclure  à 
l'acquittement  des  prévenus. 

On  sait  peu  de  chose  touchant  la  vie  d'Antinous,  Il  naquit  à  Bithy- 
nium,  colonie  de  Mantinée,  le  27  novembre;  mais  la  date  de  l'année 
de  sa  naissance  est  très  incertaine.  M.  D.,  qui  le  fait  mourir  en  i3o, 
admet  qu'il  naquit  en  110,  parce  que  les  œuvres  d'art  qui  le  représen- 
tent, et  le  nom  de  [XEtpây.'.ov  qu'on  lui  donne,  ne  permettent  guère  de  lui 
attribuer  plus  de  vingt  ans  à  l'époque  de  sa  mort.  Cette  dernière  épo- 
que a  été  l'objet  de  longues  discussions  :  on  l'a  placée  tantôt  entre  121 
et  126,  tantôt  entre  129  et  i32,  dates  extrêmes  de  deux  voyages  d'Ha- 
drien en  Egypte.  La  seconde  hypothèse  est  seule  admissible.  En  effet, 
les  inscriptions  du  colosse  de  Memnon  prouvent  que  l'empereur  péné- 
tra jusqu'à  Thèbes  en  i3o.  Les  monnaies  frappées  à  Alexandrie  à  l'épo- 
que du  séjour  qu'y  fit  Hadrien  indiquent  la  quinzième  année  de  son 
rè.'^ne-;  or,  ce  sont  des  années  alexandrines  commençant  le  29  août,  et 

2.  Histoire  des  Rotiuiins,  6(.\.  major,  V,  p.  (-)2. 
i.  Eckhal,  Doctrina,  iV,  p.  480,  490. 


36o  REVUE    CRITIQUE 

Hadrien  monta  sur  le  trône  le  1 1  août  1 17.  La  première  année  de  son 
règne,  pour  les  Egyptiens,  comprenant  seulement  le  court  espace  entie 
le  1 1  et  le  28  août  117,  la  quinzième  va  du  29  août  1 3o  au  28  août 
1 3 1 .  Il  est  vrai  qu'une  monnaie  d'Alexandrie  à  Teffigie  d'Antinous  porte 
l'indication  de  la  treizième  année  d'Hadrien.  Bien  qu'Eckhel  et  Sallet 
en  aient  révoqué  Tauthenticité  en  doute,  M.  D.  remarque  que  Tauteur 
de  la  matrice  a  pu  faire  commencer  par  erreur  le  règne  d'Hadrien  à  sa 
première  puissance  tribunice,  le  10  décembre  117,  ce  qui  placerait  la 
treizième  année  en  i3o.  Comme  Hadrien  était  à  Thèbes  à  la  fin  de  Tau- 
tomne  de  i38,  il  semble  qu'il  remontait  le  fleuve  au  commence- 
ment de  Tautomne  de  la  même  année  et  que  la  mort  d'Antinous  à  Besa 
(Antinoé)  doit  se  placera  cette  époque.  Besa,  d'après  la  Chronique  Pas- 
chale,  avait  été  fondée  huit  ans  plus  tôt,  en  122  ;  il  faut  admettre  que 
la  Chronique  s'est  trompée,  ou  que  la  ville  élevée  à  Besa  ne  reçut  que 
plus  tard  le  nom  d' Antinoé,  sous  lequel  elle  est  restée  célèbre. 

D'après  M.  Dûrr,  le  consciencieux  historien  des  voyages  d'Hadrien, 
l'empereur  se  serait  trouvé  en  Cappadoce  vers  le  mois  de  mars  i3o. 
M.  Dietrichson  pense  qu'il  s'attacha  Antinous  à  cette  époque,  lors  de  son 
passage  à  Bithynium.  La  liaison  d'Hadrien  et  d'Antinous  n'aurait  donc 
duré  qu'environ  sept  mois.  C'est  là  une  hypothèse  qui  ne  paraît  pas  jus- 
tifiée. Avant  de  devenir  l'ami  de  l'empereur,  le  jeune  esclave  dut  recevoir 
quelque  éducation  dans  un  paedagogium,  et  rien  n'oblige  à  admettre 
qu'Hadrien  l'ait  rencontré  pour  la  première  fois  à  Bithynium.  Il  faut 
se  résigner,  pour  l'instant,  à  ne  rien  savoir  de  positif  sur  ce  point. 

Les  témoignages  des  anciens  sur  la  liaison  d'Hadrien  et  d'Antinous 
sont  loin  d'être  également  défavorables  à  l'empereur.  Dans  presque  tous, 
on  reconnaît  l'existence  de  deux  versions,  l'une  malveillante  et  pour 
ainsi  dire  sceptique,  l'autre  naturelle  et  bienveillante.  Comme  l'a  très  bien 
montré  M.  D.,  la  seconde  version  ne  prévaut  définitivement  que  sous  la 
plume  des  écrivains  chrétiens.  Lucien,  dans  son  Assemblée  des  Dieux, 
est  le  premier  qui  ait  incriminé  l'affection  d'Hadrien,  en  assimilant 
Antinous  à  Ganymède.  Dion  Cassius  et  Spartien  ne  mentionnent  ces 
accusations  qu'à  titre  de  bruits.  Aurelius  Victor  les  traite  ouvertement 
de  rumores  7nali,  ce  qui  prouve  tout  au  moins  qu'il  n'v  avait  rien  de 
prouvé  à  cet  égard.  11  s'est  même  trouvé  un  écrivain  chrétien,  Athéna- 
gore,  pour  décorer  l'amitié  d'Hadrien  pour  Antinous,  dans  son  Apolo- 
g'z'e  adressée  à  Marc-Aurèle,  du  beau  nom  de  çtXavOpwTrîa.  Mais  Athéna- 
gore  est  une  exception,  sans  doute  parce  qu'il  parlait  à  un  empereur; 
tous  les  autres  Pères,  Tertullien,  Origène,  Athanase,  Prudence,  saint 
Jérôme,  considèrent  l'infamie  d'Hadrien  comme  un  fait  prouvé.  Le 
motif  qui  les  inspirait  a  été  très  bien  indiqué  par  Bayle  ^  :  «  Les  Pères 
de  l'Eglise,  dit-il,  se  servirent  avantageusement  de  cette  folie  supersti- 
tion pour  faire  sentir  la  vanité  de  la  religion  païenne.  11  était  aisé  de 

I.  L'article  Antinous  du  Dictionnaire  critique  est  resté   inconnu  de  M.  D.  :  il  y 
aurait  trouvé  plus  d'une  indication  intéressante. 


.i 


D'HtSTOIRE    ET    DU    LITTÉRATURE  36  I 

remonter  jusqu'à  la  source,  à  l'égard  de  cette  nouvelle  divinité,  et  puis 
de  rendre  suspecte  l'origine  de  toutes  les  autres.  »  Les  païens  repro- 
chaient aux  chrétiens  d'adorer  un  homme  de  basse  naissance,  un  juif 
méprisé  :  les  apologistes  répondaient  aux  païens  qu'ils  adoraient  un 
Gitou.  D'ailleurs,  ils  n'allèguent  pas  un  seul  fait  qui  ne  se  trouve  dans 
Spartien  ou  dans  Dion  :  leurs  accusations  ne  prouvent  donc  rien  de 
plus  que  les  bruits  eux-mêmes  dont  les  historiens  païens  se  sont  faits 
l'écho.  Hadrien,  comme  l'a  montré  M.  Boissier,  n'a  pas  été  aimé  de  ses 
contemporains;  Dion  etSpartien  ontconsultédes  mémoires  qui  lui  étaient 
certainement  hostiles.  On  sait  aussi  que  l'apothéose  d'Antinous,  décré- 
tée par  unjïat  deus  de  l'empereur,  n'a  pas  été  reconnue  par  le  sénat,  ce 
qui  était  contraire  à  tous  les  usages,  et  que  Rome,  si  hospitalière  à  tous 
les  dieux,  a  montré  une  répugnance  presque  invincible  à  l'introduction 
du  culte  nouveau.  Hadrien  avait  méconnu  des  privilèges  aristocratiques: 
c'est  la  morale  publique  qu'on  l'accusa  d'avoir  souillée.  Quant  à  Lu- 
cien, que  M.  D.  appelle  assez  étrangement  «  un  mélange  de  l'ironie  de 
Voltaire  et  de  l'étourderie  de  Jacques  Offenbach  »,  il  appartenait  à  une 
coterie  de  beaux  esprits,  frondeurs  et  sceptiques,  qui,  par  réaction  contre 
la  crédulité  grossière  des  foules,  aimaient  à  exercer  leur  raillerie  aux 
dépens  des  dieux  nouveaux.  Un  empereur  amoureux  et  un  page  déitié 
se  prêtaient  admirablement  à  la  satire  :  le  parallèle  de  Jupiter  et  de 
Ganymède  s'imposait.  Les  esprits  forts,  qui  sont  parfois  des  esprits 
étroits,  ne  voyaient  dans  toute  cette  histoire  qu'un  homme  d'âge  mûr 
épris  d'un  bel  adolescent,  et  ils  concluaient,  avec  Aurelius  Victor,  que 
les  apparences  étaient  fâcheuses  :  In  remisso  ingenio  sus^ectam  aesti- 
mantes  varietatem  aevi  longe  impari  lis. 

Nous  avons  la  preuve  certaine  que  ces  mauvais  bruits  commencèrent 
à  courir  du  vivant  d'Hadrien,  et  que  l'empereur  les  dénonça  comme  des 
calomnies.  Vopiscus  nous  a  conservé,  dans  la  vie  de  Saturninus,  une 
lettre  d'Hadrien  à  son  beau-frère  Servien,  empruntée  à  l'autobiographie 
de  l'empereur  publiée  sous  le  nom  de  Phlégon.  Hadrien  se  plaint,  dans 
cette  lettre,  du  caractère  des  Alexandrins  :  «  J'ai  tout  accordé  à  cette 
ville  d'Alexandrie;  je  lui  ai  rendu  ses  anciens  privilèges,  je  lui  en  ai 
donné  de  nouveaux,  dont  elle  m'a  témoigné  sa  reconnaissance  tant  que 
j'étais  présent.  Mais  sitôt  que  je  l'ai  quittée,  on  s'est  mis  à  tenir  mille 
propos  sur  le  compte  de  mon  fils  Yerus;  je  crois  que  tu  sais  ce  que  Von 
a  dit  d'Antinous.  »  Le  texte  des  manuscrits  porte  :  De  Antonino  quae 
dixerint,  comperisse  te  credo.  Mais  l'empereur  aurait  écrit  de  T.  Aure- 
Ho  Antonino  ;  Casduhon  a  proposé  la  correction  Antinoo,  qui  paraît 
certaine  et  qui  a  été  généralement  admise.  Or,  rien  n'obligeait  Hadrien 
à  mentionner  ces  bruits  dans  une  lettre  adressée  à  son  beau-frère;  son 
allusion  dédaigneuse  aux  rmnores  mali  des  Alexandrins  est  une  justifi- 
cation qui  suffit  à  réfuter  les  insinuations  des  auteurs  païens  et  les  ca- 
lomnies des  Pères.  Enfin,  il  est  à  noter  que  dans  tous  les  textes  sérieux, 
ceux  des  historiens  païens,  l'apothéose  d'Antinous  est  expliquée  soit  par 


302  Rr:vuE  critique 

ses  relations  coupables  avec  Hadrien,  soit  par  son  sacrifice  volontaire 
pour  la  vie  de  l'empereur,  mais  jamais  par  ces  deux  motifs  à  la  fois. 
Ainsi,  Tune  de  ces  deux  hypothèses  réduit  l'autre  à  néant,  et  il  se  trouve, 
comme  nous  le  verrons  plus  loin,  que  la  seconde  est  infiniment  la  plus 
vraisemblable.  On  conçoit  cependant  que  la  première  ait  aisément 
trouvé  créance  à  Rome  auprès  d'esprits  troids  et  positifs  qui  considé- 
raient la  mort  d'Antinous  comme  un  simple  accident.  Faut-il  ajouter 
que  ce  que  nous  savons  du  génie  d'Hadrien  proteste  contre  le  soupçon 
d'une  infamie  que  les  moralistes  romains  sont  unanimes  à  fîétrir  ?  — 
Telle  est  l'argumentation  de  M.  D.,  dégagée  de  considérations  secondai- 
]-es  et  toutes  subjectives  qu'il  eût  mieux  fait  de  passer  sous  silence,  dans 
l'intérêt  même  de  la  cause  qu'il  a  plaidée  avec  une  noble  chaleur. 

M.  D.  a  raille  fois  raison,  mais  nous  craignons  qu'il  n'ait  perdu  sa 
peine.  Sa  réhabilitation  ne  sera  acceptée  que  de  ceux  qui  étaient  con- 
vaincus à  l'avance.  Déjà  quelques  protestations  se  sont  fait  entendre  '  : 
elles  sont  destinées  à  trouver  plus  d'un  écho.  Ernest  Curtius,  dans  son 
admirable  essai  sur  l'Amitié  dans  V Antiquité  ",  a  dit  que  l'amitié  chez 
les  anciens  équivalait  à  la  «  Schivurmerei  »  chez  les  modernes.  C'est 
une  haute  vérité  dont  l'intelligence  est  devenue  rare.  L'amitié  s'est  re- 
froidie en  même  temps  que  l'amour  s'est  épuré  ;  on  ne  comprend  plus  que 
l'amitié  des  anciens  ait  pu  être  tout  à  la  fois  ardente  et  pure.  Ce  que 
M.  D.  a  fait  pour  Hadrien,  d'autres  l'ont  fait,  il  y  a  longtemps,  pour 
Virgile,  pour  Socrate,  pour  Sappho;  et  pourtant,  les  mêmes  calomnies 
reparaissent  sans  cesse,  jusque  dans  les  mots  d'amour  socratique  et  de 
sapphisme,  qui  servent  à  désigner,  par  manière  de  périphrases,  des  aber- 
rations écœurantes.  La  faute  n'en  est-elle  pas,  dans  une  certaine  mesure, 
à  ce  qu'on  pourrait  appeler  une  survivance  de  l'esprit  ascétique,  qui 
nous  a  rendu  suspecte  la  beauté  physique  en  la  représentant  comme 
un  piège  du  démon  ?  Pour  les  natures  élevées  de  l'antiquité,  la  contem- 
plation de  la  beauté  était  par  elle-même  la  plus  haute  des  jouissances  "■  : 
on  nous  a  habitués  à  ne  voir  en  elle  qu'une  promesse  de  volupté.  Il 
serait  grand  temps  que  la  philologie,  dont  l'objet  dernier  est  l'intelli- 
gence de  l'esprit  antique,  s'inspirât  de  l'exemple  d'Oifried  Miiller,  de 
Welcker,  de  Comparetli,  pour  laisser  aux  dilettantes  qui  n'ont  lu  que 
Martial  et  Pétrone  le  plaisir  et  la  honte  de  couvrir  de  boue  les  plus 
belles  figures  de  l'antiquité. 

Au  dire  de  Dion  Cassius,  Hadrien  affirmait  lui-même  qu'Antinous 
s'était  noyé  dans  le  Nil;  d'autres,  et  Dion  partage  leur  avis,  soutenaient 


I.  M.  Biûmner  s'est  inscrit  en  taux  contre  ce  qu'il  appelle»  cine  bedenklichc  und 
verfehlie  Rettuns;  Ti^  (Wochenschrift  fiir  klassische  Philologie,  1884,  p.  1121).  Tant 
pis  pour  M.  Biûmner. 

a-  Alterthinn  und  Gef^einiKis  t,  I,  p.   i83-202. 

?.  Voyez  le  Pltèdre  de  Platon,  auquel  il  est  curieux  de  comparer  la  Metaphysik 
dcr  Liebe  dans  Die  Wclt  als  Wi7/e  deSchopenhauer.  La  comparaison  est  accablante 
pour  la  grossièreté  de  l'esprit  moderne. 


OHISTOIRË    KT    UE    L.1  ÎTKK  A  i  Lilt  K  363 

qu'il  avait  été  sacrifie.  D'après  Aureiius  Victor,  on  disait  que  les  M.'.ges 
avaient  exigé,  pour  prolonger  la  vie  d'Hadrien,  qu'une  personne  se 
sacrifiât  volontairement  pour  lui  :  comme  tous  s'y  refusaient,  Antinous 
s'était  dévoué.  Il  nous  semble  que  les  historiens  modernes,  y  compris 
M.  D-,  ont  commis  un  contre-sens  sur  le  texte  de  Dion  Cassius.  «  D'a- 
près Hadrien  lui-même,  dit  M.  D.  (p.  70),  Antinoiis  aurait  été  victime 
d'un  simple  accident.  »  Dion  met  simplement  en  présence  deux  versions 
opposées  :  suivant  l'une,  qui  était  celle  d'Hadrien,  Antinous  était  tombé 
dans  le  Nil  (£[j,7rî(7wv),  suivant  l'autre,  il  avait  été  immolé  (EspoupYTjOîîç). 
C'est  le  genre  de  mort  qui  est  seul  en  question  :  d'après  Hadrien,  Antinous 
s'est  noyé;  d'après  ses  détracteurs,  auquel  se  rallie  naturellement  Dion, 
il  a  été  victime  d'un  sacrifice  sanglant.  Hadrien  affirme  qu'Antinous  est 
tombé  dans  le  Nil,  mais  il  ne  dit  pas  que  ce  fût  par  accident,  et  non 
avec  une  intention  de  sacrifice.  Le  texte  de  Phlégon,  que  Dion  avait  sous 
les  yeux,  était  probablement  très  peu  explicite,  puisque  l'empereur  de- 
vait éprouver  quelque  gêne  à  rappeler  une  immolation  volontaire  que 
sa  superstition  avait  seule  rendue  possible. 

Différentes  œuvres  d'art,  notamment  le  célèbre  groupe  de  saint  Ilde- 
fonse  à  Madrid,  les  gemmes  de  Mason  et  de  Fauvel,  représentent  clai- 
rement le  sacrifice  d'Antinoiis;  mais  la  première  a  été  défigurée  par  des 
restaurations  ',  et  les  autres  sont  assurément  apocryphes.  Il  n'y  a 
donc  rien  à  tirer  de  ces  témoignages  suspects.  Mais  il  est  remarquable 
qu'Antinous  soit  représenté  de  préférence  sous  les  traits  de  Dionysos, 
d'Osiris  et  d'Hermès,  c'est-à-dire  de  trois  divinités  qui  n'ont  rien  de 
commun,  sinon  d'être  descendues  aux  enfers  pour  en  ramener  des  morts. 
Sémélé  revient  à  la  lumière  avec  Dionysos,  Perséphone  avec  Hermès, 
et  Osiris  est  désigné  comme  «  celui  qui  s'est  sacrifié  pour  ses  frères.  » 
Cette  conception  de  Yantipsychie,  de  la  «  mors  vicaria  »  n'est  nulle- 
ment particulière  au  christianisme  :  M.  D.  a  rassem.blé  (p.  79)  un  cer- 
tain nombre  de  textes  à  ce  sujet,  et  il  aurait  pu  en  ajouter  bien  d'autres. 
Elle  existait  dans  les  mystères  d'Eleusis  et  dans  ceux  de  Sérapis  en 
Egypte.  Mais  nous  croyons  que  M.  D.  a  fait  fausse  route  en  supposant 
qu'Antinous  avait  été  initié  à  cette  doctrine,  pendant  le  court  séjour 
qu'il  fit  avec  Hadrien  à  Jérusalem  et  à  Alexandrie.  Nous  nous  gardons 
de  penser,  comme  lui,  qu'Antinous  fut  un  mystique,  encore  moins 
qu'un  mysticisme  partagé  fût  le  lien  entre  l'empereur  et  son  esclave. 
Antinous  était  aimé  et  il  aimait  ;  un  jour  il  apprend  que  la  vie  de  l'em- 
pereur est  en  péril,  qu'elle  ne  peut  être  sauvée  que  par  un  sacrifice  vo- 
lontaire :  il  se  sacrifie.  L'histoire  nous  paraît  ainsi  plus  vraisemblable 
et  plus  simple.  Cette  notion  du  sacrifice  est  d'une  intelligence  si  facile 
que  les  peuples  les  moins  cultivés  ont  pu  la  comprendre  quand  ils  se 
sont  convertis  au  christianisme.  Toutes  les  hypothèses  qu'a  échafaudées 
M.  D.,  pour  faire  d'Antinous  une  façon  de  philosophe,  ne  reposent  que 

t.  I.'examen  du  moulage  de  ce  groupe  à  l'Ecole   des  Beaux-.\rts  m'a  convaincu 
que  la  têts  d'Antinous  a  citf  fixée  sur  un  corps  auquel  elle  n'appartient  pas. 


364  KEVUK    CRITIQUE 

sur  le  sable.  Qu'Hadrien  ait  été  initié  ou  non  aux  doctrines  chrétien  nés, 
son  esclave  a  dû  leur  rester  complètement  étranger.  M.  D.,  malheu- 
reusement, ne  s'est  pas  arrêté  dans  la  voie  des  conjectures.  Pour  lui, 
Hadrien  a  déifié  Antinous  à  l'imitation  du  Christ  déifié.  «  Le  sacrifice 
d'Antinous,  écrit-il,  est  un  reflet  jeté  par  le  christianisme  qui  s'élève 
sur  le  monde  antique  qui  se  meurt.  «Ce  sont  là  des  mots,  praetereagiie 
nihil.  Tout  ce  qu'on  peut  dire,  c'est  que  l'état  religieux  et  moral  du 
monde  païen  était  singulièrement  propice  au  développement  du  chris- 
tianisme, et  que  le  sacrifice  mystique  d'Antinous  en  fournirait  au  be- 
soin une  preuve  nouvelle.  Celse,  au  dire  d'Origène,  avait  rapproché  le 
culte  du  Christ  de  celui  d'Antinous  ',  mais  c'est  là  une  idée  toute  per- 
sonnelle et  d'ailleurs  isolée,  dont  il  n'y  a  rien  à  conclure.  Un  fait  non 
moins  curieux,  mais  encore  moins  concluant,  c'est  que  l'artiste  —  Lo- 
renzettp  ou  Raphaël  —  qui  a  sculpté  la  statue  du  prophète  Jonas  dans 
Péglise  Maria  del  popolo  à  Rome,  a  donné  à  la  tête  du  prophète  les 
traits  d'Antinous,  alors  que  le  reste  de  la  figure  est  une  imitation  des 
Tritons  de  la  villa  Borghèse  ". 

Le  reste  du  volume  de  M.  D.,  qui  en  est  la  partie  la  plus  considéra- 
ble, est  consacré  à  l'étude  archéologique  du  type  d'Antinous.  «  Ce  type, 
dit  M.  D.  (p.  i52),  est  la  dernière  création  de  Tart  antique  et  la  première 
de  l'art  romantique  ;  il  occupe  la  même  place  significative  sur  les  confins 
.  de  Fart  ancien  et  de  l'art  nouveau  qu'Antinous  lui-même  à  la  limite  de 
la  pensée  antique  et  de  la  pensée  moderne  "'.  »  On  l'a  dit  bien  des  fois, 
Antinous  est  la  dernière  création  idéale  de  l'art  antique,  qui  semble 
avoir  retrouvé  quelque  chose  de  sa  vigueur  pour  célébrer  le  favori  d'Ha- 
drien et  s'associer  à  la  douleur  du  maître  du  monde.  Toutefois,  quel- 
que admiration  que  l'on  ressente  en  présence  de  plusieurs  de  ces  statues, 
comparées  surtout  aux  productions  contemporaines,  on  ne  peut  s'em- 
pêcher de  reconnaître  dans  les  meilleures  les  défaillances  d'un  art  qui 
s'en  va,  où  l'uniformité  du  modelé,  le  traitement  froid  et  monotone  des 
surfaces,  ne  sont  pas  rachetés  par  une  habileté  technique  souvent  admi- 
rable. M.  D.  remarque  avec  raison  que  les  types  d'éphèbes  créés  par 
l'art  attique  ont  exercé  une  grande  influence  sur  la  formation  du  type 
d'Antinous,  où  la  convention  et  le  souvenir  de  la  réalité  ont  également 
leur  part.  Mais,  suivant  une  erreur  commune  depuis  la  découverte  de 


1.  Contre  Celse,  III,  c.  SG-Sy  :  'Ersi  0£  [J.'-cx  lauxa  v.x\  zx  r.api  twv  zatctxwv 
'Aoptavcj  (Xéyw  C£  Ta  Xîpt  'Avxivcou  -où  [;.£'.pay.(ou  -/.ai  -à;;  elç  aùxbv  twv  iv 
'AvTtvcou  TrcXsi  -crjç  Ai^ûxToa  xiixiq)  cjSèv  ol's-at  àzoBsïv  vqç,  YjjxsTépai;  r.phq  tov 

2.  Dietrichson,  p.  164.  Ces  rapprochements  sont  dûs  à  Victor  Rydberg,  Romcrslca 
dagar,  Stockholm,  1877. 

3.  M.  D.  aurait  pu  rappeler  ces  mots  de  M.  Lûbke  dans  sa  Geschichte  der  Plastik,T.  I, 
p.  321  :  «  Die  Stimmung  in  diesen  oft  recht  edlen  Werken  ist  eine  so  subjcktive, 
scJnvennuthsvolle .  dass  sie  das  Gebiet  der  aniiken  Anscliauung  nur  an  der  aùssersten 
Grenue  noch  berûhrt.  » 


D'KîSTOiRii:  Kl    [}i-.   Livrù.RA.rviŒ  365 

l'Hermès  d'OIympie,  il  nous  semble  faire  la  part  trop  grande  à  l'in- 
fluence de  Praxitèle,  aux  dépens  de  celle  de  Lysippe,  que  l'on  est  dis- 
posé aujourd'hui  à  méconnaître.  Dans  un  chapitre  intéressant  (pp.  i  39- 
168),  M.  D.  a  cherché  à  classer  les  représentations  d'Antinous,  suivant 
les  modifications  plus  ou  moins  profondes  que  l'imitation  des  modèles 
grecs  leur  a  fait  subir.  Il  y  a  deux  types  nettement  marqués  :  un  type 
aux  traits  anondis,  qui  rappelle  celui  de  Dionysos  et  qui  se  rencontre 
seul  sur  les  monnaies;  un  type  eflilé,  presque  grêle,  qui  rappelle  celui 
d'Hermès.  Le  premier  sera  représenté,  par  exemple,  par  le  buste  de  la 
villa  Mondragone,  le  second  par  le  buste  d'Ecouen,  tous  deux  au  musée 
du  Louvre.  M.  D.  pense  que  le  type  plus  effilé,  plus  semblable  à  celui 
des  éphèbes  grecs,  est  le  résultat  d'un  effort  de  l'art  pour  idéaliser  Ja 
figure  d'Antinous  en  l'hellénisant.  Le  témoignage  unanime  des  mon- 
naies paraît  lui  donner  raison. 

M.  D.  a  rendu  un  grand  service  à  l'archéologie  figurée  en  réunissant 
bien  des  renseignemicnts  épars  sur  la  découverte  de  statues  et  de  bustes 
d'Antinous  depuis  la  Renaissance,  en  décrivant  avec  détail,  la  plupart 
du  temps  pour  les  avoir  étudiées  sur  place,  les  œuvres  des  musées  de 
rEurope  où  l'on  a  cru  reconnaître  Antinoiis.  Il  arrive  au  total  de 
1 36  sculptures,  dont  70  authentiques,  18  douteuses,  7  faussement  dé- 
nommées et  9  modernes.  Sur  les  70  représentations  authentiques,  22  sont 
des  statues,  33  des  bustes,  4  des  bas-reliefs.  Les  gemmes  et  les  camées 
relatifs  ou  crus  relatifs  à  Antinoiis  sont  au  nombre  de  i32,  dont  29  mo- 
dernes et  88  seulement  (nous  croyons  encore  ce  chiffre  exagéré)  d'une 
attribution  certaine.  On  a  longtemps  discuté  pour  savoir  si  la  statue  dite 
Antinous  du  Capitale  représentait  véritablement  ce  personnage  :  lu 
question  est  tranchée,  suivant  la  remarque  de  M.  D.,  grâce  à  Pexistence 
d'une  réplique  de  la  tête  sur  une  pierre  gravée,  qui  appartenait  à  Guido 
Reni  longtemps  avant  la  découverte  de  la  statue  (1738]  et  qui  porte  l'ins- 
cription ANTINOOZ.  Les  monnaies  d'Antinous  sont  au  nombre  de  i3o, 
dont  6  douteuses,  3  mal  dénommées  et  une  moderne  :  elles  appartiennent 
exclusivement  à  l'Egypte,  à  l'Asie-Mineure  et  à  la  Grèce.  M.  D.  a  éga- 
lement publié  vingt  inscriptions  où  il  est  question  d'Antinous  ou  des 
jeux  établis  en  son  honneur.  Le  texte  égyptien  de  l'obélisque  Barberini 
est  reproduû  dans  la  traduction  de  M.  Birch  revue  par  M.  Lieblein. 

Avant  de  prendre  congé  de  ce  bon  livre,  il  nous  reste  à  signaler  quel- 
ques lacunes  et  quelques  erreurs  que  nous  avons  notées  au  passage. 

P  79.  —  L'étude  sur  Vantipsychie  est  fort  incomplète.  Il  fallait 
tenir  compte  de  la  fréquence  du  mythe  d'Alceste  sur  les  sarcophages 
gréco-romains  (Dissel,  der  Mythos  von  Admetos  iind  Alkestis,  Bran- 
debourg, 1882)  et  citer  les  vers  de  Juvénal,  VI,  653  sqq. 

P.  102.  —  Une  description  d'Antinoé,  par  le  P.  de  Bernât,  se  trouve 
dans  Montfaucon,  Antiquité  expliquée,  Supplément,  III,  p.  i53  et 
suiv. 

P.  î5o.  —  On  ne  peut  dire  que  «  avec  le  portrait  d'Antinous,  la  mé- 


366  RKVUK    CUITIQUK 

lancolie  a  fait  son  entrée  dans  l'art  antique  »,  M.  D.  oublie,  entre  au- 
tres, la  Démétcr  de  Guide  au  Musée  britannique,  qui  remonte  sans 
doute  à  un  original  de  Praxitèle.  Cf.  Waldstein,  Transactions  qf  the 
royal  Society  of  littérature,  1880,  p.  22. 

P.  219.  —  Sur  le  groupe  de  sainte  Ildefonse,  ajoutez  Hettner,  K'J- 
nigliches  Muséum  der  GypsabgUsse  ^u  Dresden,  4*  éd.,  1881,  p.  iSy, 
et  sur  les  restaurations  que  ce  groupe  a  subies,  W.  v.  Humboldt,  Je- 
naer  Literatur^eitung,  1808,  p.  1 1  ;  O.  v.  Quandt,  Reise  in  Spanien. 
p.  220;  Tieck,  Deutsches  Muséum,  mars  181  3. 

P.  235.  —  M.  D.  n'a  pu  connaître  un  buste  encore  inédit  d'Anti- 
nous provenant  de  Rome  et  récemment  acquis  par  le  Louvre  (armoire  à 
droite  de  l'entrée  de  la  salle  des  bronzes,  rayon  du  haut).  Demi  gran- 
deur naturelle;  travail  soigné  et  un  peu  rond,  rappelant  le  buste  du 
palais  Doria. 

P.  253.  —  Le  buste  d'Antinous  à  Cassel  n'est  qu'un  moulage;  il 
figure  dans  la  Gallerie  der  Abgiisse.  Cf.  le  catalogue  de  1881,  n"  338. 

P.  258.  —  L'Antinoiis-Bacchus  de  l'Ermitage  a  été  publié  en  photo- 
graphie par  d'Escamps,  Marbres  du  Musée  Campana,  1862,  p.  lx  et 
pi.  90.  Les  restaurations  ont  été  faites  par  ordre  de  Campana. 

L'Antinous  d'Eleusis,  que  M.  D.  croit  également  inédit,  a  été  publié 
en  photographie  et  décrit  par  François  Lenormant,  Revue  Archéologi- 
que, 1874,  pi.  xvn  (cf.  Bullettino,  1860,  p.  179).  Les  Antinoiis  de 
Patras  ont  été  décrits  par  Duhn,  Mittheilungen,  1878,  p.  Gy . 

P.  264.  —  M.  Wescher  {Archives  des  Missions,  1864,  p.  182)  a  dé- 
crit le  piédestal  d'Antinoé;  il  ajoute  que  le  piédestal  a  servi  de  base  à 
une  statue  de  marbre  blanc  dont  les  débris  ont  été  trouvés  dans  le  voi- 
sinage. 

P.  287.  —  M.  D.  n'a  pas  mentionné  un  Antinous  de  profil,  repré- 
senté sur  une  cornaline  qui  faisait  partie  de  la  collection  Pourtalès 
(n**  1 104  du  catalogue). 

P.  329.  —  Dans  l'inscription  d'Alexandrie  (C.  L  G.  4685),  reproduite 
par  M.  D.,  M.  Froehner  a  corrigé  avec  raison  tûv  i^  'Avxtviou  IspoTOiwv 
[Kritîsche  Analekten^  Supplementband  du  Philologus,N ^  p.  26). 

P.  33o.  —  Ajoutez  un  piédestal  trouvé  à  Panias,  qui  faisait  partie  de 
la  collection  Péretié  à  Beyrouth,  avec  l'inscription  'AvTiviw  'î^pwi  [Bul- 
letin de  Correspondance  Hellénique,  ill,  p.  259). 

Le  P.  Delattre  a  récemment  signalé  «  un  chaton  d'un  beau  travail 
où  est  gravée  la  tête  d'Antinoiis,  avec  l'inscription  ANGOT.  »  [Bulletin 
des  antiquités  africaines,  i883,  p.  12).  Cette  pierre,  comme  J'ai  pu 
m'en  assurer  depuis,  ne  fait  pas  partie  de  la  collection  de  Saint-Louis 
de  Carthage  ;  le  P.  Delattre  l'a  seulement  vue,  il  y  a  cinq  ou  six  ans, 
au  doigt  d'un  maltais  de  Tunis  et  n'en  a  même  pas  conservé  d'empreinte. 
Elle  n'a  probablement  rien  de  commun  avec  Antinous. 

M.  D.  a  oublié  de  mentionner  les  Antinoeia  célébrées  à  Olympie, 
d'après  une  inscription  récemmentpubliée(.(4/x/j.  Z'(?//m«^^,  1877,  p.  192]. 


d'histoirb  et  de  littératui'E  367 

Postérieurement  au  livre  de  M.  D.,  on  a  découvert  à  Aphro^iisias  une 
curieuse  inscription  où  on  Ut  :  iv  'Aopiavr,aTr;ç  Bî'.9uv(aç  'Aop'.âvs'.ov  'Avxi- 
véetov  ::aî8wv  §ol'.xov  (Bulletin  de  Corresp.  Hellén.,  IX,  68).  Il  y  avait 
donc  à  Bithynium,  probablement  surnommé  Adrianéa,  des  jeux  en 
l'honneur  d'Antinous. 

Salomon  Reinach. 

On  me  permettra  d'ajouter  à  cet  article  un  post-scriptum  qui  devait 
être  joint  à  mon  compte-rendu  de  l'ouvrage  de  M.  Loeschke  (voir  le 
précédent  numéro  de  la  Revue). 

P.  S.  M.  Koumanoudis  vient  de  publier  dans  l"Eçr,i;.sp'.;  (1884, 
p.  161],  un  décret  athénien  daté  de  418  av.  J,  C.  où  il  est  question 
d'un  sanctuaire  nommé  10  tepcv  toD  Kicpou  */.ai  xoy  N-f^Xéwç  /.al  zîqq  BaafX-^ç. 
Le  savant  épigraphiste  athénien  voit  dans  ce  texte  une  confirmation 
éclatante  de  l'hypothèse  de  M.  Lœschke  ;  il  suffit  de  substituer,  dans  le 
passage  du  Charmide,  le  mot  BaîiXr,;  à  Bas'.Asîaç,  proposé  par  M.  L. 
Le  décret  a  été  découvert  dans  les  fondations  d'une  maison  vers  Textré- 
mité  méridionale  de  la  ville  moderne,  à  gauche  de  la  voie  ferrée  qui 
conduit  à  Phalère.  S'il  n'a  pas  été  transporté  là  à  une  époque  antérieure, 
la  partie  topographique  du  travail  de  M.  L.  devient  sujette  à  contesta- 
tion. 


81.  —  stylistique  latine,  par  Ernest  Berger,  traduite  de  l'allemand  sur  la 
7«  édition,  par  Ferd.  Gâche  et  Sully  Piquet,  revue  et  adaptée  aux  besoins  des 
élèves  français,  par  Max  Bonnet,  professeur  suppléant  à  la  faculté  des  lettres  de 
Montpellier.  Paris,  Klincksieck,  1884,  in- 12,  290  p. 

Il  y  a  longtemps  qu''un  livre  comme  celui  que  nous  annonçons  était 
attendu;  et  nous  sommes  bien  en  retard,  sous  le  rapport  des  traités  de 
latinité,  sur  les  Allemands,  qui  ont  depuis  si  longtemps,  pour  ne  nom- 
mer que  les  principaux  ouvrages,  la  Théorie  du  style  latin  de  Grysar, 
le  Traité  du  style  latin  de  Hand,  les  Stylistiques  de  Nsegelsbach,  de 
Klotz,  de  Haacke,  la  Palestre  Cicéronienne  et  les  Scholae  latinae  de 
Moritz  Seyffert.  Le  livre  de  M.  Bonnet  vient  tard,  et  cette  fois  encore 
cette  nouveauté  se  présente  sous  la  forme  d'une  traduction.  Comme  les 
collaborateurs  de  ce  petit  manuel  sont  assez  nombreux,  c'est  à  M.  Bon- 
net que  j'adresserai,  comme  directeur  responsable  de  cette  très  louable 
entreprise,  quelques  observations. 

Je  lui  chercherai  d'abord  une  querelle  de  français  au  sujet  du  vilain 
nom  qu'il  donne  à  son  livre.  Pourquoi  donc  s'obstiner  ainsi  à  repro- 
duire les  barbarismes  que  les  Allemands  forgent  avec  tant  de  désinvol- 
ture? Le  mot  stylistique  n'est  ni  latin,  ni  grec,  ni  français.  A  faire  un 
mot  tiré  de  stilus,  il  faudrait  dire  alors  la  stilique,  comme  de  mimus 
on  a  fait  la  mimique.  Il  était  si  simple  pourtant  d'appeler  ce  manuel  de 


368  REVUK    CRITIQUE 

latinité,  par  exemple  :  Théorie  abrégée  du  style  latin.  Ce  titre  aurait 
l'avantage  d'être  clair  et  français. 

Le  livre  est  divisé  en  trois  parties.  La  première  traite  de  la  propriété 
et  du  choix  des  expressions.  L'auteur  lui  a  donné  une  certaine  impor- 
tance, et  il  a  eu  raison  de  le  faire.  C'est  la  partie  faible  des  études  latines, 
sur  laquelle  on  insiste  le  moins  dans  les  classes.  Dans  l'explication  des 
textes,  surtout  dans  l'explication  rapide,  on  glisse;  on  traduit  à  peu 
près,  et  rarement  on  s'attache  à  saisir  le  sens  précis  des  mots  et  l'idée 
complète.  De  plus  on  a  à  peu  près  supprimé  la  composition  et  les  thè- 
mes latins,  complément  indispensable  de  la  version  pour  quiconque 
veut  réellement  apprendre  une  langue.  Aussi  la  précision  et  la  propriété 
des  termes  est  ce  qui  manque  le  plus  dans  les  compositions  latines  de 
nos  candidats  à  la  licence.  Les  trois  quarts  des  mots  sont  à  noter  comme 
impropres  ou  insuffisants.  Il  faut  avouer  d'ailleurs  que  c'est-là  une 
science  difficile  à  acquérir.  Les  stylistiques  ne  peuvent  non  plus  suffire 
à  la  donner,  si  l'on  n'y  joint  la  lecture,  l'explication  minutieuse  des 
textes  et  Tétude  des  mots  dans  les  bons  dictionnaires. 

Le  grand  service  que  peuvent  rendre  ces  ouvrages  pédagogiques  est 
d'appeler  l'attention  sur  ce  point  important,  de  prémunir  contre  la  pa- 
resse à  chercher  le  mot  vrai,  et  d'éveiller  la  curiosité  par  des  exemples. 

La  deuxième  partie  traite  <i  de  l'emploi  des  parties  du  discours».  C'est,  en 
somme,  un  chapitre  de  grammaire.  Une  grammaire  bien  faite  ne  peut, 
en  effet,  se  dispenser  de  donner  cette  théorie  sur  le  véritable  sens  et  sur 
l'emploi  des  parties  du  discours.  Il  était  bon  cependant  d'insister  sur  ces 
particularités  qui  tiennent  à  la  fois  de  la  grammaire  proprement  dite  et 
de  la  science  du  style.  Il  y  a  en  particulier  un  excellent  chapitre  sur 
l'emploi  des  pronoms.  Les  observations  y  sont  d'une  grande  clarté,  assez 
étendues  ;  la  doctrine  est  bien  exposée.  C'est  une  des  meilleures  parties 
de  l'ouvrage. 

La  troisième  partie  a  pour  objet.  «  Les  principaux  caractères  de  la  lan- 
gue latine.  »  C'est  la  partie  la  plus  considérable  :  elle  égale  en  étendue  les 
deux  autres.  Ici  nous  sommes  dans  le  domaine  de  la  «  stylistique  i  pure. 
M.  B.  y  revient  sur  la  théorie  des  noms  abstraits,  sur  la  répugnance 
du  latin  à  les  employer;  puis  il  énumère,  en  les  classant,  les  différentes 
tournures  qui  correspondent  en  latin  à  l'emploi  que  nous  laisons  du 
nom  abstrait.  Le  livre  se  termine  par  un  chapitre  sur  <i  l'ordre  des  mots 
et  des  propositions  ». 

Cette  question  a  une  importance  d'autant  plus  grande  dans  une  théo- 
rie du  style,  que  l'étude  de  la  construction  latine  est  généralement  beau- 
coup trop  négligée  dans  les  classes.  Je  crains  même  qu'elle  ne  soit  à  peu 
près  absente  de  l'enseignement.  Nos  grammaires  ou  l'excluent  ou  lui 
accordent  dédaigneusement  une  place  très  restreinte. 

Etant  donnés  l'original  et  le  point  de  départ,  le  livre  de  M.  B.,  comme 
traduction  adaptée  aux  besoins  des  élèves  français,  me  parait  irrépro- 
chable. Les  perfectionnements  qu'il  pourrait  recevoir  ne  peuvent  con- 


sister  qu'en  addenda.  xMais  alors  il  devra  en  recevoir  beaucoup  et 
s'augmenter  de  façon  à  devenir  un  livre  nouveau.  Je  regrette,  pour  ma 
part,  qu'il  ait  manqué  à  M.  B.,  comme  il  nous  le  dit  dans  sa  préface,  le 
temps  et  le  courage  de  composer  ce  livre  nécessaire;  et  cela,  pour  les 
raisons  qu'il  donne  lui-même,  à  savoir  que  «  les  règles  sur  le  style  latin 
(ici  M.  B.  nous  traduit  en  français  le  mot  stylistique)  seront  nécessai- 
rement différentes  suivant  la  nationalité  de  ceux  à  qui  elles  seront  des- 
tinées ;  dans  la  dissertation  aussi  bien  que  dans  le  thème,  il  s'agit  de 
rendre  en  latin  des  idées  conçues  d'abord  dans  la  langue  maternelle.  » 
Il  serait  temps  en  outre  de  commencer  à  faire  des  livres  trançais. 

Le  seul  et  sérieux  reproche,  que  j'aie  à  faire  à  M.  Bonnet,  puisqu'il 
voulait  nous  donner,  en  attendant  mieux,  une  traduction,  c'est  d'avoir 
donné  la  préférence  à  la  stylistique  de  Berger.  11  prévoyait  l'objection, 
puisqu'il  y  répond  dans  la  préface  en  nous  donnant  les  raisons  qui  font 
déterminé.  Eh!  bien,  quoi  qu'il  dise  pour  le  justifier,  le  choix  ne  me 
paraît  pas  heureux.  Le  livre  de  B.  est  trop  court  et  trop  résumé,  préci- 
sément parce  qu'il  s'adresse  à  des  novices  en  fait  de  composition  latine, 
lesquels  ont  besoin,  non  pas  d'un  répertoire  d'exemples,  mais  d'expli- 
cations nombreuses,  claires  et  bien  développées.  M.  B.  nous  dit  que  la 
stylistique  de  Berger  tient  le  juste  milieu.  Il  mesembleau  contraire  qu'elle 
est  à  une  extrémité.  Je  n'ai  pas  entre  les  mains  l'original,  mais  si  je  m'en 
tiens  à  ce  qui  est  dans  la  traduction,  je  me  demande  comment  une  sty- 
listique pourrait  contenir  moins  de  choses  que  celle-ci.  Le  juste  milieu 
à  prendre,  c'était  plutôt,  je  crois,  la  stylistique  de  Klotz.  Entre  le  livre 
volumineux  de  Naegelsbach,  qui  ne  peut  guère  servir  qu'aux  maîtres,  et 
le  petit  manuel  de  B.,  destiné  aux  classes,  le  livre  de  Klotz  me  paraît 
être  d'une  étendue  raisonnable.  Il  est  complet,  sans  être  diffus  ;  la  théo- 
rie est  claire,  exposée  sans  profusion  ni  redites. 

Le  livre  de  M.  B.  rendra  incontestablement  de  grands  services,  et  il 
doit  être  le  bienvenu.  Mais  il  ne  rendra  pas  tous  les  services  qu'on  en 
attend  ;  il  est  trop  sobre  de  théorie  et  d'explications.  C'est  un  répertoire 
d'exemples  bien  choisis;  mais,  sous  cette  forme  concise,  il  suppose  des 
connaissances  que  n'ont  pas  les  jeunes  gens  auxquels  il  s'adresse. 

Ainsi,  par  exemple,  à  propos  de  l'emploi  des  noms  abstraits  et  des 
noms  concrets  en  latin,  M.  B.  se  contente  de  constater  les  faits  par  ces 
mots  :  «  Dans  certains  cas,  les  substantifs  concrets  se  mettent  à  la  place 
des  substantifs  abstraits  :  Cicérone  consiile,  etc.  Dans  d'autres  cas,  les 
substantifs  abstraits  se  mettent  à  la  place  des  concrets  :  Hœc pestis  pour 
homo  pestifer,  etc.,  (§  7,  p.  5o).  »  Il  est  vrai  que  M.  B.  revient  sur  laques- 
lion  dans  latroisième  partie,  à  l'article  :  «  Préférence  accordée  aux  expres- 
sions concrètes  ».  Mais  là  encore  je  ne  trouve  guère  que  la  constatation 
du  tait  et  une  énumération  sèche  des  différents  cas  où  il  se  produit.  Cela 
est  insuffisant.  Il  me  semble  que  quelques  considérations  générales  sur 
le  génie  de  la  langue  latine,  sur  sa  pauvreté  en  substantifs  et  sur  sa  ré- 
pugnance pour  les  abstractions,  par  où  elle  se  distingue  si  profondément 


370  RKVDh     CRIirQUK 

des  langues  modernes,  eussent  été  ici  à  leur  place.  C'était  le  lieu  de 
faire  rhistorique  abrégé  de  l'emploi  des  noms  abstraits;  de  montrer 
Cicéron,  qui  introduisit  à  Rome  les  études  philosophiques,  luttant  con- 
tre la  pauvreté  de  sa  langue  et  créant  pour  les  besoins  de  sa  pensée  un 
certain  nombres  de  substantifs  abstraits  en  tas,  tio,  tudo,  etc. 

Je  prends  un  autre  exemple  au  hasard,  p.  198.  Au  sujet  de  l'attrac- 
tion du  pronom  relatif  et  du  pronom  démonstratif  au  cas  du  substantif 
auquel  il  se  rapporte,  l'explication  de  cette  particularité  syntactique 
manque  absolument.  M.  B.  dit  tout  simplement  :  «  Une  forme  du  lan- 
gage qui  contribue  beaucoup  à  la  concision  est  l'attraction,  qui  consiste 
à  établir  entre  deux  mots  un  rapport  plus  étroit  que  celui  qu'ils  devraient 
avoir  logiquement.  L'attraction  donne  au  langage,  outre  la  concision, 
de  la  vivacité,  de  Tabandon  et  de  la  grâce.  »  Puis  viennent  ensuite  les 
différentes  sortes  d'attraction  :  «  1°  Pronoms  démonstratifs  et  relatifs. 
Qiio  in  numéro  tu  certe  fuisses,  pour  quorum  in  numéro,  etc.  ;  2"  le 
pronom  sujet  s'accorde  avec  Tattribut.  Hœc  suntfere  de  anima  senten- 
tiœ,  ce  sont-là  les  opinions,  etc.  »  Je  ne  sais  si  je  me  trompe,  mais  je 
crois  bien  que  bon  nombre  d'élèves  ne  comprendront  pas  et  qu'ils  auront 
besoin  de  chercher  un  complément  d'explication  dans  les  bonnes  gram- 
maires. 

P.  70.  «  L'adjectif  français  se  remplace  en  latin  par  des  substantifs 
abstraits.  Dans  ce  cas,  le  substantif  qui  accompagne  l'adjectif  français 
se  met  au  génitif  :  Superstitio  homijium  imbecillitatem  occupavit.  » 
N'y  aurait-il  pas  ici  une  remarque  intéressante  pour  faire  sentir  aux 
élèves  comment  cette  substitution  du  substantif  à  Tadjectif  renforce 
l'idée  exprimée  par  celui-ci,  et  comment  il  y  a  dans  les  deux  langues  une 
différence  de  points  de  vue?  La  chose  en  vaut  la  peine,  et  des  études  sur 
le  style  latin  ne  peuvent  aller  sans  un  peu  de  philosophie. 

P.  125.  Le  g  58,  sur  l'emploi  de  ut  servant  à  former  des  propositions 
appositionnelles  demanderait  une  plus  longue  explication.  Ut,  dans  ces 
sortes  de  proposition  incidentes,  est  ou  explicatif  ou  restrictif.  11  mar- 
que, ou  bien  que  la  personne  ou  Tespèce  dont  il  s'agit  possède  à  un  très 
haut  degré  la  qualité  ou  fait  volontiers  Faction  qui  lui  est  attribuée  : 
Diogenes  liber ius,  ut  Cynicus,  Alexandro  roganti...  etc.,a  en  sa  qua- 
lité de  cynique  »,  (ut  explicatif).  Ou  bien  ut  marque  au  contraire  que  la 
personne  ou  l'espèce  possède  la  qualité  à  un  degré  inférieur  ou  ne  peut 
faire  l'action  que  dans  une  certaine  mesure  :  Quos  tum,  ut  puer i,  refu- 
tare  solebamus,  1  autant  que  des  enfants  peuvent  le  faire  »  (ut  restric- 
tif). 

P.  4.  Je  trouve  l'exclusion  des  mots  et  des  tours  néologiques  un  peu 
trop  absolue.  Il  y  aurait  des  réserves  à  faire.  Par  exemple,  placita  philo- 
sophorum,  au  lieu  de  sententice  ou  prœcepta  n'est  pas  un  néologisme 
aussi  condamnable  que prœtextum,  prœtextus  pour  causa,  species.  Il 
y  aurait  place  ici  pour  un  chapitre  sur  l'importance  relative  des  diffé- 
rentes époques  de  la  langue  latine,  au  point  de  vue  du  parti  qu'on  peut 


D  HISTOmr.    ET    DE    LITTKR ATURK  Bj  I 

en  tirer  pour  la  stylistique.  Que  peut-on  prendre  à  la  linguaprisca,  à 
la  lingua  latina,  à  la  linguaRomana,  à  la  lingiia  elegans?  Il  serait  bon 
de  nous  le  dire  et  de  ne  pas  nous  continer  tyranniquement  et  sans  dire 
pourquoi  dans  la  période  classique. 

Je  terminerai  par  une  dernière  observation  générale.  Dans  la  troisième 
paitie,  les  règles  sur  l'ordre  des  mots  et  des  propositions  me  paraissent 
manquer  un  peu  de  précision  et  de  méthode.  Il  y  avait  à  distinguer  les 
deux  constructions  ou  les  deux  principes  d'après  lesquels  se  construit  la 
phrase  latine  :  Tordre  grammatical,  basé  sur  l'importance  respective 
des  mots,  et  l'ordre  oratoire  ou  inversion,  basé  sur  Timportance  des 
idées.  La  théorie  générale  et  les  explications  détaillées  font  défaut.  Ainsi, 
p.  216  :  «  Le  sujet  se  met  au  commencement  de  la  phrase,  le  verbe  à  la 
fin;  les  termes  de  moindre  importance,  les  compléments,  etc.,  se  placent 
au  milieu.  »  Pourquoi  cet  ordre?  Pourquoi  le  sujet  au  commencement 
et  les  compléments  au  milieu?  Quand  il  y  a  plusieurs  compléments, 
quelle  est,  dans  ce  milieu,  la  place  de  chacun?  Pourquoi  la  première  et 
la  dernière  place  sont-elles  les  plus  importantes?  Autant  de  questions  qui 
se  posent  d'elles-mêmes  et  qui  restent  sans  réponse. 

Je  pourrais  multiplier  les  desiderata.  Mais,  me  répondra  M.  B., 
nous  sortions  ainsi  des  limites  d'un  abrégé.  Oui,  et  cela  prouve  préci- 
sément qu'il  fallait  en  sortir,  et  que  les  abrégés  sont,  en  bien  des  cas, 
plus  compliqués  et  plus  difficiles  que  les  traités  plus  étendus.  Ce  n'est 
pas  un  abrégé  qu'il  faut  aux  novices,  mais  bien  de  très  nombreuses  ex- 
plications, simples,  claires  et  surtout  moins  abstruses  que  celles  qui 
composent  le  volume  de  Naegelsbach. 

Cet  abrégé,  tel  qu'il  est,  est  bon,  bien  fait  et  rendra  d'incontestables 
services.  La  tentative  est  d'un  bon  exemple  et  elle  appelle  l'attention  sur 
cette  partie  trop  négligée  de  l'enseignement  du  latin.  Je  me  plais  à  con- 
sidérer cette  publication  comme  la  promesse  d'un  livre  plus  complet,  et 
français  cette  fois,  sur  la  Théorie  du  style  latin.  M.  Bonnet,  qui  est  un 
très  savant  latiniste,  vient  de  nous  montrer,  par  la  façon  heureuse  don 
il  a  remanié  et  adapté  la  stylistique  de  Berger,  qu'il  est  homme  à  mener 
à  bien  cette  sérieuse  et  difficile  entreprise. 

Ferdinand  Antoine. 


^>2.  —  lie  clecs-eti-s  fiinctoruin  inagSstrniuuiii  oi-nitinentis  ;  de  deereta 
adieetione  in  ordlnes  Tunetopum  inogisti>»tuuiii,  par  G.  Bi.ocu.  Paris, 
Thorin,  in-8  de  viii-iySp.  1884. 

On  doit  particulièrement  recommander  la  thèse  latine  de  M.  Bloch 
aux  candidats  au  doctorat  qui  traitent  un  sujet  d'histoire  romaine.  Elle 
mérite  de  leur  servir  de  modèle  :  c'est  un  morceau  d'excellente  érudi- 
tion.  Tout  y   est   clair,    solide,    méthodique.   Ceux    qu'intéressent  les 


372  mkvi;k  cfUTrQUE 

questions  d'administration  impériale  éprouveront  à  la  lire  un  véritable 
plaisir,  Fauteur  n'ayant  reculé  devant  aucune  des  difficultés  présentées 
par  le  sujet  qu'il  a  choisi,  et  les  ayant  abordées  toujours  avec  audace  et 
souvent  avec  bonheur.  A  certains  égards,  je  préfère  ce  livre  à  sa  thèse 
française.  En  tout  cas,  il  est  une  réponse  formelle  et  décisive  à  ceux 
qui,  n'ayant  lu  que  Les  origines  du  sénat  romain,  seraient  très  dispo- 
sés à  voir  dans  M.  B.  un  ingénieux  metteur  en  scène  d'hypothèses  sé- 
duisantes, un  habile  arrangeur  de  textes.  La  thèse  latine  suffit  à  prouver 
que  M.  B.  est  tout  aussi  à  son  aise  sur  le  terrain  solide  de  l'administra- 
tion impériale  que  dans  les  nuages  de  Thistoire  primitive  de  Rome. 
Sur  la  plupart  des  points,  nous  sommes  complètement  d^accord  avec 
lui  :  aussi  nous  bornerons-nous  à  donner  une  analyse  du  travail,  en 
indiquant  les  questions  traitées  et  la  manière  dont  elles  sont  résolues. 

Cette  étude  comprend  trois  parties. 

La  première,  uniquement  historique,  est  destinée  à  montrer  com- 
ment s'est  introduit,  à  Rome,  Tusage  de  décerner  les  insignes  des  ma- 
gistratures à  des  citoyens  qui  ne  les  avaient  pas  exercées,  functorum 
magistratuiim  ornamenta  :  de  donner  par  exemple  les  ornamenta 
consularia  à  un  ancien  préteur.  —  Contre  Nipperdey  (Leges  annales, 
appendice,  p.  74),  et  contre  C.  Th.  Zumpt  (De  leg.  judiciisqiie  repet., 
II,  p.  57),  M.  B.  s'attache  à  montrer  que  l'institution  apparaît  pour  la 
première  fois  vers  l'an  67  de  notre  ère,  —  cela,  d'après  un  texte  très 
précis  de  Dion  Cassius,  dont  ses  adversaires  repoussaient  purement  et 
simplement  l'autorité  (36,  38).  —  Les  second  et  troisième  chapitres  de 
cette  première  partie  sont  consacrées  aux  honneurs  extraordinaires 
conférés  par  César,  et  à  ceux  que  le  sénat  décerna  à  Octave,  en  jan- 
vier 43. 

La  seconde  partie  est  intitulée  «  de  l'octroi  des  ornements  réservés 
aux  anciens  magistrats  »,  de  decretis  Junctorum  magistratuum  orna- 
mentis.  Il  s'agit  de  Toctroi  à  un  sénateur  ou  à  un  chevalier  des  orna- 
menta réservés  aux  anciens  questeurs,  préteurs  ou  consuls,  quaestoria, 
praetoria,  consularia.  —  La  principale  question  quMl  avait  à  traiter 
dans  cette  partie  et,  certainement,  une  des  plus  importantes  de  toute  la 
thèse,  était  de  savoir  si  les  ornamenta  consularia,  par  exemple,  donnés 
à  un  ancien  préteur,  lui  conféraient  le  droit  de  voter  au  sénat  parmi 
les  consulaires,  ou  s'il  devait  continuer  à  voter  parmi  les  anciens  pré- 
teurs, à  son  tour  ordinaire.  Deux  opinions  avaient  été  émises,  —  deux 
seulement,  sans  doute  parce  qu'il  n'y  avait  pas  place  pour  une  troi- 
sième. Nipperdey  {loc.  cit.)  prétend  que  «  si  un  ancien  préteur  reçoit 
les  ornements  consulaires,  il  prend  rang  parmi  les  consulaires  au  théâ- 
tre, dans  les  festins,  dans  les  fêtes  de  tout  genre;  mais,  au  sénat,  il  con- 
tinue à  voter  parmi  les  prétoriens  »  :  en  d'autres  termes,  les  ornements 
sont  une  distinction  honorifique,  à  laquelle  n'est  attachée  aucun  privi- 
lège politique.  M.  Mommsen,  au  contraire  (Staatsrecht,  I,  p.  442), 
veut  que  le  prétorien  revêtu  tles  ornements  des  consulaires,   a.  change 


d'histoire  et  de  litiérature  373 

immédiatement  de  place  dans  la  direction  de  cette  dernière  classe  »  '. 
M.  B.  se  range  du  côté  de  M,  Mommsen  (p.  48),  mais,  hélas!  après 
avoir  infirmé  un  des  deux  seuls  arguments  sur  lesquels  M.  Momm- 
sen appuie  sa  thèse  ;  et,  ceci  en  passant,  constatons  l'extrême  franchise 
et  sincérité  du  livre  de  M.  Bloch.  Reste  un  second  argument,  sur  le- 
quel M.  B.  revient  et  insiste  par  deux  fois  (!«  p.,  ch.  2;  et  II*^  p.,  ch.  3). 
—  Malgré  la  discussion  extrêmement  serrée  à  laquelle  se  livre  l'auteur, 
nous  ne  pensons  pas  que  la  question  soit  résolue  en  faveur  de 
M.  Mommsen  et  en  sa  propre  faveur.  Nous  croyons  que  l'on  peut  au 
moins  hésiter  entre  les  deux  opinions  contraires.  Voici  Targument  qui 
a  survécu  à  la  critique  de  M.  B.  :  «  Les  auteurs,  qui  nous  ont  raconté 
la  concession  de  la  dignité  sénatoriale  à  Octave,  emploient  indifférem- 
ment les  deux  expressions,  rang  consulaire,  ornements  consulaires  »  ; 
par  conséquent  recevoir  les  ornements  consulaires  équivalait  à  prendre 
rang  parmi  les  consulaires.  Cette  conclusion  est  possible;  elle  ne  me 
parait  pas  certaine.  Il  peut  se  faire  que  les  auteurs  aient  confondu  les 
deux  expressions  parce  qu'elles  étaient  identiques  ;  il  est  possible  aussi 
qu'ils  se  soient  servis  tantôt  de  l'une,  tantôt  de  Tautre,  parce  qu'Octave 
reçut  en  même  temps,  mais  par  deux  décrets  différents,  les  ornements 
consulaires  et  le  rang  consulaire.  Suivant  l'importance  qu'il  accordait 
à  l'une  ou  à  l'autre  de  ces  prérogatives,  chaque  auteur  a  mentionné  l'un 
ou  l'autre  de  ces  décrets.  En  outre,  ce  qui  ferait  pencher  en  faveur  de 
Topinion  de  Nipperdey,  c'est  que  les  ornements  consulaires  ou  préto- 
riens étaient  aussi  bien  concédés  à  des  chevaliers  ou  à  de  simples  ci- 
toyens qu'à  des  sénateurs  en  fonctions.  Or,  il  est  évident  et  certain  que 
le  chevalier  auquel  on  accordait  les  ornements  des  consulaires  ne  pre- 
nait point  rang  parmi  eux,  ni  même  n'obtenait  par  cela  le  droit  d'entrer 
au  sénat.  Ces  ornamenta  étaient,  pour  les  non  sénateurs,  purement  ho- 
norifiques. Pourquoi  le  caractère  de  l'institution  aurait-il  varié  d'une 
classe  de  citoyens  à  l'autre?  Pourquoi,  accordés  aux  sénateurs,  les  or- 
namenta auraient-ils  modifié  leurs  droits  politiques,  alors  qu'ils  ne 
modifiaient  pas  ceux  des  chevaliers?—  Encore  une  fois,  je  ne  veux 
point  prendre  parti  pour  ou  contre  M.  B.,  qui  est  un  rude  adversaire  : 
mais  je  veux  seulement  croire  que  la  question  est  encore  indécise. 

C'est  malheureusement  le  sort  d'un  assez  grand  nombre  parmi  celles 
qu'il  soulève  :  M.  B.  a  plus  d'une  fois  raison  contre  ceux  qu'il  attaque, 
mais  il  ne  parvient  pas  à  imposer  sa  propre  opinion.  Et  son  livre  fait 
souvent  songer  avec  découragement  aux  efforts  continus  qui,  depuis  cin- 
quante ans, ont  été  tentés  dans  le  domaine  du  droit  public  romain  pour 
trouver  une  vérité  que  les  textes  refusent  et  refuseront  toujours  de  nous 
livrer.  Après  que,  sur  chaque  point,  toutes  les  opinions  possibles  ont  été 
émises  et  soutenues,  la  question  en  revient  souvent  à  son  point  de  dé- 

I.  Cf.  Res  gestae,  2^  Jd.,  p.  3  :  Simul  ornamenta  consularia  acciperet,  et  pr ap- 
tère a  sententiam  diceret  loco  consulari. 


3^4  RKVUE    CKITIQUH 

part.  Ainsi,  pour  prendre  un  autre  exemple  dans  le  livre  de  M.  B.,  il 
se  demande  (II''  partie,  ch.  5),  pourquoi  les  historiens  ne  font  jamais 
mention  des  ornements  de  tribuns  ou  d'édiles.  A  cette  question, 
M.  Mommscn  avait  déjà  répondu  [Staatsrecht,  1,  p.  448)  en  disant 
qu'on  se  bornait  à  accorder  les  ornements  des  magistratures  qui  étaient 
exigées  des  fonctionnaires  au  temps  où  fut  instituée  cette  concession 
honorifique  des  ornamenta  :  or  le  tribunat  et  l'édilité  ne  faisaient  point 
partie,  à  l'origine,  du  cursus  honorum  obligé.  M.  B.  réplique  que  Tor- 
ganisation  définitive  des  ornamenta  est  précisément  contemporaine  de 
l'insertion  du  tribunat  et  de  l'édilité  dans  le  cursus  honorum.  Du  reste, 
M.  B.  avoue  qu'il  ne  sait  trop  par  quoi  remplacer  l'opinion  de 
M.  Mommsen  ;  car  c'est  un  aveu  d'incertitude  que  de  dire  :  «  Le  tribu- 
nat et  l'édilité  n'avaient  pas  assez  d'importance  pour  qu'on  en  conférât 
les  ornements  ». 

Dans  la  troisième  partie,  il  étudie  l'octroi  de  la  dignité  sénatoriale 
combinée  avec  l'octroi  d'un  rang  déterminé  dans  la  catégorie  des  an- 
ciens magistrats,  ce  qu'on  appelait  adlctio  inter  quaestorios,  etc.  : 
Yadlectus  inter  quaestorios  recevait  le  titre  de  sénateur  avec  le  droit 
de  prendre  place  parmi  les  anciens  questeurs.  Dans  le  premier  chapitre 
de  cette  partie,  l'auteur  examine  la  forme  du  titre,  les  conditions  de 
Vadlectio,  les  droits  et  privilèges  des  adlecti,  les  grades  des  adlecti.  — 
Les  chapitres  n,  m  et  iv  de  cette  partie,  sont,  je  ne  dirai  pas  les  plus 
heureux,  mais  les  plus  intéressants  de  l'ouvrage,  ceux  qui  ont  la  portée 
la  plus  générale.  Tout  est  à  adopter  et  à  retenir  dans  ces  pages  excellen- 
tes, où  M.  B.  étudie  l'influence  de  l'institution  des  adlecti,  d'abord, 
sur  l'autorité  des  empereurs,  puis,  sur  le  recrutement  du  sénat,  enfin, 
sur  la  diffusion  du  droit  de  cité  dans  l'empire.  «  Ce  n'était  pas  un 
avantage  pour  l'Etat  romain  que  de  ne  pouvoir  entrer  dans  la  curie 
sans  avoir  passé  par  la  questure;  que  de  ne  pouvoir  s'avancer  dans  les 
rangs  sénatoriaux  qu'au  fur  et  à  mesure  de  l'exercice  d'une  magistra- 
ture. On  voit  mal  pourquoi  un  empereur  se  serait  borné  à  ne  faire  en- 
trer au  sénat  que  ces  jeunes  questeurs,  à  peine  sortis  de  l'enfance... 
Comment  élever  aux  honneurs  les  hommes  mûrs  qui  auraient  rendu 
des  services  dans  d'autres  fonctions?  Il  n'eût  guère  été  décent  de  les 
obliger  à  recommencer  pour  ainsi  dire  la  carrière  politique,  à  réap- 
prendre au  milieu  d'adolescents  le  maniement  des  affaires  de  l'Etat... 
C'était  l'intérêt  de  la  République  que  l'empereur  eût  le  droit  de  nommer 
à  son  gré  les  sénateurs,  et  de  donner  n'importe  quel  rang  aux  nouveaux 
venus.  Adlectione  autem  fuit  et  dominât ioni  principis  et  communi 
utilitati subventum  (p.  102  et  io3)  ^  —  Le  cinquième  et  dernier  cha- 
pitre est  relative  à  l'octroi  du  laticlave.  M.  B.  se  borne  à  dire  quelques 


I.  Notons  encore,  p.  119  et  s-,  les  remarques  sur  l'influence  de  la  censure  de 
Vespasicn  et  do  Titus.  11  y  a,  dans  ce  iv»  chapitre,  un  très  utile  complément  au 
livre  de  Spanheim  et  au  travail  d'A.  W.  Zumpt  sur  la  propagation  de  la  cité 
romaine. 


d'hISTOIKE    et    DK    LITTÉUATI-RK  ^"/'^ 

mots  sur  la  question,  qui  mérite,  ditil  lui-même,  une  étude  spéciale. 
Mais  il  semble  bien  qu'il  en  ait  trouvé  la  solution  et  que  les  textes  qu'il 
apporte  pour  la  résoudre  soient  décisifs  :  Lato  clavo  ornari,  dit-il, 
idem  illud  erat  ac  referri  inter  équités  illustres  vel  senatoria  digni- 
tate.  Du  reste  M.  B.  ne  veut  pas  étudier  à  fond  cette  question  et  celles 
qui  s'y  rattachent  :  il  reconnaît  Timpossibilité  d'arriver,  pour  toutes, 
à  une  solution  définitive.  Et  son  livre,  si  plein  de  faits  nouveaux  et 
d'intéressantes  discussions,  si  heureux  à  tous  égards, se  termine  par  cette 
conclusion  qui  n'est  pas  sans  tristesse  :  «  Ce  sont  des  choses  dont  les  an- 
ciens historiens  ont  négligé  de  nous  parler  :  ces  transformations  commen- 
cent  et    s'achèvent   dans   le   secret,    loin  d'apparaître  à    un    moment 

donné.  » 

A  la  fin  de  cet  ouvrage  se  trouve  une  liste  complète  et  bien  ordonnée 
de  tous  les  adlecti  qui  nous  sont  connus.  Les  textes  et  les  inscriptions 
sont  soigneusement  transcrits:  ces  dernières,  — dont  M.  Bloch  a  fait  un 
constant  usage  dans  le  cours  de  son  travail,  —  sont  copiées  d'après  les 
meilleures  lectures.  Ce  qui  donne  à  ce  livre  une  véritable  valeur  épigra- 

phique. 

Camille  Jullian. 


33.  —  Jules  QuiCHERAT.  aBélange»  »rai"t"!sooî«>£;!o  et  <S'histoîi-o.  —  Antiqui- 
tés celtiques,  romaines  et  gallo-romaines.  Mémoires  et  fragments  réunis  et  mis 
en  ordre  par  Arthur  GiRY  et  Auguste  Castan.  Paris,  A.  Picard,  iS8r>.  i  vol. 
in-8  de  viu-58o  pages,  8  planches,  i  portrait  et  i  carte. 

Appelé  à  rendre  un  public  hommi;ge  à  celui  qui  fut  pour  moi  plus 
qu'un  maître  vénéré,  et  dont  Jcs  conseils  paternels  guidaient  depuis 
longtemps  mes  études,  je  ne  puis  me  défendre  d'une  émotion  que  com- 
prendront à  coup  sûr  tous  ceux  qui  ont  connu  un  peu  intimement 
J.  Quicherat.  On  ne  pouvait  donner  à  sa  mémoire  un  témoignage  plus 
significatif  de  la  sympathie  et  de  l'admiration  qu'il  a  laissées  derrière 
lui,  qu'en  entreprenant  la  publication  dont  le  premier  volume  vient  de 
paraître.  Réunir  sous  le  litre  de  Mélanges  d'Archéologie  et  d'Histoire, 
ces  mémoires,  ces  rapports,  ces  discussions  critiques  de  toutes  sortes 
qu'il  fallait  chercher  de  tous  côtés,  et  procurer  au  public  la  facilité  de 
les  lire  et  de  les  étudier  à  nouveau,  n'était-ce  pas  faire  revivre  en  quel- 
que sorte  au  milieu  de  nous,  celui  qui  les  a  écrits? 

C'est  qu'en  effet  J.  Quicherat  est  tout  entier  dans  ces  opuscules  si 
remplis  de  choses,  où  il  mettait  en  jeu  toutes  ses  facultés,  c'est  qu'on  l'y 
voit  encore,  avec  ses  décisions  neuves  et  hardies,  son  éloquence  brus- 
que et  incisive,  son  style  ferme  et  clair,  son  horreur  de  la  phrase  et  des 
développements  oratoires,  et  on  peut  le  dire  aussi,  son  entrain,  sa  cha- 
leur passionnée  devant  un  sujet  difficile,  sa  confiance  dans  sa  convic- 
tion. —  Nous  ne  pouvons  que  déplorer  le  petit  nombre  des  grands  ou- 


3y6  RKVUK    CRITIQUE 

vragcs  qu'il  nous  a  laissés,  mais  combien  d'œiivres  parfaites  n'y  at-il 
pas  dans  tel  article  de  5o  pages,  voire  de  20  ou  de  3o?  Demandons-lui 
d'ailleurs  son  avis  sur  ce  sujet.  Il  dit  quelque  part  :  « Je  ne  cher- 
che point  à  passer  pour  un  érudit.  Mon  unique  ambition  est  de  jeter 
sur  la  place  les  grains  de  vérité  qui  me  tombent  sous  la  main,  et  comme 
je  suis  tant  soit  peu  Américain  dans  ma  manière  de  voir,  comme  je 
pense  que  le  temps  est  de  l'argent,  pour  les  savants  comme  pour  tout 
le  monde,  je  me  suis  toujours  fait  une  loi  d'éloigner  de  mes  communi- 
cations ce  qui  n'est  pas  le  strict  nécessaire »  Et  voilà  précisément 

pourquoi  il  était  indispensable  de  recueillir  les  grains  de  vérité  si  ha- 
bilement semés  de  tous  côtés.  Leur  réunion  à  peu  près  complète  n'est 
pas  seulement  un  monument  élevé  au  souvenir  du  maître  :  ses  leçons 
seront  encore  suivies,  ses  décisions  feront  souvent  loi,  ses  critiques  por- 
teront toujours  leurs  fruits. 

La  collection  comprendra  au  moins  4  volumes.  Celui  que  nous  avons 
sous  les  yeux  renferme  76  articles  plus  ou  moins  longs,  groupés  sous 
les  titres  de  :  Antiquités  celtiques  (28);  antiquités  romaines  et  gallo- 
romaines  (44)  ;  question  d'Alesia  (4).  En  tête  on  a  réédité,  d'abord, 
l'excellente  notice  de  M.  R.  de  Lasteyrie  «  J.  Qiiicherat,  sa  vie  et  ses 
travaux  »  que  tout  le  monde  a  pu  lire  dans  le  Bulletin  des  travaux 
historiques  de  i883;  puis,  la  Bibliographie  détaillée,  publiée  dans  la 
Bibliothèque  de  l'Ecole  des  chartes  de  1882,  et  à  laquelle  M.  Giry  a  pu 
ajouter  quelques  numéros  et  joindre  un  classement  chronologique  de 
l'œuvre.  Des  numéros  placés  en  tète  de  chacun  des  articles  du  volume 
permettent  une  prompte  référence  à  la  Bibliographie. 

De  tous  les  travaux  rassemblés  ici,  deux  sont  inédits  et  nous  devons 
les  signaler  spécialement.  Le  premier,  placé  en  tête,  est  un  fragment 
écrit  vers  1867  et  destiné  à  la  préface  d'un  manuel  d'archéologie  à 
l'usage  des  instituteurs  et  des  habitants  de  la  campagne,  ouvriers  et 
paysans,  que  J.  Quicherat  appelle  les  pourvoyeurs  naturels  de  l'ar- 
chéologie. Ce  projet  ne  fut  pas  exécuté,  mais  l'idée  était  féconde  et 
tentera  peut-être  quelque  autre  courageux  initiateur.  —  Le  second, 
écrit  en  1882,  devait  faire  partie,  ainsi  que  la  dissertation  sur  la  rue  et 
le  château  Hautefeuille  parue  récemment  dans  la  Société  des  Anti- 
quaires, de  toute  une  élude  sur  le  Paris  romain  delà  rive  gauche.  11 
porte  particulièrement  sur  ks  fouilles  pratiquées  si  souvent  depuis 
qninze  ou  vingt  ans  dans  le  quartier,  à  l'occasion  d'un  percement  de 
rue  ou  d'un  nivelement  de  terrain. 

Voici  inaintenant  un  simple  aperçu  des  autres  mémoires  et  articles 
critiques  :  un  grand  nombre  consiste  en  rapports  au  comité  des  travaux 
historiques,  sur  des  communications  ou  des  bulletins  de  Sociétés  savan- 
tes. Malgré  l'importance  secondaire  que  l'on  serait  tenté  d'attribuer  à 
ces  sortes  d'articles,  il  fallait  ici  se  garder  de  les  omettre  ;  car  toutes 
les  facultés  du  critique  s'y  donnent  carrière  dans  une  discussion 
aussi   nourrie  et  serrée  que  pleine  d'aperçus  nouveaux.   Les  uns   ont 


d'histoiue  kt  dk  littératurr  377 

principalement  pour  objets  les  antiquités  préhistoriques  et  gauloises,  que 
J.  Quicherat  ne  voulait  pas  séparer  et  auxquelles  on  a  donné  le  nom 
commun  de  celtiques  :  Nous  citerons  surtout  les  études  relatives  à  l'an- 
cienne lieue  gauloise,  à  diverses  fouilles  importantes  de  tumuli  en  Al- 
sace et  en  Bretagne^  aux  explorations  pratiquées  dans  le  lac  du  Boiir- 
get,  à  la  question  du  ferrage  des  chevaux  en  Gaule  (p.  167-186).  — 
Les  autres  ont  trait  aux  antiquités  latines  de  la  Gaule  :  voies  romaines, 
sépultures  gauloises  en  Alsace  etc.,  puits  funéraires  (fouilles  de 
MM.  Bréan  et  Baudry),  ruines  romaines  de  Vieux  en  Biigey^  inscrip- 
tions antiques,  sculptures  diverses,  (parmi  lesquelles  la  splendide  statue 
grecque  du  Mas  d'Agenais,  ici  reproduite),  antiquités  gallo-romaines 
à''Arras^  etc.  —  Mais  il  faut  citer  hors  de  pair  plusieurs  mémoires 
originaux  bien  connus  des  savants  :  Du  lieu  de  la  bataille  entre  Labié- 
nus  et  les  Parisiens  (p.  207  252).  —  Le pilurn  de  l'infanterie  romaine 
(p.  307-337).  —  D\in  peuple  Allobrige  différait  des  Allobroges 
(p.  338-345). 

Enfin  la  troisième  partie  du  volume  a  été  réservée  à  cette  fameuse 
question  d'Alesia,  qne  J.  Quicherat  avait  tant  à  cœur,  et  pour  laquelle 
il  a  dépensé  sans  compter  tant  de  science  et  d'éloquence.  Il  était  inad- 
missible de  la  passer  sous  silence,  mais  tout  rééditer  semblait  un  peu 
inutile  :  on  a  préféré  un  moyen  terme.  M.  A.  Castan,  Tun  des  princi- 
paux champions  de  la  campagne  dirigée  par  J.  Quicherat,  a  exposé  en 
quelques  pages  un  résumé  suffisant  de  ces  débats  qui  firent  prendre  la 
plume  à  plus  de  5o  écrivains  plus  ou  moins  compétents;  puis  il  a  re- 
produit à  peu  près  intégralement  quatre  des  principaux  mémoires  du 
maître.  — Je  ne  puis  dire  qu'une  réédition  plus  complète  ne  m'eût  pas 
semblé  préférable  encore,  d'autant  plus  que  les  brochures  originales 
sont  devenues  très  rares.  Cependant  ce  qui  nous  est  donné  sufiit  parfai- 
tement pour  faire  juger  de  sa  valeur  :  c'est  certainement  ce  qu'il  y  a  de 
plus  original  dans  tout  le  volume;  on  ne  sait  qu'admirer  le  plus,  de 
l'érudition  variée  de  l'auteur  et  de  sa  verve  entraînante,  de  sa  discussion 
incisive  et  de  la  libre  allure  de  son  style.  —  Il  y  a  pourtant  une  chose 
dont  on  pourra  regretter  l'absence,  c'est  une  carte  d'ensemble  des  lieux. 
Je  sais  bien  que  les  Mémoires  de  J.  Quicherat  n'en  ont  pas,  mais  le 
public  qui  les  lisait  était  plus  au  courant  que  celui  d'aujourd'hui,  et 
d'ailleurs  le  résumé  nouveau  de  M.  Castan  semble  la  réclamer  tout  na- 
turellement. 

Un  dernier  mot.  —  On  pourra  trouver  çà  et  là,  (et  ceci  s'applique 
également  aux  volumes  encore  à  paraître),  certaines  affirmations  qui 
sont  aujourd'hui  inexactes,  certaines  déductions  qui  n'ont  plus  leur  va- 
leur primitive.  J.  Quicherat  s'en  rendait  lui-même  parfaitement  compte, 
et  n'aurait  pas  laissé  passer  sans  remaniement  ou  sans  corrections  tel  ou 
tel  article  qu'il  aurait  voulu  publier  à  nouveau.  C'est  le  malheur  de  ces 
publications  posthumes.  Mais  dans  un  pareil  cas,  il  n'y  a  pas  à  hésiter  : 
il  faut  réimprimer  le  texte  authentique,  sans  se  permettre  d'y  mettre  la 


378  RKVUK    CRITIQUK 

main.  Les  éditeurs  Tout,  avec  raison,  compris  ainsi.  C'est  au  lecteur  à 
complcier,  à  l'aide  des  découvertes  plus  récentes,  les  conclusions  insul- 
fisantes  de  Fauteur. 

H.   DE  CURZON. 


84.  —  Xiie  Xule  of  Giiiiiol}-»*  fi-oin  tlie  IEai*lcinii  n>s.  n"  ÎSS^S,  <-<>!la. 
ifd  wîtli  Hîx  «itliei-  mes. 9  edited  wilU  notes  and  a  glossarial  index,  by  the 
Rev.  Walter  W.  Skeat;  Oxford  (Clarendon  Press),  1884,  un  vol.  iG»  de 
xL-64  pp.;  prix   1  s.  6  d. 

Dans  la  plupart  des  éditions  de  Chaucer  et  dans  beaucoup  de  mss., 
on  trouve,  à  la  suite  du  conte  inachevé  du  cuisinier,  un  conte  de  Game- 
lyn(\m  a  été  souvent  inséré  dans  les  œuvres  du  poète,  mais  qui  n'est 
certainement  pas  de  lui  ;  comme  ton,  comme  langue  et  comme  versifi- 
cation, il  diffère  de  tout  ce  que  Chaucer  a  écrit.  Il  semble  probable 
qu'une  version  de  ce  vieux  récit,  qui  dut  être  rédigée  en  la  forme  que 
nous  avons,  vers  l'année  i35o,  se  trouvait  parmi  les  mss.  de  Chaucer 
à  sa  mort;  il  Tavait  recueillie  sans  doute  pour  la  retondre,  comme  il  a 
refondu  tant  d'autres  anciens  poèmes  dans  ses  Canterbïiry  taies.  Les 
scribes  qui,  après  lui,  ont  copié  son  œuvre  inachevée  ont  admis  l'his- 
toire de  Gamelyn  parmi  celles  que  ce  grand  poète  avait  transformées  et 
faites  siennes,  et,  trouvant  une  interruption  au  milieu  du  discours  du 
cuisinier,  ils  ont  placé  à  cet  endroit  le  conte  apocryphe.  L'un  d'eux,  sans 
souci  de  la  vraisemblance,  Ta  intitulé  «  le  conte  du  cuisinier  touchant 
Gamelyn,  »  désignation  que  les  éditeurs  ont  fidèlement  reproduite  de- 
puis. 

Bien  que  nous  ne  devions  pas  à  Chaucer  le  tableau  des  aventures  de 
Gamelyn,  l'histoire  de  ce  personnage  n'en  est  pas  moins  intéressante  à 
plusieurs  points  de  vue.  D'abord  par  sa  donnée  et  par  la  manière  dont 
elle  est  traitée,  elle  se  rattache  à  Timportante  série  des  chants  populaires 
dont  Robin  Hood  est  le  principal  héros,  chants  pleins  de  vie  et  d'en- 
train qui  flattaient  le  goût  des  Anglais  pour  la  lutte  et  les  entreprises 
aventureuses.  Ensuite,  ainsi  que  le  remarque  justement  M.  Skeat, 
«  c'est  un  bon  spécimen  du  middle  english  du  xiv^  siècle,  et  le  dialecte 
dans  lequel  ce  poème  est  écrit  ne  s'écarte  que  très  peu  de  celui  qui,  avec 
le  temps,  a  fini  par  devenir  la  langue  littéraire  de  l'Angleterre.  »  Enfin, 
un  ms.  renfermant  ce  conte  étant  tombé,  au  temps  d'Elisabeth,  entre 
les  mains  du  poète,  romancier  et  dramaturge  Thomas  Lodge,  il  en  tira 
la  donnée  d\ine  de  ses  nouvelles,  intitulée  :  Euphues  golden  legacie, 
foiind  a/ter  his  death  in  his  cell  at  Silexedra.  (Londres,  1  592  ;  réimpr. 
par  Hazlitt  dans  sa  Shakespeare  library).  Lodge  a  développé  l'histoire 
de  Gamelyn  (auquel  il  donne  le  nom  de  Rosader)  ;  il  a  ajouté  des  scènes 
de  vie  forestière  et  surtout  il  a  créé,  ce  qui  manquait  dans  l'original, 
des  personnages  de  femmes.  Le  nom  du  principal  de  ces  personnages 


d'histoire    f.t   de  LITTÉKATUKE  3^9 

est  aujourd'hui  familier  à  tout  le  monde,  c'est  celui  de  Rosalinde.  Re- 
prenant à  son  tour  le  vieux  récit,  Shakespeare  a  fait  ce  que  l'âge  avait 
empêché  Chaucer  d'accomplir;  il  a  donné  l'immortalité  au  conte  de 
Gamelyn  en  puisant  dans  cette  histoire,  telle  que  Lodge  l'avait  racon- 
tée, le  sujet  de  sa  comédie  Asj'oii  like  it. 

A  différents  points  de  vue,  ce  conte  qui  a  tenté  à  deux  siècles  de  dis- 
tance le  génie  de  deux  des  plus  grands  poètes  de  l'Angleteire,  présente 
donc  un  intérêt  permanent  et  M.  S.  n'a  fait  que  lui  rendre  justice  en  lui 
accordant  place  parmi  les  belles  publications  critiques  de  la  Clarendon 
press.  Il  n'avait  été  imprimé  jusqu'ici  que  parmi  les  œuvres  de  Chaucer 
et  comme  il  y  était  admis  seulement  par  tolérance,  il  ne  lui  avait  jamais 
été  fait  dans  les  notes  et  éclaircissements  qu'une  part  de  frère  cadet. 
Gamelyn  prend  aujourd'hui  sa  revanche;  il  se  présente  à  nous  précédé 
d'une  longue  introduction,  escorté  de  variantes,  suivi  de  notes  et  d'un 
glossaire,  avantages  que  beaucoup  de  ses  aines  sont  encore  à  attendre  : 
la  publication  des  contes  de  Chaucer  à  la  Clarendon  press,  comm.encée 
il  y  a  une  quinzaine  d'années,  avance  en  effet  avec  une  telle  lenteur  que 
ce  siècle  peut-être  n'en  verra  pas  la  fin. 

M.  S.  a  étudié  dans  son  intéressante  introduc[ion  la  valeur  littéraire 
du  conte,  son  origine,  la  famille  de  récits  à  laquelle  il  appartient,  les 
transformations  qu'il  a  subies  avant  de  recevoir  de  Shakespeare  sa  forme 
littéraire  définitive,  la  langue  dans  laquelle  il  est  écrit;  enfin  il  a  donné 
une  analyse  de  l'étude  critique  consacrée  par  M.  Lindner  à  ce  poème 
dans  les  EngUsche  Studien.  A  côté  de  cette  dernière  autorité  le  nom 
d'Eugène  Sue  paraît  d'une  façon  un  peu  inattendue.  M.  Skeat  prend 
texte  d'un  des  romans  de  notre  compatriote  pour  affirmer  que  le  carac- 
tère de  Robin  Hood  n'est  pas  inconnu  en  P'rance  et  que  ce  personnage 
a  son  rôle  dans  nos  récits  populaires;  le  nom  de  «  Robin  des  Bois  «  serait 
invoqué  par  les  mères  françaises  pour  effrayer  leurs  enfants.  Malgré 
l'autorité  d'Eugène  Sue  et  celle  de  l'auteur  anonyme  d'un  article  des 
Notes  and  Queries  \  le  nom  de  Robin  des  Bois  ne  représente  rien  parmi 
nous  que  la  traduction  fort  libre  du  titre  d'un  opéra  de  Weber,  Der 
FreisckHt\. 

.1.  .1.   JUSSKRAND. 


85.  — VeiMleutBeJ»u!t{»swœrt«>i>ljsjf!î,  von  Daniel  Sander?.  Leipzig,  O.  Vvigand, 
1884.  Un  vol.  in-4,  xii  et  255  pp. 

Ce  livre  donne  plus  que  ne  promet  son  titre.  Comme  le  dit  M.  San- 
ders  dans  sa  préface,  il  doit  être  un  intermédiaire  entre  son  Diction- 
naire des  mots  étrangers,  et  son  Dict.  idéologique  (Deutscher  Sprach- 
schat:{),  et  il  contient,  en  outre,  des  additions  au  premier.  La  préface 

I.  T.  VI,  p.  597. 


38o  RKVUE    CRITIQUE    û'hiSTÛIRK    Kl     ÛK    LITTÉRATURK 

offre  des  remarques  excellentes  sur  l'abus  des  mots  étrangers,  mais  aussi 
sur  la  manière  maladroite  et  arbitraire  dont  on  les  a  souvent  combattus. 
L'auteur  s'élève  contre  la  «  sotte  germanomanie  »  (thorichte  Deiitsch- 
thumelei)  ,  qui  voudrait  habiller  à  l'allemande  absolument  tout, 
même  les  choses  les  moins  allemandes.  Nous  ne  pouvons  pas  entrer  ici 
dans  une  discussion  détaillée  du  livre;  nous  nous  contenterons  d'attirer 
l'attention  de  nos  professeurs  d'allemand  sur  son  utilité  pratique  :  ils  y 
trouveront  un  choix  abondant  d'expressions  allemandes  pour  beaucoup 
de  mots  étrangers  qu'on  est  souvent  embarrassé  de  traduire  '. 

A.  B. 

ACADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET   BELLES-LETTRES 


Séance  du  i"  mai  i885. 

M.  Le  Blant,  directeur  de  l'école  française  de  Rome,  envoie  les  photographias  de 
sept  sarcophages  sculptés  trouvés  par  M.  Maraini  dans  les  terrains  de  la  villa  Bona- 
parte, et  donne  la  description  de  quelques  autres  sarcophages  récemment  découverts. 

M.  Bergaigne  donnQ  lecture  d'une  lettre  de  M.  Aymonier,  datée  de  Binh-Tuam, 
chef  lieu  de  !a  province  de  ce  nom,  au  sud  de  l'Annam,  le  i6  mars  i885.  Le  Bing- 
Tuam  correspond  à  l'ancien  Tchampa,  dont  le  nom  tigure  sur  les  inscriptions  du 
Cambodge  comme  celui  d'un  royaume  ennemi.  M.  Aymonier  y  a  recueilli  un  cer- 
tain nombre  d'inscriptions  sanscrites  et  quelques  inscriptions  en  langue  tchame.  11 
va  continuer  l'exploration  de  l'Annam,  et  il  ne  croit  pas  impossible  que  le  domaine 
de  répigraphie  indienne  en  Indo-Chine  s'étende  jusqu'au  Tonkin. 

MM.  Schefer  et  de  Mas  Latrie  sont  nommés  membres  de  la  commission  chargée 
de  publier  les  historiens  arméniens  des  croisades. 

L'Académie  se  forme  en  comité  secret. 

La  séance  étant  redevenue  publique,  M.  Senart,  continuant  sa  communication  sur 
les  inscriptions  d'Açoka-Piyadasi,  résume  les  renseignements  que  nous  fournissent 
ces  monuments  :  i°  sur  la  famille  et  l'empire  de  Piyadasi  ;  i"  sur  son  administra- 
tion intérieure;  3"  sur  les  idées  religieuses  qui  avaient  cours  de  son  temps.  Compa- 
rant, autant  que  possible,  ces  données  avec  les  souvenirs  conservés  par  la  tradition 
littéraire,  M.  Senart  montre  comment  des  idées  postérieures  à  l'époque  de  Piyadasi 
ont  altéré,  sur  son  compte,  les  souvenirs  de  la  tradition,  en  y  faisant  pénétrer  des 
exagérations  inadmissibles  et  une  couleur  monastique  beaucoup  trop  accentuée.  11 
s'attache  surtout  à  montrer  que  les  inscriptions  conservent  le  témoignage  d'un  état 
du  bouddhisme  plus  populaire,  moins  développé  dans  le  sens  de  la  spéculation, 
moins  hgé  dans  ses  écritures  canoniques,  que  celui  dont  les  écritures  singhalaises 
nous  ont  transmis  et  ont  généralement  fait  accepter  l'image.  Il  termine  en  protes- 
tant contre  certaines  accusations  excessives  et  injustes  dont  Piyadasi  a,  dit-il,  été 
l'objet,  et  en  faisant  valoir  les  services  qu'il  a  rendus  à  la  culture  générale  de  l'Inde. 

Ouvrages  présentés:  —  par  l'auteur:  Paris  (Gaston),  la  Poésie  du  moyen  dgc,  le- 
çons et  lectures i  —  par  M.  de  Rozière  :  Willems,  le  Sénat  de  la  république  ro- 
maine, nouvelle  édition;  —  par  M.  Oppert  :  Quentin  (l'abbé  Aurèle),  Du  prétendu 
parallélisme  entre  les  inscriptions  cunéiformes  et  la  Genèse,  f*  partie,  de  la  créa- 
tion au  déluge;  —  par  M.  Bréal  :  Chodzkiewicz,  Archéologie  Scandinave  (extrait  de 
la  Revue  archéologique);  —  par  .M.  Renan  :  Sabatier  (Paul),  la  Didachè  ou  l'En- 
seignement des  apôtres;  —  par  M.  Desjardins:  Charnay  (Désiré),  les  Anciennes 
Villes  du  nouveau  monde.  Julien  Havet. 

I.  Nous  rejetons  en  note  quelques  observations.  Au  mot  allegorisieren,  M.  S.  pro- 
pose, pour  le  sens  neutre,  versinnbildern,  et  donne  encore  ce  même  mot,  à  côté  de 
versinnbildlichen,  pour  le  sens  actif.  Nous  ne  croyons  pas  qu'il  soit  nécessaire  de 
créer  ce  nouveau  mot  ;  car  rien  n'empêche  d'employer  versinnbildlichen,  comme 
allegorisieren,  également  comme  neutre,  ou,  pour  parler  plus  exactement,  au  sens 
absolu.  Nous  demandons  grâce  aussi  pour  Telegraph,  telegraphieren,  etc.,  qui  ont 
un  caractère  international,  et  qu'on  ne  doit  pas  nationaliser,  puisqu'ils  sont  étran- 
gers, non  pa?  en  allemand  seulement,  mais  aussi  dans  les  autres  langues. 

Le  Propriétaù^e-Gérant  :  ERNEST  L.EKOUX. 

Li  t'u-i-.  nriri-iwerie  ûp  Ai(7rrhessou  tlls,  oouievard  Saint-Laurent,  a  ï- 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

No  20  —  13  mai  —  1885 


SoiMBïiaîre  î  86.  Haossleiter,  Le  Pasteur  d'Hermas.  —  87.  A.  Thomas,  Francesco 
de  Barberino  et  la  littérature  provençale  en  Italie.  —  88.  Coblenz  et  Q_uiberon, 
souvenirs  du  comte  de  Contades.  —  Variétés  :  Grandeur  et  décadence  de  la 
Colombine.  —  Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions.  —  Société  des  Anti- 
quaires de  France. 


86.  —  Do  Vei'sîoBïsbu^   Pasioris   Herniae  liiîîiiis,  scripsit   J.    Haussleiter. 
Erlangen,  Deichert,  1884. 

Le  Pasteur  d'Hermas,  dont  le  texte  grec  n'est  connu  que  par  deux 
mss.  incomplets,  nous  est  parvenu  dans  une  double  version  latine  : 
l'une,  la  viilgate,  est  imprimée  depuis  le  xvi'=  siècle,  Pautre,  dite  pala- 
tine, a  été  publiée  pour  la  première  fois  en  iS5j.  On  admet  que  la  vul- 
gate  remonte  au  second  siècle  et  que  la  palatine  n'est  pas  antérieure  au 
cinquième. 

M.  Haussleiter,  qui  s'était  déjà  occupé  de  ces  versions  dans  les  Acta 
seminarii  philologici  Erlangensis  (HI,  p.  428  sqq.),  entreprend  dans 
ce  nouveau  travail  de  déterminer  les  rapports  qui  existent  entre  elles. 
A  ses  yeux  les  deux  versions  ne  sont  pas  étrangères  l'une  à  l'autre, 
chacune  d'elles  est  faite  d'après  le  grec,la  vulgate  est  plus  littérale  que  la 
palatine  :  en  quoi,  M.  Haussleiter  est  d'accord  avec  tout  le  monde.  Ce 
qui  est  nouveau  c'est  la  conclusion  qu'il  tire  de  ces  prémisses,  l'anté- 
riorité de  la  palatine  sur  la  vulgate.  —  J'avouerai  que  l'opinion  qui 
attribue  la  vulgate  au  second  siècle  n'est  pas  très  solidement  établie  : 
on  s'appuie  sur  le  fragment  de  Muratori,  mais  le  texte  original  de  ce 
fragment  n'était-il  pas  grec?  Sur  les  notes  stichométriques  du  Claro- 
montamis,  mais  elles  n'ont  pas  de  date  ;  sur  un  passage  du  de  aleatori- 
bus,  opuscule  attribué  autrefois  à  saint  Cyprien,  mais  qui  en  réalité  est 
de  la  lin  du  m*'  siècle  ou  du  commencement  du  iv^.  Par  ailleurs  on  ne 
met  la  palatine  au  v«  siècle  que  parce  qu'elle  est  citée  par  l'auteur  de  la 
Vita  S.  Genovefae  dans   la  première  moitié  du  vi^  (p.   17  de  l'édition 
Kohler).  Le  champ  est  donc  largement  ouvert  aux  conjectures.  —  Mais 
je  doute  fort  que  celle  de  M.  H.   rallie  l'opinion  générale.  Dans  son 
premier  travail  il  avait  essayé   d'établir  le  caractère  africain   du  latin 
de  la  palatine,  mais  il   n'en  a  convaincu  personne  en  Allemagne.  Au- 
jourd'hui il  compare  les  deux  versions,  et  veut  que  du  moment  que  la 
vulgate  est  plus  littérale,  elle  soit  plus  récente  que  la  palatine.    Le  rai- 
sonnement n'est  pas  très  concluant.  Il  suppose  aux  traducteurs  de  l'an- 
tiquité ecclésiastique  des  scrupules  qu'ils  n'ont  guère  connus,  Pauteur 
Nouvelle  série.  XIX.  20 


382  REVUB    CRITIQUE 

de  la  palatine  est  le  premier  à  nous  en  donner  la  preuve.  On  n'a  qu'à 
comparer  les  deux  versions,  ou  simplement  les  passages  que  M.  H. 
met  en  parallèle,  pour  constater  l'exactitude  presque  barbare  de  la 
vulgate  tout  à  fait  dans  la  manière  de  nos  anciennes  versions  latines 
de  la  Bible,  et  les  inexactitudes  élégantes  de  la  palatine.  Les  variantes 
de  la  palatine  témoignent  chez  son  auteur  du  souci  d'écrire  d'une  façon 
coulante  et  claire;  il  lie  les  phrases  heurtées,  adoucit  les  tournures 
abruptes  et  efface  les  obscurités  delà  vulgate  jusqu'à  la  paraphrase  et 
jusqu'au  contre-sens  inclusivement,  à  ce  point  que  l'on  se  demande  à 
certains  endroits  s'il  avait  vraiment  le  texte  grec  sous  les  yeux.  La  pala- 
tine est  une  recension  intelligente,  née  du  besoin  moins  peut-être  de 
corriger  que  de  rajeunir  un  texte  qui  n'était  plus  considéré  comme 
canonique  mais  qui  ne  laissait  pas  d'être  d'une  lecture  intéressante  et 
édifiante 

Il  y  aurait  bien  à  dire  sur  les  corrections  proposées  par  M,  H.  au  texte 
delà  vulgate;  elles   partent  d'une  donnée  fausse,  croyons-nous,  mais 
de  plus  elles  ne  sont  trop  souvent  ni  claires  ni  nécessaires;  il  en  est  de 
bonnes  qui  ne  sont  pas  neuves  (par  exemple  Sim.  V.  i,  4  et  5,  la  con- 
jecture de  M.  H.  a  été  proposée  par  M.  Harnack),  et  il  en  est  de  mau- 
vaises qui  sont  étonnantes.  Nous  en  citons  une   :  Sim.  V.    i,  3,   la 
palatine  donne  :  Nescitis...  Deo  jcjunare ;  hoc  enim  jejuniiim  quod  vos 
facitis  nihil  proficit,  et  la  vulgate  écrit  lourdement:  Nescitis...  Deo 
jejunare;  neqiie  enim  est  jejimiinn,  hoc  qiiod  vos  jejiinatis  domino  nihil 
proficientes.  M.  Haussleiter  propose  de  corriger projicientes  en  profi- 
ciens!  Evidemment  il  veut  du  mal  à  la  vulgate  '. 

P.  Batiffol. 


87.  —  Ffancesco  fia  Bai'berîno  et  la  lîttéralure  provençale  ew  5talie 
au  moyen  âge.  Thèse  présentée  à  la  faculté  des  lettres  de  Paris,  par  Antoine 
Thomas,  ancien  élève  de  l'école  des  Chartes  et  de  l'école  pratique  des  Hautes- 
études,  etc.,  maître  de  contérences  à  la  faculté  des  lettres  de  Toulouse.  Paris, 
E.  Thorin,  i883.  In-8,  p.  200. 

Francesco  da  Barberino  n'est  rien  moins  qu'inconnu;  cinquante 
ans  environ  après  sa  mort  Fiiippo  Villain  en  écrivit  la  biographie,  et 
s'il  lui  a  fallu  attendre  trois  siècles  pour  que  le  premier  de  ses  ouvrages, 
les  Documenti  d'amore,  fût  publié;  si  un  second,  le  Reggimento  e  cos- 
tiimi  di  donna,  ne  l'a  été  presque  que  de   nos  jours,  tous  les  auteurs 

I.  On  nous  permettra  de  signaler  en  passant  deux  mss.  de  la  Vulgate  :  le  premier 
(Arsenal  33?)  est  le  Cod.  Cannelitarum,  dont  M.  Zoîenberg  n'avait  pas  retrouvé  la 
trace  en  1869,  le  second  {S.  Genove/anus  Bl.  44)  n'avait  pas  été  signalé  :  c'est  un 
ms.  du  xiii'^  siècle,  antérieur  par  conséquent  au  Cod.  Cai-mcUtarum,  mais  dont  le 
texte  n'est  pas  di  lièrent  du  type  décrit  par  M.  Harnack  (Prolog,  de  l'édit.  de  Leipzig, 
p.  xix).  Ce  sera  un  ms.  de  plus  à  ajouter  aux  uix-sept  que  l'on  connaissait  jusqu'à 
ce  jour. 


ÛHISTOIRK    ET    DR    LlTTKRAl  URK  38  3 


qui  ont  parlé  de  l'ancienne  littérature  italienne  n'ont  eu  garde  de  l'ou- 
blier; comme  poète,  quoique  poète  médiocre,  et  comme  prosateur,  il 
s'imposait  doublement  a  leur  attention  '.  Cependant,  malgré  ce  qu'ils 
en  ont  dit,  bien  des  points  restaient  obscurs  dans  la  vie  de  Barberino,  — 
la  sagacité  de  M.  A.  Thomas  n'a  pu  encore  tous  les  éclaircir  —  et  un 
côté  curieux  de  l'activité   littéraire  de  ce  contemporain   de    Dante,  je 
veux  parler  de  ses  rapports  avec   la  poésie  des  troubadours,  restait  à 
découvrir  ,  du  moins  presque  en  entier.  En  1870,  i)  est  vrai,  M.  Karl 
Bartsch,  en  examinant  dans  la  Barberine  le  commentaire  latin  qui  ac- 
compagne les  Documenti,  y  trouva  quelques  indications  précieuses  pour 
riiistoire  de  la  littérature  provençale.  On  pouvait  penser  qu'il  y  avait  là 
une  mine  entrevue,  mais  non  épuisée;  sur  le  conseil  de  M.  Paul  Meyer, 
M.  A.  Th.  a  entrepris  de  Pexplorer  à  son  tour,  et  jamais  tentative  n'a 
été  récompensée  par  de  plus  riches  découvertes.  L''éditeur  des  Docu- 
menti, Federigo  Ubaldini,  en  avait  déjà  compulsé  le  commentaire  et  il 
y  avait  puisé  plus  d'un  renseignement  utile,  sinon  toujours  exact,  pour 
la  biographie  qu'en   1640  il  donna  de  Barberino  ;  mais  il  s'en  fallait 
qu'il  eût  tiré  de   ce  document  tout  ce  qu'il  renferme    de    précieux; 
M.  A.  Th.,  tout  en  poursuivant  l'exploration  commencée  par  M.  Karl 
Bartsch,  devait  naturellement  être  tenté  de  compléter  les  fouilles  im- 
parfaites d'Ubaldini;  c'est  ainsi  qu'il  a  été  amené  à  refaire  d'abord  la 
biographie  de  Barberino,  puis  à  rechercher  quel  usage  l'auteur  des  Do- 
cumenti a  fait  dans  ses  écrits  des  œuvres  des  troubadours. 

Si  la  biographie  de  Barberino,  écrite  déjà  en  entier  à  deux  reprises 
différentes,  était  connue  dans  ses  grands  traits,  il  s'en  fallait  qu'elle  le 
fût  dans  tous  ses  détails;  grâce  aux  renseignements  que  M.  A.  Th.  a 
trouvés  dans  le  commentaire  mieux  étudié  des  Documenti,  il  a  pu  rec- 
tifier ou  compléter  sur  plus  d'un  point  ce  qu'on  savait  de  la  vie  du 
célèbre  toscan.  Le  suivant  d'abord  de  Barberino  à  Florence  où  il  paraît 
avoir  reçu  sa  première  éducation,  puis  à  Bologne  où  il  étudia  le  droit, 
en  même  temps  qu'il  s'occupait  déjà  de  poésie,  il  nous  le  montre  rap- 
pelé, en  1296,  à  Barberino  par  la  mort  de  son  père,  puis  établi  l'année 
suivante  comme  notaire  dans  la  capitale  de  la  Toscane.  M.  A.  Th.  in- 
siste avec  raison  sur  l'influence  que  durent  exercer  sur  la  vocation 
littéraire,  comme  sur  le  talent  de  Barberino  le  séjour  qu'il  ht  à  Flo- 
rence et  les  relations  qu'il  y  entretint  avec  Dante,  Guido  Cavalcanti, 
Dino  Gompagni,  Feo  Amiero,  encore  habitants  de  cette  ville;  les 
Fiori  di  Novelle,  dont  M.  A.  Th.  fait  remonter  avec  vraisemblance  la 
composition  à  cette  époque,  sont  la  preuve  la  plus  manifeste  de  cette 
influence  bienfaisante. 

Le  séjour  de  Barberino  à  Florence  fut  interrompu  une  première  fois 
par  un  voyage  à  Padoue,  que  M.  A.  Th.  croit  avoir  eu  lieu  entre  1004 
et  i3o8.  Il  y  était  à  peine  rentré  quand,  pour  des  raisons  qui   ne  sont 

I.  Le  plus  récent  à  ma  connaissance,  M.  Adolfo  Bartoli,  y  revient  à  deux  reprises 
dans  les  tomes  II,  p.  3o3  et  m,  -40  de  sa  Sioria  délia  letteratura  italiana. 


384  REVUE    CRITIQUE 

pas  encore  découvertes,  il  quitta  une  seconde  fois  sa  famille  et  ses  affai- 
res et  se  rendit  en  France.  Il  ne  devait  être  absent  que  quelques  semai- 
nes, il  resta  quatre  ans  et  trois  mois  (i3o9-i3j3)  loin 'de  son  pays. 
M.  A.  Th.  s'est  efforcé  de  reconstituer,  à  l'aide  des  allusions  qu'on 
trouve  dans  les  ouvrages  de  Barberino,  les  étapes  successives  de  ce 
voyage  prolongé;  nous  le  voyons  tour  à  tour  à  Marseille  où  il  débar- 
que, à  Avignon,  à  Orange,  en  Bourgogne,  en  Auvergne,  à  Saint-Denis, 
à  la  cour  du  roi  de  France,  en  Picardie^  à  Noyon,  à  Senlis,  puis  à 
Paris  où  tant  de  choses  devaient  piquer  sa  curiosité,  entin  à  la  cour  de 
Louis  le  Hutin,  où  il  fit  la  connaissance  de  Joinville.  Mais  chargé,  à 
ce  qu'il  semble,  d'une  mission  auprès  du  souverain  pontife,  ce  fut  sur- 
tout dans  le  Comtat  Venaisin  que  résida  Barberino;  M.  A.  Th.  suppose 
que  dans  les  diverses  villes  où  il  accompagna  la  cour  papale,  Barberino 
suivit  des  cours  de  droit  civil  et  canonique  ;  ce  fut  sans  doute  à  Avignon, 
dont  l'Université  venait  d'être  fondée  ',  M.  A.  Th.  ne  paraît  pas  le 
remarquer,  qu'il  dut  et  put  avant  tout  se  livrer  à  ses  études  juridiques. 
Rentré  dans  sa  patrie  en  i3i3,  Barberino  y  poursuivit  d'abord  ses 
travaux  littéraires,  mais  bientôt  il  renonça  aux  lettres  pour  se  donner 
tout  entier  aux  occupations  de  sa  charge;  l'année  même  de  son  retour 
à  Florence,  sa  première  femme  était  morte  lui  laissant  cinq  enfants;  il 
n'avait  pas  tardé  à  se  remarier  ;  c'est  pour  les  siens  qu'il  vivra  désor- 
mais; pourvu  en  i3i8du  grade  de  docteur  en  droit,  ses  connaissances 
juridiques,  sa  longue  pratique  des  affaires,  lui  assurèrent  la  confiance 
de  ses  compatriotes  et  il  en  jouit  jusqu'au  jour  où  la  peste  l'emporta 
avec  un  de  ses  fils  en  1348. 

Après  avoir  ainsi  refait  d'une  manière  succinte,  mais  avec  une  grande 
précision  de  détails,  la  biographie  de  Barberino,  M.  A.  Th.  passe  en 
revue  ses  divers  ouvrages,  en  s'attachant  à  en  faire  connaître  l'esprit  et 
la  portée.  Le  Reggimento  l'arrête  d'abord  ;  il  fait  voir  comment  ce 
poème  allégorique,  qui  rappelle  pour  le  fond  le  Chastiement  des  Dames 
de  Robert  de  Blois,  que  cependant  Barberino  n'a  peut-être  pas  connu, 
et  les  Ensenhamens  de  Garin  le  Brun  et  d'Amanieu  de  Sescas,  qu'au 
contraire  il  a  dû  lire,  fait,  pour  la  forme,  ainsi  que  l'a  déjà  remarqué 
M.  Borgognoni,  penser  au  poème  de  Vlntelligen^a,  attribué  à  Dino 
Compagni,  et  au  Tesoretto  de  Brunetto  Latino;  j'ajouterai  avec  M.  Bar- 
toli  "  au  Roman  de  la  Rose:  comment  expliquer,  en  effet,  autrement  que 
par  l'imitation  de  ces  trois  dernières  œuvres  le  personnage  de  Madonnaà  la 
prière  de  laquelle  Barberino  a  entrepris  son  oeuvre,  et  son  cortège  allé- 
gorique? Un  livre  comme  \q  Reggimento  renferme  bien  des  renseigne- 
ments précieux  sur  l'état  de  la  société  contemporaine;  M.  A.  Th. 
aurait-il  dû  s'en  servir  pour  nous  faire  le  tableau  de  la  vie  italienne  au 

commencement  du  xiv^  siècle?  Je  ne  le  crois  pas  ;  d'abord  cela  rentrait  | 

i 

1.  En  i3o3.  Cf.  Léon  Bardinet,   Universitatis  Avenioncnsis  bistorica  adumbratio,] 
in-80,  i88o,  p.  7. 

2.  Op.  cit.,  m,  307. 


d'histoire  et  de  littérature  385 

à  peine  dans  le  plan  qu'il  s'est  tracé,  et  puis  on  trouve  dans  le  Reggi- 
mento  nombre  de  préceptes  de  conduite  ou  de  morale  qui  n'appartien- 
nent pas  plus  à  l'Italie  qu'à  la  France  du  midi  ou  du  nord;  comment 
faire  aujourd'hui  le  départ  de  ce  qui  se  rapporte  au  premier  ou  au  se- 
cond de  ces  pays? 

A  l'étude  du  Reggimento  succède,  dans  le  livre  de  M.  A.  Th.,  celle 
des  Documenti  d'amore,  œuvre  didactique  encore  et  allégorique,  où, 
sous  un  titre  qui  nous  surprend,  Barberino  a  écrit  «  un  traité  de  morale 
pratique  et  de  bonnes  manières  à  l'usage  des  hommes  de  toute  condi- 
tion ».  Pour  lui,  en  effet,  comme  pour  les  derniers  troubadours,  l'a- 
mour est  le  principe  de  tout  bien  ;  qui  en  suit  fidèlement  les  lois  est  ca- 
pable de  toute  vertu;  on  ne  doit  donc  pas  être  surpris  que  Barberino 
ait  songé  à  en  rédiger  les  préceptes  et  le  code.  Cette  tâche  devait  avoir  à 
ses  yeux  une  importance  bien  grande,  puisque,  non  content  d'écrire  en 
italien  les  Documenti,  il  les  a  accompagnés  d'une  traduction  latine  et  y 
a  Joint  encore  un  commentaire  explicatif;  l'étude  attentive  de  ce  com- 
mentaire, jusqu'ici  trop  négligé  et  dont  la  publication  serait  si  désira- 
ble, a  permis  à  M.  A.  Th.  de  montrer  tout  ce  que  Barberino  avait  à  la 
fois  de  connaissances  variées  et  d'originalité  d'esprit.  Mais  à  quelle  épo- 
que a-t-il  été  composé,  ainsi  que  les  Documenti  et  le  Reggimento?  Cette 
question  depuis  longtemps  soulevée,  M.  A.  Th.  devait  naturellement 
essayer  de  Ja  résoudre;  Ja  discussion  et  l'examen  des  textes  lui  a  fait 
admettre  que  le  Reggimento^  commencé  peut-être  à  Padoue,  puis  in- 
terrompu par  le  voyage  que  Barberino  fit  en  France,  fut  achevé  seule- 
ment après  son  retour  dans  sa  patrie;  quant  aux  Documenti,  écrits  en 
très  grande  partie  en  France,  ils  n'auraient  été  aussi  probablement 
achevés  qu'à  Florence,  et  c'est  là  seulement  que  fut  rédigé  vers  j3io 
ou  i3i5,  certainement  avant  i3i8,  le  commentaire  qui  les  accompagne 
et  les  explique.  Ce  sont  là  des  hypothèses  très  ingénieuses  et  quelques- 
unes  très  vraisemblables,  mais  qui  sont  loin  d'être  toutes  également 
fondées  et  que  M.  A.  Th.  n'a  pu  même  mettre  toutes  d'accord. 

Les  a  poésies  détachées  »  de  Barberino  ne  donnent  lieu  à  aucune  re- 
marque importante;  il  n'en  est  pas  de  même  des  Fiori  di  Novelle;  le 
comte  Galvani  a  cru  pouvoir  identifier  ce  recueil  avec  le  Novellifio,  qui 
serait  ainsi  l'œuvre  de  Barberino;  cette  manière  de  voir  a  été  victorieu- 
sement réfutée  par  MM.  Bartoli  et  d'Ancona;  ils  ont  montré  qu'il  n'y 
avait  rien  de  commun  entre  le  style  des  Documenti  et  celui  du  Novel- 
lino ;  M.  A.  Th.  a  fait  faire  un  pas  de  plus  à  la  question,  en  prouvant, 
par  le  témoignage  même  de  Barberino,  l'existence  désormais  indiscuta- 
ble desFioridi  Novelle  comme  œuvre  distincte  du  Novellino.  L'examen 
du  problème  soulevé  par  le  recueil  perdu  des  nouvelles  du  notaire  flo- 
rentin termine  la  première  partie  du  livre  de  M.  A.  Th.;  dans  la  se- 
conde, «  Barberino  et  la  littérature  provençale  »,  il  aborde  un  ordre  de 
questions  toutes  différentes,  le  sujet  presque  inexploré  qu'il  a  voulu 
surtout  traiter. 


386  KICVUE    CRITIQUE 

On  sait  quelle  faveur  la  poésie  des  troubadours  rencontra  depuis  la 
fin  du  xiie  siècle  au-delà  des  Alpes;  accueillie  avec  un  empressement 
que  nous  avons  peine  à  comprendre  aujourd'hui  et  que  peut  seule  ex- 
pliquer l'absence  d''une  littérature  indigène  en  Italie  à  cette  époque, 
elle  ne  devait  pas  tarder  à  y  trouver  des  imitateurs  et  à  y  susciter  des 
disciples;  la  Péninsule  eut  des  poètes  en  langue  d'oc  avant  d'avoir  des 
poètes  nationaux,  et  les  plus  anciens  de  ces  derniers,  les  poètes  de  l'école 
sicilienne,  relèvent  des  troubadours  français  qu'ils  ont  pris  pour  mo- 
dèles et  pour  maîtres.  Plus  tard  même,  quand  la  poésie  italienne  eut 
été  définitivement  affranchie  par  Dante,  les  troubadours  ne  furent  pas 
encore  oubliés  dans  le  pays  où  ils  avaient  autrefois  régné  en  maîtres 
comme  dans  leur  propre  patrie,  témoin  l'éloge  que  font  de  quelques- 
uns  d'entre  eux  Dante  lui-même,  Pétrarque  et  l'auteur  anonyme  de  la 
Léandréide;  Francesco  da  Barberino,  comme  ceux-ci  et  plus  que  ceux-ci, 
est  un  connaisseur  de  la  poésie  provençale;  il  y  cherche  sinon  ses  maî- 
tres, du  moins  des  autorités;  non-seulement  à  lui  seul  il  a  plus  cité  de 
poêles  de  la  langue  d'oc  que  Dante  et  Pétrarque  réunis,  mais,  ce  qui  lui 
est  propre,  il  parle  de  troubadours  dont  nul  autre  auteur  ou  document 
ne  fait  mention.  Il  y  a  plus,  les  troubadours  déjà  connus  qu'il  cite, 
souvent  il  nous  les  fait  connaître  sous  un  aspect  entièrement  ignoré 
jusqu'ici;  c'est  le  cas,  en  particulier,  pour  la  comtesse  de  Die;  au  lieu 
de  la  femme  passionnée  jusqu'à  l'oubli  de  toute  réserve  que  nous  révé- 
laient les  vers  que  nous  avons  d'elle,  nous  trouvons,  dans  les  citations 
que  Barberino  lui  emprunte,  un  poète  sensé  et  presque  austère,  con- 
traste si  grand  qu'on  serait  tenté  de  se  demander  si  dans  les  deux  cas 
nous  avons  affaire  à  la  même  trobairit\.  Il  y  a  là,  on  le  voit,  une  demi- 
révélation.  Mais  où  la  révélation  est  entière,  c'est  quand  il  s'agit  d'au- 
teurs provençaux  inconnus. 

M.  A.  Th.  en  cite  trois  surtout,  aux  œuvres  desquels  Barberino  a  fait 
de  nombreux  emprunts  :  Raimon  d'Anjou,  dont  l'écrivain  toscan 
semble  invoquer  de  préférence  le  témoignage,  Hugolin  de  Forcalquier  ' 
et  Madame  Blanchemain.  Ce  qui  faisait  leur  prix  aux  yeux,  de  Barberino, 
c'est  que  ces  troubadours  sont,  le  premier  surtout,  des  maîtres  de  savoir- 
vivre  et  qu'il  trouvait  dans  leurs  oeuvres  des  préceptes  propres  à  appuyer 
les  règles  de  conduite  qu'il  donnait.  M.  A.  Th.  a  essayé  de  reconstituer 
la  biographie  de  ces  poètes  favoris  de  Barberino;  il  fait  vivre  Raimon, 
qu'il  considère  avec  raison  comme  originaire  du  Viennois  -,  de  1 12b  à 
1200;  quant  à  Hugolin,  son  glossateur ,  il  appartient,  ainsi  que 
Madame  Blanchemain,  à  la  fin  duxii^et  à  la  première  moitié  du  xin^siè- 

1.  M.  A.  Th.  fait  remarquer  que  le  nom  Hugolin  a  une  forme  italienne  et  qu'on 
s'attendrait  à  trouver  Hugonet;  on  pourrait  peut-être  proposer  Hugonin.  Je  dois 
dire  toutefois  qu'un  Jean  Hugonet  fut  professeur  à  la  faculté  de  droit  d'Avignon, 
mais  seulement,  il  est  vrai,  dans  la  seconde  moitié  du  xiv°  siècle.  Bardinet,  op.  cit., 
p.   i5. 

2.  D'une  localité  citée  dans  les  Miracles  de  N.-D.  de  Roc-Amadour,  publiés  en 
extraits  par  iM.  G.  Servois.  «  Vienncnsi  pago,  castium  quoddam  Anjou  nomine,  » 


d'histoire  et  de  littérature  387 

de.  M.  A.  Th.  place  lui-même  vers  1240  un  événement  où  figure  Ma- 
dame Blanchemain;  on  comprend  difficilement  après  cela  qu'il  dise, 
p.  160,  que  ces  troubadours  vivaient  plus  d'un  siècle  avant  Barberino, 
lequel  n'est  né  qu'en  1264. 

Mais  comment  celui-ci  a-t-il  pu  les  connaître,  tandis  que  leurs  noms 
sont  restés  ignorés  de  son  contemporain  Dante  et  de  Pétrarque,  qui 
passa  cependant  un  temps  si  considérable  au  midi  de  la  France?  L'ex- 
plication que  M.  A.  Th.  donne  de  ce  fait  en  apparence  surprenant  me 
paraît  excellente  de  tout  point.  On  sait  comment  l'influence  de  la  poé- 
sie lyrique  des  troubadours  en  Italie  fit,  au  xiii*  siècle,  place  à  l'influence 
de  la  poésie  épique  des  trouvères;  à  partir  de  ce  moment,  les  œuvres 
des  premiers  cessèrent  d'être  recherchées  au-delà  des  Alpes;  il  n'est  donc 
pas  surprenant  que  Dante  ait  ignoré  ceux  qui  parurent  depuis  cette 
époque;  Pétrarque  également  en  est  resté  aux  troubadours  de  l'âge  clas- 
sique et  ne  paraît  avoir  eu  qu'indifférence  pour  les  rares  représentants 
de  la  poésie  provençale  qui  vivaient  de  son  temps  ;  Barberino,  lui  aussi, 
s'occupa  peu  des  troubadours  contemporains;  mais  il  lui  fut  sans  doute 
possible,  pendant  son  séjour  dans  le  Comtat,  de  lire  des  œuvres  non 
encore  perdues  ou  oubliées  de  Raimon  d'Anjou,  d'Hugolin  et  de 
Madame  Blanchemain  son  épouse  ^ 

On  voit  combien  l'explication  est  vraisemblable  ;  il  en  est  de  même 
en  général  de  toutes  celles  que  propose  M.  Antoine  Thomas  ;  esprit  sa- 
gace  et  pénétrant,  il  interprète  les  textes  d'une  manière  aussi  ingénieuse 
qu'il  les  discute  avec  clarté;  c'est  là  ce  qui  double  la  valeur  de  l'étude 
curieuse  et  originale  que  je  viens  d'analyser,  étude  qui  intéresse  à  la 
fois  l'histoire  littéraire  de  l'Italie  et  celle  de  la  France,  et  où  les  compa- 
triotes de  Francesco  da  Barberino  pourront,  tout  aussi  bien  que  ceux  de 
Raimon  d'Anjou,  «  trouver  beaucoup  à  apprendre  ». 

Gh.  J. 


88.  —  Cobîenz  et  Qull»ei*on.  Souvenirs  du  comte  de  Contades,  pair  de  France, 
publiés  par  le  comte  Gérard  de  Cont.vdes.  Paris,  Dentu,  i885.  In-8,  lx  et  298  p. 
5  fr.  (avec  portrait). 

Ces  Souvenirs  du  comte  Erasme-Gaspard  de  Contades  forment  deux 
parties;  la  première,  consacrée  au  séjour  du  comte  à  Coblenz  et  à  la 
part  qu'il  prit  à  la  croisade  des  émigrés  en  Ghampagne  ;  la  seconde,  re- 
lative à  l'expédition  de  Quibcron.  Cette  seconde  partie  est  la  plus  atta- 

r.M.A.Tii.,  dans  le  récit  de  l'épisode  dramatique  à  la  suite  duquel  Madame  Blan- 
chemain donna  sa  main  à  Hugolin,  qui  lui  avait  sauvé  la  vie  au  passage  à  gué 
d'une  rivière,  traduit  Ysdt-a  par  Isère;  je  ne  connais  pour  Isère  que  la  forme  latine 
Isara,  qui  a  dû  difficilement  donner  Ysdra;  une  autre  objection,  c'est  qu'il  me  pa- 
raît impossible  qu'on  ait  jamais  pu  tenter  de  passer  à  gué  une  rivière  aussi  large  et 
aussi  rapide  que  l'Isère.  N'y  aurait-il  point  là  un  récit  inventé  par  Barberino? 


388  REVUE    CRITIQUE 

chante  ;  on  y  trouve  de  piquants  et  véridiques  portraits  de  Puisaye  et 
d'Hervilly,  un  remarquable  entretien  du  comte  avec  le  capitaine  Breton 
et  le  général  républicain  Humbert  à  la  veille  du  désastre,  un  récit  de  la 
prise  du  fort  Penthièvre,  et,  dans  les  notes,  d'importantes  rectifications 
que  fit  Erasme  de  Contades  aux  Mémoires  de  Vauban  et  des  citations 
du  Journal  du  marquis  de  Beaupoil-Sainte-Aulaire.  Le  volume  est 
élégamment  imprimé;  il  renferme  une  table  des  noms  propres  et  en 
appendice  neuf  lettres  écrites  par  Contades  à  Puisaye  en  1795,  un  Etat 
du  corps  d'infanterie  commandé  par  Oilliamson,  une  lettre  de  l'abbé 
Péricaud  à  Puisaye  sur  les  derniers  moments  de  l'cvêque  de  Dol  tombé 
au  pouvoir  des  républicains  à  Quiberon,  Tétat  de  services  du  comte  de 
Contades.  L'éditeur  a  fait  précéder  le  texte  de  ces  Souvenirs  d'une  notice 
biographique  sur  leur  auteur.  Il  a,  dans  le  texte  même,  inséré  quelques 
notes.  Mais  il  écrit  p.  63  Somme-Snippe,  et  p.  71  et  72  (ainsi  qu'à  la 
table  des  noms  propres)  Snippe  pour  Somme-Siiippes  et  Siiippes,  la 
Croix-de-Champagne  pour  la  Croix-en-Champagne  ;  la  Croix-au-Bois 
pour  la  Croix-aiix-Bois ;  Béthenville  pour  Béthelainville  ;  Wailes 
(près  d'Arlon)  pour  We/Zer;  il  parle  p.  62  du  29  septembre,  lorsqu'il 
faut  lire  évidemment  le  20  septembre;  il  laisse  dire,  sans  corriger  l'er- 
reur, que  La  Neuville  est  à  deux  lieues  de  Stenay  (p.  79);  il  cite  les 
souvenirs  de  Neuilly,  de  la  marquise  de  Lâge,  de  Villeneuve-Laroche- 
Barnaud,  et  il  oublie  de  mentionner  dans  le  récit  de  la  marche  du 
20  septembre,  les  Mémoires  du  baron  de  Crossard  et  à  propos  de  l'en- 
gagement où  fut  tué  le  chevalier  de  la  Porte,  une  page  intéressante  de 
Marcillac.  On  doit  savoir  le  plus  grand  gré  à  M.  Gérard  de  Contades 
d'avoir  publié  ces  curieux  Souvenirs  et  le  féliciter  vivement  d'avoir  fait 
connaître,  après  le  Journal  de  Thiboult  du  Puisact,  ces  nouveaux  et 
instructifs  documents  sur  l'émigration. 

A.  Chuquet. 


VARIÉTÉS 


GrantïewR'    e-t    tïôe«denco   cîe    Sa    Coloïïiîcîne. 

I 

Une  des  bibliothèques  publiques  les  plus  curieuses  de  l'Europe  vient 
d'être  abominablement  et  définitivement  saccagée.  Les  libraires,  les 
amateurs  et  les  brocanteurs  y  ont  trouvé  leur  compte;  mais  pour  le 
bibliophile  éclairé,  celui  qui  lit,  pense  et  travaille,  cette  pillerie  est  une 
véritable  calamité. 

Il  s'agit  de  la  bibliothèque  du  chapitre  de  Séville,  célèbre  sous  le  nom 
de  Biblioteca  Colombina. 


d'histoire  kt  de  littérature  389 

Au  xv"  siècle,  l'église  cathédrale  de  cette  vieille  cité  possédait  déjà  une 
bibliothèque.  En  ces  temps  primitifs,  où  l'ignorance  le  disputait  en- 
core à  la  naïveté,  les  bons  chanoines  aimaient  leurs  livres  et  les  proté- 
geaient contre  les  larrons.  C'est  ainsi,  du  moins,  que  nous  interprétons 
la  bulle  fulminée  par  Nicolas  V,  le  9  juillet  1454.  Aux  termes  de  ce 
rescrit,  étaient  passibles  de  Texcommunication  majeure  «  tous  ceux  qui 
oseraient  soustraire  ou  emporter  les  livres  de  cette  collection,  même 
avec  le  consentement  du  chapitre,  fussent-ils  rois,  cardinaux  ou  arche- 
vêques '.  »  On  ne  pouvait  attendre  moins  d'un  pape  qui  fonda  la  Vati- 
cane  après  avoir  été  le  conseiller  de  la  première  Médicéenne,  et  fut, 
à  notre  avis,  le  souverain  pontife  par  excellence.  C'est  lui  que  les  bi- 
bliophiles devraient  faire  canoniser  et  prendre  pour  patron.  Malheureu- 
sement il  mourut  l'année  suivante.  Son  successeur,  Pie  II,  qui  cepen- 
dant était  un  lettré,  adoucit  les  sévérités  de  cette  défense,  et,  par  un 
bref  du  7  août  1460,  autorisa  le  prêt,  cum  consensu  capituli-.  C'est 
peut-être  la  porte  par  laquelle  sont  sorties  les  merveilles  qui  font  en  ce 
moment  la  joie  des  bouquinistes  vigilants  et  le  désespoir  des  amateurs 
arrivés  trop  tard.  Que  ceux-ci  sèchent  leurs  larmes.  «  II  y  a  dans  la  mer 
plus  d'un  gros  poisson  qui  n'a  pas  encore  été  péché  »,  dit  un  vieil 
adage  et,  du  train  dont  vont  les  choses  de  l'autre  côté  des  monts,  on 
trouvera  bientôt  sur  les  quais  et  ailleurs  de  nouvelles  aubaines  pour  tout 
le  monde  et  en  tous  genres. 

Le  lecteur  n'ignore  pas  que  Fernand,  fils  illégitime  de  Christophe 
Colomb,  fut  le  plus  grand  bibliophile  de  son  temps;  peut-être  de  tous 
les  temps.  De  i5io  à  iSSj,  il  parcourut  l'Espagne,  l'Italie,  l'Allema- 
gne, les  Pays-Bas,  l'Angleterre  et  la  France,  à  la  recherches  de  livres 
sur  les  sciences,  l'histoire  et  surtout  la  littérature.  Les  romans  de  cheva- 
lerie, les  mystères,  les  chansons  de  geste,  les  facéties,  l'attiraient  parti- 
culièrement. Chose  aujourd'hui  incompréhensible,  les  ineptes  raretés, 
les  provenances  puériles,  les  maroquins  flétris,  les  grands  papiers  à 
marges  biscornues,  n'éveillaient  en  lui  aucun  enthousiasme.  Un  autre 
trait  notable  de  son  caractère  et  qui  montre  bien  la  simplicité  de  ses 
mœurs,  il  n'achetait  pas  des  livres  uniquement  pour  les  revendre,  même 
pour  les  revendre  très  cher  après  les  avoir  payés  presque  rien  du  tout. 
Enfin,  singularité  non  moins  digne  d'attention,  ce  bibliophile  émérite 
avait  la  manie  de  lire  ses  livres,  voire  de  les  communiquer,  sans  que 
son  visage  passât  par  toutes  les  couleurs  de  l'arc-en-ciel  à  la  fâcheuse 
pensée  que  son  convive,  fût-il  Cleynaerts  ou  Vaseus,  n'eut  pu  toucher 
un  volume  recouvert  en  maroquin  sans  le  souiller  ou  l'ouvrir  sans  lui 
casser  les  reins. 

I.  Cette  bulle  et  la  suivante  sont  citées  dans  la  préface  de  l'inventaire  de  la  Bi- 
blioteca  Colombina,  dressé  d'avril  à  juin  1684,  par  Juan  de  Loaisa.  Voir  notre 
D.  Fernando  Colon,  historiador  de  su  padre ;  Sevilla,  1871,  in-40,  appendice  E, 
page  172. 

z.  Archives  du  Vatican  ;  Index  de  Pistolesi,  II,  i5,  p.  3o8. 


ï 


:>90  RKvut:  critique 

Comme  au  lieu  de  rechercher  les  bons  offices  du  commissaire-priseur, 
Fernand  parait  au  contraire  les  avoir  évités  avec  un  soin  extrême,  il 
iaissa  en  mourant,  le  12  juillet  iSSp,  une  bibliothèque  considérable, 
installée  dans  une  sorte  de  palais,  au  milieu  d'un  parc  planté  d'arbres 
superbes  importés  du  Nouveau-Monde  '. 

Les  six  catalogues  originaux  de  la  Colombine  qui  existent  encore 
étant  incomplets  ",  il  est  ditficile  de  préciser  le  nombre  de  livres  que 
Fernand  Colomb  possédait  au  moment  de  sa  mort.  Le  bachelier  Juan 
Ferez  ^,  en  annonçant  à  Doria  Maria  de  Toledo  le  décès  de  Fernand, 
dit  que  la  bibliothèque  contenait  13,370  volumes.  Gomara  *  réduit  le 
chiffre  à  douze  ou  treize  mille,  tandis  que  Pero  Mexia  ^  le  porte  à 
plus  de  20,000.  La  différence  entre  ces  estimations  s'explique  peut-être 
par  le  lait  rapporté  dans  l'inventaire  dressé  en  1684,  que  la  section  des 
miscellanées  contenait  des  recueils  factices  renfermant  jusqu'à  quarante 
rlaquettes  sous  la  même  couverture. 

Fernand  légua  sa  bibliothèque  à  Luis  Colomb  son  petit  neveu,  chef 
de  la  famille.  Ce  legs  portait  la  condition  que  100,000  maravédis 
seraient  dépensés  annuellement  pour  l'entretien  de  la  collection.  Si  le 
légataire  s'y  refi^'^it,  les  livres  devaient  échoir  au  chapitre  de  Séville, 
er,  en  cas  de  r'U''''ilie  \  monastère  de  San  Pablo,  de  cette  cité. 

Ni  Luis  /(euillv.  aeurs  n'ayant  fait  acte  d'héritier,  la  Biblioteca 
Fernandina  (c'est  ainsi  qu'on  l'appelait  alors)  resta  dans  la  maison  du 
défunt,  sous  la  garde  de  l'exécuteur  testamentaire,  jusqu'en  ii>44.  A 
cette  date  Maria  de  Toledo,  mère  et  tutrice  de  Luis,  prit  sur  elle  de  faire 
transférer  temporairement  la  bibliothèque  au  couvent  de  San  Pablo  ''. 

Nous  pensons  que  ce  fut  l'époque  où  commencèrent  les  déprédations. 
On  ne  toucha  probablement  pas  aux  livres,  car  dans  le  xvi^  siècle  les 
vieux  imprimés  étaient  peu  recherchés,  surtout  en  Espagne;  mais  nous 
soupçonnons  fort  que  la  carte  nautique  de  Toscanelli  et  les  documents 
originaux  concernant  l'Amérique,  possédés  par  Barthélémy  de  Las  Ca- 
sas, provenaient  de  la  Fernandina  ■.  Les  religieux  dominicains,  titulaires 
et  occupants  du  couvent  de  San  Pablo,  offrirent  sans  doute  toutes  fa- 
cilités à  un  évéque  de  leur  ordre  qui  venait  justement  d'être  sacré 
dans  la  chapelle  du  monastère,  et  s'occupait  d'écrire  l'Histoire  de  la 
découverte  du  Nouveau-Monde. 

"Vers  1546,  Luis  Colomb  atteignit  sa  majorité;  mais  ce  vaurien,  que 

1.  Juan  de  Mai-iara,  Reczbimiento  que  hi:^o  la  muy  noble  y  vuty  letxl  ciudad  de 
Sevilla,  à  la  C.  R.  M.  dd  R:j'  D.  Philipe.  Sevilla,   ôjo,  in-8°,  f.  5o. 

2.  Ils  sont  décrits  dans  notre  Fei-nand  Colomb,  sa  vie,  ses  œuvres,  Paris,  1872, 
gr.  in-S°,  appendice  IV. 

3.  Carta  notable;  loc.  cit.,  page  i85. 

4.  Historia  gênerai  de  las  Ir.dias,  Médina  del  C,  i353.  in  fol.,  vers  du  f.  i5. 

5.  De  Academiis  et  Doctis  viris  Hisp.,  dans  VHispania  illusiraia  de  Schott, 
tome  II,  p.  820. 

5.  Ecritura    otorgada  por  las   P.  P.  de    S.  Pablo;  publiée  dans   D.  Fernand 
Cclcmb,  append.  A. 
7.  Notre  Christopite  Colomb,  sa  vie,  ses  voyages...  Paris,  18S4,  tome  I,  page  129. 


d'hîstoire  et  de  littérature  391 

Philippe  II  devait  un  jour  envoyer  périr  en  exil  au  Maroc,  pour  avoir 
épousé  in  Jacie  ecclesiœ  quatre  femmes  sans  être  veuf  d'aucune '.  se 
souciait  médiocrement  de  la  bibliotiièque  de  son  oncle.  L'idée  d'avoir  à 
dépenser  100,000  maravédis  par  an  pour  entretenir  ce  legs  inutile  et  en- 
combrant, lui  qui  accaparait  jusqu'aux  revenus  de  sa  mère  pour  courir 
le  guilledou,  n'était  pas  non  plus  de  naiure  à  éveiller  en  son  âme  un 
enthousiasme  bien  vif  pour  la  collection  des  Pères  de  l'Eglise,  la 
polvglotte  du  cardinal  Ximenes  et  autres  énormes  in-folios,  effrayants  à 
voir,  dont  il  se  trouvait,  malgré  lui,  le  malheureux  propriétaire.  Aussi. 
arrivé  à  l'âge  de  raison,  s'empressa-t-il  d'éloigner  de  son  esprit  cette 
pensée  mélancolique. 

Le  chapitre,  fatigué  d'attendre,  introduisit  une  instance  devant  le  tri- 
bunal de  Grenade,  et  finit  par  obtenir  gain  de  cause.  En  conséquence, 
le  16  septembre  i55i,  les  chanoines  chargèrent  un  notaire  et  un  gref- 
fier de  procéder  à  la  prise  de  possession  des  livres  indûment  détenus  au 
monastère  de  San  Pablo,  et,  sans  plus  tarder,  de  les  transporter  dans 
une  salle  de  iaile  mauresque  de  la  cathédrale. 

Le  tabellion  et  son  plumitif,  selon  un  antique  usage  qui  s'est  perpé- 
tué jusqu'à  nos  jours  parmi  les  notaires  de  tous  les  peuples,  reçurent 
leurs  dernières  instructions  avec  force  révérence,  et  mirent  soigneuse- 
ment les  papiers  timbrés  dans  un  coin  sans  plus  s'en  occuper.  Les  bons 
religieux  de  San  Pablo,  à  leur  tour,  perdirent  patience,  et  sommèrent 
le  chapitre  de  les  débarrasser  d'une  bibliothèque  désormais  sans  valeur 
à  leurs  yeux.  Le  tribunal  fit  droit  à  une  si  juste  requête,  et,  à  la  fin  de 
i552,  la  .B/è/fo^eca  Fernandina  prit  définitivement  le  chemin  de  l'église 
métropolitaine  -. 

On  sait  parfaitement  ce  qu'il  advint  après  que  la  collection  eut  été 
remisée  dans  une  sorte  de  garde-meuble,  placé  au-dessus  de  la  pièce  où 
se  trouvaient  les  livres  de  l'ancienne  bibliothèque  que  les  rats,  les  mites^ 
le  bedeau  et  les  sacristains  en  leurs  pressants  besoins,  avaient  épargnés. 
Argote  de  Molina,  vers  i5g2,  disait  avec  amertume  :  €  La  bibliothè- 
que de  Fernand  Colomb  est  sous  clef,  et  bien  que  formée  pour  l'étude 
et  le  travail,  elle  ne  sert  absolument  à  rien  ^  h  Cependant.  la  porte  de 
la  Colombine  n'était  pas  tellement  verrouillée  que  parfois  elle  ne  s'ou- 
vrit, non  pour  faire  entrer  les  lecteurs  et  les  savants,  mais  afin  de  laisser 
sortir  subrepticement  des  livres  qui,  —  inutile  de  le  dire,  —  n"v  rentrè- 
rent jamais. 

Il  est  certain  qu'on  ne  tarda  pas  à  pratiquer  dans  cette  belle  biblio- 
thèque de  fortes  saignées.  Fernand  Colomb  d'ailleurs  n"avait  jamais  été 
complètement  rassuré  à  cet  égard.  En  ordonnant  dans  son  testament  de 


1.  Mémorial  del  Pleyto.  In-foL,  s.  a.  a.  1.  vas.  xMadrid.  1Ô06.  f.  20. 

2.  Pour  les  pièces  ce  cette  procédure,  voir  D.  Fernando  Colon,  iibi  supra. 

3.  Londe  agora  estân  encarcelados  en  iina  sala  alta  a  la  nave  del  La^arto. 
no  siendo  a  nadie  de  provecho  lo  que  se  dejô  para  apvovechamiento  y  esiudio  de 
los  ingenios.  (Aparato  d  la  Hisîoria  de  Sevilla;  Ms.) 


BgZ  RKVUE    CRITIQUE 

prendre  grand  soin  de  sa  collection,  ce  généreux  donateur  dit,  avec  une 
visible  tristesse,  qu'il  «  savait  néanmoins  que  malgré  toutes  les  précau- 
tions possibles,  on  ne  pouvait  empêcher  les  livres  d'être  volés,  même  en 
les  attachant  avec  un  cadenas  '  ».  Cet  apophtegme  fut  brillamment  con- 
firmé le  21  septembre  1577,  lorsque  Philippe  II  se  fit  remettre  les  ma- 
nuscrits originaux  des  œuvres  d'Isidore  de  Séville,  pour  servir  à  l'édi- 
tion que  préparait  Gomez  de  Castro,  par  l'ordre  de  S.  M.  C,  et  qu'on 
publia  à  Madrid  en  iSgg.  Les  mandataires  du  monarque  profitèrent  de 
Toccasion  pour  enlever  en  outre  de  ces  mss.,  —  qui  appartenaient  à 
l'ancien  fonds,  —  «  beaucoup  d'autres  livres  qui  manquent  encore  », 
dit  le  vieux  bibliothécaire  du  chapitre  ". 

Par  cette  trouée  d'auguste  origine,  filtrèrent  en  moins  d'un  siècle, 
deux  tiers  de  ce  qui  restait  de  la  bibliothèque.  Juan  de  Loaisa,  dans  la 
préface  de  l'inventaire  dressé  le  11  avril  1684,  constate  avec  douleur 
que  la  Colombina  «  contenait  seulement  de  quatre  à  cinq  mille  volu- 
mes, sur  plus  de  vingt  mille  que  Fernand  Colomb  avait  légués  ^,  » 

Après  la  mort  de  ce  brave  homme,  victime  de  l'épidémie  de  170g,  ce 
fut  bien  autre  chose.  Les  clefs  de  la  Colombine  passèrent  aux  mains  des 
balayeurs  de  la  cathédrale,  qui  y  remisaient  leurs  torchons  et  leurs  ba- 
lais. Rafaël  Tabares  racontait  à  Gallardo,  qu'étant  enfant,  il  allait  sou- 
vent y  jouer  avec  d'autres  gamins  de  son  espèce,  dont  le  passe-temps 
ordinaire  était  de  lacérer  les  livres  et  d'en  arracher  les  miniatures  ou  les 
estampes.  L'abandon  fut  tel  «  qu'on  voyait  pourrir  dans  le  ruisseau  les 
manuscrits  les  plus  précieux  '•.  » 

Cependant,  de  temps  à  autre,  des  livres  et  des  manuscrits  venaient 
encore  échouer  à  la  Colombine.  C'étaient  de  vieux  fonds  trouvés  dans 
des  greniers  ou  des  épaves  de  successions  dont  on  s'estimait  trop  heu- 
reux de  se  débarrasser.  Peut-être  y  eut-il  aussi  quelques  achats  en  bloc, 
à  bas  prix.  Dans  des  lots  de  provenances  si  diverses,  naturellement  il  y 
avait  de  tout.  L'Oviedo  de  i535,  le  recueil  de  pièces  inédites  de  Cetina, 

1 .  Pues  que  vemos  que  es  ymposible  guardaise  los  libvos  aunque  esten  atados 
con  cien  cadenas.  (D.  Fernando  Colon,  page  i^'i.) 

2.  Pues  ni  los  libros  originales  del  Sr.  San  Isidoro  que  se  llevaron  à  Madrid 
a  peticion  del  Sr.  Felipe  II para  corregir  por  ellos  los  que  se  imprimian....  à  quien 
aun  no  se  lian  resiituido  los  dichos  originales,  como  ni  otros  muchos  libros  que  fal- 
tan.  Inventaire  de  Loaisa,  loc.  cit.,  page  lyS. 

3.  Caben  solo  4  ô  5,ooo  cuerpos  de  libros  no  mas,  esto  es,  tomos  o  volûmenes  : 
pero  tambien  es  certîssinio  lo  que  dice  el  mismo  D.  Fernando  Colon  y  ajirtnan  las 
historias  que  esta  libreria  pasaba  20 ,000  libros.  (Ibidem,  page  182.) 

4.  Qiiedo  la  Biblioteca  tan  abandonada  que  à  mcdiados  del  siglo  XVIII  es- 
taba  confiada  su  custodia  à  los  barrenderos  de  la  catedral  que  tienen  las  llaves  del 
camaranc/ion  de  las  vêlas  â  toldos,  alfombras,  esteras,  etc.  D.  Rafaël  Tabares  me 
asegurC  que  cuando  muchacho  iba  cl  con  otros  a  jugar  allî,  y  se  entretenian  en  ho- 
jear  los  libros  de  iluminaciones  y  estampas....  La   incuria  y  el  abandono  en    que 

estaban  entônces  los  libros  y  los  mas  preciosos  cûdices  asegnraba  ser  tal,  que  al- 
gimos  estaban  recalados  y  podridos  de  las  goteras.  (Ensayo  de  una  biblioteca 
espanola;  Madrid,  1S66,  grand  in-8°,  tome  II,  p.  514.) 


d'histoire  et  de  litti';rature  SgS 

de  Cervantes  et  de  Quevedo,  ainsi  qu'un  certain  nombre  dViutres  articles 
excellents,  proviennent  ou  provenaient  de  ces  additions;  mais  la  plus 
grande  partie  des  livres  qui  entrèrent  de  la  sorte  à  la  Colombine  étaient 
de  véritables  bouquins. 

Diego  Alejando  de  Galves,  qui  cumulait  la  dignité  de  chanoine  avec 
le  titre  de  bibliothécaire,  chercha  à  mettre  un  peu  d'ordre  dans  ce  fouil- 
lis. A  cet  effet,  il  s'adjoignit  Rafaël  Tabares,  qui,  seul,  rédigea  en  1783, 
un  inventaire  sommaire,  mais  très  bien  fait.  Cependant,  c'est  seulement 
au  siècle  suivant,  à  dater  de  Janvier  iS32,  lorsque  José  Maria  Fernan- 
dez,  honnête  homme  s'il  en  fut  jamais,  eut  été  nommé  bibliothécaire, 
que  la  Colombine  sembla  devoir  renaître  de  ses  cendres. 

Don  José-Maria  se  mit  immédiatement  à  l'œuvre,  et  déploya  toute 
l'activité  dont  un  Andalou  soit  capable.  A  force  d'instances  et  parle 
jeu  d^ine  habile  diplomatie,  il  obtint  un  peu  d'argent  du  chapitre. 
Cette  libéralité  lui  permit  de  faire  raccommoder  les  casiers  et  balayer 
la  bibliothèque  une  fois  la  semaine  jusque  dans  les  escaliers.  Lorsque 
S.  M.  C.  la  reine  Isabelle  monta  sur  le  trône,  et  que  plus  tard  M.  le 
duc  de  Montpensier  se  fut  fixé  à  Séville,  les  contributions  augmentè- 
rent. Un  exemple  parti  de  si  haut  produisit  le  meilleur  effet,  et  après 
quinze  ans  d'efforts,  le  zélé  bibliothécaire  eut  la  joie  de  voir  affluer  des 
volumes  de  tous  formats.  On  n'y  trouvait  plus,  malheureusement,  des 
romans  de  chevalerie  ou  des  pièces  gothiques,  comme  du  temps  de  Fer- 
nand  Colomb.  C'étaient  pour  la  plupart  de  ces  majestueux  volumes 
reliés  en  velin  jaune  d'or,  avec  superbe  titre  gothique  s'étalant  sur  toute 
la  longueur  du  dos;  livres  dont  l'aspect  plein  de  promesses  fait  tressail- 
lir de  joie  l'innocent  bibliophile  qui  les  voit  pour  la  première  fois.  — 
Il  n'y  a  presque  jamais  rien  dedans. 

Enfin,  au  mois  de  février  1859,  la  bibliothèque  avait  tellement  aug- 
menté, qu'il  fallut  abattre  le  mur  mitoyen  construit  par  l'ordre  de 
Almanzor-Jacob,  en  Tan  5 93  de  l'hégire  .  à  ce  que  leur  avait  dit  autre- 
fois le  grand  orientaliste  espagnol  Gonde.  On  trouva  dans  cette  muraille 
une  poutre  en  bois  de  cèdre,  apportée  du  Liban,  comme  tous  les  ma- 
driers qui  avaient  servi  à  construire  la  grande  aljama  (toujours  d'après 
Conde).  La  solive  fut  débitée  en  autant  de  morceaux  que  la  Colombine 
comptait  de  bienfaiteurs,  et  chacun  reçut  avec  joie  cette  relique,  deve- 
nue entre  leurs  mains  et  les  nôtres  un  vulgaire  presse-papier. 

En  1871,  Fernandez  estimait,  un  peu  à  l'aventure,  que  la  Colombine 
contenait  34,000  volumes  et  1,600  manuscrits.  Il  ne  pouvait  dire  com- 
bien dans  le  nombre  provenaient  de  la  bibliothèque  de  Fernand  Colomb. 
Ceux-ci  étaient  noyés  dans  la  masse,  sans  signe  extérieur  qui  permit 
de  les  reconnaître.  Nous  proposâmes  à  Don  José-Maria  de  ranger  ces 
livres  à  part,  et,  après  en  avoir  dressé  le  catalogue,  de  les  renfermer 
dans  un  casier  construit  à  nos  frais  et  orné  de  la  plus  forte  serrure  qui 
se  put  voir.  Le  brave  bibliothécaire  ne  s'y  refusait  pas,  mais  il  remettait 
l'opération  au  lendemain.  Or,  en  Andalousie,  les  jours  sont  des  mois, 


394  REVUE   CRITIQUE 

les  mois  des  années,  et  comme,  après  tout,  on  ne  vit  pas  plus 
longtemps  dans  cet  heureux  pays  qu'ailleurs,  nous  résolûmes  de  le 
quitter  sans  plus  attendre.  C^était  à  la  fin  de  la  Commune.  La  dépêche 
affichée  au  cercle  :  n  Paris  incendié  s  effondre  ;  trois  cent  mille  morts,  » 
précipita  notre  départ. 

Un  beau  coffret  en  bois  de  cèdre  (rien  du  Liban),  que  nous  donnâ- 
mes pour  y  renfermer  les  trois  volumes  annotés  de  la  main  de  Christo- 
phe Colomb,  et  qui  traînaient  depuis  deux  siècles  dans  un  tiroir  rempli 
de  poussière,  seul  aujourd'hui  rappelle  des  intentions  dignes  assurément 
d'un  meilleur  sort. 

II 

Le  senor  Fernandez  mourut  il  y  a  quelques  années  et  nous  ne  pen- 
sions plus  à  la  Biblioteca  Colombina,  lorsque  la  vue  de  certains  ma- 
nuscrits vint,  dans  les  premiers  mois  de  cet  hiver,  en  raviver  le  souve- 
nir. C'étaient  des  chroniques  et  des  poèmes  historiques  en  italien  ou  en 
catalan,  d'une  écriture  du  xv^  siècle.  La  provenance  hispano-monacale 
que  le  marchand  leur  attribuait,  de  forts  grattages  tant  en  haut  du  titre 
qu'au  bas  du  dernier  feuillet,  d'autres  signes  encore  finirent  par  nous 
convaincre  que  c'étaient  des  manuscrits  de  la  Colombine,  récemment 
sortis  de  cette  bibliothèqne.  Nous  apprîmes  en  même  temps  que  depuis 
plusieurs  mois,  un  habile  réparateur  avait  reçu  de  l'étranger  beaucoup 
de  manuscrits  pareils,  pour  en  refaire  les  marges  transpercées  par  un 
grattoir  brutal,  justement  au  premier  et  au  dernier  feuillet. 

Notre  surprise  se  peut  facilement  concevoir  quand  un  mois  après  cette 
découverte,  nous  sûmes  que  des  plaquettes  gothiques  françaises,  évi- 
demment de  semblable  origine,  et  portant  toutes  ces  marques  indé- 
lébiles, couraient  les  quais  et  les  rues.  Il  nous  fut  enfin  permis  d'en 
voir  et  palper  un  certain  nombre,  ainsi  que  de  magnifiques  in-folios  des 
presses  parisiennes  du  xvi^  siècle,  également  déreliés,  grattés  jusqu'au 
sang  et  provenant  de  la  même  source. 

Sans  plus  tarder,  nous  procédâmes  à  une  petite  enquête  dont  les  ré- 
sultats, bien  qu'incomplets,  ne  sauraient  être  passés  sous  silence. 

Si  l'on  en  croit  la  légende,  au  cours  de  l'hiver  que  nous  traversons, 
de  novembre  à  janvier,  et  par  deux  fois,  on  vit  arriver  d'Espagne,  et 
décharger  devant  une  maison  de  respectable  apparence,  non  loin  de  la 
chaussée  qui  conduit  à  la  Grande  Cascade,  un  énorme  colis.  L'intro- 
duire et  le  déballer  ne  fut  pas  une  mince  affaire.  La  caisse  était  remplie 
d'objet  précieux.  Nous  ne  saurions  dire  si  elle  contenait  aussi  un  saint- 
ciboire  du  xm'=  siècle  enchâssé  de  perles  et  d'émaux  translucides,  comme 
le  fameux  vase  du  duc  de  Prias,  — autre  importation  espagnole,  —  venu 
récemment  en  ligne  directe  du  couvent  de  Médina  de  Pomar,  et  qui 
défraie  en  ce  moment  la  première  chambre  du  tribunal  civil  de  la  Seine. 
En  tous  cas,  le  volumineux  colis  renfermait  de  superbes  tapisseries,  et, 
probablement  pour  les  empêcher  de  balloter  pendant  le  transport,  on 


D'HlSlUihfC    Kf    iiti    MITEliArUiΠ 3^5 

avait  tamponné  les  vides  rien  moins  qu'avec  de  nobles  manuscrits  du 
xv'^  siècle  '  et  des  plaquettes  gothiques  de  toute  beauté. 

Ne  tenant  pas  à  garder  ces  livres,  non  qu'ils  fussent  malpropres,  mais 
parce  que  cela  prenait  de  la  place,  le  collectionneur  s'empressa  de  les 
céder  à  un  brave  et  honnête  libraire,  qui  n'est  pas  au  coin  du  quai. 
Soit  que  le  vendeur  voulut  avant  tout  le  bien  du  prochain  ou  que, 
inspiré  par  un  vieux  Brunet  à  prix  antédiluviens,  il  n'eut  pas  une  idée 
adéquate  de  la  valeur  de  ces  merveilles,  le  lot  fut  vendu  pour  ce  qu'on 
appellerait,  à  l'Hôtel  Drouot,  un  morceau  de  pain. 

Le  modeste  acquéreur,  tout  à  la  joie,  se  mit  immédiatement  en  me- 
sure de  tirer  parti  de  son  aubaine;  aubaine  dont  il  ne  paraît  pas  avoir 
calculé  toute  la  portée.  D'ailleurs,  comme  lui  non  plus  n'a  jamais 
voulu  la  mort  du  pêcheur  %  il  dressa  promptement  une  liste,  que  nous 
jugeons  digne  d'être  conservée,  pour  servir  à  l'histoire  du  commerce 
des  livres  rares  et  précieux  dans  la  capitale  du  monde  civilisé  en  l'an  de 
grâce  i885. 

Prenons  au  hasard  quelques  articles  dans  cette  nomenclature  curieuse 
et  pittoresque. 

Il  y  eut  un  premier  lot,  composé  en  partie  des  ouvrages  suivants  : 

Le  Cheualier  ans  Dames;  Mets,  Hochfeder,  i5i6,  petit  in-4°,  go- 
thique. 

Feldtbuch  der  jpiindtartiney ;  Straszburg,  Schott,  iSiy,  in-fol., 
planches  anatomiques. 

Les  faicts  et  prouesses  du  puissant  et  preux  Hector;  Paris,  Ph.  le 
Noir,  s.  d.,  petit  in  4°,  gothique. 

Lhystoire  et  cronicque  du  noble  et  vaillant  Baudoin,  comte  de 
Flandres,  lequel  espousa  le  dyable ;  Lyon,  ArnouUet,  s.  d.,  petit  in-4°, 
gothique. 

La  mareschalerie  de  Laurens  Ruse,  translatée  du  latin  enfrancoys; 
Paris,  Wechel,  i5  33,  in-fol.,  gothique. 

La  Thoyson  Dor  composée  par  reuerend  père  en  Dieu  Guillaume 
[Fillastre];  in-fol,,  gothique;  le  tome  I,  Paris;  le  tome  II,Troyes,  Nico- 
las le  Rouge,  i53o. 

Sensiiyt  ung  très  beau  et  excellent  romant  tîomme  Jehan  de  Paris; 
Lyon,  Cl.  Nourry,  s.  d.,  petit-S",  gothique,  figures  sur  bois. 

Les  grandes  prouesses  du  très  vaillant  chevalier  Tristan;  Paris, 
i533,  in  fol.,  gothique. 

1.  Version  italienne  du  voyage  de  Saint-Brandan  avec  dessins  en  couleurs;  catiier 
de  chansons  françaises  et  italiennes  avec  musique  notée,  ms.  de  la  îin  du  xv-e  siècle; 
Roman  de  Brut  avec  des  terminaisons  italiennes,  ne  ressemblant  à  aucun  texte 
connu  jusqu'ici;  chronique  lombarde,  avec  dessins  enluminés;  Vie  de  Jésus- 
Christ,  en  catalan.  (Notre  confrère  M.  Alfred  Morel-Fatio  se  propose  de  décrire 
prochainement  ce  curieux  ms.,  ainsi  que  les  autres  manuscrits  catalans  venus 
à  Paris  dans  le  même  colis),  etc. 

2.  Les  Evvres  de  Lovi^e  Labe  lonuo:{re,  de  i555,  revendues  pour  i5,ooo  fr., 
avaient  été  données  par  ce  même  libraire  moyennant  quarante  écus. 


3q6  KI'.VUK    CKiligUH 

Le  prix  demandé  par  ce  libraire  aimable  et  patenté,  ne  fut  pas  moins 
de  six  cent  cinquante  Jrancs,  pour  le  lot  complet. 

Quand  le  bibliophile  expérimenté  voit  une  évaluation  aussi  fantasti- 
que, il  doit  se  demander  ce  que  ces  livres  ont  bien  pu  rapporter  au 
joyeux  Andalou  qui  le  premier  les  jeta  sur  le  marché  :  une  gousse 
dail  et  un  paquet  de  cigarettes,  tout  au  plus.  Qu'il  nous  suffise  de  rap- 
peler qu'un  exemplaire  d'un  seul  de  ces  ouvrages  a  été  adjugé  en  vente 
publique  '  pour  1 1 ,  roo  fr.,  sans  les  frais. 

Plusieurs  clients  examinèrent  cette  réunion  unique  de  livres  pré- 
cieux; mais  ce  fut  un  confrère,  né  malin,  qui  l'obtint.  Il  paya  même, 
dit-on,  sans  sourciller. 

Encouragé  par  ce  résultat,  notre  modeste  commerçant  acquit,  tou- 
jours du  même  importateur  franco-espagnol,  un  lot  bien  plus  curieux 
encore  de  raretés  bibliographiques.  Mais,  cette  fois,  il  voulut  répandre 
cette  manne  bienfaisante  en  petite  pluie,  et  c'est  directement  aux  ama- 
teurs qu'il  s'adressa.  Un  magnifique  Phebiis,  de  Trepperel  -,  qu'il  avait 
fallu  rapporter  au  Bois  de  Boulogne  parce  qu'un  bibliophile  des  plus 
distingués  l'avait  trouvé  trop  cher  au  prix  de  200  fr.,  tempéra  d'abord 
son  ardeur.  Cependant  il  ne  tarda  pas  à  reprendre  courage,  et  c'est  ré- 
solument que  la  liste  suivante  fut  offerte  à  prix  marqués  : 

Contre  roman  de  la  rose  ^ 60^  » 

Opuscules  de  Clément  Marot  •* 60  » 

L'Amant  rendu  cor  délier  '•' 40  )> 

Petit  compost  '^ 60  » 

L'Hôpital  d'amour  ' 5o  » 

1.  Le  Cheualier  ans  Dames.  Vente  Didot,  juin  1878,   n°  126. 

2.  Des  dedui^  de  la  chasse  des  testes  sauvaiges  et  des  oy seaux  de  proye.  Pa- 
ris, s.  d.,  petit  in-fol.  Le  dernier  exemplaire  vendu  à  Paris,  en  1881,  l'a  été  au  prix 
de  5,000  fr. 

3.  Cotre  rômdt  de  la  rose.  Plaquette  in-4°,  s.  1.  n.  d.,  complètement  inconnue, 
sans  nom  d'auteur,  dont  le  texte  est  daté  de  i3(j8,  et  qui  continue  la  série  des  piè- 
ces rarissimes  composées  pour  la  défense  du  beau  sexe  contre  les  allégations  du  Ro- 
man  de  la  Rose,  telles  que  le  Cheualier  ans  Dames,  le  Garand  des  Dames  (frag- 
ment du  précédent),  V Epitre  au  Dieu  a'amour  et  le  Trésor  de  la  Cite  des  Dames,  de 
Christine  de  Pisan,  le  Champion  des  Dames,  de  Martin  Franc,  et  le  Tray  disant 
advocate  des  dames,  de  Jehan  Marot  (père  de  Clément). 

4.  Opuscules  de  Clément  Marot  réduits  en  tout  un.  Plaquette  gothique  absolu- 
ment inconnue  jusqu'ici;  s.  1.  n.  u.,  mais  probablement  de  Lyon,  G.  ArnouUet, 
antérieurement  à  i538. 

5.  Lamant  rendu  cor  délier  a  lobservance  damours.  Petit  in-4'',  goth.,  vignette  au 
titre.  Nous  ne  savons  quelle  édition.  Il  importe  de  rapprocher  de  cette  plaquette,  quatre 
opuscules  gothiques  de  la  même  famille,  opuscules  dont  nous  n'avons  pu  obtenir  les 
titres,  mais  qui  passèrent  dans  les  mains  du  même  amateur,  en  bloc,  pour  140  fr., 
prix  marqué. 

6.  En  francoys.  Paris,  i5i6  ou  i53o,  petit  in-8°. 

7.  Cy  commence  lospital  damours.  s.  1.  n.  d.,  petit  in-4",  gothique.  Attribué  à 
tort  à  Alain  Chanier. 


D  HISTOIRE    KT    DK    LITTERATURE 


^97 


L'Image    du  monde  ' .    i  oo  » 

Le  Parthenice  Marianne  • loo  « 

Les  XXI  éjDîtres  d'Ovide  '■'■ i  oo  » 

Testament  d'un  amoureux  '* ............  5o  » 

Procès  de  deux  amants  ^. . . .  : 40  » 

L'histoire  de  deux  amants  ^. , 200  » 

Les  sept  Psaumes  ~ ....  =  ....  1 00  » 

Art  et  science  de  bien  vivre  *^ 3oo  » 

Le  Temple  Jehan  Boccace  ^ ., . .  35 o  » 

Passages  d'outre-mer  "^ 200  » 

Perpignan   " . , „ 1 5o  « 

Songe  du  Vergier  ^-. , 5o  » 

Compendium  gothique  '''' ^ 70  » 

Histoire  de  Troyes  '^^ 70  » 

Miroir  de  l'âme  ^'^ 70  )^ 

Judas  Machabée  "^ 70  » 


)) 


Boece  " 45 

On  nous  affirme  qu'il  vendit  sa  collection  à  ces  prix  sans  éprouver  de 

1.  Sensuyt  le  liuve  de  clergie  nomme  lymage  du  monde  ;  Paris,  Trepperel  ou  Ja- 
not,  s.  d.,  petit  111-4°,  gothique,  figures. 

2.  La  Parthenice  Mariane  de  Baptiste  Mantuan;  Lyon,  Nouny  et  Besson,  i523, 
petit  in-fol. 

3.  Traduction  d'Octavien  de  Saint-Gelais.  Une  édition  de  Paris  ou  de  Lyon,  an- 
térieure à  iSSy. 

4.  Le  testament  ditng  amoureux  qui  mourut  par  amours.  Plaquette  gothique. 

5.  Procès  des  deux  amans  plaidyant  en  la  court  de  Cupido  la  grâce  de  leur 
dame.  Par  B,  Desmarnes  deMasan;  s.  \.  n.  d.,  petit  in-8°,  goth.  Jusqu'ici  on  ne 
connaissait  qu'un  exemplaire  de  cette  pièce  curieuse,  qui  est  une  des  perles  de  la 
fameuse  et  mystérieuse  collection  du  quartier  des  Champs  Elysées. 

6.  Sensuyt  Ihistoire  des  deux  vrays  amants  Eurial  et  la  belle  Lucresse.  Lyon, 
S.  Arnoullet? 

7.  Peut-être  est-ce  un  ouvrage  autre  que  la  Paraphrase  et  dévote  exposition  sur 
les  sept  très  précieux  et  notables  pseaumes,  par  Gringore. 

8.  Le  Hure  nomme  lart  et  science  de  bien  viure  et  de  bien  mourir.  Probablement 
l'édition  donnée  à  Lyon,  parle  Grand  Jacques,  avant  i538,  in-4". 

g.  Par  George  Chastelain.  Paris,  Galliot  du  Pré,  i5i7,  petit  in-fol.  ? 
:o.  Paris,  Michel  le  Noir,   i5i8? 

11.  Recollecta  de  tots  los  previlegts, provisions,  pragmatiques  de  la  vila  de  Per- 
j^enj'a.  Barcelona,  i5io,  in-fol. 

12.  Paris,  Jehan  Petit,  s.  d.?  Nous  ne  savons  si  le  Gyron  le  Courtois,  Paris,  Mich. 
le  Noir,  i5  19,  qui  devrait  figurer  ici,  appartient  à  cette  liste  ou  à  la  première. 

i3.  Compendium  historial  des  polices  des  empires  ;  Paris,  i528,  in-fol '' 
14.  Recueil  des  hysîoires  de  Troyes;  Lyon,  .\.  du  Ry,   1529,  in-4i'  Peut-être  le 
lot  contenait-il  deux  exemplaires  de  ce  roman  ancien. 

i5.  Le  Mirouer  de  lame  pécheresse.  S.  1.  n.  d.,  petit  in-4,  goth-  Attribué  à  Mar- 
guerite de  Valois. 

16.  Excellentes,  magnifiques  et  triomphantes  croniques...  du  prince  Judas  Ma- 
chabeus.  Paris,  Bonnemère,  i5i4,  petit  in-fol. 

17.  Traduction  de  Jean  de  Meun.  Paris,  Mich.  le  Noir,  i520,  in-4. 


898  HEVUE    CRITIQUE 

trop  grandes  difficultés.  Seulement  —  il  y  a  toujours  une  goutte  d'ab- 
sinthe dans  les  bonheurs  les  plus  complets,  —  les  amateurs,  dont  l'âme 
généreuse  n'est  un  secret  pour  personne,  écartant  le  candide  intermé- 
diaire, se  mirent  en  campagne  afin  de  remonter  à  la  source  de  ce  qu'on 
pourrait  appeler  le  Pactole  de  Chaillot.  Ils  y  réussirent;  car  rien  n'égale 
le  flair,  la  persévérance,  le  génie  du  collectionneur  de  primo  cartello, 
une  ("ois  lancé  sur  la  piste  d'une  plaquette  dépaysée  qui,  au  moment  psy- 
chologique, peut  rapporter  à  l'encan  cent  fois  la  somme  déboursée.  Et 
comme  la  vertu  trouve  toujours  sa  récompense,  ces  vieux  passionnés 
revinrent  les  mains  pleines.  Voici  les  titres  de  quelques-uns  des  livres 
dont  ils  peuvent  à  bon  droit  s'enorgueillir  : 

La  complainte  de  lescuyer  a  la  dame,  nouuellement  imprimé.  Petit 
in-4°,  gothique,  s.  !.  n.  d.  '. 

Scnsuyt  le  débat  des  heraulx  darmes  de  france  et  dengleterre. 
Petit  in-4°,  gothique,  s.  1.  n.  d.  ",  bois  au  recto  et  au  verso  du  titre. 

Mariaige  et   Triuviphe  des  quatre  fil\  hemon  et  des  Jîlles  damp- 


simon  ^. 


Lomme  pécheur  par  parsonnages  ioiie  en  la  ville  de  Tours  "*. 

Lincarnation  et  natiuite  de  nostre  saulueur  et  rédempteur  Jesu- 
Christ,  ...  somme  soixante  dix personaiges  ^. 

Bataille  de  Caresme  avec  Saint  Pansard  °. 

Jeu  de  V Adventure  et  Devis  facétieux  des  hommes  et  des  femmes. 
Plaquette  gothique  avec  des  représentations  de  dés  à  jouer  ". 

La  source  et  origine  des  c...  saunages  et  la  manière  de  les  appri- 
voiser. Plaquette  gothique  **. 

Le  siècle  dore  contenant  le  temps  de  Paix.  Amour  et  Concorde, 


1.  Pièce  ou  édition  différente  du  Débat  de  la  dame  et  de   lescuyer  nouuellement 
faict,  laquelle  porte  la  marque  de  Jehan  Lambert. 

2.  Inconnu  à  Brunet.  L'heureux  possesseur  en  avait  déjà  trouvé  un  exemplaire, 
mais  incomplet  du  titre.  Celui-ci  est  parfait. 

3.  Facétie  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  le  fameux  roman.  Le  mot  Triumphe 
paraît  indiquer  une  édition  jusqu'ici  inconnue. 

4.  Probablement  l'édition  qui  a  passé  à  la  vente  Taschereau;  Paris,  P.  le  dru, 
i5o8,  petit  in-fol.  Nous  demandons  pardon  à  nos  lecteurs  de  leur  servir  des  titres 
aussi  tronqués;  mais,  en  vérité,  ce  n'est  pas  notre  faute. 

5.  Probablement  l'édition  s.  1.  n.  d.,  petit  in-fol.,  de  ce  mystère  représenté  à 
Rouen  en  1474.  On  ne  saurait  se  risquer  à  compléter  ces  titres  d'après  les  descrip- 
tions des  catalogues  ou  celles  du  Manuel,  car  les  livres  de  la  Colombine  sont  pleins 
de  surprises  pour  les  bibliographes.  On  ne  pourrait  les  décrire  que  sur  le  volume 
même.  Ce  n'est  qu'une  question  de  patience,  attendu  qu'avant  longtemps  ils  passeront 
presque  tous  en  vente  publique;  à  moins  qu'ils  ne  soient  vendus  sous  le  manteau. 

6.  Nous  ne  savons  si  c'est  la  Description  du  merveilleux  conjlit  et  Bataille  entre 
Caresme  et  Charnaige;  Paris,  i53o,  in-8°,  ou  quelque  autre  facétie  de  la  même 
famille. 

7.  On  ne  connaissait  cet  opuscule  jusqu'ici  que  par  la  description  donnée  par 
Du  VerJier,  t.  I,  p.  186. 

8.  Première  édition,  du  commencement  du  xvi    siècle,  jusqu'ici  inconnue. 


d'histoire  et  de  littérature  399 

Paris,  rue  Saint-Jacques,  enseigne  du  croissant.  S.  ci.,  petit  in-4, 
gothique.  -. 

La  petite  Dyablerie  dont  Lucifer  est  le  chef  -. 

Nous  ne  savons  exactement  ce  que  nos  sagaces  amateurs  payèrent 
une  si  belle  série  de  livres  rarissimes;  mais,  à  tout  prendre,  on  est 
fondé  à  croire  que  même  les  consolidés  anglais  ou  le  trois  pour  cent 
amortissable,  —  avec  tous  ces  bruits  de  guerre  — ,  ne  saurait  surpasser 
cet  achat  comme  placement  de  père  de  famille. 

Ces  volumes  avaient  tous  un  air  de  parenté  qui  sautait  aux  yeux.  Ils 
provenaient  d'Espagne,  étaient  antérieurs  à  l'année  ôSp,  et  portaient 
au  haut  du  titre  ainsi  qu'au  bas  du  verso  du  dernier  feuillet,  de  pro- 
fonds grattages  identiques.  Parfois,  la  partie  inférieure  de  la  dernière 
marge  avait  été  enlevée  avec  des  ciseaux,  après  tentatives  de  lavages. 
Ces  mutilations  demandent  à  êtrs  expliquées. 

A  fur  et  mesure  que  Fernand  Colomb  achetait  un  livre,  il  inscrivait 
de  sa  main,  en  tète  du  premier  feuillet,  une  rubrique  de  classement  et 
au  bas  de  la  dernière  page,  une  notule  énonçant  la  date,  le  lieu  et  le 
prix  d'acquisition,  en  y  ajoutant  quelquefois  des  renseignements  per- 
sonnels. C'est  à  l'aide  de  ces  annotations  que  nous  pûmes  naguère  re- 
constituer les  détails  de  la  vie  et  l'itinéraire  des  voyages  de  ce  bibliophile 
aussi  méthodique  qu'intelligent.  Sous  l'administration  de  Fcrnandez, 
on  apposa  sur  beaucoup  de  ces  volumes  un  cachet  noir,  de  la  dimension 
d'une  pièce  de  deux  francs,  portant  une  représentation  de  la  Giralda, 
flanquée  de  deux  vases  de  fleurs,  et  pour  légende,  biblioteca  colombina. 
Les  mutilations  avaient  eu  pour  but  de  faire  disparaître  ces  notes  et  ce 
cachet  compromettants.  Mais  comme  les  plaquettes  provenaient  de 
recueils  factices  que  le  spoliateur  avait  dereliées  à  la  hâte,  une  d'entre 
elles  ^,  collée  à  sa  voisine,  a  échappé  au  funeste  grattoir;  une  autre  a 
été  mal  raclée;  de  telle  sorte,  qu'on  peut  lire  encore  sur  cette  dernière, 
de  l'écriture  de  Fernand  Colomb  :  Este  libro  costô et  sur  la  pre- 
mière :  Este  libro  costô  en   Tôrino 12   de  enero  de  i53i  ''.  Et 

l'on  ne  saurait  dire  que  ces  opuscules  sont  de  provenance  différente  du 
lot  entier,  car,  rapprochés  d'autres  plaquettes  vendues  en  même  temps 
et  portant  toutes  des  giattages  identiques,  ils  montrent  la  même  tran- 
che, les  mêmes  nerfs  et  des  dimensions  extérieures  semblables,  bien  que 
la  justihcation  ne  soit  pas  pareille.  Cette  ressemblance  s'explique  par 
l'action  de  l'abominable  rabot  du  relieur  sévillan  qui  a  imposé  son  lit 
de  Procuste  au  recueil  complet.  Enfin,  le  titre  d'un  des  volumes  porte 
encore  le  cachet  de  la  Colombine  absolument  intact  \ 

11  est  donc  certain  que  cfs,  livres  et  beaucoup  d'autres,  dispersés  sans 

1.  Par  Michel  de  Tours.  Paris,  Fezandat,  i52i. 

2.  Paris,  veufve  de  Jehan  Trepperel,  s.  d.,  peiit  iii-8,  goth.  avec  figures? 

3.  Le  Débat  des  kcraidx  darmcs,  précite. 

4.  La  Complainte  de  lescuyev,  précite'e. 

5.  Les  Faicts  du  preux  Hector,  précité. 


400  RKVUli    Ci.niQOK 

doute  en  Espagne  et  en  Italie,  proviennent  de  la  Biblioteca  Colombina, 
dont  ils  sont  sortis  subrepticement.  Quand,  comment,  pourquoi,  est-ce 
par  la  porte  ou  bien  par  la  fenêtre,  c'est  ce  qu'on  ignore.  Si  nous  inter- 
rogeons les  gens  de  Séville,  ils  répondent  invariablement  que  c'est  un 
des  effets  du  tremblement  de  terre.  Effectivement,  on  comprend  qu'une 
secousse,  assez  violente  pour  lézarder  la  Giralda,  ait  pu  faire  sauter  cer- 
tains livres  hors  des  rayons  et  jusque  dans  la  rue  par  un  soupirail 
grillé.  C'est  même  un  des  phénomènes  dont  les  géologues  ne  désespèrent 
pas  de  déterminer  un  jour  les  principes,  —  si  principes  il  y  a.  —  Mais 
n'appuyons  pas.  Evitons  surtout  d'être  plus  royalistes  que  le  roi  '... 

Lorsqu'on  assiste  à  un  pareil  spectacle,  qu'on  voit  ces  œuvres  mer- 
veilleuses et  uniques  de  la  science  ou  de  l'esprit  mutilées,  sacrifiées,  dis- 
persées aux  quatre  vents  du  ciel  quand  leurs  gardiens  ne  les  laissent 
pas  manger  aux  vers,  pourrir  dans  l'humidité  ou  servir  aux  usages  les 
plus  vils,  on  arrive  à  se  demander  si  le  malheureux  qui  vole  certains 
livres  pour  les  vendre,  n'est  pas,  en  fin  de  compte,  un  bienfaiteur  de 
rhumanité. 

Il  est  incontestable  qu'un  volume  utile  et  rare,  après  que  l'amateur 
l'a  fait  encoller,  relier  en  maroquin  et  monter  dans  une  vente  publique 
jusqu'au  prix  de  dix  ou  quinze  mille  francs,  ne  court  plus  le  risque  de 
servir  à  allumer  le  brasero  ou  de  servir  à  essuyer  les  lampes.  Si,  au 
contraire,  on  le  laisse  entre  les  mains  d'ignares,  ce  livre  précieux,  loin 
d'acquérir  des  conditions  de  durée  qui  peuvent  se  prolonger  pendant 
des  siècles,  ne  tardera  pas  à  disparaître  pour  toujours  et  sans  profit 
pour  personne.  Au  risque  d'aller  en  prison,  comme  accusé  d'avoir  fait 
l'apologie  d'un  acte  qualifié  crime,  nous  avouerons  sans  détour  qu'en 
considérant  ces  choses,  il  nous  arrive  par  moments  d'être  pris  d'une 
certaine  tendresse  pour  les  détrousseurs  de  bibliothèques  exotiques.  Et 
cependant,  en  y  réfléchissant  bien,  on  ne  voit  pas  clairement  de  quelle 
façon  ces  pillages  éhontés  profitent  aux  savants  qui  n'ont  pas  100,000  li- 
vres de  rente,  l^our  nous  autres,  c'est  sauter  du  fourneau  dans  la  poêle 
à  frire.  En  effet,  ces  livres  deviennent  la  proie  de  riches  amateurs. 
Or  nos  lecteurs  ont-ils  une  conception  bien  nette  des  vertus  de  l'ama- 
teur, —  celui,  s'entend,  qui  a  le  feu  sacré? 

L'amateur  avise  une  boutique  et  entre,  après  avoir  jeté  de  tous  côtés 
des  regards  inquiets.  D'une  voix  qu'il  s'efforce  de  rendre  naturelle,  mais 
que  sa  gorge  desséchée  par  l'espoir  ou  la  crainte  affaiblit,  il  s'enquiert 
des  nouvelles  du  jour.  Le  libraire,  toujours  de  Caen  ou  de  Falaise,  et 
qui  de  loin  l'a  vu  venir,  prend  un  air  mystérieux,  murmure  quelques 
paroles  et,  enfin,  tire  lentement  le  livre  du  fond  d'un  tiroir.  Son  client 

I.  On  lit  dans  la  Galette  de  Hollande  qu'un  consciencieux  acquéreur  ayant  ap- 
pelé l'attention  d'un  grand  personnage  officiel  espagnol  sur  ces  déprédations  et  pro- 
posé de  rétrocéder  les  mss.,  contre  remboursement,  il  lui  fut  répondu  qu'une  en- 
quête ne  saurait  aboutir  et  qu'on  n'éprouvait  pas  un  besoin  extrême  de  rentrer  en 
possession  de  toutes  ces  paperasses  :  Cosas  de  Espaha! 


ÛHISTOÎRE    El     DK    LITTÉRATUUK  4O I 

s'en  empare  aussitôt,  l'emporte  vivement  dans  un  coin  isolé  du  maga- 
sin, et  une  lutte  sourde  s'engage.  Le  bibliophile,  cela  va  de  soi,  sort 
vainqueur  d'un  combat  dont  ce  bouquin  est  le  prix,  et,  après  avoir  t'ait 
jurer  au  libraire  de  ne  jamais  dévoiler  le  lieu  où  dorénavant  le  livre 
devra  rester  caché  à  tous  les  yeux,  il  s'éloigne  rapidement. 

Le  romaniste  d'en  face  a  surpris  le  fatal  secret.  Ses  travaux,  le  souci 
de  sa  gloire,  le  mettent  dans  la  nécessité  absolue  de  consulter  ce  livre 
unique.  Que  dans  l'innocence  de  son  cœur,  il  demande  donc  à  l'étu- 
dier, à  le  voir  seulement!  On  lui  refusera,  poliment  d'abord,  sèche- 
ment ensuite,  et  pour  peu  qu'il  insiste,  on  réconduira  peut-être  avec  les 
raisons  employées  par  Tarchevéque  de  Salzbourg  à  Tendroit  ou  à  Ten- 
vers  du  divin  Mozart. 

Quelle  est  alors  la  pensée  qui  obsède  le  possesseur  de  ces  livres  pré- 
cieux? Veut-il  être  seul  à  les  lire?  Jamais  de  son  vivant  on  ne  les  sort 
des  rayons  dans  ce  but.  Serait-ce  le  désir  patriotique  de  conserver  sa 
bibhothèque  afin  de  la  léguer  absolument  immaculée  à  quelque  établis- 
sement public,  comme  font  tant  d'Américains  arriérés  et  fantasques? 
L'orgueil  qu'il  caresse  est  tout  autre. 

Le  rêve  de  Pamateur,   l'espoir  de  sa  vie c'est  de  faire  une  belle 

vente!  Souvent  il  a  trop  tardé.  Le  moment  suprême  est  venu.  Un  pieux 
silence  règne  autour  du  chevet  désolé,  mais  Timagination  défaillante  du 
moribond  se  ranime  à  l'agréable  pensée  que  bientôt  ses  chers  volu- 
mes seront  mis  sur  table  et  adjugés  au  plus  offrant  enchérisseur.  En 
son  esprit  il  entrevoit  une  fois  encore  ces  livres,  dont  l'âpre  pour- 
suite fut  la  grande  occupation  de  sa  vie.  Soudain,  une  voix  harmonieuse 
l'éveille.  Il  écoute,  son  cœur  palpite  :  ce  sont  les  accents  du  commis- 
saire-priseur.  La  lutte  est  engagée  ;  on  se  dispute  les  provenances  et  les 
maroquins.  Le  Pastissier  françoïs,  de  i656,  le  seul  vrai,  l'inimitable, 
atteint  un  prix  inoui.  L'émotion,  la  joie,  et  un  hoquet  font  tressaillir  le 
mourant,  mais  c'est  pour  la  dernière  fois.  Ses  regards  se  voilent,  sa  voix 
s'éteint,  un  petit  souffle  effleure  ses  lèvres  décolorées,  et  son  âme  ravie 
lentement  s'élève  dans  l'espace,  saluée  par  de  bruyantes  et  nombreuses 

enchères. 

H. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  M.  Gaston  Paris  vient  de  publier  à  la  librairie  Hachette  (In-S", 
XIV  et  254  p.),  sous  le  titre  La  poésie  du  moyen  âge,  sept  leçons  ou  lectures  acadé- 
miques faites  à  différentes  époques,  1866-1884  :  La  poésie  dumoyen  dgc ;  Les  ori- 
gines de  la  littérature  française  ;  La  chanson  de  Roland;  La  nationalité  française; 
La  chanson  du  pèlerinage  de  Charlemagne  ;  L'Ange  et  l'Ermite,  étude  sur  une  lé- 
gende religieuse;  Les  anciennes  versions  françaises  de  l'An  d'aimer  et  des  Remèdes 
d'amour  d'Ovide  ;  Paulin  Paris  et  la  littérature  française  du  moyen  âge. 


402  REVUK    CRITIQUE 

—  M.  Louis  Léger  a  fait  paraître  à  la  librairie  Cerf  (In-8",  3i  p.)  la  leçon  d'ou- 
verture du  cours  de  langues  et  littératures  d'origine  slave  qu'il  professe  au  Collège 
de  France.  La  leçon  a  pour  titre  :  «  Le  monde  slave  au  xix'  siècle  »  ;  M.  Léger  re- 
cherche u  par  suite  de  quelles  circonstances  les  études  slaves  ont  pénétré  dans  l'en- 
seignement du  Collège,  ce  qu'était  alors  le  monde  slave  et  ce  qu'il  est  actuellement, 
quels  peuvent  être  les  écueils  et  les  difficultés  du  cours,  quel  en  doit  être  l'esprit  et 
la  méthode.  » 

—  Doléances  du  tiers  état  d'Agenais.  — Je  ne  veux  qu'annoncer  ici  une  publica- 
tion fort  importante  de  M.  G.  Tholin,  archiviste  du  département  de  Lot-et-Garonne 
Caliievs  des  doléances  du  tiers  état  du  pays  d'Agenais  aux  états  généraux,  i5S8, 
1614,  164g,  JjSg,  Textes  accompagnés  de  notes  et  de  commentaires.  Paris,  Pi- 
card ;  Agen,  Michel  et  Medan,  i885.  Grand  in-S",  de  vit-igS  p.  Extrait  delà  Revue 
de  r Agenais.  Tiré  à  200  exemplaires).  Les  documents,  qui  appartiennent  aux  archi- 
ves de  i'Hôtel-de-Ville  d'Agen,  ont  une  grande  valeur  encore  rehaussée  par  le  mérite 
du  commentaire.  Indiquons,  au  nombre  des  notes  les  plus  curieuses  de  M.  Tholin, 
celles  qui  concernent  la  sorcellerie  (p.  16),  les  blasphémateurs  (p.  16-17),  le  clergé 
(p.  17),  les  institutions  d'enseignement  primaire  et  secondaire  (p.  18),  les  dîmes  et 
revenus  ecclésiastiques  affectés  en  partie  aux  réparations  des  églises  et  à  Yentretene- 
ment  des  paouvres  (p.   ig),  la  tenue  parles  curés  de  registres  paroissiaux,  équiva- 
lents à  notre  état  civil  (p.  20),  l'usage  des  monitoires  pour  découvrir  les  auteurs  de 
crimes  ou  de  délits  demeurés  inconnus  (p.  21),  les  anciennes  institutions  judiciai- 
res (p.  22   et   suivantes,   avec  indication   d'un    livre   très   rare  sur  l'Instruction  et 
abbréviation  des  procès.  Agen,   1621),  l'emploi  des  amendes  (p.  27),  les  punitions 
de  l'adultère  (p.  34.  Cf,  une   récente  et  piquante    brochure  de  M.  Jules  Andiieu  : 
Un  châtiment  singulier.  Agen,  i885,  in-8^),  la  répression  du  vagabondage  (p.  36), 
le  service  vicinal  en  Agenais  (p.  3g),    l'organisation  postale  (p.  40J,   une  émeute  en 
i6og  à  Auvillars  contre  les  fermiers  du  bureau  de  la  foraine  (p,  41),  les  redevances 
féodales  (p.  43),  les  convocations   du  ban  et  de  l'arrière-ban    (p.  44-45),  le  collège 
des  Jésuites  à  Agen,  où  les  enfants  des   protestants   étaient  admis  comme  ceux  des 
catholiques  (p.  5  5),  le  costume  ecclésiastique  et    l'avènement  tardif  de    la  soutane 
(p.  65),  les  tonsures  précoces  (p.  58),  les    impositions  des  biens  nobles  et  des  biens 
ruraux  (p.  62),  les  anoblissements  (p.  63,  avec  cette  observation  que  la  noblesse  était 
autrefois  accessible  non-seulement  aux  gens  de  guerre,  mais  même  aux  industriels, 
tels,  par  exemple,  que  les  maîtres  de  forges),   la  rectification,  d'après   un   titre  d'nr- 
pentement  de  i6o5,  du  travail  de  M.  Bladé  sur  la   géographie   historique  de  l'Age- 
nais  (p.  65),    sur  les   charges  consulaires   (p.  67),    les   luttes  entre  la    ville  d'Agen 
et  les  seigneurs  de  Madaillan  et  de  Bajamont  (p.   68-6g   avec   document    inédit   de 
1279),     les    habitations    seigneuriales     de    l'Agenais     (p.    70),    Saint-Amans    qui 
«  a  réalisé  ce  tour  de  force  incroyable  d'écrire  une  histoire  du  département  sans  con- 
sulter   les    archives   d'Agen   »  (p.   80-81).     la  ville  de  Puymirol,  «   la  plus  forte 
place    de    l'Agenais,    depuis  la   démolition  de    Pense    w  (p.  97),    les    châteaux  de 
Castelculier,  de  Lusignan    et  de  Lafox    (p.   97),    la  fondation  des  bastides  (p.  100- 
loi),    les  intendants  de  Guienns    (p.   118-120,    c'est   la   liste  la    plus  complète  qui 
ait    encore    été    donnée),    le  projet  de   création    dû    au    savant  Romas   (de  Nérac), 
d'une  école   de    physique  expérimentale  et  de  mathématiques   (p.    124),  les  cadas- 
tres (p.  134),  etc.  Souhaitons  que  le   remarquable    rapport  de  M.  Georges  Picot  au 
Comité  des  travaux  historiques  (6  décembre  1875),  sur  les  recherches  des  documents 
relatifs  à  la  tenue  des  Étals  généraux,  produise  plus  d'un  travail  à  tous  égards  aussi 
bien  fait  que  celui  de  M.  Tholin.  —  T.  de  L. 


D'HISTO.'Uit.    ICI    Dii    LITTÉR AÎCKE  403 

ACADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET   BELLES-LETTRES 


Séance  du  6'  mai  iS8_s- 
Le  P.  Delattre  adresse  à  rAcadémie  le  dessin  d'un  petit  objet  antique  de  terre 
cuite,  de  o">  19  de  liauteur,  qui  vient  d'être  trouvé  près  de  Cartilage,  et  qui  repré- 
sente un  orgue  complet,  très  exactement  figuré  dans  toutes  ses  parties.  Cette  com- 
munication, qui  intéresse  l'histoire  de  la  musique,  sera  transmise  à  l'Académie  des 
beaux-arts. 

M.  Sclilumberger  est  adjoint  provisoirement  à  la  commission  des  écoles  françaises 
d'Athènes  et  de  Rome. 

Après  une  délibération  en  comité  secret,  l'Académie  procède  au  vote  pour  1  attri- 
bution des  prix  fondés  par  le  baron  Gobert.  Le  premier  prix  est  décerné  a  M.  Achille 
Luchaire,  pour  son  Histoire  des  instiiutions  monarchiques  de  la  France  sous  les  pre- 
miers Capétiens  et  ses  Etudes  sur  les  actes  de  Louis  VU,  le  second  prix  à  M.  René 
de  Maulde,  pour  sa  publication  relative  au  Procès  du  maréchal  deGyé. 

M.  Desjardins  communique  une  inscription  qui  vient  d'ètre_  découverte  dans  les 
restes  de  l'enceinte  romaine  de  Bourges  et  dont  la  copie  lui  a  été  envoyée  par 
M.  Boyer,  archiviste  du  Cher  : 

N  V  M  -  A  V  G 
ET  ai  A  R  T  I 
M  O  G  E  T  1  O 
GRACCHVS 
ATEGNVTIS-FIL 
V  •  S  •  L  •  M 

Mogetius  est  sans  doute  un  surnom  local  de  Mars  :  M.  d'Arbois  de  Jubainville  y 
reconnaît  un  mot  gaulois  qui  signifie  grand. 

M.  Alexandre  Bertrand  communique  une  notice  de  M.  Gozzadini  sur  les  Fouilles 
archéologiques  et  les  Stèles  funéraires  du  Bolonais.  Entre  la  ville  de  Bologne  et  la 
Certosa,  auprès  de  cette  ville,  on  a  rais  au  jour  une  quantité  de  sépultures  anté- 
rieures à  l'époque  romaine,  dont  le  nombre  s'élève  à  plus  de  deux  mille.  La  plupart 
sont  étrusques,  et  remontent,  selon  M.  Gozzadini,  à  la  période  comprise  entre  le 
v<-"  et  le  iir^  siècle  avant  notre  ère.  Ce  qui  distingue  cette  nécropole  des  autres  cime- 
tières de  l'ancienne  Etrurie,  c'est  qu'on  y  a  trouvé  un  grand  nombre  de  stèles  funé- 
raires, sculptées  en  bas-relief,  dont  iM.  Gozzadini  décrit  les  variétés  principales.  Le 
plus  souvent  ces  sculptures  représentent  des  combats  de  fantassins  ou  de  cavaliers, 
des  chars  attelés  de  chevaux  ailés,  parfois  un  Mercure  psychopompe,  etc.  Quelques- 
unes  présentent  des  sujets  qui  ne  se  rencontrent  qu'une  fois  :  un  enfant  tétant  une 
louve,  un  grand  navire  entouré  de  vagues,  une  sirène  à  queue  de  poisson  tenant  de 
ses  mains  un  gros  bloc  de  pierre  posé  sur  sa  tête.  Le  mérite  artistique  des  sculp- 
tures est  très  inégal  :  les  unes  sont  tout  à  fait  grossières,  dans  les  autres  l'artisan  a 
fait  preuve  d'un  véritable  talent. 

M.  Salomon  Reinach  termine  sa  communication  relative  aux  fouilles  archéologi- 
ques qu'il  a  exécutées  avec  M.  Babelon  sur  les  emplacements  de  Gightis  et  de  Zi:;a, 
dans  le  sud  tunisien,  aux  mois  de  janvier  et  février  18S4.  Les  ruines  fort  étendues 
de  Gighthis,  sur  la  côte  opposée  à  l'île  de  Djerba,  sont  aujourd'hui  désertes  et  portent 
le  nom  de  Henchir  -Sidi  Salem  Bou-Ghrara.  Découvertes  en  1S60  par  M.  Guérin, 
elles  n'avaient  encore  été  l'objet  d'aucune  étude  prolongée,  à  cause  du  manque  de 
sécurité  qui  en  rendait  le  séjour  fort  dangereux.  Grâce  à  l'obligeance  de  M.  le  co- 
lonel de  la  Roque,  qui  voulut  bien  leur  fournir  une  escorte  de  3o  hommes,  MM.  Rei- 
nac'n  et  Babelon  ont  pu  passsr  cinq  jours  à  Gighthis  et  déblayer  presque  entièrement 
le  forum  de  l'ancienne  ville.  Outre  de  nombreuses  inscriptions,  ils  ont  découvert 
une  belle  tête  d'Auguste  voilé -en  pontife,  qu'ils  ont  rapportée  à  la  Bibliothèque  na- 
tionale, et  trois  grandes  statues  de  marbre  blanc,  représentant  sans  doute  des  ma- 
gistrats municipaux  de  Gightis,  que  leur  poids  n'a  pas  permis  d'enlever.  Quant  aux 
ruines  de  Zian,  situées  à  i5  kil.  de  la  mer,  dans  une  presqu'île  qui  l'ait  place  à  l'île 
de  Djerba  et  à  S  kil.  de  Zarzis,  elles  ont  été  visitées  pour  la  première  fois  en  1846, 
par  E.  Pellissier,  qui  y  découvrit  une  douzaine  de  statues  de  marbre  blanc  «  jetées 
pêle-mêle  dans  une  fosse  commune,  comme  des  cadavres  après  une  bataille  d.  Pel- 
lissier obtint  du  bey  de  Tunis  que  ces  statues  fussent  données  à  notre  pays,  et  des 
mesures  furent  prises  pour  les  transporter  en  France.  Dans  une  lettre  de  M.  Mattel, 
vice-consul  de  France  à  Sfax,  à  feu  Charles  Tissot,  M.  Reinach  a  lu  ce  qui  suit  : 
«  Vous  devez  vous  rappeler  qu'en  i85i,  je  fus  désigné  pour  accompagner  la  Senti- 
nelle à  Zarzis,  d'où  je  me  rendis  avec  Saint-Quentin  dans  l'intérieur  pour  retirer 
douze  statues  qui  furent  embarquées  sur  la  Seniinelte,  commandant  Dupré.  Nous 
prîmes  ces  statues  dans  l'ancienne  ville  de  Ziza,  aujourd'hui  Ziân.  »  Or,  ces  douze 
statues  ont  été  vainement  cherchées  dans  les  magasins  du  Louvre;  personne  ne  sait 
ce  qu'elles  sont  devenues,  et  tout  porte  à  croire,  dit  M.  Reinach,  qu'elles  se  trouvent 
encore,  à  l'heure  qu'il  est,  dans  quelque  arsenal  maritime  où  la  Sentinelle  avwA  dé- 
sarmé. M.  Reinach  espère,  en  signalant  la  disparition  de  ces  œuvres  d'art,  provo- 


404  RliVUK    CRITIQUE    0  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE 

quel"  quelque  communication  qui  puisse  nous  éclairer  sur  leur  sort.  Le  terrain  oc- 
cupé par  les  ruines  de  Ziân  avait  été  acheté  en  1881  par  M.  Tissot,  ce  qui  a  permis 
d'y  pratiquer  des  fouilles  en  toute  liberté.  Avec  le  concours  d'une  compagnie  franche, 
commandée  par  M.  le  capitaine  Rebillet,  on  a  pu,  en  dix  jours,  déblayer  tout  It  forum 
et  lever  le  plan  des  édifices  qui  le  bordaient.  Cinq  grandes  statues  de  marbre,  toutes 
privées  de  leur  tête,  étaient  étendues  à  la  surface  du  sol.  On  a  découvert  et  rapporté 
à  la  Bibliothèque  nationale  une  grande  lêtede  Claude,  d'un  bon  travail,  une  tête  de 
l'impératrice  Lucille  et  une  amulette  d'or,  fort  curieuse,  couverte  de  caractères  énig- 
matiques,  qui  a  été  recueillie  au  fond  d'un  puits.  Les  inscriptions  provenant  du  por- 
tique qui  entoure  le  forum  ont  fait  connaître  qu'il  avait  été  construit  par  Q.  Marcius 
Barea,  consul  en  l'an  18  de  notre  ère.  proconsul  d'Afrique  en  42,  et  par  M.  Pompéius 
Silvanus,  consul  en  45.  proconsul  d'Afrique  en  57.  Les  monuments  et  les  inscriptions 
du  haut  empire  sont  fort  rares  en  Afrique  :  il  est  remarquable  que  les  ruines  voi- 
sines de  Gighthis  et  de  Ziza  aient  fourni,  l'une  une  tête  d'Auguste,  l'autre  une  tête 
de  Claude,  sous  le  règne  duquel  les  grands  monuments  de  Ziza  ont  été  construits. 

Ojvrages  présentés  :  —  par  M.  Barbier  de  Meynard  :  Grammont  (H.  de),  la  Course, 
l'Esclavai;e  et  la  Rédemption  à  Alger  (extrait  de  la  Revue  historique)  ;  —  par  M.  Ber- 
gaigne  :  Bhavabhouti,  Madhava  et  Mcilasz,  drame  en  dix  actes,  traduit  du  sanscrit 
et  du  prâcrit  par  G.  Strehly;  —  par  M.  Siméon  Luce  :  Musset  (Georges),  la  Cha- 
rente-Inférieure avant  l'histoire  et  dans  la  légende. 

Julien  Havet. 

SOCIETE  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE 
Séances  des  22  et  2  g  avril  188 5. 

PRÉSIDENCE  DE  M.  COURAJOD 

M.  Saglio  présente  une  faïence  acquise  pour  le  musée  du  Louvre  à  la  vente  de  la 
collection  Dupont  Aubertville  et  représentant  une  statuette  équestre  de  Louis  XIII 
dans  sa  jeunesse. 

M.  Courajod  dit  que  cet  objet  a  pu  être  fabriqué  pour  servir  de  jouet  au  royal 
enfant  et  cite  à  ce  propos  quelques  passages  du  journal  du  médecin  Héroard. 

M.  de  Witte  communique  l'épreuve  d'une  planche  en  héliogravure  d'une  figurine 
de  bronze  provenant  d'Asie-Mineure  et  appartenant  à  M,  de  la  Redorte.  C'est  une 
Vénus  génitrix  reproduisant  le  type  de  la  statue  sculptée  par  Praxitèle  pour  les 
habitants  de  Cos  et  représentée  vêtue  par  opposition  à  la  Vénus  nue  qu'il  fît  pour 
Chido. 

M.  Molinier  présente  divers  fragments  de  poterie  italienne  du  genre  dit  à  la  Cas- 
tellana  très  répandu  dans  toute  l'Italie  pendant  plusieurs  siècles;  il  décrit  ensuite 
les  faïences  du  xiv^  siècle  qui  décorent  l'extérieur  de  la  cathédrale  de  Lucques. 

M.  l'abbé  Thédenat  communique,  d'après  un  estampage  et  des  renseignements  four- 
nis par  M.  l'abbé  Dupui,  curé  de  Vallaaris,  une  inscription  votive  dédiée  à  un  dieu 
nouveau,  Pipius  et  trouvée  au  lieu  dit  le  Pioulet  près  Vallaaris  (Alpes  Maritimes). 

M.  Germain  Bapst  fait  une  communication  sur  un  des  joyaux  de  la  couronne  de 
France  connu  sous  le  nom  de  Cote  de  Bretagne. 

M.  Gaidoz  lit,  sur  épreuves,  un  travail  relatif  aux  rouelles  celtiques  qu'il  consi- 
dère comme  des  amulettes. 

M.  Ramé  a  la  parole  pour  présenter  des  observations  sur  les  inscriptions  de  la 
crypte  de  l'église  Saint-S^vinien  à  Sens;  il  les  croit  antérieures  à  l'an  Hb-j . 

M.  de  Lasteyrie  conteste  ces  conclusions;  il  regarde  les  incriptions  comme  posté- 
rieures à  l'an   1068. 

M.  Gaidoz  établit  un  rapprochement  entre  le  bas-relief  d'Esus  conservé  au  musée 
de  Cluny  et  un  sujet  analogue  figuré  parmi  les  bas-reliefs  de  la  Porte-Noire  à  Be- 
sançon. 

M.  de  Ripert  Monclar  présente  un  fragment  de  brique  en  terre  grise  découvert  à 
Mazau  (Vaucluse)  et  portant  en  creux,  l'empreinte  d'une  marque  qui  a  la  forme  d'un 
D  de  grande  dimension. 

M.  Gréan  exhibe  une  roue  de  bronze,  ainsi  qu'un  beau  choix  de  rouelles  en  bronze 
et  en  plomb  de  sa  collection,  les  unes  sont  pourvues  de  rais,  comme  des  roues;  les 
autres  dépourvues  de  rais  ont  la  forme  de  simples  anneaux  caractérisés  par  des 
échancrures  sur  leur  pourtour. 

M.  Flouest  pense  qu'en  raison  de  l'absence  de  rais,  ces  anneaux  ne  doivent  pas 
être  qualifiés  de  rouelles  ;  quant  à  la  roue  de  bronze,  il  s'accorde  avec  M.  Mowat 
pour  y  voirie  débris  d'un  quadrige  triomphal  ayant  fait  partie  du  groupe  statuaire. 

M.  Mowat  présente  le  moulage  en  plâtre  du  peson  de  bronze  avec  lest  de  plomb 
signalé  par  M  Taillebois  comme  provenant  des  environs  de  Pau  et  comme  repré- 
sentant un  buste  de  Mithra  caractérisé  par  la  coiffure  asiatique. 

Le  Secrétaire, 
Mowat  » 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 

""     Lf?  F-uy,  imprimerie  de  Marchessou  f/Js.  boulevard  Saint-Laurent,  2-î. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N»  21  -  25  mai  -  1SS5 


Sommaire  î  8g.  Kastromenos,  Les  monuments  d'Athènes,  tiad.  par  A.  Sjiith.  — 
90.  Bender,  Histoire  abrégée  de  la  littérature  romaine,  trad.  par  Vessereau 
avec  introd.  et  notes  par  Plessis.  —  91.  Extraits  des  essais  de  Montaigne,  p.  p. 
VoiZARD.  —  Thèses  de  M.  Bourchenin  :  Tanneguy  Lefebvre  et  Etude  sur  les 
académies  protestantes  en  France  au  xvi«  et  au  xvn'=  siècle.  —  Chronique.  — 
Académie  des  Inscriptions. 


8g.  —  Panagiotes  I^astromcnos.  TBIso  asonuments  of  i^tlicns,  an  hisîo- 
rical  and  archaeological  description.  Translated  from  the  greek  by  Agnes  Smith. 
London,  E,  Standford,  1884,  101  p.  et  une  carte  d'Athènes. 

Entre  les  grands  ouvrages  relatifs  à  la  topographie  d'Athènes  et  les 
indications  nécessairernent  sommaires  fournies  par  les  Guides  du 
voyageur  en  Grèce,  il  y  avait  place  pour  un  petit  livre  résumant,  sous 
une  forme  concise  et  élégante,  les  principales  données  historiques  et 
archéologiques  touchant  les  monuments  athéniens.  M.  Kastromenos, 
beau-frère  de  M.  Schliemann,  comme  il  nous  Papprend  dans  sa  préface, 
a  essayé  d'écrire  ce  livre  (Ta  Mrq\j.zXa  tûv  'AO-<;vwv,  i883),  et  M""  Agnès 
Smith  a  essayé  de  le  traduire  en  anglais.  Comme  le  titre  du  présent 
ouvrage  et  la  publicité  dont  il  a  été  Tobjet  pourraient  induire  quelques 
personnes  sérieuses  à  en  faire  l'acquisition,  nous  devons  les  mettre  en 
garde  contre  une  tentation  à  laquelle  elles  regretteraient  bientôt  d'avoir 
cédé.  Il  était  impossible  de  réunir  en  quelques  pages  moins  d'indications 
utiles  et  plus  d'erreurs. 

La  traduction  a  été  faite,  nous  dit-on,  sous  la  direction  de  Tauteur. 
Ce  n'est,  à  proprement  parler,  ni  de  Tanglais  ni  du  grec,  mais  le  calque 
servile  d'une  pompeuse  phraséologie  qui  rappelle  les  plus  mauvaises 
pages  des  Byzantins.  Ce  serait  encore  la  moindre  des  choses  si  l'auteur 
était  tant  soit  peu  au  courant  et  ne  nous  enseignait  pas,  sur  un  ton 
doctoral,  les  choses  les  plus  étonnantes,  par  exemple  :  que  les  monu- 
ments de  Persépolis  sont  plus  romantiques  (?)  que  ceux  d'Athènes  (p.  i)  ; 
que  le  rostrum  des  orateurs  attiques  était  sur  le  Pnyx  (p.  2);  que  les 
Pélasges  ont  réuni  sur  l'Acropole  les  plus  belles  productions  de  Tart 
(p.  4);  que  les  Propylées  sont  de  Mnesides  (p.  7);  que  l'Athéna  Proma- 
chos avait  plus  de  soixante  pieds  de  haut  (p.  8);  que  VHécatompédon 
est  ainsi  nommé  à  cause  de  sa  beauté  (p.  10);  qu'on  ne  sait  si  l'explo- 
sion de  1687  ^  endommagé  Pintérieur  aussi  bien  que  l'extérieur  du 
Parthénon  (p.  12);  que  les  fouilles  du  Céramique  ont  commencé  en 
1871  (p.  52),  etc.  Dans  un  livre  si  court,  M.  K.  trouve  moyen  de  se 
Nouvelle  série.  XIX.  21 


406  REVUE    CRITfQUE 

contredire  :  la  tour  des  Propylées  date  successivement  de  la  campagne 
de  Morosini  (p.  7),  et  de  l'occupation  franque  (p.  28);  l'escalier  de  Beulé 
est  du  moyen  âge  (p.  10),  puis  de  l'époque  d'Auguste  (p.  33).  Les  dimen- 
sions des  monuments  décrits  ne  sont  pas  même  indiquées;  la  méthode 
d'après  laquelle  ils  sont  décrits  reste  un  mystère.  Après  avoir  parlé  du 
temple  de  Rome  et  d'Auguste  sur  TAcropoIe,  M.  K.  ajoute  :  «  En  ter- 
minant notre  description  de  l'Acropole  avant  l'invasion  des  Perses, 
nous  ferons  observer,  etc.  »  Les  quelque  citations  de  textes  anciens  et 
modernes  sont  présentées  sous  une  forme  extraordinaire  :  «  Démosthè- 
nes,  Contribution,  xx,  12;  Compare  Arch.  Russopulos  §  189,  note  7; 
UXo\j-y.pyoq  (sic);  The  Scholiast  Aristides  the  Sophist,  etc.  »  Nous  ne 
dirons  rien  des  citations  grecques,  dont  l'incorrection  dépasse  toute 
croyance.  Mais  nous  reproduirons  pour  terminer  deux  passages  qui 
donnent  une  idée  de  la  traduction  faite  sous  sa  direction  de  M.  Kas- 
tromenos  :  P.  41  ,  à  propos  de  l'Horloge  d'Andronic  :  «  Since 
the  Roman  Baronius  (sic)  who  flourished  about  B.  C.  5o,  men- 
tions it  in  his  Georgics  (sic),  it  certainly  follows  that  it  was  erected 
before  his  time.  »  On  peut  deviner  qu'il  s'agit  de  Varron,  de  Re  Rus- 
tica,  III,  5,  §  17.  —  P.  58,  il  est  question  des  sièges  du  théâtre  de  Bac- 
chus  :  «  An  inscription  on  one  of  thèse  seats  is  peculiar.  It  isas  follows. 
The  city  of  Mark  fsicj  to  Uolpius  Eubiotus,  etc.  »  11  faut  quelque 
perspicacité  pour  reconnaître  qu'il  s'agit  de  C.  I.  A.  m,  688  :  'H  luiAiç 
Mctp/,(i)  O'jXttîo)  EùotcTO).  La  ville  de  Mark  est  une  trouvaille  qui  mérite 
d'immortaliser  son  auteur. 

A  part  le  papier  et  les  caractères  d'impression,  ce  petit  livre  est  au- 
dessous  de  la  critique.  Elle  se  contente  de  le  mentionner  en  passant 
comme  un  Noli  me  tangere. 

Salomon  Reinach. 


go.  —  H.  Bender.  Histoire  al»régée  de  la  littérature  romaine.  Traduite 
de  l'allemand,  par  J.  Vessereau,  avec  une  introduction  et  des  notes,  par  F. 
Plessis,  maître  de  confe'rences  à  la  Faculté  de  Caen.  Paris,  Klincksieck,  i%'6b . 
In-24,  XX- 179  pp.  avec  deux  planches. 

Ce  petit  volume  fait  partie  d'une  Nouvelle  collection  à  l'usage  des 
classes,  que  la  librairie  Klincksieck  a  entreprise  il  y  a  deux  ans,  et  qui 
est  placée  sous  la  direction  de  M.  Eugène  Benoist.  La  collection,  ex- 
clusivement consacrée  à  l'antiquité  classique  ,  s'adresse,  malgré  sou 
titre,  bien  plutôt  aux  étudiants  des  facultés  des  lettres  qu'aux  élèves  de 
nos  lycées;  elle  est  destinée  à  leur  donner,  en  quelque  sorte,  la  mon- 
naie des  grands  manuels  d'archéologie,  de  grammaire,  de  métrique  qui 
nous  font  encore  défaut.  Pour  cela,  au  lieu  de  demander  à  des  savants 
français  des  ouvrages  originaux  dont  la  composition  aurait  exigé  un 
certain  temps,  les  éditeurs  ont  préféré  recourir  à  la  traduction  de  livres 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  4O7 

allemands  déjà  en  possession  de  la  faveur  du  public.  L'ide'c  n'a,  en  elle- 
même,  rien  de  déraisonnable.  Si  nos  voisins  sont  mieux  outillés  que 
nous  pour  les  études  philologiques,  pourquoi  ne  pas  leur  emprunter 
leurs  instruments  de  travail,  en  attendant  que  nous  ayons  les  nôtres? 
Les  nations  qui  ont  reconnu  la  nécessité  de  transformer  leur  armement 
adoptent,  en  général,  à  titre  provisoire,  les  produits  de  la  maison 
Krupp,  jusqu'au  jour  où  leurs  artilleurs  ont  terminé  l'étude  du  fusil  ou 
du  canon  «  national  »  ;  il  se  passe  quelque  chose  dVmalogue  aujourd'hui 
dans  l'ordre  scientifique  ■  et  philologique.  Toutefois  on  peut  se  deman- 
der si  les  éditeurs  ont  eu  toujours  la  main  bien  heureuse  dans  leur  choix, 
en  voyant  figurer  sur  la  liste  des  neuf  volumes  déjà  publiés,  à  côté  de 
travaux  d'une  valeur  incontestable  (le  Manuel  d'orthographe  latine  de 
Brambach,  la  Syntaxe  grecque  de  Bamberg)  des  ouvrages  beaucoup 
plus  médiocres  (les  Mètres  d^Horace  de  Schiller,  l'Armée  romaine  de 
Kraner)  et  un  même  qui  est  franchement  mauvais  (la  Métrique  de 
L.  Mûller). 

Le  précis  de  VHistoire  de  la  littérature  romaine  de  Bender,  que  j'ai 
sous  les  yeux,  peut  servir  de  type  moyen  pour  toute  la  Nouvelle  collec- 
tion, tant  par  la  valeur  intrinsèque  de  l'ouvrage  traduit,  que  par  la 
manière  dont  les  éditeurs  ont  compris  leur  tâche.  C'est,  de  l'aveu  même 
de  l'auteur,  une  sorte  de  résumé  ou  d'extrait  du  grand  ouvrage  de  Teuf- 
fel  %  dont  M.  Bender  s'est  contenté  de  reproduire  en  substance  le  gros 
texte,  laissant  de  côté  les  notes,  qui  constituent,  comme  on  sait,  le  mé- 
rite le  plus  sérieux  de  cet  excellent  répertoire.  Il  en  est  résulté  un  précis 
court,  sensé,  à  peu  près  exact  et  bien  ordonné,  mais  auquel  manquent 
la  vie,  le  mouvement,  le  coloris,  et  surtout  l'originalité  dans  la  «  carac- 
téristique »  des  auteurs,  pour  parler  comme  les  traducteurs  français.  Je  dis 
«  à  peu  près  exact  et  bien  ordonné,  »  car  une  critique  sévère  pourrait 
signaler  plus  d'une  imperfection  dans  le  travail,  sans  doute  un  peu  hâ- 
tif, de  M.  Bender.  Les  divisions  mêmes  n'en  sont  pas  irréprochables  : 
ainsi,  au  lieu  de  ne  faire  qu'une  seule  période  littéraire,  subdivisée  par 
genres,  des  quatre  siècles  qui  s'étendent  entre  Adrien  et  Justinien,  il 
i  aurait  fallu  admettre  une  coupure  au  règne  de  Constantin,  qui  marque, 

'  à  certains  égards,  une  évolution   nouvelle.  De  même  il  est  étrange  de 

parler  de  Virgile  et  d'Ovide  avant  Cicéron.  Le  choix  des  écrivains  cités 
ne  témoigne  pas  non  plus  d'un  sens  historique  bien  sijr  :  des  spé- 
cialistes insignifiants  ont  obtenu  une  mention,  tandis  que  Salvien, 
Commodien,  si  importants  pour  Thistoire  de  la  langue,  de  la  versifica- 
tion et  du  goût,  sont  passés  sous  silence.  Quand  M.  B.  s'aventure  sur 
le  terrain  du  droit  (et  comment  écrire  l'histoirede  la  littérature  romaine 
sans  parler  des  admirables  travaux  des  jurisconsultes?)  il  commet  aussi 


I.  La  traduction  des  traites  de  botanique  et  de  géologie  de  Sachs  et  de  Credner, 
publiée  par  la  maison  Savy,  a  permis  d'attendre  les  excellents  manuels  de  MM.  Van 
Tieghem  et  de  Lapparent. 

'^-  M.  Hermann  Bender  est,  comme  feu  Teuiïei,  professeur  à  Tubingue. 


408  RSVl.'F    CklTI()UK 

de  singulières  erreurs.  Pour  lui,  les  legis  actiones  servaient  «  à  l'inter- 
prétation de  la  loi  des  XII  Tables  »  (p.  14);  les  Institutes  ont  été  «  subs- 
tituées »  au  Code  de  Justinicn  (p.  i  55)  etc.  '. 

Malgré  ces  taches,  le  Précis  de  M.  B.  a  été  bien  accueilli  en  Allema- 
gne; il  a  été  traduit,  paraît-il,  en  anglais  et  en  italien,  et  la  traduction 
française  peut  être  utile  à  nos  étudiants,  vu  le  peu  de  valeur  des  abré- 
gés du  même  genre  qu'ils  ont  entre  les  mains.  Seulement  il  eût  été 
désirable  que  celte  traduction  fût  faite  avec  goût,  qu'on  élaguât  de 
l'original  tout  ce  qui  ne  pouvait  présenter  d'intérêt  que  pour  un  lecteur 
allemand  ,  qu'eniin  une  annotation  intelligente  appropriât  Touvrage 
aux  besoins  et  aux  habitudes  du  public  français.  Je  regrette  de  devoir 
constater  que  ni  le  traducteur,  M.  Vessereau,  ni  le  reviseur,  M.  F.  Pies- 
sis,  ne  se  sont  rendu  parfaitement  compte  de  la  tâche  qu'ils  avaient  à 
remplir.  M.  Vessereau,  boursier  d'agrégation  à  la  faculté  de  Poitiers,  et 
auteur  d'un  mémoire  récemment  couronné  par  cette  faculté,  est  sans 
doute  un  étudiant  de  mérite,  qui  doit  savoir  le  latin,  puisqu'il  est  licen- 
cié, et  l'allemand,  mais  il  paraît  avoir  trop  négligé  jusqu'à  présent  de 
porter  son  attention  du  côté  du  français.  Son  style  manque  de  légèreté, 
d'élégance,  parfois  même  de  correction.  Il  parle  des  débuts  «  d'ailleurs 
très  honorables  »  de  l'éloquence  romaine  (p.  16),  d'un  caractère  «  qui  se 
manifeste  avec  une  grande  différence  suivant  qu'on  considère  la  pre- 
mière ou  la  seconde  moitié  d'un  siècle  »  (p.  Sp).  Il  reproduit  servilement 
les  lourdes  parenthèses,  les  renvois  filandreux  du  texte  allemand,  au 
lieu  de  les  rejeter  au  bas  des  pages.  Il  transcrit  purement  et  simplement 
des  vocables  scolastiques,  passés  dans  l'usage  en  Allemagne,  mais  qui 
n'ont  pas,  que  je  sache,  reçu  droit  de  cité  dans  la  bonne  langue  fran- 
çaise :  l'objectivité  apparente  d'un  historien,  les  excursio7îS  et  parfois 
même  les  excursiis  géographiques  d'un  auteur  (on.  ne  dit  donc  plus 
(c  digressions  »?)  Il  lui  arrive  aussi  d'écrire  Liigdunum  pour  Lyon,  et 
de  définir  la  Mosella  d'Ausone  «  un  voyage  sur  la  Moselle  depuis  Bin- 
gen  jusqu'à  Ti'ier  »  (sic).  C'est  le  cas  ou  jamais  de  s'écrier  :  Nimis 
ger manie  e  ^ 

M.  Plessis  a  sa  part  de  responsabilité  dans  cette  teutomanie  du  tra- 
ducteur; il  lui  appartenait  aussi,  une  fois  la  traduction  achevée,  d'en 
faire  disparaître  un  certain  nombre  de  citations,  d'allusions  à  des  cho- 
ses d'Allemagne  qui,  tout  à  fait  à  leur  place  dans  un  manuel  destiné  à 
des  étudiants  d'Outre-Rhin,  détonnent  singulièrement  dans  un  livre  de 


1.  Il  n'est  pas  moins  inexact  de  dire  que  l'Histoire  auguste  est  la  «  seule  source 
à  consulter  »  pour  l'histoire  des  empereurs  depuis  Adrien  jusqu'à  Numérien  'p.  149K 
M.  Bender  ne  connaît  donc  pas  Hérodien  ?  De  même  fp.  iSg)  les  commentaires  de 
Servius  sur  Virgile  sont  cités  sans  qu'un  mot  fasse  soupçonner  la  diversité  de  pro- 
venance des  écrits  parvenus  à  nous  sous  ce  nom,  etc. 

2.  Le  Pinnato  gradu  de  Porcius  Licinus  devient  chez  M.  Vessereau  «  un  pas 
rapide  »  (p.  i5,  note).  Je  n'ai  pas  le  texte  de  M.  Bender  sous  la  main,  mais  il  me 
paraît  probable  qu'il  a  écrit  avec  Schiller  :  vernit  gejlûgeltcm  Schritt  »  un  «  pas  aile.  » 
M.  Vessereau  coupe  les  ailes  à  la  Muse. 


D  HISTOIRK    ET    DE    LITTERATURE  4O9 

classe  français.  Un  des  grands  mérites  des  ouvrages  d'enseignement  de  nos 
voisins,  c'est  que  leurs  auteurs  ne  perdent  jamais  de  vue  les  habitudes 
du  public  auquel  ils  s'adressent,  qu'ils  cherchent  à  éclairer  les  sujets  an- 
ciens dont  ils  parlent  par  des  rapprochements  convenables  avec  les 
hommes,  les  événements,  les  livres  de  l'Allemagne  les  plus  familiers  à 
leurs  jeunes  lecteurs.  C'est  fort  mal  s'inspirer  d'un  excellent  exemple 
que  de  conserver  intégralement  ces  parallèles  dans  une  traduction  fran- 
çaise. La  littérature  allemande  est,  en  général,  bien  moins  connue  de 
nos  étudiants  que  la  littérature  grecque  ou  latine;  prétendre  éclairer 
Celles-ci  par  celle-là,  c'est  tomber  dans  le  sophisme  obscurum  per  obs- 
curius-  Un  traducteur  sagace  doit  chercher  à  remplacer  les  rapproche- 
ments de  ce  genre  par  des  rapprochements  avec  des  faits  analogues  de 
notre  littérature  nationale;  quand  il  ne  trouvera  pas  des  équivalents,  il 
fera  mieux  de  supprimer  simplement  la  phrase  :  en  un  mot,  le  traduc- 
teur doit  forcément  se  transformer  un  peu  en  adaptateur.  M.  Plessis 
n'a  pas  compris  ainsi  son  rôle.  De  là  des  bizarreries  choquantes.  Si 
M.  B.  rapproche  les  hexamètres  rocailleux  d'Ennius,  exclusive- 
ment composés  de  spondées,  d'un  mauvais  vers  du  poète  allemand 
Stolberg  (p.  27),  M.  Plessis  ne  nous  fait  pas  grâce  de  ce  mauvais  vers. 
Si  M.  B.  compare  les  petites  pièces  erotiques  et  les  tableaux  de  genre  de 
Catulle  aux  poésies  de  Moerike,  poète  souabe,  (p.  62),  M.  P.  conserve 
cette  comparaison,  déjà  ridicule  en  elle-même,  et  qui  n'a  de  sel  que 
pour  un  étudiant,  je  ne  dirais  pas  allemand,  mais  wurtembergeois. 
S'agit-il  des  comédies  de  Plante  et  de  leurs  imitations  modernes  (p.  20), 
M.  Plessis  nous  apprendra  bien  que  le  Miles  gloriosus  a  servi  de  mo- 
dèle à  Y Horribilicribrifax  de  Gryphius  (versificateur  de  l'école  de 
Silésie).  mais  il  se  gardera  de  rappeler  qu.' Amphiti'j'on  a  inspiré  Molière 
et  les  Ménechmes  Regnard.  De  même  encore,  se  figure-t-on  la  mine  de 
l'écolier  auquel  on  enseigne  que  la  ville  campanienne  d'Atella  —  d'où 
viennent  les  Atellanes  —  était  «  une  sorte  de  Schoepenstedt  oudeSchilda 
latine!  »  (p.  1 1).  Autant  vaudrait  écrire  tout  de  suite  en  allemand. 

Je  pourrais  multiplier  les  exemples  de  ce  genre;  j'aime  mieux  finir 
par  un  éloge.  M.  Plessis,  outre  une  préface  assez  inutile  ',  a  ajouté  au 
livre  de  Bender  un  certain  nombre  de  notes  bibliographiques  où  il  si- 
gnale, pour  chaque  auteur  important,  les  meilleures  éditions,  les  tra- 
ductions iVançaises  et  quelques  ouvrages  de  critique  littéraire.  Quoique 
ce  travail  ne  soit  exempt  ni  d'erreurs,  ni  de  lacunes-,  il  est,  en  général, 


1.  11  y  développe  notamment  l'idce  absurde,  quoique  banale,  que  les  Romains  ont 
agi  «  en  bons  pères  de  iamille  »  en  ne  se  livrant  aux  travaux  littéraires  qu'après  avoir 
compris  le  monde.  Comme  si  c'était  là  la  raison  de  l'infécondité  des  prem.iers  siè- 
cles de  leur  littérature,  et  comme  si  Pindare  et  Eschyle  avaient  empêché  les  Grecs  de 
vaincre  à  Saiamine! 

2.  J'en  ai  noté  quelques-unes  en  passant.  P.  5  2,  il  aurait  fallu  citer  l'édition  de 
Virgile  par  Gebhardi  (18S4)  et  la  traduction  française  de  Cabaret  Dupaty  au  lieu  de 
la  <i  traduction  abrégée  »  de  Colomb;  p.  134,  on  cherche  vainement  la  traduction  de 
Pline  l'Ancien  par  Littré;  p.  1 52,  l'édition  de  Grégoire  de  Tours  par  Arndtet  Krusch 


410  UEVUK    CRITIQUE 

consciencieusement  fait  et  pourra  rendre  de  réels  services  aux  étudian:s. 
Mais  si  ce  petit  volume,  comme  je  l'espère,  atteint  les  honneurs  d'une 
seconde  édition,  que  M.  Plessis  se  souvienne,  je  l'en  supplie,  qu'il  ne 
traduit  ni  le  Laocoon  de  Lessing  ni  le  Werther  de  Gœthe,  mais  un  livre 
élémentaire  n'ayant  d'autre  mérite  que  son  utilité,  et  que  ce  n'est  pas  un 
sacrilège,  en  pareil  cas,  d'apporter  à  son  modèle  quelques  retouches  né- 
cessaires, dont  l'absence  jette  une  certaine  teinte  de  barbarie  et  de  pé- 
dantisme  sur  un  travail  estimable. 

Théodore  Reinach. 


gi.  —  Extraits  <îes  l!:seais  de  SEoiitaîgne,  par  M.  Eugène  Voizard,  professeur 
agrégé  au  lycée  d'Angoulême.  Paris,  Garnier  frères,  1884.  Prix  :  2  fr.  5o. 

Montaigne  est  le  plus  charmant  et  le  plus  aimable  de  nos  moralistes. 
Sa  langue  pleine  de  gaillardise  et  de  vivacité,  si  riche  d'expressions  naï- 
ves et  vraiment  françaises,  si  abondante  en  tours  pittoresques,  est  faite 
pour  plaire  à  de  jeunes  esprits,  et  l'on  ne  peut  qu'approuver  la  mesure 
qui  enjoint  aux  élèves  de  seconde  de  connaître  au  moins  par  quelques 
morceaux  choisis  l'admirable  auteur  des  Essais.  Mais  il  ne  faut  pas  se 
dissimuler  que  si  Montaigne  a  l'abord  facile  et  attrayant,  il  ne  se  laisse 
pas  aisément  saisir  :  c'est  parfois  une  besogne  ardue  de  suivre  dans  ses 
élans  cette  imagination  puissante  qui  procède  par  sauts  et  par  bonds,  de 
bien  comprendre  les  conceptions  d'un  esprit  qui  laisse  plutôt  «  désir  que 
satiété  de  soy  ».  Il  ne  se  soucie  guère  de  cet  art  qui  consiste  à  passer 
insensiblement  d'une  idée  à  une  autre,  et  qui  faisait  le  désespoir  de  La 
Bruyère;  mais  il  va  çàetlà,  avance,  revient  sur  ses  pas,  souvent  «  sans 
autre  sergent  de  bande  à  ranger  ses  pièces  »  que  le  caprice  et  la  fantaisie. 
C'est  là  précisément  ce  qui  rend  l'intelligence  de  Montaigne  si  difficile 
au  fond  pour  la  jeunesse,  et  il  me  semble  que  celui  qui  destine  à  cet  âge 
un   recueil  tiré  des  Essais  devrait  pour  le  moins  s'attacher  autant    à 

(Momnnenta  de  Pertz,  1804)  et  la  traduction  de  Guizot.  Des  indications  bibliogra- 
phiques comme  «  Boissier,  Revue  archéologique  n  (p.  42,  note)  sont  insuflisantes. 
—  r^.  95,  note  I  :  il  n'est  pas  exact  que  la  traduction  de  Tite  Live  par  M.  Gaucher 
soit  précédée  du  texte  latin  etc.,  —  Dans  les  rares  notes  «  critiques  »  de  M.  Plessis 
il  y  a  des  phrases  bien  singulières  comme  celle  sur«  le  Juvénal  de  fantaisie  si  haut 
vanté  par  tant  de  gens  qui  ne  l'ont  pas  lu  «  (p.  112,  note)  ou  celle-ci,  sur  le  juge- 
ment sévère  que  M.  Nisard  a  porté  de  Lucain  :  «  il  ne  faudrait  pas  aller  au-delà  » 
(p.  106,  note  1  ;  cela  veut-il  dire  qu'il  ne  faut  ^a.s?A\&v  jusque-là?)  Comment  M.  P., 
qui  est  un  latiniste  distingué,  peut-il  écrire  (p.  109  note)  que  le  prénom  de  Perse 
«i  QsX.  Aules  cl  non  Aulus  ti  i  Si  cette  bévue  orthographique  a  été  commise  deux  fois 
par  le  copiste  ignorant  de  la  Vita  Persii,  est-ce  une  raison  pour  la  reproduire  et 
pour  inventer  un  prénom  romain  qui  n'a  jamais  existé?  —  Je  regrette  enfin  que  les 
épreuves  n'aient  pas  été  corrigées  avec  plus  de  soin  ;  il  y  a  d'assez  nombreuses  fautes 
dans  les  noms  propres  qui  peuvent  dérouter  un  lecteur  novice  (p.  22  Hautontimo- 
rumenos;  p.  27,  Maevius  (pour  Naevius.  p.  64-6^1,  MétaRmophoses,  'i  fois;  p.  iio, 
Coningpon,  etc.) 


d'histoire  et  de  littérature  411 

commenter  la  suite  des  idées  que  la  langue  même  de  Tauteur.  Il  faudrait 
par  de  courtes  explications  montrer  le  lien  extrêmement  ténu  qui  lie 
telle  phrase  à  telle  autre,  afin  que  les  jeunes  gens  pussent  mieux  goûter 
un  écrivain  qui  pense  beaucoup,  et  suivre  sans  trop  de  peine  les  tours 
et  détours  de  sa  pensée.  Ce  n'est  pas  trop  d'appliquer  au  style  de  Mon- 
taigne ces  épithétes  d'à  espineux  et  ferré  >»,  qu''il  appliquait  lui-même  à 
Plutarque.  Prenons  au  hasard  ce  passage  du  livre  I,  ch.  xix,  p.  27,  de 
l'édition  de  M.  Voizard  ;  «  Qui  escouteroit  celuy  qui,  pour  sa  fin,  esta- 
bliroit  nostre  peine  et  mésaise?  Les  dissentions  des  sectes  philosophiques 
en  ce  cas  sont  verbales;  transcurramus  solertissimas  nugas;  il  y  a  plus 
d'opiniastreté  et  de  picoterie  qu'il  n'appartient  à  une  si  saincte  profes- 
sion :  mais  quelque  personnage  que  l'homme  entreprenne,  il  joue  tou- 
jours le  sien  parmy  »;  et  cet  autre  du  liv.  II,  ch.  xvn,  p.  i33  :  «  Entre 
deux  pareils  ouvrages  poiseroy  toujours  contre  le  mien  ;  non  tant  que  la 
jalousie  de  mon  advancement  et  amendement  trouble  mon  jugement, 
comme  que,  d'elle  mesme,  la  maistrise  engendre  mespris  de  ce  qu'on 
tient  et  régente  ».  Je  le  demande,  combien  d'écoliers  de  quinze  à  seize 
ans  sont  en  état  de  comprendre  ces  deux  passages,  s'ils  les  lisent  seuls 
et  sans  secours?  Et  il  y  en  a  des  centaines  qui  ne  sont  pas  moins  épineux, 
je  ne  dis  pas  pour  des  enfants,  mais  pour  le  commun  des  hommes. 
Pour  attirer  l'attention  du  lecteur,  les  anciens  critiques  avaient  Phabi- 
tude  de  marquer  d'un  signe  les  endroits  difficiles;  avec  Montaigne  ce 
n'est  pas  assez  d'une  simple  note;  un  commentaire,  je  le  répète,  est 
souvent  indispensable,  et  il  est  à  regretter  que  M.  V.  ne  se  soit  pas  assez 
rappelé  qu'il  faisait  ce  recueil  pour  des  enfants,  qu'il  n'ait  pas  voulu  ou 
qu'il  n'ait  pas  su,  comme  disait  Montaigne,  «  se  ravaller  pour  s'acom- 
moder  à  leur  force  ». 

Ce  n'est  pas  que  M.  V.  n'ait  multiplié  les  notes,  mais  un  grand  nom- 
bre sont  insuffisantes,  et  pour  s'en  convaincre,  il  suffit  de  se  reporter  au 
dernier  passage  cité  plus  haut;  on  y  trouvera  deux  notes  grammaticales 
qui  n'éclaircissent  rien  du  tout.  Voici  les  remarques,  et  il  y  en  a  trop  de 
cette  espèce,  que  je  relève  au  bas  de  la  page  56  :  «  Empereur .  Voir 
Glossaire.  S'embesongnoient,  Voir  Gloss.  — Exercitation.  Voir  Gloss. 
—  Ce  que  nous  ferions.  Voir  Plutarque,  même  traité —  Commander. 
Voir  Plutarque,  vie  d'Agésilas.  —  Hippias.  Voir  Platon,  Hippias  ma- 
jor. —  Villette,  petite  ville.  —  Heur.  Bonheur.  /-  Les  beaux  renseigne- 
ments! Tout  cela,  il  faut  bien  le  dire,  est  d'une  inutilité  parfaite.  Com- 
bien il  eût  mieux  valu  faire  remarquer  aux  jeunes  gens  les  tours 
nouveaux  dont  Montaigne  a  enrichi  notre  langue,  et  «  ces  braves  formes 
de  s'expliquer  »,  ces  mots  signifiants  que  Ton  rencontre  à  chaque  page 
des  Essais?  Il  est  important  dans  une  édition  classique  d'éviter  les 
erreurs  :  c'est  ce  que  n'a  pas  toujours  fait  M.  V.  Ainsi  la  locution  très 
connue  a  être  à  dire  »  rr  manquer,  liv.  II,  ch.  xvii,  p.  239,  est  expli- 
quée on  ne  sait  comment  par  «  pouvoir  être  favorable,  pouvoir  être 
utile  ».  Il  est  vrai  que  dans  la  partie  syntaxique,  p.  lxv,  cette  locution 


41  2  REVUE    CRITIQUE 

est  bien  comprise,  en  sorte  qu'il  semble  que  la  syntaxe  et  les  notes  ne 
soient  pas  du  même  auteur.  On  remarque  la  même  confusion  d'explica- 
tion pour  «  dessoude,  en  dessoude  »,  locution  qui,  dans  un  double 
article  du  Glossaire  est  interprétée  par  «  désordre,  en  désordre  »,  tandis 
que  dans  le  texte  elle  est  expliquée  par  «  à  l'improviste  »,  ce  qui  est 
juste.  Montaigne  emploie  très  souvent  le  pronom  qui  au  sens  de  «  si  on, 
si  l'on  »,  comme  dans  ce  passage  :  «  C'est  en  vain  estude  qui  veut;  mais 
qui  veut  aussi,  c'est  un  estude  de  fruit  inestimable  »,  I,  25,  p.  70.  — 
M.  V.  met  en  note  :  «  C'est  en  vain  estude ^Oî/r  qui  veut.  Au  xvie  siècle 
pour  se  supprime  volontiers.  »  Dans  la  syntaxe,  p.  lx,  il  cite  cet  exem- 
ple :  «  Qui  me  voudroit  employer  à  mentir,  à  trahir...  je  diroy  »,  et 
donne  de  qui  une  autre  explication  qui  est  encore  moins  heureuse  : 
Cette  dernière  tournure  est  aujourd'hui  remplacée  par  l'expression 
«  celui  qui  ».  Cet  emploi  est  cependant  des  plus  fréquents  dans  notre 
ancienne  langue  qui  Tavait  emprunté  du  latin  : 

Stultum  imperare  reliquis,  qiti  nescit  sibi  1. 

«  Nous  voilà  au  rouet  »,  II,  12,  p.  221  ne  signifie  pas  «  au  bout  de 
nos  inventions  »,  mais»  nous  voilà  au  supplice,  sur  la  roue  »,  ainsi  que 
le  prouve  cet  exemple  : 

Piez  et  mains  garroté  sur  les  volantes  aeles 
D'un  rouet  cramponné  a  gros  liens  de  fer. 
Supplice  inusité  aux  ombres  de  l'enfer. 

(Rémi  Belleau,  II,  209,  Gouverneur). 

«  Brider  l'asne  par  la  queue  »,  I,  ig,  p.  29,  c'est  commencer  une 
chose  à  rebours,  et  expliquer  ce  proverbe  par  «  s'arranger  mal,  prendre 
mal  ses  mesures  »,  n'est  qu'un  à  peu  près. 

Le  Glossaire  qui  termine  ce  volume,  très  incomplet  et  sans  renvois 
aux  pages  du  texte,  est  rempli  des  affirmations  les  plus  hasardées,  et  qui 
dénotent  que  M.  V.  n'a  guère  feuilleté  les  auteurs  du  xvi«  siècle,  et 
encore  moins  ceux  des  âges  précédents.  Ainsi  il  prétend  que  «  labile, 
insipience  »,  sont  rares  au  temps  de  Montaigne;  que  seul  ou  à  peu  près 
seul, cet  écrivain  a  employé  «  liture^^mor fondement,  piilote}'^  assagisse- 
ments,  enfieler,  encouardir ,  neantise,  vastité,  verisimilitude^  questuaire, 
profonder,judicatoire,  dyspathie  »:  si  c'était  ici  la  place,  je  pourrais  lui 
prouver  par  de  nombreux  exemples  que  ces  mots  ont  été  employés  avant 
et  après  Montaigne.  Il  faut  être  bien  sûr  de  soi  avant  d'affirmer  qu'un 
mot  est  la  création  de  tel  ou  tel  écrivain  :  les  plus  savants  s'y  sont 
trompés, 

La  syntaxe  de  Montaigne  est  la  partie  que  M.  Voizard  a  le  mieux 
traitée.  Mais  aussi  il  avait  pour  se  guider  le  chapitre  iv  de  l'excellent 

I.  Dans  ce  vers  de  Pathelin  que  m'a  signalé  M.  G.  Paris  : 
Qui  me  paj'ast,  je  m'en  alasse, 
il  saute  aux  yeux  qu'on  ne  peut  sous-entendre  pour  devant  qui,  m   l'expliquer  par 
celui  qui. 


d'histoire  et  de  littérature  41 3 

ouvrage  de  M.  Darmesteter,  le  Seizième  siècle  en  France,  et  il  en  a  lar- 
gement profité.  Il  aurait  pu  également,  pour  l'orthographe,  tirer  parti  du 
beau  livre  de  feu  Thurot  :  «  La  prononciation  française  depuis  le  com- 
mencement du  xvi=  siècle  »  :  je  n'ai  pas  remarqué  qu'il  Tait  cité  même 
une  fois. 

A.  Delboulle. 


THÈSES  DE  DOCTORAT  ES  LETTRES 

Faculté  des  lettres  de  Paris 
(20  février   i885). 


Soutennnce  «îe  SU.  Daniel  Bourclienîn. 

I.  Thèse  latine  :  De  Tanaquilli  Fabvi  vita  etscriptis.  Paris.  Grassart,  i885,  in-8. 

200  pp. 

II.  Thèse  française  :  Etudes  sur  les  Académies  protestantes  en  France  au  xvi^  et 

au  xvne  siècle.  Paris.  Grassart,  1882,  in-S.  480  pp. 

I 

Le  sujet  qu'avait  choisi  M.  Bourchenin  était  fort  intéressant,  et  il  aurait  pu, 
s'il  avait  su  en  tirer  parti,  ajouter  à  l'histoire  littéraire  de  la  France  un  très 
curieux  chapitre.  Il  y  avait  une  étude  précise  et  méthodique  à  faire  des  procé- 
dés pédagogiques  de  Tanneguy  Lefebvre,  de  sa  méthode  en  philologie  :  il  aurait 
fallu  comparer  ses  procédés  de  critique  à  ceux  de  ses  contemporains,  montrer  com- 
ment il  s'y  prenait  pour  constituer  un  texte.  Mais  si  la  thèse  est  longue,  elle  est 
au  jugement  de  M.  le  Doyen,  pleine  de  lacunes  et  peu  agréable  à  lire.  Elle  comprend 
deux  parties,  une  partie  biographique  et  une  partie  critique.  Celle-ci  n'est  guère 
qu'un  assemblage  de  notes,  une  nomenclature  confuse  de  tous  les  ouvrages  de  Tan- 
neguy Lefebvre,  de  ses  notes  les  plus  brèves  que  M.  B.  a  recueillies  patiemment  : 
JVI.  B.  a  du  reste  rendu  un  véritable  service  à  celui  qui  voudra  écrire  un  livre  sur 
T.  Lefebvre;  il  lui  aura  fourni  toute  la  bibliographie  de  la  question,  mais  il  est 
impossible  de  lire  telle  qu'elle  est  la  thèse  de  M.  B.,  on  est  contraint  de  commen- 
cer par  la  retaire.  La  langue  est  fort  mauvaise,  elle  laisse  tout  à  désirer.  La  méthode 
de  composition  prête  plus  encore  à  la  critique.  Les  idées  se  suivent  au  hasard  et  les 
incidentes  s'enchevêtrent  les  unes  dans  les  autres  de  telle  sorte  qu'il  faudrait  être 
fort  habile  pour  se  reconnaître  au  milieu  d'elles.  M.  B.  donne  les  noms  français 
sous  leur  forme  latine,  ce  qui  augmente  encore  l'obscurité  de  ses  phrases.  Puis  des 
chapitres  inutiles  viennent  interrompre  et  embarrasser  encore  la  marche  de 
l'exposition.  M.  B.  les  a  écrits  pour  alléger  un  peu  le  récit  qu'il  essaye  de  faire  de  la 
vie  de  T.  Lefebvre,  mais  il  n'a  pas  réussi  dans  son  entreprise.  Le  chapitre  le  plus 
obscur,  c'est  celui  qu'il  a  intitulé  :  De  duplici  in  familia  dedecore  et  in  Lutetiam 
itinere.  Par  trois  fois  M.  B.  parle  des  rapports  de  T.  Lefebvre  avec  M''^  Liger  et  il 
attaque  vivement  sa  conduite,  mais  toute  cette  question  est  si  embrouillée  que  M.  le 
Doyen  ne  parvient  pas  à  démêler  le  vrai  du  faux,  ni  même  M.  R.  à  s'expliquer  très 
clairement.  Ce  qu'il  dit  de  M"i«  Dacier  (Anne  Lefebvre)  est  moins  clair  encore.  Il  est 
impossible  de  fixer  la  date  de  sa  naissance,  M.  B.  la  place  en  1648  ou  1649,  mais 


/ 

414  REVUE   CRITIQUE 

c'est  une  date  contestée.  A-t-elIe  été  la  maîtresse  de  Dacier  avant  d'être  sa  femme, 
M.  B.  le  soutient,  mais  rien  ne  le  prouve  avec  certitude.  Il  s'appuie  sur  des  docu- 
ments imprimés,  mais  ce  sont  des  racontars,  des  bavardages  de  journalistes  de 
Hollande,  et  qui  sont  de  cinquante-sept  ans  postérieurs  aux  événements  qu'ils  racon- 
tent :  il  cite  des  actes  authentiques,  mais  ils  ne  contiennent  pas  clairement  les  noms 
des  personnes  dont  il  parle.  Il  s'appuie  sur  le  témoignage  d'Abbadie,  mais  ce  té- 
moignage n'est  rapporté  que  par  Chauffepied  en  qui  M.  B.  a  trop  de  confiance.  D'a- 
près M,  B.  Anne  Lefebvre  aurait  été  mariée  en  1664  au  libraire  Lesnier,  elle  serait 
devenue  la  maîtresse  de  Dacier,  en  aurait  eu  un  enfant.  Lesnier  meurt  en  1666,  et 
sa  veuve  attend  17  ans  pour  épouser  Dacier  en  i683.  Il  est  certain,  d'après  M.  B., 
qu'Anne  Lefebvre  a  quitté  son  premier  mari,  vieillard  au  caractère  insupportable, 
que  Lesnier  a  désavoué  son  enfant,  puis  l'a  reconnu  à  la  suite  d'un  arrangement. 
Mais  l'acte  du  mariage  n'est  pas  au  greffe  à  Saumur,  on  conteste  qu'il  y  ait  eu  au- 
tre chose  entre  Anne  Lefebvre  et  Lesnier  qu'une  promesse  de  mariage.  M.  B.  s'ap- 
puie sur  une  décision  du  consistoire  de  Castres,  mais  elle  est  contradictoire,  il  sem- 
blerait en  résulter  que  les  enfants  de  M"'-  Dacier  sont  à  la  fois  illégitimes  et  adultérins, 
reconnus  et  désavoués.  M.  B.  se  fait  d'ailleurs,  d'après  M.  Himl}',  bien  des  illusions 
sur  les  protestants  d'alors,  ils  n'étaient  pas  beaucoup  plus  moraux  que  les  catholiques  : 
T.  Lefebvre  n'a  jamais  été  du  reste  ni  ardent  catholique,  ni  ardent  protestant  :  au  témoi- 
gnage d'Henri  Desbordes,  que  M.  B.  rapporte  lui-même,  il  lisait  au  culte  Tcrence  et 
Anacréon.  Il  tenait  cependant  à  rester  protestant,  les  lettres  de  Chapelain,  dont  M.  B. 
ne  s'est  pas  servi,  le  prouvent. 

M.  Goelzer  n'a  que  des  critiques  à  adresser  au  style  latin  de  M.  Bourchenin.  Sa 
thèse  est  un  long  thème  et  mal  fait,  semé  de  solécismes  et  de  gallicismes,  de  tournu- 
res que  M.  B.  croit  rares  et  élégantes.  Les  informations  sont  très  riches,  mais  M.  B. 
aurait  dû  consulter  les  lettres  de  Chapelain  :  il  est  vrai  qu'elles  étaient  encore  iné- 
dites à  l'époque  où  il  a  fait  sa  thèse.  Il  n'a  ajouté  que  fort  peu  de  choses  à  ce  qu'a- 
vait dit  M.  Célestin   Port  (Biographie  générale  de  Didot).  Ce  qu'il  aurait  fallu  mon- 
trer, c'est  comment  T.   Lefebvre,   encore  obscur,  a  pu  être  appelé  à  l'Académie  de 
Saumur  et  dispensé   des  épreuves,  il  eut  fallu  montrer  son  rôle  et  son  vrai  caractère 
en  le  replaçant  dans  la  société  savante  de  son  temps.  Pour  savoir   quelque  chose  de 
l'Académie  de  Saumur,  il  faut  recourir  à  la  thèse  française.   Les  conclusions  man- 
quent d'ordinaire  :  on  ne  parvient  pas  à  rien  savoir  de  précis  sur  T.  Lefebvre  comme 
éducateur  et  pédagogue.  De  Tanneguy  Lefebvre,  philologue,  M.  B.  ne  nous  dit  rien 
non  plus  de  très  net,  il  s'abstient  de  donner  son  opinion  sur  la  méthode  qu'il  em- 
ployait et  après  avoir  esquissé  une  vue   très  générale  de  ses  procédés  de  critique, 
M.  B.  transcrit  simplement  les  tables  des  matières  de  ses  livres.  C'était  ces  procédés 
de  critique  qu'il  fallait  étudier   en  détail,  mais  M.  B.  semble  ignorer  ce   qu'était  la 
philologie  de  l'époque.  Il  n'a  pas  indiqué,  comme  il  aurait  fallu  le  faire,  les  diiïé- 
rentes  méthodes  philologiques  d'alors;   il  aurait   fallu  montrer  que  la  critique  de 
T.  Lefebvre  est  avant  tout  une  critique  conjecturale,  qu'elle  se  soucie  moins  d'établir 
le  texte  des  auteurs  de  l'antiquité  que  de  les   rendre  clairs  et  parfaits.  Mais   M.  B. 
n'avait  pas  la  compétence  nécessaire  pour  étudier  cet  intéressant  chapitre  de  l'histoire 
delà  philologie  française  ;  des  quarante  éditions  qu'a  faites  T.  Lefebvre,  il  n'a  étu- 
dié  sérieusement  que  celle  d'Horace  et  encore   n'a-t-il   pas  su    tirer  de  conclusion 
de  cette  étude.  Aussi  le  livre  de  M.  B.  est-il  avant  tout  une  consciencieuse  et  com- 
plète bibliographie,  mais  il  eut  fallu  le  terminer  autreinent  que  par  une  recette  pour 
faire  de  l'encre. 

Le  chapitre  sur  les  méthodes  d'enseignement   de   T.  Lefebvre  est  lourd  et  vide, 
d'après  M.  Crousié.  La  thèse  est  pleine  de  renseignements,  mais  de  renseignements 


DHlSTOfRK    ET    UK    LITTÉRATURE  4l5 

sans  ordre.  M.  B.  n'a  rien  ajouté  à  ce  que  M.  Célestin  Port  avait  dit  de  T.  Le- 
febvre  et  de  sa  fille,  qu'un  roman  déplaisant  :  ses  affirmations  ne  reposent  que 
sur  des  documents  vagues  ou  peu  authentiques.  Bayle  ne  dit  rien  de  toute  cette 
histoire  ni    Lamothe  :  Sainte-Beuve  ni  V.  Fournel  n'en  ont  entendu  parler. 

M.  Waddington  loue  M.  B.  d'avoir  donné  comme  thèse  latine  un  travail  sérieux, 
qui  soit  autre  chose  qu'un  chapitre  détaché  de  la  thèse  française.  Mais  il  regrette  un 
peu  le  sujet  choisi  et  il  n'approuve  ni  le  style  de  M.  B.  ni  le  plan  qu'il  a  suivi.  Il 
a  amassé  des  matériaux  intéressants  et  sa  thèse  peut  rendre  des  services  comme 
travail  préparatoire. 

C'est  un  livre  à  refaire  et  à  refaire  en  français,  au  jugement  de  M.  Gazier. 
On  pourrait  utiliser  des  documents  dont  M.  B.  ne  s'est  pas  servi,  les  lettres 
de  Chapelain,  les  mss.  de  Conrart.  xM.  Gazier  proteste  avec  indignation  contre 
les  infâmes  libelles  qu'on  a  dirigés  contre  M™^  Dacier  et  qui  ont  induit  M.  B.  en 
erreur  :  il  croit  pouvoir  affirmer,  jusqu'à  preuve  positive  du  contraire,  la  pureté  de 
sa  vie.  D'après  lui,  il  n'y  a  jamais  eu  autre  chose  entre  elle  et  le  libraire  Lesnier 
qu'une  promesse  de  mariage.  Saint-Simon  fait  son  éloge,  elle  a  été  recueillie  par 
Huet,  et  a  travaillé  pour  les  éditions  ad  usum  delphini  :  elle  était  à  Paris  en  1674  ; 
Lesnier  était  encore  vivant  à  cette  époque;  comment,  s'il  avait  été  son  mari,  ne  l'cût- 
il  pas  contrainte  à  revenir  près  de  lui  '(  D'ailleurs  elle  était  protégée  par  le  rigide 
Montausier,  la  pudeur  de  sa  traduction  d'Homère  prouve  en  faveur  de  la  pureté  de 
ses  mœurs,  et  les  sentiments  délicats  et  tendres,  la  vive  douleur  qu'elle  a  montrée, 
lors  de  la  mort  de  sa  fille,  ne  sont  pas  d'une  femme  qui  aurait  commis  une  faute 
dans  sa  jeunesse. 

II 

M.  B.  avait  été  frappé,  en  lisant  le  livre  que  M.  Compayré  a  écrit  sur  l'histoire 
des  théories  de  l'éducation  en  France,  du  silence  presque  complet  qu'il  garde  sur 
l'enseignement  des  Académies  et  des  Collèges  protestants.  C'est  l'histoire  de  cet  en- 
seignement que  M.  B.  a  essayé  d'écrire  et  il  a  réussi  dans  la  tâche  qu'il  a  entre- 
prise. Son  livre  est  très  exact,  très  complet  :  il  sera  dans  les  mains  de  tous  ceux  qui 
voudront  étudier  sérieusement  l'histoire  de  la  pédagogie  française.  C'est  d'ailleurs, 
au  jugement  de  M.  le  Doyen,  un  livre  bien  composé.  Les  pièces  annexes  sont  fort 
intéressantes,  la  bibliographie  est  très  riche.  En  dehors  de  l'introduction  et  de  la 
conclusion,  le  livre  comprend  cinq  parties  :  Origine  et  fondation  de  l'enseignement 
protestant  français.  Organisation  intérieure  du  Collège  classique,  de  l'Académie  pro- 
prement dite.  Administration  générale  et  discipline  des  Académies.  Physionomie 
comparée  de  chaque  Académie.  La  seconde,  la  troisième  et  la  quatrième  partie  où 
M.  B.  étudie  le  plan  des  études,  leur  sanction,  l'administration  générale,  la  juridic- 
tion des  Académies,  la  hiérarchie,  la  discipline,  le  régime  et  les  mœurs  sont  les 
plus  intéressantes.  Le  collège  de  Genève  semble  avoir  servi  de  modèle  aux  collèges 
protestants  de  France.  Sturm  est  l'initiateur  de  l'enseignement  protestant  en  France 
par  la  fondation  du  gymnase  de  Strasbourg,  mais  cette  fondation  est  contemporaine 
de  celle  du  collège  de  Genève.  Sturm  a  pris  beaucoup  de  ces  idées  sur  l'éducation 
aux  jéromites  (Frères  de  la  vie  commune),  chez  lesquels  il  avait  fait  ses  études, 
mais  c'était  un  humaniste  et  qui  voulait  former  des  lettrés,  il  tenait  à  donner  aux 
élèves  le  goût  des  auteurs  de  l'antiquité.  M.  Himly  présente  à  ^L  B.  quelques  ob- 
servations :  Crevier  n'est  qu'un  abréviateur,  c'est  de  Duboullai  qu'il  aurait  fallu  se 
servir, surtout  pour  l'histoire  de  l'Université  de  Paris;  il  est  fâcheux  que  M.  B.  n'ait 
pu  utiliser  le  rapport  de  ^L  Gréard,  mais  il  n'avait  pas  encore  paru,  quand  son  li- 
vre a  été  imprimé.  Un  point  sur  lequel  il  aurait  fallu  insister,  d'après  M.   le  Doyen 


4l6  RliVUK    ChlMQUE 

c'est  l'existence  des  Universités  mi-partie;  cela  ne  s'est  vu  qu'en  France,  partout  ail- 
leurs les  Universités  sont  confessionnelles.  C'est  une  gloire  pour  la  France  d'avoir 
réussi  à  faire  vivre  ensemble,  pendant  cent  ans  et  en  se  respectant  les  uns  les  autres, 
les  enfants  du  même  sol,  si  divisés  qu'ils  fussent  sur  les  questions  religieuses  : 
mais  la  mauvaise  volonté  des  deux  partis  a  empêché  que  l'entente  régnât  toujours. 
La  tolérance  n'est  pas  une  idée  théologique;  la  liberté  que  favorise  l'homme  qui  se 
croit  en  possession  de  la  vérité  absolue,  c'est  la  liberté  du  bien,  la  liberté  de  la  vérité. 
Le  protestantisme  n'a  pas  introduit  volontairement  le  libre-examen  dans  le  monde, 
comme  semble  le  prétendre  M.  B.,  ce  qu'il  oppose  à  l'Eglise  romaine,  c'est  l'autorité  de 
la  Bible,  de  la  Parole  de  Dieu.  Luther,  Calvin  sont  en  somme  des  réactionnaires  qui 
remontent  de  quinze  siècles  en  arrière,  à  l'Eglise  de  Jésus-Christ  et  des  premiers 
apôtres.  Sans  cela  que  signifierait  l'autorité  du  synode?  Si,  en  France,  il  n'y  a  pas  eu 
de  persécutions  des  diverses  sectes  protestantes,  les  unes  par  les  autres,  c'est  que 
jamais  le  pouvoir  civil  n'a  été  entre  les  mains  de  protestants.  Il  importe  d'ailleurs 
de  ne  pas  se  faire  trop  d'illusions,  les  mœurs  des  étudiants  protestants  ne  valaient  pas 
beaucoup  mieux  que  celles  des  étudiants  catholiques;  si  parfois  elles  étaient  plus 
austères,  c'est  à  cause  du  contrôle  efficace  qu'exerce  toujours  une  majorité  hostile. 
Mais  dans  les  deux  religions  les  gentilshommes  se  battaient  en  duel,  les  jeunes  gens 
avaient  des  maîtresses  et  les  dames  des  amants.  D'ailleurs,  tout  peut-être  n'est  pas 
à  admirer  également  dans  la  Réforme;  Calvin  est  un  très  grand  homme  et  dont  la 
France  doit  s'honorer,  mais  il  n'y  arien  en  lui  qui  aille  au  cœur.  M.  le  Doyen  dé- 
clare qu'il  l'aime  aussi  peu  qu'il  aime  Luther,  et  que  ce  qui  a  lait  la  grandeur  de 
l'Eglise  calviniste,  ce  sont  moins  ses  doctrines  que  les  souffrances  qu'elle  a  héroï- 
quement supportées. 

M.  Crouslé  loue  beaucoup  M.  B.  des  efforts  qu'il  fait  pour  rester  toujours  impar- 
tial entre  catholiques  et  protestants,  malheureusement  il  ne  réussit  pas  toujours  à  ce 
qu'il  a  tenté.  Comment  a-t-il  pu  dire  que  dans  le  catholicisme  les  fidèles  peuvent, 
à  la  rigueur,  se  passer  d'instruction?  M.  B.  répond  qu'en  fait  l'Eglise  catholique  a 
été  favorable  à  l'instruction  du  peuple,  mais  que  dans  les  questions  de  foi  les  fidè- 
les n'exercent  pas  de  contrôle  sur  les  dogmes,  mais  s'inclinent  devant  ce  que  leur 
affirme  et  leur  prescrit  l'Église,  qu'il  suffit  donc  à  la  rigueur  que  le  prêtre  soit  ins- 
truit, que  c'est  pour  le  fidèle  un  droit  incontesté  de  s'instruire,  mais  non  un  devoir. 
M.  B.  semble  croire  que  ce  n'est  que  grâce  à  l'action  de  la  cour  que  la  France  n'est 
pas  devenue  prolestante;  c'est  une  erreur  grave.  Du  reste,  il  attire  au  protestantisme 
tous  les  hommes  qu'il  admire,  Erasme,  Rabelais.  M.  Crouslé  se  demande  ce  qu'on 
peut  trouver  de  nouveau  dans  la  pédagogie  de  Rabelais  :  c'est  encore  un  scholasii- 
que,  il  fait  tout  apprendre  dans  les  livres  :  l'enseignement  des  sciences  naturelles  se 
réduit  à  l'observation  du  ciel  :  il  enseigne  bien  le  calcul  des  probabilités  à  son  élève, 
mais  c'est  en  jouant  aux  cartes.  Rabelais  tient  avant  tout  à  s'amuser  et  à  amuser  ses 
lecteurs.  Pourquoi  dire  que  Montaigne  est  un  ennemi  de  la  science;  il  a  écrit  cepen- 
dant «  c'est  un  merveilleux  outil  que  la  science.  »  Que  de  choses  à  dire  sur  'Vives, 
sur  Ramus,  que  M.  B.  n'a  pas  dites  et  cependant  que  de  choses  entassées  déjà  dans 
cette  revue  complète,  consciencieuse;  mais  les  documents  sont  mal  digérés;  expo- 
ser ainsi  tous  ces  faits  sans  pitié,  c'est  trop  durement  traiter  le  lecteur.  Il  n'est  pas 
exact  de  dire  que  les  jésuites  ne  songeaient  qu'aux  belles-lettres,  au  commencement 
du  siècle,  ils  ne  s'occupent  que  de  théologie  pédantesque.  Pourquoi  leur  reprocher 
les  auteurs  expurgés;  si  M.  B.  avait  enseigné,  il  saurait  combien  certains  passages 
sont  parfois  gênants  pour  le  professeur.  Le  livre  de  M.  B.  en  résumé  est  un  thé- 
saurus, un  magasin  où  iront  utilement  chercher  ceux  qui  en  auront  le  courage. 

M.  Waddington  remercie  M.  B.  de  l'hommage  qu'il  a  rendu  au  bulletin  de  la  so- 


DHISTOIRK    ET    DE    LITTÉRATUBE  4I7 

ciété  de  l'Histoire  du  protestantisme  français  et  à  ses  services.  Seulement  il  aurait 
fallu  citer  par  leurs  noms  Ch.  Read,  les  frères  Haag.  L'étude  que  M.  Bourchenin  a 
faite  de  l'organisation  des  Académies  est  supérieure  à  l'esquisse  qu'il  a  tentée  de  leur 
histoire,  mais  il  eut  fallu  plus  de  peintures  vivantes,  plus  de  portraits.  11  eut  été  bon 
de  raconter  quelques  concours,  celui  de  Bayle,  à  Sedan  par  exemple,  de  parler  de  son 
amitié  avec  Jurieu. 

M.  Petit  de  Jullevilie  a  lu  la  tlièse  d'un  bout  à  l'autre  avec  plaisir  et  profit.  La 
forme  est  simple  et  correspond  au  fond.  N'y  a-t-il  pas  un  peu  de  mirage  dans  ces 
mots  d'Académies,  d'Universités  :  d'ordinaires  les  collèges  seuls  avaient  des  élèves  et 
des  maîtres,  les  Universités  n'étaient  souvent  que  des  cadres  vides  :  l'Université  de 
Dijon  ne  se  composait  que  de  deux  professeurs  de  droit.  Nulle  part,  il  n'y  a  eu 
plus  de  neuf  chaires  publiques  occupées. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  Deux  brochures  du  docteur  J.  B.  Noulet.  —  Dans  la  Notice  sur  le 
passoiens  moundi  —  c'est-à-dire  le  passe-temps  toulousain  —  (Montpellier,  1884,  in-S" 
de  i3  p.  Extrait  de  Iz.  Revue  des  langues  rowaiies),  le  docteur  Noulet  décrit  un  petit 
volume  in-S"  de  64  p.  sans  nom  d'auteur,  publié  à  Toulouse  chez  Jean  Boude  en 
1624.  11  cite  quelques-unes  des  pièces  du  rarissime  recueil.  La  principale  de  ces 
pièces  est  une  série  de  Sy  quatrains  en  vers  alexandrins  consacrés  à  la  glorification 
de  Louis  XIII  (Stansos  sur  les  faits  de  Louys  le  Juste,  rey  de  Franco  et  de  Nabarro}. 
Le  reste  du  livret  est  occupé  par  des  compositions  variées  (sonnets,  strophes,  qua- 
trains) adressées  à  une  maîtresse  inexorable.  On  s'explique  l'insensibilité  de  cette 
dernière  en  lisant  les  détestables  vers  de  celui  qui  voulait  l'attendrir.  On  remarque, 
dans  une  pièce  en  l'honneur  de  la  beauté  des  jeunes  toulousaines  (Descripsiu  de 
beautat)  l'éloge  d'un  des  peintres  les  plus  habiles  du  xvii'  siècle,  Chalette  (le  Troyen) 
que  le  poète  anonyme  met  bien  au-dessus  d'Apelles.  —  C'est  encore  d'un  poète 
qu'il  s'agit  dans  la  seconde  brochure  du  docteur  Noulet,  mais  d'un  poète  qui  faisait 
des  vers  français  et  qui  ne  les  faisait  pas  mal  {Jean  Charron  de  Lacarry,  lauréat 
des  jeux  floraux.  Auch,  i885,  in-8°  de  22  p.  Extrait  de  \3.  Revue  de  Gascogne).  Le 
savant  critique  a  très  heureusement  complété  un  opuscule  que  j'ai  publié  l'an  der- 
nier (A/'o/t?  sur  le  poète  lectoiii-ois  Lacarry.  Auch,  in-S»  de  11  p.).  11  s'est  servi,  pour 
cela,  d'un  recueil  qui  n'avait  pas  encore  été  signalé  aux  bibliographes  et  qui  est  in- 
titulé :  Triomphe  pour  la  fleur  de  la  violete,  par  Charron  de  Lacarry  (A  Tolose, 
par  A.  Colomiez,  1640,  in-40  de  24  p.).  On  lira  avec  grand  intérêt  les  citations  et 
surtout  les  observations  du  docteur  Noulet.  Quelques-unes  de  ces  observations  con- 
firment les  miennes  (par  exemple  pour  l'épigramme  que  j'avais  cru  devoir  attribuer 
au  président  Barthélémy  de  Grammond);  d'autres  observations  prouvent  que  je 
m'étais  trompé,  notamment  quand  j'ai  regardé  l'imprimeur  Boude  comme  l'auteur 
probable  d'une  pièce  composée  par  J.  P.  Baynaguet,  avocat  toulousain,  pièce  pour 
laquelle  mon  honorable  confrère  me  trouve  trop  sévère  et  pour  laquelle  je  le  trouve 
trop  indulgent.  Nous  nous  accordons  mieux  (voir  la  note  3  de  sa  page  12)  touchant 
la  non-existence  de  Clémence  Isaure.  La  notice  du  docteur  Noulet  fait  connaître  di- 
vers poètes  méridionaux,  amis  de  Lacarry,  tels  que  de  Boissonade  (de  Montesquieu- 
Lauraguais),  Boyer  (de  l'Albigeois),  Lombrail  de  Saint-Martin  (de  Toulouse),  A.  An- 


\ 

418  RKVUK    CRITIQUE 

sclme  (de  l'Isle-Jourdain),  Paris  (de  Lectoure).  Parmi  ies  révélations  spécialement 
relatives  à  Lacarry,  je  signalerai  celles-ci  :  Le  poète  qui  chantait  Clytie  dans  son 
son  premier  recueil  (i536),  était^  quatre  ans  plus  tard,  déjà  infidèle  et  célébrait  Ma- 
rie Castain  sous  le  nom  à^Aminte.  L'ancien  lauréat  de  i536  et  de  1640,  était,  en 
i68j,  juge  aux  jeux  floraux.  Cinq  ans  auparavant,  il  figurait  sur  la  liste  des  Ca- 
pitouls  et  il  portait  les  noms  et  titres  que  voici  :  Jean  de  Lacarry,  avocat,  baron  de 
Mauléon.  T.  de  L. 

—  On  sait  très  peu  de  chose  de  Pierre  de  Carcavy  qui  joua  le  rôle  d'intermédiaire 
entre  les  plus  grands  savants  de  son  temps,  devint  bibliothécaire  de  Colbert  et  du 
roi,  et  directeur  de  l'Académie  des  sciences.  M.  Charles  Henry  cherche  dans  le  mé- 
moire qu'il  vient  de  publier  (Pierre  de  Carcavy.  Paris,  Gauthier-Villars,  1884),  à  com- 
bler cette  lacune  par  des  documents  inédits  ou  peu  connus:  i»  Carcavy  est  né  à  Lyon; 
son  acte  de  naissance  n'a  pu  être  retrouvé,  mais  on  donne  sa  commission  de  con- 
seiller au  parlement  de  Toulouse  telle  qu'elle  est  conservée  aux  archives  de  ce  parle- 
ment; 2°  en  1647,  il  était  à  Paris  conseiller  au  Grand  Conseil  ;  une  lettre  inédite  de 
lui  à  Mersenne  est  publiée  page  9,  puis  sa  correspondance  avec  Huygens,  également 
inédite,  dont  les  précieux  résultats  nouveaux  sont  résumés  pp.  i2-i3;  on  remarque 
particulièrement  l'attribution  à  un  ouvrier  allemand  séjournant  à  Angoulême  de  la 
première  horloge  à  pendule  (i6i5);  3°  en  164g  il  quitta  sa  charge  de  conseiller,  se 
mit  au  service  du  duc  de  Liancourt,  puis  de  Colbert.  Parmi  les  travaux  qu'il  fit  pour  le 
Ministre  on  publie  ici  pour  la  première  fois  un  mémoire  sur  l'ordre  suivi  par  lui  de 
l'arrangement  des  papiers  du  cardinal  Mazarin  et  un  mémoire  sur  la  préséance  des 
ducs  et  pairs;  4°  après  des  renseignements  aussi  complets  que  possible  sur  les  tra- 
vaux importants  de  Carcavy  à  la  Bibliothèque  on  publie  une  relation  autographe  de 
lui  qui  jette  la  lumière  sur  un  attentat  —  encore  entouré  de  circonstances  obscures 

—  l'assasinat  de  l'abbé  Breunot,  garde  du  cabinet  des  Antiques  ;  neuf  gros  volumes 
in-folio  de  notes  prises  par  Carcavy  à  la  Bibliothèque  du  roi,  sont  signalés  à  Sainte- 
Geneviève;  5°  deux  lettres  inédites  de  Carcavy  à  Falconieri  sont  publiées  pp.  69-70, 
d'après  le  ms.  de  la  Bibliothèque  Saint-Marc  à  Venise;  la  première  prouve  que  c'est 
à  Carcavy  que  revient  l'honneur  d'avoir  conçu  le  projet  de  la  belle  édition  des  Ma- 
thematici  veteres;  on  voit,  pp.  71-72,  que  la  carrière  académique  de  Carcavy  n'a  pas 
été  sans  difficultés;  6»  un  Mémoire  concernant  la  Bibliothèque  du  Roy  publié  pour 
la  première  fois  p.  72,  prouve  que  Carcavy  avait  beaucoup  d'ennemis;  la  mort  de 
Colbert  en  i683  amena  sa  disgrâce;  il  fut  remplacé  à  l'Académie  et  à  la  Bibliothè- 
que par  l'abbé  Gallois  et  mourut  en  1684. 

BELGIQUE.  —  M.  Willems  vient  de  publier  une  forte  brochure  (Louvain-Paris; 
Thorin)  formant  appendice  à  ses  deux  volumes  sur  le  Sénat  de  la  République  ro- 
viains.  La  première  partie,  où  l'auteur  répond  à  diverses  objections  qui  lui  ont  été 
faites,  contient  les  dissertations  suivantes  :  I.  Ornamenta  consularia praetoria,  etc. 

—  11.  La /orwiM/e  patres  conscripti  et  Vépoque  de  l'admission  de  la  plèbe  dans  le  Sé- 
nat. —  111.  A  Les  droits  sénatoriaux  du  flamen  dialis.  B  Le  plébiscite  ovinien.  C  Le 
plébiscite  atiiiien.  —  IV.  L'inscription  d'Adramytion.  —  V.  Le  sénatus-consulte  re- 
latif aux  cités  de  Mélitée  et  de  Narthakion  en  Tliessalie.  —  La  deuxième  partie  con- 
tient des  index.  Nous  apprenons  avec  plaisir  que  M.  Willems  se  propose  de  complé- 
ter son  grand  ouvrage  en  entreprenant  l'histoire  du  sénat  sous  l'empire.  Il  aura 
ainsi  acquis  un  nouveau  titre  à  la  reconnaissance  du  public  savant. 

ALLEMAGNE.— Le  savant  éditeur  de  Herder,  M.  B.  Suphan,  vient  de  publier  dans  le 
dernier  volume  du  Gœthe  Jahrbuch,  sous  le  titre  «  Goethe  und  Prin:{  August  von 
Gotha  »,  un  curieux  article  sur  les  relations,  entre  les  années  1780  et  1793,  du  grand 
poète  et  du  prince  son  ami.  Cette  courte  mais  substantielle  étude  renferme  des  détails 


D  MISrOlKli     ET     DK     LriTEHAlCRK  4I9 

d'un  grand  intérêt  sur  les  goûts  et  les  sympathies  d'Auguste  de  Gotha,  ainsi  que 
sur  les  occupations  de  Gœthe  à  cette  époque.  Tout  en  suivant  avec  une  curiosité 
constante  les  nouvelles  littéraires  de  France,  le  correspondant  de  Grimm  porte  l'in- 
térêt le  plus  vif  aux  travaux  du  poète;  le  voyage  de  ce  dernier  en  Italie  l'éloigna  du 
prince  une  première  fois,  mais  sans  porter  atteinte  à  leur  amitié;  la  campagne  de 
France  amena  presque  un  refroidissement  entre  eux.  La  guerre  était  blâmée  par 
Auguste,  dont  les  sympathies  étaient  au  fond  pour  la  France  ;  le  danger  qui,  l'an- 
née suivante,  menaça  l'Allemagne,  vint  seul  changer  ses  sentiments;  mais  il  ne  put 
comprendre  la  satire  que  Gœthe  fit  dans  le  Bùv g er général  des  soldats  de  la  Révo- 
lution et  il  punit  le  poète,  en  affectant  d'attribuer  son  drame  à  Kant  :  méprise  vo- 
lontaire que  Goethe  eut  peine  à  oublier.  On  voit  que  de  faits  curieux  rappelle  l'arti- 
cle de  M .  B.  Suphan.  —  G.  J. 

—  M.  UsENER  vient  de  réunir  en  deux  volumes  les  articles  et  mémoires  publiés 
par  Jacob  Bernays  (Gesammelte  Abhandlungen  von  Jacob  Bernays,  hggb.  von  H. 
Usener,  2  vol.  8,xxiv-356,  896  pp.  Berlin,  Hertz,  i885).  De  ce  recueil  sont  exclus 
les  ouvrages  qui  sont  à  la  disposition  du  public,  comme  les  Essais  sur  la  théorie 
dramatique  d'Aristote  ou  l'Étude  sur  Scaliger  qui  va  être  réimprimée.  Le  \"  vol. 
contient  24  articles  relatifs  à  la  littérature  grecque,  surtout  à  la  littérature  philoso- 
phique :  les  auteurs  étudiés  sont  Héraclide,  pp.  i-io8,  Aristote,  pp.  iSo-igi,  Pho- 
cylide,  pp.  192-261,  Epicharme,  Protagoras,  Gorgias,  Philon,  S.  Hippolyte,  Longin 
et  Apulée.  Le  2e  vol.  est  consacré  à  la  littérature  latine.  11  renferme  le  commentaire 
des  68Ç(  premiers  vers  du  poème  de  Lucrèce.  L'éditeur  raconte  dans  sa  préface  l'his- 
toire de  ce  travail.  En  i853,  Bernays  se  chargea  de  préparer  pour  la  Clarendon  Press 
une  édition  de  Lucrèce  avec  notes  critiques  et  explicatives;  puis,  il  se  fatigua  d'un 
travail  qui  l'asservissait  et  y  renonça,  malgré  les  protestations  de  ses  amis.  Deux 
notes  (pp.  68-78)  placées  à  la  suite  de  cet  article  sont  encore  relatives  à  Lucrèce.  Les 
numéros  suivants  roulent  sur  la  crainte  de  Dieu  dans  le  Juvénal,  pp.  77-80  ;  sur 
la  Chronique  de  Sulpice  Sévère,  pp.  8i-2o5;  sur  Gibbon  et  son  œuvre  historique, 
pp.  206-254;  sur  les  Etudes  de  droit  romain  avant  Théodore  Mommsen,  pp.  255- 
275.  Sous  le  titre  de  Mélanges,  on  a  rangé  à  la  suite  Sg  notes  ou  notules  sur  diffé- 
rentes questions.  Les  parties  inédites  sont  dans  le  I^''  vol.  le  n"  xv,  Oratio  de  Aris~ 
totele  Athenis  peregrinante  et  de  libris  eius politicis,  186(3;  dans  le  2"  vol.  les  no^xxv, 
Commentaire  sur  le  i"  livre  de  Lucrèce,  et  xxxi.  Gibbon  et  son  œuvre  historique, 
les  mélanges  3  :  sur  le  TCîpi  "/.ojjj.O'J  faussement  attribué  à  Aristote;  37,  les  Discours 
d'Aristote  éonire  Platon,  Qt  3(),  Zu  Lucretius  IV  i  i3o.  Le  P'  vol.  est  précédé  d'un 
avertissement  (m-x)  où  B.  est  dépeint  au  lecteur  comme  «  un  sage  antique,  fidèle  à 
la  croyance  et  aux  coutumes  de  ses  pères,  détaché  des  honneurs,  concentrant  toute 
sa  vie  au  dedans  de  lui-même,  »  etc.;  d'un  tableau  chronologique  des  publications 
de  Bernays  (xi-xvii)  et  d'un  catalogue  des  mss.  qu'il  laisse  à  la  bibliothèque  de  l'U- 
niversité de  Bonn  (xviii-xxiv).  —  P.  A.  L. 


ACADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET   BELLES-LETTRES 


Séance  du  i5  mai  188 5. 

Une  lettre  de  M.  Le  Blant,  directeur  de  l'école  française  de  Rome,  donne  l'analyse 
d'une  communication  de  M.  Gamurrini,  faite  à  l'Académie  d'archéologie  chrétienne, 
sur  un  manuscrit  d'Arezzo.  On  a  annoncé,  il  y  a  quelque  temps  déjà,  la  découverte 
de  ce  manuscrit,  due  à  M.  Gamurrini  :  il  contient  plusieurs  ouvrages  inédits,  le 
De  mysteriis  de  saint  Hilaire  de  Poitiers,  deux  hymnes  et  le  récit  d'un  voyage  en 
Orient,  écrit  par  une  femme  à  la  fin  da  iv^  siècle.  M.  Ch.  Kohler  a  eu  communi- 
catic)n  de  ce  dernier  texte  et  en  a  donné  une  analyse  dans  la  Bibliothèque  de  VEcole 
des  Chartes.  Dans  le  travail  qu'il  a  lu  a  l'Académie  d'archéologie  chrétienne,  M.  Ga- 


420  RKVUE    CRITIQUE    d'hISTOIRE    ET    DK    LITTÉRATURE 

murrini  s'est  attaché  à  établir,  par  diverses  considérations,  que  l'auteur  de  cet  ou- 
vrage doit  cire  Sylvie,  sœur  de  Flavius  Rufus,  qui  fut  consul  en  3q2  et  préfet  d'O- 
rient sous  Théodose  et  Arcadius.  —  M.  le  Elan:  annonce,  en  outre,  que  les  fouilles 
faites  dans  les  terrains  voisins  de  Vatrium  des  Vestales,  du  côté  du  Capitule,  ont 
amené  la  découverte  d'une  série  de  médaillons  peints  au  x*^  siècle,  qui  représentent 
des  bustes  de  saints. 

On  sait  que  la  Société  centrale  des  architectes  décerne  chaque  année  une  médaille 
à  un  membre  de  l'une  des  Ecoles  françaises  d'Athènes  et  de  Rome,  qui  lui  est  dé- 
signé par  l'Académie  des  inscriptions  comme  s'étant  particulièrement  distingué  par 
ses  travaux  archéologiques.  L'Académie,  sur  la  proposition  de  la  commission  des 
deux  écoles,  présente  cette  année  à  la  Société,  pour  cette  récompense,  M.  Pierre  Paris, 
membre  de  l'Ecole  française  d'Athènes.  M.  Paris  a  dirigé,  pendant  l'automne  de 
l'année  18S4,  des  fouilles  importantes  à  Elatée  (Phocide)." 

M.  Clermont-Ganneau  communique  les  estampages  de  trois  monuments  phéni- 
ciens recueillis  par  M.  Lœytved,  vice-consul  de  Danemark  à  Beyrouth.  Le  premier 
est  un  sceau,  de  forme  scarabéoïde,  ou  l'on  lit  un  simple  nom  propre,  Abd-Hadad, 
c'est-à-dire  serviteur  du  dieu  Hadad.  Les  deux  autres  monuments  sont  des  textes 
lapidaires,  qui  viennent  enrichir  la  série  peu  nombreuse  des  inscriptions  phéni- 
ciennes trouvées  en  Phénicie  même  :  on  n'en  connaît  encore,  sans  compter  celles-ci, 
que  douze,  dont  neuf  ont  été  insérées  dans  le  Corpus  inscripiiomim  Semiticariim, 
et  trois  doivent  trouver  place  dans  le  supplément  de  ce  recueil.  Les  deux  inscriptions 
trouvées  par  M.  Lœytved  n'ont  pu  encore  être  lues  en  entier  ni  l'une  ni  l'autre. 
Dans  la  première,  gravée  sur  un  fragment  de  marbre  qu'on  a  trouvé  dans  la  ville 
même  de  Tyr,  on  distingue  seulement  un  passage  relatif  au  paiement  d'une  somme 
de  quatre-vingt-dix  sicles  de  monnaie  tyrienne,  une  liste  de  suffètes,  et  ces  mots 
qui  reviennent  à  trois  reprises  :  «  a  fait  la  moitié  de  ce »  L'autre  con- 
tient une  mention  chronologique  précise  :  «  En  l'an  26  de  Ptolémée,  seigneur  des 
royautés,  illustre,  Evergète,  rils  de  Ptolémée  et  d'Arsinoé,  dieux  frères,  l'an  53  du 
peuple  de  Tyr.  »  L'année  ainsi  désignée  est  l'an  221  avant  notre  ère,  et  l'on  a  ici 
une  double  confirmation  du  calcul  des  années  du  règne  d'Evergète  et  de  celui  des 
années  de  l'ère  tyrienne.  Les  titres  données  à  Ptolémée  sont  exactement  ceux  qu'il 
prenait  dans  les  documents  écrits  en  grec.  Le  titre  d'adôn  melakim,  qu'on  traduit 
ordinairement  par  seigneur  des  rois,  mais  qui  signifie  plutôt,  selon  M.  Clermont- 
Ganneau,  seigneur  des  royautés  (on  le  trouve  rendu  en  grec  par  y.'jpioç  pasO^stûv), 
n'a  été  porté  que  par  les  successeurs  d'Alexandre  et  probablement  par  Alexandre 
lui-même.  Aussi  M.  Clermont-Ganneau  pense  qu'il  faut  rapporter  à  l'époque  des 
diadoques  le  tombeau  d'Eschmounazar,  où  on  lit  ce  même  titre.  Il  trouve  dans  l'ins- 
cription découverte  par  M.  Lœytveld  une  nouvelle  confirmation  de  cette  opinion. 

M.  Benlœw  commence  la  lecture  d'un  mémoire  intitulé  :  Des  peuples  el  des  lan- 
gues du  Caucase. 

M.  Abel  des  Michels  commence  la  lecture  d'une  note  sur  le  sens  du  nom  de  Giao~ 
chi,  donné  par  les  Chinois  aux  ancêtres  du  peuple  annamite.  On  a  prétendu  que  ce 
mot  signifiait,  soit  :  «  Qui  a  les  orteils  écartes,  >/  soit  :  «  Qui  a  les  orteils  croisés  l'un 
sur  l'autre»,  et  l'on  a  dit  que  les  hommes  de  quelques  tribus  indigènes  de  l'Annam 
présentaient  une  conformation  qui  justifiait  de  pareils  noms.  M.  des  Michels  repousse 
ces  hypothèses  sans  fondement  et  soutient  que  le  mot  Giao-chi  ne  signifie  autre 
chose  que  «  jonction  »,  «  frontière  »  :  il  désigne  les  habitants  des  confins  de  l'em- 
pire chinois. 

M.  le  D'  G.  Lagneau  lit  un  mémoire  intitulé  :  Des  aneslhésiques  chirurgicaux 
dans  l'antiquité  et  au  moyen  âge.  M.  Hauréau  a  fait  remarquer,  dans  un  ouvrage 
d'Abélard,  un  passage  où  ce  théologien  attribue  à  des  aneslhésiques,  analogues  à 
ceux  qu'emploient  les  chirurgiens,  le  profond  sommeil  d'Adam  durant  l'ablation  de 
la  côte  qui  devait  servir  à  la  "création  de  la  femme.  M.  Lagneau  s'est  demandé  quels 
pouvaient  être  au  xii»  siècle  les  aneslhésiques  chirurgicaux  auxquels  Abélard  faisait 
allusion.  Rapportant  des  textes  de  Pline,  de  Dioscoride,  de  Hugues  de  Lucque,  de 
Théodoric,  de  Matthiole,  de  Gui  de  Chauliac,  de  Des  Moulins,  de  Dodoens,  de  Ga- 
nappe,  de  Laurent  Jaubert,  d'Ambroise  Paré,  de  Bodin,  de  Porta,  de  Deusing,  il 
montre  que  dans  l'antiquité  et  au  moyen  âge  les  auieurs  parlent  de  trois  sortes 
d'anesthésiques  usitcs  par  les  chirurgiens  ;  des  anesthésiques  locaux,  employés  par 
application,  et  des  anesthésiques  généraux,  employés  de  deux  façons  difiérentes  :_les 
uns,  préparés  de  diverses  manières  avec  la  mandragore  et  l'opium,  étaient  ingérés 
avant  les  opérations;  les  autres,  plus  complexes,  préparés  avec  ces  mêmes  substances 
et  beaucoup  d'autres,  auraient  agi,  dit-on,  par  olfcation,  bien  que  les  principes  peu 
volatiles  dont  ils  sont  composés,  semblent  à  priori  devoir  faire  douter  de  leur  pré- 
tendue ethcacité.  Aussi  est-il  permis  de  croire,  selon  M.  Lagneau,  que  beaucoup  des 
auteur  cités  par  lui  n'ont  parlé  des  préparations  qu'ils  décrivent  que  par  ouï-dire, 
et  qu'ils  ne  les  ont  jamais  mises  eux-mêmes  ni  vu  mettre  à  l'épreuve. 

L'Académie  se  forme  en  comité  secret. 

Julien   Havet. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 

Le  Fuy,  imprimerie  de  Marchessou  tUs,  boulevard  Haint-Laurent.  si. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    El    DE    LITTÉRATURE 


N"  22  —  1  juin  -  18S5 

Konsmiaîre  :  92.  G.  Meyer,  Essais  de  linguistique  et  de  folk-lore.  — g'5.  V.  Duruy, 
Histoire  des  Romains,  VI  et  VII.  —  94.  Mossmann,  Cartulaire  de  Mulhouse,  I  et 
H.  —  gb.  GOiMJiuNAT,  Le  comte  de  Toulouse  et  la  bataille  de  Veiez-Malaga.  — 
96.  Marionneau,  Les  salons  bordelais  au  xyin*^  siècle.  — Chronique.  —  Académie 
des  Inscriptions.  —  Société  des  Antiquaires  de  France. 


02.  —  Ksaays   und    Stutîien    zui»    Spi"«<'îïge?îcît3eliîe    ïssitî  ■Volkskundc. 

von  Gustav   Meyer,  Dr.  phil.,    Professer   an    der    Universitœt    Graz.   —    Berlin, 
R.  Oppenheim,  iS83.  In-8,  412  pp. 

Toute  science,  en  se  spécialisant,  tend  à  se  frayer  des  sentiers  inabor- 
dables aux  simples  curieux,  à  s'éloigner  de  plus  en  plus  du  grand  pu- 
blic, et  la  linguistique,  depuis  les  travaux  de  Bopp,  surtout  depuis  les 
vingt  dernières  années,  n\i  pu  échapper  au  destin  commun.  Est-il  bon 
que,  de  temps  à  autre,  une  tentative  de  rapprochement  surgisse, 
qu'un  auteur  de  talent  cherche  à  intéresser  aux  résultats  des  plus  récen- 
tes recherches  les  amateurs  de  bonne  volonté  que  décourage  i"appareil 
de  l'érudition  ?  La  réponse  n'est  point  douteuse  :  si  la  vulgarisation 
n^est  pas  toujours  sans  danger  entre  des  mains  inhabiles,  elle  devient 
rindispensable  auxiliaire  des  travaux  d'érudition  pure,  lorsqu'elle  est 
conçue  dans  l'esprit  du  dernier  ouvrage  de  M.  G.  Meyer,  que  nul, 
même  parmi  les  initiés,  ne  lira  sans  plaisir  et  sans  profit. 

L'auteur  en  effet  y  a  réuni,  en  les  refondant,  un  certain  nombre 
d'articles  publiés  par  lui  dans  diverses  revues  savantes  ou  littéraires  ;  il 
Ta  complété  en  y  joignant  deux  essais  inédits,  dont  le  dcvnÏQV  (les  qua- 
trains populaires  allemands,  pp.  332-407)  est  fort  long  et  très  impor- 
tant. Tel  qu'il  est,  et  bien  que  composé  de  morceaux  détachés,  l'ouvrage 
forme  un  ensemble  des  plus  satisfaisants,  réparti  en  trois  sections  : 
linguistique,  folk-lore,  poésie  populaire;  sujets  dont  l'étroite  connexion 
et  le  vif  intérêt  n'échapperont  à  personne. 

Dans  la  V"  partie  M.  G.  M.  étudie  successivement  :  i'^  la  civilisation, 
ou  plutôt  la  barbarie  indo-européenne  primitive,  surtout  d'après  les 
données  recueillies  par  M.  Schrader  ",  si  différentes  des  tableaux  idylli- 
ques qu'on  se  plaisait  autrefois  à  tracer;  2°  la  question  étrusque,  d'a- 
près les  travaux  tout  récents  de  MM.  Deecke  et  Pauli  ;  3°  la  langue  et 
la  httérature  albanaises;  4»  les  particularités  du  grec  moderne  ;  5°  l'im- 
migration des  Slaves  en  Grèce  et  les  traces  qu'elle  y  a  laissées.  Sur 
tous  ces  points  l'auteur  s'est  beaucoup  plus  occupé  d'exposer  l'histori- 

I.  Schrader,  Sprachvevgleichitng  xind   Urgcschichte.  Jena,   1883. 

Nouvelle  série,  XIX.  22 


422  UEVUE   CRITIQUE 

que  et  Tétat  actuel  des  questions,  que  de  les  faire  avancer  ;  néanmoins 
il  en  renouvelle  certains  côtés  par  des  aperçus  ingénieux  et  tout  per- 
sonnels; il  les  relève  par  le  tour  facile,  agréable,  parfois  même  très 
humoristique,  de  son  exposition.  Qu'on  en  juge  :  (p.  45)  «  M.  Pauli 
(après  avoir  rattaché  les  Etrusques  au  groupe  letîo-slave)  a  déclaré  de- 
puis qu'il  avait  voulu  plaisanter  et  réfuter  par  l'absurde  les  conséquen- 
ces de  la  méthode  étymologique.  On  peut  se  demander  Jusqu^à  quel  point 
la  plaisanterie  était  de  mise  en  une  matière  où  déjà  le  sérieux  ressemble 
si  fort  à  une  plaisanterie.  » 

La  II""  partie  nous  révèle  en  M.  G.  M.,  non  seulement  un  érudit  en 
matière  de  folk-lore,  mais  encore  un  véritable  enthousiaste  de  littérature 
et  de  poésie  populaires.  Il  sent  et  exprime  avec  une  vivacité  singulière 
le  charme  de  ces  études,  si  importantes  au  point  de  vue  de  la  recherche 
des  origines,  et  si  aisées  que  chacun,  pour  modeste  que  soit  la  sphère 
oii  il  vit,  peut  s'y  adonner.  P.  23o  :  «  Le  conte  n'est-il  pas  l'oiseau 
merveilleux,  à  la  suite  duquel  nous  nous  enfonçons  plus  avant,  tou- 
jours plus  avant  dans  la  forêt  enchantée  des  légendes,  jusqu'à  n'en 
plus  pouvoir  sortir?  »  M.  G,  M.  en  est  sorti,  heureusement  pour  nous; 
car  autrement  il  ne  nous  eût  donné  ni  la  Grammaire  grecque  ni  les 
Etudes  albanaises  ;  mais  qui  ne  se  plairait  à  s'y  égarer  parfois  avec 
lui?  Voici  les  titres  de  ses  études  mythologiques  :  i'^  le  folk-lore  en 
général;  2°  les  contes  en  tant  que  documents  sur  l'antiquité  préhistori- 
que; 3°  contes  égyptiens  ;  4°  contes  arabes;  5°  l'Amour  et  Psyché;  6°  les 
sources  du  Décaméron  ;  7°  contes  yougo-slaves  ;  8°  le  preneur  de  rats 
de  Hameln;  9"  le  filleul  de  la  Mort;  10"  Rip  van  Winkle.  Ces  trois 
derniers  essais  surtout  contiennent  une  riche  moisson  de  légendes  simi- 
laires, recueillies  à  diverses  sources  et  soigneusement  comparées  entre 
elles. 

La  dernière  partie  est  la  plus  originale.  A  la  suite  de  deux  études  sur 
les  çlokas  indous  (spécialement  le  Saptacataka  de  Hâla)  et  les  stances 
populaires  de  la  Grèce  moderne,  l'auteur  aborde  les  quatrains  rustiques 
de  l'Allemagne  (Schnaderhiipfel) ,  qu'il  compare  aux  productions  analo- 
gues delà  muse  populaire  en  Europe  et  en  Asie,  Rien  n'est  plus  curieux 
que  de  voir  la  pensée  revêtir,  dans  des  domaines  si  divers,  le  même 
tour  de  phrase,  la  même  allure  rythmique.  De  nombreuses  citations 
donnent  à  cette  étude  minutieuse  tout  l'agrément  d'une  composition 
littéraire  '. 

t.  J'en  choisis  deux,    l'un   dans  le  genre  sentimental  (p.  378)  : 

Das:,  im  Tanmvald finster  is, 
Das  maclil  das  Hol\  ; 
Dasi  mei  Schat\  finstr  schaut, 
Das  macht  dcr  Stol^. 

l'autre  dans  le  genre  qu'on  pourrait  nommer  gaulois  (p.  3(jo,  c'est  une  jeune  villa- 
geoise qui  parle,  patois  suisse)  : 

Mi  Muclcr  lict  gsait, 
I  soll's  Cliindli  wicgc  ; 


d'histoire    et    de    LlTTÉUAlURE  423 

Je  soumettrai  maintenant  à  M.  G.  M.  quelques-unes  des  observations 
que  m'a  suggérées  la  lecture  de  son  excellent  livre. 

Ueberirdisch  (p.  8)  dans  le  sens  de  «  surnaturel  »  me  paraît  une  ex- 
pression bizarre  et  de  nature  à  induire  en  erreur  les  non  initiés,  alors 
qu'il  s'agit  des  êtres  souterrains  qui  ont  révélé  à  l'homme  Texistence 
des  métaux  et  Fart  de  les  travailler. 

Si  «  la  décadence  des  Etrusques  nous  semble  commencée  dès  leur 
première  apparition  dans  le  domaine  des  historiens  romains  »  (p.  i5), 
n'est-ce  pas  surtout  parce  que  ceux-ci  se  sont  appliqués  à  voiler,  dans 
les  pénibles  débuts  de  leur  patrie,  les  échecs  répétés  que  les  Etrusques 
lui  ont  fait  subir  et  la  quasi-servitude  où  ils  Pont  tenue  durant  de  lon- 
gues années? 

Sur  le  vers  politique  byzantin  (p.  107)  je  suis  obligé  d^en  croire 
M.  G.  M.,  n'en  ayant  jamais  entendu  réciter;  mais,  quant  à  Palexan- 
drin  français,  j'en  accorde  difficilement  la  «  fatigante  monotonie  ».  Si 
Ton  m'avait  demandé  un  exemple  de  cadence  monotone,  j'aurais  peut- 
être  commis  Pimprudence  de  citer  la  stance  des  Nibelungen  :  simple 
affaire  d'éducation  et  d'habitude.  De  même,  malgré  la  grossièreté  de 
beaucoup  de  nos  fableaux  et  l'immense  supériorité  des  contes  de  Boc- 
cace,  on  aura  peine  à  souscrire  au  jugement  un  peu  trop  sévère  de 
l'auteur  (p.  21 3). 

Dans  les  études  contemporaines  sur  le  folk-lore,  l'auteur  a  fait  aux 
travaux  français  une  place  très  honorable  (p.  04).  Il  a  toutefois  oublié 
de  mentionner  la  i?o?7îan/rt,  qui,  avant  et  depuis  la  première  publica- 
tion de  Mélusine^  a  accueilli  plusieurs  intéressants  essais  de  mythologie 
populaire. 

D'une  manière  générale  je  souhaiterais  —  mais  ceci  est  une  impres- 
sion toute  personnelle  —  que  M.  G.  M.  insistât  davantage  sur  l'inter- 
prétation naturaliste  des  contes,  à  laquelle  il  ne  fait  que  des  allusions 
assez  timides,  à  propos  de  mythes  qui,  quoi  qu'il  en  dise  (p.  182,  p.  207) 
ne  me  semblent  pas  susceptibles  d'une  autre  explication.  Il  se  peut 
bien  que  souvent  des  récits  d'événements  historiques  se  soient  superpo- 
sés aux  mythes  et  confondus  avec  eux  ;  mais  le  phénomène  naturel  n'en 
demeure  pas  moins  le  substratum,  l'élément  essentiel  de  la  plupart  des 
contes  populaires,  sinon  de  tous.  C'était  vraiment,  M.  G.  M.  nous  le 
dit  ailleurs  (p.  n),  la  façon  dont  nos  pères  expliquaient  la  nature;  et, 
si  je  ne  craignais  de  donner  à  ma  pensée  un  tour  paradoxal,  je  dirais 
volontiers  que  nos  contes  de  fées  sont  les  traités  de  physique  du  temps 
jadis.  Dans  quatre  mille  ans,  les  nôtres,  s'il  en  est  resté  trace,  ne  paraî- 
tront pas  moins  surannés  à  nos  arrière-neveux  ;  seulement  il  n'est  pas 
probable  que  leurs  enfants  s'en  amusent. 


Do  /mil  i  vcrstandc, 
I  soll  d'  Biicbe  licbc. 


Je  ne  traduis    pas  :  tout    le  charino  de  ces  petits  morceau;;  est  dans  l'assonance 
naïve,  répondant  au  rythme  de  la  pensée. 


424  REVUE    CKlTIQUli: 

«  Sans  Balzac  on  ne  saurait  comprendre  Zola,  ni  Shakespeare  sans 
Marlowe  y>  (p.  209).  Malgré  le  mérite  littéraire  de  M.  Zola,  je  ne  pense 
pas  que  î'auteur  ait  voulu  dire  qu'il  soit  à  Balzac  ce  que  Shakespeare 
est  à  Marlowe  ;  mais  on  pourrait  s'y  tromper. 

A  propos  du  conte  de  Rip  et  des  similaires  (longue  durée  écoulée  à 
l'insu  du  héros),  je  signale  Fomission  du  conte  de  Pécopin  et  Baul- 
dour,  qui,  tel  que  V.  Hugo  Ta  inséré  dans  le  Rhin^  laisse  apercevoir 
sous  la  magie  du  style  un  fond  emprunté  sans  doute  à  quelque  légende 
rhénane. 

DaPiS  les  nombreuses  citations  en  divers  dialectes  allemands, 
M.  G.  Meyer  nous  déclare  qu'il  a  purement  et  simplement  transcrit  ses 
sources  (p.  41 1),  d'autant  qu'une  graphie  phonétique  eût  été  ici  tout  à 
fait  déplacée,  et  qu'au  surplus  la  vérification  personnelle  lui  était  inter- 
dite. Rien  de  mieux.  Toutefois  je  dois  dire  que  la  transcription  de  deux 
quatrains  alsaciens  est  si  défectueuse  que,  si  je  n'avais  été  prévenu,  je 
n'aurais  certes  point  reconnu  le  dialecte  de  la  Haute-Alsace  '  (p,  341-2). 
Celui  de  Strasbourg  (p.  343)  est  mieux  traité. 

Il  reste  à  signaler  quelques  menues  incorrections,  fort  peu  nombreu- 
ses. On  s'étonne  de  lire  (p.  96)  Kalidasa  et  (p.  2o5)  Urvasi  (pour 
Urvaci),  alors  que  d'autres  noms  sanscrits  sont  correctement  orthogra- 
phiés (p.  264)  et  que  plus  loin  (p.  290)  on  retrouve  Kâlidâsa.  P.  395,  il 
faut  «acfero/zau  lieude?7iïcferoJZ.  Je  relève  enfin  (p.  236)  Monmouthsire 
pour  Monmouthshire  et  (p.  277J  les  morits  Kaatskill^  partie  du  massif 
alléghanyen  (du  moins  Kiepert  orthographie  Catskill). 

V.  Henry. 


g3.  —  Hîstoîi-e  des  iSoiriaîn&«   par  M.    DuRuy,  édition    illustrée;    tomes   VI  et 
VU;  édition  in-8,  tome  VIL 

En  même  temps  que  M.  Duruy  recevait  de  l'Académie  française 
l'honneur  qui  couronne  sa  belle  carrière,  achevait  de  paraître,  sous  une 
forme  définitive,  cette  Histoire  des  Romains  qui  est  la  plus  solide  par- 
tie de  son  œuvre  littéraire  et  scientifique.  On  écrira  beaucoup  sur 
Rome,  après  ce  livre  et  contre  lui  :  on  aura  quelquefois  raison  de  le 
faire  ;  on  aura  toujours  tort  d'oublier,  en  relevant  les  erreurs  qui  peu- 

I.  Je  restitue  un  de  ces  quatrains  en  transcription  phonétique  approximative 
[à  ■=  a  sourd,  voisin  de  Va  anglais  dans  ail,  f  aise  ;  a  =.  a  bref  français  ;  les  sonores 
se  distinguant  à  peine  des  sourdes)  : 

's  ésch  nà  net  làng  das\  es  g'rayt  hett, 
Di  baymle  trepfle  noch  ,- 
/  hà  'nemôl  e  Schat^le  g'hett, 
I  n'Ott'  i  liatt'  es  noch. 

«  Il  n'y  a  pas  longtemps  qu'il  a  plu  —  l'eau  dégoutte  encore  des  arbres;  —  autre- 
fois j'avais  une  amie,  —  je  voud-ais  l'avoir  encore,  d 


d'histoire    et    DK    LITTÉKATUUE  42  3 

vent  s'y  être  glissées,  de  rendre  hommage  à  un  travail  dont  l'influence 
a  été  aussi  féconde  que  la  gloire  en  sera  durable.  La  génération  qui 
travaille  aujourd'hui  l'antiquité  latine  s'est  formée  à  cette  lecture  :  elle 
y  a  trouvé  ce  qui  vaut  mieux  que  de  longues  citations,  que  des  notes 
hérissées  de  chiffres  ou  de  transcriptions  épigraphiques,  elle  y  a  trouvé 
l'amour  de  la  science,  le  plaisir  de  la  recherche,  le  désir  de  la  vérité, 
c'est-à-dire  les  conditions  morales  de  toute  découverte  scientifique.  Elle 
y  a  appris  encore  que  l'histoire  de  Rome  fait  partie  de  notre  héritage 
national,  et  que  la  connaître  et  que  Paimer  est  un  devoir  patriotique. 
Enfin,  elle  y  a  vu  aussi  comment  elle  devait  être  écrite  ;  les  recherches 
épigraphiques,  juridiques  ou  administratives  sont  une  préparation 
indispensable  à  l'histoire  romaine  :  elles  ne  sont  pas  cette  histoire. 
L'imagination  réclame  sa  part  dans  cette  science  :  et  les  érudits  qui 
l'oublient  trop  volontiers  aujourd'hui,  feraient  bien,  pour  se  rappeler 
comment  on  doit  concevoir  l'histoire,  de  relire  de  temps  à  autre  un 
chapitre  de  l'œuvre  de  M.  D.  '. 

Des  volumes  que  nous  annonçons  ici,  nous  n'avons  rien  à  dire  de 
particulier;  le  texte  a  subi  de  légères,  mais  heureuses  modifications  por- 
tant presque  toutes  sur  les  questions  administratives  ;  les  notes  ont  été 
brillamment  enrichies  et  complétées.  Des  gravures  qui  accompagnent 
l'édition  illustrée,  nous  n'avons  qu'à  louer  le  choix  heureux  et  l'habile 
exécution.  Nous  avons  tout  particulièrement  admiré  l'héliogravure 
d'une  vignette  de  la  Notitia  dignitatum  empruntée  au  meilleur  des  ms. 
parisiens  de  ce  document  :  elle  en  donne  une  idée  aussi  exacte  que  pos- 
sible. En  illustrant  l'œuvre  de  M.  D.  de  cette  grandiose  manière,  qui 
est  et  sera  toujours  dans  ses  traditions,  la  maison  Hachette  ne  s'est  pas 
seulement  adressée  aux  gens  du  monde  :  elle  a  rendu  à  tous  les  érudits 
un  véritable  service. 

Le  résumé  général  qui  termine  l'ouvrage  apparaît  pour  la  première 
fois,  quoique  ceux  qui  suivent  les  séances  de  l'Académie  des  Sciences 
morales  et  politiques  aient  pu  en  avoir  la  primeur.  Ce  résumé  ne  peut 
ni  se  commenter  ni  s'analyser  :  il  faut  le  lire.  Certes,  nous  n'en  parta- 
geons point  toutes  les  idées;  nous  ne  jugeons  pas  de  la  même  manière 
la  politique  des  empereurs,  les  causes  de  la  chute  de  Rome,  l'influence 
du  christianisme.  Mais  nous  pensons  qu'il  est  diflScile  de  caractériser 
avec  plus  d'ampleur  et  d'éclat  le  rôle  que  Rome  a  joué  sur  la  terre.  «  Le 
peuple  Romain  est-il  mort  tout  entier?  Il  en  est  des  empires  comme 
des  individus  :  les  uns  et  les  autres  ne  vivent  avec  honneur  dans  la 
mémoire  des  hommes  que  par  les  grandes  œuvres  qu'ils  ont  accomplies. 
Sanctuaire  de  l'art  et  de  la  pensée,  la  Grèce,  comme  son  poète. 

Est  jeune  encore  de  gloire  et  d'immortalitc, 

1.  Les  Aliemands  ont  compris  cette  portée  littéraire  en  mêine  temps  que  la  valeur 
scientifique  de  l'ouvrage  en  le  traduisant.  Ce  qui  est  bien  caratérisiique,  c'est  que 
la  traduction  est  dirigée  par  un  savant  qui  serait  infiniment  capable  d'écrire  par 
lui-même  une  grande  et  bonne  histoire  romaine. 


426  REVUE    CRITIQUE 

Rome  mérite  moins  d'admiration,  et  son  peuple  n'est  pas  de  ceux  qu'on 
aime  ;  mais  elle  reste  pour  le  monde  l'école  de  la  politique,  du  droit, 
de  l'administration  et  de  la  guerre  m. 

Nous  nous  permettrons,  à  propos  du  dernier  volume  de  M-.  D.  une 
observation  qui  n'est  pas  un  reproche,  mais  un  regret.  L'Histoire  des 
Romains  finit  en  395,  c'est-à-dire  trop  tôt.  La  mort  de  Théodosc  ne 
doit  pas  faire  date  :  ce  n'est  pas  une  époque  dans  l'histoire  universelle. 
«  L'ancien  monde  »,  dit  M.  D.  en  arrivant  à  cette  date,  «  est  bien 
mort;  il  ne  reste  plus  à  son  historien  attristé  qu'à  coucher  le  Génie  de 
Rome  au  sépulcre,  où  le  moyen  âge  le  tiendra  dix  siècles  enfermé  ». 
«  Cet  empire  où  il  ne  reste  rien  qui  puisse  le  faire  tenir  debout,  ni 
soldats,  ni  citoyens,  par  conséquent  plus  de  qualités  militaires  ni  de 
vertus  civiques,  a  pour  gouvernement  une  administration  vénale  qui 
corrompt  tout,  et,  pour  défenseurs,  ceux  qui  demain  le  démembreront  ». 
M.  D.  juge  trop  sévèrement  les  contemporains  de  Symmaque  et  de  Ju- 
lien. Ainsi  donc,  selon  lui,  il  ne  resterait  plus  rien  alors  de  l'ancienne 
Rome?  Le  Génie  du  peuple  romain,  ce  Genius  Piibliciis  né  le  jour  de 
fondation  de  la  ville  et  qui  devait  mourir  avec  elle,  il  faudrait  lui  dire 
un  éternel  adieu  le  jour  où  disparut  Théodose,  qui  ne  fut  après  tout 
que  le  plus  insignifiant  des  empereurs? 

Si  c'est  le  triomphe  du  christianisme  qui  a  tué  l'ancien  monde, 
c'est  avec  Julien  que  le  Génie  de  Rome  est  descendu  dans  la  tombe. 
Et,  de  fait,  la  veille  du  jour  où  devait  mourir  le  dernier  des  empereurs 
payens,  le  Génie  de  Rome  lui  apparut,  semblable  à  un  fantôme  qui  va 
s'évanouir.  Vidit^  dit  Ammien  Marcellin,  vidit  squalidius  speciem 
illam  Genii  Publici  per  aulaea  tristiiis  descendentem.  Mais  si  l'Eglise, 
loin  de  tuer  le  Génie  de  Rome,  lui  a  infusé  un  sang  nouveau,  il  fallait, 
après  Julien,  parcourir  une  étape  plus  longue  et  ne  pas  s'arrêter  à  la 
mort  de  Théodose;  il  fallait  nous  montrer  l'agonie,  la  fin  politique  de 
l'empire  jusqu'à  l'arrivée  d'Odoacre;  il  fallait  nous  montrer  la  papauté 
saisissant  et  conservant  l'idée  de  l'unité  créée  par  Rome.  Le  moyen 
âge  n'a  pas  couché  le  Génie  de  Rome  dans  la  tombe,  il  Ta  fait  végéter, 
sinon  vivre,  dix  siècles  encore,  et  c'est  la  Réforme  qui  l'a  achevé.  Dieu 
merci!  il  y  a  après  Théodose  une  histoire  romaine;  il  y  a,  sinon  un 
esprit  militaire,  du  moins  une  organisation  des  armées  très  habile  et  très 
forte.  Il  y  a  aussi  des  Romains  pour  commander  aux  soldats;  et  Stili- 
con  malgré  son  origine  barbare,  n'est  pas  moins  romain  que  ne  le  fut 
Septime  Sévère  malgré  son  origine  provinciale.  Je  ne  puis  comprendre 
que,  dans  une  Histoire  des  Romains,  il  ne  soit  parlé  longuement  ni  de 
Stilicon  ou  d'Aetius,  ni  de  cet  admirable  empereur  qu'on  appela  Majo- 
rien,  ni  de  cet  admirable  livre  qui  est  le  Code  théodosien,  ni  de  cette 
étonnante,  quoique  malheureuse  réorganisation  de  l'administration  ro- 
maine qui  eut  lieu  sous  Honorius. 

Au  fond  peut-être,  cependant,  le  regret  que  nous  exprimons  ici  vient- 
il  de  la  peine  que  nous  avons  à  nous  séparer  de  ce  beau  livre.  Nous 


D  HISTOiRK    ICT    DE    LITTERATOUE  427 

avons  indiqué  plus  haut  les  trois  mérites  qu'il  possède  à  un  degré  supé- 
rieur, ses  qualités  morales  et  patriotiques,  sa  valeur  historique.  Nous  au- 
rions dû  y  ajouter  le  charme  qui  s'attache  à  sa  lecture  :  nous  avons  tous 
eu  à  le  lire  le  plaisir  que  l'auteur  a  eu  en  l'écrivant.  Cet  ouvrage  a  été 
pour  M.  Duruy  comme  le  compagnon  fidèle  de  sa  vie;  le  premier  vo- 
lume en  parut  en  1843  :  Tauteur  a  vécu  quarante  ans  dans  ce  travail, 
et  il  y  a  vécu  avec  joie  :  «  Gibbon  »,  dit-il,  a  termine  son  grand  ouvrage 
par  un  adieu  mélancolique  et  fier  à  Tancien  compagnon  de  sa  vie.  Je 
n'ai  pas  son  légitime  orgueil,  »  —  M.  Duruy  a  le  droit  de  Tavoir,  — 
«  mais  je  n'ai  pas  non  plus  sa  tristesse,  car  je  ne  me  sépare  pas  encore 
de  ce  livre  qui  m'a  été  aussi  un  ami  fidèle  ».  Il  n'est  pas  seulement 
l'ami  fidèle  de  celui  qui  Ta  écrit  :  il  l'a  été,  il  le  sera  de  tous  ceux  qu'il 
a  formés  à  l'amour  de  la  vérité  et  à  l'étude  de  l'histoire  romaine. 


94.  —  Cai'tulaîi-o  de  Mulhouse,  par  X.  Mossmann,  archiviste  de  la  ville  de 
Colmar,  etc.  Strasbourg,  Heitz;  Golmar,  Barth,  T.  1,  xiv,  3  25  p.,  i883;  T.  II. 
VI,  508  p.  1884.  2  vol.  in-4.  Prix  du  volume  :  2  5  fr. 

Des  ouvrages  de  la  nature  de  celui  que  nous  annonçons  en  tête  de 
ces  lignes,  sont  toujours  d'une  exécution  difficile,  quand  ils  sont  l'œu- 
vre d'un  seul  homme,  et  le  seul  succès  qu'ils  puissent  espérer  est  un 
succès  d'estime  auprès  d'un  groupe  restreint  d'érudits  de  profession  ou 
de  quelques  rares  amateurs  éclairés.  Aussi  est-il  du  devoir  de  la  criti- 
que d'accueillir  des  travaux  de  ce  genre  avec  une  attention  sympathi- 
que, de  leur  accorder  tous  les  encouragements  que  mérite  l'abnéga- 
tion personnelle  qu'ils  présupposent,  et  de  ne  pas  trop  s'appesantir  sur 
quelques  lacunes  inévitables,  sur  de  légers  défauts  d'exécution  que  nul 
ne  saurait  se  flatter  d'éviter  dans  une  besogne  pareille. 

La  littérature  historique  relative  à  l'Alsace,  si  riche  en  publications 
diverses,  dont  beaucoup  d'un  sérieux  mérite,  ne  s'est  guère  augmentée 
depuis  cent  ans,  en  fait  de  publications  de  chartes  et  de  documents 
originaux  du  moyen-âge.  Soit  que  l'accès  de  nos  archives  ait  été  long- 
temps trop  difficile,  soit  que  leur  publication  supposât  des  connaissances 
spéciales  faisant  défaut  au  plus  grand  nombre  des  publicistes  amateurs, 
soir  enfin  que  le  développement  politique  et  social  de  la  province  dé- 
tournât de  plus  en  plus  l'intérêt  des  périodes  germaniques  du  passé 
alsacien,  toujours  est-il  que  Schoepflin  et  Grandidier  n'ont  guère  eu 
d'élèves  et  d'imitateurs.  Les  travaux  projetés  dans  ce  domaine,  comme 
celui  de  M,  Hugot  sur  la  Décapole,  n'ont  jamais  vu  le  jour,  et  en  1864, 
au  moment  011  M,  X.  Mossmann  abordait  le  travail  difficile  de  réunir 
les  matériaux  pour  le  Cartulaire  de  Mulhouse,  on  ne  pouvait  guère 
signaler,  depuis  un  siècle,  qu'un  travail  de  M.  Ch.  Schmidt,  V Histoire 
du  chapitre  de  Saint-Thomas,  comme  enrichissant  sérieusement  la 


428  REVUE    CUITIQUE 

diplomatique  alsacienne.  Depuis  cette  date  la  situation  a  quelque  peu  . 
changé.  Des  subventions  officielles  considérables  ont  permis  à  quelques 
savants  allemands  d^aborder  la  publication  de  recueils  importants,  tels 
que  V Urkiindenbuch  de  la  ville  de  Strasbourg,  dont  MM.  Wiegand 
et  Schulte  ont  déjà  mis  au  jour  le  premier  et  le  troisième  volume,  ou 
bien  encore  les  Urkunden  :{iir  Geschîchte  der  Tucher-iind  Weber:{un/i 
de  M.  Schmoller,  dont  nous  avons  autrefois  rendu  compte  dans  la 
Revue.  Le  grand  ouvrage  de  M.  M.  n'en  reste  pas  moins,  par  ses  origi- 
nes, le  premier  en  date  paimi  ceux  destinés  à  renouveler,  dans  une 
certaine  mesure,  la  trame  de  Thistoire  d'Alsace,  grâce  à  l'exploitation 
des  nombreux  documents  conservés  dans  les  archives  de  la  province  et 
dans  celles  du  dehors.  Il  est  le  fruit  d'un  travail  incessant  d'une  ving- 
taine d'années,  qui  a  conduit  le  savant  archiviste  de  Colmar  dans  les 
dépôts  publics  de  la  Suisse,  de  l'Autriche,  à  Paris  et  jusqu'au  Vatican, 
pour  réunir  les  pièces  pouvant  se  rapporter  à  son  sujet.  L'importance 
de  Mulhouse  qui,  de  nos  jours,  se  laisse  qualiiier  volontiers  de  capitale 
morale  de  TAlsace,  est  de  date  relativement  récente;  simple  domaine 
rural  de  l'abbaye  de  Saint-Etienne  à  Strasbourg,  Mulhouse  n'est  devenu 
qu'assez  tard  une  petite  cité,  close  de  murs,  appartenant  aux  évêques 
de  Strasbourg.  Dans  la  seconde  moitié  du  xvi<^  siècle  elle  se  souleva 
contre  Walther  de  Geroldseck,  le  même  prélat  qui  perdit  également 
Strasbourg,  par  suite  de  ses  prétentions  exagérées,  et,  pour  se  soustraire 
à  sa  vengeance,  elle  se  donna  au  landgrave  Rodolphe  de  Habsbourg. 
Sous  Adolphe  de  Nassau,  elle  conquit  dérînitivement  la  situation  de 
ville  libre  impériale,  mais  ce  qui  sépara  bientôt  son  sort  de  celui  des 
autres  villes  alsaciennes  et  lui  donna  une  physionomie  propre  dans 
l'histoire  de  la  province,  c'est  son  alliance  avec  les  Treize  Cantons 
helvétiques,  qui  lui  permit  d'échapper  à  la  main-mise  de  la  France  sur 
l'Alsace  et  les  autres  villes  libres,  en  1648  et  plus  tard.  Grandissant  en 
importance  par  son  commerce  et  surtout  par  son  industrie,  elle  ne  fut 
réunie  au  département  du  Haut-Rhin,  dont  elle  était  une  enclave, 
qu'en  1798.  On  comprend,  d'après  ce  résumé  de  son  histoire,  que  les 
premiers  siècles  de  son  existence  ne  puissent  présenter  qu'un  intérêt 
relatif  au  point  de  vue  de  l'histoire  générale  et  même  de  l'histoire  pro- 
vinciale. Mais  il  est  plus  facile,  d'autre  part,  d'assister  à  la  formation 
de  la  cité,  d'en  étudier  l'organisme  rudimentaire,  d'en  observer  les 
premiers  pas  dans  la  carrière  politique  et,  à  ce  point  de  vue,  l'étude  des 
pièces  du  premier  volume,  qui  va  jusqu'au  xve  siècle,  offrira  pour  le 
moins  autant  d'intérêt  au  jurisconsulte  ou  bien  à  l'historien  que  le 
second,  qui  embrasse  les  documents  recueillis  par  M.  M.  pour  les  an- 
nées 142  I  à  1466  '.  Ce  tome  premier,  qui  débute  par  un  diplôme  de 

I.  Nous  signalons  surtout  les  pièces  si  curieuses,  relatives  aux  Armagnacs,  p.  12G- 
200,  celles  qui  se  rapportent  à  un  procès  vehmique  ([454-1465)  soutenu  par  Mul- 
house, celles  enfin  qui  concernent  le  meunier  Hermann  Klee,  et  la  Guerre  des  six 
deniers  (1466). 


d'HISTOïRE    et    de    LITTERATURE  429 

Louis-le-Débonnaire,  reconnaissant  à  Pabbaye  de  Masevaux  des  pro- 
priétés sises  à  «  Mulleniîusen  »  (823),  connprend  cinq  cents  pièces  et  le 
second  un  chiffre  un  peu  plus  considérable.  Ce  millier  de  pièces  est  re- 
produit d'après  des  copies  prises  soigneusement  sur  les  originaux, 
excepté  quand  ceux-ci  n'ont  pu  être  retrouvés  ou  bien  quand  les  pièces 
figurent  déjà  dans  un  recueil  moderne  où  elles  ont  été  éditées  conformé- 
ment aux  exigences  de  la  diplomatique  et  de  la  paléographie  moderne; 
dans  ce  cas  M.  M.  s'est  contenté  d'en  donner  une  analyse  suffisamment 
explicite,  en  renvoyant  pour  le  texte  même  au  recueil  en  question.  Les 
pièces  sont  publiées  dans  la  langue  originale,  soit  en  latin,  soit,  pour 
les  siècles  postérieurs,  en  allemand,  mais  l'éditeur  a  eu  soin  de  placer 
en  vedette  de  chaque  pièce  un  sommaire  détaillé  de  son  contenu,  rédigé 
en  langue  française,  afin  de  permettre  aux  érudits  ignorant  l'allemand, 
et  même  aux  Mulhousois  étrangers  à  l'une  et  l'autre  de  ces  langues,  de 
s'orienter  pourtant  dans  son  Cartulaire.  Il  a  joint  à  ces  pièces  d'archi- 
ves les  extraits  des  chroniques  du  moyen  âge  qui  s'occupent  en  passant 
de  Mulhouse,  en  les  classant  à  leur  place  chronologique.  Nous  regret- 
tons seulement  qu'il  n'ait  pas  admis  pour  cette  catégorie  de  témoins  la 
même  règle  que  pour  les  documents  eux-mêmes,  et  qu'il  nous  les  donne 
dans  une  traduction  française  au  lieu  de  leur  laisser  leur  forme  latine 
ou  allemande,  puisque  les  travailleurs  ne  seront  pas  dispensés  de  la 
sorte  d'aller  chercher  autre  part  le  texte  original. 

La  série  des  actes  relatifs,  d'une  façon  ou  d'une  autre,  à  l'histoire  de 
Mulhouse  n'a  pu  être  naturellement  réunie  d'une  manière  absolument 
complète,  malgré  les  longues  et  persévérantes  recherches  de  M,  Moss- 
mann.  Du  moment  qu'on  prend  —  ainsi  qu'il  l'a  fait,  et  avec  raison  — 
le  titre  de  Cartulaire  de  Mulhouse  dans  son  sens  le  plus  étendu  et  qu'on 
y  tient  compte,  par  exemple,  des  diplômes  signés  pendant  un  séjour 
princier  dans  cette  ville,  ou  bien  encore  de  toutes  les  pièces  concernant 
l'histoire  de  la  Décapole,  quand  elles  s'adressent  â  la  généralité  des  dix 
villes  libres  d'Alsace,  il  était  inévitable  qu'il  restât  des  lacunes  dans  un 
premier  travail  sur  la  matière.  L'on  ne  peut  s'étonner  que  d'une  chose, 
c'est  que  les  critiques  d'outre-Rhin  qui  ont  épluché  si  strictement  le 
recueil  de  M.  M.  à  ce  point  de  vue,  n'aient  pas  trouvé  de  pièces  plus 
nombreuses  à  signaler  comme  devant  figurer  au  cartulaire.  M.  M.  lui- 
même  a  déjà  donné  un  petit  supplément  au  premier  volume  dans  son 
tome  deuxième  et  le  même  fait  se  reproduira  forcément  pour  les  volu- 
mes suivants.  Jamais  un  cartulaire,  jamais  des  régestes  d'un  souverain 
quelconque,  bien  qu'ils  fussent  entrepris  par  les  plus  marquants  des 
spécialistes  en  ce  genre,  les  Boehmer,  les  Jaffé,  les  Potthast,  n'ont  été 
complets  du  coup;  il  ne  faudrait  pas  l'oublier  en  reprochant  si  aigre- 
ment une  pièce  oubliée  dans  un  recueil  peu  accessible  ou  dans  des  ar- 
chives peut-être  mal  classées. 

Aussi  les  observations  que  nous  aurions  à  présenter  au  savant  archi- 
viste de  Colmar,  portent-elles  sur  quelques  autres  points  de  son  travail. 


43o  RKVUE    CRIÏIQUK 

La  publication  s'en  est  faite  dans  des  conditions  matérielles  très  favora- 
bles, subventionnée  qu'elle  était  par  M.  F.  Engel-Dollfus,  le  grand 
industriel  de  Dornach,  qui,  de  son  vivant,  n'a  cessé  de  s'intéresser  à 
tout  ce  qui  se  faisait  dans  le  domaine  intellectuel,  en  Alsace.  Une  ou 
deux  feuilles  d'impression  de  plus  ou  de  moins  n'auraient  donc  pas 
dérangé  l'équilibre  du  budget  de  notre  Cartulaire,  et  nous  aurions 
voulu  que  M.  M.  les  employât  à  annoter  un  peu  plus  largement  les 
documents  publiés  par  ses  soins.  Le  Cartulaire  de  Mulhouse,  comme 
VUrkundenbuch  de  Strasbourg,  abandonne  un  peu  trop  souvent  le  tra- 
vailleur à  ses  propres  forces,  en  présence  de  certaines  indications  vagues 
de  faits,  de  certaines  mentions  de  personnages  obscurs  ou  à  peu  près 
inconnus.  Qui  pourrait  mieux  les  élucider,  les  éclaircir  d'une  note  suc- 
cinte  que  l'éditeur  du  recueil  lui-même,  qui  s'en  est  assimilé  par  une 
longue  et  patiente  collation,  tous  les  éléments  essentiels?  Au  besoin  l'on 
aurait  pu  rogner  d'autant  les  en-têtes,  si  détaillés  parfois,  des  pièces 
reproduites  et  gagner  ainsi  la  place  nécessaire  '. 

Une  seconde  observation  s'adresse  à  Vindex  du  Cartulaire.  Chacun 
sait  que  ce  répertoire  des  noms  et  des  choses  consignés  dans  le  corps  du 
volume  est,  dans  l'usage  journalier,  la  partie  la  plus  importante  de 
l'ouvrage.  Personne,  à  moins  de  vouloir  écrire  une  histoire  détaillée  de 
telle  localité,  n'en  étudie  le  cartulaire,  pièce  par  pièce  et  la  plume  à  la 
main  ;  mais  on  feuillette  la  table  des  matières  pour  y  retrouver  un  nom 
de  localité  ou  de  personne  sur  lequel  on  désirerait  trouver  des  rensei- 
gnements et  sans  perte  de  temps  trop  considérable.  La  table  est-elle 
mal  faite,  incomplète,  le  renseignement  qu'on  désire  se  trouverait  mille 
fois  dans  le  volume,  qu'il  faudrait  renoncer  à  l'y  découvrir,  à  moins 
d'efforts  disproportionnés  avec  l'objet  de  nos  recherches.  Tel  n'est  pas 
assurément  le  cas  du  Cartulaire  de  Mulhouse  ;  nous  avons  trop  sou- 
vent vu  M.  M.  à  l'œuvre  pour  ne  pas  savoir  quels  soins  il  a  consacrés 
à  l'établissement  de  son  index;  mais  on  a  pu  néanmoins  lui  faire  cer- 
taines objections  qui  ne  sont  pas  dénuées  de  fondement.  La  première 
est  discutable,  bien  qu'elle  ait  été  principalement  accentuée  par  certains 
critiques  allemands.  M.  M.  a  rédigé  son  cartulaire  en  français;  comme 
conséquence  naturelle,  il  a  classé  les  noms  de  localités  et  de  personnes 
sous  leur  forme  française.  D'autre  part  le  passé  de  Mulhouse  apparte- 
nant à  l'histoire  de  l'Empire  et  à  la  fédération  helvétique,  son  Cartu- 
laire sera  évidemment  consulté  de  préférence  par  des  érudits  de  langue 
allemande  et  ceux-ci  n'étant  pas  tenus  de  connaître  la  forme  francisée 
des  noms  alsaciens,  auront  quelque  peine  à  se  retrouver  dans  un  index 
qui  est  classé  d'après  ces  formes-là.  Pour  trouver  une  pièce  relative  à 
Sennheim,  il  faut  chercher  à  Cernay  ;  pour  vérifier  une  donnée  sur 
Oberehnheim,  c'est  Obernai,  pour  Leiningen  c'est  Linange^  pour  Lu- 
ders  c'est  Lure  qu'il  faut  chercher  et  ainsi  de  suite.  Il  y  aurait  eu  un 

I.  Ces  en-têtes  ne  remplacent  nullement  les  notes  que  nous  réclamons,  parce 
qu'ils  résument  seulement  les  pièces,  ils  ne  les  expliquent  pas. 


d'histoire  et  de  littérature  43  i 

moyen  très  simple  d'éviter  ces  réclamations  intéressées  en  mettant  à 
leur  place  alphabétique  les  formes  allemandes  et  en  renvoyant  simple- 
ment pour  le  fond  à  la  forme  française,  à  la  place  assignée  par  l'éditeur 
Ce  qui  nous  paraît  plus  fâcheux,  c'est  que  M.  M.,  ayant  une  fois  admis 
ce  système,  parfaitement  justifiable  en  somme,  à  son  point  de  vue,  n'ait 
pas  tenu  strictement  à  le  suivre  partout.  C'est  ainsi  qu'au  n°  3  (i,  2) 
nous  trouvons  un  comte  de  Tinvingen  (au  lieu  du  comte  palatin  de 
Tubmgue)Q\.  qu'au  n» 468(1,  p.  454)  nous  voyons  figurer  dans  l'analyse 
sommaire  un  Jean  de  Linange,  comte  de  Rixingen\  si  Ton  emploie  la 
forme  française  Linange^  il  faut  aussi  employer  la  forme  française 
Réchicourt.  Du  moment  que  l'on  dit  Rixingen,  il  n'y  a  aucune  raison 
pour  ne  pas  dire  Leiningen.  De  même  Liit^elstein  et  La  Petite-Pierre^ 
etc.  Il  en  est  de  même  pour  l'orthographe  de  certains  noms  propres. 
M.  M.  introduit  généralement  ces  noms  sous  une  forme  légèrement 
francisée;  il  écrit  Giiéroldseck,  Guebhart,  Goesguen.  Je  n'y  contredis 
pas,  bien  que  je  n'en  voie  pas  l'utilité  majeure  et  qu'il  vaudrait  mieux, 
à  mon  avis,  conserver  l'orthographe  véritable,  Geroldseck,  Gebhart, 
etc.;  mais  je  ne  comprend  pas  bien  en  ce  cas  pourquoi  il  écrit  Baldwin 
au  lieu  de  Baudoin  de  Trêves.  Dans  les  sommaires  français,  placés  en 
tête  de  chaque  pièce,  les  noms  ne  sont  souvent  pas  modiiiés  et  cepen- 
dant ils  le  sont  dans  l'index  qui  renvoie  à  la  pièce;  ainsi  au  n"  337  (I, 
325)  Halle  pour  Hall  en  Sonate,  au  n"  348  (I,  33 1)  Geilnhaiisen  pour 
Gelnhausen;  au  n»  SyS  (I,  36i)  Gorlit:{  pour  Goiilit:^;  au  n°  38i  (I, 
368)  Eckerich  pour  Echery;  au  n"  495  (I,  409)  Cliim  pour  Chlum,  et 
ainsi  de  suite.  C'est  une  nouvelle  source  de  confusions  et  de  mécomptes 
pour  un  travailleur  impatient  ou  mal  orienté.  Les  mêmes  faits  se  répè- 
tent, bien  que  moins  souvent,  dans  l'index  du  second  volume;  ainsi 
p.  55  I  nous  trouvons  la  ville  de  Boppart  à  la  lettre  B  et  p.  565  le  re- 
présentant de  la  vieille  famille  des  Beger  de  Boppart  sous  la  forme  de 
Poppard  à  la  lettre  P;  nous  lisons  W.  de  Grumbach  et  W.  de  Griim- 
pach,  etc.  Ces  petites  contradictions  ne  sont  pas  toujours  faciles  à  éviter, 
nous  le  savons,  mais  elles  peuvent  disparaître  devant  une  révision  plus 
soutenue  des  épreuves,  et  la  vive  satisfaction  que  nous  avons  ressentie  à 
voir  M.  Mossm.ann  produire  enfin  son  grand  travail,  le  fruit  de  tant  de 
veilles,  devant  le  public,  nous  fait  désirer  que  les  prochains  volumes 
soient  absolument  inattaquables  sur  ces  points  de  détail  techniques. 
Les  sincères  éloges  qu'il  mérite  pour  avoir  osé  aborder  et  mener  si  loin 
déjà  le  plus  grand  travail  diplomatique  entrepris  par  un  enfant  de  l'Al- 
sace, depuis  la  mort  de  Schoepflin,  ne  sont  nullement  diminués  par  les 
quelques  observations  critiques  que  nous  avons  cru  devoir  soumettre  à 
l'éditeur  du  Cartulaire  de  Mulhouse.  11  a  eu  la  douleur  de  voir  mourir 
à  ses  côtés,  à  un  an  de  distance,  M.  Engel  Dollfus,  le  grand  industriel 
et  M.  Auguste  Stoeber,  le  savant  mulhousois  qui  avaient  été  les  deux 
parrains  de  cette  entreprise  si  méritoire  et  si  diflficile.  Nous  espérons 
qu'il  aura  du  moins  la  satisfaction  de  mener  à  bon  terme  et  de  pouvoir 


432  REVUE   CRITIQUE 

mettre  bientôt  la  dernière  main  à  ce  travail  qui  Toccupe  et  le  préoccupe 
depuis  un  quart  de  siècle  et  qui  lui  conservera  Tune  des  meilleures  pla- 
ces parmi  les  historiens  de  l'Alsace  moderne  '. 

R. 


q5.  —    A.    CoMMUNAY.    Le  conote    «îe    Xoulouse    et    la    bataille   de  Velez- 

]IXaI»ga.  Documents  inédits.  Angers,  i885,  brochure  grand  in-8  de  40  p. 
Extrait  des  Annales  de  la  Faculté  des  lettres  de  Bordeaux.  Tiré  à  bo  exem- 
plaires. 

Le  recueil  de  M.  Communay  s'ouvre  par  un  net  et  rapide  récit  de  la 
bataille  navale  de  Velez-Malaga(24  avril  1704),  si  glorieuse  pour  la  flotte 
française  devant  laquelle  la  flotte  anglo-hollandaise  dut,  à  la  fin  de  la 
plus  sanglante  journée,  se  retirer  à  demi-détruite.  A  la  suite  de  ce  récit, 
que  complète  un  exposé  des  événements  antérieurs  et  postérieurs,  nous 
trouvons  treize  lettres  (8  juillet  1704-12  janvier  1705)  du  vainqueur  de 
Velez-Malaga,  Je  comte  de  Toulouse,  grand  amiral  de  France,  à  l'am- 
bassadeur français  accrédité  auprès  de  la  cour  d'Espagne,  le  duc  Antoine 
Charles  de  Gramont,  fils  du  maréchal  dont  il  rédigea  les  Mémoires.  A 
ces  lettres  sont  mêlées  huit  lettres  de  Gramont  à  Louis  XIV,  une  du 
même  au  duc  du  Maine,  frère  du  comte  de  Toulouse,  et  une  autre  au 
prince  de  Vaudemont,  écrite  de  Madrid  par  Tambassadeur  le  20  mai 
1705.  Tous  ces  documents  sont  intéressants  et  méritent  l'éloge  que  leur 
donne  ainsi  (p.  9)  l'excellent  éditeur  -  :  a  Extraits  des  archives  particuliè- 
res de  M.  le  comte  de  Gramont  d'Aster,  arrière  petit-fils  du  plénipo- 
tentiaire de  ce  nom,  ces  documents,  où  régnent  les  plus  nobles  et  les 
plus  patriotiques  sentiments,  mettent  en  lumière  de  nombreux  détails 
inédits.  Ils  viennent  ainsi  compléter  les  relations  que  déjà  l'on  possède 
sur  cette  dernière  grande  journée  de  la  marine  de  Louis  XI'V  \  » 

1.  Voici  encore  quelques  additions  aux  errata  du  premier  et  du  second  volume. 
I,  p.  14,  lire  iSjo  au  lieu  de  i83o.  —  P.  94.  Il  faut  sans  doute  lire  Jancra^heim 
(Dankrotzheim)  Y>our  Jantra:[Jieim.  —  P.  210  1.  Rense  pour  Rensée.  —  P.  5ii  1. 
Neustadt  pour  Neuenstadi.  —  P.  5o2.  Le  Henri  de  Duba  et  le  Henri  von  der  Du- 
ben  qui  se  suivent  dans  l'index  (p.  5o2)  sont  certainement  le  même  personnage, 
chancelier  de  Wenceslas.  —  II,  p.  61,  «  le  noble  Obrecht  Harst  «.  Obrecht  est  sim- 
plement la  forme  vieillie  à'' Albert.  —  P.  473  lire  Egerden  pour  Egreden.  —  Le  René 
Gattiat  du  n"  719  (II,  229)  et  le  René  Gatéats  du  n»  843  (II,  347),  sont  sans  doute 
identiques.  —  P.  d3o  Walther  Pinguis  ne  serait-il  pas  la  forme  latinisée  du  nom 
nobiliaire  Walther  von  Pfetten?  L'index  renvoie  d'ailleurs  pour  ce  nom  à  la  pièce 
m  bis,  faute  d'impression  pour  ii3  bis.  —  P.  428  1.  Heint^  pour  Heit^. 

2.  Le  mot  excellent  est  deux  fois  justifié,  d'abord  par  la  très  fidèle  reproduction 
des  textes,  ensuite  par  la  minutieuse  exactitude  des   notes. 

3.  M.  C.  nous  apprend  (p.  g,  note  i)  que  les  lettres  du  comte  de  Toulouse  sont 
originales  et  que  celles  du  duc  de  Gramont  ont  été  transcrites  sur  un  volume  ainsi 
coté  :  Registre  des  minutes  de  la  correspondance  adressée  par  le  duc  de  Gramont, 
ambassadeur  en  Espagne,  au  roy  de  France.  Ledit  registre  commençant  le  26  mai 
1704,  à  Tolo:{ette  et  finissant  le  28  mai  jyo5,  à  Madrid. 


1>'hIST0!ÎIE    et    DR   LITTERATURE  433 

Divers  personnages  célèbres  sont  mentionnés  ilans  la  correspondance 
du  comte  de  Toulouse  et  du  duc  de  Gramont.  Je  nommerai,  entre  au- 
tres, Je  ministre  de  la  marine,  Pontchartrain,  ennemi  personnel  du 
grand  amiral  de  France,  qui  lui  reproche  (p.  lo)  «  les  sots  et  imperti- 
nents discours  qui  ont  couru  »  contre  sa  navigation;  le  lieutenant  géné- 
ral des  armées  navales,  Jean  Ducasse,  intrépide  gascon  qui  prit  une 
brillante  part  au  combat  de  Velez-Malaga  et  sur  lequel  M.  de  Boislisle 
a  donné  d'amples  renseignements  dans  le  tome  IV  de  son  édition  des 
Mémoires  de  Saint-Simon,  le  roi  d'Espagne,  qui  nous  apparaît  (p.  i  5) 
bien  inférieur  à  son  rôle,  le  marquis  de  Rivas,  le  lieutenant  général 
comte  Ferdinand  de  Relingue  (d'origine  allemande),  un  des  héros  et 
une  des  victimes  de  la  bataille  de  Velez-Malaga,  également  loué  et 
pleuré  par  le  comte  de  Toulouse  (pp.  22-2  5)  et  par  le  duc  de  Gramont 
(p.  26),  l'académicien  J.  B.  H.  du  Trousser  de  Valincourt,  alors  page 
du  comte  de  Toulouse  auprès  duquel  il  fut  blessé,  le  duc  de  Berwick, 
le  lieutenant  général  Bernard  Renau  d'Elissagaray  que  le  duc  de  Gra- 
mont avec  tous  ses  contemporains  appelle  (p.  27)  le  «  petit  Renau  »  ', 
le  baron  de  Pointis,  chef  d'escadre,  qui  s'est  immortalisé  à  Carthagène,  le 
maréchal  de  Oeuvres  (Victor  Marie  d'Estrées),  M"'°  des  Ursins  dont  le 
comte  de  Toulouse  décrit  ainsi  (p.  36)  l'arrivée  à  Versailles  (lettre  du 
12  janvier  lyoo)  :  «  Madame  la  princesse  des  Ursins  arriva  icy  avant 
hier  au  soir  :  elle  eut  le  lendemain  une  audience  du  roy  de  deux  heu- 
res. Elle  alla  ensuite  au  soupper,  où  il  y  avait  autant  de  monde  pour 
la  voir  que  si  c'eust  esté  le  Grand  Turc  en  personne.  » 

Il  y  aurait  à  noter  beaucoup  de  passages  curieux.  Je  me  contenterai 
de  reproduire  quelques  lignes  du  fils  de  M'"*^  de  Montespan,  qui  mon- 
trent à  la  fois  sa  résolution,  comme  amiral,  et  sa  gracieuseté,  comme 
ami  (p.  9)  :  «  Je  ne  say  pas  des  nouvelles  bien  sûres  de  l'armée  des  en- 
nemys,  mais  quand  je  seray  une  fois  sorti  d'icy  [de  la  rade  de  Toulon], 
j'en  iray  apprendre  moy-méme,  parce  que  je  suis  résolu  de  les  attaquer 
quelque  part  que  je  les  trouve.  Voyla,  Monsieur,  toutes  les  nouvelles 
que  je  puis  vous  mander,  car  ce  n'en  doit  pas  estre  une  que  de  vous 
dire  que  je  suis  entièrement  et  sincèrement  à  vous".  »  J'emprunte  deux 
passages  remarquables  à  la  correspondance  du  duc  de  Gramont  avec 
Louis  XIV,  un  sur  la  prise  de  Gibraltar  (p.  16)  ;  l'autre  sur  la  mort  du 
bailli  de  Lorraine,  fils  du  grand  écuyer  de  France,  le  comte  d'Armagnac 
(p.  2  3)  :  «  C'est  avec  le  poignard  dans  le  cœur,  Sire,  et  pénétré  de  dou- 


1.  M.  C.  (p.  26,  note  i)  a  eu  tort  —  c'est  la  seule  faute  que  je  puisse  lui  reprocher 
—  de  faire  mourir  l'illustre  marin  «  à  Paris  ».  On  lit  dans  le  Dictionnaire  critique 
de  Jal  :  a  Le  Mercure  dit  que  Renau  mourut  à  Fougues;  il  a  raison.  J'ai  fait  venir 
de  Fougues  l'extrait  de  son  acte  mortuaire,  qui  m'a  fait  connaître  que  Bernard  Re- 
nau décéda,  le  3o  septembre  1719,  âgé  de  G8  ans,  dans  la  petite  ville  où  il  était 
allé  pour  se  traiter.   » 

2.  Le  comte  de  Toulouse  appelle  familièremeat  son  correspondant /i:z)î/jn  (pp.   r:; 

l4,  -22). 


4^4  REVU  F.    CRITIQUE 

leur  que  Je  me  trouve  forcé  à  vous  dépêcher  ce  courrier  pour  vous  ap- 
prendre la  triste  nouvelle  de  la  prise  de  Gilbraltar  par  les  ennemis,  qui 
n'a  durée  que  deux  fois  vingt-quatre  heures.  Tout  ce  que  j'ay  eu  Thon- 
neur  de  dire  au  roy  d'Espagne  à  ce  sujet,  il  y  a  trois  semaines,  ne  s'est 
trouvé  que  trop  véritable^;  sur  quoy  Ton  a  "jamais  voulu  donner  la 
moindre  attention.  Ma  gourmette  vient  enfin  de  se  rompre  avec  le  roy 
et  la  reine  d'Espagne,  Sire,  et  je  viens  de  leur  parler  comme  un  homme 
de  bien  et  revestu  du  caractère  de  vostre  ambassadeur,  devoit  faire. 
C'est  maintenant  à  eux  à  en  faire  leur  profit.  Nous  perdons  Gibraltar, 
Sire,  parce  qu'on  a  eu  l'infamie  de  ne  laisser  que  cinquante  hommes 
dedans,  pas  un  canon  en  estât  de  tirer  et  presque  point  de  munitions  de 
guerre...  » 

«  Vous  avez  fait,  Sire,  une  grande  perte  que  celle  de  M.  le  bailly  de 
Lorraine;  c'estoit  un  homme  d'un  mérite  fort  distingué  dans  la  ma- 
rine. Je  croy  devoir  ne  vous  pas  taire  l'action  qu'il  a  fait  en  mourant. 
Ayant  receu  un  coup  de  canon  qui  luy  emportoit  la  moitié  du  ventre 
et  ses  boyaux  tombant  à  terre,  il  les  a  ramassez  luy  même  et  se  les  est 
remis  dans  le  ventre,  et  voyant  ses  officiers  qui  estoient  autour  de 
luy  et  ses  matelots  étonnés,  leur  a  dit  que  ce  n'estoit  rien  que  ce  qu'il 
avoit,  qu'on  eut  seulement  à  faire  la  même  manœuvre  et  à  augmenter  le 
feu;  puis  est  mort  deux  heures  après  sur  son  pont.  Voilà  qui  s'appelle 
de  la  fermeté,  sire,  et  de  la  grandeur  d'âme.   ». 

Une  dernière  citation,  tirée  celle-là  de  la  savante  introduction  de 
M.  Communay  et  où  me  semble  parfaitement  rectifiée  (p.  7)  une  grave 
erreur  de  Saint-Simon  sur  la  bataille  de  Velez-Malaga  :  «  Saint-Simon 
tout  en  rendant  justice  aux  talents  et  à  la  bravoure  du  comte  de  Tou- 
louse, écrit  que,  le  lendemain  de  cette  journée,  la  flotte  française  rejoi- 
gnit les  ennemis  et  qu'aussitôt,  officiers  et  soldats  s'apprêtèrent  à  un 
combat;    mais    que   le    marquis    d'O,    sorte    de   mentor   imposé   par 

I.  Le  9  avril  1704,  le  duc  de  Gramont  avait  écrit  ceci  à  Louis  XiV  (p.  i5)  : 
«  J'allai  sur  le  champ  trouver  le  roy  pour  luy  faire  voir  l'importance  dont  il  estoit, 
la  flotte  ennemie  estant  à  la  veue  de  Malaga,  de  songer  prestamment  à  mettre  dans 
Gibraltar  ce  qu'il  convenoit,  et  d'en  donner  les  ordres  à  M.  Canales  [le  marquis  de 
Canales,  ministre  de  la  guerre  et  des  affaires  étrangères],  parce  que  sans  cela  il  arri- 
veroit  indubitablement  un  accident.  Mais  il  est  bon  que  vous  scachiez  au  moins, 
Sire,  que  quand  on  parle  au  roy  d'Espagne,  i!  ne  répond  rien  du  tout,  et  que 
lorsqu'on  s'adresse  à  la  Reine,  elle  dit  qu'elle  ne  se  mesle  pas  d'affaires.  Voilà 
l'Évangile,  Sire,  et  vostre  Majesté  scait  mieux  que  personne  que  les  affaires  d'une 
monarchie  comme  celle-cy  ne  se  meuvent  pas  de  la  sorte,  et  qu'il  faut  que  tout  y 
soit  renversé  dans  peu  de  temps,  si  l'on  ne  change  de  système.  »  Le  14  avril,  Gra- 
mont reparlait  ainsi  à  Louis  XIV  de  Vaccideiit  qu'il  avait  prédit  :  «  Vous  ne  sauriez. 
Sire,  vous  représenter  qu'elle  a  esté  la  fureur  du  peuple  sur  la  perte  de  Gibraltar  ;  il 
faillit  à  lapider  Canales  dans  son  carrosse,  le  jour  qu'on  y  apprit  icy  la  nouvelle,  et  si 
le  sieur  Orry  [surintendant  général]  n'eust  déguerpi  sans  trompette,  je  ne  scay  ce  qui 
ne  lui  fut  pas  arrivé.  Aussi  est-ce  une  chose  criante  devant  Dieu  et  devant  les  hom- 
mes que  de  laisser  prendre  une  place  de  l'importance  de  Gibraltar,  par  une  négli- 
gence qui  ne  peut  estre  excusée  et  que  la  plupart  des  gens  de  ce  pays  cy  taxent  de 
trahison.  » 


d'histoikk  et  dk  littérature  435 

Louis  XIV  à  son  fils,  s'opposa  formellement  aune  seconde  bataille ', 
Les  différentes  Relations  publiées  sur  cette  journée  ne  font  mention  de 
rien  de  semblable  :  la  correspondance  du  comte  de  Toulouse  et  du  duc 
deGramont  est  muette  à  ce  sujet.  Du  reste  les  deux  flottes  avaient  reçu 
de  trop  fortes  avaries  pour  oser  se  risquer  dans  une  seconde  affaire,  et  si 
d'une  part  les  Français  manquaient  de  vivres,  de  son  côté  l'escadre 
ennemie  était  presque  dépourvue  de  munitions  de  guerre.  .'> 

T.  DE  L. 


96.  —  ILes  Suions  boi'delaîs  ou  Kxpositîons  des  beaux.-ai'ts  à  Bor- 
deaux au  :svill'  siècle  (B  "3  TS -l 'î^'?),  avec  des  notes  biographiques  sur 
les  artistes  qui  figurèrent  à  ces  expositions,  par  Charles  Marionneau,  corres- 
pondant de  l'Institut  (Académie  des  beaux-arts).  I^ordeaux,  veuve  IVloquet,  1884, 
in-8,  xni-2ii  p.  (Extrait,  tiré  à  i25  ex.,  du  Tome  III  des  Mélanges  de  la  Société 
des  bibliophiles  de  Guyenne). 

En  1 882,  un  groupe  d'amateurs  lillois,  auquel  s'étaient  joints  quelques 
curieux  parisiens,  a  fait  réimprimer  à  trois  cents  exemplaires  la  collec- 
tion des  livrets  des  salons  qui  avaient  eu  lieu  à  Lille  de  1773  à  1788. 
Encouragé  par  cet  exemple,  M.  Ch.  Marionneau,  l'auteur  d'un  grand 
travail  surF/c^orLoi/z'^et  de  diverses  publications  spéciales  très  estimées, 
s'est  imposé  la  tâche  de  rassembler  et  de  remettre  au  jour  les  catalogues 
des  salons  ouverts  périodiquement  par  l'ancienne  Académie  de  peinture 
de  Bordeaux.  Bordeaux  a  eu,  en  effet,  une  Académie  qui,  constituée  dès 
1768,  ne  fut  officiellement  reconnue  que  douze  ans  plus  tard,  par  lettres 
patentes  délivrées  le  19  novembre  1779  et  enregistrées  par  le  parlement 
de  Guyenne  le  25  février  1780.  L'article  11  des  statuts  portait  qu''une 
exposition  aurait  lieu  tous  les  deux  ans;  en  réalité  il  n'en  fut  rien,  car 
depuis  la  promulgation  de  ces  règlements  jusqu'à  la  Révolution,  l'Aca- 
démie ne  rouvrit  ses  portes  qu'en  17S2  et  en  1787.  Antérieurement,  il 
est  vrai,  elle  avait  témoigné  une  activité  plus  grande,  puisque  on  a 
retrouvé  la  mention  ou  le  livret  des  salons  de  1771,  1772,  1774,  1776; 
mais  telle  a  été  l'indifférence  de  ses  contemporains  et  de  leurs  descen- 
dants immédiats  qu'après  les  plus  actives  recherches,  M.  M.  n'a  pu 
remettre  la  main  sur  les  livrets  de  1772  et  de  1776  et  que  celui  de  1782 
est  représenté  par  un  exemplaire,  considéré  jusqu'ici  comme  unique, 
dans  la  collection  de  M.  Jules  Delpit.  Ceux  de  1771,  1774  et  1787 
existent,  soit  dans  la  même  collection,  soit  à  la  Bibliothèque  de  la  ville. 
M.  M.  a  dû  se  contenter  de  reproduire  l'analyse  détaillée  quel'^/ma- 


I.  Ce  n'est  pas,  ajoute  M.  C.   en  note,  la  seule  erreur  que  l'on  relève  dans  le  récit 
de  Saint-Simon.  Il  dit  en  effet  nue  la  bataille  tut   livrée  le  24  scpt:)nbre  (au  lieii  du 

24  avril),  et  que   les  deux  flottes  étaient  pour  le  nombre    de  vaisseaux  à  peu  près 
é  Liâtes. 


436  Rxvuf  i.KiiiQaE 

nach  des  articles  de  1777  a  donnée  du  salon  de  177G  ■  ;  quant  à  celui 
de   1772,  il  est  simplement  annoncé  par  les  Affiches  locales. 

M.  M.  n'a  pas  borné  sa  tâche,  comme  ses  prédécesseurs  lillois,  à  des 
soins  typographiques  qui  font  honneur  aux  presses  de  M.  Gounouil- 
hou;  il  s'est  attaché  adonner  sur  chacun  des  membres  de  FAcadémie 
une  notice  biographique  et  cette  partie  de  son  travail  occupe  près  de 
quatre-vingts  pages.  Sans  doute  aucun  des  hommes  qu'il  s'est  efforcé  de 
faire  revivre  n'a  une  notoriété  bien  haute,  mais  ces  renseignements  si 
patiemment  recueillis  n'en  sont  que  plus  précieux,  car  Thistoire  de  l'art 
ne  doit  point  avoir  les  dédains  légendaires  du  préteur  et  rien  de  ce  qui 
concerne  son  passé  ne  saurait  lui  être  étranger.  Comme  elle  ne  fran- 
chissait pas  les  limites  de  leur  province,  ou  souvent  même  de  leur  ville 
natale,  la  renommée  des  artistes  de  l'ancienne  France  n'a  presque  jamais 
égalé  leur  valeur,  et  le  solide  enseignement  qui  les  avait  formés  attes- 
tait, dit  avec  raison  M.  M.,  une  autonomie  qui  a  complètement  disparu. 
«  Les  salons  de  Paris,  ajoute-t-il,  ont  absorbé  les  expositions  de  pro- 
vince. Il  s'est  bien  créé  des  Sociétés  des  Amis  des  arts  qui  organisent 
des  salons  de  peinture  pour  la  vente  et  le  placement  des  tableaux,  mais 
qui  est-ce  qui  fait  l'importance  numérique  de  ces  exhibitions?  le  trop 
plein  des  expositions  parisiennes,  les  toiles  parfois  invendues  ou  refu- 
sées des  salons  de  Paris...  Où  sont,  dit-il  plus  bas,  nos  peintres  d'his- 
toire comme  Pierre  Lacour  et  Jean-Paul  Alaux,  nos  peintres  de  genre 
et  de  portraits,  comme  Pierre  Brun,  Gué,  de  Galard  et  Colin,  nos  gra- 
veurs, comme  les  Pallière,  Barincou,  Lacour  hls? \  » 

«  La  province  est  morte,  le  moment  est  bon  pour  écrire  son  histoire,  » 
disait  en  1847,  ^^  début  de  ses  Recherches  sur  les  peintres  provin- 
ciaux, M.  Ph.  de  Chennevières,  à  qui  revient  l'honneur  d'avoir  inau- 
guré ce  genre  d'études  jusqu'alors  si  complètement  dédaignées.  Quel- 
que soit  le  nombre  des  monographies  de  toute  nature  qui  ont  vu  le  jour 
depuis  trente  ans,  il  faut  reconnaître  que  l'histoire  des  beaux-arts  n'est 

1.  Depuis  que  ce  compte-rendu  a  été  écrit,  on  a  retrouvé  un  exemplaire  du  livret 
de  1776;  il  serait  bien  à  souhaiter  que  M.  M.  le  réimprimât  en  appendice. 

2.  Tous  ces  noms,  sauf  celui  de  Pierre  Lacour,  appartiennent  au  xix<!  siècle,  mais 
je  crois  bon  de  signaler  dans  celte  note  les  artistes  dont  M.  iM.  s'est  occupé  :  J.  A. 
Batanchon,  F.  Beaucourt,  J.  A.  Berinzago,  R.  F.  Bonfin,  G.  Bouquier  (plus  tard 
conventionnel),  P.  Cabesse,  B.  Cabirol,  Martial  Cessy,  Guy-Louis  Combes,  N. 
Courrège,  Cheveaux  ou  Chevaux,  Dambielle  aîné,  Pierre-Bertrand  Dandrillon,  J.  Ch. 
de  Lafosse,  Deschamps,  Descourgeats  de  La  Chèze,  J.  B.  Dufart,  Gastambide,  N.-M. 
Gatteaux,  Godefroy  fils  aîné,  Ant.  Gonzalès,  Henry,  Labatie,  P.  Lacour,  J.-B.  Lar- 
tiguc,  André  Lavau,  Jacques  Lavau,  le  comte  Le  Gentil  de  Paroy,  Lépine,  J.- J.  Leu- 
pold,  Fr.  Lhôte,  R.-M.  Magol,  Pipy  ou  Pipi,  Ricœur,  J.-J.  Taillaisson,  P. -J.-B. 
Tliiac,  Thomire,  (peintre  de  genre),  Jean  Toul,  A-A.  Turier,  les  deux  Vernet,  sta- 
tuaires, frères  de  Joseph.  Le  Dictionnaire  des  artistes  de  l'Ecole  française  de  Bel- 
lier  de  La  Chavignerie,  continué  par  M.  Louis  Auvray,  ne  consacre  de  notices  qu'à 
Bouquier,  Gatteaux,  P.  Lacour,  n'accorde  qu'une  mention  sommaire  à  Combes  et, 
selon  la  remarque  de  M.  M.,  confond  le  miniaturiste  Henry  avec  un  homonyme 
qui  était  paysagiste  (Je  n'ai  poursuivi  la  comparaison  que  jusqu'à  la  fin  de  la 
lettre  L). 


D'HlSTOiRii:    ET    DK    LITTÉRATURE  437 

pas  Li  mieux  partagée;  nous  connaissons  mal,  —  et  le  plus  souvent 
même  nous  ne  connaissons  pas  du  tout,  —  les  origines  et  les  vicissi- 
tudes de  ces  écoles  gratuites  de  dessin  fondées  au  xvni''  siècle  dans  la 
plupart  des  grandes  villes;  quant  aux  expositions  locales,  c'est  pire 
encore.  Avant  les  réimpressions  des  livrets  de  Lille  et  de  Bordeaux,  on 
ne  peut  guère  citer  que  celle  d'un  salon  ouvert  à  Poitiers  en  1777  et  que 
M.  H.  Beauchet-Filleau  a  fait  connaître  dans  un  recueil  des  Pièces 
inédites,  rares  ou  curieuses  concernant  le  Poitou  et  les  Poitevins  [Pims, 
1870,  in-8),  et  cependantces  trois  villes  ne  sont  pas  les  seules  où  se  soient 
produites  des  tentatives  de  même  nature  :  Marseille  a  vu  au  moins  trois 
expositions  en  1756,  en  1757,  en  1760  ';  est-il  vraisemblable  que 
Lyon -,  Toulouse,  Rouen,  Dijon,  Troyes,  etc.  ^  n'aient  pas  eu  leurs 
solennités  artistiques?  Il  y  a  là  pour  les  érudits  qui  se  dévoueront  à  cet 
ordre  de  recherches  une  mine  féconde  en  découvertes  piquantes,  et  ces 
restitutions  d'un  des  aspects  de  l'ancienne  vie  provinciale  sont  d'autant 
plus  assurées  d'éveiller  notre  curiosité  que  nos  mœurs  politiques  et  so- 
ciales, profondément  modifiées,  entre  autres  causes,  par  les  facilités  de 
communication,  nous  en  éloignent  chaque  jour  davantage. 

Maurice  Tourneux. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  La  revue  mensuelle  le  Moliériste,  dirigée  par  M.  Georges  Monval, 
archiviste  de  la  Comédie-Française,  contient,  dans  sa  livraison  d'avril,  à  propos  de 
l'article  de  notre  collaborateur  M.  A.  Gazier  sur  l'excommunication  des  comédiens  et 
de  la  réponse  de  M.Ch.  Livet,une  étude  très  nourrie  de  M.  Monval.  Le  savant  archi- 
viste soutient  la  même  thèse  que  M.  Gazier  et  l'appuie  de  nouveaux  arguments  ;  il 
extrait  aussi  du  dépôt  dont  il  a  la  garde  une  très  curieuse  lettre  inédite,  datée  du 
12  juillet  1746,  de  Lelio  Riccoboni,  le  célèbre  «  amoureux  »  de  la  Comédie-Ita- 
lienne, auteur  de  la  Réformation  du  Théâtre.  Riccoboni  expose  à  un  correspondant 
inconnu,  qui  lui  en  avait  fait  la  demande,  les  usages  de  l'Eglise  en  l'espèce;  voici 
les  passages  essentiels  de  sa  lettre,  dans  leur  orthographe  :  «  i»  Par  rapport  aux 
sacrements.  Les  comédiens  ne  peuvent  pas  se  confesser  à  la  paroisse,  et  encore 
moins  communier.  Par  bonheur  il  y  a  des  moines  à  Paris.  2"  Pour  les  mariages. 

1.  Voir  le  Mercure  de  France,  octobre  lySb,  tome  I.  Voir  aussi  un  recueil  de 
pièces  de  Dandré-Bardon,  formé  par  Mariette  et  décrit  sous  le  n»  7-^0  du  catalogue 
Goddé (i85o). 

2.  M.  R.  de  Cazenove  a  réimprimé  en  i883  dans  la  Revue  lyonnaise  et  fait  tirer  à 
part  un  Salon  des  arts  qui  eut  lieu  en  1786.  Le  seul  exemplaire  connu  est  incom- 
plet du  dernier  feuillet. 

3.  Sur  un  ancien  catalogue  de  M,  Crépin,  libraire  à  Douai,  je  vois  mentionné  le 
Livret  d'une  exposition  faite  à  Valenciennes  par  Messieurs  de  l'Académie,  également 
en  1786. 


_j.38  RKVUf    CKiriQUB 

Silvin  et  Mario  (deux  de  ses  camarades  de  la  Comédie-Italienne)  se  sont  maries  à  un 
vilage  près  de  Paris  [Drancy-le-Grand),  avec  cependant  tous  les  papiers  nécessaires 
de  l'archevêché,  mais  il  n'étoit  point  fait  mention  qu'ils  étoient  comédiens.  Mon 
fils  s'est  marié  à  Saint-Eustache,  et  M""  le  Curé  me  dit  quelque  temps  après  :  ....  je 
l'ai  sçu  après  coup  {qu'il  était  comédien),  et  je  vous  proteste  qu'il  n'auroit  pas  été 
marié  à  ma  paroisse.  »  Suit  un  autre  exemple  de  même  nature.  Enfin  :  «  3°  Pour 
les  enterremens.  Tous  les  comédiens  Italiens  qui  sont  morts  à  Paris  ont  été  con- 
fessés, et  comuniés,  et  par  conséquent  enterrés  dans  l'Eglise.  Quelques-uns  ont  re- 
noncé publiquement,  d'autres  tacitement  en  confession  au  Curé  même...  »  On 
trouvera  aussi  dans  la  même  livraison  du  MoUériste  uns  autre  étude  de  M.  Monval 
sur  l'Origine  du  Registre  de  La  Grange,  d'après  les  documents  inédits  de  la  Comé- 
die-Française. Ce  registre,  si  précieux  pour  l'histoire  de  la  troupe  de  Molière,  n'est 
sorti  de  la  famille  de  La  Grange  pour  entrer  dans  les  archives  qu'en  1785.  Depuis 
cette  époque  jusqu'aux  premières  années  du  second  empire,  il  fut  plusieurs  fois 
prêté  et  courut  grand  risque  de  se  perdre.  Il  est  aujourd'hui  bien  gardé.  On  n'a 
plus,  du  reste,  le  même  besoin  d'y  revenir  directement,  car  il  a  été  publié  avec 
beaucoup  de  luxe  et  de  soin,  en  1876,  par  la  Comédie-Française,  avec  une  étude  de 
M.  Edouard  Thierry. 

ALLEMAGNE.  —  UAltpreussische  Monatsschrift  de  1884  (Kœnigsberg,  Beyer. 
4  fascicules  par  an;  prix  :  9  mark  ou  11  fr,  25),  a  publié  les  articles  suivants  : 
i"  parmi  les  Abhandlungen,  la  suite  du  manuscrit  de  Kant  que  publie  M.  Reicke, 
une  étude  de  M.  Ed...  sur  la  province  de  Prusse  en  i83i  à  la  première  apparition 
du  choléra,  de  M.  W.  Fuchs  sut  Pierre  de  Dusbourg  et  la  Chronique  d'Oliva,  de 
M.  A.  Thomas  sur  les  Struter  ou  «  latrunculi  »,  comme  les  appelle  Pierre  de  Dus- 
bourg,  qui  faisaient,  tantôt  de  leur  propre  chef,  tantôt  sous  l'impulsion  de  l'Ordre 
Teutonique,  une  guerre  d'escarmouches  aux  Prussiens  et  aux  Lithuaniens  païens  de 
la  frontière  {z^  fasc);  de  M.  Perlbach  sur  le  vieux  chroniqueur  prussien  de  la  chro- 
nique d'Oliva  (3"^  fasc);  un  essai  sur  la  peste  qui  désola  la  Prusse  dans  les  années 
1709  et  17 10  (3*^  fasc);  deux  travaux  de  M.  Beckherrn  sur  la  généalogie  de  la  fa- 
mille kœnigsbergeoise  Beckherrn  et  sur  le  village  de  Baeslack  où  existe  encore  une 
des  maisons  de  l'Ordre  Teutonique.  On  trouve  sous  la  rubrique  Miitheilungen  und 
Anhang  un  grand  nombre  de  documents  inédits  relatifs  à  l'histoire  de  Prusse  et 
parmi  les  compte-rendus  (Kritiken  u'id  Referate)  des  articles  de  M.  iMaroid  sur  le 
Preussisches  Wœrterbuch  de  Frischbier,  de  M.  Frischbier  sur  l'ouvrage  de  Lemke, 
Volksthtimliches  in  Preussen,  de  M.  P.  sur  la  2«  partie  des  Ifansereccsse  publiés  par 
M.  VON  DER  Ropp,  de  M.  Em.  Grosse  sur  Schiller  als  Historiker  und  Philosoph  de 
Fr.  Ueberweg,  deO.  sur  Friedrich  dcr  Grosse  und  die  deutsche  Poésie,  àQ  G.  Krause. 
On  trouve  aussi  dans  ce  recueil  une  chronique  de  l'Université  de  Kœnigsberg  en 
1884,  une  bibliographie  des  ouvrages  parus  en  i883  sur  la  province  de  Prusse  et 
sur  la  philosophie  de  Kant.  Nous  rendrons  compte  désormais  de  chaque  fascicule,  à 
mesure  qu'il  nous  arrivera,  dans  \qs  périodiques  àc  la  couverture. 

—  Il  vient  de  paraître  dans  l'Universal-Bibliothek  de  Reclam  (n°  1841,  au  prix  de 
20  pfennig  ou  25  centimes)  un  petit  volume  de  114  pages  fort  intéressant,  écrit 
avec  beaucoup  d'agrément  et  de  verve  :  Berlin,  Bilder  und  Ski:;:{en,  par  Paul  Lin- 
DENBERG.  Nous  en  recommandons  la  lecture  à  tous  ceux  qui  désirent  connaître  la 
vie  berlinoise  sous  ses  aspects  les  plus  variés  et  aux  Français  qui  désirent  lire  de 
l'allemand.  La  langue  est  pleine  de  naturel  et  de  vivacité,  presque  française  par  son 
allure  et  ses  tours.  On  profitera  beaucoup  à  cette  lecture,  tout  en  s'amusant.  Voici 
les  titres  des  chapitres  de  ce  petit  livre  :  Berlin  bei  Tag  und  Nacht.  —  Wie  du  mir, 
so  ich  dir.  —  Berlin  iin  Sommer.  —  In  dcn  Abgrund.  —  Die  Friihjahrs- Parade.  — 


D''HISTOiaE    KT    DE    LITTÉUATURE  439 

Kiaistlcrs  Erdemvallen.  —  Berlin  im  Winier.  —  Im   Thiergartcn.  —  Der  Bcrliucr 
Heirathsdamm.  —  Italien  in  Berlin.  —  Elwas  Statistik. 

GRANDE-BRETAGNE.  —  M.  Garnett,  l'cditcur  dos  lettres  choisies  de  Shel- 
ley,  vient  de  publier  dans  la  Parchment  Library  de  la  maison  Kegan  Paul,  une 
nouvelle  édition  des  Confessions  d'an  fumeur  d'opium  :  il  donne  le  texte  de  la  pre- 
mière édition  (1821),  au  lieu  du  texte  de  la  dernière,  revue,  augmentée  et  gâtée 
par  l'auteur  et  qui  est  trois  fois  plus  étendue.  Il  donne  le  texte  français  de  l'épisode 
ajouté  par  Alfred  de  Musset  dans  la  traduction  qu'il  en  donna  encore  collégien  en 
1828,  traduction  introuvable  aujourd'hui  et  qui  manque  dans  l'édition  complète. 
Suivent  des  conversations  inédites  de  Quincey  recueillies  en  1821  par  Richard  Wood- 
house.  L'introduction  et  le  commentaire  sont  ce  qu'on  pouvait  attendre  de  M.  Gar- 
nett. 

GRÈCE.  —  L'éphore  général  des  antiquités  P.  Stamatakis  vient  de  mourir. 

—  Parmi  les  livres  récemment  publiés  en  Grèce  ou  par  des  Grecs,  nous  signalons 
les  suivants  : 

Ut'Ki-.-q  è~i  ■z-qq  véa;  z/J.r,vy/.îr,q  -q  j^isavoç  lou  Iké-^ycu  tou  «i£UoaTTtut(j[J.ou  uTtb 
r.  N.  Xai'Çt'èdxq.  'Ev  'AOr,va'.!;  (Coromilas),  1884.  C'est  une  réponse  à  un  savant 
anonyme,  qui  n'est  auire  que  M.  Bernardakis,  lequel  avait  attaqué  dans  une  suite 
de  feuilletons  de  la  ÎSéa  llijipa  de  Trieste  et  ensuite  en  un  volume  les 
T'/M'zc.y.y}.  napaT'^pf,7c'..;  de  M.  Contos. 

—  No;;.(7[xaTa  tôjv  àosAç-wv  Map-rîvou  xal  BîvsoaTOu  B' Zr/ap'.ôjv,  oovaîTwv 
-zfiçyhj  1 3 14-1329  b-sll.  Aâ[j.7:pou.  'Ev  'A6r,va'.;   Perris),  1884. 

—  Mavj'jr,A  rsoswv  Xpov'.y.à  tûj  IIxTp'.apx'.v.cu  olV.cu  zat  toîj  vaoî).  'Ev  KtovcTav- 
T'.vo'jzcÀ:'.  1884.  Cette  publication  fait  partie  de  la  B'.S"A'.oOr,7.'(^  T'^ç  'Ey."/,"A"/;Gtaî'r'.y,ï;ç 

—  Excerptorum  Constanlini  de  natura  anirnalium  libri  duo.  Aristophanis  Historiac 
animalium  epitome  subjunctis  Aeliani,Timothei  aliorumque  eciogis  edidit  Spyridion 
P.  Lambros.  Berolini  (Reimer),  i885.  C'est  la  première  partie  du  I"  vol.  publié  sous 
les  auspices  de  l'Académie  de  Berlin.  Cette  importante  publication  contient  les 
Excerpta  Constantini  qwQ  M.  Lambros  a  eu  la  bonne  fortune  de  trouver  au  mont 
Athos.  On  sait  que  la  première  partie  était  déjà  connue  et  avait  été  publiée  par  Va- 
lentin  Rose,  de  sorte  que  M.  Lambros  n'a  fait  que  donner  une  seconde  édition  très 
correcte.  Mais  la  deuxième  partie  (la  troisième  manque  encore)  est  d'une  grande  im- 
portance. La  préface  dans  laquelle  M.  Lambros  éclaircit  toutes  les  questions  relati- 
ves à  la  formation  des  Exccrpta  et  des  auteurs  qu'il  a  mis  à  profit,  les  notes  criti- 
ques et  les  notes  qui  indiquent  les  passages  des  auteurs,  dont  il  est  fait  allusion 
dans  le  texte,  enfin  les  indices  vraiment  locupletissimi  que  l'éditeur  a  ajoutés  ren- 
dent cette  nouvelle  publication  aristotélique  de  l'Académie  de  Berlin  pour  laquelle 
M.  Lambros  a  si  consciencieusement  travaillé,  digne  de  l'attention  du  monde  savant. 

—  N.  I.  ^■q\).aç,Q.  'lîTcpia  /al  "Ei'.c'q-fqQzic, -zox)  'Po)[;.aÏ7,G!j  o'.y.ai'cu  i6\}..  B'  'Ev 
AO-/;va'.ç  (Parnasso3>,  1884.  Le  premier  volume  de  cette  histoire  de  droit  romain 
qui  contient  aussi  les  sources  byzantines,  avait  été  annoncé  en  son  temps  dans  cette 
Revue. 

—  Ka-ïâXoYo;  Twv  ^têXiwv  v<]ç,  'EOvtx^ç  Bi6XtoOr|y.-o?  x-qq  'Kkkàooq.  T[rrj[xa 
B'.  'EXX-^vty.-r)  cptXoXoYta.  'Ev  'AOrjva'.ç,  1884, 

—  Nous  signalerons  encore  deux  dissertations  philosophiques  faites  dans  le  but 
d'obtenir  la   veniani  docendi  :  Une  sur  Plotin  par  M.  Bizyenos,  et  l'autre  intitulée 

IcTOpîa  ir^q  O^o^piaç  xr^q  ^'^OJCctOi;  par  M.  Margaritis  Evangelides,  ainsi  qu'une 
dissertation  ITîpt  7:poYa[j,ia(aç  oojpîaçxaià  Tov  po)[xaïy,b^  /.al  to(wç7.aTà  xcv  [jU^av- 
T'.ay.îV  voi^QV  par  \c  privai-docoit  Damianos  Borrès.  —  S. 


I 

RUSSIE.  —  Ou  annonce  la  mort,  à  Pctersbourg,  de  l'historien  Kostomarov.  U 
était  né  en  1817.  Ses  premiers  travaux  sont  relatifs  à  l'histoire  de  la  Petite-Russie. 
Son  oeuvre  la  plus  remarquable  est  L'histoire  de  Russie  cxyosée  par  la  biographie 
de  ses  principaux  personnages. 


ACADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET   BELLES-LETTRES 


Séance  du  22  mai  188 5. 

M  Barbier  de  Meynard  communique  quelques  passages  d'une  lettre  de  M.  René 
Basset,  chargé  du  cours  public  d'arabe  à  l'école  supérieure  d'Alger.  M.  Basset  a  reçu 
de  M.  Tirmàn,  gouverneur  général  de  l'Algérie,  une  mission  et  les  subsides  néces- 
saires pour  étudier  sur  place  les  dialectes  berbères  parlés  par  les  populations  du 
M'zab,  deOuargla  et  de  Touggourt.  Il  a  voyagé  pendant  deux  mois  et  demi  dans  ces 
régions.  En  dehors  des  renseignements  qu'il  a  pu  recueillir  de  vive  voix,  il  rapporte 
quelques  copies  d'inscriptions  et  divers  manuscrits,  qui  éclairent  certaines  parties 
de  l'histoire  du  pays  berbère. 

Après  une  courte  délibération  en  comité  secret,  M.  le  Président  fait  connaître  que 
l'Académie,  ayant  reçu  la  nouvelle  de  la  mort  de  Victor  Hugo,  a  décidé  exception- 
nellement, de  lever  la  séance  en  signe  de  deuil. 

Julien  Havet. 


SOCIÉTÉ  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE 


Séance  du  6  mai. 

PRÉSIDENCE  DE  M.  COURAJOD 

M.  Lecoy  de  la  Marche  est  élu  membre  résidant  en  remplacement  de  M.  Miche- 
lant,  passé  dans  la  classe  des  membres  honoraires. 

M.  Germain  Bapst  donne  des  indications  sur  la  manière  dont  a  été  constituée  la 
donation  des  diamants  de  la  couronne. 

A  propos  des  anneaux  perlés  en  pierre  de  couleur  et  d'une  seule  pièce  exhibés 
dans  la  séance  précédente  par  M.  Gréau,  M.  Gaidoz  émet  l'hypothèse  que  le  disposi- 
tif de  ce  type  est  une  imitation  des  colliers  de  grains  ou  de  fusaioles  si  fréquents  à 
l'époque  dite  préhistorique. 

M.  l'abbé  Duchesne  présente  des  observations  sur  un  manuscrit  du  Liber  Poniifi- 
calis  en  deux  parties  séparées,  mais  se  raccordant  sans  aucun  doute  possible;  l'une 
de  ces  parties  est  à  la  bibliothèque  de  Poitiers,  l'autre,  comprenant  trois  cahiers  et 
provenant  de  la  collection  Ashburnham,  a  été  acquise  par  l'Italie  pour  la  bibliothè- 
que de  Florence;  il  est  maintenant  prouvé  que  cette  deuxième  partie  a  été  fraudu- 
leusement détachée  du  manuscrit  de  Poitiers. 

Le  Secrétaire, 

MOWAT. 


Errata.  —  Article  sur  la  Colombine.  (N"  20).  —  Page  390,  note  5,  lisez  Silua  de 
varia  lecion.  P.  392,  ligne  22,  lisez  «  dont  le  passe-temps  ordinaire  était  de  feuille- 
ter les  livres  de  miniatures  et  d'estampes.  L'abandon  fut  tel,  qu'on  voyait  pourrir 
sous  les  gouttières  les  manuscrits  les  plus  précieux.  »  Page  395,  note  2,  lisez  : 
lionnoi^e.   Page  397,  note  5,  lisez  Desmarins.  Page  401,  ligne  28,  lisez  i  655. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 


Le  /■'uy.  imprimerie  d>-  M<2'-ci><?};sr>7j   lU.-;,  hnulavard  Sai>K~ Laurent.  2,3. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    El    DE    LITTÉRATURE 

N"  23  -  8  juin  -  1885 

^oniniairc  î  97.  Preller,  Mythologie  romaine,  p.  p.  Jordan.  —  98.  Tacite, 
Annales,  i-iv,  p.  p.  Fourneaux.  —  09.  Kolligs,  Guillaume  le  Taciturne.  — 
100.  Catalogue  des  livres  de  M.  James  de  Rothschild.  —  Variétés:  V.  Egger, 
Une  lettre  de  Leibniz.  —  Encore  la  Colombine.  —  Chronique.  —  Société' des  An- 
tiquaires de  France. 


97.  —  Rocuiisclie    îillytliologîe    von    Pi'ellei',    S''  éd.,  par    Jordan,    2    in-8. 
Weidmann,  Berlin. 

La  réédition  de  l'ouvrage  de  Preller  a  été    confiée  à  M.  Jordan, 
rhomme  d'Allemagne  le  plus  désigné  par  ses  travaux  linguistiques  et 
mythologiques  pour  la  mener  à  bonne  fin.  Les  éditeurs  n'auront  pas 
eu  à  se  plaindre  du  choix  :  sans  avoir  fait  une  refonte  complète   de 
l'œuvre  primitive,  M.  J.  y  a  apporté  de  si  nombreuses  et  si  heureuses 
additions  qu'il  est  devenu  impossible  de  se  servir  de  la  Mythologie  ro- 
maine autrement  que  dans  cette  troisième  édition.   Par  respect  pour 
la  mémoire  de  l'auteur,  le  texte  a  été  à  peine  touché;  mais  les  notes  ont 
presque  doublé  d'étendue,  si  bien  que  le  nombre  des  pages  du  livre  qui 
était  autrefois  de  796,  a  été  porté  à  910  et  qu'il  a  fallu  faire  deux  volu- 
mes. Les  additions  de  M.  J.  consistent  surtout  en  citations  nouvelles 
de  textes  épigraphiques  ou  de  travaux  connus  ou  publiés  depuis  la  mort 
de  Preller  :  toutes  les  inscriptions  utilisées  dans  ce  livre,  ont  été  revues 
et  corrigées  d'après  le   Corpus,  que  Preller  n'avait  pu  consulter.  Les 
monuments  figurés,  auxquels  ce  dernier  avait  fait  un  trop  petit  nombre 
d'emprunts,  ont  été  cette  fois  largement  mis  à  profit,  et  ont  fourni  la 
matière  de  longues  notes,  qui  sont  de  petites  dissertations  (cf.  sur  les 
génies,  II,  p.   197,  n.  2;   199,  n.  3;   201,  n.  2  :  cette  partie  de  l'œuvre 
de  Pr.   a  été  plus  que  doublée).    Les    observations    philologiques  de 
Pr.  ont  été  rectifiées  et  complétées,  et  en  cela  M.  J.  a  été  singulière- 
ment aidé  par  sa  profonde  connaissance  de  l'ancien  latin  (cf.  à  propos 
de  l'étymologie  des  noms  de  Mars,  I,  p.  334,  n.   i  ;  335,  n.  2:   notes 
d'une  demi-page  ajoutées  par  M.  J.  ;   sur  le  nom  Liina,  p.  327,  n.  i, 
etc.).  Nous  regrettons  seulement,  dans  cette  nouvelle  édition,  que  les 
fautes  d'impression  n'aient  pas  été  plus  soigneusement  évitées  (cf.  II, 
p.  199,  2,  au  lieu  de  ut  animae  nascuntur,  il  faut  écrire  ut  animae 
nasceniibus ;  la  fin  de  ce  texte  de  Symmaque  doit  être  du  reste  corrigée 
d'après  la  récente  et  belle  édition  de  M.  Seeck,  Monumenta  Gennaniae]\ 
il  est  encore  fâcheux  que  les  renvois  soient  faits  taniôt  aux  pages  de  la 
nouvelle  édition,  tantôt  à  celles  de  l'ancienne.  Ces  critiques  purement 
matérielles  n'enlèvent  aucun  mérite  à  l'ouvrage  de  Preller  si  utile,  si 
Nouvelle  série,  XIX.  ^i 


44^  iiiivut;  cRiiiQuE 

complet  et,  à  certains  égards,   si  intéressant,  qualités  dont  une  bonne 
part  doit  revenir  aujourd'hui  à  M.  Jordan. 


gS.  —  Cornelii  Taciti  Aanullmiii  lîbi-î  i-lV,  cdited  wilh  introduction  and 
notes  for  the  use  of  sdiools  and  junior  studcnts  by  H.  Furneaux,  M.  A.  Oxford, 
at  the  Clarendon  press.  i885. 

Cette  édition  des  quatre  premiers  livres  des  Annales  de  Tacite  est  ce 
que  nous  appelons  une  édition  classique.  L'introduction  contient  quel- 
ques pages  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  Tacite,  un  traité  de  syntaxe 
tacitéenne  et  une  historical  introduction  aux  quatre  premiers  livres; 
il  y  a  en  outre  un  arbre  généalogique  de  la  famille  impériale  et  des 
sommaires.  Cette  introduction  est  fort  peu  développée  et  nous  devons 
la  considérer  comme  un  abrégé  de  ce  que  le  professeur  exposera  plus 
amplement  en  classe;  elle  ne  renferme  du  reste  rien  de  neuf.  —  Le  texte 
est  celui  de  la  quatrième  édition  de  Halm;  il  ne  s'en  écarte  qu'en  cinq 
passages,  où  les  leçons  d'autres  savants  allemands  ont  été  adoptées.  — 
Le  commentaire  est  rejeté  après  le  texte;  on  le  consulterait  plus  com- 
modément s'il  était  placé  au  bas  des  pages.  Quoiqu'il  soit  rédigé  d'une 
manière  fort  concise,  il  occupe  à  peu  près  la  moitié  du  volume.  M.  F. 
avait  publié  en  1884  une  édition  où  les  notes  et  toute  l'introduction 
prennent  de  plus  grands  développements,  et  il  renvoie  fréquemment, 
dans  le  chapitre  de  la  syntaxe,  à  ce  larger  volume,  que  nous  ne  con- 
naissons pas.  11  faut  donc  que  les  étudiants  qui  veulent  approfondir 
davantage  certaines  questions  aient  les  deux  ouvrages  sous  les  yeux;  on 
peut  même  dire  qu'il  leur  serait  difticile  de  comprendre  sans  cela  cer- 
taines parties  de  l'abrégé;  c'est  un  grand  inconvénient.  —  Les  notes 
sont  nombreuses,  et  concernent  aussi  bien  la  grammaire  que  les  insti- 
tutions, l'histoire,  la  géographie,  etc.  Nous  ne  nous  y  arrêterons  pas 
pour  les  examiner  en  détail.  Bornons-nous  à  dire  en  général  que  l'au- 
teur nous  paraît  avoir  mis  à  contribution  les  meilleurs  ouvrages,  et 
qu'en  somme  son  édition  classique  lui  fait  honneur, 

J.  G. 


99.  —  'VïîlJieliM    vt»ai  Ofiiitâeit    ua>d    tîîo  Aaïf.yien{|e    «ïes  i^ufistsiiaiiloï^  dei- 

iViedei-laïKile,  von  D'  Hans  Kolligs.  Bonn,  Max  Cohen,  i885,  79  p.  In-8. 

L'auteur  de  cette  dissertation  académique  a  voulu  examiner  de  plus 
près  l'attitude  personnelle  de  Guillaume-le-Taciturne  avant  le  commen- 
cement de  l'insurrection  des  Pays-Bas,  les  influences  politiques  et  reli- 
gieuses qui  ont  pu  changer  le  gouverneur  catholique  et  dévoué  à  Phi- 
lippe II  en  un  chef  redouté  de  l'oi'position  protestante  et  en  un  rebelle 


d'histoire    KT    de    LlTTÉRAn.'RH  443 

contre  la  famille  des  Habsbourgs.  Sans  apporter  un  contingent  bien 
conside'rable  de  faits  nouveaux  à  la  discussion  '  qu'il  engage  avec 
Motley  et  d'autres  devanciers,  M.  Kolligs  a  soigneusement  noté  dans 
la  correspondance  du  prince  d'Orange,  dans  ses  paroles  et  ses  actes,  les 
symptômes  d'un  changement  plus  ou  moins  net,  d'une  désaffection  à 
l'état  des  choses  cxistîint  alors  aux  Pays-Bas;  il  les  rattache  d'une  part 
(sur  le  terrain  religieux)  aux  négociations  de  mariage  entamées  avec 
l'ciecteur  de  Saxe,  en  i  56o,  d'autre  part  (sur  le  terrain  politique),  à 
l'attitude  de  plus  en  plus  frondeuse  de  la  noblesse  contre  Marguerite,  et 
surtout  contre  Granvelle  et  ses  conseillers  intimes.  Guillaume  n''a  point 
provoqué  cette  attitude  de  défiance,  aussi  peu  qu'il  s^est  révélé  d'un  jour 
à  l'autre  comme  un  ardent  champion  des  idées  delà  Réforme;  mais 
quand  il  a  vu  naître  ces  dispositions  autour  de  lui,  il  a  su  en  profiter  et 
les  incarner,  pour  ainsi  dire,  en  sa  personne;  dès  i562  sa  rupture  mo- 
rale avec  le  gouvernement  de  Philippe  II  est  complète.  Tel  est  le  ré- 
sumé du  mémoire  de  l'auteur  et  nous  n'y  voyons  rien  qui  ne  puisse  être 
accepté  comme  certain,  ou  du  moins  comme  plausible,  par  la  critique. 

R. 


loo.  —  «:;:iialo;^!iie  ûes  îîvi-cs  composant  la  bibliothèque  de  feu  M.  le  baron 
James  de  Rothschild.  Tome  premier.  Paris,  Damascène  Morgand,  1884.  Grand 
in-8  de  xix-bji  p. 

Le  tome  I  du  Catalogue  de  la  collection  du.  baron  J.  de  Rotschild 
est  d'une  telle  importance,  qu'il  me  sera  permis,  je  l'espère,  d'en  parler 
longuement.  Depuis  bien  des  années  on  n'avait  vu  paraître  un  ouvrage 
oii  les  révélations,  en  ce  qui  regarde  les  livres  et  même  les  écrivains, 
fussent  aussi  abondantes  et  aussi  précieuses.  Oii  me  pardonnera  donc  de 
beaucoup  m'étendre  sur  un  volume  qui  agrandit  considérablement  le 
domaine  de  l'histoire  littéraire  et  qui  mérite  d'être  considéré  comme 
l'indispensable  complément  de  tous  nos  meilleurs  recueils  bibliogra- 
phiques. 

Le  Catalogue  est  précédé  d'une  notice  sur  le  baron  James  de  Roth- 
schild par  son  bibliothécaire,  son  collaborateur,  son  ami,  M.  Emile  Pi- 
cot. Cette  notice,  où  le  savant  critique  a  mis  tout  son  cœur,  est  aussi 
touchante  qu'intéressante  :  elle  fait  admirablement  connaître  une  vie 
qui  fut  si  courte  et  qui  fut  «  si  noblement  remplie  ».  L'excellent  bio- 
graphe signale  «  en  quelques  mots  »  empreints  a  «  une  douloureuse 
émotion  »  les  grandes  qualités  intellectuelles  et  morales  de  celui  dont  il 
garde  si  pieusement  le  souvenir.  Sa  notice,  dont  aucune  exagération  ne 


I.  Disons  pourtant  que  l'auteur  a  reçu  communication,  par  son  maître,  M.  le  pro- 
feeseur  Ritter,  de  plusieurs  documents  ine'dits,  tires  des  archives  de  Marbourg  et  re- 
latifs surtout  aux  rapports  de  Guillaume  d'Orange  avec  les  princes  allemands,  à 
cette  'jpoquc. 


444  KKVUK    CUITIQUE 

gàie  l'éloquente  simplicité,  montre  d'une  façon  saisissante  combien  fut 
regrettable,  à  tous  les  points  de  vue,  la  mort  de  cet  homme  de  trente- 
six  ans,  qui  avait  tant  de  zèle,  tant  de  goiàt  et  tant  de  talent,  qui  s'était 
déjà  rendu  recommandable  par  tant  d'œuvres  utiles  de  tout  genre,  qui 
avait  formé  de  si  vastes  et  de  si  beaux  projets  littéraires,  et  en  qui  nous 
avons  perdu  à  la  fois  un  éminent  homme  de  bien  et  un  travailleur  que 
l'on  ne  louera  jamais  assez  ^ 

M.  Picot  nous  donne  (p.  xviii)  les  renseignements  suivants  sur  le 
catalogue  des  livres  rares  et  précieux  réunis  par  le  baron  de  Rothschild  : 
«  Ce  travail,  auquel  nous  avons  été  associé,  mais  auquel  il  a  eu  la  part 
principale,  ne  porte  que  sur  les  articles  choisis...  Bien  que  toutes  les 
divisions  contiennent  des  livres  importants,  on  verra  que  James  de 
Rothschild  avait  surtout  concentré  ses  recherches  sur  les  productions 
de  nos  anciens  poètes  et  sur  la  littérature  française  en  général.  En 
dressant  l'inventaire  de  ses  richesses,  il  a  tenu  à  consigner  une  foule 
d'observations  que  lui  suggérait  son  expérience  d'amateur,  et  qui  se- 
ront sans  nul  doute  utiles  aux  bibliographes  de  l'avenir.  Au  lieu  de 
publier  une  simple  nomenclature  des  livres  qu'il  avait  groupés  sur  ses 
tablettes,  il  s'est  proposé  de  faire  une  œuvre  scientifique.  Il  a  voulu  que 
tous  ses  volumes  fussent  décrits  avec  une  précision  rigoureuse..,  »  Par- 
lant ensuite  (p.  xix)  des  épithètes  banales,  chères  aux  faiseurs  de  catalo- 
gues, qui  ont  été  écartées  du  présent  ouvrage,  il  annonce  que  ces 
qualificatifs  superflus  «  ont  été  remplacés  par  des  notices  littéraires  qui 
ne  paraîtront  peut-être  pas  sans  intérêt,  si  l'on  en  juge  par  la  peine 
qu'elles  ont  coûtée.  De  nombreux  fac-similé,  obtenus  à  Taide  de  la  pho- 
tographie -,  permettent  de  se  faire  une  idée  précise  des  impressions  les 
plus  rares,  surtout  de  celles  qui  ne  portent  pas  le  nom  du  typographe 


1.  M.  P.  constate  (p.  viii)  que  M.  Gaston  Paris,  dans  un  discours  prononcé  le 
2  1  décembre  1881,  à  la  séance  annuelle  de  la  Société  des  anciens  textes  français,  dont 
il  était  alors  le  président,  c<  a  rendu  un  digne  hommage  à  la  mémoire  de  celui  que 
nous  venions  de  perdre  ».  Il  ajoute  :  «  Nous  ne  pouvons  mieux  faire  que  de  repro- 
duire ses  paroles.  »  Je  tiens  à  rappeler  qu'à  mon  tour,  analysant,  dans  la  Revue  des 
Questions  historiques  (i^r  janvier  1882)  le  tome  I  des  Continuateurs  de  Loret,  j'ex- 
primai toute  ma  sympathie  pour  le  brillant  érudit  qui  nous  était  si  prématurément 
enlevé. 

2.  Les  fac-similé  sont  si  nombreux,  en  effet,  qu'on  en  compte,  de  la  page  2  à  la 
page  65o,  près  de  i5o.  Ajoutons  y  cinq  planches  chromo-photographiques  qui  re- 
présentent la  reliure  des  Preces  chrisLianœ,  manuscrit  de  Jarry  (i652),  le  titre  de  La 
Noble  science  des  joueurs  d'espée  (i538),  le  spécimen  des  caractères  employés  pour 
l'impression  des  Qjdnti  Horatii  Flacci  opéra  (vers  1471),  la  reliure  en  mosaïque, 
aux  armes  du  comte  d'Hoym,  exécutée  par  Padeloup  le  jeune  sur  un  exemplaire  de 
CaiuUus,  Tibullus,  Propcrtius  (i5o2),  le  spécimen  d'une  impression  faite  à  An- 
goulême,  en  1491,  enfin  la  reliure  exécutée  par  Giordano  Orsini  sur  un  exemplaire 
de  Cornazano,  De  re  militari  (i53(3).  En  tête  du  volume  on  admire  un  très  beau 
portrait  du  baron  J.  de  Rothschild.  Le  volume  a  été  splendidement  imprimé  par 
L.  Danel.  Je  n'y  ai  trouvé  que  très  peu  de  fautes  d'impression  :  la  plus  grave  est  celle 
qui  défigure  ainsi  fp.  196,  article  358)  le  nom  d'un  de  nos  plus  célèbres  recueils: 
Gallia  ciuiistiania. 


d'histoire  er  dr  littérature  4; 5 

qui  les  a  exécutées.  Elles  devront  servir  à  fixer  l'origine  de  plus  d'un 
volume  curieux  ». 

La  notice  se  termine  ainsi  (p.  xix)  :  «  Nous  nous  sommes  astreint  à 
revoir  toutes  les  descriptions  sur  les  originaux  et  à  contrôler  rigoureu- 
ment  toutes  les  notices.  Nous  avons  apporté  tous  nos  soins  à  cette  tâche, 
et,  si  nous  avons  échoué,  si  Fouvrage  auquel  James  de  Rothschild  atta- 
chait le  plus  d'importance,  n'est  pas  ce  qu'il  avait  rêvé,  qu'on  ne  s'en 
prenne  qu'à  notre  incapacité  de  mieux  faire;  qu'on  ne  nous  accuse  pas 
d'ingratitude  ni  d'indifférence  envers  sa  mémoire.  »  Aces  trop  modestes 
déclarations  tous  les  lecteurs  répondront  avec  moi  que  les  deux  collabora- 
teurs ont  été  dignes  l'un  de  Tautre  et  qu'entre  ces  vaillants  et  savants 
amis  notre  reconnaissance  doit  également  se  partager. 

Le  tome  I  du  Catalogue  se  compose  de  io58  articles.  Presque  tous 
ces  articles  me  fourniraient  une  mention  intéressante.  Choisissons-en 
quelques-unes  :  au  sujet  d'une  Bible  imprimée  à  Genève  par  Mathieu 
Berjon  (i6o5,  in-8o],  nous  apprenons  (p.  2)  que  ce  Mathieu  était  frère 
de  l'imprimeur  Jean  Berjon  et  que,  dès  l'année  098,  il  imprimait  les 
Commentarii  in  Genesim  de  Jean  Mercier  (Bibliothèque  Nat.,  A.  1242). 
On  trouve  (p.  3)  des  indications  sur  deux  imprimeurs  beaucoup  plus 
célèbres,  Etienne  Dolet  (Psalmes  du  Royal  prophète  David  fidèlement 
traduicts  de  latin  en  francoys.  Lyon,  1542)  "  et  Jean  de  Tournes 
(Calendrier  historial,  Lyon  r563).  Nous  lisons  (p.  4,  article  Le  Pseau- 
tier  de  David.  lo"*  édition,  1698):  «  L'abbé  Goujet  dans  le  Dzc^/o/z/zi^î/r^ 
de  Moréri  attribue  cette  traduction  des  Psaumes  à  Nie-Fontaine  ;  Barbier 
croit  au  contraire  qu'elle  est  d'Antoine  Le  Maître,  frère  de  M.  de  Sacy. 
On  voit  par  le  catalogue  de  Josset  que  le  traducteur,  est  en  réalité  le 
célèbre  prédicateur  Nicolas  Le  Tourneux,  né  à  Rouen  en  1640,  mort  à 
Paris  en    1686  -.  »  Les  Heures  à  l'usaige  de  Romme  imprimées  par 


1.  Ce  petit  voluiue  est  resté  inconnu  au  biographe  français  de  Dolet,  Joseph  Boul- 
mier,  mais  il  est  de'crit  dans  l'ouvrage  anglais  sur  le  même  personnage  de  M.  R.  C. 
Christie.  Voir  encore  sur  Dolet  (p.  23,  article  28)  la  reproduction  d'une  note  ma- 
nuscrite de  feu  Paul  Lacroix  apposée  sur  l'exemplaire  d'un  livre  de  prières  qui  avait 
appartenu  au  malheureux  imprimeur. 

2.  Sous  l'article  suivant  consacré  au  Nouveau  Testament  de  Mons  (p.  4  et  5)  on  a 
reproduit  un  douzain  de  Robinet  (Lettre  en  vers  à  Madame,  du  3  décembre  1667). 
On  renvoie,  de  plus,  aux  Mémoires  de  Paquot,  au  Port-Royal  de  Sainte-Beuve  et 
aux  Elsevier  de  M.  Wilhem.  Pourrait-on  souhaiter  de  plus  riches  indications?  En 
revanche  on  a  oublié  (p.  5),  en  mentionnant  le  Nouveau  Testament  en  basque  par 
Jean  de  Liçarrague,  de  Briscous  (La  Rochelle,  iSyi,  in-S"),  de  citer  les  remarquables 
études  bibliographiques  d'un  renommé  spécialiste,  M.  Julien  Vinson,  publiées  d'a- 
boid  dans  le  Bulletin  du  Bouquiniste,  et  republiées  (avec  additions^,  dans  un  humble 
recueil  périodique,  la  Revue  des  Bibliophiles,  imprimée  par  ChoUet  à  Sauveterre- 
de-Guyenne,  laquelle  revue,  après  trois  années  d'existence,  a  disparu,  tuée,  dit-on, 
par  mes  trop  nombreux  articles.  Autre  petite  observation  :  il  y  a  excès  de  prudence 
dans  cette  assertion  de  la  p.  6  :  «  On  prétend  que  Royaumont  n'est  qu'un  pseudo- 
nyme adopté  par  Nie.  Fontaine  et  Louis  Isaac  Le  Maistre  de  Sacy.  >;  Peu  de  choses 
sont  plus  sûres  en  bibliographie. 


44^  KKVUIC    CRITIQUE 

Philippe  Pigouchet  vers  i5oi  (p.  9)  '  n'ont  pas  été  décrites  par  l'auteur 
du  Manuel  du  Libraire  ~ .   D'après  une  note  qui  accompagne  (p.   12- 
1 3)  la  description  des  Heures  à  l'usaige  d'Amiens  {P avis,  pour  Simon 
Vostre,  vers   i5o8),  la  prière  à  la  Vierge  en  vers  que  M.   Kervyn  de 
Lettenhove  a  insérée  dans  les  Œuvres  de  Georges  Chastellain  (vai, 
2q3),  tout  en  constatant  que  l'attribution  était  fort  douteuse,  se  retrouve 
dans  un  ms.  appartenant  à  l'abbaye  de  Westminster  (voy.   Bull,  de  la 
Société  des  anciens  Textes  français,  1875,  2g)  et  elle  a  été  imprimée 
séparément  sous  le  titre  de  :  Oraison  très  dévote  à  Nostre-Dame  (5.  I. 
n.  d.  petit  in-8°  gotthique  de  4  ff.,  dont  un  exemplaire  est  conservé  au 
Musée  britannique).  Elle  se  confond  probablement  avec  les  Oraisons 
très  dévotes  a  l'honneur  de  la  très  sacrée  et  glorieuse  vierge  Marie... 
composées  par  révérend  père  en  Dieu  monsieur  VEvesque  de  Senlis 
(Guillaume  Petit).  M.  Brunet  (iv,   199)  cite  de  ces  Oraisons  une  édition 
publiée  par  Simon  de  Colines  vers  1540,  mais  elles  avaient  paru  long- 
temps auparavant  avec  le  Viat  de  Salut  du  même  auteur.  Notons  que, 
dans  l'article  sur  les  Heures  à  Vusaige  de  Paris  (vers  1488),  on  a  im- 
primé (p.    iS-ig)  une    foule  de   citations    tirées   des    prières   en    vers 
français  dont  ces  heures    sont    enrichies    -.    C'est    pour   la  première 
fois  qu'est  donnée  une  notice  aussi  détaillée   de  ces  Heures,  connues 
sous  le  nom  de  Grandes  Heures  de  Verard,  et  qui  diffèrent  sensiblement 
de  la  description  du  Manuel  du  Libraire  (v,  1600,  n»  1 18).  Les  Horce 
in  laudem  beatissimœ   Virginis  Marice  de  i538  (p.  23)  n'ont  pas  été 
mentionnées  par  M.  Aug.  Bernard  qui  s'est  occupé  de  la  bibliographie 
des  Heures  publiées  par  Mallard  avec  les  figures  gravées  par  Geofroy 
Tory.  Une  autre  édition  appartenant  à  l'année  i  536  (p.  27),  est  citée  par 
M.  Bernard  d'après  le  Manuel  du  Libraire^  le  biographe  du  peintre, 
graveur,  imprimeur  et  libraire  Geofroy  Tory,  n'en    ayant   jamais   vu 
d'exemplaire. 

Indiquons  diverses  particularités  sur  Germain  Brice,  chanoine  de  Pa- 
ris, poète  latin  et  traducteur  du  traité  de  Saint-Jean  Chrysostome  contre 
les  Gentils  (p.  3o),  sur  le  Miroir  d'or  de  l'âme  pécheresse  (p.  42),  que 
«  M.  de  la  Borderie  est  tenté,  nous  ne  savons  pour  quelle  raison,  d'at- 
tribuer au  célèbre  prédicateur  breton  Olivier  Maillard  »,  sur  l'impri- 

1.  Voir  sur  Ph.  Pigouchet  l'article  61,  p.  42.  Dans  un  travail  où  l'on  ne  s'atten- 
drait pas  à  trouver  un  renseignement  de  ce  genre  {Notice  sni-  la  ville  de  Marmande, 
1872,  p.  io3,  note  i)  j'ai  signalé  de  visu  une  autre  édition  des  Heures,  que  Pigou- 
chet acheva  d'imprimer  pour  Simon  Vostre  le  4  juin  1497,  et  qui  ne  semble  avoir 
été  mentionnée  par  aucun  bibliographe. 

2.  Brunet  a  décrit  les  Heures  de  l'article  précédent  (même  page),  mais  il  indique 
seulement  14  figures,  et  il  fallait  en  indiquer  16.  Voir  pour  d'autres  remarques  sur 
les  omissions  ou  erreurs  du  Manuel  du  Libraire  pp.  i3,  35,42,  73,  i33,  i85,  219, 
228,  266,  299,  3o4,  3o7,  374,  399,  415,  422,  437,  431,  482,  529,  53o,  534,  536, 
543,  545,  567,  etc. 

3.  Voir  sur  d'autres  pièces  de  vers  insérées  dans  d'autres  Heures  les  pp.  25-27 
(pièces  de  Jehan  Molinct,  de  Guillaume  Alexis,  de  Charles  Morel,  de  Jacques  le 
Lyeur,  de  Jacques  du  Parc,  de  Nicolle  Lcscarre), 


b 


a'HiSïOiKK    HT    DK    LlTTK;<.VrUKK  447 

meur  lyonnais  Pierre  Mareschai  (p.  48],  sur  ie  BrieJ  Traité  de  Purga- 
toire (Genève,  i55i),  volume  qui  n'a  été  décrit  par  aucun  bibliographe 
et  qui  est  l'oeuvre  de  Guillaume  Farci  (p.  53),  sur  le  Discours  théolo- 
ique   de  la  tranquilliié  et  vray  repos  de   l'dme   (p.    55],  opuscule 
posthume  de  PierreMerliii  (La  Rochelle,  Jean  Brenouzet,  1604),  qui  est 
incomplètement  cité  (sans  mention  de  lieu  d'impression,  de  date  et  de 
format)  dans  la  France  protestante  et  est  passé  sous  silence  par  M.  L. 
Audiat  dans  l'Essai  sur  l'imprimerie  en  Saintonge  et  en  Aunis;  sur 
Deux  satyres  de  Joachim  de  Coignac  (Lausanne,  i55i)  inconnues  aux 
frères  Haag  et  vainement  cherchées  par  plusieurs    bibliographes,    par 
feu  Tricotel  notamment  (p.  56)  ;  sur  les  Coustumes  et  usaiges  de  la 
ville...  de  Lille  {i534),  édition  qui  ne   paraît  pas  avoir  été  connue  de 
M.  Houdoy,  l'auteur  de  :  Les  imprimeurs  Lillois  (p.  62):  sur  le  grand 
recueil  de  d'Argentré  (Collectio  Judiciorum,  etc.,  1755,   3  vol.  in-t"'^), 
malgré  son  importance  fort  peu  connu,  au  point  que  Brunct  n'en  a  fait 
aucune  mention  (p.  63)  '  ;  suri'imprimeur  d'un  Discours  de  l'exécrable 
forfait  commis  par  irn  garson  de  la  ville  de  Rumilly.,  Pierre  Pomart 
(Chambéry,    1606),   lequel    Pomart  n'est   pas  cité   dans   l'ouvrage   de 
MM.  Dufoi;r  et  Rabat  sur  V Imprimerie  en  Savoie  (p.  65);  sur  le  re- 
cueil :  Règle  constitutions  professions  et  aultres  doctrines  pour  les 
filles  pénitentes,  qui  parut  à  Paris,  in-S°,  de  1499  à  i5o2  (p.  69)  -;  sur 
les  Statuta  Synodalia  dioecesis   Ritthenensis  publiés  en    i556   par    le 
cardinal  d'Armagnac  ip.  69).  Citons  une  partie  de  la  note  si  intéres- 
sante relative  à  ces  statuts  :  •<■  Au  verso  du  titre  est  un  extrait  du  privilège 
accordé  pour   dix  ans  par  Monseigneur  le   reverendissime  cardinal 
d'Armaignacix  Jean  Mottier,  libraire  de  Rhodez,  à  la  date  du  27  février 
r55  2,  avant  Pâques.  Cette  publication  a  été  faite  par  le  cardinal  lui- 
même,  qui  prenait  soin  d'instruire  le  clergé  et  les  fidèles  de  son  diocèse. 
Nous  avons  cité  plus  haut  une  traduction  de  V Instruction  de  Gerson, 
qu'il  fit  traduire  en  provençal;  un  opuscule  décrit  ci-après  (n'^  ig5)  nous 
apprend  que  ie  docte  prélat  s'occupait  aussi  de  propager  les  connaissan- 
ces médicales.  On  voit  par  les  titres  des  ouvrages  que  nous  signalons 
que   Rhodez,   malgré  le  zèle  de  son    évêque,  ne  possédait  pas  encore 
d'imprimerie.    C'est  à  tort   que    M.   Pierre  Deschamps  fDictiofinaire 
géographique,  v"  Segodunum)  fait  remonter  à  l'année  i556  l'introduc- 
tion de  la  typographie  dans  cette  ville,  l."" Instruction  de  Gerson  décrite 
ici  sous  le  n"  47  et  que  M.   Deschamps  attribue  aux  presses  de  Jean 
Mottier,  est  imprimée  avec  les  caractères  qui  ont  servi  à  l'impression 
des  Statuta  et  sort  par  conséquent  des  presses  de  Corneille  de  Septgran- 

1.  Faut-il  croire  qu'une  partie  des  exemplaires  périt  dans  un  naufrage,  ce 
qui  en  expliquerait  l'extrcme  rareté?  Gela  m'a  tout  l'air  d'une  légende. 

2.  A  ces  constitutions  de  l'évêque  de  Paris,  Jehan  Simon  de  Champigny.  est  em- 
pruntée une  citation  fort  curieuse  que  le  rédacteur  du  Catalogue  recommande  avec 
raison  à  ceux  qui  voudront  faire  l'histoire  des  mœ'jrs  et  aussi  à  ceux  qui  s'occupe- 
ront de  l'histoire  de  la  médecine. 


448  REVUK    CKITIQUK 

ges,  à  Lyon.  Les  Advis  et  Remèdes  Souverains  pour  se  garder  de 
peste  en  temps  suspect  sortent  des  presses  de  Guion  Boudeville,  à  Tou- 
louse. Les  Statuta  sont  précédés  de  vers  latins  adressés  au  cardinal 
d'Armagnac  par  Nicolas  Du  Mangin,  évéque  de  Spalatro,  et  Urbain 
Lombard,  Rémois.  «  Reproduisons  encore  une  note  (p.  71)  sur  les 
Questions  Tusculanes  de  Marc  Tulle  Ciceron  nouvellement  traduictes 
de  latin  en  franco}^ s  par  Estienne  Dolet  (Lyon,  Sulpice  Sabon,  s.  d. 
in-8°)  :  «  L'auteur  du  Manuel  du  Libraire  décrit  cette  édition  à  laquelle 
il  assigne,  d'après  le  catalogue  Coste  (n°  266),  la  date  de  1549.  O"^  ^tnl 
se  demander  si  ce  renseignement  est  exact  et  si  la  date  portée  sur  l'exem- 
plaire de  M.  Coste  n'a  pas  été  altérée  par  suite  d'une  faute  d'impression. 
Nous  ne  connaissons,  en  effet,  aucun  livre  imprimé  à  Lyon  par  Sabon 
après  1545,  année  où  Lottin  le  fait  figurer  parmi  les  imprimeurs  pari- 
siens. Si  nous  ajoutons  que  l'édition  dont  nous  parlons  reproduit  page 
pour  page  l'édition  originale  donnée  par  Dolet  lui-même  en  1543  et 
dont  le  seul  exemplaire  connu  est  conservé  à  la  bibliothèque  de  Dôle, 
tandis  que  l'édition  de  Paris,  Jean  Ruelle,  1544,  in- 16,  a  i33  ff".,  on 
sera  tenté  de  conclure  que  la  réimpression  de  Sabon  a  dû  paraître  peu 
de  temps  après  la  publication  faite  par  Dolet,  c'est-à-dire  en  044  ou 
en  1545.  Le  biographe  français  de  Dolet,  M.  Boulmier,  dont  nous  avons 
déjà  signalé  une  omission,  ne  fait  aucune  mention  de  notre  édition 
des  Questions  tusculanes  :  M.  Richard  Copley  ChnsÛQC Etienne  Dolet, 
538)  en  cite  au  contraire  un  exemplaire,  également  sans  date,  qui  est 
conservé  au  Musée  britannique.  » 

Lin  chapitre  d'histoire  littéraire  bien  curieux  est  celui  qui  concerne 
(p.  75-76),  le  Chemin  de  l'Ospital,  cette  satire  morale,  composée  par 
Robert  de  Balzac,  Seigneur  d'Entragues,  de  Saint-Amand,  etc.,  séné- 
chal d'Agenais  et  de  Gascogne  ■.  Il  y  a  là  divers  rapprochements  avec 
d'autres  poésies  de  la  fin  du  xv''  siècle  et  du  commencement  du  xvi«, 
dues  à  Pierre  Gringore,  Laurens  Des  Moulins,  d'Adonville.  L'édition 
du  Chemin  de  l'Ospital,  ici  décrite,  et  qui  a  dû  être  exécutée  vers  i525, 
donne  un  texte  différent  de  celui  qu'a  reproduit  M.  AUut  {Etude  bio- 
graphique et  littéraire  sur  Symphorien  Champier,  Lyon,  1859). 
D'autres  articles  dignes  de  l'attention  des  plus  délicats  connaisseurs  de 
vieux  livres,  sont  les  articles  relatifs  au  Proumenoir  de  Monsieur  de 

I.  On  trouve  d'excellents  renseignements  sur  R.  de  Balzac  dans  la  Généalogie 
des  maisvns  de  Fabvi  et  d'Ayrettx  par  M.  Jules  de  Bourrousse  de  Laftbre  (Bordeaux, 
1884,  p.  54).  Robert,  veuf  d'Antoinette  de  Casielnau,  dame  de  Bretenoux,  épousa, 
le  22  octobre  1480,  Lancie  Fabri,  fille  de  Laurent  Fabri,  Gonfaionier  de  Florence, 
et  fut  fait  gouverneur  de  Pise,  lorsque  son  beau-frère  Ludovic  Fabri  eut  fait  mettre 
cette  ville  sous  la  puissance  du  roi  Charles  VIII.  Ajoutons,  d'après  les  Coutumes  de 
Clennont-Dessus  publiées  par  M.  H.  Rébouis(Paris,  1881,  p.  G),  que  Charles,  duc  de 
Guyenne,  avait  donné,  le  23  février  1463,  la  Seigneurie  de  Clermont-Dessus  à  R.  de 
Balzac.  Ce  fut  dans  le  château  de  ce  nom,  près  d'Agen,  que  mourut  chez  les  descen- 
dants de  l'auteur  du  Chemin  de  VOspital,  la  célèbre  M"«  Pauiel,  indication  qui 
manque  au  remarquable  Commentaire  des  Historiettes  de  Taliemant  des  Réaux  par 
Paulin  Paris. 


d'histoire  et  de  littérature  449 

Montaigne  par  sa  fille  d'alliance  (p.  80-81),  à  V Instruction  pour  tous 
estais  par  Girard  Corlieu,  d'Angoulême  (iSSg),  édition  inconnue  à 
Brunet  (p.  88),  au  Devis  sur  la  vigne,  vin  et  vendanges  (Paris,  1549) 
d'Orl.  de  Suaue  (pseudonyme  de  Jacques  Golîory,  alchimiste,  poète 
et  professeur  (p.  96),  aux  Sécréta  mulierum  (Lyon,  vers  1540),  pla- 
quette si  faussement  attribuera  Albert-le-Grand  (p.  97-98)  '  ;  au  Thré- 
sor  du  remède  préservatif...  de  la  peste...  par  maistre  Jean  Thibault, 
médecin,  astrologue,  etc.,  Anvers,  i53i  (p.  107-308)  ';  au  Livre  de 
restât  et  mutation  du  temps  par  Richard  Roussat,  chanoine  de  Lan- 
gres,  volume  sorti  (r55o)  des  presses  du  typographe  lyonnais  qu'il  faut 
appeler  Roville  et  non  Rouillé  (p.  121),  comme  M.  É.  Picot  l'avait 
déjà  très  bien  montré  ici-même';  à  la  Prédiction  merveilleuse  sur  les 
deux  ecclypses  de  lune.,  et  une  d:  Soleil,  en  Van  présent  i588  par 
Lucas  Tremblay,  à  qui  Brunet  n'a  pas  consacré  d'article  (Lyon,  i588^, 
(p.  123-125);  à  La  noble  science  des  joueurs  d'cspée  (Anvers,  i5yS)  et 
à  un  Traicté...  sur  l'espée  seule  (Paris,  i573).  Ce  dernier  opuscule, 
composé  par  Henry  de  Saint-Didier,  gentilhomme  provençal,  est  orné 
(ft.  8-20)  de  vers  laudatifs  de  divers  poètes  dont  plusieurs  apparaissent 
dans  rhistoire  littéraire  pour  la  première  fois  (p.  159-160)".  C'est  ici 
l'occasion  d'observer  que  le  Catalogue  ne  nous  révèle  pas  seulement 
les  noms  de  ceux  qui  ont  fourni  la  moindre  pièce  de  vers  à  divers  re- 
cueils du  xvi'^  siècle  et  du  xyu**  siècle  ",  mais  qu'encore  il  nous  fait  con- 

1.  Cette  édition  des  Sécréta  fait  partie  d'un  recueil  du  xvic  siècle,,  qui  est  par- 
venu entre  les  mains  de  M.  de  Rothschild  dans  sa  reliure  originale  en  vélin  blanc, 
à  recouvrements,  et  qui  est  composé  de  22  pièces  énumérées  de  la  p.  98  à  la 
page  100  du  Catalogue.  Ces  pièces  ont  été  imprimées  à  Lyon  par  Jacques  Mo- 
derne, dit  Grand  Jacques.  0:i  donne  (p.  ioi-)o3j  une  liste  par  ordre  chronologique 
d'un  certain  nombre  de  volumes  sortis  de  ses  presses,  liste  qui  n'avait  jamais  éît' 
dressée.  Voir  l'énumération  (p.  219-226)  de  chansons  et  morceaux  divers,  en  prose 
et  envers,  du  xvi*  siècle  ajoutés  à  un  volume  de  i563  par  un  amateur  qui,  ayant 
fait  interfolier  ce  volume  de  papier  blanc,  l'avait  transformé  en  une  sorte  d'al- 
bum. Voir  encore  (p.  271-2S1)  une  énumération  de  104  pièces,  inédites  pour  Ja 
plupart,  dont  se  compose  le  recueil  des  œuvres  poétiques  de  Jean  Molinet.  On  en 
rapprochera  (p.  444-44G)  l'énumération  des  chansons  diverses  qui  forment  la  se- 
conde partie  d'un  recueil  des  œuvres  de  Saint-Gelais  (Lyon,  1547)  dont  on  ne  con- 
naît que  deux  exemplaires.  Signalons,  pour  n'y  plus  revenir,  le  dépouillement  de 
quelques  autres  précieux  recueils  de  pièces  (p.  540-542,  545,  546,  547-349,  55o-55i. 
552,  553,  554,  563,  5Si-583,  583-584,  etc. 

2.  La  notice  biographique  sur  Jean  Thibaut,  «  un  des  personnages  les  plus  sin- 
guliers dont  fasse  mention  l'histoire  littéraire  du  xvi^  siècle,  »  est  fort  piquante.  Thi- 
baut ne  fut  pas  seulement  médecin  et  astrologue,  mais  fondeur  de  caractères,  li- 
braire et  historien. 

3.  1882,  second  semestre,  p.  93. 

4.  Ces  poètes  sont  Estienne  de  La  Guette,  de  l'Aigle,  Jacques  Brocher  (de  Pertuis. 
en  Provence),  Jean  Emery,  aussi  Provençal  (de  Berre),  Pierre  du  Fief  (du  Poitou;. 
Pierre  Quinefaut  (également  Poitevin),  Estienne  Du  Four,  de  Yaulusien,  Amad'" 
Jamin,  Fr.  de  Belleforest,  Com^mingeois. 

5.  Voir  pp.  i65,  171,  177,  216,  238,  25i,  433,  434,  442,  466,  471,  473,  477- 
479,484.485,492,494,496,  5oo,  5o2,  5o3,  5o5,  5o6-5o9,  5ii,5i3-522,  524, 
53i,  542-543,  554-558,  56o,  562,  565,  Sgo,  612,  622,  629,  63o,  634-636,  etc. 


45o  REVUE   CRITIQUE 

naître  trois  friands  morceaux  poétiques  reproduits  en  entier  :  d'abord 
(p.  187)  un  sonnet  adressé  par  Joachim  Du  Bellay  à  Jérôme  de  la  Ro- 
vère,  évèque  de  Toulon,  auteur  de  :  Les  deux  sermons  funèbres  et  obsè- 
ques et  enterrement  du  feu  Rojr  très  chrestien  Henri  deuxiesme  de 
nom  (Paris,  iSSg)  ';  ensuite  (p.  488)  un  dixain  du  même  à  la  ville  du 
Mans  en  faveur  de  J.  Pelletier;  enfin  une  traduction  fort  bien  enlevée 
(p.  423)  d'une  spirituelle  épigramme  de  Nicolas  Bourbon  en  l'honneur 
de  Clément  Marot,  petit  bijou  qui  paraît  avoir  échappé  à  tous  les  édi- 
teurs modernes  du  poète  de  Cahors. 

A  tant  d'indications  littéraires  nouvelles  se  joignent  souvent  des  indi- 
cations biographiques  dont  on  aura  désormais  à  tirer  parti,  comme,  par 
exemple  (p.  196),  l'indication  de  la  date,  non  déterminée  dans  la  conti- 
nuation du  Gallia  Cliristiana  (XVI,  256)  de  la  mort  de  Pierre  Scarron, 
évêque  de  Grenoble,  dont  l'oraison  funèbre  fut  prononcée  le  i3  février 
1668  par  le  P.  Nicolas  de  Dijon  -.  Citons  encore  cette  petite  notice 
(p.  214)  sur  le  «  seigneur  Jules  Gassot  »  auquel  furent  adressées  une  épî- 
tre  de  Remy  Belleau  et  une  élégie  de  Ronsard  :  «  Comme  les  éditeurs 
modernes  de  Belleau  et  de  Ronsard  paraissent  ne  rien  savoir  de  Jules  Gas- 
sot, nous  ferons  remarquer  que  ce  personnage,  qui  fut  secrétaire  du  roi 
et  des  finances,  mourut  le  i3  septembre  1623.  Il  fut  enterré  à  Paris, 
dans  l'église  Saint-Germain-l'Auxerrois,  à  côté  de  sa  femme  Renée  de 
La  Vau,  morte  le  2  3  avril  1608.  »  ^'. 

Revenons  aux  curiosités  bibliographiques  :  le  Virgile  déguisât,  o  VE- 
neido  burlesco  del  s^  de  Vales,  de  Mountech  (Toulouse,  J.  Boude, 
1648,  Jn-4°)  est  Cp.  217)  un  «  ouvrage  de  la  plus  grande  rareté,  dont 
on  n'a  décrit  jusqu'ici  aucun  exemplaire  complet.  »  Le  recueil  intitulé  : 
Syntra  Aloisiœ  Sygeœ  Toletanœ  (Paris,  i566,  in-40)  est  introuvable. 
Voici  ce  que  nous  apprend  le  Catalogue  (p.  234)  :  «  Le  bibliographe 
lyonnais  [il  s'agit  là  de  M.  AUut,  l'auteur  de  la  dissertation  sur  Aloy- 
sia  Sygea  et  Nicolas  Chorier,  1862,  in-S"]  a  reproduit  en  entier  le 
poème  de  Syntra,  élégante  description  des  jardins  royaux  qui  avoisi- 
nent  Lisbonne,  mais  il  n'a  pu  consulter  qu'une  réimpression  faite  à 
Lisbonne  en  1781,  par  D.  Francisco  Cerda  y  Rico,  sur  une  ancienne 
copie  manuscrite;  il  n'a  pas  réussi,  malgré  toutes  ses  recherches,  à  dé- 
couvrir un  seul  exemplaire  de  l'édition  originale,  que  nous  venons  de 
décrire.  Cette  édition  fut  publiée  par  Jean  Nicot,  le  célèbre  auteur  du 

I.  Le  sonnet  et  neuf  distiques  latins  adressés  au  même  prélat  ont  été  omis  dans 
toutes  les  éditions  des  œuvres  du  charmant  poète. 

■1.  Dans  le  Dictionnaire  historique  de  la  France  {2"  édition,  1877),  ^^  a  prolongé 
(p.  940)  l'épiscopat  de  P.  Scarron  jusqu'en  1C70,  c'est-à-dire  deux  ans  de  trop. 

3.  Voir  d'autre  excellentes  petites  notices  sur  le  poète  Eloy  d'Amerval  (p.  261), 
sur  Robert  Gaguin  (p.  271),  sur  le  chanoine  Guillaume  Flameng  (p.  283),  sur  Mar- 
tial d'Auvergne  (p.  285),  sur  Jacques  d'Adonville  (p.  291-292),  sur  Jehan  d'Abun- 
dance  (p.  377),  sur  Pierre  de  La  Vacherie,  dont  le  nom  n'a  été  cité  ni  par  La  Croix 
du  Maine  ni  par  Du  Verdier  (p.  379),  sur  Fr.  M.  Cliastelet  de  Beauchasteau  (p.  564), 
sur  Esprit  de  Raimond  de  Mormoiron,  comte  de  Modène  (p.  567),  etc. 


d'histoire    liT    DE    LITTÉRATURE  4^  I 

Dictionnaire  françois  (voy.   ci-dessus,  n"  326),  à  qui   Jacques  Sygée 
[père  d'Aloysia]  avait   remis  le  manuscrit  du  poème,  au  moment  où  il 
quittait  Lisbonne  pour  rentrer  en  France.   »  L'édition  du  Sermon  des 
repeu:{  franches  de  maistre  François  Villon  (petit   in-8°  gotliique,  de 
l'an  i5oo  environ)  est,  lit-on  p.    26,   «   inconnue  à  tous  les  bibliogra- 
phes »  et  «  doit  être  antérieure  à  celles  qui  portent  le  titre  de  Recueil 
des  repeues  franches.  )>   Les  Méditations  et  oraisons  dévotes  en  rymc 
(composées  par  François  Le  Roy,  religieux  de  l'ordre  de  Fontevrauk 
et  imprimées  à  Paris  vers   i5oo}  sont  (p.  283)  «   restées  inconnues  à 
l'auteur  du  Manuel.,  comme  à  tous  les  bibliographes.  »  L'édition  de 
La  vie  sainte  Règne  vierge  et  martire  (in-4",  i  5oo)  est  encore  (p.  287) 
«  restée  inconnue  à  M.  Brunet,  qui  ne  mentionne  que  l'édition  impri- 
mée à  Troyes,  par  Jehan  Le  Coq  '.  »  L'  Epitaphe  [en   724  vers]  de  feu 
très  hault  très  puissant  et  redoubté  prince  Phelippes  Daustrice  Roy 
de  Castilles.,  de Leo)i  et  de  Grenade  (Paris,  i5o6)  par  Nicaise  Ladam, 
héraut  d'armes  (p.   278),  n'a  été  citée  par  aucun  bibliographe;  c'est  le 
seul  exemplaire  connu  ^  L'édition  des  Folles  entreprises  qui  Iraictent 
de  plusieurs  choses  nouvelles  (Paris,  vers  i5o6)  n'a,  de  même  (p.  3o6), 
été  connue  d'aucun    bibliographe.    Les   Contredict:^  de   Songecreux 
(Paris,  i5  3o)  ont  fourni  au  rédacteur  du  Catalogue  l'occasion  de  cette 
remarquefp.  3i2-3i3)  :   «  Les  contredict^  de  Songecreux  sont  un  des 
livres  sur  lesquels  les  bibliographes  ont  commis  les  plus   nombreuses 
erreurs.  Cet  ouvrage,  dont  il  n'existe  pas  d'édition  moderne,  est  d'une 
telle  iareté  que  la  plupart  de  ceux  qui  en  ont  parlé   ne  l'ont  jamais  eu 
entre  les  mains.   Ainsi   peut  s'expliquer  la  facilité  avec  laquelle  s'est 
accéditée  l'opinion  de  Goujet  {Bibl.  franc.  XI,  2  38)  qui  l'avait  un  peu, 
à  la  légère,  attribué  à  Gringore.  On  sait  maintenant   que  Gringore, 
connu  sous  le  nom  de  Mère  Sotte,   n'a  jamais  porté  celui  de  Songe- 
creux. Ce  surnom  appartenait  au  contraire  à  son  rival,  Jean   de  TEs- 
pine  du  Pont-Alletz,  le  célèbre  Chef  et  maistre  des  joueurs  de  mora- 
lités et  farces  à  Paris,  dont  ont  parlé  Gringore  (éd.  Montaiglon  et 

1.  Voici  sur  l'auteur  une  note  que  l'on  peut  appeler  du  fruit  nouveau  (ibid)  : 
«  Jehan  Piquelin,  dont  le  nom  nous  est  révélé  par  la  souscription  du  poème  et  par 
un  acrostiche  final,  n'est  cité  par  aucun  bibliographe.  Il  semble  pourtant  qu'il  ait 
écrit  plus  d'un  ouvrage  en  vers.  Nous  croyons  du  moins  pouvoir  lui  attribuer  une 
jolie  composition,  plusieurs  fois  imprimée  :  Le  Messagier  d'Amours  (Montaiglon 
et  Rothschild,  Recueil,  de  Poésies  françaises,  XI,  1.  33.  Cette  dernière  pièce  se 
termine  par  un  acrostiche  qui  donne  le  nom  de  Pilvelin,  mais  Pilvelin  est  in- 
connu, et  l'acrostiche  qui  atteste  son  existence  contient  une  faute  que  nous  pouvons 
désormais  corriger..-  » 

2.  L'auteur  du  Catalogue,  après  avoir  décrit  trois  autres  pièces  de  N.  Ladam, 
ajoute  (p.  3o2)  :  «  Comme  les  ouvrages  de  cet  auteur  sont  de  la  plus  insigne  rareté, 
que  la  Bibliothèque  nationale  n'en  possède  aucun,  et  que  M.  Brunet  lui-même  n'en 
a  pas  donné  la  liste  complète,  nous  croyons  intéressant  de  citer  ici  ceux  que  nous 
avons  eus  entre  les  mains.  »  Suit  la  description  (p.  3o2-3o3)  de  cinq  poèmes  de 
N.  Ladam,  qui  appartiennent,  les  quatre  premiers,  à  la  Bibliothèque  de  l'université 
de  Gand,  le  dernier  à  la  Bibliothèque  royale  de  Bruxelles. 


1.52  RKVUK    CRITIQDK 

d'Héricault,  I,  207)  Marot  (éd.  Jannet,  I,  187)  et  Du  Verdier  (éd. 
Rigoley  de  Juvigny,  IV,  5o2-3o3)  '.  »  L'Esperon  de  discipline  par 
Antoine  Du  Saix  (i532,  in-4)  amène  (p.  327-328)  une  note  fort  intéres- 
sante sur  l'auteur  et  sur  son  rarissime  livre  très  curieux  comme  docu- 
ment historique.  L'édition  des  Gestes  des  solliciteurs  par  Eustorg  de 
Beauliku  (Bordeaux,  Jehan  Guyart,  i537)  décrite  (p.  33o),  est  la  troi- 
sième et  n'est  citée  ni  dans  le  Manuel  du  Libraire  ni  dans  les  Origines 
de  l'imprimerie  en  Guyenne  par  M.  Jules  Delpit.  Les  dits  de  Chiche- 
face  (Lyon,  vers  i5  37),  bien  que  —  lit-on  (p.  440]  —  «  M.  de  Montai- 
glon  en  eût  soupçonné  l'existence  {Recueil  de  poésies  françaises,  II, 
191),  étaient  restés  inconnus  à  tous  les  bibUographes  jusqu'au  moment 
de  la  découverte  de  notre  plaquette...  ))  Le  Grand  credo  de  Venise 
(iSog,  in-8°)  n'a  été  cité  ni  par  M.  Brunet,  ni  par  aucun  autre  biblio- 
graphe (p.  341).  La  description  des  Rondeaiilx  tiouveaulx  jusqiies  au 
nombre  de  cent  et  troys  (Paris,  vers  i33o)  est  suivie  <p.  399)  de  cette 
rectification  parfaitement  justifiée  dans  une  discussion  à  laquelle  je 
renvoie  les  curieux  :  «  ces  rondeaulx,  qui  forment  un  petit  roman 
d'amour,  méritent  d'être  cités  parmi  les  meilleures  productions  poéti- 
ques du  commencement  du  xvi°  siècle.  C'est  à  tort  qu'ils  ont  été  tour  à 
tour  attribués  à  Jehan  Bouchet  et  à  Pierre  Gringore.  »  L'édition  de 
Y  Adolescence  clémentine  de  Lyon  (i5  33)  est  restée  inconnue  à  tous  les 
chercheurs  (p.  409),  ainsi  que  celle  de  Paris,  i5  38  (p.  420)  ^. 

Voici  une  trouvaille  fournie  par  le  Tombeau  de  Marguerite  de 
Valois,  Rojrne  de  Navarre  (Paris,  i55i)  :  «  nous  relèverons  [p.  443) 
une  autre  devise,  employée  par  Pierre  Des  Mireurs  (Mirarius)  : 
ignoti  nulla  ciipido.  Cette  devise  nous  fait  connaître  l'auteur  de  petites 
pièces  insérées  dans  le  Recueil  des  Poésies  francoises  (VI,  335,  337, 
340).  »  Le  Genethliacum  Claudii Doleti  (Lyon,  1540)  et  ï Avant-Nais- 
sance de  Claude  Dolet  {Lyon,  iSig)  ont  perm.is  au  rédacteur  du  Catalo- 
gue de  compléter  d'un  seul  coup  (p.  448)  trois  ouvrages  :  «  M.  Brunet 
(II,  796)  et  M.  Boulmier  {Est ienne  Dolet ^  Paris,  1847,  in-S",  p.  285) 
ne  citent  le  Genethliacum  que  sous  la  date  de  1539.  M.  Christie 
(pp.  5oo-5o2)  a  le  premier  fait  remarquer  qu'il  existe  deux  sortes 
d'exemplaires  de  Genethliacum  sous  la  date  de    i539;   mais  il  n'a  pu 

1.  Le  rédacteur  da  Catalogue  cite  encore  un  acquit  au  comptant  du  règne  de  Fran- 
çois l"  (Arch.  nat.  J.  061)  où  il  est  fait  mention  de  225  livres  tournois  que  le  roi 
accorde  à  Jean  de  l'Espine,  dit  Songecreux,  pour  avoir  avec  sa  bande,  joué  plusieurs 
farces  devant  lui  pour  son  plaisir  et  récréation.  Ce  document  n'est  pas  le  seul  qui 
nous  fasse  connaître  la  personne  de  Songecreux;  ainsi  Jean,  condamné  à  la  prison 
par  le  prévôt  de  Paris,  en  i52g  ou  en  i53o,  signe  de  son  nom  réel  et  de  son  nom  de 
théâtre  une  requête  adressée  à  Messieurs  du  Parlement,  en  vue  d'obtenir  sa  liberté 
(Bibl.  nat.  mss.  fr.  2206,  fol.  191)- 

2.  L'édition  des  Cinquante  deux  pseaumes  de  David  traduict:^  en  riihme  fran- 
çaise selon  la  vérité  hébraïque  par  Clément  Marot  (Paris,  Guillaume  Thibaust,  1546), 
a  été  omise  par  M.  Bovet  dans  la  bibliographie  qui  accompagne  son  Histoire  du 
psautier  des  églises  réformées.  Cette  édition  est  également  restée  inconnue  à 
M.  ûouen,  le  dernier  historien  du  psautier  huguenot. 


d'histoirk  et  dk  littérature  45? 

voir  aucun  exemplaire  de  l'édition  de  1340.  Cette  édition  ne  contient 
aucun  des  passages  que  le  bibliographe  anglais  croyait  avoir  été  ajoutés 
par  Dolet,  en  vue  d'une  réimpression  de  son  œuvre.  M.  Christie  a  aussi 
vainement  cherché  un  exemplaire  de  l'édition  originale  de  VAvaut- 
Naissance.  »  La  complainte  intitulée  :  Les  Regret^  et  tristes  lamenta- 
tions sur  le  trespas  du  très  Chrestien  Roy  Henry  II  (Paris,  iSSg)  est 
(p.  458)  restée  inconnue  à  Brunet;  elle  ne  figure  pas  dans  la  liste  des 
ouvrages  de  François  Habert  donnée  par  La  Croix  du  Maine  et  Du 
Verdier.  En  revanche  c'est  à  tort  que  Du  Verdier  et,  d'après  lui,  l'au- 
teur du  Manuel  du  Libraire  attribuent  à  Fr.  Habert  la  Description 
poétique  de  l'histoire  du  beau  Narcissus  (Lyon,  Balthazar  ArnouUet, 
i55o,  in-8o). 

Voici  les  motifs  invoqués  par  le  rédacteur  du  Catalogue  (p.  458- 
459)  :  «  Cette  attribution  repose  sur  une  erreur  évidente.  Habert  a 
donné,  il  est  vrai,  dans  la  Jeunesse  du  Banny  de  liesse  (fol.  io5-i  i  î) 
une  traduction  de  la.  Fable  du  beau  Narcissus,  amoureux  de  sa  beaulté, 
dont  il  mourut  ;  mais  la  traduction  dont  nous  parlons  n'a  rien  de  com- 
mun avec  la  paraphrase  beaucoup  plus  étendue  qui  parut  en  i55o.  Il 
n'est  pas  probable  qu'Habert  ait  traité  deux  fois  le  même  sujet  d'une 
manière  entièrement  différente,  et,  d'ailleurs,  tous  les  ouvrages  qu'il 
publia  après  1545  portent  son  nom  en  toutes  lettres.  Nous  regardons 
en  conséquence  conime  parfaitement  authentique  l'attribution  faite  par 
un  lecteur  du  temps  sur  le  titre  de  l'exemplaire  de  la  Bibliothèque  de 
FArsenal  :  De  Jehan  Ruz,  Bourdel[ois].  Les  ouvrages  de  ce  poète  sont 
d'une  telle  rareté  que  son  nom  n'a  été  recueilli  ni  par  La  Croix  du 
Maine,  ni  par  Du  Verdier,  et  que  M.  Brunet  lui-même  n'a  pas  soup- 
çonné son  existence.  En  1873,  M.  Tamizey  de  Larroque  a  réimprimé, 
d'après  un  exemplaire  unique,  appartenant  à  la  Bibliothèque  d'Auch, 
les  Œuvres  dictées  par  Jehan  Rus,  Bourdeloys,  e^  jeux  Jloraulx  à 
Tholose  (Tholose,  Guyon  Boudeville,  s.  d.  in-8")  '  ;  nous  croyons 
pouvoir  restituer  aujourd'hui  au  même  auteur  la  Description  poétique, 
dont  M.  Tamizey  de  Larroque  n'a  point  parlé  -.  »  Au  dernier  feuillet 
du  Discours  à  très  hault  et  très  puissant  prince,  Monseigneur  le  duc 
de  Savoye,  etc.  (Paris,  i55g)  est  imprimé  un  Extrait  du  privilège 
du  23  février  i558  dont  le  rédacteur  du  Catalogue  tire  cette  consé- 
quence (p.  473-575).  «  Le  titre  donné  ici  à  Ronsard  est  des  plus  curieux, 
car,  dans  les  autres  privilèges  que  nous  avons  consultés,  le  poète  est 
désigné  sous  le  nom  de  P.  Ronsard,  gentilhomme  Vandomois,  ou 
simplement  Vandomois.  La  qualité  d'aumonier  ordinaire  du  roi  et  de 
la  duchesse  de  Savoie  fournit  un  argument  précieux  à  ceux  qui  préten- 


I  .  Voir  un  article  de  M.  Gaston  Paris  dans  la  Revue  critique  du  ig  juin  iSyS, 
p.  397. 

2.  Le  rédacteur  du  Catalogue  ajoute  qu'une  des  pièces  qui  composent  le  recueil 
de  Jean  Rus,  le  Triste  chant  d'une  dame,  lequel  on  joue  sur  le  luth,  se  retrouve  dans 
quatre  chansonniers  du  temps  (i  557,  i55(),  i582,  i588). 


434  REVUK    CRlilQUE 

dent  que  Ronsard  entra  d^abord  dans  les  ordres.  Nous  nous  étonnons 
que  les  biographes  ne  l'aient  point  mentionnée  '.  »  Le  Vœu  à  laRoyne 
par  Nicolas  Filleul,  de  Rouen  (s.  1.  i568,  in-4'')  est  (page  5oo)  une  des 
plus  rares  des  compositions  de  l'auteur  de  la  tragédie  à' Achille.  Ce 
compliment  en  vers,  où  Filleul  fait  Téloge  de  toute  la  famille  royale, 
n'est  cité  ni  par  M.  Brunet,  ni  par  M.  Frère.  M.  Eugène  de  Robillard 
de  Beaurepaire,  qui  a  réédité  les  Théâtres  de  Gaillon  pour  la  société 
des  Bibliophiles  normands,  et  qui  les  a  fait  précéder  d'une  notice  sur 
l'auteur,  ne  cite  qu'un  exemplaire  défectueux  qui  appartient  à  la  Biblio- 
thèque de  TArsenal  «.  Le  Chant  triumphal  sur  la  victoire  obtenue  par 
le  Roy^  à  V encontre  des  rebelles  et  ennemys  de  Sa  Majesté  (Paris, 
i56g,  in-4")  n'est  pas  moins  rare  que  le  poème  précédent.  Le  rédacteur 
du  Catalogue  a  réuni  en  une  demi-douzaine  de  lignes  (p.  5oi)  tous  les 
renseignements  que  l'on  possède  sur  le  médecin-poète  :  «  Antoine  Valet, 
de  Saint-Germain,  en  Limousin,  dont  M.  Brunet  ne  cite  pas  le  nom, 
est  l'auteur  de  divers  ouvrages  français  et  latins.  Voy.  La  Croix  du 
Maine,  éd.  Rigoley  de  Juvigny,  1,  54;  Du  Verdier,  m,  226  (article 
Pierre  de  La  Roche)  et  IV,  24.  Aux  ouvrages  cités  par  les  deux  biblio- 
graphes nous  ajouterons  le  Tojnbeau  de  messire  Jean  de  Vojyer  (Pari- 
siis,  Benenatus,  iSyo,  in-4")  et  trois  épigrammes,  dont  une  en  grec,  qui 
se  trouvent  en  îéte  d'une  édition  d'Ausone  publiée  à  Bordeaux  en 
ibgo  -.  ))  Le  rédacteur  du  Catalogue  ajoute  ainsi  (p.  5o2)  à  ce  que  Ton 
savait  de  VOde  sur  les  misères  des  églises  francoises  imprimée  à  la 
suite  de  YEpitaphe  de  la  mort  de  très  illustre  prince  Wolgang,  etc. 
(Genève,  iSôg,  in-S")  :  <?  Ci  poème,  d'une  facture  très  remarquable,  a 
été  réimprimé  sans  nom  d'auteur  en  i586,  sous  le  titre  (X'Ode  sacrée  de 


1.  Rappelons  que  M.  l'abbé  L.  Froger,  dans  une  notice  sur  Ronsard  ecclésiasti- 
que faite  d'après  des  documents  inédits  (Mamers,  1882,  in-8°),  a  très  bien  établi  que 
l'évêque  du  iMans,  René  du  Bellay,  conféra  la  tonsure  en  1343  au  futur  poète  alors 
âgé  de  dix-neuf  ans,  et  que  ce  dernier  reçut,  en  novembre  i554,  du  cardinal  Jean  du 
Bellay  l'investiture  d'un  bénéfice  ecclésiastique,  la  cure  de  Challes,  en  échange  de 
laquelle  il  abandonna  la  cure  de  Marolles  (diocèse  de  Meaux)  à  son  prédécesseur.  En 
i556  Pierre  de  Ronsard  était  en  possession  de  la  cure  Saint-Martin  d'Evaillé  qu'il 
allait  échanger,  la  même  année,  contre  une  prébende  que  lui  céda  M^  Jean  Berneuil, 
prêtre,  chanoine  de  la  collégiale  Saint-Martin  de  Tours.  A  propos  de  Ronsard,  disons 
que  le  rédacteur  du  Catalogue  rectifie  (p.  474-475)  les  erreurs  commises  par  feu 
Prosper  Bianchemain  en  ce  qui  regarde  la  date  de  \2l  Paix  (iSSg  et  non  i56o).  In 
date  de  V Élégie  sur  les  troubles  d'Amboise  (i563  et  non  1564),  enfin  la  date  de  la 
Remonstrance  au  peuple  de  France  (i563  et  non  1564).  Voir  encore  (p.  475-476) 
d'assez  nombreuses  variantes  non  recueillies  par  le  dernier  éditeur  des  Œuvres  de 
Ronsard.  On  voit  un  peu  plus  loin  (p.  477)  que  P.  Bianchemain  n'a  pas  connu  la 
Réplique  faite  à  la  Response  de  P.  de  R.  par  un  calviniste  caché  sous  le  pseudonyme 
de  Lescaldin  (i563,  in-4°). 

2.  C'est  la  fameuse  édition  d'Élie  Vinet,  enrichie  des  Lectiones  ausonianœ  de 
Joseph  Scaliger  (Simon  Millanges,  in-4").  On  sait  que  la  première  édition  de  \'Au- 
sone  de  Vinet  avait  été  donnée  dans  la  même  ville,  dans  le  même  format  et  chez  le 
même  imprimeur,  en  i58o;  l'impression  en  avait  été  commencée  en  lôyS,  ainsi  que 
nous  l'apprend  un  avis  au  lecteur  au  recto  du  titre. 


DHISTOiUli    K'î    Dii    LITTÉRATURE  455 

l'église  française  sur  les  misères  de  ces  troubles.,  et  reproduite, 
comme  une  composition  anonyme,  às^nslQ  Recueil  de  poésies  françai- 
ses (V.  49-59).  Notre  édition  est  signée  à  la  fin  :  A.  Zamariel ;  VOd.e 
est  donc,  comme  les  épitaphes,  l'œuvre  d'Antoine  de  La  Roche  Chan- 
dieu,  dit  Zamariel  ou  Sadeel,  gentilhomme  maçonnais,  qui  fut  minis- 
tre à  Paris,  à  Poitiers,  à  Orléans,  et  qui  mourut,  en  lôgi,  à  Genève,  où 
il  s'était  retiré  après  la  Saiat-Barthélemi.  L'Ode  n'a  pas  été  citée  par 
MM.  Haag  dans  l'excellent  article  qu'ils  ont  consacré  à  Chandieu  (La 
France  protestante,  lïi,  327-334);  elle  se  retrouve  cependant  à  la  suite 
d'une  tragédie  latine  de  Jean  Jacquemot,  qui  parut  à  Genève  en  1601... 
L'édition  de  iSôg  offre  cet  intérêt  particulier  qu'elle  contient  la  musique 
de  la  première  strophe.  »  A  propos  de  VHjnmie  de  Clémence  par  Claude 
Pellejay,  poitevin,  secrétaire  du  duc  d"An;ou  (Paris,  iS-i,  in-4«'),  le 
rédacteur  du  Catalogue  note  que  le  nom  de  ce  poète  ne  figure  pas  au 
Manuel  du  Libraire,  bien  que  La  Croix  du  Maine  (r,  147)  et  du  Ver- 
dier  l'i,  358)  lui  aient  consacré  l'un  et  l'autre  un  article  '.  Autre  addi- 
tion (p.  525),  au  sujet  du  Blason  des  Barbes  (Paris,  i55i)  et  de  La 
Response  et  contredit  d.' un  Barbu  (Paris,  i55t)  :«  M.  Brunet  (I,  9/0) 
et  l'éditeur  du  Recueil  des  poésies  françaises  (11,  210)  ne  citent  du 
Blason  des  Barbes  qu'une  édition  imprimée  à  Paris  vers  la  fin  du 
xvie  siècle  et  une  édition  publiée  par  Loys  Costé,  à  Rouen,  en  1602... 
La  plaquette  que  nous  venons  de  décrire  est  précisément  l'édition  an- 
cienne qui  avait  échappé  jusqu'ici  aux  recherches  des  bibliographes...  La 
Response,  qui  fixe  d'une  manière  précise  la  date  du  Blason  des  Barbes, 
est  restée  inconnue  à  M.  Brunet,  aussi  bien  qu'à  l'éditeur  du  Recueil 
des  poésies  françaises  '-.  »  Citons  enfin  —  car  il  est  temps  de  s'arré- 

1.  Brunet  n'a  cité  que  d'après  La  Croix  du  Maine  (art.  Robert  Corbin)  et  du  Ver- 
dier  (article  Boisserau]  le  Songe  de  la  Piaffe,  opuscule  composé  par  Robert  Corbin, 
écuyer,  seigneur  du  Boissereau,  en  Berry  (Paris,  1374,  1114°).  Cette  satyre,  dirigée 
contre  les  gens  de  guerre,  et  qui  paraît,  selon  le  Catalogue  (p.  5o3),  avoir  fourni  à 
Gabriel  Bounyn  l'idée  de  sa  :  Tragédie  sur  la  défaite  et  occision  de  la  Piaffe  et  la 
Picquerie  et  bannissement  de  Mars,  etc.,  (Paris,  157g,  in-4°),  est  d'une  extrême 
rareté.  P.  Lacroix  (Recherches  bibliographiques  sur  des  livres  rares  et  curieux) 
(Paris,  1880,  in-S",  p.  97)  cite  le  Songe  de  la  Piaffe  parmi  les  livres  perdus.  Reve- 
nons à  Brunet  pour  constater,  au  sujet  du  premier  recueil  des  Quatrains  de  Pybrac 
(Lyon,  Jean  de  Tournes,  1574,  in-8°),  décrit  (p.  604),  que  des  quatre  éditions  de 
cette  même  année  (Paris,  G.  Morel,  in-40;  Paris,  G.  Gorbin,  in-8°;  Rouen,  Martin  le 
Megissier,  in-S»),  il  n'en  cite  que  deux,  celle  de  Jean  de  Tournes  et  celle  de  G.  Mo- 
rel, qu'il  n'a  pas  vue  et  dont  il  a  emprunté  la  mention  à  l'abbé  Goujet.  Brunet  a  omis 
encore  \e  Discours  faict  par  Michel  Qidllian,  Breton,  panégyrique  enthousiaste  du 
duc  de  Guise,  (i588,  in-40).  Le  rédacteur  du  Catalogue  en  cite  trois  éditions  sous 
trois  titres  différents  et  ajoute  (p.  517)  :  Michel  Quillian  était  sieur  de  La  Tousche. 
Il  prend  cette  qualité,  en  iSgô,  sur  le  titre  de  Xz.  Dernière  Semaine,  ou  consomma- 
tion du  monde;  c'est  probablement  à  lui  qu'il  convient  d'attribuer  un  quatrain  :  Si- 
gné :  La  Touche,  qui  se  trouve  en  tête  de  Y  Art  poétique  françois  de  Pierre  de 
Laudun  d'Aigaliers  (Paris,   1597,  in-8°). 

2.  Deux  pages  avant  (article  771),  sont  mentionnées  les  œuvres  latines  et  françai- 
ses du  docteur  Raimond  de  Ma5sac,  natif  de  Clairac,  en  Agenais,  doyen  de  la  faculté 


456  REVUE    CRITIQUK 

ter  '  !  —  une  note  touchant  l'Ode  aux  Muses  sur  le  portrait  du  Roy 
composée  par  le  comte  de  Modène  (Paris,  1667,  in-4°)  :  «  Ces  relations 
du  comte  de  Modène  avec  Molière  ont  fait  penser  à  divers  auteurs  que 
le  poète  comique  avait  eu  quelque  part  aux  ouvrages  du  gentilhomme. 
M.  Paul  Lacroix  a  soutenu  cette  opinion  pour  V Histoire  des  Révolu- 
tions de  la  ville  et  du  royaume  de  Naples  (voy.  Bibliographie 
Moliùresque,  n"  228);  il  serait  plus  naturel  de  penser  à  une  collabora- 
tion pour  un  ouvrage  en  vers  tel  que  VOdeaux  Muses  ;  mais  cette  pièce 
paraît  être  inconnue  à  tous  les  bibliographes.  »  Avis  à  MM.  les  Moliè- 
ristes! 

T.  DK  L. 


VARIETES 


Une    leîti-e    de    L.eil>niz. 

On  aimerait  pouvoir  considérer  comme  définitive  la  belle  édition  des 
œuvres  philosophiques  de  Leibniz  entreprise  il  y  a  dix  ans  par  C.  J. 
Gerhardt  et  dont  le  cinquième  volume  a  paru  en  1882  ".  On  désire  y 
trouver,  outre  une  disposition  des  matières  plus  méthodique  que  celle 
des  anciens  éditeurs  Dutens  et  Erdmann,  un  texte  à  peu  près  irréprocha- 
ble. L'Allemagne  est  la  terre  classique  des  recensions  savantes,  et  Leibniz 
mérite  assurément  autant  d'égards  qu'Aristote,  Platon,  ou,  pour  citer 
un  moderne,  Kant,  dont  le  texte  a  été  récemment  l'objet  des  beaux  tra- 
vaux de  Benno  Erdmann.  II  y  avait  beaucoup  à  faire  de  ce  côté  : 
PéditiondeJ.  Ed.  Erdmann  (1840)  est  très  incorrecte  ;  à  l'Ecole  normale, 
en   1869,  notre  maître,   M.  Lachelier,  expliquant  les  lettres  au   P.  Des 

de  médecine  d'Orléans,  et  de  son  fils  Charles.  On  aurait  pu  indiquer  sur  ces  écri- 
vains un  mcmoirc  communiqué  par  la  famille  de  Massac  aux  éditeurs  du  Moréri 
(édition  de  lyScj,  t.  VII,  p.  3.iO-32i).  Ce  mémoire  aurait  permis  au  rédacteur  du 
Catalogue  d'éviter  les  deux  seules  fautes  peut-être  qu'il  y  ait  dans  tout  l'ouvrage, 
c'est-à-dire  d'appeler  Spasçnet  ou  Y Espagnet  le  poète  Jean  d'Espagnet  et  d'en  faire 
un  conseiller  à  l'imaginaire  parlement  de  F'oitiers,  ledit  poète  —  qui  fut  aussi  pro- 
sateur —  ayant  été  conseiller,  puis  président  au  parlement  de  Bordeaux. 

1.  J'aurais  pourtant  voulu  signaler  la  réhabilitation  littéraire  (p.  266)  de  Pierre 
Meschinet,  de  Nantes,  l'auteur  des  Limettes  des  Princes,  que,  sur  la  foi  de  l'abbé 
Goujel,  on  considère  injustement  comme  un  poète  médiocre;  la  description  (p.  3i6) 
d'une  édition  du  Temple  de  Jehan  Boccace  (Paris,  Galliot  du  Pré,  i^iy),  laquelle 
édition  contient  un  grand  nombre  de  leçons  préférables  à  celles  des  manuscrits  suivis 
par  M.  Kervyn  de  Lettenhove  /Œuvres  de  Georges  Chastellain,  vu,  75-143);  l'éloge 
(p.  494)  de  u  la  forme  correcte,  facile  et  souvent  heureuse  »  du  poète  Scèvole  de 
Sainte-Marthe,  avec  accompagnement  d'indications  sur  les  éditions  comparées  de 
i56q  et  de  157g,  indications  qui  seraient  très  utiles  à  celui  qui  voudrait  remettre 
au  jour  les  œuvres  de  cet  honnête  chantre  des  joies  du  foyer  domestique,  etc. 

2.  Die  philosophischen  Schriften  von  G.  \V.  Leibniz,  hcrausgegeben  von  C.  J. 
Gerhardt.  Berlin,  ^^'cidmalln,  grand  S'\ 


d'hISTOXUK    et    Dli    r.IT'réRATURE  4^7 

Bosses,  en  était  réduit  à  traiter  cette  édition  comme  un  mauvais  ma- 
nuscrit, et  proposait  souvent  des  corrections  nécessaires  au  sens.  Nul 
doute  que  l'édition  Gerhardt  ne  constitue  un  progrès  à  cet  égard.  Mais 
la  perfection  est  difficile  à  atteindre,  et  nous  venons  d'avoir  une  occa- 
sion de  constater  que  la  récension  des  manuscrits  de  Hanovre  n'a  pas 
toujours  été  faite  par  Gerhardt  et  ses  collaborateurs  avec  l'attention 
scrupuleuse  qu'on  était  en  droit  d'attendre  d'eux. 

Un  amateur  parisien  a  bien  voulu  nous  communiquer  une  lettre 
autographe  de  Leibniz  qui  ne  portait  pas  le  nom  du  destinataire. 
Nous  avons  d'abord  reconnu  qu'elle  faisait  partie  des  lettres  à  l'abbé 
Nicaise,  dont  la  majeure  partie  (dix-huit  lettres),  conservée  en  France 
dans  des  bibliothèques  publiques,  a  été  publiée,  sur  des  originaux 
ou  sur  d'anciennes  copies,  par  un  anonyme  dans  la  Revue  des  Deux 
Bourgognes  {iS36),  puis  par  Cousin  dans  les  éditions  successives  des 
Fragments  philosophiques^  par  CoUombet  (i85o),  enfin  tout  récemment 
par  M.  Gaillemer;  cette  dernière  publication  peut  être  louée  comme  un 
modèle  du  genre,  pour  la  fidélité  des  transcriptions,  la  richesse  et  la  pré- 
cision du  commentaire  '.  Cousin  avait  signalé  l'absence  de  deux  lettres, 
dont  il  retrouvait  la  mention  ou  même  des  fragments  dans  la  corres- 
pondance de  Nicaise  avec  Huet,  que  possédait  et  que  possède  sans 
doute  encore  M.  Feuillet  de  Couches.  Mais  on  sait  que  Leibniz  avait 
l'habitude  de  conserver  pour  lui-même  un  double,  brouillon  ou  copie, 
de  la  plupart  des  lettres  de  quelque  importance  qu'il  envoyait  à  ses 
correspondants;  les  manuscrits  de  Hanovre  ont  ainsi  fourni  à  Gerhardt 
quatre  lettres  inédites  [n"'  VIH,  XIII,  XXI,  XXII),  ce  qui  porte  à 
vingt-deux  Tensemble  de  la  collection,  et  c'est  lui  qui  a  publié  le  pre- 
mier le  texte  complet  de  la  lettre  qui  nous  occupe  (la  XI Ile),  dont 
Cousin  n'avait  pu  donner  que  les  fragments  communiqués  par  Nicaise 
à  l'évêque  d'Avranches  -. 

L'autographe  que  j'ai  entre  les  mains  est  évidemment  l'exemplaire 
mis  à  la  poste  par  Leibniz  à  l'adresse  de  Nicaise.  Comparé  avec  le  texte 
de  Gerhardt,  il  nous  a  donné  un  certain  nombre  de  variantes,  dont  la 
plupart  corrigent  des  fautes  de  l'édition  allemande.  Nous  croyons  ren- 
dre un  service  en  signalant  ces  variantes,  à  l'exception,  bien  entendu, 
de  celles  qui  sont  purement  orthographiques;  ce  sera  peut-être  donner 
un  avertissement  utile  à  l'éditeur,  dont  la  tâche  est  loin  d'être  termi- 


née ^ 


1.  Lettres  de  divers  savants  à  l'abbé  Claude  Nicaise,  publiées  pour  l'Académie  des 
Sciences,  Belles-Lettres  et  Arts  de  Lyon  par  E.  Caillemer.  Lyon,  i885,  grand  8°. 
—  Sur  les  manuscrits  et  les  éditions  de  cette  correspondance,  voy.  p.  i-vi,  xxxiii 
sqq.,  265  sqq.  M.  Caillemer  paraît  ignorer  la  publication  de  Gerhardt. 

2.  Mais  il  n'a  pas  retrouvé  la  première  des  deux  lettres  dont  Cousin  avait  signalé 
l'absence;  sa  place  serait  entre  la  1"^°  et  la  II*  delà  collection- 

3.  Il  pourrait  également,  lors  d'une  réimpression,  rectifier  la  ponctuation,  tout  à 
fait  fâcheuse,  de  l'épitaphe  en  vers  de  Nicaise  (t.  IL  p.  527),  et  (p.  546)  la  date  de 
la  V°  lettre,  qui  est  de  1694  et  non  de  1692. 


Lettre  du  3o  avril  zr  lo  mai  1697,  t.  II,  p.  365-368  : 

Page  365,1.  21  :  vous  avés  porté  Monsieur  d'Avranches  de  vouloir  s'informer 
de  etc.  ;  —  l'autographe  portait  d'abord  :  de  vouloir,  mais  Leibniz  a  corrigé  :  à  vou- 
loir. 

P.  366,  1.7:  auteurs  anonymes  et  pseudonymes...  les  auteurs  marqués  ;  —  sur 
l'autographe,  Leibniz  semble  bien  avoir  e'crit  d'abord  marquésou  manques,  mais  il  a 
corrigé  :  masqués. 

P.  366,  I.  ig,  sur  Foucher;  phrase  inintelligible;  une  ligne  est  omise,  —  L'auto- 
graphe porte  :  Sa  curiosité  estait  limitée  et  ne  regardait  que  certaines  matières  un 
peu  sèches,  et  il  me  semblait  qu'il  ne  traitait  pas  ces  matières  mêmes  avec  toute 
l'exactitude  nécessaire. 

P.  367,  1.  2  :  on  Va  dispensé  de  Vexcrcice  de  la  charge;  —  aut.  :  de  sa 
charge. 

P.  3C7,  1.  29  :  Arnauld;  aut.  :  Arnaud. 

P.  368,  1.  16  :  des  gens  qu'on  appelle  Pietistes,  qui  font  icy  autant  de  bruit etc; 
aut.  :  et  qui  font  etc. 

P.  368,  1.  23  :  Ne  connaisses  vous  pas  quelqu'uns,  Monsieur,  qui  aient  ramassé  les 
mots  des  anciennes  langues  perdues  ;  —  aut.  :  Leibniz  avait  d'abord  écrit  quelqu'uns; 
il  a  corrigé  :  quelques  uns. 

P.  36<S,  1.  26  :  Pondanus ;  —  aut.  :  Pontanus. 

P.  368,  1.  32  :  un  recueil  des  jnots  Scythiques,  Persiques,  etc.;  —  sur  l'aut.  le 
mot  Persiques  est  omis. 

Trois  de  ces  variantes  révèlent  l'embarras  de  Thomme  qui  écrit  dans 
une  langue  étrangère  et  ne  trouve  pas  de  suite  le  mot  propre  (comme 
masqués)  ou  la  tournure  correcte;  et  Ton  remarquera  que  le  second 
mouvement  de  Leibniz  n'est  pas  toujours  le  bon  :  ainsi  lorsqu'il  écrit  : 
quelques  uns.  Dans  d'autres  endroits  il  commet  des  fautes  d'orthogra- 
phe :  elle...  nous  apprends;  —  si  Enée  est  venue  en  Italie. 

J'ignore  si,  en  général,  Leibniz  avait  l'habitude  de  recopier  ses  lettres 
pour  son  usage  personnel  ou,  au  contraire,  d'en  garder  le  brouillon; 
mais,  ici,  il  semble  bien  que  l'exemplaire  delà  bibliothèque  de  Hanovre 
est  le  brouillon  de  Leibniz,  puisque  notre  autographe  porte  d'évidentes 
corrections  de  style;  de  même,  l'omission  d'un  mot,  à  la  fin  de  la  lettre, 
ne  s'explique  que  si  Leibniz  se  recopiait. 

D'autres  lettres  de  Leibniz  à  Nicaisesonl,  dans  l'édition  Gerhardt, 
publiées  d'après  un  texte  tout  à  fait  défectueux.  Ce  sont  celles  (no^  lî, 
IV,  VI,  XIV,  XVII)  dont  il  n'a  pas  trouvé  de  manuscrit  à  Hanovre  et 
que  Cousin  avait  publiées  d'après  une  copie  de  la  bibliothèque  de  Lyon. 
Gerhardt,  faute  de  mieux,  reproduit  Cousin;  mais  les  autographes  de 
ces  lettres  ont  été  retrouvés  et  la  publication  que  vient  d'en  faire 
M.  Caillemer  donne  pour  la  première  fois  leur  texte  correct  et  com- 
plet '. 

Victor  Egger. 

I .  Voir,  par  exemple,  sur  la  IV  lettre,  Caillemer,  p.  xxxv  et  40.  —  Dans 
cette  lettre,  à  la  fin,  Cousin  et  Gerhardt  doivent  avoir  raison  contre  M.  Caillemer  : 
Leibniz  a  dû  écrire,  non  pas  jYoAJ'rt'.  mais  Voslrc  illustre  M .  Iluet. 


d'histoiki-:  et  di-;  littérature  459 


Kncore     la    C^olonabisie. 


L'article  sur  la  Bibliotheca  Colombina  publié  dans  i'avaiU-dernier 
numéro  de  la  Revue  critique  a  été  Tobjet  d'une  interpellation  aux  cer- 
tes espagnoles,  samedi  23  mai. 

Au  sénat,  le  Sr.  Fabie,  dans  une  péroraison  éloquente  et  patriotique, 
a  déclaré  ne  pas  vouloir  qu'on  prît  TEspagne  pour  une  Grèce  en  déca- 
dence .  No  quiero  que  Espana  paresca  una  Grecia  décadente. 

S.  Exe,  le  ministre  d'État  a  promis  d'aviser. 

Au  congrès,  le  Sr.  Balaguer  a  interrogés.  Exe.  le  président  du  conseil 
sur  l'allégation  que  des  manuscrits  delà  Colom.bine  auraient  été  projetés 
dans  les  rues  de  Séville  par  une  secousse  violente  du  dernier  tremble- 
ment de  terre,  ramassés  et  vendus  K 

S.  Exe,  le  ministre  de  la  justice  a  répondu  que  le  gouvernement 
allait  provoquer  une  enquête  afin  de  savoir  ce  qui  s'était  passé  à  celte 
occasion.  tl. 


IHRONIQUE 


^' 


FtlANCE.  —  M.  H.  D.  de  Grajimont,  a  fait  tirer  à  part  les  articles  qu'il  avait  pu- 
bliés dans  la  «  Revue  historique  »  sur  la  course,  l'esclavage  et  la  rédemption  à  Al- 
ger ;  oa  lit  avec  le  plus  vif  intérêt  cts  éludes  algériennes  où  Tauteur  nous  montre 
successiven-ent  comment  on  tombait  entre  les  mains  des  Barbaresques,  dans  quelles 
conditions  vivaient  les  captifs  et  comment  on  sortait  de  captivité;  elles  formeraient 
un  des  chapitres  les  plus  remarquables  d'un  livre  d'ensemble  que  l'auteur  se  déci- 
dera peut-être  à  écrire  sur  Alger  avant  la  domination  française. 

—  Viennent  de  paraître  à  la  librairie  Hachette  :  1°  Le  Directoire  et  l'expédition 
d'Egypte,  étude  sur  les  tentatives  du  Directoire  pour  communiquer  avec  Bonaparte, 
le  secourir  ou  le  ramener,  par  le  comte  Boulav  de  la  Meurthe.  (In-S",  344  p., 
3  fr.  5o)  ;  l'ouvrage  renferme  sept  chapitres  :  I.  Causes  de  l'expédition;  II.  Malte, 
l'Irlande,  Aboukir  (19  mai  à  oct.  1798);  III.  Nouvelle  coalition  (nov.  i7c)8  au 
12  mars  s  799)  ;  IV.  La  tiotte  de  Brest  dans  la  iVicdilerranée  (14  mars  au  26  mai 
179(5);  V.  Bruix  et  Mazarredo  (juin  au  8  août  1799);  VI.  Crise  du  régime  directo- 
torial  (juillet-août  1799);  VU.  Projet  de  traité  avec  la  Porte  (3  sept,  au  b  nov.  1799), 
et  plusieurs  appendices  renfermant  des  lettres  inédites  (p.  219-333);  2"  un  Voyage 
au  Mexique  de  New-York  à  Vera-Cru^  par  terre,  par  M.  Jules  Leclercq,  (collec- 
tion de  voyages  illustrés.  In-S",  446  p.  avec  carte,  14  fr.);  l'auteur  est  allé  de  New- 
York  au  Rio  Grande  et  de  là,  par  San-Luis-Potosi  et  Queretaro  à  Mexico,  d'où  il  a 
gagné,  par  Puebla,  Cordoba  et  Jalapas,  le  port  de  la  Vera-Cruz;  le  chapitre  sur  Que- 
retaro est  fort  instructif  et  M.  Leclercq  a  recueilli  du  chanoine  Soria  de  nouveaux 
détails  sur  les  derniers  instants  de  Maximilien;  il  décrit  d'une  façon  fort  attachante 
le  musée  national  de  Mexico;  le  livire  se  termine  par  un  chapitre  assez  original  sur 


I.  Habiendo  espresado  cl  vendedor  que  diclios  codiccs  las  habia  aicontrado  en 
una  calle  de  Seviila,  donde  los  arrojô  u)io  de  las  ierronotos  ûltiinos.  {La  Corrcs- 
pondencia  de  Espana,  n"  du  24  mai). 


460  WnVUii    CRITIQUE    d'hiSTOIRK    KT    ûH    LlTTKkA  1  URk 

l'avenir  du  Mexique  ;  3°  Ecrivains  modernes  de  l'Angleterre,  par  M.  Emile  Monté- 
GUT.  (ln-8",  4o5  p.,  3  fr.  3o)  ,  c"est  une  première  série;  elle  comprend  un  Premier 
essai  sur  George  Eliot,  (p.  3-58,  écrit  en  iS3g,  au  lendemain  de  la  publication  d'^- 
dam  Bede);  Georges  Eliot,  portrait  général  (I,  l'âme  et  le  talent,  p.  61-102  ;  II,  les 
œuvres  et  la  doctrine  morale,  p.  io3-i8o);  Charlotte  Bronté,  portrait  général 
(I.  sa  famille  et  sa  jeunesse,  p.  184-270;  II,  sa  vie  littéraire  et  ses  œuvres,  p.  271- 
354);  Un  roman  de  la  vie  mondaine  (analyse  et  appréciation  du  Guy  Livingsione 
du  major  Laurence,  p.  357-405). 

SOCIETE  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANGE 


Séance  du  i3  mai. 

PRÉSIDENCE  DE  M.  COURAJOD 

Lecture  d'une  lettre  de  M.  de  Laigue  signalant  une  urne  cinéraire  de  marbre 
blanc  vue  chez  un  marchand  de  curiosités  à  Lucques;  elle  porte  une  inscription 
funéraire  qui  -lit  connaître  les  noms  du  détunt,  L.  Caiius  Velox,  et  ceux  de  sa 
femme,  lunia  l'hyllis. 

La  Société  des  Etudes  indo-chinoises  à  Saigon  envoie  son  adhésion  au  vœu  émis 
par  la  Société  des  Antiquaires  pour  la  conservation  des  monuments  anciens,  et  in- 
siste particulièrement  pour  que  les  restes  précieux  et  grandioses  de  l'antique  civili- 
sation khmer  au  Cambodge,  soient  également  l'objet  de  mesures  conservatrices. 

M.  Nicard  rappelle  que  la  fameuse  mosaïque  de  Lillebonne  sera  prochainement 
mise  aux  enchères  publiques  et  réclame  l'intervention  de  l'Etat  pour  que  cet  incom- 
parable spécimen  de  nos  antiquités  nationales  ne  sorte  pas  du  territoire  français. 

M.  Molinier  présente  la  chromolithographie  d'un  triptyque  en  cuivre  émaillé 
appartenant  au  Musée  national  de  Budapest.  Il  établit  que  ce  triptyque,  qui  passe 
pour  une  œuvre  byzantine  du  x^  siècle,  est  celle  d'un  faussaire  qui  s'est  servi  d'une 
gravure  de  Gori  représentant  une  des  mosaïques  byzantines  conservées  au  baptis- 
tère de  Florence. 

M.  de  Kermaingant  communique  un  portrait  de  Henri  IV  peint  sur  cuivre  et 
appartenant  à  M.  le  baron  d'Hunolstein  ;  d'après  certaines  particularités  on  peut  ad- 
mettre que  Henri  n'était  encore  que  roi  de  Navarre  quand  ce  portrait  a  été  exécuté. 

M.  Gaidoz  communique  la  gravure  d'une  sitiila  en  bronze  découverte  à  Bologne, 
analogue  par  son  travail  et  par  ses  sujets  figurés  à  des  objets  de  même  usage  trou- 
vés à  Watsch  (Carniole);  on  y  voit  des  scènes  de  vie  militaire  et  sportive.  M.  Gai- 
doz émet  l'hypothèse  qu'il  s'agit  là  peut-être  de  Gaulois  et  que  ces  ustensiles  sont 
des  monuments  de  leur  migration  de  l'est  à  l'ouest  de  l'Europe. 

M.  l'abbé  Thédenat  dit  qu'il  a  eu  l'occasion  de  voir  à  Saint-Michel  d'Euzet  une 
inscription  à  tort  publiée  comme  milliaire  de  Constantin  ;  c'est  un  titulus  en  l'hon- 
neur de  cet  empereur.  11  a  reconnu  la  trace  d'antiquités  romaines  en  cet  endroit  ; 
des  fouilles  y  seront  bientôt  pratiquées. 

M.  Flouest  donne  des  détails  circonstanciés  sur  une  sépulture  à  char  gaulois  dé- 
couverte près  de  Suippe  (Marne)  par  M.  Counhaye,  il  communique  des  dessins  co- 
loriés de  la  garniture  de  bout  de  timon  consistant  en  plaques  cle  bronze  ciselées  à 
jour  et  incrustées  de  cabochons  qui  paraissent  être  en  corail  ou  peut-être  en  érnail 
analogue  à  celui  qui  a  été  signalé  dans  les  touilles  du  Mont  Beuvrey  par  M.  Bulliot. 

M.  de  Montaiglon  exibe  une  espèce  d'armature  en  fer  forgé  qu'il  suppose  avoir 
servi  à  maintenir  la  fraise  dans  le  costume  des  femmes  à  l'époque  des  Valois. 

Le  Secrétaire  de  la  Société, 

, MOWAT. 

Séance  du  20  mai  i8S5. 

PRÉSIDENCE  DE  M  COURAJOD 

M.  de  Villefosse  fait,  au  nom  de  M.  l'abbé  Duchesne,  hommage  de  son  mémoire 
intitulé  «  Les  Sources  du  Martyrologe  hiéronymien  »,  étude  critique  d'un  précieux 
document  hagiographique  dont  M.  "l'abbé  Duchesne  prépare  une  édition  définitive 
en  collaboration  avec  M.  S.  B.  de  Rossi. 

M.  de  Bourgade  fait  circuler  des  dessins  de  fragments  de  poteries  rouge-lustré 
ornés  de  sujets  en  relief  et  trouvés  à  Martre  de  Veyre  î Puy-de-Dôme).  Il  y  relève 
des  estampilles  de  potiers,  dont  quelques-unes  avec  noms  gaulois. 

Le  Secrétaire, 

MoWAT. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 


Le  FuY,  imprimerie  de  Marchessou  fils,  boulevard  Saint- Laurent,  3:>. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


No  24  —  15  juin  —  1885 


luminaire  î  loi.  Deltour,  Histoire  de  la  littérature  grecque.  —  102.  Le  monu- 
ment d'Ancyre,  p.  p.  Mommsen.  —  io3.  Brives-Cazes,  Passages  de  princesses 
royales  françaises  et  espagnoles  en  Guyenne.  —  104.  A.  Sorel,  L'Europe  et  la 
Révolution  française,  l,  les  mœurs  politiques  et  les  traditions.  —  Chronique.  — 
Académie  des  Inscriptions.  —  Société  des  Antiquaires  de  France. 


ICI.—  HIstoîi-e  de  la  littérature  grecque,  par  F.  Deltour.  Paris,  Delà- 
grave,   1884,  I  vol.  in- 12  en  2  parties,  de  ix-713  p. 

Ce  n'est  pas  un  livre  savant  que  M.  Deltour  s'est  proposé  d'écrire. 
Les  lecteurs  auxquels  il  s'adresse  sont  surtout  les  élèves  de  nos  lycées,  à 
qui  il  a  voulu  donner,  sous  une  forme  succincte,  une  idée  d'ensemble 
de  l'histoire  de  la  littérature  grecque,  depuis  les  origines  jusqu'aux  By- 
zantins. Pour  atteindre  ce  but,  il  a  multiplié  les  citations  et  les  analy- 
ses, y  mêlant  des  appréciations  sobres,  qui  ne  disent  que  le  nécessaire, 
mais  qui  Je  disent  avec  assez  de  charme  pour  retenir  l'attention  et  se 
fixer  dans  la  mémoire.  Sachant  bien  que  les  élèves,  faute  de  temps, 
d'expérience,  de  curiosité,  ne  recourent  guère  aux  textes,  que,  d'autre 
part,  les  généralités  ont  sur  eux  peu  de  prise,  M.  D.  a  voulu,  par  des 
traductions,  des  résumés,  les  mettre  en  contact  avec  les  écrivains  eux- 
mêmes,  se  réservant,  par  des  remarques  judicieuses,  de  guider  leur  juge- 
ment. Les  jeunes  gens  lui  sauront  gré  de  cette  méthode,  très  propre  à 
leur  donner,  dès  le  lycée,  sur  ce  que  le  génie  grec  a  produit  de  plus  ad- 
mirable, un  certain  nombre  de  notions  précises,  qu'ils  seront  libres  de 
compléter  plus  tard,  s'ils  ont  du  goût  pour  ce  genre  d'études. 

Peut-être  eût-on  souhaité  que  Fauteur,  tout  en  songeant  aux  élèves 
de  l'enseignement  secondaire,  se  préoccupât  un  peu  plus  qu'il  ne  Ta 
fait  des  étudiants  de  l'enseignement  supérieur.  Ceux-ci,  sans  doute, 
liront  son  livre  avec  profit,  mais  il  leur  servirait  davantage,  s'il  était 
composé  suivant  une  méthode  plus  scientifique.  Pourquoi,  par 
exemple,  à  propos  d'Homère,  M.  D.  ne  reproduit-il  que  des  hypothèses 
qui,  à  l'heure  qu'il  est,  ne  trouvent  plus  guère  de  crédit  (pp.  34-36),  au 
lieu  de  signaler  les  derniers  résultats  de  la  critique?  Sans  s'aventurer 
dans  le  chaos  delà  question  homérique,  il  eût  été  possible  de  traiter  ce 
grave  problème  avec  un  peu  plus  de  développeinent  ;  il  eût  été  bon 
surtout  de  faire  connaître  aux  élèves,  parmi  les  différentes  solutions 
qu'on  en  a  proposées,  celles  qui  sont  les  plus  récentes. 

Il  faut  louer  M.  D.  d'avoir  donné,  toutes  les  fois  qu'il  l'a  cru  néces- 
saire, des  éclaircissements  sur  quelques  usages  qu'il  est  utile  de  connaî- 
Nouvelle  série,  XIX.  24 


462  ■     REVUK    CRITIQUK 

tre  pour  bien  comprendre  certains  traits  de  la  litte'rature  grecque.  C'est 
ainsi  qu'avant  d'aborder  l'étude  du  théâtre  athénien,  il  expose  Torga- 
nisation  matérielle  du  théâtre  à  Athènes,  les  conditions  des  concours 
dramatiques,  etc.  (pp.  165-172).  De  même,  avant  de  parler  des  orateurs 
attiques,  il  rappelle  quelques-unes  des  principales  coutumes  judiciaires 
des  Athéniens  (pp.  SSy-Sôo).  La  méthode  est  excellente;  on  ne  saurait 
trop  y  applaudir  :  mais  on  se  demande  si,  dans  un  manuel,  de  pareilles 
indications,  si  discrètes  qu'elles  soient,  sont  bien  à  leur  place.  Les 
questions  relatives  à  l'archéologie  du  théâtre  offrent  tant  d'obscurité,  il 
est  si  difficile  de  les  traiter,  en  peu  de  mots,  d'une  façon  satisfaisante, 
qu'au  lieu  d'en  présenter  un  résumé  nécessairement  très  incomplet,  il 
eût  mieux  valu,  semble-t-il,  renvoyer  le  lecteur  aux  chapitres  plus  déve- 
loppés d'O.  Muller  et  de  Bernhardy.  Il  en  est  de  même  pour  les  institu- 
tions judiciaires  :  ne  pouvant  être  complet,  M.  D.  eût  mieux  fait, 
croyons-nous,  d'engager  les  élèves  à  consulter  l'ouvrage  de  M.  Perrot 
sur  le  droit  public  d'Athènes,  ou  le  premier  volume  du  manuel  de  Schœ- 
mann,  dont  M.  Galuski  vient  de  nous  donner  une  traduction. 

Enfin  M.  D.  s'est  beaucoup  servi  d'un  certain  nombre  de  travaux 
plus  ou  moins  récents  dont  il  nomme  les  auteurs  dans  sa  préface 
(pp.  vn-vni).  Telles  sont  les  études  de  M.  Patin  sur  les  tragiques  grecs, 
de  M.  J.  Girard  sur  Thucydide,  de  M,  A.  Croiset  sur  Pindare,  etc. 
M.  D.  renvoie,  dans  son  livre,  à  ces  divers  ouvrages  ;  çà  et  là,  il  en  cite 
encore  d'autres.  Il  pouvait  faire  plus  :  aux  ouvrages  français  ou  traduits 
en  français',  il  pouvait  joindre  quelques  ouvrages  allemands  ou  anglais, 
les  plus  complets  sur  chaque  question  ,  et  les  plus  répandus.  La 
plupart  des  élèves  de  nos  lycées  lisent  aujourd'hui  couramment  l'anglais 
ou  l'allemand;  il  en  est  de  même  des  étudiants  de  nos  facultés.  En  tai- 
sant précéder  chaque  chapitre  ou  chaque  livre  d'une  courte  bibliogra- 
phie signalant  les  principaux  travaux  français,  allemands,  anglais  rela- 
tifs aux  auteurs  étudiés  dans  ce  livre  ou  dans  ce  chapitre,  M.  Deltour 
eût  fait  un  livre  qui  nous  manque  encore  et  que  les  élèves  de  l'ensei- 
gnement supérieur  eussent  accueilli  avec  faveur. 

Telle  qu'elle  est,  cependant,  cette  Histoire  de  la  littérature  grecque 
rendra  de  grands  services,  et  les  quelques  fautes  que  nous  venons  de 
signaler  sont  de  légères  taches  qu'une  nouvelle  édition  fera  disparaître. 

Paul  Girard. 

I.  Ou  est  surpris,  parmi  ces  ouvrages,  de  ne  voir  figurer  ni  les  histoires  de  Cur- 
tius  et  de  Droysen,  traduites  par  M.  Bouché-Leclercq,  ni  l'histoire  de  la  phi- 
losophie grecque  par  Ed.  Z^llcr,  traduite  sous  la  direction  de  M,  Boutroux. 


d'hISTOIUK    et    Dli    LITTÉRATURE  463 

102.  —  Res  gestse»  dîvi  iliugusti  ex  monumentiA  Anc^'i-ano  ot  Apollo- 
niensî  iteriim  edidit  Th.  Mojimsen,  accedunt  tabuIœXI;  i883,  Berlin, Weidmann, 
in-8  de  LXxxxviii-284  p. 

Le  moulage  du  monument  d^Ancvre  dû  à  l'architecte  Humann  (le 
même  qui  a  fait  transporter  à  Berlin  les  bas-reliefs  célèbres  du  temple 
de  Pergame)  et  possédé  aujourd'hui  par  le  musée  de  Berlin,  a  permis  à 
M.  Mommsen  de  voir  par  lui-même  le  texte  de  l'inscription,  et  de  cor- 
riger la  lecture  qu'il  en  avait  autrefois  dressée  pour  le  Corj7Z/5  à  l'aide  des 
copies  de  Lucas,  Mordtmann,  surtout  de  M .  Perrot.  C'est  vingt  ans  après 
la  première  édition  des  Res  gestae  {iS6 5)  qu'apparaît  la  seconde.  Les 
nouveaux  instruments  de  travail  possédés  par  l'auteur  ont-ils  complè- 
tement transformé  et  le  texte  et  le  commentaire  du  testament  d'Auguste? 
Je  ne  pense  pas  qu'on  puisse  le  prétendre.  Ils  ont  prouvé  au  contraire 
que  les  copies  précédentes,  surtout  et  avant  tout  la  dernière,  avaient  été 
faites  avec  le  plus  grand  soin;  et  que  les  erreurs,  ou  bien  plutôt,  les 
quelques  lacunes  qui  s'y  étaient  glissées,  sont  des  plus  faciles  à  compren- 
dre :  il  suffit  de  voir  la  photographie  qui  accompagne  cette  nouvelle 
édition  pour  se  rendre  compte  des  difficultés  qu'ont  eu  à  surmonter 
ceux  qui  ont  lu  l'inscription  sur  place,  peu  à  Taise,  et  incommodés  par 
tous  les  ennuis  du  climat.  En  quelque  sorte,  cette  nouvelle  publication 
du  monument  d'Ancyre  est  un  hommage  rendu  au  dernier  éditeur 
français. 

Il  n'en  est  pas  moins  vrai  que,  dans  le  détail,  les  corrections  appor- 
tées sont  innombrables  et  souvent  importantes,  sans  être  nulle  part 
capitales.  Voici,  pour  les  premiers  passages  les  plus  modifiés,  le  texte 
du  Corpus  mis  en  regard  de  la  nouvelle  lecture. 

i,i3  Corpus   :   a    RMA. TERRA. E  i883  -^e  LLA.  TERRA.  ET 

i.igi  me.dedT  r  me.  dedI 

1,28  2        DVCTI.SVNT.ANTE.CV...,V  DVCTISVNT.ANTE.  CVRRVM  M/  V.M.REGES 

M.REGES 

1,33       /;7///;/;;/ENVRt/////,y/;//;v///  /■        envri/  vratio7'M.an,%7////VA!v1  ita  .ad 

1,343  S//,V/V.ET.PE  /,  C////MVN1V           S  .  METV.ET.PE  IC///,7,v7///// 7  M  VXIV 

1,44  IR ERAM.......... 

i>45  M    AiORI ; M.  SACRIS 

1,46  TVl .....S.FVl 

2,23  ERE.M.IN.ViVl/O     /E FIEREM.  IN.  VIVl  ONLE 

2,2(5  ....IO///OCCVPAVERAT CCASIONE  OCCVPAVERAT 


1.  M.  Bormann  dans  son  travail  intéressant  intitulé  Bemcrkimgen  :{um  schriftli- 
chen  Nachlasse  des  Kaisos  Augiislus,  Marbourg,  in-4,  1884,  p.  20,  n'accepte  ni  la 
lecture  ni  le  complément  de  M.  M.;  d'après  une  vérification  faite  sur  le  monument 
par  M.  Dessau,  au  lieu  de  I/7ME  il  accepte  /IIAE,  et  à  l'hypothèse  de  M.  M.  :  pro 
vr[aedi\i[s  a]ynededi,  il  substitue*  celle  de  QtT2,y.  pvo  pr[aemis  mili]tiae  dedi. 

2.  Le  vrai  texte  avait  été  supposé  et  retrouvé  par  M.  M. 

3.  Voici,  pour  les  lignes  33  et  34,  la  première  hypothèse  de  M.  M.,  et,  en  regard, 
la  nouvelle  : 

[Non  recusavi  in  siimma  fru-  [Non  recusavi  in  summafru- 

nienti  p]entiri[a  ciiram  annonae].  menti  p]enuri[a  c'iiiratiolnelm  an\nonaé], 

[quanon  neglegenter  facta  [qu]am  ita  ad[mimstravi,  ut.  .  paît- 


464  RKVUE    CRITIQUE 

Voilà  assez  d'exemples  pour  prouver  l'importance  et  le  nombre  des 
changements  apportés  au  texte  par  la  nouvelle  édition.  Ajoutons  que 
le  commentaire  de  M.  Mommsen  a  été  remanié  et  surtout  complété  et 
enrichi  en  maint  endroit;  qu'au  volume  est  annexé  un  atlas  compre- 
nant onze  grandes  planches,  reproduisant  toute  Tinscription  d'Ancyre 
en  magnifiques  héliogravures  prises  sur  le  moulage.  Les  lettres  appa- 
raissent très  distinctes  et  très  nettes  sur  ces  reproductions,  en  caractères 
d'un  demi  centimètre  de  hauteur.  C'est  certainement  une  des  publica- 
tions les  plus  utiles  et  les  plus  somptueuses  qui  aient  été  faites  depuis 
longtemps  par  la  maison  Weidmann.  Cette  réédition,  comme  celle  de 
Preller,  sont  véritablement  de  nouveaux  livres  indispensables  à  quicon- 
que s'occupe  de  l'antiquité  latine. 


Io3.  —  ï*nssa|;cs  de  pi-incesses  i*oyaIes  ri*anç»Î!^cs  et  espagnoles  en 
Guyenne  (1 '5^1 -1  î^lS),  par  E.  Brives-Cazes,  docteur  en  droit,  vice-pré- 
sident au  tribunal  civil  de  Bordeaux,  membre  de  l'Académie  des  sciences,  belles- 
lettres  et  arts  -de  cette  ville,  membre  correspondant  de  l'Académie  de  législation 
de  Toulouse.  Bordeaux,  Gounouilhou,   1884,  ^^-'^  '^^  144  P- 

Les  relations  que  nous  donne  M.  Brives-Cazes  sont  au  nombre  de 
cinq:  Passage  de  Vlnfante  Marie-Anne-Victoire,  de  Madeynoiselle  de 
Montpensier  et  de  Mademoiselle  de  Beaujolais  [iy2i-ij22]]  Retour 
de  Vinfante  et  des  princesses  d'Orléans  (1725);  Passage  de  la  fille 
aînée  de  Louis  XF  (Madame  de  France)  (1739);  Passage  de  Vinfante 
Marie-Thérèse-Antoinette-Raphaële  {Lq.  Dauphine)  {ij^.b)'^  Passage 
des  princesses  femme  et  fille  de  Vinfant  don  Philippe  (1748).  On  re- 
remarque (à  l'Appendice)  une  harangue,  tirée,  comme  toutes  les  pièces 
précédentes,  des  papiers  de  l'intendance  de  Guyenne  (archives  départe- 
mentales de  la  Gironde),  harangue  que  l'intendant  Tourny  qui  était, 
en  1745,  directeur  de  l'Académie  de  Bordeaux,  adressa,  au  nom  de  cette 
compagnie,  à  Madame  la  Dauphine.  Le  savant  magistrat  n'a  pas  seu- 
lement voulu  reproduire  les  incidents  relatifs  aux  passages  en  Guyenne 
des  princesses  françaises  et  espagnoles  que  les  deux  branches  de  la  mai- 
son de  Bourbon  ont  échangées  de  1721  à  1745  :  «  Un  intérêt,  plus 
sérieux,  »  dit-il  (p.  5)  «  attirait  mon  attention.  Dans  ces  moments 
solennels,  on  avait,  en  effet,  à  se  préoccuper  de  bien  des  choses  se  ratta- 
chant à  l'administration  même  de  la  province,  à  l'état  de  ses  routes  et 
aux  ressources  du  pays.  La  pénurie  était  grande,  et  des  aveux  précieux 
sont  faits  à  cet  égard.  11  fallait  mettre  en  réquisition  des  vivres  et  des 
fourrages,  des  locaux  de  toutes  sortes  et  des  bétes  de  toutes  espèces.  De 


meis  su)H}rtibii]s, 
[me/];<  et pe[i-i\c{ulo praesenii] 
\popidu]m  ititi[versum  paiicis 

diebus  liberavi]. 


cis  diebu\s, 

metu  cl  per\i]c{lo  quo  ct-at] 
[popidu]m  univ{ersum  meis  impen- 
sis  liberarem]. 


d'histoire  ar  de  littératuke  465 

Tenserable  des  renseignements  que  fournissent  abondamment  les  cor- 
respondances échangées  dans  ces  occasions,  ressort,  outre  l'indication 
du  prix  des  choses  et  des  services  à  ces  diverses  époques,  un  aperçu  in- 
téressant sur  le  rôle  des  intendants.  » 

Les  principales  lettres  analysées  par  M.  Brives-Cazes  sont  celles  du 
secrétaire  d'État  Le  Blanc,  du  cardinal  Dubois  et  de  l'intendant  Bou- 
cher, du  contrôleur  général  Dodun,  du  ministre  La  Vrillière,  du  mar- 
quis d'Argenson,  de  M.  de  La  Houssaye,  du  marquis  de  Puizieulx,  du 
comte  de  Noailles,  surtout  de  l'intendant  Tourny,  qui  est  le  véritable 
héros  de  l'attachant  petit  recueil.  Voici  une  anecdote  qui  nous  montre 
en  cet  éminent  administrateur  (p.  82)  un  spirituel  précurseur  de  Po- 
temkin  :  «  Il  avait,  à  la  vue  de  Taspect  désolé  des  landes,  imaginé,  en 
vrai  courtisan,  de  préparer  la  mise  en  scène  la  plus  originale  qu'on  eût 
jamais  conçue.  Par  ses  ordres,  des  pins  avaient  été  plantés  des  deux 
côtés  de  la  route,  entre  Bazas  et  Captieux,  sur  une  étendue  de  800  toi- 
ses. Cette  allée,  formée  d'arbres  de  dix  pieds  de  haut,  bien  choisis  et 
bien  alignés  à  vingt-quatre  pieds  de  distance  les  uns  des  autres,  ne 
devait  pas  manquer  de  présenter  l'illusion  d'une  ancienne  avenue,  en 
même  temps  qu'elle  devait  masquer  aux  yeux  de  la  princesse  la  triste 
perspective  d'un  vrai  désert.  »  On  trouvera  dans  la  brochure  bien  d'au- 
tres curieuses  particularités. 

T.    DE    L. 


104.  —  L'Europe  et  la  Sïévolutîon  ri-ançaise«  par  Albert  Sorel.  Les  mœurs 
politiques  et  les  traditions.  Paris,  Pion,  i883.  In-8,  562  p.  Prix  :  8  fr. 

Il  faut  d'abord  analyser  ce  volume  si  plein  de  choses,  si  plein  de  dé- 
tails attachants  et  de  profonds  aperçus.  Il  est  divisé  en  trois  livres: 
l.  Les  mœurs  politiques  et  les  réformes  {p.  i-i85).  II.  Les  traditions 
politiques,  la  France  (p.  187-336)  III.  Les  traditions  politiques,  l'Eu- 
rope (p.  337-355). 

Le  livre  premier  nous  montre  qu'il  n'y  avait  dans  l'Europe  de  l'an- 
cien régime  d'autre  droit  public  qu'un  droit  fondé  sur  les  faits,  et  dans 
ce  droit  public  d'autre  notion  fondamentale  que  celle  de  l'État. 
L'Etat  était  souverain  et  ne  reconnaissait  aucune  autorité  au 
dessus  de  la  sienne.  La  raison  d'État  était  la  règle,  et  l'agrandissement 
de  l'Etat,  l'objet  de  la  politique.  11  fallait  donc  saisir  les  occasions,  et  le 
succès  n'appartenait  qu'à  l'habile,  à  celui  qui  savait  prévoir,  qui  trom- 
pait les  autres  sans  se  laisser  tromper.  Pas  d'engagements  sûrs,  pas  de 
traités  respectés;  tout,  pour  parler  comme  ce  Bielfeld  dont  M.  Sorel  a 
si  bien  mis  à  profit  le  traité  d'Institutions  politiques,  tout  se  réduisait 
finalement  à  la  puissance,  et  par  suite,  la  guerre  était  «  le  grand  instru- 
ment de  règne,  l'argument  suprême  de  la  raison  d'État.  »  (p.  27).  Mais, 
comme  l'ajoute  l'historien,  ce  qui  faisait  l'excès  de  cette  docuine  en  fai- 


466  RKVUE    ClUTIQUK 

sait  aussi  le  tempérament,  les  intérêts  s'opposaient  les  uns  aux  autres;  il 
fallait  non  seulement  conquérir,  mais  conserver;  de  là  l'équilibre;  de  là 
cette  idée  qu'il  devait  y  avoir  balance  entre  les  forces;  mais  «  la  pesée 
implique  un  partage;  il  faut  des  contre-poids,  ce  sont  les  faibles  qui  les 
fournissent,  et  l'opération  tourne  inévitablement  au  profit  des  forts  » 
(p.  34).  De  là  les  démembrements  qui  devinrent  comme  la  ressource 
normale  de  la  diplomatie  et  le  moyen  d'arrêter  les  guerres  en  donnant 
satisfaction  aux  ambitieux;  de  là  les  échanges  de  royaumes  et  les  dépla- 
cements de  dynasties.  La  Révolution  trouva  les  sécularisations 
dans  la  jurisprudence  du  temps;  elle  divisa  les  Etats  et  déposséda  les 
souverains,  mais  ces  coutumes  étaient  en  vigueur  dans  la  vieille  Eu- 
rope; elle  refusa  de  les  subir  pour  son  propre  compte,  mais  ses  adver- 
saires les  avaient  appliquées  à  la  Pologne;  elle  n''innovait  donc  pas,  elle 
entrait  en  commerce  avec  les  anciens  États  en  s'appropriant  leur  sys- 
tème, «  elle  ne  creusa  pas  le  lit  du  torrent,  elle  ne  fit  qu'en  grossir  les 
eaux  »  (p.  42).  N'avait-on  pas  vu  Louis  XIV  reconnaître  la  Répu- 
blique d'Angleterre,  Voltaire  applaudir  à  la  décapitation  du  tsaré- 
vitch Alexis,  Marie-Thérèse  s'incliner  devant  la  Providence  à  la  nou- 
velle de  l'assassinat  de  Pierre  III?  La  révolution  d'un  État  étranger  ne 
paraissait  alors  aux  gouvernements  qu'une  crise  particulière,  parce 
qu'ils  la  jugeaient  d'après  leurs  intérêts,  et  on  tint  au  xviii^  siècle  en 
présence  de  la  Révolution  française  la  même  conduite  qu'au  xvi^,  en 
présence  de  la  Réforme.  On  intervenait  dans  les  guerres  civiles,  on  en- 
courageait les  factions,  on  les  suscitait  même.  «  Si  quelque  chose 
paraît  invraisemblable  à  la  fin  de  l'ancien  régime  et  contradictoire  même 
à  la  coutume  suivie,  c'est  une  coalition  fondée  sur  le  droit  public  pour 
la  défense  de  ce  droit.  Une  sainte  alliance  avant  1789  est  un  véritable 
paradoxe  historique.  L'ancienne  Europe  en  était  incapable,  et  il  fallut 
la  Révolution  française  pour  lui  en  donner  la  notion  «  (p.  71).  Ainsi  la 
diplomatie  s'accommodait  aisément  des  moyens  révolutionnaires  que 
les  hommes  de  1798  devaient  employer.  M.  S.  nous  la  fait  connaître 
par  le  menu;  il  la  montre  dénuée  de  tout  scrupule,  recourant  à  la  plus 
vile  corruption,  usant  et  abusant  de  tous  les  stratagèmes,  interceptant 
les  lettres,  arrêtant  les  courriers,  se  servant  d'agents  occultes,  d'aventu- 
riers et  d'intrigants  de  bas-étage  destinés  à  jouer  un  grand  rôle  sous  la 
Révolution  qui  les  «  poussa  vers  la  surface  et  les  jeta  sur  la  rive,  parmi 
les  épaves  et  l'écume  »  (p.  77).  En  réalité,  après  la  guerre  de  succession 
d'Autriche  où  les  engagements  d'Etat  les  plus  solennels  avaient  été 
impudemment  déchirés  et  après  le  partage  de  la  Pologne,  la  vieille 
Europe  s'était  condamnée  elle-même,  et  la  France  révolutionnaire  ne 
pouvait  que  suivre  son  exemple  et  retourner  contre  elle  sa  propre  con- 
duite. Quel  était  le  droit  public  qu'elle  léguait  à  ceux  qui  prétendaient 
la  réformer?  «.  La  raison  d'Etat,  comme  principe  et  fin  dernière,  l'in- 
trigue pour  moyen,  la  force  pour  loi  »  (p.  90).  C'est  pourquoi  tout  se 
décomposait  et  se  désagrégeait  à  la  fois,  et  la  Révolution  put,  au  milieu 


d'histoiric  !ct  ni';  littérature  467 

de  cette    dissolution  et   de  cette    ruine,    se  développer   impunément. 
M.  S.  passe  rapidement  en  revue  les  gouvernements  et  les  nations  et 
fait  voir  clairement  les  facilités  qu'elle  rencontra  pour  se  propager.  Par- 
tout les  mêmes  causes  de  désordre  et  de  souffrances,  partout  le  même  mal, 
la  même  décadence,  les  mêmes  réformes  essayées,  et,  comme  idéal  poli- 
tique, le  despotisme  tempéré  par  la  tolérance  et  les  lumières,  le  «  despo- 
tisme éclairé  »  qu'on  admirait  en  F"rédéric  II.  De  même  que  les  politi- 
ques,  les  philosophes  croyaient  que  l'Etat  est  omnipotent  et  la  raison 
d'État  souveraine,  que  les  princes  seuls  pouvaient  appliquer  les  réfor- 
mes, que  tout  était  facile  au  gouvernement,  même  la  régénération  de  la 
Pologne,  le  rétablissement  des  finances  de  l'Espagne  et  Porganisation 
de  la  paix  perpétuelle.  Ils  faisaient  l'apologie  du  coup  d'Etat,  et  «  on 
s'étonnera  moins  de  voir  les  disciples  acclamer  le  18  Brumaire  comme 
Tavenement  de   la  liberté,  quand    on  se  souviendra  que  les    maîtres 
avaient  célébré ,  comme  les   plus  beaux    succès  de  la  philosophie,  les 
journées  de  la  grande  Catherine  et  celles  de  Gustave  III  »  (p.  109).  Les 
réformes  se  faisaient  donc  seulement  dans  l'intérêt   du  pouvoir;  elles 
tendaient  à  rendre   l'homme  plus  heureux,  mais  en   lui  donnant   un 
maitre  plus  fort;  elles  ne  s'opéraient  qu'au  profit  de  l'Etat  et  ne  don- 
nèrent nullement  la  liberté  politique.  On  ne  trouvait   d^iutre  palliatif 
contre    la    crise     universelle    que     de    tendre     le    ressort  ;    l'Eglise 
même  n'était  pas  à  Pabri   des  entreprises  violentes  des   gouvernements 
et  «    les    pouvoirs  issus    de    la    Révolution    française    n'auront   pas 
d'autres  vues  sur  leurs  relations  avec  Rome,  d'autre  langage  à  Pégard 
du  Saint-Siège  que  les  gouvernements  du  xvni^  siècle  »  (p.  i33).  Mais 
cette  campagne  contre  le  passé  provoquait  des  troubles  et  des  séditions; 
la  révolution  éclatait  un  instant,  en  Hollande,  dans  les  Pays-Bas  autri- 
chiens, à  Genève;  les  révolutionnaires  chassés  venaient  demander  asile 
à  l'Angleterre,  puis,  à  la  France,  et  l'on  retrouvera  bientôt  à  Paris  tous 
ces  «  professeurs  et  courtiers  de  révolution  cosmopolite  »,  les  Belges,  les 
Genevois,  Dumont,  Clavière,  Marat.  M.  S.  expose  comment  la  F"rance 
fit  sa  Révolution  avant  les  autres  nations.  11  montre  que  toutes  les  idées 
répandues  en   Europe    trouvaient  naturellement  chez  nous  leur  plus 
parfaite  expression,  que  l'éducation  de  l'homme  du  monde  était  toute 
française,  qu'avant  la  Révolution,  la  société  polie  employait  déjà  le  jar- 
gon de  la  Révolution,  qu'il  y  avait   une  rhétorique  républicaine  passée 
de   notre  littérature  dans   celle  des  étrangers,  que   cette  communauté 
d'éducation  et  de  culture  intellectuelle  avait  établi  de  singulières  affini- 
tés entre  les  contemporains  et  que,  les  philosophes  français  étant  les 
premiers  citoyens  de  cette   immense  république  des  esprits,  on  suivit 
aisément  leurs  disciples,  lorsque  la  Révolution  les  eût  faits  les  chefs  du 
gouvernement,  a   Si  violente  qu'elle  soit,  la  crise  ne  pourra  briser  des 
liens  formés  par  toute  la  civilisation  d'un  siècle.  L'origine  roturière  des 
républicains  français  n'effarouchera  pas  l'Europe,  depuis  longtemps  ha- 
bituée aux  parvenus. ..  Les  hommes  d'État  que  la  Révolution  fit  surgir, 


/ 

468  lîF.VUi-:    CRITIQUE 

sortaient  de  ces  familles  de  bourgeoisie  lettrée  où  l'ancien  régime  recru- 
tait ses  conseillers  et  même  ses  ministres.  Un  prince  Cambacérès  valait 
largement  un  prince  Potemkinc,et,  régicide  pour  régicide,  tel  comte  fran- 
çais qui  avait  condamné  Louis  XVI,  pouvait,  au  moins,  marcher  de  pair 
avec  tel  comte  russe  qui  avait  exécuté  Pierre  III...  On  put  mesurer  la 
force  des  liens  que  le  xviii"  siècle  avait  formés  entre  la  France  et  TEurope. 
Les  Français  surent  se  défendre  et  vaincre,  c'était  beaucoup;  ils  surent 
se  faire  entendre  et  comprendre,  c'était  plus  encore.  C'est  qu'au  fond, 
leurs  ennemis  et  eux  avaient  appris  à  parler  la  même  langue...  Telles 
sont  les  voies  que  la  vieille  France  ouvrait  à  la  nouvelle.  Et  mainte- 
nant, dans  l'Europe  ainsi  préparée,  représentez-vous  les  armées  fran- 
çaises enthousiastes  de  leur  cause,  exaltées  par  leurs  victoires...  Elles 
proclament  des  principes  généreux  ;  elles  détruisent  des  abus  que  l'on 
Jugerait  intolérables,  si  les  peuples  ne  les  avaient  supportés  si  longtemps. 
Elles  annoncent  des  réformes  qui  répondent  aux  aspirations  des  penseurs 
et  aux  réclamations  des  humbles.  Ceux  qui  composent  ces  armées  et  qui 
propagent  cette  Révolution  appartiennent  à  cette  race  dont  toutes  les 
idées  sont  nationales  et  passionnées.  Ils  sont  convaincus  que  les 
Français  seuls  sont  des  êtres  raisonnables;  leur  patriotisme,  qui  est  pour 
eux  une  religion,  confond  le  salut  de  la  République  et  celui  de  la  civi- 
lisation ;  ils  sont  persuadés  que  tout  ce  qui  est  acquis  à  la  France  est 
conquis  à  l'humanité.  Leur  impulsion  sera  prodigieuse,  et  l'Europe  n'y 
résistera  pas.  »  (p.  171).  Mais,  en  même  temps,  l'État  réalise  pour  son 
profit  et  sa  gloire  l'œuvre  commencée  par  la  nation,  a  On  vit,  dès  le 
début  de  la  Révolution,  à  côté  de  ce  large  et  beau  courant  qui  découlait 
pour  ainsi  dire,  de  toute  Phistoire  de  France,  s'en  former  un  autre,  trou- 
ble, violent,  tumultueux,  grossi  par  tous  les  orages,  qui  déborde  sur  le 
premier,  le  chasse  de  son  lit,  et  confondant  ses  eaux  avec  les  siennes,  enva- 
hit les  terres  et  les  bouleverse  de  leur  déluge  commun.  »  Le  prosélytisme 
furieux  se  substitua  à  l'élan  du  patriotisme,  l'enthousiasme  dégénéra  en 
fanatisme,  la  Révolution  devint  un  dieu.  C'étaient  encore  les  doctrines 
du  xviii^  siècle  qui  avaient  engendré  ce  prosélytisme;  aux  revendications 
révolutionnaires,  dit  M.  S.,  se  mêlait  un  appoint  d'aspirations  mysti- 
ques, et  au  fond  des  imaginations  fermentait  un  levain  de  religion  sen- 
timentale. (Rousseau,  Saint-Martin,  les  Illuminés,  les  Rose-Croix,  etc.)' 

Le  premier  livre  de  M.  S.  a  prouvé  que,  dans  la  Révolution  qui  se 
prépare,  les  gouvernements  ne  suivront  que  la  raison  d'État,  c'est-à- 
dire  leurs  intérêts,  et  les  peuples,  que  leur  génie  héréditaire,  c'est-à-dire 
leur  caractère  et  leurs  instincts;  les  uns  interpréteront  ce  grand  mouve- 
ment selon  leurs  traditions  politiques,  les  autres  selon  les  traditions  na- 
tionales. C'est  à  l'examen  de  ces  traditions  en  France  qu'est  consacré  le 


I.  Ce  point  n'est  peut-être  pas  suffisamment  développé. 


D'HlSTOIRli    ET   DE    HTTÉRATURK  469 

deuxième  livre  de  l'ouvrage  '.  Après  avoir  montré  comment  la  monar- 
chie prévalut  en  France  et  quels  étaient  ses  fondements  réels,  M.  S.  décrit 
l'anarchie  qui  règne  dans  l'Etat  au  xvhi°  siècle,  l'effervescence  politique 
qui  se  manifeste  de  tous  côtés,  la  détresse  de  l'ancien  régime,  qui  à  bout 
d'hommes  et  d'expédients,  demande  à  la  nation  les  ressources  qu'il  ne 
trouve  plus  en  lui-même  et  convoque  les   Etats  généraux.    Le   Tiers- 
état,   maître  de  la  majorité,  prétendit  exercer  exclusivement  le  pouvoir; 
il  avait  Tesprit  des  légistes,  car  «  le  peuple  qui  débutait  dans  la  souve- 
raineté, continuait,  en  se  l'appropriant,  la  tradition  de  la  couronne  et 
prenait  ses  représentants   dans  ces  mêmes  prétoires  d'où   la    royauté 
avait  si  souvent  tiré  ses  conseillers  et  ^-es  agents  »  (p.  221).  Les  légistes 
poursuivirent  avec  la  Révolution  l'œuvre  que  leurs  prédécesseurs  avaient 
accomplie  avec  la  monarchie.  Ils  contribuèrent  à  rendre  l'Assemblée 
souveraine  à  la  manière  de  Louis  XIV;  ils  nommèrent  des  comités  qui 
prirent  la  place  des  conseils  du  roi  et  des  commissions  qui  prirent  celle 
des  intendants;  ils  recoururent,   comme  avant    1789,  aux  expédients 
arbitraires;  même  dans  leur  conduite  à  l'égard  de  l'Église,  ils  copièrent 
l'ancien  régime,  et  pour  soumettre   Tadversaire,   ils   employèrent   les 
moyens  d'inquisition  et  de   répression   accumulés  par   la  monarchie. 
A   côté  de   ces  légistes,   M.  S.   n'oublie  pas  de  peindre  les   écrivains 
portant  dans  les  assemblées   les  rivalités  Jalouses  et  les  furieuses  discor- 
des qui  déchiraient  auparavant  le  monde  des  lettres  ;  il  démontre  que 
les  écoles  étaient  déjà  des  sectes  et  les   coteries  des  factions,  que  le  style 
de  la  polémique  était  tout  plein  des  violences  révolutionnaires,  qu'il  n'y 
avait  qu'un  degré  à  franchir  pour  passer  de  l'ostracisme  littéraire  à  la 
proscription  politique.  Mais  il   a  soin  d'ajouter  que,  si  la  Révolution 
n'est  qu'un  épisode  de  l'histoire  de  la  France  et  n'en  brise  pas  le  cours, 
la  nation  n'avait  changé  ni  de  tempérament,  ni  de  caractère,  qu'elle  sub- 
sista telle  que  la  royauté  l'avait  élevée,   qu'elle  se   sauva  par  cette  pas- 
sion de  l'unité  qu'avait  développée  l'ancien  régime.   Ici  s'ouvre  un  des 
chapitres  les  plus  remarquables  de  l'ouvrage,  le  chapitre  où  M.  S.  défi- 
nit le  génie  national  et  caractérise  la  politique  extérieure   de  la  France. 
C'est,  en   somme,  un   éclatant  résumé  de  notre  histoire  ;    M.    S.    re- 
trouve dans  la  geste  de  Charlemagne  la  première  origine  de  la  tradition 
politique  de  la  nation;  il  montre  dans  Philippe-le-Bel  aidé  de  ses  lé- 
gistes, et  surtout  de  Pierre  du  Bois,  le  roi  réaliste   et   constamment 
préoccupé  de  l'agrandissement  du  royaume.    Il  distingue,  en  s'empa- 
rant  d'un  mot  du  Débat  des  hérauts  d'armes  de  France  et  d'Angle- 
terre^ les  guerres  de  l'ancienne  monarchie  en  guerres  communes  ou  de 
frontières  et  guerres  de  magnificence.  Après  les  entreprises  de  Char 
les  VII  dans  l'Est,  Louis  XI  commence  avec  la  maison  d'Autriche  une 
lutte  que  voulaient  les  intérêts  de  la  France  et  que  commandait  l'inté 

i.Ce  livre  comprend  deux  chapitres;  le   premier  est   intitulé  la  nation  ei  le  gou- 
vernement ;  le  second,  la  politique  extérieure. 


4/0  REVUE    CRITIQUE 

rét  national.  Mais  bientôt  la  politique  royale  dévie  et  s'égare;  les  expé- 
ditions d'Italie  sont  des  guerres  de  magnificence  qui  aboutissent  à  des 
désastres.  Henri  II  revient  aux  guerres  communes,  aux  vraies  guerres 
du  Roi  ;  il  prend  les  Trois-Evéchés,  et  Saulx-Tavanne  lui  reproche  de 
n'avoir  point  pris  toute  la  Lorraine  et  l'Alsace.  Coligny  veut  conquérir 
les  Flandres,  et  l'on  sait  jusqu'où  s'étendaient  les  vues  de  Henri  IV, 
quel  fut  le  grand  dessein  de  Richelieu,  et  comment  jsa  politique  étran- 
gère fut  continuée  par  Mazarin.  Le  système  classique  de  la  diplomatie 
française,  dit  M.  S.  fut  la  modération  dans  la  force;  mais  Louis  XIV 
dénatura  ce  système  ;  ses  premières  guerres  furent  des  guerres  de  limi- 
tes; sa  guerre  de  magnificence,  celle  de  la  succession  d''Espagne,  est  «  la 
préface  de  l'Empire;  on  y  observe  la  même  coalition  dont  l'Angleterre 
est  l'âme  et  dont  l'Allemagne  fournit  l'armée;  la  France  se  trouve,  après 
tant  de  conquêtes,  menacée  de  démembrement;  ces  œuvres  déplorables 
procèdent  du  même  excès  d'orgueil  et  du  même  paradoxe  de  grandeur  » 
(p.  287).  Néanmoins  la  France  reste  la  puissance  plus  compacte  sur  le 
continent  ;  malheureusement,  au  lieu  de  se  donner  tout  entière  à  ses  colo- 
nies, elle  se  jette  dans  des  guerres  continentales  qui  n'ont  d'autre  résultat 
que  d'agrandir  la  Prusse  et  d'assurer  le  triomphe  de  l'Angleterre  qui  lui 
prend  les  Indes  et  le  Canada.  C'est  le  temps  de  la  déchéance  politique  ; 
la  nation  s'irrite  d^être  exploitée  par  l'Autriche  ;  Duclos  écrit  ses  Mé- 
moires  secrets  ;  Favierj'de  qui  s'inspirent  les  politiques  de  la  Révolution, 
publie  ses  Conjectures  raisonnées  et  déclare  que  l'alliance  de  la  Prusse 
est  l'unique  remède.  Mais  les  pages  les  plus  originales  de  ce  chapitre 
sont  celles  que  consacre  M.  S.  au  problème  des  frontières  et  au  système 
des  limites  naturelles.  Il  rappelle  les  plans  de  Vauban,  où  l'on  relèvera 
ce  mot  sur  Strasbourg,  que  cette  place  ne  se  doit  pas  plus  restituer  que 
le  faubourg  Saint-Germain.  Il  cite  d'Argenson,  Montesquieu,  Vergen- 
nes;  selon  ce  dernier,  il  faut  renoncer  aux  conquêtes  et  grouper  autour 
de  soi  les  Etats  secondaires;  ce  sont  les  idées  de  Mirabeau,  de  Talley- 
rand  et  des  législateurs  de  1789.  Mais  la  guerre  éclate,  et  les  gouver- 
nants sont  ces  «  légistes,  descendants  directs  des  chevaliers  es  lois  de 
Philippe-le-Bel,  émules  excessifs  de  Richelieu,  continuateurs  démesu- 
rés de  Louvois  »  ;  la  politique  de  conquête  l'emporte  sur  la  politique 
de  modération.  Dès  1744  n'a-t-on  pas  dit  que  la  France  doit  se  tenir 
bornée  par  le  Rhin  ?  Frédéric  II  n'écrivait-il  pas  en  1788  qu'  «  il  serait 
à  souhaiter  que  le  Rhin  pût  continuer  à  faire  la  lisière  de  la  monarchie 
française  »  ?  Bielfeld  n'a-t-il  pas  déclaré  en  1760  que  si  le  système  poli- 
tique de  la  France  se  réduit  à  mettre  les  mers,  les  Alpes,  les  Pyrénées 
et  le  Rhin  pour  frontière  à  ses  États,  c'est  assurément  un  plan  dicté  par 
la  sagesse?  Enfin,  cette  frontière,  au  delà  de  laquelle  la  France  ne 
prétendra  rien,  n'est-elle  pas  tracée  par  la  nature  elle-même,  ce  principe 
supérieur  à  tout? 

Le  troisième  livre  de  M.  S,  traite  des  traditions  politiques  de  l'Europe 


d'histoire  et  de  littérature  471 

et  contient  huit  chapitres.  On  remarquera  dans  le  chapitre  sur  l'Angle- 
terre tout  ce  que  dit  M.  S.  du  mépris  qu'on  avait  alors  sur  le  continent 
pour  cette  puissance  qui   passait  pour  une  sorte  de  Pologne  insulaire, 
ruinée  par  la  corruption  et  les   discordes.   On  discutait  sérieusement 
l'idée  de    l'anéantir;    on  faisait  d'innombrables   projeta  de  descente; 
on    ne   se    doutait  pas  que  dans  la  lutte  contre  la   France,  elle  serait 
la  plus  énergique  et  le  plus  tenace  des  combattants;   «  ces  sentiments 
seront   ceux    des    hommes   de    la   Révolution.   La    conception   de   la 
guerre  de  1793  et  plus  tard  celle  du   blocus  continental  qui   perce  déjà 
dans  le  comité  de  salut  public,   procèdent  logiquement  de  ces  notions 
erronées.  La  gigantesque  aberration  de  Napoléon  en  18 12  n\n  est  que 
l'hyperbole.  L'Angleterre  n'était  qu'un  simulacre  d'Empire,  un  fantôme 
d'Etat  ;  il  suffisait  de  le  toucher  pour  qu'il  s'évanouit  »   (p.   048).  Nous 
ne  faisons  que  mentionner  les  chapitres  sur  la  Hollande,  sur  l'Espagne, 
sur  ritalie.   L'Allemagne  qui  de  toutes  les  contrées  de  l'Europe  fut   le 
plus  profondément  bouleversée  par  la  Révolution,  fournit  à  M.  S.  la  ma- 
tière d'une  étude  très  fouillée  ;  l'auteur  montre  qu'il  y  eut  au  xviii''  siè- 
cle un  réveil  du  patriotisme  allemand  que  les   États  surent  exploiter 
contre  la  France  ;  il  analyse  finement  l'esprit  du  public  de  ce  temps-là  ; 
il  développe  les  conséquences  de  la  Révolution    en  Allemagne,  consé- 
quences qui  furent  très  opposées  selon  les  régions.  On  trouvera  dans  le 
chapitre  sur  l'Autriche,  en  quelques  pages  précises,  une  juste  apprécia- 
tion du  rôle  de  cette  puissance  durant  la  Révolution  et  de  ses  ressources , 
«  elle  ne  considère  dans  cette  grande  crise  qu'une  occcasion  de  poursui- 
vre l'exécution  de  ses  desseins  d'agrandissement...  elle  était  toujours  en 
retard  d'une  idée  et  d'une  armée,  mais  elle  avait  toujours    une  idée  et 
une  armée...  L'esprit    dynastique  y  tient  lieu  de  l'esprit  national.   Ce 
n'est  qu'une  agglomération  d'héritages...  elle  vivait  comme  ces  êtres  pri- 
mitifs que  l'on  découpe  impunément  et  qui  se  reconstituent  de  leurs 
propres  lambeaux,  parce  qu'ils  n'ont  point  de  centre,  ni  d'organe  essen- 
tiel, et  que  leur  corps,  à  vrai  dire,  n'est  jamais   entamé...  Elle   était  la 
seule  puissance  qui  se  réglât  sur  la  statistique  pure  »  (p.   455,  461). 
Dans  le  chapitre  sur  la  Prusse,  M.  S.  rappelle,  après  M,  Lavisse,  la  for- 
mation de  cet  Etat  et  explique,  en  se  servant  surtout  des  notes  de  Mira- 
beau et  du  travail  de  M.   Philippson,   comment  périclita    l'œuvre  du 
grand  Frédéric  ;  il  trace  le  portrait  de  Frédéric   Guillaume  II  et  de  son 
entourage;  il  montre  que  la  catastrophe  de  1806  était  inévitable,   mais 
que  comme  la  décadence  était  sortie  de  la  prospérité,  la  régénération  de 
l'État  prussien  devait  naturellement  sortir  de  sa   décadence.  Le  dernier 
et  huitième  chapitre  a  pour  titre   La  Russie,   la  Suède,   la    Pologne 
et  les  affaires d' Orient .  Notons  au  passage  la  peinture  de  Catherine  II. 
«  une  Allemande  par  la  race  et  le  caractère,  devenue  un  grand  seigneur 
russe...  moins  sentimentale  que  Marie-Thérèse  et  plus  humaine  que 
Frédéric,  elle  ne  possède  ni  les  vertus  privées  de  la  première,  ni  le  dia- 
bolique esprit  du  second;  mais  elle  a  de  l'un  et  de  l'autre  le  sens  positif 


472  HKVi'b   cmricjuK 

des  choses,  la  passion  du  certain  et  le  mépris  de  l'impossible  »  (p.  5i8). 
Signalons  surtout  le  récit  des  négociations  de  1787,  du  grand  projet  de 
Hertzberg,  ce  présomptueux  disciple  de  Frédéric,  de  la  campagne  de 
1788,  et  de  la  crise  européenne  de  1789.  Ce  récit,  assez  confus  chez 
d'autres  historiens,  est  très  clair  dans  sa  brièveté;  on  y  lit  de  nouveaux 
détails  sur  le  rôle  de  la  France,  puisés  par  M.  S.  dans  la  correspondance 
de  l'ambassadeur  Ségur  et  du  ministre  Montmorin.  En  résumé,  ily 
avait  en  1789  une  France  dont  on  enviait  les  ressources  et  surveillait 
les  mouvements  avec  une  inquiétude  Jalouse,  une  Angleterre  à  qui  les 
événements  inspiraient  tantôt  Pindifférence,  tantôt  un  intérêt  passionné 
et  qui  devait  étonner  l'Europe  soir  par  ses  apparentes  langueurs,  soit  par 
les  subites  explosions  de  ses  sentiments,  une  Prusse  qui  disposait  d'une 
belle  armée,  mais  qu'agitaient  la  crainte  et  la  convoitise,,  une  Autriche 
toujours  affiiirée  et  toujours  agissante  sans  jamais  agir,  une  Russie  qui 
n'avait  d''autrc  souci  que  les  affaires  de  Turquie  et  de  Pologne,  bref, 
a  des  faits  et  des  rapports  anciens  déjà  à  la  tin  du  xviu"  siècle  et  qui  se 
sont  reproduits  à  plusieurs  reprises  dans  le  xix*^  "  (p.  586). 

Il  faudrait  reproduire  la  conclusion  tout  entière.  Contentons-nous  de 
la  résumer  aussi  bien  que  possible.  La  Révolution  était  imminente 
dans  presque  toute  l'Europe,  elle  éclata  en  France  parce  que  l'ancien 
régime  était  plus  usé,  plus  détesté,  plus  facile  à  détruire  qu'ailleurs, 
mais  l'esprit  national  interpréta  les  idées  universelles  de  la  Révolution 
et  les  transforma  en  se  les  appropriant.  L'idée  de  patrie,  par  exemple, 
tendait  à  s'abstraire,  aussi  bien  pour  les  révolutionnaires  que  pour  les 
émigrés ,  les  premiers  s'attachaient  aux  droits  de  Thomme  et  se  croyaient 
citoyens  du  monde;  les  seconds  confondaient  Fidée  de  la  patrie  avec 
l'idée  de  la  royauté  et  opposaient  une  France  extérieure  (mot  du  temps 
que  M.  S.  aurait  pu  citer]  à  la  France  réelle,  à  la  France  de  la  nature  et 
de  l'histoire  qu'ils  abandonnaient.  Mais  la  guerre  rendit  à  l'idée  de  pa- 
trie son  caractère  concret  ;  l'amour  de  la  France  s'identifia  avec  l'amour 
de  la  Révolution  ;  on  se  livra  aux  terroristes  par  haine  de  l'émigration 
et  des  étrangers,  et  «  la  victoire  réveilla  dans  les  âmes,  où  ils  dormaient 
confusément,  tous  les  instincts  anciens  de  gloire,  de  croisades,  d'éclat  et 
d'aventures,  ce  goût  de  l'extraordinaire,  cette  soif  de  l'impossible,  ce 
fond  de  roman  de  chevalerie  et  de  chanson  de  geste  que  porte  en  soi 
chaque  Français,  et  que  chaque  siècle  renouvelle  de  sa  légende  »  (p.  541  j 
Peu  à  peu,  la  guerre  absorbant  la  nation,  on  confondit  la  propagation 
des  idées  nouvelles  avec  l'extension  de  la  puissance  française,  l'éman- 
cipation de  Ihumanité  avec  la  grandeur  de  la  République,  le  règne  de 
la  raison  avec  celui  de  la  France,  l'affranchissement  des  peuples  avec  la 
conquête  des  Etats,  la  révolution  européenne  avec  la  domination  de  la 
révolution  française  en  Europe.  La  République  dégénéra  en  propa- 
gande armée  et  par  suite  en  despotisme  militaire.  «  Ces  égarements, 
observe  M.  S.,  étaient  depuis  longtemps  familiers  à  la  nation.  Si  l'on 


d'histoiue  kt  de  littérature  473 

se  rappelle  que  c'esi  au  lendemain  de  la  guerre  de  Cent  Ans  que  les  rois 
de  France  entreprennent  les  guerres  d'Italie,  on  s'explique  mieux  com- 
ment Bonaparte,  acclamé  par  le  peuple  pour  avoir  vaincu  les  étrangers, 
conclu  la  paix,  rétabli  Tordre  dans  TÉtat,  affermi  la  révolution  civile  et 
assuré  dans  de  magnifiques  frontières  Tindépendance  de  la  République, 
fascine  la  France  tout  en  lui  ravissant  ses  libertés  et  l'entraîne  jusqu'au 
fond  de  la  Russie  à  la  poursuite  d'un  idéal  insensé  d'éclat  et  de  gran- 
deur »  (p.  542).  Quant  à  l'Europe,  elle  fut  prise  au  dépourvu  parla 
Révolution;  elle  la  considéra  d'abord  comme  une  simple  crise  intérieure, 
jugea  les  jacobins  comme  elle  avait  jugé  les  jésuites  et  agit  d'après  les 
précédents.  Elle  fut  vaincue  parce  qu'elle  se  divisa  ;  alors  elle  transi- 
gea, et  la  raison  d'État,  la  seule  notion  commune  sur  laquelle  la  vieille 
Europe  et  la  France  républicaine  pussent  s'entendre,  régia  les  conven- 
tions. Les  traditions  de  l'ancien  régime  furent  reprises  et  on  revint  aux 
partages.  Mais,  ce  faisant,  la  France  dérogeait  à  son  principe  fonda- 
mental, la  souveraineté  du  peuple,  et  ses  traités,  conformes  à  la  cou- 
tume des  monarchies,  étaient  contraires  à  l'esprit  delà  Révolution.  Elle 
suscita  les  peuples  contre  elle-même;  elle  substitua  à  l'Europe  cosmo- 
polite du  xvni^  siècle  une  Europe  ardemment  nationale;  ce  fut  «l'é- 
trange destinée  de  la  Révolution  de  se  retourner  contre  la  France 
dès  que  les  Français  en  fausseraient  eux-mêmes  le  principe  et  en  feraient 
un  instrument  de  conquête  et  de  domination  »  (p.  552). 

Cette  analyse  incomplète  suffirait  pour  montrer  tous  les  mérites 
du  livre  de  M.  Sorel.  Ce  qui  frappe  d'abord,  c'est  le  savoir  étendu  de 
l'auteur,  c'est  sa  vaste  connaissance  du  xviiif  siècle  et  de  tous  ses  cou- 
rants. Nos  lecteurs  ont  vu  souvent  dans  la  Revue  critique  le  nom  de 
M.  S.;  ils  retrouveront  dans  cette  grande  œuvre  celui  qui,  depuis  dix 
ans  déjà,  leur  a  rendu  compte  avec  tant  de  compétence  des  ouvrages 
relatifs  à  la  période  révolutionnaire  et  aux  relations  extérieures  de  la 
France  pendant  le  dernier  siècle.  M.  S.  a  fouillé  les  archives  des  affai- 
res étrangères  sous  Louis  XV  et  Louis  XVÎ  ;  il  a  consulté  tous  les  livres 
composés  récemment  en  Allemagne  et  en  France  sur  la  matière;  il  a  lu 
les  nombreux  mémoires  de  l'époque.  Aussi  n'avons-nous  pu,  dans  les 
lignes  qui  précèdent,  énumérer  tous  les  détails  instructifs  qu'a  su  rassem- 
bler l'historien,  tous  les  exemples  qu'il  apporte  à  l'appui  de  sa  magis- 
trale apprécia:ion  des  mœurs  politiques  et  des  traditions  de  la  France  et 
de  l'Europe  en  1789,  tous  les  rapprochements  à  la  fois  abondants  et 
curieux  qu'il  fait  entre  la  Révolution  et  l'ancien  régime.  L'auteur,  sur- 
tout dans  les  deux  premiers  livres  de  l'ouvrage,  fait  preuve  d'une 
immense  lecture;  il  ne  se  cantonne  pas  dans  son  xvni^  siècle;  il  remonte 
jusqu'au  xvii«  et  plus  haut  encore.  Il  expose  l'œuvre  de  Henri  IV,  de 
Richelieu  et  de  Mazarin  avec  autant  de  sûreté  que  celle  de  Vergennes 
ou  de  Frédéric  II  ;  il  cite  La  Bruyère  et  Pascal  pour  montrer  la  toute 
puissance  de  la  raison  d'État  et  les  règles  de  conduite  de  l'ancienne 


474  RKVUK    CKIIIQUE 

diplomatie;  il  rappelle,  à  propos  des  conquêtes  sagement  conçues  et 
habilement  opérées,  non-seulement  Montesquieu,  mais  Rabelais. 

M.  S.  connaît  la  littérature  de  l'époque  qu'il  étudie  aussi  bien  que 
son  histoire  politique.  Les  quelques  pages  qu'il  consacre  à  l'influence  de 
l'esprit  et  de  la  langue  de  la  France  peuvent  compter  parmi  les  meil- 
leures du  volume  (voir  surtout  ce  qu'il  dit  de  la  propagande  vivante  et 
des  émissaires  qui  se  disséminent  dans  toute  l'Europe  et  de  tous  les 
«  demi-dieux  nomades  »  p.  i53).  11  développe  avec  originalité  l'action 
que  Jean-Jacques  Rousseau  exerça  sur  ses  contemporains,  qui  furent  en 
France  des  révolutionnaires  et  en  Allemagne  des  réformateurs  (p.  104 
et  i85).  Il  montre  que  dans  les  dithyrambes  de  Raynal  sur  Richelieu 
comtîîe  dans  ses  invectives  déclamatoires  contre  les  tyrans  se  fait  pres- 
sentir l'esprit  des  rhéteurs  révolutionnaires  et  que,  le  premier  ou  l'un 
des  premiers,  l'auteur  de  l'Histoire  philosophique,  ce  «  grand  propaga- 
teur de  la  politique  nouvelle  et  le  véritable  prophète  de  la  diplomatie 
révolutionnaire  »  a  déclaré  que  le  salut  du  peuple  est  la  suprême  loi 
(p.  309  et  324).  Ici  il  nous  fait  voir  qu'en  Allemagne  la  littérature  et  la 
nation  surgirent  ensemble  et  que  l'ardeur  des  écrivains  à  combattre  la 
domination  de  l'étranger  réveilla  la  notion  de  la  patrie  (p.  429);  là  il 
nous  apprend,  à  l'aide  d'exemples  fort  heureusement  choisis,  que  les 
hommes  cultivés  du  xvin"  siècle  avaient  tous  le  même  fonds  et  que  chez 
l'Anglais  comme  chez  le  Français  avait  soufflé  l'esprit  de  l'époque 
(p.  163-164);  ailleurs  il  nous  explique  l'infériorité  du  développement  in- 
tellectuel en  Autriche  et  montre  comment  l'enseignement  des  jésuites,  la 
censure,  les  craintes  et  la  pruderie  de  Marie-Thérèse  avaient  proscrit  la 
philosophie  et  étoufïé  la  littérature  (p.  458). 

Mais  il  ne  suffit  pas  de  recueillir  des  documents,  de  réunir  de 
toutes  parts  des  faits  et  des  menus  détails  ;  il  faut  composer  un  ensem- 
ble dont  les  parties  se  tiennent  et  se  rattachent  les  unes  aux  autres. 
C'est  ce  qu'a  fait  l'auteur  de  ce  volume.  D'un  bout  à  l'autre  de  l'ouvrage 
règne  et  s'impose  cette  idée,  que  la  Révolution  kançaise  est  la  suite 
naturelle  et  nécessaire  de  l'histoire  de  l'Europe;  il  semble  par  instants 
qu'on  la  perde  de  vue;  une  simple  remarque,  faite  en  passant,  nous  y 
ramène:  en  exposant,  par  exemple,  les  procédés  de  l'ancienne  diploma- 
tie, M.  S.  cite  les  envovés  de  François  I^''  à  Soliman  assassinés  dans  le 
Milanais  et  Louvois  écrivant  au  comte  d'Estrades  de  faire  disparaître  le 
plénipotentiaire  impérial  Lisola,  mais  il  ne  néglige  pas  de  mentionner 
en  même  temps  l'enlèvement  de  Maret  et  de  Sémonville  en  1793  et 
l'attentat  de  Rastadt.  Pas  un  chapitre  qui  ne  montre  la  permanence  de 
l'impulsion,  la  tendance  des  habitudes  accumulées  et  la  force  de  la 
tradition;  qui  n'apporte  avec  lui  une  preuve  nouvelle  que  les  consé- 
quences, même  les  plus  singulières,  de  la  Révolution  découlent  i.!u passé 
historique  de  l'Europe  et  s'expliquent  par  les  précédents  de  l'ancien 
régime  ;  qui  n'affirme  avec  évidence  que  dans  ce  grand  événement  tout 
est  surprenant,  selon  le  mot  de  Bossuet,  à  ne  regarder  que  les  causes 


d'histoire  et  de  littérature  475 

particulières,  mais  que  touc  s'avance  et  doit  s'avancer  avec  une  suite 
réglée. 

De  même,  on  reconnaît  dans  les  premières  pages  du  livre  sur  les 
maximes  et  les  procédés  de  la  diplomatie  du  xvni'^  siècle,  l'auteur 
du  Précis  du  droit  des  gens  et  le  professeur  de  l'École  des  sciences 
politiques;  mais  à  la  sagacité  qui  rapproche  et  rassemble  les  textes, 
M.  S.  a  joint  le  talent  de  l'artiste  qui  les  distribue  et  les  met  en 
lumière  ;  toutes  ces  réflexions  originales  et  si  vraies  sur  le  droit  public  de 
l'ancienne  Europe  s'agencent  et  s'ordonnent  avec  la  plus  grande  clarté; 
ces  artifices  de  la  politique  du  temps,  ces  vues  communes  à  la  race  des 
négociateurs  du  siècle  dernier,  les  actes  et  les  procédés  d'un  Frédéric, 
d'un  Kaunitz,  d'un  Louis  XV,  tout  cela  est  expliqué  avec  une  précision 
admirable  ;  l'historien  pénètre  jusqu'aux  sources  de  la  vieille  diploma- 
tie; il  la  fait  voir  et  sentir  telle  qu'elle  pensait  et  agissait. 

C'est  une  démonstration  complète  que  nous  fait  M.  Sorel;  mais  il 
saitôter  à  cette  démonstration  ce  qu'elle  aurait  de  trop  rigoureux  et  de 
trop  sec  par  la  vivacité  du  récit,  par  l'allure  toute  française  de  son  style, 
par  l'éclat  de  ses  tableaux.  M.  S.  n'est  pas  seulement  un  historien  qui 
s'entend  mieux  que  personne  à  dérouler  devant  nous  une  chaîne  de  faits 
et  de  déductions;  c'est  un  écrivain,  des  meilleurs  et  des  plus  brillants.  Il 
raisonne  et  prouve,  mais  il  n'évite  pas  de  parti  pris  toute  image  et  tout 
mouvement:  il  anime  ses  développements  de  la  verve  de  son  esprit  et 
comme  d'une  chaleur  entraînante;  il  rend  tout  ce  qu'il  traite  aisé,  lu- 
mineux, intéressant.  Les  citations  que  nous  avons  faites  au  cours  de  cet 
article  nous  dispensent  d'insister.  Mais  on  a  peint  rarement  avec  autant 
de  vigueur  la  crise  de  la  monarchie  française,  le  rôle  des  gens  de  lettres 
dans  la  Révolution,  la  puissance  du  caractère  national  pendant  cette 
période,  la  force  et  la  fermeté  des  desseins  de  Catherine  II.  Rien  de  plus 
bref  et  de  plus  frappant  que  les  pages  sur  la  formation  et  la  grandeur  de 
l'État  prussien.  Rien  de  plus  piquant  que  la  peinture  de  la  cour  de  Ber- 
lin, du  neveu  de  Frédéric  à  la  fois  superstitieux  et  débauché,  du  monde 
d'intrigants  subalternes  qui  s'agite  autour  de  cet  étrange  souverain  et 
qui  préfère  «  au  vin  clair  et  pétillant  de  Voltaire  la  liqueur  subtilisée, 
l'hydromel  fermenté  de  Rousseau;  »  de  Marie-Thérèse  et  de  ses  scru- 
pules et  de  son  ingénieuse  dialectique  qui  l'amenait  à  «  se  figurer  qu'il 
serait  beaucoup  pardonné  à  qui  aurait  beaucoup  usurpé  ».  Rien  enfin 
de  mieux  dit  que  ce  passage  de  la  conclusion  où  M.  S.  raconte  comment 
l'Europe  se  convertit  à  notre  Révolution  et  retourna  contre  les  Fran- 
çais les  idées  d'indépendance  nationale  et  de  liberté  qu'ils  avaient  se- 
mées dans  le  monde.  <(  Les  princes  virent,  en  revenant  de  leur  croisade, 
cette  révolution  germer,  pour  ainsi  dire,  dans  le  sol  de  leurs  États,  la- 
bouré si  longtemps  par  les  armées  françaises  et  fécondé  de  leur  sang 

Mais  cette  révolution  de  l'Europe  n'était  que  l'envers  de  la  Révolution 
française.  Il  y  manquait  ce  qui  fait  l'originalité  de  la  France  en  cette 
prodigieuse  aventure,  ce  qui  restait  le  motif  de  sa  grandeur  en  même 


4/6  RKVOb.    CRITIQUE 

temps  que  l'excuse  de  ses  aberrations,  je  veux  dire  l'enthousiasme,  l'élan 
généreux  et  la  croyance  qu'on  travaille  pour  l'humanité.  Les  imitateurs 
n'ont  pensé  qu'à  eux-mêmes;  quelque  légitimes  qu'aient  été  leurs  vœux 
d'indépendance,  quelque  dévouement  que  les  individus  aient  mis  au 
service  des  passions  nationales,  ces  passions  ont  gardé  je  ne  sais  quoi  de 
jaloux  et  d'âpre,  un  fonds  de  rancune,  un  ferment  de  convoitise  qui  les 
rabaisse  et  les  obscurcit,  il  y  manque  le  rayon  du  désintéressement. 
Sans  doute  ce  rayon  n'a  lui  en  France  que  dans  l'aurore  d'un  jour 
plein  de  ténèbres,  mais  il  en  reste  un  reflet  qui  anime  toute  cette  histoire 
et  fait  qu'elle  restera  toujours  un  des  plus  prestigieux  épisodes  de  l'hu- 
manité »  (p.  548,  55o). 

Il  nous  reste  à  chicaner  M.  S.  sur  quelques  points;  mais  ces  criti- 
ques sont  en  bien  petit  nombre.  Il  nous  dit,  par  exemple  (p.  81  et  suiv.) 
que  la  guerre  était  devenue  aussi  atroce  que  la  paix  était  perfide.  Nous 
admettons  avec  lui  que  Frédéric,  Potemkine,  etc.,  firent  la  guerre  sans 
pitié  ;  mais  nous  sommes  convaincus  qu'à  la  fin  du  xvni''  siècle,  sous  l'in- 
fluence même  de  la  philosophie  et  de  la  sensibilité  que  Rousseau  avait 
mise  à  la  mode,  la  guerre  était  plus  douce  et  plus  humaine  ;  on  ne  revit 
plus  les  cruautés  de  Louvois.  M.  S.  cite  les  menaces  que  proférait  le 
duc  de  Brunswick  dans  son  manifeste  du  25  juillet  1792;  mais  les  exé- 
cutions militaires  qu'annonçait  la  fameuse  déclaration  n'eurent  lieu 
qu'en  de  rares  occasions;  il  y  eut  des  villages  français  où  Ton  tira  sur 
l'envahisseur;  on  ne  les  brûla  pas.  Vainement  le  baron  de  Breteuil  et 
les  émigrés  n'épargnaient  rien  pour  faire  sentir  à  Brunswick  la  nécessité 
d'une  grande  sévérité;  son  caractère  est  doux,  écrivait  Breteuil,  et  ses 
principes  du  moment  répugnent  à  la  rigueur  dont  nous  avons  tant  be- 
soin. {Fersen  II,  p.  367.)  On  sait  que  le  parti  de  l'émigration  réclamait  à 
grands  cris  le  sac  de  Varennes,  la  ville  la  plus  coupable  de  France  après 
Paris,  parce  qu'elle  avait  osé  arrêter  Louis  XVI;  Varennes  fut  respecté. 
Tous  les  témoignages  des  officiers  prussiens  qui  firent  la  campagne  dé- 
montrent qu'on  se  piquait  alors  de  délicatesse  et  d'humanité.  La  guerre 
est  déclarée,  comme  on  sait,  le  20  avril;  aussitôt  le  maréchal  de  Ro- 
chambeau  qui  est  sur  la  frontière  de  Flandre,  en  face  de  Beaulieu, 
demande  à  l'adversaire,  «  pour  éviter  de  répandre  du  sang,  de  suspen- 
dre tous  les  actes  d'hostilité  jusqu'au  moment  où  la  guerre  Jranche 
commencera  »  [Fersen,  II,  p,  252).  Au  reste,  M.  S.  l'avoue  plus  loin,  et 
il  se  contredit  lui-même  (p.  170-1 71);  puisqu'il  reconnaît  que  «  le  cou- 
rant du  siècle  emportait  tous  les  officiers  »  et  que  «  Thonneur,  le  respect 
réciproque  du  courage,  les  traditions  de  courtoisie  militaire,  adoucirent 
l'atrocité  de  la  guerre  et  servirent  même  plus  tard  à  préparer  la  paix.  » 
Nous  aurions  désiré  en  outre  que  dans  les  chapitres  relatifs  au  problème 
des  frontières  et  aux  limites  naturelles,  M.  S.  eût  rappelé  les  Vœux  du 
gallophile,  ouvrage  paru  en  1785  ;  l'auteur  qui  n'est  autre  qu'Anachar- 
sis  Clootz,  soutient  que  les  bords  du  Rhin  doivent  être  Its  frontières  natu- 
relles de  la  France.  Nous  lui  reprocherons  d'avoir  tiré  trop  peu  de  parti 


d'histoirk  kt  de  littérature  477 

des  ouvrages  de  Gervinus,  de  Hettner  et  de  Biedermann  dans  son  ta- 
bleau de  l'Allemagne;  de  ne  pas  citer  sur  la  chambre  impériale  de  Wetz- 
lar  les  Mémoires  de  Gœthe  et  les  pages  consacrées  à  cette  institution 
par  Hàusser(p.  402);  de  UdiàmxQ.  Sturm-und Drangperiode\)S.\-  période 
d'assaut  (p.  194,  la  véritable  traduction  est  période  d'orage)  \  de  croire 
que  la  révolution  d'Amérique  inspire  à  Gœthe  son  drame  cCEgmont 
(p.  162  ;  c'est  plutôt  lui-même  que  le  poète  représente  dans  cette  œuvre 
et  sa  récente  passion  pour  Lili  Schonemann  ;  cp.  la  lettre  à  Bûrger 
du  18  octobre  1775;  Strodtmann,  n"  187);  dédire  que  «  le  Roi  prit 
Metz,  Toul  et  Verdun  sous  sa  protection  »  (p.  265  ;  les  trois  derniers 
mots  sont  de  trop  ;  le  roi  prit  tout  simplement  les  Trois-Evéchés  et  les 
garda;  le  traité  de  janvier  i5  56  cède  Metz  en  toute  propriété,  Donation 
iind  Uebergabe).  Ajoutons  enfin  que  M.  S.  écrit  Hausser  au  lieu  de 
Hausser  et  qu'il  fait  naître  Lucchesini  en  1732  (le  marquis  est  né  le 
7  mai   1751)  ^ 

Le  livre  de  M.  S.  est  le  premier  volume  d'un  ouvrage  de  longue  ha- 
leine qui  comptera  plusieurs  tomes.  L'auteur  nous  promet  une  deuxième 
partie  qui  aura  pour  titre  La  chute  de  la  royauté  i'j8()-i-jg2,  et  une 
troisième  intitulée  La  Convention,  iyg2-iy()5  (en  deux  volumes). 
Peut-être,  et  nous  le  souhaitons,  traitera-t-il  du  Directoire  et  de  l'Em- 
pire. Mais  on  peut  dès  maintenant  juger  sa  publication  et  annoncer  ce 
qu'elle  doit  être,  c'est-à-dire  l'une  des  plus  remarquables  de  notre  temps. 
Lorsqu'elle  sera  terminée,  elle  formera  un  ensemble  imposant,  un  mo- 
nument véritable.  Par  toutes  les  qualités  qu'on  trouve  déjà  dans  ce 
premier  volume,  par  l'étendue  et  la  précision  des  connaissances,  par  la 
profondeur  de  l'analyse,  par  la  hauteur  et  l'impartialité  des  vues,  par  l'in- 
telligence pénétrante  avec  laquelle  l'auteur  saisit  dans  toute  leur  vérité 
les  idées  et  les  résultats  des  faits  en  même  temps  que  les  personnages  his- 
toriques, par  un  style  clair,  alerte,  animé,  en  un  mot  par  la  solidité  et 
la  beauté  de  l'exécution,  l'Europe  et  la  Révolution  française  égalera, 
surpassera  même  —  nous  n'hésitons  pas  à  le  dire  —  les  travaux  des  sa- 
vants d'outre-Rhin  sur  le  même  sujet ,  la  deutsche  Geschichte  de 
Hausser  un  peu  dense  et  confuse,  la  Geschichte  der  Revolutions^eit 
de  Sybel  si  nourrie  et  si  complète,  mais  qu'inspirent  trop  souvent  un 
esprit  assez  injuste  de  nationalité  et  l'idée  préconçue  de  tout  rapetisser 
dans  le  plus  grand  événement  des  temps  modernes^.  M.  Sorel  entreprend 


1.  Nous  avons  déjà  traité  ce  point  dans  la  Revue  critique  (1882,  n°  4,  p.  76), 
nous  y  reviendront  prochainement. 

2.  L'indication  de  la  p.  435  nous  semble  erronée  :  Seeley,  Life  and  iimes  of 
Stein.  Leipzig,  1879.  ^'  ^'^^^  ''^'^  Londres  au  lieu  de  Leipzig.  Le  premier  volum.e  de 
la  traduction  allemande  a  paru  à  Gotha  en  i883. 

3.  Nous  sommes  d'autant  moins  embarrassé  pour  porter  ce  jugement  que  les 
belles  éludes  sur  la  paix  de  Baie  et  la  mission  de  Custine  à  Brunswick  qui  ont 
paru  dans  la  «  Revue  historique  »,  sur  Dumourie:;  (Revue  des  Deu.\.-Mondes),  sur 
^ambassade  de  Ségur  à  Berlin  (Temps)  trouveront  évidemment  leur  place  dans 
l'ouvrage. 


47°  REVUE    CRIilQUE 

cette  œuvre  dans  la  force  de  sa  maturité;  elle  le  mettra  incontestablement 
au  premier  rang  des  historiens  d'Europe;  la  France  aura  le  droit  d'ê- 
tre fière  d'un  livre  de  tant  de  savoir  et  de  talent,  qui  lui  retracera  défi- 
nitivement l'histoire  de  sa  politique  extérieure  à  l'époque  où  elle  com- 
battait avec  enthousiasme  pour  son  indépendance  et  sa  gloire. 

A.  Chuquet. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  Le  i'""  fascicule  du  Recueil  d'archéologie  orientale  de  M.  Clermont- 
Ganneau,  vient  de  paraître  à  la  librairie  Leroux  (80  p.  et  gravures).  Sommaire  : 
Inscriptions  grecques  inédites  du  Hauran  et  des  régions  adjacentes.  —  Le  sceau  de 
Obadyahou,  fonctionnaire  royal  Israélite.  —  Les  noms  royaux  nabatéens  employés 
comme  noms  divins.  —  Le  cippe  nabatéen  de  D'meir  et  l'introduction  en  Syrie  du 
calendrier  romain  combiné  avec  l'ère  des  Séleucides.  —  Mouches  et  filets.  ~  Deux 
nouvelles  inscriptions  phéniciennes  de  Sidon. 

—  La  librairie  Hachette  vient  de  faire  paraître  un  Discours  sur  l'histoire  de 
France,  par  M.  le  comte  Charles  de  Moûy.  (In-S",  1 1  et  322  p.,  3  fr.  5o).  Le  volume 
renferme  trente-deux  chapitres.  Nous  y  reviendrons  ;  contentons-nous  de  dire,  en 
attendant,  que  l'auteur  veut  montrer  que  l'histoire  de  France  est  une  à  travers  la 
série  de  nos  révolutions,  que,  si  nous  avons  épuisé  toutes  les  formes  connues  des 
gouvernements,  «  nous  n'avons  jamais  eu  qu'une  même  pensée  »  et  que  »  le  peu- 
ple qui  passe  pour  le  plus  inconstant  a  été  le  plus  obstiné  ».  En  considérant,  ajoute 
l'historien-philosophe,  nos  luttes  et  nos  efforts,  nos  oscillations,  nos  périodes  de 
convulsions  et  d'attente,  nos  succès  enivrants  et  nos  adversités  formidables,  je  vou- 
drais reconnaître  et  déterminer  les  règles  immuables  auxquels  nous  avons  obéi. 
Quelque  jugement  qu'on  porte  sur  ce  livre,  il  a  été  inspiré  par  l'amour  de  la  France, 
et  on  ne  peut  qu'applaudir  à  la  pensée  qui  résulte  du  travail  de  M.  de  Moiiy,  «  que 
nos  annales  nous  imposent  le  courage  et  l'espérance.  )> 


ACADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET   BELLES-LETTRES 


Séance  du  29  inai  iS85. 

M.  de  Wailly  demande  qu'il  soit  entendu  que  la  décision  prise  le  22  mai,  par  la- 
quelle l'Académie  des  inscriptions  a  levé  sa  séance  à  la  nouvelle  de  la  mort  de  Vic- 
tor Hugo,  membre  de  l'Académie  française,  est  exceptionnelle  et  ne  crée  pas  un 
précédent  pour  l'avenir. 

M.  Desjardins  communique  une  inscription  envoyée  par  M.  Boyer,  archiviste  du 
Cher,  qui  contient  une  dédicace  à  Mars,  en  ces  termes  :  MARTI  RIGISAMO,  C'est 
un  nouveau  nom  à  ajouter  à  la  liste  des  appellations  locales  du  dieu  Mars. 

M.  Weil  lit  une  note  intitulée  :  V Iliade  et  le  droit  des  gens  de  la  Grèce.  Dans  le 
7'  chant  de  l'Iliade  est  un  épisode  qui  a  déjà  inspiré  à  divers  titres  des  soupçons 
aux  critiques  :  après  un  combat,  les  Troyens  demandent  une  trêve  aux  Grecs  pour 
enterrer  leurs  morts,  et  Agamemnon  la  leur  accorde.  On  reconnaît  généralement 
que  ce  morceau  n'est  pas  digne  du  reste  du  poème  et  l'on  croit  qu'il  a  été   ajouté 


d'hISTOIKE    KT    Dli    LITTICUATUKE  479 

après  coup.  M.  Weil  présente  un  nouvel  argument  à  l'appui  de  cette  opinion  :  Vu- 
sat^e  d'accorder  aux  ennemis  une  trêve  pour  donner  la  sépulture  à  leurs  morts  ap- 
partient aux  temps  historiques  de  la  Grèce  et  non  ù  l'âge  héroïque.  Dans  toutes  les 
autres  parties  du  poème,  on  représente  les  guerriers  morts  exposés  aux  chiens  et 
aux  oiseaux  de  proie  ;  leurs  amis  sont  obligés  de  lutter  pour  reconquérir  leurs  corps, 
et  au  dernier  chant  il  faut  un  ordre  exprès  de  Zeus  pour  qu'Achille  consente  à  re- 
cevoir de  Priam  la  rançon  du  corps  d'Hector.  Le  principe  du  respect  des  ennemis 
morts  paraît,  dit  M.  Wéil,  avoir  été  proclamé  et  consacré  pour  la  première  fois  dans 
l'épilogue  du  poème  aujourd'hui  perdu  de  la  Thé'oaïde,  oii  l'on  voyait  les  Thébains 
vainqueurs  permettre  la  sépulture  des  Argiens  vaincus.  L'épisode  en  question,  au 
7e  chant  deVIliade,  ne  peut  avoir  été  composé  qu'après  la  Thébaïde. 

Le  prix  La  Grange  est  décerné  à  M.  Antoine  Thomas,  maître  de  conférences  a  la 
faculté  des  lettres  de  Toulouse,  pour  son  livre  intitulé  :  Francesco  da  Barberino  et 
la  poésie  provençale  en  Italie  et  diverses  autres  publications. 

Une  lettre  de  M.  Le  Blant  annonce  la  découverte  qui  vient  d'être  faite  aupres_  de 
Rome,  le  long  de  la  via  Salaria,  en  face  de  la  villa  Albani,  d'un  tombeau  circulaire, 
analogue  à  celui  de  Cécilia  Métella,  mais  plus  grand  :  le  tombeau  de  Cécilia  a  20""  de 
diamètre,  celui-ci  Sq^^.  On  y  lit  l'inscription  suivante  en  grands  caractères  : 

m-lvcIlivs-m-f-sca-paetvs 
trib-mIlit-praep-fabr-praef-eqvit 

LVCIlIAM-F-POLLA'SOROR 

M.  Oppert  communique  deux  fragments  d'inscriptions  trilingues,  trouvés,  dit-on, 
à  Rhaï  (l'ancienne  Rhages),  près  de  Téhéran,  dont  la  photographie  lui  a  été  com- 
muniquée par  M.  Germain  Bapst.  Ces  inscriptions  sont  du  roi  Artaxerxès  Mnémon. 
Le  texte  en  est  peu  important  ;  mais,  si  la  provenance  en  est  bien  établie,  il  en  ré- 
sulte que  les  rois  achéménides  résidaient  parfois  dans  la  région  oiî  se  parlait  la  lan- 
gue médique,  et  cela  explique  l'emploi  qui  est  fait  de  cette  langue  dans  leurs  ins- 
criptions. 

M.  Mowat  lit  une  étude  sur  l'origine  de  l'expression  :  Domus  divina.Cest  un  frag- 
ment d'un  travail  plus  complet  qui  doit  paraître  dans  le  Bulletin  épigrapliique.  — 
L'expression  de  domus  divina.  pour  désigner  la  famille  impériale,  paraît  remonter 
au  temps  d'Auguste  :  pourtant  ce  prince  n'a  jamais  permis  que  les  Romains  lui  ren- 
dissent des  honneurs  divins.  Pour  expliquer  cette  contradiction  apparente. 
M.  Mowat  rappelle  qu'Auguste  était  officiellement  le  fils  de  Jules  César,  et  que  celui-ci, 
divinisé  après  sa  mort,  était  appelé  dans  l'usage  courant,  non-seulement  divus  Jii- 
lius.  mais  eutore  simplement  Divus  :  ce  mot  était  devenu  pour  lui  un  nom. 

Il  pense  que,  dans  rcv.pression  domus  divina,  le  second  mot  n'est  que  l'adjectif 
dérivé  de  ce  nom,  et  qu'ainsi  cette  expression,  au  moins  à  l'origine,  doit  se  traduire, 
non  par  «  famille  divine  »,  mais  par  «.  famille  de  César  ». 

M.  Benlœw,  continuant  sa  lecture  sur  leb  langues  et  les  peuples  du  Caucase,  in- 
siste sur  l'extrême  variété  linguistique  et  ethnographique  que  présente  cette  région, 
aujourd'hui  aussi  bien  que  dans  l'antiquité.  Il  répartit  les  idiomes  parlés  par  les  abo- 
rigènes du  Caucase  en  quatre  groupes  : 

1°  Groupe  géorgien  :  le  géorgien,  le  mingrélien,  le  taze,  le  suano-colque,  idiomes 
parlés  au  sud  de  la  chaîne  des  montagnes  ; 

1°  Groupe  de  l'abchase  et  du  tcherkesse  :  ces  deux  langues,  refoulées  aujourd'hui 
sur  les  bords  delà  mer  Noire,  sont  nettement  distinctes  l'une  de  l'autre,  mais  elles 
ont  des  particularités  grammaticales  communes; 

3"  Groupe  des  idiomes  kistes,  appelés  par  les  Lesghiens,  Mizdegh  et  par  les  Russes 
Tchétchènes,  parlés  au  nord  et  au  nord-est  de  la  chaîne; 

40  Groupe  de  la  Caspienne  :  langues  des  Avares,  des  Lesghiens  ou  Lak,  des  Akusha, 
des  Koubatshi,  des  Kourines,  etc. 

On  a  vainement  tenié  de  rattacher  quelques-unes  de  ces  langues  à  la  famille  indo- 
européenne ou  à  la  famille  ouralo-altaique.  Elles  sont  pour  la  plupart  incorporantes 
on agglutinatives,  cequi  impliquequ'elles sont  encore  primitives  ou  peu  développées. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Sénart:  Charencey  (le  comte  H.  de).  De  la  conju- 
gaison dans  les  langues  de  la  famille  maya-quichée  ;  —  par  M.  de  Boislisle  :  Tami- 
ZEY  DE  Larroque,  Lettres  du  comte  de  Comitiges,  ambassadeur  extraordinaire  de 
France  en  Portugal,  i65y-i6:>ij  (extrait  des  Archives  historiques  de  la  Saintonge 
et  de  l'Aunis  ;  — ,par  M.  Renan,  deux  leçons  d'ouverture  faites  au  Collège  de  Fraiice  : 
Havet  (Louis),  Eloquence  et  Philologie;  Darmesteter  (Jam^s),  Coup  d'œil  sid-  l'Iiis- 
toire  de  la  Perse;—  par  M.  Hauréau  :  Nadaillag  (le  marquis  de),  V Homme 
tertiaire;  —  par  M.  E.  Desjardins  :  Desj\rdi.ns  (Abel),  Vie  de  Jeanne  d'Ai-c,  3"  édi- 
tion ;  —  par  M.  Derenbourg  :  Lévy  (  mile),  La  Monarchie  che-^  les  Juifs  en  Pales- 
tine. 

Julien  Havet  . 


48o 


KKVUE    CKIlIQUfc,    D  HISTOIRE    ET    OE    LllTERATURE 


Séance  du  5  juin  i885. 

M.  d'Arbois  de  Jubainville  rend  compte  de  deux  inscriptions  latines,  trouvées  près 
de  Bourges,  dont  la  copie  a  été  envoyée  par  M.  Boyer.  archiviste  du  Cher.  Ce  sont 
deux  dédicaces  au  dieu  Mars  :  au  nom  du  dieu  sont  joints  deux  surnoms  locaux 
empruntés  à  la  langue  gauloise  :  MARTI  MOGETIO,  dans  l'une,  et  MARTI  RIGI- 
SAMO,  dans  l'autre.  Mogetios,  en  latin  Mo  fretins,  est  le  participe  passé  passif  d'un 
verbe  qui  signifie  grandir,  glorifier;  Mars  Mogétius  est  «  Mars  glorifié  >-.  Quant  à 
Rij^isamus,  nom  qui  se  trouve  aussi  dans  certaines  inscriptions  de  la  Grande-Bre- 
tagne, on  y  reconnaît  un  thème  }'ii^o,  dérivé  de  iix,  roi,  et  signifiant  royal,  avec  un 
sufîixe  samos,  probablement  identique  au  sufiixe  latin  du  superlatif,  simiis  :  Mars 
Rigisamus  est  donc  «  Mars  très  royal  »  ou  «  très  puissant  ». 

M.  Charles  Nisard  commence  la  lecture  d'un  travail  sur  le  poète  Fortunat;  c'est 
un  fragment  de  la  préface  d'une  traduction  de  ce  poète,  que  M.  Nisard  se  propose 
de  publier  prochainement.  Les  poésies  de  Fortunat  n'ont  encore  été  traduites  en 
aucune  langue.  En  effet,  l'obscurité  d'un  grand  nombre  de  passages  est  de  nature  à 
rebuter  les  interprètes,  et  l'on  chercherait  en  vain  un  secours  dans  les  notes  des  di- 
vers éditeurs.  Ceux-ci  se  sont  bornés  à  recueillir  les  variantes  des  manuscrits;  ils 
n'ont  pas  pris  soin  d'éclaircir  les  phrases  inintelligibles,  ni  même  de  corriger  les 
vers  faux.  M.  Nisard  cite  divers  passages  où  le  texte  est  évidemment  corrompu  et 
pour  lesquels  il  propose  des  corrections. 

Le  P.  Delattre  annonce  l'envoi  des  estampages  de  vingt-six  stèles  puniques  de 
Carthage.  M.  le  lieutenant  Marius  Boyé  envoie  une  étude  sur  les  ruines  romaines  de 
Sbeitla  (Tunisie    et  de  nouvelles  copies  d'inscriptions  romaines. 

M.  Delisle  annonce  que  M.  l'abbé  Batiffol,  chargé  d'une  mission  scientifique  du 
gouvernement  français,  vient  de  découvrir,  sur  les  indications  qui  lui  avaient  été 
données  par  M.  l'abbé  ûuchesne,  dans  le  trésor  de  l'église  de  Berat  (Albanie),  un 
manuscrit  du  vi""  siècle,  écrit  en  onciales  d'argent  sur  fond  pourpre,  qui  contient  les 
Evangiles  de  saint  Mathieu  et  de  saint  Marc,  et  qui  offre  de  grandes  analogies  avec 
le  ms.  de  Rossano,  découvert  il  y  a  quelques  années. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Deloche  :  Fage  {René),  Notes  sur  u>i  pontifical  de 
Clément  VI  et  sur  un  missel  dit  de  Clément  VI,conser,jé  à  la  bibliothèque  de  Cler- 
moni-Ferrand  '  le  même,  le  Tombeau  du  cardinal  de  1  ùlle;  —  par  M.  de  Boislisle  : 
MiRON  DE  l'Espinay  (E.),  Françoïs  Miron  et  l'administration  municipale  de  Paris 
sous  Henri  IV;  —  par  M.  Georges  Perrot  :  Dieulafoy  (Marcel),  l'Art  antique  de  la 
Perse,  4"=  partie,  les  Monimients  voûtés  de  l'époque  achéménide ;  —  par  M.  Heuzey  : 
Sarzec  (Ernest  de).  Découvertes  en  Chaldée,  i""*^  livraison;  —  par  M.  Delisle  : 
1°  Philippe  (Jules),  Origines  de  l'imprimerie  à  Paris;  2°  Omont  (Henri),  Catalnff"e 
des  majiuscrits  grecs  de  la  Bibliothèque  royale  de  Bruxelles  et  des  mitres  bibliothè- 
ques publiques  'de  Belgique;  —  par  M.  Renan  :  Recueil  d'archéologie  orientale,  pu- 
blié par  Ch.  Clermont-Ganneau,  fasc.  I;  —  par  M.  Brcal  :  Barth  (A.),  Bulletin  des 
religions  de  l'Inde.  Julien  Havet. 

SOCIETE  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANGE 


Séance  du  2  y  mai  188 5. 

présidence  de    m.  courajod. 

M.  de  Villefosse  exhibe  une  figurine  de  Mercure  en  bronze  provenant  de  Caussade 
(Tarn  et  Garonne);  le  dieu  est  représenté  debout.  Il  montre  que  c'est  une  variante 
d'un  type  dont  le  Musée  du  Louvre  possède  deux  spécimens  sous  les  n"'  2.^0  et  238. 

M.  l'abbé  Thédenat  communique  d'après  un  mss.  de  Billing,  recteur  des  écoles 
de  Golmar  mort  en  1790,  le  texte  d'une  inscription  qui,  vers  cette  époque,  était  en- 
castrée dans  un  montant  de  porte  à  Wihr,  près  Horbourg  (Alsace)  lOVl  BOVÛILLVS 
POS  (uit). 

M.  de  Laurière  présente  les  photographies  de  quelques  sarcophages  récemment 
découverts  à  Rome  dans  les  terrains  de  la  villa  Bonaparte;  ils  servaient  de  sépulture 
à  des  membres  de  la  famille  des  Calpurnii  Pisones.  Les  faces  des  sarcophages  sont 
décorées  de  sculptures  en  relief  dont  les  sujets  représentent  des  épisodes  de  la  vie  de 
Bacchus.  11  présente  aussi  des  photographies  de  casques  de  bronze  découverts  en 
i883  dans  les  tombeaux  étrusque  de  Corneto.  Us  se  terminent  en  pointe  comme  le 
spécimen  conservé  au  Musée  du  Louvre. 

M.  Mowat  annonce  qu'il  a  été  informé  par  M.  Thouroude  que,  dans  le  courant  de 
Tété  dernier,  alors  que  l'on  creusait  les  fondations  de  la  maison  qui  porte  le  n°  28 
dans  la  rue  du  Cardinal  Lemoine,  on  découvrit  à  une  profondeur  de  4  mètres  une 
substruction  en  forme  de  courtine  longue  de  8  à  9  mètres  sur  2  mètres  d'épaisseur 
dans  une  direction  parallèle  à  la  rue;  à  chaque  extrémité  de  ce  pan  de  mur  une 
demi  tour  en  saillie.  On  a  supposé  que  c'était  un  reste  de  l'enceinte  de  Philippe 
Auguste.  Le  Secrétaire, 

Signé  :  Mowat, 

Le  Propriétaire-Gérant  :   EKNËST  LEROUX.  _ 

>■.'.    ^-"«1',  f.Yifivime.riP.  df   MarrJiesaou  rîts,  hnulevard  Saivt-l.awenî.   2Î 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET   DE    LITTÉRATURE 

N»  25  —  22  juin  -  1885 


f^-ommaîre  î  io5.  Dieulafoy,  L'ait  antique  de  la  Perse,  II  et  III.  —  io6.  Tacite, 
Annales,  I-VI,  p.  p.  Jacob.  —  107.  Ferez  Gomez,  Choix  de  poésies  d'un 
chansonnier  inédit  au  xv°  siècle.  —  Variétés  :  Clermont-Ganneau,  Notes  d'ar- 
chéologie orientale,  XXII,  une  nouvelle  inscription  relative  à  Baal-Marcod.  — 
Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions. 


io5,  —  I^'ai't  aiiti€5ue  <îe  la  K^ei-se,  Achéme'nidcs,  Parthes,  Sassanidcs,  par 
Marcel  Dieulafoy,  ingénieur  en  chef  des  Ponts  et  Chaussées,  chargé  par  le 
gouvernement  d'une  mission  archéologique. 

Deuxième  partie,  RaonuBiients   de   l'ersépolSs,  92  p.   in-fol.,  22  planches, 
1884. 

Troisième    partie,    H^a    sépulture    persêpolâtîîîsîeî,    îo8    p.,    19    planches, 
i885;  Paris,  librairie  centrale  d'architecture. 

Les  lecteurs  de  la  Revue  critique  connaissent  déjà  la  première  partie 
du  grand  et  original  ouvrage,  consacré  par  M.  Dieulafoy  à  Phistoire 
de  Tart  antique  de  la  Perse  ^  Dans  cette  première  partie,  l'auteur  étu- 
diait les  ruines  de  la  vallée  du  Poulvar  Roud  (la  vallée  qui  aboutit  à 
Persépolis)  et  montrait  que  les  monuments  de  cette  vallée  étaient  l'œu- 
vre de  Cyrus  et  relevaient  de  l'art  grec,  introduit  en  Perse  par  le  con- 
quérant de  la  Lydie  et  de  l'Ionie.  M.  D.  aborde  à  présenties  monuments 
de  Persépolis  qui  appartiennent  à  la  seconde  dynastie  Achéménide 
(Darius  et  ses  successeurs)  :  le  lecteur  retrouvera  encore  ici  les  qualités 
qui  distinguaient  la  première  partie,  la  même  union  des  dons  de  l'ar- 
chéologue avec  les  aptitudes  spéciales  de  l'homme  du  métier,  la  même 
puissance  de  comparaison  et  de  combinaison,  la  même  aisance  à  se 
mouvoir  au  milieu  des  formesde  trois  ou  quatre  grandes  architectures  et 
à  retrouver  le  fil  historique  au  milieu  de  l'enchevêtrement  des  em- 
prunts ;  il  y  retrouvera  également,  il  faut  le  dire,  la  même  hardiesse 
parfois  inquiétante,  et  aussi  la  même  confiance  excessive  dans  la  prépa- 
ration technique  du  lecteur,  aussi  embarrassé  que  flatté  des  connais- 
sances spéciales  que  M.  D.  lui  suppose  ^. 

Les  monuments  achéip.énides  de  Persépolis  sont  les  palais  élevés  par 
Darius,  Xerxés  et  Artaxerxès  sur  le  colossal  soubassement  du  Trône  de 

1.  Voirie  n"  22,  26  mai,  1884. 

2.  Je  ne  saurais  trop  instamment  prier  M.  D.  de  nous  donner  à  la  fin  de  l'ouvrage 
un  lexique  explicatif  des  termes  techniques  employés.  L'ouvrage  intéresse  un  public 
beaucoup  plus  vaste  que  celui  des  Ponts  et  Chaussées  et  qui  saura  gré  à  l'habile  in- 
génieur de  lui  frayer  une  voie  commode  à  travers  le  pays  si    neuf  exploré    par  lui. 

Nouvelle  série.  XIX.  23 


482  KEVUE    CRITIQUE 

Jemshid  (Takhté  JemshidJ,  auxquels  il  faut  joindre  les  tombeaux  et 
les  Atashgâh  de  Nahkshé  Roustem.  A  propos  des  palais  de  Persépolis 
M.  D.  étudie  aussi  le  palais  d'Artaxerxès  à  Suze.  Le  second  volume  et 
le  commencement  du  troisième  sont  consacrés  à  Tarchitecture,  la  tin  du 
troisième  à  la  décoration  et  à  la  sculpture  de  ces  monuments. 

Le  principe  directeur  et  les  conclusions  de  M.  D.  sont  les  mêmes  que 
dans  le  précédent  volume.  Le  principe  directeur  est  que  l'art  des  Aché- 
ménides  n'est  pas  en  rapport  avec  les  nécessités  constructives  du  pays, 
c'est-à-dire  n'a  point  les  formes  que,  dans  l'état  des  choses  abandonnées 
à  leur  libre  cours,  impose  la  nature  des  matériaux  mis  par  le  sol  de  la 
Perse  à  la  disposition  de  ses  habitants  :  donc  cet  art  n  est  pas  national. 
Les  conclusions  auxquelles  l'auteur  est  conduit  par  l'étude  directe  des 
formes  achéménides  est  qu'en  effet  cet  art,  comme  celui  de  Cyrus,  est 
d'importation  étrangère  :  seulement,  tandis  que  Part  de  Cyrus  est  avant 
tout  grec,  celui  de  Darius  et  de  ses  successeurs  est  composite,  grec, 
assyrien  et  égyptien. 

Une  fatalité  géologique  domine  l'art  constructif  dans  le  plateau  ira- 
nien :  par  suite  de  la  constitution  de  ce  plateau,  point  de  cours  d'eau, 
point  d'humidité  ni  dans  le  sol,  ni  dans  Pair,  ce  qui  rend  la  Perse  pro- 
prement dite  ^  absolument  rebelle  à  la  culture  forestière  :  il  n'y   a  pas 
de  bois.  Dans  le  nord  ou  le  centre  de  l'Iran  il  n'y  a  pas  un    seul  arbre 
venu  spontanément:  les  vergers  et  les  rares  ombrages  à  l'ombre  desquels 
il  élève  sa  demeure,  sont  l'œuvre  de  Thomme  qui  a  su  capter  les  sources 
souterraines.  Faute   de  bois,  l'homme  dut  employer  la  terre  argileuse  : 
toutes  les  formes  architecturales  originaires  de  la  Perse  dérivent  donc 
nécessairement  de  l'emploi  de  la   brique  et  par  suite  de  la  voûte  qui 
permet  de  former  les  édifices  sans  charpente.  En  effet,  toute  l'architec- 
ture populaire  de  la  Perse  sort  de  la  voûte  :  une  ville  persane  vue  de 
haut  est  un  fourmillement  de  coupoles  ^   Ces  principes  posés,   M.  D. 
aborde  le  Takht  de  Jemshid,  seconde  édition  agrandie  et  complétée  du 
Takht  de  Cyrus  (Takhté  Maderé  Souleiinan)  ;  il  en  en  analyse  l'appa- 
reil qui  appartient  à  un  système  plus  archaïque  que  celui  du  Takht  de 
Cyrus,  celui-ci  procédant  par  assises  réglées,  l'autre  procédant  de  l'ap- 
pareil pélasgique,  longtemps  conservé  sur  les  côtes  de  l'Asie  mineure  ; 
il  monte  l'escalier,  après  avoir  rétabli  le  perron  en  saillie  sur  le  nu  de  la 
façade,  parcourt  les  deux   volées  divergentes  parallèles  au  Takht,  s'ar- 
rête aux  paliers  d'entresol,  suit  de  là  deux  rampes  convergentes  séparées 
des  premières  volées  par  un  mur  de  soutènement,  et  arrivé  au  bout  des 
cent  onze  marches  restitue  le  couronnement   renversé,   mais   dénoncé 
par  des  pierres  retrouvées  dans  les  décombres  amoncelés   au   pied  du 
muret  dont  la  taille  suit  le  profil  de  la  frise  et  de  la  corniche  du  tom- 

I.  Fars  et  Médie  :  la  côte  de  l.i  Caspienne  est  riche  en  eaux  et  en  bois,  mais  isolée 
de  la  Perse  par  la  barrière  gigantesque  du  Demavend. 

■1.  \'oir  planche  I,  la  vu;  panoramique  de  Kouai,  une  des  grandis  villes  de  la 
Perse  moderne. 


d'histoire    et    de    LITTÉUATÛRE  4.83 

beau  des  rois.  Au  sommet  de  la  plate-forme,  il  se  trouve  en  face  des  rui- 
nes de  trois  règnes,  amoncelées  sur  trois  terrasses  distinctes.  Ce  sont  les 
restes  de  cinq  palais  :  un  grand  palais  construit  par  Xerxès,  et  composé 
d'un  vaste  salle  hypostyle  flanquée  d'une  colonnade  double  sur  trois  de 
ses  faces;  trois  petits  palais  construits  par  Darius,  Xerxès  et  Artaxerxès 
Ochus,  composés  chacun  d'une  stèle  hypostyle  moyenne  précédée  d'un 
porche;  le  dernier  est  plus  ruiné  que  les  précédents  :  il  n'en  reste  que 
des  bases  de  colonnes;  enfin  il  reste  les  vestiges  d'une  immense  salle 
dont  la  toiture,  couvrant  près  de  cinq  mille  mètres  carrés,  était  suppor- 
tée par  cent  colonnes,  le  plus  vaste  et  le  plus  beau  palais  achéménide 
de  Persépolis,  mais  dont  aucune  inscription  ne  révèle  l'auteur,  M.  D. 
établit  la  destination,  le  nom  technique  et  la  forme  primitive  de  chacun 
de  ces  édifices  :  la  salle  à  cent  colonnes  et  le  palais  de  Xerxès  sont, 
comme  le  palais  d'Artaxerxès  à  Suse,  des  apadânas,  c'est-à-dire  des 
salles  d'audience  :  Vapadâna  répond  exactement,  comme  rôle  et  comme 
disposition,  au  talar  royal  sous  lequel  aujourd'hui  encore  le  Çhâh 
vient  recevoir  en  grande  pompe  ses  officiers  et  les  ambassadeurs.  Les 
autres  palais  sont  les  habitations  particulières  du  roi  :  ils  sont  désignés 
par  le  mot  tacarmn,  inscrit  sur  toutes  les  portes  du  palais  de  Darius, 
ou  parle  terme  général  de  hadhish;  c'est  le  biroun  moderne.  Uande- 
roun  ou  appartement  des  femmes  et  les  constructions  auxiliaires,  proba- 
blement construites  en  briques,  se  sont  effondrées  et  fondues  :  seuls  les 
^palais  de  pierre  ont  résisté  au  temps. 

Après  avoir  relevé  le  plan  général  de  cette  ville  de  palais,  M.  D.  étu- 
die isolément  chacun  des  organes  du  palais  achéménide  et  en  fait 
l'histoire  :  les  escaliers  particuliers,  les  portes  et  les  baies,  les  colonnes. 
Un  résultat  curieux  et  inattendu  auquel  le  conduit  l'examen  des  portes, 
c'est  qu'elles  restaient  ouvertes,  qu'elles  n'avaient  point  de  vantail  :  la 
seule  ouverture  qui  en  ait  trace  montre  par  la  grossièreté  du  travail  et 
l'incohérence  de  l'effet  qu'il  y  a  eu  là  une  appropriation  postérieure, 
probablement  d'époque  sassanide.  C'étaient  des  draperies,  peut-être  une 
tente  placée  à  l'entrée  du  portique,  qui  devaient  intercepter  l'air  ou  l'ex- 
cès de  la  lumière  :  preuve  nouvelle  que  l'appartement  intime,  Vande- 
roiin^  était  ailleurs.  Ces  portes  révèlent  les  influences  multiples  qui  ont 
créé  l'art  achéménide  :  le  couronnement  des  baies  est  importé  de  l'Egypte; 
les  ornements  de  la  baguette  et  des  listels  sont  empruntés  aux  écoles  gré- 
co-ioniennes ;  le  cadre,  aux  édifices  de  Mechhed  Mourghab  ;  mais  c'est 
l'influence  grecque  surtout  qui  domine  et  elle  se  marque  par  une  preuve 
presque  mathématique,  par  l'emploi  de  rapports  rythmiques  dans  les 
proportions  des  baies.  Dans  la  vieille  architecture  grecque,  il  y  a  un 
rapport  simple  entre  les  deux  dimensions  des  baies  :  dans  certains  mo- 
numents ioniques  il  est  de  i  à  2  ;  le  devis  de  l'arsenal  du  Pirée,  rétabli 
par  M.  Choisy,  impose  le  rapport  à  i  à  i.5o;  or,  les  ouvertures  les  mieux 
.  conservées  de  Persépolis  donnent  pour  les  portes  de  Vapadâna  à  cent 
colonnes,  du  tombeau  des  rois  et  des  tours  funéraires  de  Nakhshé  Rous- 


4S4  UEVUK    CRITIQUE 

tem,  entie  la  largeur  et  la  hauteur,  les  rapports  de  i  à  i.5o,  2,  2.5o. 
Mêmes  rapports  simples  dans  les  fenêtres  et  les  takhtche  (fenêtres  con- 
damnées). 

Je  passe  rapidement  sur  le  chapitre  relatif  à  la  colonne,  bien  qu'il 
soit  un  des  plus  importants  du  livre:  il  aurait  besoin  d'être  analysé  par 
une  personne  au  courant  de  l'archéologie  grecque.  M.  D.  y  refait  l'his- 
toire des  ordres  grecs  ;  il  n'admet  pas  que  l'ordre  ionique  soit  une  déri- 
vée du  dorique  ;  le  dorique  est  une  résultante  des  influences  égyptiennes 
sur  l'architecture  en  bois  des  côtes  de  la  Méditerranée,  autrement  dit 
sur  l'architecture  ionique  primitive  :  à  l'Egypte,  les  Grecs  ont  emprunté 
le  principe  des  lourdes  colonnes  de  pierre  et  Taspect  grandiose  de  Pédi- 
fice,  à  l'art  méditerranéen,  les  planchers  horizontaux  résistants  qui  sup- 
portaient les  terrasses,  les  éléments  de  l'ornementation  de  la  frise  et 
de  la  corniche;  à  TEgypte,  et  plus  probablement  à  la  Phénicie,  le  prin- 
cipe du  chapiteau  et  de  ses  ornements  :  ils  ne  doivent  qu'à  eux-mêmes 
l'harmonie  des  proportions,  l'invention  de  la  modénature,  la  mesure  et 
Fadaptation  des  parties  entre  elles,  a  ces  compromis  pleins  de  délica- 
tesse et  de  tact  entre  la  logique,  la  beauté  et  la  rigueur  modulaire  » .  La 
colonne  perse  de  Mechhed  Mourgab,  c'est-à-dire  de  Cyrus,  est  empruntée 
à  rionie  :  la  colonne  persépolitaine  dérive  des  ordres  de  Mechhed 
Mourgab  et  des  ordres  légers  de  l'architecture  égyptienne  :  elle  ne  dif- 
fère de  celle  de  Mechhed  que  par  l'adjonction  de  motifs  égyptiens  tra- 
duits sur  pierre  par  une  école  de  sculpteurs  formés  à  l'école  grecque. 
Nous  reviendrons  sur  ce  point  à  propos  de  la  décoration.  Un  dernier 
point  à  faire  ressortir  et  qui  montre  tout  ce  que  l'étude  de  cet  art  dé- 
rivé permet  de  digressions  fécondes  sur  l'histoire  de  l'art  générateur, 
c''est  qu'étant  donnée  la  commune  origine  des  ordres  grecs  et  ioniens, 
il  est  possible, selon  M.  D.,  au  moyen  des  charpentes  perses  achéménides 
dont  les  détails  sont  connus  ou  faciles  à  rétablir,  de  reconstituer  des 
stages  intermédiaires  de  l'entablement  grec  (pp.  48  et  suiv.). 

En  face  des  palais,  les  tombes;  sur  la  rive  droite  du  Poulvar  Roud,en 
face  du  Takht,  s'étend  une  paroi  de  rochers,  le  rocher  de  Nakhshé 
Roustem;  c'est  là  que  Darius  et  trois  de  ses  successeurs  ont  fait  creuser 
leur  tombe  :  derrière  le  Takht  même  existent  trois  tombes  identiques. 

L'architecture  funéraire  a  changé  du  tout  au  tout,  de  la  première  dy- 
nastie achéménidc  à  la  seconde,  de  Cyrus  à  Darius.  Cyrus  et  les  siens 
avaient  élevé  pour  y  reposer  des  tours  isolées  et  carrées,  type  emprunté 
à  la  Lycie  :  Darius  et  ses  successeurs  creusent  leur  tombe  en  hypogée 
dans  le  roc,  à  la  façon  des  Pharaons.  Leurs  monuments  sont  entaillés  à 
la  suite  les  uns  des  autres  dans  la  paroi  du  rocher  à  peu  près  verticale 
et  reproduisent  à  l'extérieur,  comme  les  hypogées  des  Béni  Hassan, 
la  façade  des  édifices  sculptée  en  bas-relief.  La  Lycie  a  fait  place  à 
l'Egypte.  Darius  a  probablement  emprunté  aux  Pharaons  l'idée  pre- 
mière de  ces  monuments,  comme  il  leur  a  emprunté  le  modèle  des 
jioitcs  et  des  chapiteaux  pcrscpoHtains  (tome  III,  2).  Mais   ici,  comme 


D'HiSTOIRE    rCT    DE    LITTERATURE  485 

dans  tout  l'art  achérnénide,  il  n'y  a  point  d'influence  simple  :  les  hy- 
pogées sont  surmonte'cs  de  Teftigée  d'Ormazd,  sous  la  forme  du  génie 
ailé  assyrien,  accompagné  du  soleil  et  de  la  lune,  comme  sur  un  des 
plus  ancients  monuments  de  la  Chaldée,  la  Stèle  du  Sippara  '.  L'enta- 
blement, dont  les  tombeaux  conservent  l'image,  était  en  charpente  :  l'es- 
pacement et  la  légèreté  des  colonnes  le  prouvent.  M.  D.  étudie  à  ce  pro- 
pos l'entablement  achérnénide  :  il  a  eu  la  bonne  chance  de  trouver  la 
confirmation  matérielle  de  sa  théorie  sur  le  sol  même  :  dans  les  décom- 
bres amoncelés  au  centre  du  palais,  il  a  retrouvé  des  débris  carbonisés 
de  grosses  poutres  et  de  chevrons,  de  bois  du  Liban. 

Sur  la  gauche  de  la  nécropole,  s'élèvent  deux  Ateshgdh  (temples  du 
feu)  :  ce  sont  deux  tables  carrées,  supportées  par  quatre  arceaux  en 
plein  cintre^  reposant  sur  des  colonnes  engagées  dans  les  angles  du 
monument  :  à  la  partie  supérieure,  Tautel  est  terminé  par  une  ligne  de 
moulures  triangulaires  -.  M.  D.  reconnaît  dans  ces  deux  autels  le  mo- 
nument le  plus  archaïque  de  la  Perse  :  ils  sont  antérieurs  à  l'invasion 
de  l'art  grec  :  les  créneaux,  les  colonnes  engagées,  les  arcs  en  plein 
cintre  sont  caractéristiques  de  l'art  monumental  de  l'Assyrie.  M.  D. 
retrouve  sur  le  revers  des  monnaies  sassanides  le  type  de  ïdtashgâh 
primitif  et  relie  à  travers  des  dégradations  successives,  fournies  par  les 
monnaies,  le  sablier  enrubanné  des  derniers  sassanides  à  la  pyramide 
tronquée  quadrangulaire  de  l'époque  assyrienne.  Il  y  a  là  une  dé- 
monstration de  fait  aussi  neuve  que  convaincante  :  le  livre  de  M.  D.  est 
riche  en  surprises  de  ce  genre. 

Les  études  de  détail  aboutissent  à  la  restitution  des  palais,  laquelle 
n'oifre  plus  de  difficultés  spéciales,  tous  les  points  de  repère  importants 
étant  en  place,  colonnes  ou  bases  de  colonnes,  pilastres  d'angle,  enca- 
drement des  portes  et  des  fenêtres,  escaliers,  fondations  des  murs. 
M.  D.  pourrait  presque  en  faire  le  devis.  Pour  le  seul  Apadâna  aux 
cent  colonnes,  il  calcule  qu'il  est  entré  dans  la  charpente  1.400  mètres 
cubes  de  bois,  pesant  environ  1,260,000  kilos.  Si  l'on  songe  que 
toutes  ces  masses  venaient  des  rives  de  la  Méditerranée,  du  Liban, 
de  l'Amanus,  cet  inépuisable  chantier  des  dvnaslies  assyriennes,  et 
qu'elles  avaient  dû  monter  et  franchir  à  bras  d'homme  les  2,800  mè- 
tres du  mont  Zagros,  les  montagnes  les  plus  abruptes  et  les  défilés  les 
plus  inextricables  de  la  Perse,  on  comprend  tout  l'orgueil  bâtisseur 
des  Achéménides  et  tout  ce  qu'il  y  a  de  joie  triomphante  dans  cette  for- 


1.  Reproduite  dans  Menant,  Recherches  sur  la  glyptique  orieiit.ile,  p.  243.  La 
triade  de  Sippara,  soleil,  lune,  étoile,  est  la  triade  persane  de  soleil,  lune,  Nâhîd 
(étoile  du  matin,  Vénus;  firdousi,  éd.  VuUers,  p.   1). 

2.  L'emplacement  de  ces  autels,  observe  M.  D.,  a  dià  être  depuis  longtemps  sacré 
pour  les  Aryens  :  c'est  la  cause  qui  aurait  déterminé  Darius  à  y  faire  sa  dernière 
demeure.  C'est  encore  un  lieu  de  pèlerinage  pour  les  Guèbres  et  les  Persans  :  les 
Persans  l'appellent  la  Kaaba  des  Guèbres  ou  la  Maison  des  Zendiks  (des  héréti- 
ques).  Cf.  M">«  Jane  Dieulafoy,  I.a  Perse,  la  Susiane  et  la  Chaldée,  dans  le  Tour 
du  Monde,  tom.e  XLVIT,  20S. 


486  RliVUE   CRITIQUE 

mule  bien  simple  en  apparence,  qui  revient  si  souvent  sous  leur  stylet: 
a  C'est  par  la  grâce  d'Aurâmazda  que  j\ii  bâti  cette  demeure.  »  — 
«Quant  à  moi,  dit  M.  D.,  lorsque  j'essaye  de  faire  revivre  dans  ma 
pensée  ces  grandioses  édifices,  lorsque  je  vois  ces  portiques  aux  colonnes 
de  marbre  ou  de  porphyre  poli,  ces  taureaux  bicéphales  dont  les  cor- 
nes, les  pieds,  les  yeux  et  les  colliers  devaient  être  revêtus  d'une 
mince  feuille  d'or,  les  poutres  et  les  solives  de  cèdre  de  l'entablement  et 
des  plafonds,  les  mosaïques  de  briques  semblables  à  de  lourdes  dentelles 
Jetées  en  revêtement  sur  les  murs,  ces  corniches  couvertes  de  plaques 
d'émaux  bleu  turquoise  que  termine  un  trait  de  lumière  accroché  à 
l'arête  saillante  des  larmiers  d^or  et  d'argent;  lorsque  je  considère  les 
draperies  suspendues  au  devant  des  portes,  les  fines  découpures  des 
moucharabiés,  les  épaisses  couches  de  tapis  jetées  sur  les  dallages,  je  me 
demande  parfois  si  les  monuments  religieux  de  TEgypte,  si  les  temples 
de  la  Grèce  eux-mêmes  devaient  produire  sur  l'imagination  du  visiteur 
une  impression  aussi  saisissante  que  les  palais  du  Grand  Roi.  » 

De  Tarchitecture  proprement  dite,  M.    D.  passe  à  la  décoration  du 
monument.  Les  rapprochements  ingénieux  et  nouveaux  entre  les  qua- 
tre arts  se  multiplient  ici  tellement  que  je  dois  me  contenter  de  résumer 
les  conclusions  en  renvoyant  le  lecteur  aux  développements.   Ici  encore 
l'art  persan,  n'étant  qu'un  dérivé  latéral,  sert  surtout  de  prétexte  et  d'oc- 
casion à  des  recherches  sur   les  origines  helléniques.  Je  signalerai  en 
particulier  les  rapprochements  séduisants,  mais  sur  lesquels  je  n'oserais 
donner  une  opinion,  sur  l'origine  de  la  volute  grecque,  à  propos  de 
laquelle  on  a  édifié  tant  de  systèmes.  La  volute  grecque  viendrait  du 
chapiteau  égyptien,  non  pas  copié  directement  et  sur  les  édifices,  mais 
connu  d'après  les  représentations  déformées  et  aplaties  que   Torfèvre- 
rie  et  Particle-Paris  égyptien,    colportés  par  les   Phéniciens   sur  toute 
l'étendue  de  la  Méditerranée,  exporta  par  milliers  durant  des  siècles, 
«Quelle  singulière  carrière  a  parcourue  la  fleur  de  lotus  !  L'architecte 
égyptien  compose  à  son  image  un  chapiteau  circulaire,  l'ornemaniste  la 
grave  à  plat,  et  sous  ce  dernier  aspect,  la  transmet  au  monde  ancien. 
Les  Grecs  s'emparent  de  ce  motif,  le  modifient  au  gré  de  leur  génie,  et 
composent  le  tailloir  ionique,  une  de  leurs  plus  gracieuses  créations. 
Les  Assyriens,  au   contraire,  copient   d'abord   servilement  le  modèle 
égyptien  et  l'utilisent  dans  leurs  constructions  légères.  Le  jour  cependant 
où  ils  désirent  posséder,  eux  aussi,  un  ordre  monumental,  ils  façonnent 
en  pierre,  à  la  suite  de  tâtonnement  successifs  et   de  transformations 
progressives,  les  chapiteaux  et  les  bases  de  Kouioundjik.  » 

Quant  au  chapiteau  persépolitain,  c'est  un  empilage  de  chapiteaux 
exotiques,  c'est  la  volute  grecque  surmontée  du  chapiteau  bicéphale  égyp- 
tien directement  importé  d'Egypte,  c'est-à-dire  que  la  Perse  puise  deux 
fois  en  même  temps  à  la  même  source,  une  fois  directement,  l'autre  in- 
directement. 


d'histoire  et  de  littérature  487 

La  sculpture  ornementale  de  la  Perse  est  d'origine  assyrienne,  mais  a 
pris  ses  modèles  dans  la  gravure  chaldéenne.  La  scène  le  plus  fréquem- 
ment reproduite  à  Pcrsépolis  représente  le  roi,  maintenant  de  sa  main 
gauche  le  lion  dressé  qui  l'attaque  et  de  la  main  droite  lui  enfonçant  le 
poignard  dans  la  poitrine  :  c'est  la  scène  favorite  des  cylindres  chaldéens 
archaïques,  Isdubar  égorgeant  le  monstre:  et,  rapprochement  inattendu 
et  frappant,  cette  vieille  image  chaldéenne  a  inspiré  les  Grecs  anciens 
aussi  bien  que  les  Perses  :  les  deux  personnages  se  retrouvent  dans  la 
même  attitude  sur  la  Nécropole  de  Xanthe  (combat  d'Hercule  et  du 
lion  de  Némée)  et  sur  un  skypiios  du  vu''  siècle,  récemment  publié  par 
M.  Rayet  et  représentant  la  lutte  ue  Thésée  et  du  Minotaure  :  Isdubar, 
le  roi  perse  et  Thésée  sont  trois  épreuves  plastiques  du  même  type. 

Un  autre  bas-relief  fréquent  à  Persépolis  représente  le  lion  déchi- 
rant le  taureau.  On  a  voulu  voir  là  une  représentation  symbolique  de 
la  Perse  écrasant  ses  ennemis  :  c''est  tout  simplement  la  reproduction 
d'un  curieux  motif  artistique,  fréquent  dans  Timagerie  chaldéenne,  sur 
les  cylindres  de  Babyloneet  d'Assyrie,  sur  des  vases,  des  cachets  et  des 
pierres  de  Tépoque  des  Atrides  et  qui  paraît  même  sur  les  tombeaux  de 
Xanthe.  Un  détail  curieux  marque  ici  la  parenté  plus  étroite  des  artistes 
perses  et  grecs  :  les  uns  et  les  autres  rendent  conventionnellement  par 
des  rangées  d'écaillés  les  poils  du  monstre.  M.  D.  suit  les  types  de  la 
sculpture  jusque  sur  les  monnaies  des  Achéménides.  Une  de  ces  mon- 
naies est  comme  le  symbole  de  toute  l'histoire  de  l'art  achéménide.  Sur 
la  face,  le  grand  roi  tirant  de  l'arc;  au  revers  et  au  centre,  la 
chouette  et  le  fléau  d'Osiris  :  encadrant  le  sujet  principal,  la  torsade 
assyrienne.  Toutes  les  sources  de  l'art  perse  sont  rassemblées  dans  le 
champ  de  cette  darique. 

M.  D.  termine  par  quelques  pages  pleines  de  sens  historique  sur  les 
théories  récentes  qui  essaient  de  restituer  un  type  d'art  aryen  \  La 
poursuite  d'un  type  de  race,  déjà  insuffisante  en  linguistique,  le  domaine 
qui  lui  est  pourtant  le  plus  favorable,  abandonnée  de  plus  en  plus  dans 
l'histoire  religieuse,  à  mesure  que  l'on  descend  vers  les  périodes  récentes, 
ne  peut  se  soutenir  dans  l'art,  même  à  l'origine.  La  forme  de  l'art  n'est 
point  donnée  par  le  génie  de  la  race,  mais  par  la  nature  du  sol  où  va  la 
race.  L'homme  peut  emporter  sa  langue  avec  lui,  quoique  l'expérience 
montre  qu'il  l'oublie  aisément  ;  il  peut  emporter  ses  dieux,  quoique 
l'expérience  prouve  aussi  qu'il  lui  arrive  de  les  laisser  en  chemin; 
mais  il  ne  peut  transporter  avec  lui  dans  ses  pérégrinations  à  travers  le 
monde,  les  forêts,  les  carrières,  le  sable,  la  faune  et  la  flore  des  terres  où 
il  est  né.  En  art,  encore  plus  qu'en  politique,  l'homme  n'emporte  pas  la 
patrie  à  la  semelle  de  ses  souliers.  La  terre  ambiante  est  le  grand  artiste 
et  c'est  pourquoi  toutes  les  fois  qu'il  n'y  a  pas  accord  entre  l'art  et  ce 
milieu,  c'est  qu'il  y  a  eu  intrusion  d'une  force  étrangère,  un  coup  d'état 

I.  Milchhoefer,  Die  Anfaenge  dcr  Kunst  in  Griec'nenland  (voir  le  compte-iendii  de 
M.  S.  Reinach  dans  la  Revue  archéologique,  188?,   366). 


488  REVUE    ClUTIQUE 

de  la  volonté.  Le  livre  de  M.  Dieulafoy  est  la  démonstration  continue 
de  ces  principes,  poursuivie  avec  une  rare  vigueur. 
A  bientôt  les  Parthes  et  les  Sassanidcs. 

James  Darmesteter. 


loG.  —  <MEuv«*«s  tîe  s'îieite,  texte  latia  d'après  les  travaux  les  plus  récents,  avec 
un  commentaire  critique,  philologique  et  explicatif,  une  introduction,  des  argu- 
ments et  des  tables  analytiques,  par  Emile  Jacob,  ancien  e'icve  de  l'Ecole  nor- 
male, professeur  de  rhe'torique  au  lyce'e  Louis-le-Grand.  Annales,  livres  1-VI. 
Deuxième  édition,  revue  et  corrigée.  Paris,  librairie  Hachette,   i885. 

Nous  nous  sommes  occupé  de  la  première  édition  de  cet  ouvrage  dans 
le  numéro  du  27  mars  1875  ;  le  compte  rendu  qu'on  nous  demande  de 
la  deuxième  aura  d'abord  à  signaler  un  certain  nombre  de  corrections, 
et  fera  ensuite  quelques  observations  critiques,  qui  pourront  peut-être 
servir  à  améliorer  une  édition  subséquente.  Celle  que  nous  avons  sous 
les  yeu>c  s^annonce  comme  une  édition  revue  et  corrigée,  mais  il  est 
permis  de  croire  que  le  savant  commentateur  n'y  a  pas  pu  faire  tous  les 
changements  qu'il  aurait  voulu  :  un  ouvrage  cliché  ne  donne  pas  une 
aussi  grande  liberté.  Pour  compléter,  dans  un  commentaire,  une  note 
trop  courte,  il  faut  en  abréger  une  qui  peut  paraître  trop  longue;  pour 
ajouter  une  remarque  importante,  il  faut  en  retrancher  une  qui  est 
beaucoup  moins  utile;  les  additions  doivent  exactement  prendre  la 
place  que  les  suppressions  ont  laissée  libre;  il  est  nécessaire  de  compter, 
non  seulement  le  nombre  des  lignes  retranchées  et  ajoutées,  mais  encore 
le  nombre  des  lettres.  C'est  là  un  travail  qui  présente  des  difficultés  de 
toutes  sortes,  et  qui  n'a  que  de  médiocres  attraits,  surtout  pour  un  lit- 
térateur distingué.  Le  clichage  des  éditions  avec  commentaire  n'est 
donc  pas  un  petit  obstacle  aux  améliorations  dont,  avec  le  temps,  elles 
ont  toujours  besoin,  et  cela  est  vrai  pour  les  éditions  savantes  aussi 
bien  que  pour  les  éditions  classiques,  A  quelque  point  de  perfection 
qu'elles  aient  d'abord  été  portées,  les  progrès  de  la  science  y  feront 
bientôt  découvrir  soit  des  lacunes,  soit  des  côtés  faibles,  soit  de  vérita- 
bles fautes.  On  peut  dire  la  même  chose  de  la  plupart  des  livres  qui 
servent  à  l'enseignement.  Les  grammaires  de  l'cminent  philologue  Bur- 
uouf  ont  mérité  de  faire  époque  dans  renseignement  classique.  Elles 
auraient  pu  conserver  leur  prééminence  si  on  les  avait  rajeunies  de 
temps  en  temps  et  qu'à  la  place  de  nombreux  nouveaux  tirages  on 
eût  fait  de  véritables  nouvelles  éditions. 

Ce  que  nous  venons  de  dire  de  la  difficulté  d'améliorer  les  éditions 
clichées  peut  se  vérifier  dès  la  première  note  de  celle  que  nous  examinons. 
Comme  nous  l'avions  conseillé,  cette  note  a  été  abrégée  et  ime  remar- 
que a  pu  être  ajoutée  sur  la  forme  de  la  troisième  personne  du  pluriel 
du  parfait  de  l'indicatif.  Nous  sommes  persuadé  que   si  la  place  néces- 


d'histoiue  et  de  littéuatl'kf,  489 

saire  n'avait  pas  fait  défaut,  M.  Jacob  aurait  développé  cette  remarque 
afin  de  la  rendre  scientifique,  comme  cela  convient  dans  une  édition  qui 
est  surtout  destinée  aux  professeurs. 

Le  texte  a  subi  plus  de  moditications  que  le  commentaire,  aucun 
obstacle  matériel  ne  s'opposant  au  changement  d'une  lettre,  d'une  syl- 
labe, d^un  mot.  Constatons  d'abord  que  Torthographe  a  été  rectifiée 
dans  un  certain  nombre  de  mots  :  Gai,  par  exemple,  a  été  substitué  à 
Caii,  Sibullini  à  Sibyllini,  etc.  Cependant,  en  somme,  les  change- 
ments orthographiques  ne  sont  pas  en  grand  nombre,  et  l'auteur  en 
expose  les  raisons  dans  sa  préface.  Il  écrit  bien  inaeror,  proelium  au 
lieu  de  moeror,  praclium,  mais  il  parait  qu'il  n'ose  pas  encore  mettre 
caelum  au  lieu  de  coelum,  ni  remplacer  conditio  par  condicio,  comme 
le  veut  avec  raison  l'éminent  philologue  Michel  Bréal,  etc.  Voici,  dans 
le  texte,  des  corrections  d'une  autre  espèce.  Au  ch.  4,  aliquid  quam  est 
remplacé  par  aliud  quani,  d'après  Nipperdey.  Au  ch.  8,  il  y  a,  égale- 
ment d''après  Nipperdey,  ^cî.wz^^  est  au  lieu  de  passas.  L'addition  de  est 
peut  paraître  inutile.  Dans  le  même  chapitre  nous  trouvons  maintenant 
nomenqiie  Augiistuin,  d'après  les  meilleures  éditions,  au  lieu  de  nomen 
Aiigustae ,  que  nous  avions  critiqué.  Au  ch .  1 5,  il  y  a  celebratio  an- 
ninim  ad  praetorem  translata  ;  nous  préférons  anmia  avec  Juste- Lipse, 
Joh.  Mulier,  etc.  Le  chapitre  34  donne  maintenant  seqiie  et  proximos 
au  lieu  de  Seqiianos  proximos.  Le  ms.  a  seque  proximos,  que  Wagener 
conserve  et  cherche  à  expliquer.  On  aurait  pu  citer,  à  l'appui  de  la  le- 
çon adoptée,  hist.  IV,  ch.  34,  où  l'on  trouve  également  seqiie  et  proxi- 
mos. Au  ch.  41,  nous  rencontrons  quod  tavi  triste  iter,  au  lieu  de  quod 
tam  triste? Iter  a  étéajouté  par  M.  J.  Heinsius  ;  Nipperdey,  Joh.  Mul- 
ier remplacent  le  quod  du  ms.  par  quid;  Haase,  Draeger,  Wagener 
conservent  quod.  Nous  préférons  quid.  Au  ch.  49,  il  y  a  cetera  fors  ré- 
git, d'après  le  ms.  Andresen  met  cuncta  au  lieu  de  cetera;  cette  correc- 
tion nous  semble  heureuse.  Notons  encore  qu'au  ch.  4,  les  meilleures 
éditions,  parmi  lesquelles  la  plus  récente,  celle  de  Joh.  Mulier, ont  exul 
egerit  et  non  pas  exiilem  egerit .  La  note  sur  ce  passage  ne  justifie  pas 
la  leçon  adoptée. 

Passons  au  commentaire.  Ch.  ni,  «  quod  Maximum...  aperuisse.  » 
Après  avoir  fait  une  note  de  grammaire  élémentaire  sur  l'emploi  de  l'in- 
finitif, l'auteur  ajoute  :  ce  Tacite  construit  de  même  l'infinitif  avec  les 
conjonctions  ubi,  unde,  quanquam,  et  avec  les  interrogatifs,  tels  que 
quid,cur,  quin.  quando,  ne  et  nonne.  «  C'est  confondre  des  cas  tout  à  fait 
différents.  En  outre,  unde  n'est  pas  une  conjonction,  et  ubi  n'est  pas 
employé  comme  conjonction  dans  le  passage  cité,  1.  III,  61,  etc.,  etc. 
—  Ch.  VI.  «  Monuit  ne...  resolueret  :  eam  conditionem  esse...  ut  ratio 
constet.  Le  présent  du  subjonctif  remplace  l'imparfait  des  propositions 
précédentes.  Ce  passage  d'un  temps  à  l'autre  a  Heu  fréquemment  dans 
le  style  indirect.  "  On  ne  peut  pas  plus  mal  expliquer  un  fait  gramma- 
tical des  plus  élémentaires.  —  Ch.  xxvit.  L\iccusatif  d'apposition  eau- 


490  REVUE   CRITIQUE 

sam  discordîae  est  mieux  expliqué  dans  les  grammaires  de  Tacite.  — 
Ch.  xxxvjii.  «  Chaucis,  entre  l'Ems  et  TElbe.  On  les  distinguait  en 
majores  et  minores.  »  Il  aurait  fallu  dire  de  quels  Chauques  il  s'agit 
ici;  les  minores  habitaient  entre  l'Ems  et  le  Weser.  —  Ch.  xlix.  «  Non 
medicinam  illiid...  appel lans,  sans  attraction  :  on  trouve  des  exemples 
semblables  à  toutes  les  époques  de  la  langue.  »  Nipperdey,  dont  M.  J.  suit 
souvent  le  commentaire,  n'est  pas  de  cet  avis.  Faisons  remarquer,  ea 
outre,  qu'il  eût  été  nécessaire  de  dire,  si  l'absence  de  l'attraction  n'est 
pas  de  règle  dans  certains  cas.  Cf.  ma  «  Nouvelle  grammaire  de  la  langue 
latine». — Ad  amnem  [Visurgin].  L'auteur  rapporte  les  opinions  des  sa- 
vants sur  la  question  de  savoir  quel  est  ce  fleuve,  qui  ne  peut  être  le 
Visurgis.  Nous  eussions  voulu  qu'il  eût  aussi  cité  celle  de  Wagener, 
qui  retranche  hardiment  le  mot  entre  crochets,  et  dit  dans  son  cora- 
mentaire  :  «  amnem.,  le  fleuve,  qui  conduisait  de  la  mer  du  Nord  dans 
les  lacs  dont  parle  Tacite  au  ch.  lx. 

Signalons,  pour  terminer,  quelques  lacunes.  Au  ch.  xii,  nous  rencon- 
trons tanquam...  agitaret,  sans  que  la  signification  de  tanquam  soit 
expliquée.  Elle  aurait  pu  l'être  utilement  d'après  Woelfflin  ou  au  moins 
d'après  les  grammaires  de  Tacite,  —  Au  ch.  xiii,  il  aurait  fallu  attirer 
l'attention  sur  le  sens  particulier  de  la  conjonction  et  dans  avidiim  et 
minorem.  Au  ch.  xxv,  il  y  a  stabat  Drusus  silentium  marin  poscens^ 
qui  aurait  pu  fournir  l'occasion  dédire  un  mot  sur  la  place  du  verbe 
en  tête  de  la  phrase.  De  semblables  remarques  esthétiques  sur  la  cons- 
truction pourraient  remplacer  avantageusement  des  notes  élémentaires 
sur  la  grammaire,  comme,  par  exemple,  miitatus  princeps  =  miitatio 
principis.  —  Dans  la  phrase  indulserat,  dum  obtempérât  du  ch.  liv, 
le  présent  de  l'indicatif  avec  dum  n'aurait  pas  dû  rester  sans  renvoi  à  la 
grammaire,  de  même  qu'au  ch.  lvi  igitiir  aurait  bien  mérité  une  pe- 
tite explication.  —  Enfin,  au  ch.  lxxiv,  l'accusatif  d'apposition,  inevi- 
tabile  crimen,  a  été  passé  sous  silence.  Il  est  possible  que  M.  J,,  en  le 
faisant  précéder  de  deux  points  au  lieu  de  la  virgule  qui  est  dans  les 
meilleures  éditions,  le  prenne  pour  un  nominatif;  dans  ce  cas,  nous  ne 
pourrions  pas  être  de  son  avis.  Nous  avons  discuté  cette  question  dans 
la  Revue  de  philologie,  etc.,  publiée  sous  la  direction  de  MM.  O.  Rie- 
mann  et  E.  Châtelain,  année  et  tome  VI,  3''  livraison,  p.  i85. 

Notre  compte  rendu  doit  s'arrêter  ici  ;  il  deviendrait  beaucoup  trop 
long  si  nous  voulions  examiner  de  la  même  manière  les  cinq  livres  qui 
suivent.  Concluons  :  nous  sommes  porté  à  croire  que  si  M.  Jacob  n'a 
pas  remanié  davantage  son  commentaire,  leclichage  en  a  été,  en  grande 
partie,  la  cause.  Telle  qu'elle  est,  cette  deuxième  édition  ne  laissera  pas 
que  de  rendre  de  grands  services  à  l'enseignement;  elle  a  sa  place  mar- 
quée dans  la  bibliothèque  des  professeurs  et  de  tous  ceux  qui,  en  France, 
s'occupent  sérieusement  de  l'étude  de  Tacite. 

J.  Gantrelle. 


D  HISTOIUE    ET    DE    LITTERATURE  49  I 

107,  —  Coleccîosi  de  pocsias  de  un  cancionero  inéciito  del  siglo  XV  existente 
eu  la  bibliotcca  de  S.  AI.  el  rey  D.  Alfonso  XII  con  una  carta  del  Ex'"»  Sr.  D. 
Manuel  Canete  de  la  Academia  Espanola  y  un  prologo,  notas  y  apéndice  por  A. 
Pérez  Gômez  Nieva.  Madrid,  Fernando  Fé.  18S4.  xxxix  et  3  14  pp.  in-8. 

Ce  a  choix  de  poésies  tiré  d'an  chansonnier  inédit  du  xv«  siècle  con- 
servé dans  la  bibliothèque  du  roi  d'Espagne  »  a  ponr  auteur  un  Jeune 
homme,  qui  s'est  fait  connaître  dans  le  monde  littéraire  de  son  pa}'s  par 
une  idylle  intitulée  «  La  Vallée  de  larmes.  »  J'aime  à  croire  que  les 
vers  de  M.  Alfonso  Pérez  Gômez  Nieva  valent  mieux  que  son  érudition, 
qui,  pour  le  présent,  ne  vaut  pas  grand  chose;  et  puis  qu'il  est  encore 
dans  l'âge  heureux  où  les  défauts  se  corrigent  et  qu'il  a  du  temps  devant 
lui  pour  acquérir  les  connaissances  indispensables  à  qui  se  destine  à 
publier  d'anciens  textes,  j'éprouve  moins  de  scrupules  à  lui  déclarer 
franchement  que  sa  nouvelle  publication  n'est  pas  pour  lui  faire  beau- 
coup d'honneur.  Qui  a  pu  l'induire  à  tenter  cette  aventure?  Je  ne  sais; 
mais  je  me  figure  que  le  beau  zèle,  dont  il  se  prétend  enflammé  pour  la 
poésie  castillane  du  xv°  siècle,  est  de  date  récente  et  lui  sera  venu  un 
peu  comme  par  hasard.  Il  me  souvient  d'amateurs  du  crû,  qui,  au 
pied  levé,  forment  volontiers  des  projets  analogues  à  celui  que  ce  jeune 
homme  a  mis  à  exécution,  et  tout  semble  indiquer  qu'un  :  Vavios  d 
ver  S"^ D.  Alfonso,  sise  anime  Vd.  d publicar  aqiiel  cancionero^  échappé 
à  quelqu'un  de  ses  amis  dans  une  conservation  familière,  aura  servi  de 
prétexte  à  la  méprise  qu'il  regrettera  lui-même  un  jour. 

L'académicien,  qui  s'est  chargé  de  recommander  la  publication  de 
M.  P.  G.  a  pris,  je  dois  le  dire,  beaucoup  de  précautions  pour  ne  pas  se 
compromettre.  Il  admet  que  le  public  saura  gré  à  l'auteur  «  du  soin  et 
de  la  fidélité  «  avec  lesquels  il  a  déchiffré  et  reproduit  les  poésies  dudit 
chansonnier,  si  toutes  ses  transcriptions  sont  aussi  rétissies  que  le  petit 
nombre  de  celles  que  lui,  académicien  de  la  Langue,  a  pu  contrôler. 
C'est  parfait,  et  une  telle  réserve  n'était  que  trop  justifiée,  comme  on  va 
voir;  mais  je  n'aurais  pas  été  fâché  que  iM.  Gariete  nous  indiquât  avec 
plus  de  précision  les  pièces  du  recueil  qu'il  a  coUationnées  et  qui  lui 
ont  paru  fidèlement  et  soigneusement  transcrites.  De  même  le  membre 
de  l'Académie  Espagnole  félicite  son  jeune  ami  de  la  «  conscience 
scrupuleuse  »  qu'il  a  témoignée  en  déclarant  ne  pas  prendre  sur  lui 
d'affirmer  que  les  poésies  de  sa  collection  sont  toutes  inédites,  «  car 
rien,  dit  l'académicien,  n'est  plus  facile  que  de  se  tromper  en  cette  ma- 
tière. »  Encore  ici  il  semble  que  M.  Gariete,  au  lieu  de  se  tirer  d'em- 
barras avec  des  banalités  peu  dignes  de  ses  fonctions,  eût  fait  œuvre  plus 
utile  et  plus  louable  en  révélant  à  i\L  P.  G.  les  noms  d'ouvrages  très 
connus  où  s'étalent  bon  nombre  des  «  inédits  »  que  ce  dernier  a  si  pé- 
niblement copiés. 

Le  chansonnier  castillan-aragonais-catalan,  côté  VII-a-3,  de  la  bi- 
bliothèque particulière  du  roi,  que  publie  (partiellement)  M.  P.  G., 
est  connu  et  a  été  souvent  manié  par  divers  érudits  espagnols,  tels  que 


492  REVUE    CRITIQUE 

le  premier  marquis  de  Pidal  ',  Amador  de  los  Rios  ^  et  M.  José  Sancho 
Rayon  ',  qui  en  ont  même  imprimé  quelques  bribes.  M.  P.  G.  connaît 
ces  travaux  et  s'en  est  inspiré  dans  son  introduction,  mais  il  ne  connaît 
que  cela  et  n'a  pas  eu  l'idée  de  chercher  ailleurs.  Voyons  d^abord  son 
plan  et  son  système  de  publication. 

M.  P.  G.  n'a  pas  entendu  reproduire  le  chansonnier  tout  entier, 
mais  seulement  la  partie  qu''il  suppose  inconnue  et  qui  se  compose  des 
œuvres  de  poètes  populaires  de  Tépoquc  de  Jean  II  de  Cas[ille  et  d'Al- 
phonse V  d'Aragon;  il  a  omis  les  poésies  de  hauts  personnages,  dont  un 
grand  nombre,  dit-il,  ne  sont  plus  inédites  '.  Sans  doute  il  lui  était 
permis  de  limiter  sa  tâche  et  de  nous  donner  de  ce  chansonnier  peu  ou 
prou,  ainsi  qu'il  le  jugerait  à  propos;  mais  ne  nous  en  livrant  qu'un 
choix,  au  moins  aurait-il  dû  indiquer  exactement  ce  qu'il  y  laissait  et 
procéder  à  un  inventaire  complet  de  son  manuscrit.  Il  n'a  pas  pensé, 
que  cela  fût  nécessaire,  en  sorte  qu'aujourd'hui,  comme  devant,  on  ne 
voit  pas  de  quoi  au  juste  se  compose  le  recueil.  —  M.  P.  G.  a-t-il  un 
système  arrêté  de  publication,  de  reproduction  en  lettres  de  forme  d'un 
manuscrit  du  xv"  siècle?  J'avoue  que  je  ne  saisis  pas  sa  façon  de  procé- 
der, et  je  me  demande  ce  qui  signifie  «  moditîer  un  original  sans  le 
changer  (ni  le  alteramos  hasta  el  piinto  de  variarle)  )>  ou  «  suppléer 
l'orthographe  et  la  prosodie  ».  Au  reste  peu  importe  :  M.  P.  G.  a  géné- 
ralement si  mal  lu  son  manuscrit  et,  partant,  si  mal  reproduit,  qu'il  de- 
vient indifférent  de  savoir  comment  il  s'y  est  pris  pour  en  régulariser, 
à  sa  manière,  la  graphie. 

D'une  chose  on  doit  au  moins  féliciter  M.  P.  G. ,  c'est  que  contrairement 
à  l'usage  de  plusieurs  de  ses  compatriotes,  qui  impriment  sans  sourciller 
des  textes  inintelligibles,  se  gardant  bien  Je  dire  qu'ils  ne  les  entendent 
pas,  lui  ne  cache  pas  son  ignorance,  il  la  proclame  même  le  plus  ingé- 
nument du  monde.  Par  ses  notes  explicatives  ou  qui  tendent  à  l'être, 
il  nous  a  fourni  le  meilleur  moyen  de  mesurer  ses  connaissances  paléo- 
graphiques  et  philologiques,  sa  pratique  de  la  langue  du  xV  siècle  et 
des  variétés  dialectales  de  l'époque.  S'il  s'était  tu,  le  doute  serait  possi- 
ble; il  ne  l'est  plus,  depuis  qu'il  a  parlé.  Ainsi  sur  certaines  fautes  de 
lecture  qu'il  est  sans  cesse  amené  à  commettre,  on  sait  à  quoi  s'en  tenir, 
quand  on  a  pesé  cette  déclaration.  «  Comme  il  est  connu  qu'en  vertu 
des  règles  grammaticales  de  l'époque,  telle  lettre  s'employait  pour  telle 
autre,  nous  avons  donné,  toutes  les  fois  que  le  sens  l'exigeait,  à  ly  sa  va- 
leur définitive  de  s  ou  h,  et  à  Vu  celle  de  b.  »  Voilà  qui  est  clair.  Us  lon- 
gue, si  usitée  en  ce  temps  et  plus  tard  encore  dans  les  manuscrits  et  les 
imprimés,  est  un  signe  inconnu  de  M.  P.   G.,  et  partout  où  son  ma- 

1.  Cancionero  de  Baena,  Madrid,  i85i. 

2.  Histoiia  critica  de  la  lit.  espanola,  t.  VI  et  VU,  passim. 
3.Cancioncra  de  Stuhiga,yi3.dTÏà,  1872. 

4.  M.  P.  G.  supprime  aussi  tout  ce  qui  est  écrit  en  catalan  ;  voy.  p.  106,  note  2  et 
p.  292,  note  'i. 


d'histoirk  et  de  littérature  493 

nuscrit  remploie,  il  le  prend  pour  un /,  quitte  à  le  «  corriger  »,  quand 
le  sens  l'exige,  c'est-à-dire  quand  il  saisit  ce  sens,  ce  qui  ne  lui  arrive 
pas  toujours.  Par  exemple  il  laissera  (p.  164)  «  \à  fubril  concupiçen- 
cia  11,  alors  qu'il  faut  (ce  que  confirme  au  reste  un  autre  manuscrit)  «  la 
siUil  concupiçencia  ^>\  ou  bien,  lorsqu'Alphonse  V  dit  (p.  179)  que  «  la 
renomée  ne  sonnera  pas  en  son  honneur  en  maison,  ville  ni  village  », 
M.  P.  G.  corrige  bien  mal  à  propos  Ffama  eu  Ssa?iia,  qui  ne  donne 
aucun  sens,  A  la  p.  2S8,  voici  deux  vers  qui  certainement  se  lisent  dans 
le  manuscrit  :  (f  Mienbreste  que  amor  sin  arte  (amour  sincère)  Siempre 
quiere  gualardon  »  :  M.  P.  ne'anmoins  découvre  là  un  mot JiJjarte.  Plus 
loin  (p.  291)  1'/"  encore  a  été  «  corrigé  »  en  5  ;  «  Fferbos  e'mirar  e  béer 
Una  linda  creatura.  a  Ces  vers  s'entendent,  mais  l'éditeur  préfère  lire 
Ssei'bos  et  propose  de  comprendre  Siervos! 

L'inexpérience  paléographique  de  M.  P.  G.  se  trahit,  comme  on  peut 
penser,  en  bien  d'autres  rencontres.  Appris  pour  »,  t  pour  c,  /  pour  s 
longue,  ;2/pour  m,  cl  pour  d,  et  quantité  de  mots  mal  coupés.  Faut-il 
citer  des  exemples?  On  n'a  que  l'embarras  du  choix.  P.  60.  «...  é  tome 
à  Rodrigo  E  à  Fernant  Perez  entranios  consigo.  »  A  entranios,  mot 
inconnu  et  qui  n'a  rien  à  faire  avec  extranos^  doit  évidemment  être 
sMhsihné  entranios  (tousdeux),  —  P,  i23.  Galaxado  n'est  pas  un  mot: 
il  y  a  sans  aucun  doute  gasaxado  dans  le  manuscrit.  —  P.  129.  Au 
lieu  de  :  «  Que  clamor  tome  combate,  »  c'est  «  Que  d'amor^  »  etc. 
qu'il  faut  lire.  —  P.  154.  'c  Gran  panes  que  las  detienda  »,  et  au  bas 
de  la  page  cette  note  précieuse  :  «  nous  ne  comprenons  pas  ce  mot; 
peut  être  au  sens  figuré ^ane^  désignent-ils  les  satyres  et  les  faunes  »!  ? 
Lisons  panes  (pavois),  c'est  plus  sûr.  —  P.  184.  ff  El  gran  Cipion  triado 
Alongado  De  biçio  et  de  beldat,  »  et  en  note  :  «  triado^  apartado,  esco- 
gido.  »  Si  le  mot  triado  existait  dans  ce  sens,  il  y  aurait  pléonasme  et 
alongado  ne  servirait  à  rien.  Lisons  donc  criado.  —  P.  207.  La  pièce 
est  intitulée  :  «  A  Madame  Doha  Timbor,  parce  que  je  n'ai  pas  pris 
cons,é  (comiat)  d'elle.  «  Mais  M.  P.  G.  ne  veut  pas  entendre  parler  de 
congé;  il  propose  de  lire  connaty  mot  inconnu,  auquel  il  donne  de  sa 
propre  autorité  le  sens  d'offense.  —  P.  18  et  i85.  Qiiejras,  deyas, 
lejyado,  formes  qui  n'existent  pas.  Dans  ces  trois  mots  l'y  est  un  x,  qui 
a  une  forme  approchante,  mais  cependrait  distincte,  de  ïy.  —  Quicon- 
que a  eu  un  manuscrit  du  moyen-âge  sous  les  yeux  sait  que  les  scribes 
laissent  souvent  des  intervalles  entre  les  syllabes  d'un  mot,  ou,  au  con- 
traire, agglutinent  deux  ou  plusieurs  mots  ensemble.  Cette  pratique  si 
connue  a  joué  quelques  mauvais  tours  à  M.  Pérez  Gôrnez.  A  la  p.  14, 
il  disserte  sur  un  mol  sete  et  y  voit  un  italianisme;  mais  ce  sete  doit 
s'unir  au  710  qui  suit  :  Seteno  (septième).  —  P.  20.  Ausadas  n'a  jamais 
pti  signifier  «  usadas  »  ;  il  faut  séparer  d  usadas,  pour  a  osadas,  adverbe, 
dont  le  sens  est  à  peu  près  «  certes.  »  —  P.  188.  *  Id^  pentas  asta  el 
dia  »,  et  la  note  :  «  asta,  hasta.  »  Je  parierais  pourtant  que  le  manuscrit 
porte  :  vx  De  Pentacosta  el  dia.  —  P.  24.  '<  Muerto  so    enoso  creydo.  » 


494  RitVUK    CKITIQUK 

Enoso  serait  pour  enojo.  Impossible  pour  plusieurs  raisons.  Lire  : 
«  Muerto  so  e  no  so  (et  je  ne  suis  pas)  creydo.  »  —  P.  263.  «  Quando 
ciiy  de  ser  dcspierto.  »  M.  P.  G.,  qui  a  sur  la  conjugaison  de  cuidar 
des  idées  très  personnelles,  écrit  en  note  :  «  City,  présent  de  cuidar.  » 
Je  n'en  crois  rien,  et  je  lis  :  «  Quando  cuydé  ser  despierto.  »  —  P.  271 . 
«  Tanto  que  ser  ienposible  w.  M.  P.  G.  :  «  ienposible,  imposible.  »  C'est 
le  cas  de  dire  :  impossible.  L'f  appartient  au  verbe  :  «  Tanto  que 
serV  enposible.  —  Enfin  il  arrive  même  à  M.  P.  G.  de  forger  des  mots 
ou  d'en  introduire  dans  ces  vieux  textes  qui  bien  sûr  n'avaient  pas  cours 
alors.  Un  exemple  est  le  monîsimo  de  la  page  8,  où  il  s'agit  du  jour  du 
jugement.  Très  joli  ce  monîsimo.,  mais  un  peu  trop  moderne,  et  puis  : 
No  creo  yo  que  sera  tan  mo7io  el  dia  del  juicio,  ni  para  el  Senor  Pérez 
Gômez  (sobre  todo  si  continua  publicando  cancioneros],  ni  para  mi, 
ni  para  nadie. 

Et  la  grammaire  ne  vaut  pas  mieux.  Ainsi  l'auteur  nous  découvre 
(p.  62)  que  conqiiiso  est  une  forme  du  verbe  conqiiistar,  et  plus  loin 
(p.  i52)  que  de/esso  lui  parait  être  une  contraction  de  defendido.  Il  se 
montre  aussi  fort  étonné  (p,  2i3)  de  la  formation  \ti-h'à\&  partir ssan  : 
«  Sabe  Dios  si  se  partiran,  Partîrssan  como  forçados.  »  Il  cherche  de 
midi  à  quatorze  heures  et  ne  voit  pas  qu'elle  se  décompose  en  ^iirïzr 
se  han,  simple  futur.  —  Des  dialectes  il  ne  faut  pas  non  plus  parler  : 
M.  P.  G,  n'en  sait  à  peu  près  rien.  Il  ignore,  par  exemple,  le  sens 
à'etîta,  préposition  qui  revient  si  souvent  dans  les  textes  aragonais  :  la 
trouvant  quelque  part,  (p.  i3i),  il  en  sépare  les  deux  syllabes  et  veut 
que  ta  soit  pour  ti  (à  toi).  Yes  aussi  forme  aragonaise  pour  es  (p.  214), 
lui  cause  une  vive  surprise  :  il  croit  que  ïy  est  ici  de  trop. 

Reste  la  bibliographie.  On  a  vu  que  M.  P.  G.  s'est  excusé;  mais  ces 
excuses,  il  n'est  vraiment  pas  possible  de  les  admettre.  Si  les  pièces 
depuis  longtemps  publiées,  et  que  notre  auteur  tient  néanmoins  pour 
inédites,  se  trouvaient  seulement  dans  quelque  chansonnier  gothique  et 
inabordable,  on  se  montrerait  de  bon  gré  indulgent;  mais  ce  n'est  pas 
le  cas.  Les  pièces  en  question  figurent  dans  un  livre,  dont  la  publica- 
tion remonte  à  vingt  ans,  et  que  tout  hispanisant  doit  avoir  à  portée 
de  sa  main,  j'entends  VEnsayo  de  ima  biblioteca  de  libros  rarosy 
curiosos  de  Gallardo,  mis  en  ordre  et  imprimé  par  les  soins  de  D.  José 
Sancho  Rayon  et  de  D.  Manuel  Rernon  Zarco  del  Valle,  ce  dernier  bi- 
bliothécaire du  roi  d'Espagne,  qui  tient  sous  sa  garde  le  manuscrit  VII- 
a-3  et  à  l'obligeance  duquel  M.  P.  G.  se  plait  à  rendre  hommage. 
Comment  ce  dernier  n'a-i-il  pas  songea  se  renseigner  auprès  du  docte  bi- 
bliothécaire, qui,  j'en  suis  sûr,  ne  lui  aurait  pas  marchandé  son  érudi- 
tion bibliographique  ?  Ce  que  c'est  que  de  vouloir  voler  trop  tôt  de  ses 
propres  ailes!  Rien  qu'en  parcourant  donc,  dans  le  tome  premier  de 
cet  Ensayo,  les  extraits  qui  y  ont  été  donnés  du  chansonnier  de  notre 
compatriote  Nicolas  de  Herberay  des  Essarts,  le  traducteur  de  YAmadis 
(manuscrit  aujourd'hui  conservé  à  la  Bibliothèque  nationale  de  Madrid], 


D^iJSTOlKK    Kl     DE    Lî  rTÉlîA'I  UhK  495 

M.  P.  G.  n'y  eût  pas  trouvé  moins  de  onze  pièces  du  poète  aragonais 
Pedro  Santa  Fé,  qu^il  suppose  inédites.  En  voici  la  liste  :  (col.  5i8) 
Los  hombres  de  amor  tocados  ;  (ibid.)  Como  yo,  mi  amor,  caya  ; 
(col.  52 1)  Partir  m'é  donde  partir  ;  (col.  5  19)  Qui  bien  ama  lo  que  vee  ; 
(col.  520)  Senyora,  hablar  querria,  texte  très  différent  pour  les  trois 
dernières  strophes;  (col.  524)  En  la  cort  d' amor puyé ;  [col.  525)  Amor, 
si  bibo  dudoso  ;  (col.  525)  De\ir  mi  mal  me  combiene;  (ibid)  A  quai- 
quier parte  que  baya;  (col.  52 1)  Si  no  bienes  con  amor;  (ibid.)  Pues 
que  suerte,  non  cordura.  De  Johan  de  Dueiias  le  même  chansonnier 
contient  aussi  (col.  5  29)  la  pièce  :  Ay  de  vos^  despues  de  mi  !  Et  ce  n'est 
pas  seulement  parce  qu'il  importe  de  publier  le  moins  possible  de 
r  «  inédit  y>  de  cette  qualité  là,  qu'on  doit  regretter  l'inadvertance  de 
M.  P.  G.,  c'est  aussi  parce  que  du  rapprochement  des  deux  manuscrits 
il  eût  obtenu  un  texte  préférable  à  celui  de  VEnsayo  et  surtout  très  su- 
périeur au  sien,  dont  on  a  pu  juger  par  les  fautes  relevées  plus  haut.  — 
Je  n'ai  pas  tini  ma  querelle  bibliographique.  M.  P.  G.  ai-je  dit,  a  feuil- 
leté quelques  livres  au  cours  de  son  travail,  par  exemple  VHistoria 
critica  d'Amador  de  ios  Rios,  mais  avec  tant  de  négligence  qu'il  n'en  a 
pour  ainsi  dire  tiré  aucun  profit.  Ainsi,  il  lui  arrive  d'imprimer  (p.  66) 
une  réponse  [repuesta)  de  Johan  de  Duehas,  et  il  ne  s'avise  pas  de  re- 
chercher à  quoi  se  rapporte  cette  réponse  :  une  réponse  pourtant  sup- 
pose une  question.  Eh  bien,  en  ouvrant  ÏHistoria  critica  à  la  page 
176  du  tome  VI,  il  eût  appris  que  ladite  poésie  est  une  réponse  audecir 
du  marquis  de  Santillana  sur  les  Aragonais,  et  que  les  deux  pièces  du 
petit  procès  figurent  dans  les  œuvres  du  marquis  de  Santillana,  publiées 
par  le  même  Amador  de  Ios  Rios  en  i852 .  J'ajoute  qu'il  n'est  pas  pos- 
sible de  saisir  l'à-propos  et  le  mérite  de  la  répartie  de  Dueiias  sans  avoir 
préalablement  lu  le  «  dire  »  du  marquis. 

Ce  livre  est  donc  mauvais,  mais,  eu  égard  à  l'âge  de  l'auteur,  ne  tire  pas 
à  conséquence.  Péché  de  jeunesse  —  on  voudrait  n'en  avoir  pas  commis 
d'autres  —  que  M.  Pérez  Gômez,  j'en  ai  la  conviction ,  saura  se  faire 
pardonner.  Il  manifeste  çi\  et  là  de  bonnes  intentions  :  le  tout  est  qu'il 
veuille  sérieusement  apprendre  et  sache  résister  au  dangereux  plaisir  de 
voir  prématurément  sa  prose  en  letras  de  molde. 

Alfred  MoREL- Fatio. 


VARIETES 


Notes    tl'ai'cliéologie    oï-ÎJii»tale. 


XXII 

Une  nouvelle  inscription  relative  à  Baal-Marcod. 
Deirel-Kal'a,  couvent  maionite  du  Liban,  Mtué  à  une  demi-heure  du 


496  RiCVUK    CKiriQUE 

village  de  Beit-Meri,  à  deux  heures  et  demie  dansl'E.S.E.  de  Beyrouth, 
semble  avoir  été  construit  sur  l'emplacement  d'un  sanctuaire  consacré 
à  Baal-Marcod.  L'on  a  déjà  recueilli  en  cet  endroit  plusieurs  inscrip- 
tions grecques  et  romaines  '  relatives  à  cette  divinité  notoirement  sémi- 
tique; Baal-Marcod,  ainsi quel'indiquentson  nom^'etrépithctcdey.cipavc 
xa)[^.wv,  qui  lui  est  donné  dans  une  inscription,  paraît  avoir  présidé  aux 
danses.  C'était  une  sorte  de  «  Cornus  »  phénicien.  Je  crois  que  Baal- 
Marcod  avait  certaine  accointance  avec  le  Bès  dansant  des  Egyptiens,  et 
que  la  Bible  "'  fait  dans  un  passage  une  allusion  directe  à  ce  culte  par- 
ticulier du  Liban. 

J'ai  rapporté,  en  1881,  une  nouvelle  et  curieuse  inscription  relative  à 
ce  dieu  singulier  ''.  L'original  appartient  à  M.  Loytved  qui  a  bien  voulu 
m'en  envoyer  depuis  plusieurs  estampages  et  copies,  et  vérifier  sur  la 
pierre  certaines  lectures  douteuses.  Le  texte,  gravé  sur  un  cippe  d'envi- 
ron I  mètre  de  hauteur,  est  écrit  négligemment;  en  outre,  plusieurs 
lettres  ont  été  enlevées  ou  défigurées  par  des  cassures,  ce  qui,  dans  cer- 
tains cas,  rend  la  lecture  assez  difficile.  Voici  la  transcription,  faite  sur 
mes  estampages,  de  ce  texte  demeuré  jusqu'ici  inédit  : 

\  I  Pï  (ol  El  [ku]p(w-'LT]îM 

N  A  I  0)  B  A  A  vaio)  BaX- 

M  A  P  K  (0  A  I  ixapyvCJo'., 

T  w  K  A  1  M  H  To)  y.al  Mq- 

r  P  T  N  K  A  I  A  Ypiv,  7.a[T]à 

K  E  A  E  r  c  m  yiXô'j;  Giv] 

0  E  0  V  A  ÔEOu  'A- 

P  E  M  e  H  p-.iJ.0-o- 

N  0  r  î^î  A  voù,  Mâ- 

i  I  M  0  C  ^tiJ.oç, 

E  r  X  A  P  T  r,  T  ehyap'.az- 

[  0)  ]  ?«!  A  N  E  [ôjjv  àvs- 

[  0  ]  H  K  A  [0]r;/.a. 

TzT/aXo^  peut  être  une  simple  épithète  laudative  du  dieu  Baal-Marcod. 
Il  ne  faut  pas  oublier,  cependant,  que,  selon  Damascius  *^,  TswaTc;  était 
le  nom  spécifique  d'une  divinité  à  forme  de  lion,  adorée,  par  les  habi- 
tants d'Héliopolis,  dans  le  temple  de  Zeus.  Cette  nouvelle  inscription 
nous  apporte  un  renseignement  très  important  sur  le  nom  de  Baal-Mar- 


1.  Waddington,  Iiiscr.  gr.ctlat.  delà  Syrie,  n"  i855,  i.S56,  1867. 

2.  Mûrcod,  de  la  racine  raqad,  «  sauter,  danser  ».  Baal-Marcod,  «  dominus  salt?.- 
tionis.  »  Je  serais  cependant  plus  porté  à  croire  que  Marcodcsx  un  nom  de  lieu,  dé- 
signant l'endroit  oit  l'on  danse. 

3.  Psaume  29  :  6. 

4.  Mission  en  Palestine  et  en  PIiénicie,\^  Rapport,  n"  5G  du  Catalogue  (II"  partie). 

5.  Correspondant  à  la  formule  phénicienne  :  le-adon,  le....  «  au  seigneur,  au  dieu 
un  tel.  » 

6.  Vie  d'Isidore,  p.  20"}. 


d'hISTOIRK    El    DH    LITTÉllATURK  497 

coJ,  en  nous  disant  expressément  qu'il  s'appelait  aussi  Mr,yp'.'K  Je  ne 
vois  pas  Torigine  cie  cette  bizarre  appellation  ',  dont  la  lecture  est,  d'ail- 
leurs, certaine'-.  Je  serais  porté  à  croire  que  Mègrin  est  le  véritable 
nom  du  dieu  et  que  Baal-Ma>'cod  esz  seulement  son  surnom  qualilicatif 
ou  topique. 

Le  nom  du  dieu  sur  l'ordre  duquel  Maximos  reconnaissant  a  consa- 
cré le  cippe  à  Baal-Marcod,  ou  plutôt  au  Baal-Marcod,  n'est  pas  moins 
intéressant  ni  moins  obscur.  C'est  la  première  fois,  à  ma  connaissance, 
qu'il  se  rencontre.  'Âp£y.0-/;v6ç,  à  en  juger  par  la  terminaison,  est  une 
appellation  topique  :  le  dieu  de  la  ville  de  'Aps;j.Oa.  Le  nom  de  cette 
ville  est  nouveau,  au  moins  sous  cette  forme,  mais  il  a  une  physionomie 
bien  sémitique;  il  rappelle  tout  à  fai^  ceux  de  "Apt[j.aOa(x,  localité  de 
Palestine,  et,  surtout,  de  Xpa[j.aOi  ^,  ville  du  pays  de  Galaad,  dans  la 
Perce,  qu'on  a  voulu  identiticr  avec  Sait. 

Clermont-Ganneau  . 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  M.Lcon  Renier,  membre  de  l'Institut,  professeur  au  Collège  de  France, 
président  de  la  section  des  sciences  historiques  et  philologiques  à  l'Ecole  pratique  des 
Hautes-Etudes,  administrateur  de  la  bibliothèque  de  l'Université,  est  mort,  après  une 
assez  courte  maladie,  le  jeudi  11  juin,  à  la  Sorbonne.  Nous  consacrerons  une  notice 
à  ce  savant  éminent,  a  cet  homme  excellent  que  personne  n'a  connu  sans  l'aimer. 
Nous  donnons  en  attendant  le  discours  que  M.  Brcal  a  prononcé  sur  sa  tombe  au 
nom  de  l'Ecole  des  Hautes-Etudes,  qui  l'avait  délégué  pour  la  représenter.  Nous 
avons  eu  plus  d'une  fois  l'occasion  de  rappeler  les  liens  qui  unissent  l'École  des 
Hautes-Etudes  à  la  Revue  critique,  dont  tous  les  directeurs  font  partie  de  l'École  ; 
la  perte  de  M.  Renier  est  donc  un  véritable  deuil  pour  nous  aussi.  Il  est  impossible 
de  retracer  mieux  que  M.  Bréal,  avec  plus  d'exactitude  et  d'intérêt,  la  part  qu'a  prise 
M.  Reniera  la  fondation  et  au  développement  de  l'École  dont  le  nom  restera  insé- 
parable du  sien. 

«  Messieurs, 

«  Au  nom  de  l'École  des  Hautes- Études,  dont  les  directeurs,  les  maîtres  de  con- 
férences et  les  élèves  sont  réunis  autour  de  ce  cercueil,  je  viens  rendre  un  dernier 
hommage  à  notre  cher  et  respecté  président.  C'est  lui  qui  a  dirigé  les  premiers  pas 
de  i'Écoie,  qui  en  a  assuré  les  progrès  et  les  développements,  et  qui  l'a  sagement 
administrée  durant  dix-sept  ans.  Ce  que  M.  Léon  Renier  a  été  pour  elle,  ceux-là  sur- 
tout le  savent,  qui  ont  assisté  aux  origines  et  aux  premiers  débuts  :  c'est  la  raison 
pour  laquelle  vous  m'avez    invité,  quoiqu'éioigné  depuis  quelques  années  de  la  vie 

1.  Il  serait  téméraire  île  vouloir  en  chercher  une  trace  dans  le  nom  de  Bcit-Meri. 

2.  M.  Loytved  a  bien  voulu  la  vérifier  de  nouveau  ave:  attention  sur  l'oiiginal. 

3.  F!.  Josèphe,  Aiit.J.,  S,  i5,  3,  etc. 


49^  RliVUb"    CKiriQOli 

de  l'Ecole,  à  parler  en  votre  nom.  Pour  louer  celui  qui  n'aimait  ni  les  longs  dis- 
cours, ni  les  formules  vagues,  je  m'attacherai  à  rappeler  surtout  des  faits. 

«En  1868,  lorsque  M.  Duruy,  alors  ministre  de  l'Instruction  publique,  justement 
préoccupé  de  l'avenir  intellectuel  de  notre  pays,  fonda  l'Ecole  des  Hautes-Études,  il 
songea  d'abord  aux  sciences  mathématiques,  physiques,  chimiques  et  naturelles. 
Mais  l'historien  de  la  Grèce  et  de  Rome  ne  pouvait  oublier  les  études  auxquelles  il 
devait  son  renom  et  sa  haute  situation.  A  côté  des  laboratoires  de  physique  et  de 
chimie,  il  y  avait  une  place  à  faire  à  d'autres  recherches,  qui  ne  sont  ni  moins  fé- 
condes, ni  moins  nécessaires  :  une  quatrième  section  de  l'École  fut  consacrée  aux 
sciences  historiques  et  philologiques.  Pour  organiser  cette  section,  il  s'adressa  à  un 
petit  nombre  d'hommes  parmi  lesquels,  à  côté  de  M.  Léon  Renier,  il  faut  rappelerles 
noms  de  M.  Alfred  Maury  et  de  M.  de  Rougé. 

«  Ceux-ci,  réunis  en  comité,  choisirent  pour  président  M.  Léon  Renier.  Aucun 
choix  ne  pouvait  être  plus  heureux.  Déjà  alors  il  était  chargé  d'honneurs  et  de  fonc- 
tions qui  ne  lui  laissaient  plus  rien  à  souhaiter  pour  lui-même.  Mais  il  était  animé, 
au  fond  du  cœur,  du  désir  d'être  utile.  Travailler  à  faire  le  bien,  à  susciter  des  pro- 
grès, à  servir  son  pays,  était,  à  vrai  dire,  sa  première  passion,  celle  qui  a  fait  l'unité 
de  sa  vie  et  qui  l'accompagnait  partout  dans  ses  multiples  et  diverses  occupations. 
L'expérience  de  sa  propre  éducation  lui  avait  appris  que  notre  enseignement  supé- 
rieur présentait  des  lacunes,  et  que  la  forme  de  cet  enseignement  était  parfois  plus 
propre  à  assurer  la  notoriété  des  professeurs  qu'à  servir  l'instruction  des  élèves. 
L'Ecole  des  Hautes-Études  allait  remédier  à  cet  état  de  choses. 

«  11  groupa  autour  de  l'école  un  petit  nombre  d'hommes  animés  du  même  esprit 
et  qui  devaient  trouver  dans  leur  réunion  un  redoublement  de  forces.  Ces  maîtres 
devaient  former  des  élèves  qui,  les  circonstances  aidant,  se  répandraient  dans  l'en- 
seignement pour  le  compléter,  pour  l'étendre  et  pour  en  modifier,  dans  une  certaine 
mesure,  l'esprit  et  les  méthodes. 

(c  Par  une  heureuse  coïncidence,  M.  Léon  Renier  était  en  même  temps  bibliothé- 
caire de  la  Sorbonne.  Il  ouvrit  un  asile  à  la  jeune  école,  lui  attribua  une  des  salles 
dont  il  disposait,  et  y  installa,  avec  le  coup-d'œil  et  le  choix  d'un  véritable  homme 
du  métier,  une  petite,  mais  admirable  bibliothèque.  C'est  dans  celte  salle  que,  du- 
rant les  premières  années,  se  firent  toutes  les  conférences  et  où  se  passèrent  les 
séances  de  travail  de  la  jeune  école. 

«  Ces  temps  sont  déjà  loin  et  ceux-mêmes  qui  les  ont  vus  sont  obligés  de  faire  un 
effort  pour  y  retourner  en  esprit.  On  était  au  lendemain  de  Sadowa.  Beaucoup 
d'hommes  sentaient  plus  ou  moins  distinctement  que  notre  pays  avait  peut-être  pé- 
ché par  excès  de  confiance  en  lui-même  et  qu'il  y  avait  un  arriéré  à  récupérer.  On 
aurait  peine  aujourd'hui  à  se  faire  une  idée  de  l'ardeur  qui  régnait  parmi  les  colla- 
borateurs de  l'école.  Tout  était  nouveau  :  un  enseignement  qui  n'est  astreint  à  au- 
cun programme,  des  leçons  qui  ne  préparent  à  aucun  examen,  des  élèves  qui  en- 
trent sans  concours,  une  école  qui  ne  donne  accès  à  aucune  carrière  déterminée, 
toute  cette  organisation,  qui  aujourd'hui  nous  est  familière,  excitait  alors  l'étonne- 
ment.  Les  maîtres,  dont  plusieurs  n'avaient  point  eu  de  modèle  sur  qui  ils  pus- 
sent se  régler,  et  qui  étaient  obligés  de  tirer  d'eux-mêmes  la  forme  et  la  matière  de 
leurs  cours,  allaient  assister  aux  leçons  les  uns  des  autres,  heureux  de  retrouver 
chez  leurs  collègues  l'esprit,  les  espérances,  les  convictions  dont  ils  étaient  remplis. 
Les  conférences,  qui  se  faisaient  souvent  le  soir,  continuaient  par  des  discussions 
qui  ne  voulaient  pas  finir,  et  réveillaient,  au  milieu  de  la  nuit,  les  échos  des  esca- 
liers et  de  la  grande  cour  de  la  Sorbonne.  Quelquefois  le  ministre  venait  assister  de 
sa   personne  aux   leçons.  Parmi   ce   monde  ardent  et  actif,  M.  Léon  Renier  passait 


d'HISTOIRH.    tiT    DE    LlTl  ÉUATUKK  499 

tous  les  jours,  son  bon  sourire  aux  lè/res,  jetant  discrètement  un  mot  d'encourage- 
ment au  professeur  ou  au:c  élèves,  et  parcourant  d'un  long  regard  la  ruciie  labo- 
rieuse. 

«  A  ce  moment  de  la  direction,  l'avenir  de  l'école  pouvait  dépendre  de  quelques 
résolutions  bien  ou  mal  conçues.  On  doit  à  M.  Léon  Renier,  sur  un  ou  deux  points, 
des  règles  de  conduite  décisives.  La  plus  grande  incertitude  avait  régné  d'abord  sur 
le  plan  qu'il  convient  de  donner  à  l'école.  Quelques-uns,  séduits  par  une  généreuse 
chimère,  voulaient  qu'elle  fût  ouverte  à  toutes  les  doctrines,  à  tous  les  savoirs,  à 
tout  homme  qui  avait  ou  qui  pensait  avoir  quelque  chose  à  enseigner.  M.  Léon  Re- 
nier ne  partagea  pas  celte  illusion.  Il  fit  adopter  le  principe  que  l'école  serait  fermée 
à  quiconque  n'y  entrerait  point  par  nomination  ministérielle.  Sa  longue  expérience 
était  cause  qu'il  se  défiait  des  concours  désintéressés.  Sur  ce  point,  il  n'admit  qu'une 
seule  exception  :  lui-même,  —  et  ce  ne  fut  pas  une  des  moindres  originalités  de 
l'institution  nouvelle. 

«  Pour  montrer  combien  étaient  vagues  les  idées  qui  avaient  eu  cours  à  l'origine, 
il  suffit  de  relire  les  règlements  :  on  y  voit  que  les  répétiteurs  sont  destinés,  con- 
formément à  leur  nom,  à  répéter  et  à  expliquer  les  leçons  données  par  les  professeurs 
dans  les  grands  établissements  du  haut  enseignement.  Cet  article  devait  rester  tou- 
jours sur  le  papier  :  le  choix  des  premiers  maîtres  était  de  telle  sorte  qu'il  ne  fut 
jamais  appliqué,  et  M.  Léon  Renier  contribua  pour  sa  part  à  l'organisation  indépen- 
dante de  l'école,  en  faisant  la  première  année  un  cours  pratique  d'épigraphie  à  ses 
élèves. 

«  Cependant  le  ministre  à  qui  l'école  était  redevable  de  son  existence  était  des- 
cendu  du  pouvoir.  Peu  de  temps  après  vinrent  la  guerre,  les  désastres,  le  siège  ; 
puis  la  guerre  civile;  puis  une  longue  période  de  trouble  et  d'incertitude.  On  aurait 
pu  croire  que  le  germe  si  récemment  déposé  dans  la  terre  allait  périr.  Des   minis- 
tres, dont  une  partie  connaissaient  à  peine  l'école  de  nom,  se  succédaient.  Un   ins- 
tant, la  liste  des  professeurs  fut  prise  pour  une  sorte  de  feuille  des  bénéfices  où  l'on 
croyait  qu'on  pouvait,  sans  inconvénient,  inscrire  les  hommes  de  lettres  méritants. 
M.  Léon  Renier  résista  avec  énergie,  de  même  qu'il  tint  tête  aux  jalousies  et  aux 
suspicions.  11  était  secondé  par  un  homme  dont  il  est  juste  de  rappeler  ici  les  grands 
et  nombreux  services  :  le  clief  de  division  au  ministère  qui  administrait  l'instruction 
supérieure,  M.  Armand  au  Mesnil  voyait  en   AI.   Léon  Renier  un  ami  et  un  maître, 
il  comprenait  comme  lui  les  intérêts  de  la  haute  science  et  de  la  haute  culture,  et 
volontiers  il  acceptait  ses  choix  et  lui  demandait  ses  avis.  C'est  pendant  ces  années 
de  lutte  et  d'obscurité  que  se  consolida  en  silence  le  succès  de  l'école.  Déjà  des  élèves 
l'avaient  quittée   en  assez  grand  nombre   pour  porter   son   enseignement   dans  les 
chaires  de   nos  Facultés  et  dans  les  universités  de  l'étranger.   Les  publications  de 
l'école  se  succédaient  sans  interruption  et   attiraient  sur  elles   la   considération    du 
public  savant  en  Europe.  Lorsqu'en  187S  vint  le  dixièm.e  anniversaire  de  la   fonda- 
tion, et  que  l'école,  déjà  fière  d'elle-même,  offrit  une  fête  à  son  fondateur,  M.  Léon 
Renier,  le  visage  rayonnant,  offrit  à  M.  Duruy  un  volume  écrit  tout  entier  à  son  in- 
tention par  lui-même  et  par  ses  collègues,  et  portant  sur  le  titre  la  mention  du  35<^  fas- 
cicule de  la  Bibliothèque  de  TEcole  des  Hautes-Etudes  :  l'hommage  était  digne  de 
ceux  qui  le  rendaient  comme  de  celui  à  qui  il  était  rendu. 

<i  Ce  qui  n'était  pas  moins  précieux,  l'autonomie  de  l'école  s'affermissait  de  plus 
en  plus.  L'usage  s'était  établi  que  l'école  était  appelée  à  délibérer  sur  ses  intérêts,  à 
choisir  elle-même  ses  collaborateurs.  Cette  liberté,  dont  elle  fit  toujours  l'emploi  le 
plus  judicieux,  est  devenue,  grâce  au  regretté  directeur  qui  lui  a  donné  sa  charte, 
M.  Albert  Dumont,  un  privilège  et  un  droit.  M.  Léon  Renier  prenait  plaisir  à  pré- 


OOO  RKVUE    CKlTlQUE    DHItiTOlRE    ET    ÙK    LiTTHRATt'KE 

sider  notre  république:  il  n'avait  rien  à  craindre  des  orages  qui  agitaient  quelquefois 
cette  démocratie  intelligente,  car  si  les  opinions  étaient  divergentes,  tout  le  monde 
se  rencontrait  sur  un  point  :  rattachement  et  le  respect  de  sa  personne.  Ainsi  fut 
réalisée  une  œuvre  capitale,  celle  d'une  corporation  vouée  au  haut  enseignement,  qui 
se  recrute  et  s'administre  elle-même  :  expérience  pleine  de  promesse  pour  l'avenir, 
et  que  l'éminent  successeur  de  M.  Albert  Dumont  est  heureux  d'encourager  et  de 
maintenir. 

«  Cependant  les  années  venaient  :  quelquefois  une  plainte  contre  le  poids  de  la 
vieillesse,  contre  l'ingratitude,  tombait  de  la  bouche  du  vénéré  directeur.  Mais  bientôt 
ce  mécontentement,  plus  simulé  que  réel,  cédait  au  plaisir  d'entendre  dire  que  tout 
allait  bien  et  que  le  directeur  était  aimé  de  son  personnel  de  maîtres  et  d'élèves.  Les 
joies  de  M.  Léon  Renier  étaient  de  voir  ses  anciens  étudiants  devenir  répétiteurs, 
ses  anciens  répétiteurs  devenir  ses  collègues  au  Collège  de  France,  ses  confrères  à 
l'Institut.  Aussi,  quand  la  nouvelle  de  sa  mort  est  venue  hier  nous  trouver,  tout  le 
monde  est  accouru.  Chacun  sentait  qu'il  perdait  un  conseiller,  un  protecteur,  un 
ami,  que  le  chef  de  la  famille  venait  de  disparaître  et  qu'un  chapitre  de  notre  his- 
toire se  fermait  avec  lui.  Mais  nous  avons  la  confiance  que  l'école,  fiaèle  à  ses  ori- 
gines, fidèle  à  ses  premiers  jours,  continuera  de  grandir  dans  le  même  esprit,  et  que 
toujours  elle  associera  au  souvenir  de  ses  premières  années,  de  sa  glorieuse  jeunesse, 
le  nom  de  Léon  Renier.  » 

—  Nous  recevons  de  M.  Tamizey  de  Ladroque  des  Lettres  du  comte  de  Coniin- 
ges,  ambassadeur  extraordinaire  de  France  en  Portugal  (ibb-j-iôSg).  Ce  sont  huit 
lettres  écrites  de  Lisbonne  ou  des  environs  de  cette  ville  par  ce  diplomate  à  Jacques- 
Auguste  de  Thou,  baron  de  Meslai  ;  Cominges  y  donne  des  détails  sur  les  Portu- 
gais; au  milieu  de  cette  correspondance  se  trouve  une  harangue  qu'il  débita  le  iq  oc- 
tobre 1657  dans  l'assemblée  des  commissaires  de  Portugal  et  des  députés  des  Etats 
des  Provinces  Unies.  La  brochure  qui  compte  32  p.  et  a  paru  à  Pons,  chez  Texier, 
est  tirée  du  tomeXIll  des  u  Archives  historiques  delà  Saintonge  et  de  l'Aunis.  » 

ITALIE.  —  Le  parlement  italien  a  été  saisi  d'un  projet  de  loi  portant  ouverture 
d'un  crédit  de  200,000  francs,  pour  des  fouilles  à  Sybaris.  On  n'a  qu'à  lire  le  cha- 
pitre consacré  à  cette  ville  dans  la  Grande-Grèce  de  Fr.  Lenormant  ((,  p.  325}  pour 
savoir  quelles  immenses  espérances  l'archéologie  est  en  droit  de  fonder  sur  cette 
exploration;  les  fouilles  de  Sybaris  donneront  peut-être  des  résultats  plus  intéres- 
sants que  les  fouilles  même  de  Pompéi. 

—  M.  L.  Pasqualucci,  bibliothécaire-adjoint  de  la  B.  Victor-Emmanuel  à  Rome,  a 
entrepris  la  publication  des  œuvres  complètes  de  l'abbé  Tosti,  revues  et  augmentées 
par  l'éminent  bénédictin.  UHistoire  du  Mont-Cassin  de  3  volumes  sera  portée  à  4. 
La  souscription  aux  20  volumes  est  ouverte  au  prix  de  4  francs  le  volume.  Le  pre- 
mier paraîtra  au  mois  d'août. 


ACADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET   BELLES-LETTRES 


Séance  du  12  juin  188^. 
M.   Ernest  Desjardins,  président,  annonce  la  mort  de  M.  Léon  Renier,  membre 
ordinaire  de  l'Académie.  La  téance  est  le\ée  en  signe  de  deuil. 

Julien  Havet. 


Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNESi    LEKOUX. 


Lf-  PuY.  ■mprir.'ierje  de.   Mai-chcs^ct-u.  ■fils,  boulevard  S  air:  i~  Laurent.,  ï.?- 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


N»  26  _  29  juin  -  1885 

Soniits:aire  :  io8.  G.  CuRTius,  (^-itique  de  la  nouvelle  linguistique.  —  109.  De 
RoNCHAUD,  La  tapisserie  dans  l'antiquité.  —  iio.  Rosenthal,  Contributions  à 
l'histoire  du  droit  municipal  allemand.  —  11  i.  Œuvres  de  La  Fontaine,  II, 
p.  p.  H.  Régnier;  Mémoires  de  Saint-Simon,  IV,  p.  p.  de  Boislisi.e.—  Chronique. 
—  Académie  des  Inscriptions.  —  Société  des  Antiquaires  de  France. 


108.    —    Georg.    CuRTius.     iZuf    a^cilik    <J4>'ï-    ticîjf&Seai    î-'.jn-:tc8Bfoj'Ec!iunë. 

Leipzig,  S.  Hirzel,  iS85.   Un  vol.  in-8,  lôi   p.  Prix  :  2  mark  Go. 

I 

Ce  nouvel  ouvrage  de  M.  G.  Curtius  est  divisé  en  quatre  parties  dont 
chacune  est  consacrée  à  l'examen  critique  d'une  des  principales  ques- 
tions qui  forment  comme  le  credo  des  néo-grammairiens . 

La  première  traite  des  lois  phonétiques.  Sont- elles  absolues  comme 
tend  à  le  croire  l'école  nouvelle?  M.  C.  est  d'une  opinion  différente.  Il 
triomphe  du  reste  facilement  sur  ce  point,  soit  en  montrant  les  contra- 
dictions et  les  hésitations  des  néo-grammairiens  eux-mêmes,  soit  en 
établissant  par  plusieurs  exemples  l'impossibilité  de  mettre  les  faits  d'ac- 
cord avec  le  principe  qu'il  combat.  Mais  ses  raisons  sont  moins  con- 
cluantes quand  il  essaie  de  préciser  l'idée  qu'il  s'est  faite  des  lois  phoné- 
tiques et  de  leur  portée.  Certaines  modifications,  dit-il  en  substance,  en 
répétant  une  théorie  déjà  exposée  par  lui  dans  ses  Principes  d'étymolo- 
gie  grecque,  ont  un  caractère  constant,  tandis  que  d'autres  sont  spora- 
diques.  Or  quelle  prise  une  pareille  manière  de  voir  ne  laisse-t-elle  pas 
aux  explications  arbitraires,  et  si  tel  était  le  dernier  rnot  de  la  science, 
n  y  aurait-il  pas  lieu  de  désespérer  d'arriver  jamais  à  pouvoir  appliquer 
à  la  grammaire  historique  une  méthode  critique  invariable  et  sûre? On  ne 
peut  qu'approuver  M.C.  quand  il  blâme  l'abus  qu'on  fait  dans  la  nou- 
velle école  du  mot  impossible,  à  propos  de  telle  ou  telle  explication  de 
détail  ;  on  en  use  en  effet  un  peu  trop  facilement  et  d'une  manière  un  peu 
trop  dogmatique,  étant  donné  l'état  actuel  de  nos  connaissances.  Mais 
le  but  auquel  tous  doivent  tendre  est  de  faire  qu'on  puisse  s'en  servir 
un  jour  avec  certitude.  Une  science  sans  critérium  n'est  pas  une  science, 
et  nul  critérium  ne  saurait  exister  en  matière  de  science  du  langage  tant 
qu'à  côté  des  faits  constants,  c'est-à-dire  soumis  à  des  lois,  on  en  ad- 
mettra de  sporadiques,  c'est-à-dire  ayant  une  origine  arbitraire.  Faut-il 
ajouter  que  si  la  nature  des  choses  était  ainsi,  il  faudrait  bien  en  pren- 
are  son  parti  et  renoncer  à  faire  de  la  linguistique  une  science  positive. 
Mais  il  reste  à  le  prouver,  et  l'on  ne  saurait  voir  un  motif  suffisant  pour 
Nouvelle  série,  XIX,  26 


5o2  REVUK    CHIIIQUK 

renoncer  dans  ce  domaine  à  l'établissement  d'une  méthode  "énérale, 
dans  l'analogie  que  M.  C.  établit,  entre  le  développement  du  langage  et 
celui  du  droit,  des  mœurs  et  de  la  vie  politique  des  nations.  Là  aussi,  en 
effet,  il  s'agit  de  savoir  sMl  n'y  a  pas  entre  les  phénomènes  observés  des 
relations  nécessaires  de  causes  à  effets,  et  la  tâche  des  historiens,  eu  égard 
à  la  recherche  de  ces  causes,  ressemble  beaucoup  à  celle  des  grammairiens 
à  la  piste  des  lois  du  langage. 

Les  pressentiments  fondés  sur  la  logique  pure  semblent  donc  à  cet 
égard  en  contradiction  avec  les  faits  invoqués  par  M.  C.  :  les  lois  pho- 
nétiques devraient  être  générales  et  paraissent  ne  pas  Fétre;  voilà  qui 
est  incontestable,  et  cependant  nous  ne  croyons  pas  que  les  termes  de 
cette  antinomie  soient  radicalement  inconciliables  '. 

II 

Dans  la  seconde  partie  de  son  opuscule,  M.  C.  traite  de  l'analogie. 
Mais  est-ce  bien  l'analogie  qu'il  faut  dire?  L'auteur,  en  effet,  n'a  pas  de 
peine  à  faire  voir  que  l'analogie  dont  il  va  s'occuper,  et  telle  que  l'en- 
tendent les  néo-grammairiens  est,  pour  ainsi  dire,  l'opposé  de  l'àvaXo^ia 
des  anciens.  C'est  qu'en  réalité  il  y  a  deux  sortes  d'analogies;  ou  plu- 
tôt, il  y  a  l'analogie  proprement  dite  et  la  fausse  analogie,  ou  la  conta- 
mination analogique  :  c'est  de  cette  dernière  qu'il  s'agit.  Il  eût  été  bon 
d'ailleurs  de  les  distinguer  nettement  l'une  de  l'autre,  nous  essaierons 
de  le  faire,  au  défaut  de  M.  Curtius. 

La  véritable  analogie  donne  naissance  à  un  mot  nouveau  en  ajoutant 
à  un  radical  déjà  en  usage  dans  des  formes  voisines  pour  le  sens  géné- 
ral, une  désinence  commune  à  tous  ceux  qui  appartiennent  à  la  caté- 
gorie grammaticale  dans  laquelle  il  doit  se  ranger.  Exemple  :  amabilis, 
formé  du  thème  ama  contenu  dans  amare  et  de  la  finale  bilis,  propre  à 
toute  une  série  d'adjectifs  latins  à  sens  voisin  de  celui  des  participes 
futurs  passifs,  comme  laudabilis,  terribilis^  etc.  Ce  procédé,  que  l'ex- 
tinction des  lois  phonétiques  détruites  par  la  grammaire,  a  rendu  le 
facteur  unique  ou  à  peu  près  des  formes  nouvelles  dans  les  langues 
modernes,  a  été  pourtant  fécond  de  très  bonne  heure;  c'est  à  lui  qu'est 
dû  le  développement  de  la  déclinaison  et  de  la  conjugaison  dont  il  a 
propagé  les  formes  à  l'infini. 

La  contamination  agit  d'une  tout  autre  manière.  Elle  ne  crée  pas  de 
mots  nouveaux,  mais  elle  modifie  la  forme  des  anciens,  sous  l'influence 
et  d'après  des  termes  appartenant  à  une  catégorie  voisine  de  ceux-ci,  au 
double  point  de  vue  significatif  et  phonétique.  C'est  ainsi  qu'en  grec, 
selon  M.  G.  Meyer  %  une  seconde  personne  du  singulier  au  présent  de 
l'indicatif  actif,  ayant  passé  de  çépeai  à  çépît,  conformément  à  la  loi  qui 
fait  tomber  en  cette  langue  un  c  placé  entre  deux  voyelles,  s'est  trans- 


I.  Les  idées  de    l'auteur  de  cet  article   sur    la  question    ont  été  exposés  dans  la 
Revue  de  Linguistique,  n'^  du   i5  octobre  1884,  p.  36i,  scqq. 
1.  Gr.  Giani.,  g  447. 


D  HISTOIRE    KT    DE   LITTERATURE  DOD 

formée  de  nouveau  en  çépetç  par  analogie  avec  la  finale  ç  employée 
comme  désinence  secondaire,  par  exemple  à  la  seconde  personne  du  sin- 
gulier de  rimparfait  actif  csspô;. 

Cet  exemple  fait  voir  d'ailleurs  que  la  contamination  se  distingue  encore 
de  l'analogie  proprement  dite  en  ce  que  celle-ci  est  indispensable  au  dé- 
veloppement des  séries  grammaticales  et  reste  d'un  usage  constant  dans 
les  langues  modernes,  tandis  que  celle-là  n'est  pas  nécessitée  par  les  exi- 
gences de  la  vie  du  langage  et  qu'elle  est  incompatible  avec  la  fixité  relative 
des  langues  littéraires.  Nées  de  confusions  imputables  principalement  à 
l'ignorance, lescontaminationsapparaissent  surtoutaux époquesd'un re- 
tour de  la  civilisation  à  la  barbarie  (comme  à  la  chute  de  l'Empire  romain 
et  au  moment  de  la  naissance  des  langues  romanes)  et  quand  la  langue 
populaire  est  doublée  d'une  langue  littéraire  en  décadence  ignorée  ou 
oubliée  de  ceux  qui  font  usage  de  la  première,  et  leur  offrant  matière  à 
de  fréquentes  erreurs  s''ils  essaient  de  s'en  servir.  Quoi  qu'il  en  soit,  la 
contamination  analogique  ne  saurait  être  déterminée  avec  certitude  que  si 
Tantécédent  de  la  forme  contaminée  s'est  conservé  auprès  de  celle-ci  ; 
malheureusement,  ce  n'est  presque  jamais  le  cas  pour  les  perturbations 
phonétiques  que  les  fondateurs  de  la  nouvelle  école  rapportent  sans  hé- 
siter, même  en  l'absence  de  tout  moyen  de  contrôle  direct,  au  phéno- 
mène en  question.  De  là  les  objections  très  fortes  que  M.  C.  fait  valoir 
contre  leur  méthode  à  cet  égard.  Où  est,  en  effet,  si  nous  reprenons 
l'exemple  cité  plus  haut,  la  preuve  du  changement  de  l'hypothétique 
oipti(2^  pers.  du  sing.)  en  oépsiç  sous  l'influence  d'Isspîç?  Nulle  part 
ailleurs  que  dans  le  caractère  absolu  attribué  à  la  loi  phonétique  qui  a 
dû  faire  tomber  le  a  de  ziptai  —  sk.  bhdrasi  et  la  difficulté  d'expliquer 
autrement  la  substitution  de  ©épsiç  à  çépei. 

Nous  approuvons  donc  entièrement  la  critique  de  M.  G.  et  nous 
croyons  qu'on  ne  doit  avoir  recours  aux  explications  fondées  sur  la 
contamination,  en  ce  qui  concerne  la  langue  mère  et  ses  descendants 
immédiats,  qu'avec  une  extrême  circonspection  et  seulement  quand  on 
dispose  à  cet  effet  d'une  circonstance  directement  probante. 

Nous  sommes  moins  disposé  à  suivre  le  savant  linguiste  quand  il  es- 
saie de  démontrer  plus  loin  le  caractère  arbitraire  de  certaines  modifica- 
tions antiques  du  langage. 

La  réduction  de  àij.stpopsuç,  par  exemple,  à  i]}.<^oç,tbc,  est  le  résultat 
d'une  contraction  qui  diffère  peu  de  celle  de  eu^aTépa;  en  Guvatpaç. 

La  réduction,  évidemment  arbitraire,  d'un  nom  propre  comme 
Zz:SQ.T.r.o-  en  li\)'0.q  paraît  plus  concluante  et  a  ses  analogues  dans  des 
langues  modernes.  Mais  ce  procédé  n'a  rien  de  primitif,  ni  de  naturel, 
comme  le  montre  bien  la  forme  complexe  du  mot  qui  sert  d'exemple. 
C'est  le  résultat  d'une  sorte  de  convention  qui  ne  peut  guère  s'établir 
qu'au  sein  d'une  famille  à  propos  d'un  nom  propre  ou,  d'une  manière 
générale,  parmi  les  membres  d'une  société  secrète  qui  s'essaient  de  parti 
pris,  à  ne  s'entendre  qu'entre-eux.  Une  chose  sûre,  c'est  qu'un  sembla- 


5 04  REvat;  critiquk 

ble  moyen  n'a  rien  de  commun  avec  le  développement  normal  du  lan- 
gage et  peut  difncilement  aider  à  l'explication  de  ses  formes  primitives. 

III 

Dans  la  troisième  partie  M.  C.  aborde  le  vocalisme  indo-européen, 
et  sur  ce  terrain,  l'ancienne  théorie  de  la  division  de  Va  primitif  en  a, 
e,  0,  chez  les  peuples  d'Europe  trouve  en  lui   un  défenseur  persistant. 

Il  reconnaît  pourtant  qu'un  argument  considérable  interviendrait  en 
faveur  du  caractère  primordial  de  ïe  gréco-latin  et  du  changement  de 
ce  son  en  a  dans  le  rameau  asiatique,  si  l'opinion  de  MM.  Joh.  Schmidt 
et  CoUitz  sur  Torigine  des  palatales  en  sanskrit  sous  l'influence  des 
sons  /  au  e  pouvait  être  admise  sans  réserve.  Mais  combien  d'excep- 
tions ne  laisse-t-elle  pas  inexpliquées,  à  moins  d'avoir  recours  aux  effets 
si  difficiles  à  démontrer  d'une  manière  convaincante  de  la  contamina- 
tion analogique? 

M.  C.  présente  beaucoup  d'observations  de  détail  qui  tendent  à  faire 
échec  aux  idées  des  novateurs  sur  le  vocalisme  primitif  indo-européen, 
et  qui  semblent  exiger  une  réponse  de  leur  part.  Nous  souhaiterons,  dans 
l'intérêt  de  la  science  qu'elle  ne  se  fasse  pas  attendre  trop  longtemps,  et 
surtout  qu'elle  soit  de  nature  à  jeter  un  peu  plus  de  lumière  sur  ces 
question  si  difficiles  et  encore  si  obscures. 

En  ce  qui  regarde  l'hypothèse  de  la  nasale  sonnante,  M.  G.  indique 
une  difficulté  que  nous  avons  signalée  de  notre  côté  dans  un  opuscule 
qui  paraissait  à  peu  près  en  même  temps  que  le  sien  '.  Il  s'agit  de  la 
chute  de  n  comme  mode  d'affaiblissement  d'une  foule  de  formes  en  grec 
et  en  sanskrit.  Or  si  on  a  en  grec  iç  à  côté  de  âvç  et,  en  sanskrit  balisu 
auprès  d'un  thème  balin  où  la  nasale  a  disparu  sans  laisser  aucune  trace, 
il  est  difficile  d'échapper  à  l'idée  qu'il  a  pu  en  être  de  même  pour  Taxcç, 
tatd-s,  etc.  Ici  encore  on  attend  avec  une  impatiente  curiosité  la  réponse 
des  auteurs  ou  des  défenseurs  du  système. 

M.  G.  rencontrera  une  adhésion  moins  facile,  à  notre  avis,  quand  il 
proteste  contre  la  mort  du  gouna  proclamée  dans  une  formule  devenue 
célèbre  par  M.  L.  Havet,  il  y  a  quelques  années  déjà.  Ici,  les  objections 
du  savant  professeur  de  Leipzig  ont  un  caractère  tout  particulier  de 
faiblesse;  on  dirait  qu'il  ne  résiste  guère  que  pour  l'honneur.  En  tous 
cas,  il  est  besoin,  pour  ressusciter  le,  gouna,  d'une  évocation  autrement 
puissante  que  celle  qui  consiste  à  faire  appel  à  l'analogie  de  la  vriddhi 
du  sanskrit,  dont  le  caractère  artificiel  est,  en  général,  si  manifeste. 

IV 

Faut-il  considérer  les  questions  qui  touchent  d'une  manière  générale 
à  la  morphologie  de  la  période  d'unité  indo-européenne  comme  inac- 
cessibles à  jamais  à  la  science,  et,  par  conséquent,  les  études  qui  s'y 

i.  Mélanges  de  linguistique  indo-européenne,  Paris,  Vieweg,  i885. 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  DOO 


rapportent  sont-elles  vouées  à  une  irrémédiable  stérilité;  ou  bien  peut- 
on  fonder  quelque  espérance  de  progrès  réel  en  suivant  cette  voie?  Tel 
est  Tobjet  de  la  discussion  à  laquelle  M.  C.  consacre  la  quatrième  et 
dernière  partie  de  son  travail. 

L'école  nouvelle  accuse,  en  général,  des  tendances  favorables  à  la  pre- 
mière de  ces  alternatives,  tandis  que  M.  C,  fidèle  aux  vues  qui  l'ont 
guidé  dans  son  ouvrage  sur  la  Chronologie  dans  la  formation  des 
langues  indo- germaniques ,  est  favorable  à  la  seconde. 

Nous  nous  bornerons  à  ajouter  aux  siennes  quelques  considérations 
qui  les  corroborent. 

En  ce  qui  regarde  la  morphologie  proethnique,  nous  ferons  remar- 
quer que  certaines  manières,  communes  à  toutes  les  écoles,  d'exposer 
les  généralités,  impliquent  une  opinion  sur  la  structure  et  les  combinai- 
naisons  primitives  des  éléments  du  langage.  Les  idées  qui  ont  cours,  par 
exemple,  sur  l'analyse  des  formes  verbales  qui  dépendent  de  la  conju- 
gaison thématique,  comme  o£p-i-[j.£v,  en  sont  la  preuve;  ces  idées  en- 
traînent l'hypothèse  du  monosyllabisme  des  racines  contenues  dans  les 
formes  en  question.  Des  motifs  qui  ne  manquent  pas  de  poids  militent 
en  faveur  de  cette  manière  de  voir,  bien  que  celle  qui  consisterait  à 
considérer  les  racines  des  mêmes  verbes  comme  bisyllabiques  l'emporte 
à  notre  avis,  en  vraisemblance.  On  peut  en  conclure  que,  dans  la  pra- 
tique, personne  ne  regarde  ces  questions  comme  insolubles,  et  qu''il 
n'est  guère  possible  de  faire  de  la  grammaire  historique  sans  en  tran- 
cher quelques-unes  d'une  manière  au  moins  provisoire. 

Pour  la  même  époque,  les  problèmes  phonétiques  nous  paraissent, 
comme  à  M.  C,  offrir  souvent  matière  à  des  discussions  utiles  et  même 
à  des  solutions  à  peu  près  sûres.  On  objecte  en  vain  que  nous  ne  pou- 
vons rien  savoir  des  lois  qui  ont  prévalu  pendant  la  période  d'unité.  Si 
les  faits  positifs,  matériels  nous  échappent  à  tout  jamais,  il  nous  reste 
l'induction.  En  bonne  logique,  nous  sommes,  ce  nous  semble,  tout-à- 
fait  autorisés  à  attribuer  à  la  période  d'unité  les  mêmes  lois  phonétiques 
dont  nous  constatons  l'existence  dans  tous  les  dialectes  de  première  for- 
mation, ou  dans  la  plupart  d'entre  eux.  Citons  en  première  ligne  la 
contraction  sous  toutes  ses  formes,  l'influence  assimilatrice  d'un  son 
donné  sur  celui  qui  le  précède,  le  rhotacisme  de  s,  au  moins  dans  cer- 
taines positions,  le  larabdacisme  de  r,  la  dégradation  vocalique  de  o  en 
z/,  de  ai,  ei,  e  en  î  et  i  et  même  de  a  en  e,  etc.  Voilà  autant  de  faits  gé- 
néraux qu'il  nous  est  rationnellement  permis  de  transporter  de  chez  ses 
filles  directes  dans  la  langue  mère.  Aucune  science  du  reste  ne  se  prive 
d'une  méthode  aussi  légitime  et  nous  ne  voyons  pas  pourquoi  on  l'in- 
terdirait à  celle  du  langage. 

Bien  que  très  souvent  d'accord  avec  M.  C.  dans  sa  polémique  contre 
les  doctrines  nouvelles,  nous  ne  dissimulerons  pas  que  l'impression  qui 
résulte  pour  nous  de  l'ensemble  de  la  discussion  est  bien  différente  des 
espérances  qui  ont  soutenu  l'auteur.  Quelque  large  prise  qu'offrent  à  la 


^5o6  REVU!'     CRITIQUE 

critique  les  théories  de  MM.  Brugmann,  Osthoff,  de  Saussure,  etc.,  on 
ne  saurait  méconnaître  qu'elles  ont  donné  une  impulsion  aux  études 
de  linguistique  indo-européenne  qui  viendra  difficilement  s'éteindre 
à  son  point  de  départ.  Que  ces  théories  soient  appelées  à  se  développer 
et  à  se  modifier  profondément,  c'est  possible  et  même  probable;  mais 
celles  qui  les  ont  précédées  n'ont  guère  de  chances,  croyons-nous,  de 
tirer  profit  de  telles  circonstances.  Bien  des  parties  du  système  de  Bopp 
sont  irrémédiablement  condamnées  et  le  mieux  serait  encore  d'en  faire 
son  deuil. 

On  comprend,  il  est  vrai,  que  ce  parti  coûte  à  prendre  aux  meilleurs 
disciples  de  Tillustre  fondateur  de  la  grammaire  comparée  indo-euro- 
péenne; mais  dans  le  naufrage  qui  les  appauvrit,  ils  ne  sont  pas  sans 
consolations.  M.  Curtius  surtout  a  tracé  un  tel  sillon  dans  le  champ 
de  la  linguistique,  ses  travaux  si  estimés  et  si  utiles  malgré  tout,  ont 
tellement  contribué  à  frayer  la  voie  aux  découvertes  nouvelles,  que  sa 
gloire  survivra  à  certaines  idées  défendues  par  lui  avec  plus  de  courage 
que  de  succès  et  qu'il  restera  pour  tous,  sans  distinction  d'écoles,  un 
maître  respecté  et  admiré. 

Paul  Regnaud. 


log.  —  La  tapisserie  dans  l'antiquité,  le  péplos  d'Athéné  ;  la  décoration 
intérieure  du  Parthénon  restituée  d'après  un  passage  d'Euripide,  par  Louis  de 
RoNCUAUD.  (Bibliothèque  internationale  de  l'art).  Paris,  Rouam,  1884.  In-8, 
ib-j  pages. 

L'ouvrage  dont  nous  avons  à  rendre  compte  est  le  développement 
d'une  série  d'articles  fort  remarqués  qui  ont  paru  en  1872  dans  la 
Revue  archéologique.  Le  véritable  sujet  est  le  péplos  d'Athéné  et  la  dé- 
coration intérieure  du  Parthénon.  L'auteur  cherche  à  restituer 
dans  tout  son  luxe  et  son  éclat  ce  qu'il  appelle  la  Chambre  de  la 
Vierge,  formée  par  la  colonnade  intérieure  de  ÏHécatompédon.,  et  par  un 
système  de  draperies  suspendues  dans  les  entrecolonnements.  Mais 
avant  d'arriver  au  détail  de  cette  restitution,  et  pour  mieux  la  faire 
comprendre,  il  rassemble  tout  ce  qu'on  peut  savoir  sur  la  tapisserie 
dans  l'antiquité. 

Le  premier  chapitre  traite  de  l'histoire  de  la  tapisserie  et  de  la  brode- 
rie dans  le  monde  antique,  chez  les  Egyptiens,  les  Hébreux,  les  Assy- 
riens, les  Babyloniens,  les  Indiens,  les  Arabes,  les  Phrygiens,  les  Ly- 
diens, les  Phéniciens,  les  Grecs,  les  Romains.  C'est  un  excellent  résumé, 
où  l'auteur  n'a  négligé  aucun  détail  important  et  pour  lequel  il  a  su 
mettre  à  profit,  avec  une  grande  sagacité,  les  textes  aussi  bien  que  les 
monuments  archéologiques.  On  peut  s'étonner  seulement  que  dans  cette 
histoire  aucune  place  n'ait  été  faite  aux  Etrusques.  Les  peintures  de 
Cornéto,  les  sarcophages  coloriés  de  Géré  et  de   Volterra   témoignent 


o'HrsroiRK  ET  DK  littératuke  5o7 

surabondamment  du  goût  des  populations  étrusques  pour  les  étoffes 
brodées  et  les  tapis.  A  propos  des  trésorsdes  temples  (p.  9)  et  des  mysté- 
rieux souterrains  où  s'entassaient  les  offrandes  et  les  richesses  sacrées, 
il  n'eût  pas  élé  inutile  de  signaler  les  trésors  des  cités  grecques  à  Olym- 
pie  et  le  célèbre  trésor  de  Gurium  découvert  à  Chypre  par  le  général 
de  Cesnola. 

Sans  insister  sur  le  chapitre  fort  intéressant  où  Tauieur  a  groupé 
les  renseignements  fournis  par  Tantiquité  sur  la  technique  et  les 
instruments  du  tissage,  je  passe  à  la  partie  de  l'ouvrage  consacrée  à 
l'emploi  des  étoffes  brodées  et  des  tapisseries  dans  la  décoration  des 
monuments.  Avec  beaucoup  de  raison,  M.  de  R.  y  réfute  la  théorie 
trop  absolue  de  Semper  qui  rattache  étroitement  l'art  de  tisser  à 
l'art  de  bâtir  et  fait  dériver  l'un  de  l'autre.  Il  montre  qu'en  réalité 
l'art  de  tisser  s'est  produit  d'une  manière  indépendante.  Il  trouve  con- 
tre la  thèse  de  Semper  des  arguments  dans  les  usages  des  sauvages 
modernes  qui  savent  tisser  et  ne  savent  pas  bâtir.  Je  crois  qu'à  ces 
arguments  il  eût  été  possible  d'ajouter  d'autres  preuves  tirées  de  l'ar- 
chéologie antique.  Les  plus  anciennes  poteries  de  l'Italie,  les  poteries 
des  terramares  et  celles  de  Villanova,  œuvres  de  populations  barbares 
qui  ne  savaient  guère  construire  que  des  huttes  en  terre  battue,  semblent 
prouver,  par  leur  ornementation  géométrique,  que  l'art  du  tissage  était 
tamilier  à  ces  civilisations  encore  élémentaires.  Cette  ornementation 
s'explique  difficilement  si  on  ne  suppose  pas  qu'elle  reproduit  l'aspect 
des  tresses  de  ficelles,  de  laines  ou  de  roseaux  dont  on  entourait  la  panse 
et  le  col  des  vases,  alors  que  faute  desavoir  bien  cuire  les  poteries  on  ne 
pouvait  avoir  des  anses  solides  à  la  main  et  que  pour  les  suspendre  ou 
les  porter,  il  fallait  les  garnir  d'une  sorte  de  manchon,  comme  cela  se 
pratique  encore  aujourd''hui  pour  les  i'vagllesjiaschi  de  la  Toscane. 

Les  chapitres  IV  et  V  traitent  des  tentes  et  des  statues  peintes  et  habil- 
lées. A  propos  des  tentes  dressées  prés  des  sanctuaires  qui  servaient  de 
lieu  de  pèlerinage  à  certaines  grandes  fêtes  périodiques,  on  pouvait  ren- 
voyer à  l'importante  inscription  d'Andanie(LeBas  et  Foucart,  Inscrip- 
tions du  Péloponnèse,  n"  326»). 

M.  de  R.  arrive  enfin  à  ce  qui  fait  le  sujet  principal  et  le  but  de  son 
ouvrage,  à  la  restitution  de  la  décoration  intérieure  du  Parthénon.  Les 
données  précises  qu'il  a  recueillies  dans  les  chapitres  précédents  lui  ren- 
dent désormais  la  tâche  plus  facile.  Il  n'a  plus  qu'à  appliquer  au  sanc- 
tuaire d'Athéné  Parthénos  les  principes  qu'il  a  observés  dans  la  plu- 
part des  édifices  sacrés  de  l'antiquité.  Se  fondant  sur  un  important 
passage  de  VIon  d'Euripide,  où  il  voit  avec  raison  une  allusion  au  tem- 
ple d'Athéné  à  l'Acropole,  il  suppose  que  dans  les  entrecolonnements  du 
portique  intérieur  du  naos,  à  la  galerie  supérieure,  comme  à  la  galerie 
du  rez-de-chaussée,  étaient  attachées  des  tapisseries  verticales  formant 
autour  de  la  statue  chryséléphantine  un  rideau  continu,  et  qu'au  dessus 
de  la  statue,  d'autres  tapisseries  tendues  presque  horizontalement  cou- 


5o8  RKVUE    CRITiQOK 

vraient  le  naos  d'une  sorte  de  voûte.  La  statue  se  trouvait  ainsi  enfer- 
mée dans  une  tente.  J'avoue  que  ce  système  de  décoration  me  paraît 
difficile  à  admettre.  Les  objections  de  M.  Chipiez  subsistent  entières. 
Dans  rhypotlièse  de  M.  de  R.  l'éclairage  du  naos  est  bien  compromis. 
La  partie  centrale  seule  peut  recevoir  la  lumière.  Le  portique  intérieur, 
avec  toutes  les  draperies  qui  ferment  les  entrecolonnements  au  rez-de- 
chaussée  et  à  l'étage  supérieur,  reste  forcément  dans  l'obscurité.  M.  de 
R.  incline  aussi  à  penser  qu'il  y  avait  des  tapisseries  dans  les  entrecolon- 
nements des  portiques  extérieurs,  de  telle  sorte  qu'on  pût  se  promener 
à  l'ombre  tout  autour  du  monument.  La  conjecture  est  peu  vraisembla- 
ble. En  somme,  je  crois,  avec  M.  Chipiez,  que  s'il  y  a  jamais  eu  des 
tapisseries  à  l'intérieur  ou  à  l'extérieur  du  Parthénon,  cette  décoration 
n'a  été  que  temporaire,  comme  celle  qu'on  voit  dans  nos  églises  à  cer- 
taines cérémonies.  Du  reste  le  passage  d'Euripide,  sur  lequel  se  fonde 
M.  de  R.,  indique  une  décoration  temporaire,  puisque  c'est  en  vue 
d'un  sacrifice  déterminé  que  le  jeune  Ion  construit  sa  tente. 

L'ouvrage  de  M.  de  R.  soulève  une  multitude  de  questions  curieuses 
sur  lesquelles  il  y  aurait  lieu  de  revenir.  J'ai  seulement  voulu  en  mon- 
trer l'intérêt  par  une  courte  analyse.  Le  problème  n'est  pas  entière- 
ment résolu,  mais  il  est  posé  d'une  façon  nette  et  l'auteur  fournit  des 
faits  nombreux  pour  la  solution  définitive.  Il  est  désormais  certain  que 
la  tapisserie  a  joué  un  rôle  important  dans  la  décoration  monumentale 
de  l'antiquité. 

Est-il  nécessaire  d'ajouter  que  le  livre  de  M.  de  Ronchaud  est  écrit 
avec  une  claire  simplicité  et  une  vivacité  de  style  qui  sont  un  charme 
pour  le  lecteur?  Ne  sait-on  pas  à  quoi  l'on  peut  s'attendre  quand  on 
prend  en  main  un  livre  signé  de  ce  nom  ? 

Jules  Martha. 


Iio.  —  Oeîtraege    zui*  deutsclien  Stadtrcelitsgescliictitc,  von  D""  Eduard 

RosENTHAL,  Piïvatdocent  an  der  Universitaet  lena.  Het't  I-II,  Zur  Rechtsgeschi- 
chte  der  Staedtc  Landshut  und  Straubing.  Wûrzburg,  Stuber,  i883,  ix,  B'iy  p. 
In-8.  Prix  :  8  fr.  -jb. 

Cette  contribution  à  l'histoire  du  droit  municipal  allemand  présentera 
de  l'intérêt  pour  les  écrivains  qui  s'occupent  de  l'histoire  du  droit  ger- 
manique au  moyen-âge,  comme  pour  les  savants  qui  se  livrent  à  l'étude 
du  développement  des  villes  d'Allemagne  à  cette  époque,  La  plupart  des 
cités  les  plus  importantes  de  ce  pays  sont  devenues  assez  rapidement  vil- 
les libres  et  villes  impériales;  ce  qui  fait  l'originalité  des  deux  cités  de 
Straubing  et  de  Landshut,  dont  M.  Rosenthal  s'occupe  dans  les  premiers 
fascicules  d'un  travail  de  longue  haleine,  c'est  qu'elles  sont  restées  sou- 
mises à  l'autorité  d'un  seigneur  territorial,  tout  en  développant  leurs 
droits  municipaux  et  leur  juridiction  particulière. 


û'histoirk  et  de  littérature  5 09 

Fondée  en  1204  par  Louis  de  Wittelsbach,  Landshut  est  devenu  en 
î  255  capitale  du  duché  de  la  Bavière  inférieure  et  c'est  à  son  Stadtrecht 
de  1279  que  se  rapportent  tous  les  développements  ultérieurs  dont 
M.  R.  s'est  fait  l'historien  et  le  commentateur  minutieux,  en  s'appuyant 
principalement  sur  le  Stadtbuch  ou  Codex  officiel  dans  lequel  les  secré- 
taires du  conseil  ont  transcrit  successivement  tous  les  privilèges  ducaux 
et  les  règlements  autonomes  du  magistrat  sur  toutes  les  matières  d'inté- 
rêt public.  L'auteur  nous  fait  passer  en  revue  l'organisation  du  conseil, 
les  prérogatives  de  la  bourgeoisie,  les  règlements  de  la  procédure  civile 
et  criminelle,  le  droit  commercial,  etc.  Nous  signalons  comme  particu- 
lièrement intéressantes  les  lois  relatives  à  l'organisation  de  la  famille,  le 
droit  matrimonial  et  la  législation  des  héritages.  Mentionnons  aussi  le 
serment  caractéristique  imposé  aux  Juifs  (p.  198]. 

Pour  Straubing,  c'est  un  autre  recueil,  le  Livre  7'oiige,  compilé  sur 
les  coutumes  locales  par  un  des  greffiers  de  la  ville,  qui  a  servi  de  source 
principale  au  savant  d'Iéna.  Il  a  été  écrit  de  1472  à  1482  ;  mais  il  ren- 
ferme des  éléments  beaucoup  plus  anciens.  Straubing  existait  déjà  du 
temps  des  Romains  sous  le  nom  de  Sorviodurum,  et  figure  dans  les 
chartes  de  Louis-le-Germanique.  C'est  en  1208  qu'elle  reçut  ses  pre- 
mières franchises  municipales  des  mains  de  Louis  de  Bavière.  L'auteur 
a  exposé  sa  législation  spéciale  d'après  le  même  plan  qu'il  a  employé 
pour  celle  de  Straubing.  Nous  ne  sommes  pas  suffisamment  compétent 
pour  juger  s'il  y  a  des  observations  d'importance  majeure  à  présenter  à 
M.  Rosenthal  au  point  de  vue  plus  spécialement  juridique.  Il  aurait  pu 
en  tout  cas  expliquer  çà  et  là  les  expressions  dialectiques  de  son  texte, 
qui  embarrasseront  certains  lecteurs  peu  au  courant  de  l'allemand  du 
moyen  âge;  il  nous  semble  aussi  qu'il  y  a  par  moments  de  véritables 
fautes  de  lecture  dans  les  pièces  justificatives  de  ce  consciencieux  travail'. 

R. 


iii.  —  I^es  grandis  cci>Ivain$i  «ïe  la  Fi'aiiee,  nouvelles  éditions  publiées  sous 
la  direction  de  M.  Ad.  Régnier,  membre  de  l'Institut,  sur  les  manuscrits,  les 
copies  les  plus  authentiques  et  les  plus  anciennes  impressions  avec  variantes, 
notes,  notices,  portraits,  etc. 

—  <M£uvi-es  <le  «ï.  de  E^a  Fontaine,  publiées  par  M.  Henri  Régnier. 
Tome  II.  Paris,  librairie  Hachette,  1884.  In-8  de  111-524  p. 

Mémoîfos  de  «aînt-Sîmon,  publiés  par  M.  A.  DE  Boislisle.  Tome  IV. 
Paris,  librairie  Hachette,  1884,  in-8  de  Syo  p. 

Je  regarderais  comme  un  pieux  devoir  de  rendre  hommage,  au  début 
de  ce  compte-rendu,  à  la  mémoire  de  M.  Adolphe  Régnier,  si  déjà  la 


I.  Ainsi  tout  le  monde  ne  devinera  pas  que  Cliamer  ^^  Kaemnerer,  piiritinp^  -=2 
burgding,  chaeiijî  =^  Kaufleute,  P.  191  il  ÏAul  Vire  andere  farende  haba  pour  andrew 
farendew  hab,  etc. 


5  lo  REVUK    CRITIQUE 

Revue  critique  n'avait  consacré  un  article  spécial  ^  à  Téloge  d'un  des 
hommes  qui  honoraient  le  plus  la  science  française  «  autant  par  Pélé- 
vation  du  caractère  que  par  l'étendue  et  la  profondeur  de  Pérudition  ». 
Kien  ne  pouvant  être  ajouté  à  des  pages  où  nos  regrets  ont  été  si  bien 
exprimés,  je  me  contenterai  de  dire  ici  combien  je  souhaite  que  «  Pad- 
mirablc  collection  des  Grands  écrivains  de  la  France^  publiée  sous  sa 
direction,  véritable  monument  élevé  à  la  gloire  de  notre  littérature  », 
reste  toujours  fidèle  aux  traditions  laissées  par  Téminent  critique,  et 
qu'elle  continue  à  paraître  en  de  telles  conditions  qu'il  semble  que  ce 
soit  encore  sous  ses  inappréciables  auspices. 

Résumons  d'abord  V Avertissement  du  tome  II  des  Œuvres  de  La 
Fontaine.  M.  Henri  Régnier  aurait  voulu  que  les  Fables  tinssent  en 
deux  volumes;  mais  il  eût  fallu  pour  cela  «  resserrer,  appauvrir  les 
notices  et  le  commentaire,  les  explications,  rapprochements,  accompa- 
gnements divers,  que  comporte,  à  notre  avis,  cette  partie  des  écrits  de 
La  Fontaine  la  plus  admirée  à  bon  droit,  et  par  suite  la  plus  étudiée  ». 
Personne,  j'en  suis  sûr,  ne  blâmera  l'éditeur  de  s'être  décidé  à  faire  trois 
volumes  au  lieu  de  deux,  et,  pour  ma  part,  je  l'en  félicite  vivement.  Les 
bonnes  choses  ne  sont  jamais  trop  abondantes,  M.  H.  R.  nous  apprend 
ensuite  que  le  P.  Ingold,  bibliothécaire  de  l'Oratoire,  lui  a  très  obli- 
geamment communiqué  des  papiers  venant  du  P.  Adry,  qui  permettent 
de  joindre  à  la  Notice  bibliographique  quelques  détails  sur  la  compo- 
sition du  relevé  des  sources  inséré,  à  la  suite  de  chaque  fable,  dans  les 
deux  volumes  publiés,  en  1825,  par  A.  G.  M.  Robert,  qui  ont  été 
depuis  d'un  très  grand  secours  aux  éditeurs  de  La  Fontaine.  11  nous 
apprend  encore  qu'un  savant  et  aimable  bibliophile,  M.  le  marquis  de 
Queux  de  Saint-Hilaire,  a  mis  à  sa  disposition  la  sténographie  du  cours 
fait  à  la  Sorbonne  par  Saint-Marc  Girardin  sur  le  grand  fabuliste  en 
1858-1859,  ce  qui  a  fourni  quelques  additions  aux  leçons  imprimées 
par  l'auteur  en  1867.  C'est  dans  la  précieuse  collection  du  même  érudit 
que  sont  conservés  les  manuscrits  relatifs  à  La  Fontaine  trouvés  dans 
l'héritage  de  l'ancien  inspecteur  général  de  TUniversité  Noël,  manus- 
crits que  l'on  supposait  pouvoir  être  une  riche  mine  de  notes,  de  recher- 
ches. Mais  hélas!  On  n'a  que  trop  le  droit  de  leur  appliquer  le  dernier 
vers  de  la  fable  le  Chameau  et  les  Bâtons  flottants  : 

De  loin  c'est  quelque  chose,  et  de  près  ce  n'est  rien. 

Ce  n'est  rien,  en  effet,  que  cet  amas  de  fables  latines,  écrites  du  xv'=  au 
XVIII*  siècle,  tirées  par  Noël  de  recueils  imprimés  tous  bien  connus  et 
copiées  de  sa  main  avec  une  patience  digne  d'un  meilleur  emploi.  En- 
fin, M.  H.  R.  loue  beaucoup  et  même  avec  renfort  de  citation  latine 
(p.   iii)  le  récent  travail  de  M.  Léopold  Hervieux  "^  et  lui  emprunte 

I.  N"  du  3  novembre  1884,  p.  37g-38i. 

1.  Les  Fabulistes  latins  depuis  le  siècle  d'Auguste  jusqu'à  la  fin  du  moyen  dge 
(Paris,  1884).  Nous  avons  rencontré  peu  d'œuvres  philologiques  qui  soient  preuve 


d'histoire  et  de  LITTÉR.VTU«E  5  I  [ 

cette  rectification  :  «  Si  nous  avions  lu  à  temps  la  dissertation  de 
M.  Hervieux  (tome  I,  p.  434-452)  sur  l'Anonyme  de  Nevelet,  nous 
n'aurions  pas  rédigé  comme  nous  Pavons  fait  la  note  i  de  la  page  28. 
Il  faut  renoncer  à  faire  honneur  affirmativement  à  un  Ugobardus  Sul- 
monensis  de  ces  fables  latines  en  vers  élégiaques,  et  substituer  à  ce  nom, 
avec  grande  Vraisemblance,  celui  de  Walther  l'Anglais,  chapelain  du 
roi  d'Angleterre  Henri  II  ^  » 

J'ai  donné  beaucoup  d'éloges  au  tome  I  des  Œuvres  de  La  Fon- 
taine"; le  tome  II  n'en  mérite  pas  moins.  Il  semble  même,  si  c'est 
possible,  qu'il  en  mérite  encore  davantage,  car  on  a  tenu  compte  dans 
une  certaine  mesure  des  desiderata  indiqués  dans  la  Revue  critique, 
et,  par  exemple,  on  a  plus  souvent  mis  à  profit  les  fines  remarques  de 
Charles  Nodier  et  les  consciencieuses  études  de  Solvet.  Sans  doute, 
malgré  toute  la  splendide  richesse  de  l'annotation,  il  y  aurait,  pour 
plusieurs  fables,  de  nouveaux  rapprochements  à  signaler  ',  mais  vouloir 
être  absolument  complet  en  une  semblable  matière  qui  s'étend,  pour 
ainsi  dire,  jusqu'à  l'infini,  ne  serait-ce  pas  poursuivre  ce  que  La  Fon- 
taine appelle  une  chimère  vaine?  Nos  observations  ne  s'appliqueront 
donc  pas  à  telle  ou  telle  petite  lacune  dans  les  notices  qui  précèdent 
chaque  fable,  notices  qui  parfois  occupent  trois  ou  quatre  pages,  comme 
pour  Les  Deux  Pigeons  (p.  358-36 1),  et  même  six  pages,  comme  pour 
Les  Animaux  malades  de  la  peste  (p.  88  94)  '''.  Je  me  bornerai  à  relever 
quelques  peccadilles  de  l'annotation.  Tantôt  on  donne  à  la  pubhcation 
du  Dictionnaire  de  Richelet  la  date  de  1679  et  tantôt  celle  de  1680 
(pp.  5i,  59,   i33,   i58,   174,  175,   195,  262,  etc.).  Je  crois  que   cette 


de  si  courageuse  et  si  infatigable  diligence,  peu  d'auteurs  auxquels  puisse  mieux 
s'appliquer,  pour  chacune  des  recherches  à  faire,  le  vers  de  Lucain  (livre  II, 
vers  657)  : 

Nil  actum  credens  qiium  quid  superesset  agendum. 

1.  Cette  attribution  elle-même  est  fort  contestable;  voyez  dans  le  Journal  des 
Savants  de  décembre  1884  et  janvier  i885  mes  deux  articles  sur  le  livre  de 
M.  Hervieux.  —  G.  P. 

2.  N"  du  29  octobre  i883,  p.  337-344. 

3.  En  voici  du  moins  un  pour  la  fable  Le  rat  et  Vhuitre  (p.  52 1)  :  on  a  publié  à 
Aix,  en  1629,  chez  Etienne  David,  une  plaquette  in-40  excessivement  rare,  recueil 
de  pièces  de  vers  latins,  français  et  provençaux  relatives  à  une  souris  qui,  dans  la 
cuisine  de  l'archevêque  de  cette  ville,  devenu  le  cardinal  de  Lyon,  Alphonse  de  Ri- 
chelieu, frère  du  Grand  ministre,  se  trouva  prise  entre  les  écailles  d'une  huitre.  Ce 
recueil  est  intitulé  :  Osireomyomachia  seii  ostrece  et  mûris  piigna,  >nors,  cenota- 
phium,  d'apotheosis.  Je  donnerai  prochainement,  à  la  suite  de  Lettres  inédites  de  Guil- 
laume Abbatia,  un  des  poètes  qui  chantèrent  la  lutte  tragi-comique  de  la  souris  et 
de  l'huitre,  je  donnerai,  dis-je,  quelques  détails  sur  ce  curieux  recueil  dont  on  ne 
connaît  que  deux  exemplaires,  un  dans  la  collection  de  M.  le  marquis  de  Lagoy, 
l'autre  dans  la  bibliothèque  de  Carpentras. 

4.  Pour  bon  nombre  de  fables  i!  y  aurait  à  répéter  cette  phrase  de  la  notice  (de 
quatre  pages)  sur  le  Discours  à  Madame  de  la  Sablière  (p.  454)  :  «  On  pourrait 
faire  abonder  les  renvois  aux  livres  qui  ont  traité  la  question  ou  qui  prêtent  à  des 
rapprochements  avec  la  manière  dont  le  poète  l'a  traitée.  » 


5  r  2  REVUE    CRITIQUE 

dernière  date  est  la  bonne,  si  j'en  Juge  soit  par  les  meilleurs  livres  de 
bibliographie,  soit  par  les  divers  exemplaires  de  la  première  édition  que 
j'ai  eu  l'occasion  de  voir.  —  Ce  n'était  point  un  vautour  (p.  1 36,  note  1 1) 
qui  «  dévorait  le  foie  sans  cesse  renaissant  »  de  Prométhée;  c'était  un 
aigle.  Charles  Estienne,  l'auteur  du  premier  des  dictionnaires  histori- 
ques, géographiques  et  mythologiques  connus,  le  Bouillet  du  xvie  siè- 
cle, a  résumé  en  ces  termes  Topinion  la  plus  répandue  dans  Pantiquité 
sur  le  châtiment  infligé  par  Jupiter  à  l'audacieux  Prométhée  :  «  Aqui- 
lam  que  adhibet  jecur  ejus  assidue  depascentem  ',  »  ce  qui  n'empêche 
pas  le  légendaire  vautour  d'être  presque  toujours  substitué  à  Paigle 
classique.  — Ce  n'est  pas  assez  de  dire  (p.  r62_,  note  4)  qu'une  tradition, 
il  est  vrai,  contestable,  veut  que  Sixte-Quint  ait  été  porcher.  Je  propose 
de  remplacer  contestable  par  fabuleuse.  Tout  le  monde  sait  que  ie 
prétendu  gardeur  de  porcs  a  été  imaginé  par  Gregorio  Leti  et  que  ce. 
romancier  a  été  depuis  longtemps  convaincu  de  mensonge,  à  cet  égard, 
comme  à  l'égard  des  feintes  infirmités  du  cardinal  de  Montalte,  par  un 
consciencieux  biographe,  le  cordelîer  Tempesti,  dont  les  deux  accablants 
volumes  in-4''  ont  paru  à  Rome  en  1754.  —  Je  n'ajouterai  qu'un  mot 
pour  confirmer  une  explication  donnée  par  Boissonade  (p.  i35,  note  4) 
de  la  manière  dont  La  Fontaine  a  écrit  le  dernier  mot  de  ce  vers  : 

Mars  autrefois  mit  tout  l'air  en  émute. 

Etnute,  selon  le  célèbre  philologue,  «  est  quelque  prononciation  de 
province  ».  Cela  est  si  vrai  que  j'ai  moi-même  entendu,  quand  j'étais 
élève  au  collège  royal  de  Cahors,  le  censeur  des  études,  M.  H.  de  Bau- 
dus,  alors  déjà  sexagénaire,  s'écrier,  un  jour  que  nous  faisions,  au 
réfectoire,  une  orageuse  manifestation  :  Messieurs,  c'est  donc  une 
émute  ? 


Le  tome  IV  des  Mémoires  de  Saint-Simon  renferme  le  récit  des  évé- 
nements de  l'année  1697  (p.  i-258),  un  Appendice  composé  des  Addi- 
tions de  Saint-Simon  au  Journal  de  Dangeau  (p.  359-376)  et  de  Notices 
et  pièces  diverses  (p.  377-519),  d'additions  et  corrections  (p.  521-544], 
enfin  de  trois  Tables  (p.  447-579),  la  Table  des  sommaires  qui  sont  en 
marge  du  manuscrit,  la  Table  alphabétique  des  noms  propres  et  des 
mots  et  locutions  annotés  dans  les  Mémoires,  la  Table  de  VAp'pendice. 

Le  commentaire  de  M.  de  Boislisle  reste  ce  qu'il  a  été  dans  les  trois 
volumes  précédents,  c'est-à-dire  digne  de  tous  les  éloges.  Exactitude, 
clarté,  abondance,  intérêt,  ce  commentaire  possède  au  plus  degré  les 

I.  Dictionarium  historicum,  geographicum,  poeticion  aiithore  Carolo  Stephano... 
(édition  de  iGJiS.  Genevœ,  typis  Jacobi  Store,  colonne  1671).  J'ai  jadis  protesté, 
dans  V Intermédiaire  des  chercheurs  et  curieux,  contre  la  transformation  de  l'aigle 
en  vautour,  ainsi  que  contre  plusieurs  autres  petites  erreurs  qui  courent  les  rues.  On 
retrouvera  mes  notules,  les  unes  déjà  publiées  un  peu  partout,  les  autres  encore  iné- 
dites, dans  un  volume  que  j'intitulerai  :  Mille  et  une  rectifications. 


0  HISTOIRK   KT    DK    J.lTf  l'.ti  AT  (JR  K  5l3 

qualités  les  plus  désirables.  Je  l'ai  déjà  dit  et  redit  ici  ',  et  je  ne  puis 
me  lasser  de  le  redire  encore. 

Parmi  les  notes  les  plus  remarquables  j'indiquerai  celles  qui  concer- 
nent divers  membres  de  la  famille  Bignon  (p.  i-3),  Louis  Urbain  Le- 
fèvre  de  Gaumartin  (p.  5-6),  Gabriel  Nicolas  de  La  Reynie  (p,  (O-12), 
ledoyen  du  Gonseil,  Pussort  (p.  i3-i5),le  chevalier  de  Gaylus(p.  17- 
i8),MM.deRuvigny  (p.  20-27),  lecomte  de  Briord  (p.  34-35),  le  marquis 
de  Malauze  (p.  36-39),  MM.  de  Noailles  (p.  78-80),  le  président  et  la 
présidente  Tambonneau  (p.  11 3- 114),  les  comédiens  italiens  chassés  par 
Louis  XIV  (p.  124-127),  J.  B.  de  Santeul  (p.  248-250),  Le  Peletier  et 
sa  famille  (p.  258-273),  MM.  de  Bonrepaus  et  de  Bonnac  (p.- 279-283), 
le  comte  d'Aubigné,  frère  de  M™^  de  Maintenon  (p.  292-301),  le  châ- 
teau d'Anet  (p.  425),  La  Varenne  (p.  327-33o),  Béatrix  de  Cusance, 
veuve  du  comte  de  Gantecroix  et  femme  de  Gharles  IV,  duc  de  Lorraine 
(p.  335),  le  prince  et  la  princesse  de  Vaudémont  (p.  340-347),  la  Mo- 
resse,  religieuse  à  Moret  «  fort  énigmatique,  »  comme  dit  Saint-Simon 
(p.  354-358).  Quelques-unes  des  notes  sont  accompagnées  de  documents 
inédits  :  c'est  ainsi,  par  exemple,  que  (p.  2o5)  nous  trouvons  une  lettre 
du  cardinal  de  Polignac  à  Pontchartrain,  du  i5  mars  1697,  et  (p.  246) 
une  lettre  du  cardinal  de  Janson  au  même  ministre,  du  22  juillet  de  la 
même  année.  Une  seule  fois  M.  de  B.  n'a  pu  rien  nous  apprendre  sur 
un  des  si  nombreux  personnages  qui,  français  ou  étrangers,  figurent 
dans  le  volume  :  rencontrant  le  nom  de  M"^  Panache  (p.  5  i),  il  dit  avec 
une  résignation  qui  a  dû  fort  lui  coûter  :  «  nous  n'avons  trouvé  aucun 
renseignement  sur  cette  femme.  »  Je  doute  qu'aucun  chercheur  soit,  en 
ce  qui  regarde  cette  singulière  M™e  Panache,  jamais  plus  heureux  que 
lui. 

Je  me  flattais  tout  d'abord  de  pouvoir  contester  ou  compléter  quelques- 
unes  des  assertions  du  commentateur.  Ses  additions  et  corrections 
m'en  ont  presque  enlevé  jusqu'aux  plus  petites  occasions.  L'infiniment 
peu  qu'il  m'a  laissé  à  dire  se  réduit  à  ceci  :  Sur  Michel-François  de 
Verthamon  (p.  3i,  note  7)  il  y  aurait  eu  à  citer  un  recueil  manuscrit  de 
la  Bibliothèque  nationale  qui  est  fort  précieux  et  qui  contient  la  biogra- 
phie très  fidèle  et  très  détaillée  de  tous  les  maîtres  de  requêtes  antérieurs 
au  xvjn^  siècle,  avec  leur  généalogie,  recueil  inscrit  dans  le  fonds  fran- 
çais sous  le  n°  14018.  Pour  la  seconde  maréchale  d'Estrades,  Marie 
d'Aligre  (p.  4,  note  i),  on  aurait  pu  renvoyer  à  divers  passages  de  la 
correspondance  de  Bussy-Rabutin  et  à  d'autres  témoignages  consignés 
dans  V Introduction  à  la  Relation  inédite  de  la  défense  de  Dunkerque 
(1872,  in-8%  p.  19,  note  3).  M.  de  B.  attribue  aux  secondes  noces  du 
maréchal  qui,  selon  le  mot  pittoresque  de  M"Me  Montpensier,  «  vendoit 
bien  sa  vieille  peau  %   »   la  date  du  9  juin  1678  et  à   la  mort  de  la  fille 

1.  Voir,    dans   le   n"  du  29   mars  1880,  le    compte-rendu   des   tomes    précédents 
(p.  235-261). 

2.  Le  maréchal  n'avait  pas  moins  de  72  ans;  sa  nouvelle  femme  en  avait  46. 


5  14  UhVUK    CKITIQUK 

du  chancelier,  la  date  du  2  février  1724.  Dans  la  note  que  je  viens  d'in- 
voquer, J'avais  indiqué  des  dates  différentes,  g  juin  1679  pour  le  second 
mariage,  12  février  1724  pour  le  décès  de  la  seconde  maréchale.  Je 
n'ose  défendre  mes  dates  contre  celles  de  M.  de  B.,  ne  saciiant  trop  à 
quinze  ans  de  distance  (j'épargne  à  mes  lecteurs  l'inévitable  citation  du 
mot  de  Tacite),  ne  sachant  trop,  dis-je,  où  je  suis  allé  prendre  mes  in- 
formations. Les  anciens  répétaient  :  Ne  luttons  point  contre  Hercule. 
Au  sujet  de  La  Reynie  (p.  10).  on  aurait  pu  rappeler  que  les  Archives 
de  la  Bastille  de  feu  M.  François  Ravaisson,  renferment  beaucoup  de 
documents  émanés  de  ce  magistrat  sur  lequel  on  trouve  une  notice 
étendue  dans  le  manuscrit  du  F.  F.  14018  tout  à  Theure  cité.  A  propos 
des  «  embellissements  dignes  d'une  maison  royale  »  faits  à  Liancourt 
par  a  la  sainte  duchesse  »  (Jeanne  de  Schomberg),  on  aurait  pu  rappro- 
cher des  deux  recueils,  l'un  poétique,  Tautre  géographique,  de  Charles  de 
Sercy  et  de  l'abbé  d'Expilly,  les  descriptions  données  par  Tallemant  des 
Kéixnx  {Historiettes,  t.  Vil,  p.  3o3)  et  par  un  intime  ami  des  maîtres 
de  la  maison,  l'abbé  J.  J.  Boileau,  qui  s'extasie  sur  l'extraordinaire 
beauté  des  jardins  et  les  met  au-dessus  des  plus  admirables  jardins  de  la 
France  '.  En  regard  de  ce  que  rapporte  Saint-Simon  touchant  les  con- 
versations de  Louis  XIV  avec  Georges  d''Aubusson  de  La  Feuillade, 
évêque  de  Metz  et  ancien  archevêque  d'Embrun,  il  aurait  été  bonde 
citer  ce  qu'on  lit  dans  les  Mémoires  du  marquis  de  Sourcbes  (tome  III, 
p.  476)  :  «  De  tout  temps  il  étoit  en  possession  de  railler  avec  le  Roi, 
qui  le  traitoit  fort  bien,  etc.  »  Comment  M.  de  B.  a-t-il  oublié,  en  ce 
qui  concerne  la  vie  de  Santeul,  de  mentionner  les  copieuses  études 
spéciales  de  M.  Bonnetty  (Annales  de  philosophie  chrétienne,  1854)  et 
la  fine  et  charmante  notice  de  Sainte-Beuve  ( Athenœum  français  de 
septembre  i855),  et,  en  ce  qui  concerne  le  prétendu  empoisonnement 
du  chanoine-poète,  le  démenti  infligé  à  l'historiette  par  les  Mémoires  du 
président  Bouhier? — Une  dernière  observation  :  M.  de  B.  place  (p.  225) 
le  château  de  Faudoas  entre  Montauban  et  Toulouse.  C'est  exact,  mais 
c'est  vague.  A  cette  indication  para  peu  près  je  substituerai  cette  indica- 
tion précise  :  Le  château  de  Faudoas  était  situé  dans  la  commune  ac- 
tuelle de  ce  nom,  département  de  Tarn-et-Garonne,  arrondissement  de 
Castel-Sarrazin,  canton  de  Beaumont:  à  7  kilomètres  de  cette  dernière 
ville,  à  44  kilomètres  de  Montauban, 

Il  ne  me  reste  plus  qu'à  énumérer  les  notices  et  pièces  diverses  dont 
la  seconde  partie  de  V Appendice  est  enrichie.  On  y  remarque  d'abord 
(p.  376-439)  une  magistrale  étude  sur  les  Conseils  sous  Louis  XIV, 
étude  qui  sera  continuée  dans  le  volume  suivant  et  qui  complète  tout  ce 
qu'on  avait  écrit  jusqu'ici  -  sur  leur  composition  et  leurs  attributions 

I.  J'ai  reproduit  celte  description  dans  les  A^o/c^5  sur  la  vie  et  les  owrages  de  l'abbé 
Boileau  (1S77,  in-S»,  p.  24). 

•2.  Indiquons  seulement  les  travaux  les  plus  récents,  ceux  de  MM.  Chéruel,  Da- 
reste,  Alfred  Maury,  Aucoc,  Valois,  comte  de  Luçay. 


i)  HIS10IR1-.   ;;t  dk   r.irri'.KATunK  did 


respectives.  A  la  suite  de  cette  monographie  dont  l'étendue  est  en  rap- 
port avec  l'importance  de  cette  partie  si  insuffisamment  connue  de  notre 
histoire  administrative,  on  trouve  (p.  440-442)  un  Factuin  des  ducs  et 
pairs  à  propos  du  procès  du  bailli  d'Auvergne,  extrait  des  manuscrits 
Clairambault  (p.  443);  La  duchesse  de  Valentinois,  fragment  inédit  de 
Saint-Simon,  extrait  du  dépôt  des  affaires  étrangères  (p.  444-449);  divers 
documents  relatifs  à  la  disgrâce  du  comte  de  Roye  (lettres  de  M.  de 
Cheverny,  du  comte  de  Roye,  de  Louis  XIV  et  de  M.  de  Meyercron, 
envoyé  danois,  cette  dernière  communiquée  par  le  directeur  des  archi- 
ves privées  de  la  couronne  de  Danemark);  (p.  450-452)  Oraisons 
pieuses  de  la  duchesse  de  Noailles  d'après  les  originaux  autographes  de 
la  Bibliothèque  nationale;  (p.  453-456)  Les  deux  Bouthillier  de  Cha^ 
vigny^  évêques  de  Troyes,  fragment  inédit  de  Saint-Simon;  (p.  457- 
463)  Fragments  de  la  correspondance  du  duc  de  Vendôme  relatives  à 
la  prise  de  Barcelone^  extraits  du  ms.  Fr.  14177  (lettres  du  duc  de 
Vendôme,  de  la  marquise  de  Maintenon,  du  roi  Jacques  d'Angleterre, 
de  Louis  XIV,  de  la  princesse  de  Conti,  douairière,  du  duc  du  Maine); 
(p.  464-487),  Campagne  de  l'année  i6gy  en  Allemagne,  résumé  des 
opérations  et  lettres  du  maréchal  de  Ghoiseul,  du  comte  de  Chamilly, 
de  M.  de  Saint-Frémond,  du  marquis  d^Huxelles,  de  Louis  XIV,  du 
marquis  de  Villars,  de  M.  de  la  Grange,  intendant,  du  marquis  d'Har- 
court,  de  M.  d'Arcy,  le  tout  extrait  du  dépôt  de  la  Guerre;  (p.  482-502), 
élection  du  prince  de  Conti  au  trône  de  Pologne,  lettres  du  cardinal- 
primat  Radziciowski,  des  ambassadeurs,  Tabbé  de  Polignac  et  l'abbé  de 
Châteauneuf,  de  Louis  XIV,  extraites  du  dépôt  des  affaires  étrangè- 
res ';  (p.  5o3-5o5)  un  récit  de  la  mort  de  Santeul  qui  dégage  la  respon- 
sabilité de  Monsieur  le  Duc  (Archives  nationales  M  761);  (p.566-5o7)  La 
démission  du  contrôleur  général  Le  Peletier  (deux  lettres  de  ce  dernier 
à  l'archevêque  de  Reims  Le  Tellier,  extraites  de  la  Bibliothèque  de  la 
rue  Richelieu);  (p.  5o8),  une  note  sur  les  postes  sous  Louis  XIV  "; 
(p.  509-510)  le  Cardinal  de  Janson,  fragment  inédit  de  Saint-Simon  ; 
une  Lettre  de  la  mère  de  Saint-Simon  au  contrôleur  général  des  finan- 
ces, du  3o  juillet  1 697  (Archives  nationales)  ;  (p.  5  1 3-5  i  5)  les  Fêtes  du 
mariage  du  duc  de  Bourgogne,  compte-rendu  en  langue  italienne  que 
l'ambassadeur  vénitien  Frizzo  adressa  au  doge  le  i3  décem.bre  1697; 
(5i6-5i9),  ^'  ^^  Mailly,  archevêque  d^ Arles,  puis  de  Reims,  et  car- 
dinal, fragment  inédit  de  Saint-Simon. 

Une  telle  énumération  me  semble  plus  éloquente  que  tout  ce  que 
Ton  pourrait  dire  encore  en  faveur  du  tome  IV  d'une  édition  qui,  à  elle 
seule,  aurait  rendu  M.  de  Boislisle  digne  de  la  plus  haute  et  de  la  plus 

1.  Signalons,  de  plus,  une  Relation  de  Vélection  écrite  de  Varsovie,  le  25  juin 
iGqy,  et  qui  est  tirée  des  papiers  réunis  par  le  P.  Léonard  sur  la  Pologne  (Archives 
nationales). 

2.  Note  qui  nous  annonce  pour  un  prochain  volume  une  notice  considérable  sur  les 
postes  sous  Louis  XIV. 


5  l6  REVUE    CRrriQUK 

glorieuse  des  récompenses  réservées  à  un  travailleur,  le  titre  de  mem- 
bre de  rinstitut. 

T.    DE    L. 


CHRONIQUE 


FRANCE.— On  annoncela  prochaine  puhUcaûon  des  Actes  demariyvs  de  l'Egypte 
d'après  les  ms.  coptes  du  Vatican,  par  M.  Hyvf.rnat.  Cette  édition  comprendra  une 
introduction  liistorique  et  critique,  le  texte  copte  accompagné  d'une  traduction  fran- 
çaise d'une  trentaine  d'actes  de  martyrs,  dont  les  noms  même  étaient,  pour  la  plu- 
part, inconnus  jusqu'à  ce  jour,  enfin  un  index  des  mots  coptes  ou  grecs  nouveaux 
et  une  table  analytique  considérable.  L'ouvrage  formera  deux  volumes  in-8°,  qui 
sont  sous  presse. 

—  Variétés  historiques  et  biographiques  [Auvergne  et  Velay).  —  M.  Paul  Le  Blanc 
a  réuni  sous  ce  titre  (Le  Puy,  Marchessou.  i885,  brochure  grand  in-80  de  104  p.) 
quelques  notes  qui  avaient  déjà  paru  dans  le' journal  La  Haute-Loire  ou  dans  V An- 
nuaire du  département,  mais  qui  ont  été  revues  et  augmentées;  il  y  a  joint  des  notes 
toutes  nouvelles,  espérant  que  les  documents  inédits,  dont  presque  toutes  ces  notes 
sont  enrichies,  lui  vaudront  l'indulgence  du  lecteur.  Le  recueil  a  bien  d'autres  qua- 
lités encore  qui    le  recommandent  à   l'attention   des  curieux.  Voici    les  notices   que 
l'on    y   trouve   :   Robert  Michel,   sculpteur  1720- 1786  (p.    i-io),  La  papeterie   de 
Prades  (p.  11-16),  Alexandre  Marie  Bienvenu,  chanoine   et  sescal  du  chapitre  ca- 
thédral  de  N.-D.  du  Puy  (p.  17-21),  Le  château  du  Thiolent  et  ses  possesseurs  (p,  22- 
26),  Timothée  de  Chillac  et  Gabriel  Ra)iquet,  poètes  vellaviens  (p.  27-31),  Voyage 
de  Jean-Marie  Roland  au  Puy  en  17/8  (p.   32-41),  Michel  Boyer,  peintre  né  en 
Velay  (p.  42-46),  Le  maréchal  de  camp  de  Lormet  (p.  47-49I,  les  statuts  de  la  com- 
munauté des  chaudronniers  du  Puy,  ifjzS  (p.  5o-56),  Jean  Chassanion  (p.  57-62), 
Les  Pierres  précieuses  du  Riou-Pe^ouliou  (p.  63-69),  Les  Origines  de  la  Chartreuse  de 
Villeneuve  près  le  Puy,  1626-1628  (p.  70-84),  Le  cardinal  de  Polignac,  poète  fran- 
çais (p.  85-yo),  Jean  Viallenc,  sculpteur  (p.  gi-q2).  La  dernière  pièce  est  une  repro- 
duction (p.  93-104)  de  la  rarissime  plaquette,  qui  manque  même  à  la  Bibliothèque 
nationale,  intitulée  :  Le  vray  discours  du  Siège,  prinsc  et  totale  ruyne  de  la  ville  de 
Sainct-Agreve,  pays  de  Languedoc,  par  le  sieur  de  Tournon,  gouverneur  de   Vive- 
rois,  et  le  sieur  de  Sainct-Vidal,  avec  le  nombre  des  morts  et  blesse^  durant  le  siège. 
Fait  et  escrit  par  Monsieur  du  Figon,  secrétaire  de  la  Royne.  A  Paris,  chez  Jean 
de  Lastre.  Jouxte  la  copie  imprimée  à  Lyon,  par  Jean  d'OgeroUes,  i58o.  Parmi  les 
choses  nouvelles  d'un  recueil  si  riche  et  si  varié  mentionnons  l'acte  de  baptême  du 
sculpteur  Robert  Michel,  né  le  8  novembre  1721,  fils  d'un  obscur  maître-vitrier  de 
la  ville  du  Puy  (p.  2);  un  document  du   18  décembre  1657,  relatif  à  la  papeterie  de 
Prades  (p.  i5-i6);  l'acte  de  Baptême  de  Roland,  le  célèbre  ministre  girondin,  né  au 
Puy  le  18  avril  1734,  et  non,  comnae  on  le  voit  dans  certain  dictionnaire  biographi- 
que, le  18  février  1734  (p.  32);  une  lettre  de  Jean  Chassanion,  l'auteur  de  VHis- 
toire  des  Albigeois,  écrhe  de  Montpellier,   le  29  janvier  i563,  provenant  de  la  Bi- 
bliothèque   de  Genève  (p.   58);  six   lettres  de   D.  Bruno   d'Affringues,  général  de 
l'ordre  des  Chartreux,  à  l'évêque  du  Puy  Just  de  Serres,    1626-1628,  tirées  de  la 
bibliothèque  de  Grenoble,  et  qui  ont  fourni  à  l'éditeur  l'occasion  de  compléter  une 


d'histoirk  et  de  littérature  5 17 

notice  du  tome  II  (col.  762)  du  Gallia  Christiana  (p.  ij-nd;  l'acte  de  baptême  du 
cardinal  de  Polignac,  né  le  11  octobre  1661  (p.  o5);  deux  documents  relatifs  au 
sculpteur  Jean  Viallenc  (p.  gi-qS).  La  précieuse  brochure  de  M.  P.  Le  Blanc  est 
ornée  d'une  photogravure  du  portrait  que  l'on  conserve  à  Madrid  de  Robert  Michel, 
qui  mourut  en  cette  ville  (3i  janvier  1786),  directeur  général  de  l'Académie  royale 
de  Saint-Ferdinand.  —  T.  de  L. 

—  Deux  brochures  de  M.  René  Fage.  —  Dans  les  Notes  sur  un  pontifical  de 
Clément  VI  et  sur  un  missel,  dit  de  Clément  VI,  conservé  à  la  bibliothèque  de  Cler- 
mont  (Tulle,  Crauffon,  i885,  in-80  de  18  p),  M.  R.  Fage  retrace  1°  l'histoire  d'un 
manuscrit  récemment  vendu  à  Saint-Étienne  sous  le  titre  de  Pontificale  seu  cœre- 
moniale,  in-fol.  orné  de  miniatures,  avec  reliure  en  bois  recouverte  de  vélin,  ms. 
acheté  en  i353  par  Guillaume  de  la  Jugie,  neveu  de  Clément  VI,  et  resté  pendant 
cinq  siècles  la  propriété  de  la  famille  de  ce  pape  (voir,  p.  8-9,  la  généalogie  des 
Roger-Beaufort)  ;  2°  l'histoire  du  missel  avec  enluminures,  inscrit  au  catalogue  de 
la  bibliothèque  de  Glermont-Ferrand  sous  le  nom  de  Missel  de  Clément  VI,  ayant 
appartenu  aussi  aux  Roger-Beaufort,  mais  qui  ne  remonte  pas  plus  haut  que  la 
seconde  moitié  du  xv«  siècle  (1462).  La  description  et  le  récit  des  aventures  des 
deux  mss.  intéresseront  tous  les  bibliophiles.  —  C'est  encore  au  Limousin  que  se 
rapporte  la  seconde  brochure  de  M.  R.  Fage  :  Le  tombeau  du  cardinal  de  Tulle  à 
Saint-Germain-les-Belles  (Limoges,  i885,  in-S»  de  14  p.  sur  papier  teinté.  Tirée, 
comme  la  précédente,  à  un  très  petit  nombre  d'exemplaires).  On  trouve  là  une  courte 
et  bonne  biographie  du  cardinal  Hugues  Roger,  né,  comme  son  frère  Clément  VI, 
au  château  de  Aiaumont,  près  d'Egletons,  (chef-lieu  de  canton  de  la  Corrèze),  mort 
le  21  octobre  i363  au  couvent  de  Montalieu,  diocèse  de  Carcassonne,  et  surnommé 
le  cardinal  de  Tulle  parce  qu'il  venait  d'être  nommé  à  l'évêché  de  cette  ville  lors- 
qu'il entra  dans  le  sacré  collège.  M.  Fage  remarque,  à  ce  propos,  que  ce  cardinal  ne 
fut  jamais  évêque  de  Rodez,  erreur  que  l'on  retrouve  jusque  dans  le  Nobiliaire  du 
Limousin  de  l'abbé  Nadaud.  Il  reproduit  (p.  9-1 3)  une  notice  inédite  sur  le  tombeau 
élevé  à  Hugues  Roger  dans  le  chœur  de  l'église  de  Saint-Germain-les-Belles  (chef- 
lieu  de  canton  de  la  Haute-Vienne),  laquelle  a  été  rédigée  par  un  chanoine  du  cha- 
pitre de  Saint-Germain,  dont  le  nom  est  demeuré  inconnu,  et  qui  nous  a  été  conser- 
vée par  Baiuze  (collection  dite  des  Armoires,  vol.  XXI).  La  notice  sur  le  magnifique 
tombeau  détruit  par  la  Révolution  est  complétée  par  l'épitaphe  inédite  du  Cardinal 
de  Tulle,  gravée  sur  une  pierre  à  l'entrée  du  chœur  de  l'église  de  Saint-Germain- 
les-Belles.  —  T.  DE  L. 

—  Jacques  d'Arc,  père  de  la  Pucelle.  —  M.  Boucher  de  Molandon,  qui  s'est  déjà 
tant  occupé  de  Jeanne  d'Arc  et  de  sa  famille,  continue  avec  le  même  zèle  ses  recher- 
ches sur  un  sujet  qui  semble  ne  devoir  être  jamais  épuisé.  Sa  nouvelle  brochure 
{Jacques  d' Arc,  père  de  la  Pucelle,  d'après  des  textes  déjà  connus  et  des  documents 
récemment  découverts.  Orléans,  Herluison,  i885,  in-8'  de  28  p.)  apporte  la  pleine 
lumière  sur  cette  question  que  Ton  vient  d'agiter  en  Lorraine  :  quelle  était  la  con- 
dition sociale  de  la  famille  de  l'héroïne  r  L'auteur,  après  avoir  analysé  les  textes 
trouvés  dans  les  Archives  de  Nancy  et  publiés  par  MM.  Lepage  et  Chapellier  (1882- 
1884),  établit  très  judicieusement  que  si  ces  textes  montrent  la  confiance  et  la  con- 
sidération dont  étaient  investis  en  leur  qualité  de  braves  gens  le  père  et  le  parrain  de 
Jeanne  d'Arc,  ils  ne  prouvent  rien  de  plus,  et  qu'il  faut  renoncer  à  rattacher  la  fa- 
mille d'Arc  à  la  noblesse  de  Lorraine.  Il  combat  avec  une  très  ferme  critique  les 
complaisantes  exagérations  de  ceux  qui  ont  voulu  rehausser  outre  mesure  la  condi- 
tion des  parents  de  la  Pucelle,  humbles  cultivateurs,  dont  la  fortune  était  fort  mo- 
deste et  se  rapprochait  plus  de  la  demi-pauvreté  que  de  l'aisance.  Les  conclusions 


5  l8  RKVUt    Cid  IKjUll 

de  M.  Boucher  de  Molandon  sont  de  celles  qui  s'imposent.  Ajoutons  qu'il  a  traité, 
autour  de  la  question  principale,  diverses  questions  accessoires  relatives  aux  person- 
nages mentionnés  dans  les  documents  de  mars  1427  et  de  février  1429,  et  que  sur 
Robert  de  Sarbruck,  sur  Henri  d'Ogévillers,  sur  Robert,  seigneur  de  Baudricourt  et 
de  Blaize,  sur  Jean  Morcl,  parrain  de  Jeanne  d'Arc,  il  a  donné  des  renseignements 
où  l'on  reconnaît  la  sûreté  de  main  d'un  spécialiste.  —  T.  de  L. 

—  Signalons  cinq  brochures  et  tirages  à  part  de  M.  Eugène  Mûntz  :  i'  Les 
peintres  d'Avignon  pendant  le  règne  de  Clément  VI,  1 342-1  35a;  M.  M.  y  fait  con- 
naître les  fresques  du  règne  de  ce  pape,  qui  sont  aux  chapelles  de  Saint-Jean-Bap- 
tiste, de  Saint-iMartial,  etc.,  et  donne  la  photographie  de  quatre  d'entre  elles;  c'est 
la  première  fois  qu'on  publie  la  reproduction  de  ces  chefs-d'œuvre  de  la  peinture 
du  xiv"  siècle  oij  prédomine  l'influence  deGiotto;  2"  Les  peintures  de  Simone  Mar- 
tini à  Avignon,  étude  où  M.  M.  réunit  et  discute  les  textes  que  nous  possédons 
sur  l'histoire  de  la  principale  des  fresques  du  Palais  des  papes,  (les  Prophètes  de  la 
salle  du  consistoire),  donne  les  noms  de  la  plupart  des  peintres  attachés  à  l'entre- 
prise, démontre  que  les  fresques  de  Notre-Dame-des-Doms  sont  dues  à  Simon  de 
Sienne,  ce  Fra  Angelico  du  xiv^  siècle,  et  publie  une  lettre  de  Rucellaï  à  Lorenzo 
Strozzi  sur  une  peinture  conservée  en  i5oô,  soit  à  Avignon,  soit  à  Vauduse,  et 
regardée  comme  l'effigie  authentique  de  la  belle  Laure  de  Noves,  l'amante  de 
Pétrarque;  3°  Le  palais  pontifical  de  Sorgues,  iSiq-iigS.  M.  M.  dresse  la 
liste,  par  ordre  alphabétique  de  prénoms,  des  peintres,  —  qui  n'étaient  parfois 
que  de  simples  manœuvres  —  attachés  à  la  décoration  de  cette  résidence  favorite 
des  papes  pendant  le  xiv«  siècle,  et  mentionne  les  travaux  que  firent  entre- 
prendre à  Sorgues  Benoît  XII,  Clément  VI,  Innocent  VI  et  Urbain  V;  4°  la 
première  partie  de  nouvelles  recherches  sur  les  arts  à  la  cour  des  papes,  de 
Martin  V  à  Paul  II;  il  s'agit,  dans  ce  fascicule,  du  pontificat  de  Martin  V  (travaux 
que  commanda  ce  pape  pendant  son  séjour  à  Florence,  ouvrages  d'architecture  exé- 
cutés à  Rome  et  dans  les  environs,  notices  sur  le  sculpteur  Paluzzo;  date  de  la  no- 
mination de  Golino  Vasalli  aux  fonctions  d'orfèvre  pontifical,  les  orfèvres  Simone 
di  Giovanni  di  Simone  Ghini  et  Simone  di  Giovanni  di  Giovanni,  etc.);  5°  le  pre- 
mier fascicule  d'un  travail  nouveau  sur  les  monuments  antiques  de  Rome  à  l'époque 
de  la  Renaissance;  M.  Mûntz  y  reproduit  le  récit  d'un  voyage  entrepris  en  i5o4  par 
Bernard  Bembo,  qui  vint  assister  au  couronnement  de  Jules  11,  il  y  parle  du  van- 
dalisme obligé  des  papes  qui  devaient,  malgré  tout,  reconstruire  la  nouvelle  Rome 
avec  l'ancienne,  et  cite  des  documents  curieux,  par  exemple  un  bref  de  Martin  V 
qui  consacre  officiellement  le  système  des  démolitions. 

—  A  propos  du  Livre  de  demain,  de  M.  de  Rochas,  essai  d'une  application  rai- 
sonnée  de  la  polychromie  et  des  proportions  au  livre,  M.  Charles  Henrv  publie 
dens  la  Revue  indépendante  (mai  i885s  un  article  intitulé  :  Le  livre  de  l'avenir  : 
justification,  polychromie,  caractères,  dans  lequel  il  expose  le  principe  fécond  d'une 
application  des  mathématiques  à  l'esthétique,  qui  sera  l'idée  directrice  d'un  ouvrage 
complet  sur  la  matière.  Le  principe  est  celui-ci  :  si  les  lignes  sont  indifférentes,  les 
directions  ne  le  sont  pas  :  il  en  est  d'agréables,  de  désagréables  et  d'autres  qui  pro- 
duisent plutôt  l'étonnement.  Le  problème  est  d'appliquer  aux  autres  phénomènes 
esthétiques  (couleurs,  sons,  etc.)  d'expression  psychologique  identique  à  ces  diffé- 
rentes classes  de  directions  —  les  découvertes  des  géomètres  passés  ou  à  venir  sur 
les  directions.  A  propos  du  problème  de  la  polychromie,  M.  Charles  Henry  prouve 
bien  qu'il  n'y  a  pour  une  direction  qu'une  seule  dégradation  de  teinte  qui  lui  soit 
rigoureusement  harmonique  :  écrite  à  ce  point  de  vue,  l'histoire  du  développement 
de    la  polychromie  prend    une  grande  importance  rsychologic]uc  et   un    fondement 


u'HISXOIKh    Kl     Dh    LlIlÉRATURIi  DI9 

ri'^oureusement  scientifique.   L'auteur  promet  de  revenir  prochainement  sur  cette 

question. 

—  La  librairie  Deiagrave  commence  une  «  Bibliothèque  du  droit  mise  à  la  portc'e 
de  tout  le  monde  »,  et  qui  formera  une  véritable  petite  Encyclopédie  du  droit;  elle 
paraîtra  en  séries  de  douze  volumes  en  petit  format  de  100  à  120  pages.  Le  premier 
volume,  élégamment  relié,  vient  de  paraître  ;  il  a  pour  titres  Les  successions,  et 
pour  auteur  M.  Emile  Acollas  (Deiagrave.  ln-8°,  loi  p.). 

ALLEMAGNE.  —  La  maison  Galvary  de  Berlin  vient  enfin  de  publier  le  dernier 
cahier  du  n<^  Jalvgcing  du  Jahresbericht  itber  die  Forlschritte  der  Alterîhumswis- 
sensclîaft,  après  l'avoir  fait  attendre  à  ses  abonnés  pendant  deux  ans.  Sous  prétexte 
que  ce  ne  Jahrgang  comprend  plus  de  feuilles  d'impression  que  les  précédents, 
M.  S.  Galvary  accompagne  le  dernier  fascicule  d'une  facture  de  4  marks  5o,  à  payer 
par  les  abonnés  en  sus  de  l'abonnement.  C'est  là  un  procédé  dont  on  trouverait 
difficilement  un  autre  exemple,  et  qui  témoigne  d'un  sans-gêne  touchant  à  ÏUn- 
verschœmtheit.  Parce  que  le  directeur  du  Jahresbericht  a  autorisé  certain  de  ses 
collaborateurs,  comme  M.  Schiller,  à  bavarder  et  à  polémiser  pendant  un  nombre 
extraordinaire  de  pages,  ce  sont  les  abonnés  du  Jahresbericht  qui  doivent  porter  les 
conséquences  d'une  prolixité  dont  ils  n'ont  recueilli  aucun  avantage!  Ajoutons  que 
le  désordre  avait  lequel  paraît  le  Jahresbericht  commence  à  lasser  les  patiences  les 
plus  robustes,  malgré  l'incontestable  utilité  de  ce  recueil.  —  S.  R. 

—  M.  Th.  ScHREiBER  a  fait  tirer  à  part  un  mémoire  imprimé  dans  les  Comptes- 
rendus  de  la  Société  Royale  de  Saxe,  sous  le  titre  Unedirte  rcemischc  Fundberichte 
ans  italienischen  Archiven  und  Bibliotheken,  (Leipzig,  80  p.)  Les  textes  inédits  que 
M.  S.  a  publiés  avec  de  courtes  annotations  sont  les  suivants  :  1°  Extraits  des  notices 
de  l'abbé  Valesio  (1670-1742),  contenant  le  récit  de  découvertes  faites  à  Rome  en 
1729-32;  1°  Extraits  des  lettres  archéologiques  adressées  à  Francesco  Gori  (1691- 
1759),  par  Vettori  et  Bottari;  découvertes  faites  à  Rome  en  i73i,  1741  et  1744; 
3"  Extraits  du  registre  de  Cassiano  Dal  Pozzo  (i588-i657),  fondateur  du  Musée  Pu- 
teano,  aujourd'hui  dispersé;  notice  sur  des  découvertes  à  Rome,  Tibur,  Otricoli, 
Chiusi,  etc.  ;  4°  Discorso  sopra  Vantica  acqua  Appia,  del  générale  de  Giesuati, 
adressé  à  Clément  IX -,  5°  Deux  rapports  de  Suarez  sur  les  découvertes  faites  en 
1627  lors  de  la  construction  du  palais  Barberini  à  Rome;  6°  Cava  à  Santi  Pietro  e 
MarcellinO;  note  de  Giacomo  Bartolomicchi;  j"  Relatione  d'alcune  cose  mcmorabili  e 
spettanti  alla  restauratione  del  famoso  tempio  di  S.  Maria  ad  Martyres,  chiamato 
délia  Roionda,  rapport  adressé  à  Alexandre  VII  par  Gipriano  Cipriani,  aichiprêtre 
du  Panthéon.  Fea  avait  déjà  pubWé  (Miscellanea,  II,  p.  22g  et  suiv.)  une  copie  fau- 
tive et  incomplète  de  ce  document,  le  plus  important  de  la  Série.  —  S.  R. 

—  M.  A.  Jaein,  professeur  à  l'Université  de  Berne  et  membre  de  l'Académie  des 
sciences  de  Bavière,  nous  envoie  une  feuille  imprimée  sous  le  titre  Offener  Brief 
an  Professer  A.  Riese  in  Frankfurt  ;  il  y  répond  très  vertement  à  l'article  et  à 
une  réplique  de  M.  Riese  dans  le  Centralblait,  à  propos  de  son  édition  de  la 
Prosopopoeia  de  Grégoire  Palamas. 


3^0  RKVljii    CHITIQUE    li'HlSlOiKIi    El     ûh    LlT'n-,KATUi(E 

ACADEMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  ig  juin  i885. 

Apres  délibération  en  comité  secret,  l'Académie,  par  un  vote  au  scrutin,  décerne 
le  prix  Jean  Reynaud  à  M.  Aymonier,  pour  ses  voyages  d'exploration  scientifique  et 
ses  découvertes  archéologiques  dans  l'Indo-Chine. 

Le  prix  Stanislas  Julien  est  décerné  à  M.  Léon  de  Rosny,  pour  son  Histoire  des 
dynasties  divines.  Le  prix  ordinaire  sur  les  traductions  qui  ont  été  faites  au  moyen 
âge  d'ouvrages  philosophiques  ou  scientifiques,  du  grec,  de  l'arabe  et  du  latin  en 
hébreu,  est  "décerné  à  M.  Moritz  Steinschneider,  à  Berlin.  Le  concours  sur  les  ques- 
tions suivantes,  proposées  pour  le  prix  ordinaire  et  pour  le  prix  Brunet,  est  prorogé 
jusqu'au  jîi  décembre  1886  :  i"  Etude  sur  l'instruction  des  femmes  au  mioyen 
âge,  etc  '.'  —  -z"  «  Relever  sur  le  grand  catalogue  de  bibliographie  arabe  intitulé 
Filirist  toutes  les  traductions  d'ouvrages  grecs  en  arabe,  critiquer  ces  données,  etc.  » 

Ouvi-ages  présentés  :  —  par  M  de  Roz'ière  :  1°  Tardif  (Adolphe;,  la  Procédure 
civile  et  criminelle  aux  xiii^  et  xiv^  siècles  ou  période  de  transition  ;  1°  Inventaire  des 
Archives  de  ia  marine  [rédigé  par  Didier  Neuville],  série  B,  Service  général,  t.  I", 
I"  fascicule;  —  par  M.  Alexandre  Bertrand  :  Bibliothèque  ethnologique  :  les  A^^tè- 
ques,  histoire,  mœurs,  coutumes,  par  Lucien  Biart;  —  par  M.  Gaston  Paris  :  1°  les 
Dits  de  Hue  Archevesque,  trouvère  normand  du  xni'  siècle,  publiés  par  A.  Héron 
(société  rouennaise  des  bibliophiles)  ;  2°  Correspondance  inédite  de  Nicolas-Fran- 
çois, duc  de  Lorraine  et  de  Bar,  1634-1644,  publiée  par  Ferdinand  Des  Robert, 
—  par  M.  Renan  :  Bedjan,  Imitatio  Christi  nunc  primum  ex  Latino  in  Chaldaicum, 
idiomatis  Urmiae  Persidis,  translata;  —  par  M.  de  Boislisle  :  Fagniez  (G.),  la  Mis- 
sion du  P.  Joseph  à  Ratisbonne  en  i63o  (extrait  de  la  Revue  historique);  —  par  le 
traducteur  :  Trois  nouvelles  chinoises,  traduites  par  le  marquis  d'Herve\  de  Saint- 
Denys,  (Bibliothèque  orientale  el^éviriennej ;  —  par  M.  Delisle  :  i»  Ruble  (Alphonse 
de),  le  Mariage  de  Jeanne  d'Albret;  2"  le  même,  Antoine  de  Bourbon  et  Jeanne 
d'Albret;  3°  Hincmari  de  ordine  palatii  epistola,  texte  latin,  traduit  et  annoté  par 
Maurice  Prou  {Bibliothèque  de  V Ecole  des  Hautes-Etudes,  fasc.  58);  4°  Stevenson 
(H.),  Codices  nianuscripti  Palatiiii  Graeci  bibliothecae  Vaticanac  descripti;  —  par 
l'auteur  :  Meyer  (Paul),  les  Premières  Compilations  françaises  d'histoire  ancienne 
(extrait  de  la  Romania,  t.  XIV). 

Julien  Havet. 

SOCIETE  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANGE 


Séance  du  3  juin. 

présidence  de  m.  courajod. 

M.  le  comte  de  Fayolle  est  nommé  associé  correspondant. 

M.  L.  Maxe  Verly  présente  deux  moules  en  schiste  ardoisier,  destinés  à  reproduire 
en  métal  des  enseignes  de  pèlerinage  et  pouvant  être  rapportés  au  xiV^  siècle;  l'un, 
appartenant  à  M.  le  général  Meyers.  représente  la  Mort  du  Pèlerin  et  la  Délivrance 
de  son  âme.  L'autre,  trouvé  à  Rennes  et  appartenant  à  M.  A.  Ramé,  offre  l'image 
de  l'archange  saint  Michel  pesant  les  âmes  au  jour  du  jugement  dernier. 

M.  de  Villefosse  exhibe  deux  bronzes  antiques  acquis  par  le  Musée  du  Louvre  à 
la  vente  de  la  collection  Gréau;  l'un  est  un  vase  en  forme  de  tête  de  femme  avec  le 
mot  étrusque  suthina  gravé  sur  le  front;  l'autre  est  une  applique  de  vase  représen- 
tant un  Silène  barbu,  agenouillé,  portant  une  amphore  sur  l'épaule. 

Séance  du  10  juin  188^. 

M.  Prost  communique  l'empreinte  d'une  pierre  gravée  sur  laquelle  on  voit  un  aigle 
éployé,  au-dessus  une  tête  imberbe  radiée,  à  droite;  de  chaque  côté,  une  hampe 
d'enseigne  militaire,  surmontée  d'une  victoire  aptère  tenant  une  couronne;  à  l'exer- 
gue les  lettres  COV.  Le  sujet  paraît  se  rapporter  à  une  apothéose  impériale. 

M.  Voulet  présente  le  moulage  d'une  stèle  trouvée  à  Gran  (Vosges),  représentant 
un  personnage  imberbe,  de  lace,  debout,  vêtu  d'une  tunique  longue,  la  main  droite 
armée  d'une  hache;  sous  ses  pieds  un  chien. 

M.  Mowat  présente  des  empreintes  d'une  pierre  à  moules,  découverte  à  Rennes  et 
conservée  au  Musée  archéologique;  sur  l'une  des  faces,  on  voit  les  instruments  de  la 
Passion  ;  sur  l'autre  face,  un  personnage  vêtu  d'une  sorte  de  caleçon  court,  auquel 
une  bourse  est  attachée;  il  est  violemment  attiré  par  les  mains  crochues  d'un  per- 
sonnage dont  le  corps  est  détruit;  ce  tableau  représente  sans  doute  un  damné  entraîné 
dans  l'Enfer  par  le  Diable.  La  pierre  paraît  devoir  être  rapportée  à  la  fin  du  xv*  siècle. 

Le  Secrétaire, 
A.  Mowat. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEKOl^X. 


Lf  Puy.  imprimerie  fie  Marchessou  ùis.  hc.ulcvard  Saim-l.axirent.  2. 


No  1  Dix-neuvième  année        5  janvier  1885 


REVUE  CRITIQUE 

D'HiSTOIRE    ET   DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL    HEBDOMADAIRE   PUBLIE    SOUS    LA    DIRECTION 

DE  MM.  J.  DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 


Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.  Chuquet 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.  —    Etranger,  25  fr 


PARÎS 
KRNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIQIJAlRK     DE    I.A    SOCIÉTÉ    ASIATIQUE 

Dft     «.'ÉCOI.K     DFS     LANGUKS     ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

28,    nUF.    BONAPARTE,     28 


Adresse)-  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 

(Au  bureau  de  la  Revue  :  rue  Bonaparte,  a8). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu . 


ERNEST  LEROUX,   ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

DÉCOUVERTES  EN  CHALDÉE 

Par    Ernest  DE   SARZEC 
Consul  de  France  à  Bagdad,  correspondant  de  l'Institut. 

Ouvrage  accompagné  de  planches 

Publié  par  les  soins  de  M.  Léon  HEUZEY 

Membre  de  l'Institut,  conservateur  des  Antiquités  orientales 

Sous    les    auspices     du    Ministère    de    l'Instruction    publique  et   des 

Beaux-Arts. 

Première  livraison,  in-folio,  avec  3o  planches  en  héliogravure..     3o  fr. 
—  Carton  pour  contenir  Pouvrage  entier. •..,.. 2  fr. 


PERIODIQUES 

Literarisches  Centralblat,  n"  49,  29  novembre  1884  •  Pi-i^Ji'-R,  Geschichte 
der  christlichen   Religionsphilosophie  seic  der   Reformation,   II.  Von 
Kant  bis  auf  die  Gcgenwart.  (Intéressant,  mais  il  y  a  trop  de  m.étapiiy- 
sique,  ne  parle  ni  de  Stuart  Mill,  ni  de  Herbert  Spencer,  ni  de  Comte, 
etc.)  —  LipPKHT,  Allgemeine  Geschichte  des  Priesterthums,  II.  (Lecture 
difficile  parfois,  mais  toujours  sérieuse  et  pleine  de  détails  instructifs.)  — 
Weber,  Allgemeine  Weltgeschichte,  Mittelalter.  I   u.  II.  (cinquième  et 
sixième  volumes.)  — Koch,  Trillersagen,  ein  Beitrag  zur  urkundlichen 
Geschichte  des  silchsischen  Prinzenraubes  und  seiner  Wirkungen,  I. — 
Hartfelder,  Zur  Geschichte  des  Bauernkrieges  in  Siidwestdeutschland. 
—  Lûbeck  und  Ratekau  im  November  1806.  (Attachant.)  —  A  dictionary 
of  îhe  Kalispcl  orFlat-Head  Indian  Language  compiled  by  the  missiona- 
ries  of  the  Society  of  Jésus  I  u.  II;  Lu  tel  Kaimentis  Kolinzuten  Kuitit 
Smiimii,  sonie  narratives  from  the  Holy  Bible  in  Kalispel  Szmimeies 
Jésus  Christ,  a  catechism  of  the  Christian  doctrin   in  the  Flat-Head  or 
Kalispel  Language;  CuoQ,  Lexique  de  la  langue  iroquoise   [Montréal, 
Chaplean];  Wright,  Chahta   Leksikon,  a  Choctaw  in   English  Défini- 
tion; Baraga,  A  grammar  a.  dictionary  of  the  Otchipwe  Language.  — 
Zachariae,  Beitraege  zur  indischen   Lexikographie.  (D'une  très  grande 
importance  pratique.) —  Hinrichs,  Herr  Sittl  u.  die  homerichen  Aeolis- 
men.  (Défend  sa  thèse  avec  beaucoup  de  zèle,  de  savoir  et  de  succès.)  — 
Die  Oreslie  des  Aeschylus  hrsg.  v.  Th.   Heyse.   (Fort  remarquable.)  — 
Publications  de  la  société  philologique  hellénique  de  Constantinople.  — 
WuLCKER,  Grundriss  zur  Geschichte  der  angelsachsischen  Literatur.  — 
Wlastoff,  Prométhée,  Pandore  etja  Légende  des  siècles,  essai  d'analyse 
de  quelques  légendes  d'Hésiode.  (Etude  d''une  fatigante  diffusion  et  qui 
repose  sur  une  hypothèse  soutenue  et  menée  avec  une  rare  obstination  : 
Prométhée  est  la  personnification  de  la  vie  des  races  antiques  qui  avaient 
envahi  la  Grèce  et  luttaient  contre  les  immigrations  qui  marchaient 
sous  la  bannière  de  Zeus-Dyaus  védique;  il  est  le  type  d'un  peuple  d'ori- 
gine aryenne,  comme  le  prouve  son  nom,  mais  ennemi  des  races  védi- 
ques; le  çnythe  de  Pandore  contient  le  souvenir  des  premiers  mariages 
mixtes  entre  les  autochtones  et  les  Grecs,  dans  lesquels  la  femme  grec- 
que est  donnée  aux  chefs  des  tribus  indigènes   par  raison  de  politique 
astucieuse  ,  mais   ces    mariages    étaient  loin   d'être  toujours  heureux, 
comme  celui  de  Thétis  et  de  Pelée,  etc.,  etc.  :  travail  d'un  dilettante  qui 
ne  connaît  que  Lenormand,  Gladstone,    Maury    et  «  le  vénérable  » 
Creuzer,  qui  ignore  les  travaux  de  O.  Mûller,  de  H.   D.    Miiller,  de 
Mannhardt,  et  se  plonge  avec  une  naïve  audacedans  les  profondeurs  des 
temps  préhistoriques.)  —  Lucy  Mitchel,  A  history  of  ancient   sculp- 
ture. (Répertoire  fait   avec  un  très  grand   soin  et  une   extrême   con- 
5cience. 

Im    "Verlage    von   Eduard    Trewendt   in   Breslau  erschien   soeben  : 

Die   Pilzthiere  oder  Schleimpiize. 

Nach     dem     neuesten     Stanclpimkt    Ijearbeitet     von 

Wèv.  'W.  5Eopf. 
Privaldocenten  an  der  Universilffit  Halle  a/S. 

Mil  5î  vom  Verfasser  meist  selbst  auf  H0I2  gezeichneten  Schnitlen. 

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PAR    MM.    DI-:     EAU,    BAIICLAV,   CATEXACCI,    CHAPUIS,    FRITICL,     GUIAUD,     LAXCELOT,      MA!LL.*.R.T 
RIOU,   IION.TAT,   SELLÎKR,   SI.OM,  TAYLOR,    TOUSSAINT 

et   contentont    1    cai"to 

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DEPUIS  LES  ORIGINES  JUSQU'AU  XV1°  SIÈCLE 

Texte  abrégé,  coordonné  et  traduit 

PAR  Mi^i£  DE  WITT,  NÉE  GUIZOT 
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LES    CHRONIQUEUBS,    DE    FROISSÂRT   A   MOKSTRELET 

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1  volume  in-8  jésus  contenant  11  planches  en  chromolithographie,  47  grandes  compo- 
sitions tirées  en  noir  et   267  gravures  intercalées  dans  le  texte. 

2»  série  ;  Les  Chroniqueurs,  de  Suger  a  Froissapjp.  1  volume  in-8  Jésus  contenant 
9  planches  en  chromolithographie,  50  grandes  compositions  tirées  en  noir  et  300  gra- 
vures intercalées  dans  le  texte. 

Chaque  volume  se  vend  séparément.  Broché,  3»  fr.  Relié  richement,  tranches 
dorées,  -<50  fr. 

L'ouvrage  conijplet  comprendra  4  séries  formant  chacune  un    vohtnie. 


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HISTOIRE 

DE    L'AR^ 

DANS   L'ANTIQUITÉ 

EGYPTE— ASSYRIE— PHÉNICIE  — PERSE—ASIE  MINEURE 
GRÈCE  —  ÉTRURIE  —  ROME 

PAR 

TROFliSSEUR     A     I.A.     FACULTE     DES     LETTRES     DE     PARIS 
MEMBRE  DE     l'iNSTITUT 

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CHi^ï^LES  CHII*IEZ 

ARCHITECTE    DU  GOUVERNEMENT 
INSPECTEUR     DE     l'eNSKIGNIlMENT     DU    DESSIN 


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PHÉNICIE    —    CYPRE 

UN   MAGNIFIQUE    VOLUME   lN-8    JÉSUS 

contenant 

S>  i>Ianclies  en  couleurs,  1   pïanelie  en   noir  tirée  à  part 
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Dessinée  d'après  les  originaux  ou  d'après  les  documents  les  plus  authentiques. 
Broché  ;  30  fr.  —  Relié  richement,  avec  fers  spéciaux,  tranches  dorées,  3>  fr. 

En  vente  :  Tome  I.  L'Egypte,  contenant  5  planches  en  couleurs,  15  planches  en  noir 
tirées  à  part  et  616  gravui'es  intercalées  dans  le  texte. 

Terne  II.  Chaldée  —  Assyrie,  contenant  4  planches  en  couleurs,  11  planches  en  noir 
tirées  à  part  et  452  gravures  intercalées  dans  le  texte. 

Chaque  volume  se  vend  séparément  :  broché,  30  fr.  —  Relié,  3T  fr. 

IL   A    ÉTÉ   TIRÉ    DANS    LE    FORMAT    LX-4  : 

50  exem])laires  sur  papier  Whatman,  10  exemplaires  sur  papier  de  Chine  et  25  exem- 
plaires sur  papier  du  Japon.  Tous  ces  exemplaires  sont  numérotés.  Prix  de  chaque 
exemplaire  :  sur  papier  ^Vhatman,  eo  fr.;  sur  papier  de  Chine,  80  fr.;  sur  papier  du 
Japon,  100  fr. 

CONDITIONS  ET  MODE  DE  LA  PUBLICATION 

L'Histoire  de  l'art  dans  Va^itiquité  formera  environ  300  livraisons,  soit  cinq  ou  six 
beaux  volumes  gi'and  in-8,  contenant  plus  de  6000  gravures. 

Chaque  livraison  composée  de  16  pages,  contenant  en  général  plusieurs  gravures,  et 
protégée  par  une  couverture,  se  venu  50  centimes  ;  ce  prix  est  porté  à  1  franc  pour  les 
quelques  livraisons  qui  se  sont  accompagnées  d'une  planche  en  couleurs. 

Le  Puy.  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint- Laurent,  23. 


N°  2  Dix-neuvième  année        42  janvier  1885 

REVUE  CRITiaUE 

O^HISTOIRE    ET   DE    LITTERATURE 

RECUEIL    HEBDOMADAIRE   PUBLIE   SOUS    LA    DiKECTION 

DE  MM.  J.  DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 
Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.  Chuquet 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.  —   Etranger,  23  t"r. 


PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     l' ÉCOLE     DES    LANGUES    ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

28,    RUE    BONAPARTE,    28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Kevue  :  rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  commissiottnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu- 

ERNEST  LEROUX,   ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

LES    FRAUDES     ARCHÉOLOGIQUES 

en  Palestine,  suivi  de  quelques  monuments  phéniciens  apocryphes, 
par  Ch.  Clermont-Ganneau.  Un  fort  volume  in- 18,  elzévir,  illustré 
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LA  GRÈCE  ANCIENNE  ET  MODERNE, 

considérées  sous  l'aspect  religieux,  par  Ad.  Terzetti.  In-iS, 
elzévir , 2  3o 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n"  658,  i3  déc.  18S4  :  Freem\n,  The  office  of  thehisto- 
rical  professer,  an  inaugural  lecture.  —  Reid,  A  sketch  of  the  life  a. 
times  of  sir  Sidney  Smiih.  (W.  WalJace  :  2"  édit.  de  ce  livre  intéres- 
sant.) —  Dent,  Above  the  snowline,  mountaineering  skeiches  between 
1870  a.  1880.  —  Jessopp,  Norwich  [Diocesan  historiés].  —  A  literary 
curiosity  (D.  Asher  :  attaque  contre  le  «  Magazin  fiir  Literatur  des 
In-und  Auslandes  »  qui,  bien  dirigé  par  Lehmann,  puis  par  Homber- 
ger,  un  peu  moins  bien  par  Engel,  a  de  plus  en  plus  dégénéré  et  encourt 
un  mépris  mérité;  n^i-t-on  récemment  parlé  du  livre  «  Altiora  peto  » 
de  Lawrence  Oliphant  sous  le  titre  «  Altiora,  von  Peto  Laurence  Pli- 
phant  »,  en  ajoutant  que  le  livre  est  d'origine  américaine,  que  l'auteur  a 
pris  un  pseudonyme,  et  que  c'est  une  femme  !)  —  Eucharistie  usage  in  the 
ancient  irish  church  (Whitley  Stokes)  — Ben  Jonson's  song  «  to  Celia  » 
(Hoskyns-Abrahall).  —  The  Croker  Papers  (Littledale).  —  «  The  em- 
pire of  the  Hittites»  (W.  Wright).  —  A  suggested  eranian  etymology 
(Casartelli  :  à  propos  des  mots  brâtarvat  et  brâtarvatîh).  —  The  Soma 
Plant  (Max  Mullcr).  —  The  Ruba'iyat  of  Omar  Khayyam,  rendered 
into  english  verse  by  Edw.  Fitzgerald.  (Am.  B.  Edwards  :  second 
article.) —  Thomson's  life  of  Hablot  Browne.  (Bicknell.) 

—  N°  659,  20  décembre  1884  :  Mrs  Miller,  Henriett  Martineau. 
(Noble.)  —  Dosabhai  Framsi  Karaka,  History  of  the  Parsis,  2  vols. 
(Wollaston  :  écrit  simplement  et  sans  prétention;  ce  livre  où  l'auteur 
fait  l'histoire  de  son  peuple  et  de  sa  race,  est  plein  d'intérêt  et  mérite  le 
plus  vif  éloge.)  — A.  Lang,  Custom  and  myth.  (Grant  Allen.)  —  Herbert 
Spencer,  The  man  versus  the  state  (Macdonell  :  petit  livre  digne  d'être 
lu  et  où  bien  des  passages  respirent  un  noble  et  large  sentiment  de  la 
liberté.)  —  Rinaldo  Fulin  (not.  nécrol.)  —  Eucharistie  usage  in  the 
ancient  irish  church.  (Hammond.)  —  «  Beside  »  or  «  besides  «.(Thomp- 
son.) —  Philological  books  :  Winteler,  Uraltaische  Vôlker  u.  Spra- 
chen  (bon);  Heidmann,  Die  Samaritanische  Pentateuch  -  Version  ; 
Kautzsch,  Grammatik  des  Biblischen  Aramaischen  ;  Schweizerisches 
Idiotikon,  VI  et  VII. — «  The  empire  ofthe  Hittites  »(Tyler).— The  Soma 
Plant  (Eyer).  —  The  word  «  humecillus  »  (Evans.)  —  Sidney  L.  Léo, 
Stratford-on-Avon,  from  the  earliest  times  to  the  death  of  Shakespeare 
(Robinson  :  fait  avec  soin.)  — A  smaller  Biblia  Pauperum.  (M.  Stokes.) 
Raphael's  «  Madonna  col  Divino  »  (Thwaite).  —  Thomson's  life  of 
Hablot  Browne  (Bicknell). 

N"  660,  27  décembre  1884  :  Murray's  handbook  for  Grèce,  2  vols, 
5e  edit.  ;  Baedekers  handbook,  Griechenland,  ire  édit.  (Mahaffy.)  — 
Malleson,  Loudon,  a  sketch  of  the  railitary  life.  (M.  Stephens  :  livre 
sans  prétention  à  l'originalité,  mais  utile.)  —  Linda  Villari,  On  tuscan 
hills  and  venetian  waters.  —  The  catechism  of  John  Hamilton  archbis- 
hop  of  St.  Andrews,  i552.  éd.  by  Law,  with  a  préface  by  Gladstone. 
—  Markham,  The  Sea  Fathers,  a  séries  of  lives  of  great  navigators  of 
former  times.  —  Theproposed  University  of  London.  (K.  Pearson.)  — 
Mr.  Lang's  «  Custom  and  mvth.  »  (Cox).  — The  forthcoming  life  of 
Coleridge.  (Al.  Brandi).  —  An  old  german  New  Year's  rhyme  (Cesa- 
resco.) —  Howell,  Grammar  of  the  classical  arabic  language,  transla- 
ted  a.  compiled  from  the  works  of  the  most  approved  native  and  natu- 
ralised  authors,  vol.  II.  (G.  P.  Badger,)  —  «  The  empire  of  the 
Hittites  »  (Bail).  —  M.  Jackson,  The  pictorial  press,  its  origin  and 
progress.  (Conway.)  «  Lee's  Stratford-on-Avon.  » 

The  Athenaenm,  n»  2979,  29  nov.  1884  :  Wylie,  History  of  England 
under  Henry  IV.  I.  1 399-1404.  (Œuvre  solide  et  méritoire.)  —  Malle- 
son,  Loudon.  (Essai  historique  à  la  fois  concis  et  intéressant.)  —  Maria 


SoLTERA,  A  lady's  ride  across  Spanish  Honduras.  —  Memories  of  a  life 
oftoil,  the  autobiography  of  Tracy  Turnerelli.  —  Abbott,  The  com- 
mon  tradition  of  the  synoptic  Gospels  in  the  text  of  the  revised  version. 

—  The  cuneiform  inscriptions.  (Max  MûUer.)  —  The  grave  of  Anne 
Brontë.  (Donner.)  —  The  historians  of  Queen  Anne.  (Me  Carthy.)  — 
An  obscure  passage  in  the  «  Koran.  »  (Airy.) 

—  N"  2980,  6  déc.  1884  :  The  hves  of  ihe  Berkeley,  by  John  Smith 
of  Nibley.  II,  edit.  by  Sir  John  Maclean.  —  Prince  Rudolph,  Travels 
in  the  East,  including  a  visit  to  Egypt  a.  the  Holy  Land.  —  Verres^, 
Luther,  an  historical  portrait.  (Livre  d'un  historien  qui  n'est  pas  tout  à 
fait  véridique.)  —  The  metaphysics  of  Flatland.  —  An  obscure  passage 
in  the  Koran.  (Lynn.) 

—  N°  2981,  i3  déc.  1884  :  The  Maritime  Alps  and  their  seabord, 
by  the  author  of  «  Véra  ».  — Letters  of  the  Rev.  Mozley.  —  Calendar 
of  the  manuscripts  of  the  marquis  of  Salisbury,  I.  —  Miss  Char- 
lotte Reynolds.  (Buxton  Forman.)  —  An  obscure  passage  in  the  Koran. 
(Stanley  Lane-Poole.)  — The  «  dictionary  of  national  biography  y>. 
(Liste  des  futurs  art.  de  Cabaliere  à  Camville.)  —  «  Greek  folk-songs.  » 
(St.  Glennie.)  —  A  teaching  university  for  London.  —  The  Brough 
Stone.  (Browne.) 

—  No  2982,  20  déc.  1S84  :  J.  Hawthorne,  Nathaniel  Hawthorne  a. 
his  wife,  a  biography,  2  vols.  —  Pleas  of  the  crown  for  the  county  of 
Gloucester  before  the  Abbot  ofReadinga.  his  fellow  justices  itinérant, 
1221,  edit.  by  Maitland. —  AavTO'j -rc  KaOaprr;p'.ov,  ij.stâopas'.çK.Mo'jsTjppu. 
(Cette  traduction  de  Musurus-Pacha  est  plutôt  une  curiosité  littéraire 
qu'une  contribution  méritoire  à  Tétude  de  Dante.]  —  The  «  dictionary 
of  national  biography  w.  (Liste  des  futurs  art.  de  Canada  à  Carruthers.) 

—  The  centenary  of  Dr.  Johnson's  death.  —  Explorations  in  Asia  Mi- 
nor.  (Ramsay.)  —  The  Brough  Stone.  (Ferguson.) 

—  N"  2983,  17  déc.  1884  :  Continental  literature  in  1884  :  Belgium 
(Em.  de  Laveleye  et  P.  Fredericq).  —  Denmark  (Petersen).  —  France 
(Fr.  de  Pressensé).  —  Germany  (Zimmermann).  —  Greece  (Lambros). 

—  Holland  (van  Campen)   —  Hungary  (Vambéry).  —  Italy  (Bonghi). 

—  Norway  (Jaeger).  —  Poland  (Belcikowski).  —  Russia  (Achkinasi). 

—  Spain  (Riafio). —  Sweden  (Ahnfelt). —  Lady  Brassey,  In  theTrades, 
the  Tropics  and  the  «  Roaring  Forties  »,  or  fourteen  thousand  miles  in 
i883.  —  «  Miss  Bretherton.  »  (M.  A.  Ward.)  —  The  «  Dictionary  of 
national  biography  »  (de  Carse  à  Chard,  liste  des  futurs  articles.)  — 
«  Greek  folk-songs.  »  (Glennie  et  Rail.)  —  The  Syston  Park  Library,  — 
Mrs  Roundell,  Cowdray,  the  history  of  a  great  english  house.  — 
Explorations  in  Asia  Minor.  (Ramsay.)  —  Notes  from  Athens. 
(Hirst.) 

Archiv  fiïr  Slavische  Philologie.  Tome  VIII,  n"  i .  —  Slavische  Vôlkerna- 
men.  (J.  Perwolf.  :  M.  Jagic  promet  un  appendice  à  ce  travail  curieux, 
mais  parfois  paradoxal.)  —  Zur  Frage  ûber  zweitheilige  und  einheit- 
litche  Saetze.  (K.  Lugebil.)  — Die  Sprache  des  polnischen  Theils  des 
Florianer  Psalters.  (J.  Leciejewki.)  —  Der  Ursprung  des  Namens  der 
Rupci  in  der  Rhodope.  (C.  Jirecek.  Ce  nom  viendrait  du  nom  Meropi 
qui  se  trouve  chez  les  Byzantins.)  —  Conventionnelle  Geheimsprachen 
auf  der  Balkanhalbinsel.  (C.  Jirecek,  étude  curieuse  sur  Targot  des 
maçons  dérivé  de  Palbanais.)  —  Sprachproben  des  Dialectes  von  Cirkno. 
(Beaudouin  de  Courtenay,  suite  des  études  du  savant  linguiste  sur  les 
dialectes  Slovènes.)— Bibliographie.  (Ouvrages  de  MM.  Stasov,  Buslaev, 
Beaudouin  de  Courtenay,  Jarnik,  Brandt,  Novakovic,  Vymazal,  etc.. 
Cette  revue  due  à  M.  Jagic  donne  une  idée  très  complète  du  mouve- 
ment scientifique  chez  les  divers  peuples  slaves.) 


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graphies, 1  dessins  de  maîti-es  reproduits  en  chromotypographie,  12  gravures  hors 
texte,  et  plus  de  2(0  gravures  dans  le  texte. 

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Son  Histoire.  —  Ses  Souvenirs.  —  Ses  Monuments. 


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N°  3  Dix-neuvième  année        19  janvier  1885 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET   DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL    HEBDOMADAIRE   PUBLIE    SOUS    LA    DIRECTION 

DE  MM.  J.  DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 

Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.  Chuquet 

Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.  —   Etranger,  23  fr. 


PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE    I,  A     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     l' ÉCOLE     DES     LANGUES    ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

28,    RUE    BONAPARTE,    28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  \a  Revue  :  nie  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 

ERNEST  LEROUX,   ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

LES    FRAUDES     ARCHÉOLOGIQUES 

en  Palestine,  suivi  de  quelques  monuments  phéniciens  apocryphes, 
par  Ch.  Clermont-Ganneau.  Un  fort  volume  in- 18,  elzévir,  illustré 
de  33   gravures , . . . , 5  fr. 

LES  LANGUES  D'AFRIQUE,  p.,,-  ro.e„t  cu.t. 

In-i8,  elzévir 2  5o 

LE    SAINT  SIÈGE,   LA   POLOGNE    ET 

MOSCOU    (158...-1587),  parP.  PiERLiNG.  In-i8,elzév.     2  5o 

LA  GRÈCE  ANCIENNE  ET  MODERNE, 

considérées  sous  l'aspect  religieux,  par  Ad.  Terzstti.  In-i8, 
elzévir , , 2  5o 


PÉRIODIQUES 

Tbe  Academy,  n"  66i,  3  Janvier  i885  :  Camoens,  ihe  Lyricks,  Sonnets, 
Canzons,  Odes  a.  Sextines  cnglished  by  R.  Burton.  —  Dictionary  of 
National  Biography,  editcd  by  Leslie  Stephen,  vol.  I.  Abbadie-Anne. 

—  The  Maritime  AÎps  and  their  Seaboard,  by  the   author  of  «  Véra  ». 

—  A.  SoREL,  Recueil  des  instructions  données  aux  ambassadeurs  et 
ministres  de  France, depuis  les  traités  de  Westphalie  jusqu^à  la  Révolu- 
tion française.  Autriche.  (H.  M.  Stephens  :  volume  d'une  très  haute 
valeur  historique).  —  Correspondance  :  Destruction  at  Athens. 
(Freeman).  —  The  Brilish  Muséum  Catalogue  of  early  english-printed 
books.  (Raine).  —  a  Custom  a.  myth  ».  (Lang,  Isaac  Taylor  et  Rob 
Brown).  —  The  University  of  London.  (Whitley  Stokes).  —  The  Or- 
dinances  of  Manu,  translated  from  the  sanskrit  by  Burnell.  fMax  Mill- 
ier). —  Two  books  on  icelandic  law  :  Grâgâs,  éd.  Finsen;  Die  Niàls- 
sage,  hrsg.  v.  Lehmann.  u,  Schnorr  v.  Carolsfeld  (York  Powell.  — 
Ancient  navigation  in  the  Indian  Océan.  (Edkins).  -  «  The  Empire 
of  the  Hittites  »,  (Tyler  et  W.  Wright).  —  The  Sonia  Plant.  (Leland). 

—  Lecoy  de  la  marche,  Les  manuscrits  et  la  miniature, 

The  Athencaeum,  n"  2984,  3  janvier  i885  :  Letters  a.  journals  ofMrs. 
Calderwood  of  Poitou,  1756,  edited  by  Alex.  Fergusson.  —  Sélections 
from  the  prose  writings  of  Swift,  with  a  préface  a.  notes  by  Stanley 
L\ne-Poole;  Notes  for  a  bibliography  of  Sv/ift,  by  Stanley  Lane 
P00LE.  —  Sir  Thomas  Baker,  Memorials  of  a  dissenting  Chapel,  its 
fcundation  a.  worthies,  being  a  sketch  of  the  rise  of  Nonconformity  in 
Manchester  a  of  the  érection  of  the  chapel  in  Cross  Sireet,  with  notices 
ot  its  ministers  a.  trustées.  —  Theological  books.  (Sharpe,  Notes  a.  dis- 
sertations upon  the  prophecyof  Hosea).  —  «  Greek  folk-song  ».  (Elliot 
Stock.)  —  Tuskan  hills  a.  venetian  waters.  —  «  The  Chantry  Priest  of 
Barney  »  —  St.  Vedast,  otherwise  St.  Foster.  (Wheatley).  —  Dr  Ran- 
ke's  eighty-ninth  birthday.  (M.   C.) 

Literarisches  Centralblatt,  n"  5o,  6  déc.  1884:  Die  samaritanische  Pen- 
tateuch-Version,  die  Genesis  in  der  hebr.  Quadratschrift  hrsg.  v.  Hei- 
DKNHEiM.  (Début  d'une  très  utile  et  importante  publication.)  —  Fraidl, 
die  Exégèse  der  siebzig  Wochen  Daniels.  (Fait  avec  le  plus  grand  soin.) 

—  Kahnis,  Ueber  das  Verhaltniss  der  alten  Philosophie  zum  Christen- 
thum.  (Instructif.)  —  Hirsch,  Ueber  die  Beziehungen  des  Talmuds  zum 
Judenthum.  (Fort  méritoire.)  —  Deutsch,  Peter  Abàlard,  ein  kritischer 
Theologe  des  XII.  Jahrhunderts.  (Ce  livre  aidera  à  mieux  comprendre 
la  théologie  d'Abélard  et  ce  sera  son  durable  mérite.)  —  Der  Brietwe- 
chsel  des  Justus  Jonas,  p.  p.  Kawerau,  I.  (Travail  solide  et  soigné  qui 
témoigne  d'un  grand  savoir,  d'une  profonde  connaissance  de  la  langne 
du  temps,  d'une  critique  réfléchie.)  —  Briefe  des  Pfalzgrafen  Johann 
Casimir  p.  p.  Bezold.  II,   1 582-1 586.  (Toujours  abondant  et  excellent.) 

—  Urkunden  u.  Actenstûcke  zur  Geschichte  des  Kurfursten  Fr.  W. 
von  Brandenburg,  Polit.  Verhandlungen,  V,  p.  p.  Erdmannsdorffer. 

—  TscHUDi,  Organismus  der  Khetsua-Sprache.  (Bonnes  recherches.)  — 
Go.MPERZ,  Ueber  ein  bisher  unbekanntes  gricchisches  Schriftsystem. 
(Cp.  Revue  critique,  n°  5o,  art.  209.) —  Homeri  Iliadis  carmina  sejuncta 
discreta  emendata  prolegomeniset  apparatu  critico  instructa  éd.  Christ, 
I.  — Saalfeld,  Thésaurus  italograecus.  (Quelques  défauts,  mais  l'éty- 
mologiste  consultera  cet  ouvrage  avec  profit  et  les  spécialistes  doivent 
l'avoir.)  —  Lévy,  Der  Troubadour  Bertolome  Zorzi.  (D'heureuses  con- 
jectures et  de  justes  éclaircissements.)  —  Lehmann,  Der  Bedeutungswan- 
del  im  Franzôsischen.  (Réunion  méritoire  de  faits  connus.)  —  Lamp- 
recht's  Alexander  p.  p.  Kinzel.  (Travail  qui  a  coûté  beaucoup  de  peine, 


qui  répond  à  un  besoin  depuis  longtemps  senti  et  qui  fait  à  Fauteur 
beaucoup  de  reconnaissants.) 

—  N"  5i,  i3  déc.  1884  :  Bestmann,  die  Anfange  des  Katholischen 
Ciiristenthums  u.  des  Islams.  —  Kolde,  Martin  Luther,  eine  Bio- 
graphie, II  u.  III.  —  Kern,  Der  Bnddhismus  u.  seine  Geschichle 
in  Indien.  (Clair  et  plein  de  détails  instructifs.)  —  Brodbeck, 
Mensch  u.  Wissen.  —  (Aristotelis  ethica  Eudemia.)  Eudemia  Rhodii 
ethica,  recogn.  Susemihl.  —  Fechner,  Ueber  die  Frage  der  Weber' 
schen  Textes  u.  Periodicitats^esetzes  im  Gebiete  des  Zeitsinnes.  — 
Santi,  Storia  del  Commune  di  Spoleto  dal  sec.  XII  al  XVII.  —  Frie- 
densburg,  Zur  Vorgeschichte  des  gotha-torgauischen  Bûndnisses.  i525- 
1626.  —  Sepp,  Maria  Stuart  u.  ihre  Anklager  zu  York,  Westminster  u. 
Hamptoncourt  oct.  i568,  jan.  iSôg.  —  Landau,  Rom,  Wien,  Neapel 
wâhrend  des  spanischen  Erbfolgekrieges.  (Travail  intéressant.)  —  Mor. 
Meyer,  Die  Handwerkerpolitik  des  Grossen  Kurfûrsten  u.  Kônig  Frie- 
drich's  I,  1649-1713.  (De  nombreux  et  instructifs  matériaux.) —  Ca- 
vour's  gedruckte  u.  ungedruckte  Briefe,  gesammelt  von  Chiala,  I. — 
Der  Hitopadescha,  altindische  Marchen  u.  SprtJche,  ûbers.  von  Schoen- 
berg.  (Traduction  destinée  au  grand  public.)  —  Mittheilungen  der  Rie- 
beck'schen  Niger  Expédition.  —  Reinisch  ,  Die  Chamirsprache  in 
Abessinien,  II.  —  Schleusinger,  Studie  zu  Caesar's  Rheinbriicke.  (Man- 
que de  connaissances  techniques.)  —  Gust.  Meyer.  Albanesische 
Studien,  II.  Die  albanesischen  Zahlwôrter.  (Témoigne  de  beaucoup  de 
soin  et  de  sagacité.)  —  Irische  Texte  mit  Uebersetzung  und  Wôrterbuch, 
hrsg.  V.  Stokes  u.  Windisch,  IL  Série,  I  Heft.  (Très  recommandable.) 
—  G.  Raynaud,  Bibliographie  des  chansonniers  français  des  xni^  et 
xiv'^  siècles,  tome  I,  2,  (Livre  très  utile  et  très  adroitement  fait,  qui 
vaudra  à  son  auteur  la  reconnaissance  de  tous  les  amis  de  l'ancienne 
littérature  française.)  —  Ausgaben  u.  Abhandlungen  aus  dem  Gebiete 
der  romanischen  Philologie^  hrsg.  v.  Stengel.  X-XVII.  —  Phipson 
(Emma),  The  folk-lore  of  Shakspeare's  time,  including  quadrupeds, 
birds,  reptils,  tish  and  insecls.  (Livre  d'une  lecture  très  intéressante, 
que  doivent  h're  tous  ceux  qui  s'intéressent  aux  légendes  animales  du 
rnoyen  âge  et  des  temps  postérieurs.)  —  J.  Martha,  Manuel  d'archéolo- 
gie étrusque  et  romaine.  (Livre  à  louer  dans  son  ensemble.)  —  Jordan, 
Marsyas  auf  dem  Forum  zu  Rom.  —  Beier,  Ueber  J.  J.  Froberger's 
Leben  u.  Bedeutung  lur  die  Geschichte  der  Claviersuite. 

—  N"  52,  20  décembre  1884:  Bickell,  Der  Prediger  ueber  den  Werth 
des  Daseins,  Wiederherstellung  des  bisher  zerstuckelten  Textes,  Ue- 
bersetzung u.  Erklarung,  et  Dichtungen  der  Hebraer,  zum  ersten  Maie 
nach  dem  Versmass  des  Urtextes  uebersetzt,  III.  Der  Psalter.  — 
A.  RiTscHL,  Geschichte  des  Pietismus  in  der  luther.  Kirche  des  XVII. 
u  XVIII  Jahrhunderts,  I  (Beaucoup  de  nouveau,  assez  difficile  à  lire). 
—  Krause,  Kant  wider  Kuno  Fischer  zum  ersten  Maie  mit  Hïilfe  des 
verloren  gewesenen  Kantischen  Hauptwerkcs  :  Vom  Uebergang  von  der 
Metaphysik  zur  Physik  vertheidigt.  —  Cohausen,  der  rôm'ische  Grenz- 
wall  in  Deutschland  (clair  et  sensé).  —  Ewald,  Die  Eroberung  Preus- 
sens  durch  die  Deutschen,  III.  —  Ant.  Lefèvre-Pontalis,  Jean  de 
Witt (œuvre  qui  respire  un  esprit  vraiment  scientifique  et  répond  à  tou- 
tes les  exigences).  —  Wiermann,  der  deutsche  Reichstag,  seine  Parteien 
u.  Grossen.  —  Werthheimer,  Geschichte  Oesterreichs^u.  Ungarns  im 
ersten  Jahrzehnt  des  XIX  Jahrhunderts,  I  (précieux  complément  aux 
œuvres  de  Béer  et  de  Fournier  qui  traitent  le  même  sujet).  —  Leiden- 
ROTH,  Indicis  grammatici  ad  scholia  Veneta  A  exceptis  locis  Herodiani 
spécimen.  —  Spiro,  De  Euripidis  Phoenissis  (de  la  sagacité,  mais  pas 
assez  de  réflexion  et  d'exactitude).  —  Biese,  Die  Eniwickelung  des  Na- 


I 

[ 

) 

turgefûhls  bei  den  Romern.  —  Aus  Th.  Kôrneis  Nachlass,  hrsg.  v. 
Latendorf.  —  Manstein,  Handbuch  der  russischen  Sprache  (fait  avec 
beaucoup  de  soin  et  aura  du  succès).  —  Albert,  Le  culte  de  Castor  et 
Pollux  en  Italie  (très  méritoire).  —  Pellegrini,  La  raccolta  archeologica 
Chiellini  in  Livorno.  —  Riegel,  Peter  Cornélius,  Festschrift. 

—  N"  f,  i^f  janvier  i885  :  Goblet  d'alviella,  L'évolution  religieuse 
contemporaine  chez  les  Anglais,  les  Américains  et  les  Hindous.  (Extrê- 
memeni:  intéressant  et  instructif.)  —  Knapp,  Beitruge  zur  Lebensge- 
schichte  Spangenberg's.  —  Bâcher,  Die  Agada  der  Tannaiten,  L  von 
Hillel  bis  Akiba.  —  G.  Schneider,  Die  Platonischc  Metaphysik.  — 
Cruck,  Quae  veteres  de  Pelasgis  tradiderint.  (Petit  livre  qui  sera  utile 
pour  de  futures  recherches  et  préservera  de  quelques  erreurs  vieilles  et 
nouvelles.)  —  Machatschek,  Geschichte  der  Bischufe  von  Meissen. 
(L'auteur  n'a  pas  la  moindre  idée  de  la  critique  historique.)  —  Zurbon- 
SEN,  Das  Chronicon  Campi  S.  Mariae,  1 185-1422.  —  Daendliker,  Ge- 
schichte der  Schweiz,  L  (Très  recommandable  ouvrage  et  qui  prouve 
les  progrès  que  Thistoire  de  la  Suisse  a  faits  depuis  Jean  de  Miiller.)  — 
Conrat  (Cohn),  Die  Epitome  exactis  regibus  mit  Anhangen  u.  einer 
Einleitung  :  Studien  zur  Geschichte  des  rômischen  Rechts  im  Mitte- 
lalter.  —  Cohn,  De  Heraclide  Milesio  grammatico.  (Recueil  complet 
des  fragments  d'Héraclide.)  —  Loewe,  Glossae  nominum,  accedunt 
eiusdem  opuscula  glossographica  collecta  a  G.  Goetz.  —  Appel,  De 
neutre  intereunte  in  lingua  latina.  (Très  abondant  et  intéressant.)  — 
Arno  Grimm.  Ueber  die  baskische  Sprache  u.  Sprachforschung,  Allge- 
meiner  Theil.  (Très  estimable.)  —  Das  Altprovenzalische  Boethiuslied 
hrsg.  v.  Hundgen.  (Etude  trop  longue  et  diffuse,  soignée,  en  certains 
endroits  insuffisante,  sans  rien  de  nouveau;  texte  quelquefois  assez  mal 
établi.)  —  Fabeldichter,  Satiriker  u.  Popularphilosophen  des  XVIIL 
Jahrhunderts  hrsg.  v.  Minor.  —  Kuhnert,  De  cura  statuarum  apud 
Graecos.  (Fait  avec  du  soin.)  —  Schreiber,  Die  Athena  Parthenos  des 
Phidias  u.  ihre  Nachbildungen.  (Œuvre  scientifique  fort  remarquable.) 

—  Drescher,  Die  Arreststunde  im  Lichte  der  Herbart-Ziller-Stoy'schen 
Ideen.  — Vogt,  Das  padagog.  Universitats-Seminar.  —  Rôhrich,  Théo- 
rie de  Téducation  d'après  les  principes  de  Herbart.  —  Das  Nibelungen- 
lied  fur  das  deutsche  Haus  bearb.  von  Engelmann. 

—  N"  2,  4  janvier  1884  :  Luthers  Briefwechsel,  bearb.  von  Enders. 

—  Vitte,  das  Leben  Tholucks,  I,  1799-1826.  —  Apell,  Argentora- 
tum;  (bon  travail  d'ensemble.) —  Mûcke,  Aus  der  Hohenstaufen  = 
und  Welfenzeit,  Heinrich  VI,  Kônig  Philipp  u.  Otto  IV  von 
Braunschweig.  (Favorable  au  parti  des  Stauffen.)  —  Wapler, 
Wallenstein's  letzte  Tage.  —  Petrich,  Aus  dem  Zeitalter  der  Befreiung, 
Pommersche  Lebens  und  LandesbiKler.  —  Usener,  Philologie  u.  Ges- 
chichtswissenschaft.  (Très  intéressante  étude.)  —  Winkler,  Ùraltaische 
Vôlker  u.  Sprachen.  (Livre  qui  renferme  un  nombre  incroyable  de 
choses  instructives  et  qui  causera  un  émoi  mérité.)  —  Krebs,  Die  Prâ- 
positionsadverbien  in  der  spateren  historischen  Gracitat,  I.  (Clair  et 
intéressant.)  —  Reissert,  Die  syntaktische  Behandlung  des  zehnsilbi- 
gen  Verses  im  Alexius-und  Rolandsliede.  (Travail  fait  avec  application 
et  bon  sens.)  —  Brauns,  Ueber  Quelle  u.  Entwicklung  der  altfranz. 
Cançun  de  saint  Alexis  verglichen  mit  der  provenzal.  Vida  sowie  den 
altengl.  u.  mittelhochdeutschen  Darstellungen.  (Etude  profonde.)  — 
Launitz,  Wandtafeln  zur  Veranschaulichung  antikcn  Lebens  u.  antiker 
Kunst,  fortges.  v.  Trendelenburg,  Taf.  XXI II,  Olympia  nach  den  Re- 

^Itaten  der  deutschen  Ausgrabungen  dargest.  v.  Bohn. 

Le  tuy,  imprimerie  Marc'nessou  Jils,  boulevard  Saint- Laurent.  2j. 


N"  4  Dix-neuvième  année        26  janvier  1885 


REVUE  CRlTICll 

D  •  ii  i  S  r  O  I  R  E    ET    DE    L  l  i'  T  E  R  A  T  U  H  E 

RECUEII.    HEBDOMADAIRE   PUBLIÉ    SOUS    LA    DIRECTION 

DE  MM.  J.  DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 


Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.  Cîujquet 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paiis,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.   —    Etranger,  23  fr. 


PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE    I,  A    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     1,' ÉCOLE     DES    LANGUES    ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

28,    RUE    BONAPARTE,     28 


Adresser  les  communications  concernant  la  re'daction  à  M.  A.  Chuquet 

{Au  bureau  de  la  llevue  :  rue  Ijonaparte,  a8). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 


KP^NEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

LES    FRAUDES     ARCHÉOLOGIQUES 

en  Palestine,  suivi  de  quelques  monuments  phéniciens  apocryphes, 
par  Ch.  Clermont-Ganneau.  Un  fort  volume  in- 18,  elzévir,  illustré 
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LES  LANGUES  D'AFRIQUE,  par  rob.»t  cust. 

In-i 8,  elzévir ., 2  5o 

LE    SAINT  SIÈGE,   LA   POLOGNE    ET 

MOSCOU    (15S2-1587),  parP,  PiEBuNG.  In-i8,elzév.     2  5o 

LA  GRÈCE  ANCIENNE  ET  MODERNE, 

considérées    sous    Taspect    religieux,     par    Ad.    Terzetti.    In    iS, 


elzévir. 


2  50 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n»  622,  !<■'•  janvier  i885  :  Mullinger,  The  University 
of  Cambridge  from  the  royal  injonctions  of  i535  llio  tlie  accession  of 
Charles  I,  — Prince  Rudolph,  Travels  in  the  East,  a  visit  lo  Egypt  a. 
the  Holy  Land.  —  Bradley,  The  wreck  of  the  «  Nisero  »  a.  our  capti- 
vity  in  "Sumatra.  —  Letter  from  Egypt.  (Sayce.)  —  The  University  of 
London  (Dyer).  —  «  Custom  and  raylh  »  (Lang).  —  «  Bezonian  » 
(Skeat).  —  «  Aureus  de  universo  »  (Lumby).  —  Valerius  Flaccus. 
(Hoskyns-Abrahall.)  —  Frohnefs  «  Kritische  Analekten  »  (Ellis).  — 
«  The  empire  of  the  Hittites  »  (Houghton.) 

The  Athenaeinn,  n"  2985,  10  janvier  i885  :  Dictionary  of  National  Bio- 
graphy,  edited  by  Leslie  Stephen,  vol.  I.  Abbadie-Anne. — Theworksof 
Gray,  edit.  by  Èdm.  Gosse,  4  vols.  (A  la  fois  soigné  et  complet.)  — 
Documents  épigraphiques  recueillis  dans  le  Nord  de  l'Arabie,  p,  p. 
DouGHTY.  —  LiTTLE,  Madagascar,  its  history  a.  people.  (Ne  satisfait 
nullement.) -— St.  Vedast.  (Kerslake,  Hudson  et  Tancock.)  —  Tyn- 
dale's  Testaments.  (Angus.)  —  Johnson  and  Mary  Wolistonecraft. 
(Alex.  Napier.)  —  The  Grimm  centenary.  —  «  Greek  folk-songs  » 
(Glennie  et  Gaarnett.)  —  Swift  (Stanley  Lane-Poole), 

Literarisches  Centralblatt,  n°  3,  10  janvier  i885  :  Schmidt,  Die  Kirche, 
ihre  biblische  Idée  u.  die  Formen  ihrer  geschichtl.  Erscheinung.  — 
Brieger,  Alexander  u.  Luther  i52r,  die  vervollstandigten  Aleander- 
Depeschen  nebst  Untersuchungen  iiber  den  Wormser  Reichstag,  I.  — 
V.  Fries,  Abriss  der  Geschichte  Chinas  (manqué  en  son  ensemble).  — 
Res  gestae  divi  Augusti,  p.  p,  Mommsen.  —  Frôhlich,  Die  Bedeutung 
des  zweiten  punischen  Heeres  fur  die  Entwickl.  des  rom.  Heerwesens 
(très  détaillé).  —  G.  Kohler,  zur  Schlacht  von  Tagliacozzo  (petit  écrit 
intéressant).  —  Peukert,  Die  Memoiren  des  Marquis  von  Valorv.  — 
Krause,  Proben  der  Sprache  von  Gliat  in  der  Sahara  (très  instructit).  — 
Lange,  Altjapanesische  Frûhlingslieder  aus  der  Sammlung  Kokinwa- 
kashu  (essai  qui  a  réussi).  —  Opsimathes,  Thésaurus  sententiarum  et 
apophtegmatum.  —  Pypin  et  Spasovic,  Geschichte  der  Slawischen  Li- 
teraturen,  II,  2  :  Cecho-Slovaken  (Très  remarquable).  —  Bindseil,  der 
deulsche  Aufsatz  in  Prima. 

Deutsche  Literaturzeitung,  n»  48,  29  novembre  1884  :  Stadler,  Kants 
Théorie  der  Materie.  —  Radestock,  Génie  und  Wahnsinn.  —  Holtz- 
MANN,  Grammatisches  aus  dem  Mahabharata  (recommandable).  — 
[Aristotelis  Ethica  Eudemia]  Eudemii  Rhodii  Ethica  adiecto  de  virtu- 
tibus  et  vitiis  libello  recogn.  Susemihl.  (Heitz  :  très  bon.)  —  Cam. 
Selden,  h.  Heines  letzte  Tage,  Erinnerungen,  aus  dem  franzôsischen  ; 
C.  Jaubert,  h.  Heine,  i833-i855;  H.  Heines  Memorien  und  neuge- 
sammelte  Gedichte,  Prosa  und  Briefe,  p.  p.  Engel.  (Jacoby.)  —  Tiktin, 
Studien  zur  rumiinischen  Philologie,  1.  (Gaster  :  quelques  critiques  à 
faire,  mais  l'auteur  a  lu  beaucoup).  —  Res  gestae  Divi  Augusti  ex  mo- 
numentis  Ancyrano  et  Apolloniensi  iterum;  éd.  Th.  Mommsen.  (Bor- 
mann  :  nouvelle  et  très  brillante  édition  à  tous  égards,  et  pour  le  texte 
et  pour  les  figures.)  —  F.  v.  Apell,  Argentoratum,  ein  Beitrag  zur 
Orstsgeschichte  von  Strassburg.  (HoUaender  :  peu  de  nouveau  sur 
l'histoire,  mais  beaucoup  de  choses  importantes  sur  la  situation  et  les 
fortifications  d'Argentoratum.)  —  Obser,  Wilfrid  der  Aeltere,  Bischof 
von  York,  ein  Beitrag  zur  angelsachsischen  Geschichte  des  VII.  Jahr- 
hunderts.  (Hahn  :  plusieurs  fautes,  mais  exposé  clair,  du  coup  d'œil 
historique  et  de  la  sagacité  critique.)  —  Bianchi,  La  politica  di  Mas- 
simo  d'Azzeglio  1848-1859.  —  Chavanne,  Carte  de  l'Afrique  cquato- 
riale  entre  le  Congo  et  l'Ogooué.  —  Grossiierzogliche  hessische  Silber- 


kammer.  Mustergiltige  Werkc  alter  Edelschmicdekunst  ans  dcm  XVI 
bis  XVIII  Jahrhundert  hrsg.  v.  Schuksiann  u.  Luthmër.  —  Vioi.lkt, 
Précis  de  l'histoire  du  droit  "français  accompagné  de  notions  de  droit 
canonique  et  d'indications  bibliographiques.  (Brunner  :  guide  très  es- 
timable pour  rhistoire  du  droit  français  et  qui  comble  une  lacune  sen- 
sible ;  le  seul  travail  qui  puisse  satisfaire  les  exigences  actuelles;  l'auteur 
connaît  la  littérature  du  sujet  et  est  arrivé  à  de  remarquables  résultats 
par  ses  recherches  originales.)  —  Steffenhagkn,  Die  Entwickelung  der 
Landrechtsglosse  des"  Sachsenspiegels.  —  M.  Meyer,  Geschichte  der 
preussischen  Handwerkerpolitik  nach  amtlichen  Quellen,  I.  Die  Hand- 
werkerpolitik  des  grossen  Kurfursten  u.  Konig  Friedrichs  I,  1640- 
1713.  (Stieda.)  —  Italiens  Wehrkraft. 

—  N«  49,  6  décembre  1884  :  Grafe,  Die  Paulinische  Lehre  von 
Gesetz.  —  Flint,  Vico  (Natorp  :  clair  et  impartial).  —  Ed.  Zeller, 
VortrJlge  u.  Abhandlungen,  III.  —  Hregaard,  Ueber  Erziehung,  eine 
Darstellung  der  Paedagogik  und  ihrer  Geschichte  —  Vietor,  Elemente 
der  Phoneiik  und  Orthoepie  des  Deutschen,  Franzôsischen  u.  Englis- 
chen.  (Clair,  sensé,  sagace,  fort  recommandable.)  —  Hermanns  Lehr- 
buch  der  griechischen  Antiquitaten  ,  neu  hrsg.  II,  i.  Alterthiimer. 
(Bûchsenschûtz  :   trop  de  notes  qui  auraient  dû  figurer  dans  le  texte.) 

—  Karg,  Die  Sprache  Steinhôwels.  —  Hôlderlin,  Dichtungen,  p.  p. 
KosTLiN.  —  G.  Sand,  Correspondance  18  12-1876,  V  et  VI;  G.  Flau- 
bert, Lettres  à  G.  Sand.  —  Lechner,  Das  Grosse  Sterben  in  Deutsch- 
land  1348-135 1  u.  die  folgenden  Pestepidemien  bis  zum  Schlusse  des 
XIV.  Jahrhunderts.  (Meitzen  :  plein  de  détails.)  —  Perrens,  Histoire 
de  Florence,  tome  VI.  (A  utilisé  la  littérature  du  sujet  et  fouillé  les 
archives,  style  élégant,  «  nur  etw^as  springend,  etwas  zu  sehr  pointiert 
und  ieicht  ermûdend  »)  —  Precht,  New- York  im  XVII.  .lahrhundert. 
(Rien  de  neuf,  mais  habilement  fait.)  — Werner,  Das  Kaiserreich  Ost- 
indien  u.  die  angrenzenden  Gebirgsliinder.  (Résumé  de  Schlagintweit.) 

—  Prschewalski  ,  Reisen  im  Tibet  u.  am  oberen  Lauf  des  Gelben 
Elusses  1879-1880.  —  PoTTiER,  Etude  sur  les  lécythcs  bhmcs  attiques 
à  représentations  funéraires.  (G  Robert  :  monographie  soignée  et  qui 
mérite  tous  les  éloges,  surtout  dans  la  seconde  partie.) 

—  N°  5o,  i3  déc.  1884  :  Dulk,  der  Irrgang  des  Lebens  Jesu,  I. 
Die  histor.  Wurzein  u.  die  galilaische  BlQte.  (Holtzmann  :  il 
faut  attendre  le  2«  vol.)  —  Plumacher,  Der  Pessimismus  in  Ver- 
gangenheit  u.  Gegenwart.  —  Sammlung  selten  gewordener  padag. 
Schriften  hrsg.  v.  Israël.  —  Ciceio's  Rede  fur  L.  Flaccus,  erkUirt  von 
Du  Mesnil  (Eberhard  :  très  satisfaisant.)  —  Ciceronis  ad  M.  Brutum 
Orator,  rec.  Heerdegen.  (Stangl  :  très  soigné.)  —  Goedeke,  Grundrisszur 
Geschichte  der  deutschen  Dichtung,  l.(Max  Roediger  :  nouvelleédition 
entièrement  remaniée.)  —  Mauerhof,  Zur  Idée  des  Faust.  (Minor  : 
œuvre  de  polémique.  —  Schiffer,  William  Dunbar  (Breul  :  travail  com- 
plet sur  le  Burns  de  la  vieille  Ecosse.)  —  Verdaguez,  L'Atlantide,  trad. 
par  Savine.  (Baist.)  —  Peiser,  Der  deutsche  (nvestiturstreit  unter  Ko- 
nig Heinrich  V  bis  zu  dem  pilbstlichen  Privileg  vom  i3  April  iiir. 
(Ribbeck.)  —  Kôcher,  Geschichte  von  Hannover  und  Braunschweig 
1648  bis  17 14,  I.  1648- 1668.    (Zimmermann  :  œuvre    très    méritoire.) 

—  Leist,  Die  Urkunde,  ihre  Behandlung  u.  Bearbeitung  fur  Edition  u. 
Interprétation.  (Bresslau  :  mal  fait.)  —  .Iohnston,  Der  Congo.  —  G.  Voss, 
Das  jûngste  Gericht  m  der  bildenden  Kunst  des  friihen  Mittelalters. 

—  N°  5  1 ,  20  déc.  1 884  :  Brunel,  Les  philosophes  et  l'Académie  fran- 
çaise au  xvni"  siècle.  (Natorp  :  œuvre  d'un  véritable  historien,  étude 
complète  des  sources,  jugement  mûr.)  —  Rotter,  Andréas  Ritter  von 
Wilhelm.  (Horawitz.)  — Benares  Sanskrit  Séries,  a  collection  of  sans. 


krit  words  editcd  by  the  Pandits  of  thc  Benares  Sanskrit  Collège  undcr 
the  superintendence  of  Griffith   a.   Thibaut.    (Weber.)  —  Ludwich, 
Aristarchs  homerische  Textkritik  nach  den  Fragmenter!  des  Didymos, 
I.  (Hinrichs.)  —  Wolfius,  Prolegomena  ad  Homerum,  vol.  I,editio  III 
quam  curavit  Peppmuller.  (Renner  :  édition  qui  surpassse  en  correc- 
tion les  éditions  peécédentes.)—  Herzfeld,  Zu  Ottes  Eraclius.  (Schroder  : 
bon  travail.)  —  Scherer,  Emanuel  Geibel.  (Petit  livre  écrit  avec  cha- 
leur et  plein  de  remarques  instructives.)  —  Erkelenz,    L'orthographie 
allemande  au  point  de  vue  historique  et   pratique.  (Seemûller   :   bon, 
quoique   sans  rien   de  nouveau.)  —   Raich,  Shakspeares  Stellung  zur 
katholischen  Religion.  'Zupitza  :  l'auteur  prétend  que  Shakspeare  était 
un  catholique  croyant!!  —  Thurot,  De  la  prononciation   française  de- 
puis le  commencement  du  xvie  siècle,  tome  II.  (Koschwitz  :  on  ne  peut 
qu'approuver  sur  tous  les   points  le  jugement  porté  sur  ce   livre  par 
G.  Paris  dans  Pavant-propos.;  —  Winkelmann,  Geschichte  der  Angel- 
sachsen  bis  zum  Tode  KOnig  Aelfreds.  iLiebermann  :  court,  mais  plein 
de  faits.)  —  (Jrkundenbuch  der  Stadt  Strassburg  III,  i  266-1  332,  bearb. 
V,  Schulte.  —  Aus  Hamburgs  Vergangenheit,  hrsg.  v.  Koppmann.  (In- 
téressant.) —   Graf  R  Anrep-Elmpt,  die  Sandwich-InseIn  oder  das  In- 
selreich  von  Hawaii.  — B  asti  an,  Zur  Kenntniss  Hawaiis.  —  Schaufuss, 
Giorgiones  Werke  unter  Berûcksichtigung  der  neuesten  Forschungen 
von  Crowe  u.  Cavalcaselle. 

—    N"    52,     27    décembre     1884  :    Ratzinger  ,     Geschichte     der 
kirchlichen     Armenpflege  ;    Uhlhorn,     Die    christliche     Liebesthatig- 
keit.    —    Andronici     qui    fertur     libelli    Trspi    TcaQwv    pars    prior    de 
affectibus,  éd.   Kreuttner.  (Wellmann  :    recherches  soignées).  —  Ed. 
Muller,  ]3ie  Hochschule  Bern  in  den  Jahren   1834  bis   1884.  —  Hei- 
DENHEiM,  Die  samaritanische  Peutateuch-Version. —  Krauss,  Sagen  und 
Marchen  der  Siidslawen  in  ihrem  Verhaltniss  zu  den  Sagen  und  Mar- 
chen  der  ûbrigen  indogermanischen  Vôlkergruppen,   II  (beaucoup  de 
légendes  intéressantes).  —  Die  ersten  drei  Kapitel  der  Metaphysik  des 
Aristoteles,  Grundtext,   deutsche  Uebersetz.   u.   Kritischexeget.  Com- 
mentar,  v.  Wirth.  (Susemihl  :  complément  très  utile  aux  travaux  de 
Bonitz  et  de  Schwegler.)— PAUCKER,Vorarbeiten  zur  lateinischen  Sprach- 
geschichte,  hrsg.    v"  Rônsch.  (Jordan.)  —  Trinummus  p.   p.   Schoell  ; 
Poenulus,  rec!"  Goetz  et  Loewe.  (Langen.)  —    Valentin  u.  Namelos, 
die  niederdeutsche  Dichtung,  die  hochdeatsche  Prosa,  die  Bruchstûcke 
der  mittelniederiandischen  Dichtung,  ne'ost  Einleitung,  Bibliographie 
u.  Analyse  des  Romans  v.  W.  Seelmann.   (Franck  :   texte   publié  avec 
soin).  —  Welti,  Geschichte  des  Sonettes  in  der  deutschen  Dichtung. 
(Minor  :  travail  excellent,  très  profond,  exécuté  par  un  homme  fort 
compétent.)  —  Hagberg,  Rolandsagan  till  sin  historika  karna  och  poe- 
tiska  omkladnad.  (Appel  :  petit  livre  aimable).  —  Beloch,  Die  attische 
Poliiik  seit  Perikles.  (Nitsche  :  histoire  des  partis  à  Athènes  et  de  leur 
influence  sur  la  politique  extérieure  de  l'état  depuis  le  commencement 
de   la  guerre  du  Péloponnèse  jusqu'à  la  tin  de  la  guerre  lamiaque; 
quelques  hypothèses  et  inconséquences;  mais  étude  pénétrante  et  pro- 
fonde.) —  Pflugk-Harttung,   Perikles  als   Feldherr.   (Landwehr  ;  on 
approuvera  le  jugement  de  l'auteur  sur  Périclès.)  —  Roth,  Rômische 
Geschichte,   1^  Àufl.  v.  Westekmayer,  IL —  Pflugk-Harttung,  Iter 
Italicum  (très  varié  et  très  abondant).  —  Veyries,  Les  figures  criopho- 
res  dans  l'art  grec,  Tart  gréco-romain  et  l'art  chrétien.  (Kekulé  :  cette 
étude  n'est  pas  très  profonde,  mais  elle  est  souvent  fine  et  attachante.) 


Le  Pu)-,  imprimerie  M  arches  s  ou  fils,  boulevard  Saint- Laurent,  si. 


N»  5  Dix-neuvième  année  2  février  1885 

"revue  critique 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL    HEBDOMADAIRE   PUBLIÉ    SOUS    LA    DIRECTION 

DE  MM.  J.DARMESTKTER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 
Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.  Chuquet 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.   —    Etranger,  ib  fr. 


PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE    LA    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE   l'École    des   langues  orientales   vivantes,   etc. 
38,    RUE    BONAPARTE,    28 


Adresser  les  couimiinications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 

KRNEST  LEROUX,   ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

LES    FRAUDES     ARCHÉOLOGIQUES 

en  Palestine,  suivi  de  quelques  monuments  phéniciens  apocryphes, 
par  Ch.  Clermont-Ganneau.  Un  fort  volume  in- 18,  elzévir,  illustré 
de  33  gravures 5  fr. 

LES  LANGUES  D'AFRIQUE,  pa,-  robe.t  cust. 

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LE    SAINT  SIÈGE,   LA   POLOGNE    ET 

MOSCOU    (1582-1587),  par  p.  PiEELiNG.  In-i8,elzév.     2  5o 

LA  GRÈCE  ANCIENNE  ET  MODERNE, 

considérées  sous  Paspect  religieux,  par  Ad.  Terzstti.  In-i8, 
elzévir..., 2  50 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n*'  6G3,  17  janvier  i885  :  Probyn,  Italy,  i8i5-i8i8. 
(Myers  :  delà  chute  de  Napoléon  i"''  à  la  mort  de  Victor  Emmanuel, 
livre  clair  et  concis  sur  les  causes  et  les  événements  qui  ont  lait 
Tunité  de  l'Italie.)  —  Swift's  prose  writings,  selected  by  Stanley  Lane- 
PooLE.  —  Gatschet,  a  migration  legend  of  the  Creek  Indians,  1,  — 
Leland,  Tiie  Algonquin  legends  of  New  England.  —  Waters,  Gun- 
drada  de  Warrenne,  wife  of  W.  de  Warrenne  of  Domesday,  the  first 
earl  of  Surrey.  —  More  Luther  literature  (Pearson  :  sur  la  Bibliotheca 
Lutherana,  les  «  Ungedruckte  Predigten  »  de  i53o,  et  la  «  Vorlesung 
Liber  das  Buch  der  Richter  »  p.  p.  Buchwald;  le  livre  de  Horawitz, 
«  J.  Heigerlin  genannt  Faber,  Bischof  von  Wien  »).  —  Discovery  of  a 
St.  Alban's  book.  (Duff  et  Bradshaw.)  —  An  unpublished  letter  of 
Hobbes.  —  «  Custom  and  myth  »  (Rhys  et  Hager).  —  «  Bezonian  » 
(Hall),  —  Kautzsch's  Grammatik  des  Biblisch-Aramâischen  (Stenhouse). 

—  The  original  meaning  of  màtri]  bhrâtr/  and  svasrf  (Max  Millier).  — 
«  The  empire  of  the  Hittites  »  (Tyler). 

The  Athenaeiim,  n"  2986,  17  janvier  i885  :  The  poetical  works  of 
John  Keats,  reprinted  from  the  original  éditions  with  notes  by  Pal- 
grave.  —  Friedmann,  Anne  Boleyn,  a  chapter  of  english  history,  1527- 
i536,  2  vols.  (Aucun  historien  n'a  étudié  cette  période  avec  un  plus 
grand  soin  que  l'auteur.)  —  Low  a.  Pulling,  The  dictionary  of  english 
history.  (Très  complet,  quoique  très  condensé;  1 1 19  pages  en  deux  co- 
lonnes; volume  quMl  faut  recommander  chaudement.)  Philoiogical 
books  (E.  MuLLER,  A  simplified  grammar  of  the  pâli  language;  Cust, 
(Les  langues  de  l'Afrique,  etc.)  —  «  Greek  folk-songs  »  (EUiot  Stock). | — 
Notes  from  the  greek  islands.  The  sun  (Bent).  —  Asbjornsen  (not.  né- 
crol.)  —  Hawkins,  Annals  of  the  french  stage  from  its  origin  to  the 
death  of  Racine.  2  vols.  (Quelques  erreurs,  mais  «  very  readable  »). 

Literarisches  Ceulralblatt,  n°  4,  17  janvier  i885  :  Beard,  Die  Reforma- 
tion des  XVI.  Jahrhunderts.  (Recueil  de  douze  conférences  traduites  de 
l'anglais.)  —  Nadrowski,  ein  Blick  in  Roms  Vorzeit  (brochure  d'un  dilet- 
tante). —  Zardo,  Albertino  Mussato  (clairet  soigné). —  Encyclopâdie  der 
neueren  Geschichte.  IV.  —  Horawitz,  Johann  Heigerlin,  genannt  Fa- 
ber, Bischof  von  Wien  (biographie  de  ce  peu  sympathique  humaniste). 

—  Cavour's  gedruckte  u.  ungedruckte  Briefe,  2  vols.  1 853-1 858.  — 
Bastian,  Die  Molukken,  Reiseergebnisse  u.  Studien.  —  Leist,  Graeco- 
italische  llechtsgeschichte.  (Très  bon  travail  dont  l'auteur  a  su,  par  de 
très  longues  études  détaillées,  surmonter  toutes  les  difficultés.)  —  Mer- 
KEL,  Abhandl.  aus  dem  Gebiete  des  rômischen  Rechts,  II,  tJeber  die 
Geschichte  der  classischen  Appellation.  —  Hoffory,  Prof.  Sievers  u. 
die  Principien  der  Sprachphysiologie  (argumentation  en  somme  étroite 
et  injuste).  —  La  vie  de  saint  Alexis,  p.  p.  G.  Paris.  (Texte  amélioré  en 
maint  endroit  et  édité  «  mit  gewohnter  Meisterschaft  ».)  —  Cuervo, 
Diccionario  de  construccion  y  regimen  de  la  lengua  castellana.  (Excel- 
lent, Tauteur  peut  devenir  le  Littré  espagnol).  —  Veyries,  Les  figures 
criophores  dans  l'art  grec,  l'art  gréco-romain  et  Tart  chrétien.  (Exposi- 
tion claire,  sans  critique,  beaucoup  de  finesse  et  de  savoir.)  —  Pottier, 
Etudes  sur  les  lécythes  blancs  attiques  à  représentations  funéraires.  (Ce 
travail  est  un  modèle  par  les  recherches  soignées  et  la  clarté  de  l'exposi- 
tion ;  l'auteur  domine  son  sujet  et  a  fait  une  des  meilleures  monogra- 
phies sur  ce  domaine.) 

Deutsche  Litteratur^citim?,  n»  i,  3  janvier  1884  Forster,  Ambrosius 
Bischof  von  Mailand.   (Bcnrath  :   fait  avec  soin.)  —  Wilken,   Das  Ma- 


triarchat  bei  den  alten  Arabern.  (Hurgronje  :  intéressant  travail  qui  a 
paru  en  hollandais.)  —  H.  D.  Mullek,  Sprachgeschichtlichc  Studien. 
(Mahlow  :  Fauteur  persiste  dans  un  point  de  vue  que  la  linguistique  a 
abandonné.)  —  Fick,  Die  homerische  Odyssée  in  der  ursprungl.  Sprach- 
form  wiederhergestellt  (Hinrichs  :  livre  important  et  instructif.)  — 
T.  Livii,  etc.,  éd.  MADVioet  Ussing,  vol.  III,  3i-35.  (H.  J.  Muller.)  — 
RoELTEKEN,  Dcr  zusammcngesetzte  Satz  bei  Berthold  von  Regensburg 
(Lohner  :  très  soigné).  —  Krause,  Friedrich  der  Grosse  u.  die  deutsche 
Literatur.  (L.  Geiger  :  sujet  souvent  traité  et  où  l'auteur  a  déployé 
beaucoup  d'habileté  et  de  savoir.)  —  Duncker,  Die  Bruder  Grimm. 
(W.  Scherer  :  plein  d'intérêt.)—  A  new  study  of  Shakespeare,  an  in- 
quiry  into  the  connection  of  the  plays  and  poems,  with  the  origins  ot 
the  classical  drama,  and  with  the  platonic^  philosophy,  through  the 
mysteries.  (Zupitza  :  n'est  nullement  convaincant.)  —  G.  Raynaud. 
Bibliographie  des  chansonniers  français  des  xiii«  et  xiV^  sipcles.  (Gas- 
pary  :"un  des  travaux  préliminaires  les  plus  nécessaires  pour  une  étude 
des  lyriques  du  moyen  âge.)  —  Wiedemann,  Aegyptische  Geschichte. 
(Erman  :  l'auteur  manque  de  connaissances  philologiques  et  de  criti- 
que.) —  Ed.  Meyer,  Geschichte  des  Alterthums,  I  :  der  Orient  bis  zur 
Begrundung  des  Perserreiches.  (Erman  :  excellent  ouvrage,  le  meilleur 
qui  ait  été  écrit  sur  l'ancienne  Egypte.)  —  Philipp^son.  La  contre-révo- 
lution religieuse  au  xvi''  siècle.  (Baumgarten  :  l'auteur  n'a  fait  que 
décrire  les  institutions,  à  l'aide  desquelles  la  contre-révolution  a  entre- 
pris son  œuvre;  il  a,  ici  comme  ailleurs,  travaillé  trop  vite.)  —  Blok, 
Eene  hollandsch  stad  in  de  middeleeuwen  et  Eene  hollandsch  stad 
onder  de  Bourgondisch-Oostenrijksche.  (Von  der  Ropp.) 

—  No  2,    10  janvier  1884  :   H.   Schmidt,  die   Kirche.  —  V.  Mayer, 
Hobbes.    —  Stoll,    Zur    Ethnographie    der     Republik     Guatemala. 

—  E.  H.  Meyer  ,  Indogermanische  Mythen  ,  1  ,  Gandharven- 
Kentauren.  (Kaegi  :  un  des  travaux  les  plus  importants  qui  aient 
paru  sur  la  mythologie  comparée.)  — J.  Girard,  Essai  sur  Thucydide. 
(Wilamowitz  :  livre  qu'il  faut  lire.)  —  Merguet,  Lexikon  zu  dcn 
Schriften  Caesars  u.  seiner  Fortsetzer,  I.  (Soin  et  exactitude  fort  remar- 
quables.) —  W.  Scherer,  Jacob  Grimm  (Schônbach  :  2"  édition  de  ce 
livre  distingué.)  —  Vising,  sur  la  versification  anglo-normande.  fSera 
utile.)  —  Hertzberg,  Geschichte  der  Byzantiner  u.  des  osman.  Reiches 
bis  gegen  Ende  des  XVI.  Jahrh.  (Lambros  :  excellent.)  —  Documents 
inédits  relatifs  à  l'histoire  de  la  Grèce  au  moyen  âge,  p.  p.  Sathas,  V. 

—  Oncken,  das  Zeitalter  Friedrichs  des  Grossen,  II.  (Wiegand  :  des 
erreurs  et  des  légèretés,  mais  cette  œuvre  est  extrêmement  intéressante 
et  écrite  avec  beaucoup  d'agrément.)  —  Herzog  von  Broglie,  Friedrich 
II  u.  Maria  Theresia,  1740-1742,  deutsche  Uebersetz.  v.  O.  Schwedel. 
(Wiegand  :  forme  brillante,  sujet  clairement  exposé,  tableaux  tracés  de 
main  de  maître,  mais  on  ne  devra  utiliser  le  livre  qu'avec  extrême  pré- 
caution, car  l'auteur  condamne  la  politique  de  Frédéric,  et  son  œuvre 
«  porte  presque  Tempreinte  du  pamphlet  ».)  —  Eicgelmann,  Die  Leib- 
eigenschaft  in  Russland. 

—  N"  3,17  janvier  i885  :  Sus.  Rubinstein,  Psychologisch  aesthetischc 
Essays.     —   Kautzsch,    Grammatik   des    Biblisch-Aramaischen.    (Lan 
dauer  :  trop  de  fautes  contre  les  plus  simples  règles  de  la  grammaire.) 

—  Themistii  quae  fertur  in  Aristotelis  Analyticorum  prioruni  librum  I 
paraphrasis  éd.  Wallies,  Anonymi  in  Aristotelis  Sophisticos  elenchos 
paraphrasis  éd.  Heyduck. —  Statius,  Thebais,  éd.  Kohlmann.  II,  2. 
lO.  Miiller  :  fin  d'un  travail  pour  lequel  n'était  pas  fait  l'auteur.)  — 
Becker,  Catalogi  bibliothecarum  antiqui,  I.  Catalogi  saeculo  XIII  ve- 
tustiores,  IL  Catalogus  catalogorum  posterioris  aetatis.  —  Schonbach, 


Die  Brûder  Grimm.  (Max  Roediger  :  destiné  au  grand  public.)  —  Gœ- 
ihes  Briefe,  hrsg.  v.  Strehlkil,  111.  (R.  M.  Werner  :  lia  de  cette  très 
estimable  publication.)  —  P'ornsogur  Sudrlanda,  Magus  Saga  .Taris, 
Konrads  Saga,  Baerings  Saga,  Flovcnts  Saga,  Bevers  Saga  und  inled- 
ning  utgifna  af  G.  Cederschiold.  —  Schmitz,  Portugiesische  Gramma- 
tik.  (Storck  :  a  besoin  d'être  corrigée  en  maint  endroit.)  — A.  de  Guber- 
NATis,  Storia  universale  délia  letteratura,  vol.  IX-XII  (beaucoup  de 
choses  intéressantes  et  originales).  —  Cohn,  Quibus  ex  fontibus  S.  Au- 
relii  Victoris  et  libri  de  Caesaribus  et  Epitomes  undecim  capita  priora 
fluxerint.  (Klebs.)  —  Libri  confraternitatum  Sancti  Galli  Augiensis 
Fabariensis  éd.  Piper.  —  Horawitz,  Johann  Heigerlin  (genannt  F'a- 
ber),  Bischof  von  Wien.  —  J.  B.  Weiss,  Lehrbuch  der  Weltgeschichte, 
VII,  das  Zeitalter  der  aufgekliirten  Selbstherrschaft.  —  Beseler,  Erleb- 
tes  und  Erstrebtes,  1809-1859  (très  instructif  et  important  pour  This- 
toire  de  notre  époque). —  Beitraege  zur  Landcskunde  Baierns. —  Kôstlin, 
Geschichte  der  Musik  im  Umriss,  3*  Auflage. 

Gœttingische  gelehrte  anzeigen,  n°  25,  10  déc.  1884  :  Dr.  Martin  Lulhers 
Werke,  kritische  Gesammtausgabe,  I  Band.  (Kolde  :  puisse  l'éditeur  de 
cette  vaste  publication,  Knaake,  mener  à  bonne  tin  Tentreprise,  et  don- 
ner enfin  une  édition  des  œuvres  complètes  de  Luther  vraiment  com- 
plète et  vraiment  digne  du  Réformateur.)  —  Quintus  Ennius,  eine  Ein- 
leitung  in  das  Studium  der  rômischen  Poésie,  von  Lucian  Miiller. 
(O.  Keller  :  beaucoup  de  points  douteux  et  non  démontrés,,  avec  un 
grand  nombre  de  bonnes  et  fines  remarques;  Féditeur  prend  aussi  un  ton 
trop  arrogant.)  —  E.  Meyer,  Geschichte  des  Alterthums,  I  Band,  Ge- 
schichte des  Orientes  bis  zur  Begrûndung  des  Perserreiches.(Ad.  Bauer  ; 
livre  qui  résume  excellemment  tous  les  résultats  acquis  dans  ces  derniè- 
res années  et  doit  être  recommandé  à  ceux  qui  veulent  s'instruire  sérieu- 
sement des  progrès  de  la  science;  de  tous  les  ouvrages  qui  traitent  le 
sujet,  celui-ci  est  le  plus  réussi.) 

Theologische  Literaturzeitimg,  n°  25,  i3  décembre  1884  :  Theologischer  ,_ 
Jahresbericht,  hrsg.  v.  Punjer,  i883.  —  Wordsw^orth,  The  Gospel  ac--  p 
cording  to  St.  Matthew  from  the  St.  Germain  ms.  (g.    i).   —   Ranke,  I 
Weltgeschichte,  das  Kaisertum  in  Constantinopel  u.  der  Ursprung  ro-  1 
manisch-germanischer  Konigreiche.  (O.  Harnack  :  quatrième  partie  où  I 
l'on  trouve,  non  pas  «  la  vie  germaine  et  l'empire  romain  »,  comme  le 
promet  l'auteur,  mais  Thistoire  des  rois  germains  et  des  empereurs  ro-  [ 
mains  ;  les  idées  fondamentales  sont  souvent  cachées  au  milieu  de  la 
foule  des  détails;  il  faut  lire  le  livre  en  son  entier  et,  à  ce  prix,  on  ap- 
prendra beaucoup.)  —  Pflugk-Harttung,  Iter  Italicum.  (O.  Harnack  : 
de  nouveaux  et  abondants  matériaux  pour  l'histoire  de  la  papauté;  of-  ; 
fre  une  foule  d'indications  pratiques  à  quiconque  veut  faire  en   Italie 
des  recherches  historiques.) —  Nitzsch,  Luther  und  Aristoteles. 

—  N"  26,  27  décembre  1884  :  Kautzsch,  Grammatik  des  Biblisch- 
Aramàischen.  (Budde  :  répond  à  toutes  les  exigences  de  la  science  ac- 
tuelle). —  Novam  Testamentum  graece  rec.  Tischendorf,  vol.  III, 
Prolegomena  scripsit  Gregory,  I.  —  Klostermann,  Problème  im  Apos- 
tehexte  neu  erortert.  —  Seep,  Quellenuntersuchungen  zu  den  grie- 
chischen  Kirchenhistorikern  et  Zur  Geschichte  Constantins  des  Grossen. 
(A.  Harnack  :  résultats  importants.) 


Le  Fuy,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint- Laurent,  23. 


N°  6  Dix-neuvième  année  9  février  1885 


REVUE  CRITiaUE 

D'HISTOIRE    ET   DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL    HEBDOMADAIRE   PUBLIÉ    SOUS    LA    DIRECTION 

DE  MM.  J.DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.MONOD,G.  PARI? 


Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.  Chuquet 


Prix  d'abonnement  ; 
Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.  —   Etranger,  23  fr, 


PARIS 

ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE    LA    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE   l'École    des   langues  orientales   vivantes,   etc. 
28,    RUE    BONAPARTE,    28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 

(Au  bureau  de  la  Revue  :  rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  V étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  ei 
non  par  commissionnaire ,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 


ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

LA  LÉGENDE  D'ÉNÉE  avant  Virgile,  par  J. -a.  Hild.  In-S.  3fr. 
JUVENAL"    Notes  biographiques,  par  J. -A.  HiLD.  In-8 2  fr. 

ÉTUDES  SUR  LA  VIE  DE  SÉNÈQU E,  par  m.  Hochart. 

In-8 , 6  fr. 

ROMAN    DE    RENART,     publié     par     Ernest     Martin. 

Volume  I.  L'ancienne  collection  des  Branches,  In-8 12  5o 

Volume  II.  Les  Branches  additionnelles.  In-8. 10  fr. 

DES  VARIATIONS  DE  LA  LANGUE    et  delà  métrique 
d'Horace  dans  ses  différents  ouvrages,  par  A.  Waltz.  In-8. ..     5  fr. 

DE    CARMINE  CIRIS,    auct.  a.  Waltz.  In-S 3fr. 

CROQUIS    ARTISTIQUES    ET    LITTÉRAIRES, 

par  J.  C0NDAMIN.  In-8,  papier  teinté 6  fr. 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n"^  664,  24  janvier  i885  :  The  works  of  Gray  in  prose 
and  verse,  p.  p.  Gosse  (Beeching).  —  E.  M.  de  Vogué.  The  true 
story  of  Mazeppa,  the  son  of  Peter  the  Great,  A  change  of  reign,  trans- 
lated  by  Millington.  (Hodgetts  :  très  brillant  et  très  soigné.)  —  Two 
books  of  réminiscences  :  Gallenga  ,  Episodes  of  my  second  life  ; 
O'sHEA,  Leaves  from  the  life  of  a  spécial  correspondent.  —  Benham, 
Winchester,  «  Diocesan  Historiés».  —  The  current  literature  of  the 
Madras  Presidency.  (Foulkes).  —  Lane-Poole's  «  Sélections  from 
Swift,  »  —  'Omar  Khayyâm  (Houtum-Schindler).  —  The  hunting  of 
the  wren.  (Ridgeway.)  —  An  old  epitaph.  (Novati).  — An  unpublished 
letter  of  Hobbes.  (Robertson).  —  «  Bezonian  »  (Wedgwood).  —  Odin. 
(Isaac  Taylor.)  —  «  Finn  »  and  «  Gwynn.  «  (Powel).  —  Pierson.  Mé- 
trique naturelle  du  langage (Lecki  :  compte  rendu  qui  analyse  l'ouvrage 
et  retrace  la  courte  carrière  de  Fauteur).  —  Some  arable  books  (Wil- 
ken,  das  Matriarchat  [Mutterrecht]  bei  den  alten  Arabern;  Wellhau- 
SEN,  Skizzen  und  Vorarbeiten,  I  ;  Al-Handâni's  Geography  of  the  ara- 
bian  peninsula,  p.  p.  D.  H.  Mûller).  —  A  law  of  latin  accentuation. 
(Wharton.)  —  Butler,  The  ancient  coptic  churches  of  Egypt.  (R.  S. 
Poole  :  excellent.) 

The  Athenaeum,  n"  2987,  24  janvier  i885  :  Parkman,  Montcalm  and 
Wolfe,  2  vols.  (Ouvrage  très  important,  vives  peintures,  réflexions  atta- 
chantes, l'auteur  est  un  des  plus  grands  historiens  qui  écrivent  en  an- 
glais.) —  Tregellas,  Cornish  worthies.  —  Correspondance  de  George 
Sand,  1812-1876.  —  The  Brontë  family.  —  St  Vedast,  otherwise  St. 
Poster.  (Roud  et  Hall.)  —  A  warning  (Stevenson  :  sur  l'histoire  de  la 
littérature  anglaise  de  M.  Aug.  Filon;  Tauteur,  a  commis  une  foule 
d'erreurs  :  ce  He  is  a  rash  and  ignorant  compiler,  hehas  read  but  few  of 
the  books  of  which  he  treats,  many  he  has  not  even  seen,  and  he  trades 
in  fuU  security  on  the  superior  ignorance  of  the  public  and  the  French 
Academy...  such  a  book  can  only  be  described  as  an  imposture.)  — 
Notés  from  Athens  (Hist).  —  The  Victory  of  Samothrace  at  the  Louvre. 

Litterarisches  Centralblatt  n°5,  24  janvier  i885  :  Harnack,  Lehre  der 
zwolf  Apostel.  (Mérite  Tattention  à  un  haut  degré.)  —  Natorp,  Fors- 
chungen  zur  Geschichte  des  Erkenntnissproblems  im  Alterthum. 
(Contribution  très  remarquable  à  l'histoire  de  la  philosophie  ancienne.) 
Schricker,  alteste  Grenzen  und  Gaue  im  Elsass.  (Résultats  certains; 
r  «  Alsace  »  était  primitivement  le  pays  entre  Selzbach  et  Eckenbach,  le 
Nordgau.)  —  Carini,  Gli  archivi  e  le  bibliotheche  di  Spagna,  I,  i. — 
Riant,  La  donation  de  Hugues,  marquis  de  Toscane  au  S.  Sépulcre,  et  les 
établissements  latins  de  Jérusalem  au  x'' siècle.  (Travail  qui  est  un  mo- 
dèle.)—  Poschinger,  Preussen  im  Bundestagi85i  bis  1859,  Documente 
der  preuss.  Bundestags-Gesandtschaft,  IV,  i85i-i858.  — Osthoff,  zur 
Geschichte  des  Perfects  im  Indogermanischen  mit  besonderer  Riicksicht 
auf  griechisch  und  lateinisch.  (Un  peu  diffus,  mais  des  points  de  vue 
nouveaux  et  des  solutions  définitives.)  —  Vising,  Sur  la  versification 
anglo-normande.  (Prolixe  et  ne  réfute  pas  ses  adversaires ,  surtout 
Suchier.)  —  O.  Zingerle,  Die  Quellen  zu  Rudolf's  Alexander.  (Plus 
longque  profond.)  — Geflligelte  Vorte,  p.  p.  Buchmann,  14^  edit.  revue 
par  Robert-tornow. 

TheologischeLiteraturzeitung,  n»  i,  10  janvier  i885  :  Koe,  De  Conjec- 
turaal-critick  en  het  Evangelie  naar  Johannes  ;  Baljon,  De  text  der 
brieven  van  Paulus  aan  de  Romeinen,  de  Corinthiërs  en  de  Galatiërs. 
— E.  Havet,  Le  christianisme  et  ses  origines,  IV.  (^Harnack  :  cet  ouvrage 
laisse  des  impressions  très  mêlées;  on  se  sent  parfois  transporté  au  mi- 


lieu  du  siècle  dernier,  et  de  nombreuses  parties  du  livre  pourraient 
être  écrites  par  un  contemporain  et  ami  de  Voltaire.  Cest  en  cela  que 
consistent  la  force  et  la  faiblesse  de  l'auteur;  sa  faiblesse,  car  il  a  un 
idéal  d'humanité,  qui  l'a  rendu  injuste  envers  la  religion  positive;  il  ne 
se  soucie  guère  des  travaux  dont  Thistoire  de  l'ancienne  littérature 
chétienne  a  été  Tobjet  depuis  le  temps  de  Voltaire.  Mais  le  bon  sens  a 
aussi  sa  vertu,  et  comme  le  bon  sens  a  toujours  voix  prépondérante, 
l'auteur  a  raison  sur  d'importantes  questions.)  —  Plenkers,  Der  Dilne 
Niels  Stensen,  ein  Lebensbild  —  Friedrich  von  Hardenberg,  genannt 
Novalis,  eine  Nachlese  aus  den  Quellen  des  Familienarchivs,  2"  Aufl. 

Zeitschrift  fur  neufranzœsische  Sprache  und  Litteratur,  i883.  Partie  I.  — 
Mémoires.  P.  i.  H.  P.  Junker.  Studien  ûber  Scarron.  —  P.  42. 
C.  Humbert.  Victor  Hugo's  Urteile  uber  Deutschland.  —  P.  5  3. 
R.  Mahrenhoitz.  Voltaire-Analekten.  —  P.  81.  F.  Zverina.  Replik  m 
Sachen  der  Satyre  Ménippée.  —  P.  107.  H.  Welti.  Die  Astrée  des  Ho- 
noré d'Urfé  und  ihredeutschen  Verehrer.  —  P.  120.  A.  Reissig.  Jean- 
Baptiste-Louis  de  Gresset.  —  P.  i38.  A.  Lûder.  Carlo  Goldoni  in 
seinem  Verhaltnis  zu  Molière.  —  P.  161.  A.  Lûder.  Carlo  Goldoni  in 
seinem  Verhiiltniszu  Molière.  —  TSchluss).  —  P.  178.  R.  Mahrenhoitz 
Nachlesen  auf  dem  Gebieteder  Molière-Littératur  —  P.  206.  J.  Frank. 
Duplik  in  Sachen  der  Satire  Ménippée.  —  P.  220.  W.  Schefïler.  Ueber- 
blick  uber  die  Geschichte  der  franzosischen  Volksdichtung.  —  P.  241. 
W.  Schefïler.  Ueberblick  ûber  die  Geschichte  der  franzosischen  Volks- 
dichtung (Schluss).  —  P.  244.  A.  Reissig.  Sébastien-Roch-Nicolas  Cham- 
fort.  —"p.  25o.  F.  Zverina.  Beitrage  zur  franzosischen  Lexikographie. 

—  P.  281.  R.  Mahrenhoitz.  Vergessenes  und  VerschoUenes.    (Aus  der 
franzosischen  Litteratur  des  18.  Jahrhunderts). 

Partie  IL — Articles  critiques  et  analvtiques.  P.  i.  G.  Willenberg,  H. 
Breyinann,  Die  Lehre  vom  franz.  Verb  etc.  Zur  Reform  des  neuspra- 
chlichen  Studiums.  C.  von  ReinhardstiJttner,  Gedanken  liber  das  Stu- 
dium  dermodernen  Sprachen  in  Bayern  etc.  Heft  1.  und  II.  —  L.  :  H. 
Karting,  Ueber  zwei  religiôse  Paraphrasen  P.  Corneille's  :  «  L'Imitation 
de  Jésus-Christ  »  und  die  «  Louanges  de  la  Sainte- Vierge  ».  Ein  Beitrag 
zur  Gorneille-Forschung.  —  P.  25.  Litterarische  Chronik.  W.  Knorich, 
Schulausgaben. — E.SecVetan, Chronique  littéraire  de  la  Suisse  romande. 

—  P.  38.  Zeitschriftenschau.  F.  Zverina.  Zeitschrift  fur  das  Realschul- 
wesen.  Ph;  Plattner.  L'Instruction  publique;  Deutsche  Litteratur-Zei- 
tung  ;  Magazin  fur  die  Litteratur  des  In-  und  Auslandes  ;  Revue  criti- 
que^ R.  Mahrenhoitz.  Molière-Museum.  —  P.  45.  Osterreichische 
Programme.  F.  Zverina.  Osterreichische  programme.  —  P.  48.  Miscel- 
LEN.  R.  Mahrenhoitz.  Ein  Tendenzroman  A.  Daudet's.  R.  Meyer.  Zu 
Sachs' Worterbuch.  A.  Heyn.  Zu  Sachs'  Wôrterbuch.  —A.  Kressner. 
Nachtrage  zu  dem  franzosischen  Wôrterbuch  von  Sachs. — Deutsche  Lit- 
teratur-Zeitung.  Mitteilung  aus  derselben.  — D.  Behrens.  Kreut^berg, 
Bohmer'sphonetische  Transcription  etc. —  M.Gisi.  Zu  Sedaine.  — P.  65. 
KritIsche  Anzeigen.  D.  Behrens.  A.  Risop,  Die  analogische  Wirk- 
samkeit  in  der  franzosischen  Konjugation.  —  P.  8i.  Litterarische 
Chronik.  D.  Behrens.  Ausgaben.  —  G.  Willenberg.  Schulbucher.  — 
W.  Munch.  Pâdagogische  Schriften. —  Eug.  Secretan.  Chronique  litté- 
raire de  la  Suisse  romande.  —  P.  96.  Zeitschriftenschau.  D.  Behrens. 
Zeitschrift  fiir  romanische  Philologie;  Romania;  Revue  des  langues 
romanes;  Litteraturblatt  fur  germanische  und  romanische  Philologie; 
Revue  politique  et  littéraire;  Magazin  fur  die  Litteratur  des  In- und 
Auslandes;  L'Athénœum  Belge;  Revue  scientifique;  Le  Correspon- 
dant ;  Annales  de  la  Faculté  des  lettres  de  Bordeaux  ;  Le  Livre  ;  Bulle- 
tin du  bibliophile. — Ph. Plattner.  Blatter  fur  das  baierischeGymnasial- 


und  Reaischuhvesen. —  C.Th.  Lion.  Centralorgan  fur  die  Interessen  des. 
Realschulvveseiis;  Neue  Jahibucher  fur  Philologie  und  Padagogik;  Lit- 
terarische  Centralblatt.  —  P,  117,  Miscellen.  G.  Willenberg.  Zur 
Konstruktion  von  falloir.  —  G.  Erzgraeber.  Hauptregeln  der  franzôs. 
Syntax  nebst  Musterbeispielen  von  Dr.  R.  Brunnemann.  —  A  Spohn. 
Ueber  den  Gebrauch  des  Konjunktivs  bei  Joinville.  — W.  Knorich.  Zu 
Molière's  Misanthrope. — R.Mahrenhohz.  Der  «  Panégyrique  de  l'Ecole 
des  Femmes  ».  —  P.  129  Referate  und  Rezensionen  W  Brummert. 
J.  F/ezo;;^,  Marivaux  et  le  Marivaudage. — W.  Knorich.  R.  Mahrenholt^, 
Voltaire-Studien. — R.Mahrenholtz,  A.  Laun,  Molière's  Werke. — J.  Sar- 
razin.  O.  Weber  :  A.  Barbou,  Victor  Hugo  et  son  temps.  G.  Brandes, 
Die  Litteratur  des  XIX.  Jahrhunderts  etc.  —  P.  17?.  Lttterarische 
Chronik.E  Koschwitz  und  A.  Haase:  Grammaire  und  Metrik. — C.Th. 
Lion.  Verhandlungen  der  preussischen  Direktoren - Versammlungen 
liber  den  franzosischen  Unterricht,  —  Ph.  Plattner.  Vokabularien,  Kon- 
versationsbiicher,  Phraséologie  und  Synonymik.  A.  KIotzsch.  Padago- 
gische  Schriften. —  A.  Rambeau.  Schulgrammatiken. — P.  2o5.  Miscel- 
len. R.  Mahrenholtz,  H.  Kôrting  und  E.  K.  — P.  209.  Referate  und 
Rezensionen.  J.  Sarrazin.  Ces  Villatte,  Parisismen  etc  —  P.  216. 
L1TTERARISCHE  Ghronik.  g.  Th.  Lion.  Schulausgaben.  — W.  Mûnch. 
Schulbijcher. —  A.  Rambeau.  Schulgrammatiken. —  P.  239.  Miscellen. 
E.  Koschwitz,  R.  Meyer,  Ph.  Plattner.  —  P.  248.  Verzeichnisse.  Sys- 
tematisches  Verzeichnis  der  in  der  «  Revue  des  deux  Mondes  »,  Jahr- 
gang  1882,  enthaltenen  Artikel,  sowie  der  in  ihrem  «  Bulletin  biblio- 
graphique »  angezeigten  Bûcher.  —  H.  Aschenberg,  Systematisches 
Verzeichnis  der  in  Band  V.  der  «  Zschr.  f.  nfrz.  Spr.  u.  Litt,  »  bespro- 
chenen  oder  erwahnten  Bûcher  und  Schriften. 


ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 
PUBLICATIONS  DES  FACULTÉS  DES  LETTRES 


BULLETIN   DE  LA  FACULTÉ    DES    LETTRES   DE 

CAEN.  Bulletin  mensuel.  Première  année.  Prix  du  numéro,      i  25 

ANNALES   DE    LA   FACULTÉ    DES    LETTRES    DE 

BORDEAUX  ,   rédigées    par    les     professeurs    des    Facultés    de 
Bordeaux  et  de  Toulouse. 

Ancienne  série.  Cinq  années.  Cinq  volumes  in-8 5o  fr. 

Nouvelle  série.  1884.  Abonnement  annuel. = 10  fr. 

BULLETIN  DE  LA  FACULTÉ  DES  LETTRES  DE 

POITIERS.    Bulletin  mensuel.  Abonnement 10  fr. 

Années  i883,  18S4.  2  volumes   in-8. 20  fr. 

ANNUAIRE  DE  LA  FACULTÉ  DES  LETTRES  DE 

LYON.    Souscription  annuelle 10  fr. 

Tomes  I  et  II,.i8?i3,  1884.  I"-8-  Chaque 10  fr. 


Le  Puy,  imprimerie  Marchessou  <ils,   boulevard  Saint- Laurent,  23. 


I 


N»  7  Dix-neuvième  année        16  février  1885 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET   DE    LIT  T  E  R  A  T  U  K  E 

RECUEIL    HEBDOMADAIRE   PUBLIE    SOUS    LA    DIRECTION 

DE  MM.  J.  DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 


Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.  Ghuquet 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.  —   Etranger,  25  fr. 


PARIS 

ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE    LA    SOCIÉTÉ    ASIATIQUE 

DE   l'École    des   langues  orientales   vivantes,   etc. 
28,    RUE    BONAPARTE,    28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Ghuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  rue  Bonaparte,  28), 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 

ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

LA  LÉGENDE  D'ÉNÉE  avant  Virgile, par  J.-A.Hild.  In-8.  3fr. 
JUVENAL'    Notes  biographiques,  par  J. -A.  Hild.  ln-8 2  fr. 

ÉTUDES  SUR  LA  VIE  DE  SÉNÈQUE,  par  M.  Hochart. 

In-8 6  f r. 

ROMAN    DE    RENART,     publié     par     Ernest     Martin. 

Volume  I .  L'ancienne  collection  des  Branches.  In-8 12  5o 

Volume  II.  Les  Branches  additionnelles.  In-8 10  fr. 

DES  VARIATIONS  DE  LA  LANGUE    et  delà  métrique 
d'Horace  dans  ses  différents  ouvrages,  par  A.  Waltz.  In-8. . .     5  fr. 

DE   CARMINE  CIRIS,   auct.  a.  Waltz.  In-8 3  fr. 

CROQUIS    ARTISTIQUES    ET    LITTÉRAIRES, 

par  J.  Gondamin.  In-8,  papier  teinté 6  fr. 


e 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n"  665,  3i  janvier  i885  :  Reg.  Lune  Poole,  Illustra- 
tions of  the  history  of  mediaeval  thought  in  the  departments  of  theo- 
iogy  a.  ecclesiastical  politics.  —  Memorials  of  James  Hogg.  the  Ettrick 
Shepherd,  edited  by  his  daughter,  Mrs.  Garden,  with  préface  bv  prof. 
Veich.  —  Capt.  J.  Buchan  Telfer,  The  Chevalier  d'Eon  de  Beaumont, 
minister  plenipotentiary  from  France  to  Great  Britaia  in  1763. 
(Purcell  :  c'est  plus  qu'un  supplément  aux  recherches  du  duc  de 
Broglie).  —  Grimm's  household  taies  with  the  author's  notes,  translated 
from  the  german  a.  edited  by  Margaret  Hunt,  with  an  introd.  by  A. 
Lang.  3  vols.  —  The  teaching  of  the  twelve  apostles,  X'.oxyjt  twv  owor/.a 
'A'::3aT;Awv,  a  translation  with  notes  a.  excursus,  by  Canon  Spence.  — 
Lesson,  Les  Polynésiens,  leur  origine,  leurs  migrations,  leur  langage, 
ouvrage  rédigé  craprès  le  manuscrit  de  l'auteur  par  Lud.  Martinkt, 
rome  IV.  —  An  unpubiished  letter  of  Thomas  Hobbes.  (Aitken.)  — 
Odin  (Vigfusson).  —  Aeschyli  Fabulae  cum  lectionibus  et  scholiis 
codicis  Medicei  et  in  Agamemnonem  codicis  Florentini  ab  Hieronymo 
Vitelli  denuo  oollatis,  éd.  Wecklein,  2  vols.  (Campbell  :  très  remar- 
quable.) —  The  Soma  plant.  (Houtum-Schindler).  —  The  original 
raeaning  of  mâtr/,  bhrâtrz,  svasri  (Arnold).  —  Egypt  Exploration 
Fund.  (R.  St.  Poole.) 

The  Atheiiaeiim,  n»  2988,  3i  Janvier  i885  :  George  Eliot's  life,  as 
related  in  her  letters  and  journals,  arranged  a.  edited  by  her  husband 
Cross,  3  vols,  (i'^'"  art.)  —  Leland,  The  Algonquin  legends  of  New 
England.  —  Thornill,  The  personal  adventures  a.  expériences  of  a 
magistrate  during  the  rise,  progress  and  suppression  of  the  indian 
mutiny.  (Très  intéressant.)  —  Reg.  Lane  Poole,  Illustration  of  the 
history  of  mediaeval  thought  in  the  departments  of  theology  and  eccle- 
LÙastical  politics.  —  Mrs.  Speety,  My  wanderings  in  the  Soudan,  2  vois. 

—  The  death  of  Catherine  of  Aragon  (Norman  Moore).  —  Relies  of 
totemism.  (Gomme.) — Gochran- Patrick,  Catalogue  of  the  medals  of 
Scotland  from  the  earliest  period  to  the  présent  time. 

Literarischss  Centralblatt,  n°  6,  3i  janvier  iS85  :  Novum  Testamentum 
graece  p.  p.  Tischendorf,  III.  —  Bissinger,  Uebersicht  iiber  Urge- 
chichte  des  badischen  Landes.  —  Turmair^s  Aventinus  Annales  ducum 
Boiariae,  Bayerische  Chronik.  —  Kôcher,  Geschichte  von  Hanno-- 
ver  und  Braunschv>--eig  1648  bis  1714,  I.  (Excellent  travail  qui 
renferme   d'innombrables   matériaux   fort  habilement  mis  en   œuvre.) 

—  LoRCK,  Handbuch  der  Geschichte  der  Buchdruckerkunst,  II.  Wie- 
der  Erwachen  und  neue  Bliithe  der  Kunst,  175  i- 1882.  (Très  recom- 
mandable.)  —  Aristophanis  Ecclesiasuzae,  rec.  Velsen.  —  Luebke, 
Observationes  criticae,  I  De  comoediae  licentia  legibus  coercita,  II.  De 
Aristophanis  cum  aequalibus  poetis  comicis  amicitia  et  simultate.  (Té- 
moigne que  l'auteur  a  été  à  bonne  école.)  —  Ten  Brink,  Chaucer's 
Sprache  und  Verskunst.  (Livre  qui  épuise  le  sujet,  exposition  concise, 
prix  modéré,  livre  qui  se  trouvera  dans  les  mains  de  tous  ceux  qui  veu- 
lent étudier  à  fond  le  vieil  et  le  nouvel  anglais.) —  Elsàssische  Volkslie- 
der,  gesammelt  u.  hrsg.  v.  Mundel.  (256  chants  populaires  de  toutes 
sortes.)  —  TopPERT,  Richard  Wagner,  sein  Leben  und  seine  Werke. 
(Brochure  de  cent  pages,  le  meilleur  écrit  sur  Wagner  depuis  la  mort 
du  musicien.)  —  Pohl,  Richard  Wagner.  (Brochure  de  78  pages,  sé- 
rieusement faite.) 

Deutsche  Literaturzeitung.  n"  4,  24  janvier  i885  :  Edmond  Stapfer,  La 
Palestine  au  temps  de  Jésus-Christ.  (Wolf  :  fait  avec  très  grand  soin  et 


abondant.)  —  O.  Volkmar,  Lehrbuch  der  Psychologie.  —  Die  Matrikel 
der  Universitat  Heidelberg,  i386-i662,  p.  p.  Toepke,  I.  —  Brauns. 
Japanische  Milrchen  und  Sagen.  (Lange  :  recueil  très  intéressant.)  — 
Altjapanische  Fruhlingslieder  aus  der  Sammlung  Kokinwakashu 
ûbersetzt  u.  erlautert  v.  Lange.  (Schott.)  —  Acta  seminarii  philologici 
Erlangensis  éd.  Iwan  Muller  u.  A.  Luchs  (Dittenberger.)  —  Inhoof- 
Blumer,  Monnaies  grecques,  et  Choix  de  monnaies  grecques  de  la  col- 
lection de  F.  Imhoot  —  Blumer.  (R.  Weils;  la  publication  la  plus  abon- 
dante et  la  plus  variée  par  son  contenu  qui  ait  paru  depuis  longtemps 
sur  le  domaine  de  la  numismatique  grecque.)  —  Otfrids  Evanyelien- 
buch,  p.  p.  Piper,  II,  Glossar  u.  Grammatik.  (Seemuller  :  fin  de  cette 
édition  qui  ne  vaut  pas  d'ailleurs  celle  de  Kelle.)  —  Schùll,  Gesam- 
melte  Aufsâtze  zur  klassischen  Litteratur  alter  u.  neuerer  Zeit. 
(Ulrichs  :  recueil  d'essais  où  la  critique  historique  s'unit  à  la  critique 
esthétique.)  --  Lieder  der  alten  Edda,  deutsch  durch  die  BrûderGrimm, 
neu  hrsg.  v.  Hoffory.  (Roediger.)  —  Gaspary,  Geschichte  der  italienis- 
chen  Literatur,  I.  {Wiese  :  laisse  bien  loin  derrière  lui  tous  les  ouvrages 
précédents,  a  consulté  consciencieusement  tout  ce  qui  a  paru  sur  la  ma- 
tière; lait  d'ailleurs  non  seulement  pour  les  spécialistes,  mais  pour  le 
grand  public.)  —  V.  Stern,  Geschichte  der  spartanischen  u.  theban. 
Hégémonie  vom  Kônigsfrieden  bis  zur  Schlacht  bei  Mantinea.  (Niese  : 
beaucoup  de  bonnes  choses  dans  le  détail.)  —  Schliephake,  Geschichte 
von  Nassau,  fortg.  von  Menzel  ,  VI  Band.  —  Correspondance  de 
M.  de  Remusat  pendant  les  premières  années  de  la  Restauration.  — 
Max  Muller,  Biographische  Essays.  (Recueil  de  neuf  essais,  entre 
autres  sur  Colebrook,  MohI,  Bunsen,  Kingsley,  l'étude  sur  Colebrooke 
est  la  plus  importante.  —  E.  Hermann,  die  Standegliederung  bei  den 
alten  Sachsen  u.  Angelsachsen. 

—    N"   5,    3i    janvier    i8S5   :    Biedermann,   Christliche   Dogmatik. 

—  Literarische  Correspondenz  des  Pàdagogen  F.  E.  von  Rochov^  mit 
seinen  Freunden,  hrsg.  v.  Jonas.  —  Gutersohn,  Beitrage  zu  einer 
phonetischen  Vocallehre  (  rien  d'important  et  de  nouveau  ).  — 
Reitzenstein,  De  scriptorum  rei  rusticae  qui  intercedunt  inter  Cato- 
nem  et  Columellam  libris  deperditis.  (Jordan  :  soigné  et  clairement 
écrit.)  —  Die  Gedichte  des  Catullus  hrsg.  v.  Riese.  (Léo  :  commentaire 
utile,  mais  le  jugement  de  l'auteur  n'est  pas  toujours  sûr).  —  Elster, 
Beitrage  zur  Kritik  des  Lohengrin.  (A.  Schmidt  :  recherches  menées 
avec  sagacité  et  circonspection.)  —  Schlossberger,  Neuaufgefundene 
Urkunden  ûber  Schiller  u.  seine  Familie.  —  Sam.  Berger,  La  Bible 
française  au  moyen  âge;  Bonnard,  Les  traductions  de  la  Bible  en  vers 
français  et  au  moyen  âge.  (Deux  ouvrages  qui,  par  l'étendue  de  leurs 
matériaux  et  la  profondeur  de  leurs  recherches,  appartiennent  à  ce 
qu'on  a  écrit  de  plus  important  dans  ces  dernières  années  sur  le  domaine 
de  l'histoire  littéraire  du  vieux  français.)  —  Bormann,  Bemerkungen 
zum  schriftlichen  Nachlasse  des  Kaisers  Augustus  (Nissen  :  explica- 
tions détaillées  et  sagaces).  —  Monumenta  Germaniae  historica,  Die 
Urkunden  Conrads  I,  Heinrichs  I  und  Ottos  I.  (Steindorff.)  —  Juste, 
La  révolution  brabançonne  (1789)  et  La  république  belge  (1790).  — 
Codex  diplomaticus  Saleniitanus.  p.  p.  Weech,  I,    ij 34- 1266.    (Boos.) 

—  Nomina  geographica  neerlandica,  geschiedkundig  onderzoek  der  ne- 
derlandsche  aardrijkskundige  namen,  onder  redactie  van  Dornseiffen, 
Gallée,  Kern,  Naber,  Rogge  uitgegeven  door  det  nederlandsch  aar- 
drijkskundig  genootschap.  —  A.  Weber,  Leben  und  Werke  des  Bild- 
hauers  Dill  Riemenschneider.  —  Deumer^  Der  rechtliche  Anspruch 
Bôhmen-Oesterreichs  auf  das  kôniglich  sâchsische  Markgrafentum  Ober- 
lausitz.  —  C.  Friedrich,  Die  deutschen  Glaser,  Beitrag  zur  Termino- 


logie  u.  Geschichte  des  Glases,  hrsg.  v.  bairischea  Gewerbemuseum  zu 
Nûrnberg. 

Revue  de  l'instruction  publique  en  Belgique,  tomeXXVIIl,  i'''=  livraison  : 
P.  Thomas,  sur  quelques  irrégularités  dans  Temploi  des  négations  en 
latin. — Omont,  Catalogue  des  manuscrits  grecs  de  la  Bibliothèque  royale 
de  Bruxelles  (suite).  —  Comptes  rendus  :  Gliges  von  Christian  von 
Troyes,  hrsg.  v.  W.  Foerster.  (Wilmotte  :  art.  qui  renferme  beau- 
coup d'observations.)  —  Ziemer,  Vergleichende  Syntax  der  indogerma- 
nischen  Comparation  insbesondere  der  Comparationscasus  der  indo- 
germanischen  Sprachen  und  sein  Ersatz.  (Orterer  :  ouvrage  composé 
avec  beaucoup  de  soin  et  qui  dénote  chez  son  auteur  une  connaissance 
approfondie  de  son  sujet.)  —  Plate,  cours  gradué  de  langue  anglaise, 
I.  Cours  élémentaire,  édition  française  par  Koenig.  (Hegener  :  ne  ren- 
ferme que  des  coq-à-l'àne,  des  inepties,  des  absurdités.)  —  Roumen  et 
Severyn,  Cours  pratique  de  langue  anglaise,  i""'=  année  (Vercoullie  :  ce 
manuel  a  beaucoup  de  bonnes  parties  et  celui  qui  saura  bien  s'en  servir 
ne  s'en  trouvera  pas  trop  mal.)  —  Erkelenz,  L'orthographe  allemande 
au  point  de  vue  historique  et  pratique.  (Bley  :  absence  de  méthodes, 
manque  de  clarté,  erreurs  nombreuses  parfois  contraires  aux  notions  les 
plus  élémentaires;  on  s'étonne  que  l'auteur  ait  abordé  un  sujet  pour  le- 
quel il  était  si  peu  préparé.)  —  Paléographie  des  classiques  latins,  p.  p. 
Châtelain,  i ''''  livraison.  (P.  Thomas  :  publication  qui  rendra  les  plus 
grands  services,  qui  a  atteint  la  limite  de  l'extrême  bon  marché,  qui  a 
été  faite  sur  un  plan  excellent,  avec  infiniment  de  soin  et  de  con- 
science.) 

Zeitschrift  fur  Katholische  Théologie,  IX  Band,  I  Quartarheft,  i"  janvier. 
(A  Innsbruck,  chez  Rauch  ;  4  fascicules  par  an,  6  mark  ou  7  fr.  5o.) 
MûLLENDORFF,  Die  Hinordnuug  der  Werke  auf  Gott  nach  dem  hl, 
Thomas.  —  Kobler,  Die  Heiligen  in  den  fûrstlichen  Familien  des  Mit- 
telalters.  —  Heller,  Das  nestorianische  Denkmal  in  Singan  fu.  — 
Straub,  Zur  scholastischen  Behandlung  der  Engellehre.  —  Comptes 
rendus  :  Stôckl,  Geschichte  der  neueren  Philosophie  (Frins).  — Girodon, 
Exposé  de  la  doctrine  catholique  (Hurter).  —  Markovic,  Papino  pogla- 
varstvo  (Brix  :  ouvrage  écrit  en  croate  et  dont  le  titre  entier  est  «  le 
primat  papal  dans  l'Eglise  aux  huit  premiers  siècles  »,  beaucoup  de 
science  théologique). — Pressutti,  Regesti  di  Onorio  111(1216-1227), 
compilali  sui  codici  dell"  archivio  Vaticano  ed  altre  fonti  storiche  per 
l'ab.  Pressutti,  vol.  I.  [Grisar  :  travail  absolument  imparfait,  il  faut 
souhaiter  que  ce  recueil  ne  soit  pas  continué.)  —  Les  registres  d'Inno- 
cent IV,  p.  p.  Elie  Berger,  I.  (Grisar  :  travail  très  bien  fait  et  qui  fera 
mieux  connaître  l'époque  de  Frédéric  IL)  —  Oswald,  Angelologie.  — 
Weber,  Die  kanonischen  Ehehindernisse.  —  Bemerkungen  u.  Na- 
chrichten  :  Ein  Dominikanerbischof  aus  dem  XV.  Jahrhundert  als 
Molinist  vor  Molina  (Pesch).  —  Die  Scholastik  auf  dem  antiquarischen 
Bûchermarkte.  (Ehrle.)  —  Die  Théologie  am  Ende  des  XVIII  u,  An- 
fang  des  XIX  Jahrhunderts  (Hurter).  —  Ebner  contra  Kelle.  —  Vor- 
laiirige  Glossen  zu  Spitzen's  Schrift  ftir  Kempis.  —  Fortsetzungen  u, 
neue  Auflagen  frûher  besprochener  Werke.  —  Analecten  aus  auslân- 
dischen  Zeitschriften.  —  Literarischer  Anzeiger. 


Le  Puy,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


]sjo  8  Dix-neuvième  année         23  février  1885 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL    HEBDOMADAIRE   PUBLIE    SOUS    LA    DIRECTION 

DE  MM.  J.  DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 


Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.  Chuquet 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.  —   Etranger,  25  fr. 


PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE    LA    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     1.' ÉCOLE     DES    LANGUES    ORIENTALES    VIVANTES,     ETC. 

28,    RUE    BONAPARTE,    28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  ^  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 


ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 
ANONYME  DE  CORDOUE 

CHRONIQUE    LATINE    RIMÉE 

DES  DERNIERS  ROIS  GOTHS  DE  TOLÈDE  ET  DE  l'iNVASION  ARABE  DE  l'eSPAGNE 

Editée  et  annotée  par  le  P.  J.  TAILHAN 

Un  beau  volume  in-folio,  avec  28  planches  en  héliogravure 5o  fr. 

JOURNAL  DE  BURCHARD 

Johannis  Burchardi  Argsntinensis,  capelle  pontificie  sacrorum  rituum  magis- 

iri  Diarium,  seu   rerum  Urbanarum  commentarii  (i4t:)3-i5o6).  Texte  latin  publié 

intégralement  pour  la  première  fois  d'après  les  manuscrits  de  Paris,  de  Rome  et 

de  Florence,  avec  introduction,  notes,  appendices,  tables  et  index  par  L.  Thuasne. 

3  forts  volumes  gr.  in-8 (5o  fr. 

Le  tome  III  paraîtra  dans  quelques  jours. 

HISTOIRE  INTÉRiEURE  DE  ROME 

Jusqu'à  la  bataille  d*Actium 
Tirée  des  Rœmische  Alterthuemer   de    L.  LANGE 
Par    A.    Berthelot    et    Didier. 
Fascicule  II i 


o  -1 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n°666,  7  février  i885  :  George  Eliot's  lite  as  related  in 
her  letters  and  journals,  arranged  a.  edited  by  her  husband  Cross.  (Dow- 
den.) —  Lawrence,  Essays  on  some  disputed  questions  in  modem  in- 
ternational law  ;  Stephen,  International  kiw  and  international  relations. 

—  The  dictionary  of  English  History,  edited  by  Lovv  and  Pulling. 
(Peacock  :  de  bons  articles.)  —  «  Palestine  Pilgrim^s Te.Kt  Society»,  n°  i, 
of  the  Holy  Places  visited  by  AntoninusStewart,  translated  by  Stewart 
a.  annotated  by  Wilson.  —  Mytlis  and  household  taies.  (Lang  et  Cox.) 

—  Odin.  (Max  Millier  et  Isaac  Taylor.)  —  Lotze,  System  of  philoso- 
phy,  english  translation,  edited  by  Bosanquet.  —  Classical  school  books. 
(The  Oeconomica  of  Xenophon,edit.  by  Holden;  The  IV  book  of  Thu- 
cydides,  edit.  by  Barton  a.  Ghavasse;  Sallust's  Gatilina  a.  Jugurtha, 
edited  by  Long,  revised  by  Frazer.  —  Philology  notes.  (Thurneysen, 
Keltoromanisches).  —  The  proposed  british  school  of  archaelogy  in 
Athens, 

The  Athenaeura,  n'^  2989,  7  février  i885  :  G.  Eliot's  life,  as  related  in 
her  letters  and  journals,  arranged  a.  edited  by  her  husband,  Cross  (se- 
cond article).  —  Texte  und  Uniersuchungen  zur  Geschichte  der  altchrist- 
lichen  Literatur,  II,  i,  3.  Lehre  der  zwôlf  Apostel,  nebst  Untersuch. 
zur  .ïltesten  Geschichte  der  Kirchenverfassung  u.  des  Kirchenrechts  v. 
A.  Harnack;  The  traching  of  the  twelve  apostles,  a  translation,  with 
notes  and  excursus,  by  Canon  Spence.  —  Dosabhai  Framji  Karaka,  His- 
tory of  the  Parsis.  2  vols.  (Des  chapitres  intéressants,  surtout  ceux  qui 
sont  relatifs  aux  coutumes  et  au  gouvernement  intérieur.)  — James  Bass 
Mullinger,  The  University  of  Cambridge  from  the  royal  injunctions  of 
f  535  to  the  accession  of  Charles  I.  —  The  récent  changes  at  Eton.  — 
Dr.  Eug.  Bodichon,  (Betham-Edwards.)  — Totems  in  folk-Iore  (Lang). 

—  Shelley  in  France.  —  St  Vedast.  (Wheatley.)  —  Mr.  FuUer  RusselFs 
librar}'. 

Literarisches  Centralblatt,  n°  7,  7  février  i885  :  Symmachii  quae  super- 
sunt,  éd.  Seeck.  (Très  remarquable.)  —  Mecklenburgisches  Urkunden- 
buch.  VIII,  i33i-i355.  —  Beckh,  ein  Kampf  ums  Recht,  ûber  die 
Leitung  im  Ausschuss  des  histor.  Vereins  fur  Steiermark,  —  Manno, 
L'opéra  cinquetaneria  délia  R.  Deputazione  di  storica  patria  di  Torino  ; 
Manno  et  Promis,  Bibliografia  storica  degli  stati  délia  monarchia  di 
Savoia,  I.  —  Sammlung  der  griech.  Dialect-Inschriften,  IV,  (Beaucoup 
d'intéressant.)  —  Constams,  Ghre.tomathie  de  Tancien  français.  (Utile, 
fait  avec  soin  et  méthode.)  —  Franck,  Etymologisch  woordenboek  der 
nederlandsche  taal,  uitgeg.  onder  toezicht  von  Cosijn,  1-2.  (de  A  à  Fr.) 

—  Hense,  Shakespeare.  (Recueil  d'essais  et  d'articles.)  —  Paulsen,  Ges- 
chichte des  gelehrten  Unterrichts  auf  den  deutschen  Schulen  u.  Univer- 
sitaten  vom  Ausgang  des  Mittelalters  bis  zur  Gegenwart.  (Beaucoup  de 
détails  curieux,  mais  souvent  des  idées  étroites  ou  à  demi  vraies.) 

Deutsche  Literatiirzeitiing  n"  6,  7  février  i885  :  Lutheri  scholas  ineditas 
de  libro  Judicum  habitas  p.  p.  Buckwald.  —  Cesca.  La  doctrina  Kan- 
tiana  delT  a  priori.  —  Paulsen,  Geschichte  des  gelehrten  Unterrichts 
auf  den  deutschen  Schulen  u.  Universitàten  vom  Ausgange  des  Mittel- 
alters bis  zur  Gegenwart.  (Voigt  :  Tabondance  des  matériaux,  bien  or- 
donnés sous  de  grands  point  de  vue,  attachera  et  conciliera  peut-être 
ceux  qui  ne  peuvent  partager  les  idées  de  l'auteur.)  —  Osthoff,  Zur 
Geschichte  des  Perfecîs  im  indogermanischen  mit  besonderer  Rûcksicht 
auf  Griechisch  u.  Latein.  (Mahlow  :  absolument  sans  valeur;  matériaux 
maigres  et  ramassés  dans  les  manuels  et  les  dernières  dissertations;  là 
où  Grassmann,  Delbrûck  et  les  autres  refusent  leur  service,  le    livre 


y 


d'Osthoff  n'est  qu'une  solitude  absolue;  renferme  des  hypothèses  de 
toute  sorte  et  pas  une  seule  preuve,  pas  un  seul  résultat  positif.)  — 
E.  MuLLER,  A.  simplitied  grammar  ofthe  Pâli  language.  fOldenberg  : 
clair.)  —  Sanimlung  der  griech.  Dialect-Inschriften,  III,  IV.  Die 
baotischen  Inschriften  v.  Blass  ;  die  arcad.  v.  Bechtel  ;  die  pamphyl. 
V.  Bezzenberger  ;  Nachtrage  zu  den  aolischen  v.  Bechtel,  zu  den 
thessal.  v.  Fick,  zu  den  baot.  v.  Meister.  —  Terenti  Adelphoe,  p.  p. 
Plessis.  (Spengel  :  bon.)  —  H.  Kaufmann,  Ueber  Hartmann^s  Lyrik. 
(E.  Martin  :  quelques  points  nouveaux.)  —  Eigenbrodt,  Hagedorn  u. 
die  Erzilhlung  in  Reimversen.  (Sauer  :  plein  de  mesure.)  —  Ward, 
Catalogue  of  romances  in  the  départ,  of  mss.  ofthe  British  Muséum. 
(Tobler.)  —  Seinecke,  Geschichte  des  Volkes  Israël,  II,  vom  Exil  bis 
zur  Zerstoruiig  Jerusalems.  (Nowack  :  partout  une  démonstration  su- 
perhcielle,  partout  la  même  ignorance  de  la  littérature  du  sujet  et  une 
critique  hâtive.  —  Nadrowski,  Ein  Blick  in  Roms  Vorzeit.  (Wissowa  : 
Etymologies  douteuses.)  —  E.  Koch,  Triller-Sagen,  I.  (Wenck.)  — 
Hn<N,  Erzherzog  Ferdinand  II  von  Tyrol.  (Inama  :  très  important  pour 
l'histoire  du  xvi«  siècle.)  —  Das  russische  Reich  in  Europa,  eine  Studie. 

—  F.  v.  Stein,  Geschichte  des  russischen  Heeres  vom  Ursprung  dessel- 
ben  bis  Nicolaus  I. 

Theologische  Literaturzeitnng,  n"  2,  24  Janvier  i885  :  P.apadopulos-Kera- 
MEUS,  MaupoYopoi-îipoç  BiéXtoO-/;/.-^  et  Avéy.ooTa  'EXAr^v.y.â  (v.  Gebhardt).  — 
Krhel,  Das  Leben  und  die  Lehre  des  Muhammed.  (A.  MûUer  :  à  re- 
commander très  chaudement.,  —  Loserth,  Neuere  Erscheinungen  der 
Wiclif-Literatur.  (Lechler  :  courte  brochure  qui  renferme  quelques 
points  nouveaux  et  instructifs.)  —  Brieger,  Quellen  u.  Forschungen 
zur  Geschichte  der  Reformation,  I.  Aleander  und  Luther  i52i,  die 
vervollstândigten  Aleander-Depeschen,  nebst  Untersuchungen  ûber  den 
Wormser  Reichstag,  I.  (G.  Bossert.) —  Sptess,  Luthers  Beziehungen  zu 
Nassau  (Enders). 

—  N«  3.  7  février  i885  :  Bickell,  Der  Prediger  ueber  den  Wert  des 
Daseins,  Wiederherstellungdes  bisher  gedruckten  Textes,  Uebersetzung 
und  Erkiarung.  (Budde  :  œuvre  de  soin  et  de  sagacité,  mais  en  somme 
l'auteur,  malgré  les  moyens  les  plus  hardis,  n'a  rien  donné  de  satis- 
faisant. 1  —  Kattenbusch,  Luthers  Stellungzu  den  oecumen.  Svmbolen. 

—  KAWERAU,DerBrief\vechsel  des  Justus  Jonas,  I.  —  PHiLippi,Symbolik. 

Gœttingische  ^elehrte  ADzeijen,  n»  2,  o  Janvier  i885  :  Die  Bibel  oder 
die  ganze  Heilige  Schrift  des  Alten  und  Neuen  Testaments,  nach  der 
deutschen  Uebersetzung  D.  Martin  Luthers,  erster  Abdruck  der  im 
Auttrage  der  Eisenacher  deutschen  evangelischen  Kirchenconferenz 
revidierten  Bibel  sogenannte  Probebibel  (P.  de  Lagarde). 


Léopold  CERF,  éditeur,  rue  de  Médicis,    i3. 
POUR  PARAITRE  PROCHAINEMENT 

GOETZ  DE   BERIJGHINGEN 

DE    GŒTHE 

Nouvelle    édition  avec  introduction  et   notes, 
par  A.  CHUQUET. 


Librairie  de  l'Art,  J.  ROUAM,  éditeur,  cité  d'ÂJitin,  Paris. 
BIBLIOTHÈQUE  INTERNATIONALE  DE  L'ART 


TIf 


PUBLIEE   SOUS   I,A  DIRECTION    DE 

K  BJ  G  Ê  ]^^  JE     M  ïj  IV  Tl"  Z 


PREMIÈRE  SÉRIE  —  VOLUMES  IN-4° 

LE   LIVRE   DES  PEINTRES 

DE 

CAREL     VAN     MANDER 

Vie    des    peintres    flamands ,    hollandais    et    allemands 

TRADUCTION,  NOTES  &  COMMENTAIRES 

Conservateur    à    la    Bibliotiiéque    Royale    de    Belgique 

Membre  correspondant  de  l'Académie  Royale  des  Sciences,  des  Lettres  et  des  Beaux-Arts 

Professeur  à  l'Académie  Royale  des  Beaux-Arts  d'Anvers. 

DEUX       VOLUMES       IN-4"        RAISIN       COMPRENANT       80      PORTRAITS      ET      4OO       BIOGRAPHIES 

Édition  à  500  exemplaires  sur  beau  papier  anglais. 

Prix  des  deux  volumes  :  brochés,  100  ir.;  reliés 110  fr. 

Édition  à  To  exemplaires  sur  papier  de  Hollande. 
Prix  des  deux  volumes 150  fr. 

OUVRAOES  PUBLIÉS 

I.  —  Les  Précurseurs  de  la  Renaissance,  par  M.  Eugène  Mûntz,  Conservateur 
du  Musée,  des  Archives  et  de  la  BiblioUièque  a  rp^ole  nationale  des  Beaux-Arts.  ]  'rix: 
broché,  20  fr.  ;  relié,  25  fr.  2t>  exemplaires  sur  papier  de  Hollande.  50  fr. 

II.  — Les  Amateurs  de  l'ancienne  France.  Le  Surintendant Foucquet,  par 
M.  Edmond  Bonnaffé.  11  ne  reste  plus  de  cet  ouvrage  que  quelques  exemplaires  reliés,  à 
15  fr.,  et  quelques  exemplaires  sur  papier  de  Hollande,  à  25  fr. 

III.  —  Les  Origines  de  la  porcelaine  en  Europe.  Les  Fabriques  italien- 
nes du  XV«  au  XVIJe  siècle,  par  M.  le  baron  Davillier.  Il  ne  reste  de  cet  ouvrage 
qu'un  très  petit  nombre  d'exemplaires  qui  sont  réservés  aux  acheteurs  de  la  collection. 
Prix  :  broché.  20  fr.  ;  relié,  25  fr.  25  exemplaires  sur  papier  de  Hollande,  40  fr. 

IV.  —  Le  Livre  de  Fortune,  par  M.  Ludovic  L  vlanne,  sous-bibliothécaire  de  l'Ins- 
titut. Recueil  de  deux  cents  dessins  inédits  de  Jean  Cousin,  d'après  le  manuscrit  conservé 
à  la  Bibliothèque  de  l'Institut.  Prix  ;  broché,  30  fr.  ;  relié,  35  fr.  25  exemplaires  sur  pa- 
pier de  Hollande,  50  fr. 

V.  —  La  Gravure  en  Italie  avant  Marc  Antoine,  par  M.  le  vicomte  Henri 
Delaborde,  Secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  des  Beaux-Arts,  Conservateur  du  Dépar- 
tement des  Estampes  à  la  Bibliothèque  Nationale.  Prix  :  broché,  25  fr.  ;  relié,  30  fr. 
25  exemplaires  sur  papier  de  Hollande,  50  fr. 

VI.  —  Claude  Lorrain,  sa  vie  et  ses  œuvres,  d'après  des  documents  nouveaux, 
par  M"'e  Mark  Pattison,  auteur  de  The  Renaissance  in  France.  Prix  :  broché,  30  fr. 
relié,  35  fr.  25  exemplaires  sur  ])ai)ier  de  Hollande,  50  fr. 

VIL  —  Les  Délia  Robbia,  leur  vie  et  leur  œuvre,  d'api'ès  des  documents  iné- 
dits, par  M.  J.  Cavallucci,  professeur  à  l'Académie  des  Beaux-Arts  de  Florence,  et 
M.  Emile  Molinier,  attaché  à  la  Conservation  du  musée  du  Louvre.  Prix  :  broché,  30  tr.; 
relié,  35  fr.  25  exemplaires  sur  papier  de  Hollande,  50  fr. 

DEUXIÈME  SÉRIE.  -  VOLUMES  IN-8° 
L  --  Les  Historiens  et  les  Critiques  de  Raphaël,  par  M.  Eugène  Mûntz. 
Esssai  bibliographique,  pour  servir  d'appendice  à  l'ouvrage  de  Passavant,  avec  un  choix 
de  documents  inédits  ou  peu  connus.  Un  volume  illustré  de  quatre  portraits  de  Raphaël. 
Il  ne  reste  de  cet  ouvrage  qu'un  très  petit  nombre  d'exemplaires  qui  sont  réservés  aux 
acheteurs  de  la  collection.  Quelques  exemplaires  sur  pajner  de  Hollande,  25  fr. 

IL  —  L'Encaustique  et  les  autres  procédés  de  peinture  chez  les  anciens, 
par  MM.  Henry  Cros  et  Charles  Henry.  —  Un  volume  illustré  de  30  gravures.  Prix  : 
broché,  7  fr.  50.  Quelques  exemplaires  sur  papier  de  Hollande,  15  fr. 

III.  —  Les  Livres  à  gravures  du  XVI«  siècle.  Les  Emblèmes  d'Alciat,  par 
M.  Geougf.s  Duplessis,  Conservateur  du  Département  des  Estampes  à  la  Bibliothèque  Na- 
tionale. Un  volume  illustré  de  11  gravures.  Prix  :  broché,  5  fr.  Quelques  exemplaires  sur 
papier  de  Hollande,  10  fr. 

IV.  -  La  Tapisserie  dans  l'antiquité.  Le  Péplos  d'Athéné  Parthénos,  par 
M.  Louis  DE  KoNCHAUD,  Directeur  des  Musées  nadonaux  et  de  l'Ecole  du  Louvre.  Un  vo- 
lume illustré  de  16  gravures.  Edition  sur  pajiier  ordinaire,  10  fr.  Quelques  exemplaires 
sur  papier  de  Hollande,  20  fr. 

L.e  J'u}-,  ivifrimc'ne  Mavchessou  Jils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


W  9  Dix-neuvième  année  2  mars  1885    \ 

REVUE  CRITIQUE 

D  m  S  r  DIRE    ET    DE    L  1  11  E  R  A  1  U  i<  E 

HtCUKU,    }1KBD0MADA!KE    PUBLIÉ    SOUS    LA    DIKECTION 

DE  MM.  J.DAKMESTETER,  L.  HAVET,  G.MONOD,G.  PARiS 

Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.   A.   CnrQUiiT 


Prix  d'abonnement  : 
Un   an,   Pasis,  20  fr.  -—  Départements,  22  fr.   —    Etranger,   2b  ir. 


PARIS 
ERNEST    LEROUX,    EDITEUR 

1.  IBRAIKE     DE    l.  A    SOClÉTii:     ASIATIQUE 

Dii    l'kcole    des   langues  orientales   vivantes,    etc. 
28,    RUE    BONAPARTE,    28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Oisiqukt 
(  Au  bureau  de  la  Revue  :  rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 

KUNESr  EEUOUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 
ANONYME  DE  CORDOUE 

CHRONIQUE    LATINE    RIMÉE 

DES  DERNIERS  ROIS  GOTHS  DE  TOLÈDE  ET  DE  l'iNVASION  ARABE  DE  L^ESPAGNE 

Editée  et  annotée  par  le  P.  J.  TAILHAN 

Un  beau  volume  in-folio,  avec  28  planches  en  héliogravure 5o  fr, 

JOURNAL  DE  BURCHARD 

Johannis  Burchardi  Argentinensis,  capellc  pontificie  sacrorum  rituum  magis- 

tri  Diarium,  seu    rerum  Urbanarum  commentarii  (i483-i5o6).  Texte  latin  publié 

intégialement  pour  la   première  fois  d'après  les  manuscrits  de  Pans,  de  Rome  et 

de  Florence,  avec  introduction,  notes,  appendices,  tables  et  index  par  L.  Thuasne. 

3  forts  volumes  gr.  in-8 ,30  fj-. 

Le  tome  III  paraîtra  dans  quelques  jours. 

HISTOIRE  INTÉRIEURE  DE  ROME 

Jusqu'à   la   bataille  d^Actium 

Tirée  des  Rœmische  Aiterthuemer    de    L.  LANGE 

Par    A.     Berthelot    et    Didier. 

Fascicule  II , _       ,23 


PERIODIQUES 

The  Acaclemy  n"  667,  14  février  i835  :  Mozlky,  Réminiscences,  chiefly 
ot  towns,  villages  and  schools.  —  Rudler  a.  Chisholm,  Europe,  ediled 
by  sir  Andrew  G.  Ramsay,  with  ethnological  appendix  by  Keane. 
(Rob.  Brown.)  —  Steel  a.  Temple,  Wide-awake  stories,  a  collection  of 
taies  told  by  littlc  children,  between  sunset  and  sunrise,  in  the  Panjâb 
and  Kasmir.  —  Rawlinson,  Egypt  and  Babylon.  (Bail.)  —  Current 
littérature  (The  poetical  works  ot"  John  Keats,  reprinted  froni  the  ori- 
ginal éditions,  with  notes  by  Palgrave,  etc.]  —  The  hungarian  war  of 
"1849.  —  Arethusa  and  Alpheus.  jStrachey.) — Odin.  (Gaidoz  et  Vigfus- 
son.)  —  Myths  and  household  taies.  (Bradley.)  —  J.  N.  Madvigii  Ad- 
versariorum  Criticorum  volunien  tertium.  (Wilkins.)  —  The  Soma 
Plant.  (Thiselton-Dyer.)  —  Tewrdannckh,  a  reproduciion  of  the  édi- 
tion printed  at  Augsburg  in  iSig,  edited  by  W.  H.  Rylands,  with  an 
introduction  by  George  Bullen  ,  printed  for  the  Holbein  Society. 
(Conway  :  mauvais  à  tous  égards,  et  ne  contribuera  pas  à  relever  l'opi- 
nion désavantageuse  qu'on  a  delà  science  anglaise.) —  Naville's  critical 
édition  of  a  the  Book  of  The  Dead.  »  (Am.  B.  Edwards.)  —  «  The  wood- 
cutters  of  the  Netherlands.  »  (Linton.)  —  Ms.  Catalogue  of  the  Towne- 
leian  Marbles.  (Perceval.) 

The  Athenaeum,  n'' 2990,  14  février!  885  :  Sélections  from  the  letters 
and  correspondence  of  Sir  James  Bland  Burges  with  notices  of  his  life, 
edited  by  Hutton.  —  Thomson,  Through  Masai  Land,  a  journey  of 
exploration.  --  G.  Rawlinson,  Egypt  and  Babylon  from  scripture  and 
profane  sources.  (Beaucoup  de  peine  et  de  long  travail;  Tidée  d''un  livrs 
de  cette  sorte  était  bonne,  mais  les  matériaux  auraient  dû  être  choisis 
avec  plus  de  soin;  les  erreurs  des  précédents  chercheurs,  corrigées; 
l'auteur  considère  trop  souvent  comme  prouvée  une  proposition  qu^il 
s'est  contenté  dVnablir.)  —  O'Shea,  Leaves  from  the  diary  of  a  spécial 
correspondent;  Gallenga,  Episodes  of  my  second  life.  —  The  author 
of  «  Peter  Wilkins  ».  (Goodwin.)  —  The  national  association  of  jour- 
nalists.  (Frost.)  —  The  death  of  Catherine  of  Aragon.  (Friedmann.)  — 
«  The  Gentleman's  Library  ».  (Aitken.)  —  The  egyptian  hieroplyphic 
ritual.  (Asher.)  —  «  Beauties  of  Washington  Irving.  »  (Tegg.l  —  To- 
tems. (Jacobs.)  —  Thomas  Poole^  of  Nether  Stowey.  —  Heiss,  Les 
médailleurs  de  la  Renaissance. 

Litterarisches  Centralblatt,  n°8,  14  février  i885  :  Zohn,  Forschungenzur 
Geschichte  des  neutestamentlichen  Kanons  u.  der  altkirchlichen  Lite- 
ratur.  III,  Supplementum  Clementinum.  —  Hardy,  Der  Begrifî  der 
Physis  in  der  griechischen  Philosophie,  I.  (Travail  solide  et  soigné.)  — 
Krauss,  Die  Psychologie  des  Verbrecliens.  —  Rauber,  Urgeschichte  des 
Menschen,  II,  Territorialer  Ueberblick;  Entwickelungsgeschichte  der 
Gesellschaft.  fCompilation  sans  valeur  scientifique.)  —  Rimbertus,  vita 
Anskarii,  accedit  vita  Rimberti,  rec.  Waitz.  —  Bôhmer,  Die  Regesten 
des  Kaiserreichs  unter  den  Karolingern  751-918,  neu  bearb.  v.  Mûhl- 
BACHER,  2  et  3.  —  Hessisches  Urkundenbuch,  I.  Urkundenbuch  der 
Deutschordens-Rallei  Hessen  von  Wyss,  2  vols.  i3oo-i35g.  —  Becker, 
Die  Enzersdorfe  in  Niederôsterreich.  —  Richthofen,  Atlas  von  China. 
—  De  niddeleeuwsche  rechtsbronnen  der  Stadt  Utrecht,  p.  p.  S.  Mul- 
LER,  1,2.  —  P.  Terenti  Afri  Adelphoc,  p.  p.  Fréd.  Plessis.  (Bonne 
édition.)  —  Le  romans  de  Claris  et  Laris,  hrsg.  v.  Alton.  (Publication 
remarquablement  éditée.)  —  Gœthe's  Werke,  Dramen,  I  u.  II,  hrsg.  v. 
ScHROER.  —  Berthold  Auerbach,  Briefe  an  seinen  Freund  Jacob  Auer- 


bach,  ein  biographisches  Denlunal,  mit  Vorbemerkungen  von  Fr.  Spiel- 
HAGEN  u.  dem  Herausgeber.  2  vols. 

Deutsche  Littercaturzeitung,  n»  7,  14  février  i885  :  Rabier,  Leçons  de 
philosophie.  (Laas  :  «  Ecole  de  Cousin,  avec  certaines  concessions  au 
sensualisme;  beaucoup  de  détails  instructifs  et  de  pensées  réfléchies; 
parfois  des  compromis  intenables  et  des  mots  «.)  —  Schroder,  Das 
Volksschulwesen  in  Frankreich,  I,  die  Vorbildung,  Prûfung  u.  gesetzl. 
Stellung  der  VolkschuUehrer  in  Frankreich.  —  Rabany,  les  Schweig- 
haeuser.  (Krauss  :  précieuse  contribution  à  l'histoire  littéraire  de 
l'Alsace.)  —  Donati,  Mangalavadah  ossa  ragionamento  sulla  félicita, 
manoscritto  indiano.  (H.  Jacobi  :  sans  valeur.)  —  Benicken,  Studien  u. 
Forschungen  auf  dem  Gebiete  der  homer.  Literatur,  das  12  u.  i3  Lied 
vom  Zorne  des  Achilleus  in  NirO  der  homerischen  llias.  (Hinrichs  :  ce 
travail  a  droit  à  l'existence;  mais,  si  soigné  qu'il  soit,  l'auteur  lui  a  nui 
par  le  style  et  l'impression  qui  sont  informes.)  —  Wagler,  De  Aetna 
poemate  quaestiones  criticae.  (Léo  :  soigné  et  fait  avec  une  bonne  mé- 
thode.) —  Mittelniederdeutsche  Fastnachtspiele,  hrsg.  v.  Seelmann. 
(Strauch  :  louable.)  —  A.  W,  Schlegels  Vorlesungen  ueber  schone 
Literatur  u.  Kunst,  2,  3.  —  The  life  of  Saint  Catherine  from  the  royal 
ms.  17  A  xxvu  p.  p.  ÉiNENKEL.  —  Satire  Ménippée  de  la  vertu  du  Ca- 
tholicon  d'Espagne  et  de  la  tenue  des  Estats  de  Paris,  p.  p.  Frank. 
(Vollmôller  :  bon.)  —  GregoriiTuronensis  opéra,  éd.  Arndt  et  Krusch, 
I.  Historia  Francorum.  (Breslau  :  publication  très  remarquable  à  qui 
le  a  nonum  prematur  in  annum  »  a  été  fort  utile.)  —  Ellinger,  das 
Verhaltnis  der  ôffentlichen  Meinung  zu  Wahrheit  u.  Luge  im  X,  XI  u. 
Xll  Jahrhundert.  (Wilmanns  :  Tauteur  étudie  un  domaine  important 
qui  a  été  peu  remarqué  jusqu'ici,  il  a  fait  une  contribution  à  Phistoire 
de  la  conscience  morale.)  —  Quellen  zur  Schweizer  Geschichte,  VI, 
Conradi  Tûrst  de  situ  confoederatum  descriptio;  Balci  descriptio  Hel- 
vetiae  ;  Fratris  Felicis  Fabri  descriptio  Sueviae;  Stumpf,  Reisebericht 
von  1544.  (Wiegand.)  —  An  Leroy-Beaulieu,  Un  homme  d'état  russC; 
Nicolas  Milutine,  d'après  sa  corresp.  inédite.  (Brûckner  :  fort  remar- 
quable.) —  Max  ScHMiDT,  die  Mûnzen  u.  Medaillen  der  Herzoge  von 
Sachsen-Lauenburg.)  —  Hazelius,  Minnen  Iran  Nordiska  Museet.  — 
Trendelenburg,  die  Laokoongruppe  u.  der  Gigantenfries  des  Perga- 
menischen  Altars,  ein  Vortrag. 


Léopold   CERF,  éditeur,    rue    de   Médicis,    i3. 
VIENT  DE  PARAITRE 

GOETZ     DE     BERLICHÎNGEN 

DE    GŒTHE 

Nouvelle  édition   avec   introduction  et   notes, 
par  A.   CHUQUET. 


ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 


PUBLICATIONS  DES  FxVCULTÉS  DES  LETTRES 


BULLETIN    DE  LA  FACULTÉ    DES    LETTRES    DE 

CAEN.  Bulletin  mensuel.  Première  année.  Prix  du  numéro.      1  20 

ANNALES  DE  LA  FACULTÉ  DES  LETTRES  DE 

BORDEAUX  ,   rédigées    par    les     professeurs    des    Facultés    de 
Bordeaux  et  de  Toulouse. 

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Années  i883,  1884.  2  volumes   in-8. 20  fr. 

ANNUAIRE  DE  LA  FACULTÉ  DES  LETTRES  DE 

LYON.    Souscription  annuelle 10  fr. 

Tomes  I  et  II,  i8.n3,  1884.  In-8.  Chaque 10  fr. 


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ÉTUDES  SUR  LA  VIE  DE  SÉNÈQ_UE,  par  m.  Hochart. 

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ROMAN    DE    RENART,     publié     par     Ernest     Martin. 

Volume  I .  L'ancienne  collection  des  Branches.  In-8 12  3o 

Volume  11.  Les  Branches  additionnelles.  In-8 10  fr. 

DES  VARIATIONS  DE  LA  LANGUE    et  de  la  métrique 
d'Horace  dans  ses  différents  ouvrages,  par  A.  Vv^altz.  In-8. . .     5  fr. 

DE    CARMINE  CIRIS,   auct.  a.  Waltz.  In-8 3fr. 

CROQUIS    ARTISTIQUES    ET    LITTÉRAIRES, 

par  J.  CoNDAMiN.  In-8,  papier  teinté 6  fr. 


Le  Puy,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  si. 

I 


Il»  \Q  Dix-neuvième  année  9  mars  1885 


REVUE  CRITIQUE 

O'HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE 

recueil  hebdomadaire  publié  sous  l.\.  direction 
deMxM.  J.DARMESTETER.  L.  HAVET,  G.MONOD.G.  I-'ARIS 


Secrétaire  ce  la  rédaction  :  M.  A.   Ghuqlkt 


Prix  d'ahonnement  : 
Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.  —    E:ranger,  2b  tr. 


PARIS 
ERNEST    LEROUX.    ÉDITEUR 

LIBRAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ    ASIATIQUE 

OE     i-'rCOLE     DES    LANGUES    ORIENTALES    VIVANTES,     ETC. 

2 S,    RLE    BONAPARTE,    2 S 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  Si  M.  A.  Ckuquet 
Au  bureau  de  Li  Kevue  :  rue  Bonaparte,  ^8). 

MM.  Us  éditeurs  de  Vétrans^er  sont  priés  d'envoj'er  directement,  ei 

non  var  ccvimissiomiaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  com-çte -rendu. 


.,:l.T  LEROUX.  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  2 


-ANONYME  DE  CORDOUE 

CHRONIQUE    LATINE    RIMÉE 

DES  DERNIERS  ROIS  GOTHS  DE  TOLÈDE  ET  DE  l'inVaSION  ARABE  DE  l'eSPaGNE 

Editée  et  annotée  par  le  P.  J.  TAILHAN 

Un  beau  volume  in-folio,  avec  28  planches  en  héliogravure.. . .       ro  fr. 


JOURNAL  DE  BURCHARD 

Johannis  E-archardi  Argentinensis,  capelle  ron:itic-e  sacroruin  rituum  matiis- 

tri  Oiarium,  seu   rerum   Urbanarum  commentarii    i4S3-i5o6\  Tixte  iatin  putUë 

intésraiement  pour  la  première  fo.s  a'après  les  manuscri:s  de  Pans,  de  Rome  et 

de  Florence,  avec  introduction,  notes,  appendices,  tables  et  index  par  L.  'ihuasne. 

3  forts  volumes  gr.  in-S ôo  fr. 

Le  tcnze  III  paraîtrez  dans  quelques  jours. 

HISTOIRE  INTÉRIEURE  DE  ROME 

Jusqu'à  la  bataille  d*Actium 

Tirée  des  Roemiscae  Alterthueœer   de    L.  L.ANGE 

Par    A.    Bert.4elot    et    Didier. 

Fascicule  II .23 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n°  668,  2  i  février  i885  :  The  lives  of  the  Berkeleys  from 
1066  to  1618  by  John  Smith  of  Nibley,  vol.  II,  edited  by  sir  John 
Maclean  Hull,  Mount  Seir,  Sinai  and  Western  Palestine  ;  Colvile, 
The  AccLirsed  Land,  or  tirst  steps  on  the  water-way  of  Edom.  — 
Hosea,  with  notes  a.  introductions,  by  Cheyne.  —  Current  literature. 
(Bosworth  Smith  Lifeof  lord  Lawrence,  ô*"  edit.  2  vols.  :  Vita  Haroldi, 
the  romance  of  trie  lifeof  Harold,  King  of  England,  edited  with  notes  a. 
a  translation  by  W.  de  Gray-Birch  ;  J.  N.  Stuart,  Réminiscences  and 
essays.)  —  A  letter  from  Egypt  (Sayce.)  —  The  pedigree  of  Finn  Mac 
Cumaill.  (Kuno  Meyer.)  —  Arethusa  and  Alpheus.  (Rawlins.)  —  The 
zodiacal  crab.  (Rob.  Brown.)  —  Aeschyli  Choephoroi,  with  introduc- 
tion and  notes,  edited  by  Sidgwick.  (EUis  :  a  Wecklein  est  rigidement 
conservateur,  Sidgwick  admet  plusieurs  changements  radicaux  ».)  — 
MûNTZ,  La  Renaissance  en  Italie  et  en  France  à  l'époque  de  Charles  VIII. 
(Monkhouse  :  volume  «  full  of  spirit  and  érudition  «  ;  savante  et  lumi- 
neuse peinture  de  l'histoire  de  la  Renaissance  au  xV^  siècle;  on  y  trouve 
le  savoir,  la  patience  et  le  goût  que  possède  l'auteur.) 

The  Alhenaeum.  n»  2991,  21  février  1 885  :  Taine,  Le  gouvernement 
révolutionnaire.  (L'auteur  ne  raconte  pas,  il  analyse  et  critique  ;  il  dé- 
daigne la  succession  chronologique  des  faits  ;  il  est  brillant,  mais  sans 
l'éclat  artificiel  de  Macaulay;  l'histoire,  ainsi  conçue,  cesse  d'appartenir 
à  la  littérature  et  commence  à  appartenir  à  la  science.)  —  Memoir  and 
correspondence  of  General  James  Stuart  Fraser,  of  the  Madras  Ariny, 
by  his  son.  —  "W.  Harris,  The  history  of  the  radical  party  in  parlia- 
ment.  —  And  rew  Lang,  Customsand  myth.  (Premier  article.)  — 
«  Beautiesof  "Washington  Irving  ».  (Th.  Bayne.)  —  Tribal  patronymics. 
(Isaac  Taylor.)  —  Mr  Campbell  of  Islay.  (Ralston.) 

Literarisches  Centralblatt,  n°  9,  21  février  188  5  :  Lorenz,  das  Lehrsys- 
tem  im  Rômerbrief.  —  Fahlbeck,  La  royauté  et  le  droit  royal  francs 
durant  la  i'"''  période  de  l'existence  du  royaume,  486-614.  (Livre  man- 
qué en  son  ensemble,  Fauteur  a  confondu  les  causes  avec  les  consé- 
quences et  attribué  à  Clovis  des  pensées  et  des  motifs  qu'il  n'avait  pas; 
l'ouvrage  est  une  construction  historique,  et  non  de  l'histoire  réelle.) 

—  Regesten  zur  schlesischen  Geschichte,  hrsg.  v.  Grûnhagen,  2^  Aufl. 

—  II.  Lrkundenbuch  zur  Geschichte  der  Herzôge  von  Braunschweig 
u.  Lûneburg,  II,  2  et  3.  Register.  —  Ulmann,  Kaiser  Maximilian  I,  i. 
(Œuvre  d'un  long  travail  et  d'un  jugement  sain  qui  appartient  aux  livres 
d'histoire  les  plus  remarquables.)  —  Prschewalski,  Reisen  in  Tibet.  — 
Bergaigne,  Manuel  pour  étudier  la  langue  sanscrite.  Chrestomathie, 
lexique,  principes  de  grammaire.  (Livre  bien  médité,  qui  n'existait 
pas  encore  en  France  et  qui  profitera  aux  Allemands.)  —  'Welti, 
Geschichte  des  Sonettes  in  der  deutschen  Dichtung.  (Recherches  faites 
avec  beaucoup  de  zèle  et  de  méthode  et  qui  ont  produit  maint  résultat 
nouveau  et  intéressant.)  —  Ad.  Stern,  Hermann  Hettner,  ein  Lebens- 
bild.  —  Max  Meyer,  De  Euripidis  mythopoeia  capita  duo.  (Instructif.) 

—  PoHL,  Richard  Wagner,  ein  Vortrag. 

Deutsche  Litteratiirzeitung,  n"  8,  2/  février  i885  :  Gloatz,  Spéculative 
Théologie  in  Verbindung  mit  der  Religionsgeschichte,  I.  — Gerber. 
Die  Sprache  u.  das  Erkennen.  —  Perles,  Bertriige  zur  Geschichte  der 
hebrâischen  u.  aramaischen  Studien.  (Steinschneider  :   sera  très  utile.) 

—  RocKHiLL,  The  life  of  the  Buddha  and  the  early  history  of  his  order, 
derived  from  tibetan  works.  —  Papyrum  Berolinensem  n°  i63  Musei 
Aegyptiaci    commentario    critico    adiecto  éd.    Landwehr.   (Cohn.)   — 


Saalfeld,  Tensaurus  italograecus.  (Genthe  :  vaste  résultat  des  études 
dont  l'auteur  avait  déjà  donné  un  spécimen  dans  son  «  Index-graeco- 
rum  vocabulorum  in  linguam  latinam  translatorum  1874  »,  ce  livre 
rendra  de  grands  services;  il  y  a  pourtant  quelques  corrections  et  amé- 
liorations à  faire  encore.)  —  M.  Fabii  Quintiliani  declamationes  quae 
supersunt  recensuit  Ritter.  (Travail  laborieux  et  peu  agréable  que 
l'auteur  a  mené  à  bien  et  qui  mérite  toute  gratitude.)  —  Gedichte  des 
Konigsberger  Kreises  aus  Heinrich  Alberts  Arien  und  musikalischer 
Kûrbshûtte,  i638-i65o,  hrsg.  v.  Fischer.  (Bolie  :  très  exact  et  minu- 
tieux.)—  JoRET,  Mélanges  de  phonétique  normande.  («  L'auteur  est  le 
premier  dans  le  nord  de  la  France  qui,  doué  de  connaissances  linguis- 
tiques tort  étendues,  ait  entrepris  de  recueillir  les  mots  patois  d'un  pays, 
ait  compris  la  nécessité  d'employer  dans  le  dictionnaire  patois  l'alphabet 
phonologique  et  livré  d'importantes  contributions  à  l'explication  éty- 
mologique et  phonétique  d'un  des  dialectes  les  plus  ditticiles  de  la 
France  du  nord  »)  —  Stade,  Geschichte  des  Voikes  Israël,  feuilles 
20-29.  (Julicher.)  —  Vuy,  Geschichte  des  Trechirgaus  und  von  Oberwe- 
sel.  (Lamprecht.)  —  Jung,  HerzogGottfriedder  Bartige  und  Heinrich  IV, 
ein  Beitrag  zur  Geschichte  des  deutschen  Reichs  u.  besonders  Italien 
im  XI.  Jahrhundert.  (Ladewig  :  un  peu  trop  de  phrases.)  —  Urkun- 
den  und  Actenstiicke  zur  Geschichte  des  Kurfûrsten  Friedrich  Wilhelm 
von  Brandenburg,  VII,  politische  Verhandlungen,  5.  —  Lefevre- 
PoNTALis,  Jean  de  Witt.  (Von  der  Ropp  :  excellent  livre,  quoique  l'au- 
teur juge  trop  favorablement  son  héros.) —  Bastian,  der  Fetisch  an  der 
Kûsle  Guineas.  Leist,  Graeco-italische  Rechtsgeschichte.  (Krûger.)  — 
Franklin,  Die  freien  Herrn  und  Grafen  von  Zimmern.  (Gierke.) 

Theologische  Literaturzeitimg,  n"  4,  21  février  i885  :  Zûckler,  Handbuch 
der  theologischen  Wissenschaffen.  I,  i.  —  Die  Bibel  oder  die  ganze 
heilige  Schrift  des  Alten  u.  Neuen  Testaments  nach  der  deutschen  Ue- 
bersetzung  Dr.  Martin  Luthers.  (Sogenannte  Probebibel.)  —  Smith, 
The  prophets  of  Israël  and  their  place  in  history  to  the  close  of  the 
eight  century.  (Stade  :  très  remarquable.)  —  Gregorii  Palamae  Prosopo- 
poeia  animae  accusantis  corpus  et  corporis  se  defendentis,  p.  p.  Jahn. 
(Gas  :  publication  très  méritoire.)  —  Usteri  Zwingli  und  Erasmus. 
(Baur  :  instructif.) 


Léopold   CERF,  éditeur,    rue    de   Médicis,    i3. 
VIENT  DE  PARAITRE 

GOETZ     DE     BERLICHINGEN 

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Nouvelle  édition   avec   introduction  et   notes, 
par  A.   CHUQUET. 


ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 


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JUVENAL-    Notes  biographiques,  par  J. -A.  Hild.  In-8 2  fr. 

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ROMAN    DE    RENART,     publié     par     Ernest     Martin. 

Volume  I.  L'ancienne  collection  des  Branches.  In-8 12  5o 

Volume  II.  Les  Branches  additionnelles.  In-8 10  fr. 

DES  VARIATIONS  DE  LA  LANGUE  et  de  k  métrique 

d'Horace  dans  ses  différents  ouvrages,  par  A.  Waltz.  In-8. . .      5  fr. 
DE    CARMINE  CIRIS,    auct.  a.  Waltz.  In-S 3fr. 

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1^0  ^^  Dix-neuvième  année  16  mars  1885 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL    HEBDOMADAIRE   PUBLIÉ   SOUS    LA    DIRECTION 

DE  MM.  J.  DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 


Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.  Ghuquet 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.  —   Etranger,  23  ir. 


PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE    I,  A    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     l' ÉCOLE     DES     LANGUES    ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

28,    RUE    BONAPARTE,    28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  àlA.  k.  Ghuquet 

(Au  bureau  de  la  llevue  :  rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 

ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 
ANONYME  DE  CORDOUE 

CHRONIQUE    LATINE    RIMÉE 

DES  DERNIERS  ROIS  GOTHS  DE  TOLÈDE  ET  DE  l'iNVASION  ARABE  DE  l'eSPAGNE 

Editée  et  annotée  par  le  P.  J.  TAILHAN 

Un  beau  volume  in-folio,  avec  28  planches  en  héliogravure 5o  fr. 

JOURNAL  DE  BURCHARD 

Johannis  Burchardi  Argentinensis,  capelle  pontiticie  sacrorum  rituum  magis- 

tri  Diarium,  seu   rerum  Urbanarum  commentarii  (i483-i5o6).  Texte  latin  publié 

intégralement  pour  la  première  fois  d'après  les  manuscrits  de  Paris,  de  Rome  et 

de  Florence,  avec  introduction,  notes,  appendices,  tables  et  index  par  L.  Thuasne. 

3  forts  volumes  gr.  in-8 (3o  fr. 

Le  tome  III  paraîtra  dans  quelques  jours. 

HISTOIRE  INTÉRIEURE  DE  ROME 

Jusqu'à  la  bataille  d^Actium 

Tirée  des  Rœmische  Alterthuemer    de    L.  LANGE 

Par    A.    Berthelot    et    Didier. 

Fascicule  II 125 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n"  669,  2S  février  i885  :  Holmes,  Emerson  (Lewin.)  — 
Sudaneseliterature  -.James,  The  wilci  tribes  of  the  Sudan  ;  Mrs.  Speedy, 
My  wanderings  in  the  Sudan  ;  CoLBORNE,  withHiclvS  Pashain  the  Sudan; 
Em.  Saktorius,  thrce  months  in  the  Sudan.  (Keane.)  —  The  Aencid  of 
Virgil,  translated  into  english  by  Mackail.  (Traduction  acceptable.) 
Spanish  —  popular  legends  and  poetry  :  Biblioteca  de  las  tradiciones 
popuiares  cspafiolas,  tomos  I-V;  Costa,  Goncepto  del  derecho  en  la 
poesia  popular  espaiiola.  (Webster.)  —  A  Ictter  of  Adam  Smitli.  (Lettre 
d'Adam  Smith  à  William  Pulteney,  du  5  septembre  1772.  communi- 
quée par  Thorold  Rogers.)  —  «  To  end  »  as  an  agricultural  verb. 
(Archer.)  —  Arethusa  and  Alpheus.  (Hoskyns-Abraliall,  Tuckett  et 
R.Ware.) — Platts,  A  diciionary  of  Urdu,  classical  Hindi  and  English. 
(Lyall.)  —  Bocks  on  ancient  philosophy  :  A  history  of  eclectism  in 
greek  philosophy,  of  Zeller,  transi,  by  Alleyne;  G.  Martha,  Etudes 
morales  sur  l'antiquité;  Natorp,  Forschungen  zur  Geschichte  des 
Erkenntnissproblems  im  Aiterthum. 

The  Athenaeum,  n"  2992,  28  février  i885  :  Pater,  Marius  the  Epicu- 
rean,  his  sensations  and  ideas.  (Biographie  imaginaire,  en  deux  volumes, 
d'un  jeune  homme  qui  vit  au  temps  des  Antonins.)  —  Golquhoun, 
Amongst  the  Shans,  with  an  historical  sketch  by  Hallett,  preceded 
byan  introduction  on  the  cradle  of  the  Shan  Race  by  Terrien  Ide  la 
Goupelie.  —  Andrew  Lang,  Gustom  and  myth.  (Second  article.)  — 
Leslie,  Life  and  v^'ritings  of  Gharles  Leslie.  —  The  public  schools  his- 
torical atlas,  edited  by  Golbeck.  (Un  assez  grand  nombre  d'erreurs 
sérieuses.)  —  Thomas  Poole  of  Nether  Stowey.  (Landford.)  —  The 
God  Tselem.  (Neubauer.)  —  The  death  of  Catherine  of  Aragon. 
(Moore.) 

Literarisches  Centralblatt,  n"  10,  28  février  i885  :  Bloch,  Einblicke  in 
die  Geschichte  der  Entstehung  der  talmudischen  Literatur  (matériaux 
instructifs).  —  Werner,  die  Scholastik  des  spiiteren  Mittelalters  (fait 
avec  un  très  grand  soin).  —  Bresslau,  Jahrbiicher  des  deutschen  Rei- 
ches  unter  Konrad  II,  2,  io32-io39  (ouvrage  terminé  et  qui  prendra 
une  place  tout  à  fait  remarquable  dans  la  collection  dont  il  fait  partie). 

—  Fries,  Die  Geschichte  des  Bauernkrieges  in  Ostfranken,  hrsg.  v. 
ScHaFFER  (travail  solide  à  tous  égards).  —  Jacobs,  Geschichte  der  in  der 
preussischen  Provinz  Sachsen  vereinigten  Gebiete,  i-3  (sujet  difficile  et 
assez  habilement  traité).  —  G,  Curtius,  Zur  Kritik  der  neuesten  Spra- 
chforschung  (écrit  où  circule  d'un  bout  à  l'autre  un  esprit  de  douce 
conciliation).  —  Keil,  analecta  Isocratea  (savoir  et  louable  acribie).  — 
RosiGER,  Neu-Hengstett,  Geschichte  und  Sprache  einer  Waldenser  Co- 
lonie in  Wûrttemberg  (sujet  intéressant,  mais  qui  n'est  pas  traité  par 
son  côté  intéressant).  —  Leiffholdt,  etymologische  Figuren  im  Roma- 
nischen  (matériaux  rassemblés  avec  grand  soin  et  rangés  avec  habileté). 

—  Scheffer,  die  franz.  Volksdichtung  und  Sage  (ce  livre  est  plutôt  un 
livre  de  littérature  qu'un  livre  de  science).  —  Wulfstan,  Sammlung  der 
ihm  zugeschriebenen  Homilien  nebst  Untersuchungen  iiber  ihre 
Echtheit,  von  Napier,  I.  Text  u.  Varianten.  —  Sanders,  Verdeutschun- 
gsworterbuch  (c'est  en  réalité  un  Fremdwôrterbuch).  —  Gœthe's  na- 
turwissenschaftliche  Schriften,  I,  hrsg.  v.  Steiner. 

Deutsche  Literaturzeitung,  n^'  9,  28  février  i885  :  Gregorii  Palamae  Pro- 
sopopoeia  animae  accusantis  corpus  et  corporis  se  defendentis  (Bon- 
wetsch).  —  Orti  y  Lara,  Wissenschaft  und  Offenbarung  in  ihrer  Har- 


monie.  —  Jungmann,  Aesthetik.  —  K.  Werner,  Die  italien.  Philosophiie 
des  XIX.  Jahrhunderrs.  —  Hinrichs,  Karl  Sittl  u.  die  homerischen 
Aeolismen.  (Blass  :  de  minces  résullats,  mais  la  position  prise  par 
l'auteur  est  trop  forte  pour  être  ébranlée  par  les  attaques  de  Sittl.)  — 
Bergk.  Kleinere  philologische  Schriften,  hrsg.  v.  Peppmuller.  I,  zur 
rcimischen  Literatur.  —  Cipolla,  Dei  coloni  tedeschi  nei  XIII  comuni 
Veronensi.  (E.  Martin.)  —  Perry,  From  Opitz  to  Lessing  (W.  Scherer  : 
clair.)  —  Brahm,  Heinrich  von  Kleist.  (Seuffert  :  supérieur  à  Wil- 
brandt,  non  par  l'art  du  récit,  mais  par  le  jugement  littéraire  et  la  con- 
naissance des  sources.)  —  Antona-Traversi,  Ugo  Foscolo  nella  fami- 
glia  con  lettere  e  document!  inediti.  —  V.  Cohausen,  Der  romische 
Grenzwall  in  Deutschland,  militarische  u.  technische  Beschreibung 
desselben.  (Velke  :  remarquable.) — Friedensburg,  zur  Vorgeschichte  des 
Gotha  -  Torgauischen  Biindnisses  der  Evangelischen  i525-i526. 
(Wenck  :  utile.)  —  Peukert,  Die  Memoiren  des  Marquis  von  Valory 
(Wiegand  :  excellent  commentaire.)  —  Klaic,  Geschichte  Bosniens  von 
den  altesten  Zeiten  bis  zum  Verfalle  des  Konigreichs,  nach  dcm  croatis- 
chenvon  BojNicic.(^Brûckner  :  mal  traduit,  un  peu  sec  et  parfois  plat.)  — 
Lenz,  Timbuktu,  Reise  durch  Marokko,  die  Sahara  und  den  Sudan. 
—  Erman,  Deutsche  Medailleure  des  XVI.  u.  XVII.  Jahrhunderts.  ~ 
Minhâdj  af-falibîn,  le  guide  des  zélés  croyants,  manuel  de  jurispru- 
dence musulmane  selon  le  rite  de  Châfi'î,  texte  arabe  p.  p.  van  den 
Berg  avec  traduction  et  annotations,  III.  Batavia.  —  Schuster  u. 
Francke,  Geschichte  der  silchsischen  Armée  von  deren  Errichtung 
bis  auf  die  neueste  Zeit.  (Hinze.) 

Gœtting'ische  gelehrte  Anzeigeii,  n»  4,  i5  février  188  5  :  Wlassak,  Kri- 
tische  Studien  zur  Théorie  der  Rechstsquellen  (G.  Hartmann).  —  Zwei 
Abhandlungen  aus  dem  rumischen  Rechte,  Herrn  Prof.  v.  Scheurl 
ûberreicht  von  Brinz  u.  Hôlder  (Ubbelohde  :  la  première  de  ces  disser- 
tations a  pour  titre  «  die  Freigelassenen  der  lex.  Aelia  Sentia  und  das 
Berliner  Fragment  von  den  Dediticiern  «  ;  la  seconde,  «  das  Wesen  der 
Correalobligationen  »).  —  Brugsch,  Religion  und  Mythologie  der  alten 
Aegypter,  I.  (Puchstein  :  rappelle  les  idées  d'Ed.  Rôth.)  —  Bechtel, 
Thasische  Inschriften  ionischen  Dialektsim  Louvre  (Bechtel). 


Léopold   CERF,  éditeur,    rue    de   Médicis,    i3. 
VIENT  DE  PARAITRE 

GOETZ     DE     BERLICHINGEN 

DE    G  (ET  HE 

Nouvelle  édition   avec   introduction  et   notes, 
par  A.    CHUQUET. 


ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 


PUBLICATIONS  DES  FACULTÉS  DES  LETTRES 


BULLETIN   DE  LA  FACULTÉ    DES    LETTRES   DE 

CAEN.  Bulletin  mensuel.  Première  année.  Prix  du  numéro,     i  25 

ANNALES  DE  LA  FACULTÉ  DES  LETTRES  DE 

BORDEAUX  ,   rédigées    par    les     professeurs    des    Facultés    de 
Bordeaux  et  de  Toulouse. 

Ancienne  série.  Cinq  années.  Cinq  volumes  in-8 5o  fr. 

Nouvelle  série.  1884.  Abonnement  annuel 10  fr. 

BULLETIN  DE  LA  FACULTÉ  DES  LETTRES  DE 

POITIERS.    Bulletin  mensuel.  Abonnement 10  fr. 

Années  i883,  1884.  2  volumes   in-8 20  fr. 

ANNUAIRE  DE  LA  FACULTÉ  DES  LETTRES  DE 

LYON.    Souscription  annuelle 10  fr. 

Tomes  I  et  II,  188 3,  1884.  In-8.  Chaque 10  fr. 


LA  LÉGENDE  D'ÉNÉE  avant  Virgile, par  J. -a.  Hild.  In-8.  3fr. 
JU VENAL'    Notes  biographiques,  par  J.-A.  Hild.  ln-8 2  fr. 

ÉTUDES  SUR  LA  VIE  DE  SÉNÈQUE,  par  m.  Hochart. 

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ROMAN    DE    RENART,     publié     par     Ernest     Martin. 

Volume  I.  L'ancienne  collection  des  Branches,  In-8 12  5o 

Volume  il.  Les  Branches  additionnelles.  In-8 10  fr. 

DES  VARIATIONS  DE  LA  LANGUE   et  de  la  métrique 
d'Horace  dans  ses  différents  ouvrages,  par  A.  Waltz.  In-8. . .     5  fr. 

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OROQ.U1S    ARTISTIQUES    ET    LITTÉRAIRES, 

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Le  Puy.  imprimerie  Marchessou  fils,   boulevard  Saint- Laurent,  23. 


N*  12  Dix-neuvième  année  23  mars  1885 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL    HEBDOMADAIRE   PUBLIÉ    SOUS   LA    DIRECTION 

DE  MM.  J.  DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 


Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.  Chuquet 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.  —  Etranger,  23  fr. 


PARIS 

ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE    LA     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     l' ÉCOLE     DES    LANGUES    ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

28 ,    RUE    BONAPARTE,    28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 

(Au  bureau  de  la  Revue  :  rue  Jionaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 


ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

PDBLICATIONS  DE  L'ÉCOLE  DES  LANGUES  ORIENTALES 

Ile  SERIE 

XIV.  -  KIM  VAN    KIÊU   TAN  TRUYÉN, 

publié  et  traduit  pour  la  première  fois,  par  Abel  des  Michels. 

Tome  I,  transcription,  traduction  et  notes.  In-8...      i5  fr. 

XV.  —  Tome  II,  2'  partie.  Texte  en  caractères  figuratifs.  In-8.     10  fr. 

XVI.-    KAMI    YO-NO     MAKI.     Histoire  des  dynas- 

ties  divines,  publiée  en  japonais,  traduite  pour  la  première 
fois  sur  le  texte  original,  accompagnée  d'une  glose  en 
chinois  et  d'un  commentaire,  par  L,  de  Rosny.  I.  La  Ge- 
nèse. In-8 i5  fr. 


LA    RHÉTORIQUE   SANSCRITE,   exposée 

dans  son  développement  historique  et  ses  rapports  avec  la  rhétorique 
classique,  suivie  des  textes  inédits  de  Bhâratîya-Natya-Castra  et  de 
la  Rasa tarangini,  par  Paul  Regnaud.  In-8.,...., 16  fr. 


PERIODIQUES 

TheAcademy,  n"  670,  7  mars  i885  :  Hubert  Hall,  A  history  of  ihe  1 
custom-reveuLie  in  England  trom  the  earliest  times  to  the  year  1827,  ( 
compiled  cxclusively  h-om  original  authorities.  2  vols.  (Ehon  :  sujet 
très  difficile,  traittj  avec  succès.)  —  Ellis,  West  African  Islands.  — 
Alb.  Réville,  Prolcgomena  of  the  History  of  Religions,  translated  by 
Squire,  with  an  introduction  by  Max  Muller  (Cheyne.)  — G.  M.  J. 
Blackburne,  Algernon  Sidney,  a"revie\v.  (Airy  :  l'auteur  aurait  mieux 
fait  de  choisir  un  autre  sujet, "car  son  livre  est  fort  mal  écrit  et  dénote 
une  très  médiocre  connaissance  de  Tépoque  où  vivait  Sidney.)  —  Col 
Lkwin,  A  Fiyon  the  Wheel.  (Keenne  :  livre  très  supérieur  aux  «  Ré- 
miniscences »  ordinaires  des  Anglais  qui  ont  vécu  aux  Indes.)  —  Books 
ofancient  history.  (Sir  G.  Cox,  Lives  of  greek  statesmen  ;  Horton,  A 
history  of  the  Romans;  Dacbert,  Sénèque  et  la  mort  d'Agrippme; 
Pflugk-Harttung,  Perikies  als  Feldherr.)  --  Lady  Martin  on  Shak- 
spere's  women.  —  The  Eikon  Basilike  and  a  book  of  ballads.  (Maunde 
Thompson.)  —  The  Brough  Stone.  (Browne.)  —  The  hunting  of  the 
wren.  (Soutesk.)  —  Thompson,  A  system  of  psychology.  (J.  Sully.)  -— 
Art-books.  (Em.  Molinier,  Dictionnaire  des  émaiileurs.)  --  The  Hol- 
bein's  Society's  «  Tewrdannckh  ».  (Conway.) 

The  Atiienaeiiin,  m'  2993,  7  mars  885  :  Shaw,  Madagascar  a.  France, 
with  some  account  of  the  island,  its  people,  its  resourses  a.  develo- 
pment.  —  Col.  Lewin,  A  Fiy  on  the  Wheel.  —  Catalogue  of  books  in 
the  library  of  British  muséum  printed  in  England,  Scotland  and  Ire- 
land,  andof  books  in  English  printed  abroad,  to  the  year  1640,  printed 
by  order  of  the  trustées,  3  vols.  —  Boddv,  To  Kairwân  the  Holy  scènes 
in  Muhammedaa  Africa.  —  Historical  books.  (Hall,  History  ot  ihe 
Lown  and  parish  of  Nantwich,  co.  Chester;  Pflugk-Haarttung,  Iter 
italicum,  II  et  acta  pontihcum  romanorum  inedita;  Correspondance 
de  M.  de  Rémusat,  tome  III.)—  Philological  books.  (The  taie  of  Ga- 
raelyn.  edited  by  W.  Skeat;  Aeschylus,  Choephoroi,  with  introduction 
and  notes  by  Sidgwick;  Saalfeld,  Tensaurus  Italo-graecus  (compila- 
tion consciencieuse  avec  quelques  négligences);  Clédat,  Grammaire 
élémentaire  de  la  vieille  langue  française  :  ouvrage  de  valeur;  Lattes, 
Miscellanea  postuma.)  -  Patronymicsin  -ing  (Mcclure).—  Notes  from 
Naples.  —  Shelleyana  (Dobell). 

Literarisches  Centralblatt  n"  11,7  mars  i885  :  Augustini  in  Joannis 
Evangeiium  tractatus,  1.  II.  —  Sacrorum  conciliorum  nova  et  amplis- 
sima  collectio,  p.  p.  Mansi,  I.  —  Joël  gegen' Gildemeister  ;  Rodeins- 
soHN,  der  Schulchan  Aruch  u.  seine  Beziehungen  zu  den  Juden  u.  den 
Nichtjuden.  —  Alcimi  Ecdicii  Aviti,  Viennensis  episcopi,  opéra  quae 
supersunt,  rec.  Rud.  Peiper.  (Monumenta  germaniae  histonca, 
tomi  Vi  pars  posterior.)  —  Garrigou,  Ibère,  Ibérie,  études  sur  Forigine 
et  les  migrations  de  ces  Ibères,  premiers  habitants  connus  de  l'occi- 
dents  de  l'Europe.  (II  v  a  des  domaines  qui  semblent  condamnés  à  être 
le  champ  de  l'ignorance  et  de  la  fantaisie  la  plus  vagabonde;  par  exem- 
ple, la  question  ibérienne;  l'auteur  ferait  bien  de  déclarer  que  son  011- 
vrage  entier  est  une  faute  d'impression  ;  on  croit  à  peine  qu'un  pareil 
livre  ait  paru  en  1884.)—  P.  Mever,  Fragment  d'une  chanson  dAn- 
tioche,  en  provençal,  publié  et  traduit.  (Contribution  bienvenue  à  la  ht- 
térature  de  Thistôire  des  croisades  et  remarquable  travail  qui  offrira 
grand  intérêt  aux  romanistes  autant  qu'aux  historiens.) —  Dk  CATT,lJn- 
'terhaltungen  mit  Friedrich  dem  Grossen,  Memoiren  und  TagbUclier,  ; 
hi-sg.  v.  R.  Koser;  Friedrichsdes  Grossen  Gesprache  mit  Henri  de  Catt.   | 

—  Bergner.  Siebenburgen.  eine  Darsiellung  des  Landes  und  der  Leute.   |f 

—  Heims    Unter  der    Kriegsflagge   des  deutschen    Reiches,   Bilder  u     ■ 
Skizzen  von  der  Weltreise  S.  M.  S.  Elisabeth   i88i-i883.  —  Alexan 


DROFF,  Die  Substitute  der  einzelnen  Laute  und  der  Lautgruppen  der 
normalen  russischen  Sprache  in  der  Aussprache  eines  I:idividuums, 
welchem  in  Folge  von  Cancroides  die  Zungc  ampuiiert  worden  war, 
eine  Beobachtung.  (L'ouvrage  est  écrit  en  russe  ;  observations  sur  les 
sons  articulés  par  un  individu  à  qui  la  langue  avait  été  presque  entière- 
ment coupée.)  —  HoMMEL,  Die  sumero-akkadische  Sprache  und  ihre 
Verwandtschaftsverhaltnisse.  (Trop  grande  hardiesse  d'hypoUjèses, 
mais  beaucoup  de  remarques  instructives  et  utiles.)  —  OiMont,  Inven- 
taire sommaire  des  manuscrits  du  supplément  grec  de  la  Bibliothèque 
nationale.  (Catalogue  fait  d'une  façon  pratique  et  d'un  usage  très  com- 
mode.) —  R.  Wackernagel,  Wilhelm  Wackernagel,  Jugendjahre, 
1 806-1 833.  (Récit  simple  et  sans  prétention.)  —  Instructionem  fur  den 
Lfnierricht  in  Oesterreich. 

Deiitscbe  Litteraturzeituiig',  n"  10,  7  mars  i885;  Lepsils,  Die  Liingen- 
masse  der  Alten.  (Loewenherz.)  —  G.  Gurtius,  Zur  Kritik  der  neuesten 
Sprachforschung.  (J.  Schmidt  :  long  article  de  quatre  colonnes  .sur  ce 
livre  où  l'auteur  critique  tous  ceux  qui  ont  suivi  d'une  façon  quelcon- 
que la  méthode  de  Schleicher.)  —  Max  Mûller,  Indien  in  seiner 
weltgeschichtlichen  Bedeutung,  Vorlesungen  gehalten  an  der  Univer- 
-s'tat^Cambridge  ûbers.  von  Cappi-xlkr.  (Weber.)  —  Homeri  Iliadis 
carmina  seiuncta  discreta  emendata  prolegomenis  et  apparatu  critico 
instructaed.  Christ.  (Hinrichs  :  livre  qui  contient  beaucoup  de  choses; 
vues  instructives  et  qui  font  avancer  la  science;  quand  à  l'édition  même, 
elle  représente  une  hvpothese  toute  moderne  et  raffinée,  qui  fera  diffici- 
lement son  chemina  Homerum  ipsum  totius  fabulae  Iliacae  lineamenta 
duxisse  et  fato  abreptum  sodalibus  suis  auctorem  fuisse  opus  de  linea- 
tum  perficiendi  et  amplificandi.)  « — WilamowitzMoellendorff,  Home- 
rische  fjntersuchungen.  ,R.  Neubauer  :  ce  livre  n'est  pas  un  livre  de 
fabrique,  il  a  de  l'originalité,  de  la  race,  du  caractère:  il  est  plein  d'es- 
prit et  de  fraicneur  ;  il  vaut  la  peine  d'être  lu,  et  quant  à  ses  résultats, 
c'est,  depuis  les  travaux  de  Kirchhoff,  l'œuvre  la  plus  remarquable  de 
la  littérature  homérique;  elle  aura  sur  les  recherches  postérieures  une 
grande  influence;  quiconque  s'occupera  des  problèmes  de  la  question 
homérique  et  ne  l'aura  pas  lu,  devra  se  taire.)  —  Eckermann,  Gesprii- 
che  mit  Goethe  in  den  leîzten  Jahren  seines  Lebens,  hrsg.  v.  Duntzer. 
(R.  M.  'vVerner  :  commentaire  assez  abondant,  mais  qui  n'est  pas  assez 
complet,  malgré  tout,  et  évite  trop  les  citations;  ce  n'est  qu'un  premier 
essai  de  commentaire.)  —  Miguel  de  Cervantes  Saavedra,  der  sinnrei- 
che  Junker  don  Quijote  von  der  Mancha  ûbersetzt,  eingeleitet  u.  mit 
Erleuterungen  versehen  von  Braunfels.  (Vollmuller  :  Braunfels  a  fait 
pour  Cervantes  ce  que  Schlgel  a  fait  pour  Shakspeare.)  —  Soltau,  Die 
Giltigkeit  der  Plébiscite.  (J.  Schmidt  :  diffus,  et  le  principal  résultat  du 
livre  peut  être  regardé  comme  manqué.)  —  Monumenta  saecuii  XVI 
historiam  iliustrantia  p.  p.  Balan.  I,  démentis  VII  epistolae  per  Sa- 
doletum  scriptae.  (Baumgarten  :  recueil  fait  superficiellement.)  — 
Frey,  Die  Loggia  dei  Lanzi  zu  Florenz,  eine  quellencritische  Uriter- 
suchung.  (H.  Grimm.) 

Im    Verlage    vou    Edti;:rd    Ti-e^ventït    in    Ereslau    erschiea   soeheu 

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Privaldoceut  un  der  Universital  Halle  a  S. 

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de  MM.  Chardin  et  Mauss 20  fr. 

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ROYAUME  DU  CAMBODGE.  2  beaux  volumes  avec  nom- 
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Sainte-Marie  (E.  de,  consul  de  France).  Mission  à  Carthage.  Un 
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Desmaze  (Ch.,  conseiller  à  la  Cour).  LES  MÉTIERS  DE  PARIS, 
avec   les  sceaux  des   artisans.   In-8 7  5o 

Galland.  JOURNAL  D'ANT.  GALLAND,  pendant  son  séjour 
à  l'ambassade  de  France  à  Constantinople,  publié  par  M.  Sche- 
fer,  de  l'Institut.    2    vol 2  5  fr. 

OUVRAGES  GRAND  IN-S"  NON  ILLUSTRÉS 

CHRONIQUE  DE  NESTOR,  traduite  sur  le  texte  slavon  russe, 
avec  introduction  et  commentaire  critique,  par  L.  Léger,  professeur 
à  TEcole  des  langues.  In-8 i5  fr. 

RECUEIL  DE  POÈMES  HISTORIQUES  en  grec  vulgaire,  publiés, 
traduits  et  annotés   par  Em.   Legrand.  ln-8 i  5  fr. 

BAG-0  BAHAR.  Le  jardin  et  le  printemps,  poème  hindoustani, 
traduit  en  français,  par  Garvin  de  Tassy,  membre  de  l'Institut. 
I  n  -  8 1 2  f r . 

ÈPHÉMÉRIDES  DACES.  Histoire  de  la  guerre  de  quatre  ans 
entre  les  Turcs  et  les  Russes,  texte  grec  et  traduction,  par  Em. 
Legrand.  2  vol.  in-8,  avec  portrait  et  fac-similé 3o  fr. 

CHRONIQUE  DE  CHYPRE,  texte  grec  publié,  traduit  et  annoté 
par  E.  Miller,  de  l'Institut  et  C.  Sathas.  2  vol.  in-8,  avec  une 
carte  en  chromolithographie 3o  fr. 

*  Remises  très   importantes   seront  accordées    aux    établissements  d'instruction 
sur  les  prix  de  vente  indiqués  ci-dessous. 

Le  Puy,  imprimerie  Marchessou  fils,   boulevard  Sainl-Laureni,  23. 


i 


N"  13  Dix-neuvième  année  30  mars  1885 


REVUE  CRITIQUE 

D'hnSTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL    HEBDOMADAIRE   PUBLIE    SOUS    LA    DIRECTION 

DE  MM.  J.DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 


Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.  Chuquet 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Paris,  20  fr,  —  Départements,  22  fr.  —  Etranger,  23  fr. 


PARIS 

ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE    LA    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     1.' ÉCOLE     DES    LANGUES    ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

28,    RUE    BONAPARTE,    28 


Adresser  les  coTumunications  concernant  la  rédaction  ^  M.  A.  CHUQut.T 

(Au  bureau  de  la  Kevue  :  rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  ■priés  d'envoyer  directement,  ei 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 


ERNEST  LEROUX,   ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

ARCHIVES  DE  L'ORIENT  LATIN,  publiées 

sous  le  patronage  de  la  Société  de  l'Orient  Latin  et  la   direction  du 
comte  Riant,  membre  de  F  Institut. 

Tome   II,   fort    volume    gr.    in-8    de    11 60    pages,    avec   plan- 
ches  , 3o  fr. 

Tome  I... 2  5  fr. 


RESUME    HISTORIQUE  DES    PRINCI- 
PAUX   TRAITÉS    DE    PAIX    conclus  entre  les 

puissances    européennes,    depuis    le   traité    de    Westphalie    (1648) 
jusqu'au  traité  de  Berlin  (1878),  par  le  prince  A.  M.  Ouroussow.  16  fr. 


LES   ROUMAINS    AU    MOYEN    AGE, 

par  Xenopol,     professeur    à   l'Université    de    Jassy.     Un    volume 
in-8 7  5o 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n"  671,  14  mars  i885  :  Dowell,  A  history  of  Taxations 
and  Taxes  in  England,  4  vols.  (Thorold  Rogers  :  livre  très  utile.)  — 
Noël,  Songs  of  theheights  and  deeps.  —  Shaw,  Madagascar  and  France 
with  some  account  of  the  island,  its  people,  its  resources  and  deve- 
lopment.  (Trotter  :  court  et  clair.)  —  Bersier,  Goligny,  the  earlier  life 
of  the  great  huguenot,  translated  by  Annie  Harwood-Holmden.  (Mor- 
ris :  première  partie  d'un  livre  dont  le  dessein  est  supérieur  à  l'exécu- 
tion, ce  n'est  pour  la  plus  grande  partie  qu'un  épitome  de  Fouvrage  de 
M.  Delaborde,  il  y  a  des  recherches  exactes  et  une  certaine  mise  en 
œuvre,  mais  l'art  manque,  la  figure  de  Famiral  ne  revit  pas,  l'époque 
où  il  vécut  ne  reparaît  pas  devant  nous;  mais,  quoique  parfois  sans  ani- 
mation, le  livre  a  une  grande  valeur.)  —  Proceedings  of  the  Interna- 
tional Conférence  on  éducation,  London,  1884,  edited  by  Rich.  Cowper, 
4  vols.  —  The  Thoughts  of  Biaise  Pascal,  translated  by  Paul.  —  Cur- 
rent  literature.  (Mémoires  of  Napoléon  Bonaparte,  by  Phipps,  3  vols. 
Field-Marshal  Count  von  Moltke,  Poland,  an  historical  sketch,  etc.) 

—  M.  de  Laveleye  on  J.  S.  Mill.  —  A  tract  of  Bishop  Ken's.  (Doble.) 

—  Death  of  CromwelPs  son  (Sam.  R.  Gardiner.)  —  Two  queries.  — 
Arethusa  and  Alpheus.  (Lloyd.)  —  Il  giorno  délie  vecchie.  (Martincngo- 
Cesaresco.)  —  Finn  and  Gwynn  (Powel).  —  The  hunting  of  the  wren. 
(Evans). — Two  books  on  buddhist  law  :  King  Wagani's  Dhamma- 
sattha,  tex:,  translation  and  notes,  edited  by  Forchhammer  ;  Notes  on 
buddhist  law  by  Jardine.  (Rhys-Davids.)  —  First  and  second  persons  of 
the  indo-european  verb.  (Sibree.)  —  «  Giles  »  or  «  Galis  »  in  Hindous- 
tani.  (Lyall.) 

Literarisch es  Central blatfc  n<»  12,  i3  mars  i885,  Mangold,  der  Rômerbrief 
u.  seine  geschichtlichen  Voraussetzungen. —   Nietzsche,  Also  sprach  '] 

Zarathustia,  ein  Buch  fur  Aile  und  Keinen.  (Suite  de  discours  d'un 
mysticisme  exalté.)    —    Mehlis,  Grabhûgel    und  Verschanzungen   bei  1 

Thalmassing  in  Mittelfranken.  —  Joseph,  historisch-kritische  Beschrei- 
bung  des  Bretzenheimer-Goldguldenfundes.  —  Urkundenbuch  der 
Stadt  Strassburg,  II,  privatrechtliches  Urkunden  und  Amtslisten  von 
1266  bis  i332,  bearb.  v.  Schulte.  (Remarque  Fintroduction  très  inté- 
ressante et  profonde.)  —  Von  Wyss,  Leben  der  beiden  ziircherschen  | 
Btirgermeister  David  von  Wys,  Vater  und  Sohn  ;  I.  (Très  important 
pour  l'histoire  de  la  Suisse  pendant  la  période  révolutionnaire.)  — 
Kiepert,  Schul-Wandatlas  der  Lânder  Europas;  10,  Politische  Wand- 
karte  von  Deutschland  ;  11,  Politische  Wandkarte  von  Oester- 
reich-Ungarn.  —  Pantschatantra,  Ein  altes  indisches  Lehrbuch  der 
Lebens  Klugheit  in  Erzahlungen  u.  Sprûchen  ,  aus  dem  Sans- 
krit neu  ûbersetzt  von  Fritze.  (Bien  réussi,  fidèle  à  l'original  et 
«  porte  un  bon  vêtement  allemand  ») —  Holtzmann,  Grammatisches  aus 
dem  Mahabharata,  ein  Anhang  zu  Whitney's  indischer  Grammatik. 
(Beaucoup  de  choses  en  peu  de  pages.)  —  Rolfs.  Ueber  die  Grûndung 
eines  Institutes  fur  deutsche  Philologen  zum  Studium  des  Englischenin 
London.  (Non,  pas  d'institut,  pas  d'école,  mais  des  bourses  de  voyage.) 

—  Carstens,  zur  Dialektbestimmung  des  mittelenglischen  Sir  Firum- 
bras,  eine  Lautuntersuchung.  —  Linning,  Deutsche  Mythen-Marchen, 
Beitrag  zur  Erklàrung  der  Grimm'schen  Kinder-und  Hausmârchen. 
(Bizarres  explications,  écrit  néanmoins  avec  chaleur,  ne  connaît  pas 
assez  la  littérature  des  contes  populaires  de  tous  pays.)  —  Michaelis, 
Ancient  marbles  in  Great  Britain  described,  translated  by  Fennel. 
(Comble  une  lacune  sensible.)  —  K.  Lange,  Haus  und  Halle,  Studien 
zur  Geschichte  des  antiken  Wohnhauses  und  der  Basilika.  (Beaucoup 
de  clarté  dans  l'exposition  et  d'indépendance  dans  le  jugement. 


ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

OUVRAGES  POUR  DISTRIBUTIONS  1)E  PRIX 


PREMIERE     SERIE 

FORMAT  GRAND  IN-S".  —  OUVRAGES  RICHEMENT  ILLUSTRES 

Baron  DE  Vaux.  LA  PALESTINE.  Illustré  de  140  dessins  originaux 
de  MM.  Chardin  et  Mauss 20  fr. 

Mention  honorable  de  TAcadémie  française. 

SoLDi  (Emile),  grand  prix  de  Rome.  LES  ARTS  MECONNUS. 
Illustré  de  400  gravures 20  fr. 

Moura  (J.)  ,  ancien  représentant  de  la  France  au  Cambodge.  LE 
ROYAUME  DU  CAMBODGE.  2  beaux  volumes  avec  nom- 
breux  dessins,   plans,  cartes  en    couleurs,   etc 3o  fr. 

Sainte-Marie  (E.  de,  consul  de  France).  Mission  à  Carthage.  Un 
volume   richement  illustré 1 5  fr. 

Publié  sous  les  auspices  du  Ministère  de  l'Instî'uction  publique. 

Desmaze  (Ch.,  conseiller  à  la  Cour).  LES  MÉTIERS  DE  PARIS, 
avec   les  sceaux   des   artisans.   In-8 , 7  5o 

Galland.  JOURNAL  D^ANT.  GALLAND,  pendant  son  séjour 
à  l'ambassade  de  France  à  Constantinople,  publié  par  M.  Sche- 
fer,  de  l'Institut.    2    vol.... 2  5  fr. 

OUVRAGES  GRAND  IN-8'^  NON  ILLUSTRÉS 

CHRONIQUE  DE  NESTOR,  traduite  sur  le  texte  slavon  russe, 
avec  introduction  et  commentaire  critique,  par  L.  Léger,  professeur 
à  l'Ecole  des  langues.  In-8. ., i5  fr. 

RECUEIL  DE  POÈMES  HISTORIQUES  en  grec  vulgaire,  pubHés, 
traduits  et   annotés   par  Em.   Legrand.  In-8 1 5  fr. 

BAG-0  BAHAR.  Le  jardin  et  le  printemps,  poème  hindoustani, 
traduit  en  français,  par  Garcin  de  Tassy,  membre  de  l'Institut. 
In-8 '. , 12  fr. 

ÈPHÉMÉRIDES  DACES.  Histoire  de  la  guerre  de  quatre  ans 
entre  les  Turcs  et  les  Russes,  texte  grec  et  traduction,  par  Em. 
Legrand.  2  vol.  in-8,  avec  portrait  et  fac-similé 3o  fr. 

CHRONIQUE  DE  CHYPRE,  texte  grec  publié,  traduit  et  annoté 
par  E.  Miller,  de  l'Institut  et  C.  Sathas.  2  vol.  in-8,  avec  une 
carte   en  chromolithographie , 3o  fr. 

*  Des  remises  très  importantes  seront  accordées  aux  établissements  u'instiuction 
sur  les  prix  de  vente  indiqués  ci-dessus. 


OUVRAGES  POUR  DISTRIBUTIONS  DE  PRIX 


DEUXIEME      S  !•:  U  I  E 

FORMAT    IN -8    RAISIN 

HISTOIRE  GRECQUE,  par  Ernest  Curtius.  Traduction  Bouché- 
Leclercq.  5  vol.  in-8 87  5o 

HISTOIRE  D'ALEXANDRE  ET  DE  SES  SUCCESSEURS,  par 
J.-G.  Droysen.  Traduction  Bouché-Leclercq.  3  vol.  in-8. ...     3o  fr. 

ATLAS  POUR  L'HISTOIRE  GRECQUE,  par  A.  Bouché-Leclercq, 
professeur  à  la  Faculté  des  lettres.  In-8 i:i  fr. 

HISTOIRE  DE  LA  LITTÉRATURE  LATINE  du  moyen-âge, 
par  A.  Ebert.  Traduction  Aymeric  et  Condamin.  2  vol.  in-8.     20  fr. 

HISTOIRE  DE  LA  DIVINATION  DANS  LANTIQUITÉ,  par 
A.  Bouché-Leclercq.  4  vol.  in-S 40  fr. 

HISTOIRE  DES  LITTÉRATURES  SLAVES,  par  Pypine  et 
Spasovic.  Traduit  du  russe  par  Ernest  Denis,  professeur  à  la  Faculté 
des  Lettres  de  Grenoble.  In-8 16  fr. 

LES  NORMANDS  EN  ITALIE  depuis  les  premières  invasions 
jusqu'à  Tavènement  de  Grégoire  VII,  par  O.  Delarc.  In-8.,      12  fr. 

HISTOIRE  DE  L'ÉCOLE  ANGLAISE  DE  PEINTURE,  par 
Feuillet  de  Conches.  In-8 12  fr. 

HISTOIRE  DES  MACHABÉES,  ou  princes  de  la  dynastie  asmo- 
néenne,  par  F.  DE  Saulcy,  membre  de  l'Institut.  In-8 10  fr, 

LES  COLONIES  FRANQUES  DE  SYRIE,  aux  xn«  et  xm^  siècles, 
par  E.  Rey.  In-8 8  fr. 

LE  PAYS  DANNAM,  par  E.  Luro,  lieutenant  de  vaisseau,  directeur 
du  collège  des  stagiaires  à  Saigon.  In-8,  avec  carte 8  fr. 

VIE  OU  LÉGENDE  DE  GAUDAMA,  le  Boudha  des  Birmans,  par 
Ms''  BiGANDhT.  In-8 10  fr. 

UN  AMBASSADEUR  LIBÉRAL  sous  Charles  IX  et  Henri  III, 
Arnaud  du  Ferrier,  par  Fremy,  secrétaire  d'ambassade.  Iii-8..      10  fr. 

LES  ROUMAINS  AU  MOYEN  AGE,  par  Xenopol,  professeur  à 
l'Université  de  Jassy.  In-8 , 7  5o 

ETUDES  SUR  LA  VIE  DE  SÉNÈQUE,  par  Hochart.  In-8.     6     » 

LES  POLYNÉSIENS,  leur  origine,  leurs  migrations,  leur  langage, 
par  le  Dr.  P.  A.  Lesson,  ancien  médecin  en  chef  des  établissements 
français  de  TOcéanie.  4  forts  volumes  in-8,  avec  cartes 6c  tr. 

Le  /'uy^,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent.  2  3, 


N'  14  Dix-neuvième  année  6  avril  1885 


REVUE  CRITK 

O'HÎSTOIRE    ET    DE    LITTERATUKE 

RECUKIL    HEBDOMADAIRE   PUBr.lÉ    SOUS    I.A    DIKECTION 

DK  MM.  L  DARMESTLTER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 
Secrétaire  i!c  la  rédaction  :   M.   A.   Cmuquei 

Prix  d'abonnement  ; 
Un  an,   Paris,  20  fr.  —  Départements,   22  Ir.   —    Etranger,  20  fr 

PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE    LA    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE   l'École   des  langues  orientales   vivantes,   etc. 
28,    RUE    BONAPARTE,    28 

Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 

'Au  buicaii  de  \a   Hevue  :  riie  l'onaparte,  i8). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 

ERNEST  LKROUX,   ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28 

ARCHIVES  DE  L'ORIENT  LATIN,  pubi.ées 

SOUS  le  patronage  de  la  Société  de  lOrient  Lalin  et  la  direction  du 
comte  Riant,  membre  de  Flnstitut. 

Tome   II,    fort    volume    gr.    in-8    de    1160    pages,    avec    plan- 
ches   , 3o  fr. 

Tome  I , .     2  3  fr. 

RÉSUMÉ  HISTORIQUE  DES  PRINCI- 
PAUX TRAITÉS  DE  PAIX  conclus  e„ue  les 
puissances  européennes,  depuis  le  traité  de  Westphalie  (1648) 
jusqu'au  traité  de  Berlin  (1878),  par  le  prince  A.  M.  Ouroussow.  16  fr. 

LES   ROUMAINS    AU    MOYEN    AGE, 

par  Xenopol,     professeur    à   l'Université    de    Jassy.     Un    voiu  ne 
in-8 , 7  5o 


PÉRIODIQUES 

The  Acadeniy,  n"  672,  21  mars  i885  :  Pater,  Marius  the  Epicuraean, 
his  sensations  and  ideas,  2  vols.  (Gray  :  histoire  d'un  jeune  Italien,  né 
vers  la  fin  du  règne  d'Antonin  le  Pieux  ;  elle  est  racontée  en  fort  beau 
style.)  —  Montagne,  The  limits  of  individual  liberty.  (Alexander.)  — 
Sélections  from  the  letters  and  correspondence  ot  Sir  James  Bland  Bur- 
ges,  with  notices  of  his  life,  edited  by  Hutton.  —  Weise,  The  discove- 
ries  of  America  in  the  year  i525.  (Temple:  ouvrage  d'un  plan  très 
vaste  et  qui  n'épuise  pas  le  sujet,  mais  où  Ton  trouve  de  nombreux  dé- 
tails et  le  fruit  de  laborieuses  recherches.)  —  Correspondence  :  Death 
of  CromwelTs  son.  (Wright.)  —  The  Aberdeen   Poll-Booke  (Morice). 

—  M.  de  Bourrienne's  Memoirs.  —  Kielland's  «  skipper  worse  »  (Du- 
cie).  —  Two  queries  (Green).  —  The  hunting  of  the  wren  (Ridgeway). 

—  M.  Tulli  Ciceronis  ad  M.  Brutum  Orator,  recensuit  Heerdegen, 
(Sandys  :  recommandable.)  —  Redhouse,  A  turkish  lexicon,  showing 
in  english.  the  significations  of  ihe  turkish  terms,  I.  (Gibb.)  —  Wauters, 
The  flemish  school  of  painting,  translated  by  Mrs.  Henry  Rossel. 
(Couway.) 

The  Athenaeum,  n"  2994,  i5  mars  i885  :  Mark  Pattison,  Memoirs.  — 
Aeschyli  Fabulae  cum  lectionibus  et  scholiis  Codicis  Medicei  et  in 
Agamemnonem  Codicis  Florentini  ab  Hieronymo  Vitelli  denuo  col- 
latis,  éd.  Wecklein,  2  vols.  (Excellente  édition,  «  opéra  infiniti  labo- 
ris  ».)  —  Davenport,  Sport.  —  Melville,  In  the  Lena  Delta.  — 
MoRWooD,  Our  gipsies  in  city,  tent  and  van.  —  «  Giordano  Bruno  » 
(Christe).  —  Coleridge,  Lamb,  Leigh  Hunt  and  others  in  the  «  Poe- 
tical  Register  »  (Campbell.)  —  Naville,  The  Store-city  of  Pithom  and 
the  route  of  the  Exodus. 

—  N^»  2995,  21  mars  i885  :  A  diary  of  two  parliaments,  by 
Lucy;  the  Disraeli  Parliament,  1874-1880.  —  Major  Ellis,  West 
Africa  Islands.  —  Si-yu-ki,  buddhist  records  of  the  western  world, 
translated  from  the  chinese  of  Hiuen-tsïang,  a.  d.  629,  by  Beal.  2  vols. 

—  Poster,  The  royal  lineage  of  our  noble  and  gentle  families,  compi- 
led.  —  Verrall,  Studies  litterary  and  historical  in  the  odes  of  Horace. 
(Critique  littéraire  souvent  fine  et  suggestive.)  —  Calendar  of  State 
Papers  and  manuscrits,  relating  to  english  affairs  existing  in  the  archives 
and  collections  of  Venice  and  in  other  libraries  of  Northern  Italy, 
vol.  VI,  part  III,  i557-i558,  with  an  appendix,  edited  by  Rawdon 
Brown.  —  Theological  books.  (Helen  Spurrell,  A  translation  of  the 
Old  Testament  Scriptures  from  the  original  hebrew;  The  Cambridge 
Bible  for  schools  and  collèges,  Hosea  with  notes  and  introduction  by 
Cheyne,  etc.)  —  The  biographv  of  sir  Moses  Montefiore.  (Partridge.) 

—  Prof.  Ch.  Cassai.  —  Shorthand  for  schools.  (Rundel.)  —  Tsalam, 
Zalim,  Salman,  Salm.  (Forlong.)  —  Drummond  of  Hawthornden.  (Pur- 
ves.)  —  The  Wellington  dispatches  (Forrest).  —  Perrot  et  Chipiez, 
Histoire  de  l'art  dans  l'antiquité,  tome  II,  Chaldée  et  Assyrie,  452  gra- 
vures; A  history  of  art  in  Chaldea  and  Assyria,  from  the  french  of  G. 
Perrot  a.  Chipiez,  translated  and  edited  by  Armstrong,  illustrated, 
2  vols,  (Suite  de  l'ouvrage  qui  tient  toujours  ce  qu'il  promet,  et  où 
l'on  trouve  un  «  digeste  admirable  de  découvertes  et  de  conclusions.  ») 

—  The  protection  of  the  monuments  of  Cairo  (S.  L.-P.) 

Literarisches  Centralblatt,  n»  i3,  21  mars  i885  :  Bergaigne,  La  religion 
védique  d'après  les  hymnes  du  Rig-Veda,  II  et  III.  (ouvrage  très  impor- 
tant dont  l'auteur  a  fait  preuve  d'une  grande  sagacité  et  domine 
enii:;rcment  son  sujet.)  —  Erler,  deutsche  Geschichte  von  der  Urzeit  bis 
zum  Ausgangdes  Mittelalters  in  den  Erziihlungen  deutscher  Geschichts- 


schreiber,  Liefer.  16-22.  (Fin  d'an  ouvrage  qui  offre  une  lecture  à  la 
fois  utile  et  attachante.)  —  Stauffer,  Hermann  Christoph  Graf  von 
Rusworm,  Kaiserlicher  Feldnaarscliall  in  den  Tûrkenkampfen  untcr 
Rudolf  II.  (intéressant)  —  Kaufmann,  Bilder  aus  dem  Rhcinland, 
culturgeschichtliche  Skizzen.  (Suite  d'essais  sans  prétention, ]  — Johns- 
TON,  der  Kongo,  Reise  von  seiner  Mundung  bis  Bolobo,  autoris. 
deutsche  Ausgabe.  —  Avesta,  die  heiligen  Bûcher  der  Parsen,  hrsg.  y. 
Geldner.  I  Yasna,  i  Lief.  (Bon.1  —  Bendatx,  Catalogue  of  the  buddhist 
sanskrit  manuscripts  in  the  Univeisity  Library,  Cambridge.  —  Drei 
Yasht  aus  dem  Zendavesta,  uebersetzt  und  erklart  von  Geldner.  — 
Galeni  Pergameni  scripta  minora,  recens,  I.  Mueller,  Marquatdt, 
Helmreich,  I,  ex  rec.  Marquardt.  (i^f  volume  d'une  nouvelle  édition 
qui  sera  bien  accueillie.)  —  v.  Bezold.  Rudolf  Agricola,  ein  deutscher 
Vertreter  der  italienischen  Renaissance.  (Simple  discours.)  —  Klette, 
William  Wycherley's  Leben  u.  dramatische  Werke,  mit  besonderer 
Berticksichtigung  von  Wycherley  als  Pldgiator  Molière's.  (Travail  très 
soigné  et  dont  les  remarques  témoignent  d'un  bon  jugement.)  —  Schiessl, 
System  der  Stilistik,  eine  wissenschaftliche  Darstellung  u.  Begriindung 
der  stilischen  Entwickelungstheorie.  (Diffus.)  —  Gessner's  Werke, 
Auswahl,  hrsg.  v.  Frey,  —  Koi-y.\c'(oq  ~w)  àp/x-cov  vo[j.'.':[xaT(i)v,  ij'J[j.66)vWV 
v.xX  y.Epij.a-iojv  r?i;  GUKKO'!f,q  jMîAstottcjAO'j.  —  Stf.fkenhagen  u.  Wetzel. 
die  Klosterbibliothek  zu  Bordesholm  und  die  Gottorper  Bibliothek. 

Deutsche  Litteraturzeitimg-,  n°  11,  14  mars  i885  :  Witte,  Das  Leben 
Tholucks.  —  DiKTERicH,  Grundziige  der  Metaphysik.  —  Heegaard. 
Ueber  Erziehung.  —  Krause,  Mittheilungen  der  Riebeckschen  Niger- 
expédition,  I.  —  Spiro,  De  Euripidis  Phoenissis.  (Maas.) —  Grundmann, 
Quid  in  elocutione  Arriani  Herodoto  debeatur.  (Kaibel  :  travail  plein 
de  sens  et  de  soin,  qui  épuise  le  sujet,  en  son  ensemble.)  —  Plûss,  Ver- 
gil  und  die  epische  Kunst.  (Mêmes  qualités  et  mêmes  défauts  que  dans 
les  études  du  même  auteur  sur  Horace.)  —  Zingerle,  die  Quellen  zum 
Alexander  des  Rudolf  von  Ems,  im  Anhange  :  die  Historia  de  praeliis. 
(E.  Martin  :  trouvera  bon  accueil.)  —  Frankl,  Zur  Biographie  Ferdi- 
nand Raimunds  et  Zur  Biographie  Friedrich  Hebbels.  [U  faudra  con- 
sulter le  livre  sur  Raimund  avec  circonspection,  le  livre  sur  Hebbel 
renferme  de  jolies  lettres  inédites.)  —  E.  Hermann,  Erganzungen  und 
Berichtigungen  der  hergebrachten  Shakspeare-Biographie  nebst  An- 
hàngen.  (Mosen  :  beaucoup  de  peine  et  de  soin,  mais  l'auteur  manque 
d'habileté.) —  Hoyns,  Gcschichte  des  deutschen  Volkes  in  Staat,  Reli- 
gion, Literatur  und  Kunst  von  den  altesten  Zeiten  bis  zur  Gegenwart.  I 
Bis  zur  Regierung  Ottos  des  Grossen.  (Kaufmann  :  exposition  habile  et 
un  peu  diffuse,  jugement  mesuré,  sentiment  patriotique,  sans  être 
bruyant.)  —  Leupold,  Berthold  von  Buchegg,  Bischof  von  Strassburg, 
ein  Beitrag  zur  Geschichte  des  Elsass  und  d"es  Reichs  im  XIV.  Jahrhun- 
dert.  (Wiegand  :  bon  travail  qui  met  en  relief  la  figure  imposante  de 
l'évéque  Berthold.) —  Die  Berner  Chronik  des  Valerius  Anshelm,  hrsg. 
vom  historischen  Verein  des  Kantons  Bern.  (Boos.)  —  Stohle,  Géogra- 
phie und  Heimatkunde  der  Hohenzollernschen  Lande  (très  bon  ma- 
nuel). —  Bruun,  Ueber  die  kunstgeschichtliche  Stellung  der  pergame- 
nischen  Gigantomachie.  (Kekuié  :  très  abondant  en  détads  et  écrit  avec 
beaucoup  d'agrément.)  —  Gai  Institutiones  edid.   Krueger  et  Stude- 

MUND. 

Gœttingiscbe  gelehrte  Auzeigen,  n"  5,  i"^'"  mars  i885  :  van  Vloten  et  Land, 
Benedicti  de  Spinoza  opéra  quotquot  reperta  sunt,  IL  (Sigwart.)  — 
Lipps,  Grundthatsachen  des  Seelenlebens  (Natorp.) 


OUVRAGES  POUIl  DISTIUBUÏIONS  DE  PRIX 


VOLUMES   IN-8   RAISIN   ILLUSTRES 

liERTRAND  (A.)  de  l'Institut).  La  Gaule  avant  les  Ganlois, 
d'après  les  monuments   et   les  textes.    In-8,    illustré 6  fr. 

BARGES  (professeur  à  la  Soibonne).  Recherches  archéologiques  sur 
les  colonies  phéniciennes  établies  dans  le  midi  de  la  France. 
In-8,    8    planches. 7  5o 

CHEVREMONT  (Al.)  Les  mouvements  du  sol  sur  les  côtes  occi- 
dentales  de  la  France.   In-8,  illustré i5  IV. 

Honoré  d'une  récompense  de  l'Académie  des  sciences. 

LONGPÉRIER  (A.  de),  de  l'Institut.  Œuvres,  publiées  par 
M.  S.  Schlumberi;er,  de  Tlnstitut.  6  vol.  in-8,  richement  illus- 
trés      .....     1 20  fr 

LETRONNE  [A.  J.),  de  rinsiitut.  Œuvres  choisies.  (Géographie, 
archéologie,  philologie).  6  vol.  in-8,  illustres 73  fr. 

r  R  o  I  s  I È  M  E    s  É  R  I  h; 

FORMAT    IN-  I  8    JÉSUS 

LEGER  !  Louis),  professeur  au  collège  de  F'rance.  Eludes  slaves, 
voyages  et   littérature.   In- 18 3   5o 

•—    Nouvelles  études  slaves.    Histoire  et   littérature.   In-i8....     4  fr. 

GL'ÉRIN   (V.)    L'île   de    Rhodes.    Avec  carte.    In-i8. 4  fr. 

BARON  D'.AVRIL.  De  Paris  à  l'île  des  Serpents.  Impressions 
de    voyages.    In- 18 3  5o 

JUSSERAND   (J.)     Le     théâtre   en    Angleterre,    depuis   la   conquête 
jusqu'à    Shakespeare.    lu- 18 4  fr- 
FRÉMY  (secrétaire  d'ambassade).  Diplomates  du  temps   de   la    ligue. 

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ELPIS   ME  LENA.    Gemma,  ou  vertu  et  vice.  In- 1  8 3  fr. 

le  h'uVy  imprimerie  Marchessnu  /ils,  boulevard  Saint-Laurent.  2  V. 


N'  15  Dix-neuvième  année  13  avril  1885 


REVUE  CRITfQUI 

0  '  ii  1  S  1  G  I  R  E    EIDE    1.  i  T  T  É  R  A  T  U  l<  E 

BKCUEIL    HKBDOMADAIRE   PUBLIlî    SOUS    LA    DIRKCTION 

DK  MM.  J.  DAl^MESTLTER,  L.  ïiAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 
Secrétaire  de  la  rédaciion  :  M.  A.  Ckuqukt 

Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Pcuis,  20  ir.  —  Départements,  22  fr.   —    Etranger,  23  fr. 

PARIS 

ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE    l'École    des   langues  orientales   vivantes,   etc. 
38 ,    RUE    BONAPARTE,    28 

Adresser  les conimiinical ions  concernant  la  rédaction  ^  M.  A.  Chuqi'kt 

{  i\\i  biucai!  lie  l.i  Keviie  ;  vue  Bonapaite,   .'S). 

MM.  les  éditeurs  de  Vétranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  cotntiiissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 

ERNEST  LEROUX,   EDITEU'il,  RUE  BONAPARTE,  28. 


LES     MONUMENTS     ANTIQUES     DE 

i\v_JlviC  à  1  époque  de  la  Renaissance,  Nouvelles  recherches 
par  Eugène  Munt;:,  conservateur  de  TEcolc  nationale  des  Beaux- 
Arts.    Premier  fiiscicule.    In-8 i   5o 

LES    RELiGiONS    EN    GRANDE     BRE- 

1  A.V_riNCj  résumé  historique  et  statistique,  par  Henri  Gaidoz, 
professeur  de  i"'EcoIe  libre  des  sciences  politiques,  In-8 1   5o 

LA  LÉGENDE  DU  PREMIER  PAPE  DES 

1  AC_/io  1  Ho  et  l'histoire  de  la  famille  pontificale  desTchang, 
d'après  des  documents  chinois  traduits  pour  la  première  fois,  par 
G.  Imbault-Huart.  In-8,  figures  3  fr. 

CONTES    ARA  BES    en  dialecte  de  la  Haute-Egypte,  par 
H.  DuLAc.  ln-8 , , , I  5o 


PÉRIODIQUES 

The  Acadeiny,  n°  673,  28  mars  i885  :  Mark  Pattison,  Memoirs.  — 
Joseph  Thomson  Through  Masai  Land,  a  journey  of  exploration  in 
Eastern  Equatorial  Africa. — Cunningham,  Politics  and  Economies,  an 
essay  on  the  nature  of  the  principles  of  political  economy  and  a  survey 
of  récent  législation.  —  The  cat,  past  and  présent,  from  the  french  of 
M.  Champrteury,  with  supplementary  notes  by  mrs.  Cashel  Hoey  and 
numeroLis  illustrations.  —  William  Tyndale's  five  books  of  Moses  cal- 
led  the  Pentateuch,  being  a  Verbatim  reprint  of  the  édition  of  i53o,  by 
J.  Iv  MoiNBERT.  —  Original  verse  :  two  sonnets  after  Bion  (Symonds).  — 
Letier  from  Egypt.  (Sayce.)  —  Death  of  CromwelTs  son  (Gardiner).  — 
The  hunting' ot  the  wren  (Ewans).  —  Stokes  a.  Windisch,  Irish  texts, 
with  translations  and  a  dictionary  (Rhys  :  livre  d'une  très  grande  va- 
leur). —  Wright's  «  Empire  ot  the  Hittites  »  (Cheyne).  —  Montagu, 
The  Copper,  Tin  and  Bronze  Coinage  and  Patterns  for  coins  of  En- 
gland  from  Elizabeth  to  Victoria.  (W.  Wroth.)  — Tarsus  and  Pompeio- 
polis  (Michell).  —  «  The  woodcutters  of  the  Netheilands  t)  (Linton).  — 
No  cities  on  the  Exodus  route  (H.  Glay  Trumbull).  — The  Tuihanti 
(Haverfield). 

The  Athenacum,  n»  2996,  38  mars  i885  :  Thornton,  Harrow  School 
and  its  surroundings.  —  Benham,  Diocesan  historiés,  Winchester.  — 
Steingass,  The  Student's  arabic-english  dictionary  (n'est  pas  strictement 
scientifique,  mais  rendra  de  grands  services).  —  Gertrude  M.  Ireland 
Blackburne,  Algernon  Sidney,  a  review.  (Si  Miss  Blackburn  a  des  en- 
nemis, ils  doivent  être  contents;  on  ne  trouve  dans  le  livre  ni  la  con- 
naissance des  faits,  ni  celle  de  la  langue.)  — The  biography  of  sir  Moses 
Montefiore  (Wolf).  —  The  Bodleian  and  Radcliffe  libraries.  —  Be-  ^ 
nyowski.  —  Jackson,  The  pictorial  press,  its  origin  and  process.  —  » 
Duplessis,  Les  emblèmes  d'Alciat.  — The  «  restoration  »  of  Westmins- 
ter Hall.  —  Notes  from  Athens.  (Hirst.) 

Literarisches  Centralblatt,  n°  14,  28  mars  28  i885  :  Ernest  Havet,  Le 
christianisme  et  ses  origines,  tome  IV.  —  Hilgenfeld,  die  Ketzerge- 
schichte  des  Urchristenthums,  urkundlich  dargestellt.  —  Biedermann, 
christliche  Dogmatik,  I,  der  principielle  Theil,  2^  Auflage.  —  Das  rus- 
sische  Reich  in  Europa,  eine  Studie  (Travail  méritoire.)  —  Mehlis, 
Studien  zur  aeltesten  Geschichte  der  Rheinlande,  mit  der  archaologis- 
chen  Kane  der  Pfalz  imd  der  Nachbargebiete.  VIII.  (Œuvre  qui  est  le 
résultat  d'un  long  travail  et  d'études  profondes.)  —  Kromer,  Festschrift 
zur  Einueihung  der  neuen  Synagoge  in  Erfurt  am  4  September  1884. 
Wie  studiert  man  classische  Philologie  und  Geschichte,  von  einem 
crfahrenen  Fachgenossen.  (Beaucoup  d'avis  et  de  conseils  utiles,  on  ne 
peut  assez  recommander  la  lecture  de  cet  ouvrage  aux  jeunes  philolo- 
gues.) —  Philologische  Untersuchungen,  Vil  Hett  :  homerische  Unters. 
von  Wilamowitz-xMoellendorf.  («  Quelque  contestables  que  soient  les 
résultats  trouvés  par  Tauteur,  personne  ne  pourra  désormais  s'occuper 
d'Homère  sans  consulter  ce  travail.»)  — Seger,  Lehrbuch  der  neufran- 
zôsischen  Syntax  mil  systematischer  Beriicksichtigung  des  Deutschen, 
I.  Syntax  des  einfachen  Satzes,  II.  Syntax  des  mehrfachen  Satzes,  i  Ei- 
nige  besondere  Satzarten  oder  Satzformen,  2.  Von  der  Interpunction. 
(Trop  d'inexactitudes,  guide  peu  sûr.)  —  Brinkmann,  Syntax  des  Fran- 
zosischen  und  Englischen  in  vergleichender  Darstellung,  I. 

Deutsche  Litteraturzeitung,  n''  [2,  21  mars  i885  :  Die  Psalmen  aus  dem 
Giundtexte.uebersetzt  u.  durch  eine  fortlaufende  Besprechungerleutert 
von  Andreae.  (Guthe.)  —  Bastian,    Religionsphilosophischc   Problème 


auf  dem  Forschungsfelde  buddhistischer  Psvchologie  u.  der  Ver- 
glcichenden  Mythologie.  (Happel.)  —  Instructionen  tiir  den  Unter- 
richt  an  den  Gymnasien  in  Oesterreich  (v.  Sallwiirk.).  —  Beitrage  zur 
Geschichte  u.  Statistik  des  Taubstummenbildungswesens  in  Preussen. 
(Bûrkner.)  —  Marx,  Traditio  rabbinorum  veterrima  de  librorum  vete- 
ris  testament!  ordine  atque  origine.  (Barth  :  notes  philologiques  très 
faibles.) —  Cohn,  De  Heraclide  Milesio  grammatico  scripsit,  fragmenta 
collegit,  disposait,  illustravit.  (Dittenberger  :  œuvre  de  grand  mérite.) 
—  Dn  Gange,  Glossarium  mediae  et  intinae  latinitatis  digessit  Hens- 
chel,  editio  nova  aucta  pluribus  verbis  aliorum  scriptorum  a  Leop. 
Favre,  II  et  III,  1 ,  D  et  E.  (Zeumer  :  le  nombre  des  additions  utiles  a 
beaucoup  augmenté.)  —  Alfr.  Schône.  Friedrich  der  Grosse  u.  seine 
Stellung  zur  deutschen  Literatur.  (E.  Schmidt  :  discours  lumineux  et 
en  noble  style.)  —  Penon,  Bijdragen  tôt  de  geschiedenis  der  neder- 
landsche  letterkunde,  3  Teile.  —  Vauquelin  de  la  Fresnaye,  L'art 
poétique,  texte  conforme  à  Tédition  de  i6o5  par  G.  Pellissier.  (To- 
bler  :  bonne  et  utile  édition.)  —  Die  Chroniken  der  niedersilchsischen 
Stadte,  Lûbeck,   I.   —   Hallwich,  Gestalten  aus  Wallensteins  Lager. 

I,  Johann  Merode.  (E.  Fischer  :  étude  profonde  d'après  une  foule  de 
documents  inédits.)  —  Briefe  Benedicts  XIV  an  den  Canonicus  Fran- 
cesco  Peggi  in  Bologna  1 727-1758  nebst  Benedicts  Diarium  des  Con- 
claves von  1740,  hrsg.  von  Kraus.  —  Baron,  Geschichte  des  rômischen 
Rechts,  I.  Institutionen  und  Civilprocess. 

—  N°    i3,   28   mars    i885   :     Chr.     Hoffmann,    Bibelforschungen, 

II,  I.  Erklàrung  der  fûnf  letzten  Kapitel  des  Romerbriefes ,  2. 
Erklàr.  des  Brietes  and  die  Kolosser.  —  Krauss,  Die  Psvchologie 
des  Verbrechens,  ein  Beitrag  zur  Erfahrungsseeienkunde.  —  Brugsch, 
Religion  und  Mythologie  der  alten  Aegypter,  nach  den  Denkmalern 
bearbeitet,  I.  (Pietschmann  :  il  faut  attendre  la  seconde  partie,  pour  ju- 
ger le  volume  entier.)  —  Suter,  Homerische  Problème  und  Lusungs- 
versuche.  (Hinrichs  :  travail  écrit  avec  bon  sens  et  qui  sera  utile.)  — 
Pauli,  Altitalische  Studien,  III.  (Deecke.)  —  Historische  und  philolo- 
gische  Aufsâtze  Ernst  Curtius  zu  seinem  siebenzigsten  Geburtstage  am 
2  september  1884.  (Loeschke.)  —  Herders  ausgewahlte  Werke,'hrsg. 
v.  Suphan;  I  Band,  Dichtungen,  hrsg.  v.  ReolTch;  Herders  Cid,  hrsg. 
V.  Redlich.  (Sauer.)  —  Ueberweg,  Schiller  als  Historiker  und  Philo- 
soph,  mit  einer  biographischen  Skizze  Uebervvegs  von  F.  A.  Lange, 
hrsg.  von  M.  Brasch.  (Naîorp  :  remarquable  à  certains  égards.)  — 
ScHUCHARDT,  Krcolische  Studien,  I.  Ueber  das  Negerportugiesische  von 
S.  Thomé,  Westafrica  ;  IL  Ueber  das  IndoportugUsische  von  Cochim; 

III,  Ueber  das  Indoportugiesische  von  Diu  ;  IV.  Ueber  das  Malaio- 
spanische  der  Philippinen-"  V.  Ueber  das  Melanesoenglische;  VI.  Ueber 
das  Indoportugiesische  von  Mangalore;  et  Ueber  die"  Benguelasprache. 
(Gerland  :  très  intéressants  pour  les  romanistes,  les  linguistes  et  les 
ethnologues.)  ~  FRâNKEL,  Studien  zur  rômischen  Geschichte,  I.  Der 
Amtsantritt  der  rômischen  Consuln  wàhrend  der  Période  387-552,  das 
Verhàltniss  des  rômischen  Kalenders  zum  julianischen  wiihrend  des 
Zeitraumes  440-552.  (Polémique  contre  la  Chronologie  romaine  de 
Matzat.)  —  Weskamp,  Herzog  Christian  von  Braunschweig  und  die 
Stifter  Munster  und  Paderborn  im  Beginne  des  dreissigjaehrigen  Krie- 
ges,  161 8-1 622,  hrsg.  von  Lindner.  (Zimmermann  :  travail  soigné.)  — 
D.  Hess,  Joh.  Caspar  Schweizer,  ein  Charakterbild  aus  dem  Zeitalter 
der  franzôsischen  Révolution,  eingeleitet  und  hrsg.  v,  Bakchtold. 
(Stern  :  livre  attachant.)  —  Rocher,  Trente-deux  ans  à  travers  l'Islam, 
tome  I,  l'Algérie.  (J.  Schmidt  :  peu  de  nouveau,  excepté  sur  Abd-el- 
Kader  et  l'histoire  de  la  conquête  d'Alger  par  les  Français.)  —  Peter- 


SKN,  Aus  Transkaukasien  und  Arménien,  Reisebriefe.  —  Pinset  et  d'Au- 
uiAC,  Histoire  du  portrait  en  France.  —  V.  Scheurl,  Weitere  Beitrage 
zur  Bearbeitung  des  roniischen  Rcchts,  I.  Teilbarkeit  als  Eigenschaft  von 
llechten. 

Theologische  LitGraturzeitiin?,  n°  5,  7  mars  i885  :  Bâcher,  die  Agada  der 
Tannaitcn,  I  Band,  von  Hillel  bis  Akiba,  von  3o  vor  bis  735.  (Schiirer  : 
travail  très  recommandable.)  — Marx,  Traditio  Rabbinorum  veterrima 
de  librorum  Veteris  Testamenti  ordine  atque  origine  illustrata.  (Scliû- 
rer  :  détaillé.)  —  Lorenz,  das  Lehrsystem  im  Rômerbiief.  (Julicher.)  — 
KoLDE,  Martin  Luther,  eine  Biographie,  i-3  Lief.  (G.  Bossert  :  com- 
mencement d'une  biographie  remarquable  par  sa  clarté  et  sa  concision.) 

—  Baur,  Geschichts  =  und  Lebensbilder  aus  der  Erneuerung  des  reli- 
giosen  Lebens  in  den  Belreiungskriegen,  II. 

—  No  6,  21  mars  i885  :  Ratzinger,  Geschichte  der  kirchlichen  Ar- 
menpflege.  (Uhlhorn  :  matériaux  abondants.) —  Lekort,  Etudes  sur  les 
monuments  primitifs  de  la  peinture  chrétienne  en  Italie  et  mélanges 
archéologiques.  (Pohl  :  suite  d'essais  déjà  publiés  dans  les  revues.)  — 
Prowe,  Nicolaus  Coppernicus,  2  vols.  (Tschackert  :  «  œuvre  d'une 
science  persévérante  et  allemande  qui  montre  une  érudition  étendue, 
des  recherches  soignées  et  prudentes,  une  exposition  pleine  de  goût  ».) 

—  Archbishop  John  Hamiiton,  The  Catechism,  i552,  edited  with  in- 
troduction and  glossary  by  Law,  with  a  préface  by  Gladstone.  —  Sto- 
KAR,  Johann  Georg  Mùller,  Johannes  von  Mûllers  Freund  und  Herders 
Herzensfreund,  Lebensbild.  (Ritschl.)  —  Schoel,  Herbart's  philosophi- 
sche  Lehre  von  der  Religion,  quellenmàssig  dargestellt.  (Katlcnbusch.) 

—  Miscelle  zu  Hermas,  (Harnack.) 


F.    A.    BROCKHAUS,     éditeur    A    LEIPZIG. 


INSCRIPTIONES 

ITALIAE    MEDIAE    DlALECTiCAE 

AD  ARCIIETYPORVM  ET  LIBRORVM  FIDEM 

KBiurr 

lOHANNES  ZVETAIEFF. 
I    vol.   de    te.\le   gi'.    in-8  et  allas  in-folio 37  50 

DU  MEME  AUTEUR 

Sylloge  inscriptionvm  oscarum.   1878.  1  vol.  de  Ic.xLe  gr.  in-8  et 
atlas  in-folio 50  fr. 

Inscriptiones  Italiae  inferioris  dialecticae.   Ad  usum    praccipue 
acudcmicum.   (Sous  presse). 


Le  ruy,  imyi-ii:ierie  Marchessou  fsls,   boulevard  Saint- Laurent,  25. 


N"  16  Dix-neuvième  année  20  avril  1885 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL    HEBDOMADAIRE   PUBLIE    SOUS    LA    DIRECTION 

DE  MM.  J.  DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 


Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.  Ckuquet 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.  —   Etranger,  23  fr. 


PARIS 

ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE    LA    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     l' ÉCOLE     DES    LANGUES    ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

28,    RUE    BONAPARTE,    28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 


ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

COLLECTION  DE   CLERCQ 

CATALOGUE  MÉTHODIQUE  ET  RAISONNÉ 

Première    partie    :    Antiquités    Assyriennes 

Cylindres  orientaux,  cachets'  briques,  bronzes,  bas-reliefs,  etc.,  publié 

par  M,  DE  Clercq,  avec  la  collaboration  de  M.  Menant. 
Première  livraison,  in-folio  avec  10  planches  en  héliogravure.. ,     20  fr. 


ANONYME    DE    CORDOUE 

CHRONIQUE  RIMÉE  DES  DERNIERS  ROIS  DE  TOLÈDE 

Et   de  l'invasion    de   l'Espagne   par  les  Arabes 

éditée  et  annotée  par  le  P.  J.  Tailhan. 

Un  beau  volume  in-folio,  avec  28  planches  en  héliogravure 5o  fr. 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n°  674,  4  avril  1884  :  Taine,  Le  gouvernement  révolu- 
tionnaire. (Gardiner  :  en  somme,  les  mérites  du  livre  ne  sont  que  le 
résultat  d'une  façon  étroite  et  partiale  de  traiter  un  sujet  vaste  et  com- 
plexe. L'œuvre  n'a  que  les  qualités  et  les  défauts  d'un  essai  dont  l'auteur 
fait  effet  en  appuyant  fortement  sur  ce  qui  met  en  relief  son  propre 
point  de  vue  et  en  laissant  de  côté  tout  ce  qui  ne  se  rapporte  pas  à  son 
dessein.  C'est  ainsi  que,  dans  ce  volume,  il  rend  compte  du  triomphe 
des  Jacobins  sans  s'occuper  des  affaires  extérieures.  D'ailleurs,  l'historien 
digne  de  ce  nom  ne  doit  pas  seulement  montrer  l'évidence  de  ses  asser- 
tions, il  doit  prendre  la  peine  de  réfuter  l'évidence  contraire,  si  elle 
existe.  Mais  M.  Taine  ne  choisit  dans  les  documents  que  ceux  qui  con- 
firment son  opinion;  il  soutiendra,  par  exemple,  que  les  Lyonnais 
révoltés  étaient  des  radicaux  fidèles  au  régime  établi,  alors  que  la  ville 
renfermait  un  nombreux  parti  royaliste.  Ce  livre  rendra  service  dans  un 
pays  où  les  écrivains  ont  toujours  pallié  ou  glorifié  les  crimes  de  la  Ré- 
volution. Mais  il  faut  regretter  que  l'auteur  ait  consacré  des  années  à 
une  tâche  qu'il  aurait  pu  laisser  à  d'autres  et  où  ses  talents  ont  été  mal 
appliqués,  et  ce,  sur  une  grande  échelle  (to  a  great  extent  misapplied). 
On  regrettera  toujours  que  Tocqueville  n'ait  pas  assez  vécu  pour  com- 
pléter son  ouvrage;  car  lui,  du  moins,  n'aurait  jamais  perdu  de  vue  ce 
fait,  que  l'ancien  régime  était  aussi  responsable  que  le  Contrat  Social,  de 
ia  grande  catastrophe.]  —  Hill,  From  home  to  home,  autumn  wande- 
rings  in  the  North-West  in  the  years  1 881- 1884. —  Chetwynd-Stapyl- 
TON,  Chronicles  of  the  Yorkskire  family  of  Stapelton.  —  Ali  aziz  Efendi, 
The  story  of  Jewâd,  a  romance,  translated  from  the  turkish  by  Gibb.  — 
Peel,  a  Highland  gashering.  —  Récent  theology.  —  Napoléon  I  and  his 
travelling  libraries.  —  Death  of  Cromv^'ell's  son  (Rye.) —  A  wort  wan- 
ted.  (Isaac  Taylor  :  propose  «  deprint  »  pour  rendre  «  tirage  à  part  » 
et  a  Separatabdruck.)  »  —  «  To  end  »  as  an  agricultural  verb. 
(M'Lintock.)  —  Avesta,  the  sacred  book  of  the  Parsis,  edited  by  Geld- 
NER.  I  Yasna,  fasc.  L  (West.)  —  On  a  (v  Bhaumayantra  »  (W.  Stokes). 
—  Some  points  in  irish  grammar.  (Kuno  Meyer.)  —  The  Hittites  and 
the  a  Pig-Tail  »  (Th.  Tyïer).  —  Art  books  (Audsley,  The  ornamental 
artsof  Japan,  III;  Campbell,  Annales  de  la  typographie  néerlandaise  au 
xve  siècle).  —  Persian  art  at  the  Burlington.  —  Roman  inscriptions  in 
North  Wales  and  at  Carlisle.  (Watkin.l  —  No  cities  on  the  Exodus 
route,  (R.  St.  Poole.) —  Fouilles  de  Pithom.  (Eug.  Revillout  :  protes- 
tation contre  l'analyse  inexacte  d'un  livre  de  M.  Naville,  sur  les  fouil- 
les dirigées  par  lui  en  Egypte.) 

The  Athenaeum,  n"  2997,  4  avril  i885  :  Autobiography  of  Henry  Tay- 
lor 1800- 1875,  2  vols.  —  Chalmers  a.  Gill,  Work  and  adventures  in 
New  Guinea.  1877  to  i885.  —  Ph.  Smith,  The  student's  ecclesiastical 
history,  part  II.  'The  history  of  the  Christian  church  during  the  middle 
âges.  —  Ingram,  The  haunted  homes  and  family  traditions  of  Great 
Britain,  second  séries.  —  W.  Wright,  The  empire  of  the  Hittites.  (Li- 
vre qui  rend  un  grand  service  en  résumant  toutes  les  recherches  anté- 
rieures.) —  Philippson,  La  contre-révolution  religieuse  au  xvi*^  siècle. 
rSe  compose  en  réalité  de  trois  études  historiques  écrites  avec  soin  et 
impartialité.)  —  «  Sketches  by  Spec.  »,  an  unknown  work  by  W.  M. 
Thackeray.  (Johnson.)  —  Drummond  or  Hawthornden  (Brooke).  — 
Munro  (le  célèbre  philologue,  éditeur  du  Lucrèce,  de  l'Etna,  etc.,  est 
mort  le  3o  mars  à  Rome)."—  Gow,  A  Short  history  of  greek  mathema- 
tica.  (Excellent  à  beaucoup  d'égards.)  —  Creeny,  A  book  of  facsimiles 
of  monumental  brasses  on  the  continent  of  Europe,  with  briet  descrip- 


I 


tive  notes.  —  Ravaisson,  Les  monuments  de  Léonard  de  Vinci  publiés 
en  fac-similés,  I  et  II  ;  Uzielli,  Ricerche  intoino  a  Leonardo  da  Vinci, 
série  seconda. 

Literarisches  Centralblatt,  n"  i5,  4  avril  i885  :  Kohler,  Johannes  der 
Tiiufer,  kritisch-theologische  Studie  (travail  solide,  quoiqu'on  ne 
puisse  approuver  qu'une  partie  des  résultats).  —  Siebeck,  Geschichte 
der  Psychologie,  1,2:  die  Psychologie  von  Aristoteles  bis  zu  Thomas 
von  Aquino  (simple,  clair,  intéressant,  très  méritoire).  —  Wahle,  Ge- 
hirn  und  Bewusstsein.  —  Cauer,  De  fabulis  graecis  ad  Romam  condi- 
tam  pertinentibus  (travail  soigné). —  L.  Schmidt,  zur  Geschichte  der 
Langobarden  (petit  écrit  excellent,  sans  rien  d'aventureux).  —  Huber, 
Geschichte  Oesterreichs,  I  (fait  d'après  les  sources,  impartial  et  tenant 
compte  de  tous  les  éléments  qui  ont  contribué  à  former  l'Autriche).  — 
Mutianus  Rufus,  Briefwechsel,  gesammelt  u.  bearbeitet  von  G.  Krause 
(recueil  aussi  complet  que  possible  des  lettres  du  sage  de  Gotha).  —  Pe- 
tersen,  Henrik  Steffens,  ein  Lebensbild,  aus  dem  Danischen  von 
MicHELSEN.  —  KiEPERT,  Schuhvaodatlas  der  Lilnder  Europas.  —  Râ- 
vanavaha  oder  Setubandha,  prakrit  u.  deutsch  hrsg.  von  Goldschmidt, 
II,  Uebersetzung  (il  était  difficile  de  traduire  le  texte  d'une  façon  aussi 
sûre  et  aussi  claire) .  — Cosjin,  Altwestsilchsische  Grammatik,  I  (bon). 
—  Engel,  Zusammenstellung  der  Faust-Schriften  vom  XVI.  Jahrhun- 
dert  bis  Mitte  1884.  (A  recommander  à  tout  ceux  qu'intéresse  le  Faust 
aussi  bien  qu'à  tout  ami  des  légendes.)  —  Lummert,  die  Orthographie 
der  ersten  Folioausgabe  der  Shakspeare'  schen  Dramen  (étude  où  il  y 
a  beaucoup  d'application  et  beaucoup  de  soin,  et  sur  laquelle  on  ap- 
pelle l'attention  de  tous  les  amis  de  Shakspeare  et  de  la  langue  an- 
glaise). —  Neu  aufgefundene  Urkunden  ûber  Schiller  u.  seine  Famille, 
hrsg.  von  v.  Schlossberger.  —  Meissner,  Gœthe  als  Jurist.  (Etude  in- 
téressante d'après  Poésie  et  Vérité  et  le  livre  de  Kriegk.)  —  Poestion, 
Islàndische  Marchen,  aus  den  Originalquellen  tibertragen.  (Trente-six 
contes  attachants  pour  les  amis  du  folklore  et  de  la  poésie.)  —  Casati, 
Fortis  Etruria,  la  civilisation  étrusque  d'après  les  monuments,  deuxième 
étude.  (Le  point  de  vue  de  l'auteur  semble  sujet  à  discussion  ;  il  va  trop 
loin  en  disant  que  presque  tout  était  étrusque  à  Rome  jusqu'à  la  con- 
quête de  la  ville  par  la  civilisation  grecque,  et  il  prétend  faussement 
que  Tusage  des  noms  de  famille  est  d'origine  étrusque,  tandis  que  tous 
ces  noms  sont  à  très  peu  d'exceptions  près,  d'origine  italiote.  On  fera 
donc  bien  d'accueillir  avec  quelque  circonspection  les  recherches  ulté- 
rieures de  l'auteur).  —  Baumgart,  die  Stipendien  und  Stiftungen, 
Convicte,  Freitische,  u.  s.  u.  zu  Gunsten  der  Studirenden  an  allen 
Universitâten  des  deutschen  Reichs  nebst  den  Statuten  und  Bedingun- 
gen  fur  die  Bewerbung,  etc.  nach  amtlichen  Quellen  zusammengestelk 
(livre  qui  est  nécessaire  et  fera  beaucoup  de  bien,  mais  l'auteur  s'est 
contenté  de  copier  littéralement,  sans  changer  un  mot,  en  ce  qui  con- 
cerne l'université  de  Leipzig,  le  livre  de  Meltzer  paru  en  1876;  espé- 
rons qu'il  a  procédé  avec  plus  de  soin  pour  les  autres  universités). 

EN    SOUSCRIPTION 

LE     M  AR  ÉCHAL     D'ANCRE 

PAR  F.  POUY 

Un  volume  in-8  de   i5o  pages,  orné  du  portrait  de  Concini.  Prix  pour 

les  souscripteurs "^ ,      3   jS 

Port  en    sus,    i    fr. 

On   souscrit  à   Paris  :    Librairie   E.   Leroux;   à  Amiens,    imprimerie 
Douillet. 


ERNEST  j£ROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 
VIENT      DE      PARAITRE 


PUBLICATIONS 


DE 


L'ÉCOLE   DES    LANGUES  ORIENTALES   VIVANTES 


PREMIERE    SERIE 


CHRONIQUE  DE  MOLDAVIE  .fUrechi,  texte  roumain  et  traduc- 
tion, par  Em.  Picot.  Fasc.  4 , 5  fr. 


DEUXIEME    SERIE 


Tome  XIV,  XV.  Kim  Vân  Kieu  tân  truyen,  poème  annamite,  publié 
et   traduit  pour   la    première   fois,   par  A.    des  Michels.   Tome    I, 

transcription,  traduction  et  notes i5  fr. 

—  Tome  II,  2*^  partie.  Texte  en  caractères  figuratifs.  In-8..      10  fr. 

Tome  XVI.  Histoire  des  dynasties  divines,  publiée  en  japonais,  traduite 
et  accompagnée  d'une  glose,  par  L.  DE  RosNY.I.  La  Genèse.  In-8.     i5  fr. 


LA  RHÉTORIQUE  SANSCRITE,  exposée  dans  son  développement 
historique  et  ses  rapports  avec  la  rhérorique  classique,  par  Paul 
Regnaud.  In-8.    , 16  fr. 

QUATRIÈME  CROISADE.  La  diversion  sur  Zara  et  Constanti- 
nople,  par  J.  Tessier.  In-8.  , 7  5o 

MANUEL  DE  L'HISTOIRE  DES  RELIGIONS,  par  C.  P.  Tiele. 
Traduit  du  hollandais,  par  M.  Vernes.  Nouvelle  édition  revue  et 
augmentée  d'une  bibliographie.  In- 18 5  fr. 

ÉTUDE  SUR  LA  VIE  DE  SÉNÈQUE,  par  M.  Hochart.  In-8.     6  fr. 

LE  SAINT  SIÈGE,  LA  POLOGNE  ET  MOSCOU,  par  le  P.  Pierling. 
In-i8,  elzévir 2  5o 

LA  THÉODICÈE  DE  LA  BHAGAVaD-GITA,  étudiée  en  elle-même 
et  dans  ses  origines,  par  Ph.  Colinet.  In-8 3  fr. 

DU  BRAHMANISME  et  de  ses  rapports  avec  le  judaïsme  et  le  chris- 
tianisme, par  Mgr  Laouenan.  Tome  I,  orné  de  2  cartes.  In-8.     12  fr. 

L^ÉLYSÉE  DES  MEXICAINS,  comparé  à  celui  des  Celtes,  par  E. 
Beauvois.  I  n-8 .    5  fr. 

LE  CULTE  DES  ANCÊTRES  et  le  culte  des  morts  chez  les  Arabes, 
par  Goldziher.  In-8 i   5o 


Le  Puy,  inipriDurie  Marchessou  fils,   boulevard  Saint- Lai^re»t,  2.?. 


N"  17  Dix-neuvième  année  27  avril  1885 


REVUE  CRIT1Q,UE 

D' HISTOIRE    ET   DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL    HEBDOMADAIRE   PUBLIE   SOUS    LA    DIRECTION 

DE  MM.  J.  DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 


Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.  Chuquet 


Prix  d'abonnement  ; 
Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.  —   Etranger,  23  fr. 


PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE    LA    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     l' ÉCOLE     DES    LANGUES    ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

28,    RUE    BONAPARTE,    28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 

(Au  btiieaii  de  la  Revue  :  rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  com^nissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendU' 


ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

COLLECTION  DE   CLERCQ 

CATALOGUE  MÉTHODIQUE  ET  RAISONNÉ 

Première    partie    :    Antiquités    Assyriennes 

Cylindres  orientaux,  cachets,  briques,  bronzes,  bas-reliefs,  etc.,  publié 

par  M.  DE  Clercq,  avec  la  collaboration  de  M.  Menant. 
Première  livraison,  in-folio  avec  10  planches  en  héliogravure.. .     20  fr. 


ANONYME    DE    CORDOUE 

CHRONIQUE  RIMÉE  DES  DERNIERS  ROIS  DE  TOLÈDE 

Et   de   l'invasion    de   l'Espagne    par  les  Arabes 

éditée  et  annotée  par  le  P.  J.  Tailhan. 

Un  beau  volume  in-folio,  avec  28  planches  en  héliogravure, ...     5o  fr. 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n°  675,  11  avril  i885  :  Gindely,  History  of  the  thirty 
yeais'  Avar,  transi,  by  Ten  Broek;  Stevens,  History  of  Gustavus 
Àdolphus.  (O'  Connor  Morris.)  —  Edwin  Arnold,  The  secret  of  death 
(from  the  sanscrit)  with  some  collected  poems.  —  W.  Harris,  The 
history  of  the  radical  party  in  Parliament.  —  Lady  Brassey,  In  the 
Trades,  the  Tropics  and  the  Roaring  Forties.  —  Hirsch,  Geschichte 
derdeutschen  Literatur,  I.  (Blind  :  ouvrage  consciencieux  sous  une  forme 
agréable.)  —  Ed.  Reuss,  History  of  the  canon  in  the  Holy  Scripture 
in  the  Christian  church,  transi,  by  Hunter.  —  Current  literature 
(Alice  Grand  Duchess  of  Hesse,  princess  of  Great  Britain  and  Ireland, 
letters  to  Her  Majesty  the  Queen,  new  and  popular  édition  ;  The 
Looking-Glass  for  the  Mind,  a  reprint  of  the  édition  of  1792  ;  Barzel- 
LOTi,  David  Lozzaretto  di  Arcidosso;  Gaidoz,  Les  religions  de  la 
Grande-Bretagne.  (Recueil  méritoire  de  faits  disposés  clairement  et  avec 
une  absolue  impartialité.)  —  Munro  (Ellis).  —  The  Squire  papers. 
(W.  A.  Wright  et  Gardiner.)  —  The  Peking  Literary  Society  (Terrien 
de  la  Coupene.)  —  The  hunting  of  the  wren  (Exans.)  —  A  correction 
(Sayce).  —  Schuchardt,  Slawo-Deutsches  and  Slawo-Italienisches. 
(Morfile).  —  Windisch's  irish  texts  (W.  Stokes).  —  The  Epinal  Glos- 
sary  again  (Sweet,)  —  Some  minor  books  about  Egypt.  (Yeats,  The 
London  Obelisk,  a  new  translation  of  the  hieroglyphic  texts;  Jan  Van 
Gelder,  The  storchhouses  of  the  King;  Oxley,  Egypt  a.  the  wonders 
of  the  land  of  the  Pharons  ;  King,  Cleopatra's  needle;  Berkley,  The 
Pharaons  and  their  people;  Chesney,  The  land  of  the  Pyramids; 
Ottley,  Modem  Egypt,  its  witness  to  Christj.  —  The  Tuihanti 
(Howorth). 

The  Atheuaeum,  n°  2998,  11  avril  i885  :  Jefferies,  After  London  or 
wild  England.  — The  "Gentleman's  Magazine  Library,  being  a  ciassi- 
fied  collection  of  the  chief  contents  of  the  Gentleman's  Magazine  from 
173  I  to  1868,  éd.  by  Gomme.  —  Nettleship,  Lectures  and  essays  on 
subjects  connected  with  latin  literatur  or  scholarship.  —  Mrs.  King, 
The  diary  of  a  civilian^s  wife  in  India,  1877- 1882,  2  vols.  —  The  ca- 
techism  of  Hamilton  ib52,  éd.  by  Law.  —  Society  in  London  by  a 
foreign  résident.  —  Historié  and  other  doubts.  (Edwards.)  —  The  bio- 
graphy  of  Sir  Moses  Montefiore  (Patridge).  —  «  A  Perilous  Secret  » 
(Pettitt).— A  Domesday  Book  Society.  (De  Gray  Birch).  — Grant  White. 
(Art.nécrol.)  —  Gray,  David  Scott  and  his  works.  —  Notes  from  Athens 
(Lambros.)  :|(j 

Literarisches  Centralblatt,  n°  16,  11  avril  i885  :  Scerbo,  Crestomazia 
ebraica  e  caldaica.  (Louable.)  —  Bastian  ,  Der  Fetisch  an  der  Kûst'e 
Guineas.  —  Matzat,  Romische  Chronologie,  II,  Romische  Zeittafeln 
von  5 06  bis  219  (beaucoup  de  bon,  parfois  aussi  du  mauvais  et  trop  de 
polémique).  — Wattenbach,  Deutschiands  Geschichtsquellen  im  Mit- 
telalter  bis  zur  Mitte  des  XIII,  Jahrhunderts,  I,  (5'=  édition  remaniée). 
— Plener,  Ferdinand  Lassalle. — Tappeiner,  Studien  zur  Anthropologie 
Tirols  u.  der  Sette  communi.  —  Lenz,  Timbuktu.  —  Jannettaz,  Etude 
sur  Semo  Sanctus  Fidius,  Dieu  sabin  représentant  le  feu  et  sur  l'étymo- 
logie  d^Hercule.  (L'auteur  ignore  les  lois  phonétiques,  mêmes  les  plus 
connues,  et  a  vainement  dépensé  sa  sagacité.)  —  Gregorii  Palamae  Pro- 
sopoeia  animae,  etc.  p.  p.  Jahn.  (Publication  intéressante,  mais  «  l'édi- 
teur ne  possède  pas  l'intelligence  nécessaire  pour  la  publication  philolo- 
gique des  textes.  »)  —  Bernays,  Gesammelte  Abhandlungen.  (2  volumes 
qui  renferment  beaucoup  d'essais  solides  et  importants.)  —  Paucker, 
Supplementum  lexicorum  latinorum,  fasc.  V.  —  Eigenbrodt,  Hager 


dorn  und  die  Erziihlung  in  Reimversen  (exact).  —  Choisy.  L'art  de 
bâtir  chez  les  Byzantins  (travail  fort  remarquable).  —  Engf.rth,  Kunst- 
historische  Sammlungen  des  Kaiserhauses,  Gemalde,  beschreibendes 
Verzeichniss,  II,  niederlandischeSchule. 

Deutsche  Litteraturzeitimg',  n»   14,  4  avril    i885  :  Schanz    Comrnentar 
ûber  das  Evangelium  des  heiligen  Johannes.  (Rade).  —  Laas,   Idealis- 
mus   und    Positivismus,    III.  —  Schuricht,   Geschichte  der  deutschen 
Schulbestrebungen  in  Amerika.  (Holst  :  n'est  pas  complet,  mais  c'est 
un  premier  essai  méritoire.)  —  Madvigii  adversariorum  criticorum  ad 
scriptores  graecos  et  latinos  vol.  III,  "emendationes  graecas  et  latinas 
continens.  (Dittenberger  :  ce  troisième  volume  témoigne  éloquemment 
de  l'admirable  fraîcheur  d^esprit  et  de  la  puissance  de  travail  que  Mad- 
vig  a  conservées  malgré  la  privation  presque   complète  de  la  vue.)  — 
Planck,  die  Feuerzeuge  der  Griechen  u.  Rômer  und  ihre  Verwendung 
zu  profanen  und  sacralen  Zwecken.  (Biichsenschutz:  rassemble  tous  les 
passages  sur  le  sujet.)  —  W.   Wackernageis  Jugendjahre  1807-1833, 
dargestellt  von  Rud.  Wackernagel.  (Très  intéressant.)  —  Klaar,  Konig 
Ottokars  Gltick  und  Ende,  eine  Untersuchung  ûber  die  Quellen  der 
Grillparzerschen  Tragôdie.  (Er.  Schmidt  :  excellent  travail.)  —  Beo- 
wulf,  hrsg.  v.  A.   HoLDER,  II,  berichtigter  Text  mit  knappem  Apparat 
und  Wôrterbuch.  (Zupitza  :  texte  constitue  avec  soin.)  —  Korting,  En- 
cyclopadie  u.  Méthodologie  der  romanischen  Philologie  mit  besonderer 
Beriicksichtigung  des  franzosischen  und  italienischen;  II,  die  Encyclo- 
padie  der  romanischen    Gesammt-philologie.   (Livre  pratique   et'  tort 
recommandable.)  —  Ottonis  et  Rahewini  gesta  Friederici  1  imperatoris, 
editio  altéra,  rec.  WAiTZ.(Meyer  von   Knonau.)  —  Weber,  Allgemeine 
WeJtgeschichte  ;   VII,  Geschichte  des    Mittelalters,    III.  —  W^  Buse  h, 
drei  Jahre   englischer  Vermittelungspolitik,    1 5 18-1 5 21.    —   Des   Don 
Diego  de  Aedo  y  Gallart  Schilderung   der  Schlacht  von   Nôrdlingen. 
1634,  ausdessen  Viaje  del  Infante  Cardenal  don  Fernando  de  Austria 
ûbersetzt  u.  mit  Anmerkungen  versehen  von  Weinitz.  —  Karten  von 
Attika,  durch  Ofïiziere  und"  Beamte  des  kùn.    preuss.  Grossen  Gene- 
ralstabes,  mit  erleuterndem  Text  hrsg.  v.  E.  CuRxms  et  Kaupekt.  (Lol- 
ling.)  —  MiTHOFF,  Mittelalterliche  Kûnstler  und  Werkmeister  Nieder- 
sachsens     und    Westfalens    lexikalisch    dargestellt.    (A.    Schultz.)    — 
MiTTEis,  Die  Lehre  von  der  Stellvertretung  nach  rumischem  Recht  mit 
Berucksichtigung  des  osterreichischen  Rechtes.  (Seuffert.)  —  v.  Fran- 
SECKY,  Geschichte    des    I.    Rheinischen    Infanterie-Régiments    n"  25, 
1837-1883.  ' 

Theologische  LiteraturzeituD»,  n^,  7  4  avril  i885  :  Kurtz,  Lehrbuch  der 
Kirchengeschichte  fur  Studirende  9^  édition.  —  Bestmann,  Geschichte 
du-chnsthchenSittelI,  die  katholischeSitte  der  aUen  Kirche,  2.  -Jac. 
Bernays,  Gesammelte  Abhandlungen,  hrsg.  von  Usener,  2  vols.  — 
LiiTKENS,  Luther's  Kirchenideal.  —  Nippold,  Handbuch  der  neuesten 
Kn-chengeschichte,  2'  vol.  :  Geschichte  des  Katholizismus  seit  der  Res- 
tauration des  Papsthums.  (Weizsacker). 


CONCOURS 


r  r 


OUVERT    PAR 

LA  SOCIETE  POUR  LE  PROGRÈS  DES  ÉTUDES 

DE     GENÈVE 


La  Société  pour  le  Progrès  pes  Études  a  décidé  d'affecter  une  somme  de  fr.  400 
à  un  concours  ayant  pour  objet  l'introduction  dans  l'enseignement  primaire  et 
secondaire  d'une  Terminologie  g«-airjnîatîcale  unifoi-me,  appropriée,  en 
première  ligne,  à  l'étude  méthodique  de  la  langue  française,  et  applicable,  subsi- 
diairement,  pour  tous  les  phénomènes  communs  du  langage,  aux  autres  langues 
étudiées  dans  les  écoles  du  Canton  de  Genève. 

Conditions  du  Ooncours. 

1°  Tout  mémoire  devra  renfermer  les  points  suivants,  selon  un  ordre  laissé  au 
choix  de  l'auteur  : 

A.  Un  examen  critique  des  termes  grammaticaux  généralement  usités,  soit  un 
exposé  des  raisons  qui  doivent  décider  de  leur  adoption  ou  de  leur  rejet. 

B.  Une  liste  complète  des  termes  dont  l'adoption  paraît  le  plus  recommandable 
au  point  de  vue  de  la  justesse,  de  la  clarté  et  de  la  commodité,  avec  l'indication 
des  abréviations  à  admettre  dans  leur  emploi,  soit  oral  soit  écrit. 

Les  termes  seront  classés  par  catégorie  sous  les  chefs  suivants  : 

aj  Noms  des  parties  du  discours  ; 

b)  Noms  des  diflerentes  espèces  de  chacune  des  parties  du  discours  ; 

c)  Noms  des  éléments  organiques  qui  ssrvent  à  la  formation  des  mots  ; 

dj  Noms  des  modifications,  soit  flexions,  des  différentes  parties  du  discours; 
ej  Noms  des  fonctions  des  mots  dans  la  proposition  ; 
X'  Noms  dcs  différentes  espèces  de  propositions. 

C.  La  définition  précise  de  chacun  des  termes  adoptés,  avec  des  exemples  à 
l'appui. 

D.  Une  concordance  entre  la  terminologie  proposée  et  celle  qu'ont  employ.^e  les 
divers  grammairiens. 

E.  Des  modèles  d'analyse  grammaticale  et  logique  pour  chacune  des  diflerentes 
espèces  de  propositions. 

2"  Ne  seront  admis  à  concourir  que  les  mémoires  inédits  parvenus,  avant  le 
i»""  janvier  1S86,  entre  les  mains  du  secrétaire  de  la  Société,  M.  Charles  Seitz, 
boulevard  de  Plainpalais,  2C,  Genève. 

3"  Tout  mémoire  devra  être  pourvu  d'une  épigraphe  qui  se  trouvera  répétée  sur 
un  pli  cacheté  renfermant  le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur. 

40  La  Société  se  réserve  le  droit,  dans  le  cas  où  aucun  mémoire  ne  serait  jugé 
digne  du  prix,  de  décerner,  s'il  y  a  lieu,  de  simples  accessits  ou  des  mentions 
honorables. 

5°  La  décision  du  Jury  désigné  par  la  Société  sera  prise  dans  le  premier  trimestre 
de  1886. 

Le  Président, 

Ph.  ROGET. 


l.c  Puy,  imprimerie  Marchesscn  fils,   boulevard  Saini~l.aurt:<it.  2.5. 


N"  18  Dix-neuvième  année  4  mai  1885 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    L  ÎI  7'  É  R  A  1  U  l<  E 

RECUEIL    HEBDOMADAIRE   PUBLIÉ    SOUS    LA    DIRECTION 

DE  MM.  J.  DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARÎS 
Secrétaire  de  la  rédaction  :  M,  A.   Ghuquet 

Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.   —   Etranger,  23   fr. 


PARIS 

ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     l' ÉCOLE     DES     LANGUES    ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

28,    RUE    BONAPARTE,    28 


Adresser  les  comrniinications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Ghuquet 

(Au  bureau  de  la  Revue  :  rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  ei 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 

ERNEST  LEROUX,   ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  2^. 


HISTOIRE   INTERIEURE  DE  ROME 

jusqu'à  la  bataille  d'Actiuin.  Tirée  des  Rœmische  Alterthuemer,  de 
L.  Lange,  par  A.  Berthelot  et  Didier.  Fascicule  3... i   25 

HISTOIRE  DE  L'HELLÉNISME  parj.o.D^ov. 

SEN.  Traduit  de  l'allemand  sous  la  direction  de  M.  Bouché-Leclercq. 
Fasc.  3o I  25 

(Le  fascicule  3i,  terminant  Touvrage  paraîtra  dans  un  mois). 

HISTOIRE  DE  LA  GRÈCE  sous  la  domination 
romaine,  par  Hertzberg.  Traduite  sous  la  direction  de  M.  Bouché- 
Leclercq.  3  vol.  in-8 3o  fr. 

Le  fascicule  i   paraîtra  le  i5  mai. 


PERIODIQUES 

The  Academy,  n°  676,  18  avril  i885  :  Autobiography  of  Henry  Taylor, 
iSoo-yb.  —  CoLQUHOUN,  Amongsc  the  Shans,  with  an  historical  sketch 
by  Hallett  a.  an  introduction  on  the  cradle  of  the  shan  race  by  Ter- 
rien DE  laCouperie.  —  Bémont,  Simon  de  Montfort,  comte  de  Leicester, 
sa  vie,  son  rôle  poUtiqne  en  France  et  en  Angleterre.  (Creighton  :  ou- 
vrage fait  avec  beaucoup  de  soin,  écrit  avec  vigueur,  et  qui  aura  une 
valeur  durable.)  —  Jefferies,  After  London  or  Wiid  England.  —  The 
Lindsev  survey  (Round).  —  The  Squire  Papers.  (Peacock  et  Rye.)  — 
The  late  R.  H.  Horne  and  Mr.  Browning.  (Barnett  Smith.)  —  A  word 
wanted  (Ward,  etc.  :  proposent  pour  «  tirage  à  part  »  soit  Partprint,  soit 
off-print,  soit  overprint).  —  Two  queries  (Vicente  de  Arona).  —  Lu- 
crèce, \°  livre,  p.  p.  Benoist  et  Lantoine;  T.  Lucreti  Cari  de  Rerum 
Natura  libri  I-III,  p.  p.  Warburton-Lee;  libri  sex,  p.  p.  Kelsey  (EUis). 
—  «  The  empire  of  the  Hittites  »  (Wright).  —  «  The  Epinal  Glossary 
(Hessels).  —  The  buddhist  mss.  at  Cambridge  (Wright). — Gilbert, 
Landscape  in  art  beiore  Claude  and  Salvator. 

The  Athenaeum,  n°  2999,  18  avril  i885  :  The  Dictionary  of  National 
Biography,  edited  by  Leslie  Stephen,  vol.  II,  Annesley-Baird.  —  Lo- 
MAS,  Sketches  in  Spain  from  nature,  art  and  life.  — William  Tyndale's 
reprint  of  Five  Books  of  Moses  called  the  Pentateuch,  being  a  Verba- 
tim reprint  of  the  édition  of  mcccccxxx  by  Mombert.  —  «  A  Perilous 
Secret  ».  —  «  Historié  doubts  «  (Garnett).  —  «  Extracts  »  (W.  Clark 
Russell.  —  The  founder  of  Harvard  University  (Rendle).  —  Greek  ma- 
thematics.  —  Hamerton,  Landscape. 

Literarisches  Centralblatt,  n°  17,  18  avril  i885  :  Marx,  Traditio  rabbi- 
norum  veterrima.  (utile  et  instructif  à  plus  d'un  égard.)  —  Aus  Ham - 
burgs  Vergangenheit  ,  culturhistorische  Bilder  aus  verschiedenen 
Jahrhunderten,  hrsg.  v.  Koppmann,  —  Kriegsgeschichtliche  Einzelschrif- 
ten,  hrsg.  vom  grossen  Generalstabe,  V.  —  Hallwich,  Johann  Merode, 
ein  Beitrag  zur  Geschichte  des  dreissigjahrigen  Krieges.  (Très  intéres- 
sant pour  l'histoire  militaire  du  xvii«  siècle.)  ^-  Sax,  Die  Bischôfe  und 
Kurfiirsten  von  Eichstadt  I,  745-1 535.  —  Retzius,  Finnland,  Schilde- 
rungen  aus  seiner  Natur,  seiner  alten  Cultur  und  seinem  heutigen 
Volksleben,  ûbers.  v.  Appel,  (très  remarquable)  —  Scriptores  historiae 
Augustae  p.  p.  Peter,  I  et  IL  (2'' édition  d'un  texte  consciencieusement 
recensé) —  Plauti  Trinummus  rec.  Ritschl,  editio  III  a  Schoell  re- 
cognita.  (de  notables  augmentations)  —  Goethe-Jahrbuch,  hrsg.  v. 
Geiger,  VI.  (Toujours  intéressant.) 

Deutsche  Litteraturzeitung,  n°  i5,  1 1  avril  i885  :  Kônig,  Die  Hauptpro- 
bleme  der  altisraeliiischen  Religionsgeschichte.  (Nowack  :  méritoire.) 
Krûger,  Monophvsitische  Streitigkeiten  im  Zusammenhange  mit  der 
Reichspoliiik. —  Bellesheim,  Wilhelm  Cardinal  Allen  u.  die  englischen 
Seminare  auf  dem  Festlande.  1532-1594.  —  Schneider,  Die  Platonische 
Metaphysik  auf  Grund  der  im  Philobus  gegebenen  Principien.  —  Der 
Briefwechsel  des  Mutianus  Rufus,  ges.  von  Krause.  (Voigt.)  —  F.  Mûl- 
ler,  Grundriss  der  Sprachwissenschaft,  III.  Die  Sprachen  der  locken- 
haarigen  Rassen,  II,  i;  die  Sprachen  der  mittellândischen  Rasse.  — 
Siyuki,  buddhist  records  of  the  Western  world,  transi,  from  the  chinese 
of  Hjuen  Tsiang  by  Beal,  2  vols.  —  Sophokles,  Tragôdien  libers,  von 
'Wendt,  Aeschylos  ubers.  von  Droysen.  — Lange  (K.),Haus  und  Halle, 
Studien  zur  Geschichte  des  antiken  Wohnhauscs  und  der  Basilika. 
(Nissen  :  instructif.) —  Lenz.  dramat.  Nachlass,  p.  p.  Weinhold  ; 
Falck,  Friederike  Brion;  Lenz,  Lvrisches  aus  dem  Nachlass,  p-  p- 
LuDWiG.  (Sauer  :  la  publication  de  Weinhold  renferme  beaucoup  d'in- 


téressant  et  d'inédii;  celle  de  F'alck,  trop  d'assertions  insoutenables; 
celle  de  Ludwig,  trop  d'erreurs  présomptueuses.)  —  Leiffholdt,  Ety- 
mologische  Figuren  im  Romanischen.  (Koschwitz  :  recueil  de  maté- 
riaux.) —  Grohs,  der  Werth  des  Geschichtswerkes  des  Cassius  Dio  als 
Quelle  fur  die  Geschichte  der  Jahre  49-44.  (Klebs  :  trop  d'hypothèses.) 

—  A.  KocH,  Hermann  von  Salza,  Meister  des  deutschen  Ordens.  (Perl- 
bach  :  impartial  et  à  approuver  sur  beaucoup  de  points.)  —  Froudk, 
Carlyle,  a  history  of  his  life  in  London,  1834-1881.  (A.  Stern  :  rempli 
de  faits,  de  lettres,  de  documents  de  toute  sorte  et  habilement  composé.) 
Haltrich,  zur  Volkskunde  der  Siebenbûrger  Sachsen.  —  Der  Codex 
theresianus  und  seine  Umarbeitungen,  hrsg.  v.  Harrasowsky. 

—  N°  16,  18  avril  i885  :  H.  Zeller,  Biblisches  Worterbuch 
fur  das  christliche  Volk,  I,  II,  —  V.  Tschudi,  Organismus  der  Khe- 
tsua  Sprache.  (Seler  :  prendra  une  place  éminente  dans  la  linguisti- 
que américaine.)  —  The  Ordinances  of  Manu,  translated  from  the 
Sanskrit,  with  an  introduction  by  Burnell,  completed  and  edited  by 
HopKiNs.  (Garbe.)  —  Forchhammer,  Erklarung  der  llias  auf  Grund  der 
in  der  beigegebenen  Originalkarte  von  Spratt  und  Forchhammer  dar- 
gestellten  topischen  und  physischen  Eigenthumlichkeiten  der  troischen 
Ebene.  (Renner  :  bien  du  papier  inutilement  noirci.)  —  Commentatio- 
nes  philologae  Jenenses  ediderunt  seminarii  philologorum  Jenensis  pro- 
fessores,  vol.  III.  (Dittenberger.) —  Den  tredje  of  fjaerde  grammatiske 
afhandling  :  Snorres  Edda,  tilligemed  de  grammatiske  afhandlingers 
prolog  og  to  andre  tillaeg  udgivne  af  Bjôrn  Olsen;  Smastykker,  i-3. 

—  Hrustchka,  Zur  angelsachsischen  Namenforschung,  I.  (Zupitza  : 
connaissances  grammaticales  peu  suffisantes.)  —  Li  Romans  de  Claris 
of  Laris,  hrsg.  v.  Alton.  (Tobler  :  l'éditeur  n'était  peut-être  pas  assez 
bien  préparé  à  ce  travail.)  —  Der  Rotulus  der  Stadt  Andernach,  iiyS- 
1256,  hrsg.  V.  Hoeniger.  —  Wimpfeling,  Germania,  iibersetzt  u.  erleu- 
tert  von  E.  Martin,  mit  ungedruckten  Briefen  von  Geiler  u.  Wimpfe- 
ling. —  Bkemond  d'Ars,  Jean  de  Vivonne,  sa  vie  et  ses  ambassades  près 
de  Philippe  II  et  la  cour  de  Rome.  (Philippson  :  tableau  attachant,  qui 
donne  çà  et  là  un  détail  inconnu  à  Thistorien,  mais  qui  en  somme  ne 
marque  pas  un  progrès.)  —  Merkel,  Jurislische  Encyclopadie. 

Revue  de  l'instructioa  publique  supérieure  et  moj'enne  eu  Belgique  tome  XXVIII, 
2^  livraison  :  Hoffmann,  sur  les  Aiazopta-.  d'Epicure.  —  Omont,  Catalo- 
gue des  manuscrits  grecs  de  la  bibliothèque  royale  de  Bruxelles  (suite). 

—  Comptes-rendus  :  Prou,  Les  coutumes  de  Lorris  et  leur  propaga- 
tion aux  xii''  et  xiii*^  siècles  (Pirenne  :  cette  étude  peut  être  considéVée 
comme  définitive,  ce  n'est  pas  un  mince  service  que  le  jeune  érudit  aura 
rendu  à  l'histoire  de  son  pays  que  celui  d'avoir  mis  en  pleine  lumière  un 
document  d'une  importance  aussi  grande  pour  le  droit  municipal  du 
moyen-âge,)  —  Li  sermon  de  saint  Bernart,  aelteste  franzôsische  Ueber- 
setzung  der  lateinischen  Predigten  Bernhard's  von  Clairvaux,  nach  der 
Feuillantiner  Handschrift  in'Pariszum  ersten  xMal  vollstandig  hrsg. 
von  W.  FoERSTER.  (Scheler  :  les  soins  consacrés  à  l'établissement  du 
texte  répondent  pleinement  aux  exigences  actuelles  de  la  science  et  la 
notice  introductive  se  distingue  par  sa  richesse  en  renseignements  utiles 
et  nouveaux  sur  le  manuscrit  ;  on  regrette  de  ne  pas  trouver  un  exposé 
des  formes  grammaticales  et  de  la  phonétique  des  sermons  et  un  recueil 
des  faits  lexicographiques  les  plus  intéressants,  mais  la  première  de  ces 
deux  tâches  est  confiée  aux  soins  d'un  élève  de  M.  Foerster,  et  le  glos- 
saire paraîtra  prochainement.)  —  Ebering,  Bibliographischer  Anzei- 
ger  fur  romanische  Sprachen  und  Literaturen,  tome  L' (Scheler  :  l'au- 
teur n'a  pas  surestimé  ses  forces  et  son  entreprise  trouvera  bon  accueil.) 

—  Scriptores  Historiae  Augustae,  éd.  Peter,  2^  edit.  (De  Ceuleneer  : 


cette  édition  diffère  notablement  de  la  première  et  constitue  un  progrès 
véritable.)  —  La  démocratie  athénienne  d'après  une  publication  ré- 
cente :  ScHWARcz,  die  Demokratie,  I  :  Die  Demokratie  von  Aihen.  [Ana- 
lyse d'une  production  originale  qui  a  fait  du  bruit,  heurté  de  front  les 
idées  reçues  et  scandalisera  certainement  les  nombreux  admirateurs  delà 
démocratie  athénienne.)  —  Varia.  Fédération  des  professeurs  de  ren- 
seignement moyen.  (Decamps.)  —  Concours  général  de  l'enseignement 
moyen  en  1884.  (Sujets  donnés.)  —  Bourses  de  voyage,  concours  de 
i885,  nomination  des  jurys.  —  Nominations  (M.  Charles  Michel,  doc- 
teur en  philosophie  et  lettres,  chargé  de  cours  à  l'université  de  Liège, 
est  nommé  par  décret  du  3i  janvier  i885,  professeur  extraordinaire  à 
la  faculté  de  Gand,  et  donne  les  cours  de  grammaire  générale  et  de 
sanscrit.) 

Zeitschrift  tùr  katholiscbe  Théologie,  redigirt  von  Wieser  u.  Grisar.  i885. 
{Innsbruck,  Rauch.)  IX  Band,  II  Quartalheft,  April.  Abhandliingen  : 
MûLLENDORFF,  Dic  Hiuordnuug  dcr  Werke  auf  Gott.  II.  (Schlussarti- 
kel.)  —  JuNGMANN,  Zur  Aesthetik,  I.  eine  angebliche  Schrift  des  heiligen 
Thomas  ûber  die  Schônheit;  II.  Eine  angeblich  ans  dieser  geschôpfie 
Définition  der  Schônheit  und  eine  unrichtige  Lehre  von  der  Aufgabe 
der  schonen  Kunst.  —  Biederlack,  Die  Verletzungen  der  Vermôgens- 
rechte,  ihr  Unterschied  nach  Art  und  Zahl.  —  Otto,  Fiinf  neuent- 
deckte  Briefe  des  heiligen  Ignatius  von  Loyola  (cinq  lettres  inédites 
d'Ignace  de  Loyola,  écrites  de  Rome;  quatre  sont  adressées  au  P.  Leon- 
hard  Kessel,  de  Cologne).  —  Recensionen  :  R.atzinger,  Geschichte  der 
christlichen  Armenpflege.  (Kobler  :  2"  édition  remaniée  de  cette  œuvre 
aussi  instructive  qu'intéressante.)  —  Le  Blamt,  Les  Actes  des  Martyrs, 
supplément  aux  Acta  sincera  de  Dom  Ruinart.  (Rinz  :  contribution  très 
bien  venue  à  Tappréciation  exacte  des  Actes  des  Martyrs.)  —  Bibliotheca 
theol.  et  phil.  schol.  éd.  Ehrle  ;  Silv.  Maurus,  in  Aristotelem  (Heg- 
gen);  Cosmus  Alamannus,  Summa  philos.  (Limbourg.) —  Kônig,  Alter 
und  Entstehungsweise  des  Pentateuchs.  (Flunk.î  —  Jus  canonicum 
juxta  ordinem  Decretalium  recentioribus  sedis  apost.  decretis  et  rectae 
ration!  in  omnibus  consonum  auctore  Grandclaude.  — -  Fr.  Schmid,  De 
inspirationis  bibliorum  vi  et  ratione.  —  Bemerkungen  und  Nachrich- 
ten  :  Paul  Tschackert,  der  neue  protestantische  Polemiker  gegen  die 
katholische  Kirche  ;  eine  Selbstzeichnung.  —  Ueber  Tôkôli's  Bekehrung  A 
zum  Katholicismus.  —  Uceni  Petra  Cheiciekého  o  Eucharistii.  — 
Scripturae  sacrae  cursus.  —  Fortsetzungen  und  neue  Auflagen  frûher 
besprochener  Werke.  —  Analecten  besonders  aus  auslandischen  Zeit- 
schriften. 

^^^ERNESl'^l^l^OUX,  ÉDITEUR, JRUE  BO N A PARTE^28^; 

REVUE  ARCHÉOLOGIQUE 

(Antiquité  et  Moyen  âge) 
Publiée  sous  la  direction  de  MM.  A.  Bertrand  et  G.  Perrot,  membres  de  l'Institut. 

Abonnement  annuel  :    a5  fr. 

Janvier,  février  :  Clermont-Ganneau.  Le  sceau  de  Obadyahou,  fonctionnaire  royal  israciite.  — 
l'Iouest.  Deux  stèles  de  Laraire.  —  Lièvre.  E.xploration  archéologique  du  département  de  la  Cha- 
rente. —  G.  Bapst  Souvenirs  du  Caucase,  fouilles  sui'  la  grande  chaîne.  —  Sorlin  Dorigny. 
Timbres  d'amphores  trouvés  à  Mytilène.  —  Note  sur  la  crosse  et  sur  l'aimeau  de  Jean  II  de  la 
Cour  d'Aubergenvillc,  par  G.  Bourbon  —  S.  Reinach.  Deux  moules  asiatiques  en  serpentine.  — 
Clermont-Ganneau  Inscriptions  grecques  inédites  du  Hauran.  —  A.  Baux.  La  poterie  des  Nu- 
raghes.  —  S.  Reinach.  Chronique  d'Orient.  —  Sociétés  savantes,  Chronique,  Bibliographie.  — 
5  planches  hors  texte. 

Mars,  avril.  Weber.  Trois  tombeaux  archaïques  de  Phocée.  —  H.  de  Curzon.  L'église  prieurale 
de  Champvoux  —  G.  de  la  Noë.  Le  rempart-limite  des  Romains  en  Allemagne.  —  Deloche.  Cachets 
et  anneaux  de  l'époque  mérovingienne.  —  Clermont-Ganneau.  Les  noms  royaux  nabatéens.  — 
Gaidoz.  Le  dieu  gaulois  du  soleil.  —  E.  Drouin.  Monnaies  à  légendes  en  pehlvi  et  pehlvi  arabe.  — 
E.  Duval.  Tête  antique  du  Musée  Fol.  —  C.  Jullian.  Les  antiquités  de  Bordeaux.  —  Mélanges.  — 
5  planches  hors  texte. 

Le  Pu}'.  imprimerie  Marchessou  fils,   boulevard  Saint-Laweni,  -iS. 


N">  19  Dix-neuvième  année  11  mai  1885 


REVUE  CF<IT1QUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    11  T  T  É  R  A  T  U  H  E 

RECUEIL    HKBDOMADAIRE   PUBLIÉ    SOUS    LA    DIRECTION 

DE  MM.  J.  DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 


Secrétaire  de  la  rédaction  :   M.  A.  Ghuquet 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.   —   Etranger,  23   tr, 


PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE    l'École    des   langues  orientales   vivantes,   etc. 
28,    RUE    BONAPARTE,    28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuqukt 

(Au  biiieau  de  \a  Kevcie  :  nie  Bonaparte,  -28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directemeitt,  ei 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 


ERNEST  LEROUX,   ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

HISTOIRE   INTÉRIEURE  DE  ROME 

jusqu'à  la  bataille  d'Actium.  Tirée  des  Rœmische  Alterthuemer,  de 
L.  Lange,  par  A.  BERThELOT  et  Didier.  Fascicule  3..<> ,.      i   25 

HISTOIRE  DE  L'HELLÉNISME  parj.G.D„ov. 

SEN.  Traduit  de  l'allemand  sous  la  direction  de  M.  Bouché-Leciercq. 
Fasc.  3o I  25 

(Le  fascicule  3i,  terminant  Pouvrage  paraîtra  dans  un  mois). 

HISTOIRE    DE    LA     GRÈCE    sous    u    domination 

romaine,  par  Hertzberg.  Traduite  sous  la  direction  de  M.  Bouché- 
Leciercq.  3  vol.  in-8 3o  fr. 

Le  fascicule   i    paraîtra  le   i5  mai. 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n°  677,  25  avril  i885  :  Martineau,  Types  of  ethical 
theory.  —  Eoddy,  To  Kairwân  the  Holy,  scènes  in  Muhammedan 
Africa.  —  The  public  letters  of  John  Bright,  coll.  by  Leech.  —  Mel- 
viLLE,  In  the  Lena  Delta  —  The  Merton  professorship  of  english  lan- 
guage  and  literature  (Sveet).  —  Canon  Stephens  on  St  Anselm  (Rule). 

—  The  Squire  Papers  (Norgate  et  Goodman)  —  The  Burges-Corres- 
pondence.  (Luardj  —  The  alleged  discovery  of  two  unpublished  cantos 
of  the  «  Inferno  y.  (Moore  :  ces  deux  chants  publiés  par  M.  Boyer  dans 
le  2*^  numéro  de  la  Revue  contemporaine,  avaient  été  signalés  en  1879 
par  Giorgi  et  publiés  la  même  année  dans  le  Giornale  di  philologia 
romaii^a.)  —  Taoist  texts,  ethical,  political  a.  spéculative,  by  Balfour, 
(Douglas).  —  Parallels  between  the  old-norse  and  the  irish  literatures 
and  traditions.  (Whitley  Stokes).  —  The  etymology  of  «Gossamer  " 
(Wedgwood).  —  The  empire  of  the  Hittite.  (Cheyne).  —  Comyns  Carr, 
Papers  on  art.  —  The  Tuihanti  (Hoskyns  Àbrahall). 

The  Athenaeum,  n°  3ooo.  25  avril  i885  :  Mrs  Higgins,  Women  of  Eu- 
rope in  the  fiftheenth  and  sixteenth  centuries.  I  a.  II.  (Séries  de  biogra- 
phies sans  réelle  valeur.) —  Hare,  Studies  in  Russia. — Caird,  The  social 
philosophy  and  religion  of  Comte  —  The  lyrics  of  Camoens,  englished 
by  BuRTON.  2  vols.  (Camoens  n'est  pas  «  englished  »  dans  ces  deux  vo- 
lumes, il  est  «  burtoned  »;  la  langue  du  traducteur  n'est  ni  l'anglais 
d'auJourd''hui  ni  celui  de  Shakespeare  ou  de  Spenser  ou  de  Chaucer.) 

—  «  Historié  doubts  »  (Edwards  et  Axon).  —  The  proposed  Domesday 
Society  (Moore).  —  The  Dean  of  Lincoln  (note  [nécroL  sur  M.  Blakes- 
ley).  —  Major  Raverty's  notes  en  Afghanistan. 

Literarisches  Centralblatt,  n"  18,  25  avril  i885  :  Zenonis  episcopi  Vero- 
nensis  Sermones,  p.  p.  Giuliari.  —  Ryssel,  Ein  Brief  Georg's,  Bischofs 
der  Araber,  an  den  Presbyter  Jésus,  aus  dem  syrischen  ûbersetzt  und 
erleutert.  —  Giesebrecht,  Geschichte  der  deutschen  Kaiserzeit,  II, 
Blûthe  des  Kaiserthums,  S"  édition.  —  Aedo  y  Gallart  (Don  Diego  de), 
Schilderung  der  Schlacht  bei  Nordlingen.  1634,  ûbers.  von  Weinitz. 
(intéressant)  —  Stôlzel,  Cari  Gottlieb  Svarez,  em  Zeitbild  aus  der 
zweiten  Halfte  des  XVIII.  Jahrhunderts.  (très  bon  travail  sur  ce  juris- 
consulte prussien.)  —  Heusser,  Drei  Aufsatse  betrefïend  die  europaische 
Auswanderung  nach  den  Argentinischen  Provinzen.  —  Brunnhofer, 
Ueber  den  Urbesitz  der  Indogermanen.  (Très  contestable  en  beaucoup 
d'endroits.) —  Ciceronis  opéra  rhetorica,  recognovit  G.  Friedrich,  1, 
ad  C.  Herennium  et  de  inventione  ;  memorabilia  vitae  Ciceronis  per 
annos  digesta  praescripta  sunt.  (Texte  «  sûr,  qui  est  à  la  hauteur  de  la 
hauteur  de  la  science  et  satisfait  un  besoin  pressant».)  —  Thorkels- 
soHN,  Supplément  til  irlandske  Ordboger.  —  Kônig  Rother,  hrsg.  v. 
Bahder.  (Sera,  en  tout  cas,  la  seule  édition  qu'on  consultera  désor- 
mais.)—  Gaedertez,  Das  niederdeutsche  Schauspiel,  —  Gœthe's  Ge- 
dichte,  111,  p.  p.  Loeper.  — Jean  Paul's  Werke,  hrsg.  von  Nerrlich,  1. 

—  Cros  et  Henry,  L'encaustique  et  autres  procédés  de  peinture  chez 
les  anciens,  histoire  et  technique  (la  meilleure  étude  et  la  plus  détail- 
lée sur  le  sujet,  avec  le  travail  de  Donner  ;  la  discussion  de  ce  chapitre 
difficile  est  menée  avec  beaucoup  d'érudition  et  de  compétence)  — 
J.  Meyer,  Kônigliche-Museen  zu  Berlin,  beschreibendes  Verzeichniss 
der  Gemillde,  2°  Aufl.,  unter  Mitwirkung  von  Scheibler  u.  Bode  bearb. 

—  Huselmann,  Anleitung  zum  Studium  der  decorativen  Kiinste.  — 
Bechstein;  Die  deutsche  Druckschrift  und  ihr  Verhilltnis  zum  Kunst- 
stil  alter  und  neuer  Zeit. 

Deutsche  Litteraturzeitung,  n°  17,  25  avril  i885  :  Luthers  Briefwechsel, 
p.  p.  Enders,  I.  1307-1519.  —  Mead,  Luther,  a  study  of  reformaiion. 


(Max  Lenz  :  étude  assez  superficielle  d'un  carlylien.) —  Bruns,  Lucrez- 
Studien.  (Wellmann.)  —  Trautmann,  Die  Sprachiaute  im  allgemeinen 
und  die  Laute  des  Englischen,  Franzosischen  und  Deutschen  im  beson- 
deren.  I.  (Hoffory  :  terminologie  cherchée,  exposé  clair.)  —  Wellhau- 
SEN,  Skizzen  und  Vorarbeiten,  Abriss  der  Geschichte  Israels  und  Judas. 
II,  Lieder  der  Hudhailiten,  arabisch  und  deutsch.  (Le  premier  travail 
est  t'ait  de  main  de  maître.)  —  Bibliotheca  Indica,  a  collection  of 
oriental  works  published  by  the  Asiatic  Society  of  Bengal  (  We- 
ber).  —  Keil,  Analecta  Isocratea.  (Reinhardt  :  témoigne  à  la  fois 
d'érudition  et  de  sagacité.)  —  Philoderai  de  musica  librorum  quae 
exstant,  éd.  Kemke.  (Reimann  :  réussi  en  son  ensemble,  parfois  inexact 
dans  les  détails.)  —  Châtelain,  Paléographie  des  classiques  latins. 
(R.  Fôrster  :  sera  tout  à  fait  le  bienvenu.)  —  Erinnerungen  an  Frie- 
drich von  Uechtritz  und  seine  Zeit  in  Briefen  von  ihm  und  an  ihn,  mit 
einem  Vorwort  von  H.  v.  Sybel.  (Minor  :  recueil  intéressant.)  —  Bren- 
NiNG,  Leopold  Schefer.  (Werner  :  travail  très  soigné.)  —  Tkn  Brink, 
Chaucers  Sprache  und  Verskunst.  (Zupitza  :  travail  très  important  non 
seulement  pour  l'étude  de  Chaucer,  mais  pour  l'histoire  de  la  langue  et 
de  la  métrique  anglaise.)  — ■  Mommsen,  Rômische  Geschichte,  V,  die 
Provinzen  von  Casar  bis  Diocletian.  (Seeck:  u  l'ouvrage  n'est  pas  défini- 
tif, mais  il  ouvre  une  voie,  il  offre  de  nouveaux  points  de  vue,  il  en- 
traînera à  sa  suite  une  foule  d'études  spéciales,  il  vieillira  vite  scientifi- 
quement parlant,  mais  artistiquement  il  restera,  comme  les  précédents 
volumes,  un  bien  éternel  de  notre  nation,  et  les  générations  futures  le 
regarderont  avec  orgueil,  comme  les  Anglais,  Gibbon  et  Macaulay.  ») 
—  Monumenta  Poloniae  historica,  IV  (Brûckner).  —  De  la  Garde,  Le 
duc  de  Rohan  et  les  protestants  sous  Louis  XIII.  (Schott  :  clair,  mais 
n'est  qu'une  habile  compilation  des  œuvres  connues,  et  encore,  pas  de 
toutes^.  —  Egelhaaf,  Deustche  Geschichte  im  Zeitalter  der  Reforma- 
tion. (Lenz:  manuel.)  —  De  Reumont,  aus  Kônig  Friedrich  AVilhelms 
IV  gesunden  und  kranken  Tagen.  (Riche  en  observations  et  descrip- 
tions piquantes;  portrait  de  Bunsen.)  —  Von  Richthofen,  Atlas  von 
China,  I. —  Hansen,  Agrarhistorische  Abhandlungen  II. 

Altpreussische  Monatsschrift,  pr  et  II"  fascicule,  janvier-mars  i885  : 
Abhandlungen  :  Petong,  Die  Griindung  und  atteste  Einrichtung  der 
Stadt  Dirschau.  —  Rogge,  Die  Gobotiner.  —  De  ratione  componendi 
cantus,  auctore  Thoma  Hornero  Egrano,  von  Otto  Ungewitier,  nebst 
biographischen  Notizen  ûber  Thomas  Horner  von  Rudolf  Reicke.  — 
KuTTNEK,  DieBedeutung  der  regulativen  Ideen  Kants,  die  Atomistik.  — 
Kants  Gedanken  von  der  Bewohnern  der  Gestirne,  Vortrag  von 
C.  WiTT.  —  Konigsberger  Kirchenliederdichter  und  Kirchencomponis- 
ten,  Vortrag  von  Fr.  Zimmer.  —  E...d,  der  preussische  Staatsrath  und 
seine  erste  That  im  Jahre  1817.  —  Kritiken  und  Referate  :  Veckens- 
tedt,  Die  Mythen,  Sagen  und  Legenden  der  Zamaiten  (Litauer).  — 
HoBRECHT,  Von  der  Ostgrenze.  —  Alterthumsgesellschaft  Prussia  in 
Kônigsberg  i883.  —  Mittheiltmgen  iind  Anhang  :  Alfr.  Stern,  Was 
ist  ein  Gutsbesitzer  ohne  Polizeigewalt ?  —  Beitra^  zur  Kenntniss  des 
Keligionszustandes  in  Preussisch  Litauen  unter  dem  Churfûrsten  Frie- 
drich Wilhelm.  —  Universitats-Chronik,  1 884-1 885.  --  Lyceum 
Hosianum  in  ^Braunsberg,  i885.  —  Altpreussische  Bibliographie, 
1884. 

Archiv  fur  Slavische  Philologie.  Tome  VIII.  2"  livraison.  Ueber  die  Ne- 
dation,  insbesonderer  im  altbôhmischen  (J.  Gebauer).  —  Ueber  die 
vVirkiing  der  Analogie  in  der  Declination  des  Klein  Russischen 
Stockij).  —  Ein  Beitrag  zur  kroatisch-glagolitischen  Bibliographie 
jlvan  Mileetic).  —  Die  Sprache   des  polnischen  Theils  des   Fforianer 


Psalteis  (Leciejewski).  —  Sprachproben  des  Dialektes  von  Cirkno 
(Beaudoin  de  Courtenay).  —  Lituanica  (Brlickner).  —  Slawo-deutsches 
und  Slawo-Italienisches  vou  Hugo  Schuchardt  (V.  Jagic).  —  Der  Dra- 
che  zu  Babylon  (Al.  P.  Wesselovsky).  —  Bibliographischer  Bericht 
(V.  Jagié). 

Gœtting'ische  gelehrte  Anzeigen,  n»  7  :  Braunfels,  Der  sinnreiche  Junker 
Don  Quijote  von  der  Mancl)a  von  Miguel  de  Cervantes  Saavedra,  iiber- 
setzt.  (Vollmôller  :  la  meilleure  traduction  allemande;  travail  d'ailleurs 
scientifique  par  l'établissement  du  texte  et  par  le  commentaire.)  — 
Lambrechts  Alexander,  p.  p.  Kinzel.  (Wilmanns  :  édition  qui  rend  un 
service  essentiel  )  —  Gering,  islendzk  Aeventyri.  TCarl  af  Petersens  : 
travail  soigné  et  consciencieux,  qui  sera  le  bienvenu  auprès  de  tous  ceux 
qui  étudient  soit  le  norois,  soit  la  littérature  du  moyen  âge.)  —  Voss, 
Republik  und  Kônigthum  im  alten  Germanien,  eine  historische 
Abhandiung.  (Dahn  :  l'auteur  prétend  avoir  exposé  clairement  le  déve- 
loppement historique  de  la  vie  politique  de  l'ancienne  Germanie,  sujet 
que  Dahn  étudie  depuis  trente  ans  et  sur  lequel  il  avoue  ne  savoir  pres- 
que rien;  ce  travail  est  fait  sans  méthode  et  plein  dUiypothèses  arbi- 
traires.) 

—  N'*  8.  i3  avril  i885  :  Waitz,  Deutsche  Verfassungsgeschichte, 
Band  IV,  2''  édition  ou  Die  Verfassung  des  frankischen  Reichs.  dritter 
Band.  (Waitz.)  —  Ulmann,  Kaiser  Maximilian  I,  Band  I.  (Bachmann  : 
bon  travail  qui  témoigne  de  beaucoup  de  lectures  et  d'une  grande  éru- 
dition.) —  Urkundenbuch  des  Bisthums  Culm,  bearbeitet  von  Woelky, 
I.  —  Weimitz,  Des  Don  Diego  Schilderung  der  Schlacht  von  Nôrdiin- 
gen- 

Theologische  Literaturzeitun»,  n°  8,  18  avril  i885  :  Mpihlhorn,  Leitfaden 
zur  Kirchengeschichte  fur  hôhcre  Lehranstalten,  2"  édit.  —  Renan, 
Marc  Aurèle  et  la  fin  du  monde  antique.  (Harnack  :  quelques  réserves 
que  Ton  puisse  faire  avec  raison,  le  grand  ouvrage  de  Renan  est  la  pre- 
mière et  jusqu'ici  la  seule  histoire  des  deux  premiers  siècles  de  l'Église 
chrétienne  qui  soit  complète  et  qu'on  ait  composée  avec  toutes  les  res- 
sources de  la  science  historique.)  —  P.  Martjn,  Luthers  Leben,  Thaien 
und  Meinungen,  dem  Volke  erzâhlt,  I.  (Kav/erau  :  manuel  populaire.) 
—  Chemnitz,  Examen  Concilii  Tridentini,  das  ist  Beleuchtung  und 
Widerlegung  der  Beschlûsse  des  Tridentinischen  Concils,  deutsch  bearb. 
von  Bendixen  u.  Luthardt.  —  Hoefmeister,  Luther  u.  Bismarck  als 
Grundpfeiler  unserer  Nationalgrôsse.  (Parallèle  bizarre.) 

ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

REVTJE  ARCHEOLOGIQUE 

(Antiquité  iît  Moyen  âge) 

Publiée  sous  la  direction  de  MM.  A.  Bertrand  et  G.  Ferrot,  membres  de  l'Institut. 

Abonnement  annuel  :    2  5  fr. 

Janvier,  février  :  Clermont-Ganiieau.  Le  sceau  de  Obadyahou,  fonctionnaire  royal  israëlite.  — 
Fiouest.  Deux  stèles  de  I.araire.  —  L.iévre.  Exploration  archéologique  du  département  de  la  Cha- 
rente. —  G.  Bapst.  Souvenirs  du  Caucase,  fouilles  sur  la  grande  chaîne.  —  Sorlin  Dorigny. 
Timbres  d'amphores  trouvés  à  Mytilene.  —  Note  sur  la  crosse  et  sur  l'anneau  de  Jean  II  de  la 
Cour  d'Aubergenville,  par  G.  Bourbon  —  S.  Reinach.  Deux  moules  asiatiques  en  serpentine.  — 
Clermont-Ganneau  Inscriptions  grecques  inédites  du  Hauran.  —  A  Baux.  La  poterie  des  Nu- 
raghes.  —  S.  Reinach.  Chronique  d'Orient.  —  Sociétés  savantes.  Chronique,  Bibliographie.  — 
5  planches  hors  texte. 

Mars,  avril.  Wcber.  Trois  tombeaux  archaïques  de  Phocée.  —  H.  de  Curzon.  L'église  prieurale 
de  Champvoux.  —  G.  de  la  Noë.  Le  rempart-limite  des  Romains  en  Allemagne.  —  Deloche.  Cachets 
et  anneaux  de  l'époque  mérovingienne.  —  Clermont-Ganneau.  Les  noms  royaux  nabatéens.  — 
Gaidoz.  Le  dieu  gaulois  du  soleil.  —  E.  Drouin.  Monnaies  à  légendes  en  pehlvi  et  pehivi  arabe.  — 
E.  Duval.  Tête  antique  du  Musée  Fol.  —  C.  Jullian.  Les  antiquités  de  Bordeaux.  —  Mélanges.  — 
5  planches  hors  texte. 


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N"  20  Dix-neuvième  année  18  mai  4885 

REVUE  CRITIQUE 

0  •  H  1  S  T  O  I  R  E    ET    DE    LITTERATURE 

RECUEIL    HEBDOMADAIRE    PUBLIÉ    SOUS    LA    DIKKCTION 

DE  MM.  J.  DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 
Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.  Chuquet 

Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.  —    Etranger,  2b  fr. 


PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     I,  A    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE   l'École    des  langues  orientales   vivantes,   ktc. 
28,    RUE    BONAPARTE,     28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuqukt 

(Au  bureau  de  la  Kevue  :  rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 

ERNEST  LEROUX,   ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28 


HISTOIRE   INTERIEURE  DE  ROME 

jusqu'à  la  bataille  d'Actium.  Tirée  des  Rœmische  Alterthuemer,  de 
L.  Lange,  par  A.  Berthelot  et  Didier.  Fascicule  3 i   25 

HISTOIRE  DE  L'HELLÉNISME  parj.c.D^ov- 

SEN.  Traduit  de  l'allemand  sous  la  direction  de  M.  Bouché-Leclercq. 
Fasc.  3o I   25 

(Le  fascicule  3i,  terminant  Touvrage  paraîtra  dans  un  mois). 

HISTOIRE  DE  LA  GRECE  sous  la  domination 
romaine,  par  Hertzberg.  Traduite  sous  la  direction  de  M.  Bouché- 
Leclercq.  3  vol.  in-8 3o  fr. 

Le  fascicule  1   oaraîtra  le  i5  mai. 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n»  678,  2  mai  i885  :  Bianchi,  La  politique  du  comte 
Camille  deCavour  de  i852  à  1861,  lettres  inédites  avec  notes  ;  Memoirs 
of  count  Giuseppe  Pasolini,  late  Presideni:  of  the  Senate  of  Italy,  com- 
piled  by  his  son,  translated  and  abridged  by  the  dowager  countess  of 
Dalhousie  (Myers  :  le  l'^f  volume  montre  la  ténacité  du  grand  homme 
d'état  qui  lit  du  Piémont  le  noyau  de  l'Italie  unie;  le  second  est  inté- 
ressant). —  The  Iliad  of  Homer,  books  I-IV,  translated  into  english 
hexameter  verse  by  Wright.  —  Chalmers  a.  Gill,  Works  and  adventu- 
res  in  New  Guinea.  —  Sir  John  Maclean,  An  historical  and  genealogi- 
cal  memoir  of  the  family  of  Poyntz,  I. —  Shropshire  Folk-Lore,  part  II, 
edited  byCharl.  S.  Burne  from  the  collections  of  Georgina  F.  Jackson. 

—  Books  of  travel.  — A  translation,  Catullus  XXXIV  (Headlam).  — 
Alfred  Kingston  (not.  nécrol.).  —  The  Merton  professorship  of  english 
language  and  literature  (Vigfusson).  —  The  Squire  Papers  (Wright  et 
Rye).  —  The  last  of  the  Goethes  (Betham-Edwards  :  sur  Walther  de 
Goethe,  le  dernier  descendant  du  poète).  —  A  word  wanted  (Isaac 
Taylor  :  il  faut,  pour  tirage  à  part,  choisir  entre  excerpt,  reprint  et 
deprint).  —  Two  queries  (Greene).  —  Nettlesiph,  Lectures  and  essays. 
(Wilkins.)  —  «  Tin-Yût  »  not  India  (Terrien  de  la  Couperie).  —  Some 
notes  on  roman  pronunciation.  —  The  Egypt  Exploration  Fund  in  the 
United  States.  (Winslow.) 

The  Atîienaeum,  n°  3ooi,  2  mai  188 5  :  Shepniak,  Russia  under  the 
tzars,  2  vols.  (Remarquable.)  —  William  Tyndale's  five  books  of  Moses 
called  the  Pentateuch,  being  a  Verbatim  reprint  of  the  édition  of 
Mcccccxxx  by  Mombert.  (Second  article.)  —  Mr.  Alfred  Kingston  (not. 
nécrol.).  —  «  Historic  doubts  «  (Julien  Havet  :  liste  des  éditions,  qui 
se  trouvent  à  la  Bibliothèque  Nationale,  de  la  brochure  de  J.  B.  Pérès 
«  comme  quoi  Napoléon  n'a  jamais  existé  ».  —  Rev.  F.  Field  (not. 
nécrol.).  —  The  Domesday  Book  Society  (De  Gray  Birch).  —  M.  Kos- 
tomarof  (not.  nécrol.  sur  l'historien  russe). 

Literarisches  Centralblatt,  u°  iq,  2  mai  i885  :  Abraham  Aben  Esra, 
Commentar  zu  den  Sprûchen  Salomons,  iioo-iiyS,  zum  ersten  Mal 
nach  einer  alten  in  meinem  Besitze  befindlichen  Handschrift  hrsg.  v. 
HoROWiTz.  —  Poach's  handschriftliche  Sammlung  ungedruckter  Pre- 
digten  Luther's  aus  den  Jahren  i528  bis  1546,  aus  dem  Originale  zum 
ersten  Maie  hrsg.  v.  Buchwald,  I,  i528-i53o,  i,  —  Blasius,  Kônig 
Enzio,  ein  Beitragzur  Geschichte  Kaiser  Friedrichs  II.  (Travail  soigné). 

—  K.  Fischer,  Deutsches  Leben  und  deutsche  Zustânde  von  der 
Hohenstaufenzeit  bis  ins  Reformationszeitalter.  (Même  travail  que  ce- 
lui de  Janssen,  mais  à  un  point  de  vue  opposé,  tableau  d'ensemble  fait 
avec  clarté.)  —  Heydenreich,  Bibliographisches  Repertorium  liber  die 
Geschichte  der  Stadt  Freyberg  u.  ihres  Berg-und  Huttenwesens.  —  von 
Reumont,  Aus  Kônig  Friedrich  Wilhelm's  IV  gesunden  und  kranken 
Tagen.  (Recueil  de  souvenirs  personnels.)  —  The  book  of  Kalilah  and 
Dimnah,  translated  from  arable  into  syriac,  éd.  Wright.  (Publication 
de  très  grande  valeur.)  —  Herodot's  Perserkrieg  hrsg.  von  Hintner,  II, 
Anmerkungen  (assez  bon).  —  von  Gôrner,  der  Hanswurst-Streit  in 
Wïen  und  Joseph  von  Sonnenfels.  (Clair  et  impartial.)  —  Graesers 
Schulausgaben  classischer  Werke,  hrsg.  von  Neubauer,  Lessing,  La- 
cooii  p.  p.  Jauker  ;  Schiller,  die  Jungfrau  von  Orléans  p.  p.  Kny  u.  don 
Carlos,  p.  p.  Kuhll.  (Beaucoup  de  choses  utiles,  mais  aussi  beaucoup 
de  superflues.)  —  Junker  von  Lakgegg^  Japanische  Theegeschichten, 
Fu-sô  châ-wa,  volks-und  geschichtliche  Sagen,  Legenden  und  Màrchen 
der  Japanen,   I  Cyclus  (n^indique  pas  assez  ses  sources  et  n'écrit  pas 


(1 


i 


assez  simplement).  —  Cari  Meyer,  der  Aberglaube  des  Mittelalters  und 
der  nâchstfolgenden  Jahrhunderte.  (Intéressant,  souvent  nouveau  et 
plein  d'idées  personnelles,  ne  connaît  pas  assez  la  littérature  récente  du 
suj'etO  —  Karten  von  Attika,  aufgenommen  durch  Officiere  und  Beamte 
des  k.  preussischen  Grossen  Generalstabes,  hrsg.  v.  E.  Curtius  u.  Kau- 
PERT,  III.  —  Crowe  u.  Cavalcasselle,  Raphaël,  sein  Leben  und  seine 
Werke,  aus  dem  englischen  ûbersetzt  von  Aldenhoven,  I. 

Deutsche  Literatarzeitiing,  n"  i8,  2  mai  i885  :  Paoli,  Délia  vita  di  Anto- 
nio Rosmini-Serbati.  —  Miklosich,  die  tûrkischen  Elemente  in  den 
siidost  und  osteuropaischen  Sprachen,  i  et  2.  (ouvrage  fait  avec  fort 
grand  soin.)  —  Miklosich,  Die  Slawischen  Elemente  im  Magyarischen. 
(2*^  édition  d'un  travail  paru  en  1871  et  depuis  presque  introuvable.)  — 
Avesta,  die  heiligen  Bûcher  der  Parsen,  hrsg.  v.  Geldner.  (Spiegel  : 
très  louable).  —  Comicorum  atticorum  fragmenta,  p.  p.  Kock,  II. 
(v.  Bamberg.)  —  Cozza  Luzi,  Délia  geogratia  di  Strabone.  (Partsch.)  — '■ 
Sallust's  Catilina  a.  Jugurtha,  p.  p.  Long  a.  Frazer  (Scheindler  :  ne  se 
distingue  pas  des  éditions  allemandes,  mais  renferme  beaucoup  de  choses 
utiles.)  —  Schweizeriche  Volkslieder,  miit  Einleitung  und  Anmerkun- 
gen  hrsg.  von  L.  Tobler.  II.  (Hevne;  très  recommandable.)  — Stokar, 
Johann  Georg  Muller,  Lebensbild  (Boos  :  bon  travail  sur  le  frère  de 
Jean  de  Muller  qui  fut  l'intime  ami  de  Herder  et  l'éditeur  de  ses  œu- 
vres.) —  Recueil  de  motets  français  des  xii^  et  xm^  siècle,  p.  p.  Ray- 
NAUD,  suivi  d'une  étude  sur  la  musique  au  siècle  de  Saint  Louis  par 
H.  Lavoix  iils  ;  I,  Le  chansonnier  de  Montpellier,  II,  chansonniers 
divers,  Etude  musicale  (Schwan  :  édition  qui  rendra  de  bons  services, 
car  elle  renferme  des  matériaux  qui  sont  de  véritables  trésors  pour  l'his- 
toire de  l'ancienne  lyrique  française  et  de  la  civilisation  du  moyen-âge.) 
—  Molière  und  seine  Bûhne,  Moliere-Museum,  hrsg.  v.  Schweitzer, 
IV-Vl.  (VoUmôUer.)  —  Kaiserurkunden  in  Abbildungen  hrsg.  v.  Sybel 
u.  SiCKEL,  VII.  (Wattenbach.)  —  Heigel,  Quellen  u.  Abhandlungen 
zur  neueren  Geschichte  Baierns.  (Kugler  :  recueil  d'études  très  soignées 
et  détaillées  sur  la  Bavière  au  xvii*"  et  au  xviii^  siècle.)  —  Journal  d'un 
habitant  de  Colmar,  juillet-novembre  1870,  suivi  du  cahier  de  M"e  H. 
pendant  le  mois  de  janvier  1871  et  d'autres  annexes  par  Julien  Sée.  — 
Brau  de  Saint  Pol  Lias,  Ile  de  Sumatra,  chez  les  Atchés,  Lohong.  — 
LoEscHKE,  Yermutungen  zur  griechischen  Kunstgeschichte  und  zur 
Topographie  Athens.  (Loliing  :  beaucoups  de  finesse,  suppositions  ac- 
ceptables pour  la  plupart.)  —  Bennecke  Die  stra(rechtliche  Lehre  vom 
Ehebruch  in  ihrer  historisch-dogmatischen  Entwickelung,  I.  Das  rô- 
mische,  canonische  und  das  deutsche  Recht  bis  zur  Mitte  des  XV. 
Jahrhunderts.  (Loening  :  très  soigné  sans  résultats  essentiellement  nou- 
veaux.)—  RiEss,  Geschichte  des  'Wahlrechts  znm  englischen  Parlament 
im  Mittelalter.  (Gierke  :  rectifie  sur  des  points  essentiels  les  travaux  de 
Gneist  et  de  Stubb.)  —  Gross,  Karl  Marx,  eine  Studie.  —  Jurien  de  la 
Gravière,  La  marine  desPtolémées  et  la  marine  des  Romains;  I,  la  ma- 
rine de  guerre;  II,  la  marine  marchaijde.  (n'est  pas  assez  profondément 
étudié,  trop  de  souvenirs  personnels  et  d'excursions  dans  le  temps  pré- 
sent.) 

Berliner  Philologische  Wcchenschrift,  n°  18,  2  mai  i885  :  Holzer,  Zum 
ABC  der  Liebe  (de  Wagner).  —  Homeri  Ilias  edidit  G.  Dindorf. 
(P.  Cauer  :  corrections  de  Bekker  et  de  Nauck  adoptées,  p.  ex.  A  5 
oiwvGÏcjî  Ts  oaÏTa).  —  F.  A.  Wolf,  Prolegomena  ad  Honerum,  éd.  III* 
quam  curavit  R.  Peppmuller.  Adjeciae  sunt  epistolae  Wolfii  ad  Hey- 
nium  (Kammer  :  la  publication  des  lettres  de  V/olf  n'était  pas  utile).  — 
Jamblichi  de  vita  Pythagorica  liber,  rec.  A.  Nauck  (E.  Heitz).  — 
Th.  Oesterlein,  Studien  zu  Vergil  und  Horaz  (Faltin  :  vulgarisation 


solide).  —  OviDii  métamorphoses,  Auswahl  fur  Schulen  von  Siebelîs, 
1 1"  Aufl.  besorgt  von  Fr.  Polle  (Ehwald).  —  Cicéron,  Plaidoyer  pour 
Archias,  expliqué  littéralement,  traduit  en  français  et  annoté  par  Chan- 
SELLE  (F.  MûUer  :  a  Einen  solchen  aufrichtigen  »  Schûlerfreund  «  ha- 
ben  wir  Deutschen  wohl  noch  nicht,  oder  er  musste  im  verborgensten 
Dunkel  sein  Wesen  treiben.  »  Le  travail  de  Chanselle  est  soigné.)  — 
O.  RiEMANN,  Etudes  sur  la  langue  et  la  grammaire  de  Tite-Live,  2*  éd. 
(-ff-  :  excellent).  —  E.  Remv,  de  subjunctivo  et  infinitivo  apud  Plinium 
minorem  (K.  E.  Georges  :  consciencieux  et  utile).  —  J.  Gow,  A  short 
history  of  greek  mathematics  (Hultsch  :  bon).  — A.  v.  Kampen,  Orbis 
terrarum  antiquus  in  usum  scholarum  (Chr.  B.  :  défectueux). 

—  N"  19,  9  mai  i885  :  Fr.  Paulsen,  Geschichte  des  Gelehrten  Un- 
terrichts  auf  den  deutschen  Schulen  und  Universitaten  von  An  fan  g  des 
Mittelalters  bis  zur  Gegenwart,  mit  besonderer  Riicksicht  auf  den  klas- 
sischen  Unterricht  (***  Analyse).  —  A.  Nauck,  de  Marci  Antonini 
commentariis  (J.  Stich  :  intéressant).  —  Albii  Tibulli  elegiae  cum 
carminibus  pseudotibullianis,  edid.  E.  Hiller  'H.  Magnus  :  impor- 
tant). —  K.  F.  Hermanns,  Lehrbuch  der  griechischen  Antiquitaten, 
Bd.  II,  Abt.  1  :  die  griechischen  Rechtsalteithumer,  dritte  aufl.  von 
Th.  Thalheim  (Buermann  :  utile).  —  E.  Graf,  die  Aniiopesage  bis  auf 
Euripides  (A.  Schirmer). —  L.  Weniger,  Der  Gottesdienst  in  Olympia 
(Boetticher  :  pour  le  grand  public,  agréable  à  lire).  —  J.  Adeline, 
Lexique  des  termes  d'art  (Baumeister  :  mauvais;  Adeline  parle  de  la 
glyptotique  de  Vienne  et  du  torse  Farnèse  ;  il  explique  monument 
choragique  par  «  trépied  d'airain.  »)  —  G.  Pictrogrande,  Giuseppe 
Furlanetto  e  Tarcheologia  (Sabbadini  :  verbeux  et  sans  valeur). 

Gœttingische  gelebrte  Anzeigen,  no  9,  i*""  mai  i885  :  Bezzenberger,  Let- 
tische  Dialekt-Studien  (Bielenstein  :  «  A  recommander  très  chaudement 
à  tous  les  amis  de  la  langue  lette  et  puisse  l'auteur  faire  encore  de  nom- 
breuses visites  dans  le  pays  pour  introduire  le  lette  de  plus  en  plus  dans 
la  linguistique  par  de  nouvelles  et  de  louables  recherches!)  »  —  A  com- 
prehensive  grammar  of  the  sanskrit  language,  analytical,  historical  and 
lexicographical,  by  Anundoram  Borooah,  vol.  III,  part,  i,  Nânârtha 
Samgraha  with  varions  readings  and  copious  notes,  to  wich  is  added  the 
Çabhabheda  Prakâça  with  notes  and  index.  (Zachariae  :  très  long  article 
rempli  de  critiques  de  détail;  Borooah  n'a  pas  consulté  assez  de  manus- 
crits pour  établir  un  texte  correct;  parmi  les  notes,  les  unes  sont  bon- 
nes et  claires,  les  autres  douteuses  et  inutiles.) 

ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

(Antiquité  et  Moyen  âge) 

Publiée  sous  la  direction  de  MM.  A.  Bertrand  et  G.  Perrot,  membres  de  l'Institut. 

Abonnement  annuel  ;    2  3  fr. 

Janvier, fémier  :  Clermont-Ganneau.  Le  sceau  de  Obadyahou,  fonctionnaire  royal  israëlite.  — 
Flouest.  Deux  stèles  de  Laraire.  —  Lièvre,  exploration  archéologique  du  département  de  la  Cha- 
rente, —  G.  Bapst  Souvenirs  du  Caucase,  fouilles  sur  la  grande  chaine.  —  Sorlin  Dorigny. 
Timbres  d'amphores  trouvés  à  Mytilène.  —  Note  sur  la  crosse  et  sur  l'anneau  de  Jean  II  de  la 
Cour  d'Aubergenville,  par  G.  Bourbon  —  S.  Reinach  Deux  moules  asiatiques  en  serpentine.  — 
Clermont-Ganneau  Inscriptions  grecques  inédites  du  Hauran.  —  A  Baux  La  poterie  des  Nu- 
raghes.  —  S.  Reinach.  Chronique  d'Orient.  —  Sociétés  savantes.  Chronique,  Bibliographie.  — 
5  planches  hors  texte. 

Mars,  avril.  \Veber  Trois  tombeaux  archaïques  de  Phocée.  —  H.  de  Curzon.  L'église  prieurale 
de  Champvoux.  —  G.  de  la  Noë.  Le  rempart-limite  des  Romains  en  Allemagne.  —  Deloche.  Cachets 
et  ainieaux  de  l'époque  mérovingienne.  —  Clermont-Ganneau.  Les  noms  royaux  nabatéens. — 
Gaidoz.  Le  dieu  gaulois  du  soleil.  —  E.  Drouin.  Monnaies  à  légendes  en  pehlvi  et  pehlvi  arabe.  — 
E.  Duval.  Tète  antique  du  Musée  Fol.  —  C.  JuUian.  Les  antiquités  de  Bordeaux  —  Mélanges.  — 
5  planches  hors  texte. 

Le  i'uv,  iniprnnerie  Marchessou  fils,   i>auiei>arj  Saint-hnureni.  23. 


I 


N"  21  Dix-neuvième  année  25  mai  1885 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL    HEBDOMADAIRE   PUBLIÉ    SOUS    LA    DIRECTION 

DE  MM.  J.  DARMESTETER,  L.  H  AVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 


Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.  Chuquet 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.  —   Etranger,  zb  fr. 


PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     I.  A     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE   l'École    des  langues  orientales   vivantes,   etc. 
28,    RUE    BONAPARTE,    28 


Adresser  les comyniini cations  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 

(Au  bureau  cie  la  Kevue  :  nie  iionaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désiretit  un  compte-rendu. 


ERNEST  LEROUX,   ÉDIIEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

BIBLIOTHÈQUE  ORIENTALE  ELZÉVIRIENNE 

XLI 

LES  LANGUES  PERDUES  DE  LA  PERSE 

ET    DE   L'ASSYRIE,    par  J.  menant.  Perse.  In-iS.     5  fr. 

XLII 

MADHAVA  ET  MALATI,  drame  en  dix  actes  et  un 
prologue,  de  Bhavabouti,  Traduit  du  sanscrit  et  du  pracrit,  par  G. 
Strehly.  Avec  une  préface,  par  A.  Bergaigne,  de  l'Institut.  In-i8.  5fr. 

XLIII 

Le,  IVlAriL)!,  depuis  les  origines  de  l'islam  jusqu'à  nos  jours, 
pariâmes  Dar.mesteter,  professeur  au  collège  de  France.  In-18.  2  5o 

XLIV 

COUP  D'OEIL  SUR  L^HISTOIRE  DE  LA 

F  CixDC,    parlâmes  Darmesteter,  professeur  au  collège  de  France. 
In-i8 2  5o 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n°  679,  9  mai  i885  :  Bent,  The  Cyclades  or  life  among 
ihe  insular  Greeks.  — Thornton,  Harrow  School  and  its  surroundings. 

—  Nixon,  The  complète  story  of  the  Transvaal  from  the  i  Great 
Trek  »  to  the  Convention  of  London.  —  Hartmann  (E.  von),  The  Phi- 
losophy  of  the  Unconscious,  translated  by  Coupland.  —  French  lite- 
rature  (Sarrazin,  Poètes  modernes  de  l'Angleterre  :  bien  fait  et  impar- 
tial; Li  Romans  de  Carité  et  Miserere  du  Rendus  de  Moiliens,  édition 
critique  par  Van  Hamel  :  «  a  very  admirable  example  of  linguistic 
study  »  ;  L'Art  poétique  de  Vauquelin  de  la  Fresnaye,  par  G.  Pellis- 
siER  :  bon  ;  Clédat,  Grammaire  élémentaire  de  la  vieille  langue  fran- 
çaise :  livre  très  méritoire;  de  Laveleye,  Nouvelles  lettres  d'Italie; 
Engel,  Psychologie  der  franzôsischen  Literatur  :  appréciations  singu- 
lières, c'est  de  l'actualité,  mais  non  de  la  critique).  —  Correspondence. 
«  Atterbury  »  in  the  «  Dictionary  of  national  biography  »  (Doble).  — 
A  slavonic  parallel  to  «  the  Merchant  of  Venice  *  (Frazer).  —  The  sur- 
name  «  Poyntz  »  (Davies).  —  The  Merton  professorship  of  english 
language  and  literature  (Sweet),  —  The  Squire  Papers  (W.  Squire).  — 
A  Middlehill  ms.  of  Cicero.  (Nutt).  —  Stokes  and  Windisch's  «  Irish 
Texts  »  (Rhys).  —  The  Brough  stone.  (Scarth.) 

The  Athenaeum,  n°  3oo2,  9  mai  i885  :  Little  wars.  The  Transwaal 
war,  1 880-8 r,  edited  by  Lady  Bellairs;  Scott,  France  and  Tongking, 
a  narrative  of  the  campaign  of  1884  and  the  occupation  of  Further 
India.  —  Johnson,  On  the  track  of  the  Crescent,  erratic  notes  from 
the  Piraeus  to  Pesth.  —  Webb,  The  veil  of  Isis,  a  séries  of  essays  on 
idealism  ;  Laurence  Oliphant,  Sympneumata.  —  Em.  de  Laveleye, 
The  socialism  of  to-day,  transi,  by  Orpen,  with  an  account  of  socialism 
in  England.  —  Shelleyana,  IL  (Dobell.)  —  The  Lincolnshire  Survey, 
temp.  Henry  I.  (Greenstreet.)  —  Jacobsen.  (Gosse  :  not.  nécrol.  sur  ce 
De  Quincey  de  la  littérature  danoise.)  —  The  Osterley  Park  Library. 

—  The  discovery  of  a  Caxton.  (Round.)  —  Rock-cut  tombs  of  Carpa- 
thos,  (Bent.) 

Literarisches  Centralblatt,  n°  20  9  mai  i885  :  Techen,  Zwei  Gôttinger 
Machzorhandschriften  beschrieben  [an  soin).  —  Leop.  Stein,  Morgen- 
lilndische  Bilder  in  abendlandischem  Rahmen,  talmudische  Parabeln, 
Gleichnisse  und  Erzàhlungen  ausgewahlt  und  metrisch  wiedergegeben. 
(Nullement  scientifique.)  —  Windelband,  Praludien,  Aufsàtze  und  Re- 
den  zur  Einleitung  in  die  Philosophie.  (Recueil  d'essais  écrits  avec 
goût,  sans  étroitesse  de  pensée,  avec  beaucoup  de  profondeur  et  d'ori- 
ginalité.) —  Amiel,  Fragments  d'un  journal  intime,  précédés  d'une 
étude  par  Edm.  Scherer,  tome  I,  3'=  edit.  et  tome  IL  (Ouvrage  inté- 
ressant d'un  homme  qui  était,  selon  le  mot  de  Jean  Paul,  un  génie  pas- 
sif; renferme  des  observations  remarquables  et  précieuses  pour  le  psy- 
chologue.) —  HuBER,  Ludwig  I  von  Ungarn  und  die  ungarischen 
Vasallenlunder.  (Beaucoup  de  points  obscurs  sont  ici  éclaircis.)  -— 
Wimpfeling,  Germania,  iibersetzt  und  crlentert  von  E.  Martin,  mit 
ungedruckten  Briefen  von  Geiler  und  Wimpfeling,  ein  Beitrag  zur 
Frage  nach  der  Nationalitiit  des  Elsasses  und  zur  Vorgeschichte  der 
Strassburger  Universitat.  (Renferme  tout  ce  qui  se  rapporte  au  sujet, 
parfois  un  peu  lourdement  traité.) —  Die  bôhmischen  Landesverhand- 
lungen  und  Landtagsbeschliisse  vom  Jahre  i526  an  bis  aufdie  Neuzeit, 
hrsg,  vom  kônigl.  bôhmischen  Landesarchive,  III,  i558-i573.  — 
NissEN,  Beitrilge  zum  rOmischen  Staatsrecht.  (A  recommander  à  l'étude 
sérieuse  des  spécialistes.)  —  Roquette,  De  Xenophontis  vita  (de  re- 
marquables résultats).  —  W.  Meyer,  Zur  Geschichte  des  griechischen 


und  lateinischen  Hexameters.  (Intéressant  et  détaillé,  beaucoup  de  fines 
réflexions.)  —  Hofmann-Wellenhof,  Alois  Blumauer,  literarhistorische 
Skizze  aus  dem  Zeitalter  der  AutkUlrung.  (Bien  fait,  parfois  un  peu  sec  ; 
dans  l'appendice,  trop  de  documents  insignifiants;  monographie  néan- 
moins importante.;— HoHENBÛHEL,  Die  Holzschnitte  der  Handschritt  des 
Heilthum-Buchleins  zu  Hall  in  Tirol,  ein  Beitrag  zur  Kunst-und  Cul- 
turgeschichte  des  beginnenden  XVI.  Jahrhunderts.  —  Réponse  de 
M. "Albert  Jahn  à  un  article  du  Centralblatt,  n°  i6,  sur  son  édition  de 
la  Prosopopoeia  de  Grégoire  Palmas  et  réplique  de  l'auteur  de  l'article, 
M.  A.  Riese. 

Zeitschrift  ftir  neufranzœsische  Sprache  und  Litteratur,  herausgegeben  von 
Prof.  Dr.  Kôrting  und  Prof.  Dr.  Koschwitz.  Tome  VI  (1884).  Pre- 
mière partie.  —  Traités  ;  P.  i  :  Ed.  Bôhmer.  Gemeinsame  Transcrip- 
tion fur  Franzôsisch  und  Englisch.  — P.  11  :  H.  Harth.  Die  Qualitat 
der  reinen  Vokale  im  Neufrauzôsischen.  —  P.  1 13  :  J.  Frank.  Studien 
iiber  die  Satyre  Ménippée.  —  P.  i5o  :  L.  Wespy.  Die  historische 
Entwiekelung  der  Inversion  des  Subjektes  im  Franzôsischen  und  der 
Gebrauch  derselben  bei  Lafontaine.  —  P.  210  :  Thor  Sundby.  Biaise 
Pascal,  sein  Kampf  gegen  die  Jesuiten  und  seine  Verteidigung  des 
Christentums.  —  P.  234  :  B.  Uber.  Zu  dem  franzôsischen  Worterbu- 
che  von  Sachs.  —  P.  263  :  Thor  Sundby.  Biaise  Pascal,  sein  Kampf 
gegen  die  .lesuiten  und  seine  Verteidigung  des  Christentums  (suite).  — 
P.  297  :  H.  j.  Heller.  Der  Naturalismus  in  der  Romandichtung  Fran- 
kreichs  und  Deutschlands.  —  Deuxième  partie  :  Comptes-rendus,  etc.  : 
P.  I  :  R.  Schmidt.  G.  Korting,  Encyklopadie  und  Méthodologie  der 
romanischen  Philologie  etc.  —  P.  14  :  Fr.  Dôrr.  O.  Danker,  Die  Real- 
gymnasien  bezw.  Realschulen  I.  Ordnung  und  das  Studium  der  neue- 
ren  Sprachen.  —  P.  22  :  W.  Schefïier.  R.  Wilcke,  Anleitung  zum 
franz.  Aufsatz.  —  K.  Bartsch,  Alte  (ranzôsische  Volkslieder.  —  P.  33  : 
R.  Mahrenholtz.  F.  Lotheisseji,  Geschichte  der  franz.  Litteratur  im 
XVII.  Jahrhundert.  Bd.  IV. — L.  A.  Ménard,  Le  livre  abominable 
de  i665.  —-  P.  38  ;  E.  Koschwitz.  Dictionnaires  d'argot.  —  P.  52  : 
A.  Haase.  Abhandlungen  ûber  den  Gebrauch  der  Tempora  und  des 
Konjunktivs.  —  P.  55  :  A.  Rambeau.  Schulgrammatiken.  —  P.  84  : 
G.  Th.  Lion.  Centralorgan  fur  die  Interessen  des  Realschulwesens; 
Litterarisches  Centralblatt  fiir  Deutschland  ;  Neue  Jahrbûcher  fur  Phi- 
lologie und  Padagogik.  —  P.  90  :  F.  Zverina.  Zeitsclirift  fiir  das 
Realschulwesen.  —  P.  95  :  D.  Behrens.  Zeitschrift  fiir  romanische 
Philologie;  Romania  ;  Litteraturblatt  fur  germanische  und  romanische 
Philologie;  Magazin  fiir  die  Litteratur  des  In-und  Auslandes.  — 
P.  loi  :  F.  Zverina.  Ultimatum  in  Sachen  der  Satyre  Ménippée.  — 
P.  108  :  der  wahrend  des  letzten  Halbjahres  (vom  I.  November  i883 
bis  3o.  April  1884)  auf  dem  Gebiete  der  franzôsischen  Philologie 
erschienenen  wichtigeren  Biicher  und  Schriften.  —  P.  ii3  :  J.  Sarra- 
zin.  R.  Mahrenholt:{,  Voltaire  im  Urteil  des  Zeitgenossen.  —  P.  114  ; 
W .  Schefïier.  A.  Stem,  Geschichte  der  neueren  Litteratur.  —  P.  117: 
J.  Klette.  H.  Krause,  Wycherley  und  seine  franzôs.  Quellen,  — 
P.  124  :  E.  Einenkel.  M.  Trautmann,  Die  Sprachlaute  im  allgemeinen 
und  die  Laute  des  Englischen,  Franzôsischen  und  Deutschen  im  be- 
sonderen.  —  P.  i3i  :  L  Sarrazin.  A.  Kressner,  Aufsiltze  technischen 
und  historischen  Inhalts  zum  Uebersetzen  ins  Franzôsische.  W.  Wied- 
mayer,  Franzôsische  Stilûbungen  fiir  obère  Klassen.  —  P.  i34  ; 
A.  Rambeau.  Methodik  des  franzôs.  Unterrichts  und  Grammatik.  — 
P.  i55  :  W.  Knôrich.  Schulausgaben.  —  P.  i65  :  F.  Zverina.  Oster- 
reichische  Programme.  —  P.  169  :  D.  Behrens.  Revue  politique  et 
littéraire;   Revue  critique;   Deutsche  Litteraturzeitung.  —   P.    173    : 


R.  Mahrenholtz.  Dr.  H.  Schweitzer  und  das  Molière-Museum.  — 
P.  175  :  R.  Meyer.  Grammatische  Bemerkungen.  I.  —  P.  i83  : 
L.  Bertrand.  Les  Parisismes  de  M.  Villatte.  —  P.  i85  :  H.  Gauthier- 
Villars.  Zum  Pariser  Argot.  —  P.  199  :  W.  Brummert.  de  Lescure  : 
Rivarol  et  la  société  française  pendant  la  révolution  et  l'émigration.  — 
P.  23o  :  J.  Sarrazin,  O.  Schuize,  A.  Rhode,  G.  Willenberg.  Schul- 
grammatiken.  Grammatische  Schriften.  —  P.  245  :  G.  Th.  Lion. 
Schulausgaben.  —  P.  248  :  C.  Th.  Lion.  Centralorgan  fiir  die  Interes- 
sen  des  Realschulwesens.  —  P.  254  :  J.  Sarrazin.  Die  franzosische 
Schullcktûre  der  badischen  Gymnasien  und  Progymnasien.  —  P.  238  : 
Ph.  Plattner.  M.  A.  Thibaut,  Wôrterbuch  der  franzôsischen  und 
deutschen  Sprache.  —  P.  261  :  R.  Mahrenholtz.  J.  Franck,  Satyre 
Ménippée.  —  P.  Norrenberg^  AUgemeine  Litteraturgeschichte.  — 
P.  264  :  C.  Humbert.  Léon  Dumoiistier,  Molière  auteur  et  comédien. 
—  P.  267  :  E.  Koschwitz,  Ph.  Plattner.  Schulgrammatiken,  Ubungs- 
bûcher.  —  P.  269  :  C.  Th.  Lion.  Schulausgaben.  —  P.  285  :  E.  von 
Salhviirk,  W.  Mûnch,  A.  Klotsch.  Padagogische  Schriften.  —  P.  292  : 

C.  Th.  Lion.   Litterarisches  Centralblatt  fur  Deutschland.  —  P.  294  : 

D.  Behrens.  Deutsche  Litteraturzeitung;  Litteraturblatt  fur  germanis- 
che  und  romanische  Philologie;  Revue  critique.  —  P.  3o2  :  C.  Th. 
Lion.  lîinige  Stellen  aus  Molières  Femmes  Savantes.  —  P.  304  : 
R.  Mahrenholtz  XXXVII.  Versammlung  deutscher  Philologen  und 
Schulmanner  zu  Dessau.  —  P.  3o6  :  F.  Hummel.  Zur  Vervvahrung 
und  Richtigstellung.  —  P.  3 10  :  G.  Erzgraeber.  Eine  Rektifikation.  — 
P.  3i3  :  E.  Koschwitz,  Notiz.  —  P.  314  :  R.  Schmidt.  Verzeichnis 
sàmtlicher  in  der  «  Revue  des  deux  Mondes  »,  Jahrgang  i883,  enihal- 
tenen  Ariikel,  sowie  der  in  ihren  Bulletins  bibliographiques  angezeig- 
ten  Bûcher.  —  P.  326  :  H.  Aschenberg.  Verzeichnis  sàmtlicher  im  VL 
Bande  dieser  Zeitschrift  beurteilten,  bezw.  besprochenen  oder  doch 
ererwahnten  Werke  und  Schriften. 

ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

ARCHIVES    DE    L'ORIENT    LATIN 

Publiées  sous  la  direction  de 
M.    le    Comte    RIANT.     Tome    L 

Un  fort  volume  in-8 3o  fr. 


RÉSUMÉ    HISTORIQUE 

DES  PRINCIPAUX  TRAITÉS  DE  PAIX 

Conclus  entre  les  puissances  européennes  depuis  le  traité  de  Westphalie 
(1648)  jusqu'au  traité  de  Berlin  (1878) 

Par    le     Prince    A.     M.     OUROUSSOW. 
U  n  beau  volume  gr.  in-8 16  tr. 


Le  fuy,  imprimerie  Marchessou  jiis,   boulevard  Saint-Laurent,  23. 


» 


N°  22  Dix-neuvième  année  1  juin  1885 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    L1TTÉRATU!<E 

RECUEIL    HEBDOMADAIRE   PUBLIÉ    SOUS    LA    DIRECTION 

DE  MM.  J.  DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 


Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.  Chuquet 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris,  zo  fr.  —  Départements,  22  fr.  —   Etranger,  23  fr 


PARIS 

ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE    LA    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     l' ÉCOLE     DES     LANGUES    ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

38 ,    RUE    BONAPARTE,    28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Cmuquet 

'Au  bureau  de  la  Revue  :  rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  ei 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte -rendu. 


KRNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

BIBLIOTHÈQUE  ORIENTALE  ELZÉVIRIENNE 

XLI 

LES  LANGUES  PERDUES  DE  LA  PERSE 

ET    DE  L'ASSYRIE,    par  J.  menant.  Perse.  In-iS.     5  fr. 

XLII 

MADHAVA  ET  MALATI,  drame  en  dix  actes  et  un 
prologue,  de  Bhavabouti.  Traduit  du  sanscrit  et  du  pracrit,  par  G. 
Strehly.  Avec  une  préface,  par  A.  Bergaigne,  de  l'Institut.  In-i8.  5  fr. 

XLIII 

LE,  IVlArliJl^  depuis  les  origines  de  l'islam  jusqu^à  nos  {ours, 
par  James  Darmesteter,  professeur  au  collège  de  France.  In-18.  2  5o 

XLIV 

COUP  D'OEIL  SUR  L'HISTOIRE  DE  LA. 

i   EiA^l!,,    parlâmes  Darmesteter,  professeur  au  collège  de  France. 
In-i8 2  5o 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n"  680,  16  mai  i885  :  Mrs.  Higgins,  Womens  of  Eu- 
rope in  the  XV.  a.  XVI.  centuries,  vols  I  à  II.  (Purcell.)  —  Wallens- 
tein,  a  drama  of  Schiller,  doneintoenglish  verse  by  Hunter  (Morshead). 
—  Clodd,  Myths  and  dreams.  —  E.  B.  Custer,  Boots  and  saddles,  or 
life  in  Dakota  with  gênerai  Custer;  Wardman,  A  Irip  to  Alaska,  a  nar- 
rative of  what  was  seen  and  heard  during  a  sommer  cruise  in  Alaskan 
waters.  —  Edersheim,  Prophecy  and  history  in  relation  to  the  Messiah, 
the  W^arburton  lectures  for  1880-1884.  —  Some  récent  books  on  éco- 
nomies. —  Correspondence  :  The  Lindsey  Survey.  —  Macci  Plauti 
Mostellaria,  with  notes,  critical  a.  exegetical  a.  in  introduction  by 
SoNNEKSCHEiN  (Ncttlcship  :  sera  très  utile).  —  Afghanistan  in  avestic 
geography  (Aurel  Stein).  — Windisch's  irish  texts.  (Whisley  Stokes.)  — 
Roman  pronunciation  (Krebs).  —  The  etymology  of  «  Gossamer  » 
(Karl  Blind).  —  Hamerton,  Landscape  (Monkhouse).  —  A  roman  ins- 
cription discovered  at  Jedburgh  (Watkin).  —  The  Tuihanti  (Haver- 
field). 

The  Athenaeiim,  n"  3oo3,  16  mai  i885  :  The  Holy  Bible,  containing 
the  Old  and  New  Testament,  translated  out  of  the  original  tongues, 
being  the  version  of  161 1  revised.  fi"  article.)  —  Home  Letters,  writcn 
by  the  late  Earl  Beaconsfield  in  i83o  a  i83i.  —  Encyclopaedia  Bri- 
tannica, vol.  XVIII,  Orn-Pht.  (Renferme  d'excellents  articles,  «  Persia  » 
de  Nuldeke,  Gutschmid,  Geldner,  Ethéet  Goldsmid;  «  Oxus  »  de  Wal- 
ker;  «  Palestine  »  de  Socin;  «  Pérou  »  de  Markham;  «  Phrygie  »  de 
Ramsay;  «  Pékin  r^  de  Douglas;  «  Paestum  »  de  Middleton;  «  Paléo- 
graphie »  de  Thompson;  «  Pentateuque  »  de  Wellhausen,  etc.  — 
Ghronicles  of  the  Yorkshire  family  of  Stapelton.  —  Barzellotti,  David 
Lazzaretti  di  Arcidosso,  detto  il  Santo.  —  Notes  from  Oxford.  — 
Monbert's  «  Tyndale  »  —  Dr.  Ernst  Trumpp  (Rost  :  notice  né- 
crol.).  —  An  incident  in  the  history  of  Trinity  Collège,  Cambridge 
(Airy). 

Literarisches  Centralblatt,  n°  21,  mai  188 5  :  Franke,  das  alte  Testament 
bei  Johannes.  —  Comte,  Die  positive  Philosophie,  im  Auszuge  von 
Jules  Rig,  uebersetzt  von  Kirchmann,  2  vols.  —  Kirchmer,  Diatetik  des 
Geistes.  —  Ad.  Koch,  Hermann  von  Salza,  Meisier  des  deutschen  Or- 
dens.  ein  biographischer  Versuch.  (L'auteur  a  fait  ce  qu'il  a  pu,  ses 
recherches  sont  profondes  et  sûres,  son  récit  est  clair  et  habilement  fait, 
pourtant,  et  naturellement,  il  a  des  lacunes  et  manque  de  vie.)  —  O.  Ri- 
CHTER,  Verfassungsgeschichte  der  Stadt  Dresden,  I.  (Très  détaillé  et  très 
soigné. "i  —  MiCHELET,  (C),  W^ahrheit  aus  meinem  Leben.  (Autobiogra- 
phie intéressante  du  disciple  de  Hegel.)  —  Benndork,  u.  Niemann,  Rei- 
sen  in  Lykien  und  Karien,  unter  dienstlicher  Fôrderung  durch  S,  M. 
Raddampfer  Taurus,  Commandant  Fûrst  Wrede.  (Renferme  de  nom- 
breux et  importants  détails.)  —  Annae  Comnenae  Porphyrigenitae 
Alexias  ex  recensione  Reifferscheidii,  I  et  II.  (Nouvelle  édition  faite 
avec  une  critique  réfléchie.)  —  Paucker,  Vorarbeiten  zur  lateinischen 
Sprachgeschichte,  hrsg.  von  Ronsch,  3  parties  en  un  volume.  (Recueil 
de  matériaux  qui  ne  doivent  pas  inspirer  trop  de  confiance.)  —  Servii 
grammatici  qui  feruntur  in  Vergilii  carmina  commentarii,  rec.  Thilo  et 
Hagen,  vol.  II,  fasc.  2,  Aen.  libr.  IX-XII.  (L'ouvrage  est  terminé,  et 
grâce  aux  soins  et  aux  peines  de  Tinfatigable  éditeur,  le  monde  savant 
possède  une  édition  longtemps  souhaitée  et  qui  satisfait  le  mieux  du 
monde  aux  exigences  de  la  science.)  —  Stkngel,  Ausgaben  und  Abhan- 
.Uungen  auf  dem  Gebiete  der  romanischen  Philologie  :  5,  Maus,  Peire 
Cardinal's  Strophenbau;   12,  K.    F.    Th.   Meyer,  Die  provenzalische 


Gestaltung  der  mit  dem  Psrfectstamm  gebildeten  Tempora  des  Latei- 
nischen.  (Deux  travaux  qui  témoignent  d'un  grand  labeur  et  qui  ren- 
dront des  services  à  tous  ceux  qui  s'occupent  du  provençal.)  — Jansen, 
Jean-Jacques  Rousseau  als  Musiker.  (L'auteur  a  épuisé  le  sujet;  on 
peut  même  dire  qu'il  le  traite  avec  plus  de  profondeur  qu'il  ne  le  fallait; 
quelques  faiblesses  çà  et  là,  car  l'auteur  n'est  pas  spécialiste;  mais,  en 
somme,  excellent  livre,  le  meilleur  et  le  plus  complet  exposé  du  déve- 
loppement de  l'opéra  français  de  Rameau  à  Gluck,  l'ouvrage  est  très 
instructif  et  aura  longtemps  une  fort  grande  valeur.) 

Deutsche  Litteraturzeitung,  n°  iq,  9  mai  i885  :  Franke,  das  Alte  Testa- 
ment bei  Johannes,  ein  Beitrag  zur  Erklarung  und  Beurteilung  der 
Johanneischen  Schriften.  (Siefïert.)  —  Knauer,  Grundlinien  zur  Aristo- 
telisch-Thomistischen  Psychologie.  (Heitz.)  —  Gudemann,  Geschichte 
des  Erziehungswesens  und  der  Cultur  der  Juden  in  Spanien  wahrend 
des  Mittelalters.  (Wolf  :  plein  de  détails  intéressants.)  —  Vâkyapadêya, 
a  treatise  on  the  philosophy  of  sanskrit  Grammar  by  Bhartrihari,  with 
a  commentary  by  Punyarâja,  éd.  by  Pandit  Râmakrishna  Sâstrî  Pa;fa- 
vardhana,  fasc.  ï.  (Kielhorn  :  i^r  fascicule  de  la  publication  d'une  des 
oeuvres  les  plus  intéressantes,  mais  en  même  temps  les  plus  difficiles 
de  la  grammaire  sanscrite.)  —  Aeschyli  tragoediae  éd.  H.  Weil  (Wila- 
mowitz-Moellendorf  :  édition  fort  louable;  il  faut  souhaiter  qu'elle  ait 
la  même  influence  que  celle  de  Dindorf.)  —  Eusebii  canonum  epitome 
ex  Dionysii  Telmahatensis  chronico  petita  sociata  opéra  verterunt  no- 
tisque  illustrarunt  Siegfried  et  Gelzer  ;  Anagnostopulos,  IIspl  rr^;  Aa::t- 
va-^ç;  'E7:tT0[j.r,ç  tgj  ^japSdpoo  (Schône.)  —  Jannetaz,  Etude  sur  Semo  San- 
cus  Fidius  dieu  sabin  représentant  le  feu  et  sur  l'étymologie  d'Hercule. 
(Jordan  :  écrit  qui  traite  un  sujet  très  difficile,  mais  sans  bonheur;  tou- 
tes ces  explications  étymologiques  sont  manquées.)  —  Von  Gorner, 
Der  Hans  Wurst-Streit  in  Wien  und  Joseph  von  Sonnenfels.  (R.  M. 
Werner.)  —  H,  Brandes,  Visio  S.  Pauli,  ein  Beitrag  zur  Visionslitera- 
tur  mit  einem  deutschen  und  zwei  lateinischen  Texten.  (Koch  :  bon 
travail.)  —  Ad.  Stern  ,  Hermann  Hettner,  ein  Lebensbild.  (Er. 
Schmidt  :  clair,  sans  prétention,  mais  ne  fait  pas  revivre  Hettner 
tout  entier.)  —  Max  Duncker,  Geschichte  des  Altertums,  neue  Folge, 
I.  (R.  Weil  :  commence  après  Platées  et  Mycale  et  traite  de  Sparte 
et  de  ses  alHés  jusqu'à  la  mort  de  Cimon  ,  de  la  Sicile  jusqu'aux 
premières  relations  d'Egeste  avec  Athènes,  de  la  Perse,  etc.  ;  les 
meilleurs  chapitres  sont" consacrés  à  Pausanias.)  —  Unterhaltungen 
mit  Friedrich  dem  Grossen ,  Memoiren  und  Tagebiicher  von  H. "de 
Gatt;  Gesprache  Friedrichs  des  Grossen  mit  Henri  de  Catt.  (Wiegand  : 
documents  de  la  plus  haute  valeur.)  —  Ad  Vaticani  archivi  Romano- 
rum  pontificum  regesta  manuducto,  curante  Palmieri.  (Ewald.)  — 
Radloff,  Aus  Sibirien,  lose  Bliltter  aus  dem  Tagebucheeines  reisenden 
LiniTuisten.  2  vols.  —  Lehrs,  Die  altesten  deutschen  Spielkarten  des 
Kôniglichen  Kupferstichkabinets  zu  Dresden.  —  Biscia,  Ricordi  bihlio- 
grafici,  vol.  I.  — v.  Gusmann  u.  du  Plat,  Geschichte  des  Schlewigs- 
chen  Infanterie-Régiments  nr.  84.  (légèrement  fait.)  —  Monumenta 
Germaniae  historica. 

—  N"  20,  16  mai  i885  :  Das  Buch  Al-Chazarî  aus  dem  arab.  des 
Abu-L-Hasan  Jehuda  Hallewi  ubersetzt  von  Hirschfeld.  —  G.  Bie- 
dermann,  Philosophie  der  Geschichte.  (Bernheim  :  hégélien  et  ne  dépas- 
sant pas  Hegel.)  —  Fornelli,  Educazione  moderna.  (Méthodique  et 
plem  de  fines  observations.)  —  Paul  de  Lagarde,  Mitteilungen.  (No- 
wack  :  recueil  d'études  et  de  critiques  où  l'on  trouve  le  savoir  étendu 
de^l'auteur,  son  soin  habituel  et  la  sûreté  de  sa  méthode  scientifique.]  — 
vV.  Christ,   Homer  oder  Homeriden  ?  (Hinrichs.)  —  W.  Christ.  Zur 


Chronologie  des  aligriechischen  Epos.  (Hinrichs.)  —  Ciceronis  Acade- 
mica  p.  p.  Reid.  (Stangl  :  bon,  remarquable  par  le  nombre  de  notes  de 
Toute  sorte.)  —  Sandeks,  Vcrdeutschungswurterbuch.  (Heyne  :  court, 
commode,  instructif.)  —  Burg,  Die  aiteren  nordischen  Runeninschrif- 
ten.  (Hoithausen  :  sera  le  bienvenu,  recherches  grammaticales  très  uti- 
les.) —  Amis  and  Amiioun  mit  der  altfr.  Quelle  hrsg.  v.  Kolp.ing  nebst 
einer  Beilage  Amilcus  ok  Amilius  Rimur.  (Zupitza  Mrès  louable  publi- 
cation.) —  Braunholtz,  Die  erste  nichtchristliche  Parabel  des  Barlaam 
u.  Josaphat,  ihre  Herkunft  u.  Verbreirung.  (Varnhagen  :  beaucoup  de 
soin.)  —  Jacoi5s,  Geschichte  der  in  der  preussischen  Provinz  Sachsen 
vereinigten  Gebiete.  —  Turmairs  genannt  Aventinus  sammtliche 
Schriften,  II,  III,  p.  p,  Riezler.  (Roediger  :  travail  fait  avec  grand 
soin.)  —  Steinmann,  Die  Grabstiitten  des  Ftirsten  des  Welfenhauses, 
I-III.  —  Fleischauer,  Kalender-Gompendium  der  christlichen  Zeit- 
rechnungsweise  auf  die  Jahrc  i  bis  2000  vor  u.  nach  Christi  Geburt. 
(K.  Rieger  :  assez  incomrnode,  utile  néanmoins  et  à  recommander.)  — 
Karlowa,  Rumische  Rechtsgeschichte,  1.  Staatsrechts  und  Rechtsquel- 
len,  I.  (Hulder  :  travail  solide,  mais  qu'on  ne  pourra  juger  définitive- 
ment que  lorsqu'il  sera  terminé.)  —  Kuropatkin,  Kritische  Rûckbiicke 
aufden  russisch-turkischen  Krieg  1877-1878,  bearbeitet  von  Krahmer. 
Mitleilungen  :  Fundbericht  aus  Italien.  (Rossbach.)  —  Neue  Ervver- 
bungen  der  konigl.  Museen.  (Von  Oettingen.) 

Berliner  Philologische  Wochenschrift,  iv  20,  16  mai  i885  :  Paulsen,  Ge- 
schichte des  gelehrten  Unterrichîs  auf  den  deutschen  Schuien  und 
Universittiten  vom  Ausgang  des  Mittelalters  bis  zur  Gegenwart 
(G.  Nohle  :  compte-rendu  analytique,  suivi  d'une  note  très  élogieuse  de 
Chr.  Belger.  Paulsen  demande  que  l'on  restreigne  la  part  du  grec  et  du 
latin  pour  augmenter  celle  de  la  philosophie,  de  Tallemand  et  du  moyen 
haut-allemand).  —  J.  Herzer,  Metaphorische  Studien  zu  griechischen 
Dichtern.  I.  Die  auf  «  Unglûck  und  Verwandtes  «•  bezûglichen  Meta- 
phern  und  Bilder  bei  den  Tragikern  (Wecklein).  — A.Matthias,  Kom- 
mentar  zu  Xenophons  Anabasis,  Buch  V,  VI,  VII,  et  X.  Anabasis  fûr 
den  Schulgebrauch  herausgegeben,  mit  einer  Karte  und  drei  iithogra- 
phierten  Tafeln  (Vollbrecht  :  méritoire). — Q.  Horatius  Flaccus  erkliirt 
von  KiESSLiNG,  i°''Teil,  Oden  und  Epoden  (G.  Faltin  :  bon).  —  M.  Faisii 
QuiNTiLiANi  de  institutione  oratoria  liber  decimus,  avec  une  notice,  des 
notes  et  un  dictionnaire  par  Dosson  (P.  Hirt  :  les  observations  sur  la 
langue  de  Quintilien  et  les  indices  sont  méritoires;  les  illustrations  sont 
inutiles).  —  E.  Naville,  The  store-city  of  Pithom  and  the  Texte  of  the 
Exodus  (G.  Ebers:  intéressant).  —  Extraits  et  analyses  des  Leipziger  phi- 
lologische Universitatsschriften  en  i883  (P.  Feine). 

Theologische  Literaturzeitimg,  n«  9,  2  mai  i885  :  Hoixenberg,  Hebrais- 
ches  Schulbuch;  Merger,  Hebriiisches  Uebungsbuch,  4'^  Aufl.  ;  Mit- 
CHELL,  Hebrcw  lessons.  —  Schnapp,  Die  Testamentc  der  Zwolf  Patriar- 
chen  untersucht.  —  Bornemann,  In  investiganda  monachatus  origine 
quibusdc  causis  ratio  habenda  sit  Origenis.  —  Eusebii  canonum  epi- 
tome  ex  Dionysii  Tclmaharensis  chronico  petita,  p.  p.  Siegfried  et 
Gelzer.  —  Kl'hx,  Luther,  sa  vie  et  son  œuvre,  3  tomes  (Kolde  :  à 
recommander  très  chaudement  à  tous  les  protestants  de  langue  fran- 
çaise.) —  Biederman'n,  christliche  Dogmatik  (Kastan  :  premier  article). 


Le  J'ity,  imprimerie  Marchessoii  fils,  boulevard  Saini-Laurent,  s3. 


N°  23  Dix-neuvième  année  8  juin  1885 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET   DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL    HEBDOMADAIRE   PUBLIE    SOUS    LA    DIRECTION 

DE  MM.  J.  DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 


Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.  Chuquet 


Prix  d'abonnement  ; 
Un  an,   Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.   —    Etranger,  25  fr. 


PARIS 

ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     l' ÉCOLE     DES    LANGUES    ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

28,    RUE    BONAPARTE,    28 


Adr-esser  les  communications  concernant  la  rédaction  ^  M.  A.  Chuquet 

(Au  bureau  de  la  Kevue  :  rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  ei 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 


ERNEST  LEROUX,   ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

BIBLIOTHÈQUE  ORIENTALE  ELZÉVIRIENNE 

XLI 

LES  LANGUES  PERDUES  DE  LA  PERSE 

ET   DE  L'ASSYRIE,    par  J.  menant.  Perse.  In-iS.     5  fr. 

XLII 

MADHAVA  ET  MALATI,  drame  en  dix  actes  et  un 
prologue,  de  Bhavabouti.  Traduit  du  sanscrit  et  du  pracrit,  par  G. 
Strehly.  Avi  c  une  préface,  par  A.  Bergaigne,  de  l'Institut.  In-i8.  5  fr. 

XLIII 

Lt  iVlAi~lL)I,  depuis  les  origines  de  l'islam  jusqu"'à  nos  jours, 
par  James  Darmesteter,  professeur  au  collège  de  France.  In-i8.  2  5o 

XLIV 

COUP  D'OEIL  SUR  L'HISTOIRE  DE  LA 

F  ElxOC,    par  James  Darmesteter,  professeur  au  collège  de  France. 
In-18 2  5o 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n»  68i,  23  mai  i885  :  Remarks  and  collections  of  Tho- 
mas Hearne,  vol.  I.  1705-1707,  edited  by  Doble.  (Courtney.)  —  Hare, 
Scudies  in  Russia.  —  Oedipus  the  King,  translatcd  tVom  the  greek  ot 
Sophocles  into  english  verse  by  Morshead.  (Traduction  pleine  de  soin, 
de  goût  et  de  poésie.)  —  Menendez  y  Pelayo,  Obras  complétas,  iiri- 
oos;estudios  de  la  critica  literaria;  historia  de  las  ideas  esteiicas  en 
Espana,  3  vols.  —  A  translation,  the  battle  of  Maldon,  II,  2-84  (Em. 
Hickeyj.  —  »  Hugh  Conway  «  (Wedmore).  —  Waters's  «  Inhabitants 
of  Melbourne  »  (Round).  —  «  Moustaches  down  to  the  knees  »  (Chin- 
nock).  —  Harrow  School  (Thornton).  —  Gow,  A  short  history  of  Greek 
Mathematics.  ^Mackay  :  travail  qui  est  le  produit  d'années  de  labo'rieu- 
ses  recherches.)  —  Latin  L  for  D.  (Wharton.  —  The  old-irish  glosses 
on  the  St.  Gall  Priscian.  (Whitley  Stokes). —  Egypt  Exploration  Fund. 
(Lettre  de  M.  Ebers  sur  les  fouilles  de  M.  Naville  et  approuvant  l'opi- 
nion que  Tell-el-Maskhulah  est  le  siège  de  l'ancienne  Pithom  de 
l'Exode.) 

The  Atheuaeiim,  n»  3004,  23  mai  i885  :  Stanley,  The  Congo  and  the 
îounding  of  its  Free  Stale,  a  story  of  work  and  exploration,  2  vols.  — 
Bent,  The  Cyclades.(Très  intéressant  surtout  en  ce  qui  concerne  le  folk- 
lore.)— The  Holy  Bibel,  containing  theOld  and  New  Testaments,  trans- 
îated  out  of  the  original  tongues,  being  the  version  of  161  !  revised.  — 
The  incident  in  the  history  of  Trinity  Collège,  Cambridge.  (Thomp- 
son.) —  Mr.  Fargus.  —  «  Historié  doubts  »  (S.  Calvary  et  O''  :  sur  les 
diverses  éditions  du  livre  de  J.  B.  Pérès  sur  Napoléon  ;  la  première  édi- 
tion portait  le  titre  (c  Grand  Erratum,  source  d''un  nombre  inhni  d'er- 
rata à  noter  dans  l'histoire  du  xix'^  siècle  »;  la  troisième  s'intitula 
<i  Comme  quoi  Napoléon  n'a  jamais  existé.)  —  The  Rolls  séries  (Pi- 
ckering).  —  The  revised  version  of  the  Old  Testament. 

Literarisches  Centralblatt,  n°  22,  23  mai  i885  :  Kruger,  Monophysi- 
tische  Streitigkeiten  im  Zusammenhange  mit  der  Reichspolitik.  — 
Troostenburg  de  Bruyn,  de  hervormde  Kerk  in  Nederlandsch  Oost- 
indië  onder  de  Oost-Indische  Compagnie  1603-1795.  (Neuf  et  intéres- 
sant.) —  V.  Duruy,  Geschichte  des  rômischen  Kaiserreiches  von  der 
Schlacht  bei  Actium  u.  der  Eroberung  Aegyptens  bis  zu  dem  Einbruche 
der  Barbaren,  iibers.  v.  Hertzberg,  Liet.  i-i  i.  (L'auteur  sait,  en  grou- 
pant habilement  les  faits  et  en  mettant  les  principaux  en  relief,  tracer 
de  saisissants  tableaux;  le  récit  est  attachant  et  nullement  surchargé 
de  détails  archéologiques  et  critiques  ;  cet  ouvrage  méritoire  rendra  de 
grands  services  et  doit  figurer  dans  toutes  les  bibliothèques  des  écoles. ") 
—  DuRO,  La  armada  invencible,  2  vols  Madrid,  Rivadeneyra.  (Prouve 
que  l'absolue  incapacité  du  duc  de  Medina-Sidonia  a  causé  le  désastre; 
récit  lait  avec  un  soin  et  une  critique  très  sagace.)  —  Schuster  u. 
Francke,  Geschichte  der  silchsischen  Armée  von  deren  Errichtung  bis 
auf  die  neueste  Zeit.  (Excellent  travail  d''après  tous  les  documents  de 
i'xLtat.)  —  Stoll,  Zur  Ethnographie  der  Republik  Guatemala.  —  Pol- 
.lAROW,  Reise  nach  der  Insel  Sachalin  in  den  Jahren  1 881-1882.  —  Die 
Mufaddalijât,  nach  den  Handschriften  zu  Berlin,  London  u,  Wien 
hrsg.  V.  Thorbeck,  I.  (Très  bonne  publication.) —  Konigliche  Biblio- 
thek,  Berlin;  Kurzer  Verzeichnis  der  Sachauschen  Sammlung  syrischer 
Handschriften  von  Sachau.  —  Quintiliani  Instituiionis  Oratoriae 
iiber  X,  p.  p.  Hild.  (Critiques  de  détail.)—  T.  Livii  historiarum  roma- 
narum  libri  qui  supersunt,  p.  p.  Madvig  et  Ussing,  i  i  i,  i,  libr.  XXXI- 
XXXV.  —  Adamy,  Architektonik  der  altchristlichen  Zeit,  umfassend 
die  altchristliche  Kunst,  I.  —  Ritz,  Untersuchungen  ûber  die  Zusam- 


mensetzun:;  der  Kliinge  der  Streichinstriimente.  — Kretschmau,  G.  Fr. 
Hândel. 

Deiitsche  Litteraturzeitimg',  11°  21,  23  mai  i885  :  Diegf.l,  Theologische 
Wissenschaft  und  pfairamtliche  Praxis  ;  Grat  von  Baudissin,  der  heu- 
tige  Stand  der  altiesiamentlichen  Wissenschaft.  —  ROiMUNDx,  Grundle- 
gung  zur  Reform  der  PhiJosopiiie.  —  Rolfs,  Ueber  die  Grundung  eines 
Institutes  fur  deutsche  Phiiologen  zuni  b-tudium  des  Englisclien  in 
London.  —  Platonis  opéra  quae  feruntur  omnia,  p.  p.  Schanz,  IX, 
Hippias  maior,  Hippias  minor,  Jo,  Menexenus,  Clitopho,  accesserunt 
quaestiones  criticae.  (Susemihl  :  le  texte  a  beaucoup  gagné.)  —  Ballas, 
Die  Phrasaeologie  des  Livius  (soin  et  compétence).  —  Gœthes  Werke, 
XII,  Gedichte,  3,  p,  p.  v.  Loeper,  7.^  Ausg.  —  Le  roman  de  Renart, 
p.  p.  E.  Martin,  II,  2  :  les  branches  additionnelles  (Stengel).  — 
G.  Mkyer,  Essays  u.  Studien  zur  Sprachgeschichte  und  Volkskunde. 
(Schrader  :  prouve  une  admirable  lecture,  est  écrit  en  même  temps  d'une 
façon  spirituelle  et  attachante-)  —  K.  Neumann,  Geschichte  Roms  wiih- 
rend  des  Verfalles  der  Republik,  II,  von  Sullas  Tode  bis  zum  Aus- 
gange  der  catilinarischen  Verschwôrung  (Partsch  :  fait  avec  conscience). 

—  WvLiE,  History  of  England  under  Henry  the  fourth,  I.  1  399-1404. 
(Liebermann  :  sujet  profondément  étudié.)  —  v.  Noorden,  Historische 
Vortriige,  eingel.  u.  hrsg.  v.  Maurenbrecher.  (Erdmannsdùrffer  :  dix 
essais  intéressants  sur  Guillaume  d'Orange,  M'"'-'  de  Maintenon,  Bo- 
lingbroke,  Swift,  Victor  Amédée  II,  Frédéric  Guillaume  I,  Fox,  Arndt, 
Adalbert  de  Brème,  Louis  de  Bavière  et  l'église  de  son  temps.)  — 
Freund,  das  lûbische  eheliche  Guterrecht  in  altérer  Zeit.  —  Prowe, 
Nicolaus  Coppernicus,  II,  Urkunden.  (Bruns  :  suite  de  cette  excellente 
monographie.)  —  von  Heinemann,  Die  Randschriften  der  herzoglichen 
Bibliothek  zu  Wolfenbûttel.  I.  Die  Helmstedter  Handschriften  (grand 
travail  fort  important).  —  Fundberichte  aus  Italien  (Rossbach  . 

Beiiiner  Philologische  'Wochenschrift,  no  21,  23  mai  1888  ;  Xenophons 
Hellenika,  erkliirt, von  L.  Breitenbach,  I  Baud.  Buch  I  und  ÎI.  2. 
Auflage  (R.  Hansen  :  très  recommandable).  —  G.  Goetz,  Glossarium 
Terentianum  (O.  Seyffert  :  publication  d'un  glossaire  du  ix*  siècle,  dé- 
couvert par  Loewe  au  Vatican,  contenant  600  gloses  de  l'Andrienne, 
des  Adelphes  et  de  l'Eunuque.  U  confirme  l'opinion  de  Dziatzko  rela- 
tive à  l'existence  d'une  troisième  source  du  texte  de  Térence,  à  côté  du 
Bambcrgensis  et  de  la  récension  de  Calliopius).  —  R.  Menge  et  S.  Preuss, 
Lexicon  Cesarianum,  fasc.  I.  H.  Meusel,  Lexicon  Caesarianum,  iasc.  III 
(R.  Schneider  :  le  lexique  de  Menge-Preuss  est  «  ein  ganz  vorzugliches 
Hûlismittel  »,  celui  de  Meusel  est  davantage,  c'est  «  eine  Fundgi  ube  x). 

—  S.  Rkinach,  Manuel  de  philologie  classique,  2^  éd.,  tome  I  et  II 
[I.  Muller:  «  das  Handbuch  wird  vielen  Beifall  finden,  aber  auch  man- 
chen  Widerspruch  sich  gefallen  lassen  miissen  »).  —  E.  Châtelain, 
Paléographie  des  classiques  latins  (V/.  Wattenbach  :  à  recommander 
Cj)audement;.  —  Lecoy  de  la  Marche,  les  manuscrits  et  la  miniature 
(O.  Lehmann  :  intéressant  même  pour  le  philologue;  bon  marché  éton- 
nant). —  E  Nageotte,  la  Polychromie  dans  Tart  antique  \G.  Treu  : 
intéressant).  —  B.  Head,  A  catalogue  of  greek  coinsin  the  British  Mu- 
séum. Central  Greece.  Locris,  Phocis,  Boeotia  aud  Euboea  (.^.  Weil). 
— BoNXELL,  Lateinisch".  Uebungsstûcke,  neu  bearb.  durch  P.  GEYERuntt 
\V.  Mewes.  Bonnell,  Lateinisches  Vocabularium,  neu  bearb.  P.  Geyeu 
et  W.  Mewes,  Uebungsbuch  zum  Uebersetzen  aus  dem  Deutschen  ins 
Lateinische  (P.  Hellwig).  —  O.  Weissenfels,  Syntaxe  latine,  suivie 
d'un  résumé  de  la  versification  latine  {-y.z-  :  bon  livre  écrit  spécialemeni 
pour  le  gymnase  français  de  Berlin).  —  Analyses  des  dissertations  acadé- 
miques de  Leipzig  publiées  en  188 3. 


—  N^  22,   3o  mai    i885  :   E.    Leroux,    Dictionnaire  de  la   mytiio- 
logie  d'Homère  (A.  Gemoll    :    l'auteur   a   raison    de  ne  pas  latiniser 
les  noms  grecs).  —    H.    Collitz,   Sammlung  der  griechischen   Dia- 
lektinschrit'ten.    Heft  IV.  Die   eleïschen,  arkadisclien,    pamphylischen 
Inschriften    (W.    Larfeld   :    ce    cahier    termine    le    premier   volume. 
«    Hochbedeutsam.    »).    —   M.    Porci    Catonis   de   agricultura   liber, 
M.  Terenti  Varronis    rerum   rusticarum   libri   III,  ex  rec.  H.  Keilii. 
Vol.  I,  fasc.  II  (F.  Zahlfedt).  —  M.  Tulli  Ciceronis  de  natura  deorum 
libri  III,  with  introduction  and  commentary  by  J .   B.  Mayor,  with  a 
new  collation  of  several  of  the  english  mss.  by  J.  H.  Swainson  (H.  Dei- 
ter).  —  H.  Haupt,  der  rômische  Grenzwall  in  Deutschland  nach  den 
neueren  Forschungen  (O  Keller  :  très  instructif). —  Fr.  Ohlenschlager, 
Die   Rômischen    Grenzlager   zu   Passau,   Kûnzing,  Wischelburg  und 
Straubing  (C.  Mehlis).  —  F.  v.  Apell,  Argentoratum.  Ein  Beitrag  zur 
Ortsgeschichte  von  Strassburg  (C.  Mehlis  :  utile).  —  P.  von  Pôllnitz, 
Die  Rômische  Rheinbrûcke  bei  Mainz  (Boetticher).  —  K.  Adamy,  Ein- 
fûhrung  in  die  antike  Kunstgeschichte  [-m-  :  beaucoup  d'erreurs).  — 
A.  DuMONT  et  J.  Ghaplain,   Les  céramiques  de  la  Grèce  propre.  Vases 
peints  et  terres  cuites,   i""*^  partie,   fasc.    i  et  2  (A.  Furtwilngler  :  «  Die 
Zeichnungen  von  J.  Ghaplain  zeugen  ûberhaupt  von  wenig  Verstan- 
dniss  fiir  den  griechischen  Vasenstil. ..  Wir  beklagen  in  dem  Texte  jene 
schlimmste  Art  des  Dilettantismus,  die  in   streng  wissemchaftlichem 
Gewande  auftritt.  »  Le  jugement  porté  sur  les  admirables  dessins  de 
Ghaplain  nous  paraît  comique  sous  la  plume  de  Furtwiingler,  éditeur 
lui-même  de  deux  collections  coûteuses  de  caricatures  d'après  l'antique, 
«  Griechische   Keramik  »  et  «  Sammlung  Saburoflf.   »  —  A.   Dumont, 
Terres-cuites  orientales  et  gréco-orientales  Chaldée,  Assyrie,  Phénicie, 
Cypre   et  Rhodes  (A.  Furtwangler  :  «  n'ajoute  rien  au  Gatalogue  des 
figurines  de  terre  cuite  de  Heuzey.  »  Le  critique  ne  dit  pas  que  ce   tra- 
vail de  Dumont  est  un  simple  compte-rendu  du  Catalogue  de  Heuzey). 

Gœttingische  gelefcrle  Anzeigen,  n"  10,  i5  mai  i885  :  Monumenta  Ger- 
maniae  historica,  Scriptorum  tomus  XXVII.  (Waitz  :  renferme  les 
auteurs  anglais  qui  traitent  de  l'époque  des  Hohenstaufen  et  de  la 
2*"  moitié  du  xiri^  siècle.)  —  W.  Vogt,  Die  Gorrespondenz  des  schwà- 
bischen  Bundeshauptmanns  Ulrich  Artzt;  Baumann,  Acten  zur  Geschi- 
chichte  des  deutschen  Bauernkrieges  in  Oberschwaben  (v.  Druffel).  — 
Ernest  Havet,  Le  christianisme  et  ses  origines,  le  Nouveau-Testament, 
tome  IV.  (Jiilicher  :  «  l'auteur  est  du  parti  de  Voltaire  et  son  travail  a 
le  ton  du  subjectivisme  hardi  du  xviii«  siècle;  il  mesure  tout  à  son  point 
de  vue  avec  l'intolérance  d'un  athéisme  naïf.  Il  a  paru  en  Allemagne 
sur  la  vie  de  Jésus  et  les  origines  du  christianisme  des  livres  non  moins 
radicaux,  non  moins  odieux  que  celui-ci;  mais  l'auteur  dépense  beau- 
coup plus  d'esprit  qu'eux  tous,  et  son  livre  a  le  séduisant  aspect  de 
l'impartialité.  Il  ne  hait  même  pas  le  christianisme  au  point  de  haïr 
tous  les  chrétiens.  Parfois  aussi  son  bon  sens  et  l'influence  du  xix^  siè- 
cle l'emportent  en  lui  sur  son  rationalisme.  Ce  livre  est  un  mélange  de 
vues  et  d'explications  justes  autant  que  d'idées  vieillies  et  de  bizarres 
méprises,  et  tout  y  est  dit  avec  esprit,  avec  grâce  et  bon  goût;  mais  il 
ne  doit  être  lu  en  Allemagne  que  par  ceux  qui  voudraient  savoir  com- 
ment un  point  de  vue  depuis  longtemps  dépassé  exerce  pourtant  encore 
son  influence  sur  des  hommes  bien  doués.  »)  —  Koch.  Hermann  von 
Salza,  Meister  des  deutschen  Ordens,  ein  biographischer  Versuch. 
(Haussner  :  ouvrage  fait  avec  grand  soin  et  une  sûre  critique,  tableau 
clair  de  l'activité  si  étendue  dugrand  maître  de  l'Ordre  Teutonique.) 

Le  Puy,  imprimerie  Marchessou  Jils,  boulevard  Saint-Lawent,  23. 


kl 


N"  24  Dix-neuvième  année  45  juin  1885 

REVUE  CRITIQUE 

D  '  Fil  S  T  O  I  R  E    ET    DE    LITTERATURE 

RECUEIL    HEBDOMADAIRE   PUBLIE    SOUS    LA    DIRECTION 

DE  MM.  J.  DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 


Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.  Chuquet 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.  —   Etranger,  23  tr. 


PARIS 

ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRK     DE     I,  A     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     1.' ÉCOLE     DES     LANGUES    ORIENTALES     VIVANTES,     KTC. 

28,    RUE    BONAPARTE,    28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  CnuQURr 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  ei 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 


ERNEST  LEROUX,   ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

BIBLIOTHÈQUE  ORIENTALE  ELZÉVIRIENNE 

XLI 

LES  LANGUES  PERDUES  DE  LA  PERSE 

ET   DE  L  ASSYRIE,   par  J.  menant.  Perse.  In-iS.     5  fr. 

XLII 

MADHAVA  ET  M  AL  ATI,  drame  en  dix  actes  et  un 
prologue,  de  Bhavabouti.  Traduit  du  sanscrit  et  du  pracrit,  par  G. 
Strehly.  Avec  une  préface,  par  A.  Bergaigne,  de  l'Institut.  In-i8.  5  fr. 

XLIII 

Le  IVl  A  il  LJl,  depuis  les  origines  de  l'islam  jusqu'à  nos  jours, 
par  James  Darmesteter,  professeur  au  collège  de  France.  In- 18.  2  5o 

XLIV 

COUP  D'OEIL  SUR  L'HISTOIRE  DE  LA 

1   ErlXvl^t,    par  James  Darmesteter,  professeur  au  collège  de  France. 
In-i8 , 2  5o 


PÉRIODIQUES 

Literarisches  Ceutralblatt,  iv»  23,  3o  mai  i885:  Der  geschichtliche  Chris- 
tus  und  seine  Idealitiit,  alter  Wein  in  neuem  Schlauche,  von  einem  Ve- 
teranen.  —  Sinnett,  die  esoterische  Lehre  oder  Geheimbuddhismus.  — 
Drobisch,  Kant's  Dinge  an  sich  u.  sein  Ertahrungs-begriff.  —  Dahn 
Die  Kunige  der  Germanen,  VI.  Die  Verfassung  der  Westgothen.  Das 
Reicli  der  Sueven.  (Deuxième  édition  de  cette  partie  de  l'ouvrage;  elle 
en  est  la  plus  brillante;  elle  épuise  le  sujet.)  —  Acta  pontificum  roma- 
norum  inedita,  II;  97-1197,  p.  p.  Pflugk-Harttung.  II,  i.  —  Kol- 
LiGS,  Wilhelm  von  Oranien  u.  die  Antange  des  Aufstandes  der  Nieder- 
lande,  (Recherches  correctement  menées.)  —  Sach,  die  deutsche  Heimat, 
Landschaft  u.  Volksthum.  —  Psichari.  Essais  de  phonétique  néo- 
grecque. Futur  composé  du  verbe  moderne.  (Témoigne  d'une 
grande  sagacité;  pas  d^objection  sérieuse  à  faire  aux  résultat  acquis  par 
Fauteur.)  —  Madvigii  adversariorum  criticorum  ad  scriptores  graecos 
et  latinos  vol.  III.  («  trésor  d'émendations  sûres.  »)  —  Merguet,  Lexicon 
zu  den  Schriften  Gaesars  u.  seiner  Fortsetzer  mit  Angabe  stimmtlicher 
Schriften.  I.  (Commencement  d'une  vaste  et  utile  entreprise.)  — 
Krauss,  Friedrich  der  Grosse  und  die  deutsche  Poésie.  (Quelques  points 
nouveaux  et  importants,  quoique  le  sujet  ait  été  si  souvent  traité.)  — 
PouGiN,  Dictionnaire  historique  et  pittoresque  du  théâtre  et  des  arts  qui 
s'y  rattachent,  poétique,  musique,  danse,  etc.  (Livre  de  luxe  plutôt 
qu'un  réel  manuel.)  —  Erman,  Deutsche  Medailleure  des  XVI.  u. 
XVII.  Jahrhunderts.  (Travail  intéressant  et  qui  sera  utile.)  —  Tikka- 
NEN,  der  malerische  Styl  Giotto's  (Travail  écrit  en  allemand  par  un  Fin- 
landais et  qui  enrichit  réellement  l'histoire  de  l'art.) 

Deutsche  Literaturzeitung,   n"  22,    3o   mars   j885  :  Spitzer,  Nouvelle 
défense   de   Thomas   à    Kempis,    en   réponse  à   Denifie.    (Hôlscher    : 
n'avance    pas   la    question.)    —   Beard,    Die    Reformation    des  XVI. 
Jahrhunderts  inihrem  Verhaltniss  zum  modernen  Denken  und  'Wissen, 
ûbers.   v.  Hai.verscheid.  (Instructif.)  —  Petersen,  Henrik  Steffens,  ein 
Lebensbild,  aus  dem  dtinischen  von  Michelsen.  —  Oesterlen,  Studien 
zu  Vergil  und  Horaz.  (Léo  :  recherches  sans  résultats.)  —  Sal.  Reinach, 
Manuel  de  philologie  classique,   tome  I  et  II.    (Hertz  :  savant,  solide, 
bien  conçu,  le  sera  plus  encore  dans  les  éditions  postérieures.)  —  Lam- 
prechts  Alexander,  p.  p.  Kinzel  (Schroder  :  très  bonne  publication).  — 
Bilder  aus  der  Schillerzeit  mit  ungedruckten  Briefen  an  Schiller,  hrsg. 
v.  Speidel  u.  Witmann  (Minor  :    intéressant).  —  La  Rochefoucauld, 
œuvres,  III,    i.  Lexique   de  la  langue  avec   une  introd.  gramm.  par 
H.  Régnier.  (Koschwitz  :  «  Ne  mérite  pas,  considéré  comme  produc- 
tion scientifique,  un  très  haut  rang  ni  Téloge  qu'on  a  coutume  de  donner 
aux  autres  volumes  de  la  collection  »).  —  Vierteljahrschrift  fur  Cultur 
und  Liieratur  der  Renaissance  hrsg.  v.  Geiger.  I,   i.  (Voigt  :  de  riches 
et   bons   matériaux.)   —  Bladé,    Èpigraphie  antique   de  la  Gascogne. 
(J.  Schmidt  :  ce  n'est  pas  une  èpigraphie,  ce  sont  les  matériaux  d'une 
èpigraphie.)  —  Ranke,  Weltgeschichte,  V,  diearabische  Weltherrschaft 
u.  das  Reich  Karls  des  Grossen.  (Kaufmann  :  les  chapitres  qui  traitent 
de  la  naissance  et  de  l'extension  de  l'Islam,  sont  admirables  par  l'abon- 
dance des  recherches  spéciales.)  —  Giseke,  Die  Hirschauer  wilhrend  des 
Investiturtreites.  (Breslau.) —  Schwarz,  Landgraf  Philipp  von  Hessen 
u.  die  Packschen  Hilndel.   (Friedensburg.)  —  Paulitschke,  dieSûdân- 
lânder  nach  dem  gegenwiirtigen  Stande  der  Kenntniss.  —  REiMERS,Zur 
Entwickelung  des  dorischen   Tempels   (Bohn).   —   R.    von   Scherek, 
Handbuch  des  Kirchenrechtes. 


Berliner  Philologische  Wochenplirift,  6  juin  i885,  n°  2  3  :  Démosthène, 
Plaidoyers  politiques,  2''  éd.  par  H.  Weil  (W.  Nitsche  :  «  Le  tiire 
d'édition  entièrement  revue  et  corrigée  est  bien  justifié.  »)  —  Studia 
NicoLAiTANA  dem  scheidenden  Rektor  Dr.  Th.  Vogel  dargebracht  von 
dem  Lehrercollegium  der  Nilcolaischule  zu  Leipzig  (W.  Larteld  :  Ce 
volume  de  mélanges  contient,  entre  autres  écrits,  R.  Meister,  Eine 
neue  Inschrift  von  Mijtilene  [Mittheilungen  des  deutschen  Instituts  in 
Athen,  IX,  p.  88  et  suiv.],  et  H.  Voigt,  Ueber  einige  neugefundem 
kyprische  Inschriften,  dont  deux  inédites.)  —  Fr.  Fischer,  De  patriar- 
chariim  Constantinopolitanorum  catalogis  et  de  chronologia  octo  pri- 
morum  patriarcharum.  Accedunt  eiusmodi  catalogi  duo  adhuc  non 
editi  (Waschke  :  très  utile).  —  A.  Frankel,  Studien  zur  rumischen 
Geschichte.  Heft  I.  Der  Amtsanhitt  der  romischen  Konsaln  rvahrend 
du  Période  387-532  der  Stadt.  Das  Verhàltniss  des  romischen  Kaleu- 
ders  zum  Iulianischen  wahrend  des  Zeitraums  440-552  (H.  Crohn).  — 
Hochegger,  Die  geschichtliche  Entwicklung  des  Farbensinnes  (H. 
Magnus  :  trop  philosophique  et  pas  assez  physiologique).  H.  Faye  Sur 
l'origine  du  monde.  Théories  cosmogoniques  des  anciens  et  des  moder- 
nes (P.  V.  GiRYCKi  :  superficiel  en  ce  qui  concerne  l'antiquité).  —  K. 
KiRCHNER,  Dialetik  des  Geistes.  Eine  Anleitung.  Zur  Seibsterziehung 
(Th.  Engiser  :  spirituel  et  profond).  —  Analyse  des  programmes  et 
dissertations  académiques  de  Tuniversité  de  Strasbourg  en  i883  (Hûtte- 
mann). 

Theologische  Literaturzeitung,  no  10,  16  mai  i885  :  Heinrici,  Von  Wesen 
und  Aufgabe  der  evangelisch-theologischen    Facultiiten.  (Holtzmann.) 

—  ScHOLTËN,  Die  Taufîormel,  aus  dem  hoiland.  ûbersetzt  von  Gubalke. 

—  G.  Mueller,  De  nonnullis  doctrinae  gnosticae  vestigiis  quae  in 
quarto  Evangelio  inesse  feruntur.  —  A  Biedermann,  Christliche  Dog- 
matik,  I,  der  principielle  Theil,  2°  erweiterte  Auflage.  —  M£c;cXcÔ7:aç, 
Su[j,6o>vf/.'}]  TYJç  opOoûo^cu  àvazoXr/.Ti:;  £y,y.A'^c:iaç.  Ta  cu[J.êoA'./.i  fiiÊAïa.  TLCy.oç  A. 

OXFORD 

at    the    Clarendon    Press. 


CORPUS    POETICUM     BOREALE 

THE    POETRY 

of    the 

OLD    NORTHERN    TONGUE 

from    the     eariiest     times     to     the     thirteenth     century 

edited 

classified   and   translated 

with 

introduction ,    excursus    and   notes 

by 

Gudbrand    Vigfusson,    M.    A. 

and 

F.   York    PowELL,   M,    A. 

Vol.   1.   Eddie  poetry  (cxxx  a.   576  p.) 
Vol.   II.  Court  poetry  (712  p.) 


ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 


VIENT      DE      PARAITRE 


PUBLICATIONS 


DE 


L'ÉCOLE   DES    lAJiGUES  ORIEWALES   VIVANTES 


PREMIERE    SERIE 


CHRONIQUE  DE  MOLDAVIE  d^Urechi,  texte  roumain  et  traduc- 
tion, par  Em.  Picot.  Fasc,  4 5  fr. 


DEUXIEME    SERIE 


Tome  XIV,  XV.  Kim  Vân  Kieu  tân  truyen,  poème  annamite,  publié 
et   traduit  pour   la    première   fois,   par  A.    des  Michels.    Tome   I, 

transcription,  traduction  et  notes i5  fr. 

—  Tome  II,  2*  partie.  Texte  en  caractères  figuratifs.  In-8..     10  fr. 

Tome  XVI.  Histoire  des  dynasties  divines,  publiée  en  japonais,  traduite 
etaccompagnéed'uneglose,  par  L.  DE  RosNY.  I.  La  Genèse,  ln-8.     i5fr. 


LA  RHÉTORIQUE  SANSCRITE,  exposée  dans  son  développement 
t;  historique   et  ses   rapports   avec    la  rhétorique   classique,   par  Paul 

Regnaud.  ln-8 16  fr. 

QUATRIÈME  CROISADE.  La  diversion  sur  Zara  et  Constanti- 
nople,  par  J.  Tessier.  In-8 7  5o 

MANUEL  DE  L'HISTOIRE  DES  RELIGIONS,  par  C.  P.  Tiele. 
Traduit  du  hollandais,  par  M.  Vernes.'  Nouvelle  édition  revue  et 
augmentée  d'une  bibliographie.  In- 18 5  fr. 

ÉTUDE  SUR  LA  VIE  DE  SÉNÈQUE,  par  M.  Hochart.  In-8.     6  fr. 

LE  SAINT  SIÈGE,  LA  POLOGNE  ET  MOSCOU,  par  le  P.  Pierling. 
In-i8,  elzévir 2  5o 

LA  THÉODICÈE  DE  LA  BHAGAVaD-GITA,  étudiée  en  elle-même 
et  dans  ses  origines,  par  Ph.  Colinet,  In-8 3  fr. 

DU  BRAHMANISME  et  de  ses  rapports  avec  le  judaïsme  et  le  chris- 
tianisme, par  Mgr  Laouenan.  Tome  I,  orné  de  2  cartes.  In-8.     12  fr. 

L^ÉLYSÉE  DES  MEXICAINS,  comparé  à  celui  des  Celtes,  par  E. 
Beauvois.  In-8 5  fr. 

LE  CULTE  DES  ANCÊTRES  et  le  culte  des  morts  chez  les  Arabes, 
par  GoLDZiHER.  In-8 i   5o 


Le  f'uy.  imprimerie  Marchessou  Jils,   boulevard  Saint- Laurent,  23. 


N°  25  Dix-neuvième  année  22  juin  1885 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET   DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL    HEBDOMADAIRE   PUBLIE    SOUS   LA    DIRECTION 

DE  MM.  J.DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 

Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.  Ghuquet 

Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.  —  Etranger,  23  fr, 

PARIS 

ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE    LA    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     l' ÉCOLE     DES    LANGUES    ORIENTALES    VIVANTES,    ETC. 

28,    RUE    BONAPARTE,    28 

Adj'esser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Ghuquet 

(Au  bureau  de  \a  Revue  :  nie  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 

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RECUEIL    D'ARCHÉOLOGIE    ORÏEN^ 

1  ALc,    par  Ch.  Clermont-Ganneau.  Avec  planches  et  gravures. 
Fascicule  1 5  fr. 

Cinq  fascicules  formeront  un  volume,  auquel  on  peut  souscrire 
au  prix  de „ 20  fr. 

ÉTUDES     D'ARCHÉOLOGIE     ET     DE 
MYTHOLOGIE  GAULOISES.  Deuxstèiesde 

Laraire.  Suivi   d'un  appendice  et  d'une  note  sur  le  signe  S,  par  Ed. 
Flouest.  In-8,  avec  19  planches 6  fr. 

CONTES    FRANÇAIS,   recueillis  par  E.  Henry  Garnay. 
In-i8.. '. '. 5  fr. 

Forme  le  tome  VIII  de  la  Collection  de  Contes  et  Chansons  populaires. 

LA    PERSÉCUTION    DES   CHRÉTIENS 

SOUS  NERON    (Etudes  au  sujet  de),  par   P.   Hochart. 
In-8 6  fr. 


PÉRIODIQUES 


The  Academy,  n"  682,  3o  mai,  i885  :  The  Holy  Bible,  containing  the 
Old  and  New  Testaments  translated  out  of  the  original  tongues,  being 
the  version  set  forth  A.  D.  i6i  i  revised.  (Premier  article.)  —  Wharton, 
Sappho,  memoir,  text,  selected  renderings  and  a  literal  translation. 
(Elton  :  Fintroduction  est  écrite  avec  soin.)  —  Oman,  The  art  of  war  in 
the  middle  âges,  with  maps  and  plans.  (Boase  :  très  clair  et  très  ins- 
tructif dans  sa  brièveté.)  —  Boissevain,  Story  of  the  life  and  aspirations 
of  Koolmans  Beynen,  translated  by  M.  M.  (Temple.)  —  Webb,  The 
Veil  of  Isis  (suite  d'essais  sur  l'idéalisme).  —  Victor  Hugo  —  Daniel 
Schenkel  —  The  barons  of  Criche,  (Waters.)  —  Tyndale's  «  Penta- 
teuch  »  (Mombert)  —  Die  Gedichte  des  Calullus,  hrsg.  und  erkUlrt  von 
Alex.  RiESE.  (Postgate  :  œuvre  de  valeur,  commentaire  pratique.)  — 
Latin  Lforo  (Mayhew).  —  Egypt  Exploration  Fund  (Reginald  Stuart 
Poole.) 

—  N°  683,  6  juin  i885  :  Jeaffreson,  The  real  Shelley,  new  views  of 
the  poètes  life.  2  vols.  (Dowden  :  livre  qu'on  doit  se  garder  de  prendre 
pour  guide  ;  il  a  été  composé  sans  beaucoup  de  soin  —  l'auteur  de  Tar- 
ticle  cite  trente  erreurs  —  et  avec  un  parti-pris  contre  Shelley.)  —  For- 
ées, A  naturalist's  wanderings  in  the  Eastern  Archipelago.  —  Keene,  A 
sketch  of  the  history  of  Hindustan  from  the  lirst  muslim  conquest  to 
the  fall  of  the  Mughol  Empire.  (Wollaston.)  —  The  Genealogist,  new 
séries,  vol.  I  —  Current  theology  (entre  autres  La  didachè  p.  p.  Saba- 
T1ER  :  addition  bienvenue  à  la  littérature  du  sujet,  arguments  d'une 
force  considérable).  —  University  jottings.  —  Two  sonnets  of  Goethe. 
(Southward  :  I-  A  great  surprise,  II.  A  friendly  meeting.)  —  The  Na- 
tional Anthem  in  India.  —  The  romanisation  of  the  japanese  language 
(Chamberlain).  —  The  Bacon-Shakespeare  theory  in  Germany  (David 
Asher).  —  Arethusa  and  Alpheus  (von  Duhn).  —  The  barons  of  Criche. 

—  M.  Tulli  Ciceronis  Academica,  the  text  revised  and  explained  by 
Reid.  (Wilkins  :  prendra  rang  parmi  les  meilleures  publications  de  la 
philologie  latine  contemporaine.) — M.  Bendall's  report  on  sanskrit 
mss.  (Tiré  du  «  Cambridge  University  Reporter.  ») —  Latin  l  for  d. 
(Postgate.)  —  Stanley  Lane-Poole,  Coins  and  medals,  their  place  in 
history  and  art.  (Oman  :  excellent  ouvrage  consistant  en  dix  essais  ou 
études.)  —  The  discovery  of  Pithom  (Pleyte). 

The  Athenaeum,  n"  3oo5,  3o  mai  i885  :  J.  Jeaffreson,  The  real  Shelley, 
new  views  of  the  poet's  life,  2  vols.  (Premier  article.)  —  J.  F.  and 
D.  M'  Lennan,  The  patriarchal  theory.  —  DelMar,  A  history  of  money 
in  ancient  countries  from  the  earliest  times  to  the  présent.  (L'auteur  a 
pris  beaucoup  de  peine,  mais  il  n'a  pas  les  connaissances  historiques 
exactes  et  le  jugement  critique  que  doit  avoir  l'auteur  d'une  «  histoire 
de  la  monnaie  »  digne  de  ce  nom.)  —  The  «  Dictionary  of  national  l?io- 
graphy  ».  (Liste  des  futurs  articles  de  Chardin  à  Christiana.) —  Genesis, 
XLix,   10  a  until  Shiloh  comc  »  (Neubauer).  —  Victor  Hugo  (Henley). 

—  Notes  from  Athens.  (Hirst.) 

—  N»  3oo6,  6  juin  i885  :  S.  Tronholt,  Under  the  rays  of  the  aurora 
borealis,  in  the  land  of  the  Lapps  and  Kvœns,  p.  p.  Siewers.  — Jeaf- 
freson, The  real  Shelley,  new  views  of  the  poet's  life.  (Second  article  : 
livre  important  en  somme,  mais  âprement  hostile  à  Shelley  et  qui  sera 
révangile  de  ceux  qui  aujourd'hui  détestent,  décrient  et  raillent  un  des 
plus  grands  poètes  et  des  plus  passionnés.)  —  The  Ordinancesof  Manu, 
translated  from  the  sanskrit,  with  an  introduction  by  Burnell,  comple- 
ted  and  edited  by  Hopkins.  —  The  expulsion  of  Shelley  (Grifïith  : 
communique  l'extrait  des  registres  de  l'University  Collège,  d'Oxford,  du 


25  mars  1811  «...  Hogg  and  Shelley  be  publicly  expelled...  «)  — 
M.  John  Colquhoun.  —  An  incident  in  the  liistory  of  Trinity  Collège, 
Cambridge  (Airy  et  Luard).  —  The  «  Dictionary  of  national  biogra- 
phy  ».  (Liste  des  futurs  articles  de  Christie  à  St.  Clarus.)  —  The  late 
Mrs.  Ewing.  —  The  Hartley  library.  —  Notes  from  Dublin.  —  Notes 
from  Jérusalem  (Hanauer). 

Literarisches  Centralblatt,  n»  24,  6  juin  i885  :  H.  Zeller,  Biblisches 
Worterbuch  fur  das  christiiche  Volk.  —  Aica/v]  twv  cwcsy.a  à-os-:6/.ojv, 
la  didaché  ou  renseignement  des  douze  apôtres,  texte  grec  retrouvé  par 
Philotheos  Bryennios,  publié  pour  la  première  fois  en  France  avec  un 
commentaire  par  P.  Sabatier,  (Excellent  travail  qui  soulève  avec  esprit 
une  foule  de  questions,  sans  les  résoudre  toutes  définitivement,  mais 
qu'on  lira  et  consultera  avec  le  plus  vif  intérêt.)  —  Monumenta  sac- 
culi  XVI  historiam  illustrantia,  p.  p.  Balan,  vol.  I.  démentis  VII 
epistolae  per  Sadoletum  scriptae.  (Très  bon  recueil.)  —  A.  Frunkel, 
Studien  zur  rOmischen  Geschichte,  I,  (Le  compte-rendu  analyse  l'ou- 
vrage et  en  indique  brièvement  les  résultats.)  —  L.  Schmid,  Der  Ur- 
stamm  der  Hohenzollern  und  seine  Verzweigungen,  I.  (Recherches 
dignes  d'attention.)  —  Pajol,  Les  guerres  sous  Louis  XV,  III,  1740- 
48,  Italie-Flandre.  —  von  Loher,  Beitrilge  zur  Geschichte  und  Vulker- 
kunde,  vol.  I.  (Suite  d'essais  qui  auront  quatre  volumes;  celui-ci 
renferme  21  études  diverses,  où  il  v  a  çà  et  là  des  légèretés.)  —  Pohle, 
P.  Angelo  Secchi,  ein  Lebens-und  Culturbiid.  —  Judicia  placiti  régis 
Damai  justiiiarii,  p.  p.  Sécher,  i6o5-i6o8;  Sécher,  cm  Vitterlighed  og 
Vidnebevis  i  den  aeldere  danske  procès,  retshistoriske  Studier,  1.  — 
Brugman,  Zum  heutigen  Stand  der  Sprachwissenschaft  ;  Delbrûck,  Die 
neueste  Sprachforschung,  Betrachtungen  uber  G.  Curtius^  Schrift  zur 
Kritik  der  neuesten  Sprachforschung,  (L'auteur  de  l'article  adhère  plei- 
nement aux  conclusions  de  Brugman  et  juge  que  l'étude  de  Delbrûck 
ne  montre  pas  assez  les  différences  qui  séparent  la  nouvelle  école  de 
l'ancienne  représentée  par  Schleicher  et  G.  Curtius.)  —  Gitlbauer, 
philologische  Streifzuge,  I.  (Sur  vr|S'j;xi;  dans  Homère,  sur  les  éléments 
de  la  strophe  du  chœur  grec,  le  Bellum  gallicum  de  César.)  —  Oester- 
LEN,  Studien  zu  Vergil  und  Horaz.  (Instructif  et  impartial.)  —  Sedulii 
opéra  omnia,  p.  p.  Huemer.  (Très  bon  et  fort  soigné.") — Blûmner,  Tech- 
nologie und  Terminologie  der  Gewerbe  und  Kunste  bei  Griechen  und 
Rômern,  III.  —  Tondeur,  die  Gigantomachie  des  pergamenischen  Al- 
tars,  Skizzen  zur  Wiederherstellung  derselben  entworfen,  erltlutert  von 
Tre.n'delenburg  . 

Deutsche  Litteraturzeitimg',  n»  2  3,  6  juin  i885  :  Kautzsch,  Hagcnbachs 
Encyclopàdie  u.  Méthodologie  der  theologischen  Wissenschaften, 
11^  Auflage.  —  Pfleiderer,  Religionsphilosophie  auf  geschichtlicher 
Grundlage,  2«  Auti.  —  The  Sankhya  Aphorisms  of  Kapila  wiih  illus- 
trative  extracts  from  the  commentaries,  translated  by  Ballantyne, 
3^  edit.  (Deussen  :  le  meilleur  travail  sur  le  sujet.)  — A.  Grim.m,  Ueber 
die  baskische  Sprache  und  Sprachforschung;  Hannemann,  Prolegomena 
zur  baskischen  oder  kantabrischen  Sprache.  (Tomaschek  :  le  travail  de 
Grimm  est  une  excellente  introduction  à  l'étude  du  basque;  celui  de 
Hannemann  est  absolument  contraire  à  la  méthode  scientifique.)  —  He- 
rodoti  Historiae  rec.  H.  Steim,  I  et  II,  (Diels  :  seralebienvenu.)  —  Heikel, 
De  participiorum  apud  Herodotum  usu.  (Diels  :  souvent  juste,  mais  en 
Tensemble  un  peu  trop  sec.)  —  Goethe-Jahrbuch,  hrsg.  vouGeiger,  VL 
(E.  Schmidt  :  très  bonne  suite  de  cette  publication  annuelle  si  utile  et  si 
attachante.) —  Henkel,  das  Gœthesche  Gleichnis,  II.  (Jaccby  :  suite 
de  ces  recherches  très  importantes.)  —  Clédat,  Grammaire  élémentaire 
de  la  vieille  langue  française.   (Schwan  :  exposé  en  général  vague  et 


inexact;  n'atteint  pas  son  but;  l'auteur  a  néanmoins  rassemblé  de  nom- 
breux matériaux.  —  Blasius,  Konig  Enzio,  ein  Beitrag  zur  Geschichte 
Kaisers  Friedrichs  II.  (Bernhardi  :  a  tous  les  mérites  d'une  bonne  dis- 
sertation.) —  Lauk,  Fcrreto  von  Vicenza,  seine  Dichtungen  und  sein 
Geschichtswerk.  ein  Beitrag  zur  Geschiclite  des  Humanismus;  im 
Anhang  :  die  Gesta  Florentmorum  und  ihre  Benutzer.  (Wenck  :  très 
intéressante  et  remarquable  contribution  à  Tétude  de  Ferreto.)  —  Tage- 
buch  Susannens,  Baronin  von  Albret  Miossens,  1 548-1572,  p.  p. 
Wackerhagen.  —  Kôlner  Schreinsurkunden  des  XII.  Jahrhunderts, 
Quellen  zur  Rechts-und  Wirthschaftsgeschichte  der  Stadt  Coin,  hrsg. 
V.  MoKNTGER.  I,  I.  —  BaHR,  Einc  deutsche  Stadt  von  sechzig  Jahren. 
(Boos  :  la  ville  dont  traite  l'auteur  est  Cassel.)  —  G.  Meyer  von  Kro- 
NAU,  Aus  einer  zûrcherischen  Familienchronik,  als  Einleitung  zu  den 
Lebenserinnerungen  von  Ludwig  Meyer  von  Knonau  1 769-1841.  — 
M.  Strack,  Aus  Sud  und  Ost,  I.  Sammlung,  das  geeinte  Italien,  Sici- 
lien, Bilder  aus  Griechenland  und  Kleinasien,  hrsg.  von  H.  L.  Strack. 
—  Mittheilungen  zur  Geschichte  des  Heidelberger  Schlosses,  hrsg.  vom 
Heidelberger  Schlossverein,  I. 

Theologische  Literaturzeittm»,  n"  11,  3o  mai  i885  :  Cheyne.  The  book  of 
Psalms,  translated;  Cross,  Somes  notes  on  the  book  of  Psalms.  — 
P.  ScHMTDT,  Der  erste  Thessalonicherbrief  neu  erkUlrt.  —  Birt,  De  mo- 
ribus  Christian is  quantum  Stiliconis  aetate  in  aula  imperatoria  occiden- 
tali  vaîuerint  disputatio.  (Harnack  :  prouve  d'une  façon  convaincante 
que  la  cour  de  l'empire  d'Occident,  tant  qu'elle  fut  sous  l'influence  du 
tout-puissant  Stilicon  de  095  à  408,  a  été  l'asile  des  idées  païennes.)  — 
Sedulii  opéra  omnia,  p.  p.  Huemer;  Claudiani  Mamerti  opéra,  p.  p. 
Engei.brecht.  (Lipsius  :  deux  nouvelles  et  remarquables  éditions  dues  à 
deux  élèves  de  Hartel.)  —  O  Schmidt:  Luther's  Bekanntschaft  mit  den 
alten  Klassikern.  (Enders  :  travail  complet  et  qui  sera  d'une  grande 
utilité.)  —  Zitztaff,  G.  Bugenhagen,  Pomeranus;  Knauth,  Bugenha- 
gen;  Petrich,  Bugenhagen-Biichlein.  (Rade.)  —  Wixz,  Zwingli,  Vor- 
triige.  fStaehelin.)  —  M.  Carrière,  Kunst  im  Zusammenhange  mit  der 
Culturentwickelung  u.  die  Idéale  der  Menschheit,  3^  Aufl.  (Nouvelle 
édition  de  cette  œuvre  si  méritoire  et  si  importante;  on  remarquera 
surtout  les  chapitres  relatifs  à  la  Réforme  et  à  la  Renaissance.) 

ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

ARCHIVES    DE     L'ORIENT    LATIN 

Publiées  sous  la  direction  de 
M.    le    Comte    RIANT.     Tome    I. 

Un  fort  volume  in-8 3o  fr. 


RÉSUMÉ    HISTORIQUE 

DES  PRINCIPAUX  TRAITÉS  DE  PAIX 

Conclus  entre  les  puissances  européennes  depuis  le  traité  de  Westphalie 
(1648)  jusqu'au  traité  de  Berlin  (1878) 

Par    le     Prince    A.     M.     OUROUSSOW. 

Un  beau  volume  gr.  in-8 16  fr. 

Le  i'uy,  imprimerie  Marchessou  fils,   boulevard  Saint-Laurent,  2.î. 


N"  26  Dix-neuvième  année  29  juin  1885 

REVUE  CRÏTIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL    HEBDOMADAIRE   PUBLIÉ    SOUS    LA    DIRECTION 

DE  MM.  J.  DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARiS 

Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.  Chuquet 

Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.  —   Etranger,  25  fr. 

PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE    LA    SOCIÉTÉ    ASIATIQUE 

DE     l' ÉCOLE     DES    LANGUES    ORIENTALES     VIVANTES,    ETC. 

28  ,    RUE    BONAPARTE,    28 

Adresser  les  commimicatio7is  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 

(Au  bureau  de  la  Kevue  ;  nie  Bonaparte,  28), 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 

ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

QUATRIÈME  CROISADE.  La  diversion  sur Zara 
et  Constantinople,  par  J.  Tessier,  professeur  à  la  Faculté  des  Lettres 
de  Caen.  In-8 7  5o 

ÉTUDES  D'ARCHÉOLOGIE  ET  DE 
MYTHOLOGIE  GAULOISES.  Deuxstaesde 

Laraire,  suivies  d^un  appendice  et  d'une  note  sur  le  signe  symbolique 
en  S.  Avec  19  planches,  par  Ed.  Flouest,  de  la  Société  des  Anti- 
quaires. In-8,  19  planches  hors  texte 6  fr, 

CONTES  FRANÇAIS,  recueillis  par  E.  Henry  Carnoy. 
In-i8 ?: 5  fr. 

Forme  le  tome  VIII  de  la  Collection  de  Contes  et  Chansons  populaires. 

LE   SAINT-SIÈGE,    LA    POLOGNE    ET 

MOSCOU  (1582-1587),  par  le  P.  Pierling.  In-i8,  elzé- 
vir 2  5o 

Forme  le  tome  VII  de  la  Bibliothèque  slave  el^évirienne . 


1 

/ 


PÉRIODIQUES 


The  Acaclemy,  n"  684,  i3  juin  i885  :  Abbott,  Francis  Bacon,  an  ac- 
coLint  ot  lîis  life  and  works.  (Gardiner.)  —  The  Ingénions  Gentleman; 
Don  Quixote  of  La  Mancha,  by  Miguel  de  Cervantes  Saavedra,  a  trans- 
lation, with  introduction  and  notes  by  John  Ormsby,  vol.  I.  (Webster: 
sans  être  Fidéal,  cette  traduction  doit  être  recommandée  au  lecteur  an- 
glais.) —  J.  Conrad,  The  German  universities  tor  the  iast  Hfty  years.  — 
Glassical  books:  Hadley  a.  Allen,  A  Greek  grammar;  Mergukt,  Lexi- 
con  zu  den  Schriften  Cilsars,  I  ;  Meusel,  Lexicon  Caesarianum,  I. 
(Meusel  est  plus  complet,  plus  soigné,  plus  minutieux  que  Merguet)  ; 
De  bello  gallico  commentarius  octavus,  p.  p.  Peskett;  Letters  of  Ci- 
cero,  p.  p.  Muirhkad;  YouNG,  Proœmia  graeca:  etc.) —  Correspon- 
dence  «  The  real  Shelley  »  (Jeaffreson  :  protestation  contre  l'article  de 
M.  Dowden)  —  The  Merton  professorship.  (Sweet.)  —  The  barons  of 
Criche  (Yeatman  et  Round).  —  The  c  Langandene  »  of  King  Alfred's 
will  (Tomkinsl.  —  G.  Schneider,  Die  platonische  Metaphysik  auf 
Grund  der  im  Philebus  gegebenen  Principien  in  ihren  wesentlichsten 
Zûgen  dargestellt.  (Micks  :  livre  clair  sur  un  sujet  obscur.)  —  Latin  l 
for  D.  (Sayce  :  Tadmôr  est  devenu  en  grec  et  en  latin  Palmyra.)  —  The 
«  Zafar  Nameh  »  of  Humdullah,  Mustauh  (Churchill).  —  Perrot  a  Chi- 
piez, History  of  art  in  Phoenicia  and  its  dependencies,  translated  by 
Armstrong,  2  vols.  (Sayce  :  les  deux  auteurs  «  hâve  again  enriched 
science  with  a  princely  gifr.  y>) 

The  Atheuaeum,  n»  3007,  i3  juin  i885  :  Abbott,  Francis  Bacon.  (Ou- 
vrage clairement  écrit  et  de  grande  valeur.)  —  The  Iliad  of  Homer, 
with  a  verse  translation  by  Green,  I,  books  i-xii;  translat.  into  English 
Hexameter  verse  by  Wright,  books  I-IV  ;  done  into  English  verse, 
books  I-VI  by  Way.  —  The  marriage,  baptismal  and  burial  registers 
1 571- 1871,  and  monumental  inscriptions  of  the  Dutch  Reformed 
Church,  Austin  Friars,  London,  edited  by  Moens.  —  Our  library  table 
(James  Darmksteter,  The  Madhi  post  and  présent  «  pleasant  and  ins- 
tructive reading  »  ;  Whauton,  Sappho,  a  memoir  and  a  translation, 
etc.")  —  The  ancient  palm-leaves  of  Horiuzi.  (Max  MûUer.)  —  The 
dictionary  of  national  biography  (liste  des  futurs  articles  de  Clater  à 
Collins).  —  The  expulsion  of  Shelley  and  Hogg  (Jeaffreson).  —  The 
Harley  library.  —  The  Ansidei  Raphaël. 

Literarisclies  Centralblatt,  n"  25,  i3  juin  i885  :  Haussleiter,  De  versio- 
nibus_  Pastoris  Hermae  latinis  (beaucoup  de  points  instructifs).  — 
Sancti  Fulgentii  episcopi  Ruspensis  epistolae  in  unum  corpus  collectae, 
p.  p.  HuRTER.  —  RoTH,  Die  Einfuhrung  der  Reformaîion  in  Nurnberg, 
i5i7-i528,  nach  den  Quellen  dargestellt  (Solidement  fait).  —  Krause, 
Einleitung  in  die  Wissenschaftslehre,  p.  p.  Hohlfeld  u.  Wûnsche.  — 
Hochegger,  die  geschichtliche  Entwickelung  des  Farbensinnes,  eine 
physiologische  Studie  zur  Entwickelungsgeschichte  des  Menschen 
(travail  d'ensemble,  clair  et  inté.'essant  sur  la  controverse  soulevée  au- 
trefois par  M.  Gladstone).  —  Czoernig,  die  alten  Volker  Oberitaliens, 
Italiker  (Umbrer),  Raeto-Etrusker,  Raeto-Ladiner,  Veneter,  Kelto- 
Romanen,  eine  ethnographische  Skizze.  (Cet  ouvrage  n'avancera  guère 
l'ethnographie  de  l'antiquité.)  —  Sieglin,  Karte  der  Entwickelung  des 
rômischen  Reichs,  entworfen,  gezeichnet  und  mit  Erlauterungen  verse- 
hen,  Separatabdruck  aus  Duruy-Hertzberg  (fait  avec  soin  et  compé- 
tence). —  H.  Schwarz,  Landgraf  Philipp  von  Hcssen  und  die  Pack' 
?chen  Hilndel,  eingeleitet  von  Maurenbrecher.  —  Stokar,  Johann 
Georg  MûUer,  Doctor  der  Théologie,  Professer  u.  Oberschulherr  za 
Schafîhausen  (hvre  intéressant  sur  un  ami  de  Herder).  —  Oppel,  Land- 


schaflskunde.  —  Der  Codex  Altenberger,  Textabdruck  der  Her- 
mannstadter  Handschrift,  hrsg.  v.  Lindner.  —  Von  Wober,  Die  Rei- 
chsberger  Fehde  und  das  Nibelungenlied.  eine  genealogische  Studie 
(Livre  étrange  et  plein  de  fantaisies;  le  langage  modeste  de  l'auteur  dé- 
sarme la  critique,  mais  qu'il  n'écrive  plus  sur  les  Nibelungen!)  — 
Gœthe,  Gotz  von  Berlichingen,  nouv.  éd.  avec  introduction  et  com- 
mentaire par  A.  Chuquet  («  nouveau  et  solide  travail,  non  moins 
remarquable  que  la  campagne  de  France  parue  l'année  précédente; 
dans  rintroduction,  l'auteur  a  su  «  die  zur  Geschichte,  Kritik.  und 
Erkliirung  des  Dramas  reichlich  vorhandenen  Materialien  in  leichtem 
lichtem  Aufbau  mit  Uriheil  und  Geschmack  zu  einem  eigenen  und  ei- 
genartigen  Ganzen  zu  verarbeiten  »;  le  commentaire  très  détaillé  et 
renfermant  de  bonnes  remarques).  —  Reinhold  Lenz,  Lyrisches  aus 
seinem  Nachlass,  aufgefunden  von  Karl  Ludwig  (intéressant,  fait  avec 
soin,  mais  publication  d'amateur),  —  Frimmel,  Zur  Kritik  von  Dureras 
Apokalypse  und  seines  Wappens  mit  dem  Todtenkopfe.  —  Beschrei- 
bende  Darstellungen  der  illteren  Bau  :=z  und  Kunstdenkmaler  des  Ko- 
nigreichs  Sachsen,  II.  xA.mthauptmannschaft  Dippoldiswalde  ;  III 
Amthauptmannschaft  Freiberg,  bearb.  von  Steche.  —  Catalogue  of 
Additions  to  the  Mss.  in  the  British  Muséum,  I  et  II;  Index  to  the  Ca- 
talogue of  Additions. 

Deutsche  Literaturzeitimg,  n°  24,    i3  juin  i8S5  :  P.  Schmidt,  Der  erste 
Thessalonicherbrief  neu  erklart.  —  Wahle,  Gehirn  und   Bewusstsein. 

—  FowLER,  Progressive  morality,  an  essay  in  ethics.  —  Das  Gobhila- 
grhyasûtra  hrsg.  u.  ubersetzt  von  Knauer,  I.  Text,  nebst  Einleitung. 
(Oldenberg  :  bon  travail.)  —  Szyrwids  Punkty  Kazan  (Punktay  Sa- 
kimu)  vom  Jahre  1629,  mit  einer  grammat.  Einleitung  von  Garbe 
[Littauische  und  lettische  Drucke  des  XVI  und  XVII  Jahrhunderts, 
hrsg.  V.  Bezzenberger,  IVJ.  —  T.  Macci  Plauti  Mostellaria  with  notes 
critical  and  exegetical  and  an  introduction  by  Sonnknschein.  (Léo  :  fait 
par  une  main  exercée:  bonne  connaissance  de  la  littérature.)  —  F.  Zarn- 
CKE,  Christian  Reuter,  der  Verfasser  des  Schelmuffsky,  sein  Leben  und 
seine  Werke.  (Schlenther  :  de  nombreux  et  nouveaux  documents,  pu- 
bliés avec  le  plus  grand  soin  ;  mais  exposition  diiîuse  qui  souffre  quel- 
ques lacunes,  arguments  souvent  peu  soutenables.) —  Mahrenholtz, 
Voltaires  Leben  und  Werke,  I.  (Bon,  va  de  1697  ^  ijSo.)  —  Lezius, 
De  Plutarchi  in  Galba  et  Othone  fontibus  (Klebs  :  soigné,  sensé,  sans 
rien  de  nouveau.)  —  L.  Schmid,  die  iilteste  Geschichte  des  erlauchten 
Gesammthauses  der  konigl.  und  fûrstlichen  HohenzoUern.  I.  (Kuger  : 
beaucoup  de  soin  et  d'érudition,  mais  Fauteur  ne  s'est  pas  assez  con- 
centré.)—  Waitz,  Deutsche  Verfassungsgeschichte,  III.  u.IV,  2'' Aufl. 
Verfassung  des  frilnkischen  Reichs.  (Bresslau  :  de  nombreuses  et  nou- 
velles remarques,  grande  somme  de  travail  et  d'étude,  qui  a  mis,  au 
bout  de  plus  de  vingt  ans,  cette  seconde  édition  au  niveau  de  la  science.) 

—  V.  LôHER,  Beitrilge  zur  Geschichte  und  Volkerkunde,  I,  (Holst  : 
trop  d'essais  vieillis  et  où  il  eût  fallu  faire  quelques  changements.)  — 
F.  MûLLER,  Kalender-Tabellen,  (Netto  :  beaucoup  de  choses  utiles  réu- 
nies en  un  petit  espace.)  —  Juristische  Abhandlungen,  Festgabe  fur 
Georg  Beseler  von  Brunner,  Hinschius,  Pernice,  Bernstein,  Cosack, 
Ryck,  Eck,  Goldschmidt,  Gneist.  Mommsen.  (Holder.)  —  Reitzenstein 
und  Nasse,  AgrarischeZustande  in  Frankreich  und  England. 

Berliner  Philologische  Wochenschrifc,  i3  juin  i885,  n"  24:  Th.iMommsen, 
Romische  Geschichte.  Funfter  Baud.  Die  Provinzen  von  Casar  bis 
Diokletian.  Mit  zehn  Karten  von  H.  Kiepert  (H.  Schiller  :  «  Eine 
Arbeit,  eigenartig  und  merkwûrdig  vor  vielen...  ein  Iv':-?î[j.a  èç  av..  »  — 
J.  Sôrgel,  Ausgewahlte   Reden    des    Demosthenes,    fur   den   Schulge- 


brauch.  II  Bândchen  (J.  Peters  :  bon  commentaire).  —  M.  Tullii  Ci- 
CERONis  Laelius  de  amicitia.  Fur  den  Schulgebrauch  erklilrt  von 
A.  Strelitz  (F,  Millier).  —  M.  Tullii  Ciceronis  in  L.  Catilinam  ora- 
tiones  quattuor.  Scholarum  in  usum  recogn.  R.  Novak  (F.  Muller).  — 
W.  JuDEiCH,  Casar  im  Orient.  Kritische  (Jebersicht  der  Ereignisse  vom 
9  August  48  bis  Oktober  47.  (R.  Schneider  :  important).  —  Titi  Livi 
ab  urbe  condita  libri.  Editionem  primam  curavit  G.  Weissenborn.  Ed. 
aliera  quam  curavit  M.  Muller,  Lib.  XXIV-XXX  {-c-  :  très  soigné). 
—  Ovide,  Morceaux  choisis  des  métamorphoses,  etc.,  par  L.  Armengaud 
(G.  Knaack  :  «  verbesserungsbediirftig  »  ;  les  vignettes  sont  de  trop).  — 
Louis  de  Ronchaud,  La  tapisserie  dans  l'antiquité,  le  péplos  d'Athéné, 
la  décoration  intérieure  du  Parthénon  (Biichsenschûtz  :  très  belle  exé- 
cution, conclusions  invraisemblables).  —  F.  Hiittemann,  Methodischer 
Lehrgang  der  griechischen  Sprache.  Teil  I.  Grammatik.  Teil  II. 
Uebungsbuch  (Vollbrecht).  —  E.  Kurtz,  Griechisches  Uebungsbuch 
Zur  Formenlehre  und  Syntax  (E.  Bachot).  —  Ch.  Danjou,  Précis  de 
grammaire  latine  (Th.  Sorgenfrey  :  ne  facilitera  pas  l'étude  du  latin, 
comme  le  croit  l'auteur).  —  M.  Bréal  et  A.  Bailly,  Les  mois  latins 
groupés  d'après  le  sens  et  l'étymologie.  Cours  élémentaire  (Th.  Sor- 
genfrey :  «  durchweg  als  gelungen  zu  bezeichnen.  «)  —  Extraits  des 
programmes  et  écrits  adadémiques  de  TUniversité  deSrasbourg  en  i883 
(Hiittemann). 

Gcettingische  gelehrte  Anzeigen,  n'>  ii,  i  Juin  i885  :  von  Czoer.mig,  die 
alten  Vôlker  Oberitaliens,  eine  ethnologische  Studie  (Deecke  :  Fauteur 
n'a  pas  les  connaissances  scientifiques  et  critiques  indispensables  pour 
traiter  le  sujet).  —  Jubeischrift  zum  neunzigsten  Geburtstag  des  Dr. 
L.  ZuNz  (D.  Kaufmann).  —  Stûrzinger,  Orthographia  Gallica  (Willen- 
berg  :  précieuse  édition  d'un  texte  composé  vraisemblablement  du  xiii^ 
au  xive  siècle  par  un  Anglais). 

—  N°  J2,  Pajol,  Les  guerres  sous  Louis  XV  (Peukert  :  très  long  et 
très  savant  article  qui  démontre  que  l'auteur  des  trois  volumes  déjà 
parus  n'a  pas  accompli  sa  tâche  avec  autant  de  profondeur  qu''on  le 
croirait). 

Theologische  Literaturzeitung,  n"  12,  i3  juin  i885  :  Aug.  Kôhler, 
Lehrbuch  der  biblischen  Geschichte  Alten  Testamentes,  IL,  i.  — 
BicKELL,  Ein  Papyrusfragment  eines  nichtkanonischen  Evangeliums 
(Harnack  :  Toute  notre  reconnaissance  au  savant  sagace  qui  a  décou- 
vert ce  diamant  brut  et  l'a  si  bien  poli).  —  Haussleiter,  De  versioni- 
bus  Pastoris  Hermae  latinis  (Lipsius  :  n'est  pas  complet  ni  fait  avec 
une  juste  méthode).  —  Kleinermanns,  Der  dritte  Orden  der  Busse  des 
heiligen  Dominicus,  quellenmassige  Darstellung  der  Geschichte  dessel- 
ben  von  der  Entstehung  bis  zur  Bestàtigung  durch  die  Papste  Inno- 
cenz  Vil  und  Eugen  IV  (K.  Muller  :  recherches  tout  à  fait  insuffi- 
santes). 


Le  i'uy,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


DIX-NEUVIEME  ANNEE 
II 
(  Nouvelle   Série.    —   Tome    XX). 


REVUE  CRITIQUE 


D' HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE 


PUBLIKE    SOUS    LA    DIRECTION    DE 


MM.    J.  DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 


Secrétaire  de  la  Rédaction  :  M,  A.  Chuquet 


DIX-NEUVIEME  ANNEE 


DEUXlhMt;    SEMîiSTKE 


Nouvelle   Série.    —  Tome  XX 


PARIS 

ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIHKAIRK    DE    I,A    SOClÉTlî    ASIATIQUE 
lE      l.'hCC'I.E     DES     LANGUES     ORIENTALES     V  I  V  A  .N  T  K  S  ,      KTC. 

28,    RUE    BONAPARTE,    28 
l8S5 


ANNEE     1885 


TABLE    DU  DEUXIEME  SEMESTRE 


ARTICLES 


k 


TABLE  ALPHABETIQUE 

art.  pa.^es 

Abbt  (Thomas),  contribution  à  sa  biographie 217  420 

Abraham,  Études  sur  Plante  (Louis  Duvau) 1 13  5 

Adam,  le  Taensa  a-t-il  été  forgé  de  toutes  pièces? 164  197 

Allard,  Histoire  des  persécutions  pendant  les  deux  premiers 

siècles  d'après  les  documents  archéologiques  (G.  Lacour- 

Gayet) 222  4:0 

Armitage,  Sermons  du  xii°  siècle  en  vieux  provençal  (Ant. 

Thomas) \5j  168 

Augustin,  extraits  par  Eugippius,  p.  p.  Knoell  (Salomon 

Reinach) 216  414 

Autriche  (Contributions  à  la  littérature  de  1') 212  SgS 

Baldy,  Traduction  de  Kraner,  l'armée  romaine  au  temps 

de  César 170  221 

Batz-Trinquelléon,  Henri  IV  en  Gascogne  (T.  de  L.)  .  .   .  193  299 

Baunack  (J.  et  Th.),  L'inscription  de  Gortyne  (M.  Bréal)  .  .  192  294 

Bekker,  Marie  Stuart,  Darnley,  Bothwell  (R.) 116  9 

BÉMONT,  Simon  de  Montfort  (J.  J.  Jusserand) i33  93 

Benamozegh,  Israël  et  humanité  (M.  V.) 190  293 

Bengesco,    Voltaire,    Bibliographie    de     ses    œuvres,    II 

(M.  Tourneux) „ 175  235 

Benoist,  Edition  du  V^  livre  de  Lucrèce 178  25o 

Bergaigne,    Manuel    pour    étudier     la    langue     sanscrite 

(A.  Barth) 168  2i3 

Bezold,  Lettres  du  palatin  Jean  Casimir,  I  (R.) 174  233 

Birt,  Le  livre  chez  les  anciens  (Em.  Thomas) i32  87 

Boèce,  Commentaire  sur  les  Topiques i56  167 

BoGisic,  De  la  forme  dite  inokostina  de  la  famille  rurale 

chez  les  Serbes  et  les  Croates  (P.  VioUet) 2  38  5o5 


VI  TABLE   DES   MATIERES 

BoRMANN,  Corpus  des  inscriptions  latines,  VI ibô 

Bouché-Leclercq,  Traduction  de  l'hiisloire  de  l'heliénisme 

de  Droysen,  III  (P.  G.) 2o3 

BuACQUEMOND,  Du  dcssin  et  de  la  coulcur  (A.  D.) 121 

Brémont  d'Ars  (de),  Jean  de  Vivonne  (E.  B.) t38 

Brinton,  le  Taensa ► 164 

Brugmann,  De  l'état  actuel  delà  linguistique  (Victor  Henry).  145 

Bucheler  et  ZiTELMANN,  Lc  droit  de  Gortyne  (M.  Brcal).  .  .  192 

—  (Théodore  Reinach) .  iq5 

Caillemkr,    Lettres    de    divers    savants    à    Tabbé    Nicaise 

(T.  deL.) !S8 

Catt  (de),  Entretiens  avec  Frédéric  II,  p.  p.  Koser  (A.  Chu- 

quet) 194 

Chuquet  (A.),  Edition  du  Gotz  de  Berlichingen,  de  Gœthe.  i25 

Cicéron,  le  pro  Roscio,  p.  p.  Landgraf  (Eni.  Thomas)..  .  .  128 
Comparetti,    Lois     anciennes    de     la    ville    de    Gortyne 

(M.  Bréal). 192 

Copernic 1  3/ 

Corpus  des  inscriptions  latines,  VI,  p.  p.  Bormann,  Henzen, 

HuLSEN  (R.  Mowat) i65 

Csoma,  sa  vie  et  ses  œuvres 1 34 

CuQ,  Le  conseil  des   empereurs,  d'Augliste    à  Dioclétien 

(G.  JuUian) i35 

Dareste  (R  ),  La  loi  de  Gortyne  (M.  Bréal) 192 

Davoiit,  sa  correspondance,  p.  p.  de  Mazade  (A.  Chuquet).  241 

Derenbourg  (H.)  et  Spiro,  Chrestomathie  arabe  (^R.  Duval).  176 
Desnoiresterres,    La    comédie    satirique   au    xvm"   siècle 

(M.  Tourneux) 183 

Des  Robert,  Correspondance  du  duc  de  Lorraine  Nicolas 

François  (T.  de  L.) 162 

Desrousseaux,  Edition  des  Dialogues  des  morts  de  Lucien,  i  3o 
DiTTENBERGER,  Rccucil  d'iuscriptious  grecques  (B,  Haus- 

souUieT) 112 

Dobrowsky  et  Kopitar,    leur  correspondance,  p.  p.  Jagic 

(Louis  Léger) 234 

Donatello 233 

Douais,  Les  frères  prêcheurs  en  Gascogne  au   xiu°  et  au 

xiv«  siècle  (A.  Molinier) 289 

Droysen,  Histoire  de  Théllénisme,  III  (P.  G.) 2o3 

DuKA,  Vie  et  oeuvres  de  Csoma  (L.  Feer) i34 

DuRUY  (Alb.),  Hoche  et  Marceau  (A.  Chuquet] 129 

DUntzer,  Lettres  de  Charles  Auguste  à  Knsbel  et  à  Einsie- 

del  (A.  Chucjuet) t  •  •  •  •  •  t  .  •  •  1  •  «  «  •  •  21/ 


pagss 


365 

32 

I  12 

197 

i33 

294 

0  [7 


283 


3o5 
5,4 

71 

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5  06 
365 
lor 
431 

73 


7    436 


TABLE    DK5    MATIKRlîS  VU 

nit.  P'Ti'^'' 

—  Gœthe  et  Weimar  (A.  Chuquet) 200  35o 

DussiEux,  Lettres  intimes  de  Henri  IV,  2°  édition  (T.  de  L.).  193  Soi 

Engelbrecht,  édition  de  Mamert 216  414 

Eraclius,  p.  p.  Graef  (A.  Chuquei;') 204  366 

EsPERANDiEu,   Eplgraphie   des  environs  de    Kef  (Salomon 

Reinacli) 179  252 

Etat-major    allemand,     publications    historiques,     1-VI 

(A.  Ciiuquet) 2  35  491 

Eugippius,  extraits  d'Augustin 216  414 

Fancantlldi  politique  de  Richelieu iSi  255 

Filon,  Histoire  de  la  littérature  anglaise  (M.  P.) 2i3  399 

Flach,  Edition  de  la  Chronique  de  Paros  (Paul  Girard).  .  .  i.jo  i5o 

François  1^'',  roi  de  France 156  32  t 

Frédéric  II,  ses  entretiens  avec  de  Catt 194  3o5 

Fredericq,  Travaux  de  l'Universiia  de  Liège  (R.) ï  53  )6o 

Gaedertz,  Le  drame  et  la  comédie  en  bus-allemand  (A.  Chu- 
quet)    217  424 

Garrisson,  Edit.  des   œuvres  poétiques  de  Maynard i58  169 

Gaster,  La  littérature  populaire  roumaine  (Em.  Picot).  .  .  147  140 

Geer  (Louis  de) 142  124 

Geley,  Fancan  et  la  politique  de  Richelieu  (R.) 181  255 

Genève  (Histoire  de)  de  1 563  à  1 568 i23  5o 

Gerber,  Le  langage  comme  art.  —  Le  langage  et  la  récogni- 
tion (V.  Henry) 184  269 

GiRY,  les  Etablissements  de  Rouen  (J.  Havet) 147  iSy 

Glaeser,  Lûbeck  et  Ratekau,  1806 207  377 

Glocic,  La  quesiion  de  la  loi  dans  la  vie  de  Jésus  et  la  doc- 
trine de  Paul  (M.  V.) 172  229 

Goblet  d'Alviella,   Des    préjugés    qui   entravent    l'étude 

scientifique  des  religions  (M.  Vernes) 169  218 

GoDEFROY,  Dictionnaire  de  l'ancienne  langue  française,  let- 
tre F  (A.  Jacques) 160  i85 

—  Lettres  G  et  H  (A.  Jacques) 218  426 

Gœthe,  Gotz  de  Berlichingen,  p.  p.  A.  Chuquet  (E.  Lich- 

tenberger) i25  54 

—  p.  p.  E.  Lichtenberger  (A.  Chuquet) 200  346 

—  Editions  diverses,  p.  p.   Schrosr,  Steiner,  DQntzer  et 

Keck  (A.  Chuquet) 200  346 

Gœthe  (œuvres  de  et  sur) 200  345 

Gœthe- Jahrbiich,  p.  p.  L,  Geiger,  VI  (A.  Chuquet) 200  35o 

Gortrne  (la  loi  de) 192  294 

195  317 

Graef,  édition  de  i'Eraclius  (A    Chuquet) 304  366 

Guy.\z,  Histoire  des  institutions  municipales  de  Lyon  avant 

1789  (L.  Giédat) , , 187  282 


VIII  TABLE    DES   MATIERES 

art. 

Hagedorn  (Anne-Marie  de)  et  ses  lettres  à  son  fils  ....  ;  .  217 

Hagmann,  L'Essai  sur  les  mœurs,  de  Voltaire  (Ch.  J.).  .  .  .  143 

Harrisse,  Grandeur  et  décadence  de  la  Colombine  (A.  O.).  iS3 

Haumonté,  le  Taensa 164 

Hal'ssoullier,  La  vie  municipale  en  Attique  (Paul  Gui- 

raud) 2i5 

Havet  (J.),  Questions  mérovingiennes,  I,  la  formule  v.  inl. 

(H.  d'Arbois  de  Jubainville) irS 

Heisterbergk,  Le  jus  italicum  (Edouard  Cuq) 198 

Hekzen,  Corpus  des  inscriptions  latines i65 

Henri  IV  en  Gascogne igB 

—  Ses  lettres  intimes igS 

Hersel,  Les  citations  du   pseudo-Longin  (A.  Cr.) 23 1 

Hildebrand  (Hugo),  L'opinion  d'Aristote  sur  le  libre  arbitre 

(Théodore  Reinach) 237 

HiRZEL,  Catalogue  d'une  bibliothèque  de  Gœthe  (A,  Chu- 

quet) 200 

Hoche 129 

HoHENBiiHEL  (de),  sur  le  Tyrol 209 

HoMMEL,  La  langue  suméro-accadienne  (J.  Halévy)  ....  122 

HûBNER,  Spécimen  d'épigraphie  latine  (R.  Mowat) i65 

HuEMER,  édition  de  Sedulius 216 

HûLSEN,  Corpus  des  inscriptions  latines i65 

Institut  archéologique  américain  d'Athènes,  I  (Sal.  Rei- 
nach)   139 

Jahn,  Edition  de  la  Prosopopée  de  Palamas 177 

Jamblique,  Vie  de  Pythagore,  p.  p.  Nauck  (A.  M.  Desrous- 

seaux) 210 

Jean  Casimir  (le  palatin),  ses  lettres 174 

Jensen,  Une  tablette  assyrienne  (J.  Halévy),  .  , 126 

Jugurtha,  p.  p.  Lallier 221 

Jus  italicum  (le) 198 

Keck,  Edition  d'Hermann  et  Dorothée  (A,  Chnquet) 200 

Keil,  Des  amis  de  Vienne,  1784- 1808  (A.  Chuquet) 212 

KiNDLER  DE  Knobloch,  Le  livrc  d'or  de  Strasbourg  (S.)  ...  iSo 
Kleiber,  Ce  que  Tacite  doit  dans  le  Dialogue  des  Orateurs 

aux  auteurs  précédents  (E.  T.) , i5  i 

Kleist  (Ewald  de),  p.  p.  Sauer  (A.  Chuquet) 217 

Kluge,  Dictionnaire  étymologique  de  la  langue  allemande 

(J.  Kirste) 249 

Knoell,  Edition  des  extraits  d'Augustin  par  Eugippius  ...  216 

KocK,  Fragments  des  comiques  attiques,  II  (H.  Weil).  ...  i85 
KoHLER,  Shakspeare  devant  le  forum  de  la  jurisprudence 

(Ch.  J.) 02 

KosER,  Edition  des  entretiens  de  Frédéric  II  et  de  Cait.  .  .  194 


pages 
422 

126 

260 

197 

413 

24 

34  [ 

200 
299 

3oi 

484 

502 

0-0 

378 

45 
200 
414 
200 


117 
249 


389 

^  '^  ^ 

200 
61 

438 
341 
356 
395 
204 


\oo 
418 

5o8 
414 
275 

157 
3o5 


TABLE    DES    MATIERKS  IX 

art.  pnges 

Kraner,  L'armée  romaine  au  temps  de  César  (R.  C.)  .  .  .  .  170  221 
KûRscHNER,  Collection  de  la  littérature  nationale  allemande 

(A.  Chuquet) 225  448 

KviCALA,  Contributions  à   l'explication  de  TEneide  (Em. 

Thomas) 117  21 

La  foi  chrétienne  et  la  propagation  du  christianisme  à  To- 

rigine  (M.  V.) 189  298 

Lallier,  Edition  du  Jugurtha  de  Salluste 221  438 

Landgraf,  Edit,  du  pro  Roscio 128  71 

Lanman,  Textes  sanscrits  (A.  Barth) lôS  216 

Lantenay    (de),    Mélanges     de    biographie    et    d'histoire 

(T.  de  L.) 2o5  567 

Lantoine,  Edition  du  V°  livre  de  Lucrèce 178  2  5o 

Larroumet,   Traduction   de  Kraner,  l'armée  romaine  au 

temps  de  César 170  221 

Latychew,  Inscriptions  grecques  et  latines  du  littoral  du 

Pont-Euxin  (Théodore  Reinach) 23o  481 

Lechler  ,  L^époque  apostolique  et  l'époque  post-apostolique 

(M.  Vernes) 199  841 

Leher,  Lettre  d'un  capitaine  de  cuirassiers  sur  la  campagne 

de  Russie 202  357 

Leroux,  Molinier  et  A.  Thomas,  Documents  historiques 

bas-latins,  provençaux  et  français,  II  (A) i36  107 

Lewy,  L'ancien  droit  de  Gortyne  (M.  Bréalj 192  294 

—  (Théodore  Reinach) igS  3j7 

Lichtenberger  (E.),  Edition  du  Gutz  de  Berlichingen,  de 

Gœthe 200  346 

Liège  (l'Université  de]  et  les  travaux  de  son  séminaire  d'his- 
toire   i53  160 

Liscon^  et  sa  carrière  littéraire 217  422 

LiTZMANN,  Liscow  (A.  Chuquet) 217  422 

—  Lettres  d'Anne-Marie  de  Hagedorn  (A.  Chuquet) 217  422 

Lucien,  Dialogue  des  morts,  p.  p.  Tournier  et  Desrousseaux 

(Em.  Baudat] i3o  85 

Lucrèce,  V°  livre,  p,  p.  Benoist  et  Lantoine  (Fr.  Plessis)  .  .  178  25o 
LuFFT,  La  prise  du  Schanzel.  —  La  campagne  de  1793  (C).  214  3o3 
Lyall,  Etudes  sur  les  mœurs  religieuses  et  sociales  de  l'Ex- 
trême Orient !54  i65 

L;^o?z  avant  1789 1S7  282 

Madvig,  Adversaria  critica 139  iSi 

—  Tite-Live,XXXI-XXXV  (A.  M.  Desrousseaux) iSg  182 

Mamert,  p.  p.  Engelbrecht  (Salomon  Reinach) 216  414 

Marceau 129  73 

97 

Marie  Stiiart 116  q 


X  TABLE   DES    MATIKRES 

art.  pagîs 

Martel  (de),  Les  historiens  fantaisistes,  M.  Thiers,  II.  La 
pacification  de  l'ouest  et  la  machine  infernale  (A.  Chu- 

quet] 197  33o 

Mazade  (de),  Correspondance  du  maréchal  Davout 241  5i3 

Maynard,  Œuvres  poétiques  p.  p.  Garrisson,  I  (A.  Del- 

boulle) 1 58  169 

Meissxer,  Les  comédiens  anglais  en  Autriche  au  temps  de 

Shaskspeare  (A.  Chuquet) 213  396 

Mention,    Le    comte    de   Saint-Germain   et   ses   réformes 

(A.  Chuquet) 229  472 

MiRON  DE  L^EspiNAY,  Frauçois   Miron  et   l'administration 

municipale  de  Paris  sous  Henri  IV  (P.  B.) 228  444 

MoNTAGNAC  (de],  Lettres  d'uu  soldat  (C.) 219  429 

Montreuil  (Jean  de) 119  27 

MoRATTi,  Arménien  et  indo-européen  (V.  Henry) 2  36  5oi 

MowAT,  Remarques  sur  les  inscriptions  antiques  de  Paris.  211  391 

MûLLER  (Fr.),  Le  Taensa  n'a  pas  été  forgé  de  toutes  pièces.  164  197 
MuLLER  (Iwan),  Manuel  de  l'antiquité  classique,  ï  (Salo- 

mon  Reinach) 173  229 

—  II,  2  (Salomon  Reinach) 227  463 

MûNTz,  La  Renaissance  en  Italie  et  en  France  à  l'époque 

de  Charles  VIII  (P.  de  Nolhac) 124  5i 

MûNTz,  Donatello  (P.  de  Nolhac) 233  485 

Napoléon^  général 2  35  497 

Nauck,  Vie  de  Pythagore,  de  Jamblique 210  389 

Neumann  et  Partsch,    Géographie  physique  de   la  Grèce 

(Paul  Girard) 116  21 

JV/c<i:z5e  (l'abbé)  et  ses  correspondants ]88  285 

NiLLEs,  Etienne  de  Moldavie  (Emile  Picot) ii5  8 

Nordli7îgue(\a  bataille  de) 224  447 

OsTHOFF,  De  l'histoire  du  parfait  dans  les  langues  indo- 
germaniques (^V.  Henry) 149  149 

Ovide  et  ses  comparaisons 114  6 

Pajol,  Les  guerres  sous  Louis  XV,  III  (C).  ........  201  356 

Palamas,  Prosopopée,  p.  p.  Jahn  (Em.  Baudat) 177  249 

Paris  (Paulin),  Etudes  sur  François  1'='',  roi  de  France,  sur 

sa  vie  privée  et  son  règne  (T.  de  L.) 196  321 

Parisot,  le  Taensa 164  197 

Paros  (Chronique  de) 149  i5o 

Pauli,  Les  inscriptions  en  nord-étrusque  (Michel  Bréal).  .  .  232  484 

Pentzhorn,  Thomas  Abbt  (A.  Chuquet) 217  423 

Périclès  général 127  71 

Perry,  d'Opitz  à  Lessing  (A.  Chuquet) 217  422 

Peukert,  Les  mémoires  du  marquis  de  Valory 206  376 

Pflugk-Harttung  (de),  Périclès  général  (Paul  Girard).  .  .     127  71 


TABLE    DES    MATIERES  XI 

art.  pages 

Philippson,  Origines  du   catliolicisme  moderne,  la  contre- 
révolution  religieuse  au  xvi«  siècle  (R.) 167  2o5 

Prou,  Les  coutumes  de  Lorris(Louis  Farges) 141  122 

Prowe,  Copernic,  I  et  II  (R.) , iSj  109 

Pyra  et  son  influence 217  419 

Rahlenbeck,  Metz  et  Thionville  sous  Charles-Quint  (R,).  i6i  188 

Reinach  (Th.),  Histoire  des  Israélites  (M.  Vernes) 1S6  278 

Reynald,    Succession    d'Espagne,    Louis  XIV    et    Guil- 
laume III  (R.) 144.  128 

RoGET,  Histoire  du  peuple  de  Genève  (R.) î23  5o 

Rouen  (Etablissements  de) v J47  187 

RuBLE    (de),    Antoine    de    Bourbon    et    Jeanne    d'Albret 

(T.  de  L.) : 171  222 

Saint-Germain  (le  comte  de)  et  ses  réformes 229  472 

Salliiste^  Jugurtha,  p.  p.  Lallier  (Frédéric  Plessis) 221  438 

Sauer,  Edition  d'Ewald  de  Kleist 217  418 

ScHLiTTER,  l'Autriche  et  les  Etats-Unis,  1778-1787 20S  877 

ScHROER,  Gœthe  et  l'amour  (A.  Chuquet). 200  352 

—  Editions  de  Gœthe 200  354 

ScHucHARDT,  Slavo-allemand  et  slavo-italien  (L.  L.) i63  190 

ScHwicKERT,  De  la  paix  entre  la  philosophie  et  la  religion 

positive  (M.  V.) 191  294 

—  De  rimportance  de  l'enseignement  du  grec  (Salomon 
Reinach) 220  437 

Sébastian,  L'organisation  du  patronat  chez  les  Romains 

(R.  Cagnat) 146  i36 

Sedidius,  p.  p.  Huemer  (Salomon  Reinach) 216  414 

Serviiis,  Commentaire  de  l'Enéide  p.  p.  Thilo,  II  (E.  Tho- 
mas)  , 140  1 20 

Shakspeare  et  la  jurisprudence i52  157 

Simon  de  Montjort^  comte  de  Leicester i33  93 

Smith  (miss  Lucy  Toulmin),  les  Mystères  d'York  (J.  J.  Jus- 

serand)...- 22S  466 

Spengler,  Wolfgang  Schmcltzl  (A.  Chuquet) 212  396 

Stangl,  Commentaire  de  Boèce  sur  les  Topiques  (0) i56  167 

Steiner,  Edition  des  œuvres  scientifiques  de  Gœthe  (A.  Chu- 
quet)   200  355 

Stern  (de),  L'hégémonie  iacédémonienne  et  thébaine  (Paul 

Girard) 1 3 1  86 

Stieve,  La  politique  de  la  Bavière,  09 1-1067  (R.) 120  3i 

T'jciYe  et  le  Dialogue  des  orateurs i5i  î55 

Taensa  (le)  et  les  travaux  dont  il  a  été  l'objet  (Victor  Henry).  164  197 
Thilo,  Commentaire  de  Servius  sur  l'Enéide,  II  (E.  Tho- 
mas) .. . , 140  120 

Thomas  (Ant.),  Jean  de  Montreuil  (Ch.  J.). 119  27 


:Cir  TABLE    DES    MATIERES 

art.  pages 

rzïe-i/v^,  XXXI-XXXV,  p.  p.  Madvig i5y  182 

TouBiN,  Dictionnaireétymologiqueet  explicatif  de  la  langue 

française  (A.  Dclboulle) 166  204 

TouRNiER  (Ed.),  2*^  édition  des  Dialogues  des  morts  de  Lu- 
cien....-  <• i3o  85 

Valory,  ses  Mémoires 206  376 

Viennoises  (réimpressions),  I-VI  (A.  Chuquet) 212  SgS 

Vivonne  (Jean  de) 1 38  112 

Voltaire,  Bibliographie  de  ses  œuvres 175  235 

Voltaire,  L'Essai  sur  les  mœurs 143  126 

Von  der  Goltz,  Rossbach  et  léna  (A.  Chuquet) 235  488 

Waniek,  Pyra  et  son  influence  (A.  Chuquet.) 217  419 

Washietl,  Les  Comparaisons  d'Ovide  (W.  Zingerlc) 1 14  6 

Weinitz,  La  bataille  de  Nordlingue  (C.) 224  447 

Willems,  Le  sénat  de  la  république  romaine  (C.  Jullian)..  i55  166 

WiNKLER,  L'ouralo-altaïque  et  ses  groupes  (V.  Henry)  ....  226  461 
Witt  (de),   Un  patricien   au    xvii^   siècle,  Louis   de   Geer 

(T.  de  L.) 142  124 

York  de  Wartenbourg,  Napoléon  général,  I  (A.  Chuquet).  235  497 
ZiMMERN,  Les  psaumes  de  pénitence  des  Babyloniens  (J.  Ha- 

lévy).. 126  6ï 


TABLE  PAR  ORDRE  DE  MATIÈRES 
Langues  et  littératures  orientales. 

Bergaigne,    Manuel  pour  étudier  la  langue  sanscrite  (A. 

Barth) 168  21 3 

Derenbourg(H.)  et  SpiRo,  Chrestomathiearabe.  (R.  Duval.)  176  245 

Duka,  Vie  et  œuvres  de  Csoma.  (L.  Feer.) 1 34  i  o  r 

431 

HoMMEL,  La  langue  suméro-accadienne.  (J.  Halévy.) 122  45 

Jensen,  Une  tablette  assyrienne.  (J.  Halévy.) 126  61 

Lanman,  Textes  sanscrits.  (A.  Barth.) 168  216 

Lyall,   Etudes   sur   les  mœurs   religieuses  et   sociales  de 

l'Extrême-Orient 134  i65 

ZiNGUERN,  Les  psaumes  de  pénitence  des  Babyloniens.  (J. 

Halévy.) , 126  61 


Linguistique. 


Brug.mann,  De  l'état  actuel  de  la  linguistique.  (V.  Henry.). 
Gerber,  Le  langage  comme  art.  —  Le  langage  et  la  réco- 


145 


-0"D^ 


33 


TABLE    DES    MATIERES  XIII 

art.  pages 

gnition.  (V.  Henry.) 1 84  269 

Haumonté,  Parisot,  Adam,  Brinton,  Fr.  Mûller,  Le  Taensa. 

(Victor  Henry.) 1 64  197 

Moratti,  Arménien  et  indo-européen.  (V.  Henry.) 236  5oi 

OsTHOFF,  De  riiistoire  du   parfait  dans  les  langues  indo- 
germaniques. (V.  Henry.) 149  i-,'9 

ScHUCHARDT,  Slavo-allcmand  et  slavo-italien.  (L.  L.) \65  190 

WiNKLER,  L'ouralo-altaïque  et  ses  groupes.  (V.  Henry.)...  226  461 


Epigraphic. 

Corpus  des  Inscriptions  latines  VI,  p.p.  Bormann,  Henzen, 

HuLSEM.  (R.  Mowat.) iC5      200 

Dittenberger,  Recueil  d'inscriptions  grecques.  (B,  Haus- 

EouUier.  ) 112  i 

Esperandieu,   Epigraphie  des  environs  de  Kef.   (Salomon 

Reinach.).,.; ^79      =52 

HuBNER,  Spécimens  d'épigraphie  latine.  (R.  Mowat.) io5      200 

Institut  archéologique  américain  d'Athènes,  I.  (Salomon 

Reinach.) i39      117 

Latychew,    Inscriptions  grecques  et  latines  du  littoral  du 

Pont-Euxin.  (Théodore  Reinach,) 23o      481 

MowAT,  Remarques  sur  les  inscriptions  antiques  de  Paris.  211  891 
Pauli,  Les  inscriptions  en  nord-étrusque.  (Michel  Bréal.).     232      484 


Histoire  grecque. 

Droysen,  Histoire  de  l'hellénisme,  III.  (P.  G.) 2o3  365 

HAUssouLLiER,LaviemunicipaleenAttique.  (PaulGuiraud.)  2i5  4i3 
Neumann  et  Partsch,  Géographie  physique  de  la   Grèce. 

(Paul  Girard.), , , 116  21 

Pflugk-Hauttung  (de),  Périclès  général.  (Paul  Girard.). . .  127  71 
Stern  (de).  L'hégémonie  lacédémonicnne  et  thébaine.  (Paul 

Girard.) i3(  86 


Histoire  romaine. 

Allard,  Histoire  des  persécutions  pendant  les  deux  premiers 
siècles  d'après  les  documents  archéologiques.  (G.  Lacour- 
Gavet.) 222      <i2o 

CuQ,  Le  conseil  des  empereurs,  d'Auguste  à  Diociétien.  (G. 


XIV 


TABLE    DES    MATIERES 


crt 


JuUian.) i35 

Kraner,  L'armée  romaine  au  temps  de  César.  (R.  C.) 1 70 

Sébastian,  ^organisation   du   patronat   chez  les  Romains. 

(R.  Gagnât.) 1 46 

WiLLEMs,  Le  sénat  de  la  republique  romaine.  (C.  Juliian.)  i55 


pages 
104 


i36 

1Ô6 


Langue  et  littérature  grecques. 


Flach,  Edition  de  la  Chronique  de  Paros.  (Paul  Girard.). .  149 

Hersel,  Les  citations  du  pseudo-Longin.  (A.  Gr.) 23  1 

HiLDEBRAND,  (Hugo),  L'opiuiou  d^Aristote  sur  le  libre  arbi- 
tre. (Théodore  Reinach.) 287 

Jamblique,  Vie  de  Pythagore,  p.p.  Nauck.  (A,  M.  Desrous- 

seaux.) 2 1  u 

KocK,  Fragments  des  comiques  attiques,  II.  (H.  Weil.),..  i85 
Lucien,  Dialogues  des  morts,  p.  p.  Tournier  et  Desrous- 

SEAUX.  (Em.  Baudat.) , 1 3o 

Palamas,  Prosopopée,  p.  p.  Jahn.  (Em.  Baudat.) 177 

ScHWiCKERT,  De  l'importance  de  l'enseignement  du  grec. 

(Salomon  Reinach.) 220 

Langue  et  littérature  latines. 

Abraham,  Etudes  sur  Plante.  (Louis  Duvau.) 1 13 

Augustin,  Extraits  par  Eugippius,  p.  p.  Knoell.  (Salomon 

Reinach.) 216 

BiRT,  Le  livre  chez  les  anciens.  (Em.  Thomas.). i32 

Cicéron,  Le  pro  Roscio,  p.  p.  Landgraf.  (Em,  Thomas.).  128 
Kleiber,  Ce  que  Tacite  doit  dans  le  Dialogue  des  Orateurs 

aux  auteurs  précédents.  (E.  T.) 1 5  r 

KvicALA,  Contributions  à  l'explication   de  FEnéide.  (Em. 

Thomas.) 1 1  y 

Lucrèce,  V^  livre,  p.  p.  Benoîst  et  Lantoine.  (Fr.  Piessis.)  178 

Madvig,  Adversaria  critica i5g 

—  Tite-Live,  XXXI-XXXV.  (A.  M.  Desrousseaux.) 159 

Mamert,  p.  p.  Engelbrecht.  (Salomon  Reinach.) 216 

MûLLER,  Manuel  de   l'Antiquité   classique,    I.  (Salomon 

Reinach.) 173 

—  II,  2.  (Salomon  Reinach.) 227 

Salluste,  Jugurtha,  p.  p.  Lallier.  (Frédéric  Piessis.) 221 

Sedulius,  p.  p.  HuEMER.  (Salomon  Reinach.)., 216 

Servius,  Commentaire  de  l'Enéide,  p.    p.  Thilo,   II.  (E. 

Thomas.) 140 


00 

484 

5o2 

389 
275 

85 
249 

437 


414 

87 

71 
r  55 

21 

25o 
i8t 
182 
414 

229 
463 
438 
414 

120 


TABLE    DES    MATIERES  XV 

srr  papes 

Stangl,  Commentaire  sur  les  Topiques.  (0.) • i56  167 

Washietl,  Les  comparaisons  d'Ovide,  (W.  Zingerle.) 114  6 


Droit  grec  et  romain. 

Baunack  (J.  et  Tii  ),  L'inscription  de  Gortyne.  (M.  Bréal.)  192  294 

BûcHELER  et  Zitelmann,  Le  droit  de  Gortyne.  (M.  Bréal.]. .  192  294 

—  (Théodore  Reinach.) =  , i'j5  Siy 

Comparetti,  Lois  anciennes  sur  !a  ville  de  Gortyne.  (M. 

Bréal.) 192  294 

Dareste  (R.),  La  loi  de  Gortyne.  (M.  Bréal.) j 92  294 

Heisterbergk,  Le  jus  italicum.  (Edouard  Cuq.) 198  341 

Lewv,  L'ancien  droit  de  Gortyne.  (M.  Bréal.) 192  294 

—  (Théodore    Reinach.) 195  3iy 


Histoire  du  moyen  âge. 

Bémont,  Simon  de  Montfort.  (J.  J.  Jusserand.) i33  93 

Douais,  Les  frères  prêcheurs  en  Gascogne  au  xni''  et  xiv"  siè- 
cle. (A.  Molinier.) 239  5o6 

GiRY,  Les  établissements  de  Rouen.  (J.  Havet.) 147  137 

Havet  (J.),  Questions  mérovingiennes,  I,  la  formule  v.  inl. 

(H.  d'Arbois  de  Juhainville.) , 118  24 

Prou,  Les  coutumes  de  Lorris.  (Louis  Farges.) 141  122 


Histoire  des  temps  modernes. 

Batz-Trinquellkon,  Henri  IV  en  Gascogne.   (T.  de  L.) . . .  193  299 

Bekker,  Marie  Stuart,  Darnley,  Bothwell.  (R.) 116  9 

Bezold,  Lettres  du  palatin  Jean  Casimir,  L  (R.) 174  233 

Brémond  d'Ars,  (de),  Jean  de  Vivonne.  (E.  B.) i3S  112 

Catt  [dt].  Entretiens  avec   Frédéric   II,  p.   p.   Koser.  (A. 

Chuquet.) 194  3o5 

Davout^Sa  correspondance,  p.  p.  de  Mazade.  (A.  Chuquet).  241  5i3 
Des  Robert,  Correspondance  du  duc  de  Lorraine  Nicolas 

François.  (T.  de  L.) 162  190 

DuRUY  (Alb.)  Hoche  et  Marceau.  (A.  Chuquet.) 129  73 

Dussieux,  Lettres  intimes  de  Henri  ÎV,  2^  édition.  (T.  de  L.)  193  3oi 
Etat-major  allemand,  publications  historiques,   I-VI.  (A. 

Chuquet.) 235  491 

Fredericq,  Travaux  de  l'Université  de  Liège.  (R.) i53  160 


XVI  TABLE    DES    MATIERES 

art.  pages 

Geley,  Fancan  et  la  politique  de  Richelieu.  (R.) i8i  i'55 

Glaeser,  Liibeck  et  Ratekau,  1806 207  877 

GuYAZ,  Histoire  des  institutions  municipales  de  Lyon  avant 

1789.  (L.  Clédat.) 1S7  282 

KiNDLER  DE  Knobloch.  Le  livrc  d'or  de  Strasbourg.  (S.)....  180  254 
Lantenay  (de),  Mélanges  de  biographie  et  d'histoire.  (T. 

de  L.) 2o5  367 

Leher,  Lettre  d'un  capitaine  de  cuirassiers  sur  la  campagne 

de  Russie , , 202  357 

Lufft,  La  prise  du  Schanzel.  —  La  campagne  de  1793.  (C.)  214  403 
Martel  (de),  Les  historiens  fantaisistes,  M.  Thiers,  II,  La 
pacification  de  l'Ouest  et  la  machine  infernale.  (A.  Chu- 

quet.) , 197  33o 

Mention,  Le  comte  de  Saint-Germain  et  ses  réformes.  (A. 

Chuquet.) 229  472 

MiRON  DE  l'Espinay,   François  Miron  et  l'administration 

municipale  de  Paris  sous  Henri  IV.  (P.  B.) 223  444 

MoNTAGNAC  (de),  Lettres  d'un  soldat.  (C.) 219  429 

NiLLEs,  Etienne  de  Moldavie.  (Emile  Picot.) 1 1  5  8 

Pajol,  Les  guerres  sous  Louis  XV.  II 1.  (C.) 201  356 

Paris  (Paulin),  Etudes  sur  François  I<^'",  roi  de  France,  sur 

sa  vie  privée  et  son  règne.  (T.  de  L.) 196  3 2 1 

Peukert,  Mémoires  du  marquis  de  Valory 206  376 

Philippson,  Origines  du  catholicisme  moderne,  la  contre- 
révolution  religieuse  au  xvi^  siècle.  (R.) 167  2o5 

Prowe,  Copernic,  I  et  II.  (R.) 137  109 

Rahlexbeck,  Metz  et  Thionville  sous  Charles-Quint.  (R.).  161  188 
Reynald  ,    Succession    d'Espagne,    Louis    XIV   et   Guil- 
laume III.  (R.) 144  128 

RoGET,  Histoire  du  peuple  de  Genève,  VII.  (R) i23  5o 

RuBLE(de),  Antoine  de  Bourbon  et  Jeanne  d'Albret.    (T. 

de  L.) i 171  222 

ScHLiTTER,  L"Autriche  et  les  Etats-Unis,  1778-1787 208  377 

Stieve,  La  politique  de  la  Bavière,  1591-1607.  (R.) 120  3i 

VoN  DER  GoLTZ,  Rossbach  et  léna.  (A.  Chuquet.) 235  488 

Weinitz,  La  bataille  de  Nordlingue.  (C.) 224  447 

WiTT  (de),  Un   patricien  au  xyiii^  siècle,  Louis   de  Geer. 

(T.  de  L.) , 142  124 

York  de  Wartenbourg,  Napoléon  général,  I.  (A.  Chuquet.)  233  497 


Langue  et  littérature  françaises. 

Armitage,  Sermons  du  xii^  siècle  en  vieux  provençal.  (Ant. 
Thomas.) 157      168 


I 

I 


TABLE    DES    MATIERES  XVII 

art.        pages 

Bengesco,  Voltaire,  Bibliographie  de  ses  œuvres,  II,  (M. 

Tourneux.) 1/5      255 

Caillemer  ,    Lettres   de  divers  savants   à  l'abbé   Nicaise. 

(T.  de  L.) i85      283 

Desnoiresterres,  La  Comédie  satirique  au  xviii^  siècle.  (M. 

Tourneux.) 182      258 

Godefroy,   Dictionnaire   de   l'ancienne   langue   française, 

lettre  F.  (A.  Jacques.) 160      1 8 5 

—  Lettres  G  et  H.  (A.  Jacques.) . . . , 218     426 

Hagmann,  L'Essai  sur  les  mœurs  de  Voltaire  (Ch.  J.) 143      126 

Leroux,  MoLiNiER  et  A.  Thomas,   Documents  historiques 

bas-latins  provençaux  et  français.  (A.) i36      107 

Maj^nard,  Œuvres  poétiques  p.  p.  Garrisson,  I.  (A.  Del- 

boulle.) i58      169 

Thomas  (Ant.),  Jean  de  Montreuil  (Ch.  J.) 119        27 

TouBiN,  Dictionnaire  étymologique  et  explicatif  de  la  langue 

française.  (A.  Delboulle.) 166      204 


Langues  et  littératures  germaniques. 

DûNTZER,  Gœthe  et  Weimar.  (A.  Chuquet.) , 200  35o 

—  Editions  diverses 200  2  33 

—  Lettres  de  Charles-Auguste  à  Knebel  et  à  Einsiedel.  (A. 
Chuquet. j 217  426 

Eraclius,  p.  p.  Graef.  (A.  Chuquet.) 204  366 

Filon,  Histoire  de  la  littérature  anglaise.  (M.  P.) 2i3  3qg 

Gaedertz,  Le  drame  de  la  comédie  en  bas-allemand.  (A. 

Chuquet.) 217  424 

Gœthe,  Gôtz  de  Berlichingen,  p.  p.  A.  Chuquet.  (E.  Lich- 

tenberger.) i25  54 

—  P.p.   E.    LlCHTENBERGER.    (A.  ChuqUCt.) 200        346 

Editions  diverses^  p.  p.    Schroer,  Steiner,    Duntzer   et 

Keck.  (A.  Chuquet.) 200      346 

Gœthe- Jahrbuch,  p.  p.  L,  Geiger,  VI.  (A.  Chuquet.) 200      35o 

HiRZEL,  Catalogue  d'une  bibliothèque  de  Gœthe.  (A.  Chu- 
quet.)      200      353 

Keil.  Des  amis  de  Vienne  1784-1808.  (A.  Chuquet.) 212     395 

iC/e/5f  (Ewald  de),  p.  p.  Sauer.  (A.  Chuquet.) 217     418 

Kluge,  Dictionnaire  étymologique  de  la  langue  allemande. 

(J.  Kirste  ) 249      5o8 

Kohler,  Shakspeare  devant  le  forum  de  la  jurisprudence. 

(Ch.  J.) i52      157 

KiiRscHNER,  Collection  de  la  littérature  nationale  allemande. 
(A.  Chuquet.) 225      448 


XVIII  TABLE    DES  MATIERES 

art.       pages 

LiTZMANN,  Liscow.  (A.  Chuquet,) , . . .  217  420 

—  Lettres  d'Anne-Marie  de  Hagedorn.  (A.  Chuquet.) 217  422 

Meissner,  Les  comédiens  anglais  en  Autriche  au  temps  de 

Shakspeare.  (A.  Chuquet.) » .  ^ 212  Sgô 

Pentzkorn,  Thomas  Abbt.  (A.  Chuquet.) 217  428 

Perry,  d'Opiiz  à  Lessing.  (A.  Chuquet.) 217  422 

ScHROER,  Goethe  et  Famour.  (A.  Chuquet.) 200  352 

Smith  (Miss  Lucy  Toulmin),  les  Mystères  d'York.  (J.  J. 

Jusscrand.) 228  466 

Spengler,  Woirgang  Schmehzl.  (A.  Chuquet.) 212  096 

Viennoises  (réimpressions),  I-VL  (A.  Chuquet.) 212  SgS 

Waniek,  Pyra  et  son  influence.  (A.  Chuquet.) 217  419 

Langues  et  littératures  slaves. 

Dobroîi'sky  et  Kopitar,  Leur  correspondance,  p.  p.  Jagic. 

(Louis  Léger.) ..,.,....  = 234     486 

Histoire  religieuse  et  théologie. 

La  foi  chrétienne    et  la    propagation    du   christianisme   à 

l'origine.  (M.  V.) 1S9      293 

Bknamozegh,  Israël  et  humanité.  (M.  V.). 190      293 

Glock,  La  question  de  la  loi  dans  la   vie  de  Jésus  et  la 

doctrine  de  Paul.  (M.  V.) 172      229 

GoBLET  d'Alviella  ,  Des  préjugés    qui    entravent   l'étude 

scientifique  des   religions.  (M.  Vernes.) 169      218 

Lechler,  L'époque  apostolique  et  l'époque  post-apostolique. 

(M.  Vernes.) 199      344 

Reinach  (Th.),  Histoire  des  Israélites.  (M.  Vernes  ) 180      278 

ScHVvTCKERT,  De  la  paix  entre  la  philosophie  et  la  religion 

positive.  (M.  V.) 191      294 

Beaux-arts. 

Bracquemond,  Du  dessin  et  de  la  couleur,  (A.  D.) 121  32 

MuNTZ,  Donatello  (P.  de  Nolhac.) 233  485 

MûNTZ,  La  Renaissance  en  Italie  et  en  France  à  Tépoque 

de  Charles  VIII.  (P.  de  Nolhac.) 124  5i 

Divers. 

BoGisic,  De  la  forme  dite  inokostinade  la  famille  rurale  chez 

les  Serbes  et  les  Croates.  (P.  Viollet.) 2  33     5o5 

Gaster,  La  littérature  populaire  roumaine.  (Em,  Picot.).»     147     H*^ 


TABLE    DES   MATIERKS  XÎX 

art  pagijs 

Harrisse,  Grandeur  et  décadence  de  la  Golombine.  (A.  O  )      i83  260 

HoHENBQHEL  (de),  Sur  ie  Tyrol .,.,....     209  1^78 


CHRONIQUE 

Ancona  (d'),  Turin  et  Paris  en  164.3 , 2qr 

Ancre  (maréchal  d'),  travaux  de  MM.  Pouy  et  Danicoukt,  519 
Andrieu,  Les  Agenais  Rigal  et  Roux  et  le  charbonnier  Cap- 
chicot.  (T.  de  L.) 17 

Annuaire  de  la  Société  historique  de  Berlin,  IV.. 433 

Antonovitch,  Monographies  sur  l'histoire  de  la  Russie  occi- 
dentale, I 291 

Aussy  (Denis  de),  Un  château  de  Sainlonge 433 

Baguenault  de  Puchesse,  La  campagne  du  duc  de  Guise 

dans  l'Orléanais.  (T.  de  L.) 1 8 

Bailleul,  Louis  Ferdinand. 435 

Bazin,  Le  Galet  inscrit  d'Antibes 81 

Brunet  (Gust.),  Les  supercheries  typographiques,  essai  bi- 
bliographique. (T.  de  L.) ig4 

Bulgarie  (nouvelles  de) , 268 

Castei.bajac  (de),  Le  second  mariage  du  premier  duc  d'É- 

pernon.  (T.  de  L.) i53 

Cercle  Saint-Simon., 1 3o 

Chabaneau,  Poésies  inédites  de  troubadours  du  Périgord, 

(T.  de  L  ) 3(j3 

Chardon,  La  vie  de  Tahureau,  documents  inédits.  (T.  de 

^v -  '  ■. DbO 

Charvériat,  Philippe  Lang 36 

CoMMUNAT,  Jean  des  Moutiers  de  Presse,  évéque  de  Bayonne. 
(T.  deL.) i63 

CoNDAMiN  et  Langlois,  Histoire  de  Saint-Bonnet-le-Château. 
(T.  de  L.) 211 

Corpus  des  écrivains  ecclésiastiques  latins  publiés  par  l'A- 
cadémie de  Vienne.  (P.  A.  L  ) 82 

CoTTiN,  Revue  rétrospective ..» 226 

CouRAJOD,  La  part  de  l'art  italien  dans  quelques  monu- 
ment de  peinture  de  la  première  Renaissance  française. .  1 15 

Darmesteter  (J.),  Le  mahdi  depuis  les  origines  de  l'Islam 
jusqu'à  nos  jours. ,..,.,,., 38 

DgcK.\a.ME,  Mythologie  de  ia  Grèce  antique,  s"  édition , , . . ,  2S9 


XX  TABLE    DKS    MATIICRES 

pages 

Delboullk,  Quelques  notes  sur  rédition  de  La  Fontaine, 

tome  II,  par  H.  Régnier 33 

Delisle  (L.),  Le  testament  de  Blanche  de  Navarre 210 

—  Discours  prononcé  à  l'assemblée  générale  de  la  Société 

de  rhistoire  de  France,  26  mai  i885. 210 

Derenbourg,  seconde  partie  de  la  grammaire  arabe  de  Si- 

bawaîhi 4^8 

DoNNADiEU,  Le  budget  de  Béziers  en  1620.  (T.  de  L.) 18 

DupuY,  Les  grands  maîtres  de  la  littérature  russe.  (L.  Lé- 
ger.)   147 

Egger  (Emile),  discours  prononcés  à  ses  funérailles 225 

Fagniez,  Édition  du  Livre  de  raison  de  M'  Nicolas  Varsoris.  5  1 8 

—  Une  biographie  inédite  du  père  Joseph 5  19 

Faguet,  Corneille  et  La  Fontaine i  5 

Falloux  (de),  Études  et  souvenirs,  2^  édition 458 

Flammermont,  Relations  inédites  de  la  prise  de  la  Bastille..  Sy 

—  L'expansion  de  T Allemagne 1 3o 

Fredericq,  L'enseignement  supérieur  de  l'histoire  en  Ecosse 

et  en  Angleterre 291 

Fritsche,  Œuvres  choisies  de  Mirabeau 3 1 5 

Gaidoz,  Ses  adieux  à  la  Revue  celtique 102 

Gasquet,  Précis  des  institutions  politiques  et  sociales  de 

l'ancienne  France 404 

Gasté,  Correspondance  de  Huet  et  du  P.  Martin 458 

Ga:{ette  archéologique 114,  267, 459 

Gélineau,  Blaye  en  1814.  (T.  de  L.) .  290 

GiRY,  Documents  sur  les  relations  de  la  royauté  avec  les 

villes  en  France  de  j  1 3o  à  1 3 14 19 

Grammont  (de).  Les  consuls  lazaristes  et  le  chevalier  d'Ar- 

vieux 289 

Grandeur  et  décadence  de  la  Colombinc,  2"  édition 240 

Grèce  (nouvelles  de) 195,  459 

Halphen,  Lettres  inédites  du  roi  Henri  IV.  (T.  de  L.). . ..  406 

Hatin,  Une  brochure  sur  Renaudot 179 

Heautontimorumenos  (!')  de  Térence,  p.  p.  Wagner 519 

Henry  (Ch.),  Rouelle  et  Diderot 1 3o 

—  Casanova  et  Catherine  II 267 

Howard  Collège  (le)  et  renseignement  du  français.  (A.  D.).  82 

Ingold,  L'Oratoire  et  la  Révolution.  (T.  de  L.) 211 

Jadart,  Dom  Mabillon  et  la  réforme  des  prisons 4o5 

Jessen  (J.),  Apollonius  de  Tyane  et  son  biographe  Philos- 
trate. (P.  A.  L.) 59 

JouBERT  (André),  Brochures  diverses.  (T.  de  L.) 16 

—  Un  mariage  seigneurial  sous  Louis  XV 

—  Histoire  de  saint  Denis  d'Anjou.  (T.  de  L.) 4^3 


TABLli    DES    MATIÈRES  XXI 

JuLLiAN,  Les  antiquités  de  Bordeaux , 1 15 

Legrand,  Bibliographie  hellénique  ou  description  raisonnée 
des  livres  publiés  en  grec  par  des  Grecs  aux  xv^  et  xvj"  siè- 
cles    5  1 S 

Lehugeur,  La  traduction  de  Perse  et  les  exemples  attribués 

à  Bossuet  par  M.  Ménard , if)2 

Lichtenberger,  Edition  nouvelle  du  G(it:[  de  Goethe 3-j 

Lisco,  La  philosophie  de  Schelling _j.35 

Loewenfeld,  Collection  de  lettres  inédites  des  pontifes  ro- 
mains.  , 82 

Marionneau,  Une  visite  aux  ruines  du  château  de  Montai- 
gne. (T.  de  L.) j  6 

MoRTET,  Maurice  de  Sully,  évêque  de  Paris,  1 1 60. 2S9 

Muller  (W.),  Histoire  du  présent,  années  i883  et  1884.,  3x6 
MuNTz,  Etude  sur  Giuliano  da  San  Gallo  et  les  monuments 

antiques  du  midi  de  la  France  au  xV  siècle 33g 

N1ZIER  DU   FuiTSPELu,  Très  humble  essai  de   phonétique 

lyonnaise^, 114 

NoLHAC  (P.  de),  Jacques  Amyot  et  le  Décret  de  Gratien...  432 
Paris  (Louis),  La  chapelle  du  Saint-Laict  dans  la  cathédrale 

de  Reims  ; 
—   Le  théâtre  de  Reims  depuis  les  origines   jusqu'à  nos 

jours.  (T.  de  L.) , . , ,  406 

Parmentier,  Art.  publiés  dans  le  Bulletin  mensuel  de  la 

Faculté  des  lettres  de  Poitiers i  i  3 

Passy  (Paul  Edouard):  sa  mission  en  Islande 81 

Pirenne,  L'organisation  des  études  d'histoire  provinciale  et 

locale  en  Belgique 82 

Plessis,  Essai  sur  Calvus 226 

Pologne  (nouvelles  de) 268 

RiESE,  L'idéal  de  justice  et  de  bonheur  et  la  vie  primitive 
des  peuples  du  Nord  dans  la  littérature  grecque  et  latine, 

trad.  par  Gache  et  Sully  Piquet 4o5 

RuELENs,  Rubens  en  Italie.  (T.  de  L.).  • , 244 

Russie  (nouvelles  de) 19,  196 

Seeck,  le  Calendrier  des  pontifes. . . . , , 38 

Sejus,  l'Origine  de  Christophe  Colomb 43 1 

Seure,  Dyspepsie  et  dyspeptiques.  (L.  P.) 36 

SiMOND;  L'Afghanistan,  les  Russes  aux  portes  de  Tlnde. . .  i3i 

Slaves  méridionaux  (nouvelles  des) 196 

Société  de  Gœthe , 98 

Société  pour  la  publication  des  œuvres  des  écrivains  reli- 
gieux de  la  Bohême 193 

Stein,  Olivier  de  la  Marche , , , , .  432 

Strauch,  Bibliographie  de  la  littérature  allemande •        290 


XXII  TABLE   DES   MATIERES 

Sybel  (de),  Histoire  de  la  Révolution  française,  lome  IV, 

traduit  par  M''^  Dosquet i  16 

Syllogue  littéraire  grec  de  Gonstantinople,  25"  anniversaire 

de  sa  fondation » 459 

Tamizey  de  Larroque,  Appel  aux  érudits 1 1 5 

—  Quelques  pages  inédites  de  Louis  de  Rechignevoisin  de 

Guron : , . .  226 

—  Salomon  Azubi,  rabbin  de  Carpentras 4o5 

—  Lettres  de  Guillaume  d'Abbatia  à  Peiresc 4o5 

Wachsmuth,  Gorpusculum  poesis  epicae  graecae  ludibun- 

dae , 435 

Vandal,  Le  pacha  Bonneval i3o 

Vidal,  Les  manuscrits  provençaux  de  la  Méjane.  (T.-  de  L.).  3i6 


VARIETES 


Chuquet(A.),  Un  détail  biographique  relatif  à  Marceau..  97 

—  Une  trouvaille  de  l'Intermédiaire^  le  rôle  de  Lactos  en 

1792, 3 10 

Clermont-Ganneau,  Notes  d'archéologie  orientale; 

—  XXIII,  un  nouveau  titulus  funéraire  de  Joppé 14 

—  XXIV,  Le  mot  «  chillek  »,  sauver,  en  phénicien  et  dans 

Tarabe  vulgaire 58 

—  XXV,  Le  sceau  d'Abdhadad 171 

—  XXVI,  Segor,  Gomorrhe  et  Sodome 172 

Harrisse,  Toujours  la  Colombine 78 

Henry  (Ch.),  Voltaire  et  le  cardinal   Quirini  d'après   des 

documents  inédits , . , 358 

Lejay,  Les  manuscrits  de  l'abbé  Nicaise. 333 

Omont,  Paul  Louis  Courier  et  la  tache  d'encre  du  manus- 
crit de  Longus  de  Florence 378 

Tamizev  de  Larroque,  L'acte  de  décès  de  Scipion  Dupleix.  209 

—  Lettres  d'un  oflicier  républicain  sur  Charette  et  autres 
Vendéens 263 

—  Les  lettres  de  Fénelon  à  la  Quirinienne 237 


THESES    DE    DOCTORAT 

Décrue,  Le  Conseil  du  roi   sous  François   I   et  Anne  de 

Montmorency 17^ 


Il 


TAIÎLE  DES   MATIERES  XXIII 

pages 

Thirion  (M.),  Des  cités  fondées  par  les  Grecs  en  Chersonèse 
et  Etude  sur  le  protestantisme  à  Metz  et  dans  le  pays 
messin , . . .  e , 3  r  2 


NOTICES   NECROLOGIQUES 

Léon  Renier  (Ant.  H.  de  V.). .... . .,...,.., ,..  41 

CORRESPONDANCES 

Lettre  de  M.  Duka 481 

Lettre  de  M.  Théodore  Reinach 4o3 

Note  de  M.  Jahn  . , , 388 


PERIODIQUES 

A  N  A  L  V  s  ti  s     SUR     LA     COUVERTURE 


ANGLAIS 


TJie  Academjr,  n"  685-710,  20  iuin-12  décembre  i885. 
The  Athenaeiim,  n"  3oo8'-3o33,  20  juin- 12  décembre  i885. 


ALLEMANDS 

Altpreussische  Monatsschrift^  lîI-VI''  fascicules. 

Berliner  philologische  Wochenschrift,  n°  25-47,  "^^  juin-22  novem- 
bre i885. 

Deutsche  Literatur^eîtiing ,  n°  25-48,  20  Juin-28  novembre  i885. 

Gijttingische  gelehrte  An-eigen^  xf  i3-23.  i  juillet-i5  novembre  i885. 

Literarisches  Centralblatt,  n"  26-5 1,  20  juin-12  décembre  i885. 

Theologische  Liîeratur^eitung,  n°  i3-23,  27  juin-14  novembre  i885. 

Wochenschrijt  fiir  classische  Philologie,  w^  32-44,  5  août-28  octo- 
bre i885. 

Zeitschriftfiir  kaîholische  Théologie,  IV«  fascicule. 

BELGES 

Revue  de  Vinstniction  publique  (supérieure  cl  moyenne)  en  Belgique^ 
tome  XXVIII,  3'=  livraison. 

LE    rUY,    IMPRIMERIE   MARCHESSOU    FILS,    DOULEVARD    SAINT-LAURENT,    23. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    Ei    DE    LITTÉRATURE 


N»  27  -  6  juillet  -  1885 


Soniinuii'e  î  ii2.  Dittenuerger,  Recueil  d'inscriptions  grecques.  —  1 13.  Auraham, 
Etudes  sur  Plaute. —  1 14.  Washietl,  Les  comparaisons  d'Ovide.  —  ii5.  Nilles, 
Etienne  de  Moldavie.  —  116.  Bekkku,  Marie  Stuart,  Darniey,  Bothwell.  — 
Variétés  :  Clermont-Ganneau,  Notes  d'archéologie  orientale,  XXllI  :  un  nouveau 
titulus  funéraire  de  Joppé.  —  Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions.  — 
Société  des  Antiquaires  de  France. 


112.  —  W.  Dittenberger.  Sylloge  iinsci-ij>tio«iutiî  jji-îxîcarajiî.  Leipzig.  S.  Hir- 
zel,  i883.  2.  vol.  in-8,  8o5  pages.  Prix  :  16  mark. 

Quand  M.  Ditrenbei-ger,  qui  venait  d'éditer  le  troisième  volume  du 
Corpus  inscriptioniim  atticarum,  entreprit  cet  ouvrage,  il  n'existait 
pas  encore  de  recueil  d'inscriptions  giecques,  analogue  au  recueil  d'insc. 
latines  de  Wiimans.  M.  H.  Droysen  n'avait  réuni  que  quelques  insc, 
uttiques  (5y//o^e  itiscriptiomim  atticarum  in  iisum  scholarum  acade- 
micarum,  Berlin,  G.  Reimer,  1878)  :  encore  ce  recueil  où  les  textes 
sont  donnés  en  caractères  épigraphiques,  sans  le  moindre  commentaire, 
ne  pouvait-il  rendre  que  très  peu  de  services.  Dans  son  Manuel  (^1  jua- 
nual  oj  Greek  historical  inscriptions,  Oxford,  Clarendon  Press,  1882), 
M,  E.  L.  Hicks  n'avait  inséré  que  des  insc.  historiques,  se  réservant, 
s'il  le  jugeait  utile,  de  consacrer  un  second  volume  aux  textes  épigra- 
phiques d'un  autre  ordre.  L'ouvrage  de  M.  D.  peut  donc  être  consi- 
déré comme  le  premier  recueil  méthodique  d'insc.  grecques,  destiné  à 
aider  à  l'intelligence  des  institutions  de  la  vie  publique  et  de  la  vie  pri- 
vée chez  les  Grecs.  Par  le  classement  et  le  choix  des  insc,  par  la  mé- 
thode suivie  pour  la  transcription  et  l'explication  des  textes,  par  ses 
Indices,  le  recueil  de  M.  D.  est  appelé  à  rendre  de  très  grands  services. 

Il  comprend  des  insc.  de  tous  les  pays  qui  étaient  habités  par  les 
Grecs  avant  l'époque  d'Alexandre  :  l'Asie  (à  l'exception  de  la  côte  de 
1  Asie  Mineure),  l'Egypte,  les  provinces  septentrionales  et  occidentales 
de  l'empire  romain  n'y  sont  donc  pas  représentées.  M.  D.  a  écarté  en 
outre  les  insc.  métriques,  pour  ne  pas  faire  double  emploi  avec  le  re- 
cueil de  Kaibel,  et  tous  ceux  des  textes  dont  l'intérêt  est  plutôt  dans  les 
tormes  dialectales  qu'ils  renferment  :  telles  sont  la  plupart  des  insc. 
béotiennes,  que  l'on  peut  consulter  dans  le  très  utile  recueil  deW.  Lar- 
feld  {Sylloge  inscriptionum  bœoticarum  dialectum  populareni  exhi- 
bentium,  Berlin,  G.  Reimer,  i883). 

Les  insc.  dans  le   premier  volume  sont  chissées  par  ordre  chronolo- 

Nouvelle  série,  XX.  '  27 


2  RKVUE    CRITIQUE 

giquc  et  rapportées  à  quatre  époques  :  I.  [Delà  première  moitié  du 
V-  siècle]  à  la  fin  de  la  Guerre  du  Péloponnèse  [n^^  1-47)-  H.  De  la 
fin  de  la  Guerre  du  Péloponnèse  à  la  mort  d'Alexandre  [n."^  48- i  17). 

III.  De  la  mort  d'Alexandre  à  la  destruction  de  Corinthe  {w^^  1 1 8-235). 

IV.  Époque  romaine  (n"*  236-293).  —  Les  insc.  du  second  volume  sont 
classées  dans  trois  chapitres  avec  les  subdivisions  suivantes.  I.  Res  pu- 
BLic/E  (294-354I.  —  I.  Reipiiblicœ  forma  ac  partes^  urbis  et  agri  ter- 
mini.  2.  Civium  et  peregrinorum  honores  et  privilégia.  3.  Senatus, 
magistratus,  judicia.  4.  Varia.  II.  Res  sacr.î;  (355-432).  i.  Templa 
et  delubra,  simulacra,  donaria,  supellex  sacra.  2.  Sacerdotia.  3. 
Sacrificia,pompœ,  mysteria  aliœque  cœrimoniœ.  4.  Certamina  gymni- 
ca,  musica.,  scœnica  5.  Varia.  III.  Vita  Privata  (433-470). 

Ainsi  le  premier  volume  comprend  surtout  des  insc.  historiques,  le 
second  des  textes  destines  à  faire  connaître  le  détail  des  institutions  pu- 
bliques et  privées  des  Grecs.  Il  n'y  a  rien  à  dire  des  divisions  du  pre- 
mier volume  :  elles  sont  suffisantes  et  M.  D.  n^ivait  pas  à  les  multiplier 
comme  dans  le  manuel  de  Hicks.  Elles  correspondent  assez  exactement 
aux  divisions  du  C,  I.  A.,  avec  la  seule  différence  que  M.  D.  a  dédou- 
blé le  tome  II  du  Corpus,  rangeant  les  insc.  en  deux  chapitres  au  lieu 
de  les  grouper  en  un  seul,  d'Euclide  ou  de  la  fin  de  la  Guerre  du  Pé- 
loponnèse à  l'Epoque  romaine. 

Dans  le  second  volume,  il  y  avait  au  contraire  intérêt  à  multiplier 
les  chapitres  et  les  titres,  pour  montrer  tout  le  parti  qu'on  peut  tirer  de; 
textes  épigraphiques,  et  peut  être  M.  D.  ne  Ta-t-il  pas  assez  fait.  Il  aurai 
pu,  par  exemple,  consacrer  à  la  Marine  et  à  l'Armée  un  chapitre  facile  à 
remplir  et  où  auraient  trouvé  place  lesn°^  352  (contrat  pour  la  construc- 
tion de  la  sheuothèque  de  Philon,  au  Pirée),  35  i  (comptes  des  épimélè- 
tes  des  arsenaux  uu  Pirée),  puis  les  insc.  éphébiques  (346-347).  Tous 
ces  textes  sont  rangés  sous  la  rubrique  Varia  :  sans  doute  il  en  est  au 
moins  un  (352)  dont  M.  \).  n''a  eu  connaissance  que  fort  tard,  lorsque 
1  impression  de  son  recueil  était  déjà  très  avancée,  puisque  Tinsc.  n'a  été 
publiée  qu'en  1882,  et  il  faut  savoir  gré  à  M.  D.  de  lui  avoir  trouvé 
une  place,  mais  pourquoi  le  n°  345  (décret  du  dème  d'Eleusis)  n^est-il 
pas  à  la  suite  des  autres  décrets  des  dèmes  (296-298)?  —  De  même  il 
eût  été  facile  de  trouver  des  subdivisions  au  m"  chapitre  (Vie  privée)^ 
par  ex.  :  Condition  civile  de  la  femme.  Dot.  —  Esclaves.  Affranchisse- 
ments.  —  Enterrements  et  deuil,  pour  ne  parler  que  des  insc.  citées  par 
M.  Dittenberger.  Ces  titres  ont  le  double  avantage  de  rendre  le  Recueil 
plus  clair  et  encore  une  fois  de  montrer  à  ceux  qui  le  consultent  que 
dMnformations  variées  nous  devons  à  l'épigraphie  :  or  il  ne  faut  pas 
oublier  que  les  recueils  de  ce  genre  sont  surtout  destinés  aux  étudiants, 
aux  tirones  pour  qui  n'est  pas  fait  le  Corpus  (Neque  enim  tironum 
usui  corpus  inscriptionum  Atticarum  condi  puto,  dit  justement  M. 
U.  Kohler  dans  la  préface  du  IP  vol.  du  C.  I.  A.,  pars  prior). 

Le  choix  des  insc.  était  l'une  des  difficultés  de  l'ouvrage  :  il  suffit  de 


D  HIsrOIRK    ET    ûïï    LÎTTEKATUUE  5 

rappeler  qu'il  y  a  près  de  2  5ooo  insc.  grecques,  groupées  dans  les 
grands  recueils  bien  connus  ou  dispersées  dans  des  revues  et  des  jour- 
naux de  toute  sorte,  pour  comprendre  l'embarras  de  l'auteur.  11  ne  faut 
pas  non  plus  demander  à  un  recueil  général  comme  celui-ci  tout  ce 
qu'on  est  en  droit  d'exiger  d'un  recueil  spécial  comme  ceux  de  Cauer, 
de  Hicks  ou  de  Kaibel.  Lors  même  qu'on  n'y  signalerait  pas  de  lacu- 
nes, on  est  toujours  tenté,  selon  ses  études  particulières,  de  criti- 
quer la  parc  faite  aux  différentes  matières  et  la  proportion  des  divers 
chapitres.  Même  avec  toutes  ces  réserves,  le  livre  de  M.  D.  n'échappe 
pas  à  la  critique. 

Comme  de  juste,  les  insc.  de  l'Attique  sont  de  beaucoup  les  plus 
nombreuses  :  ce  sont  sans  contredit  les  plus  intéressantes  et  les  plus 
utiles.  Elles  remplissent  presque  en  entier  les  trois  premières  parties  du 
premier  vol.  Elles  sont  un  peu  moins  nombreuses  dans  le  second,  qui 
semble  avoir  été  composé  plus  vite.  M.  D,  nous  avertit  dans  la  Préface 
que,  retardé  par  la  maladie  et  de  nombreuses  occupations,  il  a  dû  plus 
d'une  fois  interrompre  son  livre  :  c'est  ce  second  vol.  qui  en  a  souffert, 
comme  on  a  déjà  pu  le  voir  par  les  observations  précédentes.  Ainsi  les 
actes  d'affranchissement  de  Delphes  y  occupent  une  trop  grande  place  : 
des  38  insc.   du  chap.  sur  la  Vie  privée,  22  sont  des  actes  de  Delphes! 
sans  doute  ils  diffèrent  les  uns  des  autres  par  quelque  côté,  mais  ce  sont 
des  détails  qu'il  aurait  fallu  sacrifier  à  des  textes  plus  importants.  Les 
insc.  juridiques  ne  sont  pas  suffisamment  représentées  :  le  n»  344  (loi 
éphésienne  sur  des  créances  hypothécaires)  et  quelques  enseignes  hypo- 
thécaires (434  et  suiv.)  ne  nous  donnent  du  régime  de  la  propriété  fon- 
cière qu''une  idée  imparfaite.  Si  M.  D.  voulait  écarter  la  longue  insc. 
d'Héraklée(C.  1.  G.,  5774,  37751,  il  pouvait  au  moins  citer  quelques 
passages  de  l'insc.de  Tinos  [îbid.,  2338),  certainement  plus  intéressante 
que  celle  d'Amorgos  (no  408  ').  De  même,  M.  D.  pouvait  citer  d'autres 
contrais  de  vente  que  le  n»  440.  —  Dans  le  chap.  sur  la  Marine  et  l'Ar- 
mée dont  il  a  été  parlé  plus  haut,  auraient  pris  place  des  catalogues  mi- 
litaires —  dût   M.  D.  traduire  en  langue  commune  un  des  nombreux 
catalogues  béotiens  —  et  des  décrets  de  clérouques.  —  Enfin  aux  textes 
éphébiques,  il  eût  fallu  ajouter  le  n»  du  Corpus  [C.  LA.  II,  992)  où 
M.  Koumanoudis  a  cru  reconnaître  une  de  ces  listes  de  livres  que  les 
éphèbes  athéniens  donnaient  à  la  Bibliothèque   du  Gymnase  au  sortir 
de  l'éphébie.  Je  n'insiste  pas  sur  ces  observations   :  les  lacunes  sont  en 
effet  inévitables  dans  les  recueils  de  ce  genre. 

Il  n'y  a  qu'à  louer  la  méthode  suivie  pour  la  transcription  et  l'expli- 
cation des  textes.  Chaque  insc.  a  son  numéro  qui  se  détache  nettement 
et  qui  est  reproduit  au  haut  de  la  page,  en  face  du  chiffre  de  la  page. 
Après  le  n**  est  un  sommaire  contenant  des  renseignements  sur  la  ma- 

1.  Il  est  vrai  que  M.  D.  avait  terminé  son  recueil  quand  M.  Newton  donna  dans 
le  second  vol.  des  Insc.  Grecques  du  Musée  Britannique,  un  texte  de  l'insc.  de  Ti- 
nos beaucoup  plus  complet  que  celui    de  Bœckh  (n»  077  du  recueil  anglais  ) 


4  REVUE    CRITIQUE 

tière  de  l'objet  où  est  gravée  Tinscription,  sur  Teiidroit  où  elle  a  été 
découverte,  sur  les  livres  et  recueils  où  elle  a  été  publiée  et  commentée. 
En  vérité,  ce  sommaire  est  presque  trop  riche".  Que  M.  D.  nous  donne 
tous  ces  détails  pour  des  insc.  qui  ne  figurent  ni  dans  le  C.  1.  G.,  ni 
dans  le  C.  I.  A.,  ou  pour  des  insc.  dont  Bùckh  n'avait  eu  que  des  co- 
pies incomplètes  et  inexactes,  cela  se  comprend  :  mais  quand,  par  exem- 
ple, l'insc.  ligure  au  CL  A.  avec  un  sommaire  complet,  était-il  besoin 
de  le  transcrire?  Il  ne  faut  pas  en  effet  que  ceux  qui  se  serviront  du  re- 
cueil de  M.  D.  songent  à  se  passer  du  Corpus  :  ils  doivent  au  contraire 
y  recourir  souvent  et  pour  y  voir  le  texte  en  caractères  épigraphiques  et 
pour  y  étudier  les  insc.  analogues  ou  les  insc.  contemporaines.  Qu'im- 
portent Pittakis,  Rhangabé,  ou  ceux  qui  ont  fourni  des  copies  à  Bockh? 
Ces  détails  ne  sont  à  leur  place  que  dans  le  Corpus^  et  nul  recueil,  nul 
choix,  —  fût-il  fait  par  un  des  auteurs  du  Corpus^  —  ne  peut  en  tenir 
lieu. 

Après  le  sommaire  vient  Pinsc.  Elle  est  transcrite  en  caractères  cou- 
rants, mais  la  première  des  notes  du  commentaire  est  généralement 
consacrée  à  la  forme  des  lettres.  Si  quelque  lettre  présente  une  forme 
remarquable,  M.  D.  a  soin,  non  de  la  décrire,  mais  de  la  citer  en  l'em- 
pruntant à  l'alphabet  épigraphique.  Pour  l'orthographe,  M.  D.  la  res- 
pecte absolument,  ce  qu'il  ne  pouvait  se  dispenser  de  faire  puisque  le 
texte  épigraphique  n'est  pas  en  regard  de  la  transcription.  Il  écrit  donc  : 
ïhoyavj  T£Ï  [io'kzX  y.at  loX  c£[xoi,  etc. 

Suit  le  commentaire  :  on  y  remarquera  d'abord  que  M.  D.,  avec  un 
soin  qui  n'est  pas  commun  à  tous  les  éditeurs,  s'est  efforcé  de  faire  à 
chacun  sa  part  dans  l'établissement  du  texte  ou  l'interprétation  de 
l'insc.  S'il  emprunte  une  restitution  ou  une  explication,  il  en  cite  l'au- 
teur. Mais  M.  D.  ne  se  borne  pas  à  des  citations  :  il  a  étudié  les  textes 
et  dans  plus  d'un  endroit  ses  restitutions  et  ses  corrections  sont  telles 
qu'on  pouvait  les  attendre  du  savant  éditeur  du  Corpus.  Parmi  les 
insc.  qui  paraissent  chaque  jour  dans  les  revues  d'Athènes  ou  d'Europe, 
il  en  est  peu  que  l'on  ne  puisse  reprendre  et  corriger,  soit  que  l'éditeur 
ait  été  pressé  de  les  publier,  soit  qu'il  n'ait  pas  eu  sous  la  main  tous  les 
livres  dont  il  aurait  pu  s'aider.  II  y  a  dans  le  recueil  de  M.  D.  un  cer- 
tain nombre  de  leçons  nouvelles  et  d'observations  personnelles  dont  il 
faudra  désormais  tenir  compte.  Le  commentaire  est  sobre  et  le  plus  sou- 
vent très  suffisant  :  les  renvois  aux  auteurs  anciens  et  aux  commenta- 
teurs modernes  sont  des  plus  utiles  et  facilitent  les  recherches  dont  ne 
peuvent  se  dispenser  ceux  qui  consulteront  l'ouvrage.  Tel  est  en  effet 
l'objet  d'un  pareil  commentaire  :  il  doit  servir  de  guide. 

Des  indices  étaient  indispensables.  On  sait  avec  quelle  impatience 
sont  attendus  ceux  du  second  vol.  du  Corpus  :  les  indices  du  recueil  de 
M.  D.  ne  tiennent  pas  moins  de  140  pages.  En  voici  les  divisions  :  I. 

I.  Signalons  pourtant  quelques  omissions  :  dans  le  sommaire  des  n"'  407,  400, 
40g,  n'est  pas  indique  le  n"  correspondant  du  CI. A. 


d'histoiuk   kt  de   LITTÉUATURK  5 

NOMINA  VIRORUM    ET  MUUERUM.    II.    NoMINA  I.OCOIiUM,  REGTONUM,  CIVITATUM 

cuM  ETHNicrs.  III.  Res  public.e.  —  RcspubHca  Aiheniensiinn  i.  Sena- 
tus  et  comitia.  2.  Magistratiis  et  cnratores.  3.  Varia.  Tribiiiivi 
nomina.  Pagoriim  nomina.  Trittywn  n.  Phratriarum  n.  Gcntiinn  n. 
Naviiim  n.  —  Alice  respublicœ  Grœcorum  et  barbaroriim.  Tribmim, 
phratriarum^  gentium,  pagorum  nomina.  —  Respublica  Romanorwn. 
IV.  Res  sacr^.  i.  Dei,Deœ,  hcroes  ciim  templis  et  delubris.  2.  Feriœ. 
3.  Menses. —  Fasti  Romani.  4.  Varia.  Fabularum  nomina.  V.  Gramma- 
TiCA  ET  ORTHOGRAPHICA  (Vocales.  Consonœ.  Nominum  declinatio.  Prono- 
mina.  Verborum  declinatio.)  VI.  Notabilia  Varia. 

Si  complets  qu'ils  semblent,  ces  indices  sont  encore  insuftisants  :  il 
était,  à  notre  avis,  indispensable  d'y  ajouter  l'index  des  insc.  empruntées 
au  CI.  A.  et  même  au  C.  I.  G.  avec  les  numéros  correspondants  du 
Recueil.  Sans  doute  on  peut  arriver  sans  trop  de  difficulté  à  savoir  si 
telle  insc.  du  Corpus  est  reproduite  dans  le  Recueil  :  on  n'a  qu'à  feuil- 
leter l'index  des  noms  propres  ou  quelque  autre.  Mais  pourquoi  ces 
recherches,  et  n'était-il  pas  plus  simple  de  dresser  une  liste  où  Ton  au- 
rait mis  en  regard  le  n»  du  Corpus  et  celui  du  Recueil?  Enfin  une  ta- 
ble des  matières  avec  Tindicalion  des  divisions  et  des  chapitres  était  ab- 
solument nécessaire. 

Ces  indices  donneraient  également  lieu  à  de  légères  critiques.  Sans 
parler  des  fautes  d'impression  inévitables  dans  des  listes  qui  sont  rem- 
plies de  chiffres  (par  exemple  p.  797,  au  mot  [xspt-ia'.,  lire  440  et  non 
404),  il  est  certains  termes  qui  manquent,  tels  que  yp-/;;j,a-:(Lô'.v,  xp-^ixa-ri'- 
ca'.  r.t^'\  r.voç  (par  exemple,  n°  3  33,  1.  10),  -/pâ-l^a^Oa'.  çua-?;ç  ■/.%<.  cr,[j.Z'j  -/.al 
opa-pia;  (par  exemple,  n"  145,  1.  21  et  22).  II  ne  fallait  pas  craindre  de 
multiplier  ces  indications. 

En  somme,  le  recueil  de  M.  D.  rendra  de  très  grands  services.  C'est 
un  excellent  instrument  de  travail  et  les  livres  de  ce  genre,  Recueils  ou 
Manuels,  ne  sauraient  recevoir  de  plus  grand  éloge. 

B.  Haussoullier. 


II 3.  — stiîjîia    F'IîiîitSnn  scripsit    Guilelmus  Abraham.   Leipzig,  Tcubner^  1884. 
08  pages  in-8.  Prix  :   i  mark  60. 

La  brochure  de  M.  Abraham  se  compose  de  trois  parties.  Dans  la  pre- 
mière il  étudie  quelques  passages  de  Plante  où  les  mss.  présentent  deux 
vers  consécutifs  exprimant  la  même  pensée  en  partie  à  l'aide  des  mêmes 
mots;  p.  ex.  Pseud.  I,  5,  108  s.,  Merc,  V,  4,  22  s.  Le  svstème  de 
Ritschl  qui  fondait  les  deux  vers  en  un  seul  est  certainement  peu  vrai- 
semblable :  on  est,  en  réalité,  en  présence  de  deux  rédactions  d'un  même 
vers  réunies  dans  les  mss.  d'une  même  famille.  Ailleurs,  p.  ex.  Truc.  II, 
4,  23  chacune  des  rédactions  ne  figure  que  dans  une  famille  de  mss. 


6  IlEVUK    CRITIQUE 

M.  A.  démontre  par  le  rapprochement  d'une  foule  d'exemples,  qu'il 
faut  rejeter  comme  étrangers  à  la  langue  de  Plante  les  vers  I,  5,  109  du 
Pseud.;  V,  4,  23  du  Merc.  ;  et  la  rédaction  de  Truc.  îl,  4,  23  donnée 
par  l'Ambrosianus. 

La  deuxième  partie  contient  des  observations  sur  l'usage  que  Plaute 
fait  de  certaines  locutions  :  on  y  remarquera,  comme  dans  le  reste  de 
l'opuscule,  une  grande  richesse  d'exemples,  en  général  bien  classés. 

Les  trente-cinq  dernières  pages  sont  remplies  par  des  remarques  et 
des  conjectures  sur  plus  de  soixante  passages  de  Plaute.  M.  A.  semble 
bien  connaître  la  langue  de  Plaute;  aussi  fait-il  souvent  un  choix  très 
heureux  entre  les  variantes  des  mss.,  ou  les  diverses  conjectures  des 
philologues.  Il  rétablit  avec  raison  la  leçon  des  mss.  dans  plusieurs  pas- 
sages, p.  ex.  Merc.    I,    i,  90  Seruom   iina  mittit  qui  olim  puero  jpa- 
riiolo  II  îiiihi  paedagogiisfuerat,   et  non   <a>  puero;  id.  I,  2,  io5 
Sed  qtiid  ego  hic  in  lamentando  pereo,  et  non   ego  hic   :  diem'^  la- 
mentando  per<Cd'^o.  Ailleurs  il  appuie    d'arguments   nouveaux   des 
conjectures  anciennes.   Epid.    I,    i,    i3    Vt  tu  is  gradibus  grandibus 
f^mss.  :  ut  tues] ;id.  I,  2,  ^.g  Aliqua  exsoluar,  extricabor aîiqua  fmss.  : 
aliqua  ope  exs.)Ma.is  des  conjectures  personnelles  de  M.  A.  aucune  n'est 
assez  plausible  pour  être  citée  :  l'auteur  ne  tient  compte  que  des  consi- 
dérations grammaticales,  et  nullement  de  la  vraisemblance  paléographi- 
que; aussi    n'hésite-t-il    pas  à  faire  des  correclions  comme   celle-ci    : 
Aul.  II,  2,  85  mss.  :  istuc  fiet\  M.  A.  :  ut  ualeas! 

Cependant  le  travail  de  M.  A.  n'est  pas  sans  utilité,  tant  pour  la  con- 
naissance de  la  lung'ue  et  du  style  de  Plaute  que  pour  la  critique  du 
texte.  Grâce  à  ses  connaissances  grammaticales,  M.  A.  a  pu  dans  plus 
d'un  vers  altéré  déterterminer  exactement  l'endroit  malade  :  son 
erreur  a  été  trop  souvent  de  croire  qu'il  Pavait  guéri. 

Louis  DuvAU. 


II,,.  _  B>e  simUîtMdJniliUs  îmagîmibusque  Oviaiotuis  scripsit  Johannes 
A.Washietl.  Vindobonas  sumptibus  et  typis  Caroli  Geroldi  filii.  In-8,  MDCccLXXxiir, 
VI  et  193  p.  Prix  :  6  mark. 

Ce  travail  soigné  sera  le  bienvenu,  car  on  n'avait  pas  encore  un  re- 
cueil des  comparaisons  d'Ovide  :  on  sait,  comme  le  montre  l'auteur  de 
ce  travail,  que  les  œuvres  de  ce  poète  renferment  plus  de  comparaisons 
encore  que  celles  de  Virgile  et  d'Homère  '. 

M.  W.  recherche  d'abord  l'origine  des  comparaisons  d'Ovide  et  mon- 


I.  Il  aurait  fallu  citer  ici  le  travail  de  Sobieski  «  Vergil  und  Ovid  nach  ihren 
Glcichnissen  in  der  Aeneide  und  den  iMetamorphosen  »  (Lcmberg,  i85i);  M.  Was- 
hietl  n'a  pas  mentionné  cette  étude;  il  cite  d'autres  travaux,  mais  assez  étrange- 
ment, cp.  Philologischc  Rundschau,  IV,  p.  437. 


DiliSiOIRE    ET    DE    LlTïÉRATUUIi  7 

tre  celles  qu'il  emprunta  aux  poètes  grecs  ou  latins.  On  trouve  dans  cette 
partie  de  bons  détails  qui  seront  utiles  pour  la  critique  du  texte  d'O- 
vide. Mais  il  ajoute  «  De  eis  tantum  imaginibus  vel  similitudinibus, 
quae  proprie  comparationes  dicuntur,  in  hoc  opuscuio  mentionem 
feci;  nullam  rationem  habui  earum  similitudinum,  quae  ad  sententiam 
aliquam  explicandam  atque  comprobandam  adiunctae  potius,  quam 
cum  rébus  ipsis  coniunctae  in  carminibus  Ovidianis  leguntur  m.  Il  fal- 
lait, ce  nous  semble,  épuiser  le  sujet,  et  par  conséquent  citer  aussi  en 
leur  lieu  les  comparaisons  qu'exclut  M.  Washietl.  Après  tout,  il  s'agit 
ici  plutôt  de  la  pensée  du  poète  que  de  son  style,  et  c'est  la  pensée  que 
nous  développent  et  nous  font  mieux  voir  des  comparaisons  où  man- 
que, il  est  vrai,  la  première  particule  iit^  mais  où  le  second  memibre  de 
la  comparaison  commence  par  sic.  Je  ne  cite  comme  exemple  que  le 
passage  des  Tristes.,  IV,  ï,  3i  (lotus).  M.  W.  a-t-il  oublié  ce  passage 
à  bon  escient?  Je  Pignore,  mais  d'autres  comparaisons  véritables,  et 
qu'il  devait  mentionner,  ont  échappé  à  son  attention  {A.  A.,  II,  3So, 
Bacchus  ;  Tristes.,  III,  I,  45,  laurns;  IV,  I,  oi,  lotus;  I,  47,  Lethe  ;  ex 
P.  I,  5,  37,  gladiator. 

Il  aurait  fallu  également  être  plus  complet  sur  certains  points,  et,  par 
exemple,  p-ôi,  rappeler  d'autres  passages:  Rem.,  235,  et  Tristes, 
IV,  6,  I  et  23,  passages  où  le  poète  recourt  aux  mêmes  objets  de  com- 
paraison, au  taureau  et  au  cheval. 

M.  W.  a  voulu  faciliter  la  tâche  de  ceux  qui  consulteront  son  travail, 
en  donnant  à  la  fin  des  index,  d'ailleurs  nécessaires  dans  une  étude  de  ce 
genre.  Mais  \\i  Index  imaginum  »  ne  nous  semble  guère  ordonné 
d'une  façon  pratique  ;  l'auteur  répartit  les  comparaisons,  selon  leurs 
objets,  en  certains  groupes  :  les  animaux,  les  plantes,  Peau,  etc.  Mais, 
dans  ces  groupes  mêmes,  les  objets  ne  sont  pas  rangés  selon  l'ordre  al- 
phabétique, et  trop  souvent  ils  sont  cités,  non  pas  sous  la  rubrique  qui 
les  concerne,  mais  soùs  une  rubrique  différente  quoique  analogue 
[Stella,  A.  A.,  I,  Sy  sous  «  sidéra  «,  imda,  Ep.  IIÎ,  r33  sous  «  mare  », 
ariindo,  Am.  1,  7,  55  sous  «  segetes  aliaeque  plantae  tremefactae  »,  etc.). 
Tout  cela  rend  les  recherches  difficiles.  Il  y  a  même  une  comparaison 
que  M.  Washietl  a  placée  dans  un  groupe  auquel  elle  ne  se  rapporte  nul- 
lement ;  A.  A.  Il,  376,  «  Nec  brevis  ignaro  vipera  laesa  pede  »  (c'est-à- 
dire  «  tam  sacra  est  »)  n'est  pas  rangé  dans  le  groupe  «  animalia  »,  mais 
dans  le  groupe  «  quae  ad  homines  eorumque  res  et  vitam  pertinent  », 
et  au  mot  viator  qu'on  ne  trouve  pas  du  tout  dans  ce  passage. 

11  y  aurait  encore  quelques  mots  à  ajouter  à  l'Index.  Mais  ces  lacunes 
ne  diminuent  pas  la  valeur  de  ce  travail  qui  rendra  certainement  ser- 
vice à  ceux  qui  s'occupent  des  littératures  de  ce  moyen-âge,  dont 
Ovide  était  un  des  poètes  favoris. 

V/OLFKAM    ZlNGKRLE. 


8  RKVUK    CRITlQUh 

I  I  5.  —  Oo  pi'iiioïpo  .loannc  S(«-j>Ii«iu>  Moidnvîae  l'e  et  iioînîne  voÎA'otl;», 
i-icn»»  Grscei,  MariaiiîB  studiosorum  congregationis  Œniponte  prœfecto  an. 
1601-1602,  Noiiiia  hislorica,  ex  «  Symbolis  ad  illustrandam  historiam  Ecclesia; 
orientalis  in  terris  Coronas  S.  Stephani  •>^,  excripla  a  Nicolao  Nilles,  S.  J.  Œni- 
ponte, ex  officina  Feliciani  Rauch,  i885.  In-S  de  32  pp.  (chiffr.  [ojyj-iooS). 

Nous  n^avons  pas  à  parler  ici  du  grand  ouvrage  que  vient  de  termi- 
ner le  R.  P.  Nilles;  nous  ne  voulons  faire  connaître  qu'un  de  ses  ap- 
pendices. Voici,  en  peu  de  mots,  quel  en  est  le  sujet.  Pierre  le  Boiteux, 
qui  occupa  d'abord  le  trône  de  Valachie,  puis,  à  deux  reprises,  celui  de 
Moldavie,  et  qui  renonça  définitivement  au  pouvoir  en  iSgr,  s'était 
laissé  gagner  au  catholicisme  par  un  conseiller  albanais  nommé  Barto- 
lomeo  Brutii.  Le  R.  P.  N.  reproduit,  d'après  Theiner,  les  documents 
relatifs  à  l'union  des  Moldaves  avec  le  Saint-Siège,  union  restée,  d'ail- 
leurs, à  Tétat  de  lettre  morte;  mais  ce  qui  fait  l'intérêt  de  sa  publication 
et  ce  qui  nous  a  décidé  à  la  signaler,  ce  sont  les  pièces  inédites  qu'il  y  a 
jointes.  Ces  pièces  se  rapportent  à  Pierre  le  Boiteux,  qui  mourut  à  Botzen 
en  1594,  et  à  son  jeune  fils  Etienne,  né  en  Moldavie  le  3i  juillet  1584, 
mort  à  Innspruck  le  22  mars  1602.  Nous  connaissions  déjà  le  lieu  et  la 
date  de  la  mort  de  Pierre  le  Boiteux  par  une  source  que  le  savant  jésuite 
autrichien  semble  avoir  négligée  '  ;  mais  nous  avons  ici  une  rela- 
tion détaillée  de  sa  mort  '-  et  une  traduction  latine  de  son  testament, 
originairement  rédigé  en  slavon  et  daté  de  Cracovie  le  6  avril  i5gS. 
Quant  au  jeune  Etienne,  nous  ignorions  ce  qu'il  était  devenu.  On  voit 
par  les  actes  nouvellement  découverts  qu'il  fut  élevé  par  les  soins  de 
l'empereur,  qu'il  fut  placé  au  collège  des  jésuites  d'Innspruck  et  ne 
cessa  de   pratiquer  la   religion  catholique. 

Il  est  regrettable  que  le  R.  P.  N.  n'ait  eu  entre  les  mains  pour  la 
rédaction  de  ses  notes  que  des  manuels  historiques  tout  à  fait  insuffi- 
sants, dans  lesquels  les  divers  règnes  de  Pierre  le  Boiteux  ne  sont 
même  pas  datés  exactement.  Ce  prince  régna  en  Valachie  depuis  la  fin  ■' 
de  l'année  iSSg^  jusqu'au  milieu  de  l'année  i568  '.  Après  une  lutte 
prolongée  contre  Jean  l'Arménien,  qui  fut  tué  le  14  juin  1574,  Pierre, 
soutenu  par  les  Turcs,  se  rendit  maître  de  la  Moldavie.  Une  inscription 

1.  La:^ari  So:{ancii,  patricii  Veneti,  Ottomanus,  sive  De  imperio  Tiircico.  Ex 
lialico  vertu  J .  Geudertis  ab  Hcrolt:[berga  (Hclnicstadi,  1064.  in-4),  127,  —  cité  par 
Hasdeu,  Din  Moldova,  I,  21. 

2.  Nous  apprenons  par  cette  relation  que  le  métropolitain  de  Moldavie,  Georges 
Moviia,  dont  nous  perdons  la  trace  pendant  quelques  années  après  l'abdication  de 
Pierre  le  Boiteux,  se  trouvait  avec  le  prince  dans  le  Tyrol. 

3.  On  possède  de  lui  un  diplôme  du  23  novembre  iSôq  (archives  de  Bucarest, 
Monastère  de  Bistritsa  en  Valachie,  liasse,  n"  14). 

4.  Pierre  est  encore  prince  de  Valachie  le  2?  mai  i568,  date  d'un  diplôme  relatif 
au  même  monastère  de  Bistritsa  (/èfi..  liasse  n»  i5;  —  cf.  Aricescu,  Revista  isto- 
rica,  H.  n"  2098);  mais,  le  3o  juillet  suivant,  Alexandre,  frère  aîné  de  Pierre,  à  qui 
les  Turcs  ont  donné  la  principauté,  est  déjà  en  possession  du  pouvoir  'Aricescu, 
Reinst.i  istorica  11,   n»  2098). 


D  HISTOIRE    ET    Dii    LITTERATURE  g 

qui  se  voit  encore  à  Suceava  nous  apprend  qu'il  fit  commencer  son 
règne,  non  pas  à  la  mort  de  son  rival,  mais  seulement  le  24  juillet  sui- 
vant'.  Dépossédé  par  Ivan  Podcoavà  au  mois  de  novembre  1577,  il 
rentra  à  lassi  le  i^""  janvier  1578.  Il  dut  fuir,  peu  de  temps  après, 
devant  Alexandre  Serbega  et  les  Cosaques;  mais,  dès  le  milieu  du  mois 
de  mars,  il  eut  raison  de  son  rival.  Il  conserva  la  couronne  jusqu'aux 
premiers  jours  de  Tannée  i58o-.  Le  second  règne  de  Pierre  en  Mol- 
davie commença  au  mois  d'octobre  i583  ^  et  se  prolongea  jusqu'au 
mois  d'août  i5gi  "*.  Les  dates  que  nous  venons  de  rapporter  ditièrent 
assez  sensiblement  de  celles  que  le  R.  P.  Nilles  a  empruntées  à 
Laurian.  Ajoutons  qu'une  estampe  représentant  Pierre  le  Boiteux  et 
son  fils,  à  peine  âgé  de  cinq  ou  six  ans,  a  été  reproduite  dans  la 
Columna  lui  Traian,  i883,  p.  365. 

Emile  PïcoT. 


Î16.  —  Gïessenet'  Stutîîeti  aul'  cSeew  Gebiet  tiei*  GescîiâeUte.  I  Maria 
Stuart,  Darley,  Bothwell,  von  D^"  Ernst  Bekker,  durch  ein  Vorwort  eingefûhrt, 
von  W.  Oncken.  Gicssen.  Ricker,  iSSi,  xi,  SSy  p.  !n-8.  Prix  :  8  mark. 

Il  est  un  peu  tard  pour  parler  plus  en  détail  de  ce  travail  considéra- 
ble, sorti  du  séminaire  historique,  dirigé  par  M,  le  professeur  Oncken  à 
l'université  de  Giessen.  Le  but  principal  du  jeune  auteur  a  été  de  pro- 
céder à  une  enquête  minutieuse  sur  les  rapports  intimes  et  la  situation 
politique  des  trois  personnages  nommés  sur  le  titre  de  son  étude,  afin 
d'en  déduire  pour  chacun  la  part  de  responsabilité  dans  les  événements 
qui  troublèrent  TEcosse  de  i565  à  1567  et  plus  spécialement  dans  la 
catastrophe  de  Kirk-of-Field.  Le  résultat  de  cette  enquête,  menée  avec 
beaucoup  de  soin,  sans  utiliser  d'ailleurs  d'autres  documents  que  ceux 
depuis  longtemps  publiés  par  Labanoff,  Mignet,  Hosack,  etc.,  se  for- 
mule de  la  manière  suivante.  La  lutte  poursuivie  pendant  ces  années 
dans  le  royaume  d'Ecosse  est  une  lutte  essentiellement  religieuse;  la 
noblesse  protestante  a  employé  tous  les  moyens  possibles  pour  empê- 
cher une  restauration  du  catholicisme;  c'est  le  motif  qui  a  successive- 
ment amené  les  conspirations  contre  Riccio,  contre  Darnley,  contre  le 
pouvoir  de  Marie  Stuart  elle-même.  Darnley  a  servi  d'abord  d'instru- 
ment aux  nobles  dans  l'affaire  du  meurtre  de  Riccio,  entraîné  par  l'es- 

1.  Urechi,  Chronique  des  princes  de  Moldavie,  éd.  Picot,  5ii. 

2.  Pierre  déposé  par  les  Turcs,  arriva  à  Gonstantinople  vers  le  20  janvier  i58o 
{Columna  lui  Traian,  V,  1S74,  238;  Hurmuzaki,  Documente,  IV,  n,  loq). 

3.  Urechi  dit  qu'il  fit  son  entrée  à  lassi  le  17  octobre.  lancu,  que  le  sultan  venait 
de  déposer,  signait  encore  un  diplôme  le  4  octobre  (Wickenhauser,  Moldawa, 
I,  90). 

4.  Voy.  les  dépêches  de  Gonstantinople,  en  date  du  7  août  iSgi,  dans  la  Columna 
lui  Traian,  VU,  1876,  284,  et  dans  Hurmuzaki,  Documente  privitorc  la  istoria 
Romdnilor,  IV,  n,  i56. 


10  REVUK    CRITIQUE 

poir  d'être  roi  de  fait,  comme  il  l'était  de  nom.  Déçu  dans  ses  espéran- 
ces, il  s'est  tourné  contre  ses  complices,  les  dénonçant  à  Tinimitié  de  la 
reine.  Pour  se  venger,  les  lords  furieux  fournissent  à  Marie  les  preuves 
de  sa  participation  au  complot  de  Holyrood,  et  amènent  de  la  sorte  une 
rupture  morale  à  peu  près  complète  entre  les  deux  époux.  Puis,  mal 
rassurés  sur  l'abandon  définitif  de  Darnley  par  la  jeune  reine,  ils  préfè- 
rent s'en  défaire  et  chargent  Bothwell  de  cette  tâche,  Marie  Stuart  est 
restée  absolument  étrangère  à  ces  intrigues  ténébreuses  qui  se  terminent 
par  l'attentat  du  9  février    1567.   Elle  n'a  trempé,  à  aucun  titre,  dit 
M,  B.,  dans  les  négociations  des  lords  et  de  Bothwell.  Seulement  il 
avoue  que  sa  manière  de  voir  n'explique  absolument  pas  la  façon  d'agir 
de  ce  dernier;  le  «  rôle  du  comte  dans  cette  tragédie  reste  obscur  et 
incompréhensible  »  (p.  29),  puisque  l'auteur   ne  veut  rien  savoir  d'une 
passion  de  Bothwell  pour  la  reine.  D'autre  part  il  n'admet  pas,  comme 
les  plus  récents  défenseurs  de  Marie,  que  son  mariage  avec  le  meurtrier 
de  Darnley,  «  preuve  d'une  inintelligence  politique  effrayante  »  (p.  100), 
ait  été  absolument  forcé,  La  théorie  du  viol  ou  des  narcotiques,  récem- 
ment encore  exposée  par  M.  Opitz,  ne  le  compte  point  parmi  ses  adhé- 
rents.   M.  B.  reste  donc  devant  une  solution,   qui  n'en   est  pas  une, 
puisqu'il    ne  réussit   pas  à  élucider  l'un  des  facteurs    psychologiques 
au  moins  de  ce   drame  célèbre.  Son  travail  restera  surtout  intéressant 
par  le  soin  avec  lequel  il  a  tracé  le  tableau  de  la  formation  successive  de 
la  légende  de  Marie  Stuart,  et  le  zèle  avec  lequel  il  a  discuté,  point  par 
point,  à  la  manière  de  M.   Hosack,  tous  les  arguments  allégués  pour 
et    contre  les    accusés   de  ce  procès  historique,   constamment   plaidé 
avec  une  égale  conviction,  par  les  admirateurs  et  les  adversaires  de  la 
reine  d'Ecosse.    En   procédant   de   la  sorte,    M,  B.    a  pu   trancher,  ce 
nous  semble,  un  assez  grand  nombre  de  questions  incidentes  secondai- 
res qui  encombraient  le  terrain  de  la  discussion    et  rendaient  la   con- 
troverse   encore   plus   embrouillée  qu'elle  ne  l'était   déjà    par  la  force 
des  choses.  Même  si  l'on  ne  partage  pas  ses  convictions  sur  la  question 
principale,  sur  le  rôle  joué  par  Marie  vis-à-vis  de  Darnley  et  surtout 
vis-à-vis  de  Bothwell,  on  doit  rendre  hommage  à  l'effort  constant  et 
sincère  de  l'auteur  pour  aller  au  fond  des  choses  et  à  l'érudition  de  bon 
aloi  qu'il  montre  à  chaque  page  de  ce  début  dans  la  carrière  scienti- 
fique '. 

R. 

I .  Ne  pouvant  entrer  ici  dans  plus  de  détails  sur  un  livre  paru,  il  y  a  bientôt  trois 
ans,  nous  nous  permettons  de  renvoyer  pour  un  jugement  plus  approfondi  à  notre 
travail  sur  Marie  Stuart,  Boiivell  et  Darnley^  publié  dans  la  Revue  historique,  1884, 
t.  III,  p,  45-64. 


D  H1S1  OISt  m     Dti    LITTKKATURS.  I  î 

117.  —  siiaksi)eafc.  Untersuchungen  und  Studien  von  Dr.  Cari  Conrad  Hense. 
Halle  a.  S.  Verlag  der  Buchhai-.dlung  des  Waisenhauses,  1884.  In-S,  G42  p.  Prix  : 
8  mark. 

Ce  volume  se  compose  de  neuf  études  d'inégale   longueur  et  d'inégal 
intérêt,  mais  qui  toutes  témoignent,  chez  leur  auteur,  d'une  connais- 
sance intime  de  Shakespeare.  De  ces  études  deux  seulement,  la  huitième 
et  la  neuvième,  paraissent  aujourd'hui  pour  la  première  fois,  les  autres 
avaient  déjà  été  publiées  dans  divers  recueils  ou  revues  et  l'une  d'elles, 
la  seconde,  dès  i852  ;  on  voit  par  là  avec  quelle  persévérance  M.  Hense 
s'occupe,  depuis  un  tiers  de  siècle,  de  son  poète  favori;  sMl  ne  lui  a  pas 
consacré  un  travail  d'ensemble,  il  a  étudié  avec  amour  et  un  soin  dili- 
gent, non  pas  quelques  oeuvres  prises  isolément,  mais  quelques-uns  des 
aspects  du  talent  si  divers  ou  de  l'immense  influence  du  grand  trafique  : 
on  en  jugera  par  les  titres  mêmes  de  ses  «  Recherches  »  :  i"  John  Lyly 
et  Shakespeai'e  ;  2°  Remarques  historiques  et  littéraires  sur  le  Songe 
d'une  Nuit  d'été  ;  0°  les  Poètes  allemands  dans  leurs  rapports  avec 
Shakespeare  ;  4"  Conception  de  la  nature  par  Shakespeare  ;  5"  Poly- 
mythie  des  drames  shakespeariens  ;  6°  de  la  Représentation  des  Ma- 
ladies de  l'âme  dans  les  drames  de  Shakespeare  ;  7"  des  Eléments 
antiques  dans  le  drame  de  la  Tempête;  8"  la  Conscience  et  la  Fata- 
lité dans  les  œuvres  de  Shakespeare  ;  g"  Shakespeare  et  la  Philosophie. 
Je  n'ai  point  la  prétention  de  faire  connaître  en  détail  chacune  de  ces 
études,  je  voudrais  seulement  en  indiquer    l'esprit    et   la  méthode  et 
montrer  quel  intérêt  elles  peuvent  présenter.  Les  sujets  qu'y  a  abordés 
M.  H,  peuvent  d'ailleurs  se  rapporter  à  trois  ou  quatre  chefs  différents: 
de  quelle  manière  Shakespeare  a-t-il  compris  l'antiquité  et  quelle  in- 
fluence a-t-elle  exercée  sur  lui;  quelle  place  le  sentiment  et  le  monde 
de  la  nature  occupent-ils  dans  ses  drames;  comment  le  grand  poète 
a-t-il  mis  en  œuvre  la  folie  et  quel  intérêt  tragique  a-t-il  tiré  du  re- 
mords; enfin  quelle  influence  a-t-il  exercée  sur  les  poètes  allemands  et 
de  quelles  inspirations  lui  sont-ils  redevables?  voilà  autant  de  questions 
curieuses,  sinon  toutes  nouvelles,  que  M.  H,  a  examinées  et  a  cherché 
plus  ou  moins  complètement  à  résoudre, 

L'Angleterre,  pas  plus  que  les  autres  pays  de  l'Europe,  ne  fut  étran- 
gère à  la  Renaissance,  elle  en  subit  comme  eux  l'influence  toute  puis- 
sante dans  les  arts  et  dans  les  lettres;  M.  H.  recherche  d'abord  ce  que 
lui  dut  Lyly,  puis  il  examine  quelle  différence  il  y  a  entre  la  manière 
dont  Shakespeare  et  l'auteur  à' Euphues  com.'pnvtïix.  l'antiquité;  il  n'a 
pas  de  peine  à  montrer  comment  le  grand  tragique,  tout  en  imitant 
parfois  son  prédécesseur,  en  se  laissant,  surtout  dans  ses  premières  piè- 
ces, aller  comme  lui  aux  jeux  de  mots,  aux  antithèses  subtiles,  en  un 
mot  au  langage  précieux  du  temps,  en  a  aussi  évité  les  défauts  les  plus 
graves  et,  grâce  à  la  supériorité  de  son  génie  et  à  sa  brillante  imagina- 
tion, a  transformé  les  sujets  et  les  conceptions  qu'il  a  empruntés  à  l'an- 
tiquité et  les  a  marqués  au  sceau  de  sa  puissante  originalité.  Pour  prou- 


I  2  REVUE    CRITIQUE 

ver  cette  thèse  incontestable,  M.  H.  a  accumulé  les  citations  et  les 
rapprochements  ;  mais  si  la  démonstration  est  irréfutable,  on  pourrait 
souhaiter  qu'elle  fût  moins  prolixe,  ce  qui  d'ailleurs  ne  lui  aurait  rien  fai 
perdre  en  force.  Mais  il  faut  en  prendre  son  parti  ;  M.  H.  est  avant  tout 
un  esprit  curieux;  depuis  trente  ans  il  a  lu  et  relu  Shakespeare  et  quel- 
ques-uns des  poètes  les  plus  grands  de  l'antiquité  et  des  temps  moder- 
nes, il  tient  à  nous  le  montrer  et  à  nous  faire  part  de  tout  ce  qu'il  a 
trouvée  dans  ce  commerce  assidu,  de  pensées  ingénieuses  et  de  sentiments 
élevés  ou  profonds  ;  de  là  la  richesse  et  l'abondance  des  rapprochements 
qu''il  a  faits,  rapprochements  qui  souvent  toutefois  sont  purement  for- 
tuits et  ne  prouvent  rien  pour  la  connaissance  que  Shakespeare  aurait 
eue  de  l'antiquité. 

On  retrouve  cette  curiosité  infatigable  de  M.  H.  dans  la  septième 
étude  où  il  recherche  quels  éléments  antiques  sont  entrés  dans  le  drame 
de  la  Tempête;  ici  cette  curiosité  pouvait  s'exercer  d'autant  plus  à  son 
aise  et  était  d'autant  plus  à  sa  place  que  tout,  dans  cette  pièce  singulière, 
se  passe  dans  le  domaine  de  la  fantaisie.  Même  richesse  d'informations 
et  de  rapprochements  dans  la  cinquième  étude,  où  M.  H.  traite  de  la 
«  polymythie  »  des  drames  shakespeariens;  le  sujet  est  intéressant,  mais 
il  eût  été  facile  de  le  traiter  de  plus  haut;  multiplicité  des  épisodes 
empruntés  souvent  à  des  sources  différentes,  nombre  des  personnages, 
contrastes  cherchés  des  caractères,  complexité  de  Fidée-mère  du  drame, 
voilà  autant  de  traits  caractéristiques  qui  distinguent  le  drame  de  Sha- 
kespeare de  la  tragédie  des  Grecs;  mais  aussi  rien  de  moins  inconnu; 
M.  H.  a  eu  au  moins  le  mérite  de  montrer  par  l'examen  de  quelques 
pièces  du  grand  poète,  combien  cette  complexité  de  l'action  et  de  l'in- 
trigue était  chez  lui  une  tendance  réfléchie  et  volontaire. 

A-t-on  jamais  fait  de  Shakespeare  un  disciple  de  la  philosophie?  Je  ne 
le  crois  pas  et  telle  n''est  pas  non  plus  précisément  l'opinion  de  M.  H.; 
il  accorde,  en  effet,  que  Shakespeare  est  resté  étranger  aux  études  de 
philosophie  spéculative,  mais  il  aurait  subi  l'influence  des  doctrines 
de  Pythagore  popularisées  par  la  Renaissance  et  un  penchant  secret 
l'aurait  attiré  vers  la  philosophie  morale;  il  faut  convenir  que  nous 
sommes  ici  en  pleine  hypothèse;  que  des  pensées  profondes  et  éminem- 
ment philosophiques  se  rencontrent  à  chaque  instant  dans  les  drames 
de  Shakespeare,  rien  de  plus  incontestable;  mais  elles  sont  le  fruit  de  sa 
connaissance  intime  du  cœur  humain,  bien  plus  que  d'études  philoso- 
phiques plus  que  problématiques'. 

M.  H.  a  été  plus  heureux  en  parlant  de  la  place  qu'occupent  les 
légendes  et  la  nature  dans  le  théâtre  du  poète  anglais. 

Ça  été  la  rare  fortune  de  Shakespeare  de  paraître  à  une  époque  et 
dans  un  pays  où  l'influence  bienfaisante  de  la  Renaissance  se  faisait 
partout  sentir,  sans  que  les  traditions  ou  les  légendes  du  moyen  âge 


I.  Je  fais  abstraction  ici  de  l'étude  que  Shakespeare  fit  assez  tard  des  Essais  de 
Montaigne. 


D  HISTOIKE    ET    »!•.    LIITERATURK  I  0 

fussent  entièrement  oubliées;  voilà  ce  qui  explique  comment  dans  ses 
pièces  nous  trouvons,  à  côté  des  souvenirs  de  l'antiquité,  les  croyances 
populaires  des  siècles  précédents;  le  monde  des  dieux  du  paganisme 
antique  s'y  rencontre  comme  celui  des  géniesdu  paganisme  germanique. 
Mais  si  c'est  là  un  trait  distinctif  de  ses  drames,  ce  qui  est  carac- 
téristique de  son  génie,  c'est  le  sentiment  profond  qu'il  a  de  la  nature, 
la  sympathie  qu'elle  lui  inspire  ou  celle  qu'il  lui  prête  pour  les  héros 
de  ses  drames,  ainsi  que  le  symbolisme  sous  lequel  lui  apparaissent  les 
êtres  qui  la  peuplent;  n'a-t-on  pas  pu  dans  ces  derniers  temps  tirer  de 
son  théâtre  une  faune  populaire  véritable  '  ? 

Observateur  fidèle  et  exact  de  la  nature  physique,  Shakespeare  l'a  été 
plus  encore  de  la  nature  morale;  il  en  a  étudié  et  suivi  d'un  œil  sûr 
toutes  les  grandeurs  et  toutes  les  misères,  les  vices  et  les  vertus,  ne  reculant 
même  pas  devant  la  folie;  Sophocle,  ce  modèle  de  la  tragédie  grecque, 
a  bien  mis  en  œuvre  les  égarements  d''Ajax  et  les  fureurs  d'Hercule  ;  mais 
aucun  auteur  dramatique  ne  s'est  complu  comme  Shakespeare  dans  la 
peinture  des  maladies  de  l'âme  ou  ne  leur  a  fait  dans  son  théâtre  une 
place  aussi  large.  Il  sufiit  pour  le  prouver  de  citer  Lear,  Macbeth, 
Ophclie  et  Hamlet.  La  folie  dans  les  drames  de  Shakespeare  a  été  l'ob- 
jet de  plus  d'une  étude,  écrite  au  point  de  vue  purement  et  étroitement 
scientifique;  M.  H.,  comme  il  était  naturel,  s'est  attaché  à  montrer 
comment  le  grand  tragique  lui  a  donné  un  intérêt  dramatique,  en  en 
faisant  la  conséqLience  fatale  d'une  faute  antérieure,  en  la  transportant 
du  domaine  de  la  réalité  vulgaire  dans  celui  de  la  poésie.  Mais  c'est  au 
remords  considéré  comme  mobile  dramatique,  qu'il  a  consacré  la  plus 
longue  et  l'une  des  plus  intéressantes  de  ses  études.  Ici,  en  etïet,  le  cou- 
pable n'échappe  jamais  au  regret  qui  suit  la  faute;  c'est  même  là, 
remarque  avec  raison  M.  H.,  un  trait  caractéristique  du  drame  shakes- 
périen  ;  le  Tamerlan  et  le  Barabas  de  Marlowe  commettent  leurs  forfaits 
sans  remords,  comme  sans  scrupule,  Macbeth  hésite  avant,  comme  il 
tremble  après  son  crime  et  la  conscience  de  Richard  III,  malgré  sa 
perversité  native,  se  fait  son  juge  et  son  bourreau.  C'est  que  la  faute 
pour  Shakespeare  est  un  acte  de  la  volonté  même  du  coupable,  non 
d'une  volonté  étrangère  ou  de  la  fatalité;  ce  n'est  pas  le  sort  ou  les 
«  étoilesennemies  »,  mais  la  passion  insoumise,  les  penchants  indomptés 
du  cœur  qui  amènent  la  catastrophe  finale  de  ses  héros,  comme  c'est 
le  témoignage  d'une  bonneconscience  qui  les  soutient  dans  l'adversité  ou 
dans  les  revers.  C'est  par  là  qu'au  fond,  malgré  la  hardiesse  de  la  forme, 
le  théàrre  du  grand  poète  est  si  véritablement  moral. 

Parmi  les  questions  que  M.  H.  a  examinées,  l'une  des  plus  curieuses 
est  celle  de  l'influence  que  Shakespeare  a  exercée  sur  quelques-uns  des 


I.  The  animallore  of  Shakespeare' s  iime,  includtng  quadrnpcds,  birds,  reptiles, 
Jîshes  ad  insects,  by  Emma  Phipson.  In-8.  London,  iS83.  M.  Hense,  lui,  a  surtout 
parlé  de  la  flore  populaire  d'après  hihakespeare  et  des  attributs  que  le  grand  poète 
donne  à  quelques  plantes. 


14  Kiivuic  CRiriQUi; 

poètes  les  plus  célèbres  de  rAllemagne.  Déjà  dans  ses  «  Remarques  sur 
le  Songe  d'une  Nuit  d'été  »,  écrites  en  i852,  il  avait  montré  ce  que 
«  Gryphius,  Wicland  dans  son  Obéron,  Gœthe  dans  son  Faust,  Tieck 
dans  la  Vie  des  poètes^  »  devaient  à  ce  drame  fantastique;  dans  son 
étude  sur  «  les  poètes  allemands  et  leuis  rapports  avec  Shakespeare  », 
écrite  dix-huit  ans  plus  tard,  il  a  essayé  de  montrer  ce  que  le  théâtre 
tout  entier  du  grand  tragique  a  fourni  aux  poètes  germaniques  de  la  fin 
du  siècle  dernier  et  des  premières  années  de  ce  siècle-ci.  Le  sujet  n'était 
point  neuf,  puisque  Gênée  en  particulier  l'avait  traité  et  que  toutes  les 
histoires  de  la  littéraiure  allemande  parlent  naturellement  de  l'in- 
fluence de  Shakespeare  sur  la  poésie  allemande;  M.  H.  ne  pouvait 
guère  avoir  la  prétention  de  le  renouveler,  il  s'est  borné  aussi  à  montrer 
ce  que  Klinger  et  Lenz,  Gœthe  et  Schiller,  Tieck,  dans  un  si  grand 
nombre  de  ses  œuvres,  ainsi  que  H.  von  Kleist  et  Eichendorf,  doivent 
aux  drames  de  Shakespeare;  il  y  a  là  plus  à\\n  point  de  vue  et  d'un 
fait  nouveau,  mais  la  matière  est  loin  d'avoir  été  épuisée;  on  se  de- 
mande aussi  pourquoi  M.  H.  a  pu  procéder  avec  si  peu  d'ordre,  et 
parler  de  Lenz  et  de  Klinger  avant  Gœthe,  de  H.  von  Kleist  avant 
Tieck. 

Ce  défaut  de  méthode,  avec  le  manque  de  simplicité  et  de  concision, 
se  rencontre  plus  d'une  fois  dans  les  études  de  M.  Hense;  on  y  voudrait 
plus  de  lumière  et  moins  de  prolixité,  mais  on  y  trouve  toujours  à 
s'instruire;  elles  sont  l'œuvre  d'un  esprit  curieux  et  cultivé,  d'un  con- 
naisseur enthousiaste  et  passionné  de  Shakespeare  ;  le  culte  qu'il  a  voué 
au  tragique  anglais  lui  a  permis  d'en  pénétrer  souvent  l'esprit  et  Fori- 
ginalité,  et  les  études  qu'il  lui  a  consacrées  méritent  par  là  d'être  lues, 
même  après  tant  de  travaux  dont  le  grand  poète  a  été  l'objet. 

Ch.  J. 


VARIETES 


IWotes    tï'arehéologÊe    os-îentale. 

XXIII 
Un   nouveau  titulus  funéraire  de  Joppé. 

Je  viens  de  recevoir  de  Jaffa  Pestampage  d'une  inscription  grecque  ré- 
cement  découverte  ■  et  provenant  probablement  de  la  nécropole  juive 
antique  dont  j'ai  déterminé  l'emplacement  il  y  a  une  douzaine  d'an- 
nées. Cette  inscription  appartient  à  la  classe  des  titiili,  ou  plaques  de 
marbres  scellées  au-dessus  de  l'entrée  des  sépulcres  ou  des  foursàcer- 

I.  L'envoi  n'est  accompagné  d'aucune  indication;  je  suppos:  que  l'original  doit 
être  cnirc  dans  la  collection  du  baron  von  Ustinow. 


d'histoiue  et  de  lïttérature  i5 

cueil,  iituli  dont  j'ai  déjà  recueilli  un  assez  grand  nombre  à  Jaffa, 
et  que  je  compte  publier  un  jour.  Celui-ci  sort  un  peu  de  l'ordinaire 
par  sa  teneur  ;  c'est  ce  qui  m'engage  à  le  faire  connaître  sans  retard.  Il 
mentionne  l'acquisition  d'un  tombeau,  faite  à  Joppé  par  un  juif  nommé 
Saûl,  d'un  de  ses  coreligionnaires  nommé  Baruch  ou  Baruchias  {cL 
Bapa/Jxç,  S*-  Matth.  33,  35.  —  Barouchias  semble  être  une  moyenne 
hvbride  entre  Baroiik  et  Berekyah).  Le  fait  est  curieux.  Il  est  à  sup- 
poser que  Saûl  appartenait,  sinon  à  cette  colonie  juive  d'Alexandrie 
dont  j'ai  constaté  plusieurs  fois  la  présence  à  Jaffa  par  d'autres  épita- 
phes  où  cette  origine  est  expressément  indiquée,  du  moins  à  quelque 
autre  groupe  de  ladiaspore;  peut-être  était-il  originaire  d'Asie  Mineure. 
Toutes  ces  inscriptions,  y  compris  celle-ci,  sont,  d'ailleurs,  postérieu- 
res à  notre  ère  ;  quelques-unes  peuvent  descendre  jusqu'aux  V  et 
vi"  siècles  : 

HrOPACAErOCAOTA 

ENTHïonnnnAPA 

B  A  P  0  ï  X  I  0  r  M  N  H  M  A 
A  N  E  e  I K  A  iM  E  N  n  P 
Q  T  0  G  C  A  0  r  A  K  A  ï 
CÏNKAHTIKHN 

'H^cpaija  èYfw)  ^*^'-^^M  ^''  '^fl  'Is'î^'îi^fn  'Tcapà  Bapou/Jou,  [j.vfj[j.a  '  àvcO(-/])7,:'.[J.£V 

Le  nom  de  femme  2uvy,7/ryTr/,-r)  est  déjà  connu  (C.  I.  G.  396 3,  et  add. 
41 38)  ;  il  correspond  au  nom  d'homme  -luvy.X-rjTiy.oç  (G.  B.  G.  4373,  b.) 
—  sénateur .  La  tournure  de  la  phrase  ne  permet  pas  de  savoir  au  juste 
si  c'est  bien  le  même  Saûl,  acquéreur  du  tombeau,  qui  l'a  inauguré 
avec  sa  femme  Synclétiké;  il  faudrait  admettre,  dans  ce  cas  du  reste 
très  probable,  un  changement  d'interlocuteurs. 

Clermont-Ganneau. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  M.  FusTEL  de  Coulanges,  membre  de  l'Institut,  professeur  à  la  Fa- 
culté des  lettres  de  Paris,  a  fait  paraître  à  la  librairie  Hachette  des  Recherches  sur 
quelques  problèmes  d'histoire  (gr.  in-S",  iv  et  53o  p.);  l'ouvrage  est  ainsi  divisé  : 
I.  Le  colonat  romain  (p.  3-i86);  II.  Les  Germains  connaissaient-ils  la  propriété  des 
terres  (p.  iSg-SiS);  Hî.  De  la  marche  germanique  (p.  Suj-SSG);  IV.  De  l'organi- 
sation judiciaire  dans  le  royaume  des  Francs  (p.  36i-528). 

—  Les  éditeurs  Lecène  et  Oudiii  (17,  rue  Bonaparte),  font  paraître,  sous  la  direc- 
tion de  M.  Emile  Faguet,  une  Collection  des  classiques  populaires  ;]e  àkccteui'  de 
la  collection  explique  ainsi  le  plan  qu'il  se  propose  de  suivre  pour  chaque  volume 
«  un  entretien  continu  où  s'introduisent,  chemin  faisant,  naturellement  et  leur  place, 


l6  REVUE    CRITIQUE 

analyses,  extraits  et  explications»;  il  veut  «  donner  aux  enfants  et  aux  jeunes  gens 
une  première  idce  des  écrivains  français,  et,  du  même  coup,  les  premiers  traits 
d'une  grande  morale,  large,  profonde,  vraiment  liumaine  ».  Deux  volumes  ont  déjà 
paru  :  Corneille  et  La  Fontaine  ;  ils  sont  dûs  à  M.  Faguet.  N'iendront  ensuite  Victor 
Hugo  et  Chateaubriand  par  M.  Ernest  Dupuv,  Racine  et  Lamartine  par  M.  Jules 
Lemaître.  Nous  donnons  la  table  des  matières  du  La  Fontaine,  orné  d'ailleurs  d'un 
portrait  du  fabuliste  et  de  plusieurs  gravures  :  I.  Pourquoi  La  Fontaine  est  un  écri- 
vain populaire,  sa  jeunesse,  son  caractère;  II.  Ce  qu'est  la  fable;  III.  L'esprit  des 
bêtes  ;  IV.  Amour  de  La  Fontaine  pour  les  petits  et  les  faibles;  V.  La  morale  de  La 
Fontaine  est  particulière  aux  petits  et  aux  humbles.  Etourderie  et  imprévoyance. 
Ne  pas  juger  des  gens  sur  la  mine.  La  prudence  est  la  mère  de  la  sûreté.  Ecouter 
ses  parents  et  les  gens  d'expérience.  Vanité.  Folle  ambition.  Economie.  Patience 
et  travail.  11  faut  îe  soutenir  les  uns  et  les  autres  et  éviter  les  procès  ;  VI.  Insolence 
et  faiblesse  des  grands.  Ils  ont  besoin  des  petits.  Les  petits  préfèrent  la  médiocrité  ; 
VIL  De  ramiiié;  VIII.  Vieillesse  et  mort  de  La  Fontaine.  Chaque  chapitre,  chaque 
paragraphe  renferme  des  exemples  à  l'appui.  La  collection  s'adresse  surtout  aux  en- 
fants, comme  l'indique  le  titre  :  (La  Fontaine  explique  aux  enfants)  et  nous  la  re- 
commandons de  grand  cœur;  on  louera  surtout  l'habileté  de  l'auteur  â  relier  le  texte 
des  fables  principales  entre  elles  par  ses  analyses  et  à  les  grouper  d'après  la  pensée 
qui  inspirait  le  fabuliste.  Le  volume  sur  Corneille  est  tout  aussi  bien  fait;  il  ex- 
plique suffisamment  le  grand  tragique  et  le  met  à  la  portée  de  l'enfance  sous  une 
forme  à  la  fois  aisée  et  originale. 

—  Quatre  brochures  de  M.  André  Joubert.  —  Ces  brochures  d'un  travailleurd'une 
très  grande  activité  sont  intitulées  :  \°  René  de  la  Rouvraye,  sieur  de  Bressault 
1570-1.^71.  Mamers,  i885,  grand  in-S"  de  7  p.  (C'est  un  appendice  à  une  étude  sur 
le  même  personnage  publiée  par  M.  .Ioubeut  en  1881,  appendice  où  sont  utilisés,  en 
ce  qui  regarde  les  brigandages  commis  en  1570-71  près  de  la  Selle-Craonnaise  par 
celui  qu'on  appelait  le  diable  de  Bressault.  divers  titres  de  l'abbaye  de  la  Roë  con- 
servés aux  archives  de  la  Mayenne)  ;  2°  La  démolition  des  châteaux  de  Cv.ion  et  de 
Château -Gontier  d'après  les  documents  inédits  i5g2-r65j.  Mamers,  i885.  Grand 
in-8°  de  3q  p.  (Récit  qui  s'appuie  presque  en  entier  sur  les  Registres  des  délibéra- 
tions de  l'hostel  de  ville  d'Angers,  d'importants  extraits  sont  donnés  aux  Pièces  jus- 
tificatives, et  sur  plusieurs  documents  des  archives  de  la  Mayenne);  3"  La  Chatelle- 
nie  de  la  Jaille-Yvon  et  ses  seigneurs  d'après  les  documents  inédits  1052- 1789. 
Angers,  i885,  grand  in-8''  de  82  p.  —  (Monographie  complète,  ornée  de  deux  hélio- 
gravures qui  représentent  La  Jaille-Yvon  et  le  château  de  l'Oncheray,  enrichie  de 
renseignements  nouveaux  tirés  d'un  grand  nombre  de  recueils  manuscrits  soit  de  la 
Bibliothèque  nationale,  soit  des  dépôts  publics  ou  particuliers  de  l'Anjou  et  du 
Maine,  renseignements  parmi  lesquels  on  remarquera  surtout  d'abondants  détails 
généalogiques,  ainsi  que  d'intéressantes  particularités  relatives  à  de  dramatiques  épi- 
sodes de  l'histoire  des  années  1798  et  1794;  4°  Le  Collège  de  Requeil  d'après  des 
documents  inédits  1676-1793  (Mamers,  j885,  [grand  in-8'',  de  14  p.)  Le  collège  de 
Requeil,  arrondissement  de  la  Flèche,  [canton  de  Pontvallain,  a  été  fondé  en  1676 
par  Jehan  de  Launay.  sieur  de  la  Maldemeure,  chanoine  régulier  de  Saint-Augus- 
tin. L'histoire  de  cet  établissement  a  été  rédigée  par  M.  Joubert  d'après  une  série  de 
pièces  inédites  dont  il  a  fait  récemment  l'acquisition,  pièces  qui  complètent  le  dos- 
sier des  archives  de  la  Sarthe  relatif  à  cet  établissement,  et  d'après  des  documents 
conservés  dans  les  archives  de  la  paroisse  de  Requeil.  —  T.  de  L. 

—  Une  visite  aux  ruines  du  château  de  Montaigne.  —  C'est  un  savant  archéolo- 
gue, M.  Ch,  Mario  NNEAU,  correspondant  de  l'Académie  des  Beaux-Arts,  qui  a  voulu 


i 


D  HlSTOlllE    ET    DE    LITTERATURE  I  7 

décrire  ce  qui  reste,  après  l'incendie  du   12  janvier  i885,  du  manoir  de  l'auteur  des 
Essais  (Bordeaux,  veuve  Moquet,  i885,  brochure  grand  in-8",  de  24  p.,  tirée  à  i5o 
exemplaires  sur  papier  de  Hollande,    imprimée  par  Gounouiihou   et  ornée  de    trois 
belles  gravures  qui  représentent  :  1»  l'ensemble  des  constructions  dont  se  composent 
le  manoir  ;   2"  l'église  du  petit   bourg   de   Saint-Michel  de   Montaigne  ;   3°  la  tour 
ou  donjon  du  manoir.   Empruntons  à  la  très  intéressante  notice  de  M.  Marionneau 
(p.  i3),  un  renseignement  qui   sera  bien   accueilli  de  tous  les  amis   de  Montaigne   : 
Cl  Et  maintenant,  avant  de  dire  adieu  à  ce  château  réduit  en  cendres,  il  est  conso- 
lant de  pouvoir  constater  que  la  partie  la  plus  curieuse  de   ce  domaine,   celle  où    le 
grand  moraliste  a  laissé  l'empreinie  la  plus  profonde  de  lui-même,  la  vieille    tour 
dite  de  Montaigne,  qui  contenait  sa  chapelle,  sa  chambre  et  sa  librairie,  existe  en- 
core sinon  dans  un   état  parfait  de  conservation,  au  moins  telle  qu'elle   était  avant 
rincendie  du  corps  principal  du  logis.  »   A  la  suite  du  récit  de  la  visite  aux  ruines 
qui  ont  déjà  disparu,  car  je  puis  annoncer  d'après  un   sûr  témoignage  que  Ton  tra- 
vaille avec  activité  à  la  reconstruction  du  château,  nous  trouvons  :  1°   une  note   de 
iM.  Gustave  Brunet  relative  aux  inscriptions  tracées  au  pinceau  (et  non  gravéesj  sur 
les  solives  et  les  poutres  de  la  librairie  de  Montaigne)  ;  2°  une  Table  iconographique 
où  sont  indiqués  tous  les  plans,  dessins,  lithographies,  gravures  du  château;  3°  enfin 
la  copie  de  l'inscription  que  la  municipalité  de  Rome  va  faire  placer  sur  la  façade  de 
l'ancienne  auberge  de  VOiirs,  où  Montaigne  et  sa  suite  vinrent  loger,  à  leur  arrivée 
à  Rome,  le  dernier  jour  de  novembre  i58o.  A   ce  propos,  M.  Marionneau   exprime 
un  vœu  auquel  s'associera  chacun  des  lecteurs   de  sa   splendide  brochure,  le   vœu 
qu'au  flanc  de  la  vieille  tour,   si  chère  au  philosophe,  et  dont   il  disait  :  «  Je  passe 
là  la  plupart  des  jours  de  ma  vie  et  la  plupart  des  heures  des  jours  »,  on  inscrive  ces 
simples  mots  :  Ici  naquit,  écrivit  et  mourut  Michel  de  Montaigne.  —  T.  de  L. 

—  Deux  brochures  de  M.  Jules  Andrieu.  —  L'autre  jour,  je  signalais,  en  passant 
(no  du  18  mai.  Chronique,  p.  402)  une  étude  fort  curieuse  de  M.  J.  Andrieu  sur  un 
châtiment  singulier  (la  baignade,  en  une  cage  de  fer,  des  femmes  de  mauvaise 
vie).  Signalons  deux  autres  non  moins  curieuses  brochures  du  même  auteur 
(Les  Agenais.  Deux  oubliés  du  xvui'  siècle;  Agen,  Michel  et  Médan,  t8S5,  grand 
in-80  de  17  p.  Tiré  à  5o  exemplaires.  —  Un  amour  d'Henri  IV.  Capchicoi,  légende 
et  histoire -^  Paris,  Em.  Lechevalier;  Agen,  Michel  et  Médan,  i885,  grand  in-S"  de 
21  p.  Tiré  à  100  exemplaires.  —  Les  oubliés  sont:  Jean-Baptiste  Rigal,  né  à  Frespech 
vers  1720,  mort  vers  1792,  maréchal  des  camps  et  armées  du  roi,  commandant  de 
la  ville  d'Agen,  et  Barthélémy  Roux,  né  vers  1720,  mort  après  1786,  négociant 
d'une  admirable  générosité,  et  qui  fut  pour  les  pauvres  une  véritable  providence. 
M.  Andrieu  a  publié,  d'après  les  registres  des  Archives  départementales  de  la  Gi- 
ronde, les  lettres  de  noblesse  accordées  en  1771  et  en  1777  à  ces  deux  personnages 
dont  nul  n'a  gardé  le  souvenir.  —  C'est  encore  du  même  dépôt  que  proviennent  les 
lettres  d'anoblissement  en  faveur  d'Estienne  Saint-  Vincent  de  Cachicot  et  ceux  de 
sa  postérité  (20  avril  iSgy)  et  les  lettres  de  confirmation  du  dit  anoblissement 
(20  juin  i6i3).  Etienne  Saint-Vincent,  surnommé  Capchicot,  n'est  autre  que  le  pau- 
vre charbonnier  chez  lequel  coucha,  dans  les  landes  de  Lot-et-Garonne,  en  1578,  le 
roi  de  Navarre  et  à  la  femme  duquel  le  diable  à  quatre  passe  pour  avoir  donné  un 
fils.  M.  Andrieu  joint  à  son  agréable  récit  d'utiles  indications  et  rectifications. 
L'auteur,  qui  est  un  des  plus  zélés  travailleurs  de  Gascogne,  va  publier  prochaine- 
ment deux  ouvrages  importants  sur  lesquels  j'appelle  d'avance  l'attention  de  nos 
lecteurs  ;  L'imprimerie  en  Agenais  depuis  l'origine  jusqu'à  nos  jours  (i  vol.  grand 
in-80)  ;  Bibliographie  générale  de  V Agenais.  Répertoire  alphabétique  de  tous  les  li- 
vres, brochures,  journaux,  etc.,  dus  à  des  auteurs  de  la  région,  imprimés  dans  ce 


l8  RlîVUE   CRITIQUE 

pays  OU  l'intéressant  directement,  avec  des  notes  littéraires  et  biographiques  (2  vol 
grand  in-8°].  —  T.  dk  L. 

—  Le  budget  de  Bc:{iers  en  1620.  —  Sous  ce  litre  M.  Frédéric  Donnadieu,  pré- 
sident de  la  Société  archéologique  de  Béziers,  publie  (Béziers,  i885,  grand  in-"  de 
ôo  p.)  un  important  document  qui  avait  écliappé  aux  investigations  des  historiens 
locaux,  quoiqu'il  ait  été  mis  au  jour  en  1648  (il  est  vrai  que  la  brochure  imprimée 
par  Jean  Martel  et  Pierre  Claverie  est  d'une  excessive  rareté).  Le  budget  de  1620  est 
le  premier  qui  ait  été  régulièrement  établi  dans  Béziers.  Outre  les  sommes  à  dé- 
penser et  les  recettes  à  faire,  on  y  indique  les  moyens  de  prévenir  les  fraudes  et  les 
mauvaises  gestions  des  deniers  publics.  C'est  donc  plus  qu'un  budget;  c'est  en 
quelque  sorte  un  code  municipal.  Ce  document  fait  connaître  le  nombre  des  em- 
ployés de  la  commune,  la  nature  de  icurs  fonctions,  le  quantum  de  leurs  gages,  des 
détails  de  mœurs  et  de  coutumes  locales  inhérentes  à  ces  emplois,  les  peines  encou- 
rues par  les  employés  principaux  ou  subalternes,  dans  tels  et  tels  cas,  toutes  choses 
qui,  comme  le  remarque  M.  Donnadieu,  nous  font  pénétrer  plus  avant  dans  la  vie 
municipale  de  nos  pères.  Notons  ce  piquant  rapprochement  :  le  budget  de  1Ô20 
présente  en  recette  le  modeste  total  de  moins  de  i3,ooo  livres  et  en  dépense  la 
somme,  plus  modeste  encore,  de  moins  de  10,000  livres.  Le  budget  de  Béziers  en 
i88d  s"élève  en  dépenses  et  en  recettes  à  près  de  deux  millions.  Notons  encore  que 
les  habitants  de  Béziers  étaient  admis  aux  séances  du  conseil,  mais  qu'ils  avaient, 
de  plus  qu'aujourd'hui,  le  droit  d"y  prendre  la  parole  et  de  faire  entendre  leurs 
plaintes  pour  le  bien  de  la  ville.  M.  Donnadieu  a  entouré  le  budget  de  1620  de  no- 
tes très  abondantes  et  très  instructives  qui  méritent  d'être  recommandées  non  seu- 
lement aux  amis  de  l'histoire,  mais  aussi  aux  amis  de  la  philologie,  car  ces  derniers- 
y  trouveront  d'excellentes  choses  sur  certains  mots  méridionaux,  tels  que  clavaire 
(trésorier  municipal),  compe^aires  (agents  chargés  de  rédiger  le  livre  de  la  Taille), 
bans  (droit  de  pacage),  hortolanerie  (jardinage  ,  èo^e  (plante  marécageuse  qui  sert  à 
faire  des  nattes  grossières),  boineias  (beignets),  etc.  Au  moment  où  M.  Donnadieu 
publiait  son  étude  sur  le  budget  de  Béziers  en  1620,  M.  Paul  de  Fontenilles.  prési- 
dent de  la  Société  des  Etudes  du  Lot,  publiait  une  étude  qui  est  fort  intéressante 
aussi  sur  le  Budget  de  la  ville  de  Cahors  en  1684  {Bulletin,  t.  X,  i"  fascicule, 
i8S5,  pp.  1-49  pour  le  texte,  5o-i  1 1  pour  le  commentaire).  —  T.  de  L. 

—  La  campagne  du  duc  de  Guise  dans  l'Orléanais.  —  Dans  cette  monographie 
(Orléans,  Herluison,  i885,  in-80  de  28  p.),  M.  Baguenault  de  Puciiesse,  prési- 
dent de  la  Société  archéologique  et  historique  de  l'Orléanais,  a  voulu  suivre  pas  à 
pas,  à  l'aide  de  documents  dont  quelques-uns  n'ont  pas  encore  été  utilisés,  notam- 
ment les  lettres  du  duc  de  Guise  à  Henri  III  (B.  N.  F.  Fr.  4734),  les  manœuvres 
militaires  dont  l'Orléanais  lut  le  théâtre  en  octobre  et  novembre  ïbSj.  11  envi- 
sage concurremment  la  marche  des  trois  armées  en  présence  :  celle  qui  était 
commandée  par  Henri  III  en  personne,  ayant  le  duc  d'Epernon  pour  lieutenant, 
celle  des  protestants,  où  l'on  remarquait  Jean-Casimir,  duc  de  Bavière,  le  baron 
de  Dohna,  le  duc  de  Bouillon,  le  colonel  général  Clervant,  enfin  celle  du  duc  de 
Guise.  11  décrit  ensuite  les  deux  combats  de  Vimory  (26  octobre)  et  d'Auneau 
(24  novembre),  où  fut  presque  anéantie  l'armée  allemande.  A  la  brochure  est  an- 
nexée une  excellente  carte  explicative  des  opérations  des  trois  armées.  M.  Bague- 
nault de  Puchesse  énumère  et  analyse  (Appendice,  pp.  17-28)  3j  petites  publica- 
tions contemporaines  relatives  à  la  campagne  de  1087,  «  qui  la  plupart  sont  telle- 
ment rares  qu'elles  font  le  désespoir  ou  le  bonheur  des  bibliophiles  ».  Le  som  et 
l'habileté  avec  lesquels  a  été  dressée  la  liste  de  ces  plaquettes,  dont  plusieurs  man- 
quent à  la  Bibliothèque  nationale,  montre  ce  que  nous  devons  attendre  du  catalogue 


D'HUVrOlRE    ET   DlC    LITTERATURE  ÎQ 

des  plaquettes  de  la  seconde  moiiic  du  xvv-  siècle  préparée  par  M.  Baguenault  de 
Puchesse  avec  le  concours  d'un  excellent  travailleur  qui  a  fait  ses  preuves,  M.  L.  Jarry, 
catalogue  qui  certainement  serait  pour  ces  innombrables  pièces  ce  qu'est  pour  les 
Ma:{arinades  le  classique  recueil  de  M.  Moreau.  —  T.  de  L. 

—  M.  A.  GiRY  vient  de  faire  paraître  à  la  librairie  Picard  le  volume  de  Documents 
sur  les  relations  de  la  Royauté  avec  les  villes  en  France  de  ii3o  à  i3i4,  que 
nous  avons  précédemment  annoncé  à  nos  lecteurs.  Ce  volume  fait  partie  d'un 
Recueil  de  textes  pour  servir  à  l'étude  et  à  l'enseignement  de  l'histoire,  qui  fera 
pendant  au  Recueil  de  M.  Tardif  pour  servir  à  l'étude  et  à  l'enseignement  du  droit. 
M.  Lavisse  a  mis  en  tête  du  volume  de  M.  Giry  une  courte  préface  où  il  insiste  sur 
la  nécessité  de  mettre  des  instruments  de  travail  aux  mains  des  jeunes  gens. 

RUSSIE.  —  Sous  ce  titre  Cyrille  et  Méthode  dans  la  philologie  slave,  M.  Jagic 
vient  de  publier  à  Saint-Pétersbourg  (imprimerie  de  l'Académie  des  Sciences)  le  tra- 
vail qu'il  a  lu  dans  la  séance  solennelle  du  5  avril  dernier,  séance  consacrée  à  la 
mémoire  des  deux  apôtres  slaves.  Cette  dissertation,  accompagnée  de  nombreuses 
notes,  présente  un  résumé  très  exact  des  travaux  auxquels  les  deux  saints  ont  donné 
lieu  depuis  un  siècle  et  demi.  11  est  vivement  à  souhaiter  que  M.  Jagic  en  publie 
une  traduction  allemande  dans  VArchivfïir  Slavische  Philologie.  UArchiv  rendrait, 
croyons-nous,  un  grand  service  aux  savants  en  publiant  une  bibliographie  détaillée 
des  travaux  relatifs  aux  deux  apôtres. 

—  A  l'occasion  du  millénaire  de  saint  Méthode.  l'Université  (russe)  de  Varsovie  a  pu- 
blié sous  la  direction  de  M.  Boudilovitch  un  recueil  de  travaux  originaux  :  V  Lavro- 
vsKY  :  Cyrille  et  .Méthode  et  les  origines  du  Christianisme  en  Russie;  2°  Boudilo- 
vitch :  (Considérations  sur  le  caractère  greco-slave  de  l'œuvre  de  Cyrille  et  de 
Méthode;  3°  Pervolf  ;  La  langue  slavonne  et  ses  destinées;  4»  Koulakovsky  :  La 
question  de  l'unité  de  langue  littéraire  chez  les  peuples  slaves;  5"  Grote  :  L'origine 
grecque  des  apôtres  slaves  ;  6*'  Ziegel  :  L'importance  sociale  de  l'œuvre  des  apôtres 
Cyrille  et  Méthode. 


ACADEiMlE  DES  IînSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  26  juin  i885. 

Le  prix  Eordin,  sur  cette  question  :  a  Etude  critique  sur  les  œuvres  que  nous  pos- 
sédons de  l'art  étrusque  »,  etc.,  n'est  pas  décerné.  Le  concours  est  prorogé  au 
3i  décembre  1886 

M.  Renan  communique  à  l'Académie  une  lettre  de  M.  de  Lostalot,  vice-consul  de 
France  à  Djeddah,  qui  est  débarqué  à  Marseille  le  16  juin,  ayant  avec  lui  les  objets 
recueillis,  au  cours  d'une  mission  archéologique  entreprise  sous  les  auspices  de  l'A- 
cadémie, par  M.  Huber,  courageux  voyageur  tué  par  les  Arabes  il  y  a  un  an  à  peu  près. 
M.  de  Lostalot  rapporte,  en  particulier,  la  célèbre  stèle  araméenne  de  Teima,  qui 
mérite  la  seconde  place  parmi  les  monuments  d'épigraphie  orientale  connus  jus- 
qu'ici; la  stèle  du  roi  moabite  Mésa  mérite  seule  de  lui  être  préférée.  La  stèle  de 
'i'eima  est,  dit  M.  Renan,  un  acte  d'éclectisme  religieux,  une  sorte  de  concordat, 
par  lequel  un  individu  étranger  à  la  tribu  des  Teïmites  élève  la  prétention  que  le 
culte  qu'il  rendra  à  son  dieu  particulier  soit  agréable  aux  dieux  des  Teïmites  et  que 
ceux-ci  le  protègent.  Une  part  sur  ce  qu'on  peut  appeler  le  budget  des  cultes  de  la 
tribu  de  Teïnia,  consistant  en  2g  palmiers,  est  prélevée  au  prohc  du  dieu  nouveau. 
La  stèle  de  Teïma  peut  être  rapportée  au  v''  siècle  avant  notre  ère.  Une  très  curieuse 
sculpture  en  relève  singulièrement  la  valeur.  M.  de  Lostalot  a  déployé  pour  acqué- 
rir ce  précieux  monument  à  la  France  un  zèle  et  une  intelligence  qui  ne  sauraient 
être  assez  loués. 

^  M.  Charles  Nisard  termine  la  lecture  de  son  mémoire  sur  les  poésies  latines  de 
Fortunat.  Il  s'est  proposé  de  rechercher  pourquoi  ces  poésies,  remplies  de  détails 
intéressants  sur  les   mœurs  et  les  arts  de  l'époque  mérovingienne,  n'ont  encore  été 


20  REVUK    CRITIQUE    D  HISTOIRE    El    DE    LnTERATURB 

traduites  en  aucune  langue.  Il  passe  d'abord  en  revue  tous  les  auteurs  qui,  depuis 
Paul  Diacre,  au  viii'^  siècle,  jusqu'à  nos  jours,  ont  parlé  de  Fortunat  ;  il  relève  les 
èloi^es  dont  il  a  été  presque  constamment  l'objet,  mais  il  remarque  qu'aucun  des 
érudits  du  xvi°  siècle  ne  s'est  laissé  prendre  à  ces  éloges.  Dégoûtes  sans  doute  par 
celte  latinité  barbare,  par  cette  poésie  dont  le  vol  ne  lait  que  raser  la  terre,  et  sur- 
tout par  l'état  du  texte  dans  les  manuscrits,  où  il  y  a  souvent  plus  de  fautes  que  de 
mots,  les  lettrés  de  la  Renaissance  ont  négligé  l'étude  des  œuvres  de  Fortunat. 
Brower  le  premier  donna,  en  i6o3,  une  édition  de  ces  œuvres,  accompagnée  d'un 
commentaire.  Malheureusement  il  s'occupa  moins  d'en  rétablir  le  texte  que  d'expli- 
quer les  passages  qui  renferment  des  allusions  historiques.  Ses  éclaircissements  à  cet 
égard  sont  loin  d'être  sans  mérite,  mais  ils  reposent  trop  souvent  sur  des  conjectu- 
res hasardées  ou  sur  des  faits  manifestement  erronés.  Cent  quatre-vingt-trois  ans 
plus  tard,  une  nouvelle  édition  fut  donnée  par  Puchi.  Elle  l'emporte  sur  la  précé- 
dente par  l'étendue  et  la  richesse  du  commentaire.  L.es  connaissances  de  Puchi  en 
histoire  étaient  plus  grandes  que  celles  de  Brower,  il  a  montré  plus  de  prudence 
dans  ses  conjectures,  enfin  il  a  eu  à  sa  disposition  un  plus  grand  nombre  de  manus- 
crits. Néanmoins  son  texte  laisse  encore  beaucoup  à  désirer,  et  c'est  ce  mauvais  état 
du  texte,  pense  M.  Nisard,  qui  est  cause  que  personne  n'a  encore  osé  traduire  For- 
tunat. Les  premiers  éditeurs,  ajoute-t-il,  ont  eu  trop  de  respect  pour  les  leçons  ab- 
surdes ou  inintelligibles  que  présentent  à  tout  instant  les  manuscrits.  Beaucoup  de 
ces  mauvaises  leçons  peuvent  aisément  être  corrigées  par  conjecture  :  on  aurait  dû 
oser  le  faire.  11  y  a  heureusement,  ajoute  M.  Nisard,  quelques  traits  de  cette  har- 
diesse dans  l'édition  de  M.  Frédéric  Léo,  publiée  à  Berlin  en  i88i.  On  y  remarque 
notamment  un  certain  nombre  de  corrections  très  heureuses,  suggérées  à  M.  Léo 
par  M.  Mommseii.  On  aurait  pu  les  souhaiter  plus  noinbreuses -,  mais  telles  qu'elles 
sont,  elles  rendent  désormais  possible  une  traduction  de  ce  ténébreux  et  inextrica- 
ble poète.  M.  Ch.  Nisard  laisse  entendre  qu  il  se  propose  de  donner  lui-même  cette 
traduction. 

M.  Benlœw  termine  sa  lecture  sur  les  langues  et  les  peuples  du  Caucase. 

Ouvrages  présentés:  —  par  M.  Gaston  Paris  :  Boselu  (le  comte  Jules),  Tableaux 
généalogiques  de  la  dynastie  capétienne,  extraits  des  principaux  auteurs  ;  —  par 
M.  Georges  Perrot  :  BÂpst  (Germain),  Étude  sur  l^s  coupes  phé)iicien)ies  (extrait  de 
la  Revue  des  arts  décoratifs)  ;  —  par  M.  Léopold  Delisle  :  i"  Archives  de  Bretagne, 
publiées  parla  société  des  bibliophile  bretons,  t.  I,  11.  111,  (privilèges  de  la  vjlle  de 
Nantes,  complot  breton  de  140-.:,  mystère  de  sainte  Barbej  ;  2°  Châtelain  (Emile), 
Paléographie  des  classiques  latins,  livraisons  i  et  2  ;  —  par  l'auteur  Oppert  (Julius), 
Die  astronomischen  Angaben  der  assyrischen  Keilinschriften  (extrait  àts,  Sit:{ungs-  ; 

berichte  de  l'Académie  impériale  de  Vienne).  î 

Julien  Havet.  J 

SOCIÉTÉ  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE 


Séance   du  17  juin  i885. 

PRÉSIDENCE   DE   M.    COURAJOD 

M.  le  Président  donne  lecture  de  l'allocution  qu'il  a  prononcée  au  nom  de  la  Com- 
pagnie, sur  la  tombe  de  M.  Léon  Renier,  membre  honoraire,  décédé  le  ii  juin 
dernier. 

M.  de  GeymuUer  présente  les  épreuves  photographiques  des  dessins  d'un  archi- 
tecte français  conservés  à  la  Bibliothèque  royale  de  Munich;  d'après  des  indices  cer- 
tains, il  les  restitue  à  Du  Cerceau;  ces  dessins  représentent  des  monuments  exécutés 
en  Italie  vers  iSyS. 

La  séance  est  suspendue  pour  permettre  aux  membres  présents  de  procéder,  sous 
la  conduite  de  M.  de  Villcfosse,  à  la  visite  des  bronzes  antiques  acquis  à  la  vente  de 
la  collection  Gréau  pour  le  musée  du  Louvre. 

A  la  reprise  de  la  séance,  M.  de  Villefosse  lit  un  travail  du  P.  Camille  de  la  Croix 
intitulé  :  «  Troisième  note  sur  de  nouvelles  inscriptions  franques  trouvées  à  Anti- 
gny  (Vienne)  ». 

A  cette  occasion  M.  de  Laarière  rappelle  que  le  cimetière  antique  d'Antigny  était 
déjà  connu  des  archéologues  par  le  monument  appelé  Lanterne  des  Morts. 

M.  Germain  Bapst  annonce  que  des  fouilles  viennent  d'être  exécutées  à  Van  (Ar- 
ménie) et  qu'on  y  a  trouvé  des  monuments  de  l'art  chaldéo-assyrien  dont  le  travail 
rappelle  celui  du  siège  de  bronze  de  même  provenance  acquis  par  M.  le  marquis  de 
Vogué. 

Le  Secrétaire, 

R.  MOWAT. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 

Le  Puy,  imprimerie  -le  Marchessoii  fils,  boulevard  Saint-Laurent.  2.5. 


♦ 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET   DE    LITTÉRATURE 


N»  28  —  13  juillet  -  1885 


Sotninuirc  :  il 6.  Neumann  et  Partscii,  Géographie  physique  de  la  Grèce.  — 
1 17.  KviCALA,  Nouvelles  contributions  à  l'explication  de  l'Enéide.  —  1 18.  J.  Havet, 
(Questions  mérovingiennes,  I,  la  formule  v.  inl.  —  119.  Ant.  Thomas,  Jean  de 
Montreuil.  —  120.  Stieve,  La  politique  de  la  Bavière,  1 591-1607.  —  121.  Brac- 
QUEMOND,  Du  dessin  et  de  la  couleur.  —  Variétés  :  Delboulle,  (Quelques  notes 
sur  l'édition  de  La  Fontaine,  II.  —  Cluronique.  —  Académie  des  Inscriptions.  — 
Société  des  Antiquaires  de  France. 


116.  —  l»liysikalîsctie  Geograpliîe  von  Grleeltcnlantî  mît  besonder-ei* 
Rûcksiclit  auf  das  A.ltei-tliuin,  par  G.  Neoaiann  et  J.  Partsch.  Breslau, 
W.  Kœbner,  i885.  In-8  de  xii-476  pages. 

Ce  livre  se  compose  de  cinq  chapitres:  I.  Climat  de  la  Grèce;  II.  Confi- 
guration du  pays,  côtes,  etc.  ;  III.  Relief  du  sol;  IV.  Composition  géolo- 
gique; V.  Végétation.  Une  table  très  développée,  au  commencement  de 
l'ouvrage,  et  un  index  alphabétique  fort  complet,  à  la  fin,  facilitent  les 
recherches.  Comme  l'indique  le  titre,  les  auteurs  ne  se  sont  pas  seule- 
ment proposé  de  décrire  la  Grèce  actuelle  :  la  Grèce  ancienne,  avec  ses 
produits,  ses  ressources  physiques  de  toute  nature,  son  ciel,  est  sans 
cesse  présente  à  leur  esprit;  c'est  en  songeant  à  l'antiquité  qu'ils  parcou- 
rent et  nous  font  parcourir  la  Grèce  continentale  et  les  îles.  Ainsi, 
après  avoir  parlé  du  climat  d'Athènes,  ils  se  demandent  (pp.  3 1-45) 
quelle  a  pu  être  Pinfluence  de  ce  climat  sur  la  religion  des  Athéniens, 
sur  leur  art,  sur  leur  vie  de  chaque  jour.  Ailleurs  (p.  254),  certains 
phénomènes  physiques  leur  fournissent  Fexplication  de  quelques-uns 
des  mythes  dont  la  poésie  grecque  est  pleine.  L'ouvrage  de  MM.  Neu- 
mann et  Partsch  n'intéresse  donc  pas  les  seuls  naturalistes  :  les  amis 
de  l'antiquité  y  trouveront,  eux  aussi,  d'utiles  renseignements  et  les  ar- 
chéologues le  consulteront  avec  profit.  Ajoutons  que  la  lecture  en  est 
facile  et  que  des  notes  nombreuses  en  éclairent  le  texte. 

Paul  Girard. 


117.  _  Joh.  KviCALA.  Xeue  Beîtrspge  z«i-  Erklîjerung  dei-  yEiiels  nebst 
melirei-en  Excui'sen  imd  Abtiandlungen.  Prag,  Tempsky,  1881,  in-8, 
viu  et  462  p.  8  mark. 

Le  présent  volume  est  une  sorte  de  second  tome  ajouté  aux  Vergil- 
Studien,  donnés  par  Tauteur  à  Prague  en  1878,  et  bien  reçus  par  la  cri- 
tique. Ces  études  contenaient,  avec  la  collation  d'un  ms.  de  Prague,  des 
Nouvelle  série.  XX.  28 


22  REVUE    CRITIQUE 

notes  critiques  et  exégétiques  sur  les  premiers  livres  de  rÉnéide,  parti- 
culièrement sur  le  premier  livre.  Ici  nous  avons  de  même  des  remarques 
développées  sur  divers  passages  des  livres  II,  III  et  IV  et  particulière- 
ment sur  ce  dernier  livre.  Les  difficultés  de  texte  ou  d'interprétation 
sont  indiquées;  l'auteur  énumère  exactement  les  solutions  données  jus- 
qu'ici; il  indique  celle  qu"'il  choisit,  en  quelques  endroits  celle  qu'il 
propose,  le  tout  avec  beaucoup  de  sens  et  une  grande  clarté.  Tout  au 
plus  trouverait-on  à  reprendre  çà  et  là  quelques  longueurs,  des  digres- 
sions, des  raisons  plutôt  comptées  que  pesées,  un  peu  trop  de  complai- 
sance pour  les  conjectures  et  pour  les  explications  proposées  :  huma- 
nuni  est. 

De  ces  remarques  retenons  seulement  que  M.  Kvicala  défend  l'au- 
thenticité des  vers  II,  567-588.  Ils  ne  seraient  pas,  comme  le  suppose 
Weidner,  une  première  improvisation  du  poète.  Mais  en  écrivant  le 
livre  VI,  Virgile  ne  put  pas  ne  pas  s'apercevoir  qu'il  y  avait  contra- 
diction entre  les  deux  épisodes,  et  que  celui  de  Déiphobe  devait  faire 
écarter  l'épisode  d'Hélène  au  livre  II.  Il  n'eut  pas  le  temps  de  suppri- 
mer celui-ci;  mais  il  indiqua  quelque  part  la  correction  qu'il  voulait 
faire,  et  c'est  d'après  celte  indication  que  ces  vers  auraient  été  omis  par 
Tucca  et  par  Varius. 

Il  est  regrettable  que  dans  tout  Touvrage,  Servius  soit  assez  mal  em- 
ployé. M.  Kv.  ne  fait  pas  de  distinction  entre  les  groupes  de  scolies;  de 
là  une  source  d'erreurs  et  de  confusions  très  fréquentes.  Il  est  évident 
que  M.  Kv.,  quand  il  a  fait  son  livre,  ne  connaissait  encore  ni  l'édition 
Thiio,  ni  rien  de  ce  qui  a  été  publié  pendant  ces  dernières  années  sur 
Servius  {voir  p.  14,3;  p.  58,  au  bas,  etc.)  Le  sens  donné  par  les  scolies 
n'est  pas  toujours  bien  dégagé;  leur  texte  même  est  parfois  altéré  (ainsi 
p.  93,  note  *).  Pour  un  travail  sur  Virgile,  c'est  un  défaut  qui  ne  man- 
que pas  de  gravité. 

Suivent,  p.  223  et  suiv. ,  cinq  Excursus.  Dans  les  deux  premiers, 
M.  Kv.  a  réuni  les  données  que  nous  possédons  sur  la  destruction  de 
Troie;  dans  V Excursus  I^  les  données  semblables  au  récit  de  Virgile; 
dans  le  second,  les  données  qui  en  diffèrent.  Les  auteurs  sont  Quintus 
de  Smyrne,  Tryphiodore,  Lycophron,  Proclus,  Hygin,  Tzetzès,  Dic- 
tys,  Darès,  enfin  les  poètes  grecs  et  latins.  L^ Excursus  I  ns.  fait  pas  dou- 
ble emploi  avec  les  indications  de  Ribbeck.  Il  est  beaucoup  plus  déve- 
loppé et,  dans  le  détail,  plus  précis.  Dans  le  second,  M.  Kv.  indique  avec 
beaucoup  de  sagacité  pour  quelles  raisons  de  vraisemblance  Vn"gile  s'est 
écarté  des  détails  souvent  naïfs  du  récit  traditionnel. 

yEn.  IV,  573,  M.  Kv.  propose  de  ponctuer  d'après  Servius  :  «  Socios 
que  fatigat  Prœcipites  :  vigilate,  viri  »  et  il  est  amené  par  cette  diffi- 
culté à  traiter  des  cas  analogues  et  à  examiner  dans  un  excursus^  le 
troisième,  les  passages  assez  nombreux  ■  où  le  commencement  du  dis- 


M 


I.  Ils  sont  sur  l'ensemble  des  discours  dans  la  proportion  d'un  quart  environ. 


d'histoire  et  Di<:  littérature  2'i 

cours  d'un  personnage,  ne  coïncide  pas  avec  le  commencement  du  vers. 
Chez  les  poètes  épiques  grecs,  au  contraire,  on  ne  trouve  à  cette  coïnci- 
dence presque  aucune  exception  (p.  268),  et  de  même  chez  eux  les  dis- 
cours finissent  avec  le  vers  tandis  que  Viri^ile  les  termine  souvent  avant 
la  fin  du  vers. 

Dans  VExcursiis  IV.  M.  Kv.  développe  et  complète  une  vue  déjà 
indiquée  dans  les  Vergilstiidien  (p.  34  et  suiv.)  en  montrant  comment 
Virgile  se  plait  à  donner  aux  mots  qui  doivent  être  accentués  une  place 
symétrique  et  parallèle,  soit  au  commencement  et  à  la  fin  du  même 
vers,  soit  à  la  fin  ou  au  commencement  de  deux  ou  même  de  trois  vers 
qui  se  suivent.  Ce  sont  là  des  observations  fort  justes  et  présentées  dans 
une  juste  mesure. 

Je  crains  qu'il  n'en  soit  pas  tout  à  fait  de  même  de  VExcursus   V  qui 
traite  de  l'allitération  dans  Virgile.   Pour  l'auteur,  cette  question  est  de 
grande   importance;  c'est   un    point  qui  a  été  trop  négligé    jusqu'ici 
(p.  293),  et  M.  Kv.  n'hésite  pas,  dans  cet  excursus  et  dans  d'autres  en- 
droits de  son  livre,  à  tirer  de  ce  qu'il  regarde  comme  une  habitude  cons- 
tante et  caractéristique  du  style  de  Virgile  des  arguments  probants  pour 
l'interprétation,    pour  l'établissement  du  texte  et  même  pour  l'authen- 
ticité de  vers  contestés.  On  trouvera  sans  doute  dans  ces  vues  et  dans 
cette  étude  beaucoup  d'intérêt,  d'excellentes  remarques,  des  tables  très 
développées  qui  peuvent  servira  déterminer  d'une  manière  assez  précise 
l'emploi  de  l'allitération  dans  Virgile,  C'est  une  observation  ingénieuse 
et  très  juste,  que  plusieurs  expressions  du  poète  qui  paraissent  d'abord 
singulières  ou  forcées,  ont  été  choisies  par  lui  à  dessein  pour  produire 
quelque  allitération.  Mais  l'auteur  reconnaît  (p.   386)  que  dans  Virgile 
l'allitération  n'est  pas  toujours  volontaire;  que  dans  ce  domaine,  il  est 
d'ailleurs  difficile  et  souvent  impossible  (p.  422)  de  distinguer  un  effet 
voulu  d'un  rapprochement  simplement  dû  au  hasard;   donc  première 
difficulté:  on  risque  de  supposer  l'allitération  où  elle  n'est  pas,  tle  prê- 
ter au  poète  des  intentions  qu'il  n'a  pas  eues  et  de  changer  son  texte 
sous  prétexte  de  l'épurer.  M.  Kv.  reconnaît  de  plus  (p.  2Q4;  p.  419  et 
suiv.  ;  p.  430)  que  la  plupai  t  des  Romains  ont   fait  un  grand  usage  de 
l'allitération;  seconde  difficulté  :  car  d'une  observation  qui  doit  être  et 
qui  doit  rester  générale  pour  être  solide  et  vraie,  pourra-t-on  tirer  quelque 
trait  vraiment  caractéristique  du  stylede  Virgile?— Ce  qu'en  a  tiré  M.Kv, 
pour  l'interprétation  de  quelques  passages  difficiles,  comme  p.  410,  sur 
^n.  I,  233 .,0b  Italiam,  n'est  certes  ni  clair  ni  convaincant.  Enfin  on  ne 
peut  oublier  que  ce  principe  de  Vallitération,  comme  l'appelle  l'auteur, 
aurait  mené  dans  l'application  à  la  monotonie  la  plus  fastidieuse;  qu'il 
était  sans  cesse  restreint  et  limité  par  un  autre  principe  aussi  important, 
celui  de  la  variété  du  style  ;  qu'un  auteur  doué  de  ce  tact  et  de  ce  senti- 
ment de  mesure  que  M.  Kv.  loue  dans  Virgile  (p.  434)  devait  éviter  de 
multiplier  les  mêmes  effets;  que  l'art  chez  lui  partout  se  dissimule,  tan- 
dis que  par  l'allitération,  il  ne  manque  jamaisde  se  trahir.—  Il  n'est  pas 


24  RKVUK    CRIÏJQUB 

besoin  d'insister  :  on  comprend  avec  quelle  prudence  il  convient  d'ac- 
cepter ce  pre'tentiu  principe,  et  l'on  devine  à  quelles  fausses  conséquences 
il  peut  conduire.  Que  dans  la  critique  du  texte,  on  en  use  en  seconde 
ligne  et  après  d'autres  raisons,  nous  l'admettrons;  mais  nous  croyons 
que  l'exemple  de  M.  Kvicala  lui-même  montre  clairement  comme 
il  est  facile  d'en  abuser. 
Trois  index  commodes  terminent  le  volume. 

E.  T. 


Ii8.  —  <J«pstîojis  niérovin^îennes,  par  Julien  Havet.  I.  La  formule  :  N  rex 
francorum  v.  iiil.  Extrait  de  la  Bibliothèque  de  V Ecole  des  Chartes.  Paris,  Cham- 
pion, i885.  In-8,  \6  pp. 

Le  conclusion  de  cette  brochure  est  que  «  l'abréviation  v.  ittl.  placée 
«  après  le  titre  royal,  dans  les  diplômes  mérovingiens,  doit  se  lire  viris 
«  inhistribus .  Le  titre  de  vh'  inluster,  appliqué  aux  rois  est  carolingien 
«  et  non  mérovingien.  »  Ainsi  s'exprime  l'auteur,  qui  me  semble  avoir 
démontré  avec  succès  Texaclitude  de  cette  thèse.  C'est  une  découverte 
importante  dans  le  domaine  de  la  diplomatique  française,  elle  atteste  la 
perspicacité  de  M.  Havet,  et  la  justesse  de  son  esprit. 

Si  son  mémoire  était  extrait  de  la  Revue  historique,  et  si  j'en  rendais 
compte  dans  la  Revue  des  Questions  historiques,  ou  réciproquement,  je 
me  bornerais  à  ces  observations  élogieusement  banales.  Mais  le  travail 
de  M.  Havet  a  paru  dans  la  Bibliothèque  de  l'École  des  Chartes,  c'est- 
à-dire  dans  une  publication  d^un  caractère  tout  à  fait  technique,  ce 
semble;  j'écris  de  mon  côté  dans  la  Revue  critique  qui  a  la  prétention 
de  mériter  son  titre.  Je  crois  donc  que  c^est  le  cas  de  joindre  à  mes  élo- 
ges l'expression  de  la  surprise  que  j'ai  éprouvée  en  voyant  combien  la 
terminologie  spéciale  à  la  diplomatique  apparaît  rarement  dans  la  dis- 
sertation de  M.  Havet,  et  combien  le  jeune  érudit  s'est  peu  occupé  des 
conséquences  diplomatiques  de  sa  découverte.  Je  vais  essayer  de  combler 
en  partie  cette  lacune  en  exposant  la  question  sous  une  forme  un  peu 
différente  de  celle  dont  M.  Havet  a  revêtu  sa  pensée. 

Dans  un  diplôme  mérovingien,  si  nous  adoptons  les  expressions  con- 
sacrées par  les  savantes  études  de  M.  Sickel,  il  faut  distinguer  deux  par- 
tics,  le  protocole  et  le  texte,  ou  si  l'on  veut  la  formule  '.  Le  protocole, 
sorte  de  cadre  qui  embrasse  pour  ainsi  dire  le  texte,  comprend  les  clau- 
ses initiales  et  les  clauses  rinales.  Les  clauses  initiales,  les  seules  dont 
nous  ayons  à  parler  ici,  sont,  dans  un  diplôme  mérovingien,  l'invoca- 
tion, le  nom  du  prince  dont  l'acte  émane,  son  titre  ou  ses  titres  (?);  ar- 
rive ensuite  le  commencement  du  texte.,  qui  débute  par  Tadresse.  La 
question  posée  et  résolue  par  M.  Havet  est  de  savoir  si  les  mots  repré- 


I.  S'ickéi,  Acta  karolinorum,x.  I,pp.  106,  107,  170,  209.  210. 


d'histoir!':   et  de  LITTÉRATUKE  25 

sentes  par  les  lettres  v.  inl.  font  partie  des  titres  du  prince  dont  le  di- 
plôme émane,  ou  sMls  constituent  l'adresse  de  ce  diplôme,  si  par  consé- 
séquent  ils  appartiennent  soit  au  protocole  soit  au  texte.  On  a  cru 
jusqu'ici  qu'ils  appartenaient  au  protocole,  qu'ils  étaient  la  fin  des 
clauses  initiales  du  protocole. 

Le  protocole  débute  par  l'invocation.  L'invocation,  dans  les  diplômes 
mérovingiens,  consiste  en  ce  que  les  Allemands  appellent  le  chrisme  ' 
sorte  de  monogramme  dont  les  lettres  grecques  •/  et  p  sont  le  principal 
élément;  mais  les  éditeurs  français,  y  compris  J.  Tardif  dans  ses  Monu- 
ments historiques,  ont  ordinairement  supprimé  le  chrisme,  même  quand 
il  est  accompagné  de  notes  tironiennes  exprimant  une  proposition  tout 
entière,  ainsi,  en  tête  du  diplôme  qui  porte  les  numéros  440  chez  Par- 
dessus -,  33  chez  Letronne  \  38  chez  Tardif  ^^  70  chez  Pertz  ■'  antc 
omnia  Christus,  vaots  très  faciles  à  lire  cependant,  si  nous  en  croyons 
Kopp  "  et  que  Ch.  Pertz  lui-même  a  laissés  au  fond  de  son  écritoire. 

Vient  ensuite  le  nom  du  prince  Dagobercthus^  ,Childebercthus,  etc. 
Après  cela  on  trouve  son  titre  :  rex  Francorum.  Puis,  apparaissent 
dans  un  certain  nombre  de  diplômes  les  lettres  embarrassantes  v.  inl. 
Est-ce  un  nouveau  titre  du  roi,  et  la  fin  de  la  première  partie  du  proto- 
cole; est-ce  au  contraire  déjà  le  commencement  du  texte.,  c'est-à-dire 
l'adresse? 

Si  les  lettres  v.  inl.  expriment  un  titre  du  roi,  la  lecture  vir  inluster 
est  justifiée  ;  si  ces  lettres  obscures  constituent  l'adresse,  il  faut  lire  viris 
inlustribus.  M.  Havet  adopte  la  lecture  viris  inlustribus ;  mais  il  ne 
distingue  pas  assez  nettement  l'une  de  l'autre  les  deux  circonstances 
dans  lequelles,  suivant  son  système,  les  mots  viris  inlustribus  se  pré- 
sentent au  début  du  texte  des  diplômes  mérovingiens.  Tantôt  dans  son 
système  les  mots  viris  inlustribus  composent  à  eux  seuls  l'adresse,  tan- 
tôt ils  ne  nous  offrent  que  le  début  d'une  adresse  plus  développée.  Dans 
le  second  cas,  tout  le  monde  lit  viris  inlustribus.  Ouvrons  les  Monu- 
ments historiques  de  Tardif  :  nous  y  trouverons  les  adresses  :  [viris  il- 
lustrijbus  Chrodegar[io]...  n«  5  (Pertz,  m  11); — viris  in[lustribuJiS 
Vuand[elberto]  duci,  Gaganrico  domestico....,  n°  7  (Pertz,  n"  14);  — 
[viris  inlustr]ibus  V[uandalberto]  duci  et  Ebrulfo  grajîoni...,  n"  9 
(Pertz,  n.°  18);  —  viris  inlustrebus  Audoberctho  et  Rocconi patriciis...., 

1.  Sickel,  Acta  karoliiwriiiu,  t.  I,  pp.  211,  212.  Voir  aussi  la  brochure  du  même 
auteur  intitulée  :  Monumenta  Gennaniae  hisiorica,  Diplomatinii  imperii  tomns  pri- 
miis  pp.  48-49. 

2.  Pardessus,  Diplomata,  t.  II,  p.  241. 

3.  Diplomata  et  diartae  merovingicae  aclalis,  t.  II,  p.  24. 

4.  Tardif,  Monuments  historiques,  p.  21. 

5.  Diplomatum  imperii  tomiis  primas,  p.  62. 

6.  Palœographia  Critica,  1,  425.  C'est  d'après  Kopp  que  ces  trois  mots  ont  été 
transcrits  par  M.  Sickel,  Acia  karolinorum,  t.  I,  p.  2q5,  et  par  J.  Tardif,  Musée  des 
archives  de  l'Empire,  p.  20,  n"  22.  Kopp  écrivait  en  iSiyjM.  Sickel  et  J.  Tardif 
en  1867. 


2  6  REVUK    CRITIQUE 

n"  2  1  (Pertz,  n"  48);  —  viris  inlustrebus  omnebus  agentebus...,  n"  23 
(Pertz,  n"  5i);  —  viris  inlustrebus  omnis  tilenariis  Masiliensis^  n"  47 
(Pertz,  n"  82  ■)  ;  Mabillon  déjà  lisait  ainsi. 

Mais  la  difficulté  se  présente  là  où,  si  l'on  adopte  le  système  de 
M.  Havet,  les  mots  viris  inlustribus,  écrits  v.  inl.  constituent  à  eux 
seuls  toute  l'adresse,  et  sont  immédiatement  suivis  de  la  seconde  partie 
du  texte,  c'est-à-dire  précédent  immédiatement  le  morceau,  qui,  dans 
la  langue  diplomatique  proposée  par  M.  Sickel,  s"appelle  arenga  ". 
C'est  alors  que  dans  l'usage  général,  v.  inl.  est  lu  vir  inluster.  M.  H. 
peut,  contre  cette  lecture,  alléguer  un  document  tout  à  fait  décisif. 
C'est  le  diplôme  46  de  Tardif,  n°  81  de  C.  Pertz,  n""  27  du  Musée  des 
Archives  de  ï Empire  :  il  commence  par  ces  mots,  immédiatement  sui- 
vis de  Varenga  :  Chilpericus,  rex  Francorum  viris  inlustribus,  comme 
on  peut  s'en  assurer  en  consultant  le  fac-simile  de  Letronne,  n"  89. 
M.  Pertz  a  corrigé  bien  à  tort  viris  inlustribus  en  vir  inluster,  et  en  ce 
point  s'est  fait  battre  par  Tardif,  qui,  avant  lui,  précédé  dans  la  bonne 
voie  par  la  deuxième  et  par  la  troisième  édition  du  De  re  diplomatica, 
avait  écrit,  conformément  à  l'original,  viris  inlustribus  \ 

Quand  une  fois  on  a  sous  les  yeux  le  fac-simile  n"  3g  de  Letronne, 
et,  que  de  cette  reproduction  d'un  acte  écrit  en  716,  on  passe  chez  Le- 
tronne au  fac-simile  n°  4  (Tardif  n"  7,  Pertz,  n"  12),  au  fac-simile  n"  9 
(Tardif  n°  1 1 ,  Pertz  n°  19)  représentant  des  originaux  écrits  le  premier 
vers  628,  le  second  en  653,  on  y  remarque,  au  lieu  de  v.  inl. ,1a.  notation 
très  différente  vir.  inl.;  on  voit  que  vir.  est,  dans  ces  deux  fac-simile, 
suivi  d'un  signe  abréviatif  très  nettement  apparent,  d'où  la  nécessité  de 
compléter  le  mot  au  moyen  d'une  addition  qui  ne  peut  être  que  celle  de 
la  syllabe  is  :  viris,  et  comme  conséquence  inl.  se  doit  lire  inlustribus. 
Les  éditeurs  ont  jusqu'ici  lu  vir  inluster  dans  ces  deux  diplômes;  leur 
erreur  est  évidente  ^.  Il  est  donc  établi  que  vers  628,  en  658  et  en  716, 
on  trouve  le  texte  de  diplômes  mérovingiens  commençant  par  une 
adresse  qui  consiste  dans  les  deux  mots  viris  inlustribus.  Il  est  donc, 
vraisemblable  que  dans  les  diplômes  du  même  temps,  c'est-à-dire  du 
vii*^  siècle  et  de  la  première  moitié  du  viii",  qui  nous  offrent  v.  inl.  après 
le  mot  Francorum,  sur  la  frontière  du  protocole  et  du  texte,  v.  inl.  doit 
se  lire  aussi  viris  inlustribus,  doit  appartenir  au  te.xte,  doit  constituer 
l'adresse,  ne  point  faire  partie  du  protocole,  ne  point  signifier  vir  in- 
luster. D'ailleurs,  si  le  protocole  mérovingien  eût  compris  le  titre  royal 

1.  Voir  Sickel,  Acta  karolinormn,  t.  I,  p.   175,  note  5.  Comparez  p.  2i3,  note  8. 

2.  Sickel,  ibid.,  p.  loS,  167.  M.  de  Wailly  dit  préambule.  Eléments  de  paléogra- 
phie, t.  I,  p.  193,  204. 

3.  Vir  inluster  est  la  lecture  de  Mabillon,  De  re  diplomatica,  première  édition, 
p.  484;  cf.  deuxième  édition,  même  page;  troisième  édition,  p.  504. 

4.  Le  diplôme  dont  Letronne  a  donné  le  fac-simile  sous  le  n"  4  a  été  aussi  publié 
en  fac-simile  par  Mabillon,  De  re  diplomatica,  supplément,  pi.  II.  Le  fac-simile  de 
Mabillon,  comme  celui  de  Letronne,  exige  id  lecture  viris  inlustribus,  et  cependant 
Mabillon  a  commis  l'erreur  de  lire  vir  inluster. 


D  HISTOIRE    ET    DK    LITTERATURE  l'J 

de  vir  inluster,  il  serait  étrange  que  ce  titre  royal  manquât,  et  que  par 
conséquent  le  protocole  fût  mutilé  dans  les  diplômes  cités  un  peu  plus 
haut,  n"*  5,7,  9,  21,  23,  47  de  Tardif  où  l'adresse,  plus  développée 
que  dans  les  autres  diplômes,  commence  de  Tavis  de  tout  le  monde  par 
viris  inlustribus,  et  où  il  n'y  a  aucune  trace  de  vir  inluster.  Ainsi 
l'exactitude  de  la  thèse  de  M.  Havet  est  démontrée. 

Au  point  de  vue  des  études  diplomatiques,  la  théorie  nouvelle  est 
grosse  de  conséquences.  En  voici  une  :  L'abréviation  v.  inl.  est  toujours 
inscrite  sur  la  première  ligne;  quand  on  l'attribuait  au  protocole,  on 
disait  que  le  protocole  occupait  à  lui  seul  la  première  ligne,  et  que  le 
texte  commençait  à  la  seconde  '.  Maintenant  il  faut  reconnaître  que  le 
texte  des  diplômes  mérovingiens  commence  dès  la  première  ligne,  ce 
qui,  du  reste,  était  forcément  admis  pour  les  diplômes  auxquels  Tardif 
a  donné  les  numéros  5,  7,  o,  21,  23,  47.  Autre  résultat:  on  ne  peut  plus 
poser  ce  principe  que  dans  la  période  mérovingienne,  l'écriture  allon- 
gée, employée  ou  début  du  diplôme,  était  réservée  aux  clauses  initiales 
du  protocole  \  Cet  emploi  s'étend  aux  premiers  mots  du  texte  comme 
dans  la  période  carolingienne  \ 

J'en  ai  dit  assez  pour  montrer  à  la  fois  que  la  découverte  de  M.  Ha- 
vet est  très  importante  et  pour  justifier  mon  regret  qu'il  l'ait  exposée 
plutôt  en  historien  qu'en  diplomatiste. 

H.    d'ArBOIS  DE  JUBAINVILLE. 

p. -S.  M.  J.  Havet  a  pris  connaissance  de  mon  article  et  m'a  fait 
une  réponse  que  je  crois  devoir  communiquer  aux  lecteurs  de  la  Revue 
critique.  Suivant  lui,  il  pourrait  bien  n'être  pas  à  propos  de  considérer 
l'adresse  comme  une  partie  du  texte  et  non  du  protocole,  dans  les 
diplômes  mérovingiens.  La  nomenclature  fixée  par  M.  Sickel  est  jus- 
tifiée, quand  il  s'agit  des  diplômes  carolingiens.  Il  n'est  pas  démontré 
que  cette  nomenclature  puisse  s'étendre  sans  inconvénient  à  la  période 
mérovingienne. 

Cette  critique  de  ma  critique  peut  être  fondée,  mais  elle  me  confirme 
dans  l'opinion  que  M.  H.  aurait  dû  dans  son  mémoire  s'occuper 
davantage  des  conséquences  techniques  de  sa  découverte. 


iig.  —  De  «loannîsii  <le  ABonstei'olio  vîta  ot  operîbus,  sive  de  romanarum 
litterarum  studio  apud  (jallos  inslauialo  Carolo  \'I  régnante.  Thesim  proponebat 
facultati  litterarum  Parisiensi  Antonio  Thomas,  Chartarum  altorumque  studio- 
rum  scholarum  olim  alumnus,  etc.  Parisiis,  i883,  in-8,   114  p. 

11  est  étonnant,  remarque  M.   Georg  Voigt  dans  une   note  de  son 

I.  Sickel,  Acta  k.iroUnovinn,  t.  I,  p.  294. 
•>..  Sickel,  ibid. 
3.  Sickel,  p.  2q8. 


28  REVUE    CRITIQUE 

excellente  histoire  du  premier  siècle  de  THumanisme  ',  que  depuis 
l'édition  des  lettres  choisies  de  Jean  de  Montreuil  %  personne  n'ait  paru 
songer  à  l'importance  littéraire  de  cet  écrivain;  cet  oubli  qui  surprenait, 
avec  raison,  le  critique  allemand  que  je  viens  de  citer,  M.  A.  Thomas 
s'est  proposé  de  le  réparer,  et  de  rappeler  l'attention  sur  le  latiniste  trop 
délaissé;  mais  là  ne  s'est  pas  bornée  sa  tâche;  «  il  a  voulu  encore 
prouver  que  sous  le  règne  de  Charles  VI,  il  y  eut  en  France,  tout 
comme  en  Italie,  des  savants  qui  se  vouèrent  à  l'étude  des  lettres  lati- 
nes et  tirent  sortir  de  la  poussière  des  bibliothèques,  pour  les  appeler  à 
une  vie  nouvelle  les  auteurs  de  l'antiquité  \  w  On  peut  se  demander 
si  la  démonstration  était  nécessaire  et  si,  après  Bercheure  et  Nicolas 
Oresme,  qui  vivaient  sous  Jean  le  Bon  ou  Charles  V,  on  peut  ne  faire 
commencer  la  renaissance  des  lettres  latines  en  France  qu'à  Charles  VI 
et  attribuer  à  Jean  de  Montreuil  <>  la  gloire  d'avoir  été  le  premier  de 
ceux  qui  tentèrent  dans  notre  pays  de  dissiper  les  ténèbres  du  moyen 
âge.  »  Mais  si  le  mérite  de  ce  dernier  est  exagéré,  on  ne  peut  nier  qu  il 
fut,  dans  le  vrai  sens  du  mot,  le  premier  humaniste  français,  et  il  faut 
savoir  gré  à  M.  A.  Th.  d'avoir  essayé  de  lui  rendre  la  place  qui  lui  re- 
vient dans  l'histoire  de  notre  passé  littéraire. 

On  savait  peu  de  choses  de  Jean  de  Montreuil;  M.  A. Th.  s'est  efforcé 
de  compléter  les  renseignements  trop  rares  qu'on  avait  sur  lui,  et  s'il 
n'a  pu  reconstituer  en  entier  la  biographie  du  secrétaire  de  Charles  VI, 
il  est  du  moins  parvenu  à  fixer  avec  une  grande  vraisemblance  quelques- 
uns  des  faits  principaux  de  sa  vie  remplie  par  les  missions  les  plus 
importantes.  Il  y  a  dans  les  douze  pages  de  cet  essai  biographique  —  il 
forme  le  premier  chapitre  de  l'étude  de  M.  A.  Th.  — des  indications 
précieuses  et  qui  resteront.  On  peut  regretter  sans  doute  que  le  jeune 
érudit  n'ait  pu  trouver  davantage  ;  il  n'en  faut  pas  moins  lui  être  recon- 
naissant de  ce  qu'il  nous  donne. 

Le  second  chapitre  est  consacré  à  l'examen  des  œuvres  de  Jean  de 
Montreuil.  Ces  œuvres  sont  loin  d'avoir  été  toutes  publiées  et  n'existent 
pas  même  toutes  en  manuscrit.  M.  A.  Th.  a  donné  de  chacune  d'elles 
une  notice,  qui  pour  les  œuvres  manuscrites  est  presque  une  révélation. 
Chemin  faisant,  il  rectifie  quelques  erreurs  de  ses  devanciers  ou  éclaire 
quelque  question  douteuse;  ainsi  à  propos  des  Libelles  de  Jean  de 
Montreuil  contre  les  Anglais,  l'abbé  Lebeuf  avait  cru  que  le  libelle 
français  publié  dans  la  Chronique  Martiniane  était  antérieur  au  libelle 
latin  des  manuscrits,  parla  raison  que  dans  ce  dernier  Jean  de  Mon- 
treuil parle  d'un  <.  traité  plus  étendu  »  en  langue  vulgaire;  mais  comme, 
d'après  les  termes  mêmes  de  Jean  de  Montreuil,  le  libelle  français  est  de 

1.  Die  Wiederbelehung  des  classîschen  AUerthivns  odev  das  erste  Jahrhundei  t 
des  Huynanismus.  Il,  347,  note  2. 

2.  Il  s'agit  ici  des  Epistolae  selectae  publiées  par  Martène,  Veterum  scriptonnn 
et  momimentorumamplissima  coUectio,  II,  coll.  i3ii-i465. 

3.  Prooemium,  p.  2. 


DHISrOlRK    ET    DE    IJTTÉRaTURK  2g 

1416  et  le  libelle  latin  de  141 5,  M.  A,  Th.  en  conclut  natuiellement, 
que  l'abbé  Lebeuf  s^est  trompé,  ce  qui  vu  de  soi,  et  de  plus  que, 
dans  le  passage  du  libelle  latin,  il  ne  peut  être  question  du  traité  français 
déjà  publié,  mais  d'un  troisième  traité  autre  que  celui  de  la  Chronique 
Martiniane,  traité  qu'il  identifie  avec  beaucoup  de  vraisemblance  avec 
un  libelle  anonyme  du  manuscrit  de  Paris  2i38i. 

L'examen  des  lettres  de  Jean  de  Montreuil,  en  particulier  de  ses  let- 
tres privées,  n'a  pas  fourni  à  M.  A.  Th.  moins  d'occasion  d'exercer  sa 
sagacité.  «  On  ne  voit  pas  d'ordinaire,  dit  une  note  du  manuscrit  de 
Paris  i3o62',  à  qui  elles  sont  adressées;  »  M,  A.  Th.  a  mis,  assure-t-il 
et  on  ne  saurait  en  douter,  «  tout  le  soin  possible  »  pour  retrouver  les 
noms  omis  des  correspondants  de  l'humaniste -diplomate  et  la  liste  qu'il 
en  a  donnée  offre  un  grand  intérêt;  seulement  on  est  obligé  de  le  croire 
ici  sur  parole,  car  il  ne  donne  aucune  des  raisons  qui  l'ont  guidé  dans 
cette  curieuse  investigation;  pourquoi  par  exemple  p.  38  faire  adresser 
à  Martino  Salva  la  lettre  qu'on  avait  jusqu'ici  regardée  comme  écrite  à 
Pierre  d'Ailly  ^?  A  cette  occasion  je  reprocherai  à  M.  Th.  d'être,  et  non- 
seulement  sur  cette  question,  trop  sobre  d'explications  2;  il  est  vrai 
qu'écrivant  en  latin  et  ne  s'adressant  dès  lors  qu'à  des  lecteurs  spéciaux, 
il  a  peut-être  cru  pouvoir  se  dispenser  d'entrer  dans  de  longs  détails; 
mais  je  n'en  estime  pas  moins  l'absence  de  ces  détails  regrettable. 

M.  A.  Th.  a  voulu  montrer  dans  Jean  de  Montreuil  le  restaurateur 
des  études  latines  en  France,  il  a  été  ainsi  conduit,  et  cette  étude  était 
nécessaire  à  sa  démonstration,  à  examiner  —  c'est  l'objet  des  chapi- 
tres 3,  4  et  5  de  son  livre  —  ce  que  ces  études  avaient  été  avant  Jean  de 
Montreuil,  et  la  part  que  ce  savant  y  prit,  ainsi  que  ses  contemporains. 
On  n'en  est  plus  depuis  longtemps  à  croire  que  la  renaissance  des  études 
grecques  et  latines  ne  date  que  du  xvi«  siècle,  M.  A.  Th.  rappelle  avec 
raison  celle  dont  Charlemagne  fut  le  promoteur  et  la  renaissance  du 
xn"  siècle;  il  aurait  pu  ajouter  la  renaissance  des  Othons,  qui  ne  fut  pas 
inconnue  en  France,  où  elle  fut  en  particulier  représentée  par  Gerbert. 
Mais  que  devinrent  les  études  anciennes  à  la  fin  du  xii''  siècle?  Il  est 
certain  qu'elles  furent  alors  moins  florissantes  que  sous  Louis  VII  et 
Philippe-Auguste;  après  eux  il  y  eut  décadence,  décadence  qu'il  faut 
sans  doute,  comme  l'a  remarqué  M.  Boutaric  "*,  «  attribuer  à  la  scolas- 
tique  »,  mais  qui  ne  dura  point,  ainsi  qu'on  l'a  prétendu,  jusqu'à  la  fin 
du  xV^  siècle.  M.  A.  Th.  en  fixe  la  date  dernière  à  la  fin  du  xiv*;  il  faut 


i.GeUe  note  est  citée  par  M.  A.  Th.  p.  96,  dans  l'appendice  consacré  à  la  des- 
cription du  manuscrit  de  Jean  de  Montreuil. 

2.  Cette  question  ne  veut  pas  dire  que  je  mette  en  doute  l'attribution  faite  par 
M.  A.  Tir.;  j'en  demande  seulement  la  raison. 

3.  Par  exemple  M.  A.  Th.  cite  à  deux  reprises,  d'après  Jean  de  Montreuil,  Jean 
Boor,  «  le  grand  historien  des  Anglais  »;  pourquoi  ne  pas  dire  un  mot  de  cet  écrivain 
certes  bien  peu  connu  en  France? 

4.  E.  Boutaric,  Vincent  de  Beaitvais  et  la  connaissance  de  l'antiquité  classique  au 
trei^çième  sjèc/e  dans  la  Revue  des  questions  historiques, ']mlht  1875,  p.  9. 


30  REVUE    CRITIQUE 

la  reculer  davantage  encore.  Jean  de  Montreuil  florissait  avant  1400 
et  Nicolas  Oresme  et  Pierre  Bersuire,  ses  précurseurs,  nous  reportent  le 
seco'nd  surtout,  à  une  époque  bien  antérieure.  C'est  en   i352  que  Ber- 
suire entreprit  sa  traduction  de  Tite-Live  et  il  avait  commencé  entre 
iSSj  et  1340  son  commentaire  moral  et  allégorique  sur  Ovide  ',  com- 
mentaire qui  lui  tut  inspiré  par  l'Ovide  moralisé  de  Chrétien  Legouais, 
œuvre  des   premières  années  du  xiV  siècle  -,  Mais  il  y  a  plus,  les  ci- 
tations d'auteurs  anciens  que  M.  Jean  de  Meun,  le  traducteur  de  Vé- 
gèse,  a  prodiguées  dans  le  Roman  de  la  Rose,  les  nombreux  ouvrages 
mentionnés  par  Vincent  de  Beauvais  ■*  prouvent  également  qu'au  xiii*  siè- 
cle même,  malgré  la  décadence  des  études  classiques,  l'antiquité  ne  fut 
point  ignorée  ni  entièrement  délaissée.  11  faut  avoir  ces  faits  présents 
à  Tesprit,  quand  on  lit  la  longue  liste,  dressée  par  M.  A.  Th.,  des  au- 
teurs latins  que  Jean  de  Montreuil  cite  dans  ses  ouvrages,  pour  appré- 
cier cette  liste  à  sa  juste  valeur;  toute  curieuse  qu'elle  est,  elle  ne  saurait 
prouver  à  elle  seule,  cela  est  évident,  que  Jean  de  Montreuil  eut  une 
connaissance  des  auteurs  latins  beaucoup  plus  grande  que  ses  devanciers. 
Qu'est-ce  donc  qui  Ten  distingue  et  qui  fait  de  lui  le  véritable  précur- 
seur de  la  renaissance  du  xvi^  siècle?  C^est  l'esprit  dans  lequel  il  lit  les 
auteurs  de  l'antiquité,  non  plus  pour  s'appuyer  uniquement  de  leur 
témoignage  ou  de  leur  autorité,  comme  les  écrivains  des  siècles  précé- 
dents, ou  même  pour  y  chercher  des  modèles  de  style,  comme  ses  con- 
temporains ou  ses  successeurs  immédiats,  Nicolas  de  Clémengis,  Jean 
Gerson,  Pierre  d'Ailly,   Laurent  de  Premierfait,  etc.,  mais  pour  s'en 
nourrir  et  essayer  de  les  comprendre  '  ;  c'est  l'amour  désintéressé  qu'il 
leur  porte,  le  zèle  avec  lequel  il  recherche  ceux  qu'il  n'a  pas  en  sa  pos- 
session. Je  ne  sais  si  M.  A.  Th.  a  toujours  assez  mis  en  évidence  ce  trait 
du  caractère  de  Jean  de  Montreuil  que  M.  G.  Voigt  a  si   bien  signalé. 
Quant  à  admettre  que  l'amour  des  études  latines  en  France  au  xiv°  siècle 
fut  une  importation  de  l'Italie  ou  la  conséquence  de  nos  rapports  suivis 
avec  la  Péninsule,  ainsi  que  M.  A.  Th.  le  dit  dans  sa  conclusion,  je  ne 
puis  m'y  résoudre;  ce  serait  méconnaître  tout  ce  qu'il  y  eut  d'indépen- 
dant dans  le  développement  de  l'humanisme  en  France. 

Je  ne  voudrais  pas  toutefois  qu'on  se  méprît  sur  le  sens  de  ces  criti- 
ques ou  de  ces  restrictions  ;  elles  ne  portent,  on  le  voit,  que  sur  une 
question  d'appréciation  ;  elles  ne  sauraient  donc  diminuer  le  mérite  et  la 
valeur  de  l'étude  de  M.  A.  Thomas,  valeur  qu'elle  doit  surtout  à  la  mé- 
thode excellente  dont  il  y  fait  constamment  preuve,  à  la  sûreté  d'infor- 
mations, à  l'érudition  étendue  qu'il  y  montre  '';  aussi  comme  je  l'ai  dit 

1 .  Gaston  Paris,  Chrétien  Legouais  et  autres  traducteurs  ou  imitateurs  d'Ovide, 
p.  54. 

2.  Id.,  ibid.,  p.  57. 

3.  E.  Boutaric,  ibid.,  p.  42-65. 

4.  «  Si  au  moyen   âge    on    connaissait   l'antiquité,  on    ne  la   comprenait  pas.    » 
E.  Boutaric,  ibid.,  p.   i  5. 

5.  Ce  qui  rehausse  encore  la  valeur  de  l'étude  de  M.  A.  Th.,  ce  sont  les  trois  ap- 


OHISTOIKE    KT     DU    Ll  T  f  F.H  Al  U  H  h  3l 

plus  haut,  si  ou  peut  regretter  qu'il  se  soit  montré  si  avare  de  développe- 
ments, on  ne  peut  que  le  remercier  d'avoir  réparé  un  oubli  injuste  en- 
vers un  des  fils  les  plus  généreux  du  xiV^  siècle  et  du  seul  savant  que 
l'on  puisse  réellement  mettre  en  regard  des  humanistes  italiens  contem- 
porains. 

Ch.  J. 


I20. — Bi-iefeuiid/dcten  zui*  GescliîehSe  tles^  di*eÎ!$si^aehi-!gen  Iii'iejA;os 
în    (leii    5Eeîten    «le»    vor^valteiitlei»    Kînflu^ses    «Jei*    ■Vll/ittelslmchea-. 

Bd.  V.   Die    Politik   Bayerns,    1 591-1607,   zweite   Haelfte,   bearbeitet   von  Félix 
Stieve.  Mûnchen,  Rieger,  1884,  vi,  084  p.  ln-8.  Prix  :  22  fr.  5o. 

Nous  avons  parlé  plusieurs  t'ois  déjà  des  volumes  successifs  de  ce 
grand  travail,  consacré  à  la  politique  des  Wittelsbach  bavarois  au 
xvni'^  siècle  et  contié  par  PAcadémie  de  Munich  à  MM.  Ritter  et  Stieve. 
Nous  avons  plus  spécialement  appelé  l'attention  dans  un  dernier  ar- 
ticle "  sur  la  première  moitié  du  présent  tome,  rédigé  par  M.  Siieve. 
Nous  disons  rédigé,  parce  que,  contrairement  à  ce  qui  s'était  passé  pour 
les  volumes  antérieurs,  M.  S,  a  résumé  les  documents  des  archives,  en 
a  fait  un  exposé  courant  et  continu,  au  lieu  de  publier  les  pièces  in-ex- 
tenso,  ou  d'en  donner  simplement  des  régestes,  sans  établir  un  lien  en- 
tre ces  pièces  elles-mêmes.  En  d'autres  termes,  M.  S.  n'a  pas  seulement 
voulu  nous  fournir  les  matériaux  nécessaires  pour  édifier  une  histoire 
de  la  politique  bavaroise  à  la  fin  du  xvi°  et  aux  xvii''  siècle  ;  il  a  eu  la 
gracieuseté  de  bâtir  lui-même  l'édifice  et  il  l'a  fait  avec  une  abondance 
de  matériaux  en  même  temps  qu'avec  une  sûreté  scientifique  telles  que 
l'on  n'essaiera  pas  de  sitôt  de  reprendre  la  tâche.  A  vrai  dire,  ce  que 
M.  S.  nous  donne,  dépasse  même  de  beaucoup  la  sphère  d'activité  plus 
immédiate  de  la  politique  des  Wittelsbach.  Avant  que  Maximilien  I" 
de  Bavière  se  fût  mis  à  la  tête  de  la  Ligue  catholique,  son  pays,  pour 
être  le  plus  grand  des  territoires  temporels  allemands  (en  dehors  des 
possessions  des  Hapsbourgs)  restés  fidèles  à  TEglise,  n'en  restait  pas 
moins  un  territoire  bien  modeste  et  son  influence  en  dehors  de  l'Alle- 
magne catholique  était  médiocre.  C'est  donc  plutôt  une  histoire  d'Alle- 
magne sous  le  règne  de  Rodolphe  II  que  nous  rencontrons  ici,  racon- 
tée d'après  les  pièces  des  archives  de  Munich,  et  mainte  fois  éclairée 
par  des  faits  et  des  points  de  vue  nouveaux.  Les  querelles  entre  les 
deux  branches  de  la  famille  régnante  dans  le  margraviat,  Edouard-For- 
tunat  de  Bade-Bade  et  George-Frédéric  de  Bade-Dourlach  ;  la  fin  de  la 

pendices  qu'il  y  a  joints,  le  premier  consacré  à  la  description  des  manuscrits  de  Jean 
de  Montreuil,  le  second  renfermant  huit  lettres  inédites  du  savant  laiiniste  et  le 
troisième  une  lettre  également  inédite  du  chancelier  llorenlin  Coluiius  à  Jean  de 
Montreuil. 

I.  Voyez  la  Revue  du  17  avril  1880. 


32  REVUK    CRITIQUE 

guerre  des  Evêques  en  Alsace  depuis  le  traité  provisoire  de  Sarrebourg 
(i  593)  jusqu'au  traité  définitif  de  Haguenau  (1604);  les  diètes  impéria- 
les de  1 598,  i6o3,  1608,  où  la  faiblesse  du  vieux  Rodolphe  II  se  mani- 
feste de  plus  en  plus,  entre  les  attaques  et  les  menaces  des  voisins  de 
droite  et  de  gauche,  Français,  Turcs  et  jusqu'aux  Espagnols  :  voilà  les 
points  qui  fournissent  les  principaux  chapitres  de  ce  nouveau  volume. 
II  s'arrête  avant  Taffaire  de  Donauwoerth  (1608),  point  de  départ  d'une 
nouvelle  phase  de  la  politique  des  Wittelsbach  et  de  la  fondation  des  as- 
sociations politico-religieuses;  l'Union  protestante  et  la  Ligue  catholi- 
que, dans  peu  d'années,  amèneront  l'explosion  de  la  guerre  de  Trente- 
Ans. 

L'étude  du  livre  de  M.  Stieve  s'impose  à  tous  ceux  qui  voudront 
connaître  ou  retracer  avec  exactitude  le  tableau  de  la  situation  de  l'Em- 
pire au  commencement  du  xvii^  siècle,  une  des  époques  les  plus  trou- 
blées de  son  existence.  Tant  par  la  sûreté  de  son  jugement  que  par  l'a- 
bondance des  détails  nouveaux  que  nous  présente  l'auteur,  son  travail 
mérite  et  a  recueilli  déjà  les  suffrages  des  juges  compétents  '. 

R. 


ï2r.  —  Félix  Eracquemond.  Ou  dessin  et  de  la   couleur.  Paris,  Charpentier, 
i885.   Un  vol.  in-12  de  >;iv-28i  pages.  Prix  :  3  fr.  5o. 

Ce  livre  de  l'éminent  graveur  n'intéresse  pas  les  seuls  artistes.  L'au- 
teur a  voulu  condenser  en  formules  précises  les  observations  et  les 
réflexions  que  lui  a  suggérées,  pendant  sa  longue  et  brillante  carrière, 
l'interprétation,  par  le  burin,  de  la  palette  du  peintre.  Il  analyse  scien- 
tifiquement et  définit  en  phrases  nettes  et  rigoureuses  ces  notions  de 
dessin,  couleur,  chaleur,  froideur,  reflet,  valeur,  ton,  modelé,  etc., 
sur  lesquelles  l'Académie,  Littré  et  les  artistes  eux-mêmes  sont  souvent 
loin  de  s'entendre.  Les  lexicographes  en  feront  leur  profit. 

A.  D. 


I.  Une  observation  de  détail,  recueillie  en  passant.  P.  jb,  l'éditeur  met  un  point 
d'exclamation  après  le  titre  d'un  pamphlet  imprimé  «  bey  Strassburg  durch  Joli. 
Handt  ».  Il  n'y  avait  alors  pas  d'imprimeur  de  ce  nom  à  Str.  mais  on  mettait  frë- 
qjemment,  pour  dépister  la  censure,  cette  indication  «  imprimé  yirès  de  telle  ou  telle 
localité.  »  Précisément  pour  Str.  nous  pouvons  citer  une  brochure  «  Gedvuckt  bey 
Strassburg  unter  blauem  Himmel.  »  11  ne  faut  pas  chercher  là  une  indication  biblio- 
graphique sérieuse.  —  P.  141,  lire  Kippenheim  pour  Kappenheim  et  Wurmser  ■pour 
Wurmsser. 


d'histoirk  et  de  littérature  33 

VARIÉTÉS 


Quelque»    notes    sut-    l'édition   «le    J.   De    ft^a    Fontaine^    Tomc    II,    par 

H.  Régnier.  Hachette,  1884. 

Ce  que  j'ai  fait  pour  le  premier  volume  de  La  Fontaine  de  M.  H. 
Régnier,  je  continue  de  le  faire  pour  le  second.  Mais  ces  quelques  notes 
et  remarques,  nous  le  répétons,  n'ont  pas  pour  but  d'amoindrir  la  va- 
leur de  cette  belle  édition  si  pleine  de  recherches,  si  riche  en  compa- 
raisons ingénieuses,  en  rapprochements  curieux  avec  les  fabulistes  an- 
ciens et  modernes  de  tous  les  temps  et  de  tous  les  pays. 

Le  Cochet^  le  Chat  et  le  Souriceau.  —  Le  Plaisant  Boutehors  d'oy- 
5zVe?t?,  imprimé  à  Rouen  en  i553,  et  réédité  dans  le  t.  VII  des  Ane. 
Poét.  fr.  du  xv'^  et  du  xvi''  siècle,  contient  entre  autres  pièces  une  assez 
longue  fable  intitulée  a  Apologue  d'une  souris  et  de  ses  suurichons  », 
qui  ne  serait  pas  indigne  d''étre  comparée  à  celle  de  La  Fontaine.  Il  y  a 
de  jolis  passages,  comme  celui-ci  : 

Mais  pas  si  tost  elle  (la  souris)  n'a  esté  partie 

Qu'entrer  ne  soit  aucun  glorieux  coq 

Qui  en  entrant  chanta  coquericoq 

A  haute  voy,  espanissant  ses  ailes,  etc. 

Le  Villageois  et  le  Serpent.  —  Au  Heu  des  vers  ïatins  de  Le  Noble 
(note  6),  n'eût-il  pas  mieux  valu  citer  ceux-ci  de  Virgile,  auxquels  pen- 
sait peut-être  La  Fontaine? 

Longos  fiigiens  dat  corpore  torltis. 
Parte  ferox,  ardensque  oculis  et  sibila  colla 
Arduiis  altollens.  {Enéide,  V,  27G.) 

Le  Vieillard  et  l'Ane.  —  Lire  sur  ce  vers  '\  notre  ennemi  c'est  notre 
maître,  »  les  réflexions  très  fines  et  très  judicieuses  de  Joubert,  Pensées, 
II,  379.  C'est  une  réfutation  anticipée  de  la  conférence  de  M.  Crouslé, 
citée  par  les  éditeurs. 

La  Laitière  et  le  Pot  au  lait.  —  Dans  le  Rudens  de  Plante,  (IV,  2, 
édit.  Benoist)  le  pécheur  Gripus  en  jetant  ses  filets  dans  la  mer  retire 
une  valise  fort  lourde  qu'il  croit  être  remplie  d'or  ou  d'objets  précieux, 
et  le  voilà  aussitôt,  lui  aussi,  qui  bâtit  sur  cette  trouvaille,  des  châ- 
teaux en  Espagne.  D'abord  il  achète  sa  liberté,  puis  acquiert  des 
terres,  des  maisons,  des  esclaves,  fait  un  grand  commerce  sur  mer, 
frète  un  vaisseau  pour  son  agrément,  et  fonde  une  ville  qui  porte  son 
nom,  etc.  —  Il  est  étrange  qu'aucun  annotateur  de  La  Fontaine,  n'ait, 
à  ma  connaissance,  rapproché  le  rêve  de  Gripus  de  celui  de  Perrette. 

Les  Souhaits.  —  «  11  est  au  Mogol  des  follets,  etc.  »  Ici  La  Fontaine 
imite  en  l'abrégeant  un  passage  de  l'hymne  de   Ronsard  aux  Daimons  : 

On  dit  qu'en  Norouegue  ils  (les  follets)  se  louent  à  gages, 
Et  font  comme  valets  des  maisons  les  mesnages; 
Ils  pensent  les  chevaux,  ils  vont  tirer  du  vin. 


34  RKVUE    CRITIQUE 

Ils  font  cuire  le  rost,  ils  serancent  le  lin. 

Ils  filent  la  fusée  et  les  robes  nettoyant 

Au  lever  de  leur  maistre,  et  les  places  baloyent. 

(Ronsard,  V,  i3i,  Blanchemain.) 

Les  Devineresses.  —  Littré,  est-il  dit  à  la  note  3,  ne  donne  qu'un 
exemple  du  féminin  «  devine  »,  celui  de  La  Fontaine,  Le  mot  est  bien 
plus  ancien,  Gaciiet  dans  son  Gloss.  roman,  sub  V"  devine  en  fournit 
un  ex.  du  xiv"  siècle  et  un  autre  du  xvi%  tiré  de  Desportes.  Nous  ajou- 
terons celui-ci  : 

Jà  sont  ouvers  d'eux  mesmes  les  cent  huis 
Tant  spacieux  du  grand  manoir,  et  puis 
Par  eux  la  voix  de  la  devine  apporte 

Responce  en  l'air.      (Des  Masures,  Enéide,  255  r»,  édit.  i6o8.) 

Quant  à  ce  vers  :  «  Je  ne  suis  ni  sorcière  ni  devine,  »  que  cite  M.  Au- 
bertin  dans  son  édition  de  La  Fontaine,  comme  étant  de  Scarron 
{Virg.  Trav.)  sans  en  indiquer  l'endroit,  disent  les  éditeurs,  il  ne  se 
trouve  pas  dans  le  Virgile  travesti  par  la  raison  bien  simple  que  ce 
poème  burlesque  est  écrit  en  vers  octosyllabiques.     - 

Le  Chat,  la  Belette  et  le  jeune  Lapin.  —  «  C'était  un  chat  vivant 
comme  un  dévot  ermite,  etc.  »  On  cite  en  note  un  passage  de  Guill. 
Haudent  que  j^ai  moi-même  rapproché  des  vers  de  La  Fontaine.  En 
voici  un  autre  qui  n'est  pas  moins  intéressant  : 

En  faignant  prier  Dieu 

Ainsi  comment  un  bon  et  sainct  hermite 
Tant  sçauroit  bien  faire  la  chattemite. 
[ApoL  de  la  Souris  et  de  ses  Sourichons .  Ane.  Poés.  fr.  VII,  195.) 

Le  Pouvoir  des  Fables.  —  Les  allusions  au  «  bellua  multorum  es 
capitum  »  d'Horace  sont  fréquentes  au  xvi^  siècle  : 

Dy  moy  (car  lu  sçais  tout)  comme  doy-je  complaire 
A  ce  monstre  testu,  divers  en  jugement  r 

(Ronsard,  I,  147,  Bibl.  elz.) 
Ce  monstre  testu, 
Ce  peuple  qui  ressemble  à  la  beste  de  Lerne. 

(Du  Bellay,  Les  regrets,  109,  Liseux.) 

Geste  grande  beste  populaire...,  croiant  tout  soudain  au  plus  volages 
et  legieres  paroles.  (Tahureau,  Dial.,  63,  Lemerre.) 

Le  Rat  et  VHuitre.  —  La  locution,  <-<  se  faire  savant  jusques  aux 
dents,  »  a  été  aussi  employé  par  Du  Lorens  : 

Mon  père  pour  cela  m'envoyoit  à  l'escole 

D'un  curé  qui  n'estoit  au  roolle  des  pedans. 

Et  c'est  lui  qui  m'a  fait  sçavant  jusques  aux  dens. 

{Premières  satires.  loq,  Blanchemain.) 

L'Ours  et  l'Amateur  des  jardins.  —  A  la  note  7,  j'aurais  ajouté  : 

Moult  vaut  miex  boins  taisirs  que  folement  parler. 

(Fierabras,  2 121,  A.  P.) 


d'histoire  et  dk  littérature  35 

Ce  proverbe  est  cent  fois  cité  dans  nos  vieux  trouvères. 

Le  Charlatan,  liv.  VI,  19.  —  Senecé  a  fait  un  joli  conte  intitulé  : 
a  Qni  a  temps  a  vie  »,  que  les  éditeurs  ont  négligé  de  comparer  avec 
cette  fable  de  La  Fontaine.  —  Un  esclave  Génois,  nommé  Fregose, 
ayant,  chez  le  vizir  Achmet  cassé  un  verre,  est  condamné  à  être  empalé. 
Il  est  sursis  à  l'exécution  parce  que  Fregose  révèle  au  vizir  qu'il  a  trouvé 
le  secret  de  faire  parler  un  éléphant  chéri  de  son  excellence.  Dix  ans  au 
plus  suffiront  au  professeur  pour  faire  de  Tanimal  «  un  gradué  de 
grosse  importance.  »  Un  ami  de  Fregose  lui  dit  alors  : 

Ne  redoutes-tu  point  de  ton  engagement 

La  conséquence  naturelle, 
Et  du  vizir  dupé  le  fier  ressentiment  r 

A  quoi  Tautre  répond  : 

Dix  ans,  à  ton  avis,  sont-ils  si  peu  de  chose? 
La  mort  viendra  prendre  sur  soi 
Le  soin  de  dégager  ma  foi. 
Et  réduira  sous  sa  puissance 
L'éléphant,  le  vizir  ou  moi. 

(Senecé,  Œiiv.  posthumes,  ig5,  Bibl.  elz.) 

L'Horoscope.  —  On  rencontre  cette  fable  dans  Laurent  Valla,  elle  a 
été  gracieusement  enjolivée  plutôt  que  traduite  par  Guill.  Tardif  :  «  6 
cruelle  et  maudicte  beste,  tant  je  te  doy  hayr  et  maudire...  Certes  je  te 
destruiray  et  aboliray  »  Et  en  disant  les  dictes  paroles,  voulant  crever 
Toeil  du  dict  lyon,  leva  sa  main  et  donna  un  grand  coup  de  poing  contre 
la  paroy,  etc.  (P.  255,  édit.  Marchessou.)  C'est  tout  à  fait  le  même 
mouvement  de  colère  dans  La  Fontaine. 

Jupiter  et  les  Tonnerres.  —  Note  12.  Il  n'y  a  pas  à  douter  que 
«  enceinte  »  puisse  signifier  «  circuit,  entour,  détour,  »  comme  jadis 
«  cnceint  »,  ex.  : 

Sçachant  qu'il  trouvera  puis  après  a  son  aise 
En  faisant  un  enceint  cesie  beste  mauvaise. 

(Ci.  Gauchet,  154;  Bibl.  elz.) 

Note  i5.  Le  vsçsXr^vspéTa  d'Homère  avait  déjà  été  heureusement  tra- 
duit avant  La  Fontaine  par  Hug.  Salel  : 

Le  Dieu  des  dieux,  Vassembleur  des  nuées. 

[Iliade.,  vi<^  chant,  167,   v°,  édil.    1606). 
Cet  ex.  manque  dans  Littré. 

Le  Milan  et  le  Rossignol.  —  «  Ventre  affamé  n'a  point  d'oreilles  », 
cfr.  ce  vers  des  gnomiques  grecs  : 

At[xa)  Y^p  oySév  èaTtv  àvTeiTTîïv  ïr.oq. 

Puisque  les  éditeurs  ont  l'intention  de  mettre  à  profit  nos  remarques 
sur  le  premier  volume  des  fables,  nous  leur  signalerons  encore  deux 
omissions  assez  graves  :  i'  la  fable  du  Hérisson  et  de  la  Marmoteine, 
dans  Baïf,  Mimes.,    Il,    2o3,  édit.  Blanchemain,  qui   ne  diffère  de  lu 


36  RKVUE    CRITIQUE 

«  Lice  et  de  sa  Compagne  »,  que  par  les  personnages;  2"  «  la  Belette 
entrée  dans  un  grenier  »,  sujet  qui  a  été  aussi  traité  par  Vauquelin  de 
La  Fresnaye  : 

Il  advint  d'aventure  un  jour  qu'une  belette. 
De  faim,  de  pauvreté,  grêle,  maigre  et  défaite, 
Passa  par  un  pertuis  dans  un  grenier  a  blé,  etc. 

On  trouve  encore  chez  le  même  poète  la    fable  :  «  Le  cheval  s'étant 
voulu  venger  du  cerf.  »  En  voici  le  début  : 

Car  il  me  souvient  trop  du  cheval  généreux, 
Qui  libre,  qui  gaillard,  errant  aventureux, 
Menda  le  secours  de  l'homme  pour  apprendre 
Comment  il  pourroit  vainqueur  a  la  course  se  rendre 
Du  cerf  aux  viste-pieds,  etc. 

Je  regrette  de  ne  pouvoir  indiquer  ni  le  volume,  ni  la  page,  n'ayant 
par  ici  en  ce  moment  sous  la  main  mon  Vauquelin  de  La  Fresnaye. 

A.  Delboullk. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  Nous  apprenons  que  le  comité  des  travaux  historiques  et  scientifi- 
ques vient  de  charger  MM.  Edouard  Rott  et  Léon  Mention  de  la  publication,  dans 
la  collection  des  Documents  inédits  de  l'histoire  de  France,  des  mémoires,  dépêches 
et  papiers  politiques  du  duc  Henri  de  Rohan  (i 600-1 638). 

—  M.  E.  Charvériat  vient  de  publier  (Lyon,  Mougin-Rusand,  in-8",  i3  p.)  une 
étude  sur  Philippe  Lang,  valet  de  chambre  de  l'empereur  Rodolphe  II.  Ce  Lang,  né 
en  Tyrol  vers  i538,  était  un  juif  converti  qui  ajouta  à  son  nom  celui  de  Langenfels 
et  devint  le  favori  de  Rodolphe  II,  ce  «  fou  incapable  de  vivre  sans  être  gouverné  ». 
M.  Charvériat  raconte,  d'après  le  livre  de  Hurter,  la  curieuse  existence  de  Lang,  qui 
finit  par  être  arrêté  (1608)  et  mourut  en  prison  au  commencement  de  16 10. 

—  Dyspepsie  et  dyspeptiques!...  On  ne  s'attendrait  guère  à  trouver  un  pareil  titre 
mentionné  dans  la  Revue  critique,  si  cet  ouvrage  du  docteur  J.Seure  (Paris,  A.  Coc- 
coz,  i885)  ne  renfermait  un  chapitre  des  plus  curieux  sur  Voltaire,  Voltaire  étudié 
au  point  de  vue  de  la  maladie  d'estomac.  Ce  n'est  pas  la  première  fois  que  la  mé- 
decine s'occupe  des  hommes  de  lettres  et  de  leurs  oeuvres.  On  connaît  les  études  du 
docteur  Lélut  sur  le  Démon  de  Socrate,  de  Malgaigne  sur  les  blessures  de  guerre 
dans  l'Iliade.  Molière  poitrinaire,  Boileau  asthmatique,  Racine  mourant  d'une  ma- 
ladie de  foie  et  Bossuet  de  la  pierre,  M<=  de  Sévigné  prenant  les  eaux  de  Vichy,  Fon- 
tenelle  attribuant  sa  longévité  au  bienfait  des  asperges,  ont  tour  à  tour  comparu 
devant  la  Faculté.  D'autres  feront  un  jour  une  histoire  complète  des  épileptiques 
depuis  Jules  César  et  Brilannicus  jusqu'à  Flaubert  et  Dostoiewski. Voltaire,  lui,  était 
dyspeptique  et  M.  le  docteur  J.  Seure  combat  à  ce  propos  le  diagnostic  de  ses  con- 
frères les  docteurs  Roger  du  Havre,  et  A.  Rattel  de  Paris.  Il  suit  pas  à  pas  dans  la 
correspondance  de  Voltaire  les  causes,  les  effets  et  les  progrès  de  sa  maladie,  ainsi 
que  les  différents  traitements  auxquels   il  se  soumet,  —  essence  de  canelle,  pilules 


'  i. 


d'histoire  et  de  littérature  37 

de  Stahl,  marmelade  de  Tronchin,  sans  parler  de  la  casse  et  de  la  rhubarbe.  Cette 
longue  et  exacte  analyse,  montrant  avec  une  rare  précision  les  effets  du  mal  sur 
le  caractère  et  le  tour  d'esprit  du  patriarche  de  Ferney,  fait  comprendre  cette  con- 
clusion pratique  et  humoristique  que  le  docteur  J.  Seure  emprunte  à  son  malade  et 
qu'il  a  donnée  comme  épigraphe  à  son  livre  :  «  On  n'est  véritablement  malheureux 
«  que  quand  on  ne  digère  point.  »  —  L.  P. 

—  M.  Jules  Flammermont,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Poitiers,  vient  de 
faire  paraître  une  étude  pleine  d'intéressants  détails  sur  le  Nouveau  règlement  de 
l'examen  d'état  des  candidats  à  l'emploi  de  professeurs  dans  les  gymnases  et  écoles 
réaies  d'Autriche  (Paris,  Picard,  in-»8.  27  p.).  Ce  règlement,  daté  du  7  février  1884, 
est  très  complet,  et  il  convenait  de  le  signaler  en  ce  moment  où  l'on  discute  la  ques- 
tion de  la  réforme  des  diverses  agrégations;  peut-être,  observe  le  jeune  professeur, 
aurions  nous  intérêt  à  emprunter  aux  Allemands  quelques  usages  dont  une  longue 
expérience  a  démontré  la  valeur.  On  remarquera,  p.  1 3  et  14,  un  certain  nombre 
de  sujets  donnés  comme  Hausarbeiten  aux  candidats  qui  doivent  prouver  leur  apti- 
tude au  travail  scientifique  et  la  solidité  de  leurs  connaissances  spéciales. 

—  Nous  appelons  également  l'attention  de  nos  lecteurs  sur  une  autre  brochure 
que  vient  de  publier  M.  Flammermont  (même  librairie,  in-S".  32  p.).  On  y  trouvera 
des  Relations  inédites  de  la  prise  de  la  Bastille^  par  le  duc  de  Dorset,  ambassadeur 
d'Angleterre  en  France,  et  le  comte  de  Mercy-Argenteau,  ambassadeur  de  l'empereur 
d'Allemagne.  Les  nouveaux  témoignages  que  fait  connaître  M.  F.  s'accordent  sur  ce 
point,  que  le  gouverneur  de  la  Bastille,  de  Launay,  fut  mis  à  mort  parce  qu'il  avait 
violé  la  foi  jurée  et  fait  massacrer  par  trahison  une  troupe  d'assiégeants  précédés  de 
tambours  et  d'un  drapeau  de  parlementaire.  Dorset  et  Mercy  affirment  tous  deux 
que  la  révolution  s'est  faite  dans  le  plus  grand  ordre;  Dorset  écrit  même  le  16  juillet 
ces  mots  remarquables  :  «  Ainsi  s'est  accomplie  la  plus  grande  Révolution  dont 
l'histoire  ait  conservé  le  souvenir,  et,  relativement  parlant,  si  l'on  considère  l'impor- 
tance des  résultats,  elle  n'a  coûté  que  bien  peu  de  sang  ;  dès  ce  moment  nous  pou- 
vons regarder  la  France  comme  un  pays  libre,  le  Roi  comme  un  monarque  dont 
les  pouvoirs  sont  limités  et  la  noblesse  comme  réduite  au  niveau  du  reste  de  la  na- 
tion. »  M.  Flammermont  a  fait  précéder  d'une  introduction  ces  documents  qui  sont 
au  nombre  de  trois  :  une  lettre  du  duc  de  Dorset  au  duc  de  Leeds  et  deux  dépêches 
de  Mercy  à  Kaunitz. 

—  La  librairie  Hachette  vient  de  mettre  en  vente  une  édition  nouvelle  du  Gœt:^  de 
Berlichingen  de  Gœthe,  due  à  M.  E.  Lichtenberger,  professeur  suppléant  de  litttéra- 
ture  étrangère  à  la  Faculté  des  lettres  de  Paris;  publiée  dans  le  format  des  «  Classi- 
ques grecs  et  latins  »,  cette  édlùon  est  digne  de  figurer  dans  cette  célèbre  collection 
par  le  soin  et  le  talent  avec  lesquels  elle  a  été  faite;  établissement  scientifique  et 
correction  du  texte,  commentaire  substantiel  et  approfondi  des  difficultés  de  langue 
et  d'interprétation,  enfin  historique  de  cette  pièce  qui  fait  époque  dans  Thistoire  de 
la  littérature  allemande,  tout  se  réunit  pour  donner  une  haute  valeur  au  travail  de 
M.  E.  L.  :  il  fait  honneur  à  la  fois  au  jeune  et  savant  professeur  qui  l'a  mené  à 
bonne  fin  et  à  la  maison  en  qui  a  généreusement  entrepris  la  publication.  —  Ch.  J. 

—  L'infortuné  lieutenant  de  vaisseau  qui  a  péri  avec  le  Renard  dans  le  golfe  d'A- 
den,  M.  Saint-Remy  de  Rotrou,  était  un  des  descendants  en  ligne  directe  de  Pierre 
Rotrou  de  Saudreville,  frère  du  poète  et  secrétaire  du  maréchal  de  Guébriant,  dont 
il  a  récemment  été  question  dans  la  Revue  critique. 

—  Vient  de  paraîtra  à  la  librairie  Delagrave  (Paris,  in-8%  142  p.)  De  la  vérité 
dans  l'art  musical  par  un  amateur. 

ALSACE.  —L'Université  de  Strasbourg  (Kaiser- Wilhelms  Universitaet)  décernera 


38  REVUE   CRITIQUE 

le  1"  mai  1890  un  prix  de  2,400  mark  (prix^Lamey)  à  l'auteur  du  meilleur  travail  sur 
«  la  caractéristique  et  l'histoire  du  style  grotesque  qui  a  ses  représentants  principaux 
dans  Rabelais  et  Fischart.  Les  concurrents  devront  retracer  les  commencements  de  ce 
style(poésie  macaroniqueetsurtout  des  Italiens)ainsi  queson  développement  ultérieur 
jusqu'au  commencement  du  xvu«  siècle.  On  remarque  expressément,  en  ce  qui  con- 
cerne Fischart,  qu'il  ne  faudra  pas  se  borner  aux  œuvres  dont  il  a  pris  le  sujet  à  Ra- 
belais, On  désire  aussi  des  concurrents  qu'ils  démontrent  les  rapports  qui  existent 
entre  les  particularités  de  ce  style  et  la  culture  générale  des  esprits  au  xvi«  siècle.  » 
Le  concours  est  ouvert  à  tous,  sans  distinction  d'âge  ni  de  nationalité.  Les  travaux 
devront  être  rédigés  en  allemands  ou  en  français,  ou  en  latin,  et  envoyés  avant  le 
!'■■' janvier  i88q  au  secrétaire  de  l'Académie;  ils  doivent  être  revêtus  d'une  devise 
et  ne  pas  porter  le  nom  de  leur  auteur  ;  une  enveloppe  fermée  sur  laquelle  est  écrite 
la  devise,  devra  renfermer  le  nom  et  l'adresse  du  concurrent.  Les  manuscrits  exclus 
ou  non  couronnés  ne  seront  pas  rendus  ;  on  n'ouvrira  d'autre  enveloppe  que  celle 
de  l'auteur  du  travail  couronné. 

ALLEMAGNE,  —  M.  O.  Seeck  vient  de  publier  des  recherches  sur  le  Calendrier 
des  Pontifes  (die  Kalendertafel  der  Pontifices,  Berlin,  Weidmann,  i885,  8,  192  pp.). 
Le  dernier  chap.  contient  des  tables  indiquant  la  concordance  entre  la  chronologie 
varronienne  et  le  calendrier  Julien.  Mais  on  lira  surtout  avec  intérêt  le  premier 
chap.,  Graecus  Flavius,  qui  est  une  discussion  très  serrée,  parfois  un  peu  subtile, 
des  origines  et  des  sources  de  la  tradition  relative  à  ce  personnage.  C'est  un  com- 
mentaire important  du  récit  de  Tite-Live  (IX,  46). 

—  La  librairieTeubner  annonce,  pour  paraître  très  prochainement:  i"  une  éJition 
de  M.  Uhlig,  Dionysii  Thvacis  ars  gvammaiica;  2°  un  Corpusculum  poesis  epicae 
graecae  ludibundae  par  MM.  C.  Wachsmuth  et  P.  Brandt  (en  deux  fascicules);  3" 
une  édition  de  Végèce  par  M.  K.  L\ng  {Flaui  Vegeti  Renati  epitoma  rei  militaris); 
40  une  édition  du  Christus  patiens  par  M.  J.  G.  Brambs;  5°  un  Nepos-Vokabular, 
par  M.  E.  Schaefer, 

GRANDE-BRETAGNE. —  L'opuscule  de  M,  James  Darmesteter  sur  le  Mahdi  de- 
puis les  origines  de  l'Islam  jusqu'à  nos  jours  vient  de  paraître  en  traduction  anglaise 
sous  le  titre  :  The  Mahdi,  past  and  présent  par  Miss  Ballin  (Londres,  Fisher  Un- 
win).La  traductrice  a  ajouté  une  série  de  documents  parus  depuis  sur  les  derniers 
événements,  en  particulier  sur  la  prise  de  Khartoum. 


ACADEMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  3  juillet  i885 . 

M.  Alexandre  Bertrand  fait  connaître  les  décisions  de  la  commission  des  antiqui- 
tés de  la  France.  Les  trois  médailles  et  les  six  mentions  honorables  sont  décernées 
aux  auteurs  suivants  : 

I'''"  médaille  :  Tanon,  Histoire  des  justices  des  églises  et  communautés  monasti- 
ques de  Paris  ; 

•i"  médaille  :  Léon  Palustre,  la  Renaissance  en  France, 

3"  médailles  :  Buhot  de  Kersers,  Histoire  et  statistique  monumentale  du  départe- 
ment du  Cher. 

Mentions  honorables  : 

I»  Pellechet,  Notes  sur  les  livres  liturgiques  des  diocèses  d  Autun,  Châlon  et  Ma- 
çon; 

2»  Izarn,  Compte  des  recettes  et  dépenses  du  roi  de  Navarre  en  France  et  en  Nor- 
mandie de  i3ùy  à  1 870  ; 


{ 


D  HISTOIRE    KT    DE    LITTERATURE  OQ 

30  Maurice  Prou,  les  Coutumes  de  Lorris  aux  xn"  et  xiu'  siècle  ; 

4"  André  Joubert,  Etude  sur  la  vie  privée  au  xv'  siècle  eu  Anjou  ;  , 

5"  Germain  Eapst,  les  Métaux  dans  l'antiqjiité  et  au  moyen  âge  :  l'Etain  ; 

6°  Le  D""  Le  Pau\m\ev,  Ambroisc  Paré,  a'après  de  nouveaux  documents  découverts 
aux  Archives  nationales  et  des  papiers  de  famille 

Le  prix  de  numismatique  Allier  de  Hauteroche  est  partagé  entre  M.  Percy  Gard- 
ner  {the  Types  of  Greek  coins)  et  M.  Six  {Classement  des  séries  cypriotes). 

M.  Félix  de  Lostalot,  vice-consul  de  France  à  Djeddah,  présente  la  stèle  de 
Téima,  dont  M.  Renan  a  entretenu  l'Académie  à  la  dernière  séance.  Ce  précieux 
monument  de  l'épigraphie  araméenne,  découvert  par  l'intrépide  voyageur  Charles 
Huber,  faillit  être  perdu  lorsque  celui-ci  périt  assassiné  par  les  Arabes,  le  2g  juillet 
1884.  Sur  les  instances  de  M.  Renan,  le  gouvernement  invita  M.  de  Lostalot  à  taire 
les  recherches  les  plus  minutieuses  pour  le  retrouver.  Grâce  aux  fonds  mis  à  la  dis- 
position du  vice-consul,  et  à  rintelligent,  habile  et  énergique  concours  d'un  cheikh 
algérien  séjournant  à  la  Mecque,  Si-Aziz  ben  Cheikh  el  Haddad,  qui  s'est  rendu 
lui-même  dans  l'intérieur  pour  effectuer  des  recherches,  la  stèle  a  pu  être  reprise, 
ainsi  que  la  plus  grande  partie  du  bagage  scientifique  recueilli  par  Ch.  Huber  au 
cours  de  la  mission  dont  il  était  chargé  par  le  gouvernement  français,  et  le  tout  a 
été  ramené  à  Djeddali  au  milieu  des  péripéties  les  plus  émouvantes.  La  stèle  et  plu- 
sieurs autres  monuments  analogues  viennent  d'être  rapportés  à  Paris  par  M.  de 
Lostalot  et  sont  désormais  acquis  au  musée  du  Louvre. 

M.  de  Vogué  rend  liommage  à  l'habileté  et  au  dévouement  que  M.  de  Lostalot  a 
montrés  dans  toute  cette  affaire  et  insiste  sur  la  reconnaissance  qui  lui  est  due. 
M.  de  Lostalot  alJdroit  pour  lui-même  à  autant  d'éloges  qu'il  en  a  donnés,  à  juste  ti- 
tre, à  Si-Aziz  ben  Cheikh  el  Haddad. 

M.  Hauréau  signale,  dans  un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  nationale,  lat.  8299, 
une  pièce  historique  qu'il  vient  de  découvrir  et  qu'il  se  propose  de  publier.  C'est 
une  relation  latine,  très  étendue,  des  derniers  moments  du  roi  Charles  V.  On  y  re- 
marque surtout  des  paroles  prononcées  par  le  roi,  peu  de  temps  avant  sa  mort,  en 
présence  des  seigneurs,  des  évêques,  du  prévôt  et  des  échevins  de  Paris,  au  sujet 
des  impôts  qu'il  avait  établis  durant  son  règne  :  il  reconnaît  que  ces  impôts  sont 
devenus  intolérables  et  il  déclare  les  abolir.  L'ordonnance  d'abolition  fut  en  effet 
expédiée  et  signée  par  le  roi  mourant  et  nous  est  parvenue;  mais  elle  fut  dissimu- 
lée par  le  nouveau  chancelier.  Miles  de  Dormans,  et  le  secret  fut  si  bien  gardé  que 
nul  n'en  soupçonna  l'existence.  Le  peuple  de  Paris,  voyant  maintenir  les  impôts 
dont  il  avait  espéré  la  suppression  à  l'occasion  du  changement  de  règne,  envahit  le 
palais  et  obtint,  dit  M.  Hauréau,  par  la  violence  ce  dont  il  avait  été  privé  par  une 
fraude  coupable. 

Dans  le  même  manuscrit,  M.  Hauréau  rencontre  une  glose  de  Guillaume  d'Au- 
xerre  sur  VAnticlaudien  d'.-\lain  de  Lille,  où  sont  cités  à  la  fois  la  Physique  et  la 
Métaphysique  d'Aristote  et  les  commentaires  d'Averroès.  Il  en  résulte  que  ces  com- 
mentaires étaient  connus  dans  l'école  de  Paris,  contrairement  à  ce  qu'on  a  cru  jus- 
qu'ici, avant  la  sentence  d'interdiction  prononcée  contre  la  Pliysique  par  le  concile 
de  1210,  et  furent  compris  dans  cette  sentence 

M.  Alexandre  Bertrand  communique  des  remarques  de  M.  Auguste  Nicaisesur  les 
objets  gaulois  trouvés  an  cours  des  fouilles  exécutées  sous  sa  direction  au  cimetière 
de  Courtisols,  commune  de  Marson  (Marne).  M.  Nicaise  soutient  une  tlièse  qu'il  for- 
mule en  ces  termes  :  «  Dans  la  partie  de  la  Gaule  qui  correspond  au  Belgium  de 
César  (départements  de  la  Marne,  de  l'Aisne  et  de  l'Aube),  le  torques.,  contrairement 
à  l'opinion  commune,  était  porté  par  les  femmes  et  très  exceptionnellement  par  les 
guerriers.  »  M.  Bertrand  ajoute  :  a  A  quoi  on  reconnaît  les  sépultures  de  femmes, 
M.  Nicaise  ne  nous  le  dit  pas  -,  mais  ce  qui  semble  ressortir  de  ses  observations,  c'est 
que  le  torques  ne  s'est  que  très  rarement,  très  exceptionnellement  rencontré  dans 
des  sépultures  oîi  avaient  été  déposées  des  armes,  épées,  poignards  ou  lances.  » 

M.  P.-Ch.  Robert  attire  l'attention  de  l'Académie  sur  la  nécessité  de  prendre  des 
mesures  pour  protéger  les  inscriptions  antiques  en  Afrique.  «  J'ai  eu  l'honneur, 
dit-il.  dans  la  séance  du  20  juin  1884,  de  provoquer  un  vœu  de  l'Académie,  en  fa- 
veur d'une  mesure  législative  assurant  la  conservation  des  monuments  anciens  dans 
les  possessions  françaises  régulièrement  organisées.  Une  loi,  annoncée  depuis  long- 
temps, qui  vient  d'être  votée  par  la  chambre  des  députés,  assurera  désormais,  en 
Algérie  et  en  Tunisie,  la  conservation  des  édifices  antiques  et  des  mosquées  classés 
comme  monuments  historiques .  C'est  un  grand  pas  de  fait,  et  l'on  doit  seulement  re- 
gretter que  la  loi  ne  soit  pas  intervenue  plus  tôt,  car  un  monument  qui  figure  sur 
la  liste  qui  vient  d'être  publiée,  l'arc  de  Bulla  Regia,  a  déjà  disparu  comme  la  co- 
lonne de  Feriana.  Mais  tout  est  encore  à  faire  pour  les  inscriptions,  qui  forment  la 
véritable  richesse  de  notre  terre  d'Afrique,  et  qui,  même  les  plus  modestes  en  appa* 
rence,  sont  d'un  intérêt  capital  pour  la  science;  c'est  par  elles,  en  effet,  tant  les  au- 
teurs anciens  sont  peu  explicites,  que  nous  pénétrons  dans  l'histoire  administrative 
et  militaire  d'une  des  plus  importantes  parties  du  monde  romain,  et  que  nos  savants 
reconstituent  les  routes  anciennes,  les  limites  des  provinces  et  celles  du  territoire 
de  chaque  cité;  c'est  par  elles  encore  que  nous  retrouvons  des  ethniques  et  des  noms 


40  RKVUE   CRITIQUE    d'hISTOIBK    KT    DE    LITTÉRATURE 

d'homme,  qui  ont  pour  la  linguistique  un  intérêt  capital.  Or,  les  nombreuses  ins- 
criptions, éparses  sur  la  terre  d'Afrique,  ne  peuvent  être  classées  comme  monuments 
historiques,  et  peut-être  eût-il  fallu  que  la  destruction  de  toute  pierre  écrite  fût,  en 
principe,  punie  par  la  loi,  et  que  la  constatation  du  délit  fût  confiée  à  tous  les  agents, 
quels  qu'ils  fussent,  de  la  force  publique;  la  science  y  eût  beaucoup  gagné  et  la  perte 
eût  été  mince  pour  les  colons  et  les  entrepreneurs.  » 

M.  Héron  de  Villefosse  donne  lecture  d'une  notice  sur  les  fouilles  exécutées  à 
Sbeïtla,  l'ancienne  Sufetula  (Tunisie),  par  M.  le  lieutenant  Marius  Boyé.  Cet  officier, 
au  cours  de  ses  recherches,  qu'il  a  conduites  avec  une  activité  et  une  intelligence 
remarquables,  a  découvert  et  mis  en  lumière  plusieurs  textes  épigraphiques  impor- 
tants. Des  fouilles,  commencées  en  août  i883,  ont  duré  près  d'une  année,  et  sont 
loin  d'avoir  épuisé  le  vaste  champ  des  ruines  de  Sbeïtla.  Parmi  les  textes  recueillis 
par  M.  Boyé  et  commentés  par  M.  Héron  de  Villefosse,  citons  une  dédicace  en  l'hon- 
neur d'Aurélien,  où  le  texte  primitif,  Victoriae...  L.  Domiti  Aureliani,  a  été  modifié, 
après  la  mort  du  prince,  au  moyen  d'un  grattage;  on  a  substitué  le  mot  Divi  aux 
noms  L.  Domiti.  Un  piédestal  porte  le  nom  de  Macrobe,  proconsul  d'Afrique  en 
409-410.  Dans  une  longue  et  curieuse  inscription,  on  trouve  le  cursus  honorum 
d'un  chevalier  romain,  qui  fut  avocat  du  fisc  dans  la  province  de  Bétique,  procura- 
teur du  domaine  privé  de  l'empereur,  secrétaire  du  préfet  du  prétoire,  enfin  procu- 
rateur impérial  du  district  financier  d'Hadrumète  (Sousse),  aux  appointements  de 
200,000  sesterces  ou  5o,ooo  fr. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Gaston  Paris  :  Xénopol  (A.-D.),  Une  énigme  his- 
torique :  les  Roumains  au  moyen  âge;  —  par  M.  Bréal  :  Chaban  (le  comte  de),  £"5- 
sais  sur  l'origine  du  nom  des  communes  dans  la  Touraine,  le  Vendomois  et  une  partie 
du  Dunois. 

Julien  Havet. 


SOCIETE  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE 


Séance  du  14  juin  i885. 

PRÉSIDENCE  DÉ   M,  COURAJOD. 

M.  d'Arbois  de  Jubainville  lit  un  travail  intitulé  :  Lugus,  Lugores ;  le  Mercure 
gaulois. 

M.  Flouest  lit,  au  nom  de  M.  le  comte  de  la  Noé,  un  mémoire  sur  L'oppidum  gau- 
lois en  général. 

M.  l'abbé  Beurlier  communique,  de  la  part  de  M.  l'abbé  Baiiffol,  les  dessins  de 
deux  objets  d'art  grec  vus  par  lui  à  Apollonie  d'Epire;  l'un,  un  Satyre  de  bronze  de 
même  style  que  celui  de  Dodone  découvert  par  M.  Carapanos,  l'autre,  une  tête  de 
femme  voilée,  terre  cuite  analogue  aux  figurines  tarentines  signalées  par  Fr.  Lenor- 
mant. 

M.  le  chanoine  Julien  Laferrière  communique  deux  inscriptions  inédites  relevées 
par  lui,  l'une  au  portail  de  l'église  de  Saint-Léger,  en  Saintonge,  l'autre  sur  la  clo- 
che de  la  même  église;  il  signale  quelques  particularités  des  églises  romanes  en 
Saintonge,  notamment  leur  réfection  partielle  au  commencement  du  xni"  siècle  et 
l'emploi  du  fer-à-cheval  comme  motif  d'ornementation.  Un  membre  dit  que  ce  der- 
nier ornement  fait  allusion  à  des  pèlerinages  accomplis  au  tombeau  de  saint  Mar- 
tin. 

M.  E.  Mùntz  rappelle  que  M.  Grimm  a  démontré  que  le  cheval  du  Saint  Georges 
de  Raphaël  au  Musée  du  Louvre  était  imité  de  l'un  des  chevaux  antiques  de  Monte 
Cavallo  et  qu'il  en  a  conclu  que  le  tableau  de  Raphaël  était  postérieur  à  l'établisse- 
ment du  Maître  à  Rome  en  1. -107-1 5o8.  M.  Mûntz  se  servant  d'un  dessin  publié  par 
M.  Courajod,  établit  que  Raphaël  a  connu  les  colosses  de  Mont  Cavallo  par  l'inter- 
médiaire de  Léonard  de  Vinci  dans  l'atelier  duquel  ce  dessin  a  été  exécuté  et  que  le 
Saint  Georges  du  Louvre  doit,  en  conséquence,  être  daté  de  1604  et  non  de  iboj- 
i5o8. 

M.  Héron  de  Villefosse  communique,  de  la  part  de  M.  Albert  Babeau  de  Troyes, 
la  copie  d'une  inscription  qui  aurait  été  relevée  en  i63i  par  le  chanoine  Bonhomme, 
mais  qui  est  manifestement  controuvée. 

Le  Secrétaire, 

R.    MOWAT. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 

/..(?  Puy,  iwprimeHe  de  Marchrssou  ^Is.  boulevard  Saint- Laurent,  23, 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE 

No  29  —  20  juillet  -  1885 


Soniniaii>e  :  Léon  Renier.  —  122.  Hommel,  La  langue  suméro-accadiennc.  — 
123.  RoGET,  Histoire  du  peuple  de  Genève,  Vl[.  —  124.  Mûntz,  La  Renaissance 
en  Italie  et  en  France  à  Fe'poque  de  Charles  Vil.  —  12b.  Gœthe,  Gœtz  de  Berli- 
chingen,  p.  p,  Chuquet.  —  Variélés  :  Clermont-Ganneau,  Notes  d'archéologie 
orientale,  XXIV  :Lc  mot  chillek  «  sauver  »  en  phénicien  et  dans  l'arabe  vulgaire. 
—  Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions.  —  Société  des  Antiquaires  de 
France. 


LEON  RENIER 


Charles- Alphonse-Léon  Renier,  né  à  Gharleville  (Ardennes)  le  2  mai 
1809,  est  mort  à  Paris  le  11  juin  i885.  Il  était  membre  de  l'Académie 
des  Inscriptions  et  Belles-Lettres,  professeur  au  Collège  de  France, 
Président  honoraire  du  Comité  des  travaux  historiques  (section  d'ar- 
chéologie), Conservateur-administrateur  de  la  bibliothèque  de  l'Univer- 
sité, Président  de  la  section  des  sciences  historiques  et  philologiques  à 
l'Ecole  pratique  des  hautes-études,  membre  honoraire  de  la  Société  des 
Antiquaires  de  France. 

Après  de  bonnes  études  au  collège  de  Reims,  il  allait  être  admis  à 
l'Ecole  normale  pour  la  section  des  sciences,  avec  l'espoir  de  devenir 
professeur  de  mathématiques,  lorsque  la  révolution  de  i83o  éclata.  Il 
avait  été  porté  sur  la  liste  de  M.  de  Frayssinous  pour  entrer  à  l'Ecole  ; 
le  nouveau  ministre  dressa  une  nouvelle  liste  sur  laquelle  il  ne  hgurait 
pas.  Loin  de  se  laisser  décourager  par  cet  échec.  L.  R.  chercha  sa 
voie  d'un  autre  côté.;  deux  ans  plus  tard,  en  i832,  il  devint  principal 
du  collège  communal  de  Nesles  (Somme).  Cette  situation  ne  lui  conve- 
nait guère;  il  l'abandonna  pour  se  rendre  à  Senlis  auprès  de  ses  parents 
et  occupa  ses  loisirs  en  classant  l'importante  bibliothèque  de  cette  ville. 
Bientôt  il  se  décida  à  venir  chercher  fortune  à  Paris  où,  pendant  les 
premiers  temps  de  son  séjour,  il  eut  à  lutter  contre  les  difficultés  de 
l'existence. 

Il  se  consacra  d'abord  à  l'enseignement  privé,  M.  le  professeur 
Yanoski  lui  ouvrit  le  Journal  de  l hxstruction  publique  ;  puis,  il 
entra  en  relations  avec  Philippe  Le  Bas  dont  il  devint  le  secrétaire  et 
l'ami  :  cette  liaison  eut  une  influence  décisive  sur  sa  carrière. —  Sous  la 
direction  de  ce  savant  il  collabora  au  Dictiojinaire  encyclopédique  de 
Noui'elle  série,  XX.  2g 


42  REVUE    CRITIQUE 

la  France  et  pendant  une  mission  que  Le  Bas  accomplissait  en  Orient 
(1843- 1845)  il  fut  chargé  de  terminer  ce  grand  ouvrage  qui  ne  com- 
prend pas  moins  de  34  vol  in-S".  La  maison  Firmin  Didot  lui  confia 
ensuite  la  direction  de  VE?îCjrclopédie  moderne  dans  laquelle  il  a 
publié  de  nombreux  articles  (i 845-1851,  3o  vol.  in-8'')  :  il  faut  si- 
gnaler surtout  l'article  fw^cr/^^z'o»,  dont  il  fit  faire  un  tirage  à  part; 
il  y  a  esquissé  l'histoire  de  Pépigraphie  et  démontré  Tutilité  de  cette 
science.  Dès  cette  époque  il  s^était  adonné  à  l'étude  des  inscriptions  et 
des  antiquités  romaines.  —  En  1844,  l'année  même  de  la  fondation  de 
la  Revue  archéologique  y  il  publia  dans  un  des  premies  numéros  des 
Observations  sur  diverses  incriptions  thessaliennes  dont  le  texte  avait 
été  envoyé  par  Ph.  Le  Bas;  depuis,  il  ne  cessa  de  collaborera  cette 
revue;  pendant  vingt-cinq  ans  il  y  fut  le  champion  incontesté  de 
répigraphie  romaine;  les  articles  dont  il  a  enrichi  ce  recueil  sont  très 
nombreux. 

Nommé  membre  de  la  Société  des  Antiquaires  de  France  en  1845, 
il  déploya  au  sein  de  cette  Compagnie  une  grande  activité,  surveillant 
lui-même  les  publications  et  s'occupant  de  les  améliorer.  C'est  à  lui 
qu'on  doit  la  fondation  du  Bulletin  auquel  pendant  plusieurs  années  il 
a  donné  d'intéressantes  notes  épigraphiques.  Dans  \qs  Annuaires  de  cette 
Société,  outre  de  nombreuses  communications  sur  les  antiquités  de  la 
Gaule  et  de  l'Afrique,  il  a  publié  la  traduction  française  de  la  Géogra- 
phie  de  Ptolémée,  partie  concernant  la  Gaule  (1848)  et  un  excellent 
et  très  utile  travail  sur  les  Itinéraires  romains  de  la  Gaule  (i85o). 
Dans  les  Mémoires  il  a  commenté  les  Inscriptions  antiques  recueillies 
par  M.  de  la  Mare  sur  la  route  de  Constantine  à  Lanibèse  (i85o)  et 
il  a  fait  paraître  ses  Mélanges  épigraphiques  (i852)  comprenant  quatre 
dissertations  importantes. 

En  1845  il  fonda  la  Revue  de  philologie,  de  littérature  et  d'his- 
toire ancienne  (1845-1847,  2  vol.  in-8")  :  on  y  chercherait  en  vain  un 
travail  épigraphique  signé  de  son  nom,  mais  il  y  inséra  trois  articles 
critiques  d'une  grande  valeur.  C'est  à  cette  période  de  sa  vie  (iSdo") 
qu'il  faut  rattacher  les  Notes  sur  Tite-Live  publiées  à  la  suite  du  Tite- 
Live  de  la  collection  Nisard  :  ces  commentaires  furent  la  première 
révélation  qui  ait  été  faite  en  France  de  l'administration  et  des  magis- 
tratures romaines.  Trois  ans  auparavant  (1847),  il  avait  fait  paraître 
une  petite  édition  de  Théocrite . 

Ses  travaux  sur  i'épigraphie  romaine  le  firent  désigner  à  deux  reprises 
pour  remplir  des  missions  archéologiques  en  Algérie  (i85o  à  1854); 
ces  missions  sont  restées  célèbres  :  les  principaux  résultats  en  sont 
consignés  dans  des  Rapports  au  Ministre  publiés  dans  les  Archives 
des  jnissions  scientifiques  (i85o,  i85i,  1854).  Au  cours  d'un  de  ces 


d'histoire  et  de  httkrature  43 

voyages,  en  i852,  il  fonda,  avec  le  général  Creully  et  Cherbonneau,  la 
Société  archéologique  de  Constantine  et  donna  ainsi  une  vigoureuse 
impulsion  aux  études  archéologiques  en  Algérie.  Chaque  fois  il  revint 
d'Afrique  avec  une  abondante  récolte  de  documents  épigraphiques.  Il 
en  entreprit  la  publication.  Son  grand  recueil  des  Inscriptions  romai- 
nes de  l'Algérie  (ïj^.  ïasc,  i855  à  i858,  in-4°)  comprend  4417  textes 
presque  tous  inédits.  Jusqu^à  la  fin  de  sa  vie  il  conserva  Fespoir 
d'éditer  un   second  volume   aussi  considérable   que   le  premier. 

Nommé  en  i853  membre  du  Comité  de  la  langue,  de  Thistoire  et 
des  arts  de  la  France,  il  fut  désigné  deux  ans  plus  tard  par  ce  comité 
pour  réunir  les  éléments  d'un  Corpus  des  inscriptions  romaines  de  la 
Gaule  et,  depuis  cette  époque,  il  ne  cessa  de  rechercher  et  de  classer 
les  matériaux  qu'on  lui  envoyait  de  tous  côtés  pour  ce  grand  travail 
resté  malheureusement  à  l'état  d'ébauche.  Il  devint  président  delà  section 
d'archéologie  du  Comité  des  travaux  historiques;  [a Revue  des  Sociétés 
savantes  renferme  de  nombreux  rapports  de  L.  R.  sur  les  communica- 
tions envoyées  au  Comité  par  les  correspondants  provinciaux  et 
en  particulier  sur  les  découvertes  épigraphiques  faites  en  territoire 
français. 

Le  12  décembre  i856  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles- Lettres 
lui  ouvrit  ses  portes  ;  il  y  remplaça  Fortoui  :  depuis  i858  les  Comptes- 
rendus  de  cette  Académie  contiennent  presque  chaque  année  des 
notes  de  L.  R.  sur  Pépigraphie  de  la  Gaule  et  de  l'Afrique  et  sur  toutes 
les  questions  qui  touchent  à  l'histoire  romaine.  Son  célèbre  Mémoire 
sur  les  ojficiers  qui  assistèrent  au  conseil  de  guerre  tenu  par  Titus 
avant  de  livrer  l'assaut  au  temple  de  Jérusalem  et  son  travail  sur 
Velleius  Paterculus  onl  Y>^v\x  dans  les  Mémoires  de  V Académie,  Xo. 
premier  en  1867,  le  second  en  1875.  Dans  les  différentes  commissions 
dont  il  faisait  partie,  et  surtout  dans  celle  des  Antiquités  de  la  France, 
son  influence  s'est  toujours  fait  sentir  d'une  manière  utile  et  juste.  La 
droiture  de  son  jugement  et  la  sûreté  de  son  érudition  lui  donnaient 
une  grande  autorité. 

Les  honneurs  ne  ralentissaient  pas  son  activité,  car  il  collaborait  en 
même  temps  au  Bulletin  de  l'Institut  de  correspondance  archéologi- 
que de  Rome  (1857,  1859,  1860),  au  Bulletin  archéologique  de 
l'Athenaeum  français  (i855-i856),  à  la  Revue  archéologique  (1844 
a  1875)  et  aux  différentes  publications  des  corps  savants  dont  il  faisait 
partie.—  En  1854  il  faisait  paraître  ses  Mélanges  d'épigraphie,  réunion 
de  14  dissertations  modèles  dans  lesquelles  sont  éclaircis  au  moyen  des 
inscriptions  plusieurs  points  jusqu'alors  obscurs  de  l'histoire  et  de  l'ad- 
mmistration  romaines;  les  questions  traitées  dans  ce  livre  sont  présen- 
tées d\ine  manière  méthodique  et  claire  qui  ne  pouvait  manquer  d'être 


44  REVUE    CRITIQUE 

féconde,  —  En  i855  il  travaillait  avec  M.  Edmond  Le  Blant,  aujour- 
d'hui membre  de  Tlnstitut  et  directeur  de  l'école  française  d'archéologie 
de  Rome,  à  la  révision  et  à  la  correction  de  toutes  les  inscriptions  insé- 
rées dans  le  grand  ouvrage  de  Perret  sur  les  Catacombes  de  Rome.  En 
i858  il  donnait  au  public  une  nouvelle  édition  de  la  Recherche  des 
antiquités  et  curiosités  de  la  ville  de  Lyon  par  Jacob  Spon  en  y  joi- 
gnant des  notes  dont  quelques-unes  sont  de  véritables  mémoires,  par 
exemple  celle  qui  est  relative  à  G.  Furius  Sabinius  Timesitheus,  beau- 
père  de  Gordien  III:  un  supplément  mxïiiûé  Inscriptions  relatives  à 
l'administration  de  la  province  renferme  trois  dissertations  importan- 
tes sur  les  fonctionnaires  de  la  Lyonnaise. 

En  1860,  après  la  mort  de  Bartolomeo  Borghesi,  Napoléon  III institua 
une  commission  chargée  de  publier,  aux  frais  de  la  liste  civile,  les 
Œuvres  du  savant  numismatiste  et  épigraphiste.  L.  R.  fut  Pâme  de 
cette  commission  :  il  mit  les  manuscrits  en  ordre,  rechercha  et  classa  la 
correspondance  si  instructive  de  l'illustre  Italien,  revit  et  corrigea  lui- 
même  toutes  les  épreuves,  travailla  aux  tables  et  enrichit  surtout  de 
précieuses  notes  les  neuf  volumes  (1862  à  i885)  de  cette  grande  publi- 
cation continuée  aujourd'hui  par  les  soins  de  l'Académie  des  Inscrip- 
tions et  Belles- Lettres.  —  En  1861  il  fut  envoyé  à  Rome  par  le  chef  de 
l'état  pour  traiter  conjointement  avec  M.  Sébastien  Cornu  de  Tacquisi- 
tiondu  Musée  Caynpana  ;  il  contribua  ainsi  à  un  enrichissement  considé- 
rable de  nos  musées.  Il  était  chargé  en  même  temps  de  négocier  pour 
Tempereur  l'acquisition  des  jardins  Farnèse  qui  occupaient  l'emplace- 
ment d'une  partie  du  Palais  des  Gésars;  il  dirigea  plus  tard  les  fouilles 
qui  furent  faites  sur  ce  terrain. 

La  même  année  on  créa  pour  lui  une  chaire  d'épigraphie  et  d'anti- 
quités romaines  au  Gollège  de  France:  c'est  laque  pendant  vingt  années, 
avec  une  méthode  et  une  clarté  admirables,  il  exposa  les  règles  et  la 
doctrine  de  l'épigraphie  romaine,  science  dont  il  fut  en  France  le  véri- 
table initiateur.  Trop  difficile  envers  lui-même,  il  ne  voulut  jamais  se 
décider  à  publier  des  leçons  qui  faisaient  sa  gloire,  de  peur  de  mêler 
quelques  éléments  imparfaits  aux  précieux  résultats  de  ses  tra- 
vaux. 

Nommé  en  1860  administrateur  de  la  bibliothèque  de  l'Université 
à  la  place  de  Philippe  Le  Bas,  il  donna  asile,  en  1868,  dans  la  vieille 
Sorbonne,  à  la  section  des  sciences  historiques  et  philologiques  de  l'E- 
cole pratique  des  hautes  études  dont  il  devint  le  président;  pendant 
l'année  1868- 1869  il  trouva  le  temps  de  prendre  part  à  l'enseignement 
intérieur  de  l'Ecole  dans  une  suite  de  conférences  très  intéressantes 
sur  les  lettres  de  Pline  le  Jeune.  Un  de  ses  derniers  articles  Inscription 
inédite  de  Bcjyrouth,  a  éié  publié  en    1878  dans  le  volume  de  Mélan- 


d'histoirk  et  de  littérature  45 

ges  que  l'École  a  dédis  à  M.  Victor  Duruy  pour  le  dixième  anniver- 
saire de  sa  fondation. 

Son  dernier  travail,  Monument  élevé  à  Grenoble  en  l'honneur  de 
Claude  II  le  Gothique  a  paru  en  1 88 1  en  tête  du  Bulletin  épigraphi- 
que  de  la  Gaule  à  la  fondation  duquel  il  s'était  particulièrement  inté- 
ressé et  auquel  il  voulait  témoigner  ainsi  toute  sa  bienveillance.  Tous 
ceux  d'ailleurs  qui  se  sont  occupés  d'épigraphie  romaine,  savent  qu'on 
ne  s'adressait  jamais  en  vain  à  L.  R.;  il  était  heureux  de  faire  profiter 
ses  élèves  et  ses  amis  de  ses  observations  et  des  notes  qu'il  avait  re- 
cueillies. On  trouvait  toujours  auprès  de  lui  un  accueil  cordial  et 
d'affectueux  conseils. 

Léon  Renier  s'est  éteint  à  la  Sorbonne  près  de  sa  chère  Ecole,  au 
milieu  même  de  ses  occupations  d'administrateur  de  la  bibliothèque  de 
l'Université  qui  n'avaient,  pour  ainsi  dire,  pas  été  interrompues.  II 
avait  été  fait  chevalier  delà  légion  d'honneur  en  i853,  officier  en  1862, 
commandeur  en  1870. 

Ant.  H.  DE  V, 


122.  — S>ie  sunïet'iscli-aliliadleclie  Spi-aelio  und  Hire  Vei^'^vaiitlsctiafts- 
verlua^ltnisse,  von  Fritz  Hommel.  Leipzig,  Otto  Schulzc,    70    pp.    in-8,  1884. 

—  lie  îjicantanicïttorum  soiMci-îco-îjsByE'5oi-«ïîî  scj-îes  quao  tiîeîtuf 
s9iui*bu  tabula  sexta.  Cosmneutatîo-pliilologîea  quant  «^ci-Bp§ti(  X^c. 
ti'U)^  Jenseii  uusti'upeDisîs.  Monachii  ex  ofticina  academica  F".  Strauss.  91  pp. 
in-8, i885 . 

—  BabylooBSfliie  Hîusspsaliiieiî  uuîsclis'iebeii  uebergetzt  UEîtl 
eï'klaei't.  Inauguml-Dissertation  zur  Erlangung  des  philosophischen  Doctor- 
grades  de  Universitset  Leipzig,  von  Heinricli  Zimmern.  Leipzig,  Breitkopf  et 
Haertel,  17  pp.  in-4,  i885. 

Ces  trois  écrits  représentent  très  exactement  les  trois  étapes  successi- 
ves par  lesquelles  la  question  accadienne  a  passé  depuis  un  an  en  Alle- 
magne. On  sait  que  l'école  assyriologique  admettait  dès  le  début 
l'existence  en  Babylonie  d'un  peuple  allophyle  qui  aurait  légué  aux 
Sémites  sa  langue  sacrée,  sa  mythologie  et  sa  civilisation.  Les  textes 
qui  offrent  en  apparence  une  langue  antique  et  qui  sont  souvent  accom- 
pagnés d'une  version  assyrienne,  étaient  unanimement  attribués  à  ce 
peuple  non  sémitique  que,  sur  la  foi  de  comparaisons  philologiques,  on 
déclarait  appartenir  à  la  race  ouralo-altaïque  ou  touranienne.  La  pré- 
tendue découverte  de  la  civilisation  primordiale  des  Touraniens  excita 
l'admiration  générale  et  on  la  plaça  au  rang  de  l'immortelle  découverte 
de  Champollion.  C'est  contre  ces  affirmations,  passées  à  l'état  de  dogmes 
depuis  vingt  ans,  que  j'ai  publié  un  travail  critique  en  1874.  A  l'opposé 
de  l'opinion  reçue,  j'ai  cherché  à  prouver  :  i"  que  la  langue  acca- 
dienne ou  sumérienne,  si  elle  a  existé,  n'était  pas  de  la  famille  toura- 


46  REVUE   CkITIQUE 

nienne;  2°  que  ce  qu'on  nomme  accadien  ou  sumérien,  loin  d'expri- 
mer une  langue  sui  generis  constitue  un  système  de  rédaction,  en 
grande  partie  hiéroglyphique,  fondé  sur  l'assyrien  sémitique.  J'ai 
accentué  tout  spécialement,  3"  que  la  civilisation  assyro-babylonienne 
était  dans  sa  totalité  Tœuvre  des  Sémites.  La  thèse  antiaccadienne, 
épurée  et  fortifiée  dans  la  longue  lutte  qu^elle  a  dû  soutenir  contre  ses 
contradicteurs,  finit  par  obtenir  les  suffrages  de  deux  assyriologues 
français,  M.  Stanislas  Guyard  et  M.  Pognon.  En  Allemagne  Thypo- 
thèse  accadienne  régna  sans  contrôle  jusqu'en  1884;  le  seul  progrés 
effectué  se  rapporte  au  caractère  touranien  de  la  langue  d'Accad  que 
MM.  Schrader,  Haupt  et  Delitzsch  nient  comme  moi,  sans  cependant 
avouer  que  mes  arguments  sont  pour  quelque  chose  dans  leur  con- 
version un  peu  tardive.  Le  travail  de  M.  Hommel  en  faveur  du  tou- 
ranisme  sera  probablement  le  dernier  dans  cette  direction,  car  les  deux 
autres  travaux  inaugurent  pour  l'année  courante  une  tendance  mar- 
quée vers  l'antiaccadisme,  tendance  à  laquelle  la  théorie  contraire 
aura  de  la  peine  à  résister.  Analyser  ces  trois  mémoires  ce  sera  faire 
l'histoire  des  phases  que  l'accadisme  parcourt  depuis  peu  dans  les  écoles 
assyriologiques  de  TAllemagne. 

I 

M.  H.  considère  l'existence  de  la  langue  accadienne  comme  étant  à 
l'abri  de  tout  doute  ;  le  dualisme  qui  se  manifeste  dans  les  textes  dits 
bilingues  suffit  pour  l'en  convaincre.  Il  croit  plus  profitable  de  renfor- 
cer la  thèse  touranienne  que  la  défection  de  plusieurs  assyriologues  a 
fortement  discréditée.  Plus  prudent  que  les  anciens  touranophiles  qui 
mettaient  à  contribution  toutes  les  langues  de  TAsie  septentrionale, 
M.  H.  borne  ses  rapprochements  aux  langues  turques  seules.  Malheu- 
reusement, à  travers  la  minutie  apparente  de  son  exposition  et  malgré 
l'appareil  scientifique  mis  en  œuvre,  on  s'aperçoit  bientôt  qu'il  ne  con- 
naît pas  les  langues  dont  il  traite  si  doctoralement.  Déjà  le  seul  fait  de 
remploi  du  mot  Turksprache  dans  tout  son  mémoire,  montre  bien 
qu'il  ignore  et  l'orthographe  et  la  prononciation  indigènes  du  mot 
Turc,  car  il  semble  croire  que  Vil  de  Tilrke  est  un  umlaut  allemand. 
La  même  inexpérience,  mais  doublée  d'une  prétention  vraiment  exorbi- 
tante, se  trahit  à  propos  du  nom  de  nombre  besh  «  cinq  »  qu'il  ordonne 
de  prononcer  vesh.  Que  dira-t-on  d'un  grammairien  qui  affirmerait  que 
le  mot  allemand  band  «  lien  »  se  prononce  jpand?  Cet  exemple  peut 
donner  une  idée  des  tortures  que  M.  H.  fait  subir  aux  phonèmes  acca- 
diens  qu'il  veut  à  toute  force  douer  d'une  physionomie  turque.  Aussi, 
toute  la  partie  phonétique  de  son  travail  n'est-elle  qu'une  aggloméra- 
tion de  formes  arbitraires  créées  pour  le  besoin  de  la  cause  et  planant 
dans  le  vide.  Le  phénomène  de  l'imâlé  sémitique  est  confondu  avec 
rharmonie  vocale  propre  aux  idiomes  ouralo-altaïques;  l'agencement 
des  consonnes  n'est  pas  traité  avec  plus  de  discernement  :  c'est  un  chaos 
indescriptible. 


d'histoire    et    de    LITTERATURE  47 

On  s'imagine  que  la  partie  qui  concerne  les  éléments  du  discours(For- 
menlelire),  étant  plus  matérielle,  sera  traitée  moins  cavalièrement;  que 
les  désinences  accadiennes  seront  confrontées  d'une  part,  avec  les  dési- 
nences assyriennes  pour  en  démontrer  la  différence;  d'autre  part,  avec 
les  désinences  turques,  pour  en  établir  la  parenté,  M.  H.  ne  fait  ni  Tun 
ni  l'autre.  Les  faits  relatifs  à  Tanalogie  vocalique  des  noms  et  des  ver- 
bes, appelée  inexactement  status  prolongationis,  à  l'état  construit,  à 
l'ordre  du  nom  et  de  l'adjectif,  aux  préfixes  navî^  nin  [=z  as.  navi^  nin) 
qui  forment  des  noms  abstraits,  au  préfixe  miilu  (=as.  amelu]« homme  », 
faits  purement  sémitiques  et  impossibles  dans  les  idiomes  turcs,  sont 
passés  rapidement  par  M.  H,,  qui  se  contente  d'identifier  le  préfixe 
nin  avec  la  désinence  turque  du  génitif  ning  désinence  qui,  sans  qu'on 
en  fournisse  la  moindre  preuve  d'ailleurs,  aurait  signifié  primitivement 
«  chose  ».  Avec  l'élasticité  que  M,  H,  accorde  à  la  phonétique  acca- 
dienne,  où  les  consonnes  n,  g,  d,  sh  se  remplaceraient  sans  façon  l'une 
l'autre,  il  aurait  beaucoup  mieux  fait  d'identifier  Taccadien  nin  avec 
l'allemand  ding,  dont  le  sens  du  moins  est  bien  certain.  Ce  qui  est  en- 
core plus  étonnant,  c'est  que  M.  H.  prend  l'idéogramme  déterminatif  w 
dans  u-kur  et  ii-tu-ud-da  pour  un  préfixe  formatif. 

Parmi  les  soi-disant  suffixes  formatifs  d'adjectifs.  M,  H.  n'en  trouve  à 
comparer  que  deux  :  gai  et  tuk  qu'il  rapproche  des  désinences  ni  et  ti 
particulières  selon  lui  au  turc  oriental,  ce  qui  prouve  qu'il  n'a  aucune 
idée  du  turc  occidental.  Au  lieu  de  chercher  si  loin,  M.  H.  aurait  dû 
comparer  les  terminaisons  germano-romanes  al,  el  et  tic^  tique,  tisch  ; 
cela  aurait  été  tout  aussi  raisonnable. 

Les  pronoms  ont  de  tout  temps  formé  le  champ  clos  où  les  amateurs 
de  comparaisons  à  casse-cou  donnent  libre  carrière  à  leur  fantaisie. 
Quelle  qu'en  soit  la  cause,  il  est  avéré  que  les  pronoms  se  ressemblent 
beaucoup  dans  les  langues  les  plus  diverses.  La  similitude  si  parfaite 
des  pronoms  sémitiques  et  chamitiques  a  été  impuissante  à  établir  la 
parenté  de  ces  deux  familles  de  langues.  A  plus  forte  raison  une  telle 
similitude  perd-elle  toute  valeur  scientifique  lorsqu'elle  est  partielle  et 
imparfaite.  Quand  donc  M.  H.  met  sur  la  même  ligne  les  pronoms  ré- 
putés suméro-accadiens  ?n;.!('/Zy',  :[ii{n),  ni  &X.  les  pronoms  turcs  primitifs 
inan,  san,  on  (pour  o/),  on  pourra  sans  peine  remplacer  ceux-ci  par 
les  formes  germano-slaves  niein,  dein;  on.  L'anglais  iife  «  nous  »  va  à 
merveille  avec  le  sumérien  mi  f=  w^/j,  M.  H.  consentira-t-il  qu'on  en 
conclue  que  le  sumérien  est  un  idiome  germanique?  Quant  à  la  compa- 
raison du  turc  bu  «  ce  »  avec  le  sumérien  bi,  elle  est  illusoire,  car  les 
formes  tartares  inunga,  munda  etc.  attestent  que  la  consonne  initiale 
était  primitivement  une  m. 

J'ai  démontré  depuis  deux  ans  que  les  nombreux  phonèmes  acca- 
diens  qui  indiquent  les  noms  de  nombre,  ne  sont  autre  chose  que  les 
lectures  des  signes-chiffres  qui  les  représentent.  M.  H,  passe  naturelle- 
ment sous  silence  la  grande  majorité  de  ces  sons;  il  nementionne  que  les 


48  KKVUE    CRITIQUE 

six  suivants  :  ash  «  un  »,  gash  «deux  n^vish  «trois  »,  7iin  «  quatre  »,  vash 
«  cinq  »,  lin  «  dix  »,  dont  les  correspondants  turcs  seraient  respective- 
ment ash,  ikish,  i'ttch,  nil,  vesh,  on.  Ce  rapprocliement  lui  paraît  si  pro- 
bant qu'exalté  par  son  triomphe  il  s'écrie  :  «  Wenn  man  dies  Factum 
mit  ciem  oben  betonten  der  Identitat  samtlicher  Pronominalstamme 
und  ihrer  Ver-.vendung  in  Betracht  zieht,  so  miisste  das  allein  schon 
geniigen,  jeden  Zweifel  an  der  engen  Zusammengehorigkeit  des  Sum- 
mero-akkadischen  und  der  Turksprachen  zu  beseitigen.  »  En  réalité,  la 
seule  chose  que  M.  H.  a  réussi  à  prouver,  c'est  son  ignorance  absolue 
des  langues  ei  de  la  philologie  turques.  En  ce  qui  concerne  le  nombre 
«  un  »,  les  langues  turques,  sans  exception  aucune,  l'expriment  par  ôir; 
l'ouigour  ashni  «  tout  d'abord  »  (\iierst),  vient  de  ash  «  passer  devant 
ou  avant  »  et  n''a  rien  à  voir  avec  l'idée  de  nombre.  La  forme  primitive 
de  «  deux  )),  f/ft,  n'est  pas  ikish  comme  le  croit  M.  H.,  mais,  témoin  la 
ïorme j^igirmi  «  vingt»,  comparée  au  yakoute  sûrbe,  avec  un  û  long, 
sikir,  ce  qui  n'a  plus  la  moindre  ressemblance  avec  gash.  On  peut  éga- 
lement affirmer  que  le  turc  iitch  (yak.  ils)  a  trois  •»,  vient  d'une  forme 
primitive  iclt,  conservée  dans  le  nogaï  o/^zq  «  trente  »,  turc  commun 
o^zq,  yak.  oîiis  ;  or,  de  iilt  à  vis  ou  plus  exactement  ish,  la  distance  est 
grande.  Pour  le  nombre  «  quatre  »,  tous  les  dialectes  turcs  disent  dort, 
tih'irt  ;  le  terme  nilau  «  quatrième  »  est  emprunté  aux  idiomes  finnois. 
Le  mot  turc  pour  <>  cinq  »,  besh,  bies,  visse,  comme  le  montre  le  fin- 
nois vUe,  avait  probablement  une  dentale  dans  sa  seconde  syllabe;  il 
n'a  donc  rien  de  commun  avec  le  sumérien  mash  dont,  soit  dit  en  pas- 
sant, la  lecture  n'est  même  pas  certaine.  Enfin,  la  comparaison  du 
livonien  A'wn  (fin.  Ktim)  «  dix  »  fait  assez  voir  que  le  turc  on  =:  yak. 
lion  offre  l'altération  d'une  forme  ancienne  kuom.  forme  avec  laquelle 
Taccadien  mun,  un,  en  admettant  qu'elle  fût  exacte,  n'a  plus  aucune 
analogie.  Voilà  les  considérations  qui  auraient  dû  empêcher  M.  H. 
d'entonner  son  chant  de  triomphe. 

Que  le  verbe  accadien  diffère  entièrement  du  verbe  touranien,  c'est  un 
fait  que  les  partisans  les  plus  autorisés  de  l'accadisme  ont,  depuis  long- 
temps, reconnu  et  concédé  :  il  est  seulement  fâcheux  qu'ils  n'en  aient 
pas  tiré  la  conséquence  naturelle  contre  le  touranisme.  M.  Lenormant 
crut  obvier  à  cet  inconvénient  en  introduisant  de  hardies  corrections 
dans  l'analyse  du  verbe  ouralo-altaïque,  hardiesses  que  les  connaisseurs 
de  ces  langues  ont  naturellement  reçues  plus  que  froidement.  M.  H. 
est  moins  résolu,  mais  il  se  tire  d'affaire  en  affirmant  que  la  conjugai- 
son prépositive  du  verbe  suméro-accadicn  est  due  à  l'influence  de 
l'assyrien  sémitique.  11  ne  considère  comme  originale  que  la  conjugai- 
son postpositive  qu'il  rapproche  de  la  conjugaison  turque  sans  se  douter 
qu'en  turc  le  présent  est  formé  d'un  nom  verbal  terminé  par  un  r,  au- 
quel se  joignent  les  suffixes  personnels  :  baqar-ym,  gider-im,  olur-inn 
etc.,  tandis  qu'en  accadien,  conformément  à  l'usage  assyrien,  \ts  suf- 
fixes se  joignent  immédiatement  à  la  racine  ;  dibba-mu  =  as.  cabta-ku 


d'histoire    et    de   LITTERATURE  49 

«  je  prends  »,  shummu-nin  =  as.  inaddin  «  il  donne  ».  Au  lieu  d^assi- 
miler  le  précatif  préfixe  accadien  hi  (ha,  hu,  ga)  au  précatif  affixe  turc 
khaï  limité  à  la  3^  personne  seule,  et  l'indice  verbal  accadien  ta,  da 
aux  suffixes  turcs  tiu\  dur  qui  forment  le  causatif,  M.  H.  pouvait 
avec  autant  de  vraisemblance  assimiler,  le  premier  au  roman  que,  che, 
le  second  au  t  du  latin  capto,  dérivé  de  capere.  Semblablement,  il  pou- 
vait substituer  avec  avantage  le  roman  ni -ni  ou.  ne-ne  à  la  négation  tur- 
que nè-nè  qu'il  rapproche  de  l'accado-sumérien  na,  nam,  nu.  Les  lan- 
gues romanes  s'accordent  du  moins  en  cela  avec  Taccadien  qu'elles 
n'ont  pas  de  conjugaison  particulière  pour  la  négation,  ce  qui  est  le  con- 
traire des  langues  turques.  En  continuant  à  consulter  les  langues  euro- 
péennes, M.  H.  ne  tardera  pas  à  trouver  que  les  prétendues  postpositions 
accadiennes  gime,  ka,  ta,  ra  répondent,  le  premier  au  comme  français, 
le  second  au  génitif  slave  go,  ga,  le  troisième  au  îhe,  then  grec,  le  qua- 
trième au  datif  allemand  des  adjectifs  féminins,  er.  Entin,  le  soi-disant 
locatif  accadien  bi  aura  son  analogue  dans  le  bi  de  sibi  et  la  conjonc- 
tion accadienne  an  dans  le  hollandais  en,  ail.  imd,  ang.  and,  ce  qui 
clora  triomphalement  la  série  des  comparaisons  suméro-européennes 
que  je  soumets  à  M.  Hommel.  L'origine  européenne  du  sumérien  ex- 
pliquera à  merveille  la  conjugaison  prépositive  aussi  bien  que  l'exis- 
tence de  nombreuses  prépositions,  deux  faits  inexplicables  dans  l'hypo- 
thèse turque.  Quant  au  vocabulaire,  comme  M.  H.  n'a  encore  produit 
qu'une  demi  douzaine  de  mots  en  tout,  nous  pensons  qu'il  ne  sera  pas 
difficile  d'en  fournir  dix  fois  autant  à  l'aide  du  dictionnaire  de  n'im- 
porte quel  idiome  européen. 

Pour  terminer,  annonçons  une  découverte  ethnographique  de  la  plus 
haute  importance  faite  par  M.  H.  :  l'existence  antique  d'une  race  ala- 
rodieJine  qui  renfermait  les  Susiens,  les  vieux  Arméniens,  les  Cosséens, 
les  Hittites,  les  Suméro-Altaiens,  les  Basques  et  probablement  aussi 
les  Albanais  et  les  Celtes,  c'est-à-dire  presque  tous  les  peuples  non 
aryens  et  non  sémitiques  de  l'Asie  et  de  l'Europe,  avec  quelques  peu- 
ples aryens  par  dessus  le  marché.  M.  H.  en  est  absolument  sûr  et  nous 
aurions  mauvaise  grâce  de  ne  pas  le  croire  sur  parole.  Ilest  vrai  qu'on  ne 
comprend  guère  ni  le  su&ien  ni  le  vannique,  ni  le  cosséen,  que  la  lecture 
du  sumérien  est  incertaine,  que  les  inscriptions  hittites  ne  sont  pas 
déchiffrées,  mais  ce  sont  là  des  bagatelles  dont  l'admirable  intuition  de 
M.  Hommel  a  bien  vite  raison.  Quelques  désinences  de  la  seconde  lan- 
gue des  textes  achéménides  rapprochées  des  formatives  géorgiennes  lui 
suffisent  pour  établir  sa  découverte  sur  des  bases  inébranlables.  Baissez 
la  tête,  philologues 


I 


[A  suivre).  J.  Halévy. 


5o  BEVUE    CRITIQUE 

123.  —  Histoire  du  peinîle  tie  Ceiiève  depuis  la  Reforme  jusqu'à  l'Escalade, 
par  Amédée  Roget.  T.  Vil.  Genève,  J.  Jullien,   iS83,  279  p.  I11-12. 

C'est  kl  sixième  fois  que  nous  parlons  ici  de  cet  ouvrage  depuis 
quinze  ans;  ce  sera  la  dernière.  M.  Amédée  Roget  est  mort  à  Genève, 
le  29  septembre  i883,  au  moment  de  corriger  les  derniers  feuillets  du 
présent  volume,  et  ce  monument  de  science  critique  et  de  patriotisme  local 
(deux  choses  qui  ne  se  rencontrent  pas  toujours  ensemble  et  semblent 
même  parfois  s'exclure)  restera  donc  inachevé.  Nous  avions  exprimé 
déjà  quelques  craintes  à  ce  sujet,  mais  nous  ne  pensions  pas  prophétiser 
si  juste  à  cet  égard.  Le  septième  volume  embrasse  les  années  i563  à 
i568;  pour  arriver  à  l'Escalade  (1602)  il  aurait  fallu  au  trop  conscien- 
cieux auteur  sept  autres  volumes  encore  et  quinze  autres  années 
d'existence,  qui  lui  ont  été  refusées;  il  ne  se  trouvera  sans  doute  per- 
sonne pour  continuer  avec  la  même  abnégation  cet  intéressant  et 
consciencieux  travail.  M.  R.  retraçait  dans  ces  dernières  pages  tracées 
par  sa  plume,  la  suite  des  luttes  intérieures  de  la  petite  république 
genevoise,  Fun  des  états  les  plus  agités  de  l'Europe  au  xvi^  siècle.  La 
conspiration  de  Balthasar  Sept,  la  mort  de  Calvin  en  1564,  les  négocia- 
tions avec  le  duc  Philippe  de  Savoie,  le  singulier  procès  de  Spifame, 
l'ancien  évêque  de  Nevers  (i565),  le  procès  de  Pex-syndic  Jean  Porral, 
l'alerte  causée  par  le  duc  d'Albe  se  rendant  aux  Pays-Bas  en  été  iSôy, 
voilà  les  principaux  chapitres  du  récit  de  M.  R.  Il  n'a  pas  réussi,  mal- 
gré ses  recherches,  à  nous  expliquer  les  obscurités  de  la  procédure  contre 
Spifame,  ni  surtout  à  découvrir  les  véritables  raisons  pour  lesquelles 
Jeanne  d'Albret  poursuivit  avec  tant  d'âpreté  l'ancien  dignitaire  de 
l'Église,  devenu  plus  ou  moins  sincèrement  huguenot. 

Le  présent  volume  est  riche  également  en  détails  de  moindre  impor- 
tance relatifs  à  la  vie  intérieure,  politique  ou  religieuse  de  Genève,  A 
certains  moments  l'auteur  se  laisse  aller,  un  peu  trop  peut-être,  au  ton 
de  la  chronique,  encombrant  son  récit  de  minuties  inutiles,  au  goût  de 
ceux  qui  ne  s'intéressent  qu'aux  actions  générales  dans  l'histoire.  Mais 
nous  en  aurions  volontiers  accepté  la  suite,  pour  notre  part,  si  nous 
avions  reçu  en  même  temps  des  mains  de  l'auteur  quelques-uns  de  ces 
chapitres  si  savamment  écrits  et  d'une  impartialité  si  calme  sur  les 
luttes  intérieures  des  libertins  et  des  calvinistes  de  sa  cité  natale.  Au 
milieu  de  l'antagonisme  toujours  vivant  des  anciens  partis  du  xvi®  siè- 
cle, M.  Roget  représentait  l'esprit  de  critique  moderne,  essayant  de  tout 
comprendre  avant  de  juger,  et  ne  lançant  jamais  l'anathème,  ni  à  droite, 
ni  à  gauche.  Aussi  sentait-on  en  lui  un  guide  sûr  avec  lequel  on  avan- 
çait lentement,  mais  avec  confiance.  C'est  ce  guide  qui  nous  fera  désor- 
mais défaut  pour  l'histoire  de  Genève. 

R. 


DHISTOIRE    ET    OK    LlTrÉRATURE  5l 

124.  —  L.a  Renaïssance    en  Italie  et  en  Fi-ance  à  l'épocjuc  cle  CliniJe^ 

Vîll»  ouvrage  publié  sous  la  direction  et  avec  le  concours  de  M.  Paul  d'AIburt 
de  Luynes  et  de  Chevreuse,  duc  de  Chaulnes,  par  M.  Eugène  Mûntz,  et  illustré 
de  3oo  grav.  dans  le  texte  et  38  planches  tirées  à  part.  Paris,  F'irmin-Didot, 
i883,  in-4  de  xi-56o  pages. 

M.  Mûntz  vient  de  publier  un  nouveau  livre  digne  de  ses  précédents 
travaux.  L'auteur  des  Précurseurs  de  la  Renaissance,  des  Arts  à  la 
cour  des  Papes,  de  l'Histoire  de  la  tapisserie  en  Italie,  etc.,  était  dési- 
gné avant  tout  autre  pour  présenter  le  tableau  d'ensemble  d'une  des 
plus  intéressantes  époques  de  la  Renaissance,  la  fin  du  xv^  siècle.  Le 
plan  du  livre  est  tout  entier  dans  une  lettre  du  duc  de  Chaulnes  à 
M.  Mûntz  :  <(  Un  événement  capital  marque  la  fin  de  ce  siècle.  Les 
Français  sous  la  conduite  de  Charles  VIII  traversent  triomphalement 
ritalie.  Dans  la  Péninsule,  l'art  était  alors  dans  un  complet  développe- 
ment et  l'on  peut  précisément  arrêter  à  ces  dernières  années  du  xv«  siè- 
cle cette  grande  et  puissante  époque  qui  finit  à  Michel-Ange  et  à  Ra- 
phaël. Pouvoir  réunir  dans  un  même  cadre  l'état  des  arts  en  France, 
leur  magnifique  épanouissement  en  Italie,  les  exploits  de  la  nation  fran- 
çaise, les  résultats  sinon  matériels,  du  moins  moraux  et  artistiques 
d'une  semblable  expédition,  me  semble  devoir  assurer  le  succès  de  Tceu- 
vre  à  entreprendre.  »  Pour  cette  œuvre,  que  le  duc  de  Chaulnes  devait 
exécuter  avec  M.  M.,  les  pièces  d'archives,  les  photographies,  les  docu- 
ments de  toute  espèce  furent  recueillis  et  accumulés  pendant  plusieurs 
années  par  les  deux  savants.  Mais  cette  collaboration  n'a  pu  se  poursui- 
vre dans  la  rédaction  de  l'ouvrage;  le  duc  de  Chaulnes  est  mort,  presque 
au  début  d'une  vie  qui  promettait  d'être  admirablement  féconde,  et 
M.  M.  a  réalisé  fcuI  le  plan  combiné  en  commun. 

Le  format  du  volume,  le  nombre  et  la  richesse  des  illustrations  font 
delà  Re7îaissance  un  livre  d'étrennes;  d'autre  part,  l'étendue  du  sujet, 
la  complexité  des  matières  empêchent  que  l'ensemble  de  Touvrage 
puisse  être  de  première  main.  Cependant,  l'œuvre  est  véritablement 
scientifique  et  dépassera  le  public  spécial  auquel  elle  semble  destinée. 
M.  M.  a  utilisé  et  groupé  pour  la  première  fois  une  foule  considérable  de 
renseignements  amassés  dans  ces  dernières  années  par  des  érudits  infati- 
gables sur  rhistoire  de  l'art  au  xV^  siècle,  spécialement  sur  l'art  français, 
méconnu  jadis,  et  justement  célébré  aujourd'hui.  Dans  un  si  vaste  plan, 
où  sont  effleurés  tant  de  sujets  divers,  du  plus  rebattu  au  plus  nouveau, 
M.  M.  a  su  n'être  ni  banal  ni  aventureux.  Il  a  des  qualités  qui  le  gar- 
deront toujours  des  lieux  communs  ou  des  généralisations  trop  promp- 
tes. Sa  méthode  est  excellente  :  on  sent  en  lui  l'homme  qui  a  la  fré- 
quentation directe  des  documents,  qui  n'avance  rien  sans  indiquer  ses 
sources  et  dont  l'œil,  habitué  aux  recherches  minutieuses  et  précises,  ne 
s'égare  pas  volontiers  dans  l'hypothèse  et  la  fantaisie.  Aussi  M.  M.  sera- 
t-il  un  guide  très  sûr  pour  qui  voudra  embrasser  les  diverses  manifesta- 
tions de  Tesprit  de  la  Renaissance;  ses  jugements  exacts  et  modérés  sur 


52  REVUK    ClUTIQUK 

les  hommes  et  les  idées  de  cette  grande  époque  sont  une  des  parties  les 
plus  méritoires  de  son  travail. 

Des  trois  parties  dont  se  compose  le  livre,  la  première  est  un  tableau 
général  du  mouvement  intellectuel  et  moral  de  la  première  Renaissance, 
des  conditions  de  la  vie  publique  et  privée  en  Italie,  des  influences  lit- 
téraires et  autres  qui  concouraient  à  l'éducation  des  artistes  de  ce  temps. 
Ce  tableau  a  été  tracé  bien  des  fois,  notamment  par  Burckhardt  dans 
son  beau  livre  die  Ciiltur  der  Renaissance  in  Italien;  mais  les  docu- 
ments récemment  mis  au  jour  et  que  M.  M.  a  utilisés  lui  ont  permis 
de  renouveler  certains  points  de  vue.  11  faut  le  louer  aussi  de  réagir 
contre  quelques  exagérations  de  M.  G.  Voigt  à  propos  du  caractère  des 
humanistes. 

Dans  la  seconde  partie,  l'auteur  nous  conduit  dans  tous  les  états  de 
l'Italie  et  nous  montre,  au  moment  de  l'arrivée  de  Charles  VIII, 
l'activité  artistique  de  chacun  des  centres  politiques  de  la  péninsule,  la 
noble  émulation  entre  les  princes,  les  prélats,  les  villes,  pour  aider  au 
développement  de  la  Renaissance  et  donner  satisfaction  aux  besoins 
intellectuels  des  temps  nouveaux.  C'est  ainsi  que  nous  visitons  succes- 
sivement le  duché  de  Milan,  où  Ludovic  le  More  fait  cons-truire  la 
Chartreuse  de  Pavie  et  retient  Léonard  de  'Vinci,  Padoue  et  Venise,  où 
fleurissent  Mantegna  et  les  Bellini,  Ferrare,  Mantoue,  Urbin,  dont  les 
noms  sont  inséparables  de  leurs  glorieuses  familles  d'Esté,  de  Gonzague 
et  de  Montefeltro,  l'incomparable  Florence  qui  peuple  de  chefs-d'œuvre 
la  Toscane  et  Tltalie  entière,  Rome,  où  les  lettrés  et  les  artistes  vien- 
nent à  l'envi  s'inspirer  des  grands  souvenirs  antiques,  la  cour  de  Na- 
ples  enfin,  où  la  Renaissance  des  lettres  donne  des  résultats  bien  plus 
brillants  que  celle  des  arts.  L'Ombrie  est  un  peu  sacrifiée;  l'auteur  se 
réserve  sans  doute  d'y  revenir,  mais  ce  sera,  on  peut  le  craindre,  sans 
enthousiasme  :  il  parle  du  Pinturicchio  (p-  414  et  passim)  avec  une 
sorte  de  dédain,  que  ne  lui  pardonneront  pas  les  ardents  amateurs 
des  fresques  delà  libreria  de.  Sienne.  Ses  sympathies  les  plus  chaudes 
sont  pour  les  Florentins  :  elles  l'inspirent  heureusement  et  l'une  des 
meilleures  pages  de  son  livre  est  celle  où  il  caractérise  les  trois  grands 
peintres  de  Técole  toscane  à  cette  époque,  Gozzoli,  Ghirlandajo  et  Bot- 
ticelli  (p.  384).  Pour  ce  qui  regarde  le  rnouvement  de  la  Renaissance 
à  Rome  et  Tinfluence  des  Papes,  M.  M.  est  aussi  sobre  que  précis;  on 
sent  qu'il  est  ici  dans  un  domaine  qu'il  a  fait  sien  plus  que  tout  autre. 

La  troisième  partie,  la  Renaissance  en  France^  est  naturellement  la 
moins  importante,  les  œuvres  étant  moins  nombreuses  et  le  mouve- 
ment artistique  moins  considérable.  On  remarquera  l'intéressant  récit 
de  l'expédition  de  Charles  VIII  d'après  les  témoignages  contemporains, 
ainsi  que  les  détails  relatifs  aux  artistes  italiens  en  France,  aux  artistes 
Irançais  en  Italie.  Les  admirateurs  passionnés  de  notre  art  national  du 
xv  siècle,  des  tombeaux  de  Dijon,  des  tapisseries  de  Boussac,  du  Lit  de 
justice  du  duc  d'Alcnçon,  et  de  tant  d'autres  chefs-d'œuvre,  ne  se  sont 


d'hisioire  kt  dk  littérature  53 

pas  montrés  satisfaits  des  conclusions  de  M.  M.;  ils  estiment  que 
la  France  a  plus  perdu  que  gagné  à  subir  Tinfluence  italienne.  M.  Gonse, 
dans  la  Ga:{ette  des  Beaux-Arts  du  i"  janvier  i885,  s'est  fait  l'écho  de 
leur  réclamation  :  «  Lorsque  nous  entendons,  dit-il,  chanter  les  louan- 
ges d'une  importation  commandée  au  début  par  des  engouements  de 
cour,  nous  pensons  involontairement  au  trouble  et  à  l'incertitude  de 
nos  architectes,  de  nos  peintres,  de  nos  tailleurs  d'images  devant  les 
tyrannies  de  la  mode  nouvelle;  nous  pensons  avec  tristesse  à  la  supério- 
rité de  ces  maîtres  modestes  et  souvent  demeurés  anonymes,  s'inclinant 
devant  les  médiocres  et  les  outrecuidants  que  nous  expédiait  l'Italie.  » 
M.  M.,  est  resté  étranger  à  cet  ordre  de  sentiments;  il  se  réjouit  sans 
réserve  de  constater  que  a  pour  la  seconde  fois  les  Latins  ont  conquis 
la  Gaule  '.  » 

Un  des  mérites  de  l'ouvrage  si  consciencieux  et  si  vivant  de  M.  M. 
est  la  bibliographie  considérable  qu'il  a  eu  le  soin,  d'une  manière  dis- 
crète pourtant,  de  faire  figurer  au  bas  des  pages.  Je  lui  soumets  sur 
ce  point  quelques  observations;  p.  290,  à  propos  de  Jacopo  Bellini 
et  de  son  volume  de  dessins  récemment  acquis  par  le  Louvre,  il  eut 
été  très  utile  de  renvoyer  aux  deux  articles  sur  ce  sujet,  dont  le  premier 
se  trouve  dans  la  Gaiette  des  Beaux-Arts  du  i"'  octobre  1884.  On 
objectera  que  la  Renaissance  paraissait  vers  cette  époque;  mais 
l'auteur  connaissait  mieux  que  personne  la  publication  de  ces  excellents 
articles,  puisqu'ils  sont  signés  Eugène  Mlintz.  — M.  M.  parle  (p.  5 10) 
des  volumes  provenant  de  la  Bibliothèque  d'Alphonse  le  Magnanime  et 
de  Ferdinand  I",  qui  ont  passé  dans  la  bibliothèque  royale  de  Blois  ; 
au  renvoi  fait  au  Cabinet  des  manuscrits  de  M.  Léopold  Delisle,  il 
convenait  d'en  joindre  un  autre  au  travail  plus  récent  du  même  savant 
inséré  en  1884  dans  les  Mélanges  Graux  et  intitulé  Notes  sur  les 
anciennes  impressions...  conservées  au  xv°  siècle  dans  la  librairie 
royale  de  Naples  (pp.  244  et  sqq.).  —  N'y  avait-il  pas  lieu,  p.  1 16,  de 
mentionner  à  Rome  l'académie  qui  se  réunissait  chez  Paolo  Cortese 
et  dont  parle  Tiraboschi  (Storia  délia  lett.  it.,  éd.  de  Florence,  VI, 
p.  ï  1 3)  ? 

Pour  une  prochaine  édition,  on  peut  inviter  M.  M.  a  adopter  une 
orthographe  plus  constante  pour  les  noms  propres.  11  écrit  souvent,  à 
quelques  lignes  de  distance,  Mantègne  et  Mantegna,  Bellin  et  Bellini., 
Pomponius  Laetus  et  Pomponio  Leto.  Il  faut  choisir  une  forme  et  s'y 
tenir.  Pour  ce  qui  est  de  ce  dernier  nom,  on  a  dit  ici  que  sa  forme  lo- 
gique et  en  général  celle  de  tous  les  noms  de  fantaisie  que  se  donnaient 
les  humanistes  du  xv^  siècle,  est  pour  nous.  Français,  la  forme  latine  et 
nullement  la  forme  italienne  (cf.  Rev.  crit.  1884,  II,  p.  460  =). 

1.  M.  M.  cite  toujours  ses  sources;  il  termine  son  livre  sur  celte  phrase  entre 
guillemets  sans  en  indiquer  la  provenance  :  aurait-il  eu  peur  de  nommer,  parmi  tant 
d'auteurs  graves,  M.  Alphonse  Daudet  '. 

2.  M,  M.  effacera  quelques  fautes  d'impression.  Le  renvoi  de   la   page  394  à  la 


54  REVUE   CRITIQUE 

En  résumé,  la  Renaissance  est  un  livre  bien  composé,  agréable  à  lire, 
nourri  de  faits  et  d'un  bon  et  solide  jugement.  J^ai  dit  qu'il  ferait  hon- 
neur à  M.  Mtintz;  j'ajoute  qu'il  a  comblé  une  lacune  dans  la  librairie 
française,  puisqu'il  peut  paraître  sans  désavantage  â  côté  des  travaux 
de  Burckhardt  et  de  Symonds. 

Pierre  de  Nolhac. 


125.  —  Oœtlte,   Gcetz    von  Sîei-licltingen    mit  dei*    eieernen  Haiid,  Ein 

Scliauspîel.  Edition  nouvelle  avec  introduction  et  commentaire,  par  A.  Chuquet, 
Paris,  libr.  L.  Cerf,  i3,  rue  de  Médicis,  i885.  In-8.  Prix  :  2  fr.  5o. 

Le  volume  de  M.  Chuquet  serait  sans  contredit  la  meilleure  édition 
classique  que  nous  possédions  jusqu'à  ce  jour  d'un  ouvrage  allemand  si 
la  Campagne  de  Fj'ance  du  même  commentateur  ne  permettait  l'hési- 
tation. 

Dans  son  Introduction,  M.  C.  qui  est  au  courant  de  tous  les  travaux 
anciens  et  récents  de  la  critique  allemande,  notamment  des  études  de 
MM.  Dûntzer,  Minor  et  Sauer,  Brahm,  Wustmann,  etc.,  a  extrait  la 
substance  de  tous  ces  ouvrages  pour  l'animer  de  sa  verve  et  de  sa  pen- 
sée. 

Pour  donner  une  idée  de  la  richesse  de  cette  Introduction,  je  marque 
brièvement  le  contenu  des  différents  chapitres  (Pourquoi  M.  C.  n'a-t-il 
pas  lui-même  donné  ces  titres  qui  auraient  permis  au  lecteur,  et  surtout 
à  l'élève,  de  s'orienter  plus  aisément  dans  un  travail  aussi  touffu?)  : 

1.  Le  Goet^  historique  (M.  C.  témoigne  à  Pégard  du  chevalier  à  la 
main  de  fer  plus  de  faveur  et  d'indulgence  que  ses  plus  récents  histo- 
riens, MM.  Janssen,  Wegele,  etc.;  ceux-ci  sont  bien  sévères;  M.  C.  ne 
serait-il  pas  bien  clément?) 

2.  Histoire  de  la  composition  de  Goet:{  de  Berlichingen. 

3.  Analyse  du  drame. 

4.  Emprunts  faits  par  Gœthe  à  la  Chronique  de  Goetz.  (Pourquoi 
M.  Ch.  ne  nous  donne-t-il  pas  soit  dans  ce  chapitre,  soit  dans  ses  notes, 
la  traduction  des  principaux  passages  de  la  Chronique?  \)tns&-X.-\\  que 
l'original  tout  seul  soit  d'une  lecture  commode  pour  les  élèves?) 

5.  Imitation  de  Shakespeare  (un  des  chapitres  les  plus  judicieux  et  les 
plus  brillants). 

6.  Critique  et  appréciation  du  drame;  ce  que  Gœthe  y  a  mis  de  lui- 
même. 

7.  Causes  de  son  succès. 

8.  Les  caractères  dans  Goet\  de  Berlichingen. 

9.  Style  et  langue. 

gravure  de  la  p.  385  se  rapporte  à  celle  de  la  p.  1 13.  P.  375,  la  date  de  la  mort  de 
Sig.  Malatesta  est  1468.  Nous  reclamons  un  index  alphabétique,  dont  l'absence  dans 
cette  édition  se  fait  vivement  sentir. 


d'histoire  et  de  littérature  55 

10.  L'esquisse  de  1771  comparée  au  drame  de  1773. 

1 1 .  L'adaptation  de  1 804. 

12.  L'influence  de  Goet:{  de  Berlichingen  (un  excellent  résumé  d'a- 
près l'ouvrage  de  M.  Brahm,  des  imitations  de  Goet^  dans  les  drames 
de  chevalerie). 

Les  notes,  aussi  abondantes  que  variées,  témoignent  de  l'érudition  la 
plus  sûre,  d'une  souplesse  d'esprit  remarquable,  inépuisable  en  rappro- 
chements de  tous  genres.  Etymologie,  particularités  de  langue  et  de 
grammaire,  renseignements  historiques  et  géographiques,  tous  les  se- 
cours dont  l'élève  et  même  le  maître  ont  besoin,  M.  Ch.  les  leur  otïre 
avec  une  libéralité  dont  ils  ne  songeront  pas  à  se  plaindre. 

Pour  le  commentaire  proprement  dit,  pour  l'interprétation  des  passa- 
ges difficiles,  M.  Ch.  est  aussi  un  auxiliaire  précieux.  Cependant  si  sur 
tout  le  reste  il  nous  donne  assez,  quelquefois  plus  qu'assez,  ici  j'en 
voudrais  souvent  davantage. 

Que  M.  Ch.  me  permette  d'appeler  son  attention  sur  ce  point;  j'y 
insiste  à  cause  de  l'excellence  même  de  ses  éditions,  que  tout  commen- 
tateur consciencieux  prendra  à  l'avenir  pour  modèles. 

L'interprétation  du  texte,  l'explication  des  passages  difficiles,  est, 
selon  moi,  le  premier  devoir  du  commentateur.  Pour  tout  ce  qui  tou- 
che l'étymologie,  l'histoire,  la  géographie  et  toutes  les  sciences,  il  y  a 
des  dictionnaires,  des  encyclopédies,  des  recueils  de  tous  genres,  aux- 
quels il  est  facile  de  s'adresser;  mais  si  Ton  est  embarrassé  sur  le  sens 
d'une  phrase,  où  trouver  un  secours  sinon  dans  les  notes  du  commen- 
tateur? C'est  donc  là  son  objet  propre,  la  partie  nécessaire,  indispensa- 
ble; tout  le  reste  n'est  que  le  superflu,  ou,  tout  au  plus,  \t  superflu 
nécessaire.  D'ailleurs,  la  première  vertu  du  commentateur  tel  que  je 
l'entends  doit  être  l'abnégation.  En  effet,  tandis  que  pour  les  autres 
notes  les  chances  d'erreur  sont  minimes,  ici,  elles  sont  grandes;  le  lec- 
teur, qui  est  prompt  à  relever  vos  fautes  avec  sévérité,  ne  tient  aucun 
compte  de  vos  mérites,  persuadé  que  les  commentaires  qu'il  comprend 
et  qu'il  api)rouve,  il  n'aurait  pas  eu  de  peine  à  les  trouver  lui-même. 
Néanmoins,  il  faut  oser;  il  faut  avoir  le  courage  de  se  tromper;  si  l'on 
hésite  entre  deux  ou  trois  explications  différentes,  qu'on  avoue  loyale- 
ment ses  doutes  et  qu'on  en  marque  les  causes.  Devant  un  passage  vrai- 
ment difficile,  il  vaut  mieux  se  tromper  que  se  taire;  cela  est  plus  loyal, 
cela  est  aussi  plus  utile;  car  l'erreur  excite  à  la  contradiction,  à  la 
réflexion,  tandis  que  le  silence  favorise  la  paresse  d'esprit.  En  veut-on 
un  exemple?  Melancholisch  wie  ein  gesiindes  Madchen.,  dit  Adelheid 
au  second  acte  de  Goeti.  La  plupart  des  commentateurs  allemands 
passent  devant  cette  comparaison  étrange  sans  l'expliquer;  M.  Wust- 
mann  s'arrête,  et  M.  Ch.  après  lui,  et  ils  nous  disent  :  «  Sans  doute 
Adélaïde  qui  est  une  femme  du  grand  monde,  avide  d'honneurs  et  de 
pouvoir,  se  moque  des  jeunes  filles  qui  ne  connaissent  pas  ces  nobles 
soucis;  QÏiQ'à  soîiX.  gesund,  c'est-à-dire  «  nature  »,  comme  on  dit  aujour- 


56  REVUK    CRITIQUE 

d'hui  ;  elles  ne  pensent  qu'à  Tamour,  elles  en  savourent  la  mélancolie, 
elles  ignorent  les  jouissances  d'une  âme  altière,  tourmentée  par  Tambi- 
tion.  Adélaïde  se  sait  imgesund  et  s'en  fait  gloire,  ce  n'est  pas  elle  qui 
donnera  dans  la  sensibilité,  dans  V Empfindsamkeit  ;  tous  les  sentiments 
naturels,  la  douce  tristesse  que  Goethe  et  ses  contemporains  ajoutaient 
volontiers  à  Pamour,  la  Wehmiith  qui  leur  paraissait  inséparable  de  la 
passion  (  Wehmiith  iind  Wonné),  tout  cela  semble  vulgaire  à  l'orgueilleuse 
châtelaine.  »  Je  crois  cette  explication  trop  subtile,  et  je  la  rejette;  mais 
ne  voit-on  pas  qu'elle  vaut  mieux  que  le  silence  ?  Je  propose  cette  autre 
interprétation  :  «  L'expression  semble  amenée  par  la  recherche  de  l'an- 
t'ilhèse  jammernd  wie  einen  kranken  Poeten;  la  signification  me  paraît 
un  peu  libre,  dans  le  sens  d'un  grand  nombre  de  plaisanteries  de  Sha- 
kespeare (notez  que  cette  imitation  est  frappante  dans  toute  la  scène)  : 
une  fille  bien  portante  est  mélancolique,  parce  qu'elle  est  mûre  pour  le 
mariage.  »  Peut-être  me  trompé-je  comme  MM.  Wustmann  et  Chu- 
quet;  mais  nos  hypothèses,  erronées  ou  non,  exciteront  Tesprit  du  lec- 
teur et  le  mettront  sur  la  voie  de  la  solution  véritable.  M'en  voudra-t- 
on si  je  résume  mon  opinion  sous  cette  forme  paradoxale  :  «  Le  meilleur 
commentateur  est  celui  qui  fait  le  plus  de  contre-sens.  »  Gela  revient  à 
dire  :  Le  meilleur  commentateur  est  celui  qui  ne  tourne  aucune  diffi- 
culté, qui  se  risque  à  proposer  des  hypothèses,  là  où  l'affirmation  ne 
lui  paraît  pas  possible. 

D'après  ces  observations,  M.  Ch.  comprendra  quelles  sont  les  parties 
de  son  commentaire  que  j'estime  le  plus,  les  explications  des  propos 
subtils  de  Liebetraut,  des  discours  métaphoriques  d'Adelheid,  etc.  Je 
puis  différer  d'avis  sur  certains  détails;  mais  ces  essais  d'interprétation 
sont  excellents  ;  je  répète  que  je  les  aurais  souhaités  plus  nombreux. 

Après  une  étude  minutieuse  de  ces  notes,  je  ne  trouve  à  relever  que 
deux  ou  trois  explications  qui  me  semblent  franchement  erronées  : 
P.  5.  Hait'  dein  Maul!  «  Le  chevalier  prie  Sievers  de  parler  encore 
plus  bas  ;  l'expression  populaire  hait'  dein  Maul  n'a  donc  pas  ici  l'éner- 
gie et  la  rudesse  qu'elle  a  d'ordinaire.  »  Le  cavalier  ne  prie  pas  Sievers 
déparier  plus  bas;  Goethe  prend  soin  de  marquer  par  la  parenthèse 
leise  que  Sievers  parle  bas;  mais  le  cavalier  se  fâche  de  ce  que  Sievers 
prononce  le  nom  de  Goetz,  au  moment  où  son  compagnon  vient  de 
dire  :  «  dass  du  dich  nit  unterstehst  :{u  verrathen  wem  ipir  dienen  »  Hait 
dein  Maul  signifie  donc  bien:  «  tais-toi  !  veux-tu  te  taire!  veux-tu  ne  pas 
nommer  Goetz  !  »  et  non  «  parle  plus  bas  !  »  —  P.  12.  Martin:  Wollte 
Gott  hotte  mich  :{um  Gartner  oder  Laboranten  gemacht,  «  Laborant, 
chimiste...  Le  moine  Martin  aurait  aimé  à  préparer  des  remèdes  ou  des 
liqueurs  en  distillant  des  plantes.  »  C'est  un  contre-sens;  M.  Ch.  a  eu 
tort  de  suivre  ici  les  traducteurs  et  M.  Dûntzer  lui-même.  Il  est  mani- 
feste que  les  exclamations  admiratives  de  frère  Martin  sur  le  jardin  des 
moines  de  saint  Guy  sont  ironiques.  Das  ist  also  eure  Sache  nicht, 
observe  Goetz  qui  comprend  bien  l'ironie.  Martin  se  contredirait  donc 


d'histoire  et  de  littérature  57 

en  ajoutant  quMl  aurait  aimé  être  Jardinier  ou  chimiste.  Le  sens  est 
celui-ci  :  «Ah!  si  Dieu  m'avait  créé  pour  être  jardmier  ou  chimiste,  s'il 
m'avait  donné  le  goût  du  Jardinage!...  »  Il  pourrait  alors  être  heureux, 
comme  les  moines  dont  il  vient  de  parler;  il  n'y  aurait  pas  de  contra- 
diction entre  ses  penchants  et  sa  destinée.  —  P.  yS.  PJlicht  leisten^ 
«■  engager  sa  foi,  faire  un  serment,  une  promesse  solennelle.  »  PJlicht 
leisteji  n^est  pas  ici  synonyme  de  einen  Eid  leisten.  Adelheid  ne  s'indi- 
gne pas  de  ce  que  Weislingen  ait  engagé  sa  foi  ù  Goetz  pour  se  délivrer, 
mais  de  ce  qu'il  songe  à  tenir  son  engagement  [Riîterpjîicht  !  Kinder - 
spiel!  Pflicht  leisten  n^a  donc  pas  ici  le  sens  de  prêter  serment,  mais  de 
s'acquitter  de  l'engagement  que  l'on  a  pris.  Leisten  =  einer  Verpflich- 
tiing  nachkommen,  etwas  Schuldiges  thiin  oder  erfiillen. 

M.  Ch.  corrigera  ces  taches  légères  dans  une  seconde  édition.  Dès  au- 
jourd'hui, son  commentaire  sera  infiniment  précieux  à  tous  ceux  qui 
étudieront  le  drame  de  Goethe. 

J'oublie,  en  recommandant  ainsi  Tédition  de  M.  Chuquet,  qu'au  mo- 
ment où  elle  paraît,  Gœt:{  de  Berlichingen  vient  d'être  rayé  du  pro- 
gramme de  renseignement  secondaire.  Espérons  que  le  conseil  supé- 
rieur reviendra  sur  cet  ostracisme  de  Tune  des  oeuvres  les  plus  vivantes, 
les  plus  entraînantes  de  la  littérature  allemande,  les  plus  faites  pour 
intéresser  la  Jeunesse.  Que  signifie  d'ailleurs  cet  ostracisme  d'ouvrages 
classiques?  Pourquoi  supprimer  Gœt^  de  Berlichingen,  Iphigénie, 
etc.?  Si  des  ouvrages  nouveaux  sont  signalés  à  l'attention  du  conseil 
supérieur,  si  beaucoup  de  bons  esprits  trouvent  qu'il  faut  faire  une  place 
plus  grande  aux  livres  contemporains,  même  aux  romans,  à  l'allemand 
de  nos  jours,  de  l'heure  présente,  rien  de  plus  facile  que  de  leur  donner 
satistaction  :  les  livres  nouveaux,  approuvés  par  le  conseil,  pourront  se 
placer  à  côté  des  anciens  sans  les  supplanter;  les  professeurs  seront  li- 
bres de  choisir  entre  les  uns  et  les  autres.  Was  man  nicht  liebt,  kann 
man  nicht  machen,  a  dit  Gœthe  à  propos  du  remaniement  même  de  son 
Gœt:{;  on  ne  fait  bien  que  ce  que  l'on  aime  faire.  Laissez  donc  les  pro- 
fesseurs choisir  eux-mêmes  entre  un  nombre  suffisant  d'ouvrages  excel- 
lents. Plus  le  choix  sera  grand  (si  d'ailleurs  ces  livres  n'offensent  ni  la 
morale  ni  la  langue),  plus  il  y  aura  de  chance  que  le  professeur  expli- 
quera avec  ses  élèves  des  ouvrages  qu'il  aime  et  qu'il  admire,  dont  l'utilité 
ou  l'intérêt  éclate  à  ses  yeux  ;  mieux  aussi  il  fera,  selon  le  mot  de  Gœ- 
the. La  tolérance,  la  liberté,  ici  comme  partout,  comme  presque  par- 
tout, est  donc  la  solution  la  meilleure. 

Ernest  Lichtenberger. 


58  REVUE    CRITIQUE 

VARIÉTÉS 


IVotcs    d'ai'cliéologle    orientale. 

XXIV 
Le  mot  «  chillek  »,  sauver,  en  phénicien  et  dans  l'arabe  vulgaire. 

J'ai  eu  plusieurs  fois  l'occasion  d'insister  sur  les  analogies  phonéti- 
ques, grammaticales  et  lexicographiques  qui  tendent  à  rattacher  direc- 
tement aux  plus  anciens  idiomes  sémitiques  les  dialectes  de  l'arabe 
vulgaire,  par  dessus  la  tête,  pour  ainsi  dire,  de  l'arabe  littéral. Voici  une 
nouvelle  preuve  assez  topique  à  l'appui  de  cette  observation. 

Il  existe  en  phénicien  un  groupe  de  noms  propres  théophores,  formés 
d'un  élément  divin  en  combinaison  avec  le  thème  verbal  "Sc  :  ~SwS"2, 
Baalchillek,  "brjDUJX,  Echmounchillek,  etc..  Cette  racine  chillek 
n'ayant  pas  en  hébreu  de  sens  convenable  et  n'étant  point,  d'ailleurs,  usi- 
tée à  la  forme  piel  ',  l'on  admet  généralement  que  ~bw  est  ainsi  écrit  pour 
nTùJ,  chillakh,  <.<  délivrer  »,  et  que  les  noms  où  figure  cet  élément  signi- 
fient celui  que  Baal,  celui  quEchmoun  a  délivré,  sauvé.  Un  phénomène 
phonétique  familier  aux  hébraïsants  peut,  dans  une  certaine  mesure, 
expliquer  cette  équivalence  du  kaph  et  du  khet  ^  En  tout  cas,  il  me  pa- 
raît intéressant  de  signaler  un  fait  qui.  Je  crois,  n'a  pas  été  relevé  jus- 
qu'ici; c'est  que  l'arabe  vulgaire,  et  l'arabe  vulgaire  seul,  connaît  encore 
un  verbe,  identique  pour  la  forme  et  pour  le  sens:  sellek,  «  sauver,  déli- 
vrer». Ce  qu'il  y  a  de  plus  frappant,  c'est  que  l'emploi  de  ce  verbe,  in- 
connu dans  ce  sens  à  l'arabe  littéral  aussi  bien  qu'aux  dialectes  vulgaires 
de  Syrie  et  d'Egypte,  parait  particulier  aux  dialectes  moghrébins';  or  les 
noms  théophores  phéniciens  du  type  x  -j-  chillek  semblent  appartenir 
en  propre  à  l'onomastique  punique;  c'est  tout  au  moins  dans  les  ins- 
criptions d'origine  punique  qu'on  les  rencontre  le  plus  fréquemment, 
pour  ne  pas  dire  exclusivement.  Par  conséquent,  c'est  dans  la  même 
aire  géographique  que  nous  constatons  la  survivance  de  ce  mot  phéni- 
cien conservé  fidèlement  par  l'arabe  vulgaire.  Reste  à  savoir  s'il  faut 
réellement  continuer  à  le  considérer  comme  une  variante  orthographi- 
que de  chillakh^  ou  s'il  ne  vaut  pas  mieux  y  voir  une  antique  acception, 
demeurée  à  l'état  sporadique,  de  la  racine  "S"»!;. 

Clermont-Ganneau. 

1.  Dont  l'existence  en  phénicien  est  confirmée  dans  l'espèce  par  les  transcriptions 
grecque  et  latine,   BaAatAAr,/,  Balsilech. 

2.  Voir  à  ce  sujet  les  observations  des  savants  édieurs  du  Corpus  Inscriptionum  Se- 
miticavuin,  aux  n^^  5o  et  i32. 

3.  Détail  à  noter  au  point  de  vue  de  la  génération  des  idées:  \e  sellek,  selek 
moghrébin  a,  comme  son  synonyme  khallaç,  khalaç,  qui  lui,  est  d'un  usage  géné- 
ral en  arabe,  la  double  acception  de  sauver,  délivrer,  et  de  payer  [—  s'acquitter; 
nom  d'action  :  selâk,  «  paiement.  ») 


0  HISIOIRK   E\     DK    LITTÉRATURE  Sq 

CHRONIQUE 

ALLEMAGNE.— La  biographie  d'Apollonius  de  Tyane  par  Philostrate  vient  d'eue 
étudie'e  par  M.  Julius  Jessen,  (4;7o//oh2ws  von  Tyanau.  sein  Biograph  Philostratus, 
Hambourg,  i885  j  36  pp.  4).  Voici  les  conclusions  de  ce  travail  :  «  Si  nous  jetons  un 
dernier  regard  sur  l'ensemble  de  la  vie  d'Apollonius,  nous  ne  pouvons  éprouver  que 
du  désenchantement  et  de  l'amertume.  Il  n'y  a  en  lui  nulle  trace  de  modestie;  il  est 
rempli  d'un  vain  amour  propre,  comme  un  sophiste  mal  élevé.  Il  veut  devenir  le  pro- 
phète de  son  peuple  sans  en  posséder  les  qualités.  Surtout  il  est  loin  d'être  un  esprit 
religieux  :  on  n'a  de  lui  aucun  de  ces  mots  qui  retentissent  dans  le  cœur  de  l'homme, 
il  n'a  fait  entendre  aucune  de  ces  exhortations  qui  enflamment.  Son  amour  pour  sa 
patrie  et  sa  persistance  à  combattre  pour  elle  sont  le  plus  beau  trait  de  son  caractère. 
Le  passé  de  son  pays  faisait  sa  force;  c'est  ainsi  qu'il  allait  partout  prêchant  l'anti- 
quité grecque.  Il  débitait  sa  sagesse  avec  ce  ton  déclamatoire  dont  Philostrate  nous 
a  conservé  souvent  l'écho.  Nous  ne  voulons  pas  le  juger  d'après  ces  actes  :  peut-être 
la  tradition  s'est-elle  gravement  rendue  coupable  à  son  sujet;  ni  admettre  le  jugement 

de  Lucien qui  n'hésite  pas  à  faire  d'un  disciple  d'Apollonius  le  maître  du  célèbre 

aventurier,  Alexandre  d'Aboroteichos.  Nous  préférons  le  jugement  d'un  homme  qui 
fut  son  ami  au  rapport  de  Philostrate  :  Dion  Chrysostôme  déclare  dans  un  de  ses 
discours  qu'Apollonius  a  eu  comme  philosophe  une  célébrité  plus  grande,  que  qui 
que  ce  soit,  mais  qu'aussi  aucun  autre  n'a  mené  à  son  époque  une  vie  plus  conforme 
à  ses  paroles.  »  —  P.  A.  L. 

ACADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  10  juillet  iS8^. 

Le  prix  Bordin,  sur  les  textes  épigraphiques  qui  éclairent  l'histoire   des   institu- 
tions municipales  dans  l'empire  romain,  est  décerné  à  M.   Loth. 

M.  G.  Perrot  communique  un  rapport  de  M.  Foucart,  sur  les  fouilles  dirigées  par 
M.  HoUeaux,  membre  de  l'école  française  d'Athènes,  à  Karditza  (Acrcephiœ),  en 
Béotie.  L'emplacement  du  temple  d'Apollon  Ptoos  est  définitivement  fixé;  on  a  dé- 
couvert de  nombreux  fragments  de  l'entablement,  décoré  de  couleurs  vives  bien 
conservées.  On  a  recueilli  une  statue  archaïque  d'Apollon,  une  statuette  de  bronze 
avec  une  inscription  en  caractères  archaïques,  diverses  autres  inscriptions,  dont  plu- 
sieurs du  v"=  et  du  VI"  siècle  avant  notre  ère  et  une,  notamment,  gravée  à  la  pointe 
sur  un  cône  de  terre  avant  la  cuisson,  un  décret  assez  long,  qui  n'est  pas  encore 
déchiffré,  etc.  Les  fouilles  se  poursuivent  et  l'on  espère  arrivera  des  résultats  plus 
complets. 

M.  Delisle  annonce  qu'il  a  appris  de  M.  Bondurand,  archiviste  du  Gard,  l'acquisi- 
tion faite    par  la  bibliothèque  de  Nîmes   des  papiers    de   feu   M.   Germer-Durand, 
parmi  lesquels  se  sont  trouvés  deux  manuscrits   anciens,  un  Horace   du  xiii''  siècle 
et  un  exemplaire  du  manuel  de  Dhuoda,  écrit  à  l'époque  carolingienne,  Dnuoda  ou 
Duodana  fut  la  femme  de  Bernard,  duc  de  Septimanie,  fils  de  Guillaume  de  Gellone, 
le  saint  Guillaume  du  Désert  de  l'Eglise,  le  Guillaume  Fiérabras  ou   au  Court-Nez 
des  chansons  de  geste.  Elle  fut  mariée  en  824,  à  Aix-la-Chapelle.    En   841,  elle  fit 
écrire,  à  Uzès  à  l'usage  de  son  fils  Guillaume,  âgé  de  quinze  ans,  un  manuel  de  mo- 
rale chrétienne,  en  yS    chapitres.  L'ouvrage  fut  achevé  le  2   février   842.  Mabillon 
en  publia,  en  1677,  ^^  préface,  la  table  en  treize  chapitres,  dont  la  copie  nous  a  été 
conservée  en  outre  dans  un  manuscrit   de  la  Bibliothèque  nationale.  Ces  fragments 
avaient  permis  de  reconnaître  l'intérêt  qu'offre  le  livre  pour  la  connaissance  de  l'his- 
toire et  des  inœurs  de  l'époque  carolingienne,  et  l'on    regrettait  la    perte  du    reste. 
Grâce  au  manuscrit  de  Nîmes,  M.  Bondurand  va  pouvoir  publier  le  texte  complet  du 
manuel  de  Dhuoda.  M.  Delisle  cite  deux  passages  de  ce  manuscrit,  d'où  il  résulte  : 
1°  qu'il  n"y  a  pas  déraison  de  supposer,  comme  on  l'avait  fait,  que  Dhuoda  fût  fille  de 
Charlemagne  ;   2°  qu'en  842,  à  Uzès,  on  ne  savait  encore  qui  l'on  devait  reconnaître 
pour  successeur  de  Louis  le  Débonnaire;  la  date  se  termine  par  ces  mots  :  Christo 
propitio  régnante  etregem  quem  Deits  dederit  sperantem  (sic). 


60  REVUE    CRITIQUE    û'HiSTOlRK    KT    DE    LlTTÉRATURk 

M.  Ravaisson  présente  la  photographie  d'une  statue  antique  qui  vient  d'être  ac- 
quise par  le  musée  du  Louvre.  Cette  statue,  qui  a  fait  partie  d'une  ancienne  collec- 
tion de  Sienne,  est  de  marbre  de  Parcs  très  tin  ;  le  travail  est  bon  et  paraît  indiquer 
l'époque  hellénistique,  la  conservation  est  presque  parfaite.  La  statue  représente  un 
personnage  à  cheveux  courts  et  à  barbe  longue,  debout,  en  marche,  vêtu  seulement 
d'un  manteau,  dont  il  relève  le  pan.  comme  pour  monter  des  degrés;  il  tient  de  la 
main  gauche  une  lyre  dont  le  corps  est  formé  par  une  écaille  de  tortue.  M.  Ravais- 
son annonce  en  même  temps  qu'on  peut  voir  aussi  au  Louvre,  depuis  quelques  jours, 
de  beaux  bronzes  de  la  collection  Gréau,  acquis  au  moyen  d'un  crédit  extraordinaire 
voté  par  les  Chambres.  Plusieurs  de  ces  bronzes  appartiennent  aux  meilleurs  temps 
de  l'art  grec. 

M.  Dieulafoy  rend  compte  des  fouilles  exécutées  à  Suse,  pendant  les  premiers 
mois  de  celte  année,  ponr  le  compte  du  gouvernement  français.  L'expédition  chargée 
de  ces  fouilles  comprenait  M.  Dieulafoy,  chef  de  la  mission,  M'"<=  Dieulafoy,  M.  Ba- 
bin,  ingénieur  des  ponts  et  chaussées,  et  M.  Houssaye,  docteur  ès-sciences,  prépa- 
rateur à  l'école  normale  supérieure.  Le  tumulus  de  Suse,  montagne  artificielle  de 
25  à  38  m.  de  hauteur  et  d'environ  loo  hectares  de  superficie,  n'avait  encore  été 
exploré  qu'une  fois,  en  iS5i,  par  sir  Kenneth  Loftus,  qui  y  découvrit  le  palais  et  la 
célèbre  inscription  d'Artaxerxès  Mnémon.  L'expédition  dirigée  par  M.  Dieulafoy, 
continuant  les  découvertes  de  Loftus,  a  mis  au  jour  les  objets  suivants  : 

1°  Un  chapiteau  bicéphale,  de  près  de  4  m.  de  longueur,  analogue  aux  chapiteaux 
persépolitains  ;  malgré  la  dimension  de  ce  morceau,  on  espère  pouvoir  l'apporter 
en  France  et  le  placer  au  Louvre; 

2°  Une  partiedu  couronnement  des  pylônes  placés  au-devant  du  palais  d'Artaxerxès  ; 
ce  couronnement  se  composait  d'une  frise  de  faïence,  de  4  m.  o5  de  hauteur,  dont 
les  fragments  ont  été  retrouvés  dispersés  à  plus  de  4  m.  5o  au-dessous  du  niveau  du 
sol;  M™*  Dieulafoy  dessinait  et  numérotait  sur  place  les  fragments  à  mesure  qu'ils 
sortaient  de  terre,  et  les  faisait  transporter  sous  des  tentes  où  elle  les  remontait 
et  les  cataloguait  avant  qu'ils  fussent  emballés;  grâce  à  ces  soins  minutieux,  la 
frise  pourra  être  reconstruite  sur  une  longueur  de  10  mètres; 

3°  Deux  fragments  de  rampe  de  faïence,  de  l'époque  élamite,  curieux  spécimens  du 
plus  ancien  art  susien,  dont  la  découverte  est  due  à  M'"  Dieulafoy; 

40  Des  fragments  de  bas-reliefs  de  brique  émaillée  qui  représentent  des  person- 
nages noirs,  revêtus  d'insignes  royaux  (peaux  de  tigre,  riches  vêtements  où  est 
figurée  la  citadelle  de  Suse,  bracelets,  grande  canne),  en  sorte  qu'on  est  conduit  à 
se  demander  si  la  dynastie  qui  a  précédé  celle  des  Achéménides  aurait  été  de  race 
éthiopienne; 

5°  Divers  ustensiles  d'ivoire,  de  verre,  de  bronze,  de  terre  (mais  pas  une  parcelle 
d'or  ou  d'argent); 

6°  Un  grand  nombre  de  cachets  élamites  et  achéménides,  notamment  un  cachet 
d'opale  qui  paraît  avoir  appartenu  à  Xerxès  ou  à  Artaxerxès  I"; 

7°  Une  série  de  briques  et  de  stèles  avec  des  inscriptions; 

8°  Les  deux  tiers  d'une  des  tours  qui  défendaient  l'entrée  du  palais.  Elle  se  ratta- 
chait à  un  système  de  fortifications  très  complet  et  très  savant. 

Dans  la  prochaine  campagne,  M.  Dieulafoy  espère  terminer  le  déblaiement  des 
ouvrages  fortifiés  de  la  porte  et  pénétrer  dans  le  palais  élamite.  Mais  plus  on  avan- 
cera, plus  les  travaux  seront  lents  et  difficiles. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Schlumberger  :  Julien-Laferrière,  l'Art  en  Sain- 
tonge  et  en  Attnis,  11*  fascicule;  —  par  M.  Deloche  :  Drapeyron  (Ludovic),  la  Géo- 
graphie est  une  science,  grâce  à  la  topographie  ;  —  par  M.  Delisle  :  Mossmann  (X.), 
Cartulaire  de  Mulhouse,  t.  III.  Julien  Havkt. 

SOCIÉTÉ  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE 

Séance  du  /"  juillet. 
présidence  de  m.  courajod  et  de  m.  héron  de  villefosse 

M.  de  Goy  communique  la  photographie  d'une  Mise  au  tombeau  de  la  cathédrale 
de  Bourges. 

M.  Ma'xe  'Verly  présente  le  dessin  d'une  roulette  de  bronze  conservée  au  Musée  de 
Rouen  et  destinée  à  reproduire  en  relief  sur  la  terre  molle  des  poteries  les  ornements 
gravés  en  creux  sur  la  tranche. 

M.  Gaidoz  lit  une  notice  sur  les  monnaies  à  la  roue  et  à  la  croix  de  la  Gaule;  il 
ramène  ces  monnaies  à  un  seul  type  primitif  celui  de  la  roue,  qui  est  celiri  des 
monnaies  grecques  imitées  par  les  Gaulois.  L'avènement  et  le  triomphe  du  Chris- 
tianisme vinrent  donner  une  signification  nouvelle  à  ces  monnaies  qui  paraissaient 
porter  le  signe  de  la  croix  chrétienne  et  assurèrent  la  continuation  de  ce  type  jus- 
ques  dans  les  temps  modernes. 

M.  Courajod  lit  un  mémoire  intitulé  «  Documents  sur  l'histoire  des  arts  et  des 
artistes  à  Crémone  au  xv"=  et  au  xvi"  siècle».  Le  Secrétaire, 

MOWAT. 

Le  Propriétaire- Gérant  :  ERNEST  lKKOCX. 

Le  PuY,  impriniei-ie  dp  Aiarchessrm  iJls    boulevard  Saint- Laurent.  2,;. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


N»  30  —  27  juillet  -  1885 

»ot»iii:sSB-o  :  126.  Jensen,    Une    tablette    assyrienne;   Zimmern,    Les  psaumes    de 
pénitence  des  Babyloniens.  —    127.    De    Pflugk-Harttung,   Périciès  général.  — 
\2.S.  Cicéron,    le   pro    Roscio,    p.    p.  Landgrai-.  —  12g.    Alb.   Duruv,  Hoche  et 
_  Marceau.  —  Variétés:  Harrisse,  Toujours  la  Colombine.  —  Chronique.  —  Aca- 
démie des  Inscriptions. 


I2t3.  —  Eiie  suii»efÎRc3«-s»liUa<îisclie  SpB-acîîo  ui:<l  îîtï'e  Ver'vi'aiidscltïjfi»- 

^'ei'lïîi'îtijÊsse,  von  Fritz  Hommel.  Leipzig,  Otto  Schulze,    70    pp.    in-8.  1884. 

—  Eîo  âit*;atî(laï.-.ieiitorum  suïMCï-sco-a&syi-Boi'wnï  sei-îes  qusw  (iîoîtui* 
sS«MB*l)U  lal>u3:9  sexta.  CciiBiiïentatio-plsîlcîogîca  qnîsmî  scrîpsît  E^e- 
ti-M»  Jenseni  sausts-ispensîs.  Monachii  ex  officina  academica  F.  Strauss.  91  pp. 
in-8, i885. 

—  B$aby!«s»îseîie  EiMsspsaliiieiî  UKiwcltîiebeBi  uebereetzî.  uisct 
ei-Ulaeï-t.  Inaugural-Dissertation  zur  Erlangung  des  philosophischen  Doctor- 
grades  der  Universilœt  Leipzig,  von  Heinrich  Zimmern.  Leipzig,  Breitkopf  et 
Hasrtel,  17  pp.  in-4,  i885. 

II 

Avec  le  mémoire  de  M.  Jensen,  nous  entrons  dans  le  domaine  de  lu 
philologie  sérieuse.  Après  MM.  Oppert,  Lenormant,  Sayce  et  moi, 
M.  J.  étudie  la  6^  tablette  de  la  série  shiirbu  qu'il  traduit  et  commente 
d'une  façon  très  complète.  Il  y  a  dans  le  commentaire  bien  des  choses 
intéressantes  dont  l'assyriologie  fera  son  profit;  beaucoup  d'autres  sti- 
muleront les  recherches  futures  en  appelant  Tatlention  sur  des  phéno 
mènes  peu  observés;  d''autres  entin  seront  contestés  et  demanderont 
une  plus  ample  confirmation.  La  restitution  des  passages  fragmentaires 
est  faite  avec  beaucoup  de  discernement,  grâce  à  la  grande  connaissance 
que  Fauteur  possède  des  textes  cunéiformes;  un  petit  nombre  d'entre 
eux  laissent  seuls  place  au  doute.  Les  travaux  de  cet  ordre  ne  se  prêtent 
pas  bien  à  Tanalyse,  mais  les  observations  qui  suivent  suffiront  pour 
donner  une  idée  de  l'importance  du  mémoire  de  M.  Jensen. 

P.  ty-iS.  La  lecture  gallu  du  groupe  te-lal  a  été  supposée  par  moi 
dans  D.R.A.B.,  p.  3i;  seulement,  au  lieu  de  considérer  te  comme  un 
déterminatif,  M.  J.  cherche  à  constater  pour  ce  sigiie  la  valeur  phonéti- 
que g-a/=  7;n//. —  P.  ig.  Les  exemples  de  noms  privés  de  désinences 
vocaliques  sont  trop  peu  nombreux  pour  que  l'on  puisse  en  conclure 
que  la  prononciation  vulgaire  rejetait  les  voyelles  finales.  Pour  les  mots 
tels  ^xxQ  arrat,mamit,  îamat,  la  chute  des  voyelles  terminales  s'explique 
par  leur  nature  de  mots  personnifiés,  qui  les  rapproche  des  noms  pro- 
pi"es. —  P.  21.  Bonnes  remarques  sur  l'identité  fréquente  (primitive?)  des 
signes  um  et  shit.  Le  sens  de  kuru  reste  douteux.  —  P.  22.  Une  valeur 

NoiiVi-lÎ!;  série.   XX.  3o 


02  RKVUK    CKITlQtrii 

kib  pour  sag  est  peu  vraisemblable;  sag-ba  ou  sag-bi  vient  de  sagbii 
«  blesser  »,  ce  qui  désigne  lu  nature  nuisible  des  serments  et  des  impré- 
cations. —  P.  23.  La  correction  mamit  pour  gal-ii  est  excellente.  —  Je 
persiste  à  croire  que  muruç-qaqqadi  ou  di'ii  est  un  nom  de  démon.  — 
P.  28,  La  traduction  de  mushtalu  par  «  prudent  »  parait  très  vraisem- 
bablc.  —  P.  32.  Le  TaA'.vo;  de  Damascius  présente  l'adjectif  assyrien 
elinu  «  haut,  élevé  »  non  le  pseudo-sumérien  en-lil  (la),  groupe  qui  se 
fonde  d'ailleurs  sur  les  mots  assyriens  cnu  «  seigneur  »  et  lilu  «  sorte 
de  démon,  dont  l'hébreu  lîlît  est  le  féminin  ».  —  P.  34.  L^équation 
ra-ab-taJi-c  =  luzjbka  ^=  luraddika  rend  vraisemblable  que  ra  remplace 
quelquefois  le  précatif  ha,  cela  n'empêche  pas  l'emploi  de  ra  comme 
indice  de  la  première  personne.  On  sait  qu'il  marque  aussi  la  seconde 
personne  {Apet^cn  grammatical,  g  10).  —  P.  35.  Le  remaniement 
proposé  par  M.  .1.  de  la  tablette  R.,  v.  20,  n»  4  [Aperçu  1.  c,  est  excel- 
lent et  j'en  profite  pour  corriger  la  table  des  pronoms  allographiques 
que  j'y  ai  donnée  : 

Singulier.  Pluriel, 

l'^^pers.  mal-e,  a,  LV,  mu-lu,  ra,  a-na,  du  (  ==  gin) 
2"  pers.  ra,  e,  ku,  a,  LV,IB,  ab,  du  (gin)  ni  (  ^=  ^i  ?}  me-en 

3^  pers.  e-ne,  she,  shi,  la,  H,  bi,  gan  (hi)  ene-7ie-ne,  me-esh 

P.  38.  Il  est  très  douteux  que  dubbussu  signifie  «  frère  mineur  »; 
c'est  peut-être  <t  garçon  (cf.  ar.  dabsli)  ».  L'hiératique  dub-ush-sa 
«  tablette-dot  »  joue  sur  le  mot  assyrien.  —  P.  40-41.  Le  sens  de  nish 
shame  Intamâta,  a  été  établi  par  Guyard ,  seulement  l'ordre  de 
mentionner  le  nom  du  ciel  etc.  vient  du  maître  et  s'adresse  à  son 
élève  en  magie.  Je  crois  que  les  textes  qui  renferment  cette  formule  sont 
des  poèmes  didactiques  et  non  des  hymnes,  ainsi  qu'on  Ta  généralement 
admis.  Cela  explique  pourquoi  ils  s'ouvrent  par  un  exorde  narratif.  — * 
L'existence  du  précatif  a  pour  ha  a  déjà  été  signalée  par  Lenormant; 
j'ai  oublié  de  l'enregistrer  dans  le  g  18,  3  de  mon  Aperçu.  —  P.  45. 
Une  heureuse  transcription  est  ana  ishati  innadû  pour  ana  ne-ru-u,' 
nous  avons  tous  été  égaré  par  nam-ne-ru  =  mamit.  —  P.  46.  La  sup- 
position que  le  dieu  du  feu  se  nommait  en  sumérien  Ngishwar  ne 
repose  sur  rien.  Que  Thiératique  mu-sar  «  Jieu-plante  »  joue  sur  l'assy- 
rien musarû  «  parterre  »,  c'est  ce  qui  sera  probablement  reconnu  par 
l'auteur  lui-même.  —P.  47.  Amiranii  «  tonneau?  »  vient  peut-être  delà 
ïQ.c\v\thmr ;  cf.  éth.  hamar  «  vaisseau  »;le  rébus  hiératique a-^/r  fin)  doit 
son  existence  à  la  valeur  gi  du  signe  jui.  —  P.  48.  Au  lieu  de  prendre 
shi-ru  pour  l'idéogramme  de  ^akaru  comme  je  l'ai  fait,  M.  J.  le  prend 
pour  celui  de  namaru  (il  ne  verra  pas  le  soleil);  c'est  une  leçon  excel- 
lente.—  P.  53.  J'ai  le  premier  tvaduit  buânu  par  veine,  ce  qui  n'est 
pas  loin  du  musculus  que  propose  M.  Jensen.  —  P.  5  3.  Ma  traduction 
de  ina  umi  anni  par  «  à  l'instant  »  est  justifiée  par  l'hébreu  kayyôm.  — 
P.  54..ninu,  ninushu,  ni niwiishu  sont  des  formes  contractées  pour  inU' . 
inu.  inn-inushu,  imi-ianishu  non  pour  ina-inu  etc.  ;  le  redoublement  de 


UHISrÔÎRli    KT    DK    LITTÉRaTUKÏ'  63 

inu  «  temps  «  indique  une  précision  plus  grande.  Ces  formes  n'ont  rien 
d'extraordinaire.  En  ce  qui  concerne  la  chute  de  la  voyelle  initiale,  com- 
parez mûmmu  pour  iim-iinimu.  —  P.  58.  Le  verbe  carapu  signifie  <(  être 
pur,  blanc  »,  jamais  «  teindre  »  ;  cette  dernière  idée  est  évolue  à  çarabii, 
d'où  l'hébreu  cârebet  «  marque  rouge  »  ;  çirpu  est  donc  «  du  filblanc  ». — 
P.  62.  Les  métaphores  des  passages  indiqués  ne  permettent  point  de  con- 
clure que  kishpu  est  une  liqueur;  comparez  par  exemple  Fexpression  kima 
mê  litbukushîi  (R.,  IV,    16,  60)  appliquée  au   démon.  —  P.  71,   La 
proposition  de  lire  gaddâlat  elâhâtâ  est  très  ingénieuse  et  très  sédui- 
sante. —  P.  73-74,  note.  On  ne  saurait  admettre  des  formes  aussi  mons- 
trueuses que  shalanàu  ti pallagdn  ;  il  faut  lire  shalantitm  et pallaktiim. 
—  P.  y6.  Que  le  signe  ba  sgit  Tabréviation  de  be  lequel  se  lirait   bod, 
voilà  deux  assertions  dont  on  attend  la  preuve.  —  Au  lieu  de  iilinnu^ 
je  persiste  à  Wxq  shamlinnn  «  drap,  vêtement  »,  héb,  simla;le  pseudo- 
accadien  sham-li-in  offre  le  thème  du  mot  assyrien.  L'équation  A-zi=: 
cubatu  est  connue.  —  P.  78.  A  propos  de  l'hébréo-araméen  qat  «  m.an- 
che  »,  Tauteur  répète  une  ancienne  erreur  ;  ce  mot  s'écrit  aussi  qant  et 
son  pluriel  est  toujours  qenatôt;  il  ne  vient  donc  pas  de  l'assyrien  qdtu 
dont  le  «  radical  a  été  perdu,  ainsi  que  àv^ns pâtu  'c  devant  »  pour  pa- 
natu.  Le  manche  est  proprement  un  qané  «  une  canne  »  ;  de  là  l'expres- 
sion de  Job  XXXI,  22  :  e:iru'i  tniqqânâh  tishshdbér  a  que  mon  bras  se 
brise  près  de  Pavant-bras  «,   mot  à  mot  :  près  de  son  manche  ».   C'est 
un  des  cas  nombreux  où  Tassyrien  s'explique  à  l'aide  de  l'hébreu  et  de 
l'araméen.  —   P.   79,  L'argumentation  sur  la  prétendue  valeur  slag, 
slug  des  signes  ud  et  çab  manque  de  base.   La  glose  II,  27,  7  c  ne 
s'occupe  pas  du  signe  ki;  cette  lacune  est  complétée  par  II,   52,  n"  3, 
68,  indiquant  que  ki  se  lit  aussi  kis .  Quant  aux  phonèmes  hiératiques 
àenamarii  «être  pur,  briller  »,  \a-lag,  si-lag,  sii-lii-iig,  ils  viennent  du 
démotique  salaliu,  \alaiiu  «  asperger,  purifier  »;  leur  équivalent  5Z/-«5- 
lii-ug  est  formé  de  l'infinitif  shaphel  shiishihu  (II,  26,  65   cd].  Le  sémi- 
tisme  de  salahii  est  prouvé  par  l'hébréo-araméen  sdlah  «  pardonner  les 
péchés  »  et  l'arabe  salaha  <k  se  débarrasser  des  immondices.  »   De  son 
côté,  le  phonème  lah,  liih,  lag  semble  simplifié  de  su-hih  en  laissant 
tomber  le  signe  su  pris  pour  un  déterminatif  ;  ainsi  2f-r/^,  thème  de 
iirqitu   (r.  7in^q)  s'abrège  en   rig.   Dans    le    groupe    curieux    LV-ku- 
iid  —  ashlakti,  LV  se  lit  a^  (la  preuve  sera  donnée  ailleurs),  ku  équivaut 
à  :[a  (îi?J,  ud  à  lag,  de  là  la  lecture  a-~a-lag.  Il  va  sans  dire  que  l'in- 
différence pour  les  voyelles  dans  ces  phonèmes  comme  dans  les  phonè- 
mes si,  sa;  miil,  mal,  na,  ni,  nu  que  cite  M.   J.  porte  le  cachet  du 
phonisme  sémitique  et  je  m'étonne  que  l'habile  assyriologue  ne  l'ait  pas 
remarqué. 

P.  81.  Excellente  correction  :  ishatu  pour  isharu. —  p.  82.  L'équa- 
tion ki-ne  =  kiniinu  fait  croire  que  le  signe  ?2e  avait  aussi  la  valeur  nun. 
—  La  forme  grecque  'Euéot>>y.oç  répond  à  laii  diimuqu  «  laou  le  bon  »  et 
n'a  rien  à  voir  avec  la  ville  de  Eridu,  exprimée  au  moyen  du  rébus  cri- 


64  REVUE    CRITIQUE 

dii(g)ga  «  ville  bonne  »,  —  P.  83.  Les  mots  synonymes  qui  expriment 
à  peu  près  Pidée  de  «  flamboyer  »  sont  bien  discutes;  shamû  se  latîaclic  à 
shamû^^  ar.  samiya  être  haut,  élevé'.  Cf.  ar.  'a/;^' «flamme».  Le  pseudo- 
sumérien shii-hu-ii^  constitue  le  thème  de  shuhuiu  (saph.  de  aha:{u} 
«  faire  prendre  le  feu  »;  son  équivalent  shii-rii-ii^  suppose  un  verbe 
ara^ii  (su,  eu)  ayant  à  peu  près  la  même  signification.  Peut-être,  est-ce 
celui  qui  en  qualité  de  phonème  indique  la  prière  ticlitu  étant  donné 
que  la  racine  çtï/a;^iZ  signifie  «prier»  et  «  brûler, rôtir».  —  P.  86.  On  ne 
s'attend  pas  en  Assyrie  à  une  divinité  indigène  identique  au  Du-shara 
(Dusarès)  des  Nabatéens;  l'ancien  araméen  babylonien  ne  dentalisc  pas 
le  relatif  :{.  —  P.  87.  Au  lieu  de  ukabbat  il  vaudra  mieux  lire  iiqappad 
et  comparer  l'hébreu  qâphad.  —  P.  88.  Le  fait  qu'en  pseudo-sumérien 
le  signe  a  veut  dire  à  la  fois  «  père  »  et  «  fils  »  aurait  mérité  d'être 
expliqué  par  Tauteur.  —  P.  go.  Atabba  est  l'arabe  moderne  'atêbé 
désignant  le  lac  à  l'est  de  Damas. 

On  pouvait  compter  d'avance  qu'un  écrivain  aussi  érudit  et  aussi 
sagace  que  M.  J.  prendrait  dès  sa  brillante  entrée  dans  la  compagnie 
des  assyriologues  une  position  décidée  dans  ce  fameux  débat  de  Sumer 
et  d'Accad,  vieux  déjà  de  dix  ans  et  dont  il  connaît  toutes  les  pièces. 
Cette  attente  n'a  pas  été  déçue.  M,  J.  a  fait  un  pas  décisif  dans  la  voie 
des  concessions  à  la  théorie  antiaccadienne.  Sous  ce  rapport,  le  progrès 
accompli  entre  le  mémoire  de  M.  Eb.  Schrader  et  celui  de  M.  .T.  est  de 
tout  point  satisfaisant.  Tandis  que  pour  M.  Schrader  les  textes  dits 
bilingues  sont  de  la  littérature  suméro-accadienne  traduite  et  tout  au 
plus  légèrement  retouchée  par  les  Assyriens,  M.  J.  y  voit  un  produit  d'au- 
teurs sémitiques,  qui  auraient,  il  est  vrai,  tout  d'abord  écrit  leurs  compo- 
sitions en  un  sumérien  émaillé  de  locutions  sémitiques,  puis  les  auraient 
traduites  en  un  assyrien  émaillé  de  grimoires  sumériens.  C'est  un  procé- 
dé que  beaucoup  de  personnes  ne  trouveront  pas  naturel,  mais  ne  soyons 
pas  exigeant.  Le  long  et  pénible  débat  que  j'ai  soutenu  contre  l'école 
assyriologique  tout  entière  avait  pour  objet  principal  de  savoir  si  la 
littérature  religieuse  et  scientifique  des  Assyro-babyloniens  était  le 
produit  du  génie  sémitique  ou  non.  C'est  la  première  fois  qu'un  assy- 
riologue  de  l'école  allemande  se  décide  à  se  rallier  à  moi  pour  répondre 
par  l'affirmative.  Pourquoi  demanderai-je  davantage?  A  chaque  jour 
suffit  sa  peine;  aujourd'hui  le  principal,  demain  les  accessoires!  Le  seul 
regret  qu'il  me  soit  impossible  de  ne  pas  exprimer,  malgré  la  haute 
estime  que  je  professe  pour  le  savant  auteur,  c'est  qu'il  procède  à  sa 
confession  de  foi  sumérienne  par  voie  indirecte,  en  relevant  plutôt  les 
points  sur  lesquels  il  n'est  pas  de  mon  avis.  Après  avoir  remarqué  que 
l'idéogramme  i:^-bal  désigne  en  même  temps,  grâce  à  la  loi  de  l'homo- 
phonie,  pilakku  «  fuseau  »  et  pilaqqu  «  hache  »,  M.  J.  écrit  :  Non 
consentio  cum  Josepho  Halévy  et  Stanislao  Guyaru,  linguam  quae 
dicitur  summericam  (sive  scripturam  sumericam)  ab  Assyriis  inventam 
esse  contendentibus.Sednon  esse  linguam  sumericam, qualem  exhibeant 


d'histoire  et  de  littérature  65 

tabuiaepreces,  incantamenta,  etc.,  continentes,  originaiem  popuii  Sumc- 
riorum  linguam,  et  ex  aliis  causis  colligi  potest  et  ex  novo  fortasse  hoc 
exemplo«.  Celui  qui  lira  ces  mots  avant  de  connaître  les  centaines  de 
preuves  que  j'ai  données  pour  démontrer  l'origine  sémitique  des  textes 
religieux,  sans  ébranler  la  foi  opiniâtre  des  accadistes,  sera  tenté  decroire 
que  l'origine  sémitique  des  textes  bilingues  ne  faisait  jamais  ombre  de 
doute  pour  personne,  et  que  toute  la  question  se  bornait  à  savoir  si 
l'écriture  ou  le  système  dit  sumérien  a  une  origine  sémitique.  Non, 
on  n'a  pas  combattu  si  longtemps  pour  une  question  aussi  abstraite  : 
le  véritable  objet  du  débat,  c'était  bien  Torigine  de  la  littérature  cul- 
tuelle, poétique  et  scientifique  représentée  par  les  textes  unilingues  et 
bilingues  existants.  Étant  convaincu  que  M.  J.  n'a  pas  eu  la  moindre 
intention  d'affaiblir  le  résultai  que  j'ai  obtenu  après  une  lutte  pénible 
de  plus  de  dix  ans,  je  tiens  à  rétablir  la  vraie  nature  de  la  question.  Du 
reste,  ce  n'est  pas  le  moment  de  me  plaindre.  Les  choses  ont  marché  vite 
en  Allemagne  et  M.  Jensen  est  déjà  distancé  par  un  assyriologue  plus 
récent,  auquel  je  veux  souhaiter  la  bienvenue. 

III 

Le  mémoire  de  M,  Zimmern  est  consacré  aux  psaumes  de  pénitence 
(Busspsalmen)  des  Babyloniens.  C'est  sur  les  poésies  de  cette  nature, 
presque  toujours  rédigées  en  double  version,  que  M.  Schrader  s'était 
fondé  pour  déclarer  eni875,que  \q  parallelismus  membrorum  do.  la  poésie 
hébraïque, voire  le  monothéisme  lui-même  étaient  empruntés  au  peuple 
de  Sumer  et  d'Accad,  de  race  ouralo-altaïque  ou  turco-finnoise.  Mes 
critiques  n'ont  produit  sur  M.  Schrader  que  ce  seul  effet  de  lui  faire 
abandonner  l'hypothèse  touranienne,  mais  il  n"a  jamais  renoncé  à  son 
idée  de  l'origine  sumérienne  de  la  littérature  des  psaumes,  du  parallé- 
lisme et  du  monothéisme  hébraïques.  M.  Z.,  élève  de  MM.  Schrader  et 
Delitzsch  et  écrivant  en  i885,  donne  aussi  aux  psaumes  cunéiformes 
Tépitliète  de  «  Babyloniens  »,  mais  seulement  au  sens  géographique, 
parce  que  leur  origine  est  la  Babylonie  et  non  l'Assyrie,  mais  il  nous 
avertit  explicitem.ent  qu'il  ne  les  appelle  pas  non  plus  «  suméro- 
accadiens  »  parce  que,  malgré  leur  rédaction  pour  la  plupart  bilingue, 
conformément  à  l'intuition  qui  leur  sert  de  base,  ils  n'ont  pu  venir  que 
d'un  ordre  d'idées  sémitiques  et  de  plus,  parce  que  la  version  assyrienne, 
loin  (.l'avoir  l'air  d'une  traduction  interlinéaire,  se  montre  plutôt  par 
ses  formes,  sa  syntaxe  et  son  vocabulaire  comme  appartenant  aux  par- 
ties les  plus  belles,  les  plus  finement  développées  de  la  littérature  assy- 
rienne (...  auch  nicht  etwa  sumerisch-akkadisch  weil  sie,  trotz  ihrer 
meist  bilinguen  Abfassung,  gemass  der  ihnen  zu  Grunde  liegenden 
Anschauungsvveise  nur  aus  semitischem  Gedankenkreise  hcrvorgegan- 
gen  sein  kônnen,  undauch  das  Assyrische  sich  durchaus  nicht  als  blosse 
Interlinearversion  gibt,  vielmehr  durch  Formen,  Syntax  und  Wortschatz 
mit  zu  den  schunsten,  am   feinsten  durchgebildeten  Teilen  der  assyris- 


66  Ri;VU|-.    CRITIQUE 

chen  Literaturgehort).  M.  Z.  ne  fait  que  résumer  ce  que  j'ai  dit  en  1878 
à  propos  d'un  psaume  assyrien  choisi  comme  modèle  du  genre  :  «  Ce 
morceau,  comme  en  général  tous  les  textes  d'un  style  relevé,  porte  le 
cachet  particulier  à  la  poésie  sémitique,  le  parallelisnms  meynbroriim. 
Celui  qui  prendra  la  peine  de  comparer  les  psaumes  ne  tardera  pas  à 
remarquer  de  nombreuses  analogies  de  style  et  de  rendu  entre  la  poé- 
sie assyro-babylonienne  et  la  poésie  hébraïque,  analogies  qui  seraient 
impossibles  si  la  première  ne  consistait  qu'en  traductions  faites  sur  des 
textes  rédigés  dans  un  idiome  non  sémitique.  (Mélanges  de  critique  et 
d'histoire,  p,  354).  »  Quelques  pages  plus  haut,  à  propos  des  proverbes 
bilingues,  j'ai  écrit  ceci  :  En  dehors  de  leur  valeur  intrinsèque,  les  sen- 
tences et  proverbes  qui  précèdent  ont  pour  nous  ce  prix  inestimable 
qu'ils  portent  un  cachet  sémitique  tellement  évident  que  sans  être 
aveuglé,  il  est  impossible  de  ne  pas  le  voir.  Sortis  du  plus  profond  génie 
populaire,  ces  proverbes  sont  moulés  dans  des  formes  si  vivaces,  sont 
encadrés  de  tours  de  phrase  si  particuliers  qu'il  est  absolument  impos- 
sible de  les  traduire  mot  à  mot  dans  une  autre  langue.  Et  cependant 
le  mot-à-mot  est  aussi  étroit  que  possible  dans  les  deux  colonnes 
parallèles  et,  qui  plus  est,  la  version  assyrienne  est  beaucoup  plus 
concise  et  mieux  agencée  que  celle  d'en  face.  Des  faits  pareils  mon- 
trent nettement  que  nous  ne  sommes  pas  en  présence  d'un  texte  tra- 
duit d'une  langue  dans  une  autre,  mais  d'un  même  original  transcrit 
dans  deux  systèmes  différents  [Ibidem^  p.  33o).  Je  vois  avec  plaisir 
que  M.  Z.  a  là-dessus  complètement  abandonné  l'opinion  de  son 
maître  pour  se  rallier  à  la  mienne;  seulement  comme  M.  Z.,  empêché 
par  des  considérations  que  j'apprécie  parfaitement,  n"a  pas  cité  la  source 
de  ses  informations,  je  suis  obligé  de  l'indiquer  dans  l'intérêt  de  la 
chronologie  des  études  assyriennes. 

Après  avoir  reproduit  quelques  opinions  connues  sur  l'âge  et  l'em- 
ploi des  psaumes  dans  certaines  cérémonies  rituelles,  M.  Z.  consacre 
tout  un  chapitre  à  la  question  de  Summer  et  d'Accad.  Des  derniers 
travaux  pour  l'accadisme,  M.  Z.  mentionne  les  mémoires  de  MM.  Hom- 
mel  et  Schrader.  En  ce  qui  concerne  le  premier,  il  avoue  ne  pouvoir  le 
juger  au  point  de  vue  de  la  philologie  turque,  mais  il  reconnaît  que 
M.  Hommel  a  souvent  fait  violence  au  sumérien  pour  le  besoin  de  la 
cause.  Nos  lecteurs  savent  déjà  ce  qu'il  faut  penser  de  ce  travail  entre- 
pris sans  une  connaissance  suffisante  des  idiomes  turcs  et  avec  le  parti 
pris  de  pallier  ou  de  supprimer  tous  les  faits  linguistiques  qui  rendent  le 
rapprochement  impossible.  Le  travail  de  M.  Schrader  est  plus  favora- 
blement apprécié;  M.  Z.  regrette  seulement  que  M.  Schrader  se  soit 
mis  à  défendre  des  positions  qu'il  faut  certainement  abandonner  (nur 
das  Eine  ist  schade,  dasse  die  teilvveise  sehr  sachgemassen  Ausfûhrungen 
in  Schrader's  neuester,  dièse  Streitfrage  behandelndcn  Schrift,  dadurch 
in  etwas  verlieren,  dass  sie  Positionen  zu  halten  suchen,  welche  sicher- 
lich  aufzugeben  sind).    Les    concessions    à   faire;  se  résument  dans  \i\ 


d'histoire  kt  dic  littératuuf.  67 

reconnaissance  du  sémitisme  de  plusieurs  vocables  assyriens  qui  ligu- 
rent   dans  les   textes  sumériens,  dans  les  gloses  et  les   idéogrammes 
simples  ou  composés  ;   puis,  des  jeux  de  mot  et  des  rébus   fondés  sur 
rhomophonie,  etc.,  c'est-à-dire  de  tous  les  traits  caractéristiques  que  j'ai 
signalés  pour  prouver  l'origine  assyro-sémitiquc  de  tous  les  textes  dits 
sumériens  ou accadiens  (p.  5-7).  En  adoptant  la  comparaison  présentée  par 
M.  Pognon  avant  son  ralliement  à  mon  opinion,  du  sumérien  des  bilin- 
gues avec  le  latin  des  moines,  M.  Z.  se  demande  si  les  textes  de  Hammii- 
rabi  et  de  Gudea  ne  sont  pas  rédigés  en  un  sumérien  plus  exempt  d'assy- 
riacismes  que  les  documents  postérieurs  {p.  7).  A  cette  question  précise, 
je  donnerai  tout-à-l'heure  une  réponse  précise,  qui,  je  l'espère,  convain- 
cra bien  le  savant  auteur.  L'un  des  points  les  plus  importants  du  débat 
se  rapporte  à  la  différence  présumée  entre  un  texte  sumérien,  si  sumérien 
il  y  a,  et  un  texte  assyrien  rédigé  en  idéogrammes  ;  j'ai  prouvé  contre 
M.  Schrader  qu'il  n'existe  aucune  différence  tranchée  et  que,  par  con- 
séquent, les  anciennes  inscriptions  des  rois   babyloniens,  ont  pour  base 
le  pur  assyrien  sémitique;  M.  Z.  se  rallie  à  mon  opinion  en  produisant 
quelques  exemples  nouveaux  de  ce  principe  graphique,  bien  qu'il  ne  cite 
pas  ma  réponse  à  M.  Schrader,  où  ce  principe  fondamental  a  été  dé- 
montré tout  au  long.  11  paraît  que  cette  concession  n"a  pas  été  faite  sans 
regret,  car  M,  Z.  cherche  à  l'atténuer  en  prétendant  que  ce  n'est  là 
qu'un  accessoire  et  que  la  lutte  culminait  dans  la  question  de  savoir  s'il 
y  a  jamais  eu  une  langue  sumérienne  ou  s'il  n'y  en  a  pas  eu  (Aber  in 
diesen  Punkte  gipfelt  ja  auch  gar  nicht  die  Streitfrage,  ob  es  jemals 
eine  sumerische  Sprache  gegeben  hat  oder  nicht).  M.  Z.  me  permettra 
de  rétablir  les  faits  :  le  titre  du  mémoire  de  M.  Schrader  :  «  Zur  Frage 
nach  dem  Ursprung  der  altbabylonischen  Cultur  »  suffit  pour  lui  faire 
voir  que  l'objet  de  la  lutte  était  avant  tout  l'origine  de  la  littérature 
babylonienne,  et  non  pas  Texistence  préhistorique  d'une  langue  non 
sémitique  en  Babylonie.  Les  accadistes  ont  toujours  nié  que  la  littéra- 
ture cunéiforme  fût  le  produit  du  génie  sémitique;  les  antiaccadistes  au 
contraire  l'ont  toujours  affirmé,  parce  que  pour  eux,  il  n'y  avait  pas  de 
traductions,  mais  des  rédactions  primitives.  Voilà  le  vrai  enjeu  de  la 
discussion,  enjeu  digne  et  précieux  entre   tout  parce  qu'il  s'agit  d'une 
civilisation  antique  ayant  rayonné  non  seulement  sur  la  race  sémitique 
tout  entière,  mais  aussi  sur  le  monde  aryen.  Donc,  quand  M,  Z.  admet, 
non  sans  quelque  réticences  il  est  vrai,  le  sémitisme  de  la  littérature 
assyro-babylonienne,  il  donne  raison   aux   antiaccadistes   et  réduit   le 
litige  à  un  mince  problème  de  philologie  préhistorique  qui,  tout  au  plus, 
démontrerait  l'origine  non  sémitique  de  l'écriture  cunéiforme. 

Qu'on  se  l'avoue  ou  non,  un  fait  est  acquis,  l'accadisme  intransigeant 
est  mort  et  bien  mort.  Le  néo-accadisme,  se  bornant  à  affirmer  l'exis- 
tence du  sumérien  comme  langue  préhistorique,  puisqu'on  ne  produit 
aucun  texte  rédigé  sans  mélange  de  sémitism.es,  s'évanouira  dès  que 
ion   se  sera  convaincu  des  deux  points  suivants  :    i»  que  les  textes 


68  REVUE    eu ITIQUR 

sumériens  des  plus  anciennes  dates  sont  aussi  remplis  de  jeux  de  mot 
et  de  tournures  sémitiques  que  les  textes  les  plus  modernes;  2"  que  les 
sons  fondamentaux  du  syllabaire  reposent  sur  des  vocables  assyriens. 
J'ai  tant  de  fois  prouve  ce  dernier  point  et  la  nature  purement  graphi- 
que des  formes  soi-disant  dialectales,  que  je  me  contente  de  renvoyer 
M.  Z.  à  mes  écrits  précédents,  principalement  à  mon  Aperçu  gram- 
matical. Sur  le  premier  point,  et  pour  me  conformer  à  son  désir,  je 
consens  à  venir  en  aide  à  la  bonne  volonté  de  M.  Z.  en  donnant  ci- 
après  la  transcription  d'un  texte  réputé  sumérien  de  Kimtou-rapashou, 
dit  Hammurabi  auquel  j'ajoute  une  version   assyrienne  en  regard  : 


I 

an-ri 

(ana)  ilat 

2 

za-ri-un-ki 

Zaram  (?) 

3 

nin  me-lam-ma-ni 

sha  melemmisha 

4 

an  ki  a        lai 

shame  (u)  irçiti  umallu 

5 

nin-a-ni  ir 

beltishu 

6 

ha-am-mu-ra-bi 

Kimtu-rapashtu 

7 

ka-DE-a  an-na 

munambu  Ani 

8 

an  en  bil  da 

bel  da- 

9 

ga-ni 

gani 

10 

she-ga  an-par 

migir  Shamash 

1 1 

sib  lib  hi  hi 

ri  muthib  lib 

1  2 

an  cur-ud  kit 

(il)  Marduk 

i3 

ri  lib  ki-ram 

mushallu  naram 

lib 

H 

an-ri  kit 

(il)  Ilti 

i5 

lu-gal  ag-ga 

sharru  dannu 

16 

lu-gal  KA-dingir-ra-ki 

shar  Babilu 

17 

lu-gal  ki-in-gi 

shar  Shumerim 

18 

ki  bur-bur 

(u)  Akkadim 

19 

lu-gal  an  ub-da 

shar  kibrati 

20 

IV-bakit 

irba'i 

21 

lu-gal  BARA  BARA 

shar  (sha)  parak' 

;i 

22 

an  gai  gai  e-ne 

ilani  rabuti 

23 

shu               bil 

eshshis 

24 

ne  in  ag-a 

ebûsh 

25 

ud  an-ri 

inushu  iltu 

26 

shi  um  un  ga-ni 

tukultishu 

27 

ki-en-gi  ki  bur-bur 

mat  Sumcrim  u 

Akkadim 

28 

nam  en  bi  c-ne 

ana  belutislui 

29 

mu-na-an  shum- 

iddin- 

3o 

ma  ta 

shu 

3r 

ku  ka  bi 

çirrazina 

32 

shu  ni  ku 

ana  iJashu 

33 

ne  in  si-a 

umallu 

34 

an-         ri 

(ana)  ilti 

35 

ki  ram-ma-ni  ir 

naramishu 

36 

za-ri-VN-ki 

37 

er  nam-nin-a  ka  na 

38 

e  zi  kalam-ma 

3q 

c  ki  ram-ma  ni 

40 

mu-na  ni-ia  kak 

a 

A  la  déesse  de  Zaram 

d'histoirh;  kt  dk  liitératokk  69 

(ina;  Zaram  (?) 

er  belutisha 

bit  napshat-kakima 

bit  naramisha 

ibnu 
dont  la  splendeur  remplit  le  ciel  et  la  terre 
sa  dame.  Kimtou-rapaschtou,  proclamateur  de  Anou  et  de  Bel-dagan. 
adorateur  de  Schamasch  (soleil),  pasteur  qui  satisfait  le  cœur  de  Marduk, 
magnilique,  délice  du  cœur  de  la  Déesse,  roi  puissant,  roi  de  Babylone. 
roi  de  Sumer  et  d'Accad,  roi  des  quatre  régions,  qui  a  réparé  les  sanc- 
tuaires des  grands  dieux;  au  jour  où  la  Déesse  sa  protectrice  donna  à  sa 
seigneurie  le  pays  de  Summer  de  d'Accad  et  mit  dans  sa  main  les  rênes 
(du  gouvernement),  il  a  construit  à  la  Déesse  qu'il  aime,  dans  la  ville  de 
Zaram  (?)  qu'elle  aime,  le  temple  Vie  de  l'Univers,  son  temple  de  pré- 
dilection ». 

Joignons-y  tout  de  suite  Tinscription  A  de  Mounamboûdit  Gudea  que 
nous  empruntons  à  Texcellente  dissertation  de  M.  Amiaud.  Nous  y 
ajoutons  une  version  phonétique. 

an  nia  harsag  (ana)  Belit  shadi 


nin  er  da-sar-a 

karibat  eri 

ama  tur  tur  ne 

um  marisha 

nin  a  ni 

beltishu 

KA-DE-a 

Munambû 

pa-te-si 

ishak 

shir-bur-la-ki  kit 

Shirburla  (?) 

e  er  gir-su-ki 

bit  ina  erisha  Gir- 

ka  ni 

su 

mu  na  kak 

ibnû 

DVP     a      araza 

dip  a  ellu- 

ni 

tisha 

mu  na  dim 

epush 

ic-ku  nin  mah  nam 

(ana;  surqini  mahhé  sha  b 

nin  ka  ni 

lutisha 

mu  na  dim 

epush 

e  mah  ni  a 

(ina)  bit  rubutisha 

mu  na  ni  [i 

ishkun 

kur  mâ-gan 

ishtu  shad  Ma- 

ki  ta 

gan 

TAG  ag  im 

aban  ushu  ushé- 

ta  tul-du 

11 

alan-na-ni  ku 

ana  çalamisha 

mu                 tu 

iptuq 

nin  an-ki  a  nam 

belit  mushimat  shame  ir- 

tar-ri  ne 

citim 

an  nin  tu 

belit  talitti 

70 

ama  dingir-ri 

ne  kit 

ka-DE-a 

LY  E  kak-a  ka 

nam  îi-la  ni 

mu  .shiul 

niu  ku  mu  na 

sa 

E-a  mu  na  ni 

RliVU:-;    CRITIQUE 

um  ilâ- 
ni 

(sha)  Munambu 

banu  bitaka 

balatliishu 

labiri 

ana  shumishu 
ibbi 

(ina)  biti  islikun. 

«  A  Belit-shadi,  protectrice  de  la  ville,  mère  de  ses  habitants,  sa 
dame,  Mounambou,  gouverneur  de  Sirburla  (?;,  a  bâti  un  temple  dans 
sa  ville  de  Girsou.  Il  a  fait  faire  son  autel  (?)  sacré,  il  a  fait  faire  le  trône 
élevé  de  sa  divinité;  il  les  lui  a  consacrés  dans  son  temple  saint.  Des 
montagnes  du  pays  de  Magan  il  a  fait  tirer  un  bloc  de  diorite;  il  Ta  fait 
tailler  pour  sa  statue.  «  Déesse  qui  iixe  les  destins  du  ciel  et  de  la  terre, 
Belit-talitti,  mère  des  dieux,  de  Mounambou,  le  constructeur  du  temple, 
prolonge  la  vie!  »  tel  est  le  nom  dont  il  l'a  nommée  (la statue),  et  il  Ta 
consacrée  dans  le  temple  ». 

Cela  se  passe  de  commentaire  :  non  seulement  les  traits  principaux:  de 
la  grammaire  et  de  la  syntaxe  de  ces  textes  sont  assyriens,  mais  les  mots 
assyriens  plus  ou  moins  abrégés  ou  défigurés  y  foisonnent  et  se  recon- 
naissent du  premier  coup.  Contentons-nous  de  mentionner  parmi  les 
plus  frappants  du  premier  exemple  melam  =■  melammu  (3),  anr=  Anu 
(7),  en  =  enu  =  belu,  lil  =  lillii  (8)  dagani  =  Daganu  (8-9],  le  dieu 
Dagon;  ram  —  râmu  {i3  passim,  héb.  râliam),  ag  =  aggu  (i5)  arba 
(20),  kalam  ■:=^  kalamma.  Un  jeu  de  mot  purement  assyrien  fait  que  le 
signe  bil^^  ishatu  «  feu  »  exprime  aussi  eshshis [v  Iidsh)  «  de  nouveau  >>. 
Dans  le  second  texte,  on  relève  :  ama  =  iimmu,  gir-su,  Girsu,  DVP  = 
diippu,  mail  =  mahhu,  nam-tar,  namtaru  (r  mtr).  Ily  a  plus,  M.  Amiaud 
a  démontré  avec  beaucoup  de  sagacité  qu'en  ancien  sumérien  comme 
en  assyrien  la  foime  simple  du  verbe  s'employait  dans  les  propositions 
principales  et  la  forme  prolongée  dans  les  propositions  subordonnées, 
introduites  par  le  pronom  relatif  ou  par  une  conjonction.  Une  pareille 
conformité  de  construction  intime  montre  bien  qu'aux  anciennes  épo- 
ques le  système  hiératique  était  encore  plus  imprégné  du  génie  de  la 
langue  assyrienne  qu'aux  époques  postérieures.  En  un  mot,  Taccadien 
ou  sumérien  pur  est  une  chimère  ;  il  ne  se  trouve  nulle  part,  parce  qu'il 
n'a  jamais  existé!  —  O  suméro-accadistes 

Lascicite  ogni  speran^a. 

J.  Halévy, 


D  HISTOIRE    F.T    DK    LITTKRATUUK  J  l 

127.  —  E^ei'îkles  als    Feltlhei'i',   par  Julius  von  Pflugk-Harttung;   Stuttgart, 
W.  Kohlhammer,  1884,  In-8  de  ix-143  p. 

L'auteur  de  ce  petit  livre  avoue  lai-même  {p.  v)  que  depuis  longtemps 
il  a  cessé  de  s'occuper  d'histoire  ancienne  pour  étudier  l'histoire  du 
moyen-âge;  mais  l'antiquité  lui  est  demeurée  chère  et  il  y  revient  avec 
plaisir.  Sans  être  un  tacticien  de  profession,  ses  souvenirs  de  la  guerre 
de  1870,  à  laquelle  il  a  pris  part,  et  la  lecture  de  quelques  ouvrages  mili- 
taires Tout  mis  à  même  d'écrire  le  court  mémoire  dont  on  vient  de  lire 
le  titre  (p.  vi). 

Après  avoir  rappelé  les  expéditions  de  Périclès  contre  Sicyone , 
en  Acarnanie,  dans  la  Chersonnèse  de  Thrace,  etc.,  M.  J.  von  Pflugk- 
Harttung  aborde  la  guerre  de  Samos,  puis  la  guerre  du  Péloponnèse, 
dont  il  raconte  longuement  les  trois  premières  années.  Le  jugement  qu'il 
porte  sur  la  conduite  de  Périclès  comme  homme  d'Etat  et  comme  géné- 
ral, durant  ces  événements,  nous  semble  quelque  peu  sévère  (pp.  110 
sqq.j.Ases  yeux,  Périclès,  général  médiocre,  bien  inférieur  à  Cimon, 
par  exemple,  ne  mériterait  même  pas  la  réputation  d'habile  politique 
que  l'histoire  lui  a  faite.  Thémistocle,  Epaminondas  seraient  bien  au- 
dessus  de  lui  (p.  1 1 3)  ;  Cléon,  par  certains  côtés,  lui  aurait  été  très  supé- 
rieur (ibid.) ;  mais  le  malheur  voulut  que  Cléon  fût  un  mauvais  général 
et  qu'il  rencontrât  comme  adversaire  Brasidas.  Il  nous  paraît  y  avoir, 
dans  tout  cela,  à  côté  d'idées  justes,  une  certaine  exagération.  Le  travail 
n'en  est  pas  moins  intéressant  à  lire.  Il  se  termine  par  un  appendice  où 
l'auteur  cherche  à  déterminer  la  situation  de  l'île  de  Tragia,  près  de 
laquelle  Périclès  battit  les  Samiens  en  440  (Thuc,  I,  116,  i). 

Paul  Girard. 


128.  —  D'  Gustav  Landgraf.  Oîcero*  Eïetle  riii-  Sex.  E^oscius  aus  Amei-îa. 

I  :  Text  mit  den  Tcsiimonia  veierum  und  dem  Scholiacta  Gronovianus,  Erlan- 
gen,  1882,  in-8,  1-S4  p.;  Kritischer  Anhang,  p.  BD-iiy;  Il  :  Kommeniar,  Er- 
langen,  1884,  p.  1 18-412;  Lidex,  p.  413-427. 

Le  titre  seul  de  cette  édition  montre  qu'elle  contient  une  étude 
étendue  et  approfondie  du  Pro  Sex.  Roscio.  On  voit  qu'il  ne  s'agit 
pas  ici  d'une  édition  classique  ',  mais  d'un  travail  fondé  sur  une  révi- 
sion attentive  des  sources  du  texte  avec  un  commentaire  développe. 
Toutes  les  difficultés  que  présente  le  discours,  y  sont  sinon  résolues,  du 
moins  examinées  avec  soin;  l'auteur  connaît  et  a  judicieusement  em- 
ployé les  travaux  assez  nombreux  qu'on  a  publiés  dans  ces  dernières 
années  sur  la  langue  et  le  style  de  Cicéron. 

I.  L'auteur  a  donne  à  part,  en  1882,  dans  la  collation  de  Perthes,  à  Gotha,  une 
édition  destinée  aux  élèves. 


72  RKVUK    CRITIQUE 

Aussi  convient-il  de  recommander  la  lecture  de  ce  riche  commentaire 
aux  étudiants  de  nos  facultés  et  à  tous  les  professeurs  de  latin. 
Gomme  il  est  écrit  avec  une  grande  clarté,  il  leur  permettra  d'appren- 
dre beaucoup  sans  trop  de  peine,  et  en  attirant  leur  attention  sur  des 
mots  et  sur  des  tournures  qui  sont  d'ordinaire  mal  comprises,  il  leur 
procurera  le  double  avantage  de  savoir  un  peu  plus  et  de  savoir  beau- 
coup mieux. 

Le  meilleur  enseignement  qu'on  puisse  leur  proposer  n'est  cependant 
pas  contenu  à  mon  avis  dans  l'ouvrage  même  que  je  recommande.  Je 
le  tirerais  plutôt  de  la  suite  des  publications  de  M.  Landgraf.  En  1878, 
il  donnait  à  Wûrzbourg  une  dissertation  intitulée:  Z)e  Ciceronis  elocii- 
tione  in  orationibus  proP.  Quinctio  et  pro  Sex.  Roscio  Amerino  cons- 
/?/czM  ;  travail  estimable  sans  doute,  mais  bien  inférieur  à  celui  que 
H.  Hellmuth  publiait  la  même  année  sur  le  même  sujet  '. 

Trois  ans  plus  tard  M.  L.  donnait  dans  les  Acta  seminarii  Erlangen- 
sis,  II  (r88i),  une  excellente  dissertation  :  Dejiguris etymologicis  lin- 
giiœ  latinœ.  Enfin  depuis  l'édition  du  Pro  Roscio,  dédiée  à  Ed.  Wolf- 
iîin  et  très  digne  de  lui  être  dédiée,  M.  L.  dirige  la  réimpression  soignée 
et  soigneusement  complétée  de  la  syntaxe  de  Reisig -. 

Il  me  semble  que  de  ces  dates,  de  ces  titres  d'ouvrages,  dont  les  derniers 
laissent  si  loin  derrière  eux  les  premiers  essais  du  début,  tout  étudiant 
peut  conclure  quels  rapides  progrès  on  fait  dans  nos  études,  sous  une 
bonne  direction,  à  la  seule  condition  qu'on  choisisse  bien  et  qu'on  s'ap- 
plique à  bien  connaître  le  domaine  restreint  que  Ton  veut  exploiter. 

Pour  revenir  au  Pro  Roscio,  Ton  ne  peut  sans  doute  tout  approuver 
sans  réserve  dans  ce  travail.  Il  n'était  pas  tout  à  fait  juste  de  comparer 
comme  on  l'a  fait,  cette  édition  au  Lœliiis  de  Seyffert.  Il  s'en  faut  que 
M.  L.  ait  la  même  sûreté  de  doctrine.  Je  suis  certain  qu'il  n'y  prétend 
pas.  D'autre  part,  beaucoup  de  ses  conjectures  sont  à  peine  vraisembla- 
bles. On  aurait  mauvaise  grâce  à  insister  surtout  quand  on  voit  que  du 
texte  au  commentaire,  M.  L.  en  a  de  lui-même  sacrifié  un  assez  bon 
nombre.  Je  me  bornerai  à  une  critique  que  me  pardonnera  facilement 
M.  L.,  car  elle  est  générale.  On  eût  pu  l'adressera  Seyffert  ;  on  l'adres- 
serait surtout  à  la  plupart  des  derniers  éditeurs  de  Gicéron. 

Est-il  bon  de  donner  au  commentaire  d'un  ouvrage  assez  facile  une  telle 
étendue  ?  Peut-on  saisir  la  suite  du  discours  en  lisant  les  notes,  et  leur 
nombre  et  leur  longueur  ne  contraint-il  pas  tout  lecteur  de  choisir  entre 
Gicéron  et  son  interprète?  Autrefois,  dans  les  premières  éditions,  dans 
celles  de  Richter  comme  celles  de  Halm,  il  y  avait  quelque  blanc  entre 
les  remarques  mises  au  bas  des  pages.  Voici  qu'on  le  supprime   et  que 

I.  En  voici  le  titre  exact  :  De  sermonis  propriclatibits  quce  in  prioribits  Ciceronis 
orationibus  inveniuntw  :  Acta  seminarii  Evlangensis,l,  1878. 

1.  Reisig,  Vorlesitngen  ùber  lateinische  SpraclnvissenscJiaft  mit  dcn  Anmerkun- 
gen  von  Haase,  neu  bearbeitet  von  Schmalz,  itnd  (à  partir  du  g  223)  von  Landgraf. 
Calvary,  Berlin,  1884. 


uhîibioinK  i<:r    DK  Li rri';s</vruKh 


de  plus  en  pius  les  notes  se  hérissent  de  longues  files  de  chiffres  et  de 
renvois.  Le  lecteur  s'y  reporte  d'abord  consciencieusement.  Mais  il  s'a- 
perçoit bien  vite  qu'il  n'est  pas  toujours  payé  de  sa  peine:  il  prend  le  parti 
d'en  croire  l'auteur  sur  parole.  Dès  lors  à  quoi  bon  tant  de  preuves  que 
nul  ne  vérifie?  Il  faudrait  de  longues  journées,  non  pour  digérer,  mais 
pour  lire  les  commentaires  qu'aujourd'hui  l'on  nous  donne  ;  mais  qui 
dispose  aujourd'hui  de  tels  loisirs,  et  si  on  en  a,  les  emploie-t-on  à  lire 
des  notes?  Si  donc  le  lecteur  est  forcé  de  choisir,  fût-ce  au  hasard,  dans 
ce  second  ouvrage  plus  long  que  le  premier,  ne  vaudrait-il  pas  mieux 
que  ce  choix  fût  fait  judicieusement  par  l'auteur  même  du  commen- 
taire? 

J'ajoute,  pour  être  juste,  que  sur  ce  point  M.  Landgraf  est  plus  excu- 
sable que  personne.  Il  a  pu  craindre  qu'à  diminuer  le  nombre  de  ses 
pages,  il  diminuât  aussi  le  nombre  de  ceux  qui  diront  l'avoir  lu.  Qu'il 
en  soit  donc  comme  il  l'a  voulu.  Je  lui  souhaite  chez  nous,  pour  tout 
ou  partie  de  son  livre,  beaucoup  de  lecteurs. 

E.  Thomas. 


]2Q.  —  Albert  Duruv.  Hoche  et  ïiEai'ceau.  Paris,  Hachette,   in-8,   191  p.  Pri.x'  : 
I   fr.  5o. 

Quoique  ce  livre  soit  surtout  destiné  à  la  jeunesse  (il  fait  partie  de  la 
«  Bibliothèque  des  écoles  et  des  familles  »),  il  mérite  d'être  recommandé 
à  tous  les  amis  de  l'histoire. 

L'auteur  a  rapproché  deux  héros  qui  ont  plus  d'un  trait  commun. 
«  Tous  deux  débutent  dans  la  vie  par  l'isolement  et  l'abandon,...  tous 
deux,  au  sortir  de  l'enfance,  s'engagent,  et,  pour  leur  coup  d'essai  dans 
la  carrière  des  armes,  le  14  juillet,  ils  passent  à  l'émeute.  Tous  deux... 
se  poussent  au  premier  rang,  en  moins  de  temps  qu'il  n'en  fallait  au- 
trefois pour  gagner  une  iieutenance,  et  sont  généraux  en  chef  à  vingt- 
quatre  ans.  Tous  deux  commandent  en  Vendée,  s'illustrent  et  meurent 
sur  le  Rhin.  Tous  deux  enfin,  ils  tombent  à  la  fleur  de  Tàge,  en  pleine 
force  et  en  pleine  gloire  et  viennent,  à  quelques  mois  de  distance, 
s'étendre  l'un  à  côté  de  l'autre,  pour  donnir  leur  dernier  sommeil.  C'est 
le  même  sol  qui  recouvre  et  c'est  le  même  monument  qui  abrite  leurs 
cercueils  jumeaux.  Comme  l'héroïque  Kléber,  à  Strasbourg,  ils  ne  re- 
posent pas  en  terre  française,  en  terre  sainte.  Ils  sont  là-bas,  à  Peters- 
berg,  près  Coblentz,  en  Prusse  »  (p.  5  et  6  de  V Avant-propos). 

La  biographie  de  Hoche,  telle  que  nous  la  raconte  M.  Duruy,  est  un 
précis  très  exact  et  très  vivant  de  la  carrière  du  vainqueur  de  Vvissem- 
bourg.  L'appareil  des  notes  et  des  renvois  fait  défaut,  parce  que  la  place 
a  manqué.  Mais  le  livre  a  été  composé  d'un  bout  à  l'autre  sur  les  pièces 
et  les  documents;  l'œuvre  de  M.  D.  est  celle  d'un  historien;  le  Hoche 
qu'il  décrit,  nous  apparaît  dans  sa  correspondance,  dans  ses  actes,  avec  son 


74  REVUE    CRITIQUE 

caractère  agité  et  soupçonneux,  son  ambition  insatiable  et  sans  scrupules. 
M.  D.  n'iiésite  pas  à  s'écarter  du  Hoche  consacre;  il  le  montre   prêt  à 
monter  à  cheval  au  premier  appel  de  de  Barras;  il  raconte  que  son  héros 
lit,  à  Pexemple  ilu  Directoire,  un  coup  d'état  dans  son  armée;  qu'il  des- 
titua ou  mit  en  état  d'arrestation  ses  anciens  camarades;  qu'il  porta  contre 
Kléber  up.e  dénonciation  inouïe.  «  Ce  n'était  pas  par  la  mesure  que 
brillait  Hoche;  comme  toutes  les  natures  exaltées,  il  apportait  souvent 
dans  ses  jugements  sur  les  hommes  et  les  choses  une  violence  de  parti- 
pris  et  des  exagérations  regrettables  »  (p.  121).  On  voit  que  M.  D.  ne  se 
paie  pas  de  jugements  reçus  et  ne  reproduit  pas  un  portrait  de  conven- 
tion. Il  dira  même  (p.  58)  que  Hoche  était  mal  élevé;  «  en  entrant  à  la 
Conciergerie,  il  avait  encore  les  rudes  façons  d'un  officier  de  fortune;  sa 
conversation  manquait  d'élégance;  son  style,  de  décence.  Il  parlait  vo- 
lontiers l'ignoble  langue  du  père  Duchéne;  ses  lettres  d'Alsace  au  Co- 
mité de  salut  public,  au  ministre  de  la  guerre,  à  ses  collègues   surtout, 
sont  pleines  d'expressions  triviales,  sentant  le  corps  de  garde,  et  tout  à 
fait  déplacées  dans  la  bouche  d'un  général.  »  Il  lui  reprochera  d'avoir 
gardé  le  silence  après  Quiberon,  de  n'avoir  pas  dit  un  mot  «  qui  eût 
peut-être  sauvé  la  vie  d'un  millier  de  braves  gens  »,  de  n'avoir  pas  eu 
(t  une  minute  d'attendrissement,  une  ligne  un  peu  chaude,  un  peu  gé- 
néreuse »,  de  n'avoir  pas  a  couronné  par  une  bonne  action  un  brillant 
fait  d'armes  »  (p.  io3-io5).  En  réalité,  la  figure  de  Hoche,  une  des  plus 
grandes  de  la  Révolution  et  une  de  celles  qui  semblent  le  plus  connues, 
nous  est  parvenue  très  altérée.  On  a  revêtu  ses  traits  de  la  plus  rare 
perfection.  On  lui  a  tout  donné,  beauté,  pureté,  grâce  mélancolique  et 
tière.  Il  passe  encore  pour  un  grand  administrateur,  pour  un  politique 
de  premier  ordre,  pour  un  républicain  austère,  désintéressé,  magnanime. 
Mais  M.  D.  rend   au  personnage  sa  physionomie  propre.  «  L'histoire, 
dit-il  très  justement,  même  lorsqu'elle  s'adresse  à  des  jeunes  gens,  leur 
doit  avant  tout  la  vérité,  dût  celle-ci  leur  enlever  quelque  illusion.  Au 
surplus,  le  mal  ici  n'est  pas  bien  grand.  Si  le  point  de  vue  change,  s'il 
faut  renoncer  à  Cincinnatus  et  si,  vu  de  plus  près,  le  héros  qui  cachait 
l'homme  et  ses  faiblesses   perd  un  peu  de  sa  perfection  légendaire,  les 
morceaux,   Dieu  merci,  en  sont  bons  et  l'on  taillerait  encore  dedans 
plus  d'une  statue   de  bronze  aujourd'hui.  Hoche  avait  été  trop  exalté, 
c'est  certain.  Son  caractère,  ses  talents  eux-mêmes  n'avaient  pas  encore 
été  jugés  avec  assez  de  liberté;  mais  n'eûcil  pour  lui  que  sa  belle  cam- 
pagne de  1793,  Wissembourg  et   Landau,  qu'il  sera  toujours  difficile  à 
des  cœurs  français  de  lui  refuser  leur  reconnaissance  et  leur  admiration  » 
(p.  i5oj. 

Je  cite  encore  dans  cette  excellente  biographie  quelques  points  que 
M.  D.  a  su  traiter  avec  beaucoup  de  savoir  et  tout  le  talent  qu'on  lui 
connaît  :  la  campagne  d'Alsace  (p.  36-49)  ;  Hoche  à  l'armée  des  côtes  de 
Cherbourg  (p.  66-84);  la  pacification  de  la  Vendée  (p.  106-117)  et  par- 
ticulièrement le  récit  saisissant  de  Quiberon   (p.   85-îo5).  On  remar- 


DHlSiOIKK     h!     LMi    i.l  i  1  KK  AXUK  h,  JD 

quera  ce  que  dit  M.  D.  à  propos  de  la  lameuse  capitulation;  il  soutient 
avec  raison  qu'il  n'y  eut  pas  à  proprement  parler  de  capitulation,  que 
Sombreuil  n'obtint  pas  des  généraux  la  promesse  de  la  vie  sauve  pour 
ses  compagnons  et  eut  le  tort  de  s'en  rapporter  aux  propos  de  quelques 
soldats  ', 

La  biographie  de  Marceau  qui  suit  celle  de  Hoche  (p.  i5i-iQi)est 
faite  avec  le  même  soin  et  la  même  conscience.  M.  D.  nous  montre 
Marceau  en  Vendée,  et  à  l'armée  de  Sambi e-et-Meusc,  pendant  les 
campagnes  de  1793  (Gholet,  La  Croi>:-de-Bataille,  Pontorson,  Antrain, 
Le  Mans),  de  1794  (Fleurus,  bataille  de  i'Ourthe,  Duren,  prise  de 
Coblentz),  de  1795  [blocus  d'Ehrenbreitstein),  de  1796.  11  raconte  avec 
émotion  la  mort  et  les  funérailles  du  jeune  général.  11  apprécie  digne- 
ment ce  loyal  et  chevaleresque  caractère.  «  Tout  de  premier  mouve- 
ment, très  impressionable,  il  se  laissait  parfois  dominer  par  la  vivacité 
de  ses  sentiments,  mais  ni  Tintérét,  ni  l'ambition  ne  le  guidèrent  ja- 
mais. Bon  camarade  et  ami  dévoué,  paternel  sans  faiblesse  avec  le  sol- 
dat, pitoyable  aux  vaincus,  affable  avec  tous,  dur  pour  lui  seulement, 
il  avait  le  caractère  et  l'âme  à  la  hauteur  de  l'intelligence.  Rien  de 
touchant  comme  l'affection  qui'  l'unissait  à  Kléber  ;  elle  s'était  scellée 
dans  un  jour  de  bataille;  elle  dura  jusqu'au  bout,  avec  une  nuance  de 
respectueuse  déférence  chez  l'un  et  de  protection  chez  l'autre  »  (p.   190]. 

On  ne  peut  chicaner  M.  D.  que  sur  de  très  menus  détails;  mais  nous 
savons  qu'il  aime  la  critique  et  la  contradiction.  Pourquoi  écrit-il  Le- 
veneur  au  lieu  de  Le  Veneur  (p.  25-26)  et  ne  dit-il  pas  que  Hoche 
témoigna  toujours  au  vieux  général  une  vive  affection  et  l'appela  son 
second  père? 

Si  Hoche  servait  dans  le  régiment  de  Rouergue  (il  fallait  ajouter, 
pour  plus  de  clarté,  le  58^  régiment),  n'a-t-il  pas  assisté  au  siège  de 
Thion ville  '?  Teissier  nous  dit  d'ailleurs  que  ce  siège  fut  pour  Hoche 
une  école  militaire  et  qu'il  allait,  avec  Semelle,  faire  le  coup  de  feu 
avec  les  vedettes.  [Hist.  de  Thionville.  Metz,  1828,  p.  464). 

En  citant  le  passage  si  connu  des  mémoires  de  Riouffe  sur  les  prisons, 
ne  fallait-il  pas  rectifier  quelques  chiffres  rapportés  par  l'ami  des  Giron- 
dins (p.  56)?  Ces  négociants  de  Sedan  (Riouffe  dit  vingt-cinq)  étaient 
au  nombre  de  vingt-sept^  et  ces  jeunes  tilles  de  Verdun  (Riouffe  dit 
quatorze)  au   nombre  de  sept. 

P.  74  «  l'intrigant  du  nom  de  Cormatin  »  n'est  autre  que  i'adjudant- 
général  Desoteux  qui  fut  proscrit  par  l'Assemblée  constituante,  en 
même  temps  que  Bouille,  Klinglin  et  Heymann. 

P.  87,  pourquoi  le  poste  de  Sainte-Barbe  n'est-il  pas  indiqué  sur  la 
carte  de  la  presqu'île  de  Q_uiberon  ? 

P.  90  et  146,  me  permet-on  de  dire,  à  propos  de  Chérin,  le  fidèle  chef 

1.  M.  Albert  Duruy,  trop  modeste,  a  négligé  de  citer  ea  net:;  le  remarquable  arti- 
cle qu'il  a  publié  sur  Quiberon  dans  la  Revue  des  Deux-Mondes  [ib  juin  1884^ 

2.  Ce  détail  semble  avoir  échappé  à  presque  tous  les  biographes  de  Hoche. 


76  REVUE    CRITIQUE 

d'état-maJor  de  Hoche,  que  ce  brave  soldat  repose,  lui  aussi,  en  terre 
étrangère?  J'ai  vu  l'an  dernier,  aux  portes  de  Huningue,  le  monument 
qui  lui  fut  élevé  et  qui  porte  Tinscription  suivante  :  «  A  Chérin,  géné- 
ral tie  division,  blessé  à  Riesbach,  en  avant  de  Zurich,  le  vu  prairial, 
mort  à  Huningue  le  xx  prairial  an  VII  ». 

P.  107,  est-il  exact  de  dire  que  lorsque  dWrtois  vint  débarquer  à 
l'île  Dieu,  un  Bourbon  se  montrait  pour  la  première  fois  aux  armées? 
Les  comtes  de  Provence  et  d'Artois  avaient  fait  la  campagne  de  1792 
à  la  tête  du  corps  d'émigrés  qui  suivait  l'armée  prussienne. 

La  biographie  de  Marceau  est  peut-être  un  peu  maigre.  En  tout  cas, 
l'héroïque  Chartrain  fut  nommé  capitaine,  non  pas  du  deuxième,  mais 
du  premier  bataillon   d'Eure-et-Loir  (p.    r55). 

Ce  bataillon  fut-il  désigné  «  comme  un  des  meilleurs  »  pour  faire 
partie  de  la  garnison  de  Verdun  (p.  i57)?  D'après  les  Observations 
du  maréchal-de-camp  Galbaud,  d'après  Buirette,  Phistorien  de  Sainte- 
Menehould,  enfin  d'après  une  lettre  de  Marceau  (Doublet,  p.  142)  qui 
rougit  de  commander  à  des  lâches,  ce  bataillon  était  un  des  plus  mau- 
vais de  l'armée,  et  ce  ne  fut  pas  «  au  premier  bruit  de  la  marche  de 
Brunswick  »  qu'il  vint  s'enfermer  dans'la  forteresse,  puisque  Marceau 
nous  dit  lui-même  qu'il  est  arrivé  le  jour  de  l'investissement  (Doublet 
de  Boisthibault,  p.  141). 

On  sait  que  Marceau  fut  chargé  de  porter  à  l'ennemi  la  capitulation. 
«  Quand  on  l'introduisit  auprès  du  roi,  dit  M.  D.  (p.  i58),  sa  voix  était 
frémissante,  ses  yeux  remplis  de  larmes  ;  malgré  la  dignité  de  son  atti- 
tude, il  y  avait  dans  toute  sa  personne  je  ne  sais  quoi  de  fier  et  d'im- 
domptabie  ».  Où  M.  D.  et  avant  lui  tous  les  biographes  de  Marceau,  y 
compris  Doublet,  ont-ils  puisé  ce  détail?  ils  l'ont  emprunté  tout  sim- 
plement à  Sergent,  le  septembriseur  et  le  beau-frère  de  Marceau.  Dans  la 
séance  du  9  février  1793,  Cavaignac,  chargé  du  rapport  sur  la  reddition 
de  Verdun,  proposa  de  traduire  devant  une  cour  martiale  les  membres 
du  conseil  défensif  de  la  place.  Ce  fut  alors  que  Sergent,  député  de  Paris, 
prononça  ces  paroles  :  «  Pour  vous  prouver  que  le  conseil  défensif,  en 
partie  composé  de  jeunes  gens,  n'est   point  coupable...,  c'est  que  le 
commandant  du  bataillon  d'Eure-et-Loir,  obligé  d'aller  dans  le  camp 
<;nnemi  pour  y  rédiger  les  articles  de  la  capitulation,  en  y  entrant,  ré- 
pandait des  pleurs  de  sang.  »  Ce  mot  emphatique  de  Sergent,  pleurs  de 
sang,  a  inspiré  tous  les  biographes  de  Marceau,  et  Doublet  disait  déjà 
(p.  5)  «  on  présence  du  roi  de  Prusse, il  ne  put  maîtriser  son  émotion  ;  ses 
larmes  coulèrent,  des  larmes  de  sang  !   »  Mais  il  n'est  pas  prouvé  que 
Marceau  —  et  j'en  serais  d'ailleurs  fâché  pour  lui  —  ait  pleuré  devant 
Frédéric-Guillaume;  Sergent  voulait  sauver  son  beau-frère;  il  imagina 
sans  doute,  pour  mieux  toucher  la  Convention,  ces  larmes  de  Marceau. 
En  tout  cas,  le  jeune  officier,  dans  sa  lettre  du  7  septembre  à  Maugars 
(Doublet,  p.  144)  dit  simplement  en  post-scriptum  :  «  C'est  moi  qui  ai 
■été  au  camp  du  roi  de  Prusse  et  qui  ai  réglé  les  articles  de  la  capitula- 


D  HISTOIRE    KT    DP:    LITTERATURE  y^ 

tion.  »  Le  prince  royal  le  vit  arriver  au  camp  et  il  écrit  dans  ses  Rémi- 
niscences :  tt  Vers  midi,  arrivée  au  quartier-général  d'un  lieutenant- 
colonel  accompagné  d'un  trompette;  tous  deux  ont  les  yeux  bandés.  » 
A  notre  avis,  on  ne  sait  absolument  rien  de  Tattitude  de  Marceau  au 
quartier-général  prussien,  et  M.  D.  qui  désire  ruiner  les  légendes,  nous 
saura  gré  de  détruire  celle-là. 

Ce  qu'on  sait,  et  ce  qu'on  devra  dire  désormais  dans  une  biographie 
de  Marceau,  c'est  que  le  jeune  officier  ne  signa  pas  la  capitulation,  car 
son  nom  ne  figure  pas  au  bas  de  la  délibération  du  conseil  défensif  de 
Verdun  «  opinant  à  ce  que  le  commandant  de  la  place  le  rende  dans  les 
vingt-quatre  heures  »  (Dommartin,  Beaz/repaire,  p.  83).  Ce  qu'on  sait, 
c'est  qu'il  était  d'avis  que  la  place  n'était  pas  tenable,  mais  qu'il  fallait 
y  rester  deux  jours  de  plus  »  (Doublet,  p.  142)  '. 

P.  iSg,  M.  D.  dit  que  «  Marceau  n'eut  pas  l'honneur  d'assister  à  cette 
mémorable  journée  (de  Valmy)  qui  vit  pour  la  première  fois  nos  jeunes 
troupes  se  mesurer  avec  les  vieux  régiments  de  Frédéric  et  les  tenir  en 
échec  ».  C'est  vrai,  mais  il  fallait  peut-être  ajouter  que  Marceau  servait 
dans  le  corps  de  Dillon,  qu'il  campait  dans  le  bois  de  Courupt-,  qu'il 
repoussa  le  17  et  le  20  septembre  —  le  jour  même  où  s'engageait  la 
canonnade  de  Valmy  —  les  attaques  des  Austro-Hessois;  j'ai  moi- 
même,  écrit-il  à  Maugars  le  24  septembre,  été  chargé  de  la  poursuite 
des  fuyards  et  je  les  ai  menés  jusqu'au  bord  de  leur  retranchement.  Le 
rôle  du  jeune  officier  pendant  la  campagne  dite  de  l'Argonne  méritait 
donc  quelques  lignes  de  plus;  il  se  déclare  dans  cette  même  lettre  c,  dé- 
voué entièrement  à  la  chose  publique  »  ;  il  souffre  de  la  faim,  mais, 
dit-il,  pro  patria   mori  oportet. 

Plus  loin,  p.  161,  pourquoi  M.  D.  n'a-t-il  pas  observé  que  Marceau 
quitta  le  bataillon  de  volontaires  qu'il  commandait  pour  entrer  dans  la 
légion  germanique  comme  simple  lieutenant  en  premier? 

Je  ferai  enfin  une  dernière  observation.  M.  D.  parie  p.  191  du 
monument  élevé  à  Marceau  par  l'armée  de  Sambre-et-Meuse  :  «  une 
pyramide  de  pierre  avec  des  noms  de  bataille  pour  tout  ornement.  t>  J'ai 
vu  ce  monument  il  y  a  trois  ou  quatre  ans.  Il  est  au  contraire  sur- 
chargé d'inscriptions   de  toute  sorte  (noms  de  bataille;  circonstances 

I.  Ace  propos,  qu'on  me  permette  encore  de  traiter  et  d'éclaircir  un  le'ger  détail 
que  M,  D,  a  bien  fait  de  négliger  dans  son  volume,  mais  que  devront  citer  les  futurs 
biographes  de  Marceau  (j'en  connais  deux).  Quel  était  alors  le  grade  du  jeune  Char- 
train?  Il  avait  été  nommé  capitaine  le  12  juillet,  et  pourtant  il  assiste  aux  délibéra- 
tions du  conseil  détensif  de  Verdun,  et  signe  celle  du  i*^''  septembre  ii.  Marceau  Des- 
graviers, lieiiîcnant-colonel  ».  (Dommartin,  Beaurepaire,  p.  70,  fac-similé).  Il  était 
évidemment  lieutenant-colonel  en  second,  car  nous  connaissons  le  nom  du  lieute- 
nant-colonel en  premier,  Huet.  Pourtant,  d'après  Doublet  (p.  1 1 1  et  148)  et  les  pa- 
piers delà  Guerre,  il  fut  nommé  adjudant-major  le  i'^'"  décembre  1792  et  lieutenant- 
colonel  en  second  le  25  mars  de  l'année  suivante;  il  faut  donc  qu'au  siège  de  V^erdun, 
il  ait  été  lieutenant-colonel  en  second  par  intérim. 

1.  Et  non  Coureux,  comme  dit  Doublet,  p.  142;  à  recommander  aux  futurs  bio- 
graphes. 


78  UEVUli    CRITIQUE 

de  la  mort  de  Marceau;  appel  à  la  sensibilité  du  visiteur  :  «  Qui  que 
tu  sois,  ami  ou  ennemi  de  ce  héros,  respecte  ses  cendres  »  ;  passage  du 
Loyal  Serviteur  :  «  Je  voudrais  qu''il  mV'n  eût  coûté  le  quart  de 
mon  sang  et  vous  tinsse  en  santé  mon  prisonnier,  quoique  je  sache 
que  l'empereur  mou  maître  n'eût  en  ses  guerres  plus  rude  ni  fâcheux 
ennemi  »,  et  —  pour  qu'on  ne  s^^  trompe  pas,  —  on  a  ajouté  «  Mé- 
moires du  chevalier  Bayard.  Allusion  aux  paroles  du  général  autri- 
chien baron  de  Kray  »).  Byron,  dont  M.  I).  cite  en  note  les  belles 
strophes  de  Childe  Harold^  avait  raison  de  trouver  ces  inscriptions 
fort  inutiles. 

On  ne  parle  longuement  que  des  bons  livres,  et  ces  vétilles  ne  dimi- 
nuent en  aucune  façon  le  mérite  du  travail  que  vient  de  publier  M.  A- 
Duruy.  Nous  souhaitons  que  le  brillant  écrivain  entreprenne  de  nous 
donner  une  Vie  de  i/oc/ze  définitive;  «  ce  qu'on  n'a  fait  qu'indiquer 
ici,  dit-il  p.  14g,  peut-être  l'achèvera-t-on  quelque  jour  ».  En  attendant, 
son  ouvrage  est  un  des  meilleurs  qu'on  puisse  mettre  entre  les  mains  de 
nos  jeunes  gens,  et  il  sera  lu  avec  autant  de  profit  que  d'intérêt  par  tous 
ceux  qu'attire  ^'histoire  militaire  de  la  Révolution.  Nous  ne  louerons 
pas  le  patriotisme  de  l'auteur,  quoi  qu'on  puisse  lui  appliquer  ses 
propres  paroles,  qu'il  a  le  «  vrai  patriotisme  »,  et  non  «  ce  chauvinisme 
étroit  et  borné,  fruit  d'une  science  superficielle  et  sans  conscience  » 
(p.  149].  Mais  le  récit  est  clair,  rapide,  animé,  habilement  disposé;  le 
style  est  simple,  ferme,  entraînant  '.  Il  ne  faut  pas  se  laisser  tromper  par 
la  couverture  du  volume,  par  son  format,  par  ses  images,  par  le  titre 
delà  collection  à  laquelle  il  appartient;  il  renferme  plus  d'un  docu- 
ment inédit,  plus  d'une  vue  neuve,  et  nous  n'hésitons  pas  à  mettre  le 
Hoche  de  M.  Albert  Duruy,  si  court  qu'il  semble,  au-dessus  des  études 
de  ses  devanciers. 

A.  Chuquet. 


VARIETES 


Xoujou:*s    !:t    Colomllinc. 

Nous    recevons  de  notre  collaborateur  la    réponse  suivante  à  une  lettre  adressée 
par  le  bibliothécaire  en  chef  de  la  Colombine  au  journal  El  Porvcnir,  de  Séville  : 

Monsieur  le  rédacteur  de  El  Porvenir: 

On  me  communique  à  l'instant  le  n°  du  3o  mai  dernier  de  votre  es- 
timable journal,  contenant  une  lettre  adressée  par  D.  Servando  Arboli, 


I.  Je  n'aime  pas  beaucoup  le  mot  fatriotisev  (p.  3i   «  excite,  éçhaulïe,  patriovise 
)es  ùmcs  »). 


D  HISTOIRK    Kl     UK    i,l  ITK  RA  flj  t<  (■  79 

chef  de  la  bibliothèque  du  chapitre  métropolitain  de  Séviile  à  M.  le  sé- 
nateur Fabié. 

Pour  le  présent,  je  ne  relèverai  dans  cette  lettre  que  le  passage  sui- 
vant :  «  Ni  uno  siquiera  de  los  ciuco  vianiiscritos  puestos  d  la  venta  en 
Paris  ha  jpertenecido  jamds  d  la  Biblioteca  de  D.  Fernando^  segun 
résulté  del  examen  minucioso  de  nuestros  Indices,  d pesar  de  no  ha~ 
bérsemos  determinado  con  bastante  presicion  en  dicha  carta  \_del  Di- 
rector  de  la  Biblioteca  Nacional  de  Paris]  las  noticias  bibliogrdjîcas 
necesarias.  » 

Les  manuscrits  visés  dans  cette  phrase,  sont  ceux  qui  ont  été  signa- 
lés par  l'article  de  la  Revue  critique  et  par  la  lettre  de  M.  Tadministra- 
teur  de  la  Bibliothèque  nationale  de  Paris 

Parmi  ces  mss.,  il  y  en  a  cinq  qui,  soit  dans  ledit  article,  soit  dans 
ladite  lettre,  se  trouvent  indiqués  de  la  façon  suivante  : 

1°  «  Chronique  du  xv*=  siècle,  en  vers  italiens.  In-folio;  Qt  Chronique 
lombarde.  » 
2°  «  Le  livre  de  Pierre  de  Luxembourg,  en  français.  In-4°.  » 
3°  «  Vie  de  Jésus-Christ,  en  catalati.  » 

4°  «  Version  italienne  du  voyage  de  Saint-Brandan,  avec  dessins 
en  couleurs.  » 
5°  «  Roman  de  Brut,  avec  terminaisons  italiennes.  » 
Le  seiîor  D.  Servando  Arboli  nie  qu'un  seul   de  ces  manuscrits  ait 
jamais  appartenu  à  la  Colombine  ou  figure  sur  les  catalogues  de  cette 
bibliothèque. 

Or  ces  cinq  manuscrits  non  seulement  figurent  sur  les  catalogues  de 
la  Biblioteca  Colombina,  mais  ils  étaient  encore  sur  les  rayons  de  cette 
bibliothèque  il  n'y  a  pas  longtemps.  En  voici  la  preuve  : 
1°  Chronique  du  xv«  siècle,  en  vers  italiens. 

M.  Paul  Ewald  a  relevé  le  titre  de  ce  ms.,  en  1879, sur  les  catalogues 
de  la  Colombine,  sous  ce  titre  :  Chronica  de  Lombardia  métro  italico 
cumjigiiris,  et  sous  la  rubrique:  7.  4.  7.  fol.  saec.  xv.  (Voir  le  Neues 
Archiv  der  Gesellschaft  fiïr  altère  deutsche  Geschichtskunde.  Han- 
nover,  1880,  tome  VI,  page  379.) 

Ensuite  ce  manuscrit  a  été  vu,  palpé  et  analysé  à  la  Biblioteca  Co- 
lombina, le  !<''■  octobre  1880,  par  M.  Pio  Rajna.  D'après  les  notes  du 
savant  professeur  florentin,  notes  que  nous  avons  en  ce  moment  sous 
les  yeux^  le  dernier  feuillet  du  ms.,  aujourd'hui  arraché,  portait,  de 
i  écriture  même  de  Fernand  Colomb  :  Este  libro  costo  20  be:[os  en 
padua  a.  75.  de  abril  de  i52i,  y  el  ducado  de  oro  vale  280  be\os. 

2"  Le  livre  de  Pierre  de  Luxembourg  a  été  relevé  sur  les  catalogues 
de  la  Colombine  et  décrit  de  visu  dans  cette  bibliothèque  même,  en 
1879,  P^""  M-  Francisque  Michel,  en  ces  termes  :  «  S.  Petriis  de  Luxem- 
hour  in-4''.  Ais.  &œc.  xv  ad  initium.  lectu  j ....  j2..  Ce  présent  livre 
composa  saint  Pierre  de  Liicembourg  lequel  il  envoya  à  damaiselle 
fehanne  de  Luçembourg,  »   Cette  description  e.st  suivie  d'extraits  cfil 


8o  REVUE    CRITIQUE 

ms.  (Voir  Archives  des  missions  scientifiques,  Paris,  1880,  IIP  série, 
tome  VI,  page  278.) 

3°  La  vie  de  Jésus-Christ,  en  catalan,  a  été  aussi  vue,  touchée  et  dé- 
crite en  iSjq,  à  la  Colombine  même,  par  M.  Francisque  Michel.  De 
son  temps,  ce  ms.  faisait  partie  d'un  recueil  factice  contenant  des  im- 
primés et  des  mss.  religieux,  de  la  musique  de  plain  chant,  des  recettes 
pharmaceutiques,  des  formules  opératoires,  etc.,  recueil  désigné  ainsi  : 
Opuscula  varia,  mss.  t.  IV.  Quant  au  ms.,  il  porlait  le  n"  204,  et,  en 
haut,  404,  en  bas,  n°  5.  A  la  suite,  venait  un  voyage  de  Saint-Bran- 
dan  en  italien.  (Voir  les  Archives  précitées,  page  275.) 

4"  Version  italienne  du  voyage  de  Saint-Brandan,  avec  dessins  en 
couleurs. 

C'est  le  manuscrit  qui  se  trouvait  après  le  précédent  dans  le  recueil 
factice  rubrique  Opuscula  varia,  mss.  t.  IV,  et  que  M.  Francisque  Mi- 
chel a  également  compulsé  à  la  Colombine,  en  1879.  Cet  écrivain  le 
décrit  comme  étant  un  ms.  sur  papier  avec  miniatures,  portant  encore 
une  annotation  de  la  main  de  Fernand  Colomb  comme  quoi  il  iut 
acheté  à  Milan,  en  février  i52i,  pour  20  quattrines.  (Voir  les  Archives 
précitées,  tome  VI,  page  277.) 

5"  Roman  de  Brut,  avec  terminaisons  italiennes. 

Ce  ms.  a  été  d'abord  mentionné,  de  visu,  comme  se  trouvant  à  la 
Colombine,  par  M.  Pascual  de  Gayangos,  alors  qu'on  lisait  encore  sur 
un  feuillet,  aujourd'hui  gratté  ou  lavé  :  Este  libro  costô  36  quatrincs 
en  Milan  a  3i  de  enero  de  i52i,  y  el  ducado  de  oro  vale  440  qiiatri- 
ne^  (Voir  la  traduction  espagnole  de  Ticknor,  Madrid,  i85i,  tome  I, 
page  520.) 

Le  titre  en  a  été  ensuite  relevé  sur  le  catalogue  de  Tabares,  en  1876, 
par  Charles  Graux,  en  ces  termes  :  MS.  AA.  144-1  g.  Wace.  Rhythmœ 
de  gestis  Bretonum  et  Baronum  genealogiis,  prœsertim  de  Bruti  ge- 
nealogia  :  sermone  lemosino,  codex  membranaceus,  in-4°,  maj .  (Voir 
les  Archives  des  missions  précitées,  tome  V,  page  129.) 

Il  a  été  également  signalé  par  M.  Paul  Ewald,  en  1879,  sous  la  ru- 
brique plus  moderne  de  5.  4.  3'j.  membr.  qu.  :  Wace.  (Voir  le  Neues 
Archiv  précité,  tome  VI,  page  375.) 

Quant  au  manuscrit,  M.  Francisque  Michel  l'a  vu  et  analysé  à  la 
Colombine,  en  1870,  et  en  a  donné  des  extraits.  (Voir  les  Archives  des 
jnissions  précitées,  tome  VI,  page  370.) 

Notons  aussi  que  ledit  ms.  porte  au  bas  du  premier  feuillet  les  traces 
du  cachet  moderne  de  la  Biblioteca  Colombina,  montrant  encore  le 
sommet  de  la  Giralda. 

Enfin,  les  descriptions  données  par  les  érudits  que  nous  avons  cités 
correspondent  par  leurs  points  de  repère  :  époque,  calligraphie,  ortho- 
graphe, divisions,  format,  lacunes,  illustrations,  etc.,  etc.,  aux  manus- 
crits tels  qu'on  peut  les  consulter  aujourd'hui  à  la  Bibliothèque  natio- 
nale de  Paris,  où  ils  ne  sont  entrés  qu'après  en  avoir  référé  aux  parties 


d'histoire  et  de  littérature  8i 

intéressées  à  Séville.  D'ailleurs,  aux  témoignages  si  précis  de  spécia- 
listes compétents  comme  M.  de  Gayangos,  comme  Charles  Graux, 
comme  M.  Francisque  Michel,  comme  M,  Paul  Ewald,  comme 
M.  Rajna,  le  bibliothécaire  de  la  Colombine,  D.  Servando  Arboli,  ne 
saurait  faire  une  réponse  topique  qu'en  produisant  ces  manuscrits 
mêmes. 

La  chronique  lombarde,  le  livre  de  P.  de  Luxembourg,  le  récit  de  la 
Passion,  en  catalan,  le  roman  de  Brut  et  la  version  italienne  du  voyage 
de  Saint-Brandan,  manuscrits  vus  et  touchés  à  la  Colombine  même  à 
des  époques  aussi  récentes  que  1875,  1879  et  1880,  par  des  témoins  di- 
gnes de  foi,  et  dont  les  descriptions  sont  consignées  dans  des  rapports 
officiels  imprimés  antérieurement  à  cette  polémique,  existent-ils  encore 
sur  les  rayons  de  la  Biblioteca  Colombina?  S'ils  n'y  sont  plus,  pour- 
quoi n'y  sont-ils  plus?  Voilà  toute  la  question. 

Comptant  sur  votre  impartialité,  j'ose  espérer  que  vous  voudrez  bien 
publier  cette  rectification  dans  votre  estimable  journal  et  vous  prie, 
Monsieur  le  rédacteur,  d'agréer  l'assurance  de  mes  sentiments  les  plus 
distingués, 

Henry  Harrtsse. 

Paris,  3o,  rue  Cambacérès,  3  juillet  i8S5. 

P. -S.  —  J'adresse  en  même  temps  une  copie  de  la  présente  lettre  à  la 
Revue  critique,  revue  qui  a  été  mise  en  cause  dans  la  discussion  aux 
Cortès  et  dans  la  plupart  des  articles  que  la  presse  espagnole  a  consacres 
à  cette  question. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  Nous  recueillons  dans  le  Bulletin  administratif  du  Ministère  de 
VInsiruetion  publique  l'entrefilet  suivant  :  «  M.  Paul-Édouard  Passv,  licencie  ès- 
lettres,  professeur  de  langues  vivantes  à  l'École  normale  primaire  de  la  Seine  et  au 
collège  Sévigné,  est  chargé  d'une  mission  en  Islande,  il  devra  visiter  les  principaux 
centres  d'éducation  de  ce  pays,  en  étudier  les  ressources  et  les  procédés  intellectuels 
et  pédagogiques,  examiner  les  principaux  documents  de  la  langue  et  de  la  littérature 
islandaises.  »  Nous  avions  ignoré  jusqu'à  ce  jour  que  l'Islande  eût  des  ressources  et 
des  procédés  intellectuels  et  pédagogiques  inconnus  ailleurs.  Quant  aux  principaux 
documents  de  la  langue  et  de  la  littérature  islandaises,  nous  osons  croire  qu'on  les 
trouverait  plus  sûrement  dans  les  bibliothèques  de  Copenhague  et  de  Stockholm  qu'en 
Islande. 

—  M.  H.  Bazin,  agrégé  de  l'Université,  a  fait  tirer  a  part  (un  ia-4  de  28  p.  et 
2  planches.  Leroux,  i885)  son  article  sur  le  G.ilet  inserit  d'Antibes,  paru  dans  le 
t.  X  des  Annales  du  Musée  Guimet.  M.  Bazin  lit  ainsi  l'inscription  de  ce  monu- 
ment : 


Totç  Sa  xatacTYjcact  KuTvptç  yigi^  àvTaTrooci'r 


82  KKVUK    CUlTIQUJî 

Voici  sa  traduction  :  ^<  Je  suis  Tevpon,  serviteur  de  l'auguste  déesse  Aphrodite; 
que  Cypris  paie  de  retour  ceux  qui  m'ont  déposé  ici.  »  Le  galet,  —  dont  la  forme 
rappelle  d'ailleurs  un  phallus,  —  est  censé  parler  lui-même.  M.  B.  rapproche  le 
T£p7:(i)V  de  cette  inscription  d'un  mot  entièrement  semblable,  écrit  au-dessus  d'une 
figure  de  Silène,  sur  un  vase  de  Capoue.  Ce  rapprochement  constitue  une  véritable 
nouveauté  pour  le  commentaire  du  précieux  monument  d'Antibcs. 

ALLEMAGNE.  —  M.  S.  Lœwenfeld  vient  de  publier  un  recueil  intéressant  pour 
l'histoire  ecclésiastique.  C'est  une  collection  de  lettres  inédites  des  pontifes  romains 
{Epistolae  Pontificum  Romanorum  ineditac,  Lipsiae,  Veit,  iS85,  288  pp.  8)  d'après 
la  collection  du  musée  Britannique  (Add.  8873),  le  ms.  de  Trinily  Collège  à  Cam- 
bridge (R.  q,  17  ;  cf.  Neues  Archiv  fur  aeltere  deuts.  Gesch.,  X,  586)  et  divers  mss. 
de  la  Bibliothèque  nationale  de  Paris.  Toutes  ces  lettres  ne  sont  pas  complètement 
inconnues  :  mais  le  texte  de  toutes  a  été  revu  avec  grand  soin.  Elles  sont  au  nombre 
de  424  et  vont  de  85o  à  iigS.  On  sait  que  M.  L.  est  l'un  des  auteurs  de  la 
nouvelle  édition  des  Regesta  de  Jaffè. 

AUTRICHE.  —  L'Académie  de  Vienne  poursuit  rapidement  la  publication  du 
Corpus  scriplontv.i  ecclesiasticorum  latiiwnmi.  Trois  nouveaux  volumes  viennent 
de  paraître  :  t.  IV,  Eugippii  Opéra,  pars  I  :  E.  excerpta  ex  operibus  S.  A.ugustini 
(éd.  P.  Knœll);  t.  X,  Sediilii  Opéra  omnia  (éd,  J.  Huemer);  t.  XI,  Claudiani  Ma- 
merti  Opéra  {éd.  A.  Engelbreciit).  Les  deux  derniers  volumes  présentent  quelque 
utilité,  quoique  pourtant,  ce  nous  semble,  il  fût  plus  utile  d'éditer  des  œuvres  plus 
remarquables.  Pourquoi  publier  ces  extraits  faits  par  Eugippius?  On  comprend 
que  M.  Knœll  se  proposant  de  donner  au  public  les  œuvres  de  saint  Augustin  (avec 
le  concours  d'un  certain  nombre  de  collaborateurs;  ait  étudié  avec  soin  les  mss.  des 
excerpta,  en  ait  même  à  la  rigueur  présenté  une  édition  critique.  Cependant  un  tra- 
vail de  ce  genre  étant  purement  préparatoire,  devait  rester  dans  les  Comptes-rendus 
et  les  Mémoires  de  l'Académie  de  Vienne.  Quel  intérêt  peuvent  présenter  en  eux- 
mêmes  \qs  excerpta, k  côté  des  œuvres  complètes  de  saint  Augustin.'  Des  morceaux 
choisis,  s'ils  n'ont  pas  un  but  scolaire,  n'offrent  guère  d'utilité  que  pour  celui  qui 
les  a  faits.  —  P.  A.  L. 

BELGIQUE.  —  M.  Henri  Pirenne  a  fait  paraître  dans  la  Westdeutsche  Zeitschrift 
fur  Geschichie  iind  Kitnst  (IV,  i,  p.  Ii3-r38,  Trêves,  Lintz)  un  très  instructif  arti- 
cle sur  l'organisation  des  études  d'histoire  provinciale  et  locale  en  Belgique;  il  y 
fait  connaître  en  quelques  pages  substantielles  l'état  des  archives  en  Belgique  et 
les  travaux  des  nombreuses  sociétés  d'histoire  locale  qui  sont  toutes  postérieures  à 
la  révolution  de  i83o. 

ÉTATS-UNIS.  —  L'enseignement  du  français  paraît  fortement  constitué  au  Ho- 
ward Collège  (Cambridge,  Mass.'.  Nous  avons  sous  les  yeux  le  programme  des 
cours  pour  l'année  i885-i8Sô;  nous  constatons  douze  sections  qui  comprennent 
tous  les  degrés  de  l'enseignement  depuis  les  éléments  jusqu'à  la  grammaire  histori- 
que et  la  philologie  romane.  Dans  les  premiers  cours,  on  enseigne  la  littérature  du 
xvu%  du  XYiii'  et  surtout  du  xix«  siècle.  Le  xv"=  et  le  xvi'  siècles  sont  étudiés  dans  le 
cours  5.  le  moyen  âge  dans  le  cours  6  ;  la  grammaire  historique,  phonétique  et 
morphologie  et  la  philologie  romane  dans  les  cours  7  a  11.  Jusqu'à  quel  point  ceS 
études  sont-elles  approfondies  ?  Il  est  difficile  de  le  dire.  Voici  cependant  un 
aperçu  des  questions  données  aux  examens  de  fin  d'année,  fait  dans  le  cours  6,  par 
le  prof.  Adolphe  Cohn.  Du  râle  de  Vaccent  latin  dans  la  formation  de  la  langue 
française;  liste  chronologique  des  principales  œuvres  du  moyen  âge  ;  brève  analj'se 
delà  Chanson  de  Roland  ;  traduction  en  français  moderne,  avec  explication  philo- 
logique, d'un  passage  de  la  Chanson  de  Roland  et  d'un  fragment  de  Maurice  de 


d'histoire  et  de  littérature  83 

Sully;  comparaison  des  deux  parties  du  Roman  de  la  Rose-,  questions  sur  la  Croi- 
sade des  Albigeois  et  Joinville.  Les  meilleurs  et  les  plus  récents  ouvrages  sur  la  phi- 
lologie et  le  littérature  du  moyen  âge  sont  signalés   et   recommandés  dans  les  sta- 
iements  des  cours.  —  Remarquons  que,  dans  les  cours  élémentaires,  on  met  entre 
les  mains  des  élèves  spécialement  des  ouvrages  d'écrivains  contemporains.  Plus  d'un 
lecteur  verra  avec  surprise   des  pièces   de  Labiche,  d'Augier,   Vabbé   Constantin  de 
Ludovic  Halévy,  etc.,  passer  à  l'état  de  textes  classiques  à  côté  du  Cid,  à' Horace, 
d'Andromaque  et  des  Fables  de  La  Fontaine.  Dans  le  catalogue  des  textes  classiques 
français  publié  par  la  grande  librairie  de  Henry  Hold,  à  Ncv/-Yorlv,  les  romans  de 
Sand,  le  théâtre  de  Scribe,  d'Augier,  de  Feuillet  éclipsent  singulièrement  nos  grands 
classiques.  Du  reste,  cela  n'a  rien  d'étonnant;  il  s'agit  avant  tout  d'enseigner  l'usage 
pratique  de  la  langue,  et  à  ce  point   de  vue  nos  romans  contemporains  ont  sur  nos 
grands  écrivains  du  xvii'  siècle  une  supériorité    naturelle  qu'on  ne  peut  contester. 
—  La  plupart  de  ces  éditions  sont  accompagnées  de  notes  ou  commentaires  qui 
ne  s'élèvent  pas  en  général  au-dessus  d'une  honnête  médiocrité    Signalons  cepen- 
dant les  annotations  qu'un  professeur  de  Madison,  M.  Edward  T.  Owen,  a  publiées 
SUT  \q  Roman  d'un  jeune  homme  pauvre  ei  la  Petite  Fadette   et  qui  se   distinguent 
par  un  sens  philologique  très  fin,  et  par  une  précision    dans  l'étude   grammaticale 
et  un  effort  à  serrer    le  sens   des   originaux  qu'on    rencontre    rarement  dans    les 
travaux  scolaires  de  ce  genre,  en  Amérique  et  ailleuis.  —  A.  D. 


ACADEMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  i  y  juillet  i8S^. 

L'Académie  déclare  vacante  la  place  de  membre  ordinaire  qui  était  occupée  par 
feu  M.  Léon  Renier,  et  tixe  au  troisième  vendredi  de  janvier  1886  l'examen  des  ti- 
tres des  candidats. 

M.  Egger  est  désigné  pour  faire  une  lecture,  au  nom  de  i'Académic,  à  la  séance 
publique  annuelle  de  l'institut,  le  ai?  octobre  prochain.  Jl  lira  son  mémoire  inti- 
tulé :  r Encyclopédie,  les  origines  du  mot  et  de  la  chose. 

M.  Léon  Heuzey  communique,  de  la  part  de  MM.  le  colonel  Gazan  et  le  D'"  Mou- 
gins  de  Roquefort,  qui  s'occupent  depuis  de  longues  années  avec  le  zèle  le  plus 
"louable  à  recueillir  et  à  publier  les  monuments  anciens  de  la  région  d'Antibes,  l'es- 
tampage d'une  inscription  latine  trouvée  en  cette  ville  en  i883,  dans  le  quartier  dit 
le  Priignon,  au  fond  d'un  ruisseau,  et  publiée  dans  le  Bulletin  monumental.  Cette 
inscription  est  ainsi  conçue  : 

CFCARINA 

INICASACER 

AETHVCOLIS 

AMENTO-F-I- 

«  f-'  Julia]  Gaii   filia  Carina  [flamjinica  sacerfdos] testamenlo  fieri   jussit.  » 

Ala  troisième  ligne,  MM.  Gazan  et  Mougins  de  Roquefort  ont  vu  un  nom  propre, 
Aetliucolis,  qu'ils  ont  pensé  être  celui  d'une  déesse  d'Antibes,  dont  Carina  était  prê- 
tresse. Cette  idée,  émise  dans  le  Bulletin  monumental,  où  le  texte  a  paru  d'abord,  a 
été  généralement  acceptée  et  a  paru  dans  plusieurs  recueils  épigraphiques.  M.  Heu- 
zey croit  devoir  l'écarter.  Le  composé  grec  AïOouy.OAt'ç  ne  serait  pas,  dit-il,  de  for- 
mation régulière.  Il  faut  séparer  les  mots  autrement,  détacher  les  lettres  AE  des 
syllabes  qui  les  suivent  et  lire  thucolis,  en  grec  Os'J'/.oAi;;,  contraction  régulière  pour 
OîCy.oAiç  (comme  0oU7,'JO'3'^ç  pour  Gsoy.UGtcr,;).  Le  mot  0eO7.o}^tç  est  la  forme  fé^ 
minine  de  Ôaoy.ÔAoç  (écrit  aussi  Osrf/.I/.S^^  qui  était,  chez  les  Grecs,  le  titre  d'une 
fonction  sacerdotale  d'un  rang  élevé.  Quant  aux  lettres  ae,  M.  Heuzey  y  voit  la  fin 
du  mot  quae  et  lit  :  Jlaminica  sacer[dos,  qu'jac  thucolis,  c'est-à-dire  prêtresse  flami- 
nique,  nommée  Os'jy.OAi;;  dans  le  dialecte  local.  A  l'époque  romaine,  on  avait  traduit 


84  REVUE    CRITIQUE    d'hISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE 

officiellement  le  litre  grec  par  l'appellation  latine  de  Jlaminica  sacerdos,  mais  les 
Aniipolitains,  tideles  à  leurs  traditions,  conservaient  dans  l'usage  le  vieux  terme  hel- 
lénique. 11  faut  donc  reléguer  la  déesse  Actlnicolis  parmi  les  «  taux  dieux  »,  comme 
disait  feu  A.  de  Longpérier.  L'inscription  d'Antibes  n'en  est  pas  moins  un  précieux 
vestige  de  l'hellénisme  dans  le  midi  de  la  France,  puisqu'elle  nous  fait  connaître 
à  la  fois  une  fonction  religieuse  d'Antipolis  et  une  forme  du  dialecte  antipolitain. 

M.  Casati  complète  les  communications  qu'il  a  faites  cette  année  sur  la  numis- 
matique étrusque  par  la  production  de  pièces  originales  et  d'empreintes  ou  dessins 
de  pièces  du  Cabinet  des  médailles,  pour  établir  le  rapport  qui  existait  entre  les 
monnaies  d'argent  et  de  bronze  et  montrer,  contrairement  à  l'opinion  reçue,  que  le 
système  monétaire  étrusque  était  un  système  homogène  qui  a  servi  de  modèle  au 
système  monétaire  romain.  L'unité  monétaire  étrusque  est  l'as  libral.  La  monnaie 
d'argent  étrusque  la  plus  répandue  porte  le  chifl're  X  et  vaut  dix  as;  c'est  le  de- 
nier. Le  demi-denier,  qui  correspond  au  quinaire  romain,  porte  le  chiffre  V  et  vaut 
cinq  as.  Le  quart  de  denier,  le  type  du  sesterce  romain,  porte  en  chiffres  étrusques 
2  1/2  ;  il  vaut  en  effet  deux  as  et  demi.  On  rencontre  encore  assez  fréquemment  le 
double  denier,  qui  porte  le  chiffre  XX  et  vaut  vingt  as.  L'antériorité  du  système 
étrusque  sur  le  système  romain  est,  selon  M.  Casati,  incontestable.  La  monnaie 
d'argent  et  la  monnaie  d'or  étrusques  présentent  un  caractère  archaïque  absolument 
spécial  et  unique,  le  revers  lisse.  M.  Casati  établit  ensuite  le  rapport  des  monnaies 
d'or  et  des  monnaies  d'argent.  Les  monnaies  d'or  étrusques  sont  très  rares.  Les 
petites  pièces  à  revers  lisse,  dont  on  connaît  5  ou  6  exemplaires,  portent  la  marque 
de  leur  valeur  dans  le  chiffre  X  et  représentent  dix  deniers.  Les  pièces  de  Vulsinii, 
d  une  époque  postérieure,  portent  des  signes  qui  dénotent  que  la  valeur  de  l'or 
avait  baissé  au  moment  où  elles  ont  été  frappées;  elles  sont  à  deux  faces  et  l'on  n'en 
connaît  que  des  exemplaires  uniques. 

M.  P.-Ch.  Robert,  en  présentant  un  travail  à  M.  Louis  Blancard  sur  les  talents 
grecs  au  i"  siècle  de  notre  ère,  signale  les  aperçus  nouveaux  contenus  dans  cet  opus- 
cule. Les  divers  talents  en  usage  dans  les  pays  grecs  se  composaient  toujours  de 
6,000  drachmes,  mais  la  valeur  même  de  la  drachme  variait  selon  les  pays.  M.  Blan- 
card a  cherché  à  établir  la  relation  qui  existait  entre  les  diverses  drachmes.  11  s'ap- 
puie principalement  sur  le  témoignage  de  deux  auteurs  grecs,  l'Anonyme  et  PoUux, 
et  d'un  latin,  Festus,  et  il  n'hésite  pas  à  proposer  au  texte  de  ces  auteurs  diverses 
corrections  que  les  données  générales  de  la  question  lui  semblent  autoriser.  Ainsi, 
il  n'admet  pas  qu'on  doive  conserver,  dans  Festus,  Alexandrinum  XII  denarium, 
et  propose,  à  l'exemple  de  Boeckh  et  de  Vasquez  Queipo,  de  modifier  cette  expres- 
sion munérale  ;  au  lieu  de  XII denaj-iiun.  il  met  X  F<=  denariorum  ;  mais,  dit  M.  Ro- 
bert, si  denariorum  s'impose,  est-il  certain  qu'on  ait  le  droit  de  changer  XII  duo- 
decim,  en  XV'^,  mille  et  quingentorum?  Quoi  qu'il  en  soit,  l'auteur  arrive,  en 
prenant  pour  base  la  valeur  de  la  drachme  attique,  à  présenter  le  tarif  suivant  d'é- 
valuation des  monnaies  grecques  au  i'"'"  siècle  de  notre  ère  : 

i"  La  drachme  attique,  base  de  comparaison; 

2°  Le  denier  romain  des  pays  grecs  d'Italie,  semblable  à  l'attique  ; 

3°  La  drachme  de  Tyr,  semblable  à  l'attique; 

40  La  drachme  asiatique  (antiochique  ou  syrienne,  rhodienne,  cistophorienne), 
valant  les  3/4  de  l'attique; 

50  Le  victoriat  de  Sicile,  courant  aussi  et  exceptionnellement  à  Reggio,  et  valant 
la  moitié  de  la  drachme  attique; 

6°  La  drachme  alexandrine,  valant  le  quart  de  l'attique; 

7°  La  drachme  arsacède  ou  babylonienne,  valant  les  7/G  de  l'attique; 

8°  La  drachme  éginète  valant  les  10/6  de  l'attique, 

Il  est  à  remarquer  que  M.  Blancard  est  en  contradiction  sur  un  grand  nombre  de 
points  avec  MM.  Mommsen  et  F.  Hultsch.  Le  premier  ne  change  rien  au  tarif  donné 
par  Festus.  Ainsi,  dans  son  histoire  de  la  monnaie  romaine,  il  ne  modifie  pas  l'ex- 
pression arithmétique  XII  denarium,  qui  s'applique  au  talent  d'Alexandrie,  et  la 
considère  comme  exprimant  la  valeur  d'un  talent  de  cuivre.  Le  second,  dans  son 
vaste  traité  de  Métrologie  grecque  et  romaine,  s'occupe  du  passage  de  Pollux,  cité 
plus  haut  et  corrigé  par  M!  Blancard.  11  en  signale  l'obscurité,  inais  le  maintient  tel 
qu'il  est  et  tente  de  l'expliquer  par  différentes  hypothèses. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Bertrand  :  Flouest  (Edouard),  Deux  stèles  de  la- 
rairc;  suivi  d'une  note  sur  le  signe  symbolique  en  S  (avec  19  planches);  —  par  M.  P.- 
Ch.  Robert  :  Blancard  (Louis),  Valeur  comparée  des  talents  grecs  au  t^""  siècle  de 
notre  ère;  —  par  M.  Delisle  :  le  Liber  pontificalis ,  texte,  introduction  et  commen- 
taire, par  Tabbé  L.  Duchesne  (Biblioihèque  des  écoles  françaises  d'Athènes  et  de 
Rome}:  —  par  M.  Heuzey  :  i»  Mougins  de  Roquefort  (P.)  et"  Gazan  (A.),  Note  sur 
une  inscription  latine  trouvée  à  Antibes  en  i883;  2°  Mougins  de  Roquefort  (P.), 
Une  ancienne  et  curieuse  cloche  à  Tourelles-  Vence. 

Julien  Havet. 

Le  Propriéiaire-Gérant  :  ERNEST  LEKUlix.._ 


Li  i^uv.  îKiprxinerie  ée  Mû'chr.<!r.oii  Hls.  bniilei'ard  Saitit-Laurer-a.  2i. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET   DE    LITTÉRATURE 


N»  31  -  3  août  -  1885 


ssoniimuii-e  s  i3o.  Lucien,  Dialogues  des  morts,  p.  p.  Tournier. —  i3i.  De  Stern, 
L'he'gémonic  lacédémonieiine  et  ihébainc.  387-362.  —  i32.  Birt,  Le  livre  chez 
les  anciens.  —  i33.  Bémon't,  Simon  de  Montfort.  —  Yariélés  :  Un  détail  bio- 
graphique relatif  à  Marceau.  —  Chronique.  —  Académie  des  Insc.iptions. 


i3o.  —  Lucien.  ïftiîslogacs  des  mortsi,  par  Ed.  Tournier;  2"'-  édition,  complétée 
par  A.  M.  Desrousseaux.  Paris,  Hachette,   1884,  xxv.  16g  p.,  in-iG. 

La  première  édition  de  ce  recueil,  donnée  en  1881  par  M.  Tournier, 
ne  renfermait  qu^un  nombre  très  restreint  des  Dialogues  des  morts^ 
choisis  et  annotés  à  l'usage  des  classes,  sept  dialogues  entiers  et  un  frag- 
ment du  vingt-septième,  en  tout  huit  morceaux.  La  deuxième  édition, 
que  nous  avons  sous  les  yeux,  et  dont  Lexécution  a  été  confiée  à  un 
élève  de  l'École  normale  supérieure,  M.  Desrousseaux,  nous  offre, 
comme  complément,  seize  autres  dialogues,  en  tout  vingt-quatre  sur 
trente  que  nous  possédons  de  Lucien.  La  suppression  des  dialogues  9, 
16.  19,  20,  23  et  28  a  été  nécessitée  par  la  destination  même  du  livre, 
—  maxima  piiero  debetur  reverentia  —  quoique  les  éditeurs,  nous 
scmbie-t-il,  aient  été  bien  sévères  pour  les  dialogues  19  et  20,  et  surtout 
pour  le  vingt-troisième,  qui  est  charmant.  En  guise  de  préface,  M.  D. 
a  donné  une  Notice  sur  Lucien,  que  ne  fait  que  résumer  la  partie  bio- 
graphique du  livre  de  M.  Groiset  ;  il  l'a  fait  suivre  de  jugements  sur 
l'auteur,  empruntés  aux  ouvrages  de  jVIM,  E.  Egger,  G.  Martha, 
A.  Pierron  et  M.  Groiset. 

Comme  ouvrage  d'enseigiiement,  ce  petit  livre  se  recommande  en 
particulier  par  la  disposition  progressive  des  dialogues  au  point  de  vue 
de  la  difficulté.  Les  notes  sont  substantielles  et  variées,  un  peu  trop 
abondantes,  à  notre  avis,  pour  un  livre  destiné  à  être  mis  entre  les 
mains  des  élèves;  les  notes  n'ont  pas  à  faire  la  besogne  du  maître.  En 
revanche,  une  chose  qui  nous  plaît  beaucoup,  ce  sont  ces  titres  don- 
nés par  les  éditeurs  à  chacun  des  dialogues  qu'ils  ont  choisis,  et  qui 
résument  bien  l'impression  du  morceau  :  il  y  a  là  quelque  chose  qui 
doit  piquer  la  curiosité  de  l'élève  et  exciter  son  intérêt;  le  procédé  est 
bon.  —  Au  point  de  vue  scientifique,  ce  petit  livre  a  une  réelle  valeur. 
La  base  du  texte  est  Tédition  de  Fritzsche,  mais,  en  maint  passage,  ses 
éditeurs  n'ont  pas  hésité  à  suivre  leur  propre  chemin,  surtout  lorsquHls 
ont  attribué  au  Vaticanus  Sj  plus  d'importance  qu'on  ne  lui  en  avait 
accordé  jusqu'à  présent.  Du  reste,  les  maîtres  qui  se  serviront  de  ce  li- 
Nouvelle  série.  XX,  3i 


86  REVUE   CRITIQUE 

vre  cil  philologues,  feront  bien  de  le  compléter  par  l'article  étendu  et 
soigné  que  M.  Desrousseaux  vient  de  publier  dans  la  Revue  de  philolo- 
gie (mars  i885),  et  qui  contient  sur  les  Dialogues  des  morts  : 
1°  les  bonnes  leçons  du  Vatic.  Sy;  2"  les  leçons  et  corrections  fondées 
sur  l'autorité  du  Vatic.  S" -,  et  enfin  3"  des  conjectures  personnelles. 

Nous  ajouterons  que,  comme  exécution  typographique,  ce  petit  livre 
ne  laisse  rien  à  désirer.  Bornons-nous  à  relever,  page  11,  une  faute 
d'impression  de  peu  d'importance.  A  la  première  ligne,  au  lieu  de 
zapâ[xsv£',  il  faut  lire  7:apâ[j.£Vî  •. 

Emile  Baudat. 


l3i.  —  <iescîiioî»te  cSeï*  spai-tanîsclien  und  tlieltanisclien  Hégémonie 
voiM  Kœnîgsfi-îedeiî  bîs  zui*  Selilaclit  beî  Mantînea,  par  Ernst  von 
Stern;  Dorpat,  Laakmann,  1884;  in-8  de  x-248  p. 

La  période  de  l'histoire  de  la  Grèce  que  M.  E.  von  Stern  a  entrepris 
de  raconter  est  une  des  plus  curieuses,  en  même  temps  qu'une  des  plus 
difficiles  à  bien  connaître.  Durant  les  vingt-cinq  années  qui  séparent  la 
Paix  du  Roi  (tel  est   le  nom   officiel  de  la  paix  vulgairement  appelée 
Paix  d'Antalcidas)  de  la  bataille  de  Mantinée  (387-362),  le  monde  grec 
est  en  proie  à  une  agitation  continuelle  :  ce  ne  sont  que  guerres  locales, 
ambassades,  congrès,  alliances,  défections.    De  tous  ces  événements  se 
dégagent  deux  grands  faits  :  l'hégémonie  lacédémonienne,  créée  par  la 
guerre  du  Péloponnèse,  mais  qui  a  peine  à  se  soutenir,  et  la  brillante 
mais  éphémère   hégémonie  de  Thèbes.    C'est  sur  ces  deux  points  que 
M.  E.  V.  S.  attire  notre  attention.  Son  livre  comprend  quatre  chapitres: 
î.  De  la  Paix  du  Roi  à  l'affranchissement  de  Thèbes;  II.  Affranchisse- 
ment de  Thèbes:  III.  De  la  première  campagne  de  Cléombroteen  Béotie 
à  la  première  expédition  d'Epaminondas  dans  le  Péloponnèse;  IV.  Hégé- 
monie de  Thèbes.  L'auteur  s'est  entouré,  pour  traiter  ces  différents 
chapitres,  de  tous  les  livres,  de  tous  les  documents    qui  pouvaient  lui 
être  de  quelque  secours.  La  liste  alphabétique,  placée  en   tête  de  son 
mémoire,  des  cent  vingt-trois  ouvrages  ou   articles  qu'il  a  consultés, 
prouve  le  soin  minutieux,  parfois  même  excessif,  qu'il  a  mis  à  s'infor- 
mer de  tout  ce  qui  concernait  son  sujet,    Le  récit,   en  général,  est  bien 
conduit,  non  sans  quelques  longueurs.  Ainsi,  au  chap.  II  (pp.  44  sqq.), 
M.  E.  V.   S.  n'a    pu  résister  au  désir  de  raconter  dans  le  détail  la  dra- 
matique délivrance  de  Thèbes  :  peut-être  eût-il   pu  glisser  plus  rapide- 
ment sur  ces  faits  connus  de  tous.  Ailleurs,  il  semble,   au  contraire, 
qu'on  pourrait  lui  reprocher  de   pécher  par  excès  de  concision  :  par 
exemple,  on  ne  voit  nulle  part  qu'il  ait  mis  en  lumière  comme  il  l'eût 
fallu   les  efforts  de   tout    un    parti    considérable,  qui  prit   naissance  à 
Athènes  en  379,  et  à  la  tête  duquel  figuraient  des   orateurs   tels   que 
Thrasyboulos  de  Collytos,  Aristophon  d'Azénia.  etc.,  pour  favoriser  la 


d'histoire  et  de  littérature  87 

révolte  thébaineet  conquérir  à  la  Béotie  une  situation  forte  et  indépen- 
dante. Malgré  ces  quelques  taches,  le  livre  de  M.  E.  von  Stern  est  un 
ouvrage  méritoire,  que  devront  consulter  tous  ceux  qui  étudieront  dé- 
sormais rhistoire  de  la  Grèce  dans  la  première  moitié  du  iv'=  siècle.  On 
regrette  seulement  qu'aucune  table,  qu'aucun  index  n'y  rende  les  re- 
cherches un  peu  plus  faciles. 

Paul  Girard. 


i'd'2..  —  Theod.  Birt.  jy>as  aMtîUe  Bucîiwesen  in  seinem  Verhœltniss  zur 
Litteratur  mis  Beitrgegen  zur  Textgeschiclite  des  Theocrit,  CatuU,  Properz  und 
anderer  Autoren.  Berlin,  Hertz,  in-8,  1882,  vit  et  5 18  p.  Prix  :  12  mark. 

Voici  un  travail  vraiment  magistral,  écrit  avec  amour,  plein  de  faits, 
plein  de  vues  neuves,  désormais  classique  dans  la  matière  et  qui  pourrait 
bien  rester  tel  encore  pendant  nombre  d'années.  Nous  avons  l'histoire 
du  livre  de  M.  Egger  '.  Mais  qu'on  la  lise  dans  le  Magasin  d'éduca- 
tion et  de  récréation  ou  dans  le  volume  formé  par  les  articles  détachés 
de  ce  recueil,  malgré  tout  ce  que  sait  M.  Egger,  malgré  tout  ce  que 
contient,  sans  qu'il  y  parîrisse,  son  exposé  clair  et  facile,  cette  histoire 
était  destinée  avant  tout  à  la  jeunesse.  Il  manquait  à  ceux  qui  étudient 
l'antiquité  une  oeuvre  d'ensemble,  réunissant  les  indications  qui  sont 
éparses  dans  des  articles  et  des  dissertations  spéciales,  les  éclairant  les  unes 
par  les  autres,  y  ajoutant,  et  par  une  critique  exacte  des  documents 
anciens,  menant  à  des  résultats  précis  :  cette  œuvre,  M.  Birt  nous  l'a 
donnée,  et  vraiment,  ou  peu  s'en  faut,  telle  qu'on  pouvait  la  souhaiter. 
Une  introduction  de  quelques  pages  indique  nettement  le  but  de 
l'ouvrage.  L'auteur  veut  nous  mettre  à  même  de  nous  représenter 
exactement  ce  qu'était  le  livre  pour  les  anciens.  Il  cherche  quelle  était 
chez  eux  la  forme,  quels  étaient  les  usages  de  la  publication,  enfin  et 
surtout  quelle  influence  ont  exercée  ces  conditions  matérielles  sur  la 
I  composition  des  œuvres  anciennes.  Suivent  neuf  chapitres  qui  se  résu- 
ment ainsi  :  1°  termes  employés  par  les  anciens  pour  désigner  soit  une 
partie  d'un  ouvrage,  soit  l'ouvrage  entier  ;  2°  le  parchemin  ;  il  n'était 
employé  que  pour  des  brouillons;  à  quelle  époque  (iv^'-v^  s.)  il  parvint 
à  supplanter  dans  les  éditions  le  papyrus  ;  3'^  division  d'un  ouvrage  en 
livres;  intluence  de  celte  division  sur  la  composition;  4°  la  ligne;  sti- 
phométrie  -  ;  5"  la  page;  6°  le  livre  ;  son  étendue;  7°  l'édition  ;  8"  con- 

1.  M.  Birt  la  cite  p.  7,  note   i . 

2.  Dans  ce  chapitre   sont  re'unis  avec  beaucoup  d'orore  et  de  clarté  les  principales 
indications  stichométriques    que    nous  fournissent    soit    les    restes  de    catalogues 

I  d'Alexandrie,  soit  les  papyrus  et  les  mss.  M.  B.,  p.  173,  n°  100,  discute  avec  beau- 
t  coup  de  sagacité  un  total  de  vers  de  Virgile  donné  par  le  Par.  i320Ô,  ix<'-x<=  s.  Ajou- 
'■  tons-y  un  total  de  vers  des  Bucoliques,  contenu  dans  la  suscription  d'une  Explana- 
tio  Jiinii  Filagvii  (Philargyrius)  des  Par.  7960,  x*^  s.  et  ii3o8,  x''  s.  :  bocolicon 
'    habet  versus  dcccxx.  Le  nombre  sera  exact  si  on  lit  dcccxxixix.  J'ai  mal  interprété  ce 


88  REVUK    CRITIQUE 

fusions  que  nous  offrent  les  mss.  dans  le  nombre  et  dans  la  succession 
des  livres;  9"  le  livre  et  les  éditions  dans  la  période  pré-alcxandrinc. 

On  voit  par  ce  dernier  chapitre  dans  quel  sens  l'auteur  entend  :  das 
antike  Buchwesen.  L'époque  qu'il  étudie,  ou  pour  mieux  dire  dans 
laquelle  il  s'enferme,  s'étend  du  n"  siècle  avant  J.-G,  auiv°  siècle  de  l'ère 
chrétienne.  Klle  a  dans  le  temps  comme  point  central  le  siècle  d'Au- 
guste, et  dans  le  monde  ancien,  comme  centres  d'activité,  Alexandrie 
et  Rome.  M.  B.  ne  traite  des  temps  antérieurs  que  dans  le  dernier  cha- 
pitre. Pourquoi?  En  partie  parce  que  nous  manquons  de  renseigne- 
ments détaillés  et  authentiques  sur  cette  première  époque;  mais  aussi 
parce  que  c'est  seulement  après  les  Alexandrins  qu'ont  été  établies  et  sui- 
vies les  règles  particulières  sur  lesquelles  M.  B.  voulait  appeler  notre 
attention. 

Le  siècle  de  Périclès  ne  les  a  pas  connues.  C'a  été  dans  l'histoire  de  la 
Grèce  un  temps  de  liberté,  un  âge  li'or  dans  tous  les  sens.  Prosateurs  et 
poètes  pouvaient  suivre  leur  verve  sans  se  soucier  de  la  dimension  du 
papyrus.  On  ne  leur  mesurait  pas  les  pages.  Non  seulement  les  gros 
rouleaux  étaient  tolérés;  ce  sont  eux  qui  dominaient  alors,  et  grâce  à 
eux,  l'auteur  pouvait  disposer  sa  matière  comme  il  l'entendait.  Après 
Callimaque  au  contraire,  le  petit  rouleau  est  de  règle,  et  l'auteur  doit  y 
songer.  Comme  chez  les  modernes,  dans  certains  ouvrages  d'une  dispo- 
sition spéciale,  il  faut  remplir  sans  les  dépasser  les  vides  de  certaines 
pages,  de  môm.e  dans  ces  siècles  désormais  de  fer  pour  la  pensée,  l'au- 
teur devait  remplir  le  cadre  du  rouleau  moyen  et  s'y  maintenir.  Chaque 
ouvrage  un  peu  étendu  comportait  des  divisions.  Or,  il  y  avait  pour 
ces  divisions,  suivant  les  sujets,  un  maximum  et  un  minimum.  L'auteur 
devait  s'y  conformer  sous  peine  de  ne  pas  trouver  d'éditeur.  J'ai  conser- 
vé dans  ce  résumé  la  forme  que  M.  B.  donne  à  ses  idées.  On  comprend 
d'ailleurs  que  devant  une  nécessité  matérielle,  si  vraiment  elle  existe,  il 
n'y  ait  ni  discussion,  ni  atténuation  possible.  Toutes  les  raisons  du 
monde  n'allongeront  pas  d'un  pouce  un  carré  de  papier. 

Ces  principes  posés,  M.  B.  les  applique  à  la  rigueur.  Tel  livre  dé- 
passe le  maximum  :  c'est  une  inhabileté,  une  faute  d'art  et  de  composi- 
tion dont  l'auteur  est  comptable.  Tel  livre  est  inférieur  au  minimum  : 
il  est  incomplet,  et  nous  n'en  possédons  qu'un  abrégé. 

Les  principes  ont  dû,  si  Je  ne  me  trompe,  étonner  plus  d'un  lecteur. 
Plutôt  que  d'admettre  toutes  les  conséquences,  on  se  sent  prêt  à  rejeter 
tout  le  système.  C'est  que  les  objections  se  présentent  en  foule  à  l'esprit, 
et  que  si  M.  B.  a  répondu  d'avance  à  quelques-unes,  il  ne  paraît  pas  en 
avoir  prévu  de  très  fortes  qu'il  ne  pourrait  écarter. 

Et  d'abord  comment  comprendre  que  la  réforme  alexandrine  ait  pu 

signe  dans  mon  essai  sur  Servius  p.  280-28  J.  —  Dans  ce  chapitre  comme  d'ailleurs 
dans  tout  son  livre,  M.  B.  cite  avec  grand  éloge  l'article  de  Graux  dans  la  Revue  de 
Philologie,  il,  187S,  p.  97,  et  il  reconnaît  {p.  i86j  le  pas  décisif  qu'ont  fait,  grâce  à 
cet  article,  les  études  de  stichométrie. 


a  HÎSTOÏKE   iiT    DK    LI  f  IKU  .".  I  UHK  89 

s'accomplir  si  entièrement  et  s'imposer  à  tous  sans  rencontrer  de  résis- 
tance? Tous  les  auteurs  ont  donc  eu  la  docilité  de  substituer  auK  divi- 
sions essentielles  et  réelles  de  leur  sujet,  des  divisions  factices,  imposées 
par  des  gens  de  métier?  Il  semble  qu'en  pareil  cas  les  cantores  Eupho- 
rfo;2«  eux-mêmes  se  seraient  mis  en  révolte  contre  leursauteurs  préférés. 
Ce  n'étaient  pas  ceux-ci  d'ailleurs,  mais  bien  les  grands  classiques  grecs, 
que  les  classiques  romains  reconnaissaient  pour  leurs  modèles.  Er  si  les 
œuvres  des  anciens  Grecs  avaient  été  dans  les  rééditions  récentes  accom- 
modées à  la  mode  alexandrine,  on  ne  manquait  pas  cependant  crédi- 
tions dressées  suivant  la  méthode  antérieure  et  nous  en  voyons  encore 
dans  les  papyrus.  Callimaque  disait:  ]}.i-{(x  Pi6/aov,  \ii-^a.  y.ay.cv;  mais 
Pline  répondait  :  bonus  liber  melior  est  qiiîsque,  quo  major.  M.  B, 
cite  p.  141,  au  siècle  d'Auguste,  Strabon,  pour  qui  la  division  en  livres 
n'était  qu'accessoire:  n'est-ce  pas  la  preuve  qu'on  pouvait  même  à  cette 
époque  ne  pas  se  soumettre  à  ces  règles  qu'on  nous  dit  inviolables?  Si 
l'usage  alexandrin  avait  été  à  ce  point  tyrannique,  nul  doute  qu'on 
n'eût  vu  à  Rome  de  libres  esprits  rompre  nettement  avec  cet  usage  et 
se  conserver  le  droit  de  couper  leurs  ouvrages  comme  ils  l'entendaient, 
et  d'écrire  des  livres  longs  ou  courts. 

Les  deux  époques  n'étaient  pas  d'ailleurs  aussi  distantes,  et  la  sépara- 
tion n'était  pas  aussi  tranchée  qu'on  le  croirait  d'après  quelques 
pages  de  M.  B.  Si  les  poèmes  d'Ennius  avaient  été  divisés  suivant  la 
méthode  alexandrine  en  livres  d'une  étendue  déterminée,  les  poèmes 
de  Liviuset  de  Néviusau  contraire  étaient  écrits  d'enfilée,  sans  division. 
Les  Romains  qui  se  sentaient  prêts  à  s'affranchir,  auraient  donc  pu, 
sans  recourir  aux  Grecs,  trouver  chez  eux  des  autorités,  qui  n'étaient 
pas  si  éloignées,  et  des  exemples  éclatants  de  l'ancienne  liberté. 

Voyons  d'ailleurs  les  faits  et  les  textes.  Est-il  vrai  que  l'état  de  la  li- 
brairie ancienne  imposât  aux  auteurs  ces  formes  arrêtées  et  invariables? 
Ne  parlons  pas  des  Grecs  du  siècle  classique,  puisque,  d'après  M.  B., 
'toutes  les  divisions  de  leurs  ouvrages  en  livres  sont  d'un  âge  postérieur. 
L'athétèse  est  bien  générale;  admettons-la;  ne  parlons,  pour  simplifier, 
que  des  auteurs  qui  ont  suivi  les  Alexandrins.  Laissons  encore  de  côté 
les  livres  publiés  séparément  ([ji,ovô6''.-SAa,  p.  43).  M.  B.  admet  pour  eux 
tant  d'exceptions  qu'en  fait  ils  ont  l'avantage  d'échapper  à  toutes  les 
règles  ^  Prenons  des  ouvrages  qui  comprennent  plusieurs  livres,  exa- 
minons ces  parties  de  l'ouvrage  en  les  comparant  les  unes  aux  autres. 
M.  B.  soutient  que  dans  toutes  les  publications  soignées,  l'étendue  des 
livres  était  sensiblement  la  même;  que  c'est  à  ce  signe  qu'on  recon- 
naissait dans  un  ouvrage    une   composition  égale  et  symétrique  [q  tôjv 

I.  Le  minimum,  pour  les  aovs6'.5Aa,  descendait  très  bas,  jusqu'à  deu.v  cents  et 
même  jusqu'à  cent  vers,  l'étendue  de  très  plagulœ;  et  pour  eux  il  n'y  avait  pas 
pour  ainsi  dire  de  maximum;  si  le  livre  était  trop  fort,  on  avait  la  ressource  de  le 
diviser  en  deux  ou  trois  parties,  comme  on  fit  pour  le  Brtitus  de  Cicéron  (p.  3i3, 
note  2),  pour  l'abrégé  de  Velleius  Paterculus  fp.  32o),  etc. 


90  REVUK    CRITIQUE 

àp(ô|xwv  àp\).o'nx,  consentanea  divisio partium,  p.    i53).  Voyons  si  cette 
règle  était  observe'e  par  les  meilleurs  écrivains  latins. 

M.  B.  indique  i  loo  vers  comme  le  maximum  régulier  pour  les  livres 
des  poètes.  Nous  comptons  bien  1090  v.  au  III''  livre  de  Lucrèce;  mais 
il  y  en  a  i  loi  au  I",  11 74  au  II';  1279  au  IV^;  1284  au  VP,  et  1455 
au  V«.  Suftit-il,  pour  écarter  l'exception,  de  dire,  comme  M.B.  (p.  292), 
que  Lucrèce  est  un  ancien  poète,  et  qu'il  a  pu  rester  étranger  à  l'in- 
fluence alexandrine  que  subirent  aussitôt  après  lui  Catulle  et  Virgile? 
— L'inégalité  n'est  guère  moindre  dans  les  satires  de  Juvénal:  P^,  990  v.; 
IP\  661;  111^,668. — Les  livres  des  Géorgiques  n'ont  qu'un  peu  plus  de 
de  5oo  v.  tandis  que  celui  des  Bucoliques  en  compte  829,  à  peu  près 
comme  ceux  de  l'Enéide.  Les  Géorgiques,  dit  M.  B.,  sont  un  poème 
didactique;  comme  l'œuvre  de  Lucrèce,  je  pense. — On  connaît  le  carac- 
tère d'Horace,  le  soin  qu'il  apportait  à  toutes  choses,  petites  et  grandes, 
le  tact  dont  il  a  toujours  fait  preuve,  dans  ses  jugements,  dans  ses 
écrits,  comme  dans  sa  conduite.  Horace  a  divisé  ainsi  les  trois  premiers 
livres  de  ses  odes  :  P»"  livre,  876  v.  ;  11%  572  v.  ;  111%  1014  v.  C'est 
un  manque  d'habileté,  dit  délibérément  M.  B.  (p.  294  besonders  un- 
geschickt  ist  offenbar  Horaz  verfahren).  Lucrèce  un  ancien,  Horace 
un  maladroit  !  voilà  des  exceptions  bien  faites  pour  ruiner  une  règle. 

Passons  à  la  prose  et  prenons  par  exemple  les  discours  de  Cicéron 
On  ne  dira  pas  de  lui  comme  de  Strabon,  de  Polybe,  de  Diodore,  qu'il 
était  de  la  vieille  école.  Laissons  les  discours  de  peu  d'étendue.  Voici  la 
seconde  action  contre  Verres.  Les  remarques  de  M.  B.  nous  font  par- 
faitement comprendre  la  division  de  ce  long  discours  en  cinq  livres  de 
sujets  distincts.  Mais  par  l'étendue,  ces  livres  ne  diffèrent  guère  moins 
entre  eux  que  ceux  des  poètes  :  I,  i58  §§,  dans  Baiter,  5o  p.;  II,  192, 
61  p.;  III,  228,  80  p.;  IV,  i5i,  55  p.;  V,  189,  62  p.  :  le  troisième 
livre  dépasse  donc  les  autres  d'un  tiers,  de  la  moitié  et  de  plus  de  la 
moitié.  On  trouverait  ailleurs  les  même  inégalités  ou  pour  mieux  dire 
la  même  variété  :  Cicéron,  Tusculanœ  :  livre  II,  de  iioo  à  1200  li- 
gnes; livre  I,  2000  1.  ;  même  différence  entre  le  i"'  et  le  2"  livre  du  De 
finibus;  De  officiîs:  livre  II,  de  1400  à  i5oo  1.  ;  I,  2  3oo  1.  ;  De  oratore : 
livre  III,  2700  1.;  II,  4000  1.;  Epist .  fam.  XIII,  2024  1.:  ad  Quint. 
111,8341.;   César.  ^.   G.  livre  II,  707  1.  ;  VII,  2073,  1.  etc.  1. 

Il  ne  faut  donc  pas  prendre  à  la  lettre  ce  que  dit  M,  Birt.  II  a  raison 
dans  l'ensemble  ;  nous  pouvons  retenir  le  fond  de  son  système  qui  a 
l'avantage  de  préciser  et  de  faire  bien  voir  les  faits,  mais  à  la  condition 

I.  M.  B.  distingue  pour  les  livres  en  prose  jusqu'à  i3  formats.  Si  le  minimum 
est  à  iioo  lignes,  le  maximum  est  à  5184  lignes.  II  y  avait,  on  le  voit,  une  belle 
marge  et  les  auteurs  pouvaient  choisir. 

Je  n'ai  pas  voulu  multiplier  les  citations;  mais  on  trouverait  bien  d'autres  exem- 
ples d'inégalités  pareilles  dans  les  lableaux  de  M.  B.  p.  326  et  suiv.  Car  M.  B.  donne, 
avec  une  grande  loyauté,  aussi  bien  les  faiis  contraires  à  son  système  que  ceux  qui 
sont  propres  à  l'appuyer. 


d'histoire  et  de  littérature  91 

de  le  ramener  à  une  forme  moins  absolue.  Dans  des  choses  qui  sont  de 
mode  et  de  commerce,  on  se  prête  à  tous  les  tempéraments  nécessaires. 
On  admet  même  les  contradictions  directes,  pourvu  qu'elles  viennent  de 
gens  d'esprit.  A  supposer  qu'Horace  ait  eu  maille  à  partir  avec  les  So- 
sie, quoi  qu'il  ait  exigé,  ceux-ci  n'auraient  pas  manqué  d'y  donner  les 
mains.  Tout  libraire  finit  par  s'entendre  avec  le  poète  le  plus  irritable 
pourvu  qu'il  ait  du  talent  et  ses  vers  du  débit.  S'il  y  avait  des  règles, 
elles  comportaient  pour  \cspolybibla  comme  pour  les  monobibla  toutes 
sortes  d'exception.  De  même  que  nous  avons  des  plaquettes,  des  volu- 
mes du  type  moyen  et  de  très  forts  volumes,  les  rouleaux  des  anciens 
étaient  de  forme  et  d'étendue  très  diverses.  Le  nombre  des  lignes  étant 
noté  dans  la  suscription,  le  copiste  prévenu  n'avait  qu'à  se  pourvoir 
d'un  rouleau  convenable.  Les  auteurs  n'étaient  pas  emprisonnés  dans 
un  cadre  étroit;  ils  n'avaient  pas  à  user  dans  une  lutte  ingrate  le  meil- 
leur de  leurs  forces;  l'écrivain  n'était  pas  esclave-né  du  copiste;  il  y 
avait  place  pour  le  libre  essor  de  l'esprit.  C'est  tout  ce  que  nous  vou- 
lions retenir. 

Si  M.  B.  a  le  tort  d'arriver  trop  vite  à  des  conclusions  trop  absolues, 
il  a  le  mérite  de  vouloir  et  de  savoir  conclure.  Ses  preuves  sont  enchaî- 
nées et  forment  un  véritable  système.  Il  voit  les  choses  et  il  tient  à  nous 
les  faire  voir.  Que  quelques  parties  perdent  ainsi  de  leur  exactitude 
comme  par  suite  d'effets  voulus  d'optique,  ce  n'est  pas  un  grand  mal, 
quand  on  a  l'avantage  de  découvrir  à  cette  vive  lumière  toutes  sortes  de 
points  jusqu'ici  laissés  dans  l'ombre.  Ajoutons  que  dans  ce  domaine 
étendu  et  qui  touchait  aux  matières  les  plus  diverses,  elles  sont  toutes 
traitées  avec  une  égale  compétence.  M.  B.  est  partout  chez  lui  et  con- 
naît les  bons  chemins. 

Ahn  de  montrer  combien  est  suggestive  la  lecture  du  livre  de  M.  B., 
qu'on  me  permette  d'en  détacher  encore  deux  remarques.  On  sait  le 
sens  que  les  modernes  attachent  au  mot  livre  :  réunion  de  ciiapitres, 
section  d'un  sujet  faite  avec  choix  et  réflexion.  Ce  sens  est  étranger  à 
l'antiquité.  Les  anciens  entendaient  par  livre  l'étendue  d'un  rouleau 
continu,  donc  une  section  forcée  et  matérielle  d'un  ouvrage.  Cf.  nos 
mots  :  tome,  volume.  On  oublie  trop  souvent  que  de  cette  signification 
ou  plutôt  de  cet  usage  résultait  la  nécessité  de  placer  au  commence- 
ment de  chacune  de  ces  sections  quelque  transition,  parfois  un  préam- 
bule; il  fallait  de  même  résumer  à  la  fin  ce  qui  avait  été  raconté  ou 
prouvé  et  s'arrêter  à  quelque  conclusion.  Un  auteur  habile  ne  man- 
quait pas  de  faire  coïncider  ces  divisions  matérielles  avec  les  divisions 
naturelles  du  sujet.  Rien  n'est  plus  juste  que  cette  observation  féconde  en 
conséquences  de  toute  sorte.  -  De  même  pour  avoir  vu  de  très  anciens 
mss.  en  parchemin,  nous  croy'ons  que  les  livresdes  anciens  Juraient  autant 
et  plus  que  les  nôtres.  Rien  n'est  plus  taux.  Le  livre  en  papyrus,  sans 
cesse  menacé  par  les  vers  et  par  l'humidité,  durait  en  moyenne  un  siècle. 
Pline  cite  comme  une  rareté  un  livre  qui  avait  deux  cents  ans.  Il  fallait 


93  REVUE    CRITIQUE 

donc  sans  cesse  les  renouveler,  et  l'on  devine  combien  se  sont  succédé 
de  copies  d'Eschyle,  de  Demosthènc,  de  Térence  et  même  de  Cicéron, 
avant  qu'on  fût  arrivé  au  temps  où,  consignés  sur  le  parchemin,  ces 
ouvrages  prirent  enlin  une  forme  plus  durable. 

L'auteur  raconte  dans  sa  préface  qu''il  a  été  amené  à  traiter  son  sujet 
en  étudiant  d'abord  les  rapports  du  livre  avec  la  littérature.  C'est  aussi 
par  ce  côté  que  le  lecteur  sera  surtout  attiré  et  c'est  là  qu'il  s'arrêtera 
davantage.  On  trouvera  dans  les  chapitres  qui  touchent  à  l'histoire  litté- 
raire des  conclusions  neuves  et  très  vraisemblables  sur  beaucoup  d'au- 
teurs: sur  Catulle,  dont  les  œuvres  formaient  d'abord  quatre  livres  ;  sur 
les  poèmes  de  Tibulie  qui  n'en  comptaient  que  deux;  sur  Properce  dont 
le  premier  livre  (monobiblos)  était  indépendant,  tandis  que  les  quatre 
autres  (II  A,  1-9;  II  B,  16-34;  III  et  IV)  forniaient  un  groupe  et  une 
édition  séparée,  cûv-raÇtç.  Je  pourrais  citer  aussi  ce  qui  est  dit  de  Théo- 
crite  ',  de  Nonius,  de  Phèdre;  de  l'Anthologie  grecque,  où  M.  B.  re- 
trouve un  livre  isolé  (Epideictica,  21 5-3 12);  deV Anthologie  latine  qu'il 
regarde  comme  un  abrégé,  fait  vers  le  vu*^  siècle,  d\\ne  Anthologie  com- 
posée vers  le  milieu  du  vi". 

Voici  quelques  critiques  de  détail.  M,  B.  cite  p.  407  la  fin  de  l'épi- 
gramme  de  Martial  à  Silius,  IV,  14  :  «  sic  forsan  tener  ausus  est  Catul- 
lus  magno  mittere  passerem  Maroni  ;  »  et  il  en  veut  tirer  un  indice  de 
lu  division  primitive  des  poèmes  de  Catulle  en  livres;  la  première  épi- 
gramme  servirait  ici,  comme  c'était  l'usage  chez  les  anciens,  à  désigner  le 
livre  entier.  Mais  on  objectera  que  le  fait  lui-même  n'est  ni  vrai,  ni 
vraisemblable  :  tout  le  prouve,  les  dates,  le/orsan  qui  est  modeste,  le 
ton  même  du  passage.  Il  faut  mettre  quelque  peu  du  sien  pour  conclure 
de  l'hypothèse  de  Martial  à  la  forme  réelle  des  poèmes  de  Catulle. 

On  aurait  à  regretter  çà  et  là  des  obscurités  dans  la  rédaction,  des  di- 
gressions, et  souvent  des  longueurs.  On  eût  volontiers  renoncé  a\ixprœ- 
mia  déplus  d'un  chapitre  et  à  mainte  broderie  sur  des  thèmes  connus 
(ainsi  p.  290,  299  etc.)  pour  avoir  les  indications  que  nous  refuse  ensuite 
l'auteur,  faute  de  place  (ainsi  p.  419  et  p.  426).  —  Toute  la  p.  3i  pou- 
vait être  supprimée.  La  phrase  discutée  est  empruntée  à  urie  scolie  de 
Servius,  ^En.  I,  368,  qu'on  ne  trouve  que  dans  les  mss.  du  xv^  siècle, 
(édition  Thilo  :  add.  D),  et  qui  n'apparaît  pour  la  première  fois  que  dans 
les  éditions  de  Fabricius.  Le  rapprochement  est  dû  à  quelque  humaniste 
de  la  Renaissance.  Rien  d'étonnant  qu'il  se  soit  exprimé  avec  inexac- 
titude et  en  mauvais  latin. —  Pour  la  notation  d'Asconius,  p.  159  : 
«  circa  tertiam  partem  a  primo,  »  le  régime  n'est  plus  ici  comme  dans 
les  autres  citations  du  Pro  Scaiiro:  orationis;  il  faut  sous-entendrc 
quelque  autre  mot.  En  raporochant  ce  qui  est  dit  p.  179.  de  rhabitudj 
d'Asconius  et  de  la   nature  du  texte  dont  il  se  servait  fopistographa) , 

I.  Voir  dans  \a.  Revue  du  ii  octobre  1881,  p.  3i5,  un  article  sur  l'étude  de 
M.  Birt.  intitulée  'EXTrfcs;. 


D  HISTOIRK    KT    DK    LnXlCRATUKK  g^ 

on  pourrait,  ce  me  semble,  entendre;  «  circa  tertiam  parîcm  chartœ  »  : 
ùu  recto.  —  Le  changement  que  propose  M.  B.  pour  Properce  (II,  lo, 
7-8,  vers  à  reporter  après  20)  n'est  pas  satisfaisant,  et  le  sens  qu'il  donne 
à  qiiando  {quand ,  avec  le  sens  tutur)  est  contredit  par  le  temps  de  dicta 
est.  —  De  même  il  y  a  erreur  sur  la  citation  de  Senèque  p.  i55.  Le 
parfait  recessi  aurait  dû  mettre  en  garde  M.  B.  Senèque  fait  allusion  au 
§  16,  33,7,  B.  de  la  même  Siiasoria  :  «  quod  a  declamatoribus  ad  lus- 
toricos  transeoy>.  S'il  y  a  digression,  c'est  là  qu'elle  commence,  et  non 
à  partir  de  la  VU"  <c  suasoria;  »  ou  plutôt  il  n'y  a  nulle  part  aucun  rem- 
plissage. Il  est  singulier,  mais  il  est  certain  que  Senèque  avait  à  se  faire 
pardonner  de  ses  fils,  grands  amateurs  de  déclamations,  les  citations 
curieuses  qu'il  venait  de  faire.  —  L'exemple  du  Pro  Archia  p.  206.  est 
bien  bizarrement  placé  entre  une  citation  d'Isocrate  et  une  autre  d'Hé- 
rode  Atticus.  Une  s'agit  pas  ici,  comme  dans  ces  deux  auteurs,  de  lignes 
de  prose,  mais  de  vers,  puisque  Gicéron  ajoute  aussitôt  :  «  atque  sic 
accepimus /7oe?a?n...  » 

Je  suppose  que  M.  B.  préfère  â  toutes  les  parties  de  son  livre  sa  pré- 
face, sa  conclusion  et  quelques  pages  écrites  du  même  style  (p.  872  etc.). 
Pour  moi,  j'avoue  que  c'est  là  justement  ce  qui  me  plaît  le  moins  dans 
son  ouvrage;  je  ne  puis  m'empêcher  de  trouver  de  mauvais  goût  des 
rapprochements  entre  la  liberté  des  républiques  grecques  et  le  système 
des  gros  rouleaux,  entre  la  monarchie  alexandrine  ou  romaine  et  le 
système  des  petits  rouleaux.  M.  Birt  a  manque  sa  conclusion  :  il 
n'importe,  puisqu'il  n'a  pas  manqué  son  livre. 

F^.  Thomas. 


l33,  _  §^inion  «le  Montrort:,  eois»te  «!e  I^eîcestei*;  sa  vie  (S*iO^-B  %G;j), 

son  l'ôlo  politique  en  Fi-amco  et  ers  7^sj,',;!eïei-j"es  pai'  Charles  Bémon'T, 
docteur  ès-lettres.  Paiis,  Alphonse  Picard,  i  vol.  in-8,  de  xxviii-Sijj  pp.  Prix  : 
7  fr.  5o. 

La  figure  de  Simon  de  Monfort,  l'une  des  plus  grandes  et  des  plus 
incertaines  de  l'histoire  d'Angleterre,  a  prêté  à  une  multitude  de  re- 
constitutions; le  vague  même  dont  son  image  était  entourée,  a  permis 
aux  esprits  inventifs  de  redresser  le  personnage,  de  l'exagérer,  de  le 
douer  de  rares  vertus  policiques  et  de  nous  le  présenter  tel  qu'un  géant 
des  temps  héroïques.  A  côté  du  front  nimbé  de  Saint-Louis,  sa  tête  guer- 
rière est  placée  par  une  foule  d'historiens  dans  leur  galerie  des  grands 
hommes  du  xni"  siècle  comme  celle  d'un  génie  protecteur,  chargé  de 
défendre,  devant  le  tribunal  de  la  postérité,  le  renom  de  cet  âge  épique. 
Rapprochés  de  ces  modèles  gigantesques,  les  pygmées  des  siècles  sui- 
vants ne  gagnent  guère  à  la  comparaison  et  nous  les  voyons  défiler, 
mesquins  personnages,  stigmatisés  presque  tous  par  la  qualification  d'â- 
mes égoïstes,  d'esprits  étroits,  de  cœurs  petits.  Pour  le  principal  histo- 


94  REVUE   CRITIQUE 

rien  tie  la  constitution  anglaise,  M.  Stubbs,  on  sait  que  le  xiii"  siècle 
n'est  rien  moins  qu'  «  une  époque  héroïque...  un  âge  de  dévouement  et 
d'abnégation.  » 

M.  Bémont  n'a  voulu  faire  ni  l'apologie  ni  le  procès  du  comte,  ni 
même  reconstituer  de  toutes  pièces  sa  figure  en  comblant,  au  moyen 
d'hypothèses,  les  vides  laissés  par  le  temps.  Son  travail  est  autrement 
louable  et  utile,  car  il  a  su  se  restreindre,  malgré  des  tentations  évidem- 
ment bien  vives,  à  dresser  Tinventaire  méthodique  des  faits  connus 
d'une  manière  positive  qui  concernent  l'illustre  guerrier  ou  auxquels  il 
fut  mêlé.  Dès  que  l'authenticité  des  récits  devient  douteuse.  M.  B.  nous 
avertit;  dès  que  les  documents  font  défaut  et  que  la  légende  commence, 
il  a  le  courage  de  s'arrêter.  La  part  du  réel  et  du  fictif  est  faite  avec  le 
soin  le  plus  consciencieux;  désormais  nous  savons  quels  fragments  de 
cette  histoire  sont  venus  jusqu'à  nous  et  quelles  lacunes  subsistent;  nous 
avons  sous  les  yeux  quelque  chose  de  pareil  aux  grandes  plaques  niel- 
lées des  tombes  de  Westminster,  à  celles  qui  ont  été  pieusement  lavées 
de  leurs  poussières  mais  non  pas  restaurées.  Ce  que  le  temps  a  respecté 
parait  net  aux  regards,  les  brisures  et  les  vides  ne  sont  point  dissimulés 
et  le  visiteur  n'est  pas  induit  à  prendre  pour  antiques  les  ingénieuses 
reconstitutions  des  artistes  contemporains.  C'est  parce  qu'il  a  épuisé  en 
conscience  les  sources  d'information  que  présentent  les  archives  de  Pa- 
ris, de  Londres,  de  Leicesîer,  d'Oxford,  que  M.  B.  peut  avouer  sans 
honte  dans  certains  cas  qu'il  ne  sait  pas  :  ce  qui,  en  termes  plus  généraux 
et  moins  modestes,  signifie  :  «  personne  ne  sait.  »  C'est  ainsi,  il  faut  le 
reconnaître,  que  la  clef  des  différends  survenus  entre  Simon  et  son  ne- 
veu Esquivât  de  Chabannais,  avec  toutes  leurs  phases  contradictoires, 
est  encore  à  découvrir,  et  ainsi  encore  que  la  vie  de  famille  du  comte 
de  Leicester  se  dérobe  «  sous  un  voile  difficilement  pénétrable  ;  »  nos 
renseignements  sur  son  enfance,  son  éducation,  la  date  de  sa  naissance 
sont  également  insuffisants.  En  revanche,  les  deux  périodes  de  sa  car- 
rière les  plus  importantes  au  point  de  vue  historique  viennent  en  pleine 
lumière,  savoir  la  péiiode  de  son  gouvernement  de  la  Gascogne  et  le 
temps  dans  lequel,  selon  la  juste  expression  de  M.  B.,  Simon  joua  en 
Angleterre  le  rôle  de  «  protecteur  »  du  royaume. 

Dans  son  métier  de  vice-roi  d'une  province  turbulente  et  riche,  Simon, 
qui  ne  faisait  guère  que  débuter  dans  la  vie  publique,  se  révèle  tout  de 
suite  tel  qu''on  le  retrouvera  à  Lewes,  à  Londres  et  à  Evesham  :  esprit 
pratique,  intrépide,  sans  scrupules  et  sans  pitié,  alliant  le  soin  de  sa  for- 
tune à  la  poursuite  du  bien  public,  mais  beaucoup  moins  préoccupé  de 
celui-ci  que  de  celle-là.  L'état  de  la  Gascogne  à  cette  époque  est  tort 
curieux  à  étudier;  ses  habitants  étaient  traités  par  le  comte  et  par  ses 
soldats  d'après  des  méthodes  fort  semblables  à  celles  que  nous  avons  vu 
appliquer  aux  tribus  barbares  de  l'Algérie  dans  les  premiers  temps  de  la 
conquête;  les  campagnes  incessantes  répondaient  aux  révoltes  incessan- 
tes ;  le  pillage  et  les  ghazias  servaient  de  part  et  d'autre  d'encouragé- 


OHISTOIRK    ET    DE    Li'fTÉUATURK  gS 

ment  pour  le  soldat.  La  justice  de  Simon  est  expéditive  et  peu  minu- 
tieuse; tantôt  il  brûle  contenant  et  contenu,  toute  une  maison  pleine 
de  bandits  (ch.  ii  p.  3g),  tantôt  il  protège  un  brigand  qui  a  su  lui 
plaire;  partout  où  il  est  vainqueur,  il  pille  et  rançonne  les  vaincus.  On 
ne  suivra  pas  avec  moins  d'intérêt  Thistoire  des  interminables  querelles 
des  Rostein  et  des  Colon,  ces  Montagu  et  ces  Gapulet  de  Bordeaux,  qui, 
par  leurs  dissensions,  partagent  la  ville  en  deux  camps,  et  ensanglan- 
tent le  pays,  et  que  Simon  ruine  et  tue  autant  qu'il  peut,  pour  avoir  la 
paix. 

Rapproché  de  ses  contemporains  et  surtout  de  son  souverain  le  vacil- 
lant, faible  et  ambitieux  Henri  III,  Simon,  comme  Gromwell  et  comme 
Napoléon,  mais  sans  avoir,  tant  s'en  faut,  un  génie  égal,  semble  un 
homme  de  fer  marchant  parmi  des  hommes  de  liège.  Quiconque  est 
frôlé  par  sa  lourde  cotte-de-mailles,  tombe.  Inquiet  de  la  mobilité 
de  caractère  du  roi  et  des  revirements  soudains  qu'il  avait  remar- 
qués dans  les  esprits  de  ses  compatriotes  d'Angleterre,  Simon  de  Mont- 
fort  chercha  à  donner  quelque  iixité,  par  le  moyen  des  serments  les  plus 
solennels,  aux  engagements  politiques,  qu'il  avait  besoin  de  faire  pren- 
dre au  prince  et  à  son  peuple.  Le  renouvellement  des  grandes  chartes 
fut  le  moyen  qu'il  employa  vis-à-vis  du  roi  ;  la  convocation  d'un  par- 
lement extraordinaire  fut  celui  qu'il  adopta  vis-à-vis  de  la  nation.  M.  B. 
montre  avec  la  plus  parfaite  lucidité  que  :  i"  Simon  n'eut  aucunement 
ridée  noble  et  désintéressée,  à  lui  prêtée  par  beaucoup  d'historiens,  de 
mettre  entre  les  mains  du  peuple  un  instrument  de  contrôle  qui  permît 
aux  masses  de  résister  en  cas  de  besoin  aux  empiétements  delà  royauté;  il 
s'agissait  pour  le  comte  d'assurer  la  durée  de  lois  d'Etat  fondamentales,  et 
il  lui  parut  nécessaire  que  le  plus  grand  nombre  possible  de  représen- 
tants du  pays  les  consacrassent  de  leur  aveu;  il  leur  demanda  «  moins  une 
discussion  que  leur  assentiment  aux  résolutions  déjà  prises  »  (ch.  vu, 
p.  23o)  ;  2°  Simon  n'eut  aucunement  l'idée  d'inventer,  d'innover,  de  don- 
ner une  constitution  politique  à  sa  patrie;  on  ne  saurait  soutenir  avec 
M.  Stubbs  qu'il  prévit  en  aucune  manière  «  l'utilité  et  les  gloires  futu- 
res »,  de  l'institution  du  parlementa  II  n'eut  rien  à  emprunter  ni  à  la 
Gascogne,  ni  à  l'Aragon,  ni  à  la  Sicile,  comme  on  l'a  soutenu  tour  à 
tour.  Il  ne  fît  rien  que  s'inspirer  de  précédents  purement  nationaux 
qui,  il  est  vrai,  reçurent  par  son  fait  une  importante  consécration.  La 
réunion  d'un  «  Conseil  commun  »  ou  parlement  du  royaume  était 
chose  usuelle  et  normale;  depuis  l'époque  de  la  majorité  d'Henri  III, 
en  particulier,  il  .s'était  assemblé  à  peu  près  tous  les  ans.  Il  était  formé 
principalement  par  les  membres  de  la  haute  noblesse  et  de  la  haute 
église  ;  mais  dans  les  circonstances  importantes  on  y  avait  appelé  aussi 
de  moindres  personnages.  En  121 3  les  représentants  des  villes  y  avaient 
été  convoqués;  en  1227  tous  les  libres  tenanciers  de  la  couronne  y  figu- 


I.  Constitutional  History  of  England,  Oxford  1880,  t.  II,  çh.  xiv,  p.  io8. 


96  REVUK    CRITIQUE 

rent;  en  1247  les  représentants  de  toute  la  noblesse,  la  haute  et  la  basse, 
sont  appelés;  en  1254  deux  chevaliers  par  comté  viennent  siéger;  Simon 
lui-même  convoque  quatre  chevaliers  en  1264.  ^'"  J265,  il  réunit  le 
célèbre  parlement  où  figurèrent,  avec  les  barons  et  les  prélats,  à  la  fois  les 
délégués  des  villes  et  les  chevaliers  des  comtés.  Cet  appel  simultané  des 
représentants  de  la  classe  urbaine  et  de  la  classe  rurale  est  sans  doute  fort 
remarquable;  mais  c'est,  dans  l'histoire  de  la  constitution  anglaise,  une 
innovation  moins  capitale  que  celle  qui  fit  appeler  pour  la  première  fois 
au  conseil  commun,  les  députés  bourgeois  en  121  3.  Simon  eut  telle- 
ment peu  l'intention  d'innover  ou  même  simplement  d'établir  ce  précé- 
dent à  titre  de  règle  qu'ayant  eu  encore  à  convoquer  un  parlement  en 
juin  de  cette  même  année  i265  (son  dernier  parlement),  il  n'y  fut  plus 
question  des  communes.  Celles-ci  ne  furent  régulièrement  appelées  que 
que  lorsque  la  royauté  reconnut,  à  n'en  pas  douter,  le  besoin  permanent 
qu'elle  avait  de  leur  aveu  :  cela  eut  lieu  sous  Edouard  I".  Les  deux 
grandes  dates  de  l'histoire  parlementaire  au  xiii''  siècle  sont  donc  12  r  3 
et  1295.  La  date  i265  marque  seulement  une  étape  intermédiaire  dont 
l'importance  est  certaine,  mais  a  été  généralement  exagérée. 

Chemin  iaisant,  dans  le  cours  de  cette  biographie,  on  trouvera,  à  côté 
des  grands  faits  que  nous  venons  de  résumer,  une  foule  de  détails  et 
d'exposés  d'un  très  vif  intérêt  historique.  On  ne  fera  pas  sans  plaisir  la 
connaissance  des  amis  de  Simon,  de  Robert  Grosseteste,  évéque  de  Lin- 
coln, à  qui  il  confiait  volontiers  ses  enfants  lors  de  ses  absences,  de  Jean 
de  Basingstoke,  l'un  des  rares  clercs  anglais  qui,  commue  le  précédent,  sa- 
vaient le  grec  au  xiir  siècle,  d'A.dam  de  Marsh  qui  écrivait  au  batailleur 
pour  lui  conseiller  de  lire  les  Ecritures,  notamment  «  les  chapitres  29, 
3o  et  3  r  du  livre  de  Job...  et  les  plus  suaves  dissertations  de  saint  Gré- 
goire, »  dans  le  temps  que  Simon,  tout  occupé  de  guerres,  de  conquêtes 
et  de  procès,  courait  grand  chance,  en  effet,  de  négliger  ces  méditations  si 
recommandables  (ch.  ni).  On  trouvera  encore  dans  le  livre  de  M.  B.  des 
exposés  sommaires  très  bien  faits  de  plusieurs  grands  mouvements  so- 
ciaux politiques  ou  religieux  contemporains  de  Simon,  tels  que  l'éta- 
blissement des  dominicains  et  des  franciscains  en  Angleterre  (ch.  ui),  la 
réforme  et  la  confirmation  des  grandes  chartes  (ch.  iv),  l'institution  ré- 
gulière des  juges  errants  ou  itinérants  (ch.  iv),  etc. 

Pour  faire  jusqu'au  bout  métier  de  critique,  nous  contesterons,  du 
moins  pour  partie,  en  finissant,  le  sens  donné  par  M.  Bémont  au  mot 
a  honourwCch.  n).  Il  n'y  a  pas  de  doute  que  dans  beaucoup  de  cas 
a  honour  »  avait  la  signification  de  c<  caput  baroniaî.  »  C'était  le  ma- 
v\o\v principal  du  seigneur,  celui  que  nous  appellerions  le  lieu  de  son 
domicile  légal  et  qui  était  considéré  comme  le  centre  de  son  action  sur 
ses  divers  autres  manoirs.  C'est  ainsi,  par  exemple,  que  le  château  de 
Chilham  était  la  tête,  1'  «  honour  »  de  la  baronnie  de  Douvres.  Nous  re- 
procherons aussi  à  M.  B.  une  bibliographie  un  peu  maigre  dans  laquelle, 
sans  parler  du  livre  fondamental  de  M.  Thorold  Rogers,  sur  les  prix, 


d'histoire    et    DlC    LITTÉRATURE  9/ 

ùoiJt  M.  B.  a  sûrement  fait  usage,,  le  bel  ouvrage  de  M.  Elton  (Tenures 
o/Kent,  Londres,  1867,  in-8°),  qui  contient  le  résultat  de  recherches  im- 
portantes sur  les  diverses  sortes  de  tenures  non  seulement  dans  le  Kent 
mais  dans  toute  l'Angleterre,  aurait  dû  incontestablement  figurer.  Mais 
c'est  pour  nous  un  devoir,  en  considérant  une  dernière  fois  l'ensemble, 
de  rendre  hommage  à  la  lucidité,  au  soin,  au  véritable  sens  historique 
avec  lequel  M.  Bémont  a  traité  son  difficile  sujet.  L'Académie  française 
en  le  couronnant  il  y  a  quelque  temps,  n'a  fait  que  lui  rendre  justice,  et 
les  historiens  de  l'avenir  lui  rendront  justice  aussi  en  adoptant,  pour 
formuler  leur  jugement  définitif  sur  le  comte  de  Leicester,  la  dernière 
phrase  de  sa  conclusion  :  «  Sans  peut-être  en  avoir  conscience  [Simon] 
a  créé  un  des  précédents  les  plus  caractérisés  qui  préparèrent  la  lente 
évolution  de  l'Angleterre  vers  la  liberté  politique;  il  n'a  pas  créé  autre 
chose,  mais  cela  suffit  à  sa  gloire.  » 

J.  J. JUSSERAND. 


VARIETES 


Un  dclaîl  I>io;îi>ai>Iiique    i-elatif  à  I%i!ai>ceau. 

J'ai  dit  dans  le  dernier  numéro  de  la  Revue  critique  (n"  3o,  27  juil- 
let, p.  77,  note  i)  que  Marceau  devait  être  lieutenant-colonel  par  in- 
térim au  siège  de  Verdun.  Voici,  en  effet,  ce  que  dit  le  meilleur  biogra- 
phe de  l'héroïque  Ghartrain,  Doublet  de  Boisthibault.  qui  nous  assure 
avoir  reçu  des  bureaux  de  la  guerre  la  copie  des  états  de  services  du 
général  :  Marceau  était  capitaine  du  i"  bataillon  des  volontaires  na- 
tionaux d'Eure-et-Loir  le  12  juillet  1792;  puis  adjudant-major  le 
ler  décembre  de  la  même  année,  et  lieutenant-colonel  le  25  mars  1793. 
Mais,  en  ce  cas,  comment  Marceau,  simple  capitaine  le  i^r  septembre 
1792,  aurait-il  signé,  à  cette  date,  la  délibération  du  conseil  défensif  de 
Verdun  en  qualité  de  lieutenant-colonel?  Pour  résoudre  la  difficulté, 
il  fallait  supposer  qu'il  n'avait  alors  ce  grade  de  lieutenant-colonel  que 
provisoirement. 

Un  examen  attentif  des  lettres  de  Marceau  reproduites  par  Doublet 
de  Boisthibault  m'a  convaincu  que  les  dates  données  et  par  ce  biographe 
et  par  les  bureaux  de  la  guerre  sont  entièrement  inexactes  et  que  Mar- 
ceau était  en  réalité  le  1"  septembre  1792  lieutenant-colonel  en  second 
du  i"  bataillon  d'Eure-et-Loir. 

Doublet  publie,  en  appendice,  58  lettres  de  Marceau.  Il  place  la 
8"  de  ces  lettres  qui  n'est  pas  datée,  en  1793.  On  y  lit  le  passage  suivant  : 
«  Je  suis  plus  élevé  d'un  grade  et  d'adjudant-major,  je  suis  lieutenant- 
colonel  en  second.  » 


98  REVUE   CRITIQUE 

Mais  cette  lettre  est  timbrée  de  Reims;  les  lettres  préce'dentes  qui 
portent  les  n°^  3  et  4  portent  également  le  timbre  de  Reims  ;  dans  la  lettre 
n°  3  Marceau  signe  «  adjudant-major  »  et  dans  la  lettre  n°  4.  «  lieute- 
nant-colonel »  :  la  lettre  n"  3  étant  du  i3  mars  1792  et  la  lettre  n»  4  du 
4  mai  1792,  c'est  à  la  iin  de  mars  et  probablement  dans  les  premiers 
jours  d'avril  1792  que  Marceau  fut  nommé  lieutenant-colonel  et  c'est  à 
cette  date,  entre  les  deux  n°'  3  et  4.  que  doit  figurer  la  lettre  8,  que 
Doublet  a  mise  par  erreur  à  l'année  1793. 

En  résumé,  on  ne  peut  admettre  les  chiffres  que  donne  Doublet 
sur  les  commencements  de  la  carrière  militaire  de  Marceau.  L'intrépide 
soldat  se  fait  inscrire  comme  volontaire  le  27  juin  179 1  ~  on  m'a  com- 
muniqué ce  détail  à  Chartres  tout  récemment;  —  peu  après  il  est  élu 
capitaine,  puis  adjudant-major,  enfin  lieutenant-colonel  en  second, 
et  il  a  ce  dernier  grade  avant  le  4  mai  1792. 

Je  profite  de  cette  occasion  pour  ajouter  un  nouveau  détail  à  mon 
article  sur  le  Hoche  et  Marceau  de  M.  Albert  Duruy.  Je  disais  que 
Chérin,  le  fidèle  chef  d'état-major  de  Hoche,  reposait  lui  aussi  en  terre 
étrangère  à  Huningue.  J'ai  lu  depuis  que  le  Conseil  des  Cinq  Cents 
avait  ordonné,  sur  la  proposition  de  Joseph  Chénier,  de  réunir  les 
restes  de  Chérin  à  ceux  de  Hoche  et  de  Marceau  dans  le  mausolée  élevé 
sur  les  bords  du  Rhin  [Moniteur  du  1 3  messidor  an  VII). 

A.  Chuquet, 


CHRONIQUE 


ALLEMAGNE.—  Les  20  et  21  juin  s'est  réunie  à  Weimar  une  «  assemble'e  consti- 
tuante »,  composée  de  plus  de  cent  personnes  et  chargée  de  fonder  une  Société  de 
Gœthe  (Gcethc  Gesellschaft).  Dans  la  séance  du  20  juin,  M.  de  Loen,  nommé  président 
de  l'Assemblée,  annonça  que  par  testament  de  Walter  de  Gœthe,  le  dernier  descen- 
dant du  poète,  la  grande-duchesse  de  Saxe  Weimar  possédait  désormais  toutes  les 
archives  de  Gœthe;  qu'elle  voulait  rendre  ce  précieux  trésor  accessible  à  la  nation; 
qu'elle  désirait  faire  entreprendre  deux  grands  travaux  :  1°  une  édition  authentique 
de  Gœthe,  d'après  les  matériaux  existants,  les  travaux  préliminaires  inédits,  et  les 
fragments  du  poète  ;  -2.°  une  vaste  biographie  de  Gœthe  qui  épuiserait  le  sujet.  Après 
ce  discours  de  M.  de  Loen,  l'assemblée  adopta  les  statuts  de  la  Gcethe-Gesellschaft 
(réunions  annuelles  des  membres,  continuation  du  Gxthe-Jahvbuch,  représentation 
des  œuvres  dramatiques  de  Gœthe,  conférences  sur  le  poète,  fondation  d'une  grande 
Gœtlie-Bibliothek  à.  Weimar  dans  le  «  Gœthe-Archiv  »,  enrichissement  du  «  Gœthe- 
Museum  »,  comité  de  onze  membres  dont  trois  demeurent  à  Weimar  ou  à  Jena, 
souscription  annuelle  de  10  mark,  etc.).  Dans  l'après-midi  eut  lieu  un  banquet  et 
le  soir,  au  théâtre,  fut  jouée  Stella.  Dans  la  séance  du  lendemain  (21  juin)  on 
nomma  le  comité  qui  fut  composé  de  MM.  Simson,  Schcrer,  de  Loen,  K.  Fischer, 
P.  Heyse,  de  Loeper,  de  Beaulieu,  Rûmelin,  E.  Schmidt,  Eggeling,  Ruland. 
MM.  Ruland,  de  Loeper  et  Scherer  prirent  successivement  la  parole.  M.  Ruland 
parla  de  la  richesse  des  collections  artistiques  de  Gœthe.  M.  de  Loeper  annonça 
qu'il  avait  fouillé  deux  armoires,  sur  six,  des  archives  de  Gœthe  ;  il  a  trouvé  le  seul 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  qg 

exemplaire  connu  de  la  Hœlleiifalvt  Jau  Christi  dans  un  journal  uc  Francfort, 
die  Sichtbaren  (1766),  le  manuscrit  du  Juif  errant,  le  premier  manuscrit  de  Gœt:^, 
des  dialogues  inédits  de  1774  (14  cet.)  où  Frau  Aja  joue  un  rôle,  plusieurs  ma- 
nuscrits de  Promêthée  (un  de  Lenz,  un  autre  de  M"^'  de  Gœchhausenj,  un  petit  vo- 
lume où  Gœthe  a  rassemblé  ses  poésies  de  jeunesse,  un  autre  qui  contient  celles 
qu'on  a  trouvées  dans  les  papiers  de  Herder  et  de  M°"  de  Stein,  trois  copies  du 
Triumph  dcr  Empfindsamkeit,  trois  versions  des  Mitschuldigen,  le  ms.  d^Iphigénie 
en  prose  et  en  iambes,  celui  d'Elpénor  en  double,  celui  du  Tasse,  le  commencement 
d'une  tragédie  en  cinq  actes,  Das  Mcedchen  von  Oberkirch,  les  Elégies  romaines 
entièrement  de  la  main  de  Gœthe,  les  Epigrammes  vénitiennes ,  trois  manuscrits 
autographes  renfermant  de  nombreuses  poésies  inédites,  les  unes  erotiques,  les  au- 
tres dirigées  contre  Lavater,  le  Grand-Cophte  sous  forme  d'opéra,  le  ms.  de  Her- 
mann  et  Dorotiiée,  corrigé  peut-être  par  Humboldt,  revu  certainement  par  Gœthe, 
un  très  beau  ms.  de  V Achilléïde  et  la  première  esquisse,  jusqu'au  NI"  chant,  de  l'en- 
semble de  cette  épopée,  des  essais  sur  Homère,  et,  par  ex.  un  Versuch  eine  dunkle 
homerische  Stelle  ^11  erklcercn  et  un  essai  de  traduction  en  hexamètres  de  plusieurs 
chants,  de  nombreux  matériaux  sur  le  Divan,  (toutes  les  poésies  autographes,  datées 
pour  la  plupart,  et  avec  diverses  variantes),  un  très  grand  nombre  de  petites  pièces 
devers  {Zahme  Xcnien,  Invectivcn,  politische  Verse,  Eroiica,  satires),  l'esquisse 
d'un  Volksbuch  populaire  (1808),  les  journaux  que  tenait  Gœthe  ou  Tagebùcher  de 
177Ô  au  16  mars  i832  (avec  une  lacune  de  1782  à  1796,  faiblement  comblée  par 
deux  appendices  datés  l'un  de  1791,  l'autre  de  1793).  M.  de  Loeper  remarque  à  ce 
propos  que,  plus  le  poète  avance  dans  la  vie,  plus  son  journal  devient  détaillé  et 
plein  de  choses;  au  moment  de  la  mort  de  Schiller,  Gœthe  laisse  quelques  pages 
blanches;  il  s'est  d'abord  servi  de  petits  calendriers  pour  écrire  ses  impressions  au 
jour  le  jour,  puis  du  calendrier  de  Gotha  jusqu'en  1817,  enfin  de  cahiers  in-folio  ; 
chaque  année  comprend  presque  toujours  quatre  gros  volumes  :  aussi,  ces  journaux 
seront-ils  la  base  des  futures  biographies,  et  grâce  à  eux,  on  pourra  déterminer  très 
exactement  une  foule  de  dates  importantes  pour  la  vie  et  les  œuvres  du  grand  écri- 
vain. Enfin,  iM.  de  Loeper  annonce  la  découverte  d'une  quantité  de  lettres,  les  unes 
en  copies  soignées  (depuis  1807),  les  autres  en  original,  par  exemple  des  lettres  de 
Gœthe  à  sa  sœur  et  à  Behrisch.  38  lettres  à  Fritsch,  la  correspondance  du  poète 
avec  sa  femme  de  1792  à  1S16  (beaucoup  de  renseignements  précieux,  beaucoup  de 
chaleur  et  de  tendresse),  des  lettres  inédites  de  Charles-Auguste,  180  lettres  de  la 
mère  de  Gœthe,  de  nombreu:;  billets  de  M""'  de  Stein,  de  M™-^  de  Grotthus  et  d'Ey- 
benberg,  de  Christiane  Vulpius,  des  souvenirs  de  Charlotte  Buff  (1798)  et  de  Lili 
Schœnemann  (1801),  etc.  Après  M.  de  Loeper,  M.  Scherer  parla  des  matériaux  du 
Faust  que  renferment  les  archives;  Gœthe  destinait  cette  œuvre  à  la  scène,  il  vou- 
lait l'abréger  et  il  a  laissé  le  «  schème  »  du  i"  acte,  etc.,  etc.  Ajoutons  que  dans 
l'après-midi  du  21  juin,  tous  les  membres  du  congrès  furent  invités  au  Belvédère  où 
le  grand  duc  et  la  grande  duchesse  de  Weimar  leur  firent  un  gracieux  accueil  et 
leur  assurèrent,  l'un  comme  protecteur  de  la  nouvelle  société,  l'autre  comme  pro- 
priétaire des  archives  de  Gœthe,  qu'ils  sauraient  conserver  et  transmettre  à  la  na- 
tion les  trésors  que  leur  a  laissés  le  testament  du  dernier  descendant  de  l'illustre 
poète.  —  Nous  avons  tiré  ces  renseignements  d'un  très  long  et  très  intéressant 
article  de  la  Deutsche  Liieratur:^eitung ;  cet  article,  rédigé  par  M.  L.  Geigeu,  vient 
de  paraître  à  part,  sous  forme  de  brochure,  à  la  librairie  Weidmann;  il  a  pour 
litre  Die  Constituierung  dcr  Gœthc-Geeellschaft  in   Weimar  (petit  in- 8,   rG  p.) 


100 


REVUE    CRITIQUE    D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE 


ACADEMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  24  juillet  188^. 

L'Académie  procède  à  l'élection  d'un  membre  de  la  commission  des  écoles  fran- 
çaises d'Athènes  et  de  Rome,  en  remplacement  de  M.  Léon  Renier  :  M.  Henri  Weil 
estéiu. 

MM.  Delisle  et  Weil  sont  élus  membres  de  la  commission  chargée  de  la  révision 
des  comptes. 

M.  d'Arbois  de  Jubainville  envoie  l'estampage  d'une  inscription  qui  a  été  trouvée 
aux  Pousseaux,  commune  de  Dijon,  et  qui  appartient  à  M.  E.  de  Torcy.  Elle  se  lit 
ainsi  : 

MANDVBLI 

D  DOVSONNI  •  FIL  M 

ETSVARICAVXS 
c'est-à-dire,  selon  M.  d'Arbois  de  Jubainville  :  «  Dis  Manibus  Mandubilli,  Dousonni 
filii,  et  Suarica  uxsor.  »  L'inscription  est  gravée  au-dessus  d'une  niche  où  se  voient 
deux  têtes,  l'une  de  femme  à  gauche,  l'autre  d'homme  adroite.  La  partie  inférieure 
de  la  stèle  manque. 

M.  Maspero  rend  compte  des  fouilles  qui  ont  été  faites  sous  sa  direction  en  Egypte 
depuis  un  an. 

Les  travaux  du  déblaiement  de  Louxor,  dont  les  frais  sont  payés  par  des  souscrip- 
tions recueillies  en  France  et  en  Angleterre,  ont  été  poussés  activement.  On  restaure 
sommairement  les  murs  à  mesure  qu'on  les  déblaie,  afin  d'en  assurer  la  solidité.  Une 
restauration  semblable  a  suffi  pour  arrêter  la  ruine  des  pilônes  de  Karnak,  qui  pa- 
raissait imminente.  Les  habitants  de  Louxor  ont  été  expropriés  et  presque  tout  l'es- 
pace du  temple  est  maintenant  libre.  Au  reste,  le  compte  rendu  détaillé  des  fouilles 
de  Louxor  ayant  fait  l'objet  de  plusieurs  articles  publiés  par  le  Journal  des  Débats, 
M.  Maspero  n'insiste  pas  sur  ce  point. 

A  Karnak,  M.  Maspero  a  dirigé  des  fouilles  qui  avaient  moins  pour  objet  d'enri- 
chir le  musée  que  d'acquérir  des  renseignements  scientifiques.  Il  a  cherché,  en 
explorant  les  ruines  de  la  ville  antique,  à  "se  rendre  compte  du  mode  de  construction 
des  maisons  et  des  rues.  Malheureusement,  si  les  maisons  de  Kainak  sont  très  an- 
ciennes (elles  remontent  peut-être  au  x"  ou  xi*  siècle  de  notre  ère),  la  conservation 
en  est  très  imparfaite.  On  a  mis  au  jour  quelques  chapelles,  une  entre  autres,  de  la 
xxvi"  dynastie,  entièrement  cachée  par  les  maisons  environnantes,  et  destinée  dès 
l'origine  à  être  ainsi  cachée,  car  la  surface  extérieure  des  murs  est  restée   brute.  A 


ration  sommaire.  Il  signale  une  maison  de  quatre  étages,  entièrement  conservée  : 
tous  les  étages  sont  voûtés  en  brique,  et  chaque  voûte  est  couverte  d'un  plancher  de 
feuilles  de  palmier. 

Des  particuliers  ont  été  autorisés  à  entreprendre  des  fouilles  de  leur  côté.  Une  so- 
ciété anglaise  en  a  fait  faire  d'assez  importantes,  sous  la  direction  de  M.  Flinders 
Pétrie.  On  a  reconnu  l'emplacement  de  l'ancienne  Naucratis,  à  En-Nabirèh.  Sous 
les  pierres  de  fondation  d'un  temple,  on  a  trouvé  des  objets  commémoratifs  déposés 
au  moment  de  la  pose  de  la  première  pierre,  comme  cela  se  fait  encore  chez  nous  : 
des  outils  de  maçon,  des  spécimens  de  tous  les  matériaux  employés  dans  l'édifice,  etc. 

Au  musée  dc'Boulaq,  on  a  ouvert  une  nouvelle  salle,  consacrée  aux  antiquités 
chrétiennes.  Des  stèles  coptes  importantes  ont  été  trouvées  à  Erment  et  à  Assouan, 
dans  la  Haute-Egypte.  Elles  portent  des  inscriptions  qui  en  fixent  la  date.  Quelques- 
unes  de  ces  stèles,  qni  remontent  au  ix"  siècle  de  notre  ère,  rappellent  d'une  ma- 
nière frappante  certaines  parties  des  églises  romanes  du  midi  de  la  France.  M.  Mas- 
pero voit  dans  ce  fait  une  preuve  de  l'inHuence  exercée  à  la  fois  dans  l'Egypte  et 
dans  l'Occident  par  les  artistes  byzantins. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Alexandre  Bertrand  :  Quellien,  Un  Argot  de 
Basse-Bretagne;  —  par  M.  Delisle  :  Harrisse  (Henry),  Grandeur  et  Décadence  de 
la  Colombine, 

Julien  Havet. 


Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 


Ci-  i"Mr.  imprimerie  <ie  Marchessou  tlts.  voulevard  Saini-Laurer.r.  oji. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


No  32  "  10  août  -  1885 

Sojaîiîîaîi-e  î  1 34.  Duka,  Vie  et  oeuvres  de  Csoma.  —  i35.  Cuq,  Le  conseil  des 
empereurs,  d'Auguste  à  Dioclétien.  —  i36.  Documents  liistoriques  bas-latins 
provençaux  et  français,  p.  p.  A.  Leroux,  Em.  Molinier  et  A.  Thomas,  IL  — 
107.  Prowe,  Copernic,  1  et  IL  —  i38.  De  Brémond  d'Ars,  Jean  deVivonne.  — 
Chronique.  —  Société  des  Antiquaires  de  France. 


■t 


134.  —  Life    and    -ivoî-ks    or  Aïexawdei- Csotsia   de    Moros,    by  Théodore 
Duka.  London,  Trûbner  and  G",  i885,  in-8,  xn-234  pages.  (Oriental  Séries). 

La  vie  et  les  travaux  du  fondateur  des  Etudes  tibétaines  ne  sont  pas 
ignorés.  On  connaît  les  principaux  incidents  de  sa  carrière;  et  ses 
ouvrages  les  plus  importants,  s'ils  ne  sont  pas  très  répandus,  sont  ce- 
pendant accessibles  au  petit  nombre  de  ceux  qui  peuvent  avoir  à  les 
consulter.  Toutefois,  il  n'existe  de  la  vie  de  Csoma  que  des  relations 
incomplètes  dispersées  dans  des  recueils  où  il  n^est  pas  facile  dédier  les 
chercher,  et  Tensemble  de  ses  écrits  n'a  jamais  été  réuni.  Un  compa- 
triote de  Csoma,  qui  a  séjourné  dans  l'Inde,  habité  ou  visité  quelques- 
unes  des  localités  par  lesquelles  Csoma  a  passé,  et  obtenu  des  renseigne- 
ments qui  ne  sont  pas  à  la  portée  d'un  chacun,  a  essayé  avec  succès  de 
combler  cette  lacune  dans  la  mesure  du  possible.  Le  volume  qu'il  nous 
offre,  riche  en  documents,  reproduit  in-extenso  des  pièces  qui  n'a- 
vaient encore  été  publiées  que  par  extraits,  il  en  contient  de  nouvelles, 
de  sorte  que,  en  le  lisant,  on  apprend  à  mieux  connaître  la  vie  et  le  ca- 
ractère de  Tin  trépide  et  déterminé  voyageur. 

Nous  n'insisterons  pas  ici  sur  la  vie  de  Csoma;  on  la  lira  dans  le  livre 
de  M.  Duka.  Qu'il  nous  soit  permis  cependant  de  signaler  la  lettre  où 
Csoma  raconte  sa  vie  depuis  sa  naissance  jusqu'à  son  arrivée  dans  l'Inde 
britannique  (p.  14-32),  celle  où  il  fait  connaître  les  résultats  de  ses  tra- 
vaux et  ses  projets  (p.  41-65),  la  lettre  du  D'' Gérard  (p.  8o-g8),  médecin 
philanthrope  qui,  voyageant  dans  l'Asie  centrale  pour  y  propager  la 
vaccine  et  arrêter  les  progrès  de  la  petite  vérole,  y  fit  la  connaissance  de 
Csoma  et  donne  sur  son  genre  de  vie  les  plus  curieux  détails.  Il  nous 
le  montre  au  monastère  de  Yang-la  (province  de  Zanskar)  «  assis  en- 
veloppé dans  un  manteau  de  peau  de  mouton,  les  bras  plies,  lisant  du 
matin  au  soir,  sans  feu,  sans  lumière  à  la  brune,  sans  autre  lit  que  le 
sol,  sans  autre  abri  que  les  murs  de  l'édifice  contre  un  froid  si  rigou- 
reux qu'il  était  obligé  de  faire  un  effort  énergique  pour  sortir  ses  mains 
de  leur  enveloppe   de  laine  afin  de    tourner    les   pages   de  son    livre 
(p.  83).  » 

Nouvelle  série,  XX.  32 


102  RliVUE    CRITIQUE 

Je  n'insiste  pas  non  plus  sur  le  caractère  de  Csoma.  Je  relève  seule- 
ment ce  trait  :  absolument  dénué  de  ressources  et  obligé  d'accepter, 
quelquefois  de  demander  des  secours,  il  ne  voulut  jamais  rien  recevoir, 
au  moins  pour  ses  besoins  personnels,  d'un  particulier  quelconque, 
même  de  la  Société  asiatique  de  Calcutta;  il  n'accepta  que  des  subsides 
du  gouvernement,  il  se  regardait  comme  étant  au  service  du  public  et 
travaillant  pour  lui. 

Je  n'insisterai  pas  non  plus  sur  la  valeur  des  travaux  de  Csoma. 
M.  D.  leur  a  consacré  un  appendice  considérable  (p.  169-234).  Je  divi- 
serais volontiers  les  écrits  de  Csoma  en  quatre  groupes  :  i^  les  publi- 
cations isolées;  elles  se  réduisent  à  sa  Grammaire  tibétaine  et  à  son 
Dictionnaire;  2°  les  articles  publiés  dans  le  tome  XX  des  Asiatic  j'es- 
earches  :  analyse  du  Kandjour  du  Tandjour;  vie  de  Çâkya  (c'est  là  la 
partie  capitale  de  son  œuvre);  3°  articles  publiés  dans  le  Journal  asia- 
tique du  Bengale;  4''  manuscrits.  M.  D.  les  divise  simplement  en 
iiîiprimés  et  manuscrits,  et  compte  17  articles,  se  rapportant  à  des 
travaux  ou  groupes  de  travaux  d^étendue  variable,  dont  il  donne  la  liste 
et  à  chacun  desquels  il  consacre  une  notice.  II  se  trouve  qu'il  y  a  un 
désaccord  entre  la  liste  et  les  notices  correspondantes.  La  notice  XIV 
sur  un  ouvrage  médical  tibétain  n'est  pas  représentée  dans  la  liste;  l'ar- 
ticle 9  de  la  liste,  relatif  à  la  Grammaire  et  au  Dictionnaire  tibétain,  n'a 
pas  de  notice;  il  en  résulte  un  désaccord  entre  les  articles  9  a  14  de  la  1 
liste  et  des  notices.  L'inconvénient  est  sans  gravité;  le  nombre  des^ 
articles  est  le  même  de  part  et  d'autre  et  la  correspondance  existe  pour 
les  numéros  jusqu'à  8  et  après  14. 

Les  manuscrits  de  Csoma  sont  au  nombre  de  deux.  Ils  sont  caracté- 
ristiques. L'un  appartient  à  l'œuvre  que  Csoma  a  accomplie  :  c'est  un 
Dictionnaire  sanskrit-tibétain  avec  traduction  anglaise;  il  est  resté  à 
Calcutta.  L'autre  appartient  à  l'œuvre  que  Csoma  aurait  voulu  taire  : 
c'est  un  glossaire  de  mots  indiens  et  de  mots  hongrois  qui  en  sont  rap- 
prochés; il  est  parvenu  en  Hongrie  et  y  est  conservé  par  l'Académie  des 
sciences.  M.  D.  a  reproduit  intégralement  ce  fragment  de  vocabulaire 
(termes  indiens  en  transcription  et  en  écriture  originale  —  traduction 
anglaise,  —  termes  hongrois  analogues);  nous  aurons  à  y  revenir. 
Quant  au  Dictionnaire-sanskrit  tibétain,  qui  est  un  recueil  de  ternies 
techniques  classés  par  ordre  de  matières  et  qui  se  compose  de  706  feuil- 
lets, M.  D.  donne  la  table  des  271  chapitres  entre  lesquels  les  matières 
sont  distribuées.  Ce  dictionnaire  n'est  autre  que  le  Mahâvyutpatti,  ou- 
vrage connu,  mais  non  publié  ^  Si  l'on  imprimait  le  ms  de  Csoma, 
comme  son  biographe  en  exprime  l'espoir  (p- vi),  il  y  aurait  lieu  défaire  t 
attention  au  mode  de  transcription  des  mots  sanskrits  employé  par  Csoma  \ 
et  de  voir  s'il  ne  serait  pas  préférable  de  les  rétablir  en  Devanâgari. 

Le  volume  est  accompagné  de  deux  planches  :  i"  une  reproduction 


I.    Le    Trigloi'.c   boudd'iique   public  ou    plutôt     réimprimé    par   les 
Schifnur  est  un  extrait  du  Mahâvyutpatti. 


soins 


d'A.  I 


OiliSTOIKK   ET     DK    LITTÉK AIURK  I03 

photographique  du  monument  funéraire  de  Csoma  à  Darjiling,  dont 
l'inscription  présente  deux  fautes,  une  dans  le  nom  du  défunt  (Csoma 
de  Korosi  pour  Csoma  Kôrosi  ou  Csoma  de  Kôrôs)  et  une  relative  à 
l'âge  (on  lui  donne  44  ans,  il  en  avait  58)  ;  2°  un  portrait  de  Csoma.  Il 
est  fâcheux  que  M.  D.,  qui  invoque  le  témoignage  du  D^  Malan  pour 
la  ressemblance  de  ce  portrait,  n'en  fasse  connaître  ni  Torigine  ni  la 
date. 

Je  demande  à  présenter  avant  de  terminer  quelques  observations. 

1.  On  a  dit  qu'une  phrase  du  professeur  Blumenbach,  de  Gôttingen, 
sur  l'origine  asiatique  des  Hongrois  avait  donné  à  Csoma  l'idée  d'aller 
chercher  en  Asie  le  berceau  de  son  peuple  '.  Ceci  rappelle  fort  la  pomme 
qui  fit  découvrir  à  Newton  les  lois  de  la  gravitation.  Je  m'attendais  à 
trouver  quelque  chose  sur  cetie  anecdote  dans  le  livre  de  M.  Dul^a.  A 
ma  grande  surprise,  je  n'y  ai  absolument  rien  vu.  M.  D.  qui  parle  de 
quelques  professeurs  de  Gôttingen.  Eichhorn,  Fiorillo,  ne  prononce  pas 
même  le  nom  de  Blumenbach,  Ce  nom  se  rencontre,  il  est  vrai,  dans 
le  livre  (p.  127);  mais  c'est  dans  une  phrase  traduite  de  Pavie,  et  M.  D. 
a  l'air  de  ne  pas  se  douter  de  l'intention  de  l'écrivain  français  appelant 
Csoma«  l'élève  de  Blumenbach»  ^. 

2.  On  a  dit  que  Csoma  avait  abordé  Fétude  du  tibétain  à  l'instigation 
de  Moorcroft.  Les  documents  prouvent  que  l'initiative  de  Moorcroft 
consiste  à  avoir  mis  un  exemplaire  de  VAlpliabetum  tibetamim  entre 
les  mains  de  Csoma.  Quand  le  voyageur  hongrois  résolut  d'aborder 
sérieusement  l'étude  du  tibétain,  il  consulta  Moorcroft  qui,  «  après 
mûr  examen  »  approuva  son  dessein,  (p.  19  et  29). 

3.  Je  regrette  que  M.  D.  qui  cite  le  nom  de  Victor  Jacquemont  n'ait 
pas  parlé  de  sa  rencontre  avec  Csoma.  Il  est  vrai  que  Jacquemont  s'est 
beaucoup  moqué  de  Csoma  et  de  son  tibétain  :  mais  ce  n'était  pas  une 
raison  pour  passer  leurs  relations  sous  silence.  Jacquemont  était  un 
voltairien  qui  tournait  tout  en  ridicule.  Ses  plaisanteries  ne  sont  pas  au 
fond  bien  méchantes  et  ne  tirent  pas  à  conséquence.  Ce  qu'il  dit  de 
Csoma  est,  en  définitive  et  malgré  son  ton  de  raillerie,  à  l'honneur  du 
voyageur  hongrois. 

4.  Nous  avons  déjà  remarqué  qu'il  y  a  lieu  de  considérer  dans  l'œuvre 
de  Csoma,  ce  qu'il  a  fait,  et  ce  qu'il  a  voulu  faire.  Ce  qu'il  a  fait,  on 
le  sait  parfaitement  ;  il  a  révélé  au  monde  savant  la  langue  et  la  littéra- 
ture du  Tibet  complètement  ignorées  avant  lui,  rendues  par  lui  accessi- 
bles à  tout  étudiant  doué  de  quelque  courage.  Ce  que  Csoma  a  voulu 
faire  est  bien  moins  facile  à  préciser.  Dans  sa  lettre  du  28  janvier  1825 

ï.  Journal  asiatique,  juin  1842  (p.  4Q2);  Foucaux,  Histoire  du  Bouddha  Shakya 
Mouni,  i. 

2.  M.  Duka  semble  attribuer  à  Eichhorn  (p.  6)  ce  qu'on  raconte  de  Blumenbach. 
D'un  autre  côté,  il  dit  à  deux  reprises  (p.  8  et  140)  que  c'est  par  suite  des  conseils 
d'un  de  ses  compatriotes,  Szabo  de  Borgata,  que  Csoma  aurait  entrepris  son  voyage 
dans  l'Orient. 


104  REVUK    CRITIQUE 

il  dit  (p.  25)  que  son  dessein  était  d'entreprendre  «  des  recherches  qui 
puissent,  par  la  suite,  être  utiles  au  monde  savant  d'Europe  en  géné- 
ral, et,  en  particulier,  éclaircir  quelques  faits  obscurs  de  notre  propre 
histoire  (celle  des  Hongrois)  ».  Moorcroft  lui  attribue  des  plans  imagi- 
nés par  lui  «  pour  le  développement  de  quelques  points  obscurs  de 
l'histoire  asiatique  et  européenne  »  (p.  35).  On  peut  tenir  pour  certain 
que  Csoma  aspirait  à  visiter  la  Mongolie,  les  contins  de  ce  pays  et  de  la 
Chine,  en  particulier  la  terre  des  Ouigours  (p.  i5o),  que  lors  de  son 
dernier  voyage,  au  début  duquel  il  fut  arrêté  par  la  mort,  il  avait  l'in- 
tention d'atteindre  cet  objet  de  ses  vœux,  et  qu'une  des  choses  qui  lui 
tenait  le  plus  au  cœur  était  de  découvrir  en  Asie  le  berceau  des  Mad- 
gyars.  Ce  qui  ne  veut  nullement  dire  qu'il  ait  eu  la  prétention  de  trou- 
ver dans  un  coin  ignoré  d'Asie  une  tribu  parlant  Madgyar,  comme  on 
l'a  reproché  récemment  au  «pauvre  Korôsi  »  (p.  iS-j).  M.  D.  repousse 
avec  vivacité  cette  étrange  imputation.  Le  vocabulaire  indo-hongrois 
qui  termine  le  volume  de  M.  Duka  me  paraît  en  être  une  réfutation 
positive.  Il  prouve  avec  évidence  que  Csoma  cherchait  en  Asie  non  le 
Madgyar  lui-même,  mais  des  langues  qui  puissent  en  être  rapprochées. 
Peut-être  pourrait-on  trouver  qu'il  mettait  de  la  bonne  volonté  à  cons- 
tater des  ressemblances.  Mais  c'est  là  une  question  que  nous  ne  vou- 
lons ni  ne  pouvons  aborder  pour  plus  d'un  motif;  et  nous  ter.minons 
cette  notice,  un  peu  longue  peut-être,  en  recommandant  un  livre  qui  est 
un  juste  et  digne  hommage  rendu  à  Pun  des  plus  courageux  et  Ton  peut 
ajouter  des  plus  fortunés  pionniers  de  l'érudition. 

L,  Feer. 


l35.  —  Le  conseil  des  Empercus"®,  tî'Aiifçuste  à  H^îocSéticii^  par  Edouard 
CuQ,  professeur  à  la  Facultc  de  droit  de  Bordeaux,  ancien  membre  de  l'Ecole 
française  de  Rome,  extrait  des  Mémoires  présentés  par  divers  savants  à  l'Acadé- 
mie des  Jnscriptior.s  et  Belles-Lettres,  1884.  Paris,  imprimerie  nationale,  in-4, 
de  194  p.  (3io-5o4;. 

Le  travail  de  M.  Cuq  se  divise  en  deux  parties:  la  première  est  intitu- 
lée Le  consili  11  m  p  r i n c ip i s  d'A ugiiste  à  l'avènement  de  Dioclé- 
?/e;z;  la  seconde  porte  pour  titre  Le^  consilia  sacra  sous  Dioclé- 
tien. 

Dans  la  première  partie,  l'auteur  traite  les  questions  suivantes  : 

Ch.  I.  Origine  et  attributions  dit  conseil. 

Ch.  n.  Le  consiliiim  principis  d'Auguste  à  Trajan.  —  M.  C 
expose  l'histoire  du  conseil  durant  cette  période,  en  se  bornant  à  analy- 
ser ou  à  traduire  les  textes  des  écrivains  anciens.  L'intérêt  de  ce  chapitre 
consiste  surtout  dans  l'examen  du  conseil  impérial  au  temps  d'Auguste 
et  de  Tibère.  D'après  M.  C,  il  n'y  eut  jamais,  sous  ces  règnes,  qu'un 
seul  conseil,  chargé  à  la  fois  de  régler  les  affaires  publiques  et  de  con- 


L>  iflSTOnîF:    KT    D<.\.    LITTERATURE  lO:) 

naître  les  procès  dont  l'empereur  se  réservait  l'examen.  C'est  une  opinion 
diamétralement  opposée  à  celle  que  soutient  M.  Mommsen  (Staatsreclit, 
II,  p.  864  et  p.  908)  :  suivant  ce  dernier,  ".  il  n''est  pas  douteux  qu'il 
«  ne  faille  distinguer  le  consilium  judiciaire  du  conseil  politique,  quoi- 
«  qu'il  puisse  se  faire  que  tous  les  membres  de  ce  dernier  aient  siégé  dans 
«  le  premier  «;  et  M.  Mommsen  ajoute  :  «  Si  Auguste  consultait  par- 
<f  fois  le  conseil  d'Etat  pour  des  affaires  de  droit,  il  ne  faut  voir  là  qu'une 
«  confirmation  de  plus  de  la  différence  des  deux  institutions.  »  —  Il  me 
semble  que  la  théorie  de  M.  G.  est  plus  conforme  aux  données  que  nous 
ont  laissées  les  anciens  :  ni  dans  Suétone,  ni  dans  Dion  Cassius,  il  n'est 
positivement  question  de  deux  conseils;  ces  auteurs  nous  disent  qu'Au- 
guste jugeait  avec  les  conseillers  (p.ETà-wv  Tjvioptov,  Dion  Cassius,  5  5, 27), 
ou  avec  le  conseil  {ciim  consilio;  Icc;é  \).y.  v.al  tw  hj.Ci  7'j[j.co'jaiw,  dit  Auguste 
dans  redit  adressé  aux  Juifs,  Josèphe,  Ant.  Jud.^  i(5,  6,  2),  et  comme 
ils  n'ont  jamais  exposé  l'organisation  que  d'un  seul  conseil,  celui  qui 
préparait  les  lois,  il  y  a  tout  lieu  de  croire  que  c'était  également  celui-là 
qui  assistait  l'empereur  dans  l'examen  des  procès.  Et  il  faut  d'autant 
moins  s'étonnner  de  ce  qu'au  temps  d'Auguste  et  de  Tibère  le  même 
conseil  eut  une  double  compétence,  politique  et  judiciaire,  que  celui  de 
Dioclétien,  tel  que  nous  le  montre  clairement  M.  C,  s'occupait  aussi 
bien  d'affaires  de  gouvernement  que  de  police  ou  de  justice. 

Gh.  ni.  Le  consilium  depuis  Hadrien  jusqu'à  Dioclétien.  —  Re- 
marquons, p.  33o,  les  observations  faites  par  l'auteur  sur  les  signataires 
de  VEdit perpétuel  :  leurs  noms  ne  sont  connus  que  par  un  document 
de  l'an  920  (cf.  Mortreuil,  Histoire  du  droit  hy^^antin,  II,  p.  372)  qui 
les  donne  ainsi  :  'lo'jX'.avîo  tôî  voiJ.'.y.(o  y.s-à  Zizziz-j  Ksovs/acj.  Le  premier, 
P.  Salvius  Julianus,  est  bien  connu;  l'autre  l'est  û  peu  qu'un  savant 
moderne  a  même  nié  absolument  son  existence.  M.  C.  l'identiiie  —  sans 
doute  à  bon  droit,  —  avec  Ser.  Cornélius  Salvidicnus  Scipio  Orfitus, 
consul  en  149  |JuIiiinus  fut  consul  en  148). 

Ch.  IV.  Organisation  du  conseil.  —  Cette  partie  du  travail  a  été  faite 
à  peu  près  exclusivement  à  l'aide  des  documents  épigraphiques,  les  seuls 
d'ailleurs  qui  nous  donnent  quelque  renseignement  précis  sur  les  titres 
et  la  hiérarciiie  des  conseillers  du  prince.  Peut-être  M.  C.  aurait-il  pu 
l'abréger  en  se  bornant  à  reproduire  en  note  les  inscriptions:  quelques- 
uns  trouveront  sans  doute  inutile  qu'une  inscription  de  20  lignes  qui 
ne  nous  donne  que  le  titre  consiliarius  Aiigusti  soit  transcrite  tout  au 
long  dans  le  texte,  en  elzévirs  du  10  ou  du  1 1,  eî  accompagnée  de  sa 
lecture  en  italiques,  cette  dernière  insérée  encore  dans  le  texte;  cette 
habitude  de  surcharges  épigraphiques  ou  paléographiques,  habitude  que 
l'on  prend  chaque  jour  davantage  et  qui  ne  sont  de  mise  que  dans  des 
travaux  d'épigraphie  pure,  a  pour  résultat  de  rendre  le  texte,  récit  ou  dé- 
monstration,  à  peu  près  illisible,  et  de  doubler  l'étendue  du  volume.  Je 
ne  pense  pas  d'ailleurs  que  M.  C.  ait  simplement  eu  l'intention  d'aug- 
menter le  nombre  de  page?  de  son  travail  :  il  est  assez  riche  de  son  pro- 


lOb  RKVUIC   CRITIQUK 

pre  fond  pour  n'avoir  pas  a  recourir  à  ce  subterfuge.  —  Son  étude  sur 
les  ministri  du  prince,  a  libellis,  a  rationibus^  etc.,  est  complète  et  bien 
faite.  Je  regrette  qu'il  n'ait  pas  remplacé  quelqu'une  de  ces  inscriptions 
si  inutiles  parla  citation  complète  et  le  commentaire  d'un  passage,  tout 
autrement  important,  de  Dion  Cassius,  où  Mécène  conseille  à  Auguste 
de  se  choisir  des  aides  et  des  ministres  parmi  les  chevaliers  (52,  33  ;  cf. 
Cuq,  p.  394,  note  2)  :  Kal  [jivxoi  xal  xpbçTàç  SiV.aç  {a  cognitionibiis]^  ziz, 
Tî  èTCtcToXàç  {ab  epistulis'],  -xal  Ta  d''/;9Îa[j.aTa  twv  7:6X30)7  [c'est  Vàro  -:ô)v 
Tpsc6stîov  y.al  twv  àr.o%çi\\)Âibyi  de  Suidas,  dont  les  fonctions,  comme  le 
suppose  avec  raison  M.  C,  p.  392-4,  passèrent  de  bonne  heure  à  Vab 
epistulis]^  Taç  ts  t(ov  iouotwv  à$to')crstç  [<t  libellis].  y.a).  O'zct.  aAÀa  ttj  tvjç  ûp/YJç 
otc;ar,{:ît  7upocrjy.î'.,  cuvspvoyç  tî  Tiva;  [rtrf/îi/ore^]  y.ai  uTrYjpéxaç  \)ninisiros\ 
h,  -îwv  i7:7:éo3v  £X£.  Je  crois  d'ailleurs  que  M.  G.  a  donné  très  exacte- 
ment et  très  complètement  les  attributions  de  tous  ces  fonctionnaires.— 
Sur  la  manière  dont  on  discutait  et  votait  au  conseil  impérial,  M.  C. 
croit  qu'en  règle  générale  les  conseillers  émettaient  leur  avis  verbale- 
ment; cela  se  passait  sans  doute  ainsi  au  temps  des  Antonins;  mais  je 
pense  que  le  vote  secret  était  bien  moins  exceptionnel  que  ne  le  veut 
M.  C.  et  quMl  était  au  contraire  général,  aussi  bien  sous  les  mauvais 
que  sous  les  bons  princes.  Les  uns  comme  les  autres  avaient  des  motifs 
pour  en  Justifier  l'emploi  :  Néron,  parce  que  ce  système  lui  permettait 
de  prononcer  le  jugement  selon  son  bon  plaisir,  comme  s'il  ne  faisait 
que  se  conformer  à  la  majorité  du  conseil;  Sévère  Alexandre,  parce  que 
le  vote  secret  permettait  aux  sénateurs  d'émettre  leur  avis  en  toute 
liberté  d'esprit,  sans  crainte  de  blesser  un  collègue  ou  l'empereur.  Cest 
ce  dernier  motif  que  donne  Mécène,  dans  le  discours  que  lui  prête  Dion 
(52,  33),  et  le  texte  de  Dion  prouve  au  moins  que  ce  genre  de  votation 
était  le  plus  suivi.  —  M.  C.  aurait  peut-être  pu  tirer  meilleur  parti  de 
la  lettre  si  intéressante  et  si  amusante  où  Pline  le  Jeune  raconte  une 
séance  du  conseil  tenu  par  Trajan  à  Civita-Vecchia  (6,  33). 

Ch.  V.  Les  affaires  soumises  au  conseil.  —  C'est  l'étude  la  plus  nou- 
velle, la  plus  instructive,  et  la  plus  riche  de  la  première  partie  du  tra- 
vail. 

La  seconde  partie,  excellente  de  tout  point,  comprend  les  chapitres 
suivants  : 

Ch.  I.  Les  cens  m  a  sacra  des  Augustes  et  des  Césars. 

Ch.  II.  Organisatio7i  des  consilia  sacra.  —  Nous  signalerons 
les  remarques  justes  et  fines  de  l'auteur,  à  la  fin  de  ce  chapitre,  sur  les 
sources  des  Vaiicana  fragmenta  et  du  Code  Justinien  (p.  484  et  s.),  et 
sur  les  constitutions  de  l'empereur  Maximien  (p.  487). 

Ch.  m.  Affaires  soumises  au  conseil.  —  Ce  dernier  chapitre  de  Tou- 
vrage  caractérise  fort  bien  l'œuvre  politique  et  législative  des  empereurs 
romains,  et  en  particulier  de  Dioclétien  et  de  Maximien. 

La  seule  objection  générale  que  nous  ferons  à  ce  livre  est  la  manière 
dont  il  est  divisé  :  le  conseil  de  Dioclétien,  d'une  part,  celui  de  tous  les 


fj  HISTOiRK    K'V     Dli    LIT  1  !i:;;  A.Tt)!t  14  I  O7 

empereurs  qui  Tout  précédé,  de  i  autre.  Je  ne  pcuse  pas  que  M.  C.  ait 
nulle  part  justifie  nettement  cette  profonde  distinction  qu'il  établit  en- 
tre les  deux  institutions.  S'il  lallait  à  tout  prix  diviser  cette  étude  en 
périodes  historiques,  ce  qui  n'est  point  prouvé,  c'est  le  règne  d'Iîadrien 
qui  aurait  dû  faire  époque,  et  pas  un  autre.  Les  anciens  ont  dit  et  ré- 
pété que  l'organisation  de  l'empire,  surtout  de  l'administration  centrale, 
telle  qu'elle  existait  sous  Dioclétien  et  Constantin,  était  l'œuvre  de  ce 
prince  :  les  modifications  apportées  au  conseil  de  l'empereur  par  Dio- 
clétien ne  sont  rien  à  côté  de  la  réforme  fondamentale  qu'y  opéra  Ha- 
drien. Au  lieu  d'insister,  comme  le  fait  M,  C.  dans  son  livre,  sur  les 
différences  qui  séparent  l'ancien  et  le  nouveau  conseil,  j'aurais  aimé,  au 
contraire,  à  montrer  l'unité  de  son  œuvre,  de  sa  procédure  et  de  sa  lé- 
gislation. 

Toutefois,  on  ne  doit  pas  se  plaindre  outre  mesure  de  la  marche  sui- 
vie par  M.  G.  :  à  certains  égards,  elle  offre  un  précieux  avantage  ;  elle  a 
permis  à  l'auteur  de  classer  historiquement  les  différentes  constitutions 
impériales,  de  marquer  le  caractère  de  la  législation  de  chaque  règne, 
les  étapes  suivies  par  le  droit  romain.  Son  livre  est  la  première  applica- 
tion de  cette  méthode  historique  si  chère  et  si  justement  chère  à  M.  Cuq; 
et  ce  n'est  pas  seulement  un  essai  et  une  tentative,  mais  un  succès  franc 
et  complet. 

Camille  Juluan. 


i36.  —  Oocujiients   Itistci-itguets    ttas'littins,  pr-o-vençaux    et    fr«nçs»îsi, 

concernant  principalement  la  Marche  et  le  Limousin,  publiés  sous  les  auspices 
de  la  Société  archéologique  et  historique  du  Limousin,  par  Alfred  Leroux, 
Emile  Molinier  et  Antoine  Thomas,  anciens  élèves  de  l'Ecole  des  Chartes. 
Tome  IL  Limoges,  Ducourtieux,  3So  pages,  in -8. 

La  Revue  critique  en  rendant  compte  il  y  a  quelques  mois  (n°  du 
21  avril  1884)  du  tome  I  de  cette  publication  collective,  a  indiqué  son 
importance  pour  l'histoire  des  deux  provinces  qu'elle  concerne.  Le 
tome  II,  qui  est  aussi  le  dernier,  ne  se  distingue  du  précédent  que  par 
son  avance  chronologique  et  par  une  plus  grande  variété  de  contenu.  Le 
moyen  âge  n'y  est  plus  représenté  que  par  deux  courts  Cartulaires  de 
V aumûnerie  de  S.  Martial  (xie-xn°  s.)  —  très  curieux  à  étudier  au  point 
de  vue  de  la  langue  et  de  la  forme  de  certains  noms  propres,  —  et  par 
une  assiette  d'impôt  sur  le  pays  de  Combraille,  de  iSSy.  M.  Thomas, 
qui  publie  ce  document  et  qui  nous  en  promet  d'analogues,  rappelle  à 
bon  dioit  le  profit  qu'on  en  peut  tirer  pour  l'évaluation  de  la  population 
à  une  époque  et  dans  un  lieu  déterminés.  C'est  même  à  vrai  dire  la 
seule  source  d'information  sérieuse  que  nous  possédions  sur  ce  sujet  au 
moyen  âge. 

La   Chroniqi'e  de   Pierre   Foucher.  chanoine  de  Saint-Étienne  de 


I08  REVUK    ClUTIQUE 

Limoges  (i  507-1 545],  que  M.  Molinicr  nous  donne  par  extraits,  offre 
cette  particularité  que  commencée  en  latin  elle  est  continuée  en  français 
à  partir  de  i533,  lit  omnes  intelli gant.  Attentif  avant  tout  aux  événe- 
ments généraux  de  Tépoque,  le  chroniqueur  daigne  pourtant  faire  une 
place  (la  seule  importante  à  nos  yeux,  quoi  qu'il  ait  pu  croire)  aux  événe- 
ments locaux  et  en  particulier  aux  changements  d'évéques  presque  aussi 
nombreux  en  ce  temps  là  que  de  nos  jours  les  changements  de  préfets. 

Les  extraits  du  premier  Registre  consulaire  de  Rochechouart,  que 
nous  devons  à  M.  Leroux,  ont  le  mérite  de  faire  connaître  exactement 
un  document  dont  on  avait,  paraît-il,  surfait  jusqu'ici  la  valeur.  Ce 
registre  consulaire  n'est  en  somme  que  le  recueil  des  actes  passés  au 
nom  du  consulat  et  nullement  le  registre  de  ses  délibérations. 

A  la  suite  de  ces  extraits  en  viennent  d'autres  beaucoup  plus  consi- 
dérables du  premier  Registre  consistorial  de  cette  même  ville  de 
Rochechouart  (rSgô-ibSô),  le  document  le  plus  important  que  nous 
aient  légué  les  anciennes  églises  réformées  de  la  région.  Les  historiens 
du  protestantisme  en  général  pourront  y  recueillir  plus  d'un  détail 
instructif  autant  que  pittoresque. 

Ce  registre  consistorial  forme  avec  le  Mémoire  sur  la  généralité  de 
Limoges,  de  Tintendant  de  Bernage  (1698),  la  partie  principale  du 
volume.  Dans  le  préambule  dont  il  fait  précéder  ce  Mémoire,  M.  Leroux 
indique  les  raisons  qui  l'ont  déterminé  à  devancer  la  publication  de 
M.  de  Boislisle.  On  les  trouvera  certainement  suffisantes.  L'enquête  de 
M.  de  Bernage  s'applique  au  Limousin,  à  la  basse  Marche  et  à  TAn- 
goumois.  Grâce  à  son  exposition  systématique,  elle  pourrait  servir  de 
point  de  départ  précis  à  une  histoire  de  ces  trois  provinces  au  xvme  siè- 
cle. L'éditeur  a  tiré  parti  des  Lettres  de  Colbert  et  de  quelques  docu- 
mens  locaux  pour  éclairer,  corroborer  ou  rectifier  le  texte.  Ses  annota- 
tions sont  faites  avec  suite  et  précision.  Les  identincations  de  noms  de 
lieux,  quand  il  s'agit  de  simples  hameaux  ou  de  très  petites  châtelienies, 
peuvent  prêter  à  discussion.  Elles  n'en  seront  pas  moins  le  plus  souvent 
d'un  grand  secours  pour  l'édition  définitive  que  M.  Leroux  déclare  lui- 
même  n'avoir  voulu  que  préparer. 

Ce  volume  de  documents  historiques  se  termine  par  un  choix  abon- 
dant de  pièces  d'archives  relatives  aux  collèges  classiques  et  petits 
séminaires  de  l'ancien  diocèse  de  Limoges,  dont  M.  Leroux  donne  pour 
la  première  fois  la  liste  exacte.  Il  n'y  en  a  pas  moins  de  vingt  et  un 
d'énumérés.  Quelques-unes  des  pièces  publiées  n'ont  qu'un  intérêt  tout 
à  fait  local.  D'autres,  comme  le  règlement  du  collège  d'Ussel,  feront  la 
joie  de  tous  ceux  qui  étudient  l'histoire  de  la  pédagogie  française. 

Des  préambules  en  tête  de  chaque  morceau,  un  glossaire  provençal, 
un  index  riiriim  et  un  index  nominum  se  référant  aux  deux  volumes, 
complètent  cette  riche  série  de  documents  historiques.  Nous  en  saluons 
la  publication  d'autant  plus  volontiers  qu'elle  s'applique  à  deux  des 
provinces  les  moins  connues  de  l'ancienne  France. 

A. 


D  HISTOlfU:    ET    DE    LITTERATURrC  IO9 

i3y.  — ivicolaus  Coppefîiîeus  von  Lcopold  Prowe.  Erster  Band  :  Das  Leben. 
Theil  I;  i473-i3i2.  Theil  H:  i5i2-i543.  Berlin,  Weidmann,  i883,  xxviii,  4i3, 
576  p.  in-8. 

Les  Vies  de  Copernic^  ne  manquent  pas;  on  en  a  rédigé  dans  la 
plupart  des  langues  de  l'Europe  moderne  et  ce  sujet,  si  attrayant  par 
lui-même,  a  été  rendu,  pour  ainsi  dire,  plus  actuel  encore  par  les  que- 
relles politiques  et  religieuses  qu^on  y  a  rattachées  de  nos  jours.  On 
n'ignore  pas  en  effet  que,  depuis  un  demi-siècle  surtout,  Allemands  et 
Polonais  se  disputent  le  grand  astronome  avec  autant  d^acharnement 
que  les  cités  grecques  se  disputaient  Homère,  et  plus  récemment  encore, 
la  question  des  sympathies  de  Copernic  pour  les  idées  de  la  Réforme  a 
jeté  un  ferment  nouveau  de  discorde  dans  les  discussions  relatives  à  sa 
personne.  On  devait  donc  accueillir  avec  une  curiosité  légitime  le  volu- 
mineux travail  d'un  des  hommes  les  plus  compétents  en  la  matière,  de 
M.  le  docteur  Prow^e,  consacré  tout  entier  à  Télucidationde  la  biographie 
du  chanoine  de  Frauenbourg.  Voici  plus  de  trente  ans  que  M.  P.  ne 
cesse  d'étudier  la  vie  et  les  œuvres  de  Copernic;  depuis  que  ses  premières 
études  ont  paru  en  i853,  il  est  revenu  maintes  fois  à  ce  sujet  favori, 
fouillant  et  refouillant  les  archives  de  Thorn,  de  Cracovie,  de  la 
Prusse  occidentale  et  orientale  et  réunissant  de  la  sorte  tous  les  maté- 
riaux qui  lui  ont  permis  de  rédiger  la  présente  biographie.  Ce  n'est 
faire  injure  ù  personne  que  d'affirmer,  même  après  les  travaux  estima- 
bles des  Sczulc,  Polkowski,  Czynski,  etc.,  que  nous  n'avions  rien  sur 
Copernic,  approchant  de  loin,  de  ce  millier  de  pages  de  texte  et  de  notes 
touffues,  alors  que  l'absence  de  sources  semblait  devoir  forcer  les  narra- 
teurs modernes  à  paraphraser  sans  cesse  à  neuf  les  maigres  renseigne- 
ments fournis  par  les  contemporains  du  célèbre  astronome.  Certaines 
conclusions  de  M.  P.  seront  attaquées  sans  doute,  par  les  écrivains  po- 
lonais surtout,  si  chatouilleux  sur  la  question  d'origine,  mais  nul  ne 
pourra  refuser  son  admiration  au  labeur  infatigable,  à  la  sagacité  pé- 
nétrante et  à  l'esprit  critique  du  savant  de  Thorn  qui  a  élevé  dans  le 
présent  ouvrage,  un  véritable  monument  à  la  gloire  du  fondateur  de 
l'astronomie  moderne.  Si  l'on  veut  se  rendre  compte  de  tout  ce  que  les 
recherches  patientes  de  l'érudition  contemporaine  ont  ajouté  à  la  con- 
naissance du  sujet,  il  faut  simplement  comparer  les  volumes  de  M.  P. 
avec  la  biographie  de  Copernic,  rédigée  cent  ans  après  sa  mort,  avec  un 
grand  soin  pourtant,  par  son  admirateur  Gassendi. 

Ce  qui  fait  à  nos  yeux  le  grand  charme  du  travail  de  M.  P.,  c'est 
qu'il  nous  révèle  un  Copernic  à  peu  près  inconnu.  Ce  n'est  plus 
le  savant  mathématicien  seulement,  indifférent  aux  bruits  de  la  terre, 
tel  que  le  dépeignent  ses  anciens  biographes,  que  nous  y  retrouvons, 
mais  un  «  escholier  »  vagabond  dans  sa  jeunesse,  s'en  allant   par    le 


I.  M.  Prowe  établit  que  l'orthographe  correcte  du  nom  doit  être  Coppeniic,  mais 
je  ne  sais  si  elle  prévaudra  chez  nous  contre  Thabitude. 


I  10  REVUE    CRITIQUE 

monde,  en  quête  de  savoii%  et,  dans  son  ùge  mùr,  un  diplomate  pru- 
dent, un  administrateur  consommé,  mêlé  de  fort  près  aux  affaires  im- 
portantes de  ce  monde,  tout  en  étudiant  la  marche  d'un  monde  supé- 
rieur. Le  cadre  dans  lequel  M.  P.  place  son  héros  est  vaste,  un  peu 
trop  vaste  peut-être  par  moments,  mais  les  données  accumulées  par  • 
l'auteur  sur  les  personnages  accessoires  de  sa  biographie,  s  ils  ne  sont 
pas  toujours  absolument  nécessaires,  contribuent  si  efficacement  à 
mieux  nous  faire  comprendre  l'époque  et  le  pays  où  vécut  Copernic, 
que  personne  ne  songera  à  accuser  M,  P.  d'une  prolixité  fâcheuse. 

L'ouvrage  débute  par  un  tableau  fort  détaillé  de  la  situation  politi- 
que et  religieuse,  des  mœurs,  de  l'activité  intellectuelle  et  commerciale 
de  la  Warmie,  cet  évêché  situé  entre  le  royaume  de  Pologne  et  les  pays 
soumis  à  l'Ordre  Teutonique,  et  qui  fut  la  véritable  patrie  du  grand 
astronome.  Tout  le  premier  livre  est  consacré  à  cette  introduction  gé- 
nérale, ainsi  qu'à  la  recherchedes  ancêtres  delà  famille  des  Koppernigk, 
et  à  la  constatation  de  leur  origine  ethnographique.  D'après  M.  P.,  le 
berceau  de  la  famille  a  dû  être  à  Kopirnik,  petit  endroi',  situé  près  de 
la  ville  de  Neisse,  dans  la  Silésie  supérieure.  De  là,  les  Koppernigk  se 
sont  disséminés,  soit  en  Pologne,  soit  sur  les  terres  de  l'Ordre  Teuto- 
nique, ce  qui  permet  d'attribuer  au  plus  illustre  d'entre  eux,  une  ori- 
gine allemande  ou  polonaise,  selon  les  goûts  de  ses  biographes.  M.  P. 
se  prononce  naturellement  pour  la  première  alternative.  Le  père  de 
Copernic,  Nicolas  Koppernigk,  a  lui-même  successivement  habité 
Cracovie  et  Thorn,  où  il  occupait  une  position  fort  honorable,  puisque 
l'évêque  de  Warmie,  Luc  Watzebrode,  était  son  beau-frère. 

Ce  n'est  que  dans  le  second  livre  que  Copernic  lui-même  fait  son 
apparition,  en  naissant  à  Thorn  le  19  février  1473.   Malgré  toutes  les 
recherches  de  M.  P.  dans  les  registres  municipaux,   les  urbaires,  con- 
trats de  vente,  livres  du  cadastre,  etc.,  il  n'a  pu  réunir  qu'un  nombre 
fort  petit  de  données  certaines  sur  la  famille  immédiate,  l'enfance,  l'en-  r 
tourage  de  son  héros.   Le  troisième  livre    raconte  le  séjour  du  jeune         I 
homme  à  Cracovie,  en  1492,  et  le  manque  de  détails  personnels  y  est 
racheté  par  l'abondance  de  renseignements  curieux  fournis  par  l'auteur 
sur  les  Universités  du  temps  et  tout  particulièrement  sur  celle  de  Craco- 
vie '.  De  retour  à  Thorn,  Copernic  entre  dans  les  ordres  sous  la  pro-         j 
tection  de  son  oncle,  l'évêque   Watzebrode,  qui  lui  confère  un  cano-         !■ 
nicat  au  chapitre  de  Frauenbourg,  en    1496.   Le  jeune  chanoine  ne         j 
resta  pas  longtemps  dans   son   nouveau  lieu  de  résidence;  la  même 
année  nous  le  voyons  partir  pour  l'Italie,  où  il  séjourna,  en  deux  fois,         [1 
pendant  près  de  dix  ans,  étudiant  les  lettres,  les  sciences  et  surtout  la 
médecine.  Nous  le  voyons  successivement  à  Padoue,  à  Bologne,  à  Fer- 
rare  et  à  Rome  ;  ici,  encore,  M.  P.  a  su  vérifier  l'ensemble  assez  maigre 
. I 

I.  M.  P.  établit,  contrairement  à  certains  devanciers,  que  Copernic  n'est  pas  venu 
une  seconde  fois  à  Cracovie.  I,  p.  iSy, 


D  HISTOIRE    ET    D!C    LITTERATURE  I  1  I 

des  faits  positifs,  connus  sur  l'existence  de  Copernic  en  Italie,  par  une 
accumulation  de  notices  exactes  et  topiques  sur  l'état  de  la  société,  des 
études,  de  la  situation  ecclésiastique  et  politique  de  la  péninsule  à  cette 
époque;  système  assez  dangereux  sous  la  plume  d'un  rhéteur  ou  d'un 
compilateur  superficiel,  puisqu'il  permet  l'amplification  indéfinie  d'un 
sujet,  mais  qui  perd  une  bonne  partie  de  ses  dangers  quand  un  véritable 
érudit  s'en  sert  pour  mieux  nous  faire  pénétrer  dans  Tesprit  d'une  épo- 
que, et  qu'il  s'applique  à  renouveler  ses  descriptions  plus  générales  par 
des  traits  inédits  et  choisis  aux  bonnes   sources. 

Mais  c'est  surtout  dans  les  livres  suivants  de  l'ouvrage  de  M.  P.  que 
le  biographe  de  Copernic  nous  révèle  une  toule  de  détails  inconnus  jus- 
qu'à ce  jour.  Nous  y  voyons  notre  chanoine  résider  au  château  de  Heils- 
berg,  chez  son  oncle  l'évêque  de  Warmie,  s'initier  à  l'administration 
du  diocèse,   négocier  en    son  nom  avec  le  roi  de  Pologne  et   l'Ordre 
Teutonique,   et  publier  en   i5og   ses  premiers  travaux  littéraires,  une 
traduction    latine  des  Épitres  poétiques  de  Théophylacte    Limocatta, 
poète  byzantin  du  vn^  siècle.  Apre  la  mort  de  Luc  Watzebrode,  arrivée 
en  i5i2,  Copernic  va  résider  à  Frauenbourg  et  c'est  là  que  ses  occupa- 
tions astrononiiques  commencent  à  le  faire  connaître,  si  bien  qu'il  est 
invité  à  collaborer  à  la  réforme  du  calendrier,   proposée  en   i5i4  par 
Léon  X  au  concile  de  Latran.  En  i5i6  il  est  appelé  de  nouveau  à  des 
fonctions  politiques,  comme  administrateur  de  la  châtellenie   d'AUen- 
stein.  Jusqu'en  i52i  nous  la  voyons  participer  aux  luttes  entre  l'Ordre 
Teutonique  et  le  roi  Sigismond  de  Pologne,   essayer    de  défendre   le 
territoire  delà  Warmie  contre  des  pillages  répétés,  représenter  à  la  diète 
prussienne  son  évêque,  Fabien  de  Lossainen,  et  devenir  même  un  ins- 
tant, à  la  mort  du  prélat,  administrateur-général  de  l'évêché.  Son  rôle 
politique  devenait  d'autant  plus  difficile   que  vers  ce  moment  même,  le 
grand-maître  de  l'Ordre,  Albert  de  Brandebourg,  préparait  sa  conversion 
au  protestantisme  et  la  sécularisation  des  territoires  confiés  à  sa  garde.  Il  le 
remplit  néanmoins,  à  la  satisfaction  de  ses  supérieurs  et  de  ses  collègues, 
jusqu'à  la  mort  de  l'évêque  Maurice  Ferber,  advenue  en  i53i.  Ace  mo- 
ment l'élément   de    réaction  catholique,  éveillé  par  les  progrès  de  la 
Réforme  dans  les  contrées  environnantes,  pénétra  également  dans  l'entou- 
rage de  Copernic,  et  lui  causa  bien  des  ennuis.  Le  nouvel  évêque,  Dantis- 
cus,  ancien  humaniste  aux  mœurs  légères,  auteur  de  poésies  erotiques  et 
père  d'enfants  vivant  au  loin,    m.ais  auxquels  allaient  une    partie  des 
revenus  de  sa  charge  nouvelle,   n'en   affectait  pas  moins    une  grande 
sévérité  extérieure,   et  un  zèle  ardent  contre  les  novateurs.  Au  même 
moment  entrait  aussi  au  chapitre  de  Frauenbourg  un  nouveau  chanoine, 
Stanislas  Hosius,  le   futur  cardinal,  le   grand  meneur  de  la  réaction 
catholique  en  Pologne.  Copernic  qui  professait  des  idées  plus  larges  en 
fait  de  tolérance  et  qui  s'était  fort  peu  occupé  des  questions  théologiques, 
fut  dorénavant  mis  de  côté,  puis  persécuté  d'une  façon  mesquine  par  le 
nouvel  évêque,  qui  alla  jusqu'à  lui  enjoindre  de  quitter   sa  vieille  gou-^ 


I  I  2  REVUE    CRITIQUE 

vei-nante,  Anne  Scliilling,  âgée  de  soixante-six  ans!  A  partir  de  ce 
moment,  il  vécut  retiré  du  monde,  dans  sa  maison  curiale  de  Frauen- 
bourg,  inconnu  de  la  génération  nouvelle;  il  s'y  consolait  avec  ses  livres, 
initiant  quelques  disciples  préférés,  comme  le  professeur  Joachim  Rhe- 
ticus  de  Wittemberg,  à  son  système  astronomique,  qui,  dès  i53i,  avait 
été  tourné  en  ridicule  par  quelque  maître  d'école  pédant,  ou  trop 
croyant,  dans  un  drame  scolaire,  joué  parla  jeunesse  d'Elbing.  Il  quit- 
tait parfois  Frauenbourg  pour  Kœnigsberg,  où  rappelait  le  duc  Albert 
de  Prusse,  qui  tenait  en  haute  estime  ses  connaissances  médicales;  mais 
la  majeure  partie  de  son  temps  était  consacrée  aux  préparatifs  pour  la 
publication  da  uahé  De  revolutionibus  orbiiim  cœlestiiim,  que  Rheti- 
cus  préparait  à  Nuremberg.  Il  était  mourant  quand  on  vint  déposer  sur 
sa  couche  le  premier  exemplaire  complet  de  ce  livre  qui  devait  amener 
une  révolution  radicale  dans  les  idées  astronomiques  du  moyen-âge. 
Quelques  jours  après  il  fermait  les  yeux,  à  Frauenbourg,  le  24  mai  î543  ^ 
C'est  pour  une  seconde  partie  de  son  grand  travail  que  M.  P.  a  réservé 
l'exposé  et  la  discussion  des  découvertes  scientifiques  de  Copernic.  Nous 
souhaitons  qu'elle  paraisse  bientôt  et  qu'un  critique  plus  compétent 
puisse  en  rendre  compte  aux  lecteurs  de  la  Revue,  Mais  ceux-là  rnéme 
qui  ne  sont  point  astronomes  de  profession,  et  n'entendent  pas  grand 
chose  aux  problèmes  de  la  mécanique  céleste,  liront  avec  fruit  les  deux 
premiers  volumes  exclusivement  biographiques.  Ce  tableau  d'un  coin 
de  l'Europe  orientale  au  temps  de  la  Renaissance  et  vers  les  débuts  de 
la  Réforme  est  tracé  avec  une  telle  abondance  de  documents,  une  telle 
sûreté  d'informations  que  tous  ceux  qui  s'occupent  de  l'histoire  intellec- 
tuelle ou  politique  de  cette  époque  la  liront  avec  profit  et  plaisir,  mal- 
gré quelques  longueurs.  On  ne  saurait  songer  à  traduire  le  livre  de 
M.  Prowe  en  son  entier  dans  notre  langue,  mais  ce  serait  assurément 
une  besogne  utile  que  de  le  résumer  et  de  concentrer  en  un  seul  volume 
de  dimensions  moyennes  tout  ce  que  le  travail  du  savant  de  Thorn 
nous  apprend  de  nouveau  sur  l'homme  illustre  dont  il  s'est  constitué, 
depuis  de  si  longues  années,  l'infatigable  champion. 

R. 


l'iS.  —  -Jeaiî  <J^^  ^'ivoniit-,  sa  vic  et  ses  ambassades  près  de  Philippe  II  et  à  la 
cour  dj  Rome,  d'après  des  documents  inédits,  par  le  vicomte  Guy  de  Buéjiond 
D'Ans,  2'  édit.,  Paris,  Pion,   1884.  Un  vol.  gr.  in-8  de  iv-^qô  p.  7  fr.  5o. 

L'auteur,  en  tète  de  son  volume,  a  placé  la  mention  suivante   :  Le 
père  de  Madame  de  Rambouillet  ;  et  à  la  p.  271    il  écrit  à  propos  du 

I.  C'est  à  cette  date  que  M.  P.,  après  avoir  lui-même  varié  dans  ses  différentes 
publications,  s'est  définitivement  arrêté  pour  des  motifs  qu'il  énumère  en  détail 
dans  son  dernier  chapitre. 


d'hISTOIUE    KÏ    Oli    LITTÉKATURK  1  I  3 

mariage  de  Jean  de  Vivonne  avec  Julia  Savelli  :  «  La  célébrité  de  la 
«  fille  suffirait  à  légitimer  cette  biographie  du  père,  si  d'ailleurs  celui-ci 
'<  n'avait  pas  un  véritable  mérite  personnel  :  qui  donc  ne  s'intéresserait 
«  aux  origines  de  la  marquise  de  Rambouillet  comme  à  tous  les  détails 
«  de  sa  vie?  »  M.  de  Brémond  d'Ars  se  défie  peut-être  un  peu  trop  de 
son  héros,  ce  qui  n^estpas  une  excellente  condition  pour  en  «  restituer  », 
comme  il  l'annonçait  dans  sa  préface,  «  la  franche  et  hère  physiono- 
mie ».  Le  marquis  de  Pisany  «  n'est  pas  un  grand  homme  »,  assuré- 
ment :  mais  il  a  été  mêlé  à  des  événements  capables  de  grandir  un 
homme  dont  la  taille  eût  été  encore  plus  médiocre  ;  le  récit  de  sa  vie  peut 
et  doit  nous  intéresser,  abstraction  faite  de  souvenirs  et  de  personnages 
plus  récents. 

L'ouvrage  est  divisé  en  six  chapitres  de  longueur  et  d'importance  très 
inégales.  Dans  le  premier,  M.  de  B.  d'A.  a  retracé  en  trente  pages  l'en- 
fance de  Jean  de  Vivonne  s'écoulant  au  milieu  des  mœurs  encore  féoda- 
les de  la  Saintonge,  ses  premières  campagnes  aux  Pays-Bas,  son  retour  à 
la  cour,  sa  liaison  avec  la  célèbre  et  galante  mademoiselle  de  Vitry  : 
l'occasion  eût  été  belle  pour  nous  «  restituer  »  un  peu  cette  cour  de 
Henri  II  si  curieuse  avec  son  luxe  nouveau,  son  étiquette,  ses  fêtes  et 
ses  tournois  monarchiques.  M.  de  B.  d'A.  a  préféré  se  lancer  dans  des 
considérations  assez  générales  sur  les  horreurs  de  la  guerre  civile  qui 
approche;  à  la  note  i  de  la  p.  17,  il  nous  affirme  (précaution  oratoire 
toujours  un  peu  dangereuse)  que  «  tout  ceci  n'est  point  de  la  déclama- 
tion. »  N'insistons  pas.  Peu  de  chose  à  dire  également  des  deux  derniers 
chapitres  où  est  retracée  la  lin  de  la  vie  du  marquis  de  Pisany,  et  où, 
faute  de  document  plus  sûrs,  il  a  été  fait  un  trop  large  usage  d'une 
Historiette  suspecte  de  Tallemant  des  Réaux  (jVÎ.  de  B.  d'A.  le  recon- 
naît avec  bonne  grâce  lui-même,  Appendice,  p.  SgS), 

La  partie  la  plus  importante  du  livre  et  de  beaucoup  la  plus  neuve 
est  celle  où  se  trouve  racontée  en  détail  la  carrière  diplomatique  de  Jean 
de  Vivonne.  Son  ambassade  en  Espagne  de  1572  a  1 583  {Chapitre  u, 
p.  31-147),  ses  "2'-^^'  missions  successives  à  Rome  de  i585  à  iSSg  (Cha- 
pitres m  et  IV,  p.  148-31 1),  sont  au  point  de  vue  historique  d'un  grand 
intérêt.  Il  est  curieux,  quoiqu'un  peu  pénible,  de  voir  la  piètre  figure 
que  fait  à  Madrid,  vers  la  fin  du  xvi''  siècle,  un  ambassadeur  français; 
la  résistance  qu'oppose  le  Saint-Siège  aux  premières  prétentions  du 
gallicanisme  est  aussi  un  sujet  digne  d'attention.  Le  représentant  du  roi 
très  chrétien  se  jouait  là  à  fortes  parties  :  avoir  à  faire  à  Philippe  II 
d'abord  et  ensuite  à  Sixte-Quint,  c'est  un  honneur  si  l'on  veut,  mais 
périlleux.  Jean  de  Vivonne  fut-il  à  la  hauteur  de  cette  tâche?  Il  est 
permis  d'en  douter  un  peu.  Quoi  qu'il  en  soit,  M.  de  B.  d'A.,  pour 
nous  retracer  celte  série  d'intrigues  diplomatiques,  qu'il  faut  suivre 
dans  son  livre  même,  s'est  servi  de  documents  en  presque  totalité  ma- 
nuscrits, îl  a  fait  surtout  un  heureux  usage  des  cinq  volumes  renfer- 
mant la  correspondance  manuscrite  de  Jean  de  Vivonne  pendant  l'am- 


I  14  UEVUE   CRITIQUE 

bassade  d'Espagne  (5/^/.  Nac.  F.  Fr.,  16104-108)  ;  il  a  suppléé  habile- 
ment à  une  lacune  de  trois  années  à  l'aide  de  pièces  provenant  de  la 
chancellerie  de  Philippe  II.  Les  citations  tirées  de  ces  différentes  sources 
et  de  celles  qui  sont  relatives  aux  ambassades  près  du  Pape  (en  attendant 
la  publication  complète  des  documents  originaux),  apportent  une  con- 
tribution réelle  à  l'histoire  de  la  diplomatie  française  pendant  le 
xv[°  siècle.  Ce  doit  avoir  été  là,  à  n'en  pas  douter,  le  véritable  but  de 
l'auteur.,  et  il  l'a  atteint. 

Nous  lui  adresserons  cependant,  en  terminant,  une  légère  critique.  Si 
les  documents  manuscrits  ont  été  cités  avec  une  précision  rigoureuse,  il 
n'en  est  pas  de  même  des  livres  imprimés,  et  c'est  un  tort.  Il  est  très 
légitime  d'invoquer  le  témoignage  d'historiens  contemporains  ou  beau- 
coup plus  récents  :  mais  il  est  moins  légitime  de  rédiger,  sans  indication 
de  page  ni  d'édition,  des  notes  telles  que  celles-ci  :  D'Aubigné,  Histoire 
(p.  17,  n.  2),  et  :  Ranke,  Histoire  de  la  Papauté  (p.  28,  n.  2\  etc. 
Enfin  il  est  bon  de  choisir  les  textes  établis  avec  le  plus  de  soin.  Bran- 
tôme est  constamment  cité  d'après  l'édition  du  Panthéon  littéraire  : 
nous  n'apprendrons  rien  sans  doute  à  M.  de  Brémond  d'Ars,  en  lui  rap- 
pelant que  l'édition  de  M.  Ludovic  Lalanne  peut  seule  faire  autorité. 

E.  B. 


CHRONIQUE 


France.— Sous  le  titre  de  Très  humble  essai  de  phonétique  lyonnaise,  M.  Nizier  du 
FuiTSPELU  vient  de  publier  chez  H.  Georg  à  Lyon  {in-8;  tiré  à  5o  exemplaires),  un 
travail  curieux  sur  le  patois  lyonnais;  cet  idiome,  peu  connu  jusqu'ici,  comptera  dé- 
sormais parmi  ceux  dont  les  formes  auront  été  le  mieux  étudiées;  il  en  est  peu  dont 
M.  N.  du  Fuitspelu  n'ait  point  recherché  l'origine  ou  essayé  de  donner  la  raison,  et 
si  toutes  ces  explications  ne  sont  pas  également  justes,  elles  sont  presque  toujours 
ingénieuses.  Mais  ce  qui  recommande  surtout  son  étude,  c'est  l'emploi  des  procédés 
scientifiques  de  dérivation;  on  doit  lui  savoir  gré  de  travailler  ainsi  à  répandre  ces 
méthodes  sans  lesquelles  on  s'égare  fatalement.  Ce  mérite  est  trop  grand  pour  ne 
pas  faire  excuser  les  erreurs  qu'on  peut  signaler  dans  un  travail  qui  renferme  tant 
de  choses  intéressantes  et  utiles.  —  Ch.  J. 

—  Le  3«  fascicule  de  la  Ga:{etle  archéologique  dirigée  par  MM.  de  Witte  et  de 
Lasteyrie,  vient  de  paraître.  Il  contient  les  n***  5  et  6  de  l'année  i885,  toujours 
illustrés  de  magnifiques  photogravures;  les  articles  principaux  sont  les  suivants  : 
Sculptures  antiques  trouvées  à  Cfjrr/iag-e  (Musée  Saint-Louis),  par  S.  Reinach  et 
Babelon  ;  Orfèvrerie  bretonne,  Croix  processionnelle  du  xvi«  siècle,  par  L.  Palus- 
tre, avec  deux  jolies  reproductions;  fin  d'une  étude  sur  les  Miniatures  inédites  du 
fameux  Hortus  deliciarum  {xii<^  s.)  de  Strasbourg,  par  R.  de  Lasteyrie,  avec  le  ca- 
talogue complet  des  miniatures  et  leur  bibliographie  détaillée  ;une  aiguière  enbron:;e 
représentant  un  centaure,  ■pdLY'E..y\oi.\\w.K;nQ\\c(i  svw  un  plan  inédit  de  Rome  à  la 
fiti  du  \[v'  siècle,  par  F..  Mùntz;  trois  figurines  du  cabinet  des  médailles  de  Paris, 


D  HlSTOiR;!,    ai    DE    LirrERATUSlE  IIJ 

par  G.  Perrot.  —  Rappelons  que  les  précédents  numéros  de  celle  année  contenaient, 
comme  articles  importants  :  Une  longue  élude  sur  V Hercule  'ETritpazÉçtOÇ  de  Ly- 
sj'ppe,  par  F.  Ravaisson  ;  Notice  sur  le  David  de  bronze  de  Michel-Ange  au  château 
de  Bury,  par  L.  Courajod,  etc.  —  Nous  nous  réservons  de  rendre  compte  ici  plus 
en  détail,  à  la  fm  àz  Tannée,  de   ces  intéressants  travaux.  —  II-  G. 

—  Dans  une  petite  étude  sur  les  Antiquités  de  Bordeaux  (Paris,  Leroux  et  Bor- 
deaux. ChoUet.  In-8o,  12  p.,  extrait  de  la  Revue  archéologique),  M.  Camille  Julliax 
fait  riiistoire  du  musée  de  Bordeaux  et  de  ses  enrichissements  successifs  (plus  de 
six' cents  pièces,  statues,  bas-reliefs,  tombeaux,  fragments  d'architecture)  ;  il  décrit 
rapidement  cette  collection  d'antiques  «  la  plus  riche  et  la  plus  précieuse  des  col- 
lections analogues  n;  il  montre  que  cette  galerie  d'art  gallo-romain  est  la  plus  belle 
qui  existe  en  France,  tant  par  le  nombre  des  pièces  que  par  la  variété  des  sujets  et 
le  fini  des  sculptures;  il  propose  enfin  de  réunir  le  dépôt  d'antiques  de  Bordeaux 
(collections  du  Coliséa  et  de  l'hôtel  Jean  Jacques  Bel)  le  musée  d'armes,  le  musée 
préhistorique  pour  former  avec  ces  quatre  collections  une  admirable  galerie  histo- 
rique qui  serait  installée  dans  l'ancien  couvent  où  se  réunirent  les  Girondins. 

—  M.  J.  Parmentier  vient  de  publier  dans  le  Bulletin  mensuel  de  la  Faculté  des 
lettres  de  Poitiers  'juillet)  un  article  sur  la  littérature  étrangère  à  l'Académie  où  il 
rend  compte  du  livre  de  M.  Beljame  sur  k  le  public  et  les  hommes  de  lettres  en 
Angleterre  au  xviii°  siècle  »  et  de  V  «  Histoire  de  la  littérature  anglaise  »  de  M.  Fi- 
lon; ces  deux  livres  ont  éié  couronnés  par  l'Académie  française;  M.  P.  fait  le  plus 
grand  éloge  de  l'œuvre  de  M.  Beljame,  oij  u  tout  est  exact,  bien  disposé,  bien  dit  »  ; 
il  est  plus  sévère  pour  !e  volume  de  M.  Filon,  où  il  trouve  beaucoup  d'erreurs  et 
très  peu  de  précision.  —  .M.  Parmentier  fait  paraître  en  même  temps,  dans  la  Re- 
vue de  Venseignenieni  des  Lingues  vivantes  (i5  juin  i885,  n»  4),  les  deux  premiers 
chapitres  d'une  courte  histoire  de  la  littérature  anglaise,  A  short  History  of  the 
English  Language  and  Literature,  précis  écrit  en  un  anglais  très  facile  à  compren- 
dre, destiné  aux  candidats  à  l'agrégation  et  au  certificat  d'aptitude,  et  qui  pourra 
être  très  utile. 

—  La  part  de  Vart  italien  dans  quelques  monuments  de  peinture  de  la  première 
Renaissance  frj.nçaise,  tel  est  le  titre  d'un  nouvel  opuscule  que  M.  Louis  Courajod 
a  fait  paraître  à  la  librairie  Champion  (in-8",  36  p.,\  L'auteur  montre  qu'il  faudra 
désormais,  pour  expliquer  définitivement  les  origines  encore  obscures  de  la  Renais- 
sance française,  tenir  compte  d'un  élément  d'importation  qu'on  avait  trop  souvent 
négligé.  Il  prouve  qu'un  des  foyers  de  la  propagande  italienne  fut  un  groupe  d'ar- 
tistes domiciliés  au  Petit-Kesle,  à  Paris. 

—  Dans  la  réunion  générale  de  la  Société  historique  de  Gascogne  (i5  juin  i885), 
M.  Tamizey  de  Larroque  a  fait  un  Appel  aux  érudits  que  nous  renouvelons  ici  avec 
empressement.  «  Je  voudrais,  dit  notre  infatigable  et  savant  collaborateur,  perfec- 
tionner le  tableau  dressé  par  Berger  de  Xivrey  des  séjours  et  itinéraires  de  Henri  IV 
pendant  qu'il  fut  roi  de  Navarre;  j'ai  déjà  réussi  à  combler  un  grand  nombre  de 
lacunes,  mais  combien  d'anneaux  encore  il  faut  attacher  à  la  chaîne  pour  qu'elle  soit 
complète!  Je  dis  complète,  car  dans  mon  ambition  peut-être  téméraire  je  me  pro- 
poserais de  suivre  le  futur  Henri  IV  jour  par  jour,  depuis  son  adolescence  jusqu'à 
son  avènement  au  trône  de  France,  de  ne  pas  le  perdre  de  vue  un  seul  instant  dans 
ses  marches  comme  dans  ses  haltes,  de  photographier  pour  ainsi  dire  toutes  ses  al- 
lées et  venues,  tous  ses  mouvements.  Je  ne  me  tirerai  pas  d'aflaire  si  je  n'ai  pas  de 
nombreux  et  dévoués  collaborateurs.  »  M.  Tamizey  de  Larroque  prie  ces  «collabo- 
rateurs »  de  chercher  des  lettres  du  roi  de  Navarre  et  de  ses  compagnons  dans  les 
archives  des  vieux  châteaux  et  dans  les  archives  uépariemeniait:£  uî  communales;  en 


ii6 


REVUE    CRITIQUE    D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE 


rapprochant  les  dates,  on  arriverait  à  reconstiiuer  le  tableau  fidèle  et  minutieux  de 
toutes  les  courses  de  Henri  IV. 

—  Le  tome  quatrième  de  la  traduction,  par  M"!^  Dosquet,  de  VHistoire  de  VEii- 
rope  pendant  la  Révolution  française  de  M.  H.  de  Sybel  vient  de  paraître  à  la  li- 
brairie Alcan  (In-8°,  5o2  p.  7  francs).  11  comprend  trois  livres:  I.  Le  Directoire; 
II.  Milan  et  Manioue ;  111.  Léoben.  Nous  avons  comparé  la  traduction  française  avec 
le  texte  original,  et  nous  devons  reconnaître  que  cette  traduction  est  très  fidèle  et 
très  exacte;  elle  fait  honneur  à  l'inspectrice  générale  des  écoles  maternelles,  qui  a 
entrepris  cette  laborieuse  tâche  avec  autant  de  succès  que  de  persévérance.  Tout  au 
plus  lui  reprocherons-nous,  p.  844,  d'avoir  traduit  «  der  Schneesturm  abscheulich, 
die  Wege  bodenlos  »  par  «  les  chemins  défoncés  étaient  rendus  impraticables  par  la 
neige  »;  le  mot  «  Schneesturm  »  n'est  pas  rendu.  Ajoutons  que,  p.  299,  Lockerung 
signifie  plutôt  «  dissolution  »  que  rupture.  Il  est  inutile  de  dire  que  cette  traduction 
rendra  de  grands  services. 


SOCIÉTÉ  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE 


Séances  des  8  et  i5  juillet. 

PRÉSIDENCE    DE  M.    COURAJOD. 

M.  Al.  Bertrand  communique  les  photographies  d'une  tête  de  marbre  blanc  qu'il 
a  reçue  de  M.  Aug.  Nicaise  et  que  l'on  croit  provenir  des  anciennes  fouilles  exécu- 
tées par  Grignon  au  Châtelet  (Haute-Marne). 

M.  Flouest  communique  de  beaux  dessins  coloriés  d'objets  antiques  retirés  d'un 
tumulus  de  la  forêt  de  Champberceau,  commune  de  Rivières-les-Fosses  (Haute- 
Marne)  notamment  une  feuille  mince  et  flexible  de  bronze  façonnée  en  ceinture. 

M.  Molinier  lit  un  extrait  d'un  mémoire  de  M.  Cloquet  sur  une  peinture  murale 
de  l'église  de  Courtray  (Belgique). 

_  M.  l'abbé  Thédenat  fait  circuler  les  empreintes  de  deux  masques  moulés  sur  le 
visage  de  deux  enfants  défunts;  le  premier,  trouvé  à  Paris  dans  une  sépulture  ro- 
maine de  la  rue  Nicole,  est  conservé  au  Musée  Carnavalet;  le  second,  trouvé  à  Lyon 
et  conservée  au  Musée  de  cette  ville,  donne,  comme  on  l'apprend  par  l'épitaphe 
gravée  sur  la  tombe,  les  traits  de  Claudia  Victoria  morte  à  l'âge  de  dix  ans  un  mois 
et  onze  jours. 

M.  le  Président  présente  avec  éloge  le  livre  de  M.  Ch.  de  Linas  «  Œuvre  de  Li- 
moges conservée  à  V étranger  et  documents  relatifs  à  l'émaillcrie  limousine.  » 

M.  l'abbé  Beurlier  communique  la  photographie  d'un  taureau  de  bronze  trouvé  à 
Dodone  et  appartenant  à  la  collection  de  M'.  Troienski,  consul  général  de  Russie  à 
Janina  ;  cette  œuvre  d'art  est  d'un  style  tout  particulier.  Il  fait  également  circuler 
une  drachme  inédite  d'Apollonie  d'Epire,  destinée  au  cabinet  des  Médailles  et  d'une 
très  belle  conservation;  on  y  lit  des  noms  de  magistrats  locaux  :  Agonippos  et  Pres- 
bylos,  fils  de  Timoxénos. 

M.  Lecoy  de  la  Marche  lit  une  analyse  détaillée  d'un  manuscrit  du  xiv"  siècle, 
conservé  à  la  bibliothèque  de  Naples,  De  arte  illuminandi. 

M.  de  Barthéleniy  achève  la  lecture  du  mémoire  de  M.  de  la  Noé  sur  l'oppidum 
Gaulois  en  général.  A  cette  occasion,  un  membre  présente  des  observations  sur 
l'emploi  des  pluriels  oppidums  et  oppida,  et  autres  analogues  en  français. 

Le  Secrétaire, 
Signé  :  R.  Mowat. 

Le  Propriétaire -Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 


1 


Le  Puy,  impriKierie  ae  ÀJarchessov  iils.  loule.vard  Saint-Laurcni,  2j. 


REVUE    CRITIQUE 

3'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N°  33  —  17  août  —  1885 


Sontn:aii*e  î  liJg.  Recueil  de  l'Instiiut  archéologique  d'Athènes,  I. —  140.  Servius, 
commentaire  de  l'Enéide,  p.  p.  Tiulo,  11.  —  141.  Prou,  Les  coutumes  de  Loiris, 
—  142.  De  WiTï,  Un  patricien  au  xvii'' siùcle,  Louis  de  Geer.  —  143.  Hagmann, 
L'Essai  sur  les  mœurs,  de  Voltaire.  —  144.  Reynald,  Succession  d'Espagne, 
Louis  XIV  et  Guillaume  IlL  —  Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions.  — 
Société  des  Antiquaires  de  France. 


i3q.  —  Ai-chseologîcal  Instîtuîe  of  i^mierica.  Papers  of  the  american  school 
of  classical  studies  at  Athens.  Vol.  I,  î882-83.  Boston,  Cupples,  Upham  and  Go. 
26'z-vii  pages. 

UEcole  améi'icaine  des  études  classiques  à  Athènes  a  été  fondée  en 
1882,  sous  les  auspices  de  Plnstitut  archéologique  d'Amérique  et  aux 
frais  des  treize  principaux  collèges  des  États-Unis.  Elle  possède  aujour- 
d'hui à  Athènes  une  installation  convenable  et  une  bibliothèque  d'envi- 
ron 3,000  volumes.  Le  règlement  de  l'École  a  été  inspiré  par  ceux  de 
ses  deux  aînées,  l'Ecole  française  et  l'Institut  allemand,  non  sans 
présenter,  toutefois,  des  particularités  plus  ou  moins  heureuses  qui  Ten 
distinguent.  L'École,  qui  ne  loge  pas  ses  élèves,  ouvre  gratuitement  sa 
bibliothèque  et  prête  son  concours  à  tous  les  graduâtes  des  collèges  qui 
contribuent  à  son  entretien,  ainsi  qu'aux  étudiants  américains  de  toute 
origine  qui  paraissent  vouloir  se  livrer  à  des  études  sérieuses.  Les  élèves 
vivent  des  felloji'ships  qu'ils  ont  obtenues  dans  leurs  collèges  respectifs, 
ou  de  leurs  ressources  personnelles  :  le  directeur  de  l'École,  qui  n'est 
nommé  que  pour  un  an,  est  seul  rétribué.  Un  comité  dirigeant  se  réunit 
deux  fois  par  an  à  New-York  et  à  Boston,  nomme  le  directeur  et  prend 
connaissance  des  travaux  de  l'École.  Chaque  élève  doit  présenter,  à  la 
fin  de  l'année,  un  mémoire  sur  une  question  dUiistoire  ou  d'archéologie 
grecque;  le  comité  décide  s'il  y  a  lieu  de  faire  imprimer  ces  essais,  et  la 
dépense  prévue  de  ce  chef  peut  atteindre  1,000  dollars  par  an.  L'obliga- 
tion pour  chaque  élève  de  remettre  un  mémoire  annuel  est  empruntée 
au  règlement  de  l'École  française;  elle  n'existe  pas  pour  les  stipendiés  de 
l'Institut  allemand,  qui  peuvent  ainsi  consacrer  à  d'utiles  voyages  tout 
le  temps  de  leur  séjour  en  Grèce,  au  lieu  de  disserter  sur  des  questions 
d'histoire,  d'archéologie  ou  de  grammaire  que  l'on  étudierait  tout  aussi 
bien,  et  mieux  même,  dans  les  bibliothèques  de  Paris  ou  de  Ber- 
lin'. 


î.  Depuis  iS83,   l'obligation  de  remettre  un  mémoire  a  été   supprimct;  pour  les 
élèves  de  première  année  de  l'Fcole  française;  ce  n'est  qu'une  demi-mesure. 
Noisvelle  série,  XX.  33 


r  I  8  REVUE   CRITIQUE 

L'École  française  depuis  1868  et  l'Institut  allemand  depuis  1876 
publient  des  recueils  qui,  entre  autres  mérites,  ont  rendu  des  services 
considérables  à  l'étude  de  l'épigraphie  grecque.  Les  mémoires  des  mem- 
bres de  notre  Ecole  étaient  autrefois  publiés  dans  les  Archives  de 
Missions,  ou  restaient  manuscrits  dans  les  cartons  de  Plnstitut;  depuis 
1877,  ^^^  meilleurs  sont  imprimés  dans  la  Bibliothèque  des  Écoles  d'A- 
thènes et  de  Rome,  mais  la  plupart,  qui  résument  parfois  des  observa- 
tions personnelles  intéressantes,  restent  inédits,  parce  que  le  Bulletin  de 
Correspondance  hellénique^  comme  les  Mittheilungen  de  l'Institut 
allemand,  ne  s'ouvrent  guère  à  des  travaux  de  longue  haleine.  L'École 
américaine  a  été  bien  inspirée  en  n'essayant  pas  de  fonder  un  troisième 
recueil  périodique  de  documents,  à  côté  de  ceux  des  Écoles  française  et 
allemande  ;  elle  a  préféré  commencer  un  recueil  de  mémoires  développés, 
dûs  au  directeur  et  aux  membres  de  l'École,  qui  tiennent  le  milieu  entre 
les  courts  articles  de  notre  Bulletin  et  les  travaux  souvent  fort  longs 
publiés  dans  la  Bibliothèque  des  Ecoles.  Le  premier  volume  de  ce  recueil, 
qui  paraît  avec  un  retard  bien  excusable  aux  débuts  d'une  publication, 
est  destiné  à  donner  une  idée  de  Pactivité  de  l'École  pendant  la  première 
année  de  son  existence,  1 882-1 883.  Il  fait  grand  honneur  à  ceux  qui 
ont  dirigé  cette  institution  '  et  permet  d'augurer  favorablement  de  son 
avenir.  Nous  avons  remarqué  avec  plaisir  que  tous  les  mémoires  conte- 
nus dans  ce  volume  sont  le  fruit  d'études  conduites  sur  place;  c'est  un 
précédent  qui  mérite  de  devenir  une  règle,  car  pour  intéressantes  que 
puissent  être  des  monographies  d''histoire  littéraire,  de  grammaire  ou  de 
droit  public,  il  n'est  pas  besoin  de  se  rendre  à  Athènes  pour  les  écrire^ 

Alors  que  la  fondation  de  l'École  américaine  n''était  encore  qu'à  Tétat 
de  projet,  on  avait  cherché  un  emplacement  de  fouilles  où  elle  pût 
gagner  ses  éperons.  Après  une  tentative  infructueuse  pour  obtenir  un 
lirman  en  Crète  -,  l'Institut  archéologique  américain  commença  des 
travaux  considérables  à  Assos.  Les  fouilles  amenèrent  la  découverte  de 
plusieurs  fragments  de  la  trise  du  temple  et  d'un  grand  nombre  d'ins- 
criptions grecques,  qui  ont  cté  partagés  entre  le  musée  de  Constantinople 
et  celui  de  Boston.  Une  monographie  sur  l'ensemble  de  l'exploration 
doit  paraître  dans  le  courant  de  l'année  prochaine;  dés  18S2,  M.  Clarke 
a  publié  un  Report  on  the  investigations  at  Assos^  où  il  a  fait  connaître 
les  découvertes  relatives  à  l'architecture  et  à  la  sculpture,  avec  un  choix 
d'inscriptions  de  la  même  provenance.  Le  I^""  volume  des  Papers  ofthe 
american  school  s'ouvre  par  un  excellent  travail  de  M.  Sterrett  sur  les 
inscriptions  recueillies  à  Assos;  elles  sont  au  nombre  de  73,  et  quelques* 

^.  M.  Goodwin,  d'Harvard  University,  en  i882-i883;  M.  PackarJ,  de  Ya!e  collège, 
■en  -1883-1884.  Le  directeur  actuel  est  M.  Cooke  Van  Benschoten,  de  la  Wcsleyan 
University. 

2.  Archaeological  instiiute  of  America,  second  annual  report  of  the  executive  corn- 
mittee.  1881,  p.  41-49  (Rapport  de  M.  Stillmann  sur  les  sites  anciens  à  explorer  en 
Crète). 


d'histoire   Kl    DE   LITTÉUATUKE  II9 

unes  sont  fort  intéressantes.  Signalons  un  texte  en  dialecte  éolien  de 
Lesbos  où  l'oti  rencontre  pour  la  première  fois  la  forme  £7c;'.,  S^'pers. 
plur.  d'£j;.[j,i,  au  lieu  d'iv-î,  conjecture  de  Sauppe  ';  un  décret  en  l'hon- 
neur d'Assos,  qui  avait  envoyé  des  juges-arbitres  pour  trancher  des 
différends  dans  une  autre  ville;  un  décret  de  Stratonicée  en  l'honneur 
d'Assos,  qui  lui  avait  rendu  le  niême  service;  la  base  d'une  statue  élevée 
par  les  marchands  romains  d'Assos  à  Caïus  César,  hls  d'Auguste;  plu- 
sieurs textes  relatifs  à  Quintus  Lollius  Philetairos  et  à  sa  famille,  où  le 
titre  de  rAzp'.oq  ycaù.fjç,  était  héréditaire  -;  une  tablette  de  bronze  conte- 
nant le  serment  de  fidélité  des  Assiens  à  Caligula,  etc.  Tous  ces  textes 
sont  reproduits  en  fac-similé,  commentés  avec  détail  et  traduits  intégra- 
lement, suivant  un  excellent  exemple  donné  par  MM.  Rangabé,  5]gger, 
Foucart  et  Dareste,  mais  que  la  plupart  des  épigraphistes  trouvent 
commode  ou  prudent  de  ne  pas  suivre.  Les  fac-similés  sont  d'une 
exécution  excellente  et  bien  autrement  utiles  que  les  transcriptions  en 
caractères  épigraphiques  uniformes  publiées  par  d'autres  recueils.  Il  est 
vrai  que  la  gravure  de  ces  fac-similés  a  dû  entraîner  une  dépense  consi- 
dérable, ce  qui  explique  sans  doute  que  le  même  svstème  n''ait  pas  été  suivi 
dans  le  reste  du  volume  '. 

Le  second  mémoire,  également  par  M.  Sterrett,  contient  2?  inscrip- 
tions grecques  et  latines  recueillies  à  Tralles  en  i883  par  MM.  Sterrett 
et  Ramsay.  La  plupart  de  ces  textes  ont  déjà  été  publiés  dans  les 
Mittheilungen^  mais  l'auteur,  en  les  rééditant,  a  notablement  amélioré 
ses  premières  copies.  Nous  trouvons  ensuite  un  travail  d'un  membre 
de  rÉcole,  M.  James  Wheeler,  sur  le  théâtre  de  Bacchus  à  Athènes; 
c'est  une  excellente  monographie,  qui  vient  remplir  une  véritable  la- 
cune, et  qui  contient  une  photographie,  un  pian  et  plusieurs  bois  habi- 
lement dessinés.  Le  quatrième  essai,  par  M.  Louis  Bevier,  est  une 
histoire  de  la  construction  de  l'Olympieion  à  Athènes,  sujet  qui  n'avait 
pas  encore  été  traité  dans  son  ensemble  avec  autant  d'exactitude  et  de 
soin.  M.  Harold  Fowler  a  donné  ensuite  un  nouveau  travail  sur  un 
sujet  bien  usé  et  pourtant  bien  obscur  encore,  l'Erechtheion  d'Athènes, 
avec  quatre  plans  et  deux  bois.  Enfin,  le  volume  se  termine  par  une 
dissertation  de  M.  Goodwin,  le  directeur  de  TÉcole,  sur  la  topographie 
de  la  bataille  de  Salamine  et  les  manœuvres  qui  font  précédée.  Le  but 
de  ce  travail,  dont  Tintclligencc  est  facilitée  par  une  carte  et  deux  vues 


1.  CommentLiiio  de  diiabus  jiiscriftioiiibvs  Lesbiacis.  187 1.  Cf.  Brugmann, 
Handbuch,  II,   i,  p.    76,    qui    voit   dans  rijtî'.  une  3«  pers.  du  singulier. 

2.  Quintus  Lollius  Philetairos  est  pfctie  de  Zeus  Homonoos  et  d'Auguste;  le  culte 
de  ces  deux  divinités  était  associé  à  Assos  comme  celui  d'Athéné  Polias  et  de  Livieà 
Cyzique. 

3.  L'Ecole  américaine  rendrait  un  bien  grand  service  en  publiant  ainsi  en  fac- 
similé,  d'après  des  photographies,  toutes  les  inscriptions  datées  éparscs  dans  le  monde 
grec.  Un  pareil  travail,  qui  reste  à  faire,  rendrait  seul  possible  une  histoire  complète 
de  l'alphabet  grec  épigraphiqne. 


1  2U  RKVOE    CRITIQUE 

de  l'île,  est  de  mettre  d'accord  le  récit  d'Hérodote  avec  celui  d'Eschyle, 
contrairement  à  l'opinion  de  M.  Loeschke,  qui  les  croit  inconcilia- 
bles. 

Nous  ne  pouvons  entrer  ici  dans  l'examen  détaillé  de  ces  mémoires, 
c[ui,  portant  en  général  sur  des  questions  controversées,  ne  sauraient  avoir 
la  prétention  de  donner  dts  solutions  définitives.  Nous  avons  seulement 
voulu  si^naler  à  Tattention  de  nos  lecteurs  un  recueil  très  sérieusement 
fait,  dont  la  publication,  coïncidant  avec  celle  de  Y  American  journal 
of  Archaeology^  est  un  remarquable  symptôme  du  mouvement  des 
études  classiques  aux  États-Unis.  Ce  pays,  à  cause  du  grand  développe- 
ment qu'y  a  pris  la  civilisation  matérielle,  a  besoin,  plus  que  tout  au- 
tre, d'encourager  des  études  qui  puissent  faire  contre-poids,  dans  les 
générations  nouvelles,  à  ce  que  les  tendances  de  sa  civilisation  ont  d'un 
peu  grossier.  Nous  souhaitons  que  l'École  américaine  d'Athènes  éveille 
de  vives  sympathies  de  l'un  et  l'autre  côté  de  l'Atlantique  et  que  ses 
heureux  effets  sur  les  jeunes  gens  qu'elle  formera  vérifie  une  fois  de  plus 
le  vers  d'Horace  : 

Adjecerc  bonae  paulo plus  at-tis  Atlienae. 

Salomon  Reinach. 


140.  —  G.  Tiiri.o.  Ssei-vàâ  gi-aiitmutîeii  quî  fci'ssKtus"  in  Vei'gîlîî   cai"îrs!«i« 

c:ouïi3sentai>iî.  \'ol.  il.    fascic.   II;  .Eneidos    libror.  ix-xii,  commentarii;  in-8, 
prasf,  i-x;   p.  Soy-bôo;  Teubner,    Leipzig,  1884. 

M.  Thilo  a  construit  son  monument;  il  nous  a  donné  entièrement  le 
commentaire  de  Servius  sur  V Enéide  '.  Puissent  ses  lecteurs  reconnaî- 
tre quel  effort  a  été  nécessaire  pour  arriver  à  cet  heureux  achèvement  ! 
Plus  de  vingt  ans  d'études,  des  collations  dans  presque  toutes  les  gran- 
des bibliothèques  de  l'Europe,  beaucoup  de  sagacité,  une  longue  pa- 
tience, c'est  à  ce  prix  seulement  que  l'œuvre  a  pu  être  terminée.  Il  est 
vrai  qu'elle  forme  un  monument  solide  et  qui  durera.  L'édition  de 
Lion,  malgré  sa  médiocrité,  a  dépassé  le  demi-siècle.  On  peut  prédire 
à  l'édition  Thilo  un  ou  deux  siècles  de  durée,  et  ce  succès  indiscutable  et 
prolongé,  on  peut  dire  qu'elle  l'aura  mérité  plus  qu'aucune  autre. 

La  disposition  extérieure  et  la  méthode  suivie  sont  les  mêmes  ici  que 
dans  les  fascicules  précédents.  Aussi  n'avons-nous  plus  à  en  parler. 
Remarquons  seulement  qu'outre  les  conjectures  propres  à  M.  Th.,  et 
parmi  elles  il  y  en  a  de  très  heureuses",  on  en  verra  sur  presque  tous 
les  passages  difficiles  de  ces  derniers  livres,  de  M.  R.  Schoell  et  d'autres 
savants. 

1.  Voir  l'ariicle  publié  dans  ccitc  Revue  sur  le  2' fascicule  du  tome  I  :  iSS'i, 
n"  2,  8  janvier,  p.  2 3. 

2.  Par  exemple,  p.  342,  22,  sur  IX,  442  ;  Capiiolii  jproimo. 


D  HISTOrRR    ET   DE    LITTERATURE  I  2  I 

L'éditeur  fait  preuve  partout  de  conscience.  Voici  de  sa  part  une 
preuve  de  sincérité  que  je  tiens  à  citer.  P.  840,  23,  sur  IX,  346,  après 
secundum  Hoineriim,M.Th.  n'a  trouvé  dans  ses  notes  qu'une  indication 
qui  lui  a  paru  insuffisante  :  il  avait  noté  seulement  que  la  citation 
grecque  était  corrompue,  qu'elle  n'était  pas  probablement  celle  qu'a  pro- 
posée Daniel;  maisil  n'avait  pas  transcrit  les  caractères  grecs  :  il  a  donc 
laissé  après  ces  mots  une  lacune.  Comblons-la,  puisque  nous  le  pou- 
vons, grâce  à  l'obligeance  de  M.  Omont.  F  donne  après  Hotnerum  : 
EAAABnOP(I>ÏPEO^0TANO:ï:KÂIMOPÂXTAIE.  Donc  il  y  a  là  unesim.ple 
erreur  de  collation,  et  Daniel  ne  s'était  pas  trompé. 

Je  complète  de  même  les  indications  qui  manquent  sur  le  lemme  de 
la  scolie  X,  4,  p.  387,  19  ;  dans  la  scolie,  i^'omet  le  mot  spectat  ;  dans 
le  texte,  le  même  ms.  donne  aspectat;  au  même  vers,  Paris.  '  donne 
as.  p.  (:=  aspectat  populos). 

Des  éloges  que  ne  restreindrait  aucune  critique,  pourraient  paraître 
fondés  sur  un  examen  superficiel;  j'ai  donc  cherché,  particulièrement 
dans  le  livre  IX,  quels  lapsus  avaitpu  commettre  l'auteur  et  quelles  chi- 
canes on  pouvait  lui  faire. 

Je  n'ai  vu  qu'une  faute  d'impression  :  p.  33o,  dernière  ligne  et  der- 
nier chiffre  :  lisez  241. —Le  système  des  italiques,  qui  sert  à  distinguer 
les  scolies  de  F  de  celles  de  la  vnlgate,  est  commode  et  en  général 
très  clair.  11  est  ici  appliqué  par  erreur  à  la  fin  de  la  scolie  IX,  187, 
p.  326,  19-20.  Les  mots  et sepiilti-sentientes  manquent  dans  F  et  dans 
les  mss.  de  Burmann.  Leur  place  était  donc  dans  les  notes  critiques 
avec  la  mention  add.  D.  D'autre  part  l'emploi  des  italiques  sans  autre 
indication  peut  tromper,  par  exemple  à  propos  de  la  longue  et  impor- 
tante scolie  sur  IX,  641,  p.  366,  19,  macte  ergo  —  vino  inferio  esta. 
Tout  lecteur  supposera  qu'elle  n'est  conservée,  comme  toutes  celles 
qui  sont  en  italiques,  que  par  i^^.  Or  cette  scolie  est  de  seconde  main  au 
bas  de  la  page  dans  Paris.;  je  l'ai  trouvée  dans  le  Par.  7969  et  elle 
doit  très  probablement  exister  aussi  dans  d'autres  mss. 

M.  Th.  n'a  pas  remarqué  ou  plutôt  n'a  fait  remarquer  nulle  part 
une  faute  assez  fréquente  dans  F:  la  consonne  finale  des  mots  est 
omise,  soit  que  le  copiste  se  soit  mépris  sur  le  sens  des  abréviations 
finales,  soit  que  celles-ci  aient  disparu  de  l'archétype  :  de  là  IX,  363, 
p.  342,  29  :  inferiore;  IX,  369,  p.  343,  22  :  oratione.  J'en  conclus 
qu'il  ne  faut  pas  hésiter  à  corriger  ailleurs  la  même  faute  dans  le  ms.  et 
qu'il  tant  lire  par  exemple  IX,  217,  p.  328,  24:  interriiptam  orationem; 
tel  est  le  îe>:te  de  Paris.  ;  le  copiste  de  F  aura  mal  interprété  l'abrévia- 


1.  J'emploie  dans  ce  qui  suit  les  mêmes  signes  critiques  que  M.  Tli.  J'aurai  seule- 
ment à  citer  à  plusieurs  reprises  un  ms.  de  Paris,  n»  7959,  s.  IX,  dont  M.  Th.  n'a 
examiné  que  quelques  passages.  Je  le  désignerai  comme  lui-même  l'a  fait  au  com- 
mencement  du   livre  I,  par  Paris. 

2.  S?iuf  bien  entendu  celles  que  reproduisent  aussi  G  et  T. 


122  REVDK   CRIXIQUK 

lion  h.  l.  (=  hoc  loco).  Je  m'appuierais  sur  la  même  observation  pour 
corriger  IX,  191,  p.   826,  27  :  lisez  :  aut  ab  eo  reportare  <[curei>. 

La  distinction  des  scolies  ajoutées  par  Fabricius  et  de  celles  qu'on  ! 
trouve  dans  d  est  bien  faite  en  général.  Voici  cependant  quelques  scolies 
notées  add.  Fabricius,  où  il  aurait  fallu  add.  D,  puisque  j'ai  trouvé  ces 
scolies  dans  le  Paj\  7965  :  IX,  5  (p.  Sog,  5)  et  —  dicitur ;  73  (p.  3i5, 
26)  Atris —  siint;  141  (p.  322,26)  quasi  [cod.  quœ]  non  iutela ;  523 
[p.  355,12)  ductum  est  —  spirare. 

Il  est  regrettable  que  M.  Th.  n'ait  pu  examiner  de  plus  près  et  avoir  à 
sa  disposition  le  texte  de  Paris.  J'ai  déjà  cité  ce  ms.  ;  voici  encore  deux 
preuves  de  sa  valeur  relative  :  IX,  266  (p.  334,12)  à  la  différence  de 
tous  les  mss.  sauf  F,  Paris,  porte  au  lemme  :  DICERE  SORTEM ; 
IX,  3o  (p.  3 12,2)  après  secundnm,  M.  Th.  donne  sans  variantes  et  sans 
remarque  un  nom  obscur  et  bizarre  :  Melonem;  F  a  :  Meolonem;  Pa- 
ris, a  :  Melo;z(?m,  la  dernière  partie  est  de  deuxième  main  ;  donc  la  pre- 
mière main  autorisait  à  lire  :  Melam. 

En  voilà  assez  sans  doute  sur  des  minuties.  Venons  à  l'essentiel.  Nos 
professeurs  lisaient  peu  ou  même  ne  lisaient  pas  jusqu'ici  Servius.  Le 
prétexte  qu'ils  invoquaient,  était  qu'on  manquait  d'une  édition  suffi- 
samment répandue,  sûre  et  claire.  Désormais  ils  n'auront  plus  cette 
excuse.  Je  conseille  aux  plus  laborieux  d'essayer  de  lire  à  l'avance  les 
scolies  du  texte  qu'ils  expliquent  en  classe.  Ils  seront  surpris  de  gagner 
ainsi  une  connaissance  plus  complète,  non  pas  seulement  de  l'antiquité  '' 
latine,  mais  de  la  langue,  du  style,  des  habitudes  du  poète  ;  leurs  explica- 
tions, grâce  à  Servius,  auront  plus  de  solidité,  parfois  plus  de  finesse. 
Ce  ne  sont  pas  là  des  qualités  à  négliger. 

On  annonce  que  M.  Th.  est  chargé  du  Virgile  dans  la  nouvelle  collec- 
tion de  Tauchiiitz.  Rien  n'était  plus  naturel.  Après  le  grammairien,  le 
poète.  Nous  pouvons  facilement  prédire  que  l'excellent  commentaire 
dont  nous  venons  de  recommander  l'édition,  sera  plus  tard  suivi  d'un 
excellent  texte. 

E.  Thomas. 


141.  —  t,es  eoutUMic's  tle  G.oi>i-is  et  ïeui-  pi-opagstlion  aux  XaE'  et  XIIB^ 
siècles,  par  Maurice  Prou,  archiviste-paléographe,  élève  de  l'Ecole  des  Hautes- 
Etudes.  Paris,  Larose  et  Forcel,  1S84.   i  vol.  in-S,  i~b  pages. 

L'ouvrage  de  M.  Prou  n'est  autre  que  sa  thèse  de  l'École  des  Chartes 
qui,  justement  remarquée  à  la  soutenance,  paraît  aujourd'hui  en  vo- 
lume modifiée  et  augmentée,  mais  sans  qu'il  ait  été  nécessaire  d'en 
changer  les  divisions. 

Après  une  courte  introduction  (p.  i-3),  M.  P.  expose  la  situation  de 
Lorris  et  du  Gatinais  aux  xi*"  et  xu*  siècles  et  les  causes  qui  ont  poussé 
Louis  VII  à  accorder  la  charte  de  1 155  (ch.  i,  p.  3-17).  Le  chapitre  11  est 


d'histoire    El    DU    LITTÉRATURE  123 

consacré  à  l'étude  des  coutumes  elles-mêmes  (p.  ly-yi).  Vient  ensuite  la 
question  de  la  propagation  des  coutumes  :  i»  dans  le  domaine  royal 
(ch.  m,  p.  71-88);  2°  dans  les  domaines  des  maisons  de  Courtenay  et  de 
Sancerre  (ch.  iv,  p.  88-99);  3"  en  Champagne  (ch.  v,  p.  loo-ioôj.  Une 
liste  chronologique  des  chartes  copiées  en  totalité  ou  en  partie  sur  les 
coutumes  de  Lorris;  une  liste  alphabétique  des  quatre-vingt-trois  villes 
ou  villages  qui  ont  reçu  de  ces  chartes  et  vingt-sept  pièces  justifica- 
tives complètent  le  volume. 

D'après  M.  P.  le  besoin  pour  la  royauté  d'augmenter  la  population 
et  par  conséquent  le  revenu  de  ses  domaines  a  été  la  cause  principale  de 
l'octroi  de  la  charte  de  Lorris. 

Après  avoir  montré  que  cette  charte  qui  ne  contient  ni  concessions 
politiques,  ni  stipulations  de  droit  privé  n'est  pas  à  proprement  parler 
une  charte  de  commune,  mais  bien  plutôt  une  charte  de  franchise, 
M.  P.  explique  la  différence  qui  la  sépare  de  la  coutume  de  Lorris  rédi- 
gée en  1494.  Tandis  que  la  première  n'est  que  l'énoncé  des  points  sur 
lesquels  Louis  VII  voulait  soustraire  les  habitants  de  Lorris  au  droit 
commun  qui  régissait  le  Gatinais  au  xii«  siècle,  la  seconde  est  au  con- 
traire «  la  consignation  par  écrit  »  de  ce  même  droit  commun  au  xv®  s. 
Un  seul  article  (art.  2  3  de  la  charte  de  1 155,  art.  1 1  du  chapitre  iv  de 
la  coutume  de  1494)  a  passé  d'un  texte  dans  l'autre. 

Ce  sont  là  les  points  capitaux  et  vraiment  nouveaux  que  M.  P.  a 
parfaitement  mis  en  lumière.  Le  but  qu'avaient  visé  les  donateurs  de  la 
charte  fut  atteint,  car  elle  en  arriva  vite  à  jouir  de  la  plus  grande  popu- 
larité, et  «  gagnant  de  proche  en  proche,  elle  était  devenue  au  xn°  et 
xnie  siècles  la  loi  d'un  grand  nombre  de  villages  du  centre  de  la 
France  ».  Comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  M.  P.  en  a  compté  quatre- 
vingt-trois  qui  Pont  reçue  en  tout  ou  en  partie. 

On  peut  regretter  que  M.  Prou  n'ait  pas  consacré  un  chapitre  spécial 
à  Tétude  des  sources  de  la  charte  de  Lorris.  Il  aurait  ainsi  pu  élargir  le 
cadre  un  peu  restreint  de  son  étude  et  assigner  au  document  qu'il  a  si 
bien  étudié,  sa  place  dans  l'histoire  générale  du  mouvement  municipal 
des  XII*  et  xni"^  siècles.  Mais,  telle  qu'elle  est,  son  étude  n'en  reste  pas 
moins  un  modèle  de  discussion  historique  serrée  et  précise  et  c'est  par 
une  série  de  monographies  telles  que  la  sienne,  telles  que  {"Histoire  des 
Institutions  de  Senîis  de  M.  Flammermont  ou  que  les  Établissements 
de  Rouen  de  M.  Giry  que  nous  arriverons  à  connaître  vraiment  l'his- 
toire du  régime  municipal  de  la  France  au  moyen-âge. 

Louis  Farces. 


124 


REVUE    CRITIQUE 


142.  —  f^n  patrîoion  au  X-VIIÎ"  siècle.  P^ouîs  de  Geer*,  étude  l>iof;i>apI)l- 
que,  par  Pierre  de  Witt.  Paris,  librairie  Didier  (Perriii),  i885.  In-12  de  11-177  P- 

Louis  de  Geer  n'est  guère  connu  parmi  nous  et  c'est  sans  exagération 
que  M.  P.  de  Witt  a  pu  dire  (p.  2)  :  «  Il  en  esî  peu,  parmi  les  lecteurs 
français,  qui  soupçonnent  son  existence.  »  Ce  personnage,  qui  a  été 
l'objet  de  nombreux  travaux  en  Suède  et  aux  Pays-Bas  ',  méritait  de 
nous  être  révélé,  et  il  faut  applaudir  à  Theureuse  idée  qu'eut  le  jeune 
historien,  en  travaillant  à  la  Bibliothèque  royale  de  La  Haye,  de  pein- 
dre une  vie  aussi  remarquable  à  tous  égards.  Louis  de  Geer  ne  fut  pas 
seulement  un  des  plus  riches  et  des  plus  célèbres  négociants  du  monde  : 
ce  fut  aussi,  comme  intelligence  et  comme  vertu,  un  des  hommes  les 
plus  distingués  du  xvii'^  siècle.  Son  biographe,  dès  la  première  page,  in- 
dique en  quelques  lignes  frappantes  le  rôle  mémorable  qu'il  joua  :  (c  II 
connaît  Gustave-Adolphe  et  correspond  avec  Christine  de  Suède  ;  il  va 
en  ambassade  auprès  des  républiques,  équipe  des  flottes  pour  les  souve- 
rains, soutient  les  savants  et  les  lettrés,  fait  imprimer  leurs  livres  à  ses 
frais,  distribue  par  toute  l'Europe  des  secours  aux  opprimés.  » 

M.  de  W.,  après  avoir  loué  en  L.  de  Geer  un  parfait  honnête  homme 
(p.  2),  après  avoir  déclaré  que,  dans  le  cours  d'une  longue  vie,  tout  en- 
tière inspirée  par  le  sentiment  du  devoir,  il  rendit  aux  Pays- Bas,  comme 
à  la  Suède  des  services  signalés  (p.  3),et  que.  descendant  d'une  ancienne 
race,  il  ne  crut  pas  déroger  en  augmentant  par  le  commerce  les  biens 
que  lui  avaient  transmis  ses  ancêtres  (Ibid.J,  nous  fournit  les  détails  les 
plus  précis  sur  la  famille  du  grand  négociant,  laquelle  était  d'origine 
belge  et  des  plus  nobles  du  pays  de  Liège,  particulièrement  sur  Louis  III 
de  Geer,  seigneur  de  Gaillardmont,  qui,  protestant  zélé,  quitta  sa  patrie, 
vint  s'établir  à  Dordrecht,  ville  dont  M.  de  W.  donne  (p.  16)  une  char- 
mante description,  et  y  rendit  le  dernier  soupir,  le  29  octobre  1602, 
«  laissant  à  ses  descendants  le  souvenir  de  sa  foi  et  de  sa  constance  in- 
vincible. »  Son  fils  aîné,  Louis  IV  de  Geer,  né  à  Liège,  le  17  novembre 
1587,  est  le  héros  du  livre.  A  vingt  ans,  il  se  rendit  à  la  Rochelle 
(17  août  1608)  pour  y  étudier  la  pratique  du  négoce.  Il  revint  à  Dor- 
drecht en  janvier  161 1,  s'y  maria  (27  mai  16 12)  avec  Adrienne  Gérard, 
et  le  tableau  de  la  tendre  et  inaltérable  union  des  deux  époux  fait  pen- 
ser au  délicieux  récit  de  M.  Guizot,  YAmoicr  dans  le  mariage.  M.  de  W. 
cite,  à  ce  sujet  (p.  23),  de  touchantes  lignes  extraites  d'un  carnet,  sorte 
de  livre  de  famille,  où  L.  de  Geer  recueillait  les  souvenirs  des  événe- 
ments domestiques.  Louis  de  Geer  vint  habiter  Am:;Lcrdam  en  161  5  avec 
sa  femme  et  ses  deux  enfants;  il  fit  le  commerce  des  armes  et  lut  bien 
vite  regardé,  dans  la  Venise  du  Nord,  comme  un  des  plus  habiles  de 
tous  les  hommes  d'affaires.  Chargé  de  plusieurs  missions  par  les  Etats 
généraux,  il  les  remplit  toutes  à   merveille,  comme  il  devait  plus  tard, 


I.  Voir  fp.  3-4')  la  liste  de  ces  principaux  travaux  compris  entre  les  années  1843 
et   i85-2. 


d'histoire    et    D!î    littérature  123 

à  l'occasion  de  la  guerre  entre  le  Danemarck  et  la  Suède,  remplir  une 
importante  mission  du  gouvernement  de  ce  dernier  pays.  D'accord  avec 
Gustave-Adolphe,  il  établit  dans  le  royaume  du  Lion  de  la  Scandinavie 
d'importantes  usines  pour  le  travail  du  fer,  tira  le  plus  grand  parti  des 
richesses  métallurgiques  de  ce  royaume,  séjournant  plus  de  trois  ans  à 
Norkoping  qui  devint,  grâce  à  lui,  un  port  de  commerce  très  florissant. 
Le  22  décembre  1634,  il  eut  le  malheur  de  perdre  sa  femme,  qui  lui 
avait  donné  seize  enfants,  six  fils  et  dix  filles. 

Quelques  années  plus  tard,  L.  de  Geer  rendit  un  immense  service  à 
sa  patrie  d'adoption  momentanée  en  équipant,  à  ses  propres  frais,  une 
flotte  de  secours  qui  contribua  fort  à  amener  le  traité  de  paix  de  Bro- 
sembro  (i3  avril  1645),  si  avantageux  à  la  Suède.  Mai§  il  ne  put  obte- 
nir qu'un  incomplet  remboursement  de  ses  avances  qui  s'élevaient  à 
onze  millions  de  livres  :  la  plus  mauvaise  payeuse  du  monde,  la  reine 
Christine  ',  ne  lui  offrit  (voir  sa  lettre  à  la  page  126)  que  des  compli- 
ments et  des  promesses,  que  de  Veau  bénite  de  cour.  La  fortune  de  L.  de 
Geer,  dit  M.  de  W.  (p.  i3o),  «  se  trouva  diminuée  par  cette  aventure, 
mais  sa  réputation  ne  fit  que  croître.  Ce  marchand  homme  de  guerre, 
comme  il  s'appelait  lui-même,  avait  frappé  l'imagination  publique;  les 
mesures  rigoureuses  prises  contre  lui  par  la  cour  de  Danemark  avaient 
étonné  ;  on  s'entretenait  de  cette  flotte  considérable  prêtée  à  un  royaume 
par  un  simple  particulier  »  ^ 

Le  dernier  chapitre  fait  revivre  devant  nous  Louis  de  Geer  dans  sa 
famille,  dans  ses  bonnes  œuvres,  dans  ses  relations  avec  les  savants. 
Père  de  famille,  il  fut  un  modèle  ;  sa  charité  envers  les  pauvres  et  les 
opprimés  fut  sans  bornes;  protecteur  des  lettres,  il  établit  à  Rotterdam 
une  imprimerie  et  fit  publier  à  ses  frais  une  traduction  de  la  Bible  en 
langue  slave,  dont  plusieurs  milliers  d'exemplaires  furent  distribués 
gratis  par  ses  soins;  ami  de  notre  grand  Descartes,  qu'il  avait  rencontré 
à  la  cour  de  Suède,  il  fut  le  bienfaiteur  d'Amos  Comenius,  «  le  linguiste 
renommé,  le  grand  novateur  en  matière  universitaire,  a  de  Jean  Fré- 

1.  Voir,  dans  le  tome  II  des  Lettres  de  Jean  Chapelain  (188?,  passim),  les  inter- 
minables doléances  de  Nicolas  Heinsius,  infortuné  créancier  de  la  princesse,  dont 
il  ne  peut  rien  tirer.  Constatons,  à  ce  propos,  que  M.  de  W.,  quand  il  a  rapproché 
l'ingratitude  du  roi  Henri  IV  envers  d'Aubigné,  de  l'ingratitude  de  Christine  envers 
L.  de  Geer  (p.  1 24- 1 25),  s'est  appuyé  sur  un  récit  apocryphe,  récit  emprunté  à  quel- 
que recueil  a'anecdotes  et  qui  est  une  manifeste  interpolation  dans  les  anciennes 
éditions  des  Mémoires  du  grand-père  de  M'"-  de  Maintenon.  Voir  dans  VHistoire 
universelle  du  même  écrivain  (t.  III,  livre  III,  ch.  xxi,  p.  285)  une  version  bien  dif- 
férente de  celle  qui  a  été  adoptée  par  M.  de  Witt.  Gomme  la  monographie  de  L.  de 
Geer  sera  souvent  réimprimée,  étant  un  de  ces  livres  qui  font  autant  de  plaisir  que 
de  bien,  il  importe  que  tout  y  soit  irréprochable. 

2.  On  retrouve  la  trace  de  cette  vive  impression  produite  par  cet  événement  dans 
les  Mémoires  de  Daniel  Huet  (Commentatio  de  rébus  ad  eiiui  periineniibiis,  p.  ()3). 
Le  futur  évêque  d'Avranches  avait  recueilli  cette  impression  à  Elseneur  huit  ans 
après  l'expédition  où  un  simple  citoyen  s'était  montré  si  redoutable  à  un  puissant 
royaume.  Conférez  Mallet.  Histoire  du  D.tnemarck,  Genève,  1788,  t.  VIK.  p.  q3). 


126  UEVUE    CUITIQUE 

déric  Gronovius,  «  le  commcmateur  habile  des  classiques  latins,  l'édi- 
teur des  Varioriim,  m  du  professeur  Jean  Clauberg,  qui  lui  dédia  ses 
Elementa  philosophiœ  ^,  d'Abraham  Loly,  qui  lui  dédia  ses  poèmes 
chrétiens  (Utrecht,  i65i),  et  ses  admirables  générosités  lui  valurent 
l'honneur  d'être  surnommé  le  Médicis  d'Amsterdam.  Il  mourut  le 
29  juin  i652,  ayant  bien  mérité  de  sa  famiile,  de  son  pays,  de  Fhuma- 
nité.  Tous  les  lecteurs  de  l'excellent  petit  volume,  devant  le  fortifiant 
récit  d'une  vie  si  droite  et  si  pleine,  aimeront  à  redire  que  Louis  deGeer 
sut  concilier,  comme  le  déclare  M.  de  Witt  (p.  5)  en  citant  une  remar- 
quable phrase  de  son  illustre  grand-père  .-^Ffe  de  Washington)  »  deux 
choses,  grandes  et  difficiles,  qui  sont  de  devoir  pour  l'homme,  et  peu- 
vent taire  sa  gloire  :  Supporter  le  malheur  avec  fermeté;  croire  au  bien 
et  s'y  confier  avec  persévérance.  « 

T.  DE  L. 


143.  —  EJebes'  "^roîtJiîres  «  JEssiiî  s.u«'  les  Mcsm's.  >»  Inaugural-Dissertation 
ziir  Erlangung  der  Doctorwûrde  an  der  phiiosophisclicn  Facultaeî  der  Univcrsitaet 
Leipzig.  Joh.  Georg.  Hagwann,  stiid.  phil.  (Degersheim,  Schweiz).  i88d.  In-8, 
69  p. 

On  sait  quelle  est  rimportance  au  point  de  vue  littéraire  et  histori- 
que de  V Essai  sur  les  mœurs  de  Voltaire;  M.  G.  Hagrrjann  a  donc  été 
heureusement  inspiré  de  le  prendre  pour  sujet  de  sa  thèse  de  doctorat; 
il  lui  eût  été  difficile  d'en  choisir  un  qui  offrît  plus  d'intérêt  et  qui  lui 
permît  de  mieux  mettre  en  lumières  les  connaissances  étendues  qu'il 
possède.  Son  travail  se  divise  en  deux  parties;  dans  la  première,  il  s'est 
attaché  à  nous  faire  connaître  comment  prit  naissance  un  ouvrage,  qui! 
occupe,  dans  la  carrière  de  Voltaire,  une  place  si  considérable;  dans  la 
seconde,  il  s'est  efforcé  d'en  apprécier  le  mérite  littéraire  et  de  raoatrer 
l'influence  qu'il  a  exercée  sur  le  développement  des  études  histo?lq-ue& 
au  siècle  dernier. 

Il  était  difficile  de  mieux  exposer,  que  ne  l'a  fait  M.  G.  H.,  la  genèse- 
de  V Essai  sur  les  mœurs ^  il  a  très  bien  montré  dans  quelles  circons-- 
tances  Voltaire  en  conçut  la  pensée,  quelles  préoccupations  il  y  apporta,. 
et  au  milieu  de  quelles  péripéties  ce  livre  vit  le  jour.  C'est  une  histoire 
pleine  d'intérêt  que  celle  de  l'élaboration  d'une  œuvre,  qui,  pendant 
vingt-cinq  ans  et  plus,  occupa  son  auteur,  et  à  laquelle  il  travailla, 
pendant  ce  long  espace  de  temps,  avec  une  prédilection  particulière; 
M.  G.  H.  n'en  a  omis  aucune  circonstance  curieuse  depuis  le  jour,  où 


I.  M.  de  W.  cite  seulement  sur  ce  philosophe,  qui  fut  un  des  meilleurs  disciples 
de  Descartes  et  qu'a  tant  vanté  Leibniz,  la  compilation  de  Ladvocal  (1732),  la- 
quelle ne  compte  plus  et  n'a  même  jamais  beaucoup  compté.  Voir  sur  Clauberg  de 
bonnes  pages  de  M.  Francisque  Bouiliier  (Hisioir^  de  la  phiioaoyînQ  çariesicjuie, 
3'"'"  édiiion,  Paris,  18ÔS,  t.  I,  p.  2g3-3oQ;. 


d'histoîkk  et  de  littérature  i'-îf 

Voltaire  commença  son  Essai  en  Lorraine,  à  Circy,  jusqu'à  celui 
où  il  le  publia,  sous  sa  forme  détinitivc.  L'apparition  chez  Néaulme,  en 
1733,  de  V Abrégé  de  l'histoire  universelle,  première  esquisse  qui 
avait  é[é  dérobée  au  grand  écrivain,  l'engagea  à  donner  entin  son  li- 
vre au  public  et,  en  iy56,  parut  V Histoire  universelle,  partie  princi- 
pale de  l'Essai^  dont  la  Philosophie  de  l'histoire  déd'iéQ,  en  1765,  à 
Catherine  II,  est  comme  le  prologue.  On  sait  quel  en  fut  le  succès,  et 
Ton  n'ignore  pas  davantage  de  quelles  attaques  cet  ouvrage  fut  1  objets 
Voltaire;  qui  les  avait  prévues,  avait  cherché,  mais  en  vain,  à  y  échap- 
per en  se  cachant  sous  le  pseudonyme  de  l'abbé  Bazin.  Pour  raconter 
cet  épisode  de  l'histoire  littéraire  du  xvui^  siècle,  M.  G.  H.  n'avait  qu'à 
suivre  M.  Desnoireterres;  s'il  le  trouvait  encore  pour  guide  dans  l'exa- 
men des  influences  que  Voltaire  a  subies,  en  écrivant  son  Essai,  il  a,  on 
doit  le  reconnaître,  singulièrement  élargi  le  cadre  tracé  par  son  prédé- 
cesseur; Voltaire,  comme  il  le  montre  fort  bien,  a,  non  seulement  subi 
l'influence  de  Bolingbroke,  mais  il  a  eu  pour  précurseurs,  en  France, 
Bayle,  dont  le  dictionnaire  lui  fut  d'un  si  grand  secours,  Montesquieu, 
qui  avait,  avant  lui,  jeté  les  bases  véritables  d'une  philosophie  de  l'his- 
toire, enfin  Turgot,  qui,  dès  lybo,  avait  exposé  d'une  manière  si  nette 
l'idée  de  progrès.  Leurs  théories  ont  été  les  fondements  dont  Voltaire 
se  servit  pour  élever  l'édifice  qui  l'a  immortalisé,  pour  opposer  au  sys- 
tème théocratique  de  Bossuet  une  conception  plus  humaine  du  déve- 
loppement historique  de  la  civilisation. 

On  a,  surtout  au  commencement  de  ce  siècle,  accusé  souvent  Vol- 
taire d'avoir  abordé  sans  une  préparation  suffisante  l'immense  sujet 
qu'il  voulait  traiter;  depuis  on  est  revenu  à  une  appréciation  plus  saine, 
M.  G.  H.  a  fait  plus,  il  a  donné  une  liste  de  tous  les  ouvrages  cités  par 
Voltaire  et  on  ne  peut,  en  la  parcourant,  s'empêcher  de  reconnaître  que 
pour  l'époque,  il  était  difficile  d'avoir  recours  à  plus  de  moyens  d'infor- 
mations. Quel  parti  Voltaire  en  a-t-il  tiré?  Quel  est  le  caractère  de 
l'œuvre  sortie  d'un  travail  d'élaboration  aussi  considérable?  Quel  pro- 
grès marque-t-elle  sur  les  écrits  des  historiens  philosophes  qui  l'avaient 
précédée?  VEssai  de  Voltaire  a  un  caractère  à  la  fois  négatif  et  positif, 
il  y  apparaît  comme  polémiste,  et  comme  novateur;  comme  polémiste 
il  combat  Bossuet,  et  son  opposition  à  l'historien  théologien  l'a  fait 
exalter  tout  ce  que  celui-ci  avait  dédaigné  ou  laissé  dans  loubli,  tel  que 
la  Chuie  et  l'Inde,  rabaisser,  au  contraire,  ce  que  l'auteur  du  Discours 
sur  l'histoire  universelle  avait  loué  et  admiré,  en  particulier  les  Egyp-' 
tiens  et  les  Hébreux;  c'est  en  polémiste  encore  qu'il  a  traité  l'histoire 
religieuse,  condamné  si  facilement  les  croisades  et  si  mal  compris  la 
Réforme;  mais  si  ses  préoccupations  dogmatiques  l'ont  égaré,  quand 
elles  l'abandonnent,  Voltaire  retrouve  toute  sa  netteté  de  vues  ha- 
bituelles, et  il  est  alors  réellement  novateur;  l'idée  qu'il  se  fait  du  pro- 
grès, de  l'influence  du  climat,  des  rapports  étroits  qui  existent  entre 
l'homme  et  le  globe  qu'il  habite,  est  souvent  d'une  grande  justesse,  et  si 


128  RKVUK    CKniOlJf'" 

ses  conceptions  ne  sont  pas  toutes  également  originales,  elles  devaient 
néanmoins  en  partie  rester;  il  n'a  pas  été  en  vain  non  plus  l'apôtre  de 
la  tolérance  et  de  la  justice.  Mais  c'est  surtout  ce  que  Voltaire  dit  de 
l'histoire  de  la  civilisation  qui  est  nouveau,  instructif,  plein  d'aperçus 
ingénieux  et  vrais.  Là,  le  grand  écrivain  a  été  vraiment  un  précurseur. 
Il  ne  l'a  guère  moins  été  en  ce  qui  concerne  la  méthode,  l'utilité  et 
l'importance  des  études  historiques,  enfin  la  nécessité  de  la  critique. 
Aussi  tout  en  étant  une  œuvre  de  parti,  qu'on  ne  peut  bien  comprendre, 
comm.e  M.  H.  le  remarque  avec  raison,  qu'en  se  plaçant  au  point  de 
vue  étroit  du  xvni''  siècle,  VEssai  sur  les  mœurs  n'en  fait  pas  moins 
époque  dans  la  manière  de  concevoir  et  d'écrire  l'histoire. 

On  comprend  qu'une  œuvre  aussi  considérable  ait  pu  et  dû  exercer 
une  grande  influence  sur  les  contemporains  et  sur  les  écrivains  de  la  géné- 
ration suivante;  cette  influence,  on  l'a  dès  longtemps  reconnue  et  on  a 
été  en  général  plus  porté  à  l'exagérer  qu'à  l'amoindrir;  ainsi  on  a  fait,  — 
M.  Villemain  en  particulier,  —  de  Hume,  de  Gibbon  et  de  Robertson 
trois  disciples  de  l'Essai  de  Voltaire,  sans  remarquer  que  cela  est  de 
toute  impossibilité  pour  Hume,  dont  l'histoire  d'Angleterre  était  ache- 
vée quand  parut  l'ouvrage  français,  et  douteux  pour  Robertson,  qui  ne 
le  cite  pas  une  seule  fois;  M.  G.  H.  le  nie  aussi  pour  Gibbon,  qui  sem- 
ble s'être  inspiré  bien  plus  des  Considérations  de  Montesquieu  que  de 
VEssai  sur  les  mœurs-,  ces  conclusions  sont  justes  dans  leur  ensemble; 
seulement  M.  G.  H.  oublie  que  le  Siècle  de  Louis  XIV  était  connu 
des  trois  écrivains  anglais  et  que  l'esprit  qui  y  règne  est  celui  même  qui 
domine  dans  VEssai;  d'ailleurs  ce  dernier  ouvrage  est  com.me  le  résumé, 
le  programme  et  le  symbole  de  la  pensée  philosophique  du  xviiie  siècle; 
il  n'est  pas  surprenant  dès  lors  que  les  historiens,  qui,  ainsi  que 
Hume,  Robertson  et  Gibbon,  en  ont  été  eux  aussi  les  représentants, 
aient  écrit  et  jugé  comme  Voltaire.  Mais  M.  G.  Hagmann  a  raison, 
quand  il  dit  que  l'influence  de  VEssai  se  fit  bien  plutôt  sentir  d'une 
manière  générale  sur  l'ensemble  des  études  historiques,  que  d'une  ma- 
nière isolée  sur  quelques  écrivains  en  particulier. 

Ch.  J. 


i^^^.  _  succos$>son  <i»Espagnc.  Louis  XIV  et  Guillaume  IIL  histoire  des  deux 
traités  de  partage  et  du  testament  de  Charles  II,  d'après  la  correspondance  inédite 
de  Louis  XIV,  par  Hermile  REViVALD,  doyen  de  ia  faculté  des  lettres  d'Aix.  Paris, 
Pion,  i883,  XI,  376,  395  p.  In-8.  Prix  :  i5  fr. 

L'auteur  de  cet  ouvrage  est  mort  avant  que  nous  ayons  eu  le  loisir 
d'en  terminer  la  lecture  et  le  compte-rendu  ;  aussi  devrons-nous  limiter 
nos  observations  à  quelques  points  essentiels,  puisque  malheureusement 
M.  Reynald  n'est  plus  là  pour  accepterou  réfuter  nos  critiques  ou  pour 
les  discuter  contradictoirement  avec  nous.  Ce  n'est  pas  la  première  fois 


D^HISTOIRli    !iT    DE    LITTÉUATURE  I  29 

que  le  doyen  de  la  faculté  d'Aix  s'occupait  de  la  question  de  la  succes- 
sion d'Espagne.  Il  l'avait  étudiée  dans  un  de  ses  épisodes  et  avait  pré- 
senté à  ce  sujet  un  mémoire  à  l'Académie  des  sciences  morales  et  poli- 
tiques dont  nous  avons  rendu  compte  ici-même  '.  Depuis  lia  voulu  re- 
tracer les  commencements  de  cette  entreprise  si  ruineuse  pour  le  pres- 
tiae  de  Louis  XIV  et  la  prédominance  de  l'influence  française  en  Eu- 
rope,  et  montrer,  plus  en  détail,  Vmcubation  de  ce  qui  mit  la  France 
aux  prises  avec  l'Europe  entière.  L'auteur  a  peu  consulté  les  récents 
travaux  consacrés  à  cet  épisode  de  l'histoire  moderne  par  les  historiens 
étrangers,  MM.  Arnold  Gaedeke  (Oesîreick's  Polit ik  im  Spanischen 
Erbfolgekrieg,  i  vol.)  et  surtout  M.  Ch.  de  Noorden,  qui  vient  de  mou- 
rir lui  aussi,  laissant  inachevée  son  Histoire  de  la  succession  d'Espa- 
gne, dont  trois  volumes  seuls  ont  paru.  M.  R.  a  surtout  travaillé  sur 
les  documents  que  M.  Mignet  lui  avait  confiés  après  avoir  cessé,  pour 
sa  part,  de  s''occuper  plus  activement  de  son  grand  recueil  des  pièces 
diplomatiques  de  l'époque  pour  la  collection  des  Documents  inédits.  11 
a  utilisé  en  second  lieu  les  lettres,  instructions,  etc.  déjà  publiées  à  Lon- 
dres, en  1849,  par  M.  Grimblot,  mais  dans  une  version  anglaise.  On  ne 
lira  pas  sans  intérêt,  sous  leur  forme  française,  ces  correspondances,  of- 
ficielles et  secrètes,  parmi  lesquelles  nous  remarquons  surtout  celle  de 
Tallard,  plus  d'une  fois  inspirée  par  une  rare  clairvoyance  patriotique 
(par  exemple  le  mémorandum  de  nov.  1700),  mais  on  ne  sera  pas  tou- 
;ours  d'accord  avec  les  commentaires  dans  lesquels  M.  R.  encadre  ces 
pièces  inédites  ou  peu  connues.  On  a  quelque  peine  à  trouver  que  la 
victoire  de  Louis  XIV  ait  été  aussi  «  complète  »  qu'il  veut  bien  le  dire, 
quand  on  connaît  Tissue  de  cette  lutte  inutile  autant  que  désastreuse, 
et  Ton  se  refuse  à  admettre  que  l'ambition  du  monarque  ait  toujours 
été  'c  tempérée  par  la  raison.  » 

Ce  que  nous  regrettons  le  plus,  c'est  que  M.  R.  n'ait  pas  pu  se  décider  à 
tenir  un  peu  plus  compte  des  observations  présentées  par  la  critique  sur 
la  forme  de  ses  travaux  antérieurs.  Sans  vouloir  exiger  un  appareil  d'é- 
rudition pédantesque,  on  ne  peut  que  s'étonner  de  l'absence  de  certains 
renseignements.  Dans  ces  deux  volumes  on  ne  rencontre  pas  un  mot 
d'indication  sur  l'endroit  où  il  faut  chercher  les  pièces  citées  ou  analy- 
sées par  Fauteur.  Pas  de  désignation  d'archives,  bien  moins  encore  une 
côte  de  dossiers  quelconque.  On  ne  sait  pas  si  M.  R.  a  retraduit  les 
pièces  données  en  anglais  par  M.  Grimblot  ou  s'il  a  consulté  les  origi- 
naux. On  retrouve,  ici  encore,  une  négligence  dans  la  transcription 
Jf-S  noms  étrangers  poussée  jusqu'à  l'incurie,  non  seulement  dans  les  tex- 
tes, mais  àans  le  récit  même  de  Pauteur.  [Auerspeg  pour  Auersperg  ; 
Gaedeke  pow  Gaedeke;  Sclnpresbun/  pour  Shrewsbury  ;  Dona  pour 
X)ohna  ;  Zin-endor/  pour  Sit^ejidorff;  FreisJunan  pour  Frischmann; 
Wart^bourg  pour  'Wiirt^ùourg;  Florente  pour  Llorente ;  etc.  etc.)  Ces 


1.  Voy.  ia  ivc'i':.'.' du  26  avril  1879. 


1  3o  REVUE   CRITIQUE 

menus  défauts  auxquels  nous  ne  voulons  pas  attacher  trop  d'importance 
et  qui  ne  nous  rendront  pas  injuste  envers  les  qualités  sérieuses  de 
l'ouvrage,  n'en  donnent  pas  moins  un  sentiment  d'insécurité  relative  au 
travailleur  appelé  à  le  consulter,  à  Tutiliser  à  son  tour.  Faire  le  métier 
d'historien  était  évidemment  chose  secondaire  aux  yeux  du  regretté 
professeur  d'Aix,  qui  prisait  davantage  les  considérations  générales  et 
les  vues  d'ensemble.  Mais  ce  dédain  pour  les  obligations  précises,  voire 
même  minutieuses  qui  s'imposent  de  nos  jours  à  tous  ceux  qui  préten- 
dent écrire  Thistoire,  n'est  plus  de  mise  aujourd'hui,  et  ce  sont  précisé- 
ment ceux  qui  le  professent  qui  en  souffriront  le  plus,  injustement  par- 
fois, dans  l'opinion  du  public  compétent  en  ces  matières. 

R. 


CHRONIQUE 


FRANCE. — Le  cercle  Saint-Simon  avait  jusqu'ici  pubWéun  Bulletin  formant  au  moins 
20  feuilles  et  servi  gratuitement  à  tous  ses  membres.  Il  vient  de  faire  paraître  un 
Annuaire  et  en  même  temps  ue  commencer,  à  côté  du  Bulletin,  une  série  de  publi- 
cations spéciales  consacrées  à  des  travaux  historiques,  littéraires  ou  scientifiques.  Le 
Pacha  Boimeval  par  M.  Albert  Vandal  et  l'Expansion  de  l'Allemagne  par  M.  Jules 
Flammerjiont  forment  les  deux  premiers  numéros  de  cette  série  (Paris,  Léopold 
Cerf).  M.  Vandal,  après  le  prince  de  Ligne  et  Sainte-Beuve,  a  fait  revivre  la  physio- 
nomie du  gentilhomme  renégat;  il  a  trouvé  aux  archives  des  affaires  étrangères  un 
assez  grand  nombre  de  documents  relatifs  à  Bonneval;  ces  témoignages,  comme  il 
le  dit  lui-même,  jettent  quelque  lumière  sur  le  rôle  du  comte  en  Orient  et  mon- 
trent que  Bonneval  relève  non-seulement  du  roman,  mais  aussi,  par  certains  côtés, 
de  l'histoire.  M.  Flammermont  montre  par  de  nombreux  faits  les  efforts  énergiques 
que  tente  TAllemagne  pour  maintenir  en  étroite  communion  de  langage,  d'idées  et  de 
passions  avec  la  mère  patrie,  les  trente  millions  d'Allemands  établis  en  dehors  des 
limites  de  l'Empire. 

—  Le  n»  du  27  juin  (n"  26)  de  la  Revue  scientifique  renferme  un  article  très  ins- 
tructif de  M.  Charles  Henry  qui  prouve  que  le  manuscrit  de  Bordeaux,  dont  il  a  déjà 
été  question  ici  même,  renferme  :  i"  la  rédaction  du  cours  de  Rouelle  l'aîné  (qu'on 
retrouve  dans  les  mss.  de  la  Bibliothèque  nationale  et  qui  a  été  faite  par  un  ano- 
nyme sur  des  notes  de  Diderot)  ;  2°  des  additions  de  Rouelle  le  cadet  et  de  Darcel  ; 
3"  des  additions  et  des  nouvelles  rédactions  de  Diderot,  sensibles  en  divers  endroits; 
40  des  notes  inlerfoliées  de  Latapic.  M.  Henry  publie  dans  le  même  article  un  mor- 
ceau intitulé  V  Utilité  de  la  chimie,  qui  lui  paraît  être  de  Diderot  :  «  si  le  grand  écri- 
vain, dit-il,  est  moins  personnel  dans  les  idées  qui  incontestablement  sont  de  Rouelle, 
il  est  encore  plus  lui-itiéme  en  les  exprimant;  les  lignes  consacrées  aux  vitraux  des 
églises  gothiques  sont  en  des  termes  plus  vifs  les  idées  que  Diderot  exprime  à  Grimm 
dans  son  Essai  sur  la.  peinture  ». 

—  La  «  nouvelle  collection  de  géographie  et  de  voyages  »  publiée  par  la  librairie 
Lecène  et  Oudin,  s'est  augmentée  de  deux  volumes  :  Le  pétrole,  son  histoire,  ses 
origines,  son  exploitation  dans  tous  les  pays  du  monde,  par  M.  Fernand  Hue  (in-8<», 


à'HISTOIRK    Et    DE    LITTERATURE  l3l 

3o7  p.)  et  L'Afghanistan,  les  Russes  aux  portes  de  l'Inde,  par  M,  Charles  Simond 
(in-8°,  32'3  p.  3  fr.  5o);  ce  dernier  volume  qui  vient  à  son  heure,  offre  dans  une 
forme  claire  et  succincte  un  grand  nombre  d'informations  intéressantes;  c'est  un  ré- 
cit d'histoire  contemporaine,  simple,  mais  exact  et  impartial.  Il  est  divisé  en  quatre 
parties  :  I.  Les  clefs  de  l'Inde.  II.  L'intrigue  russe.  III.  L'intrigue  anglaise.  IV.  Le 
conflit  anglo-russe. 


ACADEMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  3i  juillet  iS8^. 

M.  Deloche  rend  compte  de  l'état  des  travaux  de  dégagement  des  arènes  de  la 
rue  Monge.  Le  déblaiement  est  très  avancé.  On  a  mis  à  découvert  l'ellipse  du  po- 
dium, les  deux  principales  avenues,  l'emplacement  des  gradins  pour  les  spectateurs, 
\t  prosccenimn  du  théâtre  de  mimes,  de  danseurs,  etc.,  qui  était  annexé  au  cirque. 
Les  murs  ont  été  mis  à  l'abi  i  des  intempéries  et  des  travaux  de  réfection  seront 
entrepris  sur  tous  les  points  où  cela  sera  juge  nécessaire.  On  a  aussi  exécuté  une 
restitution  en  relief  des  arènes  et  du  théâtre;  un  moulage  de  cette  réduction  sera 
prochainement  présenté  à  l'Académie.  .Enfin,  M.  Deloche  annonce  que,  par  une 
décision  récente,  délibérée  en  conseil  d'Etat,  les  arènes  ont  éié  déclarées  monument 
d'utilité  publique. 

M.  Le  Blant  lit  un  mémoire  intitulé  :  le  Christianisme  aux  yeux  des  païens.  On 
sait  par  le  témoignage  des  auteurs  que  les  païens  connaissaient  fort  mal  le  christia- 
nisme et  s'en  faisaient  toutes  sortes 'd'idées  fausses.  M.  Le  Biant  trouve  une  nou- 
velle preuve  de  ce  fait  dans  une  série  de  documents  dont  on  a  trop  peu  tiré  parti 
jusqu'ici,  les  actes  des  martyrs.  Il  est  vrai  que  ces  actes  sont  souvent  interpolés  et 
peu  dignes  de  foi  ;  pourtant,  quand  ils  relatent,  comme  dans  un  procès-verbal  sté- 
noj^raphié,  l'interrogatoire  des  chrétiens  par  les  magistrats  et  les  réponses  des  mar- 
tyrs, on  peut  croire  qu'ils  reproduisent  des  pièces  authentiques.  M.  Le  Blant  cite 
un  grand  nombre  de  questions.tirées  de  ces  interrogatoires,  qui  prouvent  chez  les 
magistrats  païens  une  grande  ignorance  des  principes  et  des  doctrines  véritables  du 
christianisme.  Ils  montrent  en  même  temps  combien,  dès  les  premiers  siècles,  il 
était  devenu  difficile  aux  païens  et  aux  chrétiens  de  s'entendre  entre  eux  :  ils  ne 
parlaient  pour  ainsi  dire  plus  la  même  langue. 

M.  Salomon  Reinach  communique  une  note  sur  Qiiatre  villes  nouvelles  en  Tuni- 
sie. En  mars  et  avril  i885,  MM.  Reinach  et  Gagnât  ont  entrepris  un  voyage  d'explo- 
ration dans  quelques  régions  encore  peu  connues  de  la  Tunisie  du  Nord.  Ils  te- 
naient à  vérifier  sur  place  plusieurs  inscriptions  dont  M.  Tissot  avait  autrefois  reçu 
des  copies  plus  ou  moins  défectueuses.  A  Aïn-Dourat,  sur  le  bord  d'un  ruisseau 
qui  se  jette  dans  l'Oued-Tine,  à  i8  kilomètres  au  nord-nord-ouesî  de  Medjez-el-Bab, 
se  trouvent  des  ruines  très  considérables  :  d'après  une  inscription,  c'est  l'ancienne 
cité  d'Uccula,  dont  l'existence  était  connue  par  un  document  ecclésiastique,  mais 
dont  on  ignorait  l'emplacement.  A  lo  kilomètres  plus  au  nord,  on  a  trouvé  les  rui- 
nes d'un  municipedont  le  nom  même  est  nouveau,  municipiwn  Septiuiium  Liberum 
Aulodcs.  Une  ville  nommée  Tnibar  et  mentionnée  aussi  dans  les  documents  ecclé- 
siastiques a  été  reconnue,  grâce  à  une  inscription  signalée  déjà  par  MM.  Bordier  et 
Tauzia  de  Lespin,  à  l'Henchir-Hammâmet,  près  du  mont  Gorra  ;  le  ruisseau  qui 
longe  cette  ruine  s'appelle  encore  aujourd'hui  l'Oued-Thibar.  A  12  kilomètres  plus 
loin,  sur  la  route  de  Teboursouk,  au  lieu  appelé  aujourd'hui  Kourbatia,  une  autre 
inscription  signalée  par  MM  Bordier  et  de  Lespin  fait  connaître  l'existence  d'un  an- 
cien mtinicipe  du  nom  de  Thimbure  En  dehors  de  ces  renseignements  géographi- 
ques, MM.  Reinach  et  Gagnât  ont  relevé  une  curieuse  inscription  (ce  sont  encore 
MM.  Bordier  et  de  Lespin  qui  l'avaient  les  premiers  signalée),  dédiée  au  Saturne 
gréco-romain,  Saturnus  Achaiae,  ainsi  nommé  sans  doute  pour  le  distinguer  du 
Saturne  punique,  dont  le  culte  était  prohibé  : 

SATVRNO  •  ACHAIAE  •  AVG  •  SACR 

PKO'SALIMP'CAES'ANTONINI-AVG'PiIp   p 

GENSBACCHV1A.''^'*"^'^''^^™'^^'^'^E'^"PECERVNT-1D'DEDIC 

CANDIDVS'BALSAMONIS-FlL'EX-XI^i^    '^MPLIVS-SPATIVM'IN    QVO -TEMPLVM  "FIERET 

D0NA\^'T 

«  Saturno  Achaiae  Augusto  sacrum.  Pro  saluîe  imperâtoris  Caesaris  Antonini 
Augusti  Pii  patris  patriae  gens  Bacchuiana  templum  sua  pecunia  fecerunt  idemque 
dedicaverunt.  Candidus  Balsamonis  filius  ex    undecim   primis    amplius  spatium    in 


l32  REVUE    CRITIQUE   d'hISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE 

quo  tcmplum  fieret  donavit.  »  C'est  la  première  fois  qu'on  rencontre  les  noms  de 
Balsav.oii  et  de  la  gens  Bacchuiana. 

M.  Hamy,  conservateur  du  musée  d'ethnographie,  communique  un  portulan  ou 
carte  marine,  d'origine  portugaise.  Cette  carte  paraît  avoir  été  tracée  en  i5oi  ou 
ï3o-2.  Les  côtes  d'Afrique  y  sont  extrêmement  détaillées  jusqu'à  Mélinde.  point  où 
Vasco  de  Gama  et  Alvaro  Cabrai  prirent  les  pilotes  maures  qui  les  menèrent  à  Cali- 
cut.  C'est  un  des  rares  monuments  qui  subsistent  aujourd'hui  des  premières  cir- 
cumnavigations africaines,  un  de  ces  routiers  de  l'Inde  dont  une  loi  portugaise  in- 
terdisait sous  peine  de  mort  la  vente  à  l'étranger.  L'Asie  et  l'Europe  septentrionales 
sont  représentées  suivant  les  formes  traditionnelles,  fort  inexactes,  comme  l'on  sait. 
L'Amérique  montre  les  résultats  des  voyages  des  Cortereal  et  autres  navigateurs 
portugais,  antérieurs  au  milieu  de  l'année  i5o2. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Le  Blant;  Mûntz  (Eug.),  quatre  brochures  :  le 
Palais  pontifical  de  Sor gîtes,  les  Peintres  d'Avignon  pendant  le  règne  de  Clément  VI, 
les  Peintures  de  Simone  Martini  à  Avignon,  la  Statue  du  pape  Urbain  V  au  musée 
d'Avignon  ;  —  par  M.  Heuzey  :  Revue  d'assyriologie  et  d'archéologie  orientale,  di- 
rigée par  MM.  Oppert  et  Ledrain,  2"  livraison;  —  par  M.  Delisie  :  Bréard  (Charles), 
les  Archives  de  la  ville  de  Hon/leur;  par  l'auteur  :  Deloche  (M.),  Description  d'un 
poids  de  répoque  carolingienne. 

Julien  Maveï. 


SOCIÉTÉ  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE 


Séance  du  2g  juillet  iSSj). 

PRÉSIDEN'CE    DE    M.    COURAJOD. 

M.  Mûntz  propose  une  interprétation  nouvelle  pour  un  passage  du  moine  Théo- 
phile. Il  signale  l'analogie  entre  l'exécution  de  la  pierre  tombale  de  Frédégonde,  à 
Saint-Denis,  et  les  procèdes  décrits  par  Théophile  au  chapitre  i"  du  livre  11  de  son 
traité. 

M.  de  Montaiglon  fait  observer  qu'il  serait  difficile  de  fixer  la  date  précise  de  ce 
tombeau,  mais  qu'il  n'offre  pas  les  caractères  de  l'école  romane  du  xi'  ou  du  xii"  siè- 
cle. 

M.  Prost  continue  la  Ici'ture  de  son  mémoire  sur  les  justices  privées. 

M.  de  Barthélémy  lit  la  suite  de  l'étude  de  M.  de  la  Noé  sur  les  Oppida. 

M.  Flouest  présente  des  photographies  envoyées  du  département  des  Basses-AIpes 
par  M.  Eyssrie,  représentant  un  Mercure  en  bronze  et  une  statue  en  marbre  mutilée 
de  l'époque  romaine. 

M.  Courajod  lit  une  note  sur  la  statue  de  Diane  qui  surmonte  une  fontaine  dans 
le  jardin  de  l'orangerie  à  Fontainebleau. 

Pour  le  Secrétaire, 

Slg^'^  '.  .:»..   LECOY   DE  LA   MaRCHE» 


Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 


Séance  du  22  juillet  18S 5.  '\ 

PRÉSIDENCE   DE   M.    COUBAJOD 

M.  CoUignon  communique  la  photogra[)hie  d'une  sculpture  trouvée  sur  la  ligne 
du  chemin  de  fer  de  l'Est,  près  de  Gondrecourt,  et  représentant  une  divinité  gau- 
loise assise. 

M.  l'abbé  Touret  donne  divers  renseignements  sur  trois  missels  anciens  du  dio- 
cèse d'Elne,  offrant  un  intérêt  archéologique. 

M.  Lecoy  de  la  Marche  achève  la  lecture  de  son  étude  sur  le  manuscrit  de  la  biblio- 
thèque de  Naples,  renfermant  le  De  arte  illuminandi,  et  donne,  d'après  ce  traité, 
des  explications  sur  le  bro3'ement  des  couleurs,  sur  leur  application  et  sur  les  ins- 
truments de  l'enlumineur. 

M.  l'abbé  Thédenat  fait  circuler  l'estampage  d'une  coupe  de  marbre  trouvée  près 
de  Clierchell  (Algérie),  représentant  deux  personnages  se  tenant  par  une  main  et 
faisant  de  l'autre  le  geste  de  l'orani. 

M.  Prost  commence  la  lecture  d'un  mémoire  sur  les  justices  privées. 

Pour  le  Secrétaire, 
A.  Lecoy  de  la  Marche. 


Le  Puy,  imprimerie  Mard'cssou  fils,  boulevard  Saint-Laureni.  ;;.'■. 


REVUE    CRITIQUE 
D'HISTOIRE    El    DE    LITTÉRATURE 


No  34  —  24  août  -  1885 


Soniinaii-e  :  145.  Brugmann,  De  l'état  actuel  de  la  linguistique. —  146. Sebastien, 
L'organisation  du  patronat  chez  les  Romains.  —  147.  Giry,  Les  établissements 
de  Rouen.  —  148.  Gaster,  La  littérature  populaire  roumaine,  —  Chronique.  — 
Académie  des  Inscriptions. 


145.  —  Zum  heutigen  Staud  der  Spraclixvissenschaft,  von  Karl  Brugmann, 
ord.  prof,  der  vergleichenden  Sprachwissenschaft  in  Freiburg  i.  B.  Strassburg, 
K.  J.  Trûbner,  i885.  In-8,  144  pp. 

Tous  les  initiateurs  doivent  s'attendre  à  être  un  jour  dépassés.  Est-il 
aussi  dans  leur  destinée  de  ne  point  comprendre  ceux  qui  les  dépassent, 
de  combattre  ceux  qui  ne  font  que  poursuivre  jusqu'au  bout  l'application 
de  leurs  propres  principes,  de  désavouer  enfin  leurs  élèves  et  leurs  con- 
tinuateurs? Bien  que  le  cas  soit  assez  commun,  on  ne  se  résigne  pas 
aisément  à  voir  d'excellents  esprits  méconnaître,  avec  une  aussi  parfaite 
ingénuité,  les  progrès  dont  ils  auraient  lieu  de  s'enorgueillir.  Ainsi, 
récemment,  M.  Curtius  a  consacré  un  livre  '  à  la  critique  des  doctrines 
et  des  tendances  de  l'école  néo-grammaticale,  critique  très  modérée  dans 
la  forme,  très  radicale  dans  les  conclusions  qui  s'en  dégagent  :  la  lin- 
guistique a  battu  les  buissons  depuis  dix  ans,  et  il  est  grand  temps  de 
revenir  au  point  de  départ.  Si  l'école  nouvelle  est  autorisée  à  ne  pas  l'en 
croire  sur  parole,  à  relever  son  défi  et  à  persévérer  dans  les  voies  qu'elle 
a  trayées,  c'est  ce  dont  on  pourra  juger  en  pleine  connaissance  de  cause 
après  avoir  lu  la  solide  et  entraînante  réponse  de  M.  Brugmann. 

L'auteur  a  réuni  sous  un  titre  commun  trois  essais,  dont  deux  se 
rattachent  à  la  polémique  soulevée  par  M.  Curtius.  De  l'autre  (pp.  i- 
41J,  qui  est  un  cours  inaugural  intitulé  «  Linguistique  et  Philologie  », 
il  y  a  peu  de  chose  à  dire  :  on  y  remarque  une  analyse  très  fine  des  rap- 
ports intimes  de  ces  deux  sciences,  mais  aussi  une  tendance  à  les  rap- 
procher jusqu'à  les  confondre.  M.  B.  n'a  eu  en  vue  que  la  linguistique 
classique,  qui  a  en  effet  beaucoup  à  apprendre  de  la  philologie  et  beau- 
coup à  lui  enseigner;  mais  la  linguistique  indo-européenne,  déjà  trop 
étendue  pour  le  philologue,  n'est  elle-même  qu'une  division  de  la  lin- 
guistique générale,  qu'une  frontière  bien  nette  sépare  de  toute  autre 
science.  Ce  qui  demeure  vrai,  c'est  qu'un  même  esprit  scientifique  doit 
les  animer,  et  que  les  résultats  de  l'une  sont  naturellement  soumis,  au- 
tant que  faire  se  peut,  au  contrôle  rigoureux  de  l'autre. 

La  réponse  à   M.  Curtius  (pp.  43-128)  suit  pied  à  pied  l'argumenta- 

I-  G.  Curtius,  Ziir  Kritik  der  netccaieii  SpracliforsciUDig.  Leipzig,   i885. 
Nouvelle  série.  XX.  34 


l:)4  KKVUK    CRITIQUE 

tion  de  réminent  professeur.  En  conséquence,  elle  traite  successivement 
des  quatre  points  fondamentaux  de  l'enseignement  néo-grammatical, 
savoir:  i»  les  lois  phonétiques  n'admettent  point  d'exception;  2"  l'a- 
nalogie est  sans  cesse  à  l'œuvre  dans  toute  langue,  jeune  ou  vieille  (une 
langue  ne  nous  paraît  vieille  que  relativement  à  notre  brève  existence, 
et  cette  distinction  ne  répond  à  rien  de  réel),  pour  rétablir  entre  les 
formes  grammaticales  l'harmonie  que  troublent  les  changements  pho- 
nétiques; 3°  la  langue  indo-européenne  possédait  un  vocalisme  beau- 
coup plus  varié  que  celui  que  lui  attribuaient  les  premiers  grammai- 
riens sur  la  foi  du  sanscrit,  et  nommément  un  e,  un  o  et  un  a,  conservés 
en  totalité  ou  en  partie  par  le  groupe  européen  de  la  famille,  puis  encore 
les  liquides  et  nasales  sonantes  ou  vocaliques  ;  4''  l'explication  des  for- 
mes grammaticales  de  la  langue  indo-européenne  par  l'agglutination 
d'éléments  radicaux  (v.  g.,  de  l's  aoristique  par  la  racine  es  «  être  »)  est 
en  général  illégitime,  non  pas  qu'elle  soit  inadmissible  a  priori,  mais 
en  ce  sens  que,  faute  de  documents  qui  permettent  de  résoudre  à  coup 
sûr  ces  questions  de  paléontologie  linguistique,  il  vaut  mieux  s'abstenir 
absolument  de  les  poser.  Sur  ce  dernier  point  (pp.  1 15  sqq.)  M.  B.  se 
montre  plus  conciliant  qu'on  ne  s'y  attendrait  :  il  ajourne  la  solution 
plutôt  qu'il  ne  la  repousse. 

Il  serait  superflu  de  dire  que  l'ouvrage  ne  contient  rien  de  nouveau 
et  puéril  d'en  faire  un  reproche  à  Fauteur,  qui  s'est  simplement  proposée 
de  constater  l'état  actuel  de  la  science  sur  chacun  des  points  en  litige. 
On  y  trouvera,  sous  forme  de  mémento  rapide,  tout  ce  qu'il  est  indis- 
pensable de  savoir  aujourd'hui  pour  s'intéresser  avec  fruit  à  la  linguis- 
tique indo  européenne.  Le  renvoi  aux  sources  permet  à  ceux  qui  le 
désireront  de  compléter  ces  renseignements  sommaires.  L'argumentation 
de  M.  S.  est  irréprochable  et  d'une  logique  convaincante.  On  voudrait 
seulement  parfois  (p.  64  i.  n..  p.  92  i.  n.)  qu'il  triomphât  avec  moins 
d'âpreté  de  son  ancien  maître. 

Parmi  les  détails  hasardés  je  signalerai  (p.  83)  la  genèse  de  la  forme 
l[).z^j  attribuée  à  l'analogie  de  èy6).  On  cherche  en  vain  la  formule  précise 
sur  laquelle  pourrait  reposer  cet  étrange  processus.  Si  l'on  ne  veut  pas 
admettre  un  thème  primitif  de  déclinaison  em-,  emé-,  il  faut,  je  pense, 
avec  M.  Bréal,  recourir  à  l'hypothèse  d'un  doublet  syntactique. 

Ailleurs  (p.  64)  M.  B.  répond  assez  faiblement  à  M.  Curtius,  qui  dé- 
clare n'avoir  trouvé  dans  Diez  rien  qui  justifiât  les  assertions  de  la 
nouvelle  école,  relatives  à  la  prodigieuse  influence  de  l'analogie  dans  la 
formation  des  langues  romanes.  Il  le  renvoie  à  l'examen  du  phonétisme 
des  patois  allemands.  Est  ce  pour  s'épargner  la  peine  de  mentionner  les 
beaux  travaux  des  romanistes  français,  qui  ont  montré  avec  une  évi- 
dence singulière  qu'il  est  impossible  de  faire  un  pas  dans  le  domaine  de 
la  phonétique  romane,  sans  se  trouver  pris  dans  un  véritable  lacis  d'a- 
nalogies entrecroisées  •? 
I.  Voy.  notamment  Roma nia,  V,  p.  140.  Vil,  p.  420,.  X,  p.  36,  etc. 


oHisroiRj!;  liT  v>\i  LiniiRAXORE  i35 

Sur  un  point  capital,  enfin  (p.  114),  l'auteur,  d'ordinaire  si  scrupu- 
leux, reste  en  défaut.  «  Comment  concevoir  en  fait,  dit  M.  Curtius, 
qu'une  racine  ez,  bheugh  devienne  f,  bhugh  [€\.]j.i  1'[J.£v,  os-jyîiv  çuysiv)'-  ^tc? 
Par  quel  miracle  Ve  saute-t-il  ainsi  hors  de  la  racine?  —  Mais,  dit 
M.  B.,  par  quel  miracle  iV,  ou  plutôt  Va  dans  votre  théorie,  y  entre- 
t-il,  quand  une  racine  bhugh,  pt  devient  en  vertu  du  guna  bhaugh^pat?  » 
Il  y  avait,  ce  semble,  mieux  à  répondre;  car  jamais  une  impossibilité 
n'a  rendu  plausible  l'impossibilité  contraire.  La  vérité  est  que  le  guna. 
seul  est  inconcevable;  le  procès  inverse  n'a  rien  que  de  fort  naturel.  Si, 
en  effet,  on  admet,  comme  je  l'ai  dit  ailleurs,  que  Ve  proethnique  d'une 
racine  bher,  par  exemple,  se  rapprochait  beaucoup  de  Ve  muet  français 
(mid-front-wide-round  de  Sweet),  on  comprendra  sans  la  moindre  diffi- 
culté :  1°  sa  disparition,  surtout  si  la  syllabe  devient  atone  [bhr,  cf.  en 
français  petit  p'tit,  et  en  hébreu  le  cheva  quiescent);  2°  sa  permutation 
en  un  0  ouvert  (mid-mixed-wide-round),  soit  bhor,  gr.  oôpoç;  3°  enfin 
la  permutation  de  l'un  et  Tautre  en  a  aryen  (mid-back-wide  sans  labia- 
lisation);  ces  trois  phonèmes  n'étant  séparés,  comme  on  le  voit,  que  par 
d'insignifiantes  nuances  physiologiques.  Je  ne  dis  pas  que  cette  explica- 
tion s'impose,  mais  au  moins  est-elle  de  nature  à  faciliter  l'intelligence 
du  système. 

L'appendice  (pp.  129-144)  est  une  réponse  à  la  récension  que  M.  J. 
Schmidt  a  donnée  de  l'ouvrage  de  M.  Curtius  •.  Il  s'agit  de  savoir  si 
c'est  l'école  de  Schleicher  ou  celle  des  néo-grammairiens  qui  a  la  pre- 
mière proclamé  et  appliqué  avec  rigueur  le  principe  de  la  constance  des 
lois  phonétiques.  M.  B.  n'accorde  cet  honneur  qu'à  M.  Leskien,  et  il  a 
beau  jeu,  en  effet,  à  faire  ressortir  l'arbitraire  de  certaines  reconstruc- 
tions de  Schleicher  et  de  M.  J.  Schmidt  lui-même.  Mais  ce  sont  chi- 
canes de  détail.  Il  n'en  reste  pas  moins  que  Schleicher,  par  la  tournure 
scientifique  de  son  esprit,  par  sa  méthode  consistant  à  descendre  des 
formes  primitives  restituées  aux  formes  historiques,  par  l'erreur  même 
qui  lui  faisait  ranger  la  linguistique  au  nombre  des  sciences  naturelles, 
a  préparé  le  mouvement  actuel,  s'il  n'en  a  à  son  insu  donné  le  signal. 
Ceux  qui  avaient  accepté  sa  forte  discipline  se  sont  plies  sans  peine  à 
celle,  plus  rigoureuse  encore,  que  leur  imposent  les  temps  nouveaux; 
et,  pour  me  résumer,  j'oserais  presque  dire  que,  si  une  mort  prématurée 
ne  l'eût  ravi  à  la  science,  il  serait  aujourd'hui  l'un  des  plus  fermes  te- 
nants des  doctrines  que  condamne  M.  Curtius, 

M.  Brugmann  paraît  profondément  pénétré  des  devoirs  de  la  critique 
sérieuse,  quand  elle  s'exerce  à  son  endroit.  11  est  même  assez  piquant 
de  le  voir  prêcher  la  tolérance  à  M.  J.  Schmidt  (p.  144),  ou  prier  M.  Cur- 
tius de  ne  point  tant  épiloguer  sur  les  mots  (p.  86  i,  n.).  Ce  sont  là  d'ex- 
cellents conseils,  dont  il  voudra  certainement  profiter  lui-même  à  l'oc- 
casion. 

V.  Henry. 


i.  Deutsche  Litteratiirzeilung,  i885,  p.  339. 


'>  ." 


I  :>0  KKVUI'.    CKITIQUK 

146.  —    Km.    Sébastian.    De    pati>onis    coloniuruui    atque    municlpioi'uxn 

Rouiunoruni  (Dissertation  inaugurale,  Halle,  18S4,  in-8,  bb  pages). 

Celte  brochure  est  une  utile  contribution  à  l'organisation  du  patro- 
nat chez  les  Romains.  L'auteur  y  a  rassemblé  avec  soin  et  habilement 
groupé  les  différents  textes,  surtout  épigraphiques,  relatifs  aux  patrons 
de  villes  (municipes  et  colonies). 

La  dissertation  comprend  six  paragraphes  :  10  De patronatus  urbium 
origine  et  natura  gênera  H  ;  2°  De  hereditate  patronatus  urbium.  La 
conclusion  de  ce  paragraphe  est  bonne  à  noter  :  quand  un  personnage 
était  élu  patron  d'une  cité,  toute  sa  famille  participait  au  titre  et  à 
l'honneur,  mais  lui  seul  supportait  les  charges  du  patronat;  à  sa  mort, 
son  fils  aîné  héritait  de  ces  charges.  3o  De  ordine  patronorum  urbium  ; 
4°  De  patronis  complurium  oppidorum;5''  De  cooptatione patronorum. 
C'est  la  partie  la  plus  instructive  du  travail.  Au  début  de  l'empire  il  y 
a,  suivant  M.  S.,  trois  actes  nécessaires  pour  qu'un  homme  soit  reconnu 
patron  d'une  cité  :  a)  le  sénat  municipal,  à  la  majorité  des  deux  tiers,  dé- 
crète qu'il  y  a  lieu  d'accorder  le  patronat  à  tel  ou  tel  personnage  ;  b)  le 
peuple  réuni  par  curie  vote  l'adoption  du  personnage  comme  patron  ;cj 
on  envoie  à  l'élu  une  table  de  bronze  (tabula  patrocinalis).  Plus  tard, 
quand  le  peuple  cesse  de  se  rassembler  en  comices,  le  second  de  ces  actes 
est  supprimé;  mais  les  décurions  ont  soin  de  ne  pas  choisir  de  patron  à' 
la  cité  avant  de  s'être  assurés  que  leur  choix  sera  agréable  au  peuple,  ou 
sans  y  être  préalablement  invités  par  lui.  6°  De  muneribus,  officiis.,  ho- 
noribus  patronorum  urbium. 

Une  thèse  inaugurale  ne  saurait  avoir  la  prétention  d'être  complète  : 
on  s'étonne  pourtant  de  ne  pas  trouver  à  la  fin  du  travail  qui  porte  en 
sous-titre  :  Quaestio  epigraphica  une  étude  sur  les  tables  de  patronat 
qui  nous  sont  parvenues  et  leur  différent  mode  de  rédaction  ;  il  semble 
que  la  dissertation  en  eût  fini  moins  sèchement  et  la  question  n'est 
pas  tellement  connue  qu'elle  n'eût  valu  la  peine  d'être  examinée  dans  le 
détail. 

Nous  signalerons  à  l'auteur,  en  terminant,  un  procédé  de  références 
qui  est  défectueux.  M.  S.  connaît  bien  les  différentes  thèses  inaugurales 
parues  ces  dernières  années  en  Allemagne,  celle  de  M.  Degner  sur  les 
curatores  rcipiiblicac,  celle  de  M,  Herbst  sur  les  sacerdoces  munici- 
paux, celle  de  M.  Karbe  sur  les  centurions,  qui  vaut  en  effet  la  peine 
d'être  consultée;  rien  de  mieux.  Mais  pourquoi  faire  honneur  à  ces 
jeunes  savants  de  vérités  passées  dès  longtemps  dans  le  domaine  com- 
mun? On  lit  p.  18,  note  i  :  «  Praefectura  cohortis  auxiliariae  estinfima 
militiarum  cquesirium  (Karbe;  de  centurionibus,  p.  23)  r>  et  au  des- 
sous :  «  De  militiis  equestribus  v.  Liebenam  (Diss.  Bonnens,  1882, 
p.  g),  »  ce  qui  est  d'ailleurs  une  référence  fausse  :  lisez  p.  14  et  suiv. 
Est-ce  que  la  question  des  milices  équestres  n'a  pas  été  résolue  il  y  a 
déjà  iicnte   ans   par  MM.    L.    Renier   et  Henzen?  Si  l'auteur  voulait 


d'histoire  et  de  littérature  i37 

absolument  une  référence  plus  moderne,  pourquoi,  au  moins,  ne  ren- 
voyait-il pas  au  travail  de  M.  Hirschfeld,  Die  prociiratorische  Ccir- 
riere,  qui  traite  à  fond  le  sujet? 

R.  Gagnât. 


i^y.  —  Les  ÉtabUssements  de  Rouen.  Études  sur  l'histoire  des  institutions 
municipales  de  Rouen,  Falaise,  Pont-Audemer,  Verneuil,  la  Rochelle,  Saintes, 
Oleron,  Bayonne,  Tours,  Niort,  Cognac,  Saint-Jean-d'Angély,  Angouléme,  Poi- 
tiers, etc.,  par  A.  Giry.  Paris,  F.  Vieweg.  i883-i885.  2  vol.  in-8,  xxvii-441, 
xiii-266  p.  (Bibliothèque  de  l'École  des  hautes  études,  etc.,  Sciences  philologiques 
et  historiques,  fasc.  55  et  5q.) 

On  appelle  établissements  de  Rouen,  Stabilimentum  communie  Ro- 
thomagi,  un  règlement  d'organisation  communale  qui  paraît  avoir  été 
écrit  à  Rouen  à  la  fin  du  xii''  siècle  et  qui  a  régi,  à  diverses  époques, 
non  seulement  la  ville  de  Rouen,  mais  encore  un  assez  grand  nombre 
d'autres  communes  de  la  Normandie  et  de  l'ouest  de  la  France.  L'ou- 
vrage de  M.  Giry,  dont  le  premier  volume  a  paru  il  y  a  deux  ans  et  le 
second  cette  année,  comprend  à  la  fois  une  étude  sur  ce  règlement  et 
sur  l'histoire  des  institutions  des  diverses  communes  auxquelles  il  a 
été  appliqué.  Le  titre  qu'on  vient  de  lire  donne  la  liste  de  ces  com- 
munes. 

Les  différentes  copies  ou  traductions,  par  lesquelles  nous  connaissons 
le  règlement  communal  de  Rouen,  ne  donnent  pas  le  même  texte.  Les 
unes  n'offrent  qu'une  rédaction  assez  courte,  en  28  articles;  dans  les 
autres,  on  trouve,  d'abord  ces  mêmes  28  articles,  puis  d'autres  dispo- 
sitions, en  plus  ou  moins  grand  nombre,  qui  portent  le  chiffre  total  des 
articles,  dans  la  rédaction  la  plus  développée,  à  55.  M.  Giry  est  d'avis 
que  le  texte  le  plus  long,  en  55  articles,  représente  la  rédaction  origi- 
nale et  authentique,  et  que  les  versions  plus  courtes  sont  des  copies 
mutilées  par  l'effet  d'une  erreur  de  transcription.  Cette  opinion  est,  à 
première  vue,  assez  difficile  à  accepter. 

Le  texte  le  plus  court  est,  en  effet,  celui  que  donnent  les  documents 
les  plus  anciens  et  les  plus  authentiques,  les  registres  de  la  chancellerie 
royale.  En  mai  1204,  Philippe-Auguste,  recevant  la  capitulation  de 
Falaise,  confirma  cette  ville  dans  la  possession  de  son  statut  communal 
et  fit  transcrire  ce  statut  sur  son  registre;  au  mois  suivant,  il  accorda 
une  confirmation  semblable  à  la  ville  de  Pont-Audemer.  Les  registres 
de  Philippe-Auguste  nous  ont  conservé  le  texte  du  statut  ainsi  con- 
firmé :  c'est  celui  de  Rouen,  avec  la  rubrique  :  Hoc  est  stabilimentum 
communie  Rothomagi  et  Falesie  et  Pontis  Audomari  ;  le  texte  ne 
comprend  que  les  28  premiers  articles.  Ces  articles  figurent  seuls  aussi 
dans  la  copie  des  établissements  envoyée  par  le  roi  aux  habitants  de 
Sainl-Jean-d'Angély,    en  novembre   1204.    Les  autres   articles  ne  se 


i38 


REVUK  cuniQur: 


trouvent  que  dans  des  copies  sans  caiactère  authentique,  conservées  à 
Niort  et  à  Poitiers,  que  l'aspect  de  l'écriture  seul  date  du  commence- 
ment du  xin^  siècle,  et  dans  deux  traductions  du  xiV^  siècle,  Tune  en 
gascon  et  l'autre  en  français,  faites  à  Bayonne  et  à  Oléron.  La  copie 
de  Poitiers  est  manifestement  interpolée.  Elle  débute  par  une  formule 
d'envoi  libellée  au  nom  de  Philippe-Auguste  et  se  présente  comme  le 
texte  adressé  par  ce  roi  aux  habitants  de  Poitiers,  en  novembre  i  204, 
c'est-à-dire  dans  le  même  mois  où  il  envoyait  les  établissements  à  Saint- 
Jean-d'Angély ;  or,  le  texte  de  Saint-Jean-d'Angély  ne  donne  que 
28  articles,  et  celui  de  Poitiers  en  donne  43.  Il  est  clair  que  le  roi, 
envoyant  un  même  document  à  deux  villes  voisines,  à  la  même  date, 
par  des  lettres  libellées  dans  les  mêmes  termes,  n'a  pu  leur  envoyer 
qu'un  texte  pareil;  il  est  clair  aussi  que  la  chancellerie  royale,  ne  pos- 
sédant dans  son  registre  que  28  articles,  n'a  pu  en  transmettre  43  aux 
gens  de  Poitiers.  Le  texte  conservé  aujourd'hui  à  Poitiers  est  donc  un 
texte  composite,  que  l'on  a  formé  en  ajoutant  aux  28  articles  transmis 
par  la  chancellerie  royale  i5  articles  pris  ailleurs.  Du  moment  que 
nous  avons  ici  un  exemple  certain  d'un  texte  obtenu  par  juxtaposition 
artificielle  de  dispositions  empruntées  à  des  sources  différentes,  n'est-il 
pas  naturel  d'attribuer,  jusqu'à  plus  ample  information,  la  même  ori- 
gine aux  autres  textes  d'étendue  diverse,  que  nous  rencontrons  à  Niort, 
à  Bayonne  ou  à  Oléron? 

Pour  résoudre  en  connaissance  de  cause  ces  questions  relatives 
à  l'histoire  du  texte,  il  faudrait  avoir  la  collection  des  variantes 
des  diverses  copies;  on  pourrait  alors  essayer,  comme  dans  \es\ 
éditions  des  classiques,  de  classer  les  manuscrits  par  familles  et  d'en 
établir  la  généalogie.  On  doit  regretter  que  M.  Giry,  qui  a  donné  en  tête 
de  ses  pièces  justificatives  une  édition  d'ailleurs  soigneusement  faite  du 
texte  latin  des  établissements,  avec  les  deux  traductions  anciennes  et 
une  traduction  nouvelle  en  regard,  n'ait  pas  publié  en  même  temps  un 
relevé  exact  des  variantes  des  divers  manuscrits  qu'il  a  consultés  et 
qu'il  n'ait  pas  tenté  un  classement  de  ces  manuscrits  fondé  sur  la  com- 
paraison de  ces  variantes. 

Pour  écrire  l'histoire  communale  des  villes  régies  par  le  statut  de 
Rouen,  M.  Giry  a  divisé  son  livre  en  chapitres  consacrés  chacun  à  l'é- 
tude d'une  commune  différente.  Ce  plan  s'imposait  ;  en  dépit  de  la  cons- 
titution uniforme  qu'ont  possédée  théoriquement  ces  diverses  com- 
munes, elles  ont  eu  une  histoire  et  une  organisation  trop  différentes  pour 
se  prêter  à  un  exposé  collectif.  Ce  morcellement  du  travail  en  une  série 
d'études  détachées  nuit  sans  doute  à  l'unité  de  l'ouvrage  et  fait  qu'il  est 
assez  difficile  au  lecteur  d'en  dégager  une  impression  d'ensemble;  mais 
c'est  un  inconvénient  qu'on  ne  pouvait  éviter. Peut-être  seulement  aurait» 
on  pu  l'atténuer,  en  condensant  un  peu  davantage  les  monographies 
relatives  à  chaque  commune  et  en  donnant,  par  contre,  un  peu  plusd'é- 
ten  Jue  au  chapitre  de  résumé  et  de  comparaison  qui  termine  le  volume, 


d'histoire  et  de  littérature  189 

La  valeur  du  livre  est  dans  le  grand  nombre  des  vues  nouvelles  qu'il 
contient.  M.  Giry  n'a  rien  négligé  pour  approfondir  l'histoire  des  diverses 
communes  soumises  au  régime  des  établissements  de  Rouen.  Non  con- 
tent des  documents  imprimés  et  de  ceux  qu'il  pouvait  trouver  aux  Ar- 
chives nationales,  il  a  visité  presque  toutes  les  villes  dont  il  s'est  occupé 
et  a  examiné  sur  place  les  archives  locales;  il  est  même  allé  jusqu'en 
Espagne,  pour  consulter  les  archives  de  la  chambre  des  comptes  de 
Navarre,  à  Pampelune.  Ces  recherches,  poursuivies  pendant  plusieurs 
années,  lui  ont  permis  de  découvrir  bien  des  faits  ignorés  et  de  refaire 
presque  en  entier  l'histoire  de  certaines  villes  à  l'époque  communale. 
Faut-il  s'étonner,  si,  en  possession  d''un  grand  nombre  de  documents 
non  encore  exploités,  M.  Giry  s'est  laissé  aller  à  la  tentation  d'en  faire 
connaître  le  contenu,  fût-ce  en  dépassant  parfois  un  peu  le  cadre  qu'il 
s'était  tracé;  s'il  lui  est  arrivé  d'admettre,  dans  un  livre  consacré  à  This- 
toire  des  institutions,  des  détails  qui  intéressent  plutôt  Thistoire  politi- 
que? Des  événements  comme  la  suppression  et  le  rétablissement  des 
pêcheries  du  Bayonnais  Pierre  Arnaud  de  Viele,  en  i3i2,  ou  les  incen- 
dies qui  affligèrent  à  plusieurs  reprises  le  faubourg  de  Ghâteauneuf  à 
Tours,  seraient  mieux  à  leur  place  dans  une  histoire  de  la  ville  de 
Tours  ou  de  la  ville  de  Rayonne  que  dans  une  étude  sur  l'organisation 
municipale  des  communes  régies  par  les  établissements  de  Rouen.  Mais 
il  vaut  encore  mieux  donner  trop  que  trop  peu,  et  ce  que  donne  M.  Giry 
est  presque  toujours  fort  intéressant.  Il  faut  signaler  en  particulier  le 
chapitre  où  il  raconte,  pièces  en  main,  l'histoire  de  Bayonne  sous  la  do- 
mination des  rois  d'Angleterre  et  montre  la  bourgeoisie  turbulente  de 
cette  ville,  tantôt  profitant  de  l'inertie  du  gouvernement  anglais  pour 
étendre  ses  franchises  au  delà  des  limites  de  ses  privilèges,  tantôt  four- 
nissant par  des  dissentions  intestines  des  prétextes  au  roi  et  à  ses  offi- 
ciers pour  confisquer  quelques-unes  des  libertés  de  la  commune.  Sur 
l'histoire  communale  de  Tours  et  sur  celle  de  Poitiers,  il  a  su  également 
jeter  une  lumière  nouvelle  et  faire  voir  sous  leur  vrai  jour  des  faits 
jusqu'ici  peu  connus  ou  mal  compris.  Dans  presque  tous  les  chapi- 
tres, son  livre  offre  un  riche  répertoire  de  renseignements  pour  l'histoire 
municipale  des  principales  villes  de  l'ouest  de  la  France. 

Il  n'offre  pas  moins  d'intérêt  pour  l'histoire  générale  des  institutions 
urbaines  dans  notre  pays.  Quelques-uns  des  faits  qui  ressortent  de  ses 
recherches  sont  en  contradiction  avec  les  opinions  généralement  ad- 
mises. La  royauté,  par  exemple,  est  loin  d'avoir  favorisé,  autantqu'on  se 
l'imagine,  les  libertés  communales;  les  communes  ont  trouvé  en  elle  un 
adversaire  au  moins  aussi  souvent  qu'un  appui.  Un  autre  trait  domi- 
nant, que  ce  travail  met  en  lumière,  c'est  le  peu  de  valeur  des  constitu- 
tions écrites,  des  chartes  données  ou  imposées  aux  villes  par  l'autorité 
royale.  Parmi  les  communes  auxquelles  fut  attribué  expressément,  soit 
par  les  rois  d'Angleterre,  soit  par  les  rois  de  France,  le  statut  de 
Rouen,  il  en   est,  comme  Niort  ou  Angoulême,  qui   paraissent  être 


140  REVUE    CRITIQUE 

restées  plus  d'un  siècle  sans  savoir  même  ce  qu'était  ce  statut  et 
sans  se  soucier  de  s'en  procurer  le  texte.  Dans  d'autres,  comme 
Bayonnc  ou  Tours,  011  possédait  le  règlement  qui  était  censé  régir  la 
commune,  maison  ne  se  croyait  pas  tenu  de  s'y  conformer;  ni  le  roi  ni 
les  bourgeois  ne  se  gênaient  pour  en  moditier  les  dispositions,  pour 
les  violer  même  ouvertement,  quand  ils  en  trouvaient  Toccasion.  L'ou- 
vrage de  M.  Giry  pourrait  presque  être  intitulé  l'histoire  des  déroga- 
tions qui  furent  apportées  aux  établissements  de  Rouen  dans  les 
diverses  communes  que  ces  établissements  auraient  dû  régir.  On  peut 
regretter  que  l'auteur  n'ait  pas  présenté  le  résumé  comparatif  de  ces 
dérogations,  en  une  sorte  de  tableau  synoptique,  dans  le  dernier  cha- 
pitre. Les  résultats  de  son  travail  se  seraient  ainsi  détachés  avec  plus  de 
netteté. 

La  plus  grande  partie  du  tome  II  est  remplie  par  les  pièces  justi- 
ficatives, au  nombre  de  quarante.  Le  n»*  i,  qui  occupe 'à  lui  seul 
55  pages,  est  l'édition  synoptique  du  texte  latin  des  établissements  et  des 
deux  traductions  anciennes  (celle  de  Rayonne  en  gascon  et  celle  d'Olé- 
ron  en  français),  avec  une  nouvelle  traduction  en  français  rédigée  par 
réditeur.  «  On  a  perdu  à  peu  près  complètement  en  France,  dit 
M.  Giry,  Thabitude  de  traduire  les  documents  du  moyen  âge.  Me 
sera-t-il  permis  de  le  regretter,  au  moins  en  ce  qui  touche  les  anciens 
textes  de  droit  public  ou  privé,  dont  le  sens  est  si  souvent  douteux, 
l'expression  équivoque,  les  termes  peu  clairs,  et  dont  il  y  a  intérêt  à  pré- 
ciser l'interprétation?  »  Ce  sentiment  est  fort  juste,  et  l'on  peut  consta- 
ter, depuis  peu  de  temps  il  est  vrai,  d'heureux  symptômes  d'un 
retour  de  l'opinion  en  ce  sens  parmi  les  érudits  :  le  général  Favé  vient 
de  nous  donner  la  traduction  française  de  la  loi  salique,  et  M.  Prou, 
dans  la  Bibliothèque  de  l'Ecole  des  hautes  études,  celle  du  De  ordine 
palatii  d'Hincmar. 

Ensuite  viennent  des  documents  divers,  pour  la  plupart  inédits, 
qui  éclairent  sur  plusieurs  points  l'histoire  des  communes  de  Rouen, 
la  Rochelle,  Oléron,  Rayonne,  Tours,  Niort,  Cognac,  Saint-Jean- 
d'Angély,  Angoulême  et  Poitiers.  Le  volume  se  termine  par  un  abon- 
dant index  bibliographique  (p.  i63-i8olet  une  table  analytique  très  dé- 
taillée (p.  181-265).  Ainsi  est  enfin  complété  l'un  des  ouvrages  les  plus 
importants  qui  aient  paru  depuis  longtemps  sur  l'histoire  communale 
de  l'ancienne  France. 

Julien  Havet. 


148.  —  I.îtei-atura  popular".  »'*>«nj"iiî^.,  de  Dr.  M.  Gaster.  Cu  un  Apendice  : 
Voroava  Garamantilor  cu  Alexandru  Machedon,  de  Miron  Cosùn.  Bucure.^U ,  Ig. 
Ilaimann,  i883.  In- 12  de  xij  pp.,   i  f  ,  CoS  pp.  et  i  f. 

Les  plus  anciens  monuments  de  la  langue  roumaine  qui  nous  soient 
connus,  ne  remontent  qu'à  la  seconde  moitié  du  xvi"  siècle.  Sans  perdre 


OHISTOIRK    ET    DK    LITTERATURK  I4I 

tout  espoir  d'en  découvrir  de  plus  anciens,  on  peut  du  moins,  en  fouil- 
lant les  manuscrits  que  nous  possédons,  et  en  étudiant  de  près  une 
fouie  d'imprimés  ignorés  des  savants,  reconstituer  une  littérature  qui 
nous  montre  que  les  Roumains  ont  puisé  comme  les  autres  peuples 
dans  le  trésor  des  traditions  que  l'Orient  a  léguées  à  l'Occident.  L'ou- 
vrage de  M.  Gaster,  qui  n'est  qu'un  premier  essai,  a  le  rare  mérite 
d'être  entièrement  nouveau  sur  la  plupart  des  points;  aussi  tenons-nous 
à  réparer  envers  Tauteur  le  silence  involontaire  auquel  de  nombreuses 
occupations  nous  avaient  condamné. 

Avant  de  parler  du  volume  de  M.  G.,  il  est  juste  de  reconnaître  que 
M.  Hasdeu  avait  ouvert  la  voie  à  ces  études  par  la  publication  de  son 
important  recueil  intitulé  :  Chtile poporane  aie  Românilor  in  seco- 
lul  XVI,  m  legatura  eu  literatur'a  poporana  cea  neserisa,  qui  forme 
le  tome  II  des  Ciivente  den  batrani  (Bucarest,  1880,  gr.  in-8).  Dans  ce 
recueil,  M.  H.  avait  attiré  l'attention  de  ses  compatriotes  sur  Timpor- 
tance  des  littératures  populaires  en  général,  puis  il  avait  publié,  d'après 
un  ms.  donné  à  l'Académie  roumaine  par  M.  D.  Sturdza,  divers  textes 
religieux,  tels  que  r£'27zYre  de  Jésus-Christ  sur  l'observation  du  di- 
manche^ la.  Légende  d'Abraham^  le  Voyage  de  la  Vierge  en  enfer  Qt 
V Apocalypse  de  saint  Paul,  d'où  il  ressort  que  les  Roumains  ont  subi, 
eux  aussi,  Pinfluence  des  livres  apocryphes  et  qu'ils  ont  eu  particulière- 
ment en  honneur  les  productions  dans  lesquelles  se  reflétait  la  doctrine 
des  bogomiles.  M.  H.,  qui  avait  complété  sa  publication  par  d'innom- 
brables rapprochements  avec  les  littératures  étrangères,  y  avait  fait  en- 
trer également  quelques  exemples  curieux  des  ressources  que  la  critique 
peut  tirer  des  traditions  orales  ;  enfin,  comme  son  plan  primitif  était  de 
rassembler  des  matériaux  pour  un  glossaire  historique,  il  était  entré 
dans  de  longs  développements  philologiques.  L'ouvrage  de  M.  G.  a  des 
proportions  plus  modestes,  mais  il  offre  cet  intérêt  de  présenter  non 
plus  desimpies  fragments,  mais  un  tableau  d'ensemble, 

M.  G.  divise  la  litteratu'-e  populaire  en  littérature  esthétique,  littéra- 
ture éthique  ou  morale,  et  littérature  religieuse.  A  la  première  appar- 
tiennent :  le  roman  d'Alexandre,  Barlaam  et  Josaphat,  Syndipa, 
Bertoldo,  Halima,  Archir  et  Anadan,  Geneviève  de  Brabant,  Hélio- 
dore,  Philerote  et  Antuse,  Le  Diable  et  la  Femme,  La  Fleur  des 
Vertus,  TU  Ulespiègle,  Nastratin  Hodja  et  quelques  autres  recueils 
de  facéties  plus  spécialement  roumaines.  La  seconde  comprend  les  fa- 
bles, les  proverbes  et  les  énigmes.  La  troisième,  qui  a  pour  objet  la 
plupart  des  traditions  fondées  sur  les  apocryphes,  est  de  beaucoup  la 
plus  riche  et  la  plus  intéressante.  On  y  trouve  les  histoires  de  la  créa- 
tion, d'Adam  et  d'Eve,  la  légende  des  démons  et  celle  du  bois  de  la 
croix,  les  histoires  de  Gain  et  d'Abel,  de  Lameth,  de  Melchisédec,  d'A- 
braham, de  Moïse,  de  Salomon,  l'histoire  de  la  destruction   de  Jérusa- 


142  REVUE    CRITIQUE  ( 

lem  et  la  légende  du  prophète  Jérémie,  l'histoire  du  Christ  et  de  Pilate, 
l'apocalypse  de  saint  Paul,  le  voyage  de  la  Vierge  en  enfer,  le  songe  de 
la  Vierge,  l'Épître  de  Jésus-Christ  sur  l'observation  du  dimanche,  la  lé- 
gende de  sainte  Vénus  ou  Parascève,  les  enseignements  pour  les  douze 
grands  vendredis  de  l'année,  les  miracles  de  saint  Sivoé.  M.  G.  com- 
plète cette  série,  déjà  longue,  par  les  soixante-douze  noms  du  Christ  et 
les  soixante-douze  noms  de  la  la  Vierge;  puis  viennent  les  incanta- 
tions, les  miracles  de  la  Vierge,  la  vie  de  saint  Basile  le  jeune,  un  traité 
sur  l'origine  des  offices,  d'après  Baronius  (dont  le  nom  est  devenu  dans 
certains  manuscrits  Varonim,  ou  même  Parochie),  enfin  les  chants  de 
Noël  et  les  cantiques  des  trois  rois.  M.  G.  rattache  encore  à  la  littéra- 
ture religieuse  les  livres  contenant  des  prédictions  astrologiques  et  au- 
tres, la  Roue  de  Salomon,  etc. 

Comme  le  montre  Ténumération  qui  précède,  les  productions  qui 
composent  la  littérature  populaire  roumaine  appartiennent  à  des  épo- 
ques fort  différentes.  Si  quelques-unes  peuvent  être  considérées  comme 
véritablement  anciennes,  par  exemple  l'histoire  d'Alexandre,  que  les 
Roumains  ont  traduite  du  slavon  et  qui  était  répandue  chez  eux  dès  le 
xvi«  siècle,  la  plupart  sont  des  traductions  toutes  modernes.  Il  en  est 
ainsi  de  Geneviève  de  Brabant  et  de  divers  autres  livrets  traduits  tant 
bien  que  mal  d'après  quelque  édition  de  notre  Bibliothèque  bleue  ^, 
M.  G.  eût  pu  élargir  son  cadre  et  rechercher  quelles  sont  les  traditions  du 
moyen  âge  qui  se  sont  conservées  dans  la  littérature  orale  des  Roumains. 
Cette  recherche,  qui  sera  sans  doute  tentée  par  la  suite,  sera  d'autant 
plus  intéressante  que  les  contes  ont  une  origine  assurément  beaucoup 
plus  ancienne  que  les  livrets,  souvent  peu  intelligibles  pour  le  peuple, 
qui  se  débitent  dans  les  foires  de  Bucarest  ou  de  lassi,  et  que,  de  plus, 
ils  ont  subi  dans  la  bouche  des  conteurs  certaines  transformations  qui 
leur  donnent  une  valeur  originale.  11  est  curieux  de  noter  qu'un  des  con- 
tes les  plus  répandus  chez  les  Roumains,  les  Doï  Fet'i  cotofati  cii  parul 
de  aur  %  nous  offre  un  récit  qui  rappelle  un  épisode  du  roman  delà  belle 

1.  Un  libraire  allemand  de  Kronstadt  (Braçov),  M.  Hintz,  qui,  sous  le  nom  de 
Hintescu  cultive  avec  amour  la  littérature  roumaine,  publie  depuis  quelques  années 
de  petits  livrets  destinés  au  colportage.  11  a  non  seulement  réimprimé,  d'après  di- 
vers auteurs,  des  contes  populaires,  des  récits  patriotiques,  etc.,  mais  il  a  com- 
mencé la  publication  de  traductions  abrégées  de  certains  ouvrages  que  les  Rou- 
mains ne  possédaient  pas  encore,  par  exemple,  l'histoire  de  Griselidis  {Pataniele 
multcercatet  Griselde,  istorioara  morala  prea  interesanta.  scrisa  pentru  poporul 
roman.  Braçov,  Frank  ?i  Dressnandt,  [1876J,  in-i6  carré).  M.  Hintz  s'est  contenté 
d'abréger  l'édition  allemande  de  Reutlingen;  le  début  est  même  traduit  textuelle- 
ment. Grâce  à  lui,  Griselidis  peut  aussi  bien  figurer  parmi  les  productions  de  la 
littérature  populaire  roumaine  que  Geneviève   de  Brabant  et  surtout   que  Zadig. 

2.  Voy.  Schott,  Walachische  M'àrciien,  121;  \AAx.v\c\-i,  Deutsche  Volksmarchen  ans 
dem  Sachsenlande  in  Siebenbûr^en,  n°  i  ;  Doi  Feli  cotojeti,  seu  Doi  Copii  eu  pendu 
de  auru,  povesta  poporala  vomana  vublicata  de  Dr.  At.-M.  Marienescu  (Pest'a, 
Em.  liartalits,  1871,  in-16,  extr.  de  VAlbina);  Ispirescu,  Légende  sau  Bas  mêle  Româ- 
niloru  adunate  din  guva  poporului,  i88--i,  62. 


D  HiSroiUK    KT    Dh    LITTKHAIUKK  1^0 

Hélène  de  Constantinople  ■  et  présente  la  plus  grande  ressemblance  avec 
l'histoire  de  la  femme  du  roi  Thierry,  que  nous  trouvons  parmi  les 
Miracles  de  Nostre  Dame  -.  Il  n'est  pas  moins  intéressant  de  rappro- 
cher le  conte  que  M.  Ispirescu  intitule  Omul  de  piatr'â,  et  qui  contient 
rhistoire  de  Dafin  et  d'Afin  %  des  versions  occidentales  d'Amis  et 
d'Amiles. 

Si  le  livre  de  M,  G.  peut  être  sur  bien  des  points  augmenté  et  amendé, 
il  n'en  contient  pas  moins  une  foule  de  notices  qui  seront  lues  avec  in- 
térêt. L'auteur  a  su,  en  particulier,  mettre  à  profit  deux  sources  d'in- 
formations qui,  à  elle  seules,  suffiraient  pour  donner  à  son  livre  une 
sérieuse  valeur  :  les  légendes  talmudiques  et  les  littératures  slaves.  Il  en 
a  tiré  des  rapprochements  qui  seront  probablement  nouveaux  pour  beau- 
coup de  ses  lecteurs.  Ce  sera  pour  les  romanistes,  peu  familiarisés 
d'ordinaire  avec  l'hébreu,  le  russe  ou  le  serbe,  un  secours  très  apprécia- 
ble que  d'avoir  dans  le  volume  de  M,  G.  un  commencement  d'informa- 
tion sur  bien  des  questions  qu'ils  ont  l'occasion  d'aborder. 

M.  G.  a,  depuis  quelques  années,  apporté  tous  ses  soiriSà  rassembler  le 
plus  grand  nombre  possible  de  manuscrits  roumains  ;  c'est  dans  ces  li- 
vres, le  plus  souvent  incomplets  et  lacérés,  qu'il  a  fait  et  fera  certainement 
encore  bien  des  découvertes  '''.  De  tous  les  textes  qu'il  a  réunis,  celui 
qui  nous  paraît  offrir  le  plus  d'intérêt  est  celui  de  la  Palia,  ou  Bible 
enrichie  d'histoires  apocryphes,  dont  il  a  décrit  dans  la  Revista  pentru 
isiorie,  archéologie  si  istorie  ^  un  ms.  du  xvir  siècle,  il  faut  espérer 
qu'il  pourra  bientôt  nous  en  donner  une  édition  complète,  au  lieu  de 
se  borner  à  en  publier  des  fragments  dans  des  recueils  souvent  éphé- 
mères. 

M.  G.  n'a  pas  eu  dans  sa  Literatura  populara  romanà  la  prétention, 
d'ailleurs  chimérique,  d'indiquer  d'une  manière  complète  les  sources 
auxquelles  ont  puisé  les  auteurs  roumains  ni  les  productions  similaires 

I.  M.  G.  cite,  pp.  ï  i()-i25,  deux  rédactions  roumaines  de  la  Vie  de  la  belle  Hélène 
et  un  conte  populaire  qui  s'en  rapprociiee  ;  il  ne  mentionne  pas  les  Doi  Fetit  cotofatf 

i.  Miracles  de  Nostr3  Dama  par  personnages,  publies  par  Gaston  Paris  et  Ulysse 
Robert,  n»  XXXII. 

3.  Légende,  p.  112. 

4.  En  dehors  de  son  principal  ouvrage.  M,  G.  a  déjà  extrait  des  matériaux  qu'il  a 
réunis  diverses  publications  détachées  dont  voici  les  titres  :  Lilith  iceitre't  ingert 
(Amiar  pentru  Israeliti  romdn't ,  iV,  iSbJi,  jS-jij);  Légende  talmudice  n  Légende 
romane,  studiu  comparativ  fibid.,  V,  1882,  27-33)  ,-  Cabbahi,  originea  si  desuolta- 
rea  eY  (Ibid.,  Vi,  i883,  25-36);  O  Povesle  lalmudica  în  literatura  romdnâ  —  his- 
toire d'un  homme  qui  se  ruina  en  voulant  mettre  en  pratique  cette  parole  de  Salo- 
mon  :  a  Celui  qui  fait  miséricorde  au  pauvre,  prête  à  Dieu  »,  et  qui,  sur  le  chemin 
de  Jérusalem,  trouva  une  pierre  d'un  grand  prix,  que  deux  hommes  se  disputaient  — 
iibid.,  VI,  62-66);—  Scholomonar,  d.  i.  der  Garabancijas  dijak  nacli  der  Volksu- 
berlieferung  der  lumanen  (Archiv/iir  slavische  Piiilologie,  VU,  281-290  ;  Légende 
inédite,  —I.  Viaf.a  Sf-lu'i  Alexie,  omul  iu1.  Dumneieu  ;  H.  Viata  Sf-lu't  Evstatkie 
Plachida  (Revista  peniru  istoric,  archéologie  si  filologie,  Iir. 


144  KKVUK    CRITIQUE 

des  pays  étrangers  ;  nous  n'essayons  donc  pas  de  combler  certaines  la- 
cunes que  nous  avons  pu  remarquer  dans  son  ouvrage  ;  nous  nous  bor- 
nerons à  consigner  ici  quelques  notes  bibliographiques  : 

P.  i3.  Le  plus  ancien  ms.  de  YAlecsandrie  cité  par  M.  G.  est  daté 
de   Tannée    1764.  M.  Bianu   a  donné   depuis,    dans   la  Cohimna  lui 
Traian  ',  la  notice  d'un  ms.  daté  de  1620  et  en  a  même  commencé  la 
publication. 

P.  14.  D'après  Pop  -,  l'édition  de  Y Alecsandrie  publiée  à  Mohilev 
appartient  à  Tannée  1796  et  non  à  Tannée  1797,  comme  le  dit  larcu. 
L'imprimeur  était  le  protopope  Michel  Stribêlcki,  celui  même  qui  avait 
fondé  à  lassi  en  1789  un  atelier  typographique  ^. 

P.  35.  Après  la  traduction  de  Barlaam  et  Josaphat  duQ  à  ce  Bomlescu 
qui  était  prisonnier  à  Milan,  il  y  aurait  lieu  de  mentionner  celle  de  Sa- 
muel Klein  de  Szâd,  qui  est  restée  manuscrite  ■*. 

P.  96.  M.  G.  ne  cite,  à  propos  de  Beuve  d'Antone  que  le  poème  an- 
glais de  Sir  Bevis  (dont  le  titre  est  défiguré  par  une  faute  d'impression), 
le  poème  italien  et  la  traduction  hébraïque.  Il  eût  dû  citer  au  moins  le 
titre  du  poème  français  dont  M.  Paul  Meyer  a  sommairement  classé 
diverses  rédactions  '. 

p.  ii5.  Nous  possédons  une  édition  de  VIstoria  Ghenovevi  de  Bra- 
dant imprimée  à  Sibiu  (Hermannstadt)  en  i865,  in-i6. 

P.  125.  M.  G.  eût  pu  dire  quelques  mots  des  sources  françaises  de 
Thistoire  de  la  belle  Hélène  de  Constantinople  et  citer  en  passant  les 
drames  de  Hans  Sachs  et  de  M.  Montanus  sur  la  KiJnigin  aiis^  Frank- 
reich  '^. 

P.  127.  La  première  édition  de  l'Histoire  éthiopique  d'Héliodore 
est  de  I  534  et  non  de  i  535. 

P.  129,  M.  G.  place  entre  i63o  et  i65o  la  composition  de  YEroto- 
crite  de  Vincent  Cornaro.  Cette  date,  malgré  sa  latitude,  est  certaine- 
ment inexacte.  S'il  est  vrai  que  M.  Sathas  :  range  Cornaro  parmi  les 

1.  Noua  série,  IV  (ib83),  322-32g,  445-456. 

2.  Disertaùe  desyre  iipogi-afiilc  romîncxti  în  Trairjilvania,  etc.  !,Sibiu,  18.28. 
in-8),  qo. 

3.  Hasdeii,  Ciivinte  den  batr.,  I.  259. 

4.  Voy.  ^\jimm\\\,  Lepturariu  rimnnesc,  IV,  i,    22. 

5.  Voy.  Daurel  ci  Béton,  chanson  de  geste  provençale  (Paris,  1880,  in-8),  xxj. 

6.  Godeke,  Gnindris^,  i,  325,  34g. 

7.  Neo;7v}vr,v.y.r,  <]^'.\o\o'^'.x,  p.  6o3. 


d'histoire  et  dk  littératurk  145 

auteurs  du  xviii'^  siècle,  il  est  prouvé  aujourd'hui  que  Leake  '  a  eu  raison 
de  faire  remonter  YÉrotocrite  Jusqu'au  xvi'=  siècle".  La  plus  ancienne 
édition  connue  du  poème  est  de  ijSô. 

P.  i32.  Draculsi  Femeea,  sait  Roman  gasit  siib  peruca  iimu  holtei'u 
b'âtrân  (Le  Démon  et  la  Femme,  ou  Roman  trouvé  sous  la  perruque 
d'un  vieux  garçon).  Cet  arrangement  du  Belfégor  de  Machiavel  '  pa- 
raît être  une  simple  traduction  du  français.  Tandis  que  La  Fontaine  a 
respecté  le  titre  original,  plusieurs  traducteurs  ou  imitateurs  en  prose 
l'ont  travesti  à  peu  près  comme  Téditeur  roumain  *. 

P.  i38.  M.  G.  dit  que  la  Floarea  darurilor  est  une  simple  traduc- 
tion de  r'A.v6oç  TÛv  "/apiTwv,  dont  l'original  est  le  recueil  italien  intitulé 
Fior  di  virtù.  Il  eût  été  bon  d'ajouter  que  le  Fior  di  virtîi  est  un  ou- 
vrage du  xiv°  siècle,  ordinairement  attribué  à  Tomaso  Leoni  ;  qu'il  a 
été  traduit  en  français,  en  espagnol  et  même  en  arménien  '■>  ;  enfin  que 
le  texte  italien  a  été  réimprimé  à  Florence,  en  i855,  in-i6,  et  à  Naples 
en  1857,  in-i2.  La  version  grecque,  publiée  à  Venise  en  1667,  est  Toeu- 
vre  d'Ambroise  Gradenigo ''.  Il  est  vraisemblable  que  Constantin-Pa- 
come  Sarachin  avait  cette  version  entre  les  mains  quand  il  fit  imprimer 
par  le  moine  Anthime.  au  monastère  de  Snagov,  en  1700,  la  Floarea 
darurilor,  mais  ce  livre  était  depuis  longtemps  déjà  connu  des  Rou- 
mains. On  le  trouve,  en  effet,  dans  le  m.anuscrit  daté  de  1620  dont 
M.  Bianu  a  entrepris  la  publication  ". 

1.  Reseaches  in  Grcece  (London,  1814,111-4),  116.  —  Leake  donne,  pp.  101-116 
une  analyse  et  d'assez  nombreux  extraits  du  poème. 

2.  Voy.  Mikiosich  et  Mûller,  Acta  et  Diplomata  graeca,  III,  264  :  «  Vincentius 
Cornarus  Antonio  Daravenia  vendit  domum  in  oppido  Chandace  insulae  Creiae.  » 
L'acte  est  daté  du  16  juillet  i56i. 

3.  Belfégor  parut  pour  la  première  fois  en  1543  et  non  en  1547,  comme  le  dit 
M.  G. 

4.  Le  Démon  et  la  Démone  marie:{,  ou  le  Malheur  des  hommes  qui  épousent  de 
mauvaises  femmes,  avec  leurs  caractères  vicieux;  nouvelles  historiques  et  morales 
tirées  des  Annales  de  Florence  par  le  fameux  Machiavel.  A  Rotterdam  [Paris],  1705 
[ou  1706],  in-i2. 

Roderic  ou  le  Démon  marié,  nouvelle  historique,  traduite  de  l'italien  en  français. 
Cologne  1694,   in-i2. 

II  existe  de  la  même  traduction  une  édition  de  Lyon,  Lojonie,  s.  d.,  in-12,  une 
édition  publiée  sous  la  rubrique  de  Baratrapolis.  1748,  in-12,  et  une  réimpression 
jointe  au  Diable  amoureux  de  Cazotte  (Paris,  i853,  in- 16).  Sur  l'édition  de  1748  et 
sur  une  pièce  qui  y  est  jointe,  voyez  Brunet.  II,  585  et  Barbier,  Dict.  des  anony- 
mes, IV,  373. 

Tanneguy  Le  Fèvre,  dont  la  traduction  est  antérieure,  avait  conservé  le  nom  de 
Belfégor  :  Le  Mariage  de  Belfégor,  nouvelle  italienne  (Saumur,  Lerpinière,  1664, 
pet.  in-8). 

5.  Voyez  Brunet,  II,  1262. 

6.  M.  Sathas  ne  cite  aucun  ouvrage  de  cet  auteur  ;  il  se  borne  à  dire  (p.  335)  qu'il 
était  probablement  frère  d'Aloisio  Gradenigo  et  qu'il  enseignait  en  i65o  à  l'école 
grecque  de  Venise. 

7.  Col.  lut  Traian.  188?,  328. 


146  RKVUE    CRITIQUE 

P.  [40.  Capela  din  pàdiire.  C'est  le  conte  de  Christophe  von 
Schmid intitulé  Die  Waldkapelle .-onoWé  pour  la  première  fois  dans  les 
Er:[àhlugen  fur  Kinder  iind  Kinderfreunde^  181 3.  Une  traduction 
française  parut  dès  Tannée  1829  [La  Chapelle  de  laforêt,  conte  pour 
les  enfants^  traduit  de  l'allemand;  Strasbourg,  1820,  in- 18). 

P.  167.  Il  n"est  pas  douteux  que  le  Gacavela  à  qui  la  littérature  po- 
pulaire attribue  diverses  réponses  facétieuses  ne  soit  Jérémie  Cacavela  '. 
Démètre  Cantemir,  dont  il  avait  été  le  précepteur,  raconte  sur  lui  une 
anecdote  qui  présente  ce  personnage  sous  un  Jour  des  plus  curieux  et  mon- 
tre bien  comment  on  a  pu  lui  attribuer  une  dispute  avec  un  hodjaturc-. 

P.  168.  Pour  le  Spilvon  eineni  Keiser  und  eim  Apt,  que  Wacker- 
nagel  attribue  à  Hans  Folz  ^,  il  convient  de  renvoyer  à  l'édition  cie 
Keller  (i83o)  et  aux  Fastnachtspiele  publiés  par  le  même  auteur'^. 
Le  même  sujet  a  été  traité  en  Allemagne  par  le  duc  Henri-Jules  de 
Brunsvic  (1594)  ^;  on  le  retrouve  en  France  dans  la.  Farce  nouvelle 
du  Musnier  et  du  Gentil-Homme  ^'. 

P.  171.  On  trouvera  que  la  mention  consacrée  par  M.  G.  à  Pâcaia 
est  tout  à  fait  insuffisante.  Il  v  aurait  eu  lieu  de  renvoyer  aux  Wala- 
chische  Mdrchen  des  frères  Schott  ',  au  petit  livret  publié  par  M.  Hin- 
tescu  %  enfin  au  Calindarin  de  M.  Mangiuca  pour   1882  ". 

P.  404.  Aux  rapprochements  indiqués  par  M.  Hasdeu  on  peut  ajou- 
ter le  Tractât  dels  noms  de  la  mayre  de  Dieu  publié  par  M,  Paul 
Meyer  dans  son  introduction  à  Daurel  et  Breton  "\ 

1.  L'article  consacré  par  M.  Sathas  à  Cacavela  (N£OAAr|Vty.Y)  <I>tAo}vOYta,  ^83)  esi 
des  plus  incomplets,  Il  n'y  est  fait  mention  ni  de  Vlnva^atura  svînta  de  1697,  ^^'^ 
laquelle  on  peut  voir  la  Col.  lui  Traian,  1882,  52 1,  ni  même  du  Divanul  sau  Gil- 
ciavaîit(.eleptului  eu  hnnea,  III,   i6q8. 

2.  Voyez  Vita  Constantini  Cantemyri  àd^ns  \ts  Opevele  principehii  Demetriu  Can- 
temiru,  publicate  de  Academia  roman   ;  VU,  yS. 

3.  Deutsches  Lesebuch,  IV,  3i5. 

4.  I,  199-210;  lY,  Sog,  338. 

3.  Die  Schauspiele  des  Her:^ogs  Heinrich  Ji'.liiis  von  Braiinschweig,  hrsggb.  von 
Dr.  W.L.  Holland,  47f)-5o5. 

6.  Cette  farce  a  dû  être  composée  vers  i53i.  Elle  a  été  réimprimée  dans  le  Recueil 
de  livrets  singuliers  de  M.  de  Montaran  (1829)  d'après  une  édition  de  Troyes,  1628. 

7.  Pp.    223-238. 

8.  Tntémplarile  lu'i  Pacala,  o  istorioara  vcsela  in  2  5  capuri  ,  hitocmita  astfel 
de  S.  F.  Editorul  I.  C.  Hin{sscu.  Brasov,  Frank  si  Dressnandt  I1H76],   în-32. 

9.  Calindariu  julianu,  gregorianu  fi  yoporalu  romdnu...  pe  anulu  i  S82.  de  Si- 
vuone  Mangiuca  iBva^\o'vu,  Tipographi'a  Alexi,  1881,  in-8),  67-120.  —  M.  G.  ne 
cite  ce  recueil  qu'à  propos  des  colinde  (p.  473).  Si  les  étymologies  et  les  commentai- 
res de  M.  Mangiuca  sont  plus  que  hasardés,  il  n'en  a  pas  moins  réuni  des  matériaux; 
utiles. 

10.  Pp.  ciij-cviij- 


p/histciuk  et  nE  litteratukk  i-l~ 

p.  406.  L'article  consacré  par  iM.  G.  aux  mcantaùons  [descantece) 
doit  être  complété  à  l'aide  des  fragments  que  l'Académie  roumaine  a 
récemment  extraits  des  papiers  de  Sàulescu  '. 

P.  499.  Les  calendriers  pour  les  années  lôgS,  1694,  lôgS,  1699  et 
1703,  dont  M.  Odobescu  a  donné  une  notice  dans  la  Revista  rom'âna'- 
et  les  pronostications,  de  source  italienne,  qu'ils  renferment  sont  beau- 
coup plus  anciens  que  les  livrets  du  même  genre  dont  parle  M.  G. 

P.  519.  Le  ms.  de  1 620,  dont  nous  devons  la  notice  à  M.  Bianu,  con- 
tient le  traité  intitulé  Rojdanicul  ou  Zodiile  '■'.  Le  plus  ancien  ms.  cité 

par  M.  Gaster  appartient  au  milieu  du  xviii"  siècle. 

Emile  Picot. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —Sous  ce  titre  les  Grands  maîtres  de  la  littérature  russe,  M.  Ernest 
DupoY,  professeur  de  rhétorique  au  lycée  Charlemagne,  lauréat  de  l'Académie  fran- 
çaise, vient  de  publier  (Paris,  Lecène  et  Oudin)  une  série  d'études  ingénieuses  et 
pénétrantes  sur  les  romanciers  N.  Gogol,  Tourguenev  et  Léon  Tolstoï.  M.  Dupuy 
a  connu  personnellement  Tourguenev,  et  il  s'est  donné  la  peine  d'apprendre  le 
russe  pour  lire  dans  l'original  les  auteurs  dont  il  s'est  occupé.  Tourguenev  et  Tolstoï 
sont  en  ce  moment  fort  à  la  mode  chez  nous;  mais  Gogol  est  trop  ignoré,  et  nous 
savons  gré  à  M.  D.  de  l'avoir  remis  en  lumière.  Ce  volume  d'un  humaniste  distingué 
et  délicat  mérite  d'être  salué  comme  un  très  heureux  début,  dans  un  genre  d'études 
auquel  on  peut  appliquer  le  mot  de  l'Evangile  :  «  La  moisson  est  immense,  mais 
les  ouvriers  sont  bien  peu  nombreux.  »  —  L.  Léger. 


ACADEMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  7  août  i885. 

M.  Caspar-René  Gregory  communique  un  mémoire  intitulé  :  les  Cahiers  des  ma- 
nuscrits grecs.  L'objet  de  ce  travail  est  de  combler  une  lacune  de  la  science  paléo- 
graphique, en  déterminant  exactement  la  composition  des  cahiers  dont  sont  formés 
les  manuscrits.  Ces  cahiers,  dans  les  manuscrits  grecs,  sont  généralement  des  qua- 
ternions  ou  assemblages  de  quatre  feuilles  de  parchemin  pliées  en  deux  parle  mi- 
lieu :  chaque  quaternion  comprend  donc  huit  feuillets  ou  seize  pages.  Dans  chaque 
feuillet,  on  distingue  le  côté  du  poil  de  l'animal  dont  la  peau  a  fourni  le  parchemin, 
et  le  côté  de  la  chair  :  celui-ci  est  lisse  et  blanc,  l'autre  rugueux  et  plus  ou  moins 
foncé  Les  pages  sont  réglées  au  moyen  de  traits  creusés  à  la  pointe.  M.  Gregory  a 
constaté  que  les  lignes  étaient  presque  toujours  tracées  avant  la  formation  des  qua- 
ternions  et  sur  le  côté  du  poil  :  elles  sont  donc  marquées  en  creux  sur  ce  côté  et  en 
relief  sur  le  côté  de  la  chair.  Pour  former  un  quaternion,  les  feuilles  étant  réglées, 
le  scribe  plaçait  sur  sa  table  une  feuille,  le  côté  de  la  chair  en  dessous,  sur  celle-ci 
une  seconde,  le  côté  du  poil  en  dessous,  puis  une  troisième  tournée  comme  la  pre- 
rnière  et  une  quatrième  tournée  comme  la  seconde  :  il  les  pliait  ensemble  par  le  mi- 
lieu, et  le  quaternion  était  prêt.  11  en  résulte  que,  dans  chaque  quaternion,  le  côté 

i.  Analele  Academe^  romane,  ser.  II,  VII,  II,  i53.  —  Les  pièces  recueillies  par 
Stiulescu  comprennent  six  incantations,  deux  formules  de  sorcière  (vr^^jî)  et  deux 
charmes  (farmice).  On  y  a  joint  un  morceau  d'un  poème  populaire  dont  M.  G.  ne 
fait  pas  mention  :  La   Prière  de  saint  Nicétas,  martyrisé  par  les  Gotlis  en  Dacie. 

1.  I,  657-661. 

3.  Col.  lui  Traian,  i883,  328. 


148  REVUE    CRITIQUE    d'hISTOIRE    ET   DE    LITTERATURE 

de  la  chair  forme  les  pages  1,  4,  5,  8,  9,  12,  i3  et  16  :  ces  pages  sont  blanches,  lisses 
et  ont  les  lignes  en  relief;  le  côté  du  "poil  forme  les  huit  autres  pages,  2,  3,  6,  7, 
10,  II,  14  et  i5,  qui  sont  teintées,  rugueuses  et  ont  les  lignes  en  creux.  A  quelque 
endroit  qu'on  ouvre  le  volume,  les  deux  pages  qui  se  présentent  à  la  fois  aux  re- 
gards sont  toujours  pareilles  Tune  à  l'autre.  On  trouve  très  peu  d'exceptions  à  cette 
règle,  du  moins  dans  les  manuscrits  écrits  en  Orient.  M.  Gregory  exprime  le  désir 
de  voir  d'autres  paléographes  faire  des  constatations  analogues  sur  les  manuscrits 
latins,  les  manuscrits  orientaux,  etc.  Si  l'on  déterminait  avec  précision  la  pratique 
de  chaque  temps  et  de  chaque  pays,  en  ce  qui  concerne  ces  détails  techniques, 
on  trouverait  là  un  utile  élément  d'appréciation  pour  juger  de  la  provenance  des 
manuscrits  et  par  suite  de  leur  valeur. 

Ouvrages  présentés  :  par  M.  Alexandre  Bertrand  :  Mémoires  de  la  Société  des  an- 
tiquaires du  Centre,  t.  XIII,  fasc.  1  ;  —  par  M.  de  Boislisle  :  Décrue  (Francis),  Anne 
de  Montmorency ,  grand-maître  et  connétable  de  France,  à  la  cour,  aux  armées  et  au 
conseil  du  roi  François  /«■■;  —  par  l'auteur  :  Delisle  (L.),  Discours  prononcé  à  la 
Société  de  FUtstoire  de  France;  —  par  M.  Barbier  de  Meynard  :  i"  Houdas,  Mono- 
graphie de  Méquine:^  (extrait  du  Journal  asiatique);  2"  Basset  (René),  Note  de  lexi- 
cographie berbère.  Julien  Havet. 

Séance  du  14  août  188^. 

M.  Bergaigne  lit,  au  nom  de  M.  Egger,  un  fragment  qui  doit  former  la  conclusion 
d'une  nouvelle  édition  de  l'Histoire  de  la  critique  che:{  les  Grecs.  M.  Egger  insiste, 
dans  ce  morceau,  sur  l'originalité  du  génie  grec  :  si  des  recherches  nouvelles  ont 
montré  qu'en  art,  la  Grèce  a  pu  apprendre  quelque  chose  des  pays  voisins, J'E- 
gypte  et  l'Assyrie,  en  littérature  du  moins  l'hellénisme  ne  doit  rien  qu  a  lui-même. 
Ni  l'Egypte,  ni  la  Perse,  ni  l'Inde,  ni  la  Chine  ne  lui  ont  rien  fourni. 

M.  Paul  Meyer  communique  des  planches  d'héliogravure  qui  reproduisent  un  ma- 
nuscrit de  quatre  feuillets  de  parchemin,  écrit  au  commencement  du  xiu'  siècle  : 
on  y  lit  un  poème  français,  d'environ  cinq  cents  vers,  de  huit  syllabes,  chacun  re- 
latif à  l'histoire  de  saint  Thomas  Becket,  archevêque  de  Canterbury.  Il  y  a  une  ou 
deux  miniatures  à  chaque  page.  M.  Meyer  a  trouvé  ce  manuscrit,  il  y  a  deux  ans, 
d'après  les  indications  de  M.  Ruelens,  dans  la  bibliothèque  de  M.  Gœthals-Ver- 
cruysse,  à  Courtrai.  M.  Gœthals-Vercruysse  a  exécuté  lui-même  les  photographies 
d'après  lesquelles  a  été  faite  la  reproduction  en  héliogravure.  Cet  ouvrage  est  le  troi- 
sième poème  français  que  l'on  connaisse  sur  la  vie  de  Thomas  Becket  :  les  deux  au- 
tres sont  dûs,  l'un  à  Garnier  de  Pont-Sainte-Maxence,  l'autre  à  un  certain  Beneit  ou 
Benoît.  Celui-ci  ne  nous  apprend  qu'un  seul  fait  nouveau,  une  entrevue  de  Thomas 
Becket  avec  le  pape  Alexandre  III,  à  Sens,  en  1 165,  à  la  suite  de  laquelle  ils  voya- 
gèrent ensemble  jusqu'à  Bourges.  L'intérêt  du  manuscrit  de  Courtrai  est  surtout 
littéraire  et  archéologique.  Quelques  particularités  linguistiques  donnent  lieu  de 
croire  que  l'auteur  était  un  Anglais.  Les  miniatures  peuvent  suggérer  diverses  ob- 
servations sur  l'histoire  du  costume.  M.  Meyer  se  propose  de  publier  ce  poème,  avec 
le  fac-similé  des  huit  pages  en  héliogravure,  dans  un  des  prochains  volumes  de  la 
Société  des  anciens  textes  français. 

M.  P.-Ch.  Robert  présente  des  observations  sur  un  détail  de  numismatique  gau- 
loise. On  connaît  par  Lucien  un  dieu  gaulois,  nommé  Ogmius,  qui  était  à  la  fois 
une  sorte  d'Hercule  et  un  dieu  de  l'éloquence  :  on  le  représentait  avec  des  chaînes 
qui  sortaient  de  sa  bouche  et  auxquelles  étaient  attachées  les  oreilles  des  hommes. 
Les  numismates  se  sont  accordés  a  voir  une  image  de  ce  dieu  dans  quelques  mon- 
naies de  l'Armorique,  où  est  représentée  une  grande  tête  entourée  de  têtes  plus  pe- 
tites, celles-ci  reliées  à  la  première  par  des  fils  de  grénelis.  M.  Robert  fait  remar- 
quer qu'à  supposer  qu'il  y  ait  là  des  chaînes,  ces  chaînes  ne  se  relient  ni  à  la  bou- 
che de  la  tête  principale,  ni  à  l'oreille  des  autres.  Il  est  donc  probable  que  le  dieu 
Ogmius  n'a  rien  à  faire  ici.  Les  Gaulois  avaient  l'habitude  de  disposer  en  trophées 
les  têtes  des  vaincus  :  les  monnaies  en  question  représentent  probablement  des  tro- 
phées de  ce  genre.  11  existe  une  variété  de  ce  type  monétaire  où  la  tête  principale, 
au  milieu  de  la  pièce,  est  une  tête  de  cheval  :  or,  précisément  nous  savons  que  les 
guerriers  gaulois  aimaient  aussi  à  suspendre  aux  rênes  de  leurs  chevaux  les  têtes _ae 
leurs  ennemis  On  a  donc  vu  à  tort  une  image  mythologique,  là  où  il  n'y  a  en  rea- 
lité qu'un  trophée  de  victoire. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Gaston  Paris  :  Hasdeu  (B.  Petriceicu-),  Ety^mo- 
logicum  magnum  Romaniœ  :  dictionarul  limbei  istorice  si  poporane  a  Romanilor, 
fasc.  i;  —  par  M.  Delisle  :  1°  Mûntz  (Eugène),  Notice  sur  un  plan  inédit  de  Rome 
à  la  fin  du  xiv^  siècle  (extrait  de  la  Gaielte  archéologique)  ;  2°  Omont  (Henri), 
Georges  Hermonyme  de  Sparte,  maître  de  grec  à  Paris  et  copiste  de  manuscrrits 
(extrait  des  Mémoires  et  du  Bulletin  de  la  Société  de  l'histoire  de  Paris  et  de  l'Ile-de-^ 
France;;  3°  Havet  (Julien),  Questions  mérovingiennes  :  \,  la  Formule  n.  rex  fra.x- 
coRu.M  v.  iNL.;  II.  les  Découvertes  de  Jérôme  Vignier  (extrait  de  la  Bibliothèque  de 
rEeole  des  chartes).  Julien   Havet. 

Le  Propriétairc~Gei\int  :   c.R^ii.ST  LEKOUX. 


..'      /"M-. 


)»!j '-n-.ifrV  df  MarchesSQV  fils,  boulevard  Saini-Laurenî,  3J. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE     LITTÉRATURE 

N-^  35  —31  août  —  1885 


Soinitittii-e  :  149.  OsTHOFF,  De  l'histoire  du  partait  dans  les  langues  indo-ger- 
maniques. —  i5o.  La  Chrorfique  de  Paros,  p.  p.  Flach.  —  i5i.  Kleiber,  Ce 
que  Tacite  doit  dans  le  Dialogue  des  Orateurs  aux  auteurs  précédents.  —  i52. 
KoHLEH,  Shakspeare  devant  le  forum  de  la  jurisprudence.  —  i33.  Frédéricq, 
Travaux  de  l'Université  de  Liège.  —  Chronique.  —  Académie  des   Inscriptions. 


ilg.  —  Zui-  GeseliîeSite  des  8*ei*rects  îm  liiclogemaauîsclien,  mit  beson- 
derer  Rûcksicht  auf  Griechisch  und  Lateinisch,  von  Hermann  Osthoff. — Strass- 
burg,  K.  J.  Trubner,  1884.  In-S,  x-653  pp. 

A  ceux  qui  nieraient  les  progrès  réalise's  dans  Pétude  de  la  grammaire 
comparée  depuis  le  jour  oii  les  deux  premiers  représentants  de  l'école 
néo-grammaticale  publiaient  leur  manifeste  ',  on  pourrait  hardirnent 
opposer  le  nouvel  ouvrage  de  M.  Osthoff.  Non  pas  qu'il  doive  convain- 
cre ou  contenter  tout  le  monde;  fauteur  lui-même  ne  s'en  Hatte  pas 
sans  doute,  et  son  livre  a  déjà  soulevé  en  Allemagne  des  polémiques 
amères,  dont  heureusement  il  nous  est  permis  de  nous  désintéresser. 
Mais,  alors  même  qu'on  ne  se  rallierait  pas  à  ses  solutions,  il  serait 
difficile,  à  moins  d'extrême  prévention,  de  ne  pas  les  juger  plus  satis- 
faisantes pour  la  plupart  que  celles  qui  les  ont  précédées.  Elles  demeu- 
reront, ou  disparaîtront  à  leur  tour,  cela  importe  peu;  l'essentiel  est 
que  les  notions  se  précisent,  que  le  champ  laissé  à  l'arbitraire  se  res- 
treigne de  plus  en  plus,  et  M.  O.  a  travaillé  de  son  mieux  à  le  circons- 
crire. 

Les  types  morphologiques  les  plus  mystérieux  sont  en  général,  comme 
on  doit  s\v  attendre,  ceux  qu'on  ne  rencontre  qu'à  l'état  sporadique  : 
tels  les  thèmes  nominaux  en  -£j-,  qui  n'appartiennent  qu'au  grec,  les 
subjonctifs  latins,  qu'on  n'est  pas  encore  parvenu  à  identifier.  Le  parfait 
indo-européen  toutefois  fait  exception  à  la  règle  :  conservé  à  peu  près 
dans  toutes  les  langues  de  la  famille,  remarquablement  développé  mcme 
en  sanscrit  et  en  grec,  il  n'en  est  pas  pour  cela  plus  clair;  car,  si  les 
témoignages  abondent,  d'autre  part  ils  se  contredisent.  Les  langues 
européennes  n'offrent  plus  que  des  vestiges  bien  effacés  de  l'apophonie 
primitive;  le  grec  et  le  latin  ont  créé,  chacun  dans  son  domaine  propre, 
de  nouveaux  suffixes  de  parfait  (--/.a,  -iiî),  qu'on  chercherait  vainement 
partout  ailleurs;  de  plus,  le  latin  a  plié  tousses  parfaits,  sans  distinction 
d'origine,  à  une  flexion  bizarre  et  sans  analogues,  et  l'apophonie  propre 
à  certains  d'entre  eux  (ago  êglj,  qui  renverse  toutes  les  données  connues 

1.  Morphologisclie  Untersitchungen,  l,  préface  (juin  1878). 

Nouvelle  série,  XX.  35 


1  50  RKVUK    CRITIQUE 

de  la  phonétique  indo-européenne,  se  répercute  à  distance  dans  un  type 
sanscrit  bien  connu  (racine  sad,  sedere,  pf.  sêJ-)^  sans  qu'on  puisse 
d'ailleurs  admettre  entre  ces  deux  phénomènes  d'autre  lien  que  celui 
d'une  ressemblance  tout  extérieure.  C'est  à  ces  problèmes  et  h  beaucoup 
d'autres  accessoires  que  s'est  attaqué  M.  O.,  souvent  avec  bonheur, 
toujours  avec  cette  consciencieuse  érudition,  qui  accumule  les  termes 
de  comparaison  et  n'essaie  point  de  tourner  les  difficultés. 

Cette  qualité  même  l'entraîne  parfois  trop  loin  :  il  ne  se  borne  pas 
volontiers  et  traite  toutes  les  questions  avec  l'abondance  de  dérails  qui 
rend  un  peu  pénible  la  lecture  de  ses  meilleures  pages.  Une  idée  qu'il 
avance  l'amène  à  prévoir  Tobjection  qu'on  tirera  contre  lui  de  telle  ou 
telle  forme  grammaticale  étrangère  au  sujet  traité  :  il  se  transporte  donc 
sur  un  nouveau  terrain,  résolu  à  forcer  jusque  dans  ses  derniers  re- 
tranchements Tobjcction  importune.  Mais  à  son  tour  celle-ci  en  fait 
lever  d'autres,  qu'on  ne  saurait  épargner.  Bref,  le  lecteur  perd  de  vue 
l'objet  essentiel  de  la  discussion,  cl  il  lui  faut  tout  un  travail  d'esprit 
pour  s'y  remettre.  M.  O  ne  se  dissimule  pas  cet  inconvénient  de  sa 
méthode,  il  l'avoue  même  avec  une  parfaite  ingénuité  :  «  Tantce 
molis  erat  !  »  s'écrie-t-il  (p.  34S)  au  retour  d'une  de  ces  chasses  à  perdre 
haleine.  Ai-je  besoin  d'ajouter  que,  quand  on  a  eu  la  patience  de  le 
suivre  d'un  bout  à  l'autre  de  sa  digression,  on  la  lui  pardonne  aisément 
en  faveur  de  tout  ce  qu'on  y  a  appris? 

Un  autre  défaut  de  l'auteur,  heureux  défaut  s'il  en  fut,  c'est  son 
extrême  hardiesse,  une  irrésistible  tendance  à  longer  les  précipices,  à 
faire  tenir  la  pyramide  en  équilibre  sur  sa  pointe.  On  se  souvient  de 
l'enthousiasme  que  lui  inspira  jadis  le  terme  technique  exanclare, 
auquel  il  devait  la  découverte  d'une  loi  phonétique  latine  '.  Ici,  c'est  le 
seul  -opùo)  (p.  14),  forme  à  tout  le  moins  peu  claire,  qui  sert  de  fonde- 
ment à  tout  un  système,  séduisant,  il  est  vrai,  de  simplicité  et  de  logi- 
que, mais  parfois  s'accommodant  moins  aux  faits  qu'il  ne  les  violente 
(cf.  p.  17,  p.  37  sq.,  etc.).  Plus  loin,  c'est  l'énigmalique  parfait  ombrien 
subocaii  [tç) .  284  sq.),  qui  se  prête  complaisamment  à  la  restitution  d'une 
série  complète  de  types  italiques.  Au  surplus  l'auteur  va  lui-même  au 
devant  du  reproche  de  témérité  qu'on  ne  manquera  pas  de.  lui  adresser 
(p.  248),  et  l'on  ne  peut,  somme  toute,  que  souscrire  à  son  apologie  : 
sans  ces  plongeons  dans  l'inconnu,  la  science  n'avancerait  que  trop 
lentement  au  gré  de  notre  impatience.  La  seule  conclusion  à  retenir  de 
cette  critique,  c'est  qu'il  ne  faudrait  pas  recommander  la  lecture  de 
l'ouvrage  aux  débutants  qui  n'ont  pas  encore  appris  à  douter, 
Aussi  bien  n'est-ce  pas  à  leur  intention  qu'il  a  été  écrit. 

1.  M.  O.  s'efforce  d'abord  de  concilier  les  données,  identiques  en 
apparence,  et  au  fond  contradictoires,  fournies  par  les  parfaits  sanscrits, 
latins  et  gothiques  dont  la  voyelle  radicale  est  un  ê  (sêdima  sêdimus 

I.  Forschimgen  im  Gebiete  der  indogerm.  noniin.  Stammbildung,  I,  p.  24  sq. 


n'HISTOIRIÎ    KT    DI^    MTTER AT'JRK  1  5  I 

sêtiimj.  Une  série  dMnductions  fondée  essentiellement  ?ur  !e  contraste 
de  TCiù  (rr:  *c(-c&-oj)  et  de  tcpûo)  (=r  *Gi-5-p6-w,  avec  t  long)  l'amène  à 
penser  que,  contrairement  à  ce  qu'on   a  enseigné    jusqu'à   présent,    le 
groupe  indo-européen  sd  ne  se  réduisait  à  un  simple  d,  avec  allonge- 
ment de  la  voyelle  précédente,  que  quand  il  était  lui-même  suivi  d'une 
consonne;  autrement  dit.  qu'on  prononçait  proelhniquement  *5/^io  et 
* sidreu-,  et  de  même,  au  datif  pluriel  des  thèmes  en  -es-,  * menêb'nj'os 
(sk.  manôbhyas  avec  un  métaplasme  analogique),  mais  à  l'instrumental 
'^  menesbhis  (gr.  'opsc^t).   —   Chemin   faisant,  l'auteur   constate  que,    si 
touffue  et  si  compliquée  que  nous  paraisse  la  phonétique  sanscrite,  elle  le 
serait  encore  bien  davantage  si  l'analogie  n'y  avait  passé  son   niveau, 
et  on  lui  accordera  en  effet  volontiers  que  les  règles  du  sandhi  extérieur 
doivent  être  tenues  pour  suspectes  toutes  les  fois  qu'elles  sont  contredites 
par  celles  du  sandhi  intérieur.  —  Dans  la  même  étude  on  trouvera  une 
explication  très  plausible   des   parfaits  sanscrits  à  redoublement  long 
(type  jdg-ara,  p.  56),  auxquels  se  rattachent  les  types  grecs  or^v/x-y.'., 
r,cty,urat,  et  même  swpay.a  par  l'intermédiaire  de  *  r,6ç.y:/.%.  —  Moins  rigou- 
reuse semble  la  restitution  de  la  quantité  radicale  des  participes,  rêctiis, 
têctiis,  etc.  (p.   III    sq.),  car  ici  les  témoignages  anciens  et  modernes 
sont  contradictoires.   Si  les  types  romans  éti'oit  strettu,   délit  delitto 
devaient  suffire  à  justifier  les  quantités  strictus  et  lîctiis,  que  faudrait- 
il  penser  de  detto  en  regard  de  dîctiis  accepté  sur  la  foi  de  Gell.  IX,  6? 
D'autre  part,  la  quantité  dctiis,  d'ailleurs  probable,  ne  saurait  en  tout 
cas  s'étayer  de  celle  d'dgmen,  en  supposant  celle-ci  démontrée;  car  les 
neutres  en  -iiien  ont  aussi  normalement  la  racine  allongée  (sr?iaa  std- 
menjL]aQ  les  verbaux  en  -to-  la  racine  réduite  ('z-y.-i:  status).  —  La  loi 
panhellénique  suivant  laquelle  toute  voyelle  longue   devant    sonante 
suivie  de  consonne  deviendrait  brève  (Aûzotç  =  '  Auv.w.ç,  p.   84),  est  cer- 
tainement appuyée  de  nombreux  exemples.  On  aimerait  cependant  à 
savoir  comment  elle  se  concilie  avec  le  vocalisme   de  -'orjr,  rrjz:    la 
longue  sera  sans  doute  revenue  sous  l'influence  des  cas  obliques,  où  elle 
devait  subsister. 

II.  Parfaits  des  racines  ed,  es,  ei,  non.  —  Relevons  l'identification  de 
l'augment  long  du  grec  {■qccuKé [j.rf/) ei  du  préfixe  sanscrit  d  (p.  i2q  i.  n.). 
Un  autre  savant  a  cru  reconnaître  ce  dernier  préfixe  dans  l'iniiiale 
grecque  m  ',  rapprochement  qui  me  semble  plus  convaincant.  Il  y  a 
donc  lieu,  au  moins  provisoirement,  de  s'en  tenir  à  l'explication  tort 
satisfaisante  de  M.  G.  Meyer  2.  —  L'auteur  maintient  ici  (p.  i23),  bien 
qu'un  scrupule  légitime  l'empêche  de  les  appliquer,  ses  théories  sur  la 
contraction  indo-européenne  de  eo  et  ea  en  é  ^,  auxquelles  il  m'est 
impossible  de  me  rallier,  mais  dont  la  discussion  nous  entraînerait 
beaucoup  trop  loin. 


1.  (b'Aiœiiç,  zz  j'çayûiias.  J.  v.  Ficrlinijcr,  K.  Z.,  XXVII,  p.  477. 

2.  Gr.  Graiinn,  g  473  a. 

3.  Cf.  Morph.    Uut.,  il,  p.  i  i3  sq. 


I  D2 


REVUE    CRITIQUE 

m.  Parfaits  latins  qui  ont  uii  é  radical  en  regard  de  Va  radical  du 
présent  (ago  êgi).  —  Toujours  par  application  des  mêmes  théories, 
M.  O.  envisage  comme  réguliers  êg-i  [=  ind.-eur.  '^ êg-  contracté  de 
* e-ag)  et  ' êp-î  (rac.  ap,  dans  coepi;  puis  il  en  fait  sortir  par  voie 
d'analogie  Jéci,  ^'^P^,  /f'^gi-  Le  procès  analogique  ne  souffre  aucune 
difficulté,  mais  le  point  de  départ  demeure  contestable. 

IV.  Flexion  du  parfait  italique.  —  Si,  selon  toute  probabilité,  l'on 
doit  reconnaître  dans  Vî  latin  une  désinence  moyenne  fsêdî  zn  sêdê\  la 
concordance  d"'un  t  latin  avec  un  ai  indo-européen  n'en  reste  pas  moins 
fort  problématique  ;  car  enfin,  pour  expliquer  que  ai  soit  devenu  î  dans 
mensîs  et  ae  dans  Romae  (locatif),  on  est  obligé  de  prendre  le  contre- 
pied  de  toutes  les  données  étymologiques  en  supposant  que  Va  était  bref 
dans  "inensais  et  primitivement  long  dans  Romai ;  et  le  latin  si  rr.  osq. 
svai  va  tout  droit  à  l'encontre  de  la  thèse;  car  Va  de  ce  mot  a  dû  être 
long;  autrement  l'ionien  ne  répendrait  pas  par  zl  =  *r,l  au  dorien  at  '. 
Mais  la  restitution  d'une  finale  rtf  s'impose-t-elle  absolument?  le  voca- 
lisme 0  des  désinences  secondaires  du  grec  (^(iypa-'ZQ)  et  même  des 
désinences  primaires  de  l'arcadien  [-(t(ç.a~-o'.,  inscr.  Teg.),  ne  donne-t-il 
pas  à  penser?  Si  d'aventure  pareil  métaplasme  s'était  produit  en  latin, 
v?^z  remonterait  aussi  aisément  à  *veidoi  que  hiimî  à  hiimoi.  —  Pour 
les  désinences  en  -st-  (sg.  2,  pi.  2),  M.  O.  part,  très  justement,  ce  sem-| 
ble,  des  types  où  I'^  était  radical,  so'ii* visti,  * cecisti  (p.  204),  et  restituq 
une  conjugaison  primitive  très  régulière,  profondément  altérée  par  une] 
série  d'analogies  répercussives.  Malgré  Pextrême  complication  des  phé- 
nomènes, le  procès  est  surtout  frappant  si  l'on  vient  à  songer  que  les 
formes  du  parfait,  qui  avaient  parfois  un  s  radical,  et  les  formes 
aoristiques,  qui  avaient  toujours  un  s  suffi.'ial,  ont  dû  vivre  assez, 
longtemps  côte  à  côte  avant  de  s^absorber  les  unes  les  autres,  en  sorte 
que  la  sifflante  intruse  a  pu  pénétrer  dans  la  place  par  deux  portes  à  la 
fois. 

L'explication  du  parfait  en  -vî  eût  été  plus  logiquement  placée  dans 
un  chapitre  à  part,  et  cette  disposition  eût  mis  en  relief  la  solution  d'un 
problème  demeuré  longtemps  en  suspens.  Les  quatre  types  ycîyz,  jnôvi, 
vôvi  Qtjûvi  sont,  comme  vîdi,  des  parfaits  radicaux,  et  le  v  y  appartient- 
à  la  racine;  sur  ces  modèles,  et  au  moyen  de  la  formule  môîus  :  inôvi 
:=:nôtiis  :  X,  ont  été  créés  les  parfaits  nuvi,  crêvî,  et  autres  (p.  25i). 
Un  procès  tout  semblable  rend  raison  des  parfaits  en  -ni.  Je  ne  rencon- 
tre point,  dans  cette  remarquable  étude,  le  parlait  potut,  dont  la  genèse 
analogique  serait  difficilement  concevable,  vu  l'absence  d'une  troisième 
proportionnelle  dans  le  reste  de  la  conjugaison  de posswn  ;  or,  le  parfait 
régulier  de  la  juxtaposition  *  pot-sum  étant  *  pot -fui,  peut-être  y  a-t-il 
lieu  de  maintenir  cette  dernière  restitution  (potui  par  fusion  des  deux 


1.  Que  si   l'on    sépare  ces   deux  types,  alors  le  latin  si  se   rattachera  plutôt  au 
grec  ei. 


d'histoire  et  de  littérature  i53 

abiales  après  consonne?)  et  de  restreindre  à  cette  mesure  modeste  le  rôle 
e  Fauxiliaire/z»'  dans  la  formation  des  parfaits  en  -uî.  Je  relève  en 
lUtre  (p.  256)  le  participe  inolitus ,  qui  aurait  donné  naissance  au 
rdiiâit  mohâ  ;  ce  serait  plutôt  l'inverse,  puisque  le  régulier  multiis  io. 
it  encore  dans  Catulle  (Nisard  cxi)  '. 

V.  Vocalisme  de  la  réduplication.  —  Partant  du  principe,  assez 
;énéralement  admis  aujourd'hui,  que  la  voyelle  primitive  de  réduplica- 
ion  était  un  e,  M.  O.  s'attache  à  ramener  à  l'unité  les  divergences  que 
)résentent  à  ce  point  de  vue  les  diverses  langues  indo-européennes  et 
out  particulièrement  le  sanscrit. 

VI.  Le  parfait  aspiré  grec.  —  L'aspiration  est  un  phénomène  d'analo- 
;ie  :  elle  est  partie  des  types  où  l'aspirée  était  radicale,  v.  g.  ysyP^?*"^^-! 
;t  s'est  étendue  à  des  thèmes  terminés  par  une  ténue  ou  une  moyenne, 
i  la  faveur  de  l'identité  de  certaines  formes  de  Tune  et  de  l'autre  catégo- 
ie.  Par  exemple,  ypaço)  faisant  ^{t(Ç)Ct.r^-:fyx,  comme  xpiTTO)  Ts-cpaxTat,  il 
l'en  a  pas  fallu  davantage  pour  qu'on  formât  xsxpâçaxat  sur  le  modèle 
le  Y^Tpâsaxat,  et  ainsi  du  reste.  Cette  explication  semble  irréprocha- 
Dle  ". 

VII.  Le  parfait  grec  en  -/.-.  —  Cette  question,  la  plus  épineuse  de 
toutes,  est  résolue  par  Thypothèse  de  l'afîixation  à  des  formes  régulières 
de  parfait,  telles  que  *oé3to,  de  la  particule  grecque  bien  connue  xa  xsv 
<£,  laquelle  aurait  fini  par  faire  corps  avec  le  verbe  et  ne  plus  s'en 
listinguer.  Sous  cette  forme  trop  brève  Thypothèse  n'a  rien  de  séduisant  : 
1  faut  lire  la  minutieuse  argumentation  de  M.  O.  pour  en  apprécier 
oute  la  valeur.  Sans  vouloir  Tinfirmer  il  est  permis  de  croire  qu'elle 
l'infirmera  pas  non  plus  entièrement  celle  de  M.  Brugmann,  qui  Ta 
précédée  ^.  D'une  part,  en  efïet,  la  restitution  d'un  parfait  o£-oo)x-£, 
ssu  d'une  racine  otox,  n'offre  absolument  rien  de  choquant;  de  l'autre, 
VI.  O.  expliquera  malaisément  pourquoi  la  particule  x£  est  arrivée  à 
aire  corps  avec  le  parfait  plutôt  qu'avec  toute  autre  forme  verbale 
|u'elle  accompagnait  :  il  se  peut  au  contraire  que  l'existence  préalable 
i'un  parfait  régulier  ciotoxe  ait,  par  son  influence  analogique,  favorisé 
a  soudure  de  la  particule  dans  ^Iqit^  y.e,  * 7:i-ïïnù  xs,  etc.  En  d'autres 
eimes,  les  deux  hypothèses  subsisteraient  sans  s'exclure.  Que  s'il  fallait 
aire  un  choix,  j'avouerais  mes  préférences  pour  celle  de  M.  Brugmann. 
En  tout  cas  l'argument  tiré  contre  elle  (p.  326)  del'apophonie  régulière 
iu  parfait  é'wxe  n'est  pas  très  probant;  car,  s'il  existait  un  parfait  régu- 
lier *£oj,  et  que  l'analogie  de  Béoioxsait  donné  naissance  à  un  type  *£Y)X£, 
[es  deux  formes  ont  pu  évidemment  confluer  en  une  seule.  —  Parmi 

1.  Selon  l'ingénieuse  conjecture  de  M.  Bury,  Be:{:[bg.  Bir.,  VIII,  p.  Ssq. 

2.  Comme,  en  traitant  ailleurs  un  sujet  analogue,  j'ai  fait  allusion  aux  parfaits 
Jspirés,  M.  O.  veut  bien  s'enquérir  de  mon  opinion  sur  ce  point  (p.  617).  Je  n'é- 
prouve aucun  embarras  à  lui  reconnaître  la  priorité  de  la  découverte.  J'ai  passé  tout 
rrcs  de  la  solution,  mais  ne  l'ai  pas  vue. 

3.  K.  Z.,  XXV,  p.  212  sq. 


l54  RliVUK    CKITIQOli 

les  questions  traitées  accessoirement  je  dois  mentionner  une  théorie 
nouvelle  de  Forigine  du  v  paragogique  (p.  340)  et  une  explication  du 
phénomène  connu  sous  le  nom  de  svarabhakii  après  nasale  (p.  365). 

L'auteur  complète  le  tableau  d'ensemble  de  la  conjugaison  du  parfait, 
en  étudiant  raffixation  des  désinences  personnelles  aux  thèmes  dont  la 
forme  primitive  a  été  antérieurement  établie.  L'ouvrage  se  termine  par 
dix  excurse  variés,  tous  fort  intéressants,  quelques-uns  très  étendus.  Je 
n'y  relèverai  qu'une  explication  curieuse  de  la  chute  sporadique  de 
Tesprit  rude.  Tout  le  monde  connaît  l'alternance  syoj  sçto  :  l'alternance 
auto  a'j7o)  serait  de  même  nature,  en  ce  sens  que  la  chute  de  l'esprit  rude 
serait  due  à  la  présence  préhistorique  d'une  aspirée  intervocalique  (soit 
*a'j/2(o),  régulièrement  substituée  à  1'.^  de  la  racine  sans  (p.  478).  De  là 
aussi  tooc,  ic(w,  en  regard  de  tcpô;,  lopwç  :  l'esprit  rude  de  *looq  aurait 
disparu  aux  cas  obliques,  v.  g.  "Ic.tho^  =  *'toîso;  '.De  là  enfin  l'esprit 
doux  de  àoî.\oôç,  (p.  480).  Pour  ma  part,  j'avais  pensé  à  une  sorte  de 
confusion  de  l'a  négatif  et  de  l'a  copulatif  :  M.  O.  trouve  cette  idée  bi- 
zarre; ce  ne  serait  pourtant  pas  la  première  fois  que  l'on  constaterait  pa- 
reil phénomène  entre  deux  particules  quasi-homophones,  l'obscurcis- 
sement du  sens  et  la  psilosis  aidant  ^  Quoiqu'il  en  soit,  l'explication  de 
M.  O.  vaut  sans  doute  mieux  que  la  mienne;  il  est  seulement  fâcheux 
que  l'esprit  rude  ait  subsisté  dans  àOpco;,  le  seul  mot  à  ma  connaissance 
où,  d'après  la  théorie,  il  dût  nécessairement  disparaître  \ 

L'ouvrage  est  imprimé  avec  une  exactitude  et  un  soin  qui  font  hon- 
neur à  la  typographie  allemande.  J'ai  relevé  (p.  i23)  constraction,  lire 
contraction,  et  (p.  164)  *pegagi,  lire  * pepagi. 

M.  Osthofi  a  des  idées  très  arrêtées,  mais  il  les  défend  et  expose  ses 
critiques  avec  beaucoup  de  modération.  C'est  là  un  éloge  qu'on  ne 
devrait  avoir  besoin  d'adresser  à  personne;  mais  les  excès  de  certaines 
polémiques  l'ont  malheureusement  rendu  opportun. 

V.  Henry. 


i3o.  —  Cliroiiîeon   Pai>iuui,    texte  et   prolégomènes,    par    J.  Flach;  Tùbingen, 
Fr.  Fues,   1884;  iii-8  de  xvu-44  p. 

Celte  édition  a  l'avantage  de  donner,  en  quelques  pages,  le  texte  de 
la  Chronique  de  Paros,  qu'il  faut  d'ordinaire  aller  chercher  dans  de 
gros  volumes  d'un  maniement  peu  commode.  Dans  le  court  préambule 
placé  en  tête  du  livre,  M,  Flach  rappelle  les  éditions  successives  de  la 
Chronique    parienne    depuis    1628,    l'origine  et   le  caractère  de  l'ins- 


1.  M.  O.  ne  nous  dit  pas  comment  l'aspirée  agit  ici  à  deux  syllabes  de  distance,  ce 
qui  n'est  pas  le  cas  ordinaire. 

2.  Je  rappelle  le  latin  siib  employé  dans  le  sens  de  «  sur  »,  * per   complètement 
supplanté  par /por  =.  pro  dans  le  domaine  hispano-portugais,  etc. 

3.  Cf.  aussi    âoT,,  où  l'a  n'est  pas  préfixe. 


I 


D  HISTOIUB    ET    DK    LnXKKATUKK  I  .1  :> 

ciiptioii  (il);  il  rectiiie,  pour  la  série  des  rois  et  des  archontes  athéniens, 
les  dates  données  par  Bœckh  (m),  et  touche  au  difficile  problème  du  sys- 
tème adopté  par  l'auteur  de  la  Chronique  (iv).  On  est  heureux  de  trou- 
ver réunis  sous  une  forme  concise,  dans  ces  chapitres  préliminaires,  tous 
les  renseignements  nécessaires  pour  étudier  les  marbres  de  Paros,  ainsi 
que  rindication  des  principaux  travaux  auxquels  ils  ont  donné  lieu.  Le 
texte,  en  caractères  courants,  est  accompagné  de  notes  à  la  fois  ci  itiques 
et  explicatives.  Partout  où  M,  F.  se  sépare  de  Bœckh,  il  l'indique  à  la 
marge  à  l'aide  d'une  croix.  Ses  restitutions,  dont  quelques-une»  seule- 
ment lui  sont  tout  à  fait  personnelles,  nous  semblent,  en  général,  assez 
admissibles.  Pourtant,  1.  14  (p.  4),  vaD[ç  [xs-cà  im  7:£vi:]-/i[y.ovxa  Aavaîjowv 
ne  paraît  pas  être  le  texte  véritable.  En  supposant  qu'il  faille  un  aussi 
grand  nombre  de  lettres  pour  remplu"  la  lacune  que  présente  ici  la 
pierre,  AxvatQO)v(M.  Flach  lui-même  en  fait  la  remarque)  n'est  pas  né- 
cessaire, les  Danaïdes  étant  clairement  désignées  à  la  ligne  suivante.  Ne 
pourrait-on  remplacer  iiavaîjotov  par  7:apf)£v]wv,  qui  vaudrait  mieux?  — 
En  regard  de  chacune  des  indications  de  la  Chronique  parienne, 
M.  Flach  note  les  dates  correspondantes  de  l'ère  chrétienne,  ainsi  qu'un 
certain  nombre  de  synchronismes.  Un  appendice  contient  des  fragments 
de  la  chronique  d'Eratosthène  et  de  quelques  autres  chroniques. 

Paul  Girard. 


l5l.   ~  Lud.   IvLElBiiR.    QuBiË    'râc-itus    îsi    diaIoj3;o    pi'ioi-ilïlis    aci-l|»t«>i-îl>iis 

«lebeat.  Thèse  de  Halle,  188?,  iri-8. 

Nous  avons  un  faible  en  France  pour  le  dialogue  des  orateurs.  Il 
nous  plaît  par  le  sujet  qui  y  est  développé.  Nous  aimons  à  entendre  dis- 
cuter, fût-ce  avec  quelque  emphase  et  non  sans  paradoxe,  les  destinées 
de  la  poésie  et  de  l'éloquence,  et  les  plus  difficiles  doivent  reconnaître  à  ce 
petit  livre  le  mérite  d'être  un  des  rares  essais  de  critique  littéraire  qui 
nous  soient  parvenus  de  l'antiquité.  Nous  en  aimons  le  style  abondant, 
plein  de  verve,  plein  d'audaces,  et  nous  fermons  volontiers  les  yeux  sur 
des  défauts  qui,  partout  ailleurs,  nous  choqueraient.  Il  n'est  pas  jusqu'à 
sa  forme  impartaite  et  à  demi-anonyme  qui  n'aide  à  la  séduction.  Aussi 
prenons-nous  un  vif  intérêt  aux  études  nombreuses  qu'on  a  publiées  sur 
cet  ouvrage  dans  ces  derniers  temps. 

Parmi  elles  je  n'hésite  pas  à  recommander  la  thèse  que  M.  Kleiber,  un 
élève  de  M.  Vahlen,  vient  de  présenter  à  TUniversité  de  Halle.  La  suite 
en  est  claire,  le  latin  assez  bon;  l'auteur  est  un  esprit  judicieux,  bien 
informé,  de  qui  l'on  peut  apprendre  dans  toutes  les  questions  (jui  tou- 
chent au  dialogue  ce  qui  est  acquis,  et  ce  qui  reste  discuté. 

Le  sujet  sans  doute  n'est  pas  très  nouveau.  On  savait  dés  longtemps 
qu'avant  de  se  créer  un  style  original,  Tacite  avait  imité  les  auteurs 
précédents  et  quelques-uns  de  ses  contemporains,  et  que  ces  imitations 


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REVUE    CRITIQUE 


étaient  surtout  fréquentes  dans  Je  dialogue  des  orateurs.  Mais  il  man- 
quait sur  ce  point  une  étude  d'ensemble  et  quelque  peu  précise;  M.  K. 
vient  de  nous  la  donner. 

L'auteur  s'est  proposé  (p.  7)  de  résumer  clairement  les  travaux  précé- 
dents en  y  ajoutant  quelques  remarques  personnelles.  Sur  ce  dernier 
point,  il  ne  faudrait  peut-être  pas  trop  appuyer,  et  je  n'ai  pas  vu  que 
ces  remarques  fussent  nombreuses.  Mais  nous  devons  savoir  beaucoup 
gréa  M.  K.  de  la  manière  dont  il  a  résumé  les  principaux  résultats  des 
étu.ies  d'Eckstein,  de  Weinkauff  et  de  Vogel. 

L''auteur  réunit  d'abord  les  passages  où  se  révèle  soit  dans  l'expres- 
sion, soit  dans  la  pensée  l'imitation  de  Cicéron,  parfois  inconsciente, 
mais  le  plus  souvent  voulue.  M.  K.  prouve  cette  imitation,  non  seu- 
lement par  des  rencontres  d'expressions,  mais  par  ce  fait  que  Tacite 
reproduit  souvent  et  presque  sans  changement  des  idées  et  des  juge- 
ments qu'avaient  d^abord  répandus  dans  le  public  les  ouvrages  du 
grand  orateur. 

Afin  de  préciser  jusqu'à  quel  point  l'auteur  du  dialogue  a  subi  Tin- 
fluence  des  poètes  et  celle  des  auteurs  du  premier  siècle,  M.  K.  dresse, 
p.  3/  et  suiv.  la  liste  des  substantifs,  des  adjectifs,  des  verbes  qu'on 
trouve  ici,  et  que  Cicéron  n'employait  pas  ou  qu'il  employait  en  leur 
donnant  un  autre  sens.  Toute  cette  partie  de  la  thèse  est  très  soignée  et 
intéressera  vivement  les  latinistes. 

Dans  un  tableau  qui  répond  à  celui  des  imitations,  M.  K.  indique 
quelles  expressions  nouvelles,  souvent  assez  heureuses,  ont  été  introdui- 
tes dans  la  langue,  par  Fauteur  du  dialogue,  (p.  69).  La  dernière  partie 
de  la  dissertation  précise  les  rapports  qui  existent  entre  le  dialogue  d'une 
part,  et  de  l'autre  Velleius,  Senèque  le  rhéteur,  le  traité  du  sublime, 
Senèque  le  philosophe,  enfin  Quintilien.  L'auteur  a  grand  raison  de  ne 
pas  se  borner,  comme  M.  Vogel,  à  relever  des  rapprochements  de  mots 
qui  prouvent  assez  peu;  il  va  jusqu'aux  pensées  et  recherche  jusqu'à 
quel  point  elles  se  conviennent  ou  s"'opposent. 

On  aurait  à  critiquer  quelques  détails  :  les  exemples  cités  à  l'occasion 
à'aiiditus,  p.  49,  ont  un  tout  autre  sens.  Fastidire  (p.  60)  contraire- 
ment à  ce  que  croit  M.  K.  est  déjà  dans  Cicéron  ;  car  il  faut  lire  avec  le 
Vaticanus,  In  Pis.  xxvni,  68  :  non  fastidivit  ejiis  amicitiam.  Nitor 
contrairement  à  ce  que  feraient  croire  les  exemples  cités  p.  42,  est  déjà 
dans  Cicéron  :  Orat.  ji5;  ad  Att.  XIII,xix^«,  et  Briitiis  36.  — 
M.  K.  était  parti  de  celte  remarque  fort  juste  qu''en  un  sujet  comme 
celui-ci,  mieux  vaut  peser  que  compter  ses  exemples.  Il  ne  me  paraît 
pas  avoir  toujours  évité  lécueil  qu'il  avait  si  bien  signalé.  Que  prou- 
vent deux  pensées  très  semblables  de  Tacite  et  de  Quintilien  (p.  83  et 
suiv.)  ou  de  Tacite  et  de  Senèque  (p.  jb),  quand  nous  savons  que  les 
deux  auteurs  s'inspiraient  d'un  maître  commun  et  qu'ils  ne  faisaient 
que  répéter  Cicéron?  Certains  rapprochements  sont  bien  inutiles  quand 
ils  portent  sur  des  expressions  simples,  courtes,  et  en  quelque  sorte  for- 


d'histoire  kt  de  littérature  ï5j 

cées  :  ciim prœsertim  (p.  14).  ineunte  adolescent ia\{p.  12),  summo  (ou 
injimo)  loco  natus  (p.  53),  impcriti,  diserti^  dicentes^  audientes  em- 
plo3'és  substantivement  (p.  49)  etc. 

On  regrette  surtout  de  n'avoir  aucun  secours  pour  se  guider  dans  la 
lecture  de  la  dissertation  ou  pour  y  retrouver  une  citation.  Une  table 
ou  un  index  ou  plutôt  une  table  et  un  index  étaient  indispensables. 

E.  T. 


l52.  —  SshaUespeai-e  voi*  ciem  Forum  «ler  Jui'îspi'udetiz  von  Di'.  Jos. 
KoHLER,  protessor  in  Wûr/burg.  in-8,  Wiirzburg  1884.  (II  Liefcrung,  ioi-3oo 
pages). 

—  IVaclivvoi't  zu  SUaUespeai'e  voi'  «Ic-isi   S-'oi-uni  der  Juiispi'udcnz 

von  Dr.  Jos.  Kohler,  professer  in  Wûrzburg.  In-8,  Wùrzburg,  23  pages. 

M.  Jos.  Kohler  s'est  proposé,  dans  l'étude  dont  on  vient  de  lire  le  ti- 
tre, de  montrer  quelle  idée  Shakespeare  s'est  faite  du  droit  et  comment 
il  a  compris  et  résolu  les  problèmes  juridiques  que  présentent  trois  de  ses 
pièces  surtout  :  le  Marchand  de  Venise,  Mesure  pour  mesure  et  Haui- 
let ;  le  premier  fascicule,  oti  l'auteur  examine  la  première  de  ces  pièces, 
ne  m'étant  pas  parvenu,  je  ne  puis  parler  que  de  l'étude  consacrée  aux 
deux  autres.  La  question  principale  que  soulève  Mesure  pour  Mesure 
est  celle  du  droit  de  grâce  ou  plutôt  de  son  application.  Angelo  a  remis 
en  usage  une  loi  depuis  longtemps  déjà  tombée  en  désuétude,  erreur  ju- 
ridique, contre  laquelle  proteste  iniiirectement  Shakespeare,  en  en 
montrant  les  conséquences  funestes;  la  condamnation  capitale  qui 
frappe  le  coupable  n'est  plus  en  rapport  avec  le  délit;  les  mœurs,  la  to- 
lérance du  passé  en  montrent  Ténormité;  il  n'y  a  qu'un  moyen  de  sor- 
tir de  la  situation  inextricable  dans  laquelle  s^est  mis  Angelo  lui-même, 
c'est  d'user  du  droit  de  grâce  que  son  rang  et  la  coutume  lui  confèrent  ; 
le  cas  dans  lequel  il  se  trouve  est  précisément  un  de  ceux  oli  l'exercice 
de  ce  droit  est  légitime  et  presque  nécessaire;  mais  en  y  mettant  une 
condition  odieuse,  Angelo  contrevient  à  ce  droit,  et  le  vicie.  Telle  est  la 
vérité  que  M.  J.  K.  a  mise  en  lumière.  A  cette  intrigue  dramatique  et 
juridique  à  la  fois,  il  oppose  ensuite  la  situation  du  héros  de  la  Comé- 
die des  Erreurs,  lequel,  une  fois  qu'il  a  prononcé  sa  sentence,  se 
trouve  dans  l'impossibilité  absolue  de  l'atténuer  par  Texercice  du  droit 
de  grâce  et  se  verrait  forcé  de  la  faire  exécuter,  si  une  heureuse  inter- 
prétation ne  permettait  au  duc,  tout  en  paraissent  s'y  conformer,  de 
l'annuler  en  réalité  :  dénouement  qui  permet  au  poète  de  mettre  d'ac- 
cord la  justice  et  le  préjugé  oriental,  qui  veut  que  la  sentence  du  sou- 
verain soit  et  demeure  immuable. 

Le  problème  soulevé  dans  Mesure  pour  Mesure,  quelque  intérêt  qu'il 
présente.,  ne  saurait  être  comparé  en  importance  à  celui  que  doit  résou- 
dre Hamlet,  «  la  pièce  de  la  vengeance  »;  M.  J.   K.   a  étudié  ires  Ion- 


i58 


RKVUK    CUITIQUK 


guement,  trop  longuement  même,  ce  chef-d'œuvre  de  Shakespeare; 
mais  il  offrait  à  ses  recherches  un  domaine  si  vaste  qu'il  s'est  volontiers 
laissé  aller  à  examiner  les  questions  nombreuses  et  diverses  qui  se  rat- 
tachent à  la  situation  dramatique  et  terrible  du  prince  de  Danemark. 
Pour  M.  J.  K.,  Hamlet  n'est  point  une  espèce  de  Werther,  incapable 
d'agir,  et  dont  Tinaction,  comme  Ta  prétendu  Goethe,  cause  la  ruine; 
il  voit  bien  plutôt  dans  le  héros  du  drame  la  victime  fatale  du  conflit 
qui  éclate  entre  les  exigences  d'une  coutume  ancienne  et  barbare,  —  la 
vengeance  personnelle,  —  et  les  scrupules  d'une  conscience  délicate, 
le  sentiment  moral  plus  élevé,  qui  remet  à  la  loi  le  soin  de  se  venger. 
Il  y  a  dans  cette  conception  du  rôle  d' Hamlet,  qui  n'appartient  point 
en  propre  à  M.  J.  K.,  (il  la  trouvait  en  germe  dans  une  étude  curieuse 
de  M.  Liebau  sur  la  pièce  de  Shakespeare).,  quelque  chose  de  séduisant 
et  de  vrai;  elle  permet  au  moins  d'expliquer  sans  peine  les  hésitations 
du  jeune  prince,  hésitations  qui  ne  viennent  point  de  la  peur  de  frap- 
per un  coupable,  puisqu'il  le  fait  toutes  les  fois  en  particulier  qu'il  se 
trouve  dans  le  cas  de  légitime  défense,  mais  de  la  crainte  de  se  faire  juge 
et  vengeur  dans  sa  propre  cause,  en  se  substituant  à  la  loi.  Hamlet  re- 
présente ainsi  le  droit  nouveau,  tandis  que  l'ombre  de  son  père,  en  le 
poussant  à  frapper  Claudius,  personnifie,  en  quelque  sorte,  le  droit 
ancien  de  la  vengeance  privée.  M.  J.  K.  a  énuméré  avec  beaucoup 
de  soin  les  différentes  formes  de  ce  droit  chez  tous  les  peuples  anciens 
el-modernes;  c'est  l'histoire  de  la  vendetta,  armant  d'abord  famille 
contre  famille,  acceptant  plus  tard  la  composition,  ne  s'attaquant  plus 
dans  la  suite  qu'au  meurtrier  et  finissant,  à  mesure  que  l'idée  pure  du 
droit  prédomine,  par  faire  place  au  rôle  impersonnel  de  l'impartiale  jus- 
tice. Tout  cela  est  curieux,  mais  nous  fait  aussi  perdre  de  vue  bien 
longtemps  le  sujet  véritable;  Hamlet  et  sa  lutte  entre  deux  devoirs  op- 
posés qui  s'imposent  également  à  sa  volonté. 

Le  prince  de  Danemark  ne  peut  douter  du  crime  de  Claudius  et  de 
sa  mère,  et  cependant,  esprit  rêveur,  il  hésite,  malgré  les  objurgations 
de  Tombre  paternelle  ou  de  ce  qu'il  regarde  comme  tel,  bien  différent 
de  Laerte,  qui,  à  la  première  nouvelle  de  la  mort  de  son  père,  jure  de 
se  venger  sur  Hamlet;  il  y  a  là  un  contraste  frappant,  que  M.  J.  K. 
a  eu  raison  de  faire  ressortir.  Je  ne  sais  s'il  a  été  aussi  heureux  dans 
l'explication  qu'il  donne  de  l'éloignement  immérité  de  Hamlet  pour 
Ophélie,  coupable  en  apparence  d'avoir  voulu  découvrir  son  secret, 
mais  qui  en  réalité  n'est  qu'un  instrument  innocent  dans  la  main  de  son 
père.  J'aime  mieux  du  moins  ce  que  dit  M.  J.  K.  delà  folie  prétendue  de 
Hamlet,  folie  qui  n'est  véritablement  que  l'expression  et  l'effet  de  la  peine 
profonde  qui  lui  déchire  le  cœur.  Ceite  douleur  comprimée  qui  le  ronge, 
Hamlet  yrevient  sans  cesse,  non  pour  se  plaindre,  mais  pour  en  sourire 
et  s'en  jouer,  en  quelque  sorte;  de  là  cette  puissance  d' humour  qui  le  ca- 
ractérise, cette  ironie  par  laquelle  il  se  console  de  ne  pouvoir  remplir  la 
tâche  terrible  qui  lui  est  imposée;  sa  conscience  répugne  à  ce  qu'il  joue 


D  HisToiRK  El   ui:;  r,iTiï:i'..\ TURE  i:>9 

le  rôle  de  justicier,  et  la  loi  est  impuissante  à  frapper,  parce  que  c'est  une 
tête  couronnée,  celui  qu'il  n'ose  frapper  lui-même;  quanta  soulever  le 
peuple,  à  l'armer  pour  venger  son  père,  traîtreusement  misa  mort,  sa  na- 
ture rêveuse  et  méditative  s'y  oppose  :  le  rôle  de  Fortinbras  n''est  pas  fait 
pour  lui.  C'est  au  dernier  moment  seulement,  quand  un  nouveau  crime 
de  Claudius  aura  porté  au  comble  son  indignation,  que  Hamlct  cessera 
d'écouter  les  scrupules  de  sa  conscience,  pour  obéir  à  la  loi  de  vengeance, 
à  laquelle  il  avait  résisté  jusque  là,  et  tuera  enfin  le  meurtrier  de  son  père. 

Une  dernière  question  se  pose  :  quelle  doit  être,  au  point  de  vue  ju- 
ridique, la  conduite  de  Hamlet  à  l'égard  de  sa  mère?  Qu'elle  soit  cou- 
pable, cela  ne  peut  faire  de  doute  pour  lui,  et  il  le  dit  en  termes  exprès  ; 
mais  un  droit  supérieur  l'arrête;  un  rils  ne  peut,  ni  ne  doit  se  lairc  le 
juge  de  sa  mère,  et  quand  il  est  sur  le  point  de  l'oublier,  une  voix  vient 
le  lui  rappeler  :  «  Que  ton  cœur  n'ourdisse  rien  contre  la  mère  »,  lui 
dit  l'ombre  paternelle.  Par  là  le  rôle  à' Hamlet  contraste  singulière- 
ment avec  celui  d'Oreste;  mais  c'est  Apollon  même  qui  affranchit  le  hé- 
ros grec  du  respect  qu'il  doit  à  Glytemnestre;  c'est  lui  qui  dans  Eschyle 
l'arme  pour  la  vengeance  d'Agamemnon,  proclamant  ainsi  la  supériorité 
des  droits  du  père  sur  ceux  de  la  mère. 

C'est  par  cette  comparaison  que  se  termine  la  longue  étude  de 
M,  J.  K.  sur  Hamlet  ;  un  court  paragraphe  qui  la  suit,  fait  une  revue 
rapide  au  point  de  vue  juridique,  des  autres  drames  de  Shakespeare  '. 
On  y  trouve  quelques  aperçus,  non  sans  intérêt,  sur  la  donnée  de 
Tout  est  bien  qui  finit  bien,  le  Roi  Lear,  Jules  César,  le  Conte  d'hiver, 
Peines  d'amour  fer  dues,  Henri  IV  ;  chemin  faisant,  M.  J.  K.  trouve 
moyen  de  nous  montrer  ce  que  Shakespeare  pensait  du  rôle  du 
souverain  dans  un  Etat  bien  organisé,  de  l'utilité  de  la  hiérarchie,  etc. 

On  finit,  comme  0:1  le  voit,  par  sortir  de  la  question  ;  mais  M.  J.  K. 
aime  la  digression  et  avec  lui  il  faut  en  prendre  son  parti  ;  heureuse- 
ment il  possède  si  bien  tout  ce  qui  se  rapporte  à  Shakespeare  et  ses 
connaissances  esthétiques  sont  si  sûres  et  étendues  qu'on  est  tenté  de 
lui  pardonner  ses  longueurs. 

C'est  surtout  uu  point  ue  vue  littéraire  que  j'ai  apprécié  le  livre  de 
M.  J.  K.-,  n'étant  point  légiste,  je  n'ai  point  cru  devoir  en  examiner 
le  côté  juridique,  ni  rechercher  s'il  s'y  trouve  à  cet  égard  quelque 
eiTeur  ou  quelque  omission  ;  mais  un  jurisconsulte  allemand,  M.  Ihring, 
a  cru,  lui,  pouvoir  combattre  les  deux  principes  mis  en  avant  dans  la 
première  partie  de  l'étude  de  M.  J.  K.  ;  c'est  pour  répondre  a  cette 
attaque  qu'a  été  écrit  le  Nachxport  7ji  Shakespeare;  mais  comme 
je  ne  connais  ni  ie  mémoire  de  M.  Ihrmg,  ni  la  partie  de  l'ouvra j;e  de 
M.  J.  K.,  qu'il  critique,  il  m'est  impossible  d'apprécier,  en  connais- 
sance de  cause,  la  valeur  de  la  réponse  de  celui-ci  ;   tout  ce  que  je  puis 

I.  Ce  paragraphe  est  d'ailleurs  suivi  liii-même  d'un  appendice  qui  comprend 
neut  documents  curieu.K  sur  les  points  de  droit  examines  dans  le  livre  de  M.  J.  K. 


i6o 


RKVUE    aUTIQUE 


dire,  c'est  que  M.  Jos.  Kohler  montre  une  érudition  juridique  aussi  va- 
riée qu'étendue  dans  l'examen  qu'il  fait  du  droit  de  poursuite  contre 


les  débiteurs  dans  les  diverses  législations. 


Ch.  J. 


i53.  —  Uiiîvci'&ité  de  L,iège.  Travaux  du  cours  pratique  d'histoire  nationale  de 
Paul  Frédéricq.  Fascicule  I-II.  Dissertations  sur  l'histoire  des  Pays-Bas  au 
seizième  siècle.  Gand,  J.  Vuylsteke,  1883-1884,  un,  144  p.  viir,  i32  p.  In-8. 
Prix  :  8  fr. 


Les  dissertations  renfermées  dans  les  deux  présents  volumes  sont  le 
fruit  du  travail  commun  des  élèves  du  séminaire  historique  de  l'Uni- 
versité de  Liège,  récemment  organisé  d'après  le  système  depuis  long- 
temps en  vigueur  en  Allemagne.  Nous  en  saluons  la  publication,  non- 
seulement  avec  Tintérôt  que  mérite  la  valeur  intrinsèque  de  quelques-uns 
de  ces  travaux,  mais  aussi  comme  un  signe  des  temps.  C'est  par  ces 
procédés  seulement  que  l'enseignement  historique  universitaire  formera 
des  chercheurs  expérimentés,  des  érudits  au  sens  critique  plus  déve- 
loppé, et  que  Ton  pourra  espérer  voir  renaître  l'étude  plus  scientifique 
de  l'histoire  provinciale  et  locale,  trop  souvent  abandonnée  au  zèle 
sincère  mais  inexpérimenté  d'amateurs  sans  critique.  Mais  pour  préparer 
les  iuturs  historiens  à  leurs  travaux  plus  difliciks,  il  faut  les  exercer  à 
une  tâche  plus  appropriée  à  leurs  forces,  strictement  et  nettement  li- 
mitée, les  pousser  à  l'émulation  par  un  travail  commun,  sans  trop 
restreindre  cependant  leur  esprit  d'initiative,  sans  leur  prescrire  dans 
tous  ses  détails  la  marche  à  suivre,  revoir  consciencieusement  avec  eux 
ce  qu'ils  ont  produit,  en  leur  expliquant  scrupuleusement  les  lacunes 
et  les  erreurs  d'un  premier  essai,  puis  leur  accorder  aussi  la  récom- 
pense morale  qu'ils  ont  méritée  par  leur  zèle  et  leur  talent  —  s'ils  l'ont 
méritée — de  voir  ces  travaux  livrés  à  la  publicité  et  rendre  quelque 
service,  même  aux  vétérans  dans  la  carrière.  C'est  là  ce  que  M.  P.  Fré- 
déricq, qui  a  vu  fonctionner  le  système  allemand  dans  tous  ses  détails, 
a  fort  bien  compris  et  nous  ne  saurions  assez  recommander  à  nos  pro- 
fesseurs d'histoire  et  à  nos  maîtres  de  conférence,  non-seulement  de 
lire,  mais  de  méditer  la  longue  introduction  du  jeune  et  savant  profes- 
seur de  Liège,  afin  de  se  guider  d'après  ses  avis.  L'application  systéma- 
tique et  persistante  de  ces  principes  aurait  les  résultats  les  plus  heureux 
pour  l'enseignement  supérieur  lui-même,  pour  l'enseignement  de 
l'histoire  dans  les  lycées  et  les  collèges  et  le  développement  des  sociétés 
savantes  de  la  province,  peut-être  même  de  la  capitale. 

Naturellement  tous  les  mémoires  contenus  dans  ces  deux  volumes 
n'ont  pas  une  valeur  égale  et  ne  présentent  pas  un  intérêt  majeur  aux 
lecteurs.  Il  en  est  qui  touchent  des  points  d'importance  très  secondaire 
et  d'autres  qui  auraient  pu  être  traités  d'une  façon  plus  mtéressante  sans 


n  HISIOIRK     KT    DI-.     MT 1  KK ATtJRK 


i6i 


paraître  moins  érudits.  Nous  signalerons  dans  le  premier  fascicule  des 
Travaux  du  cours  pratique,  le  travail  de  M.  G.  Crutzer  sur  Torigine 
maternelle  de  Marguerite  de  Parme,  tille  de  Charles-Quint  et  régente 
des  Pays-Bas.  Après  avoir  écarté  la  donnée  traditionnelle  qui  en  lait  la 
petite-fille  d'un  comte  vénitien,  Jérôme  de  Nogarola,   l'auteur  établit 
pardes  preuves  qui  paraissent  convaincantes,  la  filiation  beaucoup  moins 
aristocratique  de  la   princesse  avec  un   manant  d'Audenarde,   nommé 
Van  Gheest,  dont  la  fille  Jeanne  était  au  service  du  baron  Charles  de 
Lalaing,  gouverneur  de  cette  ville,  et  chez  lequel  Charles-Quint  logea 
quelques  jours,  vers  la  fin  de  i52i.  Marguerite  de  Parme  a  dû  le  jour 
à  ces  relations  fugitives  entre  le  monarque  de  toutes  les  Espagnes  et  la 
servante  flamande.  M.  F.  lui-même  a  lourni  pour  ce  premier  volume 
un  important  travail  sur  l'enseignement  public  des  calvinistes  à  Gand, 
de  1578  à  1584,  d'après  les  comptes  de  la  ville  et  le  Journal  de  Philippe 
van  Campene,  bourgeois  gantois  et  grand  adversaire  de  l'hérésie.  Cet 
enseignement  fut  supprimé  après  la  capitulation  de  la  cité,  le    12  sep- 
tembre  1584.  M.  Alfred  Journez  a  retracé  la  biographie  de  Fray  Lo- 
renço  de  Villaviceneio,  agent  secret  de  Philippe  II  aux  Pays-Bas,  cha- 
pelain  à   Bruxelles,  moine  augustin  descendant    d'une  vieille    famille 
andalouse  et  dont  les  papiers  nous  fournissent  des  détails  bien   curieux 
et  peu  suspects  d'exagération  sur  le  fanatisme  et  l'ignorance  du  clergé 
des  Pays-Bas  et  sur  les  différentes  sectes  laïques  établies  dans  le  pays  et 
surtout  à  Anvers,  pratiquant  en   secret  la  polygamie,  la  communauté 
des  biens,  etc.  M.  Eugène  Monsan  a  adressé  le  catalogue,   sans  doute 
encore  incomplet,  de  tous  les  personnages  qui  ont  exercé  les  fonctions 
d'inquisiteur,  depuis  la    réorganisation  de  ce   tribunal,   par  Charles- 
Quint,  en  020,  jusqu'à  la  pacification  de  Gand  {i5j6).  M.  E.  Hubert 
enfin  —  car  nous  ne  pouvons  citer  tous  les  travaux  contenus  dans  ces 
deux  volumes  —  a  fourni  les  tables  chronologiques  du  «  Registre  pour 
le  faict  d'hérésie,  »  compilé  par  le  juiisconsulte  Viglius  van  Zwichem, 
le  conseiller  d'Etat  bien  connu  de  Philippe  II.  Ce  volumineux  registre 
de  I  3 16  pages  est  conservé  aux  Archives  royales  de  Bruxelles.  L'ana- 
lyse de  1 14  pièces  donnée  par  le  jeune  et  savant  professeur  de  Liège,  et 
dont  beaucoup  mériteraient  d'être  données   in-extenso,   nous  permet 
d'étudier  avec  détail  et  d'exposer  dorénavant  avec  compétence  l'organi- 
sation de  l'Inquisition  néerlandaise  et  son  développement  historique  au 
xvie  siècle. 

Nous  ne  pouvons  que  féliciter  en  terminant  M.  Paul  Frédéricq  des 
heureux  débuts  de  son  séminaire  historique  dans  la  carrière  scientifique 
et  nous  souhaitons  bien  vivement  qu'il  nous  fournisse  de  temps  à  autre 
la  preuve  que  ses  élèves  continuent  à  profiter  de  son  enseignement  mé- 
thodique et  pratique. 

R. 


102 


RKVUE    CRITIQUK 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  M.  Gaidoz  annonce  dans  le  n"  4  du  tome  VI  delà  Revue  Cellique 
qu'il  abandonne  la  direction  de  ce  recueil  et  fait  ainsi  ses  «  adieux  au  lecteur  ». 
M  Lorsqu'en  i86g  nous  conçûmes  la  pensée,  quelque  peu  ambitieuse,  de  donner  un 
organe  à  la  philologie  cellique,  notre  projet  fut  accueilli  avec  quelque  scepticisme. 
Pour  les  uns,  les  langues  et  les  littératures  celtiques  étaient  chose  sans  importance 
et  curiosité  de  diieUantes;  pour  les  autres,  ces  études  se  résumaient  dans  le  néo- 
druidisme  et  dans  le  Barzaz-Breiz  dont  ils  avaient  quelque  défiance  ;  d'autres,  enfin, 
reconnaissaient  qu'il  y  avait  là  matière  à  une  étude  scientifique,  mais  ils  se  deman- 
daient si  la  philologie  celtique  était  désormais  assez  sûre  d'elle-même  pour  prendre 
possession  de  ce  domaine  et  pour  alimenter  une  revue  spéciale  :  on  se  demandait  si 
nous  n'allions  pas  inaugurer  une  nouvelle  période  de  Celtomanie,  et  on  semblait 
dire  :  quelque  chose  de  bon  peut-il  venir  de  Nazareth  t  Notre  premier  numéro,  paru 
en  mai  1870,  dissipa  ces  craintes,  grâce  au  concours  bienveillant  et  désintéressé  des 
celtistes  de  l'Europe  entière,  dont  la  collaboration  donna  dès  le  premier  jour  à  ce 
recueil  sa  valeur  et  son  autorité...  Notre  mérite  fut  de  demander  des  articles  aux 
hommes  compétents  et  de  n'en  demander  qu'à  ceux-là  —  et  de  ne  pas  chercher  à 
ce  recueil  de  vaine  populaiité  par  des  articles  de  «  littérature  facile  »,  par  des  ampli- 
fications enthousiastes  sur  les  Druides,  les  Bardes,  leur  philosophie  et  leurs  mystè- 
res, bien  que  le  prestige  de  noms  célèbres,  de  paroles  éloquentes  et  de  poésies  char- 
mantes eût  pu  recommander  notre  œuvre  au  grand  public  et  l'y  intéresser  Mais 
nous  aurions  cru  démériter  de  la  sévère  divinité  que  nous  voulions  servir  en  cher- 
chant à  attirer  la  foule  dans  son  sanctuaire.  La  philologie  celtique  est  aujourd'hui 
fondée  et  organisée;  aussi  ce  recueil  a-t-il  maintenant  moins  d'utilité  qu'il  n"en  avait 
à  l'origine,  quand  les  savants  travaillaient  isolément  et  sans  encouragement,  quand 
les  études  celtiques  n'étaient  représentées  dans  aucune  université,  et  quand  d'un 
pays  à  l'autre  on  ne  pouvait  se  tenir  au  courant  des  travaux  et  des  publications  de 
ses  confrères,  bien  plus,  de  ses  devanciers.  C'est  ainsi  qu'en  France  on  ne  savait  rien 
des  travaux  de  ces  grands  érudits  irlandais  des  quarante  dernières  années,  Todd, 
Pétrie,  O'Donovan,  O'Curry  (nous  ne  nommons  que  les  morts).  Les  services  rendus 
par  ce  qu'on  pourrait  appeler  1'  «  Ecole  de  Dublin  »  ne  sont  encore  que  bien  peu 
connus  du  public  savant  du  continent,  et  nous  regrettons  aujourd'hui  de  n'avoir  pas 
essayé  d'en  tracer  l'histoire  :  c'est  une  lacune  qu'il  conviendrait  de  combler  ici- 
même.  Notre  revue  a  créé  l'unité  celtique,  une  sorte  de  Zollverein  scientifique.  No- 
tre tentative  ambitieuse  de  i8ôg  est  aujourd'hui  justifiée.  Des  raisons  d'ordre  privé, 
parmi  lesquelles  le  désir  de  repos,  nous  ont  décidé  à  abandonner  la  direction  de  la 
Revue.  Mais  nos  lecteurs  n'ont  pas  le  droit  de  s'en  plaindre;  car  un  des  maîtres  de 
la  philologie  celtique,  un  érudit  dont  ils  ont  pu  dès  le  premier  jour  apprécier  la 
haute  critique  et  la  féconde  activité,  M.  d'ARBOis  de  Jubainville,  va  reprendre  et 
continuer  notre  œuvre;  entre  ses  mains  expérimentées,  la  Revue  Celtique  aura  bien- 
tôt acquis  une  importance  nouvelle.  C'est  l'idée  qui  nous  console  en  abandonnant 
une  œuvre  qui,  pendant  seize  ans,  a  été  l'objet  de  nos  soins  et  de  nos  pensées;  mais 
ce  n'est  pourtant  pas  sans  regret  que  nous  prenons  congé  de  nos  collaborateurs  et 
de  nos  lecteurs,  et  que  nous  nous  séparons  de  la  Revue  Cellique  ;  et  en  lui  disant 
adieu,  nous  lui  adressons  les  paroles  du  poète  latin  : 

Sine  me,  liber,  ibis  in  orbem,... 
Vade,  liber,  verbisque  meis  loca  grata  saluta  !  » 


d"'histoire  et  de  littérature  i63 

—  Jean  des  Montievs  de  Presse,  évoque  de  Bayonne.  —  Sous  ce  titre  M.  A.  Com- 
MUNAV  nous  donne  (Auch,  i885,  gr.  in-8«  de  2g  p.)  un  recueil  de  documents  iné- 
dits destinés  à  faire  mieux  connaître  un  prélat  qui  fut  un  habile  négociateur  et  un 
fécond  écrivain.  Le  premier  de  ces  documents,  extrait  des  manuscrits  de  la  Biblio- 
thèque de  Bordeaux,  est  un  mémoire  sur  Jean  des  Montiers  de  Presse  par  son  com- 
patriote, l'abbé  J.  Nadault,  curé  de  Feyjac  (Limousin),  correspondant  de  l'Académie 
de  Bordeaux,  1773.  Ce  mémoire,  que  complètent  d'excellentes  notes  de  l'éditeur, 
fournit  des  détails  biographiques  et  bibliographiques  très  abondants  et  comme  n'en 
présente  aucun  des  travaux  antérieurs.  Le  mémoire  de  l'abbé  Nadault  est  sui\i  de 
deux  lettres  de  Jean  des  Montiers  de  Presse  écrites,  l'une  à  Claude  de  l'Aubespine, 
12  janvier  i552,  l'autre  au  maréchal  de  Brissac,  lo  mai  i554,  d'un  procès- vei bal, 
dressé  par  ordre  du  Roy,  de  la  saisie  du  temporel  de  l'évêque  de  Bayonne  (17  sep- 
tembre i56o),  et  de  deux  lettres  des  magistrats  de  cette  ville  adressées,  le  4  octobre 
de  la  même  année,  au  roi  et  au  cardinal  de  Lorraine.  Ces  cinq  documents  sont  ex- 
traits des  collections  de  la  Bibliothèque  nationale.  Parmi  les  notes  de  M.  Communay 
on  remarquera  celles  qui  complètent  leGallia  Chiistiana  (p.  14-15)  et  celle  qui  rec- 
tifie (p.  22)  une  erreur  de  Tallemant  des  Réaux  {Historiettes,  t.  V,  p.  192),  d'après 
laquelle  Laurent  de  Nyert  aurait  été  maire  de  Bayonne  à  l'époque  de  la  Saint-Bar- 
thélémy et  aurait  empêché  le  massacre  dans  la  ville.  Or  Laurent  de  Nyert,  qui  ne 
fut,  du  reste,  que  lieutenant  du  maire,  était  mort  dès  1570.  —  T.  df,  L. 

—  Sur  le  second  mariage  du  premier  duc  d'Epernon.  —  Guillaume  Girard,  secré- 
taire et  biographe  de  Jean-Louis  de  Nogaret,  n'a  rien  dit,  dans  le  gros  volume  in  fo 
qu'il  a  consacré  (i655)  à  la  vie  de  son  maître  et  de  son  héros,  d'un  nouveau  mariage 
qu'aurait  contracté  le  futur  gouverneur  de  la  Guyenne,  veuf  depuis  1594  de  Mar- 
guerite de  Foix  et  de  Candalle.  Tous  les  autres  biographes,  tous  les  généalogistes, 
ont  également  passé  sous  silence  les  secondes  noces  de  l'ancien  favori  du  roi 
Henri  III.  Aussi  trouvera-t-on  bien  curieuse  la  communication  faite  par  M.  le  mar- 
quis de  Castelbajac  à  la  Réunion  générale  de  la  Société  historique  de  Gascogne,  le 
i5  juin  dernier,  d'une  note  sur  le  mariage,  dans  une  petite  église  de  Provence  (pa- 
roisse de  Pignans,  et  non  Pigans,  ce  qui  est  une  mauvaise  lecture,  diocèse  de  Fré- 
jus),  le  4  février  i5g6,  du  duc  d'Epernon,  alors  gouverneur  de  Provence,  avec  Jeanne 
de  Monier,  fille  de  Gaspard  de  Monier,  sieur  du  Castelet,  etd'Isabeau  de  Bompart. 
M.  de  Castelbajac  a  trouvé  l'acte  de  mariage  dans  les  archives  de  son  château  de 
Caumont  (département  du  Gers),  château  qui  appartenait,  au  xvi^  siècle,  à  la  famille 
de  Nogaret  et  où  naquit  celui  qui  devait  être  le  premier  duc  d'Epernon  et  qui, 
dans  sa  jeunesse,  fat  connu  sous  le  nom  de  Caumont.  On  poiura  lire  le  document 
retrouvé,  après  trois  siècles  d'oubli,  par  M.  de  Castelbajac,  dans  le  Compte-rendu 
de  la  réunion  générale  de  la  Société  historique  de  Gascogne  (Auch,  i885;  p.  16). 

—  T.  DE  L. 


& 


ACADEMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  21  août  188^. 

M.  P. -Charles  Robert  communique  une  note  intitulée  :  Qjielques  Mots  sur  le  mo- 
bilier préhistorique;  danger  d'y  comprendre  des  objets  qui  n'en  font  pas  partie. 

tt  Les  antiquités  préhistoriques,  dit  M.  Robert,  ont  donné  lieu  en  France  depuis 
un  demi-siècle  à  un  nombre  considérable  de  publications,  et  c'est  par  milliers  que 
les  éclats  de  silex,  les  pierres  polies  et  les  poteries  grossières  ont  été  gravés  ou 
ohotographiés.   Il  y  a,  je  le  reconnais,  un  certain  charme  à  toucher  des  objets  qui 


164  REVUF.    CRITIQUE    d'hISTOIRE    F.T    DE    LITTÉRATURE 

étaient  aux  mains  des  populations  des  premiers  âges  et  à  tenter  de  tirer  de  leur 
forme  ou  de  leur  matière  des  conjectures  sur  l'état  de  ces  populations  ;  aussi  n'ai-je 
pas  l'intention  de  critiquer  les  éludes  préhistoriques.  Je  veux  seulement  montrer 
que  les  archéologues  sont  parrois  entraînés  à  rejeter  dans  la  nuit  des  temps  les  ob- 
jets informes  qui  en  réalité  appartiennent  à  des  époques  relativement  voisines  de 
nous. 

«  Je  mets  sous  les  yeux  de  l'Académie  un  spécimen  que  tous  les  archéologues 
considéreront  à  première  vue  comme  préhistorique  et  dont  l'époque  peu  reculée  est 
approximativement  connue  :  ce  sont  les  fragments  d'un  vase  dont  la  terre,  à  peine 
pétrie,  est  mêlée  de  charbon.  Or,  ce  vase  a  été  découvert,  dans  le  Languedoc,  rem- 
pli de  monnaies  gauloises  d'argent,  dont  j'ai  acquis  une  partie  et  qui,  par  leur  type, 
dit  à  la  croix,  appartiennent  à  la  dernière  période  des  imitations  que  les  peuples  du 
bassin  de  la  Garonne  firent  en  si  grande  abondance  de  la  drachme  de  Rhoda  d'ibé- 
rie.  On  peut  croire  qu'elles  ont  été  frappées  vers  le  temps  où  Oiiéius  Domitius 
Ahénobarbus,  vainqueur  des  Allobroges,  en  121.  fut  mis,  comme  l'a  établi  M.  Er- 
nest Desjardins,  à  la  tête  du  beau  territoire  qui  allait  devenir  la  province  romaine. 

«  Dans  une  maison  byzantine,  dont  les  premières  assises  ont  été  mises  à  nu  pen- 
dant la  campagne  de  Crimée,  on  a  rencontré,  avec  des  monnaies  de  bronze  fort 
communes  du  ix'  et  du  x"  siècle,  quelques  modestes  instruments  d'usage  domesti- 
que, et  parmi  eux  de  ces  pierres  polies,  à  tranchant  plus  ou  moins  aigu,  qui  tien- 
nent une  place  importante  dans  le  mobilier  préhistorique. 

«  La  pierre  a  été  employée  dans  les  armes  de  jet  jusqu'à  des  époques  relativement 
récentes  "  et,  si  les  frondeurs  romains  étaient  pourvus  de  balles  de  plomb,  les  Goths 
du  Nord,  longtemps  après,  lançaient  encore  des  pierres,  suivant  Olaûs  le  Grand, 
bien  que  leur  armement  fût  très  coinplet. 

<i  En  général,  je  crois  qu'on  a  tort  de  partager  le  passé  en  grandes  tranches,  au 
point  de  vue  du  mobilier  et  des  armes.  Là  où  le  fer  natif  s'offrait  à  l'homme  dans 
des  conditions  d'emploi  exceptionnellement  faciles,  l'âge  de  fer  a  dû  se  confondre 
avec  l'âge  de  bronze.  Ajoutons  que  des  objets  grossiers  ont  continué  à  servir  dans 
les  ménages  modestes,  à  des  époques  où  la  civilisation  avait  déjà  créé  des  objets  d'art. 
Ainsi  le  vase  de  terre  grossière  dont  je  viens  de  mettre  des  fragments  sous  les  yeux 
de  l'Académie  appartient  à  un  temps  où  les  Gaulois  du  Sud,  assez  civilisés  pour 
faire  de  belles  monnaies,  ne  pouvaient  être  étrangers  à  un  certain  luxe,  dont  ils 
trouvaient  l'exemple  chez  leurs  voisins  les  Grecs  de  Marseille  et  les  Romains  de  la 
Provence,  et  même  chez  les  Arvernes,  dont  les  rois,  lorsqu'ils  se  promenaient  dans 
leur  char,  semaient  sur  leur  passage  l'or  et  l'argent  à  pleines  mains.  Seulement  le 
Gaulois  avait  pris  pour  cacher  son  trésor  un  vase  sans  valeur.  Si  quelque  cataclysme 
renversait  jamais  le  musée  de  Sèvres  et  l'enfouissait  sous  un  remblai,  la  charrue, 
dans  quelques  milliers  d'années,  pourrait  passer  à  côté  des  vases  qui  ont  fait  la 
gloire  de  nos  expositions  et  heurter  un  des  objets  en  terre  à  l'usage  de  la  cuisine  du 
concierge;  les  curieux  d'alors  seraient-ils  fondés  à  déclarer  que  la  céramique  était 
fort  arriérée  de  nos  jours  sur  les  bords  de  la  Seine  r  » 

M.  Deloche  lit  une  notice  sur  quatre  cachets  de  l'époque  mérovingienne,  dont  il 
donne  la  description  : 

1»  Bague  d'argent,  trouvée  à  Argœuvres  (Somme),  aujourd'hui  conservée  au  mu- 
sée de  Pétonne.  Diamètre,  o™oi8;  épaisseur  du  pourtour,  o'"ooi  ;  hauteur,  o">oo5  ; 
hauteur  du  chaton,  o°»oo7  ;  largeur,  o'"oi2.  Le  chaton  porte  plusieurs  ornements 
gravés  en  creux  et  trois  groupes  de  deux  lettres  chacun  :  EV,  SI,  CC.  M.  Deloche 
pense  que,  dans  la  lecture  de  ces  groupes,  il  faut  compter  deux  fois  chac^une  des 
lettres  S,  1  et  E;  il  lit  S.  Eusiccie,  c'est-à-dire  sceau  d'une  femme  nommée  Eusiccia. 
En  effet,  le  faible  diamètre  de  cette  bague  donne  lieu  de  croire  qu'elle  a  été  faite 
pour  une  femme. 

2°  Bague  de  bronze,  trouvée  à  Templeux-Ia-Fosse  (Somine^  conservée  aussi  au 
musée  de  Peronne.  Diamètre,  o"^oi8;  épaisseur,  o'nooa.  C'est  encore  une  bague  de 
femme.  Sur  le  chaton,  M.  Deloche  déchiflre.  groupées  en  diverses  combinaisons,  les 
lettres  M,  E,  L,  1,  T,  A,  qui  lui  paraissent  former   le  nom  propre  Melita  ou  Me- 

Utta . 

3"  Boucle  de  ceinturon,  de  provenance  inconnue.  On  y  voit,  grave- en  creux,  un 
monogramme  qui  comprend  toutes  les  lettres  du  nom  Agnits,  surmonté  d'une  pe- 
tite croix.  C'est  le  seul  exemple  connu  d'une  boucle  de  ceinturon  disposée  de  ma- 
nière à  servir  de  cachet. 

4"  Bague  de  bronze,  trouvée  près  de  Châions-sur-Marne.  Diamètre,  o°'oi8;  largeur 
du  chaton,  o'"oi2;  hauteur,  o^ooy.  On  distingue,  disposées  en  divers  groupes,  les 
lettres  S,  E,  V,  L  (deux  fois),  A  et  I.  Le  diamètre  indiquant  encore  une  bague  de 
femme,  M.  Deloche  propose   de   lire   5.  Eulalie,  sceau  d'Eulalie,  en  comptant    l'E 

deux  fois. 

Julien  H.wET. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 


Le  Fuy,  imprimerie  Marchessou  Jils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


REVUE    CRITIQUE 
D'KISIOÏRE   El    DE    LITTÉRATURE 


jM"  36  —  7  septembre  —  1885 

goBîisnaîi'e  s  i54.  Lyall,  Eludes  sur  les  mcsurs  religieuses  et  sociales  de  l'Ex- 
îicme  Orient.  —  i55.  Willei.is,  Le  Sénat  de  la  République  romaine.  Appendices 
du  Tome  I  et  registres.  —  i56.  Stangl,  Commentaire  de  Boèce  sur  les  Topiques. 
—  157.  Sermons  du  xii'=  siècle  en  vieux  provençal,  p.  p.  Armitage.  —  i58. 
Œuvres  poétiques  dcMaynard.p.  p.  Garrisson,  I.  — i'^ar/e/t^5:  (-lermont-Ganneau, 
Notes  d'archéologie  orientale;  XXV.  Le  sceau  d'Abdhadad  ;  XXVI.  Scgor, 
Gomorrhe  et  Sodome.  —  Thèses  de  doctorat  :  Décrue,  Le  Conseil  du  roi  sous 
François  I  et  Anne  de  iMoatiiiOrency.  —  Chroniqiie.  —  Académie  des  Inscriptions. 


[54.  —  B';iudes  su:-  Ses  îaœurs  rclîgâeuseB    et    socinics    tEc  Vi:-x.ti'ùmc- 

Oi-ieiït,  par  sir  Alfred  Lvall,  lieuteriant-gouverneur  des  provinces  du  Nord- 
Ouest  (Inde).  Traduit  de  l'anglais  avec  l'autorisation  de  l'auteur.  Paris,  Thorin, 
i885,  Lxiv-536  pages,  in-8. 

Les  essais  de  sir  Alfred  Lyall  sont  bien  connus  de  tous  ceux  qui  s^in- 
téressent  aux  ciioses  de  l'Inde.  M.  L.  appartient  à  cette  élite  de  civilians 
jui  a  tant  fait  pour  l'avancement  des  études  indiennes  :  ce  n'est  point 
in  savant  de  profession,  c'est  avant  tout  un  homme  pratique  qui  a  eu  le 
naniement  des  hommes  sur  une  vaste  échelle,  hommes  de  toutes  races, 
le  toutes  classes,  de  toutes  sectes,  et  a  su  observer.  Commissaire  du 
5erar  Occidental,  agent  généial  du  Radjpoutane ,  enfin  lieutenant- 
jouverneur  des  provinces  du  nord  ouest,  il  a  eu  sous  sa  main  tout  le 
^ord  aryen.  Dégagé  de  système  préconçu,  il  a  porté  dans  l'étude  reli- 
;icuse  et  sociale  de  l'Inde  cet  esprit  de  netteté  et  de  bon  sens  que  donne 
e  contact  direct  des  faits  et  qui  marque  d'un  cachet  si  particulier  les 
euvres  de  son  illustre  émule,  sir  Henrv  Maine. 

Les  avantages  de  ce  point  de  départ  ne  sont  point  sans  leur  revers  : 
a  réaction  contre  les  abus  de  Lécole  mythologique,  par  exemple,  le  fait 
emonter  dans  l'Evhémérisme,  dont  il  y  a  des  exemples  certains  dans  le 
)résent,  plus  haut  et  plus  loin  qu'il  n'est  peut-être  prudent.  Mais  il  est 
)on  que  les  théories  des  travailleurs  de  cabinet  soient  ainsi  contrôlées 
)ar  ceux  qui  travaillent  sur  le  terrain  même.  Il  faut  donc  remercier 
^auteur  anonyme  de  la  traduction  que  nous  annonçons  et  qui  fera 
:onnaître  au  public  français  un  livre  plein  de  faits,  plein  d'idées  et 
wg-ge^ïf/' au  possible.  Les  essais  au  nombre  de  neuf  traitent  presque 
ousdeTInde  religieuse:  un  d'entre  eux  est  une  réponse  à  la  fameuse 
:onférence  de  M.  Max  MûUer  à  Westminster  sur  les  religions  mission- 
laires  et  les  religions  non  missionnaires  :  M.  L.  montre  que  M.  Max 
\4ûller  a  eu  tort  de  compter  le  Brahmanisme  parmi  ces  dernières. 
Ûeux  sont  consacres  à  l'étude  de  !a  formation  dis  classas  et  des  castes  et 
Nouvelle  série,  X>'.  3(3 


l66  REVUE   CRITIQUE 

à  la  description  du  système  Radjpoute,  le  plus  curieux  et  le  plus  pré- 
cieux survival  en  Inde  de  la  vieille  organisation  aryenne. 

Le  traducteur  a  fait  précéder  sa  traduction  d''une  préface  qui  con- 
tient d'intéressantes  réflexions  sur  l'esprit  des  sociétés  orientales.  A  la 
tin  il  se  justifie  d'avance  du  littéralisme  souvent  pénible  de  sa  traduction 
en  se  couvrant  de  l'autorité  d'un  traducteur  anglo-indien  de  Savigny  : 
<£  la  fidélité  à  l'original,  dit-il,  tel  a  été  tout  du  long  mon  unique 
but,  et  si  ma  version  semble  parfois  rude  ou  obscure,  cela  pro» 
vient,  en  grande  partie,  de  mon  souci  d'être  textuel  ;  car  je  n''ai  pas  cru 
qu'il  fût  de  mon  ressort,  —  outre  qu'il  n'est  pas,  je  le  crains,  en  mon 
pouvoir,  —  de  récrire  mon  auteur  ou  d^améliorer  sa  prose.  »  Mais  le 
lecteur  répondra  tout  naturellement  qu'un  traducteur  n'a  pas  à  récrire 
ni  à  améliorer  Toriginal,  puisqu'il  traduit;  il  doit  dire  dans  sa  langue  à 
lui  ce  que  Fauteur  a  dit  dans  la  sienne. 


l53.  —  Le  sénat,  «le  la  E^épublique  l'omaine,  par  P.  WiLLEMS,  Appendices 
du  tome.  I  et  Registres,  Louvain,  Peeters;  Paris,  Thoriii;  Berlin,  Calvary,  i885. 
I  vol.  in-8  de  iv,  g8  (p.  G26-724)  et  116  p. 

M.  Willems  a  réuni  dans  ce  volume  les  Indices  généraux  de  tout  son 
ouvrage  (1°  Indexais  matières;  2°  Index  des  termes  grecs  ;  3'^  Index 
des  noms  propres;  4°  Ltdex  d^s  cognomina)  auxquels  il  a  donné  une 
pagination  distincte  et  isolée,  et  les  additions  au  tome  I"  de  son  livre, 
dont  elles  continuent  la  pagination.  Dans  ces  additions,  M.  W.  revient, 
pour  consolider  par  de  nouvelles  preuves  les  opinions  qu'il  avait  déjà 
soutenues,  sur  les  questions  suivantes  : 

I.  Ornamenta  consularia,  praetoria;  sententiam  dicere  loco  praeto 
rio,  consiilari;  allegi  inter  jpraetorios,  consulaires. 

IL  La  formule  patres  conscripti.  C'est  la  partie  la  plus  longue  et  la 
plus  développée  de  ce  nouveau  volume.  Dans  le  tome  L'',  page 39,  M.  W. 
avait  dit  :  «  Patres  cojtscripti  veut  dire  les  sénateurs  inscrits  sur  la  liste, 
«  synonyme  de  l'expression  ^^?re.ç  lecti-h^  et  page  41:  «  Nous  conclurons 
«  que  la  formule  patres  conscripti  fut  la  dénomination  officielle  des 
«  membres  du  Sénat,  non  pas  depuis  le  commencement  de  la  Républi- 
«  que,  mais  depuis  que  Ton  a  dressé  une  liste  sénatoriale,  c'est-à-dire 
«  déjà  sous  la  période  royale  ».  Ce  système  n'est  pas  en  faveur,  et  la 
majorité  des  savants,  après  comme  avant  le  livre  de  M.  W.,  ont  accepté 
l'autre  système,  brillamment  préconisé  par  M.  Mommsen  (Rœmische 
Forschungen,  I,  p.  227)  :  patres  conscripti,  jpg  patres  die  patricis- 
chen^  conscripti  die  plebejischen  Senatoren  sind.  M.  W.  revient 
longuement  sur  son  explication,  reprend  et  discute  une  à  une  toutes  les 
objections  qui  lui  ont  été  faites.  Nous  ne  pouvons  que  souscrire  aux 
opinions  émises  dans  cette  nouvelle  dissertation,  comme  nous  avions 
tout  d'abord  souscrit  à  son  système.  Conscripti  ne  peut  avoir  le  sens 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  I  by 

que  d'inscrits  sur  la  liste  des  sénateurs;  on  ne  saurait  interpréter  j^a- 
tres  conscripti  comme  s'il  y  avait  patres  conscriptique  (sénateurs 
patriciens  et  plébéiens)  :  «  A  Torigine,  les  sénateurs  s'appelaient  j'a/rei" 
«  parce  que  le  Sénat  était  l'assemblée  de  tousltspatresfaniiliasseniores^ 
«  tous  patriciens.  —  Au  terme  patres  tout  court,  a  succédé  celui  de 
«  patres  conscripti  (patres  portés  sur  la  liste  sénatoriale),  non  pas  après 
«  l'admission  des  plébéiens  au  Sénat,  ni  pour  distinguer  différentes 
«  catégories  desénateurs,  mais  depuis  que, en  dehors  des  j;a?re,s  siégeant 
«  au  Sénat,  il  y  avait  des  citoyens  qui  étaient  juridiquement  patres 
«  familias  sans  être  sénateurs  «.  Il  n'eût  peut-être  pas  été  inutile,  dans 
toutes  ces  discussions,  de  rappeler  un  texte  qui  a  bien  sa  valeur  et  qui 
vient  singulièrement  confirmer  la  théorie  de  M.  W.  A  la  fin  de  la  fable  de 
Psvché,  dans  les  métamorphoses  d'Apulée,  Jupiter  convoque  les  dieux 
pour  leur  signifier  le  mariage  de  son  petit-fils  Cupidon  avec  Psyché. 
Selon  une  habitude  qui  lui  est  chère,  Apulée  parodie  la  langue  adminis- 
trative :  Mercure,  sur  l'ordre  de  Jupiter,  convoque  les  dieux  en  déclarant 
une  amende  pour  les  absents  :  Jubet  Mercurium  deos  or,ines  ad  con- 
tionem  convocare  protinus,  ac,  sei  qui  cœtu  cœlestiwn  defuisset,  in 
■pœnam  decem  millium  nummum  conventuni  iri  pronuntiare.  Jupiter 
préside  et  prend  la  parole.  On  pense  bien  qu'il  parlera  comme  un  prin- 
ceps  senatus  et  qu'il  y  aura  dans  ses  premières  paroles  une  allusion  à  la 
formule  patres  conscripti.  Voici  en  effet  le  début  de  son  discours  :  Dei 
conscripti  Miisarum  albo,  «  Dieux  inscritssur  l'albumdes  Muses». 
Apulée  interprétait  donc  la  ïormulz  patres  conscripti  comme  s'il  y  avait 
conscripti  albo  senatorio:  c'est-à-dire  absolument  de  la  même  manière 
que  M.  Willems  :  c'est  un  renfort  que  ce  dernier  ne  saurait,  je  pense, 
refuser. 

III.  A  :  Les  droits  sénatoriaux  du flamen  Dialis. 
B  :  Le  plébiscite  Ovinien. 

C  :  Le  plébiscite  Atinien. 

IV.  L'inscription  d'Adramytium. 

V.  Le  sénatus  consulte  relatif  aux  cités  de  Mélitée  et  de  Nartha- 
kion. 

Camille  JuLLiAN. 


130.  —  D""  Thomas  Staxgl.  Boetîîîanu  veï  Oociiiil  eojiîitîeBîtarîoi'iinî  în 
Cicei'oiiîs  'Fojiica  emeiKintiones  ex  ocao  coiîîcîbus  îsnwstîe  et  aiicfaî 
observatjoniliiîs  gt-aiHiîiiatîcis.  Diss.  inaug.  Monacensis  «mdccclxxxii.  Gotha, 
Perthes,  in-8,   104  p. 

Le  soin  qu'on  a  apporté  de  notre  temps  à  éditer  plus  exactement  les 
discours  et  les  traités  de  Cicéron  devait  s'étendre  aux  scoliastes  du  même 
auteur.  Aussi  a-t-on  vu  K.  Halm  donner  ses  Rhetores  latini  minores; 
MM.  Schœll  et  Kiessling  ont  réédité  Asconius  ;  récemment  M.  Land- 


l68  UKVtJK    CRITIQUE 

graf  soumettait  à  un  nouveau  travail  une  partie  du  scoliaste  de  Grono- 
vius.  Restaient  avec  une  partie  de  ce  dernier  scoliaste  les  scolics  de 
Bobio  et  le  commentaire  de  Boëce  sur  les  Topiqties.  C'est  ce  domaine 
que  M.  Stangl  s'est  proposé  d'explorer. 

La  dissertation  dont  je  rends  compte  a  été  suivie  de  travaux  qui  se 
sont  succédé  rapidement  en  publications  séparées  ou  en  articles  de  re- 
vues, et  qui  portaient  sur  le  texte  des  scolies  deGronovius,  sur  les  cita- 
lions  de  Cicéron  dans  les  traités  des  rhéteurs,  plus  récemment  sur  les 
manuscrits  italiens  de  Cicéron. 

L'activité  de  M.  St.  est  si  évidente,  si  louable,  si  appréciée  de  tous 
qu'il  peut  bien  nous  permettre  d'indiquer  ici  sans  réticence  quelques 
défauts  de  ses  Boethiana. 

Il  y  a  sans  doute  dans  ce  travail  des  parties  forts  dignes  d'éloge,  de 
bonnes  corrections  fondées  sur  la  recension  de  huit  manuscrits  nou- 
veaux, un  effort  pour  caractériser  la  langue  et  !c  style  de  Boëce  (p.  i5) 
quoique  cet  effort  ne  soit  pas,  suivant  moi,  très  heureux.  Mais  à  côté  de 
ces  qualités,  combien  la  composition  de  cette  étude  paraît  superficielle 
et  arbitraire!  que  d'obscurités,  de  renvois,  de  digressions,  de  contradic- 
tions !  Dans  les  premières  pages  (p.  4  et  suiv.)  on  voit  annoncée  une 
discussion  et  des  développements  spéciaux  qui  tiennent  plus  ou  moins 
étroitement  au  sujet.  Heureux  le  lecteur  qui  oubliera  cette  promesse. 
Car  s'il  y  comptait,  voici  ce  qu'il  trouvera  à  la  fin  de  la  brochure:  Fau- 
teur ayant  usé  tout  son  papier  [quoniam  hic  liber  qiiamvis  angusLus  ad 
eam  auctiis  sit  magnitudinem)  vous  prie  d'aller  chercher  la  suite  dans 
les  Bluttern  fiir  das  bayerische  Gymnasialschubpesen.  On  trouverait 
chez  nous  le  procédé  un  peu  fort. 

Mais  il  n'y  a  pas  là  de  quoi  nous  empêcher  de  souhaiter  que  M.  Stangl 
tienne  mieux  cette  autre  promesse  qu'il  a  faite  de  nous  donner  une 
édition  du  commentaire  de  Boëce  et  des  Scholia  Bobiensia.  Nous  sou- 
haitons sut  tout  qu'il  veuille  bien  démêler  lui-même  dans  ses  notes  ce 
qui  mérite  d'être  publié  et  ce  qu'il  peut  tout  aussi  bien  garder.  Nous 
espérons  surtout  que,  suivant  l'exemple  de  son  maître  K.  Halm,  il  con- 
sentira à  apporter  dans  ses  nouvelles  publications  plus  de  clarté  et  de 
méthode. 

0. 


\~,-.  —  Scs'isîosîs  «îii  XaS''  siècle  en  vâeîax  pro-*-cnçiîl»  publiés  par  Frederick 
Arjut.'.ge,  Hjilbronn,    Hcimingcr,  1884,  ia-12  de  121  p.  Prix:  3  fr.   75. 

Cinq  des  sermons  de  ce  recueil  ont  été  depuis  longtemps  publiés  par 
M.  Paul  Meyer,  sous  le  nom  de  Sermons  limousins,  dans  le  tome  VII     j 
du  Jahrbuchfur  romanische  iind  englische  Literatiir.  Depuis,  et  avant 
l'apparition  du  livre  de  M.  Armitage,  le  même  manuscrit  (Bibl.  nat., 
laî.  3548  B)  a  été  publié  intégralement  et  commenté  par  M.  Chabaneau 


d'kISTOIRF.    F.T    de    LiTTKrvAIUUF.  169 

dans  la  Revue  des  langues  romanes.  Cette  dernière  circonstance  enlève 
donc  une  grande  partie  de  son  intérêt  à  l'édition  que  nous  avons  sous 
les  yeu\  ;  cette  édition  n'est  cependant  pas  complètement  inutile,  yrâce 
surtout  au  glossaire  qui  la  termine  et  qui  paraît  rédigé  avec  soin.  Si- 
gnalons aussi  l'introduction,  bien  qu  elle  soit  écrite  dans  un  français 
étrange,  dont  M.  A.  s'excuse  en  ces  termes  (p.  lvii)  :  «  Je  dois  enfui 
m'cxcuser  d'avoir  osé  me  servir  d'une  langue  dont  je  suis  si  peu  maître. 
Mais  puisque  le  choix  entre  l'allemand  et  le  français  me  restait  seul 
ouvert,  il  n'y  avait  pas  à  hésiter.  D'abord  tout  Allemand  qui  s'occupe 
du  provençal  comprendra  le  français.  Puis  je  me  suis  consolé  en  pen- 
sant que  tout  Français  pardonnerait  des  négligences  de  style,  même 
quelques  fautes,  à  un  étranger  qui  voulait  contribuer  à  la  connaissance 
de  l'ancienne  littérature  de  son  pays.  Ecrire  en  anglais  aurait  été  écrira 
pour  ceux  qui  ne  s'intéressent  pas  a  l'étude  de  l'ancien  provençal.  Jus- 
qu'à présent,  nous  Anglais,  nous  nous  sommes  contentés  de  garder  à 
l'usage  des  étrangers  les  trésors  que  renferment  nos  bibliothèques  pour 
l'étude  de  l'ancien  provençal  et  de  l'ancien  français.  Nos  Universités 
apprendront  peut-être  plus  tard  que  le  latin  est  encore  langue  vivante, 
et  que  la  philologie  a  peu  de  tâches  plus  importantes,  que  celle  de  réta- 
blir la  continuité  entre  la  langue  de  Gicéron  et  les  idiomes  latins  d'au- 
jourd'hui. »  Il  est  impossible  de  ne  pas  être  désarmé  par  tant  de  fran- 
chise et  de  bonne  grâce;  on  ne  peut  même  que  souhaiter  beaucoup 
d'imitateurs  à  M.  Armitage  parmi  ses  compatriotes,  cette  imitation 
dût-elle  créer  un  nouveau  dialecte  franco-anglais  dont  l'étude  occupe- 
rait les  loisirs  de  nos  arrière-neveux. 

Ant.  Tmomas. 


i58.  —  Cï'^uvros  poéticiues  de  Fs-ar.eoîs  cîe  îiZîïvnîirtî,  publices  avec  notice 
et  notes  par  Gaston  Garrisson.  Tome  I.  Paris,  Lenierre,  ia-12.  Prix:  7  fr.  5o. 

M.  G.  Garrisson  publiera  en  trois  volumes  les  œuvres  poétiques 
complètes  de  François  de  Maynard.  Le  premier,  qui  vient  de  paraître, 
et  dont  nous  allons  essayer  de  rendre  compte,  renferme  les  poésies  pu- 
bliées en  161  3,  les  Amours  de  Cleande,  les  Stances,  les  Elégies  et  Pas- 
torales. Voici  pourquoi  je  me  suis  empressé  de  l'acheter  :  j'avais  présent 
à  l'esprit  un  très  intéressant  article  de  Sainte-Beuve  sur  Malherbe  et  son 
Ecole,  dans  lequel  Maynard  était  traite  avec  beaucoup  d'indulgence,  et 
je  me  reprochais  de  ne  pas  connaître  un  poète  qui,  selon  l'illustre  criti- 
que, «  avait  laissé  quelque  chose  de  durable.  »  —  Cela  peut  être,  mais 
ce  quelque  chose nt  se  rencontre  assurément  pas  dans  le  volume  que  je 
viens  de  lire.  Je  ne  crois  point  qu'il  soit  facile  de  trouver  plusieurs 
milliers  de  vers  aussi  vides  d'idées,  aussi  fades  que  ceux  de  Maynard, 
plus  capables,  en  un  mot,  de  transmettre  au  cerveau  «  cette  pesanteur 
endormie  »  dont  parle  Montaigne.  Les  sonnets  à  Cleande,  au  nombre 


17°  REVUK    CRITIQ'JF. 

de  soixante-neuf,  sont  par  dessus  tout  un  échantillon  de  ce  verbiage 
alambiqué,  de  ce  galimatias  pompeux  cher  aux  imitateurs  de  Pétrarque. 
Maynard,  qui  était  Gascon,  avait  l'emphase  naturelle,  et  il  laisse  bien 
loin  derrière  lui  tous  les  amoureux  transis  de  ce  temps  là,  si  riches 
pourtant  en  métaphores.  Les  sonnets  de  Ronsard  à  Cassandre,  quel- 
ques-uns de  Du  Bellay,  beaucoup  de  Philippe  des  Portes,  n'ont  rien  de 
simple  et  de  naïf,  rien  de  ce  genre  français  qui  déteste  l'afféterie  et  le 
raffinement;  mais  même  dans  ce  que  ces  poètes  ont  de  plus  mauvais, 
il  y  a  des  passages  où  l'on  sent  l'amour  vrai,  et  parfois  la  passion  éclate 
dans  un  vers  franc  qui  fait  tout  d'un  coup  oublier  les  imitations  grec- 
ques, latines  et  italiennes.  Rien  de  tel  chez  Maynard  :  son  amour  n'est 
que  l'effort  d'une  pauvre  imagination;  on  ne  s'aperçoit  jamais  que  l'au- 
teur ait  eu  vingt  ans,  et  que  son  cœur,  comme  dit  Musset,  ait  bondi  au 
rendez-vous.  Il  est  de  ceux  qui  glacent,  qui  morfondent  le  lecteur. 

Lorsque,  dans  une  langue  aussi  incorrecte  que  précieuse,  il  nous 
parle  «  de  ce  bel  œil  qui  tient  les  clefs  de  son  servage  »,  de  la  <(  large 
mer  de  beautés  et  d'appas  »  où  il  se  noie;  des  regards  de  son  adorée  qui 
sont  «  les  fusils  de  sa  langueur»;  de  ses  tristes  yeux,  à  lui,  qui  sont 
changés  «  en  deux  sources  liquides  »  qui  mouillent  sa  poitrine  de  «  lar- 
meuses  eaux  »,  ou  qui  font  «  une  mer  de  larmes  w,  des  soupirs  qui 
a  empoulent  son  sein  »,  c'est  de  grand  cœur  que  l'on  s'écrie  avec  Boi- 
leau  : 

Je  hais  ces  vains  auteurs  dont  la  muse  forcée. 
M'entretient  de  ses  feux,  toujours  froide  et  glacée,  etc. 

Si  l'on  veut  se  rendre  bien  compte  des  services  que  le  satirique  du 
xvii''  siècle  a  rendus  au  bon  sens  et  à  la  langue  française,  il  faut  absolu- 
ment lire  des  poètes  comme  Maynard.  Ce  n'est  pas  Malherbe  qui  nous 
a  débarrassés  de  ce  langage  affété,  de  ces  fadeurs  vomitives,  comme 
disait  Saint-Simon,  c'est  Boileau  ;  c'est  lui  qui  nous  a  tirés  du  bour- 
bier. 

Ce  volume  renferme  plus  de  trois  cents  pages  de  texte  :  j'ai  eu  le 
courage  de  les  lire  depuis  la  première  jusqu'à  la  dernière,  espérant  tou- 
jours trouver  ici  ou  là  «  ce  quelque  chose  de  durable  »  dont  avait  parlé 
Sainte-Beuve.  Peine  perdue  :  ce  sont  toujours  les  mêmes  rhapsodies, 
les  mêmes  plaintes  langoureuses,  les  mêmes  «  soupirs  venteux  »  ;  tou- 
jours le  papillon  qui  «  va  brusler  son  aisle  hautaine  Aux  rigoureux 
flambeaux  de  sa  belle  inhumaine  ».  J'ai  pourtant  fini  par  rencontrer 
dans  les  Stances  une  strophe  de  quatre  vers  qui  est  vraiment  belle ', 
mais  ce  n'est  pas  assez  pour  dire  avec  M.  G.  Garrisson  que  «  Maynard 
mérite  d'être  classé  parmi  les  premiers  écrivains  de  son  époque,  tant 
pour  sa  prose  que  vout~  ses  vers  ». 


I.  La  voici  : 


J'aime  mieux  comme  un  aigle  esirc  frappe  ciii  foudre, 
Que  mourir  comme  un  cygne  aux  bords  d'un  Hot  courant, 
Si  pour  voier  au  ciel  je  suis  réduit  en  poudre. 
Je  scray  comme  Icare  immortel  en  mourant. 


■'.Uik 


DUISTOIHJC    ICT    DK    LlTTKRATaKE  I  7  / 

Trouverons-nous  dans  les  volumes  suivants  quelques  morceaux  à 
mettre  à  côté  de  La  Belle  Vieille,  ou  de  Fode  qui  commence  ainsi  : 
Alcippe ,  reviens  dans  nos  bois^  dont  Sainte-Beuve  cite  quelques 
strophes?  J'en  doute  fort,  et  l'on  peut  affirmer  d^ivance  que  ce  n'est  que 
par  accident  que  Maynard  s'élève  au  dessus  du  médiocre.  Or  en  lait  de 
poésie,  le  tolérable  est  intolérable. 

A.  Delboulle. 


VARIETES 


Rîotes    tl'areîiéologîe    oiientaïe. 

XXV 
Le  sceau  d'Abdhadad. 

J'ai  reçu  de  M.  Lôytved  les  empreintes  d'un  joli  scarabéoïde  avec  lé- 
gende phénicienne.  C'est  un  onyx  à  bandes  transversales.  La  pierre 
étant  enchâssée  dans  une  bague  en  or  moderne,  la  monture  empêche  de 
se  rendre  un  compte  exact  de  sa  forme;  autant  que  je  puis  en  juger, 
c'est  un  ellipsoïde  bombé  qui  devait  être  percé  longitudinalement.  Sous 
le  plat  se  trouve  gravée  la  légende,  séparée  en  deux  lignes  par  une  re- 
présentation de  scarabée  aux  quatre  ailes  éployées,  vu  de  dos  et  tenant 
entre  ses  pattes  de  derrière  une  toute  petite  boule  (son  œuf?)  La  gravure 
est  d'une  grande  finesse. 

Les  caractères  phéniciens  d'une  excellente  forme,  sans  aucune  tendance 
aramaïsante,  sont  disposés  à  l'envers  de  façon  à  fournir  des  empreintes 
à  l'endroit.  C'est  donc  bien  à  un  sceau  que  nous  avons  affaire.  Les 
daleths  sont  triangulaires,  sans  queue,  ce  qui  est  un  indice  d'archaïsme, 
confirmé,  d'ailleurs,  par  l'aspect  des  autres  lettres. 

La  légende  se  déchiffre  avec  certitude  : 

(Scarabée) 

A  Abdhadad. 

Le  nom  propre  Abdhadad  signifie  serviteur  du  dieu  Hadad,  divinité 
syrienne  et  édomite  dont  le  nom  entre  dans  la  composition  des  noms  de 
plusieurs  rois  de  Damas  et  de  Syrie  mentionnés  par  la  Bible,  Hadad  \ 


I.  Roi  d'Edom  {Genèse  36  :  35,  36;  I.  Clir.  I,  46,  47).  Le  nom  de  Hadad  est  aussi 
porté  par  un  personnage  édomite  (I.  Rois,  11  :  14,  25),  et  par  un  fils  d'ismacl  (I.  Car.  i, 
3o).  Dans  ces  deux  derniers  cas  le  texte  présente  d-s  variantes. 


172  REVDE    CUiriQUIi 

Ben-Hadad  •,   Hadade^er  -,  et  du  nom  de  la  ville  de  Hadad-R\m- 

mon  ^. 

Le  nom  du  dieu  Hadad  s'était  dé;à  rencontré  sur  un  sceau  araméen  '', 

et  le  nom  d'homme  Abdhadad  sur  deux  didrachmes  à  légendes  araméen- 

nes  frappés  à  Hiérapolis  ".  Ces  monuments  sont  sensiblement  posté- 
rieurs à  notre  sceau;  il  est  intéressant  de  constater,  à  Fétat  d'élément 
onomastique  Ihéophore,  Tapparition  de  ce  dieu,  essentiellement  syrien, 
sur  un  monument  de  paléographie  purement  phénicienne. 

Nous  ne  possédons  sur  la  personnalité  même  du  dieu  Hadad  que  des 
informations  d'époque  relativement  basset  La  numismatique  est  d'ac- 
cord avec  l'épigraphie  pour  nous  montrer  son  culte  intimement  lié  à 
celui  de  la  déesse  Syrienne  Atergatis  ". 

XXVI 
Segor,  Gomorrhe  et  Sodome. 

Il  n'est  peut-être  pas  de  question  de  topographie  biblique  plus  con- 
troversée que  celle  de  remplacement  des  villes  maudites  de  la  Pentapole. 
Les  nombreux  savants  qui  s'en  sont  occupés  paraissent  divisés  en  deux 
groupes  principaux;  ceux  qui  mettent  cet  emplacement  dans  la  région 
nord  de  la  mer  Morte,  et  ceux  qui  le  mettent  dans  la  région  sud. 

Il  y  a  plusieurs  années  ^  j'ai  été  amené  à  prendre  position  parmi  ces 
derniers,  en  combattant  par  des  arguments  surtout  philologiques  Tiden- 
tification,  proposée  par  M.  de  Saulcy,  de  Gomorrhe  avec  les  ruines  de 
Goumrân  (==  Qoiimrdn],  non  loin  de  Jéricho,  vers  Textrémité  nord- 
ouest  de  la  mer  Morte.  J'ai  eu  occasion  alors  de  toucher  incidemment 
la  question  de  Segor,  en  utilisant  quelques  données  des  géographes 
arabes  qui  avaient  été  jusque-là  un  peu  négligées.  J'avais  insisté  parti- 
culièrement sur  certaines  légendes  curieuses  qui  me  semblaient  rattacher 
étroitement  la  ville  de  Segor  au  pays  de  Moab,  et  qui  tendaient,  par 
conséquent,  à  la  localiser  dans  la  partie  S.-E.  de  la  mer  Morte. 

Les  auteurs  arabes,  puisant  probablement  à  des  sources  juives,  disent 
que  Lot,  l'ancêtre  des  Moa'oites,  avait  deux  lilles,  dont  l'aînée  s'appe- 
lait Reyya,  Radia,  ou  Zaha,  et  la  cadette  Ra'oiia,  Ra'uucha  ou 
Zoghar.  MM.  Goldzieher  et  Derenbourg  avaient  parfaitement  reconnu 

1.  Trois  rois  de  Damas  ont  porte  successiment  ce  nom  (I  Rois,   i5  :   20-1    Rois 
20  :  I  ;  2  Rois,  i3,  etc..) 

2.  Roi  de  Soba  (Sammuel,  8  :  3,  12;  l.Rois.  ir  :  23  etc.,  la  leçon  Hadadcier  est 
préférable  à  Hadare^ev). 

3.  Zacharie  12  :  11. 

4.  Levy,  Phœiii^.  Stud.  ir,  24;  Siegel  iind  G.,  p.  6;  de  Vogué,  Mal.  d'Avck.  or., 
121. 

5.  Waddington,7îci;;;e  mimism.  1861,  p.  9;  cf.  J.  P.  Six,  Monn.ves  d' Hiérapolis 
en  Syrie. 

6.  Macrobe,  Philon  de  Byblos,  Nicolas  de  Damas,  liesychius. 

7.  Six,  op.  c.  et  Bull,  de  Corresp.  hell.  1882,  p.  493. 

8.  Gomorrhe,  Segor  et  les  filles  de  Lot  (Revue  archéologique,  1S77). 


O'hiSTOIRIÎ    et    de    LITTICRATUlîH  I^S 

que  CCS  formes  si  diverses  n'étaient  autre  chose  que  des  variantes  fauti- 
ves, rigoureusement  justifiées  par  les  errements  de  l'écriture  arabe, 
des  mots  araméens  Rabbeta,  u  l'aînée  »  (la  grande)  et  Seghirta  «  la 
cadette  »  {Zosiiara,  Zoghai\  littéralement  «  la  petite  »).  J'avais  essayé, 
de  mon  côté,  d'établir  que  ces  noms  étaient  autres  que  ceux  de  deux 
villes  principales  de  Moab  :  Rabbat  et  Segor  (la  grande  et  la  petite}, 
dont  les  filles  fabuleuses  de  Lot  n'étaient  que  les  cponynies  antithéti- 
ques. J'ai  trouvé,  depuis,  dans  le  dictionnaire  de  Yaqout,  la  confirma- 
tion formelle  de  ma  conjecture  (s.  v.  Soghar).  A  propos  de  la  ville  de 
Segor,  le  géographe  arabe  dit  que  Zoghar  est  le  nom  d'une  fille  de 
Lot,  la  cadette  {Soghra)  qui  fut  enterrée  auprès  de  la  source  de  Zoghar; 
sa  sœur  aînée  Reyya  (lisez  Rabbat),  morte  pendant  que  Lot  se  rendait 
à  Damas,  avait  été  enterrée  auprès  d^une  source  appelée  également  de 
son  nom  Reyya  (lisez  Rabbat).  Le  caractère  éponyme  de  ces  deux 
filles  est  donc  ici  nettement  avoué. 

Récemment  jM.  Guy  Le  Strange  ',  à  propos  d'une  théorie  nouvelle 
de  M.  Selali  Merrill,  qui  propose  à  son  tour  de  localiser  Segor  à  Tell 
ech-châghoûr,  au  nord  de  la  mer  .Morte,  insiste  avec  raison  sur  les  in- 
dices qui  militent  en  faveur  de  la  localisation  méridionale.  Il  tire  un 
très  bon  parti  des  sources  géographiques  arabes  que  j'avais  déjà  indi- 
quées. Je  vou, irais  profiter  de  l'occasion  pour  revenir  sur  la  question 
en  essayant  de  la  serrer  de  plus  près. 

Je  ne  rappellerai  pas  les  nombreux  témoignages  qui,  depuis  l'anli- 
quité  jusqu'à  l'époque  arabe,  et  même  jusqu'à  celle  des  Croisades, 
nous  invitent  expressément  à  chercher  l'emplacement  de  Segor  à  l'ex- 
trémité sud-est  de  la  Mer  Morte  -.  Je  u'&n  retiendrai  que  deux  c[ui 
me  paraissent  catégoriques.  L'Onumastico;:  '•'  d'Eusèbe  et  de  saint 
Jérôme  mettent  la  localité  moabite  de  Nimrin  *  au  nord  de  Zoar,  autre- 
ment dit  Segor.  Cette  TTinirin  n'est  autre  que  le  N'vieira  '"  arabe, 
située  au  débouché  du  Wadi  N'meira  dans  la  Mer  MorLe,  dans  la 
région  sud-est  de  ce  grand  lac.  Voilà  donc  un  premier  point  de  repère 
solide.  Entre  ce  point  et  le  Djebel  Ousdoimi,  représentant  incontesté 
de  Sodome,  situé  dans  la  rc-don  sud-ouest  du  lac,  presque  à  l'opposite, 
il  y  a  une  distance  que  j'évalue  à  environ  lo  milles  romains.  Or,  le 
Talmud  ^,  dans   un   passage  qui  n'a  rien   de  légendaire,  dit  qu'il   y  a 

1.  Palestine  Exploration  Fund;  Quatcrly  Statement,  July,  i<So5,  o.   178-180. 

2.  Q_uand  ce  ne  serait  que  celui,  si  clair,  de  Josèphe,  nous  disant  que  la  Mer  Morte 
s'étend  de  Jéricho  au  nord,  à  Segor  au  sud. 

3.  S.  V.  Aeincrin;  appelée  de  leur  temps  ]l-ç>vc/.[J.7.0i:'J..^  Bc!iiia,ruu-ii::,  qu'il  faut 
probablement  coriiger  en  Br/)  Na;j,a2ô'![J.,  Beth  Nanu:!-i;}i. 

4.  Isaie,  i3i  ib;  Jcrémie,  4S-34. 

5.  Boiirdj  N'incira  u  la  tour  de  N'meira  »,  avec  ruines  étendues.  Cette  tour  rap- 
pelle la  Tz'.'oaTTUO'^i'b'.,  dont  parle  Anastase  le  Sinaïte  quand  il  meniionne  la  rép^ion 
de  Segor  et  de  Tctrapyrgia,  dont  l'insalubrité  extrême  répond  bien  à  ce  que  l'ou 
sait  de  ces  parages  par  les  relations  modernes. 

6.  Pcsackim,  g?  t. 


174  REVDK    CRiTlQUK 

5  milles  entre  Sodome  et  Segor  '.  C'est  donc  à  peu  près  à  moitié  chemin 
qu'ilconviendrait  de  rechercher  Segor,  dans  le  Ghaures-sâfi,  où  quelques 
cartes  théoriques  en  marquent  justement  l'emplacement.  Il  est  étonnant 
qu'avec  des  indications  aussi  précises,  aucun  des  voyageurs  qui  ont  eu 
la  bonne  fortune  de  visiter  cette  région,  n'ait  pu  retrouver  sur  le  terrain 
le  nom  de  Segor,  qui  n^a  certainement  pas  disparu  de  l'onomastique 
arabe.  Je  crois,  pour  ma  part,  qu'une  enquête  attentive  le  fera  retrouver 
non  loin  de  Qasr  el-Bachariyé  (?),  et  des  Tawdhm  eS'SOiikkdr  {ruines  d& 
moulins  à  sucre)  marqués  àcôté,  sur  les  cartes  les  plus  récentes.  Ces  mou- 
linssont  fréquemment  en  Syrie  l'indice  d'un  établissement  des  Croisades, 
et,  justement,  nous  savons  que  les  Croisés  étaient  installés  à  Segor, 
qu'ils  appelaient  Palmer.  Il  est  permis,  d'ailleurs,  d'espérer  que  le  pro- 
blème recevra  un  jour  une  solution  rigoureuse.  En  effet,  les  auteurs  de 
Y  Onomasticon  ~  et  celui  de  la  Notitia  dignitatum  '  sont  d'accord  pour 
signaler  à  Segor  l'existence  d'une  garnison  romaine;  il  suffira  peut-être 
de  quelqu'un  de  ces  documents  épigraphiques  dont  les  soldats  romains 
étaient  si  prodigues,  pour  trancher  la  question.  En  attendant,  je  crois 
qu'elle  est  maintenant  circonscrite  étroitement,  et  j'appelle  de  mes  vœux 
le  jour  où  quelque  voyageur  voudra  bien  procéder  sur  place  à  cette  vé- 
rification relativement  facile. 

Je  terminerai  par  une  suggestion  sur  l'emplacement  possible  de  Go- 
morrhe.  Cette  ville  s'appelle  littéralement  en  hébreu  'Amorah.  La  trans- 
cription des  Septante,  ro[j.éppa,  nous  prouve  que  la  première  lettre  est  en 
réalité  un  ghain  et  non  un  'ain  '*,  avec  autant  de  certitude  que  la  trans- 
cription faÇa,  confirmée  par  la  forme  arabe  Gha\\a,  nous  prouve  que 
le  nom  hébreu  de  Gaza  était  articulé  Gha:{:{ah  et  non  'A^^ah.  Les  rives 
méridionales  de  la  Mer  Morte  ne  nous  fournissent  aucun  nom  topique 
approchant  de  celui-là.  En  revanche,  les  anciens  géographes  arabes 
nous  parlent  d'une  localité  qui,  au  point  de  vue  purement  onomatiquc, 
ferait  admirablement  l'affaire  :  c'est  Ghamr.  Moqaddesy  '"  ia  mentionne 
sur  la  route  qui  mène  de  Ramlé  de  Palestine  au  désert  d'Arabie  :  de 
Soukkariyé'^  à  Toiileil,  deux  journées  de  marche;  de  Touleilk  Ghamr, 
deux  journées;  puis  à  Waila'^,  deux  journées  s.  A  Ghamr,  dit-il  ail- 

1.  Le  récit  biblique  (Genèse,  19:  55  et  23)  dit  lui-même  que  Lot,  parti  de  Sodorae 
à  l'aube,  arriva  à  Segor  au  moment  où  le  soleil  se  levait,  ce  qui  implique  la  proxi- 
mité des  deux  localités. 

2.  Onomasticon,   s.  v.  lir/.\d  {Segor J. 

3.  C'étaient  alors  \cs  équités  sagiitarii  indigence. 

4.  L'écriture  hébraïque  ne  distingue  pas  entre  ces  deux  articulations  cependant 
bien  différentes. 

5.  Texte  arabe,  éd.  de  Goeje,  p.  249. 

6.  Environ  à  moitié  chemin  entre  Gaza  et  Hébron. 

7.  Qui  est  Elath,  sur  la  Mer  Rouge,  au  fond  du  golfe  d'Akaba. 

S.  Je  ferai  remarquer,  à  ce  propos,  que  Moqaddesy  nous  donne  également  (p.  192) 
l'itinéraire  de  Hébron  à  Soghar  (Segor);  il  compte  deux  journées  de  marche  avec 
une  station  intermédiaire,  dont  les  manuscrits  ont  défiguré  le  nom  en  Qaoûoûs{Qaf 


d'histoirh  et  de  littérature  175 


/ 


leurs  ',  il  y  a  de  l'eau  mauvaise  qu'on  obtient  en  creusant  dans  le  sable. 
Je  n'hésite  pas  à  reconnaître  ce  Ghamr  dans  VAin  Ghanir  de  nos  jours, 
situé  dans  l'Araba,  au  débouché  du  Ouadi  Ghamr,  à  environ  une  ving- 
taine de  lieues  au  sud  de  l'extrémité  méridionale  de  la  Mer  Morte. 

Que  si  l'on  éprouve  quelque  répugnance  à  mettre  Gomorrhe  à  cette 
distance  de  la  Mer  Morte,  il  ne  faut  pas  oublier  que,  d'après  la  façon 
même  dont  la  Genèse  (10  :  19)  procède  à  son  énumération,  Gomorrhe 
semble,  ainsi  que  Çeboïm  et  Adamah,  avoir  été  au  sud  de  Sodome. 
Dans  ce  cas,  la  Pentapole  se  trouverait  donc  occuper  la  partie  méridio- 
nale du  bassin  primitif  àt  la  Mer  Morte,  Sodome  et  Segor  en  étant,  à 
droite  et  à  gauche,  les  deux  villes  les  plus  septentrionales.  Ce  serait  bien 
conforme  à  la  tradition  arabe,  qui  n'est  pas  à  dédaigner,  tradition  qui 
place  justement  dans  cette  région  ce  qu'elle  appelle  les  «  villes  du  peuple 
de  Lot  »  (ineddïn  qaum  Loût).  C'est  ce  qui  résulte  avec  évidence  de  l'é- 
numération  de  Moqaddesy  qui  décrit  ainsi  (p.  252),  en  remontant 
successivement  du  sud  au  nord,  la  limite  du  désert  d'Arabie  :  Waila 
(Elath  sur  la  mer  Rouge);  les  villes  du  peuple  de  Lot;  Moab  ;  Amman; 
E drapât;  Damas,  et  Palmyre. 

Glermont-Ganneau, 


THÈSES  DE  DOCTORAT  ES  LETTRES 

Faculté  des  lettres  de  Paris 
(17  avril  i885). 


Soutenance  de  SI.  ïi'i'.  Etecrue. 

I.  D3  Concilio  Regio  Francisci  I.  —  Pion,  Nourrit  et  0"=,  i885.  94  pp.  in-8. 
W.Anne  de  Montmorency,  Grand- Maître  et  Connétable  de  France,  a  la  cour,  aux 

armées  et  au  Conseil  du  Roi  François  I"'.  par  Francis  Décrue.  —  Pion,  Nourrit 

et  G''^',  i8S3.  In-8,  vn-452  pp. 

I 

M.  Décrue  a  voulu  faire  à  la  fois  une  thèse  administrative  et  une  thèse  narrative. 
C'est  la  thèse  latine  qui  est  administrative  ;  il  s'agit  d'étudier  le  Conseil  du  Roi 
sous  François  l"^ . 

M.  Himly  constate  que  ce  sujet  offrait  une  double  difficulté  :  on  ne  possède  sur 
le  sujet  que  des  renseignements  fragmentaires,  et  la  meilleure  preuve  en  est  la  pau- 
vreté des  appendices  de  la  thèse;  en  second  lieu  le  règne  de  François  1*=''  se  trouve 

—  dans  un  manuscrit  la  lettre  est  sans  point  — vvaw,  waw,  sin).  Ne  faudrait-il  pas 
corriger  e-^-r^oûair,  et  y  reconnaître  E:(-;^ouaii-é  (elfauqa)':  Paléographiquement  ce 
n'est  pas  impossible,  géographiquement  ce  serait  excellent.  MoqaJdcsy  calcule  de 
Waila  à  Segor  quatre  journées  de  marche;  cela  fait  bien  le  compte  :  deu;c  journées 
de  Waila  à  Ghamr,  restent  deux  journées  de  Ghamr  à  Segor,  ce  qui  correspond  sen- 
siblement à  la  distance  indiquée  ci-dessus. 
I.  Id.,  p.  253. 


176 


KEVL'K    CUITiQUr. 


sur  la  limite  de  deux  pciiodes;  c'est  un  lègiie  qui,  par  suite,  n'est  pas  très  un  ;  on 
essaie  de  nouveau  sans  trop  réussir,  et  l'on  ne  saurait  guère  exposer  les  régies  d'un 
Conseil  en  voie  de  renouvellement.  M.  D.  n'a  pas  complètement  surmonte  ces  diffi- 
cultt's;  sa  thèse  fait  connaître  peu  de  choses.  En  somme,  le  roi  faisait  ce  qu'il  vou- 
lait, tout  rentrait  ou  pouvait  rentrer  dans  la  compétence  du  Conseil;  peu  importe 
après  cela  que  du  Tillet  se  soit  trompé  en  fractionnant  le  Conseil  en  3  sections  au 
début  du  règne,  et  en  le  fractionnant  de  nouveau  en  2  sections  à  la  fin  du  même 
règne.  —  Un  autre  défaut  de  la  thèse,  c'est  l'insufiisance  de  l'introduction;  il  suit 
pas  à  pas  le  livre  de  M.  Luchaire,  sans  avoir  l'air  de  se  douter  qu'en  ces  trois  siècles 
les  institutions  ont  déjà  pu  subir  des  transformations  considérables.  Que  valent 
les  listes  de  conseillers  données  en  appendices?  Ce  sont  les  noms  mentionnés  au  bas 
des  Ordonnances.  Sont-ce  lu  les  noms  de  tous  les  conseillers?  Se  peut-il  qu'en 
i344  la  moitié  fussent  absents,  qu'en  i545  il  n'y  eût  aucun  financier  au  Conseil 
même  pour  traiter  les  affaires  ce  finance?  —  Pour  combler  ces  lacunes  la  thèse  est 
grossie  de  dissertations  en  hors-d'œuvre  sur  les  Duchés-pairies  et  les  Grands-Ofîi- 
ciers;  outre  qu'elles  ne  sont  pas  à  leur  place,  elles  n'ont  rien  d'original  et  ne  sont 
point  exemptes  d'inexactitude,  non  plus  que  la  liste  des  nobles  que  renferme  l'ap- 
pendice :  l'érection  de  Nemours  en  pairie  est  de  i5i3  et  non  de  i5o3;  à  propos  de 
Valois,  Jeanne  d'Orléans  n'est  pas  sœur,  mais  tante  du  roi.  —  Les  pairs,  qui  font 
suite  aux  six  premiers  pairs,  ne  sont  pas  que  de  petits  gentilshommes;  le  septième 
est  le  duc  de  Bretagne. 

M.  B.  Zeller  estime  que  pour  une  étude  sur  le  Conseil  du  Roi  le  cadre  choisi  était 
défectueux;  c'est  sous  Henri  II  qu'il  fallait  l'étudier;  mais,  en  admettant  le  sujet  tel 
qu'il  est,  l'enquête  n'a  pas  été  sufïisante.  Pourquoi  n'emprunter  à  Robertet  que  deux 
renseignements  monastiques?  Pourquoi  ne  citer  dans  les  imprimés  qu'Aucoc,  sous 
prétexte  que  L.  Dciisle  a  publié  une  Bibliographie  complète?  Il  y  a  aux  Archives  de 
la  série  JJ  3o  registres,  qui  vont  de  i522  à  1547  ;  il  y  a  dans  la  série  J  d'autres  re- 
cueils; enfin  il  y  a  un  travail  rédigé  par  ordre  de  Colbert,  et  qui  est  la  thèse  elle- 
même. —  Le  chapitre  des  secrétaires  est  trop  resserré,  les  secrétaires  sous  Fran- 
çois I"-'»"  se  préparent  à  devenir  ce  que  les  a  faits  Henri  II.  Il  y  a  aux  Archives, 
section  V',  79  liasses  sur  les  secrétaires.  —  M.  B.  Zeller  demande  ensuite  à  M.  D. 
quelles  raisons  il  a  de  douter  du  renseignement  de  du  Tillet  d'après  lequel  le  Con- 
seil eût,  au  début  du  règne,  été  divisé  en  trois  sections,  —  M.  D.  répond  qu'il  n'a 
trouvé  trace  nulle  part  de  cette  division.  —  M.  Zeller  veut  pourtant  qu'on  n'en  doute 
pas.  parce  que  du  Tiîkt  devait  avoir  ses  raisons  pour  affirmer  ce  fait  et  qu'au  reste 
dans  le  manuscrit  ci  dessus  indiqué  de  l'histoire  du  Conseil,  la  même  division  est 
mentionnée.  —  M.  D.  répond  que  le  Conseil  a  pu  en  diverses  occasions  se  partager 
en  commissions,  mais  qu'on  ne  trouve  nulle  part  de  sections  définies;  quant  à  l'au- 
torité du  manuscrit  cité,  elle  est  nulle  en  l'espèce,  car  cette  histoire  n'a  pu  être  faite 
que  d'après  du  Tillet.  Quant  à  la  deuxième  proposition  de  M.  D.,  à  savoir  qu'à  la 
tin  du  règne  le  Conseil  fut  partagé  en  2  sections,  M.  D.  ne  peut  affirmer  que  ce  sec- 
tionnement eût  persisté  jusqu'à  l'avènement  d'Henri  II.  M.  R.  Zeller  en  apporte  une 
preuve,  c'est  qu'on  a  du  3  avril  1547  ^^^  ^'^^^  '•^^  conseillers  divisés  en  deux  sec- 
tions, qui  doivent  siéger  l'une  le  matin,  l'autre  le  soir.  11  ne  s'agit  évidemment  pas 
d'un  règlement  nouveau,  mais  d'un  simple  changement  de  personnes. 

M.  Egger  fait  observer,  à  propos  des  listes  établies  d'après  les  Ordonnances,  qu'il 
est  dangereux  de  confondre  les  signataires  d'un  acte  avec  les  personnes  qui  ont  dé- 
libéré cet  acte.  11  rappelle  à  ce  sujet  la  formule  des  Senatus-consultes,  scribitndo  .id  • 
fuerunt,  qui  n'est  suivie  que  de  cinq  ou  six  noms,  sans  qu'on  en  puisse  conclure 
que  le  Sénat  fût  à  ce  point  infreqtteus. 


D  HISTOIRE    iil     L)K    r.nrivRATlJRH;  \'J-j 

M.  GelTroy  i'élicite  M.  D.  d'ua  tel  effort  malheureusement  inutile.  Le  sujet  est  pré- 
maturé. Il  faut  attendre  que  l'Académie  des  Sciences  Morales,  qui  a  repris  l'œuvre 
des  mains  de  l'Académie  des  Inscriptions,  ait  achevé  le  Recueil  des  Ordonnances  de 
François  1"'.  Or  le  travail  préparatoire  n'est  pas  terminé.  Les  seules  rubriques  des 
actes  recueillis  jusqu'ici  pour  la  période  de  i5i3  à  1027  sont  la  matière  de  100  pla- 
cards. De  là  un  sentiment  de  malaise  à  la  lecture  d'une  telle  thèse.  On  n'y  entend 
rien;  3  sections,  3  Conseils,  Grand  Conseil,  Conseil  étroit,  rien  de  tout  cela  n'est  dis- 
tinct. M.  D.  parle  d'ordonnances,  où  donc  les  a-t-il  prises?  L'Académie  travaille  de- 
puis un  an  à  en  retrouver  les  traces;  et  avant  tout,  qu'est-ce  qu'une  ordonnance.'  — 
M.  D.  répond  qu'il  est  allé  aux  Archives,  qu'il  a  demandé  les  Ordonnances  de  Fran- 
çois I"  et  qu'on  lui  a  apporté  quelques  registres  ;  qu'il  pense  qu'une  ordonnance  c'est 
toute  décision  prise  par  le  Roi  en  son  conseil.  —  M.  Geffroy  n'est  pas  satisfait  de 
la  déhnition,  un  édit  ne  passe-t-il  pas  par  le  Conseil'  Ainsi  on  choppe  à  chaque  dé- 
tail. —  D'autre  part,  pourquoi  M.  D.  n'a-t-il  pas  montré  le  Grand  Conseil  citadelle 
de  l'aristocratie  et  le  rôle  politique  du  Conseil  étroit;  —  M.  D.  répond  que  les  actes 
émanaient  u'un  Conseil  plus  étroit,  mais  que  tous  passaient  par  le  Conseil.  Il  rap- 
pelle la  lutte  entre  le  Parlement  et  le  Conseil  étroit  à  propos  des  évocations  (atïaire 
du  cardinal  du  Bellay  et  de  M.  de  Geers);  ses  velléités  d'indépendance  politique  sous 
la  régence;  son  refus  d'enregistrer  la  nomination  de  Duprat  à  l'archevêché  de  Sens; 
son  acharnement  contre  Berquin  et  contre  Févêque  d'Auxerre  qu'il  fallut  envoyer 
comme  ambassadeur  à  Rome;  mais  il  fallait  introduire  tout  cela  dans  la  thèse,  c'é- 
tait le  fonds  de  la  question.  —  M.  Geffroy  reproche  encore  au  candidat  de  n'avoir 
pas  suivi  de  règle  fixe  pour  la  traduction  des  titres;  il  lui  signale  trois  livres  de 
Vincentius  Luparius  sur  ce  sujet.  Il  aurait  pu  aussi  consulter  l'épigraphie  du  xvr  siè- 
cle, ou  l'index  de  Lasteyrie  au  V=vol.  des  Inscriptions  de  la  Gaule:  prœses  infu- 
latus  (président  à  mortier)  magisîer  a  libellis  (maître  des  requêtes),  etc. 

M.  Pigeonneau  estime  que  la  discussion  est  épuisée  parce  qu'elle  est  inépuisable, 
et  compatit  à  l'inutilité  des  efforts  de  M.  D.  pour  apprendre  aux  autres  ce  qu'il  ne 
sait  pas.  11  ne  relève  donc  que  quelques  points  de  détail.  —  C'est  faute  d'avoir  ob- 
servé d'assez  près  qu'il  a  pu  croire  qu'on  admettait  des  élus  au  Conseil  (p.  35)  ;  l'élu 
Bayard  n'y  a  été  admis  que  comme  général  en  i53o.  Il  demande  s'il  n'y  a  pas  trace 
d'instructions  rédigées  en  commun  pour  les  ambassadeurs,  et  quelles  relations  il  y 
avait  entre  ceux-ci  et  le  Conseil.  C'était,  répond  M.  D.,  un  ministre  comme  Mont- 
morency qui  rédigeait  les  instructions;  le  Conseil  appelait  parfois  des  ambassadeurs 
étrangers  pour  prendre  des  dispositions  en  commun;  mais  les  lettres  de  créance 
n'étaient  pas  présentées  en  Conseil.  Pour  ce  qui  est  de  la  diplomatie  permanente, 
l'ambassadeur  était  généralement  un  grand  personnage.  M.  de  Grignan,  neveu  du 
cardinal  de  Tournon,  se  fait  rappeler  de  Rome  parce  qu'il  faut  au  moins  un  comte. 
De  là  la  nécessité  d'un  secrétaire  d'ambassade.  De  même  en  Angleterre  près  de  l'Em- 
pereur. En  Suisse  la  représentation  est  double  :  l'ambassadeur  ordinaire,  et  un  gé- 
néral des  finances  pour  les  questions  d'argent. 

M.  Luchaire  félicite  M,  D.  du  choix  de  son  sujet;  la  période  est  inconnue,  c'est 
vrai;  mais  la  thèse  latine  est  faite  précisément  pour  élucider  les  points  obscurs.  — 
Sur  la  question  de  la  traduction  des  titres,  il  le  félicite  de  s'en  être  tenu  au  latin 
ordinaire,  mais  transparent  du  moyen  âge;  il  vaut  mieux  que  le  latin  classique  de 
de  Thou. 

II 

M.  îilmly  remercie  M.  D.  qui  a  dû  lire,  pour  écrire  sa  thèse,  plus  de  1,000  let- 
tres; de  ne  pas   les  y  avoir  toutes  introduites.  Il  en  est  pourtant  encore  trop  entré. 


1-8  REVUE    CRITIQUE 

11  y  a  quelque  chose  de  pis  que  l'histoire-bataille,  c'est  l'histoire-campagne;  certains 
chapitres  de  M.  D.  ne  sont  pas  autre  chose.  Les  lignes  générales  ne  ressortent  pas. 
C'est  le  métier  des  diplomates  de  faire  des  dépêches;  c'est  le  métier  de  l'historien  de 
faire  un  choix.  M.  D.  a  abusé  aussi  de  l'ordre  chronologique.  —  M.  D.  répond  qu'il 
est  pénible  à  un  érudit  de  brûler  ce  qu'il  a  recueilli,  que,  au  reste,  n'ayant  rien  à 
modifier  aux  traits  généraux  de  ses  personnages  qui  sont  connus,  il  ne  pouvait 
qu'apporter  des  renseignements  nouveaux.  —  M.  Himly  a  peine  à  croire  que  Fran- 
çois I<^'"  soit  depuis  i526  un  roi  fainéant,  du  fait  de  la  maladie  ou  du  fait  de  l'indo- 
lence. Après  tout,  il  congédie  Montmorency  d'un  mot.  —  C'est,  répond  M.  D.,  l'éiat 
de  la  Turquie  avant  les  réformes;  le  sultan  laisse  tout  faire  au  vizir  jusqu'à  ce  qu'il 
le  fasse  étrangler.  —  Etait-ce  donc  un  homme  fini  à  32  ans  r  II  ne  parle  pas  aux  am- 
bassadeurs, il  les  évite;  mais  il  va  sans  cesse  à  la  chasse;  sous  Henri  11  aussi,  qui 
n'était  pas  malade,  les  ministres  traitaient  avec  les  ambassadeurs;  et  pourtant  Fran- 
çois l"^""  a  dû  diriger  sa  politique;  ce  qu'il  y  a  de  plus  habile  dans  la  politique  du 
règne,  c'est  la  politique  vis-à-vis  des  protestants  ;  or  le  grand-maître  les  détestait. 
Il  ressort  bien  du  reste  de  la  thèse  latine  que  le  roi  fait  ce  qu'il  veut,  et  que  le  Con- 
seil est  un  paravent. 

M.  Lavisse,  tout  en  constatant  que  M.  D.  ne  présente  là  qu'une  demi-biographie, 
reconnaît  que  Montmorency  a  joué  son  rôle  le  plus  important  dans  cette  première 
partie  de  sa  vie  où  il  a  été  le  maître;  l'histoire  de  cette  vie  devient  dès  lors  un  cha- 
pitre important  de  l'histoire  de  France.  Répondant  aux  critiques  de  M,  le  Doyen,  il 
avoue  qu'en  suivant  l'ordre  chronologique  on  s'expose  à  l'encombrement  des  détails, 
et  M.  D.  n'a"  pas  toujours  évité  ce  danger  (v.  p.  192),  Mais,  en  somme,  une  thèse 
n'est  pas  tout  à  fait  un  livre,  et  si  nous  ne  devons  pas  nous  condamner  à  l'histoire- 
campagne,  nous  avons  besoin  de  savoir  comment  se  fait  la  guerre  dans  chaque  siè- 
cle; à  cet  égard  le  chapitre  sur  la  campagne  d'Artois  est  très  intéressant.  Néanmoins 
lorsqu'on  a  suivi  tout  d'un  fil  la  vie  de  Montmorency,  il  serait  bon  de  fournir  quel- 
ques explications  que  l'on  pourrait  grouper  et  dont  l'on  trouve  tous  les  éléments  dans 
la  thèse.  Q.ue  reste-t-il  en  Montmorency  du  seigneur  féodal,  comment  adminis- 
tre-t-il  son  domaine  i  Malheureusement  tous  les  documents  sont  à  Chantilly  où  on 
ne  les  communique  pas.  Quel  est  son  pouvoir  comme  ministre  r  A  quel  titre  gère-t-il 
les  aftairesr  Est-ce  seulement  en  vertu  des  charges  qu'il  assimile  en  sa  personne  ou 
est-il  revêtu  de  quelque  pouvoir  spécial?  Quels  sont  les  emplois  qu'il  a  fournis,  et 
comment  la  carrière  qu'il  a  suivie  l'a-t-elle amené  au  conseils  II  y  est  entré  une  fois 
maréchal;  l'office  de  grand-maître  de  l'hôtel  du  Roi  l'a  élevé  à  un  rang  supérieur  à 
tous  par  suite  de  la  confusion  du  Domaine  et  du  royaume.  —  M.  D.  répond  que  son 
influence  était  déjà  réelle  avant  qu'il  fût  Grand-Maître  et  que  tant  vaut  l'officier, 
tant  vaut  l'office;  qu'il  était  très  riche  et  très  travailleur,  que  cela  explique  son  in- 
fluence. —  M.  Lavisse  passe  aux  idées  et  au  caractère  de  Montmorency.  Il  était  peu 
lettré;  quant  à  son  goût  artistique,  il  n'est  point  prouvé;  il  a  réuni  de  beaux  objets, 
mais  c'était  peut-être  la  manie  d'un  collectionneur  qui  obéit  à  la  mode.  Ses  idées 
politiques  se  résument  dans  le  culte  de  l'autorité  royale.  Au  dehors  «  il  est  impé- 
rial et  très  bon  ecclésiastique  »,  sous  la  réserve  des  intérêts  du  Roi.  Il  traite  fort 
bien  avec  les  Anglais  et  les  mécréants,  pour  peu  que  la  chose  soit  utile.  Mais  c  est 
exagérer  que  de  l'appeler  avec  M.  D.  «  tenacem  propositi  virum  ».  Il  n'a  pas  ete 
un  fiancé  bien  tenace;  il  a  forcé  son  fils  à  faire  comme  lui.  Il  n'a  pas  plié  dtvanl  la 
duchesse  d'Etampes,  comptant  bien  sur  le  règne  de  Diane,  et  il  n'a  pas  agi  autre- 
ment en  politique.  11  a  ajouté  à  ce  manque  d'honnêteté  le  ridicule  d'être  dupé.  La 
politique  de  François  I"''  tourne  autour  de  Milan  ;  nous  considérons  cela  comme 
une  sottise  ;  les  contemporains  ne  pensaient  point  comme  nous.  Les  luttes  religieuses 


d'HISTOIIUC    et    de   LITTERATURE  I  79 

retardaient  la  formation  des  nationalités;  la  conception  féodale  de  la  propriété  per- 
sistait encore  dans  l'idée  du  pouvoir  royal.  Cela  explique  Milan.  Si  pourtant  le 
connétable  avait  conçu  une  politique  dirigée  vers  l'Artois,  il  eût  fait  preuve  de  péné- 
tration; mais  M.  D.  n'apporte  pas  les  preuves.  En  résumé,  il  y  a  beaucoup  à  pren- 
dre dans  cette  thèse.  On  y  trouve  beaucoup  de  détails  d'administration  et  de  gouver- 
nement, les  éléments  d'un  jugement  sur  le  roi.  Mais  une  biographie  doit  éclairer 
l'histoire  générale.  M.  D.  a  été  trop  timide;  il  essaie  parfois  de  conclure,  sans  y 
réussir.  Bien  des  personnages  ressemblent  à  Montmorency  ;  il  est  soldat,  ingénieur, 
comptable  ;  dès  sa  vingtième  année  il  voyage  et  fait  de  la  diplomatie;  il  est  adminis- 
trateur et  financier.  C'est  le  caractère  universel  qui  marque  ses  contemporains,  les 
artistes,  les  peintres,  les  sculpteurs,  les  architectes.  Si  le  xvi"  siècle  n'est  pas  le  siè- 
cle des  grands  caractères,  c'est  le  siècle  des  esprits  larges,  et  c'est  par  là  que  Mont- 
morency se  rattache  à  son  siècle. 

M.  GefFroy  trouve  qu'il  est  difficile  de  s'intéresser  à  cette  thèse,  sauf  pour  ceux 
qui  s'intéressent  aux  réalités;  mais  il  eût  été  plus  facile  d'intéresser  le  lecteur  en 
comprenant  dans  cette  biographie  la  deuxième  partie  de  la  vie  de  Montmorency  et 
en  montrant  en  lui  l'homme  de  la  Renaissance,  qui  a  réuni  ou  inspiré  tant  de  mer- 
veilles artistiques  dont  M.  GefFroy  fait  une  sommaire  énumération. 


CHRONIQUE 


FR\l>iCE.  — Une  bi-ochure  sur  Renaudot. — Au  sujet  de  la  pose,  sur  une  des  maisons 
du  quai  du  Marché-Neuf,  par  la  commission  officielle  des  Inscriptions  parisiennes,  de 
quatre  lignes  destinées  à  rappeler  la  fondation  (i63i)  du  premier  journal  imprimé 
à  Paris,  M.  Eugène  Hatim  a  publié  une  curieuse  brochure  intitulée  :  La  maison  du 
Grand  Coq  et  le  Bureau  d'adresse,  berceau  de  noire  premier  Journal  :  La  Ga^ietie, 
du  Mont-de-Piété,  du  Dispensaire  et  autres  «  innocentes  inventions  »  de  Theo- 
PHRASTE  Remaudot,  Conseiller,  Médecin  ordinaire  et  historiographe  de  Louis  XIII, 
Commissaire  général  des  pauvres  du  royaume.  Maître  et  intendant  général  des  Bu- 
reaux d'adresse  (Paris,  Champion,  i885,  in-i8  de  71  p.).  Voici  les  divers  paragra- 
phes de  la  brochure  :  Raison  de  cette  notice,  —  Théophraste  Renaudot.  —  La  mai- 
son du  Grand-Coq.  —  Le  Bureau  d'adresse.  —  La  Ga:{ette.  —  Les  Petites-Affiches. 
—  La  première  Académie  des  sciences.  —  Le  Mont-de-Piété.  —  Le  Dispensaire.  — 
Tribulations  de  Renaudot.  —  Sa  fin.  —  Post-Scriptum.  M.  Hatin  a  voulu  suppléer 
aux  omissions  de  l'inscription  commémorative  adoptée  sur  la  proposition  de  M.  Ju- 
les Cousin,  et  profiter  de  l'occasion  pour  «  faire  pénétrer  dans  le  public  parisien  la 
vérité  touchant  les  origines  de  la  Galette  et  son  fondateur,  sur  lesquels  semble  pe- 
ser une  invincible  fatalité,  n  Cette  vérité,  ajoute-t-il,  il  n'a  cessé  «  depuis  trente  ans 
de  la  crier  par  dessus  les  toits  «;  mais  sa  voix  n'a  pas  été  entendue,  «  et  les  chro- 
niqueurs, voire  même  des  écrivains  sérieux,  ont  continué  bravement  à  broder  sur  le 
père  des  journalistes  français  et  sur  son  œuvre  les  fantaisies  les  plus  abracadabran- 
tes. »  M.  Hatin  prétend  qu'à  la  suite  de  la  pose  de  l'inscription  du  quai  du  Marché- 
Neuf,  il  y  a  eu  dans  les  journaux  un  «  étalage  éhonté  d'ignorance  n  au  sujet  de  Re- 
naudot. Puisse  sa  brochure,  écrite  avec  beaucoup  de  verve,  vulgariser  les  divei-s 
mérites  de  son  héros!  Cette  brochure  est,  du  reste,  un  résumé  du  volume  dont  il  a 
été  rendu  compte  ici,  l'an  dernier  [Théophraste  Renaudot  et  ses  innocentes  inven- 
tions, i883),  de  même  que  les  très  piquantes  notes  des  pages  33  et  66  sont  le  ré- 
sumé d'une  plaquette  qui  déborde  de  spirituelle  malice  et  qui  a  pour  titre  :  A  pro- 
pos de  Théophraste  Renaudot,  L'histoire,  la  Fantaisie  et  la  Fatalité  (1884,  in-8°). 

—  T.  DE  L. 


l80  REVUE    CUITIQUE    d'kISTOIRE   KT    DY.    LITTERATURE 

ACADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  28  août  188^. 

M.  Desjardins  appelle  l'attention  de  l'Académie  sur  une  série  assez  nombreuse 
d'inscriptions  qui  ont  été  découvertes  récemment  à  Aire-sur-1'Adour  (Attira).  On  y 
remarque  un  certain  nombre  de  dédicaces  à  un  dieu  local  dont  le  nom  n'était  pas 
encore  connu,  iUi;7;-s  Lelhunniis.Cis  monuments  viennent  d'être  décrits  par  M.  Emile 
Taillebois,  dans  une  brochure  intitulée:  le  Temple  de Lelhunniis  à  Aire-sur-l'Adoiir 
et  Ids  inscriyiioHS  attivienncs  (extrait  du  Bulletin  de  la  Société  de  Borda). 

M.  Delociic  lit  un  mémoire  sur  les  monnaies  d'or  du  roi  Théodebert  l^^.  Ces 
nionnaies  nous  sont  parvenues  ea  très  grand  nombre,  tandis  qu'on  ne  possède  que 
très  peu  de  pièces  frappées  par  les  deux  autres  rois  l'ranes  qui  régnaient,  en  même 
temps  que  Théodebert,  sur  les  autres  parties  de  la  Gaule,  Chiidebert  I'^''  et  Clo- 
taire  1".  De  plas,  ces  deux  princes  imitaient  la  monnaie  romaine  et  faisaient  ins- 
crire sur  les  pièces  frappées  dans  leurs  Etats  le  nom  de  l'empereur  de  Constantino- 
ple;  les  pièces  de  Théodebert,  au  contraire,  portent  son  nom.  Enfin  les  pièces  d'i- 
mitation romaine  fabriquées  dans  les  royaumes  de  Chiidebert  et  de  Cloiaire  sont  de 
bas  titre  et  de  faible  poids,  tandis  que  le's  sous  d'or  de  Théodebert  ont  le  titre  et  le 
poids  légal.  Certains  savants  ont  prétendu  que  Justinien,  par  une  concession  spéciale, 
avait  accordé  à  Théodebert  le  droit  de  battre  monnaie;  d'autres  ont  dit  que  le  roi 
franc,  indigné  de  l'insulte  que  l'empereur  byzantin  avait  faite  aux  Francs  en  ajou- 
tant à  ses  titres  officiels  celui  de  Franciscus,  avait  voulu  protester  et  affirmer  sa 
souveraineté  par  l'émission  d'une  monnaie  à  son  nom.  Ce  sont  la  des  conjectures 
que  rien  n'appuie  et  qui  ne  suffisent  pas  à  rendre  compte  des  faits  signalés  par 
M.  Deloche.  Il  pense  que  l'explication  de  ces  faits  doit  être  cherchée  dans  une  cir- 
constance matérielle  :  si  Théodebert  a  frappé  plus  de  pièces  d'or  que  les  autres 
princes  francs,  c'est  qu'il  a  possédé  plus  d'or.  Grégoire  de  Tours,  en  effet,  men- 
tionne plusieurs  expéditions  heureuses  qu'il  fit  en  Italie,  et  d'où  il  rapporta  chaque 
année  un  énorme  butin.  Maître  d'une  grande  quantité  de  m.étal  précieux,  il  en  pro- 
fita, non  seulement  pour  faire  frapper  beaucoup  de  monnaie,  mais  encore  pour  la 
faire  de  bon  aloi  et  de  bon  poids.  Il  ne  voulut  pas  alors  que  cette  bonne  monnaie 
pût  être  confondue  avec  les  pièces  de  faible  valeur,  frappées  au  nom  de  l'empereur 
par  Chiidebert  et  Clotaire  :  et  c'est  pourquoi  il  prit  soin  de  les  en  distinguer  exté- 
rieurement, en  y  mettant  son  nom. 

M.  Bréal  présente  des  considérations  sur  le  sens  et  l'étymologie  de  quelques  mots 
des  langues  anciennes. 

1°  Asigtiae  est  un  vieux  mot  latin  qu'une  glose  explique  par  le  grec  /.péa  [xzpi'Qé- 
[J.îva,  des  chairs  découpées.  Selon  M.  Bréal,  ce  mot  est  un  de  ces  anciens  participes 
passés  en  nus  dont  on  trouve  encore  la  trace  dans  des  adjectifs  comme  plenus,  dig- 
nus,  ou  dans  des  noms  comme  regmim  et  donuni.  il  vient  de  la  racine  de  secare. 
L'a  initial  représente  la  préposition  osque  au,  qui  est  l'équivalent  du  latin  in.  Le 
mot  a  donc  été  emprunté  à  Tosque.  Il  répond,  pour  l'étymologie  comme  pour  le 
sens,  au  latin  insiciae. 

2°  Dans  mortuus,  on  n'a  pas  expliqué  encore  la  terminaison  uus;  le  participe  de 
mo?-/or  devrait  être  régulièrement  v.ortus.  M.  Bréal  attribue  l'addition  d'un  u  à  l'a- 
nalogie de  vivus.  C'est  une  tendance  commuiie,  dans  toutes  les  langues,  de  vouloir 
que  les  mots  qui  ont  une  signification  opposée  aient  une  forme  analogue.  Ainsi,  en 
français,  on  a  été  amené  à  créer  l'adjectif  méridional,  au  lieu  de  '.r.éridial,  par  l'ana- 
logie de  l'adjectif  opposé  septentrional . 

3"  Qu&o.  On  n'a  pas  donné  d'étymologie  satisfaisante  de  ce  verbe.  M.  Bréal  y 
voit  un  dérivé  populaire  de  l'adverbe  qui,  qui  signifie  comment,  par  quel  moyen. 

4°  Suppcdito  vient,  selon  M.  Bréal,  de  pedcs,  fantassin.  Il  se  dit  proprement  de 
l'assistance  que  prêtent  aux  cavaliers,  en  guerre,  les  hommes  de  pied  qui  les  accom- 
pagnent. 

b"  On  a  cherché  vainement  jusqu'ici,  dans  la  langue  grecque,  l'équivalent  étymo- 
logique du  latin  regere  :  M.  Bréal  le  trouve  dans  ào'/o).  Il  y  a  eu  métathèse  de  la 
voyelle  et  de  la  consonne  au  commencement  du  mot,  comme  dans  àpzaLto,  com- 
paré au  latin  rapio. 

6°  On  a  trouvé  à  Herculanum  une  inscription  osque  qui,  si  l'on  transcrit  en  let- 
tres latines  les  lettres  de  l'alphabet  osque,  se  lit  ainsi  : 

L-^LABliS-L-AVKIL-MEDDlSS.TVVTIKS 
HERENTATEI-HERVKINAI-PRVFFED 
ce  que  tout  le  monde  s'accorde  à  traduire  en  latin  :  L.  Slavius  Luci  filius  Aucilius 
magistratus  publicus  Veneri  Erycinae  probavit.  M.  Bréal  refuse  d'admettre  qu'il 
soit  question  dans  ce  texte  de  Vénus  Erycine.  Il  pense  que  ravant-der4iier  mot  est 
abrégé  et  doit  se  lire  Herukinaiom,  que  celui  qui  le  précède  signifie  volonté  et  par 
suite  résolution,  décret,  et  il  propose  de  traduire  :  L.  Slavius  Luci  filius  Aucilius 
magistratus  publicus  dccrcto  Herculanensium  probavit .  Julien  Havet. 

Le  Propriétaire-Gérant  :   ï'AilW.'à'ï   L.I-ùi.-<Ol'|_^2 

l.r.   ruv.   in:;)c.nV7,''  /le  /i/.>f  rv.  .v<;<.f   r.'/i,  bot;lfvara   Sair,t~L.aui-cnt,  ai. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N"  37  —  14  septembre  —  1885 


Soi»uiairc  s  iSg.  Madvig,  Adversaria  critica,  m  et  Tite  Live,  xxxi-xxxv.  — 
ibo.  GoDEFROY,  Dictionnaire  de  l'ancienne  langue  française,  lettre  F.  —  i6i. 
Rahlenbeck,  Metz  et  Thionville  sous  Cliailes-Q.uint.  —  162.  Des  Robert,  Corres- 
pondance de  Nicolas-François  de  Lorraine.  —  i63.  Schuchhardt,  Slavo-allemand 
et  slavo-italien.  —  Variétés  :  Lehugeur,  La  traduction  de  Perse  et  les  exemples 
attribués  à  Bossuet  par  M.  Ménard.  —  Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions. 


i5a.  —  Jo.  Nie.  Madvigii,  professoris  nuper  Hauniensis,  Atîversai-îoi-um  cvi- 
ticorum  ad  sci-iptores  gi"a;cos  et  lislinos^  voluinen  tertium,  novas  emen- 
dationes  grœcas  et  latinas  continens.  Haunise,  Gyidendal,  1S84,  280  p.   in-8. 

—  T.  Livii.  SSîstoi-îarum  i>omunai-uiii  libi-i  tsuî  &upei-s«nt,  ex  reccn- 
sione  Jo.  Nie.  Madvigii,  iterum  ediderunt  Jo.  Nie.  Madvigius  et  Jo.  L.  Ussingius, 
Vol.  III,  pars  I  (livres  xxxi-xxxvj.  Hauniœ.  Gykiendal,  18S4,  xvii-222  p.  in-8. 

I.  —  Ni  Page  ni  la  cécité  n'ont  pu  arrêter  les  travaux  de  Madvig.  Il 
continue  à  se  livrer  avec  la  même  ardeur,  la  même  autorité  à  ses  études  sur 
les  auteurs  anciens.  Le  tome  troisième  des  Adversaria  critica  est  une 
nouvelle  preuve  de  sa  vigueur  d'esprit.  Ce  livre  fait  suite  à  deux  volu- 
mes bien  connus  de  tous  les  philologues,  consacrés  l'un  aux  auteurs 
grecs,  l'autre  aux  auteurs  latins,  et  dont  Charles  Thurot  a  rendu  compte 
dans  deux  articles  ■.  Il  contient  des  corrections  au  texte  des  auteurs 
suivants":  Auteurs  grecs:  Homère  (Iliade),  Sophocle  fAJaxJ  Euri- 
pide (Ion),  Hérodote,  Démosthène,  Athénée  (beaucoup  de  corrections 
portent  sur  les  fragments  cités  par  Athénée),  Appien,  Dion  Cassius, 
Hérodien;  Auteurs  latins  :  Cicéron,  Cornélius  Népos,  Sénèque  le 
Philosophe,  Pline  TAncien,  Quintilien,  Pline  le  Jeune,  Tacite, 
Suétone,  Juvénal,  Florus,  Macrobe,  Ammien  Marcellin,  Rutilius 
Lupus,  Julius  Rufinianus,  Festus. 

Naturellement  toutes  les  corrections  que  propose  Madvig  ne  sont  pas 
à  adopter:  celles  qui  portent  sur  des  textes  latins  et  surtout  des  textes 
de  prosateurs  sont  plus  généralement  excellentes.  Mais  presque  partout 
la  discussion  précise  et  serrée  de  l'auteur  prouve  que  là  où  il  a  cherché 
un  remède,  qu'il  l'ait  ou  non  trouvé,  le  mal  existe  réellement.  La  ri- 
gueur et  la  pénétration  sont  les  principales  qualités  d'esprit  du  savant 
danois. 

Un  assez  grand  nombre  des  conjectures  comprises  dans  ce  volume 
avaient  déjà  été  proposées  par  divers  philologues.  On  pourrait  s'en  éton- 


i.  Revue  critique,  1872,  I,  p.  53  et  suiv.   1874,  I.  p.  49  et  suiv. 
2.  On  a  mis  en  italiques  les  noms  des  auteurs  sur  lesquels  il  y  a  le  plus  grand 
nombre  d'observations. 

Nouvelle  série,  XX.  37 


l82  KEVUE    CniTIQUE 

ncr,  si  Ton  ne  savait,  par  Madvig  lui-même,  que  beaucoup  de  livres  lui 
ont  fait  défaut.  Par  exemple  dans  Sophocle,  Ajax,  v.  969  :  touo'  h'  è^- 
YîXwsv  Meineke ;  (il  vaudrait  mieux  d'ailleurs,  comme  l'a  fait  M.  Tour- 
nier,  admettre  dans  le  texte  toiojo'  èY^eXtoîv  où  lO'.'fSo  paraît  avoir  été  la 
leçon  primitive  du  Laurentianus];  v.  11 12.  ci  tôOcj  t.^'ïù^ou  rXkù  Mor- 
stadt  ;  V.   1281.  eu  c7j  [xr,,  Jî-Tiva'.  z.zt'\.J.  Kraiiss. 

Il  serait  trop  long  de  discuter  une  à  une  les  observations  de  l'auteur  ; 
il  serait  sans  intérêt  de  n'en  examiner  que  quelques-unes.  Bornons- 
nous  à  constater  la  grande  valeur  de  cette  nouvelle  contribution  du 
premier  latiniste  de  notre  temps, 

II.  — On  sait  que  Madvig  a  consacré  une  grande  partie  de  sa  vie  à  la 
publication  de  ce  qui  nous  reste  de  Tite-Live.  11  a  été  rendu  compte  ici 
même  '  de  la  nouvelle  édition  des  livres  xxi-xxv.  Le  volume  que 
nous  annonçons  est  une  nouvelle  édition  des  livres  xxxi-xxxv  (la  pre- 
mière avait  paru  en  1864). 

On  sait  que,  pour  les  livres  xxxr,  xxxii  et  xxxiii  jusqu'au  §duchap.  17 
le  principal  manuscrit  est  le  codex  Bambergensis;  (B)  (ce  manuscrit 
finit  avec  le  ch.  xlvi  du  livre  xxxviii);  à  partir  du  chap.  xvii  §  6  du  livre 
xxxHi  (jusqu'à  la  fin  du  livre  xl),  il  y  a,  outre  B,  une  autre  source  du 
texte,  à  savoir  le  Mog-2m/mzi5  (M),  manuscrit  aujourd'hui  perdu,  mais 
d'après  lequel  a  été  établi  le  texte  de  Mayence  (M  éd.)  de  i5i8  Madvig. 
croit  qu'en  cas  de  désaccord  entre  B  et  M,  c'est  plutôt  M  qu'il  faut  sui- 
vre; il  semble  même  accorder  aujourd'hui  plus  d'autorité  à  M  qu'il 
qu'il  n'avait  fait  jusqu'ici. 

Une  introduction  critique,  dont  la  disposition  manque  un  peu  de 
clarté,  contient  l'indication  des  passages  où  le  texte  de  Madvig  s'écarte 
de  celui  de  Weissenborn  (3"  éd.  [revue  par  H.  J.  MùllerJ  pour  les  li- 
vres xxxT-xxxix,  2"  éd.  pour  le  xxxv'=).  La  nouvelle  édition  présente  pour 
le  texte  un  assez  grand  nombre  de  différences  avec  celle  qui  avait  pré- 
cédé. En  voici  une  liste,  aussi  complète  que  possible  : 

Texte  de  1864.  Texte  de   1884- 

xxxi.     12,  6.  Lanuvii  templo;  Lanuvii   <in>    templo   (Wesen- 

berg)\ 

18,  5.  auroargentoqucqUcT      a^'>-o>  argcnto,  quœque  coacervata 
coacervataerant,  accepto  :  ^r^^^it  accepto  (L.  Harant). 

24,  ii.expleturum;  <iram>  expkturum  (Madvig). 

2(y,  I  3    non  tam  ira  satiata  ;      "O"  tam  ira  satiata  <erat>  (Sies- 

bye). 

27,  5.  Codrionem;  Codrione  {Harait). 

36,  6.  Ottolobum;  Octolophum  (leçon  de    plusieurs 

mss.). 

44,  [ .  Malea  superata  ;  Malco  superato  (mss.) . 

48,  6.  Suisqueauspiciis;  suis  quis  auspiciis  (mss.    et  Ha- 

rant). 


1.  Noyez  l'articic  cic  M.  Riemaan.  !883.  U.  p.  .\'6b  et  suiv, 


0  Mli,T01Uh    Ki     UL    LilîEKAÏURE 


i83 


49,2.  millia  mille  quingenta; 
:h.  4,  4.  Thessalias,  atque  tran- 
seunti  : 
I  r,  6.  ut  averteret  rem; 
26,  9.  quœ    acta   futuraque 

erant; 
2g,  2  ^sulœ; 
ciir.  6,  12  noctis  simiilima  ; 
j8.  12.  super    ripam  (  [quij 
tenui  tum  aqua  interflue- 
baî  torrens), 

23,  7.  duplex  equiti  centu- 

rionique; 
3o,  ii.Lemnum.Imbrum; 
44,  4.   quod  Hispania  mo- 

visset,   bellum  negligi; 
KiY.  1,3.  nec  vestimento; 

2,  2.  non  domuimus; 
2,  II.  foroquoque; 
2,  12.   [aliam]  legem  abro- 
gandam  ; 

2,  I  3.  nisi  vos  facietis; 

3,  2.  etextorquereet  aequari; 

4,  3.  quo  melior...  fortuna 
rei  publicae  est,  impe- 
riumque  crescit  ; 

5,  2.  vir gravissimus; 

11,  2.  praesidium  Romanus 
misisset; 

12,  6.  expediri  jussit; 
21,1.  Vergium; 


27,1.  vires  suas  hostiumque 

sestimanti  ; 
2y,  5.  jubet  Lacedsemonios  ; 
29,  ii.isquum  supercilis; 

32,  3.  nihil esse; 

35,4.  privatumeduceretur; 
si  qua  anteeducta  forent, 
dominis  recte  restitueren- 

tur; 


millia  mille  quingentos.  (Madvig,) 
Thessaliaî   ;       itaque      transeunti 

(Madvig). 
ut  averteret  regem  (Harant). 
quae  factas  futuraque  erant  (Lent{). 

/Efulse  'Hiibner). 
nocti  simiilima  (Kreyssig). 
super  ripam,  qui  tenui  tum  aqua 
interfluebat,     torrenlis    (Madvig^ 
d'après  des  mss.) 

duplex  centurion!,  triplex  equiti. 
(Duker.) 

Parum,  Imbrum  (M.  éd.) 

quod  Hispania  movisset  bellum, 
negligi  (Madvig). 

neu  vestimento  (leçon  de  M,  à  ce 
Qu'il  semble). 

non  compescuimus  (Madvig) 

foro  prope  (M). 

quam  legem  abrogandam  (Ha- 
rant) . 

nisi  vos  feceritis  (M). 

et  extorquere  et  exasquari  (M) 

quo  melior... fortuna  reipublicae est, 
quo  magis  imperium  crescit  (M). 

vir  clarissimus  (M). 

prœsidio  Romanus  miles  esset  (M) 

expediri  [jussit]  (Peri:{onius). 

Bergium  (Hertz)  de  même  plus  bas 
§  2  Bej'gestanus  au  lieu  de  Ver- 
gestanus). 

vere  suas  hostiumque  aestimanti 
vires  (Mj. 

jussit  Lacedasmonios  (M). 

is  quum  <Cin>  supercilio  (Wesen- 
berg). 

nihil  est  (Hert^). 

privatum  educeretur;  sine  dolo 
malo,  si  qua  publiée  aut  priva- 
tim  ante  educta  forent,  dominis 
[recte]  reslituerentur.  (C'est  le 
texte  de  M.  sauf  les  crochets). 


184  RKVUE 

36,  3.  omiiem  oramMaleae; 

36,  3.  civitatium  earum  [ad] 

supplementum  ; 
36,  4.  vanis  ut  ad  ceteram  ; 
40,  4.  deducta  est  res; 
44,  8.  indicio  consciorum; 
46,  4.  locis  apertis; 
49,  2.  ruina  gravissima  ci- 

vitatis; 
49,  8  effrenatam  et  praecipi- 

tem  esse, 
xvxv.    10,  5  et  quo  major 

29,  2.  praeerat.   [CretensesJ 

et  hostium. 
3i,  i3.  partim  assensu,  par- 

tim  indignatione; 
32,  2.  redierat  indeque  Me- 

nippum  ; 
32,  6.  abscisa  res  erat; 
34,4.  ^toli  consiliumyuno 

die  spei; 
38,  14.  unde  venerat,  repe- 
tit; 
41,6.  sors  duplex; 
5o,   II.   Delium    convertit, 

[utj  inde; 
5i,  To.  Quum  id,  quod  ca- 

put  erat,  Eubœae  teneret 

rex; 


CRHIQUE 

omnem  oram  a  Maleo  (H.  J.  MtiU 

1er). 
sans  crochets. 

vanis  sicut  ad  ceteram  (M). 

deducta  res  est  (M). 

indicio  sociorum  (M). 

locis  idoneis  (M) 

rnina   gravissimae  civitatis    (niss. 

récents), 
[effrenatam    et]    priccipitem    esse 

(Madvig). 
sed  quo  majos  (Drakenborch) 

sans  crochets. 

partim  assensum,  partim  indigna- 

tionem  (mss.  récents), 
redierat      inde  ,      Menippumqu(| 

(Drakenborch^  Harant). 
abscisa  spes  erat  (DiikerJ. 
..Etoli  consilium    non   dico    <fei 

sed^'  spei;  (Madvig).  | 

unde  venerat,    repetiit    (Wesen- 

berg). 
sors  duae. 
sans  crochets. 

quum  id,  quod  caput  erat  Eubœae| 
teneret  rex. 


Cette  liste  prouve  suffisamment  l'importance  de  la  nouvelle  édition 
elle  est  indispensable  à  qui  voudra  s'occuper  de  la4''  décade  de  Tite-Livell 

Il  est  permis  de  regretter  que  Madvig  tienne  à  conserver  pour  queli 
ques  mots  une  orthographe  peu  autorisée:  intelligo  (pour  intellego]jOn 
tout  à  fait  incorrecte  :  qiiuin  (pour  ciim].  Certes  c'est  là  une  questioi; 
secondaire;  mais  la  rigueur  scientifique  consiste  à  ne  rien  négliger,  etîB 
Torthographe  est  chose  de  peu  d'importance,  c'est  une  raison  de  pluj 
pour  ne  pas  se  refuser  aux  modifications  qui  semblent  nécessaires. 

A.  M.  Desrousseaux. 


I*! 

m 


d'histoire  et  de  littérature  i85 

i5o.  La  Lettre  F  du  Dietîonuaii>e  <le  l'Ancienne  Langue  française, 

par  F.  GoDEFROY,  pp.  Vieweg.  Paris,  1884.  Prix  :  20  fr. 

S'il  m'était  venu,  il  y  a  trente  ans,  l'idée  d'entreprendre  ce  travail 
d'enfer  qu'on  appelle  un  Dictionnaire  de  l'ancienne  langue  française, 
voici  en  quelques  mots  comment  je  m'y  serais  pris.  J'aurais  commencé 
par  dresser  une  liste  bien  choisie  d'environ  trois  mille  volumes  du  xi''  au 
xvi"'  siècle,  que  je  me  serais  attaché  à  dépouiller  scrupuleusement,  sans  y 
rien  omettre  ni  laisser  qui  intéressât  notre  vieille  langue.  C'eût  été  là 
une  besogne  largement  suffisante  à  occuper  plus  de  la  moitié  d'une 
longue  vie;  après  quoi,  j'aurais  classé  mes  notes  et  livré  ma  récolte  à 
l'impression.  Afin  que  les  lexicographes  futurs  ne  perdissent  point  leur 
temps  à  revenir  sur  ces  ouvrages  et  portassent  ailleurs  leurs  recherches, 
l'aurais  donné,  au  commencement  ou  à  la  fin  de  mon  Recueil  de  vieux 
mots,  le  titre  des  volumes  dépouillés  par  moi,  le  nom  des  auteurs  avec 
la  date  des  éditions,  aussi  exactement  que  possible.  Il  va  sans  dire  que 
ce  travail  n'aurait  pu  porter  le  titre  de  Dictionnaire  de  r Ancienne 
Langue  française  avec  tous  ses  Dialectes,  mais  c'eût  été  la  base 
solide  d'un  monument  que  d'autres  auraient  achevé  plus  tard. 

Il  semble  que  tout  d'abord  M.  Godefroy  se  soit  aussi  fait  un  plan,  et 
qu'il  ait  voulu  se  borner;  mais  il  n'a  pas  tardé,  au  grand  préjudice  de 
son  œuvre,  à  s'affranchir  des  limites  déjà  trop  étendues  qu'il  s'était  tra- 
cées. C'est  ce  qui  ressort  nettement  de  la  préface  qu'il  a  mise  en  tête  du 
troisième  volume  de  son  Dictionnaire.  On  peut  dire  qu'il  s'est  précipité 
lans  un  vaste  champ  où  il  a  moissonné  à  la  hâte  et  à  pleines  mains,  il 
;st  vrai,  mais  non  sans  laisser  beaucoup  de  belles  et  grosses  gerbes  à 
'aire  derrière  lui.  J'en  parle  savamment,  puisque  dépouillant  après  lui, 
3ar  curiosité,  certains  ouvrages  très  connus  qu'il  cite,  j'y  trouve  bon 
lombre  de  mots  omis,  et  quelques-uns  qui  ne  sont  pas  rares  du  tout, 
le  ne  ferai  pas  à  M.  G.  l'injure  de  le  comparer  à  ses  devanciers  ;  il  v  a 
Tiême  plaisir  à  répéter  que  ce  n'a  pas  été  faire  de  son  Dictionnaire  un 
rop  grand  éloge  que  de  l'appeler  «  un  merveilleux  instrument  de  tra- 
vail, un  répertoire  incomparable  »,  mais  l'œuvre  est  encore  loin  d'être 
)arfaite,  et  à  mesure  qu'elle  se  développe,  qu'elle  s'étend,  on  en  aperçoit 
nieux  les  lacunes.  C'est  que  les  richesses  de  notre  vieil  idiome  sont 
vraiment  infinies,  et  qu'il  est  impossible  à  un  homme  seul,  si  laborieux, 
li  infatigable  qu'il  soit,  eût-il  trois  ou  quatre  collaborateurs  dévoués, 
l'en  faire  le  catalogue  complet.  Si  l'on  disait  à  M.  G.  qu'il  manque  au 
"noins  quinze  cents  mots,  et  je  ne  parle  pas  des  mots  savants  du  xvi^  siè- 
:1e,  à  la  lettre  E  de  son  Dictionnaire,  il  serait  peut-être  surpris,  et 
pourtant  rien  n'est  plus  exact.  Je  dirai  plus  :  si  je  pouvai,s  pendant  un 
in  ou  deux  fouiller  dans  une  bibliothèque  que  je  sais  bien,  il  n'est  pas 
iouteux  que  ce  nombre  ne  finît  par  être  doublé. 

Je  passe  maintenant  à  l'examen  de  la  lettre  F.  On  n'y  trouvera  pas  les 
mots  suivants  en  usage  du  xii^  au  xiv^  siècle  -.fronciné,  qui  est  delà  nature 
de  la  fronciné,  Jlavis,  tromperie  au  jeu,  faillue,  manque,  foueresse, 


l86  REVUIC    CRITIQUE 

fuiierasse,  fouage,  foiirmal,  qui  iavmt,  flair ison,  semeur ^felonisme- 
ment,  superlatif  adv.  de  félon, /Wc/ze/^e,  diminutif  de  ïnc\\Q,Jîament, 
monnaie  de  Flandre,  fiobart,  petit  vaisseau,  fausoir,  le  même  que 
faussart^Javée,  plant  de  iè\'cs,fauvoier,  tromper,  filoper,  découper  en 
tranches  longues  et  m'mccs,  fierons,  sauvage,  fierté  etfreniete,  pièces 
d'une  horloge, /aî/55o;-,  fausseté, /o/o/er,  s.  masc,  acte  de  iou,  flct  et 
flondre,  machines  de  gUQrvziJrigalle,  mot  qui  dans  un  passage  semble 
désigner  quelque  morceau  recherché,  et  dans  un  autre  a  le  sens  de 
bombance; /ore^cAe,  écarté,  ./l'/zoz;/,  fenaison,  fînant,  caduc,  périssa- 
ble, fleurdelis,  sorte  de  pâtisserie,  fonncnture,  tare,  Jorploîer^ 
etc. 

Les  mots  du  xiv«  au  xvi^  siècle  qui  manquent  sont  beaucoup  plus 
nombreux,  je  n'en  citerai  qu'un  nombre  assez  restreint,  et  ceux-là  sur- 
tout, à  quelques  exceptions  près,  qui  appartiennent  à  la  langue  popu- 
laire :  fourfe,  phorphe,  fourfe,  furfure^  pellicule,  croûte  farineuse  qui 
vient  à  la  tête  ou  au  visage;  feinte,  nom  d'un  arbuste  difricile  à  déter- 
miner (n'a  rien  de  commun  q.\ te  feinte  =:  ^oisson)-^  ferissure^Jardeiire , 
fluste,  petite  \3,i\vùïo\Q,flamusse,  espèce  de  pâtisserie, ^a^or;zez/x,  adj., 
flattice,  flambissant^  fondibidaire,  fesque,  civière  ou  peut-être  petite 
brouette;  /ormf/zer,  adj.,  qui  démange,  fastigieux,  dégoûté, /re/zf, 
pauvre  diable,  furtineux^  fondraille^  flevee  et  fleiifvée,  cours  d'eau, 
frascher^  hnsQV ,  Jaiirain,  encadrement  ou  rebord  d'une  fenêtre?,  foyer^ 
appuyer,  favoriser; /azïereazf,  fin,  rusé,  /eofz'er,  vassal,  filleau,  de  fil  Je 
fhabillemens  filleaiilx) ;  falloise,  ancien  terme  usité  chez  les  marins 
qui  désignaient  par  ce  mot  Tendroit  où  le  soleil  se  couche;  frangeon^ 
fenaille,  f alleux,  qui  a  une  grosse  falle;  fars,  hachis  dont  Dupin  nous 
donne  la  recette  dans  sa  Description  des  Deux-Sèvres;  franche-pute^ 
alimon,  plante  delà  famille  des  arroches,  alias  blanche-pute,  qui  man- 
que aussi  à  la  lettre  E-^fleurtiser,  conter  fleurettes,  fritier,  qui  sert  à 
frire,  etfrigoloire,  poêle  àini-e-^flateux,  qui  abat,  cngourdh,  fluterie^ 
fallacité,  fineté,  fin,  fremillement,  mot  assurément  ancien,  quoique  je 
ne  l'aie  rencontré  qu'en  plein  xvii^  siècle.  Quand  on  admet  fulgor,  ful- 
gure  et  fulminaîion,  il  n'y  a  pas  de  raison  pour  rejeter  fulgurin  et 
fulgurateur.  Fracassis,  faitilier,  vaurien,  foui onne,  injustice,  oppres- 
sion,/br^er^^^e,  fideau,  viande  hachée  menue,  firuticineuXjfiemmage, 
nom  collectif,  les  femmes,  fetisse,  qui  a  mis  bas,  fil ipende,  synonyme 
du  moderne  filipendule,  fustier,  fiitier,  fes'der,  de  bois  et  qui  sert  à 
allumer  le  bois  (pierre  futiere)  ;fainier,  qui  se  nourrit  de  faîne, /oz//, 
droit  de  pâturage  (de foui  qui  est  le  contraire  de  ce  mot  n'est  pas  non 
plus  dans  le  Dictionnaire),  foulloyer,  faire  \>àiuvev,  fatible,  avouable, 
febé,  qui  mérite  un  ample  historique,  etc.,  tous  ces  mots  ont  échappé 
aux  recherches  de  M.  Godefroy. 

J'ai  noté  quelques  mots  suivis  d'un  seul  exemple  dont  il  aurait  été 
facile  de  fortifier  l'historique,  tels  que,  fieffé,  fixion,  faucquier,fromen- 
taire,  femininenient,  farcissenient,  Jarçisseiire,  Jorchement  ou  foyi,rt 


d'histcir:-:  et  de  litiÉ!;  ".tltk  187 

chemcnt,  qui  est  encore  employé  comme  terme  technique  à  la  date  de 
1732.  Flestrissable,  foutellaye  foiitelloye  ne  sont  pas  non  plus  des 
termes  rares  jusqu'au  xvi"  siècle. 

Ce  qu'il  y  a  de  plus  délicat  et  de  plus  difficile  à  i'aire  dans  un  tel 
Dictionnaire,  c'est  de  distinguer  les  significations  multiples  des  mots, 
leurs  emplois  variés,  les  rôles  divers  qu'ils  ont  joués  à  travers  les  âges. 
M.  G.  y  met  toiue  son  attention,  y  emploie  toute  son  expérience,  et 
beaucoup  d'articles  ne  laissent  rien  à  désirer,  mais  nécessairement 
quelques-uns  sont  incomplets.  Ainsi  f ardeur  n'est  pas  seulement  subs- 
tantif, il  est  aussi  employé  comme  adjectif;  foisil,  outre  qu'il  signifie 
ornement  de  toilette,  désigne  encore  je  ne  sais  quel  ornement  d'archi- 
tecture. Fusile  a  signifié  qui  a  été  coulé  en  fonte,  faire,  attraper,  ;''<7zï, 
difficulté,  valeur,  importance,  favorable^  partial,  fondation^  raison, 
motif,  fritelle,  cvelon,  forneture,  accomplissement,  for jiig-ement,  juge- 
ment dernier,  fat,  fade  (dont  Littré  ne  donne  pas  d'exemple  au  sens  de 
«  malade  »),  fimereux,  qui  cause,  qui  sème  les  funérailles,  ^z/y/ew5, 
riche  en  cours  d'eau,  fraiidulence,  ruse,  Jloreter,  comm.encer  à  poindre, 
froteresse,  celle  qui  frotte,  qui  pile  (frotteresse  de  venin), /î/er,  four, 
place  publique  et  par  extension,  lieu,  endroit, /brçi^^/e,  celui  qui  force, 
qui  contraint  :  ces  acceptions  manquent  dans  le  Dictionnaire.  Ajoutons 
encore  que  fantasme  ou.  fantasme  se  rencontre  fréquemment  avec  le 
sens  de  notre  mot  fantaisie,  caprice,  et  flanchere,  avec  celui  de  garniture 
de  planches,  palissade.  Il  est  resté  aussi  dans  la  langue  moderne  beau- 
coup de  mots  dont  certaines  acceptions  ont  disparu.  Par  exemple,  bastard 
a  signifié  «  funeste,  lâche,  privé  de  »;  arable  a  eu  le  sens  de  «  qui  peut 
labourer  »,  dénommer,  celui  de  «  célébrer,  vanter  »  ;  amiral  a  eu  la 
valeur  de  «  brave,  splendide  »  ;  capituler,  de  «  tenir  chapitre  »  :  il  est 
tout  simple  que  ces  vocables  aient  leur  place  dans  un  Dictionnaire  du 
vieux  français,  surtout  si  leurs  acceptions  disparues  n'ont  pas  été  signa- 
lées dans  la  partie  historique  du  Dictionnaire  de  Littré.  Il  y  a  dans  la 
lettre  F  plus  d'un  mot  de  cette  sorte  qui  aurait  mérité  un  article  à  part. 
Ainsi  cet  emploi  du  mot  /of  :  «  laisser  son  héritier  lafoy  y,  c'est-à-dire 
léguer  ses  biens  à  l'Eglise,  était  digne  de  remarque.  On  ne  trouve  pas 
non  plus  fabrique  =  m.ensonge,  farder^  pris  absol.  nz  mentir,  figure 
=  moiistre,  terme  injurieux, ^oc/ze  :=z  vain,  incertain,  férocité  =  har- 
diesse, sens  dont  Littré  ne  donne  point  d'exemple,  fange  =  pus,  forli- 
gnement  =  '  action  de  s'égarer,  de  quitter  la  droite  voie,  etc. 

Il  est  difficile  dans  une  oeuvre  aussi  importante  de  ne  pas  faire  quel- 
ques erreurs.  Les  àeux  an'iclesfaillon  et  filon,  mots  qui  ont  !a  même 
valeur,  devraient  être  réunis  en  un  seul.  On  ne  sait  comment  M,  G.  a 
été  conduit  à  expliquer  le  premier  par  «  sillon  ».  C'est  chevon  qui  dans 
l'exemple  qu'il  cite  a  ce  sens.  Par  «  tenre  bonnot faillon  »,  il  faut  enien- 
dre  «  mes  chers,  mes  bons  petiîs  fils  »,  termes  caressants  qu'un  labou- 

I.  Ce  mot  est  dans  le  Dictionnaire,  mais  M.  G.  ne  donne  que  des  exempltjs  au 
sens  métaphoriqvie. 


l88  REVUE    CRITIQUE 

reur  adresse  uses  bœufs.  Dans  ce  passage  où  Didon  souhaite  que  le  corps 
du  pei"fide  Troyen  devienne, 

Démembré  sous  les  ondes, 

Charongneuse  pasture  aux  fouqucs  vagabondes, 

«  fouqiie  »,  est  expliqué  par  «  troupeau  »;  pourquoi  ne  pas  reconnaître 
ici  des  foulques,  ces  oiseaux  vagabonds  par  excellence?  Fricauderie  est 
une  mauvaise  lecture;  on  trouve  partout  fricanderie,  cfr.  fricandeau. 
Ces  quelques  erreurs  et  omissions  que  nous  signalons  à  M.  Godefroy 
ne  nous  empêchent  aucunement  de  reconnaître  toute  la  valeur  et  toute 
l'importance  de  son  travail.  Il  nous  eût  même  été  beaucoup  plus  facile 
de  faire  sur  ce  Dictionnaire  un  article  tout  admiratif  :  mais  il  n'aurait 
profité  ni  à  l'auteur,  ni  au  public. 

A.  Jacques. 


i6i. —  mietz  et  Xltîonvîlle  sous    diarles-Quînt,  par  Charles  Rahlenbeck. 

Bruxelles,  Weissenbach,  1882,   302  p.  In-8. 

Le  volume  de  M.  Rahlenbeck  est  intéressant  en  ce  qu'il  renouvelle, 
par  un  de  ses  côtés,  l'histoire  des  Trois-Evêchés  etdu-Luxembourg  vers 
le  milieu  du  xvi"  siècle.  Ce  n'est  pas  un  travail  d'ensemble  ;  Touvrage 
de  M.  R.  est  formé  par  une  série  de  monographies  et  d'études,  publiées 
à  des  époques  différentes  et  ne  se  rattachant  que  d'une  façon  toute  géné- 
rale l'une  à  l'autre.  Nous  avons  rendu  compte  autrefois  ici-même,  de  la 
première  de  ces  études,  La  mission  du  conseiller  Boisot  à  Met-{,  chargé 
en  octobre  iS^3,  de  forcer  les  Messins  à  répudier  le  protestantisme, 
introduit  parmi  eux  par  Watrin  du  Bois  et  Pierre  Brully  ^  ;  nous  n'y 
reviendrons  donc  pas.  Un  second  mémoire  est  intitulé  La  famille  des 
de  Heu  ;  il  s'occupe  de  différents  membres  de  cette  puissante  famille 
messine,  qui  fut  Tun  des  principaux  soutiens  de  l'hérésie  naissante  dans 
sa  ville  natale;  il  nous  entretient  surtout  de  Gaspard  de  Heu,  le  beau- 
frère  de  La  Renaudie,  le  futur    chef  de  la  conspiration  d'Amboise,  et 
dont  la  carrière  aventureuse  se  termina  en  i558  dans  les  fossés  de  Vin- 
cennes;  il  y  fut  étranglé  par  ordre  des  Guises  dont  il  était  l'adversaire 
acharné.  Le  siège  de  Met^  nous  est  relaté  d'après  les  lettres  et  dépêches 
adressées  à  la  reine  Marie  de  Hongrie,  régente  des  Pays-Bas.  Une  autre 
étude,  intitulée  Les  adversaires  du  maréchal  de  Vieilleville,  est  consa- 
crée principalement  à  discuter  la  véridicité  de  Vincent  Carloix,  rédac- 
teur des  Mémoires  du  maréchal,  fortement  mise  en  doute,  avec  preu- 
ves à  l'appui.  M.  R.  y  raconte  par  le  menu  les  nombreux,  mais  infruc- 
tueux essais  de  conspiration  tentés  à  Metz,  ou  autour  de  cette  cité,  pour 
la  rendre  à  l'Empire  ou  la  donner  à  l'Espagne.  Un  dernier  chapitre, 
intitulé  Les  sièges  de  Thionville,  nous  retrace  les  principaux  assauts  et 

I.  Voy.  !a  Revue  du  17  mai  1880. 


d'histoire  et  de  littérature  189 

blocus  subis  par  cette  place  forte,  autrefois  importante,  et  plus  particu- 
lièrement ceux  de  1542,  i552  et  i  5  58. 

Le  point  de  vue  auquel  se  place   M.  R.  pour  apprécier  la  politique 
messine  en  ces  années  d'une  crise,  qui  pendant  des  siècles  a  pu  sembler 
la  crise  définitive  de  son  histoire,  est  original  et  peut  se  défendre  par  des 
arguments  de  valeur.  Le  protestantisme  messin  aurait  désiré  rester  avec 
l'Empire  dans  des  relations  plus  ou  moins  vagues  d'autonomie,  afin  de 
s'appuyer  sur  ses  coreligionnaires  d'Alsace  et  d'Outre-Rhin,  qui  seuls 
auraient  pu  garantir  aux  calvinistes  de  Metz  une  certaine  sécurité  au 
milieu  des  possessions  de  la  Lorraine,  de  la  France  et  de  TEspagne  et 
des  terres  des  évêchés  voisins.  Le  bigotisme  religieux  de  Charles-Quint 
l'emporta  dans  cette  occasion  sur  sa  clairvoyance  politique.  Il  ne  com- 
prit pas  que  l'un  des  plus  sûrs  moyens  de  garder  Metz  aurait  été  d'y  fa- 
voriser le  protestantisme,  et  s'acharna  à  détruire  dans  la  ville  libre  la 
fraction  dont  il  aurait  pu  faire  peut-être  un  appui  de  sa  puissance  et  à 
la  rejeter,  malgré  elle,  vers  la  France.   Les  catholiques  messins,  de  leur 
côté,  ne  songeaient  guère  à  une  réunion  complète  avec  la  France;  ils 
s'adressèrent  à  cette  puissance,  principalement  parce  que  leurs  propres 
forces  ne  suffisaient  pas  à  réduire  l'hérésie;  ils  étaient,   il  est  vrai,  de 
beaucoup  les  plus  nombreux,  mais  la  constitution  aristocratique  de  Metz 
rendait  cette  supériorité   numérique  assez  illusoire,   puisque  dans  les 
paraiges  les  adhérents  des  doctrines  nouvelles  étaient  plus  puissants. 
Quand  les  Messins  ont  vu  que  la  protection  de  leur  voisine  se  changeait 
en  une  domination  qui  ne  recula  d'abord  devant  aucune  violence  pour 
s'affermir,  ils  furent  également  étonnés  et  désappointés  dans  les  diffé- 
rents partis.  Ces  considérations,  présentées  par  l'auteur,  avec  nombreux 
détails   à  l'appui,   auraient   gagné  encore    à   être  présentées    par  mo- 
ments dans  un  langage  un  peu  plus  grave,  un  peu  moins  journaliste 
peut-être  K  Parfois  aussi  le  récit  est  dramatisé  d'une  manière  tout  à  fait 
invraisemblable  '^  et  M.  Rahlenbeck  serait  bien   embarrassé  de  nous 
citer  les  sources  authentiques  auxquelles  il  a  puisé  certains  discours  et 
certains  dialogues.  Mais  nous  ne  voulons  pas  insister  sur  ces  détails;  les 
défauts  signalés  n'enlèvent  pas  leur  mérite  sérieux  à  ces  pages  que  nous 
avons  parcourues  avec  plaisir  et  non  sans  fruit. 

R. 


1.  P.  ex.  appeler  Albert  de  Brandenbourg  un  «  titan  révolté  «  (p.  233);  donner  à 
une  ville,  pendant  plusieurs  années,  le  double  office  d'épée  de  Damoclès  et  de  sou- 
ricière (p.  241)  etc. 

2.  Le  dialogue  entre  le  margrave  de  Brandebourg  et  les  envoyés  français  (p.  202- 
2o3),  les  conversations  entre  Boisot  et  les  Treize  (p.  74,  8g,  94),  le  discours  raconté 
par  Vaubonnetà  M.  de  Berlaimont  (p.  276)  etc.  —  Nous  relevons  encore  quelques 
fautes  d'impressions  faciles  à  corriger  à  la  lecture.  P.  42.  lire  Sclimaiiss  pour 
Schmanss.  —  P.  109.  Conrad  de  Hattstaii  pour  Hanstadt.  —  P.  198  Voigt  pour 
Vogt.  —  P.  237  Vigy  pour  Vcigy.  —  P.  042  Gamaut  poux:  Gamant,  —  M.  R.  varie 
trop  souvent  dans  l'orthographe  des  mêmes  noms.  P.  45,  il  écrit  Bari^ey,  p.  gi 
Barisey  ;  P.  97  Ragecoicrt,  p.  12.  Raigecourt  ;  le  même  personnage  s'appelle 
p.  169.  Polweiler,  p.  341.  Polveillcr,  p.  279.  Polhveiller.  P.  35  J.  de  Cassan  s'ap- 
pelle Jean  dans  le  texte,  Jacques  dans  la  note. 


igo  RKViiK  cnrriQUK 

162.  —  Cot-pcsponilance  înédîte  «le  IVicoias-FfnnçoIs.  duc.  de  E.orraine 
et  d«  Etui-,  B«3/S-io^4,  par  Ferdinand  des  Rodert,  membre  de  l'Académie 
de  Stanislas.  Nancy,  i88d,  grand  in-8  de  76  p,  (Extrait  des  Mémoires  de  la  So- 
ciété d'archéologie  lorraine). 

On  a  communique  à  M.  F.  des  Robert,  auteur  des  Campagnes  de 
Charles  IV,  dont  il  a  été  rendu  compte  dans  IdiRevue  et  dont  on  attend 
impatiemment  la  suite  —  des  lettres  écrites  parle  duc  Nicolas-François, 
frère  de  Charles  IV,  la  princesse  Claude,  sa  femme,  Henriette  de  Vau- 
démont,  princesse  de  Phalsbourg,  et  le  baron  Hennequin,  intendant  de 
la  maison  du  duc  Nicolas-François,  à  Arnoult,  conseiller  d'État,  in- 
tendant des  tinances  du  duc  François  et  son  procureur-général  en  Lor- 
raine. En  confrontant  cette  volumineuse  correspondance,  qui  s'étend  de 
1634  a  1644,  avec  d'autres  documents  puisés  au  Ministère  des  affaires 
étrangères,  M.  des  Robert  a  pu  retracer  fort  exactement  «  les  intrigues, 
les  malheurs,  en  un  mot  l'existence  tourmentée  du  frère  et  de  la  belle- 
sœur  de  Charles  «  pendant  les  dix  premières  années  de  leur  exil  à  Flo- 
rence, à  Munich  et  à  Vienne  ».  Je  signalerai,  dans  cette  brochure  pleine 
de  choses,  des  renseignements  et  documents  (p.  :6-i8)  qui  complètent 
mon  récent  travail  sur  le  cardinal  Bichi,  évéque  de  Carpentras  (fascicule 
VIII  des  Correspondants  de  Peiresc.,  i885);  ce  cardinal  était  consi- 
déré comme  abbé  des  Bénédictins  de  Saint-Michel  :  il  était  aussi  abbé  de 
Saint-PieiTe-duMont,  au  diocèse  de  Metz.  Je  signalerai  encore  la  men- 
tion, à  la  date  de  i635  (p.  27)  de  la  participation  prise  par  le  futur 
saint  Vincent  de  Paul  à  des  nominations  ecclésiastiques,  ce  qui  fournit 
à  l'auteur  l'occasion  de  faire  cette  remarque  :  «  Jusqu'à  présent  on 
croyait  que  Saint  Vincent  de  Paul  n'avait  été  chargé  de  la  feuille  des 
bénéfices  qu'en  1643,  sous  la  régence.  C'est  là  du  moir.s  l'opinion  émise 
par  M.  Chantelauze  (Saint  Vincent  de  Paul  et  les  Gondi)  «.  —  Indi- 
quons enfin  une  révélation  (p.  47)  tirée  d'une  lettre  de  Nicolas-François, 
du  19  novembre  1660,  au  sujet  de  la  réitération  du  mariage  de  Char- 
les IV  avec  la  belle  Béatrix  de  Cusance  :  M.  des  Robert  constate  que 
jusqu'à  présent  on  avait  ignoré  cette  seconde  cérémonie  et  il  rappelle 
que  la  première  avait  eu  lieu  le  2  avril  1637,  à  Besançon,  dans  Thôtei 
de  la  princesse  de  Cantecroix. 

T.    DK    L. 


l63.  —   Hugo    ScHUCiiARDT.    Sla-wo-doMtscîîf Si    uniE    sil:\ivo-îtaïîenisî"Ia.    Un 

vol.  in-4  de  140  pp.  Graz,  Leuschner  et  Lubensky,  1884. 

Ce  travail  de  Téminent  professeur  de  Gratz  est  dédié  à  M.  Miklosich. 
M.  Schucharut — suivant  un  usage  trop  peu  répandu  chez  nous  —  a 
voulu  fêter,  par  la  publication  d'un  mémoire  spécial,  le  jubilé  cinquan- 
tenaire de  son  collègue.  C'est  sous  la  forme  d'une  lettre  adressée  à 
M.  ^i.!c|osich  qu'il  préseii'.e  |c  résultat  -de  §çs  observations  sur  Jes  rap-' 


D'KISTOiaK    KT    DE    LIlTiORATURE  IQI 

ports  des  langues  slaves,  de  l'allemand  et  de  l'italien.  M.  S.  vit  à  Graz, 
à  la  frontière  même  des  populations  Slovènes  et  croates.  Il  a  rencontré 
à  Vienne  et  à  Prague  les  Tchèques,  les  Polonais  et  les  Slovaques.  Il 
s'occupe  depuis  longtemps  de  l'étude  des  patois  créoles;  il  a  été  frappé 
par  les  nombreux  phénomènes  phonétiques,  morphologiques  ou  syn- 
tactiques  qui  décèlent  l'influence  exercée  par  les  idiomes  des  Slaves  sur 
les  langues  de  leurs  voisins  romans  et  germaniques;  il  les  a  étudiés, 
rassemblés  et  définitivement  compilés  dans  cette  étude  dont  M.  Miklo- 
sich  ne  sera  pas  seul  à  le  remercier.  Ce  curieux  et  très  nouveau  travail 
est  écrit  avec  une  verve  entraînante  et  mériterait  d'être  lu  même  par 
ceux  ù  qui  les  langues  slaves  sont  absolument  étrangères.  Malheureuse- 
ment M.  S.,  pressé  par  le  temps  (il  s'agit  d'une  Festschrift),  a  négligé 
de  diviser  son  mémoire  en  chapitres  ou  paragraphes,  et  de  le  pourvoir 
d'un  index  alphabétique;  ceci  est  profondément  regrettable,  car  les  re- 
cherches de  détails  sont  à  peu  près  impossibles  dans  ce  travail  bourré  de 
citations.  M.  S.  a  également  omis  de  donner  la  traduction  des  mots 
qu'il  cite.  Aussi  en  dehors  de  l'Autriche  polyglotte  et  d'un  nombre  res- 
treint de  slavisants,  cette  belle  étude  aura  peu  de  lecteurs.  C'est  grand 
dommage,  car  elle  est  éminemment  suggestive,  parfois  même  amusante, 
et  elle  renferme,  sur  la  situation  respective  des  populations  autrichien- 
nes, des  considérations  élevées  qui  dépassent  les  frontières  du  domaine 
de  la  philologie.  Certains  détails  ont  même  pour  le  lecteur  français  et 
profane  un  intérêt  de  curiosité.  Je  citerai  par  exemple  (p.  681  une  éty- 
mologie  du  mot  inexpliqué  charivari  qui  du  persan  aurait  passé,  sous 
les  formes  les  plus  diverses,  en  allemand  et  dans  les  langues  slaves  et 
(p.  60)  une  étymologie  du  mot  grippe  qui  serait  d'origine  slave  (russe 
hryp,  enrouement].  C'est  plaisir  de  voir  M.  Schuchardt  se  jouer  au  mi- 
lieu de  tant  d'idiomes  en  semant  à  pleines  mains  les  aperçus  fins  et 
ingénieux. 

L'opuscule  se  termine  par  quelques  pages  fort  intéressantes  sur  les 
mélanges  et  les  conflits  des  langages  dans  les  États  polvglottes.  L'auteur 
y  rend  pleine  justice  au  large  développement  que  les  langues  et  les 
littératures  slaves  ont  pris  dans  ces  derniers  temps.  Les  lecteurs  slaves 
tireront  grand  profit  de  cer  opuscule;  les  profanes  y  trouveront  à  glaner, 
les  germanistes  feront  bien  de  l'étudier  avec  soin  '. 

L.  L. 

I.  L'institut  vient  de  lui  décerner  le  prix  Volney. 


192  REVUE   CRITIQUE 

VARIÉTÉS 


La  traduction  <lc  Pci-so   et  les    exemples  attribués  à  Dossuet 

par  M.  JMénard. 

On  sait  le  bruit  qu'ont  fait  dans  le  monde  lettré  la  brochure  de 
M.  Ménard  sur  Bossiiet  inconnu^  et  ses  deux  volumes  intitulés  «  Œu- 
vres inédites  de  Bossuet,  découvertes  et  publiées  sur  les  manuscrits  du 
Cabinet  du  roi  '.  »  Cette  œuvre  «  retrouvée  d'un  des  plus  grands  génies 
de  l'ancienne  France  »  était  dédiée  à  M.  Jules  Grévy  «  représentant  de  la 
France  nouvelle.  »  Le  premier  volume,  paru  en  1881,  contenait,  outre 
l'introduction  où  est  racontée  la  découverte  des  manuscrits  en  1876, 
des  exemples  au  nombre  de  trente  donnés  au  Dauphin  lorsqu'il  appre- 
nait à  lire,  une  traduction  ou  plutôt  un  commentaire  des  seize  satires 
de  Juvénal,  avec  des  applications  politiques,  philosophiques  et  morales, 
et  une  table  des  mots  difficiles.  Le  second  volume,  en  i883,  a  offert  au 
public  un  Perse  en  prose  et  en  vers  et  une  harangue  scolaire  au  Dau- 
phin, tirée  de  la  Cyropédie  de  Xénophon.  De  tous  ces  ouvrages  poéti- 
ques ou  scolaires,  M.  M.  reconnaissait  que  quelques-uns  sont  dûs  au 
duc  de  Montausier  ou  à  Huet,  mais  Bossuet,  ajoutait-il,  s'est  approprié 
Tensemble  de  l'œuvre  par  le  sceau  inimitable  de  son  style. 

La  découverte  de  M.  M.  éveilla  une  vive  curiosité  dès  qu'on  en  eut 
connaissance,  et  il  eut  pour  lui  quelques-uns  de  nos  meilleurs  juges  litté- 
raires. M.  Edmond  About  -,  à  qui  M.  M.  avait  montré  ses  manuscrits, 
crut  reconnaître  dans  \qs  applications  «  le  style  inimitable  de  Bossuet.  » 
M.  Francisque  Sarcey  '^  applaudit  aussi  à  la  trouvaille,  distingua  dans 
le  Juvénal  l'éloquence  de  Bossuet,  «  qui  l'a  pour  ainsi  dire  repris  à  son 
compte  et  transformé  «,  et  qui  «  a  largement  puisé  dans  Tantiquité  tout 
entière  aussi  bien  que  dans  la  Bible  »  ^.  Le  Times,  dans  sa  correspon- 
dance télégraphique  du  21  novembre  1882,  fit  part  de  la  nouvelle  aux 
Anglais  :  «  La  publication  du  Juvénal  inédit  de  Bossuet,  faite  par 
M.  M.,  vient  d'exciter  un  immense  intérêt;  M.  Grévy  en  a  accepté  la 
dédicace  à  cause  du  ton  libéral  et  presque  moderne  des  débuts  du  Cours 
Royal.  » 

Un  des  savants  qui  connaissent  le  mieux  Bossuet,  M.  Gazier^,  ne  parta- 
gea pas  cet  enthousiasme  ;  il  ne  refusa  pas  absolument  d'attribuer  à  Bos- 
suet les  exemples  donnés  au  Dauphin  losqu'il  apprenait  à  lire,  mais  il 
n'admit  pas  l'authenticité  du  Juvénal,  et  déclara  qu'il  n'y  avait  pas  dans 

1.  Paris,  Firmin-Didot,  2  vol.  in-12  (i88i-83). 

2.  XIX"  Siècle,  22  juin  et  7  juillet  1876. 

3.  XIX^  Siècle,  10  et  11  juillet  1876 

4.  Voir  aussi  Drapeyron,  les  Sources  profanes  de  Bossuet,  dans  la  Revue  poliii- 
tique  et  littéraire  (i5  juin  1876),  et  le  P.  Lallemand,  dans  le  Correspondant  (mavs 
1882). 

5.  Revue  critique,  1 3  février  1882. 


D^HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE  IqS 

tout  le  reste  du  premier  volume,  le  seul  paru  alors,  cent  lignes  qui 
pussent  être  de  Bossuet.  M.  Boissier,  dans  le  Journal  des  Savants,  re- 
fusa aussi  catégoriquement  de  reconnaître  la  main  de  Bossuet  dans  la 
traduction  de  Juvénal,  qu'il  trouvait  traînante  et  plate;  bref,  résumant 
son  impression  sur  tout  le  premier  volume,  il  conclut  qu'il  n'y  avait 
rien  là  qui  fût  de  la  main  de  Bossuet  et  émit  le  regret  que  l'on  attri- 
buât au  grand  écrivain  des  ouvrages  indignes  de  lui. 

Je  ne  me  propose  pas  d'étudier  chacune  des  œuvres  publiées  par 
M,  M.,  mais  je  crois  utile  de  faire  part  aux  chercheurs  des  quelques 
documents  que  j'ai  trouvés  sur  deux  d'entre  elles.  Je  rapporterai  d'a- 
bord une  note  que  j'ai  lue  dans  les  mélanges  manuscrits  de  Philibert 
de  La  Mare  ^  :  «  M.  le  duc  de  Montausier  a  traduit  les  Satyres  de  Perse 
en  vers  français.  11  pouvait  se  rabattre  sur  un  meilleur  auteur.  »  'Voilà 
une  note  assez  décisive,  qui  nous  dispense  des  conjectures. 

Il  me  reste  à  parler  des  exemples  donnés  au  Dauphin  ;  leur  prove- 
nance n'est  pas  la  même  que  celle  des  autres  documents  ;  ceux-ci  viennent 
pour  la  plupart,  nous  dit-on,  d'un  vieux  manoir  abbatial  voisin  des 
ruines  du  château  de  Richelieu.  Les  exemples  se  trouvent  à  la  biblio- 
thèque de  l'Arsenal  (ms.  2324);  ils  font  partie  d'un  recueil  manuscrit  du 
xvni"  siècle,  volumineuse  collection  de  conseils,  d'instructions,  de  let- 
tres, d'éloges  de  vois,  tous  morceaux  destinés  à  l'éducation  royale  du 
comte  d'Artois,  qui  eut  sur  le  grand  Dauphin  l'avantage  de  pouvoir 
montrer  plus  tard  s'il  en  avait  profité.  Le  document  a  pour  titre  exact  : 
(c  Exemples  donnés  à  monseigneur  le  Dauphin  lorsqu'il  apprenait  à 
écrire  »  ;  dans  ce  recueil  composé  avec  soin  et  avec  une  certaine  criti- 
que, c'est  à  peu  près  le  seul  morceau  qui  ne  porte  aucune  mention 
d'auteur;  mais  le  cahier  même  où  se  trouvent  les  exemples  renferme  un 
morceau  intitulé  :  «  Extrait  des  maximes  de  M.  le  Duc  de  Montausier 
par  rapport  à  l'éducation  de  Monseigneur  le  Dauphin  ^  »;  je  me  borne 
à  mettre  en  parallèle  les  analogies  les  plus  frappantes  : 

Anonyme  (VI I^  exemple) 

a  Sachez  et  n'oubliez  jamais  que  les  lois  divines  assujettissent  égale- 
ft  ment  le  berger  dans  sa  cabane  et  le  monarque  sur  son  trône.   » 

Montausier  (ms.  2324  folio  i3  verso)  : 

ce  Qu'il  (le  prince)  sache  que  les  lois  divines  assujettissent  également 
«  le  berger  dans  sa  cabane  et  le  monarque  sur  son  trône.  » 

Anonyme  (Ville  exemple)  : 
«  Vous  êtes  absolument  égal  par  la  nature  aux  autres  hommes  et  par 


i.Biblioih.  nat.  fonds  français;  ms.  23,  25  i  n"  i322. 

2.  Voir  aussi  le  Fms^ment  du  livre  des  maximes  chrétiennes  et  politiques,  publié 
par  M.  Roux  {Montausier,  sa  vie  et  son  temps);  malheureusement  M.  Roux  n'indi- 
que pas  d'où  ce  fragment  est  tiré;  c'est  pourquoi  je  renvoie  d'abord  au  manuscrit  de 
l'Arsenal. 


194  --•'-■    -:-.-<C:^. 

«  conséquent  vous  devez  être  sensible  à  tous  les  maux  et  i\  toutes  les 
«  misères  de  l'humanité.  » 

Mo}7taiisier  (ms.  2824  fol.  ig  recto)  : 

«  Egal  par  la  nature  aux  autres  hommes,  il  (le  prince)  doit  être  sen- 
te siblc  à  toutes  les  misères  de  Thumanité.  » 

Anonyme  (XXIV^  exemple)  : 

«  Le  présent  le  plus  précieux  que  le  ciel  puisse  faire  à  un  roi,  c'est  un 
«  cœur  docile  à  la  vérité  et  aux  bons  conseils,  lors  même  qu^ils  ne  sont 
«  pas  agréables.  » 

Mojitaiisîer  (ms.  2334  fol.  25  recto)  : 

«  Le  présent  le  plus  précieux  qu'un  roi  puisse  recevoir  du  ciel  est  un 
K  cœur  docile  à  la  vérité  et  aux  bons  conseils,  lors  même  qu'il  ne  sont 
«  pas  agréables.  » 

Nous  ne  pensons  pas  qu''on  puisse  souhaiter  de  rapprochements  plus 
satisfaisants.  Cette  question  des  modèles  d'écriture  du  grand  Dauphin 
est  certainement  d'un  intérêt  secondaire,  mais  le  nom  de  Bossuet  lui 
prête  quelque  intérêt,  et  la  polémique  engagée  depuis  1876  l'a  désignée 
à  la  curiosité  des  lettrés.  Je  conclus  donc  en  répétant  que  les  exemples 
attribués  à  Bossuet  par  M.  Ménard  sont  de  Montausier,  ainsi  que  la 
traduction  de  Perse. 

Paul  Lehugeur. 


CHB.ONIQUE 


FRANCE.  —Les  supercheries  typographiques.  Essai  bibliograpliique.  —  C'est 
M.  Gustave  Brunet  qui  est  l'auteur  de  cet  essai,  extrait  des  Actes  de  l'Académie  de 
Bordeaux Qoïochurs.  iu-8°  de  20  p.,  i885).Dèsles  premières  lignes,  l'excellent  biblio- 
graphe nous  apprend  qu'un  supplément  aux  Supercheries  littéraires  de  Quérardesten 
préparation.  Espérons  qu'il  est  un  de  ceux  qui  préparent  ce  supplément  si  nécessaire. 
Dans  son  Essai,  M.  Brunet  énumcre,  avec  d'intéressants  détails,  les  principales  su- 
percheries typographiques  du  xvi°  siècle  et  des  siècles  suivants.  Il  s'occupe  surtout 
des  imprimeurs  hollandais  :  le  plus  fécond,  comme  le  plus  célèbre  »  de  ces  impri- 
meurs fantastiques  fut  Pierre  Marteau,  qui  fit  sortir  pendant  plus  d'un  demi-siècle 
de  son  officine  de  Cologne  une  multitude  d'écrits,  appartenant  les  uns  à  la  politique 
anti-française,  les  autres  à  la  classe  des  fictions  risquées;  toutes  ces  productions 
devaient  le  jour  à  des  presses  hollandaises.  »  On  trouvera  (p.  7;  une  liste  des  nom- 
breux émules  de  Pierre  Marteau  (166Û-1680).  L'Essai  est  accompagne  de  notes 
parmi  lesquelles  je  signalerai  celles  qui  regardent  ïEpistre  au  tigre  de  la  France, 
La  Béatitude  des  chrestiens  ou  lejléo  (sic)  de  lafoy,  par  Geoffroy  Vallée,  opuscule 
de  huit  feuillets  réimprimé  à  Bruxelles  en  1872;  Le  Triomphe  des  Vertus  sur  les 
Vices,  par  Piis  de  Raynonville,  nom   supposé  adopté,  dit  on,  par   k  fécond   cvêque 


d'hîsioïkk  kt  Di;  litikuatukk  195 

de  Belley  ;  Zeloë,  libelle  dirige  contre  Joséphine  de  Beauharnais  et  M""'^  Tallien  et 
Visconti,  ses  amies,  par  le  marquis  de  Sade,  et  qui  a  reparu  à  Bruxelles  en  1870; 
divers  ouvrages  de  Rcstif  de  La  Bretonne,  romancier  «  réhabilité  »  depuis  une 
vingtaine  d'années,  avec  quelque  exagération  peut-être  \)cc\\àx\3,e. peut-êlre  en  assn- 
yémenl],  le  Moyen  de  parvenir,  que  Charles  Nodier  refusait  d'attribuer  à  Beroalde 
de  Verville,  auteur  lourd,  mortellement  ennuyeux,  illisible,  et,  par  conséquent,  in- 
capable d'écrire  un  livre  aussi  spirituel  et  aussi  agréable,  etc.  —  T.  de  L. 

BOHFME.  —  Il  vient  de  se  créer  à  Prague  une  Société  pour  la  publication  des 
œuvres  des  écrivains  religieux  de  la  Bohême,  particulièrement  de  ceux  qui  se  rat- 
tachent au  mouvement  hussite.  Les  fondateurs  de  la  Société  sont  pour  la  plupart 
des  professeurs  de  l'Université  tchèque,  MM.  Emler,  Gebauek,,  Goll,  Kalousek, 
Masarvk,  Rezek. 

GRÈGE.  -  Un  de  nos  correspondants  nous  écrit  d'Athènes  :  L'éphorie  générale 
des  antiquités,  dont  la  direction  a  été  confiée  après  la  mort  de  Stamatakis  à  M.  Ka- 
VADiAS,  publie  tous  les  mois  dans  les  journaux  d'Athènes  un  bulletin  des  acquisi- 
tions faites  par  les  musées  de  l'Etat.  Ces  acquisitions  proviennent  surtout  des  fouilles 
exécutées  en  difl'érents  points  de  la  Grèce  et  sur  lesquelles  de  plus  amples  détails 
sont  donnés  dans  I" 'Es'/][J.£p\ç  \oyci.'.o)^Ci-{l7:qàQnt  la  publication  se  poursuit  régu- 
lièrement. 

—  La  Société  historique  et  ethnologique  de  la  Grèce  vient  de  constituer  un  musée 
dans  le  local  du  Polytechneion.  Une  section  de  ce  musée  forme  les  archives  de  la 
Société,  qui  renferment  d'importants  documents  historiques  se  rapportant  surtout 
à  la  guerre  de  l'indépendance. 

—  Parmi  les  livres  récemment  parus  nous  citerons  les  suivants  :  KaTaXo^OÇ  TÔV 
àp/aîo)v  voi/,t(Jt>-aTti)v,  cup-coXoiv  y,ai  xapiAaTÎojv  ttjÇ  cuXaoyyîç  XAîçivopou  MsAs- 
tikO'jXou,  etc.   'Ev 'AvO-r;va'.;(-:6'âC;içIkpp-^',  1S84. 

—  llcpl  àor/.'/i[;.a':;;  xxl  TTC.vviç  àv  ir^  ày/rj.[%  sXXYjvr/.vi  Tpa^woia,  Xo^oç  K.  N. 
IvoJGTvi  y.aBr.YYjTcD  ir^q  vo\}::/:qq  àvaXœaSâvovTOç  Tr,v  T:p'jTavs(av  tou  nav£7ïi';'ï'^[;.{ou. 
\^T^rrfli  (TU'^roYpaçcîov  îlaArpcevsciaç),  i885. 

—  'H  xaxacTTpoç-!]  toj  IlapOsvwvoç  Orrb  twv  Bevîtûv  (1687)  y.ai  •?;  ïoxjXi.hyziq  lîîyf 
'AOt,vÔ)v  (1688-1690),  etc.  Otto  K.  T.  Z'/jatou  Y.ix^r,-^rfiQ\>  (extrait  de  V'E6Q0\)Àq), 
'Ev  'AO'/ivatç  (tûttoi?  Kcptvv/jç),  i885. 

—  2o!icy,Aéc'jç  'AvtIycv^  [^.ctà  y.piTaûv  u7:o[j.v'^[xâTO)v  âv  'AO'/iva'.!;  (tutcoiç 
'A'TT'.y.ou  MouGSiou),  etc.  L'éditeur  de  cette  remarquable  édition  est  M.  A.  Pallis. 

—  rpa[X[j,aTfAat  îlo(.p7.vr,p-qcz\.ç  liq  tTjV  dp/aïav  éXX'/;vty.'r;v  67:0  rswpYiou  A. 
Zr|y.[o:y  'AÔTjVTjSI  (tutcoi;  UoCKr(^{V)zai<xq],  iî83. 

'  —  '0  £T:tv(woç  Tqq  ItôÔôpy.c,  ujavo?,  otaxp'6-/)  i-\  uç'/JYscria  t%  oiSacicaAiaç  x% 
kôpaïv.f^q  'i'Atî)(7(j-/]ç  utîo  T.  IlavTa'Cîâou.  'Ev  'AQ'rjvaiç  (TUTTOtç  tpiXaoeAÇcwç),  i885, 
37  p.  in-8°. 

—  Tb  or;[j.CT'.y.bv  Sdp.a  TTîpi  toO  vsy.poîi  àosAçoD  u~h  N.  F.  IIoXtTOU  (extrait  du 
AsXtiov  r?îç  'Icr-ïopr/,Yiç  STatpîaç) ,  'Ev  'Aô'rjvatç  (tûtco'.ç  Oepp-?]),  i885.  M.  Poutis 

I  a  entrepris  de  réfuter  W.  WoUner  Der  Lenorenstojf  in  dcr  slavischen  Volkspoesie 
(Archiv  fur  slavische  Philologie,  Berlin,  1882,  vol.  VI,  pp.  239-269),  et  Jean  Psi- 
cHARi,  La  ballade  de  Lénore  en  Grèce  (extrait  de  la  Revue  de  l'histoire  des  religions, 
Paris,  1884,  E.  Leroux,  in-8°  p.  40). 

—  A'.ovuîjbi)  6spj'.avojfï>iXoXoY'.y.a:  T-GrjzwTît;  èv  tip-fh-uy  (Schimpfi  i885). 
Ce  volume  comprend  trois  études  publiées  naguère  dans  les  journaux  grecs  de  Trieste  : 

'  i"  'H  T^apâXA'/jXoç  7:o}.'.T'.xrj  y.al  çiAO/vO^ty/}]  àviTCTuEt;  tûv  àp7^a{o3v  'EA)vr,v(ov; 


igS  REVUE   CKITIQUE 

qui  n'avaient  point  passé  sous  ses  yeux.  Pour  plus  de  sûreté  il  en  avait 
même  demandé  communication  au  dernier  moment,  comme  nous  l'ap- 
prend sa  défense  (p.  14);  mais  payé  de  quelque  défaite,  n'ayant  d'ail- 
leurs aucune  raison  de  suspecter  la  bonne  foi  de  son  collaborateur,  il 
passa  outre  pour  ne  pas  retarder  le  tirage. 

Les  objections  de  M.  B.,  bien  qu'en  général  fort  sérieuses,  ne  sont 
pas  toutes  d'égale  valeur,  et  M.  Adam  n'a  pas  eu  de  peine  à  en  réfuter 
un  grand  nombre.  Celles  qui  sont  tirées  du  caractère  de  la  langue  méri- 
tent à  peine  de  nous  arrêter,  et  M.  B.  reconnaît  lui-même  qu'elles  n'ont 
rien  de  péremptoire  (p.  3).  Personne  n'admettra  qu'une  langue  ne 
puisse  être  américaine  parce  qu'elle  possède  la  distinction  du  genre  ou 
un  système  de  numération  décimale.  On  sait  aujourd'hui  que  les  lan- 
gues américaines  sont  bien  loin  de  se  ramener  à  un  type  unique,  et  que 
la  légende  de  Babel  ne  serait  pas  plus  déplacée  sur  les  rives  du  Mississipi 
que  sur  celles  de  l'Euphrate.  Le  taensa  offrît-il  des  caractères  linguisti- 
ques tout  à  fait  isolés,  ce  ne  serait  pas  encore  une  raison  de  le  proscrire; 
mais  tel  n'est  pas  même  le  cas  :  les  deux  genres  du  taensa  sont  le  mascu- 
lin et  le  neutre,  distinction  que  l'arrawack  et  l'iroquois  connaissent 
également,  et  je  crois  avoir  montré  ailleurs  comment  i'aléoute  a  su  tirer 
un  système  décimal  de  la  numération  quinaire  qui  lui  était  commune 
avec  l'eskimo. 

Plus  graves,  mais  non  pas  irréductibles,  sont  les  arguments  tirés  du 
climat  du  pays  desTaensas  (Louisiane).  Les  chansons  taensas  font  men- 
tion de  l'érable  à  sucre,  arbre  septentrional,  et  d'autres  productions 
inconnues  sous  la  latitude  de  Taensas  Parish;  mais  il  n'est  pas  proba- 
ble que  ces  chansons  soient  populaires.  Disons  mieux  :  il  est  évident 
qu'elles  ont  été  composées  à  froid  par  quelque  lettré,  qui  s'est  fait  un 
jeu  d'esprit  d'écrire  dans  une  langue  sauvage  des  pastiches  pareils  à 
ceux  de  Chateaubriand,  et  dès  lors  les  erreurs  qu'on  y  pourrait  relever 
ne  prouveraient  rien  contre  l'authenticité  de  la  langue  en  elle-même. 
Quant  au  calendrier,  il  s'accommode  assez  mal,  il  faut  le  reconnaître, 
avec  la  douce  température  de  la  Louisiane;  toutefois  il  n'y  est  point 
question  de  neige,  comme  le  voudrait  M.  B.  (p.  4)  :  le  mois  de  décem- 
bre se  nomme  doukkarâ-eol  u  lune  blanche  »,  dit  la  Grammaire 
(p.  42)  ;  s'il  ne  neige  pas  en  Louisiane,  les  gelées  blanches  n'y  sont  pas 
fort  rares  à  cette  époque,  et  l'on  sait  quel  rôle  nos  paysans  aussi  assi- 
gnent à  la  lune  dans  la  production  de  ce  désastreux  phénomène. 

De  tout  cela  il  résulte,  ce  semble,  qu'on  ne  saurait  d'ores  et  déjà 
condamner  la  Grammaire  taensa,  mais  il  ne  s'ensuit  pas  qu'on  puisse 
l'accepter  sans  défiance.  Aucune  présomption  ne  peut  remplacer  une 
preuve  directe,  et  cette  preuve,  ce  serait,  à  défaut  de  la  langue  elle- 
même,  morte  depuis  plus  d'un  siècle,  la  production  du  manuscrit  ori- 
ginal. Or  M.  Parisot  s'y  refuse,  alléguant  qu'il  est  égaré.  On  ne  sait 
vraiment  que  penser  d'un  semblable  procédé, 

M.  P.  a  cherché  tout  d'abord  à  se  dégager  en  prétendant  que  M.  A., 


d'histoire    et    de    LITTERATURE  IQ^ 

ayant  remanié  sa  copie,  devait  être  tenu  pour  seul  responsable  de  la  pu- 
blication. Mais,  bien  avant  que  M.  A.  lui  apportât  son  précieux  con- 
cours, il  avait  publié  seul  ses  Notes  de  Grammaire  Taensa  ^  et  fait  im- 
primer à  Épinal  une  petite  plaquette  à  laquelle  il  jugeait  bon  de  donner 
une  couleur  espagnole  très  prononcée,  si  prononcée  que  par  excès  de 
zèle  il  y  glissait  même  un  mot  portugais.  Plus  tard  il  nie  que  ses  docu- 
ments taensas  fussent  rédigés  en  langue  et  transcription  espagnoles, 
alors  que  cette  assertion  s'étale  en  toutes  lettres  dans  la  préface  de  la 
Grammaire,  dont  il  a  seul  surveillé  l'impression.  En  vérité  les  plus 
indulgents  seront  portés  à  croire  que  le  jeune  auteur,  étranger  aux 
mœurs  scientifiques,  a  dû  faire  subir  au  manuscrit  original  des  modifi- 
cations et  des  additions,  qui  aujourd'hui  l'embarrassent  et  Tempêchent 
de  déférer  à  la  demande  de  collationnement  que  M.  A.  lui  a  adressée 
avec  les  plus  vives  instances. 

Mais,  qu'il  ait  lui-même  forgé  ce  langage  et  ces  chansons,  en  vue  de 
se  faire  un  nom  ou  de  mystifier  l'américanisme,  c'est  un  soupçon  qui 
ne  saurait  tenir  contre  la  solide  argumentation  de  M.  A.  et  contre  la 
lecture  de  la  Grammaire.  Quelle  que  soit  son  inexpérience,  M.  P.  est 
quelque  peu  frotté  de  terminologie  linguistique  :  s'il  eût  fabriqué  le 
taensa,  il  n'eût  pas  fait  rentrer  l'augmentatif,  le  diminutif,  le  déprécia- 
tif,  etc.,  dans  la  déclinaison  (p.  8-9),  ni  désigné  sous  les  noms  de  pre- 
mière, deuxième,  troisième...  conjugaison,  de  simples  modes  verbaux 
tels  que  le  nécessitatif,  le  potentiel,  Pinchoatif,  et  autres  (p.  25).  Ces 
gaucheries  nous  reportent  à  1  âge  d'or  de  la  linguistique.  Resterait  à 
supposer  une  fraude  de  la  part  de  l'auteur  inconnu  du  manuscrit  dé- 
couvert par  M.  P.  ;  mais  quel  intérêt  pourrait  bien  avoir  un  mystifica- 
teur à  forger  une  grammaire  américaine,  soit  pour  la  publier  à  une 
époque  où  presque  personne  ne  s'occupait  d'américanisme,  soit  à  plus 
forte  raison  pour  la  laisser  dormir  dans  un  tiroir?  D'ailleurs  il  y  a  cer- 
tains détails  minutieux  (accentuation,  p.  32  ;  distinction  des  noms  pro- 
pres indigènes  et  étrangers,  p.  40),  dont  un  faussaire  ne  se  fût  certaine- 
ment pas  avisé. 

C'est  M.  Fr.  Mûller  qui,  dans  sa  lettre  à  M.  Adam,  a  formulé  la 
conclusion  de  cette  fâcheuse  polémique,  et  il  l'a  fait  en  termes  excel- 
lents :  le  fond  même  de  la  Grammaire  Taensa  doit  être  authentique; 
mais,  faute  de  pouvoir  faire  le  départ  des  éléments  vrais  et  de  ceux  que 
M.  P.  aurait  ajoutés  de  sa  grâce,  les  linguistes  n'en  devront  user  qu'a- 
vec la  plus  grande  réserve.  Ce  jugement  n'a  rien  que  l'américanisme 
français  et  M.  Adam  ne  puissent  accepter,  et  en  tout  cas  il  ne  saurait 
dépendre  de  la  légèreté  d'un  débutant  de  les  discréditer. 

V.   Henry. 


I.  Rev.  de  Ling.,  XIII,  p.  i6ô  sq. 


igS  REVUE    CRITIQUE 

qui  n'avaient  point  passé  sous  ses  yeux.  Pour  plus  de  sûreté  il  en  avait 
même  demandé  communication  au  dernier  moment,  comme  nous  l'ap- 
prend sa  défense  (p.  14);  mais  payé  de  quelque  défaite,  n'ayant  d'ail- 
leurs aucune  raison  de  suspecter  la  bonne  foi  de  son  collaborateur,  il 
passa  outre  pour  ne  pas  retarder  le  tirage. 

Les  objections  de  M.  B.,  bien  qu'en  général  fort  sérieuses,  ne  sont 
pas  toutes  d'égale  valeur,  et  M.  Adam  n'a  pas  eu  de  peine  à  en  réfuter 
un  grand  nombre.  Celles  qui  sont  tirées  du  caractère  de  la  langue  méri- 
tent à  peine  de  nous  arrêter,  et  M.  B.  reconnaît  lui-même  qu'elles  n'ont 
rien  de  péremptoire  (p.  3).  Personne  n'admettra  qu'une  langue  ne 
puisse  être  américaine  parce  qu'elle  possède  la  distinction  du  genre  ou 
un  système  de  numération  décimale.  On  sait  aujourd'hui  que  les  lan- 
gues américaines  sont  bien  loin  de  se  ramener  à  un  type  unique,  et  que 
la  légende  de  Babel  ne  serait  pas  plus  déplacée  sur  les  rives  du  Mississipi 
que  sur  celles  de  l'Euphrate.  Le  taensa  offrît-il  des  caractères  linguisti- 
ques tout  à  fait  isolés,  ce  ne  serait  pas  encore  une  raison  de  le  proscrire; 
mais  tel  n'est  pas  même  le  cas  :  les  deux  genres  du  taensa  sont  le  mascu- 
lin et  le  neutre,  distinction  que  l'arrawack  et  l'iroquois  connaissent 
également,  et  je  crois  avoir  montré  ailleurs  comment  l'aléoute  a  su  tirer 
un  système  décimal  de  la  numération  quinaire  qui  lui  était  commune 
avec  l'eskimo. 

Plus  graves,  mais  non  pas  irréductibles,  sont  les  arguments  tirés  du 
climat  du  pays  desTaensas  (Louisiane).  Les  chansons  taensas  font  men- 
tion de  l'érable  à  sucre,  arbre  septentrional,  et  d'autres  productions 
inconnues  sous  la  latitude  de  Taensas  Parish  ;  mais  il  n'est  pas  proba- 
ble que  ces  chansons  soient  populaires.  Disons  mieux  :  il  est  évident 
qu'elles  ont  été  composées  à  froid  par  quelque  lettré,  qui  s'est  fait  un 
jeu  d'esprit  d'écrire  dans  une  langue  sauvage  des  pastiches  pareils  à 
ceux  de  Chateaubriand,  et  dès  lors  les  erreurs  qu'on  y  pourrait  relever 
ne  prouveraient  rien  contre  l'authenticité  de  la  langue  en  elle-même. 
Quant  au  calendrier,  il  s'accommode  assez  mal,  il  faut  le  reconnaître, 
avec  la  douce  température  de  la  Louisiane;  toutefois  il  n'y  est  point 
question  de  neige,  comme  le  voudrait  M.  B.  (p.  4)  :  le  mois  de  décem- 
bre se  nomme  doukkarâ-eol  «  lune  blanche  »,  dit  la  Grammaire 
(p.  42)  ;  s'il  ne  neige  pas  en  Louisiane,  les  gelées  blanches  n'y  sont  pas 
fort  rares  à  cette  époque,  et  l'on  sait  quel  rôle  nos  paysans  aussi  assi- 
gnent à  la  lune  dans  la  production  de  ce  désastreux  phénomène. 

De  tout  cela  il  résulte,  ce  semble,  qu'on  ne  saurait  d'ores  et  déjà 
condamner  la  Grammaire  taensa,  mais  il  ne  s'ensuit  pas  qu'on  puisse 
l'accepter  sans  défiance.  Aucune  présomption  ne  peut  remplacer  une 
preuve  directe,  et  cette  preuve,  ce  serait,  à  défaut  de  la  langue  elle- 
même,  morte  depuis  plus  d'un  siècle,  la  production  du  manuscrit  ori- 
ginal. Or  M.  Parisot  s'y  refuse,  alléguant  qu'il  est  égaré.  On  ne  sait 
vraiment  que  penser  d'un  semblable  procédé, 

M.  P.  a  cherché  tout  d'abord  à  se  dégager  en  prétendant  que  M,  A., 


D  HISTOIRE    ET    DE    LIÏTERATORE  199 

ayant  remanié  sa  copie,  devait  être  tenu  pour  seul  responsable  de  la  pu- 
blication. Mais,  bien  avant  que  M.  A.  lui  apportât  son  précieux  con- 
cours, il  avait  publié  seul  ses  Notes  de  Grammaire  Taensa  ^  et  fait  im- 
primer à  Épinal  une  petite  plaquette  à  laquelle  il  jugeait  bon  de  donner 
une  couleur  espagnole  très  prononcée,  si  prononcée  que  par  excès  de 
zèle  il  y  glissait  même  un  mot  portugais.  Plus  tard  il  nie  que  ses  docu- 
ments taensas  fussent  rédigés  en  langue  et  transcription  espagnoles, 
alors  que  cette  assertion  s'étale  en  toutes  lettres  dans  la  préface  de  la 
Grammaire,  dont  il  a  seul  surveillé  l'impression.  En  vérité  les  plus 
indulgents  seront  portés  à  croire  que  le  jeune  auteur,  étranger  aux 
mœurs  scientifiques,  a  dû  faire  subir  au  manuscrit  original  des  modifi- 
cations et  des  additions,  qui  aujourd''hui  l'embarrassent  et  l'empêchent 
de  déférer  à  la  demande  de  coUationnement  que  M.  A.  lui  a  adressée 
avec  les  plus  vives  instances. 

Mais,  qu'il  ait  lui-même  forgé  ce  langage  et  ces  chansons,  en  vue  de 
se  faire  un  nom  ou  de  mystifier  l'américanisme,  c'est  un  soupçon  qui 
ne  saurait  tenir  contre  la  solide  argumentation  de  M.  A.  et  contre  la 
lecture  de  la  Grammaire.  Quelle  que  soit  son  inexpérience,  M.  P.  est 
quelque  peu  frotté  de  terminologie  linguistique  :  s'il  eût  fabriqué  le 
taensa,  il  n'eût  pas  fait  rentrer  l'augmentatif,  le  diminutif,  le  déprécia- 
tif,  etc.,  dans  la  déclinaison  (p.  8-9),  ni  désigné  sous  les  noms  de  pre- 
mière, deuxième,  troisième...  conjugaison,  de  simples  modes  verbaux 
tels  que  le  nécessitatif,  le  potentiel,  l'inchoatif,  et  autres  (p.  25).  Ces 
gaucheries  nous  reportent  à  l'âge  d'or  de  la  linguistique.  Resterait  à 
supposer  une  fraude  de  la  part  de  l'auteur  inconnu  du  manuscrit  dé- 
couvert par  M.  P.  ;  mais  quel  intérêt  pourrait  bien  avoir  un  mystifica- 
teur à  forger  une  grammaire  américaine,  soit  pour  la  publier  à  une 
époque  où  presque  personne  ne  s'occupait  d'américanisme,  soit  à  plus 
forte  raison  pour  la  laisser  dormir  dans  un  tiroir?  D'ailleurs  il  y  a  cer- 
tains détails  minutieux  (accentuation,  p.  32  ;  distinction  des  noms  pro- 
pres indigènes  et  étrangers,  p.  40),  dont  un  faussaire  ne  se  fût  certaine- 
ment pas  avisé. 

C'est  M.  Fr.  Mûller  qui,  dans  sa  lettre  à  M.  Adam,  a  formulé  la 
conclusion  de  cette  fâcheuse  polémique,  et  il  l'a  fait  en  termes  excel- 
lents :  le  fond  même  de  la  Grammaire  Taensa  doil  être  authentique; 
mais,  faute  de  pouvoir  faire  le  départ  des  éléments  vrais  et  de  ceux  que 
M.  P.  aurait  ajoutés  de  sa  grâce,  les  linguistes  n'en  devront  user  qu'a- 
vec la  plus  grande  réserve.  Ce  jugement  n'a  rien  que  l'américanisme 
français  et  M.  Adam  ne  puissent  accepter,  et  en  tout  cas  il  ne  saurait 
dépendre  de  la  légèreté  d'un  débutant  de  les  discréditer. 

Y.   Henry. 


I.  Rev.  de  Ling.,  XII!,  p.  166  sq. 


200  REVUE    CRITIQUE 

i65.  —  Coi-piis  iriAci'iittionuin  l:i(inar-iiin  consllio  et  auctoritate  Aca> 
<lci»î:>o  littet'ni-iiiii  i-egîîie  leoi-us^slcae  cditiim.  Vol.  VI,  pars  quinta 
inscriptiones  falsae  urbi  Romae  attributae  comprehendens;  collegerunt  G.  Henzen 
et  loh.  Bapt.  de  Rossi,  ediderunt  G.  Bormann,  G.  Henzen,  Chr.  Huelsen.  Berlin, 
Georges  Reimcr,  1^85,  in-folio,  271  pages. 

—  Excinplîi  sei>iptui>ae  epigrajtliieae  latînae  a  Cacsai'is  dictatorîs 
moi-iis  îul  actatem  lustiniani,  auctarium  corporis  inscriptionum  latinarum 
consilio  et  auctoritate  Acadeniiae  litterarum  regiae  Borussicae  edidit  ^(îlmiiius 
HuEBNER.  Berlin,  Georges  Reimer,  i885,  in-folio,  Lxxiv-458  pages. 

A  deux  reprises  nous  avons  eu  déjà  Toccasion  de  signaler  ici  '  la  ra- 
pidité avec  laquelle  sont  successivement  édités  les  volumes  du  Corpus 
latin.  Voici  qu'aujourd'hui  deux  nouveaux  tomes  font  simultanément 
leur  apparition.  L'un  d'eux,  formant  la  cinquième  partie  du  volume  VI 
consacré  aux  inscriptions  de  Rome,  constitue  le  recueil  aussi  complet 
que  possible  des  textes  faux  soi-disant  trouvés  dans  cette  ville.  Il  n'y  a 
pas  moins  de  3648  articles  numérotés,  dont  plusieurs  servent  de  rubri- 
que, non  pas  à  une  seule  inscription,  mais  à  tout  un  groupe. 
Les  éditeurs  ont  adopté  la  division  suivante. 
Epîgrammata  antiqua  ex  libris  scriptis  desumpta. 
Epigrammata  recentia. 
Epigravimata  saeciili  xiv. 
Falsae  codicum  saec.  xv  et  xvi. 
Falsae  Ligorianae  : 
1°  Insc.  sacrae; 

2°  Insc.  Augustorum  domusque  augustae ; 
3°  Insc.  honorariae  et  sépulcrales  privatorum. 
Insc.  Panvinianae  ; 
Boissardianae  ; 
Gutenstenianae  ; 
Gratanae; 
Gallettianae. 
Insc.  falsae  reliquae. 
Addenda  et  Corrigenda. 
Index  principiorum. 

La  première  section  comprend  les  inscriptions  confectionnées  par 
des  modernes  d'après  les  passages  d'auteurs  anciens  qui  rapportent  d'une 
manière  plus  ou  moins  approximative  des  textes  épigraphiques  parais- 
sant avoir  réellement  existé.  Ces  textes  reposent  donc  sur  une  base  dont 
l'authenticité  est  variable  dans  chaque  cas  particulier;  leur  rédaction 
n'est  pas  toujours  conforme  aux  règles  épigraphiques;  aussi,  peut-elle 
être  parfois  contestée;  mais  leur  fonds  n'en  a  pas  moins  une  certaine 
valeur  historique.  Or  les  faussaires  n'ont  pas  contrefait  la  totalité  des 
inscriptions  consignées  dans  les  écrits  de  l'antiquité,  et  Ton  aimerait 
assez  à  en  trouver  quelque  part  dans  le  Corpus^  le  recueil  complet. 

I.  Revue  critique,  10  septembre  1881,  p.  209;  i"  janvier  1884,  p.  7. 


d'histoire    et    de    littérature  201 

Maffei  avait  fait  un  essai  de  ce  genre  dans  le  deuxième  livre  de  son 
Ars  critica  lapidaria  '.  Son  travail  mériterait  d'être  repris  et  complété 
avec  les  améliorations  nécessaires.  En  effet,  on  ne  voit  pas  pourquoi  le 
dépouillement  épigraphique  des  écrits  de  Tantiquité  ne  serait  pas  fait 
aussi  intégralement,  aussi  méthodiquement  que  celui  des  ouvrages  mé- 
diévaux ou  modernes,  tant  manuscrits  qu'imprimés. 

Les  légendes  de  monnaies  antiques  ont  également  fourni  aux  faussai- 
res une  matière  à  exploiter;  le  recueil  dont  j'entretiens  en  ce  moment 
mes  lecteurs  en  cite  trois  qui  ont  été  transformées  en  inscriptions  lapi- 
daires. En  cherchant  un  peu,  on  en  trouverait  probablement  un  plus 
grand  nombre;   par  exemple,  je  puis  en  signaler  une  dont  Torigine  a 
échappé  aux  éditeurs  du   Corpus;  c'est  une  inscription  gravée  sur  le 
socle  d'une  statue  de  Cérès,  ANNONA  AVGVSTI  GERES,  qu'ils  font 
figurer  en  tête  des  Boissardianae,   sous  le  n"    3124  *    (cfr.  Gruter, 
p.  io65,    n.  10).  Ils  l'ont  visiblement  récusée   à  cause  de  l'apparente 
étrangeté  de  la  rédaction;  je  dis  apparente,  et  l'on  va  voir  pourquoi. 
Les  numismatistes  connaissent  de  nombreuses  variétés  d'une  monnaie 
de  grand  bronze  de  Néron  dont  le  revers  est  décrit  par  Gohen  -  delà 
manière  suivante  :  Cérès  assise  à  gauche  tenant  une  torche  et  des  épis  ; 
debout  devant  elle,  l'Abondance  tenant  la  corne  amalthéenne;  entre  les 
deux,   un  autel  orné  de  guirlandes,  sur  lequel  est  placé  un  modius ; 
dans  le   lointain,   un  vaisseau.  Tout   autour,    la   légende   ANNONA 
AVGVSTI  GERES,  disposée  de  manière  que  les  mots  Annona  et  Gè- 
res correspondent  respectivement   à  la  personnification  de    l'Annone 
debout  et  à  la  déesse  assise.   La  lecture  de  la  légende   est  correcte  à 
condition  d'être  coupée  ainsi,  Annona  Aiigusti  —   Ceres.  Mais  sur  le 
socle  de  la  statue,  rien  ne  fait  soupçonner  cette  coupure  sans  laquelle  le 
texte  doit  effectivement  sembler  controuvé.  Par  là  on  voit  que  l'inscrip- 
tion de  la  statue  a  pour  auteur  un  faussaire  qui  s'est  inspiré  d'une  lé- 
gende monétaire  sans  s'apercevoir  qu'elle   perdait  sa  signification  du 
moment  qu'il  l'appliquait  à  un  sujet  auquel  manquait  la  figure  de 
l'Annone.  La  supercherie  se  trouve  maintenant  dévoilée;  mais  il  n'en  est 
pas  moins  piquant  de  voir  comment  la  sagacité  des  éditeurs  du  Corpus 
avait  flairé  une  fraude,  même  en  dehors  de  la  véritable  piste. 

Ils  ont  ainsi  relevé  74  méfaits  à  la  charge  de  Boissard,  g5  à  celle  de 
Gutenstein,  35  à  celle  de  Grata  et  55  à  celle  du  bénédictin  Galletti. 
Mais  que  dire  des  2998  inscriptions  fausses  ou  interpolées  dont  on  est 
redevable  au  seul  Ligorio  ? 

Et  maintenant,  tout  en  condamnant  impitoyablement  ces  falsifica- 
teurs, on  se  demande  comment  des  savants,  de  par  ailleurs  très  recom- 
mandables  et  respectés  de  leur  vivant,  ont  pu  se  commettre  dans  de  pa- 


1.  Voir  dans  le  Supplément  de  Seb.  Donato  au  Nov.  thesaur.   veter.  insc.  de  Mu- 
ratori,  tome  1,  1765. 

2.  Gohen,  Descr.  des  monnaies  impériales,  t.  1,  1880,  p.  279,  n"*  14-26. 


20  2  REVUK   CRITIQUR 

reils  agissements.  Pour  le  comprendre,  il  faut  évidemment  les  juger, 
non  d'après  l'idée  que  nous  nous  formons  aujourd'hui  de  la  probité  lit- 
téraire, mais  en  tenant  compte  des  mœurs  et  des  habitudes  d'esprit 
d'une  autre  époque;  ils  étaient  de  leur  temps,  tout  comme  les  gentils- 
hommes du  seizième  siècle  qui  n'avaient  aucun  scrupule  de  tricher  au 
jeu;  c'était  alors  de  bonne  guerre  et  tacitement  reçu.  Un  érudit 
s'amusait  à  composer  des  inscriptions,  à  la  manière  d'un  rhétoricien 
s'exerçant  à  une  amplification  sur  un  sujet  fictif  ou  d'un  littérateur 
écrivant  un  roman  historique;  il  les  mettait  en  circulation,  moins 
peut-être  pour  tromper  autrui,  que  pour  se  prouver  à  lui-même 
combien  il  était  versé  dans  la  connaissance  de  l'antiquité  ;  c'était  un 
passe-temps  littéraire  et  la  contre-taçon  des  mscriptions  marchait  de 
pair  avec  l'imitation  des  œuvres  d'art  antique.  La  Renaissance  avait 
mis  à  la  mode  les  pastiches  dans  tous  les  genres;  les  Ligorio  et  consorts 
ont  été  pour  l'épigraphie  ce  qu'avaient  été  le  Padouan  et  ses  imitateurs 
pour  la  numismatique. 

Pendant  que  je  tiens  en  mains  ce  volume  instructif,  j'y  relève  au 
courant  de  la  plume  des  indications  qui  concernent  plus  particulière- 
ment quelques-unes  de  nos  collections  publiques. 

N''3572*;  épitaphe  apocryphe  d'un  Valerius  MarcelHnus  conscr- 
vée  au  musée  d'Aix-en-Provence  (Gibert,  Catalogue  des  Antiquités, 
n°  395). 

N°  3643  *;  épitaphe  d'un  L.  Calvinus  Pubianus  Sabimis  dont  nous 
avions  déjà  dénoncé  l'illégimité  [Bull,  des  Aîitiq.  de  France,  i883, 
p.  201). 

No  3573  *;  épitaphe  d'un  Titus  Mnesteus  Volusianus  conservée  au 
musée  d'Orléans,  n"  ii5  E.  Les  Orléanais  sauront  désormais  à  quoi 
s'en  tenir  sur  la  valeur  du  cadeau  qu'ils  doivent  à  la  munificence  de 
PEtat. 

N"  3574  *;  épitaphe  d'un  Lucius  Rujfinus,  soi-disant  préfet  du  palais 
de  G.  G.  Galigola.  Appartient  au  musée  du  Louvre  (Glarac,  Musée  de 
sculpture,  pi.  lv,  n»  8o3). 

N»  3456  *;  dédicace  lovi  Capiiolino  ;  au  musée  du  Louvre  (Frœh- 
ner,  Notice  de  la  sculpture  antique,  p.  ôj,  n.  38). 

A  cette  occasion,  nous  nous  permettons  une  petite  chicane  bien  inno- 
cente; pourquoi,  dans  le  Corpus,  le  musée  du  Louvre  est-il  désigné  par 
les  mots  muséum  parisinum  au  lieu  de  parisiacum,  seule  forme  auto- 
risée par  les  textes  d'inscriptions  et  d'auteurs? 

Le  recueil  de  M.  Hiibner  auquel  j'arrive  maintenant  a  pour  objet  lu 
forme  et  l'exécution  matérielle  des  caractères  épigraphiques  dans  les 
textes  de  Pépoque  impériale;  c'est  la  continuation  du  grand  atlas  de 
Ritschl  relatif  à  la  paléographie  des  monuments  du  temps  de  la  Répu- 
blique, Priscae  latînitatis  monumenta  epigraphica.  Mais  le  format  de 
ce  dernier  est  peu  commode  et  l'on  doit  tout  d'abord  savoir  gré  à 
M.  Hûbncr  d'avoir  adopté  le  format  général  des  volumes  du   Corpus. 


DHISTOmii    KT    DK    HTTERATUIîE  20.'> 

Les  Prolégomènes  constituent  le  traité  le  plus  complet  sur  la  matière, 
je  devrais  même  dire  le  seul  véritable  traité  que  l'on  possède  ;  on  y 
trouvera  d'intéressantes  notions  sur  la  technique  du  graveur  sur  pierre, 
quadratarius .  L'éditeur  a  rendu  justice  en  excellents  termes  (p.  xvi  et 
xvni)  aux  épigraphistes  français  qui  ne  se  sont  laissé  devancer  par  per- 
sonne dans  l'art  de  reproduire  figurativement  les  inscriptions;  ils  ne 
peuvent  qu'être  sensibles  à  ce  témoignage  courtois.  Le  corps  du  recueil 
contient  les  exemples  en  fac-similé,  non  pas  réduits  à  une  échelle  uni- 
forme, mais  ramenés  aux  proportions  les  plus  favorables  à  l'étude  dans 
chaque  cas  particulier  ;  ces  spécimens  figurés  sont  répartis  en  deux 
grandes  divisions,  Scriptura  momirnentorum,  Scriptura  actoriim,  chro- 
nologiquement subdivisées  en  quatre  périodes  :  i"  de  la  mort  de  César  à 
celle  de  Néron;  2"  de  Vespasien  à  Commode;  3°  de  Septime  Sévère  à 
Dioclétien;  4"  de  Constantin  à  Justinien.  Dans  chaque  subdivision, 
l'éditeur  procède  géographiquement,  Inscriptiones  Urbanae,  Inscrip- 
tiones  Italicae,  Inscriptiones  Provinciales.  Le  lieu  où  gît  actuellement 
chaque  inscription  choisie  pour  exemple  est  enregistré  à  son  rang  al- 
phabétique dans  un  répertoire  spécial.  Telle  est  l'économie  générale  de 
cet  ouvrage  considérable  appelé  à  rendre  de  grands  services. 

Le  contingent  des  spécimens  empruntés  à  l'épigraphie  de  la  Gaule  a 
naturellement  pour  nous  un  intérêt  particulier;  aussi  est-ce  par  une 
remarque  sur  l'un  d'eux,  le  n"  935,  que  nous  terminerons  ce  rapide 
compte-rendu.  11  s'agit  d'une  petite  plaque  de  métal  trouvée  à  Apt 
avec  inscription  mentionnant  la  consécration  d'une  hache  à  Mars  et  à 
la  déesse  Dexiva;  cette  plaque  est,  non  pas  en  or,  suivant  une  erreur 
accréditée  par  Fauris-Saint-Vincent,  mais  en  bronze;  cela  résulte  du 
témoignage  formel  et  autrement  authentique  du  propriétaire  même  de 
I  l'objet,  qui  s'appelait  Charles  Rolland,  et  non  Edouard  Roland.  De 
plus,  le  mot  SIICVREM  que  l'éditeur  transcrit  sacurem  en  imputant 
au  graveur  un  a  fautif  pour  un  e,  est  en  réalité  correctement  écrit  sur 
la  plaque;  la  lettre  prise  pour  un  a  après  le  s  n'est  autre  chose  qu'un  e 
du  type  vertical  à  deux  jambages,  soit  IL  Cette  forme  alphabétique  est 
souvent  employée  concurremment  avec  le  E  du  type  carré,  dans  un 
même  texte,  voire  dans  un  même  mot.  C'est  une  particularité  dont  j'ai 
signalé  plusieurs  exemples  dans  \q  Bulletin  Monumental^  i885,  p.  5  i  et 
57,  entr'autres  le  mot  MINERVAII  sur  une  patère  d'argent  de  Notre- 
Dame-d'Alençon  conservée  au  musée  du  Louvre  sous  le  n"  55  r  ;  à  lire, 
Minervae ;  de  mêm.e,  securem. 

Robert  ?vÎowat. 


204  REVUK   CRITIQUK 

l66.  —  Itictioniiatre  étymologique  et  explicatif  de  la  I^aiigue  fi-an- 
çaîse,  et  spécialement  du  langage  populaire,  par  Charles  Toubin,  officier  de 
l'Instruction  publique.  Maçon,  Protat  frères,  imprimeurs,  i885. 

Je  n"'ai  sous  les  yeux  que  le  spécimen  (47  pages)  de  ce  glorieux  dic- 
tionnaire «  publié  aux  frais  de  l'auteur  »  \  mais  par  cet  éclTantillon  on 
peut  juger  de  la  pièce  tout  entière.  Il  comprend  (c'est  M.  Toubin  qui 
nous  en  avertit)  :  1°  L'introduction  de  l'ouvrage;  2«>  un  extrait  du  chapi- 
tre des  préfixes  français,  sujet  qui  n'a  pas  encore  été  traité,  du  moins  à 
ma  connaissance;  3°  un  extrait  du  chapitre  des  suffixes,  matière  égale^ 
ment  encore  peu  (sic)  étudiée;  5°  un  court  extrait  du  chapitre  des  va- 
riantes phonétiques;  5°  un  certain  nombre  de  mots  pris  dans  le  diction- 
naire et  tous  empruntés  à  la  lettre  A.  » 

Il  est  dit  dans  l'introduction  que  Diez,  Littré,  Scheler,  Brachet  et  au- 
tres sont  les  représentans  attardés  d'une  école  étymologique  surannée. 
Pourquoi?  parce  qu'ils  ont  négligé  le  celtique,  qu'ils  n'ont  pas  assez 
tenu  compte  du  sanscrit  et  n^ont  eu  aucune  notion  du  grec-marseillais. 
C'est  dans  ce  troisième  élément  tout  à  fait  méconnu  que  ces  philologues 
auraient  trouvé  les  étymologies  de  <.<  aloyau.,  amphigouri,  poisson, 
d'avril,  brimer,  brioche,  margot,  marotte,  etc.  d  Quant  au  celtique, 
on  ne  se  doute  guère  de  tous  les  jolis  mots,  de  toutes  les  gracieuses  lo- 
cutions que  nous  lui  devons;  en  voici  quelques-uns  et  quelques-unes  : 
«  Carotte  (tromperie),  claquer  (mourir),  croquemort,  fesse-mathieu, 
gueule  enfarinée,  écorcher  le  renard,  roublard,  etc.  »  Le  sanscrit  nous 
a  donné  des  vocables  qui  ne  sont  pas  moins  élégants,  comme  «  boulotter 
(manger),  chouriner,  J ean-f outre ,  gobichonner ,  pioupiou,  roupiller,  su- 
percoquentieux  »;  j^en  passe,  et  des  meilleurs.  Il  y  a  aussi  certaines  lo- 
cutions populaires  dont  nous  n'avions  jamais  jusqu^ici  soupçonné  Pori- 
gine,  mais  M.  T.  est  venu,  et  il  verse  partout  des  torrents  de 
lumière.  Par  exemple,  pourquoi  dit-on  «  tirer  les  vers  du  nez  à  quel- 
qu'un? »  —  «  C'est  parce  que  les  magistrats  romains  chargés  d'interro- 
ger les  accusés,  cherchaient  à  leur  tirer  les  vères(ver^,  les  choses  vraies) 
ou  en  d'autres  termes  à  leur  faire  dire  la  vérité.  »  —  «  Si  nous  disons 
dégommer  des  fonctionnaires  incapables,  c'est  que  nos  aieux  les 
Francs  décomaient  ou  tondaient  leurs  rois  pour  les  déposer.  »  Après 
cette  réjouissante  et  plus  que  fériale  introduction,  M.  T.  passe  aux 
principaux  préfixes  et  sufiixes  français  auxquels  je  renvoie  le  lecteur, 
s'il  veut  s'épanouir  l'âme  et  la  rate. 

Mais  là  où  M.  T.  est  tout  à  fait  merveilleux,  unique  dans  son 
espèce,  là  où  il  se  surpasse  lui-même,  c'est  dans  la  cinquième  partie  de 
ce  spécimen.  11  est  difficile  de  rien  lire  de  plus  fort.  Avec  vient  de 
avectus,  amende  de  amanda,  celle  qu'on  doit  aimer  (suit  une  explica- 
tion fantastique);  âne  dérive  du  sanscrit  a^,  s'asseoir,  et  du  suffixe  dimi- 

I.  11  comprendra  environ  800  à  900  pages,  en  trois  fascicules  dont  le  premier 
doit  paraître  le  i5  octobre  i885. 


DHISTOIRK    RT    DE    LlTTER.'.TURfc,  20D 


nutif  inus;  proprement  petite  monture  ;  —  Anglais  =  créancier  est  une 
corruption  du  mot  anglet  =  petit  compte  chez  un  débitant;  arbitre  a 
été  fait  avec  deux  mots  sanscrits,  ar  qui  représente  hala^  terre,  et  bid, 
partager.  Il  faut  rejeter  Pétymologie  ad  podium,  ou  appodiare  pour 
appuyer  :  ce  verbe  est  dû  au  sanscrit  iipa,  sous,  et  dâ,  mettre,  poser.  — 
«  Assaisonner^  dit  encore  M.  T.,  selon  Littré,  Scheler,  Bouillet  et  Bra- 
chet,  vient  de  saison,  malgré  la  différence  des  sens.  A  mon  avis,  de  ad, 
contre,  et  saties  ou  satias,  satiété.  »  Je  recommande  encore  les  trouvailles 
suivantes  :  aucun  de  alius  ac  iinus,  avril  du  sanscrit  âpya,  aqueux, 
humide;  atelier  du  sanscrit  âstâ,  réunion,  et  surtout  l'étymologie  du 
français  populaire  «  abouler,  »  lequel  dérive  du  latin  ab,  hors,  et  olla, 
marmite,  exactement  «  tirer  de  la  marmite;  étymologie  qui  paraît  à 
l'auteur  «  avoir  l'avantage  d^etre  en  parfaite  harmonie  avec  le  rôle  si 
important  de  la  marmite  dans  la  vie  et  le  langage  des  peuples.  »  Je 
crois  qu'après  celle-là  il  est  temps  de  tirer  l'échelle. 

M.  Toubin  peut  avoir  été  un  bon  professeur  d'histoire,  mais  pour 
qu'il  devienne  philologue  même  médiocre,  il  lui  reste  à  apprendre  et  à 
désapprendre  beaucoup  de  choses. 

A.  Delboulle. 


167.  —  l!-,es  oi'îgincs  «!u  c«tBsolîclsme  snodefne.  La  contre-révolution  reli- 
gieuse au  xvi"^  siècle,  par  Martin  Phiuppson,  professeur  à  l'Université  de  Bruxelles. 
Paris,  F.  Alcan,  1S84,  xi,  618  p.  In-8.  Prix  :  10  fr. 

L'ouvrage  de  M.  Philippson  est  un  travail  de  vulgarisation  des  plus 
sérieux,  fourni  par  un  écrivain  qui  a  fait  ses  preuves  sur  le  terrain  de 
l'histoire  du  xvi*^  siècle  aussi  bien  que  sur  celui  des  temps  plus  moder- 
nes. Il  a  pu  se  débarrasser  par  conséquent  de  tout  appareil  trop  érudit, 
sans  s'exposer  pour  cela  à  être  traité  de  superficiel.  Le  premier  titre  de 
son  ouvrage  (Origines  du  catholicisme  moderne)  indique  plus  exacte- 
ment que  le  titre  principal,  le  but  et  retendue  du  livre  de  M.  Ph.^  car 
l'auteur  n'y  a  point  traité  la  contre-révolution  religieuse  du  xvi«  siècle 
en  son  entier  et  n'a  point  eu  l'intention  de  le  faire.  A  vrai  dire,  son  tra- 
vail nous  offre  plutôt  le  tableau  du  choc  violent  des  idées  religieuses  et 
politiques,  engagées  alors  dans  une  lutte  inexorable,  qu'il  ne  nous  initie 
aux  faits  historiques,  aux  détails  de  la  répression  de  l'hérésie,  telle 
qu'elle  fut  organisée  par  les  papes  et  les  principaux  souverains  catholi- 
ques de  cette  époque.  On  ne  trouvera  donc  dans  son  volume  ni  le  récit 
des  guerres  de  religion  en  France,  ni  celui  du  règne  de  Marie  Tudor, 
ni  les  efforts  des  Habsbourgs  pour  détruire  le  «  protestantisme  dans  leurs 
Étals,  ceux  de  Philippe  II  aux  Pays-Bas,  ceux  des  Dasa  catholiques  en 
Pologne,  etc.,  bien  que  tout  cela  fasse  partie  de  la  contre-révolution 
religieuse  au  xvi<'  siècle.  «  Ce  n'est  pas,  bien  entendu,  un  reproche  que 
nous  adressons  à  M.  Ph.,  puisqu'il  était  libre  de  tracer  le  programme  de 


206  REVUE    CUITIQUE 

son  travail  à  sa  guise,  mais  nous  aurions  désiré  que  son  titre  fût  un  peu 
plus  explicite  à  cet  égard. 

Les  Origines  du  catholicisme  moderne  se  divisent  en  trois  livres.  Le 
premier  s'occupe  des  préparatifs  à  la  grande  lutte  contre  le  protestan- 
tisme, de  la  création  d'une  série  d'ordres  monastiques  nouveaux,  desti- 
nés à  remplacer  les  anciennes  corporations  religieuses  du  moyen  âge, 
bénédictins,  dominicains,  franciscains,  etc.,  dont  Tactionne  semble  plus, 
à  bon  droit,  suflisamment  efficace  en  cette  crise  dangereuse.  Après  avoir 
rapidement  exposé  les  origines  des  capucins,  des  théatins,  des  frères  de 
Saint-Jean-de-Dieu  et  autres  congrégations  d'importance  secondaire, 
M.  Ph.  consacre  à  peu  près  exclusivement  ce  premier  livre  à  la  Société 
de  Jésus,  à  laquelle  l'Eglise  du  xvi''  siècle  dut,  en  bonne  partie,  son 
salut  et  qui,  sachant  user  de  moyens  d'influence  nouveaux,  négligeant 
les  vains  exercices  de  piété  monastique,  pour  s'emparer  de  la  jeunesse  et 
gagner  les  classes  dirigeantes,  réussit,  dans  Tespace  d'un  demi-siècle,  à 
refouler  l'hérésie  et  à  raffermir  le  Saint-Siège,  en  se  le  soumettant  à  elle- 
même.  M.  Ph.  parle  de  cet  ordre  célèbre  en  historien;  c'est  dire  qu'on 
trouvera  dans  ces  pages  de  son  volume  un  exposé  exact  et  fidèle  des 
vues  de  son  fondateur,  de  ses  méthodes,  de  Forganisation  intérieure  des 
Jésuites,  une  analyse  pénétrante  et  judicieuse  des  raisons  de  son  succès, 
mais  ni  un  panégyrique,  ni  un  réquisitoire. 

Le  second  livre  est  consacré  à  l'histoire  de  ce  second  «  pilier  de  la  foi  » 
au  xvii«  siècle,  comme  l'ont  appelée  certains  admirateurs,  de  la  Très- 
Sainte-Inquisition, et  à  son  tribunal  redoutable. C'est  en  Italie  que  M.  Ph. 
nous  la  montre  d'abord,  écrasant  également  les  réformateurs  et  les  dis- 
ciples de  la  libre-pensée,  s'attaquant  aux  princes,  comme  aux  plus 
hauts  dignitaires  de  l'Eglise,  avec  une  inflexible  rigueur,  puis  se  déve- 
loppant, en  Espagne  comme  instrument  de  domination  politique  et 
devenant  le  levier  principal  de  l'absolutisme  d'un  Philippe  IL  C'est 
grâce  à  l'Inquisition,  que  l'Europe  méridionale  ne  resta  pas  longtemps 
en  proie  à  la  contagion  qui  lui  était  venue  du  nord  et  qu'elle  put  four- 
nir, après  quelques  années  de  crise  intérieure,  la  base  solide  pour  les 
opérations  agressives  de  la  contre-révolution  religieuse.  Il  n'est  que 
juste  d'ajouter  cependant  que  la  tâche  du  mystérieux  tribunal  fut  sérieu- 
sement facilitée  par  les  dispositions  morales  de  l'immense  majorité  des 
populations  de  race  romane  au  milieu  desquelles  il  a  fonctionné  sur- 
tout. Profondément  et  naturellement  payennes,  payennes  encore  au- 
jourd'hui, malgré  certaines  apparences,  après  dix-huit  siècles  de  catho- 
licisme^ elles  ne  pouvaient  s'intéresser  à  des  innovations  religieuses  qui 
venaient  choquer  à  la  fois  et  leurs  idées  et  leur  manière  de  vivre,  et  sans 
doute  le  protestantisme  n'aurait  jamais  jeté  que  de  faibles  racines  en 
Italie  ou  bien  en  Espagne,  quand  même  la  tolérance  des  maîtres  du  pays 
lui  eût  été  acquise  et  quand  bien  même  l'Inquisition  n'eût  pas  été  spé- 
cialement réorganisée  pour  le  combattre. 

Le  troisième  livre  enfin  est  consacré  tout  entier  au  tableau  des  péri- 


D  HISTOÎRR    ET    DK    LITTERATURE  207 

péties  du  Concile  de  Trente.  Après  tant  de  récits  sur  cette  célèbre  assem- 
blée. M.  Ph.  a  su  être  intéressant  et  parfois  renouveler  la  matière  dans 
les  chapitres  qu'il  lui  consacre.  Il  juge,  à  notre  avis,  les  travaux,  les 
efforts,  les  luttes  ouvertes  et  secrètes  qui  forment  l'histoire  du  Concile, 
avec  une  équité  parfaite.  L'entente  avec  les  protestants  était  exclue  par 
la  composition  même  de  l'assemblée,  par  les  influences  politiques  qui 
la  dominaient,  par  Timpossibilité  de  trouver  à  ce  moment  un  terrain 
sur  lequel  on  eût  rétabli  l'uiuon  que  bien  peu  désiraient  encore 
au  fond  des  âmes.  Ce  qui  fait  l'importance  du  concile  de  Trente, 
c'est  la  lutte  au  sein  même  de  l'Église,  ce  sont  les  essais  de  réforme 
émanant  de  l'épiscopat  et  des  souverains  temporels  encore  fidèles, 
c'est  enfin  la  concentration  officielle  des  forces  du  catholicisme  sous  une 
direction  unique  et  absolue.  Depuis  un  âge  d'homme  les  doctrines 
étaient  vacillantes,  les  plus  pieux  parmi  les  défenseurs  du  passé  avaient 
ouvertement  exprimé  bien  des  doutes,  s'étaient  accommodés  de  bien  des 
concessions.  Désormais  l'ère  des  incertitudes  et  des  accommodements  avec 
l'ennemi  était  fermée.  Les  canons  formulés  par  le  Concile,  montraient  à 
tous,  prêtres  et  laïques,  quelle  était  la  foi  de  PEglise.  Il  fallait  être  ca- 
tholique ou  ne  pas  l'être;  ceux  dont  la  conscience  ou  l'intelligence  re- 
gimbait contre  la  règle  nouvellement  formulée,  étaient  retranchés  pro- 
visoirement du  corps  de  l'Eglise,  sauf  à  être  recherchés  plus  tard  par  le 
bras  séculier  et  forcés  à  rentrer  au  bercail.  En  même  temps  la  papauté, 
triomphant  enfin  delà  théorie  de  la  suprématie  des  conciles,  reconnue 
comme  la  maîtresse  dans  PEglise,  organisait  plus  strictement  la  hiérar- 
chie ecclésiastique,  la  moulait  avec  l'aide  des  Jésuites  et  faisait  des 
nouveaux  séminaires  épiscopaux  comme  des  pépinières  d'ardents  lévi- 
tes. Elle  réussissait  même  à  réduire,  au  moins  dans  les  contrées  de 
l'Europe  centrale  et  septentrionale,  le  désordre  des  mœurs  dans  le  clergé 
séculier  et  régulier,  dont  le  scandale  avait  été  pour  une  si  forte  part 
dans  l'explosion  de  la  Réforme.  Ce  ne  fut  pas  l'œuvre  d'un  jour  ni  d'une 
génération,  mais  à  la  fin  du  siècle  l'écart  est  déjà  bien  considérable  et  le 
progrès  continue  partout  durant  le  siècle  suivant. 

C'est  maintenant  seulement  que  le  catholicisme  est  outillé,  pour 
ainsi  dire,  pour  une  lutte  nouvelle,  maintenant  que  les  Habsbourgs  et 
les  Valois  ont  fait  leur  paix  avec  l'Eglise,  que  les  souverains  temporels, 
par  l'influence  de  leurs  confesseurs  jésuites,  sont  disposés  à  joindre  leurs 
efforts  à  ceux  du  Saint-Siège,  que  commence  la  contre-révolution  reli- 
gieuse et  politique  proprement  dite.  Elle  remplira  le  dernier  tiers  du  xvi-^ 
et  la  première  moitié  du  xvn'^  siècle  et  ses  étapes  sont  marquées  par  les 
noms  de  Charles  IX,  de  Philippe  II,  de  Marie  Tudor,  Ferdinand  II, 
Louis  XIV  et  Jacques  II  d'Angleterre.  C'est  une  mêlée  sanglante,  où 
de  part  et  d'autre,  l'héroïsme  est  mélangé  de  cruauté,  où  les  dévouements 
les  plus  dignes  d'admiration  se  rencontrent  à  côté  des  perfidies  les  plus 
lâches  et  des  plus  infâmes  trahisons.  Mais  tous  ces  efforts  en  sens  con- 
traire restent  à  peu  près  inutiles  au  fond.  Quand  le  dix-huitième  siècle 


208  REVUK    CRITIQUE 

s'ouvre  sur  Ja  décadence  de  rhëgémonie  française,  les  limites  religieu- 
ses en  Europe  sont  encore  à  peu  près  celles  que  fixait  déjà  le  concile  de 
Trente.  Quelques  contrées,  à  peu  près  perdues,  ont  été  regagnées  par 
TEglise,  quelques  autres  ont  réussi  définitivement  à  s'émanciper,  mal- 
gré ses  efforts  contraires,  mais  au  fond  la  situation  reste  ce  qu'elle  est 
encore  aujourd'hui,  le  nord  de  l'Europe  est  protestant  et  le  sud  est  ca- 
tholique, tandis  qu'au  centre  du  continent  les  deux  cultes  se  mêlent 
dans  des  proportions  diverses. 

Ce  sont  là  les  considérations  générales  qui  sont  comme  l'essence  et  le 
résumé  du  livre  de  M.  Ph.  Désintéressé  dans  le  conflit  plus  immédiat 
des  croyances  rivales  dont  il  nous  a  décrit  la  lutte,  l'auteur  n'en  est  pas 
moins  —  et  ne  s'en  cache  pas  —  un  adhérent  convaincu  de  la  liberté 
politique  et  religieuse;  il  s'en  exagère  même  peut-être  la  puissance  et,  si 
ces  matières  ne  sortaient  pas  en  définitive  un  peu  du  cadre  de  la  Revue, 
je  serais  tenté  de  combattre  sa  manière  de  voir  sur  la  défaite  prochaine 
réservée  à  la  puissance  de  l'Eglise  par  la  force  croissante  de  la  pensée 
libre  à  travers  le  monde.  Mais  cette  manière  de  voir  ne  l'a  nullement 
empêché  de  traiter  une  matière  diflScileavec  le  calme  acquis  par  un  his- 
torien critique.  Il  a  consulté  les  plus  récents  travaux  de  l'érudition  con- 
temporaine sur  chacun  des  chapitres  qu'il  a  traités  ;  les  publications  et 
les  recueils  de  documents  de  Doellinger,  Druffel,  Friedrich,  Huber  et 
Maurenbrecher  sur  le  concile  de  Trente,  sur  les  Jésuites,  etc.,  ont  été 
soigneusement  misa  profit  par  l'auteur,  et  si  les  critiques  d'une  certaine 
école  ne  signaleront  pas  son  volume  sans  un  vif  déplaisir,  si  l'on  a  même 
ouvert  déjà  contre  lui,  dans  certains  organes  de  publicité,  une  campagne 
plus  riche  en  invectives  qu'en  arguments  scientifiques,  aucun  adversaire 
loyal  ne  pourra  lui  reprocher  d'avoir  torturé  des  textes,  falsifié  des  sour- 
ces, ou  sciemment  négligé  des  témoignages  contraires,  comme  il  arrive 
trop  souvent,  sur  ces  polémiques,  où  l'esprit  de  secte  envenime  les  dis- 
cussions les  plus  inofîensivesen  elles-mêmes.  Aussi  souhaitons-nous  au 
travail  du  jeune  professeur  de  Bruxelles  un  accueil  favorable  en  France, 
où  il  pourra  ramener  certains  esprits  plus  modérés,  dans  les  deux 
camps,  à  une  appréciation  plus  saine  et  plus  impartiale  de  l'époque  im- 
portante qu'il  nous  décrit  ^ 

R. 


I.  Nous  signalons  en  passant  quelques  fautes  d'impression,  relevées  à  la  lecture. 
P.  69,  lisez  VaUelinc  pour  Valtelline.  —  B.  i63,  1.  fondaco  pour  foudaco.  — 
P.  269,  1.  Bohorques  pour  Bohorgnes.  —  P.  336,  ligne  5,  manque  le  mot  si.  — 
P.  436,  1.  Miscellanea  pour  Miscaellnea.  etc.  etc. 


D  HISTOIRE    ET    DE   LITTERATURE  20g 

VARIÉTÉS 


L'acte    de   décès   de   Scîpîon    B>u   ï»leix. 

On  a  jusqu'à  ce  jour  ignoré  la  date  pre'cise  de  la  mort  de  S.  Du  Pleix. 
Guy  Patin  annonce  en  ces  termes  bien  vagues  la  mort  de  son  ancien 
ami  (Lettre  à  Falconet  du  25  avril  1661)  :  «  Le  bonhomme  Scipion  Du 
Pleix,  historiographe  de  France,  âgé  de  quatre-vingt-onze  ans,  est  mort 
dans  sa  maison  de  Condom.  Il  y  avoit  fort  long-temps  que  je  le  connais- 
sois;  je  l'avois  ici  traité  bien  malade  Pan  1625  ;  il  y  avoit  déjà  sept  ans 
que  j^étois  de  ses  amis.  II  a  bien  travaillé  toute  sa  vie  et  n'a  pas  eu 
grande  récompense.  »  Cinq  jours  plus  tard,  l'auteur  de  la  Muse  histori- 
que disait  (Lettre  du  samedi  3o  avril,  tome  III,  p.  346-347  de  l'édition 
Livet,  1878)  : 

Ce  n'est  point,  icy,  l'Epitaphe 
De  ce  docte  historiographe, 
Scipion  Du  Pleie,  de  Condon, 
Qui  de  bien  écrire  eut  le  don 


Ce  grand  et  fameux  Scipion 
Qui  subit  son  heure  fatale 
Dans  sa  propre  ville  natale, 
Fort  regreté  des  habitans, 
Agé  de  plus  de  nonante  ans. 


En  regard  de  cet  éloge,  on  a  imprimé  en  manchette  :  '<  il  mourut 
vers  la  fin  de  mars.  »  La  Galette  du  2  3  avril  se  rapproche  un  peu  plus 
de  la  vérité;  elle  met  la  mort  du  S.  Du  Pleix  au  i5  mars.  Cette  mort 
arriva  le  5  du  même  mois,  comme  nous  l'apprend  le  document  suivant 
que  me  communique  un  zélé  et  savant  chercheur,  M.  Joseph  Gardère, 
bibliothécaire  de  la  ville  de  Condom  : 

«  Ce  cinquiesme  mars  1661  est  decede  Monsr  Maistre  [en  abrégé]  Sci- 
pion Dupleix,  conseiller  du  Roy  en  ses  conseils  destat  [sic]  et  privé, 
grand  historiographe  de  France,  home  de  grande  vertu  et  très  grand 
deffenseur  de  la  religion  Catholique,  Apostolique,  Romaine,  aagé  de 
quattre  vingtz  dix  ans  ',  ayant  receu  avant  sa  mort  tous  les  sacremens 
nécessaires  de  l'Eglize  avec  une  très  grande  pieté  et  dévotion.  Son  corps 
a  esté  enterré  dans  l'eglize  St  Nicolas  de  la  présente  [en  abrégé]  ville 
joignant  le  banq  des  Mess''^  du  Presidial. 

J.  Lafite  [C'est  la  signature  du  Vicaire]. 

On  lit  encore  dans  le  Registre  des  baptesmes,  mariages  et  mortuai- 
res pour  la  paroisse  de  Saint-Pierre  de  Condom  : 

«   Ce  septiesme  mars   1661   a   este   faicte   POraison  funèbre  de  feu 


I.  Et  non  91,  comme  l'ont  écrit  Loret  et  Patin.  La  date  de  la  mort  du   nonagé- 
naire nous  donne  l'année  de  sa  naissance,  iSyi. 


2IO  REVUK    CRITIQUE 

M""  Dupleix  qui  fut  enseveli  le  cinquiesmc  du  présent,  par  le  R.  P.  Colin , 
prebstre  [en  abrégé]  de  l'Oratoire  et  régent  philosophe  dans  le  collège 
de  Condom.  Lad.  [icte]  oraison  funèbre  a  este  preschée  dans  la  grande 
chère  de  Saint-Pierre.  » 

Voici  le  titre  de  cette  pièce  rarissime  dont  un  exemplaire  est  conservé 
dans  la  bibliothèque  de  Condom  :  Oraison  funèbre  de  monsieur  Sci- 
pion  Dupleix.  conseiller  du  Roy  en  ses  conseils  d' Estât  et  privé,  his- 
toriographe de  France,  prononcée,  deux  jours  après  son  deceds  ', 
dajis  l'église  cathédrale  de  Condom,  par  le  Révérend  Père  Mathieu 
Colin,  prestre  de  l'Oratoire,  le  7  mars  1661.  (Agen,  Jean  Gayau, 
petit  10-40.) 

T.  DE   L. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  Testament  de  Blanche  de  Navarre.  —  C'est  d'après  les  documents  des 
Archives  des  Basses-Pyrénées  que  M.  Léopold  Delisle  a  publié  le  Testament  de 
Blanche  de  Navarre,  reine  de  France  (Paris,  i885,  grand  in-S"  de  64  pages.  Extrait 
des  Mémoires  de  la  Société  de  l'histoire  de  Paris  et  de  l'île  de  France,  t.  XII).  L'excel- 
lent éditeur  a  très  bien  fait  ressortir  l'importance  de  l'acte  du  18  mars  iSgô  (n.  s.) 
et  des  deux  codicilles  du  20  du  même  mois  et  du  lo  septembre  i3q8.  Il  faut,  dit- 
il,  les  lire  en  entier  pour  se  faire  une  idée  du  luxe  et  du  genre  de  vie  d'une  reine 
douairière  au  xiV  siècle,  pour  juger  des  rapports  qu'elle  entretenait  avec  les  mem- 
bres de  sa  famille,  avec  les  officiers,  les  dames,  les  serviteurs  et  les  servantes  de  sa 
maison.  Ils  méritent  aussi  d'être  étudiés  en  détail,  ajoute-t-il,  pour  y  relever  une 
foule  d'indications  précieuses  sur  des  objets  d'art,  de  costume  et  d'ameublement, 
principalement  sur  des  livres.  La  reine  Jeanne  possédait,  en  effet,  une  remarquable 
bibliothèque,  dont  elle  partagea  les  volumes  entre  ses  parents,  ses  amis  et  ses  ser- 
viteurs. Elle  a  droit  d'occuper  une  des  premières  places  parmi  les  princesses  du 
moyen  âge  qui  ont  aimé  les  livres.  M.  Delisle  nous  apprend  que  le  psautier  si  cé- 
lèbre de  Leyde  appartint  à  la  veuve  du  roi  Philippe  de  Valois  depuis  i35o  jusqu'en 
1398,  qu'il  avait  été  d'abord  entre  les  mains  de  saint  Louis  et  qu'il  fut,  au  xv'  siè- 
cle, possédé  par  les  ducs  de  Bourgogne.  L'éminent  critique  n'a  pas  annoté  le  testa- 
ment et  les  codicilles,  mais  il  a  mis  à  la  lin  de  sa  très  curieuse  brochure  (p.  56-64) 
une  excellente  Table  qui  permet  de  retrouver  facilement  toutes  les  mentions  se  rap- 
portant à  un  établissement,  à  un  personnage  et  à  un  genre  d'objets. 

—  En  même  temps  a  paru  le  Discours  prononcé  à  V Assemblée  générale  de  la 
Société  de  V  Histoire  de  France,  le  26  mai  iS85,  par  M.  Léopold  Delisle,  mem- 
bre de  l'Institut,  président  de  la  Société  (Paris,  librairie  Renouard,  i885.  Grand 
in-8°  de  60  p.).  Les  29  premières  pages  sont  occupées  par  le  Discours  même;  le 
reste  est  un  Appendice  relatif  aux  pièces  contenues  dans  l'Antiphonaire  de  Pierre  de 
Médicis,  à  la  Laurentienne,  volume  que  M.  Delisle  a  pu  examiner  pendant  son  ré- 
cent séjour  en  Italie.  Le  discours  contient  de  fort  intéressants  détails  sur  l'inappré- 
ciable recueil  de  la  collection  de  Florence,  ainsi  que  sur  diverses  pièces  originales 

I.  Cette  mention  révélatrice  n'avait  pas  été  remarquée,  et  dans  un  recueil  publie  a 
Condom  même  par  un  Condomois,  3oo  ans  après  la  mort  de  S.  Du  Pleix,  on  s  est 
contenté  d'indiquer  la  date  approximative  «  en  mars  »,  tout  en  citant  l'oraison  fu- 
nèbre qui  établit  si  nettement  la  date  véritable. 


d"hIST01UE    KT    de    LITTERATURE  2  I  I 

offertes  à  la  Bibliothèque  nationale  par  MM.  Ramé,  Chassaing  et  surtout  par  la  t'a 
mille  de  Bastard.  Signalons,  de  plus,  en  ce  discours  si  plein  de  choses,  deux  sym- 
pathiques et  ressemblants  portraits  de  MM.  Lacabane  et  Ravenel.  —  T.  de  L. 

—  Histoire  de  Saint-Bonnet-le-Chdieau.  —  En  attendant  qu'ici  on  rende  compte 
avec  les  développements  convenables  de  l'important  ouvrage  dont  j'ai  sous  les  yeux 
le  premier  volume,  je  voudrais  le  recommander  en  deux   mots  à   tous  ceux  de  nos 
lecteurs  qui  recherchent  les  monographies  bien  faites  {Histoire  de  Saint- BonneL-le- 
Château  d'après  les  manuscrits  conservés  aux  archives  locales  et  départementales, 
avec  six  vues  hors  texte,  trente  phototypographies  et  ia  reproduction  des  principa- 
les pièces  originales,  ouvrage  publié  en   collaboration  par  deux  prêtres  du  diocèse 
de  Lyon.  Tome  I,  Paris,  Alph.    Picard  ;   Lyon,  Vitte   et   Perrussel  ;  Saint-Etienne, 
Chevalier,  i885.   Grand   in-H»   de  xxxvni-56o   p.).   Ce  tome   I  contient,  outre  une 
préface  qui  fait  très   bien   connaître  le  plan  et  les   idées  des  deux  auteurs,  quatre 
études  intitulées  :  les  origines  ;  la  féodalité:  l'organisation  religieuse  et  la  vie  civile 
à  Saint-Bon>ict-le-Chdieau,  au  xiv'  siècle  ;  construction  de  l'église,  Saint-Bonnet  au 
xv°  s/èc/e.  Ces  quatre  parties  sont  suivies  de  vingt  pièces  justificatives  qui,  jointes  à 
divers  extraits  et  diverses  analyses  répandus  dans  le  volume,  donnent  pleinement  le 
droit  aux  auteurs  de  dire  ceci  (p.  xvxvii)  :  «  Nous  désirions,  avant  tout,  soustraire  à 
la  ruine,  qui  les  menaçait,  les   documents  de   nos  Archives.  Toute  fausse   modestie 
mise  à  part,  nous  pouvons  nous  rendre  le  témoignage   que  ce   but  est  à  peu   près 
atteint  par  la  publication  même  de  notre  livre.  »  Les   mêmes  auteurs  ont  pu  dire 
avec  non  moins  de  justice  (p.  xxxiv)  ;  «  L'Histoire  générale  ne  peut  plus  être  écrite 
désormais  qu'en  s'appuyant  sur  l'Histoire  particulière  et  locale,  rédigée  scrupuleu- 
sement d'après  les  sources.  Notre  livre,  envisagé  à   ce  point   de  vue,  apporte   donc 
une  contribution  consciencieuse  à  l'Histoire  générale.  »  L'Histoire  de  Saint-Bonnet- 
le-Châieau  est  imprimée  sur  beau  papier  et  ornée  de  remarquables  gravures.  C'est  un 
ouvrage  de  luxe  en  même  temps  qu'un  ouvrage  d'érudition.  Au  risque  de  commet- 
tre une  indiscrétion,  j'apprendrai  à  mes  chers  lecteurs  que  les  deux  savants  travail- 
leurs auxquels  nous  devons  une  publication  faite  avec  tant  de  soin  et  tant  de  talent, 
sont  M.  le  chanoine  James  Condamin,  docteur  en   théologie  et  docteur  ès-lcttres,  et 
M.  l'abbé  François  Langlois,  curé  de  Saint-Bonnet.  —  T.  de  L. 
■    —  L'Oratoire  et  la  Révolution.  —  L'étude  de  M.  A.  M.  P.  Ingold,  prêtre  de  l'Ora- 
toire (Paris,  Poussielgue,  grand  in-8°  de  102  p.)  renferme  beaucoup  de  choses  nou- 
velles qui  sont   très  bien  exposées.  L'auteur,  qui  est  un  de  nos  chercheurs  les  plus 
intrépides,  a  utilisé  diverses   pièces  inédites,  les  unes  tirées  de    nos   grands   dépôts 
publics,  les   autres  de  diverses  collections  particulières  (parmi  ces  dernières  on  re- 
marque des  extraits  de  ia  correspondance  de  Grégoire,  communiqués  par  notre  col- 
laborateur, M.  A.  Gazier).Il  a  aussi  utilisé,  sans  parler  de  tels  ou  tels  ouvrages  qu'il 
rectifie  ou  complète,  comme  le  Daunou  de  M.  Taillandier  et  le   Tabaraud  de  M.  Du- 
bédat,  un  grand  nombre  de  plaquettes  rarissimes  dont,   en   sa  double  qualité  d'ex- 
cellent bibliographe  et  de  bibliothécaire  de  l'Oratoire,  il  a  eu  particulièrement  con- 
naissance. Parmi   les    personnages  qui   figurent  dans   la  consciencieuse  et   vivante 
étude  de  M.  l'abbé    Ingold,  signalons    Dotteville,    Gaudin,    l'adversaire   du    célibat, 
Fouché,  qui  —  on  l'oublie  trop  souvent,  —  n'a  jamais  été   engagé  dans    les  ordres, 
Joseph  Lebon,  ordonné  prêtre  en  lySc)  et  dont,  dès  1785,  le   dernier   supérieur  de 
Juilly,  le  P.  Mandar,  avait  tracé  un  portrait  si  caractéristique,  le  précepteur  de  Vic- 
tor Hugo,  Larivière,  qui ,  quoiqu'en    ait  dit  le   grand    poète,  n'était   pas  un  ancien 
prêtre  de  l'Oratoire,  car  il  n'était  que  confrère  laïque,  ainsi  que  beaucoup  d'autres 
prétendus  Oratoriens  au  sujet  duquel  on  a  commis  tant  d'erreurs,  etc.  Le  travail  de 
M.  l'abbé  Ingold  devra  désormais  être  consulté  par  tous  ceux  qui  voudront  sérieu- 
sement étudier  l'histoire  de  la  révolution.     -  T.  de  L. 


212  REVUE    CRITIQUE    D  HISTOIRK    ET   DE    LITTERATURE 

ACADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  ii  septembre  i88^. 

M.  Desjardins  appelle  l'attention  de  rAcadémie  sur  une  publication  récente  de 
M.  Saige,  conservateur  des  archives  de  la  principauté  de  Monaco,  qui  intéresse  par 
plusieurs  côtés  l'histoire  de  France.  C'est  une  brochure  in-4°,  intitulée  :  Rapport 
à  Son  Altesse  Sérénissime  monseigneur  Is  prince  souverain  de  Monaco,  sur  la  publi- 
cation des  documents  historiques  extraits  des  archives  de  la  principauté  de  Mo- 
naco. 

M.Bergaigne  communique  à  l'Académie  une  lettre  qu'il  a  reçue  de  M.  Aymonier. 
Cette  lettre  est  datée  de  Q.uin-hon,  le  21  juillet.  Malgré  les  d'ifficultés  que  lui  crée 
la  situation  troublée  de  l'Annam,  M.  Aymonier  a  visité  plusieurs  provinces  et  y  a 
relevé  un  certain  nombre  d'inscriptions  nouvelles,  les  unes  sanscrites,  les  autres 
tchames.  Une  des  inscriptions  sanscrites  est  bouddhiste.  M.  Aymonier  continue 
aussi  ses  études  sur  la  race  tchame,  dont  la  domination  a  précédé  celle  des  Anna- 
mites sur  une  partie  de  la  côte  orientale  de  l'Indo-Chine. 

M.  Dieulat'oy,  complétant  ses  communications  sur  les  fouilles  qu'il  a  faites  en  Su- 
siane,  fait  connaître  les  nouvelles  qu'il  a  reçues  de  ses  collaborateurs,  MM.  Rabin  et 
Houssay.  Ces  messieurs,  forcés  par  la  chaleur  de  quitter  le  pays  pendant  quatre 
mois,  se  sont  rendus  à  Ispahan,  en  passant  par  MaKAmir,  Ram-Hormuz,  Chaponz, 
Chiraz,  Nakhcè-Roustem  et  Persépolis.  A  Mal-Amir,  ils  ont  photographié  les  bas- 
reliefs  et  les  inscriptions  de  Kaleh  Faraoun  (la  forteresse  de  Pharaon)  et  de  Che- 
kiasft  Salmon  (la  grotte  de  Salomon),  qne  l'on  ne  connaissait  encore  que  par  des 
croquis  très  imparfaits.  Ces  bas-reliefs  représentent  des  personnages  vêtus  de  l'an- 
cien costume  élamite.  Les  vêtements  qui  y  sont  tigurés,  ont  la  plus  grande  analogie 
avec  ceux  du  roi  noir  découvert  dans  les  ruines  des  palais  susiens.  A  Chapour  ont 
été  prises  les  photographies  des  bas-reliefs  sassanides,  également  inédits.  Enfin,  et 
ce  point  est  le  plus  important,  M,  Babin,  sur  des  indications  réitérées  et  précises 
de  M.  Dieulafoy,  a  pu  faire  élever  devant  le  tombeau  de  Darius,  situé  à  Nakhchè- 
Roustem,  un  échafaudage  haut  de  20  m.  et  photographier  le  testament  du  grand 
roi  achéménide.  Jusqu'à  ce  jour,  ce  document  du  plus  haut  intérêt  historique  n'avait 
pu  être  copié,  à  raison  de  sa  position,  que  d'une  façon  très  incomplète.  M.  Dieula- 
foy, à  son  premier  voyage,  l'avait  examiné  en  se  faisant  suspendre  à  l'extrérnité 
d'un  cable,  mais  il  n'ava'it  pu,  dans  cette  position,  manoeuvrer  sa  chambre  noire. 
L'échafaudage  a  permis,  en  outre,  de  découvrir  sept  inscriptions  inédites,  cachées 
sous  un  enduit  calcaire.  En  faisant  tomber  cet  enduit,  on  a  vu  apparaître  les  ins- 
criptions, colorées  en  bleu  turquoise.  M.  Dieulafoy  pense  que  la  coloration  des  ca- 
ractères gravés,  destinés  à  être  vus  de  loin,  était  un  fait  général,  mais  que  dans  les 
autres  inscriptions,  non  protégées  comme  celle-ci  par  un  enduit,  la  couleur  a  été 
effacée  par  le  temps. 

M.  Deloche  donne  une  seconde  lecture  de  son  mémoire  sur  les  monnaies  frappées 
au  nom  du  roi  Théodebert  P"^. 

M.  Léon  Lallemand  lit  un  travail  intitulé  :  Un  Chapitre  de  l'histoire  de  l'enfance 
abandonnée  :  les  Enfants  trouvés  en  France  du  x"  au  xvu«  siècle.  Au  moyen  âge,  la 
plupart  des  seigneurs  justiciers  exerçaient,  dans  leurs  domaines,  les  droits  d'épave 
et  de  déshérence  :  ces  droits  entraînaient  l'obligation  corrélative  d'entretenir  et  d'é- 
lever les  enfants  trouvés.  Ils  s'acquittèrent  plus  ou  moins  exactement  de  ce  devoir, 
mais  leur  obligation  fut  toujours  reconnue  en  droit,  et  le  parlement  intervint  par- 
fois pour  les  contraindre  d'y  satisfaire.  Dans  certaines  villes,  particulièrernent  en 
Dauphiné  et  dans  le  nord  de  la  France,  où  les  seigneurs  n'avaient  pas  les  droits  d'e- 
pave  et  de  déshérence,  l'entretien  des  enfants  trouvés  était  une  des  charges  de  la 
communauté  des  habitants;  on  trouve  souvent  dans  les  comptes  municipaux  1  indi- 
cation des  dépenses  que  les  villes  s'imposaient  pour  cet  objet.  Les  hôpitaux,  en  prin- 
cipe, ne  recevaient  pas  les  enfants  trouvés;  mais,  à  partir  du  xn'  siècle,  on  voit  sou- 
vent les  seigneurs  ou  les  villes  passer  avec  les  hôpitaux  des  traités  par  lesquels 
ceux-ci  se  chargent,  moyennant  une  rente  en  argent,  de  l'entretien  des  enfants.  De 
plus,  un  grand  nombre  d'hôpitaux,  placés  pour  la  plupart  sous  l'invocation  du 
Saint-Esprit,  furent  fondés  spécialement  en  faveur  des  enfants  trouvés.  Les  textes 
parlent  souvent  d'une  fenêtre  extérieure  où  les  enfants  étaient  déposés  et  recueillis; 
mais  presque  jamais,  en  France,  il  n'est  question  des  tours,  qui  paraissent  n  avoir 
existé  qu'en  Italie.  En  somme,  bien  avant  saint  Vincent  de  Paul,  des  mesures  étaient 
prises  presque  partout  pour  assurer  l'existence  et  l'éducation  des  enfants  trouves  : 
Vincent  a  eu  le  mérite  de  donner  une  impulsion  plus  vive  à  cette  torme  de  1  assis- 
tance publique,  dans  un  moment  où  la  misère  générale  la  rendait  plus  nécessaire 
que  jamais,  mais  il  ne  l'a  pas  créée.  vu'c 

Ouvrage  présenté,  de  la  part  de  l'auteur,  par  M.  Leblant  :  Schoebel  [Qr\.),^nts~ 
taire  des  origines  et  du  développement  des  castes  de  l'Inde  (publication  de  la  Société 
académique  indo-chinoise).  JuHen  Havet. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LERQUX-__ 

Lf-  Pu\'.  imprimerie  iie  March^.sxou  fils,  boulevard  Saint- Laurent,  si. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


N"  39  —  28  septembre  —  1885 


Sominuice  î  i68.  Bergaigne,  Manuel  pour  étudier  la  langue  sanscrite  et  Lanman, 
Textes  sanscrits.  —  lOg.  Goulet  d'Alviella,  Des  préjugés  qui  entravent  l'étude 
scientihque  des  religions.  —  170.  Kraner,  L'armée  romaine  au  temps  de  (^ésar, 
trad.  par  Baldy  et  Larroumet.  —  171.  De  Ruble,  Antoine  de  Bourbon  et  Jeanne 
d'Albret,  III.  —  Chronique,  —  Académie  des  Inscriptions.  —  Société  des  Anti- 
quaires de  France. 


168.    —    A  bel    Bergaigne.     Manuel    pour     étudîei*    la    langue     sansci'îte. 

Chrestomathie  —  Lexique  —  Principes  de    grammaire.    Paris,    F.  Vieweg,   1884, 
xiii-335  p.  in-8. 

—  Charles  Rockweli,  Lanman.  A.  «»anscrît  rtea<lei>  with  Vocabulavy  and 
Notes.  Parts  I  and  11.  Text  and  Vocabulary.  Boston,  Ginn,  Heath  and  C^,  1S84, 
xx-2g3  p.  in-8. 

La  France,  qui  a  inauguré  l'enseignement  officiel  du  sanscrit  en  Eu- 
rope, manquait  jusqu'ici  d'un  livre  élémentaire  approprié  à  cet  ensei- 
gnement. Nous  avions  des  textes  et  des  grammaires  et:  quelques  essais, 
peu  heureux  de  lexicographie.  Mais  ces  publications,  parmi  lesquelles 
il  en  est  de  fort  estimables,  étaient  indépendantes  les  unes  des  autres  et 
ne  répondaient  d'ailleurs  qu'imparfaitement,  chacune  prise  à  part,  aux 
exigences  de  la  pratique.  Pour  un  manuel  pouvant  servir  de  base  aux 
leçons,  parfaitement  relié  en  toutes  ses  parties,  à  la  fois  limité  aux  be- 
soins des  commençants  et  complet  dans  l'intérieur  de  ces  limites,  nous 
étions  absolument  tributaires  de  nos  voisins.  C'est  donc  une  lacune 
dont  notre  haut  enseignement  a-  souffert  pendant  soixante-dix  ans,  que 
vient  de  combler  la  publication  de  M.  Bergaigne,  et  le  livre  n'aurait  que 
ce  mérite  là,  qu'il  serait  le  très  bien  venu.  Mais  il  en  a  d'autres  encore  : 
il  est  si  parfaitement  approprié  au  but  proposé,  à  la  fois  si  pratique  et 
d'un  niveau  scientifique  si  élevé,  qu'il  fait  plus  que  nous  mettre  au 
courant  et  que,  à  plusieurs  égards,  il  pourra  servir  de  modèle  encore 
ailleurs,  où  jusqu'ici  on  était  mieux  outillé. 

Comme  l'indique  le  titre,  le  Manuel  de  M.  B.  comprend  trois  par- 
ties :  un  choix  de  textes,  un  lexique  et  une  grammaire,  et  chacune  de 
ces  parties  est  si  bien  combinée,  jusque  dans  les  moindres  dispositions, 
en  vue  des  deux  autres,  que  l'élève  le  moins  préparé  peut  aussitôt  les 
commencer  de  front,  et  que,  dès  le  premier  jour,  sans  perte  de  temps, 
rien  qu'à  suivre  le  livre,  l'enseignement  se  trouve  organisé. 

Les  textes  comprennent  :    i"  222  sentences  morales  empruntées  aux 
Indische  Spriiche  de  M.  Buhtlingk.  Ces  stances  sont  souvent  difficiles; 
mais  elles  ont  l'avantage  d'être  courtes  et  complètes  chacune  en  elle- 
Nouvelle  série,  XX.  Sg 


2  14  REVUE    CRITIQUE 

même.  Elles  ne  laissent  pas  à  Tauention  le  temps  de  se  lasser,  et  cons- 
tituent ainsi,  malgré  leur  construction  parfois  compliquée,  un  excellent 
exercice  de  début  pour  des  esprits  déjà  mûris  et  formés  aux  études  clas- 
siques. L'auteur  a  d'ailleurs  prévu  toutes  les  difficultés  matérielles  qui 
pourraient  arrêter  le  commençant.  Tout  ce  que  l'élève  est  censé  igno- 
rer—  au  début,  M.  B.  ne  lui  suppose  que  la  connaissance  de  l'alpha- 
bet, des  règles  générales  d'euphonie  et  de  la  déclinaison  en  a,  —  lui  est 
fourni  par  un  double  système  de  notes  ingénieusement  combinées.  Ces 
notes  qui,  dans  la  suite,  deviennent  de  plus  en  plus  rares,  apprennent 
en  même  temps  à  faire  bon  usage  du  lexique  et  de  la  grammaire  et  à  s'y 
retrouver  aisément;  2"  un  épisode  du  111'=  livre  du  Mahâbhârata,  «  le 
rapt  de  Draupadî  »,  en  22  5  distiques,  où  le  mètre  trishliibh  alterne  avec 
le  cloka  ordinaire.  Le  texte  est  établi  d'après  les  meilleures  éditions  : 
pour  quelques  endroits  difficiles  ou  suspects,  M.   B.  a  eu  recours  aux 
manuscrits;  3Me  V  acte  de  Çakuntalâ,  d'après  la  recension  bengalie 
publiée  par  M.  Pischel.  La  chdyâ  des  passages  prâcrits  a  été  retouchée 
de  façon  à  rendre  non  seulement  le  sens,   mais  à  serrer  aussi   de  plus 
près  les  formes  du  dialecte  vulgaire.  Contrairement  à  Texemple  de  quel- 
ques-uns de  ses  prédécesseurs,  et,  en  ceci,  je  ne  puis  que  l'approuver, 
M.  B.  n'a  pas  donné  de  place  dans  son  livre  à  la  littérature  et  à  la  lan- 
gue du  Véda.  Par  contre,  je  regrette  qu'il  n'y  ait  pas  admis  quelques 
spécimens  de  prose  continue,  une  fable  ou  deux  du  Pancatantra  ou  de 
THitopadeça,  écrites  en  style  simple,  et  même  quelques  pages  du  Daça-' 
kumâracarita  par  exemple,  avec  leur  abus  des  longs  composés. 

De  même  que  les  excellentes  «  Leçons  de  mots  »  de  MM.  Bréal  et 
Bailly  (i88i-i885),  le  lexique  est  ordonné  suivant  l'etymologie.  Autant 
que  faire  se  pouvait,  les  dérivés  sont  placés  sous  leur  primitif  et  celui-ci, 
à  son  tour,  sous  la  racine.  Les  composés  sont  énumérés  sous  leur  der- 
nier terme.  Ce  procédé,  qui  serait  inapplicable  dans  un  dictionnaire 
complet  ayant  pour  objet  d'enregistrer  les  richesses  de  la  langue,  est  ex- 
cellent dans  un  vocabulaire  restreint  comme  celui-ci,  destiné  avant  tout 
à  en  faire  saisir  la  structure.  Grâce  aux  notes  et  aux  renvois  répandus 
dans  tout  le  livre  et  particulièrement  multipliés  dans  les  premières  pa- 
ges, l'élève  se  retrouvera  bien  vite  dans  la  disposition  nouvelle,  et  il 
sera  amplement  dédommagé  du  léger  surcroit  de  peine  qu'elle  lui  aura 
donné  au  début,  par  le  profit  qu'il  retirera  de  ce  constant  exercice  d'a- 
nalyse. En  tout  cas,  cette  ordonnance  est  en  harmonie  parfaite  avec  le 
caractère  général  du  livre,  qui  est  de  réduire  autant  que  possible  le  tra- 
vail purement  mnémonique  au  profit  du  travail  refléchi.  J'ajouterai 
qu'en  fait  d'étymologies,  M.  B.  a  préféré  pécher  par  excès  de  prudence. 
Ainsi,  il  n'a  pas  placé  diihitri  sous  duh,  ni  kula  sous  ka?',  bien  qu'il  ait 
mis  sous  ce  dernier  âkula. 

Pour  la  grammaire,  M.  B.  a  suivi  en  général  M.  Whiiney,  mais  en 
opérant  à  son  tour  quelques  changements  notables  et  en  imprimant  sur- 
tout à  son  exposition  un  cachet  très  personnel.   Cette  exposition  est  à 


D  HISTOIRE    r:T    DR    LITTERATURE  215 


un  haut  degré  condensée  et  abstraite.  Les  exceptions  peu  compréhensi- 
ves  ou  tout  à  fait  particulières  sont  renvoyées  au   lexique.   Les  paradig- 
mes sont  réduits  au  juste  nécessaire,  Fauteur  ayant,  sans  doute,  jugé  et 
avec  raison,  qu'il  valait  mieux  laisser  à  l'élève  le  soin  de  les  construire 
que  de  les  lui  livrer  tout  faits.  M.  B.  est  parvenu  ainsi  à   renfermer  en 
un  petit  nombre  de  pages  une  grammaire  qui  n'est  élémentaire  et  in- 
complète que  par  rapport  à  des  faits  isolés  ou   rares,  dont  les  textes 
choisis  n'offraient  pas  d'exemples.  Pour  les  faits  généraux,  pour  tout  ce 
qui  concerne  le  mécanisme  delà  langue,  elle  est  complète.  Des  change- 
ments introduits  par  M.  B.,  les  uns,  et  ce  sont  les  moins  heureux,  pa- 
raissent n'avoir  été  faits  que  pour  se  rapprocher  d'avantage  des  habitu- 
des   de    nos    grammaires    classiques.    Du    moins    je    n'aperçois    pas 
d'autre   motif  à   la   singulière  distribution    des  noms  en    trois   décli- 
naisons :  I"  thèmes  féminins  en  rt  et  féminins  dérivés  en  /;   2"  thèmes 
en  d;   3"  tous  les    autres  thèmes.   Il  est   vrai  qu'il   n'y  pas  ou,   plu- 
tôt, qu'il  n'y  a  plus  à  cet   égard  de  tradition    demeurée  intacte.  Ce- 
pendant, pour  le  fond,  en  ce  qu'elle  avait  de  rationnel,   on  avait  con- 
servé jusqu'ici  l'ordonnance  indigène,   qui  remonte  pour  le  moins  à 
Vopadeva;  personne,  surtout,  ne  s'était  encore  avisé  de  déposséder  le 
masculin  d'un   rang  qu'il  occupe  depuis   qu'il  y  a  une  terminologie 
grammaticale  en  sanscrit.   C'est  pour   une  raison   semblable  que   les 
verbes  ont  été  distribués  en  deux  conjugaisons.  M.   B.  a  certainement 
bien  fait  de  ne  pas  s'en  tenir  à  l'ordonnance  hindoue  des   lo  classes. 
Mais  je  doute  qu'il  ait  eu  raison  de  simplement  la  supprimer.  C'est  dis- 
poser bien  lestement  d'une  division  sur  laquelle  repose  le  Dlidtupdtha, 
qui  a  pénétré  largement  dans  nos  grammaires  et  dans  nos  lexiques,  qui, 
d'ailleurs,  n'a  de  factice  que  l'ordre  de  ses  divers  termes  et  qui,  comme 
nomenclatiu'e  du  moins,  est  indispensable  dans  une  exposition  complète 
du  verbe  sanscrit,  si  on  ne  veut  pas  recourir  sans  cesse  à  d'intermina- 
bles périphrases.  En  tout  cas,  il  eût  fallu  la  remplacer,  ce  semble,  par 
une  distribution  moins  rudimentaire  que  celle  de  thèmes  se  terminant 
en  a  et  de  thèmes  se  terminant  autrement.  N'y  aurait-il  pas  là  un  peu 
de  libido  novandi?  —  Une  innovation  plus  profonde  et  introduite, 
celle-ci,  en  vue  des  études  de  linguistique  comparative  1,  est  l'admission 
de  la  théorie  de  M.  de  Saussure  sur  les  racines  dissyllabiques.  Je  Lai  vu 
reprocher  à  l'auteur  ~  comme  n'étant  pas  à  sa  place  dans  un  livre  à  l'u- 
sage des  commençants.  Je  ne  suis  pas  de  cet  avis.  Une  grammaire  élé- 
mentaire du  sanscrit  n'est  pas  un  rudiment  qui  s'adresse  à  des  enfants. 
Présentée,  d'ailleurs,  comme  elle  l'est  ici,  cette  théorie  est  inoffensive. 
Elle  ne  préjuge  en  rien  la  forme  originaire  des  racines,  et  elle  permet 
de  présenter  d'une  façon  plus  compréhensive  un  grand  nombre  de  faits 
essentiels  de  la  langue.  Si  j'avais  un   reproche  à  adresser  de  ce  chef  à 


1.  Ce  point  de  vue,  du  reste,  est  observe  d'un  bout  à  l'autre  du  livre.  Le  lexique 
contient  un  excellent  choix  de  rapprochements  avec  les  autres  langues  de  la  famille. 

2.  Dans  VAcademy  du  9  août  1884. 


2l6  REVUE    CRITIQUE 

M.  B.,  ce  serait  plutôt  de  n'être  pas  parvenu,  malgré  les  plus  louables 
efforts,  à  lui  donner  la  précision  didactique.  Les  pages  qui  en  traitent, 
ont  parfois  Tallure  d'une  dissertation  plutôt  que  celle  d'un  chapitre  de 
grammaire. 

J'ai  déjà  signalé  la  cohésion  des  diverses  parties  du  Manuel  de  M.  B., 
le  soin  minutieux  avec  lequel  Fauteur  a  tracé  à  l'élève  la  voie  qu'il  de- 
vra suivre,  toutes  les  qualités  enfin  qui  rendent  l'ouvrage  éminemment 
propre  à  l'enseignement  en  commun,  où  il   est  essentiel  que  tout  le 
monde  avance  du  même  pas.  J'imagine  qu'une  classe  doit  marcher  ron- 
dement et  siirement  à  suivre  ce  livre.  Mais  est-il  également  approprié  à 
l'étude  privée?  M.  B.,  qui  a  prévu  le  cas,  recommande  à  Télève  qui  s'y 
trouverait,  de  se  conformer  à  ses  indications  aveuglément.  Le  conseil 
n'était  pas  inutile,  car  le  livre  est  une  Hlière,  dans  laquelle  il  ne  faut 
pas  s'engager  si  on  ne  veut  pas  y  passer  jusqu'au  bout.  D'autre  part,  la 
direction,  à  n'en  pas  douter,  est  excellente.  Seulement  je  me  demande 
si  c'est  bien  celle  qui  convient  à  l'autodidacte,   au  jeune  homme  déjà 
formé,  qui  prétend  apprendre  le  sanscrit  sans  maître.  J'en  sais  du  moins 
qui  auraient  refusé  de  s'y  soumettre  et  qui,  à  vingt  ans,   auraient  pré- 
féré, sous  une  direction  moins  vigilante  et  au  risque  de  quelques  faux 
pas,  se  sentir  les  coudées  plus  franches  ^. 

Cette  direction  moins  vigilante,  l'élève  isolé  la  trouvera  dans  le  Rea- 
der de  M.  Lanman.  Infiniment  moins  élaboré  au  point  de  vue  des  exi- 
gences d'un  cours  que  le  Manuel  de  M.  B.,  le  livre  du  savant  américain 
soumet  l'étude  privée  à  une  discipline  moins  rigoureuse,  et  se  borne  à 
lui  fournir  en  grande  abondance  les  secours  dont  elle  peut  avoir  besoin. 
Le  volume  publié  ne  contient  qu'un  choix  de  textes  et  un  glossaire. 
L'élève  est  censé  muni  de  la  grammaire  de  "Whituey,  dont  le  Reader 
est  en  quelque  sorte  le  complément,  et  à  laquelle  il  trouvera  de  nom- 
breuses références  presqu'à  chaque  ligne.  Les  conseils  de  l'auteur  et  les 
instructions,  peut-être  un  peu  minutieuses,  pour  le  bon  usage  du  livre, 
sont  réunis  dans  l'Introduction  et  dans  un  Appendice  final.  En  tête  du 
volume  se  trouve  une  courte  bibliographie  destinée  à  orienter  l'élève 
qui  voudra  pousser  plus  loin  l'étude  de  la  langue  et  de  la  littérature 
sanscrites.  Le  2"  volume  contiendra  les  notes  explicatives  ainsi  que  des 
renseignements  (apparemment  fort  étendus)de  diverses  sortes,  littéraires,     1 
historiques  et  archéologiques.  L'étudiant  isolé  aura  ainsi  sous  la  main, 
réunie  en  deux  volumes  et  recueillie  en  vue  de  la  complète  élucidation 
des  textes  choisis,  la  substance  de  toute  une  bibliothèque.    Déjà  ces 
quelques  détails  suffiraient  à  montrer  la  difTérence  qu'il  y  a  entre  le  but 
poursuivi  par  chacun  des  deux  auteurs,  et  combien  de  choses  M.   L,  a 
dû  admettre  dans  son  livre,  que  M.    B.   a  fait  sagement  d'exclure  du    | 
sien. 


1.  L'impression  est  fort  belle  et  la  correction  est  irréprochable.  En  fait  de  fautes 
non  relevées  dans  Vcrrata,  je  n'ai  trouvé  que  Premières  au  lieu  de  Premiers,  à  la 
3^  ligne  de  la  Table  des  matières. 


d'histoire  et  de  littérature  217 

Les  textes  choisis  par  M.  L.  comprennent  :  les  cinq  premiers  chapi- 
tres de  l'épisode  de  Nala,  du  Mahâbhârata;  20  morceaux  empruntés  à 
l'Hitopadeça;  six  autres  pris  du  Kathâsaritsâgara  et  d'assez  longs  ex- 
traits du  Code  de  Manu:  en  tout  68  pages  de  textes  en  langue  classique, 
parmi  lesquels  on  regrette  de  ne  pas  trouver  quelques  spécimens  de 
cette  poésie  lyrique  et  sentencieuse  dont  M.  B.  a  fait  un  si  judicieux 
usage.  Le  restant  de  la  chrestomathie,  38  pages,  consiste  en  textes  védi- 
ques, à  savoir  :  vingt-neuf  hymnes  ou  fragments  d'hymnes  du  i^ig 
Veda;  quatre  morceaux  de  la  Maitrâyanî  Samhitâ  ;  un  de  la  Taittirîya 
Samhitâ;deux  de  TAitareya  Brâhmana;  quatre  du  Çatapatha  Brâh- 
mana  ;  un  passage  du  Nirukta  et  deux  longs  extraits  du  Grihya  Sûtra 
d'Açvalàyana.  Tous  ces  morceaux  sont  bien  choisis  ;  ils  sont  intéres- 
sants par  eux-mêmes;  ils  se  complètent  parfois  les  uns  les  autres;  ils 
diffèrent  de  ceux  qui  se  trouvent  déjà  dans  d'autres  recueils  semblables; 
enfin,  par  suite  du  caractère  même  du  livre,  ils  n'y  sont  pas  aussi  dé- 
placés qu'ils  le  seraient  dans  celui  de  M.  Bergaigne.  Et,  pourtant,  je 
crois  que  M.  L.  eût  mieux  fait  de  les  exclure,  les  hymnes  du  moins,  et 
de  les  remplacer  par  des  textes  en  langue  classique.  Ce  n'est  pas  dans 
une  chrestomathie  qu'il  faut  faire  connaissance  avec  le  Rig  Veda. 

Les  conséquences  de  ce  mélange  se  révèlent  aussitôt  dans  le  glos- 
saire. Celui-ci  se  compose  en  effet  de  deux  parties  distinctes  :  des  mots 
dont  l'interprétation  est  certaine  et  beaucoup  d'autres  dont  l'interpréta- 
tion ne  l'est  pas,  et,  ce  qui  est  plus  fâcheux  encore,  sans  que  l'étudiant 
soit  averti,  ne  fût-ce  que  par  un  signe,  de  la  différence.  A  part  ce  dé- 
faut, ce  glossaire  est  fait  avec  beaucoup  de  soin,  et  M.  L.,  tout  en  pre- 
nant pour  base  le  Dictionnaire  de  Saint-Pétersbourg,  y  a  mis  beaucoup 
de  travail  personnel  et  indépendant.  L'évolution  du  sens  des  mots  a 
été  l'objet  d'une  attention  spéciale.  La  partie  comparative  est  très  riche 
et  les  matériaux  en  sont  bien  choisis.  Les  formes  verbales,  comme  le 
comportait  d'ailleurs  la  destination  différente  du  livre,  sont  données 
d'une  façon  plus  complète  que  dans  le  lexique,  un  peu  trop  maigre 
peut-être  à  cet  égard,  de  M.  Bergaigne.  Par  contre,  il  y  a  décidément 
excès  dans  la  nomenclature  des  composés,  que  M.  L.  enregistre  à  leur 
rang,  tous  sans  exception. 

Imprimé  avec  une  rare  élégance  sur  un  fort  et  beau  papier  à  grandes 
marges,  le  Sanskrit  Reader  de  M.  Lanman  est  un  véritable  joyau  ty- 
pographique. 

A.  Barth. 


2l8  RRVUE    CKITIQUE 

169.  —  I>es  pi'éjngés  qui  enti-avent  l'élude  tsclentînque  des  roligtons, 

leçon  d'ouverture  du  cours  d'histoire  des  religions  à  l'Université  de  HruxcUes, 
par  le  comte  Goblet  u'Alviella.  Bruxelles,  librairie  Muquardt,  34  p.  in-8, 
i885. 

Le  mérite  de  cet  opuscule  consiste  en  une  série  d'idées  Justes,  de  ré- 
flexions sages,  énoncées  sous  une  forme  agréable  et  ingénieuse;  son  dé- 
faut est  qu'il  ne  dit  guère  que  ce  que  tout  le  monde  sait  ou  devrait 
savoir  et  que  l'auteur  s'arrête  au  seuil  même  du  sujet  qu^il  prétend  abor- 
der. C'est  un  ragoût  bien  composé;  nous  y  retrouvons  avec  plaisir  des 
viandes  et  des  ingrédients  de  bonne  qualité,  mais  nous  regrettons  qu'il 
n'y  ait  été  fait  usage  que  de  recettes  tombées  depuis  dix  ans  dans  le 
domaine  public. 

M.  Goblet  d'Alviella,  qui  n"'est  point  un  savant,  pas  même  un  érudit, 
est,  en  revanche,  un  lettré  d'une  curiosité  très  éveillée  et  d'un  jugement 
perspicace.  Il  réclamait  depuis  plusieurs  années  qu'une  place  fût  faite 
dans  le  haut  enseignement  belge  à  l'étude  des  religions,  envisagée  en 
dehors  des  points  de  vue  confessionnels;  il  était  doublement  désigné 
pour  inaugurer  un  cours  de  cette  nature  après  la  publication  de  l'œuvre, 
extrêmement  remarquable,  qu'il  a  intitulée:  L'évolution  religieuse  con- 
temporaine che^  les  Anglais,  les  Américains  et  les  Hindous  '. 

M.  G.  s'est  proposé  d'indiquer  à  ses  auditeurs  les  principaux  des 
préjugés  qui  tendent  «  à  entraver  l'application  des  méthodes  scientifi- 
ques à  l'étude  des  phénomènes  religieux.  »  Le  premier  de  ces  préjugés 
est  le  préjugé  religieux  ou,  plus  exactement,  du  dogmatisme  religieux, 
qui  s'oppose  à  la  fois  à  l'examen  de  la  religion  qu'on  professe  et  à  celui 
des  religions  étrangères,  l'une  étant  considérée  comme  ayant  un  carac- 
tère divin,  les  autres,  en  revanche,  comme  plus  ou  moins  diaboliques, 
sinon  simplement  inférieures  ou  dérivées.  Le  second  préjugé  est  le  pré- 
jugé anti-religieux,  qui  confond  dans  un  mépris  commun  toutes  les 
doctrines  et  tous  les  sacerdoces,  parfois  avec  quelque  indulgence  pour  le 
paganisme  gréco-romain. 

Vn  troisième  préjugé  est  le  pvé]ug,é  philosophique,  autrement  dit  «  la 
préoccupation  de  trouver  dans  les  faits  la  confirmation  d'une  doctrine 
arrêtée  d'avance.  »  Ainsi  la  doctrine  de  Comte,  exigeant  que  toute 
religion  traverse  successivement  les  trois  phases  du  fétichisme,  du  poly- 
théisme et  du  monothéisme.  D'autres,  à  leur  tour,  présentent  les  di- 
verses religions  historiques  «  comme  l'écho  atïaibli  d'un  monothéisme 
primitif.  » 

En  quatrième  lieu,  il  faut  segarder  des  généralisations  hâtives. Tel  sou- 
tient que  les  religions  ont  été  inventées  par  les  prêtres,  en  constatant  l'art 
de  certains  sacerdoces  à  maintenir  des  cultes  caducs  ;  un  autre  veut  voir 


I.  Il  est  assez  bizarre  que  M.  G.  débute  par  une  indication  inexacte  sur  l'enseigne- 
ment de  l'histoire  des  religions  en  Hollande.  Ce  n'est  pas,  comme  il  l'indique,  à 
Leyde  seulement  que  cette  discipline  est  professée,  mais  bien  dans  les  quatre  uni- 
versités du  royaume. 


D  HISTOIRE    ET    DE    MTTÉRATURE  2  I  g 

dans  tous  les  dieux  des  hommes  divinisés.  Un  troisième  abusera  de  Tcx- 
plication,  partiellement  légitime,  des  mythes  et  des  panthéons  par  des 
personnitications  ou  déifications  de  phénomènes,  forces  et  corps  natu- 
rels. Chacun,  dans  cet  ordre  d'idées,  a  cru  devoir  insister,  soit  sur  le 
rôle  joue  par  le  soleil,  soit  sur  celui  prêté  à  Torage,  sans  parler  de  ceux 
qui  ont  relevé  de  préférence  la  circonstance  de  métaphores  du  langage 
prises  au  pied  de  la  lettre  ou  qui  ont  imaginé  la  mythologie  dite  ocu- 
laire ou  iconographique  '<.  Ma  conclusion,  dit  M.  G.,  sera  qu'il  y  a  du 
vrai  dans  chacune  de  ces  ingénieuses  théories  et  même  qu'à  elles  toutes 
elles  n'épuisent  pas  la  matière.  »  11  ne  faut  pas  non  plus  voir  partout 
des  mythes,  vaporiser  faits  et  personnages  religieux,  affirmer  des  filia- 
tions entre  religions  séparées  par  le  temps  et  l'espace  quand  on  ne  pos- 
sède point  la  connaissance  des  intermédiaires. 

Le  cinquième  préjugé  que  combat  M.  G.  est  celui  des  sciences  parti- 
culières, linguistique  et  anthropologie,  qui  ont  la  prétention  de  «  faire 
de  rhiérographie  une  simple  province  de  leur  empire  respectif.  »  Les 
linguistes  prétendent  tout  expliquer  par  le  dictionnaire,  les  ethnogra- 
phes et  folkloristes  protestent  de  toutes  leurs  forces,  etc.  D'après  M.  G., 
ni  les  uns  n'ont  tout  à  fait  raison,  ni  les  autres  tout  à  fait  tort.  A  le  bien 
prendre,  les  diverses  sciences  «  se  contrôlent,  se  corrigent  et  par  consé- 
quent se  complètent  les  unes  les  autres.  » 

J'ajouterai  à  ce  résumé  que  mon  analyse  fait  peut-être  un  peu  de  tort 
à  la  «  leçon  d'ouverture  »  de  M.  G.,  en  ce  sens  que  ses  différentes  propo- 
sitions sont  généralement  illustrées  pav  des  détails  heureusement  choisis 
et  des  allusions  intéressantes.  Je  crains  toutefois  qu'une  telle  analyse  ne 
justifie  que  trop  les  réserves  que  j'ai  placées  en  tête  de  ce  compte-rendu. 
C'eût  été  là   une  bonne  conférence;  c'est  une  médiocre  leçon  de  haut 


enseig!iement. 


Ce  qu'il  aurait  fallu  dire,  d'après  nous,  ce  n'est  pas  qu'on  fera  de  la 
bonne  hiérographie  avec  une  cote  mal  taillée  entre  cinq  ou  six  systè- 
mes, mais  déclarer  que  tous  ces  systèmes  sont  aussi  mauvais  les  uns 
que  les  autres  et  que  le  commencement  de  la  sagesse  consiste  à  les  jeter 
par  dessus  bord  sans  exception.  Sans  doute,  il  est  juste  de  dire  que  quel- 
qu'un qui  en  est  à  distinguer  entre  religion  révélée  ou  surnaturelle  et 
religions  naturelles  ou  fausses,  est  mal  partagé  pour  étudier  scientifique- 
ment l'iiistoire  des  religions.  Mais  j'avoue  que  je  suis  de  plus  en  plus 
tenté  de  ranger  dans  la  même  catégorie  quiconque  croit  possible  et 
préconise  n'importe  quelle  explication  générale  des  religions.  11  y  a 
certainement  moins  d'invraisemblance  à  dire  que  la  religion  a  com- 
mencé par  un  état  premier  assez  pauvre  pour  s'élever  petit  à  petit  à 
des  systèmes  aussi  élevés  que  compliqués  qu'à  soutenir  la  thèse  oppo- 
sée. Ce  n'est  toutefois  là  qu'une  hypothèse  absolument  gratuite. 
Quand  donc  je  lis  dans  le  résumé  le  plus  solide,  le  plus  étudié  qu'on  ait 
produit  à  cette  heure  de  nos  connaissances  en  matière  d'histoire  des  reli- 
gions, dans  le  manuel  de  M.  Tiele,  que  j'ai  été  heureux  de  donner  déjà 


2  20  RKVUK    CKlTlQUl!: 

deux  fois  en  français  à  ceux  de  nos  concitoyens  qui  désirent  être  rensei- 
gnés en  CCS  matières,  des  déclarations  comme  celles-ci  :  «  Différentes 
raisons  rendent  vraisemblable  que,  à  la  plus  ancienne  religion,  qui  n'a 
laissé  que  de  faibles  traces,  a  succédé  une  période  où  dominait  généra- 
lement l'Animisme,  lequel  aboutit  de  bonne  heure  aux  religions  natio- 
nales polythéistes,  d'où  sont  sorties  des  religions  nomistiques,  puis  des 
religions  universalistes  etc.,  »  je  crains  qu'il  n'y  ait  là-dessous  une 
grande  illusion,  une  fantasmagorie,  j'irai  jusqu'à  dire,  de  la  fantaisie. 
Ce  sont  constructions  de  tête  auxquelles  les  laits  se  laisseront  plier,  mais 
qui  ne  sortent  pas  des  faits.  Je  qualifierais  plus  sévèrement  encore  le 
titre  adopté  pour  les  conférences  anglaises  de  la  fondation  Hibbert  : 
Origin  and  growth  of  religion  as  illiistrated  bj"  the  t'eligions  of... 
suit  à  volonté  le  nom  de  Tlnde,  de  l'Egypte,  etc.  II  y  a  là  de  quoi  in- 
duire positivement  le  public  en  erreur.  Parler  du  développement  ou  de 
la  croissance  de  la  religion,  c'est  déjà  risqué;  annoncer  qu'on  jettera  de 
la  lumière  sur  son  origine  est  un  propos  qui  n'est  pas  supportable. 

Mais  si  nos  hiérographes  les  plus  sérieux  font  preuve  d'une  déplora- 
ble absence  de  méthode,  de  plus  en  plus  visible  en  cette  fin  de  siècle, 
rachètent-ils  au  moins  ce  défaut  par  la  solidité  de  leurs  tableaux  de  détail, 
par  la  sûreté  de  leurs  informations  sur  tel  peuple,  telle  époque? 

Hélas!  là  aussi,  il  faut  répéter  :  fantasmagorie,  fantaisie.  Quand  bien 
même,  en  effet,  on  viendrait  déclarer  que  les  classifications  adoptées 
n'ont  pas  d'autre  valeur  que  celle  d'un  cadre  empirique,  quand  bien 
même  on  sacrifierait  résolument  la  chimère  de  la  recherche  des  types 
de  race,  que  j'ai  vu  avec  plaisir  M.  James  Darmesteter  déclarer  «  aban- 
donnée déplus  en  plus  dans  l'histoire  religieuse,  »  quand  bien  même  on 
dirait  entendre  au  sens  le  plus  modeste  la  méthode  comparative  appli- 
quée aux  religions',  quand  bien  même  les  hiérographes  sacrifieraient 
mainte  autre  encore  de  leurs  détestables  habitudes,  il  n'en  résulterait 
pas  encore  que  les  données  prétendues  positives  de  notre  discipline  fus- 
sent toujours  très  dignes  d'être  prises  au  sérieux. 

Citons  en  quelques-unes.  Qu'est-ce  que  l'ancienne  religion  sémitique 
en  général,  et  qu'est-ce  que  1'  «  accadisme  »  en  particulier?  En  matière 
de  religion  israélite,  dont  je  m'occupe  spécialement,  il  me  sera  permis 
de  déclarer  que  les  tableaux  de  la  dite  religion  du  x«  au  vi"  siècle  avant 
notre  ère,  tels  que  les  donnent  les  historiens  les  plus  sobres,  sur  dix  faits 
qu'ils  allèguent,  en  rapportent  peut-être  un  ou  deux  dignes  de  foi;  je  ne 


I.  En  matière  de  linguistique  on  a  des  occasions  de  constater  l'état  d'un  idiome, 
lequel  se  brise  en  dialectes  à  un  moment  donné  de  telle  façon  qu'on  peut  suivre 
l'évolution  parallèle  de  la  langue  dans  dit^érents  embranchements  sortant  d'un  tronc 
commun  et  connu  (exemple  :  les  langues  romanes).  C'est  là  un  emploi  de  «  la  mé- 
thode comparative.  »  Prétendre  agir  de  même  en  matière  religieuse,  comme  on  l'a 
tenté  pour  le  groupe  indo-européen  ou  le  groupe  sémitique,  c'est  tromper  les  autres 
après  s'être  trompé  soi-même.  Mais  il  serait  licite  de  le  faire  pour  les  sectes  et 
embranchements  du   christianisme,  du  brahmanisme,  de  l'islamisme. 


D  HISTOIRK    ET    DK    LITTERATURE  22  1 

parle  pas  des  «  origines»,  qui  n'ont  rien  à  voir  avec  l'histoire.  Que 
pense-t-on,  d'autre  part,  de  la  religion  aryenne  primitive?  Sait-on  lort 
bien  ce  qu^on  peut  appeler  Védisme?  —  U  est  inutile  de  prolonger  cet 
aperçu  critique. 

Est-ce  d'ailleurs  de  religion  seulement  qu'il  est  traité  dans  ces  divers 
chapitres,  c'est  à-dire  d'un  ensemble  de  conceptions  sur  la  divinité  et  du 
culte  rendu  à  celie-ci?  Non;  on  y  mêle  perpétuellement  la  mythologie, 
qui  est  souvent  tout  autre  chose  et  le  folklore,  qui  n'est  plus  du  tout 
cela. 

En  dehors  de  quelques  époques  historiques  où  le  pied  pose,  —  se- 
conde partie  du  judaïsme,  christianisme  (sauf  les  origines),  islamisme, 
partie  des  religions  de  Flnde,  de  la  Perse,  de  la  Chine,  du  monde  gréco- 
romain,  etc.,  — ne  serait-il  pas  juste  de  dire  que  les  tableaux  que  nous 
traçons  de  mainte  religion  du  passé  valent  généralement  celui  qu'on 
composerait  delà  religion  de  la  Grèce  avec  le  bagage  mythologique  de 
la  langue  du  xvine  siècle  'l 

Quelle  conclusion  tirer  de  là?  C'est  que  Fetude  de  l'histoire  des  reli- 
gions ou  hiérographie  en  est  encore   à  la   péiiode  de  l'enfance,  qui  se 
caractérise  par  Tabus  des  systèmes.  La  bonne  œuvre  à  faire  serait  de 
Tarracher  à  cette  ornière  en  appliquant  rigoureusement  aux  faits  de  son 
domaine  les  règles  sévères  qui  ont  renouvelé  de  notre  temps  Tétude  de 
ia  linguistique  et  de  certaines  parties  de  Thistoire.  Cataloguer  les  faits, 
soumettre  ceux-ci  et  les  textes  à  un  épluchage  rigoureux,  les  dater   le 
mieux  qu'il  est  possible,  en   un  mot,   amasser  des  matériaux  de  bonne 
qualité  scrupuleusement  vérifiés,  qui  pourront  servir  ultérieurement  à 
des  constructions  plus  ou  moins  considérables,  voilà  la  tâche  du  présent. 

Il  est  grand  temps, — je  prends  la  liberté  dedédier  ce  conseil  à  mes  con- 
frères en  hiérographie,  —  que  nous  nous  décidions  à  entrer  résolument 
dans  cette  voie  de  pleine  sincérité,  si  nous  voulons  tenir  notre  rang 
parmi  les  historiens.  Sinon,  la  curiosité  bienveillante  dont  nos  études 
sont  aujourd'hui  l'objet,  ne  tarderait  pas  à  faire  place  à  la  méfiance,  qui 
précède  le  discrédit.  Voilà,  dirai-je  enfin  en  me  tournant  du  côté  de 
M.  Goblet  d'Alviella,  les  préjugés,  les  plus  difficiles  à  déraciner,  «  qui 
entravent  l'étude  scientifique  des  religions,  »  l'esprit  de  système  en  géné- 
ral, l'absence  de  rigueur  ou  de  méthode  dans  le  détail. 

Maurice  Vernes. 


170  —  F.  Kraner.  s.'ariiîéc  ronriMÎn*^  îiu  feiups  de  <:ësaj-,  ouvrage  traduit 
de  ralleniand  sous  la  direction  de  M.  K.  Benoist,  par  MM.  L.  Baldy  et  G.  Lar- 
ROUMET.  (Paris,  1884,  in- 12,  chez  Kiincksieck). 

Pour  juger  un  livre  avec  équité,  il  ne  faut  pas  y  chercher  plus  que 
que  les  auteurs  n'ont  voulu  y  mettre;  or  le  petit  volume  traduit  de 
Kraner    tient    ce  qu'il  promet  :   les  élèves  et  surtout  les  étudiants  v 


2  22  'RKVUR    ClUTIQUE 

trouveront  à  bon  compte,  en  vue  de  l'explication  de  Ce'sar  et  des  au- 
teurs  contemporains,  des  renseignements  précis  sur  l'état  de  l'armée 
romaine  à  la  fin  de  la  République.  Un  pareil  livre  n^existait  pas  encore 
en  français.  Les  notes  ajoutées  par  les  traducteurs  sont  sobres,  intéres- 
santes et  généralement  exactes;  elles  renferment  même  certains  rappro- 
chements entre  les  institutions  militaires  romaines  et  nos  institutions 
modernes,  qui  rendent  la  lecture  de  ce  précis  moins  aride.  Enfin  cinq 
planches,  empruntées  aussi  à  un  livre  allemand,  sont  des  commentaires 
utiles  à  l'intelligence  du  texte. 

Il  nous  faut  cependant  exprimer  une  grave  réserve  :  il  est  à  craindre 
que  ce  livre,  tel  qu'il  est,  ne  soit  regardé  par  les  étudiants,  suivant  une 
expression  que  nous  empruntons  à  la  préface,  comme  a  un  ensemble 
suffisant  de  renseignements  »  sur  l'armée  romaine.  Si  les  cent  petites 
pages  qui  le  composent  figuraient,  comme  chez  l'auteur  allemand,  en 
tête  d'une  édition  de  César,  cette  crainte  n'aurait  point  de  raison  d'être; 
mais  présentées  en  volume  détaché,  sous  une  couverture  où  on  lit  seu- 
lement ces  mots  :  l'Armée  7'omaine,  elles  induisent  en  erreur  ceux  qui 
les  consulteront.  Or,  il  ne  faut  pas  oublier  que  l'époque  de  César  ne 
répond  qu'à  une  des  nombreuses  transformations  de  l'armée  romaine  : 
ce  n'est  qu'une  période  de  transition  qui  prépare  l'armée  permanente 
de  l'empire  avec  les  restes  de  l'armée  républicaine.  Les  traducteurs  au- 
raient dû  en  prévenir  leurs  lecteurs. 

R.  C. 


171.  Antoine  de  Bourbon  et  Jeanne   «l'Albret,  suile  de  le  mariage  de 

Jeanne   d'AIbret,    par    le   baron   Alphonse  de    Ruble.  Tome  III.  Paris,  Adolphe 
Labitte.  i885.  Grand  in-8  de  Sgi  p. 

Le  tome  III  du  grand  ouvrage  consacré  par  M.  de  Ruble  à  Antoine  de 
Bourbon  et  à  Jeanne  d'Albret  renferme  le  récit  des  événements  écoulés 
depuis  la  mort  de  François  II  (5  décembre  i56o)  jusqu'à  la  conclusion 
des  négociations  duroi  de  Navarre  avec  l'Espagne  (fin  de  l'année  i56i), 
Quoi,  dira-t-on  peut-être,  tout  un  volume  pour  une  seule  année? 
Jeanne  d'Albret  étant  morte  en  1572,  cela  n'annonce- t-il  pas  une  dou- 
zaine de  volumes  encore?  Mais  que  ceux  à  qui  font  peur  les  longs  ouvra- 
ges se  rassurent!  La  règle  de  proportion  ne  doit  pas  être  appliquée  en 
ces  circonstances.  Le  développement  du  récit  dans  le  tome  III,  comme 
dans  le  futur  tome  IV,  lequel  paraîtra  l'an  prochain,  est  justifié  par  l'im- 
portance du  rôle  officiel  joué  par  Antoine  de  Bourbon  pendant  les  an- 
nées i56i  et  i562,  où  ce  prince  exerça  les  fonctions  de  lieutenant- 
général  du  royaume.  Presque  toutes  les  grandes  affaires  de  ces  deux 
années  ont  dû  entrer  dans  le  cadre  très  élargi  de  l'auteur.  Ce  cadre  se 
rétrécira  beaucoup  après  la  mort  d'Antoine  de  Bourbon  (17  novembre 
l  562),  et  M.  de  R.,  n'ayant  désormais  à  s'occuper  que  de  Jeanne  d'Al- 


d'histoire    KT    de    LITTÉKATUUR  2  23 

bret,  deux  volumes  lui  suffiront  probablement  pour  achever  de  raconter 
la  vie  de  la  mère  de  Henri  IV. 

J'ai  déjà  donné,  dans  trois  articles  assez  étendus,  tant  d'indications 
sur  le  Mariage  de  Jeanne  d'Albret  et  sur  l'ouvrage  qui  fait  suite  à 
celui-là,  que  je  crois  pouvoir  ne  pas  m'arréter  longtemps  devant  un  vo- 
lume où  l'on  retrouve  toutes  les  qualités  précédemment  louées.  J'imite 
ainsi  M.  de  R.  qui,  après  s'être  donné  libre  carrière,  veut  se  resserrer  et 
se  restreindre. 

Le  biographe  d'Antoine  de  Bourbon  et  de  Jeanne  d''Albret  complète, 
dans  le  tome  III,  comme  dans  les  tomes  précédents,  tous  les  historiens 
qui,  avant  lui.  ont  le  mieux  étudié  le  xvr  siècle.  De  même  que  son  en- 
quête reste  toujours  aussi  vaste  et  profonde,  de  même  son  récit  reste 
toujours  aussi  fidèle  et  lumineux.  Ecrivains  du  temps  français  et  étran- 
gers, princes  et  ministres  d'Etat,  diplomates  et  chroniqueurs,  tous  sont 
interrogés,  confrontés,  tous  livrent  leurs  secrets,  tous  concourent  à  pro- 
duire une  trame  solide,  excellente,  durable  à  jamais.  En  ce  qui  concerne 
particulièrement  Charles  IX,  je  doute  qu'on  trouve  ailleurs  des  rensei- 
gnements à  la  fois  aussi  abondants  et  aussi  curieux.  Tantôt,  à  côté  d'un 
témoignage  de  Davila,  favori  de  Catherine  de  Médicis,  et  qui  reçut 
les  confidences  de  cette  princesse',  est  mentionné  (p.  12)  un  témoi- 
gnage confirmatif  emprunté  aux  7Vfeî72o/re5  de  Jacques  Melvil  (1594). 
Plus  loin  (p.  i5)  une  assertion  de  Brantôme  est  certifiée  par  une  dépê- 
che de  l'ambassadeur  vénitien  Michel  Suriano.  Au  contraire  (p.  16),  les 
lettres  des  diplomates  de  Venise  sont  indiquées  comme  étant  en  desac- 
cord avec  un  récit  de  Vincent  Carloix  -.  Les  auteurs  le  plus  souvent 
cités  par  M.  de  R.,  outre  Brantôme  et  Davila,  sont  d'Aubigné,  dont  il 
doit  publier,  pour  la  Société  de  l'Histoire  de  France,  V Histoire  uni- 
verselle enrichie  d'un  commentaire  perpétuel,  Théodore  de  Bèze,  Cal- 
vin, Scipion   Du   Pleix,   Hotman,  La  Place,  La  Popelinière,  Jean  de 

1.  M.  de  R.  fait  remarquer  (p.  yj,  note  i)  qu'il  cite  à  dessein  très  souvent  les 
deux  plus  considérables  historiens  de  chaque  parti,  Davila  pour  les  catholiques,  et 
Pierre  de  la  Place  pour  les  protestants.  Il  ajoute  que  tous  les  autres  historiens  les 
ont  suivis.  Mais  ce  ne  sont  pas  seulement  les  écrivains  calvinistes,  Th.  de  Bèze  en 
tête,  qui  ont  copié  P.  de  la  Place;  ce  sont  aussi  sur  quelques  points  spéciaux, 
comme  l'a  constaté  M.  de  R.  (p,  79,  note  21,  Davila  et  Du  Pleix.  A  propos  de  co- 
pies, mentionnons  ce  renseignement  sur  Piguerre,  l'auteur  de  V Histoire  française 
de  notre  temps  (i58i,  in-foj  :  «  Cet  annaliste  ne  s'est  point  inspiré  de  La  Popeli- 
nière, comme  on  l'a  écrit  souvent,  mais  de  Belleforest.  » 

2.  M. de  R.  cite  (p.  262)  sur  le  voyage  de  Vieilleville  en  Allemagne  quelques  phrases 
de  V.  Carloix,  notamment  celle  où  ce  chroniqueur  signale  «  avec  un  accent  de  recon- 
naissance »  les  festins  de  bienvenue  donnés  à  son  maître  et,  à  Heidelberg,  une  em- 
buscade de  5o  ou  60  bouteilles  de  vin  d'Alsace,  très  excellent,  et  il  ajoute  (note  i)  : 
«  Le  récit  de  Carloix  est  très  imagé  et  peint  les  mœurs  de  l'Allemagne  du  xvi*"  siè- 
cle (VllI,  ch.  XVII  et  suiv.)  Malheureusement  il  est  rempli  d'erreurs  de  dates.  Ainsi 
la  mission  de  Vieilleville  est  portée  à  l'année  i5tj2.  La  lette  de  Maximilien,  que 
nous  citons  un  peu  plus  loin,  sans  compter  beaucoup  d'autres  preuves,  montre  que 
la  mission  eut  lieu  au  commencement  de  i56i.   » 


22  I  REVUK.    CRITIQUE 

Serres,  J.  A.  de  Thou,  pour  lequel  il  éprouve  beaucoup  d'admiration  '. 
Après  avoir  indiqué  comme  particulièrement  intéressantes  les  pages 
de  M.  de  R.  sur  les  Etats  généraux  d'Orléans  (i3  décembre  i56o- 
3i  janvier  i56i]  %  sur  le  départ  de  Marie-Stuart  pour  TÉcosse 
(i5  avril  i  56i),  sur  le  colloque  de  Poissy  (9  septembre-9  octobre  1  56i), 
je  reproduirai,  comme  spécimen  de  Thabile  critique  de  l'auteur  une 
petite  dissertation  où  il  discute  avec  une  rare  précision  une  question 
qui  jusqu'à  ce  jour  semblait  quelque  peu  douteuse  (p.  78,  note  2)  : 
«  On  trouve  dans  les  Mémoires  de  Condé  (t.  III,  p.  209)  et  dans  les 
Mémoires-Journaux  du  duc  de  Guise  (p.  464)  une  pièce  intitulée  : 
Sommaire  des  choses  premièrement  accordées  entre  les  ducs  de  Mont- 
morency, connestable,  et  de  Guyse,  grand  maître,  pair  de  France^  et 
le  mareschal  de  Saint-André,  pour  la  conspiration  du  triumvirat... 
Cette  pièce  est  un  plan  de  campagne,  dont  le  but  est  la  destruction  de 
la  maison  du  roi  de  Navarre  et  de  tous  les  Huguenots  :  premièrement., 
ajin  que  la  chose  soit  conduite  par  plus  grande  authorité,  on  est 
d'avis  de  bailler  la  superintendance  de  tout  l'affaire  au  roy  Philippe 
catholique...  Cette  pièce  a  été  acceptée  par  M.  Capefigue,  qui,  après  en 
avoir  publié  une  partie  (Hist.  de  la  Ré/orme,  de  la  Ligue...  v.  II, 
p.  243),  ajoute  en  note  (p.  245)  :  J'ai  trouvé  cette  pièce,  qu'on  a  crue 
supposée,  en  original  et  signée  dans  les  niss.  Colbert  ».  M.  Michelet 
la  regarde  comme  supposée  {La  Ligue  et  Henri  /F,  p.  466)  et  M.  ^euri 
Martin,  qui  l'avait  d'abord  accueillie,  la  repousse  dans  la  dernière  édi- 
tion de  son  Histoire  de  France  (t.  IX,  p.  8i,  note).  Pour  nous,  malgré 
le  témoignage  de  M.  Capefigue  ■'^,  nous  ne  pouvons  croire  à  l'existence 
d'un  tel  pacte;  il  faudrait  en  voir  l'original  pour  y  croire,  et  personne 
de  ceux,  à  commencer  par  nous,  qui  Tout  cherché  dans  le  fonds  Col- 
bert, ne  l'y  a  trouvé.  Sa  présence  dans  les  papiers  du  duc  de  Guise  lui 
donne  une  certaine  valeur,  mais  seulement  la  valeur  d'un  projet,  d'un 

1.  M.  de  R.  relève  (p.  118)  «  une  des  rares  erreurs  de  ce  grand  historien  ».  Rele- 
vons, à  notre  tour,  au  sujet  de  ce  même  historien,  une  inadvertance  de  l'auteur 
(p.  162)  :  «  De  Thou  a  retraduit  le  texte  en  français  »  (1740.  t.  III,  p.  6o\  M.  de  R. 
citant  (p.  164,  note  i)  les  Annales  de  Raynaldi,  appelle  Raynal  ce  continuateur  de 
Baronius.  Un  autre  nom  est  encore  mal  imprimé  dans  le  livre  de  M.  de  R.  :  c'est 
celui  du  Père  Polanc  transformé  (p.  i85)  en  Polenque.  C'est  par  Polanc  que  l'on  a 
rendu  le  nom  de  Polancus  en  tête  des  deux  traductions  françaises  que  nous  possé- 
dons (Douay,  lôSg;  Lyon  i6o5)  du  Directorium  brève  ad  confessarii,  etc.  (Louvain, 
1554,  in-12).  Comment  M.  de  R,  qui  nous  a  donné  de  si  excellentes  notes  biblio- 
graphiques sur  Simeoni  (p.  91),  sur  Charles  du  Moulin  (p.  209),  et  qui  est  un  si 
distingué  bibliophile,  s'est-il  contenté  de  dire  vaguement  que  le  P.  Polanc  composa 
un  traité  sur  la  Conduite  des  Confesseurs?  C'est  en  matière  bibliographique  sur- 
tout qu'il  faut  mettre  les  points  sur  les  i. 

2.  M.  de  R.  ne  donne  aucun  renseignement  biographique  sur  l'orateur  du  tiers- 
état,  Jean  Lange,  alors  avocat,  plus  tard  conseiller  au  parlement  de  Bordeaux.  Je  me 
suis  occupé  de  ce  personnage  dans  un  article  spécial  de  la  Revue  catholique  de 
Bordeaux,  du  16  novembre  i883  (p.  683-6q7). 

3.  Ce  témoignage  n'a  jamais  été  de  grande  valeur.  N'a-t-on  pas  surnommé  Capefi- 
gue le  Varillas  du  xix»  siècle.' 


d'hISTOIRIC    I'.T    DK    r.ITTKKATUUE  225 

conseil  d'un  mauvais  conseil  qui  fut  donné  au  duc  de  Guise.  Entin,  ce 
qui  prouve  absolument  que  ce  pacte  n'a  jamais  existé,  c'est  qu'il  n'en  est 
jamais  parlé  dans  les  lettres  de  l'ambassadeur  d'Espagne  à  Philippe  II, 
lettres  qui  existent  encore  au  complet  et  sans  lacune  pour  cette  pé- 
riode ^  »  ^  T 

1  .  DE  L. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  L'Université  du  lo  septembre  (Paris,  Léopold  Cerf)  renferme  les 
discours  que  MM.  Ernest  Desjardins,  Himly,  Hauréau,  Jourdain  et  Saripolos  ont 
prononcés  aux  funérailles  de  M.  Egger.  M.  Desjardins  a  parlé  des  travaux  si  nom- 
breux de  l'helléniste  qui  se  recommandent  tous  également  par  le  savoir,  la  patience 
des  recherches,  le  soin  de  la  composition,  et  il  a  montré  dans  M.  Egger  l'arbitre 
des  études  grecques  «  se  tenant  toujours  au  courant  et  voulant  être  instruit,  des 
premiers,  de  la  moindre  ligne  de  grec  découverte  en  Egypte,  à  Athènes  ou  à  Rome.» 
M.  Himly  a  rappelé  les  grands  mérites  du  professeur,  devenu  le  représentant  attitré 
de  l'hellénisme  français,  ainsi  que  ses  qualités  de  cœur.  M.  Hauréau  a  loué  la  cri- 
tique sagace  et  ingénieuse  du  collaborateur  du  Journal  des  savants.  M.  Jourdain  a 
parlé  au  nom  de  l'Association  pour  l'encouragement  des  éludes  grecques  dont 
Emile  Egger  était  le  président  et  le  «  chef  vénéré  ».  M.  Saripolos  a  «  fait  entendre 
Ja  voix  d'un  Hellène;  Egger,  a-t-il  dit,  était  notre /To.vè/ie  à  Paris...,  le  irait  d'u- 
nion entre  la  France  et  la  Grèce. 


I.  L'auteur  dit  encore{p.  74)  :  «  M.  Henri  Martin  signale  (t.  IX,  p.  81,  note)  une 
copie  de  ce  pacte  prétendu,  comme  conservée  dans  le  vol.  ii5  du  supplément  fran- 
çais, f"  i3i  V  à  la  Bibliothèque  nationale  (actuellement  f.  fr.  vol.  loigS).  Cette  indi- 
cation n'est  pas  plus  exacte  que  celle  de  M.  Capefigue.  A  la  place  indiquée  se  trouve 
un  Alemorial  sans  rapport  avec  l'acte  du  triumvirat,  et  qui  est  imprimé  sous  le  titre 
de  Requête  dans  les  Mémoires  de  Condé,  t.  III,  p.  38S  ».  —  En  finissant,  complimentons 
M.  de  Ruble  sur  le  choix  et  l'abondance  des  Pièces  justificatives  de  son  volume 
(p.  3 1 3-387).  Parmi  ces  pièces  qui  sont  au  nombre  de  72,  on  remarque  une  lettre 
de  la  dame  de  Noailles  à  la  reine  de  Navarre,  écrite  de  Bordeaux  le  24  novembre 
i56o,  une  lettre  de  Catherine  de  Médicis  (du  3  décembre  i56o;,  deux  lettres  de  Sé- 
bastien de  l'Aubespine,  évêque  de  Limoges,  ambassadeur  de  France  en  Espagne 
(28  décembre  i56o  et  4  avril  i5'ji),  une  lettre  de  Leonor  de  Roye,  princesse  de 
Condé  (29  décembre  i56o),  une  de  Philippe  II  au  roi  de  Navarre  (décembre  i56o), 
diverses  lettres  du  roi  de  Navarre  à  Tavanncs  (23  février  i36i;,  au  parlement  de 
Paris  (22  février  i56i),  à  Charles  de  Coucy,  seigneur  de  Burie  (28  février  i5(ji),etc., 
les  lettres  patentes  par  lesquelles  Charles  IX  accorde  au  roi  de  Navarre  la  lieute- 
nance  générale  du  royaume  datées  de  Fontainebleau,  8  avril  i56i.  [Voir  (p.  7C1)  une 
note  sur  l'importance  de  ce  document  inédit  dont  l'original  sur  parchemin  est  con- 
servé aux  archives  des  Basses-Pyrénées  et  dont  on  n'a  de  copie  ni  à  la  Bibliothèque 
nationale,  ni  aux  Archives  nationales],  le  récit  du  sacre  de  Charles  IX  (i5  mai  i56i) 
extrait  de  la  grande  histoire  inédite  du  président  Montagne  (F.  Fr.  15494),  une 
lettre  du  duc  de  Guise  à  la  reine  (28  juillet  1 502),  un  rapport  du  seigneur  de  Crussol 
à  la  reine  (novembre  i56i)  sur  la  tentative  d'enlèvement  du  duc  d'Orléans  par  le 
duc  de  Nemours  (F.  Fr.  6608),  enfin  l'analyse  de  plusieurs  lettres  de  Babou  de  la 
Bourdaisière,  ambassadeur  à  Rome,  de  Chantonay,  l'ambassadeur  du  roi  d'Espagne 
à  Paris,  de  Charles  IX,  de  Michel  Suriano,  ambassadeur  de  Venise,  etc. 


2>6  RRVUK    CRniQlJK 

—  La  première  livraison  du  deuxième  fascicule  du  Recueil  d'archéologie  orientale 
de  M.  Ch.  Clermont-Ganneau  (p.  81-96)  a  éié  présentée  à  l'Académie  des  Inscrip- 
tions et  Belles-Lettres  dans  la  séance  du  18  septembre.  Elle  contient  :  V inscription 
phénicienne  de  Mac'Soub,  une  inscription  phénicienne  de  Tyr  et  une  nouvelle  dédi- 
cace à  Baal  Marcod,  Ces  monuments  sont  reproduits  en  fac-similé. 

—  M.  F.  Plf.ssis  vient  de  faire  paraître  un  Essai  sur  Calvus  (Caen,  Le  Blanc-Har- 
del.  In-8°,  24  p.).  Il  retrace  la  vie  de  Calvus;  il  réfute  en  passant  l'opinion  de 
M.  Couat  qui  voit  dans  (Calvus  une  sorte  de  «  Pascal  païen  »  (à  cause  du  mot  de 
Pline  l'Ancien,  que  Calvus  s'attachait  aux  reins  et  aux  flancs  des  lames  de  plomb 
pour  vaincre  le  désir  et  conserver  l'intégrité  de  ses  forces  et  de  sa  volonté);  il  rap- 
pelle les  témoignages  des  anciens  sur  Calvus  et  pense  que  «  ce  dernier  remportait 
l'avantage  sur  Catulle  dans  la  versification  pour  la  solidité  du  vers  et  pour  la  sou- 
plesse de  la  phrase  poétique  ».  L'appendice  renferme  les  vers  de  Calvus  qui  nous 
sont  parvenus. 

—  Une  notice  de  M.  Eugène  Muntz  dans  la  Galette  archéologique  (tirage  à  part. 
Paris,  Lévy)  nous  renseigne  sur  un  plan  de  Rome  à  la  fin  du  xiv*  siècle;  ce  plan 
dont  M.  NL  donne  la  photographie,  appartient  au  Livre  d'heures  du  duc  de  Berry, 
ce  joyau  de  la  bibliothèque  de  Chantilly;  il  représente  les  principaux  monuments 
de  Rome  avec  une  extrême  netteté;  M.  Eug.  Mùntz  montre  qu'il  dérive  du  même 
original  que  le  plan  de  Taddeo  di  Bartolo  publié  par  M.  Stevenson  ;  ce  dernier  plan 
est  plus  exact  et  plus  détaillé,  mais  celui  dn  Livre  dt heures  représente  fidèlement  la 
pyramide  de  Cestius,  le  fort  Saint-Ange  et  le  cours  du  Tibre. 

—  Sous  un  litre  que  deux  publications  de  M,  Taschereau  ont  rendu  jadis  fameux, 
M.  Paul  CoTTiN,  de  la  bibliothèque  de  l'Arsenal,  a  entrepris  une  Revue  rétrospective 
bi-mensuel!e,  dont  la  seconde  année  a  commencé  le  \^'^  juillet  (librairie  Lepin,  au 
Palais  Royal,  8  fr.  par  an).  D'un  format  commode  et  d'une  typographie  élégante,  la 
Revue  rétrospective  se  préoccupe,  comme  elle  le  dit,  de  la  qualité  à  défaut  de  la 
quantité,  et  tout  en  restant  fidèle  à  son  titre,  elle  demande  volontiers  au  passé  un 
écho  des  préoccupations  du  présent.  L'histoire  y  tient  légitimement  la  plus  large 
part  :  citons  à  l'appui  une  relation  inédite  de  la  reddition  de  la  Bastille,  un  journal 
de  M.  Boyer,  régisseur  du  palais  de  Fontainebleau,  pendant  l'invasion  de  1870,  deux 
notes  inédites  de  Saint-Simon,  deux  lettres  à  Louis  Boulanger  et  une  hymne  «  an- 
glophobe »  de  Victor  Hugo,  les  Pompadouriques,  ode  dans  le  goût  de  La  Grange- 
Chancel,  divers  rapports  de  police  extraits  des  archives  de  la  Bastille,  des  lettres  de 
Hoche,  Kléber,  Vandamme,  de  très  nombreux  documents  sur  les  origines  et  les  épi- 
sodes de  la  guerre,  etc.  Regrettons  toutefois  que  M.  Cottin  ait  réimprimé  cette  Re- 
lation de  la  mort  de  Louis  XV,  par  le  duc  de  la  Rochefoucauld,  que  connaissent  tous 
les  lecteurs  de  Sainte-Beuve,  et  une  lettre  sur  un  projet  d'incendie  de  la  Bibliothè- 
que nationale  par  Hanriot,  que  M.  Henry  Martin  avait  déjà  publiée  dans  le  Cabinet 
historique. 

—  M.  Ph.TAMizEY  DE  Lauroque  publie  Qitelques  pages  inédites  de  Louis  de  Re- 
chignevoisin  de  Guron,  évêque  de  Tulle  et  de  Comminges.  (Tulle,  Crauffon.  In-8", 
38  p.).  On  trouve  dans  cette  brochure  un  mémoire  autobiographique  adressé  par 
Guron  en  1681  à  Baluze  qui  préparait  alors  son  histoire  de  Tulle  et  huit  lettres 
complétant  ce  rapide  croquis;  dans  la  lettre  du  23  sept.  i652,  Guron  se  plaint  à 
Mazarin  d'une  retenue  de  trois  mille  livres  sur  les  revenus  de  son  évêché;  dans  celle 
du  6  mai  1654,  il  lui  donne  des  explications  sur  un  bref  d'Innocent  X,  relatif  aux 
querelles  du  Jansénisme;  dans  celle  du  4  mai  1681,  il  réunit  de  curieux  détails  sur 
Pierre  de  Marca  et  sur  Richelieu.  Cette  dernière  lettre  est  le  clou  du  recueil.  Marca 
dit  une  fois  à  Guron  que  Richelieu  «  voulant  dominer  dans  l'Église  comme  il  fai- 


DHISTOIR!-:    KT    DK    LITTERATURE  227 

sait  dans  l'État,  eut  la  pensée  de  se  taire  patriarche  d'Occident  »';  Marca  fut  chargé 
d'  <■<  apprécier  cette  pensée  par  des  écrits  »  et  rédigea  un  mémoire  dont  Richelieu 
ne  <<  fit  ni  cas  ni  estime  »  (en   1641  et  1642). 

—  La  remarquable  conférence  que  M.  Gustave  Larroumet  avait  faite  le  14  février 
à  laSorbonne,  pour  l'association  scientifique  de  France,  sur  les  Béjart,  a  paru  dans 
les  n's  du  5  et  du  12  juillet  du  «  Bulletin  hebdomadaire  de  l'Association  scientifi- 
que «  et  vient  d'être  tirée  à  part  (Gauthier  Villars.  In-S",  32  p.) 


ACADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  i8  septembre  iS85. 

M.  P.-Charles  Robert,  dans  un  mémoire  intitulé  :  Disséminaiton  et  centralisation 
alternatives  de  la  fabrication  monétaire  depuis  la  période  gauloise  jusqu'au  commen- 
cement de  la  seconde  race,  esquisse  l'histoire  du  monnayage  dans  notre  pays  aux 
temps   des  Gaulois,  des  Romains,  des  Mérovingiens  et  des   premiers  Carolingiens. 

11  montre  le  monnayage  gaulois  débutant  vers  le  golfe  de  Narbonne  par  l'imita- 
tion des  bronzes  de  la  Sicile,  dans  le  bassin  de  la  Garonne  par  celle  des  drachmes 
d'argent  de  la  colonie  grecque  de  Rhoda  d'Ibérie;  dans  ce  que  César  appela  plus 
tard  la  Celtique,  par  la  contrefaçon  des  statères  d'or  de  Philippe  et  d'Alexandre 
de  Macédoine;  sur  d'autres  points,  enfin,  par  des  types  empruntés  à  diverses  villes 
ou  colonies  de  la  Grèce  ou  de  la  Grande  Grèce.  Toutes  ces  contrefaçons  sont  d'a- 
bord d'une  belle  exécution,  qui  confirme  ce  que  Strabon  a  dit  de  la  culture  grecque 
qu'avaient  possédée  les  anciens  Gaulois,  mais  qu'ils  avaient  en  grande  partie  perdue 
à  la  longue.  Aux  contrefaçons  exactes  succèdent  peu  à  peu  des  imitations  dégéné- 
rées qui  se  chargent  d'accessoires  bizarres  et  qui  trahissent  par  leur  extrême  variété 
l'existence  d'un  grand  nombre  d'ateliers.  Les  types  romains  s'introduisent  ensuite 
dans  la  Gaule;  reproduits  fidèlement  dans  les  contrées  voisines  de  l'Italie,  ils  ne 
pénètrent  chez  les  Belges,  comme  les  types  grecs,  que  transformés  et  dégénérés,  et 
il  arrive  parfois  que  l'importation  latine  se  combine  avec  la  tradition  grecque.  Les 
poids  des  monnaies  gauloises,  sans  être  aussi  variés  que  les  types,  dénotent  plu- 
sieurs systèmes,  et,  ainsi  que  l'a  remarqué  jadis  M.  de  Longpérier,  il  arrive  que 
des  monnaies  empruntées  aux  types  grecs,  quant  au  poids  et  au  système  monétaire, 
prennent  plus  tard  le  poids  romain,  tout  en  conservant  le  type  primitif  plus  ou 
moins  dégénéré.  Les  légendes  autonomes,  qui  n'arrivent  qu'assez  tard,  trahissent 
aussi  une  grande  dissémination  monétaire.  Si  elles  peuvent  encore  présenter  des 
noms  de  rois  sur  certains  points  de  notre  Gaule,  comme  elles  le  font  dans  l'île  de 
Bretagne,  elles  semblent  ne  montrer  que  des  noms  de  magistrats  dans  la  Celtique, 
où  elles  sont  très  abondantes.  Ces  magistrats  qui  signent  la  monnaie  paraissent  à 
M.  Ch.  Robert  être  de  deux  sortes  :  le  magistrat  politique,  qui  se  nommait  vergo- 
biet,  et  un  magistrat  ou  un  agent  monétaire  qui  met  son  nom  à  côté  de  lui,  ou 
qui  parfois  signe  seul  la  monnaie.  Ce  personnage  met  son  nom  sans  qualification, 
suivant  l'usage  général  des  monnaies  gauloises,  où  les  titres,  quels  qu'ils  soient,  et 
même  l'indication  de  la  filiation,  sont  excessivement  rares.  Ce  mode  de  garantie 
donnée  au  signe  d'échange  était  emprunté  aux  villes  grecques,  où  le  chef  de  la 
cité  ne  mettait  pas  toujours  son  nom  sur  les  espèces,  tandis  qu'elles  sont  signées 
soit  avec  lui,  soit  sans  lui,  par  des  personnages  chargés  de  la  fabrication  monétaire 
ou  de  son  contrôle. 

A  la  dissémination  gauloise  succède  la  centralisation  romaine.  L'atelier  de  Lyon 
et  ceux  de  Trêves  et  d'.'\rles,  qu'on  y  joignit  plus  tard,  suffirent,  en  temps  normal, 
aux  besoins  de  la  circulation  de  toute  la  Gaule.  C'est  une  grave  résolution  économi- 
que dans  le  régime  de  la  monnaie;  M.  Robert  fait  remarquer  combien  cette  centra- 
lisation extrême  contraste  avec  la  dissémination  gauloise. 

A  l'époque  mérovingienne,  les  Francs  installés  en  Gaule  imitèrent  d'abord  les 
monnaies  d'or  d'Anajtase,  de  Justin  et  de  Justinien,  de  même  que  les  Gaulois  avaient 
imité  les  statères  d'or  de  Macédoine.  Les  noms  royaux  se  montrent  a  partir  de  Théo- 
debert  I^'',  mais  il  arrive  que  la  signature  du  roi  se  double  de  la  signature  d'un  mo- 
nétaire, comme  chez  les  Gaulois  le  vergobret  signait  la  monnaie  avec  un  autre  per- 
sonnage. Puis  les  noms  royaux  s'efl'acent,  sauf  dans  le  sud  est,  qui  était  tout  ro- 
main, pour  faire  place  aux  noms  des  monétaires.  Or  ces  monnaies  des  monétaires, 
on  en  possède  des  centaines  à  noms  différents,  frappées  non  seulement  dans  les 
villes  importantes,  mais  dans  les  localités  les  plus  infimes,  et  cela  bien  qu'on  ne  re- 
cueille sérieusement  les  pièces  mérovingiennes  que  depuis  un  demi-siècle.  Voilà 
donc  une  nouvelle  dissémination,  dans  laquelle  M.  Robert  propose  de  reconnaître 
un  retour  aux  usages  gaulois.  11  appuie  cette  opinion  sur  ce  fait  que  les  Goths  et 
les  Visigoths  n'ont  jamais  émis,  après  leurs  contrefaçons  des  monnaies  byzantines, 
que  des  pièces  portant  les  noms  de  leurs  rois,  et  n'ont  eu  qu'un  nombre  très  limité 
d'ateliers,  placés  dans  leurs  villes  capitales.  C'est  donc  seulement  sur  le  sol  gaulois 


228  RKVUE    CRITIQUE    d'hISTOIHR    KT    DE    LITTÉRATURE 

que  les  barbares  ont  disséminé  leurs  ateliers  et  ont  remplacé  dans  leurs   monnaies 
le  nom  royal  par  un  autre  nom. 

Avec  les  Carolingiens  renaît  la  centralisation  romaine.  Charlemagne  frappe  à  Aix- 
la-Chapelle  sa  monnaie  palatine;  Louis  le  Débonnaire  adopte  un  type  nouveau,  ce- 
lui du  temple  avec  la  légende  XPISTIANA  RELIGIO.  A  ces  monnaies  émises  par  ce 
qu'on  pourrait  appeler  aujourd'hui  l'administration  centrale  se  joignent  encore  quel- 
ques monnaies  portant  des  noms  de  ville;  mais  ces  noms  sont  peu  nombreux,  et 
d'ailleurs  il  est  clair  que  l'état  des  voies  de  communication,  les  moyens  d'échange, 
la  situation  générale  du  pays  ne  permettaient  plus,  comme  sous  les  Romains,  de  se 
contenter  d'un  ou  deux  ateliers. 

En  terminant,  l'auteur  ajoute  qu'à  partir  de  l'avènement  des  Carolingiens  l'élémen-t 
germanique  devient  plus  fort  et  plus  prépondérant  dans  les  Gaules.  Si  donc  l'usage 
de  mettre  sur  les  espèces  des  noms  de  monétaires  disparaît  justement  à  cette  épo- 
que, c'est  qu'il  n'est  pas  germain,  mais  bien  gaulois. 

M.  Casati,  qui  avait  avancé  dans  un  mémoire  précédent  que  les  Etrusques  avaient 
surpassé  les  autres  peuples  de  l'antiquité  dans  l'art  de  travailler  les  métaux,  s'atta- 
che à  justifier  cette  proposition  par  l'étude  des  monuments  de  bronze  qu'ils  ont 
laissés,  il  réserve  pour  une  autre  communication  l'étude  des  objets  d'or  et  d'argent. 
Trois  grandes  et  magniliques  statues  du  musée  de  Florence,  la  Minerve,  VArrin- 
ghatore,  qui  porte  dans  une  inscription  étrusque  l'indication  de  son  nom,  Aiilexi 
Metetis,  la  Chimère,  qui  porte  comme  le  beau  Griffon  de  Leyde  l'inscription  étrus- 
que Tinksfil,  sont,  dit-il,  des  monuments  reconnus  de  premier  ordre;  à  côté  de 
ceux-ci  on  peut  placer  une  multitude  d'objets  de  toute  sorte,  armes,  casques,  cui- 
rasses, ustensiles  de  la  vie  ordinaire,  et  surtout  les  miroirs  et  les  candélabres.  M.  Ca- 
sati décrit  le  candélabre  de  Cortone,  avec  l'inscription  étrusque  Liimni,  trouvé  en 
1840  sous  les  murs  de  la  ville  à  la  Fratta;  il  mentionne  d'autres  candélabres,  les  uns 
conservés  au  musée  Grégorien,  d'autres  trouvés  récemment  dans  le  port  étrusque 
de  Télamon.  Puis  il  arrive  à  l'étude  des  célèbres  miroirs  étrusques,  qui,  absolument 
unis  et  lisses  sur  la  face  principale,  portent  au  revers  des  gravures  au  trait  d'une 
grande  finesse  :  on  voit  sur  ces  gravures  toute  l'histoire  de  l'Olympe  antique,  avec 
l'indication  du  nom  des  personnages  en  langue  étrusque.  L'histoire  de  Vénus,  Tu- 
son,  et  de  Vulcain,  Sethlaus,  est  un  des  sujets  les  plus  fréquemment  représentés, 
ainsi  que  les  aventures  d'Hélène,  ii/(»ee,  de  Ménélas,  iV/(?)!/e,  et  de  Paris,  Elknstre. 
On  y  trouve  aussi  Bacchus,  et  Apollon,  Aphi,  à  côté  de  Jupiter  et  de  Minerve, 
Menrva,  Néoptolème  et  Promélhée,  Ncftlaue  et  Prumalhe,  Achille,  Akle,  Aga- 
memnon,  Akmcnrun,  et  une  divinité  intermédiaire  des  Etrusques,  ange  ou  dé- 
mon, toujours  représentée  avec  des  ailes,  que  les  Etrusques  appelaient  lasa. 

Ouvrage  présenté  de  la  part  de  l'auteur,  par   M.  Sénart  :  —  Clermont-Ganneau, 
Recueil  d'archéologie  orientale,  fasc.  H,  i^"^  livraison. 

Julien  Havet. 

SOCIÉTÉ  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE 


Séance  du  3  septembre  188^. 

PRÉSIDENCE    DE  M.    HERON   DE  VILLEFOSSE,     VIClî-PRÉSIDENT 

Le  Président  annonce  la  mort  de  M.  Egger  qui  faisait  partie  de  la  Société  depuis 
plus  de  27  ans  et  exprime  à  cette  occasion  les  vifs  regrets  de  la  compagnie. 

M.  Molinier  entretient  la  Société  des  registres  des  comptes  des  bâtiments  exécutés 
à  Fontainebleau  de  i63q  à  1642.  Ces  registres  qui  ont  appartenu  autrefois  à  la  Bi- 
bliothèque de  Nevers  ont  été  l'objet  d'un  échange  et  se  trouvent  maintenant  à  la 
Bibliothèque  du  Palais  de  Fontainebleau.  Le  marquis  de  Laborde  en  a  déjà  publié 
quelques  fragments,  M.  Molinier  en  a  fait  de  nouveaux  extraits  plus  étendus  qu'il  se 
propose  de  publier. 

M.  Héron  de  Villefosse  communique  une  note  sur  la  croix  d'Ussy  (Seine  et  Marne). 
Cette  belle  pièce  d'orfèvrerie,  filigranée  et  gemmée  d'un  côté,  niellée  de  l'autre,  est 
un  travail  français  du  xin"^  siècle.  Elle  est  ornée  de  plusieurs  intailles  romaines  ;  l'une 
de  ces  intailles  porte  une    inscription  de  trois  lignes. 

M.  Héron  de  Villefosse  signale  ensuite  de  la  part  de  M.  Vincent-Durand,  un  ca- 
chet d'oculiste  découvert  à  Julien  (Loire)  et  portant  les  noms  de  Sexius  Antomus 
Attalus.  Il  indique  également  deux  autres  cachets  du  même  genre  trouvés  à  Char- 
bonnier (Puy-de  Dôme),  l'un  avec  le  nom  de  Julius  Callistus,  fait  connaître  un  re- 
mède nouveau,  Vharpagion  dont  les  qualités  sont  vantées  par  Pline,  l'autre  est  au 
nom  de  l'oculiste  Sabinus. 

M.  Héron  de  Villefosse  termine  en  indiquant  des  copies  d'inscriptions  antiques 
relevées  par  lui  dans  le  recueil  de  dessins  de  Jacopo  Bellini,  récemment  acquis  par 
le  Louvre.  Ces  textes  proviennent  pour  la  plupart  de  la  ville  d'Esté  :  c'est  un  renseï-- 
gnement  utile  pour  ceux  qui  s'occuperont  de  l'histoire  de  ce  recueil. 

Pour  le  Secrétaire, 
E.  Molinier. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 

Le  J'uy,  iviprimerie  Marchessou  Jils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


N"  40  —  5  octobre  —  1885 


i^onrunniro  :  172.  Glock,  La  question  de  la  loi  dans  la  vie  de  Jésus  et  la  doctrine 
de  Paul.  —  173.  Iwan  Mûller,  Manuel  de  l'antiquité  classique.  —  174.  Lcures 
du  Palatin  Jean  Casimir,  I,  p.  p.  Bezold.  —  173.  Bengesco,  Voltaire,  Bibliogra- 
phie de  ses  œuvres.  II.  —  Variétés  :  Tamizey  de  Larrocjue,  Les  lettres  de  Fénc- 
lon  à  la  Q.uirinienne.  —  Chronique. 


172.  —  ï>ïe  GesetzesTi'a^e  îm  I^elieai  .t<^su  unil  in  «1er  Lelii'e  <£es 
Paiilus,  Eine  biblisch-kritische  Untersuchung  mit  besonderer  Berûcksichtigung 
der  Einwendungen  Ed.  v.  Hartmanns  und  der  Prœtensionen  der  Wortfùhrer  des 
modernen  Judenthums.  von  J.  Ph.  Glock.  Carlsruhe  et  Leip^^ig.  Reuther,  i8S5; 
XII  et  i.Sg  p.  in-8. 

Cette  dissertation,  composée  avec  soin,  reproduit  les  idées  générale- 
ment adoptées  sur  le  sujet  dans  les  cercles  protestants  libéraux,  idées 
qui  appellent,  on  le  sait,  les  plus  sérieuses  réserves.  L'auteur  se  distin- 
gue de  ses  prédécesseurs  en  ce  sens  qu'il  a  prêté  plus  d'attention  aux  pu- 
bifcaîions  sortant  du  sein  du  judaïsme;  il  va  sans  dire  qu'il  se  ratiiape 
en  se  montrant  très  vif  à  leur  égard. 

M.  V. 


173.  —  IBaiitlItueli  flei>  klasfiiîselten  ^^fteftliums-ivissenscliaft  In  syslo- 
niati»4cliei>  l>arstoi!un^,  herausgegeben  von  Dr.  Iwan  Mûller.  ErsterHalbband 
(enthaltend  die  I  Hœlfte  von  Band  11).  Nœrdlingen,  Beck'sche  Buchhandiung, 
j885,  xii-288  p.  Grand  in-8. 

Lorsque  je  rédigeais,  en  1879,  mon  Manuel  de  Philologie  classique, 
il  n'existait  encore  qu'un  seu!  livre  de  ce  genre,  qui  fiît  à  la  fois  une 
méthodologie  et  un  précis  des  sciences  philologiques  :  c'est  le  Trienniiiin 
philologicum  de  M.  Freund,  dont  la  seconde  édition  (une  Titel-ausgabe 
dissimulée)  n'a  pas  encore  fini  de  paraître.  L'ouvrage  de  M.  Freund, 
bien  disposé  et  facile  à  lire,  fait  l'effet  d'une  compilation  rédigée  à  Taide 
de  cahiers  de  cours  vieux  de  trente  ans;  ni  pour  le  fond  des  choses  ni 
pour  la  bibliographie,  le  Trienniiim  ne  répond  à  l'état  actuel  de  la 
science.  L'Allemagne  savante,  qui  a  produit  tant  d'excellents  manuels 
spéciaux,  pouvait  et  devait  faire  mieux.  Un  professeur  d'Erlangen, 
M.  L  Mûller,  successeur  de  Bursian  dans  la  direction  du  Jahresbericht, 
a  pris  l'initiative  d'un  vaste  travail  d'ensemble,  embrassant  toutes  les 
disciplines  de  la  philologie  classique,  qui  doit  former  14  demi-volumes 
avec  gravures  et  plans  et  être  achevé,  suivant  les  promesses  de  l'éditeur, 
Nouvelle  série,  XX.  40 


2  3o  REVUR    CRiTIQUR 

dans  le  courant  de  l'année  1887.  Comprenant  qu'un  philologue,  quel- 
que érudit  qu'on   le  suppose,  ne  peut  traiter  avec  compétence  un  si 
grand  nombre  de  sujets  divers,  M.  M.  s'est  associé  pour  sa  tâche  vingt- 
neuf  collaborateurs,  dont  plusieurs  portent  des  noms  bien  connus  qui 
sont  une  recommandation  efficace  pour  l'œuvre  naissante.  Nous  don- 
nons ici  la  liste  des  savants  qui  ont  promis  leur  concours  avec  l'indica- 
tion des  sujets  qu'ils  doivent  traiter  :  Urlichs  (Histoire  de  la  Philolo- 
gie) ;  Blass  (Herméneutique,   Critique,  Paléographie)  ;   Heinrichs   et 
Hiibner  (Epigraphie)  ;  Nissen  (Métrologie);  R.  Weil  (Numismatique); 
Unger   (Chronologie);    Brugmann    (Graynmaire  grecque);    Stoiz   et 
Schmalz  (Grammaire  latine)  ;  Autenrieth  et  et  Heerdegen  (Lexicogra- 
phie grecque  et  latine)  ;  Volkmann  et  Gleditsch  (Rhétorique  et  Métri- 
que); Lolling  (Géographie  de  la  Grèce  et  de  l'Asie) ;  Jordan  (Italie  et 
Rome);  Jung   (Le  reste   de  l'empire  romain);   Pohlmann  (Histoire 
grecque) ;  Niese  (Histoire  romaine)  ;  Busoit  (Droit  public  et  privé  des 
Grecs)  ;  Bauer  (Archéologie  militaire  des  Grecs);  J.Muller  (Antiqui- 
tés privées  des  Grecs);  Schiller  (Droit  public  et  privé,  archéologie  mi- 
litaire des  Romains)  ;  M.  Voigt   (Antiquités  privées  des   Romains); 
Windelband  et  Gunther  (Philosophie  et  Histoire  naturelle  des  anciens)^ 
Reitïerscheid  (Mythologie  et   culte) ;   Flasch  (Archéologie  de    l'art); 
Christ  (Littérature  grecque);  Schanz  (Littérature  romaine).  —  Nous 
remarquons  avec  étonnement  l'absence  d'un  chapitre  sur  la  musique 
antique;   ce  serait   une   lacune   regrettable,  et  il  est  à  souhaiter  que 
M.  Mlilier,  puisqu'il  en  est  temps  encore,  s'adresse  à  M.  Westphal  pour 
la  combler. 

11  n'est  pas  dans  la  nature  des  livres  allemands  de  commencer  par  le 
commencement  :  heureux  encore  quand  ils  ne  commencent  pas  par 
trois  ou  quatre  côtés  u  la  fois,  comme  TEncyclopédie  d'Ersch  et  Gruber 
ou  lus  interminables  volumes  du  Jahresbericht !  Le  Handbuch  n"a  pas 
voulu  faire  exception  à  cette  règle  bizarre  :  il  ouvre  sa  publication  par 
la  première  moitié  du  second   volume,  qui  contient  les    travaux  de 
MM.  Brugmann,  Stolz   et  Schmalz  sur  la  grammaire  grecque  et  la 
grammaire  latine.  Disons  tout   d'abord  que  ce  premier  demi-volume 
fait  augurer  très  favorablement  de  la  suite  de  l'ouvrage  :  c'est  une  véri- 
table bonne  fortune  pour  le  public  savant  de  posséder  une  phonétique, 
une  morphologie  et  une  syntaxe  grecques  de  la  main  de  M.  Brugmann. 
Mais  nous  ne  pouvons  nous  empêcher  de  formuler  une  critique,  ou  du 
moins  une  observation  générale  à  l'adresse  de  la  disposition  des  matiè- 
res. Comme  la  plupart  des  savants  allemands,  MM.  Brugmann,  Stolz 
et  Schmalz  manquent  complètement  de  tact  pédagogique  :  ils  écrivent 
pour  ceux  qui  savent  déjà  beaucoup,  et  malheur  au  profane,  au  Laie, 
qui  ouvrira  ce  demi-volume  avec  l'idée  d'apprendre  ce  qu'il  ne  sait  pas! 
Il  est  vrai  que  la  phonétique  des  néo-grammairiens,  en  particulier,  n'est 
pas  un  sujet  qui  se  prête  à  une  exposition  bien  limpide;  encore  pourrait- 
on  ne  pas  en  accroître  l'obscurité  par  un  incroyable  abus  des  abrévia- 


i 


DHISTOIRK    KT    DK    LITTÉRATURB  23  I 

tioiis,  l'absence  presque  complète  de  notes  dont  le  contenu  est  jeté  pèle 
mêle  dans  le  texte  (à  la  manière  de  la  Reaîencyclopaedie  de  Pauly),  enfin 
par  la  présomption  que  le  lecteur  comprend  ou  devine  ce  qu'on  ne  prend 
pas  la  peine  de  lui  expliquer.  Par  exemple,  dès  les  premières  lignes  de 
la  phonétique  grecque,  M.  Brugmann  distingue  la  nasale  vélaire  et  la 
nasale  palatale,  ainsi  que  le  Schwa  indogermanicum  qu'il  représente 
par  un  e  renversé.  Tout  cela  est  intelligible  pour  celui  qui  connaît  Sie- 
vers  :  pour  le  commençant,  j'ajoute  même  pour  l'étudiant  instruit  qui 
n'est  pas  tenu  d'être  au   fait  du  Sclnua,  c'est,  à  proprement  parler,  de 
l'hébreu.  On  voit,  sans  qu'il  soit  besoin  d'insister,  que  nous  avons  là 
un  Handbiich  «  more  germanico  »  qui  ne  répond  nullement  à  l'idée  que 
nous  nous   faisons  en  France  d'un  manuel  et  qui  ne  saurait  prendre 
pour  épigraphe  Indocti  discant.  C'est  aux  ■periti  qxiW  s'adresse,  aux  jif?- 
riti  qui  veulent  rafraîchir  leurs  souvenirs,  trouver  un  renseignement 
ou  un  détail  qui  leur  échappe  :  le  livre,  tel  qu'il  est  conçu,  aurait  été  plus 
justement  intitulé  Nachschlagebiich.  Encore  une  fois,  nous  constatons 
la  chose  et  ne  récriminons  pas,  mais  il  est  bon  que  le  lecteur  français 
soit  prévenu. 

Les  auteurs  ont  parfaitement  compris  que  des  sujets  aussi  compliqués 
que  la  grammaire  grecque  et  latine  ne  pouvaient  être  condensés  utile- 
ment en  quelques  pages;  ils  se  sont  contentés,  comme  je  l'avais  fait 
moi-même,  d'expliquer  et  de  discuter  avec  détail  les  matières  imporian- 
tes  sur  lesquelles  se  sont  portés  de  préférence  les  récents  travaux  de  la 
linguistique.  La  phonétique  et  la  morphologie,  les  questions  relatives  à 
Faccent  et  à  l'orthographe,  tiennent  de  beaucoup  la  place  la  plus  grande: 
il  n'y  a  pas  lieu  de  s'en  plaindre.  Un  précis  de  la  syntaxe  historique  du 
latin,  qui  termine  le  demi-volume  sans  être  terminé  avec  lui,  est  pres- 
que le  seul  chapitre  où  l'on  trouve  l'exposition  de  faits  appartenant  à 
l'enseignement  élémentaire  ;  il  est  d'ailleurs  conçu  dans  un  esprit  stric- 
tement historique  qui  le  distingue  avantageusement  de  tous  les  résumés 
analogues.  L'analyse  des  désinences  casuelles  et  verbales  a  été  l'objet 
d'une  attention  particulière  c^  constitue,  avec  la  phonétique,  le  chapitre 
le  plus  développé  des  deux  grammaires. 

Dans  un  ouvrage  de  ce  genre,  la  bibliographie  est  une  des  parties  les 
plus  importantes,  ce  dont  les  auteurs  se  sont  parfaitement  rendu  compte. 
Ils  ont  d'ailleurs  pensé,  avec  raison,  que  les  Griindrîsse  de  M.  Hiibner 
pour  la  syntaxe  grecque  et  la  grammaire  latine  étant  très  répandus,  il 
était  inutile  de  répéter  les  indications  que  contiennent  ces  deux  excel- 
lents petits  livres,  et  ils  se  sont  bornés,  en  général,  à  signaler  les  travaux 
spéciaux  publiés  postérieurement  aux  bibliographies  de  M.  Hûbner. 
Cela  ne  pouvait  les  dispenser,  bien  entendu,  de  renvoyer  aux  ouvrages 
les  plus  importants  sur  chaque  matière.  MM.  Brugmann,  Schmalz  et 
Stolz  ne  laissent  pas  de  rendre  justice  aux  travaux  des  savants  étran- 
gers, en  particulier  de  MM.  Weil  et  Benlœv^,  de  Saussure,  Riemann 
et  Gœlzer  ;  on  pourrait  souhaiter  cependant  qu'ils  eussent  accordé  une 


232  REVUK    CRITIQUE 

mention  à  beaucoup  d'ouvrages  anglais  et  français  dont  on  chercherait 
vainement  les  titres  à  côté  de  ceux  de  programmes  allemands  cités  par 
douzaines.  Nous  relèverons  particulièrement  l'omission  des  livres  sui- 
vants, qui  ont  tout  au  moins  l'avantage  d'être  écrits  avec  une  clarté 
dont  M.  Brugmann  et  ses  collaborateurs  n'ont  pas  Je  secret  :  Egger, 
Apollonius  Dyscole  (p.  5)  ;  Sayce,  Principles  of  compai\ philology  (p.  6); 
Henry,  l'Analogie  dans  la  langue  grecque  (p.  1 1)  ;  Rutherford,  Phry- 
nichus  (p.  i3);  Gonnet,  Degrés  de  comparaison  (p.  67);  Bergaigne,  De 
conjunctivo  et  optativo  (p.  92);  Weil,  De  l'ordre  des  mots  (p.  i25); 
Bréal,  Les  tables  eugubines  et  tous  ses  mémoires  de  dialectologie  itali- 
que! (p.  i33);  Boissier,  Varroti  (p.  i33);Thurot,  Doctrines  gramma- 
ticales (ibid.)  ;  Èdon,  Ecriture  et  prononciation  du  latin  (p.  \2>j]\ 
Taylor,  The  alphabet  (p.  iS");  Garrucci,  Sylloge  inscriptionum  lati- 
tiarum,  dont  il  fallait  citer  les  prolégomènes  (p.  137)  ;  Boissier,  Les  ré- 
formes orthographiques  attribuées  à  Ennius  et  à  Attius,  dans  la  Revue 
archéologique  de  1869",  cf.  Mommsen,  Ephemeris ,  1872,  p.  286 
(p.  141);  G.  Paris,  L'accent  latin  dans  la  langue  française  (p.  193); 
Roby,  Latin  grammar  (p.  244)  ;  Gantrelle,  Grammaire  de  Tacite 
(p.  248);  Boissier,  ^cWz/Z/ms,  dans  la  Revue  de  Philologie  do.  1882  (ibid.); 
CWnon,  Du  génitif  latin  (p.  248);  Riemann-Benoist,  jE'rfz^/o»^  de  Tite- 
Live  (p.  249,  où  sont  citées  d'autres  éditions  avec  commentaires  gram- 
maticaux), etc.  On  remplirait  des  pages  à  signaler  toutes  les  omissions 
de  ce  genre,  auxquelles  il  faudrait  en  joindre  d'autres  portant  sur  des 
ouvrages  publiés  en  allemand;  ainsi  la  Syntaxe  grecque  de  Madvig 
n'est  pas  citée  à  la  p.  95,  à  côté  de  celles  de  Bernhardy,  de  Kûhner  et 
de  Krûger'.  Le  beau  travail  d'Eckstein,  Geschichte  des  lateinischen  Un- 
terrichts,  n'aurait  pas  dû  non  plus  être  ornis  (p.  i33). 

Nous  ne  pouvons  entrer  dans  la  discussion  des  théories  grammatica- 
les des  auteurs,  dont  le  point  de  vue  est  naturellement  celui  des  Jung- 
grammatiker,  mais  nous  pensons  qu'ils  auraient  bien  fait  d'exposer 
avec  quelque  détail  l'histoire  de  la  science  jusqu'à  Bopp  et  de  Bopp  jus- 
qu'à l'école  contemporaine.  Les  indications  fournies  à  cet  égard  (p.  i-5, 
129-133)  sont  absolument  insuffisantes.  Pas  un  mot  des  théories  de 
Sanchez,  de  Lennep,  de  God.  Hermann,  qui  appartiennent  pourtant  à 
l'histoire  de  la  grammaire  comme  les  systèmes  des  prédécesseurs  de 
Kant  à  l'histoire  de  la  philosophie.  Pas  un  mot  non  plus  de  l'histoire 
de  l'étymologie  avant  Bopp,  des  idées  de  la  Renaissance  sur  les  rap- 
ports du  grec  et  du  latin.  Le  seul  moyen  de  vivifier  une  étude,  c'est  de 
la  présenter  comme  le  dernier  terme  d'un  développement  intellectuel, 
de  faire  apprécier  l'importance  des  vérités  que  l'on  croit  tenir  par  l'exa- 
men des  erreurs  qui  en  ont  précédé  et  souvent  préparé  la  découverte. 
Aussi  bien  les  auteurs  du  Handbuch  ne  paraissent-ils  pas  s'être  préoc- 
cupés de  soutenir  l'attention  de  leurs  lecteurs  à  la  façon  de  M.  MaxMul- 


I.  L'omission  de  la  Grammaire  grecque  de  Curiius  n'est  sans  doute  pas  involon- 
taire: elle  ne  laisse  pas  toutefois  de  surprendre  le  lecteur. 


n'HlSTOinE    KT    DK    MTrÉUATURK  2  33 

1er  dans  ses  Leçons  ou  de  Bœckh  dans  son  admirable  livre  posthume, 
Encyclopédie  et  Méthodologie.  Je  n'ai  pas  l'impertinence  de  comparer 
mon  Manuel  de  Philologie,  œuvre  de  commençant  écrite  pour  des  com- 
mençants, au  Handbuch  publié  par  M.  I.  Mulier;  mais  quelques  per- 
sonnes ont  bien  voulu  écrire  que  ce  Manuel  était  «  amusant  »,  et  je 
doute  que  l'on  ait  jamais  lieu  de  faire  un  pareil  compliment  au  Hand- 
buch —  compliment  dont  les  auteurs  se  sentiraient  peut-être  fort  offen- 
sés. L'exécution  typographique,  qui  est  d"une  extrême  monotonie,  n'est 
pas  faite  pour  en  rendre  la  lecture  plus  attrayante.  Mais  ce  sont  là,  en 
vérité,  de  petits  inconvénients;  ils  n'enlèvent  rien  au  mérite  d'une  œu- 
vre qui,  pour  être  complètement  dépourvue  de  charme,  n'en  est  pas 
moins  d'une  réelle  utilité  et  doit  être  accueillie  avec  une  sincère  re- 
connaissance. D'ici  à  peu  de  temps,  il  n'y  aura  guère  de  savant  dans  les 
deux  mondes  qui  ne  possède  sur  sa  table  de  travail  les  treize  demi-volu- 
mes du  Handbuch,  deslinés  à  suivre  de  près  le  spécimen  que  nous  avons 
eu  le  plaisir  de  signaler. 

Salomon  Reinach. 


174.— Briffe  (les  l»falzgrafeii  Johann  Casimir  mit  verwandten  Schriflstûcken 
gesammeh  und  bearbeitet,  von  Friedrich  von  Bezold.  Band  I  (1576-1582). 
Mûnchen,  Rieger,  18S4,  viii,  Sgo  p.  In-8.  Prix  :  20  fr. 

Les  lettres  du  comte  palatin  Jean-Casimir,  publiées  sous  les  auspices 
de  l'Académie  de  Munich,  forment,  pour  ainsi  dire,  la  suite  de  la 
Correspondance  de  son  père,  l'électeur  Frédéric-le- Pieux,  mise  au  jour 
par  M.  Kluckhohn  de  1868  à  1872,  et  dont  nous  avons  rendu  compte 
autrefois  dans  la  Revue.  Comme  le  travail  de  M.  Kluckhohn,  celui  de 
M.  Bezold  mérite  d'attirer  Tattention  de  tous  ceux  qui  s'occupent  de 
rhistoire  générale  de  la  seconde  moitié  du  xvi«  siècle,  il  dépasse  en  effet 
de  toutes  parts  le  cadre  de  Fhistoire  purement  locale,  soit  du  Palatinat, 
soit  même  de  l'Empire,  pour  nous  fournir  d'abondants  renseignements 
sur  la  politique  des  Wittelsbach  protestants  dans  la  grande  crise  reli- 
gieuse et  politique  de  cette  époque.  Le  volume  de  M.  B.  devra  attirer 
en  particulier  l'attention  des  érudits  français  qui  y  puiseront  plus  d'un 
renseignement  nouveau  sur  les  relations  des  réformés  d'Allemagne  avec 
les  huguenots  et  leurs  chefs.  Comme  dans  la  Correspondance  de 
Frédéric-le-Pieux  nous  avons  vu  dominer  l'élément  religieux,  voire 
même  théologique,  nous  remarquons  ici  la  prépondérance  de  l'élément 
politique;  la  génération  qui  suit  celle  descontemporains  de  la  Réforme, 
n  a  plus  l'élan  des  premiers  jours,  et  ses  conseillers  les  plus  influents  ne 
sont  plus  les  théologiens,  mais  les  diplomates.  Jean-Casimir  lui-même  ne. 
vaut  pas  comme  homme  son  père,  l'Electeur  mort  en  i  576.  Il  est  vrai,  que, 
privé  de  la  puissance  territoriale  échue  à  son  frère  aîné,  l'électeur  Louis, 
son  attitude  devait  avoir  forcément  quelque  chose  d'aventureux;  Tar- 


2  34  RKVUK    CRITIQUE 

gent  français  devait  influencer,  autant  que  ses  souhaits  pour  la  cause 
calviniste,  ses  plans  militaires  et  ses  négociations  diplomatiques, 
puisqu'il  ne  possédait  pas  lui-même  la  puissance  matérielle  nécessaire 
pour  intervenir  dans  les  guerres  civiles  de  ce  temps. 

Pour  former  la  collection  dont  il  nous  offre  ici  le  premier  volume, 
M.  B.  a  parcouru  les  archives  des  principales  villes  de  l'Allemagne  et  de 
l'étranger.  Ce  que  les  archives  palatines  de  Heidelberg,  si  souvent  pillées 
et  transportées  à  la  hâte,  ne  lui  offraient  qu'avec  parcimonie,  il  l'a 
trouvé  dans  les  dépôts  de  Dresde,  de  Marbourg,  etc.  11  leur  a  même 
emprunté  des  pièces  qui  ne  touchent  pas  précisément  à  la  politique  de 
la  branche  protestante  des  Wittelsbach,  comme,  par  exemple,  les  cor- 
respondances de  l'électeur  Auguste  de  Saxe.  Par  contre,  il  aurait  trouvé 
dans  d'autres  dépôts  publics  des  documents  se  rapportant  directement  à 
son  sujet,  s'il  avait  prolongé  les  recherches  assidues  auxquelles  il  s'est 
livré  pour  réunir  tous  les  matériaux  accessibles  '.  Mais  il  serait  injuste 
de  trop  appuyer  sur  ce  fait  auquel  n'échappera  jamais  un  savant,  quel- 
que consciencieux  qu'il  soit,  alors  qu'il  essaie  de  réunir  tous  les  docu- 
ments inédits  relatifs  à  un  homme  ou  à  une  époque  de  l'histoire 
moderne. 

Le  morceau  capital  du  volume  de  M.  B.  est  une  introduction  de  plus 
de  deux  cents  pages  sur  la  politique  palatine  de  i56ô  à  iSyô,  introduc- 
tion très  nourrie  et  sur  laquelle  nous  appelons  Tattention  des  lecteurs. 
Il  y  a  là  surtout  à  leur  signaler  le  chapitre  sur  la  première  campagne  C 
de  Jean-Casimir  en  France  (i  567-1 568),  et  celui  sur  les  négociations  du 
jeune  comte  palatin  avec  Condé,  préalablement  à  la  seconde  expédition 
française  (i  574-1 576).  Parmi  les  documents  plus  particulièrement 
curieux  nous  signalerons  encore  les  révélations  du  docteur  Beutterich 
sur  les  projets  des  Lorrains  contre  Strasbourg  (12  mai  i58o);  le 
mémoire  de  Schomberg  à  Henri  III  (3i  mai  i58o),  les  rapports  de 
Beutterich  sur  sa  mission  chez  les  huguenots  du  midi,  à  Montpellier  et 
Montauban  (juillet  i58i);  la  lettre  de  ce  même  diplomate,  colonel  et 
docteur  en  droit,  adressée  à  Théodore  de  Bèze  (6  septembre  i582). 

A  ces  pièces  M.  B.  a  joint  des  notes  nombreuses,  parfois  un  peu  bien 
touffues,  et  dont  le  labeur  ne  sera  pleinement  utilisé  que  lorsqu'un  index 
général  permettra  de  s'y  retrouver  sans  recherches  trop  prolongées.  Cet 
index  ne  paraîtra,  nous  dit-on,  qu'avec  le  troisième  volume.  Nous 
faisons  donc  des  vœux  intéressés  pour  que  M.  Bezold  arrive  bientôt  à 
donner  la  suite  de  son  recueil,  qui  est  le  fruit  de  si  longues  recherches 
et  qui  tient  dignement  sa  place  parmi  toutes  les  publications  analogues, 


I.  Nous  avons  trouvé  aux  archives  municipales  de  Strasbourg  un  fascicule  de  la 
Correspondance  de  Jean-Casimir  avec  son  agent  commercial  et  diplomatique  dans 
cette  ville,  Isaac  Wicker;  il  renferme  sept  lettres  pour  1677;  six  lettres  pour  1378; 
une  pour  i58i  ;  cinq  pour  i582;  seize  pour  i5S3;  douze  pour  i584,  soit  une  cin- 
quantaine de  pièces  que  nous  signalons  à  l'attention  de  M.  B.,  s'il  devait  voulou' 
joindre  un  supplément  au  prochain  volume  de  son  ouvrage. 


d'histoire  et  de  littérature  235 

déjà  confiées  à  d'autres  savants  par  l'initiative  incessante  de  PAcadémie 
de  Munich. 

R. 


175.  —  Voltaire.  Bibliographie  de  ses  œuvres,  par  Georges  Bengesco.  Tome 
deuxième,  orné  du  portrait  de  A.  J.  Q.  Beuchot.  Paris,  librairie  acade'mique 
Didier  (E.  Perrin),  i883,  in-8. 

Le  tome  I"  de  cette  Bibliographie  a  paru  en  1 882  et  il  en  a  été  rendu 
compte  ici  même  '.  L'Académie  française  lui  a  décerné  l'un  de  ses  prix 
et  cet  honneur  sans  précédent,  croyons-nous,  est  d'un  bon  augure  pour 
des  études  jusqu'ici  trop  complètement  exclues  des  récompenses  du 
docte  corps,  mais  dont  la  nécessité  se  fait  cependant  sentir  chaque  jour 
davantage.  En  présence  du  développement  inouï  des  produits  de  la 
presse  sous  toutes  ses  formes  depuis  quatre  siècles  il  faut  aviser  à  dresser 
le  bilan  de  ces  richesses  si  Ton  veut  évaluer,  sous  le  double  rapport  du 
nombre  et  de  la  valeur,  les  témoignages  multiples  de  l'activité  humaine. 
Mais  bien  qu'il  se  soit  trouvé  en  ce  siècle  un  notable  contingent  de  tra- 
vailleurs assez  intrépides  pour  braver  les  ennuis  et  les  fatigues  d'une 
pareille  tâche,  l'indifférence  des  grands  corps  savants  a  longtemps  ag- 
gravé la  situation  précaire  des  érudits  voués  à  ces  sortes  de  travaux,  et 
les  éditeurs  s'en  sont  autorisés  pour  repousser  des  livres  dont  ils  ne 
pouvaient  attendre  ni  honneur  ni  profit  '.  Je  souhaite  que  la  distinction 
très  justifiée  obtenue  par  le  livre  de  M.  Bengesco  encourage  d'autres 
tentatives  de  même  nature  et  je  me  hâte  de  revenir  à  Texamen  de  son 
second  volume. 

M.  G,  B.,  témoignant  à  l'égard  de  la  critique  une  déférence  trop  rare 
pour  qu'elle  ne  soit  pas  signalée,  a  tout  d'abord  donné  la  liste  des  addi- 
tions et  corrections  du  tome  P''  (p.  i-xvm);  puis  il  a  décrit  dans  l'ordre 
chronologique  les  trois  cent  quarante-trois  opuscules  qui  forment  ce 
qu'on  appelle  traditionnellement  les  «  mélanges  »  de  Voltaire  et  il  y  a 
joint  la  liste  raisonnée  des  livres  édités  et  celle  des  livres  annotés  par  lui. 
Un  index,  dont  la  Revue  critique  avait  fait  remarquer  l'utilité,  termine 
le  volume.  Le  troisième  renfermera  la  liste  des  œuvres  complètes  et  des 
œuvres  choisies,  la  correspondance  et  les  écrits  aprocryphes.  Pour  cette 

1.  Voir  année  1882,  tome  II,  p.   367-378. 

2.  Conçoit-on,  par  exemple,  qu'il  n'existe  aucun  répertoire  bibliographique  pour 
notre  xvue  siècle  et  que  pour  le  xvie  on  en  soit  vraisemblablement  toujours  réduit 
à  l'édition  Rigoley  de  Juvigny  des  Bibliothèques  françoises,  de  La  Croix  duMaineet 
de  Duverdier!  Le  Manuel  du  libraire  n'a  jamais  enregistré  que  les  livres  de  diverses 
époques  considérés,  à  tort  ou  à  raison,  comme  «  rares  «  et  «  précieux  »  et  Quérard 
s'est  systématiquement  interdit  de  faire  figurer  dans  la  France  littéraire  les  travaux 
antérieurs  à  1700  (sauf  les  réimpressions).  L'auteur  d'une  très  bonne  biographie 
provinciale  s'occupe,  m'a-t-on  dit,  de  combler  une  lacune  si  regrettable  en  ce  qui 
concerne  le  xvii  siècle;  puisse-t-il  mener  à  bien  cette  œuvre  méritoire  et  à  laquelle 
toutes  les  sympathies  des  travailleurs  sont  acquises  d'avance! 


2  36  REVUE    CRITIQUE 

nouvelle  partie  de  son  travail,  comme  pour  la  première,  M.  B.  a  sur- 
tout mis  à  contribution  la  collection  voltairienne  de  Beuohot,  la  sienne 
propre  et  celle  de  M.  le  comte  G.  de  Berlaymont,  sans  parler  des  res- 
sources fortuites  qu'il  a  dues  à  ses  recherches  dans  diverses  bibliothèques 
privées  ou  publiques  de  la  France  et  de  l'étranger.  Il  n'a  donc  pu  lui 
échapper  qu'un  bien  petit  nombre  de  particularités  dignes  d'être  notées, 
mais  comme  il  sollicite  plus  volontiers  les  observations  que  les  louan- 
ges, il  me  permettra  de  lui  soumettre  quelques  remarques  suggérées  par 
une  lecture  attentive. 

P.  2  (n°  i55i).  Un  exemplaire  de  VEssay  upon  the  civil  Wars  of 
France  a  passé  en  iSôg  dans  la  vente  de  J.  Fr.  Boissonade  (n"  5626  du 
catalogue  rédigé  par  B.  Duprat).  Comment  se  fait-il  que  Boissonade 
n^ait  point  communiqué  cette  rareté  à  son  ami  Beuchot  avec  qui  il  en- 
tretenait les  plus  cordiales  relations?  C'est  là  un  de  ces  mystères  dont  le 
cœur  de  l'homme  en  général,  et  celui  des  bibliophiles  en  particulier,  offre 
trop  d'exemples. 

P.  39  (n"  i586).  La  protestation  de  Voltaire  contre  les  retards  appor- 
tés à  Tachèvement  du  Louvre  a  été  réimprimée  par  Bachaumont  dans 
son  Essai  sur  la  peinture,  la  sculpture  et  l'architecture,  seconde  édi- 
tion revue,  corrigée  et  augmentée  (s.  1.  ijSi,  in-8,  frontispice  composé 
par  Boucher,  dessiné  par  Pierre  et  gravé  par  Pasquier)  sous  ce  titre  lé- 
gèrement modifié  :  De  ce  qu'on  ne /ait  pas  et  de  ce  qu'on  pourrait, 
faire. 

P.  81  (n''  1644).  Le  frontispice  des  Quand  n'est  pas,  comme  on  l'a  si 
souvent  imprimé,  de  Moreau  le  jeune,  mais  d'un  homonyme  appelé 
P.  Moreau,  dont  M.  le  baron  Roger  Portails  a  le  premier  signalé  dans 
ses  Graveurs  du  xxni"  siècle  un  certain  nombre  de  planches  et  de 
vignettes  pour  livres,  entre  autres  pour  une  édition  de  1743  des  Leçons 
de  physique  de  l'abbé  Nollet.  Jean-Michel  Moreau,  dit  le  jeune,  né  en 
1741,  avait  donc  dix-neuf  ans  en  1760  et  n'était  encore  que  l'élève  fort 
obscur  du  peintre  Le  Lorrain  et  du  graveur  Le  Bas. 

P.  134.  Le  «  nommé  de  Vosge  »  (ou  plus  exactement  François  De- 
vosge)  aurait  mérité  une  mention  un  peu  plus  détaillée.  Non-seulement 
il  eut  l'honneur  d'être  choisi  par  Voltaire  pour  illustrer  les  œuvres  de 
Corneille,  avant  que  les  «  dégoûtés  de  Paris  »  n'eussent  fait  préférer  au 
patriarche  Hubert  Gravelot,  mais  il  fut  plus  tard,  —  et  cela  suffirait  à  sa 
gloire, —  l'un  des  premier  protecteurs  de  Prudhon,  lorsque  celui-ci  sui- 
vait les  cours  de  dessin  fondés  par  Devosge  à  Dijon.  C'est  encore  à  De- 
vosge  que  Voltaire  s'adressait  en  [766  par  l'intermédiaire  du  président 
Fyot  de  la  Marche  lorsqu'il  voulait  avoir  un  frontispice  représentant 
trois  aveugles  cherchant  à  tâtons  un  âne  qui  s'enfuit  :  «  C'est  l'emblème 
de  tous  les  philosophes  qui  courent  après  la  vérité.  Je  me  tiens  un  des 
plus  aveugles  et  j'ai  toujours  couru  après  mon  âne.  »  Il  est  vrai  que 
l'on  ne  connaît  pas  ce  frontispice  destiné  à  un  opuscule  resté  en  projet, 
non  plus  que  les  compositions  de  Devosge  pour  le  Corneille  des  Cramer. 


d'HISTOUvE    El    DE    LlirÉKATUl'.E  2:)7 

M.  B.  s'est  attaché  à  décrire  l'édition  originale  et  les  réimpressions 
contemporaines  de  chaque  opuscule  de  Voltaire;  peut-être  réserve-t-il 
pour  le  troisième  volume  la  mention  des  recueils  qui  en  parurent 
dès  lors,  avec  ou  sans  l'aveu  de  l'auteur  :  c'est  ainsi  qu'il  a  négligé 
cette  fois  de  nous  donner  son  opinion  sur  cet  Evangile  du  jour  qui 
a  tant  embarrassé  les  bibliographes  '.  Je  prends  la  liberté  de  lui  si- 
gnaler, pour  le  moment  où  il  abordera  cette  partie  de  sa  tâche,  un 
petit  volume  qui  avait  échappé  à  Quérard  et  que  mes  recherches 
m'ont  fait  rencontrer  à  l'Arsenal  où  il  est  coté  20754  B  :  ce  sont  des 
Mélanges  de  littérature  pour  servir  de  supplément  à  la  dernière  édi- 
tion des  œuvres  de  M.  de  Voltaire.  S.  1.,  1768,  in- 12,  280  p.  Ils 
renferment,  entre  autres  pièces,  les  Conseils  à  un  journaliste,  le  Pané- 
gyrique de  Louis  XV,  les  Embellissements  de  Paris,  la  Défense  de 
Milord  Bolingbroke,  puis  des  lettres  à  Dom  Calmet,  à  Deodati  de 
Tovazzi,  à  Le  Brun  sur  M""  Corneille,  à  d'Olivet,  etc.,  et  des  poésies 
fugitives,  la  plupart  de  sa  Jeunesse.  M.  B.  a  certainement  d'ailleurs 
par  devers  lui  un  certain  nombre  de  notes  sur  des  recueils  du  même 
temps  et  de  même  origine,  devenus  fort  rares  précisément  parce  que 
nul  ne  s'est  avisé  de  les  rechercher. 

Terminons  en  félicitant  l'auteur  de  la  bonne  idée  qu'il  a  eue  de  faire 
reproduire  par  l'héliogravure  le  seul  portrait  connu  de  Beuchot,  d'a- 
près le  dessin  original  appartenant  à  M.  Louis  Barbier,  son  gendre. 
C  est  un  tardif  hommage  rendu  à  un  travailleur  à  qui  personne,  j'en 
suis  sûr,  n'a  voué  plus  de  gratitude  que  M.  Bengesco. 

Maurice  Tourneux, 


VARIETES 


Les  lettres  de  fr'êneloii  à    la    Quiriiiienne. 

Dans  l'Introduction  d'un  ouvrage  dont  j'ai  rendu  compte  ici,  l'an 
dernier,  le  Journal  inédit  de  Jean-Baptiste  Colbert,  marquis  de  Torcy, 
ministre  et  secrétaire  d'État  des  affaires  étrangères,  publié  d'après 
les  manuscrits  autographes  (Paris,  Pion,  1884,  grand  in-S»),  M.  Fré- 
déric Masson  s'exprime  ainsi  (p.  xx)  :  «  Il  est  malheureux  qu'on  n'ait 
pas  encore  utilisé  pour  l'histoire  du  commencement  du  xvm"  siècle 
français  les  trésors  qui  sont  accumulés  à  Brescia.  Je  citerai  entre  autres 
huit  lettres  de  Fénelon  d'un  intérêt  capital  »  Huit  lettres  inédites  de 
Fénelon!  On  devine  ce  que  fut  une  telle  révélation  pour  un  curieux 
comme  moi.  Posséder  une  bonne  copie  d'aussi  précieux  documents 
devint  un  de  mes  plus  chers  désirs.  Ce  désir  vient  d'être   satisfait  grâce 

1.  Voir  la  dernière  édition  du  Dictionnaire  des  anonymes. 


I 


2  38  RKVUK   CRITIQUE 

à  l'extrême  amabilité  d'un  fervent  lecteur  de  la  Revue  critique  à  Rome, 
M.  le  marquis  Gaetano  Ferrajoli,  qui  m'honore  de  sa  sympathie,  et  qui 
a  daigné  demander  à  Brescia  pour  moi  non  seulement  une  très  exacte 
copie  des  documents  signalés  par  Téditeur  du  Journal  de  Torcy,  mais 
une  très  nette  photographie  de  deux  des  pages  du  manuscrit. 

De  l'examen  de  la  photographie  et  de  la  copie,  il  résulte  que  les  let- 
tres de  Fénelon  à  Quirini  ne  sont  pas  autographes,  l'écriture  ne  ressem- 
blant pas  à  celle  de  l'archevêque  de  Cambrai,  et  l'orthographe  n'étant 
pas  non  plus  la  sienne,  car  pour  ne  signaler  qu'une  seule  différence  qui 
est  décisive,  on  lui  fait  écrire  constamment  vûtre^  alors  que  Fénelon, 
comme  Bossuet,  comme  tout  le  xvu^  siècle,  se  servait  de  la  forme  voS' 
tre.  Autre  déception  plus  cruelle  encore.  Les  huit  lettres  qui,  selon 
M.  Masson,  n'avaient  pas  encore  été  utilisées^  sont  toutes  parfaitement 
connues  depuis  longtemps.  //  est  malheureux^  pour  parler  comme  lui, 
qu'avant  de  nous  annoncer  de  l'inédit,  il  n'ait  pas  pris  l'indispensable 
précaution  de  consulter  une  bonne  édition  des  Œuvres  de  Fénelon,  par 
exemple  la  meilleure  de  toutes,  celle  de  la  librairie  Gaumc  (Paris,  i85i). 
Les  huit  lettres  à  Quirini  sont  là  et  presque  entièrement  conformes 
(y  compris  le  rajeunissement  de  certains  mots)  à  la  copie  de  Brescia. 

On  ne  doit  pas  trop  reprocher,  cependant,  à  M.  Masson  la  fausse 
nouvelle  et  la  fausse  joie  qu'il  a  eu  l'imprudence  de  donner  aux  admi- 
rateurs de  Fénelon.  La  gracieuse  communication  qui  m'a  été  faite  par 
M.  le  marquis  Ferrajoli,  que  Je  prie  d'accepter  ici  mes  nouveaux  remer- 
ciments,  n'aura  pas  été  inutile.  Je  vais  en  tirer  quelques  indications 
qui  serviront  aux  futurs  travailleurs  auxquels  nous  demandons  une 
édition  détinitive  des  œuvres  complètes  de  Fénelon  (et  de  Bossuet], 
édition  digne  de  celles  qui  forment  la  collection  des  Grands  écrivains 
de  la  France. 

Les  huit  lettres  à  Quirini  insérées  dans  le  tome  VIII  de  l'édition 
Gaume  ne  sont  pas  toutes  exactement  datées.  La  première,  par  exemple 
(p.  9),  porte  dans  l'imprimé  la  date  du  26  juin  171 1  et,  dans  le  manus- 
crit, celle  du  26  janvier  de  la  même  année.  On  n'a  pas  à  corriger  seu- 
lement l'évidente  faute  d'impression,  mais  encore  à  supprimer  (p.  58) 
une  reproduction  tronquée  de  la  même  lettre,  mise  sous  la  date  de  171 2, 
et  à  laquelle  ont  été  ridiculement  annexées  quatre  lignes  de  la  lettre 
suivante,  ce  qui  forme  un  très  bizarre  assemblage  et  rappelle  trop  le 
desinat  in  piscem.  Les  variantes  entre  l'imprimé  et  le  manuscrit  sont 
plus  nombreuses  qu'importantes.  Suivant  la  copie  de  Brescia,  il  faut 
substituer  à  la  leçon  «  pendant  votre  séjour  à  Paris  »  la  leçon  «  dans 
Paris  ».  L'harmonieux  cygne  de  Cambrai  évita  très  probablement  le 
dur  rapprochement  des  deux  a  :  a  à  Paris.,  à  me  donner  ».  On  ne 
trouve  guère  de  ces  cailloux  là  sur  les  chemins  fîeuris  de  l'auteur  du 
Télérnaque.  On  a  oublié  un  mot  dans  la  phrase  suivante  :  «  Vos  nou- 
velles, auxquelles  je  prendrai  en  tout  un  véritable  intérêt  ».  Le  ms.  de 
Brescia,  comme  le  sens,  exige  que  l'on  mette  :   «  En  tout  temps  «.  De 


d'histouîe  et  de  littérature  239 

même,  un  peu  plus  loin,  on  doit  remplacer  ave^  par  avie:{  en  cette 
phrase  :  «  L'endroit  de  St.  Augustin  dont  vous  avez  commencé  à  me 
parler  ».  Restituons  encore  à  cette  lettre  le  mot  tout  devant  le  mot  le 
loisir  (tout  le  loisir  de  traiter  la  matière  à  fond). 

La  seconde  lettre  (p.  i25)  est  bien  datée  (8  décembre  1712)  et  bien 
reproduite.  Je  ne  relève  que  cette  petite  modification  dans  Timprimé  : 
«  Je  vous  en  demande  pardon  du  fond  de  mon  cœur  »,  Fénelon  ayant 
écrit  :  «  Dujond  du  cœur  ». 

La  troisième  (p.  122)  est,  dans  l'imprimé,  du  19  octobre  i']i2,  dans 
le  ms.,  du  19  octobre  jyi3.  Il  est  vrai  que  Terreur  est  réparée  à  la 
page  194  où,  par  une  singulière  négligence  des  éditeurs,  la  même  lettre  re- 
paraît in-extenso.  Légères  nuances  entre  la  version  Gaume  et  la  version 
Brescia.  «  Rien  n'est  plus  cordial  /zf  plus  aimable  »  (Gaume)  «  —  et  plus 
aimable  »(Brescial.  — Mais  je  ne  me  consolcpas  (Gaume).  —  «  Je  ne  me 
console ^oz;/f  »  (Brescia).  —  «  Aussi  loin  qu'il  vous  plaira  »  (Gaume). — 
«  Aussi  loin  qu'il  vous  plairoit  »  (Brescia).  —  Les  dernières  lignes  de  la 
lettre  (p.  122)  ont  été  les  unes  abrégées,  les  autres  supprimées,  mais  le 
texte  complet  est  donné  à  la  page  194,  complet  pourtant,  moins  cette 
phrase  qui  s'applique  aux  critiques  trop  hardis  qui  en  sapant  certains 
fondements  pour  rejeter  des  fables,  vont  jusqu'à  ébranler  les  vérités 
essentielles  :  «  Ils  ont  un  besoin  infini  d'être  réprimés  ».  On  a  aussi 
omis  le  Post-Scriptum  qui  n'est,  du  reste,  qu'une  formule  de  politesse  : 
«  Ne  puis-je  pas,  mon  R.  P.,  vous  supplier  de  faire  passer  à  Monsieur 
votre  frère  mes  très  humbles  compliments  »  ? 

La  quatrième  lettre  (p.  282),  du  28  décembre  171  3,  n'appelle  aucune 
observation.  J'en  dirai  autant  de  la  cinquième  (p.  21  3),  du  22  janvier 
1714,  qui  ne  se  compose  que  d'une  quinzaine  de  lignes. 

La  sixième  lettre  (p.  214)  est  du  3o  janvier  1714.  Voici  quelques  va- 
riantes :  «  Quoi!  vous  qiqs  courant  par  toute  la  France  (Gaume).  — 
«  Vous  êtes  errant  »  (Brescia).  —  Omission  :  «  Prions,  soyons  petits  » 
(Gaume).  —  «  Prions,  soyons  dociles  et  petits  (Brescia).  —  Le  dernier 
mot  de  la  dernière  phrase  n'est  pas  le  même  dans  les  textes  que  je  com- 
pare :  «  Jugez  combien  je  vous  suis  dévoué,  par  mon  regret  sur  votre 
défection  »,  selon  Timprimé,  «  par  mes  regrets  sur  votre  désertion  », 
selon  le  ms.  Qui  donc  a  raison?  Désertion  me  semble  moins  naturel 
que  défection,  car  Fenélon  reproche  à  son  correspondant  d'avoir  été 
mfidèle  à  un  rendez-vous,  de  n'être  pas  revenu  à  Cambrai.  Désertion  ne 
s'expliquerait  que  dans  le  cas  où  Quirini  aurait  abandonné  son  hôte. 
Gardons,  par  conséquent,  le  mot  défection  si  aimablement  employé  par 
Fénelon,  et  employé,  au  contraire,  d'une  façon  si  émouvante  par  Bos- 
suet  s'écriant  dans  l'Oraison  funèbre  de  la  duchesse  de  la  Vallièrc  : 
«  Que  fera  Dieu  pour  la  punir  de  sa  défection  »  ? 

La  septième  (p.  248)  est  datée  d'août  1714.  Le  ms.  nous  permet  de 
donner  à  la  lettre  une  date  plus  précise,  celle  du  3i  août.  La  moins 
msignitiante  des  variantes  à  relever  est  celle-ci,  à  propos  de  la  France 


240  RKVUf'.    CRITIQUE 

«  Pays  où  les  esprits  sont  violemment  agités,  et  où  le  vaisseau  est  en 
grand  péril  »  (Gaume).  La  métaphore  n'est  pas  dans  le  ms.  où  Ton 
trouve,  à  la  place,  le  mot  7-e//^fon.  Ici  l'infidélité  n'est-elle  pas  inten- 
tionnelle et  les  éditeurs  n'auraient-ils  pas  cherché,  au  moyen  d'une 
image,  radoucissement  de  ce  qu'avait  de  trop  énergique  l'expression  de 
Fénelon  ?  —  Nouveau  changement  à  signaler  dans  une  des  phrases  sui- 
vantes :  là  c'est  un  nom  propre  qui  a  disparu  et  auquel  un  autre  a  été 
substitué  :  on  lit  dans  Timprimé  :  «  J'avois  pris  mes  mesures  afin  que 
vous  reçussiez  de  Florence  un  exemplaire  de  mon  ouvrage.  »  C'est  de 
Rome  qu'il  s'agit  dans  le  ms.  Ce  même  imprimé  contient  un  non  sens 
évident  que  voici  :  «  Vous  aurez  aussi  le  mandement  que  j'ai  fait  pour 
recevoir  la  constitution,  où  je  revè/e,  autant  que  je  puis,  Tautorité  du 
siège  apostolique,  sans  donner  de  prise  à  la  critique  de  ceux  que  cette 
autorité  incommode  ».  A  l'impossible  révèle  substituons,  avec  le  ms., 
le  mot  relève  qui  est  si  bien  en  situation. 

La  dernière  lettre  (p.  281)  a  reçu  de  Féditeur  cette  date  un  peu  va- 
gue :  décembre  ly  14.  Le  ms.  donne  :  //  décembre  1^14.  Je  ne  trouve 
qu'une  toute  petite  variante  à  relever.  D'après  le  ms.  il  faut  lire  non 
les  enfants,  mais  ses  enfants  dans  la  phrase  où  Fénelon  parle  ainsi  de 
l'Eglise  de  Rome  :  «  Plus  elle  est  contredite  et  méprisée  par  5e5enfans 
révoltés,  plus  elle  doit  répandre  au  loin  la  bonne  odeur  de  Jésus- 
Christ.  » 

Ph.  Tamizey  de  Larroquk. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  L'auteur  de  la  «  Variété  »  Grandeur  et  décadence  de  la  Colombine 
qui  a  paru  dans  notre  numéro  du  18  mai  i885  a  publié  une  seconde  édition, 
revue,  corrigée  et  considérablement  augmentée,  de  son  article  (Paris,  chez  tous  les 
marchands  de  nouveautés.  In-8",  52  p.).  Cette  édition,  sur  fort  beau  papier  et  avec 
spécimens,  n'a  été  tirée  qu'à  un  très  petit  nombre  d'exemplaires.  Nous  croyons  être 
agréables  à  nos  lecteurs  en  analysant  ou  reproduisant  les  passages  nouveaux  qui  ne 
figurent  pas  dans  l'article  de  la  Revue  critique.  L'auteur  poursuivait  son  enquête, 
lorsqu'il  eut  la  bonne  fortune  de  découvrir  la  piste  d'autres  plaquettes  provenant  de 
la  Biblioteca  Colombina.  Voici  de  quelle  façon  il  annonce  cette  trouvaille  : 

"  Le  lecteur  sera  sans  doute  disposé  à  croire  qu'en  thèse  générale,  de  pareilles 
occasions  ne  sont  guère  plus  fréquentes  que  les  éclipses.  C'est  oublier  qu'elles  se 
produisent  dans  le  pays  où  l'on  se  détache  le  plus  facilement  des  choses  de  ce 
monde,  surtout  lorsque  personne  dans  le  voisinage  n'en  soupçonne  la  valeur.  Q.ui 
n'a  mainte  fois  en  Espagne  entendu  cette  belle  et  sincère  parole,  digne  de  l'anti- 
que :  A  la  disposicion  de  usted? 

«  C'est  guidé  par  ce  souvenir  et  comptant  sur  la  science  particulière  des  fortunés 
habitants  de  l'Andalousie,  qu'un  amateur  alléché  s'ingéra  de  promettre  monts  et 
merveilles  au  missionnaire  qui    irait    explorer  certains  réduits  plus  ou  moins  obs- 


d''histoire  et  dk  littérature  241 

curs  de  Séville.  Un  adroit  marchand  de  curiosités  qui,  nourri  dans  le  sérail,  en 
connaissait  les  détours,  partit  pour  cette  croisade  d'un  nouveau  genre,  et  revint  à 
Paris,  le  14  avril  dernier,  avec  un  bon  nombre  d'objets  d'art  superbes  et  quarante 
opuscules,  chacun  délicatement  enveloppé  dans  une  feuille  de  papier  à  musique. 
C'étaient  encore  des  plaquettes  gothiques,  italiennes  et  catalanes,  provenant  de  la 
Coiombine  de  Séville! 

«  Une  heure  après,  avec  une  intuition  qui  tient  du  prodige,  le  plus  sagace  de  nos 
amateurs  frappait  à  la  porte  de  l'habile  envoyé  qui,  séduit  par  un  si  beau  zèle,  lui 
remit  incontinent  le  lot  complet.  Rien  ne  saurait  surpasser  l'ampleur  du  geste  et  la 
majesté  du  regard  avec  lesquels  ce  dernier  offrit  généreusement  pour  trente-six  de 
ces  merveilles  bibliographiques  le  prix  insensé  de  i,5oo  francs,  si  ce  n'est  la  joie 
et  la  reconnaissance  dont  témoigna  celui  qui  les  vendit  en  recevant  cette  somme 
inespérée. 

Il  11  est  contraire  aux  bons  principes  de  ne  point  exploiter  sur  le  champ  les  heu- 
reux hasards  de  la  fortune.  C'est  en  vertu  de  cette  maxime,  dont  la  profonde  sa- 
gesse n'échappera  pas  au  lecteur,  qu'on  voit  des  bibliophiles  se  dessaisir  de  raretés 
dont  la  possession  paraissait  essentielle  à  leur  bonheur.  Parfois  il  vient  se  mêler  à 
ce  sacrifice  de  vagues  inquiétudes,  que  de  malins  propos  et  les  indiscrétions  des 
feuilles  publiques  finissent  par  rendre  intolérables.  C'est  pro'oablement  sous  l'em- 
pire de  ces  noirs  soucis,  que  des  négociations  furent  entamées  avec  Rome,  à  l'eftét 
d'éloigner  une  cause  d'insomnie,  et  non,  comme  on  serait  porté  à  le  croire,  atin 
d'obtenir  l'absolution. 

<!.  Les  réponses  furent  favorables,  mais  l'esprit  de  sacrifice  a  des  bornes.  On  ne  se 
sépare  pas  volontiers  de  cinquante-neuf  plaquettes  gothiques.  Il  faut,  pour  s'y  ré- 
signer, une  force  de  caractère  qui  n'est  pas  donnée  à  tout  le  monde.  Les  plus  braves 
même  allègent  la  douleur  et  diminuent  les  risques,  en  préparant  des  partages  et 
de  petits  paquets,  disposés  selon  la  rareté  et  la  valeur  des  livres  dont  on  désire  faire 
profiter  les  nations  amies.  C'est  dans  ces  conditions  que  le  moins  important  de  ces 
lots,  composé  exclusivement  d'opuscules  imprimés  en  Italie  dans  les  premières  an- 
nées du  xvi'=  siècle,  chemine  présentement  vers  la  ville  éternelle.  » 

Cet  exposé  est  suivi  d'une  description  bibliographique,  aussi  exacte  que  minu- 
tieuse, de  quinze  petites  pièces  rarissimes,  dont  douze  n'avaient  pas  encore  été  si- 
gnalées par  les  bibliographes,  tandis  que  les  trois  autres  ne  sont  connues  chacune 
que  d'après  un  unique  exemplaire.  On  remarque  dans  ce  lot  des  collections  de  son- 
nets et  de  pièces  amoureuses  qu'on  vendait  dans  les  rues  de  Florence,  de  Rome,  de 
Bergame  et  de  Venise  au  commencement  du  xv'  siècle,  presque  toutes  illustrées  par 
des  vignettes  d'une  naïveté  charmante.  Il  y  a  aussi  des  éditions  populaires  de  romans 
de  chevalerie;  une  édition  milanaise  inconnue  du  plus  célèbre  sermon  de  Savona- 
role,  la  Predica  del  arte  del  bene  morire,  un  voyage  à  Jérusalem,  imprimé  à  Venise 
en  i522,  et  qui  est  probablement  celui  que  Lechi  attribue  à  Francesco  Alexandro  da 
Modena,  bien  que  le  bibliographe  de  Brescia  n'ait  pas  connu  cette  édition  vénitienne. 
En  voyant  une  collection  aussi  curieuse  d'imprimés  rarissimes,  on  comprend  que 
M.  H.  demande  «  si  ces  quinze  plaquettes  sont  seulement  celles  qu'on  ne  se  souciait 
pas  de  garder,  comment  était  donc  ledessus  du  panier.''»  Malheureusement,  il  ne  lui 
fut  pas  permis  de  voir  les  autres  impressions  italiennes,  celles-ci  n'ayant  pas  été  ex- 
pédiées à  Rome.  Nous  y  perdons,  sans  aucun  doute,  de  piquantes  révélations  biblio- 
graphiques. 

Dans  son  premier  article,  M.  H.  s'était  contenté  de  faire  seulement  allusion  aux 
manuscrits  de  la  Coiombine  venus  à  Paris,  comme  tampons,  dans  une  caisse  d'ob- 
jets d'art.  Ici,  le  critique  américain  décrit  neuf  de  ces  mss.,  entrés  depuis  à  la  Biblic- 


242  REVUK    CRITIQUE 

thèque  nationale,  mais  après  offres  loyaiemeni  faites  aux  parties  intéressées  à  Sé- 
villc,  de  les  rétrocéder  au  prix  coûtant,  —  assez  minime  d'ailleurs. 

Après  avoir  démontré  que  la  plupart  de  ces  précieux  codices  étaient  encore  sur 
les  rayons  de  la  Colombine,  il  y  a  quelques  années  à  peine,  M.  H.  fait  suivre  son 
exposé  d'observations,  d'autant  plus  utiles  que  le  journal  Scvillan,  El  Parvenir, 
s'est  abstenu  jusqu'ici  d'insérer  la  lettre  que  notre  collaborateur  lui  avait  adressée  1 
en  réponse  aux  allégations  de  D.  Servando  Arboli,  chef  de  la  bibliothèque  du  chapi- 
tre métropolitain  de  Séville  : 

«  Six.  au  moins,  de  ces  manuscrits  ont  donc  été  vus  à  la  Biblioteca  Golombina 
même,  et  décrits  sur  place,  d'abord  par  Haenel,  ensuite  par  Charles  Graux,  par 
M.  Francisque  Michel,  par  M.  de  Gayangos,  par  M.  Paul  Ewald,  par  M.  Pio  Rajna, 
en  1875,  1878  et  1880,  et,  très  probablement,  par  d'autres  savants  plus  récemment 
encore.  Dans  ces  conditions,  il  est  difficile  d'admettre  que  les  petites  irrégularités 
signalées  ici  remontent  au  temps  de  Charles-Quint,  comme  l'insinue  agréablement 
M.  le  bibliothécaire  en  chef  de  la  Colombine. 

«  Ce  conservateur  modèle,  qui  ignore,  évidemment,  qu'il  ne  suffit  pas  toujours 
d'enlever  les  timbres  et  d'effacer  les  rubriques  pour  rendre  un  manuscrit  méconnais- 
sable, vient  même  de  faire  savoir,  iirbi  et  orbi,  que  «  ces  manuscrits  ne  sont  jamais 
entrés  à  la  Bibliothèque  Colombine  ».  Comment  concilier  une  aussi  audacieuse  as- 
sertion avec  le  témoignage  contraire  de  deux  savants  français,  d'un  savant  allemand, 
d'un  savant  italien,  voire  d'un  savant  andalou,  tous  spécialistes  compétents,  d'une 
véracité  incontestable,  et  dont  les  descriptions  se  trouvent  consignées  dans  des  rap- 
ports officiels  parus  antérieurement  à  cette  polémique? 

«  Il  y  a  un  autre  petit  fait  qui  a  bien  son  importance;  les  principaux  détails  et  les 
points  de  repère  indiqués  par  ces  savants  :  époque,  calligraphie,  orthographe,  di- 
visions, formats,  lacunes,  illustrations,  etc..  etc.,  correspondent  aux  mss.  tels  qu'on 
peut  les  consulter  aujourd'hui  à  la  Bibliothèque  nationale  de  Paris. 

«  Quant  à  l'idée  bizarre  de  reculer  de  trois  cents  ans  l'époque  où  les  déprédations 
que  nous  signalons  furent  commises,  le  lecteur  nous  pardonnera  de  rappeler  que 
les  deux  premiers  lots  de  livres  et  de  plaquettes  et  les  manuscrits  mentionnés  dans 
notre  article,  sont  venus  à  Paris  en  ligne  directe  de  Séville,  ensemble,  dans  le  même 
paquet^  et  que  le  tout  fut  adressé  par  le  même  expéditeur  au  même  destinataire,  et 
seulement  à  la  fin  de  l'automne  dernier.  On  notera  aussi  que  six,  au  moins,  des 
mss.  envoyés  avec  les  imprimés,  étaient  encore  sur  les  rayons  de  la  Bibliothèque 
Colombine,  à  une  époque  aussi  rapprochée  de  nous  que  18 j5,  i8jg  et  1880,  et, 
très  probablement,  depuis.  Tous  les  livres,  tous  les  opuscules  et  tous  les  manus- 
crits en  question  ont  donc  été  tirés  du  même  tonneau,  et  ce,  avec  les  unités  de 
temps  et  de  lieu  voulus  pour  démontrer,  clair  comme  le  jour,  que  ces  voleries  ne 
remontent  pas  au-delà  de  l'année  dernière. 

«  Cependant,  pour  être  juste,  nous  devons  dire  que  la  remarquable  concordance 
relevée  dans  notre  raisonnement  est  susceptible  d'une  autre  interprétation.  Par 
exemple,  on  peut  admettre,  et  les  ingénieux  défenseurs  du  bibliothécaire  de  la  Co- 
lombine le  donnent  à  entendre,  que,  loin  d'entrer  dans  cet  établissement,  les  livres 
et  les  plaquettes  furent  soigneusement  remisés  dans  quelque  autre  endroit  bien  clos 
de  Séville,  à  l'abri,  surtout,  des  tremblements  de  terre,  au  temps  de  Charles-Quint. 
Ensuite,  que  les  manuscrits,  par  intuition,  trois  siècles  après,  sortirent  de  la  bi- 
bliothèque et  allèrent  rejoindre  les  susdits  livres  et  les  susdites  plaquettes,  qui  les 
attendaient  dans  le  lieu  mystérieux,  où  plusieurs  générations  de  gardiens  les  avaient 


I.  Revue  critique,  luimoro  du  27  juillet  dernier. 


DHFSTOIRR    KT    DR    LITTÉRaTURR  248 

conservés  avec  une  sollicitude  qu'eussent  pu  leur  envier  MiVl.  les  bibliothécaires 
de  la  Colombina.  Les  livres,  tant  grands  que  petits,  et  les  manuscrits  auraient  alors 
été  envoyés  de  compagnie  à  Paris,  en  temps  utile  pour  le  jour  de  l'an.  Rien  de  plus 

simple. 

«  Tous  ces  manuscrits  portent  les  traces  de  la  main  brutale  qui  a  aussi  lacéré  les 
livres  pour  les  démarquer,  les  soustraire  et  les  vendre.  Cependant  le  texte  est  à  peu 
près  intact,  et  ces  épaves,  recueillies  avec  soin  dans  une  de  nos  bibliothèques  pu- 
bliques, sont  désormais  à  l'abri.  N'étant  pas  ornes  de  belles  images,  on  ne  les  croyait 
bons  à  Séville,  ce  semble,  qu'à  servir  d'emballage.  Malheureusement,  d'autres  mss., 
que  leur  beauté  eut  dû  préserver  de  semblables  atteintes,  n'ont  pu,  justement  parce 
que  c'étaient  des  œuvres  d'art,  échapper  au  vandalisme  des  gens  qui  les  guettaient. 
Comment  décrire  avec  calme  l'ignorance  barbare  et  les  déprédations  éhontées  que 
ces  nobles  écrits,  par  leurs  feuilles  en  lambeaux,  attestent  et  dénoncent  à  l'animad- 
version  de  tous  les  honnêtes  gens?  Et  l'on  ne  connaît  pas  encore,  on  ne  saura  peut- 
être  jamais  l'étendue  de  ce  désastre. 

«  11  y  avait  à  la  Colombine  une  collection  remarquable  de  mss.  sur  peau  de  vé- 
lin exécutés  au  xiv"  et  au  xv'  siècle,  en  Italie,  par  des  scribes  et  des  miniaturistes 
de  l'école  bourguignonne.  C'étaient  non-seulement  des  œuvres  d'Eglise,  comme  des 
missels,  des  psautiers  et  des  pontificals,  mais  aussi  des  traités  de  droit  canonique 
et  des  commentaires  sur  les  œuvres  d'Aristote,  par  Albert  le  Grand  et  autres  philo- 
sophes scholastiques. 

«  Il  est  difficile  de  s'imaginer  une  calligraphie  plus  pure,  des  lettres  initiales  et 
des  miniatures  plus  fines  que  celles  qui  ornaient  ces  superbes  mss.  Sait-on  ce  que 
les  plus  beaux  sont  devenus?  Des  impies  cachés  dans  l'ombre  de  la  vieille  cathé- 
drale ont  porté  les  feuilles  enrichies  d'ornements,  après  les  avoir  lacérées,  chez  des 
brocanteurs  de  Séville  qui,  il  y  a  un  mois  à  peine,  les  débitaient  encore  à  la  bras- 
sée. Un  Français,  qui  passait  dans  le  quartier,  vit  cette  masse  de  raretés  gisant 
dans  un  coin,  acheta  pour  un  prix  dérisoire  un  monceau  de  ces  feuilles  de  vélin  su- 
perbement enluminées  et  les  apporta  à  Paris.  Nous  en  avons  vu  de  nos  yeux  et  tou- 
ché de  nos  mains  plus  de  cent.  En  ce  moment  même,  dix  feuillets,  chacun  digne 
d'un  musée,  sont  sur  notre  table,  et  c'est  le  cœur  navré  que  nos  yeux  s'arrêtent  sur 
de  pareils  chefs-d'œuvre,  mis  en  pièces,  flétris  et  destinés,  hélas  !  à  être  déchiquetés 
encore  par  des  revendeurs. 

«  Ces  magnifiques  in-folios  sont  en  partie  les  mss.  mêmes  que  des  papes,  par 
leurs  bulles  protectrices,  espéraient  sauver  des  entreprises  d'ignares  dont  ils  avaient 
prévu  l'incapacité  et  l'incurie.  Pendant  cinq  siècles,  ces  modèles  d'un  art  dont  le 
secret  est  perdu  ont  échappé  aux  ravages  du  temps,  aux  guerres  civiles,  aux  dépré- 
dations de  toutes  sortes.  Par  un  hasard  providentiel,  on  ne  les  a  pas  laissés  croupir 
sous  la  gouttière  avec  les  autres  codices  précieux  dont  Tabares  déplorait  la  perte.  Et 
c'est  de  nos  jours,  dans  une  cité  de  cent  vingt  mille  âmes,  à  quelques  pas  d'une  So- 
ciété de  bibliophiles,  riche,  prospère  et  reconnue  d'utilité  publique,  que  ces  livres 
et  ces  manuscrits  sont  enlevés  de  leur  asile,  démarqués,  mutilés,  souillés,  vendus  et 
dispersés  aux  quatre  vents  du  ciel.  » 

—  Les  deux  thèses  de  M.  Everat.  —  La  Revue  critique  a  pris  l'excellente  habi- 
tude de  rendre  compte  de  la  soutenance  des  thèses  pour  le  doctorat  ès-Iettres  en 
Sorbonne.  Qu'il  me  soit  permis  de  mentionner  ici  deux  thèses  qui  viennent  d'être 
soutenues  devant  la  faculté  de  Clermont-Ferrand  par  un  avocat  à  la  cour  d'appel  de 
Riom,  M.  Edouard  Everat  {De  D.  M.  Ausonii  operibus  et  génère  dicendi.  —  La 
Sénéchaussée  d'Auvergne  et  siège  présidial  de  Riom  au  xviii^  siècle.  Etude  histori- 
que. Paris,  Thorin,  i885,  in-S»  de  123  p.  et  de  412  p.).  La  thèse  latine,  où  M.  Eve- 


2-14  RRVUR    CRITIQUK    d'hiSTOIUF.    ET    DE    LITTERATURE 

rat  a  reproduit  une  remarquable  lettre  de  M.  R.  Dezeimeris  sur  la  religion  d'Au- 
sone  (p.  101-104)  se  lit  avec  agrément;  mais  la  thèse  française  est  de  grande  impor- 
tance. M.  Everat  y  a  tracé,  à  l'aide  de  nombreux  documents  inédits,  surtout  de 
ceux  des  Archives  de  la  cour  d'appel  de  Riom  et  plus  encore  de  ceux  des  archives 
de  la  famille  de  Chabrol,  une  histoire  très  neuve,  très  tidèle  et  parfois  très  piquante 
de  la  Sénéchaussée  d'Auvergne  et  du  siège  présidial  de  Riom.  ce  qui  n'est  point 
seulement  une  monographie  locale,  mais,  comme  l'annonce  l'auteur  (p.  x),  une  étude, 
d'un  intérêt  plus  étendu  et  plus  élevé,  sur  la  constitution  et  les  mœurs  judiciaires  de 
l'ancien  régime,  en  quelque  sorte  une  histoire  de  la  magistrature  française  au 
xvi=  siècle.  —  T.  de  L. 

—  Riibens  en   Italie.  —  M.    Charles  Ruelens   vient   de   publier  des  Notes   d'un 
voyage  en  Italie  à  la  recherche  de  documents  relatifs  à  Rubens  (Anvers,  imprimerie 
veuve  de  Backer,   i883,  in  8"  de  48  p.).  Ces   notes,  extraites  du  Bulletin  Rubens, 
sont  fort  intéressantes.  Le  zélé  secrétaire  de  la  commission  chargée  de  publier  les 
oeuvres  complètes  du   grand  peintre  a  «  voulu  voir  les  villes  où  il  a  passé  des  an- 
nées ou  des  jours,  vivre  quelques  instants  dans  les  milieux  où  il  a  vécu,  essayer  de 
reconstituer   ceux-ci,  par  la   pensée,  tels   qu'ils  étaient  il  y  a  près  de  trois  siècles, 
chercher  encore  des  traces  de  son  passage  ».  M.  Ruelens  raconte  avec  beaucoup  de 
verve  et  d'agrément   l'histoire  de  ses    investigations   à    Milan,  Vérone,   Venise,  où 
M.  Armand  Baschet  n'a  rien  laissé  à  prendre,  Padoue,  Mantoue,  Bologne,  Florence, 
où  il  a  copié  une  lettre  autographe  et  inédite  de  Rubens  à  Pierre  Dupuy,  écrite  en 
langue  italienne   le    9  décembre    1027,  à  Anvers,  et   dont   il   donne    la  traduction 
(p.  27-29),  lettre  qui  a  été  volée  à  notre  Bibliothèque  nationale,  ayant  été  extraite 
d'un  volume  de  la  collection  Dupuy  «  au  moyen  de  ciseaux  qui  ont  entamé  quelque 
peu  l'écriture  »  et  qui,  du  reste,  «  porte  encore  le  chiffre  primitif  de  la  pagination 
du  volume,  le  chiffre  i63  ».  Il  nous  mène  ensuite  à  Rome  où  il  a  surtout  remarqué 
dans  la  bibliothèque  du  palais  Barberini  trois  volumes  de  lettres  originales  de  Pei- 
resc,  un  de  lettres  en  langue  italienne  à  Jérôme  Aleandre,  dont  divers  extraits  ont 
été  donnés  par  notre  collaborateur  M.  E.  Mûntz,  un  de  lettres  françaises  adressées 
à  Luc  Holstenius,  que  je  publierai  dans  mon  grand  recueil  et  qui  correspondent  aux 
lettres  latines  du   savant  critique  insérées  par  Boissonade  dans  l'in-S»  de   1817,  le 
troisième  de  lettres  en  italien  adressées  au  cardinal  F.  Barberini,  et  où  «  l'on  voit, 
non  sans  émotion,  la  mémorable  lettre  du  5  décembre  i634,  dans  laquelle  Peiresc 
supplie  si  noblement  le  cardinal  d'avoir  pitié  du  pauvre  Galilée  «.  A  Gênes,  M.  Rue- 
lens a  retrouvé  une  lettre  de  Rubens  à  P.  Dupuy,  du  i5  juillet  1G26,  encore  volée 
à  la  Bibliothèque  nationale.  C'est  dans   ce  dernier  établissement  qu'avant  de  ren- 
trer à  Bruxelles,  M.  Ruelens  a  transcrit  une  lettre  de  Rubens  à  Peiresc,  du  18  dé- 
cembre 1639,  retrouvée  dans  les  papiers  de  Libri,  qu'il  reproduit  (p.  43-48),  et  dont 
il  dit  :  «  Je  trouve  cette  lettre  si  belle,  si  précieuse,  que  si  je  ne  vous  rapportais  que 
cela  de  mon  voyage,  je  m'estimerais  heureux  de  l'avoir  accompli.  »  Le   récit  du 
vaillant  érudit  se  termine  par  cette  bonne  nouvelle  :  «  Je  mets  sous  presse,  et  sans 
désemparer,  le  premier  volume  des  documents  épistolaires  de  Rubens  ou  relatifs  à 
lui,  et  comprenant  la  période  de  la  vie  du  peintre  jusqu'à  son   retour  d'Italie.  »  — 

T.   DK   L. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 


Lr   i  uy  .   imp)  :r,>erif  dt  Maycrit'ss€iu  tits,  boulevard  Saitii-  Laut enx,  ai. 


EVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE     LITTÉRATURE 


N"  41  —  12  octobre  —  1885 


socninati-e  î  176.  Chrestomathie  arabe,  p.  p.  H.  Derenbourg  et  Spiro.  —  177. 
Palamas,  Prosopopée,  p.  p.  Jahn.  —  178.  Lucrèce,  V<=  livre,  p.  p.  Benoist  et 
Lantoine.  —  17g.  EsPÉRANDiEU,  Epigraphic  des  environs  de  Kef.  —  180.  Kindler 
DE  Knobloch,  Le  livre  d'or  de  Strasbourg.  —  181.  Geley,  Fancan  et  la  politique 
de  Riclielieu.  —  182.  Desnoiresterres,  La  comédie  satirique  au  xvin"  siècle.  — 
i83.  Grandeur  et  décadence  de  la  Colombine,  -inédit.  —  Variétés  :  Lettres  inédites 
d'un  officier  républicain  sur  Charette  et  autres  Vendéens.  —  Chronique.  —  Aca- 
démie des  Inscriptions. 


176.  —  Chi-cstoniatliie  élémentaire  de  l'arabe  littéral  avec  un  glossaire,  par 
M.  Hartwig  Derenbourg,  professeur  d'arabe  à  l'Ecole  spéciale  des  langues  orien- 
tales, et  M.  Jean  Spiro,  professeur  au  collège  Sadiki  de  Tunis.  Paris,  i883, 
Ernest  Leroux,  éditeur,  pet.  in-8,  p.  xii  et  220. 

Cette  petite  chrestomathie  est,  dans  la  pensée  des  auteurs,  le  livre  à 
mettre  dans  les  mains  des  élèves  qui  commencent  l'étude  de  l'arabe 
littéral  :  «  A  nos  yeux,  disent-ils  dans  la  préface,  la  seule  méthode  pra- 
tique pour  aborder  Pétude  d'un  idiome,  c'est  de  prendre  un  morceau 
écrit  dans  la  langue  que  Ton  veut  apprendre,  et  de  chercher  à  le  tra- 
duire, avant  même  de  savoir  bien  le  déchiffrer.  »  Cette  méthode,  qui 
débarrasse  l'élève  de  l'étude  préliminaire  de  la  grammaire,  est  peut-être 
conforme  aux  tendances  du  jour  et  aux  soi-disant  progrès  de  l'ensei- 
gnement en  France,  mais  elle  nous  paraît  bien  peu  applicable  à  l'arabe 
littéral,  la  plus  compliquée  des  langues  sémitiques,  pour  nous  servir  des 
termes  mêmes  des  auteurs.  En  tous  cas,  l'ordonnancement  du  livre  ne 
répond  pas  au  système  d'étude  préconisé  dans  la  préface;  on  s'atten- 
drait, après  la  lecture  de  l'exposé  de  ce  système,  à  trouver  des  textes 
accompagnés  d'un  commentaire  grammatical,  analysant  les  formes  et 
les  tournures  difBciles  qu'un  élève  ne  peut  comprendre,  s'il  n'a  pas  été 
préparé  par  une  étude  préalable  '.  Les  deux  premiers  textes  tirés  de  la 
version  arabe  de  la  Bible  par  le  célèbre  Gaôn  Sa'diâ,  dispensaient  assu- 
rément les  éditeurs  d'une  traduction,  mais  non  d'une  analyse.  Dans  le 
glossaire,  les  mots  des  textes  sont  groupés  sous  les  racines  ;  sans  expli- 
cation, l'élève  même  le  plus  intelligent  ne  pourra  de  prime  abord  dé- 
couvrir les  racines  déguisées  dans  la  plupart  des  mots  par  les  contrac- 
tions, les  affixes  et  les  suffixes  qui  constituent  les  formes  dérivées  de  ces 
racines.  On  se  demande  donc  si  l'avantage  résultant  de  sujets  connus 

I.  Tout  récemment,  M.  Scerbo  a  fait  avec  succès  une  tentative  de  ce  genre  pour 
1  hébreu  biblique  dans  sa  Cresio}na^ia  ebraica  e  caldaica  con  note  e  vocabolario,  Fi- 
renze,  1884.  Von-  Revue,  critique,  n'^  du.  10  novembre  1884. 

Nouvelle  série,  XX.  41 


246  :<iivuii  cuiiic^uii 

compense  Pinconvénient  d'initier  les  élèves  à  la  connaissance  de  la  lit- 
térature arabe  par  une  version  littérale,  œuvre  d'un  juif  arabisant.  Les 
éditeurs  ont  même  dû  «  dans  certains  cas  remplacer  le  mot  obscur,  la 
tournure  rare  par  l'expression  courante,  par  la  construction  usuelle.  » 

Les  autres  morceaux  sont  empruntés  soit  à  des  chrestomathies  anté- 
rieures, soit  à  des  auteurs  arabes  déjà  publiés.  Ils  auraient  dû  être  gra- 
dués méthodiquement,  de  manière  à  préparer  l'élève  par  des  textes  faci- 
les à  l'étude  des  textes  plus  difficiles.  Tel  n'est  pas  le  cas  pour  les  anec- 
dotes du  n°  II  et  la  fable  du  n^  m  qui  présentent  bien  plus  de  difficultés 
au  lecteur  que  les  fragments  historiques  des  deux  dernières  parties. 
Parmi  ces  derniers,  les  extraits  d'Ibn  Kotaiba  sont  d'une  sécheresse  re- 
butante et  d'un  mince  profit  pour  l'étude  de  la  langue  arabe;  on  pou- 
vait faire  un  meilleur  choix  dans  les  monuments  delà  littérature  arabe. 
Poursuivant  un  but  exclusivement  pédagogique,  les  auteurs  se  sont  re- 
fusé le  mérite  de  l'inédit;  ils  n'ont  pas  non  plus  signalé  de  variantes 
pour  les  textes  déjà  publiés,  à  l'exception  des  numéros  m  et  vi.  Pour  le 
numéro  m,  qui  contient  une  fable  extraite  delà  version  arabe  de  Kalîla 
et  Jjimna,  publiée  par  Silvestre  de  Sacy,  ils  nous  promettent  dans  la 
préface  un  texte  nouveau  :  «  Le  texte  donné  par  Silvestre  de  Sacy  a  été 
révisé  d'après  les  variantes  de  M.  Guidi  et  d'après  un  excellent  manus- 
crit appartenant  à  M.  Hartwig  Derenbourg.  »  Nous  nous  félicitions  de 
cette  bonne  fortune;  on  sait  que  le  texte  de  S.  de  Sacy  a  été  établi  dans 
de  très  mauvaises  conditions.  Mais  notre  espoir  a  été  complètement 
déçu  :  le  texte  de  la  chrestomathie  est  la  reproduction  exacte  du  texte 
de  S.  de  Sacy,  à  cinq  corrections  près,  dont  trois  indiquées  par  le  con- 
texte et  deux  inutiles.  Quant  aux  variantes  de  M.  Guidi,  qui  renferment 
une  leçon  très  bonne  sous  le  §  25,  on  n'en  trouve  pas  trace;  nous  igno- 
rons, d'un  autre  côté,  en  quoi  consiste  l'excellence  du  manuscrit  de 
M.  Hartwig  Derenbourg. 

Cette  chrestomathie  n'est  donc  ni  originale  ni  pratique  dans  le  sens 
que  les  auteurs  l'entendent;  elle  ne  se  distingue  de  ses  devancières  que 
par  le  glossaire,  qui  fait  défaut  dans  la  plupart  de  celles-ci.  C'est,  du 
reste,  la  remarque  que  font  les  auteurs  eux-mêmes,  en  parlant  de  la 
chrestomathie  arabe  de  M.  William  Wright  :  «  Si  le  glossaire  de  cet 
excellent  recueil  avait  paru,  disent-ils,  nous  nous  serions  abstenus  de 
publier  notre  chrestomathie  élémentaire  »  '.  C'est  donc  le  glossaire  qui 

I.  Les  auteurs  de  la  Chrestomathie  élémentaire  auraient  bien  dû  prendre  pour 
modèles  le  format  et  les  types  de  la  chrestomathie  de  M,  Wright.  Les  caractères 
qu'ils  ont  choisis  sont  trop  grêles  et  trop  serrés,  les  signes  diacritiques,  notam- 
ment le  weslâ,  trop  peu  distincts;  ils  ont  pu,  de  cette  manière,  condenser  de  nom- 
breux textes  dans  65  pages  de  petit  format,  mais  il  eût  mieux  valu  tenir  compte  des 
diflicultés  de  lecture  dans  un  manuel  destiné  aux  élèves  qui  commencent  l'étude  de 
l'arabe,  avant  même  de  savoir  bien  déchiffrer.  Une  composition  moins  compacte  leur 
aurait  évité  à  eux-mêmes  une  grande  partie  des  fautes  et  omissions  de  voyelles 
qu'ils  ont  relevées  dans  une  liste  d'errata  qui  pourrait  être  encore  augmentée.  Il  est 
curieux  que,  dans  cette  liste,  aucun  des  chiiîVcs  se  référant  aux  lignes  des  pages 
n'est  exact. 


DfiiSTOiai'.  ici    uii  i.rrîKnAiL:<i'.  247 

appelle  rexamen  du  critique.  ïl  n'est  pas  limité  à  la  lexicographie,  mais 
renferme  des  notices  étendues  sur  les  noms  de  lieux  et  de  personnes 
qui  se  rencontrent  dans  les  textes.  Ces  notices  auraient  pu  être  plus 
concises,  elles  devaient  surtout  é[rc  plus  précises  et  souvent  plus  exac- 
tes; quelques  exemples  justifieront  cette  observation.  On  nous  apprend 
que  l'Euphrate  a  2,800  kilomètres;  avec  une  pareille  étendue,  est-ce 
donner  une  idée  topographique  bien  nette  que  de  dire  «  ville  située  sur 
i  TEuphrate  »  pour  Anbar,  p.  81,  et  pour  Zibatra,  p.  122;  pour  Rakka, 
p.  1 20,  l'indication  semble  plus  précise,  mais  il  n'en  est  rien  :  «  Ar-Rakka, 
ville  dans  les  environs  de  Diyâr-Bekr, sur  la  rive  droite  de  l'Euphrate»; 
or  Rakka  est  sur  la  rive  gauche,  au  confluent  du  fleuve  avec  le  Belîk,  à 
200  kilomètres  au  sud  de  Diâr-Békir,  qui  est  sur  le  Tigre;  voilà  des  en- 
virons bien  lointains.  Ce  mot  à.' environs  paraît  plaire  aux  auteurs;  on 
trouve  encore,  p.  108  :  «  Khisfîn,  nom  d'un  endroit  en  Syrie,  dans  les 
environs  de  Damas»;  en  fait,  Khisfîn  est  près  du  lac  de  Tibériade; 
p.  i33  :  «  Asch-Schakif,  ville  forte  située  dans  le  voisinage  de  Saint- 
Jean  d'Acre  »,  or  cette  citadelle  est  entre  Tyr  et  Baniâs.  La  frontière  de 
TArabie  et  de  la  Syrie  forme  une  autre  désignation  du  glossaire,  mais 
I  les  élèves  seront  d'autant  plus  embarrassés  de  déterminer  cette  frontière 
'  que  les  savants  professeurs  ne  paraissent  pas  très  fixés  sur  son  emplace- 
ment; on  lit,  p.  177  :  «  Al-Karak,  ville  sur  les  limites  de  la  Syrie  et  de 
l'Arabie  »  :  Karak,  anciennement  Kir-Moab,  aujourd'hui  Kérac,  est  au 
sud-est  de  la  mer  Morte;  p.  i33,  on  trouve  :  «  Scharâ,  province  et  ville 
sur  la  frontière  qui  sépare  l'Arabie  de  la  Palestine  »:  Scharâ  est  la  région 
qui  entoure  l'ancienne  Pétra,  à  100  kilomètres  de  Kérac.  Les  travaux 
des  voyageurs  et  des  géographes  modernes  faisaient  un  devoir  aux  au- 
teurs du  glossaire  de  ne  pas  s'en  tenir  aux  données  souvent  confuses  des 
géographes  arabes,  telles  que  :  «  Wâsit,  ville  située  entre  Basra  et 
Coufa  sur  le  Tigre  »,  p.  210;  la  distance  entre  Basra  et  Coufa  étant  de 
525  kilomètres,  on  a  de  la  marge  pour  chercher  cette  ville,  qui  était  si- 
tuée sur  le  Schatt-el-Haï  appelé  autrefois  le  Tigre  ;  p.  2o3:  «  Nahrawân, 
endroit  entre  Bagdâdh  et  Wâsit  »,  or  Nahrawân  se  trouvait  au  sud 
Wâsit  sur  le  canal  du  même  nom;  p.  i38:  «  Nahr-Sarsar,  affluent 
de  l'Euphrate  entre  Bagdâdh  ec  Koufa  »  ;  le  canal  de  Sarsar,  parallèle 
au  Nahr-Mélik,  partait  de  l'Euphrate  au-dessous  d'Anbar  et  rejoignait 
le  Tigre  entre  Bagdâdh  et  Madaïn.  Quant  à  l'histoire,  il  suiflra  de  faire 
remarquer  que  les  auteurs  du  glossaire  ignorent  le  nom  même  des  Ha- 
roûrites;  ils  traduisent  Waroûriy^"'-  par  «  noble  »,a  de  condition  libre  » 
et,  par  ce  faux  sens,  ôtent  au  texte  11,  7,  son  principal  intérêt,  qui  est 
de  faire  ressortir  l'intrépide  bravoure  de  ces  sectaires. 

La  partie  lexicographique  n'est  pas  non  plus  à  l'abri  de  toute  criti- 
que :  p.  79,  sous  la  racine  'îu  /,  on  lit  :  «  mu'anunil'''^  mendiant,  solli- 
citeur >;  ;  où  les  auteurs  ont-ils  pris  ce  sens?  Dans  le  texte  auquel  cette 
glose  se  rélère,  p.  16,  1.  2,  il  faut  vocaliser  'ala(i)  mu  ammalika  et  tra- 
duire :  au  delà  de  ce  que  tu  espérais;  p.  144,  la  locution  ia'annafî-S' 


248  REVUE    CRITIQUE  M 

sinni^  avancer  en  âge,  est  vocaliséeau  passif,  l'emploi  du  participe  actif 
dans  cette  locution  ne  laisse  pas  de  doute  sur  la  prononciation  du  verbe 
au  parfait.  —  P.  74,  id'^  an  «  alors  »  devait  figurer  sous  la   racine  ^d'^  et 
non  sous  celle   'd'^n.  —  P.  29,  1.  i,  ponctuer  /wt^/'"  plur.  de  liitfat"". 
—  P.  i65,  le  rapprochement  entre /ar^tnh  parasange  et  far  a  s  cheval  est 
une  étymologie  à  l'orientale  qui  ne  méritait  pas  de  figurer  au  glossaire.      j 
Il  eût  mieux  valu  indiquer  l'origine  persane  des  mots  :  qahramân  ma- 
jordome, 3o,  1.  3  d'en  bas;  hbahbad''-  chef  de  la  cavalerie,  5  5,  1.    17; 
bischr  dévot,  65  iilt.  —  P.   i56,  'amm^^^^  oncle,  a  le  sens  d'ami,  p.  i3, 
1.  5,  suivant  rhabitude  qu"ont  les  Orientaux  de  donner   des  noms  de 
parenté  à  leurs  amis;  le  passage  signifie  «  épargne  ton  ami  »,  c'est-à-dire 
épargne  moi,  —  'Adjala  à  la   ii^  forme  a  le  sens  de  payer  comptant, 
p.  17,  1.  i3.  —  P.  17g,  kilâ  est  rangé  sous  la  rac.  A'//,  nous  croyons 
avec  Gesenius  et  Dillmann  que  ce  mot  est  dérivé  d'une  racine  kV.  — 
Les  omissions  de  mots  paraissent  être  nombreuses,  voici  celles  que 
nous  avons  notées  au  hasard  :  le  pluriel  imd,  p.  4,  penult.  —  Le  sens 
de  vendre  à  la  vm''  forme  de  ba'â,  p.  11,  1.  9.  —  lFad<^"«  «  maintien, 
tournure  »,  p.  19,  1.  19.  —  Le  sens  d'effrayer  à  la  w"  forme  de  ra'ada, 
p.  22,  1.  2.  —  Siibîy^"^  femmes  captives,   p.   38,  1.   19.  —  Maramma^ 
p.  47, 1.  6  et  suiv.  —  La  vme  forme  de  qatala,  p.  5o,  1.  3  et  passim.  — 
AsinnaV"^,  p.  52, 1.  4.  —  Yamdma,  p.  55, 1.  3.  —  Djddda,  p.  59,  1.  6. 
—  Nahr-bin,  p,  59  ult.  — Kabpâd''a,  p.  60,  1.   i.  —  La  m''  forme  de 
djard,  p.  60,  1.  16.  —  Makat''a,  p.  62,  1.  18  et  ult.  —  Al-\\araniiya, 
p.  64,  1.  6,  ce  mot  qui  signifie  les  brigands,  s'entend  ici  des  partisans  de 
Bâbek  et  du  Maziar.   Le  verbe  'aqada  dans  ce  passage  a  le  sens  de 
«  nommer  à  une  fonction  »,  sens  qu'il  a  souvent  quand  il  est  suivi  de 
préposition    'ala(i)  . — K'^  aj'schana,  p.  64,   1.    11.  Les  locutions  qui 
sortent  du  génie  de  nos  langues  ne  sont  pas  toutes  expliquées,  on  ne 
trouve  pas  notamment  les  suivantes  :  bihaqqî  ^alaika,  p.  12,  1.  6.  — 
HaiplyâV^^^  'ala(i)  'urilschihd,  p.  44,  1.  17,  locution  familière  au  Co- 
ran. —  Hdd^'a  yadjri^  p.  46,  1.  10.  —  LVamr^'^^  p.  46,  1.  21.  —  Mu- 
lâ'i¥<-  l-asinnati,   p.  52,  1.  4.  —  Siiqiiafi  aidîhim^  p.  47, 1.  9,  signifie 
plutôt  dans  cet  endroit  «  ils  furent  effrayés,  troublés.  »  V.  Quatremère, 
Mamcl.  T.  L  not.  Un  inconvénient  aussi  fâcheux  que  les  omissions,  ce 
sont  les  interversions  des  mots,  car  un  mot  qui  n'est  pas  à  sa  place,  est 
un  mot  omis;  tel  est  le  cas  notamment  pour  k'^asafa^  p.    108  /in,  et 
pour  les  racines  k  r  k,  k  r  m,  k  r  h,  qui  sont  à  la  page  177,  au  lieu  d'ê- 
tre à  la  page  178. 

Les  auteurs  ont  destiné  leur  chrestomathie  «  aux  élèves  de  l'École  spé- 
ciale des  langues  orientales  et  des  autres  établissements  où  l'arabe  est 
enseigné  tant  en  France  que  dans  nos  colonies  et  à  l'étranger.  »  Ces 
élèves  doivent  s'habituer  de  bonne  heure  à  se  contenter  de  peu;  on  at- 
tendait mieux  des  efforts  combinés  des  deux  éminents  professeurs. 

Rubens  Duval. 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTEKATURE  249 

jyy_    —   Gpej;oi-ii    Palamao    Proeopopoeia,    par    Albert    Jaiin.    Halie,  ib85, 
xii-62  p.  in-8. 

Un  savant  suisse,  M.  A.  Jahn,  de  Berne,  a  entrepris  de  rendre  acces- 
sible au  public  lettré  la  Prosopopée  de  Grégoire  Palamas,  archevêque 
de  Thessalonique.  Ce  curieux  traité,  que  Casaubon  appelait  un  aureo- 
lus  libellus,  a  été  édité  pour  la  première  fois,  en  i553,  par  Turnèbe, 
d'après  un  manuscrit  de  Paris.  C'est  cette  édition  princeps,  devenue 
presque  introuvable,  que  M.  J.  a  reproduite  d'après  l'exemplaire  qui  en 
est  conservé  à  la  bibliothèque  publique  de  Zurich.  La  Prosopopée  se 
trouve,  il  est  vrai,  renfermée  avec  les  autres  œuvres  de  Grégoire  Pala- 
mas dans  la  Patrologie  de  Migne  (volumes  CL  et  CLI),  mais,  ainsi  que 
le  dit  fort  bien  M.  J.,  elle  y  est  comme  ensevelie  et  perdue. 

C'est,  sous  la  forme  d'un  débat  judiciaire  entre  l'âme  et  le  corps  qui 
s'accusent  mutuellement,  un  traité  théologique  qui  porte  bien  le  cachet 
de  l'époque  qui  lui  a  donné  le  jour  (milieu  du  xive  siècle)  et  de  la  so* 
ciété  d'où  il  est  sorti.  Mais  ce  qui  lui  donne  un  intérêt  très  réel  et  très 
piquant,  ce  sont  les  rapprochements  constants  que  l'on  trouve  à  y  faire 
avec  la  littérature  grecque  classique.  Sous  ce  rapport-là,  tout  byzantin 
qu'il  soit,  ce  traité  mérite  d'être  recommandé  à  l'attention  des  philolo- 
gues et  des  théologiens. 

C'est  donc  une  heureuse  idée  qu'a  eue  M.  J.,  de  reproduire  l'édition 
de  Turnèbe,  qu'il  a  d'ailleurs  corrigée  dans  beaucoup  de  passages. 
D'autre  part,  s'il  n'a  pas,  de  dessein  prémédité  (p.  x),  reproduit  la  ver- 
sion latine  de  Turnèbe,  il  a  fait  suivre  le  texte  de  la  Prosopopée  d'un 
commentaire  (p.  42-55)  et  de  trois  epimetra  (p.  56-6i),  qui  en  facili- 
tent la  compréhension.  Le  second  des  epimetra^  le  plus  important,  con- 
tient la  liste  des  nombreux  proverbes  grecs  dont  Grégoire  Palamas  s'est 
servi.  Le  commentaire  est  essentiellement  destiné  à  relever  les  rappro- 
chements fréquents  que  l'on  peut  faire,  au  point  de  vue  du  style  et  de 
la  langue,  entre  Palamas  et  les  classiques  grecs,  notamment  Platon  ou 
■es  autres  écrivains  chrétiens. 

Il  y  a  toutefois  une  observation  à  fo'^muler,  et  une  observation  grave, 
;ar  elle  porte  sur  la  méthode  même  adoptée  par  l'éditeur  dans  son  tra- 
vail. Il  y  a  lieu  de  regretter  que  M.  J.,  le  sachant  et  le  voulant  (p.  ix), 
;e  soit  borné  au  rôle  de  commentateur,  et  qu'il  n'ait  pas  cherché  à  faire 
ine  édition  vraiment  critique  de  la  Prosopopée.  Son  travail  eût  pré- 
jenté  bien  plus  d'intérêt,  il  eût  acquis  bien  plus  de  valeur,  si,  au  lieu 
jie  s'en  tenir  au  texte  de  Turnèbe,  qui  est  celui  du  manuscrit  d-ï  Paris, 
1  avait  coUationné  les  manuscrits  d'Augsbourg  (n"  7 3)  et  de  Vienne 
n"  117).  Grâce  à  cette  omission,  d'autant  plus  étrange  qu'elle  est  vo- 
ontaire,  l'édition  de  M.  Jahn  ne  peut  être  considérée  comme  détinitive, 
t,  sous  le  rapport  de  la  constitution  du  texte,  tout  reste  encore  à  faire. 

Emile  Baudat. 


2 DO  RKVUK    CRITIQUE 

178.  —  T.  ï^ucretl  t:ai"î,  de  i-ei-um  naturn,  V*  livre,  texte  latin  publié  avec 
un  commentaire  critique  et  explicatif,  par  E.  Benoist  et  Lantoine,  in -8,  p.  16S. 
Paris,  Hachette,  1884. 

Voici  encore  un  bon  livre  dont  la  maison  Hachette  vient  d'enrichir 
sa  grande  collection  de  classiques  latins.  Il  est  conçu  dans  la  même 
méthode  que  le  Virgile  de  M.  Benoist  :  rendre  Finterprétation  aussi 
complète,  aussi  générale  que  possible,  pénétrer  le  sens  véritable  du  texte 
à  l'aide  d'un  commentaire  surtout  grammatical  et  historique,  dire  les 
raisons  du  choix  qui  a  été  fait  entre  les  différentes  leçons  des  manuscrits 
et  les  conjectures  des  savants,  en  un  mot  offrir  au  lecteur,  qui  veut  lire 
sérieusement,  un  grand  nombre  de  renseignements  de  toute  sorte  qui, 
brièvement  donnés,  ne  sont  pas  pour  cela  superficiels.  M.  B.  a  Phabi- 
tude  de  remonter  aux  sources,  de  s'entourer  de  tous  les  travaux  anciens 
ou  récents,  et  de  viser  avant  tout  à  deux  choses  :  la  recherche  da  la  vé- 
rité, l'intérêt  des  études  en  France, 

Son  œuvre  a  ce  double  caractère  :  c'est  une  oeuvre  de  science  et  de 
patriotisme.  Le  professeur,  en  lui,  est  un  savant,  mais  ce  savant  reste 
toujours  le  professeur  français  qui  se  préoccupe  des  besoins  et  des  apti- 
tudes de  la  jeunesse  qu'il  s'est  chargé  d'enseigner  et  parmi  laquelle  il  a 
déjà  formé  tant  d''élèves. 

De  tous  les  genres  d'éditions,  il  n'y  en  a  pas  cependant  qui,  de  nos 
jours,  soit,  plus  que  ces  grandes  éditions  varioriim,  exposé  à  rencontrer 
dans  le  monde  savant  un  froid  accueil.  Personne,  en  effet,  parmi  les 
spécialistes  (et  qui  ne  l'est  plus  ou  moins  aujourd'hui?)  n'y  trouve  bien 
son  compte-,  on  ne  juge  jamais  assez  grande  la  place  donnée  à  sa  spécia- 
lité, et  d'autre  part,  du  moment  qu'il  est  question  un  peu  de  toute 
chose,  chacun  s'accorde  le  droit  d'intervenir.  Une  édition  purement  cri- 
tique risquera  de  déplaire  aux  humanistes;  mais  elle  aura  pour  elle 
Pappui  des  paléographes;  les  premiers  généralement  se  tiendront  àPécart 
et  laisseront  le  champ  libre  à  Papprobation  des  seconds.  Une  édition  de 
Lucrèce,  conçue  au  point  de  vue  philosophique,  pourra  déplaire  aux 
grammairiens  :  les  philosophes  du  moins  la  soutiendront.  Au  contraire, 
une  édition  d'un  caractère  général  ne  sera  prônée  ou  défendue  vive- 
ment par  aucun  groupe,  aucun  ne  la  trouvant  sienne. 

Il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  ces  éditions,  à  la  fois  explicatives  et  cri- 
tiques, s'occupant  d'abord  du  sens  et  du  texte,  mais  avec  une  vue  sur 
toutes  les  provinces  environnantes,  littérature,  histoire,  philosophie,  etc., 
sont  justement  celles  qui,  dans  les  circonstances  où  nous  sommes,  ren- 
dent le  plus  de  services  immédiats.  Lorsque,  dans  un  pays,  on  s  est 
laissé  attarder,  comme  nous  l'avons  fait  en  France  pour  les  études  lati- 
nes pendant  une  longue  période,  lorsque,  malgré  les  travaux  et  les 
avertissements  de  maîtres  illustres,  on  n'a  pas  pris  garde  au  progrès  des 
études  chez  des  peuples  voisins,  il  faut  avant  tout  retrouver  le  niveau 
général,  remettre  au  point  tout  Pensemble,  et  ce  n'est  qu'après  ce  travail 


d'histoirI':  et  dp:  littératurk  25  î 

nécessaire  et  parfois  ingrat  qu'il  est  permis  de  s'attacher  aux  questions 
particulières  et  de  les  approfondir  une  à  une, 

Le  livre  de  M.  Martha,  sous  une  forme  délicate  et  pure,  met  ii  notre 
disposition  tout  l'enseignement  désirable  sur  le  caractère  du  poète,  sur 
la  valeur  philosophique  et  artistique  de  son  œuvre;  nous  avons  aussi 
de  bonnes  traductions  :  celle  de  M.  Patin,  celle  de  M.  Grouslé.  Mais 
pour  lire  le  poète  lui-même,  dans  le  texte,  qu'avions-nous,  en  dehors 
d'éditions  scolaires  estimables,  comme  les  morceaux  choisis  de  M.  Berg- 
son? 11  nous  fallait  ou  bien  nous  contenter  de  Tédition  Lemaire,  une 
des  plus  défectueuse  de  cette  collection  vieillie,  ou  bien  avoir  recours  à 
des  travaux  étrangers.  Grâce  à  MM.  B.  et  L.,  nous  n^en  sommes  plus 
là  pour  le  V*  livre,  le  plus  important  du  poème.  M.  Lantoine,  qui,  avant 
d'être  le  secrétaire  de  la  Facult:  des  lettres  de  Paris,  a  exercé  les  fonc- 
tions de  maîtrede  conférences  de  langue  et  littérature  latines  dans  cette 
même  Faculté,  est  le  principal  auteur  de  l'interprétation  des  vers  i  lo  à 
677.  L'unité  de  méthode  n'en  souffre  pas  :  c'est  bien  une  collabora- 
tion, non  la  juxtaposition  de  deux  commentaires  plus  ou  moin?  diffé- 
rents. 

MM.  B.  et  L.  nous  avertissent  (p.  3)  qu'on  ne  doit  pas  s'attendre  à 
trouver  dans  leur  édition  «  la  proportion  et  l'équilibre  qu'il  faut  tou- 
jours rechercher  dans  une  édition  complète  et  qui  font  Télégance  de  ces 
sortes  d'ouvrages,  »  Les  éditeurs  ont  eu  en  vue  Pintéiét  pressant  des 
candidats  à  l'agrégation,  et,  le  temps  leur  faisant  défaut,  ils  ont  laissé  à 
leur  publication  l'aspect  un  peu  négligé,  les  disproportions  de  déve- 
loppement et  les  lacunes  des  leçons  orales  faites  au  jour  le  jour  à  la 
Faculté.  La  publication  était  urgente  :  il  était  préférable  qu'elle  ait  eu 
lieu  tout  de  suite  avec  ses  défauts  qu'absolument  accomplie,  en  se  faisant 
attendre. 

Le  texte  est  celui  de  Bernays,  très  peu  modifié,  mais  partout  examiné 
et  contrôlé;  parmi  les  leçons  nouvelles,  celle  du  vers  Si:.'  qiiicque  mé- 
rite  particulièrement  d'attirer  l'attention.  11  serait  désirable  que 
MM.  B.  et  L.  eussent  moins  souvent  cité  les  corrections  de  Bockemïil- 
1er;  du  moment  qu'ils  ne  le.-,  donnaient  pas  toutes,  il  valait  mieux  en 
faire  un  choix  plus  restreint,  la  plupart  étant  inadmissibles  et  condam- 
nées, et  ne  servant  qu'à  alourdir  le  commentaire.  On  peut  aussi  repro- 
chera quelques  notes  d'être  v.n  peu  compliquées  sur  des  points  relati- 
vement simples,  comme  ceile  du  vers  121,  par  exemple,  ou  celle  du 
vers  848  où  l'on  retrouve  écrits  tout  au  long  quatre  vers  pour  dire  quelle 
leçon  l'on  adopte,  surcharge  inutile  puisque  cette  leçon  est  déjà  intro- 
duite dans  le  texte.  Je  signale,  à  la  note  du  v.  806,  une  légère  erreur  : 
c'est  aetas,  non  aestas  qui  se  lit  dans  le  texte  de  Bernavs.  —  Y.  752, 
les  éditeurs  attribuent  rallongement  de  la  première  syllabe  dans  ci  à 
l'accent  métrique;  je  crois  que  le  prétendu  accent  métrique  n'a  jamais 
existé.  —  y.  îi-ii.  MM.  B.  et  L.  adoptent  la  théorie  de  L.  Mullcr, 
d'après  laquelle  conubiu-n  auu'.it  eu  la  seconde  svilabe    taiUôt  brève, 


232  RliVUE    CRITlQUfc, 

tantôt  longue;  il  me  paraît  beaucoup  plus  satisfaisant  de  lire  conubjum, 
comme  M.  B.  lui-même  lit  Lavinja  Enéide  I,  2.  —  Je  doute  qu'au 
V.  838  on  ait  raison  d'expliquer  sine  voltu  par  <c  sine  oculis  »  ;  je  ne 
vois  aucune  nécessité  de  donner  à  voltus  le  sens  d'un  autre  mot;  voltus, 
c'est  le  visage  tout  entier,  ce  sont  les  traits  humains,  ce  qui  exprime  la 
volonté  humaine  (velle);  ce  ne  sont  pas  seulement  les  yeux.  Cela  ressort 
clairement  de  deux  passages  de  Cicéron,  cités  par  M.  Michel  Bréal  dans 
son  Dictionnaire  latin  étymologique  :  Ociili,  supercilia,  J'rons^  viiltus 
deniqiie  totus  ;  —  Et  Ociili...  et  is  qui  appellatiir  vultus. 

Ce  sont  là  de  petites  choses  ;  on  peut  en  relever  d'autres,  mais  non  en 
grand  nombre,  car  pour  avoir  été  rédigé  avec  promptitude,  le  commen- 
taire n'en  a  pas  moins  été  fait  avec  soin  et,  cela  va  sans  dire,  avec  une 
haute  compétence.  Ajoutons  qu'en  tête  de  l'édition  se  trouve  une  ana- 
lyse littéraire  du  V'^  livre,  occupant  une  cinquantaine  de  pages  et  trou- 
vée par  M.  Benoist  dans  les  papiers  de  Patin.  On  y  reconnaît  la  finesse 
et  la  pénétration  de  cet  esprit  supérieur,  son  jugement  élevé,  son  adresse 
à  suivre  l'histoire  d'une  idée  dans  ses  manifestations  littéraires.  Cette 
lecture  sera  des  plus  utiles  anx  étudiants  de  nos  Facultés. 

Frédéric  Plessis 


17Q.  —  E.  EspÉRANDiEU,    EpîgB-îspliîe    «les    en^'ii'ori!»  du  Kef.  Sept  fascicules 
réunis  dans  un  cartonnage,  u3  p.  et  16  planches.  Paris,  Champion,  1884-1S85. 

Les  officiers  de  notre  corps  d'occupation  ont  pris  une  part  active, 
dont  il  convient  de  leur  savoir  gré,  à  l'exploration  archéologique  de  la 
Tunisie.  Si  leurs  travaux  avaient  été  dirigés  dès  le  début,  la  Tunisie 
serait  aujourd'hui  une  des  régions  les  mieux  étudiées  du  monde  romain. 
Malheureusement,  le  regretté  savant  qui  avait  fait  de  la  Tunisie  sa 
province,  M.  Ch.  Tissot,  était  trop  occupé  et  d'une  santé  trop  chance- 
lante pour  présider  efficacement  à  ces  recherches  multiples  que  l'exem- 
ple de  ses  remarquables  travaux  avait  inspirées.  Nous  avons  entretenu, 
pendant  près  de  deux  ans,  trente-cinq  mille  hommes  en  Tunisie;  des 
emplacements  féconds  en  ruines,  qui  n'avaient  jamais  été  visités  qu'en 
courant,  ont  été  occupés  par  de  fortes  garnisons;  il  se  présentait  là  une 
occasion  unique  pour  arracher  au  sol  des  documents  épigraphiques  qui 
y  dormiront  encore  sans  doute  pendant  des  siècles.  On  fouilla  un  peu 
partout,  mais  sans  direction;  on  copia  des  textes,  mais  on  ne  les  es- 
tampa point;  on  leva  des  plans,  et  ils  demeurèrent  inédits.  Au  Kef 
(Sicca  Veneria),  les  officiers  constituèrent  une  Société  archéologique 
qui  recueillit  une  collection  d'antiquités  considérable,  destinée  à  former 
le  noyau  du  musée  de  Tunis;  elle  eut  des  séances,  des  procès-verbaux, 
elle  donna  mille  preuves  de  bonne  volonté  et  d'intelligence.  Mais  les 
moyens  de  publicité  manquaient.  M.  Tissot,  accabléde communications 
bonnes  et  mauvaises,  fit  connaître  quelques  textes  importants  dans  les 


d'histoire  et  de  littérature  25  3 

comptes-rendus  de  PAcadémie  et  laissa  le  reste  dans  ses  cartons.  Le 
Ministère  de  la  Guerre,  qui  recevait  les  envojs  des  officiers,  les  trans- 
mettait au  Ministère  de  Flnstruction  publique,  qui  les  faisait  parvenir  à 
l'Institut;  mais  les  comptes-rendu  de  l'Académie  ne  peuvent  donner 
asile  à  toute  la  farrago  des  inscriptions  d'importance  secondaire,  et  ils 
ne  publient,  sauf  des  exceptions  très  rares,  ni  cartes  ni  dessins.  11  en  ré- 
sulta que  les  découvertes  faites  en  Tunisie  restèrent  inédites  ou  furent 
dispersées  dans  un  grand  nombre  de  revues  au  lieu  d'être  réunies, 
comme  il  eût  fallu,  dans  une  sorte  d'Ephemeris  epigraphica  spéciale  à 
l'Atiique.  L'Académie  de  Berlin  envoya  en  Tunisie  M.  Schmidt,  qui 
recueillit  plusieurs  milliers  d'inscriptions  dont  la  plupart  avaient  été 
copiées  avant  lui  et  publia  le  premier  supplément  au  Corpus  des  ins- 
criptions africaines,  destiné  à  être  suivi  bientôt  d'un  recueil  général  des 
textes  découverts  depuis  Wilmanns.  Une  fois  de  plus,  on  laissa  faire  à 
l'étranger  ce  qu'il  eût  été  très  facile  de  faire  chez  nous.  Nos  officiers  et 
nos  missionnaires  ont  rassemblé  les  moellons  :  c'est  un  autre  qui  a  con- 
struit le  monument. 

M.  Espérandieu,  lieutenant  au  ly^  de  ligne,  a  publié  sous  forme 
d'articles,  dans  le  Bulletin  de  V Académie  d'Hippone^  puis  réuni  en 
fascicules  avec  quelques  additions,  le  résultat  de  ses  recherches  archéo- 
logiques aux  environs  du  Kef.  Ces  fascicules,  qui  n'ont  pas  de  pagina- 
tion continue,  ne  forment  pas  un  livre,  mais  un  recueil  de  textes,  de 
plans  et  de  gravures  plus  commode  à  consulter  que  la  collection  d'une 
revue.  L'auteur  ne  s'est  pas  contenté  de  reproduire  des  documents  iné- 
dits: il  a  réimprimé  des  inscriptions  qui  se  trouvent  déjà  dans  le  Corpus 
et  dans  V Ephemeris^  après  en  avoir  à  son  tour  vérifié  le  texte.  C'est  là, 
il  faut  bien  le  dire,  de  la  peine  perdue,  d"autant  plus  que  les  copies  de 
M.  E.  n'ajoutent  rien  aux  publications  antérieures  ^  A  côté  de  nom- 
breux textes  déjà  connus,  nous  trouvons  quelques  fragments  nouveaux 
qui  paraissent  généralement  avoir  été  copiés  avec  soin.  Mais  l'intérêt  du 
recueil  de  M.  E.  réside  surtout  dans  les  descriptions  de  ruines  et  les 
plans  dont  il  les  a  accompagnés.  Ce  sont  des  croquis  topographiques  de 
Lorbeuss  (Laribus)  Medeït^a  (Althiburos),  Khanguet  el  Kdim  (Seguese) 
et  Zantour  [Assuras]^  des  descriptions,  beaucoup  trop  succintes  à  notre 
gré,  des  ruines  de  Laribus,  Medeina,  Uzappa,  Igibba,  Assuras,  etc. 
Les  planches  phototypiques  sont  intéressantes,  mais  elles  avaient 
toutes  été  publiées  antérieurement  dans  le  Bulletin  des  antiquités 
africaines  et  n'apprennent  rien  à  ceux  qui  sont  au  courant  des 
études  archéologiques  en  Tunisie.  M.  E.  ne  semble  pas  avoir  une  idée 
bien  nette  de  ce  que  l'on  demande  à  une  monographie  du  genre  de  celle 
qu'il  a  voulu  écrire  ;  il  eût  mieux  valu  ne  donner  que  des  descriptions 
et  des  dessins  faits  sur  place  et  se  dispenser  de  reproduire  des  documents 
qui  ont  déjà  été  publiés  par  d'autres.  Mais  peut-on  espérer  qu'un  mili- 

I.  On  trouve  des  indications  comme  celles-ci  (II,  p.  7)  :  «  Notre  lecture  a  clé  com- 
plétée à  l'aide  de  celle  donnée  par  le  Corpus,  vol.  VIII,  n°  1827.  » 


2  54  REVUE    CRITIQUE 

taire,  quelque  intelligent  qu'il  soit,  distingue  par  intuition  ce  qui  pro- 
fite à  la  science  et  les  copies  de  copies  dont  elle  n'a  que  faire?  M.  E., 
qui  est  un  topographe  fort  habile,  aurait  rendu  de  réels  services  si  ses 
recherches  avaient  été  dirigées.  Nous  manquons  encore  de  levés  précis 
et  à  grande  échelle  pour  la  plupart  des  ruines  de  la  Tunisie  ;  les  monu- 
ments figurés  de  ce  pays,  comme  les  bas-reliels  si  nombreux  des  stèles 
funéraires,  sont  presque  tous  inédits.  Un  officier  muni  d'une  planchette 
et  d'une  chambre  claire  trouverait  à  chaque  pas  des  sujets  d'étude  inté- 
ressants. Le  recueil  de  M.  Espérandieu,  qui  témoigne  de  son  zèle  et  de 
sa  curiosité  scientifique,  laisse  regretter  que  ces  qualités  précieuses 
n'aient  pas  donné  tout  ce  qu'on  pouvait  attendre  d'elles,  faute  d'avoir 
été  fécondées  par  de  bons  conseils  '. 

Salomon  Reinach. 


180.  —  KiNDLER  VON  Knobloch,  das  Golcleiio  ESuch  von  Sti*assburg    (le  livre 

d'or  de  Strasbourg^  Tome  I.  Vienne,  ]885. 

Tandis  que  Mulhouse  a  depuis  des  années  son  livre  d'or,  Strasbourg 
attendait  encore  le  sien.  L'auteur  de  l'ouvrage,  dont  on  vient  de  lire  le 
titre,  s'est  proposé  de  combler  cette  lacune  dans  la  littérature  historique 
de  notre  province.  Quiconque  s'est  occupé  de  notre  passé,  voit  quel 
rôle  ont  joué  pendant  le  moyen  âge  les  familles  nobles  strasbourgeoises, 
tantôt  hostiles  aux  bourgeois,  tantôt  leurs  alliées  pour  la  défense  des 
libertés  publiques.  On  a  tenté  plusieurs  fois  de  reconstituer  les  éléments 
de  leur  histoire  et  de  réunir  leurs  armoiries.  L'ancienne  bibliothèque 
de  Strasbourg  avait  possédé,  outre  des  notes  laissées  par  Sébastien  Murg 
de  Bofzhein  et  par  Silbermann,  deux  grands  travaux  généalogiques 
manuscrits  l'un  par  Luck,  l'autre  parReichardt.  Depuis  la  destruction  de 
ces  précieux  volumes,  on  était  réduit  aux  listes  incomplètes  et  souvent 
incorrectes  que  Bernhard  Herzog  a  insérées  dans  sa  chronique,  et  aux 
Collectanea gencalogica^  également  insuffisants,  qui  proviennent  delà 
collection  Heitz  ;  quelques  recueils,  conservés  dans  des  archives  parti- 
culières, étaient  peu  accessibles  aux  érudits.  U Alsace  noble  de  M.  Er- 
nest Lehr,  quel  qu'en  soit  le  mérite,  est  trop  chère  et  ne  donne  pas  assez 
de  renseignements  sur  les  origines  et  les  destinées  les  plus  anciennes  de 
nos  familles  de  chevaliers   et  de  patriciens.  11  faut  donc  savoir  gré  à 

i.Au  mois  de  mars  188b,  la  commission  archéologique  de  Tunisie,  instituée  au 
ministère  de  l'Instruction  publique,  a  fait  rédiger  des  Instructions  pour  la  recherche 
des  antiquités  qui  ont  été  adressées  aux  officiers  du  corps  d'occupation.  En  même 
temps,  le  Bulletin  du  Comité  des  travaux  Iiistoriques  s'est  ouvert  aux  communica- 
tions adressées  au  Ministère  de  la  Guerre  par  les  officiers.  Ces  mesures  sont  excel- 
lentes, mais  elles  auraient  été  autrement  efficaces  i!  y  a  quatre  ans,  alors  que  l'effec- 
tif de  nos  troupes  en  Tunisie  était  trois  fois  plus  considérable  qu'il  ne  l'est 
aujourd'hui. 


D  HISTOIRE   ET   DE   LITTERATURE  25  5 

M.  Kindlerde  Knobloch  d'avoir  entrepris  son  ouvrage.  Pendant  un  sé- 
jour de  quelques  années  à  Strasbourg,  il  a  recherclié  dans  les  différen- 
tes archives  de  la  ville  tout  ce  qui  concerne  la  noblesse  et  le  patriciat 
strasbourgeois.  Il  a  classé  ses  résultats  par  ordre  alphabétique,  le  seul 
conforme  à  un  sujet  qui  ne  saurait  pas  prétendre  à  un  caractère  litté- 
raire. On  regrettera  peut-être  qu'il  ait  cru  devoir  s'abstenir  de  donner 
des  généalogies  plus  complètes;  il  se  contente  parfois  d'indications  un 
peu  trop  sommaires;  tel  quel,  toutefois,  son  livre  est  une  contribution 
fort  utile  à  notre  histoire  locale.  Nous  ne  lui  ferons  pas  le  reproche  de 
n'avoir  pas  mentionné  pour  chaque  nom  et  chaque  date  qu'il  cite  les 
sources  d'où  il  lésa  tirés  ;  s'il  l'avait  fait,  son  volume  serait  devenu  deux 
ou  trois  fois  plus  gros.  De  pareils  travaux  doivent  être  acceptés  de  con- 
fiance ;  quel  intérêt  l'auteur  pouvait-il  avoir  à  tromper  ses  lecteurs?  II 
ne  s'est  pas  agi  pour  lui  de  dresser  des  généalogies  de  fantaisie,  dans  le 
seul  but  de  satisfaire  la  vanité  de  quelques  gentilhommes  de  création  ré- 
cente; il  a  fait  un  ouvrage  d'histoire  sur  des  familles,  dont  la  plupart  sont 
éteintes  depuis  longtemps;  cette  publication  a  exigé  une  patience,  dont 
ceux-là  seuls  se  rendent  compte  qui  se  sont  occupés  de  matières  analo- 
gues. Quand  on  songe  qu'il  a  fallu  parcourir  des  milliers  de  chartes,  de 
titres  de  propriété,  de  testaments,  de  descriptions  de  biens,  rien  que  pour 
y  glaner  des  noms,  on  ne  s'étonnera  pas  de  rencontrer  çà  et  là  une  er- 
reur de  détail.  Nous  ne  chicanerons  pas  l'auteur  sur  ces  quelques  mépri- 
ses, qu'il  sera  le  premier  à  rectifier  quand  il  fera  une  nouvelle  édition. 
Ajoutons  en  terminant  que  ce  qui  rehausse  la  valeur  de  sa  publication,  ce 
sont  les  23  planches  donnant  276  armoiries,  exactement  dessinées  d'a- 
près les  sceaux.  Espérons  que  ce  premier  volume  ne  tardera  pas  à  être 
suivi  du  second. 

S. 


181.  —  F'ancan    et    la    politique  «le    Rîelielieu,  de   161 T    t\  16"2T,  par 

Léon  Geley,  agrégé  de  l'Université.  Paris,  L.  Cerf,   1884,  vu,  324  p.  In-S.  Prix  : 
6  fr. 

L'ouvrage  dont  nous  rendons  compte  a  été  publié  après  la  mort  de 
son  auteur,  enlevé  prématurément  aux  lettres  et  à  ses  amis.  Malgré  ses 
imperfections, —  bien  naturelles  quand  on  songe  que  M.  Geley  était  déjà 
atteint,  quand  il  l'écrivait,  du  mal  auquel  il  a  succombé, —  ce  livre  mérite 
qu'on  s'y  arrête. 

Qui  donc  est  Fancan?  Quel  est  ce  personnage  inconnu  qui,  pendant 
dix  ans  exerça  sur  la  politique  de  Richelieu  une  influence  suffisante 
pour  obtenir  les  honneurs  d'une  aussi  volumineuse  monographie?  C'est 
là  sans  doute  ce  que  se  sont  demandé  la  plupait  des  lecteurs  sous  les 
yeux  desquels  est  tombé  l'ouvrage  de  M.  Geley. 

Disons  tout  d'abord  que  leur  curiosité  ne  sera  que  très  imparfaitement 


256  REVUE    CRITIQUE 

satisfaite,    si    c'est    l'existence  même    de    Fancan  qu'ils  désirent  con- 
naître. Nous  n'apprenons  à  peu  près  rien  sur  son  compte,  si  ce  n^est 
qu'il  fut  chanoine  de  Saint-Germain-l'Auxerrois,  et  pendant  longtemps 
un  des  écrivains  à  gages  du  cardinal.  Finalement  brouillé  avec  son  maî- 
tre, sacrifié,  dit-on,  par  lui  à  la  cabale  ultramontaine,  il  fut  mis  à  la 
Bastille  en  1627  et  y  mourut  sans  doute  Tannée-suivante.  C'est  là  tout 
ce  que  l'auteur  nous  en  raconte  et  Ton  nous  accordera   que  ce  n'est 
guère.  Il  ne  doit  pas  être  impossible  pourtant  de  retrouver  quelque  part 
des  renseignements  sur  la  famille  de  Fancan,  puisque  son  frère  était  in- 
tendant de  Richelieu,  il  ne  doit  pas  être  impossible  davantage  de  re- 
trouver au  moins  la  date  de  la  nomination  de  Fancan  à  son  canonicat, 
etc.    Du  moment   qu'il    lui  consacrait    un    travail   d'étendue  pareille, 
M.  G.  aurait  aussi  bien  fait  d'épuiser  la  matière.   Mais  sans  doute  le 
côté  politique  de  sa  thèse  l'intéressait  seul  et  chaque  auteur  est  maître 
de  son  sujet.  Ce  sujet,  le  voici;  c'est  l'analyse  et  l'appréciation  des  di- 
verses brochures  écrites  par  Fancan  sur  la  politique  intérieure  et  exté- 
rieure de  la  France,  depuis  l'assassinat  du  maréchal  d'Ancre  jusque  vers 
l'époque  du  siège  de  La  Rochelle  (1617-1627).  Ici  encore  nous  regret- 
tons de  devoir  commencer  par  une  restriction  grave  l'appréciation  criti- 
que de  cette  consciencieuse  étude.  M.    G.   nous  parle  successivement 
d'une  dizaine  de  pamphlets  plus  ou  moins  considérables  de  son  héros, 
depuis  la  Chronique  des  favoris  et  la  France  mourante  jusqu'au  Mot  à 
r oreille  et  la   Voix  publique;  quand  nous  cherchons  à  nous  rendre 
compte  des  motifs  scientifiques  qu'il  peut  avoir  pour  les  attribuer  à 
Fancan,  nous  constatons  avec  un  certain  étonnement  que  ce  sont  pres- 
que toujours  des  impressions  tout  à  fait  subjectives,  basées  sur  des  «rap- 
prochements d'idées  assez  fréquentes  »  des  <?  expressions  identiques  », 
etc.  et  que  les  témoignages  directs  &t  précis  des  contemporains  qui  per- 
mettraient de  rapporter  à  Fancan  l'honneur  d'avoir  rédigé  ces  factums 
politiques  font  défaut  dans  la  plupart  des  cas.  En  second  lieu,  l'auteur 
n'a  point  examiné  suffisamment  non  plus  une  autre  question,  celle  de 
savoir,  étant  admis  même  qu'il  en  soit  l'auteur,  jusqu'à  quel  point  Fan- 
can a  exprimé  des  idées  personnelles  dans  les  brochures  dont  il  s'agit, 
où  s'il  a  simplement  été  l'écho  de   Richelieu,  le  plumitif  à  gages  du 
cardinal,  qui  lui  fournissait  et  le  canevas  du  sujet  et  les  idées  politiques 
à  répandre  dans  le  public.   Et  pourtant  c'est  de  la  solution  de  cette 
question  préliminaire  que  dépendra  l'opinion  du  lecteur  et  surtout  du 
critique  sur  le  personnage  qui  l'occupe,  du  moins  en  tant  que  l'indivi- 
dualité même  de  Fancan  l'intéresse  ^ 

Nous  serons  toutefois  plus  à  l'aise  pour  louer  le  fond  même  du  travail. 
L'auteur  a  bien  compris  l'intérêt  que  présente,  au  point  de  vue  histori- 
que, la  littérature  des  pamphlets  contemporains  et  l'opportunité,  pour  le 


I.  En  tout  état  de  cause,  nous  protestons  contre  l'enthousiasme  de  M.  G.  qui 
trouve  quelque  part  (p.  285)  les  tableaux  de  Fancan  «  vraiment  incomparables  >etle 
met  en  parallèle  avec  «  notre  grand  Michelet  «. 


d'histoire  et  de  littérature  257 

narrateur  d'une  époque,  de  se  familiariser  avec  leur  contenu.  Peut-être 
croit-il  un  peu  trop  facilement  y  trouver  des  faits  inconnus  et  des  détails 
matériels  nouveaux;  il  ne  faudrait  pas  oublier  que  les  menues  anecdotes 
qui  nous  paraissent  souvent  du  neuf  dans  un  écrit  de  ce  genre,  sont  bien 
souvent  aussi  mensongères  qu'elles  sont  peu  connues.  Car  enfin  le  propre 
du  pamphlétaire  est  de  mélanger  les  vérités  historiques,  plus  ou  moins 
travesties,  aux  fictions  haineuses  pour  en  écraser   un  adversaire.  Mais 
libelles  et  pamphlets  sont  une  excellente  source  pour  l'historien  quand  il 
s'agit  de  retracer  l'esprit  général,  le  développement  des  idées  politiques 
à  un  moment  précis  de  l'histoire.  Leurs  auteurs  poursuivent  toujours 
un  but,  bon  ou  mauvais;  ilsy  restent  donc,  au  moinsdans  une  certaine 
mesure,  sincères  vis-à-vis  d'eux-mêmes  et  du  lecteur.  Leurs  productions 
éphémères  deviennent,  en  quelque  sorte,  la  photographie  des  courants 
politiques  d'une  génération,  d'un  groupe  plus  ou  moins  influent  sur  les 
destinées  du  pays.   C'est  précisément  un   groupe  de    ce  genre  que  le 
volume  de  M.  G.   nous  permet  d'étudier  de  plus  près,  dans  les  idées 
qu'il  défend,  sinon  dans  les  personnalités  qui  le  composent  :  le  parti 
patriote  ou  \e  parti  français.  Au  milieu  des  querelles  intestines  et  des 
dissensions    religieuses  qui  paralysent  alors  la  France,  avant  que  la 
main  de  fer  de  Richelieu  ait  courbé  sous  l'autorité  royale  les  membres 
de  la  famille  régnante  et  les  champions  turbulents  de  la  haute  noblesse, 
il  y  a,   dès  1617,  des  hommes  d'Etat  et  des  politiciens  qui  songent  à 
reprendre  la  tradition  de  Henri  IV.  Ils  parlent  de  refouler  la  puissance 
de  l'Autriche  et  de  l'Espagne,  d'empêcher  le  renouvellement  des  guerres 
de  religion  en  France,  de  fortifier  le  pouvoir  du  souverain  en  abattant  les 
conseillers  prévaricateurs  ou  bornés  delà  couronne;  ils  veulent  réveiller 
enfin  dans  tous  les  esprits,  chez  les  fils  des  anciens  ligueurs  comme 
chez  ceux  des  anciens  huguenots,  le  sentiment  d'une  origine  commune, 
d'un  égal  amour  pour  la  patrie  française.  M.  G.  nous  a  donné  l'analyse 
détaillée  et  de  nombreux  extraits  des  brochures  et  des  opuscules  qui 
développèrent  alors  ces  idées,  d'une  façon  plus  ou  moins  éloquente,  plus 
ou  moins  clandestine  ',   et  dont  quelques-uns  au  moins  peuvent  être 
rapportés  à  l'influence  directe  de  Richelieu.  A  ce  point  de  vue  plus 
général,  peu  importe  au  fond  que  ce  soit  Fancan  ou  tel  auteur  anonyme, 
guère  plus  inconnu  que  lui,  auquel  on  doive  attribuer  la   paternité  de 
ces  pamphlets.  Ils  conservent  un  intérêt  historique  sérieux,    en  dehors 
de  la  question  d'origine,  et  nous  ne  pouvons  que  remercier  l'auteur  de 
les  avoir  examinés  de  plus  près.  Nous  ne  saurions  partager,   il  est  vrai, 
pour  le  moment  du  moins,  son  admiration  pour  Fancan,  dont  il  fait 
un  «  Père  Joseph  avant  la  lettre  »,  car  pour  le  faire,  il  faudrait  que 


I.  Il  est  étonnant  que  M.  G.  n'ait  pas  du  tout  songé  fi  nous  parler  de  l'endroit  où 
se  publiaient  ces  brochures,  de  leurs  éditeurs  présumés,  de  toute  la  question  biblio- 
graphique, en  un  mot.  Il  ne  cite  pas  même  en  entier  le  titre  d'un  seul  de  ces  pam- 
phlets, avec  indication  exacte  du  format,  nombre  des  pages,  etc.  On  peut  demander 
cela  pourtant  dans  un  travail  d'allure  scientifique. 


258 


REVUE    CKITIQUE 


nous  soyions  plus  sûr  tout  d'abord  de  la  part  qu'on  peut  lui  attribuer 
dans  cette  littérature.  Il  faudrait  aussi  que  l'homme,  qui  reste  absolu- 
ment caché  derrière  Técrivain,  avant  comme  après  le  travail  de  M.  G., 
acquît,  par  suite  de  recherches  nouvelles,  une  physionomie  propre,  et 
permettant  sur  son  compte  un  jugement  autre  que  téméraire.  Mais  ce 
que  nous  apprenons  à  connaître  de  près  par  notre  volume,  c'est  la  situa- 
tion des  esprits  dans  la  France  d'alors  '■  (ce  en  quoi  l'auteur  a  rendu  un 
véritable  service  aux  historiens  futurs  du  règne  de  Louis  XIII),  c'est 
l'analyse  détaillée  des  manifestations  de  l'opinion  publique  française  à 
cette  heure  passablement  trouble  du  xviie  siècle,  où  les  gouvernants  et 
la  nation  elle-même  semblaient  hésiter  entre  l'alliance  des  puissances 
catholiques,  du  Saint-Siège  et  des  Habsbourgs,  et  la  reprise  de  la  poli- 
tique des  Valois  en  Italie,  de  François  I  et  de  Henri  IV  en  Allemagne. 
Nous  voudrions  voir  continuer  les  études  commencées  par  M.  Geley 
dans  cette  direction.  Les  brochures  de  ce  genre  deviennent  toujours  plus 
nombreuses  à  mesure  que  Richelieu  s'engage  plus  avant  dans  la  lutte 
trentenaire;  pourquoi  d'autres,  après  M.  Geley,  n'élargiraient-ils  pas  le 
cadre  jusqu'aux  traités  de  Westphalie,  pour  nous  retracer  ainsi  le  ta- 
bleau complet  de  la  presse  politique  avant  la  Fronde  dont  les  innom- 
brables pamphlets  ouvrent  une  ère  nouvelle?  Il  y  aurait  là  une  tâche, 
longue  et  difficile,  mais  faite  pour  tenter  des  travailleurs  de  mérite  et 
de  talent  ^ 

R. 


182.    —    G.    Desnoiresterres.    La    Comédie    ssstirique    au    XVlBie    siècle. 

Histoire  de  la  Société  française  par  l'allusion,  la  personnalité  et  la  satire  au 
théâtre.  Louis  XV,  Louis  XVI,  la  Révolution.  Paris,  librairie  académique  (Emile 
Perrin,  1884,  in-8. 

M.  Desnoiresterres,  qui  prépare  depuis  longtemps  un  travail  appro- 
fondi sur  le  sujet  complexe  indiqué  par  le  sous-titre  de  son  livre,  a 
détaché  de  cet  ensemble  toute  la  partie  consacrée  à  une  époque  qu'il 
connaît  à  merveille  et  qui  lui  fournissait  en  outre  les  meilleurs  argu- 
ments à  l'appui  de  sa  thèse.  Il  a  voulu  montrer  en  effet  comment,  de  la 
mort  de  Louis  XIV  à  la  fin  du  Directoire,  le  théâtre  a  su,  de  tout  temps 
et  en  toutes  circonstances,  éludant  les  défenses  les  plus  rigoureuses,  ne 

1.  Un  des  côtés  du  moins  de  la  situation  des  esprits;  car  il  y  eut  aussi  de  nom- 
breux pamphlets  émanant  du  parti  espagnol  et  ultramontain,  et  dont  il  faudrait  par- 
ler tout  aussi  longuement  dans  un  travail  d'ensemble. 

2.  Notons  en  passant  quelques  petites  fautes  d'impression  et  autres,  qui  déparent 
le  récit  de  M.  Geley.  P.  2i5  :  Curasse  pour  Garasse;  p.  228:  Nidasbourg-  pour  Al- 
kolsbourg  ;  Boetlen  pour  Bethlen;  p.  283  :  Be/Zz/em.  —  La  locution  qui  paraît  étonner 
M.  G.  p.  233  «  on  vient  nous  accravater  jusqu'aux  portes  de  Paris  »,  se  rapporte 
aux  incursions  de  la  cavalerie  légère  des  Impériaux  et  Espagnols,  formée  de  Croates, 
appelés  alors  en  France  Cravates.  —  P.  286.  Les  batailles  de  Lutter  et  de  Dessau 
n'ont  pas  eu  lieu  à  la  même  date,  mais  à  près  d'un  an  de  distance. 


d'histoirk  et  di<:  LiTTÉuATURii:  259 

laisser  passer  aucun  événement  sans  lui  emprunter  un  trait  ou  une 
allusion  que  saisissait  sans  peine  la  malice  des  contemporains,  et  il  faut 
reconnaître  que  le  xvni^  siècle,  s'il  n'est  pas  l'inventeur  de  cette  revan- 
che du  silence  ou  de  l'absence  de  la  presse,  a  largement  usé  de  cette 
quasi-liberté.  Les  portes  de  Tabbaye  de  Saint-Denis  s'étaient  à  peine 
refermées  sur  le  cercueil  de  Louis  XIV  que  le  Régent,  donnant  l'exemple, 
faisait  représenter  aux  Tuileries  Athalie  où  abondaient  les  allusions 
aux  deuils  réitérés  dont  avait  été  frappée  l'ancienne  cour  et  l'âge  même 
du  petit  Joas  offrait  une  singulière  conformité  avec  celui  de  Louii;  XV. 
L'Œdipe  de  Voltaire,  joué  deux  ans  plus  tard,  provoquait  d'odieux 
rapprochements  entre  l'inceste  de  Jocaste  et  les  relations  qui  existaient, 
prétendait-on,  entre  Philippe  d'Orléans  et  ses  filles.  Ces  deux  exemples, 
empruntés  aux  premières  pages  du  livre  de  M.  D.  et  qu'il  ne  tiendrait 
qu'à  nous  de  faire  suivre  des  quelques  centaines  d'autres  patiemment 
colligés  par  Fauteur,  sont  suffisants,  je  pense,  pour  montrer  quelles 
ressources  a  pu  fournir  à  M.  D.  un  dépouillement  minutieux  des  mé- 
moires, correspondances  et  journaux  du  temps.  «  Dans  l'histoire,  a  dit 
Mérimée  ',  je  n'aime  que  les  anecdotes,  et  je  préfère  celles  où  j'ima- 
gine trouver  une  peinture  vraie  des  mœurs  et  des  caractères  à  une  épo- 
que donnée  ».  A  ce  point  de  vue  il  eut  été  satisfait  de  la  Comédie  satiri- 
que, car  Tanecdote  y  corrobore  toujours  un  fait  historique  et  permet  de 
le  mieux  comprendre.  Qu'il  s'agisse  des  agiotages  du  système,  des 
querelles  fastidieuses  entre  molinistes  et  jésuites,  des  luttes  du  coin  du 
roi  et  du  coin  de  la  reine  dans  l'affaire  des  bouffons  italiens,  des  Philo- 
sophes ou  de  l'Ecossaise,  des  Druides  de  Le  Blanc  de  Guillet  ou  de  la 
lutte  de  l'opinion  contre  le  parlement  Maupeou,  des  divisions  provo- 
quées par  Gluck  et  Piccini,  du  scandale  du  Mariage  de  Figaro,  des 
globes  aérostatiques  ou  des  baquets  de  Mesmer,  de  la  prise  delà  Bastille 
ou  de  la  fuite  de  Varennes,  de  l'Ami  des  lois,  de  Lava,  de  l'Intérieur 
des  comités  révolutionnaires ,  de  Ducancel  ou  du  Jugement  dernier  des 
rois,  de  Sylvain  Maréchal,  M.  D.  montre  d'un  bout  à  l'autre  de  son 
livre  cette  corrélation  constante  et  l'appuie  de  citations  topiques.  C'est 
la  plus  agréable  promenade  qu'on  puisse  faire  a  travers  ce  siècle  et  sous 
la  conduite  du  guide  le  mieux  renseigné  -.  Les  chapitres  s'y  succèdent 

1.  Chronique  du  règne  de  Charles  IX. 

2.  M.  D.  n'a  pas  cependant  et  ne  pouvait  avoir  la  prétention  de  ne  rien  omettre  sur 
un  sujet  aussi  riche  et  aussi  varié.  Je  n'en  cite  la  preuve  suivante  que  parce  qu'elle 
a  traita  un  écrivain  sur  lequel  l'attention  a  été  fréquemment  ramenée  depuis  cinq  ou 
six  ans  et  parce  que  le  petit  fait  dont  il  s'agit  a  échappé  à  ses  plus  scrupuleux  bio- 
graphes. 

Le  continuateur  anonyme  et  inconnu  de  VObservateur  des  spectacles  de  Cherier 
(mort  à  Amsterdam  le  2  juillet  1762)  consacre  dans  son  n°  du  22  mars  lyôS  un 
tt  court  éloge  »  à  Marivaux  et  dresse  un  catalogue  raisonné  de  ses  pièces.  La  seconde 
en  date  était  VAmour  et  la  Vérité,  un  acte  en  prose  représenté  au  Théâtre-Italien 
en  1720,  «  Elle  ne  se  trouve  point  dans  le  théâtre  de  M.  de  Marivaux,  ajoute  l'au- 
teur. Elle  est  pourtant  de  lui  et  il  l'a  avouée,  mais  l'ayant  retirée  lui-même  des 
mains  des  Comédiens,  il  l'a  supprimée,  de  sorte  qu'elle  n'a  jamais  paru  que  maaus- 


200  REVUE   CRITIQUE 

dans  Tordre  logique  et  chronologique,  sans  fatigue  aucune  pour  le 
lecteur,  car  l'auteur  s'y  est  constamment  abstenu  des  digressions  qui 
nuisent  parfois  à  son  grand  travail  sur  Voltaire. 

Nous  n'aurons  pas  la  cruauté  d'insister  sur  les  fautes  typographiques 
qu'un  long  errata  ne  corrige  pas  toutes.  Quant  aux  sources,  elles  sont 
scrupuleusement  indiquées  ',  sauf  une  cependant  qui  n'est  mentionnée 
qu'une  seule  fois  et  que  M.  Desnoiresterres  aurait  pu  plus  souvent 
mettre  à  profit;  c'est  l'excellente  Histoire  par  le  théâtre  de  Th.  Muret 
(Amyot,  i865,  3  vol.  in-i8);  elle  ne  commence,  il  est  vrai,  qu'au 
Mariage  de  Figaro,  mais  la  partie  révolutionnaire  y  est  traitée  avec 
une  ampleur  et  une  sûreté  de  jugement  que  n'ont  pas  fait  oublier  les 
travaux  plus  récents  de  MM.  Jaufîret  ^  et  Welschinger  ^. 

Maurice  Tourneux. 


i83.  —  Grainleur  et  décadence  de  la  Colombine.  Seconde  édition  revue, 
corrigée  et  considérablement  augmentée.  Paris,  chez  tous  les  marchands  de 
nouveautés,  i883,  b^  pages,  in-8. 

Les  lecteurs  de  la  Revue  critique  n'ont  pas  oublié  l'article  publié  ici 
même  (n°  du  i8  mai  de  cette  année)  sur  les  vols  commis  récemment  au 
préjudice  de  la  bibliothèque  Colombine  de  Séville,  et  ils  savent  que  les 
révélations  de  notre  collaborateur,  M.  H.  Barrisse,  ont  fait  grand  bruit 
dans  LanderneaU;  je  veux  dire  dans  les  cercles  littéraires  et  politiques 
d'outre  Pyrénées.  Interpellations  à  la  Chambre  des  députés  et  au  Sénat, 
répliques  du  ministre  compétent,  enquête  ou  commencement  d'enquête, 
articles  et  polémiques  dans  la  presse  de  Madrid  et  des  provinces,  en  un 
mot  beaucoup  d'agitation,  et  pour  résultat  :  rien.  Après  comme  avant 
les  enquêteurs  ignorent  ou  feignent  dMgnorer  l'origine  et  les  auteurs  de 
ces  déprédations,  et  personne  ne  nous  a  encore  renseigné  sur  les  inter- 
médiaires qui  ont  transféré  ces  richesses  bibliographiques  sur  le  marché 
de  Paris,  où  elles  se  sont,  comme  on  sait,  si  facilement  écoulées.  On 

critc.  Elle  avait  rapport  à  une  anecdote  du  temps  et  la  satire  ne  fut  point  si  gazée 
qu'on  ne  reconnijt  les  originaux  qui  tirent  conseiller  à  l'auteur  de  la  suppri- 
mer s. 

M.  G.  Larroumet,  qui  a  pris  pour  thèse  de  doctorat  Marivaux,  sa  vie  et  ses  œu- 
vres (Hachette,  1882,  in-8o;  voir  \3,  Revue  critique,  2'  série,  t.  XV,  p.  106)  et  qui  n'a 
négligé  aucune  particularité  touchant  son  personnage,  a  cité,  d'après  le  Mercure, 
un  fragment  de  V Amour  et  la  Vérité  (p.  Sj-SS).  C'est  un  morceau  «  spirituel  mais 
d'un  caractère  bien  mythologique  et  métaphysique  )>,  où  il  serait  impossible  de  sai- 
sir la  moindre  allusion. 

1.  Signalons  cependant  (p.  249)  un  léger  lapsus:  M.  D.  a  confondu  la  Revue  de 
Lyon  avec  la  Revue  du  Lyonnais  :  ce  sont  deux  publications  tout  à  fait  distinctes  et 

c'est  dans  la  seconde  qu'a  paru  la  chronique  locale  dont  il  cite  un  extrait. 

2.  Le  Théâtre  révolutionnaire  (i~88-iygg),  Furne,  Jouvet  et  O",  1869,  in-12. 

3.  Le  Théâtre  de  la  Révolution  (i 789-1 799)  avec  documents  inédits,  Charavay 
frères,  1881 ,  in-i8. 


OHISTOIKE    KT    DK    LITïEl'.Al  UKh  20  [ 

ignore  et  même  on  nie  :  le  chapitre  de  Séville,  responsable  au  premier 
chef,  joue  l'étonné  et  le  scandalisé,  et  avec  un  aplomb  superbe 
oppose  un  démenti  catégorique  aux  allégations  de  M.  Harrisse.  a.  Ces 
livres,  nous  ne  les  avons  jamais  vus  »,  dit-il,  ce  qui  peut  être  vrai,  je 
l'admets  sans  trop  de  peine,  mais  malheureusement  ne  prouve  pas  ce 
qu'il  fallait  prouver.  D'autres,  plus  circonspects,  reconnaissent  la  pro- 
venance du  larcin,  mais  ne  l'estiment  pas  si  récent.  «  On  a  tant  volé  de 
tout  temps  à  la  Colombine!  Et  qui  nous  dit  que  ces  livres  n'étaient  pas 
depuis  de  longues  années  recelés  par  quelque  amateur  du  crû  »?  Sans 
doute  ceux-là  ont  raison  en  partie.  On  a  beaucoup  volé  en  effet  à  la 
Colombine  depuis  le  jour  où  le  chapitre  de  Séville  est  entré  en  posses- 
sion du  legs  splendide  de  Ferdinand  Colomb,  M.  Harrisse  l'a  établi,  et 
je  ne  serais  point  surpris  qu'un  certain  nombre  des  raretés  accueillies 
par  nos  brocanteurs  eussent,  il  y  a  quelque  vingt  ans  déjà,  pris  congé 
des  chanoines  sévillans.  Je  me  métie  d'une  bibliothèque  méthodique- 
ment explorée  par  Bartolomé  José  Gallardo,  Phomme  à  la  vaste  lévite 
et  aux  poches  profondes,  sans  parler  d''autres  fureteurs  bien  connus 
pour  leurs  pêches  miraculeuses.  Mais  qu'on  ait  volé  récemment  encore, 
c'est  ce  qui  n'est  pas  moins  sur  et  c'est  ce  que  démontre  avec  sagacité 
M.  Harrisse  dans  cette  édition  augmentée  de  son  travail.  Il  n'a  pas 
voulu  laisser  aux  gardiens  actuels  de  la  Colombine  la  possibilité  de  re- 
jeter toute  la  faute  sur  leurs  prédécesseurs;  il  les  prend  en  flagrant 
délit  d'incurie  et  d'ignorance,  pour  ne  rien  dire  de  plus. 

Les  plaquettes  italiennes  et  françaises  des  recueils  de  Ferdinand 
Colomb  vendues  à  Paris,  n'ayant  pas  été  examinées  ou  décrites  par  les 
visiteurs  de  la  bibliothèque,  il  devient  à  peu  près  impossible  de  savoir 
quand  elles  en  sont  sorties.  Pour  les  manuscrits  c'est  autre  chose. 
Plusieurs  missionnaires  étrangers,  Haenel,  notre  regretté  Charles 
Graux,  MM.  Fr.  Michel,  P.  Ewald  et  Pio  Rajna  les  ont  dans  ces  der- 
nières années  tenus  dans  leurs  mains  et  en  ont  pris  des  extraits  qui  four- 
nissent tous  les  points  de  comparaison  désirables.  Sur  les  neuf  manus- 
crits acquis  par  notre  Bibliothèque  nationale,  après  que  son  directeur 
en  eût  référé  au  chapitre  de  Séville,  quia  fait  la  sourde  oreille  et  s'est 
désintéressé,  cinq  sûrement  étaient  encore  en  place  il  n'y  a  guère  et 
n'ont  été  extraits  du  dépôt  que  pour  être  expédiés  à  Paris.  Ceci  est  ac- 
quis, que  le  chapitre  maugrée  ou  non.  Quant  au  reste,  aux  lourds 
paquets  de  plaquettes  gothiques  et  autres,  il  faut  pour  l'instant  réserver 
son  opinion  ;  tout  porte  à  croire  cependant  qu'un  certain  nombre  au 
moins  ont  passé  à  la  même  heure  par  la  même  porte  que  les  manuscrits, 
et  que  l'amateur  qui  a  choisi  les  livres  de  main,  aura  su  trier  aussi  les 
livres  de  forme.  Aux  plaquettes  rarissimes  françaises  énumérées  dans 
l'article  de  la  Revue  du  i8  mai,  M.  Harrisse  ajoute  aujourd'hui  une  liste 
non  moins  curieuse  de  plaquettes  italiennes  provenant  de  la  Colombine 
qui  viennent  de  regagner  leur  pays  d'origine.  La  France,  on  le  voit, 
n'a  pas  été  la  seule  nation  à  profiter  du  coup  de  filet. 


202  KKVUE    CRI'HQUK 

Une  question  se  pose.  A  ne  considérer  que  l'intérêt  général,  cioit-on 
pleurer  ce  pillage?  Nous  n'avons  pas  après  tout  à  nous  montrer  plus 
royalistes  que  le  roi,  et  puisque  les  Espagnols  trouvent  bon  de  laisser 
filer  leurs  livres  et  se  refusent  même  à  les  reprendre  quand  on  les  leur 
oflre,  je  ne  vois  pas  pourquoi  nous  nous  attristerions  outre  mesure 
d'un  événement  qui  nous  vaut  de  posséder  des  raretés  inaccessibles  jus- 
qu'ici. D'ailleurs  que  faisaient  ces  livres  et  ces  manuscrits  à  Séville? 
Depuis  que  Ferdinand  Colomb  les  a  réunis,  qui  s'en  est  servi?  La 
Société  des  bibliophiles  sévillans,  par  exemple,  si  bien  placée  pour  met- 
tre à  profit  rhériîage  littéraire  du  fils  du  grand  découvreur,  n'en  a  rien 
tiré  du  tout,  et  les  recueils  formés  au  prix  de  si  intelligents  efforts  par 
ce  bibliophile  émérite  gisaient  sur  les  rayons  de  la  Colombine  sans  nulle 
utilité  :  il  a  fallu  des  voleurs  pour  les  remuer  et  secouer  leur  poussière. 
Pour  mon  compte,  je  ne  regrette  qu'une  chose,  c'est  que  ces  trésors 
soient  sortis  subrepticement  de  la  Colombine,  dans  de  mauvaises  con- 
ditions, lavés,  grattés  et  déchirés,  alors  que  le  chapitre,  qui  en  fait  le 
cas  qu'on  sait,  aurait  pu  les  vendre  au  grand  jour  à  son  plus  grand 
profit  et  à  la  joie  des  honnêtes  gens. 

Ce  qui  par  exemple  dépasse  l'imagination,  ce  sont  les  réflexions  que 
ces  vols  ont  inspirés  à  certains  publicistes  espagnols.  Au  lieu  de  se  mon- 
trer coiUrits  et  de  se  frapper  la  poitrine,  ils  ont  trouvé  le  moment  bien 
choisi  pour  déplorer...  quoi?  que  la  France  recueille  et  conserve  ce  que 
l'Espagne  vilipende  ou  laisse  perdre.  J'ai  sous  les  yeux  un  article  inti- 
tulé «  Nos  documents  historiques  dans  les  bibliothèques  de  France  » 
(La  Epoca  du  27  juin  i885)  et  qui  est  une  manière  de  requête  adressée 
au  président  du  Conseil  des  ministres  pour  l'inviter  à  réclamer  à  la 
France  les  manuscrits  espagnols  qu'elle  possède.  L'auteur  de  l'article 
insiste  particulièrement  sur  les  manuscrits  de  la  Bibliothèque  nationale, 
qu'il  nomme  liasses  (legajos),  et  il  en  désigne,  d'après  le  dernier  catalo- 
gue, un  certain  nombre,  accusant  Napoléon  V^  de  les  avoir  dérobés  à 
l'Espagne,  quoique  les  deux  tiers  soient  en  France  depuis  l'époque 
de  Mazarin  et  de  Colbert.  Evidemment,  ce  journaliste  n'a  pas  plus  la 
notion  des  choses  dont  il  parle  qu'il  n'a  le  sentiment  du  ridicule.  J'es- 
père que  ses  compatriotes  mieux  informés  ne  marchanderont  pas  leur 
reconnaissance  à  notre  grande  bibliothèque  qui  a  sauvé,  pour  les 
mettre  libéralement  à  la  disposition  de  tous,  tant  de  monuments  pré- 
cieux de  l'histoire  littéraire  de  l'Espagne  :  témoin  le  fameux  Cancio- 
nero  de  Bacna,  manuscrit  de  l'Escurial  emporté  par  l'arabisant  Conde, 
vendu  deux  fois  publiquement  en  Angleterre  sans  que  le  gouvernement 
espagnol  fit  le  moindre  effort  pour  le  récupérer,  racheté  enfin  de  son 
bon  argent  par  la  France  et  gracieusement  prêté  par  notre  bibliothèque 
au  savant  espagnol  qui  en  fit  la  première  édition.  Cet  exemple  peut 
suffire. 

Aux  esprits  sérieux,  à  ceux  de  nos  voisins,  qui,  sans  tant  criailler, 
s'afHigent  en  contemplant  le  pillage  périodique  de  leurs  dépôts  littéral- 


o'mSTOil'.K    KT    OK    J.lTTKlt  A  f  CJKk  203 

res,  je  dirai  qu'ils  ont  un  enseignement  à  tirer  de  cette  lamentable 
affaire.  Pour  garantir  contre  ies  voleurs  les  livres  d\tne  bibliothèque, 
il  importe  de  prendre  une  série  de  mesures  préventives,  dont  beaucoup, 
hélas  !  sont  totalement  négligées  par  ies  bibliothécaires  espagnols.  Com- 
bien de  volumes  restent  à  estampiller,  à  paginer,  à  relier  et  à  cata- 
loguer dans  les  plus  grands  dépôts  d'Espagne!  Et  comment  garder  ou 
récupérer,  lorsqu'on  les  a  perdus,  des  manuscrits  ou  des  livres  dont 
l'identité  ne  saurait  être  établie,  puisqu'ils  n'ont  pas  d'état  civil?  Un 
manuscrit  surtout,  dont  une  description  suffisante  ne  figure  pas  dans 
un  catalogue  imprimé  court  partout,  mais  en  Espagne  plus  qu'ailleurs, 
les  plus  grands  risques  :  il  appartient  au  premier  larron  qui  saura  le 
dépecer  et  en  efîacer  les  anciennes  marques  de  provenance.  Donc  le 
gouvernement  espagnol  devrait  employer  toutes  ses  ressources  et  l'acti- 
vité de  ses  agents  à  inventorier  sans  trêve  ni  merci  tout  ce  qui  lui  reste 
encore  de  richesses  bibliographiques.  Il  dispose  d'un  pouvoir  réel  et 
étendu,  il  n'a  pas,  comme  chez  nous,  à  compter  avec  l'administration 
municipale,  il  régente  tous  les  dépôts  de  documents  et  de  livres,  sauf 
quelques  archives  et  bibliothèques  ecclésiastiques  qui  ont  jusqu^ici 
échappé  au  droit  commun.  Qu'il  use  de  son  autorité,  ou  d'ici  à  peu 
de  temps  son  corps  d'archivistes  et  de  bibliothécaires  n'aura  plus  rien  à 
conserver. 

A.  O. 


VARIETES 


Extraits    de    ta     eoi'i'espontîîsïice    inétiiïae     d'iîsî    ©ffîcîei"    répiîlilîcaîn 

I 

Liberté  Egalité 

Fraternité  Amitié 

Aux  Sables,  ce  i8  ventôse  l'an  3^"  de  la  Re'publique  française 
une  et  inciivisible. 

Joseph  Lchimas  fils,  an  citoyen  A.rmand  fils. 

Charrette  donne  beaucoup  de  peine  pour  l'attrapper.  Dernière- 
ment on  lui  a  pris  deux  demoiselles  dont  Tune  avait  tout  au  plus  i8  ans 
d'une  figure  intéressante  faite  pour  charmer  Thomme  le  plus  froid  pos- 
sible. L'autre  n'est  pas  aussi  jolie  que  la  première.  Cette  première  a 
reçu  un  coup  de  sabre  au  côté  de  l'oreille  et  la  2^  en  a  reçu  quatre  sur 

la  tête.  Je  pense  bien  qu'elle   ne  sont  point  n ,  que  les  brigands  les 

auront  f et  r.,  ...  de  même  que  les  nôtres,  car  elles  paroissent  avoir 


264  REVUE    CRITJQUE 

diablement  fait  de  service.  Avec  tout  cela  la  plus  jeune  seroit  encore 
bonne  pour  passer  un  moment. 

...  Il  me  tarde  d'aller  au  Bocage  pour  tacher  de  taper  ou  de  rece- 
voir.,. 

II 

Lamotte-Achard,  le  3o  frimaire,  4^  année  républicaine. 

Mon  cher  Armand, 

En  arrivant  aux  Sables  je  croyois  d'y  rester.  Point  du  tout.  Je  reçois 
l'ordre  de  me  rendre  ici  pour  rejoindre  le  géne'ral.  Etant  arrivé  le  len- 
demain, je  fus  à  une  expédition.  Nous  avons  pris  du  grain  qui  étoit  aux 
rebelles  et  autres  articles.  Le  26  au  soir  et  le  27  nous  avons  fait  des 
marches  de   nuit  pour  arrêter  plusieurs  scélérats  des  brigands.  Nous 
avons  marché  dans  des  marais,  de  la  boue  et  de  la  boue  jusqu'aux  ge- 
noulx,  dans  des  bois,  dans  des  genêts,  enfin  jamais  je  n'ai  vu  de  sem- 
blables chemins.  J'ai  failli   prendre  mal  à  plusieurs  reprises.  Il  en  est 
résulté  de  ces  deux  expéditions  14  ou  1 5  individus  dont  deux  qui  ont 
subi  la  peine  due  à  leur  cruauté;  4  ont  été  conduit  aux  Sables  et  le  reste 
a  été   mis  en  liberté.  Tu  ne  pourrois  pas  te  faire  l'idée  de  la  manière 
avec  laquelle  ils  ne  veulent  point  répondre  aux  différentes  questions 
que  nous  leur  faisons,  ils  préfèrent  la  mort  plutôt  que  de  dire  la  vérité. 
Jamais  je  n^ai  vu  d'hommes  aussi  fermes  dans  leur  opinion  que  ces  re- 
belles ;  ils  reçoivent  la  mort  avec  une  gaieté  et  un  sang-froid  inconce- 
vables. J'ai  été  surpris  lorsque  je  les  ai  vu  fusiller,  de  voir  qu'eux-mêmes 
s'attachaient  leurs  mouchoirs.  Dans  ces  expéditions  de  nuit  j'entrois 
avec  l'adjudant-major  qui  commandoit  le  détachement,  tous  deux  les 
premiers  dans  les  maisons  pour  faire  les  visites;  nous  avons  couru  di- 
vers dangers.  Un  des  rebelles  nous  menaçoit  ;  j'étois  en  même  de  le  tuer 
lorsque  je  su  qu'il  n'était  point  armé.   Me   rappelant  le  respect  que 
nous  devons  à  la  loi  et  qu'il  étoit  sous  sa  sauve-garde  fit  que  je  me  retins. 
Si  je  voulois  te  faire  le  détail  de  cette  guerre,  il  me  faudroit  un  volume 
in-folio.  Cependant  je  te  dirai  que  nous  ne  pouvons  nous  écarter  de 
200  pas  du  cantonnement  qu'on  ne  soit  tué.  Juge  par  là  s'il  faut  avoir 
de  la  prudence.  11  m'est  arrivé  souvent  d'être  atteint  par  des  coups  de 
fusils  tirés  par  ces  scélérats  sur  la  route.  Heureusement  qu'il  n'ont  pu  y 
réussir  encore!  A  présent  je  me  moque  de  la  vie  comme  de  rien  depuis 
que  je  suis  ici  d'après  tous  les  risques  que  nous  courons.  Dans  les  diffé- 
rentes visites  que  j'ai  fait  j'ai  trouve  de  très  jolies  [filles]  qui  étoient  au 
lit.  Les  volontaires  vouloient...  Je  m'y  suis  opposé  et  ayant  fait  des  re- 
présentations, ils  les  laissèrent.   Elles  me  disoient  qu'elles  me  laisse- 
roient  faire  tout  ce  que  je  voudrois  pourvu  que  je  leur  laisse  la  vie. 
Voyant  que  c'étoit  la  peur  qui  leur  faisoit  dire  cela,  je  les  rassurai... 
Tout  autre  que  moi  aurait  profité  de  l'occasion  :  Je  n'y  pensois  pas,  je 
ne  pensois  qu'à  remplir  ma  mission...  D'après  des  renseignements  que 
nous  avons  eu,  demain  je  vais  partir  avec  le  général  pour  aller  attaquer 


I 


d'histoire  et  de  littérature  205 

3oo  brigands  et  aussitôt  Texpédition  faite,  je  t'en  ferai  le  détail.  Plu- 
sieurs communes  ont  rendu  leurs  armes  :  de  ce  côté,  aucuns  ne  l'ont 
tait  encore,  étant  les  plus  rebelles.  Il  y  a  un  chef  qui  s'est  rendu  avec 
ces  communes  dans  la  3^  division.  Plusieurs  habitants  égarés  qui  étoient 
avec  Charrette  rentrent  dans  leurs  foyers.  Charrette  va  être  bientôt  seul. 
J'espère  que  sous  peu  la  paix,  la  tranquillité,  Tunion,  la  concorde  et  la 
fraternité  seront  établies  dans  cette  contrée.  L'IsIe  Dieu  a  été  évacuée 
par  les  Anglais  :  le  28,  à  9  heures  du  matin,  ils  se  sont  embarqués 
pour  l'Angleterre.  Le  pays  que  j'habite  est  si  agréable  que  nous  ne 
pouvons  pas  sortir  sans  bottes  ou  sabots.  Nous  avons  grand  spectacle. 
Ce  spectacle  est  si  effrayant  qu'il  révolte  la  nature.  C'est  3  ou  400  de 
nos  frères  d'armes  qui  ont  été  hachés  par  les  ordres  du  scélérat 
Charrette  lors  de  l'amnistie.  Ces  braves  défenseurs  de  la  patrie  sont  sur 
la  route  d'un  de  nos  avant-postes.  Le  même  sort  nous  attend  à  tous 
ceux  qui  seroient  pris  par  eux.  Nous  avons  souvent  du  tragique  :  J'y 
ai  presque  joué  un  rôle.  Je  t'invite,  si  tu  peux  rester  chez  toi,  de  le 
faire.  11  vaut  mieux  aller  voir  jouer  à  Bordeaux  la  tragédie  qu'ici.  Reste 
donc  avec  ton  cher  père.  Je  serois  bien  heureux  si  je  pouvois  être  à  ta 
place.  Nous  sommes  dans  un  château  que  nous  avons  retranché  depuis 
que  nous  y  sommes;  nous  avons  6  à  700  hommes  avec  nous.  Ce  sont 
les  nuits  que  je  trouve  bien  longues  :  nous  sommes  livrés  à  nous-même 
et  je  ne  me  divertis  que  lorsque  je  suis  en  marche.  Je  voudrais  y  être 
toujours...  » 

Adresse  :  Jh.  Lehimas,  fils  aîné,  secrétaire  à  l'adjudant  général  Car- 
denau,  attaché  à  la  4^  division  de  l'armée  de  POuest  aux  Sables  d'O- 
lonne. 

III 

A  ia  Batarderiayre  près  Niœil  le  Dolent,  le  'iq  nivôse, 
4"  année  républicaine. 

Mon  amy,  depuis  mon  arrivée  dane  ce  pays  je  ne  fais  que  courir  dans 
le  Bocage.  Il  me  tarde  bien  qu'en  ce  pays  puisse  régner  de  la  tranquil- 
lité pour  que  nous  ayons  le  plaisir  de  nous  reposer  un  peu.  Charrette 
est  aux  abois.  11  fait  comme  les  chevaliers  errants  :  Il  exerce  dans  ce 
moment  le  vrai  brigandage.  Il  n'a  avec  [lui]  que  6  ou  7  cavaliers.  On 
lui  a  tué  il  a  y  trois  jours  3o  ou  40  hommes  cavaliers  et  fantassins.  On 
lui  en  égorge  tous  les  jours  encore.  Hier,  un  poste  de  12  hommes.  Il  se- 
roit  à  désirer  pour  la  République  qu'il  en  fut  [de  même]  du  côté  des 
Chouans.  Ceux-ci  sont  au  nombre  de  40,000  ou  davantage  depuis  Nan- 
tes jusqu'à  Vannes  et  de  celle-ci  jusqu'à  Rennes.  J'espère  encore  qu'il 
nous  faudra  aller  chez  les  Chouans  et  peut-être  que  ceux-ci  ne  me  man- 
queront pas.  Au  reste  je  m'en  f. ..  si  cela  arrive.  Depuis  que  je  suis  dans 
cette  contrée  la  vie  me  devient  souvent  insipide  et  toujours  il  faut  être 
dans  les  bois  et  broussailles  et  dans  le  marais.  Tu  es  bien  heureux  d'ê- 
tre dans  le  sein  de  ta  famille  à  te  reposer.  Je  désire  que  cela  soit  de  très 


longue  durée.  Ce  qui  me  console,  c'est  que  je  combats  pour  le  raffer- 
missement de  la  République.  Aussi  peu  m'importe  quel  accident  qu'il 
puisse  ni'arriver,  comme  je  t\ii  dit  en  Fautre  part  :  je  suis  prêt  à  at- 
tendre le  coup  du  sort.  Ta  demi  brigade  est  bien  faible  :  elle  n'est 
composée  que  de  458  hommes  présens,  officiers  compris.  Juge  par  là 
des  autres  demi-brigades  qui  sont  parties  des  Pyrénées!  Si  lu  voyais 
cette  armée,  tu  ne  reconnoitrois  plus  les  vainqueurs  de  Commissarry, 
d'Irun,  de  la  Bidassoa,  de  Blanc  Signor^  de  Lycumberry,  ete.  L'insu- 
bordination, l'indiscipline,  l'appât  du  pillage,  le  viol  et  la  dévastation 
sont  les  objets  qui  les  occupent.  Aussi  il  arrive  très  souvent  on  en 
égorge  quelqu'un  qui  vont  piller.  Voilà,  mon  ami,  les  hommes  avec 
lesquels  tu  as  fait  la  guerre...  ^  » 

IV 

AliM^E  DES  CÔTES  DE  l' OCEAN.  DIVISION  DU  SUD.    -J."  SUBDIVISION. 

ÉTAT  MAJOR  GÉNÉRAL 

Au  Quar lier  général  à  La  Rochelle  le  19  germinal  Van  4°  de  la  Ré- 
publique une  et  indivisible.  Jh.  Lehimas  fils  aîné  attaché  à  l'Etat- 
majov  de  la  4=  subdivision. 

Au  citoyen  Armand  fils. 
Mon  ami, 

Tu  seras  sans  doute  surpris  de  recevoir  de  mes  nouvelles  de  cette 
ville;  je  suis  ici  momentanément.  Je  suis  enfin  venu  pour  des  affaires 
de  service  pressées.  Le  général  de  division  devant  envoyer  une  personne 
de  sa  confiance,  a  eu  la  bonté  de  m'honorer  de  cette  mission.  Je  suis 
parti  le  14  des  Sables  avec  une  chaloupe.  Nous  n'avons  mis  environ 
que  4  heures  et  demie  pour  la  traversée  quoique  la  mer  fut  agitée.  Il  y 
a  18  ou  19  lieues  de  notre  pays.  Juge  s'il  y  a  plaisir  de  voyager  sur  le 
royaume  de  Neptune.  Nous  avons  été  chassés  par  deux  corsaires  anglais 
pendant  l'espace  d'une  heure  :  ils  nous  ont  tiré  plusieurs  bordées.  Les 
boulets  passaient  par  dessus  notre  pont  sur  lequel  j'étois.  Jamais  je  n'a- 
vois  été  sur  mer  qu'alors.  Ils  nous  ont  fait  à  plusieurs  reprises  le  signal 
d'amener.  Nous  nous  sommes  f. ..  d'eux  et  avons  continué  notre  route. 
Nous  aurions  plutôt  préféré  de  nous  faire  couler  bas  que  de  nous  ren- 
dre. Heureusement  que  nous  sommes  arrivés  à  bon  port!...  Charrette  a 
été  fusillé  le  9  à  Nantes;  il  est  mort  avec  beaucoup  de  fermeté  et  a  mon- 
tré beaucoup  de  caractère.  On  l'a  fait  promener  par  les  rues  traînant 
une  chaîne  avec  un  écriteau  sur  le  dos.  Je  t'envoie  ci-joint  son  juge- 
ment ~.  J"ai  été  le  premier  qui  aye  apporté  à  La  Rochelle  la  nouvelle  de 

1.  Le  correspondant  de  Lehimas  était  «  sous-lieutenanl  des  grenadiers  dans  l'ar- 
mée occidentale.  » 

2.  A  la  présente  lettre  est  annexée  une  page  format  in-S»  imprimée  à  La  Rochelle, 
chez  Vincent  Cappon  et  intitulée  :  Jugement  rendu  le  g  germinal,  quatrième  cnnée 
républicaine,  par  le  Conseil  militaire,  contre  le  nommé  François  Athanase  Ciiar~ 


sa  mort  et  le  jugement.  Celui-ci  me  lut  demandé  par  les  autorités  civi- 
les pour  le  faire  imprimer  et  afficher.  J'en  ai  plusieurs  exemplaires. 
Partout  où  je  passai  j'étois  entouré  et  arrêté  par  diverses  personnes  pour 
savoir  les  circonstances.  Tu  ne  saurois  croire  la  satisfaction  qu'ont  eu 
les  bons  citoyens  de  cette  cité.  Je  t'aurois  envoyé  piurôt  le  jugement  s''il 
n'avoir  été  chez  l'imprimeur.  Actuellement  il  n'y  a  plus  de  chef  ni  de 
brigand;  tout  est  dans  l'ordre;  tous  ces  scélérats  se  sont  soumis  au::  ioix 
de  la  République  et  ont  rendu  les  armes  ..  Quant  à  Stofflet  il  est  mort 
comme  un  lâche;  il  pleuroit  et  avoit  demandé  un  confesseur...  ^  » 

Pour  copie  conforme  aux  autographes  conservés  parmi  les  papiers 
de  famille  de  M.  E.  Armand  : 

Ph.  Tamizey  de  Lauroque. 


D> 


FRANCE.  —  Les  fascicules  8-9  de  la  Gabelle  archéolof;iqiie  viennent  de  paraître. 
Voici  le  sommaire,  particulièrement  rempli,  des  articles  qui  les  composent.  Paul 
Monceaux  :  Fouilles  et  recherches  arche'ologiques  au  sanctuaire  des  jeux  isthmiques 
(suite.  Cf.  18S4.)  —  Saloinon  Reinach.  Enfant  criophore,  statuette  en  bronze  du 
cabinet  des  médailles  (avec  une  planche).  —  Eug.  Lefèvre-Pontalis.  Croix  en  pierre 
des  Al*-'  et  xn"  siècles  dans  le  Nord  de  la  France  (planche).  —  A.  Ramé.  Explication 
du  bas-relief  de  Souillac.  La  légende  de  Théophile  (planche).  —  E.  Babelon.  Sarco- 
phage romain  trouvé  à  Antioche  12  planches).  —  L.  Courajod.  Jacques  Morel  sculp- 
teur bourguignon  du  xv=  siècle  (planche).  —  K.  Thédenat  et  A.  Héron  de  Ville- 
fosse.  Les  trésors  de  vaisselle  d'argent  trouvés  en  Gaule.  (Suite.  Cf.  1884.)  —  Chro- 
nique et  bibliographie. 

—  AL  Charles  Henry,  a  publié  dans  les  deux  derniers  numéros  du  Messager 
Instorique  russe  un  long  article  sur  Casanova  et  Catherine  II  ,40  pp.).  L'auteur  y 
résume  une  relation  inédite  de  l'entrevue  de  Casanova  avec  l'impératrice,  et  montre 

rette,  chef  de  brigands  de  la  Vendée.  Revenons  à  Lehimas  pour  lui  emprunter 
cette  révélation  :  «  Je  vais  te  faire  part  d'une  partie  de  plaisir  que  nous  aurions  fait 
hier  ce  fut  i5  jours,  si  Charrette  n'avait  point  été  pris.  Nous  étions  au  nombre  de 
3o,  le  chef  de  l'Etat-major  à  notre  tête.  Nous  devions  nous  déguiser  en  cos- 
tume [d'j  Anglais  et  fd']  émigrés,  nous  embarquer  aux  Sables  et  aller  débar- 
quer à  deux  lieues  de  Saint-Gilles.  Dans  ce  moment  les  Anglais  étaient  en  présence 
sur  nos  côtes.  Les  paysans  aussitôt  qu'ils  nous  auraient  aperçus,  se  seraient  empres- 
sés de  nous  indiquer  où  était  le  rassemblement  de  Charrette  et  alors  nous  l'aurions 
pris.  Tout  l'Etat-major  était  de  cette  partie  de  plaisir.  Notre  projet  aurait  fort  bien 
réussi.  » 

I.  Parmi  les  autres  papiers  qui  m'ont  été  communiqués  par  M.  E.  Armand,  je 
trouve  une  lettre  de  son  grand-oncie,  M.  Côme  Armand,  ancien  oratorien,  qui,  écri- 
vant de  Béthune,  le  26  juin  de  l'an  2  de  la  République,  trace  ce  portrait  du  général 
comte  de  Custine  (Adam-Philippe),  qui  allait  périr,  un  peu  plus  tard  (28  août  1793) 
sur  réchafaud  révolutionnaire  :  «  Custines  a  passé  ici  il  y  a  S  jours.  Il  est  petit  et 
gros.  Il  a  l'œil  vit,  le  visage  bourgeonné;  le  sommet  de  la  tète  chauve.  Il  porte  des 
moustaches  à  faire  peur.  Il  a  la  réputation  d'habile  général.  L'armée  où  il  nîet  la 
uiscipiine.  l'idolâtre  et  a  beaucoup  de  confiance  en  iiii.  » 


268  REVUE   CRITIQUE    d'hISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

qu'on  a  toute  raison  de  croire  véridique  cette  relation  qui  diffère  en  plus  d'un  point 
de  celle  des  Mémoires.  Signalons,  entre  autres  documents  nouveaux,  la  reproduction 
d'un  remarquable  portrait  de  Casanova  par  son  frère,  le  seul  qu'on  connaisse  de  l'a- 
venturier dans  sa  jeunesse. 

ALLEMAGNE.  —  Volumes  nouveaux  parus  ou  à  paraître,  de  la  librairie  Teubner  : 
1.  H.  ScHMiDT,  Synonynnik  der  griechischen  Sprache;  IL  2"  édition  par  M.  H.  Nis- 
SEN,  de  la  seconde  partie  de  VAbriss  der  Qiiellenkunde  der  griechischen  itnd  rœm- 
ischcn  Gescliichte  à" i\\-x\o\à  Sch^fer  (Rœmische  Geschichte  bis  auf  Jiistinian) ;\\\. 
Polyaeni  Strategicon  libri  octo,  pp.  E.  Woelfflin,  codicibus  denuo  collatis 
iterum  rec,  excepta  e  codice  Tacticorum  Florentine  addidit  J.  Melber. 

BULGARIE.  —  La  Société  littéraire  bulgare  fait  paraître  à  Sofia  un  recueil  de  Dis- 
cours et  conférences  prononcés  à  l'occasion  du  millénaire  de  saint  Méthode. 

POLOGNE.  —  La  librairie  Gubrynowicz  et  Szmidt  de  Lemberg  commence  la  pu- 
blication d'une  nouvelle  édition  des  œuvres  d'Adam  Mickiewicz  ;  c'est  la  première 
édition  critique,  où  les  œuvres  soient  classées  par  genres  et  par  ordre  chronologique. 
Deux  volumes  ont  déjà  paru. 

ACADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  25  septembre    i885. 

M.  Bergaigne  communique  un  examen  critique  d'un  travail  de  M.  le  professeur 
Ludwig,  sur  la  date  de  quelques  hymnes  du  Rigvéda.  Pour  jeter  quelque  lumière  sur 
la  question  si  difficile  de  la  chronologie  du  Rigvéda,  M.  Ludwig  a  cru  pouvoir  s'ai- 
der de  quelques  passages  où  il  lui  a'semblé  qu'étaient  mentionnées  des  éclipses. 
Selon  lui,  dans  quatre  passages  de  ce  recueil  d'hymnes,  il  est  question  de  quatre 
éclipses  de  soleil,  qui  ne  peuvent  être  que  des  éclipses  totales  :  il  a  cherché  à  re- 
trouver ces  éclipses  dans  les  listes  dressées  par  les  astronomes  et  à  en  tirer  des  con- 
clusions_  sur  l'époque  où  les  hymnes  qui  les  mentionnent  ont  dû  être  composés.  A 
cette  théorie,  iM.  Bergaigne  objecte  :  qu'il  n'est  pas  certain  que  les  passages  en  ques- 
tion mentionnent  des  éclipses;  qu'en  l'admettant,  rien  ne  dit  que'ces  éclipses  aient 


telle  ou  telle  éclipse  en  particulier.  II  n'y' a  donc  rien  dans  ces  passages  qui  puisse 
servir  à  éclaircir  la  chronologie  du  Rigvéda. 

M.  Léopold  Delisle  met  sous  les  yeux  des  membres  de  l'Académie  le  fac-similé  en 
héliogravure  d'un  document  qui  vient  d'être  signalé  à  l'attention  du  comité  des  tra- 
vaux historiques  par  l'archiviste  des  Pyrénées-Orientales,  M.  Brutails.  C'est  une  bulle 
originale  du  pape  Serge  IV,  sur  papyrus,  de  l'an  loii,  conservée  à  la  bibliothèque 
de  Perpignan.  On  possède  très  peu  de  bulles  aussi  anciennes,  liuit  ou  neuf  en  France, 
au  plus,  pour  les  temps  compris  depuis  l'origine  de  la  papauté  jusqu'au  xi^  siècle. 
Cela  tient  en  partie  à  ce  que  la  chancellerie  pontificale  a  continué  jusqu  alors  d'em- 
ployer le  papyrus,  matière  très  peu  résistante,  tandis  que  dès  l'époque  mérovin- 
gienne l'usage  du  parchemin  avait  prévalu  dans  les  chancelleries  royales. 

M.  Clermont-Ganneau  communique  deux  inscriptions  recueillies  en  Terre  Sainte. 
L'une  est  en  français  et  date  du  temps  des  croisades  :  Ici  cist  (sic  pour  gist}  Jaque 
le  saboniferj  qui  trei^asa  al  segunt  jor  de  genvier  en  lan  m  ce  Ivj .  L'autre  est  en 
arabe  et  remonte  au  premier  siècle  de  l'hégire.  C'est  l'inscription  d'une  borne  mil- 
liaire,  recueillie  à  El  Kban,  sur  la  route  de  Jérusalem  à  Damas,  entre  Jérusalem  et  Jé- 
richo. On  y  lit  :  «  Cette  route  est  la des  milles ie  serviteur  de  Dieu  Abd 

el  Melik,  émir  des  croyants  (que  la  miséricorde  de  Dieu  soit  sur  lui-  !  De  Damas 
jusqu'à  ce  mille,  il  y  a  loq  milles.»  Les  caractères  de  cette  inscription  ressemblent 
à  ceux  d'une  autre  inscription  du  sultan  Abd  et  Melik,  celle  de  la  coupole  delà 
Sakhra,  a  Jérusalem  :  sur  celle-ci  on  lit  le  nom  du  sultan  Almamoun  81  3-833  de 
notre  ère),  mais  d'autres  indications  chronologiques  avaient  déjà  fait  juger  que  ce 
nom  avaient  dû  être  substitué  après  coup  à  celui  d'Abd  el  Melik. 


environ.  L'écriture  de  ces  petits  textes  marque  une  transition  entre  les 
lettres  hébraïques  carrées  et  l'écriture  plus  cursive  dite  de  Raschi  . 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 

i.e  I  u'.\  ivif-rimerie  Marchessau  /ils,  boulevard  Saint- Laurent,  23. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET   DE    LITTÉRATURE 


No  42  —  19  octobre  —  1885 


Sommaire  :  Gerber,  184.  Le  langage  comme  art  et  Le  langage  et   la  récognition. 

—  185.  Fragments  des  Comiques  attiques,  II,  p.  p.  Kock.  —  186.  Th.  Reinach, 
Histoire  des  Israélites.  —  187.  Guyaz,  Histoire  des  institutions  municipales  de 
Lyon  avant  1780.  —  188.  Caillemer,  Lettres  de  divers  savants  à  l'abbé  Nicaise, — 

—  Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions. 


184.  —   I>îe  Spraclie   a!»  Kunet,  von  Gustav    Gerber.  Zweite    neubearbeitete 
Auflage.  Berlin,   i885,  R.  Gaertner.  2  vol.  in-8,  viii-56i  et  526  pp. 

—  Dio  Spraclie  uncl   tlas   Ki'kennen,  von  Gustav   Gerber.  Berlin,  i885, 
R.  Gaertner,  in-8,  vi-336  pp.  L 

La  science,  nous  dit  M.  Gerber  (III,  p.  i),  peut  envisager  le  langage 
sous  trois  aspects  différents  :  pris  en  lui-même,  le  langage  est  une  œu- 
vre humaine,   une   production  artistique;   il  est,   pour    Tindividu,  la 
forme  que  revêt  nécessairement  toute  représentation  consciente;  il  est 
enfin,  pour  l'espèce,  la  manifestation  extérieure  de  cette  conscience.  A 
ces  trois  points  de  vue,  il  relève  respectivement  de  l'esthétique,  de  la 
philosophie,  de  la  philologie.  C'est  à  une  étude  exclusivement  esthétique 
et  philosophique  que  Fauteur  nous  convie,  et  il  serait  difficile  de  trou- 
ver sur  ce  terrain  un  guide  plus  sûr.  On  peut  cependant  regretter  que 
le  côté  philologique,  quand  il  lui  est  arrivé  de  l'envisager,  n^apparaisse 
pas  assez  dégagé  de  certaines  entités  surannées  qui  l'ont  trop  longtemps 
obscurci  :  n^en  déplaise  à  M.  G.   (I,  p.   198),  nous  possédons  aujour- 
d'hui, pour  Tanalyse  linguistique,  une  autre  méthode  que  celle  du  Cra- 
tyîe,  et,  si  la  philologie  est  dès  à  présent  ou  doit  être  bientôt  en  mesure 
de  fournir  aux  spéculations  des  philosophes  une  base  solide,  c'est  préci- 
sément parce  qu'elle  a  renoncé  au  symbolisme  nuageux  dont  les  enfan- 
tillages de  P.  Nigidius  (I,  p.    i58-)  offrent  peut-être  le  plus  curieux 
spécimen.  Le  grammairien  romain,  qui  ne  pouvait  connaître  le  sanscrir 
âvdm,  vayam,  ni  le  gothique  vit,  veis,  est  bien  excusable  d'avoir  ensei- 
gné que  la  nasale  fnos)  et  la  labiale  (vus)  sont  respectivement  les  indices 
naturels  et  nécessaires  de  la  première  et  de  la  deuxième  personne;  mais 
on  s'étonne  de  voir  son  autorité  invoquée  dans  un  ouvrage  d'aussi  haute 
|i  valeur.  Et  de  même,  sans  nier  le  rôle  qu'a  dû  jouer  l'onomatopée  dans 
la  formation  du   langage   (I,   p.  154),  on  peut  hésiter  à  la  reconnaî- 
tre dans  la  prétendue  racine  va  «  souffler  »  (III,  p.  64);  car  lyest,  bien 


I.  Bien  que  ces  deux  ouvrages  soient  distincts,  on   en   désignera  ici   (brevitatis 
:-iusa)  les  trois  volumes  rar  1er,  chifiVes  f,  I!  et  TH. 
i.  Cf.  Gell.  X.  4. 

Nouvelle  série,  XX.  42 


270  REVUE    CRITIQUE 

plus  que  le  v,  la  consonne  soufflante;  et  à  quoi  se  réduirait  l'onomato- 
pée, si  la  prononciation  primitive  était  d'aventure  wê  {ip  anglais),  ce 
qui  semble  le  plus  probable?  Si  des  mots  dont  on  connaît  l'histoire, 
tonnerre^  thunder,  donner^  n'ont  dMmitatif  que  l'apparence  extérieure, 
que  dire  de  ces  monosyllabes  incertains  dont  les  origines  remontent  à 
un  insondable  passé  '? 

Le  premier  ouvrage  débute  par  une  remarquable  introduction,  qui 
aboutit  à  une  classification  générale  des  arts  (I,  p.  32),  pleine  de  vues 
ingénieuses  et  en  partie  nouvelles.  La  corrélation  [Arts  optiques  :  —  a. 
Architecture.  —  b.  Plastique.  —  c.  Peinture.  =  Arts  acoustiques  :  — 
a.  Musique.  —  b.  Art  du  langage.  —  c.  Poésie]  n'a  jamais  peut-être 
été  développée  avec  plus  de  rigueur,  et  parfois  de  minutie.  M.  G.  accuse 
même  une  tendance,  à  mon  avis  fâcheuse,  à  séparer  la  parole  humaine 
du  langage  rudimentaire  des  animaux  (I,  p.  14,  p.  116),  dont  elle  n'est, 
somme  toute,  qu'un  développement  infiniment  perfectionné.  Mais,  tout 
en  exaltant  la  noblesse  de  cet  art  admirable,  M.  G  ne  s'en  dissimule  pas 
les  lacunes  et  les  fait  vivement  ressortir  (I,  p.  52;  IH,  P-  54).  A  certains 
égards  on  pourrait  dire  sans  exagération  que  le  langage  est  un  mal  né- 
cessaire: rien  ne  saurait  le  rendre  adéquat  à  la  pensée,  si  analytique  qu'il 
devienne,  et  les  erreurs  auxquelles  il  donne  naissance,  les  idola  fori 
(I,  p.  276)  comptent  parmi  les  plus  tenaces,  parce  qu'elles  font  partie  in- 
tégrante de  notre  héritage  intellectuel,  et  qu'aucune  conception  ne  nous 
apparaît  jamais  que  sous  une  forme  parlée  qui  la  déguise  tout  en  l'ex- 
primant-. 

Appuyé  sur  sa  classification  des  arts,  l'auteur  distingue  dans  le  lan- 
gage trois  degrés  esthétiques  :  Sprache  als  Kunst,  art  semi-conscient 
de  l'homme  qui  se  peint  à  lui-même  ses  propres  sensations  en  les  ob- 
jectivant ;  Sprachkunst  îm  Dienste  der  Rede,  art  de  l'individu  qui  se 
sert  du  langage  pour  peindre  ses  impressions  aux  autres  et  les  leur  faire 
partager;  Sprachkunst  enfin,  art  pleinement  conscient  de  l'artiste  qui 
crée  des  œuvres  indépendantes.  Comme  la  sculpture  se  dégage  peu  à 
peu  de  l'architecture  (I,  p.  gS),  ainsi,  par  degrés,  la  parole  évolue  en  se 
séparant  de  la  musique  et  finit  par  acquérir  une  faculté  d'expression  et 
une  valeur  esthétique  qui  lui  appartiennent  en  propre;  mais  l'œuvre 
d'art  la  plus  parfaite  est  déjà  en  germe  dans  le  premier  cri  que  pousse 
l'homme  mis  en  présence  de  la  nature,  dans  la  première  racine  du  lan- 
gage humain,  ainsi  que  le  répète  avec  une  certaine  prédilection  M.  G. 
(I,  p.  107,  p.  118,  pass.),  qui  attache,  comme  on  voit,  une  importance  j 
excessive  à  cette  catégorie  linguistique  aussi  commode  que  décevante  :  ! 
si  le  langage  a  débuté  par  des  racines,  n'oublions  jamais  que  les  trili- 
tères  sémitiques,  les  monosyllabes  indo-européens  ou  autres,  que  nous  I 
décorons  de  ce  nom,  ne  sauraient  nous  représenter  ce  stade  primitif  de 
l'humanité. 


1.  Cf.  M.  Bréal,  Mél.  de  Myth.  et  de  Liiig.,  p.  400. 

2.  Cf.  V.  Egger.  la  Parole  intérieure,  p.  314  sq. 


d'histoire  et  de  littérature  271 

La  pensée  de  l'auteur  n'est  point  neuve.  Ce  qui  la  rajeunit,  c'est  un 
développement  aussi  substantiel  qu'abondant.  A  tous  les  degrés  du  lan- 
gage on  voit  les  mêmes  procédés  se  reproduire,  plus  ou  moins  conscients, 
plus  ou  moins  affinés.  La  démonstration  se  poursuit  à  travers  les  deux 
volumes  de  l'ouvrage  avec  une  richesse  de  détails  qui  parfois  étonne  : 
les  figures  de  rhétorique  qui  nous  sont  familières,  analysées  et  métho- 
diquement classées,  passent  successivement  devant  nos  yeux,  d'abord 
comme  expression  vulgaire  de  la  pensée,  puis  comme  invention  recher- 
chée d'un  art  supérieur.  Dans  les  unes  la  métaphore  se  dissimule,  et  il 
faut  toute  la  science  de  Pétymologiste  pour  la  découvrir  ;  ce  sont  des 
monnaies  tellement  usées  qu'on  n'en  distingue  plus  l'empreinte,  mais 
connues  et  couramment  acceptées  dans  les  échanges.  Les  autres  sont 
comme  des  pièces  neuves  et  frappées  à  petit  nombre,  orgueil  des  musées 
et  des  cabinets  d'amateurs. 

Le  plan  d'ensemble  de  ce  grand  travail  nous  paraît  irréprochable. 
Dans  le  détail,  indépendamment  des  inexactitudes  linguistiques,  sur 
lesquelles  il  nous  faudra  revenir,  nous  signalerons  à  M.  G.  quelques 
points  douteux.  —  En  énumérant  les  tropes  naturels  du  langage,  il  eût 
pu  s'astreindre  à  déterminer  avec  plus  de  précision  le  sens  originaire  et 
le  sens  dérivé  de  chaque  mot  :  ainsi  il  est  bien  certain  que  [jJjç  a  signifié 
«  rat  »  avant  de  passer  au  sens  de  «  muscle  »  ;  mais  il  serait  fort  étrange 
que  ©ipuY^  eût  désigné  l'arrière-gorge  avant  de  s'appliquer  à  une  cavité 
quelconque  (I,  p.  346);  le  contraire  semble  plus  probable.  —  Même 
sous  le  couvert  de  M.  Pott  (I,  p.  368),  il  est  peu  naturel  d'appeler  trans- 
normales (?)  les  langues  américaines,  sous  prétexte  qu'elles  seraient  in- 
corporantes. L'incorporation  ne  caractérise  qu'une  infime  minorité  de 
types  américains,  tels  que  le  dacota,  le  nahuatl,  et  d'ailleurs  se  rencon- 
tre aussi  dans  quelques  idiomes  purement  agglutinants.  Bien  plus,  le 
phénomène  que  nous  nommons  flexion  dans  les  langues  sémitiques  ou 
indo-européennes  remonte  peut-être  à  un  procédé  d'incorporation  très 
ancien  \  —  Le  néologisme,  encore  mal  étudié,  de  telle  ou  telle  tribu 
sauvage  de  l'Afrique  ou  de  '.'Océanie,  où  il  suffit  de  quelques  généra- 
lions  pour  changer  complètement  le  vocabulaire,  ne  devait  pas  être  con- 
fondu (I,  p.  409)  avec  les  créations  analogiques  qui  enrichissent  conti- 
nuellement nos  langues  civilisées  :  là,  c'est  un  mot  qui  en  supplante  un 
autre,  et  la  langue  n'y  gagne  rien;  chez  nous,  un  mot  nouveau  vient 
répondre  à  un  nouveau  besoin  d'expression  et  s'ajoute  au  fonds  ancien, 
la  plupart  du  temps  sans  le  diminuer  ".  —  Il  importe  de  nettement 
distinguer,  en  grec  et  ailleurs,  les  verbes  composés,  ou  plutôt  juxta- 
posés, £7.7:i7:tw,  et  les  verbes  simples  qui  ne  sont  que  des  dérivés 
de  noms  composés,  v.  g.  àçpcvéto  issu  de  à^pwv  (I,  p.  427).  A  pro- 
prement parler,  le  grec  ne  connaît  pas  la  composition  verbale.  —  Si 

1.  C'est  ou  moins  ce  que  j'ai  essayé  d'établir,  Esq.  Morpholog.,  I.  Cf.  F.  de  Saus- 
sure, Mém.  sur  le  système  yirimitif  des  voyelles,  p.  239. 

2.  Cf.  A.  Darmesteter,  Création  de  mois  nouveaux- 


272  REVUE    CRITIQUE 

les  anciens  ont  confondu  sous  Je  nom  d'ellipse  (I,  p.  469)  la  figure  de 
ce  nom  et  la  disparition  sporadique  ou  régulière  d'un  phonème  (ala  =: 
Yata,  oÙM  =  çiXéw),  cette  singulière  classification  ne  devrait  figurer 
dans  un  ouvrage  moderne  que  sous  le  bénéfice  d'une  observation  qui 
en  fît  ressortir  Tinanité.  —  Les  énallages  de  cas  et  de  temps  (I,  p.  5o5  et 
519),  dont  il  eût  été  facile  de  donner  de  plus  nombreux  exemples,  tien- 
nent surtout  à  ce  que,  dans  la  langue  primitive,  les  fonctions  des  cas  et 
des  temps  étaient  bien  moins  précises  qu'elles  ne  le  sont  devenues  dans 
la  suite  :  à  mesure  qu'on  se  rapproche  des  origines,  ces  phénomènes  ap- 
paraissent de  plus  en  plus  fréquents.  —  A  propos  des  dialogues  ou  mor- 
ceaux lyriques  analogues  au  oopi  o'£/.-ïavcÇ  —  copi  o'e6av£ç  d'Eschyle 
(II,  p.  8  et  iSy),  je  rappelle  qu'on  en  trouve  d'admirables  modèles  dans 
notre  vieux  Corneille,  —  On  comprend  difficilement  que  M.  G.  cite 
comme  n'ayant  qu'une  fois  la  rime  suffisante  une  petite  pièce  française 
qui  est  tout  entière  en  rimes  riches  (II,  p.  171).  —  Enfin,  dans  cette 
IP  partie,  qui  est  toute  littéraire  et  n'appelle  par  conséquent  que  très 
peu  d'observations  techniques,  on  voudrait  parfois  que  l'auteur  se  fût 
imposé  un  goût  plus  sévère  dans  le  choix  des  citations  :  ainsi,  to  sait 
iipon  the  bosom  ofthe  air  (II,  p.  84)  est  une  métaphore  bien  risquée,  il 
serait  bon  d'en  faire  la  remarque,  et  les  deux  vers  de  Florian  (II,  p.  254) 
sont  franchement  mauvais.  Il  faudrait  aussi,  dans  une  œuvre  sérieuse, 
éviter  de  prendre  une  simple  boutade  pour  un  document  de  poids  et  de 
parler  gravement  des  innombrables  (!)  exagérations  qui  caractérisent  la 
conversation  française  :  parmi  les  hyperboles  relevées  dans  ce  passage 
(II,  p.  264  i.  n.),  il  en  est  de  fort  ridicules,  que  Je  déclare  pour  ma  part 
n'avoir  jamais  entendues,  et  les  autres  ont  des  équivalents  dans  le  voca- 
bulaire courant  de  toutes  les  langues. 

Dans  son  autre  ouvrage  l'auteur  étudie  le  langage  en  tant  qu'instru- 
ment de  récognition  (Erkennen),  La  récognition,  dit-il  fort  justement 
(III,  p.  39),  n'a  rien  à  démêler  avec  ce  qu'on  nomme  communément 
vérité  objective  ou  vérité  subjective  :  c'est  l'opération  par  laquelle  l'es- 
prit discerne,  parmi  les  notions  précédemment  acquises,  celle  qui  cor- 
respond à  un  ordre  déterminé  de  perceptions.  Cette  opération  n'est 
possible  que  grâce  au  langage,  qui  seul  fixe  en  nous  la  notion  de  genre 
et  d'espèce  (III,  p.  49),  et,  à  proprement  parler,  la  récognition  com- 
mence avec  la  catégorie  grammaticale  du  substantif  (III,  p.  72).  Au 
fond  de  toute  proposition  se  cache  notre  moi  (III,  p.  85),  il  est  vrai,  et 
tout  jugement  est  d'abord  subjectif;  mais,  grâce  au  langage,  qui  lui  sert 
de  repère,  l'esprit  rattache  la  perception  actuelle  à  un  nombre  indéfini 
de  perceptions  antérieures  auxquelles  il  la  reconnaît  identique;  et, 
comme  aucune  perception  nettement  consciente  ne  se  produit  qu'à 
l'occasion  d'une  impulsion  extérieure,  il  a  par  là  même  le  droit  d'affir- 
mer l'identité  des  phénomènes  qu'il  reconnaît  (III,  p.  187).  L'esprit 
pousse  plus  avant  encore  dans  cette  voie  :  comme  il  a  saisi  le  lien  de 
plusieurs  perceptions,  qu'il  généralise  en  un  jugement,  ainsi  il  aperçoit 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATUUK  ^'J  ■) 

le  lien  qui  unit  plusieurs  jugements  et  construit  un  raisonnement.  Bref, 
la  technique  tout  entière  du  syllogisme  n'est  autre  chose  qu'un  dévelop- 
pement du  langage  en  tant  qu'instrument  de  récognition  (11 1,  p.  239). 
C'est  ridée  capitale  du  livre,  qui  le  rattache  intimement  à  l'ouvrage 
précédent  :  dans  l'un,  les  formes  artistiques  les  plus  élevées  du  langage, 
dans  l'autre,  ses  formes  techniques  les  plus  abstruses,  sont  envisagées 
comme  procédant,  par  une  lente  évolution,  de  germes  latents  que  con- 
tient le  parler  le  plus  primitif  de  l'humanité. 

Ce  beau  résultat  n'est  pas  obtenu  sans  quelques  exagérations  de  dé- 
tail, qui  d'ailleurs  tiennent  plus  à  la  forme  qu'au  fond.  Ainsi,  sans 
contester,  dans  ses  grands  traits,  la  théorie  agglutinante,  on  peut  penser 
qu'il  y  a  un  véritable  abus  à  reconstruire  les  agglutinations  hypothéti- 
ques de  la  langue  indo-européenne,  et  à  s'appuyer  sur  ces  hypothèses 
pour  tracer  la  marche  de  l'esprit  humain  dans  la  formation  du  langage 
(III,  p.  67).  Nous  supposons  que  beaucoup  de  formes  conjuguées  (non 
toutes)  sont  dues  à  l'agglutination  d'éléments  pronominaux;  mais,  quels 
sont  au  juste  ces  éléments,  nous  l'ignorons  presque  toujours;  ce  que 
nous  savons  fort  bien,  du  moins,  c'est  qu'aucune  langue  indo-euro- 
péenne ne  nous  offre  trace  d'une  2"^  personne  du  singulier  qui  puisse 
remonter  à  l'agglutination  dd-tva  (donner-toi)  ^  La  genèse  du  pronom 
ego  étant  un  mystère,  il  n'y  a  pas  de  renseignements  à  y  chercher  sur  la 
formation  du  concept  du  moi  humain  (III,  p.  148),  et  en  général  les 
docum.ents  linguistiques  dont  nous  disposons  sont  beaucoup  trop  ré- 
cents pour  autoriser  d'aussi  lointaines  spéculations.  Il  y  a  toutefois 
une  exception  à  faire  en  faveur  des  racines  dites  pronominales  (a,  sa. 
ta.,  jra,  etc.)  :  l'extrême  simplicité  de  ces  monosyllabes,  le  caractère 
exceptionnel  et  nettement  agglutinatif  de  leur  déclinaison  doivent,  ce 
semble,  les  faire  reconnaître  pour  de  précieux  débris  des  plus  anciennes 
couches  du  langage  (III,  p.  290  et  322). 

On  a  déjà  pu  voir  que  chez  M.  G.  le  linguiste  n'est  pas  à  la  hauteur 
du  philosophe.  Ses  informations  étymologiques  et  grammaticales,  pui- 
sées avec  le  zèle  le  plus  louable  dans  divers  ouvrages  de  premier  ordre, 
mais  dont  les  résultats  ont  été  contestés  ou  dépassés,  n'offrent  pas  toutes 
la  même  sûreté;  quelques-unes  même  ont  été  visiblement  transcrites 
sans  exactitude.  Cette  constatation  nécessaire  est  à  peine  une  critique; 
car  il  est  difficile  d'exceller  en  plusieurs  genres  à  la  fois.  Mais  il  importe 
de  mettre  les  lecteurs  en  garde  contre  des  défauts  qui  tendent  de  plus 
en  plus  à  disparaître  des  ouvrages  des  linguistes  et  qu'il  serait  fâcheux 
de  voir  renaître  ailleurs.  Ceux-ci  me  comprendront  à  demi-mot  si  je 
dis  que  M.  G.,  dès  le  début,  fait  venir  Tr/v^  de  ib.-.v:)  (I,  p.  v),  et  qu'il 
m^entionne  sans  la  moindre  protestation  l'étrange  opinion  de  Bopp  sur 
l'identité  de  l'augment  et  de  Ta  privatif  (1,  p.  SSj).  De  là  à  parler  du 
guna  comme  d'un   phénomène  grammatical  certain,  bien  mieux,  à  lui 

I.  Cf.  Brugmann,  -{um  heutigen  Stand  der  Spvadnvissenschaft  (Strasbourg,  i8!S5j, 
p.  119. 


274  REVUIC   CUITIQUK 

attribuer  une  valeur  «  symbolique  »  (I,  p.  217),  il  n^y  a  qu'un  pas,  et 
l'auteur  le  franchit,  bien  qu'il  connaisse  et  reproduise  ailleurs  (I,  p.  371) 
l'enseignement  de  Bopp  et  de  Grimm  sur  la  nature  purement  mécani- 
que des  apophonies.  Parmi  les  étymologies  hasarde'es  je  relève  encore 
summiisz^*  supimus  (I,  p.  307,  bien  plutôt  * siip-viiisj ;  ciconia  rattaché 
à.  canere  (I,  p.  317),  céxa  à  csCy.vuij.t,  et  lat.  ûnus  au  skr.  ûnas  [lll^ 
p.  137).  Parmi  les  erreurs  trop  manifestes  (toutes  dans  le  tome  I")  :  le 
barbarisme  sanscrit  gnami  «  engendrer  »  (p.  222);  la  racine  sanscrite 
darc  (p.  339),  lire  darç;  le  cas  sanscrit  bharatitas  comparé  à  çlpovTaç 
(p.  372,  bharantas  équivaut  à  çépovTsç,  l'accusatif  est  hharatas) ;  le 
français  génuflexion  donné  comme  un  néologisme  d'A.  Dumas  (p.  41 1), 
alors  qu'il  se  lit  déjà  dans  Scarron  ;  :{ur  syncopé  de  :^u  der  et  ctcQa  de 
otcac^Oa  (p.  421-422)  —  on  sait  que  \ur  est  simplement  \ur,  ce  dernier 
mot  représentant  la  forme  enclitique  de  l'article  germanique;  quanta 
*olûac6a,  il  n'a  jamais  existé  ni  pu  exister  ';  —  skr.  bharami  (p.  490), 
lire  bharami.  Dire  que  la  racine  hébraïque  est  originairement  et  essen- 
tiellement dépourvue  de  déterminants  vocaliques  (p.  2o3),  n'est-ce  pas 
supposer  que  les  premiers  Sémites  ont  possédé  un  langage  imprononça- 
ble? Tout  au  contraire,  la  flexion  sémitique  n'est  devenue  ce  que  nous 
la  voyons  qu'à  la  suite  d'une  longue  évolution,  dont  les  moments 
successifs,  et  à  plus  forte  raison,,  le  point  de  départ  nous  échappent.  — 
La  traduction  de  Eiweiss  par  «  jaune  d'œuf  »  est  une  légère  inadver- 
tance (I,  p.  492). 

Quelques-unes  de  ces  défectuosités  pourraient  être  mises  sur  le  compte 
du  compositeur  et  du  correcteur,  d'autant  plus  qu'ils  en  ont  laissé 
échapper  beaucoup  d'autres  moins  graves.  En  effet,  si  le  texte  de  M.  G. 
est  fort  correct,  les  erreurs  d'impression  sont  malheureusement  assez 
nombreuses  là  même  où  elles  offrent  le  plus  d'inconvénients,  c'est-à-dire 
dans  les  citations  d'auteurs  anglais,  français,  latins  et  grecs  que  l'auteur 
a  su  semer  à  pleines  mains.  Je  signale  au  courant  de  la  plume  :  — 
T.  I"  (p.  535)  Lamartine.  Narm.^YnQ  Harm(onies)  ;  {p.  555)  dliéroine 
d'un  grand  parti  elle  en  devint  l'avanturière;  (p.  56i)  Tityre,  dum 
redeo  —  brevis  est  vita  —  pasce  capellas;  —  T,  II  (p.  69)  Loms  de  la 
bonneyo/,  lire  loi;  (p.  i58)  non  satis  est  pulchra  esse  poemata,  dulcis 
sunto;  (p.  164)  è'ctoaaç  w;  l'casiv  'EAX-rivwvocci,  lire  scwcâ  q...  (Eur,  Med. 
476);  (p.  196)  la  nature  se  révoltait  en  eux  contre  le  vole  du  premier 
prince  du  sang,  lire  vote;(^.  2  35)  "E-atcîx  tcv  Ilp-.â'j.jv,  lire  npiâi;.cu; 
(p.  260)  thooth-^c\\Q,  lire  tooth;  (p.  265)  nec  tingiieret  aequore  plantas; 
(p.  266  i.  n.)  CQ.x\\.  milles  chandelles;  (p.  299)  invavisset^etc.  Certaines 
pages  sont  plus  particulièrement  maltraitées  :  ÎI,  p.  457,  il  n'y  a  pas 
moins  de  quatre  fautes  de  ce  genre  en  sept  lignes;  c'est  beaucoup  pour 
Và/.piSv.x  germanique. 

Ai-je  besoin  d'ajouter  que  ces  chicanes  de  détail  n'ôtent  rien  à  la  va- 
leur des  considérations  esthétiques  et  philosophiques  qui  font  le  rare 

l.  Cf.  Q.  Meycr,  Griec'n,  Gravnn,,  g  41.8. 


DHISIOIRK    KX    DE    LITTÉRAÏURK  276 

mérite  et  roriginalité  des  ouvrages  de  M.  Gerber?  Le  devoir  du  critique 
est  de  signaler  les  défaillances  qu'il  a  cru  découvrir;  mais  Tauteur  se 
tromperait,  s'il  voyait  dans  ces  observations,  peut-être  trop  minutieu- 
ses, autre  chose  que  le  sympathique  intérêt  inspiré  par  un  livre  dont  on 
voudrait  pouvoir  effacer  toutes  les  taches. 

V.  Henry. 


i85.  —  Comicoruini  Atticoruu»  Fi-agmcnta  edidit  Theodorus  Kock.   Vol.  IL 
Novae  Comœdia;  Fragmenta.  Pars  I.  Leipzig.  Teubner,  1884,  58o  p.  in-8. 

Après  quatre  ans,  M.  Kock  nous  donne  le  deuxième  volume  de  son 
recueil  des  Fragments  des  Comiques  attiques.  Nous  avons  rendu  compte 
ici  même  du  premier  volume  de  cette  publication,  qui  contenait  les 
fragments  de  la  Vieille  Comédie;  nous  regrettions  alors  que  M .  K.  n'eût 
pas  une  nouvelle  collation  du  fameux  manuscrit  d'Athénée  qui  se 
trouve  à  la  bibliothèque  de  Saint-Marc.  Heureusement  il  a  pu  indiquer 
dans  ce  second  volume  les  leçons  du  manuscrit  de  Venise  avec  la  plus 
scrupuleuse  exactitude,  M.  G.  Kaibel,  qui  prépare  lui-même  une  édi- 
tion d'Athénée,  ayant  mis  à  sa  disposition  la  collation  qu'il  en  a  faite. 
Il  est  vrai  que  cette  minutieuse  exploration  d'un  manuscrit  qui  n'est 
pas  difficile  à  lire  et  qui  avait  déjà  été  examiné  par  Schweighiluser,  sert 
moins  à  améliorer  le  texte  qu'à  rassurer  la  conscience  philologique  de 
l'éditeur. 

Le  présent  volume  renferme  les  fragments  d'Antiphane,  d'Anaxan- 
dridés,  d'Euboulos,  d'Alexis,  de  Philémon,  de  Diphile  et  de  quelques 
autres  poètes  moins  importants.  M.  K.  les  comprend,  avec  Ménandre, 
Apollodore  et  les  autres  qui  se  trouveront  dans  le  troisième  volume, 
sous  le  nom  de  Comédie  Nouvelle.  Il  est  vrai  que  la  distinction  de  la 
Comédie  Moyenne  n'a  pas  été  imaginée  avant  l'époque  de  l'empereur 
HaJrien,  et  qu'il  est  difficile  de  marquer  exactement  les  caractères  qui 
séparent  les  phases  diverses  de  la  Comédie  grecque.  Si  on  fait  abstrac- 
tion de  certaines  différences  matérielles  et  palpables,  telles  que  la  pré- 
sence ou  l'absence  de  la  parabase  et  des  autres  chaïUs  du  chœur,  les  au- 
tres différences,  le  caractère  public  ou  privé,  la  satire  personnelle  et  la 
peinture  générale  des  mœurs,  la  langue  plus  ou  moins  poétique,  l'in- 
trigue plus  fantastique  ou  plus  voisine  de  la  réalité,  ne  se  font  sentir, 
comme  M.  K.  le  fait  observer  avec  raison,  que  peu  à  peu  et  par  transi- 
tions insensibles.  Ces  raisons  suffi.sent-elles  pour  abandonner  le  nom  de 
Comédie  Moyenne,  qui  est  coinmoJe  et  auquel  nous  étioiis  habitués? 
Pourquoi  ne  réserverait-on  pas  le  nom  de  Comédie  Nouvelle  à  l'époque 
où  le  genre  de  la  comédie  domestique  et  bourgeoise  s'était  définiiivemcnt 
constitué,  époque  où  les  Athéniens,  cessant  de  Jouer  un  rôle  dans  les 
affaires  du  monde  et  devenus  de  plus  en  plus  indifférents  à  la  vie  pu- 
blique, ne  songèrent  plqs  qu'à  leur  bien-être  ner^.onnel  et  qu'à  jouir  do 


276  REVUE    CRITIQUE 

la  vie  soit  au  gré  de  leurs  passions,  soit  d'après  les  leçons  d'une  douce 
et  aimable  philosophie?  L'époque  intermédiaire,  indécise  et  flottante, 
nous  paraît  très  convenablement  désignée  par  le  nom  de  Comédie 
Moyenne.  Ce  nom  est  relativement  récent;  qu'importe,  s'il  peut  être 
utile  ou  commode  de  le  conserver? 

Le  présent  volume  se  recommande  par  les  mêmes  qualités  que  le  pré- 
cédent. L'auteur  connaît  à  fond  la  matière;  cela  se  voit  à  l'excellent 
commentaire  dont  il  accompagne  les  textes.  Je  suis  particulièrement 
charmé  de  la  partie  explicative  de  ce  commentaire.  Rien  n'est  plus  fas- 
tidieux que  les  commentaires  verbeux;  M.  K.  est  d'une  concision  exem- 
plaire. Quelques  mots  d'interprétation,  un  rapprochement,  une  citation, 
souvent  un  simple  renvoi,  lui  suffisent  pour  éclairer  un  texte.  Des  frag- 
ments, surtout  des  fragments  de  cette  nature,  ne  se  comprennent  pas 
facilement,  et  je  crois  qu'un  lecteur  intelligent  trouvera  dans  la  courte 
annotation  de  M.  K.  tous  les  secours  qu'il  peut  désirer,  en  tenant 
compte  de  l'état  fragmentaire  et  des  lacunes  de  notre  science. 

Voici  cependant  quelques  exemples  de  suppléments  que  Ton  pourrait 
ajouter  aux  notes  explicatives.  Dans  V Enlèvement,  ' K^r^clL,z^.ir^^^  d'Anti- 
phane,  quelqu'un,  évidemment  l'amant,  dit  (fr.  42)  qu'il  mènera  dans 
la  maison  un  sanglier,  un  lion  et  un  loup.  Il  y  a  là  évidemment  une  al- 
lusion à  la  fable  d'Admète  et  d'Alceste.  —  Antiphane,  fr.  190,  i5  :  AeT 
Il  v6\).{ù  y,y.-a:/Xz\':y.'.  touto,  Tv7.'^%t.o\}.'z-q)  r^y.zv)  \\  twv  i/O'Jwv.  M.  K.  explique  : 
«  Novam  oportet  piscium  vendendorum  rationem  institui,  ut  publiée' 
«  certus  eorum  numerus  viritim  in  singulas  domos  mittatur.  »  C'est 
forcer  le  sens  du  terme  r^x^dr^oixT/r^.  Le  poète  dit  qu'il  faudrait  faire  es- 
corter la  marée  de  la  barque  des  pêcheurs  au  marché,  afin  d'empêcher 
certains  gourmands  de  faire  porter  le  poisson  directement  chez  eux. 
NuvSi  MotTwv  cuvrjp'ïray.sv  ||  toùç  à)aéaç,  xal  (6  ce  Kock)  Atc^eiTtov  vr,  Ai'a  ||  a- 
TcavTaç  œ)a.rÀT.z\f.v)  wç  auTov  çépsiv.  —  Alexis,  fr.  234  :  Les  amoureux  sont 
les  plus  laborieux  des  hommes.  Il  faut  qu'ils  soient  TC'.r,-:r/.o'jç,  iiaixo'jç, 
■:upo06j;.ou;,  eÙTOpou;  1|  èv  loXç,  àTOpoiç.  Il  y  a  lu  une  réminiscence  de  quel- 
ques vers  du  premier  Hippolyte  d'Euripide,  où  Eros  était  appelé  èv  toÎç 
à;;.r(y.avotaiv  sÙTzcpwTaTo;.  —  Alexis,  fr.  276  : 

'HSûç  y' 6  BpoiJ.iou  r}]v  àiéXeiav  Aecêiou 
ITo'.îov  TGV  oTvov  £ÎaâY2'J<^^''  £v6âo£, 
'0;  àv  £tç  Ixépav  Ar^sOY]  0'  à7:o(jX£AAo)v  7:5Xtv 
Kâv  y.ûaOov,  It^T)  èvvpaswv  t-};v  cùslav. 
Bpc[;.(GU  est  une  excellente  correction  de  l'éditeur,  pour  BpciJ.ioç.  Il  ne  s'a- 
git, ce  me  semble,  que  d'une  loi  proposée  en  riant  par  un  convive  dans 
un  joyeux  banquet.  Cette  loi  est  imaginée  à  l'instar  de  la  loi  attique  sur 
les  céréales.  On  sait,  en  ctTct,  qu'il  était  interdit  aux  Athéniens  d'im- 
porter du  blé  dans  un  port  étranger.  Cf.  Démosthène,  Contre  Plior- 
viion,  §  37;  Contre  Lacrite,  §  3o;  Lycurgue,  §  27. 

Le  commentaire  critique  est  aussi  très  complet.  Aux  anciennes  cor- 
rections, le  nouvel  éditeur  en  ajoute  beaucoup  d'autres  soit  évidentes, 


d'histoire  et  de  littérature  277 

soit  plausibles.  Avec  une  réserve  qu'on  ne  peut  que  louer,  mais  qui  pa- 
raît quelquefois  excessive,  il  n'en  admet  qu'un  très  petit  nombre  dans  le 
texte.  Donnons  un  choix  des  meilleures.  Antiphane,  fr.  33,  5.  Dans  la 
description  du  costume  d'un  priilosophe  de  l'Académie,  on  lisait  [isSata 
tpa-éi^a.  M.  K.  écrit  (îata  tî  TcéÇa.  —  Id.,  fr.  74,  i3  :  'O:;icro)  tw  yjXçi  àîro- 
cxpé']^avTa,  p.  xw  '/stpî  Troirjcav-îa.  —  Id.,  tr.  85,  i:  Tî  cûv  Ivécxai  -îoTç cxûcpoi- 
ctv,  p.  ôôoïctv.  —  Id.,  fr.  169,  2  :  'ATréXaScV,  cù  -irapsXacev,  p.  wjîrsp  ïkocSz'K 
Plaisanterie  sur  la  fameuse  querelle  de  mots  au  sujet  de  FHalonnèse.  — 
Id.,  fr.  247  : 

Tb  Y«P  'iTSTcaicsucOat,  [j.ovov  àv  ti?  tout'  exy], 

M"}]  )va[x6avî'.v  xàç  àçîaç  Ttp.ojpiaç, 
'EXestv  §£  ■âavTWç. 

La  conjecture  de  M.  K.  zùrfiiq  èaxt  méritait  de  figurer  dans  le  texte.  Je 
propose  d'écrire  au  premier  vers  :  Toî)  yàp  TceTratoeucrôat  [j.ovov  âv  t-.ç  toui' 
e'XTl-  —  -^^•>  fr-  2  55  :  Tb  '■{Ttpa.q  wiTisp  cp\j.oq  (pour  (3a)[j(.6ç)  àcxt  xûv  xaxûv. 

Alexis,  fr.  25,  2  :  Aûy.siov,  'A-Aao-r; ;;.£'. av,  'Q'.BsTcv,  cr-ciç,  pour  'QiBsi'ou zuXaç. 
—  Id.,  fr.  116,4.  Oi^  distingue  parmi  les  parasites  une  espèce  (y^voç)  plus 
relevée  caxpiKaç  McYac61^cuç(pour  zapaai-ouç)  -/.al  cTpa-twiaç  è7:'.çav£tç  |j  utuo- 
/,piv5[j^£V0v  £v  (p.  £u)  TOiç  piotç.  — ■  /^.,  fr.  125,  7  :  Ttjç  à^iaç  txTroâôJciv,  pour 
àYa7:ôaiv.  —  /il?.,  fr.  162,  4.  Une  pauvre  femme  chante  sa  misère  en 
anapestes  plaintifs  d'une  tournure  tragique.  La  famille  se  compose  de 
cinq  personnes.  Toûtojv  ci  Tp£Tç  oia7:£(,vcu[X£v  (pour  o£t':r^oy[X£v),  ||  Bûo  B'aÙTOÏç 
auY/,oivou[jL£v  II  [^.âi^r^ç  ij.i7,paç.  La  correction  auxciç  est  moins  évidente.  — 
Id.,  fr.  167,  5.  Il  s'agit  d'un  vin  vieux,  coévxaç  où/,  s'/wv,  y;cy;  cazpcç,  ||  zé- 
t:wv  (pour  Xéywv),  Y^pwv  y^  oat[ji.ovio);;.  —  Id.,  fr.  23o,  4  :  HoSaTrbç  ô  Bpc[;.toç, 
Tp'jç;-/;  ;  —  Gâstcç.  —  "Ovato  (pour  c[.(,otov).  —  /rf.,  fr.  279,  4.  Après  une 
énumération  de  mets  aphrodisiaques,  xcjtwv  àv  xiç  £upoi  çàp[;.axa  ||  èpôvxt 
Ypabç  (p.  £Ta{paç)  ëxcpa  '/^prt^'.\).ù)-epa'.,  cependant  on  pourrait  aussi  écrire 
èpwvTt  y'  a'<JXP^Ç-  —  ^^-f  ^^-  -85  :  KoxûAaç  TéxTapaç  ||  œ^crc^â'^o.q  l\}!  aùxiTOu 
(p.  aj-ïou)  arJ.aa.i  \\  'o^ouç.  Les  lexicographes  citent  la  locution  aùtir/;?  olvoç 
(vin  du  pays). 

Philémon,  fr.  76,  5.  Il  s'agit  des  produits  de  la  Sicile  :  ^£6Yr(  (pour 
ax£UY))  [A£v  ouv  ■/.CiyjfixT.i'  (pour  xat  y.TY;[j.ax')  a)6i;,Y3v  cp£p£iv.  —  Id.,  fr.  90,  9  : 
Kai^à  II  Trpbç  toTç  y.ax,oTç  toi?  ouciv  (pour  y.axotç  outoç)  £T£pa  auk''Ki^(v., 

Diphile,  17,  10  :  ''kr.o'Çiay.q  crAoupov  yj  >v£g(av,  èo'  ô  ||  xapt£Ï  Ti06[j.aXXov 
(pour  TzoKh  |;.âXXov)  -/^  [xup(vr,v  'Kpozv('/i7.ç,.  —  Ib.,  v.  1 2  :  'A'I'WÔiw  7:p6o£U(;cv 
(pour  fjcpofr;  o£Ï^ov)  ax-c'  àv  7:apax'.6fjÇ.  —  7^.,  fr.  5  5,  3.  En  voyant  un  sol- 
dat chargé  de  toute  sorte  de  meubles,  quelqu'un  dit  :  "Qcx'  où  «jxpaxtwxr// 
àv  xiç,  àXX'  ày.ap-^  (pour  àAAà  y.ai]  y.'j/,Aov  ||  èy,  x-^ç  aYOpaç  opObv  Paocï^siv  utto- 
Xd6ot.  —  Id.,  fr.  64,  3  :  ïlpoQi\uov  (p.  Tupwxiaxov)  oùy.  àvO-rjpov.  —  Id.,  fr.  71  : 
OEov  àYopàï^£tv  T^œnoL,  [).-qoï  £v  d'h/sv/,  |)  £t  [;,y]  xopavtivouç  (une  espèce  de  gou- 
jons) à^icuç  Xixpatv  ouoTv.  La  leçon  y.fA(vvou<;  est,  en  effet,  absurde,  quoi 
qu'en  aient  dit  de  trop  doctes  interprètes. 


278  REVUE    CRITIQUE 

Soumettons  à  l'éditeur  deux  ou  trois  observations  sur  les  fragments 
de  Philémon.  Dans  le  numéro  3i  un  esclave  prouve  à  son  maître  que 
personne  au  monde  n'est  absolument  libre  :  le  citoyen  obéit  à  la  loi,  le 
sujet  au  roi,  le  roi  aux  dieux,  le  dieu  au  destin;  et  il  continue  :  Ilâvia 

0' av  (;y.37:rjÇ,  oXwç  ||  sTspwv  '::£9U7.îv  t^ttov',  wv  oï  [xei'ilova.  j|  Tcûxoiç  àvocY^rj 
Tauxa  oouXc'Jîtv  àd.  Sans  doute,  wv  oé  peut  se  dire  pour  xwv  M',  mais,  sans 
parler  de  la  suite  du  raisonnement,  le  dernier  vers  reste  ainsi  plus 
qu'obscur.  Je  crois  qu'il  faut  changer  la  ponctuation,  et  lier  m  oï  [/.ei^o^ia 
(non  [j,î(cva,  comme  voulait  Halm),  tcutcç  T/7r{7:r,  -cauta  couAeùstv  àti.  La 
proposition  relative  u)v  oè  [j.s(î^ova  équivaut  à  ci  oé  tivwv  ^.sii^cvi  àaTiv,  et 
TOUTOiç  se  réfère  à  ces  [j.siCova.  «  Or  dès  qu'il  y  a  au-dessus  d'un  être  un 
être  plus  fort,  c'est  à  ce  dernier  que  le  premier  obéira  de  toute  nécessité.  » 
—  Id.,  fr.  104  :  Ti  'Çf,^  'oyçsXo;  û  [j/q  'cttc  to  i^f^v  sioéva-..  La  suite  montre 
qu'il  s'agit  de  l'état  d'ivresse,  et  la  conjecture  de  M.  K.  w  \j:r,  'gt'sti  i^Gm' 
cicÉva',  («  i.  e.  qui,  utpote  ebrius,  se  vivere  non  amplius  intellegit  ») 
donne  un  sens  satisfaisant;  mais  la  tournure  laisse  à  désirer.  J'aimerais 
mieux  q)  [i-q  'axt  tcîjt'  st'  sioévai.  Il  va  sans  dire  que  je  regarde  to  !^f,v 
comme  une  glose  explicative.  —  /û?.,  fr.  1 18  :  0£cv  v6iJ.iî^£  xai  aéêoi»,  J^yjtei 
G£  1^.1^  •  Il  7î>.£tov yàp  cùoèv  àXXo  tou  î^yjteiv  e/s'-ç.  M.  K.  propose  ttovo^  y*?i  °'^^'^'' 
aXXo,  tÇ)  !^y]T£Ïv  £X£iç.  J'avoue  que  l'indicatif  présent  me  choque  ici.  Peut- 
être  :  TuXéov  Y^p  ouSàv  av  aTib  xou  î^y)':£Tv  l'/oiç. 

Espérons  qu'il  sera  donné  à  M.  Kock  de  mener  bientôt  à  bonne  fin 
une  œuvre  si  bien  commencée,  en  nous  donnant  le  troisième  et  dernier 
volume,  qui  ne  sera  pas  le  moins  intéressant,  puisqu'il  doit  contenir  ce 
qui  reste  de  Ménandre. 

Henri  Weil. 


186.  —  Histoire  des    Israélites    depuis    l'époque    de    leur    dispersion    jusqu'à 
nos  jours,  par  Théodore  Reinach.  Paris,  Hachette   (i885),  xviii  et  423  p.  in-12. 

Ce  début  d'un  jeune  écrivain  dans  la  littérature  historique  a  été  ac- 
cueilli de  divers  côtés  avec  une  bienveillance,  à  laquelle  la  critique  s'as* 
socie  volontiers.  Cela  soit  dit  sans  oublier  qu'il  s'agit  ici  d'une  compi- 
lation, comme  l'auteur  l'indique  tout  le  premier,  en  même  temps  qu'il 
avoue  avoir  composé  son  livre  avec  quelque  rapidité.  Quant  au  public 
qui  est  visé  par  M.  Théodore  Reinach,  il  résulte  de  certaines  déclara- 
tions de  la  préface  qu'il  s'agit  avant  tout  des  élèves  des  écoles  Israélites; 
mais  il  est  visible  que  l'auteur  ne  s'est  pas  moins  proposé  d'offrir  en 
général  à  ses  compatriotes  —  c'est  les  Français,  non  les  Juifs  que  je  veux 
dire  —  un  aperçu,  vivement  tracé,  d'une  histoire  dont  ils  sont  parfaite- 
ment ignorants.  A  ce  point  de  vue,  nous  pensons  que  cet  essai  atteindra 
son  but.  S'il  fallait  y  voir,  au  contraire,  avant  tout  un  manuel  d'ins- 
truction, nous  avouons  qu'il  nous  paraît  assez  insuffisant,  non  parce 
qu'il  y  est  parlé  de  trop  peu  de  choses,  mais  parce  qu'il  a  beaucoup  plus 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  Syq 

la  façon  d'un  «  discours  »  qu'il  ne  présente  les  faits  avec  la  précision  et 
la  rigueur,  parfois  la  sécheresse,  du  livre  d'enseignement.  C'est  donc  le 
second  point  de  vue  que  je  retiens  de  préférence. 

M.  R.  se  trouvait  en  présence  d'une  quantité  énorme  de  faits  qui  se 
répartissent  sur  une  série  très  longue  de  siècles  et  sur  un  très  grand 
nombre  d'états.  Voici  le  classement  qu'il  en  propose  :  ï,  époque  talmu- 
dique  et  orientale;  II,  époque  espagnole  et  française;  III,  les  persécu- 
tions; IV,  la  décadence;  V,  les  temps  niodernes  (depuis  lySo).  La  pre- 
mière période  est  celle  «  où  une  race  purement  asiatique,  sédentaire  et 
agricole  se  transforme  en  un  peuple  moitié  européen,  moitié  oriental, 
partout  disséminé  sans  avoir  de  patrie  nulle  part.  »  Dans  la  seconde 
période  a  le  judaïsme  occidental,  désormais  le  plus  important  par  le 
nombre  et  les  lumières,  jouit  d'une  tolérance  relative  en  pays  musul- 
man comme  en  pays  chrétien.  »  Quant  au.K  persécutions,  troisième 
période,  aussi  variées  dans  leurs  formes  que  dans  leurs  causes  acciden- 
telles, elles  se  ramènent  toutes  cependant  à  une  origine  commune,  au 
préjugé  religieux,  nourri  par  l'Église,  favorisé  par  l'ignorance  géné- 
rale. »  La  quatrième  période  est  celle  de  la  stagnation  et  de  la  déca- 
dence. Suivant  l'ingénieuse  expression  de  M.  R.,  elle  «  récolte  les  fruits 
semés  par  la  persécution.  »  C'est  avec  Mendelssohn  (ijSo)  et  la  Révo- 
lution française,  que  «  s'ouvre  une  ère  de  justice,  de  réparation,  de 
relèvement  moral  et  social,  qui  n'a  pas  encore  abouti  partout,  mais  qui 
partout  a  commencé.  «  Nous  n'avons  ni  à  approuver,  ni  à  critiquer  ce 
plan,  qui  laisse  à  l'auteur  une  très  suffisante  liberté  d'exposition  et  de 
groupement  des  faits  particuliers. 

Encore  moins  chicanerons-nous  l'auteur  pour  avoir  «  laissé  dans 
l'ombre  bien  des  noms  et  des  écrits  plus  ou  moins  célèbres,  qui  avaient 
leur  place  marquée  dans  un  ouvrage  d'érudition.  «  M.  R.  définit  très 
justement  sa  tâche  dans  les  termes  suivants  :  «  Obligé...  d'introduire 
l'unité  dans  une  histoire,  qui  se  compose  de  la  juxtaposition  d'une  foule 
d'histoires  locales,  dont  les  liens  ne  sont  pas  toujours  très  visibles,  j'ai 
supprimé  sans  hésitation  tout  ce  qui  pouvait  troubler  l'esprit  du  lecteur 
et  nuire  à  l'impression  d'ensemble  qu'il  s'agissait,  avant  tout,  d'obte- 
nir. »  J'approuve  ce  propos;  je  crains  seulement  que  l'auteur  ne  s'y  soit 
pas  toujours  conformé.  Ainsi  M.  R.  indique  deux  points  capitaux,  l'un, 
«  le  rôle  économique  que  les  Juifs  ont  joué  dans  la  société  du  moyen- 
âge  comme  intermédiaires  commerciaux  entre  l'Occident  et  l'Orient,  » 
l'autre,  cette  circonstance  que  les  rabbins  juifs  a  ont  été  le  trait  d'u- 
nion entre  la  Grèce  et  les  Arabes  d'abord,  ensuite  entre  le  monde 
musulman  et  le  monde  chrétien.  »  Eh  bien  !  ces  deux  points  ont  beau- 
coup moins  de  relief  dans  le  livre  qu'il  ne  conviendrait;  ils  ne  sont  pas 
suffisamment  mis  en  lumière. 

Une  faute  de  composition  bien  singulière  aussi,  c'est  le  début  du  li- 
vre :  «  Au  lendemain  de  la  prise  de  Béthar,  la  Palestine  etc..  »  Qu'est- 
ce  que  Bélhar,  à  quelle  date  sommes-nous  transportés?  Moi,  qui  le 


280  REVUK   CRITIQUE 

sais,  je  pense  à  ceux  qui  l'ignorent  et  que  M.  R.  devrait  se  proposer 
iivant  tout  de  renseigner.  Un  rapide  aperçu  de  l'état  du  judaïsme  à  la 
fin  du  premier  siècle  de  l'ère  chrétienne  était  l'introduction  indispensable 
de  ce  livre:  cette  lacune  est  tellement  sensible  que  nous  ne  doutons  pas 
que  M.  R.  ne  tienne  à  la  faire  disparaître  dans  une  prochaine  édition. 
Je  lui  demande  aussi  de^  nous  parler  un  peu  plus  longuement  du  Tal- 
mud. 

A  côté  de  ces  indications,  qui  visent  quelques-uns  des  plus  grands 
événements  touchés  dans  ce  volume,  j'indique  à  M.  R.  une  série  de  dé- 
tails à  vérifier  ou  à  corriger.  —  P.  64.  A  propos  de  la  prétention  de  fa- 
milles juives  espagnoles  de  remonter  à  David  ou  à  son  époque,  M.  R. 
écrit  :  «  Quoiqu'il  en  soit  de  ces  légendes,  plus  on  moins  mêlées  de  vé- 
rité... y>  Les  mots  que  j'ai  soulignés  sont  à  effacer.  —  P.  65.  M.  R.  es- 
time que  la  différence  entre  le  dogme  chrétien  orthodoxe  et  Tarianisme 
était  suffisante  pour  que  les  rois  Wisigoths,  qui  se  rattachaient  à  la  se- 
conde de  ces  vues,  se  sentissent  disposés  équitablement  envers  les  Israé- 
lites, ladite  croyance  se  rapprochant  davantage  du  monothéisme  pur. 
Cela  fait  penser  à  la  classique,  mais  non  moins  suspecte,  allégation 
d'une  inclination  de  Cyrus  pour  le  judaïsme  en  raison  d'une  certaine 
affinité  de  foi  religieuse.  A  défaut  de  textes  et  de  faits  positifs,  je  me 
méfie  beaucoup  de  telles  suppositions.  —  P.  162"  164.  On  nous 
annonce  un  fragment  de  poésie  Jrancaise  d'un  juif  champenois  au 
xin**  siècle  «  la  plus  ancienne  de  ce  genre  qui  existe  dans  notre  langue.  » 
Suit  un  morceau  absolument  moderne,  que  les  élèves  des  écoles  juives 
ne  vont  pas  manquer  de  prendre  pour  argent  comptant;  tandis  qu'il 
représente  un  esssai  assez  agréable,  mais  bien  peu  archaïque,  de  M.  R. 
—  P.  187,  note.  Du  mot  «  Marranes  »,  par  lequel  on  désigne  les  nou- 
veaux convertis  espagnols,  il  est  donné  par  M.  R.  une  étymologie 
risquée  qui  rapproche  ce  nom  de  l'araméen  Maran-atha;  l'explication 
est  plus  que  suspecte,  mais  ce  qui  est  absolument  erroné,  c'est  de  tra- 
duire ces  mots  par  «  anathème  sur  toi  »,  tandis  qu'ils  signifient  :  «  Notre 
Seigneur  vient!  »  Par-dessus  le  marché  M.  R.a  dit  hébreu  au  lieu  d'ara- 
méen.  La  malencontreuse  note  est  à  biffer  tout  entière.  —  P.  21 3.  A 
propos  de  l'emploi  fait  par  les  protestants  de  FAncien-Testament, 
M.  R.  écrit  :  <r  C'était  une  sorte  de  consolation  pour  la  race  juive  de 
voir  son  passé  ressuscité  inspirer  dans  les  controverses,  guider  sur  le 
champ  de  bataille  et  soutenir  jusque  dans  la  flamme  des  bûchers,  toute 
une  légion  de  héros  qui  n'étaient  pas  nés  dans  son  sein.  »  Est-ce  là  une 
réflexion  de  l'auteur  ou  bien  l'allégation  de  M.  R.  repose-t-elle  sur  des 
faits  précis?  Il  vaudrait  la  peine  de  le  savoir  et  dans  ce  second  cas,  la 
preuve  de  ce  fait  intéressant  serait  indispensable  à  fournir.  —  P.  222, 
note.  On  ne  saurait  dire  tout  court  que  «  Sefarad  soit  le  nom  biblique 
de  l'Espagne.  »  —  P.  232.  Y  a-t-il  jamais  eu  à  Constantinople  qua- 
rante-quatre synagogues  «  ayant  chacune  leur  administration  et  leur 
rite  distincts  »  pour  trente  mille  âmes?  —  P.   3o5.  A  propos  de  l'atti- 


o'histoirk  kt  de  httératukk  281 

tude  de  la  société  juive  berlinoise  du  commencement  du  siècle,  M.  R. 
parle  «  de  Finfluence  dissolvante  d'un  nouveau  mysticime  propagé  par 
les  prédicateurs  à  la  mode  qui  accommodaient  l'Évangile  au  goût  du 
jour.  »  Si  c'est  de  Schleiermacher  et  de  ses  émules  qu'il  s'agit,  il  faudrait 
faire  de  sérieuses  réserves.  —  P.  356.  M.  R.  réédite  à  propos  du  fameux 
cri  Hep  /  Vétymologïe  connue  :  ifierusalem  est  ^^erdita.  Cette  préten- 
due étymologie  n^en  est  pas  une;  il  est  clair  que  c'est  un  essai  d'explica- 
tion fait  après  coup.  D'ailleurs  ces  trois  mots  latins  ne  peuvent  signifier 
que  ceci  :  Jérusalem  a  été  perdue,  ce  qui  n'offre  aucun  sens.  —  P.  358. 
A  propos  du  nom  du  prédicateur  de  cour  Stœcker,  le  grand  chef  de 
V antisémitisme^  M.  R.  ne  s'épargnera  pas,  dans  une  seconde  édition, 
la  satisfaction  de  dire  que  de  récents  procès  ont  mis  en  pleine  lumière 
la  moralité  du  dit  personnage.  —  P.  362.  Orthodoxie  obscurante.  Voilà 
un  néologisme  bien  inutile.  —  P.  374.  M.  R.  parle  des  Samaritains 
de  Naplouse  en  termes  d'un  vague  un  peu  inquiétant.  Ils  conservent, 
dit-il,  «  un  ancien  exemplaire  du  Pentateuque,  dont  la  version  diffère 
du  texte  reçu.  >;  On  peut  parler  des  Samaritains  avec  plus  de  précision. 
—  P.  379-380.  Longue  citation  empruntée  à  la  géographie  d'Elisée 
Reclus  et  qui  contient  des  choses  étranges  :  «  D'après  le  témoignage 
unanime  (?)  des  Juifs  de  Kaï-fong,  ils  appartiennent  à  la  tribu  d'Aser 
(??)...  Les  missionnaires  en  ont  conclu  que  cette  colonie  se  composait 
de  juifs  immigrés  dans  le  pays  après  la  destruction  de  Jérusalem  (lisez  : 
de  Samarie).  Il  se  seraient  donc  maintenus  pendant  1800  années  (à 
partir  de  quelle  date  obtient-on  1800  ans?)  etc..  »  Tout  cela  ne  saurait 
subsister  sous  cette  forme.  —  P.  38i.  M.  R.  a  généralement  une  bonne 
langue,  à  la  fois  franche  et  souple,  qui  se  plie  aisément  au  ton  des  diffé- 
rents sujets;  aussi  suis-je  un  peu  choqué  de  cette  phrase,  écrite  dans  le 
style  du  journalisme  :  «  Chaque  pays,  comme  chaque  siècle,  a  les  Juif  s 
qu'il  mérite.  »  —  P.  384.  Les  lois  cérémonielles  juives  sont  «  étrangères 
à  Tessence  même  de  la  religion  mosaïque.  »  Qu'est-ce  que  Vessence 
d'une  religion,  sinon  la  manière  dont  chacun  la  conçoit  et  l'interprète, 
y  mettant  au  premier  rang  soit  ceci,  soit  cela.  Cela  m'amène  à  indi- 
quer, ce  qui  est  à  peine  nécessaire,  que  l'esprit  de  ce  volume  est  celui 
du  judaïsme  libéral  et  philosophique. 

Au  résumé,  M.  Théodore  Reinach,  s'est  lancé  avec  beaucoup  de  bra- 
voure dans  une  entreprise  fort  épineuse  et  il  s'en  est  tiré  très  honora- 
blement. Un  aperçu,  à  la  fois  suffisamment  exact  et  vivant,  de  l'histoire 
du  judaïsme  dans  la  dispersion  manquait  à  nos  bibliothèques;  cette  la- 
cune est  aujourd'hui  comblée.  Il  est  possible  désormais  au  lecteur  fran- 
çais de  s'orienter,  au  prix  d'un  mince  effort,  sur  un  terrain  dont  la  con- 
naissance est  utile  à  une  saine  appréciation  de  l'évolution  des  sociétés 
modernes. 

M.  Vernes. 


2S2  REVUli    CRITIQUE 

iSy.  —  Blistoiro  (Ics«    instituai ionta  munieipalei*    de  L.yon    avant    l'9@ï>, 

par  Marc  Gvyaz,  xvii-349  pages.  Paris,  Dcntu  ;  et  Lyon,  Georg,  1884. 

En  1878,  l'Académie  des  Sciences,  Belles-Lettres  et  Arts  de  Lyon 
annonça  qu'elle  décernerait  un  prix  de  1,000  francs  à  la  meilleure  étude 
historique  sur  les  institutions  municipales  de  Lyon  depuis  les  temps 
anciens  jusqu'à  1789.  L'idée  était  excellente,  mais  elle  trouva  d'abord 
peu  d'écho  :  trois  années  se  passèrent  sans  qu'aucun  mémoire  fût  pré- 
senté. La  quatrième  année  il  y  eut  un  candidat,  mais  qui  ne  fut  pas 
jugé  digne  d'obtenir  la  récompense  proposée.  Enfin,  en  i883,  sur  le 
rapport  de  M.  Caillemer,  doyen  de  la  faculté  de  droit  de  Lyon,  le  prix 
fut  décerné  à  M.  Marc  Guyaz,  et  c'est  le  mémoire  couronné  que  l'au- 
teur, après  l'avoir  retouché,  présente  aujourd'hui  au  public. 

Disons  tout  d'abord  que,  même  après  la  publication  de  ce  livre,  l'ex- 
cellente étude  que  M.  Giry  a  consacrée  à  l'histoire  municipale  de  Lyon, 
dans  la  République  française  du  3  août  1877,  conserve  toute  sa  va- 
leur :  on  y  trouvera  condensés  en  un  petit  nombre  de  pages  vivement 
écrites  tous  les  faits  essentiels  de  la  vie  municipale  de  Lyon  aux  diffé- 
rentes époques  de  son  histoire.  L'ouvrage  de  M.  Guyaz  est  naturelle- 
ment plus  développé,  et,  s'il  ne  fait  pas  oublier  l'article  de  M.  Giry,  il 
permet  de  le  compléter.  Ce  n'est  pas  qu'en  général  l'auteur  fasse  œuvre 
personnelle  d'érudition.  Quoiqu'il  ait  tiré  par  lui-même  quelque  parti 
des  pièces  d'archives  et  qu'il  cite  fréquemment  l'inventaire  Chappe,  il  a 
surtout  le  mérite  de  réunir  et  de  présenter  sous  une  forme  claire  et  mé- 
thodique les  résultats  obtenus  par  les  travaux  des  érudits  Lyonnais  de- 
puis le  xvii°  siècle  jusqu'à  nos  jours.  Il  connaît  les  études  récentes  de  M.  Vi- 
tal de  Valons  et  les  publications  si  importantes  de  M.  M. -G.  Guigne, 
qui  vient  encore  d'y  ajouter  un  volume  de  686  pages,  grand in-4,  conte- 
nant plus  de  5oo  documents  lyonnais  antérieurs  à  i255  '.  M.  G.  n'a 
pu  profiter  de  ce  volume,  qui  vient  seulement  de  paraître.  Mais  il 
aurait  pu  tirer  parti  du  premier  volume  des  Registres  consulaires  de 
Lyon,  qui  est  sans  doute  postérieur  à  la  rédaction  de  son  mémoire, 
mais  qui  est  antérieur  à  la  publication  de  son  livre.  II  y  aurait  trouvé 
des  détails  importants  sur  le  fonctionnement  du  consulat  lyonnais  au 
XV*  siècle^  et  il  aurait  vu  que  la  nomination  des  maîtres  des  métiers  par 
les  consuls,  qu'il  présente  implicitement  comme  une  innovation  de  la 
fin  du  XV'  siècle,  était  parfaitement  régulière  dès  les  premières  années  de 
ce  siècle.  Elle  remonte  probablement  beaucoup  plus  haut. 

Parmi  les  différents  chapitres  dont  se  compose  cette  Histoire  des  ins- 

1.  Cartulaire  Lyonnais,  tome  I,  Lyon,  association  typographique  Plan,  j885. 
Ne  pas  cont'onare  avec  le  Cartulaire  municipal  d'Etienne  de  Villeneuve,  publié 
aussi  par  M.  Guigue.  La  publication  du  Cartulaire  Lyonnais  a  été  entreprise  sous 
le  patronage  et  aux  frais  de  l'Académie  de  Lyon;  on  ne  saurait  trop  féliciter  ce 
corps  savant  de  sa  décision,  ni  trop  l'encouragera  y  persévérer. 

2.  Voyez  Lyon  au  commencement  du  xi>'  siècle,  dans  V Annuaire  de  la  Faculté 
des  Lettres  de  Lyon,  vol.  II,  fasc.  1,  page  45. 


I 


D  HlSTOlUK    El    DK    LITTERATUIU'.  26> 


titutîons  municipales  de  Lyon,  le  moins  solide  est  assurément  celui  qui 
est  consacré  à  la  période  romaine.  Qu'on  en  juge  par  cette  déclaration 
de  l'auteur  (p.  i6)  :  «  Des  inscriptions,  trouvées  sur  les  tombeaux  et  sur 
les  monuments,  nous  ont  appris  l'existence  de  certaines  magistratures 
et  révélé  les  noms  de  quelques  magistrats;  ces  renseignements  épigra- 
phiques  sont  les  seuls  matériaux  mis  à  la  disposition  de  l'historien. 
Pour  les  éclairer  et  les  comprendre,  pour  les  lier  entre  eux  et  reconsti- 
tuer ainsi  le  système  municipal  qui  régnait,  il  y  a  dix-huit  siècles,  sur 
sur  les  bords  de  nos  deux  rivières,  il  faut  recourir  à  l'analogie,  il  faut 
demander  aux  autres  cités  de  l'Empire  les  détails  de  l'organisation  de 
toutes  les  villes  romaines.  Telle  est  la  méthode  que  nous  emploierons 
dans  ce  chapitre.  ?>  Une  pareille  méthode  était  d'autant  plus  dangereuse 
ici  que  plusieurs  documents  et  le  témoignage  de  Sénèque  tendent  à  nous 
faire  croire  que  la  ville  de  Lugdunum  était  soumise  à  un  régime  excep- 
tionnel :  ((  Civitas  opulenta,  dit  Sénèque,  ornamentumque  provincia- 
rum,  quibus  et  inserta  erat  et  excepta.  »  On  ne  saurait  donc  sans  témé- 
rité appliquer  à  Lyon  les  renseignements  que  l'on  possède  sur  les  autres 
municipalités  romaines,  et  le  lecteur  averti  devra  se  délier  de  toute  cette 
partie  du  livre. 

M.  G.  est  aujourd'hui  conseiller  municipal  de  Lyon  ;  il  est  donc  l'un 
des  successeurs  de  ces  consuls  dont  il  raconte  l'histoire.  Il  faut  dire  à 
sa  louange  que  ses  opinions  politiques,  quelles  qu'elles  soient,  n'ont 
pas  laissé  de  trace  apparente  dans  ses  récits  ni  dans  les  appréciations 
qui  les  accompagnent.  Un  tel  sujet  aurait  pu  être  un  prétexte  à  décla- 
mations faciles.  M.  G.  a  su  éviter  ce  défaut,  il  a  le  sens  de  la  différence 
des  temps  et  le  respect  de  l'histoire.  Il  exprime  parfois  ses  opinions  éco- 
nomiques, mais  il  le  fait  dans  les  termes  les  plus  mesurés.  En  somme, 
et  sous  réserve  de  ces  remarques,  auxquelles  on  pourrait  joindre  un 
certain  nombre  de  critiques  de  détail,  il  faut  reconnaître  que  le  con- 
cours ouvert  par  l'Académie  de  Lyon  a  produit  un  bon  livre  de  vul- 
garisation. 

L.  Clédat. 


l88.  —  a^ettres  de  divers  savants  ù  l'al>!>é  Claude  I^Iîeaise;)  publiées  pour 
l'Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts  de  Lyon,  par  E.  Caillemer,  doyen 
de  la  Faculté  de  droit,  correspondant  de  l'Institut,  membre  de  l'Académie.  Lyon, 
i885,  grand  in-8  de  XXXIX-29S  p. 

M.  Caillemer,  chargé,  en  sa  qualité  de  Président  du  Comité  d'ins- 
pection des  Bibliothèques  municipales  de  Lyon,  d'assister  (novembre 
1880),  avec  les  membres  de  la  famille  de  feu  M.  Mulsant,  à  un  inven- 
taire sommaire  des  livres  et  papiers,  existant  dans  le  cabinet  de  cet 
ancien  conservateur  de  la  grande  Bibliothèque,  dite  du  Lycée,  trouva 
un  carton,  qui  depuis  longtemps  n'avait  pas  été  ouvert,  et  où  dormait 
en  paix  un  volume  in-40  très  simplement  relié,  sur  le  dos  duquel  on 


284  REVUE    CRITIQUE 

avait  écrit  :  Lettres  de  Leibni^  et  divers  savants.  Ces  lettres,  sauf  une 
exception,  étaient  toutes  adressées  à  l'abbé  Claude  Nicaise,  le  célèbre 
chanoine  de  la  Sainte-Chappelle  de  Dijon,  et  elles  avaient  été  réunies, 
au  xvine  siècle,  par  un  autre  Bourguignon,  plus  célèbre  encore,  le  pré- 
sident Bouhier,  lequel  a  dressé,  propria  manu^  la  table  des  pièces  que 
contient  le  volume,  et  Ta  classé,  en  1787,  sous  la  cote  C.  140,  parmi 
les  manuscrits  de  sa  riche  bibliothèque.  Ce  manuscrit  fut  donné  à  la 
bibliothèque  de  Lyon,  en  octobre  18 35,  par  M.  Prunelle,  ancien  maire 
de  cette  ville,  qui  Pavait  recueilli  à  Troyes  en  1804  et  qui,  abusant  de 
la  mission  dont  il  avait  été  investi  et  trahissant  la  confiance  mise  en  lui, 
l'avait  gardé,  quand  il  aurait  dû  le  déposer  à  la  Bibliothèque  nationale, 
La  ville  de  Lyon,  s'inclinant  devant  les  droits  de  TEtat  précédemment 
reconnus  par  elle  ^,  a  rendu  le  manuscrit  au  grand  dépôt  de  la  rue  Ri- 
chelieu, mais  quelques  membres  de  l'Académie  demandèrent  qu'avant 
la  restitution,  les  lettres  des  correspondants  de  Nicaise  fussent  impri- 
mées, et  cette  compagnie,  adoptant  leur  proposition,  eut  la  bonne  idée 
de  confier  à  M.  C.  le  rôle  d'éditeur  de  cette  correspondance. 

Le  savant  critique  déclare  (p.  6)  qu'il  était  peu  préparé  pour  un  rôle 
pareil.  Préparé  ou  non,  il  a  rempli  son  devoir  avec  un  zèle,  un  soin  et 
un  succès  que  je  ne  puis  vanter  autant  que  je  le  voudrais,  car  il  a  dai- 
gné parler  de  moi  en  plusieurs  passages  (et  notamment  p.  274,  note  2) 
d'une  façon  très  bienveillante,  très  cordiale,  qui  m'a  profondément  tou- 
ché, mais  qui  par  cela  même  enchaîne  ma  liberté  d'action.  Heureuse- 
ment qu'un  excellent  juge,  qui  porte  dignement  un  nom  de  tous 
vénéré,  M.  Victor  Egger,  a  dit  ici  même-,  du  volume  de  Caillemer  : 
«  Cette  dernière  publication  peut  être  louée  comme  un  modèle  du  genre, 
pour  la  fidélité  des  transcriptions,  la  richesse  et  la  précision  du  com- 
mentaire. »  Je  n'ajouterai  rien  à  un  tel  hommage;  je  me  contenterai 
d'indiquer  les  principales  choses  contenues  dans  un  recueil  qui  l'em- 
porte en  intérêt  et  en  importance  sur  la  plupart  des  recueils  de  lettres 
d'érudition  que  nous  possédons. 

M.  C,  dans  une  introduction  sur  Vabbé  Nicaise  et  sa  correspon- 
dance^ fait  fort  bien  connaître  le  très  actif  chanoine  et  ses  relations  lit- 
téraires qui  furent  si  nombreuses,  qu'elles  n'échappèrent  pas  à  la  raille- 
rie ^.  Voici  l'appréciation  fort  sage  et  fort  juste  du  biographe  sur  un 

1.  Voir  la  brochure  de  M.  É.  Caillemer  jntitule'e  :  Les  manuscrits  Bouhier,  Ni- 
caise et  Peiresc,  de  la  Bibliothèque  du  Palais  des  Arts;  Lyon,  1880,  in-S"  de 
48  pages. 

2.  No  du  8  juin  i885,  Variétés.  Une  lettre  de  Leibtii^,  p.  457. 

3.  M.  C.  cite  (p.  vi-vii)  une  épitaphe  burlesque  de  Nicaise,  en  34  petits  vers, 
qu'il  est  tenté  d'attribuer  à  Bernard  de  la  Monnoye,  l'ami  du  défunt,  et  qui  est  ex- 
traite des  Nonvelles  de  la  République  des  Lettres  d'avril  1702,  épitaphe  où  le  mau- 
vais plaisant,  couronnant  par  un  trait  piquant  une  énumération  interminable,  assure 
qu'au  décès  de  l'infatigable  écrivain  nul  ne  perd  tant  que  la  poste.  Il  cite  encore  une 
phrase  de  Daniel  Huet  (lettre  à  Cuper)  se  moquant  lui  aussi  de  l'innocente  manie 
qu'avait  Nicaise  de  correspondre  avec  l'univers  entier,  d'cire  Iq  facteur  du  Parnasse. 


DHISTOIRK    KT    DK    LITTÉRATUKR  285 

homme  qui  eut  plus  de  bonnes  intentions  que  de  mérite  réel  (p.  vu)  : 
«  Ce  sont  ces  relations  épistolaires  avec  la  plupart  des  savants  de  l'Eu- 
rope qui  ont  préservé  de  Toubli  le  nom  de  l'abbé  Nicaise.  La  simplicité 
de  sa  vie,  la  pureté  de  ses  mœurs,  son  culte  pour  les  belles-lettres,  quel- 
ques opuscules  laborieusement  composés,  tout  cela  eût  été  insuffisant 
pour  perpétuer  son  souvenir.  Mais,  lié  avec  presque  tous  les  hommes 
éminents  de  la  fin  du  xvn«  siècle,  utile  à  tous  par  la  tâche  qu'il  s'était 
imposée  de  donner  aux  uns  des  nouvelles  des  autres,  toujours  prêt  à 
encourager  et  à  faciliter  les  travaux  des  érudits,  il  arriva  au  but  qu'il 
avait  en  vue  :  se  voir  couché  dans  les  livres  des  savants  avec  éloge  ;  car 
c^est  une  belle  chose  que  d'être  loué  par  ceux  qui  méritent  de  l'être  : 

LAUDARI  A  LAUDATIS.  )) 

Presque  tous  les  détails  fournis  par  M.  C.  sur  la  vie,  les  écrits  et  les 
liaisons  de  Nicaise  sont  extraits  d'une  autobiographie  que  ce  dernier 
avait  adressée  à  Tabbé  Carrel,  et  qui  parut,  en  octobre  1703,  dans  les 
Nouvelles  de  la  République  des  lettres.  On  remarque  dans  cette  auto- 
biographie, comme  dans  bon  nombre  d'épîtres  du  chanoine,  force  traits 
de  naïveté,  de  cette  naïveté  que  l'évéque  d'Avranches  (lettre  à  Cuper, 
du  4  février  1782)  appelle  candor  et  qui  sont  bien  amusants.  Parmi  les 
personnages  qu'il  vit  de  près  soit  en  Italie,  soit  à  Paris,  on  peut  signa- 
ler les  cardinaux  Antoine  et  François  Barberini,  le  cardinal  Bona,  le 
cardinal  Albani  (le  futur  Clément  XI),  Ezéchiel  Spanheim,  Isaac  de  la 
Peyrère,  Jean-Marie  Suarès,  le  docte  évéque  de  Vaison,  Léo  AUatius, 
Luc  Holstenius,  Nicolas  Poussin,  Pierre  de  Cortone,  Salvator  Rosa, 
Bellori,  le  cavalier  Bernin,  Tabbé  de  Rancé,  «  l'excellent  M.  Nicole  », 
auprès  duquel  on  apprenait  «  toujours  beaucoup  de  choses  »,  Baillet 
«  qui  est  un  répertoire  vivant  »,  Huet,  Racine,  Bourdelot,  sœur  Louise 
de  la  Miséricorde  '. 

M.  C.  s'occupe,  dans  les  dernières  pages  de  l'Introduction,  de  quel- 
ques-uns des  correspondants  de  Nicaise,  notamment  de  Jacques  de  la 
Cour,  le  futur  successeur  de  l'abbé  de  Rancé  à  la  Trappe^  dont  il  repro- 
duit «  une  très  belle  lettre,  «  du  22  janvier  1693  (p.  xxv-xxvii).  d'après 
le  manuscrit  9363  du  fonds  français,  de  Jacob  Spon,  le  docte  archéolo- 
gue lyonnais,  de  la  correspondance  duquel  il  donne  divers  extraits 
(p.  xxx-xxxni)  ^ 

1.  Voir  p.  12,  notes,  de  curieux  détails  sur  une  traduction  en  vers  de  la  Glose 
de  Sainte-Thérèse  par  B.  de  la  Monnoye,  dont  le  manuscrit  fut  montré  par  Nicaise 
à  l'ancienne  duchesse  de  la  Vallière,  laquelle  accueillit  fort  bien  le  manuscrit  du 
poète  bourguignon,  qui,  ainsi  encouragé,  crut  devoir  le  lui  dédier.  M.  C.  a  reproduit 
l'épître  dédicaioire  inédite  que  la  modestie  de  la  carmélite  refusa  d'accepter.  La 
Monnoye  tient  une  grande  place  dans  le  volume  de  M.  C.  On  y  voit  une  lettre  de 
ce  spirituel  écrivain  à  Nicaise  (p.  xx),  du  3o  octobre  1769,  tirée  du  F.  Fr.  g35g, 
f"  180,  une  autre  lettre  au  même  (p.  xxiv),  du  28  février  1688  (Ibid  i°  190),  un 
fragment  (p.  i3S)  d'une  lettre  du  8  novembre  1687  (Ibid.  i°  lyS),  un  autre  frag- 
ment d'une  lettre  sur  la  mort  de  Lantin  (nogSGi,  f»  109),  etc. 

2.  Voir  (p.  xxix)  une  lettre  inédite  de  Nicaise  «  A  Monsieur  Spon,  docteur  en 
médecine,  Lion  -.:,  écrite  de  Dijon  le    i"""  janvier   1678,  conservée  à  la  Bibliothèque 


c86 


RfiVUK    CKITIQUK 


Toutes  les  pièces  réunies  dans  le  volume  ne  sont  pas  inédites,  comme 
M.  C.  ne  manque  pas  de  nous  en  avertir  (p.  xxxni).  Les  lettres  de  Gil- 
bert Cuper  ont  été  publiées,  dès  1755,  par  un  de  ses  neveux,  qui  avait 
eu  communication  des  originaux  appartenant  au  président  Bouhier. 
Les  lettres  de  Leibniz  avaient  déjà  paru  plusieurs  fois,  ainsi  que  M.  V. 
Egger  l'a  rappelé  ■.  Mais,  selon  la  remarque  de  M.  C.  (p.  xxxni),  «  une 
publication  nouvelle  a  encore  son  utilité.  »  Beyer  avoue  (lySS)  qu'il  a 
souvent  modifié  le  texte  des  lettres  de  son  oncle  Cuper.  Les  lettres  de 
Leibniz  ont  été  défigurées  par  tous  les  éditeurs,  y  compris  V.  Cousin  % 
que  C.  J.  Gerhardt,  a  scrupuleusement  suivi,  et  c'est  le  cas  de  redire 
avec  M.  V,  Egger  que  M.  C.  apporte  pour  la  première  fois  «  un  texte 
correct  et  complet.  » 

Le  recueil  est  formé  de  ']^  lettres  (71  réunies,  en  1787,  par  le  prési- 
dent Bouhier,  3  écrites  par  un  savant  religieux  de  l'ordre  des  Augus- 
tins,  Henri  Noris,  le  futur  cardinal,  et  dont  les  originaux  étaient  mêlés 
à  des  pièces  de  tout  genre  et  de  toute  origine  dans  le  carton  poudreux 
où  gisaient  les  71  autographes,  enfin  2  d'un  auteur  inconnu,  datées  de 
Rome,  et  trouvées  à  Paris,  n"  9362  du  fonds  français).  Voici  comment 
se  décompose  le  total  que  je  viens  d'indiquer  :  3  lettres  (latines)  du  Père 
Noris,  12  de  Leibniz,  i  du  prieur  Michel,  2  de  Jean  de  Witt,  «  le  fils 
de  l'illustre  et  infortuné  grand-pensionnaire  de  Hollande  »,  i  de 
l'orientaliste  Antoine  Galland,  i  d'un  Saumaise,  fils  de  Claude,  i 
du  Père  Guillaume  Bonjour,  de  l'ordre  des  Augustins,  5  d'Ézéchiel 
Spanheim,  i  (latine)  de  J.  M.  Suarez,  archéologue  qui  fut  cher  à 
Peiresc  ',  4  de  l'abbé  de  Gondi,   premier  ministre  du  grand  duc  de 


de  Lyon  avec  beaucoup  d'autres  lettres  adressées  à  Jacob  Spon  et  à  son  père  Charles 
Spon. 

1.  Article  déjà  cité,  p.  457. 

2.  Le  nouvel  éditeur  nous  révèle  (p.  xxxiv)  une  plaisante  méprise  de  Cousin  qui, 
dans  un  distique  de  Leibniz,  a  confondu  le  mot,  scra^  tardive,  avec  le  nom  propre 
Sara,  ce  qui  n'est  pas  un  lapsus,  car  une  note  du  brillant  écrivain  rappelle  que 
«  Sara  était  à  la  fois  la  sœur  et  l'épouse  d'Abraham.  »  M.  C.  ajoute  avec  une  douce 
malice  :  «  N'en  déplaise  au  grave  philosophe,  Abraham  et  Sara  n'ont  rien  à  faire 
ici.  »  A  la  page  xxxv  (note  i)  s'étalent  sur  deux  colonnes  parallèles,  deux  phrases 
des  lettres  de  Leibniz,  les  unes  tirées  du  texte  de  l'édition  Caillemer  et  les  autres  du 
texte  de  l'éJition  Cousin.  Les  diftérences  entre  les  deux  textes  montrent  combien 
était  défectueuse  la  copie  d'après  laquelle  ont  été  faites  les  éditions  antérieures. 
M.  V.  Egger  a  cru  qu'à  la  page  41  Leibniz  a  dû  écrire,  non  pas  nostre,  mais  vos^re 
iUitstre  ^f.  Iliiet,  et  que,  par  conséquent.  Cousin  et  Gerardt  doivent  avoir  raison 
contre  M.  C.  Mais  ce  dernier  a  transcrit  si  fidèlement  les  lettres  à  Nicaise,il  a  com- 
paré si  attentivement  les  épreuves,  non  pas  aux  copies,  mais  aux  originaux,  réitérant 
jusqu'à  cinq  ou  six  fois  cette  comparaison,  que  je  suis  persuadé  que  sa  leçon  est  la 
bonne:  elle  avait,  du  reste,  été  adoptée  déjà  par  F.  Z  Collombet  qui,  en  réimpri- 
mant les  lettres  de  Leibniz  (i83o),  se  persuadait  qu'elles  n'avaient  encore  jamais  vu 
le  jour.  Le  mot  nostre  d'ailleurs,  sous  la  plume  de  Leibniz,  s'explique  parfaitement, 
Huct  étant  très  apprécié  de  l'illustre  philosophe  qui  le  traitait  en  bon  confrère  et  en 
bon  ami. 

;-..  U  est  souv-nt  question  de  ce  grand  hommç  daps  ic  recueil  çie  M-  C.  Vou' 


d'histoikic  i.r  t)!-:  LirTLKATiJUK  287 

Toscane,  2  (latines)  de  Jacques  Perizonius,  i5  (latines)  de  Jean  Georges 
Grœvius,  i  de  Thomassin  de  Mazaugues,  5  de  Michel  Bégon,  i  de 
Henri  Basnage  de  Beauval,  2  du  Père  Antoine  Pagi,  6  d\ine  personne 
inconnue,  i  de  Pierre  Bayle,  i  (latine)  de  Joachim  Ktihn,  i  d^ Augustin 
Nicolas,  maître  des  requêtes  au  parlement  de  Besançon,  le  premier  qui 
ait  demandé  l'abolition  de  la  torture  comme  mode  de  preuve  criminelle, 
8  de  Gilbert  Cuper,  i  de  Lelio  Colista. 

Signaler  tout  ce  que  ces  diverses  lettres  renferment  de  particularités 
dignes  d'attention,  ce  serait  vouloir  donner  à  mon  article  d'immenses 
proportions.  Qu'il  me  suffise  d'annoncer  aux  curieux  qu'ils  trouveront 
là  (soit  dans  le  texte,  soit  dans  les  notes)  des  centaines  d'indications  sur 
les  hommes  et  les  livres  du  xvii"  siècle,  notamment  sur  William  Lloyd, 
évêquede  Saint-Asaph,  les  ouvrages  du  cardinal  Noris,  les  contes  de  B. 
delà  Monnoye,  Tarchéologue  Orléanais  Nicolas  Thoinard,  le  numismate 
Pierre  Rainssant,  le  paradoxal  Père  Jean  Hardouin,  l'antiquaire  Ra- 
phaël Fabretti,  les  numismates  André  Morell,  Marc  Antoine  Oudinet 
et  Jean  Foy  Vaillant,  le  président  Cousin,  les  jésuites  Fronton  du  Duc, 
Jacques  Sirmond  et  Godefroy  Henschenius,  le  pamphlet  monarchia 
Solipsorum,  les  Origines  de  la  langue  française  de  Gilles  Ménage, 
Bernard,  le  commentateur  de  Josèphe,  Henri  Dodwell,  le  professeur 
d'Oxford,  le  philologue  Marc  Meibom,  Paul  Pellisson,  l'abbé  J.-B. 
Boisot,  le  conseiller  J.-B.  Lantin,  le  paysan  dauphinois  Jacques  Aimar- 
Ternay,  l'homme  à  la  baguette  divinatoire,  Adrien  Baillet,  le  cistercien 
Paul  Pezzon,  la  querelle  entre  dom  Mabillon  et  l'abbé  de  Rancé,  le 
géographe  Baudrand,  le  Pétrone  apocryphe  de  Belgrade,  Casimir  Ou- 
din,  François  du  Jou,  Hugo  Grotius,  Samuel  Bochart,  Philibert  de  la 
Mare,  Christian  Huygens  Van  Zuylichem,  Camerarius,  Antoine  Ar- 
nauld,  Jacques  Bernoulli,  le  théatin  François  Caffaro,  Marquard  Gu- 
dius,  le  très  original  abbé  Pierre  Faydit,  Louis  Géraud  de  Cordemoy, 
Vincent  Placcius,  Paul  Colomiès,  Daniel  Huet,  l'abbé  Simon  Foucher, 
les  orientalistes  Jacques  Golius,  Abraham  Hinckelmann,  Louis  Mar- 
racci  et  Edward  Pocock,  les  théologiens  Celestino  Sfondrati,  William 
Sherlock  et  John  Norris,  William  Temple,  Richard  Bentley,  Jean 
Schilter,  Jean  Leutholf,  Gilbert  Burnet,  Joachim  Bouvet  et  ses  ouvra- 
ges sur  la  Chine,  dont  un,  resté  manuscrit,  a  disparu  de  la  bibliothèque 
de  la  ville  de  Lyon,  le  philosophe  Sylvain  Régis,  le  bibliothécaire  du 
Vatican  Jérôme  Casanatc,  les  critiques  Crescimbeni  et  Fontanini,  le 
philologue  J.-J.  Hoffmann,  Samuel  Chapuzeau,  Marc  Vincent  Coro- 
nelli,  Thomas  Ittig,  Amelot  de  la  Houssaye,  l'académicien  Simon  de 
la  Loubère,  Hubert  Languet,  le  Père  Noël  Alexandre,   le   P.  Daniel. 

PP-  y-'»  77,  91,  177,  17S:  170,  180,  182,  iS5,  i(j6,  306,  230,  266.  Leibniz  dit 
(p.  yS)  :  «  Je  m'étonne  qu'on  ne  parle  ph;,s  des  lettres  de  Peiresk?  »  et  fp.  77)  ; 
«  N'aurons-nous  pas  bientost  les  lettres  qu'on  avoit  écrites  à  M.  Peiresk  ■'  «  Je  ferai 
de  mon  mieux  pour  donner  aux  érudits,  avant  ia  fin  du  xix°  siècle,  les  deux  collec- 
tions que  Leibniz  deman.iait  dans  le;  ■X:\\\  dcrs'iC'res  années  du  xv;;"'. 


288  KKVU.":    CKITlQUh 

le  naturaliste  Martin  Lister,  W.  Wotton,  le  chanoine  Fr.  Dirois, 
l'antiquaire  Bellori,  Thomas  Crenius,  Olatis  Worm,  l'intendant  Nie 
Joseph  Foucault,  Ch.  César  Baudelot  de  Dairval,  une  épitaphe  de  Se- 
grais  composée  par  Galland,  le  P.  Daniel  Papebroch,  J.  Gaspard 
Gevaerts,  Jean  Tristan,  sieur  de  Saint-Amand,  l'académicien  Eusèbe 
Renaudot,  l'orientaliste  B.  d'Herbelot,  les  deux  abbés  Bourdelot  (l'un 
Pierre  Michon,  l'autre  Pierre  Bonnet),  l'abbé  J.-B.  Dubos,  Dom  Jean 
Martianay,  l'abbé  Fr.  de  Camps,  Antoine  Maggliabecchi,  Nie.  Heinsius, 
Antoine  Van  Dalen,  Isaac  Vossius,  Ismaël  Boulliaud,  Nie.  Rigault, 
Henri  de  Valois,  Antoine  Ricciardi,  L.-Th.  Gronovius,  le  docteur 
Pierre  Petit,  le  professeur  d'Orléans  Guillaume  Prousteau,  Daniel 
Georges  Morhof,  le  président  Denis  Talon,  Nie.  Chorier,  Josué  Barnes, 
Thomas  Hyde,  Jean  Hudson,  Nicolas  Bergier  ',  Albert  Rubens,  Lilio 
Gregorio  Geraldi,  Alph.  Chacon,  Charles  Patin,  Fr.  Graverol,  Ant, 
Furetière,  Poratorien  Bernard  Lamy,  etc. 

A  l'Appendice,  M.  Caillemer  a  réuni  (p.  265-273)  sous  ce  titre  :  Les 
correspondants  de  Nicaise,  des  indications,  qui  rendront  de  grands 
services  aux  chercheurs,  relatives  aux  lettres  conservées  à  la  Bibliothè- 
que nationale  et  adressées  à  Nicaise  par  près  de  cent  personnages  presque 
tous  considérables,  parmi  lesquels  on  remarque  :  le  cardinal  Albani 
(pape  sous  le  nom  de  Clément  XI),  Jean  Antsson  d'Hauteroche,  direc- 
teur de  l'imprimerie  royale  du  Louvre,  Robert  Arnauld  d'Andilly, 
Antoine  Arnauld,  deux  religieuses  de  la  famille  Arnauld  (Catherine- 
Agnès  de  Saint-Paul  et  Marie-Angélique  de  Sainte-Thérèse),  Auzoult, 
Adrien  Baillet,  les  cardinaux  Barbarigo  et  Barberini,  P.  Bayle,  Bégon, 
Bellori,  Berruyer,  l'abbé  et  le  premier  président  Bignon,  Boisot,  abbé 
de  Saint-Vincent,  à  Besançon,  le  cardinal  Bona,  le  grand  Bossuet,  le 
président  Bouhier,  Bourdelot,  Fr.  de  Camps,  P.  Fr.  Chifïlet,  Gilbert 
Cuper,  dom  Claude  Estiennot,  Raphaël  Fabretti,  Félibien  des  Avaux, 
Galland,  dom  Michel  Germain,  dom  Armand  François  Gervaise,  abbé 
delà  Trappe,  J.-Fr.  Paul  de  Gondi,  cardinal  de  Retz,  Graevius,  Daniel 
Huet,  la  maréchale  d'Humières,  l'archevêque  d'Auch  La  Baume  de 
Suze,  l'archevêque  d'Aix  Le  Gueux  de  la  Berchère,  le  Père  de  la  Chaise, 


I.  Citons  sur  cet  érudit  une  note  rectificative  (p.  168)  :  «  Nicolas  Bergier,  né  à 
Reims  en  ibbj  (Moréri  dit  ibbj),  mort  à  Grignon  (Seine-et-Oise),  et  non  pas, 
comme  le  disent  plusieurs  biographes,  à  Grignan,  le  i5  septembre  1623  ;  il  était, 
en  effet,  l'hôte  du  président  de  Bellièvre,  seigneur  de  Grignon.  Son  Histoire  des 
grands  chemins  de  l'empire  romain  fut  publiée  en  1622  ».  Puisque  nous  en  sommes 
aux  rectifications,  reproduisons  une  autre  note  dont  il  faudra  tenir  compte  quand 
on  publiera  enfin  cette  nouvelle  édition  de  la  partie  française  de  VArt  de  vérifier  les 
dates  que  réclament  tous  les  travailleurs  (p.  157)  :  «  Louis  XIV  venait  de  déclarer 
la  guerre  aux  I^rovinces-Unies.  L'ordonnance  contenant  cette  déclaration  est  datée 
de  Versailles,  le  26  novembre  1688,  et  c'est  sous  cette  date  qu'elle  est  insérée  dans 
le  Recueil  général  des  anciennes  lois  françaises,  t.  XX,  p.  65.  Il  faut  donc,  sans 
hésitation,  rejeter,  comme  erronées  les  dates  données  par  M.  Ludovic  Lalanne 
Dictionnaire  historique,  V»  France  :  16  novembre  1688)  et  par  M.  Dreyss  (Chrono- 
logie universelle  i3  décembre  1688)  ». 


D^HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE  289 

Ph.  de  La  Mare,  B.  de  la  Monnoye,  le  cardinal  Le  Camus,  Jean  Le 
Clerc,  Le  Roy,  abbé  de  Hautefontaine,  Longepierre,  Dom  Jean  Mabil- 
lon,  G.  Ménage,  Noris,  Oudinet,  les  deux  Pagi,  Charles  Patin,  Peri- 
zonius,  dom  Paul  Pezron,  l'abbé  de  Rancé,  Regnier-Desmarais,  Riche- 
let,  Ézéchiel  Spanheim,  Spon,  les  deux  évêques  de  Vaison,  Joseph 
Marie  et  Louis  Alphonse  Suarez,  Thomassin-Mazaugues,  Jean  de 
Witt. 

Le  précieux  volume  est  complété  par  d'excellentes  tables,  la  Table 
alphabétique  des  noms  de  personnes  citées  dans  les  lettres  à  F  abbé 
Nicaise  et  dans  les  notes  de  Véditeur  (p.  274-289)  \  la  Table  alpha- 
bétique des  noms  de  lieux  ou  de  peuples  cités  dans  les  lettres  à  l'abbé 
Nicaise  {"p.  290-294),  enfin  la  Table  par  ordre  chronologique  des  y  6 
lettres  adressées  à  l'abbé  Nicaise  (du  14  septembre  1666  au  10  jan- 
vier 1700). 

T,    DE    L. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  Une  seconde  édition  de  la  Mythologie  de  la  Grèce  antique,  par  M.  P. 
Decharme,  vient  de  paraître  à  la  librairie  Garnier.  Nous  renvoyons  nos  lecteurs  à 
l'article  qu'un  de  nos  collaborateurs  avait  consacré  à  la  première  édition,  et  nous 
contentons  d'en  rappeler  la  conclusion  :  «  Ce  livre  renouvelle  en  France  l'étude  et 
la  connaissance  de  la  mythologie;  il  est  solide,  au  courant  de  la  science,  et  de  plus, 
très  agréable  à  lire,  grâce  à  une  élégante  simplicité  de  style;  enfin,  il  comble  une 
lacune  et  il  est  d'une  utilité  manifeste.  »  (N"  du  i3  mars  1880).  M.  Decharme  nous 
avertit,  dans  l'avant-propos,  de  quelques  changements  apportés  à  cette  seconde  édi- 
tion :  il  a  supprimé  ou  atténué  plusieurs  interprétations  d'un  caractère  conjectural, 
refondu  entièrement  le  chapitre  relatif  à  Hermès,  fait  subir  des  remaniements 
moins  importants  à  d'autres  chapitres;  ;<  il  est  peu  de  pages  enfin,  surtout  dans 
les  trois  premiers  livres,  où  il  n'ait  été  fait  quelques  corrections  de  détail.  » 

—  M.  Victor  MoRTET,  archiviste-paléographe  et  bibliothécaire  des  facultés,  a  fait 
tirer  à  part  (Paris,  Leroux.  In  8°,  i3  p.)  une  étude  intitulée  Une  élection  épiscopale 
au  xn^  siècle,  Maurice  de  Sully,  évêque  de  Paris,  1 160. 

—  La  quatrième  partie  des  Relations  entre  la  France  et  la  régence  d'Alger  au 
xvii"  siècle,  de  M.  H.  D.  de  Grammont,  vient  de  paraître  sous  le  titre  Les  consuls 
lazaristes  et  le  chevalier  d'Arvieiix,  1646-1 6 go  (Alger,  Jourdan.  In-S",  i3j  p.). 
Elle  est  consacrée  au  consulat  du  Frère  Barreau,  membre  laïque  de  la  Congrégation, 
homme  «  d'une  bonté  incorrigible  »  et  «  d'une  charité  désordonnée  «,  du  Frère  Du- 
bourdieu,  qui  obtint  de  meilleurs  résultats  par  sa  patience  et  sa  fermeté,  du  cheva- 
lier d'Arvieux,  qui  gâta  tout  par  ses  emportements  et  ses  menaces  fanfaronnes, 
du  P.  Le  Vacher,  qui  sut  inspirer  une  grande  vénération  aux  Turcs  par  ses  vertus, 

I.  Dans  les  notes  qui  accompagnent  cette  table,  M.  C.  a  corrigé  quelques  erreurs 
de  son  commentaire,  parfois  d'après  mes  indications.  Je  n'ai  pas  de  nouvelles  ob- 
servations à  lui  soumettre  et  je  doute  que  les  plus  sévères  critiques  trouvent  l'occa- 
sion de  lui  en  adresser  plus  que  moi. 


290  UKVUE   CRlTIQUl!: 

enfin  à  l'expédition  du  duc  de  Bcaufort  contre  Gigelli,  La  Goulelte  et  Cherchell, 
aux  deux  bombardements  d'Alger  par  Duquesne,  qui  n'eurent  d'autres  résultats  que 
«  l'écrasement  d'une  centaine  de  masures,  de  deux  ou  trois  mosquées,  la  mort  d'un 
millier  d'habitants  et  l'incendie  de  trois  vaisseaux  corsaires  »,  et  «  portèrent  la  po- 
pulace aux  plus  violentes  atrocités  »,  au  troisième  bombardement  dirigé  par  le  ma- 
réchal d'Estrces  qui  fut  terrible,  mais  n'entraîna  pas  la  capitulation  de  la  ville. 

—  Blaye  en  1S14.  —  M.  le  docteur  Gélineau,  vient  de  publier  un  curieux  petit 
volume  intitulé  :  Histoire  de  Blaye  pendant  les  dernières  années  de  l'empire.  Siège 
de  18 14,  imprimé  par  Tessier  à  Surgères  (Charente-Inférieure)  et  qui  est  en  vente 
chez  l'auteur,  à  Paris,  rue  d'Aumale,  1 5.  In-S»,  de  g3  pages.  L'auteur  a  composé  son 
récit  d'après  des  renseignements  fournis  par  des  témoins  oculaires  et  d'après  les  do- 
cuments des  archives  municipales  de  Blaye  et  de  quelques  collections  particulières. 
L'opuscule  du  docteur  Gélineau  contient  des  détails  intéressants  au  point  de  vue 
militaire  et  au  point  de  vue  anecdotique.  Parmi  ces  derniers  détails  nous  signalerons 
ceux  qui  regardent  l'instituteur  Loigerot,  qui  faillit  mourir  d'une  ode...  rentrée, 
ode  composée  au  sujet  de  la  future  venue  à  Blaye  de  Napoléon  I",  lequel  n'y  vint 
pas,  instituteur  auquel  le  maire  de  la  ville,  le  comte  Deluc  de  la  Grange,  adressait 
ces  pittoresques  reproches,  le  3i  décembre  1812  :  «  Je  me  suis  présenté,  ce  matin, 
dans  votre  classe  pour  en  faire  l'examen  et  je  ne  vous  ai  point  trouvé,  non  plus  que 
madame  votre  épouse.  J'ai  été  étonné  de  voir  dans  une  chambre  i5  à  20  enfants 
des  deux  sexes  s'amusant  ensemble  et  n'ayant  d'autre  surveillant  que  votre  ser- 
vante ».  (Voir  à  V Appendice,  p.  83,  une  piquante  historiette  dont  le  comte  d'Artois 
est  le  héros,  historiette  que  suivent  diverses  pièces  inédites  tirées  du  dépôt  du  Mi- 
nistère de  la  Guerre.)  'Voici  une  rectification  dont  il  faut  se  souvenir  (p.  87):  «  Il  est 
de  tradition  ù  Blaye  que  cette  place  a  été  fortifiée  par  Vauban.  C'est  une  erreur. 
Les  fortifications  actuelles  ont  été  commencées  sous  la  direction  de  M.  Le  Jay,  in- 
génieur du  roi.  Nous  en  donnerons  la  preuve  indiscutable  dans  notre  ouvrage  en 
préparation  :  Le  duc  de  Saint-Simon  et  Blaye  pendant  la  Fronde.  »  L'ouvrage  ainsi 
annoncé  n'est  pas  le  seul  que  nous  ayons  à  attendre  du  docteur  Gélineau  :  il  travaille 
depuis  quelque  temps  à  V Histoire  du  siège  de  Blaye  en  1 5g2-i 5g3,  qui  fera  suite 
à  sa  notice  sur  le  siège  de  Blaye  en  i58o.  —  T.  de  L. 

ALLE.MAGNE.  —  M.  Philippe  Strauch,  professeur  de  littérature  allemande  à 
l'Université  de  Tubingue,  vient  de  publier  dans  le  iv'  fascicule  de  la  Zeitschrift  fur 
deutsches  Altcrtnm  une  bibliographie  de  toutes  les  publications  scientifiques  parues 
en  1884  sur  le  domaine  de  la  littérature  allemande  moderne.  (Période  comprise  en- 
tre les  années  1624  et  i832,  d'Opitz  à  la  mort  de  Goethe).  M.  Strauch  s'est  efforcé 
d'être  aussi  complet  que  possible,  et  on  doit  lui  savoir  gré  de  s'être  chargé  d'une  si 
laborieuse  entreprise  ;  aussi  reproduisons-nous  volontiers  la  prière  qu'il  adresse  à 
tous  les  amis  de  la  littérature  allemande;  «  j'ai  trouvé,  dit-il,  chez  plusieurs  confrè- 
res que  je  connaissais,  un  bienveillant  appui,  et  j'espère  qu'à  l'avenir  ce  concours 
sera  encore  plus  actif,  surtout  de  la  part  des  auteurs  d'articles  publiés  dans  des  re- 
cueils difficilement  accessibles  ;  je  les  prie  donc  de  vouloir  bien  m'envoyer,  dans 
l'intérêt  de  la  chose,  des  tirages  à  part  ».  Nous  souhaitons  que  cet  appel  du  vail- 
lant bibliographe  soit  entendu;  la  Revue  critique,  que  M.  Strauch  a  citée  plusieurs 
fois  dans  le  catalogue  qu'il  vient  de  rédiger,  s'engage  à  collaborer  —  modestement  — 
à  cette  œuvre  si  importante  et  si  utile. 

BELGIQUE.  —  M.  Paul  Frédéricq,  qui  assistait  au  centenaire  de  l'Université 
d'Edimbourg  (avril  1884  ,  a  saisi  l'occasion  qui  lui  offrait  ce  voyage  en  Ecosse  pour 
étudier  l'enseignement  supérieur  de  l'histoire  dans  la  Grande-Bretagne.  Ses  obser- 
vations ont  paru  sous  le  titre  De  l'enseignement  supérieur  de  l'histoire  en  Ecosse  et 


d'histoire    et    de    LITTERATURE  29  I 

en  Angleterre,  notes  et  impressions  de  voyage,  dans  les  livraisons  du  i5  juin  et  du 
i5  août  i885  de  la  «  Revue  internationale  de  l'enseignement  «,  et  viennent  d'être 
tirées  à  part  (Paris,  Chamerot,  i885.  În-S",  48  p.).  L'auteur  conclut  que  l'ensei- 
gnement supérieur  de  l'histoire  est  presque  nul  ou  tout  à  fait  sacrifié  dans  les  Uni- 
versités écossaises,  et  qu'il  est  un  peu  mieux  partagé  à  Londres  (quoique  encore  dans 
une  sorte  de  période  rudimentaire);  quant  ù  Cambridge  et  à  Oxford,  les  étudiants, 
selon  M.  Frédéricq,  lisent  beaucoup  et  font  d'étonnants  efforts  de  mémoire  pour 
répondre  aux  examens;  mais  on  ne  les  familiarise  pas  suffisamment  avec  les  docu- 
ments originaux;  ils  n'ont  pas  de  cours  qui  les  préparent  aux  recherches  vraiment 
scientifiques,  tels  que  la  paléographie,  la  diplomatique,  la  chronologie. 

ITALIE.  —  M.  le  professeur  Alexandre  d'ANcoNA,  publie  dans  les  fascicules  xiv 
et  XV  de  la  Nuova  Antologia  sous  le  titre  de  Torino  e  Parigi  nel  1648  de  très  inté- 
ressants articles,  dans  lesquels  il  résume  la  relation  du  voyage  d'un  ambassadeur 
toscan.  Cet  ambassadeur,  l'abbé  Giovanni  Rucellai,  fut  envoyé  à  Louis  XIII  à  la  suite 
du  protonotaire  apostolique  Lorenzo  Corsi  pour  lui  porter  les  condoléances  du 
grand  duc  au  sujet  de  la  mort  de  Marie  deMédicis.  La  relation  vient  d'être  publiée 
à  très  petit  nombre  et  sans  être  mise  dans  le  commerce  par  MM.  G.  Temple-Lea- 
der et  G.  Marcotte  :  elle  complète  utilement  le  jourual  d'un  voyage  à  Paris  en  ibôy- 
i658  par  deux  gentilhommes  hollandais  publié  par  M.   P.  Faugère  en  1862. 

RUSSIE.  —  M.  Antonovitch,  professeur  à  l'Université  de  Kiev,  vient  de  faire  pa- 
raître dans  cette  ville  le  premier  volume  de  ses  Monographies  sur  l'histoire  de  la 
Russie  occidentale.  Ces  travaux,  jusqu'ici  dispersés  dans  différents  recueils,  sont  fort 
intéressants  pour  l'histoire  de  cette  région,  histoire  défigurée  le  plus  souvent  dans 
les  récits  russes  ou  polonais. 

ACADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  2  octobre  188^. 

L'Académie  décide  qu'il  y  a  lieu  de  pourvoir  à  la  place  de  membre  ordinaire 
laissée  vacante  par  la  mort  de  M.  Egger.  L'examen  des  litres  des  candidats  est  fixé 
au  troisième  vendredi  du  mois  de  janvier  i88(j.  C'est  la  date  à  laquelle  a  déjà  été 
fixé  l'examen  des  titres  des  candidats  pour  la  place  laissée  vacante  par  la  mort  de 
M.  Léon  Renier. 

M.  Alexandre  Bertrand  commence  la  lecture  d'un  travail  sur  les  âges  de  la  pierre, 
du  bronze  et  du  fer.  C'est  un  article  destiné  à  prendre  place  dans  une  grande  En- 
cyclopédie actuellement  en  préparation. 

La  distinction  de  trois  époques  dites  âge  de  la  pierre,  âge  du  broni^e,  âge  du  fer, 
est  due  à  Thomsen,  conservateur  du  musée  des  antiquités  du  Nord,  à  Copenhague, 
qui  l'appliqua,  entre  i83o  et  i835,  au  classement  des  objets  confiés  à  sa  garde.  Ce 
principe  de  classement  était  justifié  dans  les  limites  où  il  l'appliqua,  car  il  répon- 
dait bien  à  la  réalité  :  dans  le  Danemark  et  la  péninsule  Scandinave,  en  effet,  l'exa- 
men des  objets  antiques  trouvés  dans  le  sol  permet  de  distinguer  trois  époques  de 
civilisation  différentes  antérieures  à  l'introduction  du  christianisme.  Dans  la  pre- 
mière période,  les  métaux  étaient  inconnus,  les  outils  employés  étaient  faits  de 
pierre,  les  morts  étaient  inhumés  sous  des  monuinents  mégalithiques;  dans  la  se- 
conde et  la  troisième,  les  métaux  étaient  en  usage  et  les  morts  étaient  incinérés  ; 
mais,  dans  la  seconde  période,  les  seuls  métaux  connus  étaient  l'or  et  le  bronze, 
tandis  que  dans  la  troisième  on  rencontre  le  fer  et  l'argent. 

Cette  distinction,  qui  convenait  parfaitement  à  la  Scandinavie,  parut  commode  aux 
savants  des  autres  pays,  et  ils  s'empressèrent  de  l'adopter  pour  le  classement  de 
leurs  antiquités  nationales,  sans  examiner  si  elle  s'y  prêtait  aussi  bien.  M.  Bertrand 
proteste  contre  ce  procédé,  plus  expéditif  que  scientifique,  auxquels  un  grand  nom- 
bre de  savants  restent  encore  attaches  aujourd'hui.  Les  trois  âges  de'  l'antiquité 
Scandinave  ne  se  sont  pas  succédé  avec  cette  régularité  dans  tous  les  pays.  On  peutdi 
priori  distinguer  partout  un  âge  antérieur  et  un  âge  postérieur  à  l'emploi  des  mé- 
taux, et  encore  ceci  comporte-t-il  des  exceptions,  si  par  exemple  dans  une  contrée 
l'homme  s'est  établi  tard  et  que  les  premiers  colons  aient  apporté  les  métaux  avec 
eux  ;  c'est  ainsi  qu'en  Allemagne  et  en  Grèce  il  n'y  a  presque  pas  de  trace  d'un  âge 


292  REVUE    CRITIQUE    D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE 

de  la  pierre.  Mais  il  n'y  a  aucune  raison  pour  que,  parmi  les  métaux,  le  bronze  ait 
été  partout  employé  plus  tôt  que  le  fer.  Le  bronze  est  un  alliage  de  cuivre  et  d'é- 
tain,  et  l'étain  est  un  métal  rare,  que  les  populations  primitives  de  bien  des  con- 
trées n'ont  pas  dû  avoir  tout  d'abord  à  leur  disposition, 

C'est  sur  les  côtes  de  l'ouest  et  du  nord  de  l'Europe,  depuis  le  Portugal  jusqu'à  la 
Scandinavie,  qu'on  trouve  le  plus  de  trace  des  civilisations  de  l'âge  de  la  pierre, 
ou  plutôt  des  âges  de  la  pierre,  car  il  y  en  a  eu  plusieurs.  M.  Bertrand  distingue 
l'âge  archéologique,  celui  de  l'homme  diluvien  ou  quaternaire,  contemporain  des 
espèces  animales  aujourd'hui  éteintes;  l'âge  des  cavernes,  qui  nous  a  laissé  de  cu- 
rieuses œuvres  d'art  sous  la  forme  d'os  de  renne  gravés  ou  sculptés;  et  l'âge  néoli- 
thique ou  âge  de  la  pierre  polie,  qui  a  construit  dans  le  voisinage  des  côtes  les  mo- 
numents mégalithiques  et  dans  l'Europe  centrale  les  cités  lacustres.  Dans  notre 
pays  et  dans  le  reste  de  l'ancienne  Gaule,  on  rencontre  à  la  fois  des  traces  de  ces 
trois  degrés  de  la  civilisation,  tandis  qu'ailleurs,  en  Scandinavie  par  exemple,  l'é- 
poque néolithique  est  seule  représentée  et  compose  à  elle  seule  1'  «  âge  de  la 
pierre  »  de  Thomsen. 

M.  Bertrand  commence  ensuite  l'exposé  de  ce  qui  concerne  1'  «  âge  du  bronze». 
Cet  âge,  dit-il,  n'a  existé  à  proprement  parler  qu'en  Scandinavie  et  en  Irlande; 
c'est  une  erreur  d'en  avoir  introduit  le  nom  dans  l'étude  des  antiquités  des  autres 
pays. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Barbier  de  Meynard  :  H.  de  Gramjiont,  Relations 
entre  la  France  et  la  régence  d'Alger  au  xvu*=  siècle,  4*^  partie  ;  —  par  M.  Sche- 
fer,  au  nom  de  M.  Riant  :  F.  Savio,  Studi  storici  siil  marchese  Guglielmo  III  di 
Monferrato  ed  i  suoi  figli.  Julien  Havet. 

Séance  du  g  octobre  1885. 

M.  Alexandre  Bertrand  termine  sa  communication  sur  les  âges  de  la  pierre,  du 
bronze  et  du  fer. Selon  lui,  l'àgedu  bronze  n'a  pas  existé  en  Gaule  :  il  est  vrai  que  le 
bronze  a  été  le  premier  métal  introduit  dans  notre  pays,  mais  les  plus  anciens  ob- 
jets de  bronze  qui  y  aient  été  recueillis  ont  été  trouvés  mêlés  à  des  armes  de  pierre, 
sous  des  monuments  mégalithiques;  l'âge  du  bronze  ne  se  distingue  donc  pas  de 
l'âge  de  la  pierre.  Quant  au  fer,  il  paraît  dans  les  divers  pays  à  des  époques  très 
différentes.  En  Afrique,  dans  l'Egypte  notamment,  il  paraît  aussitôt  après  la  pierre, 
plusieurs  milliers  d'années  avant  notre  ère.  En  Danemark  et  en  Irlande  au  contraire, 
le  fer  n'a  commencé  à  être  employé  que  vers  les  premiers  temps  de  l'ère  chrétienne. 
Chez  nous,  le  fer  se  rencontre  à  partir  du  vu'  siècle  avant  notre  ère;  en  quelques 
endroits,  par  exemple  dans  le  département  de  la  Lozère,  on  trouve  le  fer  aussi  bien 
que  le  bronze  dans  les  monuments  mégalithiqnes.  En  Italie  et  sur  les  bords  du  Da- 
nube, l'usage  du  fer  est  de  quelques  siècles  plus  ancien  qu'en  Gaule.  En  général,  il 
est  impossible  de  déterminer  une  période  précise,  qui  doive  être  appelée  à  propre- 
ment parler  1'  «  âge  du  fer  ». 

M.  d'Arbois  de  Jubainville  fait  une  communication  sur  les  données  que  fournit  la 
linguistique  pour  l'histoire  ancienne  des  peuples  celtiques. 

Il  >  a,  dit-il,  une  parenté  intime  entre  le  celtique  et  le  latin.  Elle  doit  probable- 
ment s'expliquer  par  l'unité  primitive  des  Celtes  et  des  Italiotes,  qui  auront  origi- 
nairement formé  une  seule  tribu.  Les  caractères  de  cette  unité  sont  le  passif  et  le 
déponent  en  r,  le  futur  en  b,  les  noms  verbaux  en  tio,  le  génitif  en  i  des  noms  de 
la  seconde  déclinaison,  etc. 

D'autre  part,  gramm.atiealement  parlant,  ajoute  M.  d'Arbois  de  Jubainville,  il  y  a 
entre  les  Celtes  et  les  Germains  un  véritable  abîme.  Cependant  le  vocabulaire  de 
ces  deux  races  offre  un  certain  nombre  de  mots  qui  sont  identiques.  La  plupart  se 
réfèrent  à  l'organisation  sociale;  des  mots  qui  veulent  dire  roi,  fonctionnaire,  héri- 
tage, serment,  ordre,  otage,  dette,  esclave,  médecin,  sont  les  mêmes  dans  les  idiomes 
des  Celtes  et  des  Germains  et  ne  se  retrouvent  pas  dans  d'autres  langues.  On  peut 
faire  la  même  observation  pour  un  certain  nombre  de  termes  militaires,  tels  que 
ceux  qui  signifient  bataille,  char  de  guerre,  cheval  de  guerre,  arme  de  jet,  forte- 
resse, etc. 

Ces  mots  communs  nous  font  remonter  à  une  époque  où  les  Gaulois  étendaient 
leur  domination  sur  une  partie  de  la  Germanie,  jusqu'au  bassin  de  l'Oder  et  même 
jusqu'au  bassin  de  la  Vistule,  comme  le  prouvent  des  noms  de  ville  conservés  par 
Ptolémée,  Cette  grande  puissance  de  la  race  celtique  remonte  au  iv°  et  au  iu«  siècle 
avant  notre  ère. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Jourdain  :  Le  marquis  de  Nadailhac,  De  l'affai- 
blissement de  la  natalité  en  France;  —  par  M.  Delisle  :  i»  Catalogue  général  des 
manuscrits  des  bibliothèques  des  départements,  tomo  VI  (contenant  le  catalogue  des 
mss.  de  Toulouse  et  de  Nîmes,  par  Aug.  Molinier);  2»  Catalogue  général  des  ma- 
nuscrits des  bibliothèques  de  France  ':  Paris,  Arsenal  (par  Aug.  Molinier);  —  par 
Schlumberger  :  Dieulafoy,  Fouilles  de  Susc,  campagne  1884-1S85  (extrait  de  la 
Revue  archéologique).  Julien  Havet. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  EKNEST  LEROUX. 

[.i"   Pu\-.   itrnntnpri"  dr   Marche'iscw  ^lU.  boulevard  Snivt-J.avrenî.  3.*. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N»  43  —  26  octobre  —  1885 

Sotîimoîre  s  i8g.  La  foi  chrétienne  et  la  propagation  du  christianisme  à  l'origine. 
—  190.  Benamozegh,  Isracl  et  humanité. —  igi.  Schwickert,  De  la  paix  entre 
la  philosophie  et  la  religion  positive.  —  192.  Comparetti,  BiicHELER  et  Zitelmann, 
Da RESTE,  Lewy,  J.  et  Th.  BaUxNack,  La  loi  de  Gortyne.  —  193.  Batz  de  Trin- 
QUELLÉoN,  Henri  IV  en  fiascogne;  Dussieux,  Lettres  intimes  de  Henri  IV.  — 
194.  H.  de  Catt,  Mémoires  et  journaux,  p.  p.  Koser.  —  Variétés  :  Une  trouvaille 
de  l'Intermédiaire,  le  rôle  de  Laclos  en  1792.  —  Thèses  de  M.  Thirion  :  Des 
cités  fondées  par  les  Grecs  en  Chersonèse  et  Etude  sur  le  protestantisme  à  Metz 
et  dans  le  pays  messin.  —  Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions. 


189.  —  t,"  foi  chréliemne    et  la  propagation  du  clifistianiSsme  à  l'orî- 
ë>i>o;  sans  nom  d'auteur,  Paris.  Fischbacher,  vu  et  i33  p.  in- 18,  i885. 

Réunion  de  trois  articles  ou  dissertations  intitulées  :  Attente  de  la 
Parousie,  —  De  la  foi  et  de  l organisation  de  l'Eglise  primitive  à 
propos  de  la  Aioa'/r,,  —  La  divinité  de  Jésus  et  la  démonologie  chré- 
tienne. «  C'est  dans  le  but  de  dissiper  le  préjugé  qui  veut  faire  du 
christianisme  quelque  chose  d'absolument  exceptionnel  et  de  miracu- 
leux, que  les  articles  réunis  ici  ont  été  écrits.  »  Ainsi  s'exprime  l'auteur 
anonyme  dans  sa  préface.  Cet  auteur  est  évidemment  modeste,  puis- 
qu'il ne  signe  pas;  nous  ajouterons  que  ses  intentions  sont  honnêtes. 
C'est  tout  ce  que  nous  pouvons  dire  de  ces  petits  traités  de  polémique, 
où,  en  somme,  nous  ne  trouvons  rien  qui  nous  intéresse. 

M.  V. 


190. —  Israël  et  lnuanaîiisô,  démonstration  du  cosmopolitisme  dans  les  dogmes, 
les  lois,  le  culie,  la  vocation,  l'histoire  et  l'idéal  de  l'hébraïsme.  Introduction, 
par  Elie  Benamozegh.  Livourne,   i885;  11  et  yS  p.  in- 18. 

Les  personnes  qui  ont  pris  la  peine  de  lire  le  titre  ci-dessus  en  savent 
lésormais  aussi  long  que  nous  sur  la  valeur  de  l'opuscule  que  nous  avons 
ious  les  yeux.  Sa  seule  originalité  est  qu'il  est  écrit  dans  une  langue  qui 
l'a  du  français  qu'une  lointaine  apparence  et  que  les  épreuves  en  ont  été 
:orrigées  (?)  par  une  personne  qui  possède  sur  notre  orthographe  des 
lotions  d'une  extraordinaire  fantaisie. 

M.  V. 


Nouvelle  série,  XX.  43 


294  REVUE   CRlTiQUE  _ 

If)l.  —  Zuni    ri'îeden  zi.vîsclien    Plsiloeopliie   «ncil  |>ositivci>    Religion, 

Eine  Recognoscirung  auf  dem  Felde  der  Spéculation  in  drei  Streifzûgen  :  a  /  von 
jeder  Philosophie  inneihalb  der  Schranken  der  Menschen-Natur;  b/  Kritik  cines 
neuesten  Phiiosophems;  c/  Idecn  zu  einer  Systematik  des  menschlichen  Gcistes, 
von  Prof.  Dr.  Schavickert,  Bonn,  s.  d.,  45  p.  in-8. 

Celte  brochure  contient  la  réfutation  de  différentes  propositions  phi- 
losophiques émises  par  M.  Funck-Brcntano  dans  un  livre  qui  a  paru  à 
Paris  en  1 868  sous  le  titre  de  :  Les  sciences  humaines. 

M.  V.  \ 


192.    —  Domenico   Comparetti.    I^eggl    anfielie   délia    cîttà    di    Gorlyna. 

Firenze,  Lœscher,  i885,  in-4.  (Avec  le  fac-similé  de  l'inscription). 

—  F'ranz  Buecheler  u.  Ernst  Zitelmann.  s>us  Redit  -von  Gortyn.  Frankfurt 
am  Main.  Sauerlœnder,  i885,  in-12. 

—  R.  Dareste.    i.a  loi  de  Gcrtyiio.  Extrait  du  Bulletin  de   correspondance 
archéologique  d'Athènes,  i885,  in-12. 

—  H.  Lewy.  Aîtes  stadtrecîit  von  Gortyn  î»tsf  Kreta.  Berlin,  Gaertner, 
1885,  iii-4. 

—  Johannes    Baunack    u.  Theodor  Baunack.    B>îe  Enscbrîft  von    Gortyii. 
Leipzig,  Hirzel,  i885,  in-12. 

..   i 
La  grande  inscription  de  Gortyne,  trouvée  en  septembre  1884,  esé  1 

déjà  célèbre  parmi  tous  ceux  qui  s'intéressent  à  la  langue  et  à  l'histoire  ' 
de  la  Grèce,  ainsi  que  parmi  ceux  qui  recherchent  les  origines  du  droit 
et  des  institutions  helléniques.  C'est,  sans  aucun  doute,  l'une  des  plus 
importantes,  sinon  la  plus  importante,  des  inscriptions  grecques  connues 
jusqu'à  ce  jour,  non  pas  seulement  par  sa  longueur  inusitée  (elle  a  plus 
de  cinq  cents  lignes),  mais  par  son  archaïsme  et  par  l'extrême  intérêt  du 
contenu.  Elle  nous  présente  un  fragment  étendu  d'un  ancien  code  de 
lois  de  la  Crète.  Ces  lois  de  Minos  que  le  conventionnel  Hérault  de  Sé- 
chellcs,  selon  une  anecdote  célèbre,  allait  demander  à  la  Bibliothèque 
nationale,  on  vient  de  les  retrouver  gravées  sur  le  marbre,  ou  du  moins 
nous  avons  ici  un  spécimen  des  législations  qui  avaient  valu  de  bonne 
heure  à  la  Crète  une  réputation  légendaire. 

L'heureux  découvreur  de  Finscription  est  un  élève  de  M.  Comparetti, 
M.  Federico  Halbherr,  qui,  durant  un  voyage  épigraphique  en  Crète, 
s'arréla  à  Gortyne,  près  d'une  habitation  déjà  antérieurement  désignée 
à  l'attention  des  archéologues  par  les  fragments  d'inscription  archaïque 
qu'en  avaient  rapportés  en  iSSy  MM.  Thénon  et  Perrot,  en  1880 
M.  Haussoullier.  Il  est  permis  de  croire  que  les  découvertes  de  ces 
savants  ne  furent  pas  étrangères  à  la  direction  qu'avait  prise  M.  Halb- 
herr. Un  heureux  hasard  le  mita  même  de  trouver  ce  qui  avait  échappé 
à  ses  devanciers.  La  maison  en  question  est  un  moulin  :  le  bief  qui  y 
amenait  l'eau  venait  d'être  mis  à  sec,  et  des  caractères  apparaissaient  sur 
le  mur  dont  le  canal  est  garni.  Inspection  faite,  c'était  une  inscription 


d'histoire  et  de  littérature  29D 

en  écriture  boustrophédon,  d'aspect  entièrement  semblable  aux  marbres 
de  Thénon  et  d'Haussoullier.  La  suite  prouva  que  le  tout  appartenait  à 
un  seul  et  même  texte.  M.  Halbherr  copia  ce  qu'il  lui  fut  possible  de 
copier  :  mais  le  temps  et  les  moyens  de  continuer  ses  recherches  lui 
ayant  manqué,  il  transmit  à  un  élève  de  l'Institut  allemand  d'Athènes, 
M.  Fabricius,  qui  lui-même  parcourait  l'île  de  Crète,  le  soin  de  conti- 
nuer le  travail.  En  poursuivant  les  fouilles  au  prix  de  toute  sorte  de  dif- 
ficultés, celui-ci  mit  à  découvert  jusqu'à  douze  colonnes  de  texte.  Le 
propriétaire  s'opposant  à  tout  déplacement  des  pierres,  il  fallut  se  con- 
tenter de  prendre  une  copie  aussi  exacte  que  possible.  C'est  cette  grande 
inscription  qui  parut  simultanément  à  Florence  et  à  Athènes,  par  les 
soins  de  M.  Comparetti,  d'une  part,  par  ceux  de  M.  Fabricius  de  l'au- 
tre. Tandis  que  Péditeur  italien  accompagnait  son  édition  d'un  com- 
mentaire et,  un  peu  plus  tard,  d''une  traduction,  l'éditeur  allemand  se 
contenta  de  publier  le  texte.  Mais  bientôt  après,  une  traduction  et  un 
commentaire  à  la  fois  philologique  et  juridique  furent  publiés  à  Franc- 
fort-sur-le-Mein  par  MM.  Franz  Bûcheler  et  Ernest  Zitelmann.  Dans 
l'intervalle,  une  traduction  française  due  à  M.  R.  Dareste  avait  paru 
dans  le  Bulletin  de  r  Institut  français  d'Athènes.  Malheureusement  la 
lenteur  avec  laquelle  cq  Bulletin  se  distribue  est  cause  que  la  traduction 
française  a  Pair  de  venir  en  troisième  lieu,  tandis  qu'elle  a  été  faite  aus- 
sitôt après  la  première  publication  du  texte  grec. 

Il  est  intéressant  de  comparer  ces  travaux,  dus  à  des  savants  tous  émi- 
nents  soit  dans  l'étude  du  droit,  soit  dans  les  lettres  et  dans  la  philologie. 
Ce  grand  monument  du  droit  hellénique,  qui  présentait  de  sérieuses 
difficultés,  est  déjà  en  majeure  partie  élucidé.  C'est  seulement  sur  un 
petit  nombre  de  passages  particulièrement  malaisés,  soit  à  cause  de  la 
langue,  soit  à  cause  d'allusions  à  des  faits  inconnus,  ou  simplement  par 
suite  de  lettres  effacées,  que  la  lumière  reste  à  faire.  Le  commentaire  et 
la  traduction  de  M.  Comparetti  constituent  une  œuvre  qui  fait  le  plus 
grand  honneur  à  ce  savant  :  il  a  exécuté  à  lui  seul  le  travail  que  les  édi- 
teurs allemands  ont  cru  devoir  répartir  entre  eux  deux,  M.  Bûcheler 
s'étant  chargé  de  l'interprétation  philologique,  M.  Zitelmann  du  com- 
mentaire juridique.  Il  ne  faut  pas  s'étonner  après  cela  si,  dans  l'ouvrage 
allemand,  les  leçons  sont  quelquefois  plus  correctes,  les  explications 
plus  abondantes  et  les  rapprochements  plus  nourris.  Un  point  où  l'édi- 
teur italien  l'emporte  sans  contredit,  c'est  la  clarté  et  l'élégance  de  la 
traduction  :  la  version  allemande  est  singulièrement  hérissée;  pour  la 
comprendre,  il  est  indispensable  d'avoir  sous  les  yeux  le  grec  ^.  De  son 
côté,  le  travail  de  M.  Dareste  est  tel  qu'on  devait  l'attendre  du  savant 

I.  Un'  seul  exemple.  La  loi  (I,  3g),  prévoyant  le  cas  où  un  esclave  dont  la  posses- 
sion est  contestée  se  réfugie  dans  le  temple,  emploie  le  verbe  jusque-là  inconnu 
vacùîiv.  La  traduction  allemande  dit  :  Wenn  abev  tempelt  der  Sklave.  C'est,  en  alle- 
mand comme  en  grec,  un  a.r.aJç,  sio'^jjivov.  Mais  comme  le  fait  de  cherctier  un  asile 
dans  un  temple  est  plus  rare  en  i885  que  chez  les  anciens,  nous  avons  ici  l'expli- 
cation obsciivi per  obscuvius. 


296  REVUE    ClUTIQUE 

historien  des  législations  anciennes.  Sur  certains  points,  il  a  trouvé  la 
vérité  qui  a  échappe  à  ses  collègues.  Ajoutons  que  sa  traduction  est  écrite 
dans  la  meilleure  langue. 

MM.  Bucheler-Zitelmann  supposent  (p.  41)  que  le  texte  forme  un 
tout  complet  et  que  nous  en  possédons  le  commencement.  On  dirait 
même  qu'ils  attachent  quelque  importance  à  cette  circonstance  toute 
fortuite  des  douze  colonnes  de  texte  et  qu'ils  en  rapprochent  les  douze 
Tables  des  Déccmvirs  romains  (Das  Gortyner  Zjpulftafelgeset^  ist  ein 
gcschlossenes  Ganses,  kein  Bruchstilck} .  Cependant  il  nous  semble  que 
ces  colonnes,  qui  se  font  suite  en  coupant  une  phrase  et  quelquefois  un 
mot  par  le  milieu,  ne  peuvent  guère  être  assimilées  aux  tables  romaines; 
en  outre,  il  paraît  certain  que  nous  n'avons  pas  le  commencement.  Il 
serait  étonnant  que  l'autorité  dont  émane  ce  code  ainsi  que  la  date  à  la- 
quelle il  a  été  promulgué  ne  fussent  point  indiquées.  Une  telle  omis- 
sion serait  fort  extraordinaire.  Aussi  sommes-nous  porté  à  penser 
qu'une  partie  de  l'inscription  manque.  Il  serait  utile,  pour  peu  qu'il  y 
eût  moyen  de  faire  entendre  raison  à  l'intraitable  propriétaire,  de  con- 
tinuer les  fouilles  au  même  endroit  :  peut-être  d'autres  portions  vien- 
draient-elles à  paraître.  Pour  ne  citer  qu'un  seul  point,  toutes  les  lois 
pénales  relatives  aux  attentats  contre  la  sûreté  et  contre  la  propriété  des 
citoyens  manquent. 

A  la  marge  du  texte  sont  placées,  d'une  autre  écriture  plus  moderne, 
des  lettres  telles  que  K,  E,  AA,  KE,  IZ,  etc.  Le  système  et  la  destination 
de  ces  lettres  n'ont  pas  encore  été  compris.  11  est  difficile  d'y  voir  des 
numéros  d'ordre  :  ce  sont  plutôt  des  numéros  de  référence,  pour  per- 
mettre de  se  retrouver  dans  ce  vaste  ensemble,  où  les  prescriptions  se 
suivent  sans  être  divisées  par  titre  ni  chapitre. 

Selon  une  conjecture  très  vraisemblable  de  M.  Bûcheler,  le  mur  de 
forme  arrondie  qui  porte  cette  inscription  était  la  paroi  intérieure  du 
00X2;  où  se  rendait  la  justice  à  Gortyne  ^  Au  lieu  de  feuilleter  son  code, 
comme  fait  le  magistrat  moderne,  le  juge  se  levait  et  allait  le  consulter 
sur  le  mur.  Certains  passages  font  allusion  à  des  lois  antérieures  qui 
sont  ou  abrogées  ou  maintenues.  Il  est  à  supposer  que  ces  lois  étaient 
également  affichées  au  même  endroit. 

Malheureusement  il  est  très  difficile  de  fixer  une  date,  même  approxi- 
mative, à  cet  important  texte  de  loi.  Des  noms  d'archontes  (-/.ocixoî)  sont 
cités  :  mais  comme  ils  ne  sont  point  connus  d'autre  part,  la  question 
ne  s'en  trouve  pas  avancée.  Si  l'on  s'en  rapportait  seulement  à  l'aspect 
du  monument,  à  la  forme  des  lettres  (l't,  par  exemple,  est  figuré  S  et  le  7: 
est  représenté  C),  au  mode  d'écriture  allant  alternativement  de  droite  à 
gauche  et  de  gauche  à  droite,  à  l'absence  des  voyelles  longues  r^  et  w  et 
des  aspirées  o  et  /,  on  serait  tenté  d'attribuer  au  texte  une  haute  anti- 
quité. Mais  il  faut  songer  d'autre  part  qu'il  s'agit  non  d'Athènes,  mais 

I.  Selon  les  calculs  de  M.  Fabricius,  le  diamètre  intérieur  devait  être  de  33  mè- 
tres. 


d'histoire    et    de    LITTERATURE  297 

d'une  île  assez  éloignée,  non  d'inscriptions  d'un  contenu  vulgaire,  mais 
de  textes  de  loi,  et  que  la  forme  particulière  de  l'écriture  s'explique  ai- 
sément par  l'existence  de  lois  antérieures,  qui  fournissaient  un  modèle 
et  en  quelque  sorte  un  type  officiel.  Les  inscriptions  cypriotes,  qui  nous 
offrent  peu  de  temps  avant  Alexandre  du  grec  en  caractères  cunéifor- 
mes, prouvent  quelle  était  en  certaines  régions  du  monde  antique,  et 
sous  l'influence  de  certaines  institutions  particulières,  la  force  de  la 
tradition  et  de  l'habitude.  Pour  ces  motifs,  M.  Comparetti  ne  craint 
pas  de  rapprociier  la  dale  :  il  propose  de  placer  l'inscription  entre  l'an 
660  et  Tan  594.  M.  Biicheler,  qui  va  encore  beaucoup  plus  loin  dans  le 
sens  des  temps  modernes,  serait  porté  à  descendre  jusqu'à  Tannée  400, 
date  extrême.  Il  serait  difficile,  avec  les  éléments  dont  on  dispose 
actuellement,  de  résoudre  ce  problème  :  mais  sans  doute  des  fouilles 
ultérieures  en  fourniront  les  moyens.  On  est  frappé  de  la  ressemblance 
du  style  avec  celui  de  la  loi  des  XII  Tables  :  c'est  la  même  syntaxe, 
la  même  manière  de  poser  les  questions.  Les  lois  de  Solon,  qui  ont 
servi,  selon  la  tradition,  de  modèle  aux  lois  romaines,  étaient,  sans 
doute,  rédigées   de    la   sorte  ^ 

Ce  que  nous  avons  dit,  quoique  bien  incomplet,  suffit  pour  montrer 
la  haute  valeur  de  cette  découverte,  qui  sera  une  date  dans  l'histoire  de 
l'épigraphie.  Nous  terminerons  par  quelques  remarques  qui  nous  ont  été 
suggérées  par  la  lecture  du  texte,  et  qui  ont  rapport  les  unes  à  la  gram- 
maire, les  autres  à  l'interprétation. 

I,  36.  Tp'.Tpdc  pour  -rpixToc,  par  un  fait  de  prononciation  analogue  à  ce- 
lui qui  a  donné  en  français  perdrix  pour  perdix.  Au  sujet  du  p  parasite 
en  Cretois,  v.  Journal  de  Kiihn,  XVII,  432. 

La  loi  prévoit  ici  le  cas  où  le  détenteur,  nonobstant  la  condamnation, 
n'aurait  pas  rendu  l'homme  injustement  détenu.  En  ce  cas,  au  bout 
d'un  an,  l'amende  pourra  être  portée  au  triple,  mais  non  au-delà,  c'est- 
à-dire  qu'elle  ne  pourra  s'accroître  indéfiniment. 

I,  45.  Au  cas  où  l'esclave  est  réfugié  dans  un  temple,  et  où  le  vaincu 
a  fait  toutes  les  diligences  pour  l'en  faire  sortir,  il  serait  injuste  d'ap- 
pliquer la  pénalité  ordinaire.  C'est  pourquoi  la  loi  se  contente,  en  ce 
cas,  de  faire  payer  au  bout  de  l'année  au  vaincu  une  fois  la  valeur  de 
l'esclave.  Cette  amende  ne  s'ajoute  donc  pas  à  la  précédente,  comme  le 
supposent  Bucheler-Zitelmann. 

II.  17.  Comparetti  lit  :  è7:i7:'/)pr,Tato'.  r^vxrA-JjZT.oq  "/.aos^TS  «  se  poi  al- 
cuno  attenti  (alla  pudicizia  di)  una  libéra  coU'  aiuto  di  un  cognato  (di 
lei)  che  la  illuda.  )>  Bûcheler  :  imsépriTa'.  cï-£v  àzEuov-o;  v.aoecTa  «  wenn 
er  die  Freiin  verfuhrt  zur  Begattung,  indem  (es)  hurt  ein  Verwand- 
ter  ».  Il  ajoute  cette  note  singulière  :  Heraus  guckt  bona  conciliatrix, 

I.  ^oici  encore  une  circonstance  qui  prouve  que  ce  texte  de  loi  n'était  pas  le 
seul.  Un  fragment  de  code  agricole,  ou  plutcjt  pastoral,  a  été  retrouvé  au  même 
endroit  :  il  y  est  parlé  de  bestiaux  morts  ou  égarés.  L'écriture  et  la  diàposiiion  sont 
toujours  les  mêmes. 


298  REVUE   CRITIQUE 

der  Kuppelpelz.  Dareste  a  reconnu  le  vrai  sens  :  dcy.euovToç  doit  être  pris 
dans  le  sens  de  «  garder  ».  V.  He'sychius,  s.  v.  àv.îùei  ^  Il  s'agit  de  l'en- 
lèvement d'une  jeune  fille  placée  sous  la  garde  d'un  parent. 

II,  36.  Aï  Séxa  wovst  dokôzcrMai.  Biicheler  suppose  que  ce  dernier  mot 
est  pour  co'jXo)C7ac;ôat,  et  qu'il  s'agit  d'un  homme  réduit  en  esclavage. 
Mais  l'enchaînement  des  idées  montre  bien  qu'il  est  question  d'un  piège 
(c^Xw^a^Oa-.),  comme  l'ont  reconnu  Comparetti  et  Dareste.  Il  faut  re- 
marquer le  changement  de  sujet  :  «  s'il  dit  qu'on  lui  a  dressé  un  piège.  » 
Cf.  III,  i5.  oTt  v.'b  cr/.acr-ài;  cp.oasi  cjvsaciy.cra'.  «  au  sujet  duquel  le  juge 
jurera  qu'zV  l'a  détourné  ». 

II,  38.  Dans  l'énumération  des  différents  cas  d'adultère,  on  dislingue 
les  cas,  non  d'après  la  qualité  de  l'offenseur,  mais  d'après  celle  de  l'of- 
fensé. 

III,  5.  Le  sens  est,  à  ce  que  je  crois,  que  la  femme  qui  emporte  avec 
elle  un  objet  qui  ne  lui  appartient  point,  doit  restituer  non  seulement 
cet  objet,  mais  la  totalité.  Cette  prescription  ne  veut  point  dire  qu'elle 
sera  dépouillée  définitivement  de  tout  son  avoir,  mais  qu'elle  doit  le 
laisser  jusqu'à  jugement. 

Michel  Bréal. 

P. -S.  —  Cet  article  était  déjà  écrit  et  imprimé,  quand  deux  autres 
publications  sont  encore  venues  entre  nos  mains. 

La  première  est  due  à  M.  Henri  Lewy,  et  se  place  par  la  date  avant 
le  travail  de  Bûcheler-Zitelmann.  M.  H.  Lewy  donne  le  texte,  la  tra- 
duction et  un  certain  nombre  de  notes.  C'est  une  œuvre  bonne  à  con- 
sulter, venant  d'un  homme  instruit,  et  présentant  de  judicieux  rappro- 
chements. 

La  seconde  est  due  en  collaboration  à  M.  Jean  et  M.  Théodore  Bau- 
nack.  Elle  est  faite  surtout  au  point  de  vue  de  la  linguistique,  pour  la- 
quelle l'inscription  de  Gortyne  est  une  mine  qui  ne  sera  pas  épuisée  de 
longtemps.  MM.  B.  étudient  d'abord  le  sandhi^  c'est-à-dire  l'action  que 
les  lettres  finales  et  initiales  des  mots  exercent  les  unes  sur  les  autres  : 
ainsi  l'on  trouve  HATEAAOEI  pour  -jraxYio  oojy],  c'est-à-dire  Tuarî^p  cw-/], 
TIAAEI  pour  TiX  >vvi,  c'est-à-dire  Ti;  ).Y^.  L'inscription  est  aussi  très  ins- 
tructive pour  une  autre  forme  du  sandhi  :  à  quelques  lignes  de  distance 
on  trouve  le  même  mot  écrit  ib^-q  et  cïéYY),  suivant  que  le  mot  précédent 
finit  par  un  ç  (-^  oé  -/.'àzoOâv/)  -:'.;,  Tsyav?  [j.kv  làv?  h  tSkk  ...  ïr).  toi;  utaGi 
r,;;.sv)  ou  suivant  qu'il  finit  par  une  voyelle  (io  ol -/.a  [j/rjTtç  yi  c-uéva) .  — 
C'est  ce  qu'on  a  appelé  les  doublets  syntactiques,  dont  nulle  part  on  ne 
peut  voir  de  plus  clairs  spécimens. 

MM.  B.  examinent  ensuite  une  à  une  les  diverses  voyelles  et  con- 
sonnes, en  rapprochant  les  faits  de  même  ordre  déjà  connus;  puis  les 

I.  'AxsOol  Tr,pôt, Ku-pioi.  Une  note  de  M.  Dareste  nous  apprend  que  ce  rappro- 
chement est  de  M.  Desrousseaux. 


d'histoire    et    DF.    LITTERATURE  299 

différentes  parties  de  la  grammaire.  Un  index  très  complet  permet  de  se 
retrouver  facilement  dans  ce  volume. 

Ajoutons  que  MM.  B.  ont  cherché  à  rendre  compte  du  système  de 
numérotation  employé  à  la  iTiarge  de  l'inscription. 

Cet  article  est  déjà  trop  long  pour  que  nous  entrions  dans  le  détail. 
Disons  seulement  en  finissant  qu'aucune  des  publications  précédentes 
ne  devra  être  négligée  par  le  lecteur  qui  voudra  faire  une  étude  sé- 
rieuse de  la  loi  de  Gortyne.  Pour  ceux  qui  peuvent  se  contenter  d'une 
connaissance  générale,  le  livre  de  Comparetti  et  la  traduction  de  Dareste 
suffiront  \ 

M.B. 


193.  —  îïenrî  IV  en  Gascogne  (S îî*S3-lî>&S>).  Essai  historique,  par  Ch.  de 
Batz-Trenquelléon,  ouvrage  orné  d'un  portrait  à  l'eau-forte  et  du  fac-similé 
d'une  des  lettres  les  plus  célèbres  de  Henri  IV.  Paris,  H.  Oudin,  i885.  Grand 
in-8de  338  p. 

—  Letti'es  întînîes  de  Henri  BV,  avec  une  introduction  et  des  notes,  par 
L.  DussiEux,  professeur  honoraire  à  l'école  militaire  de  Saint-Cyr.  Deuxième 
édition.  Paris,  Léopold  Cerf,  sans  date  fi885).  Vol.  in-i8  de  491  p.  3  fr.  5o. 

M.  Ch.  de  Batz-Trenquelléon  n'est  pas  un  savant  et  son  livre  n'est 
pas  fait  avec  des  documents  inédits.  L'ancien  rédacteur  en  chef  de  la 
Giiienne  est  un  aimable  écrivain  qui,  rendant  à  Henri  IV  l'affection 
que  ce  prince  témoignait  à  un  des  ancêtres  du  brillant  journaliste  ",  a 
raconté,  en  s'aidant  de  livres  généralement  bien  connus,  l'histoire  de  ce 
prince  considéré  comme  roi  de  Navarre.  Il  nous  apprend  [Introduction^ 
p.  1-2)  que  dans  les  «  mille  volumes  d'inégal  renom  que  trois  siècles 

1.  Il  faut  signaler  encore,  au  point  de  vue  grammatical,  un  intéressant  article  de 
Meister,  dans  les  Annales  de  Bezzenberger  (tome  X)  et  une  comparaison  avec  les 
forînules  de  droit  italiques  par  Bùcheler  dans  le  Rheinisdies  Muséum  (t.  XL). 

2.  C'est  à  M.  de  Batz,  gouverneur  de  la  ville  d'Eauze,  que  le  roi  de  Navarre  adres- 
sait, le  12  mars  i586,  ce  billet  si  charmant  :  «  Mon  Faucheur,  mets  des  ailes  à  ta 
meilleure  bête,  j'ai  dit  à  Montespan  de  crever  la  sienne.  Pourquoi?  tu  le  sauras  de 
moi  à  Nérac.  Hâte,  cours,  viens,  vole;  c'est  l'ordre  de  ton  maître  et  la  prière  de  ton 
ami  ».  Le  3i  mai  i58o,  Henri  avait  écrit  «  A  ma  cousine  Madame  de  Batz  »,  après 
la  prise  de  Cahors  :  «  Je  ne  me  dépouillerai  pas,  combien  que  je  sois  tout  sang  et 
poudre,  sans  vous  bailler  bonnes  nouvelles,  et  de  votre  mari,  lequel  est  tout  sain  et 
sauf...  Votre  mari  ne  m'a  pas  quitté  de  la  longueur  de  sa  hallebarde.  Et  nous  con- 
duisoit  bien  Dieu  par  la  main  sur  le  bel  et  bon  étroit  chemin  de  sauveté,  car  force 
des  nôtres  que  fort  je  regrette  sont  tombés  à  côté  de  nous  ».  Le  2  novembre  i5Sr, 
il  écrivait  à  son  intrépide  compagnon  d'armes  :  «  Je  suis  bien  marry  que  vous  ne 
soyez  encore  restably  de  vostre  blessure  de  Coutras,  laquelle  me  fait  véritablement 
playe  au  cœur...  »  On  comprend  que  M.  de  Batz-Trenquelléon  ait  «  un  culte  pas- 
sionné »  pour  le  roi  qui  a  si  magnifiquement  glorifié  le  blessé  de  Coutras.  On  com- 
prend aussi  qu'il  ait  choisi  pour  fac-similé  une  lettre  où  le  roi  de  Navarre  adresse 
au  catholique  de  Batz,  dont  il  se  dit  le  plus  assuré  et  meilleur  amy,  ces  mémorables 
déclarations  :  a  Ceux  qui  suivent  tout  droit  leur  conscience  sont  de  ma  religion  et 

|-pioy  jesiiis  4e  celé  de  tous  çeus  la  quy  son  braves  et  bons  ». 


:>00  RKVUE    CRITIQUE 

ont  consacrés  à  la  gloire  de  Henri  IV  /^  il  a  vainement  cherché  rou-l 
vrage  «  dont  voici  Tébauche  ».  Si,  dit-il,  on  possède  sur  le  roi  de  FranceiH 
(i 589-1610)  un  livre  presque  définitif,  celui  de  Poirson,   «  nous  som- 
mes condamnés  à  poursuivre  le   7'oi  de  Navarre    parmi  d'épais  in- 
folios non  lisibles  pour  tous,    d'énormes  compilations  où  se  perdentjl 
parfois  ses  traces,  des  Mémoires  qui  souvent  racontent  et  jugent  en  sensM 
divers,  des  lettres,  caractéristiques  et  précieuses,  mais  dont  le  commen- 
taire est  un  travail  et  la  seule  lecture,  une  étude  ».  Ce  fut,  ajoute-t-ilj 
«  de  ces  impressions  personnelles  que  naquirent  en  nous,   d'abord  lel 
regret  de  ne  pas  connaître  un  livre  qui  les  épargnât  au  public,  et  ensuite] 
la  pensée  d'essayer  de  l'écrire  ». 

M.  de  B.  eut,  en  étudiant  la  première  partie  de  la  vie  de  Henri  IV, 
«  la  claire  vision  d'un  fait  considérable,  peut-être  soupçonné  aupara- 
vant, non  indiqué  toutefois,  et  que  certainement  pas  un  des  historiens!! 
ni  des  biographes  de  Henri  IV  n'a  mis  en  lumière  ».   Ce  fait,  tel  qu'il! 
ressort  de  l'histoire  des  années  antérieures  à  l'avènement  de  ce  princel 
au  trône  de  France,  le  voici  (p.  2-3)  :  «  Quelque  digne  de  l'admirationj 
universelle  que  soit  l'œuvre  de  Henri  IV  depuis  iSSg  jusqu'à  sa  mort,I 
il  n'en  est  presque  rien  de  grand,  presque  rien  d'heureux  pour  la  France,! 
que  le  roi  de  Navarre  n'eût  déjà  manifestement  voulu,  projeté  et  entre- 
pris. Avant  de  succéder  à  Henri  III,   il  avait  donné  la  mesure  de  soni 
génie  et  laissé  lire  jusqu'au  fond  de  son  cœur.  Capitaine,  il  portait  eiif 
lui  les  secrets  de  la  victoire,  depuis  Cahors  et  Coutras;  politique,  iJ 
arrivait  au  trôneavec  la  connaissance  approfondie  des  hommes,  des  idées 
et  des  besoins  de  son  temps;  pasteur  dépeuples,   il  avait  fait  entendre, 
le  premier,  au  milieu  des  guerres  civiles,  ces  mots  sacrés  de  paix,  de 
tolérance,  de  pitié,  oubliés  dans  la  fièvre  des  compétitions  et  la  barbarie^ 
des  luttes.  Henri  de  Bourbon  était  Henri  IV  avant  que  le  flot  des  évé- 
nements l'eût  transporté  de  Gascogne  en  France,  comme  on  disait  auj 
XVI*  siècle  [et  encore  au  xvn''].  Quand  il  y  fut,  l'homme  et  l'œuvre  s'ac- 
complirent. Cette  vérité,  qui  explique  l'apparente  incorrection  de  notre 
titre,  ne   sera  contestée,   nous   l'espérons,  par  aucun  des  lecteurs  de 
Hnri  IV  en  Gascogne  ». 

La  thèse  soutenue  par  M.  de  B.  est  depuis  longtemps  la  mienne,  et  je 
retrouve  dans  de  vieilles  notes  prises  en  lisant  Scipion  Du  Pleix,  cette 
assertion  dont  le  livre  du  nouveau  biographe  est  le  développement  : 
Henri  IV  sur  le  trône  de  France  fut  l'épanouissement  du  roi  de  Na- 
varre. 

L'ouvrage  est  un  agréable  résumé  des  récits  contemporains  et  des 
meilleurs  travaux  de  notre  temps  ^  L'auteur  s'est  beaucoup  servi  des 

I.  Voir  à  V Appendice  {\\°  1)  la  liste  des  principaux  ouvrages  consultés.  On  regrette 
de  n'y  pas  voir  l'indication  des  belles  études  de  M.  de  Ruble  sur  Jeanne  d'Albret.  Dans 
les  autres  chapitres  de  l'Appendice  (p.  295-33o),  on  trouve  des  citations  tirées  des  | 
ouvrages  de  M.  Bascle  de  La  Grèze,  de  Mézeray,  de  Féréfixe,  de  Mathieu,  de  d'Aubi- 
gné,  de  Samazeuilh,  de  P.  de  l'Estoile,  de  Poeydavant,  de  Branlôme,  de  M.  Léo 
Drouyn,  de  Du  Plessis-Mornay,  d'Etienne  Pasquier,  surtout  des  lettres  de  Henri  I\'. 


û  HISTOIUE    KT    DE    UTlEilATVnR  :)0I 

lettres  du  roi  de  Navarre  et  il  doit  à  ce  recueil  quelques-unes  de  ses  plus 
heureuses  pages.  J'aurais  certaines  re'serves  à  faire  soit  au  sujet  de  deux 
ou  trois  anecdotes  trop  complaisamment  accueillies  par  Pauteur,  soit  au 
sujet  de  quelques  appréciations  qui  ne  me  semblent  pas  assez  justitiées. 
Mais,  en  somme,  l'ouvrage  fort  bien  fait  à  divers  points  de  vue,  et  où 
surtout  les  qualités  d'exposition  sont  remarquables,  comble  une  lacune 
dans  notre  littérature  historique  et  mérite  d'obtenir  quelque  chose  de  la 
popularité  du  roi  «  qui  reçut  tous  les  dons  en  partage  et  les  mit  au  ser- 
vice de  son  pays  »,  de  l'homme  qui  «  eut  la  grandeur  héroïque  et  l'in- 
vincible charme  ». 

La  première  édition  du  recueil  de  M.  L.  Dussieux  a  été  très  goûtée. 
On  peut  sûrement  prédire  à  la  seconde  un  succès  non  moins  vif.  Parmi 
les  sept  mille  lettres  contenues  dans  la  série  des  volumes  in-4°  publiés 
par  Berger  de  Xivrey  et  Guadet  ',  le  choix  a  éré  si  bien  fait  !  Le  recueil 
tout  entier  répond  si  bien  au  programme  ainsi  tracé!  (Introduction, 
p.  1-2)  :  «  11  nous  a  semblé  qu'il  était  bon  de  donner  au  public  un 
choix  de  lettres  de  Henri  IV,  assez  nombreuses  pour  le  faire  connaître 
sous  tous  ses  aspects,  sans  dépasser  toutefois  une  limite  au-delà  de  la- 
quelle le  lecteur  eût  trouvé  longueur  et  fatigue.  Il  fallait,  en  effet,  ne 
lui  présenter  que  les  lettres  où  l'homme  se  peint,  où  se  trouvent  ses 
sentiments,  où  sa  verve  et  son  esprit  brillent  de  tout  leur  éclat.  Aux 
billets  intimes,  légers  ou  galants,  adressés  aux  amis  et  aux  maîtresses,  il 
fallait  aussi,  sous  peine  de  ne  présenter  qu'un  Henri  IV  incomplet, 
ajouter  quelques  lettres  sérieuses,  pour  montrer  le  côté  solide  et  élevé  de 
cette  nature  si  bien  douée  et  si  variée.  En  procédant  de  cette  façon,  on 
obtenait  un  double  résultat;  on  avait  d'abord  un  recueil  de  lettres  qui 
place  incontestablement  leur  auteur  parmi  nos  meilleurs  écrivains,  et  en 
même  temps  une  autobiographie  excellente,  qui  met  en  relief  les  prin- 
cipaux traits  de  l'histoire  et  du  caractère  de  ce  roi,  dont  la  France  a 
conservé  le  souvenir,  surtout  parce  qu'il  fut  un  grand  patriote  et  un 
homme  d'esprit  ». 

M,  D.  vante  fort  (p.  4)  c  les  merveilles  littéraires  »  contenues  dans  la 
correspondance  complète  de  Henri  IV,  inconnues  au  plus  grand  nom- 
bre, et  c'est  avec  raison  qu'il  ajoute,  confirmant  tout  ce  qu'a  dit  à  ce 
sujet  M.  Yung  dans  sa  remarquable  thèse  sur  Henri  IV  écrivain 
(i855)  :  «  C'est  pour  en  rendre  la  lecture  facile,  que  nous  publions  ce 
volume,  certains  que  les  gens  de  goût  n'hésiteront  pas  plus  que  nous  à 
ajouter  Henri  IV  à  la  liste  de  ces  grands  écrivains  de  sève  purement 
française  :  Rabelais,  Régnier,  Corneille,  La  Fontaine,  Molière,  M"^^  de 
Sévigné,  Saint-Simon,  Voltaire,  qui  sont  les  vrais  maîtres  de  la  langue 
et  qui  nous  offrent  les  meilleurs  modèles  de  l'esprit  français,  de  la  verve 
et  de  ses  libres  allures.  »  ^ 

i.M.  D.  mentionne  seulement  (p.  2)  «  huit  volumes  publie's  de  1S43  à  1S72  »;  il 
oublie  qu'un  supplément  (t.  IX)  a  paru  en  1877. 
2.  Pourquoi  M.  D.  a-t-il  quelque  peu  gâté  son  Iniroduction  par  des  expressions 


302  REVUfî    CRITIQUE 

Le  volume  de  M.  D.  est  une  des  plus  attrayantes  et  des  plus  instruc- 
tives lectures  que  l'on  puisse  recommander.  Je  voudrais  que  tout,  Jus- 
qu"'aux  plus  petites  choses,  fut  irréprochable  dans  un  tel  recueil  et,  en 
vue  des  réimpressions  prochaines,  je  vais  indiquer,  au  risque  de  paraî- 
tre trop  minutieux,  quelques  taches  à  effacer. 

Au  sujet  de  Tépigramme  sur  la  princesse  de  Condé  (26  mai   iSjS], 
l'éditeur  cite  (p.  3j]  le  Journal  de  Lestoile  [sic  pour  L'Estoile).  A  côté 
de  ce  Journal,  il  aurait  pu  ciler  les  Historiettes  de   Tallemant  des 
Réaux(t.  I,  p.  14)  où  l'on  trouve  un  récit  assez  différent  et  où  le  disti- 
que improvisé  par  le  roi  de  Navarre  est  reproduit  avec  une  notable  va- 
riante. Pourquoi  M.    D.   qui  donne  des  indications  biographiques  sur 
des  personnages  aussi  connus  que  le  connétable  de  Montmorency  et  le 
duc  de  Sully,  n'a-t-il  rien  dit  sur  le  «  gentilhomme  de  Nouailles,  qui 
avoit  le  bruit  d'aimer  et  estre  aimé  de  Madame  la  princesse  de  Condé  »  ? 
Les  notes  géographiques  manquent  trop  souvent  de  précision  et  ne  sont 
pas  dignes  d'un  ancien  professeur  de  Saint-Cyr.  Ainsi  (p.  45)  il  n^aurait 
pas  fallu  se  contenter  de  dire  vaguement  que  Marsillargues  est   une 
«  petite  ville,  près  d'Aigues-Mortes.  »  Marsillargues  est  bien  plus  près 
de  Lunel,  son  chef-lieu  de  canton  (4  kilomètres),  et  même  de  Montpel- 
lier, son  chef-lieu  d'arrondissement  (28  kilomètres).   Pourquoi,  d'ail- 
leurs, à  propos  d'une  ville  de  l'Hérault,  parler  d'Aigues-Mortes,  qui 
appartient  au  département  du  Gard  ?  —  A  la  p.  5 1  M.  D.  ne  fournit  sur 
Navarreins  que  cette  insuffisante  indication  :  «  Cette  petite  ville  était 
alors  une  importante  place  forte  w.  En  cette  même  page  l'éditeur,  ren- 
contrant le  nom  de  Pemyrol,  ne  cherche  pas  à  l'expliquer.  C'est  le  nom 
que  portait  la  ville  actuelle  de  Puymirol,  chef-lieu  de  canton  de  l'arron- 
dissement d'Agen.  —  Est-ce  par  inadvertance  que  M.  D.  a  laissé  (p.  54), 
dans  une  note  sur  Marguerite  au  château  d'Usson,  un  mot  qui  n'est  pas 
français,  qui  ne  l'a  jamais  été,  et  une  expression  un  peu  trop  vulgaire  : 
a  pillageant  la  conlrée,  faisant  l'amour?  —  Bourg,  «  petite  ville  située 
au  Bec  d'Ambès  »,  est,  en  réalité,  à  4  kilomètres  du   Bec  d'Ambès. 
Monheurt,  «  hameau  situé  près  de  Condom  »,  est  relativement  fort  loin 
de  Condom.  C'est  une  commune  du  canton  de  Damazan,  arrondisse- 
ment de  Nérac,  à  28  kilomètres  de  cette  dernière  ville,  laquelle  est  elle- 
même  à  20  kilomètres  de  Condom.  Presque  tout  est  à   revoir,  dans  le 
commentaire,   au  point  de  vue  géographique.  Je  ne  suppose  pas  qu'à 
propos  (p.  74)  d'amiit  pour  aujourd'hui  {ajiey  en  gascon),  M.  D.  soit 
autorisé  à  déclarer  que  si  toute  l'ancienne  Aquitaine  conserve   cette 
forme  de  langage,  c'est  parce  que  les  anciens  Ibères  adoraient  la  lune. 
Je  ne  vois  (p.  yS)  aucune  note  sur  M.  de  Le^ignan,  lequel  n'était  autre 

malencontreuses?  Aimez-vous  cette  phase  (p.  4).'  «  Notre  langue  commençait  à  se 
remettre  des  tortures  auxquelles  l'avaient  soumise  Ronsard  et  la  Pléiade.  »  Et  celle- 
ci  (p.  4-5)?  «  Leur  tentative  avait  échoué  contre  le  roc  inébranlable  de  l'instinct  po- 
pulaire. ))  Le  roc  de  l'instinct!  Enfin  que  dire  de  celle  métaphore  (p.  5)"'  «  Ecrivain 
ou  orateur,  Henri  IV  a  sa  base  en  lui-même  ». 


d'histoire  et  de  littérature  3o3 

que  le  baron  Henri  de  Lusignan,  capitaine  de  5o  hommes  d'armes, 
gouverneur  de  Puymirol,  un  des  ctiefs  du  parti  protestant  dans  l'A- 
genais. 

Passons  à  des  observations  plus  graves.  Je  ne  puis  m'cmpècher,  en 
relisant  (p.  85-86)  les  harangues  du  roi  de  Navarre  avant  la  bataille  de 
Coutras  ,  de  penser  à  tous  ces  discours  militaires  que  les  historiens 
de  l'antiquité,  Quinte-Gurce  notamment,  se  plaisent  à  mettre  sur  les 
lèvres  infatigables  de  leurs  héros.  Henri  IV,  au  moment  du  combat,  a 
pu  dire,  en  chargeant  l'ennemi,  un  mot  entraînant  :  il  n'a  jamais  dû 
débiter  les  allocutions  que  lui  attribue  Baptiste  Legrain  \  Ce  Legrain 
avait  soif  de  rhétorique  et,  comme  tant  d'autres,  comme  l'illustre  prési- 
dent de  Thou  lui-même,  il  a  largement  sacrifié  à  la  manie  des  concio- 
nes.  J'aimerais  mieux,  en  tout  cas,  la  vive  et  naturelle  exclamation  du 
vainqueur  de  Coutras  s'adressant  à  ses  cousins  le  prince  de  Condé  et  le 
comte  de  Soissons  %  l'exclamation  plus  vive  et  plus  naturelle  encore 
qui,  dit-on,  électrisa  tous  les  gentilshommes  qui  l'entouraient  ". 

M.  D.  a  eu  le  tort  d'admettre  dans  son  recueil  (p.  86-88')  une  lettre 
qui  aurait  été  écrite  par  le  roi  de  Navarre  à  Henri  III,  le  2i  octobre 
iSSj,  le  lendemain  de  la  bataille  de  Coutras  et  que  Berger  de  Xivrey, 
dont  la  critique  n'était  pourtant  pas  bien  rigoureuse,  s'est  cru  obligé  de 
repousser  (t.  II,  p.  3ii,  note  5)  comme  «  fort  douteuse  »,  et,  tout  au 
moins,  comme  ayant  subi  «  de  notables  altérations.  »  J'irai  plus  loin 
que  Berger  de  Xivrey  et  je  dirai  carrément  qu'en  face  des  dix  ou  douze 
phrases  suspectes  de  ce  document,  il  est  impossible  de  ne  pas  le  considé- 
rer comme  apocryphe.  Voici  les  seules  et  bien  peu  redoutables  objections 
présentées  par  M.  D.  (p.  86,  note  3)  :  «  La  déclarer  [cette  lettre]  non  au- 
thentique, quand  Musset-Pathay  afhrme  qu'elle  a  été  tirée  des  archives 
de  Navarre,  et  surtout  quand  l'abbé  Brizard  l'a  publiée  d'après  les  ma- 
nuscrits de  M.  de  la  Roque_,  l'un  des  gardes  du  corps  de  Henri  IV,  c'est 
ce  qui  ne  nous  paraît  pas  soutenable.  »  Par  malheur  personne  n'a  jamais 
vu  l'original  des  archives  de  Navarre,  et  M.  D.  lui-même  établit  que  le 
texte  de  l'abbé  Brizard  n'est  pas  conforme  au  texte  donné  par  Musset- 
Patay,  le  premier  étant  a  de  beaucoup  préférable  ».  Deux  textes  diffé- 
rents quand  l'original  manque  et  semble  bien  avoir  toujours  manqué, 
n'est-ce  pas  désespérant  pour  le  défenseur  du  document  dédaigné  par 
Berger  de  Xivrey  ^1 

1.  Décade  contenant  la  vie  et  gestes  de  Henry  le  Grand,  1614,  in-f». 

2.  «  Souvenez-vous  que  vous  estes  du  sang  des  Bourbons!  Et  vive  Dieu!  je  vous 
feray  voir  que  je  suis  vostre  aine  »  (Pierre  Mathieu). 

3.  «  Ostez-vous  devant  moy,  ne  m'offusquez  pas,  car  je  veux  paroistre  »  (Bran- 
tôme). L'éminent  historien  des  Princes  de  Condé  pendant  les  xvi'  et  xvii"  siècles  a 
reproduit,  en  l'abrégeant,  (t.  II,  p.  172-173)  la  harangue  de  Legrain;  il  a  reproduit 
aussi  la  vibrante  phrase  rapportée  par  P.  Mathieu,  mais  il  a  négligé  les  mots  noble- 
ment familiers  conservés  par  Brantôme,  mots  qui  sont  si  bien  dans  le  genre 
Henri  IV  et  si  ressemblants. 

4.  M.  D.  a,  de  son  côté,  corrigé  quelques  fautes  de  l'éditeur  des  Lettres  missives. 


304  REVUE    CRITIQUE 

Je  n'aurais  pas  non  plus  voulu  trouver  dans  le  recueil  de  M.  D. 
(p.  242)  une  lettre  dont  il  dit  qu'elle  a  été  évidemment  arrangée  et 
allongée  [j'ajoute  dénaturée]  par  Sully  quand  il  a  rédigé  ses  Mémoires- 
Pourquoi  mettre  sous  nos  yeux  une  lettre  bâtarde,  une  lettre  qui  n'est, 
en  définitive,  ni  de  Henri  IV,  ni  de  Sully?  M.  D.  pouvait  si  bien  re- 
produire des  lettres  de  Henri  IV  à  Sully  qui  n'ont  pas  été  exposées  à 
l'outrage  d'un  remaniement  accompagné  de  lourdes  et  ennuyeuses  am- 
plifications? On  conserve  à  la  Bibliothèque  nationale  (fonds  français, 
vol.  4057)  un  recueil  formé  par  Sully  des  lettres  originales  ou  autogra- 
phes qui  lui  furent  adressées  par  le  prince  dont  il  s'intitulait  avec  fierté 
leprincipal  confident.  M.  D.,  pour  une  nouvelle  édition,  devrait  d'au- 
tant plus  puiser  à  cette  source  si  pure  que,  comme  je  l'ai  jadis  attenti- 
vement vérifié,  les  textes  de  ces  mêmes  lettres  imprimés  par  Berger  de 
Xivrey  ne  sont  pas  toujours  d'une  parfaite  fidélité  ^ 

Si  M.  D.  a  trop  facilement  admis  en  deux  ou  trois  occasions  des 
documents  indignes  de  figurer  dans  son  livre,  il  a  pris  une  éclatante 
revanche  en  démontrant,  presque  le  premier  (p.  352-354)  qu'une  des 
lettres  les  plus  célèbres  du  recueil  Berger  de  Xivrey  est  fausse  et  a  été 
fabriquée  avec  des  phrases  prises  çà  et  là  ^  Je  veux  parler  de  la  préten- 
due lettre  du  3  septembre  1601  où  l'on  fait  si  singulièrem.ent  exprimer 
à  Henri  IV  en  un  langage  renouvelé  de  Montaigne  et  de  l'abbé  Brizard, 
une  ardente  admiration  pour  Plutarque,  lettre  qui  aurait  été  adressée  à 
Marie  de  Médicis,  laquelle  en  vérité  se  souciait  bien  du  philosophe  de 
Chéronée.  Ce  qui  est  piquant,  c'est  que  le  pauvre  Berger  de  Xivrey  a 
célébré,  dans  une  note  qui  déborde  d'enthousiasme  (t.  V,  p.  463),  cette 
«  belle  lettre  »,  «  ce  morceau  exquis  w,  et  que  son  beau-frère  et  succes- 
seur, Guadet  (Henri  IV  et  sa  correspondance,  t.  IX,  p.  5 1 3-5 14)  in- 
voque ce  pastiche  pour  prouver  qu'  «  à  cinquante  ans  encore  »  le  fils 
de  Jeanne  d'Albret  ne  parlait  «  qu'avec  exaltation  et  attendrissement  » 
des  soins  donnés  à  son  éducation.  Ce  qui  est  non  moins  piquant,  c'est 
que  d'éminents  critiques  ont  cité  l'éloge-mosaïque  de  Plutarque  avec 
une  imperturbable  confiance  et  en  se  pâmant  d'admiration.  J'espère, 


notamment  (p,  168)  au  sujet  d'une  lettre  à  la  comtesse  de  Gramont.  écrite  vers  le 
25  mars  1592,  et  que  Berger  de  Xivrey  place  en  i5qi.  M.  D.  constate  que  cette  lettre 
et  la  lettre  suivante  (à  M.  de  Ravignan),  qui  traitent  du  même  sujet,  sont  de  la 
même  époque,  c'est-à-dire  de  iSgz,  vers  le  20  mars.  Voir  encore  (p.  Sqg)  une  lettre 
à  la  marquise  de  Verneuil  placée  à  la  fin  de  l'année  1604  par  Berger  et  qui,  selon 
M.  D.,  paraît  devoir  être  datte  du  mois  de  février  i6o5. 

1.  M.  D.  reproduit  avec  une  robuste  foi  les  chansons  d'amour  attribuées  à  Henri  IV 
(Charmante  Gabrielle,  p.  285;  le  cœur  blessé,  les  yeux  en  larmes,  p.  Sog;  viens 
aurore,  je  t'implore,  p.  098).  Ces  pièces  ont  été  faites  non  par  le  roi,  ma^s pour  le 
roi.  J'aurais  dû  dire  refaites,  car  air  et  refrain  étaient  déjà  connus  bien  avant  Ga- 
brielle d'Estrées,  la  marquise  de  Verneuil  et  la  comtesse  de  Moret. 

2.  Déjà,  il  est  juste  de  le  reconnaître,  l'éveil  avait  été  donné,  la  cloclne  d'alarme 
avait  été  sonnée  dans  V Intermédiaire  des  chercheurs  et  curieux  du  10  décembre 
1874  :  on  y  avait  dénoncé  formellement  cette  «  mystification  autographique,  contre 
laquelle  M.  Berger  de  Xivrey  n'était  pas  homme  à  se  défendre  ». 


d'histoiue  et  de  littérature  3o5 

pour  l'honneur  de  leur  sagacité,  que  celte  méprise  disparaîtra  de  Tcdi- 
tion  définitive  de  leurs  oeuvres. 

M.  de  Boislisle  a  été  chargé  par  le  Comité  des  travaux  historiques  de 
publier  un  nouveau  supplément  aux  Lettres  missives.  Nous  attendons 
de  cet  habile  éditeur  qu'il  discutera  Tauthenticité  des  pièces  abusive- 
ment introduites  dans  le  recueil  Berger  de  Xivrey-Guadet,  et  que,  non 
content  de  rechercher  pour  le  lo^  volume  tous  les  diamants  oubliés,  il 
écartera  des  volumes  antérieurs  le  stras  qu'ont  crédulement  accepté  des 
éditeurs  qui  étaient  animés  des  meilleures  intentions  du  monde, 
mais  auxquels  manquait  cette  qualité  souveraine  que  l'on  appelle  le 
flair  K 

T.  DE  L. 


194.  —  UnterlBciîtungeii  mît  Frîedrîcîa  tleoi  Grossen,  Memoiren  und 
Tagebûcher,  von  Heinrich  von  Catt,  herausgegeben  von  Reinhold  Koser,  mit 
einer  facsimilirten  Tafel.   Leipzig,  Hirzel,  18^4..   In-8,  xxxii  et  504  p.  S  mark. 

L'auteur  de  ces  mémoires,  Henri  de  Catt,  né  en  Suisse,  à  Morgcs, 
sur  le  lac  de  Genève,  se  trouvait  en  Hollande  lorsqu'il  rencontra  Frédé- 
ric. C^était  en  lySS;  le  roi  de  Prusse,  venu  de  Wesel,  voyageait  in- 
cognito et  se  donnait  pour  le  premier  maître  de  chapelle  du  roi  de 
Pologne;  il  s'entretint  avec  Catt  sur  un  bateau  entre  Utrecht  et  Ams- 
terdam et,  quelque  temps  après,  lui  offrit  la  place  de  Tabbé  de  Prades, 
son  lecteur,  qu'il  avait  envoyé  dans  une  forteresse.  Catt  accepta;  il  ar- 
riva le  i3  mars  ijbj  à  Breslau,  et,  après  un  voyage  en  Suisse,  revint  à 
Griissau  le  21  mars  1758  pour  rester  au  service  du  roi  jusqu'en  1780. 
Il  a  donc  vécu  plus  de  vingt  ans  près  de  Frédéric  il.  Il  fut  son  compa- 
gnon de  tous  les  jours  dans  les  dernières  campagnes  de  la  guerre  de 
Sept  Ans  -. 

1.  Je  n'ai  rien  dit  des  deux  gravures  jointes  au  volume  de  M.  D.  Voici  com- 
ment il  en  parle  lui-même  (p.  10)  :  «  D'abord,  une  eau  forte,  œuvre  de  M.  Boilvin, 
dont  le  nom  dispense  de  tout  éloge,  représente  Henri  IV  d'après  un  tableau  du 
temps  qui  fait  partie  de  la  collection  de  portraits  du  Musée  de  Versailles.  11  nous 
donne  un  Henri  IV  bien  vivant,  avec  son  air  narquois,  moins  solennel  que  le  type 
consacré  de  Porbus,  qui  se  trouve  partout.  La  seconde  planche  est  une  héliogra- 
rure  représentant  le  masque  du  roi,  tel  qu'il  a  été  moulé  sur  son  beau  et  souriant 
visage,  en  1793,  après  la  violation  des  tombeaux  de  Saint-Denis.  Le  dessin  d'après 
lequel  l'héliogravure  a  été  faite,  est  dû  au  crayon  vigoureux  et  intelligent  de  ma- 
dame Laure  Lacombe,  On  sera  frappé  en  comparant  ces  deux  gravures,  de  la  ressem- 
blance du  portrait  avec  le  masque,  le  second  attestant  combien  le  premier  est  vrai  ». 
Le  volume  de  M.  de  Batz-Trenquelléon  est  orné  aussi  d'un  portrait  que  l'historien 
nous  présente  en  ces  termes  :  «  Le  portrait  placé  au  frontispice  a  été  révélé  dans  les- 
Châteaux  historiques  de  la  France.  Il  fait  partie  de  la  galerie  du  châte-au  de  Sully- 
sur-Loire.  Le  roi  de  Navarre  approche  de  la  trentaine;  l'œil  est  vif,  Iz  teint  clair, 
la  bouche  narquoise,  la  barbe  terminée  en  pointe...  » 

2.  Voir  sur  la  rencontre  de  Catt  et  de  Frédéric  la  lettre  que  publie  M.  Koser  dans 
l'appendice  et  sur  sa  disgrâce  les  p.  ix-xii  de  l'introduction. 


3o6  RliVUE    CRITIQUE 

Ses  mémoires,  mentionnés  en  1789  par  de  la  Veaux,  en  1790  par 
Denina,  puis  par  Thiébault,  par  Buchholz,  furent  aciietés  en  i83i  par 
le  gouvernement  prussien  et  consultés  par  Preuss  qui  les  cite  quelque- 
fois. M.  Koser  les  publie  aujourd'hui. 

Mais  ces  mémoires  sont  de  deux  sortes  :  le  Journal  que  Catt  tenait 
pendant  la  guerre  et  qui  va,  non  sans  de  grandes  interruptions,  du 
i3  mars  1757  au  14  août  1760  et  \qs  Mémoires  proprement  dits  posté- 
rieurs au  journal.  M.  K.  a  parfaitement  montré  dans  son  introduction 
la  différence  sensible  entre  les  deux  ouvrages.  Catt  prétend  dans  les 
Mémoires  (p.  1 17]  qu'il  écrivait  chaque  soir,  en  rentrant  chez  lui,  ce 
qu'il  avait  entendu  et  qu'il  notait  exactement  les  expressions  dont  s'é- 
tait servi  Frédéric.  Il  a  menti;  ses  Mémoires  furent  rédigés,  retou- 
chés, polis  à  loisir  vingt-quatre  années  après  les  événements;  le  jour- 
nal de  1762  lui  servit  en  1786  de  canevas  ou  de  thème  ^  Il  voulut  faire 
un  livre  joli,  intéressant;  il  donna  carrière  à  Timagination,  lorsque  la 
mémoire  faisait  défaut;  en  certains  endroits  de  son  Journal^  il  ne  lisait 
qu'une  phrase  écrite  à  la  hâte  au  sortir  d'un  entretien;  il  développa 
cette  phrase  à  sa  façon  et  l'amplifia.  11  ne  se  tint  pas,  comme  dans  le 
Journal^  à  l'ordre  chronologique  des  conversations  ;  il  les  mêla,  les  ar- 
rangea, les  disposa  comme  bon  lui  semblait.  11  recourut,  lorsqu'il  était 
question  des  faits  de  guerre,  à  des  ouvrages  soit  manuscrits,  soit  impri- 
més que  d'autres  avaient  composés  après  la  campagne;  ces  sources 
étrangères  sont,  comme  le  prouve  M.  K.,  l'homme  du  monde  qui  con- 
naît le  mieux  le  règne  de  Frédéric  :  1°  un  journal  français  anonyme  de 
la  campagne  de  1758  ;  2"  les  papiers  du  général  Fouqué  pris  et  publiés 
par  les  Autrichiens;  3"  V Histoire  de  la  guerre  de  Sept-Ans  écrite  par 
le  roi  de  Prusse;  4"  la  correspondance  de  Frédéric  et  du  marquis  d'Ar- 
gens.  Mais  Catt  avait  du  talent  et  du  savoir-faire.  Son  œuvre,  telle  qu'il 
la  rédigea,  se  lit  avec  le  plus  vif  intérêt;  il  avait  attrapé  le  ton  de  Fré- 
-déric;  si  les  paroles  qu'il  prête  au  roi,  ne  sont  pas  toujours  vraies,  elles 
sont  toujours  vraisemblables.  M.  K.  marque  finement  ce  point;  les 
mémoires  de  Catt,  dit-il,  donnent  l'image  fidèle  de  la  conversation  de 
Frédéric,  des  formes  qu'elle  revêtait,  du  charme  original  qui  les  ani- 
mait ;  ce  n'est  pas  sa  conversation  réelle,  c'est  le  type  de  sa  conversa- 
tion, et  incontestablement  ce  type  a  sa  valeur.  Catt  fait  dire  au  roi 
beaucoup  de  choses  qu'il  n'a  pas  dites  sur  les  lieux,  mais  rien  qu'il 
n'aurait  pu  dire,  et  pour  créer  ces  causeries  agréables  et  spirituelles,  il 
fallait  vraiment  un  long  commerce  avec  le  roi,  une  observation  péné- 
trante, un  don  extraordinaire  de  reproduction  (p.  xxvir). 

Il  faut* donc  en  prendre  son  parti;  on  ne  devra  se  servir  des  Mémoi- 
res de  Catt  qu'avec  une  extrême  prudence  ;  ce  n'est  pas  le  récit  d'un 
chroniqueur  consciencieux  et  fidèle.  Lisons-les  comme  une  oeuvre  d'art, 
-et  d'un  art  très  habile,  mais  disons-nous  bien  qu'ils  ne  sont,  comme 
<;eux  qu'un  grand  poète  écrivait  trente  ans  plus  tard,  qu'un  mélange 

X.  Lts  preuves  données  par  M.  Koser  (p.  xv  et  xvi)  sont  très  concluantes. 


D  HISTOIRE   ET    DE    LITTERATURE  307 

de  fiction  et  de  réalité,  de  vérité  et  de  poésie.  Si  nous  voulons  connaître 
à  fond  Frédéric,  ayons  recours  au  Journal.  C'est  là  que  circule,  selon 
le  mot  de  Gœthe,  le  souffle  immédiat  de  la  vie  ^  Ces  notes,  rapidement 
crayonnées,  courtes,  hachées,  mêlées  de  mots  grecs  ou  latins  que  Catt 
employait  volontiers,  pour  dérouter  les  indiscrets,  ces  notes  sont  abso- 
lument sincères.  Le  vrai  Frédéric  y  respire  et  y  vit;  il   nous  semble  le 
voir  tel  que  Catt  le  représente,  mal  vêtu,  les  bottes  trouées,  les  man- 
chettes déchirées,  le  visage  ne  formant  qu'une  ligne  droite,  lorsqu'on 
le  regarde  de  profil  (p.  345);   il  nous  semble  l'entendre  parlant  tout 
haut,  sans  rien  dissimuler,  et  l'on  croit  assister  à  tous  les  mouvements 
de  son  âme,  car  devant  Catt,  il  dit  tout  ce  qu'il  pense,  il  se  livre,  il  ne 
cache  ni  ses  projets,  ni  ses  rêveries,  ni  ses  joies,  ni  ses  angoisses;  il  n'a 
pris  Catt  que  pour  causer  avec  lui,  par  besoin  d'épanchement,  et  parce 
que  le  soir,  après  le  combat  ou  les  préparatifs  de  la  future  bataille,  il 
veut  se  distraire  dans  la  compagnie  d'un  homme  qu'il  sait  à  la  fois  spi- 
rituel et  dévoué.  D'ailleurs,  l'auteur  du  Journal  a  plus  de  chaleur  et 
d'enthousiasme  que  celui  des  Mémoires  ;  il  n'est  pas  encore  assagi  par 
l'expérience,  assombri  par  la  disgrâce;   il  s'abandonne  librement  à  ses 
impressions.  11  avoue  l'ascendant  que  Frédéric  exerce  sur  lui  ;  il  recon- 
naît qu'il  est  sous  le  charme.  Plus  je  vois  ce   prince,  dit-il  dès  les  pre- 
miers jours,  plus  j'ai  des  raisons  de  l'aimer  et  de  l'honorer.  Il  est  véri- 
tablement ravi.  Un  jour,  Frédéric  lui  parle  de  ses  infirmités  et  de  sa 
mort  prochaine;   ces  idées,   écrit  Catt,  m'affligèrent  au  point  que  je 
n'étais  plus  à  aucune  des  choses  qu'il  me  dit  ensuite.  11  croit  inébranla- 
blement  à  la  victoire  finale;  «  la  façon  dont  il  soutenait  ses  malheurs, 
ses  attentions  pour  ceux  qui  l'entouraient,,  le  peu  de  soin  de  lui  et  de  sa 
santé,  ses  inquiétudes,  tout  cela  me  semblait  devoir  mériler  des  suc- 
cès. »  Les  doutes  mêmes  du  roi  ne  détruisent  pas  la  confiance  de  Catt  : 
■plus  dubitat,  ego  spero.  Il  s'indigne  contre  les  officiers  qui  b'âment  la 
stratégie  de  Frédéric. 

Et  il  est  vrai  que  le  Frédéric  que  Catt  nous  décrit,  force  l'admira- 
tion. Le  jeune  Suisse  le  montre  bravant  la  mort  comme  un  simple  gre« 
nadier,  ralliant  trois  fois  son  infanterie  et  chargeant  à  la  tête  de  ses 
troupes,  un  étendard  à  la  main.  «  Bon  Dieu!  qu'il  a  été  exposé  au  feuj 
On  a  tiré  sur  lui  à  cartouche.  Dieu  nous  le  conserve  !  »  Mais  Frédéric 
fait  son  métier;  a  quand  tant  de  gens  vont  à  la  boucherie  pour  moi, 
pourquoi  ne  voulez-vous  pas  que  j'y  aille  aussi?  »  Il  montre  la 
fermeté  la  plus  tranquille,  la  constance  la  plus  héroïque;  il  ne 
change  pas  de  visage  lorsqu'il  apprend  que  le  général  Goltz  a  pris  les 
bagages  de  l'armée;  jamais  le  roi,  dit  Catt,  n'est  plus  grand  que  dans 
le  malheur.  Personne  n'est  plus  vif  ni  plus  agissant.  Il  lit  vingt  lettres 
de  suite  en  quelques  minutes  et  dicte  aussitôt  la  réponse,  sans  être  obligé 
de  les  relire. 

Il  est  courtois,  obligeant,  sans  hauteur  et  sans  morgue.  Il  appelle  un 

I.  Der  unmittelbarste  Lebenshauch. 


3o8  REVUE    CRITIQUE 

laquais  pour  se  faire  donner  sa  tabatière  ;  un  particulier,  écrit  Catt,  m'au- 
rait dit  :  donnez-moi  ma  tabatière.  Lorsqu'il  passe  d'une  chambre  dans 
une  autre,  il  prend  lui-même  les  bougies  et  ferme  la  fenêtre-  Quelle 
politesse,  observe  Catt  ;  je  rapporte  ce  trait  pour  faire  voir  combien  ce 
roi  ménage  ceux  qui  sont  sous  lui.  Il  emprunte  un  livre  et  le  rend  avec 
ces  mots  :  voyez  comme  je  suis  exact,  j'espère  que  vous  m'en  prêterez. 
Un  soir,  le  roi  et  son  confident  cherchent  vainement  le  nom  d'un 
opéra;  Catt  se  retire  en  disant  qu'il  est  sûr,  s'il  ne  le  trouve  pas,  de 
passer  une  nuit  blanche;  il  se  couchait  lorsqu'un  page  se  présente  avec 
une  demi-feuille  où  Frédéric  avait  écrit  le  nom  de  Topera:  Abdoloiiyme. 
On  voit  que  Frédéric  n'était  pas  aussi  dur,  aussi  insensible  que  le  repré- 
sentent certains  historiens.  La  mort  de  sa  sœur,  la  princesse  de  Bay- 
reuth,  lui  cause  le  chagrin  le  plus  violent.  «  Il  était  accablé;  sa  sœur 
lui  revenait  toujours  dans  l'esprit.  Il  ne  mangea  rien...  Le  prince 
Henri  arriva...  J'ai  bien  pleuré  hier  avec  mon  frère;  tenez,  mon  cher, 
ce  n'est  point  la  perte  d'une  bataille  qui  émeut  un  capitaine  ou  un 
guerrier,  mais  la  mort  d'une  sœur  est  irréparable,  et  quel  plus  doux 
sentiment  que  l'amitié  !  » 

Au  milieu  des  contrariétés  et  des  soucis  qui  l'accablent  de  toutes 
parts,  il  sait  se  distraire.  Il  fait  des  vers,  et  parfois  d'assez  bons.  Il 
montre  à  Catt  ses  productions,  sans  trop  les  louer,  et  s'entretient  avec 
lui  de  ses  lectures.  Il  juge  les  écrivains  français,  leur  caractère,  leurs 
œuvres  ;  il  récite  par  cœur  des  tirades  entières  de  Racine,  son  poète  fa- 
vori ;  il  lit  et  relit  à  haute  voix  Iphigénie  et  Phèdre^  Athalie  où  il 
trouve  toujours  de  nouvelles  beautés,  ou  bien  encore  le  troisième  chant 
de  Lucrèce,  «  son  bréviaire  »,  les  Tusculanes,  Sénèque.  Il  apprécie  les 
généraux  de  son  armée,  les  fonctionnaires  de  sa  cour,  les  souverains 
de  l'époque.  Il  analyse  les  événements  de  la  guerre,  raconte  les  batailles 
qu'il  a  livrées,  Mollwitz,  Hohenfriedberg,  Kolin  que  firent  perdre  la 
lenteur  de  Bevern  et  la  mort  de  Keyserlingk,  Lissa  ou  Leuthen,  qu'il 
gagna  parce  qu'il  a  suivit  en  plein  ses  idées  »,  Zorndorf  qui  fut  une  ac- 
tion d'effronterie  (tenere,  dit  Catt,  coram  inimico  sine  pulvere  et  cum 
tribus  bataillons).  Il  cause  morale,  religion,  métaphysique,  disserte  sur 
Platon  et  Spinoza,  discute  l'immortalité  de  l'âme. 

Mais  ce  qui  surprend  surtout,  c'est  que  ce  chercheur  et  ce  gagneur  de 
batailles,  cet  infatigable  combattant,  le  plus  grand  général  des  temps 
modernes  après  Napoléon,  ne  fait  la  guerre  qu'à  son  corps  défendant. 
Quand  tout  sera  fini,  dit  Catt,  il  n'y  a  personne  qui  ne  voulut  être  le 
roi  de  Prusse.  Ah!  la  belle  gloire,  répond-il,  villes  en  cendres,  villages 
brûlés,  habitants  infortunés!  N'en  parlons  plus!  Les  cheveux  me  dres- 
sent sur  la  tète  !  Il  ne  pense  qu'à  la  paix  et  au  repos  qu'il  goûtera  dans 
son  cher  Sans-Souci;  «  voyez  comme  j'ai  été  malheureux,  traité  dure- 
ment par  un  père,  enfermé  trois  mois  seul  dans  une  chambre  ;je  n'ai  été 
heureux  qu'à  Rheinsberg  ;  ah  !  si  cette  paix  vient,  pourra-t-on  me  blâmer 
de  vivre  un  peu  pour  moi-même,  de  me  retirer  et  de  vivre  tranquille?  » 


d'kistoirk  et  de  littérature  3og 

Mais  Catt  ne  se  borne  pas  dans  son  Journal  à  peindre  au  vif  Frédé- 
ric II.  S'il  restait  presque  chaque  soir  auprès  du  roi,  il  consacrait  le 
jour  à  observer  l'armée  où  il  vivait  et  les  pays  qu'il  traversait.  Il  nous 
raconte  qu'il  logea  en  Moravie,  à  Littau,  chez  un  boulanger  qui  par- 
lait latin;  il  décrit  brièvement  les  usages  nationaux  des  Wendes  ;  il 
nous  fait  juger  de  l'attachement  des  Silésiens  à  leur  nouveau  maître  : 
a  Un  bourgeois  de  Hirschfeld  alla  porter  des  plaintes  de  ce  que  son  voi- 
sin avait  huit  soldats,  et  lui  six  :  est-ce  que  je  ne  puis  pas  les  nourrir 
aussi  bien  que  lui?  »  Il  note  avec  soin  les  moindres  détails  de  la  vie  des 
camps  ;  les  officiers  se  frisent  et  se  parfument  comme  s'ils  étaient  à  la 
cour;  les  soldats  composent  et  représentent  une  pièce  satirique  où  l'on 
voit  le  maréchal  Daun  berné  par  Arlequin  ;  le  corps  des  vivandiers  et 
vivandières  tait  justice  d'une  femme  qui  a  volé;  après  Zorndorf,  le  roi, 
enchanté  de  son  succès,  félicite  ses  cavaliers,  embrasse  l'un,  frappe 
l'autre  sur  l'épaule  ;  les  hussards  des  deux  partis  finissent  par  se  traiter 
cordialement,  fraternisent  les  uns  avec  les  autres  et  se  quittent  avec  les 
marques  de  la  plus  vive  amitié  «  quand  je  serai  prisonnier,  pense  à 
moi  ».  Catt  admire  d'abord  la  discipline  des  troupes  prussiennes;  mais 
peu  à  peu  il  remarque  qu'elle  se  relâche,  que  le  soldat  pille,  que  l'on  a 
peine  à  contenir  les  vivandiers  et  les  paknets  (Packknechte  ou  goujats). 
Il  observe  également  que  les  ofîiciers  se  dégoûtent  de  la  guerre,  que 
beaucoup  d'entre  eux  mettent  le  prince  Henri  au-dessus  de  Frédéric, 
que  le  vainqueur  de  Freyberg  protège  ceux  que  son  frère  disgracie,  et 
rebute  ceux  qu'il  recommande  ^ 

L'éditeur,  M.  PCoser,  a  fait  sa  tâche  avec  un  soin  admirable,  et  l'on 
ne  saurait  croire  tout  ce  qu'il  a  mis  de  patience  et  de  conscience  dans 
cette  publication.  On  retrouve  dans  l'introduction  la  justesse  d'esprit 
et  la  sagacité  critique  qu'il  a  montrées  dans  ses  travaux  précédents.  Le 
texte  des  Mémoires  et  du  Journal  est  très  correct  ;  M.  Koser  l'a  fait  suivre 
et  d'un  index  et  d'un  commentaire  à  la  fois  abondant  et  précis  qui 
donne  les  dates  nécessaires,  éclaire  les  faits,  explique  les  allusions  poli- 
tiques ou  littéraires  ;  le  jeune  archiviste  semble  connaître  le  xvn<=  et  le 
xvme  siècle  français  presque  aussi  bien  que  l'histoire  de  la  Prusse  sous 
Frédéric.  Il  faut  le  remercier  d'avoir  si  bien  publié  ces  manuscrits  de 
Catt  qui  sont  d'un  si  grand  prix  pour  l'histoire  et  qui  font  mieux  connaî- 
tre le  vieux  Fritz,  son  caractère  original,  les  qualités  de  son  esprit  et  sa 
force  d'âme  à  l'époque  la  plus  cruelle  de  sa  vie  ^ 

A.  Chuquet. 


1.  Toutes  ces  citations  sont  tirées  du  Journal  que,  malgré  tout,  nous  mettons 
infiniment  au-dessus  des  Mcnioii  es. 

2.  Quelques  observations  en  passant;  il  me  semble  qu'il  faut  lire;  p.  7, 1.  8,  «ainsi» 
au  lieu  de«  ainsi  que  n-,  p.  76,1.  18,  «bien  assené  »au  lieu  de  ubien  asséré»;  p.  i85, 
1.  10,  «amphibologiques  «au  lieu  de  «  amphiboliques  »;  p.Sjg,  1.  24, «  pondait  »  au 
lieude  «pendait  »;  p.  375,1.7,  «  ayant  »  au  lieu  de  «  avant  >->;  p.  38i,  1.  22,  «  que 
ce  n'était  rien  »  au  lieu  de  «  que  ce  n'était  bien  »;  p.  38'3,  «  il  est  assez  persiflé  par 


p  10 


REVUE    CRITIQUE 

VARIÉTÉS 


dno  t^ou^';Jtl!e  tlo    l'Iiitei'niéîStaîï'e»  lo    rôîo    <lo    BL,aclos   en    l'SOS. 


V Intermédiaire  publie  àSiUS  son  numéro  du  25  septembre  1 885,  sous 
la  rubrique  de  «.  trouvailles  et  curiosite's  »,  deux  lettres  inédites  de  La- 
clos qui  ont  fait,  nous  dit-on,  le  tour  de  la  presse;  mais  elles  sont 
accompagnées  d'un  commentaire  inexact^.  L'Intermédiaire  est  une 
excellente  revue;  son  jeune  et  vaillant  directeur,  Ai.  Faucou,  lui  donne 
une  très  vive  impulsion;  toutefois  on  nous  permettra  de  redresser 
l'erreur  qu'il  a  commise  avant  qu'elle  ait  le  temps  de  se  répandre. 

V hitermédiaire  cite  d'abord  un  passage  des  Mémoires  de  Dumou- 
riez  :  «  Luckncr  empêcha  Kellermann  d'effectuer  sa  jonction.  Alors  le 
pouvoir  exécutif  se  vit  contraint  de  lui  donner  pour  conseil  Laclos,  et 
ensuite  de  le  retirer  tout  à  fait  ».  Luckner  n'a  pas  empêché  la  jonction 
de  Kellermann.  Il  lui  écrivit,  il  est  vrai,  le  14  septembre,  de  se  porter 
sur  Bar-le-Duc  qu'il  croyait  menacé,  mais  le  i5,  il  lui  mandait  de  se 
rendre  à  Sainte-Menehould  «  à  marches  forcées  »  pour  faire  sa  <t  réu- 
nion »  avec  Dumouriez. 

U Intermédiaire  ajoute  :  «  Les  lettres  suivantes  inédites  jusqu'ici 
montrent  quel  rôle  actif  Laclos  joua  à  Tarmée  du  Rhin.  »  A  l'armée  du 
Rhin?  Mais  Laclos  était  à  Châlons  et  organisait,  avec  Luckner,  le  grand 
rassemblement  de  fédérés;  V Intermédiaire  a  voulu  dire  «  à  l'armée  de 
Châlons.  » 

«  La  première  de  ces  lettres,  dit  V Intermédiaire^  ne  laisse  aucun 
doute  sur  l'influence  que  les  rapports  de  Laclos  eurent  dans  la  mesure 
de  révocation  qui  frappa  le  maréchal.  »  U  Intermédiaire  a  raison. 

«  La  seconde  établit  que  la  concentration  des  troupes,  d'où  résulta  la 
bataille  de  Valmy,  est  due  à  l'activité  et  à  l'habileté  stratégique  de  La- 
clos, dont  le  nom  a  été  trop  oublié.  »  C'est  contre  cette  assertion  que 
nous  voulons  protester  -. 

Voici  la  lettre;  elle  se  trouve  aux  archives  de  la  guerre  (ce  qu'oublie 
de  dire  l'Intermédiaire)  ;  elle  est  datée  du  19  septembre,  à  onze  heures 
du  soir,  et  adressée  au  ministre  Servan  : 

«  La  réunion  est  faite.  Je  reçois  à  9  heures  et  demie  du  soir  un  courrier  de  M.  Du- 
mouriez. Il  n'a  pas  été  attaqué.  Il  a  envoyé  l'ordre  à  M.  Valence  qui  arrivera  de- 
Monsieur  Clément  w,  M.  Koser  ne  sait  ici  de  quel  personnage  il  est  question;  ne 
s'agirait-il  pas  du  maréchal  Daun  que  le  pape  Clément  XIII  persifle  en  lui  offrant  le 
chapeau  et  le  glaive  bénits? 

I.  D'ailleurs  le  titre  indiqué  sur  la  couverture  et  en  tête  de  cette  «  variété  », 
trompe  le  lecteur  :  Documents  inédits  sur  la  bataille  de  Valmy!  11  n'est  pas  du  tout 
question  de  Valmy  dans  ces  documents  (communiqués  à  V  Intermédiaire  par 
M.  Henry  Céard.  le  savant  et  sympathique  bibliothécaire  du  musée  Carnavalet). 

«  2.  Le  21  septembre,  anniversaire  de  la  bataille  de  Valmy  —  ajoute  l'Intermé- 
diaire —  donne  à  ces  lettres  un  caractère  particulier  d'actualité,  »  Valmy  est  du  20, 
et  non  dy  21  septembre. 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  3  1  I 

main  ou  après.  M.  de  Marre  (lise^  M.  de  Sparre),  qui  a  conduit  la  division  que  nous 
avons  jointe  au  corps  de  M.  de  Beurnonville,  revient  demain,  et  peut-cire  suffira-t-ii 
ici  avec  les  deux  maréchaux  de  camp  qui  y  sont  '.  Je  suis  convenu  avec  le  général 
Labourdonnaye  de  ne  pas  l'attendre.  Tout  annonce  que  je  partirai  demain.  J'espère 
qu'enfin  je  dormirai  cette  nuit  sur  l'une  et  l'autre  oreille.  Il  est  fort  pressant  d'arrê- 
ter un  plan  propi-e  à  terminer  glorieusement  la  campagne.  Cette  idée  hâte  mon 
voyage.  Sur  toutes  choses  des  ell'ets  de  campements  ici,  et  des  munitions  de  tout 
genre.  Il  faut  encore  à  Dumouriez  20,000  hommes,  en  deux  envois,  s'il  est  possi- 
ble. » 

Où  voit-on,  dans  cette  lettre  absolument  insignifiante  -,  la  moindre 
trace  de  «  la  concentration  des  troupes  d'où  résulta  Valmy?  »  Que 
prouve-t-elle  en  faveur  de  ïactiviîé,  de  Vhabileté  stratégique  de  La- 
clos? La  canonnade  de  Valmy  se  livre  le  lendemain,  20  septembre,  et 
décide  de  l'issue  de  la  lutte;  la  veille,  Laclos  croit  encore  qu'il  faut 
arrêter  un  plan  propre  à  terminer  glorieusement  la  campagne. 

Le  vrai,  c'est  que  Luckner,  aidé  de  Laclos  et  de  Labourdonnaye,  or- 
ganisa à  Châlons  sept  bataillons  de  fédérés  qui  arrivèrent  au  camp  de 
Dumouriez  le  ig  septembre.  Ces  sept  bataillons  formaient  la  «  divi- 
sion »  que  Sparre  conduisait  et  que  Luckner  «  avait  jointe  au  corps  de 
Beurnonville.  »  Mais  Beurnonville  disait  aux  généraux  de  Châlons 
qu'ils  lui  faisaient  un  «  petit  présent  »  et  Dumouriez,  sachant  ce  que  va- 
laient ces  fédérés  (voir  ses  Mémoires),  ne  les  mit  pas  en  ligne  dans  la 
journée  du  20  septembre. 

On  objectera  que  la  jonction,  ou,  comme  écrit  Laclos,  la  «  réunion  » 
était  l'œuvre  du  militaire-littérateur;  mais,  de  ce  qu'il  dit  «  la  réunion 
est  faite  5î  s'en  suit-il  qu'il  l'ait  faite?  Trois  armées  ou  corps  d'armée 
rejoignirent  successivement  Dumouriez;  celui  de  Duval,  celui  de  Beur- 
nonville, celui  deKellermann.  Duval  venait  de  Pont-sur-Sambre;  Beur- 
nonville, de  Maulde  (mais  à  la  nouvelle  de  la  prise  de  la  Croix-aux- 
Bois,  il  avait  dû  se  rejeter  sur  Châlons);  Kellermann,  de  Metz,  Le 
premier  arriva  le  10  septembre,  les  deux  autres  le  19,  Les  correspon- 
dances du  dépôt  de  la  guerre  prouvent  que  cette  concentration  s'opéra 
sur  les  ordres  du  ministre  Serv^an,  et  non  du  colonel  Laclos.  Ce  fut  Ser- 
van  qui  appela  Duval, qui  appela  Beurnonville,  qui  appela  Kellermann, 
qui  jeta  tout  ce  qu'il  pouvait  ramasser  de  troupes  de  ligne  et  de  volon- 
taires de  1791  au  devant  de  la  «  colonne  brunswickoise  ».  Laclos  était 
chargé  de  contresigner  les  ordres  de  Luckner  et  de  surveiller  le  vieux 
maréchal;  c'était  un  Billaud-Varennes  militaire  '';  il  fit  des  plans,  il 

1.  C'est  ce  qui  eut  lieu,  et  l'Iiiienncdiaire,  puisqu'il  juge  cette  lettre  si  impor- 
tante, aurait  pu  ajouter  en  note  que  de  Sparre  —  et  non  de  Marre  —  commanda  à 
Châlons  avec  les  deux  maréchaux  de  camp  Du  Hamel  et  Saint-Jenn;  que  Laclos  re- 
tourna à  Paris  avec  Luckner;  que  Labourdonnaye  alla  prendre  le  commandement 
des  forces  du  Nord;  que  Valence  resta  à  l'armée  du  Centre  dont  il  commandait  la 
réserve. 

2.  J'avoue  l'avoir  lue  il  y  a  quelque  temps,  avant  la  publication  de  VIntermc~ 
diaire,  et  n'en  avoir  pris  aucune  copie. 

:>.  On  sait  que  Bil!aud-Varcn:i.es  était,  comme  Laclos,  commissaire  nu  pouvoir 


:)I2  REVUE    CIUTIQUE 

proposa  plusieurs  mouvements  de  retraite,  il  projeta  —  lui  aussi  —  la 
diversion  de  Custine  sur  Spire,  Worms  et  Mayence,  il  montra  une 
grande  activité,  il  dormit  très  peu;  mais  on  ne  lui  doit  pas  la  concen- 
tration des  troupes  de  Valmy  et  l'on  ne  peut  employer,  en  parlant  des 
services  qu'il  rendit,  le  grand  mot  à'' habileté  stratégique  ^  Si  Luckner 
—  et  par  suite  Laclos — commandait  le  i5  septembre  à  Kellermann 
d'aller  au  secours  de  Dumouriez  -,  Servan  avait  conseillé  cette  réunion 
dès  les  premiers  jours  du  mois,  et  c'était  au  ministre  de  la  guerre,  et 
non  pas  au  vieillard  affublé  du  titre  inutile  de  généralissime,  qu'obéis- 
sait Kellermann. 

Les  lecteurs  de  la  Revue  nous  pardonneront  d'avoir  insisté  sur  ce 
point.  Mais  il  fallait  montrer  que  le  rôle  de  Laclos  n'a  pas  eu  Timpor- 
tance  qu'on  lui  attribue.  La  mode  est  encore  aux  réhabilitations,  aux 
Rettungen,  commt  disent  les  Allemands;  Gassion  a  gagné  les  batailles 
de  Condé;  tous  les  succès  de  Ferdinand  de  Brunswick  sont  dus  à 
Westphal;  Carnot  n'est  plus  l'organisateur  de  la  victoire;  c'est  Servan, 
c'est  Lacuée,  c'est  Mathieu  Dumas,  et  non  Dumouriez,  qui  a  deviné  la 
force  des  positions  de  l'Argonne;  c'est  le  comité  topographique  qui  a 
fait  les  succès  des  armées  de  la  Révolution  ;  tous  les  généraux  sont  des 
Blucher  et  tous  les  chefs  d'état-major  des  Gneisenau.  O  fureur  de  l'iné- 
dit et  de  l'inconnu!  N'exagérons  rien,  laissons  à  chacun  sa  part,  et  ne 
croyons  pas,  comme  on  le  répète  déjà,  comme  me  l'ont  dit  des  amis  qui 
acceptaient  de  bonne  foi  l'assertion  de  V Intermédiaire,  que  Laclos  soit 
le  véritable  vainqueur  de  Valmy. 

A.  Ch. 


THÈSES  DE  DOCTORAT  ES  LETTRES 

Faculté  des  lettres  de  Paris 


Soutenance    de    RI.   Maurice    Xhii-ion. 

I.  — De^Civitatibus,  quœ  a  Grcecis  in  Chersonneso  conditae  fuerunt. 

II.  —  Etude  sur  /e  Protestantisme  a  Met^  et  dans  le  pays  Messin. 

I 

Le  sujet  choisi  par  M.  Thirion  demandait,  à  être  traité  avec  précision  et  exacti- 
tude. M.  T.  l'a  traité  avec   élégance.  L'indécision  dans  les  détails   apparaît   jusque 


exécutif,  et  qu'il  vint  à  Châlons;  il  a,  autant  que  Laclos,  contribué  à  la  révocation 
de  Luckner,  comme  le  prouve  une  lettre  qu'il  écrivit  à  Danton. 

1.  Ce  grand  mot  s'appliquerait  tout  au  plus  aux  plans  de  retraite  sur  Paris  et  de 
diversion  dans  l'Est. 

2.  Voilà  l'argument  le  plus  solide  à  l'appui  de  la  thèse  de  V Intermédiaire  qui  ne 
le  cite  pas. 


d'histoire  et  dk  littérature  3  I  3 

dans  la  description  géographique  de  la  Chersonnèse,  et  M.  Himiy  en  fait  la 
critique.  Il  y  est  question  de  fortifications,  de  murs,  et  l'on  ne  voit  pas  bien  où  l'au- 
teur les  place.  Il  n'indique  pas  assez  nettement  les  raisons  qui  ont  forcé  les  Grecs  à 
s'établir  dans  la  région  la  plus  dure,  la  plus  stérile,  la  plus  battue  des  vents,  mais 
où  s'ouvraient  tous  les  poris.  M.  T.  a  tort  de  rapporter  une  foule  de  récits  ou  d'at- 
tributions légendaires,  sans  commentaires,  comme  s'il  admettait  l'iiistoire  du  pape 
S.  Clément,  la  présence  à  Kiev  des  portes  de  Kherson  qu'on  montre  aussi  à  Sainte- 
Sophie. 

M.  Bouché-Leclercq  félicite  M.  T.  de  son  style;  mais  la  correction  des  épreuves  n'a 
pas  éié  soignée  ;  on  n'a  pas  suivi  de  règles  pour  l'orthographe  des  mots  latins  et  ce 
qui  est  plus  grave  (parce  qu'il  s'agit  ici  de  méthode),  M.  T.  ne  se  rend  pas  un  compte 
bien  net  de  ce  que  doit  être  dans  un  ouvrage  de  ce  genre  un  index  bibliographique. 

Le  sien  n'est  pas  complet,  il  n'a  cité  que  les  auteurs  dont  il  a  tiré  le  plus  de  se- 
cours. Son  index  implique  donc  un  jugement;  mais  il  a  laissé  passer  bien  des  tra- 
vaux importants.  Autre  point  :  d'après  quel  principe  l'a-t-il  ordonné.'  Ce  n'est  pas 
l'ordre  chronologique.  Il  cite  d'une  façon  incomplète.  Il  croit  pouvoir  ne  rappeler  que 
le  dernier  article  ou  le  dernier  ouvrage  des  savants,  comme  s'il  annulait  les  autres. 
Cetie  bibliographie  insuffisante  prouve  que  le  sujet  n'a  pas  été  épuisé.  —  Pourquoi 
n'avoir  pas  fait  de  cartes  ;  M.  T.  y  a  renoncé  parce  que  l'emplacement  de  la  plupart 
des  villes  est  contesté;  c'est  aggraver  l'objection,  la  carte  eût  obligé  l'auteur  à  dis- 
cuter des  problèmes  qu'il  a  esquivés.  —  On  ne  sait  jamais  si  M.  T.  fait  la  géogra- 
phie de  la  Crimée  ancienne  ou  de  la  Crimée  moderne;  tantôt  il  semble  ne  vouloir  se 
servir  que  des  géographes  anciens,  il  donne  les  mesures  et  les  évaluations  ancien- 
nes; tantôt  il  adopte  les  hypothèses  géologiques  modernes.  De  là  une  description 
agréable  à  lire,  mais  sans  exactitude,  et  qui  n'a  pas  dû  coûter  beaucoup  de  peine.  Si 
l'on  passe  à  l'histoire,  on  retrouve  le  même  dessin  mou  et  flottant  ;  peu  ou  point  de 
chronologie,  c'est  plutôt  un  morceau  littéraire  qu'un  morceau  historique.  M.  T. 
semble  admettre  sans  aucune  hésitation  que  les  Cimmériens  qui  ont  dévasté  l'Asie- 
Mineure,  sont  les  mêmes  que  ceux  d'Homère;  mais  que  signifie  ce  mot  dans  la  lan- 
gue du  poète?  On  a  soutenu  que  c'étaient  les  âmes  des  morts.  Le  mot  veut  peut- 
être  dire  seulement  hommes  du  Nord  et  peut  dès  lors  s'appliquer  à  différentes  peu- 
plades. Est-ce  un  nom  indigène  ou  un  nom  grec  i  M.  T.  affirme  de  même  sans 
hésiter  que  Tauris  est  un  nom  indigène  :  il  est  fort  possible  qu'il  soit  grec;  on  re- 
présentait Artémis  ou  la  lune  sous  la  forme  d'une  vache  blanche,  ou  sous  celle  d'une 
femme  entraînée  par  un  taureau;  le  culte  d'une  divinité  analogue  à  Artémis  a  pu  être 
l'origine  du  nom  grec  de  la  Tauride.  Ce  ne  sont  là,  il  est  vrai,  que  les  préliminaires, 
et  c'est  des  villes  grecques  que  M.  T.  a  entendu  s'occuper.  Il  passe  très  légèrement 
sur  les  origines.  Le  dépouillement  est  consciencieux;  mais  en  arrivant  aux  institu- 
tions, nous  retombons  dans  le  vague.  M.  T.  affirme  qu'il  n'y  eut  point  de  violences 
démocratiques  et  pourtant  il  y  eut  des  tyrannies  ;  comment  s'établirent-elles  r  M.  T. 
croit  que  le  gouvernement  est  resté  aristocratique  parce  qu'il  constate  l'existence 
d'un  Sénat;  c'est  se  contenter  de  peu.  A  Athènes  aussi,  les  décrets  furent  toujours 
rédigés  au  nom  du  peuple  et  du  Sénat.  Voici  d'autres  inexactitudes  de  détail  :  M.  T. 
appelle  Hercule,  numen  proprie  doriciim.  L'origine  du  culte  est  phénicienne;  or  ce 
sont  les  Ioniens  qui  ont  succédé  aux  Phéniciens  et  Hercule  a  toujours  pour  compa- 
gnon lolaos.  Les  Doriens  Héraclides  ont  trouvé  le  culte  établi.  De  même  pour  Ar- 
témis dont  le  culte  existe  encore  à  Ephèse  ;  de  ce  que  son  culte  a  été  introduit  en 
Chersonnèse  par  les  Doriens,  il  ne  s'ensuit  pas  qu'elle  soit  une  divinité  dorienne. 
^  M.  T.  passe  à  côté  d'une  question  intéressante,  qu'a  traitée  Mommsen  dans  son  his- 
toire de  la  monnaie;  le  droit  exceptionnel  laissé  aux  rois  du  Bosphore    de  frapper 


3r4  REVUE    CRITIQUE 

de  la  monnaie  d'or.  —  Il  parle  d'un  temple  des  Juifs  (p.  84),  sans  se  douter  que  les 
Juifs  n'ont  qu'un  temple,  celui  de  Jérusalem,  et  de  la  diflérence  entre  le  Temple  et 
une  synagogue.  —  En  résumé  on  trouve  plus  de  chose  sur  les  villes  étudiées  par 
M.  T.,  dans  un  article  de  Pauiy  ou  de  Marquardt,  et  quand  on  voudra  chercher 
quelque  chose  sur  ces  villes,  il  faudra  chercher  autre  part  que  dans  la  thèse;  mais 
cette  thèse  n'en  reste  pas  moins  un  morceau  fort  agréable. 

M.  Perrot  reproche  à  M.  T.  de  n'avoir  pas  tiré  parti  d'un  sujet  qu'il  lui  avait  con- 
seillé, de  l'avoir  restreint,  et  de  n'avoir  pas  fait  l'histoire  générale  de  toutes  les  vil- 
les grecques  fondées  en  pays  scythe.  Olbia  et  Borystliène  étaient  surtout  intéres- 
santes; M.  T.  est  resté  au  seuil  avec  Panticapée  et  Kherson  sur  lesquelles  nous  ne 
pouvons  jeter  qu'un  coup  d'œil  indirect  en  consultant  de  rares  documents  athé- 
niens. Il  fallait  citer  le  travail  de  Curtius  die  Hellenen  in  der  Diaspora.  On  relève 
aussi  des  erreurs  de  critique,  on  n'a  pas  le  droit  de  conclure  d'une  épitaphe  de  lé- 
gionnaire à  la  présence  d'une  garnison  permanente  dans  une  ville. 

M.  Rambaud  signale  de  nouveau  des  lacunes  considérables  dans  la  bibliographie. 
M.  T.  a  ignoré  tous  les  travaux  russes,  indispensables  pour  étudier  le  sujet.  Un 
texte  ancien  a  été  oublié,  c'est  un  passage  de  Dion  Chrysostôme  relatif  à  Olbia, 
mais  qui  fournit  des  détails  sur  le  genre  de  vie  des  habitants  de  toutes  ces  villes. 

M.  CoUignon  signale  une  inscription  qui  montre  l'existence  de  relations  religieu- 
ses entre  Delphes  et  Kherson  iBuU.  Corresp.  Hell.  VI,  21 5).  Il  y  avait  à  Délos,  dans 
le  sanctuaire,  des  offrandes  de  Kherson  (Bull.  YI,  3o).  En  général  M.  T.  n'a  pas 
assez  consulté  les  monuments  figurés,  peut-être  par  prudence;  l'étude  des  vases 
trouvés  dans  les  tumuli  de  Kertch  nous  fait  connaître  l'époque  où  le  commerce  est 
le  plus  actif  avec  Athènes,  l'époque  d'Alexandre.  En  somme,  sur  cette  question,  les 
documents  épigraphiques  et  archéologiques  donnent  plus  que  les  textes. 

II 

La  thèse  française  est,  au  jugement  de  M.  Himly,  un  morceau  d'histoire  narrative, 
qui,  le  sujet  aidant,  conquiert  l'attention,  mais  qui  manque  de  critique;  c'est  avant 
tout  un  martyrologe;  dans  la  bibliographie  toutes  les  sources  sont  énumérées  comme 
si  elles  avaient  la  même  valeur.  Cette  étude  sur  le  protestantisme  aurait  pu  avoir 
une  tenue  plus  sévère  et  plus  intéressante;  il  fallait  étudier  les  raisons  qui  tour  a 
tour  ont  fait  avancer  et  reculer  la  Réforme;  il  fallait  exposer  le  mécanisme  adminis- 
tratif de  cette  ville  qui  a  failli  devenir  un  Strasbourg.  On  peut  en  outre  relever 
quelques  erreurs  d'histoire  générale  :  ce  n'est  pas  en  proposant  ses  qS  thèses  que 
Luther  se  sépare  de  l'Eglise;  le  soulèvement  des  paysans  n'est  pas  celui  des  ana- 
baptistes :  le  traité  de  Cateau-Cambrésis  ne  concerne  que  la  France  et  l'Espagne. 

M.  Rambaud  constate  que  la  thèse  a  l'aspect  d'une  chronique,  d'un  récit  très  sec 
qui  remonte  très  haut  dans  le  passé,  et  descend  fort  loin  vers  le  présent;  qu'elle  est 
surtout  composée  à  l'aide  de  deux  sources  :  Meurisse  pour  la  première  partie,  Elie 
Benoît  pour  la  seconde.  —  Il  y  a  de  nouveau  des  lacunes  graves  dans  la  bibliogra- 
phie :  rien  sur  les  Vaudois  et  les  Albigeois  que  M.  T.  ne  distingue  pas;  il  suffi- 
sait de  consulter  la  Bible  Française  au  moyen  âge  de  Samuel  Berger  ;  les  livres  des 
Vaudois  et  le  psautier  Lorrain  dont  la  lecture  fut  interdite  par  Eudes  de  Vaudé- 
niont,  s'y  trouvent.  La  bibliographie  est  incomplète  encore  sur  les  précurseurs  de 
la  Réforme;  on  eût  trouvé  de  précieux  renseignements  dans  le  Bulletin  de  la  Société 
d'histoire  du  protestantisme. —  Elle  est  incomplète  sur  les  Ancillon.  Les  portraits  ne 
sont  pas  vivants;  il  fallait  animer  le  tableau;  il  fallait  étudier  les  chansons.  On  ne 
trouve  presque  rien  dans  la  thèse  sur  l'organisation  de  l'église  de  Metz:  M. T.  a  pour- 
tant montré  qu'elle  se  tint  toujours  à  l'écart,  indépendante  des  autres    églises.  Que 


d'histoire  et  de  littérature  3i5 

devient  la  petite  église,  reste'e  à  Metz,  réduite  à493  membres,  obligés  de  se  déguiser 
en  soldats  suisses  quand  ils  veulent  assister  au  culte  .^  11  fallait  prendre  la  question 
de  la  Révocation  d'une  manière  plus  large.  A  l'époque  où  fut  donné  l'édit  de  Nantes. 
la  France  est  en  avance  sur  toute  l'Europe  ;  à  l'époque  de  la  Révocation,  elle  recule 
et  se  place  derrière  toutes  les  autres  nations;  pourquoi?  —  11  eût  été  intéressant  de 
discuter  la  question  au  point  de  vue  du  droit  (et  justement  un  Messin,  Ancillon, 
l'a  fait  alors);  la  liberté  était  doublement  garantie  à  Metz  et  par  l'édit  de  Nantes  et 
par  le  traité  de  Westplialie.  Cette  révocation,  c'est  la  violation  d'un  droit  écrit;  c'est 
un  procédé  révolutionnaire  appliqué  par  la  monarchie  au  mépris  des  droits  histo- 
riques. En  somme,  la  thèse  a  son  utilité  et  son  intérêt;  mais  incomplète,  comme  elle 
est,  elle  laisse  une  impression  un  peu  mêlée. 

M.  Larisse  fait  observer  que  non-seulement  !a  bibliographie  est  incomplète  mais 
qu'elle  est  mal  classée.  Elle  est  divisée  en  ouvrages  et  documents,  comme  si  l'au- 
teur n'admettait  pas  qu'un  imprimé  pût  être  un  document.  —  De  plus  il  faut  dire 
ce  que  valent  les  documents;  qu'on  n'embarrasse  pas  un  livre  d'un  énorme  appava- 
tiis  d'argumentation,  c'est  bien;  mais  ici  il  y  a  des  pages  entières  non  documentées; 
il  ne  fallait  pas  reculer  devant  la  nécessité  d'un  chapitre  préliminaire  de  critique 
des  sources.  L'introduction  n'a  rien  de  caractéristique;  il  fallait  faire  comprendre 
dans  quel  milieu  allait  se  produire  la  Réforme.  —  Pourquoi  réussit-elle  dans  cer- 
tains pays.''  quelles  forces  et  quels  intérêts  combattent  pour  eller  quelles  forces  et 
quels  intérêts  combattent  contre  elle?  —  La  République  de  Metz  était  un  terrain 
excellent,  dans  cette  région  intermédiaire  où  ont  pu  s'organiser  les  Cantons  suisses 
et  les  Provinces-Unies.  —  Il  fallait  exposer  les  conditions  ethnographiques,  qui  faci- 
litèrent le  passage  au  calvinisme  ;  les  relations  politiques  et  commerciales  de  la  Répu- 
blique ;  ses  institutions  politiques  et  sociales  pour  savoir  d'où  est  partie  la  Réforme, 
comment  elle  s'est  répandue,  où  fut  la  résistance.  —  Au  contraire,  dans  la  thèse  de 
M.  T.,  tout  se  passe  dans  un  milieu  abstrait,  ou  qui  n'est  déterminé  que  par  le  mot 
Metz  seulement.  —  Les  faits  petits  et  grands  se  succèdent  dans  un  récit  d'une  froideur 
générale,  qui  atteint  parfois  l'etTet.  On  aurait  pu  aussi  montrer  le  profit  qu'on  peut 
tirer  pour  l'histoire  générale  de  l'exemple  de  Metz;  c'est  un  reflet  de  l'histoire  géné- 
rale ;  les  deux  partisse  font  successivement  impériaux  selon  leurs  intérêts;  si  les  pro- 
testants font  entrer  les  Français,  Condé  s'arrange  pour  rendre  les  Trois-Évêchés.  — 
Par  excès  d'impartialité,  M.  T.  plaide  les  circonstances  atténuantes  pour  Louis  XIV; 
mais  le  désir  d'unifier  n'est  pas  une  excuse  pour  le  roi;  nul  n'est  plus  soumis  que 
les  protestants.  La  Révocation  est  le  couronnement  des  efforts  patients  et  continus 
du  clergé  français.  --  En  résumé,  pour  ce  qui  touche  à  l'histoiie  générale,  M.  Thi- 
rion  ne  domine  pas  son  sujet  ;  pour  ce  qui  est  de  l'histoire  particulière,  il  manque 
de  méthode.  C'est  un  travail  fait  un  peu  vite,  où  l'on  sent  encore  trop  les  fiches 
cousues  ensemble. 


CHRONIQUE 


ALLEMAGNE.  —  Nous  avens  annoncé  autrefois  une  édition  en  trois  fascicules 
des  discours  choisis  de  Mirabeau  (Ausgcivœhlte  Reden  Mirabeau's.  Berlin,  Weid- 
mann),  par  M.  H.  Fritsche,  directeur  de  l'école  Frédéric  Guillaume  à  Stettin,  Cette 
publication,  qui  fait  partie  de  la  collection  d'écrivains  anglais  et  français  dirigée  par 
M.M.  Pfandheller  et  Lûcking,  est  destinée  aux  élèves  des  gymnases.  Elle  a   eu  du 


3l6  RKVUE    CRITIQUE    D  HISTOIRE    ET    DE    LITlÉRAfCRE 

succùs,  car  le  premier  fascicule  de  la  deuxième  édition  vient  de  paraître;  il  contient 
les  discours  de  l'anne'e  1789.  (In-So,  i63  p.  i ,  mark  5°.) 

—  La  librairie  Julius  Springer,  de  Berlin  (Monbijouplatz,  3)  continue  à  publier, 
sous  le  titre  de  Politische  Geschichte  der  Gegemvart,  sa  collection  d'Annuaires  po- 
litiques; le  XVII'^  et  le  XVIII*'  volumes,  que  nous  n'avons  pas  encore  annoncés,  ont 
paru,  de  même  que  les  précédents,  par  les  soins  de  W.  Wilhelm  Muller,  professeur 
à  Tûbingue;  le  XVII=  est  consacré  à  l'année  i883  (in-B»,  268  p.  3  mark  60);  le 
XVllI"',  à  l'année  1884  (in-S°,  378  p.  4  mark  5o)  :  ces  volumes  rédigés  avec  soin  et 
sans  partialité,  sont  précédés  d'une  table  des  matières  très  détaillée  et  suivis  d'une 
Chronique  ou  table  chronologique  des  événements;  ils  seront  très  utiles,  ne  serait- 
ce  que  comme  mémento,  à  tous  ceux  qui  étudient  l'histoire  contemporaine, 

FRANCE. —  Les  manuscrits  provençaux  de  la  Méjanes. Tous  ceux  qui  ont  fréquenté 
la  magnifique  bibliothèque  d'Aix-en-Provence  savent  combien  est  empressée  l'obli- 
geance, combien  est  sûre  l'érudition  de  M.  F.  Vidal.  Le  sous-bibliothécaire  de  la 
Méjanes  rend  aujourd'hui  un  nouveau  service  aux  travailleurs  en  publiant  de  claires 
et  excellentes  notes  sur  les  ouvrages  en  langue  provençale  ancienne  et  moderne  que 
possède  cet  établissement  (Aix.  Ach.  Makaire,  i885,  grand  in-S"  de  16  p.)  Les  prin- 
cipaux manuscrits  mentionnés  par  le  modeste  et  zélé  collaborateur  de  Mistral  dans 
Lou  Trésor  doufelibrige  sont  :  Lei  planh  de  Sant-Esièvc  (pièce  chantée  annuelle- 
ment à  Saint-Sauveur-d'Aix,  le  26  décembre,  sur  l'air  du  Veni  Creator),  lei  planh 
de  la  bierge  (paraphrase  du  Stabat  Mater)  Icscapitols  de  paix  et  status  municipalx 
de  Tharascon,  un  traité  d'arpentage  composé  par  Arnault  de  Villeneuve  et  traduit 
par  Bertrand  Boysset,  de  la  ville  d'Arles,  un  dictionnaire  de  botanique  français- 
provençal  (xviii^  siècle),  un  dictionnaire  provençal-français  de  la  même  époque  par 
Pierre  Puget,  religieux  minime,  les  poésies  modernes  d'Estienne  Blégiers,  de  Jean  de 
Cabanes,  de  Tronc  de  Codolet.  —  T.  de  L. 


ACADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  16  octobre  188^. 

L'Académie  ayant  à  choisir  un  lecteur  pour  la  séance  publique  annuelle,  qui  aura 
lieu  le  i3  novembre,  désigne  M.  Edmond  Le  Blant.  Il  lira  son  mémoire  intitulé  :  le 
Christianisme  aux  yeux  des  païens. 

L'Académie  nomme  deux  commissions  chargées  de  lui  proposer  des  questions  à 
mettre  aux  concours,  dans  l'ordre  des  études  orientales  et  oans  l'ordre  des  études 
relatives  au  moyen  âge.  L'une  de  ces  commissions  est  composée  de  MM.  Renan, 
Barbier  de  Meynard,  Schefer  et  Bergaigne,  l'autre  de  MM.  Delisle,  Hauréau,  Jour- 
dain et  Luce. 

L'Académie  se  forme  en  comité  secret. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Delisle  :  G.  du  Fresne  de  Beaucourt,  Histoire  de 
Charles  VII,  t.  lll  :  le  Réveil  du  roi  {1435-1444);  par  M.  Jules  Girard  :  A.- J.  Le- 
TRONNE,  Œuvres  choisies,  assemblées,  etc.,  par  E.  Fagnan,  3"  série,  t.  Il;  —  par 
M.  Maspero  :  Mémoires  publiés  par  les  membres  de  la  mission  archéologique  fran- 
çaise au  Caire;  —  par  M.  Maury  :  Antonin  Deuidour,  l'Impératrice  Théodora, 
étude  critique. 

Julien  Havet. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 
Le  l'uy,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


REVUE    CRITIQUE 
D'HISTOIRE    El    DE    LITTÉRATURE 


No  44  —  2  novembre  —  1885 


Souimuii-e  t  igS.  Lewy,  Bucheler  et  Zitelmann,  La  loi  de  Gortyne.  —  iqG. 
Paulin  Paris,  Etudes  sur  François  P"",  roi  de  France,  sur  sa  vie  privée  et  son 
règne.  —  197.  De  Martel,  Les  historiens  fantaisistes,  M.  Thiers,  II.  La  pacifi- 
cation de  l'ouest  et  la  machine  infernale.  —  Variétés  :  Les  manuscrits  de  l'abbé 
Nicaise.  —  Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions. 


195.  —  Heinrich  Lewy.  Altes  stadti'eelit  von  Ooi-tjru  auf  Kreta,  text, 
ûbersetzung  und  anmerkungen  nebst  einem  Wœrterverzeichniss.  Berlin,  Gaertner, 
i885,  in-4,  3z  p. 

—  Franz  Bùcheler  und  Ernst  Zitelmann.  D>as   Rcclit  von  Goi-tyn  (Rhei- 
nisches  Muséum,  40ter  Band,  ergaenzungsheft.  Francfort),  i883,  in-8,  180  p. 

M.    Michel    Bréal    vient    de     signaler  au.x;    lecteurs    de    la    Revue 
l'importance   exceptionnelle   de   la  grande  inscription    boiistrophédon 
découverte  Pan    dernier    à   Gortyne    par    Halbherr    et    Fabricius    ^ 
Pour  la  première  fois,  on  se  trouve  en  présence  d'un  véritable  Gode  de 
65o  lignes,  qui  réglemente  minutieusement,  quoique  dans  un  ordre  très 
confus,  les  principales  matières  du  droit  civil;  çà  et  là,  un  mot  jeté  en 
passant  par  le  législateur  crétois  nous  révèle  quelques  traits  curieux  de 
l'état  social  et  de  la  constitution  politique  de  ces  anciennes  cités,  si  sem- 
blables, à  tant  d'égards,  aux  peuples  germaniques,  au  moment  de  l'in- 
vasion :  tel  ce  tarif  pénal,  dont  les  amendes  varient  en  raison  de  la  con- 
dition du  délinquant  et  de  celle  de  la  victime;  telle  encore  cette  institu- 
tion des  co-)ureurs,  dont  l'existence  sur  le  sol  grec  était  jusqu'à  présent 
inconnue.  Quelle  que  soit  la  date  que  Ton  assigne  à  ce  monument  ines- 
timable —  les  évaluations  varient  entre  600  et  400  avant  notre  ère  — 
il  reste  vrai  de  dire,  avec  un  de  ses  commentateurs,  que  la  découverte  de 
la  table  de  Gortyne  a  la  même  importance  pour  l'étude  du  droit  grec 
que  celle  des  Commentaires  de  Gaïus  au  commencement  de  ce  siècle 
pour  l'étude  du  droit  romain. 


I.  Il  m'est  impossible  d'être  d'accord  avec  M.  Bréal,  quand  il  pense  que  le  com- 
mencement de  l'inscription  est  perdu.  Les  importantes  lacunes  qu'on  peut  y  signaler 
ne  prouvent  rien,  car  notre  loi  nous  avertit  à  plusieurs  reprises  qu'elle  n'est  pas 
la  première  de  son  espèce  et  se  réfère  aux  lois  antérieures.  En  revanche,  ce  qui 
est  tout  à  fait  décisif,  c'est  que  la  première  des  dispositions  complémentaires  (XI,  24) 
se  rapporte  précisément  à  la  première  phrase  de  l'insciiption  telle  qu'elle  nous  est 
parvenue.  Tout  au  plus  admettrais-je  la  disparition  de  la  formule  initiale  et  de 
l'acte  de  promulgation  ;  mais  ne  peut-on  pas  s\ipposer  que  notre  texte  est  la  copie 
d'un  acte  en  force  depuis  longtemps?  C'est,  je  crois,  l'avis  de  M.  Dareste. 
Nouvelle  série,  XX.  44. 


3l8  RKVUK    cm  IlQUt. 

Quoique  le  texte  de  l'inscription  de  Gortyne  ne  soit  pas  particulière- 
ment fruste,  le  déchiffrement  et  surtout  l'interprétation  offrent  de  sé- 
rieuses difficultés  :  i'^  parce  que  l'humidité  de  la  paroi  sur  laquelle  est 
gravée  l'inscription  n'a  pas  permis  de  prendre  d'estampages;  certaines 
lectures  restent  donc  douteuses;  2°  parce  que  la  pauvreté  de  Palphabet 
employé,  qui  ne  distingue  ni  les  voyelles  longues,  ni  les  aspirées  (sauf 
le  0),  ni  les  lettres  doubles,  autorise  souvent  des  groupements  multiples 
des  caractères;  3°  à  cause  de  notre  ignorance  du  dialecte  crétois,  du  lan- 
gage parfois  pénible  et  embarrassé  du  législateur,  de  la  bizarrerie  ou  de 
la  nouveauté  de  plusieurs  de  ses  dispositions.  Ce  n'est  guère  que  par  la 
collaboration  des  savants  compétents  des  divers  pays  —  sinon,  comme 
le  veut  l'un  d'eux,  par  les  efforts  successifs  de  plusieurs  générations  de 
philologues  et  de  jurisconsultes  —  qu'on  peut  espérer  de  tirer  de  la 
table  de  Gortyne  toute  la  lumière  qu'elle  peut  et  doit  nous  donner. 

M.  Bréal  a  rendu  pleine  justice  ici  même  aux  publications  dont  la 
loi  de  Gortyne  a  fait  l'objet  en  France  et  en  Italie.  Je  demande  la  per- 
mission de  revenir  en  quelques  mots  sur  deux  publications  allemandes 
dont  l'une  est  celle  de  M.  Lewy,  dont  l'autre,  celle  de  MM.  Bûcheler 
et  Zitelmann,  mérite  d'être  signalée  tout  particulièrement  à  l'attention 
des  jurisconsultes. 

Venant  après  Fabricius,  Comparetti  et  Dareste,  MM.  Lewy,  Biicheler 
et  Zitelmann  ont  pu  profiter  des  travaux  de  leurs  devanciers,  les  corri- 
ger les  uns  par  les  autres,  et  y  ajouter  le  fruit  de  leurs  recherches 
personnelles.  Les  deux  ouvrages  ont  été  exécutés  tout  à  fait  in- 
dépendamment; cette  circonstance  donne  d'autant  plus  de  prix  aux 
coïncidences  de  restitution  qui  ne  sont  pas  rares.  Ainsi,  à  la  2*^  colonne, 
ligne  53,  Lewy  et  Biicheler  se  sont  rencontrés  pour  écrire  yr^peùaioç  (de 
yyiptÙGiq),  au  lieu  de  zeleùcioQ  (Comparetti),  dans  le  sens  nouveau  de 
a  divorce  ».  De  même  III,  29,  tous  les  deux  lisent  [^.otpav  Tav.-rav.  Dans 
quelques  cas,  assez  rares  à  la  vérité,  les  lectures  de  M.  Lewy  nous  pa- 
raissent mériter  la  préférence.  Ainsi,  à  propos  de  la  femme  colone  di- 
vorcée qui  reprend  son  premier  conjoint,  Biicheler  écrit  (IV,  4)  :  at  Ss 
To)  auTÔ)  auTiv  o-ut'ot  xôJ  (pour  toO)  TrpwTco  èv'.auTw.  Nous  aimons  beaucoup 
mieux  la  division  de  M.  Lewy  :  aî§è  tw  aÙTw  auxtç  czui'oito  ■rpb  tw  èviauTw, 
non  seulement  parce  que  la  forme  dorienne  est  Tcpatoç  et  non  rptoToç, 
comme  il  le  fait  observer,  mais  surtout  parce  que  dans  notre  inscription 
le  verbe  ctcuîsiv  s'emploie  constamment  au  moyen  quand  il  s'agit  de  la 
femme,  et  à  l'actif  en  parlant  de  l'homme  (par  exemple  VIII,  22  :  aï 
AsîovTo;  cTT'Jiîv  0)  £cor/,av  [j.Y)  Ast'ci  c'^uiÉOat).  Or  ici  c'est  de  la  femme  qu'il 
s'agit.  Quant  à  traduire  avec  M.  Buchelcr  :  «  Falls  aber  demselben 
abermals  er  sic  ehelicht  im  Laiif  des  ersteii  Jahres  »  en  prenant  pour 
sujet  de  la  phrase  le  mot  7:âc7-aç  «  le  maître  »,  sous-entendu,  c'est  ne 
faire  rien  de  moins  qu'un  contre-sens  :  i»  parce  que  cTûut'eiv  signifie 
K  épouser  »  et  non  «  marier  »;  2°  parce  que  MM.  Biicheler  et  Zitel- 
mann reconnaissent  eux-mêmes  (p.  \  i3)que  le  consentement  du  maître 


DHISTOIRK    ET    DP:    LITTÉRATURE  3ig 


n'est  pas  nécessaire  pour  le  mariage  de  la  colone^  à  plus  forte  raison  ne 
peut-on  pas  dire  «  qu'il  la  marie  »  ^ 

Le  travail  de  M.  Lewy  ne  se  recommande  pas  seulement   par  quel- 
ques heureuses  corrections  de  ce  genre.  Il  faut  signaler  encore  une  dis- 
position très  claire  du  texte  et  de  la  traduction,  placés  en  regard  l'un  de 
l'autre  et  se  correspondant  ligne  par  ligne;  un  index  qui  nous  a  paru 
complet  et  correct,  puis  la  reproduction  de  deux  courts  fragments  rela- 
tifs au  dommage  causé  par  des  animaux,  fragments  qui  ont  été  décou- 
verts au  même  endroit  que  la  grande  inscription  et  sont  d'une  date  un 
peu  plus  récente.  M.  Gomparetti  les  avait  déjà  édités;  nous  ne  savons 
pourquoi  M    Bûcheler  les  a  omis.  En  revanche  le  commentaire  propre- 
ment dit  de  M.  Lewy,  placé  sous  forme  de  notes  au  bas  des  pages,  nous 
a  fait  l'effet  d'un  travail  trop  abrégé  et  un  peu  hâtif.  Au  lieu  d'y  relever, 
avec  une  satisfaction  qui   n'est  pas  tout  à  fait  exempte  de  pédantisme, 
les  contre-sens  commis  par  ses  devanciers,  M.  Lewy  aurait  peut-être 
mieux  fait  d'y  multiplier   les   rapprochements  avec  les  textes   de  droit 
grec   et   roinain,  et  d'approfondir  davantage  certaines  parties    de  son 
sujet.  Ce    n'est  pas   un    grand   crime,  à  propos  de   l'article  qui,   dans 
le  causa  liberalis,  tranche  le  doute  en  faveur  de  la  liberté  (I,  14),  d'a- 
voir oublié  de  citer  un  texte  classique  d'Aristote  (Prob.  xxix,  12,  p.  95  i 
a),  mais  une  lecture  un  peu  plus  attentive  de  notre  inscription  même 
aurait  convaincu  M.  L.  qu'il  a  fait  fausse  route  en  identifiant  les  mots 
I   ri^A(ù'>  (pubes)  et  ûpo[xôùç  (major  xxv  annis),  qu'il  n'y  a  aucune  contra- 
1   diction  entre  l'article  de  notre  loi  sur  la  peine  de  l'adultère,  ou  plutôt 
sur  le  prix  de  la  composition  dû  par  le  délinquant  (u,  24)  et  le  texte 
I   d'Elien   (xii,   12)  qui  s'y  rapporte,   que  Texplication  qu'il  a  donnée 
(note  36)  de  ce  principe  :  «  L'enrant  naturel  de  la  femme  colone  appar- 
tient au  maître  du  père  de  la  colone  »  ne  tient  pas  debout  :  au  lieu  d'y 
chercher  ce  motif  bizarre  «  que  le  législateur  a  voulu  empêcher  l'encou- 
ragement donné  par  le  maître  à  l'inconduite  de  sa  servante  en  le  pri- 
vant du  fruit  de  cette  inconduite  »,  il  suffisait  de  remarquer  que  l'es- 
clave femelle  (ou  plutôt  la  colone)  est,  comme  la  femme  libre,  sous  la 

i.  Quant  à  la  construction  Tzpo  xou  iviauTîu,  comparez  C.  [.  G.  II    2556,  1.  43  : 
Uçh  à;xspav  oéxa  ,  et  dans  notre  inscription   même  IX,   29   :    è'jr'.ixoX'^v  auTw  7:00 
xîù  ev'.auTÛ  (texte  douteux). 
'      Voici  encore  quelques  lectures  de  M.  Lewy  que  nous  signalerons  comme  préfé- 
rables à  celles  de  M.  Bûcheler  : 

(II,  37  et  44,  ooXwaaOôat  (être  victime  d'un  guet-apens;,  et  non  couXo')'jaOOat  'être 
réduit  en  esclavage). 
IV,  16,  Y]  a'Jtbv  [j:q  oprj,  al  xz^'hir,,  etc.  La  pierre  porte  opEtxi,  al  à-oOst'^,  mais 
cette  forme  optative  de  cciw  paraît  inadmissible  ;  elle  doit  résulter  d'une  erreur  du 
lapicide  qui  a  écrit  deux  fois  les  lettres  a'.  (Comp.  VIII,  10  :  -ra'.Tra'.T:) .  M.  Desrous- 
seaux  veut  bien  nous  dire  qu'il  se  range  à  cette  opinion.  (Qu'il  me  soit  permis  de 
dire  à  cette  occasion  que  les  inadvertances  de  ce  genre  sont  assez  ïréquentes  dans 
notre  inscription.  L'orthographe  t'.ç,  Tévav;  pour  tiç,  Cléyav?  rentre  dans  cette 
.catégorie,  et  je  ne  puis  voir  qu'une  simple  coquille  là  où  MM.  Baunack  et  Bréal 
Ivoient  «  une  forme  particulière  du  sandhi).  » 


320  REVUK    CRITIQUE 

garde  de  son  père  ou  de  ses  frères:  dès  lors  le  législateur  lui  applique  la 
règle  pat^t lis  ventrem  seqiiitiir.  Cette  différence  essentielle  avec  le  droit 
romain  est  une  preuve  de  plus  de  la  condition  toute  particulière  de  la 
classe  des  colons  à  Gortyne,  qu'il  faut  bien  se  garder  d'assimiler  pure- 
ment et  simplement  à  des  esclaves. 

Peut-être    a-t-il    manqué   à    M.    Lewy,   pour    l'exacte    intelligence 
de  ce  passage  et  de   plusieurs  autres,  une  éducation  juridique  et  une 
connaissance   suffisante  de  la  littérature  du  droit   comparé.    Ce  sont 
précisément  ces  qualités  qui  donnent  une  valeur  hors  ligne  au  com- 
mentaire dont  M.  Zitelmann  a  fait  suivre  l'édition  et  la  notice  philolo- 
gique de  M.  Bûcheler.  L'auteur  est  professeur  de  droit  romain  à  l'uni- 
versité de  Bonn;  mais  il  paraît  aussi  familier  avec  le  droit  attique  et 
les  travaux  modernes  sur  le  droit  comparé  des  peuples  primitifs  qu'avec 
les  textes  du  Code  et  du  Digeste.  Il  est,  en  outre,  doué  d'un  sens  juri- 
dique très  sûr  et  très  fin,  et  si  l'on  peut  reprocher  quelque  chose  à  ses 
explications,  à  la  fois  abondantes  et  concises,  c'est  de  pêcher  parfois  par 
un  excès  de  subtilité,  ou  de  laisser  au  lecteur  le  choix  entre  un  trop 
grand  nombre  d'interprétations  divergentes,  de  «  systèmes  »,  comme 
disent  les  jurisconsultes.  Malgré  cette  réserve,  nous  croyons  que  les  140 
pages  que  M.  Z.  a  consacrées  au  droit  civil  de  Gortyne,  étudié  successi- 
vement dans  ses  traits  généraux  et  dans  ses  dispositions  particulières, 
sont  une  contribution  de  premier  ordre  à  la  connaissance,  si  peu  avan- 
cée encore,  du  droit  grec;  on   pourra  compléter  ou  rectifier  ce  travail 
sur  quelques  points  de  détail,  lorsque  des  inspirations  heureuses  ou  des 
découvertes  inespérées  auront  achevé  de  combler  toutes  les  lacunes  du 
texte  :  on  ne  le  refera  pas  ^ 

I.  Il  serait  hors  de  propos  a'indiquer  ici  tous  les  points  sur  lesquels  le  commen- 
taire de  MM.  B.  et  Z,  ne  m'a  pas  entièrement  satisfait,  \o\c\  seulement  quelques 
notes  que  j'ai  transcrites  en  marge. 

P.  14.  Est-il  bien  exact  que  le  verbe  [j.oAsTv  Utigavi,  ait  quelque  chose  à  faire  avec 
le  latin  mulcia  et  surtout  avec  le  héros  crétois  Molos  r 

P.  19  (11,  17  de  l'inscription)  ày.sûcvTOÇ  zaBiSTCC  (il  s'agit  de  la  séduction  d'une 
fille  libre)  :  ày.îûovTCÇ  pour  àxcîicVTCÇ,  dit  Bûcheler,  parce  que  de  pareils  délits 
s'apprennent  plutôt  par  ouï-dire  que  de  visu.  Mais  alors  qu'est-ce  que  ce  [;,aÎTUÇ 
dont  il  est  question  dans  la  même  phrase  i 


7:pô00a  i^.r,  evcty.ov  r,\j:r,'j. 

P.  29   (VI,  5b),  b   èy.SlOspOTCv    est    un     rébus.    Je  propose    non    sans    hésitation 
ci/.oOspi'rrwv,  mot  formé  comme  chA0c,zaT.6Tr,ç. 

P.  164.  «  Quand  l'adopté  meurt  sans  descendants,  les  collatéraux  de  l'adoptant 
reprennent  sa  fortune.  »  M.  Zitelmann  en  conclut  que,  de  même  qu'à  Athènes,  l'a- 
dopté ne  peut  pas  lui-même  adopter.  Cette  conclusion  ne  me  paraît  pas  plus  légi- 
time que  celle  qu'on  pourrait  tirer  de  la  disposition  identique  du  Code  civil  fart. 
35 1).  Tout  ce  qui  résulte  du  texte,  c'est  que  les  biens  que  l'adopté  a  recueillis  dans 
la  succession  de  l'adoptant  ne  pourraient  être  transmis  à  son  propre  fils  adoptif  ; 
mais  il  en  serait  autrement  de  ses  acquêts  personnels,  et,  selon  toute  probabilité, 
des  sacra. 


È 


1 


d'histoire  et  rjic  littkuaturk  32 i 

Reste  à  parler  des  traductions  mêmes  qui  sont  ou  devraient  être  la 
pièce  de  résistance  de  nos  deux  publications.  Malheureusement  nous 
avons  peu  de  bien  à  en  dire.  M.  Lewy  nous  prévient  loyalement  «  que 
sa  traduction  ne  s'attache  qu'à  la  fidélité  littérale  et  qu'il  a  dédaigné 
l'élégance  »;  de  son   côté,   M.   Biicheler   «  n'a    voulu    que   serrer   le 
texte  afin  d^en  faciliter  l'intelligence  aux  non-philologues.  »  C'est  parler 
d'or;  seulement  M.  Lewy,  à  force  de  dédaigner  l'élégance,  a  sacrifié  la 
clarté  et  la  correction,  et  M.  Biicheler,  sous  prétexte  de  «  faciliter  l'in- 
telligence »,  aboutit   en  réalité  à   une   sorte   de  «    petit  nègre   ))  que 
les  (t  philologues  ))'eux-mémes  ne  parviendront  à  déchiffrer  qu'en  recou- 
rant au  texte  grec  placé  en  regard.  Pour  prouver  que  nous  n'exagérons 
pas,  citons   une  phrase,  une  seule,  de  la  version  de  M.  Biicheler,  qui 
n^est  pas  parmi  les  plus  bizarres.  Il  s'agit  du  mariage  des  filles  épiclères 
(Tra-uptoor/o'.)  (vu,  35)  «  Wennaber  der  Rennbahniintheilhaftig  der  Ehe- 
berechtigte  enpachsen  die  enpachsene  nichtwill  ehelichen,  so  sa  il  bei 
der  Erbtochter  stehen  das  gan:{e  Vermogen  iind  die  Frucht,  bis  er  eheli- 
cht.  »  (Le  sens  est  :  Si  le  parent  qui  a  droit  à  la  main  de  la  fille  épi- 
clère  est   pubère,  mais   mineur,    elle-même   nubile,  et   qu'il  refuse  de 
répouser,  elle  aura  droit  à  toute  la  fortune  et  aux  fruiis  jusqu'à  ce  qu'il 
l'épouse).  Nous  affirmons  hardiment  qu'un  pareil  galimatias,  qui  n'est 
allemand  en  aucune  langue,  ne  peut  servir  de  rien  ni  aux  philologues, 
ni  aux  non-philologues.  A  tant  que  donner  une  traduction,  il  eût  fallu 
prendre  pour  modèle  celle  de  M.  Dareste  qui,  là  oii   il  ne   s'est  pas 
trompé  sur  le  sens,  concilie  de  la  façon  la  plus  heureuse  l'exactitude  et 
la  clarté.  Ce  sont  là  les  deux  qualités  fondamentales,    indispensables 
dans  la  traduction  d'un  texte  épigraphique  difficile,  et  nous  regrettons 
sincèrement  que  MM.  Lewy  et  Biicheler,  qui  nous  ont  donné  de  si  ex- 
cellentes choses,  aient  un  peu  défiguré  leurs  publications  par  ces  décal- 
ques informes,  rébarbatifs  et  surtout  inutiles. 

Théodore  Retnach. 


iq6.  —  Étu<Ies  sut*  Fr-ançoîs  premier,  roi  de  France,  sur  sa  vie  privée  et 
son  règne,  par  Paulin  Paris,  publiées  d'après  le  manuscrit  de  l'auteur  et  accom- 
pagnées d'une  préface,  par  Gaston  Paris,  de  l'Institut.  Paris,  Léon  Techener, 
iS85,  2  vol.  in-8  de  ix-25i  et  072  p.  Prix  des  deux  volumes:  16  fr. 

Je  vais  oublier,  un  moment,  que  Paulin  Paris  a  été  un  de  mes  plus 
vénérés  maîtres  et  de  mes  meilleurs  amis,  que  M.  Gaston  Paris  est  un 
de  mes  confrères  préférés,  qu'il  est,  en  outre,  un  des  directeurs  de  cette 
Revue.  Je  parlerai  des  Etudes  sur  François  /"  comme  si  le  père  et 
le  fils  m'étaient  aussi  indifférents  qu'ils  me  seront  chers  à  jamais. 

Racontons  d'abord,  d'après  la  Préface  de  M.  G.  P.,  l'histoire  du  li- 
vre.  L'analyse  et  l'appréciation  viendront  après. 

En  1879,  M,  Léon  Techener  mit  à  la  disposition  de  P.  P.  un  manus- 


322 


RKVUli    CRITIQUE 


crit  appelé  par  ce  dernier  Portefeuille  de  François  I"'^  et  que  d'autres, 
avant  lui,  avaient  moins  exactement  désigné  sous  le  titre  de  Poésies  de 
François  /",  car  tous  les  vers  n'y  sont  pas  de  ce  prince.  P.  P.  consacra, 
dans  le  Bulletin  du  Bibliophile  de  janvier-février  et  de  juillet  1880, 
une  notice  étendue  à  ce  recueil,  dont  il  existe  aU  moins  six  exemplaires, 
un  notamment  à  la  Bibliothèque  nationale  '.  «  Ce  travail,  dit  M.  G.  P. 
(p.  i)  lui  remit  en  mémoire  un  projet  qu'il  avait  eu  bieil  longtemps 
auparavant,  et  auquel  il  se  reprit  avec  Tardeur  qu'il  a  toujours  portée 
dans  toutes  ses  études,  et  qu'il  avait  gardée  aussi  vive  dans  l'âge  le  plus 
avancé.  L'amour  de  la  vieille  France,  le  sentiment  reconnaissant  des 
gloires  delà  royauté,  le  mécontentement  que  lui  causaient  les  jugements 
tranchants  et  superficiels  dont  notre  histoire  est  trop  souvent  l'objet, 
la  passion  pour  ce  qui  lui  semblait  être  la  vérité,  l'animèrent  dans  l'exé- 
cution de  cette  œuvre,  qu'il  n'abandonna  pas  depuis  le  jour  où  il  l'avait 
commencée  jusqu'à  celui  où  le  mal  fit  tomber  la  plume  de  ses  mains  ». 
Ceci  est  littéralement  exact  :  P.  P.  mourut  le  i3  février  1881,  et,  l'a- 
vant-veille  de  son  décès,  rassemblant  toutes  ses  forces,  il  acheva  la 
traduction  de  l'importante  dépêche  de  Marino  Cavalli  qui  termine 
l'ouvrage.  «  Ce  fut  assurément  pour  lui  »,  ajoute  M.  G.  P.  (p,  ii), 
«  une  consolation  de  penser  que  le  livre  dans  lequel  il  avait  mis  tant  de 
lui-même,  et  où  il  avait  rendu  à  l'équité  historique  et  à  l'intelligence 
de  notre  passé  national  un  si  éminent  service,  pourrait  voir  le  jour  après 
sa  ihort  ». 

Ce  livre  —  l'auteur  de  la  Préface  l'a  déjà  dit  —  avait  été  conçu  bien 
longtemps  avant  d'être  commencé.  C'est  en  i832,  après  la  lecture  du 
drame  Le  Roi  s' amuse ^  que  P.  P.,  sous  l'impression  d'une  indignation 
généreuse,  résolut  d'opposer  un  travail  sérieux  et  loyal  à  «  cette  carica- 
ture passionnée  d'un  des  règnes  les  plus  brillants  qu'ait  vus  la  France  ». 
Interrogeant  avec  ardeur  les  livres  et  les  manuscrits  du  xvi^  siècle,  il 
recueillit  dès  lors  tout  ce  qui  pouvait  «  mettre  dans  leur  vrai  jour 
quelques-uns  des  traits  de  l'histoire  de  François  \^^  qui  lui  semblaient 
le  plus  cruellement  travestis  ».  Puis  d'autres  travaux  le  détournèrent 
et  l'absorbèrent  pendant  près  d'une  cinquantaine  d'années  ^.  La  lecture 
du  manuscrit  communiqué  par  M.  Techener  raviva,  dit  M.  G.  P. 
(p.  m),  «  son  intérêt  pour  l'époque  de  François  I"  qui,  en    1879,  lui 


1.  F.  Fr.  2372.  C'est  de  ce  manuscrit  que  Champollion  tira  en  grande  partie  sa 
publication  de  1847  (Paris,  in-40)  :  Poésies  du  roi  François  I",  de  Louise  de  Sa- 
voie, duchesse  d'Augouléme,  de  Marguerite,  reine  de  Navarre,  et  correspondance 
intime  du  Roi  avec  Diane  de  Poitiers  et  plusieurs  autres  dames  de  la  cour. 
Voir  sur  les  diverses  transcriptions  connues  de  ces  poésies  les  pages  i32-i34  du 
tome  1  des  Etudes. 

2.  Voir  rénumération  de  tous  ces  travaux  dans  les  notices  écrites  par  M.  G.  P. 
pour  la  Ronlania  (1882)  et  pour  VHisloire  littéraire  de  la  France  (en  tête  du 
tome  XXIX.  iSS5).  Voir  encore  la  notice  de  M.  H.  Wallon  publiée  dans  le  tome  II 
de  ses  Éloges  académiques  (1882).  J'avais  devancé  ces  éminents  critiques  dans  le 
Bulletin  du  Bibliophile  de  mars-avril  188 1. 


OHISTOlRli    lit    DE    LITTÉRATURE  323 

semblait-il,  n'était  guère  mieux  connue  qu'en  1882.  La  lecture  des  cha- 
pitres qui  s^  rapportent  dans  VHistoire  de  France  de  Michelet  ne  fit 
qu'augmenter  son  désir  de  combattre  des  assertions  et  des  hypothèses 
présentées  avec  tant  d'audace,  de  malveillance  et  de  maladive  fantaisie; 
il  fouilla  ses  papiers,  y  retrouva  ses  anciens  matériaux,  y  joignit  quel- 
ques nouvelles  pièces,  et  tout  d'un  Jet,  en  quelques  mois,  il  écrivit 
l'ouvrage  qui  devait  être  le  charme  de  ses  derniers  jours  et  qui  ne  sera 
sans  doute  pas  un  des  moindres  titres  de  sa  réputation  littéraire  ». 

M.  G,  P.  a  revu  avec  un  soin  pieux  le  manuscrit  de  son  père,  colla- 
tionnant  toutes  les  citations,  supprimant  les  légères  négligences  insé- 
parables d'un  travail  auquel  l'auteur  n'a  pu  mettre  la  dernière  main, 
mais  se  gardant  de  modifier  en  quoi  que  ce  soit  la  pensée  et  le  langage 
de  l'historien. 

L'ouvrage  n'est  point  un  tableau  complet  du  règne  de  François  P^  ; 
c'est  une  série  d'études  divisées  en  neuf  chapitres  sur  quelques  points  de 
la  vie  privée  et  politique  de  ce  prince.  Ces  points  sont  les  suivants  : 
Enfance  et  éducation  de  François  7"^'';  Premières  amours  de  Fran- 
çois I""^:  François  F"  et  Marie  d'Ansrleterre  ;  Louise  de  Savoie  et 
Semblançay;  Le  Connétable  de  Bourbon;  La  duchesse  d' Eta.mpes ; 
Maladie  et  mort  de  François  F*.  Ajoutons-y  une  fort  remarquable 
introduction  où  l'auteur  exprime  (p.  i-25)  son  jugement  sur  les  princi- 
paux écrivains  d'autrefois  qui  ont  été  les  détracteurs  de  celui  que  d'une 
voix  unanime  ses  contemporains  avaient  proclamé  le  Grand  Roi,  le 
Restaurateur  des  lettres,  des  arts  et  des  sciences,  et  auquel  les  historiens 
étrangers  avaient  rendu  le  plus  éclatant  hommage.  Ces  écrivains  aveu- 
glément hostiles  '  sont,  d'abord,  deux  familiers  de  la  maison  de  Mont- 
pensier,  deux  apologistes  à  tout  prix  du  connétable  de  Bourbon,  Fran- 
çois Beaucaire  de  Peguillon,  lequel  écrivit,  quarante  ans  après  la  mort 
de  François  I",  les  Reruni  gallicarum  commentaria,  qui  embrassent 
l'histoire  d'un  siècle  (1464-1562)'-,  et  un  autre  Bourbonnais,  A^ntoine  de 

I.  Voir  (p.  1-2)  de  judicieuses  considérations  sur  ia  difficulté  de  reconnaître  la 
vérité  historique  au  milieu  des  nuages  accumule's  autour  d'elle  par  les  passions  re- 
ligieuses et  politiques  du  xvi=  siècle. 

■i.  Reproduisons  un  vif  et  heureux  passage  sur  le  gros  volume  du  protégé  du  Con- 
nétable (p.  4-5)  :  «  Dans  le  récit  des  deux  règnes  de  Charles  VIII  et  Louis  XII,  Beau- 
caire s'est  contenté  de  suivre  Gaguin,  Paul  Emile  et  Paul  Jove;  mais,  à  compter  de 
François  P'",  il  vole  de  ses  propres  ailes,  et  l'histoire  dégénère  aussitôt  en  factum. 
L'avocat  déclaré  des  Montpensier  ne  recule  devant  aucune  invention,  ne  se  défend 
d'aucune  invective  :  jamais  la  vérité  ne  fut  sacritiée  plus  insolemment  ù  l'esprit  de 
parti»  Toute  la  vie  de  François  l*''"  n'est  plus  partagée  qu'entre  les  plaisirs  de  l'amour 
et  ceux  de  ia  chasse;  aucun  souci  des  affaires  publiques;  la  direction  en  est  aban- 
donnée à  la  plus  coupable  des  mères,  aux  plus  indignes  des  maîtresses-  Le  chance- 
lier du  Prat  est  le  plus  malfaisant  des  bipèdes,  bipedum  omnium  nequissiiiius.  Là  se 
trouve  pour  la  première  fois  insinué,  '.;n  France,  sous  la  réserve  d'une  conjecture, 
que  Louise  de  Savoie  était  devenue  l'implacable  ennemie  du  Connétable  parce  que 
ce  prince  (à  pjine  âgé  de  treize  ans)  lui  avait  inspiré  une  passion  qu'il  n'avait  pas 
panagée.  La  fable  de  ces  amours  devait  faire,  après  Beaucaire,  bien  du  che- 
min ». 


324  KKVUK    CIUTIQUK 

Laval,  capitaine  du  château  de  Moulins  et  intendant  du  duc  Henri  de 
Montpensier,  dont  le  livre  intitulé  :  Desseins  de  professions  nobles  et 
publiques^  a  été  imprimé  à  Paris  en  i6o5  et  en  1612  '.  De  ces  accusa- 
teurs posthumes  rapprochons  le  très  suspect  Brantôme,  un  obscur  mé- 
decin de  la  petite  ville  d'Uzerche  en  Limousin,  nommé  Guyon,  sieur  de 
la  Nauve,  Tauteur  de  Diverses  leçons^  enfin  Varillas,  le  roi  des  men- 
teurs -.  P.  P.  a  bien  le  droit,  après  cela,  de  résumer  ainsi  ce  que  l'on 
doit  penser  de  la  valeur  des  témoignages  invoqués  contre  François  I" 
(p.  n)  :  «  Tels  ont  été  les  garants  assez  peu  recommandables,  on  en  con- 
viendra, de  tout  ce  qu'on  a  complaisamment  accumulé  contre  la  mé- 
moire de  François  I«^  Ce  qui  manquait  dans  Beaucaire,  on  l'a  trouvé 
dans  Laval,  dans  Brantôme,  dans  le  Limousin  Guyon  et  dans  Varillas. 
Cependant  personne  n'avait  pu  découvrir,  dans  les  documents  contem- 
porains, chroniques,  journaux,  lettres  publiques  ou  privées,  relations 
diplomatiques,  romans  et  poésies,  une  seule  ligne  à  l'appui  de  tant  d'al- 
légations intéressées  ou  romanesques,  pour  la  première  fois  hasardées  un 
demi-siècle  ou  plus  d'un  siècle  après  la  mort  de  tous  ceux  dont  elles 
déshonoraient  la  mémoire  )>. 

Je  tiens  à  citer  encore  quelques  lignes  où  se  déroulent  à  la  fois  l'éloge 
de  François  I"  et  le  programme  de  Pauteur  (p.  19-20)  :  «  Tout  l'écha- 
faudage de  médisances  et  de  calomnies  que  les  défenseurs  du  connétable, 
les  conteurs  et  les  romanciers  ont  dressé  contre  la  mémoire  de  ce  grand 
roi,  je  me  propose  de  le  i-enverser.  J'en  ai  découvert  les  fondements  et 
j'en  ai  reconnu  la  singulière  fragilité.  Ceux  qui  l'avaient  dressé  nous 
ont  dérobé  Péclat  d'une  des  grandes  époques  de  notre  histoire.  Ils  ont 
masqué  la  véritable  figure  d'un  roi  loyal,  éclairé,  clément,  spirituel, 
type  du  caractère  français;  réformateur  de  la  justice,  fondateur  du  Ha- 
vre, de  Cherbourg,  de  Vitry-le-François,  et,  dans  un  autre  ordre  d'idées, 
du  collège  de  France;  digne  autant  que  Louis  XIV  de  la  reconnais- 
sance des  savants,  des  écrivains,  des  artistes,  qu'il  attirait  en  France 
ou  qu'il  pensionnait  à  l'étranger.  Je  ne  toucherai  pas  aux  événements 
généraux  de  son  règne;  je  ne  m'arrêterai  pas  sans  nécessité  sur  les  suc- 
cès et  les  revers  entremêlés  d'une  guerre  pour  ainsi  dire  incessante.  Je 
laisserai  dans  Tombre  le  Milanais  pris  et  perdu,  repris  et  reperdu  ;  les 


1.  Laval  a  ménagé  le  roi  François  plus  que  n'avait  fait  Beaucaire,  mais  aux  dépens 
de  Louise  de  Savoie.  Il  a  inséré  dans  son  livre  le  Journal  du  sieur  de  Marillac, 
secrétaire  du  Connétable,  et  il  a  joint  aux  allégations  de  ce  chroniqueur  à  gages 
(p.  8)  «  de  prétendus  on  dit,  qu'il  a  bien  l'air  de  dire  le  premier  et  des  révélations 
qu'il  a  recueillies,  vers  1600,  de  personnes  de  l'un  et  de  l'autre  sexe  qu'il  se  garde 
de  nommer  ». 

2.  Reconnaissons-le  pourtant,  dit  P.  P.  (p.  11)  :  «  Ce  n'est  pas  dans  une  intention 
intéressée  que  Varillas  s'est  permis,  à  cent  cinquante  ans  de  distance,  de  nous  révéler 
les  anecdotes  secrètes  du  règne  de  François  I":  c'est  uniquement  par  mauvais  goût 
et  par  esprit  romanesque;  il  a  cru  que  la  trop  grande  sévérité  de  l'histoire  devait 
être  tempérée  par  d'agréables  broderies,  et  il  l'en  a  couverte 

Pour  orner  son  éclat  et  non  pour  le  cacher.  » 


D^HISTOIRE   ET    DE    LITXÉRATUIiE  323 

frontières  de  France  trois  fois  envahies  de  tous  les  côtés  par  les  armées 
combinées  de  l'Espagne  et  de  l'Angleterre,  de  PAllemagne  et  des  Pays- 
Bas;  armées  trois  fois  refoulées  au-delà  des  Pyrénées,  de  la  Moselle  et  de 
l'Escaut,  grâce  à  la  sagesse  des  plans  tracés  par  le  Roi,  grâce  à  sa  présence 
au  milieu  des  grands  hommes  de  guerre  que  lui  seul,  et  non  sa  mère 
ou  ses  maîtresses,  avait  su  distinguer  ou  former  :  les  maréchaux  de 
Lautrec  et  de  La  Palice,  le  connétable  Anne  de  Montmorency,  le  fa- 
meux Louis  de  La  Trémouille,  François  et  Claude  de  Guise,  Charles  de 
Vendôme,  Guillaume  et  Martin  Du  Bellay,  celui  enfin  qu'il  avait  choisi 
pour  être  armé  par  lui  chevalier  le  lendemain  de  Marignan,  Bayard,  le 
chevalier  sans  peur  et  sans  reproche.  Non,  je  ne  dirai  rien  de  tout  cela  : 
j'entends  ne  m'attacher  qu^aux  imputations  calomnieuses  et  menson- 
songères  qui  pèsent  encore  aujourd'luii  sur  la  grande  mémoire  de  Fran- 
çois I'^'',  et  je  ferai  tous  mes  efforts  pour  n'être  pas  victorieusement  dé- 
menti. » 

Les  moyens  de  contrôle  n'ont  pas  manqué  au  consciencieux  autant 
que  sagace  investigateur  ;  il  s'est  servi  des  graves  et  sincères  mémoires 
des  deux  frères  Guillaume  et  Martin  Du  Bellay,  des  récits  d*un  historien 
contemporain,  «  qui  mériterait  d^être  consulté  plus  souvent  et  plus  uti- 
lement )),  Arnoul  le  Ferron  \  mort  en  i563,  des  livres  d'illustres  écri- 
vains étrangers  tels  que  François  Guichardin,  Paul  Jove,  Jean  Sleidan, 
de  la  Chronique  du  Roy  François  /"",  mise  au  jour  par  M.  G.  Guiffrey, 
du  Journal  d'un  bourgeois  de  Paris,  «  dont  nous  devons  la  publica- 
tion à  un  habile  et  savant  critique,  M.  Ludovic  Lalanne  »,  du  mémo- 
rial trop  concis  de  Louise  de  Savoie,  des  Mémoires  de  Fieuranges,  de 
Carioix,  «  des  précieux  commentaires  de  Biaise  de  Monluc  »,  de  {"His- 
toire de  notre  temps  de  Guillaume  Paradin,  des  innombrables  lettres  du 
Roi,  de  sa  mère,  de  ses  maîtresses  et  de  ses  ministres  conservées  dans  le 
cabinet  des  manuscrits  de  la  Bibliotiièque  nationale;  des  procès  de  Sem- 
blançayetdu  connétable  de  Bourbon,  de  la  correspondance  de  Corneille 
Agrippa;  des  poésies  diverses  de  Macrin,  Nicolas  Bourbon,  Sainte-Mar- 
the, Saint-GeIais,Marot,Joachim  Du  Bellay;  des  lettres,  contes  et  poésies 
de  la  reine  de  Navarre;  des  relations  diverses  des  ambassadeurs;  surtout 
des  pièces  qui  forment  le  Portefeuille  de  François  I"',  et  où  se  trouvent, 
auprès  des  vers  du  Roi,  les  épitres  de  Louise  de  Savoie,  de  Marguerite 
d'Alençon,  de  Françoise  de  Foix  et  d'Anne  d'Heilly,  «  les  deux  seules 
femmes  que  François  F'""  ait  tendrement  aimées  »,  épitres  «  dont  jusqu''à 

I.  Le  véritable  nom  de  ce  conseiller  au  parlement  de  Bordeaux  est  Arnauld  de 
Ferron.  J'ai  beaucoup  étudié  l'ouvrage  de  ce  voisin  et  il  m'a  paru  des  plus  recom- 
mandables.  Je  suis  heureux  de  constater  que  P.  P.  ne  le  juge  pas  moins  favorable- 
ment que  moi.  Voici  comment  il  en  parie  encore  (p.  ii)  :  «  Sa  continuation  de 
l'historien  Paul  Emile  embrasse  les  règnes  de  Charles  VIII,  Louis  XII  et  François  l", 
et  forme  une  relation  complète,  impartiale  et  des  plus  judicieuses.  Je  n'ai  pas  sur- 
pris une  seule  fois  cet  estimable  auteur  en  délit  de  mauvaise  foi  ou  d'appréciation 
intéressée.  Le  Ferron  a  le  cœur  vraiment  fiançais...  »  Ailleurs  (p.  77)  P.  P.  l'appelle 
«  l'excellent  historien  »;  il  le  cite,  du  reste,  en  plus  de  vingt  endroits. 


320 


REVUE   CRITIQUE 


présent  les  historiens  n'ont  tiré  aucun  parti  et  qui  jettent  un  nouveau 
jour,  des  plus  favorables,  sur  le  caractère,  les  qualités  d'esprit  et  de 
cœur  du   roi  et  de  ses  chères  correspondantes.  » 

Le  chapitre  i^f  est  une  complète  et  décisive  réhabilitation  de  Louise 
de  Savoie  qui,  loin  d'avoir  dépravé  son  fils  par  l'éducation  qu'elle  lui 
donna,  fut  une  mère  prudente  et  dévouée,  une  mère  accomplie,  et  qui, 
à  cet  égard  comme  en  ce  qui  concerne  le  culte  des  beaux  manuscrits  \ 
se  montra  toujours  digne  de  sa  modeste  et  gracieuse  devise  :  libris 
et  liberis,  mes  livres  et  mes  enfants.  P.  P.  prouve  que  si  la  mère  fut 
irréprochable,  la  femme  a  été  indécemment  calomniée,  ce  que  Beau- 
caire  et  Brantôme  ont,  de  i58o  à  1600,  raconté  de  ses  dispositions  ga- 
lantes étant  démenti  par  tous  les  documents  contemporains. 

Le  récit  des  premières  amours  de  François  I"  (chapitre  11)  est  un  char- 
mant tableau  de  genre.  Les  délicates  pages  qui  roulent  sur  les  prin- 
tanières  amourettes  du  futur  ami  de  tant  de  jolies  femmes,  sont  au 
nombre  de  celles  qui  justifient  le  mieux  l'éloge  fait  par  M.  G.  P.  (p.  viii) 
de  «  la  fraîcheur  d'impression  ^),  du  «  naturel  du  style  »,  de  «  la  grâce 
d'esprit  »,  que  l'on  retrouve  avec  un  joyeux  étonnement  dans  un  livre 
écrit  par  un  homme  presque  octogénaire.  Signalons  une  des  piquantes 
rectifications  de  Tapologiste  de  François  I".  Répondant  à  ceux  qui  ont 
aigrement  reproché  au  gendre  de  Louis  XII  sa  froideur  conjugale,  le 
honteux  abandon  dans  lequel  11  aurait  laissé  la  princesse  sa  femme,  il 
s'exprime  ainsi  (p.  80)  :  «  Claude  aurait  pu  protester  en  montrant  les 
nombreux  enfants  qu'elle  avait  successivement  et  d'année  en  année 
donnés  au  Roi.  Mariée  le  i3  mai  i5i4,  à  l'âge  de  quinze  ans,  elle  les 
avait  eus  en  moins  de  neuf  ans  de  mariage,  dans  l'ordre  suivant...  »  A 
la  suite  de  l'énumération  des  sept  enfants  nés  de  i5i5  à  i523  vient 
cette  plaisante  remarque  :  «  Voilà,  on  en  conviendra,  une  épouse  étran- 
gement négligée.  » 

Dans  le  chapitre  m,  l'auteur  établit  à  la  fois  finement  et  fortement  que 
François  I",  alors  duc  d'Angoulême,  chargé  par  Louis  XI 1  d'aller  à  la 
rencontre  de  Marie  d'Angleterre,  n'a  pas  le  moins  du  monde  voulu 
séduire  en  chemin  la  jeune  fiancée  de  celui  que  Louise  de  Savoie  appelle 
pittoresquement  le  «  fort  antique  et  débile  roi  Louis  Xil  »,  et  il  conclut 
ainsi  (p.  go)  :  «  Voilà  sur  cet  épisode  historique  la  vérité,  telle  que  nous 
l'ont  fait  connaître  les  témoins  les  mieux  informés,  Fleuranges,  Du 
Bellay,  Louise  de  Savoie.  Que  maintenant  le  lecteur  décide  s'il  faut 
préférer  à  ces  trois  relations  ce  qu'a  raconté  quatre-vingts  ans  plus  tard 
Brantôme,  le  moins  scrupuleux  des  conteurs,  dans  le  plus  saugrenu  de 
ses  livres  ^  » 

(.  Voir  (p.  SS-Sg)  de  curieux  détails  sur  les  manuscrits  exécutés  à  la  demande  Ac 
Louise  de  Savoie,  ou  simplement  recueillis  par  cette  princesse,  qui  sont  conservés  à 
la  Bibliothèque  nationale, 

2.  P.  P.  dit  un  peu  plus  loin  (p.  gs-qS)  :  «  Autant  un  pareil  trait  était  indigne  de 
l'histoire,  autant  il  devait  afFriander  Varillas.  11  trouva  le  moyen  d'y  ajouter,  çà  et 
là,  quelques  ornements.  11  n'est  guère  possible  d'entasser  plus  d'inventions  imper- 


d'histoire  et  de  littérature  327 

Non  moins  attachants,  non  moins  victorieux  sont  les  chapitres  sur 
Louise  de  Savoie,  le  maréchal  de  Gié  et  l'évêque  de  Liège^  sur  Af"""  de 
Chateaubriand,  sur  Louise  de  Savoie  et  Sernblancay .  On  n'osera  plus 
dire  désormais  que  la  mère  de  François  P"  abandonna  le  maréchal  de 
Gié  accusé  du  crime  de  lèse-majesté;  que,  par  sa  conduite  à  l'égard 
d'Erard  de  La  Marck,  évêque  de  Liège,  elle  fut  une  des  causes  de  la 
guerre  qui,  durant  plus  d'un  demi-siècle,  devait  désoler  TEurope  en- 
tière, que  Semblançay  fut  Tinnocent  objet  de  sa  haine;  enfin  que  M""^  de 
Chateaubriant  mourut  victime  des  jalouses  fureurs  de  son  mari,  Jean 
de  Montmorency-Laval  '. 

Le  second  volume  se  compose  de  trois  chapitres  seulement,  mais  un 
de  ces  chapitres,  consacré  au  connétable  de  Bourbon,  en  remplit  plus 
delà  moitié  (2o3  pages).  C'est,  comme  l'a  dit  M.  G.  P.  (p.  viii)  «  un 
morceau  capital  d'histoire  sévère  et  documentaire  ».  L'écrivain  qui,  dans 
d'autres  chapitres,  a  prodigué  des  trésors  de  verve  et  d'esprit,  se  livre, 
dans  celui-ci,  à  la  plus  sérieuse,  comme  à  la  plus  convaincante  discus- 
sion. Aux  moqueuses  et  amusantes  saillies  succèdent  les  pressants  et  so- 
lides arguments  P.P.  avait  promis  de  parler  du  «  lamentable  épisode 
du  connétable  de  Bourbon  ><  comme  s'il  était  «  le  premier  des  écrivains 
postérieurs  au  règne  de  François  I"  qui  eut  à  le  raconter.  »  Il  a  tenu 
son  engagement,  n'oubliant  rien  de  ce  qu'en  ont  dit  les  chroniques,  les 
relations,  les  lettres  contemporaines,  les  documents  diplomatiques,  en 
un  mot  toutes  les  sources  d'instruction  répandues  dans  les  écrits  de  la 
première  moitié  du  xvi*^  siècle.  »  Il  a  ensuite  rapproché  ce  que  lui  ont 
appris  les  contemporains  «  de  ce  que  les  historiens  et  les  critiques  de  la 
fin  du  xvi«  siècle  et  du  xvii''  auront  ajouté  aux  documents  originaux.  « 
La  notice  sur  le  connétable  de  Bourbon  est  complète  et  vraiment  faite 
de  main  de  maître.  On  y  voit  clairement  que  l'amour  de  Louise  de  Sa- 


tinentes.  Mais  enfin,  on  peut  admettre  qu'un  conteur  grivois  les  ait  débitées,  qu'un 
romancier  les  ait  enjolivées  :  ce  qui  confond,  c'est  que  des  écrivains  sérieux  leur  aient 
accordé  la  foi  qu'ils  refusaient .";  des  historiens  tels  que  Du  Bellay  et  Fleuranges.  Et 
ces  deux  témoins  eussent-ils  fait  défaut,  était-il  encore  permis  de  tenir  compte  de 
pareilles  sornettes.'  » 

I.  Non-seulement  ce  prétendu  Barbe-bleue  ne  tua  pas  sa  trop  légère  femme,  qui 
mourut  de  mort  naturelle  ;iG  octobre  i^Sy),  mais  encore  il  ne  la  battit  pas.  Génin, 
ne  comprenant  pas  la  vieille  expression  user  de  main  mise,  qui  signifiait  reprendre 
son  bien,  a  cru  que  cela  voulait  dire  :  mettre  la  main  sur  la  figure  de  quelqu'un. 
Cette  méprise  en  a  enfanté  beaucoup  d'autres  qui  n'ont  fait  que  croître  et  embellir. 
Voir  notamment  V Histoire  de  France  de  Michelet.  P.  P.  n'a  pas  cité  à  propos  de 
M""  de  Chateaubriant,  un  travail  de  son  devancier  Hévin,  avocat  de  Rennes,  qui  a 
soutenu  que  Françoise  de  Foix  ne  fut  pas  assassinée  par  son  mari,  et  démonstration 
beaucoup  plus  difficile,  qu'elle  ne  fut  point  la  maîtresse  du  roi.  Ce  travail,  ou,  pour 
mieux  dire,  ce  plaidoyer  est  mentionné  dans  une  notice  sur  la  comtesse  de  Chateau- 
bria)it  ps.1-  Paul  Lacroix,  lequel  regarde  la  vengeancede  l'époux  trahi  commeau  moins 
probable  [Curiosités  de  Vhistoire  de  France,  2=  série,  Paris,  i858,  p.  i53).  Voir,  au 
sujet  de  quelques  autres  omissions,  les  explications  présentées  par  M.  G.  P. 
(p.  lu-iv). 


328  REVUE    ClllTIQUE 

voie  pour  le  connéuible  est  apocryphe  et  que  cette  princesse  ne  doit 
porter  aucune  responsabilité  en  ce  qui  regarde  le  procès  et  lu  défection 
de  Montpensier,  duc  de  Bourbon,  le  plus  effréné  des  ambitieux.  P.  P. 
doit  être  à  jamais  loué  d'avoir  si  bien  rétabli  une  page  d'histoire  aussi 
importante  et  aussi  défigurée  '. 

Les  deuK  derniers  chapitres  (La  duchesse  d'Etampes  et  Maladie  et 
mon  de  François  P')  abondent  en  intéressantes  et  sûres  rectifications. 
P.  P.  démontre  successivement  que  la  part  accordée  à  la  duchesse 
d'Etampes  (Anne  de  Pisseleu,  fille  de  Guillaume  de  Pisseleu,  seigneur 
d'Heilly,  d'où  le  nom  de  M""^  d'Heilly  qu'elle  porta  jusqu'à  son  ma- 
riage) que  la  part,  dis-je,  accordée  à  la  duchesse  d'Etampes  par  les  his- 
loriographes  et  les  romanciers,  dans  la  conduite  des  affaires  et  dans  la 
(istribution  des  faveurs  royales,  est,  à  très  peu  d'exceptions  près,  de  pure 
invention;  qu'elle  ne  trahit  pas  la  France  au  profit  de  Charles-Quint, 
d'abord  dans  la  guerre  de  1541,  puis  dans  celle  de  1S4.3  ;  enfin  qu'elle 
n'a  pas,  vers  la  fin  de  sa  vie,  fait  cause  commune  avec   les  Réformés  ^. 

1.  «  Comment  s'est-il  fait  «,  ajoute  P.  P.  fp.  itp],  «  que  dans  les  trois  siècles 
suivants  il  ne  se  soit  pas  rencontré  un  seul  écrivain,  un  seul  critique,  un  seul  his- 
torien qui  ait  reconnu  la  source  corrompue  de  cette  apologie  tardive  [du  connéta- 
ble]? Gomment  personne,  que  je  sache,  n'a-t-il  remarqué  que  Le  Ferron,  vers  i56o 
[ailleurs,  p.  76,  P.  P.  dit  en  i556.  J'ai  sous  les  yeux  la  première  édition  :  Arnoldi, 
Ferroni  Burdigalensis,  regii  consiliarii,  de  rébus  gestis  Gallorum  libri  IX.  Pari- 
siis,  apiid  Vascosaniim.  M.  D.  L.  petit  in-S"],  se  demandait  encore  oi!i  un  étranger, 
i3aarland  [Adrien  Van  Baarland,  historien  tlamand,  auteur  de  :  Chronologia  brevis 
ab  orbe  condito  ad  annum  1532]  avait  pu  trouver  à  la  conspiration  de  Bourbon  une 
cause  que  n'avait  soupçonnée  aucun  écrivain  français,  dont  on  ne  découvrait  le 
moindre  indice  dans  aucun  document,  chronique,  journal,  lettre  publique  ou  pri- 
vée, prose  ou  poésie  sérieuse  ou  satirique? 

2.  P.  P.,  racontant  l'historiette  du  séduisant  diamant  que  Charles-Quint  aurait, 
par  une  habile  maladresse,  laissé  tomber  devant  la  duchesse  d'Etampes,  pour  avoir 
l'occasion  de  le  lui  offrir,  dit  (p.  290)  :  «  De  ce  récit  de  Dupleix  {Histoire  de  France, 
t.  111,  1627),  dont  nous  ignorons  la  source,  Varillas  a  tiré  son  parti  ordinaire...  » 
Dupleix  a  dû  prendre  son  récit  dans  le  livre  posthume  de  Florimond  de  Raymond, 
La  naissance,  progre:^  et  décadence  de  l'hérésie  de  ce  siècle,  i6o5,  in-4°,  p.  348). 
Voir  ce  que  j'ai  déjà  dit  sur  ce  point  dans  le  compte-rendu  de  l'ouvrage  du  baron 
A.  de  Ruble  sur  le  mariage  de  Jeanne  d'Albret  [Revue  critique  du  i«""  septembre 
1877,  p.  122,  note  1.  C'est  probablement  une  faute  d'impression  qui  fait  dire  à 
P.  P.  (t.  II,  p.  3i6)  que  F.  de  Raimond  accusait,  en  1602,  la  duchesse  d'Etampes  de 
trop  de  tolérance  à  l'égard  des  hérétiques,  car  cet  historien  était  mort  le  17  novem- 
bre 1601  {Essai  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  Florimond  de  Raymond,  1867, 
p.  40).  N'oublions  pas  de  noter  que  P.  P.  corrige  ainsi  (p.  207)  une  erreur  d'un  de  nos 
plus  précieux  recueils  :  «  Charles  de  Pisseleu,  d'abord  évêque  de  Mende,  puis  évêque 
de  Condom,  mort  en  1564,  était  l'oncle  et  non  pas  le  frère  d'Anne  de  Pisseleu, 
comme  tous  l'ont  répété,  môme  la  Gallia  Christiana  »  P.  P.  a  reproduit  (p.  416) 
une  lettre  de  la  duchesse  d'Etampes  à  Robert  de  Gontaud,  successeur  de  Charles  de 
Pisseleu  sur  le  siège  de  Condom.  J'avais  déjà  inséré  cette  lettre,  qui  est  du  5  janvier 
i564,  dans  la  Revue  de  Gasgogne  [187g,  t.  XX,  p.  238-240).  J'avais  rappelé,  à  cette 
occasion,  que  M.  Charles  Paillard  (Voyage  dans  les  Pays-Bas  et  maladie  d'Eléo- 
nore  d'Autriche,  femme  de  François  /"',  Bruxelles  1879)  avait  pris  le  parti  de  la  du- 
chesse d'Etampes  contre  ceux  qui  l'accusaient  d'avoir  sacrifié  son  pays  à  Charles- 
Quint. 


[>  H/STOîRK    Ki     U.L    i.)  1  i  KKA  1  uni".  J-d) 

C'est  surtout  Louis  Guyon,  sieur  de  la  Nanche,  déjà  cité,  qui  fait  les 
frais  du  chapitre  sur  la  maladie  et  la  mort  de  François  P^  De  quel  pé- 
tillement d'épigrammes  est  accompagnée  la  discussion  du  fabuleux  récit 
du  médecin  d'Uzerche  nous  montrant  François  I^'"  consumé  par  un  mal 
incurable,  résultat  indirect  de  la  vengeance  d'un  mari  trompé  '  !  Et 
avec  quel  juvénile  entrain  il  s^escrime  contre  ceux  qui  ont  développé 
l'odieuse  légende,  notamment  contre  Mézeray  qui  le  premier  a  mis  en 
avant  la  belle  Ferronière! 

Mes  citations  ont  déjà  loué  le  fond  et  la  forme  du  livre  de  P.  Paris 
plus  que  ne  le  feraient  les  plus  belles  phrases  du  monde.  J'y  joindrai,  en 
les  adoptant,  les  considérations  présentées  en  ces  termes  par  M.  G.  Paris 
(p.  vu)  :  «  Ce  sera  un  honneur  pour  mon  père  que  d'avoir  tracé  à  l'his- 
toire, pour  le  règne  de  François  Je'-,  la  voie  dans  laquelle  elle  doit  mar- 
cher, en  ne  tenant  compte  que  des  témoignages  contemporains,  et  en 
pesant  la  valeur  de  chacun  d'eux.  Les  résultats  si  intéressants  auxquels 
il  est  arrivé  pour  la  plupart  des  points  qu'il  a  touchés,  doivent,  il  me 
semble,  exciter  le  zèle  et  Tardeur  de  quelques  jeunes  amis  des  études 
historiques.  Combien  en  effet  ces  points  sont  peu  de  chose  si  on  les 
compare  à  l'ensemble  du  règne!  Une  véritable  Histoire  de  Fran- 
çois /er,  où  ce  règne  serait  étudié  sous  tous  ses  aspects,  à  l'aide  des  piè- 
ces authentiques  et  de  tous  les  témoignages  contemporains,  français  et 
étrangers,  soigneusement  comparés  et  contrôlés,  où  il  serait  exposé  avec 
sympathie,  peint  avec  la  vérité  humaine  et  pittoresque  que  tant  de  do- 
cuments permettent  d'atteindre,  apprécié  dans  son  incomparable  im- 
portance historique,  sociale,  religieuse,  artistique  et  littéraire  :  quel 
sujet  plus  magnihque  et  plus  tentant  pour  un  écrivain  français  animé  du 
double  amour  du  pays  et  de  la  vérité?  Espérons  que  cet  écrivain  ne  se 
fera  pas  trop  attendre,  et  ne  doutons  pas  qu'il  ne  considère  comme  son 
premier  devoir  de  remercier  celui  qui  lui  aura  servi  de  précurseur  ~.  » 

T.  DE  L. 

1.  Puisque  nous  en  sommes  aux  médecins,  disons  que  P.  P.  n'a  pas  connu  une 
plaquette  du  D""  Cullérier,  chirurgien  à  l'iiôpital  du  Midi,  intitulée  :  De  quelle  ma- 
ladie est  mort  François  /«i"  (Paris,  V.  Masson,  i856).  Le  D''  Cullérier  est  un  allié 
pour  P.  P.  contre  le  D""  Guyon. 

2.  L'excellent  conseil  donné  ici  au  sujet  d'une  Histoire  de  François  7^=",  je  vou- 
drais bien  le  donner  à  quelqu'un  de  nos  jeunes  lecteurs,  espoir  de  l'avenir,  au  sujet 
d'une  Histoire  de  Louis XI.  Quel  magnifique  sujet  à  traiter,  non  moins  neuf  qu'im- 
portant! Combien  d'autres  travaux  il  y  aurait  à  demander  aux  jeunes!  Je  signale, 
entre  tous  ces  désirables  travaux,  un  Art  de  vérifier  les  dates  exclusivement  appli- 
qué à  la  France,  avec  les  itinéraires  de  tous  nos  rois,  avec  l'indication  de  l'époque  de 
la  naissance  et  de  la  mort  de  tous  nos  hommes  célèbres,  de  l'année  de  publication  de 
tous  nos  livres  dignes  d'attention  en  quelque  genre  que  ce  soit,  etc. 


33o  REVUE    CRITIQUE 

197.  —  I,es  hii^toriens  raiiiui&iste^.  M.  Thiers,  Histoire  du  Consulat  et  de 
l'Empire.  Deuxième  partie.  La  pacification  de  l'Ouest,  la  machine  infernale  du 
3  nivôse  an  IX,  d'après  les  documents  ine'dits,  par  M.  le  comte  de  Martel.  Paris, 
Dentu,  i885.  ln-8,  v  et  430  p.  5  francs. 

M.  de  Martel  poursuit  sa  campagne  impitoyable  contre  l'Histoire  du 
Consulat  et  de  V Empire  de  M.  Thiers.  On  ne  peut  que  s''en  féliciter, 
car  M.  de  M.  rectifie  quelques  d'erreurs  commises  par  1'  «  historien 
national  y  et  nous  apporte  de  nombreux  documents  inédits  sur  plus 
d'une  question  obscure. 

I.  La  pacification  de  l'Ouest.  Aidé  des  dépêches  d'Hédouvilie,  de 
Berthier,  de  Clarke,  de  Brune,  de  Dupont  et  des  lettres  de  ^1""=  Turpin 
de  Crissé,  de  d'Autichamp,  de  Chatillon,  de  Bourmont,  de  Frotté  et  de 
l'abbé  Bernier,  M.  de  M.  donne  un  résumé  des  négociations  très  com- 
pliquées qui  précédèrent  la  pacification  de  l'Ouest.  Il  insiste  particuliè- 
rement sur  le  rôle  de  Hyde  de  Neuville,  qui  travaillait  à  organiser  con- 
tre le  premier  consul  un  coup  de  main  dirigé  par  le  chevalier  Joubert,  et 
qui  était  alors  bien  plus  téméraire,  bien  plus  imprudent  et  plus  léger 
que  ne  le  soupçonne  M.  Thiers.  Il  montre  que  l'abbé  Bernier  exerçait 
fort  peu  d'influence  sur  les  chouans  qui  se  défiaient  de  lui  et  le  savaient 
dévoré  d'ambition,  qu'il  n'agit  activement  qu'à  partir  du  mois  de  jan- 
vier 1800,  et  que  l'ex-curé  de  Saint-Laud  n'avait  pas  l'importance  que 
lui  assigne  M.  Thiers.  Il  prouve  que  le  principal  agent  de  la  pacification 
fut  M™"  Turpin  de  Crissé,  dont  M.  Thiers  ne  semble  même  pas  con- 
naître le  nom.  11  explique  le  caractère  véritable  de  Georges  Cadoudal 
que  M.  Thiers  n'a  pas  compris;  c'était  un  paysan  breton,  audacieux 
dans  l'action,  mais  en  même  temps  cauteleux  et  madré;  ce  n'était  pas, 
comme  dit  M.  Thiers,  un  farouche  soldat  de  la  guerre  civile;  il  ne  re- 
poussa pas  les  offres  de  Bonaparte,  il  parut  un  instant  décidé  à  servir 
dans  les  corps  francs  qu'organisait  le  premier  consul. 

II.  La  machine  infernale.  M.  de  M.  éclaircit  cet  épisode  d'après  les 
documents  du  Record  Ojfice  et  des  archives  françaises;  son  opinion 
sur  cette  affaire  est  aussi  certaine  que  s'il  l'avait  instruite  lui-même  sur 
des  rapports  écrits  (p.  25  i).  Mais  ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'exposer  les  in- 
trigues que  nous  raconte  M.  de  M.,  intrigues^si  étranges,  dit-il,  qu'il 
serait  impossible  de  les  soupçonner,  s'il  n'existait  pas  encore  des  preu- 
ves écrites  de  la  main  même  de  ceux  qui  y  prirent  part  (p.  324).  Con- 
tentons-nous de  signaler  les  principales  inexactitudes  de  M.  Thiers  dans 
le  récit  de  l'affaire  de  la  machine  infernale,  en  abrégeant  la  démonstra- 
tion de  M.  de  Martel.  Georges  1  regorgeait  d'argent  »;  il  n'en  avait 
pas.  Georges  n'avait  que  «  deux  agents  »  ;  il  en  avait  quatre,  Limoë- 
lan,  Saint-Réjant,  Lahaye  Saint-Hilaire  et  Joyau.  Fouché  les  «  faisait 
observer  avec  soin  »  ;  il  n'avait  même  pas  leur  signalement  exact,  a  Ils 
choisirent  la  rue  Saint-Nicaise  qui  aboutissait  du  Carrousel  à  la  rue 
Richelieu  »;  la  rue  Nicaise,  comme  on  la  nommait,  commençait  au 
Louvre  et  finissait  rue  Saint-Honoré.  «  Les  grenadiers  suivaient  la  voi- 


D'HISTOIKK    KT    DE    LITTÉRATUKK  33  I 

ture  au  lieu  de  la  précéder  »  ;  ils  la  précédaient.  «  Elle  arriva  dans  le 
passage  étroit  de  la  rue  Saint-Nicaise  »  ;  elle  était  alors  rue  de  Malte  '. 
(1  La  violence  de  l'explosion  avait  fait  disparaître  presque  tous  les  instru- 
ments du  forfait.  Cependant  il  subsistait  quelques  vestiges  de  la  char- 
rette et  du  cheval.  On  rapprocha  ces  vestiges,  on  en  composa  un  signa- 
lement »;  il  eût  été  bien  difficile  de  composer  ce  signalement,  mais  les 
rapports  assurent  que  la  jument  attelée  à  la  charrette  avait  eu  i'arrière- 
train  brûlé  ou  emporté,  et  que  l'avant-train  avait  peu  souffert.  «  Le 
premier  propriétaire  du  cheval  le  reconnut  parfaitement  et  désigna  un 
marchand  grainetier  auquel  il  l'avait  vendu  »;  non  pas,  le  grainetier 
Lambel  et  le  maréchal-ferrant  Legros  reconnurent  et  la  jument  et  la 
charrette,  Lambel  avait  acheté  la  jument  cinq  ans  auparavant  à  un  ma- 
quignon dont  il  ne  savait  pas  le  nom,  mais  qui  demeurait  rue  Bleue. «  Ce 
marchand  grainetier,  appelé,  déclara  qu^il  avait  revendu  le  cheval  à  deux 
marchands  forains  »  ;  Lambel  n'avait  eu  de  rapport  qu'avec  Carbon  et 
lui  avait  vendu  un  boisseau  de  pois  et  un  boisseau  de  lentilles  qui  fu- 
rent trouvés  chez  la  sœur  de  Carbon.  «  Fouché,  croyant  que  les  vrais 
auteurs  étaient  des  chouans,  se  hâta  d'envoyer  un  émissaire  auprès  de 
Georges,  pour  obtenir  des  informations  sur  Carbon,  Saint-Réjant  et 
Limoëlan  »  ;  mais  Fouché  n'apprit  rien,  Carbon  ayant  servi  dans  le 
Maine,  et  non  dans  le  Morbihan,  et  ce  fut  le  général  Girardon,  qui 
commandait  en  Maine-et-Loire,  qui  envoya  les  renseignements;  Car- 
bon, disait-il,  avait  demeuré  rue  et  porte  Martin,  chez  un  marchand  de 
vins  appelé  Chevalier;  on  alla  rue  Saint-Martin  et  on  trouva  la  sœur 
de  Carbon,  et  chez  elle,  un  baril  de  poudre,  des  blouses  bleues  et  les 
deux  boisseaux  de  pois  et  de  lentilles.  «  Fouché  apprit  par  les  agents 
envoyés  près  de  Georges  que  Carbon  avait  des  sœurs  à  Paris  »  ;  on 
vient  de  voir  que  Carbon  n'avait  qu'une  sœur  mariée  à  Paris,  la  femme 
Vallon,  et  quant  aux  agents  de  Fouché,  Georges  les  fit  arrêter  dès  leur 
arrivée  dans  le  Morbihan.  «  La  police  s^  rendit  et  obtint  de  la  plus 
jeune  sœur  de  Carbon  la  révélation  du  nouveau  logement  dans  lequel 
il  était  allé  se  cacher  »;  la  femme  Vallon  déclara  qu'elle  n''avait  pas  vu 
son  frère  depuis  deux  mois  et  qu'il  était  hors  de  Paris  ;  mais  Carbon  eut 
l'imprudence  de  venir  la  voir  dans  la  soirée  du  8  janvier  et  de  se  faire 

I.  Il  fallait,  pour  gagner  la  rue  Richelieu  (alors  rue  de  la  Loi),  tourner  d'abord  à 
gauche  pour  entrer  du  Carrousel  dans  la  rue  Nicaise,  puis  à  droite,  au  milieu  de  la 
rue  Nicaise,  pour  prendre  la  rue  de  Malte  qui  débouchait  sur  la  place  du  Palais- 
Royal.  Saint-Réjant  plaça  la  machine  infernale  à  peu  de  distance  de  la  rue  de  Malte, 
afin  de  pouvoir  se  réfugier  dans  cette  rue  où  il  n'aurait  rien  à  craindre  de  l'explo- 
sion. J'aurais  aimé  que  M.  de  Martel,  après  avoir  rectifié  les  erreurs  de  M.  Thiers, 
eût  fait  un  récit  succinct  de  toute  l'affaire.  Après  tout,  M.  Thiers  a  raison  de  dire 
que  la  voiture  avait  un  peu  dépassé  la  machine  et  qu'un  des  gardes  à  cheval  (Du- 
rand, dont  M.  de  M.  cite  la  déposition)  avait  vivement  heurté  Saint-Réjant  ;  M.  de 
M.  traite  de  légende  l'habileté  du  cocher  qui  dut  un  instant  arrêter  ses  chevaux  ;  il 
faut  néanmoins  que  le  cocher  ait  été  a  fort  adroit  »  et  qu'il  ait  conduit  la  voiture 
«  avec  une  extrême  rapidité  ». 


3)2  R\CVVK    CKITIQUK 

porter  du  linge  par  ses  nièces,  rue  Notre-Dame  des  Champs  où  il  était 
caché;  ces  jeunes  filles,  habilement  interrogées,  révélèrent  son  loge- 
ment. «  C'était  chez  les  demoiselles  de  Cicé  »  ;  non,  chez  M""  de  Cicé. 
a  Limoëlan  avait  eu  le  temps  de  passer  à  l'étranger  »  ;  il  était  encore  à 
Paris  le  3  janvier  et  se  réfugia  d'abord  dans  le  Morbihan.  «  Saint  Ré- 
jant  n'avait  eu  que  le  temps  et  la  force  de  changer  de  logement...  un 
agent  de  Georges,  employé  à  le  soigner,  servit  à  indiquer  sa  demeure  : 
...  on  le  trouva  encore  malade  des  suites  de  ses  blessures  »;  Saint- 
Réjant  n'avait  aucune  blessure;  il  regagna  son  logement  de  la  rue  des 
Prouvaires,  puis  alla  le  lendemain  habiter  dans  la  rue  d'Aguesseau,  re- 
vint ensuite  rue  des  Prouvaires,  et  après  avoir  couché  dans  des  bateaux 
de  charbon,  alla  se  faire  prendre  hôtel  de  Mayenne,  rue  du  Four  Saint- 
Honoré,  où  il  demeurait  sous  le  nom  de  Sougé. 

Comme  dans  notre  précédent  article  \  nous  regrettons  que  M.  de  M. 
mette  dans  ses  recherches  une  sorte  d'animosité  personnelle.  Pour- 
quoi comparer  encore  une  fois  M.  Thiers  et  Fouché?  Pourquoi 
dire  que  le  ministre  de  i832  et  de  1834,  que  le  chef  du  pouvoir  exécu- 
tif de  1871  fut  l'imitateur  plus  ou  moins  habile  de  l'intrigant  policier? 
Pourquoi,  puisque  M.  de  M.  connaît  si  bien  le  plus  haut  devoir  de 
l'histoire  et  recherche  passionnément  la  vérité,  pourquoi  s'avise-t-il  de 
gâter  son  argumentation  par  un  parallèle  entre  le  conventionnel  qui 
devint  ministre  de  Louis  XVIII,  après  avoir  mitraillé  les  royalistes  de 
Lyon,  et  Thomme  qui  «  se  fit  élever  au  pouvoir  suprême  par  les  légiti- 
mistes, après  avoir  employé  les  moyens  les  plus  odieux  contre  la  mère 
du  comte  de  Chambord  »  ?  Pourquoi,  en  citant  le  portrait  de  Fouché 
que  renferme  V Histoire  du  Consulat,  a-t-il  ajouté  que  ce  portrait 
était,  pour  les  trois  quarts,  celui  de  M.  Thiers  «  personnage  intelligent, 
rusé,  ni  bon,  ni  méchant,  connaissant  bien  les  hommes,  surtout  les 
mauvais  —  parce  qu'ils  lui  ressemblaient — ,  les  méprisant  sans  distinc- 
tion, —  parce  qu'il  les  jugeait  d'après  lui-même?  » 

Malgré  ces  réserves,  on  ne  peut  que  louer  la  patience  et  la  sagacité 
critique  de  M.  de  Martel.  Nous  n'avons  pas  signalé  tout  ce  que  ren- 
ferme son  livre;  nous  avons  oublié  de  mentionner  les  pages  relatives  à 
l'affaire  de  Grandchamp,  à  celle  des  forges  de  Cossé,  à  l'arrestation  de 
M.  de  Frotté  et  à  sa  mort  qui  «  fut  un  usage  rigoureux  et  strict  du 
droit  de  la  guerre  »,  aux  menées  auxquelles  se  laissaient  alors  entraî- 
ner des  hommes  comme  Hyde  de  Neuville  et  Royer-Collard  %  au  plan 
formé  par  l'officier  Rivoire,  à  l'agence  de  Dupéron  et  du  comte  de  Coi- 
gny,  à  Tenlèvement  du  sénateur  Clément  de  Ris,  à  l'action  des  femmes 
dans  le  parti  royaliste,  à  la  tentative  d'assassinat  dirigée  contre 
Louis  XVIII  à  Dillingen,  aux  relations  si  curieuses,  si  caractéristiques 


1.  Revue  critique,  1884,  n"  5o,  art.  2i3. 

2.  Royer-Coilard  ctait  alors  l'agent  le  plus  actif  du  Conseil  royal  organisé  à  Paris 
par  Louis  XVIll  et  correspondait  avec  l'agence  de  Souabe. 


D  HISTOIKE     KT      I)K    LiTl  ICRATIJHK  333 

pour  l'époque,  de  Fouché  et  de  Bourmont  '.  Si  regrettables  que  soient 
les  attaques  de  M.  de  Martel  contre  M.  Thiers  et  quoiqu'elles  donnent 
à  son  livre  l'air  et  l'allure  d'un  pamphlet,  il  rend  de  grands  services  à 
rhistoire.  11  suffit,  pour  bien  connaître  le  traité  d'Amiens,  Taffaire  de 
la  rade  de  l'île  d'Aix,  Texpédition  de  Walkeren,  la  pacification  de 
rOuest  en  1799  et  en  1800,  l'épisode  de  la  machine  infernale,  de  recou- 
rir aux  deux  volumes  qui  portent  ce  litre  singulier  «  Les  historiens 
fantaisistes  ». 

Mais  les  vigoureuses  attaques  de  M.  de  Martel  ébranleront-elles 
l'autorité  de  M.  Thiers?  En  dépit  de  tout,  V Histoire  du  Consulat  et  de 
l'Empire  reste  une  belle  et  grande  œuvre  d'ensemble,  dont  la  valeur 
n'est  pas  altérée  par  de  légères  erreurs  de  détail.  Voilà  les  défauts,  con  • 
clurons-nous  encore  avec  Sainte-Beuve;  mais  il  faut  dire  le  bien  ;  Thiers 
est  l'esprit  le  plus  net,  le  plus  vif,  le  plus  curieux,  le  plus  agile,  le  plus 
perpétuellement  en  fraîcheur,  et  comme  en  belle  humeur  de  connaître 
et  de  dire;  quand  il  expose,  il  n'est  pas  seulement  clair,  il  est  lucide;  il 
a  dans  sa  nature  un  courant  de  l'esprit  léger  et  rapide  de  l'antique  Mas- 
silie  ~. 

A.  Chuquet, 


VARIETES 


l^es    manuscrits     de    l'abbé    IVieuise. 

Une  publication  récente  de  M.  Caillemer  ^  vient  de  ramener  l'attention  sur  les 
mss.  de  l'abbé  Nicaise  et  en  particulier  sur  sa  volumineuse  correspondance,  où,  si 
l'on  trouve  peu  de  lettres  de  lui,  il  y  a  en  revanche  une  quantité  de  lettres  des 
principaux  savants  du  xv!!""  siècle. 

Les  mss.  de  Nicaise  ont  été,  comme  on  sait,  dispersés  à  l'époque  du  Directoire 
quand  des  commissaires  du  gouvernement  écrémèrent  au  profit  de  la  Bibliothèque 
nationale  les  bibliothèques  des  départements.  Il  est  resté  à  la  bibliothèque  de  Dijon 
quelques  épaves  de  cette  vaste  collection.  Elles  forment  quatre  cahiers  (n»  406),  conte- 
nant des  mss.  et  une  douzaine  ne  lettres  *.  M.  Caillemer  paraît  avoir  ignoré  l'exis- 
tence de  ces  lettres  :  pour  donner  une  idée  de  leur  importance,  en  voici  trois  des 
plus  intéressantes.  I.a  première  est  de  M.  Bourdelot,  médecin  et  ami  de  beaucoup 
de  gens  d'esprit  de  l'époque.  Elle  lait  allusion  à  la  lettre  écrite  quelque  temps  aupa- 
ravant par  l'abbé  de  Rancé  à.  Nicaise  au  sujet  de  la  mort  d'Arnauld.  On  sait  qu'il 
s'y  trouvait  cette  appréciation  :  a  Enfin,  voilà  M.  Arnauld  mort.  Après  avoir 
poussé  sa  carrière  le  plus  loin  qu'il  a  pu,  il  a  fallu  qu'elle  se  soit  terminée.  Quoi- 
qu'on  en  dise,  voilà  bien  des  questions  finies    :  son  érudition    et  son  autorité  était 

1.  Lire  p.  292  et  ailleurs  Wickham  et  non  Wickam,  Stockacii  et  non  Stochack. 

2.  Causeries  du  lundi,  XI,  p.  481  et  5o5. 

3.  R,  Caillemer,  Lettres  de  divers  savants  à  M.  Vabbé  Nicaise,  extrait  des  Mém. 
de  l'Ac.  de  Lyon,  8,  Lyon  18SS;  cp.  Revue  critique,  n»  43. 

4.  Parmi  les  mss.  se  trouve  celui  du  Mémoire  sur  la  Mi)ierva  Arnalva  dont  la 
Bibliothèque  nationale  a  acquis  récemment  une  copie.  —  Les  lettres  sont  dans  le 
recueil  n°  3. 


JJ4  REVUE    CRITIQUE 

d'un  grand  poids  pour  le  parti.  Heureux  qui  n'en  a  point  d'autre  que  celui  de  Jésus- 
Christ  et  qui,  mettant  à  part  tout  ce  qui  pourrait  l'en  séparer  ou  l'en  distraire  même 
pour  un  moment,  s'y  attache  avec  tant  de  fermeté  que  rien  ne  soit  capable  de  l'en 
déprendre  i.  »  Nicaisc  communiqua  ces  réflexions  à  Bourdclot.  Par  lui,  elles  vinrent 
aux  oreilles  des  jansénistes,  qui  en  furent  très  émus  :  l'abbé  de  Rancé  eut  à  subir 
une  vraie  tempête.  Dans  celte  affaire,  Bourdelot  surtout  était  coupable.  Il  écrit  la 
lettre  qu'on  va  lire  pour  se  justifier  et  justifier  les  jansénistes  auprès  de  l'abbé  Ni- 
caise.  Les  deux  autres  lettres  sont  de  liayle  :  elles  offrent  un  certain  intérêt  au  point 
de  vue  de  la  bibliographie.  Aucune  de  ces  lettres  et  des  autres  qui  appartiennent  au 
ms.  de  Dijon  n'est  signée;  ce  n'est  que  par  la  comparaison  avec  d'autres  pièces  si- 
gnées et  à  l'aide  des  indices  qu'elles  fournissent  qu'on  peut  en  fixer  l'attribution. 
C'est  peut-être  aussi  le  motif  qui  détermina  les  commissaires  du  Directoire  à  laisser 
ces  pièces  dans  une  bibliothèque  de  département  ~. 

1 1  février  qd. 


Je  vs  aime  et  vs  estime  trop  pour  vs  déguiser  mes  sentim'»  sur 
ce  qui  cause  tant  de  bruit  contre  cette  lettre  de  Mf  Tabbé  de  la  Tr(appe) 
<^  ©  ^  ^  sur  ces  4  principes  :  i .  La  violence  et 
l'opiniastreté  des  adversaires  du  DefFunct  à  déchirer  sa  réputation;  2. 
son  extraord'''^  mérite  et  surtout  en  ce  qui  fait  un  chrestien  du  premier 
rang,  grande  charité,  grande  lumière,  grande  fidélité  à  Tune  et  àPautre  ; 
3.  la  grande  réputation  de  l'Abbé  jointe  à  un  extraod'''^  mérite  ;  4.  la  triste 
et  générale  impression  que  le  passage  coinmuniqué  a  faite  sur  tous  ceux 
dontj'ay  connaiss<=e  ou  contre  cet  abbé  si  justement  célèbre  dont  la  réputa- 
tion est  celle  de  sa  profession  (ce  qui  fait  le  pl^  grand  nombre)  ou  contre 
le  Deffunct  dont  la  réputation  estencore  plus  généralement  importante  à 
l'Église,  qu'il  a  deffendue,  ce  qui  fait  le  plus  petit  nombre  mais  le  plus 
actif,  le  plus  uny  et  le  plus  à  craindre.  Sy  le  Deffunct  avoit  survescu  il 
n'auroit  jamais  escrit  de  ce  style  sur  la  perte  qu'on  auroit  faite  et  que  Je 
prie  Dieu  de  nous  épargner.  Il  auroit  escrit  d'un  style  bien  opposé.  Il 
n'y  auroit  point  eu  d'explication  à  fre  (faire),  et  les  adversaires  de  Tx-^bbé 
n'en  auroient  tiré  d'autre  avantage  que  de  dire  à  l'oreille  que  malgré 
la  Ire  (lettre)  au  Maréchal  *  le  DefFunct  ne  pouvoic  oublier  son  ancienne 
amitié.  Le  coup  est  sans  remède  sy  on  ne  l'explique  et  sy  l'explication 
ne  devient  aussy  publique  que  l'atteinte.  Car  je  ne  doute  nuil'  qu'on 
n'ait  fait  usage  de  ce  fragment  pour  confirmer  dans  la  Personne  Domi- 
nante ^  l'impression  qu'on  y  a  jetée  contre  le  Deffunct  sur  l'Eglize  et 

1.  Lettre  du  2  septembre  1694. 

2.  Sur  les  commissaires  du  gouvernement  et  sur  la  manière  dont  ils  procédèrent 
cf.  l'introduction  de  M.  Caillemer  et  le  feuilleton  du  Journal  de  la  Côte  d'Or,  22  avril 
i85i.  —  Dans  les  transcriptions  l'orthographe  de  l'original  a  été  conservée,  sauf 
pour  l'usage  des  capitales,  du  j  et  do  l'i,  et  quelquefois  de  la  ponctuadon. 

3.  Le  début,  que  nous  supprimons,  est  relatif  à  la  santé  de  l'abbé  Nicaise  :  B.  lui 
donne  quelques  conseils. 

4.  Lettre  de  Rancé  au  maréchal  de  BcUefonds  dans  laquelle  il  déclare  son  aversion 
pour  le  jansénisme. 

5.  M'^'de  Maintenon. 


d'hISTOIRI-;    KT    de    r.nTÉRATURE  335 

sur  TEstat.  Si  j'avois  eii  l'hôneur  d'être  un  peu  plus  conu  de  M'"  Pabbé 
que  je  ne  le  suis,  j'aurois  pris  la  liberté  de  l'avertir  du  mauvais  effect  de 
ce  passage  et  je  croy  qu'on  feroit  bien  de  luy  dire  sur  le  bruit,  qui  com- 
mence à  se   répandre  par  les  plaintes  qu'il  fait,  d'une   lettre    que  le 
P.  Q(uesnel)  luy  a  escrite,  qu'il  auroit  esté  à  souhaiter  que  comme  le 
P.  Q(uesnel)  n'avoit  rien  dit  de  sa  Ire  (lettre)  et  qui  estoit  un  secret  en- 
tre le  R.  P.  Abbé  et  luy,  le  P.  A.  (?)   n'eust  fait  qu'à  luy  mesme  des 
plaintes  de  cette  Ire.  On  dit  que  M.  l'Abbé  la  trouve  dure  et  injurieuse. 
J'en  suis  fâché  :  car  la  dureté  vraie  ou  prétendiie  ne  ramène  personne. 
Mais  j'ay  peine  a  le  croire  et  quand  cela  seroiî  M.  l'Abbé  a  plus  de  vertu 
qu'il  n'en  faut  pour  souffrir  en  silence  une  dureté  qui  seroit  soutenue 
par  la  vérité.  Il  faudroit  avoir  vue  la  lettre  pour  voir  sy  une  personne 
tierce  égalem'  bien  disposée  pour  l'un  et  pour  l'autre  la  trouveroit  dure 
et  offensante,  mais  sy  elle  ne  contenoit  que  des  plaintes  du  mauvais 
sens  que  les  termes  du  passage  présentent  d'abord  à  l'esprit,  ce  que  j'en  ay 
ouy  dire  dans  le  monde  me  persuaderoit  qu'elle  est  vraye  et  juste  au 
moins  pour  le  fonds.  Car  je  ne  vois  pas  deux  avis  sur  le  sens  des  termes. 
Au  reste  comme  j'ay  esté  le  champion  de  M.  rab.(bé)  en   beaucoup  de 
rencontres,  je  vous  asseûre  que  je  le  suis  encore  en  celle-cy.  Mais  ce 
n'est  qu'en  passant.  Comme  je  n'ay  nul  loisir,  j'ai  peu  d'occasions.  Car 
on  ne  les  trouve  que  dans  la  conversation.  Mais  autant  que  j'en  ay 
trouvé,  j'ay  pris  à  tâche  de  modérer  ce  que  j'ay  ouy  dire  d'outré  sur 
cela  :  et  surtout  j'ay   soutenu  que  M.  rAb(bé)  n'a  jamais  crû  que  ce 
passage  deviendroit  public  ny  qu'il  feroit   un   effect  si  triste.  D(ieu)  ns 
veuille  donner  la  paix  au  dehors  et  au  dedans.  Vs  m'avez  escrit  2.  fois 
sur  ce  sujet  :  je  n'ay  pu  me  dispenser  de  vs  répondre.  Mais  je  vs  prie, 
Monsieur  et  mesme   j'exige   de  vre  amitié,   de   vre  fidélité  et   de  vre 
discrétion  que  je  ne  sois  ny  cité  ny  nommé.  Permis  à  vs  de  fre  (faire) 
l'usage  de  ce  que  vs  trouvères  de  raisonnable  en  ce  billet.  Mais  silence 
sur  la  personne,  car  je  hay  fort  les  scènes,  les  discours  et  le  bruit. 

Le  18  mars  1697. 

Je  dois  réponse,  Monsieur,  à  plus  d'une  de  vos  lettres  que  j'ai  reçues 
depuis  le  commencement  de  cette  année.  Sans  vous  l'avoir  écrit,  j'ai 
fait  des  vœux  très  ardens  de  nouvel  an  pour  votre  prospérité.  Je  vous 
rens  très  humbles  grâces  de  vos  bons  souhaits.  M.  Leers  '  m'a  protesté 
qu'il  est  seur  que  depuis  longtems  vos  exemplaires  du  Juniiis  ^,  de  pic- 
tura  veterum  ont  été  reçus  par  M.  Anisson  ';  il  s'étonne  que  vous  ne 
les  aies  pas  encore,  et   il   vous   prie  de    les  demander  instamment  ù 

:.  Libraire  de  Rotterdam.   Bayle  le  dépeint  comme   «  ennemi  de  tout  ce  qui  sent 

l6  libelle  et  le  déchirement  du  prochain M.  Leers  est  peut-être  le  seul  huguenot 

avec  qui  M.  Arnaud  ait  voulu  souffrir  d'avoir  quelque  conversation,  »  Bayle  à  Minu- 
toii,  5  déc.  ibgo. 

2.  Junius  ou  du  Jon,  fils  d'un  ministre  d'oiigine  française 

3.  Libraire  de  l'abbé  Nicaise  à  Paris. 


336  KKVl.K    CRITlQUIi 

M.  Anisson.  Quand  aux  paquets  précédens  il  croit  qu'ils  sont  dans  des 
balles  qui  sont  demeure'es  à  Dunkerque  parce  que  celui  qui  les  avoit 
fait  venir  là  n'a  point  encore  trouvé  les  facilitez  qu'il  espéroit  de  les 
faire  passer  jusques  à  Paris.  Ce  billet  vous  sera  envoie  par  votre  illus- 
tre ami  Monsieur  Bourdelot  à  qui  je  me  donne  l'honneur  d'écrire 
touchant  ce  qu'on  qu'on  m'a  raporté  qu'on  a  fait  croire  à  Monsieur  le 
Chancelier  au  désavantage  de  mon  Dictionnaire. 

Je  ne  réfute  que  ce  qui  intéresse  la  réputation  de  Tauteur  par  rapport 
à  rhonnéte  homme  chrétien,  car  quant  au  reste,  il  y  a  longtems  que 
j'ai  cru  et  que  j'ai  écrit  à  mes  amis  qu'on  ne  sauroit  trop  mépriser  ma 
compilation,  n'étant  considérable  ni  par  le  choix  des  matières  ni  par 
leur  arrangement.  Nos  nouveautés  litéraires  sont  assez  stériles.  M.  de 
Villemandy,  ministre  et  autrefois  professeur  de  philosophie  à  Saumur, 
et  qui  présentement  est  principal  du  collège  wallon  à  Leide  vient  de 
publier  un  in-quarto  intitulé  Scepticismus  debellatus.  Il  y  donne  histo- 
riquement l'hvpothèse  des  pyrrhoniens  anciens  et  modernes,  et  la  réfute 
le  mieux  qu'il  peut;  sa  plaignant  que  Descartes  et  Gassendi  et  plusieurs 
autres  modernes  ont  plus  avancé  les  affaires  du  scepticisme  que  retardé. 
Vous  savez  qu'un  professeur  d'Utrecht  nommé  Leydecker  publia  une 
histoire  du  Jansénisme  il  y  a  deux  ans,  où  entre  autres  choses  il  insulta 
l'Eglise  romaine  comme  aiant  condamné  la  doctrine  antipélagienne  en 
condamnant  Jansénius.  11  vient  de  paroître  un  livre  françois  contre  lui 
qui  sert  de  quatrième  tome  à  la  tradition  de  l'Eglise  romaine  touchant 
ces  matières  de  la  grâce  par  M,  Germain.  Ce  4"^  tome  contient  quelques 
écrits  de  M.  Arnaud  qui  n'avoient  jamais  paru,  où  il  montre  qu'Ale- 
xandre VII  par  le  sens  de  Jansénius  n'a  point  entendu  la  doctrine  en- 
seignée par  Jansénius.  Il  y  a  encore  d'autres  pièces  insérées  dans  ce 
volume,  et  l'on  y  parle  du  suff"rage  que  le  cardinal  Laurea  donna  sur 
les  matières  dans  une  congrégation  l'an  1693.  M.  Mayer  docteur  en 
théol.  de  la  confession  d'Augsbourg,  et  pasteur  de  s.  Jacques  à  Ham- 
bourg m'a  envoie  un  petit  livre  qu'il  a  fait  imprimer  à  Amsterdam  inti- 
tulé defide  Baronii  et  Bellarmini  ipsis  pontijiciis  etc.  ambigua  Eclo- 
gae.  On  y  trouve  une  grande  liste  des  éditions  de  Baronius,  des  abré- 
gez, des  versions,  des  critiques,  des  apologies,  etc.  avec  un  détail  des 
plaintes  que  plusieurs  auteurs  même  religieux  ont  faites  des  annales  de 
ce  Cardinal.  Cela  comme  vous  voies  n'^est  pas  inutile  à  ceux  qui  estu- 
dient  Thistoire  des  livres.  Vous  saves  que  M.  Graevius  a  été  fait  histo- 
riographe du  roi  d'Anglet.  et  qu'il  va  travailler  bientôt  à  composer  en 
latin  la  vie  de  ce  monarque.  On  vient  de  m'envoier  un  traitté  qui  a 
pour  titre  de  luctu  Graecorum.  C'est  un  recueil  des  cérémonies  funè- 
bres pratiquées  par  les  anciens  grecs.  Je  me  serviroi  de  la  voie  de  Genève 
pour  vous  envoler  mon  livre.  Adieu,  Monsieur,  je  suis  entièrement 
votre,  etc. 

Je  ne  vous  parle  point  d'une  lettre  de  controverse  qui  sert  de  réponse 
à  celle  qu'un  chanoine  de  ste  Gudule  à  Brusselles  écrivit  à  un  Capucin 


d'hISTOIHE    et    de    LITTÉRATURK  SSy 

qui  se  fit  protestant  l'année  passée,  mais  je  vous  aprens  qu'il  vient  de 
paroitreun  assez  bon  livre  latin  contre  Spinoza,  L'auteur  s'appelle  Lens 
et  demeure  à  Dordrecht  '. 

S  juin,  97. 
Pour  Monsieur  F  Abbé  Nicaise. 

Il  m'est  impossi'ole,  Monsieur,  de  vous  satisfaire  et  j'en  suis  bien  fâ- 
ché, au  sujet  des  exemplaires  du  Junius  Brutus,  car  M.  Leers  ~  m'a  dit 
qu'il  ne  se  souvient  plus  de  ce  qu'il  iit  à  cet  égard.  Il  avoit  tant  d'affaires 
à  la  tête  pendant  son  séjour  à  Paris,  que  les  circonstances  de  celle-là  se 
sont  brouillées  et  confondues  dans  sa  mémoire.  Et  peut-être  aussi  ne 
veut-il  pas  contribuer  à  la  conviction  des  petites  fraudes  que  des  gens 
du  même  métier  ont  commises  envers  vous.  Je  ne  croi  pas  que  M.  le 
Clere  en  use  comme  on  vous  Ta  écrit.  Je  sai  bien  que  c'étoit  l'intention 
des  libraires  qui  impriment  le  Moreri,  mais  il  rejeta  leur  proposition, 
et  il  m'écrivit  là  dessus  une  lettre  fort  honnête.  Je  croi  vous  avoir  mandé 
que  j'ai  vu  un  Gentilhomme  AUeman  que  vous  avies  chargé  de  com- 
plimens  pour  M.  Basnage,  et  pour  moi.  Je  vous  suplie  de  faire  tenir  à 
M.  de  la  Monnoie  ce  petit  billet.  Je  vous  suis  très  obligé  à  l'un  et  à 
l'autre  du  mémoire  sur  Lucrèce  de  Gonzague  ^• 

Nos  nouveautés  litéraires  se  réduisent  à  ceci.  Un  nommé  Croes  a 
commencé  un  journal  des  scavans  latin  à  Utrecht,  à  l'instigation  de 
M.  Graevius  :  nous  en  avons  vu  le  mois  d'avril  et  de  mai,  et  l'on  y  a 
mis  un  mémoire  qui  vient  sans  doute  de  vous,  et  qui  regarde  l'histoire 
du  diocèse  de  Langres  à  laquelle  M.  Charles  Chanoine  de  Dijon  tra- 
vaille. Vous  verres  dans  ce  journal  un  livre  qui  sera  fort  à  votre  gouf, 
c'est  le  Thésaurus  antiquitatum  Graecarum  publié  à  Leide  in-fol.  par 
M.  Gronovius.  Il  est  tout  plein  des  figures  des  dieux  et  des  héros  du 
paganisme,  avec  une  courte  explication,  quelquefois  critique,  et  tou- 
jours docte;  si  ce  n'est  que  M.  Gronovius  n'a  pas  le  don  de  sacrifier 
aux  grâces,  ni  de  faire  peu  de  cas  des  petites  choses  quand  au  fond  elles 
sont  une  érudition.  Ce  P-  vol.  doit  être  suivi  de  4  autres.  Le  même 
auteur  vient  de  publier  en  grec  et  en  latin  Scylax  et  2  ou  3  autres  an- 
ciens géographes  avec  les  notes  de  quelques  critiques  qui  avoient  déjà 
paru.  Pour  lui  il  s'est  contenté  de  corriger  le  texte.  Son  collègue 
M.  Perizonius  a  sous  la  presse  une  édition  d'Elien  var.  historiae  qui 


1.  Il  est  question  de  ce  billet  dans  une  lettre  de  Bayle  du  29  avril  1697  (B.  N.  f. 
franc.  9359,  n»  226)  :  «  Votre  dernière  lettre,  Monsieur,  a  été  écrite  avant  que  vous 
aies  reçu  le  billet  que  j'avois  mis  pour  vous  sous  le  couvert  de  l'illustre  Monsieur 
Bourdelot.  » 

2.  Libraire  de  Rotterdam,  éditeur  du  de  Picturâ  veterum  de  Junius  (du  Jon). 

3.  «  Je  vous  suis  le  plus  obligé  du  monde,  Monsieur,  de  la  bonté  que  vous  avez 
eue  de  me  communiquer  les  belles,  doctes  curieuses  et  judicieuses  Remarques  de 
M.  de  la  Monnoie  ».  Bayle  à  Nicaise,  27  avril  1693.  11  est  question  du  mémoire  sur 
Lucrèce  de  Gonzague,  dans  une  lettre  de  Bayle  à  la  Monnoye(le  billet  dont  il  est 
ici  question)  publiée  dans  les  Œuvres  diverses  de  Bayle. 


338  REVUE    C«I1IQUI 

surpassera  celle  du  docte  Kahnius.  On  prétend  qu'après  cela  Gronovius 
publiera  toutes  les  œuvres  d'Elien,  c'est-à-dire  outre  la  diverse  histoire 
l'histoire  des  Animaux  et  les  Tactiques  K  Ainsi  vous  voies  que  Pétude 
de  la  litérature  et  de  la  critique  négligée  en  France  et  en  Italie,  a  encore 
ici  de  puissans  apuis.  Elle  en  a  en  Angleterre  plus  que  jamais  :  il  y 
règne  une  espèce  de  fureur  par  raport  à  la  langue  grecque,  et  on  y  fait 
de  très  doctes  éditions  des  anciens  poètes  de  cette  langue.  Le  Pindare 
avec  les  scoliastes  va  paroitre  au  i"  jour  in-fol.  J'ai  vu  dans  l'histoire 
de  Marseille  de  M.  Ruffi  ce  qu'il  dit  des  hommes  illustres  de  cette  ville- 
là:  j'ai  trouvé  cela  si  sec  et  si  décharné  qu'il  me  semble  que  cette  partie 
de  rhistoire  n'étoit  pas  son  fort,  et  je  voi  bien  par  la  négligence  à  bien 
nommer  les  auteurs  qu'il  cite  touchant  Pythéas,  etc.  qu'il  n'entendoit 
guère  l'antiquité. 

M.  Leti  a  fait  un  gros  livre  sur  les  loteries  qui  a  été  traduit  d'Italien 
en  François  %  et  qui  vous  divertira  si  l'idée  qu'on  m'en  a  donnée  est 
juste,  car  il  ne  se  vend  point  encore  chez  les  libraires;  on  attend  que 
l'auteur  ait  fait  ses  marchés  particuliers  dans  les  autres  pays.  Le  petit 
livre  qui  vient  de  paraître  sous  le  titre  de  :  Nouvelles  lettres  écrites 
des  Champs-Elisées  avec  les  réponses  est  bien  satirique.  Madame  de 
Maintenon  y  est  horriblement  mal  traitée,  vous  jugez  bien  sur  qui  re- 
tombe le  coup,  et  sans  cette  voie  indirecte  il  y  est  assez  attaqué  par 
d'autres  endroits.  C'est  une  licence  qu'on  devroit  punir.  M.  Lister  mé- 
decin anglois  a  donné  depuis  peu  une  édition  augmentée  de  ses  octo 
exercitationes  médicinales. 

On  a  imprimé  à  Goppenhagen  un  Conspectus  scriptorinn  chetniconmi 
illustriorum.  C'est  un  écrit  posthume  de  Borrichius  auquel  on  a  joint  sa 
vie.  Un  jeune  homme  nommé  Sicke  vient  de  publier  en  arabe  et  en  latin 
l'Evangile  de  l'enfance  de  Jésus  Christ.  C'est  un  tissu  de  fables  grossières. 
Il  y  a  joint  des  notes  curieuses.  Voici  le  titre  d'un  nouveau  livre  de 
médecine;  je  vous  en  régale  tant  parce  que  votre  curiosité  est  univer- 
selle, que  parce  que  cette  lettre  passera  par  les  mains  de  votre  illustre 
ami  M.  Bourdelot.  Mais  j'ai  lieu  de  croire  que  vous  avez  déjà  vu  l'ou- 
vrage, étant  imprimé  à  Genève.  Quoiqu'il  en  soit  il  a  pour  titre  :  Mi" 
chaelis  Aloysii  sinapii  absiirda  vera  sive  paradoxa  medica  quorum 
pars  I.  theoremata  quae  hodie  neoterici  cum  Galenicis  intercedunt 
proponit  cum  dissertatione  de  spirituum  effluviis  et  animae  communis 


I.  On  sait  que  les  Tactiques  ne  sont  pas  l'œuvre  du  même  Elien  mentionné  en 
même  temps  par  Baj-le  comme  auteur  des  Histoires  variées  et  de  l'Histoire  des  ani- 
maux. 

2  Critique  historique,  politique,  morale,  économique  et  comique  sur  les  loteries 
anciennes  et  modernes,  spirituelles  et  temporelles.  «  Vous  admirerez  la  liberté  avec 
laquelle  il  parle  de  toutes  choses  jusqu'à  se  moquer  des  alliés  de  ce  qu'avec  tant 
d'armées  ils  n'ont  pu  empêcher  que  la  France  n'entretint  toujours  ses  troupes  sur 
les  terres  des  ennemis,  etc.,  mais  il  n'y  a  point  de  gens  qu'il  pousse  à  bout  avec 
plus  d'acharnement  pour  ainsi  dire  que  les  théologiens  et  nommément  les  protes- 
tans  réfugiés  en  Hollande.  »  Bayle  à  Nicaise,  2-ig  août  1697,  BN.  gSSg. 


D'HISTOIKfc.    Kl     DK    (.ITTKIIATUK  ii  SSp 

transmîgratîojie  hixta  inodernos  pythagoricos,  -pars  II.  eadem  conti- 
nuât ciim  dissertationc  de  falso  titiilo  sive  falsa  exîstentia  morbi  gal- 
lici  :  III  continet  tractatum  de  vanitate,  falsitate  et  incertitudinc 
aphorismoriim  Hippocratis.  Je  finis,  Monsieur,  par  la  protestation 
sincère  d^être  tout  à  vous. 

On  peut  juger  d'après  ces  citations  de  l'intérêt  du  recueil  que  nous  signalons.  En 
attendant  que  quelque  homme  courageux  otlre  aux  amis  du  xvu*'  siècle  la  corres- 
pondance complète  de  l'abbé  Nicaise,  ne  conviendrait-il  pas  de  signaler  les  diffé- 
rents dépôts  où  elle  se  trouve  dispersée  r  II  y  a  des  lettres  adressées  à  l'abbé  Nicaise 
non-seulement  à  Paris  et  à  Dijon,  mais  à  Troyes  et  dans  d'autres  bibliothèques. 
L'utilité  d'une  telle  recherche  n'échappe  à  personne. 

P.  A.  Lejay. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  M.  Eugène  Mûpjtz  a  récemment  publié  (tirage  à  part  du  tome  XLV 
des  «  Mémoires  de  la  Société  nationale  des  antiquaires  de  France  «),  en  collaboration 
avec  M.  J.  de  Laurière,  une  étude  sur  Giiiliano  da  San  Gallo  et  les  moiiuments 
antiques  du  midi  de  la  France  au  xv"  siècle.  On  trouvera  dans  le  n°  i  du  I<='^  volume 
de  r  «  American  Journal  of  archaeology  »  un  travail  du  même  savant  the  lost  mo- 
saies  of  Ravenna. 

HONGRIE.  —  La  Revue  philologique  hongroise  publie,  dans  sa  livraison  du  mois 
d'octobre,  la  traduction  de  la  plupart  des  Etymologies  de  M,  Bréal,  parues  dans 
le  Bulletin  de  la  société  de  linguistique. 


ACADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  20  octobre  188^. 

Après  délibération  en  comité  lecret,  l'Académie  décide  que  les  questions  suivan- 
tes seront  mises  an  concours  pour  divers  prix  à  décerner  en   iS8l)  : 

Prix  Bordin  :  a  Etudier  l'histoire  politique,  religieuse  et  littéraire  d'Edesse  jus- 
qu'à la  première  croisade.  •» 

Prix  ordinaire  :  «  Exposer  méthodiquement  la  législation  civile,  politique  et  re- 
ligieuse des  capitulaires,  etc.  » 

Le  prix  Brunet  sera  donné,  en  j  888,  «  au  meilleur  travail  bibliogrnpbique,  ma- 
nuscrit ou  imprimé  depuis  l'année  i885,  portant  sur  des  ouvrages  d'histoire  et  de 
littérature  du  moyen  âge  '.  ;, 

M.  Germain  communique  une  étude  sur  les  origines  de  la  seigneurie  de  Mont- 
pellier, dont  il  a  été  amené  à  s'occuper  en  préparant  la  publication  d'un  document 
tiré  des  archives  de  Montpellier,  le  Liber  instrumoitorum  monorialium. 

Les  premiers  possesseurs  de  Montpellier,  les  Guillienis,  n'ont  pas,  dit-il,  jeté 
beaucoup  d'éclat  au  début.  Quoique  installés  dans  leur  tiet  dès  le  règne  de  Hugues 
Capet,  ils  s'effacent'jusqu'à  la  fin  du  xi^'  siècle  derrière  leurs  suzerains,  les  évêques 
de  Maguelone  et  les  comtes  de  Melgueil.  Ils  sont  redevables  de  leur  premier  lustre 
à  leur  active  participation  aux  croisades,  à  leur  admirable  habileté  à  tirer  parti  des 
événements,  et  surtout  à  l'appui  des  papes,  au  puissant  patronage  d'Innocent  II   et 

I.  Le  texte  complet  des  questions  proposées  et  ie  programme  des  concours  seront  donnés  a  la 
suite  du  compte-rendu  de  la  séance  publique  annuelle  du  \'i  novembre 


o^^o 


REVUE    CRITIQUE    D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE 


d'Alexandre  III  particulièrement.  Aussi  Innocent  III  a-t-il  trouvé  en  eux  des  auxi- 
liaires très  zélés  dans  sa  lutte  contre  l'hérésie  albigeoise. 

L'influence  espagnole  à  Montpellier  se  montre  progressivement  à  partir  de  Guil- 
lem  V,  qui,  après  s'être  couvert  de  gloire  à  la  première  croisade,  alla  combattre  en 
II 14  les  Sarrazinsde  l'île  de  Majorque.  Elle  se  manifeste  davantage  encore,  lorsque 
Guillem  VI  s'unit  au  comte  de  Barcelone  Raimond-Bérenger  III,  pour  faire  avec  lui 
en  commun  la  conquête  de  Tortose,  qui  lui  resta  dévolue.  Elle  triomphe  complète- 
ment en  12Û4,  par  l'avènement  de  Pierre  11  d'Aragon  à  la  seigneurie  de  Montpellier. 

M.  Germain  s'occupe  ensuite  du  double  mariage  de  Guillem.  VIII  avec  Eudoxie 
Comnène  et  avec  Agnès  de  Castille.  On  voit  dans  cette  atïaire  une  sorte  de  répéti- 
tion de  celle  à  laquelle  donna  lieu  le  divorce  de  Philippe-Auguste,  mais  le  dénoue- 
ment de  celle-ci  tut  moins  heureux.  Innocent  III  se  montra  inflexible  dans  la  dé- 
fense des  droits  de  la  première  épouse,  et  cela  malgré  les  témoignages  de  ferme  or- 
thodoxie que  lui  prodiguait  le  seigneur  de  Montpellier  en  face  de  l'insurrection 
albigeoise.  C'est  là,  dit  M.  Germain,  un  des  épisodes  qui  peignent  le  mieux  le  ca- 
ractère du  vaillant  pontife  :  les  Décrétaies  lui  doivent  un  de  leurs  canons  les  plus 
rigides;  et  ce  canon  n'est  pas  demeuré  à  l'état  de  lettre  morte,  puisqu'il  a  motivé  le 
mouvement  où  a  pris  son  essor  la  Commune  de  Montpellier. 

M.  Delisle  communique  un  nouveau  document  qui  vient  s'ajouter  à  la  liste  des 
témoignages  contemporains  sur  Jeanne  d'Arc.  C'est  un  chapitre  ajouté  à  la  suite 
d'une  chronique  universelle  connue  sous  le  nom  de  Breviarium  historiale.  Ce  Bre- 

Poi- 


viarium,  qui  nous  a  été  conserve  par  sept  manuscrits    et  qui  a  ete   imprime  a  ri 
tiers  en  1479,  est  l'œuvre   d'un   Français,  qui  l'écrivit  à  Rome  à   la   hn  de  l'année 

1428.  Dans  îa  plupart  des  manuscrits  et  dans  l'édition  imprimée,  le  récit  s'arrête  à 
cette  date  :  seul,  un  manuscrit  de  Rome  contient  le  chapitre  relatif  à  Jeanne  d'Arc, 
qui  vient  d'être  signalé  par  M.  le  comte  Ugo  Balzani,  dans  une  communication  faite 
à  la  Società  romana  di  storia  patria,  et  dont  le  texte  a  été  envoyé  à  M.  Delisle  par 
M.  Henry  Stevenson.  Ce  morceau  a  été  écrit  par  l'auteur  même  de  la  chronique,  en 

1429,  quand  on  avait  reçu  à  Rome  la  nouvelle  de  la  délivrance  d'Orléans  et  avant 
qu'on  eût  appris  le  sacre  du  roi  à  Reims.  11  ne  mentionne  aucun  fait  nouveau,  mais 
il  est  intéressant  par  le  ton  ému  qui  y  règne  :  il  témoigne,  par  ce  ton  même,  de  la 
vive  impression  d'étonnement  et  d'admiration  que  causa  partout,  parmi  les  contem- 
porains, la  nouvelle  des  premiers  exploits  de  la  Pucelle. 

Le  nom  de  l'auteur  du  Breviarium  historiale  et  de  ce  chapitre  additionnel  n'est 
pas  connu,  mais  M.  Delisle  espère  qu'il  pourra  être  découvert;  il  fait  appel,  pour 
cette  recherche,  aux  membres  de  l'Ecole  française  de  Rome.  Des  indications  don- 
nées par  la  chronique  même,  il  résulte  que  celui  qui  l'a  écrite  était  Français,  qu'il 
occupait  une  place  dans  la  cour  du  pape  Martin  V,  qu'il  était  à  Rome  en  1428  et  en 
1429,  enfin  qu'il  s'était  trouvé  à  Bologne,  en  même  temps  que  le  pape,  en  octobre 

1414- 

M.  Homolle  rend  compte  des  dernières  fouilles  exécutées  sous  sa  direction  dans 
l'île  de  Délos.  11  a  continué  et  autant  que  possible  achevé  l'exploration  du  sanctuaire 
apollinien.  Il  a  déterminé  le  tracé  de  l'enceinte,  l'emplacement  des  portes,  le  réseau 
des  voies  qui  y  conduisaient  ou  qui  en  pariaient;  il  a  fixé  les  noms  de  plusieurs 
points  du  sanctuaire,  découvert  des  monuments  nouveaux,  recueilli  des  fragments 
intéressants  pour  l'histoire  de  l'art  ou  de  la  restauration  des  édifices,  constaté  l'exis- 
tence d'une  ville  groupée  au  moyen  âge  autour  des  établissements  religieux  et  mi- 
litaires des  hospitaliers  de  Saint-Jean.  De  plus,  il  a  recueilli  une  cinquantaine  de 
fragments  de  sculpture  de  marbre,  quelques  terres  cuites  et  des  débris  de  bronze.^ Le 
monument  le  plus  curieux  est  un  vase  sculpté,  signé  d'Iphicartidès  de  Naxos;  c'est 
un  nouveau  témoignage  de  l'importance  de  l'école  de  Naxos,  qui  fut  très  florissante 
du  vu'  au  v°  siècle  avant  notre  ère.  Les  inscriptions,  au  nombre  de  224  pièces  ou 
fragments,  se  divisent  en  comptes,  décrets,  inscriptions  chorégiques,  dédicaces,  épi- 
taphes,  timbres  amphoriques  ;  elles  se  répartissent  sur  la  période  comprise  depuis 
le  V  jusqu'au  i"""  siècle  avant  notre  ère,  et  sont  surtout  abondantes  au_  iu«  et  au  11^. 
Quelques-unes  ont  jusqu'à  200  et  25o  lignes,  et  il  y  en  a  une  de  près  de  600  li- 
gnes, disposées  sur  deux  colonnes.  Elles  contiennent  beaucoup  de  renseignenients 
sur  l'histoire  de  Délos,  des  Cyclades,  de  Rhodes  et  de  tous  les  pays  grecs,  ainsi  que 
sur  le  commerce  et  l'économie  politique  des  anciens. 

Ouvrage  présenté,  de  la  part  de  l'auteur,  par  M.  Jules  Girard  :  P.  Decharme,  Aly- 
thologie  de  la  Grèce  antique,  2'=  édition . 

Julien  Havet. 


Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 


'^f:  Puv.  ivnin-x-ii-erie  de.  Marchessou  ùss.  boulevard  Saint-Laurevr:.  3.-£. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET   DE    LITTÉRATURE 


NO  45  —  9  novembre  —  1885 


Sommaire  s  198.  Heisterbergk,  Le  jus  italicum.  —  199.  Lechler,  L'époque 
apostolique  et  l'époque  post-apostolique.  —  200.  Gœtz  de  Berlichingen  p.  p. 
E.  Lichtenberger;  Annuaire  de  Gœthe  de  i885  p.  p.  L.  Geiger;  Schrœer, 
Goethe  et  l'amour;  DIintzeh,  Gœthe  à  Weimar;  Editions  de  Gœthe  p.  p.  Schrœer, 
Steiner,  Dûntzer,  Keck.  —  201.  Pajol,  Les  guerres  sous  Louis  XV,  vol.  III.  — 
202.  Lettre  d'un  capitaine  de  cuirassiers  sur  la  campagne  de  Russie,  p.  p.  Leher. 
—  Variétés  :  Voltaire  et  le  cardinal  Quirini,  d'après  des  documents  inédits.  — 
Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions. 


igS.  —  B.  Heistersergk.  Hfame  lantî   BegrîiT  des  jus    Stalicuœ.  Tûbingen, 
Laupp,  j88b,  i  volume  in~S  de  192  p. 

La  question  du  Jus  Italicum  a  été  souvent  agitée  depuis  que  J.  Gode- 
froy  Ta  traitée  avec  sa  lucidité  habituelle  [ad  C.  Theod.  lib.  xiv,  tit.  i3). 
Les  deux  points  qu'il  a  établis  sont  aujourd'hui  encore  acceptés  par  la 
plupart  des  auteurs  :  le  Jus  Italicum  a  pour  conséquence  Texemption 
de  rimpôt  foncier  et  l'application  des  règles  qui  supposent  la  propriété 
i  quiritaire  du  sol.  De  nos  jours,  on  s'est  particulièrement  préoccupé 
d'une  question  qui  prime  toutes  les  autres.  On  a  voulu  savoir  quelle 
est  la  nature  de  ce  droit,  quand  et  comment  il  s'est  formé.  Les  opinions 
les  plus  divergentes  ont  été  soutenues  sans  conduire  à  un  résultat  satis- 
faisant. M.  Heisterbergk  vient  de  soumettre  la  question  à  un  examen 
approfondi.  Son  travail  est  divisé  en  deux  parties  :  dans  la  première,  il 
montre  sur  quelles  bases  fragiles  reposent  les  systèmes  imaginés  pour 
expliquer  le  Jus  Italicum;  dans  la  seconde,  il  présente  une  hypothèse 
nouvelle  fondée  principalement  sur  les  fragments  de  Paul  et  d'Ulpien, 
conservés  au  Digeste,  au  titre  de  Censibus. 

La  thèse  de  M.  H.  peut  se  résumer  dans  les  deux  propositions  sui- 
vantes :  i"  le  Jus  Italicum  n'est  pas  une  fiction  par  laquelle  on  aurait 
étendu  à  des  cités  provinciales  le  droit  commun  des  cités  italiques;  ce 
droit  commun  n'existe  pas;  2'^  \q  Jus  Italicum  est  identique  au  droit 
des  anciennes  colonies  de  citoyens  romains. 

Sur  le  premier  point,  M.  H.  essaie  de  démontrer  qu'il  n'y  a  jamais 
eu  un  droit  spécialement  établi  pour  l'Italie  et  qui  ait  placé  le  sol  de  ce 
pays  dans  une  situation  juridique  particulière.  La  loi  que  l'on  invoque 
en  sens  contraire  n'a  laissé  aucune  trace  (p.  42).  Si  les  terres  d'Italie 
sont,  au  temps  de  Gaius,  susceptibles  de  la  propriété  quiritaire,  c'est 
que  l'Etat,  dans  les  derniers  siècles  de  la  République,  avait  aliéné  en 
masse  celles  qui  lui  appartenaient.  Domitien  avait  fait  cadeau  aux  pro- 
priétaires voisins  des  parcelles  qui  restaient  de  Vager  publicus.  Il  est 
certain  au  surplus  que  la  condition  juridique  des  cités  d'Italie  fut  loin 
Nouvelle  série,  XX.  45 


342  REVUE    CRITIQUE 

d'être  uniforme  :  aucun  lien  n'existait  entre  elles.  Dès  lors,  on  ne  peut 
parler  d'un  droit  commun  à  toutes  les  cités  italiques. 

Qu'est-ce  donc  que  le  Jus  Italiciim?  Cest  le  droit  d'une  colonie 
italique,  Italicae  coloniae  respublica,  dit  Ulpien  (L.  i  §  2).  11  ne  faut 
pas  en  conclure  que  la  concession  du  titre  de  colonie  fasse  acquérir  par 
cela  seul  le  Jus  Italicum.  On  peut  en  constituant  une  colonie  procéder 
de  trois  manières  (p.  147)  :  i»  exprimer  qu^elle  sera  juris  Italici  et 
qu'elle  jouira  de  toutes  les  immunités  d'impôts  qui  en  résultent,  (L.  8 
§  3,  6.)  A  ce  point  de  vue,  la  dénomination  de  colonia  imjnunis  convient 
aux  colonies  italiques  (p.  i55);  2°  réserver  l'obligation  de  payer  l'im- 
pôt (L.  8  §  5)  ;  3°  accorder  simplement  le  titre  de  colonie  sans  ajouter 
que  la  cité  jouira  du  Jus  Italicum.  (L.  8  §  7.)  Mais  toute  cité  qui  n'est 
pas  une  colonie  le  devient  ijjso  facto  dès  qu'elle  reçoit  le  Jus  Italicum. 

Il  suit  de  là  que  les  effets  de  ce  droit  ne  sont  pas  toujours  les  mêmes. 
Dans  les  provinces  d'Orient  auxquelles  se  réfèrent  les  fragments  du 
Digeste,  presque  toutes  les  cités  étaient  pérégrines.  Le  Jus  Italicum 
conférait  :  i"  aux  habitants,  le  droit  de  cité  romaine,  par  suite  l'exemp- 
tion de  l'impôt  de  capitation  et  la  capacité  d'acquérir  la  propriété  quiri- 
taire;  2°  au  sol,  la  possibilité  d'appartenir  à  un  particulier  en  pleine 
propriété  et  par  suite  l'exemption  de  l'impôt  foncier;  3"  à  la  cité,  la 
constitution  d'une  colonie  et  par  suite  l'indépendance  vis-à-vis  du  gou- 
verneur de  la  province  (p.  i35).  Dans  les  provinces  d'Occident,  le  Jus 
Italicum  était  concédé  le  plus  souvent  à  des  municipes,  dont  la  consti- 
tution était  analogue  à  celle  des  colonies;  il  n'avait  d'autre  effet  que  de 
rendre  le  sol  susceptible  de  la  propriété  quiritaire  et  libre  d'impôt.  A 
partir  de  Caracalla,  les  pérégrins  acquirent  avec  la  cité  romaine  la  ca- 
pacité d'être  propriétaires  quiritaires,  peut-être  aussi  l'exemption  de 
l'impôt  de  capitation,  remplacé  par  l'impôt  sur  les  successions  :  dès 
lors,  le  Jus  Italicum  devint  un  privilège  du  sol  (p.  13/). 

Mais  quelles  sont  ces  colonies  Italiques  auxquelles  Ulpien  fait  allu- 
sion ?  Ce  sont  les  colonies  de  citoyens  romains  par  opposition  aux  co- 
lonies militaires  (p.  168).  Dans  les  premières,  c'était  le  peuple  romain 
qui  s'établissait  sur  son  propre  sol:  voilà  pourquoi  le  sol  comportait  la 
propriété  quiritaire.  (?)  Dans  les  secondes,  les  vétérans  s'établissaient  sur 
le  terrain  d'autrui,  sur  le  terrain  de  l'empereur.  Aussi  le  sol  n'était-il 
exempt  d'impôt  que  si  la  colonie  obtenait  le  Jus  Italicum;  si  la  remise 
d'impôt  eût  été  la  règle,  cette  règle  eût  été  ruineuse  pour  le  trésor 
(p.   173). 

Le  nom  d'Italica  colonia  vient  de  ce  que  sous  les  premiers  empe- 
reurs, toutes  les  colonies  de  citoyens  romains,  fondées  avant  l'établisse- 
ment des  colonies  militaires,  se  trouvaient  en  Italie  (p.  lyS).  Avec  le 
temps,  on  assimila  à  ces  colonies,  soit  des  cités  qui  n'avaient  que  le 
nom  de  colonies,  soit  des  colonies  militaires.  Le  plus  souvent,  les  colo- 
nies italiques  furent  des  colonies  de  vétérans  prétoriens.  Mais  lorsque 
Sévère  eut  dissous  les  cohortes  prétoriennes,  il  compléta  son  œuvre  en 


d'histoire  et  de  littérature  343 

accordant  à  des  cités  pérégrines  un  privilège  qui  d'abord  avait  été  pres- 
que toujours  réservé  aux  prétoriens  (p.  179). 

Tels  sont  les  points  principaux  de  la  thèse  fort  ingénieuse  présentée 
par  M.  Heisterbergk.  Malgré  le  soin  avec  lequel  elle  a  été  construite, 
elle  présente  des  côtés  faibles  et  ne  donne  pas  la  solution  de  toutes  les 
difficultés.  Sans  entrer  dans  les  détails,  nous  nous  bornerons  à 
quelques  observations,  La  première  partie  de  la  démonstration  de 
M.  H.  ne  nous  paraît  pas  entièrement  décisive.  11  n'est  pas  contestable 
qu'il  y  a  des  cas  assez  nombreux  où  l'Italie  est  traitée  autrement  que 
les  provinces  ;  c'est  ce  qui  donne  une  grande  force  à  l'opinion  com- 
mune. M.  H.  aurait  dû  prouver  que  les  différences  que  l'on  peut  rele- 
ver n'ont  pas  toujours  été  établies  à  dessein  et  résultent  plus  souvent 
qu'on  ne  pourrait  le  croire  de  circonstances  fortuites.  Il  aurait  ainsi 
enlevé  à  ses  adversaires  un  puissant  argument  d'analogie.  A  nos  yeux, 
la  pensée  d'accorder  une  faveur  à  l'Italie  apparaît  dans  la  loi  Furia  de 
sponsoribus  (Gaïus  III,  121),  dans  la  loi  Fabia  de plagiariis  (coll.  leg. 
mosaic,  XIV,  3,  4)  et  dans  les  constitutions  de  Marc-Aurèle,  Sévère  et 
Caracalla  sur  les  excuses  de  tutelle.  Mais  elle  n'existe  ni  dans  la  règle 
d'après  laquelle  l'adrogation  ne  peut  se  faire  qu'à  Rome,  car  cette  règle 
tient  à  la  forme  môme  de  Facte,  ni  dans  la  loi  Atilia  sur  la  tutelle  dative 
(UIp.  XI,  18),  car  cette  loi  qui  n'a  été  faite  que  pour  Rome  est  anté- 
rieure à  la  création  des  provinces.  Pareillement  la  disposition  de  la  loi 
Julia  de  viaritandis  ordinibiis  sur  la  nomination  d'un  tuteur  dotis  causa 
aux  femmes  dont  le  tuteur  légitime  est  impubère  (Ulp.  XI,  20],  paraît 
rédigée  en  vue  de  Rome  et  non  de  Pltalie.  En  confiant  cette  nomination 
au  préteur  urbain,  on  avait  voulu  faciliter  Tapplication  de  la  loi  dans 
les  limites  de  la  juridiction  de  ce  préteur.  Quant  à  la  loi  Julia  de  adulte^ 
riis,  on  n'aurait  pas  mis  en  question  son  application  aux  fonds  provin- 
ciaux, si  la  pensée  du  législateur  avait  été  d'accorder  un  privilège  aux 
fonds  italiques.  Enfin,  le  chapitre  de  la  loi  Julia  qui  permettait  d''échap" 
per  à  l'emprisonnement  pour  dettes  grâce  à  la  cession  de  biens,  contenait 
sans  doute  une  règle  applicable  à  tous  les  tribunaux  romains,  jusqu'au 
jour  où  elle  fut  étendue  aux  tribunaux  pérégrins. 

D'un  autre  côté,  nous  aurions  souhaité  que  Pauteur  se  prononçât 
nettement  sur  la  question  de  savoir  si  la  concession  du  Jus  Italicum 
entraîne  l'application  du  droit  romain,  non-seulement  pour  le  sol  de  la 
cité,  mais  aussi  pour  les  habitants.  On  peut,  en  ce  sens,  tirer  argument 
de  rinscription  d'un  fragment  de  Gains,  inséré  au  titre  de  censibus 
(L.  7).  La  remarque  en  a  déjà  été  faite;  mais  on  n'a  pas  expliqué  pour- 
quoi Gains  parle  du  Jus  Italicum  dans  son  commentaire  sur  les  lois 
Julia  et  Papia  Poppaea.  En  voici,  croyons-nous,  la  raison  :  les  habi- 
tants de  la  ville  gratifiée  du  Jus  Italicum  acquéraient  avec  la  cité  ro- 
maine la  testamenti  factio ;  par  suite,  la  disposition  faite  au  profit  d'un 
cœlebs  était  caduque  ou  in  causa  caduci;  elle  profitait  aux  patres  et  à 
défaut  au  trésor  public,  conformément  aux  lois  caducaires.  Au  con- 


344  REVUE   CRITIQUE 

traire  faite  au  profit  d'un  pérégrin,  la  disposition  eût  été  pro  non 
scripto  et  dévolue  suivant  les  règles  anciennes  sur  le  droit  d'accroisse- 
ment. Pareillement  nous  sommes  porté  à  croire  qu'on  appliquait  aux 
cites  italiques  la  loi  Fabia  de  plagiariis  et  la  règle  qui  exemptait  de  la 
tutelle  et  des  charges  civiles  ceux  qui  avaient  quatre  enfants. 

Quant  au  sol,  la  concession  du  Jus  Italicum  en  faisait  une  res  man^ 
cipi  susceptible  de  mancipation  et  d'usucapion.  Elle  rendait  applicable 
la  loi  Julia  sur  le  fonds  dotal  et  peut-être  aussi  cette  exceptio  annalis 
Italici  contractus  dont  nous  ne  connaissons  que  le  nom.  Elle  permet- 
tait de  faire  usage,  soit  des  interdits  qui  mettent  en  question  le  fond  du 
droit  (L.  2  §  2.  D.  43,  i)  comme  les  interdits  de  itinere  actuque  pri- 
vato  (reficiendo),  de  aqiia  ex  castello  ducenda,  soit  de  ceux  gui  veluti 
proprietatîs  causarn  continent,  comme  les  interdits  de  locis  sacris  et 
religiosis.  Nous  en  trouvons  la  preuve  dans  l'inscription  de  la  loi 
6  h.  t.  Ce  fragment  est  emprunté  au  25^  livre  du  Digeste  de  Celsus; 
or  nous  possédons  un  autre  fragment  du  même  livre,  et  précisém.ent  il  a 
trait  à  l'interdit  de  itinere.  (L.  7.  D.  48,  19.) 

Edouard  Cuq. 


iqg.     —    Das     apostolîscîie    und    das   nacliapostoïîeclie    Zeîtaltei'    mit 

Rûcksicht  auf  Unterschied  und  Einheit  in  Leben  und  Lehre,  von  G.  V.  Lechler, 
dritte  vollstœndig  neu  bearbeitete  Auflage.  Karisruhe  et  Leipzig,  Reuther,  i883, 
XVI  et  635  p.  in-8. 

Cet  ouvrage  est  un  des  plus  estimés  qui  aient  été  écrits  sur  la  matière 
au  point  de  vue  de  la  théologie  protestante  conservatrice.  La  clarté  des 
divisions,  la  simplicité  de  l'exposition  en  font  une  œuvre  d'un  mérite 
durable  et  d'une  réelle  utilité.  M.  Lechler  l'avait  adressé  sous  sa  pre- 
mière forme  (1848),  comme  œuvre  de  concours,  à  une  fondation  hollan- 
daise qui  avait  voulu  provoquer  une  réfutation  scientifique  des  idées  de 
Baur  sur  les  divisions  doctrinales  et  autres  au  sein  de  l'église  primitive  ; 
de  là  l'explication  du  titre  qu'on  a  lu  plus  haut.  Le  fait  est  que  l'œuvre 
est  faite  à  la  hollandaise,  avec  une  grande  sobriété,  sur  un  ton  de  bonne 
foi  paisible,  de  candeur  solide,  auquel  on  est  immédiatement  sensible. 

Une  seconde  édition  avait  paru  en  1857;  celle-ci  est  absolument  re- 
mise à  neuf  et  contient  l'appréciation,  en  même  temps  qu'elle  trahit  la 
connaissance,  des  plus  récentes  publications.  Par  dessus  le  marché, 
chose  étrange,  l'auteur  tient  compte  d'ouvrages  écrits  en  français  !  C'est 
qu'il  n'appartient  pas  à  la  jeune  génération. 

L'ouvrage  se  divise  en  deux  livres  :  ïépoque  apostolique  et  l'époque 
post-apostolique.  Voici  les  têtes  de  chapitre  : 

Première  partie  du  livre  I  :  Le  christianisme  primitif  dans  la  vie, 
section  I  :  Les  commencements  du  christianisme  comme  communauté 
jusqu'à  la  destruction  de  Jérusalem  (chap.  i,  les  communauté  judéo- 


D'HISTOIRE    ET   DE   LITTERATURE  345 

chrétiennes;  chap.  ii,  les  pagano-chrétiens  et  les  communautés  mixtes; 
chap.  m,  relation  réciproque  entre  le  cercle  judéo-chrétien  et  le  cercle 
pagano-chrécien  en  général);  section  II:  Judéo-chrétiens  et  pagano- 
chrétiens  à  l'époque  de  la  destruction  de  Jérusalem  jusqu'à  la  fin  du 
siècle  apostolique  (chap.  i,  les  judéo-chrétiens,  chap.  ii,  les  pagano- 
chrétiens). 

Deuxième  partie  du  livre  I  :  Les  doctrines  apostoliques,  section  i:  La 
doctrine  aux  premiers  temps  apostoliques;  (chap.  i,  premier  discours 
apostoliques;  chap.  ii,  Jacques);  section  II  :  doctrine  de  l'apôtre  Paul 
(chap.  I,  la  prédication  primitive  de  Tapôtre  Paul;  chap.  ii,  la  doctrine 
de  l'apôtre  Paul  sous  sa  forme  de  pleine  maturité;  chap.  m,  la  doctrine 
des  lettres  pastorales)  ;  section  III  :  la  doctrine  de  l'épître  aux  Hébreux  ; 
section  IV  :  la  doctrine  postérieure  de  l'apôtre  Pierre;  section  V  :  la 
doctrine  de  l'apôtre  Jean;  section  VI  :  la  doctrine  de  l'apôtre  Paul 
comparée  à  celle  des  autres  apôtres. 

Première  partie  du  livre  II  :  Les  Judéo-chrétiens. 

Deuxième  partie  du  livre  II  :  Les  pagano-chrétiens,  iQcûon  I  :  la 
vie  chrétienne  et  ses  règles;  section  II  ;  développement  de  la  doctrine. 
—  Je  signale  dans  cette  dernière  partie  l'usage  qui  est  fait  du  livre  ré- 
cemment découvert  «  la  doctrine  des  douze  apôtres.  »  —  J'ai  supprimé 
l'indication  d'un  grand  nombre  de  divisions  secondaires,  particulière- 
ment en  ce  qui  touche  l'exposition  de  la  doctrine  de  Tapôtre  Paul, 
à  laquelle  l'auteur,  en  raison  du  but  spécial  qu'il  visait,  devait  donner 
bien  plus  d'attention.  Et  cependant  je  remarque  à  son  éloge  qu'il  a 
su  se  maintenir  dans  des  bornes  très  raisonnables  et  que  les  développe- 
ments accordés  à  cette  maîtresse-partie  ne  font  en  aucune  façon  tort  au 
reste. 

Ce  livre  constitue  donc  dans  sa  nouvelle  forme  un  manuel  d'un  em- 
ploi commode,  destiné  à  rendre  de  grands  services  à  ceux  qui  voudront 
en  user. 

M.  Vernes. 


200.  —  I.  Gœthe,  Gœtz  von  Berlichingen  mit  der  eisernen  Hand,  ein  Schauspiel, 
texte  allemand  conforme  à  l'édition  de  1787,  avec  une  introduction  et  des  notes 
par  Ernest  Lichtenberger.  Paris,  Hachette,  i8S5.  ln-8,  cxxxvn  et  33i  p. 

II.  Gœtîie-^atirïjueli,  herausgegeben  von  Ludwig  Geiger,  sechster  Band, 
Frankfurt  am  Main,  Literarische  Anstalt,  Rûtten  und  Loening,  i883.  In-8,  ix  et 
464  p. 

III.  Goethe  wîiiJ  dîe  Lieî>c,  zwei  Vortraege  von  K.  J.  Schroer.  Heilbronn, 
Henninger,  1884.  In-8,  xi  et  78  p.  i  mark  5o. 

IV.  «iœtlios  Biînti'îtt  in  Weimar  mit  Benutzung  ungedruckter  duellen,  dar- 
gesteilt  von  Heinrich  Dûntzer.  Leipzig,  Ed.  Wartig's  Verlag  (Ernst  Hoppe),  i8S3, 
XVI  et  224  p. 

V.  SaioîMon    Êiirzels   Verzeichnis  einer   Gcethe-Bibliothek  mit  Nachliôegen 


346  REVUE   CRITIQUE 

und  Fortsetzung  hrsg.  von  Louis  Hirzel.  Leipzig,  S.   Hirzel,  1884.   In-8,  vi  et 
2i5  p.  3  mark. 

VI.  Deutsclio   iVationalIitlci-atui-«  historisch   kritischc  Ausgaben,  Berlin 
und  Stuttgart,  W.  Bpemann.  In-8.  -i  mark  5o  le  volume  broché. 

—  OœtlioB  Werke.  Gœthes  Dramen.  Erster  Band.  xvi  et  504  p.;  Zweiter 
Band,  XXIX  et  453  p.,  hrsg.  von  K.  J.  Scurger. 

—  Oo^tliei-  Gerfîclite.    Erster  Band.   xiv  et   292   p.   Zweiter  Band.  vu  et 
372  p.,  hrsg.  von  H.  Dûntzer, 

—  Gfjcthes  -^vei-ke.  Faust,  erster  und  zweiter  Theil,  hrsg.  von  H.  Dûntzer. 
In-8,  xxxviii  et  224  p.  -f  xxiv  et  307  p. 

—  Gœthes  ^Verke.    Hermann    und   Dorothea,    etc.,    829   p.,  hrsg.  von 
H.  Dûntzer. 

—  Gœthes '«Vorke/Naturwissenschaftliche  Schriften.  Erster  Band.  lxxxiv 
et  472  p.,  hrsg.  von  Rudolf  Steiner, 

VIL  Klassische  cicutsche  i>iehtuugen.  L  Gœthes  Hermann  und  Doro- 
thea, von  K.  H.  Keck.  Gotha,  Perthes,  i883.  In-8,  117  p. 

On  nous  permettra  de  donner  place  dans  un  même  article  à  plusieurs 
éditions  de  Goethe  et  à  divers  ouvrages  relatifs  au  poète, 

I.  La  nouvelle  édition  du  G'6t\,  que  vient  de  publier  M.  Ernest 
Lichtenberger,  est  la  meilleure  qui  ait  paru  Jusqu'ici  et  en  France  et  en 
Allemagne.  Elle  renferme  :  1°  une  carte  de  PAllemagne  en  iSig; 
2°  l'introduction  ;  3°  le  texte  ;  4°  un  appendice.  La  carte  est  bien  faite 
et  rendra  de  grands  services  au  lecteur  du  GiJtT^.  L'introduction  est 
écrite  avec  beaucoup  d'agrément  et  de  charme;  on  y  reconnaît  l'auteur 
de  X étude  sur  les  poésies  lyriques  de  Gœthe.  M.  L,  étudie  d'abord  les 
rédactions  successives  du  drame,  puis  la  Biographie  du  chevalier  à  la 
main  de  fer,  l'action  et  les  caractères  ;  il  montre  ensuite  les  différen- 
ces essentielles  entre  le  Gut:{  de  1773,  l'esquisse  de  1771  et  l'adaptation 
de  1804;  il  expose  l'accueil  enthousiaste  que  le  public  allemand  fit  au 
G(tt\  et  l'influence  de  cette  pièce.  Enfin,  il  donne,  dans  un  chapitre 
intitulé  style  et  langue  un  tableau  de  toutes  les  formes  dialectales  et 
populaires,  des  particularités  de  syntaxe  et  de  grammaire.  Le  chapitre 
consacré  à  l'influence  du  GiJt^  est  peut-être  trop  sommaire  et  on  relève 
dans  les  pages  sur  le  style  et  la  langue  de  légères  erreurs  :  par  exemple, 
à  l'article  suppression,  M.  L.  prétend  que  an  Hof  et  nach  Hof 
sont  des  formes  dialectales  ou  populaires;  ces  formes  sont,  au  con- 
traire, d'un  usage  général,  de  même  que  bei  Hof^  \u  Hof;  on  dit  er  ist 
beliebt  bei  Hof  et  Uhland  écrit  dans  son  «  Schenk  v.  Limburg  »  Zur 
Hanse  ypeilt  er  selten,  ^u  Hofe  kommt  er  nie.  De  même,  on  ne  peut 
dire  que  Hamster  (p.  236),  mis  pour  der  Hamster,  soit  une  forme  dia- 
lectale ou  populaire;  elle  appartient  au  langage  enfantin,  c'est  le  petit 
bohémien  qui  parle.  Faut-il  également  ranger  sous  la  rubrique  «  sup- 
pression »  an  Kopf  pour  an  den  Kopf;  on  doit,  ce  me  semble,  mettre 
cette  expression  à  l'article  précédent  sur  la  «  contraction  ».  Plus  loin 
(p.  cxxni)  M.  L.  range  parmi  les  «  contractions  ou  élisions  »  Strich, 
qui  serait  dialectal  et  mis  pour  Streich;  il  nous  paraît  évident  qu'il  n'y 
a  là  ni  contraction  ni  élision;  Strich  et  Streich  sont  deux  mots  diffé- 


d'histoire  et  de  littérature  347 

rents  ;  Goethe  écrivait  Strich  en  1787  et  lui  donnait  le  sens  de  «  chasse, 
course  »  ;  il  écrivit  Streich  en  1773,  dans  le  sens  de  «  coup  w.  Doit-on 
pareillement  mettre  dans  la  même  catégorie  bis  (pour  bischen)  ?  ce  bis 
est  encore  une  forme  du  langage  enfantin.  Trois  lignes  plus  loin  M.  L. 
inscrit  encore  sous  la  même  rubrique  Thurn,  Thûrner  rr:  Thiinn, 
Thunner;  mais  qu'a-t-on  contracté  ou  élidé  dans  ce  mot?  La  nasale 
labiale  s'est  tout  simplement,  après  l'r,  changée  en  une  nasale  dentale. 
—  Mais  cette  introduction  est  très  intéressante  ;  on  y  remarque  de  fines 
appréciations,  et  Ton  ne  peut  mieux  caractériser  Adelheid  (pourquoi  ne 
pas  dire  Adélaïde?)  que  l'a  fait  M.  L.  «  elle  a  appris  de  la  Cléopâtre  de 
Shakspeare  cette  souplesse  féline  qui  griffe  en  caressant,  ces  brusques 
passages  des  menaces  aux  promesses,  du  mépris  à  l'amour,  tout  ce  jeu 
d'une  psychologie  raffinée  auquel  ne  résistent  pas  les  Weislingen  et  les 
Antoine  »  (p.  lxxi).  —  Le  commentaire  pèche  peut-être  par  l'excès  des 
comparaisons  du  drame  de  1773  avec  l'esquisse  de  1771  et  l'adaptation 
de  1804,  et  quelquefois  par  la  subtilité.  Un  cavalier  de  Bamberg  dit  à 
son  compagnon,  en  parlant  de  Weislingen.  Sagt  ich  dir  nicht,  er  wiir 
daher?  (p.  6);  M.  L.  écrit  en  note  :  «  On  peut  hésiter  entre  trois  sens 
différents  1°  ne  te  disais-je  pas  qu'il  était  venu  ici,  sous-ent.  gekommen ; 
lier  marque  le  mouvement  d'un  point  éloigné  vers  l'endroit  où  se 
trouve  la  personne  qui  parle;  2°  ne  te  disais-je  pas  qu'il  passait  par  ici? 
sous-ent.  gereist ;  lier  marque  le  mouvement  et  la  direction,  sans  fixer 
le  but;  le  cavalier  disait  simplement  que  Weislingen  prendrait  la  route 
qui  passe  à  Schwarzenberg,  et  non  celle  où  il  l'attendait  avec  son  com- 
pagnon; 3°  Ne  te  disais-je  pas  qu'il  était  par  ici?  lier...  heriim?  ne 
marque  pas  un  mouvement  dans  une  direction  déterminée;  le  cavalier 
supposait  Weislingen  dans  la  contrée  de  Schwarzenberg  ».  Il  faudrait 
pourtant  choisir  entre  ces  trois  explications  qui,  au  fond,  ne  diffè- 
rent guère.  —  De  même,  p.  i3,  note  3.  M.  L.  donne  encore  trois  sens 
ou,  comme  il  dit,  nuances  de  sens;  Gotz  répond  au  moine  Martin  qui 
fait  l'éloge  du  vin  juie  ich  ihntrinke,  ist  es  wahr ;  selon  M.  L.,  on  peut 
comprendre  :  i"  pour  qui  en  use  comme  moi,  c'est  vrai;  2°  vous  avez 
raison,  c'est  bien  ce  que  je  ressens  lorsque  je  le  bois;  3°  Gôtz,  pendant 
le  discours  du  moine,  vide  un  verre  de  vin,  et  le  pose  sur  la  table  en 
disant  :  je  sens  en  le  buvant  que  vous  avez  raison.  Mais  qui  ne  voit 
que  le  premier  sens  se  confond  avec  le  second  et  qu'il  est  évidemment  le 
seul  raisonnable,  puisque  le  moine  répond  aussitôt  Davon  red  ich  auch^ 
Aber  wir?  A  quoi  bon  citer  la  troisième  interprétation  que  M.  L. 
avoue  «  subtile  »  ? — Enfin,  voici  d'autres  observations  qui  pourront 
être  utiles  à  M.  L.  lorsqu'il  publiera  une  seconde  édition  de  son  Gôt^. 
P.  2,  note  7  Vertrag  du  mit  den  Pjdffen!  «  Dans  cette  locution  »,  dit 
M.  L.,  «  le  verbe  vertragen  est  ordinairement  réfléchi  »,  et  il  cite  deux 
exemples  de  la  Biographie  du  chevalier.  Mais  n'avons-nous  pas  à  la  li- 
gne précédente  ailes  wllre  vertragen?  phrase  qui,  à  l'actif  serait,  sie 
haben  ailes  vertragen?  —  P.  26  «  das  Beste,  le  premier  prix  »  ;  ajouter 


348  REVUE    CRITIQUE 

l'exemple  suivant,  de  Hans  Sachs  (das  Schlawcraffen-land,  v.  56 
«  gewindt  das  best  ».  —  P.  36,  note  3  in  tiefen  Tliuni  «  in  =  im  », 
dit  M.  L.  ;  jamais  in  ne  remplace  in  deni.  —  P.  62,  note  3,  so  stecken 
eineni  die  Kerl  am  End  in  Sack...  Sack,  dit  M.  L  ,  image  empruntée  à 
une  sorte  de  lutte  où  le  vaincu  est  mis  dans  le  sac.  Quelle  est  cette  «  sorte 
de  lutte  ?  »  Ich  stecke  dich  in  dett  Sack  ou  in  die  Tasche  est  tout  simple- 
ment une  expression  méprisante  dont  se  serttouthomme  qui  sent  sa  su- 
périorité sur  l'adversaire  ;  je  te  mets  dans  ma  poche  (remarquez  d'ailleurs 
que  dans  l'allemand  du  sud,  Sack  est  synonyme  de  Tasche).  Liebetraut 
ne  dit-il  pas  immédiatement  «  Der  miisst'  ein  Kerl  sein.,  der  das  Weinfass 
von  Fuld  in  den  Sack  schieben  ri>ollte?Ccs\  comme  s'il  disait  «  jpelcJien 
Sack,  jvelche  Tasche  milsste  er  haben!  «  —  P.  68,  note  4,  «  Vorschub 
thiin,  c'est  le  premier  coup  de  boule;  (schieben.,  pousser  la  boule,-  Ke- 
gelschieben,  jeu  de  quilles);  ce  premier  coup  décidant  souvent  la  partie. 
Vorschub  thiin  signifie,  par  extension,  secourir.  »  J'ai  consulté  récem- 
ment des  Allemands  qui  jouaient  aux  quilles;  aucun  d'eux  n'employait 
dans  ce  sens  l'expression  Vorschub  thun.  Au  sens  propre,  on  dit  ordi- 
nairement Vorschub  leisten,  en  parlant  d'une  voiture  qu'on  pousse  en 
avant,  à  laquelle  on  donne  un  coup  de  main  ;  Vorschub  thun.,  c'est  donc 
heim  Vorschieben  eines  Wagens  helfen.,  comp.  les  expressions  Vorspann 
geben,  leisten.  Si  Vorschub  thun  signifiait  vraiment  donner  le  premier 
coup  de  boule,  comment  aurait-il  pris  le  sens  de  «  aider  »  ?  Il  devrait, 
ce  semble,  signifier  le  contraire,  et  ich  thiie  dir  Vorschub  ne  pourrait 
guère  exprimer  d'autre  idée  que  celle-ci  ich  habe  einen  Vortheil  vor 
dir,  c'est-à-dire  ich  schade  dir.  —  P.  69,  note  3.  Gôtz  félicite  sa  sœur 
d'avoir  enchaîné  Weislingen,  diesen  Paradiesvogel  :{u  fesseln,  et  il 
ajoute  Du  bist  nicht  gan:{frei,  Adelbert?  Was  fehlt  dir?  M.  L.  ob- 
serve à  ce  propos  i  Rien  dans  l'attitude  et  les  paroles  de  WeisHngen,  ni 
avant  ni  après  ce  passage,  ne  motive  cette  remarque  de  Gôtz  :  Dusiehst, 
etc.  »  On  ne  peut  imputer  une  pareille  négligence  au  poète  ;  il  est  évi- 
dent qu'au  mot  fesseln  un  nuage  passe  sur  le  front  de  Weislingen;  il 
est  embarrassé;  il  se  rappelle  son  inconstance.  —  P.  78,  note  6.  Franz 
dit  que  Marie  est  liebreich  und  schiJn.  Selon  M.  L.,  liebreich  signifie  ou 
gracieuse  ou  encore  à  la  fois  gracieuse  et  belle,  c'est-à-dire  aimable;  il 
vaudrait  mieux  traduire  par  charitable,  secourable,  et  en  effet,  elle  s'est 
occupée  de  Weislingen,  et,  comme  ajoute  Franz,  d'un  prisonnier,  d'un 
malade,  e/nem  Gefangenen  und  Kranken;  ses  yeux  respirent  la  consola- 
tion, in  ihren  Augen  ist  Trost.  —  P.  81,  note  7,  au  refrain  de  la  chan- 
son de  Liebetraut,  Hejr  ey  0  !  Popeyo!  M.  L.  met  en  note  <i  Popeyo,  cf. 
r.ir.y..  »  C'est  bien  peu,  et  en  outre  r.ir.y.^  croyons-nous,  marque  l'étonne- 
ment,  la  frayeur,  la  douleur,  tandis  que  Heio  Popeio  est  le  refrain  con- 
sacré de  la  nourrice  qui  berce  l'enfant;  comp.  le  «  Kindervers  »  suivant  : 
Heiopopeio  —  Schlag's  Gickelche  todt,  —  's  legt  mer  kei  Eier  —  Und 
frisst  mer  mei  Brod;  les  mots  de  la  comtesse  dans  la  Louise  de  Voss  : 
(fin  du  poème)  :  bald  jyird...  heimlich  die  Wicge  bestellt,  bald  singen 


d'histoire  et  de  littkratuke  349 

mr  :  Eyo  Po^ero  !  ;  Texpression  d'Abraham  a  Saiita-Glara  (Judas  der 
Ertz-Schelm,  edit.  Bobertag,  p.  64)  «  den  hat  manche  Dama   das  aja 
pupeja  ^iigesungen  ».  —  P.  86,  note  2  «  jpenn  ïchilin  nicht  Jierbanne, 
so  sagt ;  encore,  dit  M.    L.,   un  tour   familier  à  Shakspeare,  surtout 
comme  expression  de  vantardise.  Mais  ce  tour  de  phrase  est  très  usité 
en  allemand. —  P.  i35  «  sich  stellen,  me  placer  (à  côté,  en  face  de), 
supporter  la  comparaison»;  le  mot  signifie  simplement  «  se  présenter  », 
cp.  p.  igo;  Sickingen   sait  se  présenter  devant  les  dames.  —  P.  142, 
note  3,  in  rpillens,  il  ne  suffisait  pas  de  citer  la  Biographie  de  Gôtz, 
il  fallait  expliquer  juillens;  —  p.  144,  manque  une  note  à  Entgeld  et 
p.    149  à  das  starkste  Geweih...:  —  p.    i53,   note  4;  dans  la  phrase 
Ihr  seid  noch  der  Knoten  von  diesem  Biindel  Haselriithen,  liJs't  ihn 
auf,  M.  L.  ne  sait  si  ihn  se  rapporte  à  Knoten  ou  à  Biindel;  mais  il  est 
évident  que  ihn  ne  peut  se  rapporter  qu'à  Knoten  qui  est  le  mot  décisif 
de  la  phrase,  on   dit    einen  Knoten  auflosen,  mais  dit-on  ein  Biindel 
auflosen?  —  P.   200  gilnstige  Aspecten,   cp.  Forster,  vin,   p.  264  et 
280  unter  giinstigern  Aspecten. — P.2o3,  nolt  2  innissmuthig, ch2iS,rm-^. 
M.  L.  se  demande  si  ce  mot  ne  voudrait  pas  dire  aussi  «  manquant  de 
courage,  craintif»;  mais,  dit-il,  comme  cette  acceptation  de  missmiithig 
est  tout  à  fait  inusitée,  le  premier  sens  est  préférable.  Il  était  donc  inutile 
de  donner  le  second.  —  P.  248,   dans  une  édition  aussi  complète,  les 
mots  de  Weislingen  :{eigt  sich  mir  an  méritaient  une  note;  sich  an\ei- 
gen  a  ici  le  sens  de  sich  geisterhaft  ankilndigen;  comp.  Faust,  W,  5, 
V.  359  «  Es  eignet  sich,  es  \eigt  sich  an,  es  warnt.  ?  —  P.  25o,  aux 
mots  Hoffniing  ist  bei  den  Lebenden  voir  notre  édit.  et  ajouter  le  mot 
de  Méphisto  [Faust.  II,  568o  der  Lebende  soll  hoffen);  —  de  même, 
p.  263,  liJse  meine  Seele  min;  M.  L.  pouvait  rappeler  le  vers  de  Gœthe 
«  lijsest  meine  Seele  gan:[  »  (à  la  Lune).  —   Malgré  ces    remarques, 
le  commentaire  de  M.  L.  est  très  substantiel;  il  témoigne  d'un  pro- 
fond labeur,    de   grandes  recherches   (voir   par   exemple   la  lettre  du 
bourgmestre  de  Fulda  que  M.   L.    n'a   pas  hésité  à  consulter  sur  un 
point  obscur;  p.  62),  d'une  finesse,  d'une  sagacité  d'interprétation  qu'on 
ne  saurait  trop  louer  :  M.  L.  s'efforce  de  tout  élucider,  de  tout  expli- 
quer, et  il  y  réussit  presque  toujours.  —  L'appendice  renferme  quelques 
scènes  de  l'esquisse  et  de  l'adaptation,  les  passages  relatifs  à  Got\  dans 
les  lettres  de  Gœthe  de  1771  à  1774,  les  variantes  de  l'édition  de  1773, 
et  de  celle  de  1828,  les  fautes  d'impression  de  Tédition  de  1787,  et,  ce 
dont  nous  ne  pouvons  nous  plaindre,  sous  le  titre  d'additions  un  pas- 
sage de  l'introduction  de  notre  Got^  (qui  a  paru  en  même  temps  que 
celui  de  M.  L.)  le  portrait  de  Liebetraut,  et  un  certain  nombre  de  nos 
notes.  —  Cette  édition  est  la  première  d'une  collection  de  classiques 
allemands  que  la  librairie   Hachette  entreprend  d'ajouter  à  ses  classi- 
ques grecs  et  latins;  elle  l'inaugure  dignement,  et,  comme  l'a  dit   un 
juge  ordinairement  sévère  \  M.  Lichtenberger  a  rempli  sa  tâche  avec 

I    M.  Edmond  Scheier,  Temps  du  3  juillet. 


35o  REVUE    CRITIQUE 

la  compétence  et  la  conscience  qu'on  pouvait  attendre  de  lui. 
II.  Le  Gœthe-J ahrbuch  de  cette  année  renferme,  sous  les  rubriques 
ordinaires  :  I  Nouvelles  commiuiications,  i°  une  poésie  inédite  de  Gœ- 
the;  2"  dix-sept  lettres  du  poète  à  divers  correspondants  (entre  autres, 
une  lettre  de  Gœthe  à  Wieland  à  propos  de  Bôttiger  et  de  la  représen- 
tation de  VIon  et  la  réponse  de  Wieland,  ainsi  qu'une  lettre  très  affec- 
tueuse du  poète  à  sa  belle-fille  Ottilie);  3"  une  étude  de  M.  Bernhard 
Suphan  sur  Gœthe  et  le  prince  Auguste  de  Gotha  ;  ce  prince  était  ami 
de  la  France,  il  recevait  la  correspondance  littéraire  de  Grimm,  il  ap- 
prouve la  Révolution,  il  est  presque  jacobin,  il  souhaite  en  1792  la 
victoire  des  patriotes  «  la  rage  et  la  folie  de  quelques  milliers  d'hommes 
ne  peuvent  balancer  à  mes  yeux  Tintérét  que  je  prends  à  vingt-cinq 
millions  »  ;  il  annonce  que  les  alliés  n\u"riveront  pas  à  Paris  «  sine 
vulnere  et  cœde  »  et  qu'ils  «  ont  compté  sans  leur  hôte  »  ;  il  s'indigne 
des  massacres  de  septembre,  mais  il  ajoute  que  Louis  XVI  n'est  pas 
tout  à  fait  innocent  des  événements;  s'il  a  payé  quelques  milliers 
d'hommes  chez  ses  bien-aimés  frères  (allusion  à  la  solde  que  Louis  XVI 
envoyait  aux  gardes  du  corps  à  Coblenz),  il  est  assez  coupable,  il  s'est 
servi  de  l'argent  du  peuple,  et  contre  le  peuple.  Ses  jugements  littéraires 
sont  curieux;  il  fait  semblant  d'attribuer  à  Kant  le  Biirgergeneral  de 
Gœthe;  il  nomme  Kant  «  pater  ineptiarum  »;  il  essaie  de  lire  la  Criti- 
que de  la  raison  pure  ou,  comme  il  dit,  impure  et  se  casse  la  tête  à  la 
lecture;  «  mieux  vaudrait  être  enchaîné  six  ans  sur  une  galère  ».  Cette 
étude  de  M.  Suphan  abonde  en  détails  intéressants  ^  ;  4°  un  récit  fait  par 
la  comtesse  Henriette  d'Egloffstein  et  communiqué  par  le  comte  Ch.  de 
Beaulieu-Marconnay,  de  la  cour  d'amour  de  Gœthe;  les  statuts  de  cette 
cour  d'amour  furent  rédigés  par  le  poète  (hiver  de  180 1  à  1802);  elle  de- 
vait former  sept  couples  bien  assortis,  jpohlassortirte,  Gœthe  et  M°" 
d'Egloffstein,  Wolzogen  et  M»"^  Schiller,  Schiller  et  M'"^  de  Wolzogen, 
Meyer  et  M"°  de  Gôchhausen,  etc.  M™°  d'Egloffstein  se  plaint  vivement 
de  la  gêne  et  du  pédantisme  qui  régnaient  dans  les  réunions  de  la  petite 
société;  elle  avoue  qu'on  s'y  ennuyait  furieusement;  bientôt  survinrent 
des  intrigues,  des  cabales,  des  brouilles;  ce  fut  alors  qu'eut  lieu  la 
grande  querelle  entre  Kotzebue  et  celui  que  M""'  d'Egloffstein  appelle 
le  dictateur  de  Weimar;  la  cour  d'amour  fut  dissoute;  5°  Gœthe  dans 
le  cercle  d'Isaac  Iselin,  par  M.  J.  Keller  (jugements  curieux  sur  Wer- 
ther et  informations  nouvelles  sur  les  relations  de  Gœthe  avec  Bodmer 
et  l'école  suisse)  ;  6"  témoignages  de  contemporains  de  Gœthe  et  quel- 
ques lettres  à  Gœthe,  1776- 1834  (la  plupart  tirés  des  papiers  de  B()tti- 
ger,  des  lettres  de  Guschen  et  de  Cotta;  très  dure  appréciation  du  pein- 
tre M  aller  par  Wieland  ;  extraits  de  lettres  de  Knebel  à  Lavater;  projet 
de  Gœthe,  mentionné  par  Woltmann,  de  réunir  en  1808  un  congrès 
des  hommes  les  plus  distingués  de  l'Allemagne  pour  a   resserrer  par 

I.  Il  faut  désormais  attribuer  à  Auguste  de  Gotha  une  épigramme  sur  Don  Car- 
los que  Schœll  avait  attribuée  à  Gœthe;  tant  mieux. 


d'histoire  et  de  littérature  3  5 1 

tous  les  moyens  les  liens  de  la  culture  et  de  la  littérature  alleman- 
des «  ;  lettres  de  Hnndeshagen  à  Gœthe  sur  ses  fouilles,  sur  l'architec- 
ture du  moyen  âge,  sur  les  Nibelungen)  ;  7"  extraits  des  Fourierbiicher 
de  Weimar,  1775-1784,  par  M.  Burkhard  (fêtes,  événements  remar- 
quables de  la  cour,  jours  où  Gœthe  a  dîné  au  palais).  —  La  deuxième 
partie  de  l'Annuaire  contient  les  articles  de  fonds  ou  Abhandlu7îgen. 
Ce  sont  ;  i"  des  souvenirs  du  vieux  Weimar,  par  M.  de  Beaulieu- 
Marconnay  (Ottilie  de  Goethe,  rédactrice  du  journal  le  Chaos  et  pré- 
sentation de  M.  de  Beaulieu-Marconnay  à  Gœthe,  le  6  août  i83i)  ;  2°  re- 
marques sur  le  vers  de  Gœthe,  par  M.  Victor  Hehn  ;  il  y  a  dans  cet 
article  beaucoup  d'observations  importantes,  mais  aussi  beaucoup  de 
sévérité  injuste;  l'auteur  ne  veut  pas  se  souvenir  assez  que  l'hexamètre 
allemand  n^était  pas  encore  suffisamment  assoupli  lorsque  Gœthe  l'em- 
ploya; il  fait  au  poète  des  reproches  immérités.  Il  le  blâme,  par  exem- 
ple, de  dire  ji'efin  der  Sa.iigling  die  /irankende  ji^eckt ;  il  faut,  selon 
lui,  Kranke  au  lieu  de  Krankende^  mais  le  poète  parle  d'une  femme 
récemment  accouchée  et  en  convalescence.  11  traite  de  cheville  le  mot 
Salchen  dans  le  vers  tretet  herein  in  den  kinteren  Raiim,  das  kiihlere 
Sàlchen;  mais  Salchen  vaut  mieux  que  Saal,  car  il  s'agit  d'une  chambre 
réservée  aux  amis  sur  le  derrière.  11  se  moque  de  l'adverbe  sorgsam 
(sorgsam  brachte  die  Mutter  des  klaren  herrlichen  Weines),  mais  ce 
vin  généreux,  précieusement  conservé,  ce  vin  qui  date  de  83,  ne  faut-il 
pas  l'apporter  sur  la  table  avec  précaution  et  sollicitude;  3°  considéra- 
tions sur  le  Faust  de  Gœthe,  par  M.  W.  Scherer;  de  nombreuses  re- 
marques pleines  de  finesse  et  de  savoir  sur  l'introduction  de  l'œuvre, 
sur  les  monologues  de  Gretchen,  sur  le  premier  monologue  de  Faust; 
40  sur  l'Elpénor  de  Gœthe,  par  M.  G.  EUinger;  intéressante  hypothèse, 
mais  assez  peu  soutenable;  5°  sur  le  deutscher  Parnass  de  Gœthe,  par 
M.  Daniel  Jacoby  (à  peu  près  les  mêmes  conclusions  que  M.  E.  Lich- 
tenberger):  6'^  Gœthe  et  Goldsmith,  par  M.  Siegmund  Lévy:  parallèle 
qui  prouve  une  lecture  patiente  des  œuvres  de  Goldsmith,  mais  ne 
prouve  pas  autre  chose;  c'est,  comme  on  dit  en  oXlera^nà^  vom  Z aim 
gebrochen.  —  La  troisième  et  la  quatrième  partie  de  l'annuaire  sont 
remplies  par  des  mélanges  où  il  y  a  beaucoup  à  prendre  et  à  appren- 
dre pour  tous  les  «  gœthéens  »  (parallèles  entre  le  Faust  et  quelques 
passages  de  Herder  par  Suphan  ;  autres  parallèles  par  Schreyer  ;  Gœthe 
et  la  théorie  d'Aristote  par  Szanto;  la  poésie  de  Gœthe,  Gejïinden,  imi- 
tée d'une  pièce  de  vers  de  Pfeffel,  die  Nelke^  par  Ellinger;  le  jugement 
de  Gœthe  sur  Gùnther  très  semblable  à  celui  de  Gottsched,  par  Seuf- 
fert;  Gœthe  et  Rehberg,  par  Scherer,  etc.,  etc.),  —  par  une  chronique, 
par  une  bibliographie  aussi  complète  que  précise  ^  En  tête  du  volume 
est  un  beau  portrait  de  Gœthe,  peuit  par  le  danois  Darbes  à  Karlsbad, 

I.  N'oublions  pas  une  innovation;  sous  la  rubrique  ans  scltenen  und  vevgesse- 
nen  Biichern,  le  recueil  publiera  désormais  des  extraits  des  livres  rares  et  oubliés 
oiî  il  est  question  du  poète  et  de  ses  oeuvres. 


352  REVCE    CRITIQUE 

en  1787,  pour  le  comte  de  Biûhl.  On  voit,  par  cette  analyse,  que  ce 
recueil  lient  toujours  ce  qu'il  promettait  ;  grâce  aux  soins  assidus  du 
directeur,  M.  Louis  Geiger,  et  à  la  collaboration  des  meilleurs  criti- 
ques de  l'Allemagne,  le  volume  de  i885  n'est  pas  inférieur  aux  volumes 
précédents,  et  aujourd'hui  que  le  Freies  deutsches  Hochstift  de  Franc- 
fort prête  son  concours  à  ce  beau  recueil,  que  les  archives  de  Gœthe  à 
Weimar  sont  enfin  ouvertes,  on  peut  compter  que  les  volumes  sui- 
vants auront  plus  de  prix  encore  ^ 

III.  On  est  quelque   peu  désappointé   en  lisant  le  petit    livre   que 
M.  Schrôer  nous  donne  sous  le  titre  de  Gœthe   et  l'amour.   Il    ren- 
ferme  deux  conférences;   Tune  sur  Stella,  l'autre  sur  la   liaison  du 
poète   et  de  M^e  de  Willemer  (Suleika).   Dans   ces  deux  études,  d'ail- 
leurs suivies  de  notes  assez  nombreuses,  l'auteur  montre  que  «  l'idéa- 
lisme de  l'amour  est  un  trait  caractéristique  de  Gœthe,  que  Tamour  Ta 
toujours  fait  poète,  jusque  dans  sa  vieillesse,  en  lui  donnant  le  pouvoir 
de  transformer  la  réalité  en  poésie  »  en  un  mot  qu'il  a  toujours  prati- 
qué le  précepte  man  miiss  lieben  um  ^u  dichten  (p.  6).  Il  ne  faut  ce- 
pendant pas  aller  trop  loin  ;  après  tout,  comme  tant  d'autres,  Gœthe 
aimait  aussi  pou-  aimer;  lorsqu'il  courtisait  à  Wetzlar  la  fiancée   de 
Kestner,  songeait-il  déjà  à  Werther  ou  se  plaisait-il  simplement  dans 
l'intimité  de  la  belle  Charlotte?  M.Schruer  nous  dit  que  Gœthe  «  savait 
ce  qu'il  voulait,  qu'il  cherchait  passionném.ent  l'expérience  pour  l'ex- 
primer dans  ses  chants,   l'expérience  du  vrai    sentiment  (p.  29)  ;  c'est 
faire  la  part  trop  grande  au  poète  et  oublier  l'homme;  le  poète  ne  ve- 
nait qu'après  l'homme  ;  Gœthe  aima  Lili,  non   pas  pour  chanter  Lili, 
mais  parce  que  Lili  lui  plaisait  ;  cette  passion  fut  orageuse  et  se  dénoua 
violemment  ;  Gœthe  la  mit  en  vers,  il  en  célébra  les  péripéties  et  la  rup- 
ture ;  mais  s'était-il  dit,  lorsqu'elle  naquit  en  lui,  qu'il  aurait  là  un  beau 
sujet  de  poésie?  Non  ;  il  aimait  de  toute  son  âme,  sans  arrière-pensée, 
frank  iind  frei.   De    même,    on    disserte    beaucoup    sur    Stella,    et 
M.  Schroer  prétend  que  le  poète  n'a  pas  eu  l'idée  de  défendre  ou  de 
combattre  la  monogamie,   mais  qu'il  s'agissait  pour  lui  du  sentiment, 
de  V Empfindimg,  qui  devait  devenir  plus  vif  et  plus  profond  dans   un 
monde  affaibli  et  usé!!  (p.  16).  Croit-on  que   ce  grand  amoureux  n'ait 
jamais  aimé  en  deux  endroits  à  la  fois  et  qu'il  n'ait  pas  envié  le  cheva- 
lier de  la  légende  vivant  gaiment  entre  sa  châtelaine  et  sa  Sarrazine? 
Voltaire  raconte  que  le  landgrave  de  Hesse  eut  deux  femmes;  la  land- 
grave indulgente  lui  avait  permis  d'en  avoir  une  seconde;  cet  exemple, 
ajoute  l'écrivain,  n'a  pas  été  suivi,  la  difficulté  d'avoir  deux  femmes  chez 
soi  étant  plus  grande  que  le  dégoût  d'en  avoir  une  seule.  Voilà  le  sujet  de 
Stella  et  la  pensée  de  Gœthe.  Le  poète,  a  dit  M.  Mézières,  a  très  nette- 
ment exprimé  dans  Stella  une  théorie  qu'il  a  mise  en  pratique  toute  sa 
vie,  la  revendication  de  la  liberté  de  l'homme  dans  ses  rapports   avec  la 

I.  P.  409,  quel  est  le  «  Biidaine  »  qui  écrit  dans  la  Revue  bleue?  Autant  qu  il 
m'en  souvienne,  l'article  sur  «  Werther  journaliste  »  est  signé  :  Arvède  Barine. 


d'histoire  et  de  littékatuue  353 


femme;  c'est  Pœuvre  d'un  amant  qui  ne  se  croit  guère  tenu  à  la  cons- 
tance. 

IV.  L'ouvrage  de  M.  Dûntzer  sur  les  débuts  de  Gœthe  à  Weimar 
est,  comme  tous  les  travaux  de  Tauteur,  un  peu  long  et  traînant,  trop 
farci  de  critiques  dirigées  contre  Fielitz,  Burkhardt,  Loeper,  trop 
bourré  de  détails  insignifiants  et  de  citations  de  passages  connus;  la 
période  que  M.  D.  étudie  en  plus  de  deux  cenls  pages  ne  comprend 
guère  que  dix-huit  mois,  de  décembre  1774  au  28  juin  1776,  du  jour 
où  Knebel  présente  le  jeune  poète  à  Charles-x^uguste  jusqu'à  l'entrée 
de  Gœthe  au  Conseil.  Toutefois  M.  a  consulté  les  Fow'ierbucher  de  la 
cour,  les  comptes  de  Bertuch  et  autres  documents  inédits  ou  très  peu 
connus.  Il  publie  une  lettre  de  Frédéric  Stolberg  qui  se  réjouit  de  venir 
à  une  cour  où  il  y  a  tant  de  braves  gens  (p,  5.4)  ;  il  insiste  sur  l'accueil 
que  fit  au  poète  la  société  de  Weimar,  sur  la  passion  naissante  de  Gœthe 
pour  Mme  de  Stein,  sur  l'apparition  fugitive  de  Lenz  et  de  Klinger,  sur 
la  vie  du  poète  dans  son  jardin  et  à  la  cour  (Garîen-iind  Hoflcben),  sur 
sa  brouille  avec  Klopstock,  etc.  ;  il  reproduit  à  la  fin  de  Touvrage,  d'a- 
près le  manuscrit  de  M"^  de  Stein,  la  petite  pièce  de  Ryno ;  p.  170, 
lire  Guibert  et  non  «  Guilbert.  » 

V.  La  nouvelle  édition  du  Catalogue  d'une  bibliothèque  de  Gœthe, 
publiée  par  M.  Louis  Hirzel,  a  reçu  l'accueil  qu'elle  méritait;  on  ne 
peut  que  louer  l'éditeur  et  le  remercier  de  mettre  à  la  disposition  du  pu- 
blic ce  précieux  recueil.  Le  savant  libraire  Salomon  Hirzel  avait 
fait,  comme  on  sait,  une  collection  absolument  complète  de  toutes  les 
éditions  des  œuvres  de  Gœthe,  journaux,  revues,  brochures,  livres,  etc., 
(collection  léguée  à  la  Bibliothèque  de  l'Université  qui  la  possède  de- 
puis 1877).  Il  en  avait  dressé  et  fait  imprimer  le  catalogue  à  diverses 
reprises,  en  1848,  en  iS62,en  1874;  mais  ce  catalogue,  sans  lequel  on 
ne  peut  étudier  sérieusement  l'œuvre  de  Gœthe,  n'avait  pas  été  mis  dans 
le  commerce;  il  n'avait  été  donné  qu'à  des  amis,  et  les  exemplaires  qui 
apparaissaient  de  temps  en  temps  dans  les  ventes,  se  vendaient  à  un  prix 
fort  élevé.  Le  fils  de  Salomon,  M.  Henri  Hirzel,  le  chef  actuel  de  la 
librairie  de  Leipzig,  s'est  décidé  à  publier  le  catalogue  paternel;  mais, 
au  lieu  de  réimprimer  purement  et  simplement  le  catalogue  de  1S74, 
il  l'a  complété  —  en  tenant  compte  des  suppléments  donnés  depuis  par 
M.  W.  de  Biedermann  —  et  Ta  poussé  jusqu'à  la  fin  de  188 3  ;  on  y  voit 
figurer,  par  exemple,  les  éditions  de  la  collection  Seuffert,  le  Gnt^  de 
M.  Baechtold,  les  poésies  publiées  par  Loeper,  et  tous  les  Gœtheana  si 
nombreux  publiés  dans  ces  dernières  années.  (Pourquoi  n'avoir  pas  cité 
les  éditions  du  Fragment  de  Faust  de  Holland  et  de  Seuffert  parues  en 
1882?)  Il  s'est  adjoint,  pour  tenir  le  catalogue  au  courant,  son  parent, 
M.  Louis  Hirzel,  professeur  à  l'Université  de  Berne  et  auteur  d'un  re- 
marquable travail  sur  Haller,  dont  il  a  été  rendu  compte  ici-même.  Les 
deux  Hirzel  se  sont  efforcés  de  tout  connaître  et  de  tout  indiquer;  ils 
n'ont  même  rien  épargné  pour  devenir  les  possesseurs  de  tous  les  exem- 


354  REVUE    CRITIQUE 

plaires  de  revues  et  d'ouvrages  que  la  collection  de  l'Université  de  Leip- 
zig n'avait  pas  encore;  ils  n'ont  voulu  citer  que  ce  qu'ils  avaient  sous 
les  yeux  et  ne  se  sont  fiés  à  personne  pour  rédiger  les  nouvelles  fiches. 
Grâce  à  cette  collaboration  et  à  ces  recherches  si  exactes  et  si  persévé- 
rantes, le  nouveau  Catalogue,  d'ailleurs  très  correctement  imprimé,  est 
plus  que  jamais  un  livre  indispensable  à  tous  les  Gœthe-Forscher 

VI.  La  librairie  Spemann,  de  Stuttgart,  édite  depuis  bientôt  deux  ans 
une  collection  sur  laquelle  nous  reviendrons  encore  et  qui  porte  le  titre 
de  collection  de  la  littérature  nationale  allemande  (deutsche  National- 
Litteratur).  Elle  est  dirigée  par  M.  Kûrschner  et  mérite  de  grands  élo- 
ges, tant  par  l'élégance  de  l'impression  que  par  le  soin  donné  aux  textes, 
par  ses  copieuses  introductions,  par  ses  commentaires  aussi  instructifs 
qu'abondants.  A  cette  collection  d'  a  éditions  historiques  et  critiques  » 
iippartiennent  les  six  volumes  suivants. 

I  et  2.  Les  drames,  dont  deux  volumes  ont  déjà  paru  (il  y  en  aura 
six).  Ils  sont  publiés  par  M.  Schrôer,  qui  les  a  divisés  en  douze  groupes  : 
1°  Bekenntnisse ;  2°  Puppenspiele,  Fastnachtsspiele,  Satiren;  3°  Sing-- 
spiele;  4"  drames  historiques  en  prose  ;  5"  drames  en  iambes;  6°  frag- 
ments de  caractère  antique  ;  7°  drames  de  la  Révolution  :  8°  traductions  ; 
g°  Festspiele  ;  10°  Theaterscenen;  11°  Theaterreden;  12^ Masken:{uge. 
Il  eût  peut-être  mieux  valu  adopter  l'ordre  chronologique  ;  les  divisions 
fixées  par  M.  Schroer  sont  bien  nombreuses,  et,  quoi  qu'il  fasse,  chacun 
de  ses  six  volumes  n'aura  pas  un  caractère  propre  et  déterminé.  Mais 
les  deux  premiers  tomes  de  cette  collection  des  œuvres  dramatiques  de 
Gœthe  méritent  d'être  consultés  et  lus;  le  premier  contient  sous  le  titre 
Bekenntnisse  :  «  Le  caprice  de  l'amant  »,  «  les  complices  »,  «  Stella  », 
«  le  frère  et  la  sœur  )>  et  sous  la  seconde  rubrique  désignée  plus  haut  le 
Pater  Brey,  Satyros,  Hanswursts  Hoch^eit,  etc.,  ainsi  que  les  satires 
«  Gutter,  Helden  und  Wieland  y^u  der  Triumph der Empfindsamkeit  », 
die  Vogel  ;  le  second  renferme  les  opérettes,  Enpin  und  Elmire,  Clau- 
dine von  Villa  Bella,  Lila,  Jery  und  Biltely,  etc.  Les  introductions  de 
M.  Schroer  sont  très  détaillées  (origine  de  l'œuvre,  sources,  représenta- 
tions, influence,  rapports  avec  les  événements  de  la  vie  de  Gœthe) 
et  l'auteur  a  tiré  profit  de  tous  les  travaux  publiés  dans  ces  derniers 
temps  sur  chacune  de  ces  pièces.  Le  second  volume,  consacré  aux  opé- 
rettes, est  précédé  d'une  longue  étude  sur  Gœthe  et  la  musique,  et  offre 
au  lecteur  la  reproduction  d'une  aquarelle  de  Kraus  qui  représente  la 
Pêcheuse  dans  le  parc  de  Tiefurt  '.  M.  Schrôer  donne  l'une  après  l'au- 
tre les  deux  versions  d'jE'ry/m  et  Elmire  et  de  Claudine  de  Villa  Bella  ; 
il  signale  dans  les  notes  les  variantes  du  manuscrit  de  Jery  et  Biitely 
trouvé  et  publié  par  M.  W.  Arndt  ;  son  commentaire  est  très  varié;  il 
n'est  pas  aussi  complet  que  celui  du  Faust  qu'il  a  publié  il  y  a  quelque 
temps  chez  les  éditeurs  Henninger  de  Heilbronn,  mais  il  témoigne  d'un 
soin  patient  et  il  sera  utile. 

I.  87°  et  88'  volumes  de  la  collection  Spemann. 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  3dj 

3,  4,  5  et  6.  M.  Duntzer  entreprend  dans  la  même  collection  une 
nouvelle  édition  des  Poésies  de  Gœthe,  du  Faust,  et  des  poèmes  en 
hexamètres  K  Nous  nous  bornerons  à  signaler  ces  quatre  volumes  oîi 
M.  Duntzer  réédite  presque  toujours  les  observations  qu'il  a  semées  en 
si  grand  nombre  dans  ses  travaux  précédents  sur  Goethe  -.  Ajoutons 
toutefois  qu'un  seul  volume  contient  la  première  et  la  seconde  partie 
du  Faust  et  qu'on  trouve  dans  un  même  tome  Hermann  et  Dorothée, 
VAchilléide,  Le  Juif  errant,  (assez  singulièrement  rangé  parmi  les  poè- 
mes épiques)  et  Reineke  Fuchs.  Les  introductions  de  ce  dernier  volume 
sont  fort  détaillées  et  M.  D.  y  traite  très  amplement  de  la  date  de  la 
composition  des  poèmes,  de  leur  genèse,  de  leurs  éditions  et  traductions  ; 
il  n'oublie  pas  de  parler  des  épopées  qui  ne  furent  qu'à  l'état  de  projets, 
comme  Guillaume  Tell;  à  propos  de  VAchilléide,  il  cite  Popinion  de 
Cholevius,  de  Hettner,  de  Bernays,  etc.  ;  il  regrette,  et  il  a  raison,  que 
Goethe  n'ait  pas  terminé  ce  beau  poème  qui  ne  mérite  pas  le  dédain  de 
la  critique  et  que  M.  Scherer  a  si  bien  loué  tout  récemment  ;  il  montre 
que  l'écrivain  consulta  à  la  bibliothèque  de  Weimar  l'édition  du  de  bello 
Trojano  du  prétendu  Dictys  de  Crète  par  Perizonius.  Le  commentaire 
de  VAchilléide  est  très  savant  et  contient  de  nombreux  rapprochements 
avec  V  Iliade  ;  cûm  dw  Juif  Errant  renferme  une  quantité  de  remar- 
ques sur  la  langue  ;  celui  du  Reineke  Fuchs  montre  les  changements 
que  fit  Gœthe  à  l'original  et  à  la  traduction  de  Gottsched.  Je  me  per- 
mettrai deux  remarques  sur  les  notes  de  M.  Diintzer  :  i"  dans  le 
chant  I^""  de  Hermann  et  Dorothée,  v.  56,  il  est  question  d'une  voiture 
faite  à  Landau-,  tous  les  commentateurs  sans  exception  et  jusqu'au 
Conversations  lexicon  répètent  à  ce  propos  que  cette  voiture  prit  ce 
nom  à  l'occasion  du  siège  de  Landau  en  1702  où  se  présenta  l'empereur 
Joseph  I";  il  faut  dire  en  1704  et  observer  que  Joseph  n'était  alors  que 
roi  des  Romains  (cp.  Voltaire,  Siècle  de  Louis  XIV,  XIX);  2°  dans  le 
chant  V,  v.  100,  à  propos  du  beau  vers  «  des  princes  fuient  déguisés 
et  des  rois  vivent  en  exil  »  ;  M.  Duntzer  remarque  «  das  ist  doch  ûber- 
trieben  ».  Et  les  électeurs  ecclésiastiques,  et  le  comte  d'Artois,  et  Mon- 
sieur qui  prenait  le  titre  de  Roi  depuis  la  mort  de  Louis  XVII  !  Que 
M.  D.  se  rappelle  les  vers  de  Herder  dans  l'ode  à  la  Germanie  :  Hijfe 
schiit^en  dich  nicht  (ihre  Magnaten  fliehn)...,  Inful  und  Mitra  nicht  ^. 

6.  M.  Rud.  Steiner  s'est  chargé  de  publier  dans  la  même  collection 
les  œuvres  scientifiques  de  Gœthe  et  vient  de  donner  le  premier  volume. 
L'introduction  qui  comprend  près  de  quatre-vingt  pages,  expose  avec  une 
grande  clarté  la  genèse  de  la  Métamorphose  des  plantes^  et  retrace  les 

1.  Poésies,  vols.  82  et  83;  Faust,  vol.  gS;  poèmes  épiques,  vol.  86  de  la  col- 
lection. 

2.  Le  commentaire  des  Poésies  est  incomplet  et  souvent  bizarre;  1,  p.  143.  liebst 
du  midi  noch  so  hoch  und  sehr  ;  M.  Duntzer  propose  helir  au  lieu  de  selu\  et  ce, 
parce  que  Gœthe  dit  ailleurs  die  eivigen  Gefûhle  heben  mien  hoch  und  hehr  ! 

3.  P.  36,  note,  lire  Psalm.,  17,  8  et  non  17,  38;  p.  48,  note,  lire  Turni,  v,  i^b- 
et  non  148. 


356  RKVUE    CRITIQUE 

études  anatomiques  de  Gœlhe,  ses  recherches  sur  Pexistence  de  l'os  in- 
termaxillaire supérieur,  l'accueil  que  firent  les  savants  à  ses  découvertes  ; 
selon  M.  Stciner,  Gœthe  est  le  Copernic  et  le  Kepler  du  monde  orga- 
nique. Ce  volume,  que  deux  autres  suivront,  renferme,  outre  un  index 
très  utile,  tous  les  écrits  du  poète  qui  peuvent  être  rangés  sous  la  rubri- 
que iiber  die  Bildung  luid  Umbildung  organisdier  Naturen  :  la  Méta- 
morphose des  plantes,  Histoire  de  mes  études  de  botanique,  Essai  d'une 
ostéologie  comparée.  Dissertation  sur  Geoffroy  Saint-Hilaire,  etc.  *. 

VII.  Signalons  enfin  une  édition  a  Hermann  et  Dorothée  par  M.  Keck; 
elle  fait  partie  d'une  collection  que  publie  la  librairie  Perthes  de  Go- 
tha et  qui  renferme,  outre  le  travail  de  M.  Keck,  une  remarquable  édi- 
tion du  Guillaume  Tell  de  Schiller  par  M.  Kallsen;  M.  Keck  a  repro- 
duit à  la  fin  du  volume  les  jugements  de  Schlegel  et  de  Humboldt;  ses 
notes  sont  bonnes,  mais  en  trop  petit  nombre".  Chant  VI,  v.  io8; 
pourquoi  veut-il  à  tout  prix  que  les  maraudeurs  qui  attaquent  la  ferme 
où  vit  Dorothée,  soient  des  soldats  français?  (natûrlich  franzôsische 
Marodeurej.  Le  poète  n'indique  pas  du  tout  la  nationalité  des  pillards 
et  il  est  bien  plus  probable  que  ces  oiseaux  de  proie  appartiennent  au 
voisinage  ;  Goethe  a  plus  d"'une  fois  introduit  dans  ses  récits  de  ces 
malandrins  qui  ne  sont  ni  de  Tun  ni  de  l'autre  parti  et  qui  profitent 
des  troubles  politiques  pour  se  former  en  bande  et  attaquer  les  maisons 
isolées  (cp.  Wanderjahre,  i,  2  gefahrliche  Rotten  von  verlaufenem  Gesin- 
del]\  chant  V,  v.  140,  (sie  denken  immer  das  Let:{te]  l'interpréta- 
tion de  das  Lei:[te  par  novissimum  est  inadmissible;  le  poète  veut  dire 
que  les  hommes  poussent  tout  à  l'extrême,  qu'ils  ne  savent  pas  biaiser, 
prendre  des  détours,  «  verspilten  und  umgehen,  »  comme  fait  la  femme. 

A.  Chuquet. 


201.  —  Les*  gueri-es  somb  E^ouîa  X"V,  par  le  comte  Pajol,  général  de  division. 
Tome  III,  1740-1748.  Italie,  Flandre.  Paris,  Firmin-Didot,  1884.  Ia-8,  6o5  p. 

Le  comte  Pajol  poursuit  activement  son  histoire  des  guerres  du  rè- 
gne de  Louis  XV.  Ce  troisième  volume  nous  semble  même  supérieur 
aux  deux  tomes  précédents;  l'auteur  s'en  tient  strictement  aux  opéra- 
tions militaires  et  laisse  absolument  de  côté  la  diplomatie  et  la  pure 
politique.  11  traite  dans  la  première  partie  des  campagnes  d'Italie  (Coni, 
Bassignano,  Plaisance,  invasion  de  la  Provence,  insurrection  de  Gênes, 
affaire  de  PAssiette)  et  dans  la  seconde,  des  campagnes  de  Flandre  (Fon- 
îenoy,  Rocoux,  Lawfeld,  Berg-op-Zoom,  Maestricht).  Le  récit  est  tou- 
jours aussi  détaillé,  aussi  complet  ;  les  marches  des  corps  d'armée  sont 
indiquées  avec  la  plus  minutieuse  exactitude.  Mais  le  mouvement  et  la 

j .  1 14«  volume  de  la  collection  Spemann. 

•2.  «  Mit  kurzen  Erklœrungen  fur  Schule  und  Haus  »,  dit  le  sous  titre  de  la  col- 
lection. 


d'histoire  et  de  littérature  357 

vie  font  défaut.  Çà  et  là  quelques  erreurs.  OU  l'auteur  a-t-il  lu  que  l'é- 
lecteur de  Bavière  invoquait  «  les  anciens  droits  consacrés  dans  le 
xvi'^  siècle  par  l'empereur  Ferdinand?  »  (p.  3 18).  Pourquoi  n'a-t-il  pas 
consulté  le  journal  de  Cliarles  VII  récemment  publié  par  M.  Heigel? 
Pourquoi  écrit-il  Titssen  au  lieu  de  Ftissen  et  Brauii  au  lieu  de 
Browne,  Wolfembutel  et  Wolfenbutel  au  lieu  de  Wolfenbûttel '?  II 
raconte  la  mort  du  chevalier  de  Belle-Isle  qui  agitait  un  drapeau  au 
pied  des  palissades  et  «  tirait  encore  du  bois  avec  ses  dents  »  lorsqu'il 
reçut  le  coup  mortel,  et  rappelle  à  ce  propos  la  mort  de  Cynégire 
(p.  260);  ne  sait-il  pas  que  ce  dernier  fait  est  invraisemblable?  Cyné- 
gire, dit  Ernest  Curtius  (Hist.  grecque,  II,  25o)  eut  la  main  coupée  au 
moment  oii  il  escaladait  le  bord  d'un  navire,  et  retomba  dans  la  mer. 
Mais  il  y  a  dans  cet  ouvrage  tant  de  renseignements,  tant  de  matériaux 
utiles,  qu'il  vaut  mieux  louer  le  labeur  infatigable  de  M.  Pajol.  Si  son 
récit  de  Fontenoy  ne  vaut  pas  celui  de  Voltaire,  il  nous  apprend  qu'un 
capitaine  du  régiment  de  Touraine,  du  nom  d'Isnard,  indiqua  le 
moyen  de  prendre  en  écharpe  la  fameuse  colonne  anglo-hanovrienne 
(p.  385).  Le  quatrième  volume  a  paru  ;  le  cinquième  est  presque 
achevé  ;  le  sixième  sera  consacré  à  l'organisation  de  l'armée  et  à  ses  rè- 
glements et  ordonnances  de  171 5  à  1774;  les  cartes  seront  publiées 
avec  le  cinquième  volume. 

C. 


202.  —  181  rS.  E^etts'o  d'un  cnpitaisio  de  cuis>assîci*»i  snv  1«  onnipagiie 
do  Itussîe,  publiée  par  M.  J.  A.  Léher,  professeur  de  philosophie  au  collège 
d'Autun.  Paris,  Baranger,  rue  Lafayette,  i32  et  Poitiers,  rue  de  La  Regratterie, 
3o.   Petit  in-8,  VI-G2  p. 

Cette  lettre,  datée  de  Hildesheim  en  181 3  et  adressée  par  le  capi- 
taine de  cuirassiers,  Jean  Bréaut  des  Marlots,  (hameau  de  la  Nièvre),  à 
sa  sœur  Manette,  est  intéressante;  M.  Léher  qui  l'a  découverte,  la  pu- 
blie dans  un  petit  opuscule  de  l'aspect  le  plus  coquet  ;  il  en  a  respecté 
scrupuleusement  le  texte  et  il  laisse  à  l'original  toutes  ses  incorrec- 
tions \  Le  capitaine  raconte  qu'il  assista  à  la  bataille  de  la  Moskovva 
sous  une  pluie  de  boulets  (p.  17-19).  Il  est  entré  à  Moscou,  et  à  la  vue 
de  cette  ville,  il  a  éprouvé  «  un  certain  je  ne  sais  quoi  qu'il  a  ressenti 
souvent  et  ne  peut  définir.  C'était  si  loin  de  mon  pays!  Nous  croyions 
aussi  que  c'était  le  terme  de  nos  maux  »  (p.  22-23).  Il  décrit  Moscou, 
le  Kremlin,  l'incendie,  la  retraite,  la  poursuite  des  Cosaques  qu'il  charge 

1.  Cp.  encore  Philippstat  pour  Philippstadt  ;  Konigscck  pour  Kœnigseck;  Har- 
rack  pour  Harrach  ;  M.  Bviihl  pour  M.   de  Brûhl. 

2.  M.  Léher  nous  dit  dans  sa  préface  qu'il  «  transcrit  les  noms  propres  tels  qu'ils 
sont,  quitte  à  donner  dans  les  notes  une  orthographe  plus  conforme  à  notre  usage.  » 
Il  fallait  donc,  p.  44,  oi:i  il  est  question  du  comte  de  «  Lobeau  »  mettre  une  note 
—  que  M.  Léher  a  oubliée  —  sur  le  général  Mouton,  comte  de  Lobau. 


358  REVUE   CRITIQUE 

avec  une  héroïque  bravoure,  les  souffrances  de  l'armée  (p.  46-47),  l'ar- 
rivée à  Smolensk.  Malheureusement  la  lettre,  ou  mieux  le  mémoire, 
par  suite  de  la  perte  d'un  ou  de  plusieurs  feuillets,  s'arrête  au  passage 
de  la  Bérézina. 


VARIÉTÉS 


Voltaire  et  le  cardinal  Quirini»  d'après  des  documents  Inédits. 

Un  livre  qui  résumerait  les  enquêtes  de  Pérudition  non  française  sur 
la  prodigieuse  activité  de  Voltaire  ne  saurait  omettre  Tltalie.  Un  lettré 
pisan,  M.  Félix  Tribolati,  en  deux  brochures  à  peu  près  introuvables  \ 
a  étudié  à  la  lumière  de  documents  inédits  (reproduits  par  M.  Moland 
dans  son  édition)  les  rapports  de  Voltaire  avec  le  pape  Lambertini  (Be- 
noit XIV),  avec  le  cardinal  Passionei,  avec  Goldoni,  Métastase,  Maffei, 
François  Algarotti,  Casanova,  Gamerra,  Albergati,  etc.;  il  a  enregistré 
les  appréciations  très  diverses  dont  Voltaire  a  été  l'objet  au-delà  des 
Alpes  comme  ailleurs;  enfin,  il  juge  la  prose  italienne  de  notre  compa- 
triote non  médiocre,  parfois  même  excellente. 

J'ai  rencontré  en  1882,  à  la  Fundazione  Quirini-Stampalia,  à  Ve- 
nise, au  cours  d'une  mission  scientifique,  quelques  documents  qui  ne 
seront  pas  inutiles  à  ce  chapitre  de  Voltaire  à  l'étranger  :  le  chevalier 
Morbio  signale  d'autres  pièces  dans  des  collections  plus  ou  moins  ac- 
cessibles et  parfois  dispersées.  Si  je  puis  publier  les  présentes  pages,  je 
le  dois  à  M.  le  professeur  Antoine  Favaro  qui  a  su  triompher  de  cer- 
taines difficultés  réglementaires  et  à  l'excellent  abbé  Dom  Leonardo 
Perosa  qui,  avec  une  patience  toute  bénédictine,  a  pris  la  peine  de  co- 
pier pour  moi  les  précieux  papiers. 

Voltaire  écrivit  au  cardinal  Quirini  quinze  lettres  dont  quatorze  sont 
imprimées  dans  l'édition  Moland  et  dont  douze  se  trouvent  autographes 
ou  copies  authentiques  à  la  bibliothèque  Quirini-Stampalia. 

Le  17  août  1745,  il  lui  envoie  son  poème  de  Fontenoy  avec  de  gra- 
cieux compliments  en  italien,  comme  :  «  J'ai  toujours  dit  que  les  Fran- 
çais et  les  autres  peuples  doivent  à  Tltalie  tous  les  arts  et  toutes  les 
sciences,  etc.  »  Le  cardinal  traduisit  en  latin  quelques  vers  du  poème  : 
remercîments  chaleureux  du  poète;  il  a  lu  cette  version  en  revenant 
de  Fontainebleau  avec  la  marquise  du  Châtelet  «  qui  entend  Virgile  et 

I.  Vol/aire  e  l'Italia;  Pisa,  tipografia  Ciii,  1860,  68  pp.  8°.  —  SulV  epistolario 
italiano  dcl  Voltaire  accademico  délia  Crusca  studio;  Pisa,  lipografia  T.  Nistii  e 
c.  1878,  49  pp.  8".  —  L'Ultnno  Volume  dclle  Opère  di  Voltaire,  Jettera  al  Sig. 
Prof.  C.  F.  Gabba  1862.  Ci.— La  Provincia  di  Pisa,  o"  du  3i  oct,  1878  et  Fanfulla, 
délia  Domenica,  4  sept.  1881. 


d'histoire  et  de  littérature  359 

vous  aussi  bien  que  Newton.  »  (Lettre  du  24  octobre  et  non  du  25  oc- 
tobre 1745  comme  il  est  imprimé). 

Le  cardinal  Quirini  lui  envoie  la  vie  du  cardinal  Polus,  préface  d'un 
volume  de  la  correspondance  de  ce  prélat  :  compliments  hyperboliques 
de  l'historiographe  de  France;  l'autographe  offre  ce  titre  après  la  signa- 
ture et  quelques  variantes.  Ainsi  les  éditions  présentent  :  «  Dica  ella  di 
grazia  quai  arte  quai  incanto  pone  Ella  in  uso  per  condire  con  tanti 
vezzi  tanta  e  cosi  varia  dottrina  e  per  adornarie  di  questa  finitura  di 
composizione,  in  cui  non  appare  l'arte,  ma  sopra  tutto  la  facilita  dello 
i  stile  et  la  vera  et  soda  eloquenza.  »  Il  faut  lire  :   «  M.afanno  tutto  la 

facilita  élégante  del  stilo  e  la  nuda  e  sola  eloquenza.  »  L'imprimé  pré- 
sente deux  lignes  plus  loin  :  «  Ella  da  ad  un  tratto  a  questo  célèbre 
inglese  ed  a  se  stessa  l'immortalita  del  mundo  letterato  »  ;  «  l'immor- 
talité du  monde  lettré  »  est  un  un  non-sens;  il  faut  lire  avec  l'autogra- 
phe «  dans  le  monde  lettré  »  «  nel  mundo  letterato.  »  (7  novem- 
bre 1745). 

Le  cardinal  lui  envoie  une  lettre  pastorale  :  nouveaux  compliments; 
variantes  insignifiantes  (3  février  1746).  Le  11  avril  et  non  le  12  avril 
comme  il  est  imprimé,  nouveaux  compliments.  Le  8  mai  avec  variantes 
insignifiantes,  remercîments  pour  une  traduction  latine  et  italienne  du 
commencement  de  la  Henriade  :  il  vient  d'être  nommé  membre  de 
l'Académie  française. 

Le   I"  juin  1746,  il  annonce  au  prélat  qu'il  vient  d'être  attaché  à 

I  l'académie  délia  Crusca.  De  cette  date  au  3  janvier  1749  —  date  d'une 

!  lettre  de  remercîments  pour  l'honneur  que  lui  fait  le  cardinal  d'accepter 

la  dédicace  de  Sémiramis  —  sans  doute  nombre  de  lettres  égarées.  La 

Bibliothèque  Quirini  n'en  possède  qu'une  seule  de  cette  série,  celle 

dans  laquelle  il  demande  l'autorisation  de  dédicace  ; 

I  A  Lunéville.  à  la  cour  du  roi  Stanislas, 

■  Ce  28  septembre  [1748]. 

Emmen\a, 

Ho  fatto  rappre:{entari'.  '  una  tragedia  nel  giisto  greco  e  benche  i 
Francesi  sianomolto  francesi,  il  gusto  antico  a  rhiscito  assai.  Qiiesto 
successo  mi  da  la  confidei^a  di  dedicar  le  la  niia  tragedia  :  ne  do- 
mando  la  licen^a  a  Vra  Excellen:{a  e  le  bacio  iimilniente  le  sacre  mani 
che  hanno  scritto  tante  belle  cose. 

Di  Vra-Emin\<^ 
Votre  Eminence  peut  il  devot"^^  ed  iimiV^^o  servitore 

m' honorer  de  sa  réponse  Voltaire. 

à  Paris. 

Le  16  février  1749,  il  envoie  au  cardinal  le  brouillon  de  sa  dédicace 
ou  plutôt  de  la  Dissertation  sur  la  tragédie  ancienne  et  moderne  qui 
précède  Sémiramis  dans  toutes  les  éditions   et  lui  demande  des  avis  ; 


j.  Le  29  août  1748. 


360  REVUE   CRITIQUE 

l'autographe  ace  post-scriptum  :  la  siipplico  di  scrivennî  sotto  il  pi- 
glio  di  M.  de  la  Reinière,  fermier  général  des  postes  de  France  J'ai 
retrouvé  ce  brouillon  à  la  Bibliothèque  Quirini  et  il  faut  que  les  criti- 
ques du  cardinal  aient  été  assez  nombreuses,  car  il  diffère  passablement 
de  la  rédaction  définitive  :  c'est  un  carnet  de  26  feuillets  dont  2  blancs, 
in-4'',  en  papier  de  fil  un  peu  fort  :  les  48  pages  écrites  portent  des  cor- 
rections de  la  main  de  Voltaire.  Une  description  de  toutes  les  particula- 
rités du  manuscrit  ne  pourrait  trouver  place  que  dans  une  édition 
critique  de  Voltaire.  Voici  seulement  un  passage  qui  n'a  pas  été 
imprimé  :  il  doit  être  placé  avant  les  deux  premiers  paragraphes  de  la 
première  partie  : 

La  nature  de  itotre  langue  très  favorable  à  la  déclamation  ordinaire, 
ne  l'est  point  du  tout  à  la  musique.  Nous  avons  des  rimes  brèves  et  des 
rimes  longues  qui  font  un  effet  très  mélodieux  sur  le  théâtre  où  l'on 
récite  la  tragédie  et  la  comédie.  Ces  rimes  brèves  et  longues  sont  ce 
qui  fait  croire  au  public  et  même  à  la  plupart  des  auteurs  que  nous 
avons  des  vers  de  trei:[e  syllabes  et  des  vers  de  dou:{e  syllabes  :  elles 
s'y  rencontrent,  il  est  vrai,  si  on  les  compte.  Mais  elles  n'y  sont  pas 
pour  l'oreille.  Tous  nos  vei's  de  tragédie  sont  de  dou:{e  syllabes. 
Qu'on  récite,  par  exemple,  les  quatre  premiers  vers  de  la  tragédie 
que  fay  l'honneur  de  vous  présenter  : 

Ouy,  Mitrane,  en  secret  l'ordre  émané  du  trône. 
Rappelle  entre  tes  bras  Ar:;ace  à  Babylone. 
Que  bénis  soient  les  dieux  dont  mon  cœur  suit  les  loix 
Je  retrouve  un  amy  dans  le  palais  des  rois! 

Il  ne  faut  pas  croire  que  les  deux  premiers  vers  soient  comptés  pour 
treize  syllabes  :  trône  et  lone.  forment  chacun  une  seule  syllabe  :  mais 
elle  est  plus  longue,  plus  sonore,  plus  soutenue  que  les  deux  suivantes 
loix  et  rois.  On  doit  mettre  à  prononcer  ces  finales  longues  le  double 
du  temps  qu'on  met  à  prononcer  les  finales  brèves,  c'est  à  qiioy  man- 
quent tous  les  acteurs  médiocres  :  c'est  ce  que  les  bons  font  sentir  et 
ce  qui  n'échappe  jamais  aux  oreilles  délicates.  Je  dis  donc  que  ce  mé- 
lange de  finales  longues  et  brèves  fait  un  effet  admirable  dans  la  dé' 
clamation  ordinaire,  mais  qu'il  en  fait  un  insuportable  dans  notre 
musique;  car  dans  notre  déclamation  les  finales  longues  gloire,  vic- 
toire, descendre,  entreprendre  ne  font  jamais  qu'une  seule  syllabe 
qu'on  prononce  d'une  manière  soutenue  et  harmonieuse,  sans  trop  faire 
sentir  la  voyelle  e  qui  les  termine  et  voila  pourquoi  cet  e  est  appelé 
muet  :  c'est  qiCil  est  contre  les  règles  de  la  langue  de  le  prononcer. 
Notre  musique  en  cela  malheureusement  contraire  à  la  nature  et  au 
génie  de  la  langue  exige  que  cet  e  qui  revient  de  deux  vers  en  deux 
vers  soit  prononcé  avec  une  uniformité  fatigante  et  avec  un  son  dur  et 
grossier  ;  on  le  prononce  eu  :  on  chante  gloir  eu,  victoir  eu,  descendr 
eu,  au  lieu  de  gloir,  victoir,  descendr.  Cette  répétition  continuelle  des 
e  muets  qui  ne  doivent  jamais  être  sentis  dans  le  discours  est  un  def- 


d'histoike   et  de  LITTÉRATUKK  36  I 

faut  radical  et  essentiel  dans  nos  chants.  Il  n'est  souffert  che:;^  nous  que 
par  l'usage  qui  rend  tout  tolérable  et  il  révolte  toutes  les  nations  sans 
exception. 

L'Eminence  a-t-elle  jugé  ce  développement  trop  élémentaire  ?  Quoi- 
qu'il soit,  à  la  date  du  2  3  avril  1749,  nouveaux  compliments  sur  des 
vers  composés  par  un  jeune  parent  de  Quirini  auxquels  le  cardinal 
aura  sans  doute  touché  un  peu  et  citation  de  ces  vers  de  Virgile  (Enéide, 
IV,  93)  que  Voltaire  met  dans  la  bouche  de  Didon  : 

Egregiam  vero  laudem  et  spolia  ampla  referiis, 
Tiique  puerque  tuus. 

L'imprimé  dit  :  Junon  :  et  il  a  raison  cette  fois. 

Le  7  janvier  1752  (encore  une  lacune  dans  la  correspondance)  Vol- 
taire envoie  en  tête  d'un  billet  sur  la  mort  d'un  comte  de  Rotembourg 
employé  par  le  cardinal,  ces  vers  bien  connus,  datés  de  ijbi  dans 
toutes  les  éditions  : 

Eh  quoi?  Vous  voulez  que  je  chante 
Ce  temple  orné  par  vos  bienfaits 
Dont  aujourd'hui  Berlin  se  vante? 


On  lit  également  dans  les  éditions  : 

Cette  haine  dont  sans  scrupule 

S'ijrme  le  dévot  entêté 

Et  dont  se  raille  l'incrédule. 

Il  faut  lire  s''armait  et  raillait  :  il  est  singulier  qu'on  ait  corrigé  l'au- 
tographe en  un  sens  qui  ne  pouvait  que  blesser  le  Cardinal  et  par  con- 
séquent bien  invraisemblable  sous  la  plume  spirituelle  de  Voltaire.  La 
première  édition  de  cette  pièce  est  une  plaquette  de  trois  feuillets  inti- 
tulée :  Epitre  I  DE  I  Monsieur  de  Voltaire  |  au  Cardinal  |  de  Quirini  \ 
1752.  J'en  ai  vu  un  exemplaire  dans  le  tome  II  de  la  correspondance  de 
Quirini  possédé  autrefois  par  la  Société  des  Bibliophiles  français,  au- 
jourd'hui à  la  Bibliothèque  nationale  (ms.  ital.  5  12,  p.  37)  :  cette  plaquette 
imprimée  parles  soins  de  Quirini  présente  :  s'armait,  raillait.  Je  noterai 
en  terminant  qu'une  copie  de  la  lettre  de  Voltaire  avec  cette  date  du 
7  janvier  1752  accompagne  un  exemplaire  de  la  même  plaquette  dans 
un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  Quiriniana  de  Brescia. 

Si  menus  que  soient  ces  résultats,  je  ne  les  crois  pas  inutiles  au  point 
de  vue  général.  Une  critique  scientifique  d'un  écrivain  ne  pourra  ja- 
mais'consister  qu'à  étudier  sa  phrase  ',  à  en  noter  les  rythmes  ordinaires, 
à  rapprocher  ces  rythmes  artificiels  du  rythme  naturel  de  son  langage, 
c'est-à-dire  de  ses  lettres  familières.  Si  cet  écrivain  écrit  dans  une  langue 
étrangère,  on  retrouvera  sous  cet  habit  exotique  les  directions  ordinai- 
res de  sa  pensée;  elles  y  seront  même  plus  sensibles  ainsi  qu'il  arrive 
pour  les  lettres  italiennes  de  Voltaire.  On  sent  combien   les  moindres 

1.  Voir  l'Introduction  à  mes  Principes  d'Esthétique  mathématique  et  expérimentale 
(Revue  contemporaine,  25  août  85). 


302  REVUE   CRITIQUE 

billets  et  surtout  les  moindres  billets  écrits  en  langue  étrangère  sont 
précieux  à  l'analyse  de  la  pensée  d'un  écrivain  de  race. 

Charles  Henry. 

P.  S.  Une  gracieuse  communication  de  M.  Félix  Tribolati  me  per- 
met de  compléter  une  page  de  l'Iconographie  Voltairienne  de  M.  Des- 
noiresterres.  Il  ne  s'agit  plus  du  cardinal  Angelo-Maria  Quirini,  mais 
d'un  sénateur  vénitien  du  même  nom  qui  visita  Voltaire  à  Ferney  en 
1777.  La  relation  italienne  de  cette  visite  se  trouve  dans  un  Journal  de 
voyage  fait  par  S.  E.  M.  Ange  Quirini,  dicté  par  le  D^  Jérôme  Fes- 
tari  son  médecin  et  publié  par  Emmanuel  Cicogna  en  i835  à  Venise  à 
l'occasion  du  mariage  d'une  Quirini  avec  un  Zeno.  Ce  sénateur  fit  faire 
en  1773  un  médaillon  de  bronze  allié  d'argent  de  2  livres  et  8  onces  et 
demie  vénitiennes.  Sur  Tendroit  :  Voltaire  en  profil  avec  ces  mots  : 
Mar.  Fran.  Arouet  de  Voltaire  Venetils  mdcclxxiii.  Sur  le  revers  une 
femme  à  cheval,  emblème  de  la  Philosophie  avec  un  caducée,  foulant  aux 
pieds  la  Superstition  sous  la  forme  d'un  dragon  avec  ces  mots  en  exergue  : 
Exaequat  Victoria  coelo.  D'après  Festari,  Tinventeur  serait  S,  E.  Ange 
Quirini  et  l'exécuteur  le  célèbre  Locatelli  :  Festari  ajçute  qu"'on  a  tiré 
de  ce  médaillon  une  estampe  avec  quelques  variantes  à  Venise  en  1773  : 
et  que  cette  estampe  fut  présentée  au  partriache  par  le  seigneur  véni- 
tien. Or,  M.  Desnoiresterres  signale  au-dessous  et  en  dehors  de  l'estampe 
Voltaire  et  le  religieux  une  médaille  avec  son  revers,  représentant 
saint  Michel  sur  un  cheval  ailé,  le  bras  armé  du  caducée  et  terrassant  le 
dragon  :  «  en  exergue  :  exequat  Victoria  coe/o;  dans  le  bas  au-dessus 
du  petit  module  :  Locatellusfec.  sur  le  revers,  au  milieu  :  Voltaire  et 
en  exergue  :  omnia  tanquam  singula  absolvet  :  a  droite  sur  le  cadre  : 
Joseph  Lantescul.  à  la  manière  noire  (H.  o"'  45.  L.  o™  29).  »  C'est  évi- 
demment Testampe  tirée  du  médaillon  du  sénateur  Ange  Quirini  et  ce 
médaillon  n'a  pas  été,  que  je  sache,  cité  en  France. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  Poésies  inédites  des  troubadours  du  Périgord.—  Je  ne  suis  pas  assez 
compétent  pour  me  permettre  de  parler  ici,  même  en  passant^  du  recueil  publié  sous 
ce  titre  par  M.  Camille  Chabaneau  (Paris,  Maisonneuve,  i885,  in-S"  de  m-62  p.).  Je 
voudrais  seulement  reproduire  dans  cette  Revue,  que  lisent  tous  les  philologues,  le 
vœu  exprimé  en  termes  si  pressants  et  si  persuasifs  par  le  savant  professeur  de 
Montpellier  (p.  ii-iii)  :  «  Cette  liste  [la  liste  des  troubadours  originaires  du  départe- 
ment de  la  Dordogne]  est,  telle  qu'elle  est,  la  plus  riche  qu'on  puisse  dresser  dans 
un  département  de  la  langue  d'oc,  car  elle  comprend,  outre  plusieurs  poètes  dis- 
tingués dans  les  rangs  secondaires,  comme  Aimeric  de  Sarlat,  Elias  Cairel,  Guilhem 
de  la  Tour,  quatre  des  plus  illustres  d'entre  tous  les  troubadours,  et  dans  ces  qua- 


o'histoire  et  de  littérature  363 

tre,  les  trois  précisément  qui  sont  cités  par  Dante  comme  les  maîtres  de  l'art  dans 
chacune  des  grandes  divisions  de  la  poésie  lyrique  qu'il  établit,  à  savoir  :  Arnaut 
Daniel,  Bertran  de  Born  et  Giraut  de  Borneil.  Ce  n'est  pas  un  mince  sujet  de  gloire 
pour  le  Périgord  que  de  compter  au  nombre  de  ses  enfants  des  poètes  ainsi  placés 
au  sommet  du  Parnasse  provençal  par  leur  grand  émule  de  Florence.  Mais  ces  trou- 
badours, qui  jetèrent  autrefois  tant  d'éclat  sur  notre  province,  nous  les  oublions 
trop  aujourd'hui.  Soyons  fiers,  comme  nous  devons  l'être,  de  Montaigne  et  de  Fé- 
nelon,  de  Bugeaud  et  de  Daumesnil.  Je  salue  avec  respect  et  avec  une  émotion  pa- 
triotique les  statues  de  ces  hommes  illustres;  mais  je  souffre  de  ne  pas  voir  à  côté 
d'elles  un  monument  qui  rappelle  aux  générations  nouvelles  des  gloires  bien  plus 
anciennes.  Je  voudrais  qu'on  érigeât  sur  une  des  places  publiques  de  Périgueux  une 
statue  à  Bertran  de  Born,  et  que,  sur  les  faces  du  piédestal,  cinq  bas-reliefs  de  mar- 
bre ou  de  bronze  reproduisissent  l'image  (l'image  conventionnelle,  telle  que  les 
mss.  nous  la  donnent,  à  défaut  du  portrait)  d'autant  d'autres  troubadours,  de  façon 
que  chaque  arrondissement  de  la  Dordogne  y  fut  représenté  :  Périgueux,  par  Giraut 
de  Borneil;  Nontron,  par  Arnaut  de  Mareuil;  Ribérac,  par  Arnaut  Daniel;  Sarlat, 
par  Elias  Caire!,  et  Bergerac  par  Sail  d'Escola  ou  Pierre  de  Bergerac.  Un  pareil  mo- 
nument, surtout  si  la  Corrèze,  s'associant  à  la  Dordogne,  y  réclamait  une  place  pour 
ses  propres  troubadours,  ferait  de  Périgueux  la  ville  sainte  de  la  langue  d'oc,  la 
Mecque  où  tout  bon  provençaliste,  comme  tout  bon  félibre,  voudrait  aller,  une  fois 
au  moins  dans  sa  vie,  en  pèlerinage.  Puisse  le  vœu  que  j'exprime  ici  être  entendu 
de  ceux  qui  ont  le  pouvoir  de  le  réaliser,  je  veux  dire  des  membres  des  divers  corps 
élus,  conseils  généraux,  conseils  d'arrondissement,  conseils  municipaux,  sociétés  sa- 
vantes de  la  Dordogne  et  de  la  Corrèze.  Une  souscription  publique  dont  ils  pren- 
draient l'initiative,  et,  au  besoin,  une  loterie,  qu'ils  obtiendraient  certainement  l'au- 
torisation d'organiser,  produiraient  sans  doute  la  somme  nécessaire  à  l'exécution  du 
monument  que  je  rêve  pour  glorifier  dignement,  avec  le  pays  qui  leur  donna  le  jour, 
ces  pères  et  ces  premiers  maîtres  de  la  poésie  lyrique  des  nations  modernes.  Puissé- 
je  ne  pas  mourir  avant  d'avoir  vu,  au  milieu  d'une  députation,  présidée  par  Frédéric 
Mistral,  de  tous  ceux  qui,  de  Bordeaux  à  Nice,  des  Baléares  à  Clermont-Ferrand, 
parlent  notre  langue;  de  tous  ceux  qui,  dans  le  monde  civilisé  tout  entier,  en  font 
l'objet  de  leurs  études,  inaugurer  ce  monument!  »  —  T.  de  L. 

—  Tahureaiipar  M.  Henri  Chardon. —  M.  H.  Chardon  constate,  dès  les  premiè- 
res lignes  de  son  élégante  brochure  (La  vie  de  Tahuveau.  Documents  inédits  sur 
sa  famille,  son  mariage  et  V  Admirée.  Paris,  A.  Picard;  Mamers,  Fleury  et  Dangin, 
i885,  grand  in-S»  de  76  p.),  que  le  Maine  «  a  fait  bien  peu  jusqu'à  ce  jour,  pour 
mettre  en  relief  une  des  plus  attrayantes  figures  poétiques  »  du  xvi°  siècle,  «  celle 
de  Jacques  Tahureau,  un  des  vaillants,  qui  dès  la  première  heure  de  la  renaissance 
poétique  en  France  entra  dans  la  brigade  de  Ronsard,  et  fut  l'émule  de  Du  Bellay, 
de  Baïf,  d'Olivier  de  Magny  et  de  Jean  de  la  Péruse  «.  Il  a  réuni,  d'après  des  docu- 
ments conservés  soit  à  Paris  (Cabinet  des  titres),  soit  en  province  (cabinet  de 
M.  l'abbé  Esnault),  de  nombreux  et  curieux  renseignements  sur  les  Tahureau,  qui 
étaient  Angevins  d'origine,  et  dont  la  noblesse  provient  peut-être  de  la  possession 
de  la  terre  noble  de  la  Chevalerie  située  dans  la  paroisse  de  Jarzé;  sur  la  mère  du 
poète,  Marie  Tiercelin,  fille  de  Louis  Tiercelin,  lequel  résigna  son  office  de  lieute- 
nant du  sénéchal  du  Maine  à  son  gendre  Jacques  Tahureau,  et  parente  du  grand 
Ronsard;  sur  la  femme  du  poète,  Marie  Grené,  «  fille  d'honorable  homme  Jean 
Grené  et  de  demoiselle  Guillemette  Barbât,  sa  veuve,  demeurant  dans  la  ville  de  la 
Charité,  au  diocèse  d'Auxerre  ».  Quant  à  Vamie  de  l'auteur  des  Mignardises,  tant 
célébrée  par  lui  sous  le  nom  de  V Admirée,  M.  Chardon,  qui  a  si  heureusement  de- 


364  REVUE    CRITIQUE   d'hISTOIRE    ET   DE    LITTERATURE 

viné  tant  de  difficiles  énigmes,  n'a  pu  nous  la  faire  connaître  :  il  a,  du  moins, 
montre  combien  est  contestable  ce  qui  en  a  été  écrit  par  ses  devanciers,  notamment 
par  MM.  Prosper  Blanchemain,  de  Clinchamp,  B.  Hauréau.  Trois  bonnes  nouvelles, 
en  finissant  :  le  sagace  critique  promet  (p.  76)  de  s'occuper  prochainement  de  Baïf, 
de  Joachim  du  Bellay  et  surtout  de  Robert  Garnier,  «  la  vraie  gloire  littéraire  du 
Maine,  le  précurseur  de  Corneille  ».  —  T.  de  L. 


ACADEMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  3o  octobre  188 5. 

M.  Hauréau  communique  quelques  passages  d'une  lettre  de  S.  M.  l'empereur  du 
Brésil,  qui  le  charge  de  témoigner  à  l'Académie  combien  il  a  été  sensible  à  la  nou- 
velle de  la  mort  de  M.  Egger.  L'empereur  n'oubliera  jamais,  dit-il,  ses  savantes  con- 
férences à  la  Sorbonne  et  son  aimable  entretien. 

M.  Alexandre  Bertrand  présente  à  l'Académie  deux  haches  de  chloroménalite,  dé- 
couvertes à  Quiberon,  entre  le  Sémaphore  et  Saint-Julien.  Ces  deux  haches  sont 
des  plus  belles  et  des  plus  grandes  que  l'on  connaisse.  Elles  ont  été  trouvées  à  o'"20 
seulement  de  profondeur,  près  d'une  grande  pierre  inclinée  qui  avait  sans  doute 
servi  primitivement  à  recouvrir  la  cachette.  L'une  mesure  o'^'i'6  de  longueur,  l'au- 
tre o'"29.  Elles  appartiennent  à  M.  Hardy,  entrepreneur  à  Nantes,  chargé  de  travaux 
importants  à  Quiberon.  J'ai  cru,  dit  M.  Bertrand,  que  ces  deux  beaux  spécimens 
de  l'art,  à  l'époque  où  les  haches  de  pierre  étaient  en  honneur,  étaient  dignes  d'être 
présentés  à  l'Académie. 

M.  le  docteur  Hamy  présente  à  l'Académie  une  carte  marine  de  l'an  1449,  œuvre 
du  cosmographe  majorcain  Gabriel  de  Vallsequa,  qui  jouissait  au  xv^  siècle  d'une 
réputation  considérable.  Une  de  ses  cartes,  datée  de  1439,  avait  été  payée  i3o  du- 
cats d'or  par  Améric  Vespuce.  Ses  œuvres  sont  devenues  très  rares;  la  carte  de  Ves- 
puce,  conservée  à  Palma,  a  même  longtemps  passé  pour  unique.  M.  Barozzi,  à  Ve- 
nise, M.  Hamy,  à  Paris,  en  ont  dernièrement  découvert  deux  autres,  toutes  deux  de 
144Q.  Celle  que  possède  M.  Hamy  et  qu'il  a  mis  sous  les  yeux  de  l'Académie,  a  ap- 
partenu à  un  membre  de  la  famille  des  Lauria,  célèbres  marins  catalans,  dont  elle 
porte  les  armes.  La  comparaison  de  cette  pièce  avec  les  parties  similaires  de  l'atlas 
catalan  de  la  Bibliothèque  nationale  fait  ressortir  en  faveur  de  Vallsequa  une  nota- 
ble supériorité  scientifique  et  fortifie  la  place  que  M.  Hamy  lui  assigne  entre  les 
meilleurs  géographes  de  l'école  catalane. 

M.  Heuzey  lit  un  mémoire  intitulé  :  Un  gisement  de  diorite,  à  propos  des  statues 
chaldéennes.  On  sait  que  les  statues  rapportées  de  Chaldée  par  M.  de  Sarzec  sont 
taillées  dans  une  pierre  dure  appelée  diorite.  On  a  cru  lire  dans  les  inscriptions  de 
ces  statues  des  phrases  qui  indiqueraient  que  cette  pierre  était  exploitée  et  apportée 
par  mer,  par  des  bateaux  qui  la  recueillaient  au  pied  des  falaises  :  cette  assertion  a 
paru  invraisemblable  à  plusieurs  personnes  et  a  donné  lieu  de  révoquer  en  doute 
l'interprétation  des  textes  épigraphiques,  proposée  par  les  assyriologues.  Pendant  un 
récent  séjour  en  Bretagne,  M.  Heuzey  a  eu  l'occasion  d'examiner  des  gisements  de 
diorite,  en  plusieurs  points  de  la  côte,  et  il  a  acquis  la  conviction  que  l'exploitation 
de  cette  subsiance  devait  être  souvent  plus  aisée  du  côté  de  la  mer  que  du  côté  de  la 
terre.  Le  diorite  présente  une  très  grande  résistance, il  est  fort  difficile  d'en  détacher 
des  blocs  considérables,  même  avec  l'aide  des  meilleurs  instruments;  mais  à  l'ex- 
trémité du  gisement,  du  côté  de  la  mer,  l'action  incessante  des  tîots  est  plus  puis- 
sante que  le  fer  et  sépare  d'elle-même  des  fragments,  que  les  bateaux  n'ont  qu'à  re- 
cueillir et  à  charger  comme  lest.  Il  n'y  a  donc  aucune  invraisemblance  à  admettre  le 
fait  consigné  dans  les  inscriptions  chaldéennes. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  le  marquis  d'Hervey  de  Saint-Denys  :  Henri  Cor- 
DiER,  Bibliotheca  Sinica.  dictionnaire  bibliographique  des  ouvrages  relatifs  à  l'em- 
pire chinois  ;  —  par  M.  Delisle  :  L.  Merlet  :  Catalogue  des  reliques  et  joyaux  de 
Notre-Dame  de  Chartres,  publié  et  annoté. 

Julien  Havet. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 


Le  i'iiy,  imprimerie  Marchessou fis,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET   DE    LITTÉRATURE 


No  46  —  16  novembre  —  1885 


gosumaire  t  2o3.  Droysex,  Histoire  de  l'hellénisme.  II.  —  204.  Eraclius,  p.  p. 
Graef.  —  2o5.  De  Lantenay,  Mélanges  de  biographie  et  d'histoire.  —  206.  Peu- 
KERT,  Les  Mémoires  de  Valory.  —  207.  Glaser,  Lûbeck  et  Ratekau.  —  208. 
ScHLiTTER,  Les  rapports  de  l'Autriche  et  de  l'Amérique  I.  —  209.  De  Hohen- 
BÛHEL,  Sur  le  Tyrol.  —  Variétés  :  Paul-Louis  Courier  et  la  tache  d'encre  du  ma- 
nuscrit de  Longus.   —  Note   de  M.  Jahn.    —  Académie  des  Inscriptions. 


2o3.  —  Droysen.  îaîstoire  de  l'Hellénîssne  (Irad.  Bouchd-Leclercq).  Tome  II, 
in-8  de  783  p.  Paris,  Leroux,  1884. 

Ce  volume  s'étend  depuis  la  mort  d'Alexandre  jusqu'à  l'année  277. 
Il  comprend  l'histoire  des  Diadoques^  et  il  la  poursuit  jusqu'au  mo- 
ment où  disparaissent  tous  les  anciens  compagnons  du  grand  roi.  C^est 
répoque  où  l'on  voit  l'empire  se  démembrer  définitivement  pour  faire 
place  à  des  royaumes  indépendants.  Si  abondante  que  soit  la  masse  des 
faits  recueillis  par  Droysen,  il  les  domine  sans  peine.   Il  est  en  effet 
conduit  par  une  idée  particulière  qu^il  exprime  en  ces  termes  :    «  C'est 
le  caractère  des  évolutions  historiques  que,  pendant  qu'on  bataille  pour 
une  foule  d'autres  questions,  elles  suivent  tranquillement  et  sûrement 
leur  cours;  celui-là  seul  qui  les  comprend  et  les  aide  de  son  concours, 
fonde  quelque  chose  de  durable.  Ainsi  après  la  mort  d'Alexandre,  la 
lutte  pour  l'unité  de  l'Empire  semble  absorber  toutes  les  forces  et  dicter 
il    la  conduite  des  partis.   Mais  ce  qui  est  durable,   c'est  le   principe  de 
l'hellénisme,  qui,  lorsque  la  fureur  des  combattants  s'est  apaisée,  se 
montre  réalisé  et  assuré  pour  des  siècles.  C'est  dans  l'intérêt  de  ce  prin- 
cipe que  la  reconstitution  de  l'unité  du  grand  empire  occidento-oriental 
devait  se  montrer  impossible,  afin  que  la  fusion  de  l'élément  occidental 
avec  les  différents  éléments  des  races  orientales  put  se  réaliser  sous  la 
forme  d''autant  d'organismes  hellénistiques  »   (P.  601).  En   un   mot, 
nous  assistons  ici  à  une  décomposition  politique  d'où  sortira  avec  le 
temps  une  civilisation  meilleure.  Ce  spectacle  a  bien  son  intérêt.  On  ne 
saurait  méconnaître  pourtant  Taridité  d'un  pareil  sujet.  Malgré  les  pré- 
cautions prises  par  l'auteur  pour  éclairer  la  route,  il  n'est  pas  toujours 
aisé  de  se  retrouver  au  milieu  des  rivalités  et  des  guerres  qui  remplissent 
cette  période.  Droysen  d'ailleurs  raisonne  et  explique  plutôt  qu'il  ne 
peint,  et  son  récit  manque  un  peu  de  couleur  et  de  vie.  Lorsqu'il  essaie 
de  dessiner  quelque  figure  originale,  comme  celle  de  Démétrius,  il  y 
réussit   médiocrement.    Il    est  exact   et   précis,    mais    toujours    assez 
terne. 

Nouvelle  séiie.  XX.  46 


366  REVUE   CRITIQUE 

La  traduction  est  faite  avec  le  même  soin  qui  distinguait  déjà  les 
volumes  précédents.  On  y  a  joint  en  appendice  un  important  travail  de 
Droysen  sur  les  colonies  d'Alexandre'et  de  ses  successeurs.  Le  seul  défaut 
de  cette  étude  est  d'avoir  un  caractère  trop  exclusivement  géographi- 
que. 

P.  G. 


204.  —  Eraelîus,  deutsclies  Gediciit  des  'X.III.  Jahrhunderts,  hrsg.  von 
Harald  Graef.  Strassburg,  Trûbner,  1884.  In-B,  264  p.  5  mark.  (Quellen  und 
Forschungcn  zur  Sprach  =  und  Culturgcschichte  dei"  germanischen  Vœlker, 
5o«s  Heft). 

Le  poème  (XEraclius^  fort  intéressant  à  tous  égards,  avait  été  publié 
il  y  a  quarante-trois  ans  par  Massmann,  mais  sans  beaucoup  de  critique, 
et  Haupt  avait  sévèrement  jugé  cette  édition.  Le  texte  que  nous  otïre 
aujourd'hui  M.  Graef,  est  bien  meilleur  que  celui  de  1842.  Dans  son 
introduction,  le  jeune  germaniste  étudie  les  deux  manuscrits  du  poème; 
il  recherche  la  patrie  de  Fauteur,  Fépoque  où  l'œuvre  fut  composée,  ses  * 
rapports  avec  sa  source  française  Eracle  l'empereur  de  Gautier  d'Arras.  \ 
II  prouve  que  le  poète  qui  se  nommait  Otte.  comme  lui-même  nous 
rapprend  (v.  i36)  vivait  dans  les  premières  années  du  xiu''  siècle,  car 
il  imite  parfois  l'Enéide  de  Veldeke  ainsi  que  VErec  et  VJwein  de  Hart- 
mann. (Il  aurait  pu  citer  le  jugement  de  Gervinus,  II,  93,  qui  remar- 
que fort  bien  que  le  ton  mondain  et  gai  du  poète  dans  divers  épisodes, 
comme  dans  le  récit  de  l'infidélité  d'Athanais  et  de  sa  rencontre  avec 
Parides  chez  Morphêâ,  «  trahit  déjà  l'époque,  le  commencement  du 
xni^  siècle  »).  Il  montre  que  ce  poète,  d'ailleurs  savant  pour  l'épo- 
que, observateur,  favorable  au  clergé,  devait  être,  non  pas  un  ecclésias- 
tique —  il  ne  se  serait  pas  permis  les  réflexions  sur  la  nonne  et  l'abbé 
v.  4012  et  4023  —  mais,  à  en  juger  par  ses  pointes  contre  la  cour,  par 
ses  descriptions  de  toute  sorte,  un  Fahretider ;  qu'il  était  du  centre  de 
l'empire,  soit  de  la  Hesse  soit  de  la  Wetteravie.  Enfin,  il  fait  voir  que 
les  copistes  des  deux  manuscrits  appartenaient  à  la  Haute  Allemagne  et 
que  le  plus  ancien  manuscrit,  celui  de  Vienne,  est  l'œuvre  d'un  Autri- 
chien et  le  plus  récent,  celui  de  Munich,  l'œuvre  d'un  Bavarois;  il 
analyse  très  bien  la  versification  et  le  style  du  poème.  M.  Graef 
donne  le  texte  d'Eraclius  d'après  le  manuscrit  de  Vienne,  mais  en 
signalant  au  bas  des  pages  les  variantes  du  manuscrit  de  Munich.  Cette 
édition  est  faite  avec  grand  soin  ;  mais  peut-on  s'empêcher  de  sourire, 
en  lisant  dans  l'introduction,  sur  les  rapports  du  poème  allemand  avec 
son  modèle  français,  la  phrase  suivante  (p.  49)  :  «  Gautier's  Eracles  ist 
ganz  und  gar  das  Werk  eines  feingebildeten,  aber  obej'flachlichen  Fran- 
zosen  ;  Otte's  Eraclius  ist  von  einem  grilndlichen  Deutschen  geschrie- 
ben  »?  Gœthe  dit  quelque  part  que  le  schibboleth,  le  «  cri  de  guerre  » 


d'histoire  et  de  littérature  367 

entre  Allemands  et  Français,  est  pain  noir  et  pain  blanc;  à  entendre 
nos  voisins,  on  serait  tenté  de  croire  que  ce  cri  de  guerre  est,  depuis  le 
moyen-âge,  Oberjluchlichkeit  d'une  part  et  Griindlichkeit  de  l'autre.  Il 
est  temps  que  cette  plaisanterie  cesse  et  que  ce  parallèle  entre  le  Fran- 
çais «  superficiel  »  et  le  «  protond  «  Allemand  disparaisse  des  ouvrages 
sérieux.  D'ailleurs  le  jugement  de  M.  Graef  sur  ce  point  est  trop  favo- 
rable à  Otte;  que  TAUemand  ait  çà  et  là  modifié  quelques  traits,  qu'il 
ait  ajouté  par  endroits  de  petits  détails  expressifs,  il  a  néanmoins  imité 
et  on  n'est  guère  ^.<  grûndlich  »  lorsqu'on  copie;  Téditeur  avoue  lui- 
même  qu'Otte  se  tient  consciencieusement  à  son  modèle  et  qu'il  le  tra- 
duit souvent  mot  à  mot;  il  est  impossible  d'attribuer,  après  un  tel 
aveu,  à  Fauteur  iX'Eraclius^  une  indépendance  poétique  (dichterische 
SelbstO.ndigkeit). 

A.  Ghuquet. 


2o5.  —  Mélanges  de  biograpStie  et  tî'iaîstoîres  par  Ant.  de  LantenaY, 
membre  correspondant  des  Académies  de  Metz  et  de  Dijon.  Bordeaux,  Feret, 
i8S5.  Grand  in-8  de  600  pages.  Tiré  à  5o  exemplaires. 

Le  meilleur  moyen  de  faire  connaître  le  volume  de  M.  de  Lantenay, 
c'est  d'en  énumérer  les  35  chapitres.  Quand  on  aura  vu  ainsi  tout  ce 
que  le  savant  critique  a  mis  de  choses  excellentes  dans  son  recueil,  on 
se  dira  que  bien  peu  de  Mélanges  publiés  soit  autrefois,  soit  aujour- 
d'hui, sont  aussi  précieux  que  les  siens. 

\.  Les  combats  de  Soulac  et  de  Saint-Vivien  racontés  par  des  té- 
moins occiilaires,  1617,  Reproduction  d'un  document  de  la  collection 
de  Peiresc,  à  Carpentras  [Lettre  de  M.  de  Mullet,  sieur  de  Volusan, 
conseiller  du  Roi  en  la  cour  de  parlement  de  Bourdeaux,  intendant  de 
la  justice  et  police  ès-compagnies  des  gens  de  guerre  envoyés  au  pais 
de  Médoc  pour  le  service  du  llojy...  cscript  à  Mons.  le  premier  prési- 
dent) et  d'une  plaquette  de  la  Bibliothèque  nationale  [Heureux  exploits 
du  sieur  de  Saincte- Croix  d'Ornano,  en  Médoc,  sur  les  rebelles; 
avec  la  lettre  dudit  sieur  de  Saincte-Croix  à  Monsieur  le  premier 
Président  de  Bourdeaux).  Le  très  consciencieux  éditeur  a  soin  de  rap- 
peler ce  qui  précéda  et  amena  les  combats  de  1622  et  il  a  emprunté  ses 
explications  au  Mercure  François  «  comme  à  l'auteur  le  plus  ancien 
et  que  les  historiens  postérieurs  n'ont  guère  fait  que  résumer.  »  Disons, 
à  ce  propos,  une  fois  pour  toutes,  que  les  notes  de  M.  de  L.  sont  abon- 
dantes, exactes,  savoureuses,  et  signalons,  dans  ce  premier  chapitre,  les 
notes  à  la  fois  biographiques  et  bibliographiques  consacrées  à  Marc 
Antoine  de  Gourgues,  premier  président  au  parlement  de  Bordeaux, 
(p.  2-3),  à  Pierre  d'Ornano,  fils  et  frère  des  maréchaux  d'Ornano  et 
abbé  —  militaire  et  marié  —  de  Sainte-Croix  de  Bordeaux  (p.  3-4),  à 
Isaac  de  la  Peyrère,  le  célèbre  auteur  des  Préadamites  (p.  10). 


368 


RKVUE    CRITIQUE 


II.  Lancelot  de  Midlet,  abbé  de  VerteuiL  Les  registres  d'insinuations 
conservés  dans  les  archives  de  l'archevéclié  de  Bordeaux  ont  permis  à 
M.  de  L.  d'établir  que  Lancelot  de  Mullet  lut  nommé  abbé  de  Verteuil 
(en  Médoc)  par  le  pape  Clément  VIII  le  24  avril  1600,  et  qu'il  prit 
possession  le  3o  juin  suivant  ;  qu'il  était  certainement  mort  le  3  juillet 
1648;  qu'il  n'est  par  conséquent  pas  l'auteur  du  Jugement  du  curé 
bourdelois  pour  servir  à  l Histoire  des  mouvements  de  Bordeaux, 
ouvrage  qui  ne  parut  et  ne  put  écre  composé  qu'en  i65i,  et  dont  l'ori- 
gine «  continuera  longtemps  encore  à  exercer  la  patience  et  la  sagacité 
des  plus  courageux  et  des  plus  habiles  bibliographes.  » 

III.  Etienne  de  Mullet  de  Volusan,  doyen  du  chapitre  Saint-André 
de  Bordeaux  (avec  de  curieux  détails  sur  le  séjour  à  Bordeaux,  en  iSyi, 
de  saint  François  de  Borgia,  troisième  général  de  la  compagnie  de  Jé- 
sus, et  sur  les  fêtes  religieuses  et  littéraires  par  lesquelles  (1662)  on  cé- 
lébra dans  la  même  ville  sa  canonisation). 

IV.  Gilbert  Grymaud,  chanoine  théologal  de  Saint- André  de  Bor- 
deaux. —  Précis  renseignements,  accompagnés  de  nombreuses  rectifi- 
cations, sur  l'auteur  de  l'Oraison  funèbre  de  feu  Monseigneur  le  car- 
dinal de  Sourdis,  Archevesque  de  Bordeaux  et  Primat  d'Aquitaine 
(1628,  in-8°  de  80  p.),  et  —  sans  parler  d'un  ouvrage  de  piété  depuis 
longtemps  oublié  (Bordeaux,  i63o,  in-12),  —  d'un  gros  traité  sur  la 
Liturgie  sacrée  (Lyon,  1660,  in-4'')  que  Zaccaria  appelle  egregium 
opus,  mot  répété  par  le  P.  Hurter  [Nomenclator  litterariiis)  et  par 
Dom  Guéranger  [Institutions  liturgiques). 

V.  Hierome  Lopcs,  chanoine  théologal  de  Saint-André  de  Bordeaux. 
Notice  qui  complète,  soit  au  point  de  vue  biographique,  soit  au  point 
de  vue  bibliographique,  celle  qui  a  été  mise  par  M.  l'abbé  Callen  en 
tête  de  la  nouvelle  édition  de  l'Eglise  Métropolitaine  et  Primatiale 
Saint-André  de  Bourdeaux.  (1882-84,  2  vol.  in-8°). 

VI.  Le  Gallicanisme  à  l'université  de  Bordeaux.  i663.  Chapitre 
important  de  l'histoire  de  l'université  de  Bordeaux,  enrichi,  comme 
presque  tous  les  morceaux  du  recueil,  d'extraits  de  livres  rares  et  de 
citations  de  documents  inédits. 

VII.  Rétablissement  des  cours  dans  la  faculté  de  théologie  de  Bor- 
deaux. —  Rectification  de  l'erreur  de  plusieurs  historiens  de  Bordeaux, 
notamment  de  Dom  Devienne  qui  ont  cru  que  les  cours  de  théologie, 
suspendus  dans  l'université  de  cette  ville,  le  3  novembre  1660,  à  la  suite 
de  la  déclaration  touchant  l'orthodoxie  des  Lettres  provinciales  de 
Pascal,  traduites  par  Nicole,  furent  rétablis  deux  ans  après,  en  l'année 
1662.  M.  de  L.  s'appuie  sur  VArrest  du  Conseil  d' Estât  portant  le 
rétablissement  de  V exercice  de  la  Faculté  de  Théologie  en  l'Université 
de  Bordeaux,  qu'il  nous  présente  en  ces  termes  (p.  5g-6o)  :  «  Impor- 
tante par  sa  conclusion,  cette  pièce  ne  l'est  pas  moins  par  les  considé- 
rants qui  la  précèdent,  car  ils  résument  avec  ordre  et  précision  les  dé- 
marches faites  et  les  pièces  produites  dans  cet  intéressant  épisode  de 


d'histoike  et  de  littérature  369 

l'histoire  de  notre  université.  Aussi  ce  document,  à  la  fois  très  rare  et 
très  inconnu,  m'a-t-il  paru  bon  à  conserver.  Je  reproduis  fidèlement  le 
texte  de  l'édition  originale  imprimée,  sans  autres  moditications  qu'une 
ponctuation  un  peu  meilleure,  et  la!division  en  alinéas  des  membres 
d'une  phrase  dont  la  longueur  atteint  les  dimensions  par  trop  respecta- 
bles de  quatre  pages  in-40.  » 

VIII.  Jean  Amelin^  un  curé  de  la  majestat  Saint- André  au  xYii^siècle. 
On  trouvera  de  bien  piquantes  particularités  dans  cette  étude  sur  Jean 
Amelin  et  autour  de  lui.  Ce  curé  de  l'église  cathédrale  et  métropolitaine 
de  Bordeaux  est  Fauteur  des  Eloges  du  Sainct-Sacrement  et  de  la 
Sainte  Vierge^  dispose:^  en  méditations  pour  tous  les  jeudys  et  same- 
dis de  l'année  (Bordeaux,  1668,  in- 12). 

IX.  Louis  Bonnet,  curé  de  Sainte-Eulalie  de  Bordeaux.  i6o4-i65o. 
Supplément  très  intéressant  à  la  publication  de  M.  Jules  T)e\^\i(Un 
curé  bordelais;  recueil  de  Ma^^arinades  publiées  sur  Louis  Bonnet^ 
curé  de  Sainte-Eulalie  de  Bordeaux,  1881,  in-8°).  Il  y  a  là  toutes 
sortes  d'indications  nouvelles,  et,  par  exemple,  un  extrait  d'un  manus- 
crit de  Montassier,  secrétaire  de  l'archevêché  de  Bordeaux,  sur  une  prédi- 
cation séditieuse  laite  par  le  belliqueux  abbé  Bonnet,  le  i^'-'  mai  164g, 
«  dans  la  grande  nef  de  l'église  Saint-André  »  et  Pacte  du  décès  du 
«  grand  frondeur  »,  comme  l'appelait  Lenet  en  ses  Mémoires,  acte 
tiré  des  registres  de  la  paroisse  Sainte-Eulalie  et  daté  du  20  décembre 
]65o. 

X.  Les  Lettres  provinciales  devant  le  parlement  et  Viiniversité  de 
Bordeaux {i 666).  —  Étude  qui  ne  devra  désormais  être  négligée  par 
aucun  de  ceux  qui  voudront  sérieusement  s'occuper  de  Pascal.  Le  point 
d'histoire  traité  par  M.  de  L.  n'avait  été  jusqu'à  ce  jour,  selon  sa  re- 
marque (p.  86),  abordé  «  que  par  des  écrivains  jansénistes,  et  des  plus 
ardents,  par  Nicole  que  les  autres  n'ont  guère  fait  que  copier  en  l'abré- 
geant, par  Dom  Gerberon,  par  l'abbé  Racine,  et  par  Hermant  dont  les 
Mémoires  manuscrits  m'ont  fourni  plusieurs  détails  qui  ne  sont  pas 
contenus  dans  les  auteurs  précédents.  »  M.  de  L.  cite  diverses  pièces 
que  presque  personne  ne  connaît,  notamment,  (p.  gS)  une  Lettre  d'un 
théologien  à  un  officier  du  parlement,  etc.,  in-folio  de  27  pages  ainsi 
daté  :  A  Bourdeaux  ce  22  juin  1660,  dont  le  vaillant  chercheur  n'a 
jamais  rencontré  qu'un  seul  exemplaire,  et  encore  n^appartient-il  à  au- 
cun de  nos  dépôts  publics.  Il  analyse  aussi  un  Traité  de  la  Grâce  resté 
manuscrit  que  Lopez  dicta  en  l'année  1672-1673  et  il  nous  fait  ainsi 
connaître  comme  théologien  ce  docte  théologal  de  Saint-André  que  Ton 
connaissait  seulement  comme  historien  et  comme  orateur. 

XI.  Michel  Girard^  abbé  de  Verteuil.  Ce  chapitre  abonde  en  ren- 
seignements nouveaux  non-seulement  sur  Michel  Girard,  le  précepteur 
du  duc  de  Candalle,  Tauteur  janséniste  de  trois  opuscules  publiés  en 
1667  et  1668,  pour  la  défense  du  Nouveau-Testament  de  Mons,  mais 
encore  sur  deux  membres  célèbres  de  la  famille  Girard,  Guillaume  Gi- 


3/0  REVUE    CRITIQUE 

rard,  secrétaire  et  historien  du  duc  d'Epernon  ^,  et  Claude  Girard,  doc- 
teur en  théologie,  archidiacre,  officiai  et  vicaire  général  du  diocèse 
d'Angoulêmc,  rintime  ami  de  Guez  de  Balzac.  On  remarque  (p,  ii5) 
une  lettre  inédite  de  Michel  Girard,  aspirant  à  l'évéchéde  Bazas  (i5  juin 
1647),  que  j'ai  eu  le  plaisir  de  communiquer  à  l'auteur  et  que  ce  der- 
nier déclare  être  «  dans  son  genre,  un  véritable  bijou,  » 

XII.  L'affaire  du  Surplis,  1609.  «  Ce  fut  une  grosse  affaire  !  »  dit 
M.  de  L.  (p.  123).  «  M.  Ravenez  (Histoire  du  cardinal  François  de 
Sourdis,  Bordeaux,  1867,  in-8")  lui  consacre  à  peine  douze  lignes  :  il 
se  borne  à  résumer  le  peu  qu'en  dit  Gaufreteau  dans  sa  Chronique,  y 
ajoute  une  inexactitude  et  une  ironie,  et  c'est  tout!  Probablement,  il 
n'en  savait  pas  davantage,  et  pas  plus  sur  ce  point  que  sur  les  autres 
démêlés  du  cardinal  de  Sourdis  avec  le  chapitre  Saint-André,  il  n'a 
daigné  consulter  les  Actes  capitulaires.  Ils  lui  eussent  pourtant  été  très 
utiles,  soit  pour  compléter  son  histoire,  soit  pour  être  moins  injuste 
envers  les  chanoines  de  la  cathédrale  de  Bordeaux,  auxquels  il  adresse 
souvent  des  reproches  aussi  immérités  pour  le  fond  que  violents  dans 
la  forme.  On  en  aura  une  preuve  dans  l'affaire  du  Surplis  que  nous 
allons  raconter  ».  Le  récit  de  M.  de  L.  ne  manque  pas  de  traits  plai- 
sants et,  pour  ma  part,  j'y  ai  trouvé  quelques  grains  de  sel  qui  m'ont 
rappelé  ceux  dont  est  saupoudré  le  Lutrin.  ' 

XIV  -.  Etienne  de  Champflour,  évêqiie  de  la  Rochelle,  avant  son 
épiscopat,  1646- 1703.  Notice  qui  complète  et  rectifie  celle  de  Tabbé 
Braud  (i883).  M.  de  L.  s'est  servi  de  documents  empruntés  aux  archi- 
ves du  séminaire  de  Saint-Sulpice.  Il  s'est  aussi  servi  d'une  notice 
biographique  sur  le  prélat  envoyée,  le  10  janvier  1703,  de  Clermont- 
Ferrand  à  Gaignières  et  conservée  à  la  Bibliothèque  nationale  (fonds 
latin,  n"  17028).  M.  de  L.  prouve  contre  Saint-Simon  qu'Etienne  de 
Champfiour,  «  un  des  plus  saints  et  des  plus  grands  évéques  de  France 
au  xvni°  siècle  »,  n'était  pas  un  homme  de  rien,  l'ignorance  et  la  gros- 
sièreté même,  sans  esprit,  sans  service  et  sans  aucune  sorte  de  lumière. 
Il  adresse  aussi  (p.  i68-i3o)  diverses  objections  au  Port-Royal  de 
Sainte-Beuve.  Les  indications  bibliographiques  (p.  178-179)  sont  d'une 
remarquable  abondance. 

I.  Il  était  lils  de  Pioire  de  Girard,  bourgeois  de  la  ville  d'Angoulême,  et  de  Va- 
lentine  de  La  Borie;  il  épousa,  le  22  janvier  i633,  à  Bordeaux,  Marie  de  Baritault, 
fille  de  Geoffroy  de  Baritault,  conseiller  au  roi  et  magistrat  présidial  en  la  sénéchaus- 
sée de  Guyenne,  et  de  Marie  du  Périer.  (Indications  à  joindre  à  celles  que  j'ai  eu 
l'occasion  de  donner  sur  Guillaume  Girard  soit  dans  Tannotation  des  Lettres  de 
Balzac,  1873,  soit  dans  l'annotation  des  Lettres  de  Chapelain  (i88o-i883).  Voir  en- 
core dans  le  volume  de  M.  Amédée  Callandrcau,  notaire  à  Cognac,  sur  Ravaillac 
(Paris,  Alph  Picard,  1884,  in-S»,  p.  145-146)  une  note  sur  la  famille  Girard. 
M.  Callandrcau  affirme,  ce  dont  ne  paraît  pas  entièrement  convaincu  M.  de  L.  (p.  108). 
que  l'abbé  de  Verteuil  était  le  frère  de  Guillaume  et  de  Claude  Girard.  C'est  ce  que 
j'avais  déjà  dit  dès  }Syj  (Notes  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  Vabbc  Jean-Jacques 
Boileau,  in-S'^,  p.  116}. 

2.  Par  une  inadvertance  de  l'imprimerie;  il  n'y  a  pas  de  n°  xiii. 


D  HISTOIRE   KT   DE    LiriEUA.TURK  0-J  \ 


XV.  La  Pompe  funèbre  de  la  reine  de  France,  Marie-Thérèse  d'Au- 
triche dans  l'église  métropolitaine  Saint-André  de  Bordeaux,  le 
2  septembre  iOS3.  (D'après  ua  ms.  des  Archives  de  rarchevcché,  ms. 
qui  contient  notamment  la  lettre  dans  laquelle  Louis  XIV,  le  I''  août 
i683,  annonça  «  aux  prélats  de  France  le  premier  chagrin  que  venait 
de  lui  causer  celle  à  laquelle  il  était  uni  depuis  vingt-trois  ans  »,  et  le 
mandement  (22  août)  de  l'archevêque  Louis  d'Anglure  de  Bourlemont 
au  sujet  des  détails  de  la  cérémonie  funèbre.)  M.  de  L.  a  reproduit 
(p.  190-191)  un  amusant  passage  du  discours  prononcé  en  l'honneur  de 
la  reine  de  France,  le  l'ô  septembre  168 3,  à  Bordeaux  par  le  P.  André 
Billibier.  discours  pompeusement  intitulé  :  Le  Soleil  de  l'Europe 
éclipsé  dans  la  cour  de  France,  et  il  a  opposé  (p.  192)  au  prétentieux 
pathos  de  l'auteur,  l'exorde,  d'une  si  majestueuse  simplicité,  de  l'Orai- 
son funèbre  de  Marie-Thérèse  d'Autriche  par  Bossuet  ^ 

XVL  La  dignité  de  chantre  dans  l'ancien  chapitre  Saint- André. 
Cette  étude  sur  les  droits  et  prérogatives  du  chantre  est  tirée  en  entier 
des  Actes  capitulaires. 

XVn.  Pierre  de  Lurbe,  vicaire  général  de  Bordeaux.  Si  ce  morceau 
n'est  pas,  comme  le  précédent,  exclusivement  emprunté  à  des  recueils 
inédits,  il  est,  du  moins,  rédigé  d'après  des  imprimés  du  xvii°  siècle 
presque  introuvables.  L'abbé  de  Lurbe  a  laissé  deux  ouvrages,  un  ou- 
vrage de  piété,  et  un  ouvrage  de  polémique.  Voici  le  titre  de  ce  der- 
nier :  Briefve  réfutation  de  quelques  points  principaux  du  libelle 
diffamatoire  de  Gilbert  Primerose,  soy  disant  pasteur  de  l'Eglise 
reformée  de  Bordeaux,  etc.  (Simon  Millanges,  16 14,  in-8°j. 

XVIII.  Henri  d'Arche,  doyen  du  chapitre  Saint- André  de  Bor- 
deaux. Sujet  traité  avec  prédilection  par  M,  de  L.,  Henri  d'Arche 
ayant  été  le  digne  vicaire  général  de  l'archevêque  de  Bordeaux,  Henri 
de  Béthune,  sur  lequel  l'auteur  des  Mélanges  prépare  un  livre  destiné 
à  prendre  rang  parmi  nos  meilleures  monographies. 

XIX.  Notes  et  documents  pour  servir  à  l'histoire  du  concile  provin- 
cial tenu  à  Bordeaux  en  1624.  Le  concile  provincial  que  tint  à  Bor- 
deaux, en  1624,  Tarchevêquo  François  de  Sourdis  a  été  déplorablement 
négligé  par  l'historien  du  cardinal,  M.  Ravenez  :  à  une  assemblée  dont 
les  décisions  furent  si  considérables  M.  Ravenez  a  daiirné  accorder  à 
peine  quatre  pages  «  où  il  mêle,  à  son  ordinaire,  l'erreur  à  la  vérité  ». 
Les  notes  et  documents  de  M.  de  L.  comblent  ces  lacunes  :  elles  se  rap- 
portent à  trois  points  qui  forment  autant  de  paragraphes  :  I,  Avant  le 
Concile;  II.  Pendant  le  Concile  ;  III.  Après  le  Concile.  On  trouvera 
là  diverses  lettres  inédites  du  Métropolitain  et  des  évêques  de  Périgueux 
(François  de  la  Beraudière),  de  Poitiers  (Henri  Louis  Chasieigner  de  la 
Rocheposay),  de  Saintes  (Michel  Raoul),  de  Sarlat  (Louis  de  Salignac), 

I.  «  Ne  fut-ce  »  dit-il  spirituellement,  «  que  pour  reposer  nos  yeux  éblouis  par 
tant  de  lumières  ».  C'est  dans  ma  bibliothèque,  si  je  ne  me  trompe,  que  M.  de  L.  a 
trouvé  le  discours  du  P.  Billibier,  «  ce  chef-d'œuvre  de  Phébus  ». 


372  RKVIJR    CRITIQUK 

de  Liîçon  (Emery  de  Bragclongne)  \  d'Agen  (Claude  Gelas),  de  Con- 
dom  (Antoine  de  Cous)  -,  d'Angoulême  (Antoine  de  La  Rochefoucauld). 
On  y  trouvera  encore  une  lettre  de  Tarchevêque  d'Auch,  Léonard  de 
Trappes,  qui,  sachant  que  le  Cardinal  allait  tenir  un  Concile,  lui  écrivit 
pour  attirer  son  attention  sur  quelques  points  qu'il  désirait  y  voir  trai- 
tés. Indiquons  (p.  258)  une  fort  instructive  note  bibliograghique  sur  le 
chanoine  théologal  de  Saintes,  Elie  Pitard,  conseiller  et  aumônier  de  la 
feu  reine  Marguerite,  auteur  de  la  Philosophie  morale  (Paris,  16 19)  et 
du  crayon  de  la  divinité  (Paris,  i635). 

XX.  Lettres  inédites  des  PP.  B.  Jacqiiinot,  F.  Duduc,  P.  Coton, 
etc.  au  P.  L.  Richeome,  de  la  compagiiie  de  Jésus.  (Lettres  récemment 
acquises  par  la  bibliothèque  de  la  ville  de  Bordeaux  et  qui  proviennent, 
avec  beaucoup  d'autres  papiers  précieux,  de  la  collection  de  M.  de  La- 
montaigne,  conseiller  au  parlement  de  Bordeaux  dans  la  seconde  moi- 
tié du  xviri®  siècle).  La  lettre  du  P.  Jacquinot,  du  24  mai  i6ro,  est 
relative  à  Tassassinat  du  roi  Henri  IV.  Les  lettres  du  P.  Fronton  Du- 
duc, un  des  plus  savants  hellénistes  du  xvii^  siècle,  sont  fort  curieuses. 
Ce  très  modéré  et  très  sage  religieux  se  plaint  (p.  282)  a  du  livre  de 
Mariana  qui  nous  a  excité  une  si  grande  tempeste  ^,  conjointement  avec 
V Amphitreatrum  homeris  »  et  il  ajoute  (p,  283)  :  «  11  fault  donc  faire 
corriger  tels  libvres,  aultrement  nous  ne  serons  jamais  assurés  chez 
nous  en  France  ».  Dans  la  lettre  (du  10  juin  i6io)  Fronton  Duduc 
parle  ainsi  du  roi  Henri  IV  :  «  C'est  chose  merveilleuse  combien  ce 
prince  est  regretté  par  toute  la  France.  Les  paysans  mesme  [surtout]  de 
Gascogne  déplorent  son  lamentable  décès;  et  rien  ne  donna  tant  dans 
l'ame  du  parricide  pour  luy  faire  recognoistre  son  crime,  que  lorsque 
le  peuple  refusa  déchanter  Salve,  Regina,  avec  son  confesseur,  et  qu'il 
recognut  à  la  parole  et  visage  de  touts,  qu'on  Peust  voulu  veoir  brusler 
en  enfer.  Si  ne  fut-il  pas  possible  de  brusler  ses  membres  divisés  par  les 
chevaux,  car  le  peuple  les  print  et  traisna  par  les  rues,  les  portant  à  la 
voyrie  ».  On  lira  encore  avec  intérêt  les  lettres  du  P.  Coton,  et  celles  du 
P.  Estiot,  les  unes  et  les  autres  entourées  de  notes  opimes. 
XXI.  Journal  du  voyage  que  fit  à  Paris  le  cardinal  de  Sourdis  en 


1.  Trop  souvent  appelé  Aimei'ic  de  Bragelone. 

2.  M.  de  L.  nous  donne  de  ce  prélat  une  lettre  latine  et  une  lettre  française.  On 
conserve  quelques-unes  de  ses  allocutions  dans  les  rei;istresde  la  municipalité  de  Con- 
dom,  et  il  a  mis  des  vers  latins  en  tête  de  plusieurs  ouvrages  de  Scipion  du  Pleix, 
son  diocésain.  Voir  Trois  poètes  condomois  du  wi"  siècle  par  M.  Léonce  Couturl; 
(1877,  in-80,  p.  43). 

?.  Dans  les  Mémoires  de  l'Académie  des  sciences,  inscriptions  et  belles-lettres  de 
Toulouse  (tome  VU  de  la  8"=  série)  vient  de  paraître  (iSS5.  p.  83-146)  une  étude 
intitulée  :  Un  publiciste  de  l'ordre  des  jésuites  calomnié.  Le  Père  Mariana  par 
M.  A.  DUiMERiL,  doyen  de  la  faculté  des  lettres  de  Toulouse.  Le  savant  professeur 
avait  été  précédé,  dans  la  réhabilitation  de  l'auteur  du  Derege  et  institutione  rcgis, 
par  un  très  libéral  écrivain  protestant,  Hallani  (Histoire  de  la  littérature  de  l'Eu- 
rope, trad,  française,  i83o,  t.  II,  p.  143). 


DHlSTOirJi:    ET    DK    LITTÉRATUaB  SjS 

1608.  Ce  document,  resté  inédit  jusqu'à  ce  jour,  est  aux  archives  de 
l'archevêché  de  Bordeaux. 

XXII.  Le  P.  Jean  Chcron  de  l'ordre  des  Carmes.  Biographie  compo- 
sée à  l'aide  de  l'article  Joannes  Cheron  de  la  Bibliotheca  Carmelitatia 
du  P.  Cosme  deVilliers  (Orléans,  1752)  et  surtout  (X'une.Notice  inédite 
sur  le  P.  Cheron,  de  3  pages  in-4'',  écrite  sur  les  feuilles  de  garde  d'un 
recueil  de  Ga:{ettes  et  autres  pièces  du  temps  provenant  de  l'ancien  cou- 
vent des  Carmes  déchaussés  de  Saint-Louis  de  Bordeaux,  et  appartenant 
aujourd'hui  à  la  bibliothèque  du  grand  séminaire  de  cette  ville,  sans 
omettre  divers  documents  des  archives  départementales  de  la  Gironde. 

XXIII.  Les  derniers  jours  d'un  connétable.  Il  s'agit  là  de  la  fin  de  la 
vie  d^Henri,  duc  de  Montmorencv,  second  fils  d'Anne  de  Montmo- 
rency, et,  comme  son  père,  maréchal  et  connétable  de  France,  racon- 
tée avec  d'édifiants  autant  que  minutieux  détails  dans  un  ouvrage  ma- 
nuscrit conservé  aux  archives  miunicipales  de  Bordeaux  et  qui  est  une 
histoire  des  capucins  de  la  province  de  Toulouse  et  d'Aquitaine.  Le  ré- 
dacteur anonyme  a  intitulé  cela  :  Brie/ narré  de  l'heureux  trépas  de 
M.  de  Monmorancy  connétable  de  France,  ensevely  en  notre  couveiit 
de  Notre-Dame  du  Grau  proche  d'Agde. 

XXIV.  Notes  inédites  de  Mercier,  abbé  de  Saint-Léger.  M.  de  L. 
a  eu  la  bonne  fortune  de  découvrir,  dans  la  Bibliothèque  du  séminaire 
de  Saint-Sulpice  de  Paris,  un  exemplaire  de  la  Bibliothèque  historique 
de  France.,  du  P.  Lelong  (édition  Fevret  de  Fontette,  5  vol.  in-folio), 
enrichi  de  plusieurs  centaines  de  corrections  et  additions  par  le  célèbre 
bibliographe,  Barthélemi  Mercier,  connu  sous  le  nom  d'abbé  de  Saint- 
Léger.  Il  en  a  extrait  les  plus  intéressantes,  et  c'est  le  dessus  du  panier 
qu'il  offre  à  ses  lecteurs.  Les  notes  de  Mercier  s'appliquent  à  la  vie  de 
Malebranche  par  le  P.  André,  aux  Mémoires  de  Michel  de  Marolles, 
abbé  de  Villeloin,  à  l'éloge  du  jésuite  Berthier,  à  l'histoire  de  France  du 
P.  Adrien  Jourdan,  à  la  vie  du  P.  Vanière,  à  divers  ouvrages  de  Nico- 
las Le  Fèvre,  sieur  de  Lezeau,  de  M.  de  Saint-Laurent,  de  Catien  de 
Courtilz,  du  chancelier  d'Aguesseau,  au  manuscrit  des  Vies  des  poètes 
français  par  Guillaume  Colletet,  aux  originaux  des  journaux  de  Pierre 
de  TEstoile,  etc.  N'oublions  pas  une  charmante  anecdote  (académique) 
sur  Lévesque  de  la  Ravalière  (p.  356). 

XXV.  Pierre  Milhard,  abbé  de  Simorre  et  prieur  de  Sainte-Dode. 
Excellents  renseignements  bibliographiques  sur  ce  théologien  gascon 
qui  «  a  laissé  plusieurs  écrits  considérables  »  si  peu  connus. 

XXVI.  M.  Labbe  de  Champgrand  notice  bibliographique.  Edouard 
Ferdinand  Marie  Labbe  de  Champgrand,  né  à  Bourges,  le  18  avril 
i8i3,  est  mort  dans  cette  ville  le  18  janvier  1881.  Ce  modeste  et  savant 
prêtre  de  Saint-Sulpice  était  un  arrière-neveu  du  P.  Philippe  Labbe,  de 
la  compagnie  de  Jésus,  l'éditeur  de  la  collection  des  conciles. 

XXVII.  Additions  à  l'ouvrage  intitulé  :  vie,  écrits  et  correspon- 
dance de  Laurent  Josse  Le  Clerc.  Depuis  la  publication  de  ce  volume 


374  REVUE   CRITIQUE 

en  l'année  187S  ^  on  a  découvert  quelques  manuscrits  et  quelques  let- 
tres de  L.  J.  Le  Clerc,  qui  avaient  échappé  aux  recherches  de  l'auteur. 
On  trouve  ici  des  extraits  de  ces  manuscrits  et  de  ces  lettres,  et  (in  ex- 
tenso) une  très  curieuse  lettre  écrite  à  Le  Clerc  par  le  président  Bouhier 
(Dijon  17  mars  1725). 

XXVIII.  Sébastien  Le  Clerc^  graveur  du  roi.  16J/-1  y  14.  Apres 
s'être  occupé  du  fils,  M.  de  L.  s'occupe  du  père  et  reproduit  un 
Abrégé  de  la  vie  de  Sébastien  Le  Clerc  trouvé  par  le  R.  P.  Ingold,  en 
juin  18S4,  parmi  les  manuscrits  du  séminaire  de  Sainl-Sulpice  de  Pa- 
ris. Voici  comment  M.  de  L.  nous  présente  (p.  404)  cet  abrégé  :  «  Je 
n'offre  ici  qu'un  supplément  [aux  ouvrages  que  M.  Meaume  a  consacrés 
à  l'illustre  graveur],  digne  toutefois  de  l'attention  des  lecteurs,  et  par  le 
fond  des  choses,  et  par  la  Juste  célébrité  de  l'homme  éminent  qui  en  fait 
le  sujet,  et  enfin  par  les  qualités  même  du  biographe  :  ce  n'est  pas  seu- 
lement un  témoin  éclairé  qui  rapporte  fidèlement  ce  qu'il  a  vu  et  en- 
tendu, c'est  un  fils  qui  parle  de  son  père.  » 

XXIX.  Henri  de  Sourdis  et  les  réguliei's  de  Bordeaux  1643-1645. 
Récit,  d'après  les  documents  des  archives  de  Tarchevêché  de  Bordeaux, 
d'une  querelle  très  vive  entre  Tarchevêque  H.  de  Sourdis  et  les  religieux 
de  Bordeaux  au  sujet  de  certains  privilèges  concédés  à  leur  ordre. 

XXX.  L'abbé  Maudoux  conjesseiir  de  Louis  XV.  Les  éléments  de 
cette  notice,  tous  inédits,  ont  été  puisés  dans  la  correspondance  et  les 
mémoires  de  l'abbé  Maudoux,  conservés  au  séminaire  de  Saint-Sulpice 
de  Paris.  La  notice  sur  l'abbé  Maudoux,  remplie  d''anecdotes  relatives 
à  la  cour  et  à  la  ville,  et  où  figurent  les  personnages  littéraires  comme 
les  personnages  politiques  (l'académicien  Ameilhon,  l'abbé  Bergier, 
Bernardin  de  Saint-Pierre,  comme  Louis  XV,  Marie-Antoinette,  le 
comte  d'Artois),  est  certainement  une  des  plus  attrayantes  de  tout  le 
recueil. 

XXXL  M.  Largeteau,  prêtre  de  Saint-Sulpice,  directeur  au  Grand- 
Séminaire  de  Bordeaux  (mort  le  4  janvier  i8S5). 

XXXI 1.  Deux  Bordelais  curés  de  Paris  au  xvn''  siècle.  (Pierre  Cha- 
pelas,  curé  de  Saint-Jacques-de-la- Boucherie,  de  novembre  162 1  à 
février  i663,  et  Léonard  Chapclas,  curé  de  Saint-Germain-rAuxerrois 
en  janvier  1644  ^^  quatre  ans  plus  tard,  prébendier  au  chapitre  de 
Notre-Dame  de  Paris). 

XXXI IL  La  relique  de  Saint-Romain  honorée  dans  l'église  Saint- 
Romain  la  Virvée.  [Dans  le  canton  de  FronsacJ. —  Reproduction  d'une 
lettre  inédite  écrite  par  M.  Dupré,  curé  de  Saint-Romain-la-Virvée,  le 
g  octobre  1769,  et  insérée  dans  un  manuscrit  de  Dom  Racine,  bénédictin 
de  la  congrégation  de  Saint-Maur  au  siècle  dernier,  manuscrit  dont  la 
bibliothèque  de  Solcsmes  possède  une  copie. 

XXXIV.  Les  Bordelais  séminaristes  de  Saitit-Sulpice,  de  i65i  à 

I.  Voir  le  compte-rendu  de  cet  ouvrage  dans  la  Revue  critique  du  11  mai  1878, 
p.  3og-3i3. 


d'histoire  et  de  littérature  SyS 

l'/S'j.  Liste  où  Ton  trouve  quelques  noms  célèbres,  tels  que  ceux  de 
Jacques  de  Secondât  de  Montesquieu,  de  René  de  Pontac,  de  Charles- 
Auguste  Lequien  de  La  Neufville. 

XXXV.  Lettres  et  notes  inédites  de  Mercier^  abbé  de  Saint-Léger. 
Ces  documents  fort  curieux  ont  été  communiqués  à  M.  de  L.  par  un 
homme  «  aussi  modeste  que  savant,  »  M.  H.  Wilhem,  Juge  de  paix  à 
Chartres.  La  lettre,  du  12  décembre  1780,  est  adressée  à  Dom  Déforis, 
réditeur  des  œuvres  de  Bossuet;  elle  est  écrite  ab  irato.  Les  notes  se 
rapportent  à  l'ouvrage  de  N.  Th.  Le  Prince,  publié  en  1782  sous  ce 
titre  :  Essai  historique  sur  la  bibliothèque  du  roi.  Il  y  règne  ce  que  les 
savants  du  xvi^  siècle  appelaient  mordacitas.  Mercier  a  surtout  la  dent 
cruelle  pour  les  gardiens  de  la  bibliothèque  du  roi,  Capperonier  «  mort 
d'indigestion,  plein  de  forfanterie,  fort  au-dessous  de  sa  place,  »  Pabbé 
Barthélémy  mort  lui  aussi  des  suites  d'une  indigestion  qu'il  gagna  pour 
avoir  mangé  trop  de  thon  \  chez  la  duchesse  de  Choiseul  -,  l'abbé  Bou- 
dot,  qui,  selon  le  terrible  appréciateur,  «  n'avait  que  des  connaissances 
fort  superficielles,  »  le  conseiller  d'Etat  Bignon  qu'il  écrase  de  ce 
mot  :  «  Il  n'est  pas  prouvé  que  ce  Bignon  sût  seulement  lire  »,  l'abbé 
Sallier,  «  rude,  dur,  repoussant  et  très  vain  ». 

XXXVI.  Lettres  inédites  de  divers.  Ces  lettres,  dont  plusieurs  sont 
de  petites  perles,  couronnent  admirablement  le  volume.  En  voici  la  sé- 
duisante liste  :  saint  François  de  Sales  au  duc  de  Nemours  (4  mars 
1621),  saint  Vincent  de  Paul  à  l'évéque  d'Autun  (3o  octobre  î653),  le 
P.  Claude  Texier,  jésuite,  au  P.  Jordain  Forestier  (2  juillet  1661),  le 
cardinal  de  Sourdis  à  Villeroi  (21  septembre  1609),  le  même  à 
Louis  XIII  (6  juin  1621),  le  cardinal  de  Polignac  au  P.  Bonin  (2  octo- 
bre 1741),  Jean  Besly,  le  grand  historien  du  Poitou,  à  Dom  Audebert 
(25  avril  i536],  Le  P.  Fr.  de  La  Vie  à  Dom  Audebert  (14  janvier  1637). 
M§'"  de  Lussan,  archevêque  de  Bordeaux,  au  chapitre  de  Saint-André 
(14  février  1762),  Jean  d'Estrades,  évêque  de  Comdom,  à  Dom  d'Atti- 
chy,  évêque  d'Autun  (24  février  i653)  '\ 

La  Table  des  principaux  noms  de  personnes  (p.  589-598)  achève  de 
montrer  toute  la  richesse  des  renseignements  historiques  et  littéraires 
réunis  dans  un  volume  qui   n'a  qu'un  défaut  ^.  celui  d'avoir  été  tiré  à 

1.  M.  de  L.  accompagne  cette  citation  d'une  spirituelle  remarque  (p.  Syo)  :  «  Ce 
détail  ne  contredit  nullement  le  dire  des  biographes,  savoir,  que  l'abbé  Barthélémy 
mourut  en  lisant  la  quatrième  épître  du  premier  livre  d'Horace.  On  peut  même  pen- 
ser qu'il  expira  sur  ce  vers  ; 

Omnem  crcde  diem  tibi  diluxisse  supremum. 

2.  L'abbé  Mercier,  etTaçant  l'éloge  donné  par  Le  Prince  au  duc  de  Choiseul,  consi- 
déré comme  protecteur  des  lettres,  déclare  que  ce  ministre  «  n'a  jamais  rien  fait 
pour  les  lettres  qu'il  n'aimait  pas.  » 

3.  Toutes  ces  lettres,  moins  une  fcelle  de  Mgr  de  Lussan),  proviennent  du  dépar- 
tement des  manuscrits  de  la  Bibliotlièque  nationale.  La  lettre  de  l'archevêque  de 
Bordeaux  est  tirée  des  archives  départementales  de  la  Gironde. 

4.  Ceci  n'est  pas  une  vaine  formule.  M.  de  L.  qui  a  rectifié  tant  d'erreurs,  prin- 
cipalement dans  le  Gallia  Chvistiana  (voir  par  exemple,  pp.  4,  ig,  29,    iSg),   s'est 


376 


REVUE    CRITIQUE 


un  trop  petit  nombre  d'exemplaires  et  d'avoir  trop  mérité  Tépigraphe 
inscrite  à  son  frontispice  par  un  des  plus  modestes  et  des  meilleurs  tra- 
vailleurs que  Je  connaisse  :  Contentus  paucis  lectoribus  (Horat., 
Salir.,  I,  X,  74). 

T.  DE  L. 


206.  —  I>ie  Mcmoîren  des  Marquis  von  Valory,  von  Dr.  Friedrich  Peukert. 
Berlin,  Weber,  18S4.  In-8,  viii  et  112  p.  i  mark  80. 

L'auteur  de  ce  volume,  M.  Peukert,  a  soumis  les  mémoires  du  mar- 
quis de  Valory,  ambassadeur  de  France  en  Prusse  de  1709  à  1750  et 
en  1756,  à  une  critique  fort  attentive.  Ils  ont  été  publiés  sans  aucun 
soin  en  1820  par  le  comte  H,  de  Valory;  c'est  un  pêle-mêle  de  mémoi- 
res ou  annales,  d'observations,  de  lettres,  de  dépêches,  où  il  est  très 
malaisé  de  se  reconnaître;  M.  P.  a  su  débrouiller  ce  chaos.  Il  fixe  la 
première  rédaction  des  mémoires  à  1742  et  leur  rédaction  définitive 
aux  années  1750-1753,  et  il  pense  que  le  secrétaire  Darget  aida  Va- 
lory; quant  aux  Anecdotes,  elles  doivent  avoir  été  rédigées  dans  l'hiver 
de  1758-1759,  et  le  Coup  d'œil  a  sans  doute  pour  auteur  l'éditeur  de 
1820.  M.  P.  signale  en  outre,  dans  les  mémoires  du  marquis,  nombre 
d'erreurs  soit  graves  soit  légères.  Il  montre  surtout,  d'après  les  docu- 
ments des  archives  de  Berlin,  que  d'Argenson  n'avait  pas  tort  de  dire 
qu'ils  étaient  faits  pour  être  montrés,  du  vivant  de  Valory,  à  des  per- 
sonnages intéressés.  Selon  le  marquis,  Maurice  de  Saxe  a  causé  les  in- 
succès de  la  France  de  1741  à  1745  ;  selon  lui,  le  maréchal  de  Belle-Isie 
est  un  héros;  lui-même  enfin  a  su  exercer  une  grande  influence  sur 
Frédéric  II.  Il  faut  en  rabattre  désormais  et  conclure,  avec  M.  P.  et 
son  maître  Droysen,  que  ces  mémoires  sont  en  général  inexacts;  le 
livre  de  M.  Peukert  qui  en  est  le  commentaire  perpétuel,  servira  à  les 
contrôler.  Un  tableau  final  rectifie  les  dates  et  les  adresses  des  lettres 
de  Valory. 

montré  irréprochable.  En  cherchant  bien,  je  ne  trouve  en  ses  600  pages  que  cette 
légère  inexactitude  :  il  attribue  (p.  14)  le  tome  I'^'"  du  Nobiliaire  de  Guyenne  et  de 
Gascogne  à  M.  J.  de  Bourrousse  de  Laftbrc.  Ce  tome  l^""  (Bordeaux,  iS56,  appartient 
à  M.  O'Giivy,  qui  est  aussi  l'auteur  du  tome  II  (Paris,  i858).  M.  de  Laflbre,  conti- 
nuateur de  l'ouvrage,  et  qui  par  la  science  comme  par  la  conscience  est  si  fort  au- 
dessus  de  son  devancier, 

Qiiantiim  lenta  soient  inter  inhuma  cuprcssi, 
a  donrrc  le  tome  III  (Paris,   1860)  et  le   tome  IV  (Paris-Bordeaux,  i883).  C'est,  du 
reste,  M.  de  Lalïore  qui  est  l'auteur  de  la  Généalogie  de  Botirran  visée  par  M.  de  L. 
en  réalité  la  faute  de  ce  dernier  se  réduit,  par  conséquent,  à  l'indication  du  n"  i  pour 
le  n"  III. 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  Ôyy 

207.  —  JLùbeck  und   Ratekau  im  November  1S06,  Gedenkblalt  in  Aufzeichn- 
ungen  von  Augenzeugen.  Lûbeck,  Classer,   1884.  In-8,  64  p.  i  mark. 

Cette  brochure  renferme  des  documents  de  mince  importance  sur  la 
journée  du  6  novembre  1806  où  eut  lieu  la  prise  de  Liibeck  ;  mais  on 
les  lit  avec  un  vif  intérêt,  parce  qu'ils  furent  écrits  sous  la  première 
impression  du  moment  par  des  témoins  naïfs  et  sincères.  Ce  sont  : 
1°  les  souvenirs  de  l'huissier  du  conseil  de  Liibeck,  Klûver,  qui  assista 
à  l'entrée  de  Bliicher  dans  la  ville  et  entendit  sa  conversation  avec  les 
magistrats  et  deux  jours  plus  tard,  servit  de  guide  au  maréchal  Ber- 
nadotte;  2°  une  lettre  (19  nov.)  d'un  élève  de  la  «  prima  »  ou  Prirnaner 
nommé  Knorr,  sur  les  scènes  de  la  journée  que  les  Ltibeckois  appelè- 
rent depuis  le  noir  vendredi;  3°  une  autre  lettre  du  professeur  Herr- 
mann,  datée  du  20  novembre  (mêmes  détails  sur  la  journée  du  6);  4"  le 
journal  de  la  fille  du  pasteur  Schrôter  de  Ratekau  qui  retrace  les  évé- 
nements arrivés  dans  ce  village  du  5  au  18  novembre  1806  (poursuite 
des  Prussiens,  capitulation  acceptée  par  Bliicher,  garnison  française, 
etc.)  ;  5°  le  journal  de  Pierre  Wilcken,  sénateur  de  Liibeck  (curieux 
renseignements  sur  l'entrée  des  Français  et  leur  installation  chez  les 
habitants  ;  le  sénateur  loge  le  colonel  Davicourt  «  l'homme  le  plus  poli 
et  le  plus  honnête  »,  p.  59).  M.  Glaser,  qui  publie  et  édite  cette  bro- 
chure, a  fait  précéder  ces  documents  d'une  petite  étude  sur  la  période 
de  1801  à  1806  ;  son  Bilchlein  devra  être  consulté  par  les  futurs  histo- 
riens de  la  campagne  de  Prusse. 


208,  —  ID>îe  Bezieliungen  Oesterreîclis  z«  AmerîUa,  von  Hanss  Schlitter. 
I  Teil,  die  Eeziehungen  Oesterreichs  zu  den  Vereinigten  Staaten,  1778-1787. 
Innsbruck,  Wagner,  i8S5.  In-8,  xii  et  296  p.  4  mark  40. 

Livre  vraiment  trop  long.  Le  premier  chapitre  (p.  1-40)  est  consacré 
à  «  la  médiation  de  l'Autriche  et  de  la  Russie  dans  la  guerre  des  Bour- 
bons avec  l'Angleterre  »,  ou  guerre  de  l'indépendance  américaine  : 
l'Autriche  adhère  à  la  neutralité  armée  le  ig  oct.  1780  et  propose  la 
réunion  d'un  congrès  à  Vienne.  Le  deuxième  chapitre  (p.  41-144)  traite 
des  «  premières  démarches  pour  la  conclusion  d'un  traité  d'amitié  et  de 
commerce  avec  les  Etats-Unis  d'Amérique  jusqu'à  la  résolution  de 
l'empereur,  de  signer  le  traité  ».  Suivent,  p.  144-236,  un  grand  nom- 
bre de  pièces  justificatives.  Tout  cela  aurait  pu  tenir  en  cent  pages  au 
plus,  et  l'auteur  de  ce  volume  devra  prendresur  lui,  puisqu'il  veut  trai- 
ter ce  sujet  en  plusieurs  tomes  et  en  faire  la  «  tâche  de  sa  vie  »,  de  don- 
ner beaucoup  moins  de  pièces  diplomatiques  et  de  ne  dire  que  l'essen- 
tiel. Il  est  plein  de  zèle  etd'ardeur  ;  il  sait  chercher  et  trouver  les  docu- 
ments; mais  il  doit  apprendre  à  être  moins  savant  et  à  rejeter  sans  pitié 
les  faits  de  minime  importance.  Qu'importe  au  lecteur,  même  au  lecteur 


378 


REVUE   CRITIQUE 

autrichien,  que  Tofficial  Gourlaiid  se  soit  plaint  de  l'insuffisance  de  son 
traitement  et  de  la  cherté  des  vivres  à  Philadelphie?  A  quoi  bon  repro- 
duire la  lettre  de  Beelcn-Bertholff  à  Belgiojoso  et  nous  apprendre  que 
ce  Gourland  était  marié  et  sa  femme  enceinte? 


20g.  —  Beîti'sege  zut*  I^undc  XErols  vom  Freiherrn  Ludwig  von  Hohenbûhel, 
genannt  Heufler  zu  Razen,  mit  vier  facsimiiirten  Autographen.  Innsbruck, 
Wagner,  i885.  In-8,  ix  et  255  p.  2  mark. 

Ce  petit  volume  ne  s^idresse  guère  qu'aux  Tyroliens.  C'est  un  recueil 
d'études  et  d'articles  sur  l'histoire  de  Part  et  des  mœurs  du  Tyrol,  On 
y  trouve  l'étymologie  d'Eppan  qui  serait  Tancien  Appiamim  (p.  8-26), 
d'Igels  qui  serait  l'ancien  Ecclesia  (p.  1 32-154).  L^auteur  nous  décrit 
la  chapelle  fondée  à  Maria  Loreto  prés  de  Hall  par  l'archiduchesse 
Anne  Catherine  (p.  40),  les  usages  de  la  petite  ville  de  Hall,  ses  fêtes, 
ses  danses  originales  (p.  156-193),  les  portraits  du  duc  Charles  V  de 
Lorraine  (p.  208-222).  Il  reproduit  d'intéressants  extraits  de  l'An- 
nuaire des  alpinistes  de  Trente  (p.  92-îii).  Ce  livre  sans  prétention, 
auquel  M.  de  Hohenbuhël  a  joint  un  index,  mérite  d'être  lu. 


VARIETES 


Paul-Louie   Courier    et  la    taclie  tl'enci-e    cîu 

de  Florence. 


manuscrit    de  E^ongiis 


Difrérentes  pièces  officielles,  relatives  à  la  fameuse  tache  d'encre  du  manuscrit  de 
Longus  de  Florence,  qui  sont  conservées  dans  la  collection  Leber,  à  la  bibliothèque  de 
la  ville  de  Rouen,  semblent  être  restées  jusqu'ici  inconnues,  bien  que  le  catalogue  de 
cette  collection  ait  été  publié  il  y  a  plus  de  quarante  ans  ^ .  Le  nom  de  P.-L.  Courier, 
le  retentissement  qu'eut  autrefrois,  grâce  surtout  à  la  Lettre  à  M.  Re)iouard,]e  débat 
qui  s'engagea  à  propos  de  la  fameuse  tache,  feront  peut-être  trouver  quelque  intérêt  à 
la  publication  de  ces  nouveaux  documents. 

On  connaît  l'état  du  procès  :  l'acte  d'accusation  du  bibliothécaire  de  la  Laurentienne, 
Del  Furia,  le  témoignage  de  Renouard  et  la  défense  de  Courier.  Le  10  novembre  1809, 
«  une  feuille  de  papier,  placée  par  inadvertance  dans  le  manuscrit,  y  était  restée  collée, 
parce  que  cette  feuille  s'était  trouvée  fortement  tachée  d'encre  en  dessous  ~.  »  Après  un 
article  du  Carrière  Milancse,  du  23  janvier  1810,  Del  Furia  rétablissait  les  faits  dans 
sa  note  insérée  au  tome  X  de  la  CoUe^ione  d'Opuscoli  scientifici  c  Ictterarj  (Florence, 


1.  Catalogue  des  livres  imprimés,  manuscrits,  etc.  de  M.  C.  Leber  (Paris,  iSSg, 
in-8o),  t.  III.  no5852. 

2.  Notice  sur  une  nouvelle  édition  de  la  traduction  françoise  de  Longus,  etc.,  par 
A.  A.  Renouard  (Paris,  5  juillet  1810,  in-80,  de  i5  pp.),  p.  6. 


d'histoîre  et  de  littérature  379 

1809,  in-S",  p.  49-70)  1.  Le  5  juillet  iSio  Renouard  publiait  sa  Notice  sur  une 
nouvelle  édition  de  la  traduction  française  de  Longus,  yar  Amyot,  et  sur  la  décou- 
verte d'un  fragment  grec  de  cet  ouvrage,  au  moment  même  où  allait  commencer 
l'action  administrative. 

Le  19  juillet  en  effet  le  bibliothécaire  de  la  Laurentienne  était  interrogé  sur  les 
circonstances  dans  lesquelles  s'était  produit  l'accident.  Del  Furia,  dans  ses  réponses, 
ne  fit  que  reproduire  (moins  les  périodes  de  rhétorique)  les  termes  de  son  récit,  in- 
séré dans  la  Colle:{ione  d'Opiiscoli,  à  laquelle  du  reste  il   se  réfère  expressément  : 

ProcessO'  Verbale. 

Questo  giorno  diciannove  del  mese  di  Luglio  dell'  anno  mille  oîto- 
cento  dieci,  si  è  presentato  avanti  di  noi  Francesco  Gercignani,  consi- 
gliere  di  prefettura  di  dipartimento  deir  Arno,  delegato  dal  signore 
barone  Giuseppe  Faucher,  prefetto  dil  medesimo  dipartimento,  il  si- 
gnore Francesco  Del  Furia,  bibliotecario  délia  biblioteca  Mediceo-Lau- 
renziana,  precedentemente  invitato  a  venire  alla  Prefettura  al  quale 
avendo  domandato. 

D.  Corne  si  chiami  ?  —  R.  Jo  mi  chiamo  Francesco  Del  Furia,  bi- 
bliotecario délia  suddetta  biblioteca. 

D.  Se  si  rammenti  di  un'  avvenimento  que  si  dice  accaduto  nella 
detta  biblioteca  nel  10  novembre  1809  î*  —  ^'  ^^  ^o  perfetta  memoria 
essendo  un  fatto  assai  célèbre  e  straordinario. 

D.  In  che  consista  questo  fatto?  —  R.  W  fatto  consiste  in  una  macchia 
d'inchiostro  che  fù  fatta  supra  un'  antico  manoscritto  greco  che  contiene 
diverse  opère  fra  le  quali  li  Amori  di  Dafne  et  Cloe  di  Longo  Sofista 
mentre  si  copiava  da  un  Francese,  detto  M.  Courier,  amico  e  compagno 
di  M.  Renouard.  I  dettagli  di  quest'  avvenimento  ho  creduto  per  rnio 
discarico;  e  per  sodisfare  la  curiosità  dei  Litterati  di  produrli  con  le 
stempe  nel  giornale  di  Firenze  intitolato  :  Gioniale  di  opuscoli  scien- 
tificie  lîtterarj  \  volume  lo""",  di  cui  le  presento  un'  esemplare  stam- 
pato,  dal  quale  puo  rilevarsi  lo  stato  circonstanziato  e  sincero  dell'  avve- 
nimento. Soltanto  debbo  fareosservare  chela  macchia  cadeprecisamente 
sopra  una  pagina  la  quale  contiene  il  supplemento  alla  famosa  lacuna 
che  si  trova  nel  primo  libre  di  quest'  autore  in  tuti  i  codici,  ed  edizioni 
finquè  pubhcate,e  che  veniva  per  mezzo  del  manuscrittoFiorentino  in- 
tieramente  supplita. 

D.  Se  abbia  altro  da  soggiungere  intorno  a  quest'  avvenimento?  — 
R.  Che  il  signore  Courrier  avendo  recusato  di  rilasciarmi  una  copia  che 
noi  aveva  espressamente  promessa  del  suo  m.anoscritto  tratto  dall'  ori- 
ginale délia  bibliotheca,  ho  tutto  il  fondamento  di  credere  che  la  ditta 


1.  L'article  de  Del  Furia  est  intitulé  :  Délia  Scoperta,  e  subitanea  perdita  di  una 
Parte  inedita  del  primo  Libro  de'  Pastorali  di  l^ongo,  fatta  in  un  Codice  ddVAbbarJa 
Fiorentina,  ora  essistente  nella  Pnbblica  Imp.  Biblioteca  Mediceo  Lauren^iana.  II 
est  daté  du  5  février  1810,  et  en  tête  se  trouve  un  fac-similé  de  la  tache  d'encre,  sur 
le  fol.  23  v°  du  manuscrit. 

2.  Letitre  de  ce  recueil  est  inexactement  rapporté  ici  par  par  del  Furia  ;  il  faut  lire, 
comme  on  l'a  vu,  Colle:{ione  di  opuscoli,  etc. 


38o  REVUE    CRITIQUE 

macchia  fosse  fatta  maliziosamente  per  rimanere  egli  solo  il  proprietario 
di  quella  parte  dell'  opéra  che  manca  finquè  in  qualcunque  altro  luogo, 
onde  prego  il  signore  Prefetto  a  volersi  interessare  perché  la  Biblioteca 
non  resti  affatto  priva  di  questa  opéra  essendo  attualmente  resa  inintel- 
ligibile  quella  pagina  del  manoscritto  que  si  conserva  nella  Biblioteca 
et  che  gli  o  portato  perche  possa  osservare  e  verificare  il  mio  dcposto. 

Avendo  quindi  osservata  la  macchia  délia  quale  si  tratta  divenuta  di 
colore  giallostro  per  li  sperimenti  fatti  per  toglierla  ma  nel  rimanente 
conforme  al  modello  annesso  alla  littera  stampata  qui  unita,  fù  richiesto 
il  signore  Del  Furia  di  segnare  insieme  con  me  la  présente  dichiara- 
zionc,  conforme  a  fatto. 

Jo.  Francesco  del  Furia,  F.  Cercignani. 

Bibliotecario. 

Avendogli  di  più  domandato  se,  allorche  fu  macchiato  il  manoscritto, 
si  trovava  présente  M.  Renouard  e  se  il  medesimo  ha  avuto  alcuna 
parte  a  quest'  avvenimento?  —  R.  Allorche  la  macchia  d'inchiostro  di 
cui  si  tratta  è  stata  fatta,  M.  Renouard  era  assente,  corne  io  ho  rilevato 
nell'annessa  lettera  stampata,  e  fù  soltanto  allorche  torno  di  Livorno 
che  resesi  di  nuovo  alla  Biblioteca,  gli  feci  osservare  ciô  che  era  acca- 
duto,  e  lo  interessai  por  avère  dal  suo  compagno  M.  Courrier  una  co- 
pia del  manuscritto. 

F.  Cercignani.  Fiancesco  del  Furia. 

Les  deux  pièces  suivantes  se  rapportent  à  la  saisie  de  l'édition  de  Daphnis  et 
Chloé,  dont  la  publication  au  mois  d'avril  précédent  avait  sans  doute  motivé  l'en- 
quête du  conseiller  Cercignani. 

Florence,  le  2  5  juillet  iSio. 

Le  Directeur  de  la  Police  du  Grand-Duché  de  Toscane,  chevalier  de 
l'Empire,  à  Monsieur  le  Conseiller  d'Etat,  Directeur  général  de  la 
Librairie. 

Monsieur  le  Conseiller  d'État, 

En  exécution  des  ordres  que  vous  m^avez  transmis  j'ai  fait  rechercher 
et  saisir  chez  le  sieur  Piatti  les  exemplaires  de  la  traduction  de  Lon- 
gus. 

D'après  le  procès- verbal  que  je  joins  en  original  vous  verrez  qu'il  en 
a  été  imprimé  64  exemplaires,  dont  27  ont  été  saisis  et  les  Sy  autres 
ont  été  remis  dans  le  temps  au  sieur  Courier,  qui  paraît  les  avoir  envoyés 
en  majeure  partie  à  Paris. 

Les  27  exemplaires  saisis  m'ont  été  remis  et  j'ai  Thonneur  de  vous 
en  adresser  un,  n'ayant  pas  cru  devoir  charger  le  courier  de  la  tota- 
lité. 

Quant  au  sieur  Courier  il  y  a  plusieurs  mois  qu'il  est  parti  pour 

Rome,  oïl  je  suppose  qu'il  est  encore. 

Recevez,  etc. 

Dubois. 


oVjSIOlilK    Kï     UK    LirrÉRAiORE  38  I 

Processo-  Verbale. 

L'anno  mille  ottocento  dieci,  W  ventiquattro  del  mese  di  Luglio,  a 
ore  undici  antimeridiane. 

Noi  Tommaso  Vannini  e  Francesco  Galassi,  commissari  di  polizia 
nella  città  di  Firenze,  iii  esecuzione  degli  ordini  comunicatici  per 
l'organo  dcl  Sig^  Maire  di  questa  città  suddetta  in  data  di  questo  stesso 
giorno  tendent!  a  verificare  «  se  presse  il  Sig''  Piatti,  o  presso  tutti  gli 
a  altri  Librari  e  stampatori  di  Firenze  esistessero  alcuno  dei  sessanla 
«  esemplari  délia  traduzione  di  un  fragmento  del  manoscritto  greco 
«  De-Longo,  »  il  cui  teste  esistente  nella  Biblioiheca  Laurenziana  era 
statoritrovato  grandemente  alterato  dopo  esser  passato  perle  mani  di 
un  tal  Sig''  Courrier,  militare  graduato,  che  nei  primi  mesi  del  corrente 
anno  trovavasi  di  passaggio  in  questa  città.  Ci  siamo  in  primo  luogo 
trasferiti  al  magazzino  di  libreria  del  rammentato  Sigr  Piatti  ove  es- 
sendo  giunti,  dopo  di  avergli  significata  la  nostra  qualità,  e  l'oggetto 
délia  nostra  missione,  ci  ha  esso  in  dirittura,  e  senza  mistero  alcuno 
dichiarato  «  di  avère  impresse  dal  i5.  febbrajo  al  i5  marzo  delPanno 
<i  corrente  n°  64  copie  délia  traduzione  di  cui  si  tratta  per  commissionc 
«  del  sopra  mentovato  Sig''  Courrier,  e  di  ritenerne  tutt'ora  n"  27  copie 
«  in  magazzino  a  disposizione  delPistesso  Sig""  Courrier,  che  glie  le  las- 
«  ciô  in  deposito  all'epoca  délia  sua  partenza  da  Firenze  ». 

Avendo  noi  pertanto  invitato  detto  Sig'  Piatti  ad  esibirci  le  27  copie 
che  sopra,  ci  ha  il  medesimo  accompagnati  nella  stanza  superiore  del 
suo  magazzino  ove  sopra  uno  scafale  ci  ha  additato  un  pacchetto  di 
libri  nuovi  coperti  di  carta  bleu,  quale  sciolto,  abbiamo  trovato  con- 
tenere  precisamente  n''  27  esemplari  di  un  opuscolo  intitolato  «  Daphnis 
«  et  Chloé,  traduction  complète^  d'après  le  manuscript  de  VAbaye  de 
«  Florence.  —  Imprimé  à  Florence,  chez  Piatti,  18 10  ». 

Interrogato  detto  Sig""  Piatti  onde  rilevare  quai  esito  abbiano  avuto  le 
altre  "ij  copie  che  mancano  a  completare  il  numéro  delle  64,  asserta  da 
lui  impresse?  ha  risposto  di  «  averle  consegnate  tutte  all'istesso  Sig"" 
a  Cowrr/er  appena  ne  fu  terminata  l'impressione;  che  non  sa  précisa- 
it mente  qual'uso  il  Sig''  Courrier  ne  facesse,  ma  che  suppone  fossero 
«  da  lui  spedite  nelki  massima  parte  a  Parigi  per  dispensarsi  a  vari 
«  letterati  suoi  amici  ».  Interrogato  se  presso  di  lui  esista  il  manoscritto 
francese  che  il  Sig''  Courrier  ha  dovuto  necessariamente  consesnarcli 
per  servire  di  modello  alla  fattane  impressione?  ha  risposto  che  «  il  detto 
«  manoscritto  lo  ha  recevuto  dal  Sig""  Courrier  in  diverse  epoche  per 
«  esser  tutto  compilato  a  foglietti  staccati,  e  que  sono  stati  questi  a  detto 
a  committente  restituitiTuno  dopo  l'altro,  a  misura  che  avevanoservito 
«  alla  composizione  del  carattere  » 

Allora  abbiamo  raccolte  le  suddette  27  impressioni  del  citato  opus- 
colo, dichiarandone  a  detto  Sig^  Piatti  il  séquestre,  in  coerenza  delle 
instruzioni  ricevute,  ed  avvolte  con  cordiceila,  vi  abbiamo  suH'estre- 
mità  apposli  il  sigillo  di  uno  di  noi,  e  quello  del  Sig'  Piatti  conformi 


382  REVUE    CRITIQUK 

aile  impronte  riportate  in  margine.  Ed  abbiamo  quindi  délia  opera- 
zione  che  sopra  disteso  il  présente  Processo-  Verbale  del  quale  abbiamo 
rilasciata  copia  al  Sig""  Piatii  suddetto  e  che  è  stato  dal  medesimo  con 
noi  firmato  dopo  avergliene  data  lettura.  E  che  verra  da  noi  senza  ritardo 
trasmesso  unitamente  ai  27  citati  esemplari  sequestrati  al  Sig""  Maire 
di  questa  città  di  Firenze  perché  ne  dispongu  corne  di  ragione. 

Guglielmo       Piatti.  Galassi,  Vannini, 

Conimissario  di  polizia.         Commissario. 

Fatto  e  chiuso  nel  magazzino  del  Sig""  Guglielmo  Piatti,  stampatore 
e  libraro  in  Firenze,  il  giorno  ed  anno  che  dalFaltra  parte,  a  ore  una 
pomeridiane. 

Galassi.  Vannini. 

Le  dossier  de  cette  affaire  est  transmis  au  ministre  de  l'Intérieur.  Montalivet  ;  la 
lettre  qu'il  écrivit  à  ce  sujet  à  Portalis,  directeur  de  l'Imprimerie  et  de  la  librairie, 
est  curieuse  à  plus  d'un  titre  : 

Paris,  le  14  août  18 10. 

Le  Ministre  de  l'Intérieur,  comte  de  l'Empire,  à  Monsieur  le  comte 
Portalis,  directeur  général  de  P Imprimerie  et  de  la  librairie. 

Monsieur  le  Comte,  j'ai  reçu  la  lettre  par  laquelle  vous  nVannoncez 
que  soit  par  hasard,  soit  à  dessein,  le  passage  de  Longus  qui  formoit 
une  lacune  dans  le  premier  livre  de  son  Daphnis  et  Chloé,  a  été  consi- 
dérablement altéré  sur  le  manuscrit  grec  qui  se  trouve  à  la  bibliothè- 
que de  Saint  Laurent  de  Florence,  et  me  faites  observer  en  même 
tems  que  l'ordre  public  veut  que  l'auteur  d'un  dommage  de  ce  genre 
soit  mulcté  et  tenu  de  le  réparer. 

L'auteur  de  cette  espèce  de  délit  n'étant  pas  connu  je  ne  vois  pas  trop 
quelles  mesures  on  pourrait  prendre.  D'ailleurs  vous  observez  qu'on 
ignore  si  c'est  par  hazard,  ou  à  desseiu,  que  le  manuscrit  a  été  inaculé. 

Mais  non  seulement  le  passage  couvert  d'encre  n'est  point  perdu, 
mais  il  a  été  publié  en  Italie  sur  une  copie  qui  avoit  été  faite  par  le  sieur 
Courier,  et  M.  Petit-Radel,  médecin,  en  a  fait  une  traduction  en  vers 
latins,  que  j'ai  l'honneur  de  vous  transmettre  ci-joint  '. 

A  l'égard  des  taches  d'encre,  il  est  possible  de  les  enlever  par  un  pro- 
cédé qui  est  très  connu.  Il  ne  s'agira  que  de  s'y  prendre  avec  beaucoup 
de  précaution  pour  ne  pas  attaquer  les  caractères.  En  conséquence 
j'écris  aujourd'hui  au  conservateur  de  la  Bibliothèque  de  Florence  de 
consulter  un  habile  chimiste  et  de  s'occuper  avec  lui  de  cette  opération. 
Dans  tous  les  cas  il  sera  facile  de  rétablir  ce  passage  sur  le  manuscrit, 


i.  Lacune  du  texte  de  Lo'sgus,  livre  I"  recouvrée  à  Florence  en  1810,  et  com- 
muniquée par  M.  CouRCiER  (sic).  ln-S°  de  8  pages.  C'est  une  traduction  en  vers  la- 
tins qui  fait  suite  aux  Longi  Sophistœ  paslovalia  Lesbiaca...  e  textu  graeco  in  lati- 
num  numeris  heroïcis  dcductum,  de  Petit-Radel  (Paris,  i8og,  in-S"). 


d'histoire    et    DR    LITTERATURE  383 

puisqu'il  est  imprimé  '.  On  m'assure  que  Monsieur  Renouard,  libraire 
à  Paris,  en  possède  un  exemplaire.  Je  crois  donc,  Monsieur  le  Comte, 
qu'il  ne  faut  pas  donner  suite  à  cette  affaire  et  qu'il  suffit  pour  le  mo- 
ment de  s'occuper  des  moyens  de  réparer  le  dommage  survenu  au  ma- 
nuscrit. 

Veuillez,  etc. 

MONTALIVET. 

Il  était  convenu  que  l'affaire  n'aurait  pas  de  suite,  «  l'auteur  de  cette  espèce  de 
délit  n'étant  pas  connu  »  et  que  «  dans  tous  les  cas  il  serait  facile  de  rétablir  ce  pas- 
sage sur  le  manuscrit,  puisqu'il  était  imprimé.  »  Mais  sur  ces  entrefaites  parut  la 
Lettre  à  AI.  Renouard  {20  septembre  iSio);  elle  produisit  l'effet  qu'en  attendait 
Courier  ".  A  la  suite  d'instructions  venues  de  Paris  une  nouvelle  enquête  fut  com- 
mencée, Courier  en  a  raconté  les  débuts  dans  son  Avertissement  du  traducteur  sur 
la  Lettre  a  M.  Renouard,  mais  il  ne  semble  pas  qu'en  cette  occasion  sa  mémoire 
lui  ait  toujours  été  fidèle.  Satisfait  de  ses  explications,  le  préfet  de  Rome,  chargé  de 
cette  enquête,  répondit  au  directeur  de  la  Librairie  : 

PRÉFECTURE  Rome,  le  26  septembre  iSio. 

DU 

DÉPARTEMENT 

DE    ROME 

Monsieur  le  Comte, 

J'ai  reçu  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  Phonneur  de  m'écrire  le 
1'=''  du  courant  en  me  demandant  de  prendre  auprès  de  M.  Courrier  des 
informations  sur  sa  conduite,  relativement  à  un  manuscrit  grec  existant 
dans  la  bibliothèque  Saint-Laurent  de  Florence. 

J'ai  fait  appeller  M.  Courrier  auprès  de  moi;  l'explication  qu'il  m^a 
donnée  me  semble  parfaitement  le  laver  des  inculpations  qui  ont  pu  lui 
être  faites.  Je  m'empresse  de  vous  la  transmettre. 

En  copiant  un  morceau  inédit  d'un  manuscrit  de  Longus,  il  y  fit  une 
tache  d'encre,  couvrant  une  vingtaine  de  mots.  Lorsque  cet  accident 
eut  lieu,  la  copie  étoit  déjà  faite,  elle  Tavoit  été  par  lui  conjointement 
avec  le  bibliothécaire  et  revue  sur  le  manuscrit  par  trois  personnes,  ce 
qui  la  rendoit  exacte  et  authentique  autant  que  possible^.  Le  bibliothé- 
caire dans  la  suite  voulut  que  cette  copie  fût  déposée  entre  ses  mains; 
M.  Courrier  s'y  refusât  (sic).,  craignant  l'abus  qui  pourroit  en  être  fait  ; 
un  avis  inséré  dans  les  journaux  italiens  par  le  même  bibliothécaire 
ayant  prévenu  le  public  de  n'ajouter  aucune  foi  à  un  suplément  de 
Longus,  attendu  la  destruction  de  l'original.  Il  fit  imprimer  ce  frag- 
ment en  trois  langues,  avec  l'ouvrage  entier  revu  sur  les  manuscrits  de 


1.  C'est  le  Longi  pastoraliinn  fragmentum  liactcnus  ineditum  "pnhWé  par  Courier, 
avec  la  traduction  latine  d'Amati  (Rome,  Lino  Contedini,  18 10,  in-8°),  tiré  à  60  exem- 
plaires. 

2.  Voyez  V Avertissement  du  traducteur  sur  la  Lettre  à  M.  Renouard. 

3.  Comparez  la  Lettre  à  M.  Renouard,  p.  28G  de  l'édition  de  1825. 


384  REVUE    CRITIQUE 

Rome  et  de  Florence,  il  en  fut  tiré  cinquante  exemplaires  seulement, 
destinés  à  être  donnés  aux  bibliothèques  publiques  et  aux  savans  '. 

Tel  est,  Monsieur  le  Comte,  Thistorique  de  la  conduite  de  M.  Cour- 
rier. Les  raisons  sur  lesquelles  il  appuyé  son  refus  d'avoir  voulu  remet- 
tre au  bibliothécaire  le  manuscrit  de  son  édition  sont  :  que,  ce  particu- 
lier paroissant  vouloir  l'accuser  d'avoir  copié  inexactement  Longus, 
une  pièce  écrite  en  partie  de  sa  main  le  forçoit  à  avouer  l'authenticité 
du  texte,  tandis  qu'en  étant  possesseur,  un  seul  mot  altéré,  rendoit  tout 
le  reste  suspect,  que  d'ailleurs  cette  copie  est  inutile  à  la  bibliothèque, 
où  elle  ne  peut  avoir  aux  yeux  des  savants  l'autorité  du  manuscrit,  ni 
par  conséquence  en  tenir  lieu.  Il  n'a  point  envoyé  d'exemplaires  de  son 
édition  attendu  que  cette  bibliothèque  ne  contient  que  des  manus- 
crits ". 

La  conduite  privée  de  M.  Courrier  est  ici  irréprochable.  Sa  seule 
occupation  est  la  culture  des  lettres.  Il  semble  difficile  qu'on  puisse  l'ac- 
cuser de  spéculation  dans  l'accident  arrivé  au  manuscrit  de  Daphnis  et 
Chloé  puisque  du  petit  nombre  d'exemplaires  tirés  de  son  ouvrage 
vingt  sont  encore  entre  ses  mains,  les  autres  ayant  été  distribués  gratui- 
tement. D'ailleurs  il  n'est  point  présumable  qu'il  eût  voulu  se  priver 
du  titre  unique  dont  la  comparaison  pouvait  prouver  l'exactitude  de  son 
travail,  qui  en  établit  seule  le  mérite.  Je  vous  prie  de  vouloir  bien  me  ré- 
pondre pour  me  mettre  à  même  de  le  tranquiliser  sur  les  suites  de  cette 
affaire. 

J'ai  l'honneur,  etc. 

TOURNON. 

Monsieur  le  Comte  Portails,  conseiller  d'Etat ,  Directeur  général  de 
l'Imprimerie  et  librairie,  Paris, 

Il  est  bon  de  remarquer  qu'on  retrouve  dans  cette  lettre,  presque  mot  pour  mot, 
deux  passages  de  la  Lettre  à  M.  Renouavd  relatifs  à  la  copie  du  passage  de  Longus 
promise  au  bibliothécaire;  la  dernière  phrase  en  est  aussi  à  noter  3. 

En  même  temps  que  sa  traduction  de  Daphnis  et  Chloé  paraissait  à  Florence,  Cou- 
rier avait  fait  imprimer  à  Rome  le  texte  de  la  lacune  comble'e  par  le  manuscrit  de 
Florence  et  y  avait  joint  une  traduction  latine;  peu  après  il  publiait  le  roman  entier 
de  Longus,  la  lettre  suivante  du  préfet  de  Rome  nous  donne  encore  quelque  détails 
à  ce  sujet  : 


1.  AOrrOÏ  nOIMENIKQN  AOrOI  TETTAPES.  (A  la  fin  0  EN  POMHI, 
Ilapà  A(vw  Tto  KcvTcBlVi'w,  aw. '.  Sur  l'avant  dernière  page,  on  lit  :  «  Cinquanta 
due  esemplari  col  numéro  délia  tiratura  in /rente  d'ogni  esemplare.  « 

2.  Voyez  la  reproduction  presque  textuelle  de  tout  ce  paragraphe  dans  la  Lettre  à 
M.  Renouard,  édition  de  iS25,  p.  3oy. 

3.  Comparez  V Avertissement,  edit.  de  iSzS,  p.  274. 


o'histoirk  ht  de  littérature  385 

PRÉFECTURE  Rome,  le  6  octobre  1810. 

DU 
D  lî  P  A  R  T  E  JI  E  N  T 

DE  ROME 

Monsieur, 

La  lettre  que  vous  m'avez  fait  rhonncur  de  m'e'ci-ire  le  28''  septembre, 
relativement  a  M.  Courier  s'est  croisée  avec  celle  que  je  vous  adressai  le 
25  septembre,  en  réponse  à  la  1'''=  que  je  reçus  de  vous  sur  cet  objet.  Je 
m'en  réfère  à  cette  lettre  pour  tout  ce  qui  concerne  la  personne  de 
M.  Courier  et  l'événement  de  la  tache  du  manuscrit  de  Longus, 

Il  est  vrai,  ainsi  qu'on  vous  a  informé,  que  M.  Courier  a  fait  impri- 
mer à  Rome  le  fragment  retrouvé  du  poème  de  Daphnis  et  Chloé,  avec 
la  traduction  latine.  Cet  ouvrage  n'a  été  tiré  qu'à  60  exemplaires,  qu'il 
a  distribués  à  ses  amis;  il  a  été  imprimé  par  Lin  Contadini  ',  et  l'exem- 
plaire ne  porte  pas  la  date,  mais  j'ai  la  certitude  que  cet  opuscule  a  été 
imprimé  en  mars  ou  en  avril  au  plus  tard,  en  ayant  reçu  à  cette  époque 
deux  exemplaires,  dont  j'ai  l'honneur  de  vous  transmettre  un.  Ainsi, 
Monsieur  le  Comte,  il  n'y  a  point  lieu  à  appliquer  le  décret  du  5  février 
qui  n'a  été  publié  ici,  comme  vous  le  savez,  que  dans  le  mois  de  mai  ^. 

Je  suis  informé  que  M.  Courier  a  fait  imprimer  récemment  à  5o  exem- 
plaires seulement  le  roman  entier  des  amours  de  Daphnis  et  Chloé, 
mais  je  n'ai  pas  encore  pu  acquérir  la  preuve  que  cet  ouvrage,  qui  n'a 
point  été  mis  dans  le  commerce,  et  dont  il  n'existe  que  deux  exemplai- 
res à  Rome,  ait  été  imprimé  dans  cette  ville  ".  L'impression  de  cette 
édition  de  Longus  a  été  faite  avec  luxe  et  entièrement  aux  frais  de 
Monsieur  Courier;  je  pense  que  cette  explication  vous  satisfera. 

Veuillez,  etc. 

ToURNON. 

Monsieur  le  Conseiller  d'État,  directeur  général  de  la  Librairie. 

Les  pièces  suivantes  nous  donnent  le  dénouement  de  l'affaire;  la  dernière  et  la 
plus  curieuse  se  rapporte  à  la  remise  solennelle  à  Del  Furia  de  la  copie  du  passage 
de  Longus  que  Courier  lui  avait  refusée  dès  le  début  et  qui  avait  donné  lieu  à  tant 
de  discussions  : 


1.  On  lit  à  la  fin  (p.  i5)  :  ROMAE,  —  cb.bccc.  x.  Apud  Liniim  Contediniinn. 

2.  C'est  le  décret  sur  la  librairie  et  l'imprimerie  qui  parut  au  Moniteur  du  7  fé- 
vrier 18 10. 

3.  Voyez  plus  haut,  note   8,  le  texte,  reproduit  tout   au  long,  de  la  souscription 
de  cette  édition  :  Rome,  Lino  Contedini,  18 10. 


586 


REVUE   CRITIQUE 


CABIiNET 

BU 
JI  I  N  I  S  T  R  E 


Paris,  le  8  décembre  iSio. 


Le  Ministre  de  l'Intérieur  à  Monsieur  le  Comte  Por- 
tails, directeur  général  de  la  Librairie. 

J'ai  reçu,  Monsieur  le  Comte,  le  rapport  que  vous  m'avez  fait  Fhon- 
neur  de  m'adresser  le  3  de  ce  mois,  relativement  à  l'altération  d'un  ma- 
nuscrit de  la  Bibliothèque  Lorenzanne  de  Florence,  contenant  un  passai^e 
inédit  du  roman  grec  de  Longus,  découvert  par  le  S""  Courier  et  publié 
par  lui.  Je  ne  saurais  qu'approuver  les  mesures  que  vous  avez  prises  et 
que  vous  vous  proposez  de  prendre  envers  le  S""  Courrier  pour  consta» 
ter  l'authenticité  du  passage  en  question  et  en  assurer  la  conservation. 

Recevez,  etc. 

MONTALIVET. 


Rome,  le  23  janvier  i8ii. 


t^REFEGTURE 

DU 

DÉPARTEMENT 

DE   ROME 


Monsieur, 

D'après  les  ordres  que  vous  m'avez  transmis  par  la  lettre  que  vous 
m'avez  fait  l'honneur  de  m'adresser  le  27  du  mois  dernier  et  que  j'ai 
communiquée  à  M.  Courrier,  ce  dernier  m'a  remis  la  copie  originale 
qu'il  a  faite  d'un  passage  inédit  de  Longus  sur  un  manuscrit  de  la  Bi- 
bliothèque Lorenzane  de  Florence  ainsi  qu'un  exemplaire  de  l'édition 
de  ce  même  passage  faite  en  latin  et  en  grec  par  le  même  savant  '.Je 
viens  de  transmettre  ces  pièces  suivant  vos  instructions  à  M.  le  Préfet 
de  l'Arno  afin  qu'il  en  fasse  le  dépôt  à  la  Bibliothèque  de  Saint-Lau- 
rent, en  observant  les  formalités  que  vous  lui  aurez  sans  doute  indiquées 
pour  établir  l'authenticité  de  cette  copie  précieuse. 

Agréez,  etc. 

Tour  NON. 
M.  le  Directeur  général  de  la  Librairie. 

Florence,  le  11  février  181 1. 

Le  Préfet  de  l'Arno^  baron  de  l'Empire,  officier  de  la  Légion  d'hon^ 
neiir,  à  Monsieur  le  Conseiller  d'Etat,  Directeur  général  de  l Im- 
primerie et  de  la  librairie. 

Monsieur  le  Conseiller  d'Etat, 
Conformément    à  vos  ordres,   M.    le   Préfet   de   Rome   a   reçu  de 
M.  Courrier  et  m'a  transmis  : 

I .  Voyez  note  6. 


D''HISTOmE    ET    DE   LITTERATURE  887 

1°  Copie  du  passage  inédit  de  Daphnis  et  Chloé  de  Lungus  (sic),  qu'il 
avait  prise  sur  le  manuscrit  de  la  bibliothèque  Lorenzana  de  Florence; 
2»  un  exemplaire  de  l'édition  que  M.  Courrier  a  fait  faire  de  ce  même 
passage. 

Le  dépôt  en  a  été  fait  à  la  bibliothèque  Lorenzana,  ainsi  qu'il  conste 
(sic)  du  procès-verbal  dont  j"ai  l'honneur  de  vous  adresser  une  co- 
pie. 

Agréez,  etc. 

M.  Fauchet. 

Co^ie. 

L'onze  février  mil  huit  cent  onze,  nous  Jean-Raymond  Derancy,  chef 
de  division  dans  les  bureaux  de  la  Préfecture  du  département  de  l'Arno, 
nous  sommes  rendus  conformément  à  la  délégation  de  M.  le  baron 
Fauchet,  Préfet  de  ce  département  et  pour  l'exécution  des  ordres  de  son 
Excellence  le  Ministre  de  l'Intérieur,  comte  de  l'Empire,  à  la  bibliothè- 
que Saint-Laurent  à  Florence,  à  l'effet  d'y  déposer  la  copie  d'un  frag- 
ment de  Lungus  (sic),  faite  par  M.  Courrier  sur  un  manuscrit  de  ladite 
bibliothèque,  afin  d'établir  l'authenticité  du  passage  qui  a  été  altéré  et 
qu'elle  doit  remplacer,  ainsi  qu'un  exemplaire  de  l'édition  que  M.  Cour- 
rier a  fait  faire  de  ce  même  passage. 

Ayant  trouvé  M.  Del  Furia,  bibliothécaire  de  ladite  bibliothèque 
Saint-Laurent,  dans  le  bureau  qu'il  occupe  près  de  cet  établissement, 
nous  lui  avons  remis  la  lettre  que  M.  le  Préfet  lui  a  écrite  le  9  du  pré- 
sent mois  pour  l'informer  de  notre  mission  et  avons  déposé  dans  ses 
mains  :  i^  la  copie  d'un  fragment  de  Lungus  (sic),  faite  par  M.  Cour- 
rier, contenant  dix  pages  d'écriture  cotées  et  paraphées  par  M.  le  baron 
de  Tournon,  préfet  du  département  de  Rome,  marquées  à  chaque  feuille 
des  lettres  A.  B.  T,  et  réunies  au  moyen  d'un  lacet  de  soie,  scellée  à 
son  extrémité  d'un  cachet  en  cire  rouge  portant  l'empreinte  sui- 
vante : 

OV  AOKEIN 

AAA    EINAÏ    OA 

BIO::  GEAQ. 

2"  D'un  exemplaire  de  ce  même  fragment  imprime  par  les  soins  de 
M.  Courrier. 

Ces  pièces  ayant  été  reçues  par  M.  Del  Furia  pour  être  déposées  à  la 
Bibliothèque  dont  la  garde  lui  est  confiée,  il  en  a  fourni  son  récépissé, 
en  signant  avec  nous  le  présent  procès-verbal  de  dépôt. 

Fait  double  à  la  Bibliothèque  Saint-Laurent,  à  Florence,  les  jour, 
mois  et  an  susdits,  et  avons  signé. 

Pour  copie  conforme  : 

Le  Préfet  de  l'Arno,  baron  de  l'Empire,  M.  Fauchet. 

H.  Omont. 


388 


REVUE   CRITIQUE    D  HISTOIRE   ET   DE   LITTERATURE 


NOTE   DE    M.    JAHN 

M.  Albert  Jahn,  en  réponse  à  l'article  de  M.  Baudat  sur  sa  Gregorii  Palamae 
Prosopopoeia  (Rev.  cvit.,  i885,  II,  p.  240),  nous  envoie  une  note  où  il  fait  observer 
que  le  ms.  d'Augsbourg,  dont  M.  Baudat  réclame  une  collation,  n'existe  pas;  M.  Jahn 
renvoie  à  sa  préface,  p.  ix  et  suiv.,  note.  —  Il  insiste  sur  ce  que  l'intérêt  de  l'écrit 
de  Palamas  est  non  seulement  théologique  (point  indiqué  par  M.  Baudat),  mais  aussi 
philosophique. 


ACADEMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séajtce  du  7  novembre  188^. 

M.  Schlumberger  lit  un  mémoire  de  M.  Louis  Blancard,  archiviste  des  Bouches- 
du-Rhône,  sur  la  monnaie  romaine  au  m"  siècle  de  notre  ère.  On  connaît  le  système 
monétaire  de  l'empire  romain  à  la  fin  du  11'^  siècle  :  il  avait  pour  base  le  denier  d'ar- 
gent, argenteiis,  qui  valait  4  sesterces,  ou  40  libelles,  ou  80  migules,  ou  160  téron- 
ces,  et  Vaiireiis,  qui  valait  26  deniers  ou  4,000  téronces.  Caracalla  modifia  cette  or- 
ganisation par  la  création  d'un  nouveau  denier  d'argent,  Vargenteus  à  tête  radiée, 
qui  valait  i  fois  1/2  l'ancien  denier  ou  petit  argenteus.  Ùaiireus  subit  une  modifi- 
cation correspondante  et  valut  2  5  argenteus  nouveaux,  ou  3j  1/2  petits  argenteiiSy 
i5o  sesterces,  i,3oo  migules  ou  6,000  téronces.  La  notation  écrite  des  valeurs  mo- 
nétaires se  modifia  aussi  :  l'X  traversé  par  une  barre,  qui  avait  servi  d'abord  à  dési- 
gner le  denier  d'argent,  devint  la  marque  d'une  fraction  inférieure  ;  M.  Blancard  s'at- 
tache à  établir  qu'on  obtient  une  traduction  exacte  des  indications  de  valeur  expri- 
mées à  l'aide  de  ce  signe,  en  le  rendant  par  «  im  sou  »,  monnaie  de  compte 
populaire  de  nos  jours,  ou  o  fr.  o5. 

M.  Salomon  Reinach  communique  une  notice  sur  un  témoignage  de  Suidas  relatif 
à  Musonius  Rufus.  On  ne  connaissait  jusqu'ici  que  par  une  citation  de  Suidas  un 
passage  d'une  lettre  de  l'empereur  Julien,  dit  l'Apostat,  qui  dit  en  parlant  de  Muso- 
nius Rufus,  exilé  par  Néron  à  Gyaros,  îlot  aride  et  désert  des  Cyclades  :  â'TTijJ.éXsTO 
(3ap(Sv.  Suidas  explique  ces  mots  en  tirant  le  second  du  substantif  Çjâp'.ç,  et  traduit  : 
il  s'occupa  du  soin  des  fortifications  de  l'île.  M.  Egger  a  proposé  d'admettre  plutôt 
que  fiapwv  était  ici  le  génitif  pluriel  de  ^ctpcç,  poids,  et  que  Musonius  avait  exercé 
les  fonctions  de  vérificateur  des  poids  et  mesures.  Une  découverte  récente  rend  ces 
diverses  conjectures  inutiles.  M.  Papadopoulos  Kérameus  a  trouvé  dans  un  manus- 
crit de  Constantinople  et  a  publié,  dans  le  UaoâorrjiJ.a  de  la  société  :  6  £V  Kwvc- 
Tav-lvoUTro^El  £X}v'^vty,bç  çiXoAoYtv.àç  Sù^Xc^oç,  six  lettres  inédites  de  l'empereur 
Julien,  parmi  lesquelles  se  trouve  celle  dont  Suidas  a  cité  un  extrait.  Au  lieu  des 
deux  mots  qui  ont  donné  lieu  à  ces  explications  diverses,  le  texte  de  M.  Papadopou- 
los porte  :  i~z\JÀXziO  ryâowv,  ce  qui  est  évidemment  la  bonne  leçon.  L'empereur 
loue  Musonius  de  s'être  occupé  des  intérêts  de  l'île  où  il  était  relégué.  On  lui  attri- 
bue, en  ellet,  la  découverte  d'une  source  qui  existe  encore  et  où  s'abreuvent  les  trou- 
peaux. Le  pluriel  Fuâpwv  ne  doit  pas  étonner,  c'est  la  forme  la  plus  usuelle  sous 
l'empire;  on  lit  déjà  dans  Juvénal  :  brevibus  Gyaris. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M,  Alexandre  :  1°  Victor  Gross,  Supplément  aux  Pro- 
iohclvètcs  :  la  Tèite,  un  oppidum  helvète;  2°  L.-B.  Morel,  le  Temple  du  Chdtclet 
d'Andance  (Ard'echeJ;  —  par  M.  Bergaigne,  au  nom  de  M.  Barbier  de  Meynard  ; 
H.  Sauvaire,  Matériaux  pour  servir  à  l'Iiistoire  de  la  numismatique  et  de  la  métro- 
logie musulmanes  ;  —  par  M.  P.-Ch.  Robert  :  Ernest  Babelon.  Description  histori- 
que des  vionnaies  de  la  république  romaine,  1. 1  ;  —  par  M.  Georges  Perrot  :  Salomon 
Reinach,  Traité  d'épigraphie  grecque;  —  par  M.  Renan  :  i^  Joseph  et  Hartwig 
Derenbovrg,  Nouvelles  études  sur  Vépigraphie  du  Yémen;  2°  J.-F.  Bladé,  Mémoire 
sur  l'histoire  religieuse  de  la  Novempopulanie  romaine; —  par  M.  Le  Blant  :  le  Tal- 
mud  de  Jérusalem,  traduit  par  Moïse  Schwab,  tome  VllI. 

Julien  Havet. 


Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEKOU 


'X. 


Lf.  Puy,  imprungrie  dp  Marchessou  fils,  boulevard  Sainî-Lûia  ent,  %S. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


No  47  _  23  novembre  —  1885 


Sommuirc  t  210.  "Vie  de  Pythagore  par  Jambliquc,  p.  p.  Nauck.  — 2H.  Mowat, 
Remarques  sur  les  inscriptions  antiques  de  Paris.  — 212.  Réimpressions  viennoi- 
ses, i-vt  et  contributions  à  l'histoire  de  la  littérature  autrichienne,  ii-iv.  —  21 3. 
Filon,  Histoire  de  la  littérature  anglaise^  —  214.  Lufft,  La  prise  du  Schœnzcl  et 
la  campagne  de  1793.  —  Lettre  de  M.  Théodore  Reinach.  —  Chronique.  —Aca- 
démie des  Inscriptions.  —  Société  nationale  des  Antiquaires  de  France. —  Adden- 
dum  à  l'art.  i85. 


210.  —  Jîsmbïîcliî  de  Vita  ï»j-tIiagoiMco  libei'.  Ad  fidem  codicis  florentini 
recensuitA.  Nauck.  Accedit  epimetrum  de  Pythagorœ  aureo  carminé.  Pétersbourg, 
1884.  Prix  :  I  R.  f>o  Kop.  -  6  Marks  =  7  fr.  5o. 

Quelque  intérêt  que  présente  la  Vie  de  Pythagore  par  Jamblique 
pour  l'histoire  de  la  philosophie  grecque,  elle  contient  assez  de  légendes 
niaises  et  de  fables  insipides  pour  rebuter  la  patience  d'un  lecteur,  à 
plus  forte  raison  d'un  éditeur.  Aussi  a-t-elle  été  rarement  publiée  et 
doit-on  savoir  gré  au  savant  qui  emploie  son  érudition  et  sa  sagacité 
à  la  tâche  ingrate  de  donner  un  te.Kte  d'un  tel  auteur.  M.  Nauck  peut 
compter  à  bon  droit  parmi  les  premiers  critiques  de  notre  temps.  Nul 
ne  conteste  sa  science,  et  si  quelques-uns,  surtout  en  Allemagne,  ont 
cru  pouvoir  adresser  le  reproche  de  témérité  à  ses  travaux,  particulière- 
ment à  ses  éditions  de  Sophocle,  c'est  qu'ils  ont  oublié  qu'il  n'est  pas 
plus  téméraire  d'attribuer  à  Sophocle  une  phrase  raisonnable  qu'il  pou- 
vait écrire  qu'une  absurdité  ou  un  non-sens  qu'il  n'a  certainement  pas 
dits.  M.  N.  a  traité  le  texte  de  Jamblique  de  telle  sorte  que  de  long- 
temps sans  doute  on  n'aura  point  à  y  revenir.  C'est  à  sa  recension  que 
devront  se  reporter  tous  ceux  qui  voudront  étudier  cet  auteur. 

La  Vie  de  Pythagore  avait  éié  publiée  quatre  fois  avant  la  présente 
édition;  par  Johannes  Arcerius  Theodoretus  en  1598,  d'une  manière 
tout  à  fait  fautive;  par  Kuster,  en  1707  (Amsterdam),  qui  n'apporta  à 
l'édition  d'Arcerius  que  fort  peu  d'améliorations,  et  selon  Nauck  fut 
plus  nuisible  qu'utile  à  son  auteur;  par  Kiessling  (Leipzig,  181  5),  dont 
le  travail  a  plus  d'importance,  sans  être  excellent;  enfin,  à  Paris,  chez 
Didot,  en  i85o,  par  Westermann,  qui  laissa  subsister  beaucoup  de  fau- 
tes grossières  et  ne  profita  même  pas  de  tous  les  travaux  antérieurs.  Ce- 
pendant, d'autres  philologues  avaient  concouru,  et  plus  utilement,  à 
l'établissement  du  texte.  C'étaient  surtout  Rittershuys,  dans  son  com- 
;^entaire  sur  Porphyre,  Obrecht,  auteur  d'une  traduction  latine  de  la 
'Vie  de  Pythagore.,  parue  en  1700,  d'où  M.  N.  a  tiré  d'excellentes  cor- 
Nouvelle  série,  XX.  47 


SgO  REVUE   CRITIQUE 

rections,  Hiischig,  dans  la  Zeitschrift  fi'ir  Alterthums-Wissenchaften, 
i85i,  Erwin  Rohde,  Rheinisches  Muséum,  tome  XXXIV;  enfin  Co- 
bet  dans  plusieurs  de  ses  ouvrages  s'est  occupé  du  texte  de  l'ouvrage  de 
Jamblique. 

M.  Nauck  dans  ses  Prolégomènes  explique  nettement  Pusage  qu'il  a 
fait  de  tous  ces  travaux  ainsi  que  des  manuscrits.  Ces  derniers  sont  assez 
nombreux,  mais  les  principaux  sont  les  suivants  :  le  Florentinus  (Lau- 
rentianus  LXXXVI,  3),  du  xiv=  siècle,  au  moins  pour  la  partie  qui  con- 
tient des  œuvres  de  Jamblique;  c'est  le  meilleur  des  manuscrits  et  peut- 
être  la  source  de  tous  ceux  que  nous  avons.  M.  N.  n'ose  pourtant  affir- 
mer ce  point.  Cobet  en  avait  donné  une  collation  nouvelle  dans  ses 
Collectanea  critica;  mais  M.  N.  l'a  de  nouveau  conféré  lui-même  et  a 
relevé  quelques  erreurs  échappées  au  savant  hollandais.  Le  Parisinus 
20g3,  du  xv"^  siècle,  collationné  spécialement  pour  cette  édition  par 
M.  Alfred  Jacob,  est  assez  médiocre  ;  le  Ci^ensis,  du  xvi^  siècle,  en  dé- 
rive peut-être  ;  en  tous  cas,  il  est  écrit  négligemment  et  fourmille  de 
fautes.  Avec  ces  ressources,  on  n'aurait  qu'un  livre  illisible  en  bien  des 
endroits,  si  l'on  n'avait  recours  assez  fréquemment  à  la  conjecture. 
Cest  ce  qu'a  fait  M.  N.  :  outre  les  corrections  qu'il  a  empruntées  à 
d'autres  auteurs,  il  en  a  lui-même  proposé  de  nouvelles  qui  souvent 
améliorent  notablement  le  texte.  Les  plus  certaines  sont  introduites  dans 
le  corps  de  l'ouvrage.  Les  autres  se  trouvent  dans  les  notes  au  bas  des^^ 
pages.  L'appareil  critique  est  exempt  du  défaut,  trop  commun  aujour- 
d'hui, qui  consiste  à  relever  les  plus  petites  particularités  et  les  erreuri 
les  plus  grossières  des  manuscrits.  M.  N.  ne  signale  que  les  renseigne 
ments  qui  peuvent  avoir  de  l'intérêt  pour  établir  la  tradition  du  texte. 

Il  est  naturellement  impossible  de  relever  toutes  les  corrections  pro- 
posées par  M.  Nauck.  Toutes  d'ailleurs  ne  sauraient  avoir  la  même 
évidence.  Nous  en  citerons  quelques-unes  pour  donner  en  quelque 
sorte  une  idée  de  la  manière  de  l'éditeur. 

Page  98  de  l'édition,  chap,  xxviii,  §  134,  Jamblique  raconte  que  Py- 
thagore  avait  le  don  d'ubiquité  :  "Exi  [x'.ay.atTfj  aùrï^  ''l'r'ifa  £V  ts  MsTaTOV- 

ToTç  eza-éptoO'.  baipcç  auTwv  ciaêsêaioDvTat  cytlhi  Hzœnsç.  Tel  est  le  texte 
des  manuscrits.  Aù-ôv  ne  peut  s'expliquer.  Aussi  Kiessling  avait-il  pro- 
posé d'écrire  oTJTou.  Mais  avec  cette  correction  il  manque  un  sujet  à  la 
proposition  infinitive.  M.  N.  donne  un  texte  bien  plus  satisfaisant  en 
écrivant  aÙTov. 

Page  125,  chap.  xxx,  §  172,  l'auteur  compare  deux  formes  de  la  jus- 
tice, l'une  qu'il  appelle  vo[;,G0cT'.y.6v,  qui  prévient  le  mal,  l'autre  nommée 
ci7.ac;T'.y.cv,  qui  le  punit  :  la  première  est  supérieure  à  la  seconde  :  10  [xev 
Yàp  TY]  icf.xpvAr\  zpccé'.cy.s  y,ai  voc/icavTa?  OspaTcsûsi,  10  tï  t'};v  àp/jjV  C'jcï  vo^rstv, 
àXXd  TioppcoOsv  lTL>.[Jsldiy.i  vqq  èv  TQ'liùyr^  b^iziaq.  Le  sens  n'est  pas  douteux, 
mais  la  phrase  ne  se  construit  pas  grammaticalement  :  vcssTv  ne  dépend 
de  rien.  M.  N.  suppose   l'omission  très  facile  de  AI  devant  N  et  écrit: 


o'histoike  kt  de  littérature  391 

To  Se  Tïjv  àpx,'')'' oùo' sa  voccî'v,   correction  qui  a  tous  les  caractères  de  la 
certitude. 

Page  i85,  ch.  xxxv,  §  263,  il  s'agit  d'exilés  qu'on  rappelle  plusieurs 
années  après  le  décret  de  bannissement.  'E7:i-^zvo\>.ivb)v  oï  tioXXûv  stôv -/.al 
im  Tcsp'c  Tov  à£(vap"/ov  èv  siépw  yj.vouvw  TeAî'JTYîcâvTwv,  à'^oOavcvToç  (ou  plutôt 
àTToôavovToç  c£,  comme  le  propose  M.  N.)  xat  Ai-riTOUç,  oaTzep  v^v  '^jY^i^ov.- 
xw-caTO?  Twv  c-at7tâvï(i)v  eXeoç  tiç  xat  [xsTavcia  èvéTîsae  xat  toùç  'îrapaAct'::o- 
[xévouç  auTàiv '^êouA'/iG'/jaav  y.a-aYeiv.  On  ne  sait  ce  que  c'est  que  les  ban- 
nis «  qu'on  laisse  de  côté.  »  Il  est  au  contraire  fort  naturel  qu'on  men- 
tionne ici  la  mort  d'un  grand  nombre  d'exilés  :  «  Ceux  qui  restaient  » 
furent  autorisés  à  rentrer.  C'est  le  sens  que  donne  la  correction  de 
M.  Nauck  :  TrepiXstTCo^'-évou^.  On  sait  que  les  propositions  r.s.pii  et 
zspt  sont  désignées  dans  les  manuscrits  par  des  abréviations  à  peu  près 
semblables. 

Ces  citations  suffisent  pour  montrer  la  valeur  de  la  très  importante 
recension  de  M.  Nauck.  Pour  la  discussion  de  chaque  conjecture  en 
particulier,  nous  ne  pouvons  que  renvoyer  le  lecteur  à  l'ouvrage  même. 
La  Vie  de  Pythagore  est  suivie  des  scholies,  en  petit  nombre,  tirées 
pour  la  plupart  du  Florentinus,  d'une  étude  sur  les  Vers  Dorés,  déjà 
publiée  en  1873.  Enfin  des  Index  fort  complets  terminent  ce  livre  im- 
portant. M,  Nauck  préparc  actuellement  une  seconde  édition  des  trois 
opuscules  de  Porphyre  àé]k  édités  par  lui  en  1820  (Leipzig,  Teubner, 
8")  :  de  Vita  Pythagorœ,  de  Abstinentia,  Epistola  ad  Marcellam, 
auxquels  il  ajoutera  le  de  Antro  Nympharum,  ce  qui  donnera  à  son  tra- 
vail un  nouvel  intérêt. 

A,  M.  Desrousseaux. 


211.  —  ESeiiîaa'Ciues  sii:*  les  inscB*îï>tîosts  antiques  «le  E^aj'îs»  avec  des 
considérations  nouvelles  sur  la  mythologie  gauloise,  par  Robert  Mowat,  i883, 
in-8,  de  100  p. 

Le  travail  de  M.  Mowat  a  déjà  fait  son  chemin  dans  le  monde  épi- 
graphique,  Les  lecteurs  du  Bulletin  en  ont  eu  l'agréable  primeur  : 
réunis  aujourd'hui  en  un  élégant  volume,  les  articles  parus  il  y  a  trois 
ou  quatre  ans  peuvent  vivre  d'une  vie  indépendante  et  glorieuse. 

M.  M.  est  un  vaillant  épigraphiste,  comme  il  a  été  un  vaillant  soldat. 
A  côté  des  énergiques  attaques  que  l'auteur  dirige  contre  les  opinions 
«  acceptées  sans  critique  et  routinièrement  répétées  »,  il  a  réuni  avec  un 
soin  merveilleux  et  une  singulière  exactitude  tous  les  textes  lapidaires 
qu'il  sait  devoir  écraser  son  adversaire.  Aussi  faut-il  consulter  ce 
travail,  non  point  seulement  pour  l'étude  des  inscriptions  de  Paris,  mais 
encore  pour  celle  des  monuments  religieux  de  toute  la  Gaule. 

Paris,  à  dire  vrai,  n'offre  pas  une  riche  moisson  épigraphique.  Une 
soixantaine  d'inscriptions  tout  au  plus,  voilà  sa  richesse  en  celte  matière: 


392  REVUE    CUITIQUE 

sur  ces  soixante,  les  dédicaces  des  autels  trouvés  sous  Notre-Dame,  Tépi- 
taphed'uii  vétéran  de  Menapis,  une  borne  milliaire,  ont  seules  une  véri- 
table importance.  Mais  M.  M.  a  suppléé  au  petit  nombre  de  textes  par 
la  richesse  du  commentaire  :  l'étude  qu'il  nous  donne  des  autels  gaulois, 
étude  qui  remplit  la  première  moitié  du  travail,  est  extrêmement  riche 
en  résultats  nouveaux  sur  la  mythologie  gallo-romaine.  En  réunissant  à 
la  fois  les  textes  épigraphiques  et  les  monuments  figurés,  l'auteur  a  pu 
renouveler  entièrement  la  question  des  rapports  des  divinités  romaines  avec 
les  dieux  gaulois.  Il  identifie  Cernunnos  avec  Dis  pater  ;  Teiitatis  est 
pour  lui  Mars;  Esus^  Silvain,  Taranus,  Jupiter.  On  pourra  discuter  ces 
identifications  :  mais  il  est  impossible  de  nier  que  le  travail  de  M.  M. 
ne  soit  désormais  le  point  de  départ  de  toute  nouvelle  étude  sur  ce  sujet, 
et  n'ait  fait  faire  à  la  question  des  pas  décisifs. 

M.  iVI.  nous  a  donc  rendu  deux  précieux  services  :  il  a  renouvelé  nos 
connaissances  sur  la  mythologie  gallo-romaine  ;  il  a  donné  le  premier 
un  Corpus  complet  des  inscriptions  de  Paris.  Ce  Corpus  pourrait  peut- 
être  se  doubler,  si  les  amis  de  Pantiquité  voulaient  se  rappeler  que 
«  des  fouilles  dirigées  avec  méthode  sous  le  pavé  de  la  place  du  Parvis 
Notre-Dame  feraient  certainement  découvrir  de  nouveaux  et  inestima- 
bles monuments.  »  Cela  coûterait  moins,  rapporterait  plus  peut-être 
que  les  fameuses  Arènes.  Vraiment,  le  recueil  de  M.  M.  est  si  intéres- 
sant pour  nos  origines  que  les  archéologues  et  les  édiles  de  la  Capitale 
devraient  lui  fournir  les  moyens  d'en  préparer  la  suite. 

Il  est  un  autre  vœu  qu'on  ne  peut  s'empêcher  de  former.  Le  recueil 
de  M.  M,  est  purement  épigraphique  et  historique  :  il  n'a  pu  donner 
une  reproduction  des  autels  et  des  autres  monuments  antiques  trouvés 
à  Paris.  On  aimerait  une  publication  qui  nous  offrit  la  photographie, 
la  description,  le  commentaire  de  tous  les  débris  gallo-romains  qu'a  li- 
vrés le  sol  de  notre  glorieuse  cité.  Ce  serait  l'encyclopédie  du  Paris 
romain.  Le  conseil  municipal,  —  ce  qui  est  du  reste  dans  sa  tradition, — 
ferait  œuvre  de  patriotisme  et  de  science  en  ajoutant  cette  publication 
aux  beaux  recueils  parus  déjà  sous  ses  auspices,  et  en  en  confiant  le 
soin  à  M.  Mowat  '. 

On  ne  peut  parler  de  M.  M.  sans  rappeler  qull  dirige  depuis  la  mort 
de    Florian    Vallentin,  le  Bulletin    épigraphique   de    la    Gaule-,  et 

1.  Dans  le  I1I«  volume  de  la  Gaule  romaine  de  M.  Desjardins  ont  paru  de  magni- 
fiques reproductions  des  autels  gallo-romains.  —  A  la  biographie  de  l'inscription  de 
la  p.  7,  il  faut  ajouter  :  Garrucci,  /  segni  dclle  lapidi  latine,  p.  3o.  Le  père  Garrucci 
a  lui-même  copié  l'inscription  à  Paris.  —  P.  g3,  l'inscription  d'Arles  se  lit  peut- 
être  :  SILVAN////// I  V7////////L-M  !  MARTI ALIS  !  SILVI  (///m5)  |  SEVIr  (notre 
copie). 

2.  Nous  regrettons  seulement  que  M.  Mowat  n'ait  point  conservé  le  titre  donné  à 
la  Revue  par  son  fondateur  et  l'ait  intitulé  simplement  Bulletin  épigraphique,  sous 
le  prétexte  que  la  Gaule  n'y  était  plus  seule  représentée.  Sans  doute,  le  Bulletin  pu- 
blie des  inscriptions  de  tous  les  pays;  mais  c'est  surtout  la  Gaule  qu'il  est  destiné  à 
nous  faire  connaître;  puis,  ce  mot  de  Gaule  révélait  tout  de  suite  la  période  de 
l'histoire  qu'il  étudiait.  D'ailleurs,   déjà  dès  sa  première  année,  dès  ses   premières 


d'HISTOIRK  et   DR   littératuiîk  89 3 

qu'il  le  fait  avec  un  zèle,  une  sûreté  et  une  fermeté  dignes  de  tout  élou,c. 
En  empêchant  la  ruine  de  ce  recueil,  en  en  continuant,  par  ses  articles, 
le  succès  et  les  services,  M.  Mowat  a  su  bien  mériter  de  la  science  et  a 
continué  de  bien  mériter  de  la  patrie. 


I.  ikVîener  IVeucîi-ucke. 

1.  Abraham  a  Sancta  Clara,  Auf,  auf,  ihr  Christcn.  In-o,  xiv  et  i33  p. 
i8S3.   I  mark  20  ou  60  kreuzer. 

2.  Prinzessin  Pumphia  von  Joseph  Kurz.  In-8,  vn  et  5g  p.  188?.  80  pfennigs 
ou  40  kreuzer. 

3.  Der  Hausball,  eine  Krzaehlung,  v.  V***,  1781.  In-8,  xii  et  24  p.,  i8S3. 
60  pfennigs  ou  3o  kreuzer. 

4.  Der  auf  den  Parnass  versetzte  grûne  Hut,  von  Chr.  G.  Klem.m,  ijôy.  In-N, 
XVI  et  63  p.,  i883.  80  pfennigs  ou  40  kreuzer. 

5.  Samuel  und  Saul,  von  Wolfgang  Scumeltzl,  i55i.  In-8,  v  et  44  p. 
80  pfennigs  ou  40  kreuzer. 

6.  Lustige  Reisebeschreibung,  von  J.  A.  Stranmtzkv.  In-8,  xxxii  et  64  p. 
I  mark  20  ou  60  kreuzer. 

(A  Vienne,  chez  l'éditeur  Konegen,  Opernring,  3). 

II.  TSf'îïi'fSige    zvsi*     GeseïiîeSite     cîei*      <!euî*eJioii     lL,îïcrs»ïTi!"     ««;<3     «ît  s 

fioâsitîgeii  ILeîiena  în  Oestes-i-eicli  herausgegeben  von   J.  Minor,  A.  Sauer, 
R.  M.   Werner. 

2.  Heft  :  Wiener  Freunde,  i784-!So8,  Beitraege  zur  Jugendgeschichte  der 
deutsch-œsterreichischen  Literatur,  von  Robert  Keil,  i883.In-8,  vm  et  io5  p. 
Prix  :    I  florin   5o,   3  mark,  3  fr.  -jb. 

3.  Heft  :  Wolfgang  Schmeitzl,  zur  Geschichte  der  deutschen  Literatur  im 
XVI.  Jahrhundert,  von  Franz  Spengler,  i883.  ln-8,  vin  et  qb  p.  3  fr.  76. 

4.  Heft  :  Die  englischen  Comœdianten  zur  Zeit  Shakspeares  in  Oesterreich, 
von  Johannes  Meissner.  ln-8,  via  et  198  p. 

(A  Vienne,  chez  l'éditeur  Cari  Konegen.) 

Deux  nouvelles  collections  viennent  de  paraître  à  Vienne  chez  le 
même  éditeur,  M.  Konegen;  la  première,  qui  comprend  des  réimpres- 
sions, est  intitulée  Wiener  Neiidriicke ;  la  seconde,  qui  renferme  des 
travaux  originaux,  a  pour  titre  :  Beitruge  ■{iir  Geschichte  der  deutschen 
Literatur  und  des  geistigen  Lebens  in  Œsterreich. 

I.  La  collection  des  réimpressions  viennoises  est  dirigée  par  M.  Au- 
guste Sauer.  Elle  a  pour  but  de  reproduire  dans  des  éditions  aussi 
bonnes  que  possible  et  très  peu  coûteuses  les  oeuvres  à  la  fois  les  plus 
importantes  et  les  plus  rares  qui  ont  paru  en  Autriche  depuis  la  hn  du 
moyen  âge  jusqu'au  commencement  du  xix"  siècle;  elle  est  consacrée 

pages,  le  Bulletin  épigraphique  delà  Gaule  est  sorti  de  ses  limites  géographiques;  il 
importait  donc  de  se  conformer  toujours  à  la  pensée  et  à  l'idée  du  fondateur. 
M.  Renan  a  dit  dans  ses  Souvenirs  qu'  «  un  littérateur  qui  se  respecte  doit  n'écrire 
que  dans  un  seul  journal,  dans  une  seule  revue,  et  n'avoir  qu'un  seul  éditeur  ». 
On  peut  dire  qu'une  Revue  qui  se  respecte  (pour  ne  pas  changer  l'expression)  ne 
doit  avoir  qu'un  titre,  qu'un  format,  qu'une  série.  Cette  triple  unité  est  un  garant 
de  durée,  de  force  et  de  gloire. 


3g4  RKVUK    CUIMQOll 

avant  tout  au  développement  du  drame  sur  les  scènes  de  Vienne  dans  le 
dernier  siècle;  elle  comprend,  en  outre,  des  œuvres  écrites  en  dialecte 
viennois  ou  traitant  de  l'histoire  de  la  ville  de  Vienne. 

1.  Le  premier  volume  est  une  réimpression,  publiée  par  M.  A.  Sauer, 
de  l'œuvre  d'Abraham  à  Santa  dura., Aiif,  aiif,.ihr  Christen^  das  ist  eine 
bewegliche  Anfrischiing  der  christliclieii  Waj^emuider  den  turkischen 
Blutegel,  etc.  On  sait  Testime  de  Gœthe  pour  cet  écrit  et  son  mot  sur 
le  Père  Abraham  qu'il  jugeait  après  cette  lecture  «  un  magnifique  origi- 
nal. »  On  sait  aussi  que  cet  ouvrage  fournit  à  Schiller  la  matière  et  le 
modèle  du  discours  du  capucin  dans  le  Camp  de  Wallenstein.  M.  Sauer 
a  reproduit  le  texte  avec  le  plus  grand  soin  d'après  la  première  édition 
de  i683  (bibliothèque  de  l'Université  de  Vienne). 

2.  Le  deuxième  volume  esf  une  comédie  de  Joseph  Kurz  ou  Bernar- 
don,  (nom  que  lui  valut  le  rôle  de  ce  personnage  comique).  Cette  pièce, 
P7~in\essin  Pwnphia,  est,  comme  disait  Kurz,  une  critique  ou  une  pa- 
rodie des  tragédies  que  tant  de  troupes  allemandes  représentaient  alors 
très  méchamment;  elle  eut  un  grand  succès  et  resta  longtemps  au  réper- 
toire; Gervinus  assure  que  les  noms  des  principaux  personnages  vécu- 
rent jusqu'à  ces  derniers  temps  dans  la  mémoire  du  peuple  viennois- 
Le  texte  a  été  reproduit  d'après  un  exemplaire  de  la  bibliothèque  de  la 
ville  de  Vienne;  cet  exemplaire  ne  porte  pas  de  date  ;  mais  celui  de  la 
bibliothèque  grand-ducale  de  Weimar  a  été  daté,  à  la  main,  du  14  fé- 
vrier 1756. 

3.  Le  troisième  volume  renferme  un  petit  récit  curieux,  écrit  avec 
assez  de  verve  et  d'entrain,  le  Hausball.  On  n'en  connaît  pas  l'auteur; 
mais  on  sait  qu'il  parut  en  1787  et  qu'il  raconte  une  histoire  vraie  qui 
se  passa  cette  année-là,  pendant  le  carnaval.  Gœthe  le  lut  et  le  remania 
sous  le  titre  der  Hausball,  eine  deutsche  National geschichte  et  le  pu- 
blia dans  les  n°^  6  et  9  du  Journal  manuscrit  deTiefurten  octobre  1781 
(cp.  le  5«  vol.  de  l'édit,  Hempel  p.  p.  Loeper,  p.  269-275).  L'éditeur 
compare,  dans  son  introduction,  l'œuvre  viennoise  et  celle  de  Gœthe; 
il  montre,  avec  M.  de  Loeper,  que  l'avant-propos  de  Gœthe  est  un 
hommage  rendu  par  le  poète  à  Joseph  II;  il  fait  voir  que  Gœthe,  en  abré- 
geant les  vingt-huit  premières  pages  de  l'original,  leur  a  donné  une  al- 
lure plus  vive,  qu'il  a  retranché  les  monologues,  résumé  brièvement 
des  scènes  entières,  supprimé  les  réminiscences  pédantesqucs,  ajouté  ou 
suppléé  çà  et  là  des  mots  expressifs,  en  un  mot  adouci  ce  qui  était  trop 
crû  et  atténué  les  exagérations;  cette  comparaison  des  deux  textes  est 
pleine  d'intérêt  et  de  profit. 

4.  On  trouve  dans  le  4'=  volume  de  la  même  collection  une  pièce  de 
Klemm,  «  le  chapeau  vert  transporté  sur  le  Parnasse  ».  Cette  pièce  qui 
fut  représentée  pour  la  première  fois  le  26  février  1767  et  accueillie  par 
de  vifs  applaudissements,  n'est  qu'une  simple  farce  et  fait  à  Klemm 
très  peu  d'honneur.  Elle  était  destinée  à  défendre  le  type  du  Hanswiirst 
contre  les  attaques  de  Sonnenfels;  mais  la  défense  est  faible  et  sans  es- 


d'hiSTOIUF-    et    DK    LITTÉUATURE  SqS 

prit;  les  arguments  de  Klemm  manquent  de  vigueur;  il  dit  tout  sim- 
plement qu'on  ne  peut  se  passer  du  bouffon  qui  fait  rire  tout  le  monde 
et  il  met  dans  la  bouche  d'Apollon,  comme  le  montre  M.  Sauer,  tout  un 
extrait  du  plaidoyer  récent  de  Justus  Môser  (Harlequin  oder  Verthei- 
dignng  des  Groteske-Komischen,  iy6i).  L'introduction  de  M.  Sauer 
est  consacrée  à  la  querelle  du  Hanswurst,  à  Panimosité  des  deux  partis 
qui  s'étaient  formés  à  Vienne,  Fun  ne  voulant  plus  d'autres  pièces  que 
des  pièces  écrites,  régulières,  sans  bouffonneries  ni  obscénités,  l'autre 
attaché  aux  pièces  improvisées  où  figurait  le  Hanswurst  en  costume  de 
paysan  salzbourgeois  et  le  chapeau  vert  sur  la  tête.  M.  Sauer  raconte 
comment  Klemm,  d'abord  très  hostile  aux  arlequinades,  devint  ensuite 
le  champion  résolu  du  Hanswurst  et  plaida  contre  Sonnenfels  la  cause 
du  burlesque.  Klemm  fut  vainqueur  après  la  représentation  du  Griiner 
Hut ;  mais  bientôt  la  fortune  tourna;  les  auteurs  Weiskern  et  Prehau- 
sen  moururent  (1768  et  1769);  les  pièces  improvisées  furent  défendues 
et  Sonnenfels  devint  censeur  du  théâtre  (1770). 

5.  Ce  cinquième  volume  contient  une  pièce  de  Wolfgang  Schmeltzl, 
Samuel  et  Saill,  imprimée  en  i55i  et  reproduite  d'après  l'exemplaire 
de  la  bibliothèque  imipériale  de  Vienne;  cette  pièce  appartient  au  Schiil- 
dramaÇvoir  plus  bas  le  compte-rendu  de  l'ouvrage  de  l'éditeur,  M.  Spen- 
gler,  sur  Wolfgang  Schmeltzl). 

6.  La  liistige  Reisebeschreibung  ans  Sal\burg  in  verschiedene  Lon- 
der,  de  Joseph  Antoine  Stranitzky,  est  éditée  par  M.  R.  M.  Werner 
d'après  un  exemplaire  sans  date  ni  lieu  d'impression  (bibliothèqre  royale 
de  Berlin).  Mais  M.  W.  a  consulté  les  éditions  postérieures.  Il  donne 
dans  son  introduction  nombre  de  détails  intéressants  sur  l'œuvre  de 
Stranitzky  qu'il  regarde  comme  une  satire  des  romans  de  voyages  si 
aimés  au  xvii«  et  au  xvni"  siècle;  toute  sa  préface  renferme  d'ailleurs  des 
renseignements  bibliographiques  de  grande  importance,  ainsi  que  de 
précieuses  indications  sur  la  vie  de  Stranitzky  et  sur  l'histoire  du  drame 
qu'il  a  fondé.  En  outre,  M.  Werner  a  eu  soin  d'ajouter  au  texte,  en  se 
servant  surtout  du  dictionnaire  de  Schmeller,  un  glossaire  des  exprès 
sions  dialectales,  des  mots  difficiles  et  des  allusions  obscures  qu'on  ren- 
contre à  la  lecture  du  Voyage  de  Stranitzky  (p.  45-54)^ 

II.  —  La  seconde  collection,  annoncée  en  tête  de  ce  compte-rendu,  a 
pour  titre  a  Contributions  à  l'histoire  de  la  littérature  allemande  et  de 
la  vie  iiUellectuelle  en  Autriche  ».  Les  directeurs  de  cette  collection  sont 

I.  Les  volumes  suivants  de  la  colleciion  des  'Wiener  Neudmcke  seront  :  Abra- 
ham à  Santa  Clara,  Mercks  Wicn  ■  Brunner,  Jacob  iind  seine  Scc'ine  :  Collin,  Licdcr 
fur  die  œsterreichische  La)idivchr  ;  Glciclie,  der  travestirte  Aencas  ;  Hafner,  Evaka- 
thel  und  Schnudi.  der  Furcliisame,  Mci^cvra  die  fûrditerliclie  Hexe ;  ^éxlnti,  das 
Neusonnta^skind^  die  Bcl.igerung  von  Ypsilon,  Aschenselilegel ;  Schmeltzl,  £)t7j;/ci! 
iind  Goliath,  der  verlorene  Joîni  ,*  Sonnenfels,  Briefe  iiber  die  ivienerische  Seliaii- 
bûhne;  Stcsckel,  Susanna  ;  Stranitzky,  0//.7;-r7if;-/iii,  West  (Schreyvogel),  das  Sonn- 
tagsblatt  i<So7-i8o8'. 


396  RKVUK    CKITIQUK 

au  nombre  de  trois  :  MM.  J.  Minor,  A.  Sauer  et  R.  M.  Werncr;  ils 
veulent,  selon  les  termes  de  leur  programme,  mettre  en  une  plus  vive 
lumière  le  développement  de  la  littérature  allemande  sur  le  sol  autri- 
chien, étudier  toute  la  période  qui  s'étend  entre  le  moyen  âge  et  l'épo- 
que contemporaine,  et  surtout  le  règne  de  Joseph  II  (die  josephinische 
Aufklorung)  où  le  goût  des  choses  de  l'esprit  se  ranima  en  Autriche. 

2.  Le  deuxième  volume  de  cette  collection  renferme  44  lettres  écrites 
par  des  amis  de  Vieiîne  et  publiées  par  M.  Robert  Keil.  Toutes  ces  let- 
tres sont  adressées  au  même  personnage,  Ch.  Léonard  Reinhold,  élève 
des  jésuites  et  d'abord  barnabite,  puis  professeur  à  léna  et  à  Kiel,  gendre 
de  Wieland  et  collaborateur  du  Mercure^  ami  de  Schiller  et  commen- 
tateur de  Kant.  Les  signataires  sont  au  nombre  de  quatre  :  Ignace  de 
Born  (trois  lettres),  Alxinger  (quatorze  lettres),  Gottlieb  Léon  (onze 
lettres),  Haschka  (seize  lettres),  tous  quatre  amis  de  Reinhold  et  mem- 
bres comme  lui,  comme  Blumauer,  comme  Denis,  de  Tassociation  quasi 
franc-maçonnique  de  la  «  Vraie  Concorde  »  :  Born,  naturaliste,  auteur 
d'un  livre  très  répandu  sur  les  moines  qui  lui  valut  le  surnom  de  Kut' 
tenpeitscher  ou  «  fouetteur  des  frocs  »  et  le  type  du  Sarastro  de  la 
Flûte  enchantée  ;  Alx'iuger,  imitateur  de  Wieland;  Léon,  directeur  de 
l'Almanach  des  muses  de  Vienne;  Haschka,  faiseur  d'odes  patriotiques,  ' 
le  même  qui  fit  l'hymne  populaire  dont  Haydn  composa  la  musique,; 
Gott  erhalte  Fran:{  den  Kaise7\  M.  Keil  a  donné  dans  son  introductioni 
une  foule  de  renseignements,  dont  plusieurs  inédits,  sur  Reinhold  et' 
ses  amis  de  Vienne.  Les  lettres  qu'il  publie  sont  pleines  de  détails  inté- 
ressants sur  les  œuvres  de  Reinhold,  sur  le  Doolin  von  Maint\  et  le 
Bliomberis  d'Alxinger,  sur  la  littérature  autrichienne  de  l'époque,  sur 
le  goût  du  public,  sur  les  œuvres  qui  paraissaient  alors  en  Allemagne  et 
qu'on  jugeait  dans  les  cercles  littéraires  de  Vienne  plus  ou  moins  favo- 
rablement. Celles  de  Born,  d^Alxinger,  de  Léon  ont  été  écrites  de  1784 
à  1792.  La  correspondance  de  Haschka  est  peut-être  la  plus  curieuse; 
c'est  un  chaud  patriote,  un  ennemi  de  la  Prusse  dont  la  politique  n'est 
que  fourberie  (Schurkensystem,  p.  89),  mais  un  plus  grand  ennemi  de 
Napoléon  et  de  la  France;  il  déplore  avec  chaleur  les  divisions  de  l'Al- 
lemagne et  loue  la  persévérance  de  l'Autriche,  de  la  vieille,  de  la  bonne, 
de  la  loyale  Autriche,  qui  continue  ses  armements  contre  le  tyran  du 
monde  (p.  100).  M,  Keil  a  joint  à  cet  opuscule  une  table  des  noms  pro- 
pres '. 

3.  On  n'a  que  très  peu  de  détails  sur  la  vie  de  Schmeltzl,  auquel 
M.  Spengler  consacre  une  monographie  consciencieuse.  L'auteur  a  du 
moins  le  mérite  d'avoir  rassemblé  tout  ce  qu'il  était  possible  de  savoir; 
Schmeltzl  —  ou  Schmiiltzl,  comme  il  écrivait  son  nom,  —  naquit  vers 


I.  Il  aurait  pu  citer  plusieurs  passages  de  la  correspondance  de  Forster  (vu,  269- 
277)  qui  vit,  en  allant  à  Vilna,  les  membres  de  cette  docte  et  libérale  société  d'é- 
crivains. 


d'histoire  et  de  littérature  397 

i5ooà  Kemnat  dans  le  Haut-Palatinat  ;  il  fut  «  cantor  »  à  Amberg, 
quitta  femme  et  enfant  pour  se  convertir  au  catliolicisme  et  entrer  dans 
le  clergé,  vint  à  Vienne  vers  040  et  obtint  successivement  une  place  de 
musicien  et  de  maître  d'école  au  a  Schottenstift  »,  puis  les  fonctions 
de  curé  à  Saint-Lorenz  au  Steinfeld,  enfin  un  bénéfice  à  Neunkirchen. 
M.  Sp.  prouve  que  sa  première  pièce,  comme  l'avait  dit  Devrient,  et 
malgré  les  objections  de  Holstein,  est  la  Komudia  des  verlornen  Sohns 
qui  fut  représentée  en  040  devant  la  cour;  c'est  le  premier  drame  sco- 
laire en  allemand  qui  parut  en  Autriche;  mais,  comme  le  démontre 
M.  Sp.,  il  fut  composé  sousTinfluence  d^Y Acolastus dn  Zurichois  Bin- 
der.  Judith  1  qui  vint  ensuite  (1542),  n'a,  selon  M.  Sp,,  d'autre  modèle 
que  la  Bible  dont  Schmeltzl  ne  voulut  s'écarter  à  aucun  prix  ;  on  y  re- 
marque pourtant  dans  le  prologue  une  comparaison  entre  Béthulie 
assiégée  par  Holopherne  et  Vienne  menacée  par  les  Turcs,  a  Judith  » 
fut  suivie  des  pièces  suivantes  :  Aiissendung  der  ^wulf  Boten  (1542)  ; 
Hoch^eit  ^u  Cana  (i543,  imité  du  drame  de  Rebhun,  mais  raccourci 
d'un  tiers);  der  blindgeborene  Sohn  (i543),  le  plus  mauvais  drame  de 
l'auteur  ;  Z)av/rf  und  Goliath  (i545),  qui  mérite  la  première  place  et 
«  abandonne  le  ton  plat  du  prédicateur  »;  Samuel  et  Saiil  (i55i)  qui 
ne  marque  aucun  progrès.  Schmeltzl  a  donc  laissé  sept  drames,  qui  fu- 
rent joués  par  ses  élèves  pendant  une  période  de  dix  années  (i54o-i5  5i); 
un  huitième,  Siisanjia,  s'est  perdu.  M.  Sp.  juge  très  impartialement  son 
héros,  et  on  ne  peut  que  reproduire  sa  conclusion  :  «  Schmeltzl  n'eut  à 
Vienne  aucun  prédécesseur.  Récrivit  en  un  temps  où  la  vie  intellec- 
tuelle de  l'Autriche  entrait  dans  une  nouvelle  ère;  il  cessa  d'écrire,  lors- 
que commença  la  nuit  du  jésuitisme.  Ce  furent  les  jésuites  qui  recueil- 
lirent son  héritage;  le  drame  scolaire  allemand  qui  est  un  produit 
essentiellement  protestant,  disparaît  de  nouveau,  et  Schmeltz  n'a  pas  de 
successeur  »  (p.  73).  On  remarquera  encore  à  la  fin  de  cet  excellent  li- 
vre les  pages  relatives  aux  poésies  de  Schmeltzl  ;  la  plus  connue  et  celle 
qui  sert  le  mieux  à  fixer  les  dates  de  la  vie  du  poète,  celle  qui  lui  méri- 
terait le  surnom  de  Hans  Sachs  autrichien  que  lui  donnait  Denis,  est  la 
Louange  de  Vienne  {Ein  Lobspruch  der  hochloeblichen  rveitberuhmten 
Stadt  Wien,  1548);  deux  autres  ont  pour  titre  :  der  christlich  und 
gewaltig  Ziig  in  das  Hungerland  (i556;  Schmeltzl  avait  fait  la  cam- 
pagne d'automne  de  cette  année  contre  les  Turcs  en  qualité  d'aumô- 
nier) et  Ainneyt^  Lied,gemacht  ^iiEhren  dem  Herrn  Ferdinand  Hert- 
^ogen  ■{H  Oesterreich,  als  General  Veldhduptman  dises  Zugs  in  Un- 
gern.  Cette  dernière  poésie  se  chantait  sur  le  même  air  que  le  chant 
composé  à  l'occasion  de  la  prise  de  Dôle  en  1479  ou,  comme  dit 
Schmeltzl,  sur  la  «Thulner  melodey  »  -.  On  regrettera  que  M.  Spengler 

1.  On  n'en  possède  qu'une  copie  qui  appartient  à  M.  Weinhold  (p.  40). 

2.  M.  Spengler  prétend  que  Schmeltzl  ne  pensait  pas  à  Dôle,  mais  à  Tulln  sur 
le  Danube  (p.  82)  ;  en  tout  cas,  il  ne  faut  pas  dire  que  Dôle  est  sur  la  frontière 
'<  franzœsisch-niederlsendiscli  d. 


3gS  REVUE    CRITIQUE 

n'ait  pas  écrit  quelques  pages  sur  la  langue  de  Schmeltzl  et  sur  son  vo- 
cabulaire poétique;  mais  son  travail  est  très  soigné  et  peut  être  regardé 
comme  une  des  études  les  plus  remarquables  que  nous  ayons  sur  l'his- 
toire du  drame  au  xvi^  siècle. 

4.  M.  Meissner  a  tenté,  non  sans  succès,  de  rassembler  tout  ce  qu'on 
sait  jusqu'ici  sur  l'iiistoire  des  comédiens  anglais  en  Autriche  au  temps 
de  Shakspeare.  Il  reproduit  d'abord  l'intéressant  témoignage  du  médecin 
Guarinoni  (1610)  sur  les  divertissements  de  l'esprit  {Ergot:{lichkeiten 
des  Gemiiths)  et  sur  les  représentations  des  comédiens  anglais  en  Alle- 
magne (ainsi  que  sur  les  pièces  des  jésuites  et  celles  qu'il  vit  jouer  àPa- 
doue).  Il  réfute  les  hypothèses  de  Schlager  et  de  Devrient  et  montre 
qu'il  n'y  avait  pas,  comme  l'ont  cru  ses  devanciers,  des  troupes  de  co- 
médiens des  Pays-Bas;  elles  venaient  par  les  Pays-Bas,  mais  elles  n'en 
étaient  pas  originaires.  11  suit  les  comédiens  anglais  d'aussi  près  que 
possible  dans  leurs  pérégrinations  ;  il  montre  qu'ils  appartenaient  à  trois 
troupes  principales,  celle  de  Brunswick,  dirigée  par  Sackville  et  que 
protégea  le  duc  Henri-Jules  de  Wolfenbûttel;  celle  de  Brandebourg  et 
de  Saxe  qui  joua  à  Berlin  et  à  Dresde  sous  la  direction  de  Spencer. 
Stockfisch,  celle  du  landgrave  Maurice  de  Hesse  dont  Robert  Browne 
fut  le  premier  régisseur.  Cette  dernière  troupe  qu'on  trouve  à  Dresde 
en  1626,  avait  poussé  depuis  1607  jusqu'en  Autriche;  mais  là,  à  ce 
qu'il  semble,  elle  se  sépara;  Browne,  sévère  protestant,  était  en  1619  et 
en  1620  à  Prague,  à  la  cour  de  l'électeur  palatin,  le  Winterkunig\ 
Johann  Grûn  ou  John  Green,  son  collègue  et  pendant  quelque  temps 
co-directeur  de  la  troupe,  attaché  au  catholicisme,  demeura  en  Autri- 
che, joua  à  Prague  et  à  Vienne  en  1617  devant  la  cour  impériale  et 
trouva  dans  les  années  1 607-1 608  à  Graz  asile  et  protection.  C'est  sur 
la  troupe  de  Green  que  M.  M.  nous  donne  le  plus  de  renseignements 
nouveaux,  d'après  les  documents  des  archives  autrichiennes.  Il  publie, 
par  exemple,  une  lettre  très  intéressante  et  très  originale  de  l'archidu- 
chesse Madeleine  sur  les  représentations  du  mois  de  février  1608  (p.  jG- 
82).  Il  donne  le  répertoire  du  théâtre  de  Graz  et  montre  qu'en  ce  mois 
de  février  1608,  Green  joua  le  Faust  et  le  Juif  de  Malte  de  Marlowe, 
ainsi  qu'une  pièce  intitulée  Von  einem  Kihiig  von  Cjyern  imd  einem 
HerTyOg  von  Venedig.  Le  manuscrit  de  cette  dernière  pièce  existe  en- 
core ;  il  se  trouve  à  la  bibliothèque  impériale  de  Vienne  (cod.  1 8791  *) 
sous  le  titre  Dass  n>ohl  gesprochene  Uhrtlheil  eynes  weiblichen  Stu- 
denten  oder  de7~  Jud  von  Venedig;  il  date  vraisemblablement  de  la  se- 
conde moitié  du  xvii"^  siècle.  Albert  Cohn  l'avait  déjà  signalé  et  Gênée, 
dans  son  histoire  des  drames  de  Shakspeare  en  Allemagne,  en  avait 
donné  des  extraits;  M.  M.  le  publie  en  son  intégrité  dans  l'appendice 
de  son  livre  (p.  131-189).  Cette  Comœdia  n'est  en  réalité  qu'une  farce 
où  Pickelharing,  serviteur  du  prince  de  Chypre,  joue  le  principal  rôle 
et  débite  à  tout  instant  des  obscénités  ;  mais  on  y  trouve,  surtout  dans 
les  derniers  actes,  de  nombreuses  réminiscences  du  Ma7~chand  de  Ve- 


nise.  Nos  lecteurs  voient  par  ce  simple  exposé  tout  ce  que  le  livre  de 
M.  M.  contient  de  neuf  et  d'important,  il  compte  parmi  les  ouvrages 
les  plus  utiles  qui  aient  paru  sur  l'art  dramatique  en  Allemagne;  on  y 
voudrait  parfois  plus  de  clarté,  mais  il  est  indispensable  à  tous  ceux 
qu'intéresse  Thistoire  du  théâtre  i. 

A.  Chuquet. 


2i3.  —  Augustin    Filon.    EEîsîoîs-e    tJo    Îîî    lit Jéfu turc    unglaîi^e»  depuiG   les 
origines  jusqu'à  nos  jours.  Hachette,  l'iS^,  in-12. 

L'Histoire  de  la  littérature  anglaise  de  M.  Filon  est  l'œuvre  d'un 
agrégé  de  T Université;  elle  a  été  publiée  par  une  maison  qui  a  fait  faire 
d'immenses  progrès  à  la  librairie  classique  et  dont  le  nom  seul  est  une 
recommandation  ;  elle  fait  partie  de  la  collection  que  dirige  M.  Du- 
ruy  et  qui  compte  tant  d'excellents  volumes  ;  enfin  elle  a  été  couronnée 
par  l'Académie  française.  Ce  sont  là  les  raisons  qui  nous  obligent  à 
parler  d'un  livre  à  l'égard  duquel  nous  aurions  été  enclins  à  observer 
un  silence  bienveillant,  en  le  considérant  comme  l'erreur  d'un  homme 
de  talent.  Mais  nous  ne  pouvons  laisser  les  critiques  anglais  rendre  le 
public  français  et  la  science  française  solidaires  des  méprises  de  M.  F. 
et  répéter  avec  TAthenacum  du  14  janvier  i885  :  "  Mr.  Filon  is  a  rash 
and  ignorant  comoiler  :  he  has  read  but  few  of  the  books  of  which  he 
treats,  many  he  has  not  even  seen  ;  and  he  trades  in  full  securitv  on  the 
superior  ignorance  of  the  public-and  the  French  Academy." 

M.  F.  appartient  évidemment  à  cette  école  de  littérateurs,  aujour- 
d'hui très  réduite,  qui  se  posent  en  adversaires  de  l'érudition,  veulent 
en  éviter  jusqu'à  l'apparence,  et  établissent  un  véritable  antagonisme  entre 
l'érudition  et  la   littérature.  Il  a  supprimé  de  son  livre  non  seulement 

I.  Le  i^^  volume  de  la  collection  de  ces  «  Contributions  à  l'histoire  de  la  littéra- 
ture allemande  en  Autriche  >>  n'a  pas  encore  paru  ;  il  sera  consacré  à  V Aïeule  de 
Grillparzer,  à  l'oiigine  de  cette  tragédie,  à  l'accueil  que  lui  firent  les  contemporains; 
l'auteur  du  volume,  M.  Aug.  Sauer,  a  eu  en  main  le  manuscrit  original  de  V Aïeule 
(Grillparzer' s  AJmf rail,  ilire  Eiitstehungsgeschichte  und  Aitfnahme  bei  den  Zeitge- 
nossen,  mit  Benût^iing  des  ungedriickten  Originahnanuscriptes).  Les  volumes  sui- 
vants seront  :  Der  kleiiie  Lucidarius  (Seifried  Helbing),  avec  un  commentaire  dé- 
taillé par  M.  J.  Seemùller,  une  Histoire  du  développement  de  la  farce  viennoise  au 
xviir^  siècle  {Entivicklimgsgeschichte  der  Wiener  Fosse  im  XVllI.  Jahriiitndevt), 
et  une  étude  sur  Michel  Enk  et  Frédéric  Hahn,  par  M.  Aug.  Sauer;  un  recueil  de 
Poésies  inédites  de  Blumauer,  par  M.  P.  Hofmann  de  Wellenhof:  un  travail  de 
M.  Ch.  Glossy  sur  les  brochures  au  temps  de  Joseph  II  (Die  Flugschriften  der  Jo- 
scphinischen  Période)  ;  deux  études  de  AL  J.  Minor,  sur  le  Romantisme  à  Vienne 
(Die  Roniantik  in  Wien)  et  sur  C.  H.  d'Ayrenhofl'  et  T.  Ph.  de  Gebler  (C .  H.  von 
Ayreniioff  iind  T.  Pli.  von  Gebler  ^wei  œsterreichische  Dramatikcr  des  XVIII.  Jahv- 
hiinderts);  trois  publications  de  M.  Richard  Maria  Werner  :  i»  les  textes  d'opéras 
viennois  au  xvu"-  siècle  (Wiener  Opernte.xte  des  XVII .  Jaliriiunderis,  ein  Beiirag 

^ur  Geschichte  des  Geschmackes  in  OesterreichJ ;  2°  Nicolai  et  Vienne:  0°  Jean  Nes- 

iroy. 


^.00  RKVUE    CRITIQUE 

toute  note,  toute  discussion  sur  des  points  de  détail,  mais  toute  indica- 
tion bibliograpliique  ou  chronologique  précise.  Il  trace  des  portraits 
littéraires,  il  prononce  des  jugements,  avec  le  dogmatisme  de  M.  Ni- 
sard.  Mais  en  procédant  de  la  sorte,  M.  F.  ne  s'est  rendu  compte  ni  de 
la  nature  du  livre  qu'il  écrivait,  ni  du  sujet  même  qu'il  traitait.  M.  Ni- 
sard  écrivait  sur  la  littérature  française  pour  les  Français;  il  n'avait 
pas  pour  but  de  leur  enseigner  ce  que  La  Rochefoucauld,  Corneille  ou 
Voltaire  ont  écrit,  mais  ce  qu'il  faut  penser  de  Voltaire,  de  Corneille 
et  de  La  Rochefoucauld;  il  n'a  pas  voulu  enseigner  des  faits,  mais  des 
doctrines.  Quoi  qu'on  pense  de  ces  doctrines,  on  trouve  un  grand  profit 
et  un  singulier  plaisir  à  connaître  les  pensées  qu'inspire  à  un  grand 
écrivain  du  xix'  siècle  la  lecture  des  grands  écrivains  des  siècles  anté- 
rieurs. M.  F.,  lui,  écrivait  une  histoire  de  la  littérature  anglaise  pour 
des  Français,  qui  pour  la  plupart  ignorent  les  noms  des  auteurs  et  des 
livres  dont  il  avait  à  les  entretenir.  11  écrivait  de  plus  pour  une  collec- 
tion de  livres  d'enseignement,  destinés  essentiellement  à  la  jeunesse. 
Négliger,  comme  il  Ta  fait,  de  fixer  la  chronologie  exacte  des  hommes, 
des  œuvres  et  même  des  écoles  littéraires,  enfin  négliger  de  donner  les 
titres  exacts  des  ouvrages,  l'indication  des  éditions  les  plus  importantes, 
et  de  mentionner  les  principaux  travaux  critiques  ou  biographiques 
dont  les  écrivains  anglais  ont  été  l'objet,  c'était  manquer  aux  exigen- 
ces essentielles  du  genre  d'ouvrage  qu'il  avait  entrepris. 

Mais  ce  n'est  pas  tout.  Pour  avoir  le  droit  de  le  prendre  de  haut  avec 
rérudition,  et  de  mépriser  les  renvois  et  les  notes,  il  faut  ne  parler  que 
de  ce  qu'on  connaît  très  bien,  de  ce  qu'on  a  étudié  à  fond  et  de  première 
main.  Il  faut  être  exact.  On  s'expose  sans  cela  à  s'entendre  dire  que  la 
méthode  littéraire  qu'on  prise  si  fort  n'est  que  l'art  de  parler  agréable- 
ment des  choses  qu'on  ne  connaît  pas.  Je  n'ai  garde  de  dire  que  M.  F. 
ne  connaît  pas  la  littérature  anglaise,  mais  il  aurait  eu  grand  besoin  de 
l'étudier  encore  avant  d'en  écrire  l'histoire,  de  l'étudier  en  érudit,  en 
critique,  avant   d'entreprendre  d'en   parler  en  lettré.   Les  nombreuses 
erreurs,  souvent  fort  graves,  qu'il  a  commises  sont  d'autant  plus  re- 
grettables que  M.  F.  est  un  charmant  écrivain,  plein  de  vivacité  et  de 
grâce,  et  que  les  pages  brillantes  et  frappantes  abondent  dans  son  ou- 
vrage. 

Nous  n'insisterons  pas  sur  l'attribution  à  Corneille  de  vers  de  Théo- 
phile, à  Voltaire  de  vers  de  Racine,  à  M"''  de  Sévigné  d'une  parole  de 
M""'  de  Staël.  Ces  lapsus  ont  déjà  été  corrigés  par  M.  F.  lui-même, 
mais  il  y  a  d'autres  erreurs  bien  plus  graves  et  dont  nous  citerons  seu- 
lement quelques  échantillons. 

Tantôt  M.  F.  fait  d'un  poème  unique  une  collection  de  plusieurs 
poésies  courtes  et  variées,  tantôt  d'une  collection  de  poésies  courtes  et 
variées  un  poème  unique.  —  P.  65,  il  écrit  :  «  Ses  chansons  et  ses  bal- 
lades forment  un  recueil  appelé  dans  le  dialecte  des  Lowlands  King's 
Quhair,  le  Cahier  du  roi.  »  Il  s'agit  ici  de  la  principale  œuvre  de  Jac- 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  AO  I 

ques  I",  roi  d'Ecosse,  écrite  pendant  sa  captivité  en  Angleterre,  entre 
1405  et  1420.  Ce  n'est  pas  un  recueil  de  chansons  et  de  ballades,  c'est 
un  poème  en  179  stances  de  7  vers,  divisé  en  6  chants,  en  Thonneur  de 
Lady  Jane  Beaufort,  que  le  roi  avait  vue  un  jour,  de  la  fenêtre  de  sa 
prison,  se  promener  dans  un  jardin  voisin,  et  qu'il  épousa  en  1424.  Ce 
poème  fut  publié  la  première  fois  par  Lord  Woodhouselee,  à  Edim- 
bourg, en  1783.  11  en  a  été  fait  depuis  plusieurs  éditions.  —  P.  212, 
on  lit  :  «  Son  poème  est  intitulé  le  Temple.  »  M.  F.  veut  parler  du 
recueil  de  poésies  sacrées  de  Georges  Herbert,  publié  en  1 633,  un  an 
après  la  mort  de  l'auteur,  sous  le  titre  de  The  Temple,  or  Sacred  Poems 
and  Private  Ejaculations.  Il  n'était  pas  nécessaire,  pour  ne  pas  se 
tromper,  de  voir  le  livre  même  ;  les  manuels  de  littérature  disent  tou- 
jours, en  citant  le  Temple.,  —  'a  collection  of  poems  '. 

Quelquefois  M.  F.  attribue  à  un  écrivain  l'ouvrage  d'un  autre  écri- 
vain. —  P.  217,  en  disant  que  «  Waller  n'a  rien  écrit  qui  vaille  Taima- 
ble  ballade  de  sir  Richard  Lovelace  sur  le  mariage  de  Roger  Boyle  avec 
Lady  Margaret  Howard,  »  il  fait  allusion  à  la  Ballad  iipon  a  Wedding, 
bien  connue  en  Angleterre,  et  imprimée  dans  tous  les  recueils  de  mor- 
ceaux choisis.  Cette  ballade  est  de  Suckling,  et  non  de  Richard  Love- 
lace. —  P.  359,  il  veut  que  Thomson  soit  l'auteur  de  The  Art  of  Pre- 
serving  Health  :  «  Thomson  compose  un  poème  sur  la  maladie.  Il 
est  vrai  qu'il  sauve  son  malade.  »  Thomson  n'a  rien  écrit  de  pareil, 
c'est  John  Armstrong. 

Des  écrits  en  prose  sont  pris  par  M.  F.  pour  des  poèmes.  —  P.  89  : 
c(  Sidney  avoue  lui-même  avoir  composé  ce  poème  en  chassant.  »  Ce 
poème,  c'est  VArcadia.  Les  traités  les  plus  élémentaires  de  littérature 
anglaise  écrits  en  Angleterre  mentionnent  cet  ouvrage,  et  toujours 
comme  prose  romance.  —  P.  237,  à  propos  du  Complète  Angler 
d'Isaac  Walton,  écrit  en  prose,  M.  F.  dit  que  l'auteur  «  rentré  chez  lui 
compose  avec  les  émotions  de  sa  journée  des  vers  aussi  réguliers,  aussi 
tranquilles,  aussi  innocents  que  ces  émotions  elles-mêmes.  » 

Quand  M.  F.  aborde  les  grands  auteurs,  comme  Chaucer,  Shakes- 
peare, Milton,  il  commet  de  singulières  méprises.  —  P.  241,  il  fait  en- 
trer le  dernier  à  TUniversité  d'Oxford  et  lui  fait  y  prendre  ses  grades. 
Milton  a  étudié  à  l'Université  de  Cambridge  seulement  et  n'a  pris  de 
grades  que  là.  —  P.  i53,  il  prétend  que  la  Cressida  de  Shakespeare 
appartient  à  Chaucer.  II  y  a  un  abîme  entre  les  deux  Cressida  :  celle  de 
Chancer  a  toutes  les  qualités  qui  gagnent  à  une  femme  non  seulement 
l'amour,  mais  encore  le  respect  ;  celle  de  Shakespeare  est  perverse  dans 
ses  pensées  et  dans  ses  discours,  étrangère  à  tout  ce  qui  fait  la  modestie 
chez  une  femme,  indigne  d'estime.  —  P.  54,  parmi  les  poésies  attri- 
buées par  M.  F.  à  Chaucer  plusieurs  ne  sont  pas  de  lui.  La  Fleur  et  la 
Feuille,  par  exemple,  est  du  xve  siècle,  Chaucer  était  mort  en  1400. 

M.  F.  donne  à  tort  et  à  travers  les  titres  français,  anglais,  ou  mixtes 
des  ouvrages  qu'il  cité,  et  il  les  estropie  sans  scrupule   —  P.   2  3o,  The 


402  KKVUK    CRIIIQUK 

Grâce  Abounding  pour  Grâce  Aboiindmg  ;  p.  279,  le  Dancing  M  aster 
pour  Je  Gentleman  Dancing  Master.  —  Il  veut  souvent  conserver 
l'orthographe  anglaise  des  noms  propres,  et  alors  il  écrit,  p.  io3,  Cooke 
pour  Coke;  p.  198,  Broome  pour  Brome-,  p.  542,  Goodwin  pour 
Gorfj/^//7.  — Ailleurs  on  ne  sait  s'il  écrit  en  français,  en  anglais  ou  en  alle- 
mand ;  p.  365.  de  Foë  pour  Defoe;  p.  577,  Tufelsdruck  pour  Teiifels- 
driick.  —Ce  qui  est  d'un  pays,  il  le  transporte  dans  un  autre  pays  : 
p.  87,  il  met  le  gongorisme  en  Italie  au  lieu  de  le  laisser  en  Espagne. 

Ces  quelques  exemples,  qu'il  serait  aisé  de  multiplier,  suffisent  à 
prouver  que  M.  Filon  ne  s'est  pas  rendu  compte  des  difficultés  de  la 
tâche  qu'il  avait  entreprise,  ni  de  la  manière  dont  on  doit  s'v  préparer. 
Pour  écrire  une  bonne  histoire  de  la  littérature  anglaise,  M.  Filon  avait 
ce  que  Tétude  ne  donne  pas,  le  talent;  il  lui  a  manqué  ce  qu'il  pouvait 
acquérir  avec  du  temps  et  de  la  volonté,  des  connaissances  précises. 
Son  dédain  pour  l'érudition  de  la  critique  l'a  amené  non  seulement  à 
commettre  de  grosses  erreurs,  ce  qui  serait  facile  à  corriger  dans  une 
seconde  édition,  mais  à  écrire  une  œuvre  hâtive  et  superficielle  qui 
aurait  besoin  d'être  refaite  de  fond  en  comble. 

M.  P. 


214.  —  I>as  Schaertzel  Ijeî  Edenltoben  in  der  bayerischen  Pfalz  oder  die 
Erœffnung  des  Feldzuges  am  Mittelrhein  im  Jahre  1794,  dargesteiit  von  August 
LuFFT.  Karisruhe,  Braun,  i885.  In-8,  viii  et  72  p. 

—  I>ei-  Kelclzuji  wm  Mîttelflu^în  von  Mitte  August  bia  Ende  December 
lyg!-!,  von  August  Lufft.  Freiburg  i.  B.  und  Tùbingen,  Mo.hr.  188 1.  In-8,  xv  et 
160  p. 

Dans  le  premier  de  ces  ouvrages.  M,  Lufft,  aidé  de  tous  les  docu- 
ments français  et  allemands  et  de  la  connaissance  du  terrain,  raconte 
aussi  complètement  que  possible  un  épisode  de  la  campagne  de  1794, 
la  prise  du  poste  du  Schânzel  par  les  divisions  Desgranges  et  Siscé.  On 
ne  saurait  trop  louer  ce  récit  militaire,  œuvre  d"'un  profane  et,  qui  plus 
est,  d'un  homme  de  quatre-vingt-trois  ans  (cp.  la  préface,  p.  1).  Nous 
le  recommandons  à  tous  ceux  qu'intéresse  l'histoire  de  la  Révolution. 
Nous  ne  ferons  qu'un  seul  reproche  à  M.  Lufft.  Il  nous  apprend  (p.  45, 
59,  63)  —  et  nous  l'en  félicitons  de  tout  cœur  —  que  son  parent,  Au- 
guste Charles  Lufft,  chef  de  la  iSô'^  demi-brigade,  prit  une  part  active 
à  la  prise  du  Schânzel  et  décida  le  succès.  Mais  il  ajoute  que  le  nom  de 
Lufft  ne  fut  pas  cité  dans  le  rapport.  «  Ei  nun  !  es  war  kein  National- 
franzose,  sondern  nur  ein  deutscher  Elsasser.  »  Nous  protestons  contre 
cette  conclusion  injuste.  La  France,  et  surtout  la  France  de  la  Révolu- 
tion, n'a  jamais  été,  comme  semble  l'insinuer  M.  L.,  une  marâtre  pour 
les  Alsaciens.  Rewbell  fut  membre  du  Directoire;  Kleber  et  Rapp  de- 
vinrent, généraux;  Lefebvre,  maréchal.  N'étaient-ce  pas  des  Alsaciens 
qui  commandaient  la  première  armée  de  la  Révolution  et  Pencoura- 
geaient  à  tenir  sur  le  tertre  de  Valmy  contre  le  feu  des  Prussiens  ;  Kel- 


d'hISTOIKK    F.T    DIC    LITTÉKAIURK  40Î 

lermann,  général  en  chef;  Schauenburg,  chef  de  Fétat-major  lie  l'armée; 
Lajolais  (né  à  Wissembourg),  premier  aide-de-camp;  Scherer,  chef  de 
l'état-major  de  l'avant-garde  ^  ?  Si  le  chef  de  brigade  Lufl^t  ne  fut  pas 
nommé  dans  le  rapport,  c'est,  comme  le  dit  plus  loin  M.  L.,  qu'il  avait 
excité  la  jalousie  de  généraux  médiocres'-. 

La  lecture  de  l'excellent  travail  de  M.  L.  sur  le  SchanzePnous  a  fait 
connaître  une  étude  précédente  du  même  auteur  sur  la  campagne  du 
moyen-Rliin  d'août  à  décembre  l'jgS  ;  quoiqu'elle  date  de  quatre  années 
déjà,  nous  n'hésitons  pas  à  la  mentionner  et  à  la  recommander  avec  les 
mêmes  éloges.  Elle  témoigne,  elle  aussi,  de  lectures  étendues  et  de 
grandes  connaissances  techniques;  elle  est  à  la  fois  claire  et  complète; 
l'auteur  y  fait  preuve  d'impartialité  autant  que  de  savoir.  M.  Lufït 
n'est  pas  d'ailleurs  un  inconnu  pour  les  lecteurs  de  ce  recueil;  on  a 
parlé  ici  même  d'un  autre  travail  fort  consciencieux  qu'il  avait  publié 
en  1882  sur  les  batailles  de  Fribourg  d'août  1644  ('£)/e  Schlachten  bei 
Freiburg.  Condé  iind  Tiirenne  gegen  Mercy)  et  que  M.  Charvériat  a 
résumé  dans  les  mémoires  de  l'académie  de  Lyon. 

C. 


LETTRE    DE    M.    THEODORE    REINACH 

iM.  Maurice  Vernes,  dans  le  compte-rendu  très  courtois  qu'il  a  fait  de  mon 
Histoire  des  Israélites  (Revue  du  ig  octobre),  m'adresse,  parmi  quelques  obser- 
vations de  détail  dont  je  ferai  mon  profit,  une  petite  critique  à  laquelle  je 
demande  la  permission  de  répondre.  11  s'agit  de  l'étymologie  du  mot  Marranes, 
nom  des  nouveaux  convertis  espagnols,  que  j'ai  rapproché  de  l'araméen  ':<  hé- 
breu n  est  un  lapsus)  Maran  atha,  en  traduisant  :  «  Anaihème  sur  toi.  »  M.  Vernes 
juge  l'étymologie  «  plus  que  suspecte  ;;,  la  traduction  «  absolument  erronée  »  et 
conclut  que  «  la  malencontreuse  note  est  à  bilfer  tout  entière.  »  Peut-être  serait-il 
d'un  autre  avis  s'il  avait  lu  la  note  de  Gva.tiz  iGeschiciite  der  Juden,  VIH,  73,  note  3  ; 
2'^  éd.),  à  laquelle  j'ai  emprunté  mon  explication  de  ce  mot  difficile.  On  lit  dans  la 
/^■-    aux  Corinthiens    (lô.    22)   :  £{  t'.ç  O'j  o'.Aît...   'l"/;'joijv  "/p'.STOV,  r-.h)  àvâOs[j.a, 

1.  Nous  signalons  volontiers  ce  fait  que  personne  jusqu'ici  n'a  encore  mentionné. 

2.  Je  crois  faire  plaisir  au  vénérable  érudit  en  lui  communiquant  un  détail  —  qu'il 
ignore  peut-être  —  sur  son  glorieux  parent,  le  français  Auguste  Luft't.  Il  éiait  capi- 
taine au  2^  bataillon  de  volontaires  du  Bas-Rhin  lorsque  le  général  Perrière,  com- 
mandant le  camp  de  Huningue,  le  chargea  de  «  se  rendre  à  Bàle  pour  empêcher  les 
soldats  que  des  affaires  pourraient  appeler  dans  cette  ville,  d'y  donner  lieu  à  aucune 
plainte  de  la  part  du  magistrat  ou  des  citoyens  de  Bâle  »...,  de  "  surveiller  l'exécu- 
tion de  la  parfaite  neutialité  que  le  canton  de  Bâle  et  ses  représentants  ont  promise 
à  la  République  française  »,...  Lufft  était  autorisé  à  «  faire  des  représentations  au 
bourgmestre  et  conseil  de  Bâle  sur  tous  les  objets  qui  lui  paraîtraient  contrarier  les 
intérêts  de  la  République  française  ou  tendre  à  violer  la  neutralité  »  ;  il  avait  ■<  pleins 
pouvoirs  ».  (12  nov.  1702,  archives  de  la  guerre). 

3.  Signalons  encore  dans  l'appendice  une  description  du  Schaenzel  et  des  environs 
amsi  qu'une  carte  détaillée  des  positions  occupées  par  les  Prussiens  et  les  Français 
dans  la  journée  du  i3  juillet  1794. 


404  REVUE   CRITIQUE 

[Ji.apava0â.  La  version  syrienne  écrit  xn^<  71)2  ce  qui  signifie  en  effet,  comme  le  dit 
M.  Vernes,  «  le  seigneur  vient.  »  Mais  Graetz  suppose  que  [j.apavaOi  est  pour 
[xaoaiJ.aOa,  c'est-à-dire  une  corruption  du  néo-liébreu  px  mn72  (chaldéen  riDiriQ^ 
qui  signifie  «  tu  es  mis  au  ban»,  «  anathème  sur  toi.?  »  Certainement  le  contexte 
de  la  phrase  est  plus  favorable  à  cette  dernière  explication,  et  jusqu'à  nouvel  ordre 
je  persiste  à  la  préférer  à  l'étymologie  vulgaire. 

Théodore  Reinach. 

P.-S.  —  «  Obscurant  »  (p.  362)  est  plutôt  un  archaïsme  qu'un  néologisme.  — 
«  Chaque  pays  a  les  juifs  qu'il  mérite  »  (p.  38i)  est  une  phrase  de  Bismarck  fje  ne 
retrouve  pas  le  passage)  qui  n'a  l'air  d'appartenir  «  au  style  du  journalisme»  que  parce 
qu'elle  a  été  souvent  citée  par  les  journaux.  —  Pour  la  justification  des  44  syna- 
gogues de  Constantinople  au  xvi'  siècle,  ayant  chacune  un  rite  distinct  (il  ne  s'agit 
bien  entendu  que  de  nuances)  voir  le  journal  d'Etienne  Gerlach,  p.  i74,(Ap.  Graetz, 
op.  cit.  IX,  32,  note  i). 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  La  librairie  Klincksieck  (ii,  rue  de  Lille)  vient  de  publier  un  très 
important  Catalogue  de  livres  anciens  et  modernes  neufs  et  d'occasion;  ce  catalogue 
se  compose  de  11, 634  numéros. 

—  M.  GASQ.UET,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Clermont-Ferrand,  vient  de 
publier  (Hachette,  2  vols,  in-12)  un  Précis  des  institutions  politiques  et  sociales 
de  l'ancienne  France.  Voici  les  divisions  de  cet  ouvrage  :  t.  1  (SyS  pp.),  le  pouvoir 
royal,  l'administration  centrale,  l'administration  provinciale,  les  Etats  généraux, 
les  assemblées  provinciales,  la  justice,  les  finances;  t.  II  (354  PP-)»  Je  clergé,  la  no- 
blesse, la  bourgeoisie,  les  corporations  ouvrières,  les  classes  agricoles,  plus  une 
bibliographie  très  abondante  (pourquoi  ne  pas  donner  les  dates  de  tous  les  ouvra- 
ges .').  On  voit  par  cette  énumération  des  chapitres  que  l'auteur  s'est  astreint  à  l'or- 
dre des  matières,  et  non  à  l'ordre  chronologique  ;  il  n'a  pas  embrassé  à  la  fois,  soit 
à  la  période  de  formation,  soit  à  la  période  de  complet  épanouissement,  ces  institu- 
tions politiques  et  sociales  dont  il  a  tracé  une  série  de  tableaux  partiels.  Si  ce  dé- 
faut de  composition  en  est  un,  nous  avouons  le  préférer  au  défaut  de  composition 
contraire,  avec  lequel  les  vues  d'ensemble  n'auraient  pas  laissé  percevoir  les  détails 
avec  autant  de  netteté  et  de  précision.  L'ouvrage  de  M.  G.  a  dû  lui  coûter  un  travail 
considérable;  il  est  fait  avec  soin,  d'après  les  documents,  et  s'appuie  sur  une  longue 
série  de  citations.  Il  est  certain  que  les  spécialistes,  qui  se  consacrent  à  l'étude  des 
finances,  ou  à  l'étude  des  classes  agricoles,  ou  à  l'étude  des  institutions  royales,  etc., 
pourront  signaler  des  inexactitudes  de  détail,  pourront  reprocher  à  M.  G.  tantôt  de 
n'avoir  pas  tranché  les  controverses  pendantes,  tantôt  de  les  avoir  tranchées  d'une 
manière  imprudente.  M.  G.  a  pris  soin  de  prévenir  ces  critiques,  en  expliquant  la 
nature  de  son  livre.  Pour  nous,  nous  croyons  que  l'auteur  a  rendu  un  service  signalé 
aux  candidats  à  la  licence  et  à  l'agrégation  d'histoire,  en  vue  desquels  il  a  spéciale- 
ment écrit;  son  livre  ne  sera  pas  inutile  non  plus  pour  les  membres  du  corps  en- 
seignant, qui  lui  sauront  gré  d'avoir  réuni  des  textes  sur  les  institutions  de  notre 
pays  et  d'en  avoir  exposé  méthodiquement  l'histoire.  C'est  à  ces  différents  titres  que 


d'histoire  et  dk  littéuature  4o5 

l'on  signale  l'ouvrage  de  M.  G.,  avec  la  confiance  qu'il  sera  bien  accueilli.  —  G.  L-G. 
La  librairie  Klincksieck  publie  sous  le  titre  L'idéal  de  justice  et  de  bon- 
heur et  la  vie  primitive  des  peuples  du  Nord  dans  la  littérature  grecque  et  latine. 
(In-8°,  IV  et  114  pp.);  ""S  traduction  de  l'ouvrage,  paru  en  1875,  de  M.  RIese,  die 
Idealisirung  der  Naturvcelker  des  Nordens  in  dcr  griechischen  und  rœmischen  Li- 
teratur.  La  traduction,  qui  est  bien  faite,  est  l'œuvre  de  MiVI.  Fernand  Gâche,  pro- 
fesseur à  Nîmes,  et  Sully  Piquet,  professeur  au  collège  de  Zvvolle.  Les  traducteurs 
ont  ajouté  un  certain  nombre  de  remarques  et  de  citations  qui  éclaircissent  et  com- 
plètent le  texte  ;  M.  Riese  lui-même  leur  a  communiqué  quelques  notes  qu'on 
trouve  à  leur  place  sous  la  signature  A.  R.  L'opuscule  a  été  complètement  rema- 
nié; les  passages  grecs  et  latins  ont  été  empruntés  aux  meilleures  traductions  fran- 
çaises ou  traduits  sur  les  textes;  les  citations,  vérifiées  avec  soin,  renvoient  aux 
meilleures  éditions  classiques;  elles  ne  sont  pas,  comme  dans  l'original,  accumulées 
dans  le  texte  même;  on  les  a  rejetées  au  bas  des  pages;  enfin  le  travail  de  M.  Riese 
a  été  complété  par  une  division  méthodique  en  chapitres  et  en  paragraphes,  par  des 
sommaires,  par  des  tables  de  matières  détaillées.  La  Revue  critique  a  rendu  compte 
(1S75,  12  juin,  n"  24,  art.  114)  de  la  publication  de  M.  Riese,  et  nous  ne  pouvons 
que  nous  associer  au  jugement  que  portait  alors  un  de  nos  collaborateurs  :  «  On  ne 
lira  pas  ce  petit  écrit  sans  être  frappé  de  maint  aperçu  nouveau  sur  les  auteurs  les 
plus  connus,  comme  aussi  d'informations  très  curieuses  puisées  à  des  sources  moins 
fréquentées...  M.  Riese  croit  que  la  Germanie  de  Tacite  est  un  ouvrage  sérieux  de 
géographie  et  d'ethnographie,  mais  il  reconnaît  en  même  temps  que  Tacite  cherche 
les  causes  de  la  force  des  Germains  précisément  dans  le  contraire  de  ce  qui  fait  la 
faiblesse  de  la  Rome  impériale,  et  qu'il  se  complaît  à  peindre  un  état  de  choses  qui 
lui  paraît  plus  ou  moins  idéal.  Il  poursuit  ce  contraste  entre  la  civilisation  gréco- 
romaine  et  les  mœurs  primitives  des  barbares  à  travers  tous  les  âges  de  la  littérature 
ancienne,  d'Homère  à  Tacite  :  ce  sont  d'abord  des  peuples  plus  ou  moins  fabuleux, 
habitant  l'extrême  Occident,  dont  la  justice  et  le  bonheur  sont  célébrés  par  les  poè- 
tes grecs;  plus  tard,  les  mêmes  traits,  et  d'autres  plus  nombreux,  mais  toujours 
semblables,  sont  prêtés  aux  Hyperboréens,  aux  Scythes,  et  enfin,  au  i^^"^  siècle  après 
J.-C.,  surtout  par  les  hommes  de  l'opposition  stoïcienne,  aux  Germains.  » 

—  M.  Henri  Jadart  vient  de  consacrer  une  étude  intéressante  au  traité  de  Ma- 
billon  sur  les  prisons  des  ordres  religieux  (D.  Mabillon  et  la  réforme  des  prisons, 
étude  historique  et  morale.  Reims,  Michaud  ;  Paris,  Champion.  ln-8°,  20  pp.).  Il 
montre  l'origine  et  le  but  de  ce  traité;  il  prouve  par  la  correspondance  inédite  de 
l'érudit  avec  M.  Marquette  que  l'ouvrage  fut  composé  à  l'occasion  des  égarements 
du  frère  Denis,  de  1692  à  i6g5;  Mabillon  apprit  avec  douleur  le  traitement  rigou- 
reux dont  le  frère  Denis  était  l'objet,  mais,  dit  M.  Jadart,  la  clarté  du  style,  la  sû- 
reté des  jugements,  la  précision  des  renseignements  historiques,  la  fermeté  des  con- 
clusions, toutes  ces  qualités  donnent  à  la  dissertation  une  valeur  bien  plus  grande 
que  le  choc  d'une  émotion  passagère;  on  reconnaît  dans  ces  pages  miséricordieuses 
l'âme  tout  entière  de  Mabillon,  sa  science  et  sa  sagesse,  son  esprit  de  paix  et  de  jus- 
tice. 

—  Le  neuvième  et  le  dixième  fascicule  des  Correspondants  de  Peiresc  de  M.  Ta- 
MizEY  DE  Larroque  viennent  de  paraître.  (Paris,  Picard.  In-8°,  02  pp.).  Le  neuvième 
est  consacré  à  Salomon  A^ubi,  rabbin  de  Carpentras.  M.  T.  de  L.  s'esr  aidé,  pour 
rédiger  son  introduction  et  son  commentaire,  d'un  spécialiste,  M.  Jules  Dukas,  qui 
a  su  utiliser  de  précieuses  indications  fournies  par  M.  Steinschneider  et  qui  a  con- 
sulté les  manuscrits  des  sermons  d'Azubi  (appartenant  à  M.  de  Gunzburg).  Le 
dixième  fascicule  renferme    des    lettres   inédites  de  Guillaume  d'Abbatia  à  Peiresc 


406  RKVUE    CRIIlQLh 

écrites  de  1619  à  i633.  (In-S",  43  pp.  Paris,  Picard)  ;  ce  personnage  dont  personne  ne 
s'était  encore  occupé,  était  avocat  au  parlement  de  Toulouse;  sa  correspondance  ren- 
ferme d'intéressants  détails  sur  l'artiste  Jean  Chalette,  sur  le  poète  Maynard,  sur  la 
peste  qui  ravagea  le  Languedoc,  sur  les  querelles  du  nouvel  archevêque  de  Tou- 
louse, Charles  de  Montchal,  avec  le  parlement  et  l'université.  M.  Tamizey  de  Lar- 
roque  accompagne  ces  lettres,  comme  toujours,  de  notes  savantes  et  d'un  appendice 
qui  contient  d'autres  documents  curieux  et  inédits. 

—  Deux  publications  de  M.  Louis  Paris  relatives  à  Reims.  —  L'ancien  bibliothé- 
caire de  Reims  nous  donne  en  même  temps  une  étude  sur  une  des  chapelles  de  la 
cathédrale  et  une  étude  sur  le  théâtre  de  cette  ville  (La  chapelle  du  Saint-Laid  dans 
la  cathédrale  de  Reims.  Reims,  F.  Michaud,  i885,  in-S»  de  107  p.  —  Le  théâtre  à 
Reims  depuis  les  Romains  jusqu'à  nos  jours.  Ouvrage  illustré  de  gravures  sur  bois. 
Reims,  F.  Michaud,  i885,  in-S"  de  814  p.).  Ces  deux  études  sont  fort  bien  faites  et 
elles  auront  de  l'attrait  pour  bien  d'autres  que  les  Rémois.  La  première  est  déta- 
chée d'un  travail  plus  étendu,  ayant  primitivement  pour  titre  :  Histoire  et  descrip- 
tion de  l'intérieur  de  Notre-Dame  de  Reims,  travail  resté  inédit  dans  certaines  ar- 
chives académiques,  où  quelques  indiscrets  monographes  n'ont  pas  dédaigné  d'y 
prendre  ce  qui  leur  pouvait  convenir,  emprunt  dont  M.  L.  Paris  dit  avec  une  spi- 
rituelle indulgence  :  «  Péché  tout  véniel,  s'il  en  fut  jamais!  »  L'histoire  de  la  Cha- 
pelle du  Saint-Laict  (de  1212  à  l'époque  actuelle)  est  complète  et  l'on  y  trouvera 
tous  les  détails  désirables  sur  la  reine  Blanche  et  les  rois  Charles  V  et  Charles  VIII, 
bienfaiteurs  de  la  chapelle,  sur  l'incendie  de  1481,  sur  l'architecte  Colbert  Lemoyne, 
sur  le  poète-chanoine  Guillaume  Coquillart,  sur  l'archevêque  Robert  de  Lenon- 
court,  etc.  —  La  seconde  étude  n'est  ni  moins  complète,  ni  moins  intéressante.  On 
y  reconnaît  à  chaque  page  la  compétence  du  spécialiste  auquel  on  doit,  depuis  près 
d'un  demi-siècle,  les  Toiles  peintes  et  tapisseries  de  la  ville  de  Reims,  ou  la  mise  en 
scène  du  théâtre  des  confrères  de  la  Passion  (Reims,  1843).  Parmi  les  chapitres  les 
plus  curieux  du  volume,  je  citerai  ceux  qui  sont  relatifs  au  théâtre  chez  les  Pères 
Jésuites,  à  la  comédie  de  salon  (Maucroix,  M""  de  Navarre,  Voltaire  à  Reims, 
M'"' Desjardins),  au  théâtre  pendant  la  Révolution  et  sous  le  Directoire.  L'Appendice 
ne  contient  pas  moins  d'une  quarantaine  de  Pièces  justificatives,  inédites  pour  la 
plupart  (p.  24'3-3i2).  Dans  cet  appendice  où  régnent  une  si  grande  richesse  et  une 
si  grande  variété,  les  rapprochements  piquants  abondent,  et,  par  exemple,  je  citerai 
un  madrigal  quelque  peu  risqué,  mais  très  agréablement  tourné,  sur  une  brillante 
actrice  de  Paris,  M"''  de  Lorme,  venue  à  Reims  en  1768  (p.  256),  qui  est  voisin  du 
fameux  rapport  adressé,  en  octobre  1793,  par  Riihl,  à  la  Convention  nationale  sur 
le  bris  de  la  sainte  Ampoule  (p.  271).  —  T.  de  L. 

—  Lettres  inédites  du  roi  Henri  IV.  —  M.  Eugène  Halphen  finira  par  nous  don- 
ner, dans  ses  exquises  plaquettes  qui  Se  succèdent  d'année  en  année,  presque  autant 
de  lettres  inédites  du  roi  Henri  IV  que  Berger  de  Xivrey  et  Guadet  dans  leurs  gros 
volumes.  En  voici  deux  douzaines  qui  viennent  s'ajouter  aux  nombreuses  centaines 
que  déjà  nous  devons  à  un  des  plus  zélés  et  des  plus  habiles  chercheurs  que  je  con- 
naisse {Lettres  inédites  du  roi  Henri  IV  à  Monsieur  de  Villiers,  ambassadeur  à  Ve- 
nise, i5()(j,  publiées  d'après  le  manuscrit  de  la  Bibliothèque  nationale.  Paris, 
Jouaust;  Champion,  !883.  In-S"  de  gg  p.  Tiré  ù  72  exemplaires).  Dans  sa  préface, 
l'excellent  éditeur  constate  que  le  recueil  des  lettres  missives  ne  renferme  aucune 
lettre  adressée  à  Antoine  Séguier,  seig-neur  de  Villiers,  président  à  mortier  au  parle- 
ment de  Paris,  envoyé  ambassadeur  à  Venise  en  septembre  iSgS  (voir  le  grand 
éloge  que  fait  de  lui  Pierre  de  l'Estoile,  édition  Jouaust,  t.  III,  p.  140).  Lacune  d'au- 
tant plus  regrettable,  que  Venise  était   un   meilleur  poste    d'observation   et  que  la 


d'histoire  kt  de  littkraturk  407 

correspondance  d'Henri  IV  avec  un  diplomate  aussi  éclaire,  aussi  diligent  que  le 
sieur  de  Villiers,  devait  être  plus  importante.  Fclicitons-nous  donc  de  ce  que 
M.  Halphen  a  mis  la  main  sur  le  ms.  iB.o'.îq  du  fonds  français,  registre  d'ambas- 
sade pour  l'année  iSqq.  Tout  en  s'étonnant  que  cette  correspondance  ait  jusqu'à  ce 
jour  échappé  aux  curieux,  M.  Halphen  appelle  notre  attention  sur  la  recherche  à 
faire  des  lettres  familières,  qu'à  côté  des  lettres  officielles,  Henri  dut  écrire  à  Villiers, 
et  il  dit  (p.  9)  de  ces  lettres  intimes  qui  dorment  inutiles  dans  quelque  dépôt  :  «  Je 
serais  bien  heureux  si  ma  petite  publication  rappelait  le  nom  trop  oublié  de  Vil- 
liers et  donnait  aux  détenteurs  de  ces  trésors  l'idée  de  les  offrir  aux  amateurs  de 
l'histoire  ».  Une  rapide  et  nette  analyse  des  24  lettres  d'Henri  IV  (p.  9-10)  nous  ap- 
prend que  s'il  y  est  fort  question  de  la  Savoie,  le  roi  entretient  Villiers  d'autres  su- 
jets très  variés,  de  ses  maladies,  des  causes  de  la  piraterie,  des  affaires  de  la  Hol- 
lande, de  l'Angleterre,  de  la  Hongrie,  de  la  nécessité  de  la  guerre  aux  Turcs,  des 
dessins  de  Giulo  Cesare,  du  voyage  en  Italie  du  futur  duc  de  Rohan,  du  rétablisse- 
ment du  culte  catholique  en  Béarn,  des  partis  proposés  à  Marie  de  Médicis,  de  son 
désir  de  l'épouser  et  de  beaucoup  d'autres  affaires.  On  trouvera,  du  reste,  à  la  Ta- 
ble, le  résumé  du  contenu  de  chaque  lettre,  résumé  qui,  comme  tout  ce  que  publie 
M.  Halphen,  est  fait  avec  un  soin  irréprochable.  —  T.  de  L. 

P. -S.  —  Je  proposerais  de  lire  ainsi  qu'on  va  le  voir  trois  mots  remplacés  par  des 
points  :  «  et  feray  comme  [on  dit]  la  guerre  à  l'œil  »  (p.  24).  —  De  la  bonne  justice 
que  Sa  Sainteté  m'a  [faict]  sur  la  nullité  de  mon  mariage  »  (p.  80).  —  «  Car  si  cela 
n'estoit  point  [prins]  u'eulx  en  bonne  part  »  :.p.  82). 


ACADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  publique  annuelle  du  i3  novembre  i885. 

M.  Ernest  Desjardins,  président,  prononce  un  discours  dans  lequel,  après  avoir 
rendu  hommage  à  la  mémoire  des  académiciens  morts  dans  l'année,  MM.  Frédéric 
Baudry,  Léon  Renier  et  Emile  Egger,  il  annonce  les  prix  décernés  en  i885,les  sujets 
de  prix  proposés,  et  rend  compte  des  travaux  des  membres  des  écoles  françaises 
d'Athènes  et  de  Rome. 

M.  Wallon,  secrétaire  perpétuel,  lit  une  Notice  historique  sur  la  vie  et  les  travaux 
de  M.  Henri-Adrien  Prévost  de  Longpérier,  membre  de  V Académie. 

M.  Edmond  Le  Blant  donne  lecture  de  son  mémoire  intitulé  :  le  Christianisme 
aux  yeux  des  païens. 

JUGEMENT  DES  CONCOURS 

Prix  ordinaire.  —  L'Académie  avait  prorogé  à  l'année  i885  le  sujet  suivant  qu'elle 
avait  déjà  proposé  pour  l'année  i883  :  «  Faire  l'énumération  complète  et  sj'stéma- 
tique  des  traductions  hébraïques,  qui  ont  été  faites  au  moyen  âge,  d'ouvrages  de 
philosophie  ou  de  science,  grecs,  arabes  ou  même  latins.  »  Elle  décerne  le  prix  à 
M.  Moritz  Steinschneider,  auteur  du  mémoire  portant  comme  épigraphe  :  Dies  diem 
docet.  —  L'Académie  avait  proposé  pour  l'année  i885  la  question  suivante  :  «  Etude 
sur  l'instruction  des  femmes  au  moyen  âge,  etc.  «  Un  seul  mémoire  très  insuffisant 
ayant  été  déposé  sur  ce  sujet,  l'Académie  n'a  pas  décerné  le  prix  et  elle  proroge  ce 
concours  pour  l'année  1887  (voy.  ci-après).  —  L'Académie  avait  encore  proposé  pour 
l'année  i885  le  sujet  suivant  :  «  Exposer  la  méthode  d'après  laquelle  doit  être  étudié, 
préparé  pour  l'impression  et  commenté,  un  ancien  obituaire,  etc.  »  Aucun  mémoire 
n'ayant  été  déposé  sur  cette  question,  l'Académie  la  proroge  h  l'année  iH.'-ly  (voy. 
ci-après). 

Antiquités  de  la  France.  —  L'Académie  décerne  trois  médailles  :  la  première  à 
M.  Tanon,  pour  son  Histoire  des  Justices  des  anciennes  églises  et  communautés 
monastiques  de  Paris  (Paris,  iS8Jî,  in-8");  la  djuxième  à  M.  Léon  Palustre,  pour 
son  ouvrage  :  la  Renaissance  en  Fra)ice  {Varis,  1879-1881,  gr.  in-4"j;  la  troisième 
à  M.  Buhot  de  Kersers,  pour  son  Histoire  et  statistique  monumentale  du  départe- 
ment du   Cher  (Bourges,    i883,  in-4'').    L'Académie  accorde  en    outre  six  mentions 


4o8 


REVUK    CRITIQUE 


honorables  :  i"  à  M.  Pellechet.  pour  son  livre  intitulé  :  Noies  sur  les  livres  liturgi- 
ques des  diocèses  d'Autun,  Chalou  et  Mâcon  (Paris,  Autun,  i883,  in8°j;  2»  à 
MM.  Izarn  et  G. -A.  Prévost,  pour  leur  livre  :  le  Compte  des  recettes  et  dépenses  du 
roi  de  Navarre  en  France  et  en  Normandie  de  i36i  à  i3jo  (Paris,  i885,  in-8°)  ; 
3°  à  M.  Maurice  Prou,  pour  son  ouvrage  :  les  Coutumes  de  Lorris  et  leur  propaga- 
tion aux  xii'  et  xui'  siècles  (Paris,  1884,  in-4'>);  4"  à  M.  André  Joubert,  pour  son 
Etude  sur  la  vie  privée  au  xv**  siècle  en  Anjou  (Angers,  1884,  in-80);  5°  à  M.  Ger- 
main Bapst,  pour  son  livre  intitulé  :  les  Métaux  dans  V antiquité  et  au  moyen  âge  : 
l'Etain  'Paris,  18S4,  in-8°y  ;  6°  à  M.  le  D""  Le  Paulmier,  pour  son  livre  :  Ambroise 
Paré,  d'après  de  nouveaux  documents  découverts  aux  Archives  nationales  et  des 
papiers  de  famille  (Paris,  i885,  in-8°). 

Prix  DE  NUMISMATIQUE.  —  Le  prix  annuel  de  numismatique  fondé  par  M.  Allier  de 
Hauteroche,  et  destiné  au  meilleur  ouvrage  de  numismatique  ancienne,  publié  de- 
puis le  mois  de  janvier  i883,  est  partagé  cette  année  entre  M.  Percy  Gardner,  pour 
son  ouvrage  intitulé  :  the  Types  of  Greek  coins,  et  M.  Six,  pour  son  mémoire  sur 
le  Classement  des  séries  cypriotes. 

Prix  fondé  par  le  baron  Gobert,  pour  le  travail  le  plus  savant  et  le  plus  profond 
sur  l'histoire  de  France  et  les  études  qui  s'y  rattachent.  —  Le  premier  prix  est 
décerné  à  M.  Luchaire,  pour  ses  Etudes  sur  les  actes  de  Louis  VII.  (Paris,  i885, 
in-40).  Le  second  prix  est  décerné  à  M.  de  Maulde,  pour  son  livre  intitulé  :  Pro- 
cédures politiques  du  régne  de  Louis  XII.  (Pans,  1884,  in-40). 

Prix  fondé  par  M.  Bordin.  —  L'Académie  avait  prorogé  à  l'année  i885  le  sujet 
suivant  qu'elle  avait  déjà  proposé  pour  i883  :  «  Etudier  à  l'aide  des  documents  d'ar- 
chives et  de  textes  littéraires  le  dialecte  parlé  à  Paiis  et  dans  l'Ile-de-France  jus- 
qu'à l'avènement  des  Valois,  etc.  »  Aucun  mémoire  n'ayant  été  déposé  sur  cette 
question,  l'Académie  la  retire  du  concours  (Voy.  ci-après).  L'Académie  avait  pro- 
posé pour  l'année  i885  la  question  suivante  :  «  Etude  critique  sur  les  œuvres  que 
nous  possédons  de  l'art  étrusque,  origines  de  cet  art;  influence  qu'il  a  eue  sur  l'art 
romain.  »  Deux  mémoires  ont  été  déposés  sur  cette  question.  L'Académie  ne  croit 
pas  qu'il  y  ait  lieu  de  décerner  tout  ou  partie  du  prix,  mais  l'un  au  moins  des  mé- 
moires, le  n°  I,  permettant  d'espérer  qu'avec  plus  de  temps  l'auteur  pourrait  offrir 
à  l'Académie  un  ouvrage  savant  et  vraiment  distingué,  l'Académie  proroge  cette 
question  à  l'année  1887  (voy.  ci-après).  L'Académie  avait  aussi  proposé  pour  l'année 
i885  le  sujet  suivant  :  «  Examiner  et  apprécier  les  principaux  textes  épigraphiques, 
soit  latins,  soit  grecs,  qui  éclairent  l'histoire  des  institutions  municipales  dans  l'em- 
pire romain,  depuis  la  chute  de  la  République  jusqu'à  la  fin  du  règne  de  Septime 
Sévère.  »  Elle  décerne  le  prix  à  M.  Loth,  pour  son  mémoire  ayant  pour  épigraphe  : 
«  Les  libertés  nécessaires  d'un  peuple  sont  les  libertés  municipales.  » 

Prix  Brunet.  —  L'Académie  avait  proposé  pour  le  concours  de  i885  la  question 
suivante  :  «  Relever  sur  le  grand  catalogue  de  bibliographie  arabe  intitulé  Filirist 
toutes  les  traductions  d'ouvrages  grecs  en  arabe,  etc.  »  Un  seul  mémoire,  insuffi- 
sant, ayant  été  déposé  sur  ce  sujet,  l'Académie  le  remet  au  concours  en  le  proro- 
geant à  l'année  1887  (voy.  ci-après). 

Prix  .Stanislas  Julien.  —  Par  son  testament  olographe,  en  date  du  26  octobre 
1872,  M.  Stanislas  Julien,  membre  de  l'Institut,  a  légué  à  l'Académie  des  inscriptions 
et  belles-lettres  une  rente  de  quinze  cents  francs  pour  fonder  un  prix  annuel  en  fa- 
veur du  meilleur  ouvrage  relatif  à  la  Chine.  L'Académie  décerne  le  prix  à  M.  de 
Rosny,  pour  son  Histoire  des  dynasties  divines  du  Japon,  traduite  du  chinois  et  du 
japonais  (Paris,  1884,  in-8"). 

Prix  Jean  Revnaud.  —  M'"*"  veuve  Jean  Reynaud,  «  voulant  honorer  la  mémoire 
de  son  mari  et  perpétuer  son  zèle  pour  tout  ce  qui  touche  aux  gloires  de  la  France  », 
a,  par  un  acte  en  date  du  23  décembre  1878,  fait  donation  à  l'Institut  d'une  rente 
de  dix  mille  francs,  destinée  à  fonder  un  prix  annuel  qui  sera  successivement  dé- 
cerné par  chacune  des  cinq  Académies.  L'Académie  décerne  le  prix  à  M.  le  capitaine 
Aymonier,  pour  sa  découverte  des  inscriptions  sanscrites  du  Cambodge  et  la  tra- 
duction de  la  partie  kmer  de  ces  inscriptions. 

Prix  de  La  Grange.  —  M.  le  marquis  de  La  Grange,  membre  de  l'Académie,  par 
son  testament  en  date  du  3  août  1871,  a  légué  à  l'Académie  des  inscriptions  et  bel- 
les-lettres une  rente  annuelle  de  mille  francs  destinée  à  fonder  un  prix  en  faveur  de 
la  publication  du  texte  d'un  poème  inédit  des  anciens  poètes  de  la  France  ;  à  défaut 
d'une  œuvre  inédite,  le  prix  pourra  être  donné  au  meilleur  travail  sur  un  poète  déjà 
publié,  mais  appartenant  aux  anciens  poètes.  L'Académie  décerne  le  prix  à  M.  An- 
toine Thomas,  maître  de  conférences  à  la  Faculté  des  lettres  de  Toulouse,  pour  sa 
thèse,  soutenue,  en  1884,  à  la  Faculté  des  lettres  de  Paris  :  Francesco  da  Barberino 
et  la  poésie  provençale  en  Italie. 

ANNONCE  DES  CONCOURS 

dont  les  termes  expirent  en  x886,  1887  et  1888. 

Prix  ordinaire  de  l'Académie.  —  L'Académie  rappelle  qu'elle  a  proposé  les  ques- 
tions suivantes  :  —  1°  Pour  l'année  1886  :  «  Faire  d'après  les  textes  et  les  monu- 
ments figurés  le  tableau  de  l'éducation  et  de  l'instruction  que  recevaient   les  jeunes 


D  HISTOIRE    KT    DK    LITTEUATURK  409 

Athéniens  aux  v°  et  iv"  siècles  av.  J.-C.  jusqu'à  i'âge  de  dix-huit  ans.  Les  concur- 
rents sont  invités  à  ne  pas  insister  sur  les  exercices  gymnastiques.  »  Les  mémoires 
devront  être  déposés  au  secrétariat  de  l'Institut  le  3i  décembre  i883.  —  2°  Pour  l'an- 
née 1887  :  «  Etudier  d'après  les  chroniques  arabes  et  principalement  celles  de  Ta- 
bari,  Maçoudi,  etc.,  les  causes  politiques,  religieuses  et  sociales  qui  ont  déterminé 
la  chute  de  la  dynastie  des  Omeyyades  et  l'avènement  des  Abassides.  »  Les  mémoi- 
res devront  être  déposés  au  secrétariat  de  l'Institut  le  3i  décembre  1886.  —  L'Aca- 
démie rappelle  en  outre  qu'elle  a  prorogé  à  l'année  1887  les  questions  suivantes 
qu'elle  avait  proposées  pour  l'année  1884  •  !•  "  Examen  historique  et  critique  de  la 
bibliothèque  de  Photius.  »  II.  «  Etude  grammaticale  et  historique  de  la  langue  des 
inscriptions  latines,  comparée  avec  celle  des  écrivains  romains,  depuis  le  temps  des 
guerres  puniques  jusqu'au  temps  des  Antonins.  »  Les  mémoires  devront  être  dépo- 
sés au  secrétariat  de  l'Institut  le  3i  décembre  18S6.  —  L'Académie  avait  proposé 
pour  le  concours  de  l'année  i885  :  I.  «  Etude  sur  l'instruction  des  feinnies  au  moyen 
âge.  Constater  l'état  de  cette  instruction  dans  la  société  religieuse  et  dans  la  société 
civile  en  ce  qui  regarde  la  connaissance  des  lettres  profanes  et  des  genres  divers  de 
littérature  vulgaire.  Apprécier  sommairement  le  caractère  et  le  mérite  relatif  des 
écrits  composés  par  les  femmes,  particulièrement  du  xi"^  au  quinzième  siècle.  » 
II.  a  Exposer  la  méthode  d'après  laquelle  doit  être  étudié,  préparé  pour  l'impression 
et  commenté  un  ancien  obituaire.  Appliquer  les  règles  de  la  critique  à  l'étude  d'un 
obituaire  rédigé  en  France  avant  le  xiii'^  siècle.  Montrer  le  parti  qu'on  peut  tirer  de 
l'obituaire  pris  comme  exemple,  pour  la  chronologie,  pour  l'histoire  des  arts  et  des 
lettres  et  pour  la  biographie  des  personnages  dont  le  nom  appartient  à  l'histoire  ci- 
vile ou  à  l'histoire  ecclésiastique.  »  L'Académie  proroge  ces  deux  questions  à  l'an- 
née 1887.  Les  mémoires  devront  être  déposés  au  secrétariat  de  l'Institut  le  3i  dé- 
cembre 1886.  —  L'Académie  rappelle  qu'elle  a  proposé  pour  l'année  1887  le  sujet 
suivant  :  «  Etude  sur  les  contributions  demandées  en  France  aux  gens  d'Eglise  de- 
puis Philippe-Auguste  jusqu'à  l'avènement  de  François  1-''.  »  Les  mémoires  devront 
être  déposés  au  secrétariat  de  l'Institut  le  il  décembre  188G.  —  Chacun  de  ces  prix 
est  de  la  valeur  de  deux  mille  francs. 

Antiquités  de  la  France.  —  Trois  médailles  de  la  valeur  de  cinq  cents  francs 
chacune  seront  décernées  aux  meilleurs  ouvrages  manuscrits  ou  publiés  dans  le 
cours  des  années  1884  et  i885  sur  les  antiquités  de  la  France,  qui  auront  été  dépo- 
sés au  secrétariat  de  l'Institut  avant  le  i"  janvier  1886.  Les  ouvrages  de  numismati- 
que ne  sont  pas  admis  à  ce  concours. 

Prix  de  nuaiismatique.  —  I,  Le  prix  de  numismatique  fondé  par  M.  Allier  de 
Hauteroche  sera  décerné,  en  iS86.  au  meilleur  ouvrage  de  numismatique  ancienne 
qui  aura  été  publié  depuis  le  mois  de  janvier  1884.  ^'^  concours  est  ouvert  à  tous  les 
ouvrages  de  numismatique  ancienne.  Le  prix  est  de  la  valeur  de  quatre  cents  francs. 

—  II.  Le  prix  biennal  de  numismatique  fondé  par  madame  V°  Duchalais  sera  dé- 
cerné, en  188Ô,  au  meilleur  ouvrage  de  numismatique  du  moyen  âge  qui  aura  été 
publié  depuis  le  mois  de  janvier  1884.  Le  prix  est  de  la  valeur  de  huit  cents  francs. 

—  Les  ouvrages  devront  être  déposés  au  secrétariat  de  l'Institut,  pour  ces  deux  con- 
cours, le3j  décembre  i885. 

Prix  FONDÉS  PAR  LE  BARON  GoBERT.  —  Pour  l'année  1886,  l'Académie  s'occupera,  à 
dater  Ji^_  i ''''  janvier,  de  l'examen  des  ouvrages  qui  auront  paru  depuis  le  lei' jan- 
vier i685,  et  qui  pourront  concourir  aux  prix  annuels  fondés  par  le  baron  Gobert. 
En  léguant  à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  la  moitié  du  capital  prove- 
nant de  tous  ses  biens,  après  lacquittement  des  frais  et  des  legs  particuliers  indi- 
ques dans  son  testament,  le  fondateur  a  demandé  :  '<  que  les  neufs  dixièmes  de  l'in- 
térêt de  cette  moitié  fussent  proposés  en  prix  annuel  pour  le  travail  le  plus  savant  et 
le  plus  profond  sur  l'histoire  de  France  et  les  études  qui  s'y  rattachent,  et  l'autre 
dixième  pour  celui  dont  le  mérite  en  approchera  le  plus  :  déclarant  vouloir,  en  outre, 
que  les  ouvrages  couronnés  continuent  à  recevoir,  chaque  année,  leur  prix  jusqu'à  ce 
qu  un  ouvrage  meilleur  le  leur  enlevé,  et  ajoutant  qu'il  ne  pourra  être  présenté  à  ce 
concours  que  des  ouvrages  nouveaux.  »  Tous  les  volumes  d'un  ouvrage  en  cours  de 
publication  qui  n'ont  point  encore  été  présentés  au  prix  Gobert  seront  admis  à  con- 
courir, si  le  dernier  volume  remplit  toutes  les  conditions  exigées  par  le  programme 
du  concours.  Sont  admis  à  ce  concours  les  ouvrages  composés  par  des  écrivains 
étrangers  a  la  France.  Sont  exclus  de  ce  concours 'les  ouvrages  des  membres  ordi- 
naires ou  libres  et  des  associés  étrangers  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
Jettres.L  Académie  rappelle  aux  concurrents  que,  pour  répondre  aux  intentions  du 
baron  Gobert,  qui  a  voulu  récompenser  les  ouvrages  les  plus  savants  et  les  plus  pro- 
tonds sur  l'histoire  de  France  et  les  études  qui  s'y  rattachent,  ils  doivent  choisir  des 
sujets  qui  n'aient  pas  encore  été  suffisamment  éclairés  ou  approfondis  par  la  science, 
telle  serait  une  histoire  de  province  où  l'on  s'attacherait  à  prendre  pour  modèle  la 
méthode  et  1  érudition  de  dom  Vaissète  :  l'Ile-de-France,  la  Picardie,  etc  ,  attendent 
encore  un  travail  savant  et  profond.  L'érudition  trouverait  aussi  une  mine  féconde  à 
exploiter  si  elle  concentrait  ses  recherches  sur  un  règne  important  :  il  n'est  pas  be- 
soin de  proposer  ici  d'autre  exemple  que  la  Vie  de  saint  Louis,  par  Le  Nain  de  Til- 
iemont.  Enhn  un  bon  dictionnaire  historique  et  critique  de  l'ancienne  langue  fran- 


410 


RKVUE    CUITIQUE 


çaise  serait  un  ouvrage  d'une  haute  utilité,  s'il  rappelait  le  monument  élevé  par  Du 
Gange  dans  son  Glossaire  delà  latinité  du  moyen  dge.  Tout  en  donnant  ces  indica- 
tions, l'Académie  réserve  expressément  aux  concurrents  leur  pleine  et  entière  liberté. 
Elle  a  voulu  seulement  appeler  leur  attention  sur  quelques-uns  des  sujets  qui  pour- 
raient être  mis  en  lumière  par  de  sérieuses  recherches;  elle  veut  faire  de  mieux  en 
mieux  comprendre  que  la  haute  récompense  instituée  par  le  baron  Gobert  est  ré- 
servée à  ceux  qui  agrandissent  le  domaine  de  la  science  en  pénétrant  dans  des  voies 
encore  inexplorées.  Six  exemplaires  de  chacun  des  ouvrages  présentés  à  ce  concours 
devront  être  déposés  au  secrétariat  de  l'Institut  (délibération  du  27  mars  1840)  avant 
le  i«^''  janvier  1886,  et  ne  seront  pas  rendus. 

Prix  Bordin.  —  M.  Bordin,  notaire,  voulant  contribuer  aux  progrès  des  lettres, 
des  sciences  et  des  arts,  a  fondé  par  son  testament  des  prix  annuels  qui  sont  décer- 
nés par  chacune  des  cinq  Académies  de  l'Institut.  —  L'Académie  rappelle  qu'elle 
a  proposé  :  —  1°  Pour  l'année  1886  :  I.  «  Etude  critique  sur  les  ouvrages  en  vers 
et  en  prose,  connus  sous  le  titre  de  Ghronique  de  Normandie.  »  II.  «  Etudier  la 
numismatique  de  l'île  de  Crète.  Dresser  le  catalogue  des  médailles.  Expliquer  les 
titres  principBUX  et  les  motifs  accessoires.  Insister  sur  les  rapports  de  la  numisma- 
tique Cretoise  avec  les  autres  monuments  trouvés  dans  le  pays,  ainsi  qu'avec  les 
types  de  l'art  asiatique  et  de  l'industrie  primitive  de  la  Grèce.  »  III.  «  Etudier  d'a- 
près les  documents  arabes  et  persans  les  sectes  dualistes,  Zendiks.  Mazdéens,  Daïsa- 
nites,  etc.,  telles  qu'elles   se    montrent   dans  l'Orient    musulman.  Rechercher    par 


quels  liens  elles  se  rattachent  soit  au  zoroastrisme,  soit  au  gnoticismeet  aux  viei 
les  croyances  populaires  de  l'Iran,  n  Les  mémoires  devront  être  déposés  au  secréti 
riat  de  l'Institut   le   3i  décembre  i885 


posés  au  secreta- 
2°  Pour  l'année  1887  :  I.  «  Relever,  à 
l'aide  de  documents  historiques  et  littéraires  et  des  dénominations  locales,  les  for- 
mes vulgaires  des  noms  des  saints  en  langue  d'oui  et  en  langue  d'oc;  signaler  la 
plus  ancienne  apparition  en  France  des  noms  latins  auxquels  correspondent  ces 
diverses  formes.  »  II.  «  Examen  critique  de  la  géographie  de  Strabon.  »  Les  con- 
currents sont  invités  :  1°  A  résumer  l'histoire  de  la  constitution  au  texte  de  ces 
ouvrage;  2°  A  caractériser  la  langue  de  Strabon  par  comparaison  avec  celle  des 
écrivains  grecs  ses  contemporains,  tels  que  Diodore  de  Sicile  et  Denys  d'Halicar- 
nasse  ;  i^k  faire  la  part  des  notions  recueillies  par  l'observation  directe  des  lieux, 
et  de  celles  que  le  géographe  a  puisées  dans  les  écrits  de  ses  devanciers;  4°  à  expri- 
mer des  conclusions  précises  sur  la  critique  dont  il  a  fait  preuve  dans  l'usage  de  cet 
divers  documents.  »  Les  mémoires  devront  être  déposés  au  secrétariat  de  l'Institut 
le  3i  décembre  1886.  —  L'Académie  rappelle  qu'elle  a  prorogé  à  l'année  18871e 
sujet  suivant,  qu'elle  avait  d'abord  proposé  pour  l'année  1884  -.  «  Etude  sur  la  lan- 
gue berbère  au  double  point  de  vue  de  la  grammaire  et  du  dictionnaire  de  cette 
langue  ;  —  insister  particulièrement  sur  la  formation  des  racines  et  sur  le  méca- 
nisme verbal  ;  —  s'aider  pour  cette  étude  des  inscriptions  lybiques  recueillies  dans 
ces  dernières  années  ;  —  indiquer  entin  la  place  du  berbère  parmi  les  autres  famil- 
les de  langue.  »  Les  mémoires  devront  être  déposés  au  secrétariat  de  l'Institut  le 
3i  décembre  1886.  —  L'Académie  avait  proposé  pour  l'année  i885  le  sujet  sui- 
vant :  «  Etude  critique  sur  les  œuvres  que  nous  possédons  de  l'art  étrusque;  origi- 
nes de  cet  art;  influence  qu'il  a  eue  sur  l'art  romain.  »  L'Académie  n'a  pas  décerné 
le  prix.  Elle  proroge  la  question  à  l'année  1887.  —  Les  mémoires  devront  êire  dépo- 
sés au  secrétariat  de  l'institut  le  3i  décembre  1886.  —  L'Académie  avait  prorogé  à 
l'année  i88d  la  question  suivante,  qu'elle  avait  u'abord  proposée  pour  l'année  i883  : 
«  Etudier  à  l'aide  des  documents  d'archives  et  de  textes  littéraires  le  dialecte  parlé 
à  Paris  et  dans  l'Ile-de-France  jusqu'à  l'avènement  des  Valois.  Comparer  ce  dia- 
lecte, d'après  les  résultats  obtenus,  a  la  langue  française  littéraire,  et  rechercher  jus- 
qu'à quel  point  le  dialecte  parisien  était  considéré  au  moyen  âge  comme  la  langue 
littéraire  de  la  France.  »  Aucun  mémoire  n'ayant  été  déposé  sur  ce  sujet,  l'Académie 
le  retire  du  concours  et  le  remplace  par  la  question  suivante  qu'elle  met  au  concours 
pourl'année  1888  :  «  Exposer  méthodiquement  la  législation  politique,  civile  et  reli- 
gieuse des  capitulaires.  Les  concurrents  devront  compléter  cet  exposé  au  moyen  des 
diplômes  et  des  chartes  de  la  période  carlovingienne.  Us  devront  en  outre  indiquer, 
d'une  part,  ce  que  la  législation  des  capitulaires  a  retenu  du  droit  romain  et  du  droit 
mérovingien,  et  d'autre  part  ce  qui  s'est  conservé  du  droit  carlovingien  dans  les 
plus  anciennes  coutumes,  n  Les  mémoires  devront  être  déposés  au  secrétariat  de 
ristitut  le  3  I  décembre  1887.  —  L'Académie  propose  en  outre,  pour  l'année  1888, 
le  sujet  suivant  :  «  Etudier  l'histoire  politique,  religieuse  et  littéraire  d'Edesse  jus- 
qu'à la  première  croisade.  »  Les  mémoires  devront  être  déposés  au  secrétariat  de 
l'Institut  le  3i  décembre  1887.  —  Chacun  de  ces  prix  est  de  la  valeur  de  trois  mille 
francs. 

Prix  Louis  Fould.  —  Le  prix  fondé  par  M.  Louis  Fould,  pour  YHistoire  des  arts 
du  dessin  jnsqu'au  siècle  de  Périclès,  sera  décerué,  s'il  y  a  lieu,  en  1887.  L'auteur 
de  cette  fondation,  amateur  distingué  des  arts  de  l'antiquité,  a  voulu  engager  les 
savants  à  en  éclairer  l'histoire  dans  sa  partie  la  plus  l'eculée  et  la  moins  connue. 
Il  a  mis  à  la  disposition  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  une  somme 
de  vingt  mille  francs,  pour  être  donnée  en  prix   à  l'auteur  ou  aux  auteurs  de  la 


D  HISTOIRE    ET   DE    LITTERATUPE  4II 

meilleure  Histoire  des  arts  du  dessin  :  leur  origine,  leurs  progrès,  leur  transmission 
che:^  les  différents  peuples  de  l'antiquité  jusqu'au  siècle  de  Périclès.  Par  les  arts  du 
dessin,  il  faut  entendre  la  sculpture,  la  peinture,  la  gravure,  l'architecture,  ainsi  que 
les  arts  industriels  dans  leurs  rapports  avec  les  premiers.  Les  concurrents,  tout  en 
s'appuyant  sans  cesse  sur  les  textes,  devront  apporter  le  plus  grand  soin  à  l'examen 
des  œuvres  d'arts  de  toute  nature  que  les  peuples  de  l'ancien  monde  nous  ont  lais- 
sées, et  s'efforcer  d'en  préciser  les  caractères  et  les  détails,  soit  à  l'aide  de  dessins, 
de  calques  ou  de  photograpliies,  soit  par  une  description  fidèle  qui  témoigne  d'une 
étude  approfondie  du  style  particulier  à  chaque  nation  et  à  chaque  époque.  Les 
ouvrages  envoyés  au  concouis  seront  jugés  par  une  commission  composée  de  cinq 
membres  :  trois  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres,  un  de  celle  des 
sciences,  un  de  celle  des  beaux-arts.  Le  jugement  sera  proclamé  dans  la  séance  pu- 
blique annuelle  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  de  l'année  1887.  A 
défaut  d'ouvrages  ayant  rempli  toutes  les  conditions  du  programme,  il  pourra  être 
accordé  un  accessit  de  la  valeur  des  intérêts  de  la  somme  de  vingt  mille  francs  pen- 
dant les  trois  années.  Le  concours  sera  ensuite  prorogé,  s'il  y  a  lieu,  par  périodes 
triennales.  Tous  les  savants  français  et  étrangers,  excepté  les  membres  régnicoles 
de  l'Institut,  sont  admis  au  concours. 

Prix  la  Fons-Mélicocq.  —  Un  prix  triennal  de  dix-huit  cents  francs  a  été  fondé 
par  M.  de  la  Fons-Mélicocq,  en  faveur  du  meilleur  ouvrage  sur  l'histoire  et  les  an- 
tiquités de  la  Picardie  et  de  l'Ile-de-France  (Paris  non  compris)-  L'Académie  décer- 
nera ce  prix,  s'il  y  a  lieu,  en  1887;  elle  choisira  entre  les  ouvrages  manuscrits  ou 
imprimés  en  1884,  i885  et  1886,  qui  lui  auront  été  adressés  avant  le  3i  décem- 
bre 1886. 

Prix  Brunet.  —  M.  Brunet,  par  son  testament  en  date  du  14  novembre  1867,  a 
fondé  un  prix  triennal  de  trois  mille  francs  pour  un  ouvrage  de  bibliographie  sa- 
vante que  l'Académie  des  inscriptions,  qui  en  choisira  elle-même  le  sujet,  jugera 
le  plus  digne  de  cette  récompense.  —  L'Académie  avait  proposé  pour  le  concours 
de  i885  la  question  suivante  :  «  Relever  sur  le  grand  catalogue  de  bibliographie 
arabe  intitulé  Fihrist  toutes  les  traductions  d'ouvrages  grecs  en  arabe;  critiquer  ces 
données  bibliographiques  d'après  les  documents  imprimés  et  manuscrits.  »  Un  seul 
mémoire  insuffisant  ayant  été  adressé  sur  ce  sujet,  l'Académie  le  proroge  à  l'année 
1887.  Les  ouvragesqui  pourront  être  imprimés  ou  manuscrits,  devront  être  déposés 
au  secrétariat  de  l'Institut  le  3i  décembre  i886.  —  L'Académie,  en  1888,  décernera 
ce^  prix  «  au  meilleur  travail  bibliographique  manuscrit  ou  publié  depuis  l'année 
i8S5,  portant  sur  des  ouvrages  d'histoire  ou  de  littérature  du  moyen  âge.  »  Les 
ouvrages  devront  être  déposes  au  secrétariat  de  l'Institut  le  3i  décembre  1887. 

Prix  Stanislas  Julien.  —  Par  son  testament  olographe,  en  date  du  26  octobre 
1872,  M.  Stanislas  Julien,  membre  de  l'Institut,  a  légué  à  l'Académie  des  inscriptions 
et  belles-lettres  une  renie  de  quinze  cents  francs  pour  fonder  un  prix  annuel  en 
faveur  du  meilleur  ouvrage  relatif  à  la  Chine.  Les  ouvrages  devront  être  déposés,  en 
double  exemplaire,  au  secrétariat  de  l'Institut,  le  3i  décembre  i885. 

Prix  Delalande-Guérineau.  —  Madam.e  Delalande,  veuve  Guérineau,  par  son 
testament  en  date  du  16  mars  1872,  a  légué  à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres  une  somme  de  vingt  mille  francs  (réduite  à  dix  mille  cinq  francs)  dont  les 
intérêts  doivent  être  donnés  en  prix  tous  les  deux  ans,  au  nom  de  Delalande-Guéri- 
neau, à  la  personne  qui  aura  composé  l'ouvrage  jugé  le  meilleur  par  l'Académie.  Le 
prix  n'ayant  pas  été  décerné  en  1S84,  l'Académie  rappelle  qu'elle  décernera  deux 
prix  en  1886  :  1°  «  Au  meilleur  ouvrage  dans  l'ordre  des  études  au  moyen  âge  »  ; 
2®  «  Au  meilleur  ouvrage  dans  l'ordre  des  études  orientales  ».  Les  ouvrages  destinés 
au  concours  devront  être  déposés,  en  double  exemplaire,  s'ils  sont  imprimés,  au  se- 
crétariat de  l'Institut,  le  3i  décembre  i885. 

Prix  Jean  Reynaud.  —  M'"'^  veuve  Jean  Reynaud,  «  voulant  honorer  la  mémoire 
de  son  mari  et  perpétuer  son  zèle  pour  tout  ce  qui  touche  aux  gloires  de  la  France  », 
a,  par  un  acte  en  date  du  23  décembre  1878,  fait  donation  à 'l'Institut  d'une  rente 
de  dix  mille  francs,  destinée  à  fonder  un  prix  annuel  qui  sera  successivement  dé- 
cerné par  chacune  des  cinq  Académies.  Ce  prix  sera  décerné  pour  la  troisième  fois, 
par  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres,  en  i8go. 

Prix  de  la  Grange.  —  M.  le  marquis  de  La  Grange,  membre  de  l'Académie,  par 
son  testament  en  date  du  4  août  1871,  a  légué  à  l'Académie  des  inscriptions  et  bel- 
les-lettres une  rente  annuelle  de  mille  francs  destinée  à  fonder  un  prix  en  faveur  de 
la  publication  du  texte  d'un  poème  inéait  des  anciens  poètes  de  la  France;  à  défaut 
d'une  œuvre  inédite,  le  prix  pourra  être  donné  au  meilleur  travail  sur  un  poète 
déjà  publié,  mais  appartenant  aux  anciens  poètes.  Ce  prix  sera  décerné,  s'il  y  a  lieu, 
en  1886. 

Conditions  générales  des  concours.  —  Les  ouvrages  envoyés  aux  différents  con- 
cours ouverts  par  l'Académie  devront  parvenir  francs  de  port  et  brochés,  au  secré- 
tariat de  l'Institut,  avant  le  i"  janvier  de  l'année  où  le  prix  doit  être  décerné.  Ceux 
qui  seront  destinés  aux  concours  pour  lesquels  les  ouvrages  imprimés  ne  sont  point 
admis  devront  être  écrits  en  français  ou  en  latin  Ils  porteront  une  épigraphe  ou 
devise,  répétée  dans  un  billet  cacheté  qui  contiendra  le  nom  de  l'auteur.  Les  con- 


.12 


KEVUE    CKITIQUK    d'HISTUIHI!,    HT    DK    LU  TKRATURE 


currents  sont  prévenus  que  tous  ceux  qui  se  feraient  connaître  seront  exclus  du 
concours  ;  leur  uttcntion  la  plus  sérieuse  est  appelée  sur  celte  disposition.  L'Académie 
ne  rend  oucun  des  ouvrages  imprimés  ou  manuscrits  qui  ont  été  soumis  à  son  exa- 
men; les  auteurs  des  manuscrits  ont  la  liberté  d'en  faire  prendre  des  copies  au  secré- 
tariat de  l'Institut. 

DELIVRANCE   DES   BREVETS 

d'archivistes  paléographes. 

En  exécution  de  l'arrêté  de  M.  le  Ministre  de  l'instruction  publique  rendu  en 
i883,  et  statuant  que  les  noms  des  élèves  de  l'Ecole  des  chartes,  qui,  à  la  fin  de 
leurs  études,  ont  obtenu  des  brevets  d'archiviste  paléographe,  devront  être  procla- 
més dans  la  séance  publique  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  qui 
suivra  leur  promotion,  l'Académie  déclare  que  les  élèves  de  l'Ecole  des  chartes  qui 
ont  été  nommés  archivistes  paléographes  par  décret  du  25  lévrier  i885,  en  vertu  de 
la  liste  dressée  par  le  conseil  de  perfectionnement  de  cette  école,  sont  :  MM.  Lan- 
glois  (Charles-Victor);  Le  Grand  (Léon-Frédéric);  Auvray  (Louis-Henri-Lucien)  i 
Lefèvre-Pontalis  (Eugène-Amédée)  ;  Funck-Brentano  (Jacques-Ghrétien-François- 
Séraphin)  ;  Dunoyer  de  Ségonzac  (Jacques-Joseph-François-Gaston);  Duvernoy 
(Emile-Eugène);  Perret  (Paul-Michel);  Stein  'Frédéric-Alexandre-Henri);  Barroux 
(Léon-Marius).  Sont  nommés  archivistes  paléographes  hors  rang  :  MM.  Alaus(Marie- 
Joseph-Etienne-Barthélemy-Paul)  ;  Gagé  (Charles-Léonce-Gaston);  Coville  (Alexan- 
dre-Alfred); Huet  (Gédéon)  ;  Martin  (Camille). 


SOCIÉTÉ  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE 


Séance  du  4  novembre. 

PRÉSIDENCE   DE   M.    COURAJOD. 

Lecture  d'une  lettre  de  M.  Jadart  annonçant  que  l'Académie  de  Reims  se  propose 
de  faire  placer  dans  l'église  Saint-Remy  de  cette  ville  une  plaque  portant  une  ins- 
cription à  la  mémoire  de  dom  Thierry  Ruinart,  dont  le  tombeau  est  dans  l'arron- 
dissemeni  actuel  de  Reims.  Elle  a  déjà  rendu  un  pareil  hommage  à  dom  Mabillon 
dans  son  village  natal,  et  elle  juge  convenable  d'associer  dans  un  commun  souve- 
nir le  maître  et  le  disciple.  Elle  recevra  avec  reconnaissance  les  souscriptions  des 
personnes  désireuses  de  s'associer  à  ce  projet. 

Lecture  de  deux  lettres  de  M.  de  Laigue;  la  première  donne  des  renseignements 
sur  la  découverte  d'une  inscription  romaine  dans  l'abbaye  de  Cantiguano,  et  sur 
celle  de  mosaïques  dans  cette  localité  et  à  Lucques.  Dans  la  deuxième  lettre,  M.  de 
Laigue  revient  sur  une  précédente  communication  (ii  juin  1884)  relative  à  un  dicta 
avec  figures  rouges  sur  fond  noir.  Il  pense  que  le  principal  sujet  représente  Thétis 
allant  remettre  à  son  fils  Achille  les  armes  forgées  par  Vulcain. 

M.  Héron  de  Villefosse  présente  avec  éloges  le  Traité  d'Epigraphie  Grecque  de 
M.  Salomon  Reinach. 

M.  Brassan  est  élu  associé  correspondant  à  l'Hôpital-sous-Rochefort,  (Loire). 
M.  Gaidoz  lit  une  note  sur  des  swastitras-fibules  qu'il  a  vues  au  musée  de  Hom- 
bourg-ès-Monts  et  qui  proviennent  du  camp  romain  de  Salburg;  il  signale  aussi  un 
curieux  objet  en  bronze  du  Musée  de  Carlsruhe,  formé  d'une  croix  équilatérale  sus- 
pendue à  un  croissant. 

M.  l'abbé  Thédenat  lit  un  mémoire  de  M.  Berthelé  sur  l'église  de  Courcôme  (Cha- 
rente). 

M.  Courajod  présente  le  moulage  d'un  remarquable  buste  de  femme  dont  l'origi- 
nal est  inconnu,  mais  appartient  au  xv'  siècle. 

Le  Secrétaire, 
Signé  :  R.  Mowat. 

Addendum  A  l'article  i85.  — P.  277.  Le  fragment  247 d'Antiphane  a  besoin  d'une 
troisième  correction  que  j'oubliais  d'indiquer.   Voici  comment  il  faut  l'écrire  : 

Toîi  -fàp  T£T:af.3cJ!:0a'.  ;j,6vov  àv  xiç  tout'  I/y), 
E'j"^6éç  £7Ttv,  wcTs  (p.  y,at  10)  zm  àoi7:r,\j.di:iùw 
My)  Xa[j.6av£iv  làq  àçiaç  Tip.o)p(aç, 
'EXesiv  0£  zœniùq. 

On  sait  que  7.al  et  loç  se  confondent  facilement. 

H.  W. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 

Le  Puy,  imprimerie  Marchessoti  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    EF    DE    LITTÉRATURE 

N»  48  —  30  novembre  —  1885 


«ommaîro  s  2i5.  Haussoullier,  La  vie  municipale  en  Attique.  —  216.  Corpus 
des  écrivains  ecclésiastiques  latins,  IX-XÎ,  Extraits  d'Augustin  par  Eugippius, 
p.  p.  Knœll  ;  Sedulius,  p.  p.  Huemer;  Mamert,  p.  p.  Engelbrecht.  —  217.  Œu- 
vres d'Ewald  de  Kleist,  p.  p.  Sauer;  Waniek,  Pyra  et  son  influence,  Litzjiann, 
Liscow  et  Lettres  d'Anne  Marie  de  Hagedorn  ;  Perry,  D'Opitz  à  Lessing  ;  Pentz- 
HORN,  Thomas  Abbt;  G.edertz,  Le  drame  et  la  comédie  en  bas-allemand;  Lettres 
de  Charles  Auguste  à  Knebel  et  à  Herder,  p.  p.  Dûntzer. —  218.  Godefroy, 
Dictionnaire  de  l'ancienne  langue  française,  G  et  H. —  219-  De  Montagnac,  Lettres 
d'un  soldat.  —  Lettre  de  M.  Duka.  —  Chronique.  —  Académie  des  Inscriptions. 
—  Société  nationale  des  Antiquaires  de  France. 


2i3.  —  Haussoullier.  a^a  vîe  munietpale  en  ;%itiquc;  essai  sur  l'organisation 
des  dèmes  au  quatrième  siècle,  in-8   de  23  i   p.  Paris,  Thorin,   1884. 

Ce  qui  diminue  un  peu  l'intérêt  du  sujet  étudié  par  M.  Haussoullier, 
c'est  que,  à  part  quelques  traits,  l'organisation  des  dèmes  n'offre  en 
somme  rien  de  bien  original.  Elle  est  calquée  presque  toute  entière  sur 
celle  de  la  cité,  et  elle  ne  contribue  guère  à  éclairer  son  modèle.  J'ajoute 
que  l'auteur  a  peut-être  trop  circonscrit  l'objet  de  son  travail.  Non- 
seulement  il  s''est  interdit  toute  recherche  topographique  sur  les  dèmes 
de  l'Attique;  mais  encore  il  a  réservé  pour  un  ouvrage  ultérieur  des 
questions  qui  certes  eussent  été  ici  à  leur  place,  en  particulier,  les  rela- 
tions des  dèmes  entre  eux  et  l'origine  de  ces  circonscriptions. 

Uouvrage  de  M.  H.  se  lit  avec  plaisir;  il  est  clair,  méthodique,  sage- 
ment conduit,  et  conçu  dans  un  esprit  scientifique.  En  voici  les  princi- 
pales divisions  :  i"  Composition  de  l'assemblée  du  dème;  2°  Affaires  du 
dème;  3°  Le  démarque;  4°  Constitution  religieuse  du  dème;  5»  Conclu- 
sion. Les  documents  de  tout  genre  y  sont  mis  à  profit,  aussi  bien  les 
textes  des  orateurs  ou  des  poètes  comiques  que  les  inscriptions,  et 
M.  H.  en  général  les  interprète  avec  prudence.  Il  ne  leur  fait  point  dire 
plus  qu'ils  ne  disent,  et  il  ne  supplée  pas  à  leur  silence  par  des  hypothè- 
ses. Il  ne  craint  pas  d'ignorer  quand  il  n'a  pas  de  raisons  suffisantes 
d'affirmer,  et  il  se  résigne  à  être  incomplet,  quand  pour  cesser  de  l'ê- 
tre il  faudrait  courir  le  risque  de  s'égarer. 

Ces  sortes  de  monographies,  n'ayant  pas  pour  but  de  démontrer  une 
thèse,  ne  donnent  lieu  qu'à  des  observations  de  détail.  —  Page  4  :  «  Des 
20,000  citoyens  d'Athènes,  moins  de  5, 000  ne  sont  pas  propriétaires 
fonciers.  »  Le  second  de  ces  chiffres  nous  est  fourni  par  Denvs  d'Hali- 
carnasse  pour  l'époque  de  Lysias.  Quant  au  nombre  total  des  citoj^ens, 
nous  ignorons  quel  il  était  à  ce  moment-là;  tout  ce  que  nous  savons, 
Nouvelle  série,  XX.  48 


414  REVUE    CRITIQUE 

c'est  que  vers  481  il  y  en  avait  14,200,  de  vingt  à  soixante  ans 
(Tiiucyd.  II,  i3).  Les  autres  renseignements  manquent  pour  la  plupart 
de  précision;  car  les  auteurs  ne  nous  disent  pas  à  quelles  catégories  de 
personnes  ils  étendent  cette  qualification.  —  P.  19-  Je  crois  que  M.  H. 
exagère  l'importance  du  rôle  des  dèmes  dans  l'inscription  des  citoyens 
sur  le  A-/);'.ap7acv  YpaixiJ.aTstcv.  Il  est  visible  que  c'était  là  une  simple  for- 
malité. —  P.  3o.  Démosthène  ne  prétend  pas  [In  Neœram  p.  1 376) 
que  les  nouveaux  citoyens  ne  pouvaient  «  participer  à  aucune  cérémonie 
religieuse  »;  il  emploie  Texpression  îspojcûv/];  [r/;B£[xtaç  iJLSTac/stv,  qui 
s'applique  seulement  à  la  gestion  des  sacerdoces.  —  P.  By-SS.  Il  eût 
fallut  ajouter  quelques  mots  de  plus  sur  la  loi  d\^ristophon  ;  M.  H. 
n'indique  pas  la  raison  véritable  de  l'amendement  de  Nicomènès  (Cf.  P. 
Girard.  Annuaire  des  études  grecques  i883  p.  190).  —  P.  60-62.  N'é- 
tait-il pas  possible  de  caractériser  avec  plus  de  précision  l'influence  de 
l'aristocratie  dans  les  dèmes?  Je  doute  que  la  vie  municipale,  comme 
l'appelle  M.  H.  d'un  mot  inexact,  fût  un  apprentissage  bien  sérieux  de 
la  vie  politique.  Beaucoup  de  riches  démotes  ne  se  résignaient-ils  pas 
souvent  à  n'être  que  les  premiers  dans  leurs  bourgs?  Ne  trouvaient-ils 
pas  là  une  sorte  de  compensation  à  la  défiance  dont  ils  étaient  parfois 
l'objet  de  la  part  du  peuple  athénien?  —  P.  63  et  suiv.  Il  eût  été  bon 
de  noter  que  les  dépenses  des  dèmes  étaient  réduites  par  l'habitude 
qu^avaient  les  riches  d'en  prendre  une  partie  à  leur  charge.  —  P.  79 
et  suiv.  Toutes  ces  règles  étaient  empruntées  aux  institutions  de  la  cité; 
M.  H.  n'en  fait  pas  la  remarque.  —  P.  87.  On  a  tort  de  parler  ici  d'ar- 
bitrage; dans  l'espèce,  l'assemblée  du  dème  juge  comme  un  tribunal 
administratif.  —  P.  îo6.  Il  est  inexact  de  soutenir  que  le  démarque 
jouait  dans  certains  cas  «  le  rôle  d'un  officier  ministériel.  »  Le  scoliaste 
d'Aristophane,  cité  par  M.  H.,  dit  précisément  le  contraire.  —  P.  i83 
et  suiv.  Le  paragraphe  consacré  aux  dèmes  urbains  paraît  très  insuffisant. 
On  ne  voit  pas,  par  exemple,  la  part  d'autonomie  qui  leur  était  laissée. 
—  En  quoi  leurs  autorités  dépendaient-elles  des  pouvoirs  de  l'Etat  athé- 
nien? Avaient-elles  les  mêmes  attributions  qu'à  la  campagne?  Existait- 
il  une  ligne  de  démarcation  bien  nette  et  toujours  respectée  entre  elles  et 
les  autorités  de  la  République?  Ces  diverses  questions  restent  sans  ré- 
ponse. 

Paul  GuiRAUD. 


216.  —  CorjjUB  Sei-îpJoï'HiM  ecclesiasitîeoj-Mïn  latinorunc,  editum  consilio 
et  impensis  Academiœ  litierarum  Caesareae  Vindobonensis.  Vol.  IX.  Eugippii 
opéra.  Pars  I.  Eugippii  excerpta  ex  operibus  S.  Augustini,  ex  recensione  Pii 
Knœll  (22  mark).  —  Vol.  X.  Sedulu  opéra  omnia,  ex  recensione  lohannis  Huemer 
(9  mark).  —  Vol.  XI.  Claudiani  Mamerti  opéra,  ex  recensione  Augusti  Engel- 
brecht  (7  mark).  —  Vindobonœ,  apud  C.  Geroldi  filium,  i883. 

Le  Corpus  des  écrivains  ecclésiastiques  latins,  publié  aux  frais  et  par 
les  soins  de  l'Académie  de  Vienne,  comprend  déjà   11  volumes.  Nous 


ÙHISTOIRK    ET    DE    LITTÉRATURE  4l5 

avons  transcrit  les  titres  des  trois  derniers  ;  les  précédents  contiennent 
les  œuvres  de  Sulpice  Sévère  (éd.  Halm),  Minucius  Félix  et  Firmicus 
Maternus  (Halm),  Gyprien  (Hartel),  Arnobe  adversusnationes  (Reiflfer- 
scheid),  Orose  (Zangemeister) ,  Ennodius  (Hartel),  Victor  de  Vite 
(Petschenig),  Salvien  (Pauly).  —  Les  savants  qui  se  consacrent  à  la 
tâche  ingrate  d'éditer  ces  textes  méritent  d'autant  plus  de  reconnaissance 
qu'ils  sont  moins  enviables,  ou  —  pour  dire  toute  notre  pensée  —  qu'ils 
sont  plus  à  plaindre.  Ils  peuvent  du  moins  se  consoler  en  s'assurant 
qu'ils  rendent  un  service  considérable  et  que  personne,  d'ici  à  bien 
longtemps  sans  doute,  ne  sera  tenté  de  recommencer  leur  travail. 
Toutes  les  éditions  publiées  jusqu'à  présent  dans  cette  collection  sont 
conçues  sur  un  même  modèle  :  des  prolégomènes  donnant  le  classe- 
ment des  manuscris  et  la  bibliographie,  un  texte  accompagné  de  notes 
critiques,  des  index  très  copieux  des  noms  propres,  des  notabilia 
varia,  des  auteurs  cités  ou  imités,  etc.  Aucune  place  n'est  faite 
à  l'exégèse,  ce  que  nous  n'hésitons  pas  à  regretter.  Le  Corpus  de  Vienne 
ne  s'adresse  pas  seulement  à  des  latinistes,  mais  à  des  historiens,  et  quel 
historien  peut  se  flatter  de  n'être  pas  arrêté  presque  à  chaque  page 
par  l'obscurité  de  mauvais  écrivains  qui  se  servent  trop  souvent  des 
mots  pour  déguiser  leur  pensée,  ou  ce  Je  ne  sais  quoi  de  vague  qui 
leur  en  tient  lieu  ? 

I.  Eugippius  écrit  à  Proba  qu'il  a  composé  un  recueil  d'extraits  des 
œuvres  de  saint  Augustin  afin  de  faciliter  à  un  plus  grand  nombre  de 
personnes  la  lecture  des  écrits  de  ce  divin  auteur,  parce  qu''il  est  plus 
aisé  d'acquérir  un  seul  manuscrit  que  d'en  acheter  un  grand  nombre. 
Assurément,  comme  le  remarque  M.  Knoell,  le  compilateur  a  vu  juste 
et  son  travail  répondait  à  un  besoin,  car  les  manuscrits  des  Excerpta 
sont  tellement  nombreux  que  l'éditeur  a  du  se  contenter  de  dépouiller 
ceux  qui  sont  antérieure-  au  x"  siècle,  en  ne  faisant  d'exception  que  pour 
celui  de  Verceil.  Il  a  suivi  de  préférence  le  Vaticanus  3 3/5,  du  vii«  siè- 
cle, qu'il  a  lui-même  collationné  en  1877-78  ^  Les  autres  manuscrits 
cités  dans  les  notes  critiques  sont  au  nombre  de  10,  dont  le  plus  ancien 
est  un  Ambrosianus  du  vif  siècle.  Depuis  l'invention  de  l'imprimerie, 
\<i?.  Excerpta  ont  été  fort  négligés;  publiés  à  Bâle  par  Jean  Hérold 
Acropolita  en  1543,  réimprimés  en  1543  à  Venise,  puis  de  nos  jaurs 
dans  la  Patrologie  latine  de  Migne,  ils  n'avaient  encore  fait  l'objet 
d'aucun  travail  critique.  M.  Knoell  rend  hommage,  dans  ses  Prolégo- 
mènes, aux  bienveillants  procédés  de  M,  Léopold  Delisle,  qui  a  misa 
sa  disposition  les  mss.  de  la  Bibliothèque  Nationale  et  les  fragments  des 
Excerpta  de  la  bibliothèque  Jules  Desnoyers  -. 


1.  M.  Knoell  annonce  (p.  xxxii)  qu'il  se  réserve  d'expliquer  ailleurs  pourquoi  il 
a  suivi  de  préférence  ce  ms.  La  grosseur  du  volume  (' H9  et  xxxn  pages!)  ne  lui 
permettait  pas  de  traiter  cette  question  avec  tous  les  développements  désirables. 

2.  Cf.  L.  Delisle,  Notice  sur  un  manuscrit  méi-ovingicn  contenant  des  fragments 
d'Eugippius  appartenant  à  M.  Jules  Desnoyers,  Paris,  1S75 . 


41  6  REVUK    CRITIQUE 

Un  des  index  placés  à  la  fin  du  volume  (p.  1 124-1 149)  est  une  con- 
coi'dance  des  Excerpta  avec  Tédition  complète  de  saint  Augustin  don- 
née par  les  Bénédictins. 

II.  Sedulius  a  été  l'objet,  dans  ces  derniers  temps,  de  plusieurs  études 
intéressantes.   M.  Boissier  lui  a  consacré  deux  remarquables   notices 
dans  le  Journal  des  Savants  du  mois  de  septembre  1881  et  dans  la  Re-  \ 
vue  de  Philologie  àt  1882  (p.  28-36).  Ce  dernier  article  est  une  com- 
paraison très  instructive  entre  le  style  du  Carmen  Paschale ,  où  l'imita-  ; 
tion  des  poètes  païens  soutient  encore  la  langue,  et  celui  de  V Opus  Pas- 
chale, paraphrase  en  prose  du  Carmen  par  Sedulius  lui-même,  où  paraît  1 
dans  toute  sa  splendeur  le  galimatias  triple  qui  était  le  beau  langage  de  ' 
Tépoque.  L'éditeur  du  Sedulius  de  Vienne,  M.  Huemer,  a  donné  pré- 
cédemment une  dissertation  De  Sedulii  vita  et  scriptis  (1880).  Le  texte  i 
qu'il  publie  aujourd'hui  a  été  établi  à  l'aide  de  nombreux  manuscrits,  dont 
deux  Bobienses  du  vn«  siècle  (à  Milan  et  à  Turin),  deux  du  vni*',  une 
dizaine  du  ix%  sept  du  x^  et  quelques  autres  d'une  époque  postérieure 
dont  il  a  peu  fait  usage.  Sedulius  est  un  des  auteurs  que  le  moyen  âge  a 
le  plus  goûtés  ;  il  a  été  cité  et  imité  par  un  grand  nombre  d'écrivains, 
parmi  lesquels  il  faut  compter,  au  témoignage  de  Grégoire  de  Tours,  le 
roi  Chilpéric.  Avouons  qu'aujourd'hui  il  faut  du  courage  pour  le  lire, 
et  presque  de  l'héroïsme  pour  l'éditer. 

M.  Huemer,  dans  ses  notes  critiques,  a  signalé  les  passages  des  poè- 
tes anciens  que  Sedulius  a  imités  dans  le  Carmen.  Ces  indications  sont 
très  utiles,  et  l'on  comprend  quelle  somme  de  travail  et  de  connaissan- 
ces elles  exigent  de  la  part  de  l'éditeur.  Mais  pour  être  complet,  en  pa- 
reille matière,  il  faudrait  apprendre  par  cœur  le  Cai^men  et  relire  alors 
tous  les  poètes  latins;  c'est  là  une  épreuve  à  laquelle  personne,  fort 
heureusement,  n'est  tenu  de  se  soumettre.  Il  était  inévitable  qu'un  cer- 
tain nombre  d'imitations  échappassent  à  M.  Huemer  :  voici  celles  que 
nous  avons  notées  en  lisant  le  Carmen  ;  I,  i52;  cf.  Lucain,  IV,  336.  — 
I,  182  ;  cf.  Lucain,  I,  421.  —  I,  3  i5  ;  cf.  Lucain,  IX,  i63.  —  II,  225: 
cf.  Virg.,  Aen.,  XI,  708.  —  II,  290-2;  cf.  Lucain,  VIII,  488.  —  UI, 
254;  cf.  Virg.,  Georg.^  IV,  489;  Lucain,  V,  276.  —  IV,  48;  cf.  Hor,, 
Odes^lN,  7,  2.  —  IV,  100;  cf.  Lucain,  VIII,  8o5.  —  IV,  120;  cf. 
Juvénal,  IV,  41.  —  IV,  170;  cf.  Lucain,  IX,  574.  —  V,  21  ;  cf.  Virg., 
Aen.,  VîII,  186.  —  V,  96  ;  cf.  Lucain,  II,  261.  — V,  1 14;  cf.  Lucain, 
VIII,  45.  — V,  1 35;  cf.  Lucain,  VIII,  8.  —  V,  247  ;  cf.  Lucain,  V, 
634.  —  V,  383  ;  cf.  Lucain,  VIII,  614.  —  M.  Huemer  n'a  signalé  dans 
le  Carmen  qu'un  petit  nombre  d'imitations  de  la  Pharsale ;  comme  on 
le  voit,  elles  y  sont  au  contraire  fort  nombreuses.  Par  la  facture  de  ses 
vers,  et  en  particulier  par  la  recherche  de  la  césure  hephthémimère,  Se- 
dulius se  rapproche  de  Lucain  et  de  Claudien  bien  plus  que  d'Ovide  ou 
de  Virgile. 

A  la  suite  de  Y Opns  Paschale.  M.  Huemer  a  réuni  quelques  pièces  de 
vers  relatives  au  poème  de  Sedulius,  un  Carmen  de  incarnatione  qu]  est 


1)  HISTOIRE    KT    DK    IJTrERATUHK  ^  I  y 

un  centon  virgilien  et  des  extraits  du  commentaire  de  Remigius  sur  le  Car- 
men. Ce  commentaire  contient  quelques  étymologies  amusantes,  comme 
amiciis  «.quasi  animi  custos  vel  aninii  aeqiiiis,  »  — pedor  v^  proprie  di- 
citiir faetor pedum  »,  etc.  Je  remarque  que  V élyvaolos^it  pagus  de  r.r^-fci, 
admise  par  Vico  qui  la  rapprochait  de  çpa-:pa  =  9P^a?  (!)  et  tout  récem- 
ment encore  approuvée  dans  \a  Revue  Philosophique  {sept.  iSSS,  p.  262), 
se  lit  dans  le  docte  commentaire  du  même  Remigius  (p.  322). 

m.  Le  De  statu  animae  de  Claudien  Mamert  a  été  publié  par 
M.  Engelbrecht  d'après  douze  manuscrits,  dont  le  plus  ancien,  le  Pari- 
sinus,  16,  340,  est  du  ix*  siècle.  La  dernière  édition  critique,  ou  soi- 
disant  telle,  celle  de  Gaspar  Barth,  remonte  à  i655.  Il  était  donc  bien 
temps  que  Ton  consacrât  quelques  veilles  à  l'établissement  d'un  texte 
qui  nous  a  été  transmis  dans  un  assez  triste  état.  L'éditeur  remarque 
que  les  manuscrits  sont  d'autant  plus  corrects  qu'ils  sont  moins  anciens, 
le  meilleur, à  cet  égard,  étant  de  la  fin  du  xii'' siècle  [Lipsiensis,  n»  286). 
Ce  manuscrit  est  d'ailleurs  défiguré  par  de  nombreuses  interpolations. 
M.  E.  reconnaît,  dans  ses  prolégomènes  (p.  xv).  qu'il  a  parfois 
attribué  trop  d'importance  aux  leçons  du  Lipsiensis,  qui  a  tout  l'air 
de  devoir  sa  correction  apparente  aux  retouches  de  quelque  correcteur. 
Cet  aveu  l'amène  à  discuter  et  à  modifier  après  coup  un  certain  nombre 
de  passages  où  il  a  été  induit  en  erreur  par  le  réviseur  du  Lipsiensis. 

Dans  l'index  des  écrivains  païens  cités  par  Claudien  Mamert  (p.  208), 
on  lit  :  poeta  ignotus,  p.  22,  2.  A  la  page  22,  2,  nous  trouvons  cette 
phrase:  Inludunt  inperitos,  quae  maxima  turba  est.  M.  E.  remarque  en 
note  :  hexametri  clausula  esse  videntur,  mais  il  place  un  double??  dans 
le  registre  du  commentaire  réservé  à  l'indication  des  passages  cités.  Le 
poeta  ignotus  est  Virgile,  qui  a  écrit  dans  V Enéide  (VI,  611): 

Aut  qui  diviiiis  soli  incubuere  repertis, 

Nec partent  posuere  suis,  quae  maxima  turba  est. 

L'éditeur  et  ses  collègues  n'appartiennent  pas  à  cette  maxima  turba  : 
ils  ne  se  montrent  avares  ni  de  leur  temps,  ni  de  leur  érudition,  et  nous 
sommes  heureux  de  leur  en  témoigner  notre  reconnaissance. 

Salomon  Reinach. 


217.  —  I.  i^-^vtild  x'cn  Kleists  Wei'Ue,  herausgegeben  uiid  mit  Anmerkungen 
bcgleitet  von  Dr.  August  Sauer.  I  Theil,  Gedichte,  Seneca,  prosaische  Schriften. 
II  Theil.  Briefe  von  Kleist^  vi  et  jSG  p.  III  Theil.  Briefe  an  Kleist,  xxiv  et  383  p. 
1881  et  1882.  [Berlin,  Gustav  Hempel.  (Nalionalbibliotelc,  n^^  8g,  97,  102,  106, 
112,  118,  123,  12g,  i33,  146). 

2.  Immanuel  ï»yi'a  und  sein  Einfluss  auf  die  deutsche  Literatur  des 
achtzehnten  Jahrhunderts,  mit  Benutzung  ungedruclcier  Quellen,  von  Dr.  Gustav 
Wanieck,  Professer  am  k.  k.  Staatsgymnasium  in  Bielitz.  Leipzig,  Breitkopf  und 
Hsertel,  1882.  In-8,  viii  et  180  p.  4  mark  5o. 

3.  Clifistian  L.udAvîg  JLîscow  in  seiner  literarischen  Laufbahn,  von  Ber- 
thold  LiTzsiANN.  Hamburg    u.  Leipzig,  Voss,  i883.  In-8,  xii   et  i55  p. 


4i8 


REVUE    CRITIQUE 


4.  Briefe  von  iVnna  Maria  von  Hageclorn  an  ihren  jûngeren  Sohn 
Christian  Ludwig,  lySi-Sa,  hrsg.  von  B.  Litzmann.  Hamburg  u.  Leipzig,  Voss, 
lS85.  In-8,  VI  et  loo  p. 

5.  Krom  Opitz  t»  L,cssing,  a  study  of  Pseudo-Classicism  in  literature,  by 
Thomas  Sergeant  Perry.  Boston,  Osgood  and  Co,  i8S5.  In-8,  vi  et  207  p. 

6.  Xliomas  ^kbt,  ein  Beitrag  zu  seiner  Biographie,  von  Edmund  Pentzhorn. 
Berlin,  Loewenthal.  4,  Grûn-Strasse,  1884.  In-8,  102  p. 

7.  S>as  niedei'dcutsclio  Scliauspîel;  Zunt  Kulturleben  Hamburge. 
—  1.  Das  niederdeiiische  Dvama  von  den  Anfœngen  bis  :{ur  Fran:{Osen:ieit,  von 
Karl  Theodor  Gaedertz.  Berlin,  A.  Hoffmann  et  Comp.,  1884.  In-8,  xvi  et  253  p. 
4  mark. 

—  IL  Die  plattdeutsche  Komœdie  im  neiin:{ehnten  Jahrhundert,  von  K.  Th. 
Gaedertz,  1884.  In-8,  xvi  et  281  p.  (même  librairie  à  Berlin,  Kronenstrasse,  17). 
4  mark. 

8.  Briefe  des  Herzogs  Eiarl  A.ugu»t  von  SacI>sen-'^Veiniar-Eise« 
naeh  an  Knebel  und  Herder,  herausgegeben  von  Heinrich  Dùntzer.  Leipzig, 
Ed.  Wartig's  Verlag.   (Ernst  Hoppe),  188?.  In-8,  xxiv  et  i5o  p. 


Nous  réunissons  dans  un  même  article  le  compte-rendu  de  plusieurs 
ouvrages  relatifs  à  la  littérature  allemande  du  xviiie  siècle. 

I.  —  L'édition  complète  des  œuvres  d'Ewald  deKleist  quenousdonne^ 
M.  Auguste  Sauer,  mérite  d'être  annoncée  au  premier  rang,  et  il  serai^ 
à  souhaiter  qu'on  fît  pour  de  plus  grands  écrivains  ce  qu'a  fait  le  jeune 
professeur  de  Lemberg  pour  l'auteur  à\i  Printemps.  Peut-être  quelque^ 
chercheurs  trouveront-ils  encore  par  hasard  quelques  billets  de  Kleist;! 
mais  tout  ce  qu'a  publié  le  glorieux  blessé  de  Kunersdorf,  tout  ce  qu'il 
a  écrit  à  ses  amis,  tout  ce  que  ses  amis  lui  ont  écrit,  est  rassemblé  dans 
les  trois  gros  volumes  dont  nous  rendons  compte.  Le  premier  renferme 
une  biographie  du  poète,  précise,  attachante,  à  laquelle  on  ne  reprochera 
que  d'être  trop  courte  et  d'oublier  Vauvenargues,  qui  a  quelques  points 
de  ressemblance  avec  Kleist.  Cette  étude  est  suivie  d'une  introduction 
sur  les  manuscrits  de  Kleist  et  sur  les  «  principes  critiques  v  qu'a  suivis 
M.  S.  dans  son  édition.  Viennent  ensuite  les  «  poésies  »  le  Printemps, 
Cissidès  et  Pachès,  la  tragédie  de  Sénèque  et  les  petits  écrits  en  prose. 
Le  texte  est  celui  qui  fut  corrigé  par  Kleist  et  parut  sous  ses  yeux  ;  mais 
au  bas  des  pages  Féditeur  a  soin  de  citer  les  variantes  que  donnent  les 
manuscrits  et  les  diverses  éditions  (notamment  celle  de  Ramier)  ainsi 
que  les  passages  parallèles  de  Brockes,  des  Alpes  de  Haller  et  des  Sai- 
sons de  Thomson,  les  réminiscences  voulues  de  ce  poète  peu  original 
mais  gracieux  qui  se  piquait  de  butiner  partout  et  «  d'aller  à  la  chasse 
aux  images  ».  M.  S.  mêle  également  à  son  commentaire  des  remarques 
sur  la  langue  et  la  grammaire.  Il  a  trouvé  dix  pièces  de  vers  inconnues 
jusqu'ici.  Il  les  range  toutes,  autant  que  possible,  et  en  se  guidant  d'a- 
près la  correspondance  de  Kleist,  dans  l'ordre  chronologique.  Le  texte 
du  Printemps  sous  ses  deux  formes  (première  édition  de  1749  comparée 
avec  le  plus  ancien  manuscrit  «  Landlust  »  et  remaniement  de  lySô) 
est  précédé  d'une  étude  fort  intéressante;  M.  S.  n'exagère  pas  les  méri- 
tes de  son  poète;  il  montre  les  imitations  nombreuses  qu'il  suscita  et 


o'histoikk  kt  de  littékaioru  419 

le  succès  qu'il  obtint.  —  Le  deuxième  et  le  troisième  volume  contien- 
nent, l'un  les  lettres  de  Kleist,  l'autre  les  lettres  à  Kleist;  M.  S.  en  a 
publié  455,  (237  de  plus  que  dans  les  éditions  précédentes)  et  il  a  eu 
entre  les  mains  Toriginal  de  366  d'entre  elles-,  la  plupart  sont  conser- 
vées dans  les  archives  de  Gleim  à  Halberstadt.  M.  S.  les  édite  très  cor- 
rectement et  dans  leur  intégrité,  car,  dans  les  éditions  précédentes  bon 
nombre  de  passages  avaient  été  retranchés  ;  il  niet  en  tête  de  chacune  le 
lieu  primitif  d'impression,  l'endroit  où  se  trouve  Poriginal,  la  date  de 
la  réponse;  il  accompagne  cette  correspondance  de  notes  brèves  et  ins- 
tructives où  Ton  remarquera  plus  d'une  fois  des  fragments  inédits  d'Uz, 
de  Gleim,  de  Krause,  d'Ewald.  Les  lettres  des  amis  de  Kleist  sont  bien 
moins  intéressantes  que  celles  de  l'officier,  elles  ont  moins  de  vie  et  de 
fraîcheur,  on  sait  la  fadeur  écœurante  de  Gleim,  le  «  Damon  »  de  Hal- 
berstadt. Peut-être  eùt-il  mieux  valu  faire  un  choix,  ne  donner  que 
l'essentiel  et  l'indispensable;  mais  en  ces  matières  la  limite  est  difficile 
à  tenir;  les  uns  veulent  plus,  les  autres  moins;  le  meilleur  moyen  de 
contenter  chacun  est  de  donner  tout.  —  Telle  qu''elle  est,  cette  publi- 
cation est  une  des  meilleures  de  la  collection  Hempel  ;  elle  nous  rend 
le  véritable  Kleist  ;  elle  nous  le  fait  voir  dans  sa  correspondance  aimant, 
mélancolique,  sensible,  parfois  atteint  du  même  mal  que  Gleim,  de  la 
Schonseligkeit^  mais  reprenant  le  dessus  grâce  à  sa  nature  de  soldat, 
franc,  ouvert,  écrivant  sans  affectation  ni  raffinement;  enfin  elle  nous 
donne  le  texte  authentique  de  ses  œuvres  qu'avait  mutilées  le  ciseau 
impitoyable  et  souvent  maladroit  de  Ramier,  Ajoutons  qu'elle  renferme 
un  index  complet  des  trois  volumes. 

2.  —  Pyra  est  connu  dans  la  littérature  allemande  par  le  pamphlet 
qu'il  publia  confe  Gottsched  (Erweis  dass  die  Gottschedianîsche  Secte 
den  Geschmack  verderbe]  et  par  son  Temple  de  la  vraie  poésie  ;  il  était 
soumis  à  Tinfluence  du  piétisme  de  Halle;  admirateur  passionné  de 
Milton  qui  avait,  disait-il,  conduit  la  poésie  du  Parnasse  païen  au  Para- 
dis et  prédécesseur  de  Klopstock,  il  regardait  la  poésie  sacrée  et  bibli- 
que comme  la  seule  véritable;  enfin,  de  même  que  les  Suisses,  il  était 
hostile  à  la  rime.  C'est  à  ce  Pyra  que  M.  Waniek  a  consacré  une  mono- 
graphie fort  consciencieuse  '.  Il  apporte  des  documents  inédits  de  grande 
importance,  les  lettres  que  renferme  la  riche  collection  de  Gottsched  et 
les  manuscrits  de  Pyra  que  contiennent  les  archives  de  Gleim  à  Hal- 
berstadt. Il  a  consulté  les  journaux  de  l'époque  qu'il  est  si  rare  de  trou- 
ver, même  dans  les  grandes  bibliothèques  d'Allemagne,  et  une  foule  de 
brochures  ignorées.  Grâce  à  ces  secours  divers,  M.  W.  expose  pour  la 
première  fois  avec  force  détails  l'influence  de  l'éducation  piétiste  que 
Pyra  avait  reçue  à  Bautzen  et  à  Halle.  Il  montre  l'action  du  jeune  écri- 

I.  L'ouvrage  est  divisé  ainsi  :  première  p?.rtie  :  I.  Haus  iind  Schiile.  il.  Studien- 
jahre.  lll.Wanderjahre.  IV.  Aiifenthalt  in  Berlin.  Y.  Ausgdbcn,  litcrarischer  Nach- 
lass,  Stimmen  der  Zeitgenossen,  deuxième  partie  :  I.  Der  formale  Gesichispitnkt. 
II.  Die  stofflichen  Gesichtspiinkte.  \\l.  Aesthetik  iind  aesthetiche  Kritik.  IV.  Gœthc. 


420  REVUK   CRITIQUE 

vain  sur  les  poètes  qu'il  connut  à  Halle,  Gleim,  Lange,  etc.  sur  les  pro- 
fesseurs et  critiques  comme  Baumgarten  et  Meier.  Il  analyse  avec  saga- 
cité les  théories  poétiques  de  Pyra  et  met  en  lumière  les  divergences 
d^opinion  qui  séparaient  les  Saxons  et  les  Suisses;  on  suit  avec  intérêt 
les  progrès  que  fait  peu  à  peu  l'esprit  de  Pyra;  on  le  voit  d'abord  ad- 
mirer Gotlsched,  puis  le  critiquer,  puis  l'attaquer  violemment,  se  rap- 
procher de  Breitinger  et  de  Bodmer,  se  mettre  à  l'école  des  critiques 
français,  de  Boileau,  de  Dubos,  étudier  Aristote  et  frayer  la  voie  à  Les- 
sing.   En  outre,   M.  W.  découvre  dans  le   Tempel  der  wahren  Dicht- 
kunst  des  réminiscences    du  poète  latin  Vida  et  surtout   de  Thomson 
(Castle  of  Indolence).  Il  nous  fait  connaître  un  fragment  de  tragédie, 
Atrée  ;  il    prouve    que    Pyra,    en   traduisant  Virgile   et  en   excitant 
Lange  à  traduire  Horace,   est  le  devancier  de  Ramier  et  de  Voss;  qu'il 
rechercha  de  dessein  prémédité  l'allitération;  qu'il  a  donné  le  branle  à  la 
poésie  anacréontique  qui  fut  le  Tummelplat^  de  tous  les  jeunes  talents, 
qu'il  a  le  premier  fait  des  vers  non  rimes  et  tenté  de  rétablir  les  chœurs 
des  anciens;  enfin  il  démontre  que  Klopstock  connaissait  les  œuvres  de 
Pyra  et  que  du  Bibliotartarus,  fragment  d'un  poème  héroï-comique, 
est  sorti  le  Renommist  de  Zachariâ,  etc.  La  critique  doit  se  mêler  aux 
éloges;  M.  W.  a  le  tort,  assez  naturel  chez  un  biographe,  d'attribuer  à 
Pyra  un  rôle  trop  considérable  dans  la  littérature;  il  compare  même  le 
«  Temple  de  la  vraie  poésie  »  aux  Geheinutisse  de  Gœthe  et  ne  doute 
nullement  que  l'allégorie  de  Pyra  «  ait  agi  sur  la  conception  du  plan 
des  Mystères  »  (p.  178)  ;  il  oublie  que  cette  «  conception  »  était  deve- 
nue familière  à  la  poésie  et  pour  ainsi  dire  banale  :  cp.  le  Temple  de  la 
renommée  de  Chaucer  et  de  Pope  et  le  Temple  du  goût  de  Voltaire  ;  ce 
dernier  ouvrage  parut  en  1 /Si,  et  il  ne  serait  pas  impossible  que  Pyra, 
dont  le  «  Temple  de  la  vraie  poésie  »  fut  publié  en  lySy,  eût  voulu  imi- 
ter l'écrivain   français  ^    Malgré  tout,  l'étude  de  M.  Waniek  abonde 
en  détails  intéressants  et  nouveaux;  elle  fait  connaître  non  seulement 
une  figure  attachante  de  la  littérature  allemande  -,  mais  toute  l'époque, 
assez  ignorée  jusqu'ici,  où  vécut  Pyra,  l'école  de  Halle  et  les  princi- 
paux représentants  de  la  critique  littéraire  qui  commençait  à  naître  ^ 

3.  —  M.  Litzmann  a  composé  sur  Liscow  une  étude  soignée  et  atten- 
tive. Il  montre  que  l'Epitre  à  Lange  sur  le  piétisme  appartient  vérita- 
blement à  Liscow  et  date  de  lySo.  Il  place  en  1726  les  Remarques  sur 
le  Droit  naturel  de  Manzel.  Il  prouve  que  Boileau  exerça  sur  Liscow 
une  influence  plus  considérable  qu'on  ne  l'avait  cru  jusqu'ici.  Il  analyse 


1.  M,  Sauer  vient  de  prouver  que  Pyra  imita  Pope  (The  Temple  of  Famé). 

2.  Pyra  (Immanuel  Jacob  et  non  Jacob  Immanuelj  se  rendit  en  1704  (et  non  en 
1735)  à  l'Université  de  Halle;  il  vécut  ensuite  à  Laublingen  près  de  Lange,  puis  se 
fit  précepteur  (successivement  à  Poplitz  et  à  Heiligenthal)  ;  il  revint  à  Laublingen 
en  1741,  fut  nommé  à  la  fin  de  1742  professeur  au  Kœllnisches  Gymnasium  de 
Berliner  et  mourut  le  14  juillet  1744;  il  était  né  le  25  juillet  1715  à  Cotibus. 

3.  P.   128,  écrire  Bouhours'  au  lieu  de  «  Bouhor's  ». 


D  HISTOIRE    KT    DE    LITTEHATURK  _i.2  I 

les  œuvres  du  satirique  allemand  et  fait  le  portrait  des  personnages  qui 
furent  l'objet  de  ses  sarcasmes.    Il  donne  une  foule  de  renseignements 
précieux  sur  Sivers  «  célébrité  locale  qui  n'avait  d'autre   talent  que  la 
réclame  et  prétendait  à  tout  prix  à  la  grandeur  scientitique  »  (p.  38),  sur 
Philippi  Taventurier  (p.   4801),  sur  le  parti  de  Gotisched  et  ses  rela- 
tions avec  Liscow,  sur  le  séjour  de  ce  dernier  à  Dresde  et  son  alliance 
avec  les  ennemis  du  professeur  de  Leipzig.   Il  apprécie  avec  justesse 
l'ouvrage  le  plus  connu  de  Liscow  von  den  elenden  Scribenten;  il  a  su 
voir  que  cet  écrit  est  un  des  meilleurs  que  Liscow  ait  composés,  parce 
qu'il  s'abstient  de  toute  moquerie  personnelle  et  s'élève  à  des  vues  géné- 
rales; ce  n'est  plus  un  simple  pamphlet,  c'est  une  satire  pleine  de  goût 
et  de  finesse.  M.  L.  démontre,  en  outre,  l'action  de  Liscow  sur  ses  con- 
temporains; le  redoutable  adversaire  de  Philippi  et  de  Sivers  eut  bientôt, 
surtout  dans  l'école  de  Gottsched,  des  imitateurs  qui  copièrent  son  style 
et  sa  manière  agressive;  il  suffit  de  lire  les  extraits  que  nous  donne 
M.   L.  des  Neiifriinkische  Zeitiingen  et  des  journaux  de  Hambourg. 
Voilà  ce  que  contient  le  livre  de  M.  L.  Mais  est-ce  vraiment  un  livre? 
Est-ce  le  travail  d'ensemble  qui  manquait  jusqu'ici  sur  Liscow?  M.  L. 
a,  de  gaieté  de  cœur,  renoncé  à  cette  tâche  qu'il  lui  était  aisé  d'entre- 
prendre. Il  veut,  dit-il,  poursuivre  et  retracer  le  développement  littéraire 
de  Liscow  en  évitant  de  répéter  ce  qu'on  connaît  déjà.  Mais  combien  de 
ceux  qui  liront  le  travail  de  M.  L.,  connaissent  Liscow!   Il  fallait  d'a- 
bord nous  exposer  la  vie  de  l'écrivain,   nous  donner  des  dates  précises, 
marquer   en    quelques  traits   son   tempérament   et    son   caractère,   ses 
opinions,  le  rôle  qu'il  devait  jouer  dans  la  littérature  du  temps.  Une 
fois  l'existence  de  Liscow  racontée  dans  tous  ses  détails,  une  fois  le 
personnage   mis  en  pied,  il  fallait  examiner  l'une  après  l'autre,  dans 
des  chapitres  distincts,  chacune  de  ses  polémiques,  en  observant  l'ordre 
des  temps.  Il  fallait  s'exprimer  avec  plus  de  précision  et  de  rigueur  que 
ne  le  fait  l'auteur,  sacrifier  l'insignifiant  et  l'inutile,  ne  donner  de  tou- 
tes ces  misérables  et  pédantesques  querelles  que  ce  qu'il  faut   savoir. 
M.  L.  arrivait  ainsi,  par  un  chemin  facile,  à  la  fin  de  son  étude,  et  là, 
il  nous  servait  encore  une  conclusion  où  il  aurait  rappelé  les  jugements 
de  ses  devanciers  et  prononcé  lui-même  en  dernier  ressort  sur  le  mérite 
de  Liscow  qu'il  faut  prendre  garde,  dit-il,  de  mettre-trop  haut  et  qu'il 
nomme   fort   bien    un    pamphlétiste  satirique  plutôt   qu'un    véritable 
Satirendichter.  M.  L.  n'a  rien  ou  presque  rien  fait  de  tout  cela;  il  a 
composé  quatre  chapitres,  assez  longs,  assez  touffus,  qui  ne  forment  pas 
un  tout  bien  ordonné:  i»Manzel  et  Lange;  2"  Sivers  et  Philippi;  3*^  col- 
laboration  de  Liscow  aux  journaux  jusqu'en    lySg;   4°  rapports  avec 
Gottsched'.  Néanmoins,   on  lui  saura  gré  d'avoir  tiré  tant  de  détails 


I.  On  pourrait  lui  reprocher  aussi  de  n'avoir  pas  montré  suffisamment  les  imita- 
tions de  Boileau  dans  les  œuvres  de  Liscow;  au  moins,  les  exemples  cités  par  M.  L. 
ne  sont  pas  en  assez  grand  nombre  (p.  81).  A  notre  avis,  Swift  est,  plutôt  que 
Boileau,  le  modèle  de  Liscow;   j'invoquerais  surtout  le  témoignage  de  iMauvillon  et 


422  RtCVUK    CKITIQUB 

intéressants  des  papiers  de  Gottsched,  de  la  collection  de  Lappenberg  et 
des  journaux  du  temps;  son  livre  complète  sur  bien  des  points  les 
travaux  de  Schmidt,  de  Helbig,  de  Lisch  et  de  Classen. 

4.  —  L'étude  de  M.  Litzmann  sur  Liscow  a  été  suivie  d'une  petite 
publication  intéressante  dont  il  faut  dire  quelques  mots.  M.  L.  a  trouvé 
les  lettres  que  la  mère  des  deux  Hagedorn  (le  poète  et  Pauteur  des 
Considérations  sur  la  peintiirej  adressait  à  son  plus  jeune  fils  Christian 
Louis,  lorsque  ce  dernier  faisait  ses  études  à  Altdorf  et  à  lena,  en  lySi 
et  en  1732.  Ces  lettres,  au  nombre  de  dix-sept,  sont  très  touchantes;  la 
pauvre  mère  s'impose  les  plus  grandes  privations  pour  envoyer  de 
l'argent  à  son  «  petit  Louis  »  ;  elle  lui  donne  les  meilleurs  conseils, 
l'engage  à  ne  pas  régaler  ses  camarades  («  andere  mit  nichtswiirdigem 
teuren  Toback  und  Bier  zu  tractiren  »),  à  ne  faire  de  dépenses  que  pour 
sa  propre  et  gentille  personne  («  fur  deine  artige  Person  und  nutzen  »), 
à  ne  pas  prodiguer  les  pourboires  («  sei  nicht  zu  libéral,  trincgeld  zu 
geben  »).  Mais,  tout  en  lui  recommandant  une  stricte  économie,  elle  le 
prie  de  ne  pas  déroger,  de  se  souvenir  du  nom  qu'il  porte,  a  sich  seinem 
Stande  gemass  zu  conduisiren  ».  Ces  lettres  que  M.  Litzmann  donne 
telles  quelles,  avec  leurs  répétitions,  leur  tournure  un  peu  lourde  et 
leur  bizarre  orthographe,  méritaient  l'impression;  elles  font  mieux 
connaître  une  des  familles  littéraires  les  plus  célèbres  de  TAUemagne  du 
XYin*"  siècle,  et  la  brave  femme  qui  les  écrivait  naïvement,  intéresse  le 
lecteur  par  son  naturel  sain,  par  ses  réflexions  sensées,  par  son  dé- 
vouement maternel. 

3.  —  Le  livre  de  M.  Perry,  d'ailleurs  imprimé  avec  luxe,  rendra  des 
services  au  public  anglo-américain  ;  allemands  et  français  n'y  trouveront 
rien  de  très  neuf,  sauf  les  parallèles  que  fait  l'auteur  entre  la  littérature 
allemande  et  la  littérature  anglaise,  entre  quelques  passages  du  Spec- 
tator  et  de  VIrdisches  Vergnugen  de  Brockes  (p,  63).  M.  Perry 
s'est  contenté  le  plus  souvent  de  reproduire  ce  que  d'autres  ont  dit  avant 
lui.  Ce  qu'il  raconte  du  Bund  de  Gottingue  est  bien  insuffisant;  il  se 
borne  à  traduire  quatre  lettres  de  Voss  à  Brûckner,  et  aucun  de  ses 
lecteurs  ne  saura  ce  que  fut  cette  réunion  poétique,  ce  qu'étaient  Bûr- 
ger,  les  Stolberg,  Hahn  dont  M.  P.  cite  les  noms  sans  autre  indication. 
En  revanche,  l'auteur  insiste  fort  longuement  sur  Minna  de  Barnhelm 
(p.  149-169)  et  ne  dit  presque  rien  des  oeuvres  de  jeunesse  de  Lessing.  Il 
prétend  que  Gottsched  se  faisait  aider  dans  ses  traductions  par  sa  femme 
et  ses  enfants  (children,  p.  80).  Enfin,  M.  Perry  assure  que  Lessing 
mourut  «  avant  que  la  grande  révolution  littéraire  eût  éclaté  (p.  201)  »; 
mais  elle  éclata  du  vivant  de  Lessing,  et  il  fut  un  de  ceux  qui  la  pro- 


d'Unzer  qui  connaissaient  très  bien  la  littérature  de  la  France  et  de  l'Angleterre  «  in 
Liscow  herrscht  eine  aechte  swiftische  Ader,  und  ob  ich  ihn  gleich  dem  Englaender 
nicht  an  die  Seite  seize,  so  gestehe  ich  doch,  dass  er  mir  vollkommen  das  Génie 
und  die  Grundlage  desselben  zu  haben  scheint.  »  Ueber  den  Werth  eimger  Dichter. 
Ï771,  II,  21-22. 


DHISTOIRE    KT    DK    LITIKKATUUE  _|  2  3 

voquèrent;  il  meurt  en  1781  et  Gdt:^  est  ue  1773,  Werther  et  la  Lenore 
de  Biirger,  de  1774;  les  pièces  de  Lenz  et  de  Klinger  parurent  à  la 
même  époque,  etc.,  etc.  '. 

6.  —  M.  Pentzhorn  a  voulu  composer  une  «  biographie  détaillée  et 
scientifique  »  de  Thomas  Abbt.  C'est,  en  effet,  une  biographie,  au  pur 
sens  du  mot  ;  ce  n'est  pas  une  étude  critique,  une  appréciation  com- 
plète de  l'œuvre  laissée  par  l'historien  allemand.  M.  P.  a  réuni  tout  ce 
qu'il  est  possible  de  savoir  sur  la  vie  de  Thomas  Abbt,  sur  son  enfance 
à  Ulm,  sur  ses  années  d'université  (Halle),  sur  son  enseignement  à 
Francfort  sur  TOder  et  à  Rinteln,  sur  son  séjour  ù  Berlin,  sur  son 
voyage  en  Allemagne,  en  Suisse  et  en  France  ~,  sur  le  rôle  qu'il  joua, 
comme  conseiller  et  «  patronus  scholarum  »  à  Bûckeburg,  près  du 
comte  de  Schaumburg-Lippe.  Il  analyse  les  écrits  de  Thomras  Abbr,  ses 
dissertations  et  fragments  historiques,  ses  articles  dans  les  Litteratur- 
hriefe  et  VAllgemeine  deiitsche  Bibliothek,  ses  meilleures  œuvres,  l'es- 
sai «  sur  la  mort  pour  la  patrie  »  et  l'essai  «  sur  le  mérite  ».  Il  rappelle 
les  jugements  des  contemporains.  11  montre  (p.  2  5],  —  ce  qu'on  n'a- 
vait pas  encore  remarqué  —  que  dans  l'essai  voni  Todefilr  das  Vater- 
laiid,  Abbt  s'est  proposé  pour  modèle  le  livre  de  Zimmermann,  vom 
Nationalstol'{e;  il  cite  plusieurs  passages  absolument  identiques;  il 
rappelle  un  aveu  qu'Abbt  lui-même  faisait  à  Zimmermann  (cp.  l'ou- 
vrage de  Bodemann  sur  le  célèbre  médecin,  1878,  p.  29).  Enfip.  il  pu- 
blie quelques  lettres  inédites  de  Nicolai  ainsi  qu'une  ode  de  Schubart, 
d'ailleurs  sans  valeur  aucune,  au  père  de  l'historien.  Venons  aux  criti- 
ques. M.  P.  parle  en  un  endroit  de  la  concision  d'Abbt,  de  l'admiration 
exclusive  qu'il  professait  pour  Salluste  et  Tacite  (p.  56);  il  aurait  pu 
rappeler  à  ce  propos  Jean  de  Mûller^  historien  lui  aussi,  et,  comme 
Abbt,  visant  à  la  brièveté;  il  aurait  pu  citer  un  passage  des  mémoires 
de  Gœthe  qui  prouve  qu'à  cette  époque,  qu'on  doit  à  certains  égards 
nommer  l'époque  du  laconisme,  la  plupart  des  écrivains  tentaient  de 
se  faire  un  style  ferme  et  précis;  Gœthe  nomme  Klopstock,  Haller, 
Ramier  qui  voulait  enfermer  dans  ses  strophes  pompeuses  beaucoup  de 
sens  en  peu  de  mots,  Lessing,  au  style  rapide  et  entraînant,  «  épigram- 
matique  dans  ses  fables  et  ses  poésies,  serré  dans  Minna  de  Barnhelm  ». 
etc.  P.  42,  M.  P.  remarque  que  Abbt  avait,  comme  un  grand  nombre 
de  ses  plus  illustres  contemporains,  l'horreur  du  Gelehrtenstand  et  le 
désir  d'une  position  fixe;  il  fallait  dire  aussi  que  tous  ces  jeunes  gens  de 
talent  étaient  tourmentés  par  le  besoin  de  l'action,  qu'ils  eurent  pour 
idéal  un  Gotz  ou  un  Charles  Moor,  que  Herder  songeait  à  devenir  le 
bienfaiteur  de  la  Livonie,  que  Lenz  rêvait  de  se  faire  soldat  et  de  com- 
mander une  armée,  que  Klinger  s'engageait  et  voulait  combattre  en 


1.  Le  nom  de  Gcllert  manque  dans  la  table  des  noms  propres. 

2.  Signalons  p.  48,  le  récit  d'une  représentation  théâtrale  à  Ferney;  on  jouait  les 
Femmes  savantes  ;  Voltaire  faisait  Trissotin,  cp.  Abbt,  Vcvmischic  Werke.  1768, 
VI,  -5. 


^24  KEVUK    CRITIQUE 

Amérique  pour  la  cause  de  l'indépendance,  etc.  i.   Mais  ce  que  nous 
reprocherons  surtout  à  M.  P.,  c'est  d'avoir  composé  sa  dissertation  — 
car  c'est  plutôt  une  dissertation  qu'un  livre  —  sans  avoir  pitié  de  son 
lecteur;  elle  comprend  i8i  pages  qui  se  suivent  sans   interruption  et 
sans  temps  d'arrêt;  pas  de  chapitres;  pas  de  divisions,  lorsqu'il  était  si 
aisé  de  trouver  des  titres  comme  «  la  jeunesse  de  Abbt  »,  «  l'essai  sur  la 
mort  pour  la  patrie  m,  «  Fessai  sur  le  mérite  »  ;  «  les  Lettres  sur  la  litté- 
rature »,  «  la  Bibliothèque  générale  allemande  »:  il  faut  aller  jusqu'au 
bout  du  volume,  ù  la  p.  90,  pour  trouver  un  simple  tiret.  D'ailleurs 
M.  Pentzhorn  n'a  même  pas  apprécié  Abbt;  il  a  laissé  la  parole  à  Her- 
der  et  aux  critiques  de  l'époque;  on  cherchera  vainement  dans  sa  con- 
clusion un  jugement  d'ensemble  sur  les  talents  et  le  style  de  son  au- 
teur. M.  Pentzhorn  devra  donc  remanier  son  travail,  lui  donner  une 
meilleure  ordonnance  et  de  plus  vastes  proportions,  y  payer  davantage 
de  sa  personne;  il  a  recueilli  d'abondants  matériaux;  qu'il  les  dispose 
et  les  mette  en  œuvre  dans  une  nouvelle  étude  qu'il  fera  mieux  que 
tout  autre  et  qui  sera  le  dernier  mot  sur  Thomas  Abbt.   Surtout  qu'il 
n'oublie  pas  de  rechercher  les  sources  dont  Abbt  s'est  servi  dans  ses 
fragments  historiques;  qu'il  s'étende  davantage  sur  les  deux  grands 
journaux  littéraires  auxquels  collabora  le  professeur  de  Rinteln;  qu'il 
examine  l'influence  que  les  voyages,  les  amitiés,  le  séjour  de  Berlin  ont 
tour  à  tour  exercée  sur  son  héros;  qu'il  consacre  même  un  chapitre  à  la 
critique  littéraire  de  Thomas  Abbt  et  à  ses  jugements  sur  ses  contem- 
porains, en  recueillant  les  opinions  éparses  dans  sa  correspondance; 
qu'il  fasse  enfin  ce  que  ses  compatriotes  nomment  un  Zeit-iind  Le- 
bensbild-. 

7.  —  L'ouvrage  de  M.  Gaedertz,  dont  on  connaît  déjà  une  étude  re- 
marquable sur  Rollenhagen,  épuise  à  peu  près  le  sujet.  L'auteur  a  tout 
consulté,  jusqu'aux  affiches  et  aux  annonces,  jusqu'aux  cahiers  des  souf- 
fleurs et  aux  rôles  que  copiaient  les  acteurs.  Il  nous  donne  une  histoire 
complète  du  théâtre  bas-allemand.  Le  premier  volume  surtout  est  riche  en 
informations  aussi  curieuses  qu'importantes.  M.  G.  prouve  dès  le  début 
que  le  premier  poète  bas-allemand  qu'on  connaisse,  Jean  Koch  ou  Op- 
sopaeus,  a  composé  sa  comédie  d'Elie  d'abord  dans  son  dialecte,  (i63o) 
puis  en  latin  (i633).  Il  établit  par  des  arguments  irréfutables  que  Jean 
Rist,  contemporain  et  rival  de  Koch  est  l'auteur  de  V Irenaromachia ;  il 
fait  connaître  une  pièce  assez  bonne  du  même  auteur,  Persée^  que 
Gervinus  n'avait  pu  découvrir;  il  cite  les  Zj-pischenspieleloa  intermèdes 
bas-allemands  que  renferment  ces  deux  pièces  de  Rist  ainsi  que  sa  meil- 
leure œuvre,  das  friedejaiich^ende  Tcutschland ;  il  expose  l'influence 
considérable  que  Rist  exerça  sur  un  auteur  jusqu'à  présent  inconnu, 

1.  Cp.  notre  introduction  de  Gœl:{,  p.  lui. 

2.  Je  ne  serais  pas  étonné  que  Saint-Réal,  dont  on  sait  l'influence  sur  Scliiller, 
ait  été  un  des  modèles  que  Abbt  se  proposait,  et  son  Discours  sur  la  valeur  (1688) 
pourrait  être  le  précurseur  des  essais  sur  le  mérite  et  la  mort  pour  la  patrie. 


D  HrSTOlK.S    KT    UK    LUIÉKATUKK  ^25 

Erasme  Pfeififer,  secrétaire  du  duc  de  Brunswick  Liinebourg  (lequel  mit 
en  rimes  ï Irenaromachîa) ,  sur  l'auteur  anonyme  du  Ratio  status^  sur 
Scher,  sur  Rose,  sur  l'auteur  de  la  Teweschen  Hochtydt  et  du  Tewesken 
Kmdelbehr  ;  enfin  il  montre  que  les  scènes  composées  par  Rist  offrent 
d'utiles  renseignements  à  l'historien,  car  elles  représentent  l'Allemagne 
pendant  la  guerre  de  Trente-Ans  et  peignent  au  vif  la  haine  entre  le 
peuple  et  le  soldat,  entre  le  paysan  et  le  caporal.  M,  G.  analyse  avec  la 
même  finesse  et  la  même  sagacité  les  éléments  bas-allemands  que  ren- 
ferment les  opéras  joués  à  Hambourg  au  xvii*^  et  au  xvm'^  siècle;  il  étu- 
die successivement  à  ce  point  de  vue  le  Kara  Mustapha  de  Bostel  (1686) 
le  Xerxes  de  Postel,  Pyrame  et  Thisbé  de  Schrôder,  Cléopâtre  de 
Feustking,  le  carnaval  de  Venise  de  Meister  et  Cuno,  Henri  l'Oiseleur 
de  Kanig,  etc.;  sur  près  de  trois  cents  opéras  qui  furent  représentés  au 
théâtre  du  Marché  aux  Oies,  dix-sept  sont,  entièrement  ou  en  partie, 
écrits  en  bas-allemand  (p.  169).  Le  dernier  où  se  fit  entendre  Iq  platt- 
deiitsch,  la  a  oole  plattdûtsch  Moodersprak  »  fut  la  Verkehrte  Welt  de 
Pratorius.  Mais  les  opéras  furent  remplacés  par  des  comédies  où  lePlatt 
hambourgeois  revendiqua  sa  place  (Ekhof  '  dans  le  Grobian  duBookes- 
beutel,  dans  l'Henri  du  Potier  d'étain  de  Holberg  qui  fut  traduit  en 
bas-allemand  dans  l'année  1743,  dans  le  Jiirge  de  V Héritier  du  village 
de  Marivaux  que  traduisit  KrLiger,  dans  le  Mathurin  du  Galant  jardi- 
nier de  Dancourt  traduit  sous  le  titre  Bas  Blindekuhspiel ,  dans  le  Kias 
àe  l'Usurier  gentilhomme',  rôles  d'Ilsabe  et  de  Tobies  dans  GHick  bes- 
sert  Thorheit  de  Schrôder;  rôle  du  lieutenant  et  de  son  brosseur  dans  le 
Hajis  von  Zanoiv  de  Brandes  ;  rôle  de  Sigefroi  de  Lindenberg  dans  la 
pièce  du  même  titre,  jouée  en  181 3,  lorsque  Davout  commandait  à 
Hambourg).  —  Le  second  volume  d,;  M.  G.  est  moins  intéressant, 
mais  il  témoigne  d'un  soin  aussi  attentif  et  scrupuleux  que  le  premier. 
M.  G.  y  cite,  avec  de  copieux  extraits,  toutes  les  pièces  en  bas-allemand 
qui  ont  été  représentées  au  xix*^  siècle.  11  nous  présente  les  acteurs,  les 
directeurs,  entre  autres  un  Français,  natif  d'Agen  et  nommé  Chéri 
Maurice,  les  auteurs,  Barm.ann,  David,  Volgemann,  Gassmann  et  Krû- 
ger  qui  mirent  sur  la  scène  les  romans  de  Fritz  Reuter,  Inspector  Brâ- 
sig{«  ut  mine  Stromtid  »)  et  ut  de  Fran\osentid,  enfin  Fritz  Reuter 
lui-même  qui  donna  une  comédie  en  trois  actes,  die  drei  Langhllnse. 
Le  volume  se  termine  par  une  étude  sur  Karl  Schuitze  et  la  comédie 
en  plat  allemand  du  temps  présent  (p.  95-269). —  En  résumé,  l'ouvrage 
de  M.  Gaedertz  lui  fait  grand  honneur.  On  peut  lui  reprocher  d'abuser 
des  analyses,  surtout  dans  le  second  volume,  et  de  louer  outre  me- 
sure le  théâtre  dont  il  écrit  l'histoire;  il  suffit,  à  ses  yeux,  d'employer  le 
plattdeutsch  pour  être  simple,  naïf,  populaire;  une  œuvre  composée 
dans  le  dialecte  de  Hambourg  et  applaudie  par  le  bon  public  de  Ham- 
bourg, lui  paraît  exquise  de  tous  points  et  digne  de  passer  à  la  posté- 

I.  Telle  est  la  véritable  orthographe  du  nom. 


426  REVUK    CRITIQUK 

rite.  Mais,  s'il  professe  un  enthousiasme  exagéré  pour  des  pièces  en 
somme  peu  remarquables,  s'il  se  rend  parfois  la  tâche  trop  aisée  en  se 
bornant  à  de  simples  Refefate,  si  son  livre  ressemble  par  endroits  à  un 
feuilleton  théâtral,  s'il  se  sert  trop  souvent  des  expressions  vagues  et 
emphatiques  qu'emploie  le  journalisme  allemand,  il  a  le  mérite  d'avoir 
traité  le  premier  un  sujet  fort  intéressant,  encore  inexploré,  et  de  Tavoir 
traité  à  fond. 

8.  —  Les  lettres  que  renferme  la  correspondance  du  duc  Charles  Au- 
guste de  Weimar  avec  Knebel  et  Herder,  publiée  par  M .  Dûntzer,  ne  pa- 
raissent pas  pour  la  première  fois.  Les  lettres  à  Knebel  se  trouvent 
dans  les  papiers  que  ce  dernier  a  laissés  et  qu'a  édités  Mundt;  les  lettres 
à  Knebel  ont  paru  dans  le  Weimarisches  Herder-Album  de  1845; 
mais  AI,  D.  a  revu  les  unes  et  les  autres  sur  les  originaux  et  en  ajoute 
quelques-unes.  La  publication  a  été  laite  avec  goût  et  sur  beau  papier; 
l'introduction,  au  style  un  peu  long  et  lâché,  se  lit  avec  intérêt  ;  les 
notes  sont  en  grand  nombre  et  on  en  tire  profit;  un  index  qui  termine 
le  volume,  rendra  des  services.  Nous  ne  ferons  que  de  légères  critiques 
à  l'infatigable  érudit;  p.  5  écrire  Vevey  au  lieu  de  Vevay  ;  p.  38  d'Ansse 
au  lieu  de  à'Aiisse;  p.  16,  balourdise  au  lieu  de  barloiidise ;  p.  5i  l'ex- 
pression Chmnerische  Nàchte  vient  peut-être  du  français,  mais  on  dit 
«  ténèbres  cimmériennes  »  et  non  cimmériques.  On  aurait  souhaité  que 
M.  Diintzer  reproduisit  également  dans  ce  volume  les  lettres  de  Charles 


Auguste  à  Einsiedel. 


A.  Chuquet. 


218.  —    Les    lettres    G    et    II    du    [>îctïonnaÊi>c    de    l'ancienne    langue 
fi-ançaîse,  par  F.  Godefroy.  5  fascicules.  Prix  :  25  fr.  Paris,  Vieweg. 

3'  Article. 


M.  Godefroy  ne  se  met  pas  assez  en  garde  contre  un  certain  nombre 
de  mots  restés  dans  la  langue  moderne.  Quelques-uns  ont  eu  des  signi- 
fications ou  détournées  ou  métaphoriques  qui  ont  échappé  même  à 
Littré,  et  qu'il  est  nécessaire,  je  l'ai  déjà  dit,  de  signaler  dans  un  dic- 
tionnaire du  vieux  français.  Gambader^  par  exemple,  a  signifié  enjam- 
ber, franchir  (nos  dis  gens  de  guerre  gambadèrent  par  delà  le  Valis), 
gascher,  fouler  le  raisin,  gale,  cal,  durillon,  gemiine,  adj.  fém.,  native 
(genuine  noblesse,  genuine  qualité),  gratteiire,  ce  que  les  poules  grat- 
tent, grappe,  griffe,  générosité,  noblesse,  haute  naissance,  grainissant, 
fécond  en  grains.  Sous  le  mot  gole  ou  gueule,  il  fallait  noter  les  locu- 
tions suivantes  :  gueule  baee,  place  publique,  gueule  d'un  havre,  entrée 
d'un  port,  doubler  sa  gueule,  redoubler  ses  aboiements.  Gerbe  baude, 
devenu  gerbaude  dans  le  patois  berrichon  (voir  Claudie  par  G.  Sand), 


D  HISTOIRE    ET    DIO    LITTERATURE  42" 


méritait  un  article  à  part.  Dans  la  lettre  H  on  ne  trouve  pas  herbe  du 
vent,  anémone,  harmoniser,  v.  n.,  faire  entendre  des  sons  harmonieux, 
herbeux^  qui  est  de  la  nature  de  l'herbe,  houlette^  {èlvo.  de  la  confrérie 
de  la),  de  la  confrérie  des  débauchés,  par  allusion  à  hole,  houle,  débau- 
che, hure,  sanglier,  horaire,  précoce  (fruits  horaires,)  ete. 

Il  nous  semble  aussi  que  M.  G.  n'a  pas  suffisamment  dépouillé  les 
auteurs  du  xvf  siècle.  Il  y  a  parmi  eux,  comme  partout,  des  retarda- 
taires, et  ce  sont,  pour  la  vieille  langue,  les  plus  intéressants  à  connaître. 
C'est  chez  eux  particulièrement  que  l'on  rencontre  un  grand  nombre  de 
termes  qui  sentent  l'antiquité  ou  le  patois  des  provinces.  J'en  citerai 
quelques-uns  :  gasse,  ivraie,  gallon,  cor,  durillon,  grisser,  grincer, 
gravail,  gravier,  gousseux,  qui  a  le  goût  acre,  grapette,  petite  grappe, 
grinceur,  grincement,  gril,  grillon,  grésil lonner,  piquer,  graille,  suc 
visqueux  de  certaines  plantes,  gruynpher,  grommeler,  guerpeler,  arra- 
cher le  poU,  grelace,  espèce  de  dragée,  gouspilleur,  gouspiller,  verbe 
qui  est  encore  employé  à  la  date  de  1695,  grimpeure,  et  grinipart,  ge- 
lon,  glaçon,  guirlandelle,  greeinent,  bien,  convenablement,  grenoiiil- 
lau,  grenoiiillard,  gresleur,  celui  qui  envoie  la  grêle,  geleur,  celui  qui 
glace,  goutteron,  bec  d'un  vase  ou  d'une  aiguière,  gaste-biens  (ce  mot 
composé  est  bien  vieux  puisqu'il  se  trouve  déjà  dans  le  Rendus  de 
Moiliens),  grisons,  cheveux  gris,  gibray,  mot  rare  que  je  ne  comprends 
pas  :  «  poupées,  petites  espées,  petites  sonnettes,  petits  chevaux  de  gi- 
bray  et  semblables  choses.  ».  —  A  ces  mots  omis  il  faut  encore  ajouter  : 
gahoc,  aqueduc,  giguetter,  fréquentatif  de  giguer,  gentiliser,  anoblir, 
grabeleiir,  éplucheur,  hypercritique,  gendrelle,  sorte  d'oiseau,  gaffe, 
clef  d'arbalète,  gruesque  (des  /eves  gruesques?),  glandager,  ramasser 
le  gland,  gorse  (tertre  et  gorse  estans  entre  un  pré  et  une  terre?), 
garçaille,  ^rappeler,  grossateur  (un  ennemy  commun  de  la  patrie  et 
grossateiir  publicq?),  grisard,  nom  de  je  ne  sais  quel  oiseau.  La  lettre 
H  fournit  aussi  beaucoup  de  vocables  que  je  n'ai  rencontrés  qu'au 
xvF  siècle,  mais  qui  ont  bien  l'air  d'avoir  une  origine  plus  ancienne, 
comme  :  hirunqv.c,  halleboteur,  houppée,  houpe,  haye,  sorte  de  poisson, 
harcc,  d'où  harcelé,  hif,  espèce  de  plâtre,  holocaustement ,  harpie,  har- 
pon, hébétude,  historialemcnt,  haranguier,  adj.,  (tonnel  haranguierj, 
ha:{^ardier,  houpeten,  hareclin,  espèce  de  pâtisserie,  hagis,  clôture,  houet, 
hoyau,  se  hucher,  se  placer  en  haut,  encore  usité  dans  les  patois,  haïon- 
ner,  dresser  un  étal  ou  une  échoppe  sur  le  marché,  hoidlebiche,  coquil- 
lage, difficile  à  définir,  hersis,  champ  hersé,  harpaillon,  gueux,  voleur, 
ha:{ier,  buisson,  touffe  de  broussailles  dont  se  sert  encore  un  auteur 
provincial  au  commencement  du  xviu^  siècle,  havisseure,  sécheresse, 
harenguesse,  saison  où  l'on  pêche  le  hareng,  etc. 

D'autres  mots  plus  anciens  ont  échappé  à  M.  G.,  entre  autres  :  gai- 
liet,  sonnette,  gais,  géant,  garibel,  insecte  qui  s'attaque  à  la  vigne, 
gantier,  mesure  pour  les  liquides,  gardeau,  sorte  d'étoff'e,  getoncel, 
petit  rejeton,  gressoie,  carrière  de  grès,  de  guingoys  ou  gingoys,  de 


428  REVUE    CRITIQUE 

coin,  griecier,  déchirer,  gehinnement ,  torture,  guiche,  compartiment, 
tiroir,  gheulart,  gueulard,  grande  marmite  (on  trouve  aussi  gueulard 
=.  gueule,  gueulard  de  lyon),  guerp  ou  jperp,  cession,  abandon,  guer- 
pison,  grouilleur,  gistju^,  temps  pendant  lequel  un  malade  ou  un 
blessé  reste  au  lit,  guiteau,  gaine,  étui;  girofle,  s.  masc,  vin  épicé  avec 
des  clous  de  girofle,  gitaire^  poutre,  ganteau,  tronc  pour  les  aumônes, 
gayvete,^  couteau,  géomètre,  géométrie,  glon'ficable,  gitre,  geter, 
gachet,  sorte  de  teinture,  glainner  ou  mieux  glanier,  estomac  du  san- 
glier, grésillons,  caprices,  fantaisies,  gorguelet?,  gratifier^  laine  de 
rebvit,  se  gober,  se  glorifier,  gorder,  gonfler,  gaimon,  épave  de  mer 
(goémon.)  ^/'azer, flatteur.  J'ai  noté  aussiquelques  vieux  mots  qui  man- 
quent à  la  lettre  H,  et  dont  la  plupart  sont  d'une  interprétation  diflfi- 
cile  :  hamecel,  houticol,  heurteux,  houllart,  hasphan,  hennu,  herniie:{, 
haimee  (n'a  rien  de  commun  pour  le  sens  avec  hamee  ni  hemée),  hur- 
lesoji,  haii\in,  haubar,  hausseur. 

Quelques  articles  sont  incomplets.  Ainsi  garde-derriere  est  cité  avec 
le  sens  d'arrière-garde;  il  a  encore  celui  d^arrière-pensée.  Grappin  outre 
l'acception  de  menue  paille  signifie  petit  morceau  de  pierre,  de  caillou. 
Grafer  a  été  l'équivalent  de  agrafer,  et  graper  ou  grapper,  de  griffer. 
A  l'article  garin  manque  la  locution  curieuse  «  un  garin  tout  fait,  un 
vrai  garin,  »  c'est-à-dire,  un  homme  à  éviter,  dont  il  faut  se  garer. 
Glaireux  est  expliqué  par  graveleux,  quoiqu'il  ait  fréquemment  le  sens 
de  f<  qui  se  plaît  dans  le  sable,  le  gravier.  »  Gendre  ou  gejire  a  eu  non- 
seulement  la  valeur  de  «  rejeton  »,  mais  de  plus  celle  de  «  fils.  »  Have- 
wenf  =  avidement,  fait  supposer  hâve  =  avide,  qui  existe  en  effet; 
M.  G.  s'est  contenté  pour  cet  adjectif  des  significations  «  sombre,  mala- 
dif, »  déjà  indiquées  par  Littré.  Heaume,  soldat  couvert  d'un  heaume, 
a  été  omis.  J"'oubliais  gréant  interprété  par  t<  agréable  »,  et  qui  veut 
dire  «  reconnaissant.  » 

Je  n'ai  à  relever  que  quelques  erreurs  ou  inadvertances.  Une  des  plus 
notables  est  godeau  expliqué  par  «  sorte  de  plante  »,  dans  cet  exemple 
où  le  sens  saute  aux  yeux  :  «la  taravelle,  d'ucuns  appellée  fiche,  et  en 
Anjou  le  godeau.  »  Planter  en  godeau,  avec  le  godeau,  est  d'ailleurs  une 
locution  qui  n'est  pas  rare  au  xvi^  siècle.  Hellir  dans  le  passage  tiré  du 
Rendus  de  Moiliens  signifie  se  livrer  à  la  débauche,  et  non  pas  «  faire 
du  tapage  »,  qui  est  une  explication  par  trop  vague.  Au  mot  grappe, 
M.  G.  renvoie  à  Crape  (n"  2,  je  suppose),  mais  la  forme  grappe  est 
absente  de  cet  article  où  crape  d'ailleurs  est  peu  nettement  défini.  Les 
exemples  pourtant  ne  manquaient  pas  :  «  pour  les  grappes  qui  sont 
mules  et  galles  aux  talons.  »  Si  gaufferie,  comme  je  le  crois,  vient  de 
goffe  ou  gauffe,  il  ne  peut  guère  signifier  «  jargon.  »  Enfin  il  n'est  pas 
exact  de  dire  que  les  exemples  de  grole  4°  au  sens  de  savate,  vieux  sou- 
lier, par  extension  patte,  soient  tous  détruits  :  J'en  ai  un  sous  les  yeux 
(la  grole  d'un  chien),  et  ce  ne  doit  pas  être  le  seul.  M.  G.  s'est  encore 
mépris  en  expliquant  gauleur  par  «  celui  qui  abat  des  fruits,  fait  des 


d'histoire  et  dk  littératdru  42g 

gaules.  »  Dans  Texemple  qu'il  cite  et  ailleurs,  ce  mot  signifie  simple- 
ment arpenteur  :  au  bon  vieux  temps,  on  mesurait  les  terres  avec  des 
gaules;  c'était  l'enfance  de  l'art. 

Il  est  bien  entendu  que  je  ne  fais  pas  ces  articles  pour  amoindrir  ou 
dénigrer  la  valeur  du  Dictionnaire  de  M.  Godetroy;  je  sais,  Dieu  merci, 
apprécier  tout  ce  qu'une  pareille  œuvre  exige  de  travail  opiniâtre,  de 
persévérante  attention,  de  recherches  incessantes.  Ce  n''est  donc  pas  une 
critique  que  je  fais  ici,  ce  sont  de  simples  remarques  qui,  je  crois,  se- 
ront profitables  à  l'auteur  et  à  ceux  qui  s'intéressent  à  l'histoire  du  dé- 
veloppement de  notre  langue.  Tel  qu'il  est,  le  Dictionnaire  de  M.  Go- 
defroy  lui  fait  le  plus  grand  honneur,  et  il  serait  fâcheux  que  la 
publication  en  fût  interrompue. 

A.  Jacques 


219.  —  De  Montac.nac.  Lettres  a'un  soldat,  neuf  années  de  campagne  en 
Afrique,  correspondance  inédite  du  colonel  de  Montagnac,  publiée  par  son  neveu. 
Paris,  Pion,  i885,  In-8,  xxii  et  5o2  p.  7  fr.  5o. 

Lucien-François  de  Montagnac,  né  au  château  de  Pourru-aux-Bois, 
dans  les  Ardennes,  le  17  mai  i8o3,  élève  du  collège  de  Sedan  et  de 
l'école  militaire  de  Saint-Cyr,  sous-lieutenant  au  i"''  régiment  (1821), 
lieutenant  en  i832,  chef  de  bataillon  du  Si''  (1841),  puis  lieutenant- 
colonel  au  i5°  léger  (I845),  était  commandant  supérieur  du  cercle  de 
Djemmaa-Ghazaouet  lorsqu'il  périt  le  2  3  septembre  1845  dans  un  enga- 
gement contre  Abd-el-Kader.  Il  a  fait  sa  carrière  militaire  en  Afrique, 
et  c^est  de  là  qu'il  écrivait  à  ses  parents  de  Sedan  les  lettres  que  publie 
son  neveu,  M.  Elizé  de  Montagnac.  Cette  correspondance  nous  fait 
connaître  un  soldat,  passionnément  épris  de  son  métier,  loyal,  intrépide, 
instruit,  doué  de  toutes  les  qualités  qui  font  le  véritable  homme  de 
guerre;  nul  officier,  disait  le  duc  de  Nemours,  n'était  ni  plus  brave  ni 
plus  intelligent.  Montagnac  a  le  style  alerte,  plein  de  verve  et  d'en- 
train; il  fait  de  jolis  portraits  des  officiers  et  des  administrateurs  qui 
Teniourent  ;  il  décrit  de  la  façon  la  plus  piquante  les  mœurs  de  la  colo- 
nie (p.  49-5 1);  il  expose  impitoyablement  les  fautes  qu'on  a  commises. 
On  ne  pourra  désormais  composer  une  histoire  sérieuse  des  premiers 
temps  de  la  conquête  de  l'Algérie  sans  consuher  ces  lettres  sincères  et 
presque  toujours  impartiales.  Il  écrit  le  20  janvier  1840  :  «  Je  voudrais 
vous  raconter  comment  je  fais  la  guerre,  et  je  suis  forcé  de  vous  raconter 
comment  je  ne  la  fais  pas...  Pas  l'ombre  d'un  burnous!  C'est  égal, 
grand  déploiement  de  forces,  dispositions  stratégico-comiques,  manœu- 
vres savantes,  sublimes  et  ridicules.  De  Pinfanterie  groupée  en  masse, 
de  l'artillerie  groupée  en  masse,  de  la  cavalerie  groupée  en  masse,  et  des 
bêtes  en  masse,  et  des  charlataneries  en  masse.  Des  masses,  en  veux-tu, 
en  voilà  »  (p.  69).  Il   montre  qu'on  s'y  prend   mal  pour  combattre  l'é- 


43o  REVUE    CRITIQUE 

mir  a  ah!  vous  croyez  que  cet  oiseau  du  désert  va  vous  attendre  pour 
que  vous  lui  mettiez  un  grain  de  sel  sur  la  queue?  Non,  non,  pas  si 
bètc.  Vous  courrez  longtemps...  «  Sans  cesse  il  se  plaint  qu'on  batte  la 
campagne  inutilement;  il  faudrait,  selon  lui,  mobiliser  quelques  colon- 
nes pour  faire  des  razzias,  brûler  les  récoltes,  couper  les  communica- 
tions avec  le  Maroc.  Mais  les  généraux  persistent  dans  leur  système;  le 
maréchal  Valée  parcourt  l'Algérie,  sans  combattre  l'adversaire  ;  ce  n'est 
plus  une  armée  expéditionnaire,  c'est  une  armée  projnenetise  (p.  io3)  et 
la  guerre  devient  une  simple  escorte  de  convois.  Heureusement  il  y  a 
un  général  »  qui  est  tous  les  généraux  de  l'Afrique  »,  Changarnier,  le 
factotum,  l'homme  universel  et  indispensable  (p.  i3o).  Heureusement 
on  envoie  Lamoricière  dans  la  province  d'Oran;  voilà  un  «  lapin  »  qui 
fait  de  la  bonne  besogne,  qui  mène  la  chasse  avec  intelligence,  qui 
déniche  les  Arabes  dans  leurs  repaires  à  vingt-cinq  lieues  à  la  ronde 
(p.  141-142),  qui  va  poursuivant,  rasant  les  tribus,  ramassant  des 
grains  et  des  bestiaux,  augmentant  les  approvisionnements!  (p.  170). 
Gloire  à  Lamoricière,  s'écrie  Montagnac,  et  gloire  à  Bugeaud!  Ils  ont 
résolu  le  grand  problème  (p,  186).  Mais  c'est  surtout  Lamoricière  qu'ad- 
mire notre  officier;  il  est  supérieur  à  tous  les  autres,  même  à  Bedeau, 
«  perruquier  de  première  qualité  »  même  à  l'infatigable  père  Bugeaud; 
c'est  le  Massinissa  dont  la  main  habile  a  réuni  toutes  les  chances  d'ave- 
nir sur  le  théâtre  d'Afrique  (p.  203-209).  Nous  n'insisterons  pas  davan- 
tage; on  voit  suffisamment  tout  ce  que  ce  volume  contient  de  curieux 
et  d'intéressant;  citons  encore  quelques  pages  sur  Mazagran  (p.  74-73), 
sur  les  silos  (p.  188-189),  sur  la  marche  des  colonnes  dans  la  neige 
(p.  214-215),  sur  le  nouveau  genre  de  lutte  (p.  228),  sur  le  bivouac  dans 
le  désert  (p.  261),  sur  les  vieux  généraux  «  fameuses  reliques  de  l'Em- 
pire »  jaloux  des  jeunes  capitaines  et  ne  comprenant  rien  à  la  guerre 
de  flibustiers  inaugurée  par  Lamoricière  (p.  274-276),  sur  Négrier 
(p.  284)  et  Cavaignac  (p.  424),  sur  Horace  Vernet  (p.  469-472),  et 
remercions  l'éditeur  de  cette  correspondance  d'avoir  publié  ces  croquis 
pris  sur  le  vif,  au  cours  des  événements,  par  un  des  meilleurs  et  des  plus 
sympathiques  soldats  de  l'armée  française.  Ces  lettres  sont  de  véritables 
documents  qui  touchent  à  l'histoire,  à  ses  grands  comme  à  ses  petits 
côtés;  en  faisant  la  part  des  jugements  portés  du  premier  coup,  on  y 
trouve  une  opinion  exacte  sur  les  hommes  et  les  choses.  L'éditeur  a  mis 
en  tête  de  l'ouvrage  un  beau  portrait  de  Lucien  de  Montagnac  ;  les  traits 
du  visage  sont  fortement  accentués,  la  moustache  épaisse,  le  front  large, 
le  regard  sévère;  c'est  bien  l'homme  qui  se  moque  des  «  pantins  mili- 
taires »  et  qui  voulait,  comme  il  dit  (p.  410),  mener  sans  cesse  la  vie  de 
forban,  tant  que  les  ficelles  qui  agitaient  sa  nerveuse  charpente  ne  se- 
raient pas  brisées. 

C. 


d'histoire  et  de  littérature  43 1 

Lettre     de    M.    Duka. 

M.  Duka  dont  la  Revue  a  récemment  apprécié  l'ouvrage  sur  la  vie 
et  les  œuvres  de  Csoma  (n°  32^  10  août  i885)  nous  adresse  les  obser- 
vations suivantes  : 

«  I"  Le  portrait  de  Csoma  est  emprunté  à  la  publication  de  FAcadé- 
«  mie  des  sciences  de  Hongrie;  Toriginala  dû  être  exécuté  par  M.  Fran- 
(  cois  Toldy,  sur  le  dessin  de  M.  Schoefft,  vers  1840. 

«  2°  La  panégyrique  du  baron  Joseph  Eôtvos  où  M.  Duka  a  puisé 
(1  ses  renseignements  sur  les  études  de  Csoma  à  Gôttingue,  ne  parle  pas 
(■■  de  Blumenbach. 

a  3°  L'influence  de  Moorcroft  sur  Csoma  a  été  plus  grande  qu'on  ne 
a  Ta  dit.  Il  prêta  YAlphabetum  Tibetanum  de  Giorgi  à  Csoma;  il  l'en- 
«  gagea  vivement  à  composer  une  grammaire  et  un  dictionnaire  de  la 
«  langue  du  Tibet  pour  le  compte  du  gouvernement  de  Tlnde. 

a  4"  La  rencontre  de  Csoma  et  de  Jacquemont  paraît  à  M.  Duka  un 
«  incident  fâcheux  qu'il  valait  mieux  taire  dans  l'intérêt  de  Jacque- 
«  mont.  Le  voyageur  français  raconte  que  «  Csoma  vit  à  Kanum  sous 
<i  le  nom  peu  modeste  de  Sekundoeur  Bègue,  c'est-à-dire  Alexandre  le 
«  Grand  ».  Sekunder  Beg  était  le  nom  que  Csoma  portait  sur  son  passe- 
«  port  délivré  par  le  gouvernement  de  l'Inde  et  signifie  simplement 
<i  Monsieur  Alexandre,  » 

«  5'^  La  liste  des  ouvrages  de  Csoma,  donnée  par  M.  Duka,  est  plus 
'■  complète  que  la  liste  de  l'Index  du  Journal  de  la  Société  asiatique  du 

Bengale.  r> 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  La  librairie  Maisonneuve  met  en  vente  Trois  comédies  persa)ies  Xra.- 
duites  du  turc  azéri  par  Mirza  Dja'far,  publiées  avec  glossaire  et  notes  par  C.  Barbier 
DE  Me\:nard  et  S.  Guyard  (i  vol.  in-i  2).  La  Revue  critique  reviendra  sur  cette  publica- 
tion destinée  à  rendre  de  grands  services  pour  l'étude  de  la  langue  courante  et  po- 
pulaire. 

—  Un  article  de  la  Revue  historique,  signé  Sejus  et  paru  dans  le  tome  XXIX  de  ce 
recueil,  vient  de  paraître  à  part,  sous  le  titre  ['Origine  de  Christophe  Colomb;  il  ré- 
fute victorieusement  la  thèse  soutenue  récemment  par  M.  Peragallo,  dans  un  gros 
volume  en  italien,  contre  M.  Harrisse  et  prouve  par  des  arguments  invincibles,  tirés 
des  documents  des  archives,  que  Christophe  Colomb  appartenait  à  une  famille  d'obs- 
curs plébéiens;  que  son  père,  tisserand  de  laine,  vint  s'établira  Gênes  vers  1439; 
qu'il  eut  cinq  enfants;  que  l'aîné,  Christophe,  reçut  quelque  instruction,  qu'il  ac- 
compagna vraisemblablement  son  père  à  Savone  en  1470;  qu'il  émigra  vers  1473 
en  Portugal  où  il  prit  femme  et  vécut  douze   ou   quatorze   ans;  voilà  tout  ce  qu'on 


432  REVUE    CRITIQUE 

sait  sur  les  commencements  du  grand  navigateur,  et  tels  sont  les  seuls  faits  que  doit 
accepter  l'historien  sérieux. 

—  M.  Henri  Stein  et  Olivier  de  la  Marche.  —  M,  H.  Stein,  considérant  que  la  vie 
d'O.  de  la  Marche  est  peu  connue  et  que  ses  œuvres  sont  mal  appréciées,  a  pris  pour 
tâche  d'écrire  cette  vie  et  de  commenter  ces  œuvres.  Les  principaux  points  de  son 
travail  ont  été  sommairement  indiqués  dans  une  Etude  biographique,  littéraire  et 
bibliographique  sur  Olivier  de  la  Marche,  qui  a  paru  au  commencement  de  cette 
année  (Paris,  Cerf,  in-8»).  Aujourd'hui  M.  Stein  publie  le  Testament  d'Olivier  de  la 
Marche,  chroniqueur  et  diplomate  bourguignon.,  8  octobre  i5oi  (Bruges,  i885, 
in-8°  de  i6  p.).  C'est  d'après  deux  copies  conservées  à  la  Bibliothèque  nationale 
(collection  Bourgogne,  no  99,  et  fonds  français,  n"  4332)  que  M.  Stein  publie  cette 
pièce  intéressante,  entourée  d'excellents  éclaircissements.  Citons  trois  observations 
du  futur  biographe  du  célèbre  chroniqueur  (pp.  2,  6,  8)  ;  «  Olivier  de  la  Marche 
mourut  peu  de  temps  après  [avoir  dicté  son  testament],  le  i"^""  février  i5o2.  Plu- 
sieurs auteurs  ont  étourdiment  dit  et  redit,  parce  qu'ils  se  sont  copiés  les  uns  les 
autres,  que  sa  mort  était  survenue  le  i"  février  i5oi,  comme  s'il  avait  pu  dicter 
ses  dernières  volontés  après  son  décès  ;  ils  n'ont  pas  pris  garde  qu'alors,  en  Flandre 
comme  en  France,  janvier  n'était  pas  le  premier  mois  de  l'année.  »  —  «  Il  est  permis 
de  conjecturer  qu'il  naquit  là  où  il  fut  baptisé,  et  que  par  conséquent  il  naquit  à 
Villegaudin  en  Bourgogne,  qui  fut  d'ailleurs  le  berceau  de  ses  ancêtres  à  plusieurs 
générations.  Dès  lors,  si  notre  hypothèse  est  adoptée,  tomberont  toutes  les  supposi- 
tions et  affirmations  faites  à  la  légère  depuis  plus  d'un  siècle  par  La  Croix  du  Maine 
et  Du  Verdier  [M.  Stein  veut  parler  de  l'éditeur  de  la  Bibliothèque  françoise,  Rigo- 
LEY  DE  Juvigny],  par  V Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts  de  Besançon 
(séance  du  28  janvier  i836,  p.  7)  et  par  Kervyn  de  Lettenhove,  Notice  sur  Georges 
Chastellain,  t.  I  de  son  édition  des  œuvres,  p.  20.  » —  «  Dans  ses  différents  ouvrages, 
tant  en  prose  qu'en  vers,  Olivier  de  la  Marche  ne  parle  jamais  de  son  fils  légitime 
Charles.  Nous  n'en  connaissons  l'existence  que  par  la  présente  pièce  testamentaire 
et  quelques  documents  antérieurs  de  peu  d'importance;  nous  savons  seulement  qu'il 
ne  laissa  point  de  postérité  mâle  et  nous  ignorons  la  date  de  son  décès.  MM.  Beaune 
et  d'Arbaumont  {La  noblesse  aux  états  de  Bourgogne,  Dijon,  1864,  in-40,  p.  23i) 
ont  commis  une  étrange  faute  en  prenant  ce  Charles  pour  un  neveu  du  chroniqueur, 
lequel  n'eut  jamais  de  neveu  qui  ait  porté  ce  nom.  »  —  T.  de  L. 

—  Pierre  de  Nolhac.  Jacques  Amyot  et  le  décret  de  Gratien  (Rome,  i885,  grand 
in-S»  de  i5  p.).  —  L'édition  du  décret  de  Gratien,  préparée  par  une  commission 
que  nomma  Pie  V  en  i566,  fut  publiée,  après  quinze  ans  de  laborieuses  études,  à 
Rome,  en  i582.  M.  Friedberg,  dans  les  prolégomènes  dont  il  a  enrichi  l'édition  de 
1879  (Leipzig,  B.  Tauchnitz),  n'a  pas  cité  le  recueil  conservé  au  Vatican  sous  le 
n°  4913,  qui  contient  une  partie  des  papiers  d'un  des  commissaires,  le  cardinal 
François  Alciat,  parent  de  l'illustre  jurisconsulte  milanais.  Ce  prélat,  l'un  des  plus 
instruits  du  sacré  collège,  fut  chargé  en  1572  d'entrer  en  relation  avec  les  savants 
catholiques  de  toute  l'Europe  et  d'obtenir  d'eux  tous  les  documents  et  renseigne- 
ments qui  pouvaient  aider  en  quelque  manière  à  l'édition  projetée.  Pour  la  France, 
l'appel  fut  adressé,  au  nom  du  Pape  au  premier  président  du  parlement  de  Paris, 
et  surtout  à  l'évêque  d'Auxerre,  grand  aumônier  de  Charles  IX,  Jacques  Amyot. 
M.  de  Nolhac  reproduit  (p.  6)  le  bref  expédié  à  Christophe  de  Thou  et  (p.  8-14) 
trois  lettres  latines  d'Amyot,  les  deux  premières  de  la  même  date  (7  mars  i573), 
l'une  au  pape,  l'autre  au  cardinal,  la  troisième,  qui  est  une  réponse  à  de  nouvelles 
requêtes  du  cardinal,  du  i3  septembre  de  la  même  année.  Ces  lettres,  à  côté  des- 
quelles M.  de   Nolhac  signale  diverses  lettres  d'Antoine  Mouchy  (Democharès),  de 


d'histoire  et  de  littérature  433 

Jacques  de  Pamèle  (Pamelius),  chanoine  de  Bruges,  d'Ambrogio  Morales,  historio- 
graphe de  Philippe  II,  de  Fr.  Richardot,  évêque  d'Arras,  etc.,  prouvent  que  le  tra- 
ducteur de  Plutarque  fut  le  plus  actif  représentant  de  la  France  dans  la  grande  et 
mémorable  publication  de  i582.  —  T.  de  L. 

—  Deux  nouvelles  brochures  de  M.  André  Joubert.  —  Le  zèle  de  M.  Joubert  ne  se 
ralentit  pas.  Nous  indiquions  ici,  l'autre  jour,  quatre  brochures  de  lui.  En  voici  deux 
autres  :  Un  mariage  seigneurial  sous  Louis  XV,  17  J7  (Nantes,  V.  Forest  et  E.  Gri- 
maud.  1885,  grand  in-8°  de  20  p.  Tiré  à  100  exemplaires);  Histoire  de  Saint-Denis 
d'Anjou,  xe-xviii^  siècle.  (Laval,  imprimerie  Moreau,  i885.  Grand  in-8''  de  88  p.  Tiré 
à  160  exemplaires).  Le  mariage  dont  s'occupe  M.  Joubert  est  celui  de  «  messire  Gas- 
pard César  Charles  Lescalopier,  chevalier,  conseiller  du  Roi  en  ses  conseils,  maître 
des  requêtes  ordinaire  de  son  hôtel  >^,  et  de  «  Anne  Leclerc  de  Lesseville  ».  Le  con- 
trat de  mariage  du  i5  septembre  lyBy  fut  signé,  au  château  de  Charbonnières  (en 
Beauce,  aujourd'hui  dans  l'arrondissement  de  Nogent-le-Rotrou),  en  présence  d'une 
foule  de  grands  personnages  dont  la  liste  se  déroule  p.  8-11,  liste  qui,  selon  la  re- 
marque de  l'auteur,  «  renferme  une  série  de  renseignements  utiles  et  d'indications 
précises  sur  les  seigneurs  de  cette  époque  ».  Mentionnons  une  autre  liste  fort  inté- 
ressante aussi  (p.  12-20)  :  L  Estât  des  meubles  meublans,  vaisselle  d'or  et  d'argent 
qui  appartiennent  à  Monsieur  Lescalopier  fils,  maistre  des  Requestes.  —  L'Histoire 
de  Saint-Denis  d'Anjou,  dont  nous  n'avons  ici  que  la  première  partie,  et  qui  est  or- 
née de  sept  gravures,  se  compose  de  onze  chapitres  intitulés  :  Aperçu  topogravhique 
sur  le  territoire  de  Saint-Denis  d'Anjou;  origine  et  formation  de  la  chdtellenie  au 
moyen  âge:  les  Anglais  sont  défaits  à  Saint-Denis  d'Anjou  par  les  seigneurs  ange- 
vins et  manceaux  ;  privilèges  et  droits  du  chapitre,  seigneur  spirituel  et  temporel  de 
la  châtellenie ;  le  logis  des  chanoines  et  ses  dépendances;  procès  et  condamnations  de 
divers  criminels;  création  de  deux  foires  et  d'un  marché  par  Louis  XII;  Histoire  de 
Saint-Denis  d'Anjou  au  xvr  siècle;  au  xvn";  au  xvni";  la  révolution  et  la  chouanne- 
rie, chapitre  que  l'auteur  se  réserve  de  compléter  dans  l'ouvrage  spécial  qu'il  pré- 
pare sur  la  chouannerie  et  les  chouans  dans  le  Haut-Anjou.  —  T.  de  L. 

—  Un  château  de  Saintonge.  —  M.  Denys  de  Aussy,  propriétaire  du  château  de 
Crazannes,  a  consacré  une  très  bonne  notice  à  ce  château  et  à  ses  anciens  seigneurs, 
les  Montendre,  les  Vivone,  les  Poussard,  les  Rouhaud,  les  Daillon,  les  Acarie,  les 
Durfort  de  Civrac,  etc.  {Crazannes,  i  312-1789.  Pons,  imprimerie  de  Noël  Texier, 
i885.  Grand  in-8°  de  74  p.  Publication  de  la  Société  des  archives  historiques  de  la 
Saintonge  et  de  l'Aunis).  M.  D.  de  Aussy,  pour  raconter  les  destinées  de  son  ma- 
noir, s'est  appuyé  sur  des  documents  sérieux,  comme  on  peut  en  juger  facilement, 
du  reste,  parles  Pièces  justificatives  (pp.  37-74).  II  a  pu  ainsi  redresser  les  erreurs 
de  l'historien  de  Cognac,  Marvaud,  de  l'historien  de  la  Saintonge,  Massion,  de  Chau- 
druc,  l'archéologue  qui  décrivit  si  mal,  dans  le  Bulletin  monumental,  le  château  qu'il 
habitait  et  dont  il  avait  ajouté  le  nom  au  sien,  etc.  On  remarquera  (p.  12)  une  note 
où  est  clairement  établie  l'identité  du  célèbre  calviniste  du  xvi=  siècle,  Romegoux, 
lequel  n'était  autre  que  Guy  Acarie,  second  tils  de  Jean  Acarie,  seigneur  de  Crazan- 
nes, et  de  Catherine  Goumard,  dame  de  Roumegoux.  —  T.  de  L. 

ALLEMAGNE.  —  Le  4°  annuaire  de  la  Société  historique  de  Berlin  (Jaliresbe- 
richte  der  Geschichtswissenschaft  im  Auftrage  der  Hisiorischen  Gesellschaft  ^^u 
Berlin),  publié  par  MM.  J.  Hermann,  J.  Jastrow  et  Edm.  Mever,  a  paru  à  la  li- 
brairie Mittler  (Berlin.  hi-S",:.  11  esc  consacré  aux  publications  de  l'année  1S81  et 
divisé  en  trois  parties  :  l'antiquité,  le  moyen  âge  et  les  temps  modernes.  Dans  la 
partie  relative  à  l'antiquité,  les  ouvrages  concernant  l'Egypte  ont  été  analysés  par 
M.  L.  Stern;  M.  G.  Rœsch  s'est  réservé  r^55>"-2e  et  la  Babylonie ;  M.  W.  Lotz  et 


434  REVUE    CRITIQUE 

M.  M.  Steinschneider,  l'histoire  des  Juifs,  l'un  jusqu'à  la  destruction  de  Jérusalem, 
l'autre  depuis  cette  époque  jusqu'au  temps  présent;  M.  J.  Klatt,  l'Inde;  M.  Spiegel, 
la  Médie  et  la  Perse.  Deux  collaborateurs  de  l'Annuaire  traitent  des  livres  et  articles 
sur  la   Grèce;  M.   E.   Meyer,   jusqu'à  l'invasion   dorienne  et   M.  H.  Zurborg  (mort 
depuis)  jusqu'à  l'époque  d'Alexandre.  M.  E.  Meyer  apprécie  les  ouvrages  qui  traitent 
des  temps  postérieurs  à  Alexandre,  des  colonies  grecques,  etc.  L'histoire  romaine 
n'est   pas  représentée,   les  rédacteurs  de  l'Annuaire  ne   nous  disent  pas  pourquoi. 
M.  O.  Zœckler  s'est  chargé  de  l'histoire  de  l'Église.  Sous  le  titre  Allgetneines  und 
Paralipomcna,  M.  E.  Meyer  passe  en  revue  les  œuvres  qui  «  considèrent  l'antiquité 
soit  dans  son  ensemble,  soit  dans  une  direction  particulière  »  (p.  i33j,  comme  le 
grand  ouvrage  de  Ranke,  l'histoire  universelle  de  Weber,  etc.  Cette  première  partie 
consacrée  à  l'antiquité  renferme  164  pages.  —  Le  nombre  des  collaborateurs  est  plus 
considérable  dans  la  seconde  partie  (Alittelalter) ;  Jastrow,  Antiquité  germanique 
jusqu'à  la  fin  de  la  grande  invasion,  histoire  de  la  constitution,  et  ouvrages  généraux 
sur  le  moyen  âge;  Handloike,  l'empire  franc  sous  les  Mérovingiens;  Hahn,  l'époque 
des  Carolingiens;  Ilwof,  Conrad  I  et  la  maison  de  Saxe;  Bresslau,  Henri  II  et  les 
Saliques;  Schum,  Lothaire  III  et  les  Hohenstaufen  jusqu'en  1208;  J.   Egger,  l'Alle- 
magne au  XIII'  siècle;  Friedensbuug,  L'empire  allemand  de  1273  à  1400;  Huckert, 
l'Allemagne  au  xv'=  siècle;  HollvEnder,   l'Alsace-Lorraine;  Hartfelder,  le  pays  de 
Bade;  J.  Hartmann,  le  Wurtemberg;  Fr.  Otto,  le  moyen  Rhin;  Mayerhofer,  la 
Bavière;  Hoeniger,  le  Rhin  inférieur;  H.  Hertzberg,  la  basse  Allemagne;  Ermisch, 
Haute-Saxe,  Thuringe  et  Hesse;  Krones,  les  pays  autrichiens;  Krause,  Schieswig- 
Holstein,  Hambourg,  Lùbeck,  Mecklenbourg  et  Poméranie;  Berner,  Brandebourg; 
Gerstenberg,  Silésie  et   Posen  ;  P.  Wagner,  l'Ordre   Teutonique;  Mettig,  Livonie, 
Eslhonie  et  Courlande;  Hidber,  Suisse;  Koppmann,   la  Hanse;  Tschackert,   La  pa- 
pauté et  l'église  ;  E.  Hirsch,  histoire  byzantine;  Vollers,  l'Islam  ;  Cipolla,  l'Italie; 
A.  Molinier,  la  France  (remarquons  que  le  travail  de  notre  collaborateur  n'a  pas  été 
traduit  en  allemand;  «  wir  durften  dies  —  écrivent  les  rédacteurs  de  l'Annuaire  — 
bei  dem  allgemeinen  Verstaendniss,  dessen  sich   die   franzœsische  Sprache   unbe- 
streitbar  erfreut,  unbedenklich  wagen  »);  Hj/erne,  Suède;  Schjceth,  Norvège  et  Da- 
nemark; HoRCiCKA,  Bohême  et  Moravie;  Kantecki,  Pologne;  Schwicker,  Hongrie; 
Densusianu,  Roumanie;  Wattenbach,  Paléographie;  Bresslau,  Diplomatique.  Cette 
deuxième  partie,  très  favorisée,  comme  on  le  voit,  contient  386   pages.  —  La  troi- 
sième partie,  Neue  Zeit,  est  ainsi  divisée  :  Dittrich,  l'Allemagne  de  i5i9  à  1618; 
E.  Fischer,   l'Allemagne  de   1618  à    lyiS;  Koser,  l'Allemagne  de  1713   à   1786; 
Bailleu,  l'Allemagne  de  1786  à  i8i3  ;  J.  Hermann,  Histoire  de  l'époque  contempo- 
raine, particulièrement  de  l'Allemagne,  depuis  i8i5;  Berner,  Prusse  et  Marche  de 
Brandebourg;  P.  Wagner,  province  de  Prusse;  Mettig,  Livonie,  Esthonie  et  Cour- 
lande,  etc.  (mêmes  collaborateurs  que  plus  haut  pour  les  états   de  l'Allemagne);  il 
n'y  a  malheureusement  pas  de  compte-rendu  des  publications  relatives  à  l'Autriche 
moderne;  mais  M.  Schwicker  a  traité  de  la  Hongrie;  M.   D.endliker,  de  la  Suisse 
depuis  le  commencement  du  xvi'^  siècle;  M.  J.  Hermann,  de  la  France;  M.  Herrlich, 
de  l'Angleterre;  MM.  Hj/erne  et  Schjceth,  l'un  de  la  Suède,  l'autre  de  la  Norvège  et 
du  Danemark;  M.   Morsolin,  de  l'Italie;   M.  de  Kalkstein,   des  États-Unis  et  du 
Canada;  M.  Klatt,  des  Indes;  tout  ce  qui  concerne  les  généralités  de  l'histoire  mo- 
derne et  la  «  Culturgeschichte  »  est  passé  en  revue  par  M.  J.  Hermann.  Le  volume  se 
termine  par  une  liste  des  publications  dont  il   rend  compte.  Il  est  tellement  plein 
d'informations  de  toute  sorte,  et  rendra  de  tels  services  qu'il  ne  doit  manquer  dans 
aucune  bibliothèque  de  nos  facultés.  Souhaitons  que  le  prochain  volume  n'ait  plus, 
comme  celui-ci,  deux  lacunes  fâcheuses  (Rome  ancienne  et  l'Autriche',  et  félicitons 


d'histoire  et  de  littérature  435 

les  trois  directeurs  de  l'entreprise  d'avoir  su,  malgré  les  retards  inévitables,  rassem- 
bler sur  l'histoire  universelle,  telle  qu'elle  a  été  étudiée  en  1881,  tant  d'utiles  ana- 
lyses [III,  p.  40,  lire  Hulin  au  lieu  de  x  Gûlin  n,  p.  i38,  Vacherot  au  lieu  de 
«  Vachenot  »,  et  p.  142  lung  &\x  lieu  de  «  Jung  ».] 

—  M.  Henri  Lisco  a  publié  récemment  une  étude  intitulée  die  Geschichtsphiloso- 
phie  Schellings  1792-1809  (Jena,  Hossfeld.  In-80,  p.  63);  ce  travail,  qui  n'est  pas,  à 
proprement  parler,  de  la  compétence  de  cette  Revue,  comprend  quatre  parties  :  1°  les 
écrits  de  jeunesse,  1792-93;  2°  les  premiers  essais  philosopiiiques,  1795-96;  3°  les 
écrits  qui  fondent  la  philosophie  de  Schelling,  1797-99;  4°  l'idéalisme  transcenden- 
tal,  1800. 

—  A  la  librairie  Teubner,  viennent  de  paraître  les  ouvrages  suivants  :  1°  dans  la 
Bibliotheca  scriptortim  graccoriim  et  rovianorum  Teitbneriana^  le  deuxième  fasci- 
cule du  Corpusciilum  pocsis  epicae  graecae  ludibundae  (naturellement  le  premier 
n'a  pas  encore  paru).  Il  contient  les  fragments  des  sillographes  avec  double  commen- 
taire critique  et  explicatif  et  une  longue  introduction  (83  pages)  dans  laquelle  est 
retracée  toute  l'histoire  du  genre.  Ce  volume  est  dû  à  M.  C.  Wachsmuth,  qui  s'oc- 
cupe depuis  longtemps  du  sujet;  2"  dans  la  Bibliotheca  scriptorum  maedii  aevi 
Teiibneriatia,  le  Chvistus  paiieiis,  tragédie  chrétienne  (en  centons)  attribuée  fausse- 
ment à  S.  Grégoire  de  Nazianze.  La  préface  donne  quelques  renseignements  sur  l'ap- 
parat critique  et  le  caractère  de  l'ouvrage  ainsi  qu'une  liste  des  vers  empruntés  par 
l'auteur.  Pour  l'attribution,  l'éditeur  (M.  J.-G.  Brarabs)  renvoie  à  une  dissertation 
inaugurale  qu'il  a  publiée  en  i883  à  Eichstadt;  3»  la  2«  éd.  de  la  Rhetorik  der  Grie- 
chen  it.  Rœmer  de  M.  R.  Volkmann.  Elle  offre  de  grandes  diftérences  avec  la  pre- 
mière éd.  (publiée  en  1872  à  Berlin)  et  des  additions  considérables  (eu  tout  90  pp.) 
portant  surtout  sur  l'introduction,  sur  le  paragraphe  consacré  au  status  des  causes, 
sur  le  chapitre  des  tropes,  etc.  —  P. -A.  L. 

—  M.  Paul  Bailleu  a  fait  tirer  à  part  l'étude  qu'il  avait  récemment  publiée  dans 
la  te  deutsche  Rundschau  »  sur  le  prince  Louis  Ferdinand;  le  jeune  érudit  a  su  tra- 
cer un  très  beau  et  très  vivant  portrait  de  ce  prince  prussien,  ardent,  impétueux, 
doué  de  la  plupart  des  qualités  qui  font  le  véritable  homme  de  guerre;  un  grand 
nombre  de  documents  inédits  tirés  des  archives  de  Berlin,  de  Vienne  et  de  Paris  sont 
joints  à  ce  travail  qui  fait  revivre  un  des  personnages  les  plus  sympathiques  de  la 
monarchie  prussienne  au  temps  de  la  Révolution  et  de  l'Empire. 


ACADEMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  20  novembre  iS85. 

M.  le  baron  Larrey,  de  l'Académie  des  sciences,  adresse  à  l'Académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres,  en  la  priant  d'en  disposer  comme  elle  le  jugera  convenable, 
un  manuscrit  pâli  sur  teuilles  de  latanier  et  deux  pièces  officielles  en  cambodgien 
moderne,  le  tout  rapporté  du  Cambodge  par  M.  le  D'  R.  Deblenne,  médecin  de  la 
marine.  Sur  la  proposition  de  M.  Bergaigne,  l'Académie  décide  que  le  manuscrit 
pâli  sera  offert  à  la  Bibliothèque  nationale. 

Après  délibération  en  comité  secret,  l'Académie  procède  à  l'élection  de  deux  mem- 
bres de  la  commission  des  inscriptions  et  médailles,  en  remplacement  de  MM.  Léon 
Renier  et  Emile  Egger,  décédés.  MM.  P.-Ch.  Robert  et  Ernest  Desjardins  sont 
élus. 

M.  Ravaisson  annonce  que  le  musée  du  Louvre  vient  d'entrer  en  possession  d'une 
collection  de  terres  cuites  qui  lui  a  été  attribuée  par  M.  le  ministre  de  l'instruction 
publique.  Ces  terres  cuites  proviennent  des  fouilles  faites  à  Myrina  (Asie-Mineure), 
par  MM.  Pottier,  Salomon  Reinach  et  Veyriès,  de  l'Ecole  d'Athènes.  Elles  sont  sor- 
ties de  terre  sous  les  yeux  même  des  explorateurs  :  l'authenticité  en  est  donc  indu- 
bitable, et  l'on   pourra  s'en  servir  pour  établir  les  règles  critiques  d'après  lesquelles 


436  REVUE    CRITIQUE    d'hiSTOIRE    ET    DE    LITTERATURE 

doivent  être  appréciés  les  monuments  analogues.  Un  catalogue  descriptif,  rédigé  par 
MM.  Pottier  et  Reinach,  est  sous  presse. 

M.  Ravaisson  donne  ensuite  une  seconde  lecture  de  son  mémoire  sur  les  Vases  re- 
latifs à  la  légende  tV Achille. 

M.  Schlumberger  lit  une  note  sur  trois  joyaux  byzantins  de  sa  collection,  qui 
portent  les  noms  de  plusieurs  personnages  historiques  du  ix«  siècle,  savoir  : 

i**  une  bague  d'or,  qui  a  appartenu  au  grand  empereur  Basile,  fondateur  de  la  dy- 
nastie macédonienne,  lorsqu'il  n'était  encore  que  grand  chambellan  (parakinomène) 
de  son  prédécesseur  Michel  l'Ivrogne; 

2o  une  autre  bague  d'or,  trouvée  près  d'Antioche  :  elle  a  appartenu  au  patrice 
Aétios,  drongaire  des  vigiles  sous  le  même  Michel,  martyrisé  par  les  Sarrasms  sur 
les  bords  de  l'Euphrate  en  846; 

3°  un  fragment  d'un  reliquaire  d'or,  qui  a  renfermé  des  reliques  de  saint  Etienne 
le  Jeune,  patrirche  de  Constantinople,  fils  de  l'empereur  Basile. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Barbier  de  Meynard  :  Trois  Comédies,  traduites 
du  dialecte  turc  azéri  en  persan  par  Mir^a  Dja'far,  et  publiées,  d'après  les  manus- 
crits de  Téhéran,  avec  un  glossaire  et  des  notes,  par  C.  Barbier  de  Meynard  et  Sta- 
nislas Guyard;  —  par  M.  Maury  :  J.  Van  den  Gheyn,  Essais  de  mythologie  et  de 
philologie  comparée;  —  par  M.  Paul  Meyer  :  Tamizey  de  Larroque,  les  Correspon- 
dants de  Peiresc,  X  -.  Guillaume  d'Abbatia,  capitoul  de  Toulouse  ;  —  par  M.  Renan  : 
1°  Fauriel,  les  Derniers  Jours  du  consulat,  publ.  par  Ludovic  Lalanne  ;  2"  Manuel 
M.  DE  Peralta,  Cosia-Rica,  Nicaragua  y  Panama  en  el  siglo  xvi,  su  historiay  sus 
limites  ;  —  par  M.  Georges  Perrot  :  i"  Collection  Camille  Lécuyer,  terres  cuites  an- 
tiques trouvées  en  Grèce  et  en  Asie-Mineure,  b*  livraison;  2°  Bulletin  de  correspon- 
dance hellénique,  mai-novembre  i885. 

Julien  Havet. 

SOCIÉTÉ  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE 


Séance  du  1 1  novembre  i885. 

PRÉSIDENCE    DE  M.   COURAJOD. 

M.  Em.  Molinier  présente  un  médaillon  de  bronze  qu'il  a  trouvé  en  Italie  et  qui 
reproduit  exactement  une  cire  colorée  du  xvi"  siècle  faisant  partie  des  collections 
Sauvageot,  au  Musée  du  Louvre.  Grâce  à  ce  médaillon,  on  peut  déterminer  l'attri- 
bution du  personnage  qu'il  représente;  c'est  Pietro  Machiavelli,  et  non  Francesco 
Maria  délia  Rovere,  duc  d'Urbin,  indûment  indiqué  pour  le  médaillon  de  cire  par 
le  catalogue. 

M.  G.  Rey  lit  un  mémoire  intitulé  Note  géographique  sur  Raphanée  et  Bayas; 
ce  sont  deux  localités  dans  la  principauté  d'Antioche  dont  il  détermine  l'identifica- 
tion. 

M.  de  Barthélémy  communique  une  note  de  M.  l'abbé  de  Cagny  sur  une  stèle  dé- 
couverte près  d'Amiens  et  représentant  quatre  figures  féminines  drapées  de  l'époque 
romaine. 

M.  Demay  présente,  au  nom  de  M.  le  comte  de  la  Guère,  une  matrice  de  sceau 
équestre  en  ivoire  du  xi<^  siècle;  elle  porte  la  légende  sigillum  Roberti  de  Tor. 

M.  l'abbé  Thédenat  signale  d'après  des  renseignements  fournis  par  M.  l'abbé  Bor- 
des la  découverte  d'un  trésor  de  1,200  deniers  romains  de  l'époque  impériale  à  Ca- 
zères  (Haute-Garonne). 

M.  Nicard  entretient  la  Compagnie  de  fouilles  exécutées  au  lac  de  Neufchatel. 

M.  Héron  de  Villefosse  communique,  de  la  part  de  M.  Pallu  de  Lessert,  le  texte 
de  fragments  d'inscriptions  funéraires  qu'on  vient  de  découvrir  à  Narbonne. 

M.  Eug.  Mûntz  annonce  que  lors  d'un  récent  voyage  en  Toscane  il  a  retrouvé, 
grâce  à  des  documents  inédits  communiqués  par  dom  Basanini,  le  lieu  de  sépulture 
du  plus  habile  des  peintres  verriers  du  xvi*"  siècle,  Guillaume  Marcillat,  le  maître 
de  Georges  Vasari,  Notre  illustre  compatriote,  dont  l'existence  fut  partagée  entre  la 
France  et  l'Italie,  est  enterré  sur  une  des  plus  hautes  cimes  des  Apennins  dans 
VEreyno  dépendant  de  l'antique  couvent  des  Camaldules. 

M.  Courajod  communique  la  photographie  d'une  figurine  en  bronze  conservée 
dans  la  collection  royale  des  Antiques  à  Dresde;  c'est  une  réduction  de  la  statiie 
équestre  du  Capitole  connue  sous  le  nom  de  Marc-Aurèle.  Une  inscription  gravée 
sur  le  piédestal  de  la  figurine  prouve  qu'elle  a  été  commandée  par  le  pape  Eu- 
gène IV  à  Filarete  et  donnée  par  son  auteur  à  Pierre  de  Médicis  en  1465.  La  com- 
paraison de  cet  objet  avec  un  bas-relief  de  bronze  de  la  collection  d'Ambras  à  Vienne 
(Autriche)  permet  d'attribuer  avec  certitude  à  Antonio  Averulino  ce  bas-relief  qui  re- 
présente un  épisode  de  la  vie  d'Ulysse. 

Le  Secrétaire, 
R.  Mowaï. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEKOl-iX. 

Le  Puy,  imprimerie  dp  Marchessou  frts.  boulevard  Saitit-lMurent,  a  S. 


REVUE    CRITIQUE 

^'HISTOIRE    ET   DE    LITTÉRATURE 

No  49  —  7  décembre  —  1885 


SoKîinnîfe  s  220.  Schwickert.  De  l'importance  de  l'enseignement  du  grec,  — 
221.  Salluste,  Jugurtha,  p.  p.  Lallier.  —  222.  Allard,  Histoire  des  persécutions 
pendant  les  deux  premiers  siècles  d'après  les  documents  archéologiques.  —  22  3. 
MiRON  DE  l'Espinay.  Françoïs  Miron  et  l'administration  municipale  de  Paris  sous 
Henri  IV. —  224.  Weinitz,  La  bataille  de  Nœrdlingen.  —  225.  Littérature  natio- 
nale allemande,  éditions  historiques  et  critiques,  p.  p.  Kûrschner.  —  Chroni- 
que.—  Académie  des  Inscriptions,  —  Société  nationale  des  Antiquaires  de  France. 


220. — D''  J.  J.  Schwickert.  BJeber  Bedeuttsng  tineî  \WePtîi  cies  grîechîscBien 
iïj'iunasîal  =:iiaît5  Jiœïiefii  Untei-rîcîïtes  fui"  ESiltlung, '%%  issenecliaft 
untl  "^■VeBtëosâttung  (KuStiar).  Trier,   i885,   29  p.  in-4. 

Cet  écrit  est  fulminé  contre  les  ennemis  du  grec  qui  voudraient, 
suivant  Télégante  expression  de  Pauteur,  das  Griechische  :[iim  Gym- 
nasialfenster  hinaiis  schmeissen.  Il  a  pour  but  de  prémunir  les  Luxem- 
bourgeois contre  de  pernicieux  conseils  venus  de  Belgique,  où  l'on 
parle  tout  haut  de  supprimer  le  grec  dans  les  gymnases.  Cette  hérésie 
tient  à  deux  causes  :  Putilitarisme  grossier  des  Belges  et  la  contagion 
de  la  démocratie  française  qui,  paraît-il,  est  fort  hostile  à  l'étude  du 
grec.  Parce  que  les  «  enfants  du  peuple  »  fréquentent  nos  lycées, 
parce  que  notre  presse  «  radicale  et  sociale-démocratique  »  réclame 
même  droits  et  même  instruction  pour  tous,  le  grec  est  devenu  odieux 
chez  nous  aux  «  éléments  des  couches  inférieures.  »  M.  Schwickert,  on 
le  voit,  n'aime  pas  la  démocratie  ;  mais  il  aime  le  grec,  et  il  lui  sera 
beaucoup  pardonné.  11  démontre  successivement,  parfois  avec  des  ar- 
guments fort  sensés,  que  le  grec  est  indispensable  à  l'étude  du  latin,  à 
la  culture  de  l'esprit,  à  la  civilisation  générale,  à  l'intelligence  du  fran- 
çais. Il  pense  même  que  le  grec  doit  inspirer  aux  jeunes  gens  de  saines 
idées  politiques,  en  les  détournant  du  «  monstre  à  mille  têtes  d'un  ré- 
publicanisme anarchique  »  ;  car  n'est-ce  point  Homère  qui  «  a  coulé 
dans  le  bronze  cette  maxime  de  sagesse  : 

O'jy.  àfaObç  zo'Au/.otpavi'-f]*  cîç  -/stpavoç  I^tw.  » 

A  côté  des  démocrates,  ce  que  M.  S.  déteste  le  plus,  ce  sont  les  «  uti- 
litariens  »  ;  il  en  veut  aussi  à  la  littérature  et  à  la  philosophie  modernes, 
à  Victor  Hugo  et  à  M.  Dumas,  aux  k porno graphierende  Zolanten  », 
enfin,  pour  remonter  plus  haut,  à  Descartes  «  auquel  l'étude  exclusive 
des  mathématiques  a  fait  perdre  le  bon  sens.  »  Il  est  dommage  qu'on 
Nouvelle  série,  XX.  4g 


438  RIÎVUR    CRITIQUE 

ne  fasse  guère  le  panégyrique  de  l'antiquité  sans  lui  immoler  les  civi- 
lisations postérieures. 

M.  S.  n'est  pas  sobre  d'exemples  :  il  cite  deux  colonnes  de  mots 
français  qui  lui  paraissent,  fort  justement  d'ailleurs,  inintelligibles  à 
qui  ne  sait  pas  le  grec.  Il  est  moins  heureux  quand  il  énumère  les 
mots  latins  dont  le  grec  doit  révéler  le  sens.  Ainsi  uti  signifie  se  servir, 
avoir  en  main,  prendre  par  l'anse,  et  dérive  de  eu;,  oreille.  Labriun  est 
l'organe  de  préhension  et  dérive  de  Aaêsîv.  Cerberus  est  7.r,p9cps;,  le 
fatum  exitiale;  sepelire  vient  de  r.r^.cq.  Ces  Jolies  choses,  et  quelques 
autres,  sont  réunies  à  la  p.  4.  L'excellent  Krûger,  qui  n'aimait  pas  la 
grammaire  comparée,  disait  que  celui  qui  étudie  la  linguistique  est 
perdu  pour  le  grec  ^  M.  Schwickert  peut  être  bien  tranquille  de  ce 
côté  :  il  restera  helléniste. 

Salomon  Reinach. 


221.  —  olEuvi-es  do  Sailîiste,  texte  latin  publié  avec  un  commentaire  critique 
et  explicatif,  etc.,  par  R.  Lallieu,  Guerre  de  Jugurtha,  in-8,  p.  xii-164.  Paris, 
Hachette,  i883. 

R.  Lallier  avait  déjà  publié,  en  i883,  dans  le  format  in-i6,  une 
édition  classique  des  œuvres  de  Salluste  qui  fut  accueillie  avec  faveur 
par  la  critique  française  et  étrangère.  Elle  se  distinguait  des  autres  livres 
de  la  même  collection  en  ce  qu'elle  était  pourvue  de  notes  beaucoup 
plus  abondantes,  véritable  commentaire  perpétuel  au  lieu  d'indications 
brèves  et  rares  ou  de  simples  renvois.  L'auteur  n'avait  donc  que  peu  de 
modifications  à  faire  pour  transformer  le  petit  livre  de  classe  en  une 
édition  à  l'usage  des  savants  et  des  professeurs;  la  mort  est  venue  l'in- 
terrompre dans  son  travail,  de  sorte  que  le  Jugurtha  seul  a  pu  être 
achevé. 

Les  différences  que  le  commentaire  de  cette  grande  édition  présenté 
avec  celui  de  l'édition  classique,  sont  de  deux  sortes  :  adjonction  de 
renseignements  critiques,  suppression  des  observations  de  grammaire 
ou  de  sens,  d'un  caractère  élémentaire.  On  préférerait  que  les  indica- 
tions critiques  lussent  mises  à  part,  par  exemple  au-dessus  des  deux  co- 
lonnes de  notes  explicatives,  dans  toute  la  largeur  de  la  page  ;  cela  vau- 
drait mieux  pour  la  clarté  ;  la  méthode  adoptée  peut  se  défendre  en  ce 
que  la  discussion  et  le  choix  d'une  leçon  se  trouvent  souvent  intime- 
ment liés  au  sens  du  passage  et  provoquent  alors  des  observations  de  lan- 
gue, de  style,  de  toute  nature,  qui  rentrent  dans  l'explication.  Quant  aux 
retranchements  opérés  par  R.  L.  dans  la  partie  exégétique,  ils  sont  en 
général  faits  judicieusement,  mais  un  peu  trop  largement;  ainsi,  je  ne 


I .  Wc7'  sicJi  eifrig  mit  linguistichen  Studien  befasst,  ist  fûv  das  Griechische  ver- 
loren  (Griechische  Grammatil-,  E^nlog,  p.  210). 


d'histoire  et  de  littérature  439 

i^ois  pas  bien  pourquoi  avoir  supprime  III,  3  la  note  snvfugam,  IV,  8 
relie  sur  sustinent.  Les  additions  sont  rares  ainsi  que  les  modifications 
ians  la  rédaction  des  anciennes  notes  ;  il  y  en  a  pourtant  quelques-unes, 
peureuses  et  témoignant  d'un  travail  consciencieux  de  révision  (voy. 
[II,  2  «  on  a  pris  souvent  »  au  lieu  de  «  on  prend  généralement  »  qui 
2tait  inexact  '  ;  XXXVI,  3  neqiie  rétabli  en  tète  de  la  phrase  et  consti- 
tuant une  meilleure  rédaction;  CXIV,  3  etc.;  exemples  d'additions  : 
III,  3  sur potentiae  paucorum ;  sur  le  sens  de  gratificari;  IV,  i  sur 
l'usage  de  ceteriim  chez  Salluste;  IV,  6,  sur  la  valeur  des  mots  non 
ceram  illam  neqiie figuram ;  XXXVI,  2,  sur  ludificare  etc.).  Cet  effort 
patient  vers  la  perfection  s'est  continué  jusqu'au  bout  "*;  le  commen- 
taire y  a  gagné  pour  la  forme  non  moins  que  pour  le  fond  .  il  est  re- 
marquablement facile  à  lire,  pour  ainsi  dire  limpide  et  calme. 

L'introduction  devait  contenir  trois  chapitres  :    le  premier  seul  est 
publié,  étant  le  seul  terminé.  Cest  une  comparaison  du  Catilina  et  du 
Jugurtha;  les  autres  parties  avaient  pour  sujets  une  discussion  sur  la 
vérité  des  récits  et  des  descriptions  dans  le  Jugurtha,  et  une  étude  sur 
le  même  ouvrage  considéré  comme  œuvre  d'art.  A  dire  vrai,  les  huit 
pages  de  la  première  partie  ne  donnent  pas  trop  à  regretter  ce  qui  man- 
que :  elles  ne  contiennent  rien  de  neuf  :  c'est,  en  un  style  convenable, 
le  résumé  de  ce  qui  a  déjà  été  dit  par  MM.  Taine  et  Nisard  '\  Une  lacune 
'jjen  plus  fâcheuse,  c'est  l'absence  de  toute  indication  sur  les  sources  du 
exte  ;  il  est  regrettable  qu'on  n'ait  pas  au  moins  mis  en  tête  de  l'édition 
me  liste  des  manuscrits. 
Cette  édition  de  Jugurtha,  sans  ajouter  beaucoup  a  la  réputation  de 
allier  puisqu'elle  ne  diffère  qu'assez  peu  de  l'édition  classique,  occupera 
m  des  meilleurs  rangs  dans  la  collection  Hachette.  Je  terminerai  par 
ine  observation  typographique  :  les  chiffres  des  paragraphes  ne  ressor- 
ent  pas  bien  et  fatiguent  l'attention  ;  au  lieu  de   ces  chiffres  un   peu 
ijrêles,  placés  entre  crochets,   des  chiffres  gras  seraient  vus  beaucoup 
)lus  vite;  ou  si  l'on  redoute  trop  de  taches  noires,  au  moins  pourrait 
m  mettre  les  numéros  dans  la  marge  où  l'œil  les  saisirait  facilement.  Ce 
ont  là  des  commodités  qui  ont  leur  importance  pour  les  travailleurs,  et 
'intelligence  même  et  le  goiit  apportés  à  cette  grande  collection  par  les 
diîeurs,  invitent  aux  critiques  de  détails  qui.  semble-t-il,  pourraient  la 
eifectionner. 

Frédéric   Plessis. 

1.  Pour  le  sens  de  pareiiiis  en  cet  endroit,  L.  renvoie  à   Caiilina,  VI,  5;  il  aurait 
u  ajouter  un  autre  passage  de  Catilina,  LU,  3  indiqué  par  M.  Constans. 

2.  Pourquoi,  XXXI,  12,  écrire  eidem,  nominatif  pluriel,  alors  que  XXVII,  i,  on  écrit 
Mm,  et  que  deux  mss.  importants  doiment  justement  cette  leçons 

3.  Je  signale  en  passant  une  faute  d'impression    p.   vu  :  77  (407  av.  J.-G.)  pour 
07  (47  av.  J.-C.) 


440 


REVUE   CRITIQUE 


22.  —  Paul  Allard.   Hlstoîi'O  «lee    perg^écutions  pendant  les  deux  pre-        ï 
inters  siècles  d'api'ès  les  documents  afchéologîqiies.  Paris  (Lecofïre), 
i883.  In-8,  XXXIX-461  pp. 


Des  qualités  très  sérieuses  recommandent  le  livre  de  M.  Allard,  et 
lui  donnent  le  droit  de  tenir  une  place  honorable  parmi  les  ouvrages  si 
nombreux  et  aux  tendances  si  opposées  dans  lesquels  on  agite  la  ques- 
tion, toujours  renaissante,  des  rapports  de  l'Etat  romain  et  de  l'Eglise 
chrétienne  pendant  les  premiers  siècles.  Au  premier  rang  de  ces  quali- 
tés on  mettra  une  entière  sincérité  et  une  bonne  foi  complète.  La  pensée 
évidente  de  l'auteur,  qui  se  révèle  jusque  dans  ses  titres  de  chapitres,  a 
été  de  démontrer,  contrairement  à  la  thèse  ancienne  de  Dodwell,  que  le 
nombre  des  martyrs  chrétiens  a  été  considérable  dans  les  deux  premiers 
siècles.  Pour  cela,  il  puise  largement  dans  les  Actes  des  martyrs,  et 
emprunte  aux  documents  hagiographiques  tout  ce  qu'ils  peuvent  don- 
ner. La  tentation  bien  naturelle  serait  de  prendre  ces  Actes  au  pied  de 
la  lettre.  L'auteur  sait  heureusement  que  les  Passiones  sont  des  instru- 
ments de  travail  qu'il  ne  faut  manier  quavec  la  plus  grande  prudence  ; 
il  sait  qu'il  n'est  permis  de  construire  un  système  sur  cette  base  que  si 
l'on  a  sondé  le  terrain  avec  soin,  que  si  l'on  a  enlevé  «  plusieurs  cou- 
ches de  matériaux  sans  valeur  historique  »,  que  si  l'on  est  arrivé  ainsi 
«  jusqu'au  tuf  solide  »,  souvent  bien  difficile  à  atteindre.  Car  il  en  est 
plus  d'un  parmi  ces  Actes  qui  n^a  pas  une  valeur  historique  plus  grande 
que  le  pieux  roman  de  Fabiola.  Presque  partout  M.  A.  a  su  se  tenir 
dans  une  très  sage  réserve  à  l'égard  des  Gesta  mai^tyriim,  et  cette  dis- 
crétion est  un  gage  de  la  sincérité  avec  laquelle  le  livre  a  été  fait.  Cette 
sincérité  se  retrouve  encore  dans  la  façon  dont  Fauteur  expose  les  opi- 
nions de  ses  adversaires;    il   n"'en   méconnaît,   croyons-nous,    aucune 
d'importante,  et  il  ne  se  dissimule  pas  les  objections.  On  ne  dit  pas   . 
qu'il  oppose  toujours  à  ces  objections  des  raisons  décisives;  mais  il  sait 
au  moins  que  les  objections  existent  ;  il  résume  toujours  très  fortement 
et  avec  la  plus  grande  loyauté  les  argumentations  de  ses  adversaires  ', 
en  particulier  de  l'auteur  de  VHistoire  des  persécutions  de  l'Eglise 
jusqu'à  la  fin  des  Antonins,  avec  lequel  surtout  il  est  en  contradiction. 
Pour  le  remarquer  en  passant,  les  conclusions  de  M.  A.   concordent 
plus  souvent  qu'on  n'aurait  pu  s'y  attendre  avec  celles  de  l'auteur  des 
Origines  du  christianisme.  A  cette  bonne  foi  dans  la  discussion  se  joint 
une  très  grande  modération   d'esprit.    Pour  faire  triompher  sa  cause, 
l'auteur  ne  croit  pas  nécessaire  de  méconnaître  ce  qu'il  y  a  eu  de  vrai- 
ment grand,  de  haut  et  de  noble  chez  quelques  empereurs,  alors  même 
qu'ils  n'ont  pas  toujours,  comme  quelques-uns  des  Antonins,  réprimé 
les  fureurs  populaires  contre  les  chrétiens.  Comme  preuves  de  cette 
modération  de  l'auteur  et  de  sa  largeur  de  vues,  on  signalera  un  très 

I.  Voyez:,  par  exemple,  la  discussion  sur  rauthenticité  du  rcscrit  d'Hadrien  à  Mi- 
nicius  Fundanus^  p.  241  et  suiv. 


D  HISTOIRE   ET   DE    LITTERATURE  44 1 

beau  portrait  de  Trajan  (p.  140),  un  autre  d'Hadrien  (p-  197),  dans 
lesquels  M.  A.  rend  pleine  justice  à  ces  deux  très  grands  empereurs. 
Voilà  pour  les  qualilés  morales,  si  l'on  peut  dire,  de  cet  ouvrage. 
Quant  à  ses  mérites  mate'riels,  ils  consistent  d'abord  dans  une  connais- 
sance approfondie  de  la  question.  Pourtant  il  faui  faire  ici  quelques 
réserves.  L'auteur  connaît  très  bien  la  littérature  italienne  et  la  litté- 
rature française  du  sujet.  Il  est  au  courant  de  tous  les  travaux  de  M.  de 
Rossi,  comme  on  est  en  droit  de  l'attendre  d'un  écrivain  qui  s''est  déjà 
fait  connaître  par  un  ouvrage  sur  Rome  souterraine.  En  particulier,  le 
livre  présent  est  un  dépouillé  très  complet  et  très  exact  de  tout  ce  que  le 
Bulleîino  di  archeologia  cristiana  peut  fournir  sur  l'histoire  du  chris- 
tianisme aux  deux  premiers  siècles.  De  même  pour  la  France  :  M.  A. 
cite  et  utilise  les  ouvrages  de  M.  Renan,  de  M.  Aube,  de  M.  Le  Blant, 
pour  ne  nommer  que  les  plus  marquants.  Seulement  on  pourra  trouver 
que  la  littérature  allemande  aurait  pu  être  mise  plus  largement  à  con- 
tribution, et  qu'une  simple  mention  à  la  fin  du  volume  et  dans  une 
note  (p.  431)  de  l'ouvrage  très  important  de  Keim,  Rom  iind  das  Chris- 
teiîthum,  est  loin  d'être  suffisante.  Enfin,  pour  en  finir  avec  ces  considé- 
rations générales,  le  livre  de  M.  A.  se  recommande  par  la  forme;  il  est 
écrit  avec  souffle,  avec  chaleur,  bien  que  sans  déclamation  ;  il  se  laisse 
lire  jusqu'au  bout  avec  un  réel  intérêt.  Telle  est  Timpression  d'ensem- 
ble, en  somme  très  favorable,  qu'on  reçoit  de  cette  Histoire  des  pcrsé^ 
entions. 

Voici  à  présent  quelques  observations,  faites  au  fur  et  à  mesure  de  la 
lecture  du  livre. 

On  laisse  de  côté  les  questions  de  doctrine,  comme  la  thèse  si  sou- 
vent débattue  de  l'incompatibilité  du  christianisme  et  de  l'Etat  romain  ; 
M.  A.  est  bien  forcé  d'y  souscrire  en  partie,  lorsqu'il  reconnaît  que 
a  l'éloignement  des  fonctions  publiques,  manifesté  par  un  grand  nom- 
bre de  chrétiens...  eut  surtout  pour  cause  la  difficulté  où  ils  se  trou- 
vaient de  remplir  celles-ci  sans  faire  un  acte  continuel  d'apostasie  » 
(p.  XXVI  ;  cf.  p.  92).  C'est  une  de  ces  questions  à  peu  près  insolubles, 
mélangées  d'un  peu  de  passion  rétrospective,  dans  laquelle,  comme  di- 
rait Montaigne,  »  nous  ne  ne  faisons  que  nous  entregloser  ».  Nous 
aimons  mieux  passer  à  des  faits  plus  matériels  et  plus  sûrement  pal- 
pables. 

P.  43.  M.  A.  discute  le  sens  de  la  fameuse  phrase  de  Tacite  sur  les 
chrétiens  à  propos  de  l'incendie  de  Ronie  sous  Néron  :  odio  generis 
hiimani  convicti.  Nous  lui  signalerons  la  nouvelle  lecture  faite  tout 
récemment  de  ce  passage,  et  destinée  peut-être  à  apportc;r  enfin  la  lu- 
mière dans  cette  question  peu  claire  :  odio  generis  humani  coniunct i 
(Voy.  Revue  critique^  1S84,  II,  p.  466). 

P.  66.  A  propos  de  cet  incendie,  M.  A.  s'efforce  de  démontrer  que 
les  chrétiens  que  Néron  fit  mettre  à  mort  dans  ses  jaixliiis  du  Vatican 
furent  condamnés  non  comme  incendiaires,  mais  comme  chrétiens;  il 


I 


44^  RliVUE    ClUriQUE 

prétend  qu'à  partir  de  ce  jour,  la  profession  de  christianisme  fat  expres- 
sément défendue  par  des  édits  impériaux.  Ce  système  s'appuie  surtout 
sur  le  texte  suivant  de  Sulpice  Sévère,  qu'il  faut  citer  pour  en  fixer  le 
vrai  sens  :  «  Hoc  initio  in  christianos  sasviri  cœptum;  post  ctiani  datis 
legibus  rcligio  vctabatur,  palamque  edictis  propositis  christianum  esse 
non  liccbat.  Tum  Paulus  et  Petrus  capilis  damnati...  »  (Chron.,  II, 
41).  On  pourrait  faire  remarquer  avant  tout,  que  Sulpice  Sévère  ne 
doit  pas  à  priori  fournir  des  renseignements  particuliers  sur  le  christia- 
nisme au  temps  de  Néron,  alors  qu'il  est  postérieur  à  cette  époque  de 
près  de  quatre  siècles;  mais  en  laissant  de  côté  cette  remarque,  il  est 
hors  de  doute  pour  nous  qu'il  est  impossible  de  donner  au  texte  en 
question  un  autre  sens  que  celui-ci  :  a  Tel  fut  le  com.mencement  des 
persécutions  contre  les  chrétiens;  en  outre,  dans  la  suite,  des  lois  furent 
rendues  qui  interdisaient  la  religion,  et,  en  vertu  d'édits  officiellement 
rendus,  il  ne  fut  plus  permis  d'être  chrétien  (allusion  évidente  à  la 
législation  des  temps  postérieurs,  de  l'époque  de  Trajan  ou  de  Tépoque 
de  Dèce).  A  l'époque  de  Néron  (c'est  le  sens  de  tum  qui  s'oppose  à 
post),  Paul  et  Pierre  condamnés  à  mort...  » 

Toujours  dans  la  même  question,  la  thèse  de  M.  A.  est  qu'il  y  a  eu 
persécution  générale  dans  tout  l'empire  sous  le  règne  de  Néron  ;  c'est 
pour  cela  même  qu'il  s'efforce  de  prouver  l'existence  d'une  mesure 
collective  prise  dès  cette  époque  contre  les  chrétiens,  simplement  à  titre 
de  chrétiens.  Cependant  il  est  bien  forcé  de  corriger  ses  affirmations 
par  des  «  peut-être  ».  «  L'horrible  comédie  des  jardins  de  Néron  fut 
peut-être  imitée  dans  les  colonies  ou  les  municipes  »  (p.  60).  Puis- 
qu'on n'a  pas  d'autres  arguments  que  ces  suppositions,  le  mieux  serait 
de  ne  rien  dire.  «.  Le  midi  de  la  Gaule,  TEspagne...  vireni  peut-être 
des  martyrs  »  (p.  69).  A  ce  compte-là,  quel  pays  n'en  aura  vu?  M.  A. 
reprend  Targumentation  très  ingénieuse  de  M.  de  Rossi  qui  conclut  à 
l'existence  d'une  colonie  chrétienne  à  Pompei  ;  rien  de  mieux.  Mais, 
quand  on  ajoute  «  que  s'il  y  eut  des  chrétiens  à  Pompei  pendant  le  rè- 
gne de  Néron,  la  persécution  dut  y  faire  des  victimes  »  (p.  73),  on 
serait  bien  embarrassé  de  dire  sur  quoi  se  fonde  cette  hypothèse  toute 


gratuite. 


11  parait  encore  bien  téméraire  de  prétendre  que  sous  l'expression  si 
commune  dans  la  latinité,  molitores  novarum  rerum,  et  qui  s'applique 
en  général  à  tous  les  mécontents,  à  tous  ceux  qui  font  de  l'opposition, 
puisse  se  dissimuler  l'imputation  de  christianisme  (p.  1 1 1).  Il  s'agit  du 
passage  où  Suétone  applique  ces  mots  à  quelques-unes  des  victimes  de 
Domiticn. 

Au  sujet  de  la  fameuse  correspondance  entre  Pline  et  Trajan  sur  les 
chrétiens,  l'opinion  de  M.  A.  est  celle  de  M.  Rossi,  que  ks  chrétiens 
ont  toujours  été  condamnés  comme  chrétiens,  et  jamais  comme  coupa- 
bles de  délits  de  droit  commun.  On  aurait  voulu  trouver  à  cette  occa- 
sion une  critique  approfondie  du  mémoire  de  M.  Le  ^lixni  (Comptes- 


d'histoire  et  de  littékature  4^3 

rendus  de  l'Acad.  des  Inscr.,  1866),  dans  lequel  est  soutenue  l'opinion 
contraire.  De  même,  à  propos  de  la  mort  de  saint  Ignace  que  M.  A. 
place  en  107,  lors  du  grand  triomphe  dacique  de  Trajan  (pp.  180  et 
191),  il  n"'aurait  pas  été  inutile  de  réfuter  le  système  différent  de  de  La 
Berge  dans  son  Essai  sur  Trajan^  p.  2o5. 

M.  A.  fait  tous  ses  efforts  pour  démontrer  l'authenticité  du  rescrit  d'Ha- 
drien à  Minicius  Fundanus  sur  les  chrétiens  (pp.  241  et  suiv.).  Nous 
serons  de  son  avis;  nous  croirons  encore  comme  lui  que  le  rescrit 
d'Antonin  au  concile  d'Asie  sur  le  même  sujet  est  une  pièce  apocryphe 
(p.  292). 

Pour  quelle  raison  révoquer  le  témoignage  de  saint  Jérôme  et  ne  pas 
croire  que  le  Quadratus  qui  présenta  une  A'jpologie  à  Hadrien  vers  i25 
était  évêque  d'Athènes  (p.  25  i)? 

On  peut  mettre  la  première  Apologie  de  saint  Justin  en  iSg,  ou  plus 
probablement  vers  i5o,  comme  le  pense  M.  A.;  mais  la  seconde, 
qui  est  adressée  au  Sénat,  est  certainement  postérieure  à  la  mort 
d'Antonin  le  Pieux;  elle  se  place  entre  i6r  et  166,  et  non  vers  160 
(p.  283). 

M.  A.  place  le  célèbre  martyre  de  saint  Polycarpe  en  i55  (p.  297).  Il 
suit  en  cela  les  calculs  de  M.  Waddington  dans  son  Mémoire  sur  Aris- 
tide et  dans  ses  Fastes.  M.  A.  semble  ignorer  que  le  système  chronolo- 
gique de  M.  Waddington  pour  ce  point  spécial  a  été  très  fortement 
attaqué.  Sans  instituer  une  discussion  d'ensemble,  qui  ne  serait  pas  ici 
à  sa  place,  on  se  contentera  d'indiquer  la  note  2  de  la  page  124  du 
Lehrbuch  der  Patrologie  iind  Patristik  de  Nirschl  (Mayence,  1881), 
comme  renfermant  un  résumé  exact  de  la  question.  Nirschl  fait  varier 
cette  date  de  157  à  168.  Donc,  si  l'on  adopte  l'opinion  de  M,  Wad- 
dington, qui  est  très  soutenable,  il  aurait  au  moins  fallu  la  fortifier  en 
réfutant  les  objections  qui  lui  ont  été  adressées.  Quoi  qu'il  en  soit,  alors 
même  que  le  martyre  de  saint  Polycarpe  se  placerait  sous  le  régne  d'An- 
tonin et  non  sous  le  règne  de  Marc-Aurèle,  nous  ne  voyons  pas  en  quoi 
le  fait  unique  de  la  mort  de  cet  illustre  vieillard,  à  laquelle  l'empereur 
est  resté  entièrement  étranger,  expliquerait  le  titre  du  chapitre  :  la  per- 
sécution d'Antonin  le  Pieux;  en  quoi  il  justifierait  cette  aflfirmation 
plusieurs  fois  répétée  par  M  .  A.,  que  la  persécution  a  été  à  l'état  continu 
pendant  le  milieu  du  deuxième  siècle;  en  quoi  il  contredirait  l'assertion 
de  Sulpice  Sévère  :  «  Imperanie  Pio,  pax  ecclesiis  fuit  «.  Qu'Antonin  ait 
été  favorable  aux  chrétiens,  ce  serait  peut-être  beaucoup  dire;  cepen- 
dant les  personnes  qui  étudient  avec  quelque  détail  cette  période  de 
rhistoire  impériale,  trouveront  que  ce  jugement  serait  beaucoup  plus 
près  de  la  vérité  que  celui  de  M.  A.,  qui  transforme  A.ntonin  le  Pieux 
en  persécuteur  du  christianisme. 

P.  323.  Q.  LoUius  Urbicus  éiait  prcefec tus  Urbi  avant  ib5\  il  l'était 
dès  143  (Borghesi,  Œuv.,  V,  p.  41 9,1. 

Celle  Histoire  des  persécutions  s  a\:ïête  sous  le  règne  de  Commode, 


444  REVUE    CRmQUK 

lorsque  l'Église,  après  le  rude  assaut  qu'elle  a  supporté  sous  le  règne  de 
Marc-Aurèle  et  que  M.  A.  raconte  en  détail,  vient  d'obtenir  «  une 
sorte  de  suspension  d'armes  ».  L'auteur  fait  espérer  qu'il  mènera  un 
Jour  cette  histoire  «  jusqu'à  la  victoire  définitive  de  l'Église  »,  c'est-à- 
dire  jusqu'à  l'époque  de  Constantin.  Si  le  prochain  ouvrage  ressemble 
à  celui-ci,  M.  Allard  aura  fourni  à  la  cause  du  christianisme  primitif 
des  armes  qui  ne  seront  pas  à  dédaigner'. 

G.  Lacour-Gayet. 


223.  —  A.  Mîpon  tic  ï'Espînay.  François  Miron  et  V Administration  munici- 
pale de  Paris  sons  Henri  IV,  de  1604  à  1606.  Paris,  Pion  et  Nourrit,  iibr.- 
édit.;  un  vol.  in-8  de  m  et  487  p.  7  fr.  5o. 

Parmi  les  prévôts  des  marchands  de  Paris  dont  l'histoire  a  conservé 
le  nom,  Tun  des  plus  célèbres  est  François  Miron;  aussi  personne  ne 
s'étonnera-t-ii  de  voir  consacrée  à  ce  magistrat  une  étude  de  l'impor- 
tance du  présent  volume. 

L'auteur  s'est  proposé  un  double  but  ;  il  a  voulu  écrire  la  vie  de 
François  Miron:  il  a  voulu  étudier  en  même  temps  ce  qu'avait  été  pen- 
dant l'exercice  de  Miron,  de  1604  à  1606,  l'administration  municipale 
de  Paris.  Il  a  mieux  réussi,  reconnaissons-le,  dans  la  deuxième  partie 
de  son  dessein  que  dans  la  première;  et  la  biographie  de  Miron  reste 
encore  à  faire.  Il  est  trop  peu  parlé,  en  effet,  de  François  Miron  dans  ce 
gros  in-octavo;  et  dans  maints  endroits  du  livre,  le  personnage  dont  il 
est  le  moins  question  est  celui  dont  le  nom  figure,  en  titre  courant,  au 
haut  de  chaque  page.  La  matière  ne  manquait  pourtant  pas  à  l'écri- 
vain; il  y  aurait  eu  certainement,  dans  les  pièces  qui  ont  passé  sous  ses 
yeux,  de  curieux  détails  à  relever  sur  le  héros,  sur  ses  ancêtres  et  ses 
descendants,  fameux,  les  uns  et  les  autres,  à  divers  titres,  sur  sa  femme 
Marie  Brisson  et  la  trop  célèbre  aventure  de  cette  «  épouse  indigne  » 
avec  le  gentilhomme  limousin  M.  de  Saint-Georges. 

Si  la  vie  et  le  caractère  du  personnage  restent,  à  peu  de  choses  près, 
dans  l'ombre,  l'importance  de  ses  fonctions,  la  limite  de  ses  attribu- 
tions diverses  sont  mieux  établies;  et  la  vue  du  cadre  dédommage 
un  peu  de  l'absence  du  portrait.  M.  M.  de  l'E.  expose  bien  les 
rapports  du  lieutenant  civil  (qui  était  à  lu  fois  lieutenant  civil  et  prévôt 
des  marchands)  avec  les  corps  de  métiers  et  montre  tour  à  tour  ce  qu'é- 
taient à  Paris,  au  début  du  xvii°  siècle,  le  prévôt  des  marchands,  les 
échevins,  l'administration  municipale,  le  domaine  et  les  finances  de  la 
ville,  le  commerce  et  l'industrie.  Il  insiste  à  propos  sur  le  chapitre  des 

I.  Depuis  que  ces  lignes  ont  été  éciites,  nous  avons  reçu  la  suite  de  l'ouvrage 
de  M.  Allard  :  Histoire  des  yersécitîions  pendant  la  première  moitié  du  troisième 
siècle,  etc.  La  Revue  critique  en  rendra  compte  prochainement. 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  445 

bâtiments  et  des  constructions  et  s^étend  comme  il  convient  sur  l'e'diti- 
cation  de  Thôtel  de  ville,  principal  titre  de  Miron  à  notre  souvenir  '. 
D'intéressants  renseignements  sont  donnés  çà  et  là  sur  la  censure 
sous  Henri  IV  (p.  69)  ;  sur  les  expropriations  à  la  même  époque 
(p.  266);  sur  l'éclairage  de  la  voie  publique,  consistant  surtout,  sem- 
ble-t-il,  dans  les  lanternes  que  tous  parisiens  sortant  de  9  a  10  heures 
du  soir  devaient  porter  avec  eux  (p.  6y)  ^  ;  sur  les  diverses  entrées  de  rois 
ou  de  princes  qui  eurent  lieu  à  Paris  sous  la  prévôté  de  Miron  et  sur  les 
cadeaux  de  dragées,  de  confitures,  de  vin  clairet  et  de  flambeaux  de  cire 
blanche  qu^  faisait  invariablement  le  corps  de  ville  aux  nouveaux  arri- 
vants (p.  290  et  p.  294). 

Après  avoir  reconnu  le  réel  intérêt  que  présente  l'étude  de  M.  M.  de 
l'E.  et  rendu  justice  aux  recherches  qu'elle  dénote,  il  reste  à  ajouter 
qu'elle  n'est  pas  sans  offrir  quelque  prise  à  la  critique. 

On  y  remarque  d'abord  des  citations  beaucoup  trop  longues  :  elles 
alourdissent   le  texte    qu'elles   tendent  à    rendre    peu    intelligible    et 
gagneraient  à  être,  pour  la    plupart,   résumées  clairement.    Ce  sont 
ensuite  de   trop  nombreux  hors  d'œuvre  :    sur    la   mort  d'Henri  III 
(p.    3i    et  suiv.),   le  sacre  d'Henri   IV   à  Saint-Denis  et    son   entrée 
à  Paris   (p.  3g   et   suiv.),    le  retour  du   Parlement  à  Paris   (p.    46    et 
suiv.),  le  rétablissement  des  Jésuites  (p.   90  et  suiv,),  etc.,  etc.  ;   hors 
d'œuvre  où  il  n'est  question  ni  de  François  Miron  ni  de  son  adminis- 
tration.  Quelques  erreurs,  quelques  lapsus  déparent  encore  ce  livre  : 
page   139,    note  2,   le  nom    de  Melon,  l'économiste   bien  connu  du 
xviu"  siècle,  est  écrit  comme  celui  d'un  écrivain  de  nos  jours,  M.  Ma- 
lon;  page  140,  note  2,   l'auteur  cite  une  ordonnance  de  Jean  le  Bon  di- 
sant que  les  chambrières  qui  servent  en  «  hontillant  »  les  vaches,  reçoi- 
vent pour  salaire  vingt  sols  «  avec  leur  chauffement.  »  Or  chauffement 
ne  se  comprendrait  guère  ici  et  hontillant  ne  se  comprend  pas  du  tout  : 
c'est  chaussement  et  hoiibillant  qu'il  faut  lire  ^.    M.   M.  de  l'E.  cite 
mainte     pièce     sans   indiquer    sa    provenance,   notamment    la   lettre 
d'Henri  IV,  du  2  avril  1606,   dont  il  est  question  à  la  p.  291,  et  parle 
de  telle  ou  telle  institution  sans  se  préoccuper  des  travaux  récents  qui 
la  concernent,  des  quarteniers  et  des  cinquanteniers  de  Paris,  par  exem- 
ple, sans  citer   les  intéressantes  recherches  de   M.    Georges   Picot  •*.  II 
s'appuie  enfin  trop  facilement  sur  des   auteurs  suspects,  ou  des  pièces 
fausses  telles  que  les  fameuses  lettres  d'Henri  IV  à  son  prévôt  Miron. 
On  sait  que  ces  lettres  furent  fabriquées  sous  Napoléon  III  et  qu'el- 

1 .  Le  Pont  Neuf  fut,  on  le  sait,  avant  tout  l'œuvre  de  Henri  IV. 

2.  Passé  10  heures,  il  n'était  plus  permis  de  sortir  de  chez  soi  que  pour  affaires 
urgentes. 

3.  V.  D.  Carpentier,  glossaire  des  mois  français  de  Du  Gange  v"  houbiller,  traire 
une  vache. 

4.  Mém.  de  la  Soc.  de  VHist.  de  Paris,  (Paris  iSyS,  t.  1,  p.  i3  2-i6ô.)  Recherches 
sur  les  quartiniers,  cinquanteniers  et  dixainiers  de  la  ville  de  Paris  par  M.  Georges 
Picot. 


446  REVUE   CRITIQUE 

les  reprochaient  au  souverain  les  grands  travaux  d'édilité  qui  boule- 
versaient alors  Paris,  repoussaient  les  ouvriers  aux  extrémités  de  la 
ville,  dans  des  quartiers  où  l'entente  leur  serait  facile  en  cas  de  troubles, 
et  menaçaient  de  faire  augmenter  le  prix  du  pain  et  de  la  viande.  Nous 
n'avons  pas  à  revenir  sur  ces  lettres  après  la  verte  critique  qu'elles  ins- 
pirèrent dans  le  temps  à  M.  Berger  de  Xivrey  et  au  lendemain  de  l'ex- 
cellent article  qu'elles  ont  récemment  motivé  ',  à  propos  d'un  compte- 
rendu  du  livre  que  nous  analysons  ici. 

Quelques  documents  figurent,  à  titre  de  pièces  Justificatives,  à  la  fin 
de  l'ouvrage;  nous  regrettons  qu'ils  n'aient  pas  été  mieux  choisis. 

Quel  besoin  de  nous  donner  toutes  ces  harangues  funèbres,  ces  re- 
grets, ces  éloges  oU  l'emphase  des  mots  le  dispute  à  la  banalité  de  la  pen- 
sée? Serons-nous  bien  renseignés  sur  Miron  quand  nous  saurons  qu'il 
avait  en  partage,  au  dire  de  ses  panégyristes,  «  la  valeur,  la  prudence  et 
«  la  bonté  de  Périclès,  l'équité  d'Aristides,  la  constance  de  Phocion  et 
«  le  courage  de  César  )>  ou  que  son  trépas,  son  départ  d'ici-bas,  ne  peut 
se  comparer  qu'au  «  départ  de  ceste  belle  Vierge,  qui  faschée  des  ini- 
«  quitez  de  la  terre  se  relira  dans  le  ciel,  choisissant  sa  demeure  entre 
«  les  signes  du  Lyon  et  de  la  Balance  »  ! 

Quant  à  ceux  de  ces  documents  qui  étaient  inédits,  l'auteur  les  a 
généralement  publiés  avec  soin.  Nous  avons  pourtant,  en  collation- 
nant  quelques-unes  de  ces  pièces  sur  l'original,  constaté  certains  lap- 
sus. Ici,  par  exemple,  il  y  a  «  l'esgorgemcnt  et  curement  d'esgouiz  » 
(p.  371,  avant-dernière  ligne)  au  lieu  de  «  desgorgevient  et  curement 
d'esgoutz  »  qui  vaut  mieux,  d'ailleurs.  C'est  ici  un  mot  changé  :  au  lieu 
de  «  veoir  »  que  porte  l'original,  il  y  a  «  rendre  visite  »  (p.  878,  1.  19)  ; 
mais  l'auteur  nous  dira  peut-être  que  le  sens  est  le  même?  Ce  sont  en- 
core des  mots  omis,  comme  à  la  page  378,  ligne  27,  où  il  convient  de 
lire,  au  lieu  de  «  conseillers  de  Rosny,  de  Chasteauneuf  »,  «  chancellier 
«  de  Rosny,  de  Messe,  de  Saulx,  de  Chasteauneuf.  » 

Mais  nous  nous  montrons  peut-être  trop  sévère  en  reprochant  ces 
petites  taches  à  l'auteur  :  «  Je  ne  suis,  nous  disait-il  au  début  du  livre, 
'<  ni  écrivain,  ni  éruuit,  mais  je  raconte  de  bonne  foi  ce  que  je  suis 
«  mieux  autorisé  que  beaucoup  d'autres  à  connaître  et  à  dire  de  Fran- 
«  cois  Miron  »  (avant-propos,  p.  11).  Admettons,  puisqu'il  le  veut,  qu'il 
ne  soit  pas  un  érudit.  Allons  même,  puisqu'il  l'exig'î,  jusqu'à  ne  pas 
vouloir  voir  en  lui  un  écrivain,  quoique  son  style  ne  soit  certainement 
pas  banal  et  contienne  même,  parfois,  quelques  traits  trop  brillants  \ 

1.  V.  dans  le  Bulletin  Critique  du  i5  août  i885  l'arlicle  de  M.  A.  Baudrillart. 

2.  Les  politiques  de  la  Ligue  sont,  avec  notre  auteur,  de  «  pauvres  voyants  des 
«  temps  obscurs,  tristes  médecins  des  maux  désespérés  »  (p.  i3);  Miron  est  «  plus 
droit  et  plus  adroit  »  (p.  27);  grâce  à  lui,  «  l'eau  fiue  bientôt  aux  Halles  »  (p.  261). 
Ciicrons-nous  encore  ces  tirades  sur  les  Jésuites  «  forts  de  l'incomparable  force  »... 
que  procure  «  le  dégagement  de  tous  liens  pour  s'enchaîner  librement  à  Dieu  » 
(p.  90)  ou  sur  les  heureux  serviteurs  du  pays  «  qui  pourvus  d'honneurs,  n'ont  pas 
«  perdu  l'honneur,  qui  riches  d'argent,  n'ont  pas  appauvri   leur  considération  » 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  447 

Mais  nous  ne  pouvons  réellement  partager  Tavis  de  notre  auteur  lors- 
qu'il se  dit  et  se  croit,  «  mieux  autorisé  que  beaucoup  d'autres,  »  à 
parler  de  François  Miron.  C^est  une  erreur  singulière,  en  effet,  d'esti- 
mer que  les  liens  du  sang  soient  un  titre  pour  raconter  la  vie  d^in  per- 
sonnage quelconque.  Ils  constituent  plutôt  un  empêchement  à  le  bien 
faire,  un  pareil  récit  étant  voué  d'avance  au  soupçon  de  partialité  ou 
de  prévention  '.  Sous  la  plume  de  M.  Miron  de  PEspinay,  l'ouvrage 
intitulé  ((  François  Miron  et  l'Administration  municipale  de  Paris 
«  sous  Henri  IV  »  tourne  partout  au  Panégyrique.  Sous  une  autre 
main,  il  se  serait  facilement  rattache,  sans  doute,  à  la  calme  et  impar- 
tiale Histoire.  Nous  regrettons  que  Tauteur  ne  se  soit  pas  détié  davan- 
tage des  périls  au  milieu  desquels  il  avait  à  marcher. 

P.  B. 


224.  —  Eîes  <lon  Eaiego  «îe  Accîo  y  Gallrti't  Sclïiîiïcî'isng  dci*  Scîilaclit 
von  IVoerdlingeiis  aus  dessen  Viaje  del  Infante  Cardenal  don  Fernando  de 
Austria  ûbersetzt  und  mit  Anmerkungen  versehen  von  Franz  Weinitz  mit  einem 
Anhang  und  einer  Karte.  Strassburg,  Trûbner,  1884.  In-8,  v  et  lob  p. 

Très  intéressante  et  consciencieuse  publication,  qui  renferme  tout  ce 
qu'il  est  possible  de  trouver  dans  les  documents  imprimés  ou  inédits 
sur  cette  bataille  de  Nurdlingen  ou,  comme  nous  disons,  deNordlingue, 
(5  et  6  septembre  1634)  où  les  Impériaux  battirent  les  Suédois  et  firent 
Horn  prisonnier  :  1°  la  traduction  allemande  du  1 3^  chapitre  du  Voyage 
du  cardinal  Infant  (Viaje  del  Infante  Cardenal  don  Fernando  da  Aus- 
tria) par  don  Diego  de  Aedo  y  Gallart  ;  le   i3°  chapitre  de  ce   Viaje  — 
traduit  en  français  par  Ghiflflet  (i635)  —  est  consacré  à  la  description 
de  la  bataille;  2°  deux  pages  de  M,  Weinitz   qui  fait  à  son  tour,  à 
grands  traits,  le  tableau  de  cette  affaire  mémorable  (p.  35-36);  3°  des 
lettres  du  roi  Ferdinand  III  à  Tempereur  Ferdinand  II  et  à  l'électeur 
de  Mayence,  deWalmerode  et  de  Fischer  à  Schlick,  une  relation  inédite 
due  à  un  conseiller  bavarois,  la  relation  de  Horn;  4"  le  texte  espagnol 
(p.  37-28) .du  récit  de  don  Diego  (p.  79-103)  ;  5°  une  carte  de  Nôrdlin- 
gen  et  des  environs  tirée  de  l'atlas  du  bureau  topographique  de  l'état- 

(Avant-propos,  p.  m),  etc.?  —  Nous  avons  à  reprocher  aussi  à  M.  M.  de  TE. 
plus  d'une  allusion  déplacée.  Qu'ont  à  faire  l'enterrement  de  M.  Hérold,  en 
i88[  (p.  3i3),  «  l'œuvre  admirable  des  cercles  catholiques  d'ouvriers  »  (p.  114» 
note  2),  la  bulle  encyclique  du  29  juin  1881  sur  l'origine  du  pouvoir  (p.  43,  note  ), 
le  «  dogme  infaillible  du  libre-échange  »  (p.  197,  note  3),  etc.,  dans  une  étude  sur 
François  Miron  et  sur  l'administration  de  Paris  sous  Henri  IV! 

I.  Tout  le  monde  a  lu  la  récente  et  très  attachante  biographie  du  marquis 
de  Clermont-Tonnerre  (Un  ministre  de  la  Restauration,  par  Camille  Rousset,  vrai 
modèle  de  portrait  historique.  Qui  ne  se  rend  compte  de  la  diminution  que  subi- 
rait le  personnage,  si  sa  vie  eut  été  signée  par  le  présent  duc  de  Clermont-Ton- 
nerre, ses  mérites  et  ses  vertus  racontés  par  la  main  pieuse  d'un  fils?  Qui  n'eut 
taxé  d'exagération  ce  qui   n'eût  pourtant  été,  au  fond,  que  la  vérité? 


448  REVUE    CRITIQUE 

major  général  bavarois.  Cette  simple  énumération  suffit  pour  faire  ap- 
précier le  mérite  de  cet  ouvrage  où  M.  Weinitz  a  mis  tous  ses  soitîs  et 
déployé  beaucoup  de  savoir;  son  travail  complète  sur  presque  tous  les 
points  les  études  de  Fuchs  (18G8J  et  de  Fraas  (1869)  sur  le  même 
sujet 

C. 


223.  —  Doutsclie  IVationaI-LIttei:*atur>s  Iiistorîscli  kritischo  iVui^gabeiis 

unter  Mitwirkung  von  Arnold,  Balke,  Bartsch,  Bechstein,  Behaghel,  Birlingei', 
Blûmner,  Bobertag,  Boxberger,  Creizenach,  Crûger,  Dùntzer,  Frey,  Fulda,  Geiger. 
Hamel,  Henrici,  Koch,  Lambel,  Liliencron,  Milchsack,  Miner,  Muncker,  Nerrlich, 
Oesterley,  Palm,  Piper,  Sauer,  Schrœer,  Steiner,  Stern,  Vetter,  Wendeler,  ZoUing, 
herausgegebcn  von  Joseph  Kurschner.  Stuttgart  et  Berlin,  librairie  Spemann. 
Prix  du  volume  broché  :  2  mark  5o;  du  volume  relié  :  3  mark  5o. 

Nous  avons  annoncé  déjà  f Revue  critique,  a°  45,  art.  200)  quelques 
volumes,  renfermant  plusieurs  œuvres  de  Gœthe,  et  appartenant  à  la 
collection  Spemann.  Cette  collection,  dirigée  par  M.  Ktirschner,  a  pour 
titre  «  Littérature  nationale  allemande,  édition  historique  et  critique  », 
et  ce  seul  titre  indique  son  but.  Elle  doit  renfermer  toutes  les  oeuvres 
remarquables  de  la  littérature  allemande  depuis  ses  origines  jusqu'à  nos 
jours;  elle  est  destinée  au  grand  public,  mais  l'éditeur  et  le  directeur 
ont  eu  soin  de  confier  la  publication  des  volumes  aux  érudits  les 
plus  compétents,  et  la  collection  mérite  vraiment  le  nom  dont  on  use  et 
abuse  en  ce  moment,  de  scientifique  (ivissenschaftlich)  par  la  révision 
scrupuleuse  des  textes,  par  les  introductions  qui  accompagnent  chaque 
tome,  par  l'abondance  et  la  variété  du  commentaire,  par  de  bonnes  ta- 
bles des  matières  et  d^utiles  index.  Ajoutez  que  les  volumes  —  reliés,  il 
est  vrai,  car  ils  se  cassent  aisément,  s'ils  ne  sont  que  brochés,  —  char- 
ment le  regard  par  la  beauté  du  papier  et  de  l'impression,  et  qu'ils  sont 
d'un  prix  peu  élevé. 

On  nous  permettra  de  faire  connaître  dans  un  article  d'ensemble  les 
premiers  volumes  de  cette  collection;  s'il  fallait  les  analyser  en  détail 
Tun  après  l'autre,  les  cinquante-deux  numéros  que  la  Revue  critique 
publie  annuellement,  ne  suffiraient  pas;  il  faut  donc  se  borner  et,  en 
faisant  çà  et  là  quelques  observations,  se  contenter  d'une  rapide  énu- 
mération. Nous  suivrons  à  peu  près,  dans  cette  brève  appréciation,  Tor- 
dre chronologique. 

C'est  d'abord  le  poème  de  Kudrun,  publié  par  M.  Bartsch  dans  le 
texte  moyen-haut-allemand,  avec  une  courte  introduction  et  un  glos- 
saire '. 

Le  II"  volume,  sous  le  titre  de  Narrenbuch^  renferme  quelques-unes 
des  œuvres  de  la  littérature  comique  populaire  de  la  fin  du  moyen  âge 

I.  6«  volume  de  la  collection. 


D  HISTOIRE   ET    DE   LITTERATURE  449 

allemand,  der  Pfarrer  vom  Kalenberg,  Peter  Leu,  Neithart  Fiichs, 
Salonwn  iind  Markolf,  Bruder  Raiisch;  il  est  publié  par  M.  Bobertag. 

M.  Bobertag  publie  pareillement  un  choix  de  l'œuvre  la  plus  célè- 
bre d'Abraham  a  Santa  Clara,  Judas  der  Ert\-Schelm  i  et  montre 
dans  son  introduction.  Urée  en  grande  partie  des  deux  excellentes  études 
de  Karajan  et  de  W.  Scherer,  que  ce  Hanswurst  de  la  chaire  vaut  mieux 
que  sa  renommée;  que,  m.algré  ses  pointes,  et  ses  jeux  de  mots,et  les  entor- 
ses qu'il  donne  à  la  langue,  il  mérite  d'être  regardé,  avec  Grimmelshausen , 
comme  Pécrivain  le  plus  lisible  et  le  plus  intéressant  de  la  seconde  moi- 
tié du  xvii"  siècle.  Malheureusement,  le  commentaire  n'est  pas  assez 
abondant;  il  eût  fallu  se  servir  plus  souvent  du  dictionnaire  de  Schmel- 
1er,  et  certaines  explications  sont  évidemment  erronées,  comme  celle  de 
la  p.  3  r,  «  mistatt  eines  Matthiesen  einen  Mattho  heirathe  »;  M.  Bo- 
bertag écrit  en  note  que  mattho  vient  de  l'espagnol  matar-,  il  fallait  dire 
que  c'est  ici  Titalien  matto  qui  signifie  fou  (cp.  p.  i86,  pa^a).  P.  36, 
c^est  se  tirer  aisément  d'affaire  que  de  dire  que  la  liste  des  femmes  cé- 
lèbres, dressée  par  Abraham,  est  «  tellement  inexacte  et  défectueuse 
qu'on  ne  peut  déterminer  les  noms  les  moins  connus  »  ;  en  tout  cas, 
Margiiarita  bel  den  Duhnen  est  évidemment  la  Marguerite  de  l'Union 
de  Calmar  et  Joanna  bei  den  Lotharingicni,  Jeanne  d'Arc,  «  la  bonne 
Lorraine  ».  P.  52,  auff  Speyer  einladet  signifie,  en  effet,  faire  vomir, 
mais  il  fallait  remarquer  le  jeu  de  mots  :  «  inviter  à  Spire  »  où  siégeait 
la  chambre  impériale.  P.  66,  das  Maul  viachen  doit  vouloir  dire  ici, 
non  pas  «  nach  dem  Maule  reden  «,  mais  faire  la  grimace.  P.  74,  Sch. 
est,  non  pas  un  signe  de  mépris,  mais  l'abréviation  de  Schelm  (cp.  le 
mot  suivant  «  Titul  »).  P.  7g,  burckene  doit  se  rapporter  à  «  Birke  », 
front  pâle  comme  le  bouleau.  P.  290,  er  hagt,  au  lieu  de  «  er  hackt  », 
le  mot  ne  signifierait-il  pas  «  er  behagt  »,  il  plaît,  il  cherche  à  plaire  ? 
P.  297,  «  n  Trape'^iintischen  Diseurs  «,  le  sens,  dit  Téditeur,  est  «  sehr 
lange  Reden  »;  il  y  a  peut-être  là  un  de  ces  jeux  de  mots  familiers  au 
Père  Abraham,  et  trape\untisch  se  rattache  dans  sa  pensée  à  trapen 
(traben)  ;  cp.  hochtrabende  Reden, comme  on  dirait  aujourd'hui.  P.  33 1, 
girren  ;  puisqu'il  s'agit  du  vin  et  que  le  mot  est  précédé  de  arbeiten,  il 
doit  avoir  le  sens  de  «  fermenter  »  et  se  rapprocher  de  geren,  aujour- 
d'hui gàhren,  à  moins  qu'il  ne  signifie  <i.  siffler  »,  mais  en  tout  cas,  on 
ne  peut  le  traduire  par  «  unruhig  werden  ». 

Le  Simplicius  Simplicissimus  de  Grimmelshausen,  publié,  comme 
les  tomes  précédents,  par  M.  Félix  Bobertag,  comprend  deux  volumes. 
Une  introduction  intéressante  est  consacrée  au  roman  allemand  avant 
Grimmelshausen,  à  la  jeunesse  de  Fauteur,  à  ses  différents  écrits,  aux 
différentes  éditions  du  Simplicissimus.  Un  troisième  volume  comprend 
les  écrits  simpliciens  (Simplicianische  Schriften)  ou  œuvres  de  Grim- 
melshausen, parues  après  le  «  Simplicissimus  »:  i^Trut^-Simplex  oder 
der  Landsturt^erifi  Courasche;  2°  une  partie  du  Springinsfeld  ;  3"  la 

I.  40'-'  volume  de  la  collection. 


45o  REVUE    CRITIQUE 

première  partie  du  Vogelnest ;  4°  le  Rathstubel  Plutonis  qui  est  réim- 
primé pour  la  première  fois  ;  5°  un  extrait  du  Ratio  status  (discours  du 
favori  Sabud)  ;  6°  quelqu'es  chapitres  du  Schelmuffsky  '. 

C'est  encore  M.  Bobertag  qui  publie  dans  la  collection  Spemann  les 
visions  ou  Gcsichte  de  Philander  de  Sittevvald,  par  Moscherosch  -. 
Nous  relevons  dans  le  commentaire  les  détails  suivants  :  P.  25,  tugent- 
lichen  ne  peut  signifier  a  heimlich  »;  il  faut  le  traduire  par  un  mot 
comme  «  wacker,  tuchtig,  ordentlich,  waidlich  »  ;  cp.  tûgen  et  le  sens 
que  lui  donne  l'annotateur,  p.  162.  P.  33,  à  ville  Jiiiffe,  c'est  aujour- 
d'hui Villejuif.  P.  71,  lire  Ponts-de-Cé  au  lieu  de  Pont  de  Ce.  P.  89, 
Les  endroits  cités  par  Moscherosch  ne  sont  pas  seulement  près  de  Paris 
et  de  Strasbouig;  cp.  Plaijipalais  (Genève),  le  Saiissy  ou  le  Saulcy 
(Metz).  P.  1 13,  donner  dessus  ne  signifie  pas  «  Gewehr  auf  »;  donner  a 
ici  le  sens  de  stossen  (auf..,),  herfallen  (ûber..,),  losgehen  ".  P.  120, 
a  estreillé  »,  tout  en  mettant  en  note  «  durchgeprùgeit  »,  il  fallait  rap- 
peler le  verbe  striegeln  qui  vient  de  la  même  racine  que  «  étriller  ». 

M.  le  baron  Rochus  de  Liliencron  réimprime  pour  la  première  fois 
l'œuvre  d'^gidius  Albertinus,  Liicifers Ki'migreich  iind  Seelengejaidt  ^. 
On  sait  qu'Albertinus,  secrétaire  du  duc  Maximilien  de  Bavière,  est  un 
précurseur  du  Siniplicissimiis,  qu'il  traduisit  la  plupart  des  œuvres  de 
Guerava,  qu'il  fut  polygraphe  à  la  façon  de  Fischart  et  de  Spangen- 
berg,  mais  avec  plus  de  pédantisme  et  de  sombre  humeur;  Gervinus 
croit  respirer,  en  le  lisant,  l'air  des  cachots  espagnols.  M.  de  Liliencron 
donne  dans  son  introduction  une  bibliographie  complète  des  œuvres 
d'Albertinus  et  montre  avec  beaucoup  de  raison  que  le  Liicifers  See- 
lengejaidt, outre  l'intérêt  historique  qu'il  offre  aujourd'hui,  est  l'œuvre 
d'un  fougueux  partisan  de  la  Contre-réformation,  qu'Albertinus  re- 
garde par  exemple  la  femme  comme  le  principal  instrument  du  diable 
sur  la  terre,  qu'il  envisage  le  mariage  comme  un  mal  nécessaire,  qu'il 
écrit,  non  pas  l'allemand  de  Luther,  mais  Y Oberdeutsch  et  qu'en  se 
donnant  pour  un  vrai  Bavarois,  il  se  sert  toutefois  d'une  langue,  non 
pas  grossière  et  rude,  comme  on  l'a  cru,  mais  presque  toujours  consé- 
quente avec  elle-même  et  revêtant  à  dessein  une  autre  forme  que  celle 
du  protestantisme. 

Hans  Sachs  est  publié  par  M.  Arnold  en  deux  volumes,  dont  le  pre- 
mier renferme,  outre  une  longue  et  importante  préface  sur  le  poète  de 
Nuremberg  et  la  chronologie  de  ses  œuvres,  la  Disputation  pi'ischen 
einem  Chorherren  und  Sclmhmacher,  les  strophische  Gedichte  et  les 
einjache  Spriche  ;  le  second,   un  choix  des  Dramatische  Spriche  ou 


r 


1.  33»,  34%  35e  volumes  de  la  collection. 

2.  32*  volume  de  la  collection. 

3.  Moscherosch  énumère  ici  les  jurons  qu'on  profère  à  la  guerre:  bougre,  foutre; 
ce  dernier  mot  est  ainsi  commenté  «  foutre, /o«dre.  »  1 

4.  îG»  volume  de  la  collection. 


d'histoike  et  de  littérature  45  I 

drames,  sagement  fait  (d'après  les  textes  de  Keller  et  de  Goetze),  et  ac- 
compagné de  notes  fort  utiles  1. 

Un  volume  spécial,  le  Se*'  de  la  collection,  est  consacré  par  M.  H, 
Oesterley  à  Simon  Dach,  à  ses  amis  et  à  Jean  Roling.  Il  renferme  les 
poésies,  non  seulement  de  Dach  et  de  Ruling,  mais  de  Robertin,  d'Al- 
bert, de  Kaldenbach  et  d'Adersbach,  de  ceux  qui  formaient  le  cercle  de 
Kônigsberg,  mais  que  Dach  a  tous  dépassés  et  par  le  talent  et  par  la  fé- 
condité de  sa  production. 

M.  H.  Pahn  reproduit  le  texte  de  plusieurs  œuvres  dramatiques 
d'André  Gryphius,  les  tragédies  de  Léo  Armenhis  et  de  Cardenio  und 
Celinde,  la  comédie  de  Peter  Squen:[,  V Horribilicribrifax  et  la  geliebte 
Dornrose ;  on  remarquera  dans  cette  édition,  outre  la  préface  sur  la  vie 
et  l'œuvre  du  poète,  les  introductions  qui  précèdent  chaque  pièce  ~. 

On  trouve  dans  le  37*^  volume  de  la  collection  le  texte  de  cette  Asia- 
tische  Banise  d'Henri  Anselme  de  Zigler,  roman  héroï-galant  du 
xvii<^  siècle  qui  charma  si  longtemps  le  public  allemand  et  dont  le  prin- 
cipal personnage,  le  tyran  Chaumigrem,  paraît  sur  le  théâtre  de  ma- 
rionnettes de  Wilhelm  Meister.  Ce  roman  est  réimprimé  par  les  soins 
de  M.  Bobertag  qui  a  joint  au  volume  quelques  morceaux  tirés  d'autres 
romans  de  la  même  époque,  de  la  Diirchleuchtige  Syrerinn  Aramena 
du  duc  Antoine  Ulrich  de  Brunswick,  de  V Aj-minius  und  Thusnelda 
de  Lohenstein,  du  Satyrischer  Roman  de  Kunold,  de  1'  «  Ile  de  Fel- 
senburg.  » 

Deux  volumes,  le  SS'  et  le  3(^"',  dûs  à  M.  L.  Fulda,  ont  pour  titre 
tt  les  adversaires  de  la  seconde  école  silésienne  ».  En  réalité,  ces  adver- 
saires (Gegner)  ne  forment  ni  une  école  ni  un  groupe  distinct;  ils  n''ont 
pas  reconnu  les  défauts  de  leurs  devanciers  et  n'ont  pas  cherché  soit  à 
les  éviter,  soit  à  les  combattre  systématiquement;  mais  leurs  œuvres 
contrastent  avec  celles  des  Lohenstein  et  des  Hofmannswaldau,  et  Tun 
d'eux,  Giinther,  est  un  poète  dans  le  vrai  sens  du  mot,  plein  de  naturel, 
passionné,  chantant  ses  amours  et  ses  repentirs  dans  une  langue  forte  et 
souple,  M.  Fulda  nous  donne  dans  le  38^  volume  les  poésies  de  ce  gé- 
nial Giinther  auquel  Gœthe  a  rendu  dans  Poésie  et  vérité  un  tardif, 
mais  éclatant  hommage.  Il  les  dispose,  d'après  les  recherches  de  Kalbeck 
et  de  Litzmann,  dans  l'ordre  chronologique.  Le  39"  renferme,  un  peu 
pêle-mêle,  en  près  de  six  cents  pages,  des  œuvres  de  Weise,  de  Brockes, 
de  Ganitz,  de  Neukirch,  de  Wernike.  Une  pièce  de  Weise,  die  base  Ca- 
îharina,  paraît  ici  pour  la  première  fois,  d'après  deux  manuscrits  de  la 
bibliothèque  de  Zittau.  Les  morceaux  tirés  de  Ylrdisches  VergnUgen 
de  Brockes  sont  choisis  avec  goût,  et  M.  F.  les  a  divisés  habilement  en 
deux  livres,  dont  le  premier  renferme  les  poésies  les  plus  dignes  d'être 
lues,  tandis  que  le  second  montre  et  fait  suivre  comme  pas  à  pas  la  dé- 
cadence du  talent  de  Brockes  qui  devint  peu  à  peu  sec  et  absolument 

1.  2o«î  et  21'=  volumes  delà  colleciion. 

2.  29-  volume  de  la  coUection. 


I 

î 


45  2  RKVUK    CRITIQUE 

insipide.  Les  introductions  de  M.  Fulda  sont  des  plus  intéressantes  et 
des  plus  complètes;  on  ne  peut  que  donner  de  grands  éloges  à  ses  étu- 
des sur  Gûnther,  sur  Weise,  sur  Brockes.  Un  mot  nous  a  choqué  dans 
Je  travail  sur  Gûnther,  «  hochbeanlagteste  »,  qu^il  faut  laisser  aux  jour- 
nalistes'. 

Le  42*  volume,  publié  par  M.  J.  Criiger  et  intitulé  «  Gottsched  et 
Bodmer  et  Breitinger  »,  contient,  outre  une  longue  et  curieuse  intro- 
duction de  cent  pages  serrées  sur  la  fameuse  querelle  des  Suisses  et  des 
Saxons,  quatre  morceaux  des  Discourse  der  Mahlern,  le  sterbender 
Cato  de  Gottsched,  l'indigne  parodie  de  Bodmer,  un  chapitre  de  la 
Kritische  Dichtkunst  de  Breitinger  (du  merveilleux  et  du  vraisembla- 
ble), la  Radie  der  Schwester  de  Bodmer,  premier  remaniement  des 
Nibehingen  en  nouvel  haut  allemand,  la  traduction  du  cinquième  chant 
de  l'Odyssée  par  le  même  Bodmer,  enfin  une  comédie  de  M'"«  Louise 
Aldegonde  Victorine  Gottsched,  le  Testament,  la  meilleure  de  ses  œu- 
vres et  qui  annonce  de  loin,  de  bien  loin,  la  Minna  de  Barnhelm  de 
Lessing. 

M.  A.  Frey  publie  dans  le  41^  volume  (en  deux  parties)  un  choix  : 
1°  de  Gessner;  2°  de  Haller  et  de  Salis.  Le  volume  consacré  à  Gessner 
renferme,  comme  d'autres  volumes  de  la  collection,  une  introduction  et 
un  Register  où  l'on  trouve  les  principales  expressions  de  la  langue  si 
lâche  et  si  molle  de  l'auteur  de  la  mort  d'Abel.  L'autre  volume  associe 
assez  singulièrement  deux  poètes  qui  n'ont  guère  d'autre  trait  commun 
que  d'être  Suisses.  Il  eût  fallu  plutôt  donner  à  Haller  tout  un  volume 
et  mettre  ensemble  Salis  et  Matthisson.  M.  Frey  a  reproduit  les  princi- 
paux poèmes  de  Haller  et  le  premier  livre  à'Usong ;  son  introduction 
est  excellente  et  devait  l'être,  carie  seul  bon  travail  que  nous  possédons 
sur  Haller,  outre  la  belle  étude  de  Louis  Hirzel,  est  précisément  le  li- 
vre de  M.  Frey,  paru  en  1879  «  Albrecht  von  Haller  iind  seine  Bedeu- 
tungfur  die  deiitsche  Literatur  ».  Signalons  aussi  l'importante  intro- 
duction qui  précède  le  choix  des  poésies  de  Salis.   Mais  faut-il  croire, 
avec  M.  Frey,  que  Salis  n'ait  pas  imité  ni  même  connu  les  vers  de 
Hôlty?  (p.  208).  Je  suis  persuadé  au  contraire  que  l'officier  suisse  a  lu 
les  touchants  poèmes  du  barde  de  la   Leine,  et  qu'il  s'en  est  inspiré. 
Voici  des  exemples  que  M.  Frey  ne  pourra  récuser  (je  cite  Salis  d'après 
son  édition  et  Hulty  d'après  l'édition  de  Halm).  P.  325,  Salis,  «  Lied  », 
V.  17-18  der  rnildeste  von  iinscrs  Schicksals  Boten  ...leitet  uns;  Holty, 
«  der  Tod  »,  v.   i-3,  Friedensbote,   ipann  fiihrst  du  mich ;  id.  Salis, 
V.  4,  «  und  immer  triimmervoller  wird  der  Strand  »  ;  Hôlty,  v.  i5-i6, 
«  ivo  Triimmer,  thiirmende  Triiminer  das  Ufer  decken  ».  —  P.  Sog, 
Salis,  V. -j-'è.-.des  Dorfes  Kinder  hiipfen  achtlos au/ der  Mûtter  Grab ; 
Holty,  p.  5i,  V.  65-66,  0  die  guten  Kinder  !  sie  durchhùp/ten  oft  den 
Gartcn;  —  Salis,  id.,  v.   5o,  der   Verwesung  Spur ;    Hulty,  p.  53, 


I.  Pourquoi  ne  pas  dire  hochbegabtcste? 


d'histoire  et  de  littérature  453 

V.  25-26,  im  Anne  der  Verwesiing ;  —  Salis,  îd.^  v.  57-58,  auf  dcn 
Grnbern  iinsrer  Vdter  spriesst  des  Erdraiichs  Purpurstrauss  ;  Holty, 
p.  63,  V.  29-30,  grïm''  indessen,  Straiich  der  Rosenblume,  deinen  Pur- 
pur  um  sein  Grab  :{u  streun;  —  Salis,  p.  3  r  i ,  v.  i ,  Pfleglingin,  comp. 
dans  Hôlty  les  mots  comme  Lieblingin; —  Salis,  id.,  v.  4,  er:^ogen 
auf  der  Flur;  Hohy^  wenn  ich  mir  ein  Mcldchen  wlilile,  icii  siich' es 
auf  der  Schuferflur  ;  —  Salis,  zW.,  v.  i5,  ■{um  Sit\e  wohlt  sie  pralle 
Wei\engarben;  Holty,  p.  60,  v.  39,  sass  mit  ihm  auf  einer  Wai:{en- 
garbe;  —  Salis,  id.,  v,  45,  bruittlich  hold;  Hôlty,  p.  139,  v.  2,  hold 
iind  brautlicli; —  Salis,  p.  307,  v.  59,  am  Kelch  der  Phantasieen; 
Hôlty,  p.  117,  V.  I,  dein  Kelch,...  Phantasie; — dans  le  poème  intitulé 
a  die  Kinderzeit  »,  Salis  emprunte  évidemment  quelques  traits  à  la 
pièce  de  Hôlty  «  Minnehuldigung  »;  Salis,  p,  276,  v.  10,  ihr  blondes 
Haar,  ...vom  Wiesenplan.,  woliiti  wir  Knaben  kamen  :{um  Màdchen- 
kreis;  Hôlty,  p.  i5  3,  v.  10  (freute  mich),  ihres  blonden  Lockenhaars 
...^  gieng  ein  Alâdchen  auf  dem  Plan.  Non-seulement  les  expressions 
(cp.  Kiihlung  rauschen),  mais  les  sujets  traités  par  Salis  rappellent  à 
tout  instant  la  muse  de  Hôlty;  il  chante,  comme  le  poète  de  Gôttinguc, 
Tenfance  et  ses  plaisirs  innocents,  le  chant  du  rossignol,  la  lune,  les 
charmes  de  la  campagne  et  de  la  solitude;  comme  lui,  il  montre  les 
moissonneuses  revenant  des  champs,  la  faux  sur  Tépaule  et  des  fleurs 
au  chapeau;  comme  lui,  il  fait  l'éloge  des  Landmadchen,  etc.  ;  mais  ce 
n'est  pas  le  lieu  d'insister  ici  sur  ces  imitations  dont  il  serait  aisé  de 
multiplier  le  nombre  ;  il  suffit  de  les  avoir  —  pour  la  première  fois, 
croyons-nous,  —  signalées  à  l'attention. 

Une  des  meilleures  contributions  à  cette  belle  et  vaste  collection 
Spemann  est  l'édition  de  Klopstock  donnée  par  M.  Richard  Hamel. 
Elle  comprend  trois  volumes.  Le  premier  renferme  une  introduction 
de  près  de  deux  cents  pages,  mais  excellente  malgré  sa  longueur;  c'est 
une  biographie  complète  de  Klopstock  et  une  appréciation  presque  tou- 
jours impartiale  de  ses  œuvres;  s'il  y  a  quelque  exagération  dans  la 
comparaison  que  M.  H.  institue  entre  Gœthe  et  Klopstock,  si  l'on  sou- 
rit en  lisant  (p.  cxxviii)  que  «  Klopstock  est  le  roc  solitaire,  autour  du- 
quel Gœthe,  cette  mer  du  monde,  vient  déferler  et  s'étendre  »,  on  ne 
peut  que  louer  le  savoir  immense  que  déploie  l'éditeur  dans  cette  pré- 
face, et  tout  ce  qu'il  dit  de  l'existence  de  Klopstock,  de  son  génie,  de 
son  caractère,  de  sa  Frauenbedûrftigkeit,  de  la  composition,  des  méri- 
tes et  des  défauts  de  la  Messiade,  etc.,  est  fort  remarquable.  Le  texte 
des  sept  premiers  chants  de  l'épopée  religieuse  de  Klopstock  accompa- 
gne, dans  le  premier  volume,  l'étude  de  M.  Hamel  ;  pour  les  chants  I, 
H  et  m,  l'éditeur  donne  en  regard  l'un  de  l'autre  les  deux  textes  de 
1799  et  de  1748.  Le  deuxième  volume  renferme  le  reste  de  l'épopée 
ainsi  qu'une  table  des  matières  qui  sera  fort  utile.  Tous  les  chants  de  la 
Messiade  sont  accompagnés  d'un  commentaire  disposé  au  bas  des  pa- 
ges et  rempli  d'informations  soit  sur  les  passages  correspondants  de  la 


454  RKVUlî   CUlTlQUh; 

Bible  soit  sur  la  langue  du  poète.  On  trouve  dans  le  troisième  volume 
un  choix  des  odes,  des  hj'-mnes,  des  cpigrauimes,  annoté  avec  le  même 
soin  et  la  même  conscience;  mais  il  est  tort  regrettable  qu'on  ait  laissé 
de  côté  des  odes  remarquables  comme  Aganippe  et  Phiala,  die  Ross- 
trappe, der  jetiige  A'?'ieg,  etc.,  et  il  faudra  toujours  revenir  aux  éditions 
précédentes.  Un  quatrième  volume,  également  publié  par  M,  Hamel 
sous  le  litre  Hennanns  Schlacht  iind  das  Bardenwesen  des  XV III. 
JalirJwndçrts,  contient  le  texte  de  la  «  Bataille  d'Hermann  »,  des  poé- 
sies du  jésuite  Denis  (le  barde  Sined),  VUgolino  de  Gerstenberg,  quel- 
ques-uns de  ses  poèmes,  sa  cantate  àWriane  à  Naxos,  le  Skalde  ainsi 
que  le  Rhingulphs  Gesang  ào,  Kretschmann.  Ce  quatrième  volume  est 
terminé  par  un  index  des  mots  les  plus  intéressants  qui  appartiennent 
au  vocabulaire  de  Klospstock  et  des  bardes.  Faut-il  ajouter  que  les  intro- 
ductions qu'on  y  lit  sur  le  chauvinisme  germanique  du  chantre  d'Her- 
mann, sur  sa /^ej^z/^/f^z/e  ^^.s /effre^,  sur  la  vie  de  Denis,  sur  le  rôle 
que  joua  Gerstenberg  dans  le  mouvement  littéraire  de  l'époque,  sont 
aussi  sérieusement  composées  que  celles  des  volumes  précédents  ^? 

Un  volume  spécial,  le  73%  est  consacré  aux  «  fabulistes,  satiriques, 
et  philosophes  populaires  du  xvme  siècle  ».  M.  J.  Minor  y  donne  des 
fables  de  Lichtwer  et  de  Pfefïel,  des  épigrammes  du  caustique  Kastner, 
des  épitres  de  Gockingk  et  des  passages  de  ses  «  chants  de  deux  amants  », 
le  Phédon  de  Mendelssohn  et  de  nombreux  extraits  de  la  Solitude  {a  ue- 
ber  die  Einsamkeit  »)  de  Zimmermann.  Mais  ce  volume  est  surtout 
précieux  par  les  études  que  M.  Minor  a  composées  sur  chacun  de  ces 
cinq  écrivains;  nous  signalons  particulièrement  les  notices  sur  Lichtwer, 
Gockingk  et  Kastner. 

C'est  encore  M.  J.  Minor  qui  publie  dans  le  72»^  volume  de  la  collec- 
tion, sous  le  titre  «  les  amis  de  jeunesse  de  Lessing  »  (Lessing  Jugend- 
freiinde),  le  Richard  III  de  Weisse  et  die  venuandelten   Weiber  oder 
der  Teufel  ist  las  du  même  auteur,  Olint  iind  Sophronia  de  Cronegk, 
ainsi  que  la  suite  de  la  pièce  composée  par  Roschmann,  le  Brutus  de 
Brawe,  et  deux  œuvres  de  Nicolai,  sa  dissertation  sur  la  tragédie  et  sa 
parodie  de  Werther  (Freuden  Werthers  des  Mannes).  On  accueillera 
avec  une  vive  reconnaissance  le  texte,  aujourd'hui  peu  accessible,  de 
la  plupart  des  œuvres  publiées  dans  ce  volume  et  on  lira  avec  autant 
d'intérêt  que  de  profit  les  notices  de  M.  Minor  sur  Weisse,  sur  Cronegk 
et  Brawe,  sur  Nicolai.  L'étude  consacrée  à  ce  dernier  personnage  qui 
joua  dans  le  mouvement  littéraire  du  xvni^  siècle  un  rôle  si  important, 
est  le  premier  travail  d'ensemble  consacré  à  sa  vie  et  à  ses  œuvres;  on 
y  trouve  d'utiles  résumés  et  de  copieux  passages  des  écrits  de  Nicolai  ; 
les   remarques  que   lit  Lessing  sur  la   dissertation  vom   Trauerspiele 
n'ont  pas  été  oubliées  et  annoncent  la  «  Dramaturgie  de  Hambourg.  » 
Lessing,  dont  l'infatigable  M.  Boxberger  entreprend  la  publication, 
comprend  jusqu'à  présent  six  volumes  :  1°  les  poésies,  les  fables  et  les 

I.  46*,  47«  et  48e  volumes. 


DHISlOiUJi    lil     0&    L!l  lÉRATUl'.K  455 

drames  de  Jeunesse,  Le  jeune  savant  et  Les  juîjs;  2°  les  chefs-d'œuvre 
dramatiques;  der  Frcigeist,  dcr  Misogyn,  Miss  Sara  Sampson  et 
Minna  von  Barnliebn;  3"  Nathan  der  IVeise,  Damon,  die  alte  Jungfer; 
4°  le  «  dramatischer  Nachiass  »  ou  les  projets  de  drames  laissés  par 
l'auteur,  les  fragments  de  traductions,  les  remaniements  de  pièces  anté- 
rieures (volume  des  plus  importants);  5"  les  comptes-rendus  et  articles 
publiés  dans  les  Kritische  Nachrichten  et  la  Berlinische  Zeitung; 
6°  Das  Neueste  ans  deni  Reich  des  Wit:;^es,  les  Beitriige  :{ur  Historié 
iind  Aiifnahme  des  Theaters  (dissertation  sur  Plaute,  traduction  des 
Captifs,  critique  de  la  pièce  i). 

Wieland  a  pour  éditeur  M.  PrOhle  qui  donne  dans  le  53^  volume  de 
la  collection  le  texte  de  1'  «  Histoire  des  Abdéritains  »  (Geschichte  der 
Abderiten)  et  dans  le  52"^  ,  VOberon  ainsi  que  divers  récits  et  légendes 
en  vers,  Geron  der  Adelige  -,  das  Wintermùrchen,  das  Sommermlir- 
chen  oder  des  Maultiers  Zawn,  Hann  iind  Gulpenpeh,  Pervonte,  die 
\]  asserkiife,  der  Vogelsang,  Gandalin  et  Schach  Lola.  Le  commen- 
taire de  VObéron  est  très  bref  et  devait  l'être,  vu  la  grosseur  du  volume 
qui  contient  5  38  pages;  mais  sufHsait-il  de  mettre  en  note  que  Schimpf 
(I,  v.  206)  signifie  Spiel?  Ne  fallait-il  pas  dire  que  Acqs  (II,  v.  686)  est 
aujourd'hui  Dax;  que  ventre  gris  (II,  743)  que  M.  Prohle  traduit 
simplement  ^:i.v  pot:[tausend^  rappelle  le  juron  favori  de  Henri  IV? 

La  période  d'orage  (Stiinner  iind  Dranger)  est  représentée  par  trois 
volumes,  le  78%  le  80°  et  le  81^  de  la  collection.  Ce  dernier  renferme 
Golo  imd  Genoveva,  la  Situation  ans  Faiists  Leben,  le  Faun,  la  SchaJ- 
schiir^  le  «  château  de  Heidelberg  »  et  quelques  poésies  du  peintre  Mûl- 
1er  ainsi  qu'un  certain  nombre  de  pièces  de  vers  de  Schubart.  Le  80" 
contient  le  Hofmeister ,  die  Soldaten  et  le  Pandaemonium  germani- 
ciirn,  le  Tantalus,  le  Waldbriider  et  des  poésies  de  Lenz  ainsi  que  la 
Kindermijrderin  et  le  Pronietheiis,  Deucalion  itnd  seine  Recensenten 
de  Henri  Léopold  Wagner.  On  trouve  dans  le  79^  volume  deux  pièces 
de  Klinger,  die  Zwillinge  et  Stiirm  iind  Drang,  son  roman  Fausts 
Leben  Thaten  und  H<Jllenfahrt  et  le  Jv.lius  von  Tarent  de  Leisewitz. 
Ces  trois  volumes  ont  été  publiés  par  M.  A.  Sauer,  dont  Ton  connaît 
la  compétence  spéciale  sur  cette  partie  de  la  littérature  allemande;  aussi 
est-il  inutile  d'ajouter  que  ses  introductions  sur  le  peintre  Millier, 
Schubart,  Lenz,  M.  L.  Wagner,  Klinger  et  Leisewitz,  sont  dignes  de 
tous  les  éloges.  On  regrettera  qu'il  n'ait  pu  reproduire  les  «  Remarques 
sur  le  théâtre  »  de  Lenz,  des  extraits  de  la  Deutsche  Chronik  ou  de 
l'autobiographie  de  Schubart  ou  encore  la  Geschichte  eines  Deuischen 
ue  Klinger  ;  mais  il  fallait  se  borner  et  ne  donner  que  le  ilessus  du  pa- 
nier; en  tout  cas,  l'introduction  du  volume  consacré  à  Klinger  et  à 

1.  58",  59"^,  60e  et  bi*=  volumes. 

2.  P.  265,  V.  io53,  faut-il  entendre  «  sicii  enihiclt  »  dans  le  sens  de  «  sicli  auf- 
hielt  »,  comme  le  veut  l'éditeur?  Wieland  veut  dire  que  le  chevalier  —  non  pas 
séjournait  —  mais  se  renfermait  dans  la  solitude. 


456  REVUE   CRITIQUE 

Leisewitz  est  le  meilleur  tableau  d'ensemble  qu'on  ait  encore  sur  la 
période  d'orage,  et  le  jeune  écrivain  a  marqué  plus  nettement  et  plus 
complètement  que  ses  devanciers  le  but,  les  moyens,  les  tendances  de 
cette  grande  révolution  littéraire. 

M.  Sauer  publie  également,  en  deux  volumes  (n°  78)  les  poésies  de 
Biirger.  L'introduction  qui  précède  le  premier  tome,  est  d'un  grand 
prix  et  peut  être  regardée  comme  la  meilleure  notice  qui  ait  encore 
paru  sur  l'auteur  de  la  Le/zore;  l'auteur  a  consulté  non-seulement  les 
biographies  d'Althof  et  de  Dôring,  mais  les  travaux  de  Daniel  et  de  Gô- 
deke  et  il  a  tiré  le  meilleur  parti  de  la  correspondance  publiée  en  quatre 
volumes  par  Strodtmann  (1874).  Il  n'a  pu  faire,  à  cause  du  manque 
d'espace,  de  nombreuses  remarques  sur  le  style  et  la  langue  du  poète. 
Mais  il  s'est  surtout  efforcé,  en  s'aidant  du  dictionnaire  de  Grimm  et  du 
lexique  de  Schambach,  de  mettre  en  relief  dans  son  commentaire  les 
mots  bas-allemands  que  Bûrger  employait  volontiers  et  qu'il  nommait 
si  bien  raiih,  nervig  iind  knollig. 

Les  œuvres  de  Schiller  sont  publiées  par  M,  Boxberger.  Deux  volu- 
mes ont  déjà  paru,  le  120^  et  le  128°  de  la  collection.  Le  premier  renferme 
les  Brigands  et  Fiesco;  le  second  Cabale  et  amour  et  don  Carlos. 
Boxberger  a  joint  au  texte  de  la  première  édition  le  texte  des  remanie- 
ments scéniques,  des  Bûhnen-bearbeitungen  ou  Theater-Ausgaben.  On 
remarquera  surtout  le  commentaire  des  Brigands  où  se  trouvent  l'ex- 
plication de  nombreux  mots  souabes,  des  rapprochements  avec  le 
Siegwart  de  Miller,  les  pièces  de  Shakespeare,  la  Bible,  etc.  Les  intro- 
ductions sont  tort  intéressantes,  particulièrement  celle  des  Brigands  et 
celle  de  don  Carlos  où  M.  Boxberger  a  reproduit  la  traduction  alle- 
mande, parue  en  1784,  du  don  Carlos  de  Saint-Réal;  ajoutons  qu'il 
donne  encore  le  premier  texte  du  don  Carlos  publié  dans  la  Thalia. 

La  publication  des  œuvres  de  Jean  Paul  a  été  naturellement  confiée 
à  M.  Paul  Nerrlich.  Le  premier  volume,  le  seul  qui  ait  encore  paru  1 
contient,  outre  une  étude  complète  sur  l'écrivain,  les  petits  écrits, 
Kleine  Schriften,  relatifs  à  la  philosophie  et  à  la  religion,  entre  autres 
l'essai  «  sur  la  sottise  »  et  la  «  comparaison  de  l'athéisme  et  du  fana- 
tisme »  et  les  satires  et  idylles^  au  nombre  de  six,  parmi  lesquelles  le 
voyage  du  recteur  Florian  Fillbel  au  Fichtelberg  et  la  vie  du  petit  maî- 
tre d'école  Marie  Wuz  à  Auenthal. 

Nous  entrons  dans  le  xix"  siècle.  Le  i  5o^  volume  de  la  collection  ren- 
ferme les  récits  et  œuvres  mêlées  (Er^ahlungen,  vermischte  Schriften) 
de  Henri  de  Kleist.  11  est  publié  par  M.  Théophile  Zolling.  On  y  trouve 
les  récits  suivants:  die  Marquise  von  O...;  Michael  Kohlhaas  ;  die 
Verlobung  in  Sanct  Domingo;  die  heilige  Càcilie ;  der  Findling ; 
derZweikampf,  ainsi  qu'un  recueil  d'articles  et  d'études  de  H.  deKleist 
relatifs  à  la  philosophie,  à  l'art,  à  la  politique,  etc.  On  remarquera  dans 
cette  dernière  partie  du  volume  l'essai  sur  «  l'art  de  trouver  le  chemin 

I .  I  So"  volume  de  la  collection. 


d'histoire  et  de  littérature  457 

du  bonheur  »  qui  est  en  grande  partie  inédit,  les  articles  destinés  par 
Kleist  à  la  Germania  et  surtout  la  lettre  de  cet  officier  de  la  région 
rhénane  qui  veut,  quoiqu'il  combatte  contre  les  Allemands,  être  cepen- 
dant bon  patriote;  celle  d'une  demoiselle  de  la  Marche  qui  épouse  un 
officier  français,  un  Ventidius;  celle  du  bourgmestre  d'une  forteresse  à 
un  employé  subalterne. 

Le  i5i''  volume,  dont  l'éditeur  est  M.  J.  Minor,  s'occupe  du  Schick- 
salsdrama  et  renferme  les  pièces  les  plus  importantes  de  Zacharias 
Werner,  Martin  Luther  et  ce  Vingt-quatre  février  qui,  selon  le  mot 
de  M^^  de  Staël,  transporte  la  destinée  funeste  de  la  famille  des  Atrides 
chez  des  hommes  du  peuple,  mais  où  Ton  doit  admirer  moins  le  sujet 
du  dram.e  que  la  couleur  poétique  et  la  gradation  des  motifs  tirés  des 
passions;  de  Miillner,  le  Vingt  neuf  février  et  la  Faute;  de  Houwald, 
le  Phare  («  der  Leuchtthurm  i>).  Les  introductions  sont  telles  qu'on 
pouvait  les  attendre  de  M.  Minor,  aussi  instructives  qu'attachantes, 
sobres,  mais  remplies  de  détails  curieux  et  de  vues  ingénieuses;  un  vo- 
cabulaire, placé  à  la  fin  du  volume,  en  rehausse  la  valeur. 

C'est  encore  M.  Minor  qui  réimprime  dans  le  144"  volume  de  la  col- 
lection un  choix  des  œuvres  de  Tieck.  Ce  volume  contient  trois 
écrits  du  romiantique;  der  gestiefelte  Kater,  Liebesgeschichte  der 
schvnen  Magelone,  Leben  iind  Tod  der  heiligen  Genoveva.  Il  est 
précédé  d'une  étude  sur  ce  «  maître  du  coloris  pittoresque  et  de  l'accent 
musical,  dont  l'imaginaiion  était  plus  décorative  que  créatrice  et  qui 
avait,  sinon  la  profondeur,  du  moins  une  finesse  d'esprit  inépuisa- 
ble. » 

Deux  volumes  (n"  142),  sont  consacrés  à  Hebel.  Ils  ont  été  publiés 
par  M.  O.  Behaghel.  Le  premier  renferme  une  longue  et  très  belle  no- 
tice sur  Hebel,  une  bibliographie  soignée  et  complète  de  ses  œuvres,  et  le 
texte  des  Poésies  alemanni eues  accompagné  d'un  glossaire  ^  ;  le  second, 
le  Schat:{kustlein  des  rheinischen  Hausfreundes.  C'est  un  des  meil- 
leurs tomes  de  la  collection. 

Citons  enfin  l'amusante  Jobsiade  de  Kortum,  que  M.  Bobertag  publie 
dans  le  140"^  volume  de  la  collection  Spcmann.  Ce  poème  burlesque  qui 
décrit  avec  vérité  la  vie  des  Spiessbûrger  et  ào-s^  philistins'»  d'autrefois, 
des  savants  et  des  pédantesques  théologiens  de  la  vieille  Allemagne,  a 
été  reproduit  avec  toutes  ses  gravures  originales.  M.  Bobertag  donne  en 
tête  du  poème  quelques  extraits  des  imitateurs  et  successeurs  de  Kortum, 
de  Ratschky  (Melchior  Striegel),  de  PriUzel  (Feldherrnrànke),  de  San- 
der  (H ans  Sachs). 

On  voit  que  la  collection  Spemann  mérite  de  nombreux  lecteurs 
et  qu'elle  ne  doit  manquer  dans  aucune  de  nos  grandes  bibliothèques. 
Elle  vaut  surtout,  à  notre  avis,  par  ses  introductions.  Le  directeur, 
M.  Kûrschner,  a  su  choisir  ses  collaborateurs.  Il  y  a  dans  les  études 

I.  Et  d'une  petite  carte  très  nette  «  der  Schauplatz  von  Hebels  Gedichten  und 
Geschichten.  » 


458  REVUrC    CRITIQUE 

qui  précèdent  les  volumes  parus  jusqu''ici,  beaucoup  de  choses  intéres- 
santes et  neuves.  Les  chapitres  qui  traitent  de  la  bibliographie,  sont 
exacts  et  complets.  Les  commentaires  sont  inégaux,  tantôt  bons,  tantôt 
passables  ;  mais  ils  rendront  tous  ou  presque  tous  d'importants  services. 
On  regrettera  que  Féditcur  procède  trop  souvent  par  extraits;  mais  on 
ne  doit  pas  oublier  qu'il  fait  connaître  des  textes  devenus  rares  et  parfois 
inédits.  Enfin  l'exécution  est  admirablement  soignée;  des  portraits,  des 
fac-similés,  les  titres  et  les  illustrations  des  éditions  originales  accom- 
pagnent chaque  volume;  à  tous  égards,  la  collection  Spemann  est  di- 
gne des  louanges  que  la  presse  allemande  lui  a  décernées,  dès  son  appa- 
rition, et  nous  la  recommandons  de  tout  cœur  à  tous  les  amis  de  la 
littérature  allemande,  mais  en  leur  conseillant  de  n'acheter  que  des  vo- 
lumes reliés. 

A.  Chuquet. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  -  M.  Hartwig  Derenbourg  vient  de  publier  chez  Leclerc  et  Maison- 
neuve  un  texte  arabe  de  la  plus  haute  importance  :  c'est  la  seconde  partie  de  la 
grammaire  arabe  connue  sous  le  nom  du  Livre  par  excellence  et  que  son  auteur, 
Sîbawaihi,  un  Persan,  a  composée  vers  770  de  notre  ère.  Le  premier  volume,  qui  a 
paru  en  1881,  a  été  apprécié  dans  cette  Revue  par  Stanislas  Guyard  ;  il  se  rapporte 
à  la  syntaxe.  Cette  fois,  M.  H.  Derenbourg  nous  donne  la  théorie  des  formes  et  les 
premiers  chapitres  de  la  phonétique.  Un  dernier  fascicule  contiendra  la  fin  de  la 
phonétique  et  une  introduction  étendue. 

—  M.  Gasté  a  commencé  dans  le  n»  2  des  Annales  de  la  Faculté  des  lettres  de 
Cacn  (Paris,  Leroux)  la  publication  et  la  correspondance  de  Huet,  évêque  d'Avran- 
ches,  et  du  P.  Martin,  gardien  du  couvent  des  Cordeliers  de  Caen,  d'après  les  origi- 
naux (Biblioth.  Nat.  n»  15192,  fonds  fr.  n»  1016  bis  S.  F.).  M.  Gasté  sera  très 
obligé  aux  personnes  qui  posséderaient  des  lettres  du  P.  Martin  à  Huet  ou  de  Huet 
au  P.  Martin,  de  vouloir  bien  les  lui  communiquer. 

—  La  deuxième  édition  des  Etudes  et  souvenirs  de  M.  le  comte  de  Falloux  vient 
de  paraître  à  la  librairie  Perrin  (librairie  académique  Didier.  In-B»,  4i3  p.)  et  ren- 
ferme les  études  et  discours  suivants  :  Olivier  de  Serres  ;  la  Saint-Barthélémy'  ; 
Antoine  Parmentier  ;  Madame  de  Pastoret ;  la  sœur  Rosalie  ;  discours  de  réception 
à  V Académie  française  (1857);  Le  comte  Jules  de  Rességuier  ;  Dix  ans  d'agriczd- 
ture ;  La  musique,  jS65  et  iSOû  ;  L'agriculture  et  la  politique,  1866;  Discours 
pour  l'inauguration  de  la  statue  de  Rotrou  (1867);  Discours  sur  les  prix  de  vertu 
(1867);  Le  comte  de  Quatrebarbes ;  Discours  sur  la  liberté  religieuse;  L'évéque 
d'Orléans  et  l'abbé  Lagrange. 

—  Les  fascicules  g- 10  de  la  Ga:^ette  archéologique,  publiée  par  les  soins  de 
MM.  DE  WiTTE  et  DE  Lasteyrie,  viennent  de  paraître.  Sept  planches  accompagnent 
le  texte  dont  voici  la  composition  :  Edmond  Pottier,  Lécythes  à  fond  blanc  et  à 
fond  bistre  du  Cabinet  des  Médailles.  Il  s'agit  de  peintures,  de  scènes  surtout  funé- 


d''histoîke  et  de  littérature  j^Sq 

raires,  dont  quelques-unes  remarquables.  —  A.  Odobesco,  Coupe  d'argent  de  la 
déesse Nana-Anat  (i''^'  article).  —  Louis  de  Laigue  :  Génie  funèbre,  marbre  décou- 
vert à  Rome.  —  Georges  Durand  :  Croix  provenant  du  Paraclet,  conservée  à  la  ca- 
thédrale d'Amiens.  Remarquable  pièce  d'orfèvrerie  du  xuie  siècle. —Ch.  de  Linas: 
Le  dyptique  de  saint  Nicaisc  au  trésor  de  la  cathédrale  de  Tournai,  œuvre  des  pre- 
mières années  du  xi«  siècle.  —  H.  Thédenat  et  A.  Héron  de  Villefosse  :  Les  tré- 
sors de  vaisselle  d'argent  trouvés  en  Gaule.  Fin  de  ces  notices  importantes. 

GRECE.  —  Vient  de  paraître  chez  Constantinides  une  Ms^â^'O  'EAAr,vr/,-})  Tp3!.\J- 
[j.ixTiiy.ri  vqç,  'Az-'.y.rit,  -£'CoYpaçt/,%  otaXé-ATOU  U7:b  Fôiop-fCou  A.  7yqvdoyj  (i«83), 
dont  les  rpaiJ.ij.aTaat  lia.py.Tr,priai'.ç  d;  vrjV  àpydcnv  ï}Xr^vv/:qv  (xù-ot;  IîaXrf(e- 
VîCÎX:;  i8y5)  avaient  été  annoncés  dans  la  Revue  critique. 

—  Deux  importantes  publications  ont  commencé  à  paraître  par  livraisons  :  i^Une 
Histoire  grecque  depuis  les  temps  les  plus  reculés  jusqu'au  règne  du  roi  Othon, 
par  Sp.  P.  Lambros  chez  l'éditeur  Beck.  Deux  livraisons  ont  déjà  paru.  L'ouvrage 
entier  formera  trois  volumes  in-S»  de  loo-i  lo  feuilles  typographiques  en  tout.  (Prix 
de  chaque  livraison,  i  drachme);  2»  une  traduction  grecque  due  à  M.  N.  G.  Politis 
de  l'ouvrage  allemand  de  Falke  VHellas,  chez  K.Wilberg.  La  traduction  de  M.  Po- 
litis, ornée  des  mêmes  illustrations  et  dans  le  même  format  que  l'original,  s'im- 
prime à  Leipzig,  chez  Teubner.  L'ouvrage  entier  sera  publié  en  25  livraisons,  dont 
la  première  vient  de  paraître  (Prix  de  chaque  livraison  :  dr.  1,70  pour  l'étranger). 

—  On  annonce  chez  Constantinides  une  nouvelle  édition  de  V Histoire  grecque  de 
M.  Paparrigopoulos. 

rURQ_UlE.  —  Le  Sylloguc  littéraire  grec  de  Conslaniinople  se  prépare  à  célébrer 
le  vingt-cinquième  anniversaire  de  sa  fondation  par  un  congrès  scientifique  devant 
avoir  lieu  du  28  août  au  7  septembre  1886,  et  auquel  sont  invités  tous  ceux  qui  s'in- 
téressent aux  lettres  grecques.  On  sait  que  le  syllogue  est  une  société  sérieuse  ayant 
pour  but  la  culture  des  lettres  et  des  sciences  en  Orient  :  il  a  publié  plusieurs  volu- 
mes de  mémoires  dans  lesquels  on  trouve  beaucoup  d'inscriptions  grecques  inédi- 
dites,  des  travaux  intéressants  sur  les  dialectes  populaires  de  la  Grèce  moderne,  etc. 
Nous  engageons  nos  hellénistes  à  profiter  de  cette  occasion  pour  aller  faire  un  tour 
en  Orient  et  constater  par  eux-mêmes  l'immense  progrès  accompli  depuis  une  cin- 
quantaine d'années.  Toute  demande  se  rapportant  au  Congrès  doit  être  adressée  au 
docteur  Héroclès  Basiadès,  président  du  comité  d'organisation,  ou  à  M.  Télémaque 
Carathéodory,  secrétaire  du  Comité,  au  siège  du  syllogue,  iS,  rue  Topchilar,  Péra, 
Constantinople. 


ACADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  27  novembre  iSS^. 

:M.  de 


ravee  sur 

ques.  c.est  une  epitaphe,  dont  le  texte,  très  mutilé,  offre  des  fragments  mêlés  de 
prose  et  de  vers.  —  M.  Le  Blant  envoie,  en  outre,  de  la  part  du  P.^dePeis,  religieux 
DainaDite,  lempremtedu  chaton  d'un  anneau  d'or  trouvé  dans  un  sarcophage  païen 
ae  la  vigna  Jacobini,  sur  la  via  Portuense.  La  figure  qui  y  est  gravée,  a  "excité  quel- 
que intérêt,  parce  qu'on  a  cru  y  reconnaître  une  de  ces  représentations  connues,  dans 
1  artneoiogie  chrétienne,  sous  le  nom  d'orantes.  M.  Le  Blant  y  voit,  au  contraire, 
une  image  purement  païenne,  celle  de  la  déesse  carthaginoise  Tanit. 


460 


RKVUE    CRITIQUE   d'hISTOIKE    ET    DE    LITTÉRATURE 


M.  Ravaisson  termine  la  seconde  lecture  de  son  mémoire  sur /es  Monuments  rela- 
tifs à  la  légende  d'Achille. 

M.  Bréal  présente  la  première  partie  des  Inscriptions  sanscrites  du  Cambodge,  re- 
cueillies par  M.  Aymonier  et  publiées  par  M.  Barth,  avec  le  concours  de  MM.  Ber- 
gaigne  et  Senart,  membres  de  l'Académie,  dans  la  collection  des  Notices  et  Extraits 
des  manuscrits.  Ces  inscriptions  apportent  des  éléments  tout  nouveatix  à  l'histoire 
de  l'Inde;  c'est  la  première  fois  qu'on  rencontre,  dans  un  pays  de  civilisation  in- 
dienne, un  grand  nombre  de  documents  datés  avec  précision.^  Les  inscriptions  les 
plus  anciennes  sont  du  commencement  du  vu"  siècle  de  notre  ère,  les  plus  récentes 
de  la  fin  du  xi*.  La  région  où  elles  ont  été  recueillies  comprend  le  Cambodge  actuel, 
le  Laos,  une  partie  du  royaume  de  Siam.  On  a  un  texte  du  vii«  siècle  où  est  cité  le 
Râmayana  :  un  personnage  institue  des  lectures  publiques  quotidiennes  de  ce  poème, 
ui  doivent  avoir  lieu  dans  un  sanctuaire,  et  y  convie  les  fidèles.  C'est  la  première 
onnée  certaine  que  l'on  possède  sur  l'ancienneté  du  Râmayana.  Cette  publication  de 
premier  ordre,  qui  fait  le  plus  grand  honneur  à  la  science  française,  déterminera 
sans  doute  une  réaction  contre  un  mouvement  qui  s'est  prononcé  dans  ces  derniers 
temps,  et  qui  tend  à  attribuer  une  date  trop  récente  à  la  plupart  des  monuments  de 
la  littérature  et  de  la  civilisation  indienne. 

L'Académie  se  forme  en  comité  secret. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Desjardins,  au  nom  de  M.  Miller  :  Journal  de  la 

première  expédition  de  la  flotte  grecque  ;  —  par  M.  Georges  Perrot  :  H.  Sculiemann, 

Tyrins ;  —  par  M.  Schefer  :    le  Livre  de  Sîbawaihi,  publié    par   Hartwig  Deren- 

BouRG,  t.  II,  !'■«  partie;   —  par  M.    Delisle  :  Jules  Loiselkvr,  V  Université  d'Orléans 

pendant  sa  période  de  décadence. 

Julien  Havet. 


3 


SOCIÉTÉ  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE 


Séance  du  18  Jiovembre  iS8^. 

PRÉSIDENCE   DE    M.  COURAJO0 

Lecture  d'une  lettre  d'un  associé  correspondant  qui  signale  de  nouveaux  actes  de 
vandalisme  commis  au  Kef  (Tunisie)  ;  une  intéressante  inscription  romaine  qu'il 
avait  lui-même  découverte  vient  d'être  détruite  par  un  entrepreneur  de  travaux  pu- 
blics ;  les  colonnes  du  temple  situé  entre  les  portes  Cherfine  et  Bel-Ani  n'ont  pas 
été  respectées  davantage;  elles  sont  actuellement  débitées  en  petits  cubes.  Cette 
communication  produit  une  visible  impression  sur  les  assistants;  un  membre  rap- 

....  .  .....     :-..    ^ 


mentionnées   par  un  seul  mot  dans  le   projet  de  loi;  il   est  indispensable   qu'une 
clause  formelle  à  cet  effet  y  soit  introduite. 

M.  Corroyer  présente  des  statuettes  en  bois  qui  portent  pour  marque  une  main 
frappée  au  fer  rouge;  il  y  voit  un  indice  d'origine  flamande. 

iM.  Ch.  Robert  lit  une  note  sur  un  triens  mérovingien  inédit  portant  les  légendes 
VIGENIANA  CIVI  et  ITVANINI  NONIT,  et  fait   observer  que  le  nom  de  Vienne 
en  Dauphinéest  toujours,  sauf  une  exception,  orthographié  VIENNA,  sans  g. 
_  M.  Saglio  fait  circuler  des  photographies  des  verrières  peintes  de  Guillaume  Mar- 
cillat  (xvi«  siècle)  dont  la  vente  aura  lieu  à  Paris. 

M.  Mowat  communique  des  lampes  en  terre  cuite  paraissant  provenir  de  Syrie  et 
remonter  au  iv«  siècle  de  notre  ère;  elles  portent  des  inscriptions  chrétiennes  inou- 
lées  en  relief,  l'une  IHGOÏ  BOII10EI1,  l'autre  EVAOriA  KVPïOr  fs/c;. 

Le  Secrétaire, 
R.  MoWAT. 


Err.vtum.  —  P.  412,  1.  20,  en  remontant  :  au  lieu  de  swastitras-fibiiles  lire  swas- 
tikas-flbulcs. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 


Le  Fuv,  imprimerie  Marchessou  Jils,  boulevard  Saint-Laurent,  2. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISIOIRE    El    DE    LITTÉRATURE 

No  50  -  14  décembre  —  1885 

Sommaire  t  226.  Winkler,  L'ouralo-altaïque  et  ses  groupes.  —  227.  I.  Mûller, 
Manuel  d'antiquité  classique,  II,  2.  —  228.  Les  mystères  d'York,  p.  p.  L.  T. 
Smith.  —  229.  Mention,  Le  comte  de  Saint-Germain  et  ses  réformes.  —  Aca- 
démie des  Inscriptions.  —  Société  nationale  des  Antiquaires  de  France. 


226.  —  Das    Uralaltalscbo    und    seine   Gruppen,    von   Heinrich  Winkler. 
Erste  und  Zweite  Lieferung.  Berlin,  F.  Dûmmler,  i885.  ln-8,  184.  pp. 

M.  Winkler  publie  sous  ce  titre  la  première  moitié  d'un  ouvrage  di- 
visé en  quatre  parties  :  i"  le  type  ouralo-altaïque  en  général;  2°  le 
le  groupe  finnois;  3°  les  groupes  samoyède,  turc,  tongouse  et  mongol; 
4"  le  japonais.  L'auteur  nous  promet  à  très  bret  délai  la  IIP  livraison. 
Quant  à  la  IV®,  qui  sera  de  beaucoup  la  plus  neuve  et  la  plus  intéres- 
sante, nous  devrons  l'attendre  quelque  temps  encore,  heureux  si  M.  W. 
mène  à  bien  sa  difficile  entreprise  et  réussit  à  faire  entrer  dans  le  cadre 
des  groupes  ouralo-altaiques  une  langue  jusqu'à  présent  rebelle  à  tout 
essai  de  classification. 

C'est  bien  une  grammaire  comparée,  encore  qu'il  s'en  défende  dans 
sa  préface,  que  nous  donne  M.  W.,  mais  une  grammaire  réduite  aux 
proportions  sommaires  que  comporte  l'état  actuel  des  connaissances 
ouralo-altaïques,  et  d'où  la  recherche  des  racines  a  été  systématique- 
ment écartée.  Sage  réserve;  car  une  étude  méthodique  de  l'étymologie 
ouralo-altaïque  semble  à  peu  près  impossible,  en  tout  cas  prématurée. 
Tout  porte  à  croire  que  les  langues  de  cette  famille  ont  vécu,  longtemps 
encore  après  leur  séparation  du  tronc  commun,  dans  un  état  analogue  à 
celui  des  idiomes  d'Afrique  ou  d'Océanie,  où  le  vocabulaire  se  modifie, 
comme  on  sait,  d'une  génération  à  l'autre  avec  une  extrême  facilité. 
D'autre  part,  elles  se  sont  trouvées  de  bonne  heure  en  contact  avec 
diverses  langues  indo-européennes  ou  sémitiques,  auxquelles  chacune 
d'elles  a  pu  emprunter  isolément  une  multitude  de  mots  plus  ou  moins 
déformés,  jusqu'à  des  noms  de  nombre,  si  l'on  en  croit  les  apparen- 
ces '.  En  présence  d'un  tel  chaos,  l'analyse  attentive  des  formes  gramma- 


I.  Le  système  finnois  commun  étant  septiroal,  il  est  difficile  de  ne  pas  soupçonner 
une  influence  étrangère  dans  l'adoption  du  système  décimal  par  chacune  des  lan- 
gues du  groupe  finnois  :  dès  lors,  le  magyar  ti^  et  le  permien  das  «  dix  »  (p.  iio) 
peuvent  for  bien  avoir  été  pris,  l'un  au  latin  vulgaire  des  bords  du  Danube,  l'autre 
à  quelque  langue  éranienne.  Les  rapprochements  lexicologiques  de  M.  Anderson 
sont  probants  à  cet  égard  pour  le  finnois,  bien  qu'il  en  ait  tiré  une  conclusion  abu- 
sive. Inutile  de  rappeler  les  emprunts  si  nombreux  du  turc  ottoman. 

Nouvelle  série,  XX.  5o 


462  REVUE    CIUTIQUE 

licales  demeure  l'unique  ressource  du  linguiste.  Néanmoins  il  serait 
regrettable  que  cette  proscription  de  l'étymologie  l'amenât  à  négliger 
complètement  la  recherche  des  lois  phonétiques,  à  laquelle  M.  W.  eût 
pu  sans  inconvénient  faire  une  part  plus  large  et  s'efforcer  de  donner 
une  forme  plus  précise.  Je  songe  notamment  aux  équivalences  un  peu 
vagues  de  la  p.  72. 

Mais  on  a  déjà  vu  '  que  l'auteur  envisage  plus  volontiers  dans  la  lan- 
gue le  côté  psychologique  que  le  côté  matériel.  Sur  le  terrain  qu^il  s'est 
choisi  on  peut  le  suivre  en  toute  confiance  :  son  érudition  est  étendue, 
sa  méthode  sûre,  ses  analyses  fines  et  pénétrantes,  et,  si  telles  de  ses 
idées  sont  discutables  (il  s'en  rend  parfaitement  compte  lui-même),  il 
n'en  est  pas  une  qui  ne  mérite  une  discussion  approfondie.  Il  dégage 
avec  netteté  les  traits  essentiels  et  distinctifs  de  Pouralo-altaïsme,  dé- 
compose avec  une  minutieuse  précision  le  mécanisme  compliqué  de  ses 
agglutinations  (pp.  36,  52,  164,  pass.),  insiste  avec  raison  sur  le  carac- 
tère absolument  nominal  de  sa  conjugaison  (p.  i5o],  caractère  bien 
connu  sans  doute,  mais  qu'on  est  toujours  tenté  d'oublier,  tant  il  répu- 
gne à  nos  habitudes  et  à  notre  tournure  d'esprit,  et  justifie  pleinement 
enfin  dans  tout  le  cours  de  l'ouvrage  Texcellente  définition  de  la  p.  5i, 
où  la  syntaxe,  la  formation  des  mots,  la  composition  et  la  flexion  ou- 
raloaltaïques  nous  apparaissent  comme  les  modes  d'un  seul  et  même 
procédé  intellectuel.  Là  où  il  se  sépare  du  maître  es  études  finnoises, 
M.  Donner  (pp.  90,  99,  pass.),  il  défend  ses  opinions  avec  autant  de 
modération  que  de  termeté,  et  une  polémique  ainsi  conduite  pour  le 
plus  grand  profit  de  la  science  fera  également  honneur  aux  deux  ad- 
versaires. 

Je  soumettrai  maintenant  à  l'auteur  quelques  observations  de  détail. 

—  Dire  que  «  s  primitif  devient  s:{  magyar  »  (p.  62),  c'est  dire  quMl  ne 
change  pas,  puisque  5{  magyar  est  simplement  le  signe  graphique  de  la 
spirante  dentale  sourde.  —  M.  W.  pense  (pp.  2  et  63)  que  les  sourdes 
primitives  ont  pu  se  transformer  en  sonores  à  la  fin  des  mots,  parce 
que,  l'accent  reposant  toujours  sur  la  première  syllabe,  les  dernières 
étaient  prononcées  avec  une  moindre  énergie.  Au  contraire,  on  remar- 
que dans  un  grand  nombre  de  langues  indo-européennes  une  tendance 
incontestable  à  faire  permuter  en  sourdes  les  sonores  finales.  Si  ces 
deux  observations  pouvaient  être  généralisées,  elles  constitueraient  entre 
les  deux  familles  un  critérium  phonétique  qui  ne  serait  pas  sans  valeur. 

—  La  réduplication  turco-mongole  {sap-sari^  tout  jaune,  bom-bo:{,  tout 
vide,  etc.,  p.  47)  ne  se  rapproche  de  la  réduplication  indo-européenne 
que  si  l'on  restitue  celle-ci  comme  l'entendaient  Bopp  et  Schleicher, 
c'est-à  dire  en  admettant  la  répétition  au  moins  partielle  de  la  syllabe 
radicale,  soit  *vid-vaid-ta  ou  *vi-vaid-ta  (tu  as  vu).  Mais  aujourd'hui 
Ton  tend  à  identifier  la  réduplication  primitive  avec  celle  qu'a  conser- 

I.  Cf.  H.  Winkler,  Uralaltaische  Vœlker  und  Sprachen,  et  Rev.  dit.,  nouv.  sér. 
t.  XIX,  pp.  3o3  sqq. 


o'HISTOIRK    tCT    DI'     r.IITKR ATUHB  403 

vée  ]a  conjugaison  grecque,  et  à  y  reconnaître  ia  simple  répétition  de  la 
consonne  initiale  toujours  suivie  dun  e,  so\x*we-n'oid-ta.  Il  n'y  a  donc 
point  parité.  —  L'explication  du  magyar  nap-ja-i-m  «  mes  jours  » 
(p.  I  3o)  par  «  jour-celui-plusieurs-mien  ».  où  l'affixej^,  ordinairement 
possessif  de  3*"  personne,  jouerait  le  rôle  d'un  simple  déterminatif,  ne 
me  satisfait  pas  entièrement.  Ne  serait-ce  point  ici  un  de  ces  cumuls 
d'affixes  dont  les  exemples  abondent  dans  toutes  les  langues  puissam- 
ment agglutinantes?  On  sait  combien  l'homme  primitif  ou  l'enfant  est 
porté  à  parler  de  lui-même  ù  la  3®  personne;  et,  pour  que  napja  «  son 
jour  »  puisse  signifier  «  mon  jour  »,  il  suffit  que  l'homme  qui  le  pro- 
nonce se  frappe  la  poitrine.  Au  surplus,  une  locution  du  genre  de 
magam  napja  «  personne-mienne  jour-sien  »  (mon  jour)  n'a  rien  que 
de  conforme  au  génie  de  la  langue  magyare,  et  de  là  à  magam  napjai, 
puis  à  napjaim  tout  court,  la  transition  par  voie  d'analogie  est  aisément 
concevable. 

Je  voudrais  encore  chercher  à  M.  Winkler  une  petite  querelle  sur  ses 
transcriptions  sanscrites.  Je  passe  condamnation  sur  l'absence  de  types 
à  accent  circonflexe,  qui  le  force  à  remplacer  une  longue  par  deux  brè- 
ves et  à  écrire  des  mots  aussi  bizarres  que  abhuiit,  babhuiiva^  et  même 
babhiiuvee  {p.  i6o)  bien  que  le  sanscrit  n'ait  pas  d'e  bref.  Mais  je  ne 
saurais  digérer  l'abominable  dschitakrodha  (p.  43),  où  quatre  lettres 
latines  sont  employées  à  rendre  inexactement  un  seul  signe  sanscrit. 
Le  j  est,  si  je  ne  me  trompe,  presque  universellement  admis  comme 
représentant  de  l'explosive  palatale  sonore. 

L'impression  est  fort  correcte.  Je  signale  (p.  i3i,  I,  7)  magy,  tora, 
lire  tsora. 

V.  Henry. 


227.  —  llandbucli  dei"  Kla^^îsclien  Altcrf liuinswis,sensciiart,  heraus- 
gegeben  von  D""  Iwan  Mulleu.  Zweiter  Haibband,  2.  Hœlfte  von  Band  II. 
Nœrdlingen,  Beck'sche  Buchandlung,  i883,  335  p.  Grand  in-8. 

Nous  avons  annoncé  il  y  a  peu  de  temps  {Revue  du  5  oct.  i883)  le  pre- 
mier fascicule  du  second  volume  du  Handbuch ;  ce  volume  est  aujour- 
d'hui terminé  et  forme  un  grand  in-8*^  de  624  p.  Le  second  fascicule 
contient  la  fin  de  la  syntaxe  latine  par  M.  Schmalz,  avec  une  exposi- 
tion succincte  de  la  stylistique,  la  lexicographie  grecque  et  latine  par 
MM.  Autenrieth  et  Heerdegen,  la  rhétorique  des  Grecs  et  des  Romains 
par  M.  Volkmann,  la  métrique  et  la  musique  par  M.  Gleditsch,  enfin 
des  addenda  et  des  corrigenda  au  volume  tout  entier. 

1.  La  syntaxe  de  M.  Schmalz  est  fort  intéressante,  plus  concise  et 
plus  complète  à  bien  des  égards  que  celle  de  M.  Drager.  Je  ne  vois  pas 
bien  pourquoi  certaines  questions,  comme  celle  du  pronom  réfléchi, 
sont  renvoyées  à  la  stylistique,  alors  que  l'usage  des  prépositions,  par 


464  RKVUE    CRITIQUE 

exemple,  est  étudié  dans  la  syntaxe.  Un  bon  paragraphe  (p.  394  à  401) 
est  consacré  à  la  corruption  de  la  langue  latine,  aux  grécismes,  aux 
archaïsmes  et  aux  néologismes;  un  autre  (p.  385  à  Sgo)  concerne  Tor- 
dre des  mots.  M.  S.  y  cite  la  thèse  de  M.  Weil,  dans  l'édition  de  1844, 
mais  il  ne  paraît  pas  l'avoir  lue,  car  il  n'en  a  rien  tiré,  pas  même  la 
distinction  fondamentale  entre  l'ordre  des  mots  et  l'ordre  syntaxique. 
On  pourrait  contester  çà  et  là  quelques  assertions,  par  exemple  (p.  401) 
que  la  manière  d'écrire  de  Quinte  Curce  est  so  schvuiilstig  iind  ùber- 
trieben  als  mijglich,  et  compléter  des  indications  trop  sommaires, 
comme  sur  la  confusion  des  degrés  de  comparaison  (p.  374),  où  M.  S. 
aurait  dû  citer  et  utiliser  l'intéressant  travail  de  M.  Ott  (Neue  Jahrbù- 
cher,  1875,  p.  787  et  suiv.)  De  pareils  sujets,  que  ne  traitent  point  les 
grammaires  élémentaires,  auraient  pu  être  développés  avec  avantage 
aux  dépens  de  questions  plus  connues.  Ces  critiques  de  détail,  que  l'on 
multiplierait  sans  peine ,  n'empêchent  pas  l'ensemble  du  chapitre 
d'être  excellent.  Il  n'est  pas  un  latiniste  qui  ne  puisse  trouver  à  s'y  ins- 
truire. 

II.  La  Lexicographie  grecque  de  M.  Autenrieth  commence  par  un 
bon  résumé  des  travaux  lexicographiques  anciens;  mais  la  partie  rela- 
tive aux  travaux  modernes  laisse  bien  à  désirer.  Il  n'est  pas  exact 
(p.  422)  que  le  Thésaurus  d'Estienne-Didot  s'arrête  à  la  langue  byzan- 
tine (jedoch  nicht  bis  aufdie  Bjr:^antinerherab);  la  troisième  édition 
du  dictionnaire  des  nom  propres  de  Pape-Benseler  ne  méritait  pas  d'être 
louée  sans  réserve,  puisqu'elle  n'atteste  qu'un  dépouillement  très  super- 
ficiel des  textes  épigraphiques.  Il  est  singulier  de  ne  pas  dire  un  mot  des 
deux  travaux  lexicographiques  les  plus  importants  de  ces  dernières  an- 
nées, le  lexique  de  l'américain  Sophocles  et  la  SuvavwY"/]  de  M.  Kouma- 
noudis;  les  articles  de  M.  Miller  dans  le  Journal  des  Savants,  où  cet 
helléniste  a  fait  connaître  tant  de  mots  grecs  inédits,  ne  devaient  pas  non 
plus  être  passés  sous  silence.  Parmi  les  lexiques  spéciaux,  à  côté  d'El- 
lendt,  de  Bindseil,  de  Bétant  et  d'autres,  il  ne  fallait  pas  omettre  les 
concordances  homériques  de  Prendergast  et  de  Dunbar.  M.  A.  pouvait 
laisser  de  côté,  en  tant  qu'ouvrages  scolaires,  les  dictionnaires  de  Liddle 
et  Scott,  Alexandre  et  Chassang  ;  mais  s'il  avait  jamais  ouvert  le  dic- 
tionnaire français-grec  de  Courtaud-Diverneresse,  qui  est  une  œuvre 
d'érudition  très  considérable,  il  lui  aurait  fait  l'honneur  d'une  mention 
à  côté  du  lexique  allemand-grec  de  Pape-Sengebusch.  L'auteur  sait 
bien  que  les  inscriptions  contiennent  une  foule  de  mots  grecs  manquant 
aux  dictionnaires  et  il  insiste  sur  la  nécessité  de  les  recueillir  (p.  420); 
mais,  parmi  les  ouvrages  à  dépouiller  à  cet  effet,  il  cite  «  les  monogra- 
phies dialectales  »  (au  lieu  du  recueil  de  MM.  Collitz,  Bechtel  et  Bezzen- 
berger),  et  les  Inschriften  griechischer  Bildhauer  de  M.  Loewy,  où  l'on 
chercherait  vainement  un  mot  nouveau,  sans  mentionner  \e  Bulletin  de 
Correspondance  Hellénique  et  les  Mittheilungen,  où  ces  Xé^eiç  à()-riaa6piaT0t 
foisonnent.  Plus  encore  que  ses  collaborateurs,  M.  A.  connaît  fort  mal 


i 


d'histoire  et  de  littérature  463 

les  travaux  publiés  en  dehors  de  l'Allemagne.  De  même  M.  Heerdei^en, 
dans  son  utile  chapitre  sur  la  Lexicographie  latine^  cite  le  Thésaurus 
de  Quicherat  d'après  l'édition  de  iSSg  (entièrement  remaniée  depuis), 
et  ne  sait  point  que  la  collection  des  classiques  latins  de  Lemaire  con- 
tient une  série  d'excellents  index.  Un  travail  colossal  comme  VOnomas- 
ticon  de  V.  de  Vit  méritait  mieux  qu'une  sèche  mention,  à  côté  des 
éloges  un  peu  excessifs  accordés  au  HandyuiJrterbuch  de  Georges 
(p.  436). 

III.  M.Volkmann,  qui  vient  de  donner  une  nouvelle  édition  delaiv/ze- 
torik  der  Griechen  und  Ruiner^  était  tout  désigné  pour  résumer  avec 
compétence  un  sujet  qui  lui  est  si  familier.  Je  me  demande  seulement 
si  ce  chapitre  est  bien  à  sa  place  dans  un  Handbuch  qui,  destiné  surtout 
aux  érudits,  ne  devrait  comprendre  que  les  sciences  en  mouvement.  Je  ne 
vois  pas  quelles  découvertes  on  peut  faire  dans  le  domaine  de  la  rhéto- 
rique, où  il  s'agit  seulement  de  bien  exposer  les  opinions  des  anciens. 
M.  Volkmann  a  dû  éprouver  lui-même  quelque  scrupule  à  cet  égard, 
puisqu'il  termine  en  recommandant,  comme  un  sujet  fécond  de  recher- 
ches, l'étude  parallèle  du  développement  de  la  rhétorique  et  de  l'in- 
fluence de  ses  théories  sur  les  écrivains.  C'est  là  sans  doute  que  l'intérêt 
pourrait  commencer,  mais  c'est  là  aussi  que  le  chapitre  s'arrête. 

IV.  La  métrique  de  M.  Gleditsch  ne  m'a  pas  semblé  contenir  de  vues 
nouvelles;  elle  ne  donne  que  des  notions  insuffisantes  sur  la  composi- 
tion et  l'exécution  des  chœurs  dramatiques.  11  n'est  question  ni  de  la 
responsio,  ni  du  rôle  du  refrain,  si  heureusement  mis  en  lumière  par 
M.  Wecklein.  La  musique  est  traitée  en  1 1  pages  à  titre  d'appendice  à  la 
métrique;  c'est  bien  peu  pour  un  sujet  si  considérable  et  surtout  si  dif- 
ficile. Il  aurait  fallu  au  moins,  comme  l'a  fait  Freund  dans  le  Trien- 
nium,  reproduire  la  notation  musicale  de  l'hymne  de  Dionysios  à  Cal 
liope.  Dans  la  partie  bibliographique,  les  travaux  de  M.  Bourgault- 
Ducoudray  ne  devaient  pas  être  passés  sous  silence.  Enfin,  la  courte  page 
consacrée  aux  instruments  de  musique  est  tout  à  fait  insuffisante;  on 
n'y  trouve  pas  une  seule  mention  des  monuments  figurés  qui  représen- 
tent les  instruments  des  anciens,  ni  l'indication  des  quelques  instru- 
ments antiques  qui  nous  sont  parvenus,  comme  la  lyre  de  Panticapée, 
les  flûtes  d'Athènes,  le  flageolet  d'Halicarnasse,  etc. 

Les  addenda,  principalement  dus  à  MM.  Brugmann  et  Stolz,  renfer- 
ment notamment  d'utiles  références  à  la  loi  de  Gortyne,  publiée  posté- 
rieurement à  la  première  moitié  de  ce  volume. 

Salomon  Reinach. 


^}66  RKVUl!:    CRITIQUE 

22P.  —  York  plnys.  The  plays  performed  by  ihe  crafts  or  mysteries  of  York  on 
the  day  of  Corpus  Chrisli  in  the  i4ih,  ibih  and  i6th  centuries  now  first 
printed  from  the  unique  manuscript  in  the  library  of  lord  Ashburnhani,  edited 
wiih  introduction  and  glossary  by  Lucy  Toulmin  Smith;  Oxford,  at  the  Cla- 
rendon  press,  i885,  i  vol.  in-8  de  lxxviii-557  pp.,  avec  trois  fac-similé  de  la 
musique  contenue  dans  le  ms. 

Miss  Lucie  Toulmin  Smith,  à  qui  Ton  doit  une  édition  entièrement 
refondue  de  la  Centurie  ofprayse  of  Shakespeare  du  Docteur  Ingleby, 
une  édition  de  Gorbodiic  dont  il  a  été  rendu  compte  ici  même  '  et  plu- 
sieurs autres  ouvrages,  vient  de  publier  le  texte  de  la  célèbre  collection 
des  mystères  d'York  demeurés  jusqu'à  ce  jour  en  manuscrit.  Cette  édi- 
tion, depuis  longtemps  attendue,  dont  le  texte  a  été  collationné  avec 
beaucoup  de  soin  et  qui  comprend  un  glossaire  et  une  longue  intro- 
duction sur  les  représentations  de  drames  religieux  en  Angleterre,  com- 
ble peut-être  la  plus  grande  lacune  qui  existât  dans  le  trésor  de  la  litté- 
rature anglaise  au  xiv«  siècle.  Cette  série  de  drames  religieux  est  en 
effet  la  plus  considérable  qui  nous  soit  parvenue;  les  autres,  et  Ton 
sait  qu'en  Angleterre  leur  nombre  est  fort  restreint,  présentent  un  en- 
semble moins  complet.  La  collection  de  Chester  contient  vingt-cinq 
pièces  seulement  ;  la  collection  Towneley,  trente  ;  celle  de  Coventry 
quarante-deux;  celle  qui  nous  occupe  en  compte  quarante-huit,  et  son 
importance  numérique  est  loin  d'être  le  seul  titre  qu'elle  ait  à  notre 
attention.  L'existence  et  la  valeur  du  ms.  étaient  depuis  longtemps  con- 
nues, mais  le  vieux  livre  était  célèbre  à  la  façon  des  pommes  du  jardin 
des  Hespérides,  fruits  précieux  qu'on  ne  trouvait  pas  dans  le  commerce 
et  qui  passaient  pour  assez  bien  défendus  contre  les  mains  et  les  regards 
curieux.  Non  moins  bien  gardées  étaient  jusqu'à  ces  derniers  temps  les 
deux  cent  soixante -dix  feuilles  de  parchemin,  reliées  en  bois,  sur  les- 
quelles, vers  1430,  avaient  été  transcrites  les  pièces  jouées  à  York,  une 
des  villes  anglaises  qui  eurent  au  moyen  âge  le  plus  de  goût  pour  les 
spectacles  religieux.  Le  présent  lord  Ashburnhani  a  consenti  à  ouvrir 
les  portes  de  la  retraite  à  Miss  S.,  et  depuis  le  mystérieux  jardin  est  de- 
venu, comme  on  sait,  dans  sa  plus  grande  partie,  jardin  public. 

Ces  drames  qui  comprennent  les  principaux  épisodes  de  l'Ancien  et 
du  Nouveau  Testament  commencent  avec  la  création  du  monde  et  ne 
s'arrêtent  qu'au  jugement  dernier.  Ils  furent  composés  dans  le  milieu 
du  XIV*  siècle.  Ils  étaient  représentés  avec  une  grande  solennité  le  jour 
de  la  Fête-Dieu  aux  frais  des  diverses  corporations  ouvrières  et,  en 
partie,  par  leurs  membres.  Chaque  corporation  avait  sa  pièce,  son 
«  pageant  '  y>^  pagina,  expression  qui  désignait  tantôt  le  drame  lui- 
même,  tantôt  les  tréteaux  ou  théâtre  mobile  sur  lesquels  il  était  joué. 


i.  V.  la  Revue  critique  du  4  juin  i883. 

2.  On  écrivait  ce  mot  pachent,  paiaunt,  pagende,  pagyant^  pad^hand,  padgion, 
paidgion,  padgin  (p.  xxxv).  Miss  S.  aurait  pu  z]0[ixev  pagond  qui  se  rencontre  assez 
souvent  (Ex.  Ancient  mysteries  from  the  Digby,  ms.  I)  et  d'autres  formes  encore. 


o'hiSIOIRK    El    Oh,    LiTTÉRAÏUKK  467 

Certains  corps  de  métiers,  mais  non  pas  tous,  avaient  charge  de  repré- 
senter un  événement  de  l'Ecriture  rappelant  leur  profession  ;  ainsi  le 
Déluge  était  attribué  aux  pécheurs  et  mariniers,  l'édification  de  Parche 
aux  constructeurs  de  navires,  Toffrande  des  mages  aux  orfèvres,  les 
noces  de  Cana  aux  marchands  de  vin.  Comme  des  ordonnances  fré- 
quemment renouvelées  défendaient  à  ceux-ci,  déjà  à  cette  époque,  d'ad- 
ditionner d'eau  leurs  boissons,  il  est  probable  que  les  spectateurs  ne 
voyaient  pas  sans  amusement  la  puissante  corporation  des  marchands 
de  vin,  représenter  publiquement  un  miracle  qui  lui  était  si  familier. 
La  plupart  des  guilds  d'York  imposaient  à  leurs  associés  des  paiements 
annuels  de  deux  à  quatre  francs  pour  les  frais  de  la  fête.  Le  montant 
de  diverses  amendes  était  affecté  au  même  objet  :  il  fallait  pourvoir  aux 
dépenses  de  costumes  et  accessoires,  à  la  location  d'un  hangar  pour  y 
conserver  les  tréteaux,  etc. 

Les  curieux  extraits  des  archives  municipales  d'York  produits  par 
Miss  S.  montrent  à  quel  point  la  ville  entière  s'intéressait  au  succès  et 
à  l'éclat  de  la  cérémonie.  Un  arrêté  du  conseil  de  la  cité,  du  3  avril 
1476,  prescrit  que  «  chaque  année,  au  temps  du  carême  (assez  long- 
temps, comme  on  voit,  avant  la  Fête-Dieu),  quatre  acteurs,  des  plus 
habiles  et  des  mieux  renommés  qui  soient  dans  la  ville,  seront  appelés 
devant  le  maire.  Ils  seront  chargés  de  rechercher,  entendre  et  examiner 
tous  acteurs,  pièces  et  théâtres  dont  peuvent  disposer  les  différents  corps 
de  métiers  prenant  part  aux  représentations  de  la  Fête-Dieu.  Ils  admet- 
tront et  autoriseront  les  acteurs  qui  leur  paraîtront  pouvoir,  grâce  à 
leur  expérience  et  à  leurs  qualités  physiques,  faire  honneur  à  la  cité  et 
aux-dits  métiers  ;  ils  renverront  et  excluront  rigoureusement  toutes 
personnes  d'une  habileté,  d'une  voix  ou  d'un  physique  insuffisants.  » 
11  appartenait  à  chaque  association  ouvrière  de  produire  devant  les  exa- 
minateurs des  candidats  convenables  comme  nombre  et  comme  savoir, 
et  de  fournir  pour  la  pièce  «  de  bons  acteurs,  bien  habillés  et  parlant 
clairement,  »  à  peine  de  cent  shillings  d'amende.  Une  «  proclamation  » 
criée  par  le  crieur  public,  la  veille  de  la  fête,  rappelait  cette  pénalité  afin 
que  nul  ne  se  négligeât.  Le  même  acte  défendait  aux  spectateurs  de  ve- 
nir armés  à  la  représentation,  «  à  moins  qu'ils  ne  fussent  chevaliers  ou 
écuyers  de  conséquence,  »  et  de  troubler  en  quoi  que  ce  soit  le  specta- 
cle, interdisait  de  même  aux  acteurs  de  venir  armés  et  leur  enjoignait 
de  ne  pas  se  faire  attendre  :  le  tout,  «  au  nom  du  roi,  du  maire  et  des 
shéritïs  de  la  cité  '.  »  On  voit  qu'il  y  avait  là  véritablement  pour  tous 
affaire  d'État. 

Le  plaisir  de  paraître  sur  les  planches  avec  des  habits  de  circonstance 
et  de  faire  métier  d'acteur,  ce  plaisir  auquel  l'honnête  tisserand  Bottom 
de  Midsummer  night's  dream  était  si  sensible,  faisait  souvent  oublier 
aux  ouvriers  leur  profession  principale.  Ils  devenaient  acteurs  errants; 

I.  P.  XXXIV.  Nous  avons  une  copie  de  cette  proclamation,  de  141 5.  Il  n'y  a  pas 
lieu  de  penser  que  le  texte  en  ait  été  différent  au  xiv  siècle. 


468  REVUR    CRITIQUE 

du  temps  de  Shakespeare  et  pendant  tout  le  xvi«  siècle,  ils  étaient, 
dans  ce  cas,  arrêtés  comme  vagabonds  et  condamnés  à  Tamende  et 
quelquefois  au  fouet.  On  a  des  exemples  de  patrons  entraînant  à  leur 
suite,  et  pendant  des  années,  des  apprentis  qui  leur  avaient  été  confiés 
pour  s'instruire  dans  le  métier  plus  recommandable  de  cordonnier  ou 
de  tailleur.  On  voit  de  ces  jeunes  gens,  emmenés  pour  jouer  les  rôles  de 
femmes,  déposer,  aux  bout  de  trois  ans,  des  plaintes  devant  le  magis- 
trat et  obtenir  la  rupture  de  leur  contrat  d'apprentissage  ^ 

Les  différents  endroits  de  la  ville  où  devaient  avoir  lieu  les  représen- 
tations étaient  fixés  d'avance  et  rappelés  au  public,  au  moyen  d'une 
proclamation,  «  pour  la  commodité  des  habitants  et  des  étrangers  ve- 
nant à  la  fcte.  »  Au  xiv*  siècle,  ces  lieux  étaient  toujours  les  mêmes  et 
la  liste  nous  en  est  parvenue  (p.  xxxii).  On  commençait  devant  les  por- 
tes du  prieuré  de  la  Sainte-Trinité,  le  prieuré  où  était  déposé  le  registre 
même  renfermant  le  texte  de  toutes  les  pièces  que  Miss  S.  publie  aujour- 
d'hui. Puis  on  jouait  «  à  la  porte  de  Robert  Harpham  »,  puis  «  à  la 
porte  de  feu  Jean  Gyseburn  »,  etc.  On  conçoit  que  Robert  Harpham  et 
les  héritiers  de  Gyseburn  étaient  singulièrement  bien  placés  pour  voir. 
Commodément  installés  à  leurs  fenêtres,  en  dehors  des  coudoiements  et 
des  bousculades,  ils  dominaient  le  pageant  et  avaient  un  sort  de  roi. 
Ces  privilégiés  avaient  beaucoup  d'envieux  et  ceux-ci  firent  si  bien  qu'un 
ordre  de  1417  mit  aux  enchères  pour  lavenir  la  désignation  des  empla- 
cements et  prescrivit  «  que  ceux-là  auraient  la  pièce  devant  leur  maison 
qui  paieraient  le  plus  haut  prix  pour  cette  faveur.  » 

Le  succès  et  la  renommée  des  pièces  d'York  étaient  si  considérables 
qu'elles  furent  des  dernières  à  disparaître.  Néanmoins,  comme  leurs 
semblables  des  autres  villes  anglaises,  elles  n'eurent  plus,  après  la  Ré- 
forme, qu'une  existence  précaire.  Les  convertis  essayèrent  de  faire  pas- 
ser avec  eux  le  vieux  registre  à  la  nouvelle  croyance;  les  marges  portent 
en  divers  endroits  des  indications  qui  sont  la  trace  de  leurs  efforts;  mais 
la  tâche  était  difficile,  il  aurait  fallu  changer  tout  l'esprit  du  livre  qui 
était  l'esprit  d'une  autre  époque  plus  encore  que  celui  d'une  autre  reli- 
gion ;  le  moyen  âge  fini,  les  mystères  n'étaient  plus  de  saison.  En  iSyg, 
les  autorités  de  la  ville,  ne  pouvant  renoncer  de  bon  cœur  à  des  pièces 
qui  étaient  pour  les  habitants  une  source  de  divertissement  et  de  profit, 
sinon  toujours  d'édification,  ordonnèrent  «  que  le  livre  serait  porté  à 
Mylord  archevêque  et  à  M.  le  doyen  de  la  cathédrale  pour  être  cor- 
rigé, si  Mylord  archevêque  voulait  bien.  »  Mylord  archevêque  paraît 
s'être  contenté  d'interdire  les  représentations,  car  le  registre  est  demeuré 
tel  quel  et  les  drames  de  la  Fête-Dieu  semblent  n'avoir  plus  été  repré- 
sentés à  York  après  cette  époque.  i\ 

Le  ms.  subit  depuis  lors  de  grandes  variations  de  fortune;   il  compta 
parmi  ses  principaux  propriétaires  la  famille  Fairfax,   Horace  Walpole 

I.  Extraits  des  Quarter  sessions  records  du  Rev.  J.  C.  Atkinson,  dans  YAcademy 
du  12  septembre  i885. 


d'hISTOIRK    KT    t)ti    LITTÉRATURE  469 

qui  Tacheta  une  guinée,  enfin,  de  nos  jours,  la  famille  Ashbiirnham  qui 
le  conserve  encore  aujourd'hui. 

Dans  le  texte  que  Miss  S.  vient  d'imprimer,  on  reconnaîtra  tous  les 
traits  caractéristiques  des  mystères  anglais  déjà  publiés.  Mais  ces  traits 
y  sont  souvent  mieux  accusés  que  dans  les  autres  collections.  On  ne 
retrouvera  pas  sans  amusement  nos  anciennes  connaissances,  le  bouil- 
lant Hérode,  le  fougueux  Pilate,  l'intraitable  Pharaon.  Jamais  ils  n'ont 
été  plus  magnifiques,  plus  tapageurs,  plus  contents  d'eux,  ni  plus  van- 
tards, Lucifer  pousse  des  grognements  épouvantables  à  faire  peur  aux 
petits  enfants  et  à  faire  rire  les  grandes  personnes;  il  interrompt  ses 
«  owte,  owte!  »  pour  s''écrier  «  qu'il  fait  chaud  ici!  »  en  effet,  il  est  en 
enfer  (I)  :  et  le  public  de  se  trémousser  joyeusement  à  cette  remarque  si 
judicieuse.  Hérode  est  fier  parce  que  Saturne,  le  soleil,  la  lune  et  tous 
les  astres  lui  obéissent  ;  il  gouverne  les  nuages  et  lance  le  tonnerre 
quand  il  en  a  envie  (XVI).  Il  invoque  Mahomet,  à  son  ordinaire,  jure 
sans  vergogne  et  reçoit  les  Mages  fort  mal  :  «  Jésus  sera  roi  !  dit-il  à 
ceux-ci^  de  par  tous  les  diables,...  chiens  que  vous  êtes!...  »  iXIV). 
Pilate  ne  lui  cède  en  rien  et  sa  femm.e  se  montre  digne  d'un  tel  mari 
par  l'éloge  qu'elle  fait  de  sa  propre  personne,  à  commencer  par  les  belles 
robes,  pour  finir  par  «  la  couleur  claire  de  sa  peau  »  (XXX).  Cela  donne 
à  Pilate  envie  de  l'embrasser  et  elle  ne  fait  pas  résistance  :  «  nous  ai- 
mons toutes,  nous  autres  dames,  prétend-elle,  être  embrassées  et  cares- 
sées. »  Le  «  beadle  »  du  tribunal,  qui  survient,  trouve  à  redire  à  ces 
gentillesses;  il  supplie  Pilate  de  renvoyer  sa  femme  dans  ses  apparte- 
ments et  celle-ci  s'emporte  aux  dernières  injures  contre  l'intrus  (XXX). 
Comme  toujours,  les  hauts  personnages  savent  employer  avec  à-propos 
quelques  expressions  polies  en  français,  telles  que  bewcher,  a-dcipe, 
bene-venew,  qui  leur  servent  à  dire  adieu,  et  à  souhaiter  la  bienvenue 
aux  beaux  sires  de  leur  connaissance.  Ils  usent  aussi  de  leur  autorité 
pour  imposer  silence  à  l'auditoire;  c'était  une  de  leurs  fonctions  tradi- 
tionnelles et  non  la  moins  difficile  de  celles  qui  découlaient  pour  eux 
du  souverain  pouvoir. 

Les  scènes  comiques  sont  fort  nombreuses  dans  cette  collection.  On 
peut  dire  que  les  auteurs  ne  laissent  point  passer  un  seul  incident  ou 
une  seule  situation  prêtant  au  ridicule  sans  en  bien  marquer  le  côté 
risible,  si  respectable  du  reste  que  puisse  être  l'événement  ou  le  per- 
sonnage. Saint  Joseph  exhale  sa  mauvaise  humeur  en  termes  aussi 
impossibles  à  traduire  que  ceux  dont  la  femme  de  Pilate  fait  usage  en 
sa  fureur.  Lorsque  l'ange  apparaît  au  saint  pour  lui  expliquer  le  mys- 
tère de  l'incarnation,  Joseph  lui  fait  le  plus  mauvais  accueil  et  se  mon- 
tre très  mécontent  qu'on  le  réveille  (XIII).  Caïphe  de  même,  tiré  de 
son  somme  pendant  la  nuit,  préférerait  demeurer  au  lit,  et  il  faut  dis- 
cuter longtemps  à  sa  porte  avant  qu'il  condescende  à  se  montrer  (XXIX). 
Noé,  recevant  de  Dieu  l'ordre  de  construire  l'arche,  fait  des  observations 
et  s'écrie  familièrement  :  «  Ah!  mon  bon  seigneur,  je  suis  bien  vieux  !  » 


^yo  RKVUE  curriQDE 

Sa  discussion  avec  sa  femme  qui  ne  veut  pas  entrer  dans  l'arche,  scène 
célèbre  à  laquelle  Chaucer  fait  une  piquante  allusion  dans  son  Conte  du 
meunier  est  tout  à  fait  amusante'.  La  femme  commence  par  ne  pas 
venir  quand  son  mari  l'appelle  ;  entrer  dans  l'arche!  elle  voulait  juste- 
ment se  rendre  à  la  ville  ;  elle  ordonne  même  à  ses  enfants  d'aller  s'ha- 
biller, sans  se  soucier  autrement  du  Déluge.  Noé  lui  fait  observer  qu'il 
a  déjà  plu  qnaranie  jours  et  quarante  nuits,  que  tous  les  animaux  sont 
dans  l'arche  et  attendent,  et  que  son  projet  de  promenade  est  tort  im- 
prudent.  La  dame  n'est  aucunement  pacifiée  :  pourquoi  lui  avoir  fait 
mystère  de  tout  cela,  n'avoir  pas  pris  son  avis?  Voila  cent  ans  que  son 
mari  travaille  à  l'arche  et  elle  n''en  savait  rien  !   Il  n'est  guère  agréable 
de  quitter  la  terre  ferme  pour  vivre  en  bateau;  dans  tous  les  cas,  il  lui 
faut  Je  temps  de  faire  ses  paquets  et  il  faut  aussi  qu'elle  emmène  ses 
cousines  et  ses  bonnes  amies  pour  avoir  à  qui  parler.  Noé  qui,  en  cons- 
truisant son  arche,  a  déjà  donné  quelques  preuves  de  son  esprit  persé- 
vérant, ne  perd  pas  patience  ;  il  reçoit  sans  se  plaindre  les  apostrophes, 
les  injures  et  même  un  soufflet;  enfin  tout  le  monde  entre  et  la  porte 
de  la  nef  se  ferme.  Les  pasteurs  de  la  nuit  de  Noël,  enroués  à  force  de 
chanter,  servent  encore  d'occasion  à  quelques  scènes  comiques,  mais 
nous  n'avons  rien  de  comparable  à  la  comédie  complète  et  si  amusante 
qui  constitue  la  «  Secunda  Pastorum  »  des  Towneley  mysteries.  En- 
fin, pour  ne  pas  parler  de  proverbes  populaires  fort  nombreux  et  de 
traits  risibles  épars  dans  bon  nombre  de  pièces,  tels  que  les  remarques 
sur  la  stupidité  des  hommes  faites  par  Saint  Jean  prêchant  dans  le  désert 
(XXI)   et  le  portrait  de  Saint  Pierre  par  une  servante  goguenarde   la 
nuit  du  reniement   (XXIX),   il   faut  encore  signaler  plusieurs  scènes 
du  rôle    de    Judas.   Le    personnage  se   faisait    une   figure   hideuse  et 
satanique,  mais,  de  même  que  le  diable,  il  paraissait  en  épouvantai! 
grotesque  plutôt  qu'en  traître  habile  et  pervers.  Il  est  querellé  et  raillé 
partout  le  monde  ;  le  portier  de  Pilate  lui  trouve  si  mauvaise  mine 
qu'il  ne    veut    pas    lui    ouvrir  la   porte  ;   il  le    traite    de    a    hanged 
harlott  ))  et  emploie  â  son   endroit  mainte   autre  expression   intradui- 
sible, faite  pour  attirer  sur  lui  la  dérision  populaire  (XXVI). 

Les  mystères  sont  des  tragi-comédies;  le  mélange  des  deux  genres 
sérieux  et  comique  est  complet  dans  ces  étranges  productions;  le  comi- 
que y  est,  comme  on  voit,  fort  peu  réservé;  la  part  du  tragique  est  belle 
puisqu'il  s'agit  de  mettre  en  scène  le  déluge  universel,  la  mort  de  Jésus- 
Christ,  le  jugement  dernier,  des  sujets  aussi  vastes  et  aussi  complexes 
que  celui  du  grand  poème  de  Milton.  Seulement,  pour  réussir  dans  le 
tragique,  il  faut  être  un  maître  de  l'art,  ou  bien  avoir  l'âme  simple, 
tendre  et  naïve  :  tel  n'est  pas  le  cas  des  auteurs  des  mystères  d'York  ; 
ils  ne  sont  pas  de  grands  poètes  et,  d'autre  part,  ils  sont  trop  clercs 
pour  se  contenter  de  laisser  parler  leur  cœur;  ils  visent  à  l'effet  et 
manquent  le  but.  Ils  croient  rehausser  les  paroles  de  Jésus  en  y  mêlant 

j.  Cf.  Chcster  plays,  III;  même  scène  encore  dans  les  mystères  de  Coventry. 


DKÎSTOIRK    ET    DE    LITTÉRATURE  47 1 

du  latin,  comme  ils  mêlaient  du  français  à  celles  des  grands  de  la  terre. 
Leur  latin  est  pfeu  compliqué;  Jésus  le  traduit  aussitôt  ^  et  les  citations 
qu'il  fait  ressemblent  à  celles  de  ce  curé  de  village  dont  tous  les  dis- 
cours avaient  pour  thème  les  mots  :  «  Mortuus  est  —  il  est  mort.  » 
L'mpression  n'est  vraiment  grande  que  lorsque  TEvangile  est  suivi 
exactement.  Elle  est  encore  assez  forte  lorsque  l'auteur  fait  contraster 
le  silence  de  Jésus  chez  Hérode  avec  les  joyeusetés  et  les  sottises  débi- 
tées à  gorge  déployée  par  ce  personnage  et  ses  compères  (XXXI),  le 
mutisme  du  martyr  est  imposant;  de  même,  un  peu  plus  loin,  ses  pa- 
roles graves  et  sentencieuses  chez  Pilate  (XXXIIl).  Les  détails  hideux 
du  supplice,  les  nerfs  brisés,  les  veines  déchirées  sont  présentés  au  spec- 
tateur, comme  d'ordinaire,  avec  un  réalisme  atroce  ;  la  vue  du  sang,  plus 
que  les  beaux  discours,  émouvaient  l'auditoire  d'alors  en  faveur  de  la 
victime. 

Les  accents  touchants  et  tendres  qu'on  rencontre  dans  quelques  au- 
tres collections  de  mystères  anglais  ne  sont  pas  ici  très  nombreux  ni 
très  dignes  de  remarque.  L'auteur  tombe  dans  le  défaut  commun  de 
ses  contemporains  qui  voulaient  être  tendres,  il  est  mièvre  :  Chaucer 
lui-même  n'est  pas  exempt  de  ce  défaut  ;  il  y  a  de  la  mièvrerie  dans  ses 
histoires  de  Griselidis  et  de  Constance.  Le  sacrifice  d'Abraham  qui  est 
fort  émouvant  dans  les  Mystères  de  Chester  contient  ici  aussi  (X)  quel- 
ques traits  de  nature,  bien  présentés  :  Isaac  consent,  mais  il  tremble,  il 
n'est  pas  sûr,  au  dernier  moment,  de  ne  pas  résister,  il  demande  à  être 
lié.  Mais  en  se  prolongeant  la  scène  cesse  d'être  tragique;  il  semble  que 
le  poète  l'ait  fait  durer  aussi  longtemps  qu'il  pouvait  trouver  dans  sa 
tête  des  discours  d'une  tendresse  précieuse  et  rafïinée  à  prêter  à  ses  per- 
sonnages. Abraham  et  Isaac  n'en  finissent  pas.  Ce  goût  un  peu  morbide 
du  joli,  qu'avaient  ces  mêmes  hommes  pour  qui  les  détails  sanglants  de 
la  passion  présentaient  tant  de  charme,  est  commun,  à  cette  époque,  aux 
artistes  et  aux  littérateurs,  il  s'accentua  davantage  à  mesure  que  le 
moyen  âge  approcha  de  sa  fin  ;  on  reconnaît  des  âmes  toute  pareilles 
chez  ces  habiles  gens  qui  sculptaient  aux  portes  des  églises  du  xiv"  siè- 
cle des  saintes  au  sourire  trop  gracieux  et  peignaient  dans  les  psautiers 
des  fleurs  à  longues  tiges  trop  grêles. 

Quoi  qu'il  en  soit,  par  ses  défauts,  autant  que  par  ses  qualités  litté- 
raires, cette  collection  si  complète  de  mystères  est  d'une  haute  impor- 
tance. Le  soin  avec  lequel  elle  a  été  publiée  et  annotée  fait  honneur 
au  savoir  et  à  la  patience  de  Miss  Smith  et  nous  ne  pouvons  que  la  re- 
mercier d'avoir  rendu  accessible  à  tous  la  plus  belle  série  de  ces  compo- 
sitions qui  amusèrent  si  longtemps  la  vieille  Angleterre  et  qui  égayè- 
rent en  particulier,  à  deux  cents  ans  de  distance,  deux  grands  génies, 
Chaucer  et  Shakespeare. 

J.  J.  Jussr;RAND 


I.  «  La^ar  veni  foras.  —  Corne  fro  ihy  monument  »  :XXIV).  «  QiioJ  facis,  fac 
cicius.  —  That  ihou  schall  do,  do  sone  »  (XXVil),  etc. 


472  REVUK    CRITIQUK 

229.  —  Léon    Mention.  L,e    comte    de    Snlnt-Gei-muin    et   ma»  réfornie», 

d'après  les  archives  du  dépôt  de  la    guerre.  Etude  sur  l'armée   française  à  la  fin 
du  xvm"  siècle.  Paris,  Baudoin,  3o  passage  Dauphine,  i885.  In-8,  xliv  et  Ssy  p. 

M.  Mention  retrace  dans  son  Introduction  les  services  du  comte  de 
Saint-Germain  à  l'étranger  et  en  France,  la  partqu^il  prit  à  la  guerre 
de  Sept  Ans,  son  rôle  à  Corbach,  ses  démêlés  avec  le  maréchal  de  Bro- 
glie,les  réformes  qu'il  fit  en  Danemark  où  il  fui  président  du  Directoire 
de  la  guerre.  Cette  période  danoise  de  la  vie  de  Saint-Germain  est  peu 
connue  en  France;  M.  M.  la  fait  connaître  surtout  d'après  l'ouvrage  de 
Vaupell  (Den  danske  hœrs  historié) . 

Saint-Germain  s'était  retiré  à  Lauterbach  lorsquMl  fut  nommé  minis- 
tre de  la  guerre  (1775).  Ici  commence  le  premier  chapitre  de  l'ouvrage 
de  M.  Mention,  L'auteur  a  recueilli  la  plupart  des  témoignages  contem- 
porains sur  la  nomination  du  comte  au  secrétariat  d'État  de  la  guerre. 
Peut-être  n'a-t-il  pas  indiqué  suffisamment  le  motif  principal  qui  dé- 
cida Louis  XVI  et  séduisit  Topinion.  Les  compétitions  étaient  ardentes. 
Quinze  jours  se  passèrent  avant  qu'on  nommât  le  successeur  du  maré- 
chal du  Muy  (et  non  de  Muy,  comme  dit  M.  M.).  Pour  tout  concilier, 
on  prit  Saint-Germain  ^  D'ailleurs,  en  ce  siècle  de  lumières  et  de 
philosophie,  il  paraissait  piquant  et  original  d'aller  chercher  à  la 
charrue,  selon  le  mot  de  Bachaumont,  le  futur  réformateur  des  insti- 
tutions militaires  et,  ajoutons-le,  malgré  l'opinion  de  M^'^  jg  Lespi- 
nasse,  Saint-Germain  n'était  pas  «  arrivé  là  sans  intrigue.  »  11  ne  s'oc- 
cupait pas  seulement  de  travaux  agricoles  dans  sa  solitude  de  Lauterbach 
et  il  est  bien  probable  qu'il  songeait  autant  à  un  retour  de  fortune 
qu'à  la  réforme  de  l'armée  lorsqu'il  adressait  au  ministre  de  la  guerre 
les  «  mémoires  qui  passaient  sous  les  yeux  du  roi  et  de  Maurepas  » 

(p.  XLIX). 

Quoi  qu'il  en  soit,  Saint-Germain  entrait  au  ministère  avec  un  pro- 
gramme bien  arrêté,  que  M.  M.  nous  expose  très  clairement  dans  la 
suite  de  son  premier  chapitre,  avec  «  une  sorte  de  décalogue  »  (p.  17), 
et  du  12  décembre  1775  au  2^  septembre  1777  il  ne  lança  pas  moins  de 
98  ordonnances,  arrêts,  règlements,  déclarations  qui  forment  un  vérita- 
ble code  de  législation  militaire.  M.  M.  nous  montre  que  «  la  clef  de  voûte 
de  l'édifice  nouveau  »  devait  être  un  conseil  supérieur  de  la  guerre, 
divisé  en  sept  départements,  présidé  par  le  prince  de  Beauvau,  com- 
posé de  Castries,  Stainville,  Rochambeau,  Wurmser,  Gribeauval;  mais 
Saint-Germain  ajourna  la  création  de  ce  collège  suprême  qui  ne  fut 
organisé  qu'en  1788. 

Le  deuxième  chapitre  du  livre  est  consacré  aux  réformes  que  fit 
Saint-Germain  dans  la  maison  militaire  du  roi.  M.  M.  dit  que  cette 
garde  privilégiée  n'était  plus  qu'une  troupe  de  parade  et  d'antichambre 
(p.  26)  et  qui  coûtait  fort  cher.   Il  aurait  pu  ajouter  qu'elle  n'était  nul- 

I.  Voir  les  lettres  de  M""  du  DefFand. 


OHISIOlHli;    K.r    DK    t.in  FH  \TCKH  473 

lement  populaire,  que  depuis  Dettingen  elle  avait  perdu  dans  le  public 
son  renom  de  bravoure,  que  le  maréchal  de  Noailles  s'était  plaint  très 
vivement  de  son  indiscipline  et  que  Louis  XV  lui-même  écrivait  à  ce 
dernier.  «  Je  ne  suis  pas  moins  fâché  que  vous  de  ce  que  vous  me  dites 
de  ma  maison  et  surtout  de  celle  à  cheval  ;  trop  de  complaisance  doit 
en  être  la  cause,  tenons-nous  le  pour  dit  pour  l'avenir.  Je  garderai  le 
secret  que  vous  m'en  demandez  ;  mais  le  tout  est  déjà  public  et  peut- 
être  même  plus  enflé  qu'il  n'est,  car  vous  savez  qu'en  ce  pays  Ton  y 
va  fort  vite,  soit  d'une  façon,  soit  d'une  autre.  »  (Pajol,  Les  guerres  sous 
Louis  XV,  II,  p.  348).  M.  M.  rappelle  du  reste  à  ce  sujet  les  projets  de 
Saint-Simon  (1717),  quMl  compare  à  ceux  de  Saint-Germain. 

Après  avoir  exposé  les  réformes  du  ministre  dans  la  maison  du  roi, 
M.  M.  raconte  dans  son  chapitre  III  la  suppression  de  l'Ecole  Royale 
Militaire  (1776)  remplacée  par  de  nouveaux  collèges  qui  portaient  le  titre 
d'Ecoles  militaires;  il  montre  ce  qu'étaient  ces  écoles  (on  regrettera  à 
ce  propos  qu'il  n'ait  pas  consulté  les  Mémoires  de  Vaublanc  0,  nulle- 
ment militaires,  destinées  à  enseigner  non  la  tactique,  mais  Porthogra- 
phe  (p.  70)  ;  il  rappelle  que  Saint-Germain  reprit  Pinstitution  des  Ca- 
dets-gentilshommes. 

Le  ive  chapitre  retrace  d'autres  réformes  non  moins  importantes  du 
ministre  :  (gouvernements  généraux  ou  particuliers  des  provinces, 
états-majors  de  la  cavalerie  et  des  dragons,  partage  de  la  France  mili- 
taire en  16  divisions,  extinction  graduelle  de  la  finance  des  emplois, 
règles  pour  l'avancement,  ainsi  que  pour  le  service  obligatoire  et  régu- 
lier des  officiers  de  tout  grade)  ;  ce  chapitre  est  un  des  plus  instruc- 
tifs et  des  plus  sérieusement  faits  du  volume. 

Le  chapitre  v  traite  du  recrutement  des  troupes,  des  rengagements 
et  des  hautes  payes,  de  la  répression  du  luxe  des  officiers,  des  règlements 
contre  l'indiscipline,  Tinsubordination  et  la  désertion,  enfin  de  cette 
punition  des  coups  de  plat  de  sabre  qui  occupe  à  peine  quelques  lignes 
dans  l'ordonnance  du  25  mars  1776,  qui  a  suscité  tant  de  querelles  et 
d'assertions  pour  ou  contre,  qui  reste  enfin  attachée  au  nom  de 
Saint-Germain  ,  si  bien  attachée  qu'elle  fait  trop  souvent  oublier 
le  reste  de  son  œuvre  (p.  116),  M.  M.  fait  voir  que  ce  châtiment 
n'était  pas  une  innovation  dans  l'armée  française,  et  qu'il  avait  été 
demandé  par  un  grand  nombre  d'officiers  généraux.  Il  aurait  pu 
citer  encore  ce  jugement  de  Mirabeau  dans  son  livre  De  la  monarchie 
prussienne  [lome  IV,  livre  vn,  p.  164,  note  i)  :  «  Le  préjugé  que  cette 
espèce  de  punition  humilie  et  dégrade  les  âmes  n'est  pas  moins  faux. 
Le  commentateur  des  mémoires  du  comte  de  Saint-Germain  a  très  bien 
observé  qu'elle  est  infiniment  préférable  à  l'usage  de  la  prison,  lequel 
confond  ensemble  le  scélérat  et  l'honnête  homme,  ne  corrige  point  les 

I.  Tout  le  chapitre  II  de  ces  intéressants  Mémoires  est  consacré  à  l'Ecole  mili- 
taire, et  le  premier  à  l'annexe  de  cette  école,  le  collège  de  La  Flèche  où  les  futurs 
élèves  apprenaient  le  latin. 


474 


REVUK    CRITIQUE 


paresseux,  et  inflige  une  peine  au  bon  sujet  qu'on  surcharge  de  servi- 
ces ;  que  dans  les  temps  les  plus  reculés  de  la  monarchie  française,  et 
notamment  sous  le  régne  de  François  I'^"',  où  le  soldat  était  choisi  avec 
soin  parmi  l'élite  et  non  comme  aujourd'hui,  pris  dans  le  rebut  de  la 
nation,  les  punitions  étaient  les  coups  de  hallebarde  et  les  verges,  et 
qu'on  n'employait  la  prison  que  pour  les  criminels  qui  méritaient  d'être 
suppliciés;  que  le  châtiment  des  coups  a  subsisté  jusqu'à  la  mort  de 
MM.  deTurenne  et  de  Louvois;  qu'il  ne  se  perdit  ensuite  que  parce 
que  tous  les  corps  se  relâchèrent  sous  leurs  successeurs,  quoique  les 
soldats  qui  dans  ces  temps  de  corruption,  succédaient  aux  soldats  de  ces 
légions  toujours  victorieuses,  ne  méritassent  certainement  pas  les  mêmes 
ménagements  ». 

On  trouvera  dans  le  chapitre  vide  très  intéressantes  informations  sur 
l'uniformité  établie  par  Saint-Germain  dans  la  compositions  des  corps 
d'inlanterie.  Ce  fut  lui  qui  ordonna  que  tous  les  régiments  seraient  dé- 
sormais à  deux  bataillons,  (p.  i32)  qui  créa  les  compagnies  régulières 
de  chasseurs  (p.  i35),  qui  supprima  les  troupes  irrégulières  connues 
sous  le  nom  de  légions  (légions  de  Conlîans,  de  Soubise,  etc.),  qui  paya 
l'infanterie,  la  cavalerie,  les  dragons,  les  autres  corps  d'après  un  tarif 
uniforme,    qui    supprima   les    régiments  provinciaux    (p.    142-156)'. 

Le  chapitre  vu  relatif  à  l'artillerie  a  déjà  reçu  de  grands  éloges.  Re- 
marquons toutefois  que  ce  chapitre  appartient  plutôt  à  une  biographie 
de  Gribeauval  qu'à  une  étude  sur  Saint-Germain.  Ce  dernier  n'eut 
d'autre  mérite  que  d'appeler  Gribeauval  à  la  direction  de  l'artillerie  et 
de  lui  donner  plein  pouvoir.  «  Je  confesse,  dit-il  lui-même,  que  l'arran- 
gement de  l'artillerie  est  l'ouvrage  de  Gribeauval,  je  l'ai  laissé  maîLre  de 
donner  à  ce  corps  la  constitution  qu'il  croirait  la  meilleure,  et,  si  on 
reproche  quelque  chose  à  l'ordonnance  qui  concerne  ce  corps,  il  faut 
adresser  ces  reproches  à  cet  officier  général.  »  Il  est  vrai  que  Saint-Ger- 
main pouvait  ne  pas  choisir  Gribeauval;  mais  Vallières  venait  de  mou- 
rir; le  ministre  aurait-il  osé  nommer  Saint-Auban,  et  Gribeauval  ne 
réunissait- il  pas,  de  son  propre  aveu,  la  pluralité  des  suffrages?  M.  M. 
a  consulté,  pour  rédiger  ces  pages  (161 -176)  les  importants  travaux 
du  général  Favé  (tome  IV  des  Etudes  sur  le  passé  et  V avenir  de  l'ar- 
tillerie) et  il  a  fort  bien  résumé,  avec  une  brièveté  et  des  connaissances 
techniques  très  louables,  l'œuvre  d'un  homme  que  la  France  devrait 
honorer  à  l'égal  de  Vauban ;  comme  l'a  dit  M.  Favé,  si,  pendant  les 
guerres  de  la  Révolution  —  et  même  de  l'Empire  —  l'artillerie  fran- 
çaise exerça  sur  le  sort  des  batailles  une  influence  nouvelle  et  décisive, 
elle  le  doit  surtout  à  Gribeauval. 

Il  faut  porter  le  même  jugement  sur  les  huit  pages  de  ce  vn**  chapitre 
(pp.  178-185)  relatives  au  génie;  M.  M.  montre  que  Saint-Germain 
réservait  à  ce  corps  un  rôle  considérable  et  voulait  assigner  aux  offi- 

I.  Il  est  assez  singulier  que  M.  Mention  cite  à  ce  propos  le  Louis  XVI  de.  Cape- 
figue  absolument  inUigne  de  toute  citation. 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  47  D 

ciers  de  cette  arme,  exclusivement  à  tous  les  autres,  les  fonctions  des 
états-majors  des  arme'ss. 

Le  chapitre  viii  concerne  la  fameuse  question  de  Tordre  mince  et 
de  l'ordre  profond,  des  Guibertistes  et  des  Mesnil-Durandistes  ;  c'était 
peut-être  le  plus  difficile  du  livre  et  Fauteur  y  fait  preuve  d'une  grande 
clarté  et  d'un  ferme  bon-sens;  on  adoptera  sans  réserve  ses  sages  con- 
clusions. 

M.  M.  traite  de  l'intendance  dans  le  chapitre  ix  ;  il  examine  succes- 
sivement les  réformes  de  Saint-Germain  dans  l'administration  mili- 
taire :  la  gestion  des  masses  réunies  en  une  masse  générale  est  confiée 
dans  chaque  régiment  à  un  conseil;  l'uniforme  est  modifié;  la  régie  est 
substitué  à  l'entreprise;  les  commissaires  des  guerres  deviennent  de  vé- 
ritables officiers  d'administration,  etc. 

Enfin  (chap.  x)  le  service  de  santé  voit  réduire  quelques-uns  de  ses 
abus;  Tinstitution  des  retraites,  celle  des  Invalides  reçoivent  de  grandes 
modifications  (voir  surtout  Fordonnance  du  17  juin  1776). 

Telle  est  l'œuvre  de  Saint-Germain  et  M.  M.  l'expose  dans  le  plus 
grand  détail,  non-seulement  d'après  les  mémoires  authentiques  du  comte 
(p.  I  i-i  1 1)  et  les  Commentaires  du  baron  de  Wimpfen,  mais  encore  et 
surtout  d'après  la  collection  des  ordonnances  et  les  archives  de  la  guerre. 
On  sait  ce  que  devint  Saint-Germain  ;  il  avait  pris  comme  adjoint  le 
prince  de  Montbarey  qui  convoitait  sa  place;  il  était  impopulaire;  il  dut 
se  retirer  en  1777  et  mourut  l'année  suivante. 

Il  est  curieux  qu'on  ne  trouve  nulle  part  dans  ce  livre  le  nom  de 
Dumouriez,  qui,  lui  aussi,  aventureux  et  ambitieux  comme  Saint- 
Germain,  rédigea  mémoires  sur  mémoires  et  sortit  soudain  de  l'obscu- 
rité pour  arriver  d'emblée  au  ministère.  Dumouriez  parle  de  Saint- 
Germain  dans  ses  Mémoires  ;  il  nous  dit  qu'il  communiqua  au  comte 
un  projet  sur  la  transformation  possible  d'Ambleteuse  en  un  port 
militaire,  que  Saint-Germain  le  fit  venir  à  Paris  et  le  nomma  commis- 
saire du  roi  avec  le  chevalier  d'Oisy  et  M.  de  La  Rozière  pour  «  exami- 
ner où  et  comment  on  pourrait  former  un  port  de  guerre  dans  la  Manche, 
depuis  Dunkerque  jusqu'à  la  Seine  ».  D'Oisy  mourut,  mais  La. Rozière 
et  Dumouriez  parcoururent  tout  le  litloral  et  se  convainquirent,  après 
mûr  examen,  qu'il  fallait  établir  un  port  et  à  Boulogne  et  a  Cherbourg; 
ce  fut  l'opinion  qu'ils  soutinrent  à  Versailles,  au  mois  de  septem- 
bre 1776,  dans  le  conseil  des  ministres,  et  Dumouriez  ajoute  que  Saint- 
Germain  le  nomma  aide-maréchal  des  logis  des  côtes  du  Boulonnais, 
«  dont  il  voulait  lui  donner  le  commandement  pour  diriger  les  travaux 
du  port  ».  Ce  fait  ne  devait  pas  être  oublié  dans  une  biographie  de 
Saint-Germain. 

Le  jugement  que  porte  Dumouriez  sur  Saint  Germain  méritait 
également  d'être  cité.»  Il  avait  de  grandes  vues  et  une  longue  expérience, 
dit  le  héros  de  l'Argonne,  mais  la  résidence  qu'il  avait  faite  en  Dane- 
mark  lui   avait  fait   perdre   l'habitude   de   la    France,    et  surtout   des 


^  -j(i  REVUE    CRITIQLE. 

Français.  Il  voulait  réformer  leur  militaire  comme  il  avait  réformé 
celui  du  Danemark.  Tous  ses  plans  ont  été  tronqués  et  morcelés.  La 
quantité  à.ç. faiseurs  dont  il  s'était  entouré,  a  donné  à  ses  ordonnances 
un  défaut  de  cohérence  et  d'ensemble  qui  les  a  rendues  la  plupart  inu- 
tiles, et  plusieurs  pernicieuses.  Il  avait  eu  les  plus  grandes  obligations 
au  père  de  M.  de  Montbarey;  lui-même  lui  avait  rendu  de  grands 
services,  lorsque,  renvoyé  du  Danemark,  ayant  essuyé  une  banqueroute, 
il  végétait  en  Alsace  dans  la  misère  et  dans  Toubli.  Il  appela  auprès  de 
lui  cet  officier  général,  mais  bientôt  il  en  devint  jaloux,  et  c^est  ce  qui 
le  perdit,  et  ouvrit  à  Montbarey  la  route  pour  lui  succéder.  M.  de 
Maurepas,  qui  était  allié  de  la  famille  de  Nesle,  dont  était  M™"  de 
Montbarey,  cédant  au  cri  de  toute  la  France  contre  M.  de  Saint- 
Germain,  fit  nommer  Montbarey  pour  son  successeur.  » 

Cette  appréciation  de  Dumouriez  a  quelque  importance  et  on  aurait 
souhaité  que  M.  M.  tînt  également  compte,  soit  pour  le  contredire,  soit 
pour  l'approuver,  du  passage  suivant  des  Mémoires  [II,  3,  édit.  Bar- 
rière, p.  196)  :  «  Saint-Germain  a  préparé  la  Révolution  en  anéantissant 
les  grenadiers  à  cheval,  etc.,  de  la  maison  du  roi.  Si  ces  troupes  eussent 
existé,  les  états  généraux  eussent  pu  opérer  une  réformation  que  tout  le 
monde  désirait,  sans  que  tout  fût  bouleversé  »'.  Peut-être  aussi  M.  M, 
pouvait-il  dans  son  chapitre  VIII,  d'ailleurs  si  remarquable,  joindre  au 
témoignage  de  Rochambeau  celui  de  Dumouriez;  ce  dernier  assistait  à 
ces  manœuvres  du  camp  de  Vaussieux  où  l'on  essaya,  en  les  mettant 
aux  prises,  les  deux  systèmes  de  Tordre  profond  et  de  l'ordre  mince. 
M.  M.  cite  un  jugement  de  Jomini;  on  aimera  mieux  ces  paroles  spiri- 
tuelles de  Dumouriez  «  Mesnil  Durand  défendait  par  de  fortes  raisons, 
mais  avec  beaucoup  d'àpreté,  l'ordre  profond;  Guibert,  avec  plus 
d'esprit  que  de  solidité,  l'ordre  mince.  Tous  deux  avaient  tort,  parce 
qu'ils  défendaient  leur  système  exclusivement...  Le  maréchal  de  Broglie 
demanda  à  Dumouriez  de  quel  parti  il  était.  Il  lui  répondit  :  je  serai 
toujours  de  Favis  de  celui  que  vous  adopterez,  selon  les  circonstances. 
C'était  décider  la  question  pour  et  contre,  comme  elle  doit  l'être,  ces 
deux  ordres  sont  bons,  et  ne  doivent  point  s'exclure;  c'est  au  génie  du 
général  à  les  adopter  selon  les  localités  et  les  occasions.  Le  camp  de 
Vaussieux  eut  lieu  ;  le  maréchal  commanda  l'ordre  profond  avec  une 
armée  supérieure.  Luckner  commanda  l'ordre  mince  avec  moins  de 
troupes  et  le  battit  toujours,  à  la  vérité  en  n'exécutant  rien  de  ce  dont 
on  convenait,  mais  saisissant  à  propos  ses  avantages;  et  le  maréchal  en 
eut  du  chagrin  :  il  eût  bien  mieux  fait  de  prendre  Jersey  et  Guerne- 
sey  ». 

1.  Se  rappeler,  à  ce  propos,  le  joli  passage  du  prince  de  Ligne  (oeuvres  mêlées, 
XII,  p.  39)  :  «  11  n'y  a  personne  qui  n'ait  écrit  et  arrangé  à  sa  façon  les  causes  de 
la  Révolution.  Elle  est  arrivée,  disent  les  dévots,  parce  qu'on  avait  lu  l'Encyclo- 
pédie: les  chevaliers  de  Saint-Louis,  parce  que  malicieusement  M.  de  St-Germain 
avait  réformé  la  maison  du  roi  ;  etc.  » 


d'histoire  et  de  littérature  477 

Il  nous  semble  pareillement  que  M.  M.  a  fait  trop  bon  marché  des 
critiques  de  Senac  de  Meilhan.  Il  ne  suffit  pas  de  dire  que  Meilhan 
avait  l'âme  vindicative  et  qu'il  se  montre  injuste.  Après  tout,  Meilhan 
ne  fait  que  reproduire  Topinion  des  contemporains.  «  Le  comte  de 
Saint-Germain  donna  des  projets  sans  les  avoir  médités,  il  les  exécuta 
avec  précipitation;  il  fit  des  ordonnances  et  y  laissa  mettre  des  restric- 
tions qui  les  anéantissaient;  il  prétendit  faire  des  économies  et  augmenta 
les  dépenses.  Il  réduisait  tout  à  des  principes  généraux  ;  il  croyait  avoir 
des  vues,  et  n'était  que  le  servile  traducteur  de  la  nation  allemande; 
mais  il  ne  connaissait  pas  la  langue  dans  laquelle  il  traduisait.  » 

M.  M.  ne  cite  pas  ces  mots  si  justes  de  Meilhan.  Voilà  le  reproche 
que  nous  ferions  surtout  à  Saint-Germain  ;  c'était  un  servile  traducteur 
de  l'allemand —  ou  du  prussien,  et  il  ne  connaissait  plus  le  français.  Ce 
fut  le  défaut  de  ceux  qui  présidèrent  aux  destinées  de  l'armée  pendant 
les  dernières  années  de  la  monarchie  du  xviii'^  siècle;  ils  méconnaissaient 
le  génie  de  la  nation.  On  a  beau  dire  que  les  coups  de  plat  de  sabre 
n'avaient  en  somme  rien  de  flétrissant;  il  ne  fallait  pas  les  rétablir 
puisque  Topinion  les  blâmait  et  que  «  l'opinion  était  déjà  une  puis- 
sance »  (p.  120),  puisque  le  soldat  français  se  croyait  déshonoré  par  ce 
genre  de  châtiment  et,  selon  le  mot  célèbre,  ne  voulait  connaître  de  l'é- 
pée  que  le  tranchant  '.  En  réalité,  comme  son  prédécesseur  du  Muy  qui 
appelait  en  France  le  baron  de  Pirch,  et  comme  beaucoup  de  ses  con- 
temporains, Saint-Germain  était  engoué  du  système  prussien.  On  ne  sait 
pas  assez  que,  durant  presque  tout  le  règne  de  Louis  XVI,  l'armée  fran- 
çaise fut  en  proie  à  ce  qu'on  appelait  les  faiseurs.  De  là  sa  haine  de 
l'ancien  régime  et  son  enthousiasme  pour  la  Révolution.  Les  témoigna- 
ges abondent;  c'est  Miot  de  Mélito(I,  p.  3)  qui  s'indigne  de  «  ces  essais 
imprudents  et  si  contraires  au  caractère  national  »  ;  c'est  l'auteur  de 


I.  Il  fallait  rappeler  le  trait  de  ce  jeune  homme,  «  d'une  des  premières  familles 
de  la  cour  »  qui  demandait  à  Ségur  de  lui  donner  vingt  coups  de  plat  de  sabre,  pour 
savoir  positivement  l'impression  que  ce  châtiment  pouvait  produire  sur  un  homme. 
(Mém.  ou  Souvenirs,  I,  i3i-i36.}  «  Saint-Germain,  dit  encore  Ségur  (128-129),  sou- 
mit le  soldat  français  à  l'humiliante  punition  des  coups  de  plat  de  sabre;  on  obéit 
avec  répugnance  et  incomplètement.  Je  me  souviens  même  d'avoir  vu  à  Lille  des 
grenadiers  répandre  au  pied  de  leurs  drapeaux  des  pleurs  de  rage,  et  le  duc  de  La 
Vauguyon,  leur  colonel,  mêler  ses  larmes  aux  leurs.  Ce  mécontentement  devint  gé- 
néral ;  le  ministre  fut  renversé  par  l'opinion  publique  qui  devenait  déjà  une  puis- 
sance. »  On  lit  de  même  dans  les  Mémoires  d'Eickemeyer  (1845,  p.  66-67)  :  «  Er 
wurde  entlassen,  weil  er  zu  viel  Gutes  auf  einmal  stiften  wollte.  Dass  er  den  solda- 
ten  viereckige  Hûte  gab  und  hierdurch  ihre  Eitelkeit  beleidigte,  war  unklug;  aber 
unrecht  und  unbesonnen  handelte  er,  aïs  er,  dem  franzœsischen  Ehrgelùhl  zuwi- 
der,  die  Stockprûgel  einfûhrte.  »  Citons  encore  ce  passage  de  Moreau  de  Jonnès 
(Aventures  de  guerre,  etc.,  i858,  1,  p.  7)  :  «  J'ai  vu  sur  le  rempart  de  Rennes,  der- 
rière les  Carmes,  le  vicomte  de  Mirabeau,  colonel  du  régiment  Je  Touraine,  prési- 
der lui-même  au  supplice  des  militaires  qu'il  faisait  passer  par  les  verges;  il  les 
suivait  pas  à  pas  et  criait  aux  soldats  :  frappez  fort,  donnant  des  coups  de  plats  a'é- 
pée  à  ceux  dont  le  cœur  faiblissait  dans  ces  barbares  exécutions.  » 


47^  RKVUK    CRITIQUK 

VEssai  sur  la  vie  de  Bouille  qui  remarque  (II,   p.  21)  qu''on  imitait  ||| 

aveuglément  les  vainqueurs,  modifiait  sans  mesure  et  dissolvait   sans  ' 

réflexion  et  sans  prévoyance;  c'est  Dumouiiez  (lîl,  p.  192)  qui  déclare 
qu'on  «  tourmentait  les  troupes  par  des  changements  multipliés  d'exer- 
cices ei  de  manœuvres  »;  c'est  Ségur  (Mém.  ou  souv.,  I,  128)  qui 
écrit  que  les  «  faiseurs  tourmentaient  les  soldats  par  des  détails  minu- 
tieux et  les  officiers  par  une  sévérité  plus  dure  que  juste»-,  c'est 
Lafayette  (Mém.  III,  276)  qui  s'irrite  de  la  faveur  de  Pirch,  devenu 
le  «  précepteur  »  de  l'armée  et  affirme  qu'on  épuisait  les  troupes  et 
les  tracassait  mal  à  propos;  c'est  Mathieu  Dumas  qui,  rédigeant  avec 
La  Tour  du  Pin  et  Gouvernet,  un  mémoire  au  roi,  dit  dans  le  préam- 
bule que  «  l'heure  est  enfin  venue  d'abjurer  la  trop  longue  erreur 
d'une  servile  imitation  du  militaire  des  nations  allemandes  »  (Souv.  I, 
447);  c'est  Latour-Foissac  (mémoire  inédit)  qui  assure  qu'au  début  de 
la  Révolution,  «  les  officiers  provoquaient  la  défiance  du  soldat  par 
des  propos,  des  procédés,  des  regrets  exagérés  vers  cette  discipline  du 
Nord  qui  avilissait  autrefois  les  armées  françaises  ».  Saint-Germain  — 
et  M.  M.  n'insiste  pas  assez  sur  ce  point  —  fut  un  des  ministres  de  la 
guerre  que  domina   la  Prussiomanie. 

Au  reste,  M.  M.  a  jugé  très  impartialement  son  héros;  il  reconnaît 
chez  Saint-Germain  comme  chez  Turgot,  la  précipitation,  le  dédain  des 
difficultés  pratiques;  il  l'accuse  d'avoir  voulu  aller  trop  vite  en  beso- 
gne; mais  il  observe  que,  comme  toujours,  le  secrétaire  d'état  de  la 
guerre  était  aux  prises  avec  le  contrôleur-général  et  qu'on  doit  rejeter 
sur  la  finance  une  grande  partie  des  difficultés  que  rencontra  l'œuvre  de 
Saint-Germain.  11  y  avait  encore  un  mot  de  Dumouriez  à  citer  là- 
dessus  :  a  Saint-Germain  était  arrêté  à  tout  moment  par  les  privilèges 
des  corps,  par  les  grandes  charges  et  par  les  protections  »  (II,  3, 
p.  196). 

Peut-être  M.  M.  n'a-t-il  pas  analysé  suffisamment  le  caractère 
du  comte;  il  nous  le  peint  «  caustique  et  sombre,  railleur  et  mélanco- 
lique, prompt  à  l'abandon  et  à  la  défiance  »  ;  il  nous  dit  en  note  qu'on 
l'appelait  le  Rousseau  du  militaire  et  nous  renvoie  à  Grimoard  pour 
a  les  saillies  nombreuses  échappées  à  lu  verve  de  Saint-Germain  ».  Il 
eut  fallu  citer  quelques-unes  de  ces  paroles  mordantes  et  de  ces  sorties 
misanthropiques;  il  eût  fallu  rassembler  tous  les  traits  relatifs  au 
caractère  de  Saint-Germain  et  épars  dans  les  mémoires  contemporains, 
en  composer  un  portrait  plein  de  vie  et  de  relief.  Senac  de  Meilhan  a 
tracé  ce  portrait;  on  pouvait  le  reproduire  ou  noter  en  passant  ce  qu'il  a 
de  vrai  et  de  faux,  et,  selon  nous,  il  a  plus  de  vrai  que  de  faux.  M.  M. 
ne  semble  pas  avoir  connu  ce  jugement  que  nous  trouvons  dans  l'Essai 
sur  la  vie  du  marquis  de  Bouille  :  «  Le  nom  seul  de  Saint-Germain 
rappelle  l'effet  funeste  produit  sur  l'organisation  militaire  et  sur  l'esprit 
des  troupes  par  des  réiormes  incomplètes  et  par  des  mesures  révoltantes, 
conçues  dans  l'influence  d'un  talent  incontestable,  mais  vieilli,  et  d'un 


d'histoire  kï  dk  littérature  479 

caractère  inquiet,  soupçonneux,  accessible  aux  réclamations  intéressées 
des  gens  puissants,  tout  en  se  plaisant  à  lancer  les  traits  d'un  esprit 
caustique  et  en  affichant  les  apparences  delà  simplicité  et  de  la  résolu- 
tion. »  Ce  jugement  est  plus  calme,  plus  modéré  que  celui  de  Meilhan, 
qui  avait  sur  le  cœur  la  suppression  de  sa  place  d'intendant  de  l'armée; 
mais,  de  même  que  l'auteur  de  ÏEssai,  Meilhan  signale  chez  Saint- 
Germain  «  un  degré  de  défiance  qui  ne  peut  s'allier  avec  un  cœur  géné- 
reux, et  même  avec  une  certaine  étendue  d'esprit  »;  il  dit  que  Saint- 
Germain  «  affichait  dans  ses  discours  l'héroïsme,  la  vertu  j>,  qu'il 
«  écouta  tous  les  gens  qui  s'empressent  d'arracher  la  confiance  d'un 
ministre  et  trafiquent  de  leur  accès  »,  qu'il  «  faisait  des  changements 
par  inquiétude  d'esprit  «. 

Mais  M.  M.  a  fort  bien  mis  en  lumière  ce  que  l'œuvre  de  Saint- 
Germain  renfermait  de  bon  et  de  durable;  il  montre  que  ce  ministre 
n'était  pas  un  brouillon  incapable  ni  un  ambitieux  vulgaire;  qu'il  reprit 
les  traditions  de  Louvois;  qu'il  s'efforça  d'établir  l'uniformité  dans  les 
cadres  et  dans  tous  les  services  et  de  faire  de  l'armée  «  un  corps  homo- 
gène et  solide,  capable  de  se  suffire  à  lui-même,  soumis  dans  toutes  ses 
parties  aux  règles  de  la  hiérarchie,  de  la  discipline,  de  la  subordina- 
tion ».  Ce  livre  composé  avec  le  soin  le  plus  consciencieux  et  qui 
témoigne  de  recherches  étendues  autant  que  d'une  vive  sagacité  d'esprit, 
est  une  des  meilleures  et  des  plus  belles  études  que  nous  ayons  sur  l'or- 
ganisation militaire  de  l'ancien  régime.  Bien  connaître  les  réformes  de 
Saint-Germain,  dit  M.  Mention  (p.  vu),  c'est  bien  connaître  en  même 
temps  la  constitution  de  l'armée  française  pendant  les  derniers  jours  de 
la  monarchie.  Il  suffira  désormais  de  lire  son  livre  pour  connaître  les 
réformes  de  Saint-Germain  et  par  suite  l'armée  de  Louis  XVI,  l'armée 
de  la  guerre  d'Amérique  qui  sera  la  première  armée  de  la  Révolution 
et  arrêtera  l'invasion  de  1792. 

A.  Chuquet, 

ACADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  4  décembre  iS85. 

M.  Alexandre  Bertrand  rappelle  que,  sur  les  tombes  de  le'gionnaires  romains,  qui 
ont  été  trouvées  jusqu'ici  en  Gaule,  on  voit  généralement  figurer  une  arme  connue 
sous  le  nom  de  para:çonium  .-c'est  un  petit  poignard  à  lame  large  et  courte,  que  le 
soldat  portait  dans  un  fourreau  de  métal  attaché  à  la  ceinture,  au  côté  gauche.  Les 
images  de  cette  arme,  seules  connues  jusqu'ici,  avaient  permis  d'en  juger  l'aspect  gé- 
néral, mais  n'en  faisaient  pas  connaître  suffisamment  les  détails.  M.  Bertrand  a  dé- 
couvert cette  année  en  Bretagne  un  exemplaire  assez  bien  conser\é  de  l'arme  elle- 
même,  d'après  lequel  il  a  pu  en  faire  exécuter  une  restitution  complète,  qu'il  met 
sous  les  yeux  des  membres  de  l'Académie. 

M.  Barbier  de  Meynard  fait  remarquer  que  le  poignard  présenté  par  M.  Bertrand 
est  tout  semblable  à  une  arme  en  usage  chez  les  Persans,  et  que  ceux-ci  portent  éga- 
lement attachée  au  côté  gauche  de  la  ceinture. 

M.  Bergaigne  fait  une  communication  importante  sur  les  dernières  inscriptions 
recueillies  dans  l'Indo-Chme  par  M.  Aymonier.  Cette  année,  M.  Aymonier  avait  en- 
trepris l'exploration  de  l'Annam  II  s'est  trouvé  arrêté  à  Quinhou  par  les  massacres 
qui  ensanglantaient  le  pays;  mais  il  avait  eu  le  temps  déjà  d'estamper  une  cinquan- 


480  REVUE    CIUTIQUK    d'hTSTOIRE    ET    DE    LITTERATURE 

laine  d'inscriptions  dans  les  provinces  de  Binh  Thuan,  de  Khanh  Hoa,  de  Phu  Yen 
et  de  Binh  Dinh.  Ces  provinces  ont  fait  partie  de  l'ancien  royaume  de  Tchampâ, 
connu  de  Marco  Polo  sous  le  nom  de  Ciampa  ou  Cyamba.  et  qui  s'étendait  bien  au 
delà,  jusqu'au  Tonkin,  d'où  les  Annamites  sont  descendus  pour  conquérir  peu  à  peu 
toute  la  côte  orientale  de  l'Indo-Chine.  Les  inscriptions  mettent  hors  de  doute  la  ci- 
vilisation indienne  de  Tchampâ  et  l'introduction  dans  ce  royaume  des  dift'érents 
cultes  brahmaniques,  principalement  du  çivaisme,  ainsi  que  d'un  bouddhisme  pareil 
au  bouddhisme  ancien  du  Cambodge.  Elles  sont  rédigées,  les  unes  en  sanscrit,  les 
autres  dans  une  forme  ancienne  de  la  langue  tchame,  encore  parlée  aujourd'hui  dans 
le  Binh  Chuan,  et  gravées  dans  un  alphabet  originaire  de  l'Inde  du  sud.  Elles  four- 
nissent les  noms  d'une  vingtaine  de  rois,  tous  terminés  en  -vaiman,  et  des  dates 
allant  de  706  à  i  338  de  l'ère  çaka  (784  à  1436  de  notre  ère).  Plusieurs  d'entre  elles, 
non  datées,  sont  gravées  en  'caractères  beaucoup  plus  archaïques,  et  peuvent  re- 
monter au  vu*  siècle  de  notre  ère,  ou  même  au  delà.  Les  données  historiques  sont 
plus  précises  que  dans  les  inscriptions  du  Cambodge  et  ont  une  importance  qui  as- 
sure aux  inscriptions  de  Tchampâ  une  place  à  part  dans  l'épigraphie  du  moyen  âge 
indien.  Le  royaume  de  Tchampâ  était  souvent  en  lutte  avec  ses  voisins  de  Java,  du 
Cambodge,  de  la  Chine  (avant  l'émancipation  des  Annamites  au  x«  siècle)  et  enfin 
de  l'Annam.  Les  inscriptions  contiennent  des  renseignements  précieux  sur  ces  diffé- 
rentes guerres,  et  particulièrement  sur  les  expéditions  maritimes  des  Javanais,  qui 
détruisirent  un  temple  de  Çiva  dans  la  plaine  de  Phanrang  en  l'an  70g  de  l'ère  çaka 
(787  de  notre  ère).  Elles  prouvent  que  le  nom  d'Yvan,  donné  par  les  Tchams  aux 
Annamites,  est  bien  le  même  que  l'ancien  nom  de  Yavana,  donné  primitivement 
aux  Grecs  par  les  Hindous,  ici  transporté  à  d'autres  ennemis  venant  également  du 
Nord-Ouest.  Enfin,  plusieurs  monuments,  datés  de  1191  (1271)  et  des  années  sui- 
vantes, portent  le  nom  de  Çrîjaj'asatyavarmadeva,  répondant  exactement  à  celui 
du  roi  qui,  d'après  les  annales  chinoises,  devint  tributaire  de  Khoubilaï  Khan  en 
^278,  et  qui  fut  connu  de  Marco  Polo. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Siméon  Luce  :  1°  Emile  Travers,  le  Sceau  de  Loja 
et  la  Sigillographie  pittoresque ,  principalement  en  Espagne;  2°  A.  de  la  Borderie, 
r Emigration  bretonne  en  Armorique  (extrait  de  la  Revue  celtique);  3"  le  même, 
Frolssart  et  le  début  de  la  guerre  ae  Blois  et  de  Monîfort  en  1841  ;  —  par  M.  Sche- 
fer  :  Emile  Legrand,  Bibliographie  hellénique;  —  par  M.  Bergaigne  :  Etienne  Ay- 
MONiER,  1°  Notes  sur  le  Laos  ;  2"  Notes  sur  l'Annam,  1,  le  Binh  Thuan;  3"  ïEpi- 
graphie kambodgienne {extrait  des  Excursions  et  Reconnaissances);  —  par  M.  Gaston 
Pans  :  Ad.  Tobler,  le  Vers  français  ancien  et  moderne,  traduit  sur  la  2'  édition  al- 
lemande par  Karl  Bkeul  et  Léopold  Sudre. 

Julien  Havet. 

SOCIÉTÉ  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE 


Séance  du  2^  novembre. 

présidence  de  m.  courajod 

M.  de  Barthélémy  communique,  de  la  part  de  M.  Danecourt,  une  note  accompa- 
gnant l'envoi  d'une  tuile  laitière  qui  porte  les  lettres  CL'BR-  en  relief,  estampille 
de  la  classis  Britannica.  Cette  tuile  a  été  trouvée,  ainsi  que  d'autres  spécimens 
semblables,  à  Boulogne-sur-Mer,  rue  de  la  Porte-Gayolle,  sur  les  bords  de  la  Liane. 
M.  Mowat  fait  observer  que  l'intérêt  de  cette  communication  réside  surtout  dans  le 
fait  de  la  découverte  d'un  certain  nombre  de  tuiles  dans  un  terrain  déterminé;  cette 
circonstance  tendrait  à  prouver  que  le  quartier  des  équipages  de  la  flotte  romaine 
était  précisément  à  cet  endroit. 

M.  Pallu  de  Lessert  parle  de  son  récent  voyage  en  Algérie  et  des  actes  de  vanda- 
lisme dont  il  a  été  témoin.  Il  en  fait  remonter  la  responsabilité  à  l'Administration 
qui  laisse  carte  blanche  aux  entrepreneurs  qu'elle  emploie;  la  masse  du  public  est 
malheureusement  indifférente  au  sort  des  antiquités  ;  il  faudrait,  par  des  écrits  po- 
pulaires et  peu  coûteux,  développer  le  goût  des  études  d'histoire  locale. 

M.  Lecoy  de  la  Marche  présente  quelques  spécimens  d'enluminure,  et  notamment 
d'application  de  l'or  en  feuille  sur  le  parchemin,  spécimens  qui  lui  ont  été  envoyés 
par  des  artistes  de  province  et  exécutés  d'après  les  recettes  du  «  De  Arle  illumi- 
nandi  «,  grâce  à  la  divulgation  qu'il  en  a  faite. 

M.  Courajod  compare,  à  l'aide  de  photographies  et  d'un  moulage,  un  buste  en 
marbre  du  Musée  du  Louvre,  provenant  du  château  de  Gaillon,  avec  une  des  sta- 
tues d'apôtre  du  tombeau  de  Louis  XII  à  Saint-Denis.  11  en  conclut  que  l'auteur  du 
buste  de  Gaillon  pourrait  être  l'un  des  membres  de  la  famille  italienne  des  Juste. 

Le  Secrétaire, 
R.  Mowat. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 

Le  Pu\'    :mj}r:msi-ie  de  Marchesxnu  iîlx,  boulevard  Saint-Laurent,  si. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N»  51  —  21  décembre  —  1885 


!goniinaîi-e  s  2  3o.  Latychew,  Inscriptions  grecques  et  latines  du  littoral  du 
Pont-Euxin.  —  23i.  Hersel.  Les  citations  du  Pseudo-Longin.  —  232.  Pauli, 
Les  inscriptions  en  nord-étrusque.  —  233.  Mûntz,  Donatello.  —  204.  Corres- 
pondance de  Dobrowsky  et  de  Kopitar,  p.  p.  Jagic.  —  235.  Von  ler  Goltz,  de 
Rossbach  à  lena;  Publications  historiques  du  grand  état-major  allemand,  i-vi; 
York  de  Wartenbourg,  Napoléon  général,  I.  —  Académie  des  Inscriptions.  — 
Société  des  Antiquaires  de  France. 


23o.    —    Basile    LArycHEW.    ïusei-îptîoiies    ^xtliciiii»    o»  se    soptenti'îonalîs 

Ponti  Eiixîïsi  gi-saeai  et  lutlEi:».  Jussu  et  inipensis  societatis  archaeologicae 
imperii  russici.  Vol.  I,   Petropoli,  i885.  In-4,  vni-244  p. 

La  partie  du  Corpus  inscriptioniim  graecariim  de  Boeckh  relative 
à  la  Russie  méridionale  ne  compte  guère  que  80  numéros.  Aujourd'hui, 
grâce  à  l'activité  déployée  depuis  un  demi  siècle  par  les  explorateurs 
russes,  le  nombre  de  te:aes  provenant  de  ces  régions  doit  dépasser  5 00. 
Plusieurs  de  ces  inscriptions  sont  inédites,  enfouies  dans  quelque  mu- 
sée provincial;  d'autres  ont  été  publiées,  mais  étaient  naguère  dissémi- 
nées à  travers  une  foule  de  recueils  périodiques,  de  récits  de  voyages  ou 
de  mémoires  spéciaux,  souvent  rédigés  en  russe,  c'est-à-dire  inaccessi- 
bles à  la  majorité  des  savants.  Il  devenait  urgent,  si  l'on  voulait  enfin 
tirer  un  parti  sérieux  de  tous  ces  matériaux,  de  les  réunir  et  de  les 
classer.  C'est  ce  qu'a  compris  la  société  archéologique  russe  quand  elle 
a  confié  à  MM.  Pomialovsk  et  Sokoloff  d'abord,  puis  à  M.  Basile 
Latychew,  jeune  savant  déjà  très  apprécié  chez  nous,  le  soin  de  rédiger 
un  recueil  complet  et  commode,  destiné  à  rendre  aux  études  épigra- 
phiques  le  même  service  que  les  Antiquités  du  Bosphore  cimmérien 
ont  rendu  aux  études  archéologiques. 

Il  faut  féliciter  M.  Latychew  de  la  manière  dont  il  a  entendu  et  exé- 
cuté sa  tâche.  Le  format  choisi  tient  heureusement  le  milieu  entre  Fin- 
folio,  si  peu  maniable,  et  l'in-octavo,  où  les  textes  épigraphiques  sont 
trop  à  l'étroit.  La  typographie,  sans  viser  au  luxe,  est  correcte  et  claire, 
le  caractère  adopté  respecte  les  yeux  du  lecteur.  L'ordre  suivi  est  celui 
qui  est  consacré  pour  toutes  les  publications  de  ce  genre  :  en  première 
ligne  l'ordre  géographique;  puis,  pour  chaque  localité,  le  classement 
par  genres  de  documents,  et  dans  chaque  genre  l'ordre  chronologique, 
autant  qu'il  est  possible  de  le  déterminer.  Sous  chaque  itîscription 
M.  L.  donne  1°  l'histoire  extérieure  du  document;  2"  le  texte  en  carac- 
tères épigraphiques  avec  les  principales  variantes  de  lecture;  3"  le  texte  en 
Nouvelle  série,  XX.  5i 


482  RKVUK   CRITlQUIi 

minuscules;  4°  le  commentaire  exégétique;  5"  pour  les  monuments  les 
plus  importants,  la  traduction  en  russe.  Un  index  de  17  pages,  très  pré- 
cieux pour  l'onomastique  ',  et  deux  fac-similés  complètent  le  volume. 
Toute  cette  disposition  est  irréprochable;  cependant  je  ne  vois  pas  très 
bien  l'utilité  de  la  traduction  russe,  qui  ne  s'adresse  évidemment  qu'à  un 
nombre  intime  de  lecteurs  :  il  eût  mieux  valu  la  supprimer  tout  à  fait 
ou  la  remplacer  par  une  traduction  française.  D'autre  part  le  commen- 
taire est  parfois  un  peu  maigre.  M.  L.,  par  excès  de  discrétion,  renvoie 
volontiers  aux  travaux  de  ses  devanciers,  au  lieu  d'en  extraire  la 
substance.  Enfin  je  regrette  l'absence  de  courtes  notices,  en  tête  de  chaque 
chapitre,  résumant  ce  qu'on  sait  de  l'histoire  et  de  la  topographie  de 
la  localité.  Les  notices  de  Boeckh  sont  très  remarquables,  mais  ne  sont 
plus  tout  à  fait  au  courant  de  la  science.  Peut-être  M.  L.  nous  réserve- 
t-il  la  surprise  d'un  ouvrage  spécial  sur  ce  sujet;  il  sera  le  bienvenu,  car 
le  livre  capital  de  Neumann  (Die  Hellenen  im  Skythenlande)  en  est 
resté  au  premier  volume,  et  la  thèse  latine  de  M.  Thirion  est  loin 
d'avoir  épuisé  la  matière.  Personne  n'est  mieux  préparé  à  un  travail 
de  ce  genre  que  M.  L.,  qui  nous  en  a  donné  récemment  un  échantillon 
dans  son  étude  sur  la  constitution  de  Ghersonèse,  publiée  au  Bulletin 
de  correspondance  hellénique  {[SS5,  p.  265  et  suiv.) 

Même  en  se  restreignant  ainsi,  l'auteur,  je  me  hâte  de  l'ajouter,  n'a 
pas  lait  simplement  œuvre  de  compilateur.  Il  a  vérifié  scrupuleusement 
tous  les  textes  sur  les  monuments  originaux,  quand  il  a  pu  les  découvrir  ; 
ce  travail,  un  peu  ingrat,  lui  a  fourni  d'excellentes  corrections,  et  lui  a 
permis  d'en  écarter  de  mauvaises  -.  S'il  consulte  volontiers  ses  devan- 
ciers pour  les  «  suppléments  »,  il  ne  les  suit  pas  servilement;  plu- 
sieurs de  ses  restitutions  nouvelles  sont  très  heureuses.  Enfin  un  certain 
nombre  de  textes,  dont  quelques-uns  d'un  grand  intérêt,  paraissent  ici 
pour  la  première  fois.  Je  citerai  notamment  le  n"  17,  d'Olbia,  qui  com- 
plète par  de  curieux  traits  le  célèbre  décret  en  l'honneur  de  Protogène, 
—  cette  perle  des  inscriptions  de  la  mer  Noire,  —  et  le  n"  24,  un  des 
rares  décrets  d'Olbia  qui  aient  une  date  certaine. 

Voici,  maintenant,  quelques  observations  de  détail.  P.  i65  (Leucé). 
L'inscription  n°  171,  donnée  comme  inédite,  a  été  communiquée  le 
17  avril  i885  par  M.  Egger  à  l'Académie  des  inscriptions,  et  publiée 
dans  le  Bulletin  de  correspondance  hellénique,  p.  375.  M.  L.  aurait  pu 
connaître  au  moins  la  communication  faite  à  l'Académie,  puisqu'il  cite 
dans  son  supplément  des  articles  parus  au  mois  d'avril.  Le  texte  de 

i.Lc  nom  Saumacos,  que  M.  L.  ne  retrouve  que  sur  une  monnaie  publiée  par  R. 
Weil  (p.  182)  n'est  peut-être  qu'une  variante  orthographique  de  2a)[J,a/0Ç,  qui  se 
rencontre  plusieurs  fois  à  Olbia. 

2.  Ainsi  dans  linscription  de  Diophante  (n»  ]85)  1.  8,  -.xHlJ.V/OÇ,  h  '/^ptiix  rem- 
place la  fantastique  localité  Tp'Ji'a  de  Dittenberger.  De  même  au  no  242  (inscr.  de 
Scilur,  une  mauvaise  lecture,  que  Boeckh  avait  donnée  comme  certaine,  est  justement 
mise  de  côte. 


i>  HiSTOIRE    ET    DE    Ll'iTERATURK 


483 


M.  Egger  est  dailleurs  fautif  sur  plusieurs  points.  —  P.    i8o  (Cherso- 
nèse).   Le  décret  en  Thonneur  de  Diophante,  général  de  MithriJate,  la 
pièce  la  plus  importante  du  recueil  avec  le  décret   d'Olbia,    méritait 
quelques    développements,    même   après    l'excellent    commentaire   de 
M.  Foucart  (Bulletin  de  correspondance  hellénique,  1881,  p.  70).  Pour 
ne  relever  qu'un  point,  M.  Foucart  avait  remarqué  que  Diophante  est 
appelé  dans  l'inscription  fils  d^Asclépiodore,  tandis  que   Memnon  lui 
donne  pour  père  Mitharos  ^  Comment  expliquer  cette  anomalie?  M.  F. 
suppose,  sans  vraisemblance,  qu'Asclépiodoreest  la  forme  hellénique  du 
nom  barbare  Mitharos.   M.  L.  n'admet  pas  cette  explication  :  il  aurait 
pu  au  moins  la  mentionner.  En  revanche  il  aurait  dû  s'abstenir  de  repro- 
duire la  conjecture  de  Rumpf  (Neue  Jahrbiicher  Jiir  Philologie,  iBBi, 
p.  334)  d'après  laquelle  M'.Oâpcu  chez  Memnon  serait  une  faute  pour 
M'.O(paoi-ou)  GTp(ar^Y)<^-  Sans  doute  les  manuscrits  ont  Mtôapto  et  la  vul- 
gate  n'est  qu'une  correction  de  Scaliger;  mais  il  suffit  de  se  reporter  au 
texte  de  l'historien  pour  voir  que  Mithridate,  étant  le  sujet  de  la  phrase, 
ne  peut  pas  figurer  comme  complément  dans  une  incidente'  !  La  vérité 
est  que  le  texte  est  corrompu,  mais  que  ce  n'est  pas  MiOipw  qu'il  faut 
changer.  Je  lis  Aiosav-o)  os  y.a\  (au  lieu  de  7(0)  MtOâpco  o'jvay.'.v  006;  •/,.  t.  A. 
Ce  Mitharos,  collègue  de  Diophante,  et  non  son  père,  est  sans  doute  le 
même  généralqu'Appien  (Mith.  10]  appelle  MiOpaa;.  (Le  nom  se  retrouve 
aussi  sous  la  forme  Mithrès  à  Comana  et  ailleurs  :  Bull.  corr.  helL, 
i883,  p.  I  38).  Cette  correction  me  paraît  d'autant  plus  certaine  :  i"  que 
Memnon  ne  donne  jamais  les  noms  patronymiques  des  généraux   de 
Mithridate;  2°  qu'il  a  déjà  mentionné  Diophante  antérieurement  (p.  343, 
Did.)  et  que  c'est  à  cette  occasion  qu'il  aurait  dû  indiquer  le  nom  de 
son  Père,  s'il  l'avait  voulu. 

On  voit  qu'il  faut  chercher  chicane  à  M.  Latychew  pour  le  trouver 
en  défaut.  Je  termine  en  espérant  qu'il  ne  nous  fera  pas  trop  attendre 
la  suite  de  son  excellente  Dublication  :  il  nous  doit  encore  le  2^  volume 

j 

'inscriptions  du  Bosphore)  et  le  3"  {varia  supellex).  C'est  seulement 
quand  nous  serons  en  possession  de  tous  ces  éléments  d'information 
que  nous  pourrons  nous  faire  une  idée  exacte  de  ce  vaillant  petit  monde 
des  colons  grecs  de  l'Euxin,  sentinelles  perdues  de  la  civilisation  hellé- 
nique dans  les  brumes  de  la  Scythie,  que  Rome  aurait  négligé  de  re- 
lever si  son  plus  redoutable  ennemi  ne  lui  en  avait  pas  donné  l'exem- 
ple. 

Théodore   Reinach. 

1.  Fr.  hist.  gv.  Didot,  III,  p.  543. 

2.  Voici  ce  texte  :    M'.Op'.$âr/;ç  C£  akAov  ~t  cTpatcv    au/;/cv  Trapscv.S'jâçe'û.., 


484  Rfc.VUh    CKllIQOfc 

23l.  —  Qua  In  eStundis  seriptoruni   et  paetarum    locis    uuctor    libelli 

TZiii    iio'j;    u»iUb    sit   l'Mtîone,  par    K.   Hersel.  Uerlin,    1884,   in-8,  70   pages 
(dissertation  inaugurale). 

Cette  dissertation,  malgré  le  caractère  très  spécial  du  sujet  qui  s'y 
trouve  traité,  est  de  nature  à  intéresser  plus  de  lecteurs  qu'il  ne  semble 
peut-être  au  premier  abord.  La  question  des  citations  dans  le  Pseudo- 
Longin  touche  en  effet  à  la  question  générale  des  citations  dans  les 
rhéteurs  et  les  grammairiens.  Or  tout  le  monde  sait  que  le  texte  de  ces 
citations  diffère  souvent,  dans  une  mesure  plus  ou  moins  notable,  de 
celui  que  donnent,  pour  les  mêmes  morceaux  des  grands  écrivains,  les 
meilleurs  de  nos  manuscrits.  L'éditeur  qui  publie  un  texte  classique  a 
presque  toujours  à  se  demander  ce  que  valent  ces  variantes  et  quelle 
en  est  l'autorité.  Bien  que  la  réponse  ne  doive  pas  être  absolument  la 
même  pour  tous  les  auteurs  de  citations,  une  étude  minutieuse  faite 
sur  l'un  d'eux  ne  peut  manquer  de  fournir  beaucoup  de  matériaux  et 
d'indications  utiles  pour  toute  autre  du  même  genre.  M.  Hersel  a  étu- 
dié le  Pseudo-Longin,  à  ce  point  de  vue,  avec  beaucoup  de  conscience, 
de  savoir  et  de  justesse  d'esprit.  La  conclusion  qu'on  tirera  de  son  tra- 
vail est  que  les  causes  d'inexactitude  dans  les  citations  étaient  multiples 
pour  les  rhéteurs  et  les  grammairiens,  et  qu'on  ne  saurait  se  servir  de 
leurs  reproductions  des  textes  classiques  qu'avec  infiniment  de  réserve 
et  de  prudence. 

A.  Cr. 


232.    —    D'    Cari  Pauli.     E>le    ansclififtcn    nortleti-uskiselaen    AlpJiubets. 

(Avec  sept  planches  lithographiques).  Leipzig,  Barth,  iS85.  In-8,  vin,  i3i  p. 

L'intérêt  principal  de  ce  livre  est  dans  les  inscriptions  euganéennes 
d'Esté,  publiées  en  fac-similé  et  en  transcription.  Un  certain  nombre 
d'autres  inscriptions  inédites,  dont  plusieurs  trouvées  à  Gurina,  en 
Carinthie,  enrichissent  ce  recueil.  L'auteur  a  réuni,  en  outre,  toutes  les 
inscriptions  en  écriture  «  nord-étrusque  »  connues  jusqu'à  ce  jour,  par- 
ticulièrement celles  qui  ont  été  classées  et  commentées  autrefois  par 
Mommsen  (Mémoires  de  la  Société  archéologique  de  Zurich^  i853). 
Nous  avons  donc  ici  un  recueil  commode,  qui  ne  pourra  manquer 
d'aller  aux  mains  de  tous  ceux  qui  s'occupent  d'épigraphie  italique. 

C'est  seulement  par  l'écriture  que  se  ressemblent  les  inscriptions 
colligées  dans  ce  volume,  car  elles  se  divisent,  au  point  de  vue  de  la 
langue,  en  plusieurs  catégories  bien  tranchées.  Encore  l'écriture  des 
tables  de  bronze  trouvées  à  Este  est-elle  notablement  différente  des 
autres.  Il  faudrait,  pour  le  dire  en  passant,  se  garder  d'attribuer  aux 
bronzes  d'Esté  une  trop  haute  antiquité,  d'après  la  forme  parfois  étrange  j 
des  lettres.  Sur  l'une  de  ces  tables,  au  milieu  du  texte  euganéen,  on! 
trouve  ces  mo:s  parfaitement  lisi'oles  :   DEDIT  LIBENS   MERITO, 


d'histoiriî  et  on  r.irrÉUATunE  485 


qui  nous  transportent  en  pleine  époque  romaine,  et  non  la  plus  an- 
cienne. La  plupart  de  ces  petits  monuments  épigraphiques  se  terminent 
par  des  espèces  d'alphabet,  une  même  lettre  étant  répétée  un  grand 
nombre  de  fois  sur  toute  Pétendue  d'une  ligne.  M.  P.  suppose  que  ces 
tables  servaient  à  apprendre  à  lire  dans  les  écoles  annexées  aux  temples. 
Je  doute  que  cette  hypothèse  trouve  beaucoup  d'accueil. 

Au  mot  euganéen,  M.  P.  préfère  celui  de  vénète,  lequel  a,  en  effet, 
l'avantage  de  désigner  la  population  qui,  au  temps  de  l'époque  romaine, 
occupait  cette  région.  Ce  que  nous  pouvons  lire  jusqu'à  présent  de  la 
langue  vénète  se  borne  à  une  soixantaine  de  mots  dont  nous  ignorons 
le  sens.  M.  P.  croit  reconnaître  un  génitif  en  -/z,  -ah,  -eh,  -oh,  dont  il 
rapproche  les  génitifs  en  -aihi,  -eihi,  -ihi^  -oihi  du  dialecte  messapien. 
Il  n'est  pas  impossible,  en  effet,  que  nous  trouvions  aux  deux  bouts  de 
la  Péninsule  les  tronçons  d'une  population  que  l'invasion  latino-osque 
a  coupée  par  le  milieu.  Mais  M.  P.  va  plus  loin,  et  se  laissant  glisser  à 
son  tour  sur  la  pente  dangereuse  de  l'indo-germanisme,  croit  pouvoir 
rattacher  à  la  famille  arienne  le  messapien  et  le  vénète.  Ici  nous  nous 
séparons  de  lui,  refusant  absolument  de  reconnaître  une  langue  indo- 
européenne, soit  dans  les  mots  qu'il  a  déchiffrés  sur  les  tables  d'Esté,  soit 
dans  ceux  que  M.  Deecke  a  récemment  extraits  des  inscriptions  m.essa- 
piennes.  II  semble  que  le  piège  de  Tindo-germanisme  menace  de  saisir 
une  nouvelle  victime. 

Où  M.  P.  est  sur  un  terrain  plus  solide,  c'est  quand  il  s'occupe  des 
inscriptions  en  caractère  «  nord-étrusque  »  qui  recouvrent  des  mots 
gaulois.  Nos  celtologues  feront  bien  d'étudier  cette  partie  de  son  tra- 
vail, où  ils  trouveront  de  précieuses  indications.  En  ce  qui  concerne 
les  dates  qu'il  assigne  aux  différentes  espèces  d'inscriptions,  M.  P.  se 
montre  d'une  modération  rare  en  pareille  matière  :  il  les  place  entre 
l'an  260  et  l'an  i5o  av.  J.  C. 

En  résumé,  l'auteur,  qui  défriche  un  sol  vierge,  a  résolument  abordé 
quantité  de  problèmes  difficiles;  on  peut  le  trouver  hardi  quelquefois, 
mais  sans  cette  hardiesse  ii  n'aurait  pas  fait  son  livre.  Grâce  à  lui,  nous 
possédons  aujourd'hui,  sous  un  format  commode,  tout  un  nouveau 
chapitre  d'épigraphie,  déjà  utile  à  consulter  et  riche  en  promesses  pour 
l'avenir. 

Michel  Bréal. 


233.—  E>onatelîoe  par  Eugène  Mûntz.  Paris,  J.  Rouam.  i885;  gr.  ip.-8  de  !  20  pp 
Prix  :  5  fr. 

M.  Muntz  est  infatiga'ole.  Son  livre  sur  la  Renaissance  en  Italie  et 
en  France  est  à  peine  paru  qu'un  nouveau  volume  sollicite  l'attention 
de  la  critique.  Celui-ci  n'a  ni  les  mêmes  proportions,  ni  la  même  por- 
tée; il  constitue  cependant  pour  l'auteur  un  nouveau  titre  à  la  recon- 


486  KKVUK    CUIliyU! 

naissance  du  public.  C'est  la  première  fois  que  paraît  un  livre  aussi 
complet  sur  la  vie  et  l'œuvre  de  Donatello.  Le  texte  clair,  précis,  résu- 
mant et  complétant  les  travaux  antérieurs,  est  accompagné  de  48  gra- 
vures sur  bois.  J'aurais  aimé  voir  mentionnée  dans  l'ouvrage,  ne  fût-ce 
que  pour  en  établir  la  non-authenticité,  s'il  y  a  lieu,  la  pierre  tombale 
du  cardinal  Angelo  Acciaccoli  à  la  chartreuse  du  Val  d'Ema.  A  propos 
des  bas-reliefs  destinés  à  la  tribune  des  orgues  du  Dôme  de  Florence, 
M.  M.  remarque  avec  raison  (p.  5o)  les  fâcheux  effets  qu'ils  produisent, 
déposés,  comme  ils  le  sont,  sur  le  sol,  au  musée  de  Bargello.  Il  aurait 
pu  annoncer  qu'on  s'occupe  de  rétablir  la  tribune  dans  la  grande  salle 
du  musée,  ce  qui  permettra  de  bien  jouir  des  bas-reliefs,  de  les  juger  à 
distance  et  à  leur  véritable  point.  —  Ce  livre  vient  à  son  heure,  à  la 
veille  des  fêtes  du  centenaire  de  Donatello.  que  doit  donner,  au  mois 
de  mai  prochain,  la  ville  de  Florence  toujours  jalouse  de  célébrer  ses 
gloires.  Il  a  de  plus  l'honneur  d'inaugurer  une  série  de  volumes,  com- 
prenant des  biographies  et  des  notices  critiques  sur  les  Artistes  célèbres 
de  tous  les  temps.  Des  noms  de  valeur  très  diverse  figurent  sur  la  liste 
des  collaborateurs;  la  science  n'est  pas  en  droit  de  compter  également 
sur  tous.  On  peut  espérer  malgré  cela  que  la  collection  conservera  une 
unité  de  méthode  qui  assurera  son  succès.  Il  appartiendra  à  M.  Miintz, 
chargé  de  la  direction,  de  maintenir  le  caractère  sérieux  et  critique  des 
travaux.  On  doit  engager  Féditeur  à  donner  moins  de  gravures  et  à  les 
donner  meilleures;  quelques-unes  des  illustrations  du  présent  volume 
interprètent  trop  infidèlement  l'œuvre  du  maître  florentin. 

P.    DE  NOLHAC. 


184.  — Brîerweehseî  z^vîsclien  Doîivo-w<=.Uy  «iieî  fiîopîtïïî"  (BJiOS-Sî^SS) 

hcrausgegeben  von  V.  Jagic.  Un  vol.    grand   in-8  de   cvu-ysi    pp.  Berlin,  i885, 
Commissionsverlag  der  Weidmann'schen  Buchhandlung. 


Ce  volume,  bien  que  mis  dans  le  commerce  à  Berlin,  fait  partie  des 
publications  de  TAcadémie  des  sciences  de  Saint-Pétersbourg.  Il  est  im- 
primé à  Pétersbourg  et  il  porte  un  second  titre  russe  :  Sources  pour 
l'histoire  de  la  Philologie  slave,  Tome  I.  Nous  ne  pouvons  que  félici- 
ter l'Académie  d''entreprendre  cette  collection  ;  nous  signalions  ici  même 
l'an  dernier  à  propos  de  la  correspondance  de  Pogodine  ',  Tintérêt  de 
ces  publications  qui  nous  font  pour  ainsi  dire  assister  à  l'enfantement 
des  grandes  œuvres  par  lesquelles  le  monde  slave  a  été  renouvelé  dans 
la  première  moitié  du  xix^  siècle.  On  sait  quel  rôle  considérable  Do- 
browsky  et  Kopitar  ont  joué  dans  cette  période  de  renaissance;  à  vrai 
dire,  ni  Tun  ni  l'autre  ne  soupçonnait  les  résultats  politiques  que  leurs 
études  préparaient.  Ils  n'étaient  ou  croyaient  n'être  que  de  purs  philo- 


I.  Voir  la  Revue  critique  du  17  novembre   1884. 


d'histoire    RT    de    LITTÉRATURK  487 

logLies;  si  l'on  eût  dit  à  Dobrowsky  que  la  Bohême  cinquante  ans  après 
sa  mort  posséderait  une  université  tchèque,  un  théâtre  tchèque,  une 
majorité  slave  dans  sa  diète,  on  l'eût  singulièrement  étonné;  si  Ton 
avait  annoncé  à  Kopitar  —  originaire  de  Carniole  —  que  la  renais- 
sance littéraire  des  Slaves  méridionaux  aboutirait  au  mouvement  illy- 
rien,  à  la  prise  d'armes  de  Jellacich  contre  les  Magyars,  il  eût  peut  être 
reculé  devant  ces  conséquences  peu  prévues  d'études  qu'il  croyait  pure- 
ment grammaticales.  Ce  qui  caractérise  cette  correspondance,  c'est 
qu'elle  est  entièrement  consacrée  à  la  science  pure;  de  1808  à  1828, 
pendant  vingt  années  dont  quelques-unes  furent  marquées  par  de  gran- 
des batailles,  des  démembrements,  des  traités  de  paix,  des  congrès  à  ja- 
mais mémorables,  le  linguiste  de  Prague  et  celui  de  Vienne  semblent 
absolument  indifférents  à  tous  les  bruits  du  dehors;  les  seules  questions 
qui  les  préoccupent,  c'est  la  découverte  du  ms.  de  Freisingen,  c'est  de 
savoir  quand  Dobrowsky  publiera  ses  Institutiones  lingiiœ  slavicœ  dia- 
lecti  veteris,  c'est  de  fixer  la  patrie  réelle  de  l'idiome  slavon,  c'est  de 
déterminer  l'étymologie  de  tel  ou  tel  mot  difficile,  c'est  d'inventer  un  al- 
phabet commun  à  tous  les  idiomes  slaves.  Je  n'engage  point  les  débu- 
tants m  re  ^/iiiv/ca  à  lire  ce  volume;  ils  y  trouveraient  une  foule  de 
solutions  ou  d'affirmations  qui  sont  aujourd'hui  sorties  du  domaine  de 
la  science  ou  plutôt  qui  n'auraient  jamais  dû  y  entrer.  Les  méthodes 
d'alors  n'étaient  point  ce  que  sont  celles  d'aujourd'hui  et  plus  que  tout 
autre  science  la  slavistique  a  progressé  depuis  quatre-vingts  ans.  Ce  qui 
a  plus  d'intérêt  pratique,  ce  sont  les  renseignements  que  ces  lettres  nous 
fournissent  sur  la  plupart  des  hommes  qui  ont  colla'ooré  à  la  renais- 
sance slave,  sur  Appendini  (très  bien  jugé  par  Kopitar)  sur  Bandtkie, 
Vodnik,  Vouk  Karadjitch  dont  Kopitar  seconda  les  débuts  avec  un  zèle 
des  plus  méritoires,  sur  Hanka  dont  il  proclame  la  science  et  dont  il 
dévoile  les  falsifications,  sur  l'historien  Engel,  les  académiciens  russes 
Kœppen,  et  l'enthousiaste  Schichkov,  qui  pour  être  amiral,  se  croyait 
slaviste  ',sur  l'écrivain  serbe  Obradovitch,  sur  le  baron  Zoïs  ce  généreux 
Mécène  des  Slaves  méridionaux,  sur  Schafarik,  Palacky,  Jungmann,  les 
Jeunes  coryphées  d'un  mouvement  plus  historique  que  grammatical, 
plus  patriotique  que  théorique,  qui  déconcerte  et  agace  singulièrement 
le  patriarche  de  Prague  et  le  pacifique  bibliothécaire  de  Vienne.  Les  ju- 
gements des  deux  correspondants  sont  loin  d'être  infaillibles;  la  décou- 
verte du  rhinisme  slavon  par  Vostokov,  découverte  qui  a  renouvelé  l'é- 
tude de  la  phonétique,  est  traitée  par  Dobrowsky  de  grille,  (toquade). 
A  propos  du  Jeune  Palacky  qui  travaille  à  son  histoire  de  Bohême,  il 
cite  avec  dédain  le  vers  classique  :  Partiiriunt  montes.  On  sait  aujour- 

I.  Dobrowsky  est  préoccupé  de  trouver  pour  les  Slaves  un  alphabet  universel. 
Schichkov  lui  propose  l'alphabet  russe  :  «  Auf  die  Einwendung  dass  selbst  einige 
Russen  mit  lateinischen  Lettern  zu  schreiben  Lust  hatten  war  die  Antwort  :  sol- 
chen  Leuien  soll  man  die  Kœpfe  abschiagen  i^durch  den  Henker  N.  B.;  !  Diess 
denationalisire  ein  Volk  in  der  Folge  (p.  366).  »  On  sait  l'attachement  de  M.  de  Bis- 
marck pour  l'alphabet  allemand. 


488  RRVUR    CRITIQUE 

d'hui  si  le  jeune  historien  a  tenu  sa  promesse;  quand  à  Schafarik  il 
l'exécute  en  deux  mots:  ein  iinseliger abschreiber  und phrasendrechsler . 
La  postérité  remet  toute  chose  à  sa  place  :  On  ne  lit  plus  les  Institua 
tiones  linguœ  slavicœ;  on  consulte  encore  les  Antiquités  slaves. 

Une  correspondance  aussi  complexe  et  où  les  questions  les  plus  déli- 
cates sont  abordées  à  chaque  page,  aurait  besoin  d'un  commentaire  per- 
pétuel. Nul  n'était  plus  en  état  de  le  donner  que  M.  Jagic;  mais  dans 
bien  des  cas  les  notes  eussent  été  plus  longues  que  le  texte;  la  tâche  de 
réditeur  eût  été  trop  lourde;  M.  J.  s'est  borné  à  reproduire  les  lettres  en 
fac  simile,  avec  leurs  abréviations,  leurs  allusions  parfois  peu  intelligi- 
bles. Une  introduction  d'une  centaine  de  pages,  écrite  en  langue  russe, 
donne  de  nombreux  détails  sur  la  biographie  et  les  travaux  des  savants 
cités  dans  la  Correspondance.  Trois  index  accompagnent  le  volume  : 
l'un  comprend  les  noms  d'hommes,  l'autre  la  liste  des  mots  étudiés  par 
les  correspondants  (le  plus  souvent  au  point  de  vue  étymologique),  le 
troisième  enfin  est  un  index  reriim;  il  permet  de  se  faire,  à  première 
vue,  une  idée  des  questions  scientifiques  qui  préoccupaient  alors  le 
monde  slave.  L'ouvrage  se  termine  par  des  fac  simile  de  l'écriture  de 
Dobrowsky  et  de  Kopitar.  11  est  précédé  d'un  portrait  de  Dobrowsky; 
nous  ne  savons  si  les  travaux  de  M.  Jagic  lui  permettront  de  poursui- 
vre cette  collection  qui  peut  être  considérable.  En  le  félicitant  de  ce 
nouveau  service  rendu  à  la  science,  nous  remercions  également  M.  M. 
Miklosich  et  Paiera  qui  ont  mis  à  sa  disposition,  l'un  les  originaux  des 
lettres  de  Dobrowsky,  l'autre  la  copie  de  celles  de  Kopitar  '. 

L.  Léger. 


235. —  I.  Colmar  Freilieri*  von  der  Goltz  (Major  im  Generalstabe),  Rossbach 
und  lena,  Studien  ûber  die  Zustœnde  und  das  geistige  Leben  in  der  preussischen 
Avmee  waehrend  der  Uebergangszeit  von  xviii.  zum  xix.  Jalirhundert,  mit  zwei 
Schlachtplaenen,  i883.  Berlin,  Minier  und  Sohn  (Kochstrassc,  G9-70).  In-8, 
ix-3o8  p.  et  55  p.  d'appendice.  Prix  :  7  mark. 

II.  Ki-îegsgescliielitliclie  Einzelsclirîften,  herausgegeben  vom  Grossen 
Generalstabe,  Abtheiiung  fur  Kriegsgeschichte.  Berlin,  Mittler  ;  six  fascicules 
formant  le  premier  volume;  i^'^'fasc.,  2°  édition,  i883.  In-8,  vnr  et  i2q  p.  avec 
quatre  cartes.  2  mark  5o;  —  2®  fasc,  i883,  iv  et  129  p.  avec  une  carte.  2  mark  5o; 
—  y-  fasc,  1884,  i56  p.  2  mark  5o;  —  4'  fasc,  1S84,  iv  et  07  p.  avec  un  plan. 
2  mark  25  ;  —  5«  fasc,  1884,  i38  p.  2  mark;  —  6''  fasc,  i88b,  184  p. 

III.  ^Mpoleon  aïs  Fcldlici'r,  von  Graf  York  von  Wartenburg,  Hauptmann 
aggregirtdem  Generaktabe.  i885.  Erster  Theil.  Berlin,  Mittler.  In-8,  iv  et  348  p. 

Nous  réunissons  en  un  seul  article  plusieurs  volumes  qui  ont  plu- 


I.  Une  publication  aussi  complexe  ne  va  pas  sans  quelques  fautes  d'impression.  M.  J. 
en  a  relevé  un  certain  nombre  à  la  fin  du  volume.  Je  lui  demande  la  permission  d'en 
signaler  deux  ou  trois.  P.  364  :  Grcsci,  écrit  Kopitar,  volunt  novam  typographiam 
erigcre,  item  Arabia  Arida,  scrbica  jam  stat.  On  ne  voit  pas  ce  que  l'Arabie  aride 
vient  faire  dans  la  phrase;  lire  item  arabica,  annena,  serbica  jam  stat;  P.  699,  dans 
la  lettre  serbe  de  Karadjitcii  (dernier  paragraphe,  ligne,  I,;  lire  putovao  au  lieu  de 
kupovao  qui  n'a  pas  de  sens. 


d'histoire   et    de   LITTÉR.VTUKE  489 

sieurs  traits  communs;  ils  sortent  de  la  même  librairie,  de  celle  de 
Mittler,  le  Dumaine  de  Berlin;  ils  traitent  de  Phistoire  militaire  de  la 
Prusse  et  de  la  France  ;  ils  ont  pour  auteurs  des  officiers  du  grand 
état-major  général. 

I.  Le  livre  de  M.  von  der  Goltz,  intitulé  Rossbach  et  lena,  est  très 
important  et  mérite  un  article  détaillé.  Disons  d'abord  tout  ce  qu'il  ren- 
ferme pour  le  critiquer  ensuite,  comme  le  mérite  un  ouvi^age  de  la  plus 
grande  valeur.  Il  y  a  un  demi  siècle,  dit  M.  v.  d.  G.,  entre  Rossbach  et 
lena;  comment  la  monarchie  du  grand  Frédéric  s'est-elle  écroulée  sou- 
dainemant,  en  un  seul  jour?  Il  montre  d'abord  que  la  politique  mal- 
heureuse de  la  Prusse  fut  une  des  principales  causes  de  la  catastrophe  ; 
qu'on  se  battit  en  iSo6  comme  par  désespoir,  dans  les  circonstances 
les  plus  défavorables,  sans  attendre  les  secours  de  la  Russie;  il  eût  fallu 
se  battre  en  i8o5,  lorsque  l'enthousiasme  régnait  encore,  et  non  une 
année  plus  tard,  lorsqu'on  se  défiait  du  commandement  supérieur,  lors- 
qu'on sentait  instinctivement  que  Fheure  décisive  était  passée,  lorsqu'on 
se  repentait  d'avoir  perdu  Toccasion  et  mettait  dans  les  préparatifs  une 
hâte  fiévreuse  et  funeste,  lorsque  l'armée  entrait  en  campagne  avec  une 
«  disposition  maladive  »  (krankhafte  Stimmung).  M.  v,  d.  G.  insiste 
aussi  sur  le  manque  de  patriotisme;  Parmée  était,  dit-il,  soumise  à 
l'esprit  du  temps;  la  population  ne  fit  même  pas  une  résistance 
passive,  elle  accueillit  l'ennemi  sans  la  moindre  répugnance  et  les 
lettrés  retracèrent  dans  les  journaux  du  temps  les  opérations  militaires 
de  I806  avec  le  même  flegme  que  s'il  s'agissait  des  guerres  de  l'Angle- 
terre dans  les  Indes.  On  avait  perdu  le  sentiment  national  et  l'amour 
du  pays;  on  attendait  tout  de  TEtat,  sans  rien  vouloir  lui  donner  en 
échange;  la  Prusse  traitait  Tarmée  en  marâtre,  ne  payait  que  très  mal 
les  officiers,  ne  donnait  pas  d'avancement,  accoutumait  le  soldat  à  la 
vie  bourgeoise.  En  outre,  ajoute  M.  v.  d.  G.,  on  avait  une  fausse  idée 
de  la  guerre;  on  la  regardait  comme  un  jeu  où  il  s'agissait  de  déployer 
plus  ou  moins  d'art  et  de  méthode,  où  il  fallait  combiner  plutôt  que 
batailler,  où  il  suffisait  de  s'avancer  en  échelons  pour  faire  fuir  l'ennemi  ; 
on  ignorait  de  parti-pris  l'emploi  des  tirailleurs  en  grandes  bandes,  etc. 
Voilà  à  peu  prés  tout  ce  que  nous  expose  M.  v.  d.  G.  avec  force  détails 
curieux,  et  en  nous  citant  une  énorme  quantité  de  documents  qu'il  a  dé- 
couverts dans  les  archives  de  Tétat-major  général  ou  tirés  des  journaux  et 
des  mémoires  de  Tépoque;  ce  qui  mena  la  Prusse  de  Rossbach  à  lena, 
conclut-il,  ce  fut,  non  pas  Torgueil  des  gentilshom.mes,  le  jimkerlicher 
£/eèermw?,mais la politiquequivoulutemployerla  ruse sansla  force, l'idée 
raffinée  d'un  système  de  guerre  désormais  impuissant,  l'action  qu'exerça 
sur  l'armée  l'esprit  du  temps,  cet  esprit  de  YAufklorung  et  de  fausse  hu- 
manité dégénéré  en  égoïsme,  la  peur  de  perdre  dans  une  guerre  toutes  les 
ressources  de  l'Etat,  la  timidité  du  roi  qui  y  voyait  clair,  plus  clair  que 
ses  conseillers,  mais  qui,  par  modestie,  se  subordonnait  à  leur  jugement, 
la  crainte  de  déplaire  au  pays  ou  de  le  surcharger,  l'économie  mala- 


490 


REVUE    CRITIQUE 


droite,  enfin  une  piété  pour  le  passé  qui  s'attachait  aux  choses  extérieu- 
res, et  non  à  Tessentiel.  En  somme,  selon  M.   v.  d.   G.,  Tarmée  prus- 
sienne est  à  peu  près  innocente  de  la  catastrophe  ;  elle  se  battit  bien, 
c'était  encore  l'armée  de  Frédéric;  elle  avait  la  même  composition;  on 
l'admirait  partout;  ses  défauts,  et  ils  étaient  en  petit  nombre,  existaient 
déjà  au  temps  du  grand  roi  (p.  94-182).  Les  chefs  eux-mêmes  ne  méri- 
taient pas  tous  les  reproches  qu'on  leur  fit  ensuite;  on  les  a  critiqués 
sans  pitié;  mais  ils  n'étaient  pas  aussi  vieux  qu'on  l'a  dit;  avant  la  catas- 
trophe,  on  les  accablait  d'éloges,  et  M.  v.  d.  G.  déclare  que  Parmée 
de  ce  temps-là  «  avait  des  généraux  expérimentés  et  des  officiers  d'état- 
major  habiles  »  (p.  30-49).  D'ailleurs,  jamais  on  n'avait  tant  travaillé 
dans  l'armée;  jamais  on  n'avait  préparé  plus  énergiquement  autant  de 
réformes  ni    rédigé  autant  de  mémoires  instructifs;   on  avait  créé  un 
conseil  supérieur  de  la  guerre,  qui  montra  une  «  étonnante  activité  » 
(p.    iio),  favorisé  les  écoles  militaires,  etc.;   quand   on  parcourt,   dit 
M.  V.  d.  G.,  les  volumes  d'actes  jaunis  de  cette  période,  on  s'écrie  invo- 
lontairement «  comment  est-il  possible  qu'une  armée  où  l'on  a  remué 
tant  d'idées  et  fait  tant  d'efforts,  ait  été  battue?  »  L'auteur,  ébloui,  aveu- 
glé par  la  masse  de  documents  dont  il  disposait,  a  donc  voulu  réhabiliter 
l'armée  prussienne.  Il  croit,  assez  naïvement,  qu'on  a  «  pensé  et  tra- 
vaillé »  (gedacht  und  gestrebt)  de  1792  à  1806;  on  a  pensé  peut-être, 
mais  travaillé  utilement,  non.  Qu'importe    que    Rûchel,   Knesebeck, 
Gneisenau  et  tant  d'autres  aient  couché  par  écrit  d'excellentes  proposi- 
tions et  de  beaux  plans  de  réforme,  si  leurs  manuscrits  n'ont  servi  qu'à 
s'empiler  dans  les  archives  de  l'état-major  d'où  les  tire  aujourd'hui  un 
savant  officier?  Qu'importe  qu'on  ait  organisé  des  commissions  et  ré- 
digé rapports  sur  rapports,  si  ces  commissions  ont  été  impuissantes,  si 
ces  rapports  n'ont  pas  été  suivis  d'effet  ?  Qu'importe  que  le  corps  des 
officiers  ait  été  très  instruit,  qu'on  ait  enseigné  la  philosophie,  l'histoire 
et  le  style  dans  les  écoles  militaires,  que  Gneisenau  ait  chanté  en  vers 
lessuperbes  paradesde  l'armée  prussienne,  que  Scharnhorst,  que  Massen- 
bach,  PhuU  aient  fait  à  la  société  militaire  de  jolies  conférences  sur  l'art 
de  la  guerre,  et  composé  de  brillants  panégyriques  de  Frédéric  II,  du 
prince   Henri,  de  Ferdinand  de  Brunswick,  si  ces  hommes  doués  de 
tant  de  qualités,  ont  faibli  au  jour  de  l'action  et  n'ont  pu  résister  à  la 
stratégie  de  Napoléon?  M.  v.  d.  G.  l'avoue  lui-même  (p.  3o2)  ;  tous  ces 
projets  de  réorganisation  militaire  pleins  d'une  «  franchise  philosophi- 
que »  et  d'  «  un  amour  intrépide  de  la  vérité  »,  «  n'aboutissaient,  après 
des  détours  infinis,  qu'à  cette  conclusion,  qu'au  fond  l'état  actuel  était 
le  meilleur,  et  l'armée  prussienne,  la  première  du  monde  »  ;  ils  «  éprou- 
vaient toujours   quelque  part  de  la  contradiction  et  n'avaient  pas  de 
suite,  ou  bien  n'étaient  qu'à  demi  exécutés  »  (p.  143).  M.  v.  d.  G.  ne 
veut  pas  reconnaître  que  les  troupes  prussiennes  n'étaient  plus  ce  qu'el- 
les étaient  sous  Frédéric  II;  il  ne  cite  que  les  documents  qui  leur  sont 
favorables;  il  oublie  de  nous  dire  que  dès  1789,  le  prince  de  Ligne  écri- 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  4g  I 

vait  à  Kaunilz  que  tout  avait  dégénéré  en  Prusse,  et  que  dès  1792  Minu- 
loli  avoue  la  supériorité  des  tirailleurs  français;  il  ne  tient  aucun  compte 
des  témoignages  de  Toulongeon  et  de  l'officier  anonyme  de  1786,  de 
l'émigré  Dampmartin,  de  Mirabeau  sur  Fartillerie  prussienne  «  infé- 
rieure à  celle  des  Saxons  »,  etc.  Il  y  a  donc  quelques  exagérations  dans 
ce  volume  si  plein  de  choses.  Nous  avons  dit  que  M.  v.  der  Goltz 
prétend  que  les  généraux  de  1806  étaient  relativement  jeunes;  maison 
sourit  en  lisant  quelques  lignes  plus  loin  que  Brunswick  avait  71  ans, 
Winning  70,  Kalkreuth,  69,  Hohenlohe,  60  (p.  48-49).  On  ne  trouve 
que  très  peu  d'erreurs:  p.  44  Hohenlohe  commandait,  non  pas  Taile 
gauche,  mais  l'avant-garde  de  l'armée  et  M.  v.  d.  G.  le  confond  avec 
son  cousin,  Hohenlohe-Kirchberg,  l'Autrichien;  p.  i35,  Frédéric-Guil- 
laume III  connaissait  Ruchel  depuis  1792  (voir  ses  Réminiscences)  et 
l'avait  vu  en  octobre  au  quartier  général  de  Consenvoye.  Mais  n"'est-il 
pas  bizarre  que  l'auteur  débute  par  un  récit  des  deux  batailles  de 
Rossbach  et  d'Iena?  A  quoi  bon  ce  récit  ,  puisqu'il  n'est  plus  question 
de  Rossbach  dans  le  courant  du  livre,  puisque  M.  v,  d.  G.  ne  veut  traiter 
que  de  «  Tétat  et  de  la  vie  intellectuelle  de  Tarmée  dans  la  période  de 
transition  du  xvin*  au  xix^  siècle.  »?  D'ailleurs,  s'il  racontait  léna,  il 
devait  raconter  Auerstaedt,  et  il  semble  ignorer  la  bataille  livrée  par 
Davout.  Enfin  il  se  répète  souvent  et  se  contredit  par  instants;  son 
ouvrage  paraît  rédigé  un  peu  hâtivement  ;  au  moins  vaudrait-il  mieux, 
s'il  était  plus  condensé;  l'ordre  et  la  lumière  font  parfois  défaut;  on  a 
peine  à  s'orienter  dans  ce  livre  touffu.  Néanmoins  M.  v.  d.  G.,  quoique 
soldat  dans  l'âme,  est  en  même  temps  un  écrivain;  l'auteur  de  Gam- 
betta  et  ses  armées  et  du  Peuple  en  armes  s'exprime  avec  vivacité, 
avec  verve,  souvent  avec  éclat;  il  a  rassemblé  dans  cet  ouvrage  un  grand 
nombre  de  matériaux  intéressants  qu'on  est  aise  d'y  trouver  et  que  d'au- 
tres sauront  un  jour  mettre  en  œuvre  :  Rossbach  et  lena  est  une  véri- 
table mine  d'informations  sur  l'armée  prussienne  depuis  la  mort  de  Fré- 
déric II  jusqu'à  1806. 

II.  Les  écrits  d'histoire  militaire  (kriegsgeschichtliche  Ein:{^elschrif- 
ten)  que  publie  la  section  historique  du  grand  état-major  général 
allemand  doivent  former  une  collection  considérable  qui  fait  pendant  à 
celle  des  grandes  œuvres  d'ensemble,  comme  l'histoire  de  la  guerre  de 
1870.  «  Ils  seront  consacrés  surtout,  dit  la  préface  du  premier  fascicule, 
à  des  épisodes  de  la  dernière  lutte,  et  donneront  des  renseignements  sur 
d'importantes  questions,  comme  l'usage  et  les  services  des  différentes 
armes,  la  petite  guerre,  le  service  de  sûreté,  la  fortification,  la  composi- 
tion et  l'entretien  des  armées.  Ils  publieront  également  les  docu- 
ments des  archives  de  l'état-major  ou  des  travaux  composés  sur  ces 
documents  et  destinés  à  enrichir  nos  idées  sur  la  guerre,  à  rendre 
possible  un  jugement  plus  profond  et  plus  juste  des  événements  et  des 
personnages.    Leur  principal  but  est  d'exciter   le  goût  de   ces   études 


/ 


492  REVUE    CRITIQUE 

d'histoire  militaire  que  notre  armée  a  toujours  pratiquées  avec  prédilec- 
tion, et  les  travaux  que  nous  enverront  de  leur  propre  mouvement  les 
officiers  de  Tarmée  allemande,  seront  accueillis  dans  ces  fascicules.  » 

1.  Six  fascicules  ont  paru  depuis  i883.  Le  premier  contient  :  i°  une 
étude  sur  les  préparatits  de  guerre  et  les  plans  d'opérations  de  la  Prusse 
en  i8o5  (Die  preussischen  Kriegsvorbereitungen  und  Operationsplane 
von  iSo5,  p.  i-ioi);  c'est  le  travail  historique  le  plus  remarquable  de 
la  collection  qu'il  inaugure  dignement.  L'auteur  expose  les  mesures  qui 
furent  prises  lorsque  le  corps  de  Bernadette  eut,  sur  l'ordre  de  Napo- 
léon, violé  la  neutralité  prussienne  en  traversant  le  territoire  d'Ansbach  : 
deux  mobilisations  successives,  plan  du  duc  de  Brunswick,  mouve- 
ments des  troupes,  mémoires  des  généraux,  conférences  militaires,  etc. 
Pendant  ce  temps  Haugwitz  allait  trouver  Napoléon  ;  mais  déjà  Mack. 
avait  capitulé  à  Ulm  et  la  bataille  d'Austerlitz  était  gagnée  ^;  la  Prusse 
traita,  et  renvoya  ses  troupes  (Demobilmachung,  dit  Fauteur).  Cet 
exposé  est  accompagné  des  tableaux  des  corps  d'armée  et  de  leurs  posi- 
tions respectives.  Les  conclusions  sont  importantes  et  méritent  d'être 
résumées  (p.  5o-58)  :  la  Prusse  disposait  environ  de  200,000  hommes, 
Hessois  et  Saxons  compris;  mais  elle  ne  voulait  consacrer  à  l'opération 
décisive  que  75,000,  en  mettre  25, 000  sur  le  flanc  de  cette  grande 
armée  pour  la  couvrir,  et  laisser  le  reste  en  réserve  ;  ce  plan  de  Brunswick 
était  très  mauvais;  le  généralissime  projetait  de  menacer  les  communi- 
cations des  Français  et  croyait  contraindre  l'adversaire  à  la  retraite  par 
«  la  puissance  de  la  manoeuvre  »  (expression  de  Massenbach);  on  com- 
mettait en  i8o5  les  fautes  qu'on  devait  commettre  l'année  suivante.  — 
2°  Die  Unternehmung  des  Détachements  von  Boltenstern  im  Loir- 
Thale  am  26  und  2-]  De\emher  i8jo  (p.  103-129).  Ce  détachement 
commandé  par  le  lieutenant-colonel  de  Boltenstern,  devait  touiller  la 
vallée  du  Loir  ;  il  fut  entouré  par  les  troupes  du  général  de  Jouffroy  et 
parvint  à  percer.  On  se  tire  presque  toujours  du  danger,  conclut  l'au- 
teur du  travail,  par  le  courage  et  la  résolution  -. 

2.  Le  deuxième  fascicule  renferme  :  1°  des  papiers  du  prince  Auguste 
de  Prusse  relatifs  à  l'histoire  militaire  (ans  dem  kriegsgeschichtlichen 
Nachlasse  des  Prin-{en  August  von  Preiissen,  p.  1-104);  ce  sont  des 
notes  ou  des  rapports  de  ce  prince  sur  Auerstàdt  (récit  très  intéressant 
qui  comprend  non  seulement  la  bataille,  mais  la  retraite  de  l'armée  et 
la  capitulation  de  Prenzlau),  sur  Gross-Gôrschen  (2  mai  18 1 3),  Bautzen, 
Culm,  Leipzig,  sur  le  combat  de  Fromentières  (14  juin  1814),  sur  les 
batailles  de  Laon  et  de  Paris,  des  relations  du  siège  et  de  la  prise  de 
Maubeuge,  de  Landrecies,  de  Philippeville,  de  Marienbourg,  de  Rocroy 
et  de  Givet  en  i8i5,  enfin  des  remarques  sur  la  guerre  de  siège.    Les 

1.  L'auteur  raconte  brièvement  la  campagne  de  Napoléon  en  trois  chapitres,  IV, 
'VII  et  IX  sous  le  titre  «  les  derniers  événements  du  théâtre  de  la  guerre  ». 

2.  Ce  fascicule  contient  4  cartes  :  i"  les  armées  le  2b  nov.  et  2"  à  la  fin  de 
déc.  i«o5;  3"  Perche,  Beauce  et  Sologne;  4°  combat  de  Montoire. 


d'histoire  et  de  littéhaturk  4q3 

rapports  du  prince,  dit  Téditeur  de  ces  documents,  contiennent  une 
foule  d'indications  importantes;  ils  racontent  les  événements  avec  une 
extraordinaire  clarté,  sans  prétention,  dans  la  langue  simple  du  soldat; 
ils  témoignent  de  Théroïsme  de  ce  prince  et  de  ses  aptitudes  éminentes 
au  maniement  des  troupes  ;  — 2"  la  surprise  de  Fontenoy-sur-Moselle  le 
22  janvier  1871  (der  Ueberfall  von  Fontenoy^  p.  107-209).  On  se 
rappelle  cet  épisode  de  la  dernière  guerre;  il  est  raconté  avec  le  plus 
grand  détail  d'après  les  archives  de  l'état-major  prussien  et  les  récits 
français  de  MM.  Rambaux  et  Ernouf.  «  Quoiqu'il  n'ait  pas  causé,  écrit 
Fauteur  (p.  107,  128-129)  ^^  préjudice  essentiel  aux  opérations  et  que 
nos  trains  aient  dû  prendre  pendant  huit  jours  seulement  une  autre 
voie,  celle  de  Metz-Reims-Epernay,  il  mérite  toute  notre  attention;  les 
préparatifs  et  le  développement  de  l'entreprise  jettent  la  lumière  sur  ce 
qui  se  passe  en  général  sur  les  derrières  des  armées  en  campagne; 
d'ailleurs,  avec  le  perfectionnement  des  moyens  explosifs  et  la  facilité  de 
leur  transport,  des  succès  semblables  à  celui  de  Fontenoy  s'obtiendront 
désormais  plus  facilement,  et  nous  devons,  nous  aussi,  songer  à  l'emploi 
de  pareils  moyens  ». 

3.  On  trouve  dans  le  troisième  fascicule  trois  études  :  i"  un  plan  de 
mobilisation  dans  le  Brandebourg  en    1477  (ein   Brandenburgischer 
Mobilmachungsplan  ans  dem  Jahre  i4'/'j ^  p.  i-36);  c'est  la  reproduc- 
tion, —  avec  une  traduction  qui  nous  semble  trop  peu  littérale,  —  de 
ce  plan  dressé  par  l'électeur  Albert  Achille  de  Brandebourg.  Le  plan,  un 
des  documents  les  plus  anciens  et  les  plus  importants  qu'on  possède  sur 
l'histoire  militaire    de  la  Prusse,    a  pour  titre   «  Praeparatoria   ■{um 
Feld:{ug  Kiirfiirst   A  Iberti    ruider   Hert^og  Hansen  von  Sagan   7>  ; 
l'électeur  v  donne  les  instructions  nécessaires   oour  mettre  en  marche 
une  armée  qui  devait  combattre  le  duc  de  Sagan.  L'éditeur  a  fait  précé- 
der ce  texte  qu'il  imprime  exactement  tel  qu'il  est  écrit,  d'une  introduc- 
tion  sur  les    préliminaires   de   cette  guerre  de  1477;   il  y  ajoute  des 
éclaircissements    sur    quelques   mots,    comme     Trabanten ,    Bafesen 
(boucliers),   tâglicher  Krieg,  Rennbanner,  etc.  —  2°  Contributions  à 
l'histoire  de  la  seconde  o^utn'Q  àtSÀlésio.  (Beitrdge  :{iir  Geschichte  des 
:{ipeiten  schlesischen  Krieges,  p.  37-124,  avec  une  carte).  On  sait  que 
les  Allemands  nomment  «  seconde  guerre  de  Silésie  «  la  campagne  de 
1745  marquée  par  les  noms  de  Hohenfriedberg,  de    Soor   et  de  Kes- 
selsdorf.  Avant  Hohenfriedberg,  Frédéric  II  occupait  la  Silésie  entre 
Breslau  et  Neisse  et  gardait  la  défensive  jusqu'au  moment  où  l'armée 
austro-saxonne  passerait  les  niontagnes.  Son  avant-garde  postée  sur  la 
frontière,    de  la  Lusace  au  comté  de  Glatz,   était  commandée  par  le 
lieutenant-général  Truchses§  (puis  par  Du  Moulin)  et  l'avant-garde  de 
cette  avant-i<arde  car  le  colonel  Winterfeldt,   Ce  Winterfeldt.  homme 
de  main,  à  îa  fois  avisé  et  résolu,  prudent  et  énergique,  avait  mission 
d'informer  directement  le  roi  de  ce  qui  se  passait  et  de  lui  donner  de  sû- 
res nouvelles  de  l'ennemi;  il  envoya  de  si  bons  avis  et  se  conduisit  lui- 


( 

l 

494  RKVUK    CRITIQUE 

même  si  brillamment  en  repoussant  le  22  mai  Nadasky  à  Landeshut 
qu'il  fut  nommé  général- major.  On  nous  donne  dans  ce  fascicule  les 
lettres  de  Winterfeldt  au  roi  de  Prusse  et  deux  relations  qu'il  rédigea 
sur  le  combat  de  Landeshut.  Frédéric  ajoute  parfois  à  la  marge  des 
lettres  de  son  lieutenant  de  brèves  remarques  qui  prouvent  en  même 
temps  l'infatigable  activité  de  son  esprit,  une  infaillible  sagacité  et  une 
extrême  confiance  en  Winterfeldt,  Outre  cette  correspondance  —  qui 
nous  renseigne  sur  la  manière  de  combattre  des  troupes  légères  de  Fré- 
déric, sur  le  service  de  sûreté,  sur  les  reconnaissances,  sur  les  raids  de 
l'époque,  —  l'éditeur  publie  encore  une  lettre  et  un  rapport  du  général- 
major  de  Rochow  à  Frédéric  sur  un  combat  livré  à  Mocker  et  à  Dobers- 
dorf  le  4  mai  1745;  il  s'agissait  de  couvrir  le  transport  d'un  convoi.  — 
3°  La  marche  de  la  6^  division  de  cavalerie  à  travers  la  Sologne  j^(^er 
Zug  der  0.  Cavalleriedivision  durch  die  Sologne  vom  6-1 5  December 
iSyo,  p.  1 25-1 56).  Après  la  cavalerie  de  Frédéric  II,  celle  de  Frédéric- 
Charles.  Ce  troisième  travail  du  fascicule  nous  retrace  la  marche  de  la 
6'"-  division  de  cavalerie  commandée  par  le  général  de  Schmidt  et  char- 
gée, après  la  reprise  d'Orléans,  de  poursuivre  les  Français  et  de  leur  faire 
tout  le  mal  possible;  elle  n'obtint  pas  de  grands  résultats,  dit  à  peu  près 
Fauteur  du  travail  ip.  141- 143),  à  cause  des  difficultés  de  terrain  que 
lui  offrit  la  Sologne;  elle  occupa  la  ville  de  Vicrzon  et  dut  y  rester;  elle 
n'avait  pas  de  bonnes  armes  à  feu;  il  lui  manquait  le  soutien  de  Tinfan- 
terie  et  de  l'artillerie;  néanmoins  elle  eut  «  hardiesse,  vigueur  de  réso- 
lution et  ténacité;  la  conduite  des  hussards  qui  poussèrent  jusqu'à 
Nouan,  l'obstination  des  escadrons  qui  demeurèrent  à  Vierzon,  les 
courses  habiles  des  colonnes  volantes  qui  allaient  au  loin  détruire  les 
chemins  de  fer,  les  marches  audacieuses  de  la  moindre  patrouille,  tout 
cela  se  fit  en  un  pays  malaisé  et  par  un  temps  très  défavorable  durant 
l'espace  d'une  semaine  et  demie  ;  voilà  la  tâche  qu'accomplit  notre  cava- 
lerie, et  avec  Tarmement  et  la  préparation  qu'on  lui  donne  aujourd'hui, 
elle  l'accomplira  bien  plus  facilement  encore  »  (p.  144). 

4.  —  Le  quatrième  fascicule  ne  renferme  qu'un  seul  travail  signé  par 
son  auteur,  l'officier  Deines;  il  est  consacré  à  l'artillerie  de  siège  devant 
Paris  en  1870  71  (die  Tutigkeit  der  Belagerimgs-artillerie  vor  Paris 
im  Kriege  iSjo-iS-]  1).  C'est  une  étude  minutieuse  et  bourrée  de  dé- 
tails, un  peu  confuse,  à  ce  qu'il  nous  semble,  mais  qui  sera  très  utile 
aux  futurs  historiens  de  la  guerre  franco-allemande.  L'auteur  montre 
que  l'artillerie  de  siège  prussienne  trouva  d'abord  de  grands  obstacles  ; 
on  n'avait  que  des  moyens  insuffisants;  on  n"était  pas  préparé  à  cette 
vaste  opération,  en  tâtonna,  on  ne  savait  trop  (comme  l'indique  le  plan 
proposé  le  ^o  septembre  par  les  chefs  de  l'artillerie,  p.  37)  quel  point  d'at- 
taque on  devait  choisir  ;  ce  ne  fut  qu'après  des  mois  qu'on  attaqua  les 
torts  du  sud  et  on  ne  put  vaincre  l'artillerie  ennemie  qu'avec  peine  et 
non  sans  pertes  considérables  (p.  1  20).  Cette  étude  technique  qui  donne 
une  haute  idée  du  tir  de  l'artillerie  prussienne,  mais  où  on  lit  volon- 


0  MisTOiU!:    KT    DK,    l;  f  I  KR.xTUKa  4g5 

tiers  réloge  des  défenseurs  de  Montrouge  et  de  leur  fermeté  indompta- 
ble, est  accompagnée  d'une  superbe  carte  de  Paris  et  des  environs. 

5.  —  Le  cinquième  fascicule  contient  :  i"  un  travail  sur  les  campa- 
gnes des  Brandebourgeois  et  des  Polonais  contre  les  Turcs  de  1671  à 
1688  [Brandenbiirgisch-Polnische  Turkeniiirge von  lôj  1-1688,  p.  i- 
29);  le  Grand-Electeur  devait,  de  parle  traité  du  6  novembre  1657  signé 
à  Bromberg,  fournir  au  roi  et  à  la  république  de  Pologne,  dans  toutes  les 
guerres,  un  corps  d'auxiliaires;  l'auteur  du  travail  raconte  la  part  que  les 
troupes  de  l'Electeur  prirent  aux  campagnes  de  1674,  de  168 3  et  de  1684; 
il  n'a  pu  consulter  que  très  peu  de  documents,  mais  il  en  dit  assez  pour 
montrer  la  composition  et  Téquipement  de  ces  corps  d'auxiliaires;  il 
donne  de  sérieux  renseignements  sur  les  premières  prouesses  de  l'armée 
prussienne  et  en  particulier  du  premier  régiment  de  grenadiers;  il  montre 
que  les  troupes  du  Grand-Electeur  eurent  beaucoup  à  souffrir  en  com- 
battant sous  le  drapeau  de  la  Pologne  et  que  leur  faiblesse  numérique, 
l'indiscipline,  les  prétentions  et  le  mauvais  vouloir  de  leurs  alliés,  le  man- 
que de  solde,  la  difficulté  des  subsistances,  leur  causèrent  des  pertes  con- 
sidérables; 2"  la  première  partie  du  Journal  du  général  de  cavalerie 
comte  de  Nostitz  (das  Tagebucli  des  Gênerais  der  Cavalerie  Grafen 
von  Nostit^^  3o-i38);  Nostitz  fut  aide  du  camp  de  Blucher  qu'il  sui- 
vit pendant  les  campagnes  de  i8i3ài8i5;  on  publie  d'abord  sa  biogra- 
phie écrite  par  lui-même  [Lebenslaiif,  p.  31-44),  puis  son  Journal  des 
guerres  de  181 3  et  de  i8  14,  où  l'on  trouve  une  foule  de  souvenirs  per- 
sonnels très  curieux  (cp.  l'anecdote  p.  i3osur  le  large  chapeau  de  dame 
que  Bliicher  avait  trouvé  dans  une  maison  de  Fismes  et  dont  il  se 
coiffa  pendant  quelques  jours  au  grand  étonnement  de  la  population). 
Les  détails  que  donne  Nostitz  sur  la  surprise  de  Brienne  (cp.  77)  sur 
les  batailles  de  La  Rothière,  de  Montmirail,  de  Champaubert,  sur  la 
maladie  de  Blucher,  sur  le  combat  de  Fère-Champenoise,  sur  la  prise 
de  Paris,  sont  également  très  instructifs. 

6.  —  La  suite  du  Journal  de  Nostitz,  consacrée  à  la  campagne  de 
181 5,  se  trouve  dans  le  sixième  fascicule  (p.  1-97).  On  y  remarquera 
une  conversation  de  Nostitz  avec  Marmont  qui  lui  indique  un  plan  de 
campagne  (p.  5),  le  récit  des  événements  qui  précèdent  Waterloo  et  de 
cette  bataille  que  les  Allemands  nomment  la  bataille  de  Belle-Alliance 
oti  «  deux  généraux  de  nation  différente,  à  la  tête  de  deux  grandes  ar- 
mées indépendantes,  tous  deux  en  possession  d'une  gloire  militaire  in- 
contestable, remplirent  leur  engagements  réciproques  avec  une  si  cons- 
ciencieuse fidélité  ))  (p.  45).  Gà  et  là  des  anecdotes  :  colère  du  vieux 
Blucher  en  apprenant  Féchec  de  Sohr  et  de  ses  deux  régiments  de  hus- 
sards sur  la  route  de  Versailles  (p.  62)  '  ;  soupe  des  soldats  prussiens 
jetant  dans  la  marmite  oii  cuit  une  poule,  du  Champagne  qu'ils  pren- 
nent pour  de  la  mauvaise  bière  blanche  (p.  64);  mot  de  Blucher,  por- 
tant un  toast  au  piquenique  de  Saint-Cloud  et  souhaitant,  devant  Met- 

I.  Lire  Exelmans  et  non  Exeï>nanu. 


496  RKVUE    CRITIQUE 

ternich,  Hardenberget  Nesselrode,  que  les  diplomates  ne  gâtent  pas  pour 
la  seconde  fois  ce  qu'ont  fait  les  armées  (p.  70)  ;  opposition  ouverte  du 
feld  maréchal  et  du  chef  de  l'état-major,  général  Grolman,  aux  plénipo- 
tentiaires de  la  Prusse  (p.  76-77);  passage  de  la  duchesse  d'Angoulême 
à  Rambouillet  (p.  81  ;  elle  refuse  de  voir  Blucher  et  d'entrer  dans  une 
maison  «  où  règne  le  vandalisme  »)  ;   séjour  de  Blucher  à  Chartres  et  à 
Caen  ;   sa   réponse    au  duc  d'Aumont  qui    le  prie  d'arrêter  Grouchy 
«  croyez- vous  que  Je  veuille  être  le  bourreau  de  voire  roi,  j'ai  combattu 
Grouchy  tant  qu'il  avait  l'épée  à  la  main,  mais  aujourd'hui  qu'il  est 
désarmé,  je  n'irai  pas  le  surprendre  et  le  faire  prisonnier  »  (p.  86-87).  — 
Le  sixième  fascicule  renferme,  en  outre,  une  étude  fort  attachante  en  ce 
temps  d'entreprises  coloniales.  «  La  Prusse  sur  la  côte  occidentale  de 
l'Afrique»  (Brandeiû>urg-Preussen  auf  der  Westkiiste  von  Afrika.  1 681- 
1721,  p.  99-184).  Cette  étude  est  divisée  en  trois  chapitres  :  1°  Les  en- 
treprises maritimes  des  auîiées  i68o-8i   (un  Hollandais,  l'armateur 
Raule  qui  dirige,  à  ses  risques  et  comme  entrepreneur,  la  marine  du 
Brandebourg,  envoie  deux  vaisseaux  sur  la  côte  de  Guinée,  et  le  16  mai 
1681  le  capitaine  Blonck  conclut  un  traité  avec  quelques  chefs  indigè- 
nes qui  reconnaissent   le  suzeraineté  du  Grand-Electeur    et  consentent 
à  la  construction  d'un  fort;  le  Grand-Electeur  brouillé  avec  l'Espagne 
qui  refuse  de  lui  payer  les  subsides  de  la  guerre  contre  la  France,  fait 
armer  par  Raule  une  escadre  qui  s'empare  de  la  frégate  Carolus  secun- 
d us  ;  cotte  frégate  qu'il  garde  pour  lui  et   qu'il  nomme  le  Markgraf 
von  Brandenbiirg^  est  le  premier  vaisseau  de  guerre  de  la  Prusse,  et,  sou- 
tenue de  trois  autres  navires,  elle  lutte  pendant  deux  heures,  le  3o  sep- 
tembre 1681  à  la  hauteur  du  cap  Saint  Vincent,  contre  la  flotte  espa- 
gnole); 2°  la  colonie  et  la  forteresse  de  Gross  Friedrichsburg,  i68r- 
1720  (le  Grand-Electeur  fonde  en  1682,  une  «  compagnie  africaines) 
qui   s'établit   à  Emden   et  arme   deux  vaisseaux,  le  Chiirprint:{  et  le 
Morian  dont  l'équipage  vient  prendre  possession  du  territoire  concédé, 
sur  la  Côte-d'Or,  par  le  traité  du  16  mai  1681  ;  on  ne  trouve  plus  les 
chefs  indigènes  qui  ont  péri  à  la  guerre,  mais  leurs  successeurs  con- 
sentent à  un  nouveau  traité  ;  le  1"  janvier  168 3,  on  arbore  le  drapeau 
du  Brandebourg  sur  le  Mont  Manfro;  on  y  bâtit  un  fort,  malgré  les 
protestations  des  Hollandais  ;  on  disperse  à  coup  de  canon  les  nègres 
d'Adom  qui  veulent  empêcher  les  travaux.  Plus  tard  (1684-16861  trois 
autres  forts  ou  redoutes  s'élèvent  sur  les  territoires  d'Accada,  (Doro- 
theen-Schan\e),  de  Taccarary  et  de  Taccrama  (Sophie-Louise).  Mais 
tous  ces  établissements  sont  pris  ou  détruits  par  les  Hollandais.  Vaine- 
ment le  successeur  du  Grand-Electeur,  Frédéric  III,  rétablit  les  forts  de 
Gross-Friedrichsburg,  d'Accada  et  de  Taccrama;  la  «   Compagnie  afri- 
caine »  fait  de  mauvaises  affaires,  la  Prusse  n'a  pas  de  flotte,  les  secours 
lont  défaut,  les  Hollandais  attaquent  de  nouveau  les  possessions  prus- 
siennes, que  le  traité  du  22  nov.  1717  cède  à  la  Compagnie  des  Indes 
occidentales;    3°  le  château  d'Arguin(ce  château  élevé  dans  l'île  d'Ar- 


d'histoire  et  de  littérature  497 

guin  en  1686-87,  subit  le  même  sort  que  les  autres  établissements;  as- 
siégé en  1721  par  700  Français,  il  est  abandonné  par  son  commandant). 
Cette  étude  sur  les  premières  entreprises  coloniales  de  la  Prusse  ren- 
ferme, comme  on  voit,  de  curieux  détails.  L'auteur  a  eu  soin  de  re- 
produire tous  les  documents,  privilèges,  traités,  rapports,  etc.,  et  y  joint 
une  carte  des  possessions  prussiennes  ainsi  que  cinq  fac-similés  de  leurs 
plans  datés  de  la  fin  du  xvn"  siècle  ou  du  commencement  du  xyu!*". 

III.  On  ne  lira  pas  sans  intérêt  ni  profit  le  premier  volume  de  l'ou- 
vrage que  le  capitaine  comte  York  de  Wartenburg  consacre  à  Napoléon 
général.  Sans  écrire,  à  proprement  parler,  une  histoire  des  guerres  de 
Napole'on,  l'auteur  suit  son  héros  pas  à  pas,  ainsi  que  le  font  voir  les 
titres  de  ses  treize  chapitres  (jeunesse,  campagne  d'Italie,  Mantoue  et 
Wurmser,  Mantoue  et  Alwintzy,  campagne  de  1797,  Egypte,  Syrie,  Ma- 
rengo,  Ulm^  Austerlitz,  lena,  Eylau,  Friedland).  Mais  ses  récits  des  opé- 
rations sont  courts,  substantiels,  composés  d'après  les  meilleures  sour- 
ces. M.  Y.  de  W.  les  accompagne  de  réflexions,  les  unes  personnelles  et 
suggérées  par  l'étude  attentive  des  campagnes  de  Bonaparte,  les  autres 
empruntées  à  la  correspondance  de  Napoléon,  aux  travaux  de  Jomini, 
aux  souvenirs  militaires  des  contemporains,  aux  mémoires  de  tous  ceux 
qui  ont  vu  de  près  le  grand  capitaine.  Chaque  chapitre  forme  un  petit 
ensemble  attachant  et  instructif.  Le  livre,   traduit  en  français,  serait, 
croyons-nous,  vivement  goûté  de  notre  public.  Je  relève  au  hasard  quel- 
ques jugements.  L'auteur  remarque  que  la  guerre  est  non-seulement 
une  science,  mais  un  drame  passionné,  que  les  grands  généraux  ont 
parfois  leurs  heures  de  doute  et  de  désespoir,  que  Napoléon  était  ner- 
veux et  facilement  excitable,  mais  que  les   natures  flegmatiques  qui 
restent  impassibles  au  moment  décisif,  n'ont  jamais  rien  fait  de  grand 
(p.  57-58).  Il  est  d'avis  que  Napoléon  méritait  d'être  battu  à  Marengo 
parce  qu'il  commit  la  même  faute  que  Frédéric  II  à  Kolin.  Mais  Fré- 
déric fut  vaincu;  «  il  apprit  à  se  modérer,  à  limiter  son  but;  Napoléon 
fut  vainqueur  et  on  aura  peut-êire  à  chercher  dans  la  victoire  de  Ma- 
rengo la  source  des  défaites  qui  renversèrent  plus  tard  l'édifice  de  l'em- 
pire napoléonien   »    (p.  174).  A  propos  de  la   marche  qui  précéda  la 
capitulation  d'Ulm,  il  observe  que  cette  marche  sur  le  flanc  et  les  com- 
munications de  l'ennemi  ne  serait  plus  possible  aujourd'hui;  «  il  y  aura 
toujours  en  général,  à  cause  des  chemins  de  fer,  une   marche  frontale 
des  deux  adversaires  »  (p.  188).  II  montre,  après  Téchec  de  la  division 
Gazan  et  la  pénible  retraite  de  Mortier,  que  Napoléon  n'avait  pas  «  exa- 
miné la  situation  avec  sa  clarté  et  sa  rapidité  ordinaires  »,  que  pendant 
un  instant  il  avait  oublié  d'  «  embrasser  du  regard  tout  l'échiquier  »,  et  que 
cet  instant  avait  suffi  pour  «  perdre  une  pièce  importante  »  ;  mais  il 
ajoute:  «  l'échec  fut  réparé...  il  se  renouvela  en  î8i3  et  cette  fois  il  eut 
des  conséquences  plus  funestes,  parce  que  les  troupes  n'avaient  nias  la 
même  vigueur  et  le  même  élan.  Un  grand  génie  sait  vaincre  même  avec 


49^  RKVUK    CRlMQUh 

rinstrument  le  plus  impartait,  car  à  la  guerre  les  hommes  ne  sont  rien 
et  un  homme  est  tout;  mais  cet  homme  est  rare,  il  s'use  par  l'âge,  il 
meurt.  De  saines  institutions  militaires  sont  les  meilleurs  gages  d'un 
succès  durable;  où  elles  existent,  il  y  aura  toujours  à  la  tête  des  trou- 
pes, sinon  des  hommes  remarquables,  du  moins  des  hommes  habiles, 
résolus,  avides  d'agir.  On  vit,  en  1806,  ce  que  devient  une  armée  qui, 
privée  d'un  génie,  d'un  chef,  n'a  pas  d'institutions  militaires.  Aujour- 
d'hui surtout  où  les  armées  sont  si  nombreuses,  il  importe  que  toutes 
leurs  parties  soient  également  conduites  avec  habileté.  En  181 3  les  ma- 
réchaux furent  au-dessous  de  leur  tâche  et  le  plan  de  Napoléon  échoua 
parce  qu'ils  manquèrentde  vigueur  et  de  décision  ^;  Blûcher  et  Gneisenau 
au  contraire  menèrent  une  brillante  campagne  et  Bùlow  répara  par  son 
activité  l'inaction  de  Bernadotte.  De  solides  institutions  militaires  don- 
neront toujours  de  tels  chefs  et  ne  se  perdront  pas,  tant  que  le  peuple 
sera  sain  et  que  le  service  des  armes  sera,  non  un  fardeau,  mais  un 
honneur-/  (p.  220-221).  Le  chapitre  sur  léna  est  curieux;  Tofficier 
prussien  y  fait  le  plus  vif  éloge  de  Napoléon  et  de  la  1  logique  »,  de  la 
«  force  supérieure  »  de  sa  stratégie;  il  marchait,  dit-il,  pendant  que  les 
Prussiens  délibéraient.  Le  livre  est  d^ailleurs,  d'un  bout  à  l'autre,,  un 
juste  panégyrique  de  Napoléon.  Non  pas  que  M.  Y.  de  W.  se  dissimule 
les  défauts  de  son  héros.  Il  le  montre  impérieux,  absolu,  (eine  herrische, 
wenn  auch  nicht  immer  eine  Herrschernatur,  p.  24)  tourmenté  par  la 
crainte  de  rencontrer  autour  de  lui  des  rivaux  qui  peuvent  éclipser  sa 
gloire,  s'entourant  volontiers  d'hommes  médiocres,  aimant  à  choisir 
comme  instruments  ceux  qu'il  connaît  souples  et  dociles,  et,  lorsqu'il 
se  sert  de  talents  vraiment  supérieurs,  sachant  si  bien  arranger  les  cho- 
ses que  tout  Thonneur  revient  à  lui  seul.  Mais  il  admire  sincèrement  en 
Napoléon  le  créateur  d'une  stratégie  dont  les  principes  vivent  et  durent 
encore.  11  met  en  relief  l'énergie  incroyable  et  la  hardiesse  souveraine 
que  le  vainqueur  d'Austerlitz  et  d'Iéna  déployait  dans  la  belle  époque 
de  sa  vie,  lorsque  son  imagination  avait  toute  sa  vivacité  et  tout  son 
teu,  lorsque  les  revers  n'ébranlaient  pas  encore  sa  confiance  en  lui- 
même,  lorsqu'il  avait  la  certitude  de  tout  vaincre  et  de  tout  surmonter. 
Il  montre  qu'à  cette  fougue  juvénile,  à  cette  impétuosité  foudroyante 
Napoléon  joignait  en  même  temps  le  tact,  l'adresse,  la  ténacité  «  le 
vaincu  a  eu,  lui  aussi,  des  moments,  des  heures,  des  jours,  où  tout  lui 
souriait,  mais  il  a  laissé  échapper  l'occasion,  et  Napoléon  ne  la  man- 
quait pas  »  (p.  76).  Il  fait  voir  comment  le  célèbre  stratégiste  sait  juger  à 
la  fois  sa  propre  situation  et  celle  de  l'adversaire,  deviner  à  l'avance  les 
desseins  du  général  qui  s'oppose  à  lui,  fixer  et  assigner,  pour  ainsi  dire, 
le  champ  de  bataille;  comment,  jouant  presque  à  coup  sûr,  il  s'avance 
résolument  et  marche  droit  au  but,  sans  s'arrêter,  sans  perdre  de  temps, 

I.  Oudinot,  Macdonald,  Ney  sont  battus,  dit  M.  York  de  Wartenbourg,  et  Davout 
rcsic  inactif;  il  a  toit  de  reprocher  à  Davout  cette  inaction  que  lui  imposaient  et  les 
circonstances  et  les  ordres  de  Napoléon. 


D  HISTOIRK    ET    DK    LITTERATURE  499 

sans  se  soucier  de  Papparente  infériorité  numérique  de  ses  troupes;  «  il 
juge  avec  clarté  et  il  agit  avec  vigueur  »  (p.  58)  ;  il  évite  toujours  la  dé- 
fensive et  ne  veut  pas  se  soumettre  à  la  loi  qu^mposent  les  mouvements 
de  l'ennemi,  il  veut  lui  faire  la  loi  (p.  65-66);  il  reconnaît  toujours  le 
point  décisif  (p.  89),  il  cherche  et  livre  la  bataille  qui  décide  tout,  et 
chercher  la  bataille  est  le  signe  caractéristique  des  grands  généraux,  de 
Frédéric  II  et  de  Napoléon,  c'est  le  signe  d'une  âme  forte  et  pleine  de 
confiance  en  elle-même  (p.  108). 

Tous  les  travaux  que  nous  venons  d'analyser,  témoignent  de  l'ardeur 
studieuse  des  officiers  prussiens.  On  peut  assurer  que  nos  vainqueurs 
ne  s'endorment  pas  sur  leurs  lauriers,  «  nicht  in  ihren  Lorbeeren 
einschlafen  »  comme  disait  la  reine  Louise  en  1806.  Ils  étudient  l'his- 
toire militaire,  qui,  lorsqu'elle  est  accompagnée  d'une  saine  critique, 
est,  selon  le  mot  de  Jomini,  la  véritable  école  de  la  guerre.  Il  faut,  dit 
M.  York  de  Wartenburg,  connaître  et  comprendre  les  campagnes  du 
passé  :  s'exercer  à  examiner  ce  qui  a  causé  le  succès  ou  la  défaite,  ce  qui 
est  arrivé  et  ce  qui  aurait  pu  arriver;  s'habituer  ainsi  à  se  représenter 
clairement  les  événements  nouveaux;  dresser  l'esorit  â  reconnaître  le 
vrai  but;  faire,  par  cet  apprentissage,  d'un  don  naturel  faible  et  incon- 
scient une  force  puissante  et  consciente  (p.  66-67).  ^'^  posent  pour  prin- 
cipe qu'à  la  guerre  il  faut  payer  d'audace,  aller  de  l'avant  et  toujours 
attaquer.  Ils  sont  plus  que  jamais  attachés  aux  règles  de  Frédéric  II; 
ne  lisent-ils  pas  dans  le  3'=  fascicule  des  publications  de  l'état-major 
(p.  124)  ce  billet  du  vieux  Fritz  «  souvenez-vous  dans  toutes  les  occa- 
sions d'aller  offensivement  autant  que  cela  peut-être  praticable  »  ? 
M.  York  de  Wartenbourg  recommande  l'action  vigoureuse,  le  thatkraf- 
tiger  Vorstoss  (p.  83),  la  poussée  en  avant,  violente,  infatigable  (hef- 
tiges  luid  uncnnudliches  Vordringen,  p.  io3;  das  Vorbrechen  in 
Masse,  p.  104),  la  bataille  décisive,  V Entscheidungsschlacht .  Telle  est 
aussi  une  des  conclusions  de  l'ouvrage  de  M.  von  der  Goltz  :  «  parla 
direction  de  tous  les  mouvements  et  avec  une  implacable  constance  hâ- 
ter la  grande  décision  des  armes,  die  grosse  Waffenentscheidung  et 
l'imposer  à  l'ennemi,  »  p.  224).  Les  officiers  prussiens  veulent  être  et  se 
proclament  les  élèves  de  Napoléon. 

A.   Chuquet. 


500  RKVUE   CRITIQUE    D'HISTOIRE   ET   DE    LITTÉRATURE 

ACADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  ii  décembre  i88^. 

M.  d'Arbois  de  Jubainville  lit  un  mémoire  intitulé  :  les  Institutions  judiciaires  et 
V  Autorité  judiciaire  chéries  Celtes.  Les  conclusions  de  ce  travail  sont  ainsi  formu- 
lées par  l'auteur  : 

«  La  compétence  restreinte  des  tribunaux  dans  la  Gaule  indépendante  avait  pour 
effet  la  prédominance  du  système  de  la  clientèle.  Les  tribunaux  n'imposaient  leur 
juridiction  que  dans  les  procès  qui  concernaient  la  sûreté  de  l'Etat.  Quant  aux  pro- 
cès qui  concernaient  les  contestations  entre  les  particuliers  et  les  contestations  entre 
les  peuples,  ils  étaient  jugés  par  des  arbitres  ou  tranchés  par  la  force,  quel  qu'en 
fût  l'objet,  s'agit-il  de  meurtre,  d'un  crime  quelconque  ou  ae  ce  que  nous  appelons 
une  affaire  civile.  Tout  homme  et  tout  peuple  faible  était  obligé  de  recourir  à  la 
protection  de  plus  fort  que  lui.  De  là,  par  exemple,  le  principat  des  Eduens  et  celui 
des  Arvernes.  La  conquête  romaine  n'a  eu  d'autre  effet  politique  que  de  substituer 
le  principat  des  Romains  à  celui,  soit  des  Arvernes,  soit  des  Eduens.  Son  résultat, 
au  point  de  vue  des  contestations  entre  particuliers,  a  été  de  donner  à  tout  deman- 
deur le  droit  de  contraindre  son  adversaire  à  comparaître  devant  un  juge  imposé 
par  la  loi.  De  là,  suppression  de  duel  ou  de  la  guerre  privée.  Ainsi,  la  conquête 
romaine  a  produit  en  Gaule  un  grand  progrès  de  Ta  civilisation.  » 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Wallon  :  De  imitatione  Christi  libri  quatuor,  novis 
curis  edidit,  etc.,  P.  E.  Puyol;  —  par  M.  Siméon  Luce  ;  Léopold  Quénault,  Notes 
sur  les  mouvements  lents  du  sol  et  de  la  mer;  —  par  M  Pavet  de  Courteille,  au  nom 
de  M.  Derenbourg  :  Tamizey  de  Larroque,  les  Correspondants  de  Peiresc,  IX  : 
Salomon  A^ubi ;  —  par  M.  Schlumberger  :  F.  de  Mély,  le  Trésor  de  Chartres;  — 
par  M.  Hauréau  :  le  marquis  de  Nadailuac,  les  Pipes  et  le  Tabac;  —  par  M.  De- 
lisle  :  Lucien  Magne,  l'CEiivre  des  peintres  verriers;—  par  M.  Charles  Nisard  : 
Prosper  Mignard,  Traduction  de  l'évangile  selon  saint  Mathieu  en  patois  bourgui- 
gnon;— par  M.  Renan  :  H.  Schliemann,  Ilios,  ville  et  pays  des  Troycns,  traduit 
par  M"'e  Egger;  —  par  M.  Oppert  :  B.  Netteler,  Zusâmmenhang  der  alttesta- 
mentlichen  Zeitrechnung  mit  der  Profan:[eitrechnung. 

Julien  Havet. 


SOCIÉTÉ  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE 


Séance  du  2  décembre  188 5. 

présidence  de  m.  courajod 

M.  Rhoné  fait  hommage  des  publications  de  la  Société  siégeant  au  Caire,  sous  le 
nom  de  Comité  de  conservation  des  monuments  de  l'art  arabe. 

M.  Léopold  Delisle  est  élu  membre  honoraire;  la  place  vacante  qu'il  laisse  dans 
le  cadre  des  membres  résidants  est  déclarée  ouverte. 

M.  Piet-Latauderie  est  élu  associé  correspondant  à  Niort  (Deux-Sèvres). 

La  Société  procède  au  vote  pour  le  renouvellement  annuel  de  son  bureau,  sont  élus 
pour  l'année  188G  :  MM.  Saglio,  président;  Héron  de  Viliefosse,  premier  vice-pré- 
sident ;  Longnon,  deuxième  vice-président;  comte  de  Lasteyrie,  secrétaire  ;  Corroyer, 
secrétaire-adjoint  ;  Nicard,  bibliothécaire-archiviste;  Auber,  trésorier. 

M.  de  Viliefosse  communique,  au  nom  de  M.  Duvernoy,  les  photographies  de  deux 
figurines  de  bronze  trouvées  à  Mandeure,  un  Jupiter  et  une  divinité  féminine  dra- 
pée dont  la  tête  manque. 

Le  même  membre  propose  l'interprétation  lunonibus  pour  la  sigle  inexpliquée 
qui  précède  les  mots  SULEIS  SUIS  dans  une  inscription  de  Vidy  conservée  à  Lau- 
sanne conformément  à  la  dédicace  Sulens  lunonibus  d'une  inscription  de  Marquise 
(Pas-de-Calais),  précédemment  expliquée  par  lui  dans  les  comptes-rendus  de  l'A- 
cademie  des  Inscriptions  et  par  M.  Mowat  dans  le  bulletin  épigraphique. 

Le  Secrétaire  : 
R.  MowAï. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 


Le  Fuy,  imprimerie  Marcliessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  2.3. 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    El    DE    LITTÉRATURE 

I  II  I  I    ■  «Il  IBII^  I  I 

N"  52  -  28  décembre  —  1885 


Soniitiaii-e  s  236.  MoRATTi,  Arménien  et  indoeuropéen.  —  237.  H.  Hildebrand, 
L'opinion  d'Aristote  sur  le  libre  arbitre.  —  238.  Bogisic,  De  la  forme  dite  Ino- 
kostina  de  la  famille  rurale  chez  les  Serbes  et  les  Croates.  —  23g.  Douais,  Les 
frères  prêcheurs  en  Gascogne  au  xin«  et  au  xiv«  siècle.  —  240.  Kluge,  Diction- 
naire étymologique  de  la  langue  allemande.  —  241.  De  Mazade,  Correspondance 
du  maréchal  Davout.  —  Chronique. —  Académie  des  Inscriptions.  —  Société  des 
Antiquaires  de  France. 


236.  —  Armeno  ed  Indocui-opeo.    Ricerche   di  Carlo   Moratti.   Fascicolo  1°. 
A-B.  Bergamo,  Gaff'uri  e  Gatti,  i885.  In-8,  62  pp. 

Cet  ouvrage  s'annonce  comme  un  essai  de  vocabulaire  étymologique 
de  la  langue  arménienne.  L'auteur  en  publie  le  premier  fascicule  et  se 
propose  d'y  joindre  dans  la  suite  une  Phonologie^  à  laquelle  il  renvoie 
souvent  (pp.  10,  21,  pass.)  Il  y  établira,  paraît-il,  nn  assez  grand  nom- 
bre de  lois  nouvelles,  sur  la  valeur  desquelles  il  est  impossible  de  se 
prononcer  dès  à  présent. 

On  ne  peut  qu'accueillir  avec  sympathie  les  tentatives,  même  hasar- 
deuses, d'un  chercheur  qui  s'engage  sur  un  terrain  presque  inexploré. 
L'arménien  a  déjà  fourni  sa  quote-part  des  découvertes  qui  ont  renouvelé 
la  linguistique  indo-européenne;  il  en  tient  sans  doute  d'autres  en  réserve. 
Européen  par  son  vocalisme,  asiatique  par  sa  situation  géographique,  il 
garde  peut-être  le  secret  d'une  des  grandes  migrations  aryennes.  Mais, 
plus  une  langue  est  ambiguë,  isolée,  corrompue  par  le  temps  et  les 
emprunts  étrangers,  plus  la  circonspection  et  la  rigueur  s'imposent  à 
l'étymologiste.  On  peut  donc  s^étonner  que  M.  Moratti  n'ait  pas  fait 
précéder  ses  recherches  d'un  exposé  complet  et  méthodique  des  princi- 
pes phonétiques  qui  Fy  ont  guidé.  Faute  de  ce  fil  conducteur,  on  se 
trouve  en  présence  d''une  série  de  rapprochements,  plus  ou  moins  vrai- 
semblables, dont  la  plupart  se  dérobent  au  contrôle  sans  entraîner  la 
conviction.  A  quoi  reconnaît-on  r<^  prothétique  et  celui  qui  fait  par- 
tie de  la  racine?  Comment  croire  que  alik'-  (flots)  se  rattache  à  aiXoq 
(p.  9),  à  moins  d'avoir  démontré  la  chute  pure  et  simple  de  Vsip  ini- 
tial? mais  voici  que  l'arménien  répond  à  aDç  par  h'o-c-  (p.  14),  et  à 
skr.  sniïtis,  dont  aucune  langue  européenne  n'a  conservé  Tinitiale,  par 
a-limar  (p.  9),  où  elle  est  représentée  par  une  spirante.  On  pourrait 
multiplier  ces  objections. 

Ce  n'est  pas  que  M.  M.  ne  soulève  des  problèmes  phonétiques  inté- 
ressants :  traitement  des  voyelles  en  syllabe  ouverte  et  syllabe  fermée 
(pp.   i2-i3);  question  des  gutturales  palatales  en   arménien  (p.  14); 
Nouvelle  série,  XX.  52 


502  REVUE    CRITIQUE 

théorie  des  «  diphthongues  de  métaihèse  i>,  fortement  entachée  de  sym- 
bolisme (pp.  34-35);  théorie  de  la  nasale  proclitique  et  de  la  nasale  en- 
clitique, destinée  à  faire  échec  à  celle  des  nasales  sonantes  (pp.  37  sq.). 
11  a  même  une  explication  du  guwa  par  préfixation  d'un  a  à  une  racine 
commençant  par  une  voyelle  (i,  aller,  a-i-mi^  je  vais),  étendue  analo- 
giquement aux  autres  racines  (p.  27).  Mais  de  toutes  ces  assertions  iso- 
lées il  est  malaisé  de  dégager  un  corps  de  doctrine.  Ce  que  l'on  voit  de 
plus  clair,  c'est  que  Fauteur  ne  souscrit  point  à  la  «  mort  du  guwa», 
que  la  vrddhi  est  encore  pour  lui  un  phénomène  indo-européen,  et  qu'il 
tient  pour  non  avenue  la  découverte  de  Vejo  proethn.ique,  à  laquelle 
pourtant  l'arménien  a  largement  contribué. 

De  là  plus  d'un  rapprochement  au  moins  douteux  :  àyr^^  =z  egênus 
(p.  7),  déjà  contesté  par  M.  de  Saussure;  [j.aTs6w  =  metiio  (p.  9),  ni  le 
sens  ni  le  vocalisme  ne  concordent;  loquor  =  XaxsTv  =  skr.  arcati 
(p.  14),  même  observation;  an-gii  (convenable]  expliqué  par  restitution 
de  *  ana-veh,  et  ce  dernier  rattaché  à  la  racine  va5  (habiter,  p.  18),  la- 
quelle contient  un  a  (gr,  asTu),  tandis  que  l'arménien  aurait  une; 
même  observation  en  sens  inverse  pour  bari  (bon),  rattaché  sans  plus 
d'éclaircissement  à  çéptspoç  (p.  36).  Je  relève  enfin  quelques  erreurs 
manifestes  :  aY^wp,  coupé  à-Y-'ôvwp  et  rapproché  de  yt^Bsw  et  de  -/.tyîciç 
(p.  6),  est  un  composé  verbal  signifiant  «  qui  conduit  les  hommes  »  ; 
on  ne  voit  pas  pourquoi  l'auteur  se  complaît  dans  les  restitutions  bar- 
bares Ycaivo)  (p.  19),  cYSpéooç  (p.  26),  gyScvuij.'.  (p.  32),  alors  que  le  [^  esta 
lui  tout  seullereprésentant  delà  gutturale  vélaire;  si  le  suffixe  latin -è/'O- 
(p.  28)  a  un  corrélatif  arménien,  au  moins  la  racine  bhii  est-elle  dans 
les  deux  langues  parfaitement  étrangère  à  ce  suffixe  ;  le  skr.  bhara,  même 
dans  le  sens  d'  «  hymne  »,  n'a  rien  de  commun  avec  bravmii  (p.  36). 

La  partie  publiée,  heureusement,  ne  comprend  que  les  deux  premiè- 
res lettres  de  l'alphabet.  Il  est  temps  encore  de  continuer  dans  un  es- 
prit plus  scientifique  des  recherches  d'ailleurs  méritoires  et  pleines  d'in- 
térêt. 

V.  Henry. 


237.  —  Hugo  HiLDEBRAND.  Aii-îstoles  StcIIuiig  5E«m  Oelermînismus  une! 
indctei-miiiienius.  Dissertation  inaugurale  pour  la  faculté  ne  philosophie  de 
l'université  de  Leipzig.  Leipzig.  Fork,  18S4.  In-8,  61  p. 

M.  Hildebrand  a  eu  l'idée  d'étudier  de  plus  près  qu''on  ne  l'avait 
encore  fait,  du  moins  en  Allemagne  ',  l'opinion  d'Aristote  sur  le  libre 
arbitre.  La  théorie  d'Aristote  est  disséminée  dans  divers  passages  des 
trois  Morales  et  de  la  Rhétorique^  mais  le  morceau  principal,  le  locus 
classicus  de  la  matière,  ce  sont  les  huit  premiers  chapitres  du  IIP  livre 

I.  II  ya  une  thcse  de  doctorat  française  sur  ce  sujet  (en  latin)  par  M.  E.  Maillet 
(1877),  dont  je  ne  connais  que  le  titre. 


D  HISTOIRK    ET    DE    LITTERATURE  D03 

de  l'Ethique  à  Nicomaque.  C'est  ce  texte  que  M.  H.  suit  pas  à  pas, 
scrutant  la  valeur  de  chaque  terme,  creusant  la  pensée,  cherchant  à 
retrouver  le  lien  logique  de  Pargumentation,  trop  souvent  dissimulé 
sous  une  phraséologie  qui,  pour  être  concise,  ne  laisse  pas  d'être  un  peu 
lâche.  Voici  les  conclusions  de  cette  analyse  minutieuse  :  i"  Aristote  a 
connu  et  parfaitement  posé  la  question  du  libre  arbitre  ;  2°  son  système 
est  un  «  déterminisme  psychologique  »  qui  sauvegarde  les  intérêts  de  la 
morale,  et  s'oppose  nettement  au  fatalisme,  avec  son  cortège  habituel  de 
quiétisme  et  d'indifférence;  3"  les  mots  £/.ouciov  et  àxcuatov,  sur  lesquels 
roule  presque  tout  le  débat,  sont  employés  par  Aristote  dans  au  moins 
trois  sens  différents  :  un  sens  psychologique  (suivant  le  degré  de  cons- 
cience afférent  à  l'acte)  —  un  sens  moral  (suivant  le  degré  d'imputabilité) 
—  enfin,  un  sens  métaphysique,  qui  n'apparaît  que  dans  les  textes 
pseudo  aristotéliques  (Ethique  à  Eudème)  et  sur  lequel  j'avoue  conseï  ver 
quelques  doutes.  Ce  qu'il  faut  retenir,  c'est  qu'Aristote,  s'adressant  à  un 
public  pour  qui  les  deux  termes  sxoûtjiov  et  ây.ouctov  signifiaient  «  de 
gré  »  et  «  de  force  »,  évite  d'appliquer  le  second  à  l'action  déterminante 
des  motifs  sur  l'âme  humaine. 

Ces  conclusions  sont  assez  neuves;  elles  diffèrent  sensiblement  de 
l'opinion  courante,  qu'on  trouvera  énoncée  chez  Zeller,  Grant  ou  même 
Schopenhauer;  je  les  crois  néanmoins,  dans  leur  ensemble,  fort  exactes, 
et  le  génie  philosophique  d'Aristote  sort  de  cette  analyse  éclairci  et,  si 
possible,  grandi.  11  faut  avouer  cependant  que  le  philosophe  grec,  si 
préoccupé  qu'il  fût  du  côté  moral  de  la  question,  ou  peut-être  parce 
qu'il  l'était,  n'a  pas  mieux  réussi  que  ses  devanciers  ou  ses  successeurs  à 
concilier  le  postulat  de  la  liberté  avec  la  vérité  expérimentale  du  déter- 
minisme. Le  jugement  moral,  dans  la  pensée  d'Aristote,  le  verdict  de 
blâme  ou  d'éloge,  ne  doit  porter  que  sur  les  actes  que  nous  accomplis- 
sons en  l'absence  de  toute  contrainte  extérieure,  avec  la  conscience  nette 
du  but  auquel  nous  tendons.  Fort  bien  ;  mais  ce  but  lui-même  nous 
apparaît  tel  ou  tel  suivant  que  notre  caractère  est  conformé  de  telle  ou 
telle  sorte  :  voluptueux,  nous  ramenons  tout  au  plaisir  des  sens;  cu- 
rieux, à  la  science;  charitables,  au  bien  de  nos  semblables  En  dernière 
analyse,  c'est  donc  notre  caractère  qui  est  l'auteur  de  nos  actes,  mais 
sommes-nous  les  auteurs  de  notre  caractère?  —  Nous  le  sommes, 
répond  Aristote,  car  nous  ne  naissons  pas  avec  un  caractère  tout  formé. 
Le  caractère  est  la  résultante  d'un  nombre  infini  d'actes  isolés  qui,  à 
force  de  se  répéter,  finissent  par  engendrer  des  habitudes  bonnes  ou 
mauvaises.  Sans  doute,  une  fois  ces  habitudes  contractées,  il  est  impos- 
sible de  réagir  contre  elles,  mais  il  dépendait  de  nous  de  ne  pas  les 
contracter.  L'apologue  de  Prodicus  n'est  donc  pas  exact  :  ce  n'est  pas  à 
un  moment  donné,  à  une  heure  solennelle  de  notre  existence  que  nous 
sommes  appelés  à  choisir  une  fois  pour  toutes  entre  deux  routes  diver- 
gentes. A  chaque  jour,  à  chaque  heure  de  notre  vie,  ou  du  moins  de 
notre  jeunesse,  le  problème  se  pose  et  nous  le  résolvons  petit  à  petit, 
sans  y  prendre  garde. 


504  REVUE   CRiriQUB 

Tout  ce  raisonnement  serait  irréprochable  s'il  ne  cachait  un  cercle 
vicieux.  Car  enfin,  pendant  la  période  même  de  formation  du  caractère, 
si  chaque  fois,  ou  le  plus  souvent  qu'une  alternative  morale  se  présente, 
nous  la  tranchons  dans  le  même  sens,  c'est  apparemment  que  nous 
obéissons  déjà  à  une  disposition  innée,  qui  n'est  pas  encore  un  caractère, 
si  l'on  veut,  mais  qui  tend  à  le  devenir,  qui  le  deviendra  forcément, 
pourvu  qu'aucun  accident  extérieur  ne  vienne  en  modifier  le  dévelop- 
pement naturel.  Peu  importe  qu'on  place  cette  disposition  dans  la 
volonté  ou  dans  l'intelligence  (çavxaaîa),  c'est-à-dire  «  dans  la  ma- 
nière de  comprendre  le  but  de  la  vie  »,  comme  le  faisait  Socrate;  les 
défauts  d'intelligence  ne  sont  pas  moins  innés  que  les  défauts  de  carac- 
tère, et  si  l'on  prétend  que  nous  sommes  responsables  des  vices  de  notre 
intellect  parce  qu'il  dépend  de  nous  de  les  corriger,  Je  réponds  qu'il 
faut  encore  avoir  la  force  de  le  vouloir,  et  l'esprit  de  les  reconnaître; 
nous  voilà  derechef  au  rouet. 

Je  m'empresse  de  dire  qu'Aristote  a  prévu  l'objection  (Morale  à 
Nicomaqiie,  III,  7,  ad  fin.}.  11  ne  la  réfute  pas,  sans  doute  parce  qu'il  la 
reconnaît  irrélutable,  mais  il  passe  outre,  et  se  contente  de  répéter  à 
nouveau  «  que  nous  sommes  en  quelque  sorte  coauteurs  de  notre  ca- 
ractère »  (twv  £^£(.ov  cuvaiTiot  'Tiwç  a'j-cot  ècr[;.£v).  On  serait  tenté  de  ne  voir 
dans  cette  conclusion  qu'une  défaite,  mais  M.  H.  a  très  bien  compris 
que  si  Aristote  s'y  arrête,  c'est  qu'il  a  atteint  son  but,  un  but  tout 
pratique  et  nullement  métaphysique  :  il  a  prouvé,  en  serrant  de  près  le 
raisonnement  de  ses  adversaires  quiétistes,  que  les  arguments  qu'ils 
présentent  contre  «  la  liberté  du  mal  »  s'appliquent  avec  tout  autant 
de  force  à  «  la  liberté  du  bien  »,  puisque,  bonnes  ou  mauvaises,  nos 
actions  découlent,  en  définitive,  de  la  même  source,  «  notre  nous- 
méme  ».  Cela  lui  suffit.  Le  fatalisme  vulgaire  est  écarté;  l'excuse  banale 
du  vice  a  ce  n'est  pas  ma  faute  »  n'est  plus  recevable,  dès  lors  que  le 
principe  de  mon  action  n'est  pas  une  fatalité  extérieure  à  moi-même, 
mais  le  fond  intime  de  mon  être  moral.  Le  législateur  n'en  demande 
pas  davantage  pour  punir,  l'éducateur  pour  prévenir  le  mal. 

Je  devrais  ajouter  :  le  législateur  païen,  l'éducateur  païen;  car  le 
dogme  chrétien,  pour  qui  le  châtiment  du  vice  ne  consiste  pas  seulement 
dans  une  suppression  temporelle,  mais  dans  les  peines  éternelles  de 
l'autre  vie,  ne  pourra  se  contenter  d'une  liberté  qui  n'est,  au  fond,  que 
l'asservissement  de  l'homme  à  son  propre  être.  De  là  toute  l'importance 
qu'a  prise  le  problème  de  la  liberté  transcendentale  dans  la  philosophie 
moderne,  héritière,  sans  s'en  douter,  des  inquiétudes  de  l'Église.  Ce 
sont  des  scrupules  chrétiens  qui  ont  suggéré  à  Kant  l'idée  raffinée  (déjà 
entrevue  par  les  néo-platoniciens)  de  reculer  la  liberté  dans  le  monde 
des  Noumènes;  ce  sont  des  scrupules  chrétiens  —  si  ennemi  de  la  théo- 
logie qu'il  soit  —  auxquels  obéit  Schopenhauer  quand  il  s'évertue  à 
répéter  :  «  La  liberté  est  dans  Vcsse,  non  dans  Voperari  ».  L'intelligence 
lucide  et  laïque  d'Aristote  ne  sentait  pas  le  besoin,  et  n'aurait  pas 
compris  l'utilité,  de  mettre  un  mystère  à  la  place  d'un  problème. 


d'histoire  et  de  littérature  5o5 

La  dissertation  de  M.  H.  est  pensée  et  fait  penser.  Peut-être  manque- 

t-elle  un  peu  de  cadre,  d'horizon.  Il  eût  été  bon  de  rapprocher,  fût-ce 

dans  une  courte  introduction,  la  pensée  d'Aristote  de  celles  de  Socrate 

et  de  Platon.  On  commence  à  comprendre  le  grand  rôle  qu'a  joué  la 

polémique  dans  les  ouvrages  littéraires  et  philosophiques  de  la  Grèce;  la 

polémique  d'Aristote  n'est  jamais  plus  curieuse  que  lorsqu'il  combat  ses 

adversaires  sans  les  nommer;  contre  qui  polémise-t-il  dans  ce  chapitre 

si  remarquable  de  la  Morale  àNicomaque?  Je  le  devine,  mais  c^était  à 

M.  H.  de  nous  le  dire.  Après  tout,  ce  n^est  pas  un  reproche  bien  grave 

de  regretter  qu'un  ouvrage  ne  soit  pas  plus  long.  Puisse  M.   Hilde- 

brand  n'en  jamais  mériter  d'autre  ^  ! 

Théodore  Reinach. 


238. —  Oe  ïa  forme  dite  iiiokostina  de  la  famille  rurale  chez  les  Serbes  et  les 
Croates,  par  V.  Bogisic.  Paris,  Thorin,  1884,  i  vol.  in-8.  (Extrait  de  la  Revue 
de  droit  international  et  de  législation  comparée). 

Cet  essai  est  consacré  à  l'étude  d'une  forme  mal  connue  de  la  famille 
slave,  Vinokostina.  On  distingue  ordinairement  deux  types  de  familles 
slaves,  villageois,  la  ^adniga  et  ïinokostina. 

La  ^ûdruga,  forme  depuis  longtemps  très  étudiée  et  très  discutée, 
n'est  autre  chose  que  la  communauté  villageoise,  composée  de  plusieurs 
frères,  cousins  ou  parents  plus  éloignés  avec  leurs  femmes  et  leurs  en- 
fants :  on  lui  oppose  Vinokostina,  famille  simple,  où  il  n'y  a  le  plus 
souvent  que  le  mari,  la  femme  et  les  enfants.  M.  Bogi^ic  s'est  proposé 
d'approfondir  les  données  courantes  et,  pour  ainsi  dire,  officielles  :  il  a 
voulu  remonter  des  livres  et  des  lois  jusqu'aux  sources,  c'est-à-dire 
jusqu'au  peuple,  jusqu'au  sentiment  juridique  populaire,  seul  témoin 
irrécusable  en  pareille  matière  et  il  affirme,  preuves  en  main  :  1°  qu'en- 
tre ïinokosiina  et  la  ■:{adruga  on  ne  saurait  constater  aucune  différence 
essentielle;  2"  que  \'inckoi>tina  s'éloigne  profondément  de  la  famille 
urbaine. 

Le  trait  commun  caractéristique  de  la  ^adruga  et  de  Vinokostina^ 
trait  bien  éloigné  des  idées  romaines  arrivées  jusqu'à  nous  dans  les  re- 
cueils juridiques,  c'est  celui-ci  :  tout  membre  mâle  et  majeur  de  la 
\adruga  peut  réclamer  sa  part  du  bien  commun  :  tout  fils  adulte,  sur- 
tout s'il  est  marié,  peut,  dans  Vinokostina,  demander  le  partage  des 
biens,  du  vivant  de  son  père. 

Ainsi  la  collectivité  est  identique  dans  les  deux  formes  de  la  famille 
slave  villageoise. 

1.  Oserai-je  encore  demander  à  M.  H.,  qui  est  un  débutant,  de  se  souvenir  du 
conseil  de  son  philosophe  favori  à  l'un  de  ses  disciples  :  «  Sacrifie  aux  grâces.^  »  Un 
peu  plus  de  points,  un  peu  moins  de  virgules,  un  peu  moins  de  grec  dans  le  texte 
allemand  allégeraient  beaucoup  la  tâche  du  lecteur.  Je  ne  cite  pas  d'exemples  : 
sapienti  sat. 


5o6  RKVUK    CRITIQUE 

Les  jurisconsultes  et  les  législateurs  ont  méconnu  cette  vérité  et  se 
sont  efforcés,  comme  il  arrive  si  souvent,  de  construire  un  système  arti- 
ficiel. Les  réflexions  de  M.  B.  à  ce  sujet  ne  sauraient  être  trop  méditées  : 
«  Le  nombre  des  fautes  commises  a  été,  écrit-il,  d^autant  plus  grand 
0  que  l'activité  littéraire  et  législative  a  eu  plus  de  développement.  En 
«  effet  toute  l'institution  a  été  codifiée,  recodifiée  plusieurs  fois;  les  dif- 
«  férentes  parties  en  ont  été  remaniées,  modifiées,  mutilées  même,  de 
«  façon  à  les  faire  entrer,  bon  gré  mal  gré,  dans  des  moules  préparés 
tt  d'avance  sur  le  papier,  d'après  des  modèles  empruntés.  Quant  à  savoir 
«  si  la  vie  s'accommoderait  de  ces  bouleversements  ou  si  elle  réagirait 
«  contre  les  innovations  avec  la  force  de  tout  organisme  vivant  qui  dé- 
«  fend  sa  propre  existence,  on  semble  s'être  bien  peu  préoccupé  de  cette 
«  question.  » 

La  monographie  que  je  viens  d'analyser,  due  à  un  savant  dont  la 
compétence  est  irrécusable,  mérite  d'être  recommandée  à  toute  Pattention 
des  jurisconsultes  et  des  historiens  et  aussi  à  celle  des  législateurs  slaves... 
ou  autres.  Si  on  s'avisait  jamais,  dans  quelque  pays  excentrique,  je  ne 
dirai  pas  de  faire,  mais  de  rédiger  des  lois  d'après  une  méthode  vraiment 
scientifique,  méthode  que  j'appellerais  volontiers  positive,  Tétude  de 
M.  B.  pourrait  être  proposée  comme  un  modèle  achevé  de  préparation 
législative.  Le  Monténégro  nous  donnera  peut-être  un  jour  cette  sur- 
prise; car  précisément  M.  B,  a  été  chargé  de  préparer  un  projet  de  code 
civil  pour  cette  principauté.  J'aime  à  croire  que  le  prince  se  gardera  de 
soumettre  le  code  de  M.  B.  à  des  réviseurs  nourris  de  droit  lomain, 
qu'il  consentira  à  respecter  le  vieux  droit  populaire  et  ses  organismes 
vivants  et  qu'en  un  mot  il  se  fera,  à  la  suite  de  M.  Bogisic,  le  disciple 
de  ce  quelqu'un  qui  ne  se  contente  pas  d'avoir  plus  d'esprit  que  Vol- 
taire mais  qui  a  aussi  plus  de  droit  que  Tribonien:  tout  le  monde. 

Paul    ViOLLET. 


239.  —  Archives  Iiistoriques  de  la  dascogiic.  Fascicule  7™".  Les  frères 
prêcheurs  en  Gascogne  au  xiii'  et  au  xiv'=  siècle.  Chapitres,  couvents  et  notices. 
Documents  inédits,  publiés  pour  la  Société  historique  de  Gascogne,  par  G.  Douais, 
chanoine  honoraire  de  Montpellier,  professeur  à  l'Institut  catholique  de  Toulouse. 
Première  partie  :  Chapitres.  Paris,  Champion,  Auch,  Cocharaux,  i885,  in-8, 
255  pages. 

La  publication  de  M.  Tabbé  Douais  emprunte  son  intérêt  au  rôle 
joué  par  Tordre  de  saint  Dominique  au  xiu*  siècle,  comme  restaurateur 
des  études  ecclésiastiques.  Les  anciens  ordres  monastiques,  à  cette  épo- 
que en  pleine  décadence,  furent  utilement  remplacés  par  le  nouvel 
institut.  On  sait  quelle  activité  les  disciples  de  saint  Dominique  ont 
déployé  dans  toutes  les  branches  de  la  science;  s'ils  n'ont  ajouté  que  peu 
de  chose  à  la  somme  des  connaissances  de   leur  temps,   par  leur  en- 


d'HISTCMRE    et    de    LITTERATURE  :)0y 

seignement,  par  leur  prédication,  ils  ont  augmenté  dans  de  fortes  pro- 
portions le  nombre  des  hommes  instruits  et  contribué  dans  une  grande 
mesure  au  relèvement  intellectuel  du  clergé  chrétien.  Voués  à  l'étude 
et  à  la  prédication,  les  dominicains,  dans  leurs  chapitres  généraux  et  par- 
ticuliers, s'occupent  avant  tout  de  la  préparation  de  maîtres  instruits, 
de  prédicateurs  éloquents  et  zélés.  Aussi  la  publication  partielle  de  ces 
actes  sera-t-elle  accueillie  avec  reconnaissance,  elle  donne  une  idée  de 
l'intérêt  qu'en  présentera  le  recueil  complet,  qui  doit  figurer  dans  le 
tome  XXV  des  Historiens  de  Frajice. 

C'est  dans  les  manuscrits  de  Bernard  Gui,  conservés  à  la  Bibliothèque 
municipale  de  Toulouse,  que  M.  D.  a  trouvé  les  textes  qu'il  publie. 
Ces  manuscrits  renferment  les  chapitres  réunis  avant  ce  célèbre  compila- 
teur, ceux  qui  se  sont  tenus  de  son  vivant,  et  bon  nombre  du  xiv^  siè- 
cle, ajoutés  plus  tard  à  la  collection  primitive.  M.  D.  donne  successive- 
ment les  actes  de  trois  chapitres  généraux  tenus  ù  Bordeaux  en  1277,  en 
1287  et  en  1324;  des  chapitres  provinciaux  tenus  dans  la  même  ville  et 
dans  divers  autres  couvents  de  la  province  de  1246  à  i338.  Un  second 
fascicule  comprendra  l'histoire  des  couvents  de  la  même  région  rédigée 
par  Bernard  Gui  et  continuée  par  divers  écrivains  anonymes  et  des  no- 
tices sur  les  frères  prêcheurs  originaires  de  cette  partie  de  la  France  ou 
y  ayant  enseigné  au  xni"  et  au  xiv^  siècle.  La  majeure  partie  de  ces  tex- 
tes était  inédite  ;  des  extraits  peu  étendus  en  avaient  été  donnés  par 
Martène,  dans  le  tome  VI  de  V Amplissima  collectis. 

Les  chapitres  généraux  s'occupent  avant  tout  de  la  discipline  inté- 
rieure de  Tordre,  de  la  révision  des  statuts;  chaque  amendement  à  ces 
statuts,  pour  être  valable,  doit  être  adopté  par  trois  chapitres  successifs; 
c'est  ce  qu'on  appelle  Yinchoatio,  Vapprobatio  et  la  confirmatio.  Ils 
adressent  aux  prieurs  provinciaux  des  remontrances  (admonitiones)^ 
décident  la  création  des  nouveaux  couvents,  règlent  la  liturgie  des  offices 
propres  à  l'ordre  ou  adoptés  par  lui;  c'est  ainsi  qu'en  1277,  ^^  chapitre 
de  Bordeaux  statue  qu'à  l'avenir  on  célébrera  la  fête  de  sainte  Marthe  ; 
enfin  ils  fixent  le  lieu  d'assemblée  du  prochain  chapitre,  nomment  et 
déplacent  les  prieurs  conventuels.  Deux  des  chapitres  généraux  publiés 
par  M.  D.  se  terminent  par  une  encyclique  du  maître  de  l'ordre,  ne 
renfermant  guère  que  des  exhortations  morales  et  sur  le  texte  desquelles 
nous  aurons  bientôt  à  revenir. 

Les  chapitres  provinciaux  ont  une  compétence  moins  étendue  ;  mais 
comme  ils  entrent  beaucoup  plus  dans  le  détail,  le  texte  en  est  beaucoup 
plus  intéressant  pour  nous.  Dans  ces  chapitres,  les  frères  veillent  au 
bon  ordre  des  couvents  de  la  province,  distribuent  les  pénitences,  re- 
nouvellent et  expliquent  les  décisions  antérieures,  rappellent  les  prieurs 
et  les  frères  au  respect  des  constitutions.  C'est  donc  toute  l'histoire  inté- 
rieure de  la  province  dominicaine  de  Gascogne  que  nous  voyons  se 
dérouler  sous  nos  yeux  pendant  près  d'un  siècle,  de  1246  à  i335  ;  à  lire 
ces  dispositions  minutieuses  et  précises,  on  se  rend  compte  des  causes  de 


5o8  RKVUK    CRITIQUE 

la  longue  prospérité  de  Tordre;  jamais  ni  les  moines  Clunisicns,  ni 
ceux  de  Cîteaux  ne  furent  surveillés  d'aussi  près  que  les  dominicains; 
le  plus  léger  écart  est  immédiatement  puni,  la  fauve  la  plus  légère  châ- 
tiée ;  la  discipline  de  Tordre  paraît  avoir  été  si  sévère  que  seuls  les  meil- 
leurs esprits  purent  s'y  soumettre;  tout  caractère  faible,  tout  sujet  dé- 
sobéissant devait  fatalement  succomber. 

Les  documents  publiés  par  M.  D.  présentent  donc  un  réel  intérêt; 
nous  devons  en  terminant  faire  quelques  réserves  sur  la  manière  dont 
ils  sont  publiés.  Nous  connaissons  les  manuscrits  employés  par  l'édi- 
teur; ils  ne  sont  pas  toujours  faciles  à  lire,  et  le  texte  n'en  est  pas  tou- 
jours assez  pur  ;  mais  le  devoir  d'un  éditeur  est  de  bien  lire,  et  de  corri- 
ger les  manuscrits  employé  par  lui,  en  avertissant  bien  entendu  le 
lecteur,  c'est  ce  que  M.  l'abbé  D.  n'a  pas  toujours  fait  avec  assez  de 
soin.  Presque  à  chaque  page,  on  pourrait  relever  des  incorrections,  des 
phrases  obscures,  des  noms  estropiés;  il  nous  serait  impossible  de 
dresser  l'erratum  de  son  volume.  Nous  signalerons  quelques  fautes  à 
l'appui  de  notre  dire.  P.  41,  1.  10,  ut  fastidica  claiisalis  rneditacionis 
quiète;  cela  n'a  aucun  sens,  il  faut  corriger  ul  fastidio  claustralis ; 
p.  54,  1.  20,  fr.  Urgerus  de  Saltellis ;  est-ce  exact?  J'avais  lu  jadis 
Berengarius  de  Saltellis  ;  je  m'étais  peut-être  trompe,  la  chose  est 
bien  possible,  mais  ce  nom  Urgerus  me  paraît  singulier  ;  p.  60,  1.  9, 
tamen,  con\s,Qï  tantujn;p.  67,1.  ir,  le  manuscrit  portait  amovcat,  M.D. 
a  tort  de  corvïger  admoveat,qm  donne  le  sens  opposé  au  véritable  ;  p.  69, 
1.  2,  Castrenensem^  corr.  Castrensem  ou  Caturcensem;  p.  72,  sixième 
avant-dernière  ligne,  sine  moris  dispendio^  corr.  sine  more  dispendio  ; 
p.  83,  quatrième  avant-dernière  ligne,  qiiare^  lisez  quia;  la  faute  se 
répète  souvent  ;  p.  89,  deux  fois  Deodandum,  il  faut  sans  doute  lire 
Durandum;  p.  90,  Jhoelis,  nom  propre,  corr.  Joannes ;  p.  91,  1.  5, 
qum  juvant,  lisez  quando  ;  p.  129,  studium  naturarium  Carcassonen- 
sium,  il  faut  corriger  naturalium  et  faire  accorder  le  nom  de  lieu  avec 
studium^  la  faute  est  constante  ;  p.  174,  1.  3,  comité  Edvenarum,  c'est 
sans  doute  Convenarum;  l.io,  comitatibus,  lisez  comunitatibus;  la  faute 
se  répète  plus  loin  ;  p.  167,  §  8,  1.  11,  Proherminias,  corr.  Péri  her- 
menias,  titre  du  traité  bien  connu  d'Aristote. 

On  pourra  trouver  que  nous  abusons  des  corrections;  mais  nous 
avons  voulu  justifier  notre  critique  de  l'ouvrage  de  M.  Tabbé  Douais: 
recueil  de  textes  intéressants,  mais  édition  souvent  insuffisante  et  trop 
rapidement  faite. 

A.    MOLINIER. 

240.  —   F.  Kluge.    E<yinoIogiscIics    Wnertei-buoli  dor  deutsclicn  Spi-a- 

elle.  Strasbourg,  Tiûbncr,  1883-1884,  PP-  xxiv  et  428. 

Nous  avons  déjà  eu  l'occasion  de  parler  d'une  partie  de  cet  ouvrage 
(Revue  critique  du  14  août  1  882);  nous  y  revenons  maintenant,  l'ou- 
vrage étant  complet. 


OHISIOÏKK    Hf     DK    LITTÉRATURE  SOQ 

Nous  n'hésitons  pas  à  dire  que  le  «  dictionnaire  étymologique  de  la 
langue  allemande  »  rendra  de  grands  services  non  seulement  aux  «  ger- 
manistes »,  mais  à  tous  ceux  qui  s'occupent  des  langues  indo-européen- 
nes. L'auteur  nous  présente  sous  une  forme  attrayante  les  résultats  de 
la  grammaire  comparée,  au  besoin  il  les  discute  et  propose  une  étymo- 
logie  nouvelle.  Malheureusement  rien  ne  vient  nous  orienter  sur  ce  ca- 
ractère double  des  érymologies  présentées,  puisque  l'auteur  a  exclu  par 
principe  toutes  les  citations.  Nous  le  regrettons  '. 

Un  autre  point  sur  lequel  on  voudrait  être  renseigné  est  le  choix  des 
mots  expliqués  dans  le  dictionnaire.  Tout  naturellement  les  composés 
facilement  reconnaissables  sont  omis,  et  à  ce  titre  l'auteur  aurait  pu 
supprimer  les  mots  «  Hiindsfott,  NiessbraiLch  »  et  "  Schiedsrichter  », 
mais  pourquoi  ne  trouve-t-on  pas  des  mots  tels  que  «  Barde,  Hiichen, 
Karnickel,  Krenn,  Sein/te  »?  D'un  autre  côté  est-il  vraiment  néces- 
cessaire  de  parler  dans  un  dictionnaire  allemand  de  «  Onkel,  Picknik, 
Rodomontade  »?  Nous  avons  en  vain  cherché  le  principe  qui  préside  à 
Padmission  de  tel  ou  tel  terme  de  la  langue  littéraire. 

Les  mots  sont  rangés  d'après  l'ordre  alphabétique,  mais  pourquoi 
l'auteur  tantôt  réunit-il  les  mots  appartenant  à  la  même  famille  sous  un 
en-téte  [v./ullen,  Furckt,  meinen),  tantôt  les  sépare-t-il  (v.  Fug\fi}gen, 
Fuhre,  fiihren)?  Il  est  à  supposer  que  celui  qui  consulte  le  dictionnaire 
est  assez  au  courant  de  la  morphologie  allemande  pour  savoir  que  par 
exemple  «.fliegen,  Flug^  Flugel,Jliigge,Jlugs  »  forment  une  famille, 
et  M.  Kluge  se  serait  épargné  nombre  de  renvois  en  avertissant  le  lec- 
teur qu'il  faut  chercher  tel  ou  terme  sous  tel  ou  tel  en-tête. 

L'auteur  du  dictionnaire  est  partisan  de  la  théorie  de  Grassmann,  et 
il  restitue  par  conséquent  des  formes  préhistoriques  telles  que  «  bhergh  » 
(s.  bergen),  «  gheldh  »  (s.  gelten],  «  dhigh  »  (s.  Teig),  mais  par  ci,  par 
là  des  doutes  lui  viennent;  il  hésite  entre  «  dhadh  »  et  «  dhat  »  (s.  Ta- 
del],  met  un  point  d'interrogation  après  «  dhagli  »  (s.  Tag]  et  s'écarte 
tout  à  fait  de  Grassmann  pour  «  biegen  »,  quoique  ce  dernier  mot  soit 
précisément  une  des  preuves  principales  de  la  dite  hypothèse,  M.  K.  a 
en  outre  introduit  dans  le  dictionnaire  sa  théorie  sur  les  aspirées  sour- 
des. Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  la  discuter,  mais  à  quoi  bon  identifier  à 
tout  prix  le  goth.  «  haban  »  et  le  lat.  «  habere  »,  si  cette  identifica.ion 
nous  oblige  à  séparer  le  v.  norr.  «  hafa  »  (allem.  haben)  du  v.  norr. 
«  hefja  »  (allem.  /z^ô^/z), tandis  que  la  racine  *  kap{\di\..  capere)  rend,  on 
ne  peut  mieux,  compte  de  toutes  les  formes  en  question.  Les  deux  der- 
nières observations  que  nous  venons  de  présenter  s'appliquent  à  un 
grand  nombre  de  mots,  et  il  est  permis  de  se  demander  à  quoi  servent 
les  nombreuses  restitutions  théoriques,  qui  par  dessus  le  marché  se  pré- 
sentent assez  souvent  sous  une  forme  double  au  choix  du  lecteur  (v. 
Fahrt,  gleiten,  halten,  klage,kleiben,  i  Morgen^scheiden,  schweigen, 
etc.).  L'homme  du  métier  sait  les  construire  lui-même,  et  aux  autres, 

I.  Deux  fois  (s.  Musteil  et  Sarg)  M.  Kluge  nomme  Lessing, 


5  10  REVUE    CUITIQUE 

elles  ne  disent  rien.  Un  dictionnaire  même  étymologique  doit  avant 
tout  nous  apporter  des  faits,  la  discussion  des  possibilités  ne  lui  appar- 
tient pas,  et  sous  ce  rapport  M.  K.  aurait  peut-être  mieux  fait  de  sup- 
primer des  expressions  telles  que  «  il  ne  faut  pas  songer  à  cela,  il  est 
étrange  de  ne  pas  trouver  cette  forme  »,  expressions  qui  accentuent 
trop,  à  notre  sens,  le  caractère  personnel  du  livre. 

Passons  maintenant  à  quelques  détails.  Ahorn.  Ajoutez  le  û.  javor\i, 
le  lith.  jovaras.  —  BiJse.  Le  zend  connaît  nne  racine  bû^  d'où  sont  tirés 
les  noms  des  démons  bûiti,  bûidhi,  bûshyâcta,  et  qui  est  peut  être  iden- 
tique à  celle  qui  a  donné  Tallemand  boese.  —  Dïister.  Le  lat.  tenebrae 
est  pour  *  tenjrae,  *  tensrae^  cf.  consobrinus.  —  Elfenbein.  Le  gr.  èXe- 
çav-  est  identique  au  goth.  idbandiis^  si.  veliba<du.  Si  Ton  part  de  la 
dernière  forme,  il  faut  supposer  que  le  grec  iAscpavT  a  perdu  un  F  au 
commencement.  La  forme  slave  se  décompose  facilement  en  veli  (grand) 
et  ba<du,  dont,  il  est  vrai,  on  ne  sait  que  faire  \  la  forme  collatérale  veli 
bla  <  du  n'étant  probablement  rien  autre  chose  qu"'une  étymologie  popu- 
laire (bla<du,  errant).  —  Euch.  Le  thème  zend  khshma  semble  prou- 
ver que  le  scv.  jtiS7iîa  remonte  à  *  juksma.  D'après  cette  hypothèse,  l'é- 
lément *7w/c  est  identique  au  moyen-haut  allem.  iuch,  dont  il  faut  sé- 
parer le  doublet  iiiwich.  —  Fasten  m  pal.  si.  postiti  se  <  ,  (jeûner).  — 
Fell.  Le  caractère  de  la  maladie  nommée  èpuiî-c^.ac  étant  de  gagner  de 
proche  en  proche,  il  est  probable  que  le  second  terme  de  ce  composé 
n'est  pas  TréXac,  peau,  mais  ■7:éXac,  proche.  —  Flasche.  Le  si.  ploskva 
rend  l'origine  italique  du  mot  allemand  douteuse. — Fliegen.  La  racine 
pouvant  êxre*pluk,  et  non  seulement* plugli^  comme  le  veut  M.  K.  qui 
d'ailleurs  sous  vjolgen  »  nous  laisse  le  choix  entre  *  plgh  et  *  plk,  il 
est  permis  de  rappeler  le  pal.  sl.pluku,  foule  (littéralement  volée,  com- 
parez l'allm.  Schwarm^  le  v.  norr.  Jlokkr)  et  pluciti  se,  se  ranger. 
Fol  gen  et  fliegen  sont  donc  au  fond  identiques.  Volk,  comparez  Ge- 
folge^  suppose  une  racine  " pulg.  —  Fragen.  A  quoi  bon  supposer  une 
racine  préhistorique  *^rs5A"?  Les  doublets  *  ^rA-,  *^r5^,  cf.  vvka  et 
vrazc,  rendent  compte  de  toutes  les  formes.  —  Frat^e  :  /ressen  (cf. 
Fresse,  visage)  =:  Wit:{  :  wissen.  —  Gering.  Le  zend  renj  (être  léger) 
serait-il  identique  au  second  terme  du  composé  allemand?  —  Graiipe. 
Comparez  le  pal.  si.  kriipa  (mie),  serbe  kriipa  (grésil),  krupan  (gros).  — 
Haetscheln  de  hatschen  (aller  clopin  dopant).  —  Haudern.  Le  serbe 
kirija  (louage)  prouve  une  racine  *  kûr  flouer).  —  Haupt.  Le  zend 
kaofa  (montagne)  montre  la  diphthongue  exigée  par  les  formes  germani- 
ques. —  Hemd.  Depuis  longtemps  M.  Delbrtick  avait  comparé  le  grec 
<;o)[j.a-:  pour  *  ^u)[j.a-,  *  cy.(o[j.aT.  —  Her:{.  C'est  le  scr.  srad,  qui  ré- 
pond à  y.xpota,  etc.  —  Kat\e  =  zend  gadhjva.  —  Kipfel.  Ce  mot  n'a 
rien  à  faire  avec  le  mot  kipfe  (ranche),  mais  vient  du  grec  y.uçéc.  Les 
chroniqueurs  autrichiens  qui  nous  décrivent  les  fêtes  données  à  la  cour 
des  ducs  d'Autriche,  où  l'on  pratiquait  pendant  quelque  temps  la  cui- 

1.  (Persan  banda,  serviteur?) 


d'hISTOIRK    KT    Ole    LITTKRATUr:K  SlI 

sine   byzantine,  orthographient   le   mot  en  question   «  Chyphe  ».  Les 
Viennois  en  faisant  connaissance  de  la  chose,  lui  conservaient  son  nom 
étranger.  —  Kittel.  D'après  l'analogie  de  knittel  à  côté  de  kniittel,  on 
peut  supposer  un  *  kiittel  dérivé  de  kutte.  —  Kleben.  Compavez  le  serbe 
glib  [boue).  —  Knliiiel.  Le  serbe  khivko  (kluko,  kliipko)  a  conservé  le 
groupe  primitif  kl. — Knie.  L'exemple  du  slave  kolêno^  qui  réunit  les  ac- 
ceptions de  genou  et  de  génération,  prouve  qu'il  n'est  pas  nécessaire  de 
distinguer  deux  thèmes  différents  en  allemand.  Ajoutez  le  lat.  ignaviis, 
littéralement  :  sans  jarrets.  —  Knoten  r=  lat.  nodus.  —  Kopf.  A-t-on  le 
droit  de  supposer  la  suppression  d'un  s  initial,  et  de  rattacher  ce  mot  à 
Schopfet  au  serbe  kube  (coupole)?  —  Krilmpel.  Comparez  le  si.  gre- 
benxx  (peigne)  de  grebsti  greba<  {granev). —  Leiden.  La  locution  carin- 
thienne  «  lai  lassen  »  (laisser  aller)  paraît  confirmer  l'hypothèse  de  M.  K. 
admettant  une  racine  *  lai  (aller),  —  Ldffel.  C'est  au  dialecte  lusacien 
qu'est  dû  le  changement  de  Te  de  la  forme  moyen-haut  allemande  en  ij  en 
allemand  moderne.  Comparez  liJschen.  —  Losiing.  Cet  article  est  traité 
un  peu  à  la  hâte.  Il  faut  distinguer  trois  acceptions  inhérentes  chacune 
à  une  autre  racine  :  i°  Fiente,  verbe  «  lassen  »  ;  comparez  le  français 
laissées'^  2°  Recette,   verbe  «  lijsen  »;   3"  mot  d'ordre,  verbe  «  losen  y> 
(écouter).  —  Mahd.  L'a  prothétique  du  grec  àij.aw   fait  supposer  un 
groupe  de  consonnes  au  commencement  de  la  racine.  Un  s  suivi  de  vi 
se  serait  conservé  en  germanique,  mais  il  n'en  est  pas  de  même  d'un  h 
suivi  d'une  nasale.  Le  slave  possède,  en  effet,  le  mot  kmet^  qui  en  Bos- 
nie signifie  «  paysan  sans  biens-fonds  ».Son  sens  primitif  serait-il  celui 
de  «  faucheur  »  ?  Je  ne  donne  cette  hypothèse,  qui  rattache  le  mot  slave 
auquel  je  ne  connais  pas  d'étymologie  satisfaisante,  à  la  famille  germa- 
nique de  malien,  que  sous  toutes  réserves.  —  Manch.  La  racine  se  re- 
trouve en  sanscrit  sous  la  forme  ;72a<  h(croître).  —  Mensch.  Encore  de 
nos  jours  on  emploie  le  mot  «  Mensch  »  en  Autriche  dans  le  sens  de 
servante.  —  Met-{ger.  Pourquoi   pas  de   met^en^   met:{eln? —   Milch. 
Les  lat.  miilcere  et  mulgere,  le  pal.  si.  mlêko  et  le  serbe  mla:{  (la  quan- 
tité de  lait  qu'on   obtient  par  une  traite)  font  supposer   une  racine- 
doublette  ^  melk  *  melg.  —  Nachen.    L'ancien-haut   allem.    snacga, 
l'autrichien  Schinakl{nact\\é]  nous  portent  à  croire  que  le  mot  Nachen 
est  apparenté  à   Schnaiie  (v.  ce  mot).  —  Nest.  Le  slave  gnê:[do  rend 
l'étymologie  courante  par  ni  et  sad  douteuse,  et  nous  fait  plutôt  penser 
à  Knoten.  D'ailleurs  le  sens  de  «  nœud  »  convient  on  ne  peut  mieux  à 
un  nid  d'oiseaux  attaché  aux  branches.  —  Pfanne.  Ajoutez  le  pal.  si. 
pany,  panica  (poêle,  plat).  —  Pluderhose.  Le  serht plnndre  parle  en  fa- 
veur   de   rapports    entre  Pluder  et  Plunder  (v.  ce  mot).  —  Ran:{en. 
L'autrichien  ran^en,  raun^^en,  (faire  entendre  des  sons  plaintifs,  comme 
le  font  des  enfants  mécontents)  remonte  apparemment  à  raiinen  (v,  ce 
mot).  —  Rat.  Nous  préférons  distinguer  deux  motsa  Rat  »  :  i"  Matière, 
scr.  rd,  rai,  lat.  res,  goth,  *  reds,  comparez  That  et  deds.  Nous  y  rat- 
tachons en  outre  le  goth.  garaids,  v.  bereit ;  2»  conseil,  scr,  rddh,  si. 


5  12  REVUE    CRITIQUE 

raditi;  comparez  en  outre  le  slave  rad\^  (joyeux)  au  scr.  ârâdhîta  (sa- 
tisfait), le  slave  radiÇà.  cause  de)  au  perse  radiy,  pehlvi  rai,  persan  râ. 
Le  t  de  Rat,  conseil,  repose  d'après  cette  hypothèse  sur  un  dh,  mais  le 
t  de  Rat,  matière,  sur  un  t  indo-européen,  qui   naturellement  a  passé 
par  th.  d.  —  Rucken,  français  roucouler.  —  Schade.  La  racine  *  skat 
se  retrouve  dans  le  serbe  ?>teta;  sceta  (dommage).  —  Scheusal.  Ajoutez 
\ç.s,ox\\.  skohsl. — Schimniel.  On  dit  encore  en  AulùchQ  Schimpl. — 
Schlosse.  A  quel  dialecte  est  emprunté  le  slave 5/o^i^ ?  —  Seide.  Ajoutez 
le  slave  5vz7«.  —  Seneschall.  Le  f  du  moyen-haut  allemand  seneschalt 
est  probablement  dû  à  Pinfluence  de  schalten.  —  Sickern.  Ajoutez  le 
serbe  siga   (stalactite).  —  Six.   Peut-être   pour  *  Sichts  de  sehen.  — 
Sklave.  Le  mot  «  slave  »,  en  paléoslave  slovêninu,  cf.  slavjann,  slovak, 
slavenski,  Dobroslavu,  etc.,  vient  du  thème  '  slav.,  et  signifie  «  glo- 
rieux »'.  Les  Grecs  et  les  Italiens,  ne  supportant  pas  le  groupe  initial  5/, 
l'ont  changé  en  sel,  de  la  sorte  que  le  mot  ethnique  fut  identique  au 
mot  commun  sclavus,  qui  lui-même  vient  de  la  racine  *A:/m,  *  sklu,  scr, 
sr«,  comparez  pour  le  sens  l'allem.  Hoerig  {sqvî]  de  hoeren.  Des  Ita- 
liens  le  mot     vint    aux    Allemands,    car,    si    ceux-ci   Tavaient    pris 
directement  des  Slaves.,  ils  l'auraient  changé  en  *  Schlave.  —  Spannen., 
pal.  si.  pe  <  ti,  p\na  <  . —  Starke.  Comparez  le  viennois  «  stier  »  (sans  le 
sou).  —  Tapfer.  L'autrichien  «  gedeftet  »  (triste)  de  «  dejten  »  (l'empor- 
porter  sur  q.)  nous  montre  comment  le  v.  norr.  dapr  a  pu  prendre  le 
même  sens.  —  Trappe,  serbe  «  droplja  ».  —  Treber.,  serbe  vc  drop  »  et 
«  trop  »  (marc   de  raisin).  —  Trecken,    scr.  «  dhrag  ».  —   Ver  stand. 
Ajoutez  le  serbe  «  stavljati  se  »  (se  rappeler)  de  la  racine  «  sthâ  «.  — 
\V ahns inn.  A]oniQz  le  pal.  si.  vu;2U.  (dehors).  —  ^^g-  Pourquoi  ne  pas 
rattacher  ce  mot  à  «  ^ogern  ».  —  Zuber.  Il    est  curieux  de  trouver  en 
serbe  le  mot  presque  identique  cabar.  D'un  autre  côté,  il  y  a  lieu  de 
s'étonner  que  «  \wibar  »  se  change  en  «  :{iibar  »,  puisque  les  mots  for- 
més de  la  même  manière  tels  que  Zwilch.,  Zwirn  restent  tels  quels. 
Enfin  en  Autriche,  le  Zuber  ne  se  distingue  pas  de  la  cuve,  du  baquet, 
etc.,  par  ses  deux  anses,  mais  par  un  trou  au  fond,  fermé  ordinairement 
par  un  bâton,  pour  pouvoir  le  vider  plus  facilement.  Tout  cela  nous 
rend  l'identification  de  \\vibar  et  "{ubar  suspecte.  —  Zweifel.  Le  pal. 
si.  dvoiti  se<  ,  (douter),  le  serbe  dvojba  (doute)  sont  aussi  tirés  du  nom 
de  nombre  deux. 

Toutes  ces  remarques  n'empêchent  pas  que  le  Dictionnaire  de 
M.  Kluge  ne  soit  une  oeuvre  excellente  qui  témoigne  d'un  grand  labeur 
et  d'un  savoir  étendu;  elle  doit  être,  nous  le  répétons,  dans  la  biblio- 
thèque de  tous  les  linguistes  et  de  tous  les  germanisants. 

Jean  Kirste. 


'( 


1.  V.  Raie,  istorija  Serbov  I  3  2  ss. 


d'histoirk  kt  dk  littérature  5  I  3 

241.  —  Correspondance  du  maréclial  Davout  9  prince'  d'Eckmûhl,  ses 
commandements,  son  ministère,  i8oi-i8i5,  avec  introduction  et  notes,  par 
Cil.  de  Mazadk,  de  l'Académie  française.  Paris,  Pion,  i885.  Quatre  volumes  in-8. 
Tome  I,  LU  et  470  p.;  tome  II,  552  p.;  tome  III,  56o  p.;  tome  IV,  638  p. 

Ces  quatre  volumes  de  lettres  de  Davout  sont  consacrés  uniquement 
à  l'homme  de  guerre.  Ils  renferment  les  dépêches  du  maréchal,  recueil- 
lies dans  les  archives  et  classées  par  ordre  de  dates  et  de  campagnes. 

Le  premier  volume  traite  du  camp  de  Bruges  et  des  campagnes  de 
i8o5  et  de  1806- 1807.  On  voit  Davout,  au  camp  de  Bruges,  —  un  des 
six  camps  formés  en  i8o3  du  Texel  à  Bayonne  pour  l'organisation  de 
Tarmée  d'Angleterre — surveiller  les  côtes,  rendre  compte  au  premier 
consul  des  moindres  événements,  appliquera  tout,  même  aux  moindres 
détails  de  Texistence  du  soldat,  la  sollicitude  la  plus  vive  et  la  plus  in- 
cessante. Bientôt  il  est  nommé  maréchal  de  l'Empire  et  commande  l'aile 
droite  de  l'armée  de  l'Océan  à  Ambleteuse.  Lorsqu'éclate  la  guerre  con- 
tre l'Autriche,  il  est  mis  à  la  tête  du  3"=  corps  et  on  le  voit,  dans  cette 
fonction,  déployer,  comme  précédemment,  les  plus  rares  qualités  dePad- 
ministrateur,  veiller  avec  un  soin  attentif  et  infatigable  à  la  santé  des 
troupes  et  à  leur  bien-être,  organiser  le  service  des  ambulances,  assurer 
régulièrement  les  distributions.  Les  dépêches  de  Davout  manquent  du 
20  octobre  jusque  vers  la  mi-novembre,  c'est-à-dire  pendant  la  marche 
de  la  grande  armée  sur  Vienne,  mais  M.  de  Mazade  a  suppléé  à  cette 
correspondance  égarée  ou  perdue  par  le  journal  des  marches  du  3^  corps 
(p.  181-183)  '.  Après  le  passage  de  l'Inn  et  le  sérieux  combat  de  Ma- 
riazell,  Davout  occupe  Vienne  avec  deux  divisions  (24  nov.),  se  porte 
sur  la  March  et  prend  part  à  la  bataille  d'Austerlitz  sur  laquelle  il  en- 
voie une  série  de  rapports  très  détaillés  et  très  intéressants.  Après  la  paix 
de  Presbourg,  Davout  occupe  la  Souabe  ;  il  se  rend  à  Paris  avec  un 
congé  de  vingt  jours,  mais  de  là,  il  ordonne  à  ses  généraux  et  à  ses  co- 
lonels de  faire  acheter  des  marmites  en  tôle  battue  (p.  265).  De  retour 
à  Bamberg  le  i"  octobre,  il  passe  la  revue  de  son  corps  d'armée  qu'il 
trouve  «  dans  un  très  bon  état  «  ;  on  sait  que  treize  jours  plus  tard,  il 
livrait  et  gagnait  la  bataille  d'Auerstadt  «  très  sanglante  et  disputée  » 
(p.  277);  qu'il  marchait  ensuite  sur  l'Elbe,  entrait  à  Berlin,  poussait 
sur  rOder  et  arrivait  à  Varsovie  le  3o  novembre.  Une  nouvelle  campa- 
gne commençait,  celle  de  Pologne,  marquée  parles  combats  de  Czar- 
nowo,  de  Nasielsk  et  de  Golymin  ;  puis  Farmée  prenait  ses  quartiers 
d'hiver;  Davout  occupait  la  presqu'île  entre  la  Narew  et  le  Bug,  avec 
Pultuskpour  point  d'appui  ;  le  7  février  1807,  au  bruit  du  canon  d'Ey- 
lau,  il  accourait  par  Serpallen  avec  ses  trois  glorieuses  divisions,  Priant, 
Morand  et  Gudin  qui,  selon  le  inot  de  M.  de  M.,  (introd.  p.  xxn),  for- 
maient une  petite  armée  dans  lagrande  Armée  et  une  sorte  d'être  collectif 

I.  A  remarquer  aux  pp.  i85-igi,  les  mentions  fréquentes  du  chef  d'escadron  Méda, 
du  7'  régiment  des  hussards.  C'est  celui  qui  tira  le  fameux  coup  de  pistolet  sur  Ro- 
bespierre. On  le  retrouve  colonel  II,  421  et  435. 


5  14  RKVUK    CXITIQUK 

uni  par  la  discipline,  vigoureux,  inexpugnable  ;  il  serrait  les  Russes 
d'un  côté  pendant  que  Ney  les  poussait  de  l'autre  ;  il  avait  pendant  toute 
la  journée  un  rôle  décisif  (p.  41  5).  Au  mois  de  juin,  c^était  lui  encore 
qui,  après  Friedland,  poursuivait  Tennemi  sur  la  Pregel,  et,  la  paix  si- 
gnée, il  recevait  le  commandement  des  troupes  françaises  qui  devaient 
rester  dans  le  duché  de  Varsovie  '. 

Le  deuxième  volume  est  consacré  au  commandement  de  Davout  en 
Pologne  (juillet  1807,  sept.  1808)  et  à  Erfurt  ainsi  qu'à  la  part  qu'il 
prit  à  la  campagne  de  1809.  Le  maréchal,  dit  M.  de  M.,  eut  à  contenir 
les  Polonais  sans  les  décourager,  à  protéger  le  gouvernement  sans  trop 
Taccabler  de  sa  prépotence  et  à  surveiller  aussi  l'Autriche  en  Galicie, 
sauf  à  être  accusé  parfois  de  jeter  trop  vite  le  cri  d'alarme  (p.  4).  Il  fnt 
ensuite  commandant  en  chef  de  Varmée  du  Rhin  et  surveilla  les  arme- 
mcments  de  l'Autriche.  Il  s'illustra  de  nouveau  dans  la  guerre  de  1809, 
à  la  tête  de  son  3^  corps,  eta  par  son  audacieuse  intrépidité  dans  sa  mar- 
che de  flanc  sur  la  rive  droite  du  Danube,  avec  l'ennemi  toujours  sur 
les  bras,  par  trois  jours  de  combats  opiniâtres,  prépara  l'éclatante  vic- 
toire d'Eckmiilil  »  (introd.  p.  xxxi).  Nous  appellerons  surtout  l'atten- 
tion du  lecteur  sur  le  dissentiment  entre  Davout  et  Berthier  (p.  465  et 
suiv.)  et  sur  les  dépêches  du  maréchal  pendant  les  cinq  jours  de  manœu- 
vres et  de  combats  qui  précèdent  la  journée  du  22  avrih 

On  ne  trouvera  pas  dans  le  tome  troisième  les  lettres  du  maréchal  du- 
rant les  dernières  semaines  de  mai  où.  eut  lieu  la  bataille  d'Essling;  on 
sait  que  Davout  ne  prie  à  ces  événements  qu'une  part  indirecte  et  que 
la  rupture  du  pont  du  grand  bras  du  Danube  l'empêcha  de  passer  le 
fleuve.  Mais  il  opéra  devant  Presbourg  et  il  était  à  Wagram,  il  occupa 
Brûnn  après  la  bataille  et  lorsque  fut  signé  le  traité  de  Vienne,  ce  fut 
lui  que  Napoléon  chargea,  comme  en  i8o5,  d'exécuter  les  conditions  de 
la  paix,  de  délimiter,  non  sans  de  graves  difficultés,  la  nouvelle  frontière 
(cp.  p.  125,  i35)etde  se  débrouiller  comme  il  pourrait  avec  l'affaire 
assez  lente  et  laborieuse  de  l'évacuation.  Nommé  ensuite  commandant 
de  l'armée  d'Allemagne  qui  se  transforma  bientôt  en  corps  d'observation 
de  l'Elbe,  et  gouverneur  de  Hambourg,  Davout,  écrit  M.  de  M.,  «  rem- 
plit sa  mission  d'organisateur  avec  une  habileté  éprouvée  qui  répondait 
aux  vues  de  Napoléon  et  avec  le  succès  que  permettaient  les  circonstan- 
ces. Le  corps  de  l'Elbe  restait  la  puissante  ayant-garde  de  la  grande 
armée  destinée  à  marcher  sur  le  Niémen  »  (p.  Soj,  3o8).  Il  commande 
le  i^f  corps  d'armée  pendant  la  campagne  de  Russie,  il  livre  seul  la  ba- 
taille de  Mohilev,  il  combat  à  Smolensk,  il  est  blessé  à  la  Moskowa  avec 
la  plupart  de  ses  généraux  et  ne  cesse  pas   néanmoins  de  garder  son 


I.  Signalons  dans  les  dernières  pages  de  ce  premier  volume  les  lettres  de  Davout 
sur  la  maraude  et  sur  les  «  brigandages  »  de  quelques  soldats  ;  le  maréchal  sut  faire 
à  temps  des  exemples  (p.  443),  mais  la  population  était  très  hostile;  Davout  rend 
compte  le  lo  mai  1807  que  dix-huit  cadavres  de  Français  assassinés  ont  été  décou- 
verts dans  un  étang,  près  de  Petersv/alde. 


O'HISTOIKR   'fCT    DR    LITT?i;R  ATUK  B  5r5 

commandement.  Durant  la  retraite,  il  prend  part  au  combat  de  Malo- 
jaroslawetz  et  tient  l'arrière-garde.  Les  dépêches,  naturellement  rares,  de 
cette  période  offrent  peu  d'intérêt';  mais  une  fois  l'armée  hors  de  Russie, 
elles  se  succèdent  en  grand  nombre  et  donnent  d'importants  renseigne- 
ments sur  rétat  du  ler  corps  à  son  arrivée  à  Thorn  et  sur  la  désorganisa- 
tion des  troupes  (voir  surtout  les  lettres  au  duc  de  Frioul  et  à  Poniatows- 
ki);  Davout  accuse  Murât  d'avoir  perdu  la  tête  après  le  départ  de  Napo- 
léon «  c'est  pour  n'avoir  adopté  aucun  plan  qu'il  nous  est  arrivé  autant 
de  mal  (p.  470)...  tout  ce  qui  s'est  passé  depuis  Smorgoni  est-il  l'effet 
de  la  plus  grande  ineptie  ou  de  la  plus  insigne  malveillance?  Il  y  aurait 
eu  bien  des  Français  de  conservés  s'il  était  venu  à  la  pensée  de  l'Empe- 
reur l'heureuse  idée  de  confier  le  commandement  au  vice-roi  (le  prince 
Eugène,  p.  483)  ».  11  raconte  à  Duroc  la  scène  violente  qu'il  eut  à 
Gumbinnen  avec  le  roi  de  Naples,  et  l'on  verra  par  ce  récit  l'exactitude 
de  l'Histoire  de  Ségur  -. 

Le  quatrième  volume  est  tlivisé  en  quatre  parties  :  1°  campagne  de 
181 3,  les  opérations  sur  l'Elbe;  2"  le  siège  de  Hambourg;  3"  les  Gent- 
Jours,  le  ministère  de  la  guerre  en  181  5  ;  4°  le  dernier  commandement, 
l'armée  de  la  Loire.  On  y  voit  Davout,  à  peine  échappé  à  la  catastrophe 
de  Russie,  «  jouer  un  rôle  particulier  qui  devient  par  degrés  presque 
indépendant  »  (p.  4),  couvrir  le  Hanovre,  marcher  sur  le  Bas- Elbe, 
reconquérir  avec  l'aide  de  Vandamme  Hambourg  un  moment  enlevé 
par  les  alliés,  et  réorganiser  son  armée  qui  forme  désormais  le  i  S*'  corps, 
chargé  de  défendre  la  32®  division.  Puis,  tandis  que  Napoléon,  vaincu 
à  Leipzig  ',  recule  sur  le  Rhin,  le  maréchal,  seul,  livré  à  lui-même, 
s'enferme  dans  Hambourg  et  s'y  défend  à  outrance,  durant  cinq  mois, 


I.  M.  de  Mazade  soutient  avec  raison  que  Davout,  comme  on  l'en  accusait  alors, 
n'a  pas  abandonné  le  maréchal  Ney  (marche  de  Krasnoé  sur  Orcha)  ;  «  il  n'avait 
fait  qu'exécuter  un  ordre  donné,  et,  fût-il  resté  à  Krasnoé,  il  se  serait  perdu  lui- 
même  sans  rien  pouvoir  pour  Ney...  C'est  la  faute  non  de  Davout,  mais  des  circons- 
tances, plus  fortes  que  toutes  les  volontés,  et  aussi  des  dispositions  malheureuses 
prises  par  l'Empereur  au  départ  de  Smolensk  »  (p.  428).  Ce  qui  est  plus  gvave, 
c'est  le  témoignage  de  Ségur  {Hist.  de  Napoléon  et  de  la  grande  armée  pendant 
Vannée  181 J,  IX,  11,  p.  iSb).  «  [Davout]  ne  se  trouva  plus  l'homme  de  la  circons- 
tance; jeté  hors  de  toutes  ses  idées  arictées  de  régularité,  d'ordre  et  de  méthode,  il 
fut  saisi  de  désespoir  à  la  vue  d'un  désordre  si  général  et  jugeant  avant  les  autres 
tout  perdu,  il  se  sentit  prêt  à  tout  abandonner  ».  Il  eut  même  la  pensée  du  suicide 
(lettre  à  la  maréchale,  î5  janvier  i8i3,  cp.  .M'"'-"  de  Blocqueville,  Le  maréchal  Da- 
vout 111,  252).  Cp.  .Montégut,  Davout,  ib-j. 

1.  Ségur  H,  433.  «  Un  cri  de  Davout  l'interrompit  :  Le  roi  de  Prusse,  l'empereur 
d'Autriche  sont  princes  par  la  grâce  de  Dieu,  du  temps  et  de  l'habitude  des  peuples  ; 
mais  vous,  vous  n'êtes  roi  que  par  la  grâce  de  Napoléon  et  du  sang  français  ;  vous 
ne  pouvez  l'être  que  par  Napoléon  et  en  restant  uni  à  la  P'rance.  »  Davout  au  duc  de 
Frioul  (de  Mazade,  III,  484)  :  «  J'ai  observé  au  roi...  qu'il  n'était  roi  que  par  la 
grâce  de  l'Empereur  et  le  sang  des  Français,  qu'il  était  en  outre  prince  français,  et 
que  son  devoir  lui  prescrivait  de  ne  point  faire  la  paix  avec  les  ennemis  de  l'Empe- 
reur sans  son  agrément  ». 

3.  P.  282.  Leipzig  est,  non  du  14  octobre,  mais  du  16  et  du   iS. 


5  l6  REVDE    CRITIQUE 

sans  se  laisser  déconcerter  par  les  efforts  des  coalisés  et  par  les  événe- 
ments qui  se  précipitent.  La  correspondance  de  Davout  manque  entiè- 
rement pendant  cette   période;  les  communications  étaient   rompues. 
Mais  M.  de  M.  a  reproduit  la  partie  essentielle  du  Mémoire  sur  le 
siège  et  la  défense  de  Hambourg  qui  fut  écrit,  sous  les  inspirations  du 
prince  d'Eckmiihl,  par  son  chef  d'état-major.  César  de  Laville,  et  pu- 
blié après  son  retour  en  France  (p.  288-349);  il  «  suffit  amplement  à 
venger  le  maréchal  de  toutes  les  accusations  dont  il  était  l'objet.  »  Après 
le  retour  de  l'île  d'Elbe,   Davout  répondit  à  l'appel  de  Napoléon  et 
sortit  de  sa  retraite  de  Savigny-sur-Orge  pour  prendre  le  ministère  de 
la  guerre;  il  le  prenait,  selon  l'expression  de  M.  de  M.   (p.   352)  par 
dévouement  et  parce  que  seul  il  pouvait  l'exercer  avec  autorité.   Pen- 
dant trois  mois,  ajoute  l'historien,  il  suffit  à  tout  par  son  énergique 
activité,  multipliant  les  ordres  pour  la  pacification  intérieure  et  prépa- 
rant d'un  autre  côté  les  forces  dont  on  avait  besoin  pour  soutenir  une 
dernière  lutte  contre  TEurope;  dans  cet  immense  travail,  il  ne  laissait 
pas  d'être  contrarié  par  ceux  qui  supportaient  mal  la  rude  indépendance 
de  son  caractère,  et  Tempereur  lui-même,  plus  ou  moins  circonvenu  par 
son  entourage,  n'était  point  sans  avoir  parfois  ses  mouvements  d'hu- 
meur contre  son  ministre  de  la  guerre;  mais  à  son  départ  pour  le  Nord, 
il  laissait  le  prince  d'Eckmiihl  avec  les  pouvoirs  de  ministre,  de  gou- 
verneur de  Paris,  de  commandant  en  chef  des  gardes  nationales,  des 
levées  en  masse  et  des  troupes  de  ligne  qui  se  trouveraient  dans  la  ville  ; 
c'était  la  plus  grande  marque  de  confiance  (p.  353).  Après  Waterloo,  le 
maréchal  voulut  donner  à  Napoléon  une  dictature  temporaire;   puis, 
lorsque  la  commission  executive  l'eut  nommé  généralissime,  livrer  ba- 
taille sous  les  murs  de  Paris;  enfin,  quand  il  vit  qu'on  était  plus  dis- 
posé à  traiter  qu'à  combattre,  faire  intervenir  le  roi  entre  la  France  et 
les  alliés.   Il  n'eut  d'autre  pensée  que  de  sauvegarder  l'indépendance 
nationale.   C'est  alors   qu'il  écrivit  peut-être  ses   plus  belles   lettres; 
«  déployer  de  la  vigueur  et  de  la  constance  pour  conserver  à  l'empereur 
et  à  la  patrie  le  point  important  qui  vous  est  confié  »  (au  gouverneur 
de  Lille,  56g)...  «  L^empereur  renonce  au  rang  suprême;  si  les  ennemis 
continuent  une  injuste  guerre,   opposez  une  inexpugnable  barrière  à 
leurs  efforts;  une  grande  nation  qui  défend  son  indépendance  ne  peut 
être  subjuguée  »  (aux  généraux,  570)...  «  Il  faut  être  fidèles  à  ces  aigles 
qui  sont  toujours  notre  signe  de  ralliement,  réveiller  le  beau  sentiment 
de  patriotisme  qui  existait  dans  l'Aisne,  exciter  l'amour  de  la  patrie 
dans  tous   les  cœurs  »    (à   Soult,    572)...   «    Nous  aurons  au-delà   de 
100,000  hommes  de  troupes  de  ligne;  l'ennemi  y  regardera  à  deux  fois 
et  écoutera  des  propositions  »  (à  Grouchy,  574)....  «   Il  n'y  a  pas  de 
temps  à  perdre  pour  adopter  ma  proposition;  nous  devons  proclamer 
Louis  XVIII,  le  prier  de  faire  son  entrée,  sans  les  troupes  étrangères 
qui  ne  doivent  jamais  mettre  le  pied  à  Paris;  Louis  XVIII  doit  régner 
avec  Tappui  de  la  nation  »  (p.  578);  ...  «  on  ne  doit  rien  céder;  il  faut 


D  HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE  DI7 

défendre  l'Ecluse,  le  Rhône,  la  montagne  de  l'FIpine  et  des  Echelles, 
détruire  le  chemin  du  mont  du  Chat;  c'est  nous  sauver,  car.  Napoléon 
n^étant  plus  rien,  ce  sera  prouver  au  monde  et  à  la  France  qu'on  veut 
détruire  notre  patrie  »  (à  Suchet,  079);  ...  «  que  chaque  homme  de 
courage  et  de  bonne  volonté  vienne  dans  nos  redoutes;  ils  contribueront 
à  la  défense  des  tortifications;  l'honneur  français  n'a  pas  besoin  d'être 
stimulé»  (à  Masséna,  58 1);  ...  «  les  motifs  de  la  guerre  n'existent  plus, 
puisque  l'empereur  a  abdiqué...  Je  fais  la  demande  formelle  de  cesser 
toute  hostilité;  ...  si  je  me  présente  sur  le  champ  de  bataille,  j'y  porte- 
rai la  conviction  de  combattre  pour  la  plus  sainte  des  causes  «  (à  Wel- 
lington et  à  Bliicher,  582);  ...  «  l'armée  part  ce  soir,  il  est  important 
qu'on  ne  laisse  rentrer  aucun  militaire  dans  Paris  avant  que  les  magis- 
trats aient  eu  le  temps  de  régler  l'entrée  des  alliés  »  (à  Masséna,  585). 
Il  avait  fallu  en  finir,  signer  l'armistice  du  3  juillet;  Davout  n'était 
plus  ministre,  mais  il  commandait  en  chef  l'armée  qui  devait  se  retirer 
sur  la  Loire,  mission  douloureuse  et  difficile  qu'il  rem.plit  pendant  un 
mois.  Les  lettres  que  publie  M.  de  M.  (6-3 1  juillet)  sont  l'histoire  la 
plus  fidèle  de  cette  période.  «  Il  sut  à  la  fois,  dit  l'éditeur  (introd.,  xlviii), 
défendre  l'armée  contre  le  gouvernement  et  la  défendre  contre  elle- 
même,  contre  la  désorganisation,  la  maintenir  dans  l'obéissance  et  la 
discipline,  négocier  sa  soumission  en  ménageant  son  orgueil  et  ses 
intérêts,  la  préserver  des  offenses  de  l'ennemi,  concilier  tous  ses  devoirs 
avec  le  patriotisme  et  l'honneur...  Il  acceptait  la  monarchie  nouvelle 
car  il  avait  horreur  de  la  guerre  civile  devant  l'ennemi.  »  Un  des  der- 
niers documents  de  la  publication  est  la  proclamation  à  l'armée  du 
16  juillet  (p.  604-605);  Davout  demande  aux  soldats  le  grand  sacrifice 
d'arborer  la  cocarde  blanche;  il  les  prie  de  tenir  la  même  conduite  que 
lui,  à  Hambourg,  l'année  précédente,  de  conserver  l'armée  à  l'Etat,  de 
défendre  au  nom  de  Louis  XVIII  la  patrie  malheureuse»  on  la  sert 
quel  que  soit  le  gouvernement  qu'on  ait,  et  une  armée  ne  peut  être  dé- 
libérante. »  Nous  aurions  voulu  que  M.  de  M.  eût  rapproché  ces  der- 
niers mots  de  la  lettre  que  Davout  écrivait  en  1792  aux  administrateurs 
de  l'Yonne  (M^o  de  Blocqueville,  I,  299)  «  vous  ne  verrez  jamais  au- 
cune délibération  de  la  part  de  vos  frères  qui  savent  combien  les  déli- 
bérations des  corps  armés  sont  illicites  ».  Le  lieutenant-colonel  des 
volontaires  tenait  au  commencement  de  la  grande  guerre  de  la  Révolu- 
tion le  même  langage  que  le  maréchal  de  France  à  la  fin  de  la  lutte. 

M.  de  M.  a  joint  aux  lettres  de  Davout  les  lettres,  les  ordres,  les  ré- 
ponses de  Napoléon  qui  les  éclairent.  Il  a  relié  l'ensemble  par  des  notes 
explicatives,  complètes  dans  leur  brièveté,  qui  orientent  le  lecteur  et 
lui  permettent  de  suivre  le  cours  des  événements.  Il  a  «  tout  respecté 
dans  le  texte  »  (introd.,  p.  li)  ^  L'introduction  est  écrite  avec  chaleur 

I.  Peut-être  eut-il  mieux  valu  corriger  l'ortliograplie  des  noms  de  personnes  et 
de  lieux  ou  les  donner,  sous  leur  forme  authentique,  dans  un  Index  général  qui  au- 
rait été  très   utile.  Il  est  à  craindre  que  beaucoup  de  ceux  qui  consulteront  l'ou- 


5l8  REVUK    CRITIQUE 

et  avec  verve;  en  quelques  pages,  M.  de  M.  a  su  retracer  la  vie  mili- 
taire de  Davout  et  faire  de  ce  grand  homme  de  guerre  un  très  ressem- 
blant et  très  beau  portrait.  Le  public  français  lui  saura  le  plus  grand 
gré  de  la  publication  de  cette  correspotidance ;  elle  offre  une  quantité 
de  pièces  qui  forment  une  partie  considérable  des  vraies  sources  de 
l'histoire  militaire  du  premier  Empire,  et  fait  revivre,  selon  le  mot  de 
M.  de  Mazade,  une  des  plus  fières  et  des  plus  saisissantes  images  d'une 
grande  époque. 

A.  Chuquet. 


CHRONIQUE 


FRANCE.  —  Notre  collaborateur  M.  Emile  Legrand,  répétiteur  à  TEcoIe  spéciale 
des  langues  orientales  vivantes,  vient  de  faire  paraître  à  la  librairie  Ernest  Leroux 
une  Bibliographie  hellénique  ou  description  raisonnée  des  livres  publics  en  grec  par 
des  Grecs  aux  w^  et  xvi«  siècles  (2  vol.  in-S").  M.  L.  y  décrit  avec  détail  plus  de 
trois  cents  ouvrages;  il  n'a  pas  cru  devoir  se  borner  à  une  aride  nomenclature  de 
catalogue,  mais  il  reproduit  intégralement  les  préfaces  ou  autres  pièces  liminaires 
pouvant  jeter  quelque  lumière  sur  les  conditions  dans  lesquelles  a  eu  lieu  l'impres- 
sion du  livre.  On  trouve,  en  outre,  dans  cette  Bibliographie,  des  notices  très  éten- 
dues et  complètement  nouvelles  sur  les  écrivains  grecs  de  l'époque,  ce  qui  fait  de 
cette  publication  une  véritable  histoire  littéraire  de  la  Grèce  aux  xv«  et  xvt<=  siècles. 
Le  second  volume  se  termine  par  une  série  de  lettres  et  de  documents  inédits.  Nous 
reviendrons  prochainement  sur  cet  important  ouvrage. 

—  La  Société  de  Vhistoire  de  Paris  publiera  dans  son  prochain  volume  de  mé- 
moires le  Livre  de  raison  inédit  de  M«  Nicolas  Varsoris,  avocat  au  Parlement  de 
Paris,  et  mettra  dans  le  commerce  un  certain  nombre  d'exemplaires  du  tirage  à 
part.  Ce  document,  dont  l'édition  est  due  à  M.  G.  Fagniez,  se  rapporte  à  une  épo- 
que dont  on  peut  dire  encore,  malgré  les  publications  de  M.  L.  Lalanne  et  G.  Guif- 
frey,  qu'elle  compte  peu  d'ouvrages  historiques  originaux;  il  embrasse  la  période 
de  i5i5  à  i53o.  Il  ne  faut  naturellement  pas  y  chercher,  pas  plus  que  dans  les 
journaux  domestiques  du  même  genre,  une  composition  réfléchie  ;  il  ne  taut  pas  non 
plus  en  attendre  les  révélations,  d'ailleurs  toujours  sujettes  à  caution,  que  fournis- 
sent les  mémoires  des  personnages  qui  ont  joué  un  rôle  important  dans  les  événe- 
ments, mais  on  y  trouvera,  à  côté  de  détails  biographiques  sur  le  monde  du  Palais 
où  vivait  l'auteur,  le  récit  des  faits  dont  il  a  été  témoin  ou  qu'il  a  appris  par  la  no- 
toriété publique,  et.  ce  qui  est  peut-être  encore  plus  curieux,  les  impressions  d'un 
bourgeois,  arrivé  par  sa  profession  à  un  rang  intellectuel  assez  élevé,  écho  fidèle, 
croyons-nous,  des  idées,  des  sentiments,  des  préjugés  de  la  classe  parlementaire. 

vrage,  n'écrivent,  comme  Davout,  Weisenfels  pour  Weissenfels,  Mollendorf  pour 
Mœllendorf,  Woss  pour  Voss,  etc.  11  fallait  d'ailleurs  donner  aux  noms  une  or- 
thographe uniforme;  on  trouve  à  la  fois  Custrin  et  Cûstrin,  Melnitz  et  Menitz,  Lun- 
dembourg  et  Lundenbourg,  etc.  Deux  remarques  sur  l'introduction  :  p.  u,  Hoche 
n'a  pas  «  passé  par  les  bataillons  de  volontaires  »  et  p.  v,  le  Messin  Bouchotte  n'est 
pas  le  «  compatriote  »  du  Bourguignon  Davout.  L'éminent  académicien  nous  par- 
donnera de  relever  ces  vétilles. 


d'hîstoire  et  dk  littératuuk  5iq 

—  Deux  volumes  paraissent  en  même  temps  sur  le  maréchal  d'Ancre;  l'un  est  de 
M.  F.  PouY  dont  l'on  connaît  les  recherches  historiques  et  bibliographiques  sur 
l'imprimerie  et  la  librairie,  et  a  pour  titre  Co)tciiii,  maréchal  d^ Ancre,  sou  gouverne- 
ment en  Picardie  ;  l'autre  est  publié  par  M.  Alfred  Danicourt  ei  s'intitule  une  ré- 
volte à  Péronne  sous  le  gouvernement  du  maréchal  d'Ancre,  l'an  ib  lù,  avec  des  do- 
cuments inédits  (Paris,  Ernest  Leroux.) 

—  Ceux  de  nos  lecteurs  qui  s'intéressent  à  l'histoire  du  xvii"  siècle  n'ont  pas  oublié 
la  discussion  soulevée  par  la  thèse  française  de  M.  Parmentier,  en  1877.  Cette  thèse 
était  consacrée  à  un  ouvrage  historique  manuscrit  et  anonyme,  allant,  dans  le  frag- 
ment qui  s'en  était  conservé,  de  1634  a  i638  (Bibl.  nat.  Fr.  3757)  et  que  M.  L.  Ranke 
avait  présenté,  en  1849,  ^  l'Académie  des  sciences  morales,  comme  un  recueil  «  de 
journaux  et  de  mémoires  tirés  des  papiers  du  P.  Joseph  (Fran:^cesische  Geschichte 
18Ô1,  V,  108.  L'auteur  de  la  thèse  contestait  cette  origine,  qui  ressort  cependant  clai- 
rement de  l'examen  le  plus  superficiel,  et  s'efforçait  d'établir,  contre  toute  apparence, 
que  le  ms.  était  un  supplément  des  mémoires  de  Richelieu  iParmentier,  Etude  sur 
un  supplément  inédit  des  mémoires  de  Richelieu,  Thorin,  1877).  M.  Fagniez,  qui  avait 
combattu  ces  conclusions  dans  la  Revue  critique  (n^^  du  i5  janv.  etdu  i5fév.  1877. 
Cf.  la  réponse  de  M.  Parmentier  dans  le  n"  du  i  3  sept,  et  une  lettre  de  M.  Vion  dans 
le  n"  du  1 1  oct.  et  aussi  un  art.  de  M.  Hanotaux  dans  la  Rev.Hist.  VII,  411),  vient, 
au  cours  de  ses  recherches  sur  le  P.  Joseph,  de  découvrir  le  ms.  complet  et  autogra- 
phe^ dont  la  Bibl.  nat.  ne  possède  qu'une  copie  incomplète  et  inexacte.  Ce  ms.,  qui  a 
passé  à  l'étranger,  commence  en  1623  et  comprend,  par  conséquent,  onze  années  de 
plus  que  le  fragment  précédemment  connu.  Il  est  anonyme,  mais  l'écriture  permet 
d'afhrmer  qu'il  est  l'œuvre  de  Lepré-Balain,  l'auteur  de  la  biographie  inédite  du 
P.  Joseph  qui  est  en  la  possession  de  M,  Fagniez  (Voy.  La  Missioyi  du  P.  J.  à  Ratis- 
bonneen  i63o.  Rev.  Hist.  XXVII  et  XXVlll).  Les  deux  ouvrages  renvoient  l'un  à 
l'autre  et  celui  doiU  nous  signalons  la  découverte,  a  été,  comme  la  biographie,  rédigé 
à  l'aide  des  papiers  et  des  renseignements  communiqués  par  le  P.  Ange  de  Mortagne, 
compagnon  et  secrétaire  habituel  du  célèbre  capucin. 

—  Au  programme  de  l'agrégation  de  grammaire  est  inscrit  V Heautontimorumenos 
de  Térence,  édition  Wagner  (avec  notes  en  allemand),  chez  Teubner.  Cette  édition 
est  épuisée;  le  soin  de  la  republicr  a  été  confié  à  M.  Fleckeisen,  mais,  ainsi  que  la 
maison  Teubner  a  bien  voulu  le  répondre  à  la  demande  que  nous  lui  adressions,  on 
ne  peut  prévoir  à  quel  moment  elle  se  retrouvera  en  librairie.  En  attendant,  nous 
signalons  aux  candidats  l'édition  donnée  par  Wagner  avec  notes  en  anglais.  Cam- 
bridge, chez  Deighton,  Bell  and  Co, 


ACADEMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 


Séance  du  18  décembre  1885. 

M.  le  marquis  d'Hervey  de  Saint-Denys  lit  une  Note  sur  la  valeur  réelle  des  termes 
Annam  et  Annamites.  L'usage  européen  actuel  applique  le  nom  d'Annam  à  toute  la 
partie  de  la  péninsule  indo-chinoise  comprise  à  l'est  de  la  grande  chaîne  de  mon- 
tagnes qui  traverse  cette  péninsule,  depuis  la  frontière  chinoise  au  nord  jusqu'au 
Cambodge  au  sud.  L'Annam  ainsi  entendu  com.prend  à  la  fois  le  Tonkin  et  la  Co- 
chinchine.  Parfois  aussi  on  en  exclut  le  Tonkin  et  l'on  applique  ce  nom  à  la  Cochin- 
chine  seule.  Dans  l'un  et  l'autre  cas,  on  donne  au  mot  un  sens  arbitraire  et  contraire 
à  l'usage  oriental.  Le  nom  d'An-Ndm,  du  chinois  An-nan  ou  Ngan-nan,  a  désigné 
à  l'origine  un  gouvernement  militaire  constitué  par  la  Chine  en  l'an  75G  de  notre 


520  REVUE    CRITIQUE    d'hISTOIRK    ET    DE    LITTERATURE 

ère,  qui  comprenait  le  territoire  du  Tonkin  actuel.  Plus  tard  ce  territoire  devint  un 
royaume  soit  indépendant,  soit  feudataire,  qui  conserva  le  même  nom,  mais  sans 
jamais  s'étendre  en  dehors  des  mêmes  limites.  Au  commencement  du  xv^  siècle,  un 
roi  de  cet  état,  Li,  fond.iteur  d'une  dynastie  nouvelle,  réorganisa  son  royaume  sur 
le  modèle  de  l'empire  chinois  :  comme  il  y  avait  en  Chine  deux  capitales,  appelées 
l'une  «  la  capitale  du  Nord  »,  Pé-king,  l'autre  u  la  capitale  du  Sud  »,  Nan-kiug,  il 
en  créa  deux  dans  l'An-nâm,  qu'il  appela  «  la  capitale  de  l'Ouest  »,  Si-ki)ig,  et  la 
capitale  de  l'Est,  Tong-king  :  du  nom  de  celte  dernière  ville  est  venu  le  norn  actuel 
ilu  Tonkin.  Le  nom  d'An-nâm  se  maintint  néanmoins,  pour  désigner  la  même  ré- 
gion, jusqu'en  lyyS.  En  cette  année,  Ghia-Long,  roi  du  Tchen-tchin  ou  de  la  Co- 
chinchine,  conquit  l'An-nâm  ou  Tonkin,  et  donna  au  royaume  composé  de  l'An- 
nâm  et  de  la  Cochinchine  réunies  le  nom  nouveau  de  Yoiie-nan.  Mais  les  Européens 
ne  s'habituèrent  pas  à  ce  nom  et  trouvèrent  plus  commode  d'appliquer  à  toute  l'é- 
tendue du  nouvel  état  le  nom  déjà  connu  d'An-nâm.  C'est  une  impropriété  de  lan- 
gage dont  il  ne  faudrait  pas  être  dupe;  si,  dans  un  document  quelconque,  antérieur 
a  ce  siècle,  on  rencontre  le  nom  de  Ngan-nan,  An-nan  ou  An-ndm,  il  faut  entendre 
par  là  uniquement  le  Tonkin. 

M.  Alfred  Croiset  communique  des  Observations  sur  la  constitution  critique  du 
texte  de  Thucydide,  à  propos  d'un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  nationale.  Le  ma- 
nuscrit dont  il  s'agit  est  le  Cisalpini.s  de  Bekker.  L'objet  du  travail  est  de  montrer 
que  la  collation  de  bekker,  assez  bonne  en  général,  n'a  pourtant  pas  toute  l'exacti- 
tude et  toute  la  minutie  nécessaires  pour  fournir  les  éléments  d'un  classement  ri- 
goureux des  manuscrits  de  Thucydide.  L'auteur  cite  quelques  exemples  et  discute  à 
ce  propos  l'emploi  qu'on  peut  faire  du  manuscrit  de  l'aris  pour  la  correction  de 
certains  passages  de  l'écrivain  grec. 

M.  Théodore  Reinach  commence  une  communication  sur  la  Numismatique  des 
rois  de  Cappadoce. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Desjardins  :  Julien  Sacaze,  les  Anciens  Dieux  des 
Pyrénées,  nomenclature  et  distribution  géographique  (extrait  de  la  Revue  de  Com- 
>m»g-<?5  d'octobre  i885);  —  par  M.Renan  :  Corpus  inscriptionum  semiticarumjasc.  111; 
-  par  M.  P.-Ch.  Robert  :  Louis  Blancard,  i"  Salaire  et  Prix  des  marchandises 
dans  l'empire  romain  d'après  Védit  de  Dioclétien;  2°  l'Aurcns  romain  se  divisait  en 
6ooo  au  iii^  siècle  avant  J.-C;  3°  le  Sigle  monétaire  X  barré  du  denier  romain  est  le 
monogramme  du  chiffre  XVI;  —  par  M.  Léopold  Delisle  :  Albert  Babeau,  les  Ar- 
tistes et  tes  Domestiques  d'autrefois. 

Julien  Havet. 

SOCIÉTÉ  NATIONALE  DES  ANTIQUAIRES  DE  FRANCE 


Séance  du  g  décembre  iS85. 

PRÉSIDENCE   DE    M.    COURAJOD 

M.  Emile  Molinier  communique  la  photographie  d'une  plaquette  de  la  Renais- 
sance Italienne  appartenant  au  Musée  de  Berlin  et  représentant  Apollon  et  Marsyas; 
c'est  une  imitation  d'une  cornaline  ayant  fait  partie  des  collections  des  Médicis  et 
fort  connue;  mais  aucun  des  exemplaires  signalés  jusqu'à  présent  ne  porte  l'inscrip- 
tion qu'on  lit  sur  celui  de  Berlin  et  qui  donne  le  nom  et  les  titres  de  Néron.  Cette 
plaquette  peut  donc  être  considériée  comme  l'empreinte  exacte  de  la  fameuse  pierre 
dite  Cachet  de  Né>on,  que  Lorenzo  Ghiberti  monta  en  orfèvrerie. 

M.  de  Barthélémy  lit  une  lettre  de  M.  Civelet  qui  donne  quelques  détails  sur  une 
statuette  de  bronze  représentant  Jupiter  armé  du  foudre  et  découverte  au  territoire 
de  Bcrru  par  M.  Bosteaux,  maire  de  Cernay-les-Reims.  Le  socle  porte  une  inscrip- 
tion gravée  au  burin  D-IOVMAPASOLLIFIL-V'LM. 

M.  Héron  de  Villefosse,  au  nom  de  M.  Maxe-Verly,  communique  la  photographie 
de  cette  statuette,  et  en  outre  une  figurine  minuscule  de  bronze  représentant  un 
gladiateur,  trouvée  à  Reims. 

M.  de  Caix  de  Saint-Aymour  lit  une  note  sur  un  gobelet  en  éiain  historié  du 
xiv»  siècle.  U  présente  aussi  une  sonnette  du  temps  de' François  I  ornée  d'une  fleur 
de  lys  et  d'un  médaillon  entouré  de  la  légende  NICOLAS  BYRET,  avec  une  sala- 
mandre au  centre. 

M.  de  Lasteyrie  présente  la  photographie  d'une  statue  qui  orne  la  cathédrale  de 
Reirns,  et  dans  laquelle  M.  le  chanoine  Cerf  croit  reconnaître  les  traits  de  Saint- 
Louis.  Cette  attribution  paraît  incertaine  à  plusieurs  membres. 

M.  le  Président  lit  une  notice  de  M.  de  Laigue  sur  la  mosaïque  de  l'église  de  San 
Frediano  à  Lucques,  qu'il  date  du  xu«  siècle. 

M.  Lefort  dit  avoir  examiné  cette  mosaïque  qui  lui  paraît  avoir  été  restaurée  à 
diverses  époques,  il  croit  qu'elle  est  de  la  tin  du  xiii»  siècle. 

Le  Secrétaire, 

R.    MOWAT. 

Le  Propriétaire-Gérant  :  ERNEST  LEROUX. 


Lt  Puy.  jmpnmei'ie  de  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-lMurent,  ai. 


N°  27  Dix-neuvième  année  6  juillet  1885 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

RECUIîîL    HEBDOMADAIRE   PUBLIÉ    SOUS    LA    DIRECTION 

DE  MM.  J.  DAHMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 

Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.  Ckuquet 

Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris,   20  fr.  —  Départements,  22  fr.   —   Etranger,  23  fr. 


PARIS 

ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE    I,  A    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 
DE     l.' ÉCOLE     DES     LANGUES    ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

28,    RUE    BONAPARTE,    28 

Adresser  les commimications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 

(Au  bureau  de  la  Keviie  :  rue  Bonaparte,  2S). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  nn  compte-rendu. 

ERNEST  LEROUX.   ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

QUATRIÈME  CROISADE.  La  diversion  sm-Zara 
et  Constantinople,  par  J.  Tessier,  professeur  à  la  Faculté  des  Lettres 
de  Caen.  In-8 7  5o 


r r 


ETUDES     D'ARCHEOLOGIE     ET     DE 
MYTHOLOGIE  GAULOISES.  Deuxstèiesde 

Laraire,  suivies  d^un  appendice  et  d'une  note  sur  le  signe  symbolique 
en  S,  Avec  19  planches,  par  Ed.  Flouest,  de  la  Société  des  Anti- 
quaires. In-8,  19  planches  hors  texte 6  fr. 

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In-i8.. 5  fr. 

Forme  le  tome  VI II  de  la  Collection  de  Contes  et  Chansons  populaires. 

LE   SAINT-SIÈGE,    LA    POLOGNE    ET 

MOSCOU  (1582-15S7),  par  le  P.  Pierling.  In-i8,  elzé- 
vir 2  5o 

Forme  le  tome  VII  de  la  Bibliothèque  slave  el\évirienne. 


PÉRIODIQUES 

The  Acaclemy,  n"  685,  20  juin  i885  :  Mrs.  Orr,  A  handbook  to  ihe 
Works  ol  Robert  Browning.  —  Lansdell,  Russion  Central  Asia,  in- 
cluding  Kuldja,  Bokhara,  Kliiva  and  Merv,  2  vols.  (Howorth).— Kali- 
lah  and  Dimnah,  or  the  fables  of  Bidpai,  being  an  account  of  iheir 
literary  history,  with  an  english  translation  of  the  later  syriac  version 
of  the  same,  and  notes,  by  Keith-Falconer.  (Utile  et  bien  fait.)  —  San- 
DERSON,  Outlincs  of  the  world's  history,  ancient,  mediaeval  and  modem, 
with  speci:;i  relation  to  the  history  of  civilisation  and  the  progress  of 
mankind.  (Peacock  :  étrange  composé  de  choses  inutiles,  de  détails 
instructifs  et  d'autres  qui  ne  sont  pas  à  leur  place.)  —  The  expulsion  ot 
Shelley  from  University  Collège,  Oxford  (Dowden).  —  Shakspere  and 
lord  Pembroke  (Tyier).  —  The  Merton  professorship  (Lang).  —  Mr. 
Wharton's  «  Sappho  »  (Am.  B.  Edwards)  —  The  «  inhabitants  of  Mel- 
bourne, 1695  »  (Waters).  —  Is  Olympus  visible  from  Prevesa?  (Hos- 
kyns-Abrahall).  —  Clifford,  The  common  sensé  of  the  exact  sciences. 

—  The  Slavs  and  the  Germains  (Schuchardt).  —  Crowe  and  C.avalca- 
SELLE.  Life  and  works  of  Raphaël.  2  vols.  (Middleton  :  ouvrage  aux 
mérites  solides.)  —  Egypt  Exploration  Found,  the  Site  of  Goshen  (Na- 
ville). 

The  Atheuaeum,  n"  3oo8,  20  juin  i885  :  Schley,  The  rescue  of  Greely. 
(Le  meilleur  récit  jusqu'à  ce  que  Greely  ait  pris  lui-même  la  parole  et 
publié  son  rapport.)  —  Platts,  A  dictionnary  of  Urdu,  Classical 
Hindi  and  English.  (Offre  une  mine  abondante  d^informations  et  doit 
être  recommandé  chaudement  à  tous  les  amis  des  études  orientales.! 

—  Duka,  Life  and  works  of  Alexander  Gsoma  de  Koros.  (Intéressant 
récit  de  la  vie  et  des  travaux  d'Alexandre  Csoma  de  Kôrôs,  l'infatigable 
chercheur,  et  qu'accueilleront  cordialement  non-seulement  les  linguis- 
tes et  les  philologues,  mais  tous  ceux  à  qui  sont  chers  le  courage,  la 
persévérance  et  le  dévouement  à  la  science.)  —  Edwards,  A  commentary 
of  the  first  Epitle  to  the  Corinthians.  —  Historical  books.  (Forty-fîfty 
Report  of  the  Deputy  Keeper  of  the  Public  Records;  Mason.  History 
of  Norfolk;  Cox,  Greek  statesmen;  Sanderson,  Outlines  of  the  world's 
history;  H.  de  La  Ferrière,  (Trois  amoureuses  au  xvi''  siècle  :  soigné.) 

—  The  «  Dictionary  of  national  biography  »  (Leslie  Stephen)  —  Inci- 
dent n°  2  in  the  history  of  Trinity  Collège,  Cambridge  (x\iry).  —  Victor 
Hugo  in  Jersey  (Harng).  —  The  topography  of  Cornwall.  —  Shel- 
leyana.  (Roberts.)  —  Notes  from  Athens  (Hirst).  —  Who  was  the  en- 
glish originator  of  the  so-called  «  Baconian  theory  »  (Elze). 

Literarisches  Centralblatt,  n»  26,  20  juin  i885  :  Delff,  Grundzûge  der 
Entwickelungsgeschichtc  der  Religion.  —  Saadia  Al-fajûmis  arabische 
Psalmenubersetzung,  nach  einer  Mûnchener  Handschrift  hrsg.  und 
ins  Deutsche  ûbertragen  von  Margulies,  I.  —  Vorderg,  Der  Luther- 
hof  von  Gastein.  —  Archives  de  l'Orient  latin,  tome  II  (même  abon- 
dance de  travaux  scientifiques  et  de  documents  que  dans  le  premier 
volume  et  non  moins  intéressants  pour  ceux  qui  s'occupent  d'études 
orientales  et  spécialement  de  l'histoire  de  la  Palestine).  —  Pflugk- 
Harttung,  Iter  italicum,  II  (recueil  divers,  «  recht  bunt  »,  attaque  con- 
tre Kaltenbrunner,  histoire  de  la  maladie  de  l'auteur,  liste  de  ses  colla- 
borateurs, glossaire  latin  du  xni"  siècle  avec  des  remarques  de  Lôwe, 
extraits  de  la  collection  des  lettres  de  Lorsch,  satire  virulente  de  1099 
contre  Urbain  II  et  la  curie  romaine,  etc.,  etc.) —  Lamansky,  Secrets 
d'état  de  Venise,  documents,  extraits,  notices  et  études  servant  ù  éclair- 
cir  les  rapports  de  la  seigneurie  avec  les  Grecs,  les  Slaves  et  la  Porte 
ottomane  à  la  fin  du  xve  et  du  xvi'=  siècle  (recueil  très  abondant  et  qui 


contient  une  foule  de  documents  curieux).  —  Knohtz,  Amerikanische 
Lebensbilder.  —  Colquhoun,  Quer  durch  Chryse,  Forschungsreise 
durch  die  sildchinessischen  Grenzliinder  und  Birma  von  Canton  nach 
Mandalay.  —  Ebers,  Richard  Lipsius,  ein  Lebensbild  (intéressant  et 
vivant).  —  Stobaei  antliologiae  libriduo  prieras  qui  inscribi  soient  phy- 
sicae  et  ethicae,  rec.  Wachsmuth.  I  et  II  («  travail  monumental  x).  — 
Abel.  Scholia  vetera  in  Pindari  Nemea  et  Ithsmia.  II  et  III  (bien 
réussi).  —  Saalfeld,  deutsch-lateinisches  Handbûchlein  der  Eigenna- 
men  aus  der  alten,  mittleren  und  neuen  Géographie  (erreurs  accumu- 
lées, à  quoi  sert  ce  livre?  Tous  les  noms  latins  sont  jetés  pèle  mêle  et 
arbitrairement;  «  ein  Erzeugniss  leidiger  Biichemacheri  »).  —  Alberti, 
Bettina  von  Arnim,  lySS-iHSg,  ein  Erinnerungsblatt  zu  ihrem  hun- 
dertsten  Geburtstage.  (On  demande  à  l'auteur  moins  de  phrases,  plus  de 
clarté  et  de  goût,  des  connaissances  plus  solides). 

Deutsche  Literaturzeitung',  n°  25,  20  Juin  i885  :  Borghi,  Leone  XIII, 
Arnoldo  da  Brescia;  Francesco  d'Assisi.  (Kraus  :  trois  petits  écrits 
remarquables  de  Thomme  d'État  italien.)  ~  Rée,  die  Entstehung  des 
Gewissens. —  Retchling,  Oriwin  Gratins,  sein  Leben  und  Wirken,  eine 
Ehrenrettung.  (Voigt.j  —  Winkler,  Uralteïische  Vulker  und  Sprachen 
[Tomaschek  :  matériaux  énormes  qui  étouffent  le  lecteur;  nuis  exem- 
ples abondants,  puisés  aux  meilleures  sources;  résultats  assurés;  en 
somme,  livre  instructif).  —  W.  Meyer,  Zur  Geschichte  des  griechischen 
und  deslateinischen  Hexameters.  (Hiller  :  travail  extrêmement  intéres- 
sant et  riche  en  remarques  aussi  originales  que  fines  et  sagaces.)  — 
W.  Meyer,  Anfang  und  Ursprung  der  lateinischen  und  griechischen 
rhytmischen  Dichtung.  (Seiler  :  excellent.)  —  Joseph,  Konrads  von 
Wurzburg  Klage  der  Kunst  (Strobl  :  bien  fait).  —  Fisch,  Generalmajor 
von  Stille  und  Friedrich  der  Grosse  (E.  S.  :  titre  bizarre;  recueil  de 
correspondances,  les  unes  connues,  les  autres  peu  connues;  néanmoins, 
quoique  trop  chargé,  intéressant).  —  De  La  Fontaine,  Œuvres,  II, 
p.  4.  Régnier  (très  instructiO.  —  Frankfurter  Chroniken  und  annalis- 
îische  Aufzeichnungen  des  Mittelalters  bearb.  von  Froning.  (Wyss.)  — 
Kagelmacher,  Filippo  Maria  Visconti  und  Kunig  Sigismund,  141 3- 
1431,  ein  Beitrag  zur  Geschichte  des  XV.  Jahrhunderts.  (Kerler  :  bon 
et  soigné.)  —  O.  Richter,  Verfassungsgeschichte  der  Stadt  Dresden,  I. 
(Ermisch  :  très  belle  et  très  méritoire  publication.)  —  Le  Bon,  La 
civilisation  des  Arabes  (Woltî  :  ouvrage  d'ensemble  qui  n'existait  pas 
encore  et  qui  est  digne  de  grands  éloges).  —  Heisterbergk,  Name  und 
Begrififdes  jus  italicum  (Dambach  :  clairement  pensé,  bien  écrit,  agréa- 
ble à  lire  malgré  quelques  longueurs). 

Berliiier  Philologische  Wochenschrift,  20  juin  i885,  n"  25  :  Eschyle,  Fa- 
bulae  cum  lectionibus  et  schoHis  cod.  Medicei  et  in  Agamemnonem 
cod.  Florentini  ab  Hieron.  Vitelli  denuo  CoUatis  edid.  N.  Wecklein 
(commencemeni:  d'un  compte  rendu  détaillé)  —  Elementary  classics. 
The  rise  of  the  athenian  empire  from  Thucydides  book  I.  Edited  for 
theuse  of  beginners.  By  F.  H.  Colson. —  Thucydides,  the  fourth  book, 
edited  with  notes  by  G.  E.  Graves  (compilation).  —  O.  Zingerle,  die 
Quellen  zum  Alexander  des  Rudolf  von  Éms.  Im  Anhang  :  die  Histo- 
ria  de  preliis  (G.  Landgraf).  — Anonymi  de  situ  orbis  libri  duo,  e  codice 
Leidensi  nunc  primum  edidit  M.  Manitius  (B.  Fabricius;  opuscule  sans 
valeur  du  ix"  siècle).  —  H.  Schenkl,  Zur  Geschichte  des  attischen  Bur- 
gerrechtes  (Buermann).  —  K.  L.  Roth,  Rômische  Geschichte  nach  den 
Quellen  erzahlt,  II  Ausgabe  von  A.  Westermayer  (P.  Brennecke  :  à  re- 
commander). —  B.  Heisterbergk,  Name  und  Begriff  des  Jus  Italicum 
;M.  Voigt  :  manqué  et  prolixe).  —  O.  Aufleger,  Verzeichniss  griechis- 
cher  Miinzen  welciie  in  galvanoplastischen  Nachahmungen  zu  beziehen 


sind  ;'R.  Weil  :  utile  auxiliaire  de  l'enseignement  historique).  —  Th. 
ScHREiBiîR,  Kulturhistoricher  Bilderatlas.  I.  Alterthum,  loo  Tafeln 
mil  eiklarcndem  Text.  Lief.  1-4  (H.  Diitschke  :  tant  que  le  texte 
n'aura  pas  paru,  ces  planches  seront  d'un  usage  très  incomnaode.  Les 
reproductions  sont  en  partie  manquées).  —  A.  de  Bourmont,  La  fonda- 
tion de  l'université  de  Caen  et  son  organisation  au  xv"^  siècle;  la  biblio- 
ib.èque  de  l'université  de  Caen  au  xve  siècle  (G.  Schepss). 

Revue  de  l'Instruction  publique  (supérieure  et  moyenne)  en  Belgique,  tome  XXV III, 
3'^  livraison;  Société  pour  le  progrès  des  études  philologiques  et  histori- 
ques, 25«  séance  tenue  au  conservatoire  royal  de  Bruxelles,  le  1 1  avril. 
—  WiLLEMs,  L''organisation  des  flottes  romaines.  (A  propos  des  «   Re- 
cherches nouvelles  »  que  M.  Ferrero  vient  de  publier  comme  supplé- 
ment à  son  ouvrage  «  L'Ordinamento  deile  armate  romane»;rauteur  fait 
preuve  d'une  scrupuleuse  précision  et  d'un  tact  judicieux.)  —  deBastin, 
Sur  l'emploi   des  négations   en   latin  et  en  français.  (Conclut  que  les 
écrivains  latins  n'ont  pas  péché  contre  la  logique'dans  la  construction 
des   phrases,    citées  en  exemple   par  M.    P.  Thomas,  9^  livraison    du 
tome  XXVI II).  —  P.  Thomas,  Réponse  à  l'article  qui  précède,  (Répli- 
que à  M.  de  Bastin  qui  tente  de  justifier,  au  point  de  vue  de  la  langue 
et  du  génie  de   la  langue  latine,  certaines  phrases  où  M.  P.  Thomas 
avait  vu  une  faute  de  rédaction.}  — O.mont, Catalogue  des  manuscrits 
grecs  de  la  Bibliothèque  royale  de  Bruxelles  (suite).  —  Comptes-ren- 
dus :  Warker,    Déclinaisons  et   conjugaisons,     Umlaut,    Brechung, 
Ablaut.  (L'auteur  possède  à  peine  les  rudiments  de  l'histoire  delà  langue 
et  son  travail  n'a  pas  les  qualités  qu'on  doit  exiger  d'un  livre  destiné 
aux  élèves.)  —  Hins,  Quelques  réflexions  sur  le  serment  de  Louis  le 
Germanique  (extrait  d'un  mémoire  sur  1'  «  Origine  de  la  langue  ro- 
mane ï),  couronné  par  l'Académie  de  Montauban;  on  trouverait  dans 
le  Serment  un  jargon  rriélangé  de  deux  dialectes,  écrit  par  un  Germain, 
qui,  en  dehors  de  sa  langue,  ne  connaissait  bien  que  le  latin  tel  qu'on 
l'enseignait  de  son  temps.)  —  Juste,   Les  Pays-Bas  sous  Philippe  II, 
2  vols.  (Lonchay  :  nouvelle  édition  d''un  travail  dont  la  fe  édition  parut 
en  i855,   beaucoup  de  clarté  et  d'impartialité.)  —  Dakis,  Histoire  du 
diocèse  et  de  la  principauté  de  Liège  pendant  le  xvi°  siècle  (Louchay  : 
consciencieuses  recherches,  et  riche  en  renseignements  biographiques, 
mais  ce  travail  n'est  pas  détinitit,  et  marque  trop  souvent  de  précision). 
—  P.  Terenti  Afri  Adelphoi,  p.  p.  Plessis.  (P.  Thomas  :  aie  caractère 
d'une  édition  variorum  et  l'éditeur  se  défie  un  peu  trop  de  lui-même; 
mais  travail  très  estimable,  très  recommandable,  dont  l'auteur  fera  hon- 
neur à  l'école  philologique  française.)  —  Stappers,  Dictionnaire  synop- 
tique d'etymologie  française.  (Thil  Lorrain   :  utile  et  facile  à  manier, 
excellent  ouvrage.)  —  Willems,  Le  sénat  de  la  République,  romaine,  I 
(de  Geuleneer  :  réimpression   avec  additions  et  changements  en  appen- 
dice; tables  précieuses). 


Le  l'uy-,  iutyrimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent.  2J>. 


N*  28  Dix-neuvième  année  13  juillet  1885 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL    HEBDOMADAIRE   PUBLIÉ    SOUS    LA    DIRECTION 

DE  MM.  J.  DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 

Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.  Chuquet 

Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Paris,  20  fr.  ■—  Départements,  22  fr.  —   Etranger,  25  fr. 


PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE    I,  A    SOCIÉTÉ    ASIATIQUE 

DE     l' ÉCOLE     DES    LANGUES    ORIENTALES     VIVANTES,     KTC. 

28,    RUE    BONAPARTE,    28 

Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuqurt 

I,  Au  bureau  de  la  Revue  :  rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 

ERNEST  LEROUX,   ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

QUATRIÈME  CROISADE.  La  diversion  sur  Zara 
et  Constantinople,  par  J.  Tessier,  professeur  à  la  Faculté  des  Lettres 
de  Caen.  In-8 7  5o 

ÉTUDES  D'ARCHÉOLOGIE  ET  DE 
MYTHOLOGIE  GAULOISES.  Deuxstèiesde 

Laraire,  suivies  d'un  appendice  et  d'une  note  sur  le  signe  symbolique 
en  S,  Avec  19  planches,  par  Ed.  Flouest,  de  la  Société  des  Anti- 
quaires. In-8,  ig  planches  hors  texte 6  fr. 

CONTES  FRANÇAIS,  recueillis  par  E.  Henry  Carnoy. 
In-i8 5  fr. 

Forme  le  tome  VIII  de  la  Collection  de  Contes  et  Chansons  populaires. 

LE   SAINT-SIÈGE,    LA    POLOGNE    ET 

MOSCOU   (i582-i587),   par  le   P.    Pierling.   In-i8,    elzé- 

vir 2  5o 

Forme  le  tome  VII  de  la  Bibliothèque  slave  el^évirienne . 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n"  686,  27  juin  i885  :  Lady  Martin,  On  some  of 
Shakspeare's  feniale  characters.  (Dowden  :  critique  parfois  juste,  mais 
qui  ressemble  trop  souvent  à  une  autobiographie.)  —  Stanley,  Thie 
Congo  and  the  founding  of  its  Free  State,  a  siory  of  work  and  explora- 
tion. 2  vols.  (Keane.  —  The  Holy  Bible,  containing  the  Old  and  New- 
Testaments  translated  eut  of  the  original  tongues  being  the  version 
set  forth  A.  D.  161 1  revised.  (deuxième  art.). — Chronicles  of  the  reigns 
ot  Stephen,  Henri  II  and  Richard  I,  vol.  I  containing  the  first  four 
booksofthe  «  Historia  rerum  anglicarum  »  of  William  of  Newburgh, 
edited  from  mss.  by  Howlett.  —  Hungarian  statistics.  (Patterson).  — 
Shelleyana  «Love's  philosophy  ».  (James  Darmesteter  :  La  pièce  adora- 
ble de  Shelley  «  Love's  philosophy  »  est  une  imitation  de  la  pièce  de 
Ronsard  —  edit.  Blanchemain,  II,  p.  286  —  qui  est  elle-même  une 
imitation  d'Anacréon  ;  «  toute  cette  pièce  de  Shelley  est  un  admirable 
exemple  de  Tidéalisation  dans  l'imitation,  et  je  n'en  connais  d'aussi 
bel  exemple  que  le  «  Mazeppa  »  de  Byron  aboutissant  au  «  Mazeppa  » 
de  Hugo...  L'étude  de  Ronsard  et  de  nos  poètes  du  xvf  siècle,  si  fort  à 
la  mode  aujourd'hui  parmi  une  partie  des  poètes  anglais,  comme  elle 
Tétait  au  temps  de  Spenser,  remonte  plus  haut  qu'on  ne  l'imagine.  ») 
—  Sheiley's  expulsion  from  University  Collège,  Oxford.  (Saunders.)  — 
The  Merton  professorship.  (Sweet  et  Thompson.)  —  The  barons  of 
Criche.  (Waters.)  —  Is  Olympus  visible  from  Prevesa.  (Tozer.)  — 
Watkins,  Gleanings  from  the  natural  history  of  the  ancients.  (Hough- 
ton  :  intéressant.)  —  The  new  organ  of  the  science  of  language  (Sayce  : 
sur  r«  Internationale  Zeitschrift  fiir  allgemeine  Sprachwissenschaft  » 
que  dirige  M.  Techmer  et  qui  vient  d'atteindre  la  première  année  de 
son  existence.) —  «  Arabian  matriarchate.  «  (Tylor,)  —  Molmenti,  II 
Carpaccio  e  il  Tiepolo,  studi  d'arte  veneziana.  (L.  Villari.)  —  An  an- 
cient  burying-ground  at  Voie  (Hoskyns-Abrahall). 

The  Athenaeum,  n"  Soog,  27  juillet  i885  :  Matthew  Arnold,  Discourses 
in  America.  —  Warren,  Paradise  found,  the  cradle  of  the  human  race 
at  the  North  Pôle,  a  study  of  the  prehistoric  world  ;  M.  Engel,  Die 
Paradiesfrage.  (On  pourrait  dire  aux  deux  auteurs  le  mot  de  Gellert 
«  Ihr  singet  beide  nicht  schon  »,  vous  chantez  mal  tous  les  deux.  Les 
deux  livres  seront  sans  doute  catalogués  par  le  futur  bibliographe  de  la 
littérature  consacrée  au  jardin  del'Eden,  mais  le  problème,  comme  dit 
M.  Ebers,  reste  insoluble.)  —  Calendar  of  State  Papers,  domestic  séries, 
1 657-1658  preserved  in  Her  Mejesty's  Public  Record  Office,  edited  by 
mrs.  Green.  —  Hill,  From  home  to  home,  autumn  wanderings  in 
the  North-West  in  the  years  1881-84;  Eliz.  B.  Custer,  Boots  and 
saddles,  or  life  in  Dakota  with  General  Custer.  —  M.  Tulli  Ciceronis 
Academica,  the  text  revised  and  explained  by  Reid.  (commentaire  qui 
laisse  peu  à  désirer.)  —  The  «  Cor  Cordium  ».  (Bicknell.)  —  Job  xix, 
25-27.  (Neubauer.)  —  The  Pipe  Roll  Society  —  «  The  Wishing 
Cap  ».  (W.  Besant.)  —  Mr.  Eyton's  mss.  and  the  Lincolnshire  Survey. 
(Vincent.)  —  Duck  Lane.  (Moore.)  —  Darics  and  Darkemonim.  (Hyde 
Clarke.)  —  Notes  from  Athens.  (Lambros.) 

Literarisches  Centralblatt,  n"  27,  27  juin  i885  :  Gloaz,  spéculative 
Théologie,  2.  —  Braasch,  Comparative  Darstellung  des  Religionsbe- 
j.;riffes  in  Schleiermacher.  —  GoLDzmER,  Die  Zahiriten,  ihr  Lehrsystem 
imd  ihre  Geschichte  (très  importante  contribution  à  notre  connaissance 
du  développement  de  la  jurisprudence  et  de  la  théologie  musulmanes). 
—  Neumann,  Geschichte  Roms  wilhrend  des  VerfaJIes  der  Republik, 
von  SuUa's  Tode  bis  zum  Ausgang  der  catilinarischen  Verschwôrung, 


hrsg.  von  Faltin,  2  vols,  (intéressant,  complet,  vivant).  —  Busch,  Drei 
Jahre  englicher  Vermittelungspolitik,  1 528-1 52 1.  (Récit  soigné  et  plein 
de  détails,  grande  admiration  pour  Wolsey  )  —  Wok.er,  Aus  den  Pa- 
pieren  des  Stetîani,  1703-1709  (sur  un  aventurier  du  xvin"  siècle  qui  fut 
ministre  dans  le  Palatinat  et  intervint  dans  le  conflit  entre  Tempereut 
Joseph  I"  et  le  pape  Clément  XI).  —  Dehn:  Deutschland  und  der  Orient 
in  ihren  wirthschaftlichen  Beziehungen  ,  2.  Zwischen  Orient  und 
Occident.  —  Me.  Lennan,  the  patriarchal  theory.  —  Kohler,  Sha- 
kespeare von  dem  Forum  der  Jurisprudenz;  Nachwort.  —  Papyrum 
Berolinensem  n»  i63  musaei  Aegyptiaci  commentario  critico  adiecto 
éd.  Landwehr.  —  Châtelain,  Paléographie  des  classiques  latins,  I  : 
Plante,  Térence,  Varron,  Catulle;  Il  :  Cicéron,  Rhétorique  et  discours. 
(Publication  très  utile,  très  instructive,  excellemment  exécutée,  à  laquelle 
il  faut  souhaiter  un  heureux  développement  et  le  plus  grand  débit.)  — 
Q.  Enni  carminum  reliquiae,  accédant  Cn.  Naevi  belli  Poenici  quae 
supersunt,  emend.  et  adnot.  L.  Mueller  (remarquable).  —  Prosch, 
Die  Grammatik  als  Gegenstand  des  deutschen  und  philosophisch-pro- 
padeutischen  Unterrichts.  (Livre  contre  lequel  il  faut  se  mette  en  garde.) 

—  Gaedertz,  Fritz  Keuter-Reliquien.  (Détails  intéressants  et  impor- 
tants pour  la  biographie  de  l'auteur  mecklembourgeois.)  —  Haller  und 
Salis-Seevvis,  Auswahl,  hrsg,  v.  Frey.  (Bon.)  —  Hebbel's  Tagebûcher, 
hrsg.  von  Bamberg,  I.  (Publication  de  grand  intérêt.)  —  Ferd.  Hiller, 
Erinnerungsblatter. 

Deutsche  Literaturzeitiing,  n"  26,  27  juin  i8S5  :  Andréas  Poachs  hands- 
chriftliche  Sammlung  ungedruckter  Predigten  Martin  Luthers  aus  den 
Jahren  1 528  bis  1546,  zum  ersten  Mal  hrsg  von  Buchwald.  I,  i.  — 
Ebbinghaus,  Ueber  das  Gedâchtniss.  —  Lévy  Bruhl,  L'idée  de  respon- 
sabilité. —  Kern,  Der  Buddhismus  und  seine  Geschichte  in  Indien, 
ùbers,  von  H.  Jacobi,  III.  (Oldenberg  :  «  jeu  d'imagination.  ») —  Aes- 
chyli  fabulae  p.  p.  Wecklein,  I  et  II.  (Kaibel  :  travail  énorme  qui  té- 
moigne de  la  persévérance  et  du  soin  assidu  de  l'éditeur).  — Mannhardt, 
Mythologische  Forschungen,  hrsg.  von  Pazig,  mit  Vorrede  von  Mûl- 
lenhoff  u.  Scherer.  (Roediger  :  livre  de  haute  valeur  et  qui  renferme 
des  matériaux  considérables.)  —  Schuchahdt,  Slavo-deutsches  und 
Slavo-italienisches.  (Briickner:  l'auteur  est  novice  sur  le  domaine  slave, 
mais  sa  méthode  prudente  et  sa  clarté  méritent  de  grands  éloges).  — 
WucLKER,  Grundriss  zur  Geschichte  der  angelsâchsischen  Literatur  mît 
einer  Uebersicht  der  angelsâchsischen  Sprachwissenschaft.  (Warnhagen  : 
utile  et  même  indispensable.)  —  Lambros,  ''h-:op[7.à  p.îAsr/jiJ.aTa  (Schône  : 
études  méritoires.)  —  Giesebrecht,  Geschichte  der  deutschen  Kaiserzeit 
II.  Blûle  des  Kaiserthums.  (Bernheim  :  nouvelle  édition  à  la  hauteur 
de  la  science.)  —  Quellen  zur  Geschichte  der  deutschen  Kaiserpolitik 
Oesterrreichs  wahrend  der  franzôsischen  Revolutionskriege,  IV,  1793- 
1797,  hrsg.  V.  Zeissberg.  (Philippson  :  précieux  et  fait  avec  grand  soin.) 

—  v.  Kloeden,  Handbuch  der  Erdenkunde,  IV.  Asien  u.  Australien. 
4e  Aufl.  —  J.  Weber,  La  situation  musicale  et  Tinstruction  publique 
en  France.  —  York  von  Wartenburg,  Napoléon  als  Feldherr.  (De- 
chend  :  «  une  mine  de  science  militaire.  ») 

Berliner  Philologische  Wochenschrift,  n°  26,  27  juin  i885  :  Aeschyli  fabu- 
lae... edidit  Wecklein  (L.  Schmidt  :  suite  et  fin  de  ce  compte-rendu  de 
détail,  très  favorable  malgré  quelques  réserves).  —  Pindar,  The  olym- 
pian  and  pythian  odes  with  introductory  essay,  notes  and  indexes  by  B. 
GiLDERSLEEVE  (L.  Bomemaun  :  insuffisant  et  sans  originalité).  —  J. 
HàussNER,  Cruquius  und  die  Horazkritik  (W.  Kloucek  :  confirmation 
éclatante  des  doutes  élevés  par  Bergk  et  Keller  sur  la  valeur  des  indica- 


rions  de  Cruquius.  Un  second  critique,  H.  Mewes,  qui  a  écrit  deux 
dissertations  en  faveur  de  Cruquius,  proteste  contre  la  condamnation 
de  Huussner.)  —  F.  Robiou  et  D.  Delaunay,  Les  Institutions  de  TAn- 
cienne  Rome.  I.  Institutions  politiques,  militaires  et  religieuses  (H. 
Schiller  :  n'est  pas  au  courant).  —  M.  Wlassak,  Kritische  Studien  zur 
Théorie  der  Rechtsquellen  im  Zeitalter  der  klassischen  Juristen  (H. 
Schiller  :  également  intéressant  pour  le  jurisconsulte  et  pour  le  philolo- 
gue.)—G.  Bloch,  de  decretis  functorum  magistratuum  ornamentis  et  de 
décréta  adlectione  in  ordines  functorum  magistratuum  (O,  Hirschfeld  : 
<  Travail  original  et  important;  on  regrette  que  cette  étude  soignée 
et  utile  ait  dû  revêtir  la  camisole  de  force  du  latin.  »)  -H.  Hedydemann, 
Terrakotten  aus  dem  Museo  nazionale  zu  Neapel  ;  Alexander  der 
Grosse  und  Dareios  auf  unteritalischen  Vasenbildern;  Vase  Caputi 
mit  Theaterdarstellungen  (H.  Dûtschke  :  trois  excellentes  disserta- 
tions.) —  G.  Becker,  Catalogi  bibliothecarum  antiqui.  I.  Catalogi 
saeculoXIII  vetustiores.  II.  Catalogus  catalogorum  posterioris  aetatis 
(R.  Béer  :  réunion  de  340  catalogues  embrassant  une  période  de  sept 
siècles;  travail  méritoire,  mais  incomplet). 


OXFORD 

at    the    Clarendon    Press. 


CORPUS    POETICUM     BOREALE 

THE     POETRY 

of   the 

OLD    NORTHERN    TONGUE 

from    the     earliest    times    to    the     thirteenth    century 

edited 
classified   and   translated 

with 

introduction ,     excursus    and    notes 

by 

Gudbrand   Vigfusson,    M.    A. 

and 

F.    York    PowELL,   M.    A. 

Vol.   I.   Eddie  poetry  ^cxxx  a.  576  p.) 
Vol.   II.   Court  poetry  712  p.) 


■i 


f 


e  Fuy,  imprbnerie  Marchessou  fîls,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


N"  29  Dix-neuvième  année  20  juillet  1885 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL    HEBDOMADAIRE   PUBLIE    SOUS    LA    DIRECTION 

DE  MM.  J.  DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 

Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.  Chuqubt 

Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.  —   Etranger,  zb  fr. 


PARIS 

ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE    LA     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     t.' ÉCOLE     DES     LANGUES    ORIENTALES     VIVANTES,    KTC. 

28,    RUE    BONAPARTE,    28 

Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  ^  M.  A.  Chuquet 

(Au  biiieau  de  la  Kevue  :  rue  Bonaparte,  28), 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 

ERNEST  LEROUX,   EDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

TROIS  NOUVELLES  CHINOISES  traduites 

pour  la  première  fois,  par  le  marquis  d'HERVEY-SAiNT-DENis,  membre 

de  l'Institut.  In-iB 2  5o 

Tome  XLV  de  la  Bibliothèque  orientale  elzévirienne. 

FÊTE   NATIONALE  DES    HELLÈNES  A 

vjbrSLVh  en  1884.  Discours  prononcé  dans  le  Syllogue  na- 
tional hellénique,  par  Pierre  Phaumacopoulos,  docteur  en  droit. 
Traduit  en  français,  par  Jean  Alexandropoulos.  In- 18,  grec  et  fran- 
çais       6  fr. 

NOTES  DE  LEXICOGRAPHIE  BERBÈRE 

Ile  partie:  Le  dialecte  des  Beni-Menacer,  par  René  Basset.  In-8.  4fr. 

MONOGRAPHIE  DE  MÉQUINEZ,  par  o. 

Houdas.  In-8 2  ir. 


périodiquê:s 

The  Academy,  n"  C87,  4  juillet  i885  :  Greek  lays,  idylls,  legends,  etc., 
a  sélection  from  récent  and  contemporary  poets,  translated  by  Ed- 
MONDs;  Greek  folk-songs  from  the  Turkish  provinces  of  Greece,  iiteral 
and  metrical  translation  by  Lucy  M.  F.  Gaknett.  (Tozer).  —  Sophus 
Tromholt,  Under  the  rays  of  ihe  aurora  borealis,  in  the  land  of  the 
Lapps  aiîd  Kvaens,  edited  by  Suîwkrs  (Temple).  —  The  Holy  Bible, 
containing  the  Old  and  New  Testaments  translated  out  of  the  original 
longues,  being  the  version  set  forth  A.  D.   16  j  i  revised  (3''  art.  :   Bail). 

—  PowELL  a.  Mackay,  History  or  England,  for  the  use  of  middle  forms 
of  sciiools,  I,  from  the  earliest  times  to  the  deaih  of  Henry  VII.  (Brad- 
ley.)  —  Plaidoyers  de  Charles  Lachaud,  p.  p.  Sangnier.  —  An  English 
Historical  Review.  (Cette  Revue  Historique  anglaise  paraîtra  en  1886 
chez  Longmans,  sous  la  direction  de  MM.  Creighton  et  Dixie  assistés 
de  M.  Reginald  Lane  Poole  et  d'un  comité  de  personnes  compétentes]. 

—  The  barons  of  Criche.  (Yeatman.)  —  «  Outlines  of  the  world's  his- 
tory »  (Sanderson).  —  Certain  prehisioric  and  ancient  linear  measures. 
(Greg.)  —  «  Arabian  matriarchate  «  (Redhouse.)  —  Torquatus  Genna- 
dius.  (Lindsay.)  —  H.  Parker,  The  nature  of  the  fine  arts.  (Monk- 
house  :  n'est  pas  aussi  satisfaisant  qu'on  le  désirerait.) 

The  Athenaeum,  n°  3oio,  4  juillet  i885  :  The  journals  of  Major-Generai 
C.  G.  Gordon  at  Kartoum,  printed  from  the  original  rass.,  introduction 
and  notes  by  Hake.  —  W.ilford,  Greater  London,  a  narrative  of  its 
history,  its  people  and  its  places.  2  vols.  -  Sai.mon,  A  historical  intro- 
duction to  the  study  of  the  Books  of  the  New  Testament.  —  Encyclo- 
paedia  Britannica,  vol.  XIX.  Phy-Pro.  (A  remarquer  Pindare  par 
Jebb;  Platon  par  Campbell;  Plante  par  Sellar  ;  Properce  par  Post- 
gate;  Porson  par  Luard;  Le  Pogge  par  Svmonds;  poésie  par  Watt  — 
c'est  l'article  le  plus  important  — ;  Pilgrimagepar  Littledale;  Pologne 
par  Morfill;  Portugal  par  Stephens  et  Briggs;  Presbytérianisme  par 
Airy  et  Briggs  ;  le  prêtre  Jean  par  Yule  ;  Prométhée  par  Lang,  —  très 
habilement  fait  et  d'une  façon  intéressante  — ;  enfin  le  Provençal,  sa 
langue  et  sa  littérature,  par  P.  Meyer  «  an  admirable  account  ».)  — 
Our  library  table.  (Blades,  Account  of  the  German  Morality.  Play 
entitleJ  Depositio  Cornuti  Typographici  ;  2"  vol.  du  Folk-Lore  Journal; 
Perey  et  Maugras,  La  vie  intime  de  Voltaire  aux  Délices  et  à  Ferney; 
il  suffisait  de  publier  simplement  avec  quelques  notes  tout  ce  que  le 
volume  contient  dMnédit.)  —  Public  schools  in  i885.  —  Tyndale's  Pen- 
tateuch.  —  The  Horiuzi  palm-leaves  (Beal).  —  The  manufacture  of 
unique  books  (Stevens).  —  Linton,  VV^ood  eijgraving  a  manual  of  ins- 
truction. —  Notes  from  Athens  (Lambros). 

Literavisches  Ceatralblatt,  n'^  28,  4  juillet  i885  :  Langen,  Geschichte  der 
romischen  Kirche  von  Léo  I  bis  Nicolaus  II,  quellenmassig  dargestellt. 
(Très  méritoire.!  —  L.  Keller,  die  Reformation  und  die  iilteren  Re- 
tormparteien.  (Remarquable.)  —  Ebbinghaus,  Ueber  das  Gedâchtniss. — 
GuiRAUD  et  Lacour-Gayet,  Histoire  romaine  ('x  tout  est  sensé  et  repose 
sur  un  fondement  scientifique,  et  offre  beaucoup  de  choses  que  l'auteur 
allemand  d'un  manuel  d'histoire  romaine  pourrait  noter  et  imiter;... 
prend  parti  sur  les  points  controversés  avec  tact  et  habileté;  figures  bien- 
venues; cartes  qui  ne  sont  pas  mauvaises  ».) —  Frankfurter  Chroniken 
und  annalistiche  Aufzeichnungen  des  Mittelalters,  bearb,  von  Froning. 
~  Tesdorpk,  der  Romerzug  Ludwig's  des  Baiern  1 327-1 33o.  — 
Grunhagen,  Geschichte  Schlesiens,  Lielcr.  5-7.— Schwarz,  ein  deutsches 
Indien  und  die  Theilung  der  Erde.  — Nordenskiôt-d,  Studien  und  For- 
schungen,    veranlasst    durch    meine    Reisen    im    hohen    Norden,  ein 


popalâr-wissenschaftliches  Supplément  zu  :  die  Umsegelung  Asiens 
und  Europas  auf  der  Vega,  —  Codex  Theresianus  und  seine  Umar- 
beitungen,  hrsg.  von  Harras  Hitter  von  Harrasowsky,  III.  — 
Aeschyli  fabulae  p.  p.  Wpxklein.  I  et  II.  (Édition  ciitique  indispensa- 
ble.) —  ScHOELL,  Gesammelte  Aufsatze  zur  classischen  Liîeratur  alter 
und  neuer  Zeit.  (Bon  essais,  recueil  à  joindre  à  la  collection,  précé- 
demment parue,  des  études  du  même  auieur  sur  Gœihe.)  —  Minot's 
Lieder  p.  p.  Scholle.  (Edition  soignée  du  vieux  poète  anglais,  faite  par 
un  homme  compétent.)  —  Zusammenstellung  der  wissenswurdigsten 
Erscheinungen  auf  dem  Gebiete  der  schonen  Literatur  1878-18^4.  — 
Ward,  Catalogues  of  romances  in  the  department  ot  manuscrits  in  the 
British  Muséum,  vol  I.  •—  Eug.  Muntz,  Les  historiens  et  les  critiques 
de  Raphaël,  1483- 188 3,  essai  bibliographique  pour  servir  d'appendice  à 
Touvrage  de  Passavant.  (Bibliographie  excellente,  rien  n"a  échappé  à 
Fauteur.)  —  Welcker,  der  Schadel  Rafaels  und  die  Rataelportriits. 

Deutsche  Literaturzeitung',  n"  2'],  4  juillet  i885  :  Kolde,  die  Heiisarmee 
(«  The  Salvation  Army  »]  nach  eigener  Anschauung  und  nach  ihren 
Schriften.  —  Internationale  Zeitschritt  fur  allgemeine  Sprachwissen- 
schaft.  hrsg.  von  Techmer,  I,  i  et  2.  —  Helbig,  Das  homerische  Epos 
aus  den  Denkmalern  erleuterc,  archiiologische  Untersuchungen  (Ro- 
bert :  livre  intéressant,  instructif,  qui  prendra  sans  doute  une  place 
durable  dans  l'enseignement  d'Homère).  —  Meusel,  Lexicon  Caesaria-- 
num,  II  et  III  (Prammer  :  toujours  fait  avec  le  même  soin,  la  même 
exactitude).  —  Von  Pfister,  Sagen  und  Aberglaube  aus  Hcssen  und 
Nassau  (Rien  de  nouveau).  —  Lambeck,  Lessings  Ansich;en  iiber  das 
Verhaltniss  der  Tragôdie  zur  Geschichte  kritisch  untersucht  (Eigen- 
brodt  :  très  soigné  et  très  profond).  —  Blumenthal,  Thealralische  Ein- 
drûcke  (Schlenther  :  «  l'auteur  a  jeté  toute  sorte  de  choses  dans  ce  petit 
poi;  mais  rien  n'est  cuit,  et  la  fumée  seule  monte  »).  —  Bonnardot,  Le 
Psautier  de  Metz,  texte  du  xiv^  siècle,  édition  critique  publiée  d'après 
quatre  manuscrits,  I  (Schwan).  —  Schlumberger,  Sigillographie  de  l'em- 
pire byzantin  (Lambros  :  publication  de  grande  valeur,  la  première  pu- 
blication spéciale  et  importante  sur  les  sceaux  byzantins).  —  De  Ger- 
BAix-SoNNAZ,  Studi  storici  sul  Contado  di  Savoia  e  Marchesato  in  Italia. 
I,  2  (W.  Bernhardi  :  très,  peut-être  trop  détaillé).  —  Gerdes,  Geschichte 
der  Konigin  Maria  Stuart,,  I  (Bresslau  :  audacieux  plagiat  du  livre 
d'Opitz  [1879J  sur  le  même  sujet).  —  Aug.  Stôber,  neue  Alsatia,  Bei- 
trâge  zur  Landeskunde,  Geschichte,  Sitten-und  Rechtskunde  des  Elsas- 
ses  1834-1884.  —  Retzius,  Finnland.  —  Vasari,  Vita  di  Donato  seul- 
tore  tiorentino,  hrsg.  von  C.  Frey  iH.  Grimm).  —  Von  Holst, 
Verfassungsgeschichîe  der  Vereinigten  Staaten  von  Amerika  seit  der 
Administration  Jacksons,  III,  vom  Compromiss  von  i85o  bis  zurWahl 
Buchanans  (Gierke  :  suite  de  ce  vaste  et  très  louable  travail).  —  Die 
Constituierung  der  Gœthe-Gesellschaft  in  Weimar  (Geiger  :  rapport  fort 
intéressant). 

Berliner  Philologische  Wochenschrift,  n"  27,  4  juillet  i885.  —  J.  Reimers, 
Zur  Entwicklung  des  dorischen  Tempels  (W.  Dorpfeld  discute,  dans  un 
article  étendu,  les  opinions  de  l'auteur,  en  rendant  iîommage  à  son 
savoir). —  P.  W.  Forchhammer,  Erklarungder  llias  iVv^.  H.  Roscher  cite 
des  spécimens  de  la  méthode  de  F.  et  de  ses  étymologies;  Zsuç  vient  de 
Çéo),_Ares  de  ott'pw,  Pallas  de  TriÀXœ,  Achille  de  a  privatif  et  de  ytCkoz, 
signifiant  celui  qui  n'apas  delèvres,  qui  déborde.Toute.  l'Iliade  s'expli- 
que par  les  inondations  périodiques  de  la  plaine  de  Troie,  qu'Homère 
contemplait  de  Genchrées).  —  Bruno  Keil,  Analecta  Isonatea  (J.  Zvcha  : 
essai  sur  les  oeuvres  d'Isocrate,  la  tradition  des  manuscrits  etc.  Mérite 
beaucoup  d'éloges).  —  P.  Terenti  Afri  Adelphoe,  publié  par  F.  Plessis 


(Dziatzko  :  efforts  louables  pour  mettre  le  lecteur  en  possession  de 
renseignements  exacts:  mais  défaut  d'indépendance  dans  le  jugement; 
les  éditeurs  récents  sont  cités  comme  des  autorités  alors  même  qu'ils  ne 
font  que  reproduireldes  opinions  plus  anciennes).  —  Titi  Livii  liber  II, 
fur  den  Schulgebrauch  erkUlrt  von  Th.  Klett  (-0-  :  trop  de  notes  ex- 
plicatives). — "E.  Ballas,  Die  Phraséologie  des  Livius  (-0-  :  utile).  — 
G.  F.  Hertzberg,  Athen ,  historisch-topographisch  dargestellt 
(G.  Locsckke  :  fait  de  seconde  main,  non  au  courant,  le  plan  d'Athènes 
est  le  plus  mauvais  qui  existe). 

Theologische  Literaturzeitung,  n°  i3,  27  juin  i885;  Jacobsen,  die  Quellen 
der  Apostelgeschichte  (Krûger  :  essai  manqué).  —  Ritschl,  Cyprian 
von  Karthago  und  die  Verfassung  der  Kirche.  (Zoepyfel  :  i"  article). 
—  Thausing,  Durer,  Geschichte  seines  Lebens  und  seiner  Kunst.  (Rade  : 
ouvrage  d'une  méthode  claire  et  sûre,  d'une  critique  historique  péné- 
trante et  qui  a  fait  époque.)  —  Beck,  Grundrisse  des  gemeinen  Kir- 
chenrechts  nach  Richter-Dove.  (Kôhler.)  —  Baur,  Das  deutsche  evan- 
l^elische  Pfarrhaus,  seine  Grûndung,  seine  Entfaltung  und  sein  Bestand. 
(Rade.) 


OXFORD 


CORPUS    POETICUM     BOREALE 

THE     POETRY 

of  the 
OLD    NORTHERN    TONGUE 

from     the     earliest     times    to     the     thirteenth     century 

edited 
classified   and   translated 

with 

introduction ,     excursus    and    notes 

by 

Gudbrand   Vigfusson,    M.    A. 

and 

F.   York    PowRLL,   M.   A. 

Vol,   I.   Eddie  poetry  ^cxxx  a.  5y6  p.) 
Vol.  II.  Court  poetry  712  p.) 


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at    the    Clarendon    Press.  i 


Le  J'uy,  imprimerie  Marchessou  Jils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


H"  30  Dix-neiiviènie  année  27  juillet  1885 


REVUE  CRITKT 


D'HISTOIRE    ET    DE    11  T  T  E  R  A  T  U  K  E 

KliCaKiL    HlC:il;0^:AûA!KK    PliBMii    sous    LA.    DUUiCTiÛN 

OK  MM.  J.DARMESTLTER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  i'AUici 

Sccrciaire  de  ia  rédaction  :  M.   A.   Chvqjjih 

Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris,  20  fr.  •—  Départements,  22  fr.   — -    litranger,  2i>  \r,. 


PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAISE     DE    LA    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE    l'École    des   langues  orientales   vivantes,   lt! 
28,    RUK    BONAPAKTE,    28 


Adresser  les  conimiinications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  CHUQUiii 

{Au  buieau  de  la  Revue  :  rue  iionaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 

ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

TROIS  NOUVELLES  CHINOISES  traduites 

pour  la  première  fois,  ;iar  le  marquis  d'HERVKv-SAiNT-DENis,  membre 
de  l'Institut.  In-i8 2  5o 

Tome  XLV  de  la  Bibliothèque  orientale  elzévirienne. 

FETE  ^NATIONALE  DES    HELLÈNES  A 

VjhNLVb  en  1884.  Discours  prononcé  dans  le  Syllogue  na- 
tional hellénique,  par  Pierre  Pharmacopoulos,  docteur  en  droit. 
Traduit  en  français,  par  Jean  Alexandropoulos.  In- 18,  grec  et  fran- 
çais  ' 5  fr. 

NOTES  DE  LEXICOGRAPHIE  BERBÈRE 

Ile  partie:  Le  dialecte  des  Beni-Menacer,  par  René  Basset.  In-8.  4fr. 

MONOGRAPHIE  DE  MÉQUÎNEZ,  pa,  o. 

HouDAS.  'In-8 ..." 2  Ir. 


HÉIUODIQUES 

The  Academy,  n"  688,  ii  juillet  i885  :  The  journals  of  Major-General 
Gordon  at  Kartoum,  prinred  from  the  original  mss,  introd.  and  notes 
by  Hake  (Burton  :  Tauteur  de  l'art,  conclut  en  disant  qu'il  n'est  pas  sûr 
de  la  mort  de  Gordon,  tous  les  récits  lui  paraissent  si  divers,  si  louches 
que  la  réapparition  de  l'héroïque  Anglais  ne  le  surprendrait  pas;  il  ne 
peut  croire  qu'un  jour  il  ne  serrera  pas  de  nouveau  les  mains  de  Gordon 
et  ne  félicitera  pas  de  son  salut  quasi  miraculeux  l'homme  qu'il  a  tou- 
jours regardé  comme  l'àme  même  de  l'Honneur).  —  D.  Masson,  Carlyle, 
personnally  and  in  his  writings.  (Wallace  :  récit   sincère  et  important.) 

—  Salmon,  a  historical  introduction  to  the  study  of  the  Books  of  the 
New  Testament.  —  Finch-Hatton,  Advance  Australiaîan  account  of 
eight  year's  work.  Wandering  a.  amusement  in  Queensland,  New 
South  Walcs  a.  Victoria.  ("Wickham.)  —  Collier,  History  of  Ireland 
for  schools.  (Knox  :  cette  histoire  est  encore  à  écrire.)  —  Gaston  Paris, 
La  poésie  du  moyen  âge,  leçons  et  lectures.  (Saintsbury  :  joint  le  soin 
du  détail  à  la  largeur  des  vues.)  —  Current  literature  (Marquis  of  Lorne, 
Impérial  fédération  ;  Tcheng-Ki-Kong,  The  Chinese  painted  by  ihem- 
selves;  Robinson,  Introduction  to  our  earliest  English  literature,  from 
the  earliest  times  to  the  Norman  conquest  :  fait  sans  soin  et  à  la  hâte.) 

—  Orthography  for  native  names  of  places  (régies  adoptées  par  la  vSo- 
ciété  géographique  royale).  —  Errors  in  Anglo-Saxon  names  (Steven- 
son). —  «  Asasel  »  (b.  Asher).  —  Edgren,  A  compendious  Sanskrit 
grammar.  (Macdonell  :  pourra  rendre  des  services  aux  commençants 
à  cause  de  sa  brièveté;  la  seconde  moitié  du  livre  est  généralement 
bonne).  —  Rygh,  Norske  oldsager,  ordnede  og  forklarede,  II  et  III, 
Antiquités  norvégiennes  arrangées  et  décrites,  avec  figures  sur  bois  par 
LiNDBERG  (Stephe\is  :  ouvrage  de  valeur  à  recommander  chaudement  à 
tous  ceux  qu'intéresse  Tancienne  Scandinavie). 

The  Athenaeum,  n»  3oii,  ii  juillet  i885  :  Sir  James  Stephen,  The 
story  of  Nuncomar  and  the  Impeachment  of  Sir  Elijah  Impey,  2  vols. 

—  Conrad,  German  universities  for  the  last  fifty  years,  translated  by 
HuTCHiNSON.  (Œuvre  laborieuse  et  méritoire  sur  un  sujet  de  la  plus 
haute  importance.)  —  Mrs.  Pennell,  Mary  Wollstonecrat't  Godwin. 
(Assez  bon  ouvrage  sur  l'auteur  de  la  «  Vindication  of  the  rights  of 
women  »,  soigné,  détaillé,  mais  manque  de  vie.)  —  The  Lauderdale 
Papers,  edited  by  Airy,  I.  1 63g- 1667;  11.  1667- 16^73.  —  Lansdell,  Rus- 
sian  Central  Asia,  including  Kuldja,  Bokhara,  Khiva  and  Merv,  2  vols. 
(Très  méritoire,  très  important  et  paraît  au  bon  moment.)  —  Thcolo- 
gical  books  (Young,  Grammatical  analysis  of  the  Hebrew,  Chaldce  and 
Greek  Scriptures;  The  Book  of  Psalms  in  Hebrew;  Randolph,  Analy- 
tical  notes  on  the  first  and  three  last  of  the  Minor  Prophets  [peu  utile!  ; 
Beal,  Non-Christian  Religions  Systems,  Buddhism  in  China  [très  in- 
téressant et  instructif];  Schnapp,  die  Testamente  der  zwolf  Patriarchen 
[important]  ;  Sabatier,  La  Didachè,  ou  l'enseignem.ent  des  Douze 
Apôtres  [des  erreurs  sérieuses  et  des  notes  excellentes].  —  The  Carpa- 
ihiote  dialect.  (Benz.)  —  Notes  on  Coleridge.  (Gaine.)  —  «  Beauty  and 
the  Bcast  »  (Pearson).  — The  genealogy  of  John  Harvard  (Rendle).  — 
The  Palestine  Exploration  Found.  —  Comyns  Carr,  Papers  on  art.  — 
Jahrbuch  der  koniglich  Preussischen  Sammlungen,  vol.  V.  —  Noies 
from  Athens.  (Hirst.) 

Literarisches  Centralblatt,  iv>  29,  11  juillet  i885  :  Schnapp,  die  Testa- 
mente der  zwolf  Patriarchen  untersucht.  (On  différera  sur  beaucoup  de 
points  de  détail,  mais,  en  somme,  Fauteur  est  et  mène  sur  le  droit  che- 
min.) —  Der  Codex Teplensis,  enthaltend  die  Schrift  des  newen  Bezeu- 


ges,  III;  Haupt,  die  deutsche  Bibeiûberàetzung  der  mittelalteriichcii 
Waldenser  in  dem  Codex  Teplensis.  (Les  recherches  de  Haupt  sont  fai- 
tes avec  exactitude  et  netteté.)  —  Briefe  Benedicts  XIV  an  den  Ganoni- 
cus  Peggi  in  Bologna  1727-58  nebst  Diarium  des  Conclaves  von  1740, 
lirsg.  V.  Kraus.  —  Ohlenschlager,  die  rumischen  Grenzlagerzu  Passau, 
Kûnzing,  Wischelburg  u.  Straubing;  Haupt,  der  romische  Grenzwall 
in  Deutschland.  [«  Limes  und  kein  Ende»;  mais  les  deux  travaux  sont 
très  soignés  et  instructifs.)  —  Guhier  Schreinsurivunden  des  XI L  Jahr- 
hunderts,  p.  p.  Hoeniger,  I,  i. —  Liv  =  Est  =  und  Kurlàndisches 
Urkundenbuch ,  begrûndet  von  Bunge ,  fortges.  von  Hildebrand, 
VIII*^  vol.  i_j.29-i-î-35.  —  Cavour's  gedruckte  u.  ungedruckte  Briefe, 
gesammelt,  erleutert  u.  mit  einer  Biographie  versehen  von  Ghiala, 
ûbers.  von  M.  Bernardi,  3  vols.;  Nie.  Bianchi,  La  politique  du  comte 
de  Cavour  de  i852  à  1861,  lettres  inédites  avec  notes.  —  von  Westarp, 
ein  Winter  in  den  Alpen,  1881-82,  Naturbilder  vom  Fusse  des  Wet- 
tersteins  —  von  Ihering,  Scherz  und  jirnst  in  der  Jurisprudenz,  eine 
Weihnachtsgabe  fur  das  juristischc  Publikum.  (Attaques  contre  des  œu- 
vres aujourd'hui  vieillies.)  —  Seitz,  Grundlagen  einer  Geschichte  der 
rômischen  possessio,die  Rechtsverschiedenheit  im  antiken  Rom  und  die 
Entfaltung  des  doppelten  rômischen  Eigenthumes,  possessio  neben  do- 
minium,  aus  den  verschiedenen  positiven  Rechtssystemen  vor  Justinian. 
(Manque  de  soin  et  peut  être  regardé  en  grande  partie  comme  manqué.) 

—  Kahn,  Zur  Geschichte  des  rômischen  Frauen-Erbrechts.  (Remarqua- 
ble.)—  Delitzsch,  assyrische  Lesestûcke  nach  den  Originalien  theils 
revidirt,  theils  zum  ersten  Maie  hrsg.  nebst  Paradigmen,  Schriftafel, 
Textanalyse  u.  kleinem  Wôrterbuch.  (Livre  très  utile  et  fondamental.) 

—  Bâcher,  Die  hebraisch-arabische  Sprachvergleichung  des  Abulwalid 
Mervân  ibu  Ganah.  (Étude  très  profonde.)  —  Aeschyli  Tragoediae,  p,  p. 
Weil  (édition  qui  offre  un  texte  lisible  et  qui,  venant  de  ce  fin  critique 
d'Eschyle,  sera  la  bienvenue.)  —  Lammert,  Ucbungsbuch  fur  den  Un- 
terricht  im  Latcinischen,  Sexta,  Quinta.  (Quelques  changements  à  faire, 
mais  travail  solide  et  méthodique.]  —  Schûrmann,  Darstellung  der  Syn- 
tax  inCynewulf's  Elene.  (Louable.)  —  Druskowitz,  Percy  Bisshe  Shel- 
ley,  (Écrit  pour  le  grand  public  et  renferme  parfois  du  nouveau.)  — 
Loevy,  Untersuchungen  zur  griechischen  Kûnstlcrgeschichte.  (Très 
détaillé  et  instructif). —  Denkmaler  des  XVII.  Jahrhunderts  aus  der 
Sobieski-Ausstellung  in  Krakau. 

Deutsche  Literaturzeitung,  n°  28,  11  juillet  i883;  Bxç/itorjÇ,  'Ey.-/.XYjctacTi>tY5 
ttîTopla,   I.  (Jûlicher  :    bon)  —  Selberg,    der  Begriff  der  christlichen 
Kirche,  I.  —  Gommer,  System  der  Philosophie,  III.  —  Krauss,  Sitte 
und  Brauch  der  Stidslawen.  (Bruckner  :  renferme  une  masse  de  ma- 
tériaux importants).  —  Schmolling,  Ueber  den  Gebrauch  einiger  pro- 
nomina  auf  attischen  Inschriften,  IL  (Keil  :  court  et  exact).  —  Bôhlau, 
quaestiones    de    re    vestiaria    Graecorum.   (Buchsenschiitz  :   utile).  — 
Gœthe  und  Gratin  O'Donell,  ungedruckte  Briefe  nebst  dichterischen 
Beilagen  hrsg.  V.  R.  M.  Werner.  (Geiger;  publication  très  méritoire). 
—  Brinkmann,  Syntax  des  franzôsischen  und  englischen  in  vergieichen- 
der   Darstellung,   II,   i.  (Varnhagen  ;   suite,   Tadjectif   et  le    nom    de 
nombre,  soigné   et   bien   fait).  —  Ricken,  Untersuchungen   ûber   die 
metrische  Technik  Corneilles  und  ihr  Verhaltnis  zu   den  Regeln  der 
franz.  Verskunst,  I.  Silbenzàhlung  und  Hiatus.  (Koschvsùtz,  observa- 
tions détaillées  et  justes).  —  Judeich,  Ciisar  im  Orient,  9  augusi  48 
october  47  (Klebs;  travail  remarquable).  —  Archives  de  l'Orient  latin, 
tome  II.  (Wolff;  suite  de  cette  précieuse  publication).  —  Alf.  Huber, 
Geschichte  Oesterreichs,  I.(Krones;  fait  avec  un  esprit  scientifique  et 
un  sérieux  labeur).  —  R.  de  Dalmas,  Les  Japonais,  leurs  pays  et  leurs 


mœurs,  (plein  de  fraîcheur).  —  Dôrffel,  Geschichte  der  Gewandhaus- 
concerte  zu  Leipzig  25  nov.  1787-25  nov.  1881.  (Bellermann  ;  nom- 
breux matériaux).  —  Bonnhak,  Geschichte  des  preussischen  Verwal- 
tungsrechts,  II,  bis  zum  Frieden  von  TilsiL.  (Rosin;  suite  de  cette 
œuvre  importante  qui  comptera  encore  un  troisième  volume).  —  L.  v. 
Stkin,  Lehrbuch  der  Finanzwissenschaft,  I.  Die  Finanzverfassung 
Europas. 

Berliuer  Philologische  Woclieiischrift,  n"  28,  1 1  juillet  i885  :  Samuel  John- 
son, Oriental  religions  and  their  relation  lo  universai  religion,  with  an 
introduction  byO.  B.  Frothingham.  Pcrsia  (Spiegel  :  Ouvrage  posthume 
d'une  haute  valeur,  malgré  des  inexactitudes  de  détail.  Les  deux  pre- 
miers volumes  traitaient  des  religions  de  l'Inde  et  de  la  Ghme  :  celui-ci 
est  consacré  à  la  Perse  et  prétend  montrer  que  la  religion  de  ce  pays  est 
«  l'éveil  de  la  volonté  personnelle  »  que  l'Inde  et  la  Chine  n'ont  pas 
connu).  —  A.  Fuehrer,  die  Sprache  und  die  Entwickelung  der  grie- 
chischen  Lyrik  (R.  Meisîer  :  l'idée  principale  du  livre  est  inadmissible). 
—  Xénophon,  i'Ana'Dase,  p.  p.  A.  Cuvillieu  (Matthias  :  texte  arriéré, 
commentaire  clair  et  précis).  —  W,  Mangelsdork,  zu  Xenophons  Bericht 
ûber  die  Schlacht  bei  Kunaxa  (W.  Vollbrecht  :  très  intéressant).  — 
M.  TuLUi  CiCERONis  Autobiographia,  ex  Tullii  scriptis  collegit,  proemio, 
notis  illustravit  S.  Martjni  (L.  Guriitt  :  travail  de  dilettante,  animé 
d'une  hostilité  passionnée  contre  les  historiens  allemands,  en  particulier 
Mommsen,  et  d'une  extrême  partialité  pour  Cicéron).  «  Um  so  ver- 
schwenderischeres  Lob  wird  dem  Werke  des  Boissier  gespendet.  Cicéron 
et  ses  amis,  Paris,  1879,  einem  licbenswurdigen,  aber  oberflachlichen 
Bûche.  ))  <^Le  critique  lui-même  aurait  pu  s'épargner  le  reproche 
d'  «  Oberfliichlichkeit  »  en  n'attribuant  pas  à  1S79  un  livre  qui  date  de 
iS65>.  —  Cornelh  Taciti  opéra,  recensuit  Ioannes  Miiller,  I  (A. 
Eussner  :  très  bon).  —  E.  Wôlfflin,  Archiv  fur  lateinische  Lexicogra- 
phie und  Grammatik,  I  Jahrg.,  4  Heft  (H.  Ronsch).  —  D.  J.  Nagu- 
ZEVVSK.I,  O  populjarisazii  swjedjenii  po  klassitscheskoi  drewnosti  (H. 
Haupt  :  écrit  inîéressiuit  sur  «  la  vulgarisation  dans  le  domaine  de  l'an- 
tiquité classique  en  Russie  »).  —  H.  Seeger^  Realgymnasium  oder 
Oberrealschule  (P.  Hellwig). 

Gœttiugische  gelerhte  Anzeigen,  n"*  i3  et  14,  i  et  10  juillet  i885  :  von 
Amuîa,  Nordgermanisches  Obligationenrecht,  I.  Altschwedisches  Obli- 
gationenrecht  (Brinz).  —  Baron,  Geschichte  des  romischen  Rechts,  I. 
Institutionen  und  Civilprocess.  (Lotmar  :  non-seulement  enrichit,  mais 
augmente  véritablement  la  littérature  juridique.)  —  Nachrichten  n"  5, 
Konigliche  Gcsellschaft  der  Wissenschaften  ;  séance  du  6  juin  i885  : 
Kielhorn,  Der  Grammatiker  Pàmni.  —  Wachsmuth,  Einige  antiqua- 
rische  Bemerkungen  zu  dem  Codex  des  Privatrechts  von  Gortyn. 

Thsologische  Literaturzeitung ,  n»  14,  u  juillet  i885  ;  Ed.  Meyer, 
Geschichte  des  Alterthums,  I.  (Guthe;  i»-''  volume  de  l'œuvre;  histoire 
de  l'Orient  jusque  à  la  fondation  de  l'empire  des  Perses,  intéressant, 
renferme  de  nouveaux  matériaux;  l'auteur  sait  les  langues  orientales; 
son  style  est  clair  et  agréable).  —  O.  Ritschl,  Cyprian  von  Carthago 
und  die  Verfassung  der  Kirche.  {2"  art.  de  Zoeptïel  :  utile,  méthode'et 
résultatsqui  donnent  satisfaction  au  critique).  — L.  Keller;  die  Refor- 
mation und  die  alteren  Reformparteien.  (Tschackert;  réhabilitation 
des  anabaptistes,  faite  avec  grand  soin,  mais  arbitrairement  et  sans 
méthode  objective).  —  PlUmacher,  der  Pessimismus  in  Vergangenheit 
u.  Gegenwart,  Geschichtiiches  und  Kritisches;  Weckesser,  der  em- 
pnische  Pcssmiismus  in  seinem  metaphysischen  Zusammenhange  im 
bystem  von  Eduard  von  Hartmann. 


Le  Fuy,  imprimerie  Marchessou  Jils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


N"  31  Dix-neuvième  année  3  août  1885 

REVUE  CfUTlClUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL    HEBDOMADAIRE    PUBLIE    SOUS    l  A    DÎKECT;ON 

DE  MM.  J.  DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARÎS 


Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.   Chuqukt 

Prix  d'abonnement  : 

Un  an,   Paris,  20  tr.  —  Départements,  22  fr.  —    Etranger,   2'>   tr 


PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

lib:iaire    de  la   société   asiatique 

D  g     1/  É  C  C  !.  E     DES     LANGUES    ORIENTALES     V  i  V  A  Iv  T  E  S  ,     li  T  C. 
2^,    RUE    BONAPARTE,    28 


Adresser  les  communications  concernant  la  réda^ction  à  M.  A.  Ghuqukt 

C  Au  bureau  de  la  Kevue  :  nie  lionapaste,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  iin  compte-rendu. 

KKNEST  LEROUX,   EDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  2S. 

TROIS  NOUVELLES.  CHINOISES  traduites 

pour  la  première  fois,  par  le  marquis  d'HERvr.y-SAiMT-DENis,  membre 
de  l'Institut.  In-j,8 2  5o 

Tome  XLV  de  la  Bibliothèque  orientale  elzévirienne. 

FÊTE   NATIONALE  DES    HELLÈNES  A 

VjCiNtVjb  en  1884.  Discours  prononcé  dans  le  Syllogue  na- 
tional hellénique,  par  Pierre  Pharmacopoulos,  docteur  en  droit. 
Traduit  en  français,  par  Jean  Alexandropoulos.  In- 18,  grec  et  fran- 
çais       5  fr. 


NOTES  DE  LEXICOGRAPHIE  BERBERE 

Ile  partie:  Le  dialecte  des  Beni-Menacer,  par  René  Basset.  In-8.  4fr. 

MONOGRAPHIE  DE  MÉQUINEZ,  par  o. 

HouDAS.  In-8 2  fr. 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n"  689,  18  juillet  i885:  Matthew  Arnold,  Discourses  in 
America.  (Lewin  :  trois  discours  «  Numbers  »,  «  Literature  and 
Science  »,  «  Emerson.  »)  —  Boulger,  Central  Asian  questions,  essays 
on  Afghanistan,  China  and  Central  Asia.  (Vambéry  :  plein  d'informa- 
tions intéressantes.)  —  History  of  the  Irish  confédération  and  the  war 
in  Ireland,  vol.  III,  1643-1644,  p.  p.  Gilbert.  —  Blades,  An  account 
of  the  German  morality-play  entitled  <f  Depositio  Cornuti  Typogra- 
phici  ».  —  The  Visigoths  in  Spain  :  F.  Dahn,  Die  Kônige  der  Ger- 
manen,  2"  édition.  (Hodgkin  :  traité  des  lois  et  des  institutions  des  Wisi- 
goths  pendant  les  trois  siècles  de  leur  domination  dans  le  sud  de  la  Gaule 
et  en  Espagne;  additions  peu  nombreuses,  mais  instructives.)  —  Dr. 
W.  Veitch  (not.  nécrol.)  —  Correspotidence  «  Sumorsaetan  »,  etc. 
(Freeman).  —  Prehistoric  measures  (Pétrie.)  —  «  Asasel  »  (Bail).  — 
Q.  Enni  Carminum  reliquiae,  accedunt  En.  Naeui  belli  puunici  quae 
supersunt,  emendauit  et  adnotauit  Luc.  Mueller.  (Ellis  )  —  Philology 
notes  (Hausknecht,  edit.  de  Floris  and  Blaunchefleur;  H.  D.  Mueller, 
Sprachgeschichtliche  Studien).  — Palestine  Exploration  Found,  annual 
meeting,  24  juin.  —  Medallic  illustrations  of  the  history  of  Great  Bri- 
tain,  compiled  by  the  late  Edward  Hawkins,  edited  by  Franks  and  Grue- 
BER.  (Oman). 

The  Athenaeum,  n"  3oi2,  18  juillet  i885  :  Dictionary  of  National  Bio- 
graphy,  edited  by  Leslie  Stephen,  vol.  III,  Baker- Beadon.  (Tous  les 
collaborateurs  du  recueil  ne  savent  pas  malheureusement  écrire,  comme 
le  directeur,  à  la  fois  avec  brièveté  et  clarté.)  —  Hutton,  Literary  land- 
marks  of  London,(tres  louable.) — G.  Curtius,  Zur  Kritik  der  neuesten 
Sprachforschung  (Critique  sobre  et  souvent  convaincante,)  —  Ordnance 
Gazetteer  of  Scotland,  edited  by  Groome,  3  vols.  (Ouvrage  d'un  mérite 
littéraire  exceptionnel,  où  Tauteur  a  déployé  un  soin  et  un  savoir 
également  exceptionnels.)  —  The  Genealogist  new  séries,  edited  by 
Selby,vo1.  I.  —  Incident  n"  2  in  the  history  of  Trinity  Collège,  Cam- 
bridge. (Venables.)  —  The  life  of  Mary  Wollstonecrafc.  (El.  R.  Pen- 
nell).  —  The  archives  of  the  principality  of  Monaco  (Pitman).  —  Ré- 
cent additions  to  the  library  of  the  British  Muséum.  —  The  ancien- 
palm-leaves  of  Horiuzi  (Max  Millier).  —  Dutuit,  Manuel  de  Tamateur 
des  estampes,  introduction  générale,  1''''  partie  ;  planches  xylographi- 
ques. —  Fourth  century  ivories  (W.  M.)  —  Récent  excavations  at  Rome 
(Hirste). 

Literarisches  Centralblatt,  no  3o,  18  juillet  i885  :  Clermont-Ganneau, 
Mission  en  Palestine  et  en  Phénicie  entreprise  en  1881.  (Beaucoupde 
choses  inédites  et  intéressantes.)  —  P.  Schmidt,  der  erste  Thessaloni- 
cherbriefneu  erkliirt,  nebst  einem  Excurs  ûber  den  zweiten  gleichna- 
migen  Briel.  —  Zitzlaff,  D.  Johannes  Bugenhagen,  Pomeranus.  — 
Bloch,  Les  origines  du  sénat  romain.  (Livre  savant  et  soigné  qui  témoi- 
gne d'un  bout  à  l'autre  d'une  très  grande  pénétration,  soutient  ou 
combat  \Villems,  traite  avec  détail  quelques  questions  importantes.)  — 
QuiDDE,  die  Entstchung  des  Kurfurstencollegiums,  eine  verfassungsge- 
schichtliche  Untersuchung.  (Ce  n'est  qu'une  hypothèse,  il  est  vrai,  bien 
étudiée.)—  Luchaire,  Etudes  sur  les  actes  de  Louis  VII.  (Trésor  très 
important  pour  Thistoire  intérieure  de  la  France.)  —  Quellen  zur  Ge- 
•schichte  der  deutschen  Kaiserpolitik  Oesterreichs  wahrend  der  franz. 
Revolutionskriege.  1 790-1 801,  hrsg.  v.  Zeissberg  —  Petersen,  Aus 
Transkaukasien.  —  Fritsch,  Sudafrika  bis  zum  Zambesi,  I.  —  Levy- 
Brùhl,  L'idée  de  la  responsabilité.  —  Riess,  Geschichte  des  Wahlrechts 
zum  englischen  Parlamcnt  im  Mittelalter  là  la  fois  intéressant  et  im- 


portant).  —  Rettich,  Die  vôlker  =z  und  staatsrechtiichen  Verhalnissc 
des  Bodensees  historisch  und  juristich  untersucht.  —  Dahn,  volker- 
rechtliche  u.  staatsrechtiiche  Studien.  —  Fallon,  a  Dictionary  of  Hin- 
dustani  Proverbs,  I-III,  A-Ran,  (Vaste  et  consciencieux  recueil.)  — 
Perles,  Beitràge  zur  Geschiclite  der  hebraischen  und  aramilischen 
Studien  (plein  d'intérêt).  —  Beovvulf,  hrsg.  v.  Holder,  II  (bon  et  ren- 
ferme du  nouveau,  grâce  surtout  à  Kluge).  —  Varnhagen,  Longfellow's 
Taies  of  a  Wayside  Inn  und  ihie  Quellen,  nebst  Nachweisen  und  Un- 
tersuchungen  ûber  die  vom  Dichter  bearbeiteten  Stoffe.  (Travail  fort 
instructif.)  —  Von  Pfister,  Sagen  und  Aberglaube  aus  Hessen  und 
Nassau.  (Sera  le  bienvenu,  mais  écrit  dans  une  langue  qui  manque  de 
naturel.)  —  Dumont  et  Chaplain,  les  Céramiques  de  la  Grèce  propre, 
vases  peints  et  terres  cuites,  I,  2  :  vases  peints.  (Recherches  faites  avec 
une  grande  clarté,  avec  méthode  et  soin,  et  qu'on  suit  avec  un  vif  in- 
térêt. 

Deutsche  Literaturzeitung-,  n"  29,  18  juillet  i885  :  L.  Keller,  die  Refor- 
mation  und   die    alteren    Reformparteien   in   ihrem   Zusammenhange 
dargestellt.  (Muller  :  ouvrage  de  tendance  et  qui  manque  de  méthode, 
s'occupe  surtout  des  anabaptistes  auxquels  il  attribue  un  rôle  exclusif.) 
—  CoLiNET,  La  Théodicée  de  la   Bhagavadgît  étudiée  en  elle-même  et 
dans  ses  origines.  (Garbe  :  fait  habilement,  mais  diffus.) —  B.  Erdmann, 
Reflexionen  Kants  zur  Kritischen   Philosophie  II,  Zur  Kritik   der  rei- 
nen  Vernunft.   (Simmel.)  —    Doughty,  Documents  épigraphiques  re- 
cueillis dans  le  nord  de  l'Arabie;   Phil.  Berger,  Nouvelles  inscriptions 
nabatéennes  de  Medaïn  Sabih.  (Landauer.)  —  J.  Bernays,  Gesammelte 
Abhandlungen,  hrsg.  von   Usener,  2   vols.    (Hitz  :  essais  durables  et 
instructifs).  —    Noreen,  Altislandische  und   altnordische  Grammatik 
unter  Berûcksichtigung   des  Nordischen   (Hoffory   :    quelques  défauts 
assez  graves,  mais  petit  ouvrage  utile  qui  renferme  beaucoup  de  détails 
importants).  —  Friedrich  Hebbels  Tagebûcher,  p.  p.  Bamberg,  I.  (Liz- 
mann  :  va  de   i835   à   1843.)  —  Morgan,    der    Shakespeare-Mythus, 
Wiliam    Shakespeare   und  die  Autorschaft  der  Shakespeare-Dramen, 
autor.  deutsche  Bearbeitung  von.  Mûi.ler-Mylius.  (Zupitza  :  l'auteur 
du  compte-rendu  n'examine  que  la  façon  dont  le  traducteur  a  rempli  sa 
tâche,  et  fort  mal.)  —  Foerster,  Li  Sermon  Saint  Bernart,  aelteste  fran- 
zôsische  Uebersetzung  der  lateinischen  Predigten  Bernhards  von  Clair- 
vaux.  (Edition  complète  et  soignée.)  —  Pôhlmann,  die  Uebervolkerung  der 
antiken  Grossstadte  ini  Zusammenhang  mit  der  Gesammtentwickelung 
stadtischer  Civilisation  entwickelt.   (Gumplovvicz  :  offre  plus  que  ne 
dit  le  titre,,  riche  mine  pour  l'historien  de  la  civilisation,  très  instructif 
pour  le  sociologue,  très  digne  d'attention  pour  les  politiques  et  les  ad- 
ministrateurs.) —  Neymarck,  Turgot  et  ses  doctrines,  2  vols.  (Natorp  : 
beaucoup  d'inédit.)  —  Horric  de  Beaucaire,  Une  mésalliance  dans  la 
maison  de  Brunswick,   1665-1725,  Eléonore  Desmier  d'Olbreuse,  du- 
chesse de  Zell.  (Zimmermann  :  biographie  attachante,  pleine  de  rensei- 
gnements nouveaux  tirés  des  archives  de  France  et  d'Allemagne,  habile 
exposition  et  recherches  réfléchies.)  —  Hann    von  Hochstetter  u.  Po- 
KONNY,  Unser  Wissen  von  der  Erde,  I.  —  Langl,  Griechische  Gôtter- 
und  Heldengestalten,  nach  antiken  Bildwerken  gezeichnet  u.  erleutert, 
mit  Einleitung  von  Lutzow,  i''^  livraison.  (Furtwilngler  :  essai  manqué, 
où  il  y  a  peu  de  bon  et  plus  de  faux  encore.)  —  Stôlzel,  Cari  Gottlieb 
Svarez,   ein   Zeitbild  aus  der  zweiten   Hâlfte  des  XII.  Jahrhunderts. 
CRosin  :  très  intéressante  biographie  de  Fauteur  du  code  prussien.)  — 
Beissel,  Geldwert  und  Arbeitslohn  im  Mittelalter.  (Lamprecht  :  con- 
sciencieux.) —  von  Bagensky,  Geschichte  des  kônigl  preuss.  4  Garde- 
Regiments  zu  Fuss  1860-1884. 


Berliner  Philologische  Wochenschrift,  n°  29  et  ?o.  18  juillet  i885  !'n°  dou- 
ble) :  E.  Kroker.  Giebt  es  ein  Portriit  des  Aischylos?  (essaie  de  prouver 
qu'un  portrait  d'homme  chauve,  conservé  au  musée  du  Capitole,  repré- 
sente Eschyle,  et  non  Phidias,  comme  l'a  cru  Bernouilli). —  E.  Buchholz, 
Vindiciae  carminum  Homericorum.  Vol.  I  (R.  Volkmann  :  Sans  au- 
cune valeur,  crédule,  superstitieux).  —  W.  C.  Jebb,  Die  Reden  des 
Thucydides,  autorisierte  Uebersetzung  von  J.  Imelmann  (A.  Busse  :  in- 
génieux et  solide).  —  Theophanis  Chronographia,  recens.  G.  de  Boor, 
vol.  II  (Wiischke  :  excellent  à  touségardsj.  —  H.  Ebeling,  Schulwôr- 
terbuch  zu  Ciisar,  3.  Aufl.  bearbeitet  von  A.  Draeger  (R.  Schneider  : 
n'est  guère  en  progrès  sur  la  2*  édition,  qui  est  très  fautive).  —  A.  Cohn, 
Quibus  ex  fontibus  S.  Aurelii  Victoris  et  libri  de  Gaesaribus  et  epito- 
mes  undecim  priora  capita  fluxcrint.  Accedunt  variae  lectiones  codicis 
Bodleiani  adhuc  ignoti  (A.  Ghambalu  ;  l'hypothèse  d'après  laquelle 
Tauteur  de  TEpitome  aurait  eu  pour  source  un  exemplaire  annoté  de  J 

Suétone  est  inadmissible;  la  découverte  du   ms.  d'Oxford  est  très  inté-  ,' 

ressante  pour  le  texte  du  de  Gaesaribus).  —  F.  Gape  Witehouse,  Mœris 
the  wonder  of  the  world  (G.  Ebers).  —  Gl.  Perroud,  De  Syrticis  empo- 
riis  (D.  :  trop  d'hypothèses,  matériaux  incomplets^  —  G.  Wolff  und 
Otto  Dahm,  Der  romische  Grenzvvall  bei  Hanau  mit  den  Kastellen  zu 
Ruckingen  und  Markôbel  (O.  Keller).  —  Avtgvicu  Moix^Eppâ-cou  r.pci.^{\j.ai- 
Tî(a  7:tp\  r.po'(x\v.oiiaç  otopeSç  xatà  rà  pio[;.aïy.bv  /.ai  toiwç  xaxà  10  puî^avxiaxbv 
S(y.a'.Gv  (J.  Télfy  :  bon  travail,  couronné  par  la  Faculté  de  Droit  d'Athè- 
nes, sur  la  donatio  ante  nuptias  dans  le  droit  romain  et  byzantin).  — 
KojvsTavTivou  KcvTOU  YXo)!jCi/,at  Trapaf/îp'/i^î'.ç  àvaYOïJ.îvat  elq  tyjv  viav  £7v//r)viy.Y]v 
YAôjcsav  (Télty  :  réunion  d'excellents  articles  destinés  à  fixer  l'orthogra- 
phe du  grec  moderne  et  à  substituer  aux  termes  barbares  des  mots  bien 
formés),  —  Z-.  Ko'j[j.avo'jor,ç,  ^^uvaYio^ï)  Xé^^iov  àO-rjcauptixiov  èv  toïç  £XXy;vi- 
xoïç  Xîqcy.or-  (Telty  :  précieuse  collection  de  mots  grecs  qui  manquent 
dans  les  dictionnaires,  recueillis  dans  les  inscriptions  et  dans  la  littéra- 
ture byzantine.  Il  est  regrettable  que  Pauteur  n'ait  pas  cru  devoir  don- 
ner la  traduction  des  mots  dont  il  a  dressé  la  liste). 

Gœttingische  gelehrte  Anzeigeu,  n"  i5,  20  juillet  i885  :  Andréas  Poachs 
handschritiliche  Sammlung  ungedruckter  Predigten  Luthers  1 528-1 546, 
aus  dem  Originale  zum  ersten  Maie  hrsg.  v.  Buchwald,  I.  i528-i53o, 
2.  (Rawerau.i  —  Beard,  die  Reformation  des  XVI.  Jahrhunderts  in 
ihrem  Verhaltniss  zum  modernen  Denken  und  Wissen,  uebersetzt  von 
Halverscheid  (Kattenbusch  :  bon,  louable,  mais  l'auteur  n'a  pas  suffi- 
samment compris  le  problème  qu'il  avait  à  traiter).  —  H.  Schmidt,  Die 
Kirche,  ihre  biblische  Idée  und  die  Formen  ihrer  geschichtlichen 
Erscheinung  in  ihrem  Unterschiede  von  Sekte  und  Hiirese.  —  Spitzen, 
1°  Thomas  a  Kempis  als  Schrijver  der  Nalvolging  van  Ghristus;  2"  Ma- 
lezing  op  mijn  Thomas  a  Kempis,  etc.  ;  3°  Les  hoUandismes  de  l'Imi- 
tation de  J.-C.  et  trois  anciennes  versions  du  livre;  4°  Nouvelle  défense 
de  Thomas  à  Kempis  spécialement  en  réponse  au  P.  Denifle.  (Schulze  : 
démonstration  en  faveur  de  Thomas  entièrement  réussie.)  —  Knauer, 
Grindlinien  zur  aristotelisch  —  thomitischen  Psychologie  (Eucken  : 
digne  d'attention  et  sérieux). 


Le  /m-,  imf'nmerie  AJ.J'cliessou  Jiis,  boulevard  Sainl-Laurent,  2'i. 


% 


N°  32  Dix-neuvième  année  10  août  1885 


REVUE  CRITIQI 


D'HISTOIRE    ET   DE    L  il  T  E  R  A  T  U  R  E 

RECUKIL    HEBDOMADAIRE   PUBLIE    SOUS    LA    DiRECTION 

DE  MM.  J.  DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 

Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A,   Chuqukt 

Prix  cVaiionnemeat  : 
Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr,.  —   Etranger,  25  fr. 


PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     I,  A    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     l' ÉCOLE     DES     LANGUES    ORIENTALES     VIVANTES,     liTC. 

28,    RUE    BONAPARTE,    28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  CnuQUE-r 

(  Au  bureau  de  la  Revue  :  rue  l:5onaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  -priés  d'etivqyer  directement,  ei 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 

ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

TROIS  NOUVELLES  CHINOISES  traduites 

pour  la  première  fois,  par  le  marquis  d'HERVEV-SAiMT- Denis,  membre 
de  l'Institut.  In-i8 2  5o 

Tome  XLV  de  la  Bibliothèque  orientale  elzévirienne. 

FÊTE   NATIONALE  DES    HELLÈNES  A 

VJcJtiNr,  V  II  en  1884.  Discours  prononcé  dans  le  Syllogue  na- 
tional hellénique,  par  Pierre  Pharmacopoulos,  docteur  en  droit. 
Traduit  en  français,  par  Jean  Alexandropoulos.  In- 18,  grec  et  fran- 
çais       5  fr. 

NOTES  DE  LEXICOGRAPHIE  BERBÈRE 

Ile  partie:  Le  dialecte  des  Beni-Menacer,  par  René  Basset,  ln-8.  4fr. 

MONOGRAPHIE  DE  MÉQUINEZ,  par  o. 

HouDAS.  In-8 2  fr. 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n»  6go,  25  juillet  i885  :  Law,  The  history  of  Hampton 
Court  Palace  in  Tudor  times.  (Robinson  :  intéressant  et  détaillé.)  — 
Barnett  Smith,  Vicior  Hugo,  bis  life  and  work  (Marzials).  —  Wellhau- 
SEN,  Prolegomena  to  the  history  of  Israël,  translated  by  Black  a.  Men- 
ziES  (Driver  :  bonne  traduction  de  cette  œuvre  importante).  —  Scott 
(Shway  Yoe),  France  and  Tongking,  a  narrative  of  the  campaign  of 
1884  and  the  occupation  of  Further  India.  (Terrien  de  la  Couperie  : 
récit  animé  et  impartial).  —  Mrs.  Pennell,  Mary  Wollstonecraft  God- 
win  (Noble  :  manque  de  relief  et  de  vie).  —  Duka,  Life  and  works  of 
Alexander  Csoma  de  Korôs  (Palterson  :  œuvre  méritoire,  intéressante, 
qui  retrace  exactement  la  vie  et  les  œuvres  de  Csoma).  —  School  books 
(The  Evagoras  of  Isocrates,  p.  p.  Clarke  ;  The  Jugurtha  of  Sallust,  p. 
p.  Brooke;  Easy  sélections  from  Thucydides,  p.  p.  Moore,  etc.).  — 
The  proposed  Teaching  University  for  London.  —  «  Defnsaete  » 
(Kerslake).  —  Early  English  Inventions  (Ordish).  —  Bosanquet, 
Knowledge  and  reality  a  criticism  of  Bradleys^s  «  principles  of  logic  » 
(Sully).  —  Ancient  units  of  linear  measure,  II.  —  Blanche  Roosevelt, 
Life  and  réminiscences  of  Gustave  Doré  (Am.  B.  Edwards).  —  A  cen- 
turial  stone  at  Chester  (Williams). 

Tlie  Athenaeum,  n»  3oi3,  25  juillet  i885  :  Archibald  Forbes,  Souvenirs 
of  some  continents.  —  Coupland,  The  spirit  of  Gœthe's  Faust  (bon 
guide  pour  les  lecteurs  anglais).  —  Mrs.  Lynn  Linton,  The  autobio- 
graphy  of  Christopher  Kirkland,   3  vols.  —  A.   E.  Ewald,  Studies  re-  ^ 

studied,  historical  sketches  from  original  sources  (recueil  d'essais  et 
d'articles  sur  quelques  épisodes  de  l'histoire  d'Angleterre).  —  General 
Gordon's  private  diary  of  his  exploits  in  China,  amplified  by  Mossman. 
—  Monsignor  George  F.  Dillon,  The  Virgin  Mother  of  Good  Counsel, 
a  history  of  the  ancient  sanctuary  of  our  lady  of  Good  Counsel  in  Ge- 
nazzano.  —  Philological  books  (Edgren,  A  compendious  Sanskrit 
grammar,  with  a  brief  sketch  of  scenic  Prâkrit  ;  Tien,  Manual  of  collo- 
quial  Arabie;  A  catalogue  of  Pâli,  Sinhalese,  and  Sanskrit  manuscripts 
in  the  Temple  Libraries  of  Ceylon  ;  Grierson,  Seven  Grammars  of  the 
Dialects  and  Subdialects  of  the  Dihari  language,  etc.).  —  Charles  Dic- 
kens and  the  Garrick  club  (Johnson).  —  The  bishop  of  Bugden  (Vena- 
blés).  —  Trojan,  khita  and  cypriote  (Hyde  Clarke).  —  The  life  of  Mary 
Wollstonecraft  Godwin  (Ingram).  —  «  The  King's  Tragedy  »  (Lucy 
Madox  Rossetti).  —  The  Greely  expédition  (Greely).  —  Marquis  de 
Nadaillac,  Prehistoric  America,  translated  by  d'Anvers,  edited  by  Dali.  j 

(compilation  pure  et  simple).  —  The  Survey  of  India.  —  Ashton,  En-  1 

glish  caricature  and  satire  on  Napoléon  I  (intéressant).  —  The  Lincoln 
Diocesan  Architectural  Society.  —  Notes  from  Athens  (Lambros). 

Literarisches  Centralblatt,  n°  3i,  25  juillet  i885  :  Schanz,  Commentât 
liber  dus  Evangelium  des  heiligen  Johannes.  I,  1-6.  —  Hintze,  das 
Kônigreich  ^yilhelm's  von  Holland,  eingeleitet  von  WEizsàcKER  (mé- 
thode sûre,  jugement  calme  et  réfléchi,  style  clair,  en  un  mot  œuvre 
remarquable).  —  Von  Ottenthal,  die  Bullenregister  Martin's  V  und 
Eugen  IV.  (Sérieusement  fait.)  —  Erinnerungen  an  Friedrich  von 
Ucchtritz  und  seine  Zeit  in  Briefen  von  ihm  und  an  ihn,  mit  einem 
Vorwort  von  H.  von  Sybel.  (Lettres  assez  importantes.)  — Ad.  Béer, 
Geschichte  des  Welthandels  im  XIX.  Jahrhundert.  II,  i  et  2.  —  Von 
Eye,  die  Deutschen  in  Brasilien.  (Intéressant  pour  ceux  qui  s'intéres- 
sent aux  émigrations  allemandes.)  -—  Wilken,  das  Matriarchat  (das 
Mutterrccht)  bei  den  alten  Arabern,  autoris.  Uebersetzung  aus  dem 
hollandischen.  (Intéressant.)  —  Handbuch  der  Architektur,  p.  p.  Durm, 


Ende,  Ed.  ScHMiTT  U.  H.  Wagner.  IV,  3.  —  Bechtel,  thasische  îns- 
chriften  ionischen  Dialekts  im  Louvre.  (Soigné  )  —  Comicorum  atti- 
corum  fragmenta,  p.  p.  Kocic,  II,  i.  (Suite  de  cette  œuvre  méritoire.) 

—  Eutropii  breviarium  ab  urbe  condita,  p.  p.Wagener.  (Très  bonne 
édition.)  —  Stappers,  Dictionnaire  synoptique  d'étymologie  française, 
donnant  la  dérivation  des  mois  usuels  classés  sous  leur  racine  commune 
et  en  divers  groupes  :  latin,  grec,  langues  germaniques,  etc.  (en  général, 
peu  utile).  —  Rist  (Johann),  Dichtungen  hrsg.  v.  Goedeke,  u.  Goetze. 

—  Perry,  From  Opitz  to  Lessing.  (Sera  utile  aux  compatriotes  de  l'au- 
teur.) 

Deutsche  Litteraturzeitung,  n»  3o,  25  juillet  i885  :  Martini  Lutheri  Exe- 
getica  opéra  latina  curavit.  J.  Linke,  tomes  XXIV  et  XXV.  (Kolde.)  — 
Martin  Luthers  reformationshistorische  deutsche  Schriften,  nach  den 
àltesten   Ausgaben    kritisch  aufs    neue    bearbeitet    von    Enders.    III, 
2"  Aufll.  —  Specht,  Geschichte  des  Unterrichtswesens  in  Deutschland 
von  den  àltesten  Zeiten  bis  zur  Mitte  des  XIII  Jahrhunderts.  (Kauf- 
mann  :  laisse  beaucoup  à  désirer,  mais  c'est  le  commencement  bienvenu 
d'une  œuvre  qui  doit  combler  une  lacune  sensible;  on  y  trouvera  maint 
détail  instructif  et  maint  secours.)  —  Hialmar  Edgren,  A  compendious 
Sanskrit  grammar  with  a  brief  sketch  of  scenic  Prâkrit.  (Quelques  méri- 
tes dans  l'arrangement  des  matières  et  l'exposition  ;  mais  est  basé  essen- 
tiellement sur  la  grammaire  de  Whitney,  répète  les  fautes  isolées  qui  s'y 
trouvent,  et  reste  bien  loin  en  arrière  de  Tœuvre  de  son  devancier  pour 
l'exactitude  des  détails  et  la  correction  de  l'impression;  contient  une 
fois  moins  et  coûte  tout  autant.)  —  Platonis  Meno  et  Eutyphro,  incerti 
scriptoris  Theages,  Erasiae  Hipparchus,  rec.  Fritzsche.  (Schanz  :  cette 
édition  est  complètement  sans  valeur;  l'éditeur,  disciple  de  Wohlrab,  a 
perdu  sa  peine  et  «  battu  de  la  paille  vide  ».)  —  Arnold,  De  Graecis  flo- 
rum  et  arborum  amantissimis.  (Renner  :  rien  de  nouveau  et  une  grande 
diffusion.)  —  Hepp,  Schillers  Leben  und  Dichten;  Weltrich,  Friedrich 
Schiller,  Geschichte  seines  Lebens  und  Charakteristik  seiner  Werke,  I 
Liefer.   (Brahm  :  l'ouvrage  de  M.  Hepp,  commis  de  Plnstitut  biblio- 
graphique de  Leipzig,  n'est  qu'une  compilation  en  style  de  commer- 
çant; le  premier  fascicule  du  livre  de  M.  Weltrich  est  bien  supérieur  au 
livre  de  M.  Hepp  par  l'indépendance  du  savoir  et  la  connaissance  du 
sujet,  mais  il  y  a  trop  de  digressions,  et  l'auteur  devra  analyser  avec 
plus  de  précision,  connaître  plus  exactement  les  œuvres  des  contempo- 
rains de  Schiller,  juger  avec  plus  de  pénétration  et  de  brièveté.)  —  Pak- 
scHER,  Zur  Kritik  und    Geschichte    des    franzôsischen  Rolandsliedes. 
(Koschwitz  :  œuvre  d'un  débutant  qui  enfonce  parfois  des  portes  ouver- 
tes, mais  écrit  avec  fraîcheur  et  agrément.)  —  Ch.  Tissot,  Fastes  de  la 
province  romaine  d'Afrique,  p.  p.  Salomon  Reinach.  (J.  Schmidt  :  ce 
livre  sera,  comme  le  pensent  et  l'auteur  et  l'éditeur,  en  état  de  rendre 
des  services;  il  sera  la  base  de  travaux  ultérieurs;  l'esquisse  biographi- 
que, écrite  avec  une  pieuse  chaleur  et  l'intelligence  des  mérites  de  Tis- 
sot, sera  accueillie  avec  une  sincère  reconnaissance.)  —  Giessener  Stu- 
dien  auf   dem  Gebiete    der    Geschichte,    III.    Beitràge    zur    neueren 
Geschichte,  von  W.  Oncken.  (R.   Koser  :  écrit  de  polémique  en  trois 
chapitres  i»  «  sur  le  siècle  de  Frédéric  le  Grand  »  —  dirigé  contre  Koser  ; 
2<*  «  une  lettre  prétendue  du  baron  de  Stein  »  —  dirigé  contre  Max 
Lehmann;  3»  «  la  question  de  Marie  Stuart  •»  —  dirigé  contre  Bresslau.) 
—  Babeau,  Les  voyageurs  en  France  depuis  la  Renaissance  jusqu'à  la 
Révolution  (A.  Stern  :  attachant  et  instructif)  —  Ch.  Tissot,  Géogra- 
phie comparée  de  la  province  romaine  d'Afrique,  tome  I.  Géographie 
physique.  Géographie  historique.  Chorographie.  (J.  Schmidt  :  ouvrage 
qui  fera  époque;  le  sujet  tout  entier  est  traité  d'après  les  règles  de  la  mé- 


thode  scientifique  pour  la  première  fois.)  —  Bitter,  Die  Reform  der 
Opcr  durch  Gluck,  und  R.  Wagners  Kunstwerk  der  Zukunft.  (Beller- 
mann.)  —  Boutmy,  Études  de  droit  constitutionnel  (Laband  :  sujet  très 
bien  étudié,  avec  une  compétence  parfaite;  une  foule  d'ingénieuses  re- 
marques ;  exposition  pleine  de  goût.  —  (Grandeau,  La  production  agri- 
cole en  France,  son  présent  et  son  avenir.  —  Catalogue  of  ancient  ma- 
nuscripts  in  the  British  Muséum.  (Wattenbach). 

Theologische  Litteraturzeitung,  n°  i5,  25  juillet  i885  :  W.  Schv^'artz, 
Indogermanischer  Volksglaube,  ein  Beitrag  zur  Religionsgeschichte 
der  Ùrzeit  (von  Bradke:  trop  hardi  et  va  trop  loin). —  Aug.  Vogel,  Nach, 
Kanaam,  Tagebuch  einerReisc  durch  Aegypten,  Palastina  u.  Griechen- 
land,  (Guthe  :  journal  court,  en  général  exact),  — Obser,  Wilfrid  der 
aeltere,  Bischot  von  York,  ein  Beitrag  zur  angelsàchsischen  Geschichte 
des  Vil.  Jahrhunderts.  (Loot's  :  du  soin,  des  résultats,  mais  Fauteur 
ne  connaît  pas  l'époque  à  vécut  son  héros).  —  Uhlhorn,  Die  christliche 
Liebesthatigkeit,  das  Mittelalter.  II.  (Weizsacker  :  savant,  clair  et 
agréable).  —  Herni.  Haupt,  Die  deutsche  Bibelûbersetzung  der  mit- 
telalterlichen  Waldenser  in  dem  Codex  Teplensis  und  der  ersten 
gedruckten  deutschen  Bibel  nachgewiesen,  mit  Beitragen  zur  Kenntniss 
der  ramanischen  Bibelûbersetzung  und  Dogmengeschichte  der  Walden- 
ser. (Harnack  :  petit  écrit  plein  de  choses  et  qui  mérite  l'attention).  — 
GoTTscHicK,  Luther  als  Katechet.  (Besser  :  important).  —  Alb.  Ritschl, 
Geschichte  des  Pietismus,  II  :  in  der  lutherischen  Kirche  des  XVII, 
u.  XVIII,  Jahrhunderts,  (Weizsacker  :  soigné,  sagace,  impartial,  à 
remarquer  les  portraits  de  Spener  et  de  Francke). 

OXFORD 

at    the    Clarendon    Press. 


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THE    POETRY 

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from    the     earliest    times    to    the    thirteenth    century 

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introduction ,     excursus    and    notes  .1 

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Gudbrand  Vigfusson,    M.    A. 

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Vol.  I.  Eddie  poetry  (cxxx  a.  576  p.) 
Vol.  II.  Court  poetry  712  p.) 


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N"  33  Dix-neuvième  année  17  août  4885 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

BECUKIL    HKBDOMADAIRK    PUBf.lÉ    SOUS    LA    DÎH?:CT(ON 

DE  MM.  J.DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 


Secrétaire  de  la  rédaction   :   M.   A.   C>-'t:Qt.;KT 

Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.   —    Etranger,  2b  tr. 


PARIS 

ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     l' ÉCOLE     DES    LANGUES    ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

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Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 

(Au  bureau  tie  l.^  Kevue  :  iiic  Bonaparte,  28), 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu.. 

KRNEST  LEROUX.    EDITEUR,   RUE   BONAPARTE,  28. 

TROIS  NOUVELLES  CHINOISES  traduites 

pour  la  première  fois,  par  le  marquis  d'HERVEv-SAiMT-Dr:Nis,  membre 
de  TInstitut.  Li-iS 2  5o 

Tome  XLV  de  la  Bibliothèque  orientale  elzévirienne. 

FÊTE  ^NATIONALE  DES    HELLÈNES  A 

v_r  L  IN  L,  V  C  en  1884.  Discours  prononcé  dans  le  Syllogue  na- 
tional hellénique,  par  Pierre  Pharmacopoulos,  docteur  en  droit. 
Traduit  en  français,  par  Jean  Alexandropoulos.  In- 18,  grec  et  fran- 
çais        5  fr. 


NOTES  DE  LEXICOGRAPHIE  BERBERE 

Ile  partie:  Le  dialecte  des  Beni-Menacer,  par  René  Basset.  In-8.  4fr. 

MONOGRAPHIE  DE  MÉQ.U1NEZ,  par  o. 

HouDAS.  in-8 2  ir. 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n"  691,  i*"""  août  i885  :  The  pairiarchal  theory,  based 
on  ttie  papers  of  thc  late  John  Ferguson  Me  Lennan,  edited  a.  comple- 
ted  bv  Donald  Me  Lennan  (TylorJ.  —  The  Song  Celestial  or  Bhaga- 
vad-Gîtà  (froni  the  Mahabharata),  translaied  from  ihe  Sanskrit  Text  by 
Edwin  Arnold.  (Blaikie).  —  Major  Ben  C.  Truman,  The  Field  of  Ho- 
nor,  being  [which  it  is  not]  a  complète  and  comprehensive  history  of 
duelling  in  ail  countries,  including  the  judicial  duel  of  Europe,  the 
private  duel  of  the  civilised  world,  and  speciric  description  of  ail  the 
noted  hostile  meetings  in  Europe  and  America  (Burton  :  singulier  livre, 
mal  disposé,  qui  range  le  Cid  parmi  les  «  noted  duellists  »  et  prétend 
que  la  guillotine  fonctionnait  au  temps  de  Richelieu,  innombrables 
errreurs;.  —  The  Iliad  of  Homer,  done  into  English  verse  by  Way 
(Morshead).  —  Lady  Verney,  Peasant  Properties  and  oiher  selected 
essays  (Ed.  Simcox).  —  Current  theology  (Peahson,  The  Prophecy  of 
Joël,  its  unity,  its  aim  a  the  âge  of  ils  composition;  Aug.  Kôhler, 
Lehrbucli  der  biblischen  Geschichte  Alten  Testaments.  II,  i,  etc.). — 
In  Memoriam  \V.  S.  W.  Vaux,  Esq.,  late  secretary  to  the  Royal  Asia- 
tic  Society  (vers  arabes  de  Hahid  Anthony  Salmoné,  traduits  par  Cu- 
nynghame).  —  Anglo-Saxon   names  (Stevenson).  —  «  Defnsaetas  »  (Da-  iî 

vidson).  —  Récent  work  in  assyriology  (Bezold),  —  Endowment  of 
nesearch  in  .America  by  Prof.  Tyndall.  —  Rud.  Merkel  (F.  Polie  :  not. 
nécrol.).  —  Early  granité  churches  in  Denmark.  Sallinglands  kirker,  I 
-[Eglises  danoises  en  granit,  surtout  à  la  campagne,  i'''^  série  :  les  églises 
du  pays  de  Sallingland,  publié  par  les  soins  du  ministère  royal  des  cul- 
tes]. —  Roman  centutial  stone  at  Chester  (Watkin). 

The  Athenaeum,  n"  3014.  1"  août  i885  :  Finch -Hatton,  Advance  Aus- 
tralia!  —  D.  Webster,  The  angler  and  the  loop-rod.  —  J.  Lewis,  The 
Reformation  settlement  (ouvrage  qui  sera  très  utile  à  consulter).  — 
Shelley,  a  poem,  with  other  writings  relating  to  Shelley,  by  the  late 
James  Thomson,  to  which  is  added  an  essay  on  the  poems  of  William 
Blake,  by  the  same  authbr.  —  Commander  W.  Bainbridge-Hoff, 
Exemples,  conclusions  and  maxims  of  modem  naval  tactics.  —  Vau- 
dois  Literature  :  Ed.  Montet,  Histoire  littéraire  des  Vaudois  du  Pié- 
mont d'après  les  manuscrits  originaux;  H.  Haupt,  Die  deulsche  Bibel. 

—  uebersetzung  der  mittelalterlichen  Waldenser  in  dem  Codex  Te- 
plensis  und  der  ersten  gedruckren  deutschen  Bioel  nachgewiesen.  — 
Historical  books  (Morris  Fuller,  the  life,  times  and  writings  of  Tho- 
mas FuUer;  Andrew  Ross,  Old  Scotish  Régiment  Colours;  Ella  S.  Ar- 
MiTAGE,  Highways  of  history,  the  connexion  between  England  a. 
Scotland;  Molmenti,  La  dogaressa  di  Venezia;  Weise,  The  discoveries 
of  America  to  the  year  i325.  —  The  life  of  Mary  Wollstonecraft. 
(Elis.  R.  Pennell),  —  «  Literary  landmarks  of  London  ».  —  An  un- 
known  édition  of  Kimchi's  Hebrew  Grammar  (Ginsburg).—  Lockhart's 
Lile  of  Scott.  —  An  incident  in  the  history  of  Trinity  Collège,  Cam- 
bridge. —  Mr.  Quaritch's  new  Geographical  Catalogue  (Major).  — 
Bowes,  Japanese  enamels,  with  illustrations  from  the  exemples  in  the 
Bowes  Collection.  -  H.  Montagne,  The  copper,  tin  and  bronze  coi- 
nage  and  patterns  for  coins  of  England  from  Eiizabeth  to  Victoria.  — 
The  Royal  Archaeological  Institute  at  Derby. 

Literarisches  Centralblatt,  n"  32,  i"  août  i885  :  Eugippii  excerpta  ex 
operibus  S.  Augusti,  rec.  et  commentario  critico  instruxit  Knoell 
(«  vehiculum  frumento  onustum  »,  et,  en  effet  c'est  du  bon  grain  et  qui 
soutient  l'épreuve).  —  Marie  Sydow,  Dr.  Adolf  Sydow,  ein  Lebensbild. 

—  vSchubert,  Gescliichte  der  Kunige  von  Lydien.  (Malgré  quelques  fau- 


tes  et  lacunes,  production  très  remarquable  qui  chasse  de  l'histûire  beau- 
coup de  fables  et  d'anecdotes  douteuses,)—  TESsuiR,  quatrième  cro]sade, 
]a  diversion  sur  Zara  et  Constantinopie  (arrive  à  un  autre  résultat  que 
le  comte  Riant  et  s'attache  à  la  théorie  des  causes  fortuites,  et  nou  à 
celle  de  la  préméditation  ;  les  déductions  de  l'auteur  méritent  l'atten- 
tion, et  son  ouvrai^e  est  écrit  avec  autant  de  soin  que  de  clarté.)  —  Leop. 
von  Ranke,  Weltgeschichte  V.  Die  arabische  Weltherrschaft  und  das 
Pvcich  Karl's  des  Grossen,  i  u.  2.  (Ce  neuvième  volume  de  cette  œuvre 
remarquable  inspire  la  plus  haute  admiration;  l'auteur  embrasse  du 
regard  les  horizons  les  plus  vastes  et  on  sent  pourtant  qu'il  a  péiiétré 
dans  les  plus  subtils  détails.)  —  Rich.  Lepsius,  die  oberrheinische  Tief- 
ebene  und  ihre  Randgebirge.  —  Philodemi  de  musica  librorum  quae 
exstant,  éd.  Kemke.  (Fait  avec  une  extrême  .'^agacité  et  un  brillant  suc- 
cès.) —  Analecta  Oxoniensia,  texts,  documents  and  extracts  chiefiy  honi 
manuscripts  in  the  Bodieian  and  other  Oxford  libraries,  classical  séries, 
vol.  I,  part.  V,  collated  a.  edited  by  Rob.  Ellis.  —  W.  Foerster,  Li 
sermon  saint  Bernard,  aelteste  Iranzôsische  Uebersetzung  der  lateinis- 
chen  Predigten  Bernhards  von  Clairvaux.  (Publication  d'un  document 
de  très  haute  importance.)  —  Ferd.  Schultz,  die  Tonkunse  nach  Ur- 
sprung  und  Umfang  ihrer  Wirkung.  —  Zabel,  Grat  Adolf  Friedrich 
von  Schack.  —  Heiden,  Muller  u.  Langsdorff,  die  Yerwerthung  der 
stadtischen  Fitcalien. 

Deutsche  LiLsraturzeituug',  n"  3i,  \"  août  i883  :  Mor.  Fngel,  die  Lr»sung 
der  Paradies  trage.  (Wellhauscn  :  avec  de  pareils  leviers,  pour  soulever 
l'histoire  de  ses  gonds,  c.  a.  d.  avec  la  géographie  physique,  l'étymolo- 
gie  et  l'ignorance,  l'auteur  pouvait  tout  aussi  bien  démontrer  que  le 
Nouveau  Dresde  était  le  paradis.)  —  Tcj  [xa/.ap'.oj'xtcj  OssBcopTjTCJ  5.-',7- 
y.îTTOu  K'jpsj  à-'.^TOAa't  cusiv  cîcjcatv  TsvrrjV.cv-a  iv.  r.7.-[j:.X'/.o~J  yv.'pT(o6.-^0'j 
Tsu'/o'j;  vDv  ttoCj-ov  TJTTO'.ç  £7.5'.oci/cva'.  C-b  ^x/.y.ùJ.bTitz,  (Lambros  :  49  lettres 
inédites  de  'fheodoret)  —  Liov,  die  Philosophie  des  Reclus,  ûbersetzt  von 
1)1  Martino.  —  Meinong,  iiber  philosophische  Wissenchaft  und  ihre 
Propadeutik.  —  Hartmann  von  Aue,  Der  arme  Heinrich  und  zwei 
jiingere  Prosalegendcn  verwandten  Inhalts,  von  W.  Wackernagel,  hrsg. 
V.  ToiscHER  (E.  Martin  :  une  des  meilleures  éditions  de  la  poésie  alle- 
mande du  moyen  âge). — Hausen,  die  Kampfschilderungen  bei  Hartmann 
von  Aue  und  Wirnt  von  Gravenberg.  (Niedner  :  bon  travail.)  —  Lubin, 
Dante  spiegato  con  Dante  e  polemiche  Dantesciie.  (Kôrting  :  livre  de 
grande  valeur  et  d'un  vif  intérêt.)  —  Michaelis,  Estenographia  portu- 
gueza.  —  HoFER,  Der  Feldzug  des  Germanicus  im  Jahre  16.  (Klebs  : 
méritoire.)  —  Alfred  Ritter  von  Arneth,  Graf  Philipp  Cobenzl  und 
seine  Memoiren.  (Wolf  :  rien  de  nouveau  et  de  surprenant,  mais  beau- 
coup de  choses  intéressantes  qui  rendent  ce  volume  précieux  pour  l'his- 
torien.) —  Kkauske,  die  Entwickelung  der  stiindigen  Diplomatie  vom 
XV.  Jahrhundert  bis  zu  den  Bcschlûssen  von  i8i5  und  i8i8(Dam- 
bach  :  offre  une  lecture  attachante  et  renferme  une  grande  foule  de 
matériaux).  —  Brehm,  das  Inka-Reich,  Beitrcige  zur  Staats  rr:  und 
Sittengeschichte  des  Kaiserlums  Tahuantinsuyu,  nach  den  altcsten 
spanischen  Quellen  bearbeitet.  ('Von  Tschudi  ;  compilation  sans  criti- 
que et  qui  fourmille  d'erreurs.)  —  Kolberg,  nach  Ecuador,  Reisebilder. 
—  LuDviG,  Lionardo  da  Vinci,  das  Buch  von  der  Alalerei,  neues  Mate- 
riai  aus  den  Originalmanuscripten,  gesichtet. 

Altpreussiscbe  Mouatsschrift,  hrsg.  von  Reicke  u.  Wickert  i8S5.  111  u. 
IV  Heft,  avril-juin.  (Konigsberg,  Beyer).  O.  van  Bauen,  der  Zorn  Frie- 
drichs  des  Grossen  ûber  Ostpreussen  (Frédéric  s'irritait,  non  sans  rai- 
son, de  la  conduite  de  la  piovince  occupée  par  les  Russes  de  1758 
à    1763  ,  et  qui    donna  de    nombreux    témoignages    d'attachement  à 


lenvahisscur.)  —  Fkischbikr,  Ziir  volkstiimlichen  Natutkunde,  Bei- 
triige  aus  Ost  -zz  und  Westprcussen.  —  Bkckhkrrn,  Einige  Bemerkiin- 
gen  uber  das  Ordenshaus  Balga  und  seine  Umgebung.  —  Kritiken  iind 
Rcferate  :  Veckknstedt,  Die  Mythen,  Sagen  und  Legenden  der  Zamai- 
ten  iBezzenberger  :  on  ne  pourra  faire  un  usage  scientifique  de  la  plus 
granvie  pariie  au  livret  —  Die  Bau  =  und  Knnstdenkmiiler  der  Pro- 
vins Westpreussen,  Hett  II.  Der  Landkreis  Danzig.  —  Mittheilungen 
and  Anhang  :  Lohmkykr,  Verzeichnis  der  in  den  Programmen  der  ho- 
heren  Lehransralten  Osrpreussens  enthaltenen  Abhandlungen  zur  Ges- 
chichte  von  Ost=uiid  Wesrpreussen.  —  Leop.  Jacoby,  Der  Teufel  im 
Flachs,  Pootisch  dargestellt.  —  Altpreussische  Bibliographie,  1884. 

Berliner  Philologische  Wochenschrift,  n"  3i-32,  i""  août  i885  (n"  double)  : 
J.  Rf,im!':rs,  Die  Lehmt'unde  in  Griechenland  und  der  dorische  Stil. 
{L'auteur  de  cet  article  de  tonds,  répondant  à  une  critique  de  Dôrpfeld 
dans  la  Phil.  Woch.  188.1,  n"  27,  étudie  surtout  la  construction  du  toit 
et  de  l'entablement  dans  les  édifices  grecs  primitifs  en  briques  crues  et 
en  bois).  —  K.  A.  Ed.  NiiiMEVER,  Ueber  die  Gleichnisse  bei  Quintus 
Smyrnaeus  (R.  Petersen  :  il  y  a,  dans  Quintus,  une  grande  comparai- 
son par  40  vers,  dans  T Iliade  une  par  -j-j  seulement).  —  Sophocles 
Tragodien  zum  Schalgebrauch  mit  erkiarenden  Anmerkungen  versehen 
von^N.  Weckleîn  (H.  Millier  :  excellente  édition  ;  le  critique  examine 
quelques  passages  d'Antigone). —  Sophocles,  Kunig  Oedipus,  fur  den 
Schulgebrauch  erkUlrt  von  G.  Kern.  Sophocles,  Tragodien,  erklârt  von 
G.  ScHMELZER.  Baud  I  Kônig  Oedipus.  Sophoclis  tragoediae,  scholarum 
in  usum  éd.  Jos  Kral.  Bd.  I.  Aiax  (H.  Millier  trouve  à  louer  dans  tous 
ces  travaux).  —  M.  Schmidt,  Zweiter  textkritischer  Beitrag  zu  den  Tra- 
chinierinnen,  extr.  du  Bull,  de  l'Acad.  de  St.  Pétersbourg  (Wecklein  : 
hypothèses  téméraires,  corrections  inutiles),  —  L.  V.  Schuoder,  Pytha- 
goras  und  die  Inder  (F.  Lortzing  :  tout  en  reconnaissant  des  analogies 
frappantes  entre  les  doctrines  des  Hindous  et  celles  de  Pythagore,  le 
critique  refuse  d'admettre  les  conclusions  de  l'auteur).  —  Paulus  Sho- 
REV,  de  Platonis  idearum  doctrina  atque  mentis  humanae  notionibus 
commentatio  (P.  v.  Gizycki  «  iiberaus  selbstbewusster  Ton  ?>).  — 
A.  Harpk,  die  Ethik  des  Protagoras  und  deren  zwiefache  Morable- 
grûndung  (A..  Krohn  :  bon).  —  R.  Thamin,  Un  problème  moral  dans 
Pantiquité.  Étude  sur  la  casuistique  stoïcienne  (M.  Heinze  :  écrit  avec 
savoir,  facile  à  lire,  ce  livre  prouve  que  le  Portique  n'est  pas  défavora- 
blement jugé  en  France  et  qu'on  sait  en  comprendre  les  mérites).^  — 
J.  Denis,  De  la  philosophie  d'Origène  (Th.  Ziegler  :  intéressant,  bien 
que  l'auteur  ignore  les  travaux  allemands).  —  T.  Macci  Plauti  Mostel- 
laria.  With  notes  critical  and  exegetical  and  an  introduction  by  E.  A. 
SoNNENSCHEiN  (O, Scyfïert  :  défectueux).  —  R.  C.  Kukula.Dc  Cruquii  co- 
dice  vetustissimo  (G.    Faltin   :  favorable  à  Cruquius).   —   Le  orazioni  | 

Catilinari  di  M.  Tullio  Gicerone,  Commentate  da  A.  Pasdera  (F.  Mi\l-  <| 

le'r  :  bonne  compilation).  —  Tixi   Livii   ab   urbe  condita  liber    I.  Fur  1 

diu  Schulgebrauch  erklilrt  von  Max  Hevnacher  (-b-  :  le  commentaire 
sUjiprime  le  travail  de  l'écolier).   —  G.    Pietrogrande,   Iscrizioni   Ro-  .;.' 

mane  del  Museo  di   Este  (K.  Zangemeister  :  iccueil  utile,  même  après  ; 

le  Corpusj.  —  W.  Mannhardt,  Mythologische  Forschungen,  aus  dcm 
Nachlasse  herausgegeben  von  H.  Patzig,  mit  Vorreden  von  K.  MiiL- 
LENHOFE  und  W.  ScHERER  (K.  Bruchmanu  :  remarquable).  —  E.  Siecke, 
Beitraege  zur  genaueren  Erkenntniss  der  Mondgottheitbei  den  Griechen  | 

(K.  Bruchmann  :  travail  solide).  —  J.   Ilberg^   Erinnerungen   an  das  | 

Leben  und  Wirken  von  F.  Th.  Hugo  Ilberg  (H.  Peter). 

Le  /'u>-,  imprimerie  Marcnessou  /ils,   boulevard  Saint- Lnurenl,  23. 


N"  34  Dix-neuvième  année  24  août  1885 

REVUE  CRITiQlJE 

D  '  M  1  S  T  O  I  R  E    ET    DE    LITTÉRATURE 

HKCUKIL    HKBDOMADASKK    Pl!nî.!2    SOUS    I.A    nîKKCTFJN 

OK  MM.  J.  DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 


Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.  Ghîjqukt 

Prix  d'abonnernent  : 
Un  an,   Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.   —    Etranger,  zb  îr. 

PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE  ' 

DE   l'École    des   langues  orientales   vivantes,   ktc. 
28,    RUE    BONAPARTK,     28 

Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Gîî'jq'jkt 

1  Au  bureau  de  1^  Kevus  :  rue  Bonaparte,  28  ), 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  ei 
non  par  covmnissionnaire,  les  Livres  dont  ils  désirent  luicomvtc-rciidu 


ERNEST  LEROUX.    EDITEUR,   RUE  BONAPARTE,  28 

TROIS  înOUVELLES.  CHINOISES  tr.d„i.=s 

pour  la  première  fois,  par  le  marquis  d'HERViîY-SAiNx-DENis,  membre 

de  rinstitut.  In-18 2  5o 

Tome  XLV  de  la  Bibliothèque  orientale  elzévirienne. 

FÊTE   NATIONALE  DES    HELLÈNES  A 

VjE,iNjl!,VC  en  1884.  Discours  prononcé  dans  le  Syllogue  na- 
tional hellénique,  par  Pierre  Pharmacopoulos,  docteur  en  droit. 
Traduit  en  français,  par  Jean  A.lexandropoulos.  In- 18,  grec  et  fran- 
çais   , 5  fr. 

> 

NOTES  DE  LEXICOGRAPHIE  BERBÈRE 

11*^  partie:  Le  dialecte  cies  Beni-Mcnacer,  par  René  Has^et.  In-8.  4fr. 

MONOGRAPHIE  DE  MÉQUINEZ,  par  o. 

Houdas.  In-8 , ' 2  Ir. 


PEK10Dl()UtS 

The  Academy,  n»  692,  8  août  i885  :  York  Plays,  the  plays  performed 
by  the  Crutts  or  Mvsteries  of  York  on  the  day  of  Corpus  Christi,  now 
hrst  priiued  from  the  unique  Ms.  in  the  library  of  Lord  Ashburnham, 
edited  with  introd.  a.  glossary,  by  Lucy  Toulmin  Smith.  (Dowden  : 
publication  remarquable.) —  Schley  a.  Soley,  The  rescue  of  Greely. 

—  BoNAR,  Malthus  and  his  work.  —  Marquis  de  Nadaillac,  Prehisto- 
rica  America,  translated  by  D'Anvers,  edited  by  Dall.  (Keane  :  ou- 
vrage d'ensemble  assez  méritoire.)  —  Mason,  The  history  of  Norfolk, 
IV.  —  The  Rev.  H.  T.  Ellacombe  (not.  nécrol.)  —  The  proposed  Tea- 
ching  University  for  London.  —  A  «  close  time  »  for  authors.  (Skeat.) 

—  Odhr  Edda,  Lôdh  Ledda,  Stôdh  Stedda.  (Vigfusson.)  —  «  Defnsae- 
tas  »  (Kerslake).  —  The  date  of  Dante's  death.  (Krebs.)  —  Steingass, 
fhestudent's  Arabic-English  dictionacy.(Lyall.) —  The  American  Phi- 
lological  Association.  —  Gerspach,  L'art  de  la  verrerie.  —  M.  Maspe- 
ro's  report  on  his  latest  excavations  in  Egypi.  —  Egypt  Exploration 
Fund.  —  Berna  of  Siena.  (Mercer.) 

The  Athenaeiim,  n"  3oi5,  8  août  i885  :  Narratives  of  Scottish  Catholics 
under  iMary  Stuart  and  James  VI,  now  tirst  printed  from  the  original 
manuscripts  in  the  secret  archives  of  the  Vatican  and  other  collections, 
edited  by  Forbf:s-Leith  (très  intéressant).  —  Suakin,  i885,  being  a 
sketch  ot  the  campaign  of  this  year,  by  an  ofïicer  who  was  there.  —  The 
North  Riding  Record  Society,  vol.  IL  Quarter  Session  Records,  edited 
by  Atkinson.  —  Martineau,  Types  of  echical  theory,  2  vols.  —  Boulay 
DE  LA  Meurthe,  Lc  Directoire  et  l'expédition  d'Egypte,  étude  sur  les 
tentatives  du  Directoire  pour  communiquer  avec  Bonaparte;  le  secourir 
et  le  ramener  (attachant,  solide  et  fait  avec  une  méthode  excellente).  — ■ 
The  Horiuzi  palm-leaves  (Beal).  —  Stanley  Lane-Poole,  The  coins  ot 
the  Turks  in  the  British  Muséum.  —  The  Royal  Archaeological  histi- 
tute  at  Derby. 

Literarisclies  Ceatralblatt,  n»  33,  8  août  i885  ;  Thegreek  liturgies  chiefly 
from  original  authorities,  edited  for  the  syndics  of  the  University  Press  by 
SwAiNSON,  etc.  —  WiTz,  Ulrich  Zwingli,  Vortrage.  —  Antoniades,  Kaiser 
Licinius,  eine  histor.  Untersuchung  nach  den  besten  alten  u.  neueren 
Quellen.  (Travail  difhcile  entrepris  avec  zèle  et  soin.)  —  Kreisel,  Adoli 
von  der  Mark,  Bischof  von  Munster  1 357-1 363  u.  Erzbischof  von 
Coin  1 363-1  364.  (Soigné.)  —  Heigel,  Quellen  und  Abhandlungen  zur 
neueren  Geschichte  Bayerns.  (Huit  études  sur  la  Bavière  au  xvii«  siècle.) 

—  HoHKNBÛHEL,  Beitrage  zur  Kunde  Tirols.  —  Stintzing,  Geschichte  der 
deutschen  Rechtswissenschaft,  IL  —  Ln-:sEGANG,  die  Sondergemeinden 
Kolns,  Beitrag  zu  einer  Rechts  =  und  Verfassungsgeschichte  der  Stadt. 

—  Ballas,  die  Phraséologie  des  Livius  nach  Materialien  geordnet. 
(Fait  avec  ordre  et  assez  de  soin.)  —  Sabbadini,  Guarino  Veronese  e  il 
suo  epistolario  edito  e  inedito.  —  GRaFRNBERG,  Beitrage  zur  franzosis- 
chen  Syntax  des  XVI.  Jahrhunderts  (Sans  être  complet,  est  fait  avec 
exactitude.)  —  Spinelli  biogralia  Goldoniana.  || 

Deutsche  Litteratiirzeitung,  n"  32,  8  août  i885  :  Roth,  die  Einfûhrung 
der  Reformation  in  Nûrnberg  i3  17-1528.  (Kolde  :  très  recommanda- 
ble.)  —  Gerber,  die  Sprache  aïs  Kunst,  I.  (Simmel  :  ouvrage  extrême- 
ment méritoire  et  remarquable.)  —  Bf.rsu,  die  Gutîuralen  u.  ihre 
Verbindung  mit  v  im  lateinischen.  (Thurneysen  :  éclaire  un  point  assez 
obscur.) —  Rist,  Dichtungen,  p.  p.  Goedeke  u.  Goetze.  —  Fontane, 
Scherenberg  u.  das  literarische  Berlin,  1840- 1860.  (Nerrlich  :  exact  et 
intéressant.)  —  Brummer,  Le.xicon  der  deutschen  Dichter  u.  Prosaisten 


^ 


des  XIX.  Jahrhunderts.  î,  A-L.  (W.  Bernhardi  :  très  précieux,  très  bien 
tait,  plein  de  détails,  sera  aussi  indispensable  pour  le  xix"  siècle  que 
Jôrdens  et  Goedeke  pour  des  époques  antérieures.)  —  Schmitz,  Portu- 
iesische  Grammatik  mit  Beriicksichtigung  des  gesellschaftlichen  Ver 


kehrs.  (Zunker  :  l'auteur  de  celte  grammaire  portugaise  ne  sait  pas  le 
portugais  et  tâtonne  cà  et  là,  sans  voir  clair.)  —  Hertzberg,  Athen 
historisch-typographisch  dargestellt.  (LoUing  :  court,  complet,  bien 
réussi,  malgré  quelques  erreurs  légères  et  des  taches  de  style.)  —  Docu- 
ments inédits  relatifs  à  l'histoire  de  la  Grèce  au  moyen-âge,  VI,  p.  p. 
Sathas  (Lambros  :  un  des  volumes  les  plus  intéressants  de  la  collec- 
tion). —  Urkundenbuch  des  Bistums  Gulm,  p.  p.  Woelky.  II  (Perl- 
bach).  —  Fr.  Masson,  Le  cardinal  de  Bernis  depuis  son  ministère^ijSS- 
1794,  la  suppression  des  Jésuites,  le  schisme  constitutionnel.  (Koser  : 
livre  plein  de  détails.)  —  Kikpert,  Karte  des  Congo-Beckens.  (Ermann.) 

—  Sauzay,  Haydn,  Mozart,  Beethoven,  étude  sur  le  quatuor.  (Kabisch  : 
fait  sans  soin.)  —  Roger  de  Beauvoir,  Nos  généraux  1871- 1884 
(Lange  :  actualité  intéressante). 

Gœtting'ische  gelehrte  anzeigen,  n°  16,  i  août  i885  :  Stoll,  Zur  Ethno- 
graphie der  Republik  Guatemala.  (Gerland  :  des  critiques  de  toute 
sorte  à  faire,  mais  livre  d'une  valeur  réelle  et  qui  contient  de  nom- 
breux et  précieux  matériaux).  —  Mythologische  Forschungen  aus  dem 
Nachlasse  Mannhardts,  hrsg.  von  ''Patzig,  mit  Vorreden  von  Mûl- 
LENHOFF  u.  ScHERER.  (Laistner  :    Ouvrage   plein  d'aperçus  profonds). 

—  ViRCHOW,  Ueber  allé  Schadel  von  Assos  und  Cypern.  (Krause)  — 
Heller,  Geschichte  der  Physik  von  Aristote  les  bisauf  die  neueste  Zeit. 
II  :  von  Descartes  bis  Robert  Mayer.  (Lasswitz  :  utile)  —  Heigel, 
Quellen  und  Abhandkingen  zur  neueren  Geschichte  Bayerns.  (Tupetz: 
9  essais  qui,  pour  la  plupart  «  éclairent  la  funeste  politique  des  al- 
liances indignes  et  l'on  pourrait  dire  traîtresses  que  la  Bavière  a  nouées 
pour  son  malheur  et  celui  de  l'Allemagne  avec  les  ennemis  de  TEm- 
pire.  «) 

Revue  de  l'Iustruction  publique  supérieure  et  moyenne,  en  Belgique,  tom.eXXVIII, 
4''  livraison  :  Hegener.  De  renseignement  de  la  religion  dans  les  athénées. 

—  Comptes-rendus  :  Gili.et,  Des  procédés  à  em.ployer  dans  les  athénées, 
collèges  et  écoles  moyennes  de  garçons  et  de  filles  pour  assurer  et  hâter 
les  progrès  de  la  rédaction  française  (travail  logique  et  bien  pensé).  — 
J.  Martha,  Manuel  d'archéologie  étrusque  et  romaine  (de  Ceuleneer  : 
fait  avec  talent,  presque  toujours  au  courant  des  principaux  travaux 
publiés  sur  la  matière,  bon  livre  que  quelques  changements  de  détail 
rendront  excellent).  —  Mathys,  Nederlandsche  Spraakieer  (Vercouliie  : 
quelques  imperfections,  mais  instrument  maniable).  —  Le  dialecte  de 
Tournai  au  moven  âge  :  Schwake,  Versuch  einer  Darstellung  der 
Mundart  von  Tourna/  im  Mittelalter;  d'Herbo.mez,  Mémoires  de  la 
société  historique  et  littéraire  de  Tournai,  tome  XVII,  Chartes  françai- 
ses du  Tournaisis,  1207-1292,  étude  philologique  sur  les  chartes  fran- 
çaises du  Tournaisis;  Schiller,  Etude  lexicologique  sur  les  poésies  de 
Gillon  le  Muisit  (Wilmotîe).  —  Varia  :  manifestation  Nypels. 

Theologische  Litteraturzeitung.  n"  16,  S  avril  t885  :  Schlottmann,  Wider 
Kliefpth  und  Luthardt,  in  Sachen  der  Lutherbibel.  —  Kahnis.  Ueber 
das  Verhaltniss  der  alten  Philosophie  zum  Chrisîenthum.  —  Krûger, 
Monophysitische  Streitigkeiten  im  Zusammenhange  mit  der  Reichs- 
politik.  (Môller  :  œuvre  soignée  et  qui  témoigne  d'une  bonne  méthode) 

—  Otte,  Handbuch  der  kirchlichen  Kunst-Archiiologie  des  deutschen 
Mittelalters,  5^  aufi.  in  Verbindung  mit  dem  Verfasser  bearb.  von 
Wernicke,  2  vols.   (Pohl  :  nouvelle  édition-  de  cet  indispensable  ma- 


nuel)  —  Analecta  Franciscana  sive  chronica  aliaque  varia  documenta 
ad  historiam  Fratruni  Minorum  spectantia,  édita  a  patribus  coUegii 
S.  Bonaventuroe  adjuvantibus  aliis  patribus  ejusdem  ordinis.  I.  — 
Sam.  Berger.  La  Bible  française  au  moyen-âge;  Bonnardot,  Le  Psau- 
tierde  Metz,  L  (Birch  Hirchfeld  :  l'ouvrage  de  Sam.  Berger  est  excellent, 
«  trefflich  ^)  —  Luther's  siimmtliche  Werke,  25  u.  26  vol.  p.  p.  En- 
DERS,  2«  aufl.  —  Sachsse  Ursprung  und  Wesen  des  Pietismus.  (Weiz- 
siicker  :  n'est  pas  superflu,  malgré  le  travail  de  Ritschl).  —  Notiz  uber 
die  Anfange  des  Munchsthums  in  Syrien  (Ryssel). 


OXFORD 

at    the    Clarendon    Press. 


CORPUS    POETÎCUM     BOREALE 

THE     POETRY 

of   the 

OLD    NORTHERN    TONGUE 

from     the     earliest     times     to     the     thirteenth     century 

edited 
classified    and   translated 

with 

introduction ,     excursus    and    noies 

bv 

Gudbrand   Vigfusson,    M.    A. 

and 

F.    York    PowKLL,    M.    A. 

VoL   L   Eddie  poetry  [cxxx  a.   5 76  p.) 

Vol.   IL  Court  poetry  yi2  p.) 


Le  i'uy,  imprimerie  AJarcliessou  /Us,   boulevard  Saint- Laurent,  33. 


N"  35  Dix-neuvième  année  31  août  1885 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

•  KECUEÎL    HKI^nOr.îADAÎKK    PVaiAÛ    SOUS    LA    DJRIîCT.'ON 

OE  MM.  J.  DARMESTETER,  L.  ÎIAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 


Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.   Chuqîjkt 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.   —    Etranger,   2!?  ir. 


PARIS 

ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

L  I  3  R  A  I  iJ  E     D  !•:     l.  A     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     l'  f:  G  O  L  E     DES     LANGUES    ORIENTALES     VIVANTES,     K  7  C. 

2S,    RVE    nONAPAUTE,     28 


Adresset  les  commimicatioyis  coticernant  la  7'édactîon  à  M.  A.  Chuqukî 

(Au  bureau  cie  la  Kevue  :  rue  Bonaparte,  i8), 

MM.  les  éditeurs  de  Vétranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  ei 

non  ^ar  coiuViissionnairc,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 


ERNEST  LEiU)UX,   EDl'lEUR,   RUE  BONAPARTE,  28. 

TROIS  NOUVELLES.  CHINOISES  traduites 

pour  la  piemière  tois.piir  le  marquis  d'HERVEY-SAiMx- Denis,  membre 
de  l'Institut,  In-  18 2   5o 

Tome  XLV  de  la  Bibliothèque  orientale  elzévirienne. 

FÊTE  ,NAT10NALE  DES    HELLÈNES  A 

vjr iH' rS -C  V  C  en  1884.  Discours  prononcé  dans  le  Syllogue  na- 
tional hellénique,  par  Pierre  Phaumacopoulos,  docteur  en  droit. 
Traduit  en  français,  par  Jean  Alexandropoulos.  In- 18,  grec  et  fran- 
çais   ......' 5  ff. 

NOTFS  DE  LEXICOGRAPHIE  BERBÈRE 

Ii<-' partie:  Le  dialecte  ues  Beni-Menacer,  par  René  Basset.  In-8.  4fr. 

MONOGRAPHIE  DE  MÉQUÎNEZ,  par  o. 

HouDAS.  î  n-8. , 2  fr. 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n»  ôgS,  i5  août  i885  :  Studia  Biblica,  essays  in  biblical 
archaeological  and  criticism  and  kindred  subjects,  by  members  of  the 
University  of  Oxford.  (Salmon  :  recueil  de  dix  études,  qui  sera  le  bien- 
venu.] —  Markham,  Life  of  Robert  Fairfax  of  Steeton,  1 666-1 275 
(Courtney).  —  Numantia,  a  tragedy,  by  Miguel  de  Cervantes  Saave- 
dra,  translated  from  the  Spanish  by  Gibson.  (W.  Webster.)  —  Corres- 
pondance :  sketch  of  a  conversation  between  Coleridge  and  Kenyon.  — 
«  The  Thousand  Nights  and  a  Night  »  (Burton).  —  «  Arabian  matriar- 
chate  »  (Tylor).  —  <i  The  patriarchal  theory  »  (Mackennan).  —  a  Dun- 
saetas  »  (Boult).  —  Tedaldi's  sonnet  on  the  death  of  Dante.  (Cheyne). 
—  Sir  Philip  Francis  and  .x  Junii.is  »  (M'  Carlie).  —  Roscher,  Ausiûhr- 
iiches  Lexicon  der  griechischen  und  rumischen  Mythologie,  i-6.  (Isaac 
Taylor  :  très  utile  et  souvent  très  ingénieux,  beaucoup  d'excellentes 
choses,  mais  ne  tient  compte  exclusivement  que  des  travaux  des  mytho- 
logues allemands).  —  Early  inscriptions  in  Arabia  (sur  le  travail  de 
M.  Ph.  Bergkr,  l'Arabie  avant  Mahomet  d'après  les  inscriptions).  — 
Algebraical  signs  for  the  terms  <t  Umlaut  »  and  a  Ablaut  »  in  etymo- 
logy  (Skeat  :  exemple,  on  pourrait  écrire  «  anglo-saxon  dôm  ^=  English 
doom^...  déman  =  English  deem  »  ;  ce  qu'il  faudrait  lire  «The  Anglo- 
Saxon  dôm^  which  is  the  modem  English  doom,  produces  by  vowel- 
mutation  the  verb  déman,  which  is  the  modem  English  deem.  »)  —  A 
«  Saura-yantra  »  (Bûhler).  —  J.  P.  Richter,  Notes  an  Vasari's  Lives. 
(Monkhouse).  — -  M.  Maspero's  report  on  his  latest  excavations  in 
Egypt.  (rEgypte  n'est  pas  épuisée;  elle  renferme  de  quoi  occuper  vingt 
générations  de  travailleurs  et  ce  qu'elle  nous  a  livré  jusqu'à  ce  jour 
n''est  que  peu  de  chose  à  côté  de  ce  qu'elle  nous  cache  encore.) — Roman 
milestones  in  Northumberland,  (Watkin.) 

The  Athenaeum,   n"  3oi6,    i5  août   i885    :  Essays  and   miscellaneous 
writings  of  Vere  Henry,  Lord  Hobart,  with  a  biographical  sketch,  edi-  a 

tcd  by  Mary,  Lady  Hobart.  —  York  Powell,  History  of  England  to  7 

the  death  of  Henry  VIII.  (Petit  volume  qui  est  plus  qu^un  livre  scolaire.) 
—  Nixon,  The  complète  story  of  the  Transvaal,  from  the  «  Great 
Trek  »  to  the  convention  of  London;  Greswell,  Our  South  African  j 

Empire.  —  Roberts,  The  pontifical  decrees  against  the  doctrine  of  the  a 

earth's  movement.     -    Brugsch,  Religion  und  Mythologie  der  alten  ~ 

Aegypter,  nach  den  Denkmalern  bearbeitet,  I.  (On  regrettera  que  l'au- 
teur n'ait  tenu  aucun  compte  des  résultats  naguère  obtenus  par  Renouf 
et  d'autres  égyptologues).  —  Ware  a.  Maun,  The  life  and  times  of  Co- 
lonel Fred.  Burnaby.  — Tilley,  The  literature  oftheFrench  Renais- 
sance, an  introductory  essay  (témoigne  de  solides  lectures  personnelles, 
mais  ne  traite  guère  le  sujet).  —  The  battle  of  Brunnanburh.  (Wey- 
mouth.)  —  The  earldom  of  Mar.  —  «  The  reformation  Settlement  »  — 
The  «  editio  princeps  »  of  Qimchi's  Grammar.  (Schiller-Szinessy.)  — 
The  Roman  Village  Community.  (Gomme.)  —  Lord  Houghton.  — 
Butler,  The  ancient  Coptic  churches  of  Egypt,  2  vols.  —  Westminster 
Abbey.  —  The  British  Muséum  Catalogue  of  Oriental  coins  (Stanley 
Lane-Poole.)  —  The  little  mosque  of  ^Santa  Sophia  (Freshfield).  — 
Notes  from  Aihens.  (Lambros.) 

Literarisches  Centralblatt,  n"  34,  i5  août  i885  :  Wellh.\usen,  Skizzen 
und  Vorarbeiten,  I  Heft,  Abriss  der  Geschichte  Israel's  und  Juda's;  IL 
Lieder  der  Hudhailiten,  arabisch  und  deutsch.  —  Teaching  of  the 
iwehve  apostles,  the  oldest  church  manual,  called  the  A-.Br/.-}]  twv  oojor/.a 
à-osTÎ/.wv,  p.  p.  Schaff.  —  RiTSCHL,  Cypriau  von  Carthago  und  die 
Vertassung  der  Kirche  (fait  avec  beaucoup  de  sérieux  et  de  pénétration). 


t 


—  Reese,  die  staatsrechtiiche  Stellung  der  Bischofe  Burgunds  [und  Ita- 
liens unter  Kaiser  Friedrich  I.  (Travail  de  valeur.)  — Wittelsbacher 
Briefe  aus  den  Jahren  i  590-1610,  p.  p,  Stieve.  I.  —  Lotheissen,  Zur 
Sittengeschichte  Frankreichs,  Bilder  und  Historien.  (Recueil  d'études 
attachantes.] — Zoller,  dasTogoland  und  die  Sklavenkiiste. —  Haltrich, 
Zur  Volkskunde  der  siebenbiirger  Sachsen.  —  Les  manuscrits  arabes  de 
l'Escurial  décrits  par  H.  Derenbourg,  tome  I.  (L'auteur  a  mérité  la 
reconnaissance  de  tous  les  arabisants  en  se  soumettant  à  cette  tâche 
difficile  et  en  la  menant  à  bout,  comme  il  fallait  s'y  attendre,  d\ine 
manière  qui  répond  tout  à  fait  à  l'état  actuel  de  la  science  ;  son  travail 
tient  le  milieu  entre  un  catalogue  raisonné  et  un  inventaire  sommaire; 
il  ne  pouvait  mieux  faire;  sa  publication  s'ajoute  de  la  façon  la  plus 
digne  aux  volumes  déjà  parus  de  la  grande  collection  de  TEcole  des 
langues  orientales  vivantes;  «  er  hat  'VortrefHiches  geleistet  »).  — 
no/vÎT-fj;,  'h  c-/;;j.o-iv.bv  3.z[j.7.  t.zç,\  toO  vs/.ooj  àot'koo^.  (Très  détaillé,  réfuta- 
tion complète  et  convaincante  des  opinions  soutenues  par  Wollner  et 
Psichari.)  —  Morandi,  Antologia  délia  nostra  critica  letteraria  moderna. 
(Idée  originale  et  louable.)  —  G.  Voss,  das  jûngste  Gericht  in  der  bil- 
denden  Kunst  des  frûhen  Mittelalters.  (Bon  travail.)  —  A.  Weber, 
Leben  und  Werke  des  Bildhauers  Dili  Riemenschneider.  —  von  Wurz- 
BACH,  Rembrandt-Galleiie. 

Deutsche  Litteraturzeitiing-,  n»  33,  i5  août  iSS5  :  Bruchstiicke  der  sahi- 
dischen  Bibelûbersetzung,  p,  p.  Lemm.  • — ■  Tsckackert.  Evangelische 
Polemik  gegen  die  rOmische  Kirche.  —  Matzat,  Methodik  des  geogra- 
phischen  Unterrichts. — HofmannWellknhoff,  Alois  Biumauer.  (Wer- 
ner  ;  fait  avec  grand  soin.)  —  Gredt,  Sagenschatz  des  Luxemburger 
Landes.  (E.  H.  iVleyer.) —  Koritz,  lieber  das  5  vor  Consonant  im  Fran- 
zôsischen.  (Fait  avec  exactitude  et  jugement.)  —  S.  S.  (Stampa^,  Ales- 
sandro  Manzoni,  la  sua  famiglia,  i  suoi  amici.  ("W^iese  :  écrit  avec  em- 
phase et  attache  trop  d^importance  à  de  menus  détails.)  —  Reese,  Die 
staatsrechtiiche  Stellung  der  Bischofe  Burgunds  und  Italiens  unter 
Kaiser  Friedrich  1.  (Bernheim:  sera  le  bienvenu.)  —  Henrard,  Henri  IV 
et  la  princesse  de  Condé  1609-1618.  (Schott  :  étude  intéressante.)  — 
Heinze,  Dresden  im  siebenjahrigen  Kriege.  (Sec,  quoique  soigné.)  — 
Benndorf  u.  Niemann,  Reisen  in  Lykien  und  Karien,  mit  einer  Karte 
von  KiEPERT,  (Wolters  :  publication  qui  aura  une  place  considérable 
non-seulement  au  point  de  vue  scientihque,  mais  par  la  vivacité  de 
l'exposition  et  le  goût  qui  règne  dans  l'ensemble  comme  dans  les  détails.) 

—  The  patriarchal  theory  based  on  the  papers  of  the  late  John  Ferguson 
Me  Lennan,  éd.  a  compl.  by  Donald  Me  Lennan.  fGerland  :  remarqua- 
ble.) —  De  'Vriks  en  Bredius,  Catalogus  der  Schildcrijen  in  heh  Mu- 
séum Kunstliefde  te  Utrecht  met  medewerkung  von  S.  Muller.  — 
KoHN,  Zur  Geschichte  des  rômischen  Frauen-Erbrechts. 

Berliner  Philclogische  Wochenscbrift,  n°  33,  i5  août  i885.  —  E.  Schmidt, 
Parellel-Homer  oder  Index  aller  homerischen  Iterati  in  lexicalischer 
Anordnung  (G.  Rothe  :  il  y  a  dans  Homère  1804  vers  répétés,  qui  re- 
viennent 4,730  fois.  Le  recueil  de  ces  itérati  a  été  fait  avec  soin).  — 
I.  ScHMiDT,  Ulixes  Posthomericus  (Wecklein  :  étude  intéressante  sur 
le  développement  du  type  littéraire  d'Ulysse).  —  Aristophanes, 
Werke.  I.  Die  Wolken.  Die  Froesche.  Uebers.  mit  Einleitung  und 
Anmerkungen  von  J.  Maelhy  (H.  Liibke  :  traduction  plus  littérale 
encore  que  celle  de  Droysen).  —  Th.  Gomperz,  Zu  Philodemus' 
Bûchern  von  der  Musik  ;H.  Laudwehr  :  intéressant  pour  le  texte 
de  Philodème).  —  M.  Tvllio  Cicérone,  Settanta  iettere  scelte  coni- 
mentate  da    A.    Conradi  (L.    Gurlitt    :  au    niveau  de  la  science).   — 


QuiNTO  CuRzio  RuKO,  La  Storia  di  Alessandro  il  grande,  da  Eur.  Coc- 
chia(E.  Krah  :  édition  scolaire,  à  laquelle  on  reproche  de  n'avoir  pas 
profité  du  commentaire  de  Dosson  ;  soignée  d'ailleurs).  —  R.  Reitzen- 
STEiN,Cfb  scriptorum  rei  rusticae  qui  intercedunt  inter  Catonem  et  Colu- 
mellam  libris  deperditis  (W.  GemoU;  très  bonne  étude  avec  recueil  des 
fragments  des  agronomes  perdus).  —  G.  Ruelens,  La  première  édition 
de  la  Table  de  Peutinger  iG.  Frick).  —  E.  Théron,  Etude  sur  les  reli- 
gions anciennes  (F.  Justi  :  point  de  vue  orthodoxe,  connaissances 
superficielles).  —  G.  Rawlinson,  Egypt  and  Babylon.  From  scrip- 
ture  and  profane  sources  (F,  Justi  :  très  instructif,  mais  d'une  critique 
insuffisante).  —  J.  Psichari,  Essai  de  phonétique  néo-grecque.  Futur 
composé  du  grec  moderne  (G.  Meyer  :  «  fein  und  durchaus  metho- 
disch  »).  —  rsop^ic'j  IN.  \x-'Çi^dy.-q  MîAérr,  è-l  r?,^  via;  £XX-/;vt"/.r(Ç  y;  ^a^avs; 
Toy  èXÉYXO'j  Toy  'i^EucaxTiy.iciJ.ou  (G.  Meyer  :  réponse  de  Ghatzidakis  à  Ber- 
nardakis  qui  avait  attaqué  le  dernier  livre  de  Kontos  en  l'accusant  de 
«  pseudatticisme  »).  —  J.  Lattmann  und  H.  D.  Mueller,  Kurz- 
gefasste  lateinische  Grommatik,  5^  Auflage,  Les  mêmes,  Lateinische 
Formenlehre  und  Hauptregeln  der  Syntax.  J.  Lattmann,  Lateinischer 
Uebungsbuch  mit  stilistischen  Regeln  und  einem  grammatischen  Re- 
petitorium  fur  Quarta,  6'^  éd.  (P.  Harre.)  —  Extraits  des  Breslauer  Uni- 
versitatsschriften  de  1884. 


OXFORD 

at    the    Clarendon    Press. 


CORPUS    POETICUM     BOREALE 

THE     POETRY 

of   the 

OLD    NORTHERN    TONGUE 

from     the     earliest    times    to     the     thirteenth     century 

edited 
classified   and   translated 

with 

introduction ,     excursus    and    notes 

by 

Gudbrand   Vigfusson,    M.    A. 

and 

F.   York   Powell,  M.   A. 

Vol.   L  Eddie  poetry  ^cxxx  a.  Syô  p.) 

Vol.  IL  Gourt  poetry  712  p.) 


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U  Fuy.  imprwierie  AJarchessou  pis,   boulevard  Saini-Laweni,  23. 


N°  36  Dix-neuvième  année    7  septembre  1885 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

KEC'JKIL    HKliDOMADAIRIi   PUBLIÉ    SOUS    LA    DiKHCTlON 

0'..;  MM.  J.DAKMESTKTER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PAHLS 


Secrétaire  de  la  re'daction  :  M.  A.  Chuqukt 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  Tr.  —    Etranger,  23  i'r. 


PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     I.  A     SOCIÉTK     ASIATIQUE 

DU     l' ÉCOLE     DES    LANGUES    ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

28,    RUE    BONAPARTE,    28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 

(Au  bureau  de  la  Revue  :  rue  Bonaparte,  28). 

AIM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 


ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 
OUVRAGES    TERMINÉS 

JOHANNIS   BURCHARDI  DIARIUM 

JOURNAL  DE  BURCHARD,  maitre  des  cérémonies  de  la  chapelle 
pontificale  sous  Innocent  III,  Alexandre  VI,  Pie  III  et  Jules  II. 
Publié,  d'après  les  manuscrits  de  Paris,  de  Rome  et  de  Florence,  par 
M.  Thuasne. 

Tome  III  et  dernier , 20  fr. 

L'ouvrage  complet  en  3  volumes. , 60  fr. 

OEUVRES  CHOISIES  DE  A.-J.   LETRONNE 

MEMBRE    DE    l'jNSTITUT 

Assemblées,  mises  en  ordre  et  augmentées  d'un  index,  par  E.  FAGNAN 
188 1-83,  6  beaux  volumes  in-8,  ornés  d'un  portrait  inédit,  par  Paul 
Delaroche,  de  dessins,  de  planches  hors  texte,  etc 72  fr. 

T""*"  série.  Egypte  ancienne,  2  beaux  volumes  in-8,  illustrés....     25  fr. 

2'-  série.  Géographie  et  cosmographie.  2  vol.  in-8,  illustrés. ...     25  fr. 

3°  série.  Archéologie  et  philologie.  2  vol.  in-8,  illustrés 25  fr. 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n»  694,  22  août  i885  :  The  works  of  Thomas  Middle- 
ton.edited  by  Bullen,  I-IV  (Minto)  —  Ritchiic,  To  Canada  with  Emi- 
grants;  Rowobotham,  A  Trip  to  Prairie  Land  (Brown).  —  Dorling, 
Memoirs  of  Dora  Greenwell.  —  Briefe  d2s  Grafen  Mercy-Argenteau  an 
Starhemberg,  p,  p.  Thurheim  (Gardiner  :  recueil  de  documents  intéres- 
sants). —  Lord  Houghton  (nos.  nécrol.).  —  W.  J.  Thoms  (not.  né- 
crol.).  —  Thoreau's  wild  wood  philosophy.  —  Lord  Houghton  and 
Keats  (S,  L.  Lee).  —  The  Egyptian  «  Nefer  »  and  the  Siamese  «  Saw 
Tai  »  (Ellis).  —  Roscher's  Lexicon  of  Greek  and  Roman  mythology 
(Cox).  — «  Arabian  matriarchate  »  (Redhouse).  —  a  Offprint  »  (Skeat  : 
propose  ce  mot,  au  lieu  de  «  deprint  »,  «exprint  »  pour  rendre  «  tirage 
à  part  b).  —  Intercourse  of  China  with  Eastern  Turkestan  (Kingsmili).  : 

—  The  history  of  Shah  Isma'il  I  and  Shah  Tahmâsp  L  (Churchill),  — 
LuKis,  The  prehistoric  stone  monuments  of  the  British  Isles;  Cornwall 
(Bradley).  —  The  Newcastle  Society  of  Antiquaries.  —  Art  in  Louvain 
(A.  Evans).  —  Greek  inscription  from  Egypt  (Sayce).  —  The  Site  of 
Ferentum  or  Forentum  (Hoskyns-Abrahall).  ': 

The  Athenaeum, n°  3o  1 7,  22 août  1 885  :  Bémont,  Simon  de  Montfort, comte 
de  Leicester.  (Excellent  ouvrage,  fait  avec  beaucoup  de  soin  et  de  savoir 
d'après  des  documents  dont  quelques-uns  sont  inédits  et  importants.)  — 
Col.  Malleson,  Ambushes  and  surprises.  (Etude  dont  les  hommes  de 
guerre  tireront  grand  profit.)  —  Corpus  scriptorum  ecclesiasticorum 
latinorum,  X,  Sedulii  opéra  omnia,  ex  recens.  Huemer  ;  XI,  Claudiani 
Mamerti  opéra  ex  rec.  Engelbrecht.  —  Dowell,  A  history  of  taxations  „ 

and  taxes  in  England  from  the  earliest  times  to  the  présent  day  ;  Hall,  ; 

The  history  of  the  Custom  Revenue  in  England  from  the  earliest  times 
to  the  year  1827;  Chester,  Chronicles  ofthe  Customs  department.  — 
Edgar,  Old  church  life  in  Scotland.  —  a  Beauty  and  the  Beast  »  (Pear- 
son).  —  Mediaeval  history  of  Greece.  —  Prof.  G.  Curtius  (not.  nécrol. 
sur  l'éminent  philologue  et  professeur  George  Curtius,  né  à  Lubeck  en 
1820,  mort  à  Hermsdorf  près  de  Warmbrunn  en  Silésie  le  12  août  de 
cette  année;  sans  avoir  la  puissance  de  Bopp  et  la  finesse  de  Benfey,  il 
était  sans  conteste  le  premier  successeur  de  ces  deux  patriarches  de  la 
philologie;  il  était  par  excelleece  «  mens  sana  »).  —  The  battle  of 
Brunnanburh  (Cann-Hughe;  Malden;  Hodgkin,.  —  W.  J.  Thoms 
(not.  nécrol.),  — Watkins,  Gleanings  from  the  natural  history  of  the 
ancients  (agréable  à  lire,  mais  n'est  pas  fait  avec  soin).  —  Médaille  il- 
lustrations of  the  history  of  Great  Britain  and  Ireland  to  the  death  of 
George  II,compiled  by  the  late  Edward  Hawkins  a.  edited  by  Franks 
a.  Grueber.  —  The  British  Archaeological  Association.  —  Prof.  Wor- 
saae  (Le  célèbre  archéologue  danois  est  mort  le  1 5  août;  il  était  né  à  Vejle 
le  14  mars  1821.) 

Literarisches  Centralblalt,  n"  35,  22  août  1886  :  Kolde,  die  Heilsarmee 
(the  Salvation  Army).  —  Bibliotheca  Rabbinica,  p.  p,  Wûnsche,  33  u. 
34  Liefer.  Der  Midrasch  Mischle;  Der  Midrasch  Bemid  bar  rabba.  — 
Schmelzer,  eine  Vertheidigung   Plato's.  (Il  est  plus  que  douteux  que  " 

l'auteur  amène  un  changement  dans  l'exposition,  connue  jusqu'ici,  de 
l'Etat  décrit  par  Platon).  —  Kagelmacher,  Filippo  Maria  Visconti  u. 
Konig  Sigismund  1433- 143 1.  (Beaucoup  de  soin.)  —  Egelhaaf,  deuts- 
cheGeschichtc  im  Zeitalter  der  Reformation,  (Clair,  habilement  fait,  trop 
de  polémique  contre  Jansen.)  —  Hans,  die  Canalisirung  der  Maas,  hrsg. 
V,  DûsiNG.  — BucHHOLZ,  Vindiciac  carminum Homcricorum,  I.  (L'auteur 
veut  sauver  Homère  du  «  vandalisme  »  de  Wolf  et  de  Lachmann;  il  au- 
rait mieux  fait  de  ne  pas  donner  son  livre  à  l'impression;  il  faut,  à  moins 


d'être  obligé  d'en  rendre  compte,  passer  devant  «  oculis  irretortis  »,) 
—  Thurneysen,  Keltoromanisches,  die  keltoromanischen  Etymologien 
imetymologischen  Worterbuch  von  Diez.  (Ouvrage  remarquable,  quoi- 
que les  résultats  positifs  ne  paraissent  pas  considérables.)  — Vauquelin  de 
la  Fresnaye.  L'art  poétique,  texte  conforme  à  l'édition  de  i6o5,  p.  p.  Pel- 
LissiER  (édition  très  recommandable  et  pourvue  de  tout  un  «  apparatus  i> 
utile).  —  Brinkmann,  Syntax  des  Franzôsischen  und  Englischen  in  ver- 
gleichender  Darstellung.  II,  i.  (Mêmes  qualités  et  mêmes  défauts  que 
dans  le  premier  volume;  abondance  étonnante  d'exemples.)  —  Fisch, 
General  von  Stille  und  Friedrich  der  Grosse  contra  Lessing.  (Beaucoup  de 
détails  intéressants,  mais  il  est  impossible  d'admettre  les  conclusions  de 
Tauteur.)  —  Reimers,  Zur  Entwickelung  des  dorischen  Tempels.  (Juge- 
ment original  et  grande  clarté).  —  Weber,  Die  musikalische  Lage  und 
der  Volksunterricht  in  Frankreich,  deutsch  von  Ramann.  —  Halvorsen, 
Norsk  Forfatter-Lexicon  1814-1880,  I.  (Fait  avec  le  soin  le  plus  cons- 
ciencieux.) 

Deutsche  Litteratiirzeitung,  n°  .^4,  22  août  i885  :  A.  Ritschl,  Geschichte 
des  Pietismus,  I.  in  der  refoimirten  Kirche;  II.  in  der  lutherischen 
Kirche  des  XVII.  u.  XVIII.  Jahrhunderts.  (Nippold  :  l'auteur  s'est 
placé  à  un  point  de  vue  dogmatique  qui  entraîne  des  erreurs,  instructif 
néanmoins.)  —  Sachse,  Ursprungund  Wesen  des  Pietismus.  (Nippold  : 
précis,  clair  et  impartial.)  —  J.  Seemuller,  die  Sprachvorstellungen  als 
Gegenstand  des  deutschen  Unterrichts;  et  znr  Methodik  des  deutschen 
Unterrichts  in  der  fiinften  Gymnasialclasse.  —  Das  tironische  Psalte- 
rium  der  Wolfenbutteler  Bibliothek,  mit  einer  Einleitung  u.  Uebertra- 
gung  des  tironischen  Texts  von  Oskar  Lehmann.  (Schmitz  :  publication 
qui  fait  grand  honneur  à  Lehmann  et  à  Tlnstitut  sténographique  de 
Dresde.)  —  Goethe,  von  Berlichingen,  p.  p.  A.  Chuquet.  (Erich 
Schmidt  :  «  Introduction  détaillée  oti  l'éditeur  montre  une  sûre  con- 
naissance de  la  littérature  du  sujet,  notes  abondantes  et  instructives  », 
eine  ausgezeichnete  Leistung...  \Yir  bitten  den  trefiiichen  Interpreten 
inimer  mehr  deutsche  Schriften  in  seiner  Weise  fur  Frankreich  zu 
erobern.)  —  Meisner,  Goethe  als  Jurist.  (Kônig  :  bon,  sans  rien  de 
très  nouveau.)  —  Mushacke,  Geschichtliche  Entwickelung  der  Mund- 
art  von  Montpellier  [travail  aussi  excellent  que  celui  de  Gurlich  sur  le 
Poitou).  —  Seeck,  Die  Kalendertafel  der  Pontihces.  (Niese  :  croit  que  la 
chronologie  de  Matzat  est  exacte  dans  l'essentiel  et  fait  époque,  mais 
cherche  à  redresser  quelques  résultats  ou  à  mieux  les  démontrer;  beau- 
coup d'hypothèses;  on  regrettera  que  l'auteur  ait  consacré  tant  de 
sagacité  à  une  tâche  aussi  ingrate.)  —  Stevens,  History  of  Gustavus 
Adolphus.  (Gindely  :  malgré  les  recherches  de  Wittich,  ne  décharge 
pas  Tilly  des  cruautés  de  Magdebourg  et  prétend  connaître  un  traité  en 
onze  articles  relatif  au  second  commandement  de  Waldstein;  mais  très 
solide,  très  détaillé_,  très  exact  et  impartial.)  —  Gam.  Rousset,  Un 
ministre  de  la  Restauration,  le  marquis  de  Clermont-Tonnerre.  (Ku- 
gler  :  livre  bien  écrit  et  qui  intéresse.)  —  Protokolle  des  Verfassungs- 
Ausschusses  im  osterreichischen  Reichstage,  1848-184Q,  hrsg.  u.  einge- 
leitet  von  An  t.  Springer  (Koser).  —  Elisée  Reclus,  Nouvelle  géographie 
universelle,  X.  L'Afrique  septentrionale,  i  :  Bassin  du  Nil,  Soudan 
égyptien,  Ethiopie,  Russie,  Egypte.  (Tomaschek  :  l'auteur  sait  choisir 
parmi  d'abondants  matériaux  et  tient  le  juste  milieu  entre  un  exposé 
savant  et  un  précis  superficiel,  beaucoup  de  finesse  dans  la  caractéristi- 
que des  différentes  provinces.)  —  Chorgesànge  zum  Preis  der  h.  Elisa- 
beth aus  mittelalterlichen  Antiphonarien  hrsg.  von  Ernst  Ranke.  II.  — 
Fundbericht  aus  Italien  (Rossbach). 

Berliner  Phiiologische  Woclienschrift,  22  août  iS85,  n"  34  :  G.  Gûnther, 
Grundzûge  der  tragischen  Kunst.  Aus  dem  Drama  der  Griechcn  ent- 


wickelt  (Wecklein  :  ouvrage  très  remarquable,  qui  est  comme  une  philo- 
sophie du  drame  antique).  —  Sophokles'  Tragœdien  ûbersetzt  von  G. 
Wendt  (F.   Kern   :  la  meilleure  traduction  en  vers  de  Sophocle).  — 
Calpurnh  kt  Nemesuni  Bucolica.  Recensuit  H.  Schenkl  (L.  Muller  : 
travail  de  commençant  mais  qui  ne  manque  pas  de  mérite.  Le  critique 
présente  un  certain  nombre  d'observations  et  de  conjectures  personnel- 
les). —  CicERO,  Ausgewahlte  Briefe,  erklart  von  F.  Hokmann,  und  G. 
Andresen  (K.  Schirmer).  —  Lud.  Carrionis  im  A.  Gellii  noctium  atti- 
carum  libros  commentarios  qui  exstant  castigationum  et  notarum  spé- 
cimen ex  éd.  princ.  a  Martino  Hertzio  depromptum  (Gs  :  on  n'a  im- 
primé,  en    i585,  que   120  pages    du  commentaire  de    L.  Carrio  sur 
Aulu-Gelle,  et  ces  feuilles  sont  devenues  tellement  rares  qu'on  n'en 
connait  que  deux  exemplaires,  l'un  à  la  Bibliothèque  nationale  de  Paris, 
l'autre  à  la  bibliothèque  de  Tuniversité  de  Breslau.  Elles  contiennent 
les  variantes  du  ms.  Buslidianus  qui  est  perdu  et  beaucoup  de  remar- 
ques intéressantes).  —  P.  v.  Bradke,  Dyâus  Asura,  Ahura  Mazdâ  und 
die  Asuras  (F.  Spigel).  —  Schnorbush  und  Scherer,  Griechische  Spra- 
chlehre  fur  Gymnasien  (E.  Bachof  :  4"  édition  améliorée  d'un  bon  ou- 
vrage d'enseignement).  — Jacob  Bernay"s  Gesammelte  Abhandlungen, 
herausgegeben  von  H.  Usener  (P.  v.  Gizycki  :  publication  accueillie 
avec  reconnaissance),  —  Breslauer  Universitatschriften  aus  dem  Jahre 
i884(L.  Cohn  :  analyse  de  H.  Meuss,  de  àr.ayiù-(ri<;  actione  apud  Athe- 
nienses;  L.  Skovvronski,  de  auctoris  Heerenii  et  Olympiodori  Alexan- 
dri  scholiis;  B.  Baier,  de  Planti  fabularum  recensionibus  Ambrosiana 
et  Palatina;  G.  Schneege,  de  relatione  historica  quae  intercédât  inter 
Thucydidem  et  Herodotum). :::= 

ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28^ 

^lliom^  m  LYON 

TROISIÈME      ANNÉE.     —      FASC.      I      HISTOIRE     ET      GÉOGRAPHIE 

Le  numéro,  5  fr,  —  Abonnement  annuel,  10  i'r. 

Sommc.ire  :  lienseignements  généraux  et  programmes  des  cours.  —  G.  Bloch.  Remarques  u 
propos  de  la  carrière  d'Afraiiius  Burrus,  pl-éfet  du  Prétoire,  d'après  une  inscription  récem- 
ment découverte.  —  E.  Belot,  correspondant  de  l'Institut.  De  la  révolution  économique  et 
monétaire  qui  eut  lieu  à  Rome  au  milieu  du  ui«  siècle  avant  l'ère  chrétienne,  et  de  la 
classification  générale  de  la  société  romaine  avant  et  après  la  première  guerre  punique.  — 
L.  Clédat.  Ija  chronique  de  Salimbène. 

ANNALES  DE  LA  FACULTÉ  DES  LETTRES  DE  BORDEAUX 

Rédigées  parles  professeurs  des  B'acultés  des  Lettres  de  Bordeaux  et  de  Toulouse. 

N°  I.  Abonnement,  10  fr. 

Sommaire  :  C.  Molinier.  La  question  de  l'ensevelissement  du  comte  de  Toulouse  Raimond  V 
en  Terre  Sainte.  —  A.  Duméril.  Commines  et  ses  mémoires.  —  Victor  Mortet.  Une  élection 
épiscopalc  au  xiie  siècle. 

JOURNAL  ASIATIQUE 

N»  Mai-Juin  (Abonnement,  zb  fr.) 

Sotmnnirc  :  Etude  sur  les  inscriptions  de  Piyadasi  (M.  Senart).  —  Bibliographie  ottomane 
(M.  Cl.  Huart).  —  Le  mariage  par  achat  dans  l'Inde-aryennc  (M.  Feer).  —  Matériaux  pour 
servir  à  l'histoire  de  la  numismatique  et  de  la  métrologie  musulmanes  (M,  Sauvaire).  — 
Nouvelles  et  mélanges. 

REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

N°   Juillet-Août  (Abonnement,  20  fr.) 


<.'  i'uy,  nnprimirte  Marckessou  /Us,    boulevard  Sain:- l.^ïurc-nt,  23. 


N°  37  Dix-neuvième  année     14  septembre  1885 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL    HEBDOMADAIRE   PUBMÉ    SOUS    LA    DIRECTION 

DE  MM.  J.  DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 

Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.  Chuqdet 

Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.  —    Etranger,  23   '.r. 


PARIS 

ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     I.  A    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     l' ÉCOLE     DES     LANGUES    ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

28,    RUE    BONAPARTE,    28 


Adresser  les  commiinicatiotts  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 

(Au  bureau  de  la  Kevue  :  nie  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  -priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 


ERNEST  LEROUX,   ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  2S. 

LA   RÉVOLUTION  ÉCONOMIQUE    ET  MONÉ- 

TAIRE  qui  eut  lieu  à  Rome  au  milieu  du  m^  siècle  avant  l'ère 
chrétienne,  et  de  la  classification  générale  de  la  Société  romaine 
avant  et  après  la  première  guerre  punique,  par  E.  Belot,  corres- 
pondant de  l'Institut.  In-8 4  fr. 

LE  GALET  INSCRIT  D'ANTIBES.  Offrande  phallique  à 
Aphrodite.  Etude  d'archéologie  religieuse  gréco-orientale,  par  H. 
Bazin,  agrégé  de  l'Université.  In-4,  avec  2  planches 2  5o 

ÉTUDES  SUR  LA  VIE  DE  SÉNÈQUE,  par  Hochart. 

In-8. 6  fr. 

LA     PERSÉCUTION    DES    CHRÉTIENS    SOUS 

NÉRON,    par    Hochart.    In-8 6  fr. 

UNE  ÉLECTION  ÉPISCOPALE  au  xn^  siècle.  Maurice 
de  Sully,  évêque  de  Paris,  1160,  par  Victor  Mortet.  In-8...      i   5o 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n°  695,  29  avril  i885  :  Some  books  on  Shakespeare 
(MouLTON,  Shakespeare  as  a  dramatic  artist;  Norris,  The  portraits  Of 
Shakespeare;  Halliwell-Philipps,  Outh'nes  of  the  life  of  Shakespeare). 

—  Stepniak,  Russia  under  the  Tzars,  translated  by  Westall.  (Hodgetts  : 
impartial,  à  remarquer  surtout  les  chapitres  sur  l'instruction  de  la 
presse.)  —  Tilley,  The  Renaissance  in  France,  an  introductory  study. 
(Herford  ;  soigné,  mais  peu  original  et  peu  attachant.)  —  Ewald,  Stu- 
dies  re-studicd,  historical  sketches,  from  original  sources  (Purcell.  — 
Pfleiderer,  Lectures  on  the  influence  of  the  apostie  Paul  on  the  deve- 
lopment  of  christianity,  Hibbert  Lectures,  transi,  by  Fr,  Smith  (Drum- 
niond  :  beaucoup  de  choses  très  intéressantes  et  de  grande  valeur).  — 
Foreign  literature  .  Moireau,  La  marine  française  sous  Louis  XVI  : 
utile;  Die  Lais  der  Marie  de  France,  p.  p.  Warnke:  Masi,  Le  fiabe  di 
Carlo  Gozzi;  Kiene,  William  Forrest's  Leben  und  Werke;  Marlowe's 
Tamburlaine,  p.  p.  Wagner;  Polett,  Dizionario  Dantesco,  A-C. — 
M.  Renan  in  Brittany  (discours  du  18  août  à  Quimper,  au  dîner  celti- 
que; reproduit  en  français).  —  Prim'er  or  primer  (EUis).  —  Impress  of 
the  shape  of  a  métal  type  of  1487  (Watson).  —  The  myth  of  Andro- 
meda  (Axon  :  sur  une  légende  des  Maldives,  racontée  par  Ibn  Batuta). 

—  The  Phainomena  or  a  Heavenly  Display  »  of  Aratos,  done  into 
English  verse,  by  Rob.  Brown  jun.  (Sayce).  —  «  Irish  lexicography  » 
(W.  Stokes).  —  BuLLOCH,  George  Jamesone,  the  Scottish  Vandyke. 
(Gray.)  —  Prof.  Worsaae.  [Worsaae  est  mort  le  i5  août;  il  était  né  le 
14  mars  1821  à  Vejle;  on  connaît  ses  ouvrages,  Danmarks  Oldtiden  » 
[1843];  «  Les  Danois  et  les  Norvégiens  en  Angleterre,  en  Ecosse  et  en 
Irlande  »  [i85i,  en  danoise!  )852  en  anglais];  ci  Den  danske  Erobring 
af  Englandog  Normandie!  »  [i863],  etc.). —  Stone  circles.  (Ridgeway.) 

—  Greek  inscription  from  Egypt.  (Nicholson.) 

The  Athenaeum,  n°  3oi8,  29  août  i885  :  Noble,  The  Russian  revolt, 
ils  cause,  condition  and  prospects.  (Livre  bien  informé,  écrit  avec  mo- 
dération, et  qui  ajoute  considérablement  à  tout  ce  que  nous  savons  du 
nihilisme.)  —  Register  of  the  University  of  Oxford,  I.  1449-63,  i5o5- 
71,  edit.  by  Boase.  —  Farquharson,  School  hygiène  and  diseases  inci- 
dental  to  school  life.  —  Antiquarian  publications.  —  Ancestral  tenden- 
cies  of  Richard  III  (Malden),  —  The  Reian  basin  of  Lake  Moeris 
(Whitehouse  ;  avec  deux  petites  cartes).  —  Nichols,  Notizie  dei  rostri 
del  foro  romano  e  dei  monumenti  contigui  (a  résolu  quelques-unes  des 
difficultés  qui  rendaient  Tétude  des  rostres  si  ardue  pour  les  archéolo- 
gues). —  The  British  Archaeological  Association.  —  Drama,  Drury 
Lane  theater  in  the  reign  of  James  I.  (Greenstreet.) 

Literarisches  Centralblatt,  n°  36,  29  août  i885  :  Lechler,  das  apostol. 
u.  nachapostol.  Zeitalter,  3«  Aufl.  —  Jostes,  die  Waldenser  u.  die  vor- 
lutherische  Bibelûbersetzung,  eine  Kritik  der  neuesten  Hypothèse.  — 
Zeller  (Ed.),  Vortriige  u.  Âbhandlungen,  3^  Sammlung.  —  Gelzer, 
Sexius  Julius  Africanus  u.  die  byzantinische  Chronographie.  2  Theil, 
1  Ablh  :  die  Nachfolger  des  Julius  Africanus.  (Etudes  qui  renferment 
de  nouveaux  et  importants  détails.)  —  Huber,  Geschichte  Oesterreichs, 
IL  (Même  clarté,  même  savoir,  même  habileté  que  dans  le  premier 
volume;  va  de  1278  à  1437.)  —  Amelung,  Revaler  Alterthûmer.  (Fait 
connaître  des  monuments  peu  connus  jusqu'ici.)  —  Matzat,  Methodik 
des  geographischen  Unterrichts. —  Penck,  die  Eiszeit  in  den  Pyrenâen. — 
Wegener,  Untersuchungen  ûber  die  Grundfragen  des  Sprachlebens. 
(2  études  :  «  Aus  dem  Leben  der  Sprache  »  et  «  Wie  verstehen  wir 
uie  Sprache  »;  pourrait  être  plus  concis,  mais  de  bonnes   remarques 


et  de  profondes  réflexions).  —  Loewy,  Inschriften  grîechischer  Bild- 
hauer,  mit  Facsimiles  (publication  très  soignée  et  très  utile).  —  Die 
Gedichte  des  Catullus,  hrsg.  u.  erklart  von  Riese.  (Edition  qui  sera  le 
meilleur  auxiliaire  pour  Tétude  du  poète;  elle  conservera  toujours 
cette  importance,  même  malgré  les  commentaires  «  savants  »  de 
l'avenir).  —  Butsch,  Ludwig  Hohenwang,  kein  Ulmer,  sondern  ein 
Augsburger  Buchdrucker.  (Complète  excellemment  les  résultats  trouvés 
ou  devinés  par  Ilgenstein;  on  ne  peut  douter  des  conclusions  de  l'au- 
teur, quoiqu'il  reste  des  questions  à  résoudre  encore  ) 

Deutsche  LitteraturzeitiiDg',  n°  35,  29  août  i885  :  Luthers  Werke,  kri- 
lische  Gesammtausgabe,  II. —  Freudenthal,  Die  durch  Averroes  erhal- 
tenen  Fragmente  Alexanders  zur  Metaphysik  des  Aristoteles  untersucht 
u.  iibersetzt,  mit  Beilragen  zur  Erleuterung  des  arabischen  Textes  von 
S.  FRàNKEL  (Susemhil  :  travail  distingué).  —  Râjaçekhara,  Praca/zda- 
pâ«<^ava,  ein  Drama,  zum  ersten  Maie  hrsg.  von  Capeller  (Weber  : 
beau  petit  travail  soigné),  —  Below,  De  hiatu  Plautino,  quaestionum 
prima  pars  qua  agitur  de  hiatu  qui  fit  in  thesi  (Léo  :  recueil,  fait  avec 
soin  et  beaucoup  de  peine).  —  Floris  and  Blauncheflur,  mittelenglis- 
ches  Gedicht  ausdemXIlI.  Jahrhundert  nebst  literarischer  Untersu- 
chung  und  einem  Abriss  ûber  die  Verbreitung  der  Sage  in  der  euro- 
pâischen  Literatur,  hrsg.  v.  Hausknecht  (Breul  :  bon  travail,  texte 
reproduit  d'après  quatre  manuscrits,  recherches  claires  et  détaillées). 
—  La  vie  de  saint  Alexis,  poème  du  xi<'  siècle,  texte  critique  p.  p. 
G,  Paris  (Koschwitz  :  nouvelle  et  excellente  édition  du  poème,  beau- 
coup d'émendations  faites  avec  tact  et  finesse).  —  Schmitz,  Der  englische 
Investiturstreit  (Liebermann  :  étude  importante).  —  Grûnhagen,  Ge- 
schichte  Schlesiens,  I,  bis  zum  Eintritt  der  habsburgischen  Herrschaft, 
1527  (Gerstenberg  :  travail  remarquable  qui  manquait  jusqu'ici  et  rem- 
placera le  livre  élémentaire  de  Morgenbesser).  —  Schlitter,  Die  Bezie- 
hungen  Oesterreichs  zu  Amerika,  I.  1778-87  (Holst  :  diffus).  —  Von 
N0RDENSKIÔLD,  Studien  und  Forschungen  (Gerland).  —  Von  Urlichs, 
Beitrage  zur  Kanstgeschichte  (Hirschfeld  :  onze  essais  qui  commencent 
par  Dédale  et  finissent  à  Cornélius,  intéressant).  —  Sohm,  Istituzioni 
di  diritto  romano,  trad.  p.  di  Martino.  —  Revue  coloniale  internatio- 
nale, fondée  par  l'association  coloniale  néerlandaise  à  Amsterdam,  p. 
p.  Kan,  van  der  Lith  et  Titta,  red.  de  la  bibliographie  mensuelle 
RoGGE.  I,  I   (Hûbbe-Schleiden). 

Berliner  Philologische  Wochenschrift,  29  août  i885,  nf>35  :  Herodoti  His- 
toriae,  ad  recensionem  suam  recognovit  H.  Stein  (K.  Abicht:  à  certains 
égards,  c'est  un  pas  en  arrière,  surtout  en  ce  qui  concerne  le  rétablisse- 
ment des  formes  dialectales).  —  Q.  Horatu  opéra.  Scholarum  in  usum 
ediderunt  O.  Keller  et  I.  Haeussner  (W.  Mewes  :  excellents  index, 
utiles  indications  des  modèles  grecs  imités  par  Horace,  mais  les  éditeurs 
ont  tort  de  répéter  absolument  le  témoignage  des  mss,  Blandiniens).  — 
M.  Fabii  QuiNTiLiANi  Declamatioues.  Rec.  C,  Ritter  (Morawski  :  fait 
avec  une  certaine  précipitation.)  —  Kubicki,  Das  Schaltjahr  in  der  gr. 
Rechnungsurkunde  CI.  A.  I,  273  (A.  Mommsen  :  difficile  à  lire).  — 
E.  Châtelain,  Paléographie  des  classiques  latins,  2^  livraison  (Watten- 
bach  :  excellent).  —  J.  Tetlow,  a  progressive  séries  ol  inductive  iessons 
in  latin  (P.  Dettweiler).  =  Dissertations  de  l'Université  d'Iéna  en  1884 
(F.  Sigismund  :  Juvenalis  et  Persii  fragmenta  Bobiensia  édita  a  G. 
Goetz  ;  de  Statu  Silvis  emendandis  disputatio  G.  Goetz  ;  Demetrius 
Basiliades,  AtopSwTtxà  elç  xà  àpyaXa.  de,  xcv  A  0  u  7.  '.  a  v  0  h  oyôXicc  ;  C.  Cars- 
TENS,  de  accusativi  usu  Euripideo  ;  F.  Fischer,  de  patriarcharum  Cons- 
tantinopolitanorum  catalogis;  M.  Paul,  De  unus  nominis  numeralis 
apud  priscos  scriptores  usu;  E.  Schmidt,  de  Ciceronis  commentario  de 


consulatu  graece  scripto  a  Plutarcho  in  vita  Ciceronis  expresse;  Pana- 
GiOTis  TzÉiNOS,  Ta  àvay.p  se  VTS'.  a  yaosc-xC)^  è^STa'ÇcjJLîva  zcppo)  r7,ç  tôjv 
oc7.(iJ.o)v  c'jvr,0£(a;  àTré/sjstv). 

Wochenschrift  fiir  klassische  Philologie,  n"  32,  5  août  iS85  :  G.  Busch,  De 
bibliothecariis  Alexandiinis  qui  feruntur  primis  (Knaack  :  étude  re- 
marquable, prouve  que  Callimaque  et  Apollonius  n'ont  jamais  été  bi- 
bliothécaires). —  H.  Panofsky,  Quaestionum  de  historiae  Herodoteae 
fontibus  pars  prima  (GemoU  :  ne  réussit  pas  à  prouver  que  Hérodote 
aurait  presque  tout  puisé  dans  des  livres;  mais  beaucoup  de  justes  et 
tines  remarques).  —  M.  Tulli  Ciceronis  ad  M.  Brutum  Orator.  Rec. 
F.  Hekrdegen  (Rubner  :  grand  progrès  dans  la  critique  du  texte).  — 
J.  Stadelmann,  De  quantitate  vocalium  latinas  voces  terminantium 
(Schweizer-Sidler  :  fait  avec  soin  et  méthode). 

—  N'^  33,  12  août  i885  :  E.  Maas,  Analecia  Eratosthenica  [Philol. 
Untersuch.,  hrsg.  v.  A,  Kiessling  und  U.  v.  Wilamowitz-MoellendortJ 
(Frick  :  prouve  qu'Eratosthène  n'est  pas  l'auteur  des  Catastérismes; 
beaucoup  à  reprendre  dans  le  reste  du  travail).  —  G.  H.  Opsimathes, 
rvû[.».a'.  sive  thésaurus  sententiarum  et  apophthegmatum  ex  scriptoribus 
graecis,,  praecipue  poetis  (Heller  :  très  instructif,  mais  mal  ordonné  et 
trop  inexact  dans  les  citations).  —  G.  Meissner,  De  iambico  apud  Te- 
rentium  septenario  (Draheim  :  sans  valeur).  —  Cornelii  Taciti  libres 
qui  supersunt  G.  Halm  quartum  recognovit.  Tomus  posterior  Historias 
et  libres  minores  coniinens  (Zernial  :  bon,  travail  consciencieux). 

— N»  34,  19  août  :  Sophoclis  Electra.  Ed.  G.  H.  MûLLERet  Sophokles  ^ 
Electra.  Fur  den  Schulgebrauch  erkl.  von  G.  H.  Mûller  (Kopp  :  édi- 
tion recommandable).  —  W.  Mangelsdorf,  Zu  Xenophons  Bericht 
ûber  die  Schlacht  bel  Kunaxa  (Matthias  :  exposition  soignée  et  sagace). 

—  P.  Terenti  Afri  comoediae.  Rec.  G.  Dziatzko  (Schlee  :  texte  soigneu- 
sement revu,  critique  sobre  et  judicieuse).  —  Discours  de  Gicéron  con- 
tre Verres.  Seconde  action,  livre  V,  p.  p.  E,  Thomas  (Nohl  :  bon,  le 
texte  marque  un  progrès  énorme  pour  la  France;  les  notes  du  commen- 
taire sont  un  modèle  par  leur  brièveté,  leur  clarté  et  leur  abondance). 

—  L.  Bolle,  Amor  und  Psyché.  Lateinisches  Lesebuch  fur  Sexta 
(Althaus  :  manqué,  en  contradiction  avec  les  règles  d'une  saine  péda- 
gogie). 

UNIVERSITÉ   DE  STRASBOURG 


PRIX  FONDÉ  PAI!  FEU  M.  LAMEY 


La  question  suivante  a  été  mise  au  concours,  le  1"  mai  1885,  pour  le  prix  Lamey. 
Retracer  les  caractères  dislinclif's  et  l'histoire  du  style  grotesque,  tel  qu'il  est  re- 
présenté itrincipalement  par  Rabelais  et  par  Fischarl.  En  rechercher  les  origines 
dans  la  i)oésie  macaroniquc,  et  tout  spécialement  dans  celle  des  Italiens  et  en 
suivre  les  dernières  productions  au  commencement  du  xvii'  siècle.  Touchant  Fis- 
charl, il  est  expressément  recommandé  de  ne  pas  s'en  tenir  exclusivement  à  celles 
de  ses  oeuvres  qu'il  a  tirées  directement  de  Rabelais.  Insister  autant  que  possible 
sur  les  rapports  de  cette  tendance  littéraire  avec  tout  le  mouvement  intellectuel  et 
moral  du  xvi''  siècle.  Le  prix  est  de  la  valeur  de  2,400  Marks  Les  travaux  devront 
être  remis  avant  le  1"  janvier  1889.  Le  résultat  du  concours  sera  proclamé  le 
l*'  mai  1890.  Le  concours  est  ouvert  à  tous  les  candidats,  sans  acception  d'âge  ni 
de  nationalité.  Les  travaux  pourront  être  écrits  au  choix,  en  allemand,  en  français 
ou  en  latin.  Ils  devront  être  déposés  au  secrétariat  du  sénat  et  porter  chacun 
une  devise.  Défense  est  faite  au  candidat  de  se  désigner.  Cha(iue  mémoire  sera  ac- 

rtant  à 

entraîne 

)uvert 

_     __        .      auront  été 

écartés  pour  un  vice  de  forme. 

Le  Fuy,  imprimerie  Marchessou  fils,   boulevard  Saint- Laurent,  23. 


N°  38  Dix-neuvième  année     21  septembre  1885 


REVUE  CR 


D'HISTOIRE    ET    DE    l.  ï  1'  F  E  RATURE 

RECUEIL    HKBDOMADAIRK   PlJBF.îÉ    SOUS    LA    DIRECTION 

d:-:  mm.  j.  darmesteter,  l.  havet,  g.  monod,  g.  paris 


Secrétaire  .ie  la  rédaction  :  M.  A.  Chuquet 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.  —   Etranger,  zb  k. 


PARIS 

E  Pv  N  E  S  T    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE    I.  A    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE    l'École    des   langues  orientales   vivantes,   etc. 
28,    RUE    BONAPARTE,    28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 

(  Au  bureau  de  la  Revue  :  rue  Bonaparte,  58). 

MM.  les  éditeurs  de  V étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 


ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

OUVRAGE  TERMINÉ 
CURTIUS  —  DROYSEN 

HISTOIRE    GRECQUE 

8    VOLUMES   IN-8    ET    ATLAS 

I  à  V.  HISTOIRE  GRECQUE  JUSQU'A  ALEXANDRE,  par  Ernest  Curtius. 

VI    à   VIII.    HISTOIRE    D'ALEXANDRE     ET     DE     SES     SUCCESSEURS,     par 

J.-G.  Droysen. 
ATLAS  DE  L'HISTOIRE   GRECQUE,  par  A.  Bouché-Leclercq. 

HISTOiRE   GRECQ.UE 

Par  ERNEST  CURTIUS 
Traduite  en  français  sous  la  direction  de  M.  A.  Bouché-Leclercq.  5  vol.  in-8.      3-j  5o 

ATLAS   POUR    L'HISTOIRE   GRECQUE 

Par  A.  BOUCHÉ-LECLERCQ. 

25  cartes  coloriées,  plans  de  villes  et  de  batailles,  listes  généalogiques,  olympiades, 
tableaux  chronologiques,  métrologiques,  etc.  Un  volume  in-8  du  même  format 
que  les  volumes  de  I'Histoire  grecque 12  fr. 

HISTOIRE  DE   L'HELLÉNISME 

Par  J.-G.  DROYSEN 
Traduite    de   l'allemand    sous  la    direction   de    M.   A.    Bouché-Leclercq,  3    forts 

volumes  in-8 3o  fr. 

Tome  I.  —  Histoire  d'Alexandre  le  Grand. 
Tome  II  et  III.  —  Les  successeurs  d'Alexandre. 

Le  tome  III  et  dernier  vient  de  paraître. 


PÉRIODIQUES 

ïhe  Academy,  n^  696,  6  septembre  i885  :  Glanvill,  Scepsis  scientifica 
or  Confest  ignorance  the  way  of  science,  p.  p.  Owen.  —  Lord  Hobart, 
Essays  and  miscellaneoLis  writings,  2  vols.  (Minchin  :  articles  qui 
ne  méritaient  guère  d'être  réimprimés.)  —  Laing,  Modem  science  and 
modem  thought.  —  Rose  Elisabeth  Gleveland,  George  Eliot's  poctry 
and  other  studies.  (Noble  :  la  sœur  du  président  Gleveland  est  une 
femme  intelligente  et  instruite,  mais  ses  études  ne  sont  que  de  TEmer- 
son  délayé.) — Sir  Thomas  Baker,  Memorials  of  a  dissenting  chapel, 
its  Foundation  and  worthies,  being  a  sketch  of  the  rise  of  Non  confor- 
mity  in  Manchester  and  of  the  érection  of  the  chapel  in  Gross-street.  — 
Some  scotch  books.  (Edgar,  Old  church  life  in  Scotland  ;  Memoirs  of 
James  Begg,  by  Th.  Smith;  Ross,  Aberdour  and  Inchcolme,  being  his- 
torical  notices  of  the  parish  and  monastery  ;  G.  Smith,  Writings  by  the 
way;  I.  H.  Anderson,  Inverness  before  railways.)  —  The  proposed 
University  for  London  (Pearson).  —  The  «  memorie  inutili  »  of  Garlo 
Gozzi  (Westbourne).  —  Prim'er  or  primer  (Wharton  et  Ward).  —  A 
visit  to  Syracuse  (Hoskyns-Abrahall).  —  «  Ofîprints  »  or  «  afterprints  » 
(Muir).  —  India  from  China  (Terrien  de  La  Gouperie)  —  A  new  ver- 
sion of  Asoka's  rockedicts  (Bûhler). 

The  Athenaeiim,  n»  Soip,  5  septembre  i885  :  Letters  and  papers,  fo- 
reign  and  domestic,  of  the  reign  of  Henry  VIII,  arranged  and  catalo- 
gued  by  J.  Gairdner,  VIII.  —  Pascal  :  the  Thoughts  ot  Biaise  Pascal, 
translated  from  the  text  of  Molinier  by  G.  Kegan  Paul;  Pascal,  lettres 
écrites  à  un  provincial,  p.  p.  Derome,  I;  Encyclopaedia  britannica,  art. 
Pascal,  vol.  XVIII,  by  Saintsbury.  —  J.  Ten  Doornkat  Koolman, 
Wôrterbuch  der  ostfriesischen  Sprache,  3  vols.  —  The  political  memo- 
randa  of  Francis,  fifth  duke  of  Leeds,  now  first  printed  from  the  origi- 
nal manuscripts  in  the  British  Muséum,  edited  by  Oscar  Browning  (pu- 
blication d'une  valeur  historique  considérable,  relative  à  la  dernière 
moitié  du  xvm"  siècle).  —  Alex.  Stewart,  Twixt  ben  Nevis  and  Glen- 
coe.  —  Books  on  America.  —  The  archaeological  societies.  —  The 
Ghichester  registers  (Swainson).  —  Kalisch  (not.  nécrol.  sur  cet  hebraï- 
sant,  mort  le  2  3  août).  —  John  Baskett,  King^s  printer  (Round).  — 
Perrot  et  Ghippiez,  Histoire  de  Part  dans  Pantiquité,  III.  Phénicie- 
Ghypre  et  trad.  angl.  par  Armstrong  (exposé  admirable  des  travaux  an- 
térieurs, aussi  clair  et  bien  ordonné  que  heureux  dans  l'expression).  — 
The  church  of  Ashburne. 

Literarisches  Ceutralblatt,  n°  3j,  5  septembre  i885  :  Bestmann,  Die  ka- 
tholische  Sitte  der  alten  Kirche  in  ihrer  geschichtlichen  Entvvickelung, 
2.  —  Laas,  idealistiche  und  positivische  Erkenntnisstheorie.  —  Altes 
Stadtrecht  von  Gortyn  auf  Greta.  nach  der  von  Halbherr  und  Fabricius 
aufgefundenen  Inschrift,  Text,  Uebersetzung  und  Anmerkungen  nebst 
einem  Worterverzeichniss  von  Lewy  (travail  qui  a  surtout  pour  but  de 
faciliter  la  connaissance  de  l'inscription  aux  lecteurs  qui  n'ont  pas  une 
culture  philologique;  a  été  dépassé  par  l'étude,  parue  depuis,  de  Biiche- 
ler  et  de  Zitelmann).  —  Mommsen,  die  Oertlichkeit  der  Varusschlacht 
(Varus  était  à  Minden,  il  recula  vers  Osnabriick,  fit  un  détour  vers 
Aliso  et  succomba  ;  il  faut  chercher  le  champ  de  bataille  dans  le  terri- 
toire entre  Ems,  Weser  et  Lippe;  or  on  a  trouvé  une  foule  de  pièces 
d'or  et  d'argent  de  l'époque  dAuguste  à  Biirenau  et  dans  le  pays  du 
«  Venner  Moor  a  ;  la  forêt  de  Teutoburg  n'est  donc  pas  l'Osning  qui 
limite  au  nord  la  plaine  de  Munster,  mais  la  chaîne  de  montagnes  qui 
s'étend  parallèlement  au  nord  et  commence  à  la  porta  Westphalica  pour 
finir  à  la  Hase  sous  des  noms  divers,  Wiehengebirge,  Sûntel,  «  cette 
solution    est  la  seule  juste   »).  —  Oncken,   Beitrage  zur  neueren   Ge- 


schichte.  I.  Zum  Zeitalter  Fiiedrichs  des  Grossen  ;  il,  ein  angeblicher 
Brief  des  Fieiherrn  von  Stein;  III,  zur  Maria  Stuart-Frage  (polémique 
contre  Koser  et  Max  Lehmann).  —  Stoll,  Zur  Ethnographie  der  Re- 
publik  Guatemala  (Il  valait  mieux  intituler  le  livre  «  zur  Linguistik  »). 

—  CzoERNiG,  die  ethnologischen  Kûstenverhaltnisse  des  ôsterreichischen 
Kûstenlandes  (nombreux  renseignements  et  bonne  carte).  —  Steub, 
Bilder  aus  Griechenland  (ce  n'est  pas  le  meilleur  livre  de  Tauteur,  beau- 
coup de  choses  vieillies  ou  peu  intéressantes).  —  Rich.  Freund,  das  lu- 
bische  eheliche  Gûterrecht  in  âltester  Zeit  (n'est  pas  réussi).  —  Plûss, 
Vergil  und  die  epische  Kunst  (Pauteur  aime  son  poète,  mais  il  le  met 
au  dessus  d'Homère  et  ne  voit  pas  ses  faiblesses;  son  livre  ressemble  à 
une  conférence  improvisée;  il  est  extraordinairement  diffus  et  offre 
beaucoup  d'inégalités  ;  il  offrira  néanmoins  de  nombreux  maténaux  à 
l'interprétation  de  TEnéide).  —  Claudiani  Mamerti  opéra,  rec.  Engel- 
BRECHT  (travail  difficile  fait  avec  le  soin  le  plus  louable).  —  Boltz,  die 
Kyklopen,  ein  historisches  Volk  (les  Cyclopes  seraient  les  Sicules;  l'au- 
teur n'a  pas  lu  les  mythologues  modernes;  son  livre  a  valu  quelques 
heures  de  gaieté  à  son  critique).  —  Kuhnert,  Statue  und  Ort  in  ihrem 
Verhâltniss  bei  den  Griechen  (soigné,  écrit  avec  bon  sens,  très  ins- 
tructif). 

Deutsche  Litteraturzeitimg,  n°  36,  5  septembre  i885  :  O,  Ritschl,  Cy- 
prian  von  Carthago  und  die  Verfassung  der  Kirche  (Bôhringer).  — 
M.  Carrière,  Aesthetik.  (W.  Scherer  :  livre  distingué,  plein  d'obser- 
vations sûres  et  fécondes;  3^  édition).  —  Rosenthal,  Vier  apokryphische 
Bûcher  aus  der  Zeit  und  Schule  R.  Akibas.  (Steinschneider  :  clair,  cor- 
rect^ méritait  d'être  publié.)  —  von  Bradke,  Dyaûs  Asura,  Ahura 
Mâzda  und  die  Asuras.  (Kaegi  :  travail  important  pour  l'interprétation 
du  Véda  et  l'histoire  de  la  religion,  indo-germanique.)  —  'AptcTOTeXouç 
TCôpl  TOiYjTaYJç,  p.  p.  Vahlen,  3e  édit.  (Susemihl  :  quoi  qu'on  puisse  cri- 
tiquer dans  cette  publication,  on  ne  peut  nier  sa  valeur  extrême.)  — 
K.  Engel,  Zusam.menstellung  der  Faust-Schriften  vom  XVI  Jahrhun- 
dert  bis  Mitte  1884,  2^  édit.  (R.  M.  Werner  :  soigné,  utile,  intéressant). 
■ —  Orthographia  gallica,  aeltester  Tractât  ueber  franzôsische  Aussprache 
und  Orthographie,  p.  p.  Stûrzinger.  (Morf  :  travail  qui  a  été  fait  avec 
la  plus  grande  conscience  et  une  excellente  méthode.)  —  Seeliger,  das 
deutsche  Hofmeisteramt  im  spiiteren  Mittelalter.  (Wenck  :  petit  écrit 
plein  de  choses  et  très  recommandable.) —  von  Zwiedineck-Sûdenhorst, 
die  Politik  der  Republik  Venedig  wahrend  des  dreissigjahrigen  Krieges. 
II.  Die  Befreiung  des  Veltlin  und  der  Mantuaner  Erbfolgekrieg.  (Gin- 
dely  :  répond  au  premier  volume  par  l'étendue  des  recherches,  par  l'im- 
partialité et  la  sagacité  du  jugement.)  —  Bratuschek,  die  Erziehung 
Friedrichs  des  Grossen  (Vv^'iegand  :  comble  une  lacune  dans  la  littéra- 
ture «  frédéricienne  »)  —  Roches,  Trente-deux  ans  à  travers  l'Islam 
1832-64,  ï^i  Mission  à  la  Mecque,  Bugeaud  en  Afrique,  (J.  Schmidt.) 

—  Neumann  und  Partsch,  Physikalische  Géographie  von  Griechenland 
mit  besonderer  Rûcksicht  auf  das  Altertum.  (Lolling  :  sera  très  utile.) 

—  Steub,  Bilder  aus  Griechenland  (études,  les  unes  vieillies,  les  autres 
plus  récentes  et  superficielles,  à  recommander  aux  amis  des  lectures  fa* 
ciles) —  F.  Hoffmann,  Kritische  Studien  im  rômichen  Rechte.  (Regels- 
berger  :  six  études  critiques  qui  témoignent  d'un  esprit  large,  d'une 
grande  lecture  et  d'un  jugement  indépendant.)  —  Mitteilungen  des 
K.  K.  Kriegsarchivs.  Wien,  II,  III. 

Berliner  Philologische  Wochenschrift,  5  septembre  i885,  n°  36  :  G.  Schnei- 
der, Die  Platonische  Metaphysik  auf  Grundder  im  Philebus  gegebenen 
Prinzipien  in  ihren  wesentlichen  Zûgen  dargestellt  (P.  v.  Gizycki).  — 
G.  Cozza  Luzi,  Délia  geografia  di  Strabone.    Frammenti   scoperti  in 


membrano  palimpseste  (Deilefseiî  :  fragments  d'un  palimpseste  grec  de 
Grotla-Ferrata,  contenant  des  parties  des  livres  8,  lo  et  17  de  Strabon). 
—  GiLLiscHEWSKi,  Scidac  Horatianae  (W.  Mewes  :  critique  des  correc- 
tions proposées  par  Lehrs  et  Ribbeck  à  Hor.  Epist.  I,  xiv).  —  Ciceros, 
Rede  ûber  das  imperium  des  Cn.  Pompeius.  Fur  den  Schulgebrauch 
erkliirt  von  A.  Deueuling  (P.  Dettweiler  :  «  ganz  unbrauchbar  »).  — 
C.  IuLii  Caesaris,  Commentarii  de  bello  gallico,  in  usum  scholarum  rec. 
M.  GiLTBAUER  (R.  Schneider).  —  M.  Giltbauer,  Philologische  Streifziige 
(R.  Schneider  :  contient  des  recherches  sur  le  texte  du  Bellum  Gallicum, 
qu'il  croit  rempli  d'interpolations).  —  S.  Peine,  De  ornamentis  trium- 
phalibus  (E.  Kroker  :  bon  travail).  —  H.  Brunnhofer,  Ueber  den  Ursitz 
der  Indogermanen  (F.  Spiegel  :  depuis  Tabandon  de  l'ancienne  théorie 
qui  plaçait  la  demeure  primitive  des  Indo-européens  sur  le  plateau  de 
Pamir, *on  a  essayé  de  prouver  qu'ils  étaient  originaires  du  nord  de 
l'Europe;  O.  Peschel,  F.  Mûller  et  Brunnhofer  se  décident  pour  l'Ar- 
ménie. Le  critique  considère  cette  théorie  comme  plausible.  En  termi- 
nant, il  demande  qu'on  substitue  à  l'expression  injuste  d'  «  Indo-ger- 
mains »  celle  d'  «  Indo-celtes  »).  —  F.  A.  Specht,  Geschichte  des  tJn- 
terrichtswesens  in  Deutschland  von  ein  àltesten  Zeiten  bis  zur  Mitte 
des  dreizehnten  Jahrhunderts  (  C.  Nohle  :  très  intéressant).  —  Berliner 
Universitats-schriften  aus  dem  Jahre  1884  (E.  Curtius,  Athen  und 
Eleusis;  P.  Jahn,  Quaestiones  de  scholiis  Laurentianis  inSophoclem; 
F.  Spiro,  de  Euripidis  Phoenissis;  C.  Wernicke,  dePausaniaeperiegetae 
studiis  Herodoteis;  M.  Eichner,  Annotationes  ad  Lucretii  Epicuri  in- 
terpretis  de  Animae  natura  doctrinam). 

ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

REVUE  B'MSÏRIOLOGIE  ET  D'iRCBÉOlOGIE  ORIBmiE 

TOME  I.  —  N»  2 

Sommaire  :  E.  Renan.  Les  inscriptions  araméennes  de  Teima.  —  J.  Oppert.  La  langue  des 
Elamites.  —  J.  et  H.  Derenbourg.  Nouvelles  études  sur  l'épigraphie  du  Yénien.  —  Ledrain. 
Etude  sur  quelques  objets  sémitiques.  —  J.  Oppert.  L'inscription  du  Saros.  —  Ledrain. 
Quelques  inscriptions  palmyréniennes.  —  Rapport  de  M.  Pognon.  —  Bibliographie. 

Abonnement  :  30  francs. 

REVUE  DE  L'EXTRÊME  ORIENT 

TOME  III.  —  N«  1 

Sommaire  :  C.  Imbault-Huart.  Un  épisode  des  relations  diplomatiques  de  la  Chine  avec  le 
Népal  en  1842.  —  H.  Corpier.  Documents  pour  servir  à  l'Histoire  ecclésiastique  de  l'Extrême 
Orient.  —  Voyages  de  P.  Poivre  en  Cochinchine.  —  La  relation  des  guerres  de  Pondichéry 
en  175L  —  Bons  d'Antt.  Les  grands  Voyageurs  au  .Japon.  —  Chronique. 

Abonnement  :  30  francs. 

ARCHIVES  DE  LA  SOCIÉTÉ  AMÉRICAINE 

Tome  III.  Fasc.  2.  In-8  :  3  fr.  50 

R.  SiMÉo.N.  Discours  d'ouvei-ture.  —  A.  Castaing.  Les  Systèmes  religieux  dans  l'antiquité 
péruvienne.  —  L.  de  Rosny.  Interprétation  des  caractères  hiératiques  de  l'Amérique  cen- 
trale. —  Actes  de  la  Société. 

Tome  III,  Fasc.  3.  In-8  :  3  fr. 
A.  Castaing.  Les  Systèmes  religieux  dans  l'antiquité  péruvienne.  —  Rémi  Siméon.  La  langue 
mexicaine  et  son  histoire.  —  Actes  de  la  Société. 

EIW    DISTRIBUXIOIV  î 

CATALOGUE    DE    LA    BIBLIOTHÈQUE 

De  feu  M.  Ed.  DULAURIER,  membre  de  l'Institul, 
dont  la  vente  aura  lieu  les  12,  13,  14  novembre.  (Envoi  franco  sur  demande). 


Le  Ihiy,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


ii"  39  Dix-neuvième  année     28  septembre  1885 

REVUE  CRITIQUE 

0' H  S  SX  G  [RE    HT    DE    1 11"  T  É  R  A  T  U  K  E 

RKCUhlL    !lKli:;OMADA:r!K    flJUr.!ï2    sous    1  ,V    DS:îKCTiO^^ 

Dii  MM.  J.DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PAKIS 


Secrétaire  ue  la  rédaction  :  M.  A.   Chuqubt 


Prix  d'abonnement  ; 
Un  an,   Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.  —   Etranger,  2f>  fr. 


PARIS 
ERNEST    LEROUX,    É  D  i  T  E  U  R 

L  !  r.  :i  A  I  ;i  E   r>E   la   société   asiatique 
a    t.'iicoi.Li    aies    langues   orientales    vivantes,    t-TC. 
28  ,    IlUK    BONAPARTE,    20 


Adresser  les  coinimmications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Ghuqukt 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  vue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 


ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

NOUVELLES  ÉTUDES  SUR  L'ÉPIGRA- 

r 

PHIE     DU    YEMEN,    par   Josepti    et   Hartwig    Deren- 

BOURG.  In-4,  4  planches 7  5o 

Ce  mémoire  contient  le    catalogue  des    monuments   Sabéens  et 
Himyarites  du  Musée  du  Louvre. 

COURS  DE  LANGUE  DÉMOTIQUE  A 

L'ÉCOLE  DU  LOUVRE,  par  Eug.  Revillout.  Un 
poème  satirique  composé  à  l'occasion  de  la  maladie  du  poète-musi- 
cien, Héraut  d'insurrection,  Horuta.   Premier  fascicule.  Texte  avec 

2  planches  en  héliogravure 12  fr. 

Deuxième  fascicule. Commentaire  autographié,  pages  i  à  88.       8  fr. 

SAINT-CYRILLE  ET  SAINT-MÉTHODE 

Première  lutte  des  Allemands  contre  les  Slaves,  avec  un  essai  sur  les 
destinées  du  Slagol  et  un  mémoire  sur  l'alphabet,  la  langue  et  le 
rite  des  apôtres  slaves  au  ix"  siècle,  par  Adolphe  d'Avril,  ancien 
ministre  plénipotentiaire.  In- 18  elzévir 5  fr. 


PÉRIODIQUES 

Berliner  Philologische  Wochenschrift,  12  septembre  i885,  n"  3y  :  Emil  Ur- 
BAN,  Vorbemerkungen  zu  einer  Hoiazmetrik  (W,  Mewes  :  des  observa- 
tions fines).  —  O.  Ti'isELMANN,  Quaestiones  chronologicae  Horatianae 
(E.  Rosenberg  :  étude  sur  la  chronologie  du  4*^  livre  des  odes).  —  Anec- 
DOTA  oxoNiENSiA    Classical  séries.  Vol.  I.  Part  V.  Harleian  ms.  2610 
collated  and  edited  by  R.  Ellis  (H.  Magnus  :  ce  volume  contient  la 
collation  d'un  ms.  des  Métamorphoses  dOvide,  I-III,  622,  24  épigram- 
mes  latines,  la  plupart  inédites,  et  des  gloses  de  basse  époque  sur  Si- 
doine Apollinaire).  —  Cicéron,  Discours  contre  Verres,  livre  V  de  Sup- 
pliciis,  publié  par  E.  Thomas  (P.  Dettweiler  :  «  Hôchst  beachtenswerte 
Arbeit...  wertvoUe  Ausgabe»),  —  C.  Neumann  undJ.  Partch,  Physika- 
lische  Géographie  von  Griechenland  mit  besonderer  Rûcksicht  auf  das 
Alterthum  (R.  Weil  :  ouvrage  très  utile,    qui  comble  une  lacune).  — 
G.  Lupi,  nuovi  studii  sulle  antiche  terme  pisane  (E.  Kroker  :  l'auteur 
ne  connaît  pas  assez  les  résultats  des  fouilles  de  Pompéi,  mais  son  étude 
est  riche  en  détails  nouveaux).  —  J.  F.  Cerquand,  Copia,  étude  de  my- 
thologie romaine  (R.  Peters  ne  trouve  qu'à  blâmer  dans  cet  essai).  — 
Q.  EssER,  Beitragezur  gallo-keltischen  Namenskunde  (R.Thurneysen  : 
étymologies  risquées).  —  L.  Havet,  Eloquence  et  philologie  (E,  Heitz  : 
intéressant  comme  signe  de  la  transformation  que  subit  en  France  la 
méthode  du  haut  enseignement).  —  Berliner  Universitatschriften  aus 
demJahre  1884:  E.  Krause.   Quibus  temporibus  quoque  ordine  Vir- 
gilius   eclogas    scripserit  ;    G.    Wartenberg,   Quaestiones  Ovidianae; 
E,  Trampe,  de  Lucani  arte  metrica. 

Gœttingisclie  gelehrte  Anzeigen,  n°  ly,  i5  août  i885  :  Windelband,  Bei- 
trâge  zur  Lehre  vom  negativen  Urteil  (Schuppe).  —  J.  Keller,  der 
Ursprung  der  Vernunft  (Erdmann).  —  Th.  Dufour,  Giordano  Bruno 
à  Genève,  1579  (Sigwart  :  informations  aussi  importantes  qu'intéres- 
santes). 

Nachrichten  von  der  kœnigliclieii  Gesellschaft  derWissenschaften,  n°  6,  22  juil- 
let i885  :  H.  Wagner,  Patrokles  am  Kara  Bugas?  Methodische  Be- 
denken.  —  Bechtel,  Ueber  die  urgermanische  Verschàrfung  von  j 
und  ji/. 

Theologische  Literaturzeitung,  n"  17,  22  août  i885  :  Schegg,  Das  Hohe 
Lied  Salomo's  von  der  heiligen  Liebe  fur  einen  grosseren  Leserkreis 
dramatisch  bcarbeitet  und  erklart.  (Ryssel).  —  Salmon,  A  historical  in- 
troduction to  the  study  of  the  books  ofthe  New  Testament  (Holtz- 
mann).  —  Burk,  Geschichte  der  christlichen  Kirche  bis  zu  ihrer  Pfîan- 
zung  auf  deutschem  Boden.  (Bornemann  :  malgré  ses  défauts,  mérite 
d'être  lu  par  le  grand  public.)  —  Roth,  die  Einfûhrungder  Reformation 
in  Nûrnberg,  i5i7-i5i8  (Tschackert  :  travail  très  soigné,  montre  les 
efforts  prudents  du  conseil  pour  introduire  la  Réforme  à  Nuremberg 
ainsi  que  ceu.K  d'Osiander).  —  M.  B.  Lindau,  Lucas  Cranach  (Tscha- 
ckert; montre  dans  Maitre  Lucas  à  la  fois  le  personnage  important  dans 
rhistoire  de  l'Eglise  et  le  peintre  de  la  Renaissance  évangélique  alle- 
mande.) —  Creighton,  A  history  of  the  Papacy  during  the  period  of 
the  Reformation  (Benrath  :  la  tâche  que  s''est  donnée  l'auteur,  a  été 
heureusement  exécutée).  —  Samuel  Gobât,  evangelischer  Bischof  von 
Jérusalem,  sein  Lcben  und  Wirken  meist  nach  seinen  eigenen  Aufzei- 
chnungen.  (Basscrmann). —  Hoelemann,  Letzte  Bibelstudien.  (Lober), 

—  N°  18,  5  septembre  i885  :  Kônig,  Falsche  Extrême  in  der 
neucren   Kritik  des  Alten  Testaments    (Kautzch).   —   Aube,    L'église 


et  l'état  dans  la  seconde  moitié  du  in^  siècle  (Harnack  :  on  n'apprend 
rien  de  beaucoup  de  choses  qui  devraient  être  rangées  sous  le 
titre  «  l'Eglise  et  l'Etat  »;  l'auteur  examine  à  peine  le  changement 
des  dispositions  de  l'Eglise,  la  nouvelle  appréciation  de  l'Etat,  les  pro- 
grés de  l'organisation,  etc.;  les  matières  mêmes  dont  il  traite,  sont  à 
peine  épuisées  et  on  ne  trouve  que  de  faibles  traces  d'un  savoir  réel, 
critico-exégétique  ;  néanmoins,  à  cause  des  actes  des  martyrs  auxquels 
on  a  si  rarement  touché  depuis  Ruinart,  le  livre  mérite  d'être  consulté). — 
Gelzer,  Sextus  Julius  Africanus  und  die  byzantinische  Chronographie. 
II,  I,  die  Nachfolger  des  Julius  Africanus  (Harnack  :  travail  d'un  soin 
infatigable  et  d'une  saine  critique,  riche  en  résultats).  —  Willaflora, 
Vita  di  San  Carlo  Borromeo,  secondo  la  verila  storica  (Benrath  :  des 
légèretés,  des  indications  fausses,  des  jugements  insoutenables).  — 
ZiMMER,  Kônigsberger  Kirchenliederdichter  und  Kirchencomponisten 
(Schlosseri.  —  Steitz,  Geschichte  der  von  Antwerpen  nach  Frankfurt 
am  Main  verpflanzten  niederlélndischen  Gemeinde  Augsburger  Con- 
fession (Scott).  — WiTTE,  das  Leben  Tholucks,  I,  1799-1826  (Meier  : 
vastes  matériaux  mis  en  œuvre  avec  beaucoup  de  soin). 

■Wochenschrift  iûr  klassische  Philologie,  n°  35,  26  août  :  H.  Blûmner, 
1°  Technologie  und  Terminologie  der  Gewerbe  und  Kiinste  bei  den 
Griechen  und  Rômern,  vol.  II  et  III;  2°  Das  Kunstgewerbe  im  Alter- 
tum,  i"  partie  (Das  Wissen  der  Gegenwart,  vol.  XXX)  (Schmidt  :  !«  li- 
vre excellent,  soin  et  savoir  étonnants,  2°  résumé  populaire  du  premier, 
habilement  fait).  —  Leyde,  De  Apollonii  Sophistae  Lexico  Homerico 
(Kopp  :  satisfaisant).  —  O.  Crusius,  Analecta  critica  ad  paroemiogra- 
phos  Graecos  (Br.  :  bon,  examine  les  qualités  des  différentes  collections 
de  proverbes  et  leurs  relations  entre  elles).  —  Cicero,  Ausgew^âhlte 
Briefe,  erklàrt  von  Fr.  Hofmann,  2ter  Band,  bearb.  von  G.  Andresen 
(Lehmann  :  édition  bien  soignée,  corrigée  en  beaucoup  d'endroits).  — 
A.  V,  Bamberg,  Griech.  Schulgrammatik,  i7^édii.  (H.  H.).  —  W.  Pôkel, 
K.  W.  Kriigers  Lebensabriss  (A.  M.  :  biographie  intéressante,  à  recom- 
mander à  tous  les  amis  du  savant  grammairien). 

—  N"  36,  2  septembre  :  Ad.  Reuter,  De  Promethei,  Septem. 
Persarum  Aeschyli  fabularum  codicibus  recentioribus  (Wecklein  : 
les  mss.  plus  récents  n'ont  pas  la  valeur  que  leur  attribue  l'auteur), 
—  G.  ScHMiD,  Euripidea.  De  lone  (Gloël  :  quelques  conjectures 
méritent  d'être  examinées,  d'autres  sont  inutiles).  —  Platonis  Lâches. 
In  us.  schol.  rec.  Mich.  Gitlbauer  (Schanz  :  recension  très  arbi- 
traire ;  on  a  éliminé  sans  indication  un  grand  nombre  de  mots, 
des  parties  de  phrases,  des  phrases  entières).  —  Ciceros  Rede  ûber  das 
Imp.  des  Gn.  Pompeius.  Fur  den  Schulgebr.  erkl.  v.  Deuerling  (Mos- 
bach  :  recommandable).  — Ciceronis  Laelius.  Fur  den  Schulgebr.  erkl. 
V.  A.  Strelitz  (Lehmann  ;  remarques  de  détail).  —  Sbornick  praci  filo- 
logickj^ch  vy  danj^  na  oslavx  dvacetipêtiletého  jubilea  prof.  J.  Kvicaly, 
Recueil  de  travaux  philologiques,  p.  à  Tocc.  du  25^  anniversaire  du 
prof.  Kvicala. 


ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

AKIAIRE  DE  LA  FACULTÉ  DES  LETTRES  DE  LÏOJI 

TROISIÈME      ANNÉE.     —      FASC.      I      HISTOIRE     ET      GÉOGRAPHIE 

Le  numéro,  5  fr.  —  Abonnement  annuel,  lo  fr. 

Sommaire:  Renseignenieuts  généraux  et  programmes  des  cours.  —  G.  Bloeh.  Remarques  à 
propos  de  la  carrière  d'Al'ranius  Burrus,  prôfet  du  Prétoire,  d'après  une  inscription  récem- 
ment découverte  —  E.  Belot,  correspondant  de  l'Institut.  De  la  révolution  économique  et 
monétaire  qui  eut  lieu  à  Rome  au  milieu  du  ni«  siècle  avant  l'ère  chrétienne,  et  de  la 
classification  générale  de  la  société  romaine  avant  et  après  la  première  guerre  punique.  — 
L.  Clédat.  La  "chronique  de  Salimbène. 

ANNALES  DE  LA  FACULTÉ  DES  LETTRES  DE  BORDEAUX 

Rédigées  parles  professeurs  des  Facultés  des  Lettres  de  Bordeaux  et  de  Toulouse. 

N"  I.  Abonnement,   10  fr. 

Sommaire  :  C.  Molinier.  La  question  de  l'ensevelissement  du  comte  de  Toulouse  Raimond  V 
en  Terre  Sainte.  —  A.  Duméril.  Commiues  et  ses  mémoires.  —  Victor  Mortet.  Une  élection 
épiscopale  au  xiie  siècle. 

JOURNAL   ASIATIQUE 

N°  Mai-Juin  (Abonnement,  20  fr.) 

Sominaire  :  Etude  sur  les  inscriptions  de  Piyadasi  (M.  Senart).  —  Bibliographie  ottomane 
(M.  Cl.  Huart).  —  Le  mariage  par  achat  dans  l'Inde-aryenne  {M.  Feer).  —  Matériaux  pour 
servir  à  l'histoire  de  la  numismatique  et  de  la  métrologie  musulmanes  (M,  Sauvaire).  — 
Nouvelles  et  mélanges. 

REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

N"   Juillet-Août  (Abonnement,  23  fr.) 

Drouin.  Les  monnaies  à  légendes  en  pehlvi.  —  E.  Muntz.  Les  monuments  antiques  de  Rome 
à  l'époque  de  la  Renaissance.  —  Deloche,  de  l'Institut.  Anneaux  et  cachets  mérovingiens. — 
Fouilles  de  Suse  (1884-1885),  par  M.  E.  Dieulafoy,  directeur  de  la  Mission.  —  Un  camée  du 
musée  de  Florence,  par  M.  Menant.  —  Chronique  d'Orient,  par  Salomon  Reinach.  —  Nou- 
velles et  mélantres.  —  Bibliogi'aphie. 

REVUE  D'ISSÎRIOLÔGIE  ET  D'UU 

TOME  L  —  N°  2 

Somraoire  :  E.  Renan.  Les  inscriptions  araméennes  de  Teima.  —  J.  Oppert.  La  langue  des 
Elamites.  —  J.  et  H.  Derenboueg.  Nouvelles  études  sur  l'épigraphie  du  Yémeu.  —  Ledrain. 
Etude  sur  quelques  objets  sémitiques.  —  J.  OppiiRT.  L'inscription  du  Saros.  —  Ledrain. 
Quelques  inscriptions  palmyréniennes.  —  Rapport  de  M.  Pognon.  —  Bibliographie. 

Abonnement:  30  francs. 

REVUE  DE  L'EXTRÊME  ORIENT 

TOME  m.  —  N°  1 

Sommaire  :  C.  Imbault-Huart.  Un  épisode  des  relations  diplomatiques  de  la  Chine  avec  le 
Népal  en  1842.  —  H.  Cordier.  Documents  pour  servir  à  l'Histoire  ecclésiasticjue  de  l'Extrême 
Orient.  —  "Voyages  de  P.  Poivke  en  Cochinchine.  —  La  relation  des  guerres  de  Pondichéry 
en  1751.  —  Bons  d'Anty.  Les  grands  Voyageurs  au  Japon.  —  Chronique. 

Abonnement  :  30  francs. 

ARCHIVES  DE  LA  SOCIÉTÉ  AMÉRICAINE 

Tome  III.  Fasc.  2.  In-8  :  3  fr.  50 

11.  SiMÉoN.  Discours  d'ouverture.  —  A.  Castaing.  Les  Systèmes  religieux  dans  l'antiquité 
péruvienne.  —  L.  de  Rosny.  Interprétation  des  caractères  hiératiques  de  l'Amérique  cen- 
trale. —  Actes  de  la  Société. 

Tome  III,  Fasc.  3.  In-8  :  3  fr. 

A.  Castaing.  Les  Systèmes  religieux  dans  l'antiquité  péruvienne.  —  Rémi  Siméon.  La  langue 
mexicaine  et  son  histoire.  —  Actes  de  la  Société. 

CATALOGUE    DE    LA    BIBLIOTHÈQUE 

De  feu  M.  Ed.  DULAURIER,  membre  de  Tlnslitut, 
dont  la  Vftnle  aura  lieu  les  12,  13,  14  novembre.  (Envoi  franco  sur  demande). 


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Le  Puy,  imprnmerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


"  40  ,         Dix-neuvième  annés  5  octobre  1885 


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REVUE  CRITÏOUI 


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Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.   Cîiuqhkt 

Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Pans,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.   —   Etranger,  2i>  Ir. 

PARIS 
ERNEST    LERO'UX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DK    LA    SOCIÉTK     ASIATIQUE 

DE     i.' ECO  LE     DES    LANGUES    ORIENTALES     V  I  V  A  K  T  C  S  ,     K  T  C. 

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Adresser  les conummications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquët 

(Au  bureau  de  la  Revue  :  rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sort  priés  d'envoyer  directernenî,  e: 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 

ERNEST  LEROUX,   EDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

MADHAV  A  ET  M  ALATÎ,  drame  en  dix  actes  et  un  prologue 
de  Bhavabhouti,  traduit  du  sanscrit  et  du  pracrit,  par  G.  Strehly, 
avec  une  préface,  par  A.  Bergaigne,  de  Tlnstitut.  In-i8,elzévir.  2  5o 

LE  DÉNOUEMENT  DE  L'HISTOIRE  DE   RAMA 

Outtara  Rama  Charita,  drame  de  Bhavabhouti,  traduit  du  sanscrit 
avec  une  introduction  sur  la  vie  et  les  oeuvres  de  ce  poète,  par 
F.  Nève.  In-8 7  5o 

LES  ÉPOQUES  LITTÉRAIRES  DE  LINDE-  Études 

sur  la  poésie  sanscrite,  par  F.  Nève.  I  n-8 > 9  fr. 

BRAHMAKARMA,  ou  rites  sacrés  des  Brahmanes,  traduit  du 
sanscrit  en  français,  par  A.  Bourquin.  In-4. .....,.,, 7  5o 

L'INFANTICIDE  EN  CHINE,  par  c.  de  Kaulez,  in-s.   i  25 


PÉRIODIQUES 

The  Acadeniy,  n°  697,  12  septembre  i885  :  Calendar  of  letters  from 
the  Mayor  and  Corporation  of  the  City  of  London  circa  iBSo-iSjoen- 
rolled  and  preserved  among  the  archives  of  the  corporation  af  the  Guild- 
hali,  edited  with  an  introduction  by  Sharpe.  —  Hunter,  Bits  of  old 
China.  —  Hozier,  Turenne.  (O'  Connor  Morris  :  trop  chargé  de  détails, 
manque  de  jugement  et  de  savoir  faire).  —  Current  littérature  (Count 
Paul  Vasili,  The  world  of  London;  Ransome,  Our  colonies  and  India, 
how  we  got  them,  and  why  we  keep  them;  Ware  a.  Mann,  The  lite 
times  of  Colonel  Fred.  Burnaby.)  —  A  translation  :  the  battle  of  Mal- 
don  (Hickey).  —  The  «  memoirs  of  Dora  Greenwell  »  (W.  Dorling).  — 
«t  The  most  beautified  Ophelia  »  (Tyler).  —  Sitting  Dharna  (W.  Sto- 
kes).  —  Stone  circles  (W.  Webster).  —  Si-Yu-Ki  or  Buddhist  Records 
of  the  Western  World,  translated  from  the  Chinese  of  Hiuen  Tsiang 
(A.  D.  629)  by  Samuel  Beal,  2  vols.  (Rhys-Davids).  —  Ancient  units 
of  linear  measure,  III.  (Greg)  — Two  german  books  on  Greek  sculpture  : 
Gypsabgiisseantiker  Bildwerke,  Bausteine  zur  Geschichteder  griechisch- 
rômischen  Plastik  von  Cari  Friederichs,  neu  bearbeitet  von  P.  Wol- 
ters;  Loewy,  Inschriften  griechischer  Bildhauer.  (Murray  :  le  livre  de 
Loewy  est  très  estimable  et  fort  utile.)  —  The  exploration  of  Caerleon 
and  Caerwent. 

—  N°  698,  19  sept  i885  :  Coupland,  The  spirit  of  Gœthe's  Faust 
(Lysler  :  très  utile,  malgré  son  méchant  style).  —  Stumm,  Russia  in  cen- 
tral Asia;  Boulger,  Central  Asian  questions;  Vambéry,  The  coming 
struggle  for  India;  Rodenbough,  Afghanistan  and  the  Anglo-Russian 
dispute.  —  GiLLOw,  A  literary  and  biographical  history  or  biographical 
dictionary  of  the  English  Catholics  from  the  breach  with  Rome  in  i334 
to  the  présent  Time.  I.  —  Sarcey,  Souvenirs  de  jeunesse.  —  Literature 
of  ancestral  worship  in  China  (Edkins).  —  The  London  Association  of 
Schoolmistresses  (Em.  Davies).  —  «  The  most  beautified  Ophelia  » 
(Birch  et  Ward)  —  «  Primer  »  (Littledale).  —  Vov  populi,  vox  Dei. 
(Beal).  —  Babylonian  astronomy  (Forlong).  —  The  memoirs  of  Dora 
Grenwell  (noble).  —  Some  books  on  French  philology  (Schôtensack, 
Etymol.  Untersuchungen  aut  dem  Gebiet  der  franz.  Sprache  ;  Stap- 
PERs,  Dict.  synopt.  d'etymologie  française).  —  An  irish-icelandic  paral- 
lel  (Sweet),  —  Corrections  in  the  translation  of  the  «  Sutta  Nipâta  » 
(R.  Morris). 

The  Athenaeum,  n»  3o20,  12  septembre  i885  :  Sir  Lyon  Ployfair, 
Adress  delivered  at  the  Aberdeen  Meeting  of  the  British  Association 
for  the  advancement  of  science,  9  sept.  188 5.  —  King  a.  Watts,  The 
municipal  Records  of  Bath,  1189-1604.  —  RtiBiGER,  Encyclopœdia  of 
theology,  translated  with  additions  to  the  history  and  literature.  by 
John  Macphkrson.  —  The  Chichester  registers.  —  East  Frisian.  (Hyde 
Clarke.)  —  The  late  Mr.  Dilke  (Sidney  Colvin).  —  The  origin  of 
Zz[j.irq  (Neubauer).  —  The  site  of  the  battle  of  Brunnanburh  (Hugh 
Norris).  —  The  Brirish  Association.  —  The  exhibition  of  the  Society 
of  Medalists.  —  Dr.  Tristram  on  Durham  cathedral.  —  Helena  Faucit, 
lady  Martin,  On  some  of  Shakspeare's  female  characters. 

—  N"  3o2i,  19  sept.  j885  :  Markham,  Life  of  Robert  Fairtax  of 
Steeton,  vice-admiral,  alderman  and  member  for  York,  1666-1725.  — 
^A/AUTERs,  Le  Congo  au  point  de  vue  économique;  Wauwermans,  Li- 
béria, histoire  de  la  fondation  d'un  état  nègre  libre.  —  Studia  biblica, 
essays  by  members  of  the  University  of  Oxford.  —  Hozier,  Turenne 
(consciencieux  et  fatigant).  —  Works  on  local  history.  —  The  Society 
of  Ant-quaries  (Gomme).  —  Mrs  Leigh  (Jeaffreson  :  lettres  de  Mrs  Leigh 
à  Hodgson).  —  British  Association.  —  Gilbert,  Landscape  in  art  be- 
fore  Claude  and  Salvator. 


Literarisches  Centralblatt,  n"  38.  12  septembre  i885  :  Rosenthal,  Vier 
ap  okryphische  Biicher  aus  der  Zeii  und  Schule  R.  Akib'as.  Assumptio 
MUrsi,  das  vierte  Buch  Esra,  die  Apokalypse  Baruch,  das  Buch  l'obi 
(travail  très  recommandable).  —  Hallewi,  das  Buch  al-Chazari,  ueber- 
setzt  von  Hirschfeld.  —  G.  Biedermann,  Philosophie  der  Geschichte 
(sujet  difficile  et  traité  superficiellement).  —  Klopp,  der  Falle  des  Hau- 
ses  Stuart  und  die  Succession  des  Hauses  Hannover  in  Gross  Britan- 
nien  und  Irland  im  Zusammenhange  der  europaischen  Angelegenhei- 
ten  von  1660  bis  1714.  IX-XI.  (Trois  volumes  nouveaux  allant  de  la 
grande  alliance  du  7  sept.  1701  aux  années  1704-1705,  beaucoup  d'im- 
portants matériaux  mis  en  œuvre  sans  justesse,  récit  d'une  monotonie 
fatigante  et  d'une  grande  diffusion,  toujours  «  tendenziôs  »).  — Laufer, 
die  Werder'schen  Weinberge,  zur  Kenntniss  des  markischen  Bodens. — 
Heisterbergk,  Name  und  Begriff  des  Jus  Italicum.  (Résultats  clairs  et 
logiques,  attachant  et  convaincant).  —  Stephani  in  librum  Aiistotelis 
de  interpretatione  commentarium  edidit  Hayduck.  (Un  inédit  d'après 
un  manuscrit  de  Paris  du  x*^  siècle).  —  Platonis  Meno  et  Eutyphro.  in- 
certi  scriptoris  Theages,  Erastae,  Hipparchus  rec.  Fritzsche.  (Très  bon 
travail,  prolégomènes  nouveaux).  —  Theophanis  chronographia  rec.  de 
Boor,  II.  Theophanis  vitas,  Anastasii  bibliothecarii  historiam  triperti- 
tam,  dissertationem  de  codicibus  operis  Theophanei,  indices  continens. 
(Fin  de  ce  travail,  œuvre  d'un  plus  grand  soin  et  d'un  labeur  infatigable 
appliqué  à  un  sujet  assez  ingrat). — Camoens,  sammtliche  Gedichte,  zum 
ersten  Maie  von  Storck.  VI,  Dramatische  Dichtungen.  (Voilà  tout  Ca- 
moens en  une  traduction  allemande  qui  rend  les  couleurs  variées 
de  l'original,  tout  son  esprit,  toutes  ses  images  et  ses  jeux  de  mots  avec 
justesse  et  habileté,  en  gardant  la  rime  et  sans  faire  violence  au  génie 
de  l'allemand  ;  notes  très  importantes.)  —  Herzog  (Ernest),  Geschichte 
und  System  der  rômischen  Staatsverfassung,  I.  Kônigszeit  und  Repu- 
blik.  (Compendium  qui  donne  l'état  de  la  question;  livre  d'étude  et  de 
lecture;  ne  marque  pas  un  progrès  essentiel,  remplace  pourtant  en 
de  nombreux  endroits  les  opinions  précédentes  par  de  nouvelles;  en 
somme,  clair,  pratique  ;  vient  au-devant  des  besoins  de  l'étudiant  et  fera 
son  chemin,  malgré  de  brillants  concurrents),  —  Haussegger,  die  Mu- 
sik  als  Ausdruck  (œuvre  de  polémique,  bien  des  remarques  bonnes  et 
fines). 

—  N°  39,  19  septembre  i885  :  Druffel,  Monumenta  Tridentina, 
III,  juin-déc.  1545.  —  Likowski,  Geschichte  des  allgemeinen  Verfalls 
der  unierten  ruthenischen  Kirche  im  XVIII  u.  XIX  Jahrhundert  ûbers. 
V.  Tloczynski.  I,  das  XVIII,  Jahrhundert  (documents  jusqu'ici  incon- 
nus, mais  livre  extrêmement  partial).  —  Hawkins,  medallic  illustra- 
tions of  the  history  of  Great  Britain  and  Ireland  to  the  death  of 
George  II,  éd.  by  Franics  a,  Grueber  I  et  II.  —  Wolf,  Aus  der  Revo- 
lutionszeit  in  Oesterreich-Ungarn,  1848-49.  (Beaucoup  de  choses  con- 
nues, quelques-unes  nouvelles).  —  Sommerbrodt,  Afrika  auf  Ebstorfer 
Welkarte.  —  Kiepert,  politische  Wandkarte  von  Afrika.  —  Reinisch, 
die  Quarasprache  in  Abessinien,  I.  (Méritoire).  —  Aristotelis  de  arte 
poetica  liber,  tertiis  curis  recogn.  Vahlen.  (Le  critique  n'approuve  ni 
les  principes  de  V.  ni  sa  façon  de  les  appliquer).  —  Supplementum 
Aristotelicum,  I,  i,  exceptorum Constantini  de  natura  animalium  libri 
duo,  Aristophanis  historiae  animalium  epitome,  aliorumque  eclogis,  éd. 
Lameros.  (Edition  très  recommandable  faite  avec  grand  soin).  —  Das 
Tironische  Psalterium  der  Wolfenbiitteler  Bibliothek,  pp.  Lehmann. 
(Travail  de  grand  prix  et  fort  instructif).  —  Montet,  Histoire  littéraire 
des  Vaudois  du  Piémont.  (N'a  pas  réussi  à  faire  un  tableau  d'ensemble, 
mais  la  publication  a  de  l'intérêt  et  de  la  valeur).  —  E.  H.  Meyer,  In- 
dogermanische  Mythen,  I,  Gandharven-Centauren.  (Savoir  étendu,  ma- 


tériaux  abondants,  points  de  vue  nombreux  et  variés,  essaie  de  concilier 
Kuhn  et  Mannhardt;. 

Deutsche  Literaturzeitiin?,  n»  Bj,  12  septembre  j8S5  :  Schnapp,  die  Tes- 
tamente  der  zvvolf  Patriarchen  untersucht.  (Nowack.)  —  Schieler, 
Magister  Johannes  Nider  aus  dem  Orden  der  Prediger-Brûder  (très  sa- 
tistaisant).  —  Enrico  Soulier,  Eraclito  Efesio,  studio  critico,  saggi  di 
filosofia  ante-socratica.  (Wellmann  :  bon  travail.)  —  Volkmann  von 
VoLKMAR,  Lehrbuch  der  Psychologie  vom  Standpunkt  des  Realismus 
u.  nach  genetischer  Méthode.  II.  —  Loth,  Vocabulaire  vieux-breton 
avec  commentaire  contenant  toutes  les  gloses  en  vieux-breton  gallois, 
comique,  armoricain,  connues,  précédées  d'une  introd.  sur  la  phonéti- 
que du  vieux-breton.  (Zimmer  :  le  critique  dont  nous  connaissons  Thu- 
meur,  prétend  que  l'auteur  ne  possède  que  des  connaissances  insuffi- 
santes dans  les  langues  celtiques  et  que  son  travail  est  digne  de  Técole 
de  M.  d'Arbois.) —  Menge  et  Pi;euss,  Lexicon  Caesarianum,  I.  (Geor- 
ges :  clair  et  complet.)  —  York  Plays,  p.  p.  L.  T.  Smith.  (Zupitza  :  il 
reste  à  faire  pour  la  critique  et  l'explication  des  textes.)  —  Gr-^fenberg, 
Beitriige  zur  tranzosischen  Syntax  des  XVI  Jahrhunderts.  (E.  Weber  : 
de  l'incertitude,  mais  travail  méritoire.)  —  Haask,  Zur  Syntax  Robert 
Garniers  (Tauteur  a  rempli  sa  tâche).  —  Herzog  (Ernst),  Geschichte 
und  System  der  rômischen  Staatsverfassung,  I.  Kônigzeit  und  Republik. 
(Klebs  :  exposé  original  et  étendu;  oriente  sur  toutes  les  questions; 
aura  sa  place  à  côté  des  autres  ouvrages  sur  le  même  sujet.  —  Machat- 
schek,  Geschichte  der  Bischofe  des  Hochstifts  Meissen.  —  Hallwich, 
Johann  Aldringer.  (Brohm  :  éclaire  encore  d\ine  nouvelle  lumière 
l'histoire  de  Wallenstein,  récit  animé.)  —  Kiepert,  Wandkarte  des 
rômischen  Reichs,  neun  Bltltter.  (Hohn  :  2*=  édition  très  utile.)  —  Ben- 
del,  die  Deutschen  in  Bohmen,  Milhren  und  Schlesien,  II.  —  Perrot 
et  Chipiez,  Histoire  de  l'art  dans  Tantiquité.  III.  Phénicie,  Chypre. 
(Eb.  Schrader  :  on  trouve  dans  ce  volume  d'énormes  matériaux  ordon- 
nés et  mis  en  œuvre  pour  la  première  fois  d'après  les  principes  scienti- 
fiques; bien  des  observations  fines  et  frappantes  dans  la  conclusion  )  — 
Adler,  Die  Geschichte  der  ersten  socialpolitischen  xArbeiterbewegung  in 
Deutschland.  (Des  exagérations,  mais  du  talent.)  —  Le  général  Bour- 
baki  par  un  de  ses  anciens  officiers  d'ordonnance  (Dechend  :  élève  le 
général  aux  dépens  d'aufrui;  intéressant,  mais  partial). 

Berliner  Philologische  'Wochenschrift,  19  septembre  i885,  n°  38:  Paul, 
zur  Erklarung  von  Caesar,  Bell.  Gall.  III,  26  (propose  «  devectis  »  au 
lieu  de  «  eductis  »).  —  M.  Tullii  Ciceronis  Tusculanarum  libri  V,  ftir 
den  Schulgebrauch  erkliirt  von  L.  W.  Hasper  (Sorof  :ne  rend  pas  inu- 
tiles les  éditions  antérieures).  —  A.  Wiedemann,  Aegyptische  Geschichte 
(G.  Steindorfif  :  livre  de  références  indispensable).  —  C.  F.  Watson, 
Darius  the  Médian  identified,  or  the  true  chronology  of  the  ancient 
Monarchies  recovered  (J.  Krall  :  essaye  de  prouver  l'authenticité  des  li- 
vres de  Daniel  et  d'Esther,  et  pour  cela  crée  un  système  qui  fera  l'éton- 
nement  de  tous  les  lecteurs  compétents). — J,  Simon,  Une  Académie 
sous  le  directoire  (L.  Zéliqzon).  —  Berliner  UNiVERsnàTsscHRiFTEN 
AUS  DEM  Jahre  1884  (P.  Kerckhoff,  Duac  quaestiones  Papinianae  [sur 
Stacej  :  R.  Reitzenstein,  De  scriptorum  rei  rusticae,  qui  intercedunt 
inter  Catonem  et  Columellam,  libris  deperditis;  P.  Kaiser,  de  fontibus 
Vellei  Paterculi;  O.  Binde,  De  Taciti  dialogo  quaestiones  selectae; 
C.  BoTTiCHER,  De  aliiterationis  apud  Romanos  vi  et  usu;  A.  de  Molm, 
De  ara  apud  Graecos;  E.  Eisenbeck,  Observationes  in  monetam  grae- 
cam;  P.  Cauer,  De  fabulis  graecis  ad  Romam  conditam  pertinentibus; 
R.  Maschke,  De  Magistratum  Romanorum  jure  jurando;  B.  Pick,  De 
senatusconsultis  Romanorum). 

Le  i^uv.  i>nvrimt>ie  Marchessou  fils,   bouievard  Saini-L.aure>ii,  23. 


N"  41  Dix-neuvième  année  12  octobre  1885 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET   DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL    HEBDOMADAIRE   PUBLIÉ    SOUS    LA    DIRECTION 

DE  MM.  J.  DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 


Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.  Chuquet 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Pans,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.  —   Etranger,  2î>  fr 


PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE    I.  A    SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE   l'École    des   langues  orientales   vivanteiî,   etc. 
28,    RUE   BONAPARTE,    28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 

(Au  bureau  de  la  Revue  :  rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu 


ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28 
OUVRAGES    TERMINÉS 

JOHANNIS   BURCHARDI  DIARIUM 

JOURNAL  DE  BURCHARD,  maître  des  cérémonies  de  la  chapelle 
pontificale  sous  Innocent  III,  Alexandre  VI,  Pie  III  et  Jules  IL 
Publié,  d'après  les  manuscrits  de  Paris,  de  Rome  et  de  Florence,  par 
M.  Thuasne. 

Tome  III  et  dernier 20  fr. 

L'ouvrage  complet  en  3  volumes . .  , „ 60  f r. 

OEUVRES  CHOISIES  DE  A.-J.   LETRONNE 

MEMBRE    DE    l'JNSTITUT 

Assemblées,  mises  en  ordre  et  augmentées  d'un  index,  par  E.  FAGNAN 
1881-83,  6  beaux  volumes  in-8,  ornés  d'un  portrait  inédit,  par  Paul 
Delaroche,  de  dessins,  de  planches  hors  texte,  etc 72  fr. 

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2-'  série.  Géographie  et  cosmographie.  2  vol.  in-8,  illustrés 25  fr. 

3"  série.  Archéologie  et  philologie.  2  vol.  in-8,  illustrés.. 25  fr. 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n°6gg,  26  septembre  i885  :  Hodgkin,  Italy  and  his  in- 
vaders,  476-553,  III  et  IV.  (Boase  :  un  peu  ditfus,  mais  très  utile.)  — 
The  Engiish  and  Scottish  popular  ballads  edited  by  Child.  III.  —  The 
Berkeley  manuscripts,  a  description  of  the  Hundred  of  Berkeley  and  of 
its  inhabitants,  by  John  Smith,  of  Nibley.  III,  edited  by  Sir  John  Ma- 
CLEAN.  —  Mrs.  Mawr,  Analogous  proverbs  inten  languages.  (Bradley  : 
remarquable  surtout  par  les  proverbes  roumains,  la  préface  est  datée  de 
Bukarest.)  —  O'  Shea's  Guide  to  Spain  and  Portugal,  edited  by  Lomas, 
y  édition  (W.  Webster).  —  H.  Haupt,  Die  deutsche  Bibeliibersetzung 
der  mittelalterlichen  Waldenser  in  dem  Codex  Teplensis  nachgewiesen. 
(Pearson.)  —  Correspondence  :  Curiosities  of  officiai  scholarship 
(W.  Stokes).  —  «  The  most  beautified  Ophelia  »  (Tyler)  —  «  The  To- 
wer of  glass  (Hall).  —  Maag,  De  Ibidis  Ovidianas  codicibus  (EUis  : 
soigné  et  très  méritoire).  —  Finn,  Persian  for  travellers  (Wilson  :  c'est 
plutôt  un  «  Eiiglish-Persian  vocabulary  »  qui  n'est  pas  sans  défauts).  — 
The  «  Si-Yu-Ki  »  (Beal).  —  The  etymology  of  «  Pavecchati  »  and 
«  Anuppavecchati  »  (Morris).  —  Fine  Art  :  some  minor  Aegyptological 
literature,  Erman,  Aegypten  und  aegyptisches  Leben  im  Alterthum  ; 
LiEBLEiN,  Egyptian  religion,  et  Gammelaegyptisk  religion,  et  Ueber 
altaegyptische  Religion;  Dillmann,  Ueber  Pithom,  Hero,  Klysma  nach 
Naville;  et  Gedachtnissrede  auf  Karl  Richard  Lepsius;  Ebers,  Richard 
Lepsius,  ein  Lebensbild,  et  'Antichità  sarde  et  loro  provenienza  (Am. 
B.  Edwards).  —  Discovery  of  a  Saxon  chapel  at  Deerhurst  (Middleton). 

—  The  proposed  excavation  of  Caerleon  and  Caerwent  (Watkin). 

The  Athenaeum,  n°  3o22,  26  septembre  i885  :  Moff.\t,  Faithful  la- 
bour, the  lives  of  Robert  and  Mary  Moffat.  —  Steele,  sélections  from 
the  Tatler,  Spectator  and  Guardian,  edited,  with  introduction  and 
notes,  by  Austin  Dobson  (petit  volume  d'une  grande  valeur;  il  ren- 
ferme le  meilleur  de  l'œuvre  de  Steele,  et  les  morceaux  sont  disposés 
dans  Tordre  le  plus  convenable).  —  W.  Dorling,  Memoirs  of  Dora 
Greenwell.  —  On  the  Parish  Books  of  St.  Margaret-Lothbury,  St. 
Christopher-le-Stocks,  and  St,  Bartholomew-by-the-Exchange  in  the 
City  of  London,  by  Freshfield  ;  The  Register.  Book  of  the  Parish  of 
St.  Christopher-le-Stocks,  I-lII.  — Accomptes  of  the  Churchwardens  of 
the  Parysche  of  St.  Christofer's.  —  Mrs  Orr,  A  handbook  to  the 
Works  of  Robert  Browning.  —  The  Ingénions  Gentleman  of  Don 
Quixote  of  La  Mancha,  by  Cervantes,  a  translation  with  introduction 
and  notes,  by  Ormsby,  4  vols.  ;  Numantia,  a.  tragedy,  by  Cervantes, 
translated  with  introduction  and  notes  by  Gibson  (bonnes  traductions). 

—  Robinson,  Introduction  to  our  Early  Engiish  Literature  (ne  peut 
être  recommandé,  tel  qu'il  est).  —  Soppitt,  A  short  account  of  the 
Kachcha  Naga  Tribe,  with  the  sutline  grammar,  vocabulary  and  illus- 
trative  sentences;  Euting,  Epigraphische  Miscellen.  —  Principal  Shairp. 

—  The  Library  Association.  —  Mrs.  Leigh  (Forman).  —  The  origin 
of  Semele  tSayce).  —  The  international  literary  and  artistic  congress,  I. 

—  E.  Paris,  Le  musée  de  marine  du  Louvre. 

Literarisches  Centralblatt,  n°  40,  26  septembre  i885  :  Glocl,  Hollands 
kirchliches  Leben,  eine  Studienreise  (attachant).  —  Ch,  Tissot,  Fastes 
de  la  province  romaine  d'Afrique,  p.  p.  Salomon  Reinach  (le  travail  de 
Tissot  est  un  modèle;  l'introduction  de  Reinach  est  bien  intéressante 
et  écrite  avec  chaleur).  —  ScHâPER  (D.),  die  Hanse  und  ihre  Handelspo- 
litik,  Vortrag.  —  Gunther,  Der  Harz  in  geschichts  =  cultur  =  und 
Landschaftsbildern  geschildert.  —  Fr.  Hoffmann,  Kritische  Studien  im 
rômischen   Rechte  (6  études).   —  Del  Vecchio^  Le  seconde  nozze  del 


superstite.  —  Curh,  die  Entstehung  der  Sprache  durch  Na- 
chahmung  des  Schalles  (G.  v.  d.  G.  :  livre  soigné  et  raisonnable).  — 
Krebs,  Die  Prapositionsadverbien  in  der  spilteren  historischen  Gracitiit 
(beaucoup  de  bonnes  choses,  parfois  de  l'exagération).  —  Clédat, 
grammaire  élémentaire  de  la  vieille  langue  française  (on  ne  peut  don- 
ner à  l'auteur  que  de  minces  éloges,  sans  toutefois  rendre  un  témoi- 
gnage défavorable  de  son  savoir,  car  il  est  érudit  et  il  sait  souvent  être 
clair;  mais  la  tâche  était  trop  difficile).  —  Hess,  Johann  Caspar  Schwei- 
zer  (curieux  livre  sur  cet  aventurier,.  —  Fontane,  Scherenberg  und  das 
literarische  Berlin  von  1840- 1860  (intéressant). 

Deutsche  Litteraturzeitiing,  n°  38,  19  sept.  jS85  :  Reusch,  der  Index  der 
verbotenen  Bûcher.  II,  i  et  2  (K.'Muller  :  très  curieux).  —  Dura,  Life 
a.  Works  of  Csoma  de  Kôros.  —  Calpurnii  et  Nemesiani  Bucolica,  rec. 
ScHENKL    (Léo).    —    Bernhardt,    Kurzgefasste    gothische    Grammatik 
(Wilmanns  :   concis,  plus  utile  pour  les  conférences  que  pour  l'étude 
personnelle).  —  Frankl,  Zur  Biographie  Lenaus  (Jacoby  :  2=  édit.  qui 
donne  du  nouveau^.  —  Rendus  de  Moiliens,  Li   Romans  de  Carité  et 
Miserere,  pp.  van  Hamel.  I  et  II  (Tobler  :  travail  où  se  sont  associés 
courage,  persévérance,  talent  et  savoir;  satisfait  et  réjouit  à  tous  égards). 
—  KuBiCKi,  das  Schaltjahr  in  der  jgrossen   Rechnungs-Urkunde  G.  I. 
A.  I,  273  (Unger  :  une  foule  d'assertions  singulières).  —  Th.  Mommsen, 
die  Oertlichkeit  der  Varus-Schlacht  (Velke  :   les  monnaies  trouvées  à 
Barenau  appartenaient  à  Farmée  de  Varus  qui  aurait  été  écrasée  dans  le 
Venner  Moor  :  pensée  très  heureuse  et  féconde  dont  la  justesse  est  éle- 
vée au  dessus  de  tous  les  doutes  par  les  arguments  de  l'auteur).  —  Elie 
Berger,  Les  Regisîres  d'Innocent  IV,  IV-VI  (Ewald   :   suite  de  cette 
consciencieuse  publication,    introduction  remarquable).  —   Aîirox  de 
l'Espinav,  François  Miron  et  l'administration  municipale  de  Paris  sous 
Henri  IV  (von  der  Ropp  :  nombreux  documents,  «■  le  texte  qui  les  ac- 
compagne est  presque  toujours  très  ennuyeux;  nianque  de  toute  direc- 
tion historique:  la  critique  des  sources  est  pour  Fauteur  une  idée  in- 
connue >.i.  —  Von  CzoERNiG.  die  alten  Volker  Oberitaliens.   (Nissen  : 
mauvais.)  —  Ilg,  Messerschmidts  Leben  u.  Verke.  —  Jansen,  J.-J, 
Rousseau  als  Botaniker  (important). 

—  No  39,  26  septembre  i885  :  H.  A.  W.  Meyer,  Kriiisch  exegetis- 
cher  Comm.entar  tiber  das  neue  Testament.  1,2;  Marcus  und  Lucas, 
7-  Aufl.  p.  p.  Weiss.  —  DuLK,  Der  Irrgang  des  Lebens  Jesu  in  geschi- 
chtlicher  Auffassung  dargestellt.   II,  der  Messiasgang  u.  die  Erhebung 
ans  Kreuz. — Wineler,  das  Uraltaische  und  seine  Gruppen.  I  et  II. 
(Grube  :  travail  très  remarquable.)  —  Ciceros  Rede  fur  Sex.  Roscius 
aus  Ameria,  p.  p.  Landgraf  (Eberhard  :  travail  qui  devra  éîre  étudié 
avec  zèle  par  les  étudiants  et  les  jeunes  professeurs).  —  Nissen,  Forsog 
til  en  middehiedertvsk  Syntax.  —  Moulton,  Shakspeare  as  a  dramatic 
ardst  (von  Vv'eilen  :  clair  et  instructif).  —  Schilling,  Spanische  Gram- 
matik et  Praktische  Anleitung  zum  mûndlichen  u.  schriitlichen  Ver- 
kehr  im  Spanischen  (Zunker  :  en  somme,  deux  livres  recommandables). 
—  A.  de  GuBERNATis,  Storia  universale  délia  letteratura,  XIII-XVIII 
(Cette  œuvre  gigantesque  est  terminée,  grâce  à  Finfatigable  activité  de 
l'auteur  et  de  Féditeur;  petits  défauts  et  grands  mérites  ;  il  manque  un 
index).  —  Das  alteste  Stadtbuch  der   Stadt-Garz  auf  der  Insel  Rûgen 
hrsg.  von  G.  v.  Rosen.  —  C.  Coignet,  Fin  de  la  vieille  France.  Fran- 
çois I,  portraits  et  récits  du  xvi^  siècle  (Kugler  :  de  très  intéressantes  des- 
criptions qui  peuvent  être  comparées  à  certains  égards  aux  «  Tableaux 
du  passé  allemand  »  de  G.  Freytag).  —  A.  Sorel,  FEurope  et  la  Révo- 
lution française  (A.  Stern  :  une  des  œuvres  historiques  les  plus  impor- 
tantes de  notre  époque;  elle  rappelle  Tocqueville  par  la  hauteur  des 


vues;  grand  savoir,  clarté  lumineuse,  parallèles  ingénieux;  cp.  Revue 
critique,  n»  24,  art.  104).  —  Stielkr,  Culturbilder  aus  Baiern.  —  Fr. 
Kayser,  Aegypten  einst  und  jetzt  (Erman  ;  écrit  au  point  de  vue  stric- 
tement catholique). 

Berllner  Philologische  Wochenschrift,  n«  Sg,  26  septembre  i885.  [M.  Thie- 
mann  quitte  la  rédaction,  qui  reste  confiée  à  MM.  Belger  et  Seyffertj. 

—  EuRiPiDES,  Iphigenie  in  Taurien,  Textausgabe  fiir  Schulen  von  Chr. 
ZiEGLER  (Peters  :  regrette  l'absence  de  notes  qui,  selon  l'éditeur,  ne  doi- 
vent pas  accompagner  les  éditions  destinées  aux  explications  en  classe). 

—  Orphica,  recensuit  Eug.  Abel.  Accedunt  Procli  hymni,  hymni  ma- 
gici,  hymnus  in  Isim  aliaque  eiusmodi  Carmina  (A."  Ludwich  :  progrès 
sensible  sur  l'admirable  édition  d'Hermann;  pour  Phymne  à  Isis,  l'é- 
diteur n'a  pas  connu  la  publication  de  Le  Bas  dans  le  Voyage  archéolo- 
gique). —  J.  DE  Gregorio,  De  Isocratis  vita,  scriptis  et  discipulis 
(Buermann  :  mauvais  latin,  rien  de  nouveau).  —  T.  L.  Heath,  Dio- 
phantos  of  Alexandria,  a  study  in  the  history  of  Greek  algebra  (M.  Can- 
tor  :  de  bonnes  choses).  —  Horatu  Carmina  selecia,  scholarum  in  usum 
ad,  M.  Petschenig  (W.  Mewes  :  bon).  —  E.  Karbaum,  De  auctoritate 
ac  fide  grammaticorum  latinorum  in  constituenda  lectione  Ciceronis 
orationum  in  Verrem  (K.  E.  Georges  ;  utile).  —  G.  Neumann,  Ge- 
schichie  Roms  wahrend  des  Verfalls  des  Republik.  2.  Band.  Von  Sullas 
Tod  bis  zum  Ausgang  des  Gatilinarischen  Verschworung.  Aus  Neu- 
manns  Nachlass  herausgegeben  von  G.  Faltin  (H.  Schiller  :  plus  faible 
que  le  premier  volume).  —  E.  Marcks,  Die  Ueberlieferung  des  Bun- 
desgenossenkrieges  gi-89  v.  Chr.  (H.  Schiller  :  bon).  —  M.  Eùa^Ys- 
X(g-/;ç,  'Ïc7-:cpta  if;;  6£0)piaç  xy]?  7V(jI)G£0)ç  (L.  Stein).  —  O.  OcciONi, 
Storia  délia  letteratura  latina  ad  uso  dei  licei  (Peters  :  bien  conçu  et 
agréable  à  lire). —  D.  Pezzi,  La  grecità  non  ionica  nelle  iscrizioni  piu  an- 
tiche  (W.  Larleld  :  indispensable  à  qui  s'occupe  de  dialectologie  grec- 
que). —  L.  CoMENciNi,  Studi  di  sintassi  greca  in  relazione  alla  sintassi 
latina  ed  italiana  (H.  Ziemer).  —  G.  Meyer,  Essays  und  Studien  zur 
Sprachgeschichte  und  Volkskunde  (B.  Delbrûck  :  intéressant).—  L.  von 
Stein,  Die  innere  Verwaltung.  Zweites  Hauptgebiet  :  das  Bildungswe- 
sen  ;  dritter  Teil,  i  Heft.  Die  Zeit  bis  zum  XIX  Jahrhundert 
(G.  Schepss  :  d'une  haute  valeur). 

Goettingische  gelehrte  Anzeigen,  n°  18,  i  sept.  i885  :  Em.  Bourgeois,  Le 
capitulaire  de  Kiersy-sur-Oise  (Dûmmler  :  intéressant,  clair  et  sagace). 

—  GuNDLACH,  Ein  Dictator  aus  der  Kanzlei  Heinrichs  IV,  ein  Beitrag 
zur  Diplomatik  des  salischen  Herrscherhauses  mit  Excursen  ûber  den 
Verfasser  der  Vita  Heinrici  IV  u.  des  Carmen  de  bello  Saxonico  (Stein- 
dorff  :  très  long  art.  sur  ce  livre  plein  de  détails  et  de  preuves  convain- 
cantes). —  Hallwjch,  Heinrich  Matthias  Thurn  aïs  Zeuge  im  Process 
Wallenstein  (Lenz  :  Wallenstein  est  né  le  24  septembre,  mais  le  factum 
de  Thurn,  que  cite  Hallwich,  ne  prouve  rien  et  l'auteur  a  publié  lui- 
même  une  série  d'actes  qui  sont  en  complète  contradiction  avec  ses  as- 
sertions). —  BoRKOwsKY,  Die  englische  Friedensvermittlung  im  Jahre 
1745  (Heigel  :  l'auteur  recherche  si  le  roi  d'Angleterre  a  tenu  les  enga- 
gements de  la  convention  de  Hanovre  du  26  avril  1745  et  tenté  sincè- 
rement un  accommodement  pacifique  entre  la  Prusse  et  TAutriche;  il  a 
confirmé  et  étendu  les  résultats  de  Droysen,  et  il  constate  que  le  souve- 
rain constitutionnel  d'Angleterre  avait  son  secret  durai  dans  la  politi- 
que étrangère  aussi  bien  que  le  roi  absolu  de  France). 


Le  l'uy,  imprimerie  Marchessou  /ils,   boulevard  Saint-Laurent,  23. 


N"  42  Dix-neuvième  année  19  octobre  1885 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL    HEBDOMADAIRE    PUBLIE    SOUS    LA    DIRECTION 

DE  MM.  J.  DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 


Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.  Chuquet 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Pans,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.  —   Etranger,  23  fr. 


PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     I.  A     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE    l'École    des   langues  orientales   vivantes,   k 
28,    RUE    BONAPARTE,     28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  ia  Uevue  :  nie  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 


ERNEST  LEROUX,   ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28 

BIBLIOGRAPHIE    HELLÉNIQUE  oudcscrip- 

tion  raisonnée  des  ouvrages  publiés  en  grec  par  des  Grecs  aux 
xv^  et  XVI*'  siècles,  pa»-  Emile  Legrand.  2  beaux  volumes,  grand 
in-8 60  tr. 

CHRONIQUE  DE  MORÉE  aux x,,,- « x,v. sièdes, 

publiée  et  traduite  pour  la  première  fois,  par  A..  Morel-Fatio. 
In-8 12  fr, 

ITINERA  HIEROSOLYMITANA   «  descn- 

ptiones  Terrae  Sanctae  Bellis  sacris  anteriora. Tome  II,  fasc.  I.     12  fr. 


CATALOGUE    DES  LIVRES  ORIENTAUX 

Formant  la  bibliothèque 
De  feu  M.  Edouard  DULAURIER 

Dont  la  vente  aura  lieu  les  12,  i3,  14  novembre. 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n°  700,  3  oct.  i885  :  King  a.  Watts,  The  municipal 
records  of  Bath,  1 189-1604.  —  Lyall,  Translations  ot'ancient  Arabian 
poetry,  chiefly  pre-islamic  (Burton:  «  n'est  pas  destiné  aux  spécialistes  » 
et  Fauteur  peut  faire  mieux).  —  Lovett,  Norwegian  pictures  drawn 
vvith  pen  and  pencil.  —  Innés,  History  of  the  Bengal  European  Régi- 
ment. —  Davidson,  The  logic  of  définition.  —  Récent  theology  (Brad- 
LEY,  Lectures  on  Ecclesiastes  ;  Vaughan,  St  PauTs  Epistle  to  the  Phi- 
lippians;  Baron,  The  Greek  origin  of  the  Apostle's  creed,  etc.).  — 
«  The  Arabian  Nights'  entertainments  »  (Symonds).  —  Clovesho 
(Hall).  —  The  text  of  the  ancient  laws  of  Ireland  (Norman  Moore).  — 
German  translations  of  the  Bible  before  Luther  (Hutchison).  —  «  The 
Tower  of  Glass  »  (Hoban).  —  Macklin''s  «  love  à  la  mode  »  (Sar- 
geaunt).  —  Philological  books  (E.  Mûller,  A  simplified  grammar  of 
the  Pâli  language  :  très  bon  petit  livre;  Prâtimoksha  sutra  ou  le  traité 
d'émancipation  selon  la  version  tibétaine,  avec  notes  et  extraits  du 
Dulva  (Vinaya),  translated  by  Rockhill;  Seshagiri  Sastri,  Notes  on 
Aryan  and  Dravidian  philology).  —  The  Galatian  «  Imbrecton  »  (Whit- 
ley  Stokes).  —  Halsey,  Raphaël  Morghen's  engraved  works  (Middle- 
ton).  —  Egypt  Exploration  Fund  :  the  Naukratis  Exhibition  (E.  A. 
Gardner). 

The  Athenaeum,  n°  3o23,  3  oct.  i885  :  Lyall,  Translations  of  ancient 
Arabian  poetry,  chiefly  pre-islamic.  —  Pfleiderer,  Lectures  on  the  in- 
fluence of  the  apostle  Paul  on  the  development  of  christianity.  —  Wliere 
Chineses  drive,  English  student  life  at  Peking,  by  a  student  interpré- 
ter. —  Sir  John  Maclean,  An  historical  and  genealogical  memoir  of  the 
family  of  Poyntz.  —  Schoolbooks  (grand  éloge  d'une  édition  de  l'Iphi- 
génieen  Tauride,  par  M.  Paley).  —  French  literature  (Comte  d'HAUS- 
sonville.  Ma  jeunesse,  1814-1830;  Jules  Simon,  Thiers,  Guizot,  Ré- 
musat;  Bikelas,  de  Nicopolis  à  Olympie;  de  Pimodan,  La  réunion  de 
Toul  à  la  France).  —  The  site  of  the  battle  of  Brunanburh  (Davidson 
et  Murphy).  —  Mrs  Leigh  (JeafFreson  et  Timmins).  —  The  internatio- 
nal literary  and  artistic  congress.  —  Hull,  Mount  Seir,  Sinai  and 
Western  Palestine.  —  White,  architecture  and  public  buildings,  their 
relation  to  school,  academy  and  state  in:  Paris  and  London.  —  Notes 
from  Athens  (Lambros). 

Literarisches  Centralblatt,  n°  41,  3  oct.  188 5  :  Das  Neue  Testament 
griechisch,  mit  kurzem  Commentar  nach  de  Wette,  IL  die  Briefe  und 
die  Apocalypse.  —  Reusch,  der  Index  der  verbotenen  Biicher,  ein  Bei- 
trag  zur  Kirchen-und  Literaturgeschichte,  II,  i  et  2  —  Freudenthal, 
Die  durch  Averroes  erhaltenen  Fragmente  Alexander"s  zur  Metaphysik 
des  Aristoteles  untersucht  und  ûbersetzt,  mit  Beitragen  zur  Erlaute- 
rung  des  arabischen  Textes  von  S.  EnaNKEL.  (Recherches  difficiles  et 
menées  avec  sagacité.)  —  Holzapfel,  Romische  Chronologie.  (L'hypo- 
thèse fondamentale  du  livre  ne  tient  pas;  détails  contestables.)  —  Seeck, 
die  Kalendertafel  der  Pontifices.  (Résultats  manques,  mais  dans  la  foule 
des  fausses  hypothèses  de  bonnes  remarques.)  —  Wimmer,  Historische 
Landskunde  —  Bastl\n,  der  Papua  des  dunkeln  Inselreichs  im  Lichte 
psychologischer  Forschung.  —  Beal,  Si-Yu-Ki,  Buddhist  records  of 
the  western  world,  translated  from  the  Chinese  of  Huien  Tsiang.  (D'une 
telle  main,  un  tel  livre  n'a  pas  besoin  de  recommandation.)  —  C.  E. 
ScHMiDT,  Parallel-Homer  oder  Index  aller  homerischen  Iterati.  (Utile.) 
—  _G.  Meyer,  Essays  und  Studien  zur  Sprachgeschichte  und  Volkskunde. 
(Livre  infiniment  instructif  et  attachant.)  —  Autolyci  de  sphaera  quae 
movetur  liber,  p.  p.  Hultsch,  (Edition  très  remarquable.) —  Meureb, 
franzôsisches  Lesebuch.  (Doit  être  amélioré  sur  quelques  points.) 


Deutsche  Litteraturzeitung ,  n^  40,  3  octobre  i885  :  Pawlicki,  der 
Ursprung  des  Christenthums.  —  Voelter,  die  Entstehung  der  Apoca- 
lypse. —  Harms,  Metaphysik.  —  Denifle,  Die  Universitaten  des  Mit- 
telalters  bis  1400,  I  Band  die  Entstehung  der  Universitaten  des  Mittel- 
alters.  (Paulsen  :  ouvrage  très  méritoire  composé  après  les  études  les 
plus  étendues,  d'après  une  foule  de  documents  inédits  tirés  surtout  des 
archives  romaines.)  —  Brugmann,  Zum  heutigen  Stand  der  Sprachwis- 
senschaft.  (F.  Hartmann.)  —  Zielinski,  die  Gliederung  der  attischen 
Kômodie  (Blass  :  beaucoup  de  choses  bonnes  et  neuves).  —  M.  Porci 
Catonis  de  cultura  liber,  M.  Terenti  Varronis  Rerum  rusticarum  libri 
très  ex  rec  Keil.  I,  2.  (Jordan  :  travail  excellent.)  —  Wober,  die 
Reichersberger  Fehde  und  das  Nibelungenlied,  eine  genealogische  Stu- 
die.  (Wilmanns  :  étrange.)  —  Marlowes  Werke,  historisch-kritische 
Ausgabe  von  Breymann  u.  Wagner,  I,  Tamburlaine,  hrsg.  von  A. 
Wagner.  (Tanger  :  publication  très  soignée  et  très  recommandable.)  — 
Gaston  Paris,  La  poésie  au  moyen  âge,  leçons  et  lectures.  (Tobler  :  à 
remarquer  surtout  l'étude  sur  a  la  chanson  de  Roland  »;  l'excellente 
caractéristique  du  «  pèlerinage  de  Charlemagne  »,  le  travail  sur  l'ange 
et  l'ermite  »;  livre  d'un  homme  «  qui  ne  s'élève  à  des  considérations 
d'ensemble  qu'après  avoir  dominé  le  détail  par  un  travail  conscien- 
cieux ».j  —  G.  WoLFF  u.  O.  Dahm,  der  rômische  Grenzwall  bei  Hanau 
mit  den  Castellen  zu  Rockingen  u.  Markôbel;  H.  Haupt,  der  rômische 
Grenzwall  in  Deutschland.  —  Quidde,  Studien  zur  deutschen^  Verfas- 
sungs  rr  und  Wirthschaftsgeschichte,  I.  zur  Geschichte  des  rheinischen 
Landfriedenbundes  von  1254.  (Lamprecht.)  —  G.  Droysen,  Bernhard 
von  Weimar.  2  vols.  (E.  Fischer  :  travail  de  neuf  ans,  d'après  les  docu- 
ments imprimés  et  manuscrits;  «  digne  monument  élevé  à  un  des  plus 
nobles  fils  de  l'Allemagne,  travail  qui  rend  enfin  justice  à  l'Alexandre 
saxon  ».)  —  Peschel,  Physische  Erdkunde,  hrsg.  v.  Leipoldt  nach  den 
hinterlassenen  Manuscripten.  2^  Aufl.  —  Die  grossherzogliche  badische 
Altertumersammiung  in  Karlsruhe,  antike  Bronzen.  —  Gordon's 
private  diary  of  his  exploits  in  China,  amplif.  by  S.  Mossmann. 

Berliner  Philologische  Wochenschrift,  n°  40,  3  octobre  188  5   :   Homeri, 
Odysseae  epitome,  in  usum  scholarum  edidit  Aug.  Scheindler(R.  Pepp- 
mûller    :    suppressions   arbitraires).     —  Sophokles'  Elektra,    tûr    den 
Schulgebrauch  erklart  von  Gerh.  Heinr.  Mûller  (Wecklein  :  prête  à 
la  critique).  —  B.  H.   Kennedy,  Studia  Sophoclea  II  (F.  Haverfield  : 
critique  de  l'édition  d'Œdipe  Roi  par  Jebb).  — Ausgewahlte  Komôdien 
des  P.  Terentius  Afer,  erklart  von  K.  Dziatzko.  I  Bândchen  :  Phor- 
mio.  2*  verilnderte  Auflage  (A.  G.  Engelbrecht  :  bon).  —  Die  Meta- 
morphosen  des  P.  Ovidius  Naso.  Fur  den  Schulgebrauch  erklart  von 
H.  Magnus,  I  u.  II.  Bandcheu  (A.  Zingerle  :  soigné  et  intéressant).  — 
The  thirteenth  book  of  the  Métamorphoses  of  Ovid,  with  introduction 
and  notes  by  Charles  Haines  Keene  (R.  Ehwald  :  sans  aucune  valeur). 
—  C.  Trjantafiltis,  Marco  Caleno  e  l'iscrizione  greca  che  si  trova  in 
Rovigno  d'istria  (W.    Larfeld  :  il  s'agit  d'une  inscription  relative  à 
Marcus  Calpurnius  Bibulus,  dont  l'intelligence  est  rendue  difficile  par 
des  erreurs  de  gravure.  Larfeld  lit  :  'A  rS/dç  Mipy.ov  KaA[TCupvisv]  Fatu 
uîcv  B66Xo(v)   Tcv  rJ.-p[M}iC(. -at).  sùep^sT^av],  "Ep[).y.'.,   'Hpay.Asî).   —   E.   Na- 
geotte.  Histoire  de  la  littérature  latine  (J.  Peters  :  bien  écrit,  spirituel 
et  au  courant).  —  CM.  Zauder,  De  relatione  pronominali  ea  quae  est 
per  «  quod  »  et  «  id  quod  »  (K.  Venediger  :  travail  de  statistique  mi- 
nutieux). —  E.  Heitz,  Zur  Geschichte  der  alten  Strassburger  Universi- 
tât  (C.  Nohle  :  histoire  de  l'université  de  Strasbourg  de  162 1  à  1793). 


LIBRAIRIE     HACHETTE     ET     C'^ 

BOULEVARD    SAINT-GERMAIN,    79,    A    PARIS. 

PUBLICATIONS   NOUVELLES 

RÉDIGÉES   CONFORMÉMENT  AUX   PROGRAMMES  DE   r885. 


CICERON 

DE    SUPPLIGIIS 

(classe  de  troisième) 

Texte   latin  publié   avec    une  introduction,  des  notes,   un   appendice 

critique,  historique  et  grammatical, 

des  gravures  d'après  les  monuments  et  deux  cartes, 

Par  M.  E.  THOMAS 

Professeur  à  la  Faculté  des  Lettres  de  Douai. 

I  volume  petit  in-i6,  cartonné. i  fr.  5o 


LUCIEN 

LE    SONGE   OU    LE   COQ 

(classe  de  troisième) 

Texte    grec    publié    avec    une    introduction     et    des    notes, 

Par  M.  A.  DESROUSSEAUX 

Agrégé  de  l'Université. 

i  volume  petit  in-j6,  cartonné i   fr. 


VOLTAIRE 

CHOIX    DE    LETTRES 

(classe  de  seconde) 

Publié   avec   une   introduction   et  des   notes, 

Par  M.  L.  BRUNEL 

Professeur  au  L}xée  Saint-Louis. 

I  volume  petit  in-i6,  cartonné 2  fr.  25 


DESCARTES 

PRINCIPES  DE  L\  PillLOSOPHIE 

(classe  de  philosophie) 

Publiés  avec   une   introduction  et   des   notes, 

Par  M.  T.  V.  CHARPENTIER 

Professeur  au  Lycée  Louis-le-Grand. 

I  volume  petit  in-i6,  cartonné i  fr.  5o 


Le  Puy,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  23. 


N"  43  Dix-neuvième  année  26  octobre  1885 


1 


D'HISTOIRE    ET    DE    LITTERATURE 

BECUIilL    HiiBDOMAOAIRE   PUBLIÉ    SOUS    LA    DiKECTICN 

DK  MM.  J.DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G,  PARIS 


Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.  Ghuquet 


Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Pans,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.  —   Etranger,  23  fr. 


PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE    LA     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     î.' ÉCOLE     DES    LANGUES    ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

28,    RUE    BONAPARTE,    28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Ghuquet 

(j\u  bureau  de  la  llevue  :  rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 


ERNEST  LEROUX,   ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

BIBLIOGRAPHIE    HELLÉNIQUE  oudescrip. 

tion  raisonnée  des  ouvrages  publiés  en  grec  par  des  Grecs  aux 
xvc  et  xvi*^  siècles,  par  Emile  Legrand.  2  beaux  volumes,  grand 
în-8 60  fr. 

CHRONIQUE  DE  MORÉE  aux x,,,- et x.V siècles, 
publiée  et  traduite  pour  la  première  fois,  par  A.  Morel-Fatio. 
In-8 12  fr. 

ITINERA  HIEROSOLYMITANA   et  descn- 

ptionesTerrœ  Sanctse  Bellis  sacris  anteriora.Tome  II,  fasc.  L     12  fr. 


CATALOGUE    DES  LIVRES  ORIENTAUX 

Formant  la  bibliothèque 
De  feu  M.  Edouard  DULAURIER 

Dont  la  vente  aura  lieu  les  12,  i  3,  14  novembre. 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n"  701,  10  octobre  i885  :  Theod.  Mommsen,  ROmische 
Geschichie,  V  :  die  Provinzen  von  Caesar  bis  Diocletiaii  (Richards  : 
premier  article) .  — Sélections  from  Steele,  edited  with  introd.  a.  notes 
by  DoBsoN  (Dow).  —  Moffat,  The  lives  ot  Robert  and  Mary  Moffat. 

—  Immortality  aclericalsymposium  on.  what  are  ihe  foundations  of  the 
beliet  in  the  immortality  of  man. —  Classical  schoolbooks  (Andocides,  de 
Mysicriis,  edit  by  Hickie.  The  Œdipus  Tyrannus,  p.  p.  Jebb;  Euripi- 
des,  Iphigenia  in  Tauris,  0.  p.  Jerram;  The  Andromache  of  Euripides, 
p.  p.  Paley;  Euripides,  Bacchae,  p.  p.  Sandys;  Corn.  Taciti  Annalium 
libri  I-IV,  p.  p.  Furneaux)  —  The  text  of  the  ancient  laws  of  Ireland 
(O'  Grady)  —  German  translations  of  the  Bible  before  Luther  (Pearson) 

—  Clovesho  (Kerslake,  Lyall  et  Redhouse).  —  O'  Shea's  «  guide  to 
Spain  »  (W.  Webster).  —  Works  of  Thomas  Hill  Green,  edit.  by 
Nettleship.  I,  philosophical  works  (Alexander).  —  Babylonian  and 
oldChinese  measures  (Terrien  de  Lacouperie). — The  Etruscan  words  an 
the  Orvieto  cup.  (Hoskyns-Abrahall).  —  Pâli  grammars  and  handbooks 
(Williams  et  Norgate).  —  Art  books  (Chesneau,  The  English  school  of 
painting,  translated  by  Etherington;  Eug.  Mûntz,  Donatello  [travail 
excellent,  aussi  remarquable  par  les  recherches  étendues  que  par  l'ex- 
position brillante]  ;  von  Oechelhaeuser,  Dûrer's  Apokalyptische  Rei- 
ter). 

The  Athenaeum,  n°  3024,  10  octobre  :  i885  Hodgkin.  Italy  and  her  in- 
vaders,  vols.  III  and  IV  (n^est  pas  d'un  grand  historien;  mais  Thabi- 
leté,  l'imagination,  le  style  attrayant  font  de  cet  ouvrage  une  addition 
excellente  à  la  littérature  moderne).  —  G.  Paris,  La  poésie  du  moyen- 
âge,  leçons  et  lectures  (livre  très  attachant  et  par  son  savoir  solide,  et 
par  la  clarté  de  la  pensée,  et  par  l'agrément  et  l'éclat  du  style).  —  Legge, 
The  unpopular  king,  the  life  and  times  of  Richard  III,  2  vols,  (essai  de 
réhabilitation  qui  ne  peut  réussir).  —  Sweet,  First  Middle  English  Pri- 
mere. —  Du  Cane,  the  English  Citizen,  the  punishment  and  prévention 
of  crime.  —  The  Court  Leet  Records  of  the  Manor  of  Manchester,  from 
the  year  i552  to  the  year  1686  and  from  the  year  1 73 1  to  the  year  1846, 
L  —  NicoLSON,  Memoirs  of  Adam  Black.  —  The  new  educational  en- 
dowments  act  for  Ireland  —  «  Beauty  and  the  Beast  »  (J.  Pearson).  — 
The  archaeological  discovery  at  Ratisbon.  —  Notes  frome  Rome  (Lan- 
ciani). 

Literarisches  Centralblatt,  n°  42,  10  oct.  i885  :  M.  Engel,  die  Lôsung 
der  Paradiesfrage.  (L'Eden  serait  l'oasis  de  Ruhbe  dans  le  désert  de 
Harra;  beaucoup  de  peine,  de  lecture,  même  d'érudition,  mais  Pénigme 
n'est  pas  résolue.)  —  Schaff,  History  of  the  Christian  church,  vol.  IV, 
mediaeval  chrislianity  from  Gregory  I  to  Gregory  VII,  590-1073.  — 
RoLANDO,  délie  ère  principali  come  fondamento  de  lacronologia  storica. 
(Rien  de  nouveau.)  —  Neumann  u.  Partsch,  physikalische  Géographie 
von  Griechenland  (très  bon,  imprégné  de  l'esprit  de  Ritter).  —  Aspelin, 
Antiquités  du  nord  finno-ougrien,  V,  Page  du  fer,  antiquités  des  pro- 
vinces baliiques.  (5*^  livraison,  pp.  023-399,  aussi  excellente  que  les 
livraisons  précédentes.)  —  Weber,  Allgemeine  Weltgeschichte,  2*^  aufl. 
VII  u.  VIII,  Geschichte  des  Mitteialters,  III.  —  Heinze,  Dresden  im 
siebenjilhrigen  Kriege.  (Ecrit  sous  forme  de  journal,  des  détails  curieux.) 
—  ToMASCHEK,  zur  historischeu  Topographie  von  Persien,  II,  die  Wege 
durch  die  persische  Wuste.  —  Von  Kremer,  ueber  meine  Sammlung 
orientalischer  Handschriften.  (Collection  précieuse.)  —  Dvorak,  Ueber 
die  Fremdwurter  ini  Korân.  (Beaucoup  de  soin,  de  bonnes  connaissan- 
ces en  arabe,  mais  ne  donne  à  la  science  qu'un  mince  profit,  très  peu 
de  nouveau.)  —    Esser,   Bcitrage  zur  gallo-keltischen   Namenskunde 


(intéressant  et  méritoire).  —  Rûbezahl,  seine  Begrûndung  in  der  deut- 
schen  Mythe,  seine  Idée  und  die  ursprunglichen  Riibezahlmarchen. 
(Publié  par  1'  «  oesterreichisclier  Riesengebirgs-Verein  ».)  —  Denkmii- 
1er  desclassisclien  Altertliums  zur  Erlauterung  des  Lebens  der  Griechen 
und  Rômer  in  Religion,  Kunst  und  Sitte,  lexicalisch  bearbeitet  von 
Arnold^  Blummeru.  anderen,  hrsg.  von  Baumeister,  3-17.  —  Wieseler, 
Ueber  einige  beachtungswerthe  geschnittene  Steine  des  IV.  Jahriiun- 
derts,  I.  Drei  Cameen  mit  Triumphdarstellungen,  II.  Zwei  Cameen 
und  zwei  Intaglien  mit  der  Darstellung  rômischer  Herrscher.  — 
ScHLETTERER,  Vorgeschiclite  und  erste  Versuche  der  franzosischen  Oper. 
(Assez  bon.) 

Deutsche  Litteraturzeitung,  n0  4i,  10  oct.  i885  :  Langen,  Geschichte der 
romischen  Kirche  von  Léo  I  bis  Nicolaus  I.  (K.  Miiller.)  —  Bechtel 
Thasische  Inschrii'ten  ionisclien  Dialects  im  Louvre  (Dittenberger).  — 
Pfaff,  De  diversis  manibus  quibus  Ciceronis  de  republica  libri  in  co- 
dice  Vaticano  correcti  sunt.  (Eberhard  :  très  soigné,  quoique  les  résul- 
tats ne  répondent  pas  à  la  peine  extrême  qu'a  prise  l'auteur.)  —  Diefen- 
BACH  u.  E.  WuLCKER,  Hoch  =  uud  Niederdcutschcs  Wôrterbuch  der 
mittleren  und  neueren  Zeit.  (M.  Heyne  :  le  travail  de  Diefenbach  va  de 
A  à  E,  il  est  fait  sans  méthode  ;  celui  de  Wiilcker  qui  va  de  F  au  reste  du 
volume  est  très  utile.) —  Kreiten_,  Voltaire,  ein  Charakterbild,  2^  verm. 
Aufl.  (Mahrenholtz  :  livre  vulgaire  et  nullement  scientifique.)  —  Perey 
et  Maugras,  La  vie  intime  de  Voltaire  aux  Délices  et  à  Ferney,  1754- 
1778.  (Mahrenholtz  :  livre  attachant  et  destiné  au  grand  public.)  — 
Borée,  Heinrich  VIII  von  England  und  die  Curie  1 528-1  529  (Lieber- 
mann  :  quelques  détails  intéressants.)  —  Gesprache  Friedrichs  des  Gros- 
sen  mit  H.  de  Catt  und  dem  Marchese  Lucchesini,  kritisch  festges- 
tellte  Auswahl  in  deutscher  Uebersetzung  hrsg.  von  Bischoff.  (Wie- 
gand  :  d'un  très  grand  prix.)  —  Zeitschrift  der  historischen  Gesellschaft 
tûr  die  Provinz  Posen,  red.  von  Endrulat.  I,  i.  —  Allgemeines  histo- 
ches  Portratwerk,  eine  Sammlung  von  Portrâts  der  beriihmtesten  Per- 
sonen  allar  Vôlker  und  Stânde  seit  i3oo  mit  biographischen  Daten, 
unter  Leitung  W.  von  Seidlitz.  I  IV,  1-40.  —  Bastian,  der  Papua  des 
dunkeln  Inselreichs  im  Lichte  psychologischer  Forschung.  —  de  Vec- 
CHio,  Le  seconde  nozze  del  conjuge  superstite.  — Tôlners  Handlungs- 
buch  von  i345-i35o,  hrsg.  von  Koppmann.  —  Baldamus,  die  Erschei- 
nungen  der  deutschen  Litteratur  auf  dem  Gebiete  der  protestantischen 
Théologie  1880- 1884. 

Gœttingisclie  gelerMe  Anze^gen,  n»  19,  i5  sept.  i885  :  Kalilah  and  Dim- 
nah  or  the  fables  of  Bidpai,  with  an  English  translation  of  the  later 
Syriac  version  a.  notes  by  Keith-Falconer  (Nôldeke  :  traduction  fidèle 
qui  attrape  le  ton  de  l'original,  travail  d^un  maître).  —  Regnaud,  La 
rhétorique  sanscrite  exposée  dans  son  développement  historique  et  ses 
rapports  avec  la  rhétorique  classique,  suivie  des  textes  inédits  du  Bhâ- 
ratîya,  vi  et  vu,  et  de  la  Rasataranginî  de  Bhânudatta  (Pischel  :  des 
critiques  à  faire,  mais  Fauteur  a  rempli  sa  tâche  avec  érudition  et  saga- 
cité). —  Inschriften  griechischer  Bildauer  hrsg.  von  Loewy  (Hirschfeld: 
matériaux  importants  et  nombreux  rassemblés  avec  soin,  distribués  avec 
réflexion,  appréciés  sainement  et  en  détail;  rend  un  grand  service  à 
rhistoire  et  à  l'épigraphie). 

—  N"  20,  I"  oct.  188 5  :  Philippi,  Zur  Geschichte  der  Reichs- 
kanzlei  unter  den  letzten  Staufern  Friedrich  II,  Heinrich  VII  u. 
Konrad  IV.  (Winkelmann  :  ce  travail  est  le  fruit  d'une  foule  d'obser- 
vations particulières  ;  c'est,  en  somme,  une  diplomatique  de  l'épo- 
que.)—  Mûller-Friedberg,  Lebensbild  eines  schweizerischen  Staats- 
mannes    I755'i836,  bearbeit  von   Dierauer.  (Meyer  von    Knonau  : 


travail  très  méritoire.) — Puhlmann,  die  Uebervôlkerung  der  antiken 
Grossstiidte  im  Zusammenhang  mit  der  Gesammtentwicklung  stiidtis- 
clier  Civilisation.  (Joliii  :  excellent  livre).  —  Miscellanea  postuma  del 
Dott.  Rabb.  Mose  Lattks,  fasciculo  I,  terzo  supplemento  al  Lessico 
Talmudico.  (Kaufmann.) 

Revue  de  l'Instriictiou  publique  (supérieurs  et  moyenne)  en  Belgique, 
tome  XXVI II,  5'=  livraison  :  De  Ceuleneer,  Correspondance  de  Berlin, 
Le  musée  des  postes,  les  dernières  acquisitions  du  Musée  des  antiques. 
—  GoBLET  d'Alviella,  Cours  d'histoire  des  religions.  —  Delbœuf,  Le 
parfait  grec,  sa  signification  et  son  emploi.  —  Comptes-rendus: 
Roersch  et  Thomas,  Eléments  de  grammaire  grecque  (livre  qu'il  faut 
signaler  à  l'attention  du  corps  enseignant  et  que  la  revue  soumettra 
plus  tard  à  une  critique  détaillée).  —  L.  Leroy,  Géographie  générale  de 
la  Belgique  (Thil-Lorrain  :  bon  manuel  où  les  faits  géographiques  sont 
classés  méthodiquement  avec  une  remarquable  exactitude;  contient  une 
foule  de  renseignements  utiles  qu'on  chercherait  vainement  dans  les  ma- 
nuels classiques  dont  on  se  sert  généralement).  —  Varia,  programme 
de  concours  pour  1887,  académie  royale  (i»  quelle  fut  l'attitude  des 
souverains  des  Pays-Bas  à  Tégard  du  pays  de  Liège  au  xvi'^  siècle.  — 
2»  Quelle  a  été  en  Flandre,  avant  Pavénement  de  Guy  de  Dampierre, 
l'influence  politique  des  grandes  villes,  et  de  quelle  manière  s'est-elle 
exercée?  —  3"  Faire  l'histoire  de  la  littérature  française  en  Belgique  de 
1800  à  i83o.  — 4°  On  demande  sur  Jean  Van  Boendale  un  travail 
analogue  à  celui  de  Te  Vinkel  sur  Maerlant.  Huit  cents  francs  pour  la 
deuxième  et  la  troisième  question;  six  cents  francs  pour  les  deux  au- 
tres. —  Concours  de  1888  :  Tableau  des  institutions  civiles  et  politiques 
de  la  Belgique  pendant  la  période  qui  s'étend  depuis  le  couronnement 
de  Pépin  le  Bref  jusqu''à  la  confirmation  de  Thérédité  des  fiefs  par  Hu- 
gues Capet  en  France  et  par  Conrad  le  Salique  en  Allemagne. 

Wochenschrift  fur  klassische  Philologie,  n"  37,  9  septembre  i885  :  R.  Ellis, 
Anecdota  Oxoniensia.  Texts,  Documents  and  Extracts,  chiefly  from 
Mss.  in  the  Bodleian  and  other  Oxford  Libraries.  Classical  Séries,  vol.  I, 
part.  V(Hubner).  —  J.  Klinkenberg,  Euripidea  I.  Ion  tractatur  (Glocl  : 
bon;  questions  scéniques;  questions  de  topographie  athénienne,  le  pro- 
logue de  rion,  détails).  —  A.  Baar,  Lucianea,  et  A.  Thimme,  Quaest. 
Lucian.  cap.  IV(Joost:  deux  études  détaillées  et  remarquables).  —  Joa. 
MûLLER,  Cornelii  Taciti  opéra  rec,  vol.  I  (Pfitzner  :  excellent,  le  texte 
d'après  l'édition  de  Halm,  la  «  vulgatissima  »,  «  neque  tamen  in  ea 
[Halmiana  auctoritate]  acquiescendum  esse  existimavi  »). 

—  N°  38,  16  septembre   i885  :   H.  Heydemann,  Vase  Gaputi  mit 
TheaterdarstcUungen  (Trendelenburg).  —  Carl.  Ed.  Schmidt,  Parallel- 
Homer  oder  Index  aller  homerischen  Iterati  inlexikalischer  Anordnung 
(R.  D.  :  travail  laborieux  et  très  utile,  quelquefois  trop  mécanique). 
Sophokles'  Tragoedien,   erkl.  von  G.   Schmelzer.    I.   Konig  Ocdipus 
(B.  Kûbler  :  ouvrage  manqué  ;  où  est  le  public  qui  goûtera  ce  commen- 
taire esthétique?).  —  Herodoti  historiae.  Ad  rec.  suam  recogn.  H.  Stein. 
LU    (Bachof  :  excellent;  tout  ce  qui  a  été  écrit  sur  Hérodote  depuis 
quinze  ans  a  été  mis  à  profit  avec  beaucoup  de  soin  et  de  jugement).  — 
Theophanis  chronographia  rec.  G.  de  Boor.  Vol.  II  (Kirsch  :  savant  et 
sagace).  —  Terenti  Adelphoe  p.  p.  Fr.  Plessis  (Schlee  :  commentaire 
distingué  par  la  sobriété  du  jugement  et  la  précision  des  règles  de  gram- 
maire ou  de  prosodie).  —  M.  Heynacher.  Lehrplan  der  latein.  StUistik 
fur  die  Klassen.  Sexta  bis  Sekunda  (Priimers  :  essai  digne  d'attention, 
mais  peu  réussi). 


Le  Puy,  imprimerie  Marchessou  /ils,   boulevard  Saint- Laurent,  2  3. 


N°  44  Dix-neuvième  année        2  novembre  1885 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

RKCUEIL    HICBOOMADAIRE    PUBLIÉ    SOUS    LA    DIKI'XTION 

DK  MM.  J.DARMESTtTER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PAHIS 


Secrétaire  de  la  rédaction   :   M.   A.   Chuqukt 

Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Pans,  20  fr.  —  Départements,  22  tr.   —    Etranger,  2b  it. 


PARIS 

ERNESr    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

Dii   l'École    des   langues  orientales   vivantes,   etc. 
28,    RUE    BONAPARTE,    28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuqukt 

(Au  bureau  de  la  Revue  :  rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 

ERNEST  LEROUX,   ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

BIBLIOGRAPHIE    HELLÉNIQUE  oudescrip- 

tion  raisonnée  des  ouvrages  publiés  en  grec  par  des  Grecs  aux 
xve  et  xvi<=  siècles,  par  Emile  Legrand.  2  beaux  volumes,  grand 
in-8 60  tr. 

CHRONIQUE  DE  MORÉE  aux  x.n«  et  xiv^  siècles, 
publiée  et  traduite  pour  la  première  fois,  par  A.  Morel-Fatio. 
In-8 12  fr. 

ITINERA  HIEROSOLYMITANA   et  désert- 

ptiones  Terras  Sanctœ  Bellis  sacris  anteriora.Tome  II,  fasc.  I.      12  fr. 

CATALOGUE    DES  LIVRES  ORIENTAUX 

Formant  la  bibliothèque 

De  feu  M.  Edouard  DULAURIER 

Dont  la  vente  aura  lieu  les  12,   i  3,   14  novembre. 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n"  702,  17  octobre  188 5  :  Tulloch,  Movements  of  reli- 
gious  thought  in  Briiain  during  the  nineteenth  century.  (Simcox  :  si- 
non impartial,,  du  moins  modéré.)  —  The  Ingénions  Gentleman  Don 
Quixote  otTa  Mancha,  by  Miguel  de  Cervantes  Saavedra,  a  translation 
by  Ormsby,  IV  ;\\"ebster).  —  Col.  Malleson,  Ambushes  and  surprises 
(W.  G^Connor  Morris  :  se  lit  avec  un  réel  intérêt).  —  A  trigonomical 
survey  of  the  island  of  Cyprus,  executed  and  published  by  command 
of  Sir  R.  Riddulph,  under  the  direction  of  Capt.  Kitchener.  Scale  of 
one  inch  to  a  mile.  On  fifteen  sheets,  with  a  gênerai  map  on  a  reduced 
scale.  —  Two  books  for  elcctors  :  The  Radical  Programm  ;  The  Parlia- 
mentary  History  of  England  from  i832,  by  J.  Raven.  —  Correspon- 
dence  :  Cairn-burial  (Whitley  Stokes),  —  Knives  attached  to  ancient 
title-deeds  (Greenwell).  —  The  text  of  the  ancient  laws  of  Ireland 
(O'Grady).  —  A  Galloway  nursery  taie  (A.  Lang).  —  German  transla- 
tions of  the  Bible  before  Luther  (Hutchison).  —  «  The  Arâbian  nights  » 
(Peacock).  —  The  Epistles  of  Horace,  edited  with  notes  by  Wilkins 
(Nettleship  :  bonne  édition  scolaire).  —  Del  Mar,  a  history  of  money 
in  ancient  countries  (Oman  :  l'auteur  parle  de  ce  qu'il  ne  sait  pas).  — 
The  terra-cottas  of  Naukratis  (Am.  C  Edwards).  —  The  antiquities  of 
the  isle  ot  Man. 

The  Athenaeum,  n^  3o25,  19  octobre  i885  :  W.  M.  Thackeray,  Miscel- 
laneous  essays,  sketches  and  reviews.  —  R.  B.  O'Brien,  Fiftv  years  of 
concessions  to  Ireland  i83i-i88i,  vol.  II  (livre  écrit  avec  beaucoup 
de  soin  et  de  savoir).  — Swallow,  De  Nova  Villa  or  the  house  of  Nevill 
in  sunshine  and  in  shade.  —  Taoist  texts,  ethical,  political  and  spécu- 
lative, by  Balfour.  —  Dictionary  of  national  biography,  edited  by  Lcs- 
lie  Stephen,  vol.  IV.  Beal-Biber.  —  The  new  educational  endowments 
act  for  Ireland.  —  An  anglo-teulonico-israelite  document  (JacobsJ.  — 
The  Fayoum  papyri  in  the  Bodleian  Library  (Nicholson).  —  On  the 
locality  of  the  «  Mons  Badonicus  »  (Airy).  —  Récent  American  ar- 
chaeology. 

Literarisches  Centralblatt,  n"  43,  17  octobre  i885  :  Schlatter,  der 
Glaube  in  Neuen  Testament.  — Krause,  Vorlesungen  uber  angewandte 
Philosophie  der  Geschichte.  —  Maassen,  Geschichte  der  Pfarreien  des 
Dekanates  Hersel.  —  Neustadt,  Ungarns  Verfall  beim  Beginn  des  XVI. 
Jahrhunderts  (esquisse)  —  Gerdes,  Geschichte  der  Konigin  Marie  Stuart, 
I,  bis  zum  Beginn  ihrer  Gefangenschaft  in  England  (démonstration 
difficile  à  suivre,  mais  exposée  avec  une  certitude  trop  triomphante).  — 
M™*^  de  Janzé,  Erinnerungen  an  Berryer,  autoris.  Uebersetzung  von 
Baronin  von  Koenneritz  (à  quoi  bon  cette  traduction?  la  causerie  de 
M"'' de  Janzé  n'a  de  charme  qu'en  français).  —  Ruprecht,  die  Wohnun- 
gen  der  arbeitenden  Classen  in  London.  —  Vlenck,  das  Kônigliche 
statistische  Bureau  in  Berlin.  —  Nogleira,  O  L'un  Kunbi,  dialecto  do 
interior  de  Mossamedes,  alto  Cunene.  —  Hesiodi  quae  feruntur  omnia 
p.  p.  Rzach  (bon  texte,  et  très  soigné).  —  Die  angelsachsischen  Prosa- 
bearbeitungen  der  Benedictinerregel,  p.  p.  A.  Schruer,  I  (bon).  —  Leo, 
Shakspeare  notes  (recueil  de  notes  dispersées,  qui  sera  le  bienvenu).  — 
Hebels  W^erke,  p.  p.  Behaghel  (édition  très  louable). 

Deutsche  Litteratiirzeitung,  n»  42,  17  octobre  iS85  :  Rinn,  Zum  Gedàcht- 
niss  Bugenhagens.  —  Lipsius,  Philosophie  und  Religion.  —  Whatelys 
Grundlagen  der  Rhetorik,  von  G.  Hildebrand.  (Bassermann).  —  Rei- 
NiscH,  die  Quarasprache  in  Abessinien.  (Dillmann  :  très  sagace  et  lumi- 
neux.) —  Krebs,  Die  Prapositionsadverbien  in  der  spàteren  historischen 
Gràcitat.  I  u.  II.  (Dittenberger  :  très  exact  et  très  profondément  étu- 
dié.)—  H.  Kleist,  Die  Phraséologie   des  Nepos  und  Casar  nach  Ver- 


ben  geordnet,  voUstandige  Umarbeitung  von  Wichert,  das  Wichtigste 
aus  der  Phraséologie  bei  Nepos  und  César.  (H.  J.  Muller  :  modifie  le 
livre  de  Wichert,  à  son  avantage;  «  acribie  »  remarquable.)  —  K.  A. 
Hahns  Mittelhochdeutsche  Grammatik  neu  ausgearb.  von  Fr.  Pfeif- 
FER,  4"  Ausgabe.  (Kossinna  :  on  reste  aux  commencements  de  Grimm, 
peu  au  courant,  inutile  et  même  nuisible.)  —  Octavian,  zvvei  mittelen- 
glische  Bearbeitungen  der  Sage,  von  G.  Sarrazin.  (Lûdtke  :  très  bonne 
contribution  à  notre  connaissance  de  la  langue  et  de  la  littérature  du 
moyen-âge  anglais.) — Leo,  Shakspeare.  — Noten.  (Hausknecht:  recueil 
de  conjectures  et  interprétations,  dont  beaucoup  sont  ingénieuses  et 
remarquables.)  —  Scheffler,  Die  franzosische  Volksdichtung  und 
Sage.  2  vols.  (Bischoff  :  ouvrage  méritoire.)  —  Marquardt  u.  Momm- 
sen,  Handbuch  der  rômischen  Altertûmer,  V  et  VI  ;  rôm.  Staatsverwal- 
tung,  II,  p.  p.  Dessau  u.  Domaszewski ;  III,  p.  p.  Wissowa.  —  Baum- 
GARTEN,  Geschichte  Karls  V.  (Brieger  :  première  partie  d'une  excellente 
oeuvre  d"'ensemble.)  —  Pyl,  Geschichte  der  Greifswalder  Kirchen  und 
Klôster  sowie  ihrer  Denkmàler,  nebst  einer  Einleitung  zum  Ursprunge 
der  Stadt  Greifswald.  (Krause.)  —  Joest,  um  Afrika.  —  Imhoof-Blumer, 
Portrâtkôpfe  auf  antiken  Mûnzen  hellenischer  und  hellenisierter  Vôl- 
ker.  (Kekulé  :  très  utile  et  très  bien  fait.) 

Berliner  Philologische  Wochenschrift,  lo  octobre  i885,  n"  41  :  Sophoclis 
tragoediae  ex  recens.  Guil.  Dindorfii.  Ed.  VI  cur.  S.  Mekler,  (pre- 
mière partie  d'un  compte-rendu  détaillé,  dirigé  contre  Topinion  de  Ûin- 
dorf  et  de  Mekler  qui  attribuent  une  autorité  exclusive  au  Laurentia- 
nus. Quelques  corrections  de  l'éditeur  sont  excellentes,  d'autres  inutiles). 

—  Lucien,  Dialogues  des  Morts  disposés  progressivement  et  annotés 
par  Ed.  Tournier.  Deuxième  éd.,  revue,  corrigée  et  complétée  avec  la 
collaboration  de  A.  M.  Desrousseaux  (A.  Baar  :  trop  d'athéthèses  témé- 
raires «  à  la  Cobet  »,  notes  grammaticales  contestables;  mais  quelques 
corrections  sont  plausibles  et  l'ensemble  est  soigné).  —  Demetrius  Basi- 
liades,  A'.cpfiw-'.y.à.  elz  xx  àf/jurj.  si;  tcv  Acjy.'.avcv  cy^cAta  (A.  Baar  :  très 
bonnes  remarques  présentées  dans  un  style  qui  rappelle  celui  de  Lucien). 

—  R.  BoBRiK,  Horaz.  Entdeckungen  und  Forschungen.  Erster  Teil 
(W.  Mewes  :  cherche  à  prouver  que  nous  possédons  les  poèmes  d'Ho- 
race tels  qu'ils  ont  été  réunis  après  sa  mort  dans  une  édition  d'ensemble, 
où  les  différentes  pièces  étaient  disposées  d'après  des  raisons  de  métri- 
que, mais  que  cette  édition  même  nous  est  parvenue  modifiée  en  plu- 
sieurs points  de  son  ordonnance  primitive.  Le  critique  paraît  très  scep- 
tique, mais  reconnaît  l'intérêt  de  ce  gros  volume).  —  K.  Baedeker, 
Aegypten.  Handbuch  fur  Reisende.  Erster  Teil  :  Unteràgypten  und 
die  Sinaihalbinsel  (O.  Puchstein  :  nouvelle  édition  revue  par  Schwein- 
furth  et  Spitta,  mérite  les  plus  grands  éloges).  —  A.  Tschaikowskj,  le 
Turkestan  et  ses  fleuves  d'après  la  Bible  et  d'après  Hérodote  (H.  Haupt  : 
opuscule  écrit  en  russe,  avec  une  naïveté  enfantine).  —  E.  A.  Her- 
renschneider,  Argentovaria-Horburg  (H.  Crohn  :  compte-rendu  de 
fouilles  exécutées  à  Horbourg  près  Colmar,  qui  ont  fait  découvrir  un 
castrum  et  de  nombreuses  antiquités.  L'emplacement  est  peut-être 
identique  à  celui  d'Argentovaria  de  la  carte  de  Peutinger). 

—  N°  42  ,  17  octobre  i885  :  Sophoclis  Tragœdiae  ex  recens. 
Guif.  Dindorfii.  Ed.  VI  cur.  S.  Mekler  (H.  Mûller  :  fin  du  compte- 
rendu  commencé  dans  le  n°  jDrécédent).  —  Fr.  Blass^,  De  Phae- 
THONTis  Euripideae  fragmeutis  Claromontanis .  Accedit  tabella 
pholithographica.  Ad.  Bangert  ,  de  fabula  Phaethontea  (Wec- 
klein  :  bonnes  études).  —  G.  Iulii  Caesaris  Commentarii  de  bello 
gallico.  Fur  den  Schulgebrauch  erklart  von  K.  Menge  (R.  Schneider  : 
intéressant  et  soigné).  —  Die  Historien  des  Tacitus,  drittes,  viertes  und 
funftes  Buch.  Fiir  den  Schulgebrauch  erklart  von  J.  Prammer(G.  Helm- 


reich  :  bon).  —  Samuel  Brandt,  der  St.  Galler  Palimpsest  der  Divinae 
Institutiones  des  Lactantius  (H.  Ronsch  :  description  très  soignée 
d'un  manuscrit  du  V  siècle,  dont  Tétude  doit  servir  de  base  à  l'édition 
de  Lactance  dans  le  Corpus  de  Vienne).  —  E.  Th.  Schulze,  De  Q.  Au- 
relii  Symmachc  vocabulorum  formationibus  ad  sermonem  vulgarem  per- 
tinentibus  (K.  E.  Georges  :  méritoire).  —  E.  Sommerbrodt,  Afrika  auf 
der  Ebstorfer  Weltkarte  (D.  Detlefsen  :  judicieuse  édition  d'une  partie 
de  cette  carte,  qui  date  de  l'époque  des  Croisades).  —  H.  Kiepert,  At- 
las antiquus,  8.  neu  revidierte  Auflage.  Imperii  Romani  tabula  geogra- 
phica  in  usum  scholarum  descripta  (H.  Peter  :  excellentes  cartes).  — 
W.  SiEGLiN,  Karte  der  Entwickelung  der  rômischen  Reiches  (H.  Peter  : 
tirage  à  part  de  la  traduction  allemande  de  l'Histoire  des  Romains  de 
Duruy).  —  Panagiotes  Kastromenos,  The  Monuments  of  Athens. 
Translated  by  Agnes  Smith  (Hermann  Kaupt  :  recommandable  [!], 
bien  traduit  [!]).  —  Ph.  Weber,  Entwicklungsgeschichte  der  Absi- 
chtssiltze.  II.  Abteilung  :  Die  attische  Prosa  und  Schlussergebnisse 
(Vogrinz  :  plein  de  résultats  nouveaux,  que  le  critique  refuse  de  faire 
connaître,  pour  ne  point  dispenser  les  hellénistes  de  lire  Toriginal).  — 
A.  VoN  Bamberg,  griechische  Schulgrammatik.  II.  Syntax  der  attis» 
chen  Prosa.  Mor.  Seyfferts  Hauptregeln  der  griechischen  Syntax. 
Bearb.  von  A.  Von  Bamberg.  17  Auflage  (W.  Nitsche).  —  Fr.  Holz- 
weissig,  Lateinische  Schulgrammatik  (Sorgenfrey  :  de  bonnes  innova- 
tions). 

Theologische  Literaturzeitung,  n°  19,  19  sept.  i885  :  Colinet,  La  théo- 
dicée  de  la  Bhagavadgita  (Bradke  :  méritoire).  —  Preiswerk,  Gram- 
maire hébraïque,  4."  édit.  —  Swainson,  The  Greek  liturgies  chiefly  from 
original  authorities.  —  A.  Ritschl,  die  christliche  Lehre  von  der 
Rechtfertigung  und  Versôhnung.  III.  2e  édit.  (Bilsinger).  —  Theolo- 
gische Studien  aus  Wurtemberg,  p.  p.  Hermann  u.  p.  Zeller. 

Wochenschrift  fïir  klassische  Philologie,  23  sept.  i885,  n"  89  :  A.  Bangert, 
De  fabula  Phaëthontea  (Knaack  :  peu  de  valeur).  —  J.  Kappeiyne, 
Beschouwingen  over  de  comitia  (Soltau  :  bon,  jugement  indépendant, 
beaucoup  de  soin,  convaincant  dans  tous  les  points  principaux),  — 
G.  HiNRicHS,  Herr  Dr.  Sittl  und  die  homerischen  Aeolismen  (Dahms  : 
H.  combat  avec  succès  l'hypothèse  de  S.  et  défend  la  sienne;  il  prouve 
la  possibilité  de  l'existence  d'une  épopée  éolienne  avant  l'école  io- 
nienne). —  N.  Wecklein,  Die  Tragôdien  des  Sophokles  zum  Schulgebr. 
VII.  Biindchen  :  Die  Trachinierinnen  (Schubert  :  édition  très  utile  et 
par  son  commentaire  et  par  un  nombre  d'émendations  du  texte).  — 
Jo.  Ilberg,  Studia  Pseudippocratea  (Zacher  :  étude  soigneuse  et  sagace, 
mais  développements  souvent  mal  présentés;  l'auteur  démontre  l'in- 
fluence que  la  philosophie  et  surtout  la  sophistique  ont  exercée  surla 
littérature  médicale  des  v'=  et  iv«  siècle  av.  J,-C.).  —  E.  Koch,  Grie- 
chische Schulgrammatik.  11'^  Aufl.  (H.). 

—  I"  octobre  i885,  n"  40  :  Neumann  und  Partsch,  Physikalische 
Géographie  von  Griechenland  mit  besonderer  Riicksicht  auf  das  Alter- 
tum  (Stûrenburg  :  excellent;  ouvrage  scientifique  avant  tout,  mais  qui 
poursuit  le  but  de  trouver  dans  la  nature  du  pays  l'une  des  causes  de  la 
grandeur  de  l'antiquité  hellénique).  —  H.  Flach,  Geschichte  der  grie- 
chischen Lyrik  (Schroeder  :  très  peu  de  valeur),  —  Lud.  Lange,  De  vi- 
ginti  quattuor  annorum  cyclo  intercalari  commentatio  (Soltau). 


Le  Puy,  imprimerie  Marchessou  fils,   boulevard  Saint- Laurent,  23. 


N*  45  Dix-neuvième  année       9  novembre  1885 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL    HEBDOMADAIRE   PUBLIÉ    SOUS    LA    DIRECTION 

DE  MM.  J,  DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 


Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.  Chuquet 

Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Pans,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.  —   Etranger,  25  fr. 

PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     l' ÉCOLE     DES     LANGUES    ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

28,    RUE    BONAPARTE,    28 

Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 

(Au  bureau  de  la  Kevue  :  rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 

ERNEST  LEROUX,   ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

TRAITÉ  D'ÉPIGRAPHIE   GRECQUE 

Par    SALOMON    REINACH 

Ancien  membre  de  l'Ecole  française  d'Athènes, 

Précédé  d'un    ESSAI    SUR   LES    INSCRIPTIONS    GRECQUES 

Par  C.  T.  Newton,  conservateur  du  Musée  Britannique. 

Un  fort  volume  in-8 20  fr. 

HISTOIRE     INTÉRIEURE     DE     ROME 

Jusqu'à   la  bataille   d'Actium, 
Tirée   des  Rœmische   Alterthûmer  de    L.    Lange, 
Par  A.  Berthelot  et  Didier. 
Tome  premier,  un   beau  volume  in-8 lo  fr. 

ARCHIVES  DE  LA  SOCIÉTÉ  AMÉRICAINE  DE 

FRANCE-    Nouvelle  série.    Tome   1 25  fr. 

Tome   II 20  fr. 

Tome  III,    fasc.  i,  2,    3,  4.  à 3  fr. 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n"  704,  24  octobre  i885  :  Edmundson,  Milton  and  Von- 
del,  a  cuiiosity  of  literature  (Gosse).  —  Dalton,  Life  and  times  of  Ge- 
neral Sir  Edward  Cecil,  Viscount  Wimbledon  (Gardner).  —  Memoirs 
of  Adam  Black,  edited  by  Nicolson.  —  «  The  Badminton  Library  », 
Hunting,  by  the  Duke  of  Beaufort  and  Mowbray  Morris  (Watkins). 

—  MoMMSEN,  Romische  Geschichte,  V,  die  Provinzen  von  Càsar  bis 
Diocletian  (2''  art.,  Richards  :  livre  qu'aucun  autre  savant  n'aurait  pu 
écrire).  —  The  text  of  the  ancient  laws  of  Ireland  (Mackinnon  et  Kuno 
Meyer).  —  «  Aditi  »  (A.  Lang).  — John  Harvard's  autograph  (Disney). 

—  The  new  way  up  the  Jungfrau  (Coolidge).  —  M.  T.  Ciceronis  ad 
Brutuni  Orator,  edit.  by  Sandys;  M.  T,  Ciceronis  Orator,  rec.  Stangl 
(Wilkins).  —  Indo-Chinese  Philology.  —  An  Index  lo  Oriental  jour- 
nals  (Corletti).  —  The  date  of  Kumâradâsa  (Peterson).  —  Loftie,  Las- 
sons in  the  art  of  illuminating.  —  The  terra-cottas  of  Naukratis,  II 
(Am.  B.  Edw^ards).  — A  head  from  Naukratis  (Tomkins). 

The  Athenaeum,  n»  3o26,  24  octobre  i885  :  The  Greville  Memoirs 
(second  part),  a  journal  of  the  reign  of  Queen  Victoria  from  1837  to 
i852,  by  the  late  Ch.  C.  F.  Greville.  2  vols.  —  The  oldest  Church 
Manual,  called  the  Teaching  of  the  twelve  Apostles,  c'.Ba/,r,  twv  ciocsy.a 
àTroGTCAtov,  the  Didache  and  kindred  documents  in  the  original,  with 
translations  and  facsimiles  of  the  Jérusalem  manuscript,  by  Schaff.  — 
Welford,  History  of  Newcastle  and  Gateshead,  vol.  II,  sixteenth  cen- 
tury.  —  Kalilah  and  Dimnah  or  the  fables  of  Bidpai,  being  an  account 
of  their  literary  history,  w^ith  an  English  translation  of  the  later  Syriac 
version  of  the  same  and  notes  by  Keith-Falconer  (excellente  publica- 
tion), —  Literary  remains  of  G.  S,  Calverley,  with  a  memoir  by 
Sendall  ;  Calverley,  Verses  and  flyleaves,  —  Pope's  Dunciad  1728 
(Sollyj. — The  genealogy  of  John  Harvard  (Rendle),  —  The  battle  of 
Mons  Badonicus  (Sayce,  Acworth  et  Lynn),  —  The  new  educational 
endowments  act  for  Ireland.  —  «  The  unpopular  king.  » 

Literarisches  Centralblatt,  n"  44,  24  octobre  i885  :  Pawlicki,  der  Ur- 
sprung  des  Christenthums,  —  Sax,  die  Bischofe  und  Reichsfiirsten  von 
Eichstadt  (745-1806).  —  Oberti  Giphanii  ad  Wilhelmum  Landgravium 
Hassiae  epistolae  XXXVII,  1 571- 1577,  p.  p.  Mollat.  —  Protokolle 
des  Verfassungs-Ausschusses  im  ôsterreichischen  Reichstage  1848- 
1849,  hrsg.  u.  eingel.  von  Ant.  Springer.  (Publication  de  très  grande 
importance.)  —  [Fischhof],  die  Sprachenrechte  in  den  Staaten  gemisch- 
ter  Nationalitilt.  (Suggestif,  mais  n'atteindra  pas  son  noble  but.)  — 
Th.  Reinach,  de  l'état  de  siège,  étude  historique  et  juridique.  (La  pre- 
mière partie  renferme  une  très  bonne  étude  d'ensemble;  la  seconde  est 
plus  importante.)  —  Stroll,  die  staatssocialische  Bewegung  in  Deuts- 
chland,  eine  historisch-kritische  Darstellung.  (Dessein  louable,  mais 
style  emphatique  et  des  inexactitudes.)  —  Triibner's  collection  ofsim- 
plified  grammars,  XII  E.  Mûller,  a  simplified  grammar  of  the  Pâli 
language;  XIII  Edgren,  Acompendious  Sanskrit  grammar  with  a  brief 
sketch  of  scenic  Prakrit.  (Deux  bons  livres,)  —  Thimme,  quaestionum 
Lucianearum  capita  quatuor.  (Petit  livre  instructif,  renfermant  quatre 
essai.)  —  Scheffler,  die  franzôsische  Volksdichtung  und  Sage,  II.  (Plus 
a  belletristisch  »  que  scientifique.)  —  Turner,  die  englische  Sprache 
(très  peu  louable  et  ne  servira  à  personne.)— VASARi,Vita  di  Donato  seul- 
tore  fiorentino,  p.  p.  C,  Frey  (Edition  faite  d'après  des  principes  qu'on 
ne  peut  qu'approuver), 

Deutscho  Litteraturzeitung,  n°  45,  24  oct.  i885  :  Fr,  Stôber,  Zur  Kritik 
derVita  S.  Joannis  Reomaënsis.  —  Socin,  Arabische  Grammatik,  Para- 


digmen,  Litteratur,  Chrestomathieund  Glossar  (J.  Barth  :  mérite  d'être 
répandu).  —  G.  E.  Schmidt,  Parallel-Homer  oder  Index  aller  homeris- 
chen  Iterati  in  lexicalischer  Anordnung.  (Hinrichs  :  travail  de  dix 
années  qui  n'est  pas  inutile.)  —  Flavi  Vegeti  Renati  Epitome  rei  mili- 
taris,  rec.  G.  Lang.  (GeinoU  :  2"  édition  améliorée.)  —  Firlimini  und 
andere  Guriosa,  hrsg.  v.  L.  Geiger.  (Seuffert.)  —  Sammlung  beliebter 
spanischer  Lust  =  und  Schauspiele  zur  VervoUkommnung  und  Un- 
terhaltung  im  Spanischen,  hrsg.  u.  mit  deutschen  Anmerkungen  ver- 
sehen  von  Aquenza.  I-III.  (Zuncker  :  très  recommandable.)  —  Schirr- 
MACHER ,  Johann  Albrecht  1 ,  Herzog  von  Mecklenburg ,  2  Teile. 
(Kluckhohn  :  beaucoup  de  détails  nouveaux,  mais  l'auteur  ne  met  pas 
l'important  et  Tessentiel  suffisamment  en  relief.)  —  Flathe,  das  Zeital- 
ter  der  Restauration  und  Révolution  i8i5-i85i.  (Horawitz  :  très 
réussi.)  —  J.  Wimmer,  Historische  Landschaftskunde.  (Partsch.) — Wa- 
GNON,  La  sculpture  antique,  origines,  description,  classification  des  mo- 
numents de  TEgypte  et  de  la  Grèce.  (Furtwangler  :  planches  mauvaises, 
livre  instructif  pour  le  grand  public.) 

Altpreussische  Monatsschrift,  i885,  V  et  Vie  fascicules  :  Aus  Kant's 
Brietwechsel,  Vortrag,  gehalten  an  Kant's  Geburtstag  den  22  april 
1883  in  der  Kant-Gesellschaft  zu  Kônigsberg  von  Rudolf  Reicke,  nebst 
einem  Anhang  enthaltend  Briefe  von  Jac.  Sigism.  Beck  an  Kant  und 
von  Kant  an  Beck.  —  Rogge,  Michael  Burckhardt,  der  Nehrungspfar- 
rer  und  seine  Gemeinde,  ein  Sittenbild  aus  der  zweiten  Hillfte  des 
XVII.  Jahrhunderts.  —  Beckherrn,  der  Schlossberg  bei  Jesziorken 
(avec  un  croquis).  —  Kritiken  und  Rejerate  :  Bergau,  die  Bau  =  und 
Kunstdenkmâler  der  Provinz  Westpreussen.  —  Alterthumsgesellschatt 
Prussia  in  Kônigsberg  1884.  Mittheilungen  und  Anhang:  Hohlbaum, 
Zur  Rechtsgeschichte,  Notiz  aus  dem  Kulner  Stadtarchiv.  —  Univer- 
sitatschroniiv  i885.  —  Lyceum  Hosianum  in  Braunsberg  i885.  — 
Altpreussische  Bibliographie  1884  (Nachtrag  und  Fortsetzung).  — 
Preisausschreiben  des  Evangelischen  Vereins  ftir  geistliche  und  Kir- 
chenmusik  der  Provinzen  Ost=:  und  Westpreussen  («  eine  inallgemein 
verstandlicher  Form  gehaltene  wissenschaftliche  Untersuchung  der 
Geschichte  und  der  Bedeutung  der  preussischen  Tonschule  »].  —  Bitte 
(M.  Reicke,  bibliothécaire  de  l'Université  de  Kônigsberg,  et  M.  Sinte- 
nis,  professeur  à  Dorpat,  préparent  depuis  longtemps  une  édition  de 
la  Gorrespondance  de  Kant;  ils  prient  tous  ceux  qui  possèdent  des  let- 
tres du  philosophe  ou  de  ses  correspondants,  de  les  envoyer  directement 
à  M.  Reicke  ou  à  la  librairie  Voss,  de  Hambourg  et  de  Leipzig;  «  la 
plus  petite  notice  sera  la  bienvenue,  aussi  bien  que  des  lettres  des  con- 
temporains de  Kant,  où  il  est  fait  mention  du  philosophe,  car  elles 
peuvent  éclairer  d'autres  passages  obscurs  jusqu'ici  de  la  correspon- 
dance, permettre  de  fixer  la  chronologie  des  lettres,  le  nom  de  celui  qui 
les  envoyait  ou  les  recevait  »). 

Theologische  Literalurzeitimg,  n°  20,  3  octobre  i885  :  Bibliotheca  Sama- 
ritana,  I,  die  Samaritanische  Pentateuch-Version,  die  Genesis,  in  der 
hebrilischen  Quadratschrift  unter  Benutzung  der  Barberinischen  Tri- 
glotte  hrsg.  V.  Heidenheim  (Kautzsch).  —  Hatch,  An  introductory  lec- 
ture on  the  study  of  ecclesiastical  history.  —  Lungen,  Geschichte  der 
rômischen  Kirche  von  Léo  I  bis  Nicolaus  I,  quellenmussig  dargestellt. 
(Krûger  :  devraêtre  lu,  contient  d'abondants  matériaux,  mais  ne  forme  pas 
un  réel  ensemble;  la  mise  en  œuvre  des  documents  est  imparfaite.)  — 
NiTzscK,  Geschichte  des  deutschen  Volkes  bis  zum  Augsburger  Reli- 
gionsfrieden,  hrsg.  v.  MAXTHai,  III,  vom  Tode  Heinrichs  VI  bis  zum 
Augsb.  Religionsfrieden.  (K.  Muller  :  écrit  dans  l'esprit  de  Niebuhr; 
des  hypothèses  trop  hardies;  mais  de  grandes  vues  et  une  excellente  mé- 
thode ;  livre  fécond.) 


PUBLICATIONS  DE  TRUBNER  AND  CO.  A  LONDRES 


TRÛBNER  &  GOS  LIST 


VIENT  DE  PARAITRE 

2  vols,  demy  8vo,  cloth.  price  36s. 

GENERAL      PRINCIPLES      OF 

THE     STRUCTURE     OF 

LANGUAGE. 

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Dean  of  Clonfert,  e.\-Fellow  of  Trinity  Collège, 

Dublin, 


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THE  HISTORY  OF  CHOLERA  IN 

INDIA,  FROM  1862  TO  1881. 

Being  a  Descriptive    and    Statistical    Account 

of  the  Disease. 
Together  with  Original    Observations  on  the 

Causes  and  Nature  of  Choiera. 

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Sanitary  Comniissioner,    Punjaub. 

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CHRIST  ; 

Or,  Prototypes  ol'Our  Faith  and  Culture. 

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F.  R.  Hist.  S., 

Authorof  "Cradle-Land  of  Arts  and  Creeds" 


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MïLTON    AND    VONDEL  : 

A  Curiosity  of  Literature. 

By  GEORGE  EDMUNDSON,  M.  A., 

Late  Fellow  and  Tutor  of  Brazenose  Collège, 

Oxford,  Vicar  of  Northolt,  Middlesex. 


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WHERE    THE    BATTLE   "WAS 

FOUGHT : 

A  Novel. 

Bv  CHARI-ES  ECiBERT  CRADDOCK, 

Anthor  of  "In   the  Tennessee  Mountains." 

English  Copyright  Edition. 


Vol.  III.,  post  Svo,  completinû-  the  Work. 

AN  ACCOUNT  OF 

THE    POLYNESIAN     RACE  : 

Us  Origln  and  Migrations, 

AND    TUE    ANCIENT    lUSTORY    OF    THE 

HAWAUAN  PEOPLE  TO  THE  TIMES  OF 

KAMEHAMEIIA  I. 

Vol.  III.  COMPAR.\TiVE  VOCABULARY  OF 

THE    POLYNESIAN    AND    INDO- 

EUROPEAN  LANGCAGES. 

By  ABRAHAM  FORNANDER, 

Circuit  .ludge  of  the  Island  of  Maui,  II.  I.,  K.  C. 

of  the  Royal  Order  of  Kalakaua. 

With  a  Pr-îfaoe  by  Prof.  W.  D.  ALEXANDER, 

of  Punahou  Collège,  Ilonolulu. 


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THE   LITERATURE    OF    EGYPT 
AND  THE  SOUDAN. 

By  H.  H.  Prince  IBRAHI.M  HILMY, 
Dedicated  to  his  Father,  the  Khédive  Ismail. 


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Part  I.,  18S3-4. 

By  W.  M.  FLINDERS  PETRIE. 

Author  of  "Pyramids  and  Temples"  of  Gizeh. 


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Published  by  Command  of  the  Secretary  of 

State  for  India. 

12  vols.,  demy  Svo,  half-morocco. 

THE   IMPERIAL     GAZETEER 
OF    INDIA. 

By  the  Hon.  W.W.  HUNTER,  C.  S.  I.,  C.  I.  E., 
l.L.  D., 

Meinber  of  the   Governer-Generars    Council; 

Director-General  of  Statistics   to  the 

Government  of  India. 

To  Subscribers,  £2I2s  6d,  the  Set  of  12  vols. 


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DICTIONARY    OF    THE   KONGO 

LANGUAGE. 

As  Spoken  at  San  Salvador,  the  Old 
Capital  of  Congo. 

In  Two  Parts-ENGLISH-KOXGO  and  KONGO- 
ENGLISH. 

By  the  Rev.  W.  IIOLMAN  BENTLEY, 
Baptist  Missionary  Society. 

With  an  Introduction  by  R.  N.  CUST. 


Also,  uniforni  with  the  above. 

A    GRAMMAR  OF    THE   KONGO 
LANGUAGE. 

With  an  APPENDIX  of  TALES, 
PROVERBS,  &c. 

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MISCELLANEOUS    ESSAYS 

ON  SUBJECTS  CONNECTED  VvITH  THE 

MALAY    PENINSULA  AND  THE 
INDIAN  ACHIPELAGO. 

Reprinted  from  '-Dalrymple's  Oriental  Reper- 

tory,"  "Asiatick  Researohes,''  and  ''The 
Journal  of  the  Asiatic  Society  of  Bengal." 

Edited  by  R.  ROST,  Ph.   D.,  &c., 
Librarian  to  the  India  Office. 


London  :  TRUBNER  and  CO.,  Ludgate   Hi!l. 


Le  Puij,  imprimerie  Marchessou  fils,  boulevard  Saint-Laurent,  là. 


N*  46  Dix-neuvième  année      16  novembre  1885 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET   DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL    HEBDOMADAIRE   PUBLIÉ    SOUS   LA    DIRECTION 

DE  MM.  J.  DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 


Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.  Chuquet 

Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Pans,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.  —   Etranger,  23  fr. 

PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE    I,  A     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     L*  ÉCOLE     DES     LANGUES    ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

28,    RUE    BONAPARTE,    28 

Adresser  les  communications  concerjiant  la  rédaction  àlA.  k.  Chuquet 

(Au  bureau  de  \a  Kevue  :  rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  Vétranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  far  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  U7i  compte-rendu. 

ERNEST  LEROUX,   EDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

TRAITÉ  D'ÉPIGRAPHIE   GRECQUE 

Par    SALOMON    REINACH 

Ancien  membre  de  l'Ecole  française  d'Athènes, 

Précédé  d'un    ESSAI    SUR    LES    INSCRIPTIONS    GRECQUES 

Par  C.  T.  Newton,  conservateur  du  Musée  Britannique. 

Un  fort  volume  in-8 20  iv . 

HISTOIRE     INTÉRIEURE    DE     ROME 

Jusqu'à   la  bataille   d'Actium, 
Tirée   des  Rœmische  Alterthiimer  de    L.    Lange, 
Par  A.  Berthelot  et  Didier. 
Tome  premier,  un  beau  volume  in-8 10  fr. 

ARCHIVES  DE  LA  SOCIÉTÉ  AMÉRICAINE  DE 

FRANCE-    Nouvelle  série.   Tome  1 25  fr. 

Tome  II 20  fr. 

Tome  III,   fasc.  I,  2,    3,4.3 3  fr. 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n°  704,  3i  oct-  i885  :  Mark  Pattison,  Sermons 
(i"  art.)  —  The  Greville-Memoirs,  part  II,  1837-1852.  (Hamilton  :  a 
signaler,  entre  autres  choses,  des  jugements  sur  lord  Palmerston,  sur 
Macaulay,  sur  Wellington,  etc.)  —  Annandale,  A  concise  dictionary 
of  the  English  language,  literary,  scientihc,  etymological  and  pronoun- 
cing  (Bradley  :  bon.)  — Where  Chineses  drive,  English  student  lite  at 
Peking,  by  a  student  interpréter.  —  Molloy,  Royalty  restored  or  Lon- 
don  under  Charles  II.  (Peacock.)  —  The  proposed  teaching  University 
tor  London  —  The  text  of  the  ancicnt  laws  of  Ireland  (Rhys.)  —  He- 
rodotus  redivivus.  (Am.  B.  Edwards.)  —  German  translations  of  the 
Bible  before  Luther.  (Pearson.)  —  «  Milton  and  Vondel  ».  (Edmund- 
son.)  —  The  Aristotelian  society  (Hodgson.)  —  Heath,  Diophantos  of 
Alexandria,  a  study  in  the  history  of  Greek  algebra.  (Mackay.)  —  The 
derivatio  of  latin  «  fortassis  »  (Wharton  :  serait  une  ancienne  deuxième 
personne  du  singulier  du  subjonctif  du  vevhe/ortare,  formé  de  fortis 
comme  firmare  de  Jirmus  et  signifierait  primitivement  «  you  would 
assert.  »)  —  Sebastiano  del  Piombo  in  a  new  light.  (Bradley.) 

The  Athcuaeum,  n"  8027,  3i  oct.  i885  :  Sir  Henry  Sumner  Maine, 
Popular  government,  four  essays,  —  Rye,  Popular  county  historiés,  a 
history  of  Norfolk.  —  Blaze  de  Bury,  Alexandre  Dumas,  sa  vie,  son 
temps,  son  oeuvre  (bon  livre  qui  rend  justice  à  Dumas).  —  Prinsep, 
Record  of  services  of  the  Honourable  East  India  Company's  civil  ser- 
vants in  the  Madras  Presidency  from  1741  to  i858.  — ■  Calendar  of 
letters  trom  the  mayor  and  corporation  of  the  city  of  London  i35o- 
1370,  p.  p.  Sharpe.  —  The  battle  of  Mons  Badonicus  (Sayce.)  —  The 
«  dictionary  of  national  biography  »  (liste  des  noms  ,  de  Gollins  à 
Coppe.)  —  Crowe  a.  Cavalcaselle,  Raphaël,  his  life  and  works,  vol.  II 
(premier  article.) 

Literarisches  Centralblatt,  n0  45,  3i  oct.  i885  :  Hase,  Kirchengeschicte 
auf  der  Grundlage  akadem.  Vorlesungen,  I.  Alte  Kirchengeschichte. 
(Ouvrage  d'un  des  vieux  maîtres  de  la  science  historique,  d'un  des 
«  Lehrer  der  Nation  m.)  —  Ebrard,  Christian  Ernst  von  Brandenburg- 
Bayreuth.  Die  Aufnahme  reformieter  Flûchtlingsgemeinden  in  ein  lu- 
therisches  Land  1686-17 12.  (Contribution  précieuse  à  l'histoire  de 
l'église  et  à  la  «  Culturgeschichte  ».)  —  Jahresberichte  der  Geschi- 
chtswissenschaft,  IV"  Jahrgang.  (Cp.  une  des  prochaines  notes  de  notre 
Chronique.)  —  H.  Lorenz,  die  Jahrbticher  von  Hersfeld  nach  ihren 
Ableitungen  u.  Quellen  untersucht  u.  wiederhergestellt.  —  Henrard, 
Henri  IV  et  la  princesse  de  Condé.  1609-1610  d'après  des  documents 
inédits.  (On  devra,  après  avoir  lu  ce  livre,  attribuer  une  plus  grande 
importance  politique  à  la  passion  du  roi  pour  la  princesse,  mais  en 
somme  le  jugement  de  Ranke  restera.)  —  Nau,  Maria  Stuart  von  der 
Ermordung  Riccio's  bis  zur  Flucht  nach  England  i  566- 1 568,  Aufzei- 
chnungen  ihres  Sekretdrs,  nach  der  franz.  Original-Ausgabe  des  P.  J. 
Stevenson  libers,  u.  erlilut.  von  Cardauns.  —  Max  Lehmann,  Preussen 
und  die  Katholische  Kirche  seit  1640,  Teil  V,  1775- 1786,  —  Disseln- 
KOTTER,  Beitrage  zur  Kritik  der  Histoire  de  mon  temps  Friedrichs  des 
Grossen.  eingeleitet  von  Maurenerecher.  (Bon  travail.)  — GôRLACH,Furst 
Bismarck,  eine  Lebensbeschreibung  bis  auf  die  neueste  Zeit  fortgesetzt 
von  Egelhaak.  —  Loersch,  der  Ingelheimer  Oberhof.  —  Q.  Horatius 
Flaccus,  Oden  und  Epoden,  erklart  von  Kiessling  (très  remarquable). 
—  Piauti  fabularumdepcrditarum  fragmenta  collegit  Fr.  Winter.  (Utile 
et  méritoire,  témoigne  d'un  grand  soin.)  —  Schuchardt.  Slawo-Deut- 
sches  u.  Slawo-Italienisches.  (De  fines  remarques  et  considérations.)  — 
Druskowitz,  Drei  englischc  Dichterinnen.  (Traite  de  Jeanne  Baillie, 


d'Elisabeth  Browning  et  de  George  Eliot;  profonde  connaissance  des 
choses  et  bon  jugement.)  —  Rubens,  antike  Charakterkupl'e,  einc 
Sammlung  von  12  Bildnissen  nach  antiken  Biisten  gezeichnet,  in  Kupfer 
gestochen.  —  Langl,  Griechische  Gdtter  zz:  und  Heldcngestalîen,  nach 
antiken  Bidwerken  gezeichnet  u.  erliLutert,  mit  kunstgeschichllicher 
Einleit.  voii  v.  Lutzow.  —  Schmeding,  die  classische  Bildung  in  der 
Gegenwart.  (Charge  à  fond  contre  la  «  culture  classique  ».) 

Deutsche  Litteraturzeitiing',  n"  44,  3i  oct.  i885  :  Familien-Bibel  des 
Neuen  Testaments.  II,  1-4,  die  Paulus-Briele  iibersetzt  u.  erklart  von 
ZiTTEL  (Holtzmann  :  méritoiie)  —  Likowski,  Geschichte  des  allmahli- 
chen  Verfalls  der  Unierten  Katholischen  Kirche  im  XVIII.  u.  XIX 
Jahrhundert,  ùbers.v.  Tlocznsyki  (Nippold  :  recommandablc).  —  Th. 
Funck-Brentano,  Les  principes  de  la  découverte.  (VVeber).  —  Bobrhv, 
Horaz,  Entdeckungen  und  Forschungen,  I  (Schenkl  :  découvertes  qui 
ne  trouveront  guère  de  croyants).  —  Niklas,  Johann  Andréas  Schmel- 
1ers  Leben  u.  Wirken;  Schmeller,  die  Ephesier,  Drama  in  drei  Acten, 
p.  p.  Niklas  (E.  Martin).  —  Stappers,  Dictionnaire  synoptique  d'ety- 
mologie  trançaise  (Ulrich  :  fait  avec  grand  soin,  mais  ne  rendra  de  bons 
services  qu'à  celui  qui  sait  déjà).  —  Janssen,  Geschichte  des  deutschen 
Volkes  seit  deni  Ausgange  des  Mittelalters,  IV.  i5  55-i58o  (Kluckhohn  : 
fait  un  tableau  affreux  du  développement  du  protestantisme  et  repré- 
sente comme  funestes  les  effets  de  la  «  révolution  politico-ecclésiasti- 
que »  dans  toutes  les  directions;  ouvrage  très  favorable  aux  jésuites).  — 
LoTHEissEN,  Zur  Sittengeschichte  Frankreichs  (L.  Geiger  :  études  bien 
écrites,  faites  d'après  les  sources,  et  attachantes).  —  Thomson,  Durch 
Massai-Land;  G.  A.  Fischer,  das  Massai-Land.  —  Das  St.  Johannis- 
kloster  in  Hamburg,  Grundrisse  und  Abbildungen  mit  erleutcrndem 
Text  von  Gaedechens,  Gensler  u.  Koppmann.  —  Barthélémy  Saint- 
HiLAiRE,  Traités  des  parties  des  animaux  et  de  la  marche  des  animaux, 
d'Aristote,  trad.  en  français  pour  la  première  fois  (O.  Schmidt  ;  il  y  a 
bien  peu  de  chose  dans  l'introduction  et  les  notes;  il  y  circule  un  air 
antédiluvien  ;  les  remarques  sont  pour  la  plupart  naïves  et  plates). 

Beiiiner  Philologische  V/ochenschrift,  24  octobre  i885,  n°  48  :  Platos  aus- 
gewahlte  Dialoge  erklart  von  G.  Schmelzer.  I^""  Band.  Der  Staat. 
(A.  Krahn  :  utile  commentaire.)  —  H.  Was,  Platos  Politeia.  Een  kri- 
tisch-esthetisch  onderzoek  (G.  Dannehl  :  Platon  n'est  utopiste  que  dans 
les  Lois,  il  est  poète  dans  la  Politique).  —  Supplementum  Aristotelicum 
editum  consilio  et  auctoritate  academiae  Borussicae.  Vol.  I.  Pars  I, 
Exgerptorum  Constantini  de  natura  animalium  libri  duo.  Aristophanis 
historiae  animalium  epitome.  Subjunctis  Aeliani  Timothei  aliorumque 
eclogis  éd.  Spyridion  P.  Lambros  (Susemihl  :  excellente  publication,  où 
l'on  trouve  pour  la  première  fois  le  second  livre  des  Excerpta  sur  l'histoire 
des  animaux  rédigés  pour  Constantin  Porphyrogénète,  d'après  un  ms.  du 
xiv^  siècle  découvert  au  mont  Athos  par  Lambros).  —  Servh  gramma- 
tici  commentarii.  Vol.  I.  II.  Rec.  G.  Thilo  (G.  Goetz  :  grand  service 
rendu  aux  lettres  latines).  —  G.  Egelhaaf,  Grundztige  der  Geschichte. 
Erster  Teil  :  das  Alterthum  (H.  Peter  :  bon  précis).  —  E.  von  Stern, 
Geschichte  der  spartanischen  und  thebanischen  Hégémonie  vom  Ku- 
nigsfrieden  bis  zur  Schlacht  bei  Mantineia  (G.  Hertzberg  :  remarqua- 
ble). —  M.  Zoller,  Romische  Staats-und  Rechtsalterthiimer  (M.  Voigt 
recommande  ce  manuel,  tout  en  faisant  quelques  réserves).  —  K.  J. 
Seitz,  Grundlagen  einer  Geschichte  der  rômischen  Possessio  (Max 
Conrat).  —  Adolf  Schmidt,  Chronologische  Fragmente.  Der  attische 
Doppelkalender.  Jahrb.  f.  klass.  Phil.  i88o.  Heft  10  (A.  Mommsen  : 
hypothèses  non  démontrées).  —  R.  Westphal,  Griechische  Rhythmik 
(R.  Klotz  :  y-  édition  de  la  Metrik  de  Ross'oach  et  Westphal).  — 
L.  Muller,  Metrik  der  Griechen  und  Rômer.  2  Ausgabe  (R.  Klotz  : 


bon).  —  G,  Grumbach  et  A.  Waltz,  Prosodie  et  métrique  latines.  4. 
édit.  (R.  Klotz  :  soigné  et  plus  complet  que  les  précis  allemands  du 
même  genre). 

Gœttingische  gelehrte  Anzeigen,  n"  21,  i5  oct.  i885  :  Max  Rôdiger,  Kri- 
tische  Bemerkungen  zu  den  Nibelungen  (Wilmanns  :  important).  — 
Redolfi,  die  Lautverhiiltnisse  des  bergellischen  Dialects  (Morf).  —  The 
American  Journal  of  Philology,  I,  i.  (Blumner  :  entreprise  qu'il  faut 
saluer  avec  joie,  d'autant  que  les  Américains  ont  pris  récemment  une 
part  active  aux  fouilles  archéologiques  et  obtenu  de  précieux  résultats.) 

—  Heisterbergk,  Nameund  Begrifîdes  Jus  Italicum.  (Deecke  :  fait  avec 
soin,  méthode  et  succès,  cp.  Revue  critique,  n»  45,  art.  198.) 

Theologische  Literaturzeitung,  n"  21,  17  octobre  i885  :  Pearson,  The 
prophecy  of  Joël,  its  unity,  its  aim  and  the  âge  of  its  composition. 
(Smend.)  —  Glock,  Die  Gesetzesfrage  im  Leben  Jesu  und  in  der  Lehre 
des  Paulus  (Weiss).  —  Mommsen,  Romische  Geschichte,  V  Band,  die 
Provinzen  von  Casar  bis  Diocletian.  (Loofs  :  très  clair,  très  instructif, 
beaucoup  de  chapitres  importants  pour  l'histoire  de  l'Eglise.)  —  Linke, 
Te  Deum  laudamus,  die  lateinischen  Hymnen  der  alten  Kirche  ver- 
deutscht  I  Band  :  die  Hymnen  des  Hilarius  und  Ambrosius.  (Brandes  : 
travail  prétentieux  et  absolument  sans  valeur.)  —  Salmon,  The  Cross- 
References  in  the  «  Philosophumena  ».  —  Merz,  die  Bildwerke  an  der 
Erzthûre  des  Augsburger  Doms.  —  Chrp.  Hoffmann,  Mein  Weg  nach 
Jérusalem,  Erinnerungen  aus  meinem  Leben,  2  Th.,  Erinnerungen  des 
Mannesalters. 

Zeitschrift  fur  katholische  Théologie,  IX,  Band,  IV  Heft,  i«r  octobre  188 5  : 
Grisar,  das  romische  Sacramentar  und  die  liturgischen  Reformen  im 
VI.  Jahrhundert.  —  Flunk,  Die  moderne  Pentateuchkritik  auf  ihren 
wissenschaftlichen  Gehalt  geprûft,  mit  besonderer  Beziehung  auf  den 
Schoptungs  ■=.  und  den  Sintliutbericht.  —  Limbourg,  Vom  Wesen  des 
natûrlichen  und  des  iibernatiirlichen  Habitus. —  Fr.  Schmid,  Die  neues- 
ten  Controversen  ûber  die  Inspiration.  — Comptes-rendus  :  Lehmkuhl, 
Theologia  moralis,  2^  édit.  (Biederlack).  —  Heiner,  Die  kirchlichen 
Ccnsuren  (Biederlack).  —  Rothe,  Traité  du  droit  naturel,  tome  î  (Costa- 
Rossetti).  —  ScHiNDLER,  Der  heilige  Wolfgang  in  seinem  Leben  und 
Wirken  (Kobler.)  —  Markovic,  Le  parrochie  Francescane  in  Dalmazia. 

—  Bemerkungen  und  Nachrichten  :  Ausdem  unedirten  Testamente  des 
Cardinals  von  Kollonitsch,  Fûrstprimas  von  Ungarn  (J.  Maurer).  — 
Exegetisch-kritische  Nachlese  zu  den  alttestamentlichen  Dichtungen 
(Bickell).  —  Analecten,  besonders  aus  auslandischen  Zeitschriften.  — 
Fortsetzungen  und  neue  Auflagen  fruher  besprochener  Werke. — Gene- 
ralregister  aller  bisher  erschienenen  Jahrgilnge. — Literarischer  Anzeiger. 

Wochenschrift  fiir  klassische  Philologie,  7  oct.  i885,  n°  41  :  E.  Herzog, 
Geschichte  und  System  der  rômischen  Staatsverfassung,  vol.  I  (Sol- 
tau  :  produit  bien  réussi  de  beaucoup  d'années  d'études,  manuel  excel- 
lent pour  les  étudiants;  très  utile,  même  après  Mommsen;  indépen- 
dant, argumentation  soignée,  polémique  bienveillante  et  qui  examine 
tout).  —  W.  Kopp,  Geschichte  der  rômischen  Litteratur  fur  hoherc 
Lehranstalten  und  zum  Selbstudium.  5^''  Aufl.,  umgearb.  von  F.  G. 
Hubert  (Hûbner  :  auteur  et  éditeur  ne  sont  pas  à  la  hauteur  de  leur 
tâche,  beaucoup  d'inexactitudes  dans  les  faits  et  de  négligences  dans  la 
forme).  —  E.  Lûbbert,  Commentatio  de  priscae  cuiusdam  epiniciorum 
tormae  apud  Pindarum  vestigiis,  et,  De  Pindaro  nomorum  Terpandri 
imitatore;  K.  Franke,  De  hymni  in  Cererem  Homerici  compositione 
dictione  aetate  (Crusius).  —  G.  Brinker,  De  Theocriti  vita  carminibus- 
que  subditiciis  (Hiller  :  dissertation  faite  avec  application  et  soin  ;  utile 
et  digne  d'examen  en  plusieurs  points). 

Le  Fuy,  imprimerie  Marchessnu  /ils,   boulevard  Saini- Laurant ,  23. 


N"  47  Dix-neuvième  année      23  novembre  1885 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    L  11  T  É  R  A  T  U  lŒ 

RKCUEIL    Mfc:til,OMADAlHE    PUBLIE    SOUS    LA    DIRECTION 

DE  MM.  J.DARMESTLTER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PAivSS 


Secrétaire  de  la  rédaction   :   M.   A.   Chuquki 

Prix  d'abonneœent  : 
Un  an,  Pans,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.   —    Etranger,  i'j  fr. 


PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     l' ÉCOLE     DES     LANGUES    ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

28 ,    RUE    BONAPARTE,    28 

Adresser  les  conwmnications  conceriiant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 

'Au  bureau  de  la  l<evue  :  rue  Bonaparte,  ;8), 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  conunissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-rendu. 


a 


ERNEST  LEROUX,   ÉDITEUR,   RUE  BONAPARTE,  2S 


TRAITÉ  D'EPIGRAPHIE   GRECQUE 

Par    SALOMON    REINACH 

Ancien  membre  de  l'Ecole  française  d'Athènes, 

Précédé   d'un    ESSAI    SUR    LES    INSCRIPTIONS    GRECQUES 

Par  C.  T.  Newton,  conservateur  du  Musée  Britannique. 

Un  fort  volume  in-8 20  fr. 

HISTOIRE     INTÉRIEURE    DE     ROME 

Jusqu'à   la  bataille   d'Actium, 
Tirée   des  Rœmische   AlterthUmer  de    L.    Lange, 
Par  A.  Berthelot  et  Didier. 
Tome  premier,   un   beau  volume  in-8 10  fr. 

ARCHIVES  DE  LA  SOCIÉTÉ  AMÉRICAINE  DE 

FRANCE-    Nouvelle  série.   Tome   1 2  5  fr. 

Tome   II 20  fr. 

Tome  III,    fasc.  I,  2,    3,  4.  à 3  fr. 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n"  705,  7  nov.  i885  :  Sir  Summer  Maine,  Popular  go- 
vernment  (Benn).  —  The  Journal  of  Mary  Frampton,  1779-1846,  p.  p. 
H.  G.  MuNDY.  —  Tenuant,  Sardinia  and  his  resources.  —  Coleridgc's 
ms.  notes  on  Malthus  (Bonar).  —  University  Collège  and  the  Univer- 
sity  of  London  (Lankester).  —  John  Harvard's  autograph  (Shuckburgh). 
—  «  Milton  and  Vondel  »  (Mac  Ibraith).  —  Louis  Agassiz,  his  life  and 
correspondence,  p.  p.  Elis.  C.  Agassiz.  2  vols.  —  Archduke  Rainers 
collection  of  papyri  (Bûhler).  —  Fundations  of  the  campanile  of  St. 
Mark  of  Venice  (Middleton).  —  Roman  inscriptions  at  Whitley  Castle 
and  Souih  Shields  (Watkin). 

The  Athenaeum,  n"  3028,  7  nov.  i885  :  The  Journal  of  Mary  Framp- 
ton 1779-1846,  p.  p.  H.  G.  MuNDY.  —  Brackenbury,  The  River  Co- 
lumn,  a  narrative  of  the  advance  of  the  River  Column  of  the  Nile  ex- 
peditionary  force  and  its  return  down  the  rapids.  —  Edmundson, 
Milton  and  Vondel,  a  curiosity  of  literature  (Livre  ingénieux,  mais 
accuser  Milton  de  plagiat  !  Le  seul  mérite  de  l'ouvrage,  c'est  peut-être 
de  faire  mieux  connaître  Vondel).  —  H.  Krafft,  Souvenirs  de  notre 
tour  du  monde.  —  The  dictionary  of  national  biography  (liste  des  fu- 
turs articles,  de  Coppinger  à  Craven).  —  Notes  from  Rome  (Lanciani). 

Literarisches  Centralblatt,  n"  46,  7  nov.  i885  :  Lieblein,  Ueber  altagyp- 
tische  Religion.  (La  principale  partie  de  Fouvrage  n'a  pas  une  valeur 
scientifique.)  —  Glock,  die  Gesetzesfrage  im  Leben  Jesu  u.  in  der  Lehre 
des  Paulus.  (Intéressant,  chaud,  mais  peu  creusé.) —  Steitz,  Geschichte 
der  von  Anlwerpen  nach  Frankfurt  a.  M.  verpflanzlen  niederlandischen 
Gemeinde  augsburgischer  Confession.  (Très  méritoire.)  —  Featherman, 
A  social  history  of  the  races  of  mankind.  (N'a  pas  rassemblé  assez  de 
matériaux  et  trouvera  peu  de  lecteurs.)  —  Bippen,  Aus  Bremens  Vorzeit, 
Aufsiitze.  —  Kostler,  die  Ungarnschlacht  auf  dem  Lechfelde  am  10 
August  955  u.  die  Folgen  der  Ungarnkriege  iiberhaupt.  (Semble  avoir 
travaillé  plutôt  d'après  les  ouvrages  modernes  que  sur  les  sources  pro- 
prement dites.)  —  Bémont,  Simon  de  Montfort,  comte  de  Leicester,  sa 
vie,  son  rôle  politique  en  France  et  en  Angleterre  (beaucoup  de  docu- 
ments nouveaux,  travail  méritoire).  —  Nitzsch,  Geschichte  des  deutschen 
Volkes  vom  Tode  Heinrichs  VI  bis  zum  Augsburger  Religionsfrieden, 
p.  p.  MATTHài.  (Ce  n'est  qu'un  «  torso  »  inachevé,  mais  que  d'idées 
fécondes!) —  Bleibtreu,  Napoléon  bei  Leipzig,  eine  Studie.  (N'a  pas 
une  valeur  scientifique  et  militaire.)  —  York  von  Wartenburg,  Napo- 
léon als  Feldherr,  I.  (Bon  livre;  cp.  un  prochain  article  de  la  Revue 
critique.)  —  Kriegsgeschichtliche  Einzelschriften,  hrsg.  vom  Grossen 
Generalstabe,  VI.  (Voir  encore  un  prochain  numéro  de  notre  Revue  où 
il  sera  rendu  compte  de  tous  les  fascicules  de  cette  importante  collec- 
tion.) —  Toeppen,  Hundert  Tage  in  Paraguay,  Reise  in's  Innere.  — 
Jos.  et  Hartwig  Derenbourg,  Nouvelles  études  sur  Tépigraphie  du 
Yémen.  (Belle  publication  qu'on  ne  saurait  assez  estimer  et  dont  il  faut 
savoir  le  plus  grand  gré  aux  deux  éditeurs  qui  ont  voulu  rendre  acces- 
sibles à  tous  ces  précieux  matériaux,  sans  attendre  l'apparition  du  Cor- 
pus inscriptionum  semiticarum.)  —  Euclidis  Elementa,  p.  p.  Heibkrg, 
vol.  IV,  libros  XI-XVI 1 1  continens.  (Suite  de  cette  laborieuse  et  heureuse 
entreprise.) —  Meusel,  Lexicon  Caesarianum,  fasc.  I-lII.  (Merguet  ne 
consulte  que  Nipperdey;  Meusel  est  plus  complet  et  son  travail  est  un 
modèle,  une  étude  pleine  de  soin  et  de  labeur,  complète  et  en  laquelle 
on  peut  avoir  toute  confiance.)  —  Réponse  de  M.  Holzapfel  et  réplique 
de  M.  Matzat. 


Deutsche  Litteraturzeitung,  n°45,  7  nov.  i885  :  Ebrard,  Christian  Ernst 
von  Brandenburg-Bayreuth,  die  Aufnahme  rcformierter  Fliichtlingsge- 
meinden  in  ein  luthereisches  Land  1686-17 12,  eine  kircliengeschichtli- 
che  Studie.  —  R.  Lehmann,  Vorlcsungen  ûber  Hilfsmittel  und  Metliode 
des  geographischen  Unterrichts.  —  W.  Bâcher,  Leben  und  Werke  des 
Abulwalîd  Merwân  Ibn  Ganâh  (R.  Jona)  und  die  Quellen  seiner 
Sclirifterklarung  (Steinschneider  :  bonne  étude).  —  Aristotelis  Ars  rhe- 
torica,  cum  nova  codicis  Ac  et  vetustae  translationis  coUatione  éd.  Ad. 
Roemer  (Heitz  :  travail  très  méritoire  et  fait  d'une  façon  remarquable). 
—  M.  Tulli  Ciceronis  scripta  quae  manserunt  omnia,  rec.  C.  F.  W. 
MuELLER.  I,  1  continens  libros  ad  C.  Herennium  et  de  inventione, 
Memorabilia  vitae  Ciceronis  per  annos  digesta  praescripta  sunt,  rec. 
Gui.  Friedrich.  P.  11,  vol.  II  continens  orationes  pro  Tullio  de  harus- 
picum  responso,  rec.  C.  F.  G.  Mueller  (Stangl).  —  Stamms  Ulfilas 
oder  die  uns  erhaltenen  Denkmiiler  der  gotischen  Sprache,  8°  Aufl.  p. 
p.  Heyne  (Seemiiller  :  beaucoup  de  bons  changements). — KNOop,Volks- 
sagen,  Erziihlungen,  Aberglauben,  Gebrauche  und  Miirchen  aus  dem 
ôstlichen  Hinterpommern  (E.  H.  Meyer  :  contribution  peu  importante, 
mais  dont  il  faut  savoir  gré  à  Pauteur).  --  Andréas,  a  legend  of  St. 
Andrew,  edited  with  critical  notes  and  a  glossary  by  Baskervill  (Zu- 
pitza). — Waltemath,  die  frankischen  Elemente  in  der  franzosischen 
Sprache  (Feit  :  en  général,  détaillé  et  fait  avec  grand  soin).  —  Gelzer, 
Sextus  Julius  Africanus  u.  die  byzantinische  Chronographie,  II,  i  :  die 
Nachfolger  des  Julius  Africanus  (Schune  :  suite  de  cette  savante  publi- 
cation). —  Philippi,  Zur  Geschichte  der  Reichskanzlei  unter  den  letz- 
ten  Staufern  Friedrich  II,  Heinrich  Vil  und  Konrad  IV  (Bresslau  :  une 
foule  de  remarques  importantes).  —  A.  Stern,  Abhandlungcn  und 
Aktenstucke  zur  Geschichte  der  preussischen  Reformzeit  1807-15 
(O.  Lorenz  :  mérite  l'attention  des  historiens).  —  S.  Gunther,  Lehr- 
buch  der  Geophysik  und  physikalischen  Géographie  (Partsch).  —  Feld- 
zuge  des  Prinzen  Eugen  von  Savoyen,  hrsg.  von  der  Abteilung  fur 
Kriegsgeschichte  des  k.  k.  Kriegsarchivs.  IX,  X. 

Berliner  Philologische  Wochenschrift,  3i  octobre  i885,  n"  44  :  G.  Grae- 
BER,  die  Attraklion  des  Relativums  bei  Xenophon  (W.  VoUbrecht).  — 
Iosephus  Lezius,  De  Plutarchi  in  Galba  et  Othone  fontibus  (H.  Schil- 
ler :  Tacite  a  été  une  des  sources  de  Plutarque).  —  G.  Thiaucourt,  De 
Iohannis  Stobaei  eclogis  earumque  fontibus  (F.  Lortzing  :  n'est  qu'un 
compte-rendu  des  derniers  travaux  allemands,  que  l'auteur  s'abstient 
souvent  de  mentionner;  le  latin  est  très  mauvais.)  —  Q.  Horatius 
Flaccus,  Satiren  und  Episteln,  fiir  den  Schulgebrauch  erklart  von 
G.  T.  A.  Krûger.  Elire  Auflage ,  besorgt  von  Gustav  Krûger 
(W.  Mevves  :  très  soigné).  —  Flavi  Vegeli  Renati  epitoma  rei  milita- 
ris,  recensait  Carolus  Lang.  Editio  altéra  (H.  Laudwehr  :  édition  sé- 
rieusement revue).  — W.  Kopp,  Geschichte  der  rumischen  Literatur  fur 
hôhere  Lehranstalten  und  zum  Seibststudium.  Fûnfte  Auflage  von 
F.  G.  Hubert  (P.  Brennecke  :  bon).  —  E.  Lowy,  Inschriften  griechis- 
cher  Bildhauer  mit  Facsimiles  (E.  Kuhnert  donne  à  ce  bel  ouvrage 
les  éloges  qu'il  mérite).  —  Koniglighe  Museen  zu  Berlin,  Beschreibung 
des  Vasensammlung,  von  Ad.  Furtwungler  (R.  Wcil  :  excellent).  — 
Altitalische  Studien,  herausgegeben  von  C.  Pauli.  Viertes  Heft 
(W.  Deecke  :  études  sur  le  chant  des  Arvales,  dont  Pauli  propose  une 
nouvelle  lecture,  et  sur  la  méthode  de  déchiffrement  des  inscriptions 
étrusques;  Deecke  maintient  son  opinion  sur  la  parenté  de  l'étrusque 
avec  les  dialectes  italiques). 

Gœttingische  gelehrte  Auzcigen,  n"  22,  i''i'nov.  1855  :  von  Pininski,  der 
Thatbestand   des  Sachbesitzerwerbs  nach   gemeinem    Rechl;  Strohal, 


Succession  in  den  Besiiz  nach  romischem  u.  deutschem  Recht.  (Re- 
gelsberger.)  —  Stoerk,  Zur  Methodik  des  offentlichen  Rechts  (Brie).  — 
Rupp,  der  Beweis  im  Strafvcrfahren  (v.  Liszt).  —  Weisbach,  die 
Serbocroaten  der  adriatischen  Kustenlander,  anthropologische  Studie. 
(Krause.) 

Wochenschrift  fiir  klassische  Philologie,  14  octobre  i885,  n"  42  :  A.  Bau- 
MEisTEK,  Denkmdier  desklassischen  Altertums.  Lief.  8-20  (Weizsacker  : 
grands  mérites,  quelques  lacunes).  — E.  Siecke,  Beitrâge  zur  genaueren 
Érkenntnis  der  Mondgottheit  bei  den  Griechen  (Zinzow  :  manqué;  la 
plupart  des  mythes  grecs  ne  seraient  autre  chose  qu'une  symbolique 
naturelle  de  la  lune).  —  E.  Schneider,  Quaestionum  Hippocratearum 
spécimen  (Kaute  :  travail  soigné,  recherches  très  détaillées  de  gram- 
maire). —  Catulli  Veronensis  Liber.  Rec.  et  interpr.  est  Aem.  Baehrens 
(K.  P.  Schulze  :  méritoire,  mais  trop  d'assurance  et  d'arbitraire).  — 
F.  AscHERsoN,  Deutscher  Universitiits-Kalender  (Xp  :  complet  ;  guide 
sûr). 

ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

MJ.IIRË  IIË  LA  FACULTÉ  DES  LETTRES  BE  LÏON 

TROISIÈME      ANNÉE.     —      FAbC.      1      HISTOIRE      ET      GliûGRAPHIE 

Le  numéro,  5  fr,  —  Abonnement  annuel,  lo  fr. 

Sommaire:  Renseignemeuts  généraux  et  programmes  des  cours.  —  G.  Bloch.  Remarques  à 
propos  de  la  carrière  d'Afranius  Burrus,  préfet  du  Prétoire,  d'après  une  inscription  récem- 
ment découverte.  —  E.  Belot,  correspondant  de  l'Institut.  De  la  révolution  économique  et 
monétaire  qui  eut  lieu  à  Rome  au  milieu  du  m'  siècle  avant  l'ère  chrétienne,  et  de  la 
classification  générale  de  la  société  romaine  avant  et  après  la  première  guerre  punique.  — 
L.  Clôdat.  La  chronique  de  Salimbène. 

ANNALES  DE  LA  FACULTÉ  DES  LETTRES  DE  BORDEAUX 

Rédigées  par  les  professeurs  des  Facultés  des  Lettres  de  Bordeaux  et  de  Toulouse. 

N»  I.  Abonnement,   lo  fr. 

Sommaire  :  C.  Molinier.  La  question  de  l'ensevelissement  du  comte  de  Toulouse  Raimond  "V 
eu  Terre  Sainte.  —  A.  Duméril.  Commines  et  ses  mémoires.  —  Victor  Mortel.  Une  élection 
épiscopale  au  xiie  siècle. 

JOURNAL   ASIATIQUE 

N"  Mai-Juin  (Abonnement,  25  fr.) 

Sommaire  :  Etude  sur  les  inscriptions  de  Piyadasi  (M.  Senart).  —  Bibliographie  ottomane 
(M.  Cl.  lluart).  —  Le  mariage  par  achat  dans  l'Inde-aryenne  (M.  Feer).  —  Matériaux  pour 
servir  à  l'histoire  de  la  numismatique  et  de  la  métrologie  musulmanes  (M.  Sauvaire).  — 
Nouvelles  et  mélanges. 

REVUE    ARCHÉOLOGIQUE 

No   Juillet-Août  (Abonnement,  25  fr.) 

Drouin.  Les  monnaies  à  légendes  en  pehlvi.  —  E.  Muntz.  Les  monuments  antiques  de  Rome 
à  l'époque  de  la  Renaissance.  —  Deloche,  de  l'Institut.  Anneaux  et  cachets  mérovingiens. — 
Fouilles  de  Suse  (1884-1885),  par  M.  E.  Dieulafoy,  directeur  de  la  Mission.  —  Un  camée  du 
musée  de  Florence,  par  M.  Menant.  —  Chronique  d'Orient,  par  Salomon  Reinach.  —  Nou- 
velles et  mélanges.  —  Bibliographie. 


.">  J/HT.--  L.jr/ 


N"  48  Dix-neuvième  année      30  novembre  1885 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL    HEBDOMADAIRE   PUBLIÉ    SOUS    LA    DIRECTION 

DE  MM.  J.DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 


Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.  Ghuquet 

Prix  d'abonnement  : 
Un  an,   Pans,  20  tr.  —  Départements,  22  fr.  —    Etranger,  23  fr. 

PARIS 

ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     I.A     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE    l'École    des   la  iN  gués   orientales    vivantes,    c  tc. 
28,    Rl'E    BONAPARTE.     28 

Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 
(Au  bureau  de  la  Revue  :  rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
non  par  commissionnaire,  les  livres  dont  ils  désirent  un  compte-re^idu. 

ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28 

NOUVELLES   PUBLICATIONS 

DE  M.  Et.   AYMONIER 

Notes  sur  le  Laos,  in-S  „ 7  5o 

Notes  sur  l'Annam,  I.  Le  Binh  Thuân,  in-8,. 5  » 

Lettre  sur  son  voyage  au  Binh  Thuân,   in-8 i  » 

L^'épigraphie  Kambodjienne,  in-8 2  5o 

LE  BERCEAU  DE  L'HUMANITÉ 

(Plateau  de  Pamir),  par  l'abbé  P.  BOURDAIS, 
In-8 3  5o 

FLORE  DE    LA  BIBLE,  parrabbéP.B0URDAlS,in-8.       3     « 

LASIE    OCCIDENTALE,   dans  les  inscriptions  assyriennes, 
par  le  P.  A.  DELATTRE.  In-8 ".       7  5o 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n"  706,  14  nov.  i885  :  Mark  Pattison,  Sermons. 
(2*  art.)  —  Leyland,  The  Brontë  Family,  with  spécial  référence  to  Pa- 
trick Branwell  Brontë.  2  vols.  (Noble  :  détails  intéressants.)  —  Innés, 
The  Chersonese  with  the  Gilding  ofî.  (Keane.)  —  O'  Brien,  Ffty  years- 
of  concessions  to  Ireland,  vol.  II.  (Fagan.)  —  Current  literature 
(Grant  Allen,  Charles  Darwin;  Brackenbury,  The  River  Column; 
Lyne,  New  Guinea).  —  Shakspere's  «  wondrous  strange  snow  » 
(Furniwall).  —  The  text  of  the  ancient  laws  of  Ireland.  (O'  Grady.)  — 
«  Catchpoll  »  in  old  English  (Zupitza).  —  Ellis,  Anecdota  Oxoniensia, 
«  classical  Séries  »,  vol.  I,  part.  5  (Sonnenschein  :  «  a  valuable  and 
interesting  volume  »),  —  Hoernle  a.  Grierson,  A  comparative  dictio- 
nary  of  the  Bihari  language  (Bowring).  —  Sebastiano  del  Piombo  in  a 
new  light.  II.  (Bradley.) 

The  Athenaeum,  n»  3029,  14  nov.  i885  :  The  life  of  the  late  gênerai 
Chesney,  by  his  wife  and  doughter,  edited  by  Stanley  Lane-Poole.  — 
Wellhausen,  Prolegomena  to  the  history  of  Israël,  with  a  reprint  of 
the  article  «  Israël  »  from  the  Encyclopaedia  Britannica,  translated 
from  the  german  by  Black  und  Menzies,  with  a  préface  by  Robertson 
Smith;  Edersheim,  Prophecy  and  history  in  relation  to  the  Messiah,  the 
Warburton  lectures  for  1880-1884,  with  an  appendix  on  the  arrange- 
ment, analysis  and  récent  criticism  of  the  Pentateuch.  —  J.  Hilton, 
Chronograms  continued  and  conclued.  —  Molloy,  Royalty  restored  or 
London  under  Charles  11,2  vols.  (Compilation  qui  ne  mérite  guère  que 
d'être  lue  en  voyage  ;  encore  le  lecteur  instruit  n^y  trouve-t-il  rien  ou 
presque  rien  à  apprendre.)  — The  «  Dictionary  of  national  biography  « 
[liste  des  futurs  articles  de  Crawford  à  Cyveillawg).  —  Crowe  a.  Caval- 
caselle,  Raphaël,  his  life  and  Works.  II.  (2"  art.  sur  cette  publication 
remarquable.) 

Literarisches  Centralblatt,  n^  47,  14  novembre  i885  ;  Gesenius,  hebraïs- 

che  Grammatik,  vôllig  umgearb,  u.  hrsg.  vom  Kautzsch.  —  Schwebel, 

die  Herren   und  Grafen  von  Schewerin,  Blatter  aus  der  preussischen 

Geschichte  (ne  fait  que  délayer  en  phrases  de  roman  le  consciencieux 

ouvrage  de  GoUmert).  —  Schubert,  urkundliche  Geschichte  der  Stadt 

Steinau  an  der  Oder.  (Chronique.)   —   Loesche,  Ernst  Moritz  Arndt, 

der  deutsche  Reichsherold.  (Esquisse.)  —  Baron  de  La  Belle-Croix, 

EnthûUungen  und  Erinnerungen  eines  franzôsischen  Generalstabsofti- 

ciers  aus  den  Unglûckstagen  von  Metz  und  Sedan,  aus  den  hinterlasse- 

nen   Papieren.  (3*^  édition  !  ouvrage  qui  plait  au  public,  mais  qui  ne 

peut  prétendre  à  une  critique  sérieuse.)  —  A.   Stern,  Abhandlungen 

und  Actensiiicke  zur  Geschichte   der  preussischen  Reformzeit    1807- 

181 5.  (Neuf  essais  de  très  grand  prix.)  —  Gûnther,  Lehrbuch  der  Geo- 

physik  und  physikalischen  Géographie.  2  vols.  (Très  commode  et  très 

utile.)  —  H.  Dernburg,  Pandekten,  I.  —  Zwei  Abhandlungen  aus  dem 

roniischen   Rechte   Herrn  Ad.  von   Scheurl  zum    Sojahrigen   Doctor- 

jubililum  ûberreicht  :  Brinz,  die  Freigelassenen  der  lex  Aelia  Sentia  u. 

das  Berliner  Fragment  von  den  Dediticiern  :  Holder,  das   Wesen  der 

Correalobligation.  (Deux  bons   travaux.)  —  Schefer,   Chrestomathie 

persane  à  Tusage  des   élèves  de  l'Ecole  spéciale  des  langues  orientales 

vivantes,  II.  (Textes  tirés  en  grande  partie  de  la  superbe  collection  de 

manuscrits  de  Téditeur,  commentaire  détaillé,  ouvrage  qui  contribuera 

<f  in  hervorragender  Weise  »  à  développer  la  connaissance  de  la  langue 

et  de  la  littérature  persanes.)  —  The  merry  devil  of  Edmonton,  p.  p. 

Warnke  u.  Proescholdt.  (Edition  critique  très  soignée.) —  Shakspeare, 

Much  ado  about  nothing,  p.  p.  Loyd,  London.  (A  recommander;  veut 


prouver  que  la  prose  du  Shakspeare  n'est  le  plus  souvent  que  des  vers 
iambiques  de  six  pieds). 

Deutsche  Litteratiirzeitung',  n°  46,  14  novembre  i885  :  Glock,  die  Ge- 
setzesfrage  im  Leben  Jesu  u.  in  der  Lehre  des  Paulus.  —  Lumby,  The 
Acts  of  the  Apostles,  with  maps,  notes  and  introduction.  —  Sully, 
Outlines  of  philosophy. — Vor=:  und  frûhreformatorische  Schulordnun- 
gen  und  Schulvertrage  in  deutscher  und  niederUlndischer  Sprache,  hrs. 
von  Joh.  MûLLER,  1,  Schulordnungen  aus  den  Jahren  1296-1505. 
(Paulsen  :  commencement  d'un  recueil  soigné  et  méritoire.)  —  Turge- 
NEv,  Erste  Sammlung  seiner  Briefe  1840-1883,  hrsg.  von  dem  Verein 
zur  Unterstutzung  hilfsbediirftiger  Schriftsteller  und  Gelehrter  (en 
russe).  —  Demosthenis  Orationes  ex  recens  G.  Dindorff,  vol.  I,  orat. 
I-XIX,  4e  édit.  p.  p.  Blass.  (B.  Keil  :  travail  critique  étonnant,  fait  avec 
une  sage  modération,  donnant  un  texte  de  Démosttiène  qui  est  bien 
plus  proche  du  texte  réel  que  les  textes  des  éditions  antérieures  et  qui 
restera  le  fondement  de  toutes  les  recherches  critiques  dont  Demosthène 
sera  l'objet.)  —  Ohnesorge,  Der  Anonymus  Valesii  de  Constantino. 
(Schone  :  trop  détaillé,  mais  réussi,  beaucoup  de  soin  et  de  clarté.)  — 
BoDEMANN,  Von  uud  iiber  Albrecht  von  Haller  ungedruckte  Briefe  und 
Gedichte  Hallers  sowie  ungedruckte  Briefe  und  Notizen  uber  denselben 
(Hirzel  :  rien  d'essentiellement  nouveau  pour  la  biographie  de  Haller, 
mais  fort  méritoire).  —  Koeppel,  Laurents  de  Premierfait  und  John 
Lydgates  Bearbeitungen  von  Boccaccio's  «  de  casibus  virorum  illus- 
trium  »  (Reimann  :  beaucoup  de  sagacité  et  grand  soin).  —  Hasse,  Kô- 
nig  Wilhelm  von  HoUand  1247-1256,  I  (Hintze:  n'est  consacré  qu'aux 
trois  mois  de  Tannée  du  couronnement,  1247,  tableau  détaillé  qui  ren- 
termedes  choses  neuvesetinstructives).—  Hintze,  dasKônigtumWilhelms 
von  Hollànd.  (Wenck  :  très  estimable  contribution  à  l'histoire  de  l'em- 
pire du  xni*  siècle.)  —  Wolf,  aus  der  Revolutionszeit  in  Oesterreich-Un- 
garn.  (Horawitz  :  constamment  amusant  et  instructif,  par  suite  digne 
d'être  lu,  comme  tout  ce  que  fait  l'auteur.)  —  Trolle,  Das  italienische 
Volkstum  und  seine  Abhangigkeit  von  den  Naturbedingungen.  (Puhl- 
mann  :  bon  travail.)  —  Loewy,  Inschriften  griechischer  Bildhauer 
mit  Facsimiles.  (Michaelis  :  œuvre  d^n  chercheur  sagace,  réfléchi, 
indépendant,  àqui  nMmpose  aucune  autorité;  excellent.)  —  Jolly,  Outli- 
nes of  an  history  of  the  Hindu  law  of  partition,  inheritance  and  adop- 
tion, as  contained  in  the  original  Sanskrit  treatises.  [Dargun  :  ins- 
tructif.) 

Berliner  Philologische  Wochenschrift,  7  novembre  i885,  n°  45  :  J.  A.  Hei- 
kel,  De  participiorum  i-pud  Herodotum  usu  (Weber).  —  Paul  Uhle, 
De  prooemiorum  collectionis  quae  Demosthenis  nomine  feruntur  ^W. 
Nitsche  :  examine  ces  morceaux  au  point  de  vue  grammatical  et  conclut 
à  leur  authenticité). —  H.  Deiter,  De  Ciceronis  codicibus  Vossianis 
Lxxxiv  et  Lxxxvi  denuo  excussis  (P.  Schwenke).  —  F.  Aly,  zur  Quel- 
lenkritik  des  iilteren  Plinius(D.  Detlefson).  —  K.  Heraeus,  Lateinische 
Schulgrammatik  (H.  Ziemer  :  livre  qui  a  besoin  d''être  remanié  pour 
pénétrer  dans  les  classes).  —  Kurzgefasster  Plan  der  Monumenta  Ger- 
MANiAE  Paedagogica,  herausgcgebeu  von  K.  Kehrbach  (Sss  :  plan  d'une 
utile  collection  qui  a  pour  but  de  réunir  les  principaux  ouvrages  de  pé- 
dagogie). 


Vient  de  paraître  à  la  librairie  EDUARD  TREWENDT  à  Breslau. 

Encyklopaedie  der  Naturwissensehaften . 

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II.  Handbuch  der  Botanik.  II.  Band.  Herausgegeben  von  Prof.  Dr.  Schenk. 

Brosch.  20  Mk.  Hlblrz.  gbd.  20  Mk.  40  Pf. 
III.  Handbuch  der  Botanik.  III.  Band.  1.  Hœlfte.  Herausgegeben  von  Prof. 
Dr.  IScHENK.  Brosch.  12  Mk.  Hlbfrz.  gbd.  14  Mk.  40  Pf 
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1.  Band.  Herausgegeben  von  Prof.  Dr.  Gustav  J.eger.  Brosch.  15  Mk- 
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VII.  Handwœrterbuch    der   Zoologie,    Anthropologie  u.    Ethnologie. 
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VTII.  Handwœrterbuch   der    Zoologie,    Anthropologie    u.   Ethnologie. 
111.  Band.  Herausgegeben  von  Dr.  A.  Reichenow.  Brosch.  16  Mk.  Hlbfrz. 
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XI.  Handwœrterbuch  der  Minéralogie,    G-eologie   u.   Palseontologie. 

I.  Band.  Herausgegeben  von  Prof.  Dr.  Kenngott.  Brosch.  15  Mk.  Hlbfrz. 
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XII.  Handwœrterbuch   der    Minéralogie,  Géologie  u.  Palaeontologie. 

II.  Band.  Herausgegeben  von  Prof.  Dr.  Kenxgott.  Brosch.  15  Mk.  Hlbfrz. 
gbd.  17  Mk.  40  Pf. 

XIV.  Handwœrterbuch  der  Pharmakognosie  des  Pflanzenreichs.  Heraus- 
gegeben von  Prof.  Dr.  Wittstein.  Brosch.  21  Mk.  Hlbfrz.  gbd.  23.  Mk.  40 Pf. 
XV.  Handwœrterbuch   der  Chemie.    l.    Band.    Herausgegeben   von  Prof. 
Dr.  Ladenburg.  Brosch.  18  Mk.  Hlbfrz.  gbd.  20  Mk.  40  Pf. 
XVI.  Hand"wœrterbuch   der  Chemie.    II.  Band.   Herausgegeben  von  Prof. 
Dr.  Ladenburg.  Brosch.  16  Mk.  Hlbfrz.  gbd.  18  Mk.  40  Pf. 
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m.  Handbuch  der  Botanik.  III.  Band.  2.  Hœlfle  (Schluss). 
IX.  Handwœrterbuch  der  Zoologie,  Anthropologie  u.  Ethnologie.  IV. 
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XIII.  Handwœrterbuch    der    Minéralogie,   G-eologie  u.   Palaeontologie. 
III.  Band.  (Schluss.) 
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N"  49  Dix-neuvième  année        7  décembre  1885 

REVUE  CRITIQUE 

D  '  F.  ï  S  T  O  I  R  E    ET    DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL    HEBDOMADAIRE   PUBLIÉ    SOUS    LA    DIRECTION 

DE  MM.  J.  DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 


Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.  Chuqukt 


Prix  d'abonnement  ; 
Un  an,   Pans,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.  —    Etranger,   2b  \i\ 


PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE    l'École    des  langues  orientales   vivantes,   etc. 
28,    RUE    BONAPARTE,    28 


Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Ckuquet 

(Au  bureau  de  la  Revue  :  rue  Bonaparte,  28). 

MM.  les  éditeurs  de  l'étranger  sont  priés  d'envoyer  directement,  et 
}ion  par  commissiojinaire,  les  livres  dont  ils  désirent  iincompîe-rend'n 


ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR,  RUE  BONAPARTE,  28. 

RECUEIL  DE  VOYAGES   ET  DE  DOCUMENTS 

Pour   servir    à    l'histoire   de   la    géographie,    depuis   le   xiir    jusqu'à 

la    fin   du    xvi°   siècle. 

PUBLIÉ  sous  la  DIRECTION  DE  MM.   Ch.   SCHEFER,  DE    l'InSTITUT 

ET  H.  CORDIER. 
Tome  V 

LE  VOYAGE  ET  ITINÉRAIRE  D'OUTREMER 

Fait  par  frère  Jean Thenaud.  Publié  parCh.  Schefer,  de  l'Institut.  25  fr. 

Tomes  VI,  VII 

CHRISTOPHE   COLOMB 

Son  origine,  sa  vie,  ses  voyages,  sa  famille  et  ses  descendants, 
d'après  des  documents  inédits  tirés  des  archives  de  Gènes,  de 
Savone,   de   Séville    et   de    Madrid.  Par   Henry  Harrisse,    100  fr. 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n°  707,  21  nov.  i885  :  «  The  Apostlic  Fathers  », 
part  II,  St  Ignatius,  St  Polycarp,  revised  texts  with  introductions, 
notes,  dissertations  a.  translations,  by  Lightfoot.  (i'^''  art.)  —  Major 
Knollys,  English  life  in  China.  —  Notes  and  news  (M.  Boos  travaille 
à  une  «  Geschichteder  Stadt  Worms  »).  —  Manor  Court  Rolls.  —  The 
text  of  the  ancient  laws  of  Ireland.  (Windisch.)  —  Cartwright's 
a  Admonition  »  (Tipping).  —  «  Milton  and  Vondel    »  (Edmundson). 

—  «  The  Brontë  Family  »  (Leyland).  —  Bréal  et  Bailly.  Dictionnaire 
étymologique  latin.  (Wharton  :  excellent  livre  qui  rendra  de  très  grands 
services.) — Schliemann,  Tyrins.  (Mahaffy  :  i^r  art.  sur  ce  quatrième 
grand  volume  de  Tmfatigable  travailleur). 

The  Athenaeum,  n°  3o3o,  21  nov.  i885  :  Gosse,  From  Shakspeare  to 
Pope,  an  inquiry  into  the  causes  and  phenomena  of  the  rise  of  classical 
poetry  in  England.  (Livre  qu'il  faut  relire  et  consulter  souvent,  beau- 
coup de  détails  jusqu'ici  négligés  et  mis  en  lumière,  «  abounds  with 
suggestions  ».)  —  Die  Scheïbaniade,  an  Uzbek  Epie  Poem  in  seventy- 
six  cantos,  by  prince  Muhammad  Sâlid  of  Khwâzrim,  the  original 
text,  with  german  translation,  introduction  and  notes  by  Vambéry.  — 
Pears,  The  fall  of  Consianlinople,  being  the  story  of  the  fourth  cru- 
sade.  (Livre  remarquable  par  sa  clarté,  quoiqu'on  ne  partage  pas  les 
conclusions  de  l'auteur.)  —  Lincolnshire  Manor  customs.  (Peacock.) 
Oriental  mss.  in  the  British  Muséum.  —  Dr.  Edersheim  on  prophecy 
and  history  (Edersheim).  —  The  Byron  quarto.  —  Literary  gossip 
(publication  prochaine  delà  correspondance  de  Gœthe  et  deCarlyle-, 
d'une  «  History  of  the  German  language  »  par  Strong  et  Kuno  Meyer). 

—  Notes  from  Athens  (Lambros). 

Literarisches  Centralblatt,  n°  48,  21  novembre  i885  :  Walter,  die  Spra- 
che  der  revidirten  Lutherbibel.  —  Inscriptiones  urbis  Romae  latinae, 
colleg.  He.xzen  et  de  Rossr,  edid.  Bormann,  Huelsen,  Henzen,  pars  V, 
inscriptiones  falso  urbi  Romae  attributas  comprehendens.  —  Urkun- 
denbuch  des  Hochstifts  Halberstadt  und  seiner  Bischôfe,  hrsg.  von 
Gust.  ScHMiDT,  II,  1 236-1 3o3.  —  Steinmann,  die  Grabstatten  der  Fûrs- 
ten  des  Welfenhauses  von  Gertrudis,  der  Mutter  Heinrichs  des  Lowen 
bis  auf  Herzog  Wilhelm  von  Braunschweig.  —  Wûstenfeld,  Jemen 
im  XI  (XVII).  Jahrhundert,  die  Kriege  der  Tiirken,  die  arabischen 
Imâme  und  die  Gelehrten,  mit  einem  geographischen  Anhange.  (Puisé 
dans  les  biographies  de  Michibbi  et  complète  ce  que  nous  savons  sur  le 
sujet  en  beaucoup  de  points  essentiels.)  —  Prellwitz,  De  dialecto  thes- 
salica;  Collitz,  die  Verwandtschaftsverhaltnisse  der  griechischen  Dia- 
lecte mit  besonderer  Rucksicht  auf  die  thessalischeMundart.  (Deux  bons 
travaux.)  —  Kukula,  De  Cruquii  codice  vetustissimo.  (Fait  avec  une 
méthode  parfaitement  correcte  et  une  grande  clarté  de  jugement,  résul- 
tats très  vraisemblables.)  —  M.  Porci  Catonis  de  agricultura  liber, 
M.  Terenti  Varronis  rerum  rusticarum  libri  très,  p.  p.  Keil,  I,  2. 
(Toujours  très  bon.)  —  Adams,  a  brief  handbook  of  american  authors. 
(En  200  pages,  1,000  noms  d'écrivains  américains;  sera  utile.) —  Wetz, 
die  Anfiinge  des  ernsten  biirgerlichen  Dramas  des  XVIII  Jahrhunderts, 
das  riihrende  Drama  u.  biirgerlicheTrauerspiel  bis  zu  Diderot,  der  Fa- 
milien-roman  des  Marivaux  und  Richardson  u.  dramatische  Théorie 
Diderots.  I.  Allgemeiner  Theil,  das  riihrende  Drama  der  Franzosen. 
(La  culture  de  l'auteur  n'est  pas  assez  mûre,  ni  son  goût  assez  fin  pour 
aborder  un  sujet  aussi  difficile;  parfois  de  jolies  remarques  néanmoins.) 

—  BoDEMANN,  von  und  uber  Albrecht  von  Haller,  ungedruckte  Briefe. 
u.  Gedichte.  (Tiré  des  manuscrits  de  Zimmermann,  soigné.) —  Stud- 


wiczKA.  Vermuthungen  zur  griechischen  Kunst.  (Quatre  essais  qui  ne 
contiennent  que  des  hypothèses.)  —  A.  Springer,  die  Genesisbilder  in 
der  Kunst  des  friihen  Mittelalters  mit  besond.  Rûcksicht  auf  den  Ash- 
burnham-Pentateuch.  (Nouvelle  et  précieuse  contribution  au  sujet.)  — 
Catalogi  bibliothecarum  antiqui,  coll.  G.  Becker.  (Œuvre  de  grand 
mérite.) 

Deutsche  Literaturzeitung',  n"47,  21  nov.  i885  :  Blumenau,  Gott  und 
der  Mensch.  —  Schoel,  Herbarts  philosophische  Lehre  von  der  Reli- 
gion quellenmâssig  dargestellt  (Windelband).  —  Lewy,  Altes  Stadtrecht 
von  Gortyn;  Bucheler  und  Zitelmann,  das  Recht  von  Gortyn  ;  J.  Bau- 
NACK  u.  Th.  Baunack,  die  Inschrift  von  Gortyn  (Hinrichs  :  Lewy  donne 
une  courte  édition  d'ensemble;  Bucheler  et  Zitelmann  ont  dépassé  le 
travail  de  Lewy,  mais  leur  traduction  est  trop  littérale;  l'étude  des 
deux  Baunack  est  surtout  grammaticale  ;  en  somme,  chacun  des  com- 
mentateurs a  contribué,  pour  sa  part,  avec  un  loyal  effort,  à  l'explica- 
tion de  l'inscription  et  mérite  notre  gratitude).  —  Ph.  Weber,  Entwic- 
kelungsgeschichte  der  Absichtssâtze,  IL  die  attische  Prosa  und  Schluss- 
ergebnisse  (Dittenberger  :  soigné  et  méritoire).  —  Denk,  die  Verwechs- 
lung  der  deutschen  Sprache  (Seemûller  :  de  justes  détails).  —  Saurazin, 
Victor  Hugos  Lyrik  und  ihr  Entwickliingsgang  (programme,  bien  fait 
et  très  recommandable).  —  Otto  von  Guerikes  Sammlung  lateinischer, 
franzôsischer,  italienischer  und  deutscher  Sinnspriiche,  p.  p.  Paulsiek 
(Reimann  :  publication  utile  d'un  texte  ir.édit).  —  E.  Hildebrand,  Wal- 
lenstein  och  hans  tôrbindelse  med  Svenkarsne;  E.  Hildebrand,  Wal- 
lenstein  u.  seine  Verbindungen  mit  Schweden;  Gaedeke,  Wallensteins 
Verhandiung  mit  den  Schweden  u.  Sachsen,  i63i-i634  (G.  Droysen  : 
les  documents  suédois  confirment  la  véracité  de  la  relation  de  Raschin; 
en  i63i,  Wallenstein  négociait  avec  Gustave;  en  i633,  il  négociait 
avec  Oxenstiern,  et  Bubna  joua  le  rôle  principal  dans  ces  pourparlers  ; 
mais  Wallenstein  ne  voulait  pas  se  venger  de  l'empereur;  il  ne  désirait 
ni  le  renverser  ni  accepter  la  couronne  de  Bohême  ;  il  ne  devint  traître 
que  lorsqu'il  commença  à  voir  qu'il  allait  être  outragé).  —  Von  Brug- 
GEN,  Wie  Russland  eùropaisch  wurde,  Studien  zur  Gulturgeschichte 
(Meyer  v.  Waldeck  :  travail  qui  n'est  pas  scientifique,  mais  où  il  y  a 
beaucoup  de  science,  de  pénétration  et  de  jugement  politique).  —  Har- 
RissE,  Grandeur  et  décadence  de  la  Colombine  (petit  écrit,  inspiré  par 
une  juste  indignation;  il  est  malheureusement  douteux  qu'il  mette 
fin  au  scandale). 

Berliner  Philologische  Wochenschrift,  14  novembre  i885,  n°  46  :  F.  Bu- 
cheler und  E.  Zitelmann,  das  Recht  von  Gortyn.  H.  Lewy,  Altes 
Stadtrecht  von  Gortyn.  J.  et  Th.  Baunack,  Die  InschriTt  von  Gortyn. 
(R.  Meister  donne  la  préférence  au  i"  et  au  3"  de  ces  travaux).  —  F. 
Bechtel,  Thasische  Inschriften  ionischen  Dialekts  im  Louvre  (W. 
Larfeld  :  spécimen  du  recueil  des  inscriptions  dialectales  de  l'Ionie  pré- 
paré par  Bechtel  pour  le  recueil  de  CoUitzj.  —  Euclidis  elementa.  Edi- 
dit  et  latine  interpretatus  est  J.  L.  Heiberg.  Vol.  IV.  (F.  Hultsch  :  ex- 
cellente édition).  —  M.  Klussmann,  Conjectanea  ad  Tertulliani  libros 
ad  Nationes  (H.  Kônsch). —  Jahresberichte  der  Geschichtsv\-issenschaft, 
herausgegeben  von  L  Hermann,  J.  Jastrow,  Edm.  Meyer.  IV  Jahrgang. 
1881  (G.  J.  Schneider  :  utile,  mais  paraît  avec  quelque  retard).  — A. 
Hauvette-Besnault,  De  archonte  rege.  Le  même.  Les  Stratèges  athé- 
niens (J.  H.  Lipsius  :  travaux  utiles  et  solides;  méthode  prudente  et 
recherches  personnelles).  —  F.  Kahn,  Zur  Geschichte  des  rômischen 
Frauen-Erbrechts  (M.  Conrat  :  bon).  —  J.  Worcester,  Corresponden- 
ces  of  the  Bible.  The  Animais.  (O.  Keller  :  écrit  pour  des  Swédenbor- 
giens,  et  non  pour  des  philologues),  —  R.  Nadrowski,  Der  Lautwandei 


besonders  im  Griechisch  und  Latein  (H,  Ziemer  :  donne  comme  nou- 
velles des  explications  qui  ne  le  sont  pas). 

Librairie  de  TArt,  J.  ROUAM,  Éditeur,  29,  cité  d'Antin,  Paris, 


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l*ar  MAURICE  JAMETEt. 

Élève  diplômé  de  l'École  des  Langues  orientales  vivantes.  Lauréat  de  l'Institut  de 
France,  OfQcier  d'Académie,  Attaché  à  la  rédaction  du  «  Courrier  de  l'Art  ». 

Un  volume  in-8  de  25o  pages,  —  Prix,  broché 3  fr. 

Il  a  été  tiré  de  cet  ouvrage  25  exempl.  sur  Hollande,  au  prix  de.     10  fr. 


Le  Pur.  imprimerie  Marchessou  fils,   boulevard  Saint- Laurent,  ai. 


N"  50  Dix-neuvième  année      14  décembre  1885 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    L  îl  T  E  R  A  T  U  R  E 

RECUÎÎIL    HÎCBDOMADAIRK   PUEf.!!-:    SOUS    LA    DIUECTÎON 

DE  MM.  J.  DARMESTETER,  L.  MAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 
Secrétaire  de  la  rédaction  :  M.  A.   Chuquet 

Prix  d'abonnement  : 
Un  an.   Parîs ,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.   —    Etranger,  25  fr. 

PARIS 
E  P.  N  E  S  T    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIERAI  lîE     Dr:     I.A     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     :.'kc;OS.E     des    ï,  an  g  U  lis    O  li  1  E  N  T  A  L  E  S     VIVANTES,     f.  T  C. 

28,    TiVK    EONAPARTK,     28 

Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 

(Au  bineau  de  \a  Kevue  :  nie  Bonaparte,  28). 

ICUNEST   EICHOUX.    Ei)J2"EUn,   RUE   BONAPARTE,   28. 

LIVRES    NOUVEAUX  POUR   ÉTRENNES 

LA 

LÉGENDE  DE  MONTFORT    LA  CANE 

Texte  par  le  Baron  Ludovic  DE  VAUX 
Illustrations    en    couleur,    par    Paul    Chardin. 

Un    volume    de    luxe,     in-4    carré,    illustré   en    chromotypographie, 

vignettes   et  camaïeux. , ».     25   tr. 

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CONTES     RUSSES 

Texte    et     illustrations,    par     L.     S  I  C  H  L  E  R 

Un  magnifique  volume  gr.  in-4,  ''^^'^^  '^'"'^  couverture  en  chromotypo- 
graphie, et  plus  de  200  dessins  ou  planches  représentant  des  scènes, 
des  costumes,  des  ornements  russes 2  5  fr. 

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CENT   PROVERBES  JAPONAIS 

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couleurs,  fort  papier  teinté ...     25   fr. 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n»  708,  28  novembre  i885  :  A  new  English  dictionary 
on  historical  principles,  founded  mainly  on  the  materials  collected  by 
the  Philological  Society,  cdited  by  J.  A.  H.  Murray.  Part  II,  and-bat- 
ten.  (Bradley  :  même  soin,  même  abondance  de  matériaux  que  dans 
le  volume  précédent,  même  valeur  de  l'œuvre.)  —  Edm.  Gosse, 
From  Pope  to  Shakspeare  (Dow  :  livre  qui  désappointe;  du  goût,  du  ju- 
gement, de  l'éclat,  un  style  aisé,  de  nouveaux  et  intéressants  détails, 
mais  l'ouvrage  a  gardé  l'allure  de  conférences;  il  renferme  des  répéti- 
tions).—  OvERTON,  Life  in  the  English  church,  1660-1714.  (Court- 
ney  :  livre  plein  d'informations  qu'on  lira  avec  plaisir  et  profit.)  — 
RoDRiGUEs,  "The  Panama  Canal,  its  history,  its  political  aspects  and 
financial  difficulties.  (Brown.)  —  Murdoch,  A  history  of  constitutional 
reform  ;  Heaton,  The  three  triumphs  of  Parliament,  a  history,  i83o-85. 
(Leach).  —  Notes  and  news  (M.  Dorpfeld  aurait  découvert  à  Athènes 
entre  le  Parthenon  et  TErechtheion  des  restes  d'un  palais  préhistorique 
semblables  à  ceux  qu'on  a  trouvés  à  Hissartik  et  à  Tirvnthe).  —  The 
proposed  University  of  London  (Pearson).  —  Dr  Morris  édition  of 
«  Chaucer's  prologue  »,  etc.  (Furnivall).  —  The  Yorkshire  «  dales  » 
(Isaac  Taylor).  — A  curious  pronominal  from  (Zupitza).  —  «  A  »  his- 
torical sketch  or  «  an  »  historical  sketch  ?  (Baumgartner).  —  Byrne,  Ge- 
neral principles  of  the  structure  of  language,  2  vols;  Noire,  Logos, 
Ursprung  und  Wesen  der  Begriffe.  (Sayce  :  insiste  surtout  sur  l'ouvrage 
de  Byrrîe  qui  est  plein  de  bon  sens  et  de  remarques  suggestives.)  —  Se- 
bastiano  del  Piombo  in  a  new  light.  III.  (Bradley.)  —  The  Tirynthian 
Bull  (Rob.  Brown,  jun.). 

The  Athenaeimi,  n»  3o3i,  28  novembre  î885  :  Leslie  Stephen,  Life  of 
Henry  Fawcett.  — Overton,  Life  in  the  English  church,    i66o-;7i4. 

—  Greek  Folk-Songs  from  the  Turkish  provinces  of  Greece,  literal  and 
metrical  translation  by  Lucy  M.  J,  Garnett,  classified,  revised  a.  edi- 
ted  with  an  historical  introduction  by  Glenniet.  (<f  An  honest  pièce  of 
work  »,  à  recommander  à  tous  ceux  qui  désirent  connaître  la  poésie  po- 
pulaire des  Grecs.)  —  Cotterill,  Suggested  reforms  in  public  schools. 

—  Balfour,  The  Cyclopaedia  of  India  and  of  Eastern  and  Southern 
Asia,  commercial,  industrial  and  scientific. (Monument  d'une  érudition 
vaste  et  patiente;  vademecumdu  publiciste,  du  fonctionnaire  anglo-in- 
dien ;  œuvre  dont  on  ne  saurait  trop  louer  la  «  magnitude  and  utility  »). 

—  Nebo  in  Canaan  (Neubauer).  —  Two  Russian  writers  (mort  de  Ka- 
lachof  et  de  Karnovich  ;  Kalachof,  directeur  des  archives,  fondateur  de 
l'Institut  archéologique  deS.-Petersbourg,  auteur  de  nombreux  travaux 
sur  l'histoire  et  les  institutions  de  la  Russie;  Karnovich,  mort  le  même 
jour  que  Kalachof,  le6  nov.,  auteur  de  «  L'ordre  des  chevaliers  de  Malte», 
«  Personnages  remarquables  et  énigmatiquesdu  xvni"  siècle  »,  etc.).  — 
Benchers  of  the  Inner  Temple  in  Lamb's  day.  —  Notes  from  Rome 
(Lanciani).  —  The  Red  Bull  playhouse  in  the  reign  of  James  I. 
(Greenstreet.) 

^  Literarisches  Centralblatt,  n"  49,  28  nov,  i885  :  7.  Barth,  Beitrage  zur 
Erkiarung  des  Jesaia.  (Recommandable.)  —  Pearson,  The  prophecy  of 
Joël,  its  unity,  its  aim  and  the  âge  of  its  composition.  (Fait  avec  grand 
soin.)  — ■  Savio,  studi  storici  sul  marchese  Gugiielmo  III  di  Monferatto 
edi  suoi  tigli.  (Travail  très  soigné  qui  renferme  beaucoup  de  choses 
nouvelles.)  —  Quidde,  Studien  zur  Geschichte  des  rheinischen  Land- 
triedensbundes  von  1254.  (Beaucoup  de  remarques  utiles.) — Holzherr, 
Geschichte  der  Reichsfreiherren  von  Ehingen  bei  Rottenburg.  —  Hor- 
ric  de  Braucaire,  Une  mésalliance  dans  la  maison  de  Brunsvvick,  i665- 
1725,  Eléonore  Dcsmier  d'Ûlbreuse,  duchesse  de  Zell.  (Récit  complet, 


impartial,  fidèle  à  la  vérité  historique  et  attachant.)  —  Kiepert,  physi- 
kalische  Wandkarten,  Afrika.  —  Socin,  Arabische  Graminatik,  Para- 
digmen,  LiteraCur,  Ghrestomathic  u.  Glossar.  (Très  bon.)  —  Raich, 
Shakspeare's  Stellung  zur  katholischen  Religion.  (Ne  prouve  rien; 
Rtimelin  seul  a  raison  de  dire  que  Shakspeare  était  un  chrétien  sans 
confession.)  —  Buchholz,  die  Homerische  Gotterlchrc,  auf  Grundlage 
der  homerischen  Dichtungen  dargcsteilt.  (L^auteur  ne  tient  aucun 
compte  des  travaux  récents.)  —  Wossidlo,  Volksthûmliches  aus 
Mecklenburg,  I,  Beitriige  zum  Thier  :=  und  Pflanzenbuch  ;  Thierge- 
sprache,  Rathsel,  Legendenu.  Redensarten  aus  dem  Volksmunde  gesam- 
melt.  —  Knoop,  Volkssagen,  Erzahlungen,  Aberglauben,  Gebrauche 
und  Miirchen  aus  dem  ostlichen  Hinterpommern.  (Complète  fort  bien 
le  livre  de  Temme,  «  die  Volkssagen  von  Pommern  und  Rûgen  ».)  — 
l  he  american  Journal  of  Archaeology,  I,  i.  (Promet  beaucoup.) 

Deutsche  Literattirzeitung-,  n"  48,  28  novembre  i885  :  Barth,  Beitrage 
zur  Erklilrung,  des  Jesaia  (Nowack  :  court  et  instructif).  —  Nourris- 
son, Pascal,  physicien  et  philosophe  (Natorp  :  peu  de  points  de  vue  nou- 
veaux, mais  quelques  faits  historiques  qui  n'étaient  pas  connus  ou  l'é- 
taient inexactement).  —  Hoernle  a.  Grierson,  A  comparative  dictio- 
nary  of  the  Bihari  language,  I,  a-agmânî  (A.  Weber  :  commencement 
d'une  publication  pleine  de  zèle  et  de  soin  ;  chaque  mot  est  traité  dans 
le  plus  grand  détail;  on  craint  presque  que  l'œuvre,  ainsi  poursuivie, 
ne  puisse  aboutir).  —  Roquette,  de  Xenophontis  vita.  (Dittenberger  : 
dissertation  soignée  et  féconde  en  résultats;  cp.  un  prochain  art.  de  la 
Revue  critique.)  —  Autolyci  de  sphaera  quae  movetur  liber.  De  orti- 
bus  et  occasibus  libri  duo,  p.  p.  Hultsch  (Curtze  :  bien  fait  et  intéres- 
sant). —  A.  Gellii  Noctium  Atticarum  libri  XX,  p.  p.  Hertz,  vol.  II. 
(H.  J.  Millier  :  œuvre  du  savoir  le  plus  solide  aujourd'hui  terminée;  la 
plus  grande  «  accuratesse  »).  —  G.  Hauff,  Christian  Friedrich  Daniel 
Schubart  in  seinem  Leben  und  seinen  Werken.  (A.  Sauer  :  très  bon.) 
—  Karl  Rieger,  Verhaltnis  zur  franzosischen  Révolution.  (Minor  : 
assez  bon.)  —  H.  HiiFFER,  Erinnerungen  an  Schiller  mit  bisher  unge- 
druckten  Briefen  von  Herder,  Schiller  u.  Gœthe.  (D.  Jacoby  :  contri- 
butions très  attachantes.)  —  Wetz,  die  Anfiinge  der  ernsten  btirgerlichen 
Dichtung  des  XVIII.  Jahrhunderts,  I.  (A.  S.  :  important,  mais  semble 
trop  long.)  —  Acta  imperii  inedita  seculi  XIII  et  XIV,  Urkunden  u. 
Briefe  zur  Geschichte  des  Kaiserreichs  u.  des  Konigreichs  Sicilien  in 
den  Jahren  1 198-1400,  hrsg.  von  E.  Winkelmann,  I  u.  II.  (Wenck  : 
publication  du  plus  haut  prix).  —  Kindler  von  Knobloch,  Das  Goldene 
Buch  von  Strassburg,  I  (Schulte  :  travail  qui  comptera  parmi  les  plus 
méritoires  sur  le  domaine  de  l'histoire  d'Alsace).  —  Jahrbuch  fiir  Ge- 
schichte, Sprache  u.  Literatur  Elsass-Lothringens  I.  (Hollaender:  aura 
le  premier  rang  parmi  les  publications  semblables  qui  paraissent  en 
Alsace.) — Jaworkij,  Reise  der  russischen  Gesandtschaft  in  Afghanistan 
u.  Buchara  1878-79.  —  FuRTwaNGLER,  Beschreibung  der  Vasensamm- 
lung  im  Antiquarium,  I.  (Winter). 

Bsrliner  Philologische  Woclienschrift.  n°  47,  21  novembre  i885;  A.  Hei- 
MER,  Studia  Pindarica  (L.  Bornemann  :  à  lire).  —  Hor.4tii  Flacci 
Epistulae,  edited  with  notes  by  A.  S.  Wilkins  (W.  Mewes  :  bon  livre 
déclasse).  —  Cornelii  taciti  Germania  erklârt  von  K.Tucking.  Sechste 
verbesserte  Auflage  (A.  Eussner  :  utile).  —  H.  Lavoix,  Histoire  de  la 
musique  (E.  v.  Stockhausen  :  recommandable  comme  précis).  —  Die 
GYPSABGUssE  ANTiKER  BiLDWERKE  iui  kgl ,  Museum  zu  Berlin.  Von 
C.  Friederichs.  Neu  bearbeitet  von  P.  Wolters  (E.  Kroker,  en  louant 
cet  excellent  livre,  présente  quelques  utiles  remarques  de  détail).  — 
Griechische  grammatik,  bearbeitet  von  K.   Brugmann  (K.   Bruchmann  : 


il  s^igit  de  la  grammaire  grecque  qui  fait  partie  du  Handbuch  d'Iwan 
Mûller  ;  le  crinque  n'a  pas  trouvé  le  livre  facile  à  lire). 

Gœttingische  gelehrte  Anzeigen,  n°  23,  i5  nov.  i885  :  Kurschat,  Littau- 
isch-deutsches  Worterbuch  (  Bezzenberger  :  très  long  article  de  la 
page  go5  à  la  page  948.  Kurschat  est  mort  depuis  la  publication  de  son 
ouvrage;  on  a  beaucoup  de  critiques  à  lui  faire  et  quelques  excuses 
qu'on  puisse  donner  en  sa  faveur,  son  oeuvre  est  insuffisante,  elle  est 
même  relativement  au-dessous  de  celle  de  Nesselmann  qui  a  paru 
trente-deux  ans  auparavant,  et  qui  est  encore  indispensable,  surtout  au 
point  de  vue  philologique). 

Theologische  Literaturzeitung,  n°  23,  14  nov.  i885  :  Zôckler,  Handbuch 
der  theologischen  Wissenschaft,  V.  (Nestlé).  —  H.  A.  W,  Meyer,  Kri- 
tischexegetischer  Commentar  liber  das  Neue  Testament,  I,  2,  p.  p. 
Weiss.  —  Charteris,  The  New  Testament  scriptures,  their  claims,  his- 
tory  and  authority  (Lemme).  —  Eugippii  Opéra,  I  p.  p.  Knoell  (Lip- 
sius  :  fait  avec  grand  soin).  —  V.  Salis,  Agrippa  d'Aubigné,  eine 
Huguenottengestalt  ;  Ochsenbein,  Ein  Fluchtling  der  St.  Bartholo- 
mausnacht  (Schott  :  deux  petits  écrits  intéressants;  le  second  est  consa- 
cré à  Jean  de  Léry).  —  Glocl,  HoUands  kirchliches  Leben  (Achelis  : 
très  instructif).  —  Rud.  v.  Scherer,  Handbuch  des  Kirchenrechts,  I,  i 
(K,  Kôhler).  —  Clûver,  die  Bendersche  Lutherrede  und  ihre  Gegner 
(Kattenbusch).  —  Stûven,  Darstellung  und  Kritik  der  Grundsiitze  des 
Materialismus  (Reischle). 

Wochenschrift  fur  klassische  Philologie,  21  octobre  i885,  n°  43  :  H.  Weil, 
Eschyle,  Prométhée  enchaîné  (Oberdich  :  discussion  de  quelques  ques- 
tions de  détail).  —  H.  Merguet,  Lexicon  zu  den  Schriften  Caesars, 
2"=  Lief  ,  et  H.  Meusel,  Lexicon  Caesarianum.  Fasc.  H,  III.  (Kleist  : 
le  travail  de  Merguet,  qui  s'appuie  seulement  sur  le  texte  de  Nipperdey, 
n'est  ni  solide  ni  complet;  celui  de  Meusel,  fruit  de  longues  et  sérieuses 
études,  est  fort  recommandable.)  —  P.  Hofer,  der  Feldzug  des  Germa- 
nicus  im  Jahre  16  n.  Chr.  (G.  A.  :  étude  bien  ordonnée  et  brillante, 
mais  nullement  convaincante.)  —  H,  Schliemann,  Vortrag  liber  die 
neuesten  Ausgrabungen  in  Tiryns  (Bûrchner). 

—  28  octobre  i885  :  no  44  :  E.  S.  Calvo,  Estudios  filologicos 
(Gruppe  :  n'est  pas  sans  originalité,  mais  manque  de  méthode  ;  excessi- 
vement audacieux  et  arbitraire).  —  P.  Hirsch,  Phrygiae  de  nominibus 
oppidorum  (Schmidt  :  la  liste  des  villes  est  utile,  le  latin  exécrable, 
l'impression  fort  incorrecte).  —  Libellus  Historico-Criticus,  in  quo, 
quomodo  ultimis  a.  Chr.  saeculis  Judaismus  cum  Paganisme  coaluerit, 
Philonis  ihesophiae  ratione  sub  finem  habita,  expos.  P.  V.  Schmidt 
(Otto  :  travail  soigné  et  savant,  l'auteur  regarde  à  tort  le  «  philonisme  » 
comme  une  fusion  du  judaïsme  et  du  paganisme).  —  Euripides'  Iphige- 
nie  in  Taurien.  Textausg.  fur  Schulen  von  Chr.  Ziegler  (Sitzler  :  très 
recommandable).  —  Grosse,  liber  Isokrates'Trapezitikos  (Keil  :  essai 
profond  et  fort  utile,  combat  l'authenticité  du  17°  discours  d'I.). 
—  L.  Englmanns  Grammatik  der  latein.  Sprache,  12^  Aufl.,  bearb.  von 
Welzhofer.  —  Verzeichniss  aller  Programme  der  bayerischen  Lyzeen 
etc.  von  J.  G.  Zeiss.  III.  Abteilung  :  Die  Schuljahre  1873-1874  bis 
1883-1884. 


Le  fuy,  imprimerie  AJ  arc):  es  s  ou  /lis,   boulevard  Saint- Laurent,  ■/'■i. 


N"  51  Dix-neuvième  année      21   décembre  1885 

"revue  CRITiQUE 

0' HISTOIRE    ET    DE    LIT  TER  A  J  U  R  E 

RECUEIL    HEBDOMADAIRE   PUBLIÉ    SOUS    LA    DIRECTION 

DE  MM.  J.  DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARIS 
Secrétaire  de  la  re'daction  :  M.  A.  Gkuquet 

Prix  d'abonnement  : 
Un  an,  Pans,  20  fr.  —  Départements,  22  fr,  —   Etranger,  25  fr. 

PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     LA     SOCIÉTÉ     ASIATIQUE 

DE     l' ÉCOLE     DES    LANGUES    ORIENTALES     VIVANTES,     ETC. 

28,    RUE    BONAPARTE,    28 

Adresser  les  communications  concernant  la  rédaction  à  M.  A.  Chuquet 

t  Au  bureau  de  la  Revue  :  rue  Bonaparte,  28), 

LIVRES   NOUVEAUX  POUR   ÉTRENNES 

LA 

LÉGENDE  DE  MONTFORT    LA  CANE 

Texte  par  le  Baron  Ludovic  DE  VAUX 
Illustrations    en    couleur,    par    Paul    Chardin. 

Un   volume    de    luxe,    in-4    carré,    illustré   en    chromotypographie, 

vignettes   et  camaïeux v e .     2  5   fr. 

20  exemplaires  sur  fort  vélin  de  Hollande  à  la  cuve 5o  fr. 

10  exemplaires  sur  japon    impérial 100  fr. 

CONTES     RUSSES 

Texte    et     illustrations,    par     L.     SICHLER 

Un  magnifique  volume  gr.  in-4,  ^'^^'^  ^^^^  couverture  en  chromotypo- 
graphie, et  plus  de  200  dessins  ou  planches  représentant  des  scènes, 
des  costumes,  des  ornements  russes 2  5  fr. 

Le  même  ouvrage  sur  fort  vélin  de  Hollande 40  fr. 

CENT  PROVERBES  JAPONAIS 

ParF.STEENACKERSetUÉDATOKUNOSUKÉ 

Un  beau  volume  in-4,  richement  illustré  à  la  japonaise  en  noir  et  en 
couleurs,  fort  papier  teinté 25  fr. 


PÉRIODIQUES 

The  Academy,  n°  709,  5  décembre  i885  :  The  Apostolic  Fathers,  part. 
II,  S.  Ignatius,  S.  Polycarp,  revised  texts,  with  introductions,  notes, 
dissertations  a  translations  by  Lightfoot  (Salmon  :  2"  art.).  —  Higgin- 
sON,  A  larger  liistory  of  the  United  States  of  America  to  the  close  of 
Président  Jackson's  administration  (Doyle  :  de  sérieuses  qualités,  mais 
manque  de  proportions).  —  Greswell,  Our  South  African  Empire 
(Worsfold).  — Jeans,  England^s  Supremacy,  its  sources,  économies  and 
dangers  (Tipping).  —  Notes  and  news  (annonce  un  livre  sur  Shaftes- 
bury  par  M.  Traill;  un  art.  sur  Walter  Scott  dans  1'  «  Encyclopaedia 
britannica  »,  par  M.  Minto  ;  une  nouvelle  collection,  la  «  National  Li- 
brary  »  de  Cassell,  dirigée  par  M.  Morley,  et  composée  de  volumes  à 
trois  pence  [le  «  Warren  Hastings  »  de  Macaulay,  le  «  Complète  An- 
gler  »  d'Isaac  Walton,  le  «  Man  of  feeling  »  de  Mackenzie,  le  «  Childe 
Harold  »  de  Byron  et  l'autobiographie  de  Franklin]  ;  un  ouvrage  de 
M.  Meiklejohn  «  The  English  language  »).  —  Correspondence  :  «  With 
the  king  at  Oxford  »  (Church).  —  On  the  te.xt  of  the  Senchas  Mar 
(Whitley  Stokes).  —  «  A  »  historical  sketch  or  «  an  »  historical  sketch 
(R.  Martineau).  —  Dr  Morris's  édition  of  «  Chaucer's  Prologue,  etc.  » 
(Lendrum). —  Revue  egyptologique,  2^  année,  1881-1882,  3°  année, 
1883-4-5  (Am.  B.  Edv^ards). 

The  Athenaeum,  n°  3o32,  5  déc.  i885  :  Spécimens  of  English  prose 
style,  selected  and  annotated,  with  an  introductory  préface,  by 
G.  Saintsbury.  —  Dalton,  Life  a.  times  of  gênerai  Sir  Edward  Cecil, 
Viscount  Wimbledon,  i6o5-i638.  2  vols.  —  The  Byron  quarto  of  1806 
and  its  variantes.  —  Charles  Lamb  and  the  old  benchers  of  the  Inner 
Temple  (Ainger).  —  Literary  gossip  (M.  Gôschen  prépare,  dit-on,  une 
biographie  de  son  grand-père  qui  publia  les  œuvres  de  Gœthe,  de  Schil- 
ler et  de  Wieland;  la  ville  de  Dessau  va  célébrer  le  centième  anniver- 
saire de  la  mort  de  Moïse  Mendelssohn).  —  Eug.  Muntz,  Donatello 
(L'auteur  du  compte-rendu  critique  quelques  conclusions  ou  idées  gé- 
nérales de  l'auteur,  et  loue  son  labeur  assidu,  l'art  avec  lequel  il  ar- 
range ses  matériaux  biographiques  et  expose  la  suite  de  l'œuvre  de 
Donatello,  l'enthousiasme  qu'il  a  pour  son  sujet  et  qu'il  communique 
au  lecteur).  —  The  <i  Eumenides  »  at  Cambridge. 

Literarisches  Centralblatl,  no  5o,  5  décembre  i885  :  Schiffer,  das  Buch 
Kohelet,  L  —  Rabier,  Leçons  de  philosophie,  I,  Psychologie  (clair  et 
élégamment  exposé).  —  Ré'e,  die  Entstehung  des  Gewissens.  —  Miscel- 
lanea  di  storia  italiana,  XXIV.  —  Urkundenbuch  der  Vogte  von 
Weida,  Géra  und  Plauen,  I,  ii22-i356,  p.  p.  B.  Schmidt.  — Roos- 
CHûTZ,  Owen,  seine  Geschichte  und  seine  Dcnkwûrdigkeiten.  (Travail 
sur  une  petite  ville  du  Wurtemberg.)  —  Wlassak,  Kritische  Studien 
zur  Théorie  der  Rcchtsquellen  im  Zeitalter  der  classischen  Juristen.  — 
Paradigmen  der  arabischen  Schriftsprache,  hrsg.  von  der  Lehranstalt 
fur  orientalische  Sprachen  in  Wien.  (Publication  intéressante  de  l'E- 
cole des  langues  orientales  vivantes  de  Vienne.)  ~  Merguet,  Lexicon 
zu  den  Schriften  Casar  und  seiner  Fortsetzer,  II  u.  III  Liefer.  (Livrai- 
sons qui  seront  les  bienvenues.) —  Maeellini,  Délie  rime  di  Benvenuto 
Cellini  (travail  méritoire,  .'^tyle  attachant  )  —  Schipper,  William  Dun- 
bar,  sein  Leben  und  seine  Gedichte  in  Analysen  und  ausgewilhlten 
Uebersetzungen  nebst  einem  Abriss  der  altschottischen  Poésie  (travail 
qui  offre  non  seulement  une  histoire  de  Dunbar,  mais  une  vue  d'ensem- 
ble sur  toute  la  littérature  écossaise  des  anciens  temps;  ce  travail  est 
tort  bien  fait;  c'est  le  modèle  d'une  étude  scientifique  exposée  néan- 
moins avec  assez  d'habileté  pour  qu'elle  plaise  au  grand  public). 


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LE  CANTIQUE  DES  CANTKJUES 

Traduit  de  l'hébreu  par  E.  kei^aw,  de  l'Académie  française, 

ET  ACCOMPAGNÉ  DE  25  EAUX-FORTES  D'ED.  BÉDOUIN  ET  D'ÉM.  BOILVIN 

D'après  les  dessins  de  BIDA 

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renfermé  dans  un  carton  :  Prix  :  100  francs. 

Il  a  été  tiré  :  50  exemplaires  sur  papier  du  Marais-,  50  exemplaires  sur  papier 
du  Japon  et  10  exemplaires  sur  papier  de  Chine.  Tous  ces  exemplaires  sont  numé- 
rotés; le  prix  de  chacun  de  ces  exemplaires,  renfermé  dans  un  carton,  est  de200fr. 

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DES   TEMPS    MÉROVINGIENS 

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Reproduits  par  le  procédé  de  MM.  Goupil  et  Cie 

Il  a  été  tiré  de  ce  fascicule  :  120  exemplaires  sur  papier  de  Hollande  ;  50  exem- 
plaires sur  papier  Whatmann;  10  exemplaires  sur  papier  de  Chine;  30  exemplaires 
sur  papier  du  Japon.  Tous  ces  exemplaires  sont  numérotés. 

Prix  de  chaque  exemplaire  renfermé  dans  un  carton  :  sur  papier  de  Hollande, 
75  fr.;  sur  papier  Whatmann,  80  fr.;  sur  papier  de  Chine,  100  fr.  ;  sur  papier  du 
Japon,  120  fr. 

RAPHAËL 

SA    VIE,    SON    ŒUVRE    ET    SON    TEMPS 

I»ai'    EîUGÈKE    SSÏJRIXZ: 

Conservateur    de    l'École    des    Beaux-Arts. 

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LMns  notre  classe,  par  J.  Girardin.  1  volume 
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N"  52  Dix-neuvième  année      28  décembre  1885 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL    HEBDOMADAIRE   PDEI.IÉ    SOUS    LA    DIRECTION 

DE  MM.  J.  DARMESTETER,  L.  HAVET,  G.  MONOD,  G.  PARÎS 
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Un  an,   Pans,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.   —   Etranger,  23  ir. 

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(Au  bureau  de  l<i   Keviie  :  rue  Bonaparte,  28). 

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The  Academy,  n"  iio,  !2  àéc.  i885  :  Leslie  Siephen,  Life  of  Henry 
Fawcelt  (Macdonell).  —  William  Lloyd  Garrison,  ; 805-1879,  the 
story  of  his  life,  told  by  his  children.  I  a.  II.  —  Capt.  R.  G.  Temple, 
The  legends  of  ihe  Panjâb  (Ralston).  —  Tvvo  new  literary  societies 
(Fondation  de  deux  nouvelles  sociétés,  la  société  Shelley,  par  MM.  Fur- 
nivall,  Rossetti,  Todhunter,  etc.,  et  la  société  anglaise  de  Gœthe,  fon- 
dée par  MM.  Blackie,  Dowden  et  Leeley).  —  «  With  the  king  at  Ox- 
ford »  (S.  R.  Gardiner).  —  Thomas  Heywood  and  Italian  novelists 
(Symonds).  —  An  Anglo-Saxon  missal  ta  Worcester  (Warren).  —  The 
Russian  novelist  Dostojewsky  (H.  Schtitz  Wilson).  —  Leist,  Graeco- 
itali.-xhe  Rechtsgeschichte  (Hager). 

The  Athenaeum,  n°  3o33,  12  décembre  i885  :  Kebbel,  A  history  of 
torysm,  from  the  accession  of  Mr.  Pitt  to  power  in  1783  to  the  death 
of  Lord  Beaconsfield  in  1881  (intéressant).  —  The  Apostolic  Fathers, 
part  II,  S.  Ignatius,  S.  Polycarp,  revised  texts,  with  introductions, 
notes,  dissertations  and  translations,  by  Lightfoot.  3  vols.  —  Mrs. 
Innés,  The  Chersonese  with  the  Gilding  Off.  —  Memoirs  of  Mary, 
queen  of  England,  1 689-1 693,  with  letters,  edited  by  Doebner.  — 
Keats  at  Guy's  Hospital  (Rendle).  —  The  Byron  quarto  (Edgcumbe). 
—  Greek  folk-songs  and  the  science  of  folk-lore  (Glennie). 

Literarisches  Centralblatl,  n"  5i,  12  déc.  i885  :  Bruddensieg,  Johann 
Wiclif  und  seine  Zeit.  (Petit  écrit  d'une  grande  clarté.)  —  Lotze, 
Kleine  Schriften.  —  H.  Droysen,  Untersuchungen  ûber  Alexander  des 
Grossen  Heerwesen  u.  Kriegfiihrung.  (Travail  très  instructif  et  indis- 
pensable.) —  Culturhistorischer  Bilderatlas,  I,  Alterthum,  bearb.  von 
Th.  ScHREiBER  (à  recommander  de  la  façon  la  plus  pressante  à  tous  les 
amis  de  Pantiquité  et  à  tous  les  philologues),  —  Richter  u.  Kohl,  An- 
nalen  des  frankischen  Reiches  im  Zeitalter  der  Karolinger.  I,  von  der 
Thronbesteigung  Pippin's  bis  zum  Tode  Karls  des  Grossen.  (Sera  très 
utile.]  —  KuGLER,  Albert  von  Aachen  (recherches  détaillées  et  pénétran- 
tes sur  cet  auteur  d'une  «  Historia  Hierosolymitana  »).  —  Preger,  die 
Politik  des  Papstes  Johann  XXII  in  Bezugauf  Italien  und  Deutschland. 
(Travail  très  recommandable.) —  Gesprache  Friedrichs  des  Grossen  mit 
H.  de  Catt  und  dem  Marchese  Lucchesini,  kritisch  festgestellte 
Auswahl,  in  deutscher  Uebersetzung  hrsg.  von  Fr.  Bischoff.  (Choix 
bien  fait.)  —  Schnurer,  Falkenberge.  —  IbnGinnii  de  flexione  libellus, 
arabice  nunc  primum  edidit  in  latinura  sermonem  transtulit  notis  illus- 
travit  HoBERG.  —  Aristoteiis  ars  rhetorica,  p.  p.  Roemer  (édition  qui  sera 
le  point  de  départ  de  tous  les  travaux  critiques  sur  l'ouvrage).  —  Ho- 
CHART,  Etudes  sur  la  vie  de  Sénèque.  (Même  ouvrage  que  «  Sénèque  et 
la  mort  d'Agrippine  »,  signé  Dacbert;  même  jugement  à  porter;  on 
regrette  toujours  le  manque  de  sens  historique  et  de  culture  philologi- 
que.) —  Menge  u.  Preuss,  Lexicon  Caesarianum,  i .  (Tient  le  milieu 
entre  la  méthode  de  Meusel  et  celle  de  Merguet,  remarquable  surtout 
par  sa  concision.)  —  Incerli  auctoris  liber  de  origine  gentis  romanae, 
p.  p.  Sepp. —  Brandt,  der  St.  Galler  Palimpsest  derdiuinae  institutiones 
des  Lactaniius.  —  Wustenfeld,  die  Gelehrîen-Familie  Muhibbi  in 
Damascus  und  ihre  Zeitgenossen  im  XI  (XVII)  Jahrhundert.  (Très  im- 
portant et  d'un  fort  grand  prix  pour  l'histoire  de  la  littérature  arabe.)  — 
P.  ZiMMERMANN,  der  jûngste  Kampf  um  die  Burg  Dankwarderode  in 
Braunschweig. 


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Tome  i"  :  l'euroi^e  mékho. 

Tome  H  :  la.  fkawjck. 

Tome  ilt  ;  i.'î!:uiat>ï»Si  oiii^xis. 


TOMK  iV   :   t.'KBJ3ÈOî"-Eî    KïtT    K.-O. 

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Gomplète  en  4  volumes 
Tome   VI  :  l'asie  riusse.  i   Tome  VIII  :  R.'aRJOE  ett  b.'briï>o-ch 

Tome  VH  :  l'asie  omieivxable.     |  Tome     IX  :  l'asie  AiwxÉBîaEURE 

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Par  Madame    de    WITT,    née  GUIZOT 

QUATRIÈME  ET  DERNIÈRE  SÉRIE 

LES    CHRONIQUEURS    DE    MONSTRELET    A    COMMINES 

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Tome  II  :  la  Lumière.  1  vol.  avec  13  planches  en  couleurs,   13  planches  en  noir  et  353  gra- 
vures dans  le  texte,    20  francs. 

Tome  m  :  le  Maynélisme  et  l'Eleclricitê.  1  vol.  avec  5  planches  en  couleurs,  20  planches  en 
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Tome  IV  ;  la  Chaleur.  1  vol.  avec  1  planche  en  couleurs,  S  planches  en  noir  et  3i4  gravures 
dans  le  texte,  20  francs. 

Tome  V  :  la  Météorologie,  La  Physique  moléculaire.    1  vol.  avec   9  planches  en  couleurs, 
20  planches  en  noir  et  313  gravures  dans  le  texte,  30  francs. 
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du  D' Deschamps,  aux  îles  Willis;  de  MM.  Gagnât  el  Baladin,  en  Tunisie;  de 
M.  Camille  Lemonnier,  en  Belgique;  du  D'  Hyades,  au  cap  Horn;  du  D'  Neis, 
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en  deux  volumes,  12  fr. 

LES  VINGT-SIX  PREMIÈRES  ANNÉES  SONT  EN  VENTE 

Les  années  1870  et  1871  ne  foriiienl  ensemble  qu'un  seul  volume,  la  collection 
comprend  actuellement  25  vol.,  qui  contiennent  350  voyages,  environ  14,500  gra- 
vures et  470  cartes  ou  pla7is,  et  se  vendent  chacun  le  même  pnx  que  Vannée 
ci-dessus  annoncée. 

Une  table  analytique  et  alphabétique  des  25  volumes  est  en  préparation. 

FORMAT    GRAND    IX-S" 

LE   JOURNAL   DE    LA  JEUNESSE 

nouveau'  RECUEIL    HEBDOMADAIRE   ILLUSTRÉ 
ANNÉE    1885 

Les  treize  premières  années  de  ce  nouveau  recueil  forment  vingt-six  magnifiques 
volumes  grand  iu-8  et  sont  une  des  lectures  les  plus  attrayantes  que  l'on  puisse 
mettre  entre  les  mains  de  la  jeimesse.  Elles  contiennent  des  nouvelles,  des  contes, 
des  biographies,  des  récits  d'aventures  et  des  voyages,  des  causeries  sur  1  histoire 
naturelle,  la  géographie,  l'astronomie,  les  arts  et  l'industrie,  etc. 

'•  Illusts-êe  de  Tj^OO   gi>avui*es   sui-  boi» 

PRIX    DE  CHAQUE  ANNÉE,   BROCHÉE   EN   DEUX   VOLUMES,   20  FR. 

Chaque  semestre  formant  un  volume  se  vend  séparément  10  fr. 
Le  cartonnage  en  perçai,  rouge,  tranches  dorées,  se  paye  en  sus,  par  vol.,  3  fr. 

MON     JOURNAL 

Recueil  mensuel 
f'OUR    LES    ENFANTS   DE   CINQ   A    DIX    ANS 

Publié  sous  la  direction  de  Mme  Pauline  KERGOMARD  et  de  M.  Charles  DEFODON 

4."   ANNÉE   (1884-1885) 
Un  vol.  in-8,  illustré  de  nombreuses  gravures  sur  bois.  Cartonné  2  fr.  50. 

Le  ruy.  imprimerie  Marchessou  fils,   boulevard  Saint- Laurent,  2  3. 


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Revue  critique  d'histoire  et 
de  littérature 


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